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ÉDITION AUGMENTÉE DE SOMMAIRES, DE NOTES NOUVELLES , ET D'UNE TABLE DES MATIÈRES. | A PARIS, CHEZ LEFÈVRE, ÉDITEUR, RUE DE L’'ÉPERON, 6. ET CHEZ GARNIER FRÈRES, LIBRAIRES, AU PALAIS-ROYAL, 215, 56-84531€0 » NOTICE SUR GUÉROULT, . ET AVIS DU NOUYEL ÉDITEUR. Guéroult (Pierre-Claude-Bernard) né à Rouen en 1744, mort à Paris le 11 novembre 1821, souvent désigné sous le nom de Guéroult l’aîné, a été successivement professeur d’éloquence au collége d'Harcourt , proviseur du lycée Charlemagne, con- seïller titulaire de l’Université impériale , et enfin directeur de l’École normale. C’est l’un de ces savants modestes et vertueux que l’Université compte en grand nombre, et dont elle s’enor- gueillit à juste titre. Docte sans pédanterie, régulier sans rigo- risme, sévère mais juste, nul ne fut plus propre que Guéroult à diriger les études et la discipline dans une maison d’instruc- tion publique. Ses ouvrages consistent spécialement en traduc- tions qui passent presque toutes pour des chefs-d’'œuvre de fidélité et d'élégance , surtout celles trop oubliées que nous re- produisons aujourd’hui. On ne sauraït donner aux humanistes de meilleurs guides à suivre, et nous espérons que tous les amateurs de la latinité SR tont avec plaisir les Morceaux extraits et l'Histoire des animaux de Pline. On à de Guéroult : Morceaux extraits de Pline, 2 vol. in-8°, Paris, 1785, réimprimés en 1810; Constitution des Spartiates, des Athéniens et des Romains, in-8°, 1794; Nouvelle méthode pour apprendre la langue latine suivant les principes de Du- Mmarsais, in-8°, 1797, souvent réimprimée ; Histoire naturelle des animaux par Pline, 3 vol. in-8°, 1802; Grammaire fran- çaise, in-12, 1806; Grammaire latine; deuxième Philippique de Cicéron, traduction très remarquable. De plus Guéroult à travaillé avec son fils cadet (Pierre-Remi-Antoine-Guillaume) à _ la traduction des œuvres de Cicéron, publiée de 1783 à 1789; le huitième volume est presque tout entier de lui. — Dans cette nouvelle édition des Morceaux extraits et de l'Histoire des animaux, on a respecté le texte et la traduction de 1 NOTICE SUR GUÉROULT. Guéroult, à part de très rares corrections s car, quoi qu’en ait dit un traducteur récent de Pline, l’œuvre de Guéroult n’a pas encore üté surpassée. Les notes seules ont été modifiées et augmentées des acquisitions de la science moderne. La plus grande partie de ces additions ou changements a été empruntée aux deux édi- tions de Pline publiées par Lemaire et Panckoucke 1. On a eu soin aussi, dans la traduction, de donner autant que possible la syno- nymie des noms de plantes, d'animaux, de végétaux ou de mi- néfaux. La synonymie douteuse est suivie d’un point d’interro- gation. | * Les notes nouvelles sont précédées d’une *. DE LA VIE ÉT DES ÉCRITS DE PLINE. Pline est né vers l’an 23 après Jésus-Christ, à Côme selon Îles uus, æt selon d’autres à Vérone ; il mourut l’an 79, au mois d’août, lors de la grande éruption du Vésuve, éruption qui engloutit Herculanum, Pompéï et Stabie, et qu'il voulait voir de près. Tout ce qu’on sait de sa vie, c’est qu'il prit pendant longtemps du service dans l’armée de Germanie ; qu’il fut ensuite proconsul en Espagne, qu'après cela il vint à Rome et qu’enfin il séjourna à Misène comme commandant eu chef de 1a flotte qui y était en station. On voit dans la lettre de son neveu Pline le Jeune (C. PL Cæcilius secundus) à Macer (IL, 5), dans la lettre 2° du liv. VI et aussi dans l’historien Tacite (VI, 16), combien était grande son ardeur pour l'étude. I] était toujours lisant, Copiant et faisant des extraits, Parmi les ouvrages qu'il a composés et qui ne sont pas arrivés jusqu’à nous, on a surtout à déplorer Îa perte de ses 20 livres sur toutes les guerres de Germanie, livres qui seraient une source précieuse pour l’histoire des antiquités de ce pays. Toutefois il faut ajouter qu'on a retrouvé à Augsbourg et à Dortmund des traces de leur existence. Le seul ouvrage de Pline qui nous ait été conservé est une encyclo- pédhe divisée en 37 livres et qui a pour titre Historia mundi ou His- toria naturalis; Vauteur y fait la description de la nature et de ses différents produits, il s'y occupe aussi de tous les produits de l’in- dustrie et même des beaux-arts; bien plus, toutes les merveilles, toutes Îles singularités trouvent leur place dans cette encyclopédie dont Pline le jeune dit : opus -diffusum , eruditum , nec minus varium quam ipsa natura. L'Histoire naturelle, achevée l’an 77, est rédigée * Cette notice est traduite da Manuel de la Littérature médicale ancienne , par Chou lant (Leipzig, 1841, 1 sol, in-8°) ; on n'y a fait que de légères modifications et additions, : DE LA VIE d'aptès au moins 2,000 ouvrages, la plupart perdus de nos jours. C’est, il faut l’avouer, une compilation faite à la hâte et parfois avec assez peu d'ordre et de méthode, remplie d'erreurs, fruits de récits mensongers ou de lectures faites légèrement, et dans laquelle on ne rencontre que rarement les traces d’une véritable connaissance de la. médecine et de la nature : néanmoins cette compilation attache for-- tement les médecins et les naturalistes par la grandeur des vues sur le monde extérieur et sur l’homme; par son plan vaste, en quelque sorte gigantesque, et qui embrasse la presque universalité des choses; par la foule des renseignements que cet ouvrage renferme sur les con-- naissances de l’antiquité en histoire naturelle ; enfin par la lumière qu'il répand sur les productions des temps anciens et sur celles du moyen âge. Les connaissances médicales de Pline sont aussi empiriques et aussi incomplètes que ses connaissances en histoire naturelle; il ne dissi-- mule même pas son hostilité et son injustice envers la médecine: scientifique; cependant il donne sur la médecine et sur la matière médicale un grand nombre de renseignements historiques, riche trésor qui n’a pas encore été assez exploité et qui dédommage bien de la peine que l’on prend en étudiant l'Histoire naturelle. Du reste, pour bien apprécier cet ouvrage, il ne faut pas oublier que l’auteur n’était ni un médecin, ni un naturaliste, mais un homme d’État et de guerre, qui a plus écouté et plus lu qu'il n’a recherché et vu par lui- même, bien que l’histoire de sa mort prouve évidemment qu’il aimait à observer lui-même la nature. On voit très-bien par Pline, surtout en le comparant avec Aristote et Théophraste, combien les Romains étaient peu propres à étudier scientifiquement la nature pour l'amour d’elle-même, et non dans un: but d'utilité pratique. Ainsi, établir le rapport de la nature avec l’homme, montrer sa puissance supérieure à celle de l'homme, et cependant en partie vaincue et dominée par lui, tel est le but que notre auteur a toujours devant les yeux. Voici maintenant le contenu de l’Histoire naturelle : Le 1° livre donne, après la préface, l’indication des matières traitées dans les 36 livres suivants et celle des auteurs d’après les- quels ces livres ont été rédigés. Quelques critiques et en particulier dd" sidi ET DES ÉCRITS DE PLINE. L Hardouin regardent, mais à tort, ce 1er livre comme apocryphe. — Le 2e livre traite du système de l'univers, des astres et de la géographie physique générale ; — livres 3 à 6, géographie spéciale avec la déter- mination des lieux ; — livre 7e, de l’homme au point de vue physique et moral; — livre 8, animaux terrestres; — livre 9, animaux aqua- tiques (poissons et crustacés); — livre 10, oiseaux, ovipares, amphi- bies ovipares, mœurs, nourriture, instincts, sommeil des animaux en général; — le livre 11 est divisé en deux parties qui ne se tiennent que de loin, et qui cependant paraissent avoir été primitivement réunis- par Pline; lo des insectes, des abeilles, des vers à soie: 20 système de zootomie et de zoophysiologie générale, c’est-à-dire étude des organes et de leurs fonctions; — livre 12, arbres exotiques; — livre 13, des parfums, des herbes et en particulier des exotiques; du papyrus; — livre 14, de la vigne et de sa culture ; — livre 15, de l'olivier et des autres fruits des arbres; — livre 16, des arbres sau- vages et particulièrement du chêne, du pin, du tilleul, de l’érable, de l’orme; enfin des arbres en général; — livre 17, de la culture des arbres ; — livre 18, des productions des champs et de l’agriculture; — livre 19, du lin’et de la culture des jardins; — livre 20, de la médecine, des médicaments tirés des simples qui poussent dans les jardins ; des contre-poisons ; — livre 21, des fleurs, des couronnes, dé l’influence des fleurs sur la qualité du miel et de la cire, et de leur action médicamenteuse ; — livre 22, des différentes herbes, du miel, de la cire, de la farine, du blé, du zythus et de la bière; — livre 23, des plantes médicinales qui poussent dans les jardins, de la vigne et de l’olivier ; — livre 24, des plantes sauvages médicamenteuses ; — livre 25, de la connaissance et de l’emploi des herbes sauvages ; c'est comme une introduction à l’histoire de la botaniqué chez les Grecs et chez les Romains ; — livre 26, des maladies nouvelles (lichen, charbon, colum ou tolum, éléphantiasis) ; des doctrines médicales et en particulier de celle d’Asclépiade; des médicaments d’après les. espèces de maladies; — livre 27, des autres herbes médicamenteuses rangées par ordre alphabétique; — livre 28, des médicaments tirés de l’homme et des animaux mammifères ; — livre 29, de l’histoire de Ja médecine et de quelques médicaments tirés du règne animal; — vi | DE LA VIE livre 30, histoire de la magie qui tire son origine de Ja médecine (le contraire serait plus vrai); — livre 31, des différentes espèces d’eau; de quelques médicaments qu’elles fournissent, comme le sel, l'éponge; — livre 32, médicaments tirés des animaux aquatiques : liste alphabétique des animaux qui habitent la mer; — livre 33, de l'or, de l'argent, et de leur emploi ; — Jivre 34, des autres métaux et de leur emploi; — livre 35, de la peinture et de la teinture; — — livre 36, du marbre et des autres pierres ; — livre 37, des pierres précieuses, En résumé Yhistoire naturelle comprend : 1 livre isagogique (servant d’introduction), 2 — cosmologiques. — géographiques, — anthropologique. zoologiques. QO À bei © | —_ botaniques. 12 — médicaux. 5 — minéralogiques et artistiques, Dans les cinq derniers livres il est aussi question de propriétés médicamenteuses, Le texte de l’histoire naturelle et surtout celui de la partie médi- cale est tout à fait incorrect, et réclame une révision critique minu- tieuse, faite par une réunion d'hommes compétents et consciencieux, Ce travail a été fait pour quelques points dans une nouvelle édition française (celle de Panckoucke). En Allemagne, Boettinger à Dresde et Thiersch à Munich, dans le congrès des naturalistes alle- mands, ont démontré la nécessité d'une grande édition de Pline. Comme spécimen, Sillig a publié à Dresde en 1836 (5 vol. grand in- 12) le texte de l'Histoire naturelle, corrigé d'après plusieurs manu- scrits qui n’avaient pas encore été collationnés ; il a de plus retrouvé, dans un manuscrit de Bamberg, la fin de l'ouvrage qui manque dans toutes les éditions ordinaires. {Voir la dernière note du 37° livre.) L'importance accordée à Pline dans le moyen âge et aussi dans tout Je XVIe siècle, nous explique la très grande quantité d'éditions an- ET DES ÉCRITS DE PLINE. VIE ciennes qui ont été publiées de cet auteur. La première date de 1469 (Venise) ; la dermère du XV® siècle est.de 1499, également à Venise ; et entre 1469 et 1499 on ne compte pas moins de 17 éditions com- plètes, toutes publiées en Italie. De 1507 à 1599 on en a donné qua- rante-deux dans différentes villes d'Italie, de France et d'Allemagne. De 1599 jusqu’à la première édition d’Hardouin (1685) il y en a eu huit. Le texte d'Hardouin, établi sur la collation des anciennes édi- tions et de 15 manuscrits, est resté le texte vulgaire jusqu’à celui de Sillig : il a été suivi à peu près aveuglément par tous les éditeurs sub- séquents, et en particulier par MM. Lemaire et Panckoucke; il n’y a que de très rares améliorations dans l’édition de ce dernier. Il existe plusieurs traductions de Pline en allemand, en anglais, en espagnol, en italien et en français; on en compte trois complètes dans cette der- nière langue : la première en date est celle d'Antoine Du Pinet, publiée a Lyon, 1562, 2 vol. in-folio, sans le texte latin, et réimprimée plu- sieurs fois malgré son insuffisance; la seconde qui est due à Poinsinet de Sivry, Paris, 1771-1782, 12 vol. in-4°, est de beaucoup supérieure; elle a servi de base à celle publiée sous la direction de M. Ajasson de Grandsagne dans la collection Panckoucke, 20 vol. in-8°, 1829-33. Quant à la traduction de Guéroult, elle n’embrasse que quelques parties de Pline : il en a été parlé dans l'avertissement. Les commentaires n’ont pas manqué non plus; mais plus ou moins diffus, et souvent étrangers au texte même de Pline, qu’ils éclaircissent et expliquent rarement, ils ne satisfont que d’une manière incomplète aux exigences de la science et aux besoins de l’homme studieux. Li _ . sys La note af re 3 DATE be LRU LUF TEE à 4 dt its ATV : & : n LE lès" , ar 1 Ps oo Cas LE : FL» DE ER ARR } à a % ia VAE 4 d r UNE drame 4 MR des Ÿ GITE : eat sol cout ni rsmblaues | E r 1. ”- + . 4 RCE RS si ni $ | ST PTIT TMEEN. t JM - F A ë À : MR , + bd [14 % 74 LT . te , # 1 k 4 UE 7 à 3 . 6 22 , : Ÿ: | LE AM en + | ; ‘} LENS + ELA OT 115 1 vil us + é ‘ { ; Dh Le | À : N 1 1» : HERO CES UE } 19: ü ‘ar demnift fes STE re \ à . i « Fe h \ : CRU 1 4 À ; 1, SOTRSL s j 4 F 9 A nt rché eo \ AL HO D: PU FO CNE L ok Va céri Art 21H is ts ". AVIS PRÉLIMINAIRE DE GUEROULT. L'Histoire naturelle, le seul des ouvrages de Pline qui soit parvenu jusqu'à nous, est le dépôt le plus précieux des connaissances de l’antiquité. Les progrès de toutes les sciences et de tous les arts, depuis leur origine jusqu’au siècle des Antonins, y sont exposés avec le soin et l’exacti- tude qu’on doit attendre de l'écrivain le plus laborieux qui ait jamais existé, et en même temps avec cette étendue et cette sagacité d'esprit, avec cette élévation de pensées qui n'appartient qu'à un homme de génie. On a appelé cet ou- vrage l'Encyclopédie des anciens; et il n'est, en effet, au- cune partie des connaissances humaines cultivées de son temps sur laquelle Pline n'ait porté ses regards. Il nous ap- prend lui-même qu'ila extrait plus de deux mille volumes. En rassemblant ainsi dans un seul corps d'ouvrage une multitude prodigieuse de faits qui ne se trouvent pas ail- leurs, d'observations et de découvertes éparses dans un si grand nombre de livres, il a sauvé de l'oubli les noms d’une foule d'auteurs qu'il cite avec autant de franchise que de reconnaissance, et nous a mis en état de juger non-seule- ment les opinions de son siècle, mais encore celles de tous les temps, et de suivre la marche, les erreurs et les pro- srès de l'esprit humain. Aussi Pline est-il celui des anciens que les savants citent le plus, et cependant c'est peut-être celui que les littéra- 1 2 AVIS PRÉLIMINAIRE. teurs lisent le moins. Il a été obligé, pour remplir son ob- jet, d'entrer dans une infinité de détails relatifs à l’anato- mie, à la botanique, à la médecme, à la minéralogie. Ces détails instructifs intéressent les hommes studieux qui veu- lent remonter aux sources des connaissances, et voir par eux-mêmes ce que les modernes ont ajouté aux travaux des anciens; mais ils n’offrent rien d’agréable au grand nombre des lecteurs. Rebutés d’ailleurs par la difficulté du texte, la plupart abandonnent bientôt un auteur qui ne les dédom- mage pas toujours de la pere qu’ils se sont donnée pour l'entendre. En effet, si l’on admire en lui la hardiesse des pensées, l'énergie des expressions, la vivacité des mouvements, cette fécondité d'imagination qui rend sensibles tous les ER qu'il décrit, 1l faut avouer aussi qu’on n’y trouve pas la pureté, la simplicité, l'élégance qui caractérisent les écri- vains du siècle d'Auguste. Il y a de la dureté dans son style ; et, pour vouloir être toujours pressant et serré, il est sou- vent obscur. Quelques censeurs lui ont reproché un goût trop décidé pour la pointe et l’épigramme; d’autres Pac- cusent d’avoir mis l’exagération et l’emphase à la place de da hardiesse, et le regardent comme un déclamateur. Je n’examinerai pas à quel point ces reproches sont mé- -rités. Il me suffira de dire que les critiques les plus sévères ont du moins admiré ses préambules comme des chefs- d'œuvre d’éloquence et de philosophie. Ses détracteurs même (car il en a eu jusque dans ce siècle) ne lui ont pas -contesté cette partie de sa gloire. Ces morceaux de morale, dont il a embelli le commence- ment de presque tous ses livres, ont été le prineipal objet de mon travail. Je les présente au public séparés du reste de l'ouvrage. Ils sont de tous les temps, de tous les lieux ; AVIS PRÉLIMINAIRE. 3 ils conviennent à toutes les classes de lecteurs. Eh! qui n'aimera pas à reconnaitre dans ces pages éloquentes l’ame d’un citoyen passionné pour la vertu ? Quel lecteur honnête ne partagera pas son indignation, lorsque, portant un re- gard observateur sur les richesses de la nature, il s’élève avec tant de force contre les abus que nous faisons de ses présents ? J'ai fait aussi, dans les différentes parties de l’ouvrage, un choix des descriptions et des récits les plus vifs et les plus animés, et je me suis attaché surtout à ceux qui mar- quent l'origine et les progrès du luxe chez les Romains. Aux anecdotes les plus curieuses, aux singularités les plus piquantes, l’auteur a su joindre partout des réflexions brillantes et solides, qui ne font pas moins d'honneur à la sensibilité de son ame qu'à la force de son génie. J'ai pensé qu’on ne verrait pas sans intérêt la peinture «le tant d’excès et d’abus qui appartiennent à notre siècle autant qu’à celui de Pline. En parcourant ces tableaux, peut-être oubliera-t-on qu’on lit une traduction, et sera-t-on quelquefois tenté de croire que l’auteur a choisi ses modèles dans le siècle où nous vivons. Pour tout ce qui concerne les poids, les mesures et les monnaies des anciens, j’ai suivi le savant auteur du Voyage d’Anacharsis. MORCEAUX EXTRAITS DE PLINE LE NATURALISTE. LIVRE DEUXIÈME. DE DIEU. Chercher quels sont les traits et la forme de Dieu, est, à mon avis, une illusion de la faiblesse humaine. Dieu, quel qu’il soit, est tout sens, tout yeux, tout oreilles, tout ame, tout esprit; il est Dieu tout entier. Croire un nombre infini de dieux, déifier jusqu'aux ver- tus et aux vices de l’homme, ou, comme Démocrite, en admettre deux seulement, la peine et la récompense, c'est une erreur qui tient de la stupidité. L’humanité fragile et LIBER SECUNDUS. DE DEO. V. 7. Effigiem Dei formamque quærere, imbecillitatis humanæ reor. Quisquis est Deus, totus est sensus, totus visus, totus auditus, totus ani- mæ, totus animi, totus sui. Innumeros quidem credere atque etiam ex virtutibus vitiisque homi- num, aut (ut Democrito placuit) duos omnino, pœnam et beneficium, 6 EXTRAITS DE PLINE. souffrante, sans cesse ramenée au sentiment de sa faiblesse, a fait de Dieu plusieurs parts, afin que chacun adorât sé- parément celle dont il aurait le plus besoin. De là cette dif- férence de noms chez les différentes nations, et pour cha- cune cette foule innombrable de dieux. On a aussi divisé par classes ceux des enfers, les maladies ,«etamême beau- coup de fléaux, à qui la peur érige des autels pour les apaiser. Ainsi l’autorité publique elle-même a consacré le temple de la Fièvre sur le mont Palatin, le temple d’Or- bonne près de celui des Lares, et l’autel de la mauvaise Fortune dans le quartier des Esquilies. Comme chaque in- dividu se fait des dieux pour soi, en adoptant des Junons et des génies qui sont à lui seul, comme aussi des nations adorent certains animaux, même des animaux immondes, et beaucoup d'objets plus honteux, puisqu'elles jurent par des mets fétides et d’autres choses pareilles, il’est aisé de concevoir que les peuples du ciel sont plus nombreux encore que ceux de la terre. Penser que les dieux sont unis par des mariages, sans que, depuis tant de siècles, ils se reproduisent jamais, que les uns sont ridés et décrépits de toute éternité, que d’au- tres sont jeunes ou enfants, noirs, ailés, boiteux, éclos majorem ad socordiam accedit. Fragilis et Jlaboriosa mortalitas in partes ista digessit, infirmitatis suæ memor, ut portionibus coleret quisque, quo maxime indigeret. Itaque nomina alia aliis gentibus, et numina in iisdem innumerabilia reperimus : inferis quoque in genera descriptis, morbisque, et multis etiam pestibus , dum esse placatas trepido metu cu- pimus. Ideoque etiam publice Febris fanum in Palatio dicatum est, Or- bonæ ad ædem Larium, et ara malæ Fortunæ Exquiliis. Quamobrem major cœlitum populus etiam quam hominum intelligi potest, quum sin- guli quoque ex semetipsis totidem deos faciant, Jnnones geniosque adop- tando sibi : gentes vero quædam animalia, et aliqua etiam obscena, pro diis habeant, ac multa dictu magis pudenda, per fetidos cibos et alia si- milia jurantes. | Matrimonia quidem inter deos credi, tantoque ævo ex his neminem nasci, et alios esse grandævos semperque canos, alios juvenes atque pue- LIVRE DEUXIÈME. 7 d’un œuf, qu'ils vivent et meurent alternativement pendani un jour, c'est un enfantillage voisin de la folie; mais le comble de l’impudence a été de supposer entre eux des adultères, des querelles, des haines, et d'imaginer des dieux même pour le larcin et pour le crime. C’est être dieu que d’être bienfaisant : et voilà par quel chemm un mortel s'élève à l'éternité de la gloire. Les héros de Rome marchèrent dans cette route; et c’est ainsi que. travaillant de concert avec ses fils à réparer les malheurs de l'empire, Vespasien, le plus grand prince que tous les siècles aient vu naître, s'assure chaque jour de nouveaux droits à la divinité. La reconnaissance a fait les premières apothéoses. Les hommes transportèrent aux planètes et aux autres déités les noms de leurs bienfaiteurs ; et certes, en expliquant la nature, on se convaincra sans peine que Ju- piter, Mercure, et d’autres noms pareils, ne sont que des dénominations astronomiques. Plusieurs ne tiennent nul compte de la Divinité; d’autres Jui rendent un culte honteux : ils s'asservissent à des pra- tiques étrangères, portent leurs dieux aux doigts, adorent jusqu’à des monstres, imaginent ou proscrivent certains ali- ‘ ments, exercent sur leurs corps une tyrannie cruelle, ne se ros, atri coloris, aligeros, claudos, ovo editos, et alternis diebus viventes morientesque , puerilium prope deliramentorum est. Sed super omnem impudentiam, adulteria inter ipsos fingi ; mox jurgia et odia, atque etiam furtorum esse et scelerum numina. Deus est mortali juvare mortalem, et hæc ad æternam gloriam via. Hac proceres iere Romani : hac nunc cœlesti passn cum liberis suis vadit maximus omnis ævi rector Vespasianus Augustus, fessis rebus subveniens. Hic est vetustissimus referendi bene merentibus gratiam mos, ut tales numimibus adscribant. Quippe et omnium aliorum nomina deorum, et si- Gerum , ex hominum nata sunt meritis. Jovem quidem aut Mercurium aliterve alios inter se vocari, et esse cœlestem nomenclaturam, quis non interpretatione naturæ fateatur! * Aliïs nullus est deorum respectus, aliis pudendus. Externis famulantur Sacris : ac digitis deos gestant : et monstra quoque colunt : damnant et 8 EXTRAITS DE PLINE. permettant pas même le repos du sommeil; ils n’osent se marier, faire une adoption, se déterminer à rien, si les sa- crifices ne sont favorables. D’autres trompent jusque dans le Capitole, se parjurent sous les yeux de Jupiter fulminant ; et ceux-ci jouissent de leurs forfaits : ceux-là sont punis de tout ce qu'ils font pour les dieux. Chez tous les peuples du monde, en tout temps, en tout lieu, la Fortune seule est invoquée par tous les mortels : elle seule est réclamée, est accusée, et rendue responsable de tout : seule elle occupe nos pensées : elle est l’objet de nos louanges comme de nos reproches : on l’injurie même en l’adorant; on la croit volage, aveugle, vagabonde, in- constante, incertaine, inconséquente, protectrice des mé- chants. C’est à elle qu’on attribue et la perte et le gain. Dans le journal de la vie humaine elle est chargée seule de la mise et de la recette; et tel est sur nous l'empire du sort, que nous faisons dieu ce même Sort par qui l'on re prouver que Dieu peut ne pas être. D’autres rejettent encore cette divinité; ils imputent les événements à leur étoile et aux lois de la naissance. Ils prétendent qu'après avoir, par un seul décret, ordonné tout ce qui doit être, Dieu repose désormais dispensé de tout. excogitant cibos : imperia dira in ipsos, ne somno quidem quieto, inro- gant. Non matrimonia, non liberos, non denique quidquam aliud, nisi juvantibus sacris, dent Alii in ipso Capitolio fallunt, ac fulminantem pejerant Jovem :et hos juvant scelera, illos sacra sua pœnis agunt. Toto mundo, et locis omnibus omnibusque horis, omnium vocibus For- tuna sola invocatur : una nominatur, una accusatur, una agitur rea, una cogitatur, sola laudatur, sola arguitur, et cum conviciis colitur, volubilis a plerisque vero et cæca etiam existimata, vaga, inconstans, incerta, va- ria, indignorumque fautrix. Huic omnia expensa, huic omnia feruntur accepta, et in tota ratione mortalium sola utramque paginam facit. Adeo- que obnoxiæ sumus sortis, ut Sors ipsa pro deo sit, qua Deus probatur incertus. Pars alia et hanc pellit, astroque suo eventus adsignat, et nascendi le- gibus : semelque in omnes futuros unquam Deo decretum : in reliquum LIVRE DEUXIÈME. 9 Soin. Ce système commence à prendre faveur. Le vulgaire lettré, le vulgaire ignorant s’empressent également à l’a- dopter. On ne parle plus que des avis de la foudre, de la prescience des oracles, des prédictions des aruspices. Les faits les plus indifférents, un faux pas, un éternu- ment, sont tournés en pronostics. Auguste a écrit que, _ le jour où il faillit périr par la révolte de son armée, il avait, par mégarde, chaussé son pied gauche avant le pied droit. Toutes ces opinions embarrassent et fatiguent notre 1gn0- rance. Dans cette foule de contradictions, la seule, chose certaine, c’est qu'il n’y a rien de certain, et que nul être n'est plus malheureux ou plus superbe que l'homme : du moins les autres animaux n’ont que le soin de se nourrir, et la nature d'elle-même pourvoit généreusement à leurs besoins. La gloire, la richesse, l'ambition. surtout l’idée de la mort, n’existent pas pour eux : avantage qui seul est pré- férable à tous les biens. Cependant il importe pour le bonheur de la société de croire que les dieux prennent soin des choses humaines ; que la Divinité, accablée sous le poids de tant d’occupa- tions , peut quelquefois différer la peine du crime, mais que le crime ne reste jamais impuni ; et qu’elle n’a pas fait naître vero otium datum. Sedere cœpit sententia hæc; pariterque et eruditum vulgus et rude in eam cursu vadit. Ecce fulgurum monitus, oraculorum præscita, aruspicum prædicta, atque etiam parva dictu, in auguriis ster- nutamenta et offensiones pedum. Divus Augustus lævum prodidit sibi calceum præpostere inductum, quo die seditione militari prope afflic- tus est. Quæ singula improvidam mortalitatem involvunt, solum ut inter ista certum sit, nihil esse certi, nec miserius quidquam homine, aut superbius. Ceteris quippe animantium sola victus cura est, in quo sponte naturæ benignitas sufficit : uno quidem vel præferendo cunctis bonis, quod de gloria, de pecunia, ambitione, superque de morte non cogitant. Verum in his deos agere curam rerum humanarum credi, ex usu vitæ est : pœnasque maleficiis aliquando seras, occupato Deo in tanta moie, 10 EXTRAITS DE PLINE. l’homme au premier rang, après elle, pour le confondre dans son mépris avec la bête. DES QUATRE ÉLÉMENTS. Je vois que généralement on reconnaît quatre éléments. Le feu occupe la haute région : de là tous ces points étin- celants dont la voûte céleste est parsemée. Au second rang est ce fluide qu’à l'exemple des Grecs les Latins ont nommé aer, l'air, principe vivifiant qui pénètre tout, qui se mêle à toute la masse des êtres. Soutenue par la force de ce fluide, la terre est au centre, avec l'eau, le quatrième des élé- ments. Le mutuel entrelacement de ces parties diverses de la nature forme le lien qui les unit. Les plus pesantes arrêtent et retiennent les plus légères; celles-ci, par leur tendance de bas en haut, empêchent que les autres ne s’é- croulent. Ces efforts opposés, mais égaux, les fixent cha- cune dans leur place, où elles sont comprimées encore par la rotation perpétuelle du monde. Pendant qu'il tourne sans cesse sur lui-même, la terre demeure au centre du cercle, fixée au pivot de l’univers, et maintenant en équilibre les éléments qui la soutiennent. Seule immobile quand la ma- chine entière roule autour d'elle, la terre est attachée à nunquam autem irritas esse : nec ideo proximum illi genitum hominem, ut vilitate juxta belluas esset. IV. 5. Deelementis video non dubitari quatuor:ea esse. Ignium sum- mum : inde tot stellarum collucentium ïllos oculos. Proximum spiritus, quem Græci nostrique fere evdem vocabulo aera appellant. Vitalem hunc et per cuncta rerum meabilem, totoque consertum : hujus vi suspensam, cum quarto aquarum elemento, librari medio spatio tellurem. Ita mutuo complexu diversitatis eflici nexum, et levia ponderibus inhiberi, quomi- nus evolent : contraque gravia, ne ruant, suspendi, levibus in sublime tendentibus. Sic pari in diversa nisu, in suo quæque consistere, irrequieto: mundi ipsius constric'a circuitu : quo semper in se currente, imam atque mediam in toto esse terram, camdemque universi cardine stare pen- dentem, librantem per quæ pendeat : ita solam immobilem circa eam . LIVRE DEUXIÈME. 11 toutes les parties de l'édifice, et leur sert elle-même de fondement et d'appui: Entre le ciel et la terre sont suspendus dans l’espace éthéré et placés à des distances déterminées, sept astres que leur mouvement progressif a fait nommer astres er- rants , quoique nul autre n'ait une marche plus régulière : au milieu d’eux s’avance le soleil (4), qui l'emporte sur tous en grandeur et en puissance : non-seulement les saisons et la terre, mais les étoiles elles-mêmes et le ciel, obéissent à ses lois. A bien considérer ses effets, on serait tenté de croire qu'il est l’ame et l'intelligence du monde, le premier modérateur, le souverain de la nature : c’est lui qui fait le jour ; à son aspect, tous les astres disparaissent. C’est lui qui règle la succession des saisons, qui modifie, selon les besoins de la nature, l’année toujours renaissante : sa pré— sence porte la joie dans le ciel et la sérénité dans les cœurs; il prête même sa lumière à tous les autres astres. Brillant, radieux, sans égal, il voit tout, il entend tout (2). Le prince des poëtes, Homère, lui rend cet hommage ; et je vois qu'il le rend à lui seul. La plus étonnante de toutes les planètes est celle qui a le plus de rapports avec la terre, et que la nature nous a donnée volubili universitate, eamdem ex omnibus necti, eidemque omnia inniti. V. 6. Inter hanc cœlumque pendent, certis discreta spatiis septem si- dera, quæ ab incessu vocamus errantia, quum errent nulla minns illis. Eo- rum medius sol fertur, amplissima magnitudine ac potestate : nec tem- porum modo terrarumque, sed siderum etiam ipsorum cœælique rector. Hunc mundi esse totius animum ac p'anius mentem : hunc principale na- turæ regimen ac numen credere decet , opera ejus æstimantes. Hic Ilucem rebus ministrat, aufertque tenebras : hic reliqua sidera occultat : hic vices temporum , annumque semper renascentem ex usu naturæ temperat : hic cœæ'i tristitiam discutit, atque etiam humani nubila animi serenat : hic suum lumenceteris quoque sideribus fenerat. Præclarus, eximius, omnia intuens, omnia etiam exaudiens, ut principi litterarum Homero placuisse in uno eo video. VI. 9. Omnium admirationem vincit sidus terris familiarissimum, et 12 EXTRAITS DE PLINE. comme un supplément à la clarté du jour; je veux dire la lune. Par l'instabilité de ses formes toujours changeantes, elle a fait le désespoir des observateurs, indignés que l’astre le plus voisin de nous füt en même temps le moins connu (3). Toujours croissant ou décroissant, tantôt elle est courbée en arc, tantôt elle offre la juste moitié de son hémisphère, et tantôt elle devient un cercle entier de lumière : obscurcie de taches, puis tout à coup brillante de l’éclat le plus vif; belle et majestueuse quand elle remplit la totalité de son disque, mais bientôt effacée ; quelquefois éclairant durant la nuit entière, d’autres fois tardive, et, pendant une par- tie du jour, associant sa lumière à celle du soleil : elle s’é- eclipse, sans toutefois qu’elle cesse d’être visible; elle dis- paraît à la fin du mois, sans toutefois qu’elle soit éclipsée : haute, basse tour à tour, mais non d’une manière uniforme, elle monte au sommet des cieux, elle touche à la cime des montagnes; dans un temps, élevée vers le pôle boréal, dans un autre, abaissée vers le midi. Endymion observa le pre- mier chacun de ces phénomènes, ce qui donna lieu à la fa- ble de ses amours avec la lune. Certes, nous sommes bien ingrats envers les savants qui, par leurs soins et leurs tra- vaux, nous ont dévoilé ces éclatantes merveilles. Étrange maladie de l'esprit humain! On se plait à consacrer dans les fastes de l’histoire les meurtres et le carnage, afin que in tenebrarum remedium ab natura repertum, lunæ. Multiformi hæc ambage torsit ingenia contemplantium, et proximum ignorari maxime sidus indignantium : crescens semper aut senescens : et modo curvata in cornuüa facies, modo æqua portione divisa, modo sinuata in orbem : ma- culosa, eademque subito prænitens : immensa orbe pleno, ac repente nulla : alias pernox, alias sera, et parte diei solis lucem adjuvans : deficiens, et in defectu tamen conspicua : quæ mensis exitu latet, quum laborare non creditur. Jam vero humilis, et excelsa, et ne id quidem uno modo, sed alias admota cœlo, alias contigua montibus, nunc in Aquilonem elata, nunc in Austros dejecta : quæ singula in ea deprehendit hominum primus Endymion, et ob id amore ejus captus fama traditur. Non sumus pro- fecto grati erga eos qui labore curaque lucem nobis aperuere in hac luce : LIVRE DEUXIÈME. 13 les crimes des hommes soient connus de ceux qui n’ont pas même une légère notion du monde qu'ils habitent. DÉCOUVERTES ASTRONOMIQUES. Le premier Romain qui ait publié une théorie des éclipses est Sulpicius Gallus (4), qui fut consul avec Marcellus. Il était tribun des soldats, lorsqu'il calma les inquiétudes de l’ar- mée , la nuit qui précéda la défaite de Persée par Paul Émile. Le général le produisit dans l’assemblée pour annoncer l’é- clipse. Peu de temps après, il écrivit un traité sur cette ma- tière. Chez les Grecs, Thalès de Milet (5) se livra le premier à cette recherche. Il prédit l’éclipse qui eut lieu sous le règne d'Alattes, la quatrième année de la quarante-huitième olympiade (6), l’an de Rome 170. Après eux, Hipparque (7) dressa des tables solaires et lunaires pour six cents ans. L'expérience a fait voir que les mois, les jours et les heures des diverses nations, que la position des lieux et l’aspect des peuples étaient marqués avec autant de précision que si l’auteur avait été admis au conseil de la nature. Hommes immortels, génies sublimes (8)! Ils sont parvenus à recon- naitre les lois qui régissent les puissances célestes. Ils ont miraque humani ingenii peste, sanguinem et cædes condere annalibus juvat, ut scelera hominum noscantur mundi ipsius ignaris. | IX. 12. Rationem quidem defectus utriusque primus Romani generis in vulgus extulit Sulpicius Gallus, qui consul cum Marcello fuit : sed tum tribunus militum, sollicitudine exercitu liberato, pridie quam Perseus rex superatus a Paulo est, in concionem ab imperatore productus ad prædi- cendam eclipsim, mox et composito volumine. Apud Græcos autem inñves- tigavit primus omnium Thales Milesius, olympiadis XLVIII anno quarto, prædicto soiis defectu qui Aliatte rege factus est, urbis conditæ anno CLXX. Post eos utriusque sideris cursum in sexcentos annos præcinuit Hippar- chus, menses gentium, diesque et horas, ac situs locorum, et visus popu- lorum complexus, ævo teste, haud alio modo quam consiliorum naturæ particeps. Viri ingentes, supraque mortalia, tantorum numinum lege de- prehensa, et misera hominum mente absoluta, in de‘ectibus scelera aut 14 EXTRAITS DE PLINE. dissipé les frayeurs de l’esprit humain, qui, dans l’éclipse des astres, lisait en tremblant l’annonce de leurs crimes ou même de leur mort. Les vers de Stésichore et de Pindare font foi que ces grands poëtes étaient frappés de cette ter- reur lorsqu'ils voyaient le soleil s’éclipser. Les éclipses de la lune étaient imputées à des maléfices, et les peuples s’efforçaient de la secourir par des cris confus et tumul- tueux. Effrayé d’une éclipse dont il ignorait la cause, le général Nicias n’osa pas sortir du port, et causa la ruine d'Athènes. Poursuivez vos sublimes travaux, interprètes du ciel, génies aussi vastes que la nature, inventeurs d’une science qui soumet à ses lois et les dieux et les hommes. Eh! quel homme, en voyant que les astres eux-mêmes éprouvent des crises à des époques certaines, se plaindra que ja loi du destin soit inévitable pour un mortel ? DISTANCE DES ASTRES. Plusieurs ont essayé de connaître la distance des astres à la terre : ils ont écrit que la distance du soleil à la lune est dix-neuf fois la même que celle de la lune à la terre. Mais Pythagore, observateur judicieux (9), a supputé que la distance de la terre à la lune est de cent vingt-six mille stades; de la lune au soleil, il compte le double, et du so- mortem aliquam siderum pavente ; quo in metu fuisse Stesichori et Pin- dari vatum sublimia ora palam est deliquio solis : at in luna veneficia arguente mortalitate , et ob id crepitu dissono auxiliante. Quo pavore ignarus causæ Nicias, Atheniensium imperator, veritus classem portu educere, opes eorum afflixit. Macti ingenio este, cœli interpretes, rerum- que naturæ capaces, argumenti repertores quo deos hominesque vicistis. Quis enim hæc cernens et statos siderum, quoniam ita placuit appellare, labores, non suæ necessitati mortalis genitus ignoscat! XIX. 21. Intervalla quoque siderum a terra multi indagare tentave- runt : et solem abesse a.luna undeviginti partes, quantum lunam ipsam a terra, prodiderunt. Pythagoras vero, vir sagacis animi, a terra ad lunam , centum viginti sex millia stadiorum esse collegit. Ab ea usque ad LIVRE DEUXIÈME. 15 leil aux signes du zodiaque, le triple. Cette opinion est celle du Romain Sulpicius Gallus. HARMONIE DES ASTRES. Quelquefois Pythagore, comparant les distances des pla- nètes à celles des tons de la musique, appelle ton l'intervalle qui se trouve entre la terre et la lune. De la lune à Mer- cure, il marque un demi-ton: de Mercure à Vénus, un demi-ton ; de Vénus au soleil, un ton et demi; du soleil à Mars, ur ton, c’est-à-dire la même distance que de la terre à la lune; de Mars à Jupiter, un demi-ton ; de Jupiter à Saturne, un demi-ton; enfin de Saturne à la sphère des étoiles, un ton et demi : ce qui fait l’octave des sept tons, ou le diapason. Saturne se meut selon le mode dorien (10), Jupiter, selon le mode phrygien, ainsi des autres : toutes subtilités plus agréables que nécessaires. DES MESURES DU MONDE. Le stade contient cent vingt-cinq pas romains (11), c’est-à- dire six cent vingt-cinq pieds. Selon Posidonius (12), la région où se forment les nuées, les vents et les orages, n’a pas moins de quarante stades de hauteur. Au-dessus, l’air est solem, duplum. Inde ad duodecim signa, triplicatum ; in qua sententia et Gallus Sulpicius noster fuit. XX. 22. Sed Pythagoras interdum ex musica ratione appellat tonum, quantum absit a terra luna. Ab ea ad Mercurium, spatii ejus dimidium ; et ab eo ad Venerem fere tantumdem. À qua ad solem sescuplum ; a sole ad Martem, tonum, id est, quantum ad lunam a terra. Ab eo usque Jo- vem, dimidium; et ab eo ad Saturnum dimidium, et inde sescuplum ad Signiferum. Îtæ septem tonos effici, quam diapason harmoniam vocant, hoc est, universitatem concentus. In ea Saturnum dorio moveri phthongo, Jovem phrygio, et in reliquis similia, jucunda magis, quam necessaria subtilitate. XXI. 23. Stadium centum viginti quinque nostros efficit passus, hoc est, pedes sexcentos viginti quinque. Posidonius non minus quadraginta stadiorum a terra altitudinem esse, in qua nubila, ac venti, nubesque 16 # EXTRAITS DE PLINE. pur, extrémement rare, d'une sérénité inaltérable. De la région des orages à la lune, là distance est de deux millions de stades, et de la lune au soleil, de cinq cents millions ; cet éloignement empêche que cette énorme masse de feu ne consume la terre. OPINION D'HIPPARQUE TOUCHANT LES ASTRES. Hipparque, qui ne peut jamais être assez loué (13), car ja - mais personne ne prouva mieux qu’une étroite affinité règne entre l’homme et les astres, et que notre ame est vraiment une émanation du ciel; Hipparque apercut une nouvelle étoile, qui se montrait pour la première fois de son temps. Dès le premier jour de son apparition, le mouvement qu'il reconnut en elle le conduisit à douter s’il n’y avait pas des exemples fréquents de ce phénomène, et si les étoiles, que nous croyons fixes, n’ont pas aussi leur mouvement. Ce phi- losophe osa (ce qui semblait à peine possible pour un dieu compter les étoiles, et en consigner le dénombrement à la postérité. À l’aide d'instruments qu’il avait inventés, il dé- termina la position et la grandeur de chacune, afin qu’à l’a- venir on püt aisément discerner, non-seulement si les étoiles naissent et périssent, mais encore si quelques unes se meu- vent et s’éloignent, enfin si elles sont susceptibles d’ac- proveniant. Inde purum liquidumque, et imperturbatæ lucis aerem. Sed a turbido ad lunam vicies centum miliia stadiorum. Inde ad solem quinquies millies. Eo spatio fieri ut tam immensa ejus magnitudo non exurat terras. XXIV. 26. Idem Hipparchus nunquam satis laudatus, ut quo nemo magis aüprobaverit cognationem cum homine siderum, animasque nostras partem esse cœli, novam stellam in ævo suo genitam deprehendit ; ejus- que motu, qua die fulsit, ad dubitationem est adductus, anne hoc sæpius fieret, moverenturque et eæ, quas putamus affixas. Idemque ausus, rem etiam deo improbam, adnumerare posteris stellas, ac sidera ad nomen expungere, organis excogitatis, per quæ singularum loca, atque magnitu- dines signaret ; ut facile discerni posset ex eo, non modo, an obirent, nas- cerenturve, sed an omnino aliqua transirent, moverenturve; item an | É É LIVRE DEUXIÈME. 17 croissement ou de diminution. Il légua le tableau du ciel à quiconque se trouverait digne d'accepter cette succession. OBSERVATIONS SUR LES VENTS. Dans les temps anciens, plus de vingt auteurs grecs nous ont laissé des observations sur les vents. Que dans un âge où la terre, en proie aux discordes, était divisée en une multitude de royaumes, comme en autant de membres épars, un si grand nombre d'hommes se soient livrés à des recherches si pénibles, surtout au milieu des guerres, sur des bords inhospitaliers, et même lorsque les pirates, enne- mis communs de tout le genre humain, fermaient presque tous les passages ; et qu'ils l’aient fait avec une telle pré- cision qu'aujourd'hui chacun puise des notions plus exactes + sur son propre pays, dans les mémoires d'étrangers qui nv à sont jamais venus, quil n’en obtiendrait de la science de _ ses compatriotes, c’est ce que j'admire avec reconnaissance : mais aussi je ne puis concevoir que dans notre siècle, au sein d’une paix si heureuse, sous un prince qui prodigue les encouragements aux sciences et aux arts, on n’ajoute ab- à solument rien aux découvertes des anciens ; que dis-je? on | | ne daigne pas même s’instruire de celles qu'ils ont trans- mises. Les récompenses n'étaient pas plus magnifiques, lorsque crescerent, minuerenturque, cœlo in hereditate cunctis relicto, si quis- Qquam, qui cretionem eam caperet, inventus esset. XLV. 46. Viginti amplius auctores Græci veteres prodidere de ventis vbservationes. Quo magis miror, orbe discordi, et in regna, hoc est, membra diviso, tot viris curæ fuisse tam ardua inventu, inter bella præ- sertim et infida hospitia, piratis etiam omnium mortalium hostibus tran- situs ferme tenentibus, ut hodie quædam in suo quisque tractu ex eorum Ccommentariis, qui nunquam eo accessere, verius noscat, quam indigena- rum scientia : nunc vero pace tam festa, tam gaudente proventu rerum artiumque principe, omnino nihil addisci nova inquisitione, immo ne ve- terum quidem inventa perdisci. ; Non erant majora præmia, in multos dispersa fortunæ magnitudine : et 2 18 EXTRAITS DE PLINE. les richesses étaient dispersées entre plusieurs souverains. Et d’ailleurs, la plupart des savants n'ont travaillé que pour être utiles à la postérité. Ce ne sont pas les profits qui man- quent, c’est la moralité qui n'est plus la même. La mer, dans toute son étendue, est ouverte aux navigateurs; l’hos- pitalité les accueille sur tous les rivages. Mais cette multi- tude immense qui traverse les flots ne poursuit que la for- tune : elle ne fait rien pour la science; et ces hommes aveugles, qui n’ont d'autre mobile que l'intérêt, ne songent pas que la science peut du moins épargner bien des dangers à la cupidité. AÉROLITHES. Les Grecs font grand bruit d’une prédiction d’Anaxagore de Clazomène (14), qui, par ses connaissances astronomiques, annonça, dans la seconde année de la soixante-dix-huitième : olympiade, qu’à tel jour une pierre tomberait du soleil : au jour indiqué, cette pierre tomba dars un canton de la Thrace, près du fleuve Ægos. On la montre encore aujour- d'hui. Elle ferait la charge d’une charrette; elle est enfumée et noircie par le feu. A la même époque, une comète brilla pendant plusieurs nuits. Si l’on veut bien admettre cette prédiction , il faut avouer en même temps que la prescience d’Anaxagore est plus merveilleuse que le fait lui-même; et ista plures sine præmio alio, quam posteros juvandi, eruerunt. Mores ho- minum senuere, non fructus : et immensa multitudo aperto, quodcunque est, mari, hospitalique littorum omnium appulsu, navigat : sed lucri, non scientiæ gratia. Nec reputat cæca mens, et tantum avaritiæ intenta, id ipsum scientia posse tutius fieri. LIX. 58. Celebrant Græci Anaxagoram Clazomenium, obaapradis sep- tuagesimæ octavæ secundo anno, prædixisse cælestium litterarum scientia, quibus diebus saxum casurum esset e sole, Idque factum interdiu in Thraciæ parte ad Ægos flumen. Qui lapis etiam nunc ostenditur, magni- tudine vehis, colore adusto, comete quoque illis noctibus flagrante. Quod si quis prædictum credat, simul fateatur necesse est, majoris miraculi divinitatem Anaxagoræ fuisce: solvique rerum naturæ intellectum, et LIVRE DEUXIÈME. | 19 que toute notre science est en défaut, que tout est confondu, si l’on doit croire en effet ou que le soleil soit de pierre, ou qu'une pierre ait été dans le soleil. Au surplus, on ne peut disconvenir que des pierres ne tombent du ciel assez fré- quemment (15). Aujourd’hui encore on en révère une de ce . genre dans le gymnase d’Abydos (sur l’Hellespont) : elle est peu volumineuse : on prétend que le même Anaxagore avait prédit qu'elle tomberait au point central de la terre. Une autre est révérée à Cassandria ( Thrace), nommée aussi Po- tidée. Une colonie v a été conduite à cette occasion. J'ai vu moi-même une pierre pareille dans la campagne des Vo- contiens (Gaule Narbonnaise), où elle était tombée peu de temps auparavant. NATURE DE LA TERRE. La terre est la seule partie de la nature à laquelle nous ayons donné, pour prix de ses bienfaits, un surnom qui offre l’idée vénérable de la maternité. Elle est le domaine de l’homme, comme le ciel est le domaine de Dieu : elle le re- çoit à sa naissance, elle le nourrit quand il est né ; du mo- ment où il a vu le jour, elle ne cesse plus de lui servir de soutien et d'appui : enfin quand déja le reste de la nature nous à renoncés, elle nous ouvre son sein, et c’est alors surtout qu’elle se montre mère, couvrant notre froide dé- confundi omnia, si aut ipse sol lapis esse, aut unquam Japidem in eo fuisse credatur : decidere tamen crebro non erit dubium. In Abydi gym- nasio ex ea causa colitur hodieque, modicus quidem, sed quem in medio terrarum casurum idem Anaxagoras prædixisse narratur. Colitur et Cas- sandriæ, quæ Potidæa vocitata est, ob id deducta. Ego ipse vidi in Vo- contiorum agro paulo ante delatum. LXIIT. 63. Terræ uni rerum naturæ partium, eximia propter merita, cognomen indidimus maternæ venerationis. Sic hominum illa, ut cœlum Dei : quæ nos nascentes excipit, natos alit, semelque editos sustinet sem- per : rovissime complexa gremio jam a reliqua natura abdicatos, tum 20 EXTRAITS DE PLINE. pouille et nous rendant sacrés comme elle ; bienfait qui, plus que tout autre, la rend elle-même pour nous un objet saint et sacré. Elle porte encore nos titres et nos monuments, elle prolonge la durée de notre nom, elle étend notre mémoire au delà des bornes étroites de la vie. C’est la dernière divinité qu'invoque notre colère. Nous prions qu’elle s’appesantisse sur ceux quidéjanesont plus (16), comme si nous ne savions pas qu’elle seule ne s’irrite jamais contre l’homme. Les eaux s'élèvent pour retomber en orages; elles se durcissent en grêle, se gonflent en vagues, se pré- cipitent en torrents : l’air s’épaissit en nuages, se déchaîne en tempêtes; mais la terre est bienfaisante, douce, indul- sente, et toujours empressée à servir les mortels. Que de tributs nous lui arrachons ! que de présents elle nous offre d'elle-même ! quelles odeurs et quelles saveurs ! quels sucs' quels touchers! quelles couleurs! comme elle est fidèle à payer l’intérèt du dépôt qu’on lui confie! combien d’êtres elle nourrit pour nous! S'il existe des animaux yenimeux , l’air qui leur donne la vie en est seul coupable. Elle est contrainte d’en recevoir le germe, et de leur servir de sup- port lorsqu'ils sont éclos; mais les maux doivent s’imputer à la cause qui les produit. La terre prodigue les herbes mé- dicinales : toujours elle est en travail pour l’homme. maxime ut mater, operiens : nullo magis sacra merito, quam quo nos quoque sacros facit, etiam monumenta ac titulos gerens, nomenque pro- rogans fostrum, et memoriam extendens contra brevitatem ævi. Cujus numen ultimum jam nullis precamur irati grave : tanquam ne- sciamus hanc esse solam, quæ nunquam irascatur homini. Aquæ subeunt in imbres, rigescunt in grandines, tumescunt in fluctus, præcipitantur in torrentes : aer densatur nubibus, furit procellis. At hæc benigna, mitis, indulgens, ususque mortalium semper ancilla, quæ coacta generat! quæ sponte fundit ! quos odores saporesque! quos succos! quos tactus! quos: colores ! quam bona fide creditum fenus reddit? quæ nostri causa alit ! Pestifera enim animantia, vitali spiritu habente culpam, necesse est illi seminata excipere, et genita sustinere. Sed in malis generantium noxa est, Illa medicas fundit herbas, et semper homini parturit. LIVRE DEUXIÈME. 