Nature et Faune REVUE INTERNATIONALE POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE EN AFRIQUE Gestion de la Faune, Am^nagement d'aires prot^des, Conservation des ressources naturelles Volume 5, /i* 1, Janvier - mars 1989 x«*^ >*, Organisation des Nations Unies (^^1^ ^ Programme des Nations Unies pour I'Alimentation et I'AgricuIture ^ ^ p |)^ pour I'Environnement ^TTZS? Bureau Regional de la F.A.O. pour FAfrique - Accra (Ghana) Nature et Faurie Janvier-mars 1989 \^9j La revue Nature et Faune est une publication intema- tionale trimestrielle de^tin6e k permettre un 6change d'informations et de connaissances scientifiques concernant la gestion de la jfa^nef Tam^nagement des aires prot6g6es et la conservation des ressources na- turelt^s sur le cosftinent s^riciain. ' ► ' Editeur : A. lokem Ass. Editeur : P. Happ6e Conseillers : J. D. Keita et G. S. Child Pour la publication d'articles ou tout renseignement compldmentaire, 6crire k Tune des adresses suivantes: REVUE NATURE ET FAUNE F.A.O. Regional Office for Africa P.O. Box 1628 Accra (Ghana). c/o G.S. Child div. FORW F.A.O./U.N via delle terme di Caracalla I-OOIOO Rome (Italie). L* corrt*nu d«t Artlclat d* c«n« r«vu« •xprim* !•• opinlont d« leurt auteuri •( rte reflMe pu n4c«stair*m«nt c«ll«« d« l« FAO, du PNUE ou d* l« ridaction. II n'«xprim« done pfea }jhm priM d« potttion offlcl*!)*, ni d« rOgani«atk>n d«« Nation* Uni«s pour rAml- mantation at I'Agricultura, ni du Programma da* Nation* Unia* pour I'Environnamant. En particuliar la* appallaiion* amploy^a* dan* catta publication at la presentation da* don- r>eas qui y figurant n'imptiquant da la part da ca* organisations aucuna prisa da position quant au statut juridiqua das pay*, tarrttoira*. villas ou zona* ou da laurs autoritte, ni quant aux trac^ da laurs frontl^ra* ou llmltas. Sommaire Editorial Li....;.., 3 Amnistie pour les 616phants ,......;.. 4 L'hdcatombe des 616phants en Afrique de I'Est 11 Le bruit du silence 16 Les 616phants du Sahel 19 Nombre, r6partition et d6placements des 616phants de Nazinga 25 Voisins et partenaires : participation des populations k la Cdfl^ervation .:.....'....;............. 36 Ele-infos ...>.... ....41 Conservation 44 ^^•.J \n^'.i/I PRINTED IN GHANA BY WELMAX GRAPHIC ARTS LIMITED. Editorial De toute la faune contemporaine, I'^l^phant est certaine- ment I'animal qui produit le plus d'impression sur rhomme Est-ce sa taille gigantesque, son poids, ses ^normes pavil- ions auriculaires, sa trompe, ou est-ce I'intelligence de son com- portement qui ^meuvent I'observateur attentif devant ce grand pa- chyderme d^ambulant dans la savane ? Pourtant, ces derniers temps, I'^l^phant d'Afrique est I'objet des plus vives inquietudes de la part des observateurs de tous ho- rizons. Menace par le d^veloppement de {'agriculture - coupl^e k une d^mographle galopante -, il est de plus I'objet d'un bracon- nage generalise catastrophique. Si la qudte incessante de Tor blanc continue au rythme ef- frene actuel, elle risque de mener avant la fin du sidcle k I'extinc- tion du plus colossal et du plus intelligent des animaux terrestres que porle la planete. Conscients du drame qui se joue pour cette espdce, plu- sieurs experts et des organisations de conservation renommes ont lance des campagnes de sensibilisation afin d'enrayer ce massa- cre dement. L'annee 1989 sera de ce point de vue decisive pour I'avenir de reiephant d'Afrique. Neanmoins, si tous s'accordent sur la necessite et I'urgence d'action, il n'en est pas de m§me sur les moyens d'y parvenir. Le present numero a ete consacre entidrement d la probie- matique de reiephant d'Afrique. D'autres articles y seront d nou- veau consacres tout au long de cette annee. Ce numero de Nature et Faune est done une ouverture du debat et, d ce sujet, il nous a sembie interessant de reprendre en guise d 'introduction le texte de la conference de P.Pfeffer, bien que tout le monde puisse ne pas etre d'accord sur la solution proposee. Notre espoir est qu'il suscitera d'autres reactions constructives, en-dehors de toute po- lemique, sur les voies et moyens ^ mettre en oeuvre pour sauver cet animal et notamment pour faire entendre I'avis des africains eux-memes trop souvent absents de ces debats. Nous esperons pouvoir publier de telles reactions dans les prochains numeros afin de trouver tous ensemble la voie pour la sauvegarde de ce pa- trimoine mondial. II n'est pas encore trop tard pour renverser la situation, mais chaque jour qui passe signifie la disparition de quelque 300 ele- phants . C'est dire s'il y a urgence I AMNISTIE POUR LES ELEPHANTS ! par Pierre PFEFFER • Nous n'etions pas la pour sauver les mammouths, mats nous pouvons tous ensemble sauver les elephants ! Tel itait le theme choisi par Pierre PFEFFER pour la conference qu'il donna le 12 dicembre 1987 pour lancer la grande campaffxe AMNISTIE POUR LES ELEPHANTS en faveur d'une r^elle protection de I'ilephant d'Afrique. Bien que datant de plus d'un an, le texte de cette conference reste toujours d'actualiti et nous a sembli etre une bonne introduction pour ce numiro special de Nature et Faune sur les eiiphants etpour lancer le debat sur ce problime brUlant. Nous reproduisons ci-apris le texte de la Conference dans son integralite. "Miracle d'intelligence et monstre de la matidre". Cette definition de I'6i6phant, mer- veilleuse de concision, est du grand natura- liste du XViie si6cle, Button, tondateur du Jar- din des Plantes et done du Mus6um actuel. "Miracle d'intelligence", il suttit d'obser- ver r6l6phant captit au travail ou libre dans la nature pour en §tre convaincu. Le moindre de ses gestes est r6tl6chi, que ce sort lors- qu'il arrache une toutte d'herbe, la secoue ou la lave soigneusement avant de la consom- mer, ou lorsqu'il casse une branche ou abat un arbre, seul ou aid6 d'un cong6n6re. II y a une comprehension 6vidente de I'acte ac- compli et de I'objectit k atteindre. Tous les observateurs de rei6phant dans la nature s'accordent pour constater qu'^ la ditt6rence de la plupart des animaux, il n'a pas un com- portement st6r6otyp6 mais un comportement rdpondant avec precision aux probldmes qui se posent k lui. L'une des raisons de ce haut niveau d'intelligence, en plus du degr6 avanc6 d'6- volution de resp^ce, est sa trds grande facul- ty d'apprentissage et sa m§moire bien connue. A la ditt6rence de la majorite des mammit^res dont le cerveau posskJe a la naissance un d6veloppement et un poids tres voisins de ceux qu'il aura k I'^tat adulte, ce qui explique leur pr6cocit6, reiephant, comme I'homme, nait avec un cerveau tr^s r6duit. II p6se k peine plus d'un tiers (35%) de son poids d6tinitrt (26% chez I'homme) et se d^veloppe progressivement au cours des premidres ann6es de la vie. Autrement dit, k i'instar de ce qui se passe pour I'espdce hu- maine, la p^riode d'apprentissage, d'impre- gnation, est intiniment plus longue que pour les autres animaux. La part de I'acquis par rapport k I'inn^ est done nettement plus im- portante que chez la plupart des ongul6s. Une des consequences de ces 6ton- nantes tacuitds d'apprentissage est que les 6l§phants s'adaptent merveilleusement k tous les milieux, depuis ie sahel jusqu'^ la to- ret dense, et moditient radicalement leur AMNISTIE POUR LES ELEPHANTS comportement lorsque le besoln s'en fait sentir (contrairement au rhinoceros noir!). C'est ainsi que j'ai pu obserser un change- ment spectaculaire de leur mode de vie en Cote d'lvoire et en Centrafrique au cours des 2 ou 3 ans qui ont suivi le d^cienchement de la chasse. De diurnes et bruyants lis deve- naient nocturnes et silencieux, les grands troupeaux famlllers se fragmentalent en petlts groupes fuyards et disperses, de palsibles lis devenaient nerveux et agressifs, etc. A I'inverse, lis r6pondent miraculeuse- ment aux moindres mesures de protection prises en leur faveur. lis distinguent imm6- diatement les zones ou ils sont en s6curit6 de celles ou ils sont pourchass6s et s'y rassem- blent, parfois eh densit^s excessives pour les possibillt6s du milieu. Comme ils sont gr6- gaires et que leur taux d'accroissement peut atteindre 7% par an dans de bonnes condi- tions, ils reconstituent leurs effectifs k une Vi- tesse 6tonnante pour des animaux dont la durde de gestation est de I'ordre de 22 mois et rintervalle de mise-bas de 3 ^ 4 ans. SOLIDARTTE DE GROUPE La vie sociale de I'^l^phant t^moigne dgalement de son haut degr^ d'^volution psychique. Tunit^ sociale est la famille : une femelle Sg^e (ou du moins la plus dg6e) en- tourde de ses jeunes de plusieurs genera- tions. Les mSles quittent la famille ^ 9 ou 10 ans, formant de petlts groupes de 2 ou 3, tr6s souvent 2, les vrais solitaires, toujours §ges , etant assez rares. Les femelles restent