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MILAN,

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MILAN,

De l'Imprimerie et Fonderie de Jean-Joseph Destefanis, à S* Zeno , iV.? 534-

PRÉFACE

DE L'AUTEUR.

Il ri y a pas eu d'autre motif pour faire précéder V impression de ce sixième volume avant celle du cinquième , que celui qui dé- termina la publication du quatrième avant le troisième. Les statues qui avaient été ras- semblées ri étaient pas alors en assez grand nombre pour fournir un volume complet y ce quon ne put obtenir que deux ans après Il en est de même pour ce volume ; quand on commença à travailler , les bas-reliefs qui devaient composer le cinquième, ri étaient pas en quantité suffisante pour former un livre d'une grosseur égale à ceux qui avaient déjà paru : ce qui fit quon se décida à publier les têtes et les bustes dont on traite dans celui-ci. Mais pendant qii on V imprimait , les bas-reliefs s* étant augmentés autant qu'on pouvait le désirer ? grâces à la munificence du Souverain Pontife , on pourra ne pas en retarder les explications , ni les gravures,

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pour poursuivre l'ouvrage et remplir la la- cune.

Les mùnumens que nous publions à pré- sent, sont d'un genre bien différent de ceux qui ont été précédemment off erts au public^ et cette variété même ne pourra déplaire aux amateurs d'antiquités. La mythologie a fourni en grande partie les sujets de tous nos discours dans les volumes précédens ; actuellement ce sera Thistoire, dont le vaste champ s'ouvre devant nous , tant V histoire civile que littéraire , et cette branche pleine d'érudition particulièrement que l'on désigne ordinairement sous le nom ^/'Iconographie. Cette par tie de la littérature fournit tant de matériaux propres à satisfaire la curiosité des hommes instruits; elle a produit jusqu'à présent tant d'écrits , mais l'abus des con- jectures y les écarts de l'imagination , et le peu de soin des critiques , l'ont accablée de quantité de préjugés, et embarassée de vaines suppositions.

Lorsque j'aurai traité cette branche de l'art des antiquaires 9 lorsque la balance à la main j'aurai pesé les hypothèses et les probabilités , alors ceux qui auront le cou-

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rage de me lire en entier y seront peut être en état de juger ce que j'ai dit sur cette partie de la science. C'est ici le lieu il faut placer quelques observations générales sur l'origine et sur ï usage de cette classe de monumens que renferme ce volume , classe qui s'attache très- particulièrement à /Iconographie , et qu'on nomme dans les Collections suite de Têtes et de Bus- tes.

Parmi toutes les manières que les arts du dessin ont essayé d employer pour imi- ter la figure de V homme, ou dans son en- tier, ou seulement en partie, si Tune des plus anciennes est sans contredit celle qui a formé seulement l'image de la tête , on peut démontrer cependant que ï invention des bustes n'a fait que suivre les autres et au- près un long intervalle de temps.

L'antiquité très-reculée des hermès , qui paraissent être premier pas qu'ait fait un art encore enfant, les pierres sans forme, qui désignaient, plutôt qu'elles ne représen- taient les anciennes divinités , les simulacres de ces divinités 9 inventions de la poésie et de la superstition chez des nations encore

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barbares (i), ces antiquités, dis -je , dont Tautenticité est prouvée , peuvent lever toute incertitude sur la première origine de cet usage , c'est-à-dire qu'au lieu de représen- ter V image entière et naturelle de V homme, ou la figure idéale d'un Dieu, elle ne nous offre seulement que la copie en relief ou en peinture de la tête et du visage : usage qui a sa source naturellement dans l'ima- gination qui va chercher dans la tête les signes principaux du caractère de l indivi- du ; et dans laquelle Voéil prend plaisir à reconnaître les marques, rarement équivoques, très-souvent bien sensibles 9 des talens , du génie , et des inclinations de Vame. Voila pourquoi Ton a gravé les têtes et les visages des divinités ou des héros sur les médailles, chez tous les peuples. La forme circulaire que Von ne tarda pas à donner à ces mé- dailles semblait propre à ce genre d'ima- ges. Cest de la que nous est venue cette quantité prodigieuse d kermès et de sintr

(1) Winckelmann , Hist. de Tarty liv. i y ch. i f ^ ïo et xi. Voyez les réflexions en grand nombre, qu'a proposé à ce sujet M. d'Hancarville dans sa préface de la Collect. des Vases Étrusques d'Hamilton.

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pies têtes qui se sont conservées jusquïà nos jours ; quoique la ruine de tant de statues qui furent renversées, et dont il ne nous est resté que la tête, en ait augmenté considé- rablement le nombre dans les collections modernes.

En outre des kermes et des statues en- tières , je vois encore deux autres manières de représenter une partie de la figure hu- maine, que les art s employèrent dans leur principe, cependant elles ne furent pas aussi fréquemment en usage que les kermès et les statues. On représenta le visage seulement sans V occiput, ce que Ton appelle le Mas- que ; on donna aux kermès mêmes plus de ressemblance à Vkomme en y ajoutant des bras et même le corps jusqu'aux cuisses qui étaient réunis sur le pilastre originaire, lequel soutenait Vkermès sans les jambes. Nous pos- sédons encore beaucoup dliermès de cette dernière forme. Mon opinion sur V ancien- neté de cet usage s'accorde on ne peut mieux avec les descriptions que nous en ont donné les écrivains, celle du Palladium de Troye (\) , et de cette Vénus en bois, ou-

(i) j4pollodore9 liv.lll, ch. n -7 le simulacre très^

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vrage attribué à Dédale > et qui fut con- servé pendant plusieurs siècles à Délos ( i ). Ces deux figures étaient terminées comme les hernies, sans manquer cependant du buste ou des bras.

Les masques ou les faces seules étaient aussi très-antiques. On représenta ainsi fort souvent les divinités Dionysiaques (sjj nous savons que telles étaient les images de Pra- xidice (d> Jy et celles de la très-ancienne Cé- rès surnommée Cidarie dans le Phénée d'Ar- cadie La face de la Gorgone , em- preinte sur tant de médailles anciennes , et que Von continue toujours à représenter de même , peut-être regardée comme un reste de cette manière consacrée par la super- stition et par les arts. On donna en grec à ces images le nom de ^pomza ( faces ou

antique de Jupiter Labradenus à Mylassa en Carie était terminé depuis le milieu du corps jusquen bas en forme d'hermès , comme on le voit dans la grande médaille de Geta citée par Buonarroti , p. 21 4-

(1) Pausanias y Boeotica, ou liv. IX ? ch. XL.

(2) Pausanias y Attica, ou liv. I , c. '1.

(3) Hesychius et Suidas , v* Yipa^id'mvi.

(4) Pausanias y Arcadica 7 ou liv. Vili , ch. XV* à^rpaç IIPOSPJIOjN KuJapiaç.

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masques). Mais les kermès avec le torse et des bras furent généralement compris sous la même dénomination dhermès.

Je n'ai pas eu V avantage de remarquer dans les arts des temps les plus reculés quel- ques traces de V usage des bustes, et je n'ai pu trouver aucun nom grec ou latin quon ait ap- pliqué à ce genre; de sorte que le défaut de mot propre peut faire croire avec évidence à la nouveauté de la chose. On a depuis fait usage du mot grec Uporo^ii (protome) pour signifier les bustes; mais ce serait en vain que Von chercherait dans les anciens écrivains ce mot} qui nous est indiqué seulement par les le- xicographes Suidas et Hesychius (i). Ces grammairiens définissent le protome , ime effigie jusqu'au nombril (2) , et s'en réfé- rant aux images des empereurs , ils ne sup- posent avec cela aucune autenticité plus an- cienne remarquable. Stéplianus a approuvé encore ï acception donnée a ce mot en la

(1) Aux mots Tïporo(iai et TLpoto^iri»

(2) Esichius, UpoTOfi^ , eînôv P&aûaxfi , eàç tov ô^L(paXov rov aô(iatoç £$oç. Protomse, images im- périales , représentation du corps jusqu'au nombril. Suidas en dit presque autant.

faisant valoir par V autorité d'une inscription grecque ; mais qui ri est pas antérieure au règne des Antonins (i).

On pourra s'assurer par les réflexions qui vont suivre, combien ï application du terme dont il est question , et qui existait déjà dans la langue > a une époque récente, he mot protome était autrefois en usage dans la langue grecque pour désigner la partie antérieure du corps des quadrupèdes. D'oà Suidas nous avertit que l'expression protome est employée proprement lorsqu'il s'agit des animaux irraisonnables (2), et cela est fondé sur une bonne raison dEtymo- logie ; se formant de la particule xpo , qui signifie plutôt le devant , et qui convient aux demi-figures d'animaux, plutôt que au dessus y comme il faudrait V entendre sii s'agissait de figures humaines*

En outre que cette acception est beau- coup plus propre , son antiquité n'est pas moins certaine, et nous en trouvons la preuve

(0 IIPOTOMH MAPMAPINH , Gruter , paga CCCCXIV 2. (1) Suidas 9 L c. MvpiQç ì%ì top dÀóyQV Çôqv

I s

dans un passage de la version grecque du troisième livre des Rois (i) , déjà rapporté par Stéphanus. Mais les inscriptions athé- niennes du Parthénon m'en /omissent un garant plus sûr et plus frappant. Dans un fragment de lune d'elles publié par Stuart (i), et qui nest pas moins récente que celles données par Chandler , même, comme le démontrent ses caractères, très- positivement antérieure a la XCIV Olym- piade, nous tronçons parmi les offrandes à Minerve le protome, c'est-à-dire la par- tie antérieure d'un griffon : APTpOS I* PO- TOME

Quelques-uns de ceux qui nous rappel- lent la signification que Pollua: et Suidas attribuent au mot protome (3 J quand elle se borne à des animaux, n'accueilleront peut- être pas ï interprétation proposée. Ces gram- mairiens assurent que protome est dans les animaux ce que Von appelle dans les hom- mes la face ou le masque. De sorte qu'il

(1) Liv* III, Regum , chap. X 7 v. 19,

(2) Antiquities of Athens , tom. Il 7 pag. i5.

(3) Pollux, liv. II p § 47? Suidas 7 /. c.

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ne veut exprimer seulement que la partie antérieure de la tête ou le museau , et non pas la portion antérieure du corps de V animal. En effet les masques simples ou faces de lions , de taureaux, de béliers sont trèsfré- quensdans les ornemens sculptés antiques. Je ne doute pas que V usage commun dans ces temps moins éloignés brillèrent ces écri- vains^ n'eut déjà borné à cette signification le mot protome , signification adoptée autrefois par Diodore f ij: cependant je ne suis pas persuadé qu'elle ait été reçue dans tous les temps avec une acception aussi bornée , et fai plus d'une raison pour m en convain- cre. D'abord ïusage très-commun dan$ la plus liante antiquité de représenter la moi- tié antérieure des animaux seulement, ce que nous prouvent les plus anciennes mé- dailles grecques y Von trouve souvent des lions , des pégases > des chevaux , des grif- fons 7 des sangliers , des taureaux , des chè- vres , des cerfs ? des minolaures a mi-corps par la partie du devant y enfin tous les ani- maux qui d'autres fois sont représentés en en- tier. Cette manière de les figurer rend as-

ti) Lw. 1 , § 96.

sez probable Titsage cTun terme correspon- dant propre à les désigner. En second lieu, si l'on observe que le mot protomae employé dans la version de V écriture sainte, ne peut pas être interprété par masques , ou têtes de bœufs (i), encore moins dans les allé- gories Homériques les protomœ des chiens de Scylla, qu'en rapprochant les monumens de tout genite, on ne peut les entendre autre- ment que pour désigner la moitié antérieure de ces animaux (i): et qu'enfin Proclus (3 ) en décrivant dans la sphère céleste le pro- tome du cheval , n'a pas voulu seulement indiquer la face, mais toute la partie an- térieure du corps, comme Érathosihènes (4) , et le globe Farnêsien nous en donnent une preuve évidente. Or il ne fut pas difficile de transporter le sens donné au mot pro- toma pour les animaux, pour lui faire si-

(1) 77 semble que dans cette version on donne aux proiomae des veaux yeïpet; , ou les jambes antérieures. Cependant il parait que le texte hébreu et la vul~ gate entendent autre chose.

(2) fféraclide, ou plutôt Heraclite, Alleg. Homer. , dans les opusc. myth. de Gale, page ^gd»

(3) Dans le Trésor de Stéphanus au mot liporo^.

(4) Cathaslherism. 7 ch. 18.

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gnifìer les bustes des images de Vhomme f quand on commença à les représenter sous cette forme de bustes.

Parmi les sculptures en grand nombre de toute espèce que Pausanias compta dans la Grèce 9 on a de la peine à en trouver une ou deux qui fussent des bustes, ce sont celui de Cérès à Thèbes et celui d'Hercule en Au- lide. Le savant et exact voyageur ne se sert pas du mot protoma , qui peut-être de son temps n avait pas été encore employé dans ce sens, mais il l'indique par quelque périphrase qui n'a pas été bien comprise par les traducteurs (i) , qui se sont per-

(i) Pausanias y Boeotica ou liv. TX , chap. 16, décrit ainsi un buste de Jupiter qui était à Thèbes : A^fi^Tpoç §è âyaûfia, o<rov èç crrépvd eonv èv ro (pavepô. On doit traduire ainsi ce passage: « Le simu- lacre de Cérès exposé au public est jusqu'à la poi- trine : et pour cela on doit le ponctuer ainsi dans le texte ; A^fiiçrpoç uyuXfjba, , ooov h crrèpva , eariv èp 1Q (pavepô , Mais Amaseus Ta traduit de cette fa- Çon : Dese simulacrum supra pectus dumtaxat in aperto est. Ni t éditeur , ni le traducteur n'ont compris ce passage : ê&tb h to (pavepô ( in aperto est ) , s* op- pose à ce quii dit peu après y que les simulacres de Bacchus Lisius et de Vénus , sont ( in abscondito ), et ne peuvent être vus quune fois par an» Quand

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mis de substituer dans d autres endroits le mot buste au mot original ( ) Icon , effigie, manquant, comme chacun voit, de fidélité et de justesse en ces cas (ij. Ce pe- tit nombre d images en forme de buste que nous décrit Pausa-mas , n'étaient pas pro- bablement des plus anciennes.

S'il m'est permis de former des conjectu- res pour rechercher Vorigine de ces repré-

Pausanias veut donner Vidée d'un simulacre entier ; mais dont il ne reste de visible qu'une partie quel'* conque , il se sert de toute autre expression , sans équivoque , comme on le voit dans d'autres endroits f et particulièrement lorsqu'il parle du Bacchus de Fi- galè^ (iiv. FIÌIÌ ckap. 3y ). Un autre buste est ce" lui d' Fier cule dans le Gymnase d'Elide {livre VI , ch. 23): Tlpoo'&'tfov 'HpmeMvç <*%pK h rovç fipïçz traduit littéralement Herculis vultus humeris tenus. mais par JLmaseus avec ambiguïté ; sîgnum Herculis exstans humeris tenus. Il le croit plutôt uh buste d'Her- cule qu'un simple kermès ou herméracle , parce que Pausanias a constamment employé d'autres phrases lorsqu'il a voulu désigner des kermès.

(r) L'auteur du fameux Voyage d'Anaeharsîs (cha- pitre XXII) compte au nombre des simulacres de Delphes les bustes d'Homère, et il cite à cet effet au bas de la page, Pausanias , liv. X , c. 24 y <]u*> dit seulement eìxóm ^mln^P siri et^ty. Effigie ea bronze ( d'Homère) sur un cippe.

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sentations cVune seule partie , // me senihle que Von puisse en trouver le commence- ment dans deux usages éventuels: le pre- mier qui fut commun aux Grecs et aux Romains , fut celui qui faisait orner avec des portraits les boucliers d'honneur ou vo~ tifs. Je trouve le second dans F usage par- ticulier aux Romains parmi les nobles > de conserver des portraits en cire.

Dès que Von commença à consacrer dans les temples les têtes des hommes illustres ou puissans y ciselées ou peintes dans le centre (limbo) d'un bouclier, dune petite roue, cet espace circulaire put contenir outre la tête une partie des épaules et de la poi- trine. Telle est la figure de libère sur des médailles , laquelle était en relief au milieu d'un bouclier dédié à la Clémence. Telle était celle de Quintus Cicéron^ dans je ne sais quelle ville d'Asie , ce qui fit dire à Mar- cus son frère que Quintus était plus grand à moitié que tout entier (ij. Pline fait re- monter ï époque de cet usage aux premiers temps de la république chez les Romains.

(i) Macrob* , Sat. , liv. II, chap. 3.

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// prouve encore que cet usage eut lieu chez les Carthaginois > et il suppose que chez les Grecs il était connu depuis beaucoup plus long-temps ( i ). 77 serait difficile de détermi- ner à quelle époque s'introduisit chez ce peu* pie l'usage de faire des portraits en demi- bustes, à ï instar des images qui étaient sur les boucliers 9 mais pour en faire une autre espè- ce d'imitation. Cela ne remonte peut-être pas au de-là du siècle d'Alexandre , dont fai vu le buste en profil, armé dune cuirasse, sur une des médailles d'or de son temps. On pourrait rapporter en même temps , en supposant qu'ils sont originaux, les bustes en camée qui sont parmi les rares onyx du Musée Impérial de Vienne. Ils repré- sentent , à ce que je crois, les images des

(i) Pline, liw XXXV y § 3 et 4 > °ù H parle de la figure Asdrubal sur un bouclier consacré dans le Capitole. Il fut conquis par L. Marcius parmi les dépouilles d'Asdrubal même. On peut rappeler , dans le nombre des plus anciennes images sur des boucliers , chez les Grecs ? celle de Timomaque le Thébain 7 qui était ainsi placée 7 et dont les Lacédé- moniens faisaient parade dans leurs fêtes de Hyacin- the : Aristote en fait mention dans le scoliaste de Piri* dare, lsthm. , od. VII, n. ai.

Musée Piç-Clém. Vol. Yh »

rois d'Égypte qui succédèrent au conqué- rant Macédonien (i). Je ne connais pas d'au- tres gravures , ou des médailles qui offrent des bustes , et que Von puisse^ en exami- nant leur style , ou par tout autre motif, at- tribuer à des époques antérieures (2). De mê-

(1) Le fameux camée avec deux bustes, appelés communément Alexandre et Olimp'a , qui était dans le Musée de la reine Christine , et qui appartient à présent à M. le Duc de Bracciano , se trouve gravé dans le Musée Romain, Gem. , n. 18; Vautre a été publié par M. Echel parmi les pierres du Cabinet Im- périal , pL X. Je ne parlerai point ici des bustes d' A- lexandre et de Phocion gravés en camée, qui por- tent le nom de Pirgotelès, Les aniquaires convien- nent suffisamment que ces noms sont apocryphes , et M. Bracci doute encore de {antiquité de tout le tra* va il ì et il en apporte des motifs assez intéressans. Com- mentario degli antichi Incis. , tome II , tav* 98 et 99.

(2) Cependant le plus ancien buste en bas-relief ,, et qui, si on p'ut le conjecturer par le style , est an- térieur au temps d Alexandre , cest celui modelé sur une terre cuite fort rare qui a été trouvée avec une autre à Porciliano sur les bords Laurentins , dans les fouilles qu'y fit faire mon illustre mécène le prince

Chigi. On peut en voir le dessin dans les Notizie de M. Guattani , année 17^4? février, pL II L II y a une si petite partie de la poitrine^ qu au premier coup- d'œil il paraît plutôt une simple tête quun buste. Si Von fait attention au grandiose de ces ouvrages

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me que je ne connais pas de bustes en ronde bosse qui puissent remonter , d'une ma- nière certaine 9 avant le temps de la mo- narchie romaine 5 car, selon moi, on ne peut objecter avec avantage le mot protome dans un passage obscur, et peut-être altéré, d'Orapollo ou le prétendu simulacre

de Junon , sous la forme d'un buste (2), dans

en terre cuite , on ne peut douter que ce ne soit un travail grec excellent , fait par de très-anciens ar- tistes , et ils n étaient pas différens de ceux que Pline nous assure avoir vu détacher de dessus les murs de temples anciens^ et qu on fit encadrer à raison du mé- rite de Vart qui les distinguait (livre XXX K y § XLVJ.

(1) HiérogL, /. 11 y ch. 19: UpOTOpi? avp ^a^aApq* ypa(pO{iévi? dwaiór^re ùffoof. Un buste avec une épée indique l'impiété. Le génitif qui attachait à quel- que sujet le mot général protome > manque peut -être Ç probablement à quelque animal ).

(2) M. Vab. Lanzi y Saggio di lingua etrusca , etc., tome II y p. 212, décrivant cette patere sur laquelle sont représentés Pelias et Nélée y ajoute : Devant eux est un protome de Déesse; et à la page 2i4ï Pas- seri reconnaît Junon dans ce protome. Néanmoins Passeri , tome II 1 , du Musée Etrusque de Gori dans la dernière Dissertation y page 82, y reconnaît plu? tôt Sidéras et non Junon \ ce que je n ai pas fait observer dans V explication que je donne de cette pa- tere à la planche A ? n. 3 ? suppL 7 parce que je suis

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les sgrafi t ti dune fameuse patere étrusque enrichie d'épigraphes grecques , et représen- tant un fait des temps héroïques: f aurai occasion de parler de cette patere très-am- plement à la fin de ce volume.

Si quelqu'un, s* appuyant sur les demi figu- res des Fortunes Anziatines gravées sur les médailles de la famille Rustia , prétendait en établir ïantériorité des bustes dans les arts d'Italie y il devrait réfléchir que cette demi- figure ayant des bras et des mains > il reste indécis si les simulacres latins de la Déesse étaient dans Voriginal en forme de bustes ou bien d'Hermès féminins avec la moitié de la partie supérieure de la figure.

C'est <T après V origine que nous avons in- diquée que les bustes antiques en relief gar-

implicitement ce qui en a été dit dans Z'Essai cité* D'ailleurs ï antiquité de semblables patères n'est pas dans le cas de contredire ce que fai mis en avant jusquici9 quoiqu'on y trouve représentés des bustes. Mais alors la protome d'une divinité dans un évé- nement héroïque paraîtrait devoir faire supposer fo- pinion qui assignerait une certaine antiquité plus re- culée à ces sortes d'images) quand même on ne vou- drait pas regarder cela comme une espèce de prole- pse.

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dent leur terminaison en forme d'arc cir- culaire par le bas, forme qui donne delà grâce aux sculptures de ce genre y quand au contraire rien de plus lourd que ces bus* tes modernes coupés par le bas horizontale* ment y tels que nous envoyons tant d'exem- ples dans les images sacrées et sur les tom- beaux , effet d un amour peu réfléchi pour imaginer du nouveau (i).

Pour revenir à la seconde origine des bustes dont fai donné Vidée ci-dessus , je crois qu'elle a plus particulièrement produit leur usage fréquent et si général chez les Romains: je veux parler des portraits, ap- pelés de leurs ancêtres , que les familles no- bles de Rome avaient le privilège de con- server et d'exposer aux yeux du public d'une façon particulière. Le mot vultus dont on se servait pour les désigner (2), nous fait voir que ces images ne représentaient pas

(1) Ces deux façons de couper le bas de sa fi- gure sont également naturelles. L'une suppose que ï original est appuyé sur une fenêtre ovale ou circu- laire : Vautre, quii est sur une fenêtre rectangulaire , ce qui est encore plus commun , mais ces deux ma- nières ne sont pas les mêmes pour ï élégance.

(2) Pline y liw XXX F, § 11.

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la personne en entier. La connaissance que nous donne Polibe des habits et des orne- mens dont on les revêtait dans des occasions solemneïles , nous apprend assez clairement que ce n'était pas de simples têtes ou des kermès (ij. Ce devait donc être probable- ment des bustes en cire, de ronde bosse y peints ensuite comme la nature ? quelque- fois couverts de draperies , et qui étaient placés dans des armoires sous les vesti- bules ou portiques des palais. De vint, à ce quii paraît , Tusage des bustes en relief si général chez les Romains ? et des ima- ges des hommes célèbres , et des bienfaiteurs que ton conservait dans les maisons des par- ticuliers communs (i J , de celles que les ci- toyens dédiaient dans les temples ( 3J , et

(0 Èw. VI , § 5i.

(2) De même que ce vultus dEpicure que les Ro- mains, ses sectateurs, transportaient d appartement en appartement ; de même ces images de Titus dans les provinces 7 et de M. Aurele à Rome } on regardait comme un sacrilège , selon la phrase de Capitolinus (in M. Àurei., 18), si on ne les avait pas chez soi y qui per fortunam vel potuit habere , vel debuit. Ces drt lier es paroles prouvent qu on parle d images scul- ptées soit en bronze , soit en marbre.

(3) Tels sont les bustes que Von voit dans les mains

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enfin de celles qiiïls placèrent sur les tom- beaux. Comme elles occasionnaient moins de dépense que des statues entières 9 on les introduisit peu à peu pour représen- ter les images sacrées des Dieux > et le plus fréquemment pour les divinités É- gyptiennes > dont le culte fut précisément très-répandu à cette époque dans V empire romain (i).

Ce nouveau genre d'images s^étant intro- duit dans la sculpture et dans Tart du sta- tuaire et du modeleur, les langues qui étaient arrivées à leur perfection, et fixées par tant d écrivains , ne se servirent plus de termes nouveaux pour indiquer ces ouvrages* Les Latins , dans le meilleur temps, comme dans

de quelques figures y sur un bas-relief de la ville Al- bani ( Marini , Iscrizioni Albane, n. CV.)i dans cel- les d'une statue en pied qui est au palais Barberini ; à une autre y assise, appartenant à la maison Ron- danini; cette dernière pouvait appartenir à quelque tombeau.

(i) Delà les bustes de S ér apis et d' Isis , dont quel- ques-uns sont publiés dans ce volume. On peut aussi donner à cette époque le beau buste du Soleil qui a été acheté dans la Grèce par le chevalier Zuliani. Ce fut en effet à cette époque que le culte du Soleil fut plus général) comme nous l'avons démontré ailleurs.

ceux qui se corrompaient déjà, se plurent à les designer par le mot vultus, quoi- que impropre, et convenant mieux pour signi- fier un masque ( i J. Il semble en outre qu'on les appelait plus communément thoraces et thoracides. Postérieurement on les désigna encore par d autres mots , quelques-uns plus généraux , d'autres tenant du grec , et enfin quelques-uns corrompus , lesquels ne signifiaient le plus souvent que des bus- tes en bas -relief. Tels furent ces mots eli- peus , discus , cyclus , strongyle , thoracleta, scutarium , et par plus de corruption sur- tarium, imssorium, ainsi que d'autres* que le savant Salmasius a recherché et décou- vert avec beaucoup de soin et d'érudition, et expliqué dans différens endroits (2,). Les Grecs, comme nous l'avons vu, firent pren- dre ce sens h leur mot protome, qui de- vint propre par la suite y et dans un âge

(1) V. pour les exemples les lexiques et les glos- saires.

(2) Salmasius 9 ad Solinum, pag* 610, édition» Trajecti , 1689 ; et ad Trebel. Poil. , et Claud. Goth. 3 ; Du-Cangey Glossarium med. et inf. Latinit., aux mots cités.

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plus récent ils lui substituèrent V expression plus particulière de l^4pm (\) ( Stheta- rium ) y que Von peut traduire par image avec la poitrine seule: cette expression^ et par elle-même et par V usage qu'on en fit,resta indéterminée pour signifier tant les bustes en plein reliefs que ceux qui étaient atta- chés sur quelque surface y soit que ceux- ci fussent ciselés ou peints.

Ceux qui ont recherché les racines de notre langue trouvent Vétymologie du mot busto (buste ) , dans les langues du Nord (2) ; il leur paraît que le mot teutonique brust ( poitrine ) y qui répond au mot anglais breast , est la véritable source de V exprès sion dont il est question y comme voulant exprimer une figure y compris la poitrine 9 et correspondant par cette raison infini- ment avec le grec ^^rdpiov. Quelque vrai- semblance que puisse avoir une telle ori- gine, je n'en ai cependant trouvé aucune trace dans les écrits de la basse et la plus

(1} Du-Cange7 Glossarium iufimac Graecitatis, Vi

(2) Ménage y Origini della lingua italiana, au mot Buste.

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mediocre latinité, doit Von puisse tirer des probabilités sur V admission faite en ce cas d'une langue dans Vautre ; et dans les glos- saires on ne trouve aucun mot qui ait quel- que ressemblance à celui de buste > ni qui annonce par sa signification quelque dé- rivé de cette racine teutoni que dont il vient d'être parlé. Je désire proposer une autre étymologie , parce quii ne me semble en aucune manière probable que > tandis que V Italie était remplie d images en forme de bustes , une partie reste des arts et des usages antérieurs, et partie objets actuels du culte religieux, on eût attendu que les peu- ples barbares lui enseignassent comment on devait appeler ces images. Je crois plutôt que ces sculptures formées jusqu'à la poi~ trine ayant été employées ordinairement à V époque de la décadence de V empire, tant en ronde bosse , qu'en bas-relief sur les mo- numens sépulcraux , la désignation de bus- tes (i ) a prévalu dans le moyen âge pour signifier cette espèce de monumens , et que les images eurent ; le même nom. De même

{v) Du-Cange 9 v. Bustum.

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aussi les figures des Martyrs Chrétiens que les écrivains du temps appelaient encore les thoraces, et que Von vénérait dans leurs bustes, ou sépulcres qui renfermaient leurs corps. Alors buste ou thorax devinrent sy- nonimes dans la langue , et le premier mot fut pris pour le second, non-seulement lors- qu'il s'agit de parler du portrait , mais même lorsqu'on voulut désigner cette par- tie du corps humain. Comme quelque temps avant les termes de clipeus , discus , mis- sorius, indiquèrent non-seulement le bou- clier ou le plateau , mais encore l'image qu'on représentait dessus dans le riiilieu y de même on distingue par le nom de buste cette espèce de portrait que Von trouvait pl us communément dans les monumens funèbres , et le respect que Von portait à la sépul- ture les avait fait épargner pendant plus long-temps , et leur avait donné le moyen de survivre aux effigies des empereurs et des grands, qui à V époque de la subversion de l'empire, de celle de ses divinités, lors du changement de la religion, furent abattues et brisées.

Il n'est pas un de ceux qui s'occupent

un peu des choses antiques qui ignore que les bustes furent employés en grande quan- tité sur les sépulcres. Les sarcophages > les urnes cinéraires , les cippes , avec le buste des défunts en bas-relief sont très-connus. On trouve aussi grand nombre de bustes inconnus en relief entier , dans les décou- vertes qui se font sans cesse de sépulcres romains y quelques-uns avec des épigraphes qui ne font qu'assurer leur destination (i).

Tai pensé que toutes ces choses méri- taient d'être exposées , pour plus grande in- telligence y h ceux qui voudront feuilleter les gravures et leurs explications , de la précieuse collection de ce genre qui fait la matière de ce volume ; d'autant plus que les écrivains sur les antiquités et les artSj n'ont pas traité ce sujet , et n'ont rien dit de semblable.

(\) V. 7 par exemple , dans le Musée Capitolili % dans la pièce ditte Miscellanea, à l'épigraphe écrite sur son piédestal qui est d'un seul morceau:

MEMORIAE T. FLAVI EVCARPI AVONGVLI C. IVLI EVROTIS

*9

Les monumens que nous offrons peuvent être distribués en trois sections ou classes principales. La première renferme les têtes et les bustes des Divinités, ou des sujets appartenant à la mythologie ; au nombre de ceux-ci y excepté six, qui ont été des bustes dans V antique , les autres sont des kermès, ou furent des têtes et un autre genre de simulacres que depuis on a façonnés en forme de bustes. La seconde contient les hommes illustres } ou pour mieux dire les portraits grecs , et ceux-ci sont la plu- part en forme d'hermès. La dernière est celle des portraits romains , presque tous des empereurs ; et celle-ci contient plus que les autres de véritables bustes, parce que ces sortes d'images furent plus fré- quemment et plus généralement en usage à cette époque.

En expliquant ces monumens je n'ai pas entrepris de répéter V histoire des empe«< reurs , ni celle de la littérature grecque ; je me mis attaché à examiner les parti- cularités du marbre que fai eu sous les jeux , fai indiqué les anecdotes biogra- phiques, mais autant qu'elles pouvaient ser-

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vir à porter du jour sur quelque circon- stance particulière à l'image même. Tai fait remarquer les différences entre V anti- que et le moderne > et même les restau- rations antiques, et je Vai fait avec la même fidélité et exactitude dont j'ai fait profes- sion dans les volumes précédens*

3i

D U

MUSÉE PIE-CLE M ENTI K

PLANCHE I. Jupiter *.

Cette tête colossale, noble, du roi des Dieux pro- vient des fouilles, de la colonie d'Otriculum. Ainsi la munificence de Rome se répandait jusques dans les plus petites villes, et partout laissait des ves- tiges de sa splendeur. Le Dieu tutélaire du Ca- pitole devait exiger un culte plus solemnel que tout autre dans les colonies romaines ; et ce fut pour cela qu'on lui consacra plus qu'à toute autre di- vinité des simulacres colossaux ( i ). Mais de toutes

* Hateur avec son piédouche , quatre palmes et demie. Il est en marbre de nos contre'es. On Ta découvert à Otricoli dans les grandes excavations que le pontife y fit exécuter.

(i) Pausanias , Attica, ou liv. T; ch. XVI H ) Eliac. I, ou liv. V, ch. XI, XXUI, XXIV 5 Pline, Hist. nat. ? liv. XXXIV , $ XVilL

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les effìges de Jupiter qui nous sont restées , celle* ci est la plus grande dans ses dimensions. La va- leur de la matière aura été la cause que tant d'au- tres, et si belles, que les anciens avaient élevées et dédiées dans les temples de ce maître de l'Olym- pe, ont été perdues.

On peut croire que les traits sous lesquels nous voyons ordinairement Jupiter représenté sur les mo- numens romains , sont une imitation des statues les plus remarquables de ce Dieu, qui étaient exposées dans Rome à la vénération publique. Peut-être que le Jupiter en ivoire de Pasitèles, ou celui en bronze de Sténide , le premier placé dans le temple bâti par Métellus, le second dans celui de la Concorde, étaient les originaux que voulaient suivre les artistes ( i )* Ceux-ci avaient peut-être eux-mêmes donné à leur fi- gure les traits qui avaient été inventés par d'anciens sculpteurs, et admirés dans toute la Grèce. Il est ais é de remarquer que les médailles de la Grèce mère, et celles de l'Asie , de même que d'autres battues ou dans l'Italie ou dans la Sicile et en Egypte, nous offrent souvent des têtes d'une beauté sur*

(i) Pline, liv. XXXIV, § XrX , n. 33. Sténide était postérieur à Lvsippe et à Praxitèle. L'art avait donc déjà de son temps acquis toutes ses grâces. Pasitèles fut aussi un des artistes grecs le plus admiré à Rome pour ses ou- vrages d'art et pour ses écrits. Pline parle } liv. XXXV, § 4 ; l9> de son Jupiter en ivoire qui fut fait exprès pour être placé dans le temple que Métellus le Macédo- nien fit élever, en le faisant rivaliser avec les plus fa- meux de la Grèce,

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prenante > auxquelles on ne pourrait facilement appliquer tous ces caractères que Winckelmann a regardé comme presque les seuls propres et distin- ctifs de la physionomie du Grand Dieu (i). Je ne crois donc pas que ces formes, si généralement adoptées et consacrées par l'usage , ayent été imi- tées constamment d'après un original de l'art plus antique. On s'éloignerait moins de la vérité en for- mant la conjecture que le Jupiter Olympien de Phidias, si célèbre dans l'antiquité, a peu à peu

(i) Winckelmann, Hist. de V art 7 etc., liv. V, ch. i y § 27 au 53. Le Jupiter Eleuthere , sur les me'dailles de Syracuse, d'un beau travail; a la barbe si longue, qu'il est très-différent des images ordinaires de ce Dieu. Le très-beau Jupiter des grandes médailles des Ptolomées a les cheveux si hérissés , qu'on devrait plutôt le prendre, dit Winckelmann, pour un Pluton ; mais l'aigle et le foudre gravés sur le revers déterminent le sujet. Le Jupiter Hellenius est tout-à-fait sans barbe , etc. Tant il est dif- ficile d'assigner certaines règles auxquelles n'ont jamais pu s'assujettir uniformément ces artistes anciens vivans à des époques si différentes , dans des pays si éloignés , sortis d'écoles qui ne se communiquaient pas , et ayant pour guides des traditions et des superstitions si variées* Parmi les monumens qui existent à présent , le Jupiter des candélabres de ce Musée (tòme IV, pl. II), celui de l'autel Capitolili, et tant d'autres, ont la barbe lon- gue et presque pointue , la chevelure bien soignée et for^ mée en tresses. Il y a dans la collection des pierres gra- vées du Vatican un superbe niccolo sur lequel Jupiter est représenté avec une physionomie extrêmement ma- jestueuse, mais cependant avec une disposition diffé- rente de l'ordinaire dans la barbe et les cheveux.

Musée Pie-Clém, Vol. Yt 5

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été imîté par les artistes postérieurs qui l'admiraient, de manière qu'ils se sont persuadés que ce serait un crime de s'en éloigner (i).

(i) Je fonde ma conjecture en partie sur la tête de Jupiter grave'e sur les médailles d'Elide , en partie sur celle d'une autre médaille, dont je parlerai- bientôt. Les médailles d'Elide ne sont pas connues dans les collections, parce que les écrivains de Numismatique ne se sont ja- mais aperçus que les médailles avec l'épigraphe FA- AEIÛ'N, qu'on a vulgairement attribuées aux Falisques, appartiennent aux habitans de l'Elide ; dont elles por- tent le nom dans leur propre dialecte, et dont elles nous présentent les divinités principales , Jupiter et Junon. Sans relever les autres difficultés qui naîtraient en les attribuant aux Falisques Etrusques , les notices des an- tiquaires expérimentés, confirmées par les observations de M. Sestini (Lettere numism. fi tome II 7 lett. io), an- noncent que ces médailles viennent du Péloponnèse et non d'ailleurs. Que le H du nom des Eliens HAEIûN se changeât en A , AAEIûN cela est certain à cause de leur dorisme , qui nous est démontré non-seulement parce qu'ils provenaient de la colonie dorique d'Oxylos 7 très- connue dans l'histoire des Héraclides, mais encore par des exemples particuliers que nous offrent les écrivains; comme le T^OiVEQ pour Tjfjveç , nom qu'ils donnaient anx Jovi ( c'est-à-dire aux images de ce Dieu ) qui étaient consacrés dans Y Alti ( Pausanias , V, ch. 3). I/aspira- tion jointe au commencement est aussi particulière au dorisme, et on remarquait quelquefois sur les médailles la paléographie la plus ancienne. Les tables d'Héraclée en offrent des preuves ultérieures ; elles sont écrites en vieux dorique, ayant souvent le digamma, ou le vau ? ou le beth , qui reviennent au même, devant des voyel- les communément non aspirées ( comme FiAIOS , F El- KATI , pour ï$ioç,eheO(n)i et les mots latins vinum e

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I/air serein qui brille sur cette figure tranquille de notre Jupiter est bien convenable pour ce Dieu,

meus évidemment dérives de oÎvoç et oiKOÇ (voyez Ma- zoechi , ad ileg. Tab. Heracl. , page 28 et suiv. , spéciale- ment dans les noies). Outre cela, le dialecte des Eîiens se distinguait par ces aspirations , comme le prouve le mot BAAT ou FAAï , au lieu de HAT comme ils le prononçaient , dans lequel même l'H est transformé en À (Pausanias , même endr., ch. 21). Enfin la grande quan- tité de médailles de la ligue Achéenne, l'abbrevia- tion FA se voit également employée comme dans les médailles attribuées mal à propos aux Faiisques , et jointe au monogramme des Achéens ( Combe, Catal. Mus. Hunter. , pag. 5 et 6) , lève tout doute, à ce qu'il me Semble, sur cette observation numismatique. La Junoa qui se trouve souvent empreinte sur ces médailles , ne peut en aucune façon s'opposer à cette opinion ; et il n'est pas nécessaire de recourir aux figures de Junon de Fa- lisque pour l'expliquer , parce que Junon fut aussi vé- nérée dans l'Elide , son temple rivalisait avec celui de Jupiter Olympien, elle avait ses jeux d'Herœum , et beau- coup d'autres institutions établies en son honneur que l'on peut voir en détail dans Pausanias lui-même.

Pour revenir à notre sujet , non-seulement la tête de Jupiter sur les médailles FAAEIûN , Eleorum, a la dis- position de barbe et des cheveux semblable à celle que nous voyons ordinairement dans ses effigies, mais on la voit coiffée de même sur une belle médaille du Musée d'Hunter, frappée en Arcadie, quand ses peuples firent la conquête de l'Elide, et célébrèrent la CIV Olympiade (Pausanias, Eliac. Il , ou liv. ^1 > ch. XXII ) que l'on appela depuis Anolimpiade 7 et qu'on effaça des fastes Olympiques. Cette médaille est produite dans la plan- che \7U, n. 4 du Catalogue cité, et elle porte empreinte la tête; vue en profil, de Jupiter Olympien avant une cou-

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dont un sourire rendait les saisons douces et rian- tes (i), et que l'on distingue même des autres Dieux par l'épithète de Bienfaisant (2). A coup sur cette physionomie aura été différente dans ces simulacres , qui le représentaient ou comme ven- geur , ou comme Maître du Tonnère , ou comme 'Opmoç (Orcius) c'est-à-dire vengeur du serment (3).

ronne d'olivier, et dont les traits ont beaucoup d'analo- gie avec ceux de la nôtre. Le revers fait voir à l'ordi- naire Pan assis sur les rochers du Ménalus , avec le mo- nografie d'usage des Àrcadiens 5 mais on lit inscrit en petits caractères , sur la pierre où. est assis le Dieu , le mot OAïMIl- épigraphe que le graveur a fidèlement recopiée, et que M. Combe n'a pas aperçue. Or de cette médaille et du profil pareil à celui qui est sur les mé- dailles de l'Elide, je fixe le temps et le motif de cerare monument numismatique; et je conjecture aussi qu'on y a réprésenté le Jupiter Olympien si fameux , ouvrage de Phidias antérieur à cette époque.

(1) Juppiter hic rîsît , Tempestatesque serenœ Riserunt omîtes risu Jovis omnipotentis.

Ennius dans Servius , ad Aen. , I, v. 255.

(2) MsiMftlOÇ, v. Pausan. ; liv. II, ch. 28 et ailleurs.

(3) Pausanias , Eliac. I , ou liv. V, c. 24.- 'Q fa sv va

êç ekk7ìyi\w adïnov âvdpiïv &exoì?itcu. ê7tt.9e^(riç [lèv 'Opmôç èatiV dvrâ ; « Ce Jupiter qui est dans le « conseil est celui de tous les simulacres de ce Dieu le « plus propre à effrayer les méchans. Son surnom est Hor- « cius, comme si on disait le Jupiter des Juremens, etc. » Ce passage fait supposer que les anciens connaissaient d'autres images terribles de Jupiter: ce ne sera donc pas une particularité invariable de sa physionomie que le re- gard constamment serein que "Wiuckelmann lui attribue.

PLANCHE IL

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Saturne \

Cette physionomie majestueuse, dont les traits n'an- noncent pas un portrait , cette draperie > pallium^ qui l'enveloppe, ce voile, cette tête d'une proportion au-dessus du naturel, qui a peut être appartenu à une statue , et que la planche représente , me font croire que c'est une effigie de Saturne , au- quel conviennent ces formes , et dont la distinction

* Il a trois palmes deux onces de haut , et sculpté en marbre grec dur. On Tacheta par ordre de S. M. Clé- ment XIV du sculpteur Bartolomeo Cavaceppi ; qui avait fait de cette tête mutilée un hermès tel qu'on le voit à présent. Il pensa peut-être que c'était le portrait de quel- que homme illustrefc En effet on voit Euclide de Mégare, le fondateur de l'école Eristique, représenté de même 7 se- lon quelques-uns ? sur les médailles de Mégare , ayant la tête couverte d'un petit voile ( Gronov. ; Thes. antm Gr. ? tome II 7 page 82 ). Mais quoiqu'on pense de la probabilité pour ce portrait ? les traits exprimés sur ce marbre ont plus de grandiose ; d'idéal qu'il ne peut con- venir à un portrait ; et le manteau qui lui couvre la tête est beaucoup plus ample que ce paltiolum dont se ser- vaient les Grecs pour se voiler, et dont nous avons parlé à propos d'un autre sujet (voyez les notes de la planche XIX dans notre troisième tome 7 ou Ton fait quelques re- marques sur d'autres particularités de la tête de Saturne voilée ).

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particulière est d'avoir la tête couverte de son manteau (i).

Un des plus beaux monumens qui nous repré- sente cette ancienne divinité, spécialement protec- trice du Latium, c'est l'autel du Musée Capitolili, l'artiste l'a exprimée dans le moment que Rhée lui offre ci dévorer, à la place du jeune Jupiter, une pier- re emmaillotée, que les grammairiens appellent Aba- dir (2). Dans ce bas-relief on remarque le geste du Dieu qui soulève, un peu au-dessus de ses yeux, son voile avec la main gauche. Cette attitude est précisément répétée sur une pierre gravée de la col- lection de Stosch (5) ; et ce qui est plus singu- lier, c'est que la même se trouve dans le simu-

(1) Albricus, de Deor. im.9 c. 1 5 Fulgence ; Mythol.y liv. 1 , c. ïi. On le voit cependant sur des monnoies romaines avec la tête découverte, ceint seulement d'une couronne ou diadème. Il a quelquefois pour symbole la faux, qui fait allusion à l'agriculture qu'il introduisit en Italie. D'autresfois il a une épe'e à crochet ; appelée Harpe par Hésiode (Théog. , v. 176), précisément de la même forme qu'a l'épée de Mercure , ou celle de Persée sur les jnédailles grecques, et qu'à cause de cette forme on ap- pelle aussi Harpe* Les commentateurs l'ont prise pour une fourche à deux pointes 7 et ont pris pour un Pluton;ce qui était un Saturne (Thés. fanti* Morel. , Memmia , Ne- ria ). Winckelmann indique encore d'autres images de Saturne, également voilées ; dans sa Description des pier- res gravées de Stosch , classe II, sect. 1.

(1) Musée Capitoliti } tome IV , pl.Vj Prîscien ; liv. Vj Hésychius l'appelle en grec (3ahv?uOi>.

(5) Winctelmann; Cabinet de Stosch. ; cl. II , n. 5.

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lacre de Saturne unique qui nous reste, en grande partie mutilé , et couché , sans être connu , dans la cour des Massimi. Il était peint dans le tombeau des Nasons, aussi voilé , assis , dans la même atti- tude, et au moment il reçoit dans les Des For- tunées, qui étaient son royaume , et le séjour heu- reux destiné aux justes , une ame que lui conduit Mercure (i). Bellori y reconnaît tout autre sujet- La rareté des images de Saturne rend ce mar- bre très-précieux, d'autant plus qu'il est d'une di- mension plus grande que toutes les figures qui nous représentent ce roi de l'âge d'or. S'il n'est pas extrêmement conservé , et d'un travail très-fini , on peut y voir cependant un style grandiose qui an- nonce un sculpteur d'un talent peu ordinaire.

Parmi toutes les causes qui ont déterminé les théologiens du paganisme à couvrir ainsi de son manteau la tête de Saturne , je crois celle de l'al- légorie assez convenable pour cet objet -7 car elle

(i) Sépulcre des Nasons , pl. VIII. Ici aussi Saturne a été métamorphosé en un Pluton par l'écrivain. Mais la tête voilée et le geste de la main le font reconnaître pour Saturne. Il régnait en effet dans les Iles Fortunées , sur les ames des bienheureux , comme l'atteste d'une façon brillante Pindare (Olymp., od. Il, v. 127 , i38etsuiv.), ce qui est répété par l'auteur de l'inscription de Regilla^ que Ton conservait dans la villa Pinciana, à propos de quoi Salmasius, dans son docte commentaire sur ces in-r scriptions, s'étonne de cette particularité , et fait voir évi- demment qu'il n'avait pas eu alors présent à l'esprit les vers de Pindare que je viens de citer.

nous indique l'obscurité et les ténèbres dont est enveloppée l'origine de notre monde personnifiée par Saturne.

Minerve *•

Ce buste nous offre tant dans les formes du vi- sage , que dans sa draperie et dans l'ajustement de l'égide , un style grand que Fobservateur admire. On connaît si bien à présent Minerve et son ar- mure , qu'il serait inutile d'en faire l'explication. Cependant je ne crois pas moins faire plaisir à ceux qui occupent leurs loisirs par l'étude agréa- ble des antiquités , en leur donnant dans la note ci-jointe l'examen d'une tradition mythologique sur, l'égide de Minerve , laquelle , outre qu'elle n'est pas ordinaire , peut être sujette à différentes inter- prétations ( i ). Les griffons , animaux guerriers , qui

* Sa hauteur avec le pie'douche est de quatre palmes, sept onces > il est de marbre pentélique. On l'avait placé autrefois dans le château S. Ange 7 d'où on Ta trans- féré au Musée par ordre de S. S.

(») Cette tradition se lit dans les scolies de Tzetze sur Y Alexandra de Licophron 7 v. 355. Ce grammairien sup- pose que Pallas était une Nymphe de la Lybie ? diffé- rente de Minerve , tradition rapportée encore par Apol- lodore ( liv. Ili ; ch. ia , n. 5)) et que Minerve 1 ayant tuée dans un combat singulier entrepris par défi, la Déesse en eut un lei chagrin ? qu'elle honora sa mémoire

sont sculptés sur son casque, et les têtes de bé- lier qui en ornent la visière , grondaia , se voyent

et son effigie, en plaçant celle-ci près de Jupiter, dans le ciel, et en ornant sa poitrine de cette égide qui avait e'té la cause de la mort de cette infortunée : ce simula- cre de Pallas devint ensuite le Palladium de Troye. Voici les propres paroles de Tzetze : 'A«3^<x ïïep'ÛwjCOÇ lis âvrri ( ïiahhâfo âtioSavovorfi ) yevoybèvri, \òa>- vov eneforiQ ofxoiov narao'Kevdo'ao'a , TtepiéSero roïç erèpvoiç ò JLeyvm? afoiiïà , nai eTifia idpvaaybhri vtapà to Au\ que je traduis ainsi en latin : Minerva e jus caussa trislis ( Palladis nempe mortucte ) ligneo illius simulacro elaborato , pectori ejusdem circumdedit id quod vocant aegida} simulacrumque ipsum honore habitum juxta lovem locavit', après quoi il continue l'histoire de ce si- mulacre qui fut le Palladium. Aujourd'hui M. Heyne, sa- vant éclairé, qui honore l'Allemagne, est d'avis qu'on doit donner un sens différent à ce passage. Il croit que ces mots signifient plutôt, que Minerve avait formé le simu- lacre de Pallas, qu'elle l'avait suspendu sur sa poitrine, qu'elle lui avait donné le nom d'Egide, et qu'elle s'était assise à côté de Jupiter avec cette distinction particu- lière ( notes sur Apollod. , 1. c. ). Or le fondement d'une interprétation si singulière n'est que de considérer que Ylâpvcra^iévij , parole moyenne, paraît plutôt naturelle- ment signifier quae seipsarn locat } qtie quae aliquid lo- cai. Mais si cet illustre littérateur réfléchissait que les écrivains les moins anciens se sont tenus éloignés de cette rigidité grammaticale qu'il suppose ; qu'Apollonius de Rhodes, auteur bien plus exact, a cependant employé l'aoriste moyen l^piffao^ai dans un sens purement actif {Argon. } liv. I, v. 959); que le récit d'Apollodore con- firme trop ouvertement la première interprétation , et qu'il faudrait trop l'altérer ou lui faire effort pour en tirer la seconde } et qu'enfin le sujet même du discours

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aussi sur les casques de Mars. Ainsi on pourrait encore soupçonner que ce buste représenterait plu- tôt Rome (i).

exclut tout-à-fait son explication, puisqu'il ne s'agit pas de nous apprendre ce qu'était l'égide , et si Minerve la portait ou non quand elle s'assit aux côte's de Jupiter, mais seulement de raconter quelle fut l'origine du Pal- ladium, lequel e'tait un simulacre en bois de Pallas orné de l'égide, placé dans le ciel en grand honneur près du trône de Jupiter, et qui fut ensuite précipité sur Troyej il me semble que l'écrivain ingénieux et justement ré- nomé pourrait changer d'opinion sur cette petite parti- cularité de sa vaste érudition en mythologie.

(i) De semblables emblèmes se voyent dans les bas- reliefs des candélabres sur le casque de Mars •> on les remarque encore dans la superbe statue du Dieu de la guerre, que vulgairement on appelle Pyrrhus, placée dans le Musée Capitolin. Mais comme ce sont cependant des images simplement relatives à la guerre , les griffons à cause des combats qu'on supposait qu'ils avaient li- yrés aux Àrimaspes , les béliers à cause des machi- nes qui portent ce nom , dont on se servait dans les sièges des villes , on ne peut les appliquer à Minerve. Quand on a voulu éviter tout équivoque entre Rome et Minerve , on a placé sur le casque de la première l'image de la louve , comme dans la belle tête de la villa Pinciana, on l'a vctue en Amazone avec une épaule nue, ce qu'on n'a jamais fait pour la Déesse tutelaire d'Athènes.

PLANCHE III.

45

§ h

Mercure avec le pétase *.

Le messager des Dieux avait dans ses vêtemens tout ce qui était particulièrement nécessaire aux voyageurs ; de ce nombre était le pétase ou cha- peau , qui n'était pas ordinairement en usage parmi les hommes qui, chez les anciens, menaient la vie de simples citoyens ou de guerriers , à moins qu'ils n'en eussent besoin en voyageant ou en chassant, pour se garantir de la pluie ou du soleil, et c'est sous ce dernier rapport que Ton appela cette coif- fure causict. Sans citer beaucoup d'exemples , on voit Méléagre en chasseur sur les médailles d'Eto- lie des Aniens , Thésée en voyageur sur un vase de terre cuite , il est peint tuant le PitiocamptCi tous deux ont leurs chapeaux attachés à leur cou et rejetés par derrière sur leurs épaules (1), C'est ainsi que Mercure porte le sien, dans ce bas-relief,

* Hauteur de tout Thermes deux palmes, deux onces j la tête seule reste de l'antique ; elle est de marbre grec.

(1) Winckelmann, Mon. inéd. ; num. 98. Le chapeau était si un usage pour les voyageurs 7 que dans le Tri- nummum 7 acte IV ; se. 2 , v. 9, Plaute introduit un pre'- tendu voyageur venant de contrées éloigne'es ; et il lui donne un chapeau à rebords si larges ; que l'autre in* terlocuteur en le voyant ne peut s'empêcher de dire Fungine genere est 7 capite se totum tegit.

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il est représenté lors qu'il remet à Orphée son Eu- ridice , si l'ancien auteur des inscriptions gravées sur ce marbre napolitain , ne s'est pas cependant trompé sur le sujet (i). 11 est possible que le cha- peau de Mercure ne soit pas différent du bonnet Àrcadien qu'on lui a donné pour distinction, pour indiquer sa patrie , parce qu'on le supposait à Cyllène, comme on se servait du bonnet Lacédé- monien (2) pour distinguer les Dioscures nés à Pe- phnos. Quoiqu'il en soit , une chose certaine, c'est que le pétase sans les ailes , qu'on lui a depuis ajouté ou pour marquer la vélocité du messager céleste, ou pour quelques autres allusions, est pla- cé sur la tête dans les images de Mercure sur beau- coup de médailles grecques et latines, de sorte qu'on ne peut pas avoir le moindre doute sur le sujet de cette sculpture, dont la forme a été à présent réduite à celle qu'ont les hermès, forme d'ailleurs plus particulièrement destinée pour les images de ce Dieu.

(1) Le même Winckelmann en fait mention dans l'ou- vrage cité au n. 85. On doit ne'anmoins préférer l'autre indication des sujets que nous trouvons dans les épigra- phes d'un bas-relief semblable de la villa Pinciana, ou. Ton donne le nom de Zétus à cette figure, qui porte dans le bas-relief de Naples le nom de Mercure»

(2) Polienus et Philostrate font mention de ce pîleus , bonnet, ou pétase particulier aux Arcadiens, qui de-la s'appellent 1 Kpnàç ou ' ' kpxadmôç rtïXoç. On peut voir les passages ou ils en parlent dans le Splcilegium de Mtursius à l'Idylle XV de Théocrite.

1

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§ 2.

- Mercure aile *.

On ne reconnaît Mercnre dans ce buste qu'à un seul caractère distinctif, comme dans le précé- dent hernies. Dans le dernier c'est le pétase , dans celui-ci ce sont les ailes à la tête qui nous font connaître le Dieu de l'éloquence et du génie , au- quel on attribuait en grande partie la culture et le perfectionnement du genre humain. Peut-être que ces ailes que nous voyons au chapeau de Mer- cure , d'autrefois attachées à sa tête par quel- que bandelette , sont une imitation que firent les Grecs de ces deux plumes que l'on voit si sou- vent orner la tiare des statues égyptiennes , et qu'en- suite ils les firent naître de la tête même , ou du front de ce Dieu , pour montrer que le génie est pourvu d'ailes, et pour rendre l'allégorie plus sensible.

Comme le culte et les fonctions de Mercure étaient très-répandus parmi l'opinion et dans les idées superstitieuses des Payens , il me semblerait peu raisonnable d'élever quelque doute sur le su- jet de cette sculpture , en prétextant que Mercure n'était pas le seul à qui on donnait des ailes au front, puisque cette marque distinctive désignait également les images des Vents et celle du Dieu

* Il est de ce marbre très-fin 7 blanc, que les ouvriers appellent improprement de Paros ; sa hauteur avec le pîe'- douche est de trois palmes, trois quarts.

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du Sommeil (i). Ce sçrait avec plus de fondement que l'on pourrait soupçonner qu'on eut ici formé le portrait de quelque Romain sous les apparences qui conviennent au fils de Maia car la chevelure paraît plutôt propre à la mode des Romains , que telle qu'on a imaginé celle de Mercure j et même les traits du visage quoique très-beaux et gracieux , n'ont pas ce caractère de grandeur que l'on re- marque aux divinités grecques (2).

(1) Les Vents ont les ailes aux tempes ^ et dans le dyptique qui représente l'apothéose de Romulus dans Buo- narroti, et dans un bas-relief très-rare ine'dit près du sou- verain pontife qui le reçut en présent du chev. anglais M. Henri Blundell, dont nous avons déjà parlé, en outre les classiques leur donnent aussi ces ailes. V. Silius Ital. , liv. VIII? v. aS^; et Orphée; Argonàuta, v. 3i9; il donile les ailes au front des deux fils de Borée et d'Ori- thie Zétes et Calais. On doit ici rejeter la correction de Vesselingius , ProbabiL } IX , page 78, qu'a suivie Ma- thias Gesner dans son édition de ce poëte , d'après la- quelle on lit que les deux enfans de Borée

Taperoîciv vxvarioiç ^sTtor^vro Alis sub auribus enatis volabant , il faut lire à la place à' viryarioM; , eTCSarioiQ , c'est-à- dire alis supra aures enatis : puisque ni les têtes ailées des Vents , ni celles de Mercure ne se trouvent point avec des ailes placées comme le supposent Yesselingius et Gesner, mais aux tempes, et par cette raison au-des- sus des oreilles. Il n'y a que nos modernes Chérubins et quelque image for trare des Génies de Bacchus qui soient représentés avec des ailes derrière la tête, de sorte qu'on puisse dire que celles-ci sont viryatlOl sub auribus ena- tae.