21 Eh ! peut-être les poisons eux-mêmes sont-ils ur &on de sa pitié. Elle n’a pas voulu que, la vie nous devenant odieuse , la faim, de tous les genres de mort le plus con- traire à ses vues bienfaisantes, nous consumât par les len- teurs d’une pénible agonie : que nos membres brisés sur la pointe des rochers tombassent en lambeaux sanglants : que les douloureuses étreintes d’un lacet fermassent le passage à cette ame que nous voudrions délivrer; que la mort cher- chée au fond des mers nous y laissät pour uniques tom- beaux les monstres dont nous serions la pâture , ou qu’en- fin un fer meurtrier déchirat notre corps par de cruelles blessures. Oui sans doute sa compassion a préparé un breuvage qui, facile à prendre, pût éteindre la vie sans endommager notre corps , sans nous Ôter une goutte de sang, sans effort, sans autre symptôme qu’une apparence de soif , en sorte que ceux qui auraïent ainsi terminé leurs jours ne devins- sent la proïe ni des oiseaux ni des bêtes féroces, et que lhomme, aréanti pour lui-même, füt conservé pour la terre. Soyons vrais : elle avait produit un remède pour nos maux , et nous en avons fait un moyen de destruction. N'a- busons-nous pas ainsi du fer, qui est pour nous d'une né- cessité indispensable ? Supposons même qu'elle ait eu l’m- Quin et venena nostri misertam instituisse credi potest : ne in tædio vitæ fames, mors terræ meritis alienissima , lenta nos consaumeret tabe : ne lacerum corpus abrupta dispergerent : ne laquei torqueret pœna præ- postera, incluso spiritu cui quæreretur exitus : ne in profundo quæsita morte, sepultura pabuio fieret : ne ferri cruciatus scinderet corpus. Ita est : miserta genuit id cujus facillimo haustu, illibato corpore, et cum toto sanguine extingueremur, nulo labore, sitientibus similes : qua- liter defunctos non volucris, non fera attingeret, terræque servaretur qui sibi ipsi perisset. Verum fateamur, terra nobis malorum remedium genuit, nos illud vitæ fecimus venenum. Non enim et ferro, quo carere non possumus, simili modo 22 EXTRAITS DE PLINE. tention de nuire en créant les poisons ; nous n’aurions pas encore le droit de nous plaindre. En effet, nul autre élément n’éprouve autant d’ingratitude de notre part. Ne se prète- t-elle pas en esclave à tous les plaisirs, à tous les outrages de l’homme? On la jette dans la mer, on la creuse pour l'ouvrir aux flots. À chaque instant on la tourmente par le fer, par le bois, le feu, la pierre, les grains, et pour nos plaisirs bien plus que pour nos besoins : et, comme si les blessures qui n’effleurent que sa surface étaient peu de chose , nous pénétrons dans ses flancs pour en extraire l'or, l'argent, l’airain, le plomb; et, fouillant dans la profondeur de son sein, nous y cherchons les gemmes et quelques mi- sérables cailloux. Nous lui arrachons les entrailles, afin de porter au doigt une pierre, l’objet de nos desirs. Combien de mains usées pour faire briller une seule articulation ! Certes, si les enfers existaient, dès longtemps les excava- tions de l’avarice et du luxe les auraient découverts. Et l’on s'étonne que la terre produise quelque chose de nuisible ! Sans doute les animaux féroces la garantissent de nos ou- trages, ils écartent les mains sacriléges. Eh ! ne la creusons- nous pas au milieu des serpents? ne saisissons-nous pas l'or parmi des racines vénéneuses ? Mais ce qui prouve sur- utimur? Nec tamen quereremur merito, etiamsi maleficii causa tulisset : adversus unam quippe naturæ partem ingrati sumus. Quas non ad deli- cias, quasque non ad contumelias servit homini! In maria jacitur, aut, ut freta admittamus, eroditur aquis : ferro, ligno, igne, lapide, fruge, omnibus cruciatur horis, multoque plus ut deliciis, quam ut alimentis fa- muletur nostris. Nisi tamen, quæ summa patiatur atque extrema cute, tolerabilia videantur. Penetramus in viscera, auri argentique venas et æris ac plumbi metalla fodientes : gemmas etiam et quosdam parvulos quærimus lapides, scrobibus in profundum actis. Viscera ejus extrahi- mus , ut digito gestetur gemma quam petimus. Quot manus atteruntur, ut unus niteat articulüs! Si ulli essent inferi, jam profecto illos avaritiæ atque luxuriæ cuniculi refodissent. Et miramur si eadem ad noxam genuit aliqua ! Feræ enim, credo, custodiunt illam, arcentque sacrilegas manus. Non inter serpentes fodimus, et venas auri tractamus cum veneni radici- LIVRE DEUXIÈME. 23 tout l’excès de sa bonté, c’est que tous ces trésors qu’on lui ravit deviennent en nes mains les instruments du crime. du carnage et de la guerre ; c’est qu’en l’arrosant de notre sang, nous la couvrons d’ossements privés de sépulture, et que cependant, après avoir semblé nous reprocher nos fu- reurs, elle finit par s'étendre sur ces objets affreux , et dé- robe à la lumière les forfaits mêmes des mortels. LA TERRE EST-ELLE ENTOURÉE PAR L'OCÉAN ? On navigue aujourd’hui dans toute la mer occidentale. depuis Cadix et les colonnes d’'Hercule, en tournant l’Es- pagne et les Gaules. L’Océan septentrional a été parcouru dans sa plus grande partie, sous les auspices d’Auguste : la flotte de ce prince côtoya la Germanie jusqu’au promon- toire des Cimbres (17) : de là, elle aperçut ou connut par la renommée une mer immense qui baigne la Scythie et ces régions qui ne sont que des masses de glaces, à cause de la surabondance de l’humide. A lorient, depuis la mer de l'Inde , toute la partie qui , sous la même constellation, s’a- vance vers la mer Caspienne, a été également parcourue par les flottes macédoniennes , sous le règne de Séleucus et d'Antiochus, qui donnèrent à ces mers les noms de Séleu- cide et d’Antiochide. Aux environs de la mer Caspienne, bus! Placatiore tamen dea ob hoc, quod omnes hi opulentiæ exitus ad scelera, cædesque , et bella tendunt : quamque sanguine nostro irrigamus, insepultis ossibus tegimus. Quibus tamen, velut exprobrato furore, tandem ipsa se obducit, et scelera quoque mortalium occultat. LXVII. 67. À Gadibus columnisque Herculis, Hispaniæ et Galliarum circuitu, totus hodie navigatur occidens. Septentrionalis vero Oceanus majore ex parte navigatus est, auspiciis divi Augusti, Germaniam classe circumvecta ad Cimbrorum promontorium : et inde immenso mari pro- specto aut fama cognito, ad Scythicam plagam et humore nimio rigentia. Juxta vero ab ortu ex Indico mari, sub eodem sidere pars tota vergens in Caspium mare pernavigata est Macedonum armis, Seleuco atque Antiocho regnantibus, qui et Seleucida atque Antiochida ab ipsis appellari voluere. Circa Caspium quoque multa Oceani littora explorata, parvoque brevius 24 EXTRAITS DE PLINE. + beaucoup de rivages de l'Océan ont été visités; et tant à lorient qu’à l'occident, le nord entier, ou peu s’en faut, a été reconnu par les navigateurs. De l’autre côté du détroit, à l'occident, la navigation s’étend de nos jours, vers le midi, sur toute la côte de Mauritanie. Les flottes victo- rieuses d'Alexandre ont parcouru la plus grande partie de cette mer, à l’orient : ses vaisseaux pénétrèrent jusque dans le golfe Persique. On rapporte que lorsque Caïus César, fils d'Auguste , faisait la guerre dans ce golfe, on y reconnut des débris de vaisseaux espagnols. Dans les temps de la puissance de Carthage, Hannon partit de Cadix, et, faisant le tour de l’Afrique , arriva par mer aux extrémités de l’Ara- bie (18). II donna par écrit la relation de son voyage. A la même époque, Himilcon fut envoyé pour reconnaître les côtes extérieures de l’Europe. Cornélius Népos rapporte qu’un certain Eudoxe, voulant se soustraire aux poursuites du roi Lathyrus, s’embarqua au golfe Arabique, et vint jusques à Cadix. Longtemps avant lui, Cælius Antipater assure avoir vu un commerçant qui avait passé par mer d’Espagne en Éthiopie. Le même Cornélius Népos, parlant de la navigation septentrionale, écrit que Métellus Céler, collègue du consul Afranius, et alors proconsul de la Gaule, reçut en présent, du roi des Suèves (19), quelques Indiens quam totus hinc aut illinc septentrio eremigatus. Alio latere Gadium, ab eodem occidente, magna pars meridiani sinus ambitu Mauritaniæ naviga- tur hodie. Majorem quidem ejus. partem, et orientis victoriæ magni Alexandri lustravere usque ad Arabicum sinum. În quo res gerente C. Cæsare, Augusti filio, signa navium ex Hispanensibus naufragiis fe- runtur agnita, et Hanno, Carthaginis potentia florente, circumvectus à Gadibus ad. finem Arabiæ navigationem eam predidit scripto : sicut ad -xtera Europæ noscenda missus eodem tempore Himilco, Præterea Nepos: Cornelius auctor est Eudoxum.quemdam sua ætate, cum Lathurum regem. fugeret , Arabico sinu egressum, Gades usque pervectum : multoque ante eum Cælius Antipater vidisse se, qui navigasset ex Hispania in Æthio- piam,, commercii. gratia. Idem Nepos de septentrionali circuitu tradit,. Quinto Metello Celeri, L. Afranii in consulatu collegæ, sed tum: Galliæ LIVRE DEUXIÈME. 25 qui, s'étant embarqués dans l’Inde pour faire le commerce, avaient été poussés par les tempêtes jusque sur les côtes de la Germanie. Les mers ainsi répandues autour du globe, qu’elles divisent en deux parts, nous ôtent la moitié de la terre, puisqu'elles forment entre ces deux moitiés une bar- rière.insurmontable. Cette observation, bien propre à dé- montrer la vanité des mortels, semble exiger que je réunisse sous un seul point de vue la totalité de cet espace , quel qu'il soit, où chacun d’eux n’a jamais assez. QUELLE PARTIE DE LA TERRE EST HABITÉE ? D'abord on le compte pour la moitié du globe, comme si nulle partie n’en devait être réservée pour l'Océan. Cette mer qui s'élève partout entre les deux hémisphères , qui ré- pand et reçoit toutes les autres eaux, et tout ce qui s’éva- pore dans les nuées , et tout ce qui nourrit les astres mêmes, si nombreux et d’une grandeur si prodigieuse, quelle m- mense étendue ne doit-elle pas remplir ? Un si vaste élé- ment doit être usurpateur, et posséder un domaine sans bornes. Ajoutez que sur ce qui nous est laissé, le ciel nous en ravit encore davantage. Il est divisé en cinq parties, qu’on appelle zones. Tout ce qui répond-sur la terre aux deux zones situées à chacune des extrémités, autour des proconsuli, Indos a rege Suevorum dono datos, qui ex India commercii causa navigantes, tempestatibus essent in Germaniam abrepti. Sic maria cireumfusa undique dividuo globo partem orbis auferunt nobis : nec inde huc, nec hinc illo pervio tractu. Quæ contemplatio, apta detegendæ mor- talium vanitati, poscere videtur, ut totum hoc, quidquid est, in quo sin- gulis nihil satis est, ceu subjectum oculis, quantum sit ostendam. LXVTII. 63. Jam primum in dimidio computari videtur, tanquam nulla portio ipsi decidatur Oceano : qui toto circumdatus medio, et omnes ceteras fundens recipiensque aquas, et quidquid exit in nubes, ac sidera ipsa tot et tantæ magnitudinis pascens, quo tandem amplitudinis spatio credetur habitare! Improba et infinita debet esse tam vastæ molis posses- sio. Adde quod ex relicto plus abstulit cæœlum. Nam cum sint ejus quinque partes, quas vocant zonas, infesto rigore et æterno gelu premitur omne, 26 EXTRAITS DE PLINE. pôles arctique et antarctique, est pénétré de froid et cou— vert de glaces éternelles. Il y règne ‘un brouillard perpé- tuel; et ces régions étant privées de l'aspect des astres bienfaisants , la blancheur seule des neiges y produit une lueur faible et pâle. La partie du milieu, qui est sous la route du soleil, dévorée et calcinée par les flammes, est toujours embrasée par le voisinage de cet astre. Aux deux côtés de la ligne, entre la zone torride et les zones gla- ciales, sont les deux seules zones tempérées : encore le pas- sage de l’une à l’autre est-il fermé par les feux allumés dans cette partie du firmament. Ainsi le ciel nous a Ôté les trois cinquièmes de la terre. Les usurpations de l'Océan ne peu- vent se calculer. Mais peut-être la seule portion qui soit à nous éprouve t-elle de plus grands dommages. Ce même Océan, creusant une multitude de golfes, semble de ses flots grondants me- nacer les mers internes ; il en est si voisin, que le golfe Ara- bique et la mer Égyptienne ne sont séparés que par un isthme de cent quinze mille pas : on n’en compte que trois cent soixante-quinze mille entre la mer Caspienne et le Pont-Euxin. Combien de terres il envahit encore en s’in- sinuant par un si grand nombre de mers qui découpent quidquid est subjectum duabus extremis, u‘rinque circa vertices, hunc qui septentrio vocatur, eumque qui, adversus illi, austrinus appellatur. Perpetua caligo utrobique, et alieno molliorum siderum aspectu, maligna, ac pruina tantum albicans lux. Media vero terrarum, qua solis orbita est, exusta flammis et cremata, cominus vapore torretur. Circa duæ tantum, inter exustam et rigentes, temperantur : eæque ipsæ inter se non perviæ, propter incendium siderum. Ita terræ tres partes abstulit cœlum : Oceani rapina in incerto est. | Sed et relicta nobis una portio, haud scio an etiam in majore damno sit. Idem siquidem Oceanus infusus in multos sinus, adeo vicino accessu in- terna maria adlatrat, ut centum quindecim millibus passuum Arabicus sinus distet ab Ægyptio mari : Caspius vero trecenta septuaginta quinque millibus à Pontico. Idem interfusus intrat per tot maria, quibus Africam, Europam, Asiamque dispescit; quantum terrarum occupat! Computetur LIVRE DEUXIÈME. 97 l'Europe, l'Asie et l’Afrique! Calculons aussi l’étendue de tant de fleuves et de marais immenses. Déduisons ces mon- tagnes qui se perdent dans les nues, et dont l’œil même peut à peine atteindre le sommet, les forêts, les précipices, les solitudes et les pays que tant de causes ont rendus dé- serts. Toutes ces portions de la terre, ou plutôt, comme plusieurs l'ont dit, ce point du monde, car la terre n’est qu'un point dans l’univers, voilà l’objet de notre ambition. le théâtre de notre gloire : c’est là que nous remplissons les magistratures, que nous exercons le commandement, que nous convoitons les richesses. C’est là que le genre humain s’agite et se tourmente, que nous renouvelons sans cesse des guerres, même civiles; qu’à force de carnage, nous parvenons à nous procurer un peu plus d'espace ; et, pour ne point parler des fureurs qui arment les nations entières, c'est là que nous repoussons le voisin qui nous borne, que notre charrue sillonne furtivement le champ d’autrui, pour élargir le nôtre. Ah ! nous avons beau agrandir nos champs, resserrer nos voisins, quelle sera la portion du globe dont jouira notre orgueil ? dût-elle s'étendre autant que notre cu- pidité, quel espace en occuperons-nous après la mort? etiam nunc mensura tot fluminum, tantarum paludum : addantur et lacus, et stagna. Jam elata in cœlum, et ardua aspectu quoque juga : jam silræ, vallesque præruptæ, et solitudines, et mille causis deserta detrahantur. Hæ tot portiones terræ, immo vero, ut plures tradidere, mundi punctus (neque enim est aliud terra in uñiverso) : hæc est RER gioriæ nostræ, . hæc sedes : hic honores gerimus, hic exercemus imperia, hic opes cupimus, hic tumultuatur humanum genus, hic instauramus bella etiam civilia, mutuisque cædibus laxiorem facimus terram. Et ut pub'icos gentium fu- rores transeam, hæc in qua conterminos pel'imus, furtoque vicini cespitem nostro solo adfodimus, ut qui latissime rura metatus fuerit, ultraque fines exegerit acculas, quota terrarum parte gaudeat? vel quum ad mensuram avaritiæ suæ propagaverit, quam tandem portionem ejus defunctus ob- tineat ! 28 EXTRAITS DE PLINE. TREMBLEMENTS DE TERRE. — ABIMES. Les tremblements de terre nous offrent, dans la variété de leurs effets, des phénomènes très étonnants. Tantôt des villes sont renversées ; tantôt elles sont englouties dans un abime profond : d’autres fois la terre rejette de son sein des rochers, des torrents, des feux, des sources bouillantes : tantôt le cours des fleuves est détourné. Ces événemenis sont précédés et accompagnés d’un bruit épouvantable, et quelquefois d’un murmure qui ressemble à des mugisse- ments, à des cris humains, à des cliquetis d'armes : il va- rie selon la qualité des matières qu’il rencontre, et la forme des cavernes ou des tranchées souterraines qu'il traverse : aigu, sourd, retentissant, bouillonnant à mesure qu'il trouve des passages resserrés, tortueux, secs, humides, il se pro- longe par des balancements sur les eaux stagnantes, 1l lutte en frémissant contre les corps solides. Souvent ce bruit se fait éntendre sans être suivi d’aucun tremblement. La terre n’est pas remuée d’une seule manière, mais elle éprouve des trémoussements , des vibrations. Quelquefois l’abîme reste ouvert, et laisse voir les objets qu'il a dévorés; quelquefois il se referme, et le sol recouvre les villes et les campagnes enseyelies, sans qu’on aperçoive aucun vestige. LXXXII 80. Varie terra quatitur, et mira eduntur opera alibi pro- stratis mœnibus, alibi hiatu profundo haustis, alibi egestis molibus, alibi emissis amnibus, nonnumquam etiam ignibus, calidisve fontibus, alibi averso fluminum eursu. Præcedit vero comitaturque terribilis sonus, alias murmur. similius mugitibus, aut clamori humano, armorumve pulsantium fragori : pro qualitate materiæ excipientis, formaque vel cavernarum, vel cuniculi per quem meat, exilius grassante in angusto, eodem rauco in recurvis, resultante in duris, fervente in humidis, fluctuante in stagnanti- bus : item fremente contra solida, Itaque et sine motu sæpe editur sonus. Nec simplici modo quatitur, sed tremit vibratque. Hiatus vero alias remanet, ostendens quæ sorbuit, alias occultat ore compresso, rursusque ita inducto solo, ut nulla vestigia exstent, urbibus plerumque devoratis, LIVRE DEUXIÈME. 29 Les secousses se font sentir surtout dans les lieux maritimes. Les montagnes n’en sont pas exemptes. Je puis certifier que les Alpes et l’Apennin en ont éprouvé plusieurs fois. Les tremblements de terre, ainsi que les tonnerres, sont plus fréquents pendant l’automne et le printemps. C’est par cette raison que les Gaules et l'Égypte n’y sont pas su- jettes ; celle-ci à cause de son été, les autres à cause de leur hiver. Ils arrivent plus souvent la nuit que le jour (20). Les plus violents se font sentir le matin et le soir, et plus communément aux approches du jour. S'ils ont lieu pen- dant la journée, c’est vers l'heure de midi. Ils arrivent aussi pendant les éclipses de soleil et de lune, mais principale- ment lorsque la chaleur suit une pluie d'orage, ou que cette pluie succède à la chaleur. Les navigateurs eux-mêmes en ressentent l’effet d’une manière non équivoque (21), lorsqu'ils sont frappés par le flot qui se gonfle subitement, ou qui éprouve un violent trémoux, sans qu'il y ait aucune altération dans l'air. Tout ce qui est sur les vaisseaux s’agite, craque et se heurte, comme il ar- rive dans les édifices ébranlés. Les oiseaux épouvantés res- tent perchés sur les arbres où ils sont surpris. Un tremble- ment est aussi précédé par un signe dans le ciel. Quand il doit avoir lieu, on distingue, soit pendant le jour, soit peu agrorumque tractu hausto. Maritima autem maxime quatiuntur. Nec montuosa tali malo carent. Exploratum est mihi Alpes Apenninumque _ sæpius tremuisse. Et autumno ac vere terræ crebrius moventur, sicut fiunt fulmina. Ideo Galliæ et Ægyptus minime quatiuntur : quoniam hic æstatis causa obstat, illic hiemis. Item noctu sæpius quam interdiu. Maximi autem motus exsistunt matutini vespertinique : sed propinqua luce crebri: interdiu autem circa meridiem. Fiunt et solis lunæque de- fectu. Præcipue vero, cum sequitur imbrem æstus, imbresve æstum. LXXXIII. 81. Narigantes quoque sentiunt non dubia conjectura, sine fiatu intumescente fiuctu subito aut quatiente icti. Intremunt vero et in navibus posita, æque quam in ædificiis, crepituque prænuntiant : quin et volucres non impavidæ sedentes. Est et in cœlo signum, præceditque, motu futuro, aut interdiu, aut paulo post occasum sereno, ceu tenuis linea 30 EXTRAITS DE PLINE. après le coucher du soleil, par un temps serein , une ligne de nuage déliée et fort étendue (22). L'eau des puits est aussi plus trouble, et d’une odeur dégoütante. Mais en même temps ces puits, comme toutes les cavités souterraines , sont un préservatif contre ce pénible fléau. Ce sont autant de soupiraux par où s’exhalent les vents ren- fermés dans la terre. C’est ce qu’on observe dans certaines villes qui sont moins violemment agitées, à cause du grand nombre d’égouts construits sous terre. Dans ces villes, tout ce qui est établi sur des terrains creux est moins exposé. C'est ainsi qu’à Naples, la partie de la ville qui est bâtie sur un terrain solide éprouve plus de ravages. Ce qu'il y a de plus sûr dans les édifices, ce sont les voütes, les angles des parois, les jambages des portes, parceque la réaction rétablit l'équilibre. Les murailles de briques éprouvent aussi moins de dommages. Il y a même une grande différence entre les divers genres de commotions : car la terre est ébranlée de plusieurs manières. Elles ne sont pas à craindre lorsque, pendant la secousse, le craquement des édifices se fait à plusieurs reprises, et que la terre se soulève et s’af- faisse par un mouvement alternatif. Elles sont encore sans danger lorsque les maisons se choquent en sens contraire, parcequ’un mouvement résiste à l’autre. Les effets en sont nubis in longum porrectæ spatium. Est et in puteis turbidior aqua, nec sine odoris tæûio. LXXXIV. 82. Sicut in iisdem est remedium, quale et crebri specus præbent : conceptum enim spiritum exhalant, quod in certis notatur op- pidis, quæ minus quatiuniur, crebris ad eluviem cuniculis cavata. Multo- que sunt tutiora in iisdem illis quæ pendent : sicut Neapoli in Italia in- telligitur, parte ejas, quæ solida est, ad tales casus obnoxia. Tutissimi sunt ædificiorum fornices, anguli quoque parietum, postesque alterno pulsu renitente. Et latere terreno facti parietes minore noxa quatiuntur. Magna differentia est et in ipso genere motus : pluribus siquidem modis quatitur. Tutissimum est, quum vibrat crispante ædificiorum crepitu, et quum intumescit adsurgens, alternoque motu residet : innoxium et quum Concurrentia tecta contrario ictu arietant : quoniam alter motus alteri LIVRE DEUXIÈME. | 31 désastreux quand le mouvement se fait dans une direction inclinée, avec une sorte d’oscillation, ou qu'il se porte tout entier vers une seule direction. Les secousses cessent lors- que le vent s’est ouvert un passage. Si elles ne finissent pas alors, elles continuent encore quarante jours, et souvent plus longtemps, puisqu'on en a vu durer un an et même deux ans. Sous le consulat de L. Marcius et de Sextus Julius appa- rut un prodige vraiment unique. C’est du moins le seul de ce genre que j'aie trouvé dans les livres des prêtres étrus- ques. Aux environs de Modène, deux montagnes semblèrent combattre l’une contre l’autre, se heurtant et s’écartant à diverses reprises , avec un fracas horrible. Entre elles, des tourbillons de flammes et de fumée s’élevaient jusqu'au ciel. C'était en plein jour : un grand nombre de chevaliers rc- mains, les gens de leur suite, et beaucoup de voyageurs, “furent témoins de ce spectacle sur la voie Émilia. Toutes les maisons furent brisées, un grand nombre d'animaux écrasés. Ce désastre arriva l’année d'avant la guerre so- ciale, qui peut-être a fait encore plus de mal à l'Italie que les guerres civiles. Notre siècle a vu un prodige non moins étonnant , la dernière année de l'empire de Néron. Je l'ai renititur. Undantis inclinatio, et filuctus more quædam volutatio infesta est : aut quum in unam partem totus se motus impellit. Desinunt autem tremores, quum ventus emersit : sin vero duravere, non ante quadraginta dies sistuntur : plerumque et tardius, utpote quum quidam annuo et bien- nii spatio duraverint. LXXXV. 83. Factum est et hoc semel, quod equidem in Etruscæ dis- ciplinæ voluminibus inveni, ingens terrarum portentum, L. Marcio, Sex. Julio coss. in agro Mutinensi. Namque montes duo inter se concurrerunt, crepitu maximo adsultantes recedentesque, inter eos flamma fumoque in cœlum exeunte interdiu, spectante e via Æmilia magna equitum Roma- norum familiarumque et viatorum multitudine. Eo concursu villæ omnes elisæ : animalia permulta, quæ intra fuerant, exanimata sunt, anno ante sociale bellum, quod haud scio an funestius terræ ipsi Italiæ fuerit, quam civilia. Non minus mirum ostentum et nostra cognovit ætas, anno Nero- 32 EXTRAITS DE PLINE. rapporté dans l’histoire de ce prince. Un pré et un plant d’'@iviers, séparés par la grande route, prirent la place l’un de l’autre. Cet événement eut lieu dans le territoire des Marrucènes, sur les possessions de Vectius Marcellus , che- valier romain, et intendant de Néron. Le plus violent tremblement de terre dont les hommes aient gardé la mémoire arriva sous l’empire de Tibère. Douze villes d'Asie furent renversées en une nuit (23). Jamais ces désastres n’ont été plus fréquents que pendant la guerre punique. Cinquante-sept furent annoncés à Rome dans une seule année; et, cette année même, ni les Carthaginois ni les Romains ne sentirent un grand tremblement de terre qui eut lieu pendant qu’ils combattaient sur les bords du Trasymène. + DU FLUX ET DU REFLUX DE LA MER. J'ai déja dit beaucoup de choses de la nature des eaux : mais le phénomène le plus admirable qu’elles nous offrent, c’est le flux et reflux de la mer. Ce mouvement, soumis à bien des variétés, est produit par l’action du soleil et de la lune. D'un lever de la lune à l’autre, les eaux de la mer montent deux fois, et deux fois elles se retirent, dans l’es- pace de vingt-quatre heures. Elles s’enflent et s’exhaussent nis principis supremo, sicut in rebus ejus exposuimus, pratis oleisque, intercedente via publica, in contrarias sedes transgressis, in agro Marru- cino, prædiis Vectii Marcelli equitis Romani, res Neronis procurantis, LXXXVI. 84 Maximus terræ memoria mortalium exstitit motus, Tiberii Cæsaris principatu, duodecim urbibus Asiæ una nocte prostratis. Creberrimus Punico bello, intra eumdem annum septies atque quinqua- gies nunciatus Romam. Quo quidem anno ad Trasymenum lacum dimi- cantes, maximum motum neque Pœni sensere, nec Romani. XCIX. 97. Et de aquarum natura complura dicta sunt : sed æstus maris accedere et reciprocare maxime mirum, pluribus quidem modis, verum causa in sole lunaque. Bis inter duos exortus lunæ adfluunt, bis- que remeant, vicenis quaternisque semper horis. Et primum attollente se cum ea mundo intumescentes, mox a meridiano cœli fastigio vergente in LIVRE DEUXIÈME. | 33 lorsque la lune s'élève sur l'horizon : elles s’abaissent lors- qu’elle descend du faite des cieux vers l’occident. Leur in- tumescence recommence quand la lune, après son coucher, parcourt la partie inférieure du monde et s’approche de l’an- üpode de son midi; puis elles s’affaissent jusqu’à ce qu’elle reparaisse sur l'horizon. Le flux ne revient jamais à la même heure que le jour précédent, parceque l’astre qui règle ces mouvements, qui attire et pompe les eaux, ne se lève ja- mais au même point que la veille. Cependant la mer monte ou descend dans des intervalles égaux, toujours pendant six heures; et les heures dont je parle ne sont pas celles de chaque jour ou de chaque climat indifféremment ; ce sont les heures équinoxiales (24). Aussi les mouvements du flux et reflux paraïitront-ils inégaux à qui les calculera d’après les heures vulgaires, puisqu'elles varient selon que les jours et les nuits ont plus ou moins de durée. Mais ils sont égaux partout, si l’on compte les heures équinoxiales. Grand et victorieux argument contre ces hommes stupides qui ne veulent pas reconnaître que les astres vont éclairer l’hé- misphère inférieur ; que ce sont les mèmes astres qui repa- raissent à l'horizon ; et que, dans les effets de leur lever et de leur coucher, la terre, ou plutôt la nature entière, offre partout une exacte ressemblance. occasum, residentes : rursusque ab occasu subter cœli ima, et meridiano contraria accedente, inundantes : hinc, donec iterum exoriatur, se resor- bentes. Nec unquam eodem tempore, quo pridie, reflui, ut ancillante si- dere , trahenteque secum avido haustu maria, et assidue aliunde, quam pridie, exoriente : paribus tamen intervallis reciproci, senisque semper horis, non cujusque diei aut noctis, aut loci, sed æquinoctialibus : ideo- que inæquales vulgarium horarum spatio, utcunque plures in eas aut diei aut noctis illarum mensuræ cadunt, et æquinoctio tantum pares ubique. Ingens argumentum, plenumque lucis ac vocis etiam diurnæ, hebetes esse _ qui negent subtermeare sidera, ac rursus eadem resurgere : similemque terris, immo vero universæ naturæ exinde faciem, in iisdem ortus occa- susque operibus : non aliter sub terra manifesto sideris cursu , aliove ef- fectu, quam quum præter oculos nostros feratur. 3 34 EXTRAITS DE PLINE. Le cours de la lune amène encore des variétés sans nom- bre ; et d’abord tous les sept jours la différence est sen- sible. Les marées sont faibles depuis la nouvelle lune jus- qu’au premier quartier ; ensuite elles croissent, et sont dans leur plus grande force quand elle est dans son plein. De ce moment elles décroissent, et redeviennent au septième jour ce qu’elles étaient au premier quartier. Elles recommencent à croître au troisième quartier, et sont aussi fortes lorsque la lune est en conjonction avec le soleil, que lorsqu'elle est dans son plein. Quand la lune est au nord, et plus éloignée de la terre (25), les marées sont plus faibles que lorsque, rap- prochée du midi, elle exerce son influence de plus près. La révolution de tous les changements que souffrent les marées est de huit ans, ou de cent lunaisons. A certaines époques de l’année, l’action du soleil concourt à rendre l’intumes- cence des eaux plus considérable. Le temps où les marées ont plus de force, c'est aux deux équinoxes, mais princi- palement à celui d'automne; elles sont peu sensibles aux solstices, surtout au solstice d’été. Au surplus, ces mouvements n’ont pas lieu précisément aux moments que j'ai indiqués : ils n'arrivent pas à l’instant où la lune est pleine ou nouvelle, mais un ou deux jours après ; ni à l'heure où la lune se lève, se couche, ou com- Multiplex etiamnum lunaris differentia primumque septenis diebus. ‘Quippe modici a nova ad dividuam æstus, pleniores ab ea exundant, pie- naque maxime fervent. Inde mitescunt. Pares ad septimam primis : ite- rumque alio latere dividua augentur. In coïtu solis pares plenæ. Eadem aquilonia, et a terris longius recedente, mitiores quam quum, in austros digressa, propiore nisu vim suam exercet. Per octonos quoque annos ad principia motus et paria incrementa centesimo lunæ revocantur ambitu, augente:ea cuncta solis annuis causis, duobus æquinoctiis maxime tumen- tes, et autumnali amplius quam verno : inanes vero bruma : et magis solstitio. Nec tamen in ipsis, quos dixi, temporum articulis, sed paucis post die- bus : sicuti neque in plena aut novissima , sed postea : nec statim ut Iu- nam mundus ostendat occultetve, aut media plaga dec'inet, verum dua- LIVRE DEUXIÈME. 35 mence à descendre vers l'horizon, mais environ deux heures .équinoxiales plus tard. Toutes les fois que les corps célestes exercent leur action sur la terre, leur apparition devance l'effet qu'ils produisent, comme nous voyons l'éclair pré- céder le bruit et la chute de la foudre. Les marées de l'Océan couvrent beaucoup plus de terrain que celles des autres mers , soit parcequ’un tout a bien plus de force dans son ensemble que dans une de ses parties, soit parceque son immense surface ressent avec plus d’effi- cacité l’action de la lune, qui exerce sa puissance tout en- tière ; au lieu qu'elle ne trouve point de prise sur des espaces trop resserrés. C’est par cette raison que les lacs et les ri- vières n’éprouvent point ces sortes de mouvements. Pythéas de Marseille (26) rapporte qu’au delà de l'ile de Bretagne la marée monte à la hauteur de quatre-vingts coudées. Les mers méditerfanées sont encloses dans les terres comme dans un port ; cependant il est des lieux où ces mers, plus spacieuses, obéissent à l’action de la lune. Plusieurs exem- ples attestent que , dans un temps calme, et sans faire usage de voiles , des vaisseaux partis d'Italie sont arrivés en trois jours au port d'Utique, à l’aide de la seule marée. Le flux et le reflux sont plus sensibles vers les rivages qu’en haute mer. Observez que la marée n'arrive pas à tous les rivages bus fere horis æquinoctialibus serius : tardiore semper ad terras omnium, quæ geruntur in cœlo, effectu cadente, quam visu, sicuti fulguris, et to- nitrus, et fulminum. Omnes autem æstus in Oceano majora integunt spatia inundantque, quam in reliquo mari : sive quia totum in universitate animosius est quam in parte, sive quia magnitudo aperta sideris vim laxe grassantis efficacius sentit, eamdem angustiis arcentibus. Qua de causa nec lacus, . nec amnes similiter moventur. Octogenis cubitis supra Britanniam intu- mescere æstus Pytheas Massiliensis auctor est. Interiora autem maria terris clauduntur, ut portu. Quibusdam tamen in locis spatiosior laxitas ditioni paret, ut pote quum plura exempla sint, in tranquillo mari nulloque velorum impulsu, tertio die ex Italia provectorum Uticam, æstu ferven'e. Circa littora autem magis quam in alto deprehenduntur hi motus : in ple- 36 EXTRAITS DE PLINE. à la même heure, parceque tous les pays n'ont pas le même méridien ; mais la différence n'est que dans l’époque et non dans la manière, comme on le remarque dans les syrtes. DES MARÉES EXTRAORDINAIRES. Il y a cependant certaines marées d’une nature particu- lière; par exemple, elles sont plus fréquentes dans l’Eu- ripe (27) de Tauromine {aujourd’hui Taormina, entre Messine et Catane) : le flux et le reflux se font sentir en Eubée sept fois en vingt-quatre heures ; et tous les mois ils cessent pen- dant trois jours, le sept, le huit et le neuf de la lune. A Cadix, près du temple d’Hercule , une source, enfoncée en forme de puits, hausse et baisse tantôt en même temps que l'Océan , et tantôt dans un sens opposé. Au même lieu, une autre source suit exactement les mouvements de l'Océan. Sur les bords du Bétis (le Guadalquivir ) est üne ville où les puits baissent quand la mer monte, et montent quand elle descend. Dans les intervalles, ils restent dans le même état. Dans la ville d'Hispalis (Séville), un seul puits a cette pro- priété ; tous les autres n’ont rien d’extraordinaire. Les eaux du Pont coulent toujours dans la Propontide, sans que la mer reflue jamais dans le Pont. risque tamen æstuariis propter dispares siderum in quoque tractu exortus, diversi existunt æstus, tempore, non ratione, discordes, sicut in syr- tibus. C. Et quorumdam tamen privata natura est, velut Tauromenitani Eu - ripi sæpius, et in Eubœa septies die ac nocte reciprocantis. Æstus idem triduo in mense consistit, septima, octava, nonaque luna. Gadibus, qui est delubro Hercutis proximus, fons inclusus ad putei modum, alias simul cum Oceano augetur minuiturque, alias vero utrumque contrariis tempo- ribus. Eodem in loco, alter Oceani motibus consentit. In ripa Bætis oppi- dum est, cujus putei crescente æstu minuuntur, augescunt decedente, mediis temporum immobiles, Eadem natura in Hispali oppido uni puteo, ceteris vulgaris. Et Pontus semper extra meat in Propontidem, introrsus in Pontum nunguam refluo mari. LIVRE DEUXIÈME. 37 MERVEILLES PRODUITES PAR L'UNION DU FEU ET DE L EAU. Exposons quelques unes des merveilles du feu, le qua- trième des éléments. Mais commençons par celles qu’il pro- duit dans les eaux. À Samosate, ville de la Commagène (Syrie), est un étang qui répand sur ses bords un limon brülant qu’on nomme malthe. Lorsque ce limon a touché un corps solide, 1l s’y attache. Vainement on fuirait, 1l ne quitte jamais prise. Ce fut ainsi que les habitants défendirent leur ville assiégée par Lucullus. Le soldat romain était brülé par ses propres armes. L'eau ne fait qu'exciter ce feu. L'expérience apprit qu'on ne peut l’éteindre qu'avec de la terre. Tels sont aussi les effets du naghte (28), espèce de bitume liquide , qui coule aux environs de Babylone et d’Astacène, ville des Parthes. Le naphte a la plus grande affinité avec le feu. Sitôt qu'ils sont en présence, la flamme va le saisir. Médée s’en servit pour brûler sa rivale. Celle-ci s'étant ap- prochée de l'autel pour sacrifier, sa couronne prit feu à l'instant même. Si nous passons aux merveilles des montagnes, l’Eina jette des flammes toutes les nuits; et depuis tant de siècles CWII. Jamque et ignium, quod est naturæ quartum elementum, redlda- mus aliqua miracula. Sed primum ex aquis. CVIII. 104. In Commagenes urbe Samosatis stagnum est, emittens li- mum (maltham vocant) flagrantem. Quum quid attigit solidi, adhæret : præterea tactu sequitur fugientes. Sic defendere muros oppugnante Lu- cullo : flagrabatque miles armis suis. Aquis etiam accenditur. Terra tan- tum restingui docuere experimenta. CIX. 105. Similis est natura naphthæ : ita appellatur circa Babylonem, et-in Astacenis Parthiæ, profluens, bituminis liquidi modo. Huic magna cognatio ignium, transiliuntque protinus in eam undecunque visam. Ita ferunt a Medea pellicem crematam, postquam sacrificatura ad aras acces- serat, corona igne rapta. CX. 105. Verum in montium miraculis, ic Ætna noctibus semper,. 38 EXTRAITS DE PLINE. le feu trouve toujours un aliment dans cette montagne, qui se charge de neiges pendant l'hiver, et qui couvre de glaces les cendres qu’elle a vomies; et ce n’est pas le seul lieu où la nature en fureur menace la terre de la détruire par le feu. Le mont Chiméra, dans la Phasélide, jette des flammes sans interruption et le jour et la nuit. Ctésias de Cnide écrit que l’eau excite ces flammes, et qu’on ne les éteint qu'avec de la terre ou du fumier. Dans la même Lycie, les monts Héphestiens s’enflamment à l’approche d’une torche allumée, au point que les cailloux et les sables même des ruisseaux prennent feu , et ce feu est alimenté par les pluies. Si l’on trace des sillons avec un bâton allumé à cette flamme, on voit aussitôt une traînée de feu suivre ces sillons. Dans la Bactriane, le sommet du Cophante jette des feux pendant la nuit, ainsi que le Sittacène dans la Médie, sur les confins de la Perse. À Suse (Soustet dans le Chusistan ), près de la tour Blanche, les flammes sortent de quinze bouches; la plus orande en jette même pendant le jour. Dans les plaines de Babylone, des feux jaillissent d’une espèce de piscine de la erandeur d’un jugerum. Les campagnes des Éthiopiens , au- près du mont Hespérius, brillent la nuit comme les étoiles. Le territoire de Mégalopolis ( en Arcadie ) offre le même phénomène ; mais ce feu ne fait point explosion : il est agréa- tantoque ævo ignium materia sufficit, nivalis hibernis temporibus, eges- tumque cinerem pruinis operiens. Nec in illo tantum natura sævit, exus- tionem terris denuntians. Flagrat in Phaselide mons Chimæra, et quidem immortali diebus ac noctibus flamma. Ignem ejus accendi aqua, extingui vero terra, aut feno, Cnidius Ctesias tradit. Eadem in Lycia Hephæstii montes, tæda flammante tacti, flagrant adeo, ut lapides quoque rivorum, et arenæ in ipsis aquis ardeant : aliturque ignis ille pluviis. Baculo si quis ex iis accenso traxerit sulcos, rivos ignium sequi narrant. Flagrat in Bac- tris Cophanti noctibus vertex, Flagrat in Medis et Sittacene, confinio Persidis : Susis quidem ad turrim Albam, e quindecim caminis, maximo eorum et interdiu. Campus Babyloniæ flagrat quadam veluti piscina, ju- geri magnitudine. Item Æthiopum juxta Hesperium montem, stellarum modo campi noctu nitent. Similiter in Megalopclitanorum agro : tametsi LIVRE DEUXIÈME. 39 ble, et ne consume point le feuillage d’un bois épais qui couvre ce terrain. Si l’on en croit Théopompe (29), auprès d’une source très froide, le bassin du Nymphée toujours brûlant annonça, par l'extinction de ses feux, les plus grands malheurs aux Apolloniates : sa flamme est encore excitée par les pluies, et il jette un bitume qu’il faut délayer avec l’eau de cette source , qui est impotable. Au reste, c’est le plus liquide de tous les bitumes. Mais voici un phénomène encore plus étonnant : pendant la guerre sociale, Hiéra, l’une des iles Éoliennes sur les côtes d'Italie, s’enflamma, ainsi que les eaux qui l’entouraient : l'incendie dura plusienre 52% Toutefois, le plne grand de wus 168 embrasements est ce- lui d’une montagne des Éthiopiens qu’on nomme @:üv dynux (le char des dieux). Elle lance des flammes que les ardeurs du soleil rendent encore plus brûlantes. En combien de lieux, par combien d’incendies la nature brüle la terre! MERVEILLES DU FEU. Si d’ailleurs on considère que le feu est le plus fécond de tous les éléments, qu’il s’enfante lui-même, qu'une lésère étincelle produit un vaste embrasement, quel effet doit-on attendre de tant de bûchers qui brûlent sur la terre? Quel internus sit ille, jucundus, frondemque densi supra se nemoris non adurens. Et juxta geliäum fontem semper ardens Nymphei crater dira Apollo- niatis suis portendit, ut Theopompus tradidit. Augetur imbribus, egerit- que bitumen, temperandum fonte illo ingustabili : alias omni bitumine dilutius. Sed quis hæc miretur! In medio mari Hiera insula Æolia juxta Italiam cum ipso mari arsit per aliquot dies sociali bello. Maximo tamen ardet incendio Theôn ochema dictum, Æthiopum jugum, torrentesque So- lis ardoribus flammas egerit. Tot locis, tot incendiis rerum natura terras cremat. CXI. 107. Præterea quum sit hujus unius elementi ratio fecunda, seque ipsa pariat, et minimis crescat scintillis, quid fore putandum est in tot rogis terræ! Quæ est illa natura, quæ voracitatem in toto mundo avidis- 40 EXTRAITS DE PLINE. est donc cet élément qui, sans rien perdre de lui-même, fournit par tout l’univers un éternel aliment à l’avidité la plus dévorante? Ajoutons à ces foyers sans nombre la mul- titude infinie des astres, la masse énorme du soleil : ajou- tons tous ces feux allumés par l’industrie humaine, recelés dans les pierres, jaillissant des bois frottés contre les bois, et ceux encore qui forment les éclairs et les tonnerres. Pen- sons aussi que les miroirs concaves enflamment les objets plus facilement encore que tout autre feu. Ah! certes, le plus inconcevable de tous les prodiges , c’est qu'il ait pu ja- mais se passer un seul jour sans que le monde ait péri par = + bsacamentf, Universel. Eratosthène (30), supérieur à tuus les actranomes par l’u- niversalité de ses connaissances, et dont je vois les calculs généralement adoptés, a trouvé que la circonférence de la terre est de deux cent cinquante-deux mille stades, qui, ré- duits en mesures romaines, donnent trente et un millions cinq cent mille pas. Entreprise audacieuse, mais exécutée avec une précision si méthodique, qu’on rougirait d’en contester les résultats. Hipparque, admirable et par la critique qu'il a faite des calculs d’Ératosthène et par une infinité de re- cherches savantes, ajoute à peu près vingt-cinq mille stades. simam sine damno sui pascit! Addantur iis sidera innumera, ingensque sol. Addantur humani ignes, et lapidum quoque insitina‘turæ, attrita inter se ligna, jam nubium et origines fulminum. Excedit profecto omnia mi- racula ullum diem fuisse, quo noncuncta conflagrarent, quum specula quo- que concavra adversa solis radiis facilius etiam accendant, quam ullus alius ignis. Universum autem hunc circuitum Eratosthenes in omnium litterarum subtilitate præter ceteros solers, quem cunctis probari video, ducentorum _Quinquaginta duorum millium stadium prodidit. Quæ mensura Romana computatione efficit trecenties quindecies centena millia passuum. Impro- bum ausum : verum ita subtili argumentatione comprehensum, ut pudeat non credere. Hipparchus et in coarguendo eo, et in reliqua omni diligen- tia mirus, adjicit stadiorum paulo minus quinque et viginti millia. LIVRE SEPTIÈME. 44 LIVRE SEPTIÈME. DE L'HOMME. MISÈRES DE L'HOMME. La nature semble avoir produit tous les autres animaux pour l’homme : mais elle vend bien cher les grands dons qu'elle lui fait; peut-être même est-elle pour lui moins mère que marâtre. D'abord , c’est le seul qu'elle couvre de vête- ments étrangers : elle donne aux autres divers téguments, les tests, les coquilles, le cuir, les piquants, le poil, la soie, le crin, le duvet, la plume, l’écaille, et la laine. Elle a muni les arbres eux-mêmes contre le froid et le chaud, en les en- veloppant d’une écorce quelquefois double. L'homme est le seul qu'au jour de sa naissance elle jette nu sur la terre nue, livré dès cet instant aux cris et aux pleurs. De tant d'êtres vivants, nul autre n’est destiné aux larmes: et ces larmes, il les répand aussitôt qu’il respire : mais le rire, grands LIBER SEPTIMUS. HOMINIS NATURA. I. Hominis causa videtur cunetæ alia genuisse natura, magna sæva mercede contra tanta sua munera : ut non sit satis æstimare, parens me- lior homini, an tristior noverca fuerit. Ante omnia, unum animantium cunctorum alienis velat opibus : ceteris varie tegumenta tribuit, testas, cortices, coria, spinas, villos, setas, pilos, plumam, pennas, squamas, vellera. Truncos etiam arboresque cortice, interdum gemino, a frigoribus et calore tutata est. Hominem tantum nudum, et in nuda humo, natali die abjicit ad vagitus statim et ploratum, nullumque tot animalium aliud 42 EXTRAITS DE PLINE. dieux ! le rire, même précoce, même le plus hâtif, n’éclôt jamais sur ses lèvres avant le quarantième jour (4). À ce triste essai de la lumière succèdent des liens qui en- travent tous ses membres, et dont les bêtes sauvages qui naissent dans nos habitations sont affranchies, du moins en ces premiers moments. Produit sous de si brillants auspices, le voilà donc étendu pieds et mains liés, ce futur domina- teur de tous les autres animaux! Il pleure! Des supplices commencent sa vie, et tout son crime est d’être né. Après un tel début, hélas! quelle démence que de se croire des droits à l’orgueil ! Se trainer sur les genoux et sur les mains est en lui le premier signe de la force et le premier bienfait du temps. Mais quand ce débile quadrupède se dressera-t-il sur ses pieds? quand formera-t-il des sons articulés? quand sa bouche pourra-t-elle broyer les aliments? jusques à quand la palpitation de son crâne attestera-t-elle qu’il est plus fai- ble qu'aucun des animaux ? Déja surviennent les maladies, et cette foule de remèdes inventés pour les guérir, trop sou- vent impuissants eux-mêmes contre des maux inconnus et nouveaux. Avertis par leur instinct, les autres courent, vo- lent ou nagent. L'homme ne sait rien sans le secours de ad lacrymas, et has protinus vitæ principio. At, hercules, risus, præcox ille et celerrimus, ante quadragesimum diem nulli datur. Ab hoc lucis rudimento, quæ ne feras quidem inter nos genitas, vincula excipiunt et omnium membrorum nexus : itaque feliciter natus jacet, manibus pedibusque devinctis, flens, animal ceteris imperaturum : et a suppliciis vitam auspicatur, unam tantum ob culpam , quia natum est. Heu! dementiam ab his initiis existimantium ad superbiam se genitos! Prima roboris spes, primumque temporis munus quadrupedi similem facit. Quando homini incessus! quando vox! quando firmum cibis os? quandiu palpitans vertex, summæ inter cnncta animalia imbecillitatis indicium? Jam morbi, totque medicinæ contra mala excogitatæ, et hæ quoque subinde novitatibus victæ. Cetera sentire naturam suam; alia pernicitatem usurpare, alia præpetes volatus, alia nare : hominem scire nihil sine doctrina, non fari, non ingredi, non vesci : breviterque non aliud LIVRE SEPTIÈME. 43 l'instruction, ui parler, ni marcher, ni se nourrir. Oui, de lui-même il ne sait que pleurer : aussi plusieurs ont-ils pro- noncé que le mieux serait de ne point naïtre (2), ou de ren- trer à l'instant même dans le néant. A lui seul exclusivement ont été réservés le chagrin, le luxe, qui se varie sous des formes sans nombre, et qu'il étale sur toutes les parties de son corps; l'ambition, l’avarice, la passion immodérée de la vie, la superstition, le soin de sa sépulture, et même de ce qui arrivera quand il ne sera plus. Nul animal dont la vie soit plus frêle, les desirs plus effrénés, la peur plus effarée, la rage plus furieuse. Enfin, les autres vivent en paix avec leurs semblables ; nous les voyons se réunir et combattre contre des ennemis d’une es- pèce différente : les lions, malgré leur férocité, n’ont point la guerre avec les lions ; les serpents ne déchirent point les serpents; les poissons même et les monstres de la mer ne sont cruels que pour ceux d’une autre espèce; mais c'est de l’homme, grands dieux ! que l’homme éprouve le plus de maux !{3). On est pénétré de pitié et même de honte lorsqu'on ré- fléchit combien est frèle dans son principe l'existence du plus superbe des animaux, puisqu’une lampe mal éteinte suffit pour que l’homme soit rejeté du sein qui l’a conçu. naturæ sponte, quam fiere. Itaque multiexstitere, qui non nasci optimum censerent, aut quam ocissime aboleri. Uni animantium luctus est datus, uni luxuria, et quidem innumera- bilibus modis, ac per singula membra : uni ambitio, uni avaritia, uni immensa vivendi cupido, uni superstitio, uni sepulturæ cura, atque etiam post se de futuro. Nulli vita fragilior, nulli rerum omnium libido major, nulli pavor confusior, nulli rabies acrior, Denique cetera animantia in suo genere probe degunt : congregari videmus, et stare contra dissi- milia. Leonum feritas inter se non dimicat : serpentium morsus non petit serpentes : ne maris quidem belluæ ac pisces, nisi in diversa gcnera, sæviunt. At, hercules, homini plurima ex homine sunt mala. 7. Miseret atque etiam pudet æstimantem quam sit frivola animalium superbissimi origo, quum plerumque abortus causa fiat odor a lucernarum 44 EXTRAITS DE PLINE. C'est de là que les tyrans, que les bourreaux de lhumanité sont arrivés à la vie. O toi qui te confies dans la force de ton corps, qui embrasses avidement les dons de la fortune, qui penses être, non pas son favori, mais son fils ; toi, dont l'ame ne respire que le meurtre et le carnage ; toi qui, dans l'ivresse d’un vain succès, te crois un dieu, äl fallait si peu de chose pour t’anéantir! Aujourd’hui, il faudrait moins encore : la dent imperceptible d’un reptiie, ou même un grain de raisin sec, comme au poëte Anacréon; un poil avalé dans du lait, comme au sénateur Fabius. Voulez-vous apprécier la vie à sa juste valeur? ne perdez jamais de vue la fragilité humaine. COURAGE A SUPPORTER LA DOULEUR. Grace aux retours fréquents des calamités, des exemples sans nombre ont prouvé à quel point l’homme possède la force de souffrir. Le trait le plus éclatant parmi les femmes est celui de la courtisane Lééna, qui endura la torture sans déclarer les tyrannicides Harmodius et Aristogiton : parmi les hommes, c’est celui d’Anaxarque ; appliqué à la ques- tion pour une cause semblable, il se rendit maïtre de son secret en se coupant la langue avec les dents, et la cracha au visage du tyran. extinctu. His principiis nascuntur tyranni, his carnifex animus. Tu qui Corporis viribus fidis,. tu qui fortûnæ munera amplexaris; et te ne alum- num quidem ejus existimas, sed partum : tu tamen cujus semper tincto- ria est mens, tu qui te deum credis, aliquo successu tumens, tanti perire potuisti : atque etiam hodie minoris potes, quantulo serpentis ictus dente : aut etiam, ut Anacreon poeta, acino uvæ passæ : ut Fabius senator præ- tor, in lactis haustu uno pilo strangulatus. Is demum profecto vitam æqua lance pensitabit, qui semper fragilitatis humanæ memor fuerit. XXIII. 