au- tour de leur mdre et guide, parfois accompa- gnde d'une ou deux de ses soeurs elles- m§mes entour^es de leurs filles. A rinterieur du groupe, dont les effec- tifs oscillent entre quelques unites et une vingtaine de tdtes, la solidarite est tres grande. Les exemples d'entraide ne man- quent pas: assistance aux jeunes dans les passages difficiles, soins aux blesses, sou- tien aux indlvidus ne pouvant se tenir debout seuls, etc. Douglas-Hamilton a meme vu k trois reprises des elephants nourrir des congendres prives de I'usage de leur trompe, apparemment sectionnee par un piege. Un elephant vivant normalement une soixantaine d'annees, chaque groupe familial possede une experience collective directe et une connaissance de son environnement de prds d'un siede, laps de temps s'ecoulant entre la mort de I'lndividu le plus Sge et celle du plus jeune. Aussi est-il detenteur d'une ir- remplagable memoire de son environnement proche et lointain, certaines populations d*e- lephants effectuant des transhumances plus ou moins marquees suivant les regions, al- lant de la foret en saison seche, vers les sa- vanes apres le dedenchement des pluies. D'autres populations sont reellement seden- taires et ocupent en permanence le meme domaine vital. MONSTRE DE LA MATIERE Sous la plume d'un auteur aussi pre- cis, aussi exigeant que Buffon. cette appre- ciation prend toute sa signification : monstre par sa taiile, mais aussi par son etrangete. Par ses dimensions et son poids, reie- phant est evidemment le plus grand des mammlferes terrestres : jusqu'^ 3,60 mdtres de hauteur et 7 tonnes pour un mSle de I'es- pece africaine, 3 metres et 5 tonnes pour celle d'Asie. La premiere se subdivise en deux sous-especes ou races : celle de sa- vane, la plus grande, et celle de for§t, dite cy- clotis ("^ oreilles rondes"), sensiblement plus Des pointes d'ivoire et des cornes de rhinoceros : une image qui devrait appartenir k tout jamais au pass6 ! (photo WWF) petite. D'autres races ou memes espdces ont 6t6 ddcrites, mais ces distinctions sont d^pourvues de fondement, en particulier I'es- pece Loxodonta pumilio qui figure pourtant dans un recent guide des mammif^res d'Afri- que de Th.Haltenorth. Quant aux caracteres bizarres, I'dl6- phant n'en manque pas, ^ commencer par sa trompe, appendice d'une habiletd et d'une precision 6tonnantes, constitue de 10.000 nnuscles et resultant de la fusion et de I'ailon- gement du nez et de la levre sup6rieure. Fruit d'une Evolution destinde k paliier I'ac- croissement de la taille accompagn§e d'un extreme raccourcissement du cou, la trompe est tout ci la fois aspirateur, pulverisateur, or- gane de prehension, sidge de I'odorat et du toucher qui permettent k I'animal d'explorer en permanence son environnement immddiat et d'etre en contact avec ses cong^neres. Les oreilles de I'elephant contribuent egalement k roriginalitd de son aspect. Elles servent bien entendu k Taudition, assez bonne (comme la vue) chez r6l6phant, mais aussi k la thermoregulation : plus II fait chaud et plus leurs battements sont rapides, contri- buant ainsi k abaisser la temperature corpo- relle. Les pattes, ou plus exactement les pieds, sont aussi etonnants en ce sens que, contrairement aux apparences, reidphant marche sur la pointe de ces cinq doigts ! C'est un coussinet pneumatique fibreux et graisseux, situe k I'interieur du pied au niveau de la "paume" qui lui donne son allure planti- grade et lui permet de progresser avec une souplesse surprenante et, lorsqu'il le veut, dan&le plus grand silence. La peau est dans I'ensemble relative- ment fine et delicate, pour un animal classe parmi les pachydermes. Elle peut atteindre par endroits 3 cm d'epaisseur et est pres- qu'entierement glabre chez I'adulte. Une touffe de crins longs et epais, trds recherches pour la fabrication de bacelets, termine I'ex- tremite de la queue. Enfin I'eiephant n'a que 4 molaires, une seule par demi-machoire su- perieure et inferieure, mais renouvelable 6 fois au cours de I'existence de I'animal. Lors- que les dernieres sont usees, vers 50 ou 60 ans, reiephant deperit de malnutrition et finit par mourir. UN IVOIRE FATAL Les defenses sont les 2 incisives sup6- rieures, alors que chez les suid6s ou les hip- popotames ce sont les canines qui jouent ce role. Elles pr^sentent la particularity d'§tre d^pourvues d'^mail, ce qui leur permet de pousser tout au long de la vie de I'^ldphant, pouvant d^passer 3 metres de long et 100 ki- logrammes chacune. Cette particularity per- met aussi, malheureusement pour I'esp^ce, de travailler et sculpter facilement ces dents enti^rement constitutes d'un Ivoire extr§me- ment fin, plus dur et plus serr6 chez 1*616- phant de for§t (bijoux, statuettes) que chez celui de savane (boules de billard, touches de piano, manches de couteaux, etc). Entre I'homme et I'ivoire c'est une lon- gue passion qui se confond avec I'histoire de I'humanite, du Pal6olithique k r6poque ac- tuelle, en passant par les Egyptiens, les Assy- riens, les Ph6niciens et les Romains. Ces derniers sont d'ailleurs apparemment respon- sables, par leurs demandes excessives d'i- voire, de la disparltion des 6l6phants du Nord de TAfrique (actuelle Tunisie). Le commerce direct avec I'Europe a commenc6 au XlVe si6cle et s'est d6velopp6 avec celui des esclaves, les hommes portant I'ivoire sur des dizaines ou des centaines de kilometres 6tant eux-memes vendus en arri- vant au port ! Au g6nocide s'est ajout6 le pil- lage des ressources naturelles... II atteindra un premier sommet, avant celui dont nous sommes t6moins, au XIXe si6cle, avec I'ex- pansion coloniale. Entre 1840 et 1910, {'Eu- rope importe 500 k 1.000 tonnes par an (900 k 1 .000 entre 1 853 et 1 880) ce qui repr6sente 50 k 55.000 6l6phants abattus annuellement. Autrement dit, prds de 3 millions et demi d'6- I6phants ont et6 tu6s en moins d'un si6cle sur une population qui, k I'origine, devait s'6- lever suivant nos estimations ^ 5 ou 7 mil- lions de tetes. Apr6s un arr6t dO k la guerre de 1914- 1918, les exportations reprirent au rythme d'environ 600 tonnes par an, solt r6quivalent annuel d'environ 30.000 6l6phants, avec pour r6sultat un an6antlssement presque total des populations d'Afrique occidentale et un tr6s net d6clin de celles de I'Est et du Centre du continent. Alert6es par les sientifiques et les protecteurs de la nature, les administrations coloniales prirent enfin la d6cision, en 1927, d'interdire la chasse k des fins commerciales, seule demeurant autoris6e la chasse dite sportive (1^3 6l6phants par chasseur et par an suivant les pays). Cette simple mesure permit k I'esp^ce de reprendre son souffle et de commencer k reconstituer ses effectifs. Nous pouvons consid6rer qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale, la population totale d'6l6phants d'Afrique s'6levait k quel- que 2 millions et demi. L'6l6phant 6tait r6gu- Ii6rement chass6, par les Europ6ens ou les Africains, soit pour prot6ger leurs plantations, soit pour sa viande, appr6ci6e partout, mais I'avenir de resp6ce n'6talt pas menac6, d'au- tant que le prix de I'ivoire, remplac6 par les mati6res plastiques pour de nombreux usages, 6talt tomb6 suffisamment bas pour ne pas constituer une incitation k des abat- tages inconsid6r6s. II fallut une s6rie de ph6nom6nes, et notamment la conclusion d'un Important ac- cord entre la Chine populaire et la Tanzanie, pour que le prix de cette substance aug- mente soudainement passant de 20 k 40 francs frangais le kilogramme en 1971 ei 650 k 700 francs frangais k la fin des ann6es 70. La chasse, et plus pr6cis6ment le bracon- nage, reprirent aussitot, facilit6s par la multl- plicaton des armes modernes et des moyens de transport, alors qu'officiellement la chasse commerciale demeurait Interdite ! LE BILAN II n'existe 6vldemment pas de chiffres pr6cis sur le nombre d'6l6phants abattus de- puis 1971, mais ceux qui sont d6clar6s par quelques grands importateurs officiels (Hong Kong, Japon, Europe) permettent de s'en faire une id6e qui est tr6s en-dessous de la r6alit6. En effet : 1. Nous ne poss6dons aucune don- nee sur les marches dits secondaires qui tous ensemble reprdsentent un tonnage im- portant d'ivoire. Rien non plus sur le march6 interieur africain ou sur tout I'lvoire achet6 par les touristes, les expatries (coop6rants, hommes d'affaires, militaires, ...) et qui est exports dans les bagages personnels ou la valise diplomatique ! 2. Meme les importateurs officiels s'in- genient par tous les moyens k brouiller les chiffres en declarant tantot le tonnage, tantot le nombre de defenses, mais pas les deux k la fois. Une part importante de I'lvoire est maintenant expddiee en trongons d'une ving- taine de centimetres, la base creuse de la de- fense etant 6liminee, ce qui rend impossible toute estimation quantitative. 