(2) En observant très-en détail ce morceau antique 7

4?

PLANCHE IV. § *•

VuLCAIN *

Les dénominations données ici aux deux ber- mès représentés dans ce dessin ne sont appuyées que sur des conjectures ; et quoiqu'il se trouve cependant quelque probabilité en leur faveur , il serait possible que la découverte de monumens nouveaux ou des observations plus justes , nous obligeraient à rejeter ces dénominations. Mais com- me de l'examen de leur caractère et de leurs at- tributs il pourrait ressortir quelque lumière utile à d'autres restes de l'antiquité figurée , ce ne sera pas sans fruit , et même sans quelque plaisir, que nous nous livrerons à cet examen.

il semblerait que l'artiste aurait d'abord, en le commen- çant, exe'cuté ce portrait sans avoir l'idée de lui donner aucun attribut de Mercure , et qu'à cet effet il avait sculpté les cheveux repliés vers le front selon l'usage ro- main du temps d'Auguste j et qu'ensuite pour en faire un Mercure il a du lui rapporter des ailes au moyen de deux petits tasseaux ( celles qui se voyent maintenant sont modernes, sur les vestiges des anciennes ), et qu'en outre il lui a découvert le front , et replié les cheveux en ar- rière parce que cette manière convenait mieux au su- jet. On voit avec évidence les traces d'un travail fait après coup.

* Hauteur, y compris Thermes, deux palmes, dix oncesj sculptés en marbre de Luni un peu taché.

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Il m'a semblé que Ton pouvait regarder Vul- cani comme le sujet du premier. Sa marque dis- tinctive peut être ce singulier bonnet qui paraît presque adhérent à la tête , en la serrant par tout de si près, qu'on n'y trouve plus de place aux cheveux. En outre, sa physionomie n'est pas beaucoup différente de celle que nous avons trou- vée à une petite idole en bronze , découverte dans l'île d'Elbe, et qui a été publiée dans les anti- quités d'Herculanum (i). Les commentateurs ont aussi cru y reconnaître un Yulcain , avec des mo- tifs un peu foibles certainement, mais qui sont deve- nus pour moi assez vraisemblables depuis que j'ai découvert une image de Yulcain dans un sembla- ble costume, et qui était incontestable. Cette image n'avait pas été jusqu'alors connue; au contraire , à raison des restaurations, faites sans intelligence , elle avait donné lieu à ce que quelques antiquaires tom* bassent dans des équivoques bizarres (2).

(1) Bronzi y tome II , Préface.

(•2) Il est sur le bel autel de la ville Borghese qui était consacre aux douze Dieux. Cette figure avec une te'naille à la main; principal attribut du Dieu des forgerons, étant brisée dans la partie supérieure 7 a été restaurée pour une figure de femme , précisément parce qu'étant vêtue dans le même genre que l'idole de bronze citée , le res- taurateur ignorant a pris ce vêtement pour celui d'une femme; de-la toutes les observations inconséquentes de Winckelmann , qui a prétendu l'expliquer 7 sans s'être a- perçu de la restauration (Monum. inéd, ; n. i5). Je la donnerai avec toutes les autres figures de ce très-rare monument, dans les planches de supplément.

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L'usage de se raser la tête très-près de la peau était peut-être particulier au peuple, ou à la ville dans laquelle cette image avait été en vénéra- tion. On n'a pas besoin d'autres exemples que des figures étrusques dont la tête est ainsi rasée (i). Les effigies de Vulcain sans barbe sont assez con- nues par les monumens et par les écrits (2)»

Cette tête , qu'on a réduite depuis sous la forme d'un hermès , nous offre un travail que l'on peut croire plutôt étrusque que grec antique , sur- tout la qualité du marbre de Luni pouvant la faire attribuer aux ouvrages toscaniques,

§ 2. Vénus *. On appelle vulgairement portraits de Saplro des

(1) Nous avons fait remarquer à propos de la planche XXXII du tome IV que Ton variait l'habillement et la parure dans les simulacres des Dieu* . selon les différens usages des nations. Adrien Junius > dans son opuscule de Coma, ch. 2, parle de différens peuples d'Italie qui eurent cet usage de se raser. On Voit petites idoles, regardées comme étrusques, dont la tête est rasée) dans Caylus , Recueil , tome III, pl. XVIII; t. IV, pl. XXVI> XXV II et ailleurs.

(2) Voy. le passage du scoliaste au v. 56 à'Oedipe à Colone de Sophocle qu'ont cité les historiens des pein- tures d'Hereulanum, dans les notes à la pl. 26 du III vo- lume ; ils y rappellent d'autres images de Vulcain sans Larbe.

* Haute, jusqu'à la poitrine, d'une paline, deux onces | sculptée en marbre pentéliqne.

Musée Pie-Clém. Vol. VI. 4

5o

têtes de femme* dont les cheveux sont ainsi réu- nis par derrière sous la coiffe ( KaMitipa en grec, et que les Latins nommèrent Mitra ), retenus par devant au moyen de deux bandelettes , et tom- bans en boucles sur les joues. Quiconque exami- nera les traits de celle-ci ne doutera nullement qu'elle est absolument idéale. Mon opinion me porte à croire que les cheveux ainsi arrangés peuvent indiquer quelquefois Xénus , puisque je lui vois le même genre de coiffure dans deux tableaux d'Her- culanum (i), et que je remarque à peu près le même acoutrement de tête dans les images d'Erato , de l'Espérance , et même dans la statue d'une des Parques (2) j sujets qui ont tous quelque rapport mythologique avec Vénus.

( (1) C'est-a-dire dans la Yénus couchée sur une con- que, publiée à la plane. III du tome IV, cette coif- fure est de couleur d'or, comme on la voit aussi de même couleur à la Vénus aux trois Amours de la pl. VII du tome III. On n'a peut-être pas encore observe cela, parce que rarement les. "Vénus nues sont ajustées ainsi, et que d'ailleurs les antiquaires ne reconnaissent des images de Vénus que dans celles qui sont nues. Quant à moi cepen- dant, je crois que Tune des plus élégantes figures de fem- mes a mi-corps du Musée Capitolili (tome III, pl. LXXI) qui a la même coiffure , représente aussi une Vénus. La grâce du visage, la douceur des regards, cette tunique qui tombe de ses épaules, que nous avons remarquée à d'autres images de la même Déesse (tome III, pl. VIII, et pl. C. III , n. 5 , p. 25o ) sont des particularités qui appuyent cette conjecture.

(2) La tête de la Muse Érato qui est sur le sarcophage du Capitole est ainsi couverte, et peut être k son imi-

5r

Si quelque personne prétendait que Foli dût re- connaître dans cette image une E rato , plutôt que Vénus , je ne m'y opposerais pas trop; mais ce qui m'attache à donner la préférence à la première dénomination , c'est d'apprendre de Pausanias que Vénus se représentait en forme d'hermès , et que l'hermès de la Vénus Céleste à Athènes , portait une épigramme gravée , dans laquelle on la con- fondait avec les Parques , l'une desquelles avait^ comme je viens de l'observer, la même espèce de coiffure (i).

tation celle de Sapho sur les médailles de Mytilène. Ainsi est à-peu-près l'Espérance sur les candélabres Barbérins, que nous avons publiée , pL VIII de notre tome IV , laquelle est peut-être Vénus même, comme Déesse du printemps, et qu'on nomma par cette raison Vénus Cloris ( voyez FAleandre , ad Tab. Helîac). De même enfin la statue inédite trouvée à Tivoli, que je crois une Parque, et qui se voit chez M. Vincent Pacetti. Celle-ci est dans la même attitude que l'image d'une Parque qui est sculptée sur un bas-relief Capitolin ( t. IV, Mus. Capit. , pl. XXIX ). Elle a sur la tête cette espèce de coiffe ou filet, ce qui lui a fait donner par Pindare le nom lLpvaa{l13VÌ; , et l'on voir se croiser sur son sein et sur ses épaules deux baudriers qui soutiennent les ailes, comme on les voit sur beaucoup de sculptures antiques , et particulièrement aux statues de la Victoire qui sont à Post dam : à présent les poètes et les sculpteurs donnent des ailes aux Par- ques (V. notre tome IV, pl. B , page 366 ). Dans la note suivante nous parlerons des rapports de Vénos avec les Parques.

(i) Pausanias, Attica , ou liv. chap. 19: Taérqç ( Appoâh^ç) (r%tfn>a, (tèf Terpdy0vov n^k rama*

5*

PLANO II E V.

Océan *.

Les sourcils , les joues écailleuses , la barbe et les cheveux qui semblent des eaux ondulées et tombantes, les dauphins bizarrement entrelacés dans la barbe, enfin les ondes qui environnent sa poi- trine , et les épaules de cet hermès colossal , sont des signes suffisans pour établir la conjecture que c'est un portrait de quelque Dieu marin (i). Le

vcai ro7ç èpiiaïç' eiclypa^ifjba, <rqp&foe$ iriv Qv- paviàv ' &(ppoiïivviv tqv na^v^èvQV Woipov ehai fap&* C^wâtriV: « La figure de cette Vénus est un pilastre « quarre' en forme d'hermès : l'inscription porte que Vé- « nus Uranie est la plus ancienne des Parques. » Cette inscription était certainement relative à la The'ogonie la plus ancienne , Vénus signifie la nuit primitive 7 du sein de laquelle était sorti l'univers.

* Hermès en marbre grec, ayant de hauteur, depuis le sommet de la tête au bas de la poitrine, trois palmes, trois quarts. On Ta trouvé dans le Labour à peu de dis- tance de Pozzuoli , il fut acheté par un étranger, qui le fit restaurer à Rome, et le revendit ensuite au S. Pon- tife Clément XIV.

( i) Dans le Musée Capitolin , et parmi les antiquités dernièrement découvertes dans les fouilles que Ton a fai- tes en divers endroits du Latium, et de la campagne de Rome par les soins de M. Antonio Despuig de Ma- jorque évêque d'Origuela, on voit des hermès à deux fa- ces , de divinités marines avec des écailles semblables, des petites nageoires de poissons aux joues et aux sour- cils '9 mais cette singulière union des dauphins avec la barbe, dans notre hernies, est unique.

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premier qui se présente à l'esprit c'est l'Océan le fils aîné des Titans , que le poëte appela Pater rerum, selon les doctrines Orphiques 7 et celles de la philosophie jonienne(i). Mais un examen porté plus loin y fait reconnaître quelque divinité ma- rine du second ordre , par exemple un Triton. Voici sur quels motifs je fonde cette opinion.

Il paraît que Winckelmann donne le nom d'Océan, à un grand masque de quelque Dieu marin , qui a beaucoup d'analogie avec le morceau présent , et que le vulgaire ne connaît que sous le nom de Bouche de la Trèrité (2). Ce masque servait au milieu d'une place à recevoir les eaux par les trous pratiqués dans la Louche % daus les narines, dans les yeux , et à les répandre dans quelque égout. L'emploi qu'il avait de donner passage à ce lu quide, les écailles des joues, les pinces, chelce, au front pouvaient appuyer une semblable dénomina- tion. Mais je trouve au contraire dans un passage de Properce , dont ce monument est le commentaire lumineux €t unique , que ce Dieu sculpté, dont il

(1) Apollodore , Bihl.} liv. I, chap. 2; Virgile, Georg. IV, v. 382.

(2) Dans les Monum. inéd. ? n. 21. Ce qui pourrait con- firmer cela, c'est que Ton voit à Fautel Borghese , dont il donne l'explication, et dans d'antres monumens, la figure de l'Océan avec les chelœ ou pinces de l'écrevisse au front: mais dans ces images la tête de l'Océan n'a sur le vi- sage ni sur la poitrine aucune écaille, ni aucune autre monstruosité sensible.

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parle, est appelé Triton (i),- d'où je puis inférer avec

(i) Properce , liv. II, éleg. XXXI , v. 1 1 et suiv. Scilicet umbrosis sordet Pompeia columnis

Portions aulaeis nobilis Attalicis ; Et creber platanis pariter surgentibus ordo s

Flumina sopii o quaeque Maro ne cadunt , Et leviter Nymphis tota crepitantibus urbe ,

Quum subito Triton ore recondit aquam. Comme ce passage ne peut être compris sans avoir sous les yeux des sculptures semblables à celle-ci , aussi ne Fa-t-on pas bien entendu jusqu'à présent» Le poëte parle certainement de ces pièces circulaires en marbre,, sur les- quelles on sculptait le visage d'un Triton, que Ton pla- çait sur le pavé de quelque lieu public, et par lequel au moyen de trous, principalement à la bouche, on rece- vait les eaux qui s>'y déchargeaient des fontaines voisines coulant perpétuellement } ou celles des ruisseaux des rues , dans des momens de pluies abondantes. Malgré cela, faute d'avoir connu cette note d'antiquité, Scali- ger? Passerazi , et les interprètes les plussavans, ont en- tendu, dans le sens contraire, des paroles du poète qu'il s'agissait d'un Triton qui jetait au loin l'eau par la bou- che , et ils expliquaient ore recondit pai? l'expression op- posée refundit. Frédéric Barzius, dans son édition de Pro- perce, s'étant aperçu que cette interprétation manquait de justesse 7 a imaginé je ne sais quel jeu d'eau ; de sorte que Triton in lacu posi tus et jacens aquam ore suo absorpsit , et per tubos deinde ad Maronem reliquasque JSympharum statuas circa porticum Pompeii positas , et per totam urbem crépitantes deduxit. La vue d'un seul marbre pareil à celui de la Bouche de la Vérité , aurait^ sans tant d'embarras, dissipé toute incertitude. Je pré- férerais cependant que l'on expliquât le dernier dystique par eaux pluviales , en lisant, comme font d'autres, Lym~ phiSj au lieu de Nymphis, et mettant qui au lieu de quum, monosyllabes qui sont ordinairement en abrégé dans les

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beaucoup de raison que notre hermès, qui a avec lui tant de ressemblance, doit être aussi regardé comme un Triton.

Des formes composées d'une façon si bizarre ne pouvaient convenir à un Dieu comme était l'Océan, frère de Saturne, le plus juste des fils du Ciel, celui dont le caractère mythologique est le plus humain, le plus raisonnable de tous ceux dont on parle dans la Théogonie grecque (i). Ce mélange si monstrueux convient davantage au Tri- ton, dont les formes sont constamment réunies avec celles des monstres les plus féroces de la mer ? et dont les habitudes sont assez analogues à la violence de cet élément (2). On ne peut cepen^ dant refuser de la majesté et de la noblesse dans

manuscrits ; et que l'on change souvent. De cette façon nous trouvons indiquée par le poète une quatrième chose différente des précédentes, pour faire voir quel était le luxe qui ornait les rues de Rome, en corrigeant ainsi le dystique tout entier:

Et leviter lymphis tota crepitantibus urbe Qui subito Triton ore recondit aquarn.

En effet il semble que ce ne pouvait être que les eaux des pluies; celles qui tota urie crépitant. Or donc Pro- perce a regardé comme des Tritons , et non comme l'O- céan, ces visages que nous voyons sculptés pour recevoir, les eaux dans les égouts ; et encore moins pour des fa- ces de Bacchus auxquelles voulaient à toute force les attribuer les nouveaux antiquaires remplis de systèmes.

(1) V. le Prométhée d'Eschile, etOrphe'e, fîragm, Vlllj v. 3i et suiv. ; édit. de Gesner.

(2) "Virgile, JEneid. 7 VI ; v. i63.

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la physionomie et dans les formes à un Dieu qui est fils de Neptune lui-même ( i ).

La couronne Bacchique de pampre et de lierre dont est environnée la tête de notre Triton, est aussi un ornement que Ton n'a pas donné facilement aux déités premières ; comme si elles dédaignaient de porter des attributs qui pussent les faire prendre pour être delà suite d'une autre divinité. Rien au con- traire n'est plus fréquent que de voir les Néréides et les Tritons célébrer les Orgies et les fêtes des Bacchanales , et s'orner d'emolêmes et d'habille- mens Dionysiaques: ou que les anciens regardant Bac- chus comme le symbole de l'élément humide (2) , lui ayent donné par cette raison une alliance si étroite avec les Dieux de la mer; ou que son culte ayant été porté dans la Grèce par des co- lonies d'au de-là des mers, on ait dit que sa re- ligion avait été conçue dans la mer et enseignée par les Néréides (3), ou bien que Ton ait pris cette parité entre eux , des signes et des symboles qu'ont avec lui les divinités marines, de Leucothea, tante et nourrice de Bacchus , en même temps Déesse de mer, et de Palemon son fils, le Dieu des ports et des navigateurs, qui était cousin du même Bac- chus, et qui avait été nourri en même temps que lui.

(1) Apollodore, BibLy liv. I, cap. IV; 4<

(2) C'est de-là qu'on l'appela Hyes. V. Lilio Giraldi 7 Deor. synt* YHI ; il parle de ce surnom de Bacchus.

(5) Orphée, Hym* XXIII ; v. 10 y déjà cité dans nQ^» tre quatrième volume,, pi, XXXIII } p. 244; (0-

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Quelque opinion que Ton ait sur ce sujet, le Triton, soit par l'usage très-élégant qu'en ont fait les an- ciens en le plaçant comme embouchure à leurs cloaques , soit par notre marbre , est toujours une représentation de la mer son élément. Les cornes,, comme celles d'un veau , qui s'élèvent au-dessus de ses tempes à la place des pinces ou chelœ , que Ton remarque sur d'autres antiques, font évi- demment allusion au mugissement de la mer ora- geuse y et aux tremblemens de terre que les an- ciens attribuaient avec quelque raison aux eaux souterreines ; ce phénomène terrible ayant été re- gardé principalement comme l'effet du pouvoir de Neptune , et par suite attribué aux divinités marines d'un ordre inférieur (i).

(i) Il paraît qu'Orphée répète d'après Néreus la cause des tremblemens de terre. Hymn* XXII, v. 5 et suiv. uÀovéeiç A^ovç lepòv fiàSpov , faina ivvôiaç 'Ev fjLvyjtoiç Ttev^fjLQdiv èXavvofiémç ârtonkûoiç. JkXkà, , fxânap , asta^ovç ybh attórpe^e. Qui moliris statura terrae , cjuum scilicet arces la coveis olim indignantes murmure cauros* Sed motus terrae averrunca ( f. Scaliger. ). Néanmoins comme il n'y a que les apophyses seiales de ces petites cornes qui soient antiques, il pourrait se faire encore que ce furent des pinces, chelœ , comme nous les avons vues sur le front des Tritons dans le IV volume de cet ouvrage ( pl. XXXIII ). On a donné à l'Océan de Farnese, maintenant à Naples, en le restaurant, de semblables pinces. On les voit aussi, au lieu de cornes, à un buste de Triton imberbe, écailleux , que l'on con- serve à Londres dans la belle collection de N. IL M. Char- les Townley.

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Comme on s'était servi des hermès Bacchiques pour orner des allées dans les beaux jardins de Rome ancienne, on employa de même ceux des Tri- tons dans les villes maritimes les Romains maîtres du monde allaient chercher des plaisirs. Deux her- mès aussi colossaux , et plus grands encore que celui-ci , mais qui ne sont pas si élégans ni si bi- zarres , furent découverts sur les rivages d'Antium; ils sont à présent à la ville Albani. Le nôtre a été trouvé près de Pozzuoli à Baie, lieux si célèbres par les agi émens délicieux qu'offraient leurs plages»

PLANCHE VI. S <•

B A G C H U S *.

Soit que les images de Bacchus tauriforme et taurifront dérivassent du Scjtisme (i), selon un système qui était alors à la mode ; ou que plu- tôt les superstitions égyptiennes ayent été l'origine

* Il est sculpté en marbre pentélique , ayant de haut jusqu'au bas de la poitrine, deux palmes moins un sixiè- me. Il fut placé dans le Musée par la munificence du S. Pontife.

(i) On peut voir tout ce système exposé dans livre ingénieux intitulé: Recherches sur l'origine, etc., des arts de la Grece ; sur leurs connexions avec les arts et la religion des plus anciens peuples connus : sur les mo- numens antiques de l'Inde, etc.7 ouvrage que Ton attri- bue à M. dllancarville.

5g

et le motif des simulacres du Dieu du vin portant des cornes ( i ) , ou qu'enfin, selon les mythologues ordinaires, on ne Tait représenté avec des cornes qu'à raison de telle ou telle autre allégorie assez claire (2): il est toujours certain que Bacchus est très-souvent décrit par les auteurs classiques, ayant des cornes , et même sous la figure d'un taureau ; bien que d'ailleurs de pareilles images soient extrê- mement rares dans les monumens de l'antiquité (3).

Cet hermès est peut-être le seul qui nous le montre ainsi (4). Ceux qui ne l'ont pas vu ne pour-

(1) On donne des cornes semblables à Io, confondue avec Tlsis d'Egypte , dont le fils fut appelé' par les Grecs Epaphosj c'était FOrus ou l'Harpocrate chez les Egyp- tiens, et confondu aussi lui-même avec Osiris. On trouve aussi le nom d'Epaphus ou Epaphius parmi les épithè- tes donne'es à Bacchus dans les hymnes Orphiques LI et LIV, Scaliger l'a traduit par Tages.

(2) Phornute , de nat. Deor. ; chap. 3o ? Athénée j, liv. II.

(3) Telle est la petite tête de basalte du Trésor de Brandebourg que Béger a publiée, tome III , p. f2^o9 que Montfaucon a copiée, Ant. expl. , tome I; part. II f pl. i5^. Tel est Je petit buste d'Herculanum ( Bronz. , tome I, pl. V ). On peut ajouter à ces exemples la mo- saïque publiée par la Gausse dans les antiche pitture , plan- che XX. Béger et les Académiciens d'Herculanum ont ïéuni dans l'explication des deux monumens indiqués, tout ce qui a été dit de plus remarquable par les an- ciens sur cette manière de représenter Bacchus.

(4) 11 y en a un autre semblable à la ville Albani j mais comme il est un peu mutilé, le sculpteur moderne lui a placé en le restaurant des cheveux au lieu des cornes. Dans l'Indicazione antiquaria ou l'a décrit pour Hercule jeune, n. io5.

6o

ront se faire une idée précise de cette expression d'Ovide dans une hymne à Bacchus (i):

tiMy quum sine cornibus adstas ,

Virgineum caput est.

On retrouve aussi dans cet hermès la beauté et la jeunesse qui brillent dans le visage du Dieu> mais ses traits n'ont rien de féminin , et une beauté mâle est répandue sur la figure et dans les for- mes , autant que cela peut s'accorder avec un mé- lange du taureau, dont il a conservé non-seule- ment les petites corner , mais aussi les cheveux crépus au milieu du front , avec le cou gros et large comme celui d'Hercule. En outre il a les lèvres épaisses et plus rélevées qu'il ne faut 9 ce qui augmente, sans rien ôter de la grâce, cette res- semblance et ce caractère de l'animal , combiné avec tant d'art , de sorte que nous ne pouvons trop admirer les anciens qui ont eu le talent de tirer un nouveau genre de beauté de ces imaginations monstrueuses de l'idolatrie primitive et barbare, et qui sont parvenus à combiner ensuite tout ce qu'il était possible de saisir dans les formes d'êtres si différens entre-eux.

L'inclinaison gracieuse de la tête de cet her- mès est particulière , comme nous l'avons remar- qué ailleurs, aux images des Dieux , qui semblent par cette attitude vouloir indiquer qu'ils sont bien- faisans et propices aux mortels. Un ingénieux écri-

(i) Met amor ph. , liv. IV, v. 19. Ainsi on peut en con* filmer la leçon contre une variante absurde.

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vain a encore observé dans cette position un mou- vement propre du taureau , qui plie la tête , comme pour frapper quelque chose avec ses cornes , et il suppose que c'était l'œuf primitif qui renfermait l'embryon de l'univers , lequel n'était pas encore développé (i); mais le regard aimable qui accom-

(i) M. d'Hancafville dans l'ouvrage anonyme de'jk cite, liv. I; ch. 5, n. 19g. Il suppose en outre que quand les écrivains latins parlent de quelque effigie de Bacchus, en lui donnant le nom de Liber pater , ils le rappor- tent toujours à ce signe de la tête , attitude, selon lui, fort expressive de la paternité dont peut se glorifier Bac- chus sur tout l'univers , ayant de'veloppé par sa puis- sance les choses qui n'étaient connues jusqu'alors que de cet être créateur de tout dans le monde. Mais on voit cette même inclinaison de la tête à des statues d'A- pollon (Guattani, Notizie, anne'e 1785, janvier, n. 11), de Mercure (V. le tome premier de cet ouvrage, plan- che XVII), de Junon (même lieu, pl. II, et Mus. Ca- pitol., tome III, pl. VIII ) ; de sorte que ce ne peut être une attitude particulière à Bacchus, mais elle doit plutôt exprimer ce titre de Respicientes que l'on donnait aux divinités pour indiquer leur bonne disposition à exauc<r les prières des hommes, dont ils regardent les besoins et les maux avec compassion. L'auteur que je viens de citer ( même endroit ) imagine aussi un Bac- chus Satyre, qui tient de l'homme et de la chèvre 5 il le trouve dans deux passages, l'un de Pline, l'autre de Pausanias: mais il donne le premier altéré, et le second mal compris. Il n'est, pas hors de propos d'examiner ces équivoques, ne fût-ce que pour donner une idee de cette inexactitude dans laquelle tombent souvent certains écrivains systématiques. Pline (liv.XXXlV, § XIX, 10) parlant des travaux en bronze de Praxitèle dit: Fecit...

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pagne cette inclinaison de la tête , regard qui s'aperçoit comme je l'ai dit aussi , sur d'autres simulacres de Dieux , me semble être un motif pour préférer l'autre opinion, qui d'ailleurs est plus naturelle et moins recherchée*

Liber um patrem et Ebrietatem , nobilemque una Saty~ rum quem Graeci Periboëton vocant. Il y a donc trois statues, Bacchus, Méte ou l'Ivresse, et le Satyre ou Faune, lequel nombre de figures est fait pour trois espa-. ces entre les supports d'un trépied, Pausanias nous apprend qu'elles furent placées ( Attica , ou 1. I, ch. 20 )♦ L'écrivain dont nous parlons supprime Ebrietatem , et ensuite il conclut que les paroles Liberum patrem nobi- lemque una Satyrum , signifient un Bacchus Salyre. L'au- tre passage est dans X Attica de Pausanias , ch. XLIII , il est question d'une ancienne statue de Bacchus en bois consacrée par Polybe dans un temple à Mégare , « qui est servi par un Satyre en marbre de Paros, ou- « vrage de Praxitèle: que ce Bacchus s'appelle Patroo: « qu'il y a encore un autre Bacchus appelé Dasillius, « qui fut, dit-on, dédié par Euchénor fils de Céranus, « qui était fils de Polydius : » TloXési^OÇ ì;óavov âvé- Synev . . . 'Stdrvpoç iïè %japéGïfivxev âvro Hpahré^vç Ipyov Tlapiy Xfâi? rovrov (lèv TLarpSov MoJkovoiw erepov de Alovvctiov , AaavKÀwv eTtovo^iâ^ovrec; , 'EiVftrivopa tov K.oipdpv tòv HoXveiiïv œyaXfia âva~ Seïvai ùéyvaiv. M. d'Hancarville croit aussi que le Bac- chus Dasillius et le Satyre de Praxitèle sont la même chose , et il ne s'est pas aperçu de l'énorme anacro- nisme qui se trouve dans celte opinion , puisqu'il a exislé six générations entre Euchénor et Mélampus Amitaonius* qui a veçu au moins une génération avant la guerre de Troye, et par cette raison de beaucoup antérieur à Pra- xitèle qui florissait après la 100 olympiade, c'est-à-dire environ 800 ans après la guerre de Troye»

03

Une longue chevelure ne pouvant convenir à ce mélange d'homme et de taureau tel qu'on a voulu l'exprimer, on a donné à ce Bacchus des cheveux plus courts et plus crépus qu'on ne les lui voit ordinairement. Ils sont entourés d'un diadème , ornement attribué à ce Dieu. Il pend des deux côtés du cou sous la forme de deux larges rubans ou leninisti'? autour de la tête il est tortillé en spi- rale tel que l'on voit souvent les couronnes d'Her- cule.

S ?•

Bacchus *.

Cette tête en bronze fut trouvée par hazard dans un ancien cloaque, qui servait d'écoulement aux eaux thermales de Dioclétien sur le Vimirial. La coiffure qui est celle d'une femme, la phy- sionomie qui est en rapport avec elle , se joignant à un cou plus mâle et un peu gros , me font croire que c'est une image de Bacchus. Ses yeux d'argent ont été placés dans des temps proche de nous, à la place de ceux qui y étaient autrefois, lesquels devaient être d'une autre matière que la tête, ou d'argent comme ceux-ci, ou d'émail, ou même de quelque pierre précieuse : et ce moyen était ordinairement employé par les plus anciens artistes -7 il fut presque toujours en usage dans

* Haut.; avec le piedouclie, d'une palme et 5 onces.

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les travaux en bronze. Le travail de cette tête est as-r sez médiocre ; et quoiqu'il soit vraisemblable qu'elle a orné un lieu des thermes voisins , le dessin et l'exécution n'en sont pas cependant si peu heu- reux qu'on puisse la croire une production de ces temps dont les monumens bien certains lui sont encore de beaucoup inférieurs.

PLANCHE VIL

Bac chus barbu *.

En examinant cette image élégante et majestueuse de Bacchus , qui , étant placée dans le petit Mu- sée que fît commencer dans le Vatican Clément XI, avait le nom de Platon, et occupait le rang destiné à ce philosophe , on se rappelera facilement ce superbe buste de bronze d'un si beau travail , re- présentant le même sujet, qui fut tiré des ruines d'Herculanum, et que l'on admire dans la riche col- lection du roi de Naples (i). Une erreur, assez com- mune alors, l'a fait considérer comme l'image du philosophe grec dont nous avons publié ailleurs un portrait plus vraisemblable ; nous avons aussi déjà établi nos preuves et les motifs tirés de la comparaison avec d'autres monumens qui nous dé-

* Hauteur ; y compris toute la poitrine ; de trois pal- mes moins un quart ; il est de marbre pente'lique, ap- pelé cornu nément Cipolla.

(i) Bronzes d'Herculanum, tome I; planches XXVII et XXVLU.

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terminent à regarder comme certaine cette nou- velle dénomination que nous lui donnons ' (i).

PLANCHE VIII.

Hermès doubles de Bacchùs babbu

Cette gravure représente deux hermès doubles, à deux faces , toutes deucc semblables > comme Lucien les décrit précisément (2). La denomina-

(1) Voyez notre tome II, p!. XLI; pag. 290, 295, et pl. B. III, 6; IV, 7, pag. 369, et V, 8, 9, p. 070 ; le tome III > pl. XL, pag. 186 5 le tome IV, pl. XXV, p. 199. J'ajouterai ici seulement que dans la collection, des gravures antiques du chev. Hamilton , dont Monsieur Richard Worsley a fait l'acquisition dernièrement en Angleterre , on Voit un diaspre rouge sur lequel est gra- ve, assez profondément, un hermès de Bacchus vu de face, barbu et couronne de lierre. Le nom du graveur, Aspasius, est grave' sur la poitrine , écrit ainsi ÀCI1A- CEIOÏ ^ °u l'on doit remarquer la dipthongue et âu lieu de l'I, et le A au lieu de TA. C'est, peut-être, une excellente copie d'un original bien supérieur» Nous fe- rons observer que les deux autres ouvrages d'Aspasius qui se sont conserves jusqu'à nous, c'est-à-dire la Mi- nerve rlu Musée Impérial, et le fragment d'un Jupiter du Musée Florentin , sont gravés tous deux sur la même espèce de pierre qui n'est pas la plus recherchée à pré- sent pour ces travaux.

* lis sont égaux tous deux, ayant de hauteur, com- pris la poitrine, deux palmes, un tiers, et sculptés en marbre cipolla,

(2) Lucien, parlant de l'oracle que la Pythie prononça dev, nt Crésus, dit « qu'il avait deux faces, comme sont

Musée Pie-CLém, Vol. VI. 5

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don de Bacchus barbu que je donne à cette image à deux visages, me paraît assez bien justifiée à l'œil et à la raison, en la comparant avec la figure de la planche précédente et aux autres monumens dont il a été parlé dans le discours, ainsi qu'à penser aux autres motifs que nous avons adopté déjà pour nous décider à y reconnaître pareil sujet. Néan- moins le nom de Mercure que nous voyons donné par des écrivains grecs à des hermès de celte sorte, celui de Janus qu'il a chez les Latins, ne laisse pas que de jeter de l'incertitude sur mon assertion. Pour fixer un parti assuré, et porter s'il est possible quelque lumière sur les opinions si différentes et obscures qu'ont pu produire ces re-

« quelques hermès doubles y et qui se ressemblent par- ce faitement: » Ai7tpo(TQ7VOÇ , oïoi rov epybQV snoi , iïiTToi , nal d{jt(porépQ^sv ofioioi (Iuppiter tragoedus). Le scoliaste observe à cet endroit que les hermès y ou images de Mercure ViaUs, étaient souvent à deux visa- ges ; pour indiquer que dans le chemin de la vie la rai- son ; symbolisée par Mercure , nous prête toujours son aide, et ne nous tourne jamais le dos. On trouve chez les anciens beaucoup de ces images doubles de Mercure et de Janus ; et il serait trop fastidieux de les citer tou- tes. On en trouve quelques-unes dans Pîutarque, Ouaest* Pi07n,7 d'autres dansMacrobe, et ailleurs. Mais il en est particulièrement question dans Me'nage , a l'article Dé- rnétrius Phaleraeus de Laerce ; et dans les Adages d'E- rasme avec les appendix aux art. Mercurius triceps et Mercurius bifrons. J'ai vu cite' dans Fabricius 7 Bibl.Gr., liv. I, c. 12 ; § io > un petit livre imprimé a Leipsik qui traite des hermès } et qu'on attribue à Jean Nicolai.» mais je n'ai pu le voir.

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présentations , je proposerai ici quelques observa- tions propres à expliquer en même temps les pas- sages des classiques et les monumens qui peu- vent se rapporter à cette discussion.

Je trouve assez raisonnable l'idée de ceux qui croyent que tout ce qu'il y a de monstrueux dans l'idolatrie des grecs est dérivé des religions bar- bares des peuples primitifs > qui n'ayant pas dé- couvert les principes du beau et la manière de l'exprimer , confondaient les formes sensibles des objets naturels pour en composer une espèce d'hié- roglyphe , qui représentât ainsi les qualités et les analogies que l'esprit voulait reconnaître dans le sujet (i). Alors l'expression de la force et de la puissance a produit les Centimanes ; de même on a pu imaginer le symbole de la supériorité de l'in- telligence et de la prudence par plusieurs têtes , ou par quantité d'yeux (2). Les Grecs qui ont su

(ï) La Cërès Negra de Figalée, simulacre très-ancien dont parle Pausanias (.Arcadica, ou liv, VIII, ch. 42 )? nous donne un exemple de ces mélanges monstrueux. L'idolatrie égyptienne nous en fournit d'autres. Je ne parlerai pas de celle des Scythes et des Indiens qui peut avoir eu de l'influence sur les anciennes religions de la Grèce y comme la fondation t qui n'est pas douteuse ; de l'oracle de Deîphus par les peuples Hyperboréens ? ou qui a pu au moins avoir une dépendance et une origine commune avec cette idolatrie,

(2) Un des attributs d'Osiris chez les Egyptiens était une grande quantité d'yeux. V. Jab!onsky; Pont. Jegjyt. f liv. Il, ch. i, § ti. La fable grecque eut aussi, comme on sait; ses Panoptès,

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les premiers rechercher et trouver le heau dans les images , tant des formes que créa la nature , que de celles que produisit le génie de l'invention , ne tardèrent pas à negliger ces barbares représen- tations , et même les bannirent , à ce qu'il paraît, tout-à-fait des arts d'imitation , et leur en substi- tuèrent d'autres qu'ils embellirent , qu'ils rendirent nobles, et l'on peut dire que de cette manière ils étendirent l'empire de la beauté au de-là des bor- nes de la nature et de la vérité.

Parmi les divinités symboliques de la plus an- cienne théologie , il y en avait une qui sous cer- tains rapports exprimait l'univers comme sorti du chaos , et à laquelle par cette raison on donna les noms de Protogonos et de Protogenétor (i). On l'appella aussi Phanétès , c'est-à-dire la pre- mière chose qui ait apparu , et celle qui a fait paraître les autres fut nommée Métis^ c'est-à-dire Intelligence , parce qu'il parut peut-être raison- nable de ne pas priver de cette faculté ce principe, ce tout d'où procédaient tant d'intelligences ou

(î) Celte doctrine résulte principalement de l'hymne au Proiogonos ? laquelle est la V des Orphiques } depuis le v. i4 et suivant des Argonautes , attribués au même auteur, et de ses fragmens rassemblés par Jean Marie Gesner aux nn. VI, VII , VIII, pages 4°5 et 4°6 > ou se trouvent aussi les passages de Proclus sur le Timèe y et d'Hermias sur Phédrus 7 qui s'y rattachent. On y ajou- tera Jean Malela 7 qui dans sa Conographie , p. 90, se- lon la correction très-évidente de Bentley; réunit en un seul sujet les trois dénominations de M^T/ç , QâV7lÇ7 'JipiKaïïaïoç : Métis, Phanétès ? Héricapeus.

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qui les renfermait. Enfin on l'appela Hêricapée , nom très-obscur , dont on ne connaît pas encore assez la signification, et par lequel on voulut, à ce que je crois y exprimer que tout être qui à été crée retourne , au moyen de la destruction , dans l'univers , et qu'en changeant de modification il rentre dans la composition générale dont il fait partie (i).

(i) Quoique la leçon et l'explication de ce mot ait cause beaucoup de peines aux commentateurs d'Orphée et de la plus ténébreuse théogonie ? de manière que , comme l'obseive Jean Mathias Gesner sur l'hymne citée , plus forte operae positura sit a renatis inde litteris , cjuam res ita tennis , ita natatoria mereatur : cependant^ puisque cela ne l'a pas empêché d'exposer son opi- nion sur ce sujet7 je ne balancerai pas à proposer aussi la mienne, n'étant pas persuadé de celle de Ges- ner. Je remarque donc que? dans cette antique théologie, Saturne n'était pas la seule divinité qui dévorait tout : Jupiter aussi dévora Métis, et même, suivant la doctrine d'Orphée, il avait dévoré Phanétès, lequel aussi sous le nom d'Héricapeus , avait le premier dévoré et conservé dans son ventre toutes les choses.

'Qç ròte Tlp&Toyóvoio yawv (lévoç 'ìlpixavcah Tôv vâvxov ts §é(iaç u^ev ht yacrTept noiK^ \

Ut tune Protogoni RI ANS VIS Ericapaei Omnium cavo in ventre continebat membra ?

( Fragm. cit. VIII , v. 5)

Suidas, v. 'HpiMartCMOÇ , compare Héricapeus à Saturne, et il dit qu'il avait dévoré tous les Dieux. 11 ne faut donc pas chercher d'autre étymologie de ce nom que celle que nous offre tout naturellement la doctrine dont nous venons de parler. Alors tfpix&rtawç sera late vo-*

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Cette divinile symbolique fut l'origine de beau- coup d'autres dans des temps postérieurs de l'ido-

rans de nà'JttQ , voto , et de èpi i late , en changeant pour les trois syllabes brèves Ve en T( , comme on fait dans le mot tfptov derive de epa, terre. De-même on concevra pourquoi il a l'épithète de %avòv (lévoç , hians vis, et pourquoi on le compare à Saturne. Maintenant cette même qualité dévoratrice et détruisante que l'on donne à la divinité elle-même , qui sous d'autres rap- ports est appelée Phanétès , ce qui met toutes les choses au jour, n'est certainement pas différente de cette puis- sance qui conserve en détruisant ; et par laquelle Alià ex alio refìcit natura , neque ullam Rem gigni patitur nisi morte adiutam alienam.

(Lucrèce, I, v. a64). Et voici comment on peut attri- buer au même sujet des qualités et des attributs qui au premier coup-d'ceil paraissent incompatibles.

Les Platoniciens postérieurs à Orphée ayant adopté dans leur système tous les mystères de l'ancienne théo- gonie , conçoivent plutôt sous cette fable les idées des objets, qui sont toutes renfermées dans l'intelligence, M^Ti£> du premier principe : mais ceci appartient à des systèmes plus rapprochés. Gesner expliquant au contraire Héricapée par Priape, dans le sens qu'il est le symbole de la génération ou de la vie , veut qu'il soit appelé ainsi simplement comme Dieu et gardien des jardins , faisant dériver TipinaTtaÎoç de j$p , printemps , et de WtfftOÇ, potager , et alléguant l'exemple de la cité du Bos- phore Panticapée , qu'il a supposé être ainsi nommée à cause de ses jardins et de ses fauxbourgs. Mais outre que cette qualité de gardiens des jardins n'a pas de connexion avec les autres épithètes cosmogoniques qui s'y réunissent, savoir: &' intelligence et de lumiere ; et son opinion n'est appuyée ni par des raisons grammaticales »i historiques. Si tfpiKaitatOÇ dérive de n^TtOÇ . 9 doit

latrie , et Bacchus fut sans doute ce Dieu qui se confondit avec Protogonos, Phanetes, Herica- peus: ces noms étant quelquefois devenus ses ti- tres (i).

Si nous recherchons les traditions les plus re- culées , nous trouverons que Phanétès fut très- anciennement représenté a;vec deux visages, ce qui fit qu'on lui donna les noms de double ; de vo-

y avoir l'a, dorique de l'antépénultième, ce qui est con» traire à la quantité' dans ce mot, lequel se trouvant ré* pété dans tant de vers, a toujours cette syllabe brève. L'explication avec le nom de Patiticape'e ne peut se sou- tenir devant l'examen que Ton fera, que ce n'est pas à cause de ses jardins que cette ville a eu ce nom, mais plutôt, comme Hérodote l'affirme dans Euterpe , qu'il vient du fleuve Panticape , et c'est envain qu'on cherche une étymologie grecque à ce fleuve Scythe.

(i) Orphée, ou plutôt Onornacrite dans l'an 5i, chan- taut à l'honneur de Bacchus Trietericus, l'invoque sous le nom de Protogonos et d'Héricapeus : ïlpoTÔyov tfptkatâme Seôv vdtep tf$è noi éh. Primigena , atque deûm pater et stirps Ericapaee (l. Scalig.) Macrobe rapporte ces autres vers du même poëte : Ov bij vvv nakèwb ^dv^rd re naì Aióvvaov . . . TlpÔTOç èç (pdoç tffâe , Aiôvvaoç â7 'ip&tÛffitf. Quem Phanetem vocant nunc et Dionysum ; Primas enîm , in lucem prodiit , et Dionysus appellatus est. Dans un autre fragment du même qui nous a été con- servé par Proclus on trouve réunie pour Bacchas la troi- sième dénomination de Métis :

Bpôfitoç rs (léyaç ncà Xevç ô rtavôrtTiçç Kai Mtfnç vtpôtoç yevèrop.

Bromiusque magnus et Iuppiter omnividens

Et Métis prima origo. ( Fragm. cit. VII et VIII }?

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jant autour; aux quatre yeux (i). Peut-être les anciens pensaient-ils que rien ne pouvait être ca- ché à celui qui avait tout produit, tout formé, ou Lien plutôt voulurent-ils exprimer ainsi l'autre nom de Métis ou Intelligence , qu'on donnait au même sujet, à qui il convient très-particulièrement de voir en même temps devant et derrière , le prin* cipe et la fin des choses ;

a^ia itpòaacd xai ômcaG) (2).

(1) Orphée 7 Argon. ; v. 14, 19:

. . . dtfpvvi uepiQftèaj . . . ov pa (bavera 'OftÀórepoi TtaTièvai Pporoì tfpôroç <yàp èfldtâi?. Duplicem circumvidentern 7 quem Phanetem recentiores homines vocant > primus enim in lucem prodiit ; et plus clairement dans ce vers qui nous a e'te' conserve dans le commentaire manuscrit d'Hermias sur le Phedrum de Pla- ton ; et rapporte dans l'Orphée de Gesner ; page l\o5 7 Phane'tès est décrit ainsi *

liérpacnv ôfiSaXfioicnv ôpôfievoç evSa nal ev^a , Quatuor oçulis adspiciens hinc , et inde : d'où Hermias infère que Phane'tès est la Tétrade, opi- nion à laquelle peut l'avoir conduit la connaissance des hermès ou simulacres quadrangulaires du Bacchus Pha- nétès : l'hymne même du Protogonos commence ainsi; HpmâyQVQP K&Àéo dtfpvri. Primigenam obtestor geminurn. Ainsi Janus fut appeié geininus par les Latins; et Ovide lui donne l'épithète de oçulos diversa tuentes ( Fast. , liv. I); expression qui équivaut à celle d'Orphée vteplGmêa: il est vrai que quelquefois cette double figure du Bac- chus Phane'tès fut interprétée par diversité de sexe ; de-la le Bacchus Androgine 7 et les images à deux figures., une mâ*e; l'autre de femme ; telles que nous les remar* querons dans les monumens cités plus loin.

(2) lliad. A; v. 343.

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Celte idée, que dans la primitive idolatrie des Grecs on avait imaginée du Phanétès , fut aussi celle-là même que se firent de Janus les premiers habi- tans de l'Italie (i); et comme les peuples de la Grèce confondirent le premier avec le Soleil et avec le Bacchus , les Latins en firent autant avec Janus (2). Les Grecs ayant imaginé que Phané-

(1) Nous avons vu que Phanëtès fut le premier qui parut de tout ce qui existe. Dans l'hymne de Protogonos le même poète dit:

'Qoyevtf

. . . yévemv ^anâpQV SvfitQV t* àvSpórtov.

Ovigenam - divûm atque hominum genitabile semen. Les auteurs latins disent la même chose de leur Janus» Ce Dieu s'exprime ainsi dans les Fastes d'Ovide (liv. 1, v. ïo5 et suiv. 5 Iïl et suiv. :

Me Chaos antiqui 7 nam sum res prisca , vocabant : Adspiçe quant longi temporis acta canam . ,

Tune ego qui fueram globus et sine imagine moles In faciem redii dignaque membra deo y Festus donne encore plus clairement, au mot chaos, à Janus les qualite's de Protogonos et de Phane'tès: Chaos appellai Hesiodus confusam quandam ab initio unitatem HIANTEM patentemque in profundum : ex eo et yaiveiV Graeci , et nos hiare dicimus. Unde Ianus detracta adspi- ratione nominatur ideo quod fuerit OMNIUM PRIMUS, cui primo supplicabant velut PARENTI , et a quo rerum omnium factum putabant initium. Voici le ftpôroç yàp épatât? (primus in lucem prodiit ) du Phane'lès Orphique rendu exactement. Voy. en outre Servius > liv. \7lll de Y Enéide, v. i8o; et Terentian, de metr. in Choriamb. , qui indique les mêmes doctrines. Toutefois nous pou- vons retrouver encore Y tfpixaftaiOV dans les hiantem.

(2) On peut consulter les fragmens d'Orphée; n. \If,

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tes était fils de Chronus , ou enfanté par le temps 5 les Latins aussi disaient que Janus était fils de Satur- ne (i). Yoilà , selon moi, quelle fut l'origine de ce Dieu dans le Latium; il a paru appartenir entièrement à la superstition latine ; mais je pense qu'il ne laisse pas cependant d'être commun avec les superstitions grecques , et dont peut-être bien peu se sont doutés jusqu'ici : de sorte qu'on voit cette divinité représentée également dans les mo- numens grecs et romains (2).

sur la confusion qu'on a faite de Phanétès, avec le So- leil. Nous avons déjà fait remarquer celle avec Bacchus. Janus aussi fut confondu avec le Soleil, et de -la avec l'année \ et par cette raison son nom est dérivé ab eundo comme on dirait Eanus , et la Lune par le même motif fut appelée lana. V. Macròbe, Sai. I , c. IX , et Cké- ron , de nat. Deor. , liv. II ; Vossius , Etym. , v. lanus. On confondit aussi Janus avec Bacchus ; et il fut regardé comme un des premiers qui ait enseigné l'agriculture, et particulièrement à fai 1 e le vin. V. Athénée , liv. XV , ch. i3 , et Lilius Girai dus, Syntagm. IV.

(1) Phanétès est fils de Cronus , suivant l'auteur des Ar- gonautes, v. i3: Janus est fils de Saturne; selon ses mytholo- gies obscures dont parle Giraîdus dans l'endroit cité.

(2) Ovide a écrit dans les Fastes (liv. I, v. 89 ), peu savamment , ou au moins en examinant seulement les re- ligions de son temps :

Quem tamen esse deum te dicam > Jane biformis ? Nam tibi par nullum Graecia numen habet.

Non seulement nous avons reconnu que les doctrines théo- goniques sur le Phanétès grec sont conformes aux opi- nions des mythologues latins sur Janus ; non-seulement nous avons vu attribuer également à ces deux divinités

*5

Nous voyons maintenant d'où provient la con- fusion que l'on a faite de Bacchus Phanétès avec

les deux faces > mais nous trouvons sur beaucoup de mé- dailles grecques ces images doubles , et toutes deux ayant de la barbe, comme la plupart des têtes de Janus, ou toutes deux imberbes, ou enfin Tune avec ìa barbe, et l'autre sans barbe, celle-ci est peut-être féminine^ comme quelquefois sont les Janus latins des deux se- xes. Le plus remarquable de ces monumens c'est la très-ancienne médaille de Camarina dans la Sicile ; sur cette médaille Phanétès est représenté avec deux têtes barbues, avec des ailes, avec le taureau Dionysiaque a «es pieds et ayant sur la poitrine un disque ou un cer- cle : on peut expliquer cette figure par l'ancien Cahos à propos duquel Ovide fait dire à son Janus :

Tune ego qui fueram globus et sine imagine moles

In faciem redii dignaque membra deo ; ou pour l'œuf cosmogonique , d'où Phanétès est appelé 'Hoyeviiç , Ovigena, ou à cause du disque solaire qui est l'image la plus remarquable de Phanétès. M. d'Han- carville dans ses Recherches , que nous avons souvent ci- tées , s'est aperçu fort à propos que le type de cette mé- daille représente très-certainement la même divinité à la- quelle est adressée l'hymne d'Orphée du Protogonos. Mais je ne saurais pourquoi il a ensuite voulu attribuer cette figure aux Mardiçns, peuples de la Perse, quand cer- tainement la médaille a été frappée dans la Sicile et par la ville de Camarina , comme le démontrent la compa- raison que Ton peut faire des types, et les endroits Ton découvre sous-terre de pareilles médailles , et cela d'après le témoignage d'un savant connaisseur tel qu'est M. Sestini ( Lettere numismatiche , tome I, page 52. On y ajoutera celui de Pellerin , Peuples et Villes 7 tome III, pl. 334 , et les médailles de Camarina qui appartiennent au prince de Torremuzza ). On voit aussi le Phanétès ou Janus à deux faces sur les médailles de Ténède , et sur celles d'Athènes, avec des ornemens Bacchique dans les

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Mercure , puisque nous avons vu donner aussi à Mercure les doubles visages. Mercure étant dans l'idolatrie mystique et symbolique le Dieu du Gé- nie, a bien pu remplacer les images de Métis ou de Y Intelligence , comme Bacclius et le Soleil a été substitué à Phanétès , et Mercure a pu être confondu de même avec Phanétès et avec le So- leil lui-même. On dédiait à Mercure les pierres qui servaient de termes , et les petits amas de pierres qui se formaient dans les campagnes et dans les chemins , dans différentes occasions et pour des intentions diverses (i); de-là naît un nouvel équi- voque qui le fait prendre pour Phanétès , le So- leil qu'on représentait aussi symboliquement de même par des pierres, des colonnes, des éguil- les , que l'on vénérait. Alors comme les Grecs le confondirent avec Phanétès, les Latins n'en firent qu'un avec Janus. De-la vient que nous voyons beaucoup d'images de Janus, en bronze, des Latins,

cheveux , et Tune des deux têtes paraît être d'une femme. Nous donnerons les dessins de ces types dans les plan- ches de supplément a la fin de ce volume. Cependant un passage de VExegesis de Nonnns, n. 78 , nous fait connaître assez que la tête n'était pas la seule chose que Ton redoublait dans les images de Phanétès ; parce qu'on le peignait aussi aiBoîov e^ovra bmviù mpl tijv m)yr(v- (1) Kircher parle là-dessus d'une manière savante peu ordinaire dans son Oedipe Égyptien, tome page 588 et suiv. , ce qui est remarquable esile fragment d'Em- pedocle que nous a conserve' Tzetzes, Chil. XI II ; lu'st. 464> lequel prouve que la tête placée sur le haut d'un pilas- tre, comme daus les hennés, est un symbole de l'intelli- guice divine.

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coiffées du Pétase. Si bien qu'on peut indifférem- ment les appeler des Janus avec le chapeau de Mercure ou des Mercures à deux faces.

Mais si ces termes sculptés furent appelés com- munément par les Grecs des Mercures ou des hermès , cela ne fut pas si général , que de pa- reilles images ne fussent regardées dans la Grèce Sicilienne comme des Bacchus , et qu'elles ne fus- sent ordinairement honorées par le culte que l'on rendait à Bacchus et aux inventions qui prove- naient de lui (i). Si donc j'ai classé les hermès à deux faces , à cheveux longs , et barbus , parmi les monumens Bacchiques , il me paraît que j'ai trouvé assez de raisons pour me déterminer à le faire , et que ce serait vainement qu'on m'objecte- rait contre, ce que les anciens nous ont laissé dans

(i) Ce que dit Suidas au mot ^JiapótepOQ prouve évi- demment que les hermès Propilées , c'est-à-dire place's devant lés portes des maisons, étaient tous regarde's à Athè- nes comme des Mercures. En Sicile ils portaient le nom de Bacchus , et on leur avait donne le surnom de MtfyOZ"- yoç (Morychos) à cause du moût de vin qu'on répan- dait sur ces hermès. Dé-là est venu le proverbe fiopóte- poç MQpVftOV , Plus fou que Morjchos , ou que Ther- mes Bacchus , lequel au lieu d'entrer dans les maisons reste toujours à la porte. En outre il est à remarquer que souvent les hermès de Mercure avaient de la barbe, et que leur chevelure était disposée comme celle des Bac- chus, ce qui est enlièrement démontré par un vase de terre cuite publie par Mazoçchi (ad iab. Heracl. , pa- ge ï38), sur le pilastre d'un hermès semblable aux Bacchus barbus, on voit sculpte le caducée de Mercure,

7*

leurs écrits sur les images à deux faces de Mer- cure et de Janus. Mais c'est s'occuper trop long- temps de ces symboles obscurs et fantasticjues de la science des anciens.

Le style de ces sculptures est très-simple et très-noble, quoiqu'il y ait de la roideur dans les contours et de la dureté dans les masses. Cepen- dant une certaine grâce qui se fait remarquer dans l'ensemble et dans les accessoires , paraît démon- trer que cette sécheresse est due à une exacte imi- tation de la manière ancienne, plutôt qu'à une époque d'antiquité reculée qui vit produire les deux monumens.

PLANCHE IX.

Silène *.

Le style hardi , large et expressif que Fon a- perçoit dans le travail de cette image de Silène, et la fantaisie qui présida à son invention , con- courent à rendre un sujet aussi ordinaire et aussi gai que celui-là, assez intéressant et méritant Pat-

* Il a de hauteur avec le piédouche deux palmes et demie. Le marbre est pentélique. Autrefois il était par- mi les antiquités de la ville Mattei ; et on le trouve pu- blié dans le tome II de la collection intitulée Mona- menta Mathaeiorum , pl. "VI.

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tetktiou des curieux. Indépendamment de diverses particularités moins ordinaires qui relèvent encore le mérite de cette sculpture très-bien conservée, telles que sont la peau de lion à la place de la Nebride (i), le front chevelu, et non pas chauve» comme on le voit communément aux Silènes (2),

(1) Nous avons déjà dit quelque chose du rapport que le lion a dans les choses qui appartiennent à Bacchus, vo- yez les notes de la plane. XXII, page ioï, n. (1) T et pl. XXIX, p. 225 , n. (1) du tome l\7. Les allégories de la mythologie mystique pourraient en indiquer encore davantage. Quant à l'usage des peaux de lion dans les Bacchanales, il suffit de rappeler le passage d'Aristo- phane {Ran. 43) a été déjà cité par les savans qui ont explique' les tableaux d'Herculanum , tome V ; plan- che XIV.

(2) Si on entend par Silènes les images des vieux Fau- nes et des Satyres , la chose est hors de doute , et on trouve beaucoup de Silènes sur lesmonumens, sans être chauves , ni camus. Mais si ce nom est cependant res- treint à signifier seulement le précepteur de Bacchus , ce n'est pas une chose si ordinaire que de le voir sans ces caractères de sa figure si connus. Toutefois cela ne peut s'opposer a l'explication de cette sculpture, laquelle peut bien représenter un Silène, quant au genre. Non- obstant, ce demi-Dieu rustique ayant été dépeint par les écrivains des fables sous deux aspects moraux bien dif- férens , on ne devrait pas être surpris de le voir aussi diversifié dans ses effigies. Comme en effet il n'est pas camus sur une pierre du Musée Florentin , tome î\ plan- che 46 , et sur une autre plus remarquable publiée dans les Notizie d'Antichità de Tannée 1786^ mars, pl. II, que j'ai expliquée; de même il n'est pas représenté chauve dans plusieurs monumens des Académiciens d'Hercula- num; tome II des Bronzes) et de plus il n'est ni chauve

8o

la situation de la tête renversée en arrière, et près* que appuyée sur les épaules, contribue davantage

ni camus dans une peinture ancienne rappele'e par Causse, Pict. antiqu. crypt. Rom. , pl. XI ; sur un sarcophage rare inédit delà maison Farnese 5 et, comme je le crois, aussi sur la médaille du roi Antigonus, qui a été pu- bliée par Winckelmann dans les Monum. inéd. , n. 4* f et depuis par celui qui a ajouté des notes a son Hist. de l'art , tome I, page 5 , et tome lit , page ^18 ; et cette courte digression ne sera pas inutile à propos de la même médaille. Winckelmann avait pensé que la tête couronnée de lierre, et ayant les cheveux et la barbe hé- rissés, était celle de Pan -y M. Féa la croit plutôt celle des Bacchus Indiens , et il observe qu'elle pourrait être encore le portrait d'Antigone lui-même, qui aimait à pa- raître sous des formes ressemblantes à Bacchus. Il per- suade assez facilement que ce n'est pas une tête de Pan 9 mais il ne réussit pas de même à la faire croire celle de Bacchus , parce que les images barbues de Bacchus sont toutes ornées d'une chevelure longue et presque propre à une femme , tandis que les cheveux de la tête empreinte sur la médaille sont au contraire hérissés , mal en ordre. Ce peut encore moins être le portrait d'Anti- gone , lequel , selon l'usage des Macédoniens et des au- tres successeurs d'Alexandre , devait avoir le menton rasé , ce qui est prouvé par tant d'images. Pour moi je conjecture qu'il est plus "vraisemblable que ce soit la fi- gure de Silène représenté avec une physionomie plus noble et moins caricature , parce que le peuple voulait qu'Antigone lui ressemblât, et que ce roi ne rejetait pas si loin cette comparaison, qu'au contraire il se flattait que ce demi-Dieu lui serait favorable dans les expédi- tions ( Sénèque , de Ira , liv. III, c. 22). Par rapport au revers de la médaille , l'on voit Apollon tenant un arc, assis sur un vaisseau, et ce Dieu fait sans doute al-

8 Ir

à en Estinguer le caractère, à montrer l'ivresse* et à nous mettre sous les yeux l'état de son esprit relâché et grossier , épithète qui ayant été prise de l'abandon de son corps, a paru propre à indi- quer avec tant d'évidence cet affaissement de l'ame qui accompagne, ou pour mieux dire, qui précède l'anéantissement de ses facultés. Le front de ce nourricier ivre de Bacchus est ceint > comme de coutume, d'une couronne de lierre.