23. Patientia corporis, ut est crebra sors calamitatum, innu- mera documenta peperit. Clarissimum'in feminis, Leænæ meretricis, quæ torta non indicavit Harmodium et Aristogitonem tyrannicidas : in viris , Anaxarchi, qui, simili de causa quum torqueretur, prærosam dentibus lin- guam, unamque spem indicii, in tyranni os exspuit. LIVRE SEPTIÈME. 45 DE LA MÉMOIRE. Il serait difficile de dire quel homme a possédé, au de- gré le plus éminent, la mémoire, de tous les biens le plus nécessaire à la vie. On cite en ce genre une foule d'exemples célèbres. Le roi Cyrus appelait par leurs noms tous les sol- dats de son armée, et L. Scipion, tous les citoyens romains. Dès le lendemain de son arrivée à Rome, Cinéas, ambas- sadeur de Pyrrhus, savait les noms des sénateurs et des chevaliers. Mithridate, roi de vingt-deux nations, leur ren- dit la justice en autant de langues, après les avoir haran- guées toutes sans interprète. Le Grec Charmadas récita mot pour mot, comme en lisant, des ouvrages qu'on avait de- mandés dans une bibliothèque. On a fait un art de la mé- moire. Simonide, poëte lyrique, en fut l’inventeur, et Métrodore le perfectionna. A l’aide de leur méthode on ré- pétait, dans les mêmes termes, tout ce qu’on avait en- tendu. Au surplus, rien de si fragile dans l’homme que la mé- moire. Une maladie, une chute, une peur même, lui por- tent des atteintes funestes. Tantôt elle n’éprouve que des altérations partielles, tantôt elle se perd tout entière. Un homme, frappé d’une pierre, oublia les lettres de l’alpha- XXIV. 24. Memoria, necessarium maxime vitæ bonum, cui præcipua haud facile dictu est, tam multis gloriam ejus adeptis. Cyrus rex omni- bus in exercitu suo militibus nomina reddidit : L. Scipiv, populo Romano: Cineas, Pyrrhi regis legatus, senatui et equestri ordini Romæ, postero die quam advenerat. Mithridates, duarum et viginti gentium rex, totidem linguis jura dixit, pro concione singulas sine interprete adfatus. Char- madas quidam in Græcia, quæ quis exegerat volumina in bibliothecis, legentis modo repræsentavit. Ars postremo ejus rei facta et inventa est a Simonide melico, consummata a Metrodoro Scepsio, ut nihil non iisdem verbis redderetur auditum. Nec aliud est æque fragile in homine, morborum et casus injurias atque etiam metus sentiens, alias particulatim, alias universa. Ictus lapide oblitus est litteras tantum. Ex præalto tecto lapsus, matris et adfinium 46 EXTRAITS DE PLINE. bet; un autre, tombé d’un toit très élevé, ne reconnaissait plus ni sa mère, ni ses alliés, ni ses proches. Une maladie fit perdre à un autre le souvenir de ses esclaves. L’orateur Mes- sala Corvinus oublia son propre nom (4). Quelquefois aussi la mémoire essaie de nous échapper, lors même que le corps est dans un état de repos et de santé. Au moment où le som— meil se glisse dans nos sens, elle nous abandonne tout à coup, en sorte que, la chaîne des idées se trouvant rompue, nous cherchons, avec inquiétude, en quel lieu nous sommes. FORCE DAME. L’ame la plus forte que la nature ait jamais produite me parait avoir été celle de César; et je ne parle pas ici de son coürage, de sa constance, de cette élévation de génie qui embrassait le monde entier, mais seulement de cette: énergie qui lui fut propre, de cette activité qui semblait te- nir de la rapidité de la flamme. On rapporte qu'il écrivait ou lisait en même temps qu’il dictait et qu’il éeoutait ; qu'on l’a vu dicter à ses secrétaires quatre lettres à la fois sur des affaires de la plus haute importance. Il combattit cin- quante fois, enseignes déployées, et seul il.a surpassé Mar- cellus , qui avait livré trente-neuf batailles. Qu'il ait fait périr par ses victoires, mdépendamment des guerres civiles , propingquorumque cepit oblivionem : alius ægrotus, servorum etiam :sui vero nominis Messala Corvinus orator. Itaque sæpe deficere tentat. ac meditatur, vel quieto corpore et valido, Somno quoque serpente ampu- tatur, ut inanis mens quærat ubi sit loci. XXV. Animi vigore præstantissimum arbitror genitum Cæsarem dic- tatorem. Nec virtutem constantiamque nunc commemoro, nec sublimi- tatem omnium capacem quæ cœlo continentur; sed proprium vigorem celeritatemque quodam igne volucrem. Scribere aut legere , simul dictare- et audire solitum accepimus. Epistolas vero tantarum rerum quaternas- pariter librariis dictare : aut, si nihil aliud ageret, septenas. Idem signis collatis quinquagies dimicavit : solus M. Marcellum transgressus, qui undequadragies dimicaverat. Nam præter civiles victorias, undecies cen- tena, et duo nonaginta millia hominum occisa præliis ab eo, non equidem LIVRE SEPTIÈME. 47 ‘onze cent quatre-vingt-douze mille hommes, certes, la né— cessité même eùt-elle été son excuse, cet exécrable attentat contre l'humanité ne peut être un titre de gloire. Lui-même en a fait l’aveu, en ne dénombrant pas les massacres civils. CLÉMENCE ET GRANDEUR DAME. Nous ferons plus justement honneur au grand Pompée d’avoir enlevé aux pirates huit cent quarante-six vaisseaux. Le titre distinctif de César est la clémence : vertu où il n’eut point d’égal, et qui le força au repentir. Il a donné aussi un exemple de magnanimité auquel nul autre ne pourrait être comparé. Faire à ce sujet l’énumération de ses spectacles, de ses largesses, vanter la magnificence de ses édifices, ce serait le langage d’un partisan du luxe. Voici quel est ce trait d'héroïsme incomparable, cette marque non équivoque d’une ame invincible: c’est que les papiers de Pompée avant été pris à Pharsale, et ceux de Scipion à Thapse, il les brüla de bonne foi, sans les avoir lus. FAITS HÉROÏQUES. Rappeler ici tous les titres et les triomphes du grana Pompée, ce n’est pas seulement prouver la supériorité d’un in gloria posuerim tantam, etiam coactam, humani generis injuriam : quod ita esse confessus est ipse, bellorum civilium stragem non pro- -dendo. XXVI. Justius Pompeio Magno tribuatur DCCCXLvI naves piratis ade- misse : Cæsari proprium et peculiare sit, præter supra dicta, clementiæ insigne : qua usque ad pœnitentiam omnes superavit. Idem magnanimi- tatis perhibuit exemplum, cui comparari non possit aliud. Spectacula enim edita effusasque opes, aut operum magnificentiam in hac parte enu- merare, luxuriæ faventis est. Illa fuit vera et incomparabilis invicti animi sublimitas, captis apud Pharsaliam Pompeii magni scriniis episto- larum , iterumque apud Thapsum Scipionis, concremasse ea optima fide, atque non legisse. XXVII. 26. Verum ad decus imperii Romani, non solum ad viri unius pertinet victoriam, Pompeii magni titulos omnes, triumphosque hoc im 48 EXTRAITS DE PLINE. homme, c’est étendre la gloire de l’empireromain, puis- que ses brillants exploits ont égalé ceux d'Alexandre , pour ne pas dire ceux même d’Hercule et de Bacchus. Après avoir repris la Sicile, où 1l signala son début dans la carrière po- litique en servant la cause de Sylla ; après avoir soumis et réduit l’Afrique entière, conquête qui lui valut le nom de Grand, il entra dans Rome en triomphe, quoique simple chevalier : ce qui jusqu'alors avait été sans exemple. Aussi- tôt il passe en Occident : il érige des trophées sur les Py- rénées, y fait graver qu'il a réduit en son pouvoir huit cent soixante et seize villes, depuis les Alpes jusqu'aux frontières de l’Espagne ultérieure, et se montre encore plus grand en ne parlant pas de Sertorius. La guerre civile, qui excitait toutes les guerres étrangères , étant éteinte, le char triom- phal le porte une seconde fois dans Rome, simple chevalier, tant de fois général avant que d’être soldat. Envoyé ensuite - sur toutes les mers, et de là dans l'Orient, il fit hommage de sa gloire à sa patrie, suivant l’usage qui s’observe aux jeux sacrés. Les vainqueurs n’y sont pas couronnés eux- mêmes, mais ils couronnent leur cité natale. Pompée ren- voya donc l’honneur de ses exploits à la république, en pla- çant cette inscription dans le temple qu'il bâtit à Minerve du produit des dépouilles : « Pompée le Grand, général des Joco nuncupari : æquato non modo Alexandri Magni rerum fulgore, sed etiam Herculis prope ac Liberi patris. Igitur Sicilia recuperata, unde pri- mum, Sullanus in reipublicæ causa exoriens, auspicatus est : Africa vero tota subacta et in ditionem redacta, Magnique nomine in spolium inde capto, eques Romanus {id quod antea nemo) curru triumphali revectus est, et statim ad solis occasum transgressus, excitatis in Pyrenæo tro- pæis, oppida sex septuaginta et octingenta ab Alpibus ad fines Hispaniæ ulterioris in ditionem redacta victoriæ suæ adscripsit, et majore animo Sertorium tacuit : belloque civili {quod omnia externa conciebat) extincto, iterum triumphales currus eques Romam induxit, toties imperator, ante- quam miles. Postea ad tota maria, et deinde solis ortus missus, hos retulit patriæ titulos, more sacris certaminibus vincentium. Neque enim ipsi coronantur, sed patrias suas coronant. Hos ergo honores Urbi tribuit in LIVRE SEPTIÈME. 49 » armées romaines (5), après avoir terminé une guerre de » trente ans ; après avoir défait, mis en fuite, tué ou forcé » à se rendre douze millions cent quatre-vingt-trois mille » hommes, coulé à fond ou pris huit cent quarante-six vais- » Seaux, reçu à Composition quinze cent trente-huit villes » et Châteaux, soumis tous les pays depuis le lac Méotis » jusqu'à la mer Rouge, acquitte le vœu qu'il a fait à Mi- » nerve. » Tel est l'exposé sommaire de ses exploits dans l'Orient. Voici l'inscription du triomphe dont il fut honoré le troisième jour avant les calendes d'octobre, sous le con- sulat de Pison et de Messala : « Après avoir délivré les pro- » vinces maritimes des incursions des pirates, et restitué » l'empire de la mer au peuple romain , Pompée a triomphé » de l'Asie, du Pont, de l’Arménie, de la Paphlagonie, de » la Cappadoce, de la Cilicie, de la Syrie, des Scythes, » des Juifs, des Albaniens, de l’Ibérie, de l'ile de Crète, » des Basternes, enfin des rois Mithridate et Tigrane. » Et, parmi tant de hauts faits, ce qui mettait le comble à sa gloire, comme il le dit lui-même dans une assemblée où il rendit compte de tout ce qu'il avait fait, c’est que l'Asie, province frontière (6) alors qu’elle lui fut confiée, était de- venue centrale quand il la remit à sa patrie. Si, d'un autre delubro Minervæ, quod ex manubiis dicabat. CN. POMPEIUS MAGNUS IMP. BELLO XXX. ANNORUM CONFECTO , FUSIS, PUGATIS, OCCISIS, IN DEDITIONEM ACCEPTIS, HOMINUM CENTIES VICIES SEMEL LXXXIII. M. DE- PRESSIS AUT CAPTIS NAVIBUS DCCCXLVI OPPIDIS, CASTELLIS MDXX XVIII. IN FIDEM RECEPTIS : TERRIS À MÆOTIS LACU AD RUBRUM MARE SUBAC- TIS, VOTUM MERITO MINERVÆ. Hoc est breviarium ejus ab Oriente. « Triumphi vero, quem duxit ante diem tertium kalendas octobres, … M. Pisone, M. Messala consulibus, præfatio hæc fuit : CUM ORAM MARI- TIMAM A PRÆDONIBUS LIBERASSET, ET IMPERIUM MARIS POPULO ROMANO RESTITUISSET : EX ASIA, PONTO, ARMENIA, PAPHLAGONIA, CAPPADOCIA , CITICIA, SYRIA , SCYTHIS, JUDÆIS, ALPBANIS, IBERIA , INSULA CRETA, BASTERNIS, ET SUPER HÆC DE REGIBUS MITHRIDATE ATQUE TIGRANE TRIUMPHAVIT. Summa summarum in illa gloria fuit (ut ipse in concione dixit , cum de rebus suis dissereret}, Asiam ultimam provinciarum acce— + 20 EXTRAITS DE PLINE. côté, l’on voulait détailler de la même manière les exploits de César, qui a paru plus grand que Pompée, il faudrait dénombrer tous les pays de la terre : ce qui serait sans fin. TROIS GRANDES QUALITÉS RÉUNIES CHEZ UN SEUL HOMME. Beaucoup se sont illustrés par d’autres vertus. Le pre- mier de la famille Porcia qui ait porté le nom de Caton a passé pour avoir réuni au suprème degré les trois genres de mérite les plus éminents dans un homme. Il fut à la fois excellent orateur, excellent général, excellent sénateur : toutes ces qualités, Scipion Émilien ne les eut pas le pre- mier; mais je pense qu'elles brillèrent en lui avec plus d’é- clat. D'ailleurs, ïl ne fut point en butte à cette haine de tant de citoyens, qui fatigua la vie de Caton. Voiei donc le trait distinctif de ce dernier : c’est qu'il plaida quarante- quatre fois pour lui-même; que nul autre ne fut plus sou- vent accusé , et que toujours il fut absous (7). COURAGE MERVEILLEUX. Quei homme s’est le plus signalé par sa valeur? Cette f : question exigerait des recherches immenses , surtout si l’on admettait les fables des poëtes. Ennius, plein d’admiration ‘pisse, eamdemque mediam patriæ reddidisse. Si quis e contrario simili ©? modo velit percensere Cæsaris res , qui major illo apparuit, totum pro- ne terrarum orbem erumerct : quod infinitum esse conveniet. XX VIII. 27. Ceteris virtutum generibus varie et multi fuere præ- stantes. Cato primus Porciæ gentis tres summas in homine res præstitisse existimatus, ut esset optimus oratcr, optimus imperator, optimus sena- tor : quæ mihi omnia, etiamsi non prius, attamen clarius fulsisse in Sci- pione Æmiliano videntur, dempto præterea plurimorum odio, quo Cato laboravit. Itaque sit proprium Catonis, quater et quadragies causam dixisse, nec quemquam sæpius postulatum, et semper absolutum. XXIX. 28. Fortitudo in quo maxime exstiterit, immensæ quæstionis €st, utique si recipiatur poetica fabulositas. Q. Ennius Cæcilium Dentrem LIVRE SEPTIÈME. 51 pour Cécilius Denter et pour son frère, ajouta en leur hon- neur un seizième livre à ses Annales. Siccius Dentatus, qui fut tribun du peuple sous le consulat de Tarpéius et d’Até- rius, peu après l’expulsion des rois, réunit des titres infi- niment nombreux. Il se trouva à cent vingt batailles, et sortit vainqueur de huit combats singuliers : il portait sur sa poitrine les cicatrices honorables de quarante-cinq bles- sures : jamais il ne fut blessé par derrière. De plus, il en- leva trente-quatre dépouilles, reçut, pour prix de son cou- rage, dix-huit piques sans fer, vingt-cinq hausse-cols, quatre-vingt-trois colliers, cent soixante brasselets, vingt- six couronnes, quatorze civiques, huit d’or, trois murales et une obsidionale, dix mille as, et vingt bœufs prélevés sur le butin. Il suivit le triomphe de huit généraux , qui lui devaient la plus grande partie de leurs victoires ; et, ce qui me semble le premier de tous ses hauts faits, il dénonça au peuple un de ses généraux, Titus Romilius , à la fin de son consulat, et le convainquit d’avoir mal usé du commande- ment. { Les exploits guerriers de Manlius Capitolinus ne seraient pas moins grands, si la fin de sa vie n’en avait détruit tout le mérite. Avant sa dix-septième année, il avait enlevé fratremque ejus præcipue miratus, propter eos sextum decimum adjecit annalem. L. Siccius Dentatus, qui tribunus plebis fuit, Sp. Tarpeio, A. Aterio consulibus, haud multo post exactos reges, vel numerosissima suffragia habet, centies vicies præliatus, octies ex provocatione victor, quadraginta quinque cicatricibus adverso corpore insignis, nulla in tergo. Item spolia cepit quatuor et triginta, donatus hastis puris duodeviginti, phaleris quinque et viginti, torquibus tribus et octoginta, armillis centum et sexaginta, coronis sex et viginti, civicis quatuordecim, aureis octo, muralibus tribus, obsidionali una, fisco æris decem, captivis et viginti simul bubus , imperatores novem ipsius maxime opera trimphantes secu- tus: præterea {quod optimum in operibus ejus reor) uno ex ducibus T, Romilio ex consulatu ad populum convicto male acti imperii. Rei militaris haud minora forent Manlii Capitolini decora, ni perdidis- set illa exitu vitæ, Ante decimum septimum annum bina ceperat spolia. 52 EXTRAITS DE PLINE. deux dépouilles : le premier des chevaliers, il avait obtenu la couronne murale, six couronnes civiques, trente-sept récompenses militaires, reçu vingt-trois blessures par de- vant, sauvé Sulpicius, maître de la cavalerie, quoique blessé lui-même à l'épaule et à la cuisse. Seul il avait sauvé le Capitole, et avec lui l'état entier ; ce qui serait au-dessus de tout, s’il ne l’avait sauvé pour s’y faire roi. Au reste, dans toutes ces actions la valeur fit beaucoup; mais la for- tune fit encore plus. Nul, ce me semble, ne peut être préféré à Sergius , quoi- que Catilina, son arrière-petit-fils, flétrisse ce beau nom. À sa seconde campagne, il perdit la main droite : en deux campagnes, il fut blessé vingt-trois fois, et réduit à ne pou- voir presque plus faire usage de son autre main ni de ses pieds ; il n'avait qu’un seul esclave, et cependant, tout mu- lé qu’il était (8), 1l servit encore un grand nombre d'années. Prix deux fois par Annibal ( car il n’eut pas à lutter contre un ennemi vulgaire ), il s'échappa deux fois, après une cap- tivité de vingt mois, n'ayant pas été un seul jour sans être enchainé, ou sans avoir les fers aux pieds. Il combattit quatre fois avec la seule main gauche, et il eut deux che- vaux tués sous lui. Il se fit attacher au bras droit une main Primus omnium eques muralem acceperat coronam, sex civicas, septem et triginta done, tres et viginti cicatrices adverso corpore exceperat : P. Servilium magistrum equitum servaverat, ipse vulneratus humerum ac femur. Super omnia, Capitolium summamque rem in eo solus a Gaillis servavyerat, si non regno suo servasset. Verum sunt in his quidem virtutis opera mägna, sed majora fortunæ. M. Sergio, ut quidem arbitror, nemo quemquam hominum jure prætu- lerit, licet pronepos Catilina gratiam nomini deroget. Secundo stipendio dexteram manum perdidit : stipendiis duobus ter et vicies vulneratus est : ob id neutra manu, neutro pede satis utilis : uno tantum servo, plurimis postea stipendiis debilis miles. Bis ab Annibale captus (neque enim curn quolibet hoste res fuit}, bis vinculorum ejus profugus, viginti -Mensibus nullo non die in catenis aut compedibus custoditus. Sinistra Manu sola quater pugnavit, duobus equis insidente eo suffossis. Dexte- LIVRE SEPTIÈME. 53 de fer, et ce fut avec cette main qu'il combattit lorsqu'il délivra Crémone , défendit Plaisance, et força douze camps aux ennemis dans la Gaule. Tous ces détails se trouvent dans le discours qu’il prononça, lorsqu'étant préteur ses collècues prétendaient l’exclure des sacrifices sous prétexte qu'il était mutilé. Donnez-lui d’autres ennemis à combattre, quel amas de couronnes il aurait accumulé! En effet, 1l importe de savoir en quelles circonstances chaque guerrier a signalé sa valeur. Or, quelles couronnes civiques furent obtenues aux journées de la Trébie, du Tésin, de Trasy- mène ! Quelle sorte de couronnes fut méritée à Cannes, où le comble de la valeur fut d’avoir échappé à l'ennemi ? Certes , les autres ont vaincu des hommes, Sergius a vaincu même la fortune. GÉNIES ILLUSTRES. Qui pourrait décerner la palme du génie, et prononcer entre cette multitude immense de talents et de chefs-d'œu- vre de toute espèce? à moins que l’on ne convienne que nul n'a été plus heureux que le poëte grec, soit par le suc- cès , soit par le sujet de ses ouvrages. Alexandre (car une question aussi hardie ne peut être décidée que par des suf- frages illustres, et les grands hommes ne sont bien jugés ram sibi ferream f:cit, eaque religata præ'iatus, Cremonam obsidione exemit, Placentiam tutatus est : duodena castra hostium in Gallia cepit : quæ omnia ex oratione ejus apparent, habita cum in prætura sacris arce- retur a collegis, ut debilis. Quos hic coronarum acervos constructurus hoste mutato? Etenim plurimum refert, in quæ cujusque virtus tempora inciderit. Quas Trebia, Ticinusve, aut Trasymenus civicas dedere! Quæ Cannis corona merita! unde fugisse virtutis summum opus fuit. Ceteri profecto victores hominum fuere, Sergius vicit etiam fortunam. XXX. 29. Ingeniorum gloriæ quis possit agere delcctum, per tot dis- ciplinarum genera, et tantam rerum operumque varietatem! nisi forte Homero rate Græco nullum felicius exstitisse convenit, sive operis for- tina, sive materia æstimetur. Itaque Alexander Magnus {etenim insi- gnibus judiciis optime, citraque invidiam, tam superba censura pera- 54 EXTRAITS DE PLINE. que par leurs pairs) ; Alexandre, dis-je, avait trouvé parmi les dépouilles de Darius une boîte de parfums enrichie d’or, de perles et de pierreries. Ses courtisans lui en montraient les différents usages. Mais qu'était-ce que des parfums pour un roi soldat et couvert de poussière? Ah !.dit-il, renfer- mons-y plutôt les poésies d’'Homère. Il voulait que le plus riche ouvrage de l’art conservât l’ouvrage le plus précieux de l'esprit humain. A la prise de Thèbes, ce prince ordonna que la famille et la maison de Pindare fussent épargnées. Il rebâtit la patrie d’Aristote, et cet hommage généreux ré- pandit un nouvel éclat sur les travaux du philosophe. SAGES FAMEUX. Denys le tyran, qui n'était d’ailleurs qu'un monstre d’or- gueil et de cruauté, envoya au-devant du sage Platon un vaisseau décoré de bandelettes. Il le reçut lui-même au ri- vage, sur un char attelé de chevaux blancs. Isocrate vendit un seul discours vingt talents (108,000 fr.). Eschine, cé- lèbre orateur d'Athènes, avait lu aux Rhodiens son accusa- tion contre Ctésiphon ; il lut ensuite la harangue de Démo- sthène, celle même qui l'avait fait condamner à l'exil. Comme ils étaient frappés d’admiration : « Que serait-ce, leur dit-il, getur) inter spolia Darii Persarum regis unguentorum scrinio capto, quod erat auro gemmisque ac margaritis pretiosum, varios ejus usus amicis demonstrantibus |{quando tædebat unguenti bellatorem et militia sordidum } : « Immo hercule, inquit, librorum Homeri custodiæ detur : » ut pretiosissimum humani animi opus quam maxime diviti opere serva- retur. Item Pindari vatis familiæ penatibusque jussit parci, cum Thebas caperet. Aristotelis philosophi patriam condidit, tantæque rerum claritati tam benignum testimonium miscuit. XXXI. 30. Platoni sapientiæ antistiti Dionysius tyrannus, alias sævi- tiæ superbiæque natus, vittatam navem misit ob1iam : ipse quadrigis albis egredientem in littore excepit. Viginti talentis unam orationem Isocrates vendidit. Æschines Atheniensis summus orator, cum accusatio- nem, qua fuerat usus, Rhodiis legisset, lezit et defensionem Demosthenis, qua in illud pulsus fuerat exilium : mirantibusque, « tum magis fuisse LIVRE SEPTIÈME. 55 » si vous l'aviez entendu lui-même ! » Témoignage bien fort dans la bouche d’un ennemi malheureux. Thucydide avait été banni comme général ; il fut rappelé comme historien. Les Athéniens avaient puni sa lcheté, ils honorèrent son éloquence. Les rois d'Égypte et de Macédoine rendirent un grand hommage au poëte Ménandre, lorsqu'ils lui envoyè- rent une flotte et une députation pour l’inviter à vemir à leur cour : mais il se rendit un plus grand hommage à lui- même , en préférant la jouissance des lettres à la faveur des TOIS. Les grands de Rome ont honoré aussi le génie, même dans les étrangers. Pompée, après avoir terminé la guerre contre Mithridate, alla rendre visite à Posidonius, célèbre par ses lecons de philosophie. Près d'entrer, il défendit au licteur de frapper de sa baguette, selon l’usage, et celui qui avait vu l'Orient et l'Occident à ses pieds baissa ses faisceaux devant la porte d’un savant. _ Dans le temps de cette députation célèbre des trois phi- losophes athéniens , Caton le censeur, ayant entendu Car- néade, epina que l’on devait les renveyer au plus tôt : parce- que les raisonnements subtils de cet étranger rendaient la vérité problématique. Quelle révolution dans les mœurs: Ce même Caton persista toujours à soutenir que tous les »miraturos dixit, si ipsum orantem audivissent : » in calamitate testis ingens factus inimici. Thucydidem imperatorem Athenienses in exilinm egere, rerum conditorem revocavere, eloquentiam mirati, cujns virtutem damnaverant. Magnum et Menandro in comico sccco testimoninm regum Ægypti et Maced niæ contigit, classe et per legatos petito : majus ex ipso, regiæ fortunæ prælata litterarum conscientia. Perhibuere et Romani proceres etiam exteris testimonia. Cn. Pompeius, confecto Mithridatico bello , intraturus Posidonii sapientiæ professione “lari domum, fores percuti de more a lictore vetuit : et fasces litterarum januæ submisit is cui se Oriens Occidensque submiserat. Cato cersorius, in illa nobili trium sapientiæ procerum ab Athenis legativne, audito Carneade, quamprimum legatos eos censuit Gimittendos, -quoniam illoviro argumentante, quid veri esse: haud facile discerni possit. 26 EXTRAITS DE PLINE. Grecs, sans exception, devaient être expulsés de l'Italie ; et son arrière-petit-fils, Caton d’Utique, amena un philo- sophe grec avec lui, quand il revint de l’armée : il en amena un second, au retour de sa légation en Cypre. C’est un fait remarquable, que la langue grecque ait été proscrite par l’un des Catons, et introduite par l’autre. Mais parlons aussi des honneurs rendus à nos compatriotes. Le premier des Scipions ordonna que la statue d'Ennius fût placée sur son tombeau, et que son dernier monument offrit le nom d'un poëte à côté de ce surnom glorieux, prix de la conquête d'une des trois parties de la terre. Auguste, sans égard pour le testament de Virgile, dé- fendit qu’on brülât son poëme : et cette défense fut pour le poëte un suffrage plus imposant que n’eût été l : : es qu’il aurait donnée lui-même à son ouvrage. Varron est le seul homme vivant dont la statue ait été posée dans la bibliothèque bâtie à Rome par les soins d’Asi- nius Pollion, et la première de l’univers qu’on ait rendue publique. Cette distinction accordée à lui seul dans un siècle si fertile en génies, et par un homme qui tenait lui-même le premier rang et comme orateur et comme citoyen, ne lui fait pas moins d'honneur, à mon gré, que la couronne Quanta morum commutatio! Ille semper alioquin universos ex Italia pel- lendos censuit Græcos : at pronepos ejus Uticensis Cato, unum ex tribu- natu militum philosophum, alterum ex Cypria legatione deportavit. Eam- demque linguam ex duobus Catonibus, in illo abjecisse, in hoc importasse, memorabile est. Sed.et nostrorum gloriam percenseamus. Prior Africanus Q. Ennii statuam sepulcro suo imponi jussit : clarumque illud nomen, immo vero spolium ex tertia orbis parte raptum, in cinere supremo cum poetæ titulo legi. Divus Augustus carmina Virgilii cremari contra testamenti ejus vere- cundiam vetuit : majusque ita vati testimonium contigit, quam si ipse sua probavisset. M. Varronis in bibliotheca, quæ prima in orbe ab Asinio Pollione ex manubiis publicata Romæ est, unius viventis posita imago est : haud minore {ut equidem reor) gloria, principe oratore et cive, ex illa ingeuio- LIVRE SEPTIÈME. 57 navale qu’il reçut du grand Pompée dans la guerre des pi- rates. Si Je voulais suivre ce détail, les exemples seraient innombrables chez les Romains, puisque ce peuple à lui seul produit plus d'hommes supérieurs en tout genre, que n’en ont jamais enfanté toutes les autres nations du monde. Toutefois, 6 Cicéron! puis-je, sans crime, passer ton nom sous silence ? et que célébrerai-je comme le titre distinctif de ta gloire? Mais en est-il qu’on puisse préférer au témoi- gnage universel du peuple-roi, aux seules actions qui, sans compter les autres merveilles de ta vie entière, ont signalé ton consulat? Tu parles, et les tribus renoncent à la loi agraire, c'est-à-dire à leurs besoins : tu conseilles, elles pardonnent à Roscius sa loi théâtrale, et consentent à des distinctions humiliantes : tu pries, et les enfants des pro- scrits rougissent de prétendre aux honneurs. Catilina fuit devant ton génie : ta voix proscrivit Marc-Antoine. Je te salue, Ô toi qui le premier fus nommé père de la patrie (9); toi qui le premier méritas le triomphe sans quitter la toge, et le premier obtins la victoire par les seules armes de la parole : toi, le père de l’éloquence et des lettres latines : toi , enfin (et ton ancien ennemi, le dictateur César, l’a écrit lui-même), toi qui as remporté un triomphe d'autant plus rum, quæ tunc fuit, multitudine, uni hanc coronam dante, quam cum eidem Magnus Pompeius piratico ex bello navalem dedit. Innumerabilia deinde sunt exempla Romana, si persequi libeat : cum plures una gens in quocunque genere eximios tulerit, quam ceteræ terræ. Sed et quote, M. Tulli, piaculo taceam! quore maxime excellentem insigni prædicem ? quo potius, quam universi populi illius gentis amplis- simo testimonio, ete tota vita tua consulatus tantum operibus electis! Te dicente, legem agrariam, hoc est, alimenta sua abdicaverunt tribus : te suadente, Roscio theatralis auctori legis ignoverunt, notatasque se discrimine sedis æquo animo tulerunt : te orante, proscriptorum liberos honores petere puduit : tuum Catilina fugit ingenium : tu M. Antonium proscripsisti. Salve primus omnium parens patriæ appellate, primus in toga triumphum linguæque lauream merite, et facundiæ Latiarumque litterarum parens : atque (ut dictator Cæsar, hostis quondam tuus, de 58 EXTRAITS DE PLINE. F solennel, que d'agrandir à ce point les limites du génie est un bien plus ‘grand succès que d’avoir, par la réunion de tous les autres talents, reculé les bornes de l'empire. Plusieurs ont surpassé en sagesse tous les autres hommes. Tels furent, chez les Romains, ceux qu’on surnomma Catus et Corculus. Tel fut, chez les Grecs, Socrate , que l’oracle d’Apollon Pythien déclara le plus sage des mortels. PRÉCEPTES LES PLUS UTILES À LA WIE. Les hommes ont élevé au rang des oracles Chilon de La- cédémone , en consacrant à Delphes trois maximes de lui, qui furent gravées en lettres d’or (10). Les voici: Se connaître soi-même : Ne rien desirer de trop : La misère est la com- pagne des dettes et des procès. Il mourut de joie en appre- nant la victoire de son fils à Olympie, et la Grèce entière suivit ses funérailles. L'HOMME RECONNU LE PLUS VERTUEUX. Scipion Nasica est le seul au monde que le sénat ait dé- claré sous serment le plus honnête homme de son siècle : et ce même Scipion, se présentant au nombre des candi- dats, essuya deux fois la honte d’un refus. Que dis-je ? 1l te scripsit) omnium triumphorum lauream adepte majorem, quanto plus est, ingenii Romani terminos in tantum promovisse, quam imperii, reliquis animi bonis. | 81. Præstitere ceteros mortales sapientia, ob id Cati, Corculi , apud Romanos cognominati. Apud Græcos Socrates, oraculo Apollinis Pythii prælatus cunctis. XXXIT. 32. Rursus mortales oraculorum societatem dedere Chiloni Lacedæmonio, tria præcepta ejus Delphis consecrando aureis litteris, quæ sunt hæc : « Nosse se quemque : et nihil nimium cupere : comitemque » æris alieni atque litis, esse miseriam.» Quin et funus ejus, cum, victore filio Olympiæ, expirasset gaudio, tota Græcia prosecuta est. XXXIV. 31. Vir optimus semel a condito ævo judicatus est Scipio Nasica, a jurato senatu. Idem in toga candida bis repulsa notatus a po- 39 0" LIVRE SEPTIÈME. ne lui fut point permis de mourir dans sa patrie. C’est ainsi que Socrate, proclamé par Apollon le plus : sage des mor- tels, termina sa vie dans les fers. NOMS DES FEMMES LES PLUS CÉLÈBRES. * Sulpicia, fille de Paterculus , épouse de Fulvius Flaccus, est la seule que la commune voix de ses contemporains ait jugée la plus chaste des femmes. Parmi les cent Romaines dont on avait fait choix, elle fut élue pour dédier la statue de Vénus, d’après l'ordre des livres sibyllins. La sagesse de Claudia fut déclarée par un jugement du ciel, lorsqu'elle fit entrer la mère des dieux dans Rome. EXEMPLES REMARQUABLES D AFFECTION NATURELLE. Sans doute on a vu par tout l’univers des traits sans nombre de tendresse et de sensibilité : mais Rome nous en offre un exemple qui efface tous les autres. Une femme de la dernière classe, et partant inconnue , était nouvelle- ment accouchée , lorsque sa mère fut condamnée à mourir de faim. Elle obtint la liberté d'entrer dans la prison. Le geôlier la fouillait chaque fois, de peur qu'elle n’apportât quelques aliments. Il la surprit un jour allaitant sa mère (11). Frappés d’admiration, les magistrats accordèrent la grace pulo. In summa, ei in patria mori non licuit : non hercules magis, quam extra vincula illi sapientissimo ab Apolline judicato Socrati. XXXV. 35. Pudicissima femina semel, matronarum sententia, judi- cata est Suipicia , Paterculi filia, uxor Fulvii Flacci : electa ex centum præceptis, quæ simulacrum Veneris ex sibyllinis libris dedicaret. Iterum, religionis experimento, Claudia, inducta Romam deum matre. XXXVI. 36. Pietatis exempla infinita quidem toto orbe exstitere : sed Romæ unum, cui comparari cuncta non queant. Humilis in plebe, et ideo ignobilis puerpera, supplicii causa carcere inclusa matre, cum impetras- set aditum, a janitore semper excussa , ne quid inferret cibi, deprehensa est uberibus suis alens eam. Quo miraculo, matris salus donata pietati est, ambæque perpetuis alimentis, et locus ille eidem consecratus deæ, 60 EXTRAITS DE PLINE. de la mère à la tendresse de la fille, et toutes deux furent nourries le reste de leurs jours aux dépens du public. Le lieu fut consacré à la Piété. Sous le consulat de Quintius et d’Acilius, on bâtit le temple de cette déesse sur l’emplace- ment même de la prison, dans l’endroit où nous voyons au- jourd’hui le théâtre de Marcellus. Deux serpents avaient été pris dans la maison du père des Gracques ; les aruspices consultés répondirent que ce serait lui qui vivrait, si on tuait la femelle. « Tuez le mâle, s’écria-t-il ; Cornélie est jeune, » et peut encore être mère. » C'était tout à la fois épargner sa femme et servir la république. La prédiction fut accom- plie peu de temps après. M. Lépidus mournt du chagrin que lui causa son divorce avec Apuléia sa femme. P. Rutilius, légèrement indisposé, expira tout à coup en apprenant qu’on avait refusé le consulat à son frère. P. Catiénus était si fort attaché à son patron, qu’étant institué héritier de tous ses biens, il se jeta dans son bücher. DU BONHEUR LE PLUS GRAND. Il n’appartient point à l’homme de décider quel a été le mortel le plus heureux , puisque chacun définit le bonheur à sa manière, et selon qu'il est affecté lui-même. Si nous voulons porter un jugement vrai, et prononcer sans rien C. Quinctio, M’. Acilio coss. templo Pietatis exstructo in illius carceris sede, ubi nunc Marcelli theatrum est. Gracchorum pater, anguibus pre- hensis in domo, cum responderetur , « ipsum victurum alterius sexus » interempto : — Immo vero, inquit, meum necate : Cornelia enim juve- » nis est, et parere adhuc potest. » Hoc erat uxori parcere, et reipublicæ consulere, Idque mox consecutum est. M. Lepidus Apuleiæ uxoris cari- tate post repudium obiit. P. Rutilius morbo levi impeditus, nuntiata fratris repulsa in consulatus petitione, illico exspiravit. P. Catienus Plotinus patronum adeo dilexit, ut heres omnibus bonis institutus, in rogum ejus se jaceret. XLI. 40. Felicitas cui præcipua fuerit homini non est humani judicii, cum prosperitatem. ipsam alius alio modo, et suopte ingenio quisque ter- minet. Si verum facere judicium volumus, ac repudiata omni fortunæ am- LIVRE SEPTIÈME. 61 donner aux séductions de la fortune, nul mortel n’est heu- reux. Celui de qui l’on peut dire qu'il n’est pas malheureux doit se louer de son sort : la fortune l’a traité avec indul- gence. Car, sans parler du reste, il est à craindre au moins qu'elle ne se lasse ; et cette crainte une fois admise, plus de bonheur solide. D'ailleurs, nul homme n'est sage à tous les instants. Plüt au ciel que le grand nombre des mortels irouvât dans sa conscience de quoi démentir cet oracle! L’humanité faible, et ingénieuse à s’abuser elle-même, cal- cule à la manière des Thraces, qui jettent dans une urne des cailloux noirs ou blancs, selon ce qu’ils ont éprouvé chaque jour. A leur mort, on sépare ces cailloux, on les compte, et l’on prononce. Mais le jour dont le bonheur est attesté par une pierre blanche n’a-t-il pas été lui-même la cause de quelque malheur ? Combien d'hommes écrasés par le pouvoir qu'ils avaient accepté! Combien d'hommes per- dus et précipités dans les supplices par leurs propres biens ! car c'est ainsi qu'ils nomment les objets dont la possession a pu leur donner une heure de joie.,Ainsi donc, les jours sont jugés l’un par l’autre ; et cependant le dernier décide de tous : ce qui prouve que tous doivent être récusés. Ajou-- tons que, le nombre füt-il égal, 1l n’y a point de parité entre bitione decernere, mortalium nemo.est felix. Abunde agitur, atque indul- gente fortuna deciditur cum eo, qui jure dici non infelix potest, Quippe, ut alia non sint, certe ne lassescat fortuna metus est : quo semel recepto, solida felicitas non est. Quid quod nemo mortalium omnibus horis sapit! utinamque falsum hoc, et non a vate dictum quam plurimi judicent! Vana mortalitas, et ad circumscribendum seipsam ingeniosa, computat more Thraciæ gentis : quæ calculos colore dictinctos, pro experimento cujusque diei,in urnam condit, ac supremo die separatos dinumerat, atque ita de quoque pronuntiat. Quid quod iste calculi candore illo lau- datus dies originem mali habuit! Quam multos accepta adflixere imperia! -quam multos bona perdidere , et ultimis mersere suppliciis! ista nimirum -bona, si cui inter illa hora in gaudio fuit. Ita est profecto , alius de alio judicat dies, et tamen supremus de omnibus : ideoque nullis credendum est. Quid quod bona malis paria non sunt, ctiam pari numero : nec læ- 62 EXTRAITS DE PLINE. les biens et les maux : nul plaisir ne peut contre-balancer le chagrin le plus léger. O recherche vaine et insensée ! on compte les jours, lorsqu’il faudrait les peser ! RARETÉ DE LA CONTINUATION DU BONHEUR DANS UNE MÊME FAMILLE. On ne trouve, dans toute la suite des siècles, que la seule Lampido, ue de Lacédémone, qui ait été fille, femme et mère de rois (12). La seule Bérénice a été fille, sœur et mère de vainqueurs aux jeux olympiques. La famille des Curions a seule produit trois orateurs de père en fils, et celle des Fabius a seule donné de suite trois princes du sé- nat, Fabius Ambustus, Fabius Rullianus son fils, et Fabius es son petit-fils. EXEMPLES REMARQUABLES DES VICISSITUDES DE LA FORTUNE. Les exemples des révolutions de la fortune sont innom- brables. En effet, ses faveurs ne sont-elles pas presque tou- jours une suite de ses disgraces? et ses disgraces les plus cruelles, une suite de ses plus grandes faveurs ? Elle conserva trente-six ans le sénateur Fidustius, pro- scrit par Sylla ; mais il fut proscrit une seconde fois. Il sur- titia ulla minimo mœrore pensanda ? Heu! vana et imprudens diligentia! numerus dierum comparatur ubi quæritur pondus. | XLIT. 41, Una feminarum in omni ævo Lampido Lacedæmonia repe- ritur, quæ regis filia, regis uxor, regis mater fuerit. Una Berenice , quæ filia, soror, mater Olympionicarum. Una familia Curionum, in qua tres continua serie oratores exstiterunt. Una Fabiorum, in qua tres continui principes senatus, M. Fabius Ambustus, Fabius Rullianus filius, Q, Fabius Gurges nepos. XLIIT. 42. Cetera exempla fortunæ variantis innumera sunt. Etenim quæ facit magna gaudia, nisi ex malis, aut quæ mala immensa, nisi ex ingentibus gaudiis! 43, Servavit proscriptum a Sulla M. Fidustium senatorem annis sex et LIVRE SEPTIÈME. : vécut à Sylla; mais seulement jusqu’au temps d’Antoine. Il est certain qu'Antoine ne le proscrivit que parcequ'il avait déja été proscrit. EXEMPLES REMARQUABLES DE DIGNITÉS. Elle a voulu que Ventidius seul triomphät des Parthes: mais elle l'avait traîné enfant devant le char de Pompée Strabon, lorsqu'il triompha d’Asculum. Masurius prétend qu'il fut conduit deux fois en triomphe : et Cicéron, qu'il était muletier, employé dans les vivres militaires. Suivant le plus grand nombre, il languit dans sa jeunesse au der- nier rang de la milice. Balbus Cornélius l’aïné fut consul : mais on lui avait contesté l’état de citoyen ; les juges avaient délibéré s’il ne pouvait pas être battu de verges. Le premier des étrangers, que dis-je ? des hommes nés aux bords de l'Océan, il par- vint à un honneur que nos ancêtres refusèrent même aux habitants du Latium. On doit citer aussi L. Fulvius parmi les exemples mé- morables. Consul des Tusculans révoltés, il passa chez les Romains , qui lui déférèrent aussitôt la même dignité : c’est le seul qui, l'année même où il avait porté les armes contre triginta, sed iterum proscriptus. Superstes Sullæ vixit, sed usque ad Antonium, constatque nulla alia de causa ab eo proscriptum, quam quia proscriptus fuisset. XLIV. Triumphare P. Ventidium de Parthis voluit quidem solum, sed eumdem in triumpho Asculano Cn. Pompeïi Strabonis duxit puerum : quanquam: Masurius auctor est bis in triumpho ductum ; Cicero muliorem castrensem suffaraneum fuisse : plurimi juventam inopem in caliga mili- tari tolerasse. : Fuit et Balbus Cornelius major consul, sed accusatus , atque de jure virgarum in eum judicum in consilium missus : primus externorum, atque etiam in Oceano genitorum usus illo honore, quem majores Latio quoque negaverunt. Est et L. Fulvius inter insignia exempla, Tuseulanorum rebellantium consul : eodemque honore, cum transisset, exornatus confestim a populo 64 EXTRAITS DE PLINE. le peuple romain, ait triomphé à Rome de ceux dont il avait été consul. Svila seul, jusqu’à nous, s’est arrogé le surnom d’heu- reux , Sans doute pour avoir été l’assassin de ses concitoyens et l’oppresseur de sa patrie. Car enfin quels étaient ses titres, sinon d’avoir pu proscrire et massacrer tant de milliers de Romains ? O félicité mal entendue, et dont les suites de- vaient être bien cruelles ! N’ont-ils pas été plus heureux que lui, ceux qui périrent alors? Ils sont pour nous un objet de pitié : Sylla n’excite que l’horreur. Voyez la fin de sa vie : que sont les maux de tous les proscrits ensemble auprès des tourments qu’il endura, lorsque sa chair, se dévorant elle- même, enfantait son propre supplice? Qu'il ait dissimulé ces horribles souffrances, et que, sur la foi de ce dernier songe auquel il survécut à peine, nous pensions que lui seul a triomphé de l’envie par sa gloire, il a cependant avoué que la dédicace du Capitole a manqué à son bonheur (13). DIX ÉLÉMENTS DE BONHEUR RÉUNIS CHEZ LE MÊME INDIVIDU. % Q. Métellus, dans l’oraison funèbre qu’il prononça en l'honneur de son père L. Métellus, pontife, deux fois con- Romano : qui solus eodem anno, quo fuerat hostis, Romæ triumphavit ex iis quorum consul fuerat. Unus hominum ad hoc ævi felicis sibi cognomen adseruit L. Sulla, civili nempe sanguine ac patriæ oppugnatione adoptatum. Et quibus feli- citatis inductus argumentis? quod proscribere tot millia civium ac truci- dare potuisset. O prava interpretatio, et futuro tempore infelix! Non melioris sortis tunc fuere pereuntes, quorum miseremur hodie, cum Sullam nemo non oderit? Age, non exitus vitæ ejus omnium proscriptorum ab illo calamitate crudelior fuit, erodente se ipso corpore, etsuppliciasibi gignente!? Quod ut dissimulaverit, et supremo somnio ejus {cui immortuus quodam- modo est) credamus ab uno illo invidiam gloria victam, hoc tamen nempe felicitati suæ defuisse confessus est, quod Capitolium non dedicavisset. XLV. Quintus Metellus in ea oratione, quam habuit supremis laudi- bus patris sui L. Metelli, pontificis, bis consulis, dictatoris, magistri LIVRE SEPTIÈME. 65 sul, dictateur, maître de la cavalerie, quindécemvir pour le partage des terres, et le premier qui ait conduit des élé- phants,en triomphe après la première guerre punique, # écrit que son père avait réuni au degré le plus éminent le: dix choses les plus grandes et les plus excellentes qui soient! l’objet de tous les vœux et de tous les travaux des sages : qu'il avait desiré d’être le premier guerrier de son temps, le meilleur orateur, le plus brave général, de conduire les expéditions les plus importantes, d'exercer fa magistrature suprême, de parvenir à la plus haute sagesse, de passer pour un sénateur accompli, d'acquérir une bé fortune par des ns honnêtes, de laisser beaucoup d'enfants. et d’être le citoyen le … illustre de toute la république. Il ajoute que ses vœux ont été comblés , et que nul autre. depuis la fondation de Rome , n’a joui d’un tel bonheur. Il serait long et superflu de combattre cette assertion Un seul fait la réfute victorieusement ; c'est que Métellus fut privé de la vue pendant sa vieillesse. Il la perdit dan: un incendie, lorsqu'il enleva le Palladium du temple de Vesta. La cause était belle, mais l’effet n’en fut pas moin: triste. Sans doute on ne doit pas l’appeler malheureux ; mai: le nom d’heureux n'est pas fait pour lui. Le peuple romain equitum , quindecimwviri agris dandis, qui primus elephantos ex prim« Punico bello duxit in triumpho , scriptum reliquit, « decem maximas res » optimasque, in quibus quærendis sapientes ætatem exigerent, consum- » masse eum. Voluisse enim primarium bellatorem esse, optimum orato- m» rem, fortissimum imperatorem, auspicio suo maxim as res geri, Maximt mhonore uti, summa sapientia esse, Summum senatorem haberi, pecu- »niam magnam bono modo invenire, multos liberos relinquere, et claris- »simum in civitate esse : hæc contigisse-ei, nec ulli alii post Romam »-conditam. » Longum est refellere et supervacuum, abunde uno casu refutante Siquidem is Metellus orbam luminibus exegit senectam, amissis incendie. cum Palladium raperet ex æde Vestæ, memorabili causa , sed event: misero. Quo fit ut infelix quidem dici non debeat, felix tamen-non possi! Tribuit ei populus Romanus, quod nunquam ulli alii ab.conditoævo,zu* d 66 EXTRAITS DE PLINE. lui accorda un droit que nul autre n’obtint en aucun temps : c'était de se faire porter sur un char toutes les fois qu’il allait au sénat : grande et magnifique distinction! mais ses yeux en étaient le prix. Le fils de ce Métellus, qui avait fait cet éloge de son père, est cité lui-même parmi les exemples rares de la félicité hu- maine. Sans parler de toutes ses dignités et du surnom de Macédonique, il fut porté au bücher par ses quatre fils, l’un ex-préteur, les trois autres consulaires ; et de ces der- niers, deux avaient triomphé, le troisième avait été censeur. Peu d'hommes ont obtenu même un seul de ces honneurs. Cependant, au moment le plus brillant de sa gloire, Métel- lus revenant du champ de Mars, à midi, lorsque le forum et le Capitole sont déserts, fut saisi par le tribun Attinius Labéon, surnommé Macérion, qu’il avait exclu du sénat lorsqu'il était censeur. Attinius le traîne vers la roche Tar- péia pour le précipiter. Ses nombreux enfants acccurent : mais, dans ce danger pressant, ils arriveront trop tard, et comme pour former le cortége funèbre, puisqu'ils n'ont le droit ni de résister, ni de repousser un agresseur sacré. Il va périr victime de sa vertu et de son devoir. A la fin, on trouva un tribun pour interposer son autorité. Il fut arraché des portes mêmes de la mort. Depuis ce temps, il vécut de quoties in senatum iret, curru veheretur ad curiam. Magnum et sublime, sed pro oculis datum. 44, Hujus quoque Q. Metelli qui illa de patre dixerat f'ius inter rara felicitatis humanæ exempla numeratur. Nam præter honores amplissimos cognomenque e Macedonia, quatuor filiis illatus rogo, uno prætorio, tribus consularibus, duobus triumpbalibus , uno censorio : quæ singula quoque paucis contigere : in ipso tamen flore dignationis suæ ab C. Attinio Labeone, cui coguomen fuit Macerioni, tribuno plebis, quem e senaia censor ejece- rat, revertens e Campo, meridiano tempore, vacuo foro et Capitolio, ad Tarpeium raptus ut præcipitaretur, convolante quidem tam numerosa illa cohorte quæ patrem eum appellabat, {sed ut necesse erat in subito) tarde et tanquam in exsequias, cum resistendi sacroque sanctum repellendi jus non esset, virtutis suæ opera et censuræ periturus, ægre tribuno, qui 2 LIVRE SEPTIÈME. 67 secours étrangers; car ses biens furent ensuite consacrés par cet homme qu’il avait dégradé : Attinius ne croyait pas avoir assez fait pour sa vengeance, en lui comprimant la gorge au point de faire jaillir son sang par les oreilles. Pour moi, je mettrais au nombre des malheurs d’avoir été l’en- nemi de Scipion Émilien. Croyons-en Métellus lui-même :: « Allez, mes enfants, disait-il à ses fils, rendez les der- » niers devoirs à SCipion ; vous ne verrez jamais les funé- » railles d’un plus grand citoyen. » Et c'était aux conqué- rants des îles Baléares et de la Dalmatie que le vainqueur de la Macédoine adressait ce langage. Mais ne considérons que la violence dont nous parlons ici : a-t-on droit d'appeler heureux un homme à qui le caprice d’un ennemi, d’un At- tinius , faillit ôter la vie? Quelles victoires peuvent com- penser un tel outrage? quels honneurs, quels chars de triomphe la fortune n’a-t-elle pas renversés par un choc aussi rude ? Un censeur trainé dans les rues de Rome (car il n'avait eu que ce moyen de gagner du temps), et trainé vers ce Capitole, où, vainqueur autrefois, il n'avait pas conduit avec autant d’inhumanité les prisonniers mêmes dont il triomphait! Cet attentat devient plus affreux encore par le bonheur dont il fut suivi, puisqu'il aurait privé le intercederet, reperto, a limine ipso mortis revocatus : alieno beneficio postea vixit, bonis inde etiam consecratis a damnato suo, tanquam parum esset : faucium certe intortarum expressique per aures sanguinis pœna exacta est. Equidem et Africani sequentis inimicum fuisse, inter calamitates duxerim, ipso teste Macedonico ; siquidem liberis dixit : « Tte, filii, celebrate exsequias, nunquam civis majoris funus videbitis. » Et hoc dicebat jam Balearicis et Dalmaticis, jam Macedonicus ipse. Verim ut illa sola injuria æstimetur, quis hunc jure felicem dixerit, periclitatum ad libidinem inimici, nec Africani saltem, perire? quos hostes vicisse tanti fuit?! aut quos non honores currusque illa sua violentia fortuna retroegit, per mediam urbem censore tracto, {etenim sola hæc morandi ratio fuerat) tracto in Capitolium illud, in quod triumphans ipse de eorum exuviis, ne captivos quidem sic traxerat! Majus hoc scelus felicitate con- Secuta factum est, periclitato Macedonico vel funus tantum ac tale per- 68 EXTRAITS DE PLINE. vainqueur de la Macédoine de cet honneur et si grand et si rare d’être porté au bûcher par des fils triomphateurs , triomphant lui-même, en quelque sorte, jusque dans ses funérailles. Sans doute nulle félicité n’est parfaite quand elle est altérée par un outrage, et par un outrage aussi san- glant. Au surplus, est-ce un éloge pour les mœurs de ce siècle, ou n’est-ce pas un nouveau sujet d'indignation, que, parmi tant de Métellus, l'audace criminelle d’Attinius soit restée impunie ? MALHEURS D'AUGUSTE. L'univers entier s'accorde à placer Auguste sur la liste des heureux. Mais si nous portons un regard attentif sur tous les traits de sa vie, nous y verrons de grands exem- _ples des vicissitudes humaines. La place de maitre de la cavalerie refusée à ses sollicitations, et donnée à Lépidus par son oncle : la haine que lui attira la proscription : le triumvirat, où, s’associant aux plus scélérats des hommes, il ne jouit pas même de l'égalité du pouvoir (Antoine écra- sait ses deux collègues) : sa maladie pendant le combat de Philippes : sa fuite, pendant laquelle il resta trois jours caché dans un marais, malade, et, de l’aveu d’Agrippa et de Mécène, enflé d’une hydropisie : ses naufrages en Sicile, dere, in quo a triumphalibus liberis portaretur in rogum, velut excequiis quoque triumphans. Nulla est profecto selida felicitas, quam contumelia ulla vitæ rumpit, nednm tanta, Quod superest, nescio morum gloriæ, an indignationis dolori accedat, inter tot Metellos tam sceleratam C. Attinii audaciam semper fuisse inultam. XLVI. 45. In divo quoque Augusto, quem universa mortalitas in hac censura nuncupat, si diligenter æstimentur cuncta, magna sortis humanæ reperiantur volumina. Repulsa in magisterio equitum apud avunculum , et contra petitionem ejus prælatus Lepidus ; proscriptionis invidia : co legium in triumviratu pessimorum civium, ne æqua saltem portione, sed prægravi Antonio : Philippensi prælio morbus, fuga, et triduo in palude ægroti, et [ut fatentur Agrippa et Mæcenas) aqua subter cutem fusa tur- gidi, latebra : naufragia Sicula, et alia ibi quoque in spelunca occultatio- LIVRE SEPTIÈME. 