3. L'ivoire 'travaill6", souvent simple- ment poli ou legerement grav6 k la base, n'est plus considere comme un produit natu- rel relevant de la CITES (Convention de Was- hington), aussi bien par Hong Kong, le plus grand importateur de cette matiere premiere, que par les pays de la CEE submerges par les "chinoiseries" et bijoux fabriques en Ex- treme-Orient. II n'est done pas comptabilis^. 4. Enfin certains pays n'ont pas sign6 la Convention de Washington reglementant le commerce international des produits ani- maux et v6getaux. lis n'ont done aucun compte ci rendre. D'autres qui y avaient adh6r6 s'en sont retires par la suite, tels les Emirats Arabes Unis qui ne veulent plus de controle de leur commerce de l'ivoire, des cornes de rhinoceros et autres derives d'es- peces animates menacees. Un des plus grands importateurs d'Extreme-Orient a aus- sitot d§cid6 de s'installer ci Dubai, pour etre plus prds de ses fournisseurs d'ivoire ! Tous les chiffres que nous poss^dons sont done des minima, mais lis sont deja si- gnifieatifs. On salt, par exemple, que du d6- but des ann^es 70 au debut des annees 80, les importations officiellement d6clar6es ont vari6 entre 700 et 1 .000 tonnes par an : 991 tonnes en 1976, 827 tonnes en 1977, 766 tonnes en 1978, etc. Selon les estimations de David Western, responsable k I'epoque du groupe Elephants de I'UICN, cela equivalait au moins a 90.000 elephants par an, unique- ment pour les Importateurs principaux* : Hong Kong et Japon. Le nombre d'6l6- phants effectlvement abattus ne pouvait done §tre Inf6rieur k 1 20.000 par an, estima- tion prudente, pulsque pour Douglas-Hamil- ton, ii se situalt quelque part entre 100.000 et 400.000 pour la seule annde 1976 ! Depuis quelques anndes les importa- tions, du moins celles qui sont d6elar6es, ear les filidres parall^les se d^veloppent, d6cli- nent en tonnage, ce qui ne signifie pas qu'il y alt moins d'6l6phants tu6s. Le poids moyen des defenses ne eesse en effet de baisser, passant de 12,7 kilogrammes en 1972 k 5,6 en 1984 et 4,7 en 1986. Et encore, ce dernier chiffre, public par le Traffic Bulletin de I'UICN de juillet 1987 est-il du au fait que quelques pays (Mozambique, Congo, Zimbabwe) ont exports de petits lots de grandes defenses. Selon le meme bulletin, pour les trois plus im- portants exportateurs en 1986, le poids moyen des defenses a 6t6 de 3 kilogrammes pour le Zaire (autrefois r6put6 pour ses grands 6l6phants) et 4,6 kilogrammes pour le Chargement de defenses d'6l6phants confisqu6. Notez le nombre de tr6s petites d6fenses. (photoWWF/P. Jackson). Soudan avec 9% de defenses de 500 grammes ou moins ! Autrement dit, faute de trouver des mSles adultes, on tue des femelles et de trds jeunes 6l6phants, alors que la rdglementation officielle interdit la chasse d'§l6phants aux defenses de moins de 5 kilogrammes pidce. Non seulement cette pratique menace I'es- p6ce, mals elle va k I'encontre de I'intdret meme du commerce de I'ivoire dont elle tarit la source. On en est au stade de la liquida- tion total e ! D'apr^s les chiffres que nous venons de citer, on peut raisonnablement estimer que 1 ,6 el 2 millions d'6l6phants ont 6t6 tu6s entre 1971 et 1985 et, le massacre n'ayant pas cess6, qu'il n'en reste gudre plus de 500.000 pour I'ensembie du continent, met- tons entre 400 et 700.000 pour etre prudent ! II est Evident qu'au rythme actuel des des- tructions, r6l6phant d'Afrique disparaitra k r6tat libre d'ici 3^5 ans. METTRE FIN AU PILLAGE Ces destructions sont d'autant plus In- sens6es que, compte tenu du prix de I'ivoire, les braconniers se contentent d'extraire les defenses des animaux abattus et abandon- nent la viande qui est pourtant appr^cide dans toutes les regions d'Afrique et consti- tuait meme, dans certains pays, un approvi- sionnement important et r6gulier en pro- t6ines. C'est ainsi qu'^ la fin des anndes 60, il se vendait annuellement sur le march6 de Bangui (Rdpublique Centrafricaine) la viande de quelque 500 6l6phants. Or un recense- ment a6rien effectu6 dans le Nord du m§me pays au printemps 1985, a permis de com- pter en un mois 7.861 cadavres pourrissant au soleil, soit au moins 15.000 tonnes de viande perdues, alors que des organisations charitables font sans cesse appel k notre g6- n6rosit6 pour envoyer des vivres en Afrique. C'est done non seulement une espdce animale prestigieuse, mais aussi une res- source vltale qui est en train de disparaitre pour satisfaire les caprices d'une mode qui ne manque pourtant pas de produits de substitution que ce soit pour fabriquer les bi- joux ou de sol-disant objets d'art. Confron- t6s k cette Evidence, mais soumis aux pres- sions des pays et groupes d'Infiuence int6- ress6s k la poursulte du commerce de I'i- voire, les grands organismes internationaux (UICN, CITES, WWF). pour se donner bonne conscience, ont instaurd en 1985 un systdme de quotas d'exportations (et non d'abat- tages) dont je pense avoir demontrd I'ineffi- cacit6 {Courrier de la Nature n''102 et 103). II est Evident qu'au stade actuel des destructions, ce n'est plus le moment d'6ta- blir des quotas, d'ailleurs fix6s par les pays eux-memes en fonction de leurs stocks et non par une commission d'experts neutres. 11 eOt fallu le faire il y a 15 ou 20 ans, lorsque les populations d'6l6phants pouvalent sup- porter une exploitation rationnelle ! Mainte- nant il faut stopper d'urgence les abattages pour leur permettre de se reconstituer et pour cela il n'y a d'autre moyen que de "cas- ser" le march6 de I'ivoire, aussi bien au stade du commerce de detail, dans les pays impor- tateurs de pacotille extremement orientale, qu'au niveau international en obtenant que r6l6phant soit enfin class6 en Annexe I de la CITES (Convention de Washington), c'est-^- dire parmi les esp6ces dont {'importation est interdite pour les pays signataires, meme si le pays producteur en a permis {'exportation. Cette mesure essentielle mettrait fin au pillage des populations d'dldphants par les pays riches et k leur seul profit, mais n'emp§- cherait nullement leur exploitation planifi6e par les pays d'Afrique que ce soit pour la viande, I'artisanat local ou le tourisme de chasse. Autrement dit toute la plus value res- terait k ces pays au lieu d'aller, comme c'est le cas actuellement, aux Importateurs, trans- formateurs et revendeurs Strangers qui n'ont r6ellement pas besoin de cela pour vivre ! A maintes reprises des responsables africains nous ont demand^ de les aider k mettre un terme k ce commerce international de I'ivoire brut, Incitation sans fin k un bra- connage impossible k 6radiquer sur le ter- rain. Aussi, avec I'aide de la Soci6t6 Natio- nale de Protection de la Nature, deux amis, MM. Francis Lauginie du Groupe Elephants Amnistie pour les elephants! Nous n'etions pas 1^ pour sauver les ma- mouths, mais nous pouvons tous ensem- ble sauver les elephants. La Society Nationale de Protection de la Nature et les Signataires du present ap- pel s'adressent : - aux Etats et organismes signataires de la Conven- tion de Washington sur le commerce des especes menac^es (CITES) pour que I'elephant d'Afrique soit classe en Annexe I de la Convention : especes dont le Commerce est interdit au niveau interna- tional, ce qui n'empfiche nullement son exploita- tion au plan national; - aux Chefs d'Etats et gouvemements de la Commu- naut^ Europdennc, a commencer p>ar ccux de la France, pour qu'ils mettcnt fin dans les plus brefs ddlais a Timporta- tion et au transit de I'ivoire qu'il soit brut ou travailld et pour qu'ils interviennent dnergiquement dans le mf me sens aupres dc tous les pays, notamment d'Asie, qui cntrctiennent cc commerce. Nom Adresse Signature A retourner : S.N.P.N. - Elephants, BP.405 F - 75221 Paris Cedex 05 Si vous souhaitez de plus apporter votrc soutien financier i cette campagne, envoyez vos dons a cette mdme adresse, les cheques devant fitre libell<5s a I'ordre de : SNPN - Ele- phants. Un certificat de deductibility fiscale vous sera adresse. Societe nationale de protection dc la nature, 57, rue Cuvicr, Paris 5c. (France) ta: (1)47073195. de I'UICN et Gerard Sournia, d6l6gu6 UICN pour I'Afrique de I'Ouest, I'association Cote d'lvoire Nature, Pierre Mann bien entendu, le rdalisateur du trds beau film La poussidre et le sang pr6sent6 lors de la conference du 12 d^cembre k Paris, et moi-meme, avons deci- de de cr6er le mouvement "Amnistie pour les ^i^phants" et de lancer I'appel ci-joint que nous vous demandons de faire circuler et signer massivement. Seule la pression de I'opinion publique, au niveau europeen puis international, peut avoir raison d'interets pri- v6s et aboutir k une modification de la legis- lation, concernant aussi bien I'ivoire travaill6, qui devrait enfin etre consid6re comme un produit naturel et non comme un objet manu- facture, ainsi que la position de I'^ldphant dans le cadre de la Convention de Washing- ton. Ce qui a rdussi avec les f^lins tachet^s et les b6bes phoques dont le Canada vient d'Interdire totalement la chasse, peut d'au- tant mieux r6ussir avec les 6l§phants que cette espdce, nous I'avons dit, reagit remar- quablement aux moindres mesures de pro- tection prises en sa faveur. Son avenir de- pend bien plus de I'attitude des pays riches qui entretiennent le march6 de I'ivoire que des pays d'Afrique qui peuvent difficilement faire plus qu'ils ne font actuellement compte tenu de leurs moyens. C'est aux protecteurs de la nature des pays acheteurs de lutter afin que cesse ce sinistre trafic. • Pierre PFEFFER Laboratoire des mammifdres et des oi- seaux du Museum d'Histoire Naturelle de Paris Soc. Nat. de Protection de la Nature 57. rue Cuvier F-75005 Paris (France) (le texte de cette conference a 6galement ete pu- blic dans Le Courrier de la Nature n° 112). 