F AUNE

physionomie riante et agréable du jeune t^aune que l'artiste a exécutée avec beaucoup de grâce dans ce buste , nous rappelle l'origine que les mythologues donnent au nom de Satyre, le- quel peut aussi bien que celui de Faunes, plué commun^ convenir à des images de ce genre (i)*

lusion à la trirème qu'Antigone dédia à Apollon en mé- moire de la bataille navale remportée dans les mers de Leucolla de la Pamphilie ; par sa flotte contre les ami- raux de Ptolomée ; notice que nous a conserve' Athé- née (liv. V, ch. i5), et qui contient l'explication na- turelle de ce type qui a échappé à l'érudition de Winckel- mann et aux recherches de son commentateur.

* Hauteur avec le piédouche deux palmes, trois quarts* Il est en marbre pentélique. La tête seule est antique.

(i) V. notre premier tome > pl. XL\7[; page 32i; et tome HT, pl. XLII , page 199, n. (1).

Musée Pie-Clêm, Vol. YI. 6

32

Ils prétendent que ce mot est dérivé d'une expres- sion grecque qui signifie ouvrir grossièrement la bouche pour rire (i), propriété que Ton recon- naît dans ces êtres hommes et auimaux qui sont à la suite de Lyacus , lesquels, dans leur joye im- modérée, conservent la légèreté et la vivacité de ranimai, dont la nature entre dans leur formation, selon ce qu'ont imaginé les artistes et les poètes (2),

PLANCHE X.

La Comédie et la Tragédie *.

Ces deux têtes d'une proportion presque colos- sale qui offrent, avec une intégrité rare, une exé-

(1) Fornute, de nat. Deor.} ch. 3o , dit que les Sa- tyres sont appelés ainsi â<jzo TOV Ce cripèvai , doriquement cecapèvobl , renidere deducto rictu ut dentés conspician- tun de sorte que de cecapoTOÇ ou capôroç on a fait par métaplasme ou antithèse càrvpoç.

(2) Les petites excroissances ou carunculae qu'ont les chè- vres, et qui se voyent suspendues au col du Faune, sont ordinaires dans d'autres monumens. Nous les avons déjà fait remarquer à la pl. 3ÉXIX du tome IV ; on recouv- rera aux notes (1) et (2) de la p. 225.

* Hauteur jusqu'à la poitrine, trois palmes et un sixième. Ces sculptures sont d'un marbre blanc très-fin , que les ouvriers appellent de Paros, qui n'en est pas cependant $ inais on ne peut avec quelque certitude fixer de quelle carrière les anciens le tirèrent , puisqu'il y avait , dit Pline, beaucoup de marbres de son temps, qui surpas- saient en blancheur celui de Paros ( Hïst. Nat. 1. XXXVÏ

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eution pleine de ménte > sont un monument très- distingué des arts de la Grèce sous Adrien» Elles ornaient Pentrée du théâtre de la Villa Tyburtme appartenant à cet empereur b et elles étaient pla- cées comme des hermès sur des pilastres de mar- bre mélangé ( i ). Les artistes et les antiquaires les

§ IV , 2 ), témoignage assez peu favorable pour l'opinion de ces modernes qui prétendent que tous les marbres qui surpassent le Paros en blancheur sont de Luni, de même que d'autres connus pour être grecs, et qui sont d'une finesse de grain et d'une blancheur supérieure. Ces deux beaux morceaux ont été parmi les antiquités de la collection du feu comte Fede , dans la Villa Tibur- tina , ayant fait partie de l'Adrienne, laquelle est devenue dans ces derniers temps une mine abondante de sculptures excellentes 7 dont quelques-unes feront le sujet de nos dis* cours dans ce volume même. Je ne puis cependant gar- der le silence sur la très-belle copie en marbre pentéli- que du Discobole de Miron qu'on y découvrit Tannée dernière. Elle correspond en tout le reste avec l'autre Discobole des Maximes , dont nous avons parlé plusieurs fois comme provenant de l'original lui-même. Il a cepen- dant un mouvement différent de la tête qui se tourne d'un autre côté , c'est-à-dire vers la carriere il doit lancer le disque. Ceci nous confirme l'idée que nous avons énoncée, dans d'autres occasions, que les anciens maîtres à grand talent usaient de quelque liberté en copiant des inonumens plus anciens. Au reste, les deux têtes dont nous nous occupons, acquirent de la célébrité parmi les artis- tes aussitôt qu'elles eurent été découvertes, et il en existe diverses copies , principalement de la Comédie, parmi les- quelles une très-excellente, en pierre fine, exécutée par l'habile graveur anglais M. Marchant*

(0 Ils sont faits du marbre que les ouvriers connaissent

84

prenaient simplement pour deux Bacchantes, avant que Ton pût , à Faide de quelques formes certaines et peu ordinaires , ainsi que du lieu elles fu- rent trouvées, conjecturer ce qu'elle représentaient véritablement (i). Je vais à présent mettre sous les yeux des lecteurs les particularités qui m'ont

sous le nom de Porta Santa, parce que Ton en fit dans le XV siècle les pied-droits de la porte du Jubilé dans la basilique du Vatican. Il est incertain à quel marbre des anciens celui-ci peut correspondre. Peut-être celui de Chio > ou celui de Sciros , ou l'Epirotique, tous fameux par la variété' de leurs taches , lesquelles dans la Porta Santa paraissent blanches , bleues , sanguines et roussâ- tres. On voit que les anciens Font souvent employé à des incrustations, à des corniches et en colonnes ; mais pas comme ici à former les draperies des figures -, aussi ces morceaux en deviennent plus curieux et plus rares. Ces her- nies sont tous sculptés comme s'ils eussent été couverts d'une légère tunique plissée à petits plis , laquelle par la diver- sité des couleurs du marbre devait imiter les habillemens de différentes couleurs dont on se servait au théâtre. Le comte Fede ne prit pas le soin de faire remettre ces deux monumens dans leur premier état j d'autres après lui les négligèrent de même : leurs poitrines telles qu'elles sont, furent exécutées par M. Cavaceppi; d'après les anciens bustes qui existaient chez un marbrier , peut-être sont-ils en- core. Et à la vérité les artistes modernes, et ceux qui étudient et vantent la philosophie des arts , réprouvent et corrigent, quand il plaît au ciel, les ouvrages des an- ciens dans ces marbres ou autres matières différentes qu'ils y adaptaient si fréquemment et avec art , et qu'aujour- d'hui on traite de mauvais goût *ïç 'A$i?Volv.

(i) V. notre tome I, pl. XLVI, *, j'ai proposé mon opinion ayec ses motifs.

85

fait retrouver en elles des images allégoriques de la Tragédie et de la Comédie.

Le caractère si différent qui domine dans ces deux têtes, l'un de joye, l'autre de tristesse ; l'exé- cution des cheveux qui dans toutes deux est sem~ blable à celui des masques scéniques, et qui sont ornés du bandeau des Bacchantes dans celle l'on voit exprimée la joye , me paraissent des in- dices tels, qu'en se réunissant avec la place qu'oc- cupèrent anciennement ces deux sculptures, ainsi que leur correspondance évidente , l'opinion que je propose en acquiert une vraisemblance con- sidérable, qu'accroît encore infiniment une observa- tion attentive et très-recherchée de ces têtes. La physionomie de celle dont les cheveux ne sont pas relevés par des pampres , est triste et abat- tue. Elle convient fort bien non-seulement au ca- ractère de quelques personnages du sexe dans les Tragédie grecques , car elle offre dans sa coiffure Tajuslement qu'avaient leur masques, mais elle cor- respond particulièrement à cette physionomie que Pollux décrit pour le masque tragique, d'une fem- me à la fleur de son âge , comme serait une An- dromaque, une Médée; ce masque s'appelait au théâ- tre Pallida cornata (i). Le regard triste qui distinguait le masque est le caractère remarquable du visage de cette tête; et si la couleur pâle

(i) Pollux, Onom., liv. IV, §140: H> dk Kar<WO[lQÇ &%pà (fMf&fia ùvm?póv: celui qui s'appelle PallicU cornata a le regard méchant*

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et blême ne peut être exprimée par le marbre f l'artiste a si bien su réunir toutes les particularités qui ont avec la tristesse quelques rapports inséparables, commende la roideur dans les contours, la contention des muscles des sourcils qui font supposer cet état , que, suivant moi , aucun peintre qui aurait con- naissance de l'antique et qui serait doué d'une certaine intelligence, ne pourrait en faire une bonne copie coloriée sans donner à ce visage une teinte pâle et sombre. Mais dans l'autre, qui avec sa couron- ne Bacchique nous fait voir qu'elle s'est livrée tout entière à Bacchus et à ses fêtes ( expressions dont se sert Lucain en parlant de la Comédie (i)), l'artiste ancien eut soin, pour qu'on ne la confon- dît pas avec une Bacchante , de lui domjer des traits pris dans le beau idéal, très-caraçtérisés et différens de ceux que les arts^ employaient ordi- nairement dans d'autres têtes de femmes qui n'étaient pas des portraits. L'arc que forment les sourcils , la cavité qui se trouve entre le front et le nez, le contour du nez lui-même, diffèrent dans cette tête , plus que dans l'autre, de ce que l'on re- marque ordinairement daus les têtes grecques, aux- quelles elle ressemble cependant daus les formes

(i) H; de (Ko^iQ^ia) rtupadovm ro Aiovvaw iavx^pr v. Lucien , Prometheus es in verbis. On a déjà fait la remarque que le théâtre dut son origine à Bacchus j ainsi nous avons observé dans le tome I; pl. XV IH ; p. ï8o, et pl. XlXj pag. i85; les Muses tragiques et comiques couronnées de fampres et de lierre comme des Bac- chantes.

H

du front , des joues , et celles non moins nobles du cou. Maintenant laissons de côté les aulres ca-^ ractères, et voyons le profil du nez qu'on appe- lait dès lors sous aquilin , il était absolument par- ticulier aux masques de la Comédie grecque (i), et c'est ce contour précisément que je n'ai jamais trouvé dans aucune autre image idéale antique d'une femme ou d'une Déesse , et peut-être même se- rait-ce en vain qu'on le chercherait hors des mas- ques de théâtre auquel il était particulièrement affecté. Ajoutons à cela, que dans les deux têtes, N en outre de la hauteur, fastigiata, de la coiffure (2), les cheveux tombent sur le front d'une façon si composée et symétrique, qu'on conçoit l'idée que ce ne sont pas des cheveux naturels , mais qu'ils sont faux , étrangers , tels qu'ils doivent être sur les masques scéniques, et tels en effet que nous les voyons sur ceux qui nous sont parvenus. Je suis donc vraiment persuadé que l'excellent artiste avait l'intention de représenter la Comédie et la Tragédie en exécutant ces admirables sculptures, destinées

(1) Pollux, 1. c, § i44 et *48> donne, et le répète, le caractère de nez èftiypvftOS 7 subaquilinus, aux masques de la come'die. Nous le voyons même dans le masque d'un acteur représentant une scène, lequel est parmi les Peintures d! Herculanum^ tome I, pl. IV. Les nez de ces deux tètes, quoique restaurés à leur extrémité, ont évi^ demment cette forme.

(2) Nous avons déjà remarqué que cette forme pyra- midale des cheveux aux masques était appelée par les Grecs ô^HOÇj et par les Latins superficies*

88

1 à être placées, comme des hernies Propylées , U la porte du théâtre., dont la forme et le vaisseau s'est conservé jusqu'à nos jours, et qui était bâti dans une des plus délicieuses maisons de campa- gne d'un prince ardent amateur de tout ce que les arts ont produit de beau.

Il est peut-être inutile d'imaginer que quelqu'un puisse avoir encore des doutes au sujet de la dé- nomination que je propose pour ces deux bustes, et qu'il prétende, pour la combattre, que les per- sonnages allégoriques de la Tragédie et de la Co- médie n'avaient aucune différence dans l'antiquité avec les deux Muses Melpomène et Thalie ; et que par cette raison les têtes que nous examinons n'ayant pas de rapports avec les images bien con- nues de ces Muses, c'est en vain qu'on voudrait y reconnaître les portraits de la Tragédie et de la Comédie. Si Ton venait me présenter cette objection je répondrais, que nous ne devons pas prescrire aux artistes anciens des bornes a leur imagination v quand ils n'en connurent pas , et que les poètes ayant souvent personnifié la Tragédie et la Co- médie, sans avoir égard aux Muses qui présidaient à ces jeux scéniques , les artistes les ont imités. Nous en avons une preuve très-frappante et in- contestable dans le bas-relief de l'apothéose d'Ho- mère au palais Colonne , sur lequel sont sculptées toutes les Muses , et sur le même se voyent les personnages allégoriques de ces mêmes Muses> qui sont bien différens , savoir de la comédie , de la tragédie , de la poesie et de T histoire, et qui

8&

sont tontes distinguées d'une manière certaine par les épigraphes grecques qui sont près de chacune ( t).

PLANCHE XL

Le Sommeil *.

Un hermès semblable à celui-ci dans son pro- fil , par la barbe , ayant des ailes de papillon dé- ployées devant les oreilles (2) , et qui se voit re- produit dans plusieurs gravures antiques , n'est pas un sujet extraordinaire pour ceux qui ont quelques connaissances des antiquités grecques et latines. Comme quelques personnes avaient cru y recon- naître une image de Platon , j'ai avancé ailleurs déjà unë opinion absolument différente , rejetant l'idée du prétendu portrait de ce philosophe, tant à cause de la différence des traits avec une image bien plus certaine de lui , que par l'ajustement Dionysiaque de ses cheveux , qui tient plutôt de la femme , telle qu'on le voit ordinairement aux Bacchus barbus ou Indiens , et qui ne peut con- venir au portrait d'un philosophe comme Platon (2).

(1) Voyez ce superbe monument que nous avons de nouveau publié et explique' à la fin du tome I ^ pl. B } n. 1 ; pag. 352.

* Hauteur deux palmes moins une once. Il est en mar- bre pentélique.

(1) Winckelmann ; Monum, inéd. , n. 169. Voyez aussi dans les recueils d'empreintes des pierres grave'es anti- ques.

(2) Voyez notre premier volume , pi» XXVIII , p. 5*47,

Je fis la remarque que cette façon Bacchique de porter les cheveux et la harbe, que ce profil même, se trouvent dans quelques effigies bien connues du Sommeil (i) , auquel on donna aussi des ailes at- tachées au front, D'où je concluais qu'on devait avec fondement regarder ces images sur les pier- res gravées, comme celles du Sommeil lui-même, lequel ayant eu des honneurs et un culte dans la poesie et dans la religion de la Grèce (2) , de- vait être pris pour sujet dans les ouvrages des beaux- arts.

Ce que nous venons de dire suffit aussi pour retrouver dans Thermes que nous offrons l'effigie du Dieu du Sommeil ; cet hermès était peut-être destiné à orner un champ sépulcral , ou à être placé dans des endroits mystérieux de quelque

et pl. A III, n. 5, p. 346? IV, 8, pag. 348, nous rejetons par divers motifs l'opinion que Winckelmann avait soutenue.

(1) Le Sommeil a la chevelure et la barbe pointue comme les Bacchus Pogoni ou barbus du bas-relief expli- qué dans le tome IV de ce Musée, pl. XVI, pag. i3i, et dans le pareil du Musée Capitolin , tome IV > plan- che XXIV. Le Sommeil a aussi des ailes de papillon dans beaucoup de monumens qui ont été déjà cités tome I, pl. XXVLII, page 247 ; dans le Ili , pl. XLIV, page 2i3; dans le IV, pl. XVI, page i32, j'ai en- core rappelé les marbres qui nous le présentent avec des ailes aux tempes. On peut y ajouter le bas-relief de la Villa Albani ci dans Y Indicazione antiquaria , n. 211.

(2) Voyez les hymnes d'Orphée au Sommeil $ elle est ïa 84.

9*

maison de délices , les eaux sacrées invitaient par leur murmure, jointes à une ombre salutaire, les hôtes à se reposer. Ce marbre nous offre les mêmes traits de ressemblance avec les pierres gravées dont nous venons de parler, et les tempes ont la même décoration allégorique , excepté que les ailes de papillon sont ici couvertes par un palliolum qui est attaché sur le front du Dieu par le diadème Dionysiaque , couverture qui peut avoir dans l'image du Sommeil ses mystères , mais qui pourrait aussi y avoir été placée par la fantaisie de l'artiste, le- quel aura voulu ainsi voiler la tête de son lier- mès qui devait être exposé aux ardeurs du So- leil dans la campagne , de même que des hommes efféminés cherchaient à se défendre de l'excessive chaleur (i).

Or donc si les monumens bien certains nous montrent le Sommeil sous ces formes et ayant de même le front garni d'ailes, nous ne pouvons avoir aucun doute sur le sujet de cette sculpture. 11 ne nous reste que le désir curieux de conjecturer quels ont pu être les motifs qui ayent engagé les anciens à donner souvent au Sommeil des traits et des ornemens Bacchiques ; puisque le large dia- dème qu'il a sur le front est de cette espèce.

J'avoue vraiment que je ne me suis rien rap-

(i) Il a été dit quelque chose dans le tome III, plan- che XIX; page ioì; n. (i) ; du petit palliolum appelé icrpiOV précisément parce qu'il servait k réparer la tête contre l'ardeur du Soleil.

pelé de positif qui puisse expliquer ce rapport» Mais il n'est pas difficile d'imaginer des allégories entre les deux divinités du sommeil et de l'ivresse. En outre c'est qu'à toutes deux s'appliquent égale- ment les titres solennels et bienfaisans de Ljsiae et Ljsimerimnae (i), que l'on peut rendre avec exactitude ainsi : qui chasse les soucis des mor- tels.

P L A N C HE XII.

Hermeracle

Ce superbe morceau des ruines de la Yilla Adrienne est par son travail excellent un des mo- numens le plus noble et le plus admirable de tous ceux qui nous sont parvenus après avoir orné les palestres des villes grecques ou romaines (2). Les

(ï) yi les hymnes d'Orphée XLtX , v. 2 , 9 ; LXXX IV, Y. 5 ; et les Gnome de Secondus , art. Qui est Somnus? parmi les opuscules Mjtologiques } etc., de Gale,

* Hauteur, y compris toute la partie antique du pilas- tre, cinq palmes et demie. Il est de marbre grec dur. On Ta trouve' dans la Villa Fede à Tivoli, avec plusieurs autres monumens de mérite qui existèrent chez le feu comte Giuseppe Fede , et qu'à sa mort le souverain Pon- tife acheta.

(2) Les Romains avaient l'usage , soit pour embellir leur maisons de campagne, ou pour faire leurs exercices, d'y construire des palestres ou gymnases à l'instar des Grecs, et ils y prodiguaient tout le luxe dont ils étaient capables. Nous avons pour témoignage les lettres de Pline

9*

contours moëlleux et sublimes d'Hercule imberbe qui est représenté avec des cheveux crépus, et des oreilles qui distinguent ceux qui s'exerçaient à la palestre, et la couronne de peuplier (i), autori- seraient à le considérer comme un reste des arts les- plus anciens dans les beaux siècles de la Grèce , quand même quelques-uns des monumens qui ap- partiennent très-certainement au temps d'Adrien ne fussent pas portés à un tel degré de perfection qu'ils peuvent détruire les vains systèmes et les périodes qui furent déterminées par la fantaisie seule de ceux qui jusqu'à présent ont écrit sur les an- tiquités (2).

( liv. II, ép. if])f il fait mention de Gymnase et de Xiste m7 encore mieux celles de Cice'ron (ép. adFatn. VII, 23 ; ad Attic. 17 4? 6 et n ) 7 et même celles-ci nous ap- prennent que les hermès étaient l'ornement le plus ordi- naire de ces lieux et celui qui leur convenait.

(1) Le peuplier, de cette espèce particulière qu'on nom- mait en latins populus alba, en grec TbeVKtf et d^epolç avaif , croyait-on; été' rapporté par Hercule à son retour des enfers dans la Grèce y ou chez les Molosses ( Pau- sanias, liv. V7 c. XIV). D'autres ont dit qu'il avait en- trepris cette terrible expédition étant couronné de peu- plier, et ils font dériver des vapeurs et de la suye des bouches de l'enfer, les diverses couleurs que les feuilles de cet arbre ont à leur partie supérieure et inférieure ( Servius dans Virgiie , Aen. V , 1 5 4 ). La couronne de peuplier était donc particulière à Hercule, Q uelqu'im pourrait lui substituer celle du lierre; mais les anciens n'ont jamais manqué pour distinguer les couronnes de lierre d'y ajouter ses graines.

(2) Je ne prétends pas soutenir par-là que les anciennes

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Une particularité qui se fait remarquer au pre- mier coup-d'oeil dans la très-belle tête d'Hercule, ce sont ces oreilles plus petites qu'il ne convient, marquées par des cicatrices en travers , écra- sées, et presque adhérentes à la tête. Une des plus heureuses découvertes qu'ait fait Winckelmann fut certainement celle de reconnaître dans de sem- blables oreilles le caractère athlétique par lequel on distinguait ceux qui combattaient dans la pa- lestre sous les noms à'Ototladj et à'Otocataoci y qui exprimaient les contusions et la fracture de leurs oreilles, causés en partie par le pugilat, en partie par les bandelettes dont ils se servaient pour les mettre à l'abri des coups, et sans doute par quelques autres méthodes ou manières, employées dans la gymnastique, que nous ne connaissons pas assez ( i ). Peut-être que de les tenir ainsi compri-

sculptures n'offrent pas dans le style des caractères qni puissent faire distinguer leurs époques, je dis seulement qu'il est fort rare que Ton puisse distinguer une époque d'une au- tre par la seule excellence du travail, et qu'elle est celle pos- térieure au degré' de perfection qu'eurent les arts sous Phi- dias, et celle antérieure à leur décadence précipitée dans le troisième siècle. Par exemple l'Antinous qui était dans la galerie du palais Farnèse offre un travail d'une telle perfection, qu'on ne peut indiquer dans ce genre aucune autre statue qui lui soit supérieure en excellence , el ce- pendant cet ouvrage est du temps d'Adrien. Ainsi no- tre hermès pourrait être du même âge ; d'autant plus que nous verrons le marbre grec dur; dont on s'est servi pour le faire ; employé aussi pour un buste d'Antinous trouvé dans le même endroit.

(i) Celte observation nouvelle et ingénieuse a été faite

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mees, et de les avoir eues déchirées de bonne heure dans leurs exercices, cela les empêchait de

par "Winckelmann , le premier dans son Hist. de Vart , liv. V , ch. V , § a5 et suiv. , en y citant les autorités que Meursius dans les Miscellanea Laconica ( liv. I, c. i 7 ), et rOlearius dans Ses notes sur Philostrate ( Heroic. , ch. III, et Imag. , c. XXI), avaient recueillies sur cette particularité , et sur les mots qui l'exprimaient. Pollux (Onom. II, 83) dit expressément que les oreilles deve- naient ainsi à la suite des coups que se portaient les athlètes ; mais il paraît que cette compression était due aux antotides ou anphotldes , espèce de bandages avec lesquels ils resserraient ces parties lorsqu'ils se disposaient à combattre: on peut là-dessus consulter Fabri ( Agon. , liv. I , ch. 1 1 ). En voyant sur ces oreilles le plus sou- vent deux incisions transversales , on pourrait douter s'ils ne se les rompaient pas exprès dès leur enfance, pour être moins embarrassés dans le pugilat, ce qui était cause aussi de leur peu d'accroissement. Mais cela peut être aussi simplement une méthode qui tient à l'art, parce que quelque célèbre artiste ayant exprimé ainsi une fois les oreilles des athlètes avec leur caractère, mais sans difformité, les autres auront scrupuleusement suivi cet exemple. Winckelmann en appliquant cette ingénieuse observation, qui lui appartient, s'est quelquefois trompé. Ainsi les oreilles de ce philosophe de la Villa Albani (Indicazione antiquaria , num. 485), sur l'hermès du- quel 7 qui a été accommodé cependant ainsi postérieure- ment, on lit le nom de Xénocrate ? ne sont pas propre- ment celles des athlètes, mais elles sont raboteuses, ri- dées , comme il convient à une tête de vieillard , mai- gre. Il a encore fait une équivoque entre Palamède et Protésilas en expliquant les descriptions qu'on trouve dans Philostrate, d'Hector et de Nestor avec des oreilles sem- blables. Mais c'est à tort qu'on l'a repris dans les notes

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prendre leur accroissement naturel, et qu'elles pa-» raissaient à la tête des athlètes précisément comme nous les observons dans celte belle sculpture, à la- quelle j'ai donné le nom d'Herméracle , entendant parce mot, avec Mazocchi et avec d' autres * sim- plement un Hercule en forme d'hermès , simula- cre si ordinaire dans les Gymnases sans exiger que

sur l'explication qu'il donne au passage de Platon dans le Protagoras > ou ifiavraç rtepmlliTTOVTai ajouté à JrûC te TCaTayvvVTai , doit certainement être interprète'; comme il le suppose, aures sibi frangurit , et loris se circumvol- vunt) rapportant cela aux cesles, auxquels s'applique cette expression grecque, et pas du tout aux bandages des oreilles. Dès le temps de Platon , ou plutôt dès les temps héroïques, comme en conviennent les anciens, on continua à disposer ainsi les oreilles dans les gymnases, jusqu'au temps de l'empire romain ; et d'après cela on doit expli- quer Tépigramme suivante de Martial , la XXXII duVII livre, il met en contraste un jeune homme studieux avec ceux qui ne s'occupent que de la palestre : At ùiyenes alios fracta colit aure magister Et rapit immeritas sordidus unctor opes :

on y voit signifiés clairement les noms grecs de Pedo- tribes et dïAliptes que l'on donnait aux maîtres de l'art gymnastique. D'ailleurs comme ceux qui passaient tout leur temps à de semblables exercices, devenaient assez souvent des oisifs, propres à rien, je crois que nous pouvons ici rappeler ce qui a été dit déjà que le mas- que du parasite, qui se voit au théâtre des Grecs, avait des oreilles d'athlète, déchirées, selon la description que tious en donne Pollux ( Onom. IV, 148 ). Cependant Pline et Dioscoride parlent des onguens dont on faisait usage pour guérir les oreilles ainsi maltraitées: le premier au liv. XX ; § XI ; et le second au liv« II ; ch* 202,

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les Herméracles doivent représenter deux têtes d'Hercule et de Mercure adossées , lesquelles , à la vérité, ont été ainsi sculptées quelquefois, mais que les anciens eux-mêmes n'ont pas entendu désigner absolument par le seul nom d'Herméra- eie (i).

Les parties mâles que l'on ne négligeait pas de placer dans les pilastres des hermès , auxquelles on attribuait un sens mystérieux chez les anciens (2), sont aussi exprimées sur le nôtre , et ont été seule-

(1) Mazocchi [ad tah. HeracL , p. 1 49 et i5o ). Les Hercules décrits par Pausanias placés dans la palestres d'Elide et deSycione(liv.VI,ch. XXIII; liv. II, ch. XI), et ceux qu'on voit communément sur les pierres gravées et dans les bas-reliefs représentans des exercices gym- nastiques , sont tous terminés en pilastres comme des her- mès , sans qu'aucun ait la tête de Mercure réunie. Leur forme d'hermès leur fit donner, à ce qu'il paraît, par les Romains , qui en faisaient grand usage dans leurs mai- sons de campagne, le nom à! Herméracles y comme ceux avec la tête de Minerve s'appelèrent Hermathènes , et ceux avec la tète de Cupidon furent nommés Herméro- tes* On ne trouve pas ces noms dans aucun écrivain grec. Les têtes de Mercure et de Minerve adossées, au- tre espèce à'Hermathène et ò?Herméracle , sont très -ra- res* Nous en parlerons dans le discours suivant : on peut déjà comparer ce que nous avons dit dans le tornelli, pl. XXXVII, à la note (3), page 176.

(2) On peut voir pour un exemple Plutarque : An se- nibus gerendo, sit respublica , sur la fin -f Macrob., Sat+f liv. 1, ch. XIX, et les auteurs des Peintures d'Hercula- num, tome III, pl. XXXVI.

Musée Pie-Clém. Vol. YI. 7

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ment changées en feuilles et en fruits, par décence, dans la restauration qu'on a faite de notre temps (i).

PLANCHE XIII. S <•

Hercule couronné *.

Un beau caractère, une physionomie digne d'un demi-Dieu , un ciseau franc et habile , telles sont les qualités qui font le mérite de cette ancienne sculpture, dans laquelle nous voyons Hercule ayant la tête ceinte de cette couronne torse ou roulée, que nous avons déjà remarquée à quelques autres de ses images, qui paraît lui avoir été particulièrement consacrée , et qui devint ensuite en usage pour les combattans des palestres (2). Cette couronne est

(1) C'est aussi à la restauration qu'on doit les quatre grappes de raisins ajoutées à la couronne, parce que les feuilles de peuplier ont été prises par le sculpteur pour celles de vigne, ou bien parce que les raisins rendaient, selon son idée, la couronne plus agréable.

* Sa hauteur avec le piédouche est de trois palmes et demie. Il est en marbre de notre pays. On Ta trouvé dans ]es fouilles du Latrane et à peu de distance on décou- vrit une petite colonne toute sculptée en feuiliages avec une petite épigraphe, que nous avons déjà rapportée et expliquée dans le tome III , pl. XXIV, p. 124, n. (i). Cela ferait supposer qu'il y eut dans ce lieu un temple ou une chapelle a Hercule.

(2) Voyez la planche IX du tome II et les notes. Ce

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formée de rubans, lemnisciy étroits, roulés en spi- rale autour de quelque cordon , lequel semble de temps en temps orné par quelques nœuds formés avec art en manière de fleurs (i).

que nous avons dit dans ces discours de couronnes tor- ses ; tortiles QcvûiO'TOÏ) je ne voudrais pas qu'on l'en- tendit comme excluant l'autre nom de volutias (£/Ì£#TO/% parce que ces noms , à ce qu'il me semble, peuvent égale- ment s'appliquer à signifier ces couronnes. Et même les anciens écrivains ont regardé le premier mot comme hors d'usage. De semblables couronnes composées de bande- lettes, teniae , ou de rubans; leninisti, ainsi tortillés, quel- quefois mêlés avec des feuillages, comme on le verra dans le § suivant, servaient de prix aux vainqueurs des jeux et de la palestre -, par cette raison Servius regarde comme synonimes les couronnes lemniscatae et agonales (Aeri., liv. V, v. 775 ). Il est vrai que quelquefois les leninisti pendaient seulement de l'attache de la couronne, comme par exemple dans l'Hercule Olympionique de la Villa Albani, que AVinckelmann a appelé un Xénophon, et dans les couronnes de laurier des empereurs. Mais dans une peinture sur verre de la collection des médailles du Va- tican, où est représenté un joueur de flûte, ctuletes7 ou un trompette, Tibicen , vainqueur dans plusieurs défis, les noms y sont écrits , on voit les couronnes tout en- tières entourées ainsi en spirale de rubans, comme celle que nous observons.

(1) Quoique le mot toruli signifie ordinairement les pe- tites cordes dont on forme, en les tordant, une grosse corde, il paraît que dans un passage de Cicéron (Orat. § 6) déjà produit par Pascal (de Coronis , liv. II, c. 12) on les prend pour une sorte de noeud qui servait à fixer les tresses de la couronne, et même pour lui donner de dis- tance en distance quelque distinction ou relief. En ce cas

iOÓ

§ &

Hermes double de Mercure et d'Hercule *

An premier coup-d'œil, en voyant ce bel her- mès, on croit qu'il représente Hercule à deux âges (Jifférens , comme nous le trouvons exprimé par les artistes anciens qui Font représenté tantôt sans barbe, tantôt avec barbe. Mais Fusage assez connu de réunir ensemble ces deux fils de Jupiter , Mer- cure et Alcide , présidant à la gymnastique, dont ils furent en partie les inventeurs, mais de voir des images bien sures de Mercure sous les formes d'Hercule un peu différentes (i), me fait pencher à croire plutôt que la tête du premier, imberbe y dont la couronne de peuplier ornée de rubans y leninisti^ tortillés est en tout semblable à celle de son compagnon, peut être prise pour un ornement athlétique suggéré par la destination qu'avait cet hermès , lequel était placé dans un lieu la jeu- nesse grecque, après avoir terminé les exercices de la palestre? venait se parer le cheveux avec

les petites fleurs que nous voyons sur notre marbre, claire- ment fornie'es par les noeuds de rubans, pourraient être en- tendus comme étant les tarali dont parle Cicéron.

* Hauleur deux palmes et trois onces y compris la poitrine. Il est de marbre grec d'une couleur un peu li- vide , peut-être est ce le marbre de Lesbos que Pline met au nombre des marbres statuaires, ajoutant: livi- dus hoc paulio (liv. XXXYl; § V).

(î) Elles sont citées t. I, pl. VII / et t. III, pl. XLL

IOI

ces rubans et cette couronne (i). Peut-être avons iious vu par la même raison une couronne sem- blable tortillée sur la tête d'un Bacchus hermès(2); et d'ailleurs nous possédons beaucoup de têtes de Mercure avec le diadème.

Si cependant on voulait croire qu'à l'imitation des têtes de Janus ou de Bacchus Phanétès, dont l'une était quelquefois sans barbe et l'autre bar-

(1) La comparaison de ces couronnes avec celle de Delphis, jeune athlète; décrit par Tliéocrite dans l'Idyl- le II, v. 121, est remarquable:

Kpazi $ 8%m ùevxàv 'Ylpaxùéoç lepbv epvoç Yiâvrore rtoptpvpèaim rtepi£ò(rToA(nv ekiitihv. « Il a sur la tête une couronne de peuplier, arbre con- ti sacré a Alcide; elle est entourée de rubans pourprés » La correspondance parfaite de cette description avec les couronnes de notre hermès morite vraiment d'être remar- quée y car on aperçoit de temps en temps entre les tours de spirale que font les rubans, teniae , des feuilles de peuplier. On voit enveloppée de même la couronne de lau- rier d'un autre athlète dans un bronze d'Hercuianum (tome I, pl. 6i et 62). Pa cal a cru que la couronne de Delphis devait plutôt être regardée comme propre aux festins qu'aux jeux du gymnase , mais comme on parle du peuplier qu'Hercule porta en couronne dans ses gran- des entreprises, et non pas dans ses plaisirs, les cou- ronnes du même feuillage dont étaient ceintes les têtes des jeunes Troyens dans les jeux athlétiques décrits par Yirgile (Aeri. V, v. 1 54 ) j et en outre tout ce que nous avons dit ci-dessus au sujet des leninisti, des couronnes agonales , forment ici presque la démonstration que l'on doit les considérér comme particulières aux athlètes, et non aux festins ou aux amours^

(2) Gi-dessus ; pl. VI ; § u

I02

bue , on ait eu l'intention de redoubler et de va- rier ainsi les images d'Alcide, cette opinion ne me paraîtrait ni extraordinaire ni invraisemblable (i).

PLANCHE XIV.

SÌR APIS *#

Le basalte couleur de fer qui a servi à sculpter le rare et très-beau buste que nous représentons ici , fait conjecturer que cet estimable monument des arts égyptiens sous les Grecs et les Romains, est aux superstitions pratiquées à Alexandrie. Sérapis fut la divinité que l'on adora principale- ment dans cette capitale lorsque Pluton y fut trans-* porté de Sinope , et il obtint sous le nom de Sérapis un culte, comme nous l'avons déjà dit ail- leurs (2). Cette figure majestueuse et sévère bien

(1) D'autant plus que dans la mythologie d'Hercule les allusions qu'on lui attribue avec le Soleil sont claires, comme nous l'avons remarque dans le tome LV à la plan- che XLII. Les deux effigies l'une jeune, l'autre d'un âge mur, peuvent être l'emblème des différentes positions du soleil sur notre horizon? particulièrement celles d'été et d'hiver.

* Sa hauteur avec le piédouche est de cinq palmes et demie. Il est sculpte' en beau basalte couleur de fer. Il était autrefois parmi les antiquités de la "Villa Mattei # et par cette raison publie dans le tome II des Monum. Mattej. , pl. II. Le modium a été rétabli sur les traces de l'antique.

(2) Tome II ; pl. I , ou l'on explique les attributs les plus ordinaires de Pluton Sérapis,

io5

digne de Jupiter des Enfers , les traces du mo- dium qui sont sur le sommet de la tête > la tu- nique dont il est encore revêtu jusques sur la poi- trine, sont des attributs si assurés de Sérapis, qu'il serait impossible de lui donner une autre dénomi- nation^). Les marbres d'une couleur foncée étaient la matière que la religion de ces peuples emplo- yait de préférence pour les images de ce Dieu , comme étant symboliques et appartenant à l'em- pire de la mort qu'on supposait qu'il gouvernait y comme représentant la lumière sombre et foible du soleil lorsqu'il est vers le tropique de l'hémisphère inférieur, parce que cela avait fourni l'idée que Sérapis était le maître de la région des morts (2).

(1) Winckelmann a donne au Dieu sculpte' dans ce marbre 7 le nom de Pkiton \ et celui qui a explique' les Monum. Mattej. veut rejeter cette dénomination ; 3. c. } tous deux dans ce cas ont montre' moins de soin qu'on ne doit en apporter dans de pareilles recherches Le cer- bère qui est joint à tant d'images de Se'rapis, justifie as- sez le nom de Pmton qu'on lui donne. Mais d'un autre côte' les Plutons absolument grecs , et qui n'ont pas de rapport à ce culte de Synopis ou d'Alexandrie ; sont bien différens , comme le de'montrent tant de bas-reliefs l'on voit représenté l'enlèvement de Proserpine ; ils ne sont pas vêtus de la même manière 7 c'est-à-propos de cela qu'il faut reformer la note (5) de la page i5 de la plane. I du tome K ? à raison de l'observation postérieure que j'ai propose'e à la pl. II > § 1 de ce volume.

(2) Àthe'nodore dans Cle'ment d'Alexandrie, Protrept. [le/lavÓTepop %pó{ia> tov âyàùfiaroç « La couleur du simulacre tire sur le noir, » Macrobe ; Saturnal. , liv. I, c. XIX.

io4

En effet on conserve à Rome plusieurs autres ef- figies de ce Dieu ou du même marbre que celui- ci, ou de quelque autre de même couleur (i)- cir- constance qui explique à merveilles ce que nous apprenaient les témoignages que nous ont laissé les anciens.

PLANCHE XV.

Sérapis radié .

Quoique l'exécution générale de ce grand buste annonce un peu le siècle de la décadence des

(i) Le buste de Sérapis du palais Giustiniani est aussi de basalte noir. Un autre petit de la Yiila Albani dans la galerie est de basalte verd (pierre dans laquelle do- mine une couleur obscure et qui ressemble à un bronze), de même qu'un grand, colossal, de la même Villa, mais qui est restauré en grande partie. La grande figure de Se'rapis, de neuf coudées de haut, placée en Egypte, que Pline décrit ( liv. XXXVII, § XIX) formée en entier d'un seul bloc de pseudo-smaragdus , était peut-être de quel- que pierre d'une qualité plus fine, mais pourtant de mê- me d'une couleur entre le verd et le brun.

* Haut avec le piédouche de six palmes moins un si- xième. Il est de marbre grec d'un grain le plus fin, et que les marbriers appellent Grechetto. On l'a trouvé près de la voie Àppia , vers le neuvième mille, dans un lieu appelé ColombarOy à peu de distance des Frattocchie: les rayons de métal doré ont été rapportés dans des temps modernes, dans les sept trous antiques qui se trouvaient au diadème, et qui furent certainement destinés au même

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arts , cependant la simplicité grandiose des traits qui conservent probablement quelque chose d'un morceau plus ancien , est telle qu'il y a très-peu d'images des divinités du paganisme qui nous of- frent une physionomie aussi noble et aussi impo- sante. A la vérité la manière dont est traitée la draperie qui couvre la poitrine de ce Dieu est in- férieure au style du reste, sans que l'ensemble y perde en rien. Cette draperie , comme nous l'avons remarqué ci-dessus , et le moclium dont était cou- ronnée la tête, selon les vestiges qui en restent y dénotent bien évidemment un Jupiter Sérapis ; ce qui est confirmé encore par les sept trous per- cés dans le strophium ou diadème qui ceint son front ; ces trous ayant été faits pour y insérer au- autant de rayons en bronze, tels qu'on les a ré- tablis. La divinité de Sérapis dérivée primitivement de l'Egypte par le culte rendu au Soleil qui était le fondement de cette idolatrie , y avait été réu- nie dans les siècles de l'empire romain de telle manière , que les noms de Jupiter , de Soleil , de Sérapis servaient ensemble à la signifier , ainsi que cela nous est attesté par tant de monumens

«sage. Le modium sur la tête est moderne, excepté l'en- droit qui pose sur les cheveux. L'antique qui s'e'tait dé- tache' se trouva tout auprès , mais ceux qui le découvri- rent dans la fouille n'imaginèrent pas comment il avait appartenu au buste ; et le voyant lisse ; ils n'en tinrent aucun compte. On a su cela depuis par quelqu'un qui l'avait vu y et qui en a parle' lorsqu'il s'aperçut qu'on l'avait refait a neuf en le restaurant.

io6

écrits (i); et les ornemens du Soleil, dont les plus convenables étaient les rayons autour de la tête, se plaçaient constamment sur toutes ses images , comme le démontrent beaucoup de restes de rao- numeus des arts anciens , sur lesquels ce Dieu d'Alexandrie (2)

. . . radiis frontem vallatus acutis

était proposé à l'adoration dans l'empire romain (3). Car même jusques dans le temps d'Adrien la di- vinité mystérieuse du Jupiter-Soleil-Sérapis avait dans Rome une grande confrairie qui avait le titre de ses Péanistes , probablement du mot Péan , espèce de cantiques dont on se servait dans ses cérémonies, et qu'on chantait en son honneur (4).

Tout ceci peut suffire par rapport au sujet. L'usage d'orner de rayons Ja couronne ou la tête ,

(1) IO\ I SOLI SERAPIDI - AH EMÙ SAPATIIAI :

se voyent fréquemment sur les anciennes inscriptions dans Gruter, page XXIÏ , n. 9, io; 11 ; Fabretti, ch. "VI, n. 107 ; Guasco ; Inscript. Cap. f tome I, n. 3. Voyez en outre Jablonsky ? Panth. Aeg. 7 liv. Il; ch. V.

(2) Ovide, Heroid. , IV.; v. 159.

(5) Ont le voit ainsi sur les médailles d'Alexandrie > dans Zoe ga, IIadriani7 n. 159 et 1 98. Antonini P.7 n. i55 et 162. Sur cette dernière la tête de Sérapis est au mi- lieu des planettes et du Zodiaque. De même sur les pier- res grave'es ; p. e. ; Muséum Florentinum7 tome I; pl. LUI et LVIL

(4) C'est ce que l'on trouve sur une inscription remar- quable de Gruter 7 p. CCCIV ; n. 2, laquelle se trouvait à S. Marie in via Lata 7 et de-la il est probable qu'elle a appartenu au fameux voisin Isée et Sérapée 7 c'est-à- dire temple consacre' a Isis et à Serapis*

107

était parmi les anciens un emblème du Soleil, ou qui, selon la mythologie, lui appartenait de très- près -y de-là est venue la couronne radiée du roi Eetès fils du Soleil , dans Orphée , ou, pour mieux dire, dans Onomacrite ( i , et c'est peut-être d'après cette couronne que Virgile a emprunté celle du roi des Latins (2). Les exemples que nous offre

(1) Argon. 81 1 : <\

A(i(pi ol arepdvìj mcpaJkriv eye. Svcraavóeo'O'a AxTÏm (pùoyéaiç.

Caput illi cingebat corona fimbriata Radiis ardentïbus.

(2) Aeneid. XII, v. 162.-

cui tempora circum Aurati bis sex radii fulgentia cingunt Solis avi specimen.

Cette coutume de couronner de rayons les personnages mythologiques qui avaient des liens de parente avec le Soleil me fournit une conjecture pour donner une expli- cation de la peinture d'Herculanum (tome IT, pl. X), dont la description même prouve qu'elle a élé inexpli- cable jusqu'à présent. On voit représentées dans cette fresque deux demi-figures de femmes à moitié' nues ; l'une est couronnée de petites feuilles, l'autre l'est par des ra- yons , et elle a deux rubans en forme de baudrier qui passent sur ses épaules et ses flancs. Derrière est une figure d'homme aussi radiée et qui est tournée vers la première des deux Déesses. Au fond, sur la montagne, est une autre figure qui semble un paysan. Il me sem- ble que la femme couronnée de rayons avec ces rubans croisés sur sa poitrine, que les écrivains n'ont pas re- marqués, peut être l'Aurore, appelée aussi par les Grecs 'H-liépa et Dies par les Latins, sœur du Soleil , que Ton

ICS

la poesie donnent à de semblables couronnes douze rayons , et cela sans doute par de très-bonnes rai- sons (i). Mais les artistes furent guidés par d'au- tres motifs en préférant ordinairement le nombre de sept, lequel était suffisant pour orner la tête, et qui devenait peut-être plus agréable à l'œil ,

voit ailée sur les médailles romaines des Plautii, et ces rubans en baudrier ont coutume dans les arts anciens de tenir lieu des ailes, comme le démontrent quelques images de la Victoire , de l'Iris et des Parques. En ou- tre celle d'Icare à la Villa Albani. (Voyez notre t IV, pl. XLIIl , p. 3^8, et la planche «upplé n., p. 365 , et les notes de la pl. IV supérieure, page5i ; Cavaceppi , t. III, pl. 5 et 4 3 Winckelmann , Monum.idéd. , p. i3c)). L'autre Déesse à moitié' nue, dont on peut prendre la couronne pour du myrthe, sera Vénus , et le jeune homme radié sera Phaéton, non pas celui d'Ovide, mais celui d'Hésiode, celui des fables Àttiques et de Chypre, fils de l'Aurore , amant heureux de Vénus , et qui même a été confondu avec Adonis ( Hésiode , Theog. , v. 986 5 Apollodore, liv. III , ^ i£> m 3 ^ et au même lieu Heyne). La divinité rustique fait peut-être simplement allusion au site montueux et couvert de bois , que nous ne pouvons à présent déterminer, ayant perdu les écrils qui racon- taient ces fables, lesquelles avaient prêté des sujets aux beaux-arts , comme ceia est indiqué clairement par un passage , bien qu'un peu mutilé , de Pausanias ( Attica, ou liv. I, ch. III). Cette circonstance rend encore mon explication plus probable, et j'espère persuader davan- tage quiconque voudra examiner les diverses opinions qui ont été proposées sur ce monument unique dans son genre et difficile a connaître.

(1) Voyez l'Aléandre, ad Toh. Heliacam.> sur ce bas- relief le Soleil a douze rayons.

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parce que les rayons sont moins serrés , et alors ils font un effet plus simple. En effet le colosse du Soleil à Rome n'avait que sept rayons ( i ) , et on ne trouve la trace que de sept aussi dans la table Borghese , ainsi que dans la belle tête du Musée Capitolili connue pour un Alexandre, tous deux étant des monumens qui nous représentent le Soleil lui-même (2).

(1) Celui qui jadis était Néron, et qui a donné son nom «au Colisée. \ittor; dans la Regione quarta, dit que surla tête du Soleil substituée à celle de Néron , radii septem fuere longitudine pedum XXII, S. Peut-être que Non- nus avait pris le motif des images du Soleil , qui de son temps étaient très-repandues; en attribuant seulement sept rayons au lieu de douze ; quand il nous représente le Soleil qui couronne son fils ( liv. XXXVIII ; v 3o5 ) »

^irlaTÔvvç amhaç ml itkoKUjjuoiG'iv £Ùi!;açy <i Et il lui place sept rayons autour de la tête. »

(2) On en a parlé dans le tome I? page i^S , n. (1). Peut-être est-ce à la coutume d'orner ainsi de rayons do- rés les têtes du Jupiter Soleil Sérapis que se rapporte l'expression d'une épi gramme de Gruter 7 pl. LXXXV , 5), dans laquelle Dioscore Çânopoç, editues 7 gardien d'un temple de Sérapis, dit avoir fait ériger

NHONMENCirA

AOEWTACAPA

niAOCTYIME

AONTOC

HAATTONXPT

COYIIAM<DAi\0

0NTABOAAIG

t IO

TSqòv fjbh {nyaÀósvra ILapdjtidoç vipt^iê^ovroç

'Riï' dvTÒv ftpvcrov ^a^b(pavÓQvra fioùaïç.

« Au grand Sérapis un temple admirable le Dieu « même est orné de rayons d'or. »

Je pense que le mot pó2*tòl} littéralement iactus , doit être interprété par rayon , à-peu-près comme dans l'Odys- sée on les nomme métaphoriquement bybfjudtiùV ^o'kdi , les regards 7 (A; i5o). Il est question probablement du même Dioscore, aedituuSj gardien du temple de Sérapis, sur un autre petite colonne de marbre gris de la collection Pie- Clémentin, ayant une épigraphe grecque , laquelle n'a été jusqu'à présent ni lue, ni comprise comme elle doit l'être, quoique plusieurs fois publiée (d'abord par Fabretti, Inscript., ch. VI , i83 ; ensuite par M. Schow , Charta fapjr Mus. Borg., p. 61 ). Il me paraît nécessaire delà rapporter ici, d'autant plus qu'elle appartient entière- ment au culte de Sérapis dont nous expliquons l'image, La voilà :

CAPAniAIKAITOIC CïNNAOICeEOlC . CTATIOG KOAPATOC . OKPATICTOC IVEoKOPOC . ER . MErAAtfN KINAYNaN . nOAAARIG CaOEIC . EÏXAPICT0N

ANE0HRA IAE0C . COI AATI1I TONENKAN^B^ METATOYB0MICKAPIOT AIOCKOPOCNE0KOP . . TOïMErAAOïCAP

ANE0HKA

Savoir: ^apdrtidi Mai toîç avvvdoiç Seoiç Ittdnoç Ko- dpdroç ô KpdnvToç nàxopoç Idi {leydÀ&v wpdvyQV

ïkzôç aoi 7 âùvizei.

Serapidi et Diis qui commune templum habent Statius Quadrants optimus aedituus e magnis periculis saepe ser~ vatus dedicavi.

Propitius tibi sum ? bono animo sis. Ces paroles se sup- posent de Sérapis. Eum (Serapidem) qui est in Canopo (seu Canopi vel hydriae figura), cum parva ara Diosco- rus aedituus magni t Sarapidis dedicavi. M. Schow lisait ainsi les huit dernières lignes: tov èv KavójÌQ (jbsrà tov ^o^iaKaph Aiôanopoç veà- xopoç tov (leyàùv zxapâftidoç âvéS?ixa.

iXbqç aoi aÀvma Tov ev KavQ@0 (lera, tv Pope/lix Aioanopoç , veo- nopoç, Seotç tolç (leyaùoiç ùiSov aveS^Mco

Je crois que le S érapi s in Canopo , n'était pas autre chose qu'un Sérapis sous la forme d'un vase : voila pourquoi Pausanias parle d'un autre Sérapis in Canopo7 nous le dé- crivant placé à Corinthe ( liv. II , ch. IV ). Ceux qui ont expliqué ce qui appartient à l'Egypte pensent avec fon- dement que le Dieu Canobiticus, adoré principalement dans la ville de Canope; était justement le même Séra- pis , considéré dans ses rapports avec le Nil. "Voyez ce qu'en a dit d'une façon étendue Jablonsky dans le Panth. Aeg. , souvent cité, liv. V, ch. IV, en outre le Schla- ger dans la dissertation de numo Hadriani plumbeo. Le petû autel, ou la petite colonne désignée par le mot flopu- GKâpiov iuconnu aux lexicographes , mais suffisamment clair dans le marbre et dans la signification 7 est peut- être une de celles qui vont en diminuant vers le som- met, précisément comme est la petite colonne sur la- quelle est placé le Canope du Capitole, et ces petites colonnes servaient en effet d'autel, comme cela est dé- montré dans le Recueil de Caylus; tome I, pl. XIX et XX,

PLANCHE XVI.

1 S I S , BUSTE*.

La draperie de ce buste , selon l'observation très- judicieuse de Winckelmann, servirait seule à dé- montrer qu'elle est la divinité à laquelle il ap- partient; car le manteau qui descend des épaules, étant ainsi noué sur la poitrine et remontant sous les aisselles , est le vêtement ordinaire d'Isis dans ses effigies grecques et romaines (i). Ce buste ce-

* Elle a de hauteur avec le pj'édouche quatre palmes -y le marbre est de cette qualité' que les ouvriers appellent de Paros, et qui surpasse les autres en blancheur et fi- nesse : on l'a trouvée dans les fouilles faites hors de la porte Maggiore, dans le lieu qu'on appelle Roma-vecchia.

(i) Winckelmann, Storia delle arti, liv. II, ch. III, § 4 et suiv. , et Monum. inéd. } Trat. prélim. y p. XXI. Ainsi il a reconnu pour des images d'Isis beaucoup ere statues qu'on avait restaurées pour d'autres sujets. On en pourrait encore reconnaître beaucoup d'autres , comme par exemple une plus grande que nature, en marbre gris, dans la Villa Pinciana, qu'on a restaurée comme une Cérès , une autre du Capitole (Mus. Capitol. ? tome HT, pl. VII ) restaure'e pour une Junon. Cet habillement sem- ble dérivé de la mode égyptienne que l'on voit à un si- mulacre de la Villa Albani , publié dans YHist. de V art 7 cité tome I, pl. X. Dans celle-la cependant le manteau ne tombe que de-dessus une épaule: les Grecs ont voulu, en l'imitant, le disposer avec plus de symétrie , en dou- blant la même masse de draperie pour la placer sur chaque épaule. Apulée dans sa description d'Isis (Me- tani., liv. XI ) se conforme à la mode originale de la sta- tue égyptienne , lorsqu'il décrit ce manteau } sui dextrum latus ad humerum laevum recurrens.

n5

pendant n'est pas privé de ces signes distinctifs à la tête qui forment ce groupe ordinaire que les antiquaires ont coutume d'indiquer sous le nom de fleur de lothos , ou qui est appuyé sur une demi-lune. De même les boucles de cheveux bien frisées qui tombent des deux côtés sur le cou, sont particulières à la Déesse de Pharos , laquelle réu- nissait dans ses attributs mystérieux presque toutes les déesses du paganisme. Notre sculpture l'avait d'abord représentée avec le voile qui lui couvrait la tête y et il se rapportait peut-être à ces paroles qu'on lisait dans le temple d'Isis à Saï, qui di- saient , qu'aucune main mortelle n'avait pu lever ce voile , donnant à entendre par-là qu'Isis était la nature elle-même, ou la sagesse divine (i).

D'ailleurs le manteau est disposé dans la figure égyptienne du Capitole ( Mus. Capit. ? tome lit, pl. 78) comme dans notre marbre.

(1) Ptutarque {de Is. etOsir.): il appelle Isîs la Déesse de Sais, en prenant garde qu'on la réputait la même que ìa Minerve des Athéniens, conformité exposée plus au long par Piaton dans son Timée. La médaille fmppée à Sais j portant l'effigie de Minerve à la grecque ; ayant la chouette sur sa main, n'es! pas un monument aussi rare de ce mélange des religions grecques et égyptiennes que le, sont deux bustes superbes d'Isis voilée ; dans tout le reste très-semblables au nôtre, l'un de marbre gris, dans la salle égyptienne de la Villa Pinciana 5 un autre très-re- marquable et fort estimable tant par le travail que par la matière', étant de bronze antique ? plus grand que na- ture, possédé par le respectable et savant prélat monseig. Joseph Casali. L'un comme l'autre ont à la partie oîi

Musée Pie:Clém. Vol, VI. 8

On doit certainement à la superstition si répan- due et si ardente pour cette Déesse la fantaisie qu'a eue celui qui pour enlever ce premier ajus- tement de tête , en fit retailler une partie avec le ciseau, en faisant changer, une autre partie au moyen de tasseaux rapportés près des tempes , de sorte qu'il a relevé le voile pour voir la tête à découvert, et rendre la chevelure disposée et ornée à la manière égyptienne. Nous avons déjà fait remar- quer ailleurs combien les femmes chez les anciens s'étaient étudiées à faire suivre jusque dans leurs portraits, déjà sculptés, tous les caprices de la mode* à l'effet de quoi les sculpteurs, pour les satisfaire, avaient inventé des chevelures en marbre amovi- bles (i). Cet exemple cependant est très-rare dans les têtes des divinités. Probablement quelque per- sonne dévouée au culte de cette Déesse a voulu que cette image la représentât telle .qu'elle avait cru la voir lui apparaître dans ses .songes , ou que le buste ressemblât à quelque simulacre particu- lier, qui était placé peut être dans quelque temple fameux et très-fréquent é.

ils se joignent au piédouche une chouette avec les ailes éployées , caractère de Flsis de Sais ; autrement dite Neith ; confondue avec Minerve ; et emblème de la sa- gesse divine. Le buste de bronze était parmi les antiqui- te's du comte Fede, et regardé comme un travail moder- ne par quelques antiquaires peu éclairés 7 qui le ju- gèrent ainsi à cause de sa parfaite intégrité. Il suffit d'en examiner le style pour se convaincre qu'il est antique. (1) Voyez notre tome II, pl. LI.

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PLANCHE XVI L

S

I S I S VOILÉE *.