69 où il se cacha aussi dans une caverne : ses prières à Pro- culéius pour en obtenir la mort, lorsque däns sa fuite il était pressé par les vaisseaux ennemis : les embarras de l’émeute de Pérouse : ses inquiétudes sur la bataille d’Ac- tium : la chute de cette machine de guerre qui faillit l’é- craser en Pannonie : tant de séditions des armées ; tant de maladies dangereuses : les projets suspects de Marcellus : le honteux exil d'Agrippa : cette multitude de conspirations tramées contre sa vie : la mort de ses enfants qui lui fut imputée , ei leur perte rendue plus eruelle encore par cet affreux reproche : l’adultère de sa fille, et ses projets par- ricides dévoilés au grand jour : la retraite outrageante de son gendre Tibère : l’adultère de sa petite-fille : ensuite, tant de maux réunis : le défaut d'argent pour payer les sol- dats : la révolte de lIllyrie : l’enrôlement des esclaves : la disette de jeunes citoyens : la peste dans Rome : la famine et la sécheresse dans l'Italie : le dessein qu'il forma de mou- rir ; 1] passa quatre jours entiers sans prendre de nourriture. Ajoutez la défaite de Varus : les libelles affreux répandus contre lui : l’exhérédation d’Agrippa Postume, après l’avoir adopté; ses regrets après l’avoir exilé : d’un côté, ses soup- cons contre Fabius, qu’il accusait d’avoir trahi son secret : de l’autre, les projets de Livie et de Tibère, qui empoison- Jam in navali fuga, urgente hostium mann, preces Proculeio mortis admotæ : cura Perusinæ contentionis : sollicitudo Martis Actiaci : Pan- nonicis bellis ruina e turri : tot seditiones militum ; tot ancipites morbi corporis : suspecta Marcelli vota ; pudenda Agrippæ ablegatio ‘ toties petita insidiis vita : incusatæ liberorum mortes, luctusque non tantum orbitate tristes : adulterium filiæ, eteconsilia parricidæ palam facta : contumeliosus privigni Neronis secessus ; aliud neptis adulterium : juncta deinde tot mala, inopia stipendii, rebellio Hlyrici, servitiorum delectus, juventutis penuria, pestilentia Urbis, fames sitisque Italiæ, destinatio exspirandi, et quatridui inedia major pars mortis in corpus recepta. Juxta hæc Variana clades, et majestatis ejus fœda sugillatio, abdicatio Postumi Agrippæ post adopticnem, desiderium post relegationem : inde Suspicio in Fabium, arcanorumque proditionem : hinc uxoris et Tiberii 70 EXTRAITS DE PLINE. nèrent ses derniers moments. Enfin, ce dieu (je n’examine point ici les titres de sa divinité), ce dieu mourut, en lais- sant pour héritier le fils d’un homme qui lui avait fait la guerre. L'HOMME QUE LES DIEUX ONT DÉCLARÉ LE PLUS HEUREUX. Ici se présentent à notre pensée deux oracles de Delphes, que le dieu semble avoir prononcés pour humilier la vanité humaine : dans le premier, il déclare le plus heureux de tous les hommes Phédius, qui venait de mourir pour la patrie. Consulté une autre fois par Gygès, alors le plus puis- sant roi du monde, il répondit qu'Aglaüs de Psophis était plus heureux que lui. Ce vieillard, dans un coin de lAr- cadie, cultivait un héritage borné, mais qui fournissait abondamment à tous les besoins de l’année. Il n’en était Jamais sorti : et, comme on en peut juger par son genre de vie, avant eu moins de desirs, il avait éprouvé moins de maux. LONGÉVITÉ. La diversité des climats, la variété des exemples, et la différence de nos destinées, ne permettent pas de rien éta- blir de certain sur la durée de la vie humaine. Hésiode, le premier qui ait traité cette matière, rapportant un grand cogitationes, suprema ejus cura. In summa, deus ille, cœlumque nescia adeptus magis, an meritus, herede hostis sui filio excessit. XLVII. 46. Subeunt in hac reputatione Delphica oracula, velut ad castigandam hominum vanitatem a deo emissa. Duo sunt hæc : « Phe- » dium felicissimum, qui pro patria proxime occubuisset. » Iterum a Gyge, rege tunc amplissimo terrarum, consultum, « Aglaum Psophidium » esse feliciorem. » Senior hic in angustissimo Arcadiæ angulo parvum, sed annuis victibus large sufficiens, prædium colebat, nunquam ex eo egressus : atque (ut e vitæ genere manifestum est) minima cupidine minimum in vita mali expertus. XLIX. 48. De spatio atque longinquitate vitæ hominum, non locorum modo situs, verum exempla, ac sua cuique sors nascendi incertum fecere. LIVRE SEPTIÈME. 71 nombre de fables sur la vie de l’homme, attribue neuf fois notre âge à la corneille (14), quatre fois autant au cerf, et le triple au corbeau. Ce qu'il dit du phénix et des nym- phes est encore plus fabuleux. Le poëte -Anacréon donne cent cinquante ans au roi des Tartessiens, Arganthonius : dix ans de plus à Cinyras, roi de Chypre, et deux cents ans à Égimius. Théopompe en donne cent cinquante-trois : à Épiménide de Crète. Hellanicus écrit que chez les Épiens, en Étolie, quelques hommes vivent deux cents ans. Ce fait est confirmé par Damaste, qui rapporte que Pictoréus, l’un d’eux, remarquable par sa corpulence et par ses forces, vécut jusqu’à trois cents ans. Éphore dit la même chose de quelques rois des Arcadiens. Alexandre Cornélius cite chez les Illyriens un certain Dandon qui vécut ciny cents ans. Xénophon, dans son Périple, donne cent ans de plus à un roi des Tyriens ; et, comme s'il craignait de n'en avoir pas dit assez, il fait vivre son fils huit cents ans. Toutes ces exagérations viennent de ce qu’on ne savait pas calculer les temps. Les uns comptaient l’été pour une année (15), et l'hiver pour une autre. Plusieurs mesuraiënt les années par cha- cune des saisons, comme les Arcadiens, chez qui les an- nées étaient de trois mois. Quelques uns, tels que les Égyp- Hesiodus, qui primus aliqua de hoc prodidit, fabulose {ut reor) multa de hominum ævo referens, cornici novem nostras adtribuit ætates, quadru- plum ejus cervis, id triplicatum corvis. Et reliqua fabulosius in phœnice, ac nymphis. Anacreon poeta Arganthonio Tartessiorum regi centum et quinquaginta tribuit annos, Cinyræ Cypriorum decem annis amplius, Ægimio ducentos. Theopompus Epimenidi Gnossio centum quinquaginta et tres. Hellanicus quosdam in Ætolia Epiorum gentis ducentos explere. Cui adstipulatur Damastes, memorans Pictoreum, ex iis præcipuum cor- pore viribusque, etiam trecentis vixisse, Ephorus Arcadum reges trecentis annis. Alexander Cornelius, Dandonem quemdam in Illyrico quingentis vixisse. Xenophon in Periplo, Tyriorum insulæ regem sexcentis; atque ut parce mentitus, filium ejus octingentis. Quæ omnia inscitia temporum acciderunt. Annum enim alii æstate unum determinabant, et alterum hieme : alii quadripartitis temporibus, sicut Arcades, quorum anni tri- 72 EXTRAITS DE PLINE. tiens , les mesuraient par les lunes : voilà pourquoi plusieurs d’entre eux sont cités comme ayant vécu mille ans. Passons à des faits avoués et reconnus. Il est à peu près certain que Arganthonius de Cadix régna quatre-vingts ans. On pense qu’il monta sur le trône dans sa quarantième an- née. Il est hors de doute que Masinissa régna soixante ans, et que Gorgias le Sicilien en vécut cent huit. Fabius Maxi- mus fut augure pendant soixante-trois ans. Perpenna, et, de nos jours, Volusius Saturninus, survécurent à tous ceux dont ils avaient recueilli le suffrage pendant leur consulat. Le premier ne laissait après lui que sept des sénateurs qu'il avait inscrits étant censeur. Il vécut quatre-vingt-dix-huit ans. Observons à ce sujet qu’il est arrivé, une seule fois, que cinq années se soient écoulées de suite sans qu’il mou- rüt un sénateur. Ce fut depuis la clôture du lustre par les censeurs Flaccus et Albinus, l’an de Rome 579, jusqu'aux censeurs qui leur succédèrent. Valérius Corvinus vécut cent ans. Il y eut un intervalle de quarante-six ans entre son premier et son sixième consulat. Il obtint vingt et une fois la chaire curule (16), ce qui n’est arrivé qu’à lui seul. Le pontife Métellus vécut le même nombre d'années. mestres fuere : quidam lunæ senio, ut Ægyptii : itaque apud eos aliqui et singula millia annorum vixisse produntur. Sed ut ad confessa transeamus , Arganthonium Gaditanum octoginta annis regnasse prope certum est : putant quadragesimo cœpisse. Masi- nissam sexaginta annis regnasse indubitatum est : Gorgiam Siculum centum et octo vixisse. Q. Fabius Maximus sexaginta tribus annis augur fuit. M. Perpenna , et nuper L. Volusius Saturninus, omnium quos in consulat sententiam rogaverant, superstites fuere. Perpenna septem reliquit ex iis quos censor legerat : vixit anunos XCVIII. Qua in re et illud adnotare succurrit, unum omnino quinquennium fuis-e, quo senator nul- lus moreretur : cum Flacceus et Albinus censores lustrum condidere, usque ad proximos censores, ab anno Urbis quingentesimo septuagesimo nono. M. Valerius Corvinus, centum annos implevit ; cujus inter primum et sextum consulatum XLVI anni fuere. Idem sella curuli semel ac vicies sedi*, quoties nemo alius. Æquavit ejus vitæ spatium Metellus pontifex. LIVRE SEPTIÈME. 73 Mucien rapporte que sur le sommet du Tmolus, qu’on nomme Fempsis, les habitants vivent cent cinquante ans; et qu’au dénombrement qui eut lieu sous Claude, Fullonius de Bologne se fit inserire comme ayant cet âge. L’empereur voulut s'assurer du fait ; et la vérité fut attestée par la con- frontation des registres, et par les autres preuves qu’il donna de son existence. DE LA DESTINÉE SUIVANT LA NAISSANCE. Nous avons encore l'expérience et les exemples du der- nier recensement fait, il y a quatre ans , sous la censure de l'empereur Vespasien et de son fils (17). Il n’est pas besoin de compulser, tous les registres. Je citerai la portion de l’Italie située entre l’Apennin et le Pô. A Parme, trois ci- toyens déclarèrent cent vingt ans; un à Brixelle, cent vingt- cinq; deux à Parme, cent trente; un à Plaisance, cent trente et un; une femme à Faventia, cent trente-cingq ; à Bo- loue, Térentius fils de Marcus, et à Rimini, M. Aponius, cent cinquante, et Tertulla, cent trente-sept ; à Véléiacum, situé sur des collines aux environs de Plaisance, six décla- rèrent cent dix ans; quatre, cent vingt; un, cent cinquante ; c'était M. Mucius Félix fils de Mucius, de la tribu Galéria : et, pour ne pas nous arrêter plus longtemps à prouver ce In Tmoli montis cacumine, quod vocant Tempsin CL annis vivere, Mucianus auctor est : totidem annos censum Claudii Cæsaris censura T. Fullonium Bononiensem : idque collatis censibus ques ante detuierat, vitæque argumentis (etenim id curæ principi erat) verum apparuit. L. 49. Accedunt experimenta recentissimi census, quem intra qua- driennium imperatores Cæsares Vespasiani, pater filiusque censores ege- runt. Nec sunt omnia vasaria excutienda : mediæ tantum partis, inter Apenninum Padumque, ponemus exe #pla. Centum viginti annos Parmæ tres edidere, Brixelli unus Cxxv. Parmæ duo cxxx. Placentiæ unus CxxxI. Faventiæ una mulier cxxxv. Bononiæ L. Terentius Marci fillus, Arimini vero M. Aponius c et L. Tertulla cxxxvir. Circa Placentiam in s consuls des lettres qu'il attachait aux pieds des pigeons. Que servaient à Antoine la profondeur des retran- chements, la vigilance des soldats, les filets tendus dans toute la largeur du fleuve, quand le courrier prenait sa route par le ciel? Bien des gens se passionnent même pour ces oïseaux. Ils leur bâtissent des tours au-dessus de leurs maisons. Îls racontent la généalogie et la noblesse de cha- cun d'eux. On en cite un exemple déja bien ancien. Varron écrit qu'avant la guerre civile de Pompée, Axius, chevalier romain, vendait ses pigeons quatre cents deniers la paire (360 fr.). La Campanie s’honore même du renom qu'elle a de produire les pigeons de la plus grande espèce. DES PERROQUETS. Le perroquet {8) imite la parole de l’homme, et suit même une conversation. L’Inde nous l’envoie : elle le nomme sit- tacé. Tout son plumage est vert : seulement un collier rouge brille autour de son cou. Il salue les empereurs, et répète les mots qu'il entend. Le vin surtout le met en gaîté. £a tête est aussi dure que son bec. Quand on lui apprend à parler , on le frappe sur cette dernière partie avec une pe- tite verge de fer; autrement la correction est perdue. Lors- earum pedibus, obsidione Mutinensi, in castra consulum Decimo Bruto mittente. Quid vallum, et vigil obsidio, atque etiam retia amne prætenta profuere Antonio, per cœlum eunte nuntio? Et harum amore insaniunt multi : super tecta exædificant turres iis, nobilitatemque singularum et origines narrant, vetere jam exemplo. L. Axius eques Romanus ante bel- lum civile Pompeianum denariis quadringentis singula paria venditavit, ut M. Varro tradit. Quin et patriam nobilitavere in Campania grandissimæ provenire existimatæ. LVIITI Humanas voces reddunt psittaci quidem etiam sermocinantes. India hanc avem mittit, sittacem vocat, viridem toto corpore, torque tar- tum miniato in cervice distinctam. Jmperatores salutat, et quæ accipit verba pronuntiat : in vino præcipue lasciva. Capiti ejus duritia eadem. quæ rostro. Hoc, quum loqui discit, ferreo verberatur radio; non senti. 1i 162 EXTRAITS DE PLINE. qu'il s’abat, 1l s'appuie sur le bec, et supplée ainsi à la faiblesse de ses pieds. DES PIES. La pie est moins distinguée, parcequ'’elle ne vient pas des pays lointains ; mais elle jase davantage et prononce plus nettement. Les pies aiment à parler : elles apprennent fa- cilement, et se plaisent même à ce genre d'imitation. Elles étudient les mots, et montrent, par leur application, qu'elles s’attachent à bien articuler. On en a vu mourir des efforts que leur coûtait un mot difficile. Elles oublient, à moins qu'on ne leur répète de temps en temps les mêmes choses. Leur joie éclate dès qu’elles entendent le mot qu’elles cher- chaient. Leur forme, sans avoir rien de frappant, n’est ce- pendant pas commune. Eh! ne sont-elles pas assez belles de l'avantage qu’elles ont d’imiter la parole de l’homme? Au surplus, on assure que toutes les espèces de pies n’appren- nent pas également à parler, mais seulement celles qui se nourrissent de 2lands, et que, parmi ces deruières, celles qui ont cinq doigts aux pieds apprennent avec plus de facilité ; encore ne peut-on les instruire que dans les deux premières années. Elles ont la langue large, ainsi que, dans chaque espèce, tous les oiseaux qui imitent la parole humaine; et aliter ictus. Quum devolat, rostro se excipit, illi innititur, levioremque se ita pedum infirmitati facit. LIX. Minor nobilitas, quia non ex longinquo venit, sed expressior lo- quacitas, generi picarum est. Adamant verba quæ loquantur. Nec discunt tantum , sed diligunt : meditantesque intra semet, cura atque cogitatione intentionem non occultant. Constat emori victas difficultate verbi, ac nisi subinde eadem audiant, memoria falli; quærentesque mirum in modum hilarari, si interim audierint id verbum. Nec vulgaris iis forma, quamvis non spectanda. Satis illis decoris in specie sermonis humani est. Verum addiscere alias negant posse, quam quæ ex genere earum sunt, quæ glande vescantur ; et inter eas facilius, qui :s quini sunt digiti in pedi- bus ; ac ne eas quidem ipsas, nisi primis Cuobus vitæ annis. Latior iis est lingua, omnibusque in su0 cuique genere, quæ sermonem imitantur LIVRE DIXIÈME. 163 il n’est guère d'espèces où il ne s’en trouve. Agrippine, épouse de Claude, avait une grive qui parlait, ce qui ne s'était jamais vu. Dans le temps même où j'écris, les jeunes Césars ont un sansonnet et des rossignols qui prononcent des mots grecs et latins, étudiant chaque jour et répétant des mots nouveaux, et même des phrases assez longues. On les instruit dans un lieu retiré, d’où ils ne puissent entendre aucune autre voix. Le maître, assis auprès d'eux, redit plu- sieurs fois ce qu'il veut graver dans leur mémoire, et les caresse en leur donnant à manger. SÉDITION A ROME CAUSÉE PAR LA MORT D'UN CORBEAU DRESSÉ. Rendons aussi justice au mérite du corbeau, mérite senti par le peuple romain, attesté même par son indignation. Sous l’empire de Tibère, un jeune corbeau sortant d’un nid qui était placé sur le temple de Castor et de Pollux, vint tomber dans la boutique d’un cordonnier, adossée au tem- ple. Le maïtre de la boutique en prit soin ; il crovait en quelque sorte le tenir de la main des dieux. L'oiseau apprit de bonne heure à parler. Tous les matins il s’envolait sur la tribune : là, tourné vers le Forum, il saluait par leur nom Tibère, les deux jeunes Césars, Germanicus et Drusus, ensuite le peuple qui passait sur la place ; puis il retournait humanum ; quanquam id pæne in omnibus contingit. Agrippina Claudii Cæsaris turdum habuit {quod nunquam ante) imitantem sermones homi- num. Quum hæc proderem, habebant et Cæsares juvenes sturnum, item luscinias, græco atque latino sermone dociles : præterea meditantes in diem, et assidue nova loquentes, longiore etiam contextu. Docentur se- creto, et ubi nulla alia vox misceatur, adsidente qui crebro dicat ea quæ condita velit, ac cibis blandiente. LX. 43. Reddatur et corvis sua gratia, indignatione quoque populi Ro- mani testata, non solum conscientia. Tiberio principe, ex fœtu supra Cas- torum ædem genito, pullus in oppositam sutrinam devolavit,, etiam rcligione commendatus officinæ domino. Is mature sermoni adsuefactus, omnibus matutinis evolans in Rostra, in Forum versus, Tiberium, dein Germanicum et Drusum Cæsares nominatim, mox transeuntem populum 164 EXTRAITS DE PLINE. à la boutique. Ils’acquitta de ce devoir plusieurs années de suite avec une exactitude admirable. Un cordonnier voisin le tua par jalousie, ou, comme il voulut le faire croire, dans un premier moment de colère, parcequ'il lui avait gâté quelque chaussure : la multitude furieuse com- mença par le pousser loin du temple, et le mit bientôt en pièces. On fit des funérailles soiennelles au corbeau. Le lit funèbre était porté par deux Éthiopiens, et précédé d’un joueur de flüte, et de couronnes de toute espèce. Une foule innombrable le suivit jusqu’au bûcher construit à la droite de la voie Appia, à deux milles de Rome, dans le champ nommé Rediculus. Oui, le talent d’un oiseau parut d’un tel prix au peuple romain, que, pour le venger , il lui fit une pompe funèbre, et punit de mort un citoyen dans une ville où plusieurs grands hommes avaient été portés au bûcher sans cortége, où la mort de Scipion Émilien, destructeur de Carthage et de Numance, était restée sans vengeur ! Ce fait arriva sous le consulat de M. Servilius et de C. Cestius, le cinquième jour avant les calendes d'avril. Au moment où j'écris, il existe à Rome une corneille apportée de la Bé- tique. Elle appartient à un chevalier romain. Outre qu’elle est d’un noir admirable, elle prononce des phrases entières, Romanum salutabat, postea ad tabernam remeans, plurium annorum adsi- duo officio mirus. Hunc sive æmulatione vicinitatis, manceps proximæ sutrinæ, sive iracundia subita , ut voluit videri, excrementis ejus posita calceis macula, exanimavit : tanta plebei-consternatione, ut primo pulsus ex ea regione, mox et interemptus sit, funusque innumeris aliti celebra- _ tum exsequiis, constratum lectum super Æthiopum duorum humeros, præcedente tibicine , et coronis .omnium generum, ad rogum usque, qui constructus dextra viæ Appiæ ad secundum lapidem, in campo Rediculi appellato, fuit. Adeo satis justa causa populo Romano visa est exse- quiarum ingenium avis, aut supplicii de cive Romano, in ea urbe, in qua multorum principum nemo duxerat funus, Scipionis vero Æmiliani, post Carthaginem Numantiamque deletas ab eo, nemo vindicaverat mortem. Hoc gestum M. Servilio, C. Cestio coss. a. d. v. kalend. april. Nunc quo- que erat in urbe Roma, hæc prodente me, equitis Rom. cornix e Bætica, primum colore mira admodum nigro, deinde plura contexta verba expri- LIVRE DIXIÈME. 165 . et en apprend chaque jour de nouvelles. On a parlé der- nièrement d’un certain Cratérus, surnommé Monocéros, qui chassait avec des corbeaux dans la contrée d’Éricène en Asie. Il les portait dans les forêts, perchés sur ses épaules et sur les aigrettes de son casque. Ces corbeaux cherchaient et poursuivaient le gibier : il en avait tellement pris l'habi- tude, que, lorsqu'il sortait pour chasser, les corbeaux sau- vages eux-mêmes l’accompagnaient. Quelques auteurs ont cru devoir transmettre à la postérité qu’on a vu un corbeau, pressé de la soif, jeter des cailloux dans une urne sépul-- crale où se conservait l’eau du ciel : comme il n’y pouvait atteindre et qu’il n’osait descendre au fond de l’urne, il fai- sait ainsi monter l’eau jusqu’à ce qu’elle füt à sa portée. DE L'ART D ENGRAISSER LES POULES. Les Déliens ont les premiers engraissé des poules. C’est d’eux que vient cette fureur de dévorer des oiseaux chargés d’embonpoint et arrosés de leur propre lard. La loi de C. Fannius, consul onze ans avant la troisième guerre pu- nique, me fait voir que cet abus est le premier qui ait été interdit par les anciennes lois somptuaires (9). Elles défen- daient qu'on servit aucune autre volaille qu’une seule poule de basse-cour. Cette défense a été répétée depuis dans mens, etalia crebro addiscens. Necnon et recens fama Crateri, Monocerotis cognomine,;. in Erizena regione Asiæ corvorum. opera venantis, eo quod devehebat in silvas-eos insidentes corniculis humerisque : illi vestigabant agebantque, eo perducta consuetudine ut exeuntem sie comitarentur et feri. Tradendum putavere memoriæ quidam, visum per sitim lapides con- gerentem in situlam monumenti, in qua pluvia aqua durabat, sed quæ attingi non posset : ita descendere paventem expressisse tali congerie quantum poturo sufficeret. LXXI. 50. Gallinas saginare Deliaci cæpere : unde pestis exorta opi- mas aves et suopte corpore unctas devorandi. Hoc primum antiquis cena- rum interdictis exceptum invenio jam lege C. Fannii coss. XI. annis ante tertium Punicum bellum, «ne quid volucre poneretur, præter unam gal- » linam, quæ non esset altilis : » quod deinde caput translatum per omnes 166 EXTRAITS DE PLINE. toutes les lois somptuaires. Pour les éluder, on a imaginé de nourrir de jeunes coqs avec de la pâte détrempée dans le lait. On prétend qu'ils en sont plus délicats. Au surplus. toutes les poules ne sont pas également bonnes pour l’en- grais. On ne choisit que celles qui ont la peau du cou grasse. Après cela, s'exerce le talent du cuisinier (40) : il faut que les cuisses de la volaille aient une belle apparence : qu'elle soit fendue le long du dos, et que, dès qu’on la soulève par un seul pied, les différentes parties s’étendent sur toute la capacité du plat, et dépassent même les bords. Les Parthes aussi ont donné leurs modes à nos cuisiniers (41). Et pourtant, malgré tout leur savoir-faire, nulle pièce ne plait tout entière. Ici on ne vante que la cuisse, là on n’aime que l’estomac. DE L’'INVENTEUR DES VOLIÈRES. Lénius Strabon, de l’ordre des chevaliers, fit, le pre- mier, construire à Brindes des volières où il renferma des oiseaux de toute espèce (12). C’est de ce moment que nous avons resserré dans une prison les animaux à qui la nature avait assigné le ciel pour domaine. Mais ce qu'il y a de plus fameux en ce genre, c’est le plat qui fut servi au tragédien Claudius Ésopus. Il coûta cent mille sesterces (22,500 fr.). Il n’était composé que leges ambulavit. Inventumque diverticulum est, in fraude earum, galli- naceos quoque pascendi lacte addito cibis; multo ita gratiores adproban- tur. Feminæ quidem ad saginam non omnes eliguntur, nec nisi in cervice pingui cute. Postea culinarum artes, ut clunes spectentur, ut dividantur in tergora, ut a pede uno dilatatæ repositoria occupent. Dedere et Parthi cocis suos mores. Nec tamen in hoc mangonio quidquam totum placet : hic clune, alibi pectore tantum laudatis. + LXXITI. Aviaria primus instituit, inclusis omnium generum avibus, M. Lænius Strabo Brundisii equestris ordinis. Ex eo cœpimus carcere animalia coercere, quibus rerum natura cœlum adsignaverat. 51. Maxime tamen insignis est in hac memoria, Clodii Æsopi tragici histrionis patina, H-s. centum taxata : in qua posuit aves cantu aliquo LIVRE DIXIÈME. 167 d'oiseaux instruits à chanter et à parler. Ésopus les avait payés chacun six mille sesterces (1,350 fr.), sans y cher- cher d’autre plaisir que celui de manger en eux une imi- tation de l’homme. Il oubliait donc, ce mortel sans pudeur. que c'était à sa voix qu’il devait lui-même son immense fortune : digne père de ce Clodius qui dévora des perles, comme je l’ai rapporté plus haut. À dire vrai, il n’est pas aisé de prononcer lequel des deux a commis l’action la plus indigne. Peut-être cependant est-il moins horrible d’avoir mangé les chefs-d’œuvre les plus riches de la nature, que de s’être nourri de langues humaines. aut humano sermone vocales, H-s. senis singulas coemptas, nulla alia in- ductus suavitate, nisi ut in his imitationem hominis manderet, ne quæ- stus quidem suos reveritus illos opimos et voce meritos : dignus prorsus filio, à quo devoratas diximus margaritas. Non sit tamen [ut verum fa- tear) facile inter duos judicium turpitudinis; nisi quod minus est summas rerum naturæ opes, quam hominum linguas, cenasse. 168 EXTRAITS DE PLINE. LIVRE ONZIÈME. DES INSECTES. EXTRÊME PETITESSE DES INSECTES. Nulle part l’industrie de la nature ne s’est montrée plus admirable que chez les insectes (4). Dans les grands corps, ou du moins dans ceux qui sont plus grands, la matière se prêtait à ses desseins; elle les a façonnés sans peine. Mais pour ces êtres si petits, Si vOI- sins du néant, combien il a fallu d'intelligence! quelle force! quelle inconcevable perfection! Où la nature a-t-elle placé tant de sens dans le moucheron? et bien d’autres sont plus petits encore : mais dans le moucheron enfin, où a-t-elle placé l’organe de la vue, fixé celui du goût, insinué celui de l’odorat°? d’où fait-elle sortir cette voix terrible, prodi- gieuse en raison de la ténuité de l’animal? avec quelle dex- térité a-t-elle attaché les ailes, allongé les pattes, disposé cette espèce d'estomac, cette cavité qui éprouve le besoin LIBER UNDECIMUS. INSECTORUM ANIMALIUM NATURA. I. 1. Nusquam alibi spectatius naturæ rerum artificium qu£&m in insec- tis animalibus. 2. In magnis siquidem corporibus, aut certe majoribus, facilis officina Sequaci materia fuit. In his tam parvis, atque tam nullis, quæ ratio, quanta vis, quam inextricabilis perfectio ! Ubi tot sensus collocavit in cu- lice? et sunt alia dictu minora. Sed ubi visum in eo prætendit? ubi gus- tatum adplicavit? ubi odoratum inseruit! ubi vero truculentam ïillam et portione maximam Vocem ingeneravit! qua subtilitate pennas adnexuit! prælongavit pedum crura! disposuit jejunam caveam, uti alvum! avidam LIVRE ONZIÈME.. | 169 des aliments, allumé cette soif avide de sang, et surtout du sang humain? avec quelle adresse lui a-t-elle aiguisé un dard pour percer la peau? et ce dard, dont la finesse échappe à la vue, comment l’a-t-elle rendu tout à la fois, par un double mécanisme, aigu pour percer, et creux pour pomper? Quelle sorte de dents a-t-elle données au ver de bois, pour qu'il rongeât avec tant de bruit les chênes les plus durs, dont elle a voulu qu'il se nourrit? Mais nous admirons les épaules des éléphants chargées de tours, la vigueur et le cou nerveux des taureaux, la voracité des ti- gres, la crinière des lions, quoique pourtant la nature ne soit nulle part plus entière que dans les êtres les plus pe- tits. Je demande donc à mes lecteurs que le mépris qu'ils ont pour la plupart de ces animaux ne s’étende pas jusque sur les observations que j'ai recueillies ; car enfin rien ne peut paraître superflu dans l'étude de la nature. DES ABEILLES. Parmi tous les insectes , les abeilles tiennent le premier rang. Plus que tous les autres, elles ont droit à notre ad- miration, puisqu'elles sont les seuls animaux de ce genre qui aient été créés pour l’homme. Elles composent le miel, le plus doux, le plus subtil, le plus salubre de tous les sucs. sanguinis, et potissimum humani, sitim accendit! Telum vero perfodiendo tergori, quo spiculavit ingenio! Atque ut in capaci, quum cerni non possit exilitas, ita reciproca generavit arte, ut fodiendo acuminatum pariter, sorbendoque fistulosum esset. Quos teredini ad perforanda robora cum sono-teste dentes adfixit, potissimumque e ligno cibatum fecit! sed turri- geros elephantorum miramur humeros, taurorumque colla, et truces in sublime jactus, tigrium rapinas, leonum jubas, quum rerum natura nus- quam magis, quam in minimis, tota sit. Quapropter , quæso., ne nostra legentes, quoniam ex his spernunt multa, etiam relata fastidio damnent, quum in contemplatione naturæ nihil possit videri supervacuum. IV. 5. Sed inter omnia ea principatus apibus, et jure præcipua: admi- ratio, solis ex eo genere hominum causa genitis. Mella contrahunt, succumque dulcissimum atque subtilissimum, ac saluberrimum. Fa- 170 EXTRAITS DE PLINE. Elles fabriquent les rayons et la cire, qui servent pour une infinité d'usages. Elles supportent le travail, exéeutent des. ouvrages, forment des associations politiques : imdividuel- lement, elles raisonnent ; en corps, elles ont des chefs ; elles ont, ce qui est le plus merveilleux , une morale et des principes. Encore qu'elles ne soient ni de la classe des ani- maux domestiques, ni de celle des animaux sauvages, telle: est pourtant la puissance de la nature , que d’un avorton, que de l’ombre d’un animal, elle a su former un chef- d'œuvre incomparable. Quels nerfs, quelles forces mettrez- vous de pair avec leur infatigable et féconde industrie ? quel génie égale leur intelligence? Elles ont du moins sur nous cet avantage, que chez elles tout est commun. TRAVAIL DES ABEILLES. Le iravail est réglé : pendant le jour, les portes sont gardées comme celles des camps : la nuit, tout repose jus- qu'au matin : alors une d'elles avertit les autres par un ou deux bourdonnements : c’est la trompette qui sonne le ré- veil. Toutes s’envolent à la fois, si le jour doit être doux et serein; Car elles pressentent les vents et les orages, et alors elles se tiennent dans la ruche. Lorsque, par une belle journée, qu’elles savent aussi prévoir, la troupe est sortie pour le travail, les unes ramassent avec leurs pieds vos confingunt et ceras, mille ad usus vitæ : laborem tolerant, opera con- ficiunt, rempublicam habent, consilia privatim ac duces gregatim; et, quod maxime mirum sit, mores habent. Præterea, quum sint neque man— sueti generis, neque feri, tamen tanta est natura rerum, ut prope ex umbra minimi animalis incomparabile effecerit quiddam. Quos efficaciæ industriæque tantæ comparemus nervos! quas vires! quos rationi, medius fidius, viros? hoc certe præstantioribus, quo nihil novere, nisi com- mune. X. 10. Ratio operis. Interdiu statio ad portas more castrorum, noctu quies in matutinum, donec una excitet gemino aut triplici bombo, ut buccino aliquo. Tunc universæ provolant, si dies mitis futurus est. Præ- divinant enim ventos imbresque, et se continent tectis.Jtaque temperie LIVRE ONZIÈME. | 1:1 la poussière des fleurs, les autres remplissent leur trompe d’eau , ou elles en imbibent cette forêt de poils dont tout leur corps est couvert. Ce sont les jeunes qui vont au de- hors et qui voiturent ces approvisionnements. Les vieilles travaillent dans l’intérieur. Celles qui apportent les fleurs se servent de leurs pieds antérieurs pour charger leurs cuisses, que, dans cette vue, la nature a faites raboteuses. C’est avec leur trompe qu'elles chargent leurs pieds anté- rieurs. Le fardeau ainsi distribué sur toutes les parties du corps, elles reviennent ployant sous le faix. A leur arrivée, trois ou quatre les reçoivent et les dé- chargent; car, dans l’intérieur aussi, chacune a sa fonction déterminée. Les unes bâtissent, les autres polissent, d’au- tres servent les ouvrieres, d’autres enfin apprétent pour le repas quelques unes des provisions qui ont été apportées. En effet, elles ne mangent pas séparément. Les heures du travail et du repas sont les mêmes pour toutes. Celles qui bâtissent commencent par établir la base de l'édifice à la voûte de la ruche, et conduisent de haut en bas la chaine de leurs cellules, en ménageant deux sentiers autour de chaque rayon, l’un pour entrer, l’autre pour sortir. Atta- chés à la ruche par leur sommité, et même un peu par leurs côtés, les rayons tiennent ensemble et sont é2alement cæli {et hoc inter præscita habent), quum agmen ad opera processit, aliæ flores aggerunt pedibus, aliæ aquam ore, guttasque lanugine totius cor- poris. Quibus est earum adolescentia, ad opera exeunt, et supradicta convehunt; seniores intus operantur. Quæ flores comportant, prioribus pedibus femora onerant, propter id natura scabra, pedes priores rostro : totæque onustæ remeant sarcina pandatæ. Excipiunt eas ternæ, quaternæque, et exonerant. Sunt enim intus quo- que officia divisa. Aliæ struunt, aliæ poliunt, aliæ suggerunt, aliæ cibum comparant ex eo quod adlatum est. Neque enim separatim vescuntur; ne inæqualitas operis et cibi fiat et temporis. Struunt orsæ à concamera- tione alvei, textumque velut a summa tela deducunt, limitibus binis circa singulos actus, ut aliis intrent, aliis exeant. Favi superiore parte adfixi, et paulum etiam lateribus, simul hærent et pendent una. Alveum non con— 172 EXTRAITS DE PLINE. suspendus. Ils ne touchent point le sol. Ils sont anguleux ou ronds, selon la forme de la ruche : quelquefois il y en a de l’une et l’autre sorte, lorsque deux essaims; demeu- rant ensemble, ne procèdent pas de: la même manière. Les rayons qui menacent ruine sont étayés par des massifs construits en arcades, afin: de laisser un passage pour les réparations. Les deux ou trois premiers rangs demeurent vides, pour ne laisser à la portée des voleurs rien qui excite leur cupidité. Les derniers sont les plus remplis de miel. Aussi quand on veut tailler la ruche, on l’ouvre par derrière. Le travail est exactement surveillé. Elles remarquent les paresseuses, les châtient sur-le-champ, et même les punissent de mort. Leur propreté est admirable. Elles en- lèvent de la ruche toutes les immondices, et n’y souffrent rien d’étranger. Leurs ordures mêmes qu'elles déposent dans un lieu commun, afin: que les ouvrières ne s’écartent point de leur ouvrage, sont transportées au dehors dans les jours où le mauvais temps ne permet pas de vaquer au travail. A la fin du jour, le bruit diminue de moment en moment, jusqu’à ce que l’une d'elles voltige autour de la ruche avec un bourdonnement pareil à celui du matin : elle semble donner l’ordre du repos. C’est encore ce qui se fait dans les camps. À ce signal; toutes se: taisent à la fois. tingunt , nunc obliqui, nunc rotundi, qualiter poposcit alveus ; aliquando et duorum generum, quum duo examina concordibus populis dissimiles habuere ritus. Ruentes ceras fulciunt, pilarum intergerinis sic a solo for- nicatis, ne desit aditus ad sarciendum.: Primi fere t'es versus inanes strauntur, ne promptum sit quod invitet furantem. Novissimi maxime implentur melle ; ideoque aversa alvo favi eximuntur. Mira observatio operis. Cessantium inertiam notant, castigant mox, et puniunt morte. Mira munditia. Amoliuntur omnia e medio, nullæque inter opera spurcitiæ jacent. Quin et excrementa operantium intus, ne longius recedant, unum congesta in locum, turbidis diebus et operis otio egerunt. Quum advesperascit, in alveo strepunt minns ac minus, donec una circum- volet eodem, quo excitavit, bombo, ceu quietem capere imperans : et hoc castrorum more. Tune repente omnes conticescunt. LIVRE ONZIÈME. 173 GOUVERNEMENT DES ABEILLES. Qu'on recherche maintenant s’il a existé plus d’un Her- cule, combien il faut compter de Bacchus, et tant d’autres choses effacées par la rouille des siècles! Voici un fait bien simple, que toutes nos campagnes offrent sans cesse à nos observations, et sur lequel les auteurs ne peuvent s’accor- der. Le roi des abeilles (2) est-il seul privé d’aiguillon, sans autres armes que sa propre majesté? ou la nature, en lui donnant un aiguillon, en a-t-elle refusé l'usage à lui seul ? Ce qu'il y a de certain, c’est qu'il ne s’en sert jamais. Son peuple est un parfait modèle d’obéissance. Lorsqu'il sort, l’essaim entier l'accompagne , forme un groupe autour de Jui, l'enveloppe, le couvre et le cache à tous les yeux. Dans les autres temps, lorsque le peuple est à ses travaux, il parcourt les ouvrages de l’intérieur, comme pour animer ses gens; seul 1l est exempt de traval (3). Des satelhtes , des licteurs rangés autour de lui annoncent la présence du souverain. Il ne sort jamais que lorsque l’essaim doit chan- ger de demeure. On en est averti plusieurs jours à l'avance. Un bourdonnement intérieur annonce que les abeilles font leurs apprèts, et qu’elles attendent un jour favorable. Si l'on arrache une aile au roi, l’essaim ne se déplacera pas. XVIL. 17. Quærat nunc aliquis, unusne Hercules fuerit , et quot Liberi patres, et reliqua vetustatis situ obruta! Ecce in re parva, villisque nos- tris adnexa, cujus assidua copia est, non constat inter auctores , rex nul- Jumne solus habeat aculeum, majestate tantum armatus : an dederit eum quidem natura, sed usum ejus illi tantum negaverit. Illud constat, impe- ratorem aculeo non uti. Mira plebei cirea eum obedientia. Quum procedit, una est totum examen, circaque eum globatur, cingit, protegit, cerni non patitur. Reliquo tempore, quum populus in labore est, ipse opera intus circuit, similis exhortanti, solus immunis. Cirea eum satellites quidam lictoresque , assidui custodes auctoritatis. Procedit foras non nisi migra- turo examine. Id multo intelligitur ante, aliquot diebus murmure intus strepente, apparatus indice diem tempestivum eligentium. Si quis alam ei detruncet, non fugiet examen. Quum processere, se quæque proximam illi 174 EXTRAITS DE PLINE. Lorsqu’elles se sont mises en marche, chacune ambitionne d'être auprès du roi : leur gloire est d'en être vues rem- plissant leur devoir. S'il commence à se lasser, elles le soutiennent avec leurs ailes elles; le portent tout à fait, s'il est trop fatigué. Celles qui sont restées en arrière par las- situde, où qui se sont égarées, suivent la troupe, conduites par l’odorat. En quelque lieu que le roi s'arrête, l’armée entière établit son camp. HEUREUX PRÉSAGE QU'ON PEUT TIRER DE L'ASPECT D'UN ESSAIM. | Alors , suspendues en grappes dans les maisons on dans les temples, elles forment des présages privés et publics, souvent accomplis par de grands événements. Elles se po- sèrent sur la bouche de Platon encore enfant, annonçant la douceur de son éloquence enchanteresse. Elles se posèrent aussi dans le camp de Drusus, lorsqu'il combattit avec le plus heureux succès auprès d’Arbalon ; ce qui met en dé- faut la doctrine des aruspices qui pensent qu'un tel présage est toujours sinistre. Le roi une fois pris, on est maître de tout l’essaim. A-t-1l disparu, toute la troupe se disperse et va se joindre à d'autres chefs. Jamais les abeilles ne peu- vent être sans roi. Lorsqu'il y en a plusieurs, elles les tuent, mais à regret ; et quand elles désespèrent d’une année abondante, elles préfèrent de détruire les cellules où cupit esse, et in officio conspici gaudet. Fessum humeris sublevant; vali- dius fatigatum ex toto portant. Si qua lassata deficit, aut forte aberravit, odore persequitur. Ubicunque ille consedit, ibi cunctarum castra sunt. XVIII. Tunc ostenta faciunt privata ac publica, uva dependente in aomibus templisve, sæpe expiata magnis eventibus. Sedere in ore infan- tis tum etiam Platonis, suavitatem illam prædulcis eloquii portendentes. Sedere in castris Drusi imperatoris, quum prosperrime pugnatum apud Arbaionem est, haudquaquam perpetua aruspicum conjectura, qui dirum id ostentum existimant semper. Duce prehenso, totum tenetur agmen : amisso dilabitur, migratque ad alios. Esse utique sine rege non possunt. LIVRE ONZIÈME. £25 ils doivent naître. Alors elles chassent aussi les faux bour- dons. Si les vivres manquent dans quelques ruches, les abeilles se jettent sur les ruches voisines pour les piller. Celles qu'elles attaquent se défendent et livrent combat, et si l’homme chargé du soin des ruches est présent, le parti qui se le croit favorable ne lui fait aucun mal. Elles se font aussi la guerre pour d’autres sujets. Le transport des fleurs est la cause ordinaire des rixes. Chacune appelle ses compagnes à son secours. Alors chaque armée a son chef qui la range en bataille. Un peu de poussière ou de fumée sépare les combattants. Une légère aspersion de lait ou d’eau miellée réconcilie les deux partis. MALADIES DES ABEILLES. Elles ont aussi leurs maladies. Elles paraissent alors tristes et languissantes. On les voit présenter des alimenis à celles qu’elles ont exposées devant les portes à la chaleur du soleil, transporter hors de la ruche celles qui sont mortes, accompagner leurs corps, comme pour leur rendre les derniers devoirs. Si le roi succombe à la maladie, le peuple consterné s’abandonne à la douleur : les travaux cessent; personne ne sort. Elles s’attroupent toutes en Invitæ autem interimunt eos, quum plures fuere, potiusque nascentium domos diruunt, si proventus desperatur ; tunc et fucos abigunt. Quod si defecerit aliquas alvos cibus, impetum in proximas faciunt rapinæ proposito. At illæ contra dirignnt aciem : et si custos adsit, alter- utra pars, quæ sibi favere sentit, non appetit eum. Ex aliis quoque LIVRE DOUZIÈME. 185 aux Cadavres des animaux, et que l'ivoire, comme pour lé gitimer le ‘luxe par la complicité des immortels, eût offert. également à nos regards ou la tête d’un dieu ou les pieds d’une table. On: prétend que ce qui engagea les Gaulois à franchir les Alpes, barrière jasqu’alors insurmontable, et à se précipiter sur l'Italie, c’est qu'un artisan helvétien, nommé Hélico, ayant travaillé quelque temps à Rome, en avait rapporté, à son retour, des figues et des raisins secs, du vin et de- l’huile, inconnus à ces peuples. S'ils firent la guerre pour conquérir de si grands biens, le motif du moins en peut être l’excuse. DES ARBRES EXOTIQUES. _ Mais qui verra sans étonnement qu'on soit allé chercher un arbre au delà des mers, seulement à cause de son om- bre! Cet arbre est le platane. Il traversa d’abord la mer lonienne, et vint dans l’ile de Diomède orner le tombeau de ce héros. De là il passa en Sicile, et c’est un des premiers arbres étrangers donnés à l'Italie. Déja il est parvenu chez les Morins. Le terrain qu’il occupe est sujet à un tribut, et des nations payent un impôt pour la jouissance de l’ombre: Denys l’ancien, tyran de Sicile, fit planter des platanes dans et simulacra numinum fuere, nondum pretio excogitato belluarum cada- “veri; antequam, ut: a-diis nato-jure luxuriæ, eodem ebore numinum ora spectarentur, et mensarum pedes. Produnt Alpibus coercitas, et tum inexsuperabili munimento Gallias, hanc primum habuisse causam superfundendi se Italiæ, quod Helico ex Helvetiis civis earum, fabrilem ob artem Romæ commoratus, ficum siceam et uvam, oleique ac vini præmissa remeans secum tulisset. Quapropter hæc vel bello quæsisse venia sit. TIL. Sed quis non jure miretur arborem umbræ gratia tantum ex alieno petitam orbe! Platanus hæe est, mare Ionium in Diomedis insulam ejus- dem tumuli gratia primum invecta, inde in Siciliam transgressa, atque ‘inter primas-donata Italiæ, et jam ad Morinos usque pervecta, ac tribu- +arium etiam detinens so!um, ut gentes vectigal et pro umbra pendant. 186 EXTRAITS DE PLINE. sa capitale, où ils devinrent la merveille de son palais. C’est le lieu où depuis on a établi le gymnase. DES PLATANES. Ceci.se passa vers le temps de la prise de Rome. Par la suite, on a donné tant de prix aux platanes, qu'aujourd'hui nous les arrosons avec du vin pur (mauvaise pratique). On a reconnu que cette liqueur fait beaucoup de bien aux ra- cines, et nous avons instruit les arbres mêmes à s’abreuver de vin. FAITS MERVEILLEUX TOUCHANT LES PLATANES. Ii existe aujourd'hui en Lycie un platane fameux auprès d'une source dont la fraicheur ajoute aux charmes de son ombrage. Placé sur le chemin, il offre pour asile au voya- seur une grotte de quatre-vingt-un pieds, creusée dans le tronc : sa cime est une forêt, et s’entourant de vastes ra- meaux, qui semblent autant d'arbres, il couvre les campa- gnes d’une ombre immense. Afin que rien ne manque à l'il- lusion, tout l’intérieur est garni d’un rang de pierres ponces revêtues de mousse. Frappé de cette merveille, Mucien, trois fois consul, et dernièrement lieutenant en Lycie, a cru devoir transmettre à la postérité qu'il mangea dans cette grotte avec dix-huit personnes, qu'il y passa la nuit sur des Dionysius prior, Siciliæ tyrannus, regiam in urbem transtulit eas, domus suæ miraculum, ubi postea factum gymnasium. IV. Hoc actum circa captæ Urbis ætatem : tantumque postea honoris increvit, ut mero infuso enutriantur : compertum id maxime prodesse ra- dicibus ; docuimusque etiam arbores vina potare. V. Nunc est clara in Lycia, gelidi fontis socia amænitate, itineri appo-- sita, domicilii modo, cava octoginta atque unius pedum specu , nemorosa vertice, et se vastis protegens ramis, arborum instar, agros longis obtinet umbris : ac ne quid desit speluncæ imagini, saxeæ intus crepidinis co- rona muscosos complexa pumices : tam digna miraculo, ut Licinius Mu- cianus, ter consul, et nuper provinciæ ejus legatus, prodendum etiam posteris putarit, epulatum intra eam se cum duodevicesimo comite, large. LIVRE DOUZIÈME. 187 lits formés des feuilles de l’arbre, à l'abri de tous les vents, prêtant l'oreille au bruit de la pluie qui traversait le feuil- lage. Il ajoute que l'éclat des marbres, la variété des pein- tures et la dorure des lambris auraient été pour lui un spec- tacle moins agréable. Caligula vit aussi, près de Vélitres, un platane qui excita son admiration. Les branches for- maient un plancher avec des bancs très larges disposés tout alentour. Il dina, au plus épais du feuillage, dans cette salle qui contenait quinze convives et les gens nécessaires pour le service. Il appela ce repas le festin du nid. COMMENT SE PLANTE LE POMMIER D ASSYRIE (CITRONNIER). Les cerisiers, les pêchers et tous les arbres dont les noms sont grecs où n’appartiennent pas à notre langue, sont étran- gers. Lorsque je traiterai des arbres à fruit, je parlerai de ceux d’entre eux qui ont commencé à se naturaliser chez nous. Pour le moment, je m'occuperai des arbres étrangers, en commençant par le plus salutaire de tous. . Le pommier assyrien, que d’autres nomment médique (le citronnier), est un excellent antidote. Sa feuille est sem- blable à celle de l’arbousier, et ses rameaux sont armés de quelques piquants. Le fruit ne se mange pas (2). L'arbre se distingue aussi par l'odeur de ses feuilles, qui se commu- ipsa toros præbente fronde, ab omni afflatu securum, optantem imbrium per folia crepitus, lætiorem quam marmorum nitore, picturæ varietate, laquearium auro, cubuisse in eadem. Aliud exemplum Caii principis, in Veliterno rure mirati unius tabulata, laxeque ramcrum trabibus scamna patula, et in ea epulati, quum ipse pars esset umbræ, quindecim conviva= rum ac ministerii capace triclinio, quam cœnam appellavit ille ni- dum. NII. 3. Peregrinæ et cerasi, persicæque, et omnes quarum Græca no- mina aut aliena ; sed quæ ex his incolarum numero esse cœpere, dicen- tur inter frugiferas. In præsentia externas persequemur, a salutari maxime orsi, Malus Assyria, quam alii vocant Medicam, venenis medetur. Folium ejus est unedonis, ramis intercurrentibus spinis. Pomum ipsum alias non 188 EXTRAITS DE PLINE. nique aux étoiles avec lesquelles on l’enferme, et qu’elle ga— rantit des vers. Il porte des fruits dans toutes les saisons : tandis que les uns tombent, d’autres mürissent, et d’autres commencent à se former. Des nations ont essayé de letrans- porter chez elles à cause de son efficacité contre:les poisons. On se servait de caisses d'argile, en donnant de l’air aux racines par une ouverture. Car, soit dit une fois pour toutes, les arbres qu’on veut faire voyager doivent être étroitement plantés dans les caisses qui servent à les transporter. Au surplus, le citronnier a refusé jusqu'ici de naître ailleurs que chez les Mèdes et dans la Perse (3). Ce sont les grains du citron que les grands, chez les Parthes, font cuire dans leurs ragoüts, afin de se donner une haleine agréable. D’ail- leurs, nul autre arbre de la Médie ne mérite une distinction particulière. : ARBRES DE L'INDE. De tous les arbres qui ‘appartiennent spécialement à l’Inde, Virgile n’a parlé que de l’ébénier. Il assure qu'il ne naît pas ailleurs. Hérodote en fait un arbre de l'Éthiopie, lorsqu'il écrit que tous les trois ans les Éthiopiens ‘en- voyaient en tribut au roi de Perse cent büches de ce bois, avec de l'or et de l’ivoire. Une circonstance de son récit mérite d’être observée : c'est qu'il :articule expressément manditur odore præcellit foliorum quoque, qui transit in vestes una con- ditus, arcetque animalium noxia. Arbor ipsa omnibus horis:pomifera est, aliis cadentibus , aliis maturescentibus , aliis vero:subnascentibus. Tenta- vere gentes transferre ad sese propter remedii præstantiam fictilibus in vasis, dato:per cavernas radicibus spiramento : qualiter omnia transitura longius seri arctissime transferrique meminisse conveniet, ut semel quæ- que dicantur. Sed nisi apud Medos, et in Perside, nasci noluit. Hæcest autem , cujus grana Parthorum proceres incoquere:diximus esculentis, commendandi halitus gratia. Nec alia arborlaudatur:in Medis. VIII. 4. Uname peculiaribus Indiæ Virgilius celebravit ebenum , nus- quam alibi nasci professus. Herodotus eam Æthiopiæ intelligimaluit, in tributi vicem regibus Persidis :e materie ejus centenas phalangas:tertio quoque:anno pensitasse Æthiopas, cum auro et bore, prodendo. Non LIVRE DOUZIÈME. 