10 L'HECATOMBE DES ELEPHANTS EN L'AFRIQUE DE L'EST par Iain Douglas-Hamilton * Chacun salt que depuis des annees les braconniers tiient les elephants pour Vivoire. Mais ce quepersonne ne semble se rendre comple, si ce sont quelques gardiens et experts de lafaune sauvage, ce sont Vetendue de la destruction des elephants en Afrique de I'Est et la rapidite avec laquelle les rescapes disparaissent ! Cette vague de destruction des 6/6- phants est la deuxieme du genre, la pre- miere ayant presque 6radiqu6 les 6l6phants de la majeure partie de I'Afrique de I'Est avant le d6but de ce sidcle. Avec la mise en place des lois sur la chasse et des zones prot6g6es, les 6l6phants avaient r^cup^r^ et, jusqu'en 1970, on pensait qu'ils etaient a I'abri de ce genre d'aneantissement. Ce fut mon travail, au cours de ces douze dernidres anndes, de surveiller les changements dans les populations d'6l6- phants pour certaines organisations de conservation, d'agences de d^veloppement et de departements gouvernementaux de la faune sauvage. Au cours de cette pdriode, j'ai organist ou particip6 k de nombreux comptages d'elephants dans les trois pays d'Afrique de I'Est. En 1987, les donn6es les plus com- pletes disponibles sur les elephants 6tait ras- sembl^es dans un rapport du PNUE, financd par le WWF et le "Elsa Wild Animal appeal". Anne Burrill et moi-meme avons cor6dig6 ce rapport. Au cours de I'^tude, nous avons uti- lise ces donn^es pour creer un module d'6- valuation des populations d'6l6phants en Afri- que, pays par pays, k I'aide d'un ordinateur g6ant sur information g6ographique au Sys- tdme de Surveillance de I'Environnement Mondial (GEMS)/PNUE. Le but 6tait defour- nir aux pays africains les meilleures informa- tions possibles sur les 6l6phants afin qu'ils puissent s'accorder sur les quotas d'ivoire sous le nouvel Accord CITES pour I'exporta- tion de I'lvoire. Le rapport a pu etre finalist h temps pour la reunion CITES d'Ottawa en juillet 1987. Au cours de ce travail, nous avons pu observer revolution des populations d'ele- phants en Afrique de I'Est. En Afrique, cette region 6tait particulidrement renommde pour ses 6l§phants et une grande quantity de don- n6es y 6tait disponible. Wilbur Ottichilo, de rUnit6 de Surveillance Ecologique des Patu- rages Kenyans (KREMU), avait soigneuse- ment rassembl§ les r§sultats des dernieres enquetes du KREMU et nous avons compare ceux-ci avec des comptages pr6c6dents. La Tanzanie et I'Quganda ont 6galement fourni les informations n6cessaires, en ce compris des comptages pour lesquels j'avais aid6 a la coordination dans la Reserve de Gibier du Selous, au Pare National du Lac Manyara et dans les pares nationaux d'Ouganda. De nombreux collogues de la recherche sur la faune sauvage ont 6galement contribud k ce travail, notamment les membres du Groupe 11 UICN des Sp^cialistes des Rhinoceros et Ele- phants d'Afrique. Les resultats sont resumes dans le ta- bleau de la page 14 et uniquement mis a jour en ce qui concerne le comptage fait k Ma- nyara en novembre dernier. II donne une bonne idee des changements dans les popu- lations d'elephants au cours des quinze der- nieres annees pour le Kenya et I'Ouganda, et au cours des dix dernieres annees pour la Tanzanie. Au vu des donnees de ce tableau, il est Evident qu'il y a plus de 15 ans d'ici, les elephants elaiont nombreux meme en-dehors des aires protegees. De fait, plusieurs mil- liers ont ete tues au cours des annees 60 afin de proteger les cultures, sans que cela ait un impact negatif sur leurs effectifs globaux. L'i- voire de ces operations de controle et le paiement de licences de chasse sportive a I'elephant ont aide a rendre autosuffisants les departements de la faune sauvage de ces pays. La resurgence du commerce de I'i- voire a commence en 1970 avec une aug- mentation rapide du prix de I'ivoire. Les deci- mations d'elephants qui survinrent ne sont pas I'apanage d'un pays en particulier et se sont repetees en Ouganda, au Kenya et en Tanzanie. En Ouganda, le carnage le plus dra- matique a eu lieu au debut des annees 70 lorsque les hommes d'Amin ont devaste les Pares Nationaux pour I'ivoire, en ce compris le Pare des Chutes de Murchinson au Sud du Nil ou les elephants ont chute de 9.000 k 1 .700 en trois ans (depuis, ils ont presque ete eradiques). Le record au Kenya ne fut pas une di- minution aussi abrupte mais en termes abso- lus, le nombre d'elephants abattus fut plus important. II faut neanmoins remarquer que les tendances dans les Pares d'Amboseli, de Mara et k Laikipia sont des exceptions au de- clin general. Dans chaque cas, ces havres de securite se remplirent de refugies. L'effondrement des elephants de Tan- zanie a debute plus tard et k un rythme plus lent, bien que la perte y fut la plus grande en nombre total d'elephants. Par exemple, 55.000 elephants ont ete perdus dans la Re- POPULATIOM D'ELEPHANTS DE TANZANIE (milliers) 300 100 I I 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 (annees) Aires non prot^g^es POPULATION D'ELEPHANTS DU KENYA (milliers) 140 Aires prot^g^es i Ml 73 7A 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 (annees) Aires prot^g^es ^^^H Aires non proc^g^es POPULATION D'ELEPHANTS D' OUGANDA (milliers) 20 i II 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 (annees) yy/Yy] aires protegees serve de Gibier du Selous sur une periode de dix ans. Aujourd'hui 11 y reste encore quel- que 55.000 elephants, ce qui represente presque la moitie des elephants d'Afrique de I'Est. Quelques-unes des populations indi- catrices cies n'avaient pas ete inventoriees depuis un certain temps au moment ou ce ta- bleau a ete dresse. Les resultats obtenus de- 12 puis juillet dernier laissent penser que nous pourrions avoir s^rieusement sous-estim6 le taux de ddclin de certaines populations, par exemple celle du i_ac Manyara ou un comp- tage a maintenant 6t6 refait et ou les 616- phants ne sont plus que 180 k 200 en com- paraison des 430 que nous avions suppos6. Ruaha Rungwa 6tait estim6 k quelque 22.000, nnais les r6sultats actuellement en cours d'analyse k I'Institut de Recherches sur la Faune Sauvage du Serengeti donneront probablement un chiffre beaucoup plus fai- ble. Finalement, les 6l6phants de la Reserve de Gibier de Mkomazi estinnds k 2.800 en 1968 et k 670 en 1977, ont maintenant chute a 90 animaux au lieu de 193 tel que nous I'a- vions extrapol6. Dans le reste de I'Afrique, les donn6es sont moins abondantes mais dans son en- semble la situation pour les 6l6phants y est semblable sinon pire qu'en Afri- que de I'Est. Seules les popula- tions de certaines parties d'Afrl- que australe sont encore impor- tantes, bien que, meme 1^, la population la plus importante vl- vant dans le Nord du Botswana a probablement emigr6 d'ail- leurs fuyant la guerre et le bra- connage. II sort de la port6e re- gionale de cet article de passer en revue la situation de tout le continent mais les donndes existantes sont r6sum6es dans le rapport du PNUE qui sera bientot disponible au public. II est maintenant univer- sellement reconnu par tout scientifique responsable que la recolte actueile d'ivoire est trop elevee, non seulement en Afri- que de I'Est, mais sur une grande partie du continent. Ain- si que David Western, un des scientifiques de la faune sau- vage les plus renomm6s, et ses coll6gues I'avaient d6montr6 k I'aide d'un moddle sur ordina- teur, un taux constant de preld- vement d'ivoire, s'il est excessif, engendre la decimation de la population lente au depart et ensuite accele- r6e. Cela semble etre ce qui s'est effective- ment passe. Meme le scientifique le plus prudent reconnait maintenant que I'elephant