Nous avons i dans l'explication du monument qui précède , parlé de plusieurs images d'Isis ayant la figure voilée, et rappelé quelques-uns des mo- tifs qui la firent ainsi représenter par les anciens. INous ne considérerons maintenant dans ce buste que le diadème que l'on voit paraître sous le voile* et qui est composé d'un petit disque, ayant à ses côtés deux petits serpens, dont il est presque soutenu* Cette couronne est d'autant plus remarquable qu'elle nous est décrite dans les fables d'Apulée précisé- ment de la même manière que nous la trouvons sculptée ici , et d'autant plus encore que l'époque du monument s'approche assez du temps de cet écrivain, comme on peut le croire d'après le tra- vail un peu grossier (i). Eiien nous avait déjà ins-

* Elle est sculptée en marbre grec; haute avec ]e pie- ci o ! i c b e de deux palmes et demie. Elle a appartenu à L'amateur des arts et de l'antiquité le feu cardinal Ale- xandre Albani , qui l'avait destinée à orner sa Villa : mais la mort qui prévint ce dessein l'ayant empêché de la placer, le souverain pontife en fit l'acquisition*

(i) Cette érudition est due au défunt abbé Raffcî ; qui le pubiia avec d'autres monumens de la collection Al- bani ; et le passage d'Apulée (Métmn. , liv. XI ) est comme il suit: Cuius ( tsiàis ) inedia super fronte flâna rotundi las

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truits que Ton donnait une couronne formée de serpens à Isis, pour signe de son état royal, et peut- être de la condition divine , opinion qui est confir- mée par les hyéroglyphes d'Horapollo (1).

§ 2. Isis *.

Cette tête est vraiment une Isis de manière grecque. L'habile artiste qui n'a pas voulu ajouter

in modum speculi ; vel imo argumentant ( al. augumentum ( hunae y candidum lumen emicabat 7 dextra laevaque sul- cis insurgentium viperarum cohibita. Le même Raffei veut qu'on lise fulcris au lieu de sulcis, comme il semble qu'il fut lu aussi par Pignorius. Quoiqu'il ensoit;la conformile' du passage avec le monument est de la plus claire évidence.

(i) Elien ; Vawhist., liv. X, ch. 3i: Ttfç Imiïo ç ayal^ara âvadovai Tavry ( damâi ) ôç tlvl diat* C'ì'I^jùjTI $a>(yìk£iQ : « Us couronnent avec ce serpent (avec l'aspic ) les stalues d'Isis ; comme avec un diadème ro- yal. » Horapollo, liv. I, ch. i, dit a-peu-près la même chose ; mais il ne borne pas l'usage de cet ornement à cette divinité seule \ Jablonsky pense que cela fut parti- culier à Isis regarde'e comme Hécate, que les Egyptiens appelaient Titr ambone et Termutis ( liv. I , ch. V ). Quoi- qu'il en soit; je crois que c'est à ce serpent qui couron- nait les simulacres de la De'esse que se rapportait cette expression de Juve'nal , où, parlant des signes de la co- lere d'Isis ? il ajoute encore celui-ci :

Et mo yisse caput visa est argentea serpens.

(Sat. VI, v. 537 ).

* Elle est sculptée en un très-beau et très-fin mar- bre pentélique. Sa hauteur avec le piédouche est de deux palmes, quatre onces et demie.

117

à tin morceau d'un travail si aimable et si par- fait , pas même dans les accessoires , rien qui rap- pelât à la mémoire les attributs et les arts de l'idolatrie la plus barbare , désirant cependant qu'on y reconnût la Déesse de Memphis , lui a formé sur le front avec les cheveux un nœud tel , qu'au premier abord on croirait que c'est une idée capricieuse du sculpteur, mais qui n'offre pourtant à l'œil que l'idée de cet ornement connu sous le nom de fleur de lothos , comme le désignent ceux qui traitent des antiquités égyptiennes. Il a de cette manière donné l'évidence à son sujet, dans le- quel il a conduit les contours de l'extrémité in- férieure du cou avec tant d'art, qu'ils annoncent un relief à la poitrine que l'on ne peut supposer ap- partenir à une figure d'homme. Aussi par ce mo- yen il a pu faire distinguer le sexe de la Déesse , que ceux qui l'auraient examinée eussent pu pren- dre , à cause de l'extrême simplicité de ses traits et de sa coiffure, pour une tête d'Apollon ou de Cupidon , auxquels on voit souvent les longs che- veux rassemblés comme ceux des femmes.

PLANCHES XVI11 et XIX.

Tête et fragmens du groupe de Ménélas

AVEC LE CORPS MORT DE PatROCLE *.

Il est facile de voir que cette admirable tête de guerrier, et les restes d'un cadavre nu et blessé,

* Le buste de Mene'îas est haut avec le piedouche d$

n8

sont les débris qui nous restent d'un groupe, lequel, dans son premier état, devait être à-peu près pa- reil au fameux morceau de Rome, connu sous le nom de Pasquin (i), ou des deux autres que Ton a découverts dans nos fouilles, et qui servent de- puis deux siècles d'ornement cllls Florence (2). Il

trois palmes, dix onces: les autres iragmens des jambes et des épaules de Patrocïe qui sont gravés ici sont en proportion. Le groupe était de marbre pentélique ou cipolin. Les restes furent déterrés dans les fouilles de Pan- tanello à la Villa Adrienne par les soins de M. Gavino Hamilton. Cette téte était fort endommagée ; et elle fut restaurée avec beaucoup d'habileté par le sculpteur du pontife M. Giovanni Pierantoni : le buste est moderne 7 mais le modèle en plâtre fut tiré sur la poitrine du Pas- quin, et il se trouva correspondant parfaitement à l'action^ et dans la proportion.

(1) Les notices extrêmement curieuses 7 tant sur cette statue que sur l'autre appelée Marforio, ont été recueil- lies dans un opuscule intéressant, imprimé à Rome par M. l'abbé Cancellieri Fan 1789, à la fin duquel on lit mon opinion sur le groupe même ; dans une lettre adres- sée a ce savant abbé.

(2) Le premier qui est sous les portiques du palais Pitti, trouvé a Rome à peu de distance du mausolée d'Augu- ste ; appartenait au Soderkii quand Come I. en fit l'acqui* sition. Il acheta aussi l'autre qui fut trouvé à Rome dans la vigne d'un Velli hors de la porte Portese. Flaminius Vac- ca 7 qui nous donne ces notices dans ses Mémoires ( au n. 97 de l'édit. rom. de 1790 ; ou elles sont a la tête de la Miscellanea de M. l'avocat Féa)? croit que ces groupes représentaient des gladiateurs. D'autres ; trompés peut-être par quelque expression équivoque dans le com- mentaire de Venturi au XIII chant de Y Enfer du Dante y y, ont cru que ce poète parlait de ce groupe pia-

II9

ne serait pas aussi facile de décider quel était le véritable sujet de ce groupe , sans autre motif que la grande variété des opinions mal fondées et er- ronées qui ont été répandues dans divers écrits à ce sujet. Si Ton pouvait, malgré cela, arriver à la vérité par le moyen de l'analogie et des conjectu- res, avant même que ces notes fussent produites lorqu'on n'avait pas encore fait les fouilles Tibur- tines , à présent nous y parvenons sans embarras, et nous sommes en état d'en donner l'explica- tion avec certitude.

Par des conjeciures on avait proposé pour sujets, jusqu'à présent, un combat de gladiateurs, un Ale- xandre évanoui et soulevé par un de ses soldats, un héros grec tenant dans ses bras le corps d'Ajax mort, qui s'est tué lui-même dans un accès de fu- reur (i). Chacun, en établissant sa conjecturera taché

cée à Florence sur îe Fonte vecchio , et qu'il l'appelle Mars ; de-lk vient la note ajoutée dans l'édition citée k la notice de Tacca. Mais le Dante parle seulement , dans cet endroit, ainsi que dans le chant X\I du Paradis ^ d'une statue equestre, en partie mutilée, que de son temps on attribuait k Mars, laquelle estait en effet sur ce pont, et qui tomba dans l'Arno en i333. Le grand duc Fer- dinand Il substitua ensuite k cette figure un de ces grou- pes trouvés a Rome. C'est ainsi que le rapporte Ciucili au passage cité ci-dessous, selon Gio, Villani (Croniche j liv. Il, ch. i ).

(i) Cineili dans le Bocchi ampliato , page n4; propose l'Ajax tué par ses propres mains, et réfute, en fai- sant observer la blessure, l'opinion vulgaire que vou- lut y reconnaître Alexandre ayant perdu connaissance en

I20

de mettre au jour les absurdités des opinions con- traires, et tous en cela ont réussi. On a fait re- marquer que la noblesse de l'idée , que l'habille- ment et l'expression ôtent à ce morceau tout rap- port avec les gladiateurs ; que le corps abandonné et relevé ne peut-être celui d'Alexandi e , parce que dans le groupe de Ponte vecchio il est blessé au côté.

Un grand nombre de raisons écarte toute pro- babilité qui puisse y faire reconnaître Ajax tué. Si la figure qui le soutient devait être celle de Teu- cer frère puîné du mort , comment fera-t-on pour expliquer l'âge avancé de ce guerrier, si celui du corps mort annonce un jeune homme à la fleur de ses ans ? A quoi bon le casque dont est cou- vert le personnage vivant, lorsque cet événement tragique n'eut pas lieu sur le champ de bataille, mais dans le camp des Grecs, qui étaient plongés dans le deuil, et qui avaient suspendu les hostili- tés à cause des obsèques funèbres d'Achille ? Les formes gracieuses et l'attitude élégante du cada- vre ne pourraient pas convenir non plus au grand Ajax qui se faisait remarquer dans les armées d'Ar- gos autant par la force de ses membres, que par sa taille et par son air farouche.

Déjà, sans d'autres indices plus décidés, avant

se baignant dans le Cydnus. Paolo Alessandro Maffei qui a donné dans sa Raccolta di statue, pl. XH; la gravure du groupe de Ponte vecchio , a suivi Cinelli ; et rejette les autres opinions»

I 2 I

que ces fragmens fussent retirés des ruines de la Villa Adrîenne , vers l'année 177^, il me semblait que ces sculptures par leur expression s'accor- daient tant avec quelques-uns des divers incidens de la dispute qui se fit auprès du cadavre de Pa- troclo, dont Homère nous fait la description, que je n'eus pas le moindre doute que le jeune homme tué, de ce groupe, ne représentât ce héros. Ce sujet avait l'avantage sur les autres d'être tiré de l'Iliade, dans laquelle ordinairement les arts de la Grèce prenaient leurs sujets , et de plus il avait en effet excité l'imagination des anciens maîtres et employé leur ciseau, comme, sans ce morceau, le dé- montrent plusieurs pierres gravées. La table Ilia- que du Capitole pouvait confirmer puissamment mon opinion , puisque dans la dispute près du cadavre de Palrocle, l'artiste a représenté un groupe très-peu différent de celui dont nous parlons main- tenant (1).

Mais les fragmens du Vatican ont épargné aux observateurs Penimi de discuter si longuement sur tous les motifs et sur les coujectures. Les épaules du mort , qui sont très-bien conservées y nous mon- trent entre les deux omoplates [ ëpoti ^sao^yv , comme raconte Homère (2)] une seconde blessure,

(0 On le trouve dans le segment du P; ou XVI [ de Y Iliade , dans laquelle Rapsodìe est décrit cet épisode y mais il n'y a plus d'épigraphes à ce fragment. Voyez la planche LXVIIl du tome IV du Musée Capii.

h) Iliade H; ou liv. XVI ; y. 807.

122

qui est précisément celle dont Patroele fut frappé par Euphorbe, avant qu'il eut reçu l'autre veiatov êç neveôva,) au bas de la poitrine (i), d'un coup de lance d'Hector , qui lui arracha la vie (2) ; celle-ci se voit aux groupes de Florence.

Si donc on reconnaît Patrocle dans le corps mort , rien de plus aisé à déduire d'après la nar- ration d'Homère quel est le guerrier qui s'em- presse d'enlever de la mêlée le cadavre du vaincu. Mais quoique l'on parle des deux Ajax , de Dio- mède , d'Ulisse , et de quelque autres dans ce com- batil me semble que le héros de ce groupe n'est autre que Ménélas , duquel on dit , et non d'aucun autre:

Mortuum a Trojanis extrahebat ad agmen sociorum.

Le fils d'Atrée ne fait plus attention au mort qu'il tient dans ses bras, mais il paraît en se rele- vant tourner ses regards autour de lui pour décou- vrir parmi les Grecs quelqu'un qu'il puisse ap- peler à sa défense dans ce moment critique ( vcav- TÓae itaTcraipQV , undequaque circumspiciens ) ; c'est ainsi qu'Homère s'explique en nous dépei- gnant cette action de Ménélas (5),

(r) Même endroit ; v. 82/f.

W oïoc, âeipaq

Newpòv vrì in TpÓQì? . . . .

êpvaev [isrà eSvoç ixaipov,

Iliad. P; ou liv, XVH; v. 58i et 588. (5) Même endroit ; v. 674.

1*5

Le visage agité du héros est tout plein de no- blesse et de grâce, tel qu'il nous est présenté dans l'Iliade. 11 a de la barbe , et en cela il ressemble ii son image représentée, dans plusieurs bas-reliefs , au conseil des rois grecs (i). Son habillement et ses ornemens méritent une attention assez grande. Il n'a pas de cuirasse ; il n'est vêtu seulement que d'une tunique relevée , qui lui laisse à découvert une épaule entière et la poitrine. Cet ajustement pourra sembler peu propre à un guerrier qui est dans le fort du combat 5 mais l'artiste trouve son excuse dans une certaine convention sur le costume héroïque, par laquelle on permet, ou plutôt on exige que les guerriers des histoires mythologiques soient représentés tout-à-fait nus , ou au moins à peine vêtus. C'est pour cela que nous voyons nus les Grecs combattant les Amazones , de même les Argonautes , et nus aussi les champions des guer- res de Thébes ou de Troye (2). Quelques monu- mens substituent à la nudité absolue des combat- tans cette tunique que l'on voit à notre statue , tombant ainsi des épaules, et courte. De ce nom- bre, sont un grand bas-relief de la Villa Albani (5),

(1) Par exemple dans celui du Musée Capitoli n et dans l'autre de la \ilia Pinciana.

(2) Le plus souvent les monumens dans lesquels on voit les héros revêtus d'une cuirasse ; appartiennent aux temps des Àntonins. Ce fut alors que s'introduisit Je nie* lauge du costume romain avec le grec mvthologique.

(3) Vvinckclmann y Monum, înécL , n. 6'2 ; croit que c'est le combat de Poliux avec un des fils d'Apiuuee»

une pierre gravée du Musée Ludovisi (i), et ils se trouvent en cela d'accord avec la figure du Mé- nélas que nous avons sous les yeux. Au reste, Tépée, le casque et le bouclier suffisent pour indiquer qu'il est armé.

Le casque est précisément exécuté avec beau- coup de soin et de noblesse sur la tête de ce roi de Sparte, et on n'a pas oublié cet ornement en bas-relief que l'on supposait ciselé sur la calotte. U représente le combat d'Hercule avec les Cen- taures; quoique Winckelmann ait cru que ce sujet était le huitième des travaux d' Hercule , c'est-à-dire la conquête des quadriges de Thra- ce (2).

Le rapport de cette histoire avec Ménélas n'est pas très-clair. Mais pour ne pas l'attribuer au sim- ple caprice de l'ancien sculpteur , on peut s'at- tacher à ce que raconte Pausanias , savoir que dans le temple Olympien étaient sculptées les

(1) Celte gravure a été aussi publiée par Winckelmann (Monum. inéd. y n. 128), et elle represente effective- ment le combat des Grecs et des Troyens près du ca- davre de Patrocle. Cependant le dessein qu'il en donne «st très-infidèle ; comme on peut le voir par l'empreinte même de la pierre qui a été publiée par M. Federico Dolce dans la III planche, n. 109. On y voit les guer- riers des deux partis tous habillés comme notre Méné- las : ils ont de plus les jambières, ocrae 7 peut-être pour tendre l'épithète d'Homère 7 EVKVrifjiïdaç Aftafaç.

(2) Monum. inéd. 7 page 82. Dans ma lettre ; citée ci- dessus f le contraire y est dit par erreur.

ï%5

actions de Thésée et les travaux d'Hercule , par le seul motif, peut-être , que Thésée , et même Hercule,, descendait de Pélops fondateur de ce tem- ple (i). Il n'était donc pas étrange que les Pélopi- des puissans, l'un desquels était Ménélas, eussent l'u- sage de se vanter d'être parens de Thésée, et d'être glorieux de ses entreprises hardies ou de celles d'Alcide. La destruction des Centaures fit regar- der ce dernier comme un des libérateurs de la terre , à cause de la violence qu'exerçaient ces monstres , qui se plaisaient principalement à en- lever partout les femmes et les filles; et c'était; précisément le tort qu'avaient eu Paris et Troye, dont Ménélas et toute la Grèce s'obstinèrent à tirer (/ vengeance.

Au commencement des deux langues ou bande- lettes de cuir qui servaient pour attacher sous le menton les casques des anciens , sont sculptés deux aigles , lesquels semblent inventés de caprice et d'une figure monstrueuse, comme on le fait assez souvent pour les animaux qui composent des or- nemens ou des arabesques; ceux-ci se terminent par une queue de lion. Mais cette forme est due entièrement à un équivoque du restaurateur, qui voyant dans l'antique les ailes de l'aigle et la queue de lion , a supplée à ce qui manquait, en ne suivant que la seule indication des ailes, sans penser que les ailes et la queue convenaient égale-

(i) Pausanias , liv. V, ch. X et XIII.

ment au griffon, emblème si souvent employé dans les armures antiques, et plus particulièrement a celle de Mars, divinité à laquelle Ménélas est quel- quefois comparé dans Homère , qui le distingue constamment par cette épithète dp7^(pû,oç f cher à Mars.

Faisons attention maintenant a Part que l'on aperçoit tant dans la composition que dans le tra- vail de ce groupe. Son invention est si parfaite, qu'il serait difficile d'en trouver un autre finsi composé de deux figures ayant cette unité d'en- semble , et qui paraisse aussi élégant que celui-ci, sous quelque point de vue qu'on le regarde. Les copies si multipliées qu'en ont fait les anciens prou- vent en même temps son mérite et la réputation dont il jouissait (i). Il a été imité dans d'autres su- jets, comme dans celui d'Acbille et de Penthési- lée (2), Pon voit que Partiste a eu cet origi- nal pour modèle. Le dessein est extrêmement gran- diose dans toutes ses parties, quoiqu'il semble qu'on ait mis un peu d'exagération dans les traits de Ménélas; exagération visible dans la tête séparée du groupe, qui ne serait plus sensible avec tout Pen-

(1) En outre des rëpe'titions indique'es , , je me rappelle en avoir vu une en petit chez Filabile sculpteur anglais M. Colin Mori son.

(2) Yovez la gravure de ce bas-relief , qui existe a pré- sent au Musée Pie-Clëmentin , dans les Monum. irtéd. de Winckelmann ; n. 109, et confrontez-le a\ec le groupe dessine' en petit dans cette planche XIX.

semble , et qui même en augmenterait peut-être da- vantage l'effet ; il y a d'autres parties la vé- rité est merveilleusement imitée. Telles sont les jambes étendues et roides du cadavre^ dont les contours , de même que les formes des épaules blessées, sont élégans et gracieux, mais cependant tou- chés avec une franchise, et exécutés avec une si rare intelligence, qu'on peut les comparer à tous les chefs-d'œuvre de cet art.

Le groupe de Pasquin , quoiqu'ayant excité l'admiration de beaucoup de personnes (i), ne peut, à parler vrai , étaler d'autres beautés que celles de sa composition, ou des contours en général, tant il est rongé dans toute sa surface. Les fragmens du nôtre sont supérieurs aux parties conservées de celui de Ponte vecchio ; et la tête de Méné- las qui est assez entière dans l'autre groupe du palais Pitti , ne peut entrer en comparaison avec la nôtre , ni par la grandeur du style , ni pour Pélégance de Fexécution.

PLANCHE X X.

Hermes double d'Homère et Archiloçue *.

Le portrait d'Homère que l'on reconnaît facile- ment dans une des deux têtes que représente ce

(i) Winckelmann (Preface de YHist. de Fart ? édition romaine ? page XXVI ) rapporte l'opinion de Bernini qui préférait ce groupe à toutes les autres sculptures qui nous restent.

* Hauteur avec l'estomach^ deux palmes et demie. 0

Ï28

marbre, est Tunique appui sur lequel on puisse conjecturer à qui appartient l'autre image qui est unie à lui -y laquelle resterait inconnue, ne pouvant obtenir aucune lumière à cet égard par la confi ons tation avec toute espèce de monument. Mais en réfléchissant sur les relations qui ont déterminé les iconologues à réunir ainsi l'effigie de deux per- sonnes, on pourrait arriver à quelque hypothèse pro- bable; et les hermès doubles d'Héròdote et de Thuci- dide, ou ceux d'Epicure et de Métrodore ( i ) por- tant tous deux les inscriptions grecques originales, seraient des exemples sur lesquels on pourrait établir quelque fondement pour raisonner. La dif- ficulté est cependant peu diminuée en les appli- quant au présent hermès. Hérodote et Ihucidide formèrent parmi les historiens grecs un couple auquel on ne pouvait associer un troisième personnage. Quel sera donc le poëte qui méritera d'être associé à Homère? ou bien si au lieu d'être son rival, on se contente qu'il s'en soit approché dans quelque partie, quel sera celui sur lequel on pourra jamais jeter les yeux pour cela ?

est de marbre pentélique. On Ta trouvé à la Villa Fon- seca sur le Celium.

(i) Fabri ? Imag. illustr. ex Fulvio Ur sino , n. 1 44- Cet hermès double d'Hérodote et de Tucidide qui fut d'abord à la Villa Farnese, est à présent à Naples : mais il avait déjà e'té scie' en deux ; de sorte qu'on en avait se'paré les deux têtes. Celui d'Epicure et de Métrodore est conservé au Capitole ; il est publié dans le tome I du Musée Ca- pitolili,, pl. V et VI ; p. 12.

En considérant les têtes réunies de Métro* dore et d'Epicure, il me vint à l'idée une con- jecture , et je laisse au lecteur à en juger la valeur et la probabilité. Je faisais la remarque que l'union de s doctrines ou les liens de l'ami- tié pouvaient avoir fourni le motif de la réunion de ces deux images; mais que l'institution pres- crite par Epicure lui-même à srs disciples de renouveller dans les icadi , ou le vingtième jour de chaque mois, sa mémoire, conjointement avec celle de Métrodore, et de la célébrer avec ces fêtes et ces honneurs funèbres ou héroïques qu'on pratiquait alors ; cette institution , me di- sais-je, était peut-être la cause première et la véritable qui avait fait réunir ces deux bustes en un (i). La même chose, si cela semble pro- bable à quelqu'un, devrait engager pour dé- couvrir le portrait inconnu de notre marbre , à faire la recherche si dans les écrits des sa- ges , ou des poètes , on ait trouvé par hazard que la mémoire de-celui-ci ait été unie à celle d'Homère, de manière à ce que tous deux fus- sent honorés ensemble et le même jour: et si on pouvait en avoir quelque trace , alors il ne paraîtrait pas trop mal de donner à la tête in- connue le nom de cftt homme. Maintenant une épigramme d'Antipater , qui est conservée dans l'Anthologie grecque nous a par bonheur trans-

(i) Lnrrce , liv. X, n. 10.

Musée Pie-Clém. Vol. VI.

ï3o

mis la connaissance que l'on avait coutume de célébrer des honneurs à la mémoire d'Ho- mère conjointement avec celle du poëte Ar- chiloque, et précisément le même jour(i). Cette notice m'a paru d'une telle importance et d'un si grand poids, qu'elle seule me persuade avec beaucoup de probabilité que ce portrait inconnu est celui d'Archiloque, lequel a été joint à ce- lui d'Homère par quelque circonstance singu* lière (2).

Comme les probabilités commencent à pren- dre le caractère de la cer^tude et de la véri- té, alors si plusieurs raisonnemens, déduits tous de divers principes, arrivent au même résultat,

(1) Anthologia Graeca , liv. IT; ch. XLTVIl, ép. YIIÏ; V. 5 :

luïïévdoybev' ô Hpr^p ov dé^et' vdpo&ôraç.

« C'est le jour de fête d'ARCHILOQUE et d'HOMÈRE $ « la conipe et les rits sont défendus aux asthénies. » Cette particularité qui a échappé à Bayle ( v. Arquiloqiie ) et à Fabricius ( Bibl. Gr. , liv. § XVI ); n'a pas été oubliée par le très-célèbre abbé Barthélémy dans Anacharsis.

(2) D'autres raisons de convenance pourraient faire pen- ser a d'autres personnages. On pourrait croire que ce sont Homère et Hésiode ; les deux plus anciens poètes grecs 9 et même unis, selon quelques-uns, par la parenté. 11 se- rait possible encore de croire que ce soit Pisistrate ici réuni à Homère, comme étant celui qui recueillit ses poèmes ; et qu'on honora par ce motif d'une de ses images y ainsi que nous en avons eu la certitude par les fouilles Tiburtines. Voyez notre vol. I, page q3 et suiv» dans les notes.

je n'abandonnerai sans cet avantage l'opinion proposée, quand elle-même remporte avec elle. Je dirai donc qu'Homère et Archiloque furent unis ensemble dans l'antiquité, dans d'au- tres occasions ; c'est-à-dire qu'ils le furent par ceux qui savaient apprécier et sentir les beau- tés poétiques. Les vers d' ïrehiloque furent chan- tés par des Rapsodes dans les solemnités de la Grèce, comme le furent des fragnieps des poè- mes d'Homère (i). Mais, à dire la vérité, les poé- sies de Sthésicore et de Mimnermus eurent aussi cet honii3ur. Il vaut donc mieux tirer une con- séquence de la réflexion que fait Paterculus, qui crut ( et probablement il ne fut pas le seul qui portât le même jugement) quMrchiloque et Ho- mère se ressemblaient singulièrement en cela que chacun d'eux avait porté au dernier degré d'excellence le genre dont il pouvait se dire l'inventeur (2). C'est ainsi que sous la plume d' Ar- chiloque le jambe avait acquis la même per- fection que le poème par 3e style d'Homère. Par cette raison parmi plusieurs des divins gé- nies qu'admira et qu'honora la Grèce, il y en eut qui associèrent avec distinction ces deux poë* tes. Ainsi Héiaclide de Pont avait choisi pour le sujet d'un de ses ouvrages, dont la réputation seule nous est parvenue (3), les poésies réu-

(1) Caméléon dans Athénée ; liv. XIV ? ch. IIL (aj Liv. I; chap. \7: JSeque enim tjuemauam. alium 7 cu- ius operis primas auct or fucrlt , m eo perfectissùnurn} prae^ ter HOMERUM ET ARCIÎILOCÎI M reperiemus.

(5; Héraclide de Pont avait écrit deux, livrer ïïspï9 Ao^7-

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nies d'Homère et d'Àrclriloque. Ces écrivans in- comparables, que les critiques et les grammairiens réunissaient souvent dans leurs examens , pou- vaient aussi être réunis par leurs portraits des- tinés à orner également les bibliothèques des savans, les musées et les campagnes des grands.

Toutes les inductions que nous avons mises en avant jusqu'ici partent toutes d'un principe, que l'autre effigie est indubitablement celle d'Ho- mère , il est nécessaire, n'ayant pas de monu- ment écrit qui assure à la première une déno- mination connue de tout le monde , de propo- ser les conjectures qui peuvent la justifier. El- les se réduisent à trois principales , lesquelles étant réunies semblent assez puissantes pour con- vaincre. L'expression d'aveuglement dans les yeux, la position de la tête, le diadème sym- bole de l'apothéose , et le grand nombre de por- traits pareils multipliés plus que ceux de tout au- tre. Comme ces deux dernières circonstances don- nent la preuve que cette figure est celle d'un hom- me fameux au dernier degré, et qui a été dé- coré comme une divinité (i) , ainsi la première face n'attribue qu'à Homère ces signes caracté- ristiques généraux. Qu'on ajoute à cela quel-

Mp 9taì OpnpVideARCHILOCHOetHOMERO, com- me nous Tapprend Laerce dans la Vie d'He'raclide, liv. V; chap. VI ; § IV.

(i) Les portraits d'Homère et de Pytliagore ont le diadè- me sur les médailles grecques ; ainsi que ceux de Platon et de Sophocle^ dans les marbres antiques.

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que particularité plus positive, d'après laquelle les antiquaires du XVI siècle et des suivans se sont crus autorisés à n'avoir aucun doute sur ce portrait si important (i).

(i) Voyez Bellori, Imag. Illustr., pl. LU et LUI; Gro- novius ; Thes. ant. Graec. , tom. II , pl. XVIII et XIX . F abri , ad Imag* Fulv. JJrsini , n. 72 , dans les explica- tions; Mus. Cap. 7 torne i, pl. LI et XLV. La circonstance est celle que raconte F abri , que la tête semblable, de la collection de Farnese ; fut trouvée dans la même fouille de la voie Ostia , était Thermes sans tête portant lo nom d'Homère et de diverses épigrammes à sa louange, de sorte qu'on la plaça dessus comme lui appartenant. On trouve dans Fabretti , ad tah. Iliadis , p. 545, d'au- tres motifs et d'autres comparaisons qui servent d'auto- ri tés à la même image. Cependant il se presente ici une réflexion sur ces portraits , laquelle pourra servir à expli- quer quelques monumens du même genre tant sur les médailles , qu'en sculpture. En outre qu'il est assez vrai- semblable en soi, et peut être même certain, par ce qu'en, dit Pline ( liv. XXXV, § 11), et par la variété' des dif- férentes images connues, que les portraits d'Homère étaient d'imagination , de convention. Car il faut distinguer trois physionomies différentes dans ces portraits. Celle des mé- dailles d'Amas tri s , ville qui tirait son origine de Smyrne, et qui a par cette raison orné souvent ses médailles du portrait d'Homère. Sa tête est ordinairement ceinte du diadème , quoique beaucoup de personnes en ayent douté, et c'est précisément celle qui est très-ordinaire même en marbre , à laquelle on a donné dans les coliections-^le nom d'Apollonius de Thyane ( Mus. Capit. , tome I, plan- che LII et LUI ). Ceux qui ont des médailles de cette espèce bien conservées^ en seront persuadés en les con- frontant, mais quiconque voudrait s'en convaincre seu- lement par les gravures, perdrait son temps et sa peine. Une autre tête bien différente de celle-là est l'effigie des

i54

Il n'y a rien de plus à dire des deux poè- tes que je suppose représentés dans cet her- nies. Toute la littérature est, pour ainsi dire, pleine du panégirique du premier. L'antiquité le regardait comme le fondateur de toutes 1 s doctrines. Ses ouvrages , héritage le plus pré- cieux qu'ait recueilli l'ancien âge, nous le font connaître aussi comme le créateur de toutes les beautés dont puissent être parés les arts d'imagination et la langue. Nous devons con- cevoir une grande idée du second poëte , puis- qu'on l'a cru digne de servir de compagnon a Homère, et les petits fragmens, très-imparfaits, qui nous restent de son style ne détruisent pas une telle présomption en sa faveur (i).

médailles de Scio : elle a la barbe en pointe , et peu dif- ferente de celle de la me'daille à cordon d'Homère, ou- vrage du troisième siècle de notre ère ( Ccmbe , Calai. Mus. Hunter. j pl. XVII, n. 22 et 25). La troisième est celle de notre hermès qui est plus fréquente dans les sculptures , et peut-être la plus frappante , même pal- line certaine expression de cécité. Il paraît que les musées des Romains V ont préférée a tout autre , ou qu'on la doit aux Rhodiens, artistes habiles ou rivaux des autres villes en prétendant que Rhodes fut la patrie d'Ho- mère , ou enfin soit qu'elle ait une autre origine. Pol- lion , le premier qui rassembla de pareilles effigies, l'aura sans doute placée de préférence dans sa bibliothèque; de- là d'autres qui l'ont imité dans ce goût , auront ensuite fait copier ce portrait pour eux. C'est donc mal à propos que F ab ri , et après lui plusieurs autres antiquaires ont assuré sur l'autorité du passage cité de Pline,, mal entendu, que Pollion se fit faire un portrait d'Homère de fantaisie. (1) Dans un passage du premier vol. r pl. B* I , p. 261 9

t35

PLANCHE XXI.

Épimênide *-

Voici probablement encore un de ces por- traits que dans des temps postérieurs l'imagina- tion a crée pour satisfaire le désir de rempla- cer de véritables ressemblances qui ne s'étaient pas conservées (i).

Les paupières fermées, l'air endormi de toute la physionomie, me semblent indiquer dans cette figure Epimênide le devin , poëte crétois , fa- meux par plusieurs aventures et par ses écrits, Lien plus encore que par son sommeil qui dura quarante ans continus» (2). La chevelure resserée autour de la tele et retenue sur les tem-

oli je parle de ce monument , j'ai mis en doute si le por- trait joint à celui d'Homère n'était' pas un Hérodote. Mais un examen plus exact des hermès d'Hérodote de la col- lection Farnese m'avait fait désapprouver cette idée ; même avant que j'eusse songé k cette nouvelle conjecture.

* Hauteur ; y compris la poitrine, deux palmes ; cinq onces ; il est en marbre pentélique.

(1) Pline ; liv. XXX Y 7 § 1 1 : Quin etiam quae non sunt ( imagines JîngunturJ pariuntque desiderio, non traditi vuU tus .... maius nullum est felicitatis specimen 7 quant semper ornnes scire cupere qualis fuerit aliquis; et un peu avant j'avais remarqué , etiam mentiri clarorum imagi- nes erat aliquis virtutum amor : multoque honestius qua m mer eri ne quis suas expeteret.

(2) Pausanias; Attica ; ou liv. I, ch. XIV: d'autres le font durer plus long-temps.

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pes par un ruban ou diadème, entrelacé avec les cheveux même , est une coiffure propre à Epiménide, qui, malgré l'usage, laissa croître ses cheveux, comme nous l'apprend Laerce (i). Le diadème lui convient aussi comme étant prê- tre , et même inventeur de rits nouveaux et expiatoires pour des 'nations entières , et comme à une espèce de demi-Dieu , cru fils d'une Nym- phe, el appelé nouveau Cureté (2).

On pourrait opposer à nos conjectures que l'on a fait aussi des hermès du Dieu du Som- meil , que nous en avons une effigie , qui le représente les yeux fermés , dans le Musée Pie- Clémentin (3). Cette objection ne m'inquiète en rien , parce que les traits du visage , et l^haïbe de noire hermès , sont évidemment tels qu'ils peuvent convenir à un véritable portrait de quel- qu'un j qu'il n'y a rien d'idéal, ni de ce que les anciens appliquaient purement à des sujets mythologiques- En outre l'expression du Som-

(0 K.a%é(reù rtfç xô{if}ç ro eîiïoç ftapoMÂ&ffW 1 «En se laissant croître les cheveux ; il changea de figure. » Même lieu, § 1. Peut-être ce fut cette çoiifure qui lui fit donner le nom de nouveau Cureté ; comme Ménage l'observe au mot Laerce*

(2) Jean Albert Fabricius 7 BibL Gr.} liv. I, ch. Vf, § il jusqu'au VI ; ii explique avec l'érudition qu'il dossède, plusieurs circonstances de la vie et des ouvrages de cet homme célèbre.

(3) Voyez la planche XI ci-dessus ? et dans le tome l ^planche XXIX.

i37

meil me paraît si claire dans cette figure, que l'on ne peut pas croire ces yeux fermés à cause de l'aveuglement , ce qui exclut toute incerti- tude que ce puisse être une image d'Homère ou de Tirésias.

La célébrité d'Epaminondas fut universelle et durable. Quelques-uns le comptèrent au nom- bre des sages de la Grèce. Il est donc d'au- tant plus vraisemblable encore qu'on ait sou- vent répété son portrait parmi ceux des sages et des savans. Et puis le crédit qu'il eut parmi les Payens fut si constamment établi, que l'Apô- tre des nations n'a pas dédaigné d'insérer un vers entier , attribue à Epiménide , dans son Epitre à Titus (i).

(iì Chap. l; v. 12. Le vers grec est le suivant: Kptfreç del ipevaTai , nana Sqpm , yaarèpeç àpyoi. Tout le passage de S. Paul est traduit ainsi dans la vu!-* gate : Dixit quidam ex illis proprius ipsorum propheta. Cretenses semper mendaces 7 maiae hestiae^ ventres pigri. S. Jérôme et d'autres pères qui interprètent ce passage 7 nous apprennent que la citation regarde Epiménide. Théo- doret y trompé peut-être en trouvant le premier hémisti- que dans Cailimaque (Hym. Iov. , v. 8 ), peut-être aussi par l'allusion que fit le poëte de Cyrène au vers d'Epiménide, l'attribue à tort à ce poëte. S. Jean Chrysostome l'attri- bue directement a Epiménide , mais dans l'exposition il le confond aussi lui-même avec le passage de Cailimaque que nous venons de citer.

i58

PLANCHES XXII, XXII a.

Hermes désignés des Sages de la Grèce

ET t'aUTRES PERSONNAGES ILLUSTRES *.

Quoiqu' on ah db dans un chapitre tout ce qui suffisait pour faire reconnaître ce que re- présentent les fragmens qui sont gravés dans cette planche (») . et quoique l'on donne dans celles que vont la suivre les têtes , en grande des deux hermès entiers (2), cependant, at- tendu le mérite de ces restes remarquables, il nous a paru convenable d'en donner une image fidèle et exacte, qui fasse voir ce que le temps a pu nous conserver de monumens si chers à la littérature , et de mettre sous les yeux des lecteurs ces caractères qui les désignent bien cer- tainement, et copiés ici sous leur forme originale.

* Ils sont en marbre pentéjîque; et furent trouvés tous dans les fouilles Tiburtines du mont Olivet appelé Pia* nella di Cassio P appartenant au docteur Mathias ; dans le lieu l'on croit que fut la maison de campagne de ce Romain. Nous avons déjà parlé de cette fouille , t. i? page g5 et suiv. 7 nous avons indiqué toutes les au- tres sculptures et fragmens avec inscriptions qui se dé- couvrirent en même temps dans ces lieux. Quant aux di- mensions; il suffit de savoir que les deux têtes de Bias et de Périandre ont jusqu'au pilastre à-peu-près deux palmes, un tiers abondant. Les autres fragmens ont les mêmes dimensions.

(1) Dans la note (1) de la planche VIII du tome I déjà cité ; page g5.

(2) Aux plane. XXIII et XXV ci-après*

i39

Nous dirons plus amplement , ce qui nous paraîtra nécessaire , et à sa place, sur Fliermès de Bias qui est dans la planche XXII, et sur l'autre de Périandre , clans la planche XXII a. Les hennés acéphales des autres sages , savoir ceux de Thaïes, de Solon , de Pittacus et de Cleohule 9 sont indiqués par les inscriptions sui- vantes :

0AAHS ESAMYOT MIAHUIOS Thaïes Examyi [ films ] Miles ius* XQAÛJN ËflBKË£TÙOT A0HNA1O2 MHOEN AFAN (i) Solon Execesti lae [filias] Atheniensis* Ne quid nitnis. IîlTTAKOS Tti A MïTIAHNAIOS (2)

(1) Sur la manière d'écrire le premier mot de cette mar xime par fi^^sv au lieu de p,fi$ép , plus usité', on peut observer que c'était peut-être celle originale dans laquelle on crut énoncée la sentence caractéristique de Solon. Je suis porté à penser ainsi en la voyant écrite de même dans l'épigramme d'AIphée de Mytiiène, qui fait une al- lusion évidente dans ce vers :

To MH0EN yàp AFAN âyav pe rèpaei.

Elle ont dans l'Anthologie grecque, liv. I; ch. X, ép. 2.

(2) Il y a clairement sur le marbre ÏPPA et non YrPA , comme je l'ai écrit dans l'endroit cité du t. I; parce que les fragmens étant entassés dans un endroit peu éc airé, chez le défunt sculpteur Sibilla, l'on ne pouvait pas les examiner assez aisément. De-là sont survenus dans les inscriptions suivantes quelques changemens d'autres lettres que l'on fera remarquer. En effet lira était le nom du père de Pittacus, comme nous l'assurent en ter-

ï4°

KAIPON TN&0I Pittacus Hyrrhae [jilius ] Mjtilenensis. Tempus nosce.

mes fort clairs Suidas et Priscien , lesquels disent en même temps que ce sage de Metilène s'appelait aussi Ir- radius y nom patronimique Eolien ( dialecte en usage à Mytilène sa patrie ) comme fils à' Irra. Le premier de ces écrivains au mot Tppa, a : Tppa ftcuç ô Utrtamç çeal Tppàiïtoç ô âvroç: Pittacus est fils dH Irra , et lui» même est appelé Irradius. Priscien , liv. II 7 il parle des noms patronimia ues , dit: aâtoç est Aeolica , ut Hyr- rhadios , Hyrrhae jilius , Pittacus. D'après cela on devait tirer l'explication de ce passage d'Hesychius dans Tppa^ &LOÇ , où. y on donne à ce mot; entre autres significations, celle-ci Tppa Tuaiôïov Hyrrhae filius 9 que les éditeurs ont mal distingue' en mettant une virgule entre les deux mots; alors on l'interprète dans un autre sens, maigre' ce qu'avait remarque' à ce sujet Palme'rius , que l'on voit avoir lu et entendu le passage comme il convenait. Irra fut donc le père de Pittacus; le nom (^Tppaç^ pouvant se de'cliner au génitif avec deux syllabes Tppa , et avec trois Yppaiïoç , et pouvant même en tirer l'autre nomi- natif TppdiïffÇ ) a donne lieu au nom patronimique Yppd- iïlOÇc. Irradius fils d'Irra ou d'Irrade. C'est donc par er- reur qu'on lit dans Laerce que le père de Pittacus s'ap- pela TpâdiïlOÇi Irradius 7 et par cette raison on devra lire dans le second vers de l'épigramme de Callimaque , que Laerce nous a conservée tfaÎda TOV TppdiïeQ , et non TppaiïtV , comme mal à propos on a lu jusqu'à pré- sent. Ces minuties grammaticales n'e'taient point à négli- ger dans cette occasion , quand l'e'pigraphe de notre mar- bre, qui est du bon temps, confirme pleinement ce que nous apprennent, sur le nom en question, les deux écri- vains Suidas et Priscien , quoique beaucoup postérieurs. k ce temps,

i4*

KAEOBOTAOS AINAIOS METPON APIZTON Cleobulus Lindius. Modus Optimus. Les caractères avec lesquels sont écrits les noms et les autres mots (i), sont précisément ceux que l'on trouve plus fréquemment employés sur les hermès des hommes illustres d'un travail très- ancien. Une de ses qualités particulière qui le fait distinguer, c'est que les deux élémens © et O sont carrés au lieu d'être ronds. On voit dans les images d'Ursinus de semblables épigraphes.

Les marbres qui nous restent ayant des ins- criptions formaient la base de trois autres her- mès, l'une a la moitié antérieure des pieds sculptée, de manière qu'elle devait être hors du pilastre, précisément comme ils paraissent dans les ef- figies couvertes de bandes d'or, ou dans celle de Diane d'Ephèse : le marbre porte le nom de Pindare gravé en caractères plus ordinaires , avec le sigma en forme de croissant, ainsi; niNAAPOC Pindarus

(l) Hypparque fils de Pisistrate fut le premier quî ima- gina d'écrire des sentences morales sur les hermès (Meur- siu-s, Au. Lect.y liv. V, ch. VII ). Ce fut peut-être alors qu'on prit l'usage de placer sous les images de ces sages anciens qui préparèrent dans la Grèce les beaux siècles de la philosophie ; leurs sentences les plus renommées ? comme pour en former leur emblênle particulier.

Le nom du poëte Bacchilide est écrit avec le même caractère , mais au génitif BAKXTATAOT (i) Bacchylidis Celui de Phidiak :

OEIAÏAC Phidias.

Je regardais comme unique l'image de ce îrès«- célèbre artiste grec, sculptée en forme d'her- mès , si je ne l'avais pas trouvée dans un autre hermès acéphale d'Eubulée fils de Praxitèle , aussi l'un des plus renommés parmi les scul- pteurs de la Grèce , dont le nom serait resté ignoré, sans ce fragment très-remarquable (2).

(1) Il est très-rare de trouver les noms du sujet repré- senté sur le monument , au génitif, particulièrement dans les objets d'art des temps les olus anciens. Nous ne man- quons pas cependant d'exemples dans ce cas ? et quel- ques-uns ont été déjà recueillis par M'cbele Ardito, sa- vant napolitain , dans son érudite ÏUustr azione d un antico vaso, publiée a Naples cette année.

(2) L'épigraphe de ce marbre, qui, après avoir appar- tenu à la Villa Negronî, et qu'on trouve décrit dans la Roma moderna de Venuti , est actuellement possédé par l'ha- bile sculpteur M. Carlo Albaccini, est la suivante :

EïBOïAEYC nPASITEAOïC

Pausanias parle souvent des ouvrages des fils de Praxi- tèle, comme provenant d'excellens maîtres. Nous pou- vons de cette seule épigraphe apprendre le nom de l'un d'eux ; Pline nous avait déjà informés que l'autre était Céphisodore, aussi un des sculpteurs les plus renommés (Ht. XXXVI, $ IV, n. 6),

ia- line circonstance particulière de l'antiquité, que nous n'eussions pas soupçonnée sans de telles preuves , c'est qu'on rendait aux artistes excel- lens les mêmes honneurs qu'aux hommes illus- tres dans les sciences et les lettres 5 ce qui doit étonner, particulièrement après avoir lu dans le Songe de Lucien avec quel mépris les littéra- teurs parlent d<„s arts du dessin et de ceux qui les professaient.

PLANCHE XXIII, Bus

C'est pour la première fois que nous voyons dans ce huste, unique, et d'une manière authen- tique, le portrait de Bias , fameux parmi les sa- ges, né à Priène dans l'Ionie, et qui était d'ori- gine Thébaine : il est bien déterminé par l'épi- graphe suivante qui porte son nom, et la sen- tence qui lui appartient:

BIAS IlPHiNETS [ sic ] Bias Prieneus

* On le trouva dans la VHla Tiburtine de Cassius avec les autres ; et il est le mieux conserve. Son pilastre est tout entier 7 et au-dessous de l'e'pigraphe on avait scul- pte' les parties viriles. Il a de hauteur jusqu'à la poitrine deux palmes, cinq onces : il est en marbre pentelique. Le souverain pontife en fit l'acquisition de feu Domenico de Àngeiis; gentilhomme Tiburtin , en même temps que beau- coup d'autres monumens tirés de lei même fouille^

i44

Elle est écrite sur le pilastre sous la poitrine, le nom de son père étant supprimé , comme dans celui de Cléobule. Plus bas est sa sentence 01 nAEISTOI AN0P&ITOI KAKOI Plerique hominum mali (i). Ce véritable apophtegme pouvait être regardé comme un corollaire de cet autre de Pittacus, un des sept sages, son contemporain, lequel as- surait %aÀs7ròv èaSXòv sollevai , quii était diffi- cile de pouvoir être un homme de bien (2).

Ceux qui voudront avoir de grandes connais- sances sur Bias , sur ses maximes et ses écrits, s'il en a existé, recoureront à Laerce et a Bru- cker (5): je remarquerai seulement que c'est

(1) Voyez sur ces épigraphes ce quf a derjk été' remar- qué au tome T; pl. VIII, p. g5 7 (1) et suiv.

(2) Platon dans Protagoras : Laerce , liv. I , ch. IV , § IV. A propos du mot de Bias 7 on doit remarquer que quelques anciens interprètes de Térence , parmi lesquels est Eugraphius , avaient cru que le comique latin faisait allusion à cet apophtegme dans le commencement du pro- logue de Y Eunuque , par l'expression suivante :

Si quisquam est qui piacere se studeat bonis

Quant plurimis comme s'il eut dit piacere bonis magis 7 o potius quant plurimis 7 voulant entendre par ce dernier mot les mé- dians, selon Bias. Mais cette interprétations est fausse, et bonis quam plurimis reste entièrement unie , selon la remarque qu'ont fait les critiques modernes.

(3) Laerce, liv. I, chap. Vj Brucker, Hist. Phil., Per. I, par. II, liv. I, chap. 2,^7.

i4 5

mal à propos qu'on lit son nom dans le cata- logue <Jes écrivains cités par les auteurs latins de ref rustica 9 lequel a été composé et publié par Fabricius (i). '

PLANCHE XXIV. Hermès double de Bias et de Thalès *.

Le portrait de Bias , assez certain par la com- paraison qu'on en peut faire avec le monument que Ton a vu ci-dessus , nous donne lieu de conjecturer à qui appartient l'effigie inconnue qui est jointe à lui.

En rappelant les observations que nous avons faites dans le discours de la pl. XX , il me sem- ble que ce soit ici l image de Thalès. Il fut non- seulement un des sept sages , mais les écrivains, en voulant assigner à quelqu'un d'entre eux le pre- mier rang, furent partagés pour Thalès et Bias (2):

(1) Biblioth. latina remise en ordre par Erneste , 1. I, * ch. II , page S Columelle dit, dans le passage cite' icf,

seulement que Monandre et Diodore , écrivains dont il s'appuye, e'tant de Priene avaient la même patrie que Bias l'un des sept sages. (

* Celui-ci fut aussi trouvé dans la Villa Fonseca sur le Celium en même temps que celui qui est ci-dessus ^ pl. XX Il est en marbre penteìique, haut depuis le sommet de la tête, y compris la poitrine, de deux palmes, un quarto

(2) Laerce , livre 1 , chapît. i , § 1 , dit que Thalès trpôroç ao(pôç ovofida^^ , fut le premier qui obtint le

Musée Pie-Clém. Vol, Vi 10

i46

voici donc un motif pour les réunir sans que cela fût commun aux cinq autres. Mais tous deux étaient compatriotes, nés également dans l'Ionie, et se- lon quelques-uns ils eurent leur origine ancienne commune (i): ils étaient amis (2) , et enfin se trou- vaient joints dans la liste des sept sages , tant celle d'Hyppodote, que dans celle de Dicéarqne (3).

Je ne me suis donc pas déterminé trop -légère- ment , ou à ma fantaisie, pour reconnaître dans ce portrait ignoré celui de ce sage si célèbre , qui fut le premier parmi les hommes à donner à la science une méthode , un système , et qui la fit appeler depuis philosophie.

Ce portrait est nouveau pour les antiquaires , car les images que nous en ont jusqu'à présent donné les iconoLogues sont reconnues pour apocriphes.

titre de sage ; et dans le ch. Y; § 1 ; il dit au contraire que Bias fut regardé par Satjrus comme digne d! avoir la prééminence sur les autres sages, ^poKenpi^èvoç rôv évcrà Vito TOV Harvpv \ il rapporte ensuite au § "VI un pas- sage d'Heraclite qui dit que la réputation de Bias était plus illustre que celle des autres, oh vtÀeiQP AÓyoc, 1QV akkoL L'opinion commune fut cependant en faveur de Thaïes.

(1) On lit dans Laerce ; liv. 1 ; ch. "V, § n7 que Bias descendait d'une famille Thébaine, et ch. 1, § 1, il ra- conte que l'origine de Thaïes dérivait de la race des Tha- lides qui se regardaient comme descendans de Cadmus.

(2) Voyez la lettre de Thaïes à Solon dans Laerce, même endroit, § j6.

(3) Laerce ; même lieu 9 § 1 4 3 Dice'arque commençait son catalogue par ces deux sages, Thaïes et Bias.

i47

puisque c'est dans ces temps modernes qu'on a ajouté le nom grec de Thaïes sur le marbre qui a servi de prototype à tous les portraits supposés de lui (i).

PLANCHE XXV.

PÉRIAINDRE *.

Voici une autre effigie que nous devons abso- lument à la Tailla de Cassius, sous les ruines de laquelle elle s'est conservée avec le nom et l'apo- phtègme qui nous l'ont fait connaître pour la pre- mière fois. 11 est à remarquer cependant, que tan- dis que la haine contre la tyrannie avait fait ex- clure par beaucoup d'écrivains cePériandre, qui fut roi et tyran , du nombre des sept sages de la Grèce, son image eût été placée néanmoins parmi ces hommes illustres , dans le Musée même d'un tyrannicide.

On ne peut pas dire que ce soit ici le Périan- dre d'Ambracie , que quelques-uns ont voulu met- tre à la place du roi de Corinthe ; l'épigraphe qui

\

(i) Lisez la preface d'Ursinus même dans l'édition ro- maine de ses Imagines.

* Haut, en y comprenant la poitrine, de deux palmes, trois onces, en marbre pentcîique L'hermès est rompu imme'diament au-dessous de l'apophtegme. Ou le trouva; comme nous l'avons déjà dit, à la Villa Cassius de Tivoli.

*48

indique quel était son père et son pays , ne laisse rien à douter:

DEPIANAPOS KT^EAOï KOPIN0IOS Periarider Cjpseli [Jilius ] Corinthius.

Son mot est le suivant :

MEAETH IIAN Meditatio est totum

axiome très-vrai , qui apprend à se méfier des ta. lens naturels qu'on ne cultivé pas , et à ne pas présumer qu'on puisse jamais retirer quelque louange de tout ce qu'on fait sans avoir étudié (i).

Ce portrait une fois connu , je crois le retrou- ver encore dans un hermès du Capitole inconnu jusqu'à présent (2) et qui peut être le même que l'on a vu chez les Cesi , qui fut publié jadis sans nom dans les Imagini d'Agostino Veneziano (5).

(1) Il paraît que ce commencement a e'té rendu plus clairement en latin par l'auteur anonyme d'une épigramme qui se trouve jointe aux poésies de Sidonius. Il dit, en parlant de Përiandre y

llle nihil rerum fieri jubet immeditatum. Ausone et Sidonius l'ont traduit en plusieurs endroits toujours avec quelque ambiguïté \ comme par exemple le premier dans ses Sages l'exprime ainsi

Meditationem id esse totum quod géras.

(2) Tome l, Museo Capitol, pl. XLIX.

(3) Imprimées k Rome l'an i56q} in-4, pl. XXXIII.-

H9

Je ne m'écarterai point de ma méthode ordinaire, pour parler ici , des maximes ou de la vie de Périandre. On me permettra seulement d'obser- ver que c'est peut-être à l'aversion que les Grecs avaient pour le gouvernement d'un seul que l'on a les récits de ses injustices 3 de sa cruauté f qui sont consignés dans les histoires. Je n'allégue- rai pas que ses maximes , que ses sentences s'ac- cordent mal avec de pareilles inclinations , car on trouve dans la vie des exemples trop fréquens de pareilles contradictions ; mais il me semble que ces récits sont contredits par l'épigramme honorable des Corinthiens eux-mêmes, lesquels dors qu'ils la firent graver sur son cénotaphe, n'étaient pas sou- mis à un de ses descendans (i). En outre la lon- gueur de son règne qui dura près de quarante ans, dans un petit état plein d'idées démocratiques, ne fait pas ajouter beaucoup de foi à ces accusa- tions de tyrannie qu'on lui a adressées.

PLANCHE XXVI. Pytagore *.

Cette image est bien éloignée d'avoir la même certitude que les précédentes. La dénomination

(i) Laerce, Ut. I, ch. VII, § III. * Hauteur avec la poitrine 7 deux palmes y un quart ; en marbre pentélique, Il fut acheté par Tordre du Pontife*,

i5o

que nous lui donnons , n'est pas fondée sur autre chose que des convenances conjecturales. Le por- trait du fondateur très-célèbre de l'école qui a pro- duit tant de grands mathématiciens , et de sages législateurs, nous est conservé sur quelques mé- dailles de Samos, lesquelles, en outre de la mé- diocrité du travail, nous représentent la figure en- tière de Pythagore , de sorte qu'elle n'offre que très-peu distincts les traits du visage et la phy- sionomie (i). Une de ces médailles, que j'ai vue, d'une forme moyenne , qui avait en même temps que l'image de cet homme illustre, son nom (2), m'a paru ressembler, dans l'ensemble du visage, à la tête de notre hermès , et avoir comme elle les cheveux ceints d'un diadème ou strophiwn.

Cet ornement que nous avons vu, parmi les effigies des philosophes , orner le front de Platon a été souvent accordé à quelques hommes , qui , soit à cause de leur génie , ou à raison de quelques circonstances merveilleuses, furent presque

(1) On peut les voir dans les écrits des iconologues 7 ainsi dans Gronovius (Thes. antic. Graec. 7 tome II ; 4°) et ailleurs. Dans le Musée Capitolin (tome I, pl. XXXII) on a donné le nom de Pytagore à un hermès d'un homme maigre et d'une physionomie si dépourvue de dignité, qu'il correspond mal à tout ce que nous ont dit de la figure de Pythagore , Jamhlicus ; Porphyre et Laerce.

(rj) Il est chez M. Onorato Caetani ; dont il a été déjà parlé dans cet ouvrage. Je dois à la complaisance de cet amateur de pouvoir en donner un dessin a la fin de ce volume.

regardes comme des êtres divins. Il ne convenait par ces motifs à personne mieux qu'à Pythagore, que ses disciples estimaient être un nouvel Apol- lon , dont la naissance avait été prédite par la Py- thie y enfin dont Fame était mise au-dessus de tou- tes les autres , comme d'une essence divine , à cause du souvenir surnaturel qu'il avait de ses di- verses transmigrations. Lui-même qui n'était pas étranger à une telle imposture , qu'il savait bien être un moyen plus efficace de commander à F o* pinion , cherchait à affecter dans sa parure une certaine apparence qui le fit croire un objet sa- cré , au-dessus de l'homme , ayant soin d'être tou- jours vêtu d'habillemens blancs , et de placer sur son front un diadème doré (i). Son air extrême- ment vénérable, et très-agréable, malgré ses doc- trines austères et ses cinquante six ans, étant re- haussé par une parure aussi recherchée, lui atta- chait Famour des assistans (2). Ces diverses cir- constances quadrent fort bien avec l'effigie pré- sente, laquelle peut plus que toute autre, con- nue jusqu'ici , soutenir dignement ce nom (5).

(1) Élien } Var. hi s t., XH; chap. 52.

('2) Yoyez les auteurs cites par Brucker ; Hist. philos. . Per. I, par. II ? liv. II, chap. 10 ; § 11.

(5; Dans la petite collection du Vatican de Clément XI on avait donne le nom de Pythagore à un hermès orné du diadème, comme celui-ci, d'où il parut à M. Bianchi ? qui dirigeait cette collection, qu'on n'avait pas connu ure médaille semblable à celle dont nous avons parle il y a peu. Le dégât qu'a souffert la surface du marbre

PLANCHE XXVIL

Sophocle *.

Nous trouvons conservée , quoiqu* il manque une partie , l'épigraphe grecque sur ce petit buste. 11 en reste cependant assez pour suppléer facile- ment au commencement perdu, et pouvoir y lire le nom du prince de la tragédie grecque. Les let* très

. . . 4>OKAHC sont clairement un reste du nom CO^OKAHG Sophocles.