189 qu'ils payaient en tribut vingt grandes dents d’éléphant. Tel était le prix de l’ivoire l’an 310 de Rome; car c’est à cette époque qu'il écrivait son histoire à Thurium en Italie (4). La carte de l’Éthiopie, nouvellement apportée à l’empereur Néron, nous a instruits que depuis Syène, qui borne notre empire, jusqu’à Méroé, c’est-à-dire dans l’éten- due de huit cent quatre-vingt-seize mille pas, l’ébénier est rare, et quil n'existe presque pas d’autres arbres que ceux du genre des palmiers. C’est peut-être par cette raison que l’ébénier tenait le troisième rang dans l’ordre des tributs. QUAND L'ÉBÉNIER FUT-IL APPGRTÉ À ROME POUR LA PREMIÈRE FOIS. Le grand Pompée a fait voir cet arbre à Rome, dans son triomphe sur Mithridate. DU FIGUIER INDIEN. Le figuier de l'Inde (ficus Indica) porte des fruits très petits. Cet arbre, se multipliant toujours de lui-même, étend de vastes branches, dont les plus basses se courbent vers la terre, au point qu'elles y prennent racine dans l’es- pace d’un an, et qu’elles forment une nouvelle plantation autour du tronc principal, comme si elles avaient été dispo- emittendum id quoque : vicenos dentes elephantorum grandes, quoniam ita significavit, Æthiopas ea de causa pendere solitos. Tanta ebori aucto- ritas erat, Urbis nostræ trecentesimo decimo anno : tunc enim auctor ille historiam eam condidit Thuriis in Italia. Æthiopiæ forma, ut diximus, nuper allata Neroni principi, raram arborem Meroen usque à Syene fine imperii, per DCCCXCVI. M. passuum, nullamque uisi palmarum generis esse docuit. Ideo fortassis in tributi auctoritate tertia res fuerit ebenus. IX. Romæ eam Magnus Pompeius in triumpho Mithridatico ostendit. XT. Ficus in India exilia poma habet. Ipsa se semper serens, vastis diffunditur ramis : quorum imi adeo in terram curvantur, ut annuo Spa- tio infigantur , novamque sibi propaginem faciant circa parentem in Or— bem, quodam opere topiario. Intra sepem eam æstivant pastores, Cpacam 190 EXTRAITS DE PLINE. sées à dessein. Les bergers se retirent l’été dans cette en ceinte, qui est à la fois un abri et un retranchement. Cette voûte est agréable à l’œil au dedans et au dehors. Les bran— ches supérieures se portent en. haut, et forment une sorte de forêt. L'arbre entier occupe ordinairement'une circonfé- rence de soixante pas , et son ombre couvre un espace de deux stades. La feuille représente un bouclier d’Amazone : en cachant le fruit, elle l'empêche de croître. Les figues sont parsemées en petit nombre, et n’excèdent pas la gros- seur d’une fève ; mais cuites par le soleil à travers le feuil-- lage, elles sont très douces et dignes-de l’arbre merveilleux qui les produit. Ce figuier se trouve surtout aux environs du fleuve Acésine. DU POLA. Il y en a un autre plus grand, qui l'emporte par la gros- seur et la douceur de son fruit, dont les gymnosophistes se nourrissent. La feuille imite une aile d'oiseau : elle a trois coudées de long et deux de large. La figue sort de l'écorce : elle est d’un goût admirable; une seule suffit pour rassa- sier quatre personnes. Cet arbre est commun dans la Sydra- cie , terme des expéditions d'Alexandre. Il est encore un autre figuier semblable à celui-ci. La figue est délicieuse, pariter et munitam vallo arboris, decora specie subter intuenti, proculve, fornicato ambitu. Superiores ejusdem rami in excelsum emicant, silvosa. multitudine, vasto matris corpore, ut LX. passus plerique orbe colligant, umbra vero bina stadia operiant. Foliorum.latitudo peltæ effigiem Ama- zonicæ habet; hac causa fructum integens, crescere prohibet. Rarusque est, nec fabæ magnitudinem excedens : sed per folia solibus coctus, præ- dulci sapore dignus miraculo arboris; gignitur circa Acesinen maxime amnem, XII. 6. Major alia :‘pomo et suavitate præcellentior, quo sapientes In- dorum vivunt. Folium alas avium imitatur, longitudine trium cubitorum,, Jatitudine duum. Frucium cortice mittit, admirabilem succi dulcedine, ut uno quaternos satiet. Plurima est in Sydracis, expeditionum Alexandri termino. Est et alia similis huic, dulcior pomo, sed.interaneorum valetu- LIVRE DOUZIÈME. 191 mais elle cause la dyssenterie. Alexandre avait défendu que nul homme de son armée ne touchât à ce fruit. ‘DE L’ENCENS. L’encens appartient exclusivement à l’Arabie : encore ne le trouve-t-on pas-dans toute cette contrée. On ne s’accorde point sur la forme de l'arbre qui le produit. Nous avons fait la guerre en Arabie:: les armes romaines ont pénétré dans la plus grande partie de ce pays : Caïus César, fils d’Au- euste, sy est même acquis de la gloire, et cependant nul auteur latin, du moins à ma connaissance, ne nous.a- donné la.description de-cet arbre. Les Grecs varient entre eux. NATURE DE L'ENCENS ; SES ESPÈCES. Autrefois on ne faisait qu'une récolte par an: aujourd'hui que la vente produit de grands gains, on en fait deux. La récolte naturelle, qui est aussi la première, a lieu dans les plus violentes chaleurs, au lever de la canicule. On fait une incision à l'écorce, dans la partie qui paraît la plus: tendue et la plus mince : on la dilate en l’ouvrant, mais sans rien enlever. Il s’en échappe une écume onctueuse, qui s’épaissit et se coagule, reçue ou sur une natte de palmier, quand le lieu en fournit, ou sur une aire battue autour de l'arbre. dini infesta. Edixerat Alexander, ne quis agminis sui id pomum at- tingeret. XXX. 14. Thura, præter Arabiam.,, nullis, ac ne Arabiæ quidem uni- versæ. Nec.arboris ipsius quæ sit facies constat. Res in Arabia gessimus, -et Romana-arma in magnam partem ejus penetravere : Caius etiam Cæsar Augusti filius inde gloriam petiit, nec tamen ab ullo (quod equidem sciam) Latino arborum earum tradita est facies. Græcorum exempla variant. XXXI. Meti semel anno solebat, minore occasione vendendi. Jam quæstus alteram vindemiam affert. Prior atque naturalis vindemia circa qui unquam fuerat, populus. Stemmata vero lineis discurrebant ad imagines pictas. Tablina codicibus implebantur, et monumentis rerum in magi- stratu gestarum. Aliæ foris et circa limina domitarum gentium imagines erant, adfixis hostium spoliis, quæ nec emptori refigere liceret : trium- phabantque etiam dominis mutatis ipsæ domus : et erat hæc stimulatio ingens, exprobrantibus tectis quotidie imbellem dominum intrare in alie- LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. 403 entrait dans un triomphe qui n’était pas le sien. Nous vovons avec quelle indignation l’orateur Messala défendit qu'on mêlât, parmi les images de sa famille, celle d’un Lé- vinus qui lui était étranger. Le même sentiment dicta aussi au vieux Messala son ouvrage sur les familles, lorsque, traversant les galeries de Scipion Pomponien, il eut vu qu'à la faveur d’une adoption testamentaire, les Salutions (tel avait été le surnom de Pomponien) outrageaient ce beau nom d’Africain, en se mêlant aux vrais Scipions. Mais que la sévérité des Messala me permette cette réflexion : Usur- per un nom glorieux annonçait du moins quelque amour pour la vertu; et sans doute il serait bien plus honteux de mériter que personne ne désiràt le nôtre. Je ne dois pas omettre ici une invention moderne. Depuis quelque temps on consacre dans les bibliothèques, en or, en argent, ou du moins en airain, les bustes des grands hommes dont la voix immortelle retentit dans ces lieux; et même, quand leur image ne nous a pas été transmise, nos regrets y substituent les traits que notre imagination leur prête : c'est ce qui est arrivé à Homéëre; et certes, je ne conçois pas de plus grand bonheur pour un mortel que ce desir qu'éprouvent les hommes de tous les siècles, de savoir quels ont été ses traits. L'usage dont je parle fut établi à num triumphum. Exstat Messalæ oratoris indignatio, qua prohibuit inseri genti suæ Lævinorum alienam imaginem. Similis causa Messalæ seni expressit volumina illa, quæ de Familiis condidit, quum Scipionis Pom- poniani transisset atrium , vidissetque adoptione testamentaria Salutiones {hoc enim fuerat cognomen) , Africanorum dedecore irrepentes Scipionum nomini. Sed pace Messalarum dixisse liceat, etiam mentiri clarorum ima- gines, erat aliquis virtutum amor : multoque honestius, quam mereri ne quis suas expeteret. No est prætereundum et novitium inventum. Siquidem non solum ex auro argentove, aut certe ex ære in bibliothecis dicantur illi, quorum im- mortales animæ in locis iisdem loquuntur : quin imo etiam quæ non sunt, finguntur, pariuntque desideria non traditos vultus, sicut in Homero evenit. Quo majus (ut equidem arbitror) nullum est felicitatis specimen, 40% EXTRAITS DE PLINE. Rome par Asinius Pollion, qui, le premier, ouvrant une bi- bliothèque publique, rendit le génie des grands écrivains le patrimoine des nations. Je ne pourrais dire si les rois d'Alexandrie et de Pergame, qui se disputèrent la gloire de fonder des bibliothèques, n’ont pas fait la même chose avant lui. Plusieurs ont eu la passion des portraits. On peut citer Atticus, l’ami de Cicéron, et Marcus Varron. Le premier composa un traité sur ce sujet; l’autre, par l’invention la plus généreuse , inséra dans ses nombreux ouvrages non- seulement les noms, mais les portraits de sept cents hom- mes célèbres, mettant ainsi leurs traits à l’abri du temps, et ne souffrant pas que la durée des siècles pût prévaloir contre des mortels. Don précieux, invention capable d’exci- ter la jalousie des dieux mêmes, puisqu’en donnant l’im- mortalité à ces grands hommes, il les a répandus chez toutes les nations, en sorte qu’ils sont, pour ainsi dire, pré- sents dans toutes les parties du mondé! DES PORTRAITS SUR LES BOUCLIERS. Au reste, il rendit cet honneur à des étrangers. Appius Claudius, collègue du consul Servilius, l’an de Rome 259, -quam semper omnes scire cupere, qualis fuerit aliquis. Asinii Pollionis- hoc Romæ inventum, qui primus bibliothecam dicando, ingenia hominum. rem publicam fecit. An priores cœperint Alexandriæ et Pergami reges, qui bibliothecas magno certamine instituere, non facile dixerim. Imaginum amore flagrasse quosdam testes sunt et Atticus ille Ciceronis edito de his volumine, et Marcus Varro benignissimo invento, insertis voluminum suorum fecunditati, non nominibus tantum septingentorum illustrium, sed et aliquo modo imaginibus, non passus intercidere figuras, aut vetustatem ævi contra homines valere, inventor muneris etiam diis invidiosi, quando immortalitatem non solum dedit, verum etiam in omnes. terras misit, ut præsentes esse ubique credi possent, III. 3. Et hoc quidem alienis ille præstitit. Suorum vero clypeos in sa- cro vel publico privatim dicare primus instituit (ut reperio) Appius Clau— LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. 405 donna le premier l'exemple de consacrer, de son autorité privée, dans un temple ou dans un lieu publie, les portraits de sa famille. Il plaça ses ancêtres dans le temple de Bel- lone, et voulut qu'ils fussent contemplés dans un lieu élevé, avec les titres qui les distinguaient. Hommage glorieux, sur- tout lorsque les médaillons qui représentent les enfants d’un grand homme montrent à la fois tous les rejetons qui sor- tent d’une seule tige. Il n’est personne qui voie ces tableaux sans plaisir et sans intérêt. DES PORTRAITS DANS LES MAISONS. Après lui, M. Émilius, collègue du consul Lutatius, plaça ses ancêtres , non-seulement dans la basilique Émilienne, mais dans £a propre maison. Leurs portraits avaient aussi quelque chose de martial (2); car ils étaient peints sur des boucliers pareils à ceux dont on se servait à la guerre de Troie. Idée grande et généreuse, de représenter un citoyen sur le bouclier dont il avait fait usage. Les Carthaginois ont souvent exécuté en or ces boucliers et ces portraits, et ils les portaient à la guerre : du moins tel était celui d’Asdru- bal, qui fut trouvé à la prise de leur camp par Marcius, vengeur des Scipions en Espagne. Il demeura suspendu au- dessus de la porte du Capitole, jusqu’au premier incendie dius, qui consul cum Servilio fuit anno Urbis ccrix. Posuit enim in Bel- 1onæ æde majores suos, placuitque in excelso spectari, et titulos honorum legi. Decora res, utique $ liberorum parvulis imaginibus ceu nidum ali- quem sobolis pariter ostendat : quales clypeos nemo non gaudens favens- que aspicit. IV. Post eum M. Æmilius, collega in consulatu Quinti Lutatii, non in basilica modo Æmilia, verum et domi suæ posuit, id quoque martio exem- plo. Scutis enim qualibus apud Trojam pugnatum, continebantur imagi- nes : origo plena virtutis, faciem reddi in scuto cujusque , qui fuerit usus illo. Pœni ex auro factitavere et clypeos, et imagines, secumque in castris tulere. Certe captis eis talem Asdrubalis invenit Marcius, Scipionum in Hispania ultor : isque clypeus supra fores Capitolinæ ædis usque ad in- 406 EXTRAITS DE PLINE. de ce temple. On observe que telle était, sur cet objet, la sécurité de nos ancêtres que, sous le consulat de L. Man- lius et de Q. Fulvius, l’an de Rome 575, Aufidius, gardien comptable du Capitole, avertit les sénateurs que ces bou- cliers étaient d'argent , quoique depuis quelques lustres on les passât en compte sur le pied de boucliers d’airain. COMMENCEMENTS DE LA PEINTURE. Nous n'avons rien de certain sur les commencements de la peinture , et cette recherche n’entre pas dans le plan de mon ouvrage. Les Égyptiens la soutiennent inventée chez eux six mille ans avant qu’elle ait passé dans la Grèce. C’est une prétention mal fondée. Les Grecs la font naître, les uns à Sicyone, les autres à Corinthe (3) ; mais tous conviennent qu'elle dut son origine à l’ombre d’un homme circonserite par des lignes. Telle fut la première manière de peindre. Ensuite on ajouta la couleur, mais une seule couleur. Cette sorte de peinture fut nommée monochromate, lorsque l’art devint plus compliqué. Elle est encore en usage aujour- d’hui. On dit que le dessin au simple trait fut inventé par Philoclès, Égyptien, ou par Cléanthe, Corinthien. Ardicès de Corinthe, et Téléphanès de Sicyone, furent les premiers qui travaillèrent en ce genre. Ils n’employaient pas encore cendium primum fuit. Majorum quidem nostrorum tanta securitas in ea re adnotatur, ut L. Manlic, Q. Fulvio coss. anno Urbis DLxxv. M. Aufi- dius tutelæ Capitolii redemptor, docuerit patres argenteos esse ciypeos, qui pro æreis per aliquot jam lustra adsignabantur. V. De picturæ initiis incerta, nec instituti operis quæstio est. Ægyptii sex millibus annorum apud ipsos inventam, priusquam in Græciam trans- iret, adfirmant, vana prædicatione, ut palam est. Græci autem alii Sicyone, alii apud Corinthios repertam, omnes umbra hominis lineis cir- cumducta. Itaque talem primam fuisse : secundam singulis coloribus, et monochromaton dictam, postquam operosior inventa erat : duratque talis etiam nunc. Inventam linearem dicunt a Philocle Ægyptio, vel Cleanthe Corinthio. Primi exercuere Ardices Corinthius, et Telephanes LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. 407 la couleur, quoique déja ils jetassent quelques traits dans l’intérieur du dessin. Aussi écrivaient-ils au bas le nom de celui qu'ils représentaient. Cléophante, Corinthien, inventa l’art de colorer le dessin, en se servant, dit-on, de brique réduite en poudre. DES PEINTRES ROMAINS. La peinture ne tarda pas à être en honneur à Rome. Le nom de Pictor affecté à l'illustre famille des Fabius en est la preuve. Le premier qui le porta peignit le temple de Salus l’an de Rome 450. Cette peinture a subsisté jusqu’à noire siècle, le temple ayant été brülé sous l’empire de Claude. Ensuite l'ouvrage qu’on a le plus vanté est celui du poëte Pacuvius, qui peignit le temple d’Hercule dans le marché aux bœufs. Il était fils de la sœur d’Ennius, et la eloire de la peinture s’accrut à Rome par les succès qu'il obtint au théâtre. Depuis lui, cet art n’a plus été exercé par des mains honnêtes, à moins qu’on ne veuille citer, de nos jours, Turpilius, chevalier romain, né à Venise, et dont il existe encore de bons ouvrages à Vérone. Il peignit de la main gauche, ce qu'on ne rapporte d'aucun autre avant lui (4). Antistius Labéon, mort depuis peu dans une extrême Sicyonius, sine ullo etiamnum hi colore, jam tamen spargentes lineas intus. Ideo et quos pingerent, adscribere institutum. Primus invenit eas colorare, testa {ut ferunt) trita, Cleophantus Corinthius. VII. 4. Apud Romanos quoque honos mature huic arti contigit. Siquidem cognomina ex ea Pictorum traxerunt Fabii clarissimæ gentis, princepsque ejus, cognominis ipse, ædem Salutis pinxit anno Urbis conditæ cCccz. quæ pictura duravit ad nostram memoriam, æde Claudii principatu exusta. Proxime celebrata est in foro boario, æde Herculis, Pacuvii poetæ pictura. Ennii sorore genitus hic fuit : clarioremque eam artem Romæ fecit gloria scenæ. Postea non est spectata honestis manibus : nisi forte quis Turpilium equitem Romanum nostræ ætatis e Venetia velit re- ferre, hodieque pulchris ejus operibus Veronæ exstantibus. Læva is manu pinxit, quod de nullo ante memoratur. Parvis gloriabatur tabellis, extinc- 108 EXTRAITS DE PLINE. vieillesse, après avoir été préteur, et même proconsul de la Gaule narbonnaise , faisait vanité de ses petits tableaux ; mais il n’a recueilli de son travail que le ridicule et le mé- pris. Il ne faut pas taire ici une préférence honorable accordée à la peinture par les premiers citoyens de Rome. Q. Pédius, petit-fils de Pédius qui fut décoré du triomphe et du con- sulat, et appelé avec Auguste à la succession du dictateur César, était muet de naissance. L’orateur Messala, parent de son aïeule, proposa de lui faire apprendre la peinture. Auguste approuva ce dessein. L'enfant mourut après avoir fait de grands progrès. Mais celui qui dans Rome donna le plus de considération à cet art fut Valérius Maximus Mes- sala, lorsqu'il exposa le premier , sur une des murailles de la salle Hostilia, l’an 490, le tableau de la bataille qu'il avait gagnée sur Hiéron et les Carthaginois en Sicile. À son exemple, L. Scipion plaça au Capitole le tableau de sa vic- toire en Asie. On prétend que Scipion l’Africain, son frère, en fut offensé : il était excusable, puisque son fils avait été pris dans ce combat. Lucius Hostilius Mancinus, qui était entré le premier dans Carthage, déplut pareïllement à Sci- pion Émilien, en exposant dans le Forum le tableau de cette tus nuper in longa senecta, Antistius Labeo prætorius, etiam proconsulatu provinciæ Narbonensis functus. Sed ea res in risu et contumelia erat. Fuit et principum virorum non omittendum de pictura celebre consi- lium. Q. Pedius, nepos Q. Pedii consularis trinmphalisque, a Cæsare dic- tatore cohæredis Augusto dati, quum natura mutus esset, eum Messala orator, ex cujus familia pueri avia erat, picturam docendum censuit, idque etiam divus Augustus comprobavit. Puer magni profectus in ea arte obiit. Dignatio autem præcipua Romæ increvit (ut existimo) a M. Valerio Ma- ximo Messala, quum princeps tabulam picturæ prælii, quo Carthaginien- ses et Hieronem in Sicilia dévicerat, proposuit in latere curiæ Hostiliæ, anno ab Urbe condita ccccxc. Fecit hoc idem et L. Scipio, tabulamque victoriæ suæ asiaticæ in Capitolio posuit : idque ægre tulisse fratrem Africanum tradunt, haud immerito quando filius ejus in illo prælio captus fuerat. Non dissimilem offensionem et Æmiliani subiit Lucius Hostilius LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. 409 ville et des différentes attaques. Lui-même, debout, en ex- pliquait les détails à la foule qui lentourait. Cette complai- sance lui valut le consulat aux comices suivants. Pendant les jeux de Claudius Pulcher, on admira la magie de la peinture, lorsque des corbeaux, trompés par la ressem- blance, vinrent s’abattre sur les décorations, qu’ils pre- naient pour un toit véritable. ÉPOQUE À LAQUELLE ON COMMENCA A ROME A RECHERCHER LES TABLEAUX ÉTRANGERS. L. Mummius, que sa victoire fit surnommer Achaïque, est le premier qui, dans Rome, ait donné une consistance publique aux tableaux étrangers. A la vente du butin, At- tale avait acheté six cent mille deniers (540,000 fr.) un Bacchus d’Aristide : le consul étonné du prix, et soupcon- nant dans le tableau quelque vertu qu’il ne connaissait pas, le retira de la vente, malgré les plaintes du roi, et le plaga dans le temple de Cérès. Je crois que c’est le premier ta- bleau étranger qui ait été rendu public à Rome. Je vois que dans la suite un grand nombre furent placés dans le Fo- rum. L'un d’eux donna lieu à une répartie plaisante de l’o- rateur Crassus, un jour qu'il plaïdait sous les Vieux porti- ques. Un témoin qu'il récusait lui avait adressé plusieurs Mancinus, qui primus Carthaginem irruperat, situm ejus oppugnatio- nesque depictas proponendo in Foro, et ipse adsistens populo spectanti singula enarrando : qua comitate proximis comitiis consulatum adeptus est. Habuit et scena ludis Claudii Pulchri magnam admirationem pic- turæ, quum ad tegularum similitudinem corvi decepti imagine advolarent. VHF. Tabulis autem externis auctoritatem Romæ publice fecit primus omnium Lucius Mummius, cui cognomen Achaici victoria dedit. Namqgue quum in præda vendenda rex Attalus distraxisset, et x. vi. emisset tabulam : Aristidis, Liberum patrem, pretium miratus, suspicatusque aliquid in ea virtutis, quod ipse nesciret, revocavit tabulam, Attalo multum querente,et in Cereris delubro posuit : quam primam arbitror picturam externamRomæ publicatam. Deinde video et in Foro positas vulgo. Hinc enim ille Crassi oratoris lepos agentis sub Veteribus, quum testis compellatus instaret : 410 EXTRAITS DE PLINE. fois ces mots : « Dites donc, Crassus, que suis-je à vos » yeux ? — Ce qu'est cet homme, » reprit l’orateur en mon- trant un Gaulois qu’on avait peint tirant la langue [d’une manière hideuse. Dans le Forum était aussi un vieux berger appuyé sur sa houlette. On demandait au député des Teu- tons combien il estimait ce tableau : «Je ne voudrais pas » même de l’original vivant, répondit-il, quand on me le » donnerait pour rien. » ÉPOQUE A LAQUELLE LA PEINTURE ET LES PEINTRES COMMEN- _ CÈRENT À ACQUÉRIR DE LA CONSIDÉRATION À ROME. Mais celui qui a le plus particulièrement assuré une exis— tence publique aux tableaux, a été César, en dédiant ceux d’Ajax et de Médée devant le temple de Vénus Genitriæ, et, après lui, M. Agrippa, quoique plus voisin de la rusticité que de la délicatesse du luxe. Du moins il existe de lui une harangue pleine de noblesse, et digne du plus grand citoyen de Rome, sur l'utilité de rendre publics tous les ta-- bleaux et toutes les statues. Ce qui aurait mieux valu que de les reléguer dans les jardins des particuliers. Malgré sa grossière austérité , il acheta des habitants de Cyzique un Ajax et une Vénus trois cent mille deniers (228,437 fr.) : et dans la partie la plus chaude de ses thermes, il avait aussi « Dic ergo, Crasse, qualem me reris! — Talem, » inquit, ostendens in tabula pictum inficetissime Gallum exserentem linguam. In Foro fuit et illa pastoris senis cum baculo, de qua Teutonorum legatus respondit, in- terrogatus, « quanti eum æstimaret, sibi donari nolle talem vivum, » verumque. » IX. Sed præcipuam auctoritatem fecit publice tabulis Cæsar dictator, Ajace et Medea ante Veneris Genitricis ædem dicatis. Post eum M. Agrippa, vir rusticitati propior quam deliciis. Exstat certe ejus oratio magnifica, et maximo civium digna, de tabulis omnibus signisque publicandis : quod fieri satius fuisset, quam in villarum exilia pelli. Verum eadem illa tor- vitas tabulas duas Ajacis et Veneris mercata est a Cyzicenis x. ur. Im LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. 411 placé de petits tableaux incrustés dans le marbre. Ils en ont été enlevés depuis peu, lorsqu'on a réparé les bains. COULEURS EMPLOYÉES PAR LES PREMIERS PEINTRES. C’est avec quatre couleurs seulement, savoir, le blanc de Mélos, le jaune d’Athènes, la sinope de Pont, et le noir de fumée, que ces artistes fameux, Apelle, Échion, Mélanthe, Nicomaque ont produit leurs chefs-d’œuvre immortels : et cependant les richesses des villes entières suffisaient à peine pour payer un seul de leurs tableaux. Aujourd’hui que la pourpre est prodiguée sur les murailles, que l'Inde nous envoie le limon de ses fleuves, le sang des dragons et des éléphants , nous n’avons pas un seul ouvrage qui soit cité. Tout était donc meilleur lorsque les moyens étaient moins abondants. La raison en est, comme je l’ai déjà dit, qu'on prise plus la matière que le talent. PEINTRES QUI ONT EMPLOYÉ LE PINCEAU : PARTICULARITÉS RELATIVES À LA PEINTURE. Apelle de Cos s’est élevé au-dessus de tous les peintres qui l’ont précédé et qui devaient le suivre. Il parut dans la cent douzième olympiade. Lui seul peut-être a fait pour la peinture plus que tous les autres ensemble, ayant même thermarum quoque calidissima parte marmoribus incluserat parvas ta- bellas paulo ante, quum reficerentur, sublatas. XXXII. 7. Quatuor coloribus solis immortalia illa opera fecere, ex albis Melino, ex silaceis Attico, ex rubris sinopide Pontica, ex nigris atramento, Apelles, Echion, Melanthius, Nicomachus, clarissimi pictores, quum tabulæ eorum singulæ oppidorum venirent opibus. Nunc et purpu- ris in parietes migrantibus, et India conferente fluminum suorum limum, et draconum et elephantorum saniem, nulla nobilis pictura est. Omnia ergo meliora tunc fuere, quum minor copia. Ita est, quoniam, ut supra diximus, rerum, non animi pretiis, excubatur. XXXVI. 9. Omnes prius genitos futurosque postea superavit Apelles Cous, olympiade cxu. Picturæ plura solus prope, quam ceteri omnes, #12 EXTRAITS DE PLINE. publié des livres qui contiennent les prineipes de l’art. Le caractère éminent de ses productions est la grace. De très grands peintres ont vécu de son temps : il rendait hommage à leur talent; mais après leur avoir prodigué les éloges , il disait qu’ils manquaient de ce charme que les Grecs appe- laient charis (la grace) : qu'ils réunissaient tous les autres senres de mérite, mais qu’en. cette partie lui-même n'avait point d’égal. Un jour qu'il admirait un tableau de Proto- gène, d'un travail infini et d’une exactitude minutieuse, il se décerna un autre genre de gloire. « Protogène, dit-1l, » m’égale dans tout le reste, et même il me surpasse : mais » j'ai sur lui un avantage, c’est qu’il ne sait pas quitter un » tableau. » Importante leçon qui nous apprend que souvent on fait mal en voulant faire trop bien. Sa franchise égalait son talent. Il reconnaissait la supériorité de Mélanthius sur lui pour l’ordonnance, et celle d’Asclépiodore pour les me- sures, c’est-à-dire pour les distances relatives des objets. _ On sait ce qui se passa entre Protogène et lu. Le pre- mier vivait à Rhodes. Apelle fit le voyage, curieux de voir les ouvrages de cet artiste, qui ne lui était connu que par sa réputation. À peine débarqué, il court à son atelier. Protogène était absent. Une vieille femme gardait un très contulit, voluminibus etiam editis, quæ doctriram eam continent. Præci- pua ejus in arte venustas fuit : quum eadem ætate maximi pictores es- sent, quorum opera quum admiraretur, collaudatis omnibus, deesse jiis , unam venerem dicebat, quam Græci charita vocant : cetera omnia conti- gisse : sed hac soli sibi neminem parem. Et aliam gloriam usurpavit, quum Protogenis opus immensi laboris ac raræ supra modum anxiæ mira- retur. Dixit enim omnia sibi cum illo paria esse, aut illi meliora : sed uno se præstare, quod manum ille de tabula non sciret tollere : memorabili præcepto, nocere sæpe nimiam diligentiam. Fuit autem non minoris sim- plicitatis quam artis. Melanthio de dispositione cedebat, Asclepiodoro de mensuris, hoc est, quanto quid a quo distare deberet. Scitum est inter Protogenem et eum quod accidit. Ille Rhodi vivebat : quo quum Apelles adnavigasset. avidus cognoscendi opera ejus, fama tan- tum sibi cogniti, continuo officinam petit. Aberat ipse, sed tabulam am- LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. AE grand tableau, monté sur un chevalet et disposé pour le travail. Elle lui dit que son maître est sorti, et lui demande son nom. Le voici, dit Apelle : et, prenant un pinceau, il trace un dessin d’une extrême délicatesse (5). Protogène à son retour fut instruit de ce qui s'était passé. On rapporte qu'ayant considéré la finesse de ces traits, il s’écria : C’est Apelle; nul autre n’est en état de rien faire d’aussi parfait. Lui-même, avec une autre couleur, conduit sur ce même dessin un dessin encore plus délicat. En sortant, il recom— mande à la vieille femme de le montrer à l'étranger, s’il revient, et de lui dire que c’est là celui qu’il cherche. En effet, Apelle se présenta une seconde fois. Mais honteux d'être surpassé, il refendit les deux dessins avec une troi- sième couleur, ne laissant plus rien à faire à la subtilité. Protogène, se confessant vaincu , courut au port chercher son hôte. Ils jugèrent à propos de laisser le tableau tel qu’il était, éternel objet d’admiration pour tous, mais particu- lièrement pour les artistes. J'entends dire qu'il a péri dans le premier embrasement du palais d’Auguste, au mont Pa- latin. Les yeux s’attachaient sur ce tableau, qui, dans un si grand espace, ne contenait rien que des traits qui échap- paient à la vue. Il semblait vide au milieu de tant de chefs- plæ magnitudinis in machina apparatam picturæ anus una custodiebat. Hæc Protogenem foris esse respondit, interrogavitque a quo quæsitum diceret : ab hoc, inquit, Apelles : arreptoque penicillo lineam ex colore duxit summæ tenuitatis per tabulam. Reverso Protogeni, quæ gesta erant, anus indicavit. Ferunt artificem protinus contemplatum subtilitatem dixisse Apellem venisse : non enim cadere in alium tam absolutum opus : ipsumque alio colore tenuiorem lineam in illa ipsa duxisse, præcepisse- que abeuntem, si redisset ille, ostenderet, adjiceretque hunc esse, quem quæreret : atque ita evenit. Revertitur enim Apelles, sed vinci erubescens. tertio colore lineas secuit, nullum relinquens amplius subtilitati locum. At Protogenes victum se confessus, in portum devolavit, hospitem quærens. Placuitque sic eam tabulam posteris tradi, omnium quidem, seû artif- cum præcipuo miraculo. Consumptam eam priore incendio domus Cæsaris in palatio audio : spectatam olim tanto spatio nihil aliud continentem 414 EXTRAITS DE PLINE. d'œuvre; mais par cela même il attirait les regards, et tous les autres étaient moins renommés. | Apelle avait une habitude qu'il n’'interrompit jamais ; c'était de ne passer aucun jour, quelles: que fussent ses occupations, sans exercer son art en formant quelques traits : ce qui a donné lieu à un proverbe. Quand il avait fini un tableau, il l'exposait sous un avant-toit à la vue des passants, et caché derrière, il écoutait quels défauts on y remarquerait. On dit qu'un jour il fut repris par un cordonnier, pour avoir mis à une chaussure une attache de moins qu'il ne fallait. Le lendemain, cet ouvrier, fier du succès de sa critique, censurait quelque chose de la jambe. Apelie indigné se montra, lui enjoignant de ne pas juger au-dessus de la chaussure : ce qui a également passé en proverbe. L’amabilité de son caractère lui conciliait les bonñes graces d'Alexandre. Ce prince visitait souvent son atelier. J'ai déja rapporté qu’il avait défendu, par un édit, que nul autre peintre ne fit son portrait. Lorsque dans l'atelier le monarque, peu connaisseur, voulait raisonner sur l’art, Apelle lui conseillait le silence d’une manière aimable, en lui disant que les enfants qui broyaient les couleurs riaient de ses propos. quam lineas visum effugientes , inter egregia multorum opera inani simi- lem, et eo ipso allicientem, omnique opere nobiliorem. Apelli fuit alioqui perpetua consuetudo, nunquam tam occupatam diem agendi ut non lineam ducendo exerceret artem : quod ab eo in proverbium venit. Idem perfecta opera proponebat in pergula transeuntibus, atque post ipsam tabulam latens, vitia quæ notarentur auscultabat, vulgum di- ligentiorem judicem quam se præferens. Feruntque a sutore reprehensum quod in crepidis una pauciores intus fecisset ansas : eodem, postero die, superbo emendatione pristinæ admonitionis, cavillante circa crus, indi- gnatum prospexisse denuntiantem ne supra crepidam judicaret : quod et ipsum in proverbium venit. Fuit enim et comitas illi, propter quam gra- tior Alexandro Magno erat, frequenter in officinam ventitanti : nam, ut diximus, ab alio pingi se vetuerat edicto. Sed et in officina imperite multa disserenti silentium comiter suadebat, rideri eum dicens à pueris qui co- Jores tererent. LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. 415 Apelle fut bienfaisant même envers ses rivaux. Le pre- mier, il mit Protogène en réputation chez les Rhodiens. Celui-ci vivait sans considération dans son pays, comme c’est assez l'ordinaire. Apelle lui demandant un jour à quel prix il mettait les ouvrages qu'il avait faits, il marqua une somme assez modique. Le premier lui en proposa cinquante talents, et répandit le bruit qu’il les achetait pour les ven- dre comme de lui. Par là il fit sentir aux Rhodiens le mé- rite de leur peintre, et il ne céda ses tableaux que pour une somme plus forte. Pendant qu'il accompagnait Alexandre, il avait très mal vécu avec Ptolémée. Une tempête l’ayant jeté à Alexandrie, lorsque celui-ci régnait en Égypte, des envieux subornè- rent le bouffon de la cour pour l’inviter à diner chez le roi. Ptolémée , irrité de son audace, lui ordonna, en montrant ses officiers, de nommer celui qui l’avait invité. L'artiste aussitôt saisit dans le foyer un charbon éteint, et dessina une tête sur la muraille. Dès les premiers traits, le roi re- connut le bouffon. Apelle fit aussi le portrait du roi Anti- gone , qui était privé d’un œil. La réflexion lui ayant sug- géré le moyen de cacher cette difformité , il le peignit de profil, afin que ce qui manquait au visage parüt plutôt Apelles et in æmulis benignus. Protogeni dignationem primus Rhodi constituit. Sordebat suis, ut plerumque domestica : percunctantique quanti liceret opera effecta, parvum nescio quid dixerat. At ille quinqua- genis talentis poposcit : famamque dispersit, se emere, ut pro suis ven- deret. Ea res concitavit Rhodios ad intelligendum artificem : nec nisi augentibus pretium cessit. Non fuerat ei gratia in comitatu Alexandri cum Ptolemæo : quo re- gnante, Alexandriam vi tempestatis expulsus, subornato fraude æmulo- rum plano regio, invitatus ad cenam venit : indignantique Ptolemæo et vocatores suos ostendenti, ut diceret a quo eorum invitatus esset, arrepto carbone extincto e foculo, imaginem in pariete delineavit, adgnoscente vultum plani rege, ex inchoato protinus. Pinxit et Antigoni regis imagi- nem altero lumine orbam, prius excogitata ratione vitia condendi : obli- quam namque fecit, ut quod corpori deerat, picturæ potius deesse vide- 416 EXTRAITS DE PLINE. manquer à la peinture, et il ne laissa voir de la face que la partie qu'il pouvait montrer entière. Auguste dédia dans le temple de César, son père, la Vé- nus sortant de la mer, qu’on nomme Anadyomène. Ce chef- d'œuvre a été célébré par des vers grecs qui, en le surpas- sant, l'ont illustré davantage. On ne put trouver personne pour réparer la partie inférieure, qui s'était endommagée. Mais ce dommage même tourna à la gloire de l’artiste. Ce tableau périt de pourriture , et Néron, pendant son règne, en substitua un autre de la main de Dorothée. Apelle avait commencé, pour les habitants de Cos, une autre Vénus qui devait surpasser même la première. La mort lui envia la gloire de l’achever, et personne n’osa jamais continuer l’ouvrage sur le dessin qu’il avait tracé. Il peignit aussi, dans le temple de la Diane d’Éphèse, Alexandre lançant la foudre. Il reçut vingt talents d’or. Les doigts et la foudre semblent hors du tableau. Que mes lecteurs se souviennent que quatre couleurs seulement étaient employées pour tant de chefs-d’œuvre. Le prix de celui-ci est énorme. On ne compta pas une somme déterminée : il fut couvert de pièces d'or. Il est inutile de faire l’énumération de ses portraits d'Alexandre et de Philippe. retur : tantumque eam partem e facie ostendit, quam totam poterat ostendere. Venerem exeuntem e mari divus Augustus dicavit in delubro patris Cæsaris, quæ Anadyomene vocatur, versibus græcis tali opere, dum laudatur, victo, sed illustrato. Hujus inferiorem partem corruptam qui re- ficeret, non potuit reperiri. Verum ipsa injuria cessit in gloriam artificis. Consenuit hæc tabula carie : aliamque pro ea Nero principatu substituit suo, Dorothei manu. Apelles inchoaverat aliam Venerem Cois, supera- turus etiam suam illam priorem. Invidit mors peracta parte : nec qui succederet operi ad scripta lineamenta inventus est. Pinxit et Alexan- drum Magnum fulmen tenentem, in templo Ephesiæ Dianæ, viginti ta- lentis auri. Digiti eminere videntur, et fulmen extra tabulam esse. Legentes meminerint omnia ea quatuor coloribus facta. Immane tabulæ pretium accepit aureos mensura , non numero. Alexandrum et act ot quoties pinxerit enumerare supervacuum est. LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. &17 Ses inventions dans l’art ont été profitables aux autres. Une seule n’a pu être imitée par personne. C'est la com- position d'un vernis noir qu'il appliquait à ses tableaux, après qu'il les avait achevés. Ce vernis était si léger, que le reflet donnait du lustre aux couleurs : il les garantissait de l’ordure et de la poussière. 11 fallait le toucher pour lapercevoir. Mais le grand avantage qu'il en retirait, c'était de ménager la vue des spectateurs auxquels il montrait les objets comme de loin, et à travers une pierre spéculaire, en même temps qu'il donnait une sorte d’austérité aux couleurs éclatantes. ‘Dans le même temps, comme je l’ai déja dit, florissait Protogène. Caune, ville dépendante des Rhodiens , fut sa patrie. Il vécut d’abord très pauvre : et comme il travail- lait avec une grande application, il produisit moins d’ou- vrages. Son lalyse, qui est à Rome, consacré dans le temple de la Paix, emporte le prix sur ses autres compositions (6). On dit que tout le temps qu’il mit à le peindre, il ne vécut que de lupins bouillis, parceque ce légume nourrit et dés- altère à la fois. Il ne voulait pas que son génie fût émoussé par une nourriture trop délicate. Pour le garantir des ou- trages du temps et de la vétusté, 1l y mit quatre couches de couleur, afin que la première venant à s’effacer, une Inventa ejus et ceteris profuere in arte. Unum imitari nemo potuit, quod absoluta opera atramento illinebat ita tenui, ut idipsum repercussu claritates colorum excitaret, custodiretque a pulvere et sordibus, ad ma- num intuen{i demum appareret. Sed et tum ratione magna : ne colorum claritas oculorum aciem offenderet, veluti per lapidem specularem in- tuentibus e longinquo : et eadem res nimis floridis coloribus austeritatem occulte daret. ë Simu]l, ut dictum est, et Protogenes floruit. Patria ei Caunus, gentis Rhodiis subjectæ. Summa paupertas initio, artisque summa intentio, et ideo minor fertilitas. Palmam habet tabularum ejus Jalysus, qui est Romæ , dicatus in templo Pacis : quem quum pingeret, traditur madidis lupinis vixisse, quoniam simul famem sustinerent et sitim, ne sensus nimia dulcedine obstrueret. Huic picturæ quater colorem induxit, subsi- 27 418 EXTRAITS DE PLINE. autre la remplaçât. Il y a dans ce tableau un chien mer- veilleux, en ce que, pour le finir, le hasard concourut avec le peintre. Protogène , assez content des autres parties, ce qui lui arrivait très rarement, ne trouvait pas qu’il eût bien exprimé l'écume d’un chien haletant. L'art même lui dé- plaisait : il ne pouvait rien retrancher. Cependant il lui semblait que l’art se faisait trop voir, et qu’il s’éloignait de la vérité : cette écume n’était que peinte : elle ne sortait pas de la gueule. En proie à mille agitations, parcequ’il voulait, non la vraisemblance, mais la vérité, il effaçait, 1l changeait de pinceau, mais toujours inutilement. Enfin, dans son dépit, il jeta son éponge contre l’endroit qui lui causait tant de peine. L'éponge rétablit les couleurs con- formément à l’idée qu'il avait conçue, et le hasard pro- duisit la nature. Ce chien était donc autant Fotrase de la fortune que celui de Protogène. L'Talyse sauva Rhodes. Car dans la crainte qu’il ne fût brûlé, le roi Démétrius ne voulut pas qu’on miît le feu du côté où il était, quoique ce fût le seul par où la ville püût être prise, et pour épargner une peinture, il se priva d’une victoire. Protogène habitait alors son petit jardin dans un faubourg, c’est-à-dire dans le camp de Démétrius. Tran- dia injuriæ et vetustatis, ut decedente superiore inferior succederet. Est in ea canis mire factus, ut quem pariter casus pinxerit. Non judica- bat se exprimere in eo spumam anhelantis, quum in reliqua omni parte (quod difficillimum erat) sibi ipse satis fecisset. Displicebat autem ars ipsa, nec minui poterat, et videbatur nimia, ac longius a veritate disce- dere, spumaque illa pingi, non ex ore nasci : anxio animi cruciatu, quum in pictura verum esse, non verisimile vellet : absterserat sæpius, muta- veratque penicillum, nullo modo sibi adprobans. Postremo iratus arti, quod intelligeretur, spongiam eam impegit inviso loco tabulæ, et illa re- posuit ablatos colores, qualiter cura optaverat : fecitque in pictura for- tuna naturam. Canem ita Protogenes monstravit, et fortuna. Propter hunc Ialysum, ne cremaret tabulas Demetrius rex, quum ab ea parte sola posset Rhodum capere, non incendit : parcentemque picturæ fugit occasio victoriæ. Erat tune Protogenes in suburbano hortulo Suo, hoc est, Demetrii castris. Neque interpellatus præliis inchoata opera in- LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. 419 quille au milieu du fracas des armes, il n’interrompit pas un seul instant ses travaux commencés, si ce n'est lorsque le roi le fit venir et lui demanda qui le rendait si hardi de rester hors des murs. « Je sais, répondit-1l, que vous faites » la guerre aux Rhodiens et non point aux arts. » Le prince plaça des gardes autour de sor habitation, charmé de pou- voir conserver le talent qu’il avait sauvé. Pour ne le pas déranger trop souvent, il allait le visiter lui-même : et sourd aux vœux de la victoire, le guerrier venait au milieu des armes et des attaques considérer l'artiste. Aussi dit-on que le tableau qu'il faisait alors a été travaillé sous le glaive. C’est un satyre, auquel on a donné le surnom d’anapauomenos (qui se repose). Afin que rien ne manque à l'expression de la sécurité dont. il jouissait, le peintre a mis des flûtes dans les mains du satyre. Nous avons du même artiste : Cydipe, Tlépolème. Philisque, auteur tra- gique méditant, un athlète, le roi Antigone, et le portrait de la mère d’Aristote. Ce philosophe lui conseillait de pein- dre les actions d'Alexandre, à cause de leur immortalité. Mais son goût et son génie Je portèrent plutôt vers les su- jets dont je viens de parler. À la fin cependant il peignit Alexandre et Pan. Il a fait aussi quelques statues en airain. termisit omnino : nisi adcitus a rege interrogatusque, « Qua fiducia extra » muros ageret, » respondit , « Scire se cum Rhodüiis illi bellum esse, non » cum artibus. » Disposuit -ergo rex in tutelam ejus stationes, gaudens _ quod posset manus servare, quibus jam pepercerat :et ne sæpius :avo- caret, ultro ad eum:venitihostis, relictisque victoriæ.suæ votis, inter arma et murorum ictus spectavit artificem. Sequiturque tabulam illius tem- poris hæc fama, quod eam Protogenes sub gladio pinxerit. Satyrus hic est, quem Anapavomenon vocant, ne quid desit temporis.ejus securitati, tenentem tibias.Fecit et Cydippen, Tlepolemon, Philiscum, tragædiarum Scriptorem meditantem, et athletam, et Antigonum regem, et imaginem Matris Aristotelis philosophi : qui ei suadebat ut Alexandri Magni opera pingeret, propter æternitatem rerum. Impetus animi et quædam artis libido in h&c potius eum tulere. Novissime pinxit Alexandrum, ac Pana : tecit et signa ex ære, ut diximus. 420 EXTRAITS DE PLINE. DES DIVERS GENRES DE PEINTURE. Après ces grands noms, il est juste de citer quelques ar- tistes célèbres dans un genre moins élevé : tel a été Pyréicus, que peu de peintres ont surpassé en talent. Peut-être s’est- il fait tort à lui-même par le choix de ses sujets, puisque, n'ayant traité que de petits objets, il s’est pourtant acquis la plus grande gloire par la perfection de ce genre. Il a peint des boutiques de barbier et de cordonnier, des ânes, des provisions de cuisine et d’autres choses pareilles : ce qui le fit nommer Rhyparographos. (peintre de choses viles); mais ses ouvrages sont délicieux, et ils se sont vendus à plus haut prix que de très grands tableaux de plusieurs autres. Ludius ne doit pas être frustré de l'éloge qui lui est dü. Cet artiste, qui vécut du temps d’Auguste, commença le premier à décorer les murs des appartements de peintures très agréables. Il y représentait des maisons de campagne, des portiques, des arbrisseaux taillés en diverses sortes de figures , des bois, des bosquets, des coteaux, des viviers, des canaux, des rivières, des rivages, selon le desir de cha- cun. Il y a placé des personnages qui se promènent, qui sont en bateau, qui arrivent à la maison sur des ânes ou en voi- ture : d’autres pêchent, chassent, tendent des filets aux oiseaux, ou même font vendange. Dans le nombre de ses XXXVII. Subtexi par est minoris picturæ celebres in penicillo, e qui- bus fuit Pyreicus, arte paucis postferendus : proposito nescio an de- struxeritse : quoniam humilia quidem secutus, humilitatis tamen summam adeptus est gloriam. Tonstrinas, sutrinasque pinxit, et asellos, et obsonia, ac similia : ob hoc cognominatus Rhyparographos in iis consummatæ vo- luptatis. Quippe eæ pluris veniere, quam maximæ multorum. Non fraudando et Ludio, divi Augusti ætate, qui primus instituit amænissimam parietum picturam, villas et porticus, ac topiaria opera; lucos, nemora, colles, piscinas, euripos, amnes, littora, qualia quis optorsee varias ibi obambulantium species, aut navigantium, terraque villas adeuntium asellis aut vehiculis. Jam piscantes, aucupantesque, aut venantes, aut etiam vindemiantes sunt in ejus exemplaribus : nobiles pa- LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. 421 tableaux on distingue des maisons de campagne où l’on n'arrive qu'à travers un marais. Des hommes qui ont fait prix pour transporter des femmes, les ont chargées sur leurs épaules , et s’avancent en chancelant et craignant de tom ber. On y voit encore beaucoup d’autres scènes très plai- santes. Ludius a imaginé de peindre, dans des promenades découvertes, des villes maritimes qui forment un coup d’æil très agréable, et ces peintures ne coûtent pas cher. Mais la gloire n’est que pour les artistes qui ont fait des tableaux ; et.c’est en quoi la sagesse de l’antiquité se montre plus vénérable. Les anciens ne peignaient point des murailles pour le seul plaisir du maître : ils ne décoraient point des maisons, masses immobiles qui, fixées irrévocablement à leur place, ne pouvaient être enlevées d’un incendie. Pro- togène se contentait d’une simple cabane dans son petit jardin. Nulle peinture ne paraissait sur les murs d’Apelle. On n'avait pas encore la manie de peindre les murailles entières. Leurs chefs-d’œuvre avaient les villes pour sé- jour : un peintre était la propriété du monde. DES TABLEAUX INACHEVÉS. — DES FEMMES PEINTRES. Une chose tout à fait singulière et digne d’être observée, c'est que les derniers ouvrages des artistes, et les tableaux lustri accessu villæ, succollatis sponsione mulieribus, labantes trepidique feruntur : plurimæ præterea tales argutiæ facetissimi salis. Idemque sub- dialibus maritimas urbes pingere instituit, blandissimo aspectu, minimo- que impendio. Sed nulla gloria artificum est, nisi eorum qui tabulas pinxere : eoque venerabilior antiquitatis prudentia adparet. Non enim parietes excolebant dominis tantum, nec domos uno in loco mansuras , quæ ex incendiis rapi non possent. Casu!a Protogenes contentus erat in hortulo suo. Nulla in Apellis tectoriis pictura erat. Nondum libebat parietes totos pingere. Omnium eorum ars urbibus excubabat : pictorque res communis terra- rum erat. XXXIX. Illud vero perquam rarum ac memoria dignum,.etiam su- prema opera artificum imperfectasque tabulas, sicut Irin Aristidis, Tyn- 422 EXTRAITS DE PLINE. qu’ils ont laissés imparfaits, tels que l'Iris d’Aristide, les Tyndarides de Nicomaque, la Médée de Timomaque, la Vénus d’Apelle, excitent une plus grande admiration que ceux qui sont entièrement finis. On croit apercevoir les traits qui auraient été ajoutés, et lire toute la pensée du génie qui les à conçus. La douleur aussi leur prête un nou- veau charme. On regrette que la mort ait arrêté la main qui les conduisait à la perfection. On compte aussi des femmes parmi les peintres. Timarète, fille de Micon, peignit une Diane qui est placée à Éphèse parmi les productions les plus anciennes de cet art. Irène, fille et élève du peintre Cratinus, peignit une jeune fille qui est à Éleusis : Calypso, un vieillard et l’escamoteur Théo- dore : Alcisthène, un danseur : Aristarète, fille et élève de Néarque, Esculape : à Rome, pendant la jeunesse de Var- ron , Lala de Cyzique, qui resta toujours fille, peignit au pinceau, et sur la cire avec le poincon. Elle fit surtout des portraits de femmes. Elle peignit à Naples une vieille dans un grand tableau. Elle fit son propre portrait au miroir. Nulle autre main n’eut l'exécution plus prompte; et tel élait son talent, que ses portraits se payaient plus cher que ceux de Sopolis et de Dionysius, les plus célèbres alors dans le daridas Nicomachi, Medeam Timomachi, et quam diximus Venerem Apellis, in majori admiratione esse, quam perfecta. Quippe in iis linea- menta reliqua, ipsæque cogitationes artificum spectantur, atque in leno- cinio commendationis dolor est : manus, quum id agerent, extinctæ desi- derantur. Pinxere et mulieres, Timarete Miconis filia, Dianam in tabula, quæ Ephesi est in antiquissimis picturæ. Irene Cratini pictoris filia et discipula, puellam quæ est Eleusine : Calypso, senem et præstigiatorem Theodorum : Alcisthene, saltatorem : Aristarete Nearchi filia et discipula, Æsculapium. Lala Cyzicena perpetua virgo, Marci Varronis juventa, Romæ et penicillo pinxit, et cestro in ebore, imagines mulierum maxime, et Neapoli anum in grandi tabula : suam quoque imaginem ad speculum. Nec ullius velocior in pictura manus fuit : artis vero tantum, ut multum manipretio antecederet celeberrimos eadem ætate imaginum pictores, Sopolin et Dionysium, quorum tabulæ pinacothecas implent. Pinxit et quædam LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. 493. même genre, et dont les ouvrages remplissent les cabinets des curieux. Il y a eu aussi une certaine Olympias. Mais tout ce qu’on en dit, c’est qu’Autobule fut son élève. PREMIERS INVENTEURS DE LA PLASTIQUE. Dibutade, de Sicyone, potier de terre, inventa à Corinthe l’art de modeler en argile. Sa fille lui en donna la première idée. Éprise d’amour pour un jeune homme qui partait pour un long voyage, elle traça son profil sur la muraille, à la lueur d’une lampe. Le père ayant appliqué de l'argile sur ce dessin, fit un modèle qu’il mit durcir au feu avec ses autres poteries. On dit que ce modèle s’est conservé dans le temple des Nymphes jusqu’à la destruction de Corinthe par Mummius. D’autres prétendent que la plastique fut in- ventée à Samos par Rhécus et Théodore, long-temps avant que les Bacchiades eussent été expulsés de Corinthe : que, fugitif de cette même ville, Démarate, qui donna le jour en Étrurie à Tarquin l'Ancien, roi de Rome, fut accompagné par Euchire et Eugramme, et que ce sont eux qui ont ap- porté la plastique en Italie. Dibutade imagina de mêler la terre rouge à l’argile, ou de modeler avec cette terre. Le pre- mier il posa des masques sur le bord des toits ; il les nomma Olympias : de qua hoc solum memoratur, discipulum ejus fuisse Au- tobulum. XLIIT. 