sera bientot menac6 en tant qu'espdce si le taux actuel de pr6l6vement d'ivoire continue. Pour I'Afrique de I'Est, il ressort des donnees disponibles que I'elephant est dej^ une es- pece menacee. II n'est pas possible que les Elephants d'Afrique de I'Est supportent, pen- dant les dix prochaines anndes, sans dispa- raitre un prel^vement d'ivoire tel que celui des dix dernieres annees. II existe de bons arguments pour sou- tenir que les Occidentaux et les acheteurs d'ivoire asiatiques portent une lourde respon- sabilit6 dans la destruction de I'el6phant. S'll pouvait fonctionner, le systdme des quotas de la CITES pourrait alder au renforcement 13 Echantillonnage des populations d'elephants d'Afrique de TEst KENYA Districts (a Texdusion changements sur 15 ans des aires protegees) 1973 1977 1987 (en%) Garissa 14.500 7.092 678 -13.822 -95% Lamu 7.000 3.412 310 -6.690 -96% Tana River 32.000 6.524 1.152 -30.848 -96% Kilifi 10.000 806 100 -9.900 -99% Kwale 2.000 1.420 182 -1.818 -91% Isiolo 2.000 1.275 154 -1.846 -92% Samburu 9.000 1.318 427 -8.573 -95% Turkana 1.500 1.318 444 -1.056 -70% Laikipia 1.000 3.060 2.791 1.791 -179% Narok 5.000 1.921 243 -4.757 -95% Sous total des aires non protegees 84.000 28.146 6.481 -77.519 -92% Aires Protegees RN de Mara 720 710 1.100 380 53% PN d'Amboseli 550 450 680 130 24% PNde Meru 1.500 2.000 427 -1.073 -72% RN de Samburu 2.500 531 632 -1.868 -75% RN de Marsabit 300 900 529 229 76% PN du Mt Kenya 2.500 3.000 2.000 -500 -20% PN du Mt Elgon 500 1.000 200 -300 -60% PN des Aberdares 3.000 3.000 2.000 -1.000 -33% Ecosyst^me du Tsavo 5.000 19.300 5.700 -29.300 -84% Sous-total des aires protegees 46.570 30.891 13.268 -33302 -72% Totaux Kenya 130.570 59.037 19.749 -110.821 -85% TANZANIE Changements sur 10 ans Aires non protegees (en%) Complexe d'Arusha 16.660 2.146 -14.514 -87% Region de Tabora 8.399 1.958 -6.441 -77% Kilombero 5.848 2.230 -3.618 -62% Sous Totaux Aires non protegees 30.907 6334 -24.573 -80% Aires Protegees RG du Selous GR et PN de Mikumi 109.000 55.000 -54.000 -50% PN de Ruah, PN de Rungwa, Kizigo 43.685 21986 -21.699 -50% PN du Serengeti 3.008 395 -2.613 -87% PN de Manyara 453 180 -273 -60% PN du Tarangire 3.000 3.000 0 0% RG de Mkomazi 667 193 647 -71% Sous Totaux des aires protegees 159.813 80.754 -79.059 -49% Totaux Tanzania 184.872 87.088 -97.784 -53% OUGANDA Changements sur 15 ans Aires protegees (en %) PN de Kidepo 820 615 430 -390 -48% PN Reine Elisabeth 3.000 1.200 700 -2.300 -77% PN des chutes de Murchison 13.800 2.375 725 -13.075 95% Totaux Aires Protegees 17.620 4.190 1.855 -15.765 -89% Ces chiffres sont reproduits de "African Elephant Database Report", PNUE 1987, et proviennen [ de di- verses sources, dont beaucoup sont des 6chantillons. Ces estimations comprennent presque 'ensemble des §!6phants du K6nya et d'Ouganda et ^ peu pr6s 75% de ceux de Tanzar lie. 14 des lois en identifiant clairement la petite por- tion d'ivoire legal faisant partie du commerce actuel. Le commerce illegal pourrait alors etre elimin^. Si les gens refusaient d'acheter, de vendre ou de porter de I'ivoire, cela aide- rait a le devaluer. C'est maintenant qu'il est temps d'ar- reter d'acheter de I'ivoire et de lancer une campagne 'Sauver les Elephants', non pas dans dix ans lorsque I'elephant aura atteint le meme stade que le rhinoceros. Une telle campagne devrait travailler en collaboration etroite avec les gouvernements africains et les ONG telles que I'East African Wildlife So- ciety afin d'arreter cette mise a mort de I'ele- phant. Certaines indications laissent entrevoir que la situation desastreuse des elephants pourrait etre inversee. En premier lieu, en 1900, alors que tout le monde pensait que les elephants etaient sur le point de disparaitre, les lois sur la chasse furent mises en vigueur a I'extreme limite et le declin fut stoppe. Au Kenya, avec la nomination du Dr. Perez Olindo en tant que Directeur du Depar- tement de la Conservation et de I'Amenage- ment de la Faune Sauvage, il y a une atmo- sphere de reforme en I'air. Aprds un comp- tage fait en fevrier au Tsavo (dont les resul- tats sont en cours de redaction), il est evident que la majeure partie de la forte mortalite a eu lieu avant ces douze derniers mois et que le braconnage actuel a lieu principalement en bordure des pares et dans les zones exte- rieures. En Tanzanie, a la suite de I'enquete de 1986 au Selous, des operations massives de lutte anti-braconnage ont ete lancees et le gouvernement semble r6ellement d6termin6 k 6radiquer le braconnage. Les unites anti- braconnage ont acquis un nouvel avion. Le gouvernement tanzanien a interdit le com- merce priv6 de I ivoire et Industrie de sculp- ture de I'ivoire qui etait un point de faiblesse incontrolable. Les donateurs etrangers se sont montres prets a financer et k fournir de I'equipement pour la rehabilitation des pares nationaux et des reserves. L'Ouganda beneficie egalement d'un puissant soutien de la CEE et du PNUD pour Iam6nagement des Pares Nationaux mais il n'y a pas de nouvelles recentes de la plus grande population d'elephants vivant dans le Pare des Chutes de Murchison. Par tradition, rOuganda a toujours 6t6 fortement concern^ par la faune sauvage et la recherche appli- qu6e et il attire actuellement un soutien inter- national et il dispose d'experts locaux com- petents. Le coeur du probleme pour les dlri- geants d'Afrique de I'Est est maintenant de donner priorite a I'arret du braconnage et a I'elimination du commerce illegal de I'ivoire. Le commerce de I'ivoire est totalement prohi- be pour les particuliers tant au Kenya qu'en Tanzanie mais les braconniers n'existent pas la ou il n'y a pas d'acheteurs d'ivoire pour prendre livraison de la marchandise. Avec un reel engagement des gouver- nements d'Afrique de I'Est et des agences donatrices, il n'y a pas de doute que la vague qui bouscule si violemment les elephants puisse etre arretee et inversee. Sans un tel engagement, il faut s'attendre a voir les effec- tifs totaux des Elephants plonger vers les quelques centaines d'individus dans un ave- nir tres proche. NDLR. : Dr Iain Douglas-Hamilton est un des experts de la Consen'ation les plus renommcs notammcnt pour son travail sur les elephants. II a obtenu son doctoral en 1972 pour une etude de cins ans mence sur I'ecologie et le comportement des elephants dans le Pare National du Lac Ma- nyara en Tanzanie. Alors qu'il faisait campagne pour I'agrandissement du Pare de Manyara, il a toume unfilm pour la television avecAnglia et a egalement coredige un livre a grand succes intitu- le "Les elephants et nous". A I'heure actuelle, il analyse les donnees sur les elephants pour toute I'Afrique au sein d'un projet conjoint de la CEE et du WWF au cours duquel il a aide a cordon- ner le recent comptage des elephants du Tsavo. Cet article a iii public en anglais dans la revue Swara Magazine, Vol. 11, n"" 2, et est reproduit avec I'aimable autorisation de I'auteur et de I'editeur que nous remercions vivement. 15 LE BRUIT DU SILENCE ! par Joyce Poole Les elephants vivent dans une society tr^s organis6e avec un r§seau de liens trds etroits entre apparentes et non-apparentes. De meme qu'au sein d'une societe com- plexe, la communication entre les membres y est essentielle. Mors que les humains communiquent entre eux principalement par voie orale et vi- suelle, les communications entre elephants se font k travers une large cacophonie de sons et d'odeurs. Les 6l6phants africains produisent une grande vari6t6 de vocalisa- tions qui s'etend des barrissements k fre- quences relativement 6lev6es, des mugisse- ments, des hurlements et des beuglements jusqu'aux grondements k trds basse fre- quence. Appeles "grondements d'estomac" pendant de nombreuses annees, car on croyait qu'ils §taient ^mis par le syst^me di- gestif, il est actuellement etabli que ces gron- dements sont produits au niveau du larynx. De meme que lors de I'apprentissage d'un nouveau langage, il faut des ann6es d'6- coute et d'observation du comportement des individus pour r^ussir k d^meler le sens de ces nouveaux sons. Les elephants de I'Am- boseli sont §tudi6s depuis 1972 avec le sou- tien de la Fondation pour la Faune sauvage Africaine. Au cours de ces annees, Cynthia MOSS, Phyllis LEE et moi-meme avons re- connu 25 appels differents dont la plupart sont des grondements de diff6rentes sortes : il y a le grondement long et doux qui signifie "allons-y", le grondement fort et moduli qui est une salutation entre parents, le gronde- ment long et fort qu'utilise r6l6phant perdu pour appeler sa famille et la rdponse forte et modulde qu'il regoit, le grondement vibrant du male en rut auquel r^pondent les femelles par un refrain de grondements forts et modu- les. Mon