Car si on voulait en imaginer un autre en se servant de la même désinence, pour élever des dou- tes contre ce portrait authentique du sublime tra- gique d'Athènes , la ressemblance qu'a cette tête avec l'image du bouclier de la collection Farnèse, se trouve son nom, avec le diadème qui en- veloppe comme ici ses cheveux , tout cela détrui- rait V incertitude ( i ). Le diadème , comme nous

ne laisse pas assez distinguer les formes du visage. Cet hennés est à présent sous le portique du Muse'e Pi e -Cle- menti!!.

* Hauteur, avec la poitrine, une palme , trois onces et demie. Il est en marbre de Luni. On le trouva dans les fouilles faites dans les jardins Carpi y aujourd'hui des Men- dicanti, au temple de la Paix. Il fut achete' par ordre du Souverain Pontife avec d'autres monumens découverts dans la même fouille , et que nous avons indique's tome pre- mier , pl. IX.

(i) Fabrlj Imag^ n. 56, Bellori U donne sans diadème,

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Tarons fait remarquer, donné à des personnages qui n'appartiennent pas au trône , est comme un symbole d'apothéose ; et quoiqu'il puisse être donné à tout poëte excellent, auquel l'admiration des peuples a fait attribuer les titres de sacrés ou de divins esprits, cependant il est plus particulièrement à quelques-uns lorsque des événemens de leur vie, ou les honneurs du tombeau et leur mémoire le leur a rendu tout-à-fait convenable. Peu de poè- tes pouvaient plus que Sophocle prétendre à un semblable ornement, lui que l'on crut, à cause de son talent, digne de converser pendant sa vie avec les Dieux mêmes (i), et de qui on raconta après sa mort que Bacchus, le Dieu tutélaire des poètes dra- matiques , apparut au commandant des Lacédé- moniens qui assiégeaient Athènes, pour lui ordon- ner de rendre des honneurs funèbres et héroïques à feu Sophocle, la Syrène nouvelle de la poesie grecque (2).

Cela serait suffisant pour la dénomination de l'effigie et pour ses particularités, mais il est né-

et après lui Gronovius ( Thés, antic. Graec. 7 tome II } 62 ); mais il est dans l'original.

(1) Plutarque dans la \7ie de Numa dit quEsculape lui- même fut visiblement l'hôte de Sophocle , pendant la vie de celui-ci , et que de son temps il y avait encore des preuves de cette merveilleuse aventure.

(2) Pausanias , Attica y ou liv. I ; ch. 2 1 ; Pline , liv. VII ; § 3o: Sophoclem, tragici cothurni principerai , defunctum sepeliri Liber pater iussit , obsidentibus moenia Lace- daemoniis : Lisandro eorum rege in quiete saepe admo- nito } ut pateretur humari delicias suas.

i54

cessaire de faire remarquer aux observateurs que le portrait que l'on a jusqu'à présent désigné dans les collections de sculptures antiques pour Pin- dare , est évidemment le même que celui-ci ; que par conséquent on doit regarder comme fausse cette dénomination , et de même l'épigraphe qui Ta fait prendre pour un Pindare dans les marbres Capitolins , et dont s'étaient déjà douté les cu- rieux plus éclairés , même avant que la chose pût être décidée par la confrontation avec notre mo- nument (i).

L'image de Sophocle qui est sur le petit bou- clier du Musée Farnèse n'avait pas été suffisante pour prouver la fausseté de la dénomination de l'hermès du Capitole , et cela par plusieurs mo- tifs: parce que l'image de Sophocle dans ce mar- bre d'une petite dimension n'est pas aussi claire- ment exprimée que dans le nôtre , et qu'en ou- tre elle est un peu rongée; parce que les gravu- res qu'on en a fait étaient peu fidèles , excepté celle gravée par Galleus pour les imagines illustrium virorum de Fabri: parce qu'enfin le marbre original inconnu des antiquaires et des curieux, était couché dans une armoire du palais Farnèse à la Lungara. À présent que l'on reconnaît pour Sophocle l'image que l'on avait jusqu'alors crue un Pindare, et qu'on la retrouve dans plusieurs Musées , on cessera d'être surpris pourquoi les figures d'Euripide étant si

(t) Museo Capitolino, tome ï , n. 38. Cotte image a éité communément réputée pour un Pindare.

i55

communes , celles de l'autre poëte tragique son contemporain , et qu'on lui préferait dans l'ancienne littérature , étaient aussi rares.

PLANCHE XXVIII. § i-

Euripide *.

Nous ajoutons au portrait de Sophocle répré- senté dans la gravure précédente , dans cette plan- che les deux images d'Euripide et de Socrate dans le même ordre que l'Oracle de Delphes les avait annoncés, en donnant au premier, c'est-à-dire a Sophocle, le titre de Sage; à Euripide celui de plus Sage; et au dernier celui de très-Sage (i).

On trouve très-fréquemment des images d'Eu- ripide parmi celles des hommes illustres. Peut-être que la morale répandue dans ses écrits lui fit chez les Romains obtenir la préférence sur So-

* Hauteur deux palmes , un tiers; il est en marbre pente'lique. Le masque seul est antique jusqu'à la lèvre supérieure; le reste a été restaure' d'après les antres por- traits de ce tragique. Il e'tait autrefois chez le sculpteur Carlo Albaccini. Le Souverain Pontife en fit faire l'acqui- sition.

(i) Suidas, v. ao(pôç:

liOpoç ZopoxùtfÇ) aocpQTSpoç T&vpwiiïqç , 'AviïpQV èy â<jvàvTG)V IiQ^pdr^ç (xopcjtaroç. On lira sur les doutes bien fondés de la vérité de cet ora- cle ; d'ailleurs très-ancien } des idées d'une critique excel- lente dans Brucker, Hisp. PMI. Period. I; liv. II eli. %} § 5.

ï56

phocle, bien que celui-ci eût mis plus d'art dans ses scènes, et eût un style plus pur (i).

Un hermès de la collection Farnèse rend , par le nom grec qu'on y lit, cette image plus cer- taine 9 et il eut du la faire reconnaître dans les trois têtes du Capitole qu'on a désignées sans rai- son pour un Hésiode (2).

Supplément de V auteur.

J'ai eu trop tard , pour pouvoir en parler à sa place , la connaissance d un rare monument du Mu- sée Borgia à Velletri , lequel m'a été communiqué par le savant cardinal de ce nom, mais elle m'est venue assez à temps cependant pour l'ajouter ici à présent. C'est un hermès double, comme les nô- tres des planches XX et XXIV , dont les têtes sont pourtant endommagées, mais dont les inscrip- tions grecques , écrites sur les deux faces , sont très-curieuses ; on les lit ainsi:

COAOiN eEHRGCTIAOï A0HNAIOC COOOC

sic

CYPGininiAHC WH . . APXIAO . ..AAAMcriNÏoC TPAr . . . . ÏIOIHTHC

(1) La petite statue d'Euripi le thjrrsigera, avec la note de ses drames dans le marbre qui est derrière , mérite d'être remarque': elle est rapportée dans les Monum. inéd. de Winckelmann y n. 168.

(2) Museo Capitol / tome I , pl. XLIV.

«57

Solon Execestidae [Jilîus'} jitheniensis Sapiens Euripides Mnesarchidae [Jilius ] Salaminius Tragoediarum x Poeta.

Outre le nom du père d'Euripide, qui est Mne- Sûrchides, et non pas Mnesarcus, comme quel- ques-uns l'ont écrit , ce monument est encore re- marquable par l'union de deux hommes illustres, Solon et Euripide , qui eurent pour commune pa- trie l'île de Salamine. Cela confirme ce que nous avons avancé dans nos conjectures sur les motifs qui ont fait unir ensemble les portraits de tels hommes , lorsque nous avons parlé des têtes ados- sées de Bias et Thalès, tous deux de l'Ionie Asia- tique. Solon , que l'on sait parfaitement être à Salamine, est appelé ici Athénien, comme ci- toyen d'Athènes, dont Salamine était regardée com- me un bourg, Pagus ou Demo, et en qualité de lé- gislateur de cette célèbre république; mais en parlant d'Euripide, qui par les mêmes raisons pouvait aussi être appelé Athénien, on a précisément indiqué Sala- mine comme sa patrie, afin de faire connaître ce rap- port particulier avec Solon , rapport qui peut-être a donné lieu à ce qu'on les réunit tous deux dans cet hermès. Indépendamment de cela , Euripide n'était pas si exclusivement poëte, qu'il ne put tenir un rang parmi les sages,- et d'ailleurs , So- lon était de tous ces sages, celui qui était le plus poëte.

i58

S *

Socrate

Ce portrait que Ton trouve si fréquemment , et sa correspondance si exacte à cette physionomie de Socrate que les anciens nous ont dépeinte , n'avait pas besoin d'autre chose pour qu'on lui donnât sa vraie dénomination , quand même nous n'eussions pas eu les hermès avec son nom qui nous en donnent une preuve plus évidente (i). L'un de ces hermès est de la collection Farnèse ;

* Hauteur deux palmes, un tiers; il est en marbre grec; on le trouva dans les fouilles de Roma-vecchia, ordonnées par le Souverain Pontife. On le voit rapporte' sur un her- mès acéphale qui était dans la Villa Negroni ; qui porte en écrit sur le pilastre le nom de Socrate.

(i) Le nez écrasé de Socrate, ses yeux proéminens, la tête chauve , sont connus avec tant d'évidence, que c'est en- vain que Fabricius a essayé (Bibliot. Gr. , liv. U, c 35, § 3o ) d'élever des doutes sur la caricature de ce sage , qui pouvait, malgré cela, avoir une physionomie peu in- grate et même intéressante. V. Brucker, 1. c, § 3 La res- semblance de la figure de Socrate avec les Silènes, que les anciens avaient déjà reconnue, a été cause que Jean Chifflet a pris, dans un opuscule intitulé Socrates 7 pour des images allégoriques de ce philosophe quelques mas- ques de Silènes et de différens symboles mêlés avec des caprices , que nous connaissons a. présent sous le nom de chimères, et que dans l'antiquité on appelait grilli. Les masques dont on faisait usage dans les Bacchanales, et grou- pés avec d'autres ornemens ou ustensiles , ont donné lieu ; à ce qu'il paraît ; k ces jeux de fantaisie.

1%

il a, outre le nom de ce philosophe, une épigra- phe grecque très-remarquable sur le pilastre: comme elle n'a pas été publiée, j'ai cru à propos de la donner ici en note (i).

Il y a plusieurs hermès de Socrate dans la col- lection Pie-Clémentine. Le nom qui se lit sur un d'eux est celui-ci :

CtfKPÀTHC

il est original , mais cet hermès est Acéphale , et la tête qu'on voit dessus à présent , y a été pla- cée récemment, et aussi fort à propos.

(i) ErûOïNïNlïPû

TONAAAAKAIAEITOI OïTOSOlOSTûN EMûNMHAENlAA AûinEÎ0E£ . . . . HTûIAOrûIOSAN MOI .... ZOME N&IBEATI2TOS «MINHTAI

'ÌLyò ov vvv upoTOV , âWk Hai del roiovroç , oioç

(ioi è^era^o^évQ fféÀTMrTOç (palperai.

Que l'on peut traduire ainsi en latin :

IS/on ego ab hoc primum tempore sed ita semper me ha-

bui y ut nulli meorum auscultar em mugis quant ragioni ,

qua.ecum.que conieclanti mihi potissima videretur.

Cet axiome contraire ala secte philosophique était peut- être attribue à notre philosophe dans les écrits de quel- que disciple de Socrate f je n'ai pu m' assurer si cela s'y trouve ) 7 et par cette raison un amateur de philoso- phie Eclectique l'aura fait graver sous son hermès , nul- lius addictus juTare in verba magistri.

i6o

PLANCHE XXIX.

PÉRICLES *•

Le portrait de cet illustre Athénien , célèbre au- tant dans l'histoire civile de sa patrie , que dans celle des lettres et des beaux-arts, a été trouvé dans les fouilles que notre Souverain Pontife a fait faire , à ses dépens , dans les collines Tyburtines , à l'en- droit où l'on soupçonne qu'était anciennement la campagne de Cassius ; et cette découverte eut lieu encore lorsqu'on croyait avoir épuisé les richesses de cet endroit, après tout ce qui en avait été tiré heureusement par des particuliers. Deux hermès de Périclès furent mis au jour en même temps. Le premier et le plus remarquable , tant sous le rapport de l'art que par sa conservation, est ce- lui qui représente la gravure et il a sur son

* Hauteur, depuis le sommet du casque jusqu'au-ba$ de la poitrine, deux palmes, trois quarts. On le trouva près de Tivoli dans la fouille, dont nous avons déjà parle', de la Pianella de Cassius , qu'on a continuée aux dépens du Souverain Pontife après que beaucoup d'autres y avaient déterré tant de monumens que nous avons indiqués à leur place. L'hermès est de marbre pente'lique ou Cipolin.

(i) On donna l'autre à M. Gavino Hamilton en échange des hermès doubles publiés dans les planches XX et XXIV. Celui-ci passa en Angleterre dans la belle et riche collection du chev. Townlev, et il fut publié à Londres l'an 1787, à la fin du chapitre V du tome II du bel ouvrage de Stuart Anticjuities of Athens. Le portrait est couvert d'un casque, et en tout semblable au nôtre; on voit l'épigra-

i6i

pilastre l'ancienne inscription du même caractère

plie sur sa poitrine, mais d'une seule ligne, et ne con- tenant que son nom

I1EPIKAH2.

Un troisième hermès de Périclès sans inscription, jusqu'alors inconnu, mais qui est devenu certain par cette décou- verte ; existait déjà dans une campagne à Rome ; on ne l'y voit plus à présent. Il me semble que c'est ici le mo- ment de faire observer au lecteur, que l'on trouve très* fréquemment dans les fouilles, en cherchant des antiqui- tés , des morceaux répétés, comme nous avons dit que cela arriva des hermès de Périclès. La Villa Adrienne nous en a offert des exemples infiniment remarquables. On y découvrit l'année dernière , dans le lieu occupé par la Villa Fede, deux statues semblables, toutes deux copiées d'a- près le Discobule de Miron : l'une fut achetée par le Souverain Pontife, l'autre par M. Jenkins. Deux autels triangulaires absolument pareils dans leurs bas-reliefs, re- présentans trois Génies de Mars, avec le casque, l'épée et le bouclier du Dieu , avant été trouvés dans le même lieu, eurent le même sort. Nous ferons remarquer qu'il y en a un troisième, conforme en tout, dans le Musée Kiiker 'y il fut trouvé aussi dans les ruines Tiburtines de cette maison de campagne impériale. Dans la fouille faite à Colombaro sur la voie Appia , dont il a été parlé dans le discours, pl. XV, on trouva deux statues qui étaient des répétitions du Mercure appelé F Antinous du Belvé- dère, publié pl. VII de notre tome I ; elles étaient extrêmement ressemblantes, excepté que l'une d'elles était, comme cela arrive ordinairement, d'une exécution plus re- cherchée. On a trouvé , dans les fouilles actuellement ou- vertes de Roma -vecchia , trois enfans re présentés étran- glant un canard 3 tous trois sont parfaitement semblables à celui du Musée Capitolin (tornelli, pl. LXIV ) , mais le travail n'est pas en tous d'un égal mérite. On doit peu-

Musée Pie-Clém. Vol. VI. u

1Ô2

carré , que nous avons vu employé dans celles des sept sages -? elle est ainsi :

ITEPIRAHS SANGinnOï A0HNAIOZ Pericles Xanthippi [Jilius j Atheniensis.

Le travail de la tête est plus achevé et déli- cat qu'on ne le voit ordinairement aux hermès de portraits d'hommes illustres, et la nohle simplicité de l'art grec se fait voir entièrement dans 1 nuage de ce grand homme qui exerça si bien le talent de Phidias et d'Ictinus , et auquel est due la pre-

ser la même chose de la plus grande partie de ces simu- lacres doubles qui se trouvent , et qu'on voyait, encore plus auparavant , dans les collections , comme les deux autres Mercures semblables à celui du Vatican, dit F An- tinous, dont nous avons parle, lesquels étaient à la Villa Matthei } les deux Hercules Farnese qui ont de légères différences dans la composition, et égaux de proportion; les deux Muses du palais Lancellotti, Tune desquelles est à présent au Musée Pie-Clémentin , publiée dans notre tome I7 pl. XVII, p. 176. On peut en dire autant de tant d'autres monumens que les procès verbaux des fouil- les nous apprennent avoir été trouvés doubles. Il paraît que les anciens Romains aimaient l'Euriîhmie , ou , comme nous le disons la svmétrie, au point de répéter, dans des places correspondantes, le même simulacre, sans même eu varier l'action de droite à gauche; par-là ils obtenaient l'avantage de voir tout ensemble, et du même coup-d'œil, la même figure sur deux côtés opposés.

i6i

mière epoque , et sans doute la plus brillante, de la perfection et de l'éclat des beaux-arts. Quel- ques-uns ont pensé que le surnom d'Olympien, que lui accordèrent ses contemporains , se rappor- tait moins au bonheur de ses entreprises dans la guerre et dans la paix , ou à la force de son élo- quence foudroyante , qu'à la magnificence et au grandiose des édifices dont il embellit Athènes et toute la Grèce , sur laquelle il fixa ainsi l'admi- ration de tous les siècles (1). Il semble que cette opinion soit appuyée , en voyant que les Grecs donnèrent le même surnom à l'empereur Adrien (2), dont toutes les pensées furent dirigées vers la paix^ mais qui prit à tâche d'embellir l'empire romain par de somptueux édifices , et surtout Athènes , plus que toute autre ville , en perfectionnant le grand temple de Jupiter , pour rivaliser le Pai thé- non et les Propylées de Périclès, d'où il obtint dans cette ville le titre de nouveau fondateur.

Périclès est dans notre sculpture tout couvert d'un casque , comme Plutarque nous apprend qu'il fut représenté par les sculpteurs , qui cherchèrent ainsi à cacher la difformité de sa tête } extraordinaire-

(i) Plutarque dans Périclès, t. ï; page 544; ec^- Btyanù nai roi imèç aitò tôp oïç skóo'^o'c tj^v móàiv . « .

9OM(imov âvrov oiovrai ^pomfopev^i}vai: Quelques- uns pré tendent que le nom d'Olympien lui fut donné à cause des embellissemens qu'il fit dans la ville,

('i) Spanh. , de usu et prassi, num, P toni. Il^diss. Xîl; § i5 ) Buonarroti , Medaglioni, p. 017.

i64

ment grande et dilatée vers l'occiput (i), le seul défaut de toute sa personne , car il égalait dans tout le reste les agrémens qu'avait Pisistrate , dont il rappelait toutes les formes par une grande res- semblance.

PLANCHE XXX.

As P ASIE *•

Ce fut un hazard bien heureux et bien singu- lier aussi, que celui qui fit tirer pour la première fois deux portraits jusqu'alors inconnus, d'Aspasie et de Périclès , de fouilles faites dans des lieux très-différens et même fort éloignés l'un de l'au- tre , pour venir enrichir le Musée Pie-Clémentin.

(i) Plutar. , même lieu, p. 55g : Ta (Jbh aXka ri?V ïdèav tov aôfxmoç ufxefjbftlov , 'urpo^Kfi ri?7> m(paJkyiv irai â<yv(Jb{i£Tpov. o^ev al (lèv sIkovsç dvrov cr%edòv artaaai Kpâve<n vtepié portai , ^'skoybkvQV , ôç eoi~ 7C€j T&P Te^VlTOV èt,OVeidt&lV : il n'avait aucun défaut dans la figure , si non sa tête qui était un peu alongée et disproportionnée : c'est pour cela que presque toutes ses images sont représentées avec un casque , parce que les artistes } à ce qu'il paraît } voulaient qu'on n'aperçût pas ce défaut.

* Tout riiermès a de hauteur jusqu'à la base sept palmes 7 trois quarts, dans la même proportion on le voit grave' sous deux aspects. Il est de marbre penteli- que. On le trouva dans les fouilles 7 dont il a e'te' sou- vent question , faites à Castronovo 7 ou de la Chiaruccia au bord de la mer, a peu de distance de Civitavecchia; d'après les ordres de S. S.

i65

Cette femme si célèbre , qui, élevée dans un cli- mat de l'Asie et avec des mœurs délicates, fut la première à porter dans la Grèce libre cette élo~ quence savante et perfectionnée par l'étude , que Périclès apprit d'elle, que Socrate admira, et que les hommes à talent d'Athènes portèrent ensuite au plus haut degré de perfection ; dut cependant tous ces avantages estimables à l'émulation que lui inspira une autre femme fameuse, Targélie de Mi- let , sa compatriote, laquelle était parvenue parles mêmes moyens à acquérir un certain pouvoir dans la cour des Satrapes qui gouvernaient au nom du grand roi les villes grecques de l'Asie (i).

La médiocrité du travail ne fait pas valoir dans cette image les agrémens naturels de la figure d'Aspasie, qui contribuèrent à rendre ses talens si brilians , et l'on ne peut en effet en apercevoir que très-peu dans une sculpture qui ne nous re- présente ni la délicatesse d'one belle carnation , ni la vivacité des yeux. On découvre cependant dans cet hermès des formes assez régulières , et une phy- sionomie expressive. La tête est couverte d'un voile ?

(i) On consultera là-dessus Plut arque 7 v. de Périclès, et ce que Bayle a recueilli dans d'autres écrivains^ article sur Pe'riclès ? note (O) de son Dictionnaire. L'histoire d'As- pasie , écrite par Burigny, dont on lit un extrait dans le tome XXXE de YHist. de V Académie des inscriptions 9 etc. y ne contient pas autre chose que ce qu'on lit dans la note, citée? de Bayle ; quoique le même Burigny lui re- proche comme une grave omission de n'avoir pas fait un article pour Àspasie dans son grand ouvrage.

i66

suivant l'usage des femmes grecques , lorsqu'elles paraissaient en public: mais ses cheveux, sont élé- gamment frisés, comme il convient à une femme qui ne croit pas que les qualités extraordinaires qu'elle possède doivent lui faire négliger les mo- yens de plaire les plus ordinaires et les plus sim- ples, d'autant plus sûrs i qu'ils sont naturels.

La jalousie des autres femmes, sa brillante po- sition , et la puissance de Périclès, qui devint son mari , l'exposèrent à de violentes contrariétés, quoi- que passagères , et à la malignité du théâtre , sur lequel on se plaisait à satiriser, avec une singu- lière indécence , les défauts qui sont ordinairement étrangers à qui réunit tant d'instruction et de science.

Les Iconographes désiraient avoir un portrait d'Âspasie , et ils s'étaient avisés pour cela de la reconnaître dans une tête de Minerve armée , gra- vée sur un diaspre rouge par le graveur Aspa- sius (i). Cette pierre, qui est dans le Musée Im- périal, a été de nouveau publiée par M. Eckel, qui a dissipé l'équivoque dont quelques autres an- tiquaires s'étaient déjà aperçus (2).

(1) Canini, Iconografia, n. XCÏI. Et Haym {Tesoro Brìttan. 7 tome I > 189) ont voulu reconnaître Aspasîe dans une tête casquée de Minerve ; comme il en avait reconnu une de Përiclès dans une autre. Ces erreurs ont clé reieve'es dans les notes de la traduction latine de cet ouvrage.

(i) Stosch } Gemme ? pl. XIII ; Eckel , Choix de pier- res de V Empereur , pl. 18.

167

Le nom de cette femme illustre est écrit sur le bas du piédestal de notre hermès ainsi : ACriACIA Aspasia.

Et quoique le marbre soit brisé , il n'est pas dou- teux , en voyant que les cassures se correspon- dent , qu'il ne formât un seul morceau avec cette effigie très-remarquable , laquelle orna probable- ment quelque maison de campagne , sur les bords du Tyrrène près de la colonie de Castrum novum.

PLANCHE XXXI.

Alcibiade *.

Le portrait d'Alcibiade était connu des icono- graphes , et publié, quoique les monumens sur les- quels ils s'étaient fondés (1) ne fussent pas assez certains et notoires ; cependant il faut convenir que les motifs qui avaient servi à lui donner cette dénomination , n'étaient pas entièrement erronés j car les images qui, d'après ces notions, portèrent le nom d'Alcibiade , ressemblent à la vérité infini-

* Sa hauteur depuis le sommet de îa tète, y compris la poitrine, deux palmes, trois onces. Il est en marbre de Luni ou de Carrare. On l'a trouve' à la Villa Fonseca sur le Celium avec deux hermès doubles publie's ci-des- sus pl. XX et XXIV -7 il fut acheté par ordre du Sou- verain Pontife.

(1) Fabri , Ima g. Illustr. , 11. 4? Bottari r Museo Ca- pitol, tome I, pl. XVL

i68

ment à la nôtre , qui est authentique , principale- ment dans cette particularité caractéristique de la barbe divisée en petites boucles , presque adhé- rentes à la peau, et qui semblent couvrir d'une laine épaisse tout le menton et la sommité anté- rieure du cou, vers le gosier, précisément comme Platon nous décrit la barbe d'Alcibiade (i).

Notre hermès, indépendamment de cette partie, qui le rapproche des images déjà connues du fils de Clinias, a de plus sur le devant du pilastre les lettres

AAKIB . . .

justement la moitié de celles qui composent le nom ! AAKIBÏAAHS , Alcihiades , qu'anciennement on devait y lire en entier ; ce qui rend cette sculpture

(i) Platon, dans Protagoras , nous dépeint Alcibiade 7 tfôy&VOÇ VftOrtl(iïïûd{iewV, ayant tout le dessous du men- ton garni de barbe. Les portraits d'Alcibiade nous mon- trent clairement que dans Je mot v&OfttfiTrXàfiievoç la particule sub (vtfò} qui le compose, ne doit pas être oiseuse comme elle Test ailleurs dans des composés du même, mais qu'elle a ici une signification absolue qu'on ne peut rendre facilement dans une autre langue par un seul mot. Si on ne retrouve pas dans ce portrait d'Alci- biade ces agrémens extraordinaires qui le rendirent dans sa jeunesse principem forma ( Pline , liv. XXXVI, § IV, 8), et qui le faisaient voir doué de cette espèce de beauté qui convient le plus à* tout âge de la vie , on devra se rappeler ce que nous avons déjà fait remarquer dans le discours précédent, à propos des effigies en marbre, et que d'ailleurs le travail de cet hermès n'est pas des plus heureux,

169

extrêmement importante et curieuse , et d'où elle devra désormais servir d'exemple pour recon- naître les traits de ce célèbre Athénien , et retrou- ver quelques autres images antiques qui lui res- semblent. En effet j'ai déjà, seulement par la com- paraison faite avec notre marbre, trouvé deux au- tres beaux monumens de cet homme extraordi- naire : l'un de ces monumens est sa statue du Musée Pie-Cléroentin qui le représente nu (1) : l'autre est son buste jusqu'à mi-corps , dont la main gauche est enveloppée par son manteau , et dont la droite est dans l'attitude de quelqu'un qui harangue , morceau très- estimable par le sujet et par l'exécution. Il fut trouvé dans les fouilles d'Aricia ; il appartint à monseig. Antoine Despuig, ancien auditeur de Rote, à présent évê- que d'Origuela , qui le conserva dans la belle col- lection qu'il forma avec tant de soin en peu d'an- nées (2).

A l'importance qu'a ce portrait, notre hermès réunit le mérite singulier d'une seconde épigraphe gravée sur le côté droit , en vers hexamètres, mais dont il ne reste que des fragmens 3 la voici :

(1) Elle a été publie'e dans notre tome II ; pl. XLH > ou; en parlant de cet hermès ; on dit; par méprise ; qu'elle fut trouvée à Pantanello.

(2) N ous donnerons dans les planches de supplément à la fin de ce volume, le dessin de cette sculpture pleine de mérite ; qui n'a pas encore été publiée.

ï 70

GICiNMOTAYAAG AfcOIOMONYM OÎÀY OMOIOI OÏM GXPIMG NZ^OTCITON ... ON

OÏKGCOP6/CIN ATTAPGHHN ....

Je la lis ainsi en suppléant au second vers;

JLWw (iOL &ë* udektpol òfjbòvvyboi dv ôpoiot ^sy^pï fjbïv Çqwi tòv r{kiof ovn êovpâ(Tù 9 Kviap iiïviv ....

Sunt mihi duo fr atre s homonjmi, duo simile s;

Qui usque dum vivunt Solem non adspiciunt :

At postquam ....

« J'ai deux frères parfaitement semblables de figure et de nom , qui ne voyent jamais le Soleil pendant qu'ils vivent, mais aussitôt, comme .... »

Ces vers appartiennent évidemment à quelqu'une de ces énigmes, auxquelles les Grecs donnèrent Je nom propre de griphi , qui furent très en vo- gue dans les premiers temps de leur civilisation , comme elles l'avaient été dans des siècles les plus reculés chez les sages de l'Orient. On eut l'usage de les exprimer en vers, comme elles se propo- saient aussi chez les peuples d'Orient, dont les Grecs imitèrent en cela le goût et les usages (1). Parmi

(1) On trouve dans les livres sacrés, ch. i4 aes Juges, ia preuve la plus ancienne de l'usage des énigmes chez les nations orientales. Parmi les écrivains profanes qui en parlent 7 on consultera Plutarque dans le Convivium, le- quel dit que les énigmes eurent une grande vogue chez les Egyptiens ? et que ce goût passa peut-être d'eux aux

Ifi

les nombreux griphi des Grecs qui nous sont par- venus , il en est deux qui ont tant d'analogie avec le nôtre par l'expression et la pensée, que je suis obligé en quelque sorte de les citer dans ce dis- cours. Le premier qu'on attribue à Cléobule , l'un des sept sages , est le suivant (i): JLÎç ô Tturrip , <jzaïiïeç de dvódeua top iïè exâ&TQ Kovpai elì'iKOVra $idpiïi%a eîdoç zpxrai, Al {ièp ûevxai taaiv îdeh , al âvre {léXaivai. 'ASâmroi §e % èovaai àrtotpSivvSwiv âvraaaL L'un est le père, douze sont ses enfans; Chacun desquels est d'une figure différente : Soixante filles, les unes blanches , les autres brunes ,

Toutes sont immortelles , et toutes périssent.

sages de la Grèce ; et Athénée qui dans ]e X livre de ses Dipnosophistes en parle très-au-long , et avec des notes fort curieuses, depuis le chap. XV jusqu'à la fin du livre. Plusieurs littérateurs modernes, outre Gerard qui en a fait un traite particulier, ont souvent examine et commente ce sujet. On ajoutera a ceux dont a parle' déjà Fabri- cius dans sa Bibliographia antiquaria , ch. XIX, § VÎT, Jablonsky dans les Prolégomènes de sqii Panthéon, il a rassemblé dans peu de pages tout ce qui nous reste en ce genre des anciens écrivains , et Micbaëlis dans ses notes sur la Poesis sacra de Lowth, note (8j, il démontre avec beaucoup de jugement l'usage très-an- cien chez les Orientaux de proposer des énigmes en. vers.

(i) Diogene Laerce dans Cléobule, liv. I, ch. VI, § 5, nous apprend que ce sage Rhodien avait composé beau- coup de ces énigmes ou griphi en trois mille vers ( même lieu: § 2), et que sa fille Eumétides , appelée aussi Ciéo- buline, et qui était poète, avait composé des énigmes en vers hexamètres (ni. 1. j § i ).

1 72

Cette énigme indique l'année avec ses douze mois, chacun de trente jours et de trente nuits. Ici il est à remarquer que le mot tfpêpà, qui chez les Grecs signifie le jour , étant féminin , corres- pond mieux avec le sens de l'énigme. Nous pour- rions le rendre par le mot journée. L'autre énigme de ïhéodecte de Phasélis , est du même genre j la voici (i): SLÎ<ri xaoiyv^Tai Mtrai , ôv q fila t 'iktbl Tr^v hrépav avvi? §è rénovera itaJkiv y7 v%o ravr^ç

Elle sont deux soeurs , Vune est la mère de Vautre ;

Et celle qui d'abord fut la mère , Devient la fdle à son tour. On entend par-là la nuit et le jour, ou la journée^ comme nous venons de le faire remarquer. La con- formité que nous apercevons entre ces deux épi- grammes énigmatiques et la notre me semble as- sez évidente d'elle-même.

Le lecteur sera curieux certainement de con- naître le sens de notre épigramme, et de pouvoir conjecturer au moins quel peut être le mot de l'énigme; j'en propose la solution,, laquelle, à dire la vérité, est d'autant plus incertaine que le sujet est mutilé et n'est pas entier. Je ne serai pas étonné si l'on n'en est pas satisfait, puisque tant d'hom- mes d'esprit n'ont pu encore trouver qu'avec beau- coup d'incertitude la signification d'une autre qui

(i) Athénée, 1. c.y chap. îq.

1 7^

est entière , et qui était une des plus communes chez les anciens (i). Mais, sans tant de paroles, il me semble que ces trois frères tous semblables , et portant le même nom , peuvent être les trois espa- ces ou divisions ( Slópot ou Kùtfpoi du genre mas- culin en grec ) , et non quatre , par lesquels on par- tageait dans les temps anciens la durée des nuits (2)* Ces divisions furent ensuite nommées par les La- tins custodiae , vigiliae. Celui qui parle ( nous con- tinuons à les nommer frères comme le Grec ) est celui du milieu, et indique le premier et le troi- sième , desquels il dit très-à-propos, que tant qu'ils vivent ou durent ils ne voyent jamais le soleil , qui ne s'élève qu'après la mort du troisième , et qui se couche avant que le premier naisse. Ceci peut être le complément de Fépigramme.

Il ne paraîtra pas que ce soit sans quelque mys- tère qu'on ait gravé cette énigme sur un hermès ; et on voudra sans doute en rechercher le motif

(1) Voyez Casaubon sur Athénée, liv. X, ch. <if2.

(2) Les autorités qui le prouvent, parmi lesquelles en est une d'Homère, //. K., ou liv. X , v. 25a, ont été' pro- duites par le célèbre Brunk dans ses notes sur Apollo- nius de Rhodes, liv. f, v. 1082. Je trouve par une expression d'Orphée dans les Argonautes, v io54, que le mot (iôooç masculin , signifiant portion, s'appliquait plus particulièrement aux divisions du jour et de la nuit: qu'ensuite le mot Mkripoç aussi masculin ait été pris pro- prement dans le même sens ; cela est attesté par le Sco- liaste d'Apollonius, 1. c. 5 et Hesychius le prouve au mot Tïâypc, et xXtfpoç , quoiqu'on ne lui trouve pas cette si- gnification dans lç$ lexiques.

i74

secret. Pour moi je pense qu'on peut le trouver dans le lieu cet hermès devait être placé. Nous savons par les anciens écrivains , que les énigmes formaient un des amusemens le plus ordinaire des festins, et des assemblées de plaisir (i); nous ne pouvons donc pas soupçonner autre chose , pour concevoir avec quelle intention on y grava cette énigme, si non que ce morceau avait été destiné à orner un Triclinium ou une Exedra. Il n'y en eut pas d'autre, à ce qu'il me semble, que celle de divertir la compagnie , et de lui suggérer quel- que objet d'amusement ingénieux et piquant, dans un lieu destiné au plaisir.

PLANCE E XXXII.

Zenon de Cyzique *.

Il me semble que ce col tors et incliné vers Fépaule gauche indique évidemment que ce por-

(i) Platon, eu effet ; appelle cette sorte d'énigmes am- biguitas convivale sv è(rnâ<re<nv eTva^OTepi^ovxa* (de Rep., liv. V sur la fin). On peut voir en outre Plu- tarque et Athënée dans les lieux que nous avons cités plus haut. Ainsi il est inutile de parler de l'énigme écrite sur un donar ium d'un temple grec; dont Athénée lui-même fait mention (même lieu , chap. 22);ni des inscriptions énigmatiques des simulacres égyptiens ; comme celle dont nous parle Plutarque {de Isid. et Osirid.).

* Hauteur ; depuis le sommet de la tête jusqu'au-des- sous de la poitrine ; deux palmes 7 sept onces; il est en marbre pentélique. On est incertain sur le lieu d'où il fut retiré: le Souverain Pontife en enrichit le Musée.

1 1^

trait est celui de Zenon le Sloïque , à qui cette particularité appartient , d'après ce qu'en dit Laerce dès le commencement (i) , à qui convienent aussi ce front resserré et ridé , quelque chose de grêle, et la physionomie refrognée (2).

Le sculpteur n'a pas pris dans sa fantaisie l'in- tention de donner une telle difformité à cette image présente , et il est .plus probable qu'il ait voulu ainsi le faire reconnaître , au premier coup-d'œil , pour un portrait de Zenon , sans d'autre marque et sans épigraphe (5).

Comme il ne nous est resté aucune autre image xle ce philosophe, on sentira de quel prix est pour nous cet hermès qui nous représente un homme si singulier et si célèbre dans la classe des philo- sophes Les traits de sa figure sont expressifs et pleius de sentiment , et on aperçoit dans le tra- vail du ciseau le talent grandiose qui régnait dans le bon siècle.

(1) Diogene Laerce, liv. VII, chap. 1 , § 1: To# rpâ~ yv{kov èm Sdrspa, vevbvkòc; vjy, (pf?(ri TiLuoSeoç ô \h£ïfi<fiadOÇ èv to tfspi ft 'iQv : Zenon avait LE COU INCLINÉ D'UN CÔTÉ, comme l'assure Timothée V Athé- nien dans ses vies.

(2) Même lieu: îa^voc , il était grêle. Et § 18 ; dvròv crxvyvòv re e hai , naì mxpòv , nchì upómmop cvveo'Trao'^iépov : Sa figure était triste et sombre y et son visage était rétréci.

(3) Il sera question dans les discours de la planche suiV vante des hermès qui présentent l'antique épigraphe ZH- 1N.QÎN, et auquel des philosophes homonymes ils appar- tient.

176

PLANCHE XXXIII.

Zenon l'Épicurien *.

Le portrait que représente ce marbre , qui porte le nom de Zenon ( ZHNûN ), ressemble assez au petit buste de bronze d'Hercuianum , marqué du même nom(i). Les commentateurs de ce monu- ment furent incertains auquel Zenon ils devaient l'attribuer. Il leur parut que le portrait ne corres- pondait pas avec la description que l'on a du Zé- non de Cyzique, et qu'il ne se montrait pas non plus avec ces grâces et cette figure aimable qui distingtiait celui d'Elea. Ils ne se trompèrent pas en effet pour le Stoïque ou celui de Cyzique , comme le portrait de la planche précédente nous en rend certains. Il restait plus de doute sur le Zenon d'Elea. L'objection qu'ils font pour reje- ter cette image , comme n'offrant pas assez d'agré- mens dans les traits , me paraît frivole , parce que l'âge avancé, la barbe, le défaut de ces qualités du visage que la sculpture n'exprime pas assez, font qu'on n'y trouve pas toute la grâce y quoi- qu'on n'y remarque pas une difformité.

* Hauteur 7 depuis le sommet de la tête, y compris la poitrine, deux palmes, trois onces un peu justes ; en mar- bre de Carare. Il était à Naples, d'où il fut transporte à Rome par un négociant : le Souverain Pontife en fit l'acquisition.

(1) Tome V; ou I Bronzi d'Ercolano , pl. XV et

ivi.

*77

La meilleure raison pour exclure le Zenon d'Élée , et pour y reconnaître le Sidonien ou l'Epicurien (i), c'est la circonstance que les au- tres petits bustes d'Epicure , de Métrodore et d'Hermarcus , tous philosophes de cette école, furent trouvés ensemble avec celui qui porte le nom de Zenon. Donc il est assez vraisem- blable d'y retrouver plutôt ce Zenon l'Epicu- rien , d'autant plus que si dans l'histoire de la philosophie on ne lui accorde pas la même cé- lébrité qu'aux deux autres, il semble que dans les derniers temps de la république, pendant lesquels cette espèce de philosophie devint la plus commune parmi les hommes d'état, et les lettrés dont Rome se glorifia , Zenon l'Epicu- rien jouit d'une grande réputation, ayant été le maître, non-seulement de Lucrèce, de Cotta et d'Atticus (2) , mais même de Cicéron encore jeune, dans les ouvrages duquel on lit le nom de Zenon accompagné d'éloges; et l'orateur nous assurant que son maître passait auprès des écri- vains grecs pour être le prince ou le Coryphée

(1) Si vraiment Zenon de Sidon et ZenoniÉpicurien maître de Cotta, d'Atticus, etc., sont la même personne ; les cri- tiques Font mis en discussion -7 voyea Bayie; artic. Zenon philosophe Epicurien ; Brucker, Hist. phiL} Per, 1, part. If cap. i5; § 17 : il semble d'ailleurs qu'il n'y a aucune raison contraire.

(a) Bayle, L c. , note {A) y Brucker, ivi, Per. H<> part. I , liv. I , c. 1 , § 27.

Musée Pie-G Um. Vol VI, lit

des philosophes Epicuriens (i). S" l'on peut donc trouver ce Zenon dans le petit bronze, on pourra aussi le reconnaître dans le présent hernies qui nous représente la même physionomie.

Le nom de Zenon ainsi déterminé, sans ce- lui de sa patrie , ou de son père , ou au moins de sa secte, se voit cependant sous deux ima- ges tout-à-fait différentes, savoir celle d'Hercu- lanum , et celle de la collection Farnèse pu- bliée par Fabri (2) , sans parler d'une troisième que Bellori a tirée des manuscrits d'Ursinus , et qui représente peut-être la même personne que le nôtre ou celui d'Herculanum (3). En outre, on ne peut attribuer aucune des deux à Zénon le Stoïque , bien distingué dans Thermes qu'on a vu ci-dessus, par cette inclinaison du col, phi- losophe célèbre , peut-être plus que les deux autres , par ses écrits et par l'école qu'il fonda et qu'on ne pouvait que difficilement indiquer par le seul nom sans y rien ajouter. On pour- rait conjecturer , afin d'éclaircir cette difficul- tée, que les portraits de ces hommes illustres, placés sous les portiques , dans les bibliothè-

(1) Cicéron, de Nat. Deor. 7 liv. I ? § XXII.

{1) Imag. ex BibL Fuhii Ursini , n. i5i.

(3) Bellori, Imag. Illusi. , n. 41 ; °n remarquera qu'étant seulement copiée d'après un dessin, et non d'après le mar- bre original ? on peut croire que les formes en sont tres- altérées , mais il n'y a pas grande différence entre la nô- tre et celle d'Herculanum.

'79

ques et dans les Musées , selon leur classe , et dans la compagnie de leurs maîtres ou de leurs disciples , étaient distingués suffisamment par leur situation même -P tellement qu'on ne con- fondait jamais le ^Lénon de Cyzique avec celui d'Elée, uniquement parce que celui-ci se trou- vait accompagné de Parmenide ou de Demo- critea et qu'on ne confondait pas davantage avec celui-ci , l'Epicurien, que Ton voyait avec Epi- cure et ses sectateurs, comme nous l'avons re- marqué dans les découvertes faites à Hercula- num (i). Cette disposition si, comme l'ont cru les écrivains qui ont décrit les monumens d'Her- culanum, peut valoir assez pour autoriser à croire que l'image du Zénon qu'on y trouve fut celle de ce successeur d'Epicure qui fut loué par Ci- céron , et dont les Romains faisaient tant de cas, on devra aussi lui attribuer notre hernies , qui appartient certainement à un Zénon fameux , cornino le nom qui anciennement était éc rit des- sus, et sa ressemblance avec celui en bronze de Naples nous le garantissent»

(i) On pourrait croire, à l'égard de notre hermès et du Farnésien, qu'on lisait sur le pilastre qui les soutenait quel- que indication ou parole qui distinguât pius particulière- ment le philosophe d'avec ses homonymes ; ce que nous ne pouvons imaginer d'après le petit buste très-entier du Musée de Portici.

i8o

PLANCHE XXXIV.

S t*

É P I C U R E *.

Ce que Pline et Cicéron nous ont appris de la multiplicité des images d'Epicure , que Ton transportait dans les chambres , que Ton gra- vait sur les pierres dont on formait les anneaux, et jusques sur l'argenterie destinée au service des tables (i), se trouve confirmé parle grand nom- bre de têtes antiques de ce philosophe qui nous sont restées. Après avoir été inconnues presque jusqu'à la moitié du siècle présent, elles ces- sèrent de l'être par une double découverte, et de la manière la plus sûre. Ce fut en trouvant l'hermès avec une inscription du Capitole dans une fouille sur le mont Esquilin (2) , et par le

* Hauteur une palme , une once ; en marbre pente'li- que. Il a e'të trouve' dans les fouilles de Roma vecchia } hors de Porte majeure , entreprises par ordre de S. S. L'autre dont il est parle', provient d'une fouille inconnue^ il est du même marbre, et a de hauteur, y compris le buste, deux palmes , sept onces.

(1) Pline, livre XXXV, § 11 Cicëron , de Fin. , liv. V, 3. M. le chev. d'Azara possède dans son beau me'daillier un superbe niccolo? sur lequel est grave'e la tête d'Epicure en profil.

(e2) Museo Capitolino, tome I; pl. V; page 12.

i8i

buste en bronze, aussi avec une épigraphe grec- que , qui fut retiré des fouilles cTHerculanum (i).

Le grand nombre de sectateurs qu'il eut dans Rome , comme nous l'avons dit dans le discours précédent, fut sans doute la cause qui multi- plia autant ses images (2), deux desquelles parfaite- ment semblables à toutes celles déjà reconnues, appartiennent au Musée Pie-Clémentim

S 2*

Metrodore *.

Ce fut l'amitié qu'avait Épicure pour Métro- dore qui fit passer à la postérité le nom de ce- lui-ci, qui en multiplia les images, auxquelles on rendit des honneurs , plutôt que sa propre cé- lébrité. Le double hermès du Capitole que nous venons de citer dans le discours précédent , nous a fait connaître ce portrait, qu'on a en- suite retrouvé dans un bronze d'Herculanum (5),

(1) Antichità d% Er colano 7 tome V ; I Bronzi , plan- che XIX et XX.

(2) Il y en a deux autres dans le Capitole, outre Ther- mes à épigraphe, et ils ont e'të publies dans le tome ï de ce Musée, pl. XXV et XXX. M. le chev. d'Azara en a un très-beau.

* Hauteur, y compris ce buste, deux palmes, cinq onces; il est de marbre pentelique. On ne connaît pas la fouille d'oii il fut tiré , et on l'acheta par ordre de S. S.

(3) Dans le volume cite , pl. XXIII et XXIV.

ì«4

fait reconnaître Àutisthène dans ce portrait ma- jestueux. Les antiquaires lui donnèrent commu- nément le nom de Cameade, par un motif que l'on démontra être faux dès le temps qu'on le mit en avant (i). La connaissance que nous avons eue par la vie de ce fondateur des Ciuiques

Ces : en marbre pentëlique. On le trouva dans la campa- gne Cassius de Tivoli. Voyez dans notre ï volume , pl. V1IF, page g5 et suiv. L'autre , grave' en profil, n'a que la tête d'antique , en marbre grec ; il fut trouve dans la Villa Fede également à Tivoli ; elle couvre une partie du ter- rein était la Villa Àdrienne. Le travail de la première tête est d'une main habile , mais à peine indiqué ; le style de la seconde est d'une perfection et d'un fini très- précieux. La première fut achetée par le pontife Clé- ment XIV, la seconde par S. S. régnante. La hauteur de cette dernière, avec la poitrine, qui est moderne^, a deux palmes , sept onces.

(1) On avait placé une tête semblable a celle d'Antis- thènes sur un hermès acéphale , avec une épigraphe qui portait le nom de Camèade. Fulvius Ursinus l'avait fait remarquer dans la préface de ses Imagines , mais cela n'empêcha pas que l'on ne donnât communément le nom de Camèade à de pareilles tètes, plutôt que de les lais- ser , comme elles étaient , anonymes et inconnues. Par cette raison on donna le même nom à ce profil que nous offrons tant que le comte Fede posséda cette tête ; ainsi qu'à une semblable et très-belle placée dans le demi- cercle de la Villa Albani, à laquelle pourtant on chan- gea l'inscription qu'on y avait mise , lorsqu'on eut trou- vé cet hermès avec le nom d' Antisthène. 11 existait déjà au contraire dans le petit palais Farnèse un buste de Cameade avec le nom grec authentique , et semblable aux trois autres d'Euripide , de Lysias et de Posido* nius , mais dont la physionomie est bien différente de celle du prétendu Cameade de Bellori et d'Ursinus

m

qu'une fièvre fut la cause de sa mort, avait servi à quelques autres pour le reconnaître dans une gravure, répétée sur plusieurs pierres, re- présentant un homme exténué et sans barbe ( i ). Les fouilles de Cassiano à Tivoli, en nous pro- curant ce beau monument, ont écarté toute espèce de doute.

Les images d'Antislhène une fois connues , sont devenues les plus communément répandues de toutes celles des philosophes anciens j et je pourrais même dire qu'après les effigies de Socrate et d'Epicure , la sienne est celle qui se trouve le plus fréquemment (2). Je ne saurais décider si on doit attribuer cela au hazard, qui a respecté les images de cet illustre Athénien , plus que de tout autre, ou si on les doit à une célébrité imposante , dont il serait difficile de trouver le fondement dans les écrivains an- ciens qui sont venus jusqu'à nous ; je ne serais pas éloigné de croire que l'une des raisons de cette multiplicité ait été l'étude du beau qui ré- gnait en souveraine chez les anciens. 11 est im- possible avec l'idéal seul de se former une tête plus grandiose i une physionomie plus impo-

(1) F abri, Imag. III. , n. 20. Haym en trouvait le por- trait dans un masque de Mercure barbu sur une médaille d'Athènes ; par l'interprétation abusive de quelques sigles (Tesoro Britannico , tome I; Uomini illustri).

(2) En outre de celles indiquées dans la note (i)dela page précédente, on ne df>it pas oublier celle du Capi- tole regardée comme inconnue , et publiée comme telle dans le tome I du Musée Capitolili , pl. LXXIX.

fait reconnaître Àntisthène dans ce portrait ma- jestueux. Les antiquaires lui donnèrent commu- nément le nom de Cameade, par un motif que l'on démontra être faux dès le temps qu'on le mit en avant (t). La connaissance que nous avons eue par la vie de ce fondateur des Giniques

Ces : en marbre pente'iique. On le trouva dans la campa- gne Cassius de Tivoli. Voyez dans notre ï volume, pl. VIN, page 95 et suiv. L'autre, grave' en profil, n'a que la tête d'antique , en marbre grec ; il fut trouvé dans la Villa Fede également à Tivoli 5 elle couvre une partie du ter- rein était la Villa Adrienne. Le travail de la première tête est d'une main habile , mais a peine indiqué ; le style de la seconde est d'une perfection et d'un fini très- précieux. La première fut achetée par le pontife Clé- ment XIV , la seconde par S. S. régnante. La hauteur de cette dernière, avec la poitrine, qui est moderne, a deux palmes , sept onces.

(1) On avait placé une tête semblable a celle d'Antis- thènes sur un herniès acéphale , avec une épigraphe qui portait le nom de Camèade. Fulvius Ursinus l'avait fait remarquer dans la préface de ses Imagines , mais cela n'empêcha pas que l'on ne donnât communément le nom de Camèade à de pareilles tètes, plutôt que de les lais- ser , comme elles étaient , anonymes et inconnues. Par cette raison on donna le même nom à ce profil que nous offrons tant que le comte Fede posséda cette tête; ainsi qu'à une semblable et très-belle placée dans le demi- cercle de la Villa Albani, à laquelle pourtant on chan- gea l'inscription qu'on y avait mise , lorsqu'on eut trou- vé cet hermès avec le nom d' Antisthène. 11 existait déjà au contraire dans le petit palais Farnèse un buste de Cameade avec le nom grec authentique , et semblable aux trois autres d'Euripide , de Lysias et de Posido- nius , mais dont la physionomie est bien différente de celle du prétendu Cameade de Bellori et d'Ursinus,

m

qu'une fièvre fut la cause de sa mort, avait servi à quelques autres pour le reconnaître dans une gravure, répétée sur plusieurs pierres, re- présentant un homme exténué et sans barbe (i). Les fouilles de Cassiano à Tivoli, en nous pro- curant ce beau monument, ont écarté toute espèce de doute.

Les images d'Antîsthène une fois connues , sont devenues les plus communément répandues de toutes celles des philosophes anciens ; et je . pourrais même dire qu'après les effigies de Socrate et d'Epicure , la sienne est celle qui se trouve le plus fréquemment (2). Je ne saurais décider si on doit attribuer cela au hazard, qui a respecté les images de cet illustre Athénien 5 plus que de tout autre, ou si on les doit à une célébrité imposante , dont il serait difficile de trouver le fondement dans les écrivains an- ciens qui sont venus jusqu'à nous ; je ne serais pas éloigné de croire que Tune des raisons de cette multiplicité ait été l'étude du beau qui ré- gnait en souveraine chez les anciens. 11 ,est im- possible avec l'idéal seul de se former une tête plus grandiose 3 une physionomie plus impo-

(1) F abri, Imag. III. , n. 20. Haym en trouvait le por- trait dans un masque de Mercure barbu sur une médaille d'Athènes ; par l'interprétation abusive de quelques sigles (Tesoro Britannico 7 tome I, Uomini illustri J.

(2) En outre de celles indiquées dans la note (i)dela page précédente ; on ne doit pas oublier celle du Capi- tole regardée comme inconnue , et publiée comme telle dans le tome I du Musée Capitolili, pl. LXXIX.

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sante que celle-là avec cette chevelure si pit- toresquement en désordre, et ce sourcil ondoyant qui offre l'expression d'une ame forte et sévère. Les artistes anciens auront pris plaisir à imiter* un modèle si rare et si beau , et ils en auront d'autant plus multiplié les copies que la répu- tation et les écrits de cet homme célèbre fai- saient rechercher son image , au moins , autant que beaucoup d'autres*

PLANCHE XXXVL

E S C H I N E \

Il n'existe pas de collection pouvant se van- ter d' être riche en images authentiques des hommes illustres de l'antiquité qui surpasse celle du Musée Pie-Clémentin(i). Le grand duc n'avait

* Sa hauteur, y compris la poitrine, est de deux palmes, une once; il est de marbre pentëlique. On Ta trouve dans la campagne dedassiusde Tivoli, comme nous l'avons dëjk indique' tome I, pl. VIII, p. 95, n. (1).

(1) Les images d'illustres anciens certifiées ou par une épigraphe originale , ou par un signe caractéristique , et qui peuvent par cette raison servir de prototype pour re- connaître et déterminer les autres qui leur ressemblent, sont au nombre de treize. Celles de Bias , de Périandre , de Périclès, d'Aspasie, de Sophocle, d'Alcibiade, d'An- tisthène, de Zenon l'Epicurien, d'Eschine , et de Posi- dippe , qui ont leurs inscriptions. Et par les observations faites d'après leurs déterminations bien caractérisées, on a reconnu celles d'Archiloque , de Zénon de Citium , et de Licurgue. On peut y ajouter le simulacre assis du re- theur Aristide , que Ton conserve dans la Bibliothèque Va- ticane , lequel est désigné par une inscription sur sa base.

187

du portrait d'Eschine que la seule épigraphe sur un hermès rompu, auquel on avait ajouté une tête prise au hazard(i). L'effigie véritable se trouvait dans quelque collection , mais on ne pouvait la reconnaître sans ce bel hermès trouvé dans les ruines de la maison de Cas- sius(->), comme le précédent, et marqué sous la poitrine par l'épigraphe

Aeschines.

Quoique plusieurs illustres anciens ayent porté ce nom (3) , comme on n'y lit aucune autr e parole ajoutée, cela fait supposer assez facile- ment que c'est le plus renommé, c'est-à-dire l'ora- teur Athénien fils d'Atrométès et rival fameux de Démosthènes. Cette probabilité devient démontrée lorsque l'on remarque dans la collection Barbe- rini une image toute semblable qui accompagne celle du même Démosthènes (4). Une autre tête d'Eschine, est parmi celles du Capitole incon- nues (5).

(1) F abri ; Imag. Illustr. , n. 2.

(2) Cet hermès fut trouve avec ceux des sages et avec les simulacres des Muses 5 et il est à remarquer que pré- cisément avec les noms des Muses elles avaient été dis- tinguées par les anciens au nombre de neuf dans les Epitres de cet orateur ( Fabric. ; Bibl. Gr. } tome I; p. 900.)

(3) Fabric, ï. c.'j p. 928, (*).

(4) Il y a deux superbes têtes bien conservées dans l'appartement au rez-de-chaussée de ce grand palais ; elles sont semblables par le style de la sculpture ; par le mar- bre et les dimensions.

(5) Mus. Capitol., tome I, pl. LXIX.

i88

On voit sur ce marbre l'orateur ayant un bel aspect et robuste, comme on sait qu'était aussi son père (i). Il a la barbe courte, et en cela il ressemble aux autres portraits de ses contempo- rains, l'usage de la raser étant devenue peu à près a la mode qui avait été introduite par les Macédoniens. De même le petit manteau rejeté sur l'épaule gauche est un ornement or- dinaire aux hermès ou bustes qui nous repré- sentent les portraits des hommes de génie de l'antiquité.

PLANCHE XXXVII.

MO S THÈ NES *.

Nous avons dit ailleurs comment un bronze d'Herculanum nous apprit à reconnaître l'image de ce célèbre orateur, et comment, ayant ce monument pour guide , nous l'avons retrouvée dans des simulacres , sur des pierres gravées , sur des bas -reliefs, et dans une quantité peu com- mune d'hermès (2). J'observerai ici seulement

(1) Apollonius le Sophiste dans la Vie cC Eschine 9 au commencement des œuvres de ce poète, de l'édition de Reiske.

* Hauteur, avec la poitrine, deux palmes, quatre onces, Elle est en marbre grec dur.

(2) Dans notre tome lit, pl. XV ; est décrite la belle statue assise avec la tète de Dëmosthènes. On a pu- blié les hermès de Dëmosthènes qui sont au Capitole pour

que le nôtre est un des plus beaux qui le re- présentent, tant par sa conservation que par son travail. J'ajouterai dans la note (i) la notice d'une autre effigie de cet éloquent Athénien, conservée dans la Villa Pamphili sur le Janicule; cette effi- gie qui avait été jusqu'alors inconnue aux ama- teurs, et qui pouvait, à cause de l'épigraphe quVlle porte, nous avoir indiqué , avant la dé- couverte du huste d'Herculanum , quoiqu'avec moins de clarté cependant, quels étaient les por* traits authentiques de cet homme illustre (2).

des images de Te'rence ( Museo Capitolino y tome I, plan- che XXXVII), à cause d'une ressemblance trompeuse avec le Te'rence peint en couleur du fameux manuscrit du Vatican ; portrait qui diffère de la figure que nous en donnent les médailles appelées contorniales , et qui ne sont pas d'une grande autorite'.