12. Fingere ex argilla similitudines, Dibutades Sicyonius figulus primus invenit Corinthi, filiæ opera : quæ capta amore juvenis, illo abeunte peregre, umbram ex facie ejus ad lucernam in pariete lineis cir- cumscripsit : quibus pater ejus impressa argilla typum fecit, et cum ceteris fictilibus induratum igni proposuit : eumque servatum in Nym- pheo, donec Corinthum Mummius everteret, tradunt. Sunt qui in Samoa primos omnium plasticen invenisse Rhæœcum et Theodorum tradant, multo ante Bacchiadas Corintho pulsos. Demaratum vero ex eadem urbe profu- gum, qui in Etruria Tarquinium Priscum regem populi Romani genuit ; comitatos fictores Euchira et Eugrammum : ab iis Italiæ traditam pla- sticen. Dibutadis inventum est, rubricam addere, aut ex rubra creta fingere. Primusque personas tegularum extremis imbricibus imposuit, quæ inter 494 EXTRAITS DE PULINE. bas-reliefs : ensuite il fit des moules. De là sont venus les ornements du faitage des temples. Ceux qui travaillaient en ce genre furent appelés modeleurs. DU PREMIER QUI INVENTA LES MOULES. Le premier qui ait fait un portrait en moulant avec du plâtre sur le visage même, et en remaniant la cire qu’il avait coulée dans le creux, est Lysistrate de Sicyone, frère de Lysippe dont j'ai parlé. Il s’attacha à faire des têtes très ressemblantes ; avant lui on s’étudiait à les faire très belles. Le même trouva l’art de multiplier les figures par le moyen des moules, et l’usage s’en étendit au point que nulle figure, nulle statue ne se fit sans moule. Ce qui démontre que l’art de mouler est bien antérieur à l’art de fondre l’aïrain. CÉLÈBRES ARTISTES EN PLASTIQUE. Les plus célèbres modeleurs ont été Damophile et Gor- gase : l’un et l’autre aussi étaient peintres. Sous ce double rapport, ils décorèrent le temple de Cérès, près du grand cirque, à Rome. Une inscription en vers grecs annonçait que les ouvrages de Damophile étaient à droite, et ceux de Gorgase à gauche. Varron observe qu'avant la construction initia prostypa vocavit. Postea idem ectypa fecit. Hinc et fastigia tem- plorum orta : propter hune plastæ appellati. XLIV. Hominis autem imaginem gypso e facie ipsa primus omnium expressit, ceraque in eam formam gypsi infusa emendare instituit Lysi- stratus Sicyonius, frater Lysippi, de quo diximus. Hic et similitudinem reddere instituit : ante eum, quam pulcherrimas facere studebant. Idem et de signis effigiem exprimere invenit. Crevitque res in tantum, ut nulla signa, statuæve, sine argilla fierent. Quo adparet antiquiorem hanc fuisse scientiam, quam fundendi æris. | x XLV. Plastæ laudatissimi fuere Damophilus et Gorgasus, iidemque pictores : qui Cereris ædem Romæ ad circum maximum utroque genere artis suæ excoluerunt, versibus inscriptis græce, quibus significarunt à dextra opera Damophili esse, ab læva Gorgasi. Ante haneædem Tuscanica LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. 425 de’cet édifice tous les ornements des temples étaient étrus- - ques ; que lorsqu'on le rebâtit, les peintures des muraïlles furent coupées et encadrées, et les statues du faite dis- persées. Varron dit aussi que cet art fut très cultivé en Italie, sur- tout dans l’Étrurie : que Tarquin fit venir de Frègelles un artiste pour la statue de Jupiter, qu’il voulait dédier dans le Capitole : que ce Jupiter était d'argile; c’est par cette raison qu'on avait coutume de l’enluminer de vermillon. Les qua- driges placés sur le faîte de ce temple étaient d'argile. Le même artiste fit cet Hercule qui conserve encore à Rome le nom de la matière dont il est formé. Ces statues des dieux étaient alors les plus vantées; et nous n’avons pas à rougir des hommes qui adoraient de telles divinités. Ils n’em- ployaient ni l'or ni l’argent, même pour les dieux. DES OUVRAGES DE POTERIE. Ces sortes de statues subsistent encore en beaucoup d’en- droits. Les faîtes des temples qui s’offrent en grand nombre à Rome et dans les villes municipales sont, par la beauté de la ciselure, par la perfection du travail et par la solidité que le temps leur a donnée, plus vénérables que l'or : ils Omnia in ædibus fuisse, auctor est M. Varro. Ex hac, quum reficeretur, crustas parietum excisas tabulis marginatis inclusas esse : item signa ex fastigiis dispersa. Præterea elaboratam hane artem Italiæ, et maxime Etruriæ : adcitum a Fregellis, cui locaret Tarquinius Priscus effigiem Jovis in Capitolio dicandam. Fictilem eum fuisse, et ideo miniari solitum : fictiles in fa- stigio templi ejus quadrigas, de quibus sæpe diximus. Ab hoc eodem fac- tum Herculem, qui hodieque materiæ nomen in Urbe retinet. Hæ enim tum effigies deum erant laudatissimæ. Nec pœnitet nos illorum, qui tales deos coluere. Aurum enim et argentum ne diis quidem conficiebant. XEVT. Durant etiam nunc plerisque in locis talia simulacra. Fastigia quidem templorum etiam in Urbe crebra et municipiis, mira cælatura, et arte ævique firmitate sanctiora auro, certe innocentiora. In saeris quidem 426 EXTRAITS DE PLINE. sont du moins plus innocents. Dans les sacrifices, même au milieu de nos richesses, ce n’est point avec des vases murrhins ou du cristal, mais avec des simpuves d’argile que se font les libations. Si l’on veut apprécier {en détail les bienfaits de la terre, le nombre en est incalculable. Sans rappeler ici les diverses espèces de grains, de vins, de fruits, d'herbes, d’arbrisseaux, de médicaments et de mé- taux qu’elle nous prodigue; l’art du potier se reproduisant sous toutes les formes, offre sans cesse à nos besoins les tuiles pour les gouttières, les cuves pour contenir nos vins, les tuyaux pour la conduite des eaux , les bouches de cha- leur pour les bains, les briques plates pour la couverture des maisons. C'est relativement à tous ces ouvrages que Numa établit une septième classe pour les potiers de terre. Beaucoup d'hommes ont préféré pour leur sépulture un cer- cueil de terre cuite. Varron, suivant l’usage des Pythago- riciens , voulut que le sien fût rempli de feuilles de myrte, d'olivier et de peuplier noir. La plupart des peuples font usage de vases de terre. On vante Samos pour sa vais- selle (7). Arétium en Italie conserve encore sa célébrité. Sorrente, Asta, Pollentia, ont la vogue, mais seulement pour les coupes, ainsi que Sagonte en Espagne, et Pergame en Asie. Tralles et Mutine en Italie ont de même leurs fabri- etiam inter has opes hodie, non murrhinis crystallinisve, sed fictilibus prolibatur simpuviis. Inenarrabili terræ benignitate, si quis singula æ- stimet : etiam ut omittantur in frugum, vini, pomorum, herbarum, fruti- cum, medicamentorum, metallorum generibus, beneficia ejus, quæ adhuc diximus : vel adsiduitate satiant figlinarum opera, imbricibus, doliis ad vina excogitatis, ad aquas tubulis, ad balineas mammatis, ad tecta coctilibus laterculis frontatisque : ob quæ Numa rex septimum collegium figulorum instituit. Quin et defunctos sese multi fictilibus soliis condi maluere : sicut M. Varro, Pythagoreo modo, in myrti et oleæ atque populi nigræ foliis. Major quoque pars hominum terrenis utitur vasis. Samia etiamnum in esculentis laudantur. Retinet hanc nobilitatem et Aretium in Italia : et calyeum tantum, Surrentum, Asta, Pollentia : ir Hispania Saguntum, in Asia Pergamum. Habent et Tralles opera sua, \ Là LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. 497 ques; car les ouvrages de ce genre font aussi la gloire des nations ; et quand ils sortent d’une manufacture distinguée, on les transporte par terre et par mer dans tous les pays du monde. On voit encore aujourd'hui dans le tempie d'Érvthris deux amphores consacrées à cause de leur fi- nesse. Un maître et son élève s’étaient défiés à qui des deux ferait en terre le vase le plus mince. Les amphores de Cos sont les plus belles; celles d’Adria les plus fermes. Les am- phores ont donné lieu à quelques exemples de sévérité. Nous lisons que Coponius fut condamné comme coupable de bri- gue, pour avoir donné une amphore à un homme qui avait droit de suffrage. Et afin que le luxe assure aussi quelque dignité à la vaisselle de terre, je dirai que, du temps de Fenestella, le service à trois plats était le dernier effort de la magnificence dans les festins. Il consistait en un plat de murène, un plat de loup de mer et un plat de merlus; ce qui annonçait déjà la décadence des mœurs, moins perver- ties toutefois que celles des philosophes de la Grèce, puis- qu’à la mort d’Aristote soixante-dix plats furent mis en vente par ses héritiers. Quant au plat du tragédien OEso- pus, dont j'ai parlé à l’article des oiseaux, et qui seul coûta cent mille sesterces, je ne doute pas que mes lecteurs n’aïent frémi d’indignation. Mais que dis-je? Vitellius, pendant son Mutina in Italia : quoniam et sic gentes nobilitantur. Hæc quoque per maria terrasque ultro citroque portantur, insignibus rotæ officinis. Ery- thrys in templo hodieque ostenduntur amphoræ duæ propter tenuitatem consecratæ, discipuli magistrique certamine, uter tenuiorem humum duceret. Cois laux maxima, Adrianis firmitas : nonnullis cirea hoc quoque severitatis exemplis. Q. Coponium invenimus ambitus damnatum, quia vini amphoram dedisset dono ei, cui suffragii latio erat. Atque ut luxu quoque aliqua contingat auctoritas figlinis, tripatinum, inquit Fe- nestella, appellabatur summa cenarum lautitia. Una erat murænarum, altera luporum, tertia myxonis piscis, inclinatis jam scilicet moribus, ut tamen eos præferre -Græciæ etiam philosophis possimus. Siquidem in Aristotelis hæredum auctione LXX. patinas venisse traditur. Nam nos quum unam Æsopi tragædiarum histrionis in natura avium diceremvs sestertiis centum stetisse, non dubito indignatos legentes. At hercules, 328 EXTRAITS DE PLINE. Mr: à 24 4. règne, se fit construire un plat qui coùta un million de ses terces, et pour lequel on bâtit un four en pleine campa car tels ont été les progrès du luxe, qu’un plat de Fra à plus cher qu’un vase murrhin. C’ io à ce sujet que Mucien, consul pour la seconde fois, portant la parole dans une en- quête judiciaire, reprochait à la mémoire de Vitellius ses étangs portatifs, non moins affreux ni moins détestables que ce plat par le moyen duquel Cassius Sévérus accusait As- prénas d’avoir fait périr à la fois cent trente convives. VARIÉTÉS DE TERRE. Maïs par elle-même la terre nous rend bien d’autres ser- vices. N’est-il pas merveilleux en effet que sa partie la plus mauvaise, que la poussière ramassée sur la colline de Pouz- zole, soit capable de résister aux efforts de la mer, et que, n'a plongée dans les flots, elle se transforme en une masse de pierre impénétrable à l’eau, et qui de jour en Jour se durcit davantage, surtout sr on l’a mêlée avec des moellons de Cumes ! La même nature de terre se trouve dans les environs de Cyzique ; mais là, ce n’est point une poussière ; ce sont des morceaux de terre que l’on coupe de toutes grandeurs. Plongés dans la mer, on les retire convertis en pierre. Vitellius in principatu suo x. H-s. condidit patinam, cui faciendæ fornax in campis exædificata erat : quoniam eo pervenit luxuria, ut etiam fictilia pluris constent, quam murrhina. Propter hanc Mucianus altero consulatu ‘suo, in conquisitione, exprobravit patinarum paludes Vitellii memoriæ : non illa fœdiore, cujus veneno Asprenati reo Cassius Severus accusator objiciebat, interisse CXXX. convivas. XLVII. 13. Verum et ipsius terræ sunt alia commenta. Quis enim satis miretur pessimam ejus partem, ideoque pulverem appellatam in Puteolanis collibus, opponi maris fluctibus : mersumque protinus fieri lapidem unum inexpugnabilem undis, et fortiorem quotidie, utique si Cumano misceatur cæmento! Eadem est terræ natura et in Cyzicena regione : sed ibi non pulvis, verum ipsa terra qualibet magnitudine excisa, et demersa in mare, Japidea extrahitur. LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. 499 MURS EN TERRE PÉTRIE ET BATTUE. | En Afrique et en Espagne, ces murs de terre pétrie, qu on y construit, ou plutôt qu'on moule entre deux plan- ches qui bordent e côtés (8), ne se maintiennent-ils pas des siècles entiers, sans que les pluies, les vents, le feu, les détruisent, et plus solides que le plus fort moellon ? Les guérites d’Annibal et ses tours de terre posées sur la cime des montagnes s'offrent encore aux regards de l'Espagne. Telle est la nature du gazon dont on revêt les palissades _des camps et les digues opposées à l’impétuosité des fleuves. Qui ne sait qu’on recrépit de boue les claies dont on fait des clôtures, et que l’on construit des murs en briques crues? MURS DE BRIQUES. — FABRICATION DE LA BRIQUE. Les Grecs préféraient les murs de briques, à moins qu’ils ne fussent maîtres de construire en pierre très dure. En effet, quand ces murs sont bien d'aplomb , la durée en est éternelle. Ils bâtirent en briques les édifices publics, les maisons des rois, et le mur d'Athènes qui regarde le mont Hymette : à Patras, ils bâtirent de même les temples de Jupiter et d’Hercule, quoique les colonnes et les architraves XLVIILI. 14. Quid! non et in Africa Hispaniaque ex terra parietes, quos appellant formaceos, quoniam in forma circumdatis utrinque dua- bus tabulis inferciuntur verius, quam instruuntur, ævis durant, incor- rupti imbribus, ventis, ignibus, omnique cæmento firmiores? Spectat etiam nunc speculas Annibalis Hispania, terrenasque turres jugis mon- tium impositas. Hinc et cespitum natura, castrorum vallis adcommodata, ’: LIVRE TRENTE-SIXIÈME. UN. quité cédé Nous avons encore des lois Fu 4 qui prohibaient dans les repas les gorges de porc, les loirs et d’autres choses minutieuses. Nulle loi ne défendit jamais d'apporter des marbres et de traverser les mers pour cet objet : dira-t-on qu’on n’en apportait pas? ce serait une: erreur. Pendant l’édilité de Scaurus, nos ancêtres virent arriver trois cent soixante colonnes pour la décoration d’un théâtre qui devait à peine servir un seul mois ; et les lois restèrent muettes. Mais c'était par indulgence pour les plai- sirs du public ! Eh! pourquoi cette indulgence ? Le public n'est-il pas le grand chemin du vice? En effet, par quelle autre voie ces objets de luxe, l’ivoire, l'or, les pierreries, ont-ils passé à l'usage des particuliers ? Et que laissons- nous exclusivement aux dieux ? Mais je veux qu'on ait res- pecté les plaisirs du public. Devait-on se taire du moins, lorsque les plus grandes de ces colonnes de marbre lucul- lien, lorsque des colonnes de trente-huit pieds furent pla- cées dans la galerie de Scaurus? Et l’on ne chercha pas à se soustraire aux regards. Quand on les transporta sur le mont Palatin, l’entrepreneur chargé des égouts exigea une caution pour le dommage qu'elles pourraient causer. N’étaient-ce donc pas les mœurs qu'il fallait assurer contre un exemple si funeste? On vit ces masses énormes trainées censoriæ leges , glandia in cœnis, gliresque, et alia dictu minora adponi vetantes. Marmora invehi et maria hujus rei causa transiri, quæ vetaret, lex nulla lata est. Dicat fortassis aliquis : non enim invehebantur. Id qui- dem falso. Trecentas Lx. columnas M. Scauri ædilitate ad scenam theatri temporarii, et wvix uno mense futuri in usu, viderunt portari silentio legum. Sed publicis nimirum indulgentes voluptatibus. Idipsum cur! aut qua magis vid irrepunt vitia, quam publica! Quo enim alio modo in pri- vatos usus illa venere, ebora, aurum, gemmæ!? aut quid omnino diis re-- linquimus!? Verum esto, indulserint publicis voluptatibus : etiamne ta- cuerunt maximas earum, atque adeo duodequadragenum pedum, Lucullei: marmoris, in atrio Scauri collocari ! nec clam illud occulteque factum est. Satisdari sibi damni infecti coegit redemptor cloacarum, quum in Pala-- ium extraherentur, Non ergo in tam malo exemplo moribus cavere utilius. 28 LA 434 EXTRAITS DE PLINE. à la maison d’un particulier passer devant les temples des dieux, qui n'avaient que des faîtes d'argile ; et on le vit sans réclamer. QUEL EST LE PREMIER QUI FIT ÉLEVER DANS ROME DES COLONNES DE MARBRE ÉTRANGER ? | Ne dites point que cet essai du vice ait été une surprise faite par Scaurus à la simplicité d’un siècle peu en garde contre de tels excès. Déja l’orateur Crassus, qui, le pre- mier, fit venir des marbres étrangers, avait placé sur ce mont Palatin des colonnes qui cependant n'étaient que d'Hymette, et seulement au nombre de six ; elles n’avaient que douze pieds de hauteur : et Brutus, dans une dispute, l'avait à ce sujet nommé Vénus Palatine. Mais les mœurs n'ayant plus de ressort, nos pères ne se mirent pas en peine d’arrêter ces abus. Comme les anciennes défenses étaient sans pouvoir, ils aimèrent mieux ne pas faire de lois que d’avoir des lois qui resteraient sans effet. Ces excès, et d’autres dont je parlerai, prouveront que nous sommes meilleurs que nos pères. En effet, dans quelle g ga- lerie voit-on aujourd'hui de pareilles le Ede SCULPTEURS CÉLÈBRES. Personne ne conteste la célébrité de Phidias chez toutes fuerat? Tacuere tantas moles in privatam domum trahi præter fictilia deorum fastigia. IX. 3. Nec potest videri Scaurus rudi et hujus mali improvidæ civitati obrepsisse quodam vitii rudimento. Jam L. Crassum oratorem illum, qui primus peregrini marmoris columnas habuit in eodem Palatio, Hymettias tamen, nec plures sex, aut longiores duodenum pedum, M. Brutus in jur- sis ob id « Venerem Palatinam » appellaverat. Nimirum ista omisere, moribus victis : frustraque interdicta quæ vetuerant cernentes, nullas potius, quam irritas, esse leges maluerunt. Hæc, et quæ sequentur, me- Kores’ esse nos probabunt. Quis enim tantarum hodie columnarum atrium habet! EV. 5. Phidiam clarissimum esse per omnes gentes, quæ Jovis Olympii LIVRE TRENTE-SiIXIÈME. 435 les nations qui ne sont pas étrangères à la réputation du Jupiter Olympien. Mais afin que ceux même qui n’ont pas vu ses ouvrages sachent combien il est digne des éloges qu’on lui prodigue, je citerai quelques particularités, pour donner seulement une idée de son esprit. Je ne vanierai pas ici la beanté du Jupiter Olympien, ni la grandeur de la Minerve d'Athènes, dont la hauteur est de vingt-six cou- dées : la statue entière est d’or et d'ivoire. Je me borne au bouclier de la déesse. Sur la partie convexe, il a ciselé la bataille des Amazones ; dans la partie concave, la guerre des dieux et des géants ; et sur la chaussure, le combat des Lapithes et des Centaures : tant les plus petits espaces lui ont suffi pour y placer les beautés de l’art! Il a nommé naissance de Pandore ce qui est représenté sur la base. On y voit vingt dieux naissants. La Victoire surtout est admi- rable. Les connaisseurs admirent aussi un serpent, et sous la lance de Minerve un sphinx d’airain. Je ne dirai que ces deux mots sur un artiste qu’on ne peut jamais assez louer : als suffiront pour montrer que la richesse de son génie s’est déployée jusque dans les plus petits détails. En parlant des statuaires, j’ai marqué l’époque où vécut Praxitèle, qui s’est élevé au-dessus de lui-même dans le famam intelligunt, nemo dubitat : sed ut merito laudari sciant, etiam qui opera ejus non viderunt, proferemus argumenta parva, et ingenii tan- tum. Neque ad hoc Jovis Olympii pulchritudine utemur, non Minervæ Athenis factæ amplitudine, quum sit ea cubitorum viginti sex; ebore hæc «et auro constat : sed scuto ejus, in quo Amazonum prælium cælavit intu- mescente ambitu parmæ : ejusdem concava parte deorum et gigantum dimicationem : in soleis vero Lapitharum et Centaurorum : adeo mo- menta omnia capacia artis illi fuere. In basi autem quod cælatum est, Pandoras genesin appellavit : ibi dii sunt xx. numero nascentes, Victoria præcipue mirabili. Periti mirantur et serpentem, ac sub ipsa cuspide æream sphingem. Hæc sunt obiter dicta de artifice nunquam satis laudato : simul ut noscatur illam magnificentiam æqualem fuisse et in parvis. G Praxitelis ætatem inter statuarios diximus , qui marmoris gloria supe- ravit etiam semet. Opera ejus sunt Athenis in Ceramico : sed ante omnia, 436 EXTRAITS DE PLINE. marbre. Ses ouvrages sont dans le Céramique d’Athènes. Mais ce qui surpasse, je ne dirai pas seulement les chefs- d'œuvre de Praxitèle, mais ce qu'il y a de plus beau dans le monde entier, c’est la Vénus pour laquelle tant de cu- rieux ont entrepris le voyage de Cnide. Il avait fait deux Vénus qu'il mit en vente dans le même temps. L'une était drapée ; les habitants de Cos, qui avaient le choix, la pré- férèrent par cette raison, quoiqu'il leur proposât l’autre pour le même prix. Ils agirent ainsi par un sentiment de respect pour les mœurs et la décence publique. Les Cni- diens achetèrent celle qui avait été rebutée. La différence est énorme pour la réputation. Le roi Nicomède voulut même dans la suite entrer en marché pour celle des Cni- diens, offrant de payer toute leur dette nationale, qui était immense. Ils aimèrent mieux tout souffrir, et ils eurent raison ; car cette statue de Praxitèle a fait l'illustration de Cnide. La chapelle où ils l’ont placée est ouverte de toutes parts, en sorte que la figure peut être considérée dans tous les sens, ce que l’on croit ne pas déplaire à la déesse. De quelque côté qu’on la regarde, elle excite une égale admi- ration. Cnide possède d’autres marbres d’artistes célèbres, un Bacchus de Brvaxis, un autre Bacchus et une Minerve de Scopas : et ce qui prouve le mieux la beauté de cette et non solum Praxitelis, verum et in toto orbe terrarum, Venus, quamut viderent multi, navigaverunt Gnidum, Duas fecerat, simulque vendebat, alteram velata specie, quam ob id quidem prætulerunt, quorum conditio erat, Coi, quum alteram etiam eodem pretio detulisset, sererum id ac pudicum arbitrantes : rejectam Gnidii emerunt, immensa differentia famæ. Voluit etiam postea a Gnidiis mercari rex Nicomedes, totum æs civitatis alienum, quod erat ingens, dissoluturum se promittens. Omnia perpeti maluere, nec immerito : illo enim signo Praxiteles nobilitavit Gnidum. Ædicula ejus tota aperitur, ut conspici possit undique effigies deæ, favente ipsa, ut creditur, facto. Nec minor ex quacumque parte ad- miratio est. Sunt in Gnido et alia signa marmorea illustrium artificum : Liber patèr Bryaxidis : et alter Scopæ, et Minerva : nec majus aliud Ve- neris Praxiteliæ specimen, quam quod inter hæc sola memoratur. Ejusdem LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 437 Vénus, c’est que, parmi ces chefs-d’œuvre, on ne fait men- tion que d'elle seule. Le Cupidon reproché à Verrès par Cicéron, celui même qui attirait les curieux à Thespies, est aussi de Praxitèle. On le voit aujourd’hui sous les portiques d’Octavie. Les ouvrages de cet artiste que nous avons à Rome sont Flore, Triptolème, Cérès dans les jardins de Servilius : le bon Succès, la bonne Fortune dans le Capi- tole, les Ménades et des statues qu’on appelle Thyades et Caryatides : et dans les édifices d’Asinius Pollion plusieurs Silènes, Apollon et Neptune. Céphissodore, fils de Praxitèle, fut aussi héritier de son talent. On a de lui, à Pergame, un groupe de lutteurs, ou- vrage distingué : les doigts semblent imprimés plutôt sur la chair que sur du marbre. $£es ouvrages à Rome sont : Latone, dans un temple du mont Palatin : Vénus, dans les édifices d’Asinius Pollion : et dans l’intérieur des portiques d’Octavie, au temple de Junon, Esculape et Diane. Scopas rivalise de gloire avec eux. Il a fait les statues de Vénus, du Desir et de Phaéton, honorées dans la Samo- thrace d’un culte très solennel. On a encore de lui Apollon Palatin, et, dans les jardins de Servilius, une belle Vesta, qui est assise ; deux de ses compagnes sont auprès d'elle. est et Cupido objectus a Cicerone Verri, ille propter quem Thespiæ vise- bantur, nunc in Octaviæ scholis positus. Romæ Praxitelis opera sunt, Flora, Triptolemus, Ceres in hortis Servilii : Boni Eventus, et Bonæ For- tunæ simulacra in Capitolio : item et Mænades, et quas Thyadas vocant, et Caryatidas : et Sileni, in Pollionis Asinii monumentis, et Apollo, et Neptunus. Praxitelis filius Cephissodorus et artis hæres fuit. Cujus laudatum est Pergami symplegma, signum nobile, digitis corpori verius, qua mar- mori, impressis. Romæ ejus opera sunt : Latona in Palatii delubro : Ve- nus in Pollionis Asinii monumentis : et intra Octaviæ porticus in Junonis æde Æsculapius ac Diana. Scopæ laus cum his certat. Is fecit Venerem, et Pothon, et Phaethon- tem, qui Samothrace sanctissimis cærimoniüis coluntur. Item Apollinem Palatinum, Vestam sedentem laudatam in Servilianis hortis, duasque 438 EXTRAITS DE PLINE. Il en existe de pareilles dans les monuments d’Asinius, où l’on voit un canéphore du même Scopas. Mais ses statues les plus renommées sont, au temple de Domitius, dans le cirque Flaminien, Neptune, Thétis, Achille, des Néréides assises sur des dauphins, sur des baleines et. des chevaux marins, plusieurs tritons, le troupeau de Phorcus, des scies et d’autres animaux marins, tous du même artiste, et qui auraient sufñ pour sa gloire, y eüt-il employé sa vie entière. Outre les ouvrages que je viens de citer, et ceux que nous ne Connaissons: pas, nous avons encore, dans le temple de Brutus Callaïque , auprès du même cirque, Mars assis, de proportion colossale ; et de plus, dans ce même temple, une Vénus sans voile, plus ancienne que la Vénus de Praxi- tele, et faite pour illustrer tout autre lieu (2). Mais , à Rome, elle se perd et se confond dans la foule des chefs-d’œuvre. D'ailleurs les devoirs, les affaires ne laissent à personne le temps de s'occuper de ces objets : pour se livrer à cette contemplation, le. loisir et lé silence d'un lieu tranquille sont nécessaires. Voilà: pourquoi on ignore l’auteur de la Vénus que l'empereur Vespasien a dédiée dans son temple de la Paix. Elle est digne des beaux temps de lantiquité. On ignore également si, dans le tem- chametæras circa eam, quarum pares in Asinii monumentis sunt, ubi et Canephoros ejusdem. Sed in maxima dignatione delubro Cn. Domitii im circo Flaminio Neptunus ipse, et Thetis, atque Achilles, Nereides supra delphinos et cete et hippocampos seäentes. Item Tritones, chorusque Phorci, et pristes, ace multa alia marina, omnia ejusdem manus, præcla- rum opus, etiamsi totius vitæ fuisset. Nunc vero præter supra dicta, quæ- que nescimus, Mars est etiamnum sedens colosseus ejusdem, in templo: Bruti Callaici apud circum eumdem. Præterea Venusin eodem loco nuda Praxitéliam illam antecedens, et quemcumque alium loceum nobili- tatura. Romæ quidem magnitudo operum eam obliterat, ae magni officiorum negotiorumque acervi omnes a contemplatione talium abducunt, quoniam otiosorum et in magno loci silentio apta admiratio talis est. Qua de causa ignoratur artifex ejus quoqué Veneris, quam Vespasianus imperator in operibus Pacis suæ dicavit, antiquorum dignam fama. Par hæsitatio est LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 439 ple d’Apollon Sosien, Niobé mourante, avec ses enfants, est de Scopas ou de Praxitèle , et auquel des deux on doit le Janus dédié par Auguste dans son propre temple, et ap- porté d'Égypte : déja il est caché par l'or qui le couvre. La même incertitude a lieu pour le Cupidon tenant la foudre, dans la salle d'Octavie. Tout ce qu'on en assure, c’est que la figure est celle d’Alcibiade, distingué à cet âge par sa beauté. Scopas eut pour rivaux et pour contemporains Bryaxis, Timothée et Lépcharès, que je ne dois pas séparer ici, puisqu'ils employèrent ensemble leur ciseau pour Mausole, roi de Carie, qui mourut la seconde année de la centième olympiade. Ce monument doit surtout à leur travail l’hon- neur d’avoir été mis au nombre des sept merveilles. Du côté du midi et du nord, il a soixante-trois pieds d'étendue : les deux autres faces sont moins larges. Le pourtour entier est de quatre cent onze pieds (3) ; la hauteur de vingt-cimq coudées. Il est entouré de trente-six colonnes. On a donné a-cette colonnade le nom de Ptéron (4). Scopas travailla le côté de l’orient, Bryaxis celui du nord, Timothée la partie du midi, et Léocharès celle du couchant. La reine Arté- mise, qui consacrait cet ouvrage à la mémoire de son époux, mourut avant qu'il eût été terminé. Mais ils crurent in templo Apollinis Sosiani, Nioben cum liberis morientem Scopas an Praxiteles fecerit : item Janus pater in suo templo dicatus ab Augusto, ex Ægypto advectus, utrius manus sit : jam quidem et aurooccultatur. Simi- litér in curia Octaviæ quæritur de Cupidine fulmen tenente. Id demum- adfirmatur, Alcibiadem esse principem forma in ea ætate, Scopas habuit æmulos eadem ætate, Bryaxin, et Timotheum, et Leo- charem, de quibus simul dicendum est, quoniam pariter cælavere , Mau- solo Cariæ regulo, qui obiit olympiadis centesimæ anno secundo. Opus id ut esset inter septen: miracula, ii maxime artifices fecere. Patet ab austro et septentrione sexagenos ternos pedes, brevius a frontibus, toto circuitu pedes quadringentos undecim : adtollitur in altitudinem viginti quinque cubitis : eingitur columnis triginta sex. Pteron vocavere. Ab oriente cæla- vit Scopas, a septentrione Bryaxis, a meridie Timotheus, ab occasu Leo- chares. Priusque quam peragerent, regina Artemisia, quæ mariti memoriæ id opus exstrui jusserat, obiit. Non tamen recesserunt nisi absoluto jam, / 440 EXTRAITS DE PLINE. que l'intérêt de l’art et de leur propre gloire ne leur per- mettait pas de le laisser imparfait. La victoire entre eux est encore incertaine. À ces quatre artistes il s’en joignit un cinquième : car au-dessus du Ptéron, on éleva une pyramide qui égale en hauteur la partie inférieure : elle est composée de vingt-quatre degrés toujours décroissants, et se termine en pointe. Sur le sommet est un quadrige de marbre, travaillé par Pythis. Ce quadrige ajouté donne à la totalité de l'ouvrage cent quarante pieds d’élévation (5). Quelques artistes qui ont travaillé concurremment à des ‘ouvrages excellents ont nui par leur nombre à leur célé- ‘brité personnelle (6). En effet, un seul ne doit pas emporter Ja gloire de tous, et l’on ne peut citer tous les noms à la fois. C’est ce qui est arrivé par rapport au Laocoon qui est dans le palais de l’empereur Titus, chef-d'œuvre préférable à tout ce qu'ont jamais produit la peinture et la statuaire. Trois Rhodiens, artistes du premier mérite, Agésandre, Polydore, Athénodore, y travaillèrent de concert, et firent d’un seul bloc le père, les enfants et les replis admirables des dragons. Cratère en société avec Pythodore ; Polydecte avec Hermolaüs ; un autre Pythodore avec Artémon ont de même rempli de très belles figures les palais des Césars sur ‘le mont Palatin. id-gloriæ:ip$forum artisque monumentum judicantes : hodieque certant manus. Adcessit et quintus artifex. Namque supra Pteron, pyramis alti- ‘tudine inferiorem æquavit, viginti quatuor gradibus in metæ cacumen se “contrahens. In summo est quadriga marmorea, quam fecit Pythis. Hæc :adjecta centum quadraginta pedum altitudine totum opus includit. "Quorumdam claritati in operibus eximiis obstat numerus artificum, ‘quoniam nec unus occupat gloriam, nec plures pariter nuncupari possunt, -sicut in Laocoonte, qui est in Titi imperatoris domo, opus omnibus et pic- ‘turæ et statuariæ artis præponendum. Ex uno lapide eum et liberos dra- «conumaue mirabiles nexus de consilii sententia fecere summi artifices, Agesander et Polydorus et Athenodorus Rhodii. Similiter Palatinas domos ‘Cæsarum replevere probatissimis signis Craterus cum Pythodoro, Poly- .deates cum Hermolao, Pythodorus alius cum Artemone. LIVRE TRENTE-SIXIÈME. * 441 On ne doit point passer sous silence Saurus et Batrachus, qui ont bâti les temples renfermés dans l'enceinte des por- tiques d'Octavie. Ils étaient Lacédémoniens. Quelques uns pensent qu'ils jouissaient d’une fortune immense, et qu'ils y bâtirent ces temples à leurs frais, dans l’espoir d’y in- scrire leurs noms. Cette faveur leur ayant été refusée, ils surent se dédommager par un autre moyen. On voit en- core, gravés sur les bases des colonnes, un lézard et une grenouille, symboles de leurs noms. QUAND ON COMMENÇA A FAIRE USAGE DE MARBRE DANS LES ÉDIFICES. Ménandre est le premier qui ait fait quelque mention du marbre à diverses couleurs, et en général de l'emploi des marbres : encore ce poëte, très fidèle peintre du luxe, en a-t-il parlé rarement. Les colonnes de marbre s’employaient uniquement dans les temples, non pour la magnificence, on ne leur soupçonnait pas encore ce genre de mérite, mais parcequ'il n’y avait pas de moyen d’en avoir de plus so- lides. Ainsi fut commencé dans Athènes le temple de Jupi- ter Olympien, dont Sylla fit transporter les colonnes pour la construction du Capitole. Toutefois on voit déja dans Homère une distinction entre la pierre et le marbre. Il Nec Sauton atque Batrachum oblitterari convenit, qui fecere templa Octaviæ porticibus inclusa, natione ipsi Lacones. Quidam et opibus præ- potentes fuisse eos putant, ac sua impensa construxisse, inscriptionem sperantes. Qua negata, hoc tamen alio modo usurpasse. Sunt etiamnum in columnarum spiris inscalpta nominum eorum argumenta, lacerta at- que rana. | | V. 6. Versicolores quidem maculas, et in totum marmorum apparatum Menander etiam diligentissimus luxuriæ interpres, primus et raro adtigit. Columnis demum utebantur in templis, nec lautitiæ causa (nondum enim ista intelligebantur) sed quia firmiores aliter statui non poterant. Sic est inchoatum Athenis templum Jovis Olympii, ex quo Sulla Capitolinis ædi- bus advexerat columnas. Fuit tamen inter lapidem atque marmor diffe- 442 + EXTRAITS DE PLINE. parle d’un guerrier frappé d’un morceau de marbre : mais nulle part ailleurs ce mot ne se rencontre plus; et pour décrire les plus riches palais des rois, l’ivoire est le seul ornement qu'il ajoute à l’airain, à l'or, à l’électrum et à l'argent. Les carrières de Chio ont, à mon avis, offert pour la première fois ces marbres variés, quand on construisit les murailles de la ville. On cite à ce sujet un bon mot de Cicéron. Les habitants montraient leurs murs à tous les étrangers, comme une chosé magnifique : Je les admirerais . bien plus, leur dit-il, si vous les aviez bâtis en pierre de Tibur. Certes, si les marbres avaient été en vogue, la pein- ture, loin d’être parvenue au plus haut degré de gloire, n'aurait jamais joui d'aucune considération. DES PREMIERS QUI TAILLÈRENT LE MARBRE. Peut-être l’art dé scier le marbre a-t-il été inventé par les Cariens. Le palais de Mausole d’Halicarnasse, dont les murs étaient de briques, fut incrusté de marbre de Proconnèse. C’est en ce genre le plus ancien exemple qui soit à ma connaissance. Ce prince mourut la seconde année de la centième olympiade, l’an de Rome 375. rentia jam et apud Homerum. Dicit enim « marmoreo saxo percussum : » sed hactenus. Regias quoque domes quum laudatissime præter æs, aurum, electrum, argentum, eboretantum adornans. Primum (ut arbitror) versi- colores istas maculas Chiorum lapicidinæ ostenderunt, quum exstruerent muros, faceto in id M. Ciceronis sale : omnibus enim ostentabant, ut magnificum. « Multo, inquit,magis mirarer, si Tiburtinolapide fecissetis.» Et hercules, non fuisset picturæ honos ullus, non modo tantus, in aliqua marmorum auctoritate. VI. Secandi marmor in crustas nescio an Cariæ fuerit inventum. Anti- quissima, quod equidem inveniam, Halicarnassi Mausoli domus Procon- nesio marmore exculpta est, lateritiis parietibus. Is obiit olympiadis C. anno secundo, Urbis Romé& anno CCCLXXxv. " LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 413 QUI LE PREMIER A ROME A FAIT REVÉTIR D INCRUSTATIONS DE MARBRE LES PAROIS DE SA MAISON. Cornélius Népos écrit que Mamurra de Formies, cheva- lier romain, chef des pionniers de César dans la Gaule, a le premier revètu de lames de marbre les murs de sa mai- son tout entière sur le mont Célius. Qu'on ne s’indigne pas qu’un tel homme ait été l'inventeur de ce luxe : c’est ce Mamurra diffamé par les vers du poëte de Vérone (7), et que sa propre maison dénonçait plus énergiquement en- core que ne l’a fait Catulle, comme possédant tout ce qui avait appartenu à la Gaule chevelue. En effet, le même Cornélius Népos ajoute que cet homme est le premier qui n'ait eu, dans toute sa maison, d’autres colonnes que des colonnes de marbre, et toutes massives en marbre de Ca- rystum ou de Luna. A QUELLE ÉPOQUE ON A FAIT USAGE A ROME DE CHAQUE ESPÈCE DE MARBRE. \ M. Lépidus, collègue du consul Catulus, l’an de Rome 676, établit le premier dans sa maison les seuils en marbre de Numidie, au grand scandale de toute la ville. C’est la première trace que je trouve du marbre numidique apporté VII. Primum Romæ parietes crusta marmoris operuisse totius domus suæ in Cælio monte Cornelius Nepos tradidit Mamurram Formiis natum, equitem Romanum, præfectum fabrum C. Cæsaris in Gallia. Neque in- dignatio sit tali auctore inventa re. Hic namque est Mamurra Catulli Ve- ronensis carminibus proscissus , quem, ut res est, domus ipsius clarius, quam Catullus, dixit habere, quidquid habuisset Comata Gallia. Namque adjecit idem Nepos, eum primum totis ædibus nullam nisi e marmore columnam habuisse, omnes solidas e Carystio aut Lunensi. VIII. M. Lepidus, Çatuli in consulatu collega, primus omnium limina ex Numidico marmore in domo posuit, magna reprehensione. Is fuit consul anno Urbis pcLxxvI. Hoc primum invecti Numidici marmoris 444 EXTRAITS DE PLINE. à Rome, non en colonnes et en feuilles, mais en bloc, et pour le plus vil usage. Lucullus fut consul environ quatre ans après Lépidus. Il donna son nom au marbre Lucullien, qu’il aimait beaucoup. Ce fut lui qui l’introduisit à Rome. Ce marbre est noir. Il n’a pas, ainsi que les autres, des taches ou des variétés qui le recommandent. On le tire de l’île de Chio, et c’est à peu près le seul auquel un amateur ait donné son nom. Je crois que c’est dans l'intervalle de ces deux consulats que le théâtre de Scaurus eut ses mu- railles en marbre : je ne puis dire si elles étaient incrustées ou construites en marbre plein, comme l’est aujourd’hui dans le Capitole la chapelle de Jupiter Tonnant : car jusqu’à cette époque je ne trouve en Italie aucun vestige de mar- bre divisé par lames. DES OBÉLISQUES. Les rois employèrent à l’envi le marbre Syénite (le granit rouge) à faire des espèces de poutres, qu'ils nommaient obélisques (8). Ils les consacraient au soleil. Leur forme est l'emblème de ses rayons ; et le mot lui-même signifie rayon, en langue égyptienne. vestigium invenio, non in columnis tamen, crustisve : ut supra Carystii : sed in massa ac vilissimo liminum usu. Post hunc Lepidum ferme qua- driennio L. Lucullus consul fuit, qui nomen (ut adparet ex re) Luculleo marmori dedit, admodum delectatus illo : primusque Romam invexit, atrum alioqui, quum cetera maculis aut coloribus commendentur. Nasci- tur autem in Chio insula, solumque pæne horum marmorum ab amatore nomen accepit. Inter hos primum, ut arbitror, marmoreos parietes habuit scena M. Scauri, non facile dixerim sectos, an solidis glebis positos, sicuti est hodie Jovis Tonantis ædes in Capitolio. Nondum enim secti marmoris vestigia invenio in Ita'ia. XIV. 8. Trabes e Syenite quem ante pyrrhopæcilon vocabant, fecere reges quodam certamine, obeliscos vocantes , solis numini sacratos. Radiorum ejus argumentum in effigie est, et ita significatur nomine Ægyptio. LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 445 Celui qui commença fut Mestrès, qui régnait dans la ville du soleil : il en avait reçu l’ordre en songe. C’est ce que porte l'inscription. Car les caractères et les figures que nous y voyons gravés sont des lettres égyptiennes. Il eut bien des imitateurs. Dans la même ville, Sochis éleva quatre obélisques de quarante-huit coudées ; et Ra- misès, sous le règne duquel Troie fut prise, en dressa un de quarante coudées. Ce prince, ayant quitté sa capitale, en placa un autre de quatre-vingt-dix-neuf pieds dans l'endroit où fut le palais de Mnévis : chacun des côtés avait quatre coudées. On dit qu’on y employa cent vingt mille hommes. Lors- qu’on se disposait à le dresser, le roi craignit que les ma- chines ne se rompissent sous le poids ; et voulant qu'un plus grand danger redoublât les soins des travailleurs, il attacha son fils à la pointe, afin que le salut du prince garantit aussi celui du monument. Cet ouvrage était géné- ralement admiré. Lorsque la ville fut prise par Cambvyse, les flammes étant parvenues jusqu’au pied de l’obélisque, ce prince les fit éteindre. Il avait été sans pitié pour une ville, il respecta un morceau de marbre. Primus omnium id instituit Mestres, qui in solis urbe regnabat, som- nio jussus : hoc ipsum inscriptum in eo : etenim scalpturæ illæ ep quas videmus, Ægyptiæ sunt litteræ. . Postea et alii regum in supra dicta urbe, Sochis quatuor numero , qua- dragenum octonum cubitorum longitudine : Ramises autem is, quo reg- nante Ilium captum est, quadraginta cubitorum. Idem dires inde, ubi fuit Mnevidis regia, posuit alium, longitudine undecentenis pedibus, per latera cubitis quatuor. Opus id fecisse dicuntur cxx. M. hominum. Ipse rex, quum subrectu- rus esset, verereturque ne machinæ ponderi non sufficerent, quo majus periculum curæ artificum denuntiaret, fililum suum adalligavit cacumini, ut salus ejus apud molientes prodesset et lapidi. Hac admiratione operis effectum est, ut quum oppidum id expugnaret Cambyses rex, ventumque esset incendio ad crepidines obelisci, extingui ignem juberet molis reve- rentia, qui urbis nullam habuerat. 446 EXTRAITS DE PLINE. Il y a encore deux obélisques dressés, l’un par Smarrès, Pautre par Raphius, sans inscriptions , et de quarante-huit { coudées de hauteur. Ptolémée Philadelphe en érigea un de quatre-vingts coudées, dans la ville d'Alexandrie. Le roi Necthébis l'avait fait tailler sans aucune sculpture. On eut beaucoup plus de peine à le transporter et à le placer, qu’à le tirer de la carrière. Quelques auteurs disent que l'architecte Satyrus le transporta sur un radeau. Callixène en fait honneur à Phénix. S'il faut croire cet auteur, on creusa un canal depuis le Nil jusqu'à lendroit où il était étendu à terre. Deux bateaux très larges furent remplis de morceaux du même marbre, d’un pied de diamètre. Comme on avait pris deux fois sa longueur, cette charge formait le double du poids. On les fit passer sous l’obélisque, dont les extrémités portaient sur les deux bords du canal, et ils le soulevèrent après qu’on eut ôté les pierres. IL fut posé sur six cubes taillés dans la même montagne, et l'artiste reçut cinquante talents pour récompense. Ptolémée plaça ce monument dans la ville d’Arsinoïs, comme un gage de son amour pour Arsinoé, son épouse et en même temps sa sœur. Mais comme il gênait le port, un préfet d'Égypte, nommé Maxime, le transporta dans la place publique, après Sunt et alii duo, unus a Zmarre positus, alter a Raphio, sine notis, quadragenum octonum cubitorum. Alexandriæ statuit unum octoginta cu- bitorum Ptolemæus Philadelphus. Exciderat eum Necthebis rex purum : majusque opus in devehendo statuendove multo fuit, quam in excidendo. À Satyro architecto aliqui devectum tradunt rate : Callixenus a Phænice, fossa perducta usque ad jacentem obeliscum e Nilo : navesque duas in latitudinem patulas, pedalibus ex eodem lapide ad rationem geminati per duplicem mensuram ponderis oneratas, ita ut subirent obeliscum pen- dentem extremitatibus suis in ripis utrinque : postea egestis laterculis adlevatas naves excepisse onus. Statutum autem in sex talis e monte eodem, et artificem donatum talentis quinquaginta. Hic fuit in Arsinoeo positus ab rege supra dicto, munus amoris in conjugem, eamdemque sororem, Arsinoen, Inde eum navalibus incommodum Maximus quidam, LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 447 en awoir fait couper le sommet. Il voulait y substituer un faite doré ; ce projet resta sans exécution. Deux autres encore, taillés par l'ordre.de Mestrès, fu- “rent placés à Alexandrie, près du port, dans le temple de César. Leur hauteur est de quarante-deux coudées. La plus grande de toutes les difficultés fut de les transporter par mer à Rome. Les vaisseaux dont on se servit étaient vrai- ment dignes d’admiration. Auguste avait consacré le pre- mier, comme une merveille, .pour être conservé à jamais dans l’arsenal de Pouzzoles, mais 1l y fut détruit par le feu. Celui sur lequel Caligula fit transporter l’autre obélisque, était le vaisseau le plus étonnant qu'on eùt jamais vu sur la mer. Quelques années après, Claude y fit construire plu- sieurs tours en terre de Pouzzoles : il fut conduit à Ostie, où on le coula à fond pour les travaux du port. Quand les obélisques eurent passé la mer, il fallut encore construire d’autres vaisseaux pour les transporter sur le Tibre. Le succès de cette entreprise a démontré que ce fleuve n’est pas moins profond que le Nil. L’obélisque placé dans le grand cirque par Auguste avait été taillé par les ordres de Semnesertée, sous le règne du- _ quel Pythagore a vécu en Égypte. Sa hauteur est de quatre- præfectus Ægypti, transtulit in forum, reciso cacumine, dum vult Fast gium addere auratum, quod postea omisit. Etalii duo sunt Alexandriæ ad portum, in Cæsaris templo, quos exci- dit Mestres-rex, quadragenum binum cubitorum. Super omnia adcessit difficultas mari Romam devehendi, spectatis admodum navibus. Divus Augustus priorem advexerat, miraculique gratia Puteolis navalibus per- petuis dicaverat : sed incendio consumpta est. Divus Claudius aliquot per annos adservatam, qua Caius Cæsar importaverat, omnibus quæ unquam in mari visæ sunt mirabiliorem, turribus Puteolano ex pulvere exædifi- catis, perductam Ostiam, portus gratia mersit : alia ex hoc cura navium, -quæ Tiberi subveherent. Quo experimento palam fit, non minus aquarum huic amni esse, quam Nilo. Is autem obeliscus, quem divus Augustus in circo magno statuit, excisus est a rege Semneserteo, quo regnante Pythagoras in Ægypto fuit, 448 EXTRAITS DE PLINE. vingt-deux pieds neuf pouces, sans compter la base qui est du même marbre. Celui du Champ-de-Mars a neuf pieds de moins. Il est l’ouvrage de Sésostris. Les inscriptions dont ils sont chargés l’un et l’autre contiennent l'explication de la nature, selon la philosophie des Égyptiens. DE L'OBÉLISQUE QUI SERT DE GNOMON AU CHAMP-DE-MARS. Ce dernier fut d’ailleurs consacré par Auguste à un usage admirable. Pour déterminer l’ombre du soleil, et par ce moyen la longueur des jours et des nuits, ce prince fit étendre un lit de pierre, dans un tel rapport avec l’obé- lisque, que le jour du solstice d'hiver, à midi, l’ombre était égale au pavé; chaque jour elle décroissait peu à peu , en- suite elle s’allongeait de nouveau : et ces variations étaient marquées par des lignes d’airain, incrustées dans la pierre. Invention digne d’être connue, et qui prouve les ressources du génie. | Le mathématicien Manilius ajouta au sommet une boule dorée, dont l’ombre se ramassait sur elle-même, au lieu qu'auparavant la pointe de l’obélisque projetait la sienne d’une manière indéfinie. La tête de l’homme lui avait, dit- on, suggéré cette idée. Au reste, cette observation n’a plus la même justesse depuis environ trente ans, soit que le LXXxXII. pedum, et dodrantis, præter basim ejusdem lapidis : is vero, qui est in Campo Martio, novem pedibus minor, a Sesostride. Inscripti ambo rerum naturæ interpretationem Ægyptiorum philosophia continent. XV. 10. Ei, qui est in Campo, divus Augustus addidit mirabilem usum, ad deprehendendas solis umbras, dierumque ac noctium ita magni- tudines, strato lapide ad magnitudinem obelisci, cui par fieret umbra, brumæ confectæ die, sexta hora; paulatimque per regulas {quæ sunt ex æré inclusæ) singulis diebus decresceret, ac rursus augesceret : digna cognitu res et ingenio fecundo. Manilius mathematicus apici auratam pilam addidit, cujus umbra ver- tice colligeretur in seipsa, alias enormiter jaculante apice, ratione (ut ferunt) a capite hominis intellecta. Hæc observatio triginta jam fere annis non congruit, sive solis ipsius dissono cursu , et cœli aliqua ratione LIVRE TRENTE-SIXi EME. 449 cours du soleil et le mouvement du ciel aient souffert quel- que altération , soit que le globe se soit écarté de son centre, comme on prétend l'avoir remarqué en d’autres lieux : peut- être aussi les tremblements de terre ont-ils incliné le gno- mon, ou les inondations du Tibre en ont-elles affaissé les fondements, quoiqu’on prétende que leur profondeur est égale à la hauteur de la masse qu’ils soutiennent. Le troisième, placé à Rome sur le Vatican dans le cirque de Caligula et de Néron, est le seul qui ait été fait à l’imi- tation de celui de Nuncorée, fils de Sésostris. Il en reste encore un de cent coudées, que ce prince consacra au soleil par l'ordre de l’oracle, après qu’il eut recouvré la vue. PYRAMIDES D'ÉGYPTE. Disons aussi quelque chose des pyramides d'Égypte, stérile et folle ostentation de la richesse des rois (9), puisque la plupart les ont fait construire pour ne pas garder des trésors qui pouvaient tenter leurs héritiers et leurs rivaux, ou pour empêcher que le peuple ne restât oisif. La vanité de ces rois s’est exercée souvent en ce genre. On trouve les vestiges d’un grand nombre de pyramides commencées (10). Il en existe une dans le nome Arsinoïte : deux dans le pays mutato, sive universa tellure a centro suo aliquid emota, ut deprehend et in aliis locis accipio : sive Urbis tremoribus. ibi tantum gnomone in- torto ,.sive inundationibus Tiberis sedimento molis facto : quanquam ad altitudinem impositi oneris in terram quoque dicantur acta fundamenta. 