int^ret pour la communication vo- cale des elephants a commence lors d'une etude que j'ai faite sur les signaux vocaux et olfactifs des males en rut - p^riode de com- portement hautement sexuel et agressif par- mi les males. J'essayais d'etablir que ces mSles en rut signalaient leur presence aux autres elephants pendant leurs deplace- ments au cours desquels, tout en grondant continuellement, ils repandaient une trafnee §cre d'urine et marquaient la vegetation a I'aide de secretions k odeurs douces pro- duites par les glandes temporales (situees derriere les yeux). Le grondement de rut, ainsi que je I'appelle, ressemble k de I'eau bouillonnant au travers d'un profond tunnel et est presque imperceptible. En fait, il m'a fallu plusieurs mois d'observations avant meme que je ne me rende compte que ces males vocali- saient. II me semblait alors tout k fait hors normes qu'un animal aussi imposant et aussi agressif puisse emettre un son si doux. Le fait encore plus etrange etait qu'ils vocali- saient le plus souvent alors qu'il n'y avait pas d'autres elephants aux alentours. Je savais, par les travaux de Judith Berg, que quelques- uns des grondements emis par les elephants d'Afrlque se faisaient k tres basses fr6- 16 L'auteur, Joyce Poole, dans lAmboseli, accompagn6e de ses assistantes Norah Niiraini et Soila Salyielel (Credit : C.Moss/AWF). quences et je commengai a me demander si ces sons bien que forts n'etaient pas juste trop bas pour que mon ouie humaine ne puisse les percevoir. C'est alors qu'en 1984, Katy Payne et ses collegues ont fait la decou- verte tres interessante que les elephants asia- tiques en captivite, au Zoo de Washington Park a Portland dans I'Oregon (USA), emet- taient des sons k basses frequences inaudi- bles pour une oreille humaine. Ces sons sont appeles infrasoniques. Non seulement ces sons etaient a tres basses frequences, mais ils etaient emis ^ des niveaux de pres- sion Sonique tres eleves. En d'autre termes, bien qu'impercepti- bies pour des humains, un grand nombre de ces vocalisations etaient des sons a tres forte pression sonore. Du fait que les sons k basses fre- quences sont relativement peu attenues par I'environnement, ils voyagent beaucoup plus loin que des sons a hautes frequences de meme niveau de pression sonore. f^me Payne et ses collegues se sont alors deman- des si des sons produits par des elephants asiatiques k I'etat sauvage ne pourraient etre pergus par d'autres elephants eloignes de plusieurs kilometres. En Afrique, les natura- listes et les chasseurs ont depuis longtemps observe I'etrange capacity des Ele- phants de communiquer sur de longues distances. A Sengwa au Zimbabwe, Ro- wan Martin a suivi par radio des Elephants qui repon- daient aux mouvements d'autres Elephants se trou- vant a des distances allant jusqu'a cinq kilometres. II a remarquE que ces mouve- ments se faisaient souvent dans des situations ou la di- rection du vent ecartait toute possibilite de communication olfactive des Elephants. En 1963, A.F.Rees uti- lisa I'expression de "percep- tion extra-sensorielle" pour decrire I'absence de communication vocale apparente dans les mouvements coordonnes des groupes d'elephants dont il etait le te- moin. Au debut de 1985, j'ai invite Mme Payne k apporter son equipement d'enregis- trement ultra-sensible k I'Amboseli afin de se rendre compte si les elephants africains utili- saient Egalement les infra-sons pour commu- niquer entre eux. Nous avons pris soigneu- sement note de quel individu grondait, a quel moment et quel genre d'appel il emettait. En analysant les appels par spectro- graphie, nous avons decouvert que nous ne decelions k I'ouie qu'a peu prEs un tiers des sons qu'ils emettaient. De plus, nous avons remarque que de nombreux sons qui nous avaient semblE extremement doux k notre ouie Etaient en fait trEs infrasoniques mais de niveaux plutot ElevEs. Les caractEristiques de transmission de sons ElevEs k trEs basse frEquence faisaient que les ElEphants pou- vaient en effet utiliser ces vocalisations pour communiquer sur des distances de plusieurs kilomEtres. Cette dEcouverte a d'un seul coup ex- pliquE beaucoup de points jusque la obscurs du structure sociale et reproductive de I'EIE- phant. Par exemple, une femelle n'est rEcep- 17 **,UU>.. ■-If* II est connu que les 6l6phants r6pondent aux mouvements d'6l6phants se trouvant h plusieurs kilometres de distance. Leur secret reside dans la communication k trds basses frequences (Credit : C.Moss/AWF). tive que pendant trois jours tous les trois a cinq ans bien qu'elle soit toujours accouplee et surveill^e par un des quelques males de haut rang en chaleur durant cette periode. II apparait maintenant que les femelles en cha- leur attirent ces males en rut, qui sont peu nombreux et parfois eloignes, par une serie d'appels distincts, forts et de tres basse fre- quence. Les males en rut evitent serieuse- ment de rencontrer un autre male dans le meme etat d'agressivite et, ainsi, les combats sont extremement rares. II semble que les males puissent s'eviter en guettant les gron- dements des uns et des autres. En Namibie, Mme Payne et ses colle- gues ont utilise des enregistrements afin de mesurer la distance a laquelle les elephants peuvent communiquer entre eux. Afin de de- meler le repertoire vocal des elephants afrl- cains, j'ai observe dans I'Amboseli les diffe- rentes r^ponses des elephants a des enregis- trements d'appels particuliers enregistres sur des individus connus. Pour reproduire les grondements tres forts (jusqu'a 1 10 decibels) et de tres basses frequences (jusqu'a 14 Hertz) emis par les elephants, un haut-parleur special (de 0,425 metre cube et de pres de 63,5 kg) a du etre congu. Les personnes sont toujours 6tonnees d'apprendre que des ani- maux puissent avoir des moyens de communica- tion trds sophistiques. Je me prends a esp§rer qu'en en apprenant plus sur cet animal social tres intelligent, les humains reflechiront un peu plus avant d'acheter de I'i- voire. Mais nous faisons une course contre la montre car la majorite des populations ne com- prennent plus que quel- ques individus de plus de 35 ans et, dans cer- taines regions, il ne reste que des groupes d'orphelins circulant en vain. Les dix dernieres annees ont vu dispa- raitre la moitie des populations d'elephants d'Afrique a cause du commerce illegal d'i- voire. Les Etats-Unis a eux seuls importent un tiers du commerce international d'ivoire sculpte dont quelque 75% de celui-ci pro- viennent d'elephants braconn^s. La Fondation pour la Faune Sauvage Africaine est occupee k dtablir un fonds a double objectif, k savoir d'essayer d'eduquer le consommateur et de soutenir les efforts de lutte anti-braconnage en Afrique. Les deux efforts doivent aller de pair. Si on continue d'acheter de I'ivoire au rythme actuel, il ne nous restera bientot plus que les enregistre- ments et le souvenir de ces creatures magni- fiques. * African Wildlife Foundation P.O.Box 48177 Nairobi (Kenya) (Cet article a ete public en anglais dans la rcviic Wildlife News et nous a etc transmis par la Fon- dation pour la Faune Africaine pour publication. Nous les remercions vivement). 18 LES ELEPHANTS DU SAHEL par Mr. Bourama NIAGATE * Si par hasard on vous demande d'6ta- blir une liste des endroits de par le monde ou I'adaptation k la vie vous semble difficile, n'hesitez pas a citer la partie Nord du Mali. Pourtant, c'est dans cette partie du Mali ou les conditions 6cologiques sont d§fa- vorables que vivent les derniers troupeaux d 'elephants les plus septentrionaux de rOuest africain. D'une rare puissance, d'un gabarit 6norme, commundnnent appeld "le G6ant", "le Champion", "le plus imposant", "le plus ma- jestueux des animaux terrestres", chez qui tout appartient k un monde insolite, cet ani- mal est le seul representant actuel de I'ordre des Proboscidiens. C'est en Afrique, semble-t-il, que sont effectivement apparus les premiers ancetres des Proboscidiens (Mastodontes et Mam- mouths). Des le quaternaire, ils auraient dej^ peupl6 I'ensemble du continent africain, en ce compris I'Afrique du Nord et la vaste re- gion saharienne k I'^poque ou celle-ci, comme diverses indications le laissent sup- poser, n'6tait pas desertique mais constituait un territoire d'aspect soudanien (DE KEY- SER). D'apres ROCHEBRUNE (1883) et Bl- GOURDAN et PRUMIER (1937), "il y a 50 ans, I'habltat de I'^l^phant s'6tendait sans discon- tinuer de Dakar (S6n6gal) au Tchad, depuis la Cote Sud jusqu'^ la latitude de Tombouc- tou (Mali)". Aujourd'hul, d'6normes vides se sont creus6s dans cette immense zone. Seuls survivent encore les animaux que pro- tege de son impenetrable rideau la grande v6g6tation 6quatoriale (DE KEYSER). En Afrique occidentale