(1) C'est un bouclier ou rondache de marbre d'environ trois palmes de diamètre^ au milieu duquel est en relief le buste nu de Demostliènes ayant un manteau jeté' sur les épaules. La physionomie observée de profil , conserve urie espèce de ressemblance avec les têtes de Démosthè- nes, autant que peut le permettre le nez qui est mo- derne et le travail qui manque d'exactitude, elle ne pa- raît avoir e'te' exécutée que pour servir d'ornement. Dans le fond; au dessus de l'épaule gauche de l'orateur est un cartel quadrilatère un peu relevé du champ ? et sur le- quel est écrit ainsi le nom du sujet

AH MOE ©EN HE

PLANCHE XXXVIII.

Jules César *.

il est plus rare qu'on ne pense de trouver de véritables et d'authentiques portraits de cet homme incomparable par son propre mé- rite et par son bonheur. L'incertitude de son effigie sur les médailles provenant du dé- faut de l'art qui l'a mal caractérisée sur le bronze, et qu'on distingue difficilement à cause

Les caractères sont indubitablement antiques, et l'erreur de l'A pour le A peut être regardée comme une mé- prise du marbrier , quadrarium , lequel a copie' peut-être à la vue, sans savoir lire, cette épigraphe ; comme cela est souvent arrivé dans des monumens très-remarquables. Ainsi, par exemple, dans l'épigraphe de V Agoras d'Athènes on lit par une erreur absolument semblable , A0HiNAÏ APXHrETlAl au lieu de APXHrETIAI (Stuart, Antiquities of Athens , tome I , page i , et page 5 , a la note (5). Si quelqu'un s'obstinait k douter de cette épi- graphe , il devra réfléchir que cette image de Démosthè- nes fut placée dans la Villa Pamphile, plus d'un siècle avant qu'on en connût l'effigie authentique , et que mal- gré cela elle lui ressemble assez pour s'assurer que tou- tes deux sont le portrait de la même personne. Le ha- zard seul ne peut avoir si bien fait approcher de la vé- rité le faussaire, particulièrement dans un temps ou l'image que l'on réputait être un Démosthènes se voyait totale- ment différente ( Fabri , Imag. 5&).

* Hauteur , y compris tout le piédouche , quatre pal- mes, une once. Il est de marbre de Luni. Clément XIV l'acheta du sculpteur M, Pacetli qui le possédait.

rgi

de sa petitesse sur les médailles d'or ou d'ar- gent, a donné un vaste champ à ces bapti- seurs de retrouver César dans beaucoup de têtes et de bustes qui ne lui ressemblaient pas, excepté par quelques légères déterminations fort ordi- naires de sa physionomie. On ne doit pas en effet perdre de vue les médailles dans une pa- reille recherche j mais alors nous serons assu- rés de ne pas nous tromper, quand nous ajou- terons à la ressemblance reconnue sur les ty- pes anciens, quelque autre observation et quel- que particularité non équivoque. Le buste co- lossal de la collection Farnese (i) sera donc le portrait de César le plus authentique; car en outre de la conformité de cette effigie avec celles des médailles , il a F avantage de sa di- mension et de sa proportion colossale, laquelle était consacrée aux simulacres des Dieux ou des monarques romains qui leur ressemblaient sur la terre (2). Ayant reconnu César dans ce beau

(1) Autant que je sache, ce beau et rare monument n'a jamait été publie', Il est a présent à Rome chez le scul- pteur M. Carlo Àlbaccini ; qui doit le restaurer pour S. M. Sicilienne.

(2) Quoique l'on trouve ch&us les écrivains quelque men- tion des images colossales élevées dans les provinces en l'honneur de simples magistrats romains , qui y étaient vénérés quelquefois comme des Dieux ; je ne sais si on peut de-îa en inférer qu'il ait existé aussi dans Rome de semblables simulacres ; et je ne me rappelle pas d'avoir vu aucun portrait romain d'une proportion colossale , à moins qu'il n'eût appartenu à quelqu'un des dominateur* de Rome, ou à sa famille.

ÎQ2

buste, il sera facile de le reconnaître aussi dans la statue du Capitole, dont la tête est plus belle sans être plus ressemblante pourtant , parce qu'elle est ornée de cette dignité noble , extraor- dinaire, supérieure à la nature , dont les artis- tes anciens avaient coutume de faire briller Fi ma- ge des mortels divinités (l). Excepté ces deux beaux portraits, non douteux, de Jules César, je n'en connais plus d'autre ; au contraire , c'est avec peu de fondement qu'on a donne ce nom à tant d'autres qui existent dans différen- tes collections (2).

Le buste que nous examinons, tout antique, doit être excepté du nombre des images sup- posées dont il vient d'être parlé. Sa ressemblance rare avec la grande tête du César Farnésien, quoiqu'elle ne soit pas parfaite dans tous ses détails, est telle et si grande cependant, qu'on ne peut l'attribuer purement au liazard. Il paraîtrait plutôt qu'on devrait attribuer les variations ap- parentes ou quelque défaut dans les rapports à l'effet du temps. Ainsi quoique nous ne puissions pas la donner pour un portrait de César avec

(i) Elle a été publiée dans les Statue de Maffei, n. XV. On peut comparer ce que nous avons dit ici de cet em- bellissement des traits avec les remarques que nous avons faites dans le tome IIÏ , pl. VI, et avec ce que nous en dirons ci-après dans les notes de la pl. XL. Voyez aussi Frigëlius , de Statuì s , ch. 14.

(a) De même celui qui tient la place de César dans la Séri<? des bustes Copitoîins^ Mus* Capti. ; tome II , pl. I-

ip5

la même assurance que les deux dont il a été question ci-dessus, qu'on peut le regarder comme tel avec une probabilité qui n'est pas à dédai- gner, laquelle fera valoir davantage les autres qualités estimables de ce morceau antique.

PLANCHE XXXIX.

Auguste couronne d'e pis*.

La rareté de cette tête, qui est indubitable- ment le portrait d'Auguste, ne tient pas tant au sujet, dont beaucoup de monumens sont ve- nus jusqu'à nous (i), que de la particularité de

* Sa hauteur , avec le pie'douche , est de trois pal- mes, une oncç. Il est de marbre penlélique. Cette téte a e'te' autrefois & lar Villa Mattei ; adaptée à une mauvaise statue couverte de la toge. On peut la voir dans les Mo* numenta Matthaejor. , tome I, pl. LXXVII, ou cepen- dant on n'a pas rendu la couronne.

(i) Nous avons donne' d'autres simulacres d'Auguste dans le tome II de cet ouvrage, pl. XLV etXLYI, et dans le III, pl. I. Une des plus belles têtes qui le représen- tent est a pre'sent en Espagne, et appartient à M. Des- puig, e'vêque d'Origuela, qui la trouva dans ses fouilles à Ariccia, et qui la fit graver très-bien par M.Raphael Morghen. Je regarde comme un des plus remarquables monumens d'Auguste, dont personne ne s'est encore a- perçu , la tête d'un des plus grands colosses dont nous ayons les restes, et que l'on voit à la Villa Mattei. On y découvre clairement la physionomie d'Auguste, mais d'Auguste divinise, et par cette raison fort embelli, tel

Musée Pie-Clém. Toi. VI. i3

sa couronne d'épis , qui rend eette effigie uui- que.

Une pareille couronne qui avait été la première adoptée pour ceindre le front de Romulus fut peut-être donnée par cette raison à ce cé- lèbre empereur que Fon regarda et qu'on appela un nouveau Quirinus (2). Ou il la porte comme étant Frère Arvale > motif qui la fit porter aussi par Romulus (3) , ou enfin la cause qui le fit couronner de cette sorte , est peut-être la même pour laquelle on voit sur le revers des médailles d'Alexandrie et de Rome, ou est sa tête, une

qu'il est sur beaucoup de médailles ayant le titre de Viws Augus tus Pater , ou plus particulièrement sur celles qui portent au revers la statue assise qui lui fut érigée du consentement de tous les ordres de citoyens. Martial fait une mention expresse de ce colosse d'Auguste, épi* tre XLIV, liv. VIII.

(1) Pline, lib. XXIII, § ti\ Gellius , liv. VI ) ch. 7 : la Couronne d'épis est aussi désignée dans les Iscrizioni Ar- vali7 rassemblées et corrigées très-savamment par M. l'abbé Gaetano Marini , et insérées dans le tome IV de l'ou- vrage de Sacrariis templi Vaticani de l'abbé Cancellieri, n. XXXÏI. Cette inscription est dans le Musée Capilolin.

(2) Suétone , in Octav. Aug. , c. \7II ; Virgil., Georg. IN, v. 27, et au même endroit, les commentateurs.

(5) Il est question d'Auguste comme Frère Arvale dans les inscriptions des Arvales au n. I; et les mêmes nous apprennent que d'autres empereurs ont aussi été admis a ce sacerdoce. Il y a dans l'atelier du sculpteur M. Fer- dinando Lisandroni deux têtes très-belles qui représen- tent Marc-Aurèle et Lucius Vérus , tous deux jeunes, couverts d'un voile y et couronnés d'épis comme les Frères Arvales.

ig5

poignée d'épis (i), par rapport à l'abondance,

(i) Venuti , Numism. max. mod. Musaci Albani , plan- che V; i -7 Gori, Musaeum Florentinum , Numism. max. mod.arg. et aer. ; pl. Ili ; 2; Zoëga ; Numi Ae gyp t. Imp. Aug. , n. 26 , pl. ï. On pourrait croire que la couronne d'épis fût donnée dans notre sculpture a Auguste par une adulation semblable à celle de Virgile qui voulait le mé- tamorphoser en un Dieu bienfaisant lutelaire de l'agri- culture :

Auctorem frugum tempestatimi que potentem. (Georg., liv. 1 7 v. 27 ) : si le poète n'eut pas ajouté . . . . cingens materna tempora myrto.

A dire la vérité, il a paru étrange à quelques critiques que l'on donnât le myrthe de Vénus à un Dieu qui7 comme Cérès, Triptolème , ou Aristée , devait présider à la cul* ture des champs; et quelques-uns, ce qui a été' juste- ment rejeté par M. Heyne , ont voulu par cette raison changer la ponctuation de ces vers. Us n'avaient pas ré- fléchi certainement que la couronne de myrthe est attri- buée également à Cérès principale divinité géorgique ', que celle d'épis ne lui était pas consacrée ; et que ce fut pour cette raison que les hyérophantes ; les prêtresses et les au- tres ministres de cette déesse étaient couronnés de myr- the. Histros , dans le scoliaste d'Aristophane, nous ap- prend cette particularité > ad Oed. Colon., v. ni5, ed. Johnson. ( *0 â'iirrpoç r^ç A^fi^rpoç eivai arèppM tî?v pvppivriv . . . . Tcaï tòv ïepopdvi^v , wai ràç le- po(pdvri8aç , naì ròf dadov^ov , xai vàç a?»?Laç ïe~ psiaç (ivpphjiç tfrépmw 0ï- oi noi t$ Atf-

(i^rpi fjpoo'Séo'Sai, ravriyv (p^(ri : Histros dit que le myrthe est la couronne de Cérès, et que t Hiérophante , les Hiërophantides , le Daduche , et les autres prétresses portaient des couronnes de myrthe , ce qui Va fait attri- huer particulièrement à Cérès J, Artémidore le confirme dans le liv. I des Onirocritiquesr chap. 79. Cela posé, Vir-

396

c'est-à-dire, l'annona, procurée parla conquête de l'Egypte aux Romains, peut-être encore à cause de ses grandes distributions de grains , largesses qui furent imitées par ses succes- seurs, et dont il est fait une mention très -dé- taillée par rapport à lui dans le monument d'Ancyra.

Une seule, ou même toutes les causes dont nous venons de parler, peuvent avoir engagé l'ar- tiste à donner cette couronne à la tête d'Au- guste. Quoiqu'il en soit de cela , cette particu- larité remarquable et érudite recommande à l'ob- servateur ce mouument, qui par son exécution paraît a peine digne de l'époque brillante du siècle de cet empereur. Mais dans tous les temps le nombre des hommes médiocres de toute espèce de profession a toujours été le plus grand.

PLANCHE XL.

Auguste *

Cette belle tête d'Auguste est sous beau- coup de rapports remarquable parmi tous les

gilè a fait avec jugement choix d'une couronne de myr- the de préférence aux épis , pour en ceindre la tête de son Auguste crée Dieu de l'agriculture ? puisque la pre- mière, en outre qu'elle appartenait à la Déesse des champs f comme nous venons de voir, était aussi consacrée à Vé- nus la divine mère de la f.imille Julia, et de qui les empereurs se vantaient de descendre par Jule et Enée* * Haut, avec le piédouche, de» deux palmes et neuf

*91

portraits que nous possédons de jce prince. Sans parler à présent de l'excellence du travail et de l'intégrité qui la rend précieuse , elle est curieuse par plusieurs notables particularités dans ses traits et dans ses attributs. On ne con- naissait pas encore une image d' Auguste en marbre qui nous le représentât , comme dans celui-ci, à un âge avancé: toutes les autres le présentant à peu près h cet âge dans lequel ayant vaincu ses adversaires, et supplanté ceux avec qui il partageait le pouvoir , il saisit seul le timou du gouvernement de l'univers. On voit dans notre marbre ses traits d altérés par la vieillesse , et tels qu'ils sont justement sur ses médailles de grand bronze frappées par Nerva (i), mais cependant montrant de la dignité, et cette grâce sévère qui peut encore embellir la vieil- lesse , telle que Suétone nous la dépeinte en lui (2).

onces y il est de marbre grec, d'un grain fin, appelé' com- munément Grechetto. On Tacheta par ordre de S. S.

(1) La téle d'Auguste en profil que Ton voit sur ces médailles, en outre qu'elle le représente à un âge très- avancé ; a une certaine analogie avec la figure de Nerva lui-même, exagérée, à ce qu'il paraît, par un genre d'adu- lation peu commun. On trouve la même altération dans les médailles d'Auguste et de Claude refaites par Titus. Les traits de ces empereurs sont plus arrondis qu'il ne faut , et paraissent se rapprocher de ceux de Titus.

(2) Suétone , Aug. chap. 79 , forma eximia / et per omnes aetatis gradus venustissima.

On ne distingue dans aucune autre image de ce prince , aussi bien que dans celle-ci ces sourcils réunis tels que Suétone nous les a in- diqués en décrivant sa figure (1).

Un objet d'observation pour l'érudit est , ce me semble, la couronne qui lui ceint la tête, n'é- tant pas de feuilles de laurier comme on les voit sur le front des empereurs. On s'aperçoit que les feuilles ne sont pas naturelles , mais qu'elles sont imitées avec art sur la surface d'un ruban ou d'un diadème , lequel est orné au milieu d'une pierre ronde, ou clipeata , et sur laquelle, par un art qu'on ne peut trop admirer chez les an- ciens (quoique d'une très-petite dimention, à peine ébauchée, et en partie rongée), on peut recon- naître le portrait en relief de Jules-César cou- ronné de laurier.

L'usage de quelques pierres gravées, soli- taires, rondes, placées au milieu de la couronne correspondant au front , n'est pas commun , ni assez bien éclairci, ou décrit par les monu- mens ou par les écrivains. La tête colossale de Trajan dans le Capitole a une couronne de chêne, et sur la pierre, clipeata^ qui est au mi- lieu est gravé l'aigle de Jupiter (2). Sur beau- coup de monumens les couronnes des prêtres sont ornées de trois pierres gravées (3). On lit

(1) Super cilia Coniuncta } même lieu.

(2) Ce monument n'est pas publie'.

(3) De même celle de FArchigalle du Capitole, celle du Cistophore de Vallicelli.

199

dans la Vie de Domitien, qu'il orna son front aux combats Capitolins d'une couronne d'or, ornée peut-être de trois pierres, oii étaient gra- vées les divinités du Capitole , quoique ce- pendant elles ne furent pas toutes trois gra- vées en une seule, comme on les trouve sur le revers des grandes médailles de l'empereur Adrien. Les prêtres les plus distingués de la ville qui assistaient l'empereur dans cette fonc- tion portaient aussi de semblables couronnes excepté que le type de leur pierre était le por- trait de Domitien, qui passait pour un Dieu habitant parmi les hommes , et c'était préci- sément comme dans notre sculpture le profil de César déifié (r). Enfin les couronnes de lau- rier et de chêne que l'on voit sur le revers de beaucoup de médailles, sont quelquefois enri- chies d'une pierre précieuse , sans cependant qu'on y voye aucun travail indiqué (2).

On pourrait croire que la couronne d'Auguste sur notre marbre a plutôt rapport aux fonctions du sacerdoce qu'il exerça, qu'à-ses triomphes, ou à la dignité impériale, dont les attributs n'étaient pas encore bien déterminés (5); et il

(1) Suëtone ; Domit.7 cliap. IV; Capite gest ans cor onam auream cum effigie lovis 7 Iunonis 7 Minervaeque 7 adsi- stentibus Diali sacerdote ? et collegio Flavialium pari ha- bitu ? nisi quoi illorum coronis inerat et ipsius imago.

(2) Voy. par ex. Buonarroti, Medaglioni, Commodo, n„ 8. (5) Les têtes d'Auguste et de Tibère sont en effet as-

sez souvent nues sur les rne'dailles frappe'es pendant leur vie 5 quekju'autres sont couronnées de cliêne.

200

n'est pas invraisemblable sous le rapport du sacer- doce qu'il ait voulu prendre dans cet ornement distinctif l'effigie du divin Jules , l'origine de son pouvoir suprême, son père adoptif, et dont l'image qui fut gravée sur la pierre, reconnue alors par tout Y empire romain , avait eu peu de temps avant pour prêtre Marc-Antoine , le seul des hommes vivans qui ait pu rivaliser Auguste lui-même par sa puissance et son état brillant (i).

Nous savons cependant que l'usage de la cou- ronne d'or ou ornée de pierres (2) fut accordé par le sénat à Jules lui-même , comme orne- ment distinctif qui était du à l'autorité souve- raine à laquelle il s?était élevé ; alors il ne doit pas paraître extraordinaire qu'on voye cet or- nement à son successeur,

PLANCHE XL I.

Claude *.

Les bustes de Tiberius Claudius, oncle et suc- cesseur de Caligula, étant rares dans les collec-

(1) Dion, liv. XLIV.

(2) Dion, 1. c. y arétpavov diâftpvaov oeal diàùiSov* * Hauteur, avec le piedouche ? quatre palmes, cinq on- ces , en marbre de Luni. On Ta trouve' dans les fouilles de la colonie d'Otriculum , entreprises par les ordreé de S. S.

201

lions, celui-ci devient d'autant plus intéressant et singulier. Il se distingue des autres par ses dimensions colossales et par la couronne civi- que dont il est orné.

On reconnaît le portait de cet empereur si foible , et par les marques particulières dont parlent ceux qui ont écrit sa vie (i) , et par son menton un peu court et peu apparent, tel qu'on lui voit sur ses médailles avec lesquelles notre sculpture s'accorde parfaitement.

On remarque la couronne de chêne, donnée à Claude, sur le revers des médailles, l'inscrip- tion la désigne pour une couronne civique. Il paraît ainsi couronné de chêne sur d'autres mo- numens, comme s'il était un Jupiter terrestre (2). On voit très-souvent les têtes des empereurs ornées de cette couronne , et il paraît que celle de laurier n'était pas encore aussi particulière- ment réservée, comme elle le fut ensuite pour marques distinctives de la dignité impériale (5),

(1) Suétone ; in Tib. Clavd. 7 cap. 3o Auctoritas di- gnitasque fornice non defuit .... opimis cersncihus.

(2) Il est ainsi sur le superbe came'e du Musée Impé- rial de Vienne, publié par M. l'abbé Eckel , pl. VII de l'ouvrage que nous avons cité ailleurs } et dans lequel on voit quatre bustes ; les deux à la glauche du spectateur sont ceux accouplés de Claude et d'Agrippine Mineure ? à la droite; vis-à-vis les premiers, ceux de Germanicus et d'Agrippine Majeure. Claude a, en outre delà couronne àe chêne, une égide sur la poitrine comme un Jupiter.

(5) Auguste a sur diverses médailles de différentes gran-

202

De tous les monumens qui nous ont conservé la mémoire de Claude , le plus noble et le plus grandiose est celui qui appartient aux Colonna , que Ton voit à présent dans le palais royal de S. M. Cathol îque a Madrid (i). Comme il fait allusiorr à l'apothéose de cet empereur, son buste est couronné de rayons, et soutenu Sur le dos d'un grand aigle placé sur un groupe d'armes d'une si riche composition , et d'un tra- vail si précieux, qu'il ne le cède à aucun au- tre morceau du même genre. Pour le bien ap- précier il suffit de savoir que cette sculpture avait été anciennement destinée à servir de mo- nument de l'apothéose de Claude à Boville ,

deurs et de me'taux divers ; la couronne de chêne au lieu de celle de laurier. Ainsi, par exemple, sur la grande médaille la "Victoire est placée derrière sa tête , oc- cupée à lui attacher la couronne sur la tête. Il est aussi couronne' de chêne dans plusieurs effigies de la Villa Al- bani. La même couronne est sur deux têtes de Tibère f plus grandes que nature 5 Tune est dans le corridor du Musée Capitolili, l'autre, qui est très-belle, fut trouvée dans les fouilles de Pantano ou des Gabi , et placée der- nièrement par le prince D. Marcantonio Borghese dans la Villa Pinciana.

(1) Il a été publié par Santi Bartoli avec une disser- tation de Severoli \ ensuite par Fabretti et par d'autres. Il fut donné à S. M. Catholique Philippe IY par un car- dinal Colonne. On l'avait trouvé aux Frattocchie, lieu fa» meux de la voie Appienne , était l'ancien Boville et le Sacrarium de la famille Julia , furent découvertes les précieuses sculptures de l'Apothéose d'Homère , de la table iliaque du Capitole , et tant d'autres monumeus.

205

était le Sacrar ium de la famille Julia à laquelle il appartenait comme neveu d'Octavie sœur d'Auguste.

On ne doit parler d'aucune des effigies de cet empereur si ce n'est de la belle statue plus grande que nature 3 à moitié nue, qui le repré- sente , que l'on a trouvée dernièrement dans les fouilles de Gabi appartenant au prince Borghése , avec une statue , pareille et plus rare aussi , de Germanicus son frère (i).

Ayant été enlevé du lien qu'il occupait dans le palais du roi à Madrid à cause d'un incendie , le piédestal très-riche, est à présent dans les souterrains de ce même palais, et la tête a été placée dans un autre appelé le Ritiro.

(i) Nous pensons qu'ici ne sera pas déplacée une no- tice sur cette importante fouille exécutée dans une pos- session du prince Borghese, près de la voie Prénestine, appelée Pantano, à peu près dans le lieu Holstenius, Fabretli et Ciampini avaient fixé les ruines des Gabi, Par cette fouille, et par les inscriptions et les sculptu- res qu'on y découvrit, nous avons été instruits que la Tille des Gabi , déserte du temps d'Horace et de Stra- bon , c'est-à-dire sous le règne d'Auguste, ne tarda pas à refleurir sous ses successeurs , et se maintint bril- lante long-temps avant le second siècle, pendant Marc- Aurèle , comme le démontre le consulat d'Apronianus et de Paulus de Tannée 168 de l'ère vulgaire, indiqué par une de ces inscriptions. Mais nous en parlerons plus lon- guement dans le discours de la pl. LXL

&o4

PLANCHE XLIL

Néron *-

Quoique au premier côup-d'oeil la couromm de laurier et la chevelure bizarrement rassem- blée fassent croire que le sujet de ce beau mar- bre est un Apollon , pour peu qu'on eu observe les traits avec attention, et qu'on les compare avec des effigies de Néron que Ton voit sur les mé- dailles, on reconnaîtra cet infame empereur dans toutes les parties de cette physionomie plus belle que gracieuse , comme nous la dépeint Suétone j enfin on y voit son gros cou de tau- reau (i). Nous avons déjà publié et expliqué d'autres monumens qui nous présentent Néron en habit de joueur de lyre (2). La tête que nous examinons en ce moment est de tous ces monumens celui qui mérite la préférence tant par son travail que par sa grande proportion. La couronne, si on la remarque bien, entourée de rubans , lemnisci , et ornée au milieu par une grande pierre gravée, orbiculaire comme celles dites agonisticae (3) , n'est pas simple-

* Haut, avec le piédouche, de trois palmes 5 en mar- ine pente'lique. Il provient d'une fouille inconnue: on l'acheta par ordre de S. S.

(1) Sue'tone? in Nerone , cap. LI: Vultu fulcro magis fjuam venusto . . cervice obesa.

(2) Dans notre III vol. , pl. IV.

(?) Voyez, la note (2) à la pl. XIÏI ci-dessus, p. 99.

2o5

ment la couronne de laurier d'Apollon , mais décidément celle des jeuxpythiens qu'il obtint en Grèce avec celles des autres combats sacrés, et que dans son entrée ou triomphe cithari- que à Rome , il regarda comme digne d'être soutenue dans sa main droite , tandis qu'il por- tait sur son front les couronnes Olympiques d'olivier (i). Mais les combats de la lyre étaient célébrés avec une plus grande pompe et plus solennelle dans les jeux pyhtiens , en outre qu'ils étaient aussi consacrés à Apollon; et Ner- va préférait la musique au talent des cochers, et il affectait de paraître toujours sous la forme d'Apollon, De-là l'adulation à laquelle on peut attribuer le simulacre dont cette tête dépendait anciennement, exigea qu'elle fut ceinte du lau- rier pythien, et le revêtit des habits de ce Dieu que piétendoit rivaliser ce méprisable empe- reur.

On doit faire grand cas de ce buste attendu la rareté des portraits vraiment originaux de Né- ron. Le plus considérable est celui du palais Rus- poli, plus grand que nature. Nous avons parlé ail- leurs d'un autre qui est à la Villa Pinciana, de 1 deux au Capitole , l'un desquels est en partie moderne , et l'autre, très-bien conservé, le re- présente presque enfant (2).

Les couronnes des combats grave'es sur les revers des mé- dailles grecques sont de la même espèce.

(1) Suétone, même lieu, chap. XXV.

(2) Museo Capitol., tome II } pl. XVI et XVII,

206

PLANCHE XLIII

Titus *.

Ce beau buste qui nous représente bien con- servée, dans son entier , la figure majestueuse et douce de Titus (i), dece prince qui, soit par son cœur, ou par son esprit, ou par son bon- heur fut appelé les délices et l'amour du genre humain (2), ne cède à aucun autre morceau antique , existant aujourd'hui, sur lequel se voyent empreint ces traits si chers et si hono- rés pendant tous les siècles. Cet empereur qui avait mérité, même dès le temps qu'il remplissait les moindres emplois dans l'Allemagne et en An- gleterre, qu'on lui dressât tant de statues, sui- vant ce que nous atteste Suétone (3), n'est pas

* Hauteur, avec le pie'douche, trois palmes et trois quarts ? en marbre pentélique. Le souverain Pontife Ta fait placer dans le Muse'e.

(1) Forma egregia et cui non minus auctoritatis ines- set quam gratiae : praecipuum robur. Suétone; dans Tito, cliap. 3.

(2) Amor ac deliciae generis humani : tantum Mi ad promerendam omnium voluntatem vel ingenti , vel ar- tis y vel fortunae superfuit. Même lieu 7 chap. 1.

(3) Tribunus militum et in Germania , et in Britannia meruit 7 summa industria, nec minore modestia et fama* sicut apparet ex statuarum et imaginum eius multitudi- ne ac titulis per utramque provinciam. Même lieu, c.

207

celui que Ton trouve plus fréquemment à pré- sent dans les anciens monumens. Peut-être doit- on attribuer cela au peu de durée de son rè- gne, et à la jalousie de son successeur. Il existe à la Villa Albani-, en outre de la grande tête colossale qui nous représente Titus, un très-beau Buste (i). Celui de la collection du Capitole(^), si cependant il appartient à cet empereur, doit le céder à beaucoup d'autres, et particulièrement au nôtre qui le surpasse par une élégante exé- cution.

§ a. ' - * Nerva t-

En parlant de la statue colossale de Nerva qui enrichit le Musée Pie-Clémentin (3), nous avons parlé de ses effigies et de lôur rareté. Cette ri- che et vaste collection est bien digne de pos- séder encore cette belle tête qui offre une res- semblance non douteuse avec les portraits que Ton a de ce bon prince, sans avoir d'autre dif- férence qu'elle paraît avoir été embellie selou l'usage adopté pour les apothéoses.

(t) Indicazione antiquaria della Trilla Albani , n. 289 et 427-

(a) Museo Capitol., tome lì, pl. XXIII. * Hauteur, avec le piëdouche ; trois palmes, sept on- ces; en marbre de Luni. (3) Tome III, pl. VI.

3o8

PLANCHE XLI V.

P L O T I N A *

Cette tête colossale très-noble dont nous don- nons la copie, nous offre le portrait de l'impé- ratrice Piotine, femme du meilleur des souve- rains, de ïrajan j et il est . si évident, que nul n'en pourrait douter pour peu quii eut une lé- gère connaissance de la science numismatique, tant le buste offre de ressemblance dans tous ses traits aux profils que nous voyons sur ses médailles si recherchées. Le style grandiose du travail convient à cette heureuse époque de l'arte et il y a lieu de croire qu'Adrien, élevé à l'au- torité suprême par les soins et peut être par les manèges de l'impératrice , plein de recon- naissance, ait voulu honorer sa bienfaitrice et sa mère adoptive par ce superbe monument (i). Les images de cette impératrice sont fort

* Hauteur, y compris le piédouche et le buste ; cincr palmés et neuf onces. La tête seule est antique ; de mar- bre grec d'un grain fin, appelé' communément greck^o. Le buste a été fait par le sculpteur de S. S. M. Pier- antonj. Il était a la Villa Mattei , et a été publié dans les Monumenta, tome II, pl. XV: il avait un autre buste moderne auquel il était alors adapté.

(i) Nous avons parlé dans le tome I, pl. A IX, n. 17 du supplément , d^une médaille en or très-singulière , sur laquelle est gravée au revers de la tele de Piotine le buste d'Adrien.

20Q

rares 9 peut-être doit-on attribuer à sa modestie le petit nombre qui exista. Sa tête de grandeur naturelle qui est dans la collection du Capi- tole (i) est un de ses monumens très-remarqua- ble , mais il est hors de vraisemblance et de toute probabilité qu'elle soit représentée, comme quelques-uns le prétendent, dans un bas-relief du même Musée, au moment elle persuade son mari d'adopter Adrien (2).

PLANCHE XLV.

Adrien *.

Parmi tant de portraits que nous avons d'A- drien , ce buste est un de ceux qui méritent

(0 Museo Capitolino, tome II ; pl. XXX.

(2) Museo Capitol., tome IV, pl. XX. Les portraits de ce bas-relief ne ressemblent en rien à Piotine et à Trajan , et il n'y a pas d'apparence d'aucun attribut de la dignité impériale du sujet principal, et encore moins des indices probables qui puissent y faire conjecturer une adoption. Il est plus vraisemblable même par le style du bas-relief; qui est celui des monumens sépulcraux ; qu'on y a représenté un homme décidé, et dans le moment qu'il établit pour héritière son épouse, qui est présente; indi- quant les tablettes de son testament avec leurs sceaux; L image qui se voit sur le fond du bouclier fait peut- être allusion à quelque legs fait par le testateur à un tem- ple ou à un collège.

* Hauteur, avec le pîédouche, cinq palmes; il est de marbre pentélique. Cette beile tête était conservée dans le

Musée Pie-Clém. Vol. VI. H

J2IO

d'être distingués par la manière franche et sa- vante de son exécution, autant que par sa di- mension. Les beaux-arts que ce prince proté- gea et qu'il exerça lui-même(i), ont rendu non-' seulement son nom célèbre, mais aussi ses traits familiers parmi nous.

Winckelmann avait dît que la tête colossale de cet empereur, du palais Borghése (a), était la* plus belle. Celle-< i surpasse assurément les autres par sa grandeur , mais elle e-st obligée de le céder à la nôtre du côté de l'art et par rapport à son intégrité. La collection du Capitole qui possède cinq de ces portraits , en compte ' trois très-beaux , deux desquels ont la poi- trine couverte de leurs armes (3). Tel est encore

château S. Ange, elle fut trouve'e au commencement de ce siècle. On la fait restaurer depuis peu, et S. S. Ta fait placer dans le Musée.

(1) Àurelius Victor, Epitome 7 ch. XIV ; 2.

(2) Hist. de Tart , liv. XII, ch. 1 , § 22. La fameuse pierre gravée de la collection Farnese qu'il cite comme un excellent portrait d'Adrien, n'est pas du tout le sien, mais bien celui de son successeur Antonin le Pieux.

(3) Un de ceux-ci qui a sur les bandelettes qui atta- chent la cuirasse en passant sur les épaules 7 deux figu- res de géans à pieds de serpens 9 n'est pas encore pu- blié, de même que celui dont une petite partie de la poitrine est nue, qui est placé dans la salle des Idoles égyptiennes ; et qu'on trouva à Tivoli. Ceux qui sont gravés sur les planches XXXIII etXXXIVsont: le pre- mier ; une tête d'albâtre agalhîn, un peu restaurée, ada- ptée sur uu buste armé et couvert d'un paludamentum ?

2 I I

tm autre un peu plus grand, d'un très-bon tra- vail, placé au palais Ruspoli(i). Un autre nu, mais ayant le baudrier qui traverse sur la poi- trine, et la chlamyde sur les épaules, est con- servé dans la galerie du connétable Colonna. 11 fut trouvé de nos jours à Boville (2) ; et par l'excellence du travail et par sa conservation on peut le regarder comme supérieur aux au- tres. Celui de la Villa Montalto, d'un style su- blime, avait la poitrine entièrement nue, comme on voit aussi un autre buste dans notre Mu- sée (3).

On admira pendant long-temps, dans le château S. Ange (4)9 celui que nous offrons ici > il fut

le second, un buste très-beau avec cuirasse, plus grand que nature , d'une excellente conservation et d'un bon tiavaiK On ne parle pas de celui-là dans le discours y Tou suppose que l'estampe en représente un cinquième, lequel n'a d'antique que le masque d'albâtre de couleur jaune de coing, matière dont les sculpteurs se sont ser- vi très-rarement pour rendre les cbairs; ayant plutôt em- ployé cette espèce de pierre pour faire les draperies.

( ) Il est dans la galerie au rez-de-chaussée.

(2) Aux Frattocchie.

(5) On la trouvé a Pantanello dans les ruines de la Villa Advenue.

(4) était dans la cour qui est dans le maschio, re- placé sur un buste moderne , et il avait pour pendant un buste semblable avec la tête antique d'Àntonin le Pieux. Le Souverain Pontife a fait substituer à cette tète d'Adrien une autre du même prince 7 mais moins bien conservée , on a restauré de nouveau FAntonin le Pieux ; ensuite il les a fait placer dans le sallon du même

212

trouvé dans le lieu même anciennement il avait servi à orner la Villa Adrienne : cette seule circonstance suffît pour nous donner une juste idée de l'excellence de ce morceau an- tique.

PLANCHE XLVL

Sabine *.

Les images de Sabine ne sont pas rares parmi les monumens antiques. Et cela vu le grand nom-

château S. Ange. De la manière dont est terminé le cou dans chacune de ces deux têtes il parait clairement qu'elles ont appartenu à deux statues ? lesquelles devaient être placées dans deux grandes niches pratiquées dans le ves- tibule de la chambre sépulcrale. En mesurant la hau- teur des niches ; on la trouve bien correspondre à la gran- deur extraordinaire que ces têtes annonçaient pour les statues. Nous avons parlé dans notre tome II, pl. XLV, d'autres statues d'Adrien, et particulièrement de celle du Capitole sous la forme de Mars , étant la plus remar- quable dans le même volume nous en avons publié une petite. Celles qui sont nues , ou ayant une cuirasse , que Ton voit dans le palais et dans les collections à Rome , sont formées par des torses acéphales , auxquels on a ajusté des têtes d'Adrien.

* Haute; avec le piédouche, trois palmes, sept onces ; en marbre de Luni. On l'a trouvée près de Civita Lavinia, l'ancienne Lanuviurn, dans une fouille entreprise par M. Gavin Hamilton, au même lieu quelques années avant on avait déjà découvert tant de beaux bustes de Marc- Aurèle et de sa. famille , qui sont tous placés au Capi-

2l5

hre d'artistes qui florissaient dans ce temps, et la protection et les faveurs qu'Adrien son époux accordait aux beaux-arts pour les soutenir et les encourager. Comme il est impossible de dire qu'aucune de ces images annonce , un ciseau mé- diocre , on peut justement avancer que peu éga- lent la nôtre tant par un travail élégant , que par une rare conservation. Son corps est gra- cieusement orné d'une tunique et de la palla formant de très beaux plis. La touche moëlleuse des chairs , le travail des cheveux font briller en même temps la vérité, jointe à la noblesse et au fini du fa re.

On voit dans la suite des têtes du Capitole un portrait de Sabine avec une coiffure diffé- rente, ayant sur son diadème les marques dis- tinctives de Cérès , paraissant moins jeune ^ elle est très -belle dans son genre. Une autre tête, qui ressemble davantage à celle que nous avons sous les yeux, est à la place de Lucilla, et porte son nom (i). Les médailles de Sabine nous of- frent aussi cette variété dans les traits du vi- sage et dans la coiffure , comme on la remar- que dans ces deux marbres. La tête voilée et couronnée d' épis qui représente cette impéra- trice , que l'on trouve dans les collections de

tole (Mus. Cap. , tome II, pl. XL et XLIV). Cet ha- bile peintre Ecossais en a faitpre'sent à S. S. qui Ta fait mettre dans le Musée.

(i) Museo Capti., tome II ^ pl. XLVII; la premier* est à la pl. XXXV.

2l4

pierres gravées (i) , est un des chefs-d'oeuvre des anciens lithographes.

PLANCHE XLVIL Antinous *

Ce jeune Bithynien qui pendant sa vie mé- rita l'amitié d'Adrien à cause de sa beauté et de sa mort volontaire, et auquel on fit les hon- neurs de l'Apothéose par ordre de cet empe- reur, devint le sujet le plus estimé pour exer- cer les beaux-arts à cette époque brillante. La sculpture a éternisé sa mémoire en reprodui- sant ses traits qui excitent aujourd'hui l'admi- ration dans les Musées et dans les palais de l'Europe moderne.

Ce buste d'une dimension presque colossale a été découvert sous-terre dernièrement, dans la Villa Adrienne , et il se distingue beaucoup parmi tant d'autres superbes mouumens d'An- tinous par sa grandeur, par son intégrité et par ce marbre très-dur que l'artiste a employé.

Si l'on considère ce buste avec soin, on verra quii semble offrir quelque différence avec les

(i) Dolce, Gemme antiche , n. 168.

* Haut, avec le pie'doudie, de cinq palmes ; il est en marbre grec dur. On Ta trouvé dans les fouilles Tibur- tines de la Villa Fede , parmi les ruines de l'ancienne Villa Adrienne, Tan 1790. Le S. Pontife en fit l'acquisi- tion-

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images du même, par deux singularités, d'abord par la coiffure divisée en petites boucles pa- rallèles et pendantes autour de la tête , cepen- dant variées et travaillées d'un goût exquis, et par les feuilles sculptées au-dessous de la poi- trine où le buste doit poser sur lepiédouche, ornement peu en usage dans des monumens de cette espèce (i).

L'union de ces deux circonstances, la pre- mière, c'est-à-dire, la disposition des cheveux, caractérise les images d'Harpocrate ; la seconde peut sembler faire allusion à cette plante dont la fleur servait quelquefois à placer les petites statues et les bustes des divinités égyptiennes, selon l'attestation de Jamblique, de Porphyre et celle de tant d'autres monumens (2); cette réunion, dis-je , m'a fait croire que Ton a représenté dans ce buste Antinous comme Dieu égyptien , lequel était spécialement gardé à Aotinopolis , ville rebâtie dans cette région ^ et ainsi appelée de sa nouvelle divinité, et tel que nous ledè-

(1) Le buste appelé de Salonina, dans le Capitole, a un ornement pareil ( Mus. Capitol. , tome H , pi LXXX ). Celui que Ton crut de Pescennius Niger a aussi dans la gravure des feuillages d'ornement vers le piédouche^ mais on n'en trouve aucune trace sur le marbre original. Même lieu , pl. LU.

(2) Jamblique , de myster.} sect. VIT , 2 ; Porphire cité par Eusèbe, liv. V, ch. io; Caylus , tome I, pl. IX, ) , et tome III ; pl. VII , 6, sans parler de beaucoup d'exemples communs dans les gravures d'anticjuitG's*

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montrent les médailles il est représenté avec la fleur de lotos sur le front (i), de même que les marbres il est couronné de la même fleur (2) , sans parler des autres qui le repré- sentent habillé et dans la position des idoles égyptiennes (3).

Notre buste , pour la facilité du transport a été affoibli et creusé par-dessous jusque dans les bras , à «peu-près comme les ouvrages en bronze. On avait employé le même moyen dans le superbe bas-relief de la Villa Albani (4). Le motif indi- qué tirait peut-être son origine de l'empresse- ment avec lequel Adrien faisait transférer ces images chéries dans ses habitations favorites. Nous avons vu dans les discours précédens que l'admi- ration des anciens pour Epicure avait rendu les bustes et les hermès qui le représentaient (5) également ambulans.

Tous les antiquaires parlent avec Winckel- mann des plus fameuses effigies d'Antinous. Ce- pendant on n'avait pas encore assez connu le mérite de sa statue du palais Farnese, qui doit tenir, selon moi, une des premières places parmi

(1) Zoëga7 Num9 Aegypt. 7 en Antinoo.

(2) Winckelmann , Monuin. inéd. 7 n. 179 et 180. Il y avait une espèce de lotos appelé Antinoèa.

(5) Mus. Capit., tòme III , pl. LXXV 5 Winckelmann, Storia delle arti , ec. 7 liv. II ? ch. i, § 9) Indicazione della Villa Albani 7 n, 622.

(4) Winckelmann, Mon. inéd., n. 180»

(5) Ci-dessus ; pl. XXXIV , $ u

2 I 7

tous les marbres qui nous offrent son image. Le portrait d'Antinous couronné de lotos, a été découvert par moi dans une des têtes du fa- meux groupe , qui appartint jadis à la reine de Suède , placé à présent à S. Hildéfonse en Espagne, et que les antiquaires ont diverse- ment expliqué (i). Notre Musée conserve un autre buste très-beau ayant la poitrine nue (2); et dans la Villa Àdrienne on en découvrit Fan- née dernière deux effigies très-belles (3).

PLANCHE XLVIIL Antonin le Pieux *.

Nous devons encore à la Villa d'Adrien ce por- trait de son successeur, La physionomie noble et

(1) Voyez mes Osservazioni su due musaici antichi sto- riati, Parme 1788. Il en est parlé aussi par Winckel- mann; Mon. inéd. } tom. I ; p. i4-

(2) Il était autrefois à Naplçs dans le palais des ducs, de Calabre.

(5) L'une de ces effigies a une coiffure propre aux di- vinités égyptiennes ; semblable à la statue du Capitole dont il est parlé ci-dessus ; et à un autre buste de la Villa Albani.

* Hauteur, avec le piédouche y quatre palmes > cinq on- ces. La tête qui est de ce marbre blanc ; que les mar- briers connaissent sous le nom de marbre de Paros; fut trouvée à Pantanello dans la Villa Àdrienne par M. Ha- milton $ elle fut ensuite placée sur un buste antique, de marbre grec , orné d'un manteau ; et qui lui convenait par» faitement pour les mesures et pour le travail*

2 1 8

tranquille d'Antonia le Pieux est si connue par les médailles et d'autres monumens, qu'il ne peut rester le moindre doute , ni avoir lieu à au- cune équivoque. Les arts qui avaient reçu une nouvelle vie sous le règne précédent , se distin- guèrent dans les effigies des empereurs suivans, qui ne laissèrent rien à désirer pour la magni- ficence dans les édifices publics; et An tonin par- ticulièrement ne fut pas long- temps sans termi- ner toutes les constructions qui avaient été ou commencées ou promises dans les diverses vil- les de l'empire par la générosité de son prédé- cesseur (i).

Il faut placer parmi les portraits d'Antonin le Pieux les deux premiers, colossaux , l'un du palais Farnèse, maintenant à Pïaples 3 l'autre dans la salle du palais Borghése , qui méritent éga- lement tant par le travail que par leur dimen- sion. On donnera le second rang au buste du

(1) V. notre tome II, pl. XX ; p. 17 >? n. (1), nous avons donné une inscription remarquable inédite , laquelle étant alors confondue avec tous les fragmens d'Otricoli, nous crûmes qu'elle avait été trouve'e dans les ruines de cette colonie. A présent nous prévenons nos lecteurs que cette grande insciption fut trouvée à Ostie ; et que par conséquent elle appartient aux thermes d'Ostie 7 ce qui paraît plus digne de la somme considérable qu'elle annonce qu'on y employa. Capitolin en effet compte parmi les grands ouvrages que fit faire Antonia le Pieux le La- vacrum Ostiense 7 et le même auteur observe que cet empe- reur ad opera Hadriani plurimum contuliù ( Antonin* ; 4; 8 ).

palais Chigi (i), un peu plus grand que na- ture , qui le représente en habit de paix y et que l'on peut regarder par rapport à l'excel- lence et à la délicatesse du travail, comme un des monumens le plus parfait de l'art des an- ciens (2). Nous avons parlé ci-dessus de la tête

(1) On peut en avoir quelque idee par les feuiiles des Notizie d'antichità e belle arti de M. Guattani , dans les- quelles il fut publie' , pl. Il, en avril 1784.

(2) Les cheveux d'Antonin le Pieux sont plus longs et plus épais dans cette effigie que dans tout autre , preuve certaine qu'il e'tait moins vieux , et par cette raison au commencement de son règne , lorsqu'on fit son portrait. En outre la chevelure est rejetée sur le front, et la pointe des cheveux paraît repliée en-dessous et bouclée : cette disposition ressemble tant à celle des cheveux d'Adrien^ que quelquefois des portraits d'Antonin ainsi ajustés sem- blent être douteux au premier coup-d'ceil^ et qu'on ne sait si on les doit donner à cet empereur ou à Adrien, qui dans le commencement de son règne fut représenté avec le visage moins gros , et dès lors il y a peu de dif- férence de ses traits avec ceux de son successeur. L'exem- pie le plus frappant de cette incertitude existe dans une tête très-belle d'Antonin le Pieux avec les cheveux ainsi disposés comme ceux d'Adrien, et qui semble d'un âge moins avancé. Cette tête est maintenant parmi les antiquités de S. A. Mgr. le prince Stanislas Pouiatowski , lequel , non content d'avoir formé une superbe collection de gravu- res antiques en pierres , de camées , se montre amateur de toutes les autres branches des beaux-arts , et des con- naissances utiles qu'il cultive non-seulement par son rare génie, mais aussi parla fréquentation journalière qu'il a avec les hommes de lettres. Revenons aux portraits d'An., tonili ) les cheveux de la pierre gravée de la collection

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colossale qui le représente , que Ton voit dans le môle d'Adrien. Il a été question lorsque nous avons parlé des portraits d'Adrien, d'une autre tête d'Antonin très-belle, sur une pierre gravée.

PLANCHE XLIX.

Faustine Majeure *.

Aucune impératrice ne jouit de son vivant de preuves d'attachement , et ne reçut après sa mort de plus grands honneurs que Annia Fau- stine, épouse d'Antonin le Pieux (morte pendant la troisième année du règne de l'empereur), n'en obtint de l'amour et de la reconnaissance de ce prince.

Quoique ses moeurs et sa conduite donnas- sent facilement lieu à la médisance, le bon An- tonili ne laissait pas cependant de l'honorer, de l'aimer , soit que par caractère il fût porté

Farnese, qui nous le représente, sont pareils comme dans ja tête que nous avons cite'e ci-devant , et dans le buste du palais Chigi; c'est de peut-être qu'est venue l'er- reur de Winckelmann qui Fa place'e parmi les têtes d'A^ drien.

(i) Pl. XLVI elle est semblable à celle que nous avons publie'e d'Adrien, si non que le travail en est? moins ter- mine', parce qu'il est sculpté en marbre grec dur.

* Hauteur cinq palmes et demie avec le piédouche ; en marbre de notre pays. Elle fut trouvée dans les fouilles de la Villa Adrieime a. Pantanello, et achetée par ordre de S. S* La tête est antique , d'une très-belle conservatioix| 1$ buste a eie sculpte par M. Pierantooi.

a 2 i

à l'indulgence , ou peut-être par la considéra- tion qu'il devait en partie l'autorité souveraine aux illustres parens de son épouse (i). Ils est sûr que nous ne possédons d'images d'aucune impératrice, autant que de Faustine, que l'on a coutume d'appeler Majeure, pour la distinguer de sa fille (2). On peut s'assurer que de toutes

(1) Antonin Je Pieux ayant été' choisi pour succe'der à Adrien, fut en même temps obligé d'adopter Marc-Au- relè fiìs d'un frère de Faustine > jeune homme de seize ans : il paraît que ce lien du sang fût le motif de sa prédilection, et que par cette raison elle influa beau- coup dans le choix que l'on fit d'Antonin le Pieux, sans nier cependant que son mérite rare , et sa conduite ne fussent pas seuls propres à déterminer Adrien. Qui sait si Faustine Majeure, n'avait pas quelque relation fort étroite avecElius Verus déclaré empereur par Adrien même, et qui mourut avant lui. Eutrope qui affirme que Marc- Aurèle neveu de Faustine, et Lucius Verus fils de l'em- pereur Eiius étaient unis de parenté, peut le faire sup- poser. Mais d'un autre côté si cette parenté était le seul motif qui portât Adrien à obliger son successeur d'adopter ces deux jeunes garçons , il semble qu'on n'eut pas pré- féré à Lucius Verus, le fils de cet empereur, un parent plus éloigné comme était Marc-Aurèle. Il parait donc que ce qui favorisa ce dernier ce fut d'être neveu de Faustine , ou parce qu'Adrien avait beaucoup de ten- dresse et d'égards pour elle, ou à cause de quelque liai- son avec une personne très-chère à l'empereur y que nous ne connaissons pas, parce que les monumens nous man- quent, et que d'ailleurs l'écrivain des Vies des empereurs de ce siècle n'est pas un Suétone.

(2) Sans parler d'autres déjà connues, je rappelerai seulement le beau buste intact qui fut trouvé l'année der- nière dans les fouilles de la voie qui conduit de S. Ma-

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celles qui sont d'un excellent travail, celle-ci ne la cède à aucune par la beauté du style, par sa dimension presque colossale, et que par sa belle conservation elle a plus de prix que toutes les autres.

PLANCHE L.

M A B C - A U R È L E *.

Ce buste d'un mérite infini peut-être regardé, dans le nombre de tant de beaux monumens qui existent de cet empereur (r), comme sur-

ria Maggiore a S, Croce in Gerusalemme, il appartient à S. E. le card. Braschi -7 et un autre que possède monseig- Antonio Despuig. Celui-ci offre une singularité dans une main couverte de sa draperie qui est sculptée sur la poitrine.

* Hauteur , avec le piédouche 7 quatre palmes , cinq onces. Il est de marbre pentélique. On Ta trouvé il y a a peine deux ans dans le lieu qu'occupait la Villa Adrienne, à présent Villa Fede, lorsque monseig. Marefoschi y fit faire des fouilles. Il est très-entier 7 excepté l'extrémité du nez et de quelques boucles de cheveux. On Tacheta par ordre de S. S.

(i) La tete colossale de cet empereur qui se voit dans la Villa Pinciana servant de pendant à Lucius Verus; est célèbre ; cependant il y a dans celte maison des bustes qui lui sont supérieurs par le travail et leur intégrité. Le Musée Capitolin possède deux bustes de M. Aurèle encore jeune et imberbe , d'une élégance et d'une con- servation singulière. Deux autres néanmoins fuit beaux et entiers le représentent avec la barbe. Ceux-ci 7 comme

passant de beaucoup tous les autres par la beau- té du style autant que par la finesse d'exécu- tion , et à coup sûr il doit passer pour un mo- dèle de perfection dans le genre des portraits. En observant le travail extrêmement soigné des cheveux et de la barbe, qui a été exécuté en grande partie avec le trépan , on est étonné de voir que l'artiste ait su réunir tant d'habileté et de bon goût avec une manière si recherchée et qui paraît minutieuse. La poitrine nue, le cou et les épaules offrant de nobles et gracieux con- tours, qui n'exagèrent pas cependant la beauté d'une nature bien choisie, propre à l'âge et à la compi exion du sujet, ont une telle vérité et une si grande morbidesse, qu'on ne peut rien ai- tendre de plus de l'art. Le groupe de plis que forme la cblamyde sur l'épaule gauche met de la variété dans cet élégant morceau , en l'or- nant. Ce monument est d'autant plus précieux qu'il offre à nos yeux, comme s'il respiraU en- core, ce bon souverain, dont la mort finit la sé- rie des meilleurs princes qui s'était suivie sans interruption depuis Nerva jusqu'à lui , période qui sera toujours mémorable dans les fastes de Rome, et dans les annales du genre humain.

la tête de la "Villa Pinciana, sont des effigies prises dans nn âge plus avancé qui n'est pas celui qui est repré- senté dans notre buste. Ce n'est pas ici le moment de parler de la statue équestre en bronze ; du Capitole; mo- nument trop fameux 9 et malgré la critique injuste de Falconnet, un des principaux monumens de Home et des arts anciens.

PLANCHE LI. S <•

Lucius Verus *.

Les portraits de Lucius Verus sont les plus com- muns parmi ceux des empereurs romains. Celui-ci était jaloux de sa propre beauté (i), et c'est pour cela peut-être qu'il s'est plu à la voir éternisée par cet art, qui en copiant les traits d'après na- ture , parut être porté alors au plus haut de- gré. On conserve dans le Musée Pie-Clémen- tin deux statues de Lucius Verus , que nous

, * Hauteur, avec le piédouche, trois palmes, six onces et demie ; en marbre grec ou de Paros. On Ta trouve' dans les fouilles que S. S. a fait ouvrir dans le lieu appelé Roma vecchia y hors de la porte Majeure. Nous avons déjà indiqué par ce nom de Roma vecchia le lieu de cette fouille page i58, note (i), planche XXVIII, §11, (*}. Il faut qu'on sache que deux lieux voisins de Rome por- tent ce nom. L'un est hors de la porte Majeure par la voie Prénestine moderne, à main droite, a près de trois milles ; c'est précisément le lieu que nous vouions déter- miner. Eschinard parle de cet endroit dans son ouvrage sur YAger Romanus 7 part. 2 ; c. 6. L'autre est à la dis- tance d'environ cinq milles de la voie Appia hors de S. Sébastien. Il faut donc corriger ce qui a été dit dans la note (*) du discours , pl. XLIV de notre tome III , puisque les fouilles ont été ouvertes seulement dans le premier de ces lieux homonymes.

(1) Capitolino in Veroi ch. X*

22$

avons publiées (i). L'une a la tête plus grande que nature, et le représente dans sa jeunesse* ce qui rend un peu plus curieuses ses images. C'est ainsi que nous le retrouvons aussi dans le très-beau buste que nous examinons. Sa barbe est courte, tout autre que nous la montrent ses médailles , et c'est un motif pour croire que ces portraits ont été sculptés avant que Marc-Au* rèle l'eut élevé au rang d'empereur, et l'eut pro*- clamé son collègue sur le thrône (2). Il en est un autre, également avec peu de barbe, dans la Villa Pinciana , se trouvent les images les plus étonnantes de cet empereur. D'abord celle qui est colossale , assez célèbre (5) , et quelques

(1) Tome lî, pl. L; tome III , pl. IX. Cette dernière est peut-être l'unique des images de Lucius Verus qui soit d'un travail mediocre. Nous en avons indiqué les motifs dans notre explication.

(2) Ce que raconte Capitolin de L. Verus ( ch. VII) n'a rien à faire dans ce cas ; savoir ad amicae vulgarîs arbitrami in Sjriaposuisse bartam. Quant a son adoption, malgré quelque contradictions entre les écrivains , je la up- pose faite par Àntonin le Pieux , ce qui semble plusvraij et non par M. Auièle ; quoique Vignoli ait pensé diver^ sement {de Columna Antonini , chap. Vil). Sur cela òtì peut voir note savante 1 1 de Tillemont ( Hist. des Ein~ pereurs , tome il) dans la Vie d'Àntônin le Pieux.

(3) Elle fut trouvée à Âcqua-traversa hors de la porte du Peuple, ou peut-être la voie Cassia était traversée par la voie Claudia ou Clodia, laquelle, suivant Capitolili, avait rendu très-fameuse la maison de campagne cìé L. Verus (ch. Vili). J'ai dit que la voie Claudia traversait celle

Musée Pie-Ctém. Vol. VL i5

226

autres qui la surpassent par la correction , si elles ne l'égalent pas par la grâce et la délica- tesse du travail.

Le Musée Capilolin possède encore un beau huste de Lucius Verus, très-entier. On peut en général dire, que comme on ne trouve pas d'ef- figies de cet empereur d'un travail pauvre , on ne peut attribuer qu'aux injures du temps et aux restaurateurs si quelques-unes sont deve- nues peu dignes d'être remarquées.

§ *•

Commode *.

Si les images de Lucius Verus sont communes,

Cassia. Ceci est fonde' sur une expression d'Ovide dans le liv. I y de Ponto ; on lit :

Flaminiae Claudia juncta vicie en supposant que pour que la voie Claudia se réunit avec la Flaminia 7 il fallait traverser la voie Cassia. Cependant ces mots peuvent simplement dénoter que la voie Clau- dia formait une branche de celle Flaminia ; ce qui s'ac- corderait avec l'Itinéraire d'Antonin; suivant lequel ij sem- ble que la voie Claudia était une portion de la voie Cas- sia elle-même , comme cela est confirmé par ce que dit Bergier, liv. Ili 7 ch. XXV ; § 8 des grands chemins , etc. Et même dans cette supposition le lieu Ton trouva les bustes de L. Verus et de M. Aurèle de la collection de Borghese peut vraisemblablement se rapporter avec le lieu était la Villa de Verus dont nous parle Capitolin.

* Hauteur, avec lepiédouche; deux palmes et dix on- ces. Il est de marbre de Carrare. S. E. le prince Doria

SS?

autant celles de Commode sont rares P k raison de sa conduite déréglée et tyrannique qui rendit sa mémoire odieuse et détestée (i). Ce portrait le représente à l'âge ou il commençait , selon l'usage du temps, à faire croître sa barbe. L'image imberbe de ce fils indigne du bon Marc-Au- rèle est un des bustes le plus superbe et le plus entier qui soit conservé au Capitole (2); un au- tre du palais Farnèse le représente avec la barbe plus épaisse que le nôtre , et d'un âge plus avancé.

La grande tête colossale de la statue en tronze de Commode du Capitole serait le plus rare mo- nument de ce prince , s'il lui ressemblait vrai-» ment, comme l'ont cru les antiquaires du siè- cle passé qui ont fait graver au-dessous l'inscri- ption avec cette dénomination (3). Mais on n'a

PanflÎi en fit présent a S. S. Clément XfV ; avec deux, belles statues que nous avons publie'es déjà dans notre tome I; pl. XXX , et dans le III, pl. XXX.