11. Tertius Romæ in Vaticano Caïi et Neronis principum circo, ex om- nibus unus omnino factus est imitatione ejus quem fecerat Sesostridis filius Nancoreus. Ejusdem remanet et alius centum cubitorum, quem, post cæcitatem visu reddito, ex oraculo soli sacravit. XVI. 12. Dicantur obiter et pyramides in eadem Ægypto, regum pe- cuniæ otiosa ac stulta ostentatio. Quippe quum faciendi eas causa a ple- risque tradatur, ne pecuniam successoribus aut æmulis insidiantibus præberent, aut ne plebs esset otiosa. Multa circa hoc vanitas illorum ho- minam fuit : vestigia complurium inchoatarum exstant. Una est in Arsi- é ee P æ 450 EXTRAITS DE PLINE. de Memphis, non loin du labyrinthe, dont je parlerai bientôt ; deux autres, dans le lieu où fut le lac Méris, étang immense creusé par la main des hommes. L’Égypte vante, comme une des merveilles les plus étonnantes, la pointe de ces pyramides, qu’on dit les plus hautes de toutes. Les trois autres, dont la renommée a rempli l’univers entier, et qui se montrent aux navigateurs, de quelque côté qu'ils arrivent, sont situées sur une roche stérile, dans la partie de l’Afrique qui est entre Memphis et le Delta, à quatre mille pas à peu près du Nif, à sept mille cinq cents pas de Memphis. Tout auprès on a bâti un bourg, qu’on nomme Busiris: les habitants sont accoutumés à monter au haut des pyramides. | SPHINX D'ÉGYPTE. Devant elles est le sphinx (11), merveille encore plus mémorable, espèce de divinité sauvage adorée dans le pays. S'il faut en croire ces peuples, le roi Amasis y est enseveli, et cette masse a été apportée chez eux. Mais c’est le rocher lui-même ainsi façonné par l’art, et taillé en dos d’âne. La tête du monstre a cent deux pieds de circonférence, en la mesurant par le front : la longueur du corps est de cent noite nomo, duæ in Memphite, non procul labyrintho de quo et ipso dicemus. Totidem, ubi fuit Moœridis lacus, hoc est fossa grandis. Sed Ægyptus inter mira ac memoranda narrat harum cacumina extrema, quæ ._ eminere dicuntur. Reliquæ tres, quæ orbem terrarum implevere fama, sane conspicuæ un- dique adnavigantibus, sitæ sunt in parte Africæ, monte saxeo sterilique, inter Mémphim oppidum, et quod appellari diximus Delta, a Nilo minus quatuor millia passuum, a Memphi vit. M. D. vico adposito, quem vocant Busirin, in quo sunt adsueti scandere illas. XVII. Ante has est sphinx, vel magis narranda, quasi silvestre nurnen adcolentium. Amasin regem putant in ea conditum, et volunt invectam videri. Est autem saxo naturali elaborata, et lubrica. Capitis monstri LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 451 quarante-trois pieds, et la hauteur, depuis le ventre jus- qu’au sommet de la tête, est de soixante-douze pieds. La plus grande pyramide est de pierres d'Arabie. Trois cent soixante mille hommes, dit-on, y travaillèrent vingt ans. Elles furent achevées toutes les trois en soixante-dix- huit ans et quatre mois. Les auteurs qui en ont parlé sont Hérodote, Evhémère, Duris le Samien, Aristagore, Denys, Artémidore, Alexandre Polvhistor, Butoride, Antisthène, Démétrius, Démotèle, Apion. Le nom des princes qui les ont construites est encore un problème, et l’oubli est la juste punition de leur vanité. Quelques uns de ces auteurs rapportent qu’on dépensa seize cents talents (8,640,000 fr.) en raves, en ail, en oignons. La plus grande pyramide occupe huit jugerum : les quatre faces sont égales; chaque côté a sept cent quatre-vingt- trois pieds : la largeur au sommet est de quinze pieds et demi. La seconde forme aussi quatre angles égaux, et cha- eun des côtés est de sept cent trente-sept pieds. La troi- sième, moins grande, mais plus admirable, est en pierres d'Éthiopie. La distance entre les angles est de trois cent soixante-trois pieds. On n’aperçoit aucun vestige des maté- ambitus per frontem centum duos pedes colligit, longitudo pedum cxLu1. est, altitudo a ventre ad summam apsidem in capite, LxII. Pyramis amplissima ex Arabicis lapicidinis constat. Trecenta Lx. ho- minum millia annis XX. eam construxisse produntur. Tres vero factæ annis LXXVII, et mensibus 1V. Qui de iis scripserint, sunt Herodotus, Euhemerus, Duris Samius, Aristagoras, Dionysius, Artemidorus, Alexan- der Polyhistor, Butorides, Antisthenes, Demetrius, Demoteles, Apion. Inter omnes eos non constat a quibus factæ sint, justissimo casu oblite- ratis tantæ vanitatis auctoribus. Aliqui ex his prodiderunt, in raphanos, et allium, ac cæpas, mille sexcenta talenta erogata. Amplissima octo jugera obtinet soli, quatuor angulorum paribus inter- vallis, per septingentos octoginta tres pedes singulorum laterum, altitudo a cacumine, pedes xv. S. Alterius intervalla singula per quatuor angulos pares, DCCXXXVII. comprehendunt. Tertia minor quidem prædictis, sed multo spectatior, Æthiopicis lapidibus, adsurgit CCCLxII. pedibus inter 452 EXTRAITS DE PLINE. A riaux. Partout, à une grande distance, on ne trouve que du sable, qui a la forme d’une lentille, comme dans la plus grande partie de l’Afrique. . Mais le plus difficile à expliquer, c’est de quelle manière les pierres furent portées à une telle hauteur. Les uns disent qu'on entassait des monceaux de nitre et de sel à mesure que l’ouvrage s'élevait; et que tout étant achevé, on les fit dissoudre, en amenant les eaux du Nil. Les autres pré- tendent que ce fut à l’aide de briques, qui furent distri- buées ensuite aux particuliers pour se bâtir des maisons. Ils croient le lit du fleuve trop inférieur, pour qu’on ait pu amener les eaux jusque-là. Dans l'intérieur de la grande pyramide est un puits de quatre-vingt-six coudées, dont on croit que l’eau vient du Nil. Thalès de Milet découvrit le moyen de déterminer la grandeur des pyramides, ainsi que de toutes les hauteurs semblables, en mesurant l’ombre au moment où elle est égale au corps. Telles sont ces pyramides si merveilleuses : et afin qu’on ne s’extasie pas en voyant l'ouvrage des rois, ajoutons un seul mot; c’est que la plus petite, mais aussi la plus vantée de toutes, a été construite aux frais de la courtisane Rho- dope. D'abord esclave, elle avait appartenu au même maître qu’Ésope, ce fabuliste philosophe; ce qui rend plus angulos. Vestigia ædificationum nulla exstant. Arena late pura nn lentis similitudine, qualis in majori parte Africæ. Quæstionum summa est, quanam ratione in tantam altitudinem sub- vecta sint cæmenta. Alii enim nitro ac sale adaggeratis cum crescente opere, ac peracto fluminis irrigatione dilutis : .alii lateribus'e luto factis, in privatas domos distributis. Nilum enim non putant rigare potuisse, multo humiliorem. In pyramide maxima est intus puteus octoginta sex cubitorum, flumen illo admissum arbitrantur. Mensuram altitudinis ea- rum omniumque similium deprehendere invenit Thales Milesius, umbram metiendo, qua hora par esse :corpori solet. ; Hæc sunt pyramidum miracula : supremumque illud, ne quis regum opus miretur, minimamex his, sed laudatissimam, a Rhodope meretri- cula factam. Æsopi fabularum philosophi conserva quondam et contuber- LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 453 inconcevable qu'elle ait acquis d'aussi grandes richesses .par le trafic de ses charmes. ; DU PHARE. On vante encore une tour bâtie par le roi Ptolémée, dans l’île de Pharos, à l'entrée du port d'Alexandrie : elle sive Tithoe. Quanquam Herodotus totum opus regum esse dicit, novissi- mique Psammetichi. Causam faciendi varie interpretantur. Demoteles regiam Motherudis fuisse, Lyceas sepulcrum Moæridis : plures soli sa- crum id exstructum, quod maxime creditur. Hinc utique sumpsisse Dædalum exemplar ejus labyrinthi, quem fecit in Creta, non est dubium, sed centesimam tantum portionem ejus imita- tum, quæ itinerum ambages, occursusque, ac recursus inexplicabiles continet : non {ut in pavimentis, puerorumyve ludicris campestribus vide - mus}) brevi lacinia millia passuum plura ambulationis continentem : sed crebris foribus inditis, ad fallendos occursus, redeundumque in errores eosdem. Secundus hic fuit ab Æzsyptio labyrinthus : tertius in Lemno : quartus in Italia, Omnes lapide polito fornicibus tecti : Ægyptius (quod miror LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 4355 quatrième en Italie. Ils étaient tous voûtés en marbre poli; et ce qui me paraît étonnant, le péristyle de celui d'Égypte: était orné de colonnes en marbre de Paros. Les autres par- ties de l’édifice, en marbre syénite, ont résisté aux outrages des siècles, et à la haine des habitants d’'Héracléopolis, qui l'ont dégradé d’une manière étrange. Il serait impossible de faire une description exacte de ce labyrinthe et d’en marquer les différentes parties. Il est divisé en seize préfectures ou nomes {12), qui donnent leur nom à autant de palais immenses. De plus, il contient les temples de tous les dieux de l'Égypte, quinze chapelles de Némésis, un grand nombre de pyramides de quarante cou- dées, dont six à chacune des extrémités de la plate-forme. Les voyageurs, déja fatigués, arrivent enfin à ces routes, qui les égarent sans retour. On trouve sur des éminences des salles et des portiques, où l’on monte par quatre-vingt- dix marches. Au dedans s'élèvent des colonnes de por- phyre, des statues de dieux et de rois, des figures de monstres. Quelques uns des palais sont tellement situés, qu'en ouvrant les portes on entend gronder un tonnerre terrible. Le plus souvent il faut passer par des endroits téné- breux. Au delà du mur se trouvent d'autres édifices, c’est equidem) introitu, lapide e Pario columnis : reliquis e Syenite molibus compositis, quas dissolvere ne secula quidem possint, adjuvantibus He- racleopolitis, qui id opus invisum mire infestavere. Positionem operis ejus singulasque partes enarrare non est, quum sit in regiones divisum, atque in præfecturas (quas vocavi nomos) sedecim, nominibus earum totidem vastis domibus ädtributis : prætereatemplaom- nium Ægypti deorum contineat, superque Nemeses quindecim ædiculis incluserit, pyramides complures quadragenarum ulnarum, senas radicum oras obtinentes. Fessi jam eundo perveniunt ad viarum illum inexplica- bilem errorem. Quin et cœnacula clivis excelsa, porticus quoque descen- duntur nonagenis gradibus : intus columnæ de porphyrite lapide, deorum simulacra, regum statuæ, monstriferæ effigies. Quarumdam autem domo- rum talis est sitns ut, adaperientibus fores, tonitruum intus terribile exi- stat. Majore autem in parte transitus est per tenebras. Aliæ rursus extra 456 EXTRAITS DE PLINE. ce qu'on nomme le bas labyrinthe. Des routes creusées mènent encore à d’autres palais souterrains. Cireummon, eunuque du roi Necthébis, est le seul qui ait ajouté quelque chose à cet ouvrage, cinquante ans avant Alexandre-le-Grand. On dit que pendant qu’on élevait les voûtes, qui sont en pierres carrées, il les fit soutenir avec des poutres d’épine recuites dans l’huile. Voilà assez de détails sur les labyrinthes d'Égypte et de Crète. Celui de Lemnos, semblable aux deux premiers, était seulement plus remarquable par.cent cinquante colonnes, travaillées au tour, et qui, dans cette opération, avaient été si habilement suspendues, que la main d’un enfant les faisait tourner. Les architectes qui en dirigèrent la cons- truction étaient Zmile, Rhole et Théodore de Lemnos. On en voit encore des vestiges, quoiqu'il ne reste aucune trace de ceux de Crète et d'Italie. : | Il convient aussi de parler de celui d'Italie. Porsenna, roi d'Étrurie, le fit bâtir pour lui servir de tombeau; il voulut en même temps que la vanité des rois étrangers fût vaincue elle-même par les Italiens. Comme ce qu’on en rapporte excède toute vraisemblance, nous citerons les propres ex- pressions de Varron : « Porsenna, dit-il, fut enseveli-au- murum labyrinthi ædificiorum moles : itron appellant. Inde aliæ perfossis cuniculis subterraneæ domus. Fecit unus omnino pauca ibi Circummon spado Necthebis regis, ante Alexandrum Magnum annis quinquagenis. Id quoque traditur fulsisse trabibus spinæ oleo incoctæ, dum fornices quadrati lapidis adsurgerent, De Ægyptio et Cretico labyrinthis satis dictum est. Lemnius similis illis, columnis tantum centum quinquaginta memora- bilior fuit : quarum in officina turbines ita librati pependerunt, ut puero circumagente tornarentur, Architecti illum fecere Zmilus et Rholus, et Theodorus indigéra. Exstantque adhuc reliquiæ ejus ; quum Cretici Italicique nulla vestigia exstent, Namque et Italicunr dici convenit, quem fecit sibi Porsenna rex Etruriæ sepulcri causa, simul ut externorum regum vanitas quoque ab Italis superetur. Sed quum excedat omnia fabulositas, utemur ipsius M. Varronis in expositionc ejus verbis : « Sepultus est, inquit, sub urbe < LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 457 » dessous de Clusium, dans l’endroit où il a laissé un mo- » nument de forme carrée en pierres carrées; chacun des » côtés a trois cents pieds de largeur et cinquante de hau- » teur. Sur la base qui est carrée, est un labyrinthe inex- » tricable. Quiconque oserait s’y engager sans un peloton » de fil ne retrouverait plus l'issue. Au-dessus de ce carré, » s'élèvent cinq pyramides, quatre aux angles, une au » centre. Leur largeur par le bas est de soixante-quinze » pieds, la hauteur est de cent cinquante. Le sommet est » surmonté d’un globe d’airain et d’un chapeau, où sont » suspendues des sonnettes ‘attachées avec des chaines: » Lorsqu'elles sont agitées par le vent, elles rendent des » sons pareils à ceux de Dodone. Sur le globe sont quatre » pyramides, qui ont chacune cent pieds de haut. » Sur ces pyramides, est une plate-forme, qui en soutient encore cinq, dont Varron n’a pas osé ajouter la hauteur. Les fables des Étrusques rapportent qu’elle est la même que celle du reste de l'ouvrage. Étrange manie de chercher la gloire dans des dépenses vaines et stériles, et d’épuiser un royaume pour des ouvrages qui cependant illustrent plus l'artiste que le prince ! » Clusio : in quo loco monumentum reliquit lapide quadrato quadratum : » singula latera pedum trecenum, alta quinquagenum : inque basi qua- » drata intus labyrinthum inextricabilem : quo si quis improperet sine » glomere lini, cxitum invenire nequeat. Supra id quadratum pyramides » stant quinque, quatuor in angulis, in medio una : in imo latæ pedum » quinum septuagenum, altæ centum quinquagenum : ita fastigatæ, utin » summo orbis æneus et petasus unus omnibus sit impositus, ex quo » pendeant exapta catenis tintinnabula, quæ vento agitata, longe sonitus » referant, ut Dodonæ olim factum. Supra quem orbem quatuor pyra- » mides insyper, Singulæ exstant altæ pedum centenum. » Supra quas. uno solo quinque pyramides, quarum altitudinem Varrorem puduit adji- cere. Fabulæ Etruscæ tradunt eamdem fuisse, quam totius operis : adeo vesana dementia quæsisse gloriam impendio nulli profuturo : præterea fatigasse regni vires, ut tamen laus major artificis esset. 458 | EXTRAITS DE PLINE. JARDIN SUSPENDU, VILLE SUSPENDUE. Les auteurs parlent d’un jardin, et même d’une ville en- tière suspendue : c’est celle de Thèbes en Égypte. Les rois faisaient sortir des armées nombreuses par des chemins souterrains, Sans qu'aucun des habitants s’en aperçüt : ce qu’il y a de plus merveilleux, c’est que cette ville était tra- versée par le Nil. Si les choses étaient ainsi, nul doute qu'Homère n’en eût parlé, puisqu'il vante les cent portes de Thèbes. DU TEMPLE DE DIANE D ÉPHÈSE. Un ouvrage vraiment grand et digne d’admiration est le temple de Diane à Éphèse. L’Asie entière employa deux cent vingt ans à le construire. On choisit un lieu maréca- geux, afin qu’il ne se ressentit pas des tremblements de terre, et qu’on n’eûüt point à craindre qu'il s'y format des ouvertures : et pour que les fondements d’une masse aussi pesante ne portassent pas sur un sol glissant et mobile, on établit plusieurs lits de charbon broyé, sur lequel on éten- dit de la laine. La longueur du temple entier est de quatre cent vingt-cinq pieds, et sa largeur de deux cent vingt. Il est orné de cent vingt-sept colonnes de soixante pieds, XX. Legitur et pensilis hortus, imo vero totum oppidum Ægyptiæ Thebæ, exercitus armatos subter educere solitis regibus, nullo oppida- , norum sentiente. Etiamnum hoc minus mirum, quam quod flumine me- dium oppidum interfiuente. Quæ si fuissent, non dubium est Homerum dicturum fuisse, quum centum portas ibi prædicaret. XXI. 14. Magnificentiæ vera admiratio exstat templum Ephesiæ Dianæ ducentis viginti annis factum a tota,Asia. In solo id palustri fecere, ne terræ motus sentiret, aut hiatus timeret. Rursus ne in lubrico atque instabili fundamenta tantæ molis locarentur, calcatis ea substravere car- bonibus ; dein velleribus lanæ. Universo templo longitudo est CCCCXXY. pedum , latitudo ducentorum viginti, columnæ centum viginti septem a LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 459 données par autant de rois. Trente-six ont été sculptées, une entre autres par SCOpas. L'architecte Chersiphron dirigea le travail. Ce qui étonne le plus l’imagination, c’est qu’on ait pu élever des archi- traves d’un si grand poids. Il y parvint en formant une espèce de montagne avec des sacs remplis de sable, qui s'élevaient en pente douce au-dessus du chapiteau des co- lounes. On vidait peu à peu ceux qui étaient au pied, en sorte que la pierre se plaçait insensiblement où elle devait être. Le frontispice fut ce qui lui offrit les plus grandes dif- ficultés. C'était la pièce la plus pesante de l’édifice. On n’a- vait pu parvenir à la mettre d’aplomb. L'artiste, au déses- poir, était résolu à se donner la mort. On prétend que, tourmenté par cette inquiétude, il succomba au sommeil, et que la déesse, pour laquelle il bâtissait le temple, lui apparut, l’exhortant à vivre; qu'elle-même avait placé la pierre. Il reconnut le lendemain la vérité du songe. La pierre paraissait s’être mise d’aplomb par son propre poids. Les autres ornements de cet édifice rempliraient plusieurs volumes, mais ils n’appartiennent en rien à l’histoire de la nature. singulis regibus factæ, LX. pedum altitudine : ex iis XXXvI. cælatæ, una à SCopa. Operi præfuit Chersiphron architectus. Summa miracula, epistylia tantæ molis adtolli potuisse. Id consecutus est ille æronibus arena plenis, molli clivo super capita columnarum exaggerato, paulatim exinaniens imos, ut sensim opus in cubili sederet: Difficillime hoc contigit in limine ipso.quod foribus imponebat. Etenim ea maxima moles fuit : nec sedit in cubili, anxio artifice, mortis destinatione suprema. Tradunt in ea cogitatione fessum nocturno tempore in quiete vidisse præsentem deam, cui templum fiebat, hortantem ut viveret ; se composuisse lapidem : atque ita postero die apparuit, et pondere ipso correctus videbatur. Cetera ejus operis ornamenta plurium librorum instar obtinent, nihil ad speciem naturæ pertinentia. 460 EXTRAITS DE 'PLINE. r DIX-HUIT MONUMENTS MAGNIFIQUES A ROME. Il convient de passer aux merveilles de Rome, de re- chercher ce que les efforts d’un peuple docile ont pu faire pendant huit siècles. Montrons qu'en cette partie, comme dans tout le reste, nous avons triomphé de l’univers. Presque toutes les merveilles que nous aurons à citer attesteront notre supériorité. Rapprochées toutes ensemble, accumu- lées en un seul monceau, leur grandeur compose comme un autre monde réuni pe un seul lieu. Sans doute nous mettrons au nombre des grands ou- vrages le cirque de César, qui avait trois stades (283 toises) de long sur un de large, et dont les édifices, destinés à contenir deux cent cinquante mille spectateurs assis, occu- paient quatre jugerum : mais la basilique de Paulus, admi- rable par ses colonnes de marbre phrygien, le forum d’Au- guste, le temple de la Paix élevé par Vespasien, ces ouvrages les plus beaux qui furent jamais, le Panthéon consacré à Jupiter Vengeur par Agrippa (13), ne serqnt-ils pas comptés aussi parmi les entreprises magnifiques ? Dès avant ce temps, l’architecte Valérius d’Ostie avait couvert le théâtre aux c jeux de Libon. XXIV. 15. Verum et ad Urbis nostræ miracula transire conveniat, octingentorumque annorum daciles scrutari vires, et sic quoque terrarum orbem victum ostendere : quod accidisse toties pæne, quot referentur miracula, apparebit : universitate vero acervata , et in quemdam unum cumulum conjecta, non alia magnitudo exsurgit, quam si mundus alius quidam in uno loco narraretur. Nam ut circum maximum a Cæsare dictatore exstructum longitudine stadiorum trium, latitudine unius, sed cum ædificiis jugerum quaternum, ad sedem ccL. millium, inter magna opera dicamus : nonne inter magni- fica basilicam Pauli columnis e Phrygibus mirabilem, forumque Givi Augusti, et templum Pacis Vespasiani imperatoris Augusti, pulcherrima operum, quæ unquam : Pantheon Jovi Ultori ab Agrippa factum, quum theatrum ante texerit Romæ Valerius Ostiensis architectus ludis Libonis? ÿ à LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 46t _ Nous admirons les pyramides des rois, tandis que César a payé cent millions de sesterces (22,500,000 fr.) pour le seul emplacement de son forum ; et si la dépense étonne nos ames rétrécies par l’avarice, la maison de Clodius, qui fut tué par Milon, avait été achetée quatorze millions huit cent mille sesterces (2,555,000 fr.). Les folles dépenses des. rois n'ont rien qui m'étonne davantage. Aussi je compte au nombre des excès les plus monstrueux de l’extravagance humaine, que ce même Milon ait dü soixante-dix millions de sesterces (18,000,000 fr.). Mais ce que les vieillards de ce temps-là contemplaient avec admiration, c'était la vaste étendue de la terrasse construite par Tarquin, les incroya- bles fondations du Capitole, et les égouts, le plus prodi- gieux de tous les ouvrages. Des montagnes furent percées; Rome fut suspendue, comme cette Thèbes dont nous avons parlé; on navigua sous ses fondements. Agrippa, nommé édile après son consulat, réunit par des canaux sept rivières qui, se précipitant avec l’impétuo- sité des torrents, enlèvent. et entraînent toutes les immon- dices-: leurs eaux, grossies encore par la chute des pluies, frappent le fond et les parois de l’égout; quelquefois elles sont refoulées par les flots du Tibre qui se déborde, et deux courants opposés. luttent et combattent l’un contre l’autre : Pyramidas regum'miramur, quum solum tantum foro exstruendo H-s:. millies Cæsar dictator emerit : et si quidem impensæ movent captos avaritia animos, P. Clodius , quem Milo occidit, H-s. centies et quadra- gies octies domo empta habitaverit : quod equidem non secus, ac regum insaniam , miror. Itaque et ipsum Milonem sestertium septingenties æris alieni debuisse, inter prodigia animi humani duco. Sed tunc senes aggeris vastum spatium, et substructiones insanas Capitolii mirabantur : præterea cloacas, operum omnium dictu maximum, suffossis montibus, atque (ut paulo ante retulimus) urbe pensili, subterque navigata. A. M. Agrippa in ædilitate post consulatum , per meatus corrivati sep-- tem amnes, cursuque præcipiti torrentium modo rapere atque auferre omnia coacti, insuper moleimbrium concitati, vada ac latera quatiunt : aliquando Tiberis’ retro infusi recipiunt fluctus, pugnantque diversi aqua— 462 EXTRAITS DE PLINE. cependant la solidité de l'ouvrage résiste à tous ces efforts. Des masses énormes sont entraînées dans le canal, sans que les fondements succombent. La voûte est frappée par les débris des maisons qui tombent de vétusté, ou qui s’é- croulent dans les incendies : le sol est ébranlé par les trem- blements de terre : et cependant cet ouvrage subsiste sans altération depuis Tarquin l’Ancien, c’est-à-dire depuis près de sept cents ans. C’est ici le lieu de rapporter un fait qui mérite d’autant plus d’être cité, que les plus célèbres écrivains n’en ont fait aucune mention. Pendant que Tarquin l'Ancien em- ployait le peupie à construire cet égout, un grand nombre de citoyens, rebutés d’un travail si long et si périlleux, se donnèrent la mort. Ce prince imagina, pour les en détour- ner, un moven nouveau et dont on ne retrouve aucun exemple ni avant ni après lui. Il fit mettre en croix les corps des suicides, et Les exposant à la vue des citoyens, il les abandonnait aux bêtes féroces et aux oiseaux de proie. Aussi l'honneur, ce caractère distinctif de tout ce qui est romain, ce noble sentiment qui tant de fois a rétabli dans les combats nos affaires désespérées, l'honneur vint au secours de Rome. Sans doute 1l en imposa pour lors à leur simplicité, puisque, vivants, ils rougissaient de cette rum impetus intus : et tamen obnixa firmitas resistit. Trahuntur moles internæ tantæ, non succumbentibus causis operis : pulsant ruinæ sponte præcipites, aut impactæ incendiis : quatitur solum terræ motibus : durant tamen a Tarquinio Prisco annis prope septingentis inezpugnabiles. Non omittendo memorabili exemplo, vel eo magis, quoniam celeber- rimis rerum conditoribus omissum est : quum id opus Tarquinius Priscus plebis manibus faceret, essetque labor incertum longior an periculosior, passim conscita nece, Quiritibus tædium fugientibus, novum et inexco- gitatum ante posteaque remedium invenit ille rex, ut omnium ita defunc- torum figeret crucibus corpora spectanda civibus, simul et'feris volucri- busque laceranda. Quamobrem pudor Romani nominis proprius, qui sæpe res perditas servavit in præliis, tunc quoque subvenit : sed illo tempore imposuit, jam erubescens, quum puderet vivos, tanquam puditurum LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 463 ionominie, comme si après la mort ils devaient être sen- sibles à la honte. On dit que Tarquin donna aux souterrains assez de largeur pour qu'il y passat une charrette chargée de foin. | Les autres ouvrages sont peu de chose. Cette merveille seule les vaut tous. Je vais passer aux modernes. Si nous en croyons les auteurs les plus exacts, sous le consulat de Lépidus et de Catulus, nulle maison ne l’emportait sur celle de ce même Lépidus. En moins de trente-cinq ans, on en citait déja plus de cent qui la surpassaient. Pour apprécier ces progrès du luxe, calculez, si vous voulez, la quantité des marbres, les ouvrages des peintres, l’'énormité des dé- penses; voyez cent maisons qui le disputent à la maison la plus belle et la plus vantée, et pensez qu'elles-mèêmes ont été successivement vaincues par une infinité d'autres. Certes les incendies punissent le luxe; mais rien ne peut faire sentir à notre vanité qu'il est encore quelque chose de plus périssable que l’homme. Au reste deux maisons l’ont emporté sur toutes celles dont nous parlons. Nous avons vu une ville entière renfer- mée dans les palais de Caligula et de Néron : et pour comble de luxe, celui de Néron était doré (14). Telles étaient ap- paremment les habitations des fondateurs de cet empire esset exstinctos. Amplitudinem cavis eam fecisse proditur, ut vehem feni Jarge onustam transmitteret. Parva sunt cuncta, quæ diximus, et omnia uni comparanda miraculo, antequam nova adtingam. M. Lepido, Q. Catulo coss. ut constat inter diligentissimos auctores, domus pulchrior non fuit Romæ quam Lepidi ipsius. At hercule intra annos XXxXvV. eadem centesimum locum non obti- nuit. Computet in hac æstimatione, qui volet, marmorum molem, opera pictorum, impendia regalia, et cum pulcherrima laudatissimaque cer- tantes centum domos : posteaque eas ab innumerabilibus aliis in hunc diem victas. Profecto incendia puniunt luxum : nec tamen effici paies, ut mores aliquid ipso homine mortalius intelligant. Sed eas omnes duæ domus vicerunt. Bis vidimus urbem totam cingi domibus principum Caïi et Neronis, et hujus quidem {ne quid deesset} aurea. Nimirum sic habitarunt illi, qui hoc imperium fecere, tantas ad 464 EXTRAITS DE PLINE. des guerriers qui laissaient la charrue, ou sortaient d’une chaumière, pour vaincre les nations et remporter des triomphes. Leurs champs étaient moins étendus que les boudoirs voluptueux de Néron et de Caligula. Quels étaient donc, en comparaison de ces palais si vas- tes, les terrains que l’État décernait à des généraux invin- cibles pour s'y construire des maisons ? Quelquefois on ajoutait dans le décret que ces maisons s’ouvriraient en dehors, et que la porte se repousseraït du côté de la rue; . comme on l’accorda, pour prix de tant de services, à Valé- rius Publicola, premier consul avec L. Brutus, et à son frère, qui, pendant son consulat, avait deux fois vaineu les Sabins. Ce droit était le comble de lhonneur : c'était la distinction la plus éclatante, même entre les maisons triom- phales. | Je ne souffrirai pas que deux Caligula, où deux Néron jouissent même de cette gloire. Je montrerai que les extra- vagances des empereurs le cédaient encore aux efforts d’un particulier, de Scaurus, dont l’édilité porta peut-être le coup le plus fatal aux mœurs publiques : et je doute que les proscriptions de Sylla aient fait plus de mal à l’État que la fortune immense laissée à son beau-fils. Scaurus, étant vincendas gentes triumphosque referendos ab aratro aut foco exeuntes, quorum agri quoque minorem modum obtinuere, quam sellaria isto- rum. Subit vero cogitatio, quota portio harum fuerint areæ illæ, quas invictis imperatoribus decernebant publice ad ædificandas domos : summusque illarum honos erat, sicut in P. Valerio Publicola, qui primus consul fuit cum L. Bruto post tot merita, et fratre ejus, qui bis in eodem magistratu Sabinos devicerat, adjici decreto , « ut domus eorüum fores extra aperi- » rentur, et janua in publicum rejiceretur. » Hoc erat clarissimum insigne ‘inter triumphales quoque domos. Non patiemur duos Caios, vel duos Nerones, ne hac quidem gloria famæ frui : docebimusque etiam insaniam eorum victam privatis operibus M: Scauri, cujus nescio an ædilitas maxime prostravérit mores civiles, majusque sit Sullæ malum, tanta privigni potentia, quam proscriptio LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 465 édiie, construisit l'ouvrage le plus grand qui ait jamais été élevé par la main des hommes, non pour durer quelques jours, mais pour exister dans toute la suite des siècles : ce fut un théâtre. La scène était à trois étages, soutenus par%trois cent soixante colonnes, et cela dans une ville qui n’avait souffert qu'avec indignation six colonnes d’Hymette chez le citoyen le plus illustre. Le premier était de marbre, le second de verre, genre de luxe dont on n’a plus revu d'exemple, et le dernier était de bois doré. Les colonnes du rang inférieur avaient, comme je l’ai dit, trente-huit pieds. Les statues d'airain placées dans les entre-colonnements étaient au nombre de trois mille. L’amphithéâtre contenait quatre- vingt mille spectateurs, quoique celui de Pompée, qui en contient quarante mille, suffise, malgré les divers accrois- _sements de Rome, et l'augmentation prodigieuse de la po- pulation. Les étoffes attaliques, les tableaux, et les autres décorations du théâtre, montaient à une somme énorme. Scaurus fit transporter à sa maison de Tusculum tout ce qui n'était pas nécessaire pour l’usage journalier du luxe; ses esclaves y mirent le feu par vengeance, et la perte fut es- timée cent millions de sesterces (22,500,000 fr.). tot millium. Hic fecit in ædilitate sua opus maximum omnium, quæ un- quam fuere humana manu facta, non temporaria mora, verum etiam æternitatis destinatione. Theatrum hoc fuit. Scena ei triplex in altitudinem CCCLx. columnarum, in ea civitate, quæ sex Hymettias non tulerat sine probro civis amplissimi. Ima pars scenæ e marmore fuit : media e vitro, inaudito etiam postea genere luxuriæ : sSumma, e tabulis inauratis. Columnæ, ut diximus, imæ duodequadra- genum pedum. Signa ærea in‘er columnas, ut indicavimus, fuerunt tria millia numero. Cavea ipsa cepit hominum Lxxx*. millia ; quum Pompeiani theatri toties multiplicata Urbe, tantoque majore populo, sufficiat large Quedraginta millibus. Sed et reliquus apparatus tantus Attalica veste, tabulis pictis, ceteroque choragio fuit, ut in Tusculanam villam reportatis quæ Superfuebant quotidiani usus delicüis, incensa villa ab iratis servis, concremaretur H-s. millies. 30 - 466 | EXTRAITS DE PLINE. En contemplant cet excès de prodigalité, je me sens em- porté hors de mon sujet, et forcé de m'interrompre, pour parler ici d’une autre folie plus incroyable encore. Il s’agit d’un ouvrage exécuté en bois. Curion, qui mourut dans le parti de César, pendant la guerre civile, voulait donner des jeux funèbres en l'honneur de son père. Il ne lui était point possible de l’emporter sur Scaurus par la richesse et la ma- gnificence. Avait-il un Sylla pour beau-père, et pour mère une Métella enrichie par les proscriptions? Était-il le fils de Scaurus , tant de fois prince du sénat, cet associé de Ma- rius, chez qui s’entassaient les dépouilles des provinces? Déja 1l n’était plus au pouvoir de Scaurus de lutter contre lui-même, puisque l’incendie qui dévora tant de richesses rassemblées de toutes les parties du monde lui avait du moins procuré cet avantage, que nul mortel me pouvait désormais atteindre à ‘une telle extravagance. Il fallut donc suppléer à la richesse par la singularité de l'invention. Il est bon de savoir ce qu'il imagina. Nous pourrons nous ap- plaudir de nos mœurs, etnous appeler, à notre manière, les hommes du vieux temps. Il fit construire en*bois deux théâtres très vastes, à peu de distance l’un de l’autre, et suspendus ehacun sur un pi- vot tournant. Le matin on jouait des -pièces sur ces deux Aufert auimum, et a destinato itinere digredi cogit contemplatio tam prodigæ mentis, aliamque connecti majorem insaniam e ligno. C. Curio, qui bello civili in Cæsarianis”"partibus obiit, funebri patris munere, quum opibus apparatuque non posset superare Scaurum (unde enim illi vitricus Sulla, et Metella mater proscriptionum sectrix! unde M. Scaurus pater, toties princeps civitatis, et Marianis sodalitiis rapinarum provincialium sinus ?! } quum jam ne ipse quidem Scaurus comparari sibi posset, quando hoc certe incendii illius præmium habuït, convectis ex orbe terrarum re- bus, ut nemo postea par esset insaniæ illi. Ingenio ergo utendum fuit : operæ pretium est scire quid invenerit, et gaudere moribus nostris, àC nostro modo nos vocare majores. Theatra duo juxta fecit amplissima e ligno, cardinum singulorum ver- satili suspensa libramento ,'in quibus utrisque antemeridiano ludorum ‘ LIVRE TRENTE-SIXIÈME. 467 théâtres. Alors ils étaient adossés, pour que les acteurs ne pussent pas s’interrompre. L’après-midi on les faisait tour- ner tout à coup, de manière qu'ils se trouvaient en pré- sence (45); les quatre extrémités des galeries venaient se joindre, et formaient un amphithéâtre où il donnait des combats de gladiateurs, moins dévoués à la mort que le peuple romain lui-même, qu’il promenait ainsi dans les airs. Eh ! qui doit le plus nous étonner ici, l'inventeur ou l’inven- tion , le constructeur ou l’auteur du projet? qu’on ait osé imaginer cette machine ou l’entreprendre, la commander ou l'exécuter? Le plus inconcevable, c’est la démence du peuple qui osait s'asseoir sur un siége si perfide et si.fra- gile. Le voilà ce vainqueur du monde, ce conquérant de l'univers, qui distribue les nations et les royaumes, qui en- voie des lois aux étrangers, et qui, pour le reste des hu- mains, est en quelque sorte une portion des immortels : le voilà suspendu sur une machine; il applaudit à ses propres périls. Quel mépris pour la vie des hommes! Le désastre de Cannes. n’est rien quand on pense combien ont pu être affreuses les suites de cette extravagance! Que des villes soient englouties dans un abîime, l'huma- Spectaculo:edito inter-sese aversis, ne invicem obstreperent scenæ , re- pente circumactis utcontra starent, postremo jam die discedentibus ta- bulis, et cornibus in; se-coeuntibus faciebat amphitheatrum, et gladiato-- Tum spectacula edebat, ipsum magis auctoratum populum Romanum circumferens. Quid enim miretur quisque in hoc primum inventorem, an inventum” artificem, am auctorem? ausum aliquem hoc excogitare, an suscipere? parere, an jubere! Super omnia erit populi furor, sedere ausi tam infida instabilique-sede: En hic:est ille terrarum victor, et totius domitor orbis, qui gentes et regna diribet, jura externis mittit, deorum quædam immor- talium generi humano:portio, in machina pendens, et ad periculum suum plaudens. Quæ vilitas animarum ista? aut quæ querela de Cannis ! quan tum mali potuit accidere! Hauriri urbes terræ hiatibus, publicus mortalium dolor est. Ecce popu- 2 168 EXTRAITS DE PLINE. nité entière en est consternée; et voilà que tout le peuple romam navigue dans les airs : il roule sur deux gonds. Qu'un ressort se brise, il périt; et c’est lui, c’est son dan- ger même qui lui sert de spectacle. C’est donc pour les suspendre dans les airs qu’on s’étudie à plaire aux tribus dans des assemblées factieuses ! Que fera Curion sur la tri- bune? Que n’osera-t-il pas auprès de ceux dont il a pu jusque-là maîtriser les esprits? Avouons la vérité : le peuple romain tout entier fit la fonction de gladiateur au tombeau du père de Curion. | Les gonds se trouvant fatigués et forcés, il varia sa ma- gnificence ; la forme de l’amphithéâtre fut conservée, et le dernier jour il fit paraître des athlètes sur deux scènes dif- férentes au milieu de cette enceinte : puis les planches fu- rent enlevées en un instant, et l’on vit combattre ceux des gladiateurs qui avaient été vainqueurs les jours précédents. Or ce Curion n’était pas roi; ce n’était pas un chef de na- tion ; ses richesses n'étaient pas immenses ; il n'avait d'au- tre revenu que les dissensions des grands. Mais parlons de monuments vraiment inappréciables, des ouvrages de Marcius Rex. Chargé par le sénat de réparer les conduits des eaux Appia, Aniéné, Tépula, il perça des lus Romanus universus velut duobus navigiis impositus, binis cardinibus sustinetur, et se ipsum depugnantem spectat, periturus momento aliquo luxatis machinis : et per hoc quæritur in tribunitiis concionibus gratia, ut pensiles tribus faceret. Qualis hic in Rostris! Quid non ausurus apud eos, quibus hoc persuaserit! Vera namque confitentibus, populus Romanus fu- nebri munere ad tumulum patris ejus depugnavit universus. Variavit hanc suam magnificentiam fessis turbatisque cardinibus, et amphitheatri forma custodita, novissimo die diversis duabus per medium scenis athletas edidit, raptisque e contrario repente pulpitis eodem die victores e gladiatoribus suis produxit. Nec fuit rex Curio, aut gentium imperator, non opibus insignis, ut qui nihil in censu habuerit, præter dis- c comme particuliers à certaines régions privilégiées, cessent de pa- » raître aussi merveilleux , lorsqu'on prend le parti de les soumettre » à un examen attentif. Il est bien prouvé , par des expériences ré- » pétées de nos jours, qu'un seul grain de blé, planté dans des-cir- » constances favorables, et convenablement traité aux différentes épo- » ques de sa végétation, est susceptible de produire chez nous un grand » nombre de tiges, et chaque tige une grande quantité de grains : » d’où il résulte qu'il est possible d'obtenir avec une culture soignée » quelques centaines de grains d'un grain isolé, en observant les pré- » Cautions convenables pour cet essai, et qu'on néglige généralement » dans une culture ordinaire. C’est probablement cé qui est arrivé » dans les endroits cités; d'où l’on a pu conclure au général de quel- » ques faits particuliers ; dus peut-être au hasard. Ces faits allégués » sont au moins suspects d'exagération. » (YvART, Notes sur Olivier de Serres, second titre.) * Un grain de blé, semé en 1827 dans un jardin de Brest, donna. dit-on , naissance à un groupe de cent cinquante chaumes : om cite aussi des exemples de cent dix-sept, de quatre-vinst-douze , de soixante, soixante-dix chaumes, provenant d'un seul grain de blé: mais l'observation moderne ne justifie pas le fait avancé par Pline-de quatre cents et trois cent soixante. (14) * P. 275. Parmi les pains des anciens, on trouve plusieurs pré- 528 je NOTES parations nommées aujourd’hui pâtisseries. Outre celles nommées par Pline, on lit encore dans différents auteurs : P. artopticius, cuit dans une tourtière, fait avec de la fleur de farine. P. astrologicus, beignets ou gàteaux de diverses espèces. P. athletarum ou coliphiwm sans levain, grossier, Lu avec du fromage mou. P. azymus, sans levain. Celse le dit facile à digérer. Les modernes ne sont pas de cet avis. P. cacabaceus, fait avec de l’eau bouillie dans du bronze. | PF. civilis seu rotundus, distribué au PORpie se lc place de. blé. Fa € P. clibanicius, cuit dans une tourtière ou dans des Ts: | P. de gesticium le même que le speuticus dont parle Pline. P. dispensatorius, le même que le Civilis. P. furnaceus, cuit au four. P. gradilis, distribué au peuple rangé sur des gradins. P. madidus, pâte de farine et de fève, destinée à entretenir la fraîcheur du teint. P. militaris, farine grossièrement moulue, cuite sous la cendre, sans levain. P. siligenus, fait avec la fleur de farine du siligo. .P. sordidus, fait avec du son, destiné aux chiens. (Note extraite du Pline de M. Panckoucke et due à M. Fée.) (15) P. 277. L'alica était un potage ou une bouillie faite avec l'épeautre (triticum diurnum); ou, suivant d’autres, c'était le nom du froment qui servait à la préparer. Pline dit, liv. xx11, chap. 25, que l’alica est une invention romaine et assez récente. Il croit qu'elle n'était pas très connue au temps du grand Pompée, parceque l'école d'Asclépiade en a peu fait mention. Les Romains la regardaient comme un mets exquis. (46) P. 285. Palladius (De l’économie rurale, liv. vx, tit. 2) nous donne une description plus détaillée de la machine employée par les Gaulois. Pars Galliarum planior hoc compendio utitur ad meten- dum , et præter hominum labores, unius bovis opera spatium totius messis absolvit. Fit itaque vehiculum quod duabus rotis brevibus fer- tur : hujus quadrata superficies tabulis munitur, quæ forinsecus re- clines in summo reddant spatia largiora : ab ejus fronte carpenti brevior est altitudo tabularum : ibi denticuli plurimi ac rari ud spi- carum mensuram constituuntur in ordinem, ad superiorem partem recurvi. À tergo vero ejusdem vehiculi duo brevissimi temones figuran- tur, velut amites basternarum. Ibi bos, capite in vehiculum verso, jugo aptatur et vinculis, mansuetus sane qui non modum compulsoris excedat : hic ubi vehiculum per messes cœpit impellere, omnis spica in carpentum denticulis comprehensa cumulatur , abruptis ac relictis - DU LIVRE DIX-NEUVIÈME. ** 529 paleis : altitudinem vel humilitatem plerumque bubulco moderante, qui sequitur : et ita per paucos itus ac reditus brevi horarum spatio tota messis impletur. Hoc campestribus locis vel ægualibus utile est, el iis quibus necessaria palea non habetur. Il est vraisemblable que les dents étaient étroites à leur extrémité, larges v rs leur insertion dans le bois, et tranchantes sur les côtés. ra la machine était poussée en avant, ces dents étant tenues un au-dessous de la hauteur des épis, on conçoit que les tiges du | dans les intervalles, que les épis étant plus gros se s leur naissance, et que les dents étant relevées et in- clinées ver dedans de la caisse, les épis coupés, poussés par ceux nr continuaient à entrer entre les dents, glissaient naturellement an Pr. 285. C'étaient des planches hérissées de pierres ou de fer, qu'un attelage de bœufs trainait sur les épis. Pour les rendre plus pesantes , le conducteur se plaçait dessus, ou l’on y posait un poids considérable. (VarR., lib. 1, cap. 52.) (18) P. 287. On découvrit en 1707, dans la citadelle de Metz, une grande quantité de blé placé en 1528 dans un souterrain, où il s'était si bien conservé, que le pain qu'on en fit, deux siècles après son enfouissement , fut trouvé très bon. 1l existe encore aujourd’hui à Ardres, département du Pas-de-Calais, un de ces souterrains pra- tiqués par les Romains. LIVRE DIX-NEUVIÈME. (4) P. 293. L'histoire moderne nous apprend que Charles-Quint avait plusieurs serviettes de ce lin, avec lesquelles il donnait ce même divertissement aux princes de sa cour, lorsqu'il les régalait. Il jetait au feu ces serviettes grasses et sales, et on les en retirait nettes et entières. On montre dans la bibliothèque du Vatican un suaire de cette toile d'amiante, de neuf palmes romaines de longueur sur sept de largeur, et qu'on prétend avoir servi à cet usage. On trouva en effet un mo- nument antique, en 4702, auprès de la porte de Rome, appelée au- trefois porta Næœvia, qui ne laisse aucun doute sur la réalité de cet usage. C'était une urne funéraire, ornée de bas-reliefs élégants, dans laquelle il y avait un crâne, des os brûlés et des cendres renfermés daus le suaire dent il est question. Ce fut Clément XI qui fit déposer ce monument précieux, et peut-être unique, dans le palais du Vatican. On trouve l'amiante dans bien des lieux : en Chine. en Sibérie, à Esfield dans la Thuringe, à Namur, à Aberdeen en Écosse, près ‘de 34 330 L NOTES Baréges aux Pyrénées, à Pouzzoles en Italie, dans l'ile de Corse, à Smyrne, en Tartarie, en Egypte. Il y en a dans 1'île de Corse dont les filets ont jusqu à six pouces, et même plus de longueur : ce sont les plus brillants et les plus rares : cette espèce serait la plus propre à travailler et à donner une belle toile. * Pline donne l'amiante comme un végétal, les modernes ont reconnu que c’est une substance minérale. (2) P. 295. Cette plante a continué de se multiplier naturellement et sans culture : le spart croît aujourd’hui au territoire de Carthagène, dans le reste de la province de Murcie, et dans celles de Grenade et de Valence. (3) P. 296. En 1776, on établit à Paris une manufacture de spart. On y fabriquait des tapis et des nattes très fines. Valmont de Bomare dit y avoir vu, en 4782, la plante en fleur. Il ajoute que ses feuilles produisent une espèce de filasse qui sert à la fabrication d’une étoffe forte et peu coûteuse. (4) P. 297. Ce nom, oycives, signifie également jonc, corde, mesure. (5) P. 299. Le cardon croît naturellement en Espagne, en Italie et en Sicile. LIVRE VINGT ET UNIÈME. (1) P. 303. Les tresses placées autour de la tête comme un dia- dème avaient le nom de sfroppi; on donnait celui de éori ou éoruli aux nœuds dont elles étaient ornées. Dans les temps postérieurs, les tresses des couronnes furent teintes en pourpre. (2) P. 303. Les festons et les guirlandes de fleurs et de feuillages, serta, oréxuara, servaient à orner les autels, les portes, les vesti- bules , etc.; on les employait surtout dans les sacrifices et pour la décoration des temples. On en voit au Panthéon de Rome, où elles sont suspendues entre des candélabres. Les modernes les ont souvent imitées en bois, en métal ou en pierre. (3) P. 304. Ces couronnes étaient tressées. On les faisait de feuilles de lierre, d'acanthe, de narcisse et de grenadier. Les Egyp- tiens envoyèrent au roi Agésilas une couronne de papyrus. Voyez sur l'origine et l'usage des couronnes, Athénée, liv. xv. L'Egypte devint, après le siècle d'Alexandre, le centre du raffinement des arts, nourri par le luxe asiatique. Aussi l’art de tresser les couronnes a-t-il at- teint sa plus haute perfection dans ce pays, qui, selon le même au- teur, produisait des fleurs pendant toute l'année. Nous trouvons dans les sacrifices des Sahens les couronnes travaillées à l'aiguille. DU LIVRE VINGT-DEUXIÈME. 531 (4) P. 304. On les fit d'abord de l'écorce tendre du tilleul; par la suite on y employa des matières plus précieuses, lorsque les cou- ronnes de métal devinrent plus communes. Ce furent des lames d'or et d'argent, où l’on représenta même des figures en bas-relief, bracteæ cælatæ. 11 paraît que ces ornements furent perfectionnés à Syracuse; du moins le mot Zemniscus, par lequel les Syracusains désignaient les rubans attachés aux couronnes, devint un mot technique parmi les Grecs et les Romains. (5) P. 305. De même chez les Grecs, ceux qui aspiraient aux prix n'étaient pas obligés de les disputer eux-mêmes. Dans les jeux où Alcibiade fut couronné, sept chars se présentèrent au nom de ce célèbre Athénien, et trois de ces chars obtinrent le premier, le second et le quatrième prix. (6) P. 305. A l'exception des sacrifices et des repas qui se fai- saient le soir, il n'était pas permis aux Romains, ni hommes, ni femmes , de se couronner en public. Les saturnales seules accordaient à cet égard quelque liberté. Nulle femme ne se montrait le sein paré d’un bouquet , ou la tête entourée de guirlandes de fleurs. Les animaux destinés aux sacrifices étaient seuls promenés avec des cou- ronnes dans les rues et sur les places publiques. (7) P. 306. La statue de Marsyas, compagnon de Bacchus, était dans la place publique, près du tribunal. Les plaideurs et les avocats qui avaient gagné leur cause étaient dans l'usage de la couronner. La fille d'Auguste ornait cette statue de couronnes, pour faire trophée de ses débauches. (8) P. 307. On distinguait deux sortes de couronnes : coronæ pactiles , les couronnes tressées, faites de fleurs et de branches en- tières : coronæ sutiles, couronnes cousues, faites à l'aiguille, pour lesquelles on n employait que des feuilles détachées de leurs calices. Pour donner un soutien aux feuilles rangées à la manière des écailles, on les attachait à des bandelettes d’écorces de tilleul, philyra. Horace, Odes, liv. 1, 38, proscrivant le luxe des couronnes, dit : - Disphcent nexæ philyra coronæ. (9) P. 308. On effeuillait les couronnes dans les coupes, et on les avalait avec le vin : c’est ce qu'on appelait boire les couronnes. LIVRE VINGT-DEUXIÈME. (4) P. 343. Voyez Tite-Live, Liv. xxi1. (2) P. 31%. On appelait primus pilus la première compagnie des triaires, qui étaient les plus vieux et les plus braves soldats. Ils for- 532 NOTES maient le premier corps de la légion, comme les ri is forment les premières compagnies de nos régiments. (3) P. 314. Les tribuns étaient les commandants des +108 Il y en eut d'abord trois pour chaque légion. Mais le nombre des soldats s'étant accru, celui des tribuns fut porté jusqu’à six. Deux comman- daient, chacun leur jour, pendant deux mois. Les quatre autres étaient occupés à exécuter les ordres du général. LIVRE VINGT-CINQUIÈME. (1) P. 326. * Les ouvrages d'Asclépiade sont perdus. Nous ne connaissons ce médecin que par quelques fragments conservés dans les écrits des auteurs qui le citent et par quelques vers sur l'hygiène. (Voir plus bas ce que Guéroult dit sur la vie d’Asclépiade.) (2) P. 327. * Toutes ces peintures sont perdues; malgré leur crossièreté, elles eussent été fort utiles pour l'histoire de la bota- nique ancienne. LIVRE VINGT-SIXIÈME. (1) P. 330. Hippocrate naquit dans l’île de Cos, la première année de la quatre-vingtième olympiade, 460 ans avant J.-C. Les méde- cins le regardent encore comme le premier et le plus habile de leurs lésislateurs. Les ouŸrages qu'il a laissés attestent l'immense étendue de ses connaissances; mais peut-être prouvent-ils encore plus l’hon- nêteté de ses sentiments, et un caractère admirable de candeur et d'ingénuité. Supérieur à toute espèce d’amour-propre, il a voulu que ses erreurs mêmes fussent des leçons. Il mourut dans un âge fort avancé , et laissa deux fils, Thessalus et Dracon, qui se firent un nom célèbre parmi les médecins. * Si l’on veut connaître plus complétement Hippocrate et ses écrits, on peut recourir à la traduction de ses œuvres choisies par M. Da- remberg, À vol. in-18, Paris, 48k3, et à l'édition de M. Littré. Dioclès de Caristhe, ville de l’Eubée, a écrit sur les plantes, sur la préparation des aliments, sur les médicaments qui causent la mort. Nous n'avons de lui qu'un fragment conservé par Galien, et une lettre écrite au roi Antigonus , sur les présages des maladies, et sur les re- mèdes qu'on peut tirer des plantes potagères. Praxagoras, de l’île de Cos, a fait un traité des humeurs cité par Galien. | | DU LIVRE VINGT-NEUVIÈME. 533 Chrysippe, de l’île de Cnide, a fait un traité des herbes potagères. Il vivait du temps d'Alexandre et de Ptolémée Lagide. Il proscrivait la saignée et les purgatifs. Érasistrate, de l’île de Géos, disciple de Chrysippe, fut chef d'üne école célèbre. si composa un livre de préceptes pour la santé, un traité sur l'hydropisie, un autre sur la goutte, et un sur les médicaments et les poisons. Galien a beaucoup écrit contre lui. Il se fit connaître surtout par la manière adroite dont il découvrit la maladie d’Antio- chus Soter, fils de Séleucus, roi de Syrie. Hérophile, de Chalcédoine, contemporain de Phalaris, vécut trois cents ans avant J.-C. Il se rendit célèbre par les progrès qu il fit faire à l'anatomie. Celse nous apprend que les rois d'Égypte lui envoyaient des criminels condamnés à mort, et qu’il les disséquait vivants. Aussi Tertullien, en parlant de lui (lib. De anima, cap. 10), l'appelle- t-il, Hérophile le boucher : Herophilus ille medicus, aut lanius, qui semcentos exsecuit, ut naturam scrutaretur : qui homines odiit ut nosset. Asclépiade, de Prusium, ville de Bithynie, vécut 84 ans avant J.