sub-saha- rienne, la population la plus importante et la seule qui ait une chance de subsister a long terme - population d'environ 550 tetes (DOU- GLAS-HAMILTON, 1979) et LAMARCHE (1981), 500 k 200 (N.N. SANOGHO, 1980), 600 k 700 (H.Ag.M. LAMINE, 1983), 700 (I'ESSOR n° 9118 du 10/6/83) et selon GUIL- LEMONT (1986) 600 tetes - vit, en-dehors d'un bref s6jour au Burkina Faso en salson des pliiies, la majeure partie de I'annee (sep- tembre k juillet) dans la region du Mali appe- I6e "Gourma". A tVIELCTTI • nPEtrin lUM NItTMlWI SKmiitii dciuel Rg.1. : Schema de distribution ancienne et actuelle de I'6l6phant (d'apres R.MAUNY) 19 LA RESERVE DU GOURMA Le Gourma est un terme employe, plu- tot vaguement, pour designer la bande de terre situ6e entre le fleuve Niger k sa grande courbe et la frontidre du Burkina Faso. Le Gourma est un ensemble de larges etendues k caract^ristiques physiques et biologiques variees constituant la zone de concentration des elephants. fig.2.: Emplacement du Gourma (ray6) et du P.N. de la Boucle du Baoul6 (noir). En considerant la ligne Nord-Sud de Tombouctou k Douentza et la zone d'inonda- tion du Niger k I'Ouest commes limites ap- proximatives du Gourma, la region a une su- perflcie de 83.300 km^ environ. La reserve partielle de faune de la zone dite "Reserve des 6l6phants" situ6e dans les cercles de Douentza (Mopti) et Gourma-Rharous (Tombouctou) a 6t6 clas- s6e par la loi n° 59-53/AI/RS du 30 d^cembre 1959. Elle couvre une superficie de 12.000 km^ soit quelque 36% des parcours des §16- phants. L'objectif principal de la creation de cette reserve est de preserver les espdces animales prot§g6es en general et les 616- phants en particulier. LA VEGETATION DU GOURMA Du point de vue ecologique, la vegeta- tion du Gourma se divise en deux categories distinctes : les arbres et arbustes dont la den- sit6 varie fortement selon la topographie, le sol et le niveau de I'eau et les herbes formant la strate herbacde. Cette derniere est dominee par des an- nuelles, particulierement des herbes telles que Aristida mutabilis, Schoenefeldia graci- lis, Brachiaria xantholeuca et Zornia glochi- diata; I'espece dominante parmi celles-ci est Cenchrus ci liar is. La vegetation arbor^e du Gourma est constitute en grande partie d'^pineux du genre Acacia - Acacia tortilis, Acacia seyal, Acacia radiana, Acacia Senegal - et les Bos- cias. En-dehors des Acacia, on trouve dans les galeries une association de Balanites, Zi- ziphus jujuba, Leptadenia pyrotechnica. Eu- phorbia balsamifera formant souvent des peuplements purs sur les flancs des monts et dans les steppes. Cette vegetation constitue I'essentiel de I'alimentation des elephants et autres mammiferes dans le Gourma. HYDROGRAPHIE De ce point de vue, la zone de Gour- ma offre aux differents utilisateurs du milieu d'importants points d'eau, des lacs et des mares, toutefois vite ass6ch6s durant les mois d'avril, mai et juin, periode difficilement supportable par les etres vivants dans cette region du Mali. Les points d'eau les plus im- portants sont les lacs Korarou, Aougoundo, Niangaye et Do. Les mares les plus importantes sont Inadiatafan k I'Est, Alsanabango au Sud, Fer- mini pres de Douentza et la mare de Banzena k 35 km au Sud de Bambara-Maoude. Ces mares sont trds convoitees par les elephants, le betail domestique et les hommes. La mare de Banzena connut en 1983 un veritable ta- 20 rissement et les animaux furent obliges de se rabattre sur celle d'Inadiatafan et vers les hautes falaises a la recherche d'eau. Ce fut une annee de calvaire pour les elephants qui preferent plutot mourir de faim que de soif. Nombre d'entre eux moururent malgre les ef- forts deploy^s par les autorites qui achemi- naient des citernes d'eau vers cette region tant au benefice des hunnains que des ani- maux (I'Essor n° 91 18 du 10/06/83). LA FAUNE DU GOURMA II est probable que precedemment, la faune du Gournria ait et6 plus riche qu'aujour- d'hul. Du fait de la presence de grands lacs en bordure de la reserve, il n'est pas rare de rencontrer, vers mars et avril, de nombreux anatides 6thiopiens et palearctiques hiver- nant durant cette periode (sarcelle d'ete, slf- fleur, pilet, dendrocygne veuf, dendrocygne fauve, oie d'Egypte, oie de Gamble, etc.). Comme grands mammiferes, on rencontre evidemment des elephants qui sont les nota- bles de la reserve, des gazelles rubifrons et des chacals. On peut egalement y rencontrer des cynhyenes ou lycaons dans la zone de Boni entre Douentza et Hombori. Les es- p^ces caracteristlques restent I'elephant, ia gazelle rubifrons, les pintades, les outardes et les chacals. LES AXES DE MIGRATION "La migration : deplacement d'une po- pulation sous I'influence de facteurs periodi- ques ou accidentels, avec retour ulterieur sur les lieux de depart; est un ph^nomdne connu de certains animaux". La plus grande migra- tion jamais effectude par des grands mammi- feres est faite chaque ann6e par les gnous sur un parcours de 1 .600 kms dans le Pare National du Serengeti. Chez les oiseaux, les deplacements sont frequemment massifs et spectaculaires parcourant parfois 20.000 kms. Les Elephants quant k eux, dans leur 21 milieu naturel, sont constamment en mouve- ment, surtout la nuit en fonction de leurs be- soins en nourriture. Le cas des Elephants du Gourma en t^moigne. D'aprds certains ob- servateurs, les elephants du Gourma effec- tuent des deplacements, au cours de I'ann^e, qui approcheraient les 800 kilomdtres, ce qui representerait la plus grande migration connue pour *es elephants en Afrique (LA- MARCHE, 1978 et DOUGLAS-HAMILTON, 1979). Cette migration se fait de la mani^re suivante. Vers le mois d'octobre, les 6\6- phants arrivent au Mali directement du Burki- na Faso vers la mare de Soum aux environs de Douma dans I'arrondissement de Mondo- ro. lis se dirigent vers le point d'abreuvement suivant, la mare de Massi, puis traversent le plateau de Kimmaro en octobre. C'est k ce moment qu'on peut les rencontrer aux envi- rons de Hombori. Souvent, le troupeau se divise et une partie passe k I'Ouest de Hombori, toujours en direction du Nord. Les 6l6phants attei- gnent le plateau de Kimmaro a Gossi et Di- koy en deux groupes separes, soit depuis Soum soit seulement k partir de Kimmaro. Ensuite, lis se dirigent tous vers la vaste mare d'Inadiatafan ou lis s6journent relativement longtemps selon les anndes. Arrives en no- vembre, ils repartent au plus tard fin fevrier en traversant la vaste steppe herbeuse vers la mare de Banzena. Apres avoir pris un grand bain, les pachydermes se desaltdrent abondamment avant de poursuivre leur route vers les grands lacs de I'Ouest de la reserve ou ils arrivent en avril-mai. La, ils rencontrent un autre groupe venant de Soum et Banzena pour rejoindre les lacs vers fevrier. lis repren- nent alors la route vers le Burkina Faso par la mare d'Alsanabongo et la s6rie des mon- tagnes entre Dallah et Boni. lis entrent au Burkina Faso vers juillet en passant h I'Ouest de Mondoro. Vers septembre, le cycle de transhumance reprend en direction du Mali. LAMARCHE d6crit aussi comment, du- rant I'hivernage, la population se fractionne en 40 groupes maximum, ceux de 15 a 20 animaux 6tant les plus frequents. Peu apr^s les pluies, les groupes com- mencent ci se fusionner, la population se re- goupant ainsi pendant la saison seche en quatre groupes, deux de 200 et deux autres de 60. Vivant relativement proches I'un de 1 4 3 ---. '. '^. \ 2 1 •16 /\>-.^ 'x \ 16- ",, crO^-> r-^:\. \ ,-''• \ / •■ - — _ •-.,.. . X^ ^^^-' M\^ J »^-x ; .•■'■■'^^'^X:> S-^/ \ \ \ - '■" 'a / ^\ ^'--.^^ -■' r.^ ^ \ ^.^ ~~. '' Ao \ -:^-: ^ --^. \ ~~ ^ \ 1 \ \ 1 \ \ \ \ 15 \ \ ^^ \ >\ y • '--.. Isoles """ , groupes importants ■ villes • Mares ^.-"''^'^ 1 1 1 ... 1 ■ Moi>ti J -D mois / 50 km Rg. 3. : D6placements des 6l6phants (source : Lamarche, 1978). 22 I'autre, ces groupes peuvent toutefois fre- quenter le meme point d'eau. C'est ainsi que s'effectue le long peri- ple nomadique de nos amis les §l6phants dans cette partie du Sahel (fig. 3 : deplace- ments des Elephants) (source : Lamarche, 1978). production primaire accessible aux elephants sur une superficie de 33050 km^. Si Ton compare le prelevement en ma- nure sdche des differents utilisateurs du Gourma, de nettes differences apparaissent dans la consommation alimentaire annuelle (tableau 2). LES ELEPHANTS DANS LEUR ENVIRONNEMENT Les elephants sont natureilement so- ciables. Le groupe du Gourma n'est nulle- ment surpris par les multiples derangements qui, selon leur propre comportement, sont chose habituelle. 