(1) Ses statues furent renversées par un décret du sé- nat. Capitolin m Pertinace ; Hérodien, liv. II ; il ra- conte aussi que Julien voulant faire une chose agréable aux prétoriens > qui aimaient ce tiran et qui avaient alors assassiné Pertinax } promettait de les rétablir. L'écrivain du Musée Capitolin attribue ; tome II , pl. XLVHI, cette volonté à Julien l'Apostat qui vécut deux siècles après ; et fut de beaucoup postérieur au même Hérodieti. 4

(2) Musée Capitol., 1. c.

(3) Wickelmann en parle dans YHist. de V art , etc. ; 1. VII, ch. II, § 19 ? et il n'ose pas la rejeter ouverte- ment.

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rien dit de plus absurde et qu'on puisse plus évidemment réfuter par les médailles. Quelques autres avaient cru qu'on pouvait y reconnaître Néron ils furent aussi réfutés par les mon u- mens. Le style qui est fort éloigné d'avoir une certaine grâce, qu'on retrouve dans les ouvrages des écoles grecques, peut faire croire qu'il est d'une époque moins ancienne , mais les propor-* tions bien observées, le contour ovale agréable du visage ne pourraient convenir à cet âge , et encore moins le costume ; car nous ne trouvons pas de portraits tout-à-fait sans barbe que de- puis Constantin, époque oit- l'art était beaucoup plus déchu (2). Que sait-on si cette grande tête n'a pas appartenu à un de ces colosses quefactî- tavit et Italia (5) , et qui avaient été exécutés du temps de la république, ou par des artistes toscans, ou même par des Romains, dont plu- sieurs nous sont indiqués par Pline ? Parmi ces colosses était précisément une tête en bronze consacrée au Capitole, et ayaut pour pendant une autre tête d'un ciseau grec , qui contras- tait, au désavantage de l'artiste romain (4)-

(1) Ficoroni, Vestigia di Roma , cliap. X.

(â) Ajoutez que depuis Macrin l'usage s'introduisit d'avoir la tête rasée, comme le prouvent les médailles 5 ainsi il serait également absurde d'attribuer ce bronze à Numé- rianus, comme quelques-uns le font.

(3) Pline, liv. XXXIV, § XVI IL

(4) Pline L c. : liaient in eodem Capitolio admira- tionem Ç pr opter amplitudine m ) et capita duo ? quae P.

22g

PLANCHE LU. Pertinax *.

La ressemblance de cette tête avec les ima- ges de Pertînax empreintes sur les médailles de grand bronze, frappées durant son règne y m'a paru si claire , que je ne balance pas à la pu- blier sous ce nom, encore que je m'aperçoive qu'il se trouve quelque petite variation entre cette sculpture et les traits de cet empereur, soit ceux qui sont gravés sur les médailles , soit tels qu'ils nous sont décrits par les biographes. On devra aussi remarquer que beaucoup de ses médailles sur lesquelles il est désigné comme une divini- té, ou qui portent des symboles allusifs à sa consécration, ne peuvent être considérées comme des monumens originaux de son portrait, en. com- paraison de celles qui ont été battues tandis qu'il régnait. Le motif de la variété qu'on remarque , est l'embellissement qu'on faisait aux figures des personnes divinisées. C'est pour cela que les ar- tistes ornèrent ces têtes d'une chevelure abon- dante et frisée , laquelle était peut-être moins

Lentulus Consul dicarit : alterimi a Chavete supradicto factum y alterum. fecìt Decius companuione in tantum ri- ctus , ut çirtificium minime probabilis artificis videatur.

* Hauteur, avec le piédouche, quatre palmes , trois quarts; il est de marbre grec. La tête seule est antique 7 un peu restaurée. Elle a été autrefois dans le palais Nu «ez; rue Condotti. Le buste est moderne.

I

2D0

fournie et moins bouclée, comme nous la vo- yons sur notre marbre, daus les dernières années de sa vie (i) , dans un âge très-avancé, au- quel appartient son règne assez court. Par la même raison encore on donnait à sa barbe une manière tout-à-fait idéale , en la rendant plus on- doyante et plus longue qu'il ne l'avait peut- être jamais eue. Il est assez probable que la des- cription que nous a faite de cet empereur l'his- torien latin se rapporte plutôt aux années flo- rissantes de savie, et non à ses derniers jours, qui furent ceux de son règne (2). Mais l'artiste qui Ta représenté, peut-être pendant qu?il vi- vait, a chercbé à exprimer l'état actuel il le voyait , d'autant plus qu'il était d'un aspect as- sez vénérable et majestueux. La tête colossale pla- cée par hazard sur une grande statue ( comme on pourrait facilement se le persuader par le style négligé de quelques parties, et par quel- que chose de grandiose dans l'exécution ) n'au- rait pas laissé paraître beaucoup plus de re- cherche et d'exactitude dans le travail des che- veux (5). Ils manquent vers Içs tempes , et en

(1) tl avait plus de 60 ans.

(2) Senex venerabilis } immisça barba, rejlexo cavillo x habit udì ne cor por is pinguiore A ventre prom inula , statu- ra imperatoria. Capitolili ( Pertinax , c. XII). Peut-être que la barbe de notre tète était anciennement plus lon- gue qu'elle ne Test à présent depuis qu'on l'a restaurée.,

(5) Il existe dans le Capitole une lete attribuée à Per- tinax {Mus. Capit. , tome II , pl. U ) 5 il y en a une sem~

se retirant , ils forment des deux côtés un con- tour anguleux , particularité que les médailles nous indiquent dans les seules images de Per- tinax j et dans celles de Didier Julien son suc- cesseur.

PLANCHE LI IL Septime Sévère >

On peut avec justice appeler la dernière épo- que de l'art celle qui a produit les beaux por- traits de Septime Sévère et de sa famille, genre auquel, à ce qu'il semble, commençait à se bor- ner uniquement toute l'habileté des artistes. Et comme il y a encore depuis Caracalla de bon- nes sculptures qui représentent quelque effigie d'empereur , sans cependant qu'aucune puisse être regardée comme excellente, on peut croire

blable, encore mieux; conservée dans le Musée Pie-Clémen« tin, dont le dessin n'a pas été' grave'. Ni l'une ni l'au- tre ne ressemble aux grandes me'dailles en bronze comme cette tête colossale , et on n'y trouve pas cette habitudo corporis pinguior dont parle Capitolili. Maigre' cela elles ont de la ressemblance avec les profils de Pertinax que nous voyons sur les me'dailles frappe'es après son apo- théose , excepté que ses cheveux, qui sont frisés sur tou- tes les médailles , et dans le buste du Capitole, ne le pa- raissent pas dans ces têtes , non plus que sur la nôtre.

* Haut, avec le piédouche , de quatre palmes un tiers; il est en marbre pentélique. On l'a trouvé dans les fouil- les d'Otriculum ouvertes par les ordres de S. S,

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qu'il existait encore a cette époque des scul- pteurs du temps de Marc-Aurèle et de Lucius Verus , et que c'est à eux que l'on peut at- tribuer tout ce qu'on trouve de bon du temps que Septime et ses fils possédèrent l'empire; et qu'après, leur école ait encore quelquefois pro- duit du bon , puisqu'elle dura pendant les rè- gnes suivans, si l'on en juge par le buste assez méritant de Galien qui est au Capitole (i).

Ce buste de Septime Sévère , qui fut trouvé dans les ruines de la colonie d'Qcriculum, était l'image la plus belle et la plus parfaite qu'on ait eue de cet empereur redouté, jusqu'aux mois derniers qu'on découvrit dans les- fouilles des champs Gabiens un autre buste du même, d'un si beau travail, qu'il peut être comparé sans dé- savantage avec les meilleurs portraits d'Adrien ou de Lucius Verus (2). Mais le nôtre étant ar- me ne peut être mis en parallèle avec celui-là,

(1) Musée Capitoliti; tome 7 pl. LXXXÎX.

(2) Il est en outre très-entier, plus grand que nature ; fait de ce beau marbre que les marbriers modernes ap- pellent deParos,. Il esten habit de paix x ses épaules sou- tiennent un<e draperie repliée en forme d'une large bande qui passe d'une épaule a l'autre de la même manière que les e'toles modernes des prêtres. C'est peut-être çette espèce à'orarium7 ouïe petit manteau quç les anciens latins ap- pelaient Laena. J'ai propose ; pour en déterminer la forme selon la mode romaine, quelques-unes de mes conjectures dans les observations que j'ai faites, non publiées encore^ sur quelque monumens de la "Villa, Pinciana.

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qui est en habit civil. On peut dire que de tous les bustes que l'on connaît de Septime, armés d'une cuirasse , celui d'Ocriculum est le plus excellent, bien que l'on trouve plus fréquement des portraits de cet empereur que d'aucun au- de ces souverains de Rome.

Les foudres qui sont sculptés sur les atta- ches de la cuirasse nous indiquent que l'empe- reur qui en est revêtu est un foudre de guerre, ou plutôt un rival du grand Jupiter- les maî- tres du monde se plaisant à faire d'eux mêmes cette comparaison, à laquelle ont rapport tant d'ima- ges de Septime et de son prédécesseur ayant l'égide de Jupiter, et d'autres symboles de la divinité suprême (r).

La tête , de même que tous les accessoires de ce buste, réunit à une parfaite conservation cette élégance correcte et facile du travail qui fait distinguer les ouvrages des plus habiles maî- tres.

PLANCHE LIV. Julie surnommée Pia \ Le style grandiose, mais simple, et la morbi-

(i) Voyez l'empreinte d'une ancienne pierre grave'e t n. i«j3 de la collection publiée par M. Federico Doîce. L'original est en Angleterre, et possédé par le chev, Ri- chard Worsley.

* Hauteur, avec le piédouche, cinq palmes et onze

234

desse que Ton remarque dans la tête colossale qui est représentée ici, font honneur à cette épo- que, que l'on peut appeler les derniers périodes de la bonne sculpture. La correction du des- sin devient plus admirable dans des morceaux d'une dimension si grande ; et il n'y a pas moins de mérite dans cette ressemblance très-évidente des traits de Julie Pia ou Julie Domna, avec ceux que nous retrouvons sur tant de belles et très- communes médailles de cette princesse. J'ai parlé de ses traits, non delà coiffure seule, laquelle peut servir aussi à l'antiquaire pour fixer ses recherches, ou à établir ses conjectures pour y trouver un portrait, mais non pas pour distinguer a qui il appartient, et le décider, comme on a fait communément jusqu'à présent. La grandeur colossale de ce beau morceau , qui surpasse tout autre portrait de femme qui se soit conservé jusqu'à nous (i), nous confirme encore dans l'opi- nion qu'il représente une impératrice telle que Julie Pia, laquelle fut pendant sa vie si hono-

onces. La tête est d'un très-beau marbre grec. Elle fui trouvée il y a quelques années dans une possession de XAgro Romano, hors de la Porte S. Giovanni ? appelée le Quadravo et appartenant aux princes de Carbognano. Le Ganimède publié dans notre tome IT , plane. XXX , page 248 , fut trouvé dans la même fouille. Le buste est d'un travail moderne, de la main du sculpteur du Sou verain Pontife.

(1) La tête colossale de la Villa Albani ; a laquelle on a donné le nom de Livie } n'est pas le portrait de cette impératrice : elle me paraît même tout k fait idéale»

235

ree par tous les ordres de citoyens , qu'elle eu obtint les noms glorieux de Mère des Armées * du Sénat et de la Patrie, noms qui n'avaient pas été avant elle accordes à d'autres femmes des empereurs romains (i),

PLANC H E L V.

Car acalla *

Il n'y a pas d'éloges que ceux qui ont écrit sur les antiquités et les arts ayent prodigué au snjer du beau buste d'Antonio Caracalla du pa- lais Farnese , que ne mérite également celui que nous présentons, lequel est un double très- parfait de cette superbe tête (2). Ou l'un a été

(1) On lui donna pendant sa vie sur les médailles le ti- tre de Mater Castrorum , Mater Senatus 7 Mater Patriae. On voit aussi Faustino la Jeune avec le titre de Mater Castrorum , mais elle e'tait alors déifiée. On voit aussi que Livie eut le titre de Mater Patriae, et celui plus adulateur de Genetrix orhis , mais ce ne fut pas sur les types romains. Mammée fut surnommée , après Julia Pia} sur les médailles Mater Augusti et Castrorum.

* Sa hauteur, avec le piédouche, est de trois palmes moins une once. Il est de ce marbre fin que nos ouvriers appellent de Paros. On l'a trouvé dans les fouilles des jar- dins Carpensi. Nous avons parlé de ces fouilles et des monumens qu'on en retira^ tome I, discours de la plan- che IX ? p. 104.

(3) Du-Bos ( Réflexions sur la Poesie et la Peinture ? liv. II 1 p, ig5 ) a appelé ce buste le dernier soupir des arts,

256

le modèle de l'autre 5 ou tous deux sont des co- pies d'un même original, faites avec une telle uniformité non -seulement dans les traits , mais dans la cuirasse aussi et jusqu'aux plis du man- teau , qu'à peine des gravures et des médailles du même type frappées avec le même coin of- fraient plus de ressemblance (i). Tant de grâce çt de perfection de travail paraissaient d'autant plus admirables que l'on n'avait pas encore trou- vée de nombreuses preuves dans les bustes in- comparables de Septime et de Geta, découverts au champs Gabiens , de la bonté d'une école aussi parfaite dans ce genre , et qui était flo- rissante à cette époque. L'expression de la phy- sionomie indique parfaitement , que c'est le por- trait de cet empereur cruel qui se glorifiait de son caractère féroce: sans cela quel artiste eut osé le représenter d'un air si menaçant, et ajouter par ce mouvement du col vers la gau- che , à la sévérité , ou plutôt à la dureté de sa figure (2)? On doit remarquer aussi les plis de

(1) Ceci est plus rare dans les bustes que dans les sta- tues ; et on peut en tirer le motif peut-être en partie du temps plus re'cent qui produisit les bustes impériaux , et qpi n'a pas laisse' aux arts, lesquels se perdirent, peu; après, une espace assez long pour l'imitation ; et en par- tie à la qualité des sujets représentés, qui , après leur mort, e'îaient vus avec peu de faveur, ou devenus au moins peu imporians. Il y a cependant à la Villa Borghese deux bustes de Lucius Verus parfaitement uniformes. Je don- nerai dans le discours, pl. LYII, ci-après quelqu'autre exemple.

(2) Buonarroti (Medaglioni , VIII, a) a déjà remar-

sa clamyde fortement allongés et profonds qui accompagnent l'expression de la tête, faisant supposer dans tout le reste du corps un mou- vement prompt et violent.

Le grandiose de l'ensemble de ce morceau sublime n'a pas empêché le sculpteur de soi- gner avec talent et goût tous les plus petits dé- tails , de sorte que s'il se fait admirer du pre- mier coup-d'œil par sa belle exécution , il prouve à ceux qui l'examinent de plus près, tout le plaisir qu'on ressente à la vue d'une imitation élégante et recherchée de la nature.'

que que cet empereur insensé copiait d'après les images d'Alexandre le Grand , et ce regard farouche et cette po- sition de la tète vers l'épaule gauche. Le passage d7Aur. Victor que nous plaçons ici ( Epitome > c. XXI) expli- que à merveille cette image de Caracalla : Corpore Alexan- dri Macedonis conspecto , Magnum , atque Alexandrum se iussit appellavi , adsentantium fallaciis eo perductus y ut TRUCI FRONTE, ET AD LAEVVM HUMERUM CONVERSA CERVICE, quod in ore Alexandre nota- verat } incedens , fidem vultus simillimi persuader et sibi. On peut attribuer a cette affectation d'imiter Alexandre le Grand l'origine de plusieurs institutions bizarres, dont parlent les historiens , qui furent introduites par Ca- racalla ? et peut-être le goût qu'il avait pour la pale- stre grecque , confirmé par un monument numismati- que qui nous reste, savoir une grande médaille, dont le type et la légende du revers n'ont jamais pu être déchi- fiés par De-Boze et Pellerin. Comme j'ai été assez heu- reux pour en trouver une pareille, et que je me (latte de pouvoir en rendre compte suffisamment , j'en donne- rai le dessin et l'explication da^ns le suppléaient à la fin de ce volume.

i58

PLANCHE LVI. Éliogabale *.

Si ce buste très -rare d'Eliogabale n'offre pas précisément le même contour du profil que l'on remarque dans les médailles le mieux conser- vées de ce prince, on ne peut en attribuer la faute qu'à la restauration moderne du nez, qui a été placé sur ce portrait dans la supposition quii appartenait plutôt à Alexandre Sévère. Le reste du visage, c'est-à-dire , ces lèvres un peu grosses, le menton rond, une jeune barbe qui paraît sur ses joues, ont tant de rapport avec la figure de ce dernier empereur , que la cui- rasse et le manteau sculptés sur le corps d'un jeune garçon qui cesse d'être imberbe, rendent probable que ce soit la représentation d'un objet élevé à la condition souveraine.

Le travail de cette tête est d'une bonne main, maïs cependant il ne s'éloigne pas trop de l'état était l'art à cet âge. L'image qu'elle repré- sente , tout infame qu'elle soit dans l'histoire des epmereurs, ne rend pas moins ce monument esti- mable à cause de sa rareté particulièrement (1),

* Hauteur, avec le pie'douche, deux palmes et demie, en marbre de Luni \ il provient d'une fouille inconnue* Wons avons parle de ce buste dans le discours ; pl. LI du tome II, page 35i , en le nommant cependant Ale- xandre Se' vére.

(0 II y a dans le Musée Capitolin un buste, auquel on

2 59

puisqu'il est très-vraisemblable que Ton ren- versa toutes les effigies de cet indigne prince , dont on ne voulut pas même que le nom se conservât dans les inscriptions (i).

a donné le nom d'Eliogabale \ il a aussi une cuirasse et un manteau sur la poitrine. Le nôtre paraît ressembler davantage aux profils que nous en donnent les médailles {Musée Capit. , tome il , LXUI ).

(1) Lampridius paraît assurer dans un passage que par un décret du sénat on arracha le nom d'Eh'ogabale de toutes les inscriptions. Mais dans un autre passage il sem- ble que ce décret portât seulement qu'on effacerait de ses titres celui d'Antonin qu'il avait usurpé, et .qu'il avait rendu odieux aux Romains auxquels il avait été si cher (§17 et 18 }. Cela se prouve à merveille par une ancienne insci ip- tion dernièrement découverte aux champs de Gabi; et gravée sur un piédestal, qui, seulement pour marquer l'année, con* tenait le nom d'Eliogabale et son troisième consulat. On y trouve ses autres noms et ses titres 3 on n'a effacé que celui d'Antonin. Comme elle est encore inédite, je joins ici :

M. IVLIO . ZOTICO DECVRIONl PATRI . DECVRIONVM ET . SEVIRO . AVGYSTALIVM [i] QTQTEtYSDEM . ORDINIS DENDROPHORI . [2] Q. Q SVO PERPETVO . ET . PATRONO DÏGNISSIMO . OB . ME RITA . EIYS . [3] L. D. D. D.

[1] [2] Quinquennali.

[5] Locus datas decreto decurionum.

^4o

PLANCHE LVIÎ. Julie M a m é e, Les portraits de Julie Marnée, mère cTAlexan-

On lit sur le côté du piédestal à la gauche du specta-* teur ;

DEDIK. Vllt. KAL. IVL

IMP. M. AVRELÏO

PIO . FELIC. AVG . . ,

P. VALERIO . COMAZONTE II . COS

[t] CVR . ABVDIO . PRISCO . CASSIDARIO DEMETRIO . ET . CELERINO . STATIENO CLEMENTI ANO

[i] CurantihuSé

Le consulat appartient a l'année 220 de l'ère vùlgaue , et on serait tenté de supposer que ce Zoticus dont il est parlé dans l'inscription , est un de ces favoris honteux d'Eliogabale ; qui portait ce nom 7 d'autant plus que ce nom de Zoticus est très-rare dans les inscriptions lati- nes. Mais ce favori est appelé par Dion ; Aurelius Zoti- ticus , et le nôtre se nomme M. Julius. Quant au se- cond consul Comazonte on dpit remarquer les noms de P. Valerius , au lieu de M. Aurelius, comme on l'appelle communément. Par-là on conçoit comment est née l'erreur des Fastes Grecs qui indiquent dans cette année BaÀepiOÇ Otal KqumÇqv , Valerius et Comazon IL Notre mar- bre confirme aussi son second consulat contre l'opinion de Muratori.

* Le baste représenté ci- dessus fut trouvé dans les fouil- les d'Otricoli avec un autre semblable 7 qui est à présent chez le sculpteur M. Carlo Albaccini ; l'autre fut trouvé

dre Sévère , qui sont après ceux de Fa us tin e Majeure les plus communs des effigies d'impé- ratrices romaines , n'étaient pas connus des an- tiquaires, faute d'en avoir fait la comparaison exacte avec les médailles, et ils avaient voulu ensuite honorer de ce nom la statue sépulcrale de femme couchée près d'une figure d'homme sur le couvercle d'un grand et superbe sarco- phage du Capitole (î). Le buste qui est à la

à Rome sur le mont Esquilin, dans les fondemens du mo- nastère des Paolotte, près de S. Lucia in Selci, dans le même lieu fut découverte la belle inscription du tem- ple de Junon Lucine que Ton conserve dans îa Villa Al- bani (Marini, Inscript. Alban. , n. 1 1 ) , ce qui fait ci;oire que dans ce lieu il y avait eu un temple , peut-être on avait consacré notre buste. Tous deux sont de mar- bre pentélique; le premier, qui est absolument intact, a de hauteur, avec le piédouche, trois palmes, dix onces: le second est restauré seulement à l'extrémité du nez et dans quelques parties de la coiffure qui avaient été coupées et depuis rapportées,* elle a de hauteur deux palmes, dix onces et demie. Le Souverain Pontife a enrichi le Mu- sée de ces deux monumens.

(i) On peut en voir le dessin dans le tome IV àu Mu- sée Capitoliti , pL I , II , IH et IV. De la supposition que ce grand tombeau avait appartenu à Alexandre et Ma- rnée, on a expliqué, par le rapport avec les aventures de ce prince, les morceaux sculptés sur le fameux vase de pâte antique qui était dans la collection Baiberine, et qui se trouve à présent en Angleterre (même lieu , p. 4o* et suiv. ) , ce précieux monument ayant été découvert dans le même tombeau. Les antiquaires se sont perdus dans des erreurs en cherchant à expliquer quel était le sujet qui est, je crois, les noces de Pélée et de Thétis, comme j'es- père avoir ailleurs occasion d'en donner îa probabilité.

Musée Pie-Glém. Vol. VI. 16

s42

partie supérieure de la gravure a été trouvé â Ocriculum dans Y Augusteum de cette colonie, en même temps qu'un autre parfaitement semblable. Si cette circonstance faisait espérer qu'on eut trouvé l'image d'une impératrice, le portrait de Marnée si commun sur ses médailles , a déter- miné celui-ci jusqu'à l'évidence la plus com- piette.

Les traits de la même impératrice sont éga- lement reconnaissables dans l'autre buste qui est en profil, et qui fut trouvé à Rome sur le mont Esquilin , mais il a quelque chose de curieux et de rare dans une particularité à peu près pa- reille à celle que nous avons remarquée il y a quelque temps à un buste d'Isis (i). La cheve- lure avait été sculptée des deux côtés et par derrière, et ensuite restaurée, pour la refaire, à ce qu'il paraît^ conformément à une autre mode. Cette remarque semble nous donner le motif des chevelures mobiles (2) dans les sculptures qui représentent des portraits de dames romaines de ce siècle. C'était probablement pour avoir la com- modité de pouvoir varier la coiffure, selon les caprices de la mode, sur ces marbres avec moins de dépense et moins de travail que d'ab-

(1) Ci-dessus , pl. XVI.

(2) Nous avons de'ja remarque cela dans le second vo- lume de cet ouvrage , pl. LI ; p. 548 ? oh nous avons pu- blie' une figure, probablement d'impératrice, doni la che* velure est mobile.

battre ce qui était fait pour le refaire différem- ment, comme nous voyons qu'on y a été forcé 4ans cette effigie de Marnée. Il paraît que ce qui aura été imaginé pour satisfaire la vanité de quelque femme , aura été quelquefois employé pour les simulacres des épouses des empereurs.

L'un et l'autre buste démontrent assez claire- ment ce que nous avons dit auparavant, qu'il existait encore une bonne école de sculpture dans le genre des portraits, pendant le troisième siècle de l'ère chrétienne. Ces deux morceaux , à l'exception des coiffures, qui sont, conformé- ment au temps, d'une invention peu heureuse, et dans lesquelles l'artiste ne pouvait se livrer librement à sa manière, se font voir cependant tant par les draperies, que par la vérité et la morbidesse des têtes, égaux aux meilleures scul- ptures du plus beau siècle de l'art. .

Parmi les portraits de Marnée qui n'ont pas été reconnus jusqu'à présent, on doit compter le buste Capitolili attribué k Mànlia Scantilla (i). Le Musée Pie-Cîémentin en possède un autre qui lui ressemble parfaitement.

(0 Mus. Cap. y tome II, pl. LU : celui du Musée Pie- Çlémentin est indiqué dans le Catalogue qui a été pu- Hic par M. Pasquale Massi Ja paçe -r>? x\. Ï.Y,

244

PLANCHE LVIIL

B ALBIN *.

Ce bronze peut-être regardé avec infiniment de raison comme le portrait de Balbin, et un monument unique , en exceptant toutefois les médailles, puisque ni la sculpture, et encore moins la gravure ne nous ont conservé ailleurs sa res- semblance (i). On doit peut-être attribuer au peu de durée de son règne la rareté de ses por* traits , peut-être aussi à sa fin funeste. Il fut a- vec son collègue Pupienus , la victime de la li- cence de cette garde prétorienne , qui toujours jalouse de maintenir son anarcbie militaire sap- pa peu à peu et finit par détruire cet em- pire qui paraissait formé pour être éternel, et qui, capable de gouverner une société civile immense , imposait un joug léger sur le monde qui lui était soumis (2).

* Hauteur, deux palmes } huit onces et demie compris ie piëdouche. Ce bronze fut trouvé dans la vigne de la noble famille Casali, un peu hors de la porte S. Sébas- tien sur la voie Àppia. fut donné a S. S. par le der- nier cardinal de ce nom > et placé dans le Musée Pie- Clémentin.

(1) H y a dans ïa Villa Albani un buste attribué k Bal- bin, mais la ressemblance avec les médailles de cet em- pereur n'est pas assez claire. Voy. Morcclli ; Indicazione della Villa Albani } n. 365.

(2) Hume ; Essajs , tom» II ? essay III , note (#).

^45

Il y a apparence, d'après une particularité que nous a transmis le biographe de cet empereur, que ses images ont été, même durant son règne, plus rares que celles de son collègue (i). Cette observation et son sujet augmentent la singu- larité de cet ancien travail, très-bien conservé, si on veut faire attention à son intégrité , quoi- que un peu rongé inégalement à la superficie par les sels de la terre , et parce qu'il est exé-

(i) Il était mécontent que Ton décrétât tant de statues seulement à son collègue Pupîenus à l'occasion de son heu- reux retour de l'expédition contre Maximin : Capitolinus in Balbino, n. 12. Il nous est reste une statue de Pupîe- nus dont il a été parlé dans plusieurs endroits par Wîn- chelmann 7 et qui a. été gravée dans les Notizie d'antichità. de M. Guattani pendant Tannée 1787 mois de mai. Cette statue a beaucoup de ressemblance avec les médailles^ et la corne d'abondance qui est ajoutée à ses pieds , comme pour indiquer qu'il est un Genie, un Dieu protecteur du peuple romain, et la main droite étendue comme un Pacificateur , prouvent suffisamment que cette effigie est véritablement celle d'un empereur; ce qui étant admis ? elle ne peut être que celle de Pupîenus. Comme il y est représenté nu, comme un Dieu, l'artiste aura cru par ce motif plus convenable de ne pas imiter avec tant d'exac- titude cette tête rasée, ainsi que pouvait l'exiger l'usage suivi alors, parce que sa figure eut manqué de dignité, lorsqu'elle devait avoir quelque chose de l'idéal. Cette sculpture est d'une bonne manière; ce qui joint à la tête de Baîbin que nous publions , au buste de Phi- lippe le Yieux du palais Chigi, à celui de Galien du Ca- pitole y nous prouve qu'on ne manqua pas jusqu'à cette époque d'artistes doués d'un talent peu ordinaire, quoi- qu'ils fussent rares.

246

cute avec quelque habileté , quoique fait dans des temps de la décadence de l'art. D'ailleurs la ressemblance du profil avec les portraits de Balbin représentés sur les médailles est si par- faite , qu'elle dissipe toute incertitude sur cette image , qui ne se trouve à présent dans aucune collection de bustes des empereurs.

PLANCHE LÏX.

Philipp e le Jeune *.

Nous avons un monument remarquable, et même unique, des arts venus à leur décadence, dans ce buste de Philippe le Jeune, exécuté en entier , tête et corps d'un seul bloc de très-beau por- phire. Son effigie, suffisamment connue par les médailles y n'a pas été conservée dans aucune autre Sculpture (l). Cet usage qu'on avait tenté

* Hauteur, avec le pie'douche, un peu plus <îe trois pal- mes. Il est d'un très-beau porphyre d'un seul morceau, sans le piedouclie qui est de marbre grec antique. Il était, piace dans le palais Barberini. Lu Souverain Pon- tife Clément XIV le fit acheter par S. S. regnante qui était alors trésorier.

(i) Le jbuste du Capitole {Mus. Cap. } tome II , plan- che LXXI) ne lui ressemble pas du tout, Ce morceau fut trouve à Lanuvium dans une fouille avec les autres bus- tes de M. Àurèle y de Lucius Yerus et d'Annius Verns. Je conjecture d'après cette circonstance et d'après les me'- daiîîes grecques de Galerius Ànlouin , ûh d'Antonin le Pieux et de Faustine ; que ce buste représente plutôt çet empereur enfant.

Hi

d'introduire sous l'empereur Claude, mais que h goût mieux dirigé avait alors fait rejeter (i),

(i) Winckelmann a déjà fait observer que les têtes scul- ptées en porphyre de ces empereurs, du bon siècle, étaient modernes, comme celles du Caligula de Dresde, le Ves- pasien et les empereurs de la ville et du palais Borghése, Quant aux morceaux exécutes en porphyre du temps de Claude dont parle Pline , voici les paroles de l'encyclo- pédiste latin: Statuas ex porphjrite Claudio Caesari Pro- curator eius in urbem ex Aegypto advexit Vitrasius Pol- ito 7 non admodum probata novitate. Nemo certe postea imitatus est ( liv. XXXV , § XI )• Il y a - dedans un peu d'ambiguïté. Winckelmann suppose que Vitrasius en- voya à Claude des statues de porphyre qui avaiënt été sculptées en Egypte dès le temps des Plolomées ; suppo- sition gratuite , qui n'est pas appuyée par les monumeus; ni par aucune vraisemblance {Histoire de V art 7 liv. X, c. 1 1 , § 21, 22 ). Une méthode des sculpteurs grecs d'Ale- xandrie ne devait pas cire appelée nue nouveauté, et no pouvait pas le paraître aux Romains qui étaient déjà fa- miliers avec les arts et les lettres de celte cour. 11 n'existe pas de sculpture en porphyre que Ton puisse avec des probabilités assigner à cette époque ; au contraire, parce que l'on trouvera dans les notes suivantes^ il paraît que les anciens, sculpteurs n'avaient pas encore commencé à se servir de cette pierre très-dure. Je pense que Vitrasius Pollion fit faire des statues de Claude même et de sa fa- mille , en porphyre , matière précieuse que l'on venait peut-être de découvrir dans les montagnes très-reculées de l'Egypte Supérieure. De-là vint cette nouveauté , qui ne plut pas, peut èire parce que les statues étaient tout entiè- res de porphyre comme ce présent buste, à raison de ce que les artistes de l'Egypte, accoutumés à travailler des marbres de couleur, n'eurent pas ie soin de distinguer la tête et les chairs par une autre matière. Si ces statues expédiées à Rome avaient eu seulement leurs draperies en porphyre^ comme nous les voyons dans d'autres ouvrages de temps

:48

recommence a présent à se reproduire après deux autres siècles, pendant lesquels les artistes ayant perdu de jour en jour la pureté du dessin et les autres connaissances fondamentales de leur art, cherchèrent à y suppléer, peut-être en obte- nant l'admiration et les éloges du vulgaire igno- rant , par la richesse de la matière et les dif- ficultés qu'elle offre, étant dure et repoussant le ciseau autant qu'elle était précieuse étant étrangère.

Ce beau marbre, que les naturalistes regardent comme une des pierres primitives (i), est une des plus précieuses matières que nous offre la na- ture à cause de sa couleur de pourpre, de sa fa- culté à recevoir un beau poli, et je dirais presque à eause de sa durée éternelle. Les arts dans leur plus beau temps, je veux dire la sculpture et Farchitec„ ture ne l'ont pas connue ni employée. Car les tra-, vaux exécutés du temps de Claude ne furent qu'un simple essai ordonné par le gouverneur d'Egypte, la matière était indigène, et les

postérieurs; et que lçs parties nues eussent été faites en marbre blanc y celte nouveauté n'eut pu déplaire , et même elle ne pouvait être regardée comme une nouveauté par c|es yeux accoutumés à voir à tout moment des simula- cres composés de diverses matières, et même avec des draperies peintes à l'encaustique de différentes couleurs.

(i) Buffon s'exprime ainsi (Hîst. des minéraux 7 t. I). Je ne sais d'ailleurs comment accorder cela avec le fait rapporté par Winckelmann7 que l'on trouva une médaille çTor d'Auguste dans l'extérieur d'uri bloc de porphyre* (Osservaz. sulV architettura , chap. i 7 § .5, dans le III ^orne des OEvres \

^49

sculpteurs avaient toute la patience qu'exige ,uu pareil travail. Son usage dans l'architecture était encore plus rare du temps d' Antonio le Pieux, c'est-à-dire un siècle et demi après l'ère vul- gaire, quoique précisément ce soit à cette épo- que qu'on voit commencer à l'employer pour les colonnes dans les édifices (i). C'est peut-être au

(i) Le passage suivant de Capitolili tire' de la Vie d'An- tonin le Pieux, est remarquable; je ne sais s'il a été déjà cité , et il me semble assez propre à indiquer dans quel temps on commença a faire un usage plus commun du porphyre 5 voyez ce passage: Inter alia edam hoc ci» vilitatis eius C T. Antonini ) praecipuum argomentimi est ^ quod quum domum Ornali visens, MIRANSQUE COLUM- NAS PORPHYRETICAS > requisisset nnde eas haberet : atque Omulus ei dixisset: Quum in domum aliénant ve* neris et mutus et sur dus esto : patienter tulit. Si un em- pereur fut autant frappé en voyant des colonnes de por- phyre dans la maison d'un citoyen consulaire des plus distingues de Rome , et si on faisait même un mystère du lieu d'où elles provenaient, on peut en conclure que cette matière précieuse n'était pas employée si fréquem- ment. Peut-être que le soin jaloux avec lequel les em- pereurs assujettissaient l'Egypte n'avait pas laissé décou- Trir assez le porphyre, qui avait même été négligé par les anciens Egyptiens, lesquels donnèrent la préférence au granit rouge pour les grands monumens, et a beaucoup d'au- tres marbres aussi plus à leur portée et fort propres pour la sculpture, parce qu'on n'était pas obligé d'aller les chercher comme le porphyre sur les bords de l'Erytrée et vers les confins de l'Ethiopie, dans une région aride telle qiie nous l'indique Aristide, dans un passage qui va être rap- porté plus loin. Cependant Tétonnement d'Antonin le Pieux h la vue de ces colonnes , ne resta pas? k ce qu'il paraît^

s5o

même temps qu'on doit rapporter ces simulacres qui ont la draperie seule en porphyre, manière

sans conséquence. On commença dès lors a transporter en assez grande quantité le porphyre à Rome, et c'est au règne de cet empereur que peut appartenir l'inscription suivante remarquable, dans laquelle nous apprenons qu'on plaça deux colonnes de porphyre dans la petite chapelle d'une compagnie ou cohorte des Vigiles. Cette inscription, qui existait intacte a S. Stefano Rotondo dans le XVIme siècle, comme nous l'indique Gruter qui en parle ( pa ge CXXVIÏ; 5) sur l'autographe d'Ursinus; et d'après l'Ortographe de Mantice, mutilée en grande partie à pré- sent, a échappé à une destruction totale par les soins de S. S. qui l'a fait placer dans le Musée Pie-Clémentin. Je distingue ce qui nous en reste par la variété des cara- ctères, en l'exprimant par des lettres plus grandes, et dé- signant les vers par les deux tirets ?3 : c. calpvRNIO . PISONE . m. vettiq . bolano . cos ;zj q. rammIO . MARTIALE . (i) Pr. t. flavio . priamo . (2) tr m t. saenîO . CLEMENTE . (5) ) . AEdicvla . fa- cta . cvm s geniO . (4) AGRESiO . FACVNDo .(5) b. trib qvam s m. cEiONIO . SILVANO.C. SERIO. Av- gvrino . cos & c.taTTïO . MAXIMO . (6) PR. T. FLA- VIO . ANterotiano . (7) s. pr. ~ q. PLOT LENO . S A- BINO . (8) TR. Con. v. vig p3 TL< CLAYDÏVS . TL F. (9) FAB. MESSALLENvs . (î0) heracl. ) . coh. S. S. & VETVSTATE . CORRVPTAM . ADAMPLiavit . co- lvMNIS m PVRPVRITICÎS . VALVIS . AEREIS . Mar- more . et . OMNI- ORNAMENTO . A. NOVO. EX. PECvnia . fvrfvrarIA 3 (n) . SVAE . FECIT . VG- LENTIBvs . (la) manipvl. svis . qvor 55 NOMINA . m.

(l3) TAB, AER. SCRIPTA . SVNT S

(i) Praefecto. (2) Tribuno. (5) Centurione. (4) A Gre- sio. (5) Beneficiario Tribuni. (6) Praefecto. (r) Sub Trae* fedo. (8) Tribuno Cohortis V . Vigilum.. (9) Fabia Ç tribu % o) Heracleota Centuno Cohortis supra scriptae. Cen- turine* (12) Manipularibus. (i5) Tabula aerea.

25r

qui pouvait être employée avec gout, mais il était réservé à ces temps de décadence auxquels coincide le millénaire de Rome, d'adopter cet usage qui avait été rejeté sous Claude (i).

Il semble qu'une matière tirée des montagnes de l'Arabie (2) pouvait convenir pour nous re- présenter l'image d'un empereur qui prit nais-» sance dans ces contrées. La tête en est traitée

Le consulat de Silvanus et d'Auguri nu s, pendant lequel on mit en œuvre les deux colonnes de porphyre dont il est question, se rapporte à Tannée i5q de l'ere vulgaire ? sous le règne d'Anlouin même. On doit remarquer le mot PVRPVRITîCïS, tout latin, qui fut remplace ensuite par le mot grec Porphrreticis.

(1) Ficoroni a attribue à deux. Philippes les deux bus- tes appuye's sur un globe, qui sont en relief sur Fescape de deux colonnes entières de porphyre, dans le palais Ai- temps. Si Ton doit les juger par l'exe'cution si mesquine que les physionomies n'ont aucun caractère, ils sont pos- térieurs.

(2) Je sais qu'on pre'tend que les carrières de porphyre dont parle Aristide, sont dans l'Arabie Egyptienne {Orat. jéegfp* , ëd. Jebb., tome II, p. 549 ) : ma s *a grande quan- tité' de cette pierre qu'on employa pour décorer les e'di- fices de Palmyre , me fait paraître très-probable que l'Ara- bie Asiatique et Orientale n'en était pas moins feconde. Je ne nie cependant pas que les carrières égyptiennes de porphyre ne soient regardées par les écrivain comme les plus fameuses, d'où il arrive que dans Y Hieracosophium de De'me'trius de Constantinople QvsiO/ KïyVTtTlCh , Moi- tarium Aegjplium {Script, reiaccipit., Rigali., p. 80} est employé pour signifier un mortier de porphyre. C'est de Fusage de ces mortiers dans la pharmacie qui est venu, îû mot thecnique porphjriser,

avec dureté, mais avec soin, et on y remarque une parfaite ressemblance avec les types des mé- dailles y dont quelques-uns ont été formés par d'habiles mains. On découvre dans la physiono- mie et dans la caricature des lèvres de ce jeune empereur ce caractère sévère et triste dont nous ont entretenu les historiens, en petit nombre, qui ont écrit sa vie (i).

La poitrine ornée d'une cuirasse et de la chla- myde est assez mesquine non-seulement par son exécution très-négligée , mais même par sa proportion trop étroite , défaut dans lequel tom- bent assez facilement les arts du dessin lorsqu'ils expriment des objets moins importans que le prin- cipal, et quand ils ne prennent pas assez de soin de conserver les proportions de l'ensemble qui renferment toute l'harmonie et la base fonda- mentale de l'imitation (2).

La boucle du paludamentum est circulaire et

(1) Victor, Epitome > chap. XXV HT.

(2) Dans les deux petites figures d'empereurs armes et couverts du paludamentum, sculptées en relief sur une con- sole qui sort du gorgerin de deux colonnes de porphyre, existantes autrefois dans la chapelle Pauline ; qui sont à présent dans la bibliothèque du Vatican , celle dispro- portion de la tête est encore plus excessive. Ces images sont peut-être celles de Dioclelien et de Maximilien avec leurs collègues Galerius et Constance Chlore : et Ficoroni s'est bien trompé lorsqu'il a cru y voir représentés deux fois Romulus et Remus. On peut les voir gravés dans î'édi^ lion romaine de Y Histoire de l'art de Winckelmann , t©« me IH ; pag. 5x4*

creusée pour recevoir peut-être une pierre pré- cieuse qu'on y aura adoptée afin de rendre ce travail difficile plus riche et plus précieux (i).

PLANCHE LX.

Tkebonianus Gallus *•

La rareté de cette tête en bronze de Trebo- manus Gallus, successeur de Tra] an Decius (2),

(1) On voit la même cavité, destinée probablement au même usage , dans la pierre précieuse d'une couronne de cilene, que tient dans ses serres un grand aigle sculpté en bas-relief, et placé par Jules II dans le portique des SS. Apostoli, avec l'inscription remarquable suivante :

TOT . RVINIS . SERVATAM . IVL. CAR. SIXTI . ÏÏÏÎ PONT. NEPOS ; HIC . STATVIT

* Hauteur, avec le piédouche, trois palmes, sept onces. La tête de bronze était autrefois dans la Villa Mattei, publiée dans les Monumenta Matheiana , t. II, pl. XXX F, et fut achetée par S. S. lorsqu'elle n'était que trésorier sous le pontificat de Clément XIV. Le buste massif d'al- bâtre fleuri un peu rose, fut trouvé dans les fouilles de Latran, ouvertes par ordre de Sa Sainteté.

(2) Il fut élu par l'armée, dans laMesie, aussitôt que Fon sut que Decius avait perdu la vie dans le combat contre les Gots. Son élection ne se fût ças faite tran- quillement si la peste ne l'avait pas promptement déli- vré d'Ostilianus son collègue, et peut-être de Perpenna (Victor, Epitome 7 ch. XXX). On peut croire que l'épi- graphe en deux langues, nouvellement découverte dans la Sicile, appartient a l'histoire de ce Perpenna ; et sui- vant 1* manière dont elle est écrite., elle ne paraît pas

s54

doit son prix et a la matière et au sujet ; car on ne retrouve pas, hors les médailles, d'autre monument de cet empereur, dont le règne fut si court et si obscur (1). Sa ressemblance est extrê-

être des meilleurs temps. En voici la copie telle qu'on me Ta envoyée; avec ses lacunes et ses incorrections:

. . . PgRPgNNAROMAN .. . . .... NCGRÏiSP . . SYRAC . . .... nMNHOYflPAniAgCCl . . CPHKOClO>NTOASACT . . . K AM AT iO N A H g UN g T C . KAIC . . . KgNIAÏOtCOPHN TOïN g KAAAIN g HNMg N AN a CTHC ANOOÏ APICT . . £lKONATHCCO$IHCAg KAIglNCTHegCClNsXOï CglN .

Dans les deux premières lignes latines on trouve le non* de Perpenna ; et peut-être celui du Se'nat et du peuple de Syracuse. Le titre de Romain que Ton donne à la per- sonne à laquelie l'inscription est dédiée, paraîtra moins extraordinaire si on se rapporte à cette époque qui pourra a peine faire excuser Ve^VŒStV pour e^VaiVj erreur ma- nifeste de l'original. Quant a l'epigramme grecque je crois qu'on peut la corriger ainsi autant que possible d'après les traces des lettres effacées.

ìleprtqpvy eitpa%idemi ^vpr^eomQV rô9§ âcrrv Ei xa^idrov àv67vvev(7£ geai eiïpanev eiapoç ôp^v Fïovv£xa Xaïvè^v^ {ih dvear^o'ap^ âpiaroi limava* rtfç cropi^ç naï èv <r%ri%£0'(nv e^vtriP.

(0 L'écrivain qui a parlé du buste du Capitole attribue

<*55

ment frappante, et généralement en confrontant ses traits avec ceux que nous ont conservé les médailles romaines. On y retrouve même ces dé- tails accessoires qui peuvent attester la vérité des portraits, comme par exemple la barbe épaisse, coupée plutôt que rasée , selon la mode que nous voyons avoir été adoptée à cette époque : elle couvre les joues en entier, presque sous les yeux, comme nous le voyons aux têtes de Trebonia- nus sur les médailles. Les cheveux paraissent non-seulement courts , mais rasés selon ce qui se pratiquait dans ce siècle. Il existait autour de la tête quelque trace de la couronne impériale de laurier, qu'où a depuis restaurée. 11 paraît que Valérien, que Trébonianus avait élevé aux premiers emplois, étant parvenu à l'empire en le vengeant cTEmilien , le fit placer au nombre des Dieux (i); ce qui ayant mis sa mémoire eu honneur , a pu aussi contribuer a ce que son, portrait nous parvint*

à Trébonius Gallus convient que les cheveux ne sont pas arranges selon l'usage de ce temps ( Musée Capì t. , t. II, pl. LXXV); et quiconque est versé dans la science nu- mismatique s'apercevra facilement que les traits ne sont pas ceux de Trébonianus. Comme il est couronné de lau- riers 7 on a voulu absolument le donner pour un empe- reur ^ mais cette couronne était également particulière à plusieurs pontifes y par exemple aux Quindecemviri , et on pouvait en recompenser aussi la bravoure militaire.

(i) Voyez Tillemont , Hist. des Empereurs, tome HI; Gallus ? an. a.

^56

Le buste vêtu du paludamentum , sur lequel on voit que cette tête a été adaptée, est un reste fort riche de l'ancien luxe des arts \ car il est tout massif, d'un morceau d'albâtre oriental à veines roses et de couleur d'or , de sorte qu'on le prendrait pour une très-belle étoffe*

Le travail de la tête est fait avec beaucoup de soin et montre quelque étude du vrai. Ce- pendant les contours sont bien loin de nous don- ner une grande idée du talent et du génie de l'artiste. Il faut attribuer ala matière plus facile au travail , cette manière qui paraît moins se- che dans ce buste de bronze que celle que nous avons remarquée dans la précédente tête de por- phyre , quoique toutes peuvent être regardées comme contemporaines.

PLANCHE LXI.

CORBULON *.

Le dernier portrait que nous donnons de ces bustes d'empereurs que nous venons de publier est celui du plus fameux capitaine qui com- manda les armées romaines sous le règne de Cé- sars. Domitius Corbulon, vainqueur de l'Orient et de l'Occident, après avoir dompté les Bel- ges, ensuite les Arméniens et les Parthes, sou-

* Hauteur, avec le piérìouche; deux palmes; deux onces, en marbre grec.

tien de l'empire chez l'étranger tandis que la tirannie de Néron désolait la capitale et souil- lait son palais, est, a ce que je crois, celui que je puis indiquer, pour la première fois, repré- senté dans cette image sévère et expressive que les antiquaires ont communément jusqu'à présent désignée sous le nom de Marcus Brutus qui tua César.

Le sculpteur qui a cru devoir changer en une demi-figure la belle tête pareille qui est dans le palais Rondanini , ou qui que ce soit qui a di- rigé cette restauration , frappé sans doute de la sévérité qu'on voit dans cette physionomie, a cru y reconnaître ce célèbre conjuré , dont le stoï- cisme priva Rome de celui qui était digne de la gouverner en maître (1). Quoique les médail- les rares qui nous ont transmis l'éffigie de Bru- tus nous montrent une physionomie semblable, seulement par la disposition des cheveux et dans les traits supérieurs jusqu'au front, celle ci est entièrement différente dans le nez, dans la bouche et dans le menton. On était trop sa- tisfait de posséder une image si fameuse pour se donner tant de peine à rechercher la vérité. En effet on regardait même dans le Musée Pie- Clémentin ce marbre comme un portrait de Bru- tus , et si on ne l'a pas vu dans ce volume à

(i) Ce monument fut publié par M. Guatlani dans ics Notìzie d'antichità e belle arti ; pendant l'armée 1 ^ mai , pl. IV.

Musée Pie-Clém. TI. rn

258

la place de ce républicain, c'est parce quem'étant proposé de porter sur les dénominations données aux têtes antiques un examen critique plus exact que celui qu'on a fait jusqu'à présent, j'avais re- jeté par ces motifs cette belle tête parmi celles inconnues que je publierai aussi dans l'appendix.

Les fouilles de Gabi Jonnées par le prince Borghese ont fourni des lumières, que personne sans cela ne pouvait se promettre, pour faire connaître le sujet représenté dans de tels por- traits , et c'est ce qui a fait ajouter ce dessin à la fin de ce volume. On a trouvé dans ces fouilles deux têtes semblables à celle-ci. L'une d'elles devait avoir été adaptée à une statue ; l'autre, dont le corps est antique, forme un buste, qui était placé dans une niche de l'intérieur du temple qu'on avait dédié dans ce lieu à Domi- tie fille de Corbulon, et à boute la famille de cette impératrice (i).

(i) On trouvera ici l'inscription très-érudite trouvée dans Gabi , laquelle est gravée en beaux caractères sur la frise et sur les faces d'un épistyle en marbre grec , long d'environ seize palmes, et de qualre de haut. La copie est donnée exactement, avec la même ortographe et les mêmes erreurs de l'original, à la planche LXII. Voici ce qu'elle présente:

IN HONOREM MEMORÏAE DOMVS DOMI- TIAE AVGVSTAE CNeiï DOMITI CORBVLON1S

FVUae DOMITI POLYCARPVS ET EVRO- PE LOCo DATo DECRETO ORDINIS DECV- TXïonum : AEDEM

a5g

Cette circonstance m'a donné lieu à proposer cette opinion. Le portrait dont il est question est

FECERVNT ET EXORNAVERVNT STATVIS ET RELIQVISREBVSPECVNIA-SVAEIVSDEM

QVE TVTELAM IN PERPETVVM REIPVBLl- CAE DEDERVNT SVB INSCRIPTIONE INFRA- SCRIPTA

IMPeratore C/ŒSare Tito AELIO H ADRIA- NO • ANTONINO AYGusto PIO III Marco AE- LIO • AVRELIO GAJESaré COnSulibus Villi Ka- lendas M AI AS IN MVNICIPIO IN CVRIA AE- LIA AVGVSTA SCRIBVNDO ATFVIT "VNI . VERSVS ORDO

DECVRIONVM REFERENTIBVS Lucio VIPSTA- NO Lucii Filio CLaudia PVBLICOLA MESSAL- INA • Lucio SETRIO Lucii Filio VALatina PRI- SCO • ÏÏÏÎ V1R« QuinQuennalibus CNeium DO- MITIVM POLYCARPVM NOMINE SVO ET . DOMITIAE EVROPES CONIVGIS SVAE

OFFERRE ORDINI DECVRJONVM_- ET SEVI- RVM AVGVSTALIVM HS X. M. N. ( Scstertium Decsm. Millia Nummum ) ; QVI IAMPRIDEM EX- TRVXISSET TEMPLVM IN HONOREM AC MEMORI AM DOMITIAE CORBVLONIS FILwe ET HOC PIETATIS SVAE AD FECTV

EXORNET ET MELIOREM FACIAT ORDI- NEM Nostrum SINGVLIS ET IAM VNIVERSIS QVE PRODESSE FESTINET AT QVOS EX REDITV EIVS PECVNIAE FRVCTVM SEM- PER DESIDERET PERVENIRE CONFVGIEN- DO AT

AETERNAM REM PVBLtcam ÏSostram PE- TENDO VT SECVNDVM EXEMPLVM CODI- CILLORVM CLaudii VITALIS STIPVLA.TIONE INÏERPOSITA : DESIDERIO SVO : TALIS CON-

2ÔO

certainement un portrait de romain , comme le prouve l'arrangement des cheveux. Il appartient

DICIO DECERNERETVR VT EX REDITV ElVS ; PECVNIAE

III IDVS FEBRARi^ NATALE DOMITIAE PRAESENTIBVS DECVRIONIB«.j ET SEVIR* DISCVMBENTIBVS IN PVBLICO AEQVIS . POR- TIONIBVS FIERET D [VIS IO ITEM HOC AM- PLIVS IN TVTELA ET ORNATIONIBVS

TEMPLI IIS V. M. N. ( SestertMm, quinque Mil- ita Nummûm ) SVB EADEM CONDICIONE IN- FERRET Quid De Ea Re Fier* . Piacerei De Ea Re Ita Toti Censuerunt

PLAGERE VNIVERSIS SECVNDVM RELATIO- NEM SupraScriptam PECVNIAM ACCIPI- PRAE- STARIQVE IN PERPETVVM VT CELEBRA- RETVR NATALIS DIES AC MEMORIA DO- MITIAE • CORBVLONIS FILïVze ET EX REDI- TV • IIS X. M. N. ( Setter tiûm decem millia num- mûm )

DIVISIONIBVS FACTIS DISCVMBERETVR IN - P\BLico ET SI VLLO TEMPORE - OTERMIS- SVM ESSET QVOMINVS PRAESTARETVR IT QVOT ORDO DECREVISSET AVT SI ORDO-' RESCIDISSET DECRETVM

SVVM MVTASSETVE CONDICIONEM TVM OMNIS SVMMA QVAE IN H ANC REM AC- CEPTA • ESSET EADEM CONDICIONE MVNI- CIPIBVS TVSCVLANIS CONFESTIM RENVME- RARETVR

HOC DECRETVM POST TRES RELATIONES PLACVIT IN TABVLA AEREA SCRIBI ET PROPONI IN PVBLICO VNDE DE PLANO RECTE LEGI POSSIT.

Cette inscription e'tait soutenue par des pilastres canne-

2&1

même très-probablement au premier siècle des Césars ; puisque l'ajustement de la chevelure était

lés, et servait d'architrave à la porte par laquelle on en- trait dans cette chapelle ? Sacrarium y de la famille de Corbulon. Le troisième consulat d'Antonin le Pieux avec l'empereur M. Àurèle son collègue, nous donne pour épo- que du monument Tan de l'ère vulgaire i4o. On doit re- marquer que la curie où. se réunissait Tordre Gabiniea est appelée Aelia Augusta \ et de ce nom nous pouvons en inférer qu'Adrien fut un des restaurateurs de Gabium> d'autant plus qu'il y avait peu de distance de sa "Villa Tiburtine à ce municipe. En comparant les passages des auteurs qui parlent de cette ville comme déjà détruite dans le premier siècle de l'empire (ces passages sont presque tous réunis dans le Latium de Volpi ? tome IX7 liv. XYIÏ ) : et se reportant à l'époque de son rétablisse- ment , et aux effigies d'empereurs découvertes sous les ruines 9 on formait une conjecture que je soumets au ju- gement des lecteurs. On apprend dans l'épître XV du liv. I d'Horace, et par son scoliaste Acron au même lieu ( je le rapporte ici ne l'ayant pas trouvé dans le Volpi ni dans Cluverius); que les eaux minérales de Gabium, dont il jeste encore quelque veine ; servaient pour les tains froids , et qu'elles étaient recommandées pour cet usage par Antoine Musa ? le célèbre médecin d'Auguste de sorte que cela déplut aux habitans de Pozzolo et de Baje qui voyaient diminuer le nombre de ceux qu'atti- raient leurs eaux thermales. Voici les passages : s . . . . . . . Nam mihi Bai as

Musa supers amas Antonius 9 et tamen illis Me facit invisum 7 gelida quum perluor unda Per medium frigus. Sane myrteta relinqui 7 Dictaque cessanthh nervis elidere morbum Sulfura contemni 7 vicus gémit ; invidus aegris 7 Qui caput et renés supponere fontibus audent Clusinis, QABIOSOVE PETUNT , et frigida rara.

262

différent sous Adrien, et qu'on commençait à en- tretenir la barbe» Les cbevelures courtes et re-

Ainsi s'exprime Horace -, et le scoliaste dit : Clusinae et Gabiae aquae frigidae sunt. Il croyait donc que la ré- putation de ces eaux, et la mode même qui a tant d'in- fluence en médecine , commençaient dès ce temps à at- tirer un concours à Gabium, et à mériter pour cet en- droit l'affection de quelque grand , de sorte que îa po- pulation ; dont il existait un commencement du temps d'Horace même ( lîv. Il , ép. II , v. 3) , venant à s'augmen- ter, et les e'difices s'étendant en même proportion, cette ville fut en état d'être rappelée par Adrien à toute la splen- deur convenable à un municipe florissant. Il est vrai que Juvénal? qui écrivait sous Domi t ien, traite encore Gabium, dans plusieurs passages , comme étant un lieu pauvre et peu populeux (bien qu'il ne le dit pas absolument rien7 comme nous l'indique Properce, liv. IY , él. I, v.34):

Et , qui nunc nulli, maxima turba Gabi. Malgré cela on découvre dans ses vers que le concours aux eaux de Gabiurn s'était accru excessivement, puisqu'il compte parmi les moyens de s'enrichir, que sont con- traints d'employer les hommes de lettres , assez générale- ment négligés par le souverain , celui de se rendre fer- mier des fours à Rome ou des bains à Gabium , sat. VII, V. 3:

Quum iam célèbres notique poetae BALNEOLUM G ABUS 7 Romae conducere furnum Tentarent.