-C. Il fut l'ami de Cicéron, qui l'appelle un médecin éloquent. Pline parle souvent d’Asclépiade, mais avec fort peu d'estime. Il avait pour maxime, qu'un médecin doit guérir ses malades sûrement, prompte- ment, agréablement. Ce qui serait le mieux, dit Celse. Mais ily a bien du danger à vouloir guérir trop vite, et n'ordonner rien que d'a- gréable : Asclepiades officium esse medici sé ut tuto, celeriter, et ju- cunde curet. Id votum est : sed fere periculosa esse nimia et festinatio €t voluptas solet. Lib. 111, cap. k. Cléophante, selon Celse (lib. 11, cap. 44), pour guérir la fière tierce, faisait jeter, avant l'accès, beaucoup d'eau sur la tête du malade, et lui donnait ensuite du vin. LIVRE VINGT-NEUVIÈME. (1) P. 336. Ce que dit ici notre auteur peut être vrai pour la Grèce *. Mais nous voyons que pendant cet intervalle de sept cent cinquante ans, la médecine a été cultivée et honorée chez les Perses. Xénophon (Cyrop., liv. 1 et liv. vit) raconte que Cyrus menait tou- jours avec lui plusieurs habiles médecins , et qu'il avait trouvé cette coutume établie depuis longtemps parmi les généraux. Cet auteur (De expedit. Cyri, Üb. 11) nous apprend aussi que le jeune Cyrus faisait la même chose. Celse compte au nombre des célèbres méde- * Cette assertion deGuéroult est dénuée de tout fondement. On peut voir le contraire dans les histuriens de la médecine, Schultz, Ackermann, Sprengel, par exemple. On voit même dans Hippocrate des traces nombreuses d’une médecine trés florissante avant lui ; et de son temps les rivalités des écoles de Cos et de Cnide étaient déja anciennes. 534 NOTES cins Pythagore, qui a vécu du temps de Cyrus et de ses deux successeurs , et quelques autres philosophes, comme Empédocle et Démocrite. (2) P. 338. Hérophile est le premier qui ait traité avec exactitude de la doctrine du pouls, négligée par tous les médecins ses prédé- cesseurs sans en excepter Hippocrate ( * qui cependant, il faut bien le reconnaître, avait étudié et apprécié les battements des vaisseaux en maintes circonstances). Le premier, Hérophile appliqua le mot Fbpès , cadence, aux variations du pouls. Cette application des notes de la musique aux mouvements du pouls est très ancienne chez les Chinois. Leur troisième empereur Hoam-Ti, qui vivait environ deux mille ans avant Hippocrate, passe chez eux pour avoir écrit plusieurs livres, qu'ils conservent encore, sur la médecine et particulièrement sur le pouls. (3) P. 338. Ce médecin, disciple d’Asclépiade, était de Laodicée. ville de Syrie. 11 vint s'établir à Rome du temps de Pompée et de César. I] rapportait les maladies à trois genres qui lui paraissaient évidents , savoir : le genre resserré, le genre relâché, et le genre mixte ou composé des deux premiers. C’est ce qu’il appelait une mé- thode propre à rendre la médecine facile. De là est née la secte métho- dique, dont il fut le chef et l’auteur. Juvénal ne parle pas de lui fa- vorablement. Quot Themison ægros autumno oceiderit uno. Sat. x. (4) P. 338. Il y a dans le texte : Sed et illa (mutavit) Antonius Musa ejusdem auctoritate divi Augusti. Le mot ejusdem ne peut pas se rapporter à Augusti, puisque dans tout ce qui précède il n'a été fait aucune mention d'Auguste. Le père Hardouin pense qu'il faut ajouter auditor, ce qui signifierait que Musa a été, ainsi que Thémison, dis- ciple d’Asclépiade. C'est le sens que j'ai adopté. On a dit que cette interprétation serait difficile à concilier avec le temps où ces deux médecins ont vécu. Mais qu'on se rappelle qu’Asclépiade fut l'ami de Cicéron : on conviendra que l'élève d’Asclépiade a pu être le médecin d' Auguste et d'Horace. Musa ne fonda point une nouvelle école; mais il s’écarta d'Asclé- piade en substituant les bains froids aux bains chauds. Ce fut par ce moyen qu'il guérit Auguste d'une maladie de foie désespérée. Il reçut. entre autres récompenses, le privilége de porter l'anneau d’or, ce qui jusqu'alors n'avait été accordé qu'aux citoyens de la première dis- tinction. Le peuple romain lui érigea une statue auprès de celle d Es- culape, et les médecins furent exemptés à jamais de tout impot. (5) P. 340. Il s'exprime ainsi (ep. 83) : « Moi, fameux baigneur » à froid , qui, aux calendes de janvier, me jetais dans l'Euripe, » et qui signalais le retour du nouvel an en m'élançant dans l'eau » vierge, etc, » (Trad. de LA GRANGE). | | DU LIVRE TRENTE-TROISIÈME. 535 (6) P. 340. Ce que Pline dit ici ne doit s'entendre que desrnéde- cins grecs ou étrangers. Denys d’Halicarnasse rapporte que, l'an 304:. Rome ayant été ravagée par la peste, presque tous les esclaves et la moitié des citoyens périrent, parceque les médecins ne suffisaient pas pour le grand nombre des malades. Ce qui suppose l'existence des- médecins à Rome antérieure de trois cents ans à l’époque fixée par Pline. 1l est à présumer que, jusqu'à l’arrivée d'Archagatus, les Ro-- mains ne s'étaient servis que de la médecine naturelle et de la méde-- cine empirique , telle qu'on a supposé que les premiers hommes Ll& pratiquaient. | (7) P. 342. Opici était le nom des anciens habitants de la Came- panie. On avait attaché à ce nom l'idée de grossièreté et d'ignorance. Il était devenu un terme de mépris, une injure. L | LIVRE TRENTE-TROISIÈME. (1) B. 350. C’est une matière cuivreuse qui se dépose dans les mines de cuivre, d'argent et d’or, dont les anciens se servaient pour souder l'or, et qu’il ne faut pas confondre avec le borax. Pline parle de la chrysocolle au chapitre 5 : « Les ouvriers en or employaient la colle pour la soudure de l'or ; et voilà pourquoi tous ceux qui.en font cet usage lui ont donné le nom de colle de l'or. » L'auteur entre dans beaucoup de détails sur la nature de la chrysocolle et sur la ma- nière de l’employer. * Elle était aussi employée comme couleur. Dios- coride et Pline disent qu'on fait la chrysocolle avec de l'urine et l'œtuga de Chypre (carbonate de cuivre). Pour tout ce qui regarde la minéralogie, la chimie et la métallurgie dans Pline, on étudiera avec intérêt et utilité l'ouvrage de M. Hæfer : Histoire de la chimie et de la meétal- lurgie, 2 vol. in-8°. Paris, 18#2. Nous y renvoyons très volontiers, dans l'impossibilité où nous sommes d'entrer dans des détails sur chacun des sujets dont il est question. (2) P. 351. C'est le cinabre naturel, minéral pesant et fragile, d'un rouge très foncé quand il est en masse : si on le met en poudre, il perd son éclat; il acquiert une couleur de carmin, et prend le nom de vermillon. On compose aujourd hui un cinabre artificiel en faisant fondre et en triturant ensemble du mercure et du soufre. Il est en tout semblable à celui que produit la nature, si ce n’est que le cinabre artificiel est d’un plus beau rouge. | (3) P. 351. Virgile, Æneid., dib. 11 : Quid non mortalia pectora cogis. Auri sacra fames ! 536 NOTES (4) P. 353. Ce que Pline dit ici de Midas, Cicéron, d'après Platon, le rapporte de Gygès. (De officiis, lib. 11, cap. 38.) (5) P. 355. Cet incendie arriva l’an de Rome 672. Le Capitole fut rebâti par Sylla, qui mourut sans avoir pu en faire la dédicace. Catulus eut cet honneur l'an 683. Le temple fut une seconde fois ré- duit en cendres par les soldats de Vitellius, l'an 820, ou 69 de l'ère chrétienne. Vespasien le fit rebâtir sur le même plan : le seul chan- gement que l'on crut n'être pas interdit par la religion fut de lui donner plus de hauteur. Le Capitole, à peine relevé, périt par un nouvel incendié, sous l'empire de Titus, l'an 831, Domitien le fit re- construire avec une magnificence prodigieuse. Plutarque dit qu'il y dépensa douze mille talents, seulement pour les dorures (64,800,000 francs). (6) P. 358. C'est ce qu'on nommait annulus Samothracius. Ces an- neaux n'étaient que dorés du temps du poëte Lucrèce. Il nous dit qu'il les a vus attirés par l’aimant : Exultare etiam Samothracia ferrea vidi. (7) P. 359. Les anciens ne se servaient ni de clefs ni de ser- rures pour fermer leurs coffres et leurs buffets. Ils les scellaient avec le chaton de leur anneau, qui servait alors de cachet. Les clefs n’é- taient employées que pour les portes des temples, des maisons ou des parties principales de l'habitation. Quelques unes même étaient d'un tel poids, qu'il fallait les porter sur l'épaule. (8) P. 359. Ce sont des noms d'esclaves. Marcipor est composé de Marcus et de puer (l'esclave de Marcus). Dans les temps anciens, les esclaves étaient traités chez les Romains avec beaucoup d'indul- gence. Ils étaient en quelque sorte les commensaux de leurs maîtres et faisaient partie de la famille. (9) P. 367. Les Suaniens habitaient les environs du Caucase. On lit dans le premier cahier du tome troisième de la collection des Voyages Nouveaux, publiés par Malte-Brun, que dans les huit intendances qui composent le vice-royaume du Pérou il y a soixante- neuf mines d'or, sept cent quatre-vingt-quatre mines d'argent, quatre mines de mercure, quatre mines de cuivre et douze mines de plomb: et que, dans l’année 1791, on en avait abandonné vingt-neuf d’or et cinq cent quatre-vingt-huit d'argent; enïn le produit des mines en activité a été, dans dix années, de trente-cinq mille trois cent cin- . quante-neuf marcs d'or, et de trois millions sept cent trente-neuf mille sept cent soiïxante-trois marcs d'argent. L'auteur ajoute à ces calculs une observation non moins étonnante; c est que si les Espagnols du Pérowtiraient tout le parti possible de la richesse de leurs mines, les métaux précieux deviendraient si communs, qu'ils causeraient une révolution dans les rapports commerciaux de tous les peuples. DU LIVRE TRENTE-TROISIÈME. | (587 (10) P. 368. On lit au texte Gallia comata. Les Romains , qui portaient les cheveux courts, donnèrent le nom de comata à cette partie de la Gaule où on laissait croître les cheveux. La Gaule che- velue est celle qui fut conquise par César. Elle se divisait en trois parties. La première, au septentrion, était habitée par les Belges, la seconde par les Aquitains , et la troisième, c’est-à-dire celle du mi- lieu, par les Celtes. (11) P. 369. Tous les citoyens compris dans les cinq premières classes payaient une contribution personnelle. Chacun était taxé par les censeurs d’après l'évaluation de ses biens. Ces contributions, légères dans les commencements, devinrent plus considérables lors- quon eut établi la paye pour les soldats. Le sénat les réglait sur les besoins de l'État. Les trésors de Persée, joints à ceux de tant de rois, que l'on porta continuellement à Rome , y firent cesser ce genre d'imposition Van 586. Mais, pendant l’année qui suivit la mort de César, on fut obligé de la rétablir pour fournir à l'entretien des troupes. On imposa le centième sur toutes les possessions des ci- toyens. | (12) P. 374. Jumentis suis soleas ex auro quoque induere. Litté- ralement : « faisait mettre des bottines d'or à ses plus belles mules. » Les anciens ne connaissaient pas l’usage de ferrer les chevaux. Ils se bornaïent à garnir quelquefois les pieds de ces animaux d’une espèce de bottine ou de soulier qui était attaché avec des liens autour du sabot, ou même du paturon. Ces bottines ou souliers étaient faits de genêt (soleæ sparteæ), de cuir (soleæ carbatinæ), ou garnies de fer (ferreæ soleæ), pour les rendre plus durables. On ne les employait que dans quelques occasions particulières, lorsque les pieds étaient faibles, délicats ou blessés, quand on faisait de longs voyages, ou qu'on avait à marcher dans des chemins pierreux qui usaient prompte- ment la corne. Dans les fêtes et les cérémonies publiques ces bottines étaient garnies de plaques d’or et d'argent. (13) P. 375. Le texte du P. Hardouin et de Brottier porte : Pom- peium Paulinum, Arelatensis equitis Romani filium, paternaque gente pellitum, quod x11 pondo argenti habuisset apud exercitum , ferocissimis gentibus oppositum scimus. Voici les raisons qui mont . déterminé à rétablir, conformément aux éditions antérieures, pulsum au lieu de pellitum, et à supprimer la virgule après exercitum. 1° 11 m'a semblé que pellitum (portant la fourrure) ne forme ici aucun sens. Les hermines et autres fourrures n'étaient pas des mar- ques de distinction pour les Romains, chez qui la prétexte et le lati- clave constataient la dignité, ainsi que dans les provinces de l'empire qui jouissaient du droit latin, telles que la Provence, dont Arles, patrie de Paulinus, était la capitale. Ce sont les Francs, les Goths et autres peuples du nord, qui, en détruisant l'empire romain, éta- 538 NOTES blirent les marques et les distinctions qui ont rapport à la nature de leurs pays froids, et qui nous sont restées. 2° Je supprime la virgule après eæercitum, parceque le reste de la phrase (oppositum ferocissimis gentibus) me semble moins porter sur Paulinus que sur l’armée romaine dans laquelle il servait; et Pline me paraît n'avoir employé l'expression ferocissimis gentibus que pour faire sentir le contraste par le luxe de cet homme étalant ses richesses au milieu d'une armée qui avait en présence les nations les plus belliqueuses. Nous voyons dans Tacite (Ann., 13, $ 53) que, sous l'empire de Néron, Paulinus Pompéius commandait l'armée romaine sur les fron- tières de la (rermanie. LIVRE TRENTE-QUATRIÈME. (4) P. 381. * « Après l'or et l'argent, dit M. Hæfer dans l'ouvrage déja cité, p. 409 et suiv., le cuivre et les alliages de cuivre étaient travaillés depuis la plus haute antiquité. L’æs, le yzxé, que l'on traduit par airain , était employé encore à l’époque de la guerre de Troie pour la fabrication des armes, des outils d’art, » etc. M. Hœæfer cherche à déterminer quel alliage désigne positivement l'æs des an- ciens, et de l'examen des auteurs il conclut, avec une grande appa- rence de raison, que c'était un composé de cuivre et de zinc, une espèce de laiton. (2) P. 388. Romulus, qui n'avait aucune connaissance de l'astro- nomie, donna aux Romains une année de dix mois, et de trois cent quatre jours. Numa voulut accorder les mouvements de la lune et du soleil : il ajouta deux mois, janvier et février, et composa l'année de douze mois et de trois cent cinquante-cinq jours; et comme la révolution du soleil excède l'année lunaire de onze jours, il fit inter- caler tous les deux ans un mois de vingt-deux jours, qu'on insérait après le vingt-troisième de février. Mais ce prince ayant laissé sub- sister, par respect pour le nombre impair, le jour presque entier dont l'année lunaire était trop longue, cette année ne se trouvait pas conforme au cours du soleil. Pour remédier à cet inconvénient, le roi Servius Tullius ou les décemvirs ordonnerent que tous les vingt- trois ou vingt-quatre ans le mois intercalaire serait supprimé. Cette forme d'année était trop compliquée pour les Romains, plus occupés de guerres que de sciences. Les intercalations dépendaient unique- ment des pontifes. Elles furent souvent négligées ou mal faites. Le calendrier romain était dans le plus grand désordre, et, du temps de Jules César , le commencement de l’année était reculé de soixante- sept jours. Celui-ci, en sa qualité de pontife, régla l’année civile sur DU LIVRE TRENTE-QUATRIÈME. 539 le cours du soleil ; il la fit de trois cent soixante-cinq jours, et de plus il ajouta un jour à la quatrième année, pour tenir compte des quatre quarts qui s'étaient accumulés. Ce jour était inséré avant le six des calendes de mars; il était compté deux fois, on disait : bis sezto calendas, d'où est venu le mot: bissexte. L'ibnée avait alors trois cent soixante-six jours, et était appelée bissextile. Cette année réformée fut appelée Julienne : elle a réglé le temps pendant quinze siècles, jusqu'à ce que le pape Grégoire XIII vint donner son nom à une seconde réformation devenue indispensable. (3) P. 393. Phidias était d'Athènes, et florissait dans la quatre- vingt-troisième olympiade. Son grand talent était de bien représenter les dieux. Le J upiter Olympien, son chef-d'œuvre, exeita une telle admiration, qu on le mit au nombre des sept merveilles du monde. Quintilien, parlant de cette magnifique statue, dit que la majesté de l'ouvrage égalait celle du dieu, et que sa beauté semble avoir encore ajouté à la religion des peuples : Ejus pulchritudo adjecisse aliquid etiam receptæ religioni videtur ; adeo majestas operis deum œæquavit. Quintil., lib. xur.— Les Éléens, pour honorer la mémoire de Phidias, créérent en faveur de ses descendants une charge dont toute la fonc- tion consistait à préserver cette statue de tout ce qui pourrait en ternir la beauté. (4) P. 394. Lysippe était de Sicyone, et vivait du temps d'A- lexandre-le-Grand , dans la cent treizième olympiade. On sait que ce prince défendit que tout autre statuaire le représentât en bronze. Edicto vetuit ne quis se, præter Apellem, Pingeret, aut alius Lysippo duceret æra Fortis Alexandri vultum simulantia. (HoraT.. Epist., lib. 11.) (5) P. 395. Il ne s'agit pas ici de parties symétriques, de mem- bres symétriquement posés. Ce mot signifie proportion. In hominis corpore, e cubito, pede, palma, ceterisque partibus, symmetros est (Vitr., bb. 1) : « La symétrie ou proportion du corps humain est formée de l'accord du bras, du pied, de la main et de toutes les au- tres parties entre elles. » C'est cette même idée que Cicéron exprime par convenientia par- tium , apta compositio membrorum. (6) P. 395. Il voulait dire qu'il ne s’en tenait pas, comme ses prédécesseurs, à limitation de la nature commune, mais qu'il faisait des hommes de la forme et de la proportion la plus noble, et tels que la nature les offre dans les tailles les plus avantageuses. 240 NOTES LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. (4) P. 402. Cicéron (lib. n1, De finib., n. 104) rapporte qu'Épi- cure avait ordonné, par son testament, que ses héritiers fourniraient la somme nécessaire pour que ses disciples pussent, chaque année, célébrer sa naissance au mois gamélion (qui répondait à la fin de dé- cembre et au commencement de janvier), et honorer sa mémoire par un repas le vingt de chaque mois. Epicurus cavit ut hæredes sui da- rent quod satis esset ad diem agendum natalem suum quotannis mense gamelione : itemque omnibus mensibus vicesimo die lunæ darent ad eorum epulas, qui una secum philosophati essent. I] paraît que les épicuriens de Rome étaient très exacts à suivre les intentions du testateur. Le mot icades vient du grec ixäs, vingtaine ou vingtième jour. (2) P. $05. Ces médaillons ou écussons étaient nommés clypei, parcequ’ils ressemblaient par la forme aux boucliers militaires. (3) P. 406. Le savant auteur d'Anacharsis concilie ainsi ces di- verses prétentions : « Il faut, dit-il, distinguer deux sortes de pein- » tures; celle qui se contentait de rehausser un dessin par des cou- » leurs employées entières et sans interruption, et celle qui, après » de longs efforts , est parvenue à rendre fidèlement la nature. Les » Ésyptiens ont découvert la première. On voit en effet, dans la » Thébaïde, des couleurs très vives et anciennement appliquées sur » le pourtour des grottes qui servaient peut-être de tombeaux, sur » les plafonds des temples, sur des hiéroslyphes et sur des figures » d'hommes et d'animaux. Ces couleurs, quelquefois enrichies de » feuilles d'or, attachées par un mordant, “prouvent clair ement qu’en » Égypte l'art de peindre ne fut pour ie dire que art d’enlu- » miner. » Il paraît qu'à l'é époque de la guerre 4 Troie les Grecs n'étaient » guère plus avancés; mais, vers la première olympiade, les artistes » de Sicyone et de Corinthe, qui avaient déja montré dans leurs des- » Sins plus d intelligence , se signalèrent par des essais dont on à » conservé le souvenir , et qui étonnèrent par leur nouveauté. Pen- » dant que Dédale de Sicyone détachait les pieds et les mains des » statues, Cléophante de Corinthe coloriait les traits du visage. » Vers le temps de la bataille de Marathon, la peinture et la » sculpture sortirent de leur longue enfance, et des progrès rapides » les ont amenées au point de grandeur où ‘nous les voyons aujour- » d'hui. » (BARTHÉLEMY, Voyage d'Anacharsis , t. II.) (&) P. 407. Jouvenet, âgé de plus de soixante ans, fut attaqué d'une paralysie sur le côté droit, quil empéchait absolument de tra- vailler à son art. Il essaya un jour de se servir de la main gauche pour DU LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. 541 corriger un ouvrage de son neveu, et s’aperçut qu'il peignait presque aussi bien qu'à son ordinaire. 11 a produit depuis plusieurs excel- lents ouvrages, entre autres son tableau du Magnificat. On dit que Holbein et Nicolas Mignard peignaient de la main gauche. (5) P. 413. Dans la séance publique de l'Institut, Aer juil- let 1808 (classe d'histoire et de littérature ancienne), M. Quatremère de Quincy lut un mémoire sur le défi d'Apelle et de Protogène. Il y montrait que ces lignes, Zineæ, tracées d'un seul coup par les pein— tres de Rhodes et de Cos étaient de véritables dessins, de véritables contours de figures, et que le mérite de la finesse de leur trait tenait à ce qu'ils l'avaient conduit, non avec le crayon, mais avec le pin— ceau. De ce fait, il tira des réflexions très judicieuses relativement à l'influence que doit avoir, sur la manière des différentes écoles de peinture, la nature du premier instrument qu'elles mettent entre les mains de leurs élèves, et il en conclut que la pureté, la fermeté, la finesse de dessin que l’on remarque dans tous les ouvrages de l’an- tiquité, et jusque sur les vases étrusques, étaient dues à l'habitude des anciens artistes de dessiner toujours au pinceau. (6) P. 447. Ialyse était un chasseur célèbre, fils ou petit-fils du Soleil, et fondateur de la ville de son nom dans l ile de Rhodes. Pro- togène mit sept ans à faire ce tableau , si l'on en croit Élien (Mist. var., lib. x11, cap. #1). Cet ouvrage périt à Rome dans un incendie. (7) P. 426. Les anciens, connaissant à peine l'art d'apprêter et de faire cuire le verre, étaient obligés de se servir de poterie pour tous les vases ou ustensiles que l'on fabrique aujourd'hui en verre et en cristal. La grande consommation qu'on en faisait dut amener bientôt le perfectionnement de la plastique, et, en effet, ils portèrent si loin cet art, que les : vases les plus communs sont encore pour nous un sujet d'étonnement et-d'admiration. Les Grecs surtout savaient donner à leur poterie une finesse, une légèreté, une solidité qui la faisaient rechercher de toutes les nations. Les vases de Samos, à la beauté de la matière joignaient la grace et l'élégance des formes. On y attachait presque autant de prix que nous en attachons aujourd'hui aux autres vases grecs que l'on appelle communément étrusques. (8) P. 429. Parmi plusieurs procédés que M. Cointereaux a pu- bliés, tantôt sur la bâtisse en pisé, tantôt sur de nouvelles toitures à la fois légères et solides , tantôt enfin sur de nouvelles constructions économiques pour les cheminées, on doit distinguer ses moyens de fabriquer des pierres factices en ‘amalgamant ensemble des terres et des matières calcaires, susceptibles de prendre, avec des formes déter- minées, une adhérence telle, qu’il en résulte une composition véri- tablement dure et propre à entrer dans des solides de maçonnerie. C'est en soumettant ses matières préparées à l’action d'un pressoir qu'il leur fait contracter la solidité requise. Par ce moyen, les frais 542 | NOTES de maçonnerie présentent une économie de soixante-quinze pour cent. Mais quelle économie d’un plus grand intérêt résulterait de cette découverte, si elle venait à remplacer en partie les briques, la chaux, etc., dont la confection dévore tant de bois à brüler! LIVRE TRENTE-SIXIÈME. (4) P. #31. * Pour corriger les méprises chronologiques assez nombreuses, et que nous ne pouvons relever en détail, où Pline est tombé à propos des sculpteurs , il sera bon de recourir à l'Essai sur le classement chronologique des sculpteurs grecs, par M. E. David; essai qui à été inséré à la fin du neuvième volume du Pline de Lemaire. (2) P. #38. Le mot antecedens qui se trouve au texte marque une priorité de temps, et non une supériorité de mérite. L'auteur l'a employé fréquemment dans ce sens : Lib. x, cap. 33 : Invenitur alia (glottis) antecedente anno relicta. Lib. x1x1, cap. 114 : Cedrus frugifera non floret, et in ea anteceden- tem fructum occupait novus. Lib. x1v, cap. 28 : Tiberio Claudio principe, institutum ut jejuni biberent, potüsque vini antecederet cibos. Lib. xxui1, cap. 27 : Acetum rumpit saxma quæ non ruperit ignis antecedens. Lib..xxxvi, cap. 40 : Vicit antecedentes ductus aquarum novum impendium operis inchoati a Caio Cæsare, et peracti a Claudio. Voyez encore, lib. xt, cap. 27° HD} xvem cap 297 Nb: xxv, cap. 23 ; lib. xxx, cap. 4 : dans toutes les phrases, citées ou indi- quées , le mot antecedens ne présente absolument qu'une seule idée, c'est celle de la priorité du temps. | Falconet, qui, dans ses œuvres diverses concernant les arts, a employé deux volumes à décrier Pline, qu'il haïssait comme s'il eût encore été vivant, s'exprime ainsi dans une de ses notes, tome 11 : « La Vénus de Praxitèle était, il n'y a qu'un moment, la plus belle » qui fût au monde, et voici pourtant qu'une autre lui est supérieure » en beauté. Contradiction des plus frappantes, et qu'aucun inter- » prète que je sache n'a fait disparaître, parcequ'en effet le passage, » comme il me semble prouvé par Pline lui-même, ne peut recevoir » une autre interprétation. » Il est aisé de voir qu'en expliquant ce passage par d'autres phrases où le même mot est nécessairement employé dans le même sens, on donne une interprétation simple, naturelle, et qui n'implique pas contradiction. Au surplus, jusqu'à Brottier la phrase n'avait pas été DU LIVRE TRENTE- SIXIÈME. 543 entendue. Il est le premier foi en ait bien saisi et bien déterminé le sens. Scopas florissait dans la quatre-vingt-septième olympiade, et Praxi- tèle dans la cent quatrième. (3) P. #39. Par ce pourtour, Pline entendait sans doute la base du monument qui devait former un soubassement pareil à ceux qu’on voit encore à des tombeaux antiques. Ce pourtour se trouvant trop considérable pour être celui d'un carré long dont les grands côtés n'avaient que soixante-trois pieds, il suit nécessairement qu'il y avait un autre plan dont le pourtour était de quatre cent onze pieds. Ce plan plus étendu était un massif qui servait à porter celui dont Pline donne la forme et les mesures plus en détail. Le comte de Caylus est parvenu à trouver, par la disposition des colonnes, la mesure des deux petits côtés. « Ils devaient avoir trente- » six pieds chacun. Le pourtour du carré était de cent quatre-vingt- » dix-huit pieds. Le grand côté du soubassement était de cent seize » pieds trois pouces; le petit côté, de quatre-vingt-neuf pieds trois » pouces : ce qui donne pour le contour entier quatre cent onze » pieds. » (Mém. de l’'Acad. des inscript., tome xxvi, page 324.) (4) P. 439. Ce mot purement grec signifie aile. On lui donnait souvent une plus grande étendue. Perrault, dans une note de son Vitruve, remarque que dans les temples cette aile ou ce ptéron se prend en général pour tout ce qui renferme les côtés de l'édifice, soit un mur, soit des colonnes : définition d'autant plus juste qu'un mur, ou des colonnes arrangées de cette manière autour d'un édifice, en excèdent le nu ou le massif, et qu ainsi détachées et isolées , elles forment autour comme des ailes indépendantes du corps du bâtiment. 11 faut donc entendre ici ptéron, de l'ordre des colonnes qui régnait autour du mausolée. (Zbidem.) (5) P. 440. Si Pline, dans la description de ce monument, emploie des mesures grecques, les quatre cent onze pieds de pourtour se: réduiront à trois cent quatre-vingt-huit de nos pieds, et deux pouces” en sus; les cent quarante pieds d'élévation, à cent trente-deux de nos pieds, plus deux pouces huit lignes. Si ce sont des mesures ro- maines, on aura trois cent soixante-treize pieds huit pouces de pour- tour, et cent vingt-six pieds onze pouces huit lignes pour l'élévation totale. (6) P. #40. Nous avons vu aussi dans des temps modernes d'ha- biles artistes associer leurs talents pour la perfection d'un même ou- yrage ; entre autres exemples il suffira de citer les deux frères de Marsi, qui ont fait de concert le groupe de Latone, au parc de Ver- sailles, et le groupe des chevaux du Soleil, aux bains d'Apollon, dans le même parc. “ PE 544 he (%) P. 4k3. Voici les ver Quis hoc potest vide Nisi MA : % Mamurram ha Habebat Re eù ultim Cicéron fait mention des richesse fi: Atticus (lib. vit, ep. 7). » furent des gnomons. Cet truieut BUT nventé : » les édifices, les arbres en avaient donné l'i dée, cet l’art bientôt y » ajouta une forme plus commode avec une plus grande élévation. » De là ces masses de pierres si élevées, taillées en aiguille, que » l'on nomme obélisques. En effet, le choix de cette espèce de mo- » nument ne paraît point fait au hasard : on a pu donner aux pyra- » mides la forme qu’elles ont, comme la plus propre à résister aux » intempéries des saisons , et à prévenir l'éboulement de la masse; » mais la forme allongée des obélisques, leur base étroite relativement _» à leur hauteur excessive donnent beaucoup de poids à la conjec- » ture de M. Goguet. » (Baiccy, Hist. de l'astron. ancienne.) (9) P. 429. Les pyramides ne sont pas fondées dans des plaines, mais sur le roc, au pied des hautes montagnes qui accompagnent le Nil dans son cours, et qui séparent l'Égypte et la Libye. L’extérieur est pour la plus grande partie construit de pierres carrées, taillées dans le roc : l'on voit encore aujourd'hui les grottes d’où on les a tirées. Les diverses assises extérieures ne sont jointes que par le propre poids des pierres, sans chaux, sans plomb, sans aucun métal..1458 Les deux mides les plus septentrionales sont les plus grandes, et ont cinq cents pieds de hauteur perpendiculaire. Quatre surtout méritent l'attention des curieux : les autres, au nombre de sept à huit, ne sont rien en comparaison des premières. Celles-ci sont sur une seule ligne diagonale, et distantes l’une de l’autre d'environ _quatre cents pas. « Les pyramides, ces monuments de la puissance et de la vanité » des rois d'Égypte, sont aussi un des monuments de leur astro- » nomie. La plus grande a ses quatre faces exactement dirigées vers » les quatre parties du monde. Or, comme cette direction ne peut » être l'ouvrage du hasard, il s 'ensuit que dans les temps où les » pyramides ont été construites , les É gyptiens savaient tracer une » méridienne. Ces grandes masses semblent n'avoir été élevées, n'a- » voir résisté aux outrages du temps que pour déposer de leur savoir » astronomique. » Baizzy, Hist. de l'astronomie ancienne. (10) P. #49. « On ne trouve des pyramides que depuis Giseh » jusqu'au Fayoum, sur les limites du désert occidental. À Sacca- » rah on en voit une commencée très solidement, mais qu on paraît ENTE-SIXIÈME. 545 r avant qu'elle eùt été achevée. Ces le midi, ne paraissent en quelque: concentré autour de Memphis, autre- ote. On trouve des ob élisques sur tous depuis les cataractes jusqu’à la mer. » M. REGNIER. Hé P. io. ro trois cents pas à l’orient de la seconde pyramide est située la statue du sphinx, formée d’une seule pièce de pierre, qui fait partie du rocher même sur lequel les pyramides sont placées. Le corps est presque entièrement enseveli sous le sable. On n’aperçoit que la partie supérieure du dos, qui a plus de cent pieds de long. La tête s'élève à la hauteur de vingt-sept pieds. Les Arabes, qui ont de l'horreur pour toutes les représentations d'hommes ou d'animaux , en ont défiguré le visage à coups de flèches et de lances. Savary (Leitres sur l'Égypte) observe que ces sphinx, com- posés du corps d’une vierge enté sur celui d’un lion, étaient un hié- roglyphe qui apprenait au peuple le temps où devait arriver l’évé- nement le plus important de l’année : c'est sous le signe du lion et de la vierge que le Nil croît et féconde l'Egypte. Des sphinx sont placés dans ce pays devant tous les monuments remarquables. (42) P. 455. Nome était un terme usité chez les Égyptiens pour indiquer chacune des villes de leur pays, le territoire et les bourgs qui en dépendaient. Ed (43) P. 460. Le Panthéon, aujourd'hui Sainte-Marie-de-la-Ro- tonde, fut consacré par Agrippa, favori d'Auguste, à tous les dieux de l'Olympe. C'est le seul temple antique à Rome qui soït conservé tout entier, le seul où l’on puisse remarquer dans son ensemble la beauté de l'architecture des anciens et le caractère particulier de leur culte. (44) P. 463. Ce palais fut appelé domus aurea, palais d'or, parce- que l'or y brillait de toutes parts au milieu de compartiments de nacre de perle, enrichie de pierreries. La richesse des orne- ments n'était pas.le principal objet de l’admiration. Le luxe avait rendu commun dans Rome tout ce qui aurait pu étonner en d’autres temps. La merveille du palais d’or était son étendue immense : il occupait tout l'espace où sont maintenant les églises de Sainte-Fran- cisque, de Saint-François-de-Paule , de Saint-Pierre-ès-liens , le Co- lysée, les ruines des Thermesde Titus, Sainte-Marie-Majeure, et cette foule de jardins répandus sur le mont Esquilin. Il renfermait dans son enceinte des terres labourables, des vignobles, des prairies, des étangs, des forêts remplies de bêtes fauves, des campagnes à perte de vue. Un poëte fit à cette occasion une épigramme, que Suétone nous à conservée : Roma domu: fiet : Veios migrate, Quirites : Si non et Veios occupat ista domus. 546 NOTES (15) P. 467. Le comte de Caylus (Mémoires de l'Académie des inscriptions, vol. XXIIT) a essayé de trouver les moyens par lesquels on à pu changer les deux théâtres en un seul amphithéâtre, en réunissant parfaitement les deux moitiés. Mais il n’a pu résoudre le problème qu'en s'écartant du texte de notre auteur ; car, dans la so- lution qu'il propose, les deux théâtres ne se touchent ni avant ni après leur déplacement. Il finit par assurer, d’une manière positive, que la solution de ce problème, d'après les expressions de Pline, c'est-à-dire que faire tourner deux théâtres adossés l'un contre l'autre, et en former un amphithéâtre non interrompu, est physique- ment impossible. M. Winbrenner, architecte de Carlsruhe, a donné, il y a quelques années , une solution plus heureuse, qui, en prouvant la possibilité de l'exécution, sauve en même temps la vérité de la description donnée par Pline. Toutes les conditions sont remplies et toutes les difficultés vain- cues : les deux théâtres sont mobiles sur leurs gonds, ils sont adossés l'un à l’autre; lorsqu'on les tourne, ils se réunissent, et forment un amphithéâtre complet, et tout cela s'exécute de la manière la plus simple et la plus naturelle. Je regrette de ne pouvoir joindre ici les plans et les dessins de l’auteur ; je ne puis qu'indiquer une disserta- tion intéressante, insérée dans le Magasin encyclopédique (fructidor, an vr1— 4800) : elle est de M. Winckler, employé au cabinet des antiques de la bibliothèque impériale. LIVRE TRENTE-SEPTIÈME. (4) P. 472. Pline a déja dit (lib. xxxim) : De Prometheo omnia fabulosa arbitror, quanquam illi quoque ferreum annulum dedit anli- quitas, vinculumque : id, non gestamen intelligi voluit. (2) P. #73. Polycrate régnait à Samos environ 500 ans avant J.-C. Ce prince, si constamment heureux, périt misérablement. Le satrape d'une province voisine de ses états parvint à l’attirer dans son gouvernement, et après l'avoir fait expirer dans des tourments horribles, ordonna d’attacher son corps à une croix élevée sur le -mont Mycale, en face de Samos. “ Hérodote (liv. 111), Pausanias et Denys d'Halicarnasse disent, que la pierre de Polycrate était une émeraude, et qu’il s’en servait pour sceller. Il est probable que les Romains ne possédaient e le véri- table anneau de ce prince. (3) P. #78. Ces vases prirent leur nom de l'usage qu’en Soon les riches voluptueux pour boire des vins parfumés de myrrbe. Paw_ + DU LIVRE TRENTE-SEPTIÈME. 547 (Recherches sur les Égyptiens etles Chinois) et Mariette (Traité des pierres gravées, t. 1) ont cru que c'était une composition semblable à notre porcelaine. Pline en parle toujours comme d’une pierre qui se forme dans la terre. M. Hager (Descriptions des médailles chinoises) pènse que ces vases étaient faits d'une pierre particulière à la Chine, qu'on trouve dans des torrents et dans des cavernes, et qui exige un long et pénible travail pour être creusée et façonnée. C'est peut-être une agate, dit-il, et l’on pourrait sen assurer si le sceptre dont l'empereur Kienlong a fait présent au roi d'Angleterre est, comme on le prétend, de la même matière que les anciens vases murrhins. On en voit de très grands à la Chine, et ils y sont extrêmement précieux. (4) P. 481. « En 1719, on découvrit en Suisse, dans le canton » de Berne, des pièces de cristal de roche, pures et sans défauts ; les » unes pesaient cinq cents livres, et d'autres huit cents : elles furent » estimées à plus de trente mille écus. On en a aussi tiré dans l'ile » de Madagascar des morceaux de six pieds de long et de quatre » de large sur autant d'épaisseur. La mine de Fischach, au Valais, » fournit aujourd'hui les masses les plus grosses et les plus parfaites » de cristal de roche : on vient d'y en découvrir une magnifique » pièce; c'est une quille ou canon qu'on dit être du poids de douze » quintaux, il a sept pieds de contour et deux pieds et demi de » hauteur. » VALMONT DE BOMARE. (5) P. 486. “ Ici se termine, dans toutes les éditions vulgaires, d’une manière brusque et évidemment incomplète, le texte de Pline. Louis de Jan a découvert la fin de l'Histoire naturelle dans un manu- scrit sur parchemin, qui se trouve à Bamberg. Ce manuscrit, qui est du dixième siècle ,; ne renferme que les six derniers livres en cent soixante-cinq feuillets. Louis de Jan a inséré ce fragment dans ses Lectiones Plinianæe (Schweinfurt, 1834), et Sillig l'a admis dans Pédition critique qu'il a achevée en 1836, édition dont le texte est constitué sur la collation de nombreux et importants manuscrits. On donne ici entre crochets le texte et la traduction de ce morceau. FIN DES NOTES. TABLE SOMMAIRE DES MORCEAUX EXTRAITS DE PLINE. NoricE SUR GUÉROULT ET AVIS DU NOUVEL ÉDITEUR. _NorTiIcE SUR PLINE. AVIS PRÉLIMINAIRE DE GUEROULT. LIVRE DEUXIÈME. DE DIEU. De Dieu. Des quatre éléments, Découvertes astronomiques. Distance des astres. Harmonie des astres. Des mesures du monde, Opinion d’Hipparque touchant les astres. Observations sur les vents. Aérolithes. Nature de la terre. La terre est-elle entourée par l’océan ? Quelle partie de la terre est habitée ? Tremblements de terre. Abimes. Du flux et du reflux de la mer, Des marées extraordinaires de la mer. Merveilles produites par l’union du feu et de l’eau. Merveilles du feu. LIVRE SEPTIÈME. DE L'HOMME. Misères de l’homme, Courage à supporter la douleur, De la mémoire, ER Le GW do ND IS 19 ! GO LD © C! Co de) + M bei PS Qt 550 TABLE SOMMAIRE. Force d’ame. Clémence et grandeur d’ame. Faits héroïques. Trois grandes qualités réunies dans un seul homme. Courage merveilleux. Génies illustres. Sages fameux. Préceptes les plus utiles à la vie. L'homme reconnu le plus vertueux, Noms des femmes les plus célèbres. Exemples remarquables d'affection naturelle. Du bonheur le plus grand. Rareté de la continuation du bonheur dans une famille, Exempies remarquables des vicissitudes de la fortune. Exemples remarquables de dignité. Des éléments de bonheur réunis chez le même individu, Malheurs d’Auguste. L'homme que les dieux ont déclaré le plus heureux, Longévité, De la destinée suivant la naissance. De la sépulture. LIVRE HUITIÈME. DES ANIMAUX TERRESTRES. Des éléphants et de leurs instincts. De l’époque où les éléphants furent attelés pour la première fois. Aptitude de l’éléphant à apprendre. Actions merveilleuses des éléphants. Instinct des animaux à prévoir le danger. Époque de la première apparition des éléphants en Italie. Combats des éléphants. Manière de prendre les éléphants. Manière de dompter les éléphants. i | : | | | | | | 1 | TABLE SOMMAIRE. Patrie des éléphants. Leurs guerres. Adresse des éléphants. Du caractère du lion. Combats de lions dans Rome, Actions merveilleuses de lions. Des tigres; de leur première apparition dans Rome. Du chameau; de ses espèces. Du rhinocéros. Du crocodile. De l'hippopotame. De sa première apparition dans Rome, et des crocodiles. Des cerfs. Des hérissons. Du chien. Du cheval, Instinct du cheval. Des ânes. Des bœufs. Du bœuf Apis. Du menu bétail, et en particuher des moutons. Des chèvres. Des porcs. Du sanglier, Des singes. LIVRE NEUVIEÈME. DES ANIMAUX QUI VIVENT DANS L'EAU, Monstres de la mer Indienne. Des baleines, des ourques. - Les poissons respirent-ils ? Des dauphins. Les dauphins sont susceptibles d'affection et de sentiment. Des tortues. Qui, le premier, imagina de faconner les écailles des tortues. De l’esturgeon ou acipenser s Des mulles. Qt Q1 br S8aNes + 252 TABLE SOMMAIRE. De l’échénéis. 127 Puissance de l'échénéis, ibid, Des polypes. 129 Des coquillages. | 131 Des éléments que la mer fournit au luxe. 132 Des perles. 133 Du luxe des perles. 134 “Origine de l'usage des perles à Rome, | 137 ‘De la pourpre. 138 *De l’usage de la pourpre dans Rome, 139 Des canicules, | 140 Longévité des poissons. 141 Origine des parcs d’'huitres. Me 142 Origine des réservoirs pour les autres poissons. _ 18 Des premiers réservoirs pour les murènes. ibid. Des réservoirs pour les coquillages. 144 LIVRE DIXIÈME. DES OISEAUX. ‘Des aigles. 126 : Caractère des aigles. 148 Quand l’aigle est devenu l’enseigne de la légion. 149 : Des ‘paons. ibid. Qui le premier servit un paon à sa tab'e, 150 Des coqs. ibid, De Voie, 152 “Qui, tle «premier, fit servir un foie d'oie à sa table. 153 : Du commagène. 154 : Des grues. ibid, i Des-cigognes 155 Des ‘cygnes. 156 t Des rossignols. 157 : Des pigeons. 159 - ‘{Fravaux merveilleux des pigeons. 160 TABLE SOMMAIRE. Des perroquets. Des pies. Sédition à Rome causée par la mort d’un corbeau dressé. De l’art d'étrangler les poules. De l'inventeur des volières. LIVRE ONZIÈME. DES INSECTES. Extrême petitesse des insectes. Des abeilles. Travail des abeilles. - 2 Gouvernement des abeilles. Heureux présage qu’on peut tirer de l’aspect d’un essaim. Maladies des abeilles. Moyen de contenir les abeilles, Des araignées. Des sauterelles. Des fourmis. LIVRE DOUZIÈME. DES ARBRES, Place honorable des arbres dans la nature, Des arbres exotiques. Des platanes. Faits merveilleux touchant les platanes. Comment se plante le ponnnier d’Assyrie (le citronnier), Arbres de l’Inde. Quand l’ébénier fut-il apporté à Rome pour la première fois? Du figuier indien. Du pola. De l’encens. Nature de l’encens ; ses espèces. De l’Arabie heureuse. Baume opobalsamum, xylobalsamum. 183 185 186 ébid. 187 188 189 bu. 190 191 ibid, 194 195 554 ; TABLE SOMMAIRE. LIVRE TREIZIÈME. ESSENCES, ARBRES ÉTRANGERS. Époque de l’apparition des parfums, 198 Luxe des parfums. 199 Quand le luxe des parfums fut introduit à Rome. 200 Des palmiers, 201 Nature du palmier. 202 Du papyrus. 203 Fabrication du papyrus. 204 Neuf espèces de papyrus. 205 Comment on éprouve le papyrus. 207 Défauts du papyrus. 208 Colle du papyrus. ibid. Arbre atlantique. 209 Beautés et défauts de cet arbre. 211 LIVRE QUATORZIÈME. DES VIGNES, Réflexions préliminaires; nature de la vigne. 214 Des raisins; culture de la vigne. 217 Faits remarquables dans la culture de la vigne. . 218 Des vins les plus anciens. 221 Cinquante vins généreux, 222 Inspection du vin ordonnée par Romulus. | 225 Faïts remarquables relatifs aux caves. 227 Quand on commença à servir quatre espèces de vin. ibid. De l'ivresse, 228 LIVRE QUINZIÈME. DE L'OLIVIER, DU FIGUIER, DU MYRTE ET DU LAURIER. De l'olivier. 234% De 1a nature de l'huile. 235 ibid. Anecdotes sur les figuiers, TABLE SOMMAIRE. Des figues employées comme aliments. Du myrte. De l’emploi du myrte à Rome dans Fovation. Du laurier. Histoire du laurier. LIVRE SEIZIÈME. ARBRES FORESTIERS. Des arbres à glands. Origine des couronnes. Citoyens couronnés de feuillages. Des glands. Dimensions remarquables de certains arbres. Faits historiques sur la perpétuité des bois. LIVRE . SEPTIÈME. FRIX nine DE CERTAINS ARBRES. LIVRE DIX-HUITIÈME. DE L'AGRICULTURE, Goût des anciens pour l’agriculture. Première couronne d’épis à a Rome. Du : jugérum. Du blé vendu à vil prix. Hommes illustres auteurs d'ouvrages sur l’agriculture. Ce qu’on doit observer dans l’achat d’une terre. De la position des villas. Maximes des anciens sur l’agriculture. Polenta. De quelques espèces de froment. Fertilité de l'Afrique en froment. Du millet. Du panis. Manière de faire le pain. 556 TABLE SOMMAIRE, Des boulangers à Rome, De l’alica. Systèmes différents de culture suivant les nations. Diverses espèces de socs. Du labour. De la herse. Extrême fertilité du sol. Des moissons, Manière de conserver le blé. | LIVRE DIX-NEUVIÈME. DU LIN, DU SPART, DU JARDINAGE. Du lin. Comment on sème le lin. Du lin asbeste. De la teinture du lin. Quand des toiles furent tendues sur les théâtres. Du spart. Manière dont on prépare le spart. Époque à laquelle commenca l'origine du spart. Agréments des jardins. LIVRE VINGT ET UNIÈME. FLEURS, COURONNES DE FLEURS. Des puirlandes. De l'inventeur des couronnes, _ Des couronnes à feuilles d’or. Du cas que les anciens faisaient des couronnes. Sévérité des anciens dans le choix des hommes couronnés. Quel citoyen fut couronné par le peuple romain. De diverses couronnes. | Auteurs qui ont écrit sur les fleurs. 289 291 293 ibid. 294 295 296 297 ibid. 302 305 304 305 ibid. 306 307 ibid. TABLE SOMMAIRE. LIVRE VINGT-DEUXIÈME. VERTU DES HERBES ET DES FRUITS. Usage des herbes pour la beauté chez certaines nations. Couronne de gazon. Des hommes qui ont recu la couronne de gazon. Du centurion qui en a été honoré. Remèdes tirés des autres plantes à couronnes. Contre les compositions médicinales. # LIVRE VINGT-TROISIÈME. DES ARBRES CULTIVÉES. Des vignes. LIVRE VINGT-QUATRIÈME. DES ARBRES SAUVAGES. Antipathies et sympathies des arbres et des herbes. LIVRE VINGT-CINQUIÈME. DES HERBES QUI CROISSENT SPONTANÉMENT. Leur origine et leur emploi. Auteurs latins qui ont traité de ces plantes. A quelle époque les Romains ont commencé à les connaître. Grecs qui ont peint les plantes. Grecs qui ont écrit sur les plantes. Noms de ceux qui ont trouvé des plantes célèbres. LIVRE VINGT-SIXIÈME. pee ET SES SUCCESSEURS. De 12 nouvelle médecine d’Asclépiade. Comment Asclépiade changea la médecine ancienne. Contre les magiciens. 557 919 323 324 325 326 9327 328 991 392 9339 558 TABLE SOMMAIRE. LIVRE VINGT-NEUVIÈME. DE LA MÉDECINE, Origine de la médecine. Hippocrate. Chrysippe et Érasistrate. De la secte empirique. D'Hérophile et des autres médecins célèbres , révolations de la médecine. Epoque de l'apparition du premier médecin à Rome. Opinion des Romains sur les anciens médecins, Vices de la médecine. LIVRE TRENTE-TROISIÈME. DES MÉTAUX. Des métaux et des richesses, De l'or. En quel crédit l’or fut d’abord, Origine des anneaux d’or. De la mode des anneaux d’or chez les anciens. Du droit de porter les anneaux d'or. Des dons en colliers, A quelle époque fut donnée la première couronne d'or. . Du luxe de l'or, de ses usages chez les femmes, De la monnaie d’or. De la soif de l’or. Quels hommes ont possédé le plus d’or et d'argent. Des décorations publiques avec l'or et l'argent. Du trésor public. Des lambris dorés. De l’électrum. Première statue d’or. De l'extrême opulence, Du luxe en fait de vases d'argent. 336 ibid. 337 ibid. 338 341 342 ibid. TABLE SOMMATRE. Parcimonie de nos ancêtres sur ce point. Des lits en argent. Des plats d'argent. Immenses richesses en argent. Statues d’argent. LIVRE TRENTE-QUATRIÈME. LE CUIVRE. Airam de Corinthe, Airain de Délos. Airain d’Égine. Ornements en airain pour les temples. Tables d’airain à trois lits. Première statue d’airain à Rome, A quelle époque on fit disparäître des lieux publics toutes les statues appartenant soit à l'État, soit aux particuliers. Ancienneté de la statuaire en Italie, Prix énorme de certaines statues. Des colosses les plus renommés de Rome. Chefs-d’œuvre de la statuaire en airain. Noms des principaux artistes. Da fer. Statues de fer; ouvrages ciselés en fer. LIVRE TRENTE-CINQUIÈME. DE LA PEINTURE. Honneurs rendus à la peinture. Honneurs rendus aux portraits, Des portraits sur les boucliers. Des portraits dans les maisons, Commencements de la peinture. Des peintres romains. * Époque à laquelle on commenca à Rome à rechercher les ta- bleaux étrangers, 559 314 315 376 3117 318 381 383 ibid. 384 ibid. 385 386 387 388 390 393 397 399 560 TABLE SOMMAIRE. Epoque à laquelle la peinture et les peintres commencèrent à acquérir de la considération à Rome. | 410 Couleurs employées par les premiers peintres. A1 Peintres qui ont employé le pinceau : particularités relatives à la peinture, tbid, Des divers genres de peinture. 420 Des tableaux inachevés, — Des femmes peintres. 421 Premiers inventeurs de la plastique. A: PT 423 Du premier qui inventa les moules. ue 1% 42% Célèbres artistes en plastique. | k + es. d ibid. Des ouvrages de poterie, | Ke SE 425 Variétés de terre. HT D + 428 Murs en terre pétrie et battue, | 429 Murs de brique. — Fabrication de la brique, RES | ibid, LIVRE TRENTE-SIXIÈME, DES PIERRES. Luxe en fait de marbres. ASE Quel est le premier qui employa le marbre dans les construc- tions publiques. 432 Quel est le premier qui fit élever dans Rome des colonnes de marbre étranger. 43% Sculpteurs célèbres. ibid. Quand on commença à faire usage de marbre dans les édifices, 441 Des premiers qui taillèrent le marbre, 412 Qui le premier à Rome a fait revêtir d’incrustations de marbre les parois de sa maison, 4%3 A quelle époque on a fait usage à Rome de chaque espèce de marbre. 2 ibid. Des obélisques. 444 De l'obélisque qui sert de gnomon au Champ-de-Mars. 448 Pyramides d'Égypte. 449 Sphinx d'Egypte. 450 Du phare. 453 Des labyrinthes. ibid. TABLE SOMMAIRE. Jardin suspendu, ville suspendue, Du temple de Diane à Éphèse. Dix-huit monuments magnifiques à Rome. LIVRE TRENTE-SEPTIÈME. _ DES PIERRERIES. Origine des pierrerie# De la pierre précieuse du tyran Polycrate, De la pierre précieuse de Pyrrhus. Des plus habiles graveurs, chefs-d’œuvre de gravure. Premier écrin de pierreries à Rome. Pierreries transportées à Rome lors du triomphe de Pompée. Date de l'invention des vases murrhins, Nature des vases murrhins. Du cristal. ÿ Luxe en fait de cristal, Du succin ; de celui qui l’a découvert. Formes de pierres précieuses. Moyen de reconnaître les pierres. La nature comparée à elle-même en divers lieux."— Panégyrique de l'Italie et de l'Espagne. — Récapitulation. — Invocation. NOTES. à .” FIN k LA TABLE. 36 561 158 ibid. 260 Shen ve 0 CET flans de né Madieh. ÿ LOC 060 £00 0 UNIL. SSIY9N09 40 AYVAIIT RE AT PTE PRONURL LIL A. sam nr? CLR , PAR PERD ARR PA eur ES . : . Al Et PE D PPT Rent DNS NORD URL", di diet et PACE LL TOR PE TOC TIC CT 2 !