Si dès le temps de Domitien c'était un moyen de faire fortune que de tenir à son compte un petit bain a Ga- bium, il faut convenir qu'ils devaient être très-fréqu en- tés ; et si Juvénal parle dans un autre endroit avec mé- pris des Gabiens, c'est peut-être parce qu'ils n'avaient pas encore obtenu les honneurs du municipe , et sans doute aussi pour imiter les satyriques qui l'avaient pré-

265

pliées sur le front se voyent avec peu de dif- férence dans les portraits romains du temps de Jules et d'Auguste jusqu'à celui de Trajan. En outre les portraits de tous les plus anciens ré- publicains sont trop rares, et il me semble par conséquent qu'ils ne peuvent avoir lieu dans cette discussion. Il faut ensuite observer que ce portrait ne représente personne qui ait ap- partenu à des familles régnantes 9 puisque nous trouvons dans les médailles leurs effigies, au moins celles des personnages qui parurent avec plus d'éclat dans l'empire. 11 sera donc assuré que c'est le portrait d'un Romain célèbre de ce siècle ^ et en exceptant Agrippa , Mécène et Sénèque , dont les portraits sont bien connus , le choix retombe sur très-peu d'autres, puisque aucune de ces images n'étant connue sous la forme d'her-

cédë, principalement Horace, ceux-ci n'oubliant jamais les Gabiens lorsqu'ils voulaient parler d'un château abandonne'. Il est à remarquer dans l'inscription que Do- initia, dont les affranchis Polycarpe et Europes ont dé~ die' ce lieu en son honneur et celui de sa famille , en l'ap- pelant imperatrice , mais non femme de Domitien ; y sub- stituèrent , comme plus glorieux , le titre de fille de Cor- bulon ; nom que Dion seul nous avait appris alni don- ner. Ce qui arriva peut-être parce qu'elle avait e' te' con- damnée au me'pris à cause de Domitien: ou parce qu'elle ne s'était pas disculpe'e d'avoir eu part à la conjuration con- tre son e'poux; comme l'ont dit quelques écrivains , ce que paraît confirmer cette re'ticence. La copie que nous admet- tons (planche LXIl ) rend fidèlement l'original jusque dans les singularités de l'orthographe, dans la ponctuation et dans les erreurs*

2Ô4

mès, il paraît que nous devons supposer que le sujet eut une célébrité littéraire. Maintenant nous voyons que ce portrait se trouve à Gabium , et ce qui est à considérer , dans un lieu consa- cré à la mémoire de Corbulon , de plus se vo- yant répété dans un autre simulacre de ce mu- nicipe , qui paraît avoir été augmenté et comble de bienfaits par les familiers de sa fille; combien donc acquiert de probabilité l'opinion que ce Ro- main représenté soit Gorbulon. Celte image peut provenir du siècle dans lequel il vivait , par les motifs que nous avons donné ci-dessus, parce qu'il se distingua plus que tout autre parmi les cito- yens, et qu'il parut d'abord, par la sévérité de ses moeurs , et par la gloire de ses diverses con- quêtes, faire revivre en lui les Paul-Emiles et les Scipions (i).

Si l'on vient après à réfléchir que ce buste de Gabium ait appartenir absolument, par le lieu il était placé, à un parent de très-près de Doraitia , que ce même buste nous repré- sentant un personnage, duquel nous avons retrouvé au moins cinq autres portraits (2) , doit néces- sairement nous offrir l'image de quelque homme

(1) Tacite, Annal. , liv. XIV, chap. 58; dit Corbu-

lon : Si clari atque insont es interficerentur praecipuum ad pericula.

(2) Un autre buste de Gabium dont il a e'te' parlé ; le notre, celui de M. le marquis Rondanini, et plusieurs autres qui ont passé par les mains de M. Gaviti Hamil- ton , et qu'il transporta en Angleterre.

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célèbre; que la famille de Domitia , differente de celle des Enoharhus, ne peut se glorifier d'aucun autre personnage historique que Cor- indon, et qu'enfin celui-ci florissait dans un temps auquel peuvent convenir toutes les particula- rités à remarquer dans ces portraits, la conjecture acquiert plus de probabilité. Cet air dur delà physionomie qui a servi à faire donner à ces têtes le nom de Brutus , concourt à confirmer r opinion que nous venons de proposer. La sé- vérité de Corbulon fut autant remarquable que ses talens militaires , que son courage , et que son bonheur (i).

Si Ton pense que des inductions puissent mener a la vérité , nous aurons découvert avec satis- faction l'image d'un homme peut-être le plus

(i) Tl est bon de placer entièrement ici un passage de Tacite, Annal. } XI ; 18; Feruntque militem 7 quia valium non accinctus j atque alium 7 quia pugione tantum accinctus foderet ? morte punitosi quae nimia , et incertain an falso iactata vel aucta ; originem tamen e sementate ducis tra- xere ; intentumque et mugnis delictis inexorabilem scias > cui tantum asperitatis , etiam adversus levia credebatur. Cette sévérité qui fit ressortir davantage le caractère guer- rier de Corbulon 7 eût été une tache à sa réputation si le sort l'avait destiné aux emplois civils. En effet dans îa commission que lui donna Tibère 7 ou? selon d'autres, Caligula; de se faire rendre compte des travaux et des dépenses faites pour les routes de l'empire, sa conduite fut si dure et si indiscrète , qu'il parut avoir plutôt pour but de perdre une quantité do particuliers que l'utilité pu- blique. Tacite , Anna7. Ili- f 5i \ Dione? h 5q.

^66

remarquable et illustre personnage dont parle l'histoire des empereurs. Il avait écrit, à l'imi- tation de Xénophon et des Césars , ses propres mémoires; et différens passages de Pline et de Tacite nous préviennent très-favorablement sur la sincérité qui régne dans cet intéressant écrit (i).

Le travail de cette sculpture est d'un style excellent j il n'est pas extrêmement soigné, mais il ne manque ni de correction ni de morbidesse.

(i) Pline le cite dans Yindex du V livre et du VI j eu outre encore dans le VII, § 4 > °ù il nous apprend que Corbulon était frère utérin de Cesonia épouse de Cali- guîa ; et qu'il avait obtenu le consulat ; dans le VI liv. aussi 5 , il veut ; je crois ; parler de Corbulon ? en citant 7 comme il dit, les me'moires : eorum qui in Armenia res pret- erirne cum CorbuLone gesserei sorte d'expressions qui équi- vaut, selon moi, a la manière grecque ftepï Kop~ fiyXôva Vossius dans le I liv. , ch. 25 , de Histor. Latin. , fait mention de Corbulon , et le trouve cite' par Tacite lui-même dans le XV liv. des Annales des écrivains dont parle Sénèque le philosophe ; compilé par Barlius , et insére' dans la Bibliotheca Latina de Fahricius; on y lit le nom de Coibufon,

2ÔJ

INDICATION DES MONUMENS CITÉS DANS LE COURS DES EXPLICATIONS et qui sont représentés dans les deux planches suivantes A et B.

PLANCHE A.

T. A. I , num. T. est le dessin du très-beau buste d'Alcibiade qui appartient à monseig. An- tonio Despuig. La ressemblance des traits avec le portrait qui porte une épigraphe , que nous avens citée à la planche XXXI, est parfaite dans toutes ses parties; la seule différence c'est que le buste par son travail est infiniment supérieur à l'hermès. Ce célèbre Athénien est ici représenté haranguant; et même il semble vouloir exciter et gouverner par son éloquence séduisante les passious elles opinions du peuple d'Athènes. Son vêtement se compose de sa tunique et du pallium, selon Tu- sage civil des Grecs, et principalement des Athé- niens. Mais ce que l'on doit remarquer , c'est la modestie de ses gestes , ayant le bras des- sous son manteau , selon certaines règles de dé- cence, qui furent constamment respectées par les orateurs de cette république jusqu'à la guerre du Péloponnèse, règles qu'Eschine rappelle en ac- cusant Timarque , et se plaignant 'qu'on corn-

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xnençait déjà à les négliger. On désignait cette attitude par la phrase : ëf® tiqv ùéysiv :

pailler avec le bras dessous. Eschine, pour con- firmer l'antiquité et l'autorité de ce style, em- ployé une preuve que nous dirons propre à un antiquaire, alléguant le simulacre de Solon à Sa- lamine, représenté précisément avec ce geste. Vo- yez le passage entier d'Eschine in Timarcum, page 5 2 de l'édition de Reiske, et la belle note qu'y a ajouté Taylor.

On a d'autres exemples de bustes qui ont une main , quoiqu'ils soient fort rares. Il y en a un dans la salle des Miscellaneae du Musée Capi- tolili. Le même prélat qui possède l'Alcibiade, conserve aussi un buste de Faustine Majeure ayant sa main enveloppée de sa palla ou man- teau. On voit un autre buste de Faustine Mi- neure , avec la même particularité chez S. Em. M. Braschi, neveu de S. S., trouvé dans ses fouilles sur l'Esquilin.

T. Â. I , num. 2, 2. Ce dessin nous offre la grande médaille rare et érudite de Caracalla , dont on a parlé dans les notes à la planche LV. Le côté est représenté le buste de l'empe- reur couronné et ayant l'épaule droite couverte du paludamentum , avec son épigraphe :

AYT. KAI. M. AYP. ANTÛNEINOC CEB

Imperato/* Caesar M. Aurelius Antoninus Augustus

n'a rien de remarquable, ni de difficile à expliquer, excepté qu'on devra remarquer l'union peu or-

269

dinaire des lettres AI, à cause que c'est de pa- reille liaison que dépend toute la difficulté de l'épigraphe du revers , qui est la suivante :

AAlATErYMNACIAPXHCrAlNEGHKEN :

et dans l'exergue ;

AAOAIKEûN NEOKOPÛN;

les lettres TE et MN sont jointes ensemble, il n'y a aucune distinction entre les mots et les abbréviations. Je la lis ainsi Lucius Aelius Tertullus ( ou tout autre prénom commençant par TE) Gjmnasiarches tertium dicavit. Lao- dicensium Neocorum.

Comme les lettres sont petites , à cause de la longueur de l'inscription , quelques-unes liées entre elles , et presque toutes d'une mauvaise forme et peu distinctes, comme cela arrive sou- vent } dans les médailles grecques impériales * spécialement dece siècle, par cette raison, et peut-être aussi à cause du peu de conservation d'autres médailles semblables, les antiquaires qui les ont fait connaître, se sont écartés de la vé- ritable leçon, et également du sens de l'épigra- phe. De-Boze qui l'a décrite dans une de ses dis- sertations sur quelques médailles de Smjrne , qui est dans le tome XVII de ï Académie des In- scriptions , p. i3, la lit ainsi A. AIA. ïïirPHC ACIAPXHC P. > etc.- Lucius Aelius Pigres Asiar- che s tertium r, etc. Pèlerin qui en a publié une autre dans le tome I de ses Mélanges, etc., pour servir de supplémens 1 etc.? page 70, a observé

.270

-combien mal k propos De-Boze a cru trouver un Asiarcha, et encore plus pour la troisième fois, sur une médaille de Laodicce de Syrie, à laquelle ville tous le rapportent unanimement et avec raison. A cet effet il ajoute une seconde leçon que De-Boze lui même a pensé qu'on pou- vait emprunter d'une autre médaille semblable, leçon qui n'est pas plus plausible que la pre- mière :

A. AIAN, rûTAM APX. MEr. ec Lucius Aean. Gotam. Pontifeoc Maximus, etc.

Personne ne s'était rappelé ce titre de Gymna- siarches , qui seul explique l'énigme que ren- ferme cette légende. Ce titre n'avait pas été, à la vérité, remarqué jusqu'à présent sur les mé- dailles , mais il est commun cbez les écrivains, et sur les inscriptions grecques ( voy. aussi Van- Dale , Diss. Vili , de Gymnasiarch. , ci). L'u- nion de l'M et de l'N est le seul embarras qui se présente en la voyant sur les médailles, mais du reste elle est claire et évidente. Il ne faut pas tant s'occuper de l'autre liaison TE dans le sur- nom Gymnasiarques, et quoique de pareilles ab- bréviations dans des noms propres, qui ne sont pas ordinaires, soient contre les bonnes règles, il y en a cependant une quantité infinie d'exem- ples sur les médailles grecques impériales, l'on trouve par exemple H0GEI& , incertain en- tre Possidonius et Pausidippe, CAA/V, douteux entre Salluste et Sailius, comme le lit Vaillant,

27*

et ce qui est plus encore MÀPKOC C, que le même antiquaire a pris plaisir à interpréter en y suppléant , par Marcus Severus. L'épigraphe ainsi fixée , il ne sera pas difficile de reconnaître sur le revers l'empereur lui-même qui ne dé- daigne pas de remplir dans le gymnase de Lao- dicée les fonctions du Gymnasiarque , et de cou- ronner de ses mains les lutteurs de la palestre, étant placé devant une petite chapelle sur le suggestioni ou tribune élevée peut-être expresse- ment pour cette fonction au milieu de l'enceinte de ce gymnase. Ses gardes prétoriennes sont ran- gées autour de lui , armées de lances et de bou- cliers, tandis que d'autres personnages ornent de guirlandes l'entrée de l'édifice, comme c'était l'usage pour les grandes solemnités. Le Gymna- siarque Lucius Elius consacra dans cette grande médaille le souvenir d'un si heureux événement ; de-là vient que la phrase ANE0HKEN fut em- ployée dans les donaria et sur les monumens.

Le savant abbé Tanini, auquel nous sommes re- devables d'un appendix important ajouté a Ban- durius, ayant enrichi de cette grande médaille sa collection, qui, par le nombre , le choix et la ra- reté des médailles ne le cède à aucune autre en Italie hors celles qui appartiennent à des sou- verains et à des princes , m'a fait l'amitié de me permettre de la faire dessiner avec soin pour la placer ici.

T. À. II , num. 3. Yoici la rare et très-belle patere qui fut jadis dans le Musée Oraziani à

2*]2

Pérouse , et qui appartient à celui du cardi- nal Borgia établi à Velletri y riche surtout de monumens grecs et romains, mais aussi d'égy- ptiens, ou qui ont rapport à toute autre érudi- tion étrangère. 11 en a été question dans l'avant- propos de ce volume à cause de la protome sup- posée , ou demi-figure de Junon que Passeri y a reconnu, et en cela il a été suivi par l'abbé Lanzi. Le premier a expliqué cette patere à sa manière dans le Musée Étrusque ( t. III, part III, pi XIX) ^ le second a reproduit cette explica- tion dans son bel ouvrage sur les Lingue an- tiche d* Italia (t. II, page 212). J'ai eu dans plusieurs endroits de mes discours, l'occasion de parler des sujets représentés sur quelques- unes de ces patères, qui forment une portion fort importante et savante de l'antiquité figurée, et peut-être la principale de cette antiquité qu'on appelle Etrusque , en raison de la réunion des épigraphes avec les types. S'il m' arrive d'être quelquefois, dans ces dissertations , d'un avis différent de celui de mon très-savant ami l'ab. Lanzi, je proteste que je ne cesse cependant pas de lui accorder toute l'estime que mérite son in- génieux ouvrage. Il a été le premier qui ait ou- vert le chemin , au moyen duquel on pouvait arriver à l'intelligence le plus possible de ce qui appartient aux Toscans : et outre la difficulté de la matière , il a combattre tous les préju- gés répandus depuis long-temp dans cette étude par ceux qui l'y avaient précédé. Mais , tout

273

occupé à fixer les méthodes générales , il n'a pas pu tout de suite apporter toujours le même soin aux applications particulières , d'où il peut arriver que d'autres en suivant ses traces , et s'attachant à ses doctrines, s'égarent dans quelques opinions qui auraient un point de vue plus proche de la vérité. Dans la revue très-difficile de l'antiquité figurée, qui vient naturellement se placer dans mes dissertations , j'ai souvent été d'opinion contraire à Winckelmann, et je me flatte que plus d'une fois j'ai rectifié l'expli- cation de son sujet. L'abbé Lanzi lui-même, a bien voulu reconnaître comme plus probable mon opi- nion sur quelque monument qu'il avait expliqué avant moi ; car il était persuadé que si je com- bats son idée , c'est uniquement par amour pour la vérité, et jamais par l'envie de le rivaliser. (Vo- yez son Catalogo di correzioni ed aggiunte^ t. II, à la fin , page 197 ).

Peu d'autres monumens étrusques nous offrent aussi clairement comme le présent les noms ces sujets qui sont représentés dessus : fljqYf . ^ J^tf $#N^1 •' Pelias , Neleus, Tjria pour Tjro indi- quent, dans les deux figures déjeunes gens nus, à la manière héroïque et armés de lances, ces deux fils de Neptune, réputés de Crétliéus, qui ayant reconnu Tyro leur mère, apprennent d'elle les cruels traitemens que lui a fait supporter sa beile-mère Sidéro , et ils s'apprêtent à en tirer vengeance. La quatrième ligure décrite comme un protome , pla- cée sur un autel rond, n'en est pas un absolu- jtient, puisque les plis de son manteau descendent

Musée Pie-Clém. Vol. VI. i&

2 7 4

jusqu'à terre , et que l'autel est plus petit qu'il ne faudrait pour le soutenir. Elle-même laisse voir une main enveloppée dans son manteau , particularité peu commune dans les bustes et les protomes. La fable conduisait facilement àia véritable intelligence de cette figure ; c'est Sidéro l'épouse de Salmo- née , belle-mère de Tyro, réfugiée, comme l'indi- que Apollodore ( I , c. g , § 8 ) et d'autres , au- près de cet autel même de Junon , elle fut mas- sacrée inhumainement sans égard au respect re- ligieux dû aux supplians et à l'asile sacré des au- tels 5 par les fils de sa belle -fille qu'elle avait per- sécutée. Nous examinerons le mot 3Q3J8 écrit sur ïa cimaise de l'autel, mais avant il faut observer une circonstance qui se trouvait dans la tragédie de Sophocle intitulée Tyro, tragédie qui est per- due, mais dont on a conservé çà et quelques fragmens , que l'on peut voir dans l'excellente édi- tion de Brunct. Le serpent qui paraît ramper au- tour de cet autel, et que Passeri a cru être un de ces serpens sacres que l'on trouvait, ou que l'on supposait être dans les temples de quelques divi- nités, comme de Minerve à Athènes , d'Esculape à Epidaure, et de Junon de Lanuvium i ce serpent, dis- je, était expressément indiqué dans Sophocle, com- me Rapprochant de la table sacrée irpôç t^v rpd- ïïeÇav (pda^QP fàfkomÀfiÀvSémt top iïpâxovra: c'est ainsi que s'exprime Athénée en parlant de cette tra- gédie (liv. XI, ch. 7). Uue telle correspondance , qui fait voir positivement la liaison qu'avaient les ou- vrages d'art exécutés en Italie avec les fables et la

poesie grecque, qui me paraît encore pius remarqua- ble dans des particularités aussi légères , et qui ne sont que des accessoires, m'autorise à soupçonner que le vase que Tyro tient suspendu dans sa main gauche n'est pas seulement une situla pour por- ter de Peau servant aux cérémonies du sacrifice, mais plutôt le seau, ou <rjea(pri , ou (rxâcpoç, dans lequel Tyrô avait exposé ses jumeaux, et qui lui servit h les reconnaître , selon le moyen d'opérer cette reconnaissance que Sophocle avait employé dans sa tragédie ; reconnaissance ti ès-vantée, et dont parlent souvent les anciens grammairiens, et Aris- tote lui-même dans sa poétique, chap. 16, tous faisant mention de ce vase qui semble être passé , après cette tragédie, en proverbe dans la Lysistrata d'Aristophane ( v. i58). On pourra peut-être élever des doutes sur la conjecture que je viens d'avan- cer, a cause de l'idée différente qu'on se sera faite de ce récipient appelé scaphe que nous voyons sur le bas-relief du Parthénon d'Athènes dans l'ou- vrage de Stuart , tome II , ch. f , pl. XXL II y est porté sur les épaules par ceux qu'on appelait Sca- phéphores , d'une tout autre forme , mais parfaite- ment semblable à celle de nos esquifs. Mais le mot lui-même signifiait deux objets bien différens , se- lon qu'il était employé pour un vaisseau long ou rond ; et si celui que nous voyons dans les bas- reliefs du Parthénon est la scapha {miepà, ou lon- gue , selon la distinction de Pollux ( Onom. , liv. X, n. io3 ), le grammairien lui-même nous apprend que la scapha VTp'ùfyvXri ou ronde, avait pré-

cisément la forme d'un mortier (rqv nat Sveiav k l iïveiBiûv eÎTToiç rv } C'est la forme du vase que porte Tyro dans notre patere. Que ces sor- tes de vaisseaux fussent ordinairement connus sous le nom de scapile, cela est démontré par la mé- taphore du style comique , par laquelle on comprend la tête humaine dans le mot irxâtpHM , scaphium, et par la forme même du vase que les Latins ont pius communément désigné par leur mot sca- phium. Si mon idée est accueillie , nous recon- naîtrons sur notre potére la représentation du mo- nument qui suit la reconnaissance dans cette fa- meuse tragédie., la mère ayant reconnu, par le seau qu'elle tient encore dans sa main , les deux jeunes gens pour ses fils r elle leur raconte ses malheurs, et sollicite leur vengeance contre sa cruelle belle-mère , laquelle s'emparant de l'autel de Ju- do n , son unique et dernier refuge , s'y tient attachée , pleine d'inquiétude et paraît dominée par la peur.

Arrivant à l'examen du quatrième mot qui est écrit sur la parère , ou plutôt même sur l'autel , 3Q3JS ? mol qui a fait proposer beaucoup de sa- vantes conjectures par i'abbe Lanzi (tome II, pa- ge 480 ), et dans l'index x , les dites conjectures cependant par leur diversité et par la différence des sources d'où il les dérive , montrent qu'il avait lui-même beaucoup de doutes sur ce mot), je crois nécessaire de m'appliquer à la marche et à la méthode qui ont paru jusqu'à présent les plus plausibles pour la recherche du véritable sens des inscriptions étrusques On a cherché celles qui avaient des rapports avec les sujets de quelques monti-

mens d'art* on a ensuite examiné si, en confron- tant les objets qui étaient liés à ces paroles , on pou- vait tirer quelque sens probable du ternie inconnu. De-ià on a recherché si ce sens qui paraissait cor- respondre à ces figures , pouvait facilement s'ap- pliquer aux particularités qui étaient dans d'autres épigraphes , et se trouvait le même mot. En- fin si cet essai, au lieu de rejeter , confirmait au contraire la première explication hypothétique , on s'occupait alors à chercher avec pius de soin dans les racines des langues grecque et latine ( un a poussé la recherche \ je ne sais avec quel avantage y jusque dans les langues orientales ) quelque trace ou racine du même mot qui pût confirmer la si- gnification déjà estimée probable. Quand tout cela a pu donner de la valeur à une conjecture, on l'a regardée comme assez bien fondée pour nous donner la signification la plus naturelle du mot in- connu. Je n'ai pas besoin d'apporter des exem- ples de ceci 5 l'ouvrage dont nous venons de par- ler en fournit assez , quoique, à dire la vérité, il n'y ait pas beaucoup de mots étrusques la réunion des trois combinaisons que nous venons d'établir, pa- raisse fort claire et sans équivoque. Comme je me suis assuré par la fable représentée sur la patère , que i'autel sur lequel on lit %Q$Jg (Phlere) appar- tient à Junon , je conjecture que Phlere esc un nom ou une épithète solennelle, et presque une anto- nomase de la Déesse même. Ce mot se rencontrant aussi dans beaucoup d'autres inscriptions éti risques, je les examine toutes , et je remarque que la si-

gnification que je lui donne s'applique à merveilles à chacune } il en est qui indiquent que le monu- ment est un voeu à Junon , comme celles qu'a ci- tées Lanzi, pages 5^5, 532 et 547. On y lira la formule Mi Phleres, Iunonis sum , ou d'autres de la même valeur. D'autres inscriptions désigneront les petits simulacres de la même Déesse qui a été reconnue par le savant abbé, comme aux pages 52 2, Ô24 et 526. Quelques-unes joindront au nom de Junon ses épithètes , comme celle on l'appelle Phlere Ilithuia ou Lucina , et l'autre plus claire encore , sur laquelle est écrit Phlere Sutura La- nuviti , savoir Iuno Sospita Lamwina ( même lieu, pages 524 et Ô26). De plus il n'en est au- cune parmi tant de circonstances particulières à quantité de monumens , qui s'oppose à l'interpré- tation proposée du mot Phlere , cette leçon restant trop incertaine , et de l'aveu du même auteur, trop conjectural le sens qu'il propose pour l'épigraphe citée page Ô2Ô, ou il voudrait retrouver un do- nariwn fait à Apollon et à Diane.

Il nous reste à présent à voir si les traces des anciennes dénominations mythologiques nous of- frent quelque secours pour donner plus de valeur à la conjecture proposée , et, à dire la vérité, ces documens ne sont ni rares ni obscurs dans ce cas-ci. Il paraît que l'antique Italie a adoré une Déesse symbole de la terre et de sa fécondité , dont les attributs étaient des fleurs et des fruits, et que de-là elle eût les noms de Phlere, de Flore et de Féronie. Cette dernière est interprétée par Dé-

379- nis d'Halycarnasse {Aut. Rom. , liv. III , § 5 a) comme la Déesse âitàwjpôpoç \ ou crveCpavr/cpópoc , <7^/ parie Zes fleurs et les guirlandes. Cette in- terpréta tion nous prouve au moins quels attributs distinguaient les images de Féronie. La Flore , an- cienne divinité des Sabins, dont parle Varron , et qu'il associa à Opis (de ling. Lut. , liv. IV , 10 )y n'était peut-être originairement que la même. Les peu- ples d'Italie , en empruntant des colonies grecques' les arts et les sciences , ayant modifié leurs super- stitions nationales d'après les doctrines théologiques grecques, il ne sera pas étonnant qu'ils ayent formé une Junon de leur divinité ancienne, qui n'avait pas une dénomination positive , comme ils ont fait de la Salvatrice de Lanuvium , de la Capra des Sabins et des Umbres , puisque la Grèce recon- naissait une Junon Anthea , A nthia , ou Florida, et lui donnait pour attribut la grenade, que nous remarquons à quelques petites statues de femmes étrusques désignées avec l'épigraphe Phlere ( Pau- sanias , liv. II, ch. 21 5 Hésichius, v. AvSfsMi )• On reconnut en effet clans Féronie la Junon Parthe- nia ou vierge des Grecs , puisque le Dieu An- ocurus ou A ocurus , que les idées superstitieuses des Volsques et des Latins lui donnèrent pour époux_, parut le même que le Jupiter jeune et encore im- berbe des Grecs ( Serviti s , ad Aeneid.^ liv. VIT, v. 800 ). Aussi voyons-nous ivno feronia dans les anciennes inscriptions ( Fabretti , p. \S 1 ). On ne voit pas de raisons plus claires et en plus grand nombre pour qu'ils ayent substitué a V ^'Hpa ( liera ) d' Argos

2$o

leur Junon. Cette Déesse était peut-être très-ancien- nement un équivalent de la jeunesse ou d'Hébé ( voy. Scaliger et Festus, v. Juventutis )3 que Ton prit ensuite pour la Déesse du printemps , c'est-à- dire de l'enfance de l'année ou de la vigueur prin- tanière de la terre fécondée , à laquelle notre Flore ou Féronie , ou Phlere , fait allusion. On pour- rait dire aussi que la Junon FLuonia de Festus fait allusion h la même. La $>lkwé , PhLoea ou Flua d'Hésychius qu'il a expliquée par Proserpine , ne s'éloigne pas trop de la même idée , autant qu'elle est le symbole de la terre , que les partisans de l'allégorie grecque ont retrouvée souvent encore dans Junon ( v. Héraclius , dllegor. Orner. , page 44^ éd. Gai.). Si d'un autre côté on réfléchit que le mot 303 J8 Phlere se peut, selon les règles éta- blies par l'abbé Lanzi , réduire simplement en H ere attendu qu'on peut employer pour aspiration tant le 8 que l' J , alors la ressemblance du mot avec le nom grec de l'épouse de Jupiter est si rappro- chée, qu'on en retire une probabilité plus forte et plus convaincante en faveur de l'opinion pronon- cée ici. Je crois donc avoir démontré , ce que je me proposais de faire , que les traces antiques de ce mot inconnu ne s'éloignent pas trop de celui qui est proposé , et qu'alors il indique une Déesse qui peut avoir eu rapport a la Hera grecque ou Ju- non. Et cela suffirait , si je ne croyais pas néces- saire d'ajouter une réflexion sur la signification de doniim, ou votanti ou sacrum, que l'ingénieux antiquaire , que nous avons cité, a voulu lui attribuer.

La place est tracé ce qu'on lit sur notre bronze , ôte beaucoup de vraisemblance à chacune des expli- cations proposées. On a voulu peut-être rapporter cela à l'autel gravé sur la patere , ou à la patere elle-même. Si on l'attribue à l'autel , rien de plus inutile , puisque sa forme et sa destination sont tout à fait évidentes, et je ne puis imaginer comment on pourrait exprimer plus clairement l'image d\ui autel qu'en écrivant simplement sacrum. 11 est fort satisfaisant de lu e à côté limoni , sans quoi on ne saurait à quelle divinité était dédié cet autel. Mais si on veut rapporter cela à la patère , l'épigraphe n'est pas moins inutile et oiseuse , puisque la fi- gure de cet ustensile indique assez qu'il est des- tiné aux choses sacrées , et la place qu'occupe cette épigraphe n'est pas plus convenable à ce sens. Les épigraphes écrites sur les patères qui ont rap- port à ce meuble sacré, et non aux sujets à sgra- fito qui l'enrichissent. , se voyent toujours constam- ment éloignées de ces objets particuliers , et gra- vées vers la naissance du manche. Il en est ainsi du mot ?îf!?Vi d'une autre patère, qu'il inter- prète %oaïç pour les libations (même lieu, p. 206), et c'est le seul exemple qu'il donne d'une inscri- ption analogue : exemple même fort équivoque , attendu l'obscurité du mot qui pourrait peut-être avoir été originalement ?J/UIVJ , Avcraiç ou /Lvowaïc , et s'interpréter par furens , et ainsi se réunir au mot 5J>|(D, Hercules , qui est gravé aussi; il expliquerait le sujet représenté qui est précisé- ment Hercule furieux. Enfin, quoi qu'il en soit, le

2$2

vrai sens de ce mot est trop varié et obscur pour en retirer quelque lumière , ou pour appuyer des- sus quelqu'induction.

Le célèbre M. Heyne, dans une de ses disser- tations insérées dans celles de l'académie de Got- tinga, a trouvé dans la grossièreté et dans le mou- vais goût des Etrusques, ou même des plus anciens artistes grecs, la véritable raison de cette quantité et variété de petits emblèmes qui couvrent souvent le fond de leurs compositions soit dessus l*s vases, soit dessus les patères de ce genre. Vouloir de ce- la adopter une signification précise et subordonnée au sujet principal à chacun des accessoires qui or- nent le fond de notre patère , comme le génie vo- lant, la tessere, l'astérisque, l'oiseau, les rubans ondoyans, etc., ce serait un travail ingrat et dif- ficile. La tête couverte d'un bonnet , pileum , ailé , laquelle fait l'ornement de la patère vers le com- mencement de son manche, paraît certainement la tête de Persée ayant le casque de Pluton ( 'AiJoç wvvtf) , comme on la voit ordinairement sur les mo- numens grecs. Mais le genre de travail de ce sgra- no, peut nous faire reconnaître aussi une image de Mercure, divinité à qui on attribuait les premiers éta- blissemens des religions , qu'à cause de cela on re- gardait comme l'interprète des supplians , et comme porteur des prières des mortels dans le ciel , par ces motifs il convenait de le sculpter sur les ins- trument servant aux sacrifices.

T. A. II, num. 4* Cette patère appartient aussi à la très-riche collection et très-bien choisie , de la-

3 85

quelle nous avons tiré le dessin précédent. Autant que je sais , elle est inédite , et elle s'accorde si bien avec la fable Homérique dont il est question dans les planches XVIII et XIX de ce volume , et elle a tant de correspondance dans quelques-unes des particularités les plus essentielles , que je crois utile de la publier ici. On y a représenté le com- bat d'Hector et de Patrocle d'une façon si con- forme au récit d'Homère , que les vers de l'Iliade expliquent les figures sans avoir besoin d'autre com- mentaire. Le poëte après nous avoir dit , qu'Apollon ayant détaché par-derrière les armes de Patrocle , et qu'Euphorbe le voyant sans cuirasse, avait cher» ché à le frapper d'un coup de lance au milieu du dos , mais que n'osant affronter Patrocle même nu, il se retira dans la foule:

ovôx' v^éf.LSive

HârpoxÀov yvjjbvov fàëp eóvr sv dfyiórtfré :

( IL n ou li XVI, v. 8i4 )

neque enim sustinuit

Patroclum nudum licet in pugna ajoute immédiatement: (Id. , vers. 8i6 et suiv. ): Udrpoxùoç <fk Seov nhijyi} xai Bvpt dafjbaoSeïç Aip erâpQV sïç ë&poç èftâ&TO m/p wke&tv&f. JLxrop ôç eîâev Uarpoxûtfa fisyd^^^iop Aip dm%a£ó{i€i/OV , ^e^X^èvov ôtjsï yaJkxô , *Ayyj(io7vòv pu ol tïXSê xarà ari^aç ovra M Bxpi Neiarov èç mveova* iïià irpo iïè y^aJknov sùacras. Aovmuxev icevov , (léya d! ^kœ^s Kaòv 9A%aiôr. Patroclus autem Bei plaga et hasta domitus Retro sociorum in agmen recede bat , mor terri evitans,

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Hector vero ut vidit Patroclum magnanimum Metro cedentem 9 vulneratavi acuto aere Prope eum venit per ordines : feriehatque hasta Imam ad ile ; penitus autem aes adegit. Fragorem vero edidit cadens , magnoque affecit

dolore populum jf.chivorum.

Voilà donc Hector armé qui a poursuivi Patro- cle , lequel presque nu et sans armes , blessé , se retirait au milieu' de ses compagnons. Le fils de Priam lui a déjà lancé par-derrière le fer qui le blessa mortellement au flanc au-dessous des côtes , et c'est précisément cette partie du corps qu'indique Homère par cette phrase petavov èç mfsòvd^ au- bas du thorax, la même que nous avons vue marquée de cette blessure mortelle dans le ca- davre de Patrocle soutenu sur les bras de Méné- las , dans un des groupes de Florence. 11 paraît que la réunion aussi parfaite de telles déterminations particulières met le sujet de ce s grajitto dans une parfaite évidence , et le rend aussi clair qu'auraient pu le faire des épigraphes qu'on y aurait ajoutées. Si ie sujet du groupe qu'on appelle Pasquin , ex- pliqué dans les discours , planches XVill et XIX , avait encore besoin d'une confirmation ultérieure, cette représentation de la patère qui va si bien d'acord avec Homère et avec ce groupe lui-même, * suffirait pour en faire valoir l'explication. On doit toutefois la placer dans le nombre des monumens qui retracent à nos yeux cet événement de l'Iliade, qui, comme nous l'avons dit, -a fourni beaucoup de sujets aux aits anciens.

285

Planche B,

T. B. I, i. J ans ces trois dessins on voit le grand autel triangulaire de la Villa Pinciana , sculpté en marbre grec, haut d'environ sept palmes, et ou sont représentés, sur deux rangs , les douze grands Dieux et neuf autres divinités. C'est Pun des plus an- ciens monumens qui nous restent des arts, et qui , par sa grandeur et par ses sujets, mérite d'être re* é comme une chose unique et précieuse. Ou peut dire qu'il est inédit jusqu'ici, puisque Win- ckelmann dans ses Monumens inéd., n. i5, en a seulement fait connaître une des faces, il a cru retrouver l'image de Junon Martiale; en quoi il a commis quelque erreur, pour n'avoir pas distingué ce qui est antique de ce qui était restauré, ces faces étant recouvertes également d'une épaisse pa- tine , et il n'a pu se former une juste idée de ce morceau intéressant. J'expliquerai , pour aller avec ordre, d'abord la bande supérieure , et ensuite l'in- férieure.

La supérieure contient douze Divinités, quatre sur chaque face. La plupart sont distinguées d'une manière certaine par leurs attributs , et comme elles sont toutes de la classe des douze plus grandes di- vinités , comprises dans ces deux vers fameux d'Ennius :

Iuno7 Vesta, Minerva , Ceres , Diana, Venus, Mars / Mer curiui, lo vi , Neptunus > V oh anus ^ Apollo;

on peut donc établir que celles en petit nombre , lesquelles, ou par l'effet de la dégradation du uio~

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nument, ou parce que dès le principe elles ont été ainsi, sont sans attributs, appartiennent également à cette classe. Nous nous en sommes assurés en ob- servant que les noms qui leur sont donnés ensuivant ce sujet, correspondent à merveille avec les au- tres particularités de ces mêmes figures.

En commençant cependant par le num. i , savoir la première figure à la gauche des spectateurs, on y reconnaît facilement Jupiter , à son vêtement , à ses traits , et plus évidemment au foudre qu'il a dans la main droite. La Déesse qui tient un sceptre, qui est voilée, placée après de lui, et se tournant de son côté , peut être reconnue pour Junon. Sans avoir d'autres symboles, l'artiste qui a représenté encore une autre Déesse sans attri- buts et avec un vêtement semblable, a cru qu'on pouvait suffisamment la reconnaître à sa place, d'au- tant plus que les douze figures sont disposées en six groupes , composés chacun d'une figure d'hom- me et d'une de femme, se regardant toutes deux , et toutes deux ayant des rapports bien connus dans la mythologie. Nous ne doutons donc pas que la compagne de Jupiter ne soit sa soeur , son épouse. Le second groupe nous offre très-clairement Nep- tune désigné par son trident , et la Déesse qu'il regarde est Cérès, comme il est démontré par les épis qu'elle tient de la main gauche. La moitié supérieure de cette figure , de même que celle de Neptune, est une restauration moderne; et par bon- heur le trident de cette figure' s'était conservé , comme dans la première un reste de la main qui

2.8?

tient les épis. Mais cependant sans eette distinction on eût encore pu reconnaître Cérès en la voyant pla- cée près de Neptune. Elle était sa soeur, fille de Saturne , comme toutes les divinités représentées sur cette bande; elle était aimée de préférence aux autres par le Dieu des mers , qui s'étant métamor- phosé en cheval, eut d'elle l'immortel coureur Arion.

T. B. H , num. 2. Ici est représentée la bande de l'autel qui se joint avec la première à la gau- che des spectateurs ; le premier groupe à la droite ne laisse pas incertain quels sont le Dieu et la Déesse qui le composent. Comme on y reconnaît Mercure à son caducée, ainsi qu'aux ailes à ses talons , on doit s'apercevoir que sa compagne est Vesta, tant parce que l'ancienne mythologie réunis- sait ces deux divinités toutes deux Propjléennes ou Vestibulaires : et elles sont par cette raison réunies dans une même hymne parmi celles d'Homère ? ( Hymn. XXVII , in Vestam et Mercur. ), et dans d'autres monumens que j'ai indiqués ailleurs (vo- yez notre tome IV , planche XLIII ) ; et aussi parce que Vesta est placée de cette façon sur le bord du bas-relief et près de Jupiter, n'interrompant pas a insi la série des cinq fils de Saturne , qui forment, avec les sept fils de Jupiter, tout le choeur de ces douze Divinités.

Vesta sera la première Ghronide

Fille de Saturne »

Née la dernière , et la plus ancienne. (Homère, Hymn. III, in Vener. , v. 22 eaS), et auprès d'elle seront, sur la bande contigue , Ju-^

288

I

piter, Junon, Neptune et Cérès, tous eu fans de Saturne et de flhée.

Mercure, qui accompagne Vesta, est barbu se- lon le style t< ès-ancien de la Grèce , et il a une seule aile su talon à chaque pied , vers la partie extérieure. Les plumes se replient en haut à l'extré- mité, formant commele commencement d'une vo- lute, manière que l'on peut observer dessus beaucoup d'autres monumens, et sur laquelle ont écrit tant de futilités ceux qui ont répandu le système qu'Us ont appelé le Scjthisme. Les deux autres divinités de ce côté sont Mars et Vénus. Le premier est suffisamment distingué par son bouclier et sa cui- rasse , et il est peu différent de celui qui est sur le puits [pute aie ) du Capitole. On reconnaît la seconde a la colombe , son symbole ordinaire i comme elle est représentée sur plusieurs monumens antiques, et particulièrement sur les médailles Eiicines.

T. B. Il ; num. 3. Il nous reste la troisième bande les Divinités laissent quelque incertitude? parce que la partie supérieure est entièrement mo- derne • et que le reste même est mutilé dans beau- coup de parties. Il y en a cependant deux , et peut-être trois, dont les symboles sont clairs, et au moyen de celles-ci nous pourrons reconnaître la dernière. On voit que la seconde avec cet arc doit être Diane. La troi ièmequi tient une tenaille sera Vul- cani, quoique le manteau qui descend sur ses pieds Tait fait restaurer comme si c'était une Déesse. Nous avons cité dans cet ouvrage un bronze napo- litain, dans lequel on voit une ligure d'homme vêtu,

%8g

et même ( ci-dessus , pl. IV , § i ) les vases dits Etrusques nous en offrent d'autres exemples dans leurs peintures, et aucune des Déesses de notre autel n'a un habillement pareil. C'est la figure que Winckeimànn a nommée Junon Martiale , se fondant sur un passage de Codinus (de orig. Constanti- nop. , pag. 14)5 clui décrit une statue de Junon , à Constantinople, ayant dans la main les tyaMiïaç , les ciseaux, que Winckelmann, en faisant équivo- que sur le sens à cause du mot latin forfices qui y répond , a cru pouvoir changer par tenailles , quoique l'écrivain grec exprime suffisamment que c'était un instrument à raser les cheveux et la barbe. (La statue que Codinus a décrite représentait pro- bablement une Parque). Il a vu aussi les tenailles dans les mains de la Junon Martiale des médailles romaines de Trebonianus Gallus, et il a été en cela trompé par quelque médailliste et par les gra- vures- quand cette Junon tient dans la main un groupe d'herbes, et non pas des ciseaux ni une tenaille , comme cela est clair pour qui observe avec soin les médailles orignales qui sont bien con- servées, Je me rappelle d'avoir proposé , dans le tome premier de ce Musée (pl. IV), une conjecture probable sur la signification de ces herbes et sur son rapport avec le titre de Martial. Alors la fi- gure dont il est question sera un Vulcain avec la tenaille , son symbole très-connu et commun \ et il regarde Minerve. C'est à la restauration que l'on doit presque tous les attributs de cette Déesse , mais l'égide qui couvre sa poitrine 5 bien que dégra- Musée Pie-Clém. Vol. Vl 10

dèe, se reconnaît aux angles ou pointes de sou contour, bien différent que celui du peplum des autres Déesses ( aiyiiï* Smmpósmw^ Voilà donc les deux divinités présidant aux arts réunies eu uu groupe , comme la mythologie les suppose encore unies par les liens de l'amour. Il ne sera pas dou- teux à présent que la dernière figure qui accom- pagne Diane ne soit celle d'Apollon, quoique les restes de l'habillement de femme, ou plutôt Cita- védique , ait engagé le restaurateur à lui donner dans la partie supérieure la forme d'une femme. Mais on peut apercevoir facilement le plectrum dans la main droite antique qui est conservée , ce qui an- nonce d'une manière certaine qu'elle devait tenir une lyre de la main gauche. D'après cela cette image, quoique n'étant qu'à la moitié , ne peut être incer- taine ; et si Apollon était justement le seul Dieu qui manquait pour compléter le nombre et la sé- rie des douze divinités du premier ordre , les signes qui subsistent dans cette figure l'indiquent assez clai- rement , en outre qu'elle est précisément à la place qui lui convient*

Nous passerons maintenant à la bande inférieure , sur laquelle , comme il n'y a de chaque côté que trois figures seulement, l'artiste les a tenues plus grandes, et il a laissé les espaces plus hauts , pour que les dimensions et les distances y fussent pro- portionnées. On reconnaît au n. 3 les Heures ou les Saisons , que Winckelmann y a reconnues aussi; et selon la mythologie grecque il n'y en a que trois. Chacune a pour attributs les dons et les pro-

agi

ductions de l'année ; Fune a une fleur , l'autre un fruit, la troisième un simple rameau. Les noms de Carpo , de Thallo , â! Àuœo , de Phéruse que l'on donna aux Heures dans les siècles les plus recu- lés, quand on n'en connaissait que deux ( Pau- sanias,lib. IX, cap. 35; Hygin, Fab. i85), cor- respondent à merveilles avec le petit rameau , avec le fruit: le nom d'Anthée ( 'Aj&£/a ) fait allusion à la fleur. Ce nom était aussi en usage pour signi- fier les Déesses des saisons , selon Hesychius ( x. 'Àr-

Les trois Déesses du n. i , qui se tiennent par la main et semblent danser, ont été reconnues aussi par Winckelmann ( Hist de F Art , liv. V , c. II > § 16) pour les Grâces, segnes nodum solvere , elles ne sont pas nues , mais vêtues , comme So- crate les avait sculptées à Athènes, et suivant dans ce genre l'usage le plus ancien. Voyez notre to- me IV, pl. XIII, (1).

Les autres au n. 2 , que nous examinons les dernières à raison de leur peu de clarté, peuvent, à ce qu'il me semble , être déterminées par le geste de la main ouverte et étendue , geste que l'on n'a- perçoit pas dans toute autre figure de cet autel, et par cette raison cela doit leur servir de carac- tère au milieu des autres. Pausanias donne un pa- reil geste à Ilitie , la Lucine des Grecs , la Déesse qui préside à la naissance , et conséquemment nous avons vu une semblable Déesse, ayant le même geste, qui assiste à la naissance de Jupiter (toni. IV > pl. XIX- Pausanias j liv, Vil i cap. 53 ). Il n'y a

2CJ2

donc pas de motif qui s'oppose à ce qu'on dònne ïa même dénomination aux Déesses de ce bas-re- lief, ne trouvant dans leur nombre aucun obstacle, comme je le démontrerai maintenant. Homère se sert plusieurs fois du nom Ilitie au plurier, et les désigne comme filles de la Déesse Junon , et présidant aux accouchemens ( //. À ou 1. X, v. 210, et ailleurs). Leur nombre laisse la chose incertaine , et ce qui ajoute à cette incertitude c'est la mu- tilation d'un passage très érudit de Pausanias, il en est question (Paus. , liv. VI H* c. 2 1 ). Mais nous ne doutons pas qu'elles ne fussent trois, précisément comme il y avait trois Parques , divinités que le même écrivain entreprend de prouver être une même chose que les Ilities, et cela d'après le fon- dement non-seulement de l'hymne très-ancienne d'Olenus Licius , composé pour Ilitia , mais aussi sur le témoignage des poëtes qui l'ont suivi , par- mi lesquels était Pindare, qui donnait à cette Déesse l'épithète d'sv/Uvoc , esperta filatrice , et faisait al- lusion très-clairement au fil et à la quenouille, em- blème très-connu qui appartient aux Déesses du deslin. Les fonctions des Parques d'assister aux naissances , et de désigner le destin de tous ceux qui venaient au jour, les fit confondre facilement avec les divinités présidant aux accouchemens. Ce monument deviendra plus précieux par cette par- ticularité pour ceux qui approuveront notre opi- nion. Il est effectivement un des plus anciens de l'art grec, son travail le plaçant à une époque bien antérieure à l'autel rond du Capitole , et à l'autel

293

triangulaire de la Villa Albani. Il est très-vrai que l'usage de dresser des autels communs aux douze plus grands Dieux appartient à l'antiquité la plus reculée , et il commença dès les temps mystiques. Il existe une tradition écrite par Lllanicus ( w.SchoL Apollon. Argonaut., liv. III, v. 1084), qui ap- prend que Deucalion ayant échappé au déluge dans la Thessalie, éleva un autel aux douze Dieux. Apol- lonius (II, v. 532 ) affirme que les Argonautes eux- mêmes dressèrent sur le rivage de la Thrace dans la Propontide un autel aux douze grandes divini- tés. Le scoliaste les compte ainsi : Zitvç , Hpa , Ylocreiiïôv, Ai(($^t9fpf\ 'Ep^ç, WpaioroÇj 'Atto/I/U^ , i'ApTMfMÇ'i 'Ecrria , Api?ç> * Ps.(ppoïïfari , xaì 'Aârçwx; Jupiter , Junon , Neptune , Cérès , Mercure , Vulcain, Apollon, Diane, Vesta, Mars , Vé- nus et Minerve. Dans ce nombre il en est huit unies deux à deux , précisément comme dans notre bas-relief. On doit encore voir dans ce passage la belle note du très-savant traducteur au 809 vers italien. Winctelmann a retrouvé un autre caractère d'antiquité dans la forme même de l'autel qui est une pyramide tronquée; il observe que Pausanias en décrit un tout pareil , et qu'il paraît faire croire par-là que cette forme était moins commune de son temps. Cependant tous les autels qui servent ou qui ont servi de bases à des candélabres, sont ainsi décroissais ou rétrécis, et il en existe tant d'autres pareils dans les collections, que je crois que c'est improprement qu'on a voulu fonder là- dessus une opinion <jui est suffisamment confirmée

294

par cet ouvrage d'art et par toutes les autres par- ticularités qui en dépendent. La qualité du mar- bre grec salin exclut ce monument de la classe des sculptures étrusques , parmi lesquelles Win- ckelmann Favait trop légèrement placé ( Storia^ etc.f

Hv. II, C. II, § 22 ).

T. B. III , num. 4- Voici l'image de Bacchus Phanetès sur des médailles très-anciennes de Ca- marilla dans la Sicile. Elle a été prise sur une mé- daille d'argent de la collection d'Hunter, déjà pu- bliée à la pl. LXVIH, m 2i du Catalogue qui en a été donné par mons. Combe, Quoique la mé- daille soit du nombre des incertaines , il n'y a pas de doute cependant qu'elle n'appartienne à cette Ville , et par tout ce qui en a été dit à la p. note , et par l'évidence qui résulte de la comparaison faite de la médaille rapportée au n. 20 de la même planche , et des autres publiées par Pellerin dans le tome III de ses Médailles des Peuples et des Villes, pl. CX, n. 33, 34» Comme la médaille du n. 20, pl. LXVIII,de Combe est précisément la même que celle du n. 34 de Pellerin, excepte que dans cette dernière la légende est plus claire, et qu'on y voit le nom de Camarina sans qu'il y manque une lettre , celle de Combes appartiendra sûrement aussi à cette Ville, de même que celle que nous présentons ici qui a la même épigraphe et des types analogues. Et comment trouver dans les médailles Urbiques la légende qui en contient le nom, étant dès l'origine mutilée, ordinairement par l'effet des instrumens très-imparfaits dont on

2g5

se servait alors pour les frapper dans les mon- noies? Nous en trouvons des exemples fréquens dans les médailles siciliennes ( Torremuzza , Num. Si- cul. 9 pl. LXXXVII, 4 •> et dans Auctar. II, pl. II, 3, etili, i , et ailleurs). Mais si l'on pensait que le défaut du K de la syllabe entière KA du nom de Camarina fût original, et non une erreur, sans avoir recours aux Marliens de M. d Hancar- ville , on pourrait soutenir que KAMAP1NA , AMA- PINA et M AFIN A seraient des altérations du même nom, et que même le second dérivé de fA{ia;-< 9 fossé ou canal , a été le plus ancien, et fut changé ensuite en Ka/uaptva par une espèce d'aspi- ration, comme on a changé, selon le témoignage de Strabon ( liv. VU), en Caulonia celui d'Au- Ionia dans la grande Grèce ( v. Heyne dans le Virgile, A en. III, v. 555, in V. L.). Le même nom , dans d'autres temps , et selon différentes mo- difications du dialecte et de la prononciation , peut- être s'accordant à des changemens obscurs et éloi- gnés de l'état politique du pays , aura pu per- dre la voyelle initiale, comnle cela est arrivé sou- vent parmi les Italioti dans les mots grecs commen- çant par AM. Sans chercher si loin des exemples , nous voyons que de ajièi.yQ on a dérivé mulgeo , de àiiavpó? * , jiiavpoç et Maurus. D'où il suit que les diverses légendes KAMAP. , AMAP. et MAP A peu- vent facilement nous indiquer le même nom , pourvu que Ton suppose seulement que la cité fut ap- pelée dans le principe, à cause de ses fossés ou canaux j Amara ou A marina* ce qui non-seu^

2g6

lement devient probable par la situation de la ville près du marais homonyme , et les deux fleu- ves Hypparis et Oanus, mais ce qui prend encore plus une idee de vérité par un passage absolument classi- que de Pindare , ou il parle expressément de ïsmyç Ôxzroùr: les CANAUX SACRÉS dans lesquels V Hypparis arrose Camarîna, en établissant ses grands édifices ( Pindare > Olimp. , od. V , ant. X> Que tout ceci soit dit non-seulement pour accré- diter la conjecture proposée, autant que pour mon- trer qu'on peut établir plusieurs suppositions et les soutenir > pour expliquer les médailles en question , sans les attribuer à un peuple très-ancien , autant qu'obscur, de l'Orient si éloigné, lequel par mi hazard singulier devrait avoir frappé des médailles semblables à celles de la Sicile.

T. B. III, num. 5 , 6 e 7. Les médailles d'A- thènes et de Ténédos font voir leur tête à deux faces , que soit l'une , soit l'autre , ont des dia- dèmes Bacchiques: et c'est à Bacchus que font al- lusion constamment les grappes de raisins que l'on remarque au revers des médailles de Ténédos, et le vase ou carchesium derrière celle des Athéniens. Ici, des deux têtes il semble que l'une est celle d'un homme et l'autre de femme, et d'après cela les rêveries de ceux qui ont voulu y reconnaître Cécrops. Celle du num. 7 paraît conserver dans la disposition des deux visages l'idée d'une combinai- son de masques , qui peuvent faire allusion dans les Bacchanales aux deux sexes du Dieu Androgyne, et qui peut aussi avoir donné lieu à cette manière de le

297

représenter. Les deux médailles athéniennes sont copiées d'après Hayne ( Tesoro Britann , tom. I }j celle de Ténédos du Catalogue de Hunter.

T. B. III, num. 8. Voici le Pythagore débout, orné du diadème, sur la médaille de Commode frap- pée a Samos , dont nous avons parlé à la pl. XXIV. C'est pour cela que j'ai cru pouvoir attribuer à Pylhagore Thermes présent. Monseig. Onorato Cae- tani possède ce rare monument, et il a bien voulu permettre que je le fasse connaître par la gravure fort exacte que je place ici.

Addition de Fauteur à ce volume.

Le célèbre abb0é Barthélémy produit, dans les planches qui ornent son Voyage d' Anacharsis y en dernier lieu le revers d'une médaille d'Arcadie semblable à celle d'Humer dont il est question dans ]a note de la page de ce VI tome. 11 pense que les lettres OAYMIT , comme elles sont écrites sur la pierre s'assied le Dieu Pan , indiquent le Lycée , montagne d'Arcadie si fameuse , qui avait encore porté dans les siècles les plus reculés le nom de mont Olympe. Quelque persuasion que puisse obtenir cette ingénieuse conjecture , je ne puis ce- pendant abandonner celle que j'ai mise en avant, c'est-à-dire que les dites lettres indiquent plutôt le lieu cette médaille fut frappée , savoir Olym- pie conquise par les Arcadiens qui y célébrèrent les jeux de la 104 Olympiade. La montagne d'Ar- cadie, celle que conjecture l'abbé Barthélémy, porte

39S

constamment le nom de Lycée , plutôt que celui d'Olympe Et d'ailleurs c'est une chose ordinaire que de trouver sur les médailles des peuples de la Grèce les noms abrégés des villes elles fu- rent frappées ; et l'événement était lui-même assez digne de cette mémoire à laquelle il paraît que la tête de Jupiter Olympique , gravée de l'autre çôté 5 accorde une vraisemblance ultérieure.

FIN DU TOME SIXIEME.

a99

TABLE DES PLANCHES

CONTENUES

DANS CE VOLUME.

* 0 *

Plan. i. Jupiter. / /

?> 2. Saturne et Minerve. /

» 3. Mercure avec le pe'tase ; et Mercure ailé. >>

» 4* Vulcain et Vénus. -

i

» 5. Océan ou Dieu Marin. ^ )> 6. Bacchus, et Bacchus taurifrons. ^ ^ » 7. Bacchus barbu, ^

» 8. Hermès double de Phanetès ou Bacchus barbu. »

g. Silène et Faune. » io. La Comédie et la Tragédie. » il. Le Sommeil. ^ » 12. Hercule jeune.

i> i3. Hercule couronné ; et Hermès double de Mer- cure et d'Hercule. r » 14. Sérapis. » i5. Sérapis radié. S » 16. Buste d'Isis. » 17. Isis ; Isis voilée. » 18. Ménélas. s-

}> 19. Fragment du Cadavre de Patrocle dans le groupe

de Pasquin. ^ » 20. Hermès double d'Homère et d'Archiloque. y » %u Epiménide. _ '

>> 22. Bias ; et fragmens d'Hermès d'autres sages de la Grèce, y

» 22. a, Périandre ; et fragmens d'autres sages de la

Grèce. ^ » 23. Bias de Prie ne.

» 24. Thalès, et Hermès double de Bias et de Thaïes. ^ » 25» Périandre de Corintbe.

C

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Plan. 26. Pythagore.

» in. Sophocle, S \ ^S

» 28. Euripide et Socrate. ^

» 29. Périciès. -

» 5o. Aspasie. / ^

i> 5i. Alcibiade.

» 52 Zenon de Citium.

» 55 Zenon l'Epicurien. ^ /V

» 54. Hermès d'Épïcure et de Me'trodorei^

» 55. Antisthène. - RpiK

» 56. Eschine. _

» 57. Dëmosthène.

» 58. Jules Cesar.

» 59. Auguste couronné d'épis. ^

» 4o. Auguste.

» 41. Claude.

» 4^ Néron. ^r^5^

h 45. Tite Vespasien ; Coccejus Nerva. ^

» 44* Piotine. ^ ^

» 45. Adrien. - V

» 46. Sabine.

ï> 47* Antinous.

» 48- Antonin le Pieux.

?> 49- Faustine épouse d' Antonin le Pieux./

» 5o. Marc-Aurèle.

d 5i. Lucius Vérus et Commode.

» 52. Pertinax.

» 55. Septinie Sévère. "

d 54. Julia Pia.

» 55. Caracalla. s* \J*

» 56. Antonin surnommé Héliogabale*.

» 5 7. Julie Mammée.

» 58. Balbin. \

)) 59. Philippe le Jeune.

j> 60. Trebonianus Gallus. s

y> 61. Domitius Corbuion.

» 62. Inscription en l'honneur de Domitia impératrice fille de Corbuion. ,

5or

Plan. A. I. i/rìuste d'Alcibiade , 2. Médaillon de Ca- racolla.

» A. IL 3. 4* Patere du Musée Borgia.

» B. I. 1. Èôté de l'autel triangulaire qui représente

^ les douze Dieux. » B. H. 2.^3. Les deux autres côtés du dit autel. » B. lit. A. Très-ancienne médaille de Camarina avec

l'image de Bacchus Phanetès. » B. III. 5. 6. Médailles d'Athènes et de Ténédos

avec la tête de Bacchus bifrons, y> B. III. 8. Médaille de Commode frappée à Samos , J avec l'image de Pythagore débout , et orné

du diadème.

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