11 arrive cependant de temps en temps qu'ils ddtruisent les cultures et les recoltes entreposees dans les champs. Quant k la vegetation, lis lui causent d'e- normes degats par un dbranchage massif et le pietinement. A ce propos, il faut reconnaf- tre que I'elephant est un animal parmi les moins specialises quant ^ leurs besoins. lis sont en general a la base meme de la des- truction de leur propre habitat bien que, se- lon I. et O. DOUGLAS-HAMILTON dans "les 6l6phants et nous", ces actions des 616- phants causees k leur environnement ne doi- vent etre consider§es que comme une modi- fication de I'habitat. Les plus grands d6gats sont toutefois effectues chaque annee par les hommes du fait de pratiques culturales de faible rendement et d'une mutilation quasi permanente au profit du paturage du b^tail. Le tableau 1 donne une estimation, se- lon HIERNAUX et CISSE (1983), du taux de BRACONNAGE Le braconnage proprement dit est sur- tout effectu6 par les etrangers. Neanmoins ce qui est important de retenir est que ces Elephants ont une chance d'etre sauves mal- gre les conditions 6cologiques. II faut toute- fois noter que, dans un troupeau, des indivi- dus bien que de taille respectable, atteignant souvent les 5 tonnes de proteines, sont de trds faibles porteurs d'ivoire. C'est 1^ sans doute I'une des raisons qui expliquent que, contrairement aux 6l6phants d'autres regions d'Afrique, ces pachydermes sont trds peu braconnes. LES ELEPHANTS, LES HOMMES ET LE RETAIL DOMESTIQUE Natureilement tol6rants et craintifs ci la fois, les 6l6phants acceptent facilement de vi- vre avec n'importe quel autre animal, lis ne sont g^neralement en competition avec au- cun autre animal, car ils s'adaptent facile- ment k des regimes varies. Cette concur- rence est toutefois inevitable dans le Gourma Herbes Pousse Les deux Productivity (kg/ha/a) 685 500 1.185 Production (tonnes/a) 2.263.925 1.652.500 3.916.425 Production accessible (tonnes/a) de40%^70% a 8% 633.899 462.700 1.096.599 181.114 132.200 313.314 tableau 1 : Production primaire annuelle dans la zone des Elephants (mati^re s^che) 23 Prelevement brut (tonnes/an) Betail 324.240 Moutons 37.028 Chevres 29.514 Anes 3.036 Chameaux 7.322 Elephants Total 9.385 410.525 tableau 2 : Consommation alimentaire annuelle par les herbivores dans la zone des EI6phants (nnati^re s6che) ou a lieu une veritable lutte pour la survie en- tre les differents utilisateurs que sont les hommes, les elephants et le betail domesti- que. C'est ainsi que, vers les mois de mai- juin, d'importants incidents opposent les ele- veurs aux elephants pour la possession des puits et autres points d'eau, facteurs limitants de la region. Doues de comportements trds 6vo- Iu6s, les pachydermes evitent toutefois toute confrontation en se rendant aux mares la nuit. Dans le Gourma, les veritables concur- rents des elephants pour I'exploitation des paturages demeurent sans conteste les ani- maux domestiques (bovins, chevres et mou- tons) (tableau 2). Nous conclurons en disant que ces animaux, constituant les derniers 6chantil- lons des populations d'el6phants dans le sa- hel, meritent une protection totale des gou- vernements responsables des territoires ex- ploit's. Un espoir est en tout cas en vue au Mali car la conception que les autochtones se font de ces animaux et surtout le compor- tement positif qu'ils ont envers eux permet de croire que ces pachydermes pourront etre sauv6s de la destruction totale (N.N.SANO- GHO). En plus de cette predisposition des populations, il convient de considerer que ces animaux font partie integrante des res- sources du pays. Les laisser disparaitre 6qui- vaudrait k la destruction d'un riche patrl- moine commun que nous devons I6guer k nos enfants et petits-enfants. La survie de ces 6l6phants est done d'sormais entre nos mains, k nous sah6liens qui devons etre tiers d'avoir conserve jusqu'a present ce tresor. Nos efforts sont confort's par I'aide et I'appui de toutes les organisations de conservation de la nature (PNUE, UICN. WWF, CILSS) pour la sauvegarde des Elephants du Sahel. BIBLIOGRAPHIE GUILLEMONT A., Les elephants du Gourma. L'univers du Vivant, n°7. FRIEDEL H., Dictionnaire de I'Ecologie et de I'Environnement. DOUGLAS-HAMILTON I.& 0., Les elephants et nous. DORST J., Guide des grands mammiferes d'Afrique. SANOGHO N.N., Rapport sur les Elephants du Gourma. Dir.G'n. des Eaux et Fo- rets du Mali. DE KEYSER P.L, Les Mammiferes de I'Afri- que noire frangaise. OLIVIER R.C.D., The Gourma Elephants of Mali : a challenge for the Integrated Management of sahelian rangelands, sept. 1987. DAJOZ R., Prdcis d'Ecologie. TAMBOURA Y.N., Rapport special sur les elephants du Mali. Dir. du P.N. des Boucles de la Baoul'. * Division Chasse et Pares Nationaux Direction Nationale des Eaux et Forets du Mali. 24 NOMBRE, REPARTITION ET DEPLACEMENTS DES ELEPHANTS DE NAZINGA de H. Jachmann Avertissement Plusieurs noms geographiques contenus dans la version anglaise correspondent a Vancienne ap- pellation. Par respect pour la version anglaise nous ne les avons pas modifies. A titre d'exemple, le Pare National de P6 est au- jourd'hui le Pare National de Kabore Tembi. INTRODUCTION Le nombre d'animaux et leur reparti- tion dans le temps sont d'une importance ca- pitale pour la gestion de la vie sauvage. L'une des mesures susceptible de fournir ces renseignements est "le taux d'occupation"; celui-cl est calcule en multipliant la biomasse ou le nombre d'animaux (ici, les elephants) par le temps pour une unite d'espace don- nee. Les methodes habituelles pour obtenir des informations sur "le taux d'occupation" des elephants sont les sun/ols aeriens et les etudes sur le terrain. En termes de precision, cependant, ces deux types d'etude ne sont pas satisfaisants pour les raisons suivantes : Repartition irreguliere Les erreurs de pr6levements et les 11- mites de fiabilite d'une estimation sont forte- ment infulencees par la repartition de la po- pulation etudiee. Si la population est grou- pee, la marge d'erreur est tres grande. Ce probleme est la contrainte la plus serieuse dans I'utilisation d'un comptage aerien ou au sol. Ainsi, une estimation du nombre des ele- phants presentera une grande marge d'er- reur lorsqu'ils sont tres groupes. Les obser- vations sur leur repartition peuvent egale- ment ne pas avoir de signification si elles ne proviennent que d'une seule etude. Visibilite limitee La tendance k sous-estimer le nombre d'animaux en fonction des differents types de couvert vegetal est en general plus forte qu'on ne le pense. Pour tenir compte de cette tendance, un facteur de correction de- vrait etre evalu6 pour chaque type de couvert rencontre dans la region etudiee. A cause de I'inexactitude des donnees obtenues par chacune des etudes aeriennes et au sol, j'utilise I'autre m^thode d'evaluation de la presence d'6l6phants sur le ranch de Nazinga : celle du comptage des matleres fe- 25 cales. Cette mehtode decrite par Jachmann et Bell (1979, 1984) a trois avantages. Elle estime rimportance de la population, decrit avec exactitude la repartition par saison et identifie les 6ventuels couloirs utilises par les elephants lorsqu'ils se deplacent a travers les limites du ranch. ZONE ETUDIEE La zone etudiee couvre les 806 km^ du Ranch de gibier de Nazinga (superficie qui etait celle du ranch au moment de I'etude) dans le Centre-Sud du Burkina Faso (figure 1). La moyenne de pluviometrie annuelle est d'environ 1000 mm. Le ranch et son ecolo- gie ont ete decrits par C.Lungren (1975, 1985). Ouogodougou fig. 1. : Centre-Sud du Burkina Faso, montrant le Pare National de P6, le ranch de gibier ue Nazinga et la Reserve Foresti^re des Deux Bal6 METHODES L'etude menee pendant la saison seche s'est deroulee de d§but fevrier a fin avril 1987 sur la totalite du ranch. La m6- thode sur le terrain consistait simplement k dtablir une grille fictive form^e d'unit6s car- ries de 2,7 km de cote, en utilisant les tran- sects existants qui avaient ete materialises lors d'une 6tude precedente (figure 2). A chaque point d'intersection, les defecations ^ ^ F= -^ ^^^^ T - \ \ ^ r^ . "- ^x 1 ^V S \ krr \ |— ^ ■" - -\ ^"n^ \ / ^ ' - /" > V /- ^ i -r" f ^ I - ' ohan'J — - s X * \^ fig. 2. : Situation du Ranch de Gibier de Nazinga au Centre-Sud du Burkina Faso. La grille consiste en des unites de 2,7 km de c6t6. Le point noir central de chaque unit6 repr6sente les quadrats de 100 x 100 nn oCi les defecations d'ei6phants ont 6*6 recherch6es. d'elephants furent examines sur un quadrat de 100m de c6t6. Un total de 100 quadrats a ete examine (1 km^), a I'exception d'environ 10 quadrats sur le p^rimetre du ranch ou Ton savait que la densite de defacations etait nulle. Chaque quadrat etait couvert par une equipe (2 ouvriers agricoles, un assistant de laboratoire et moi-meme), chaque personne marchant ci 12,5 mdtres d'intervalle du Nord vers le Sud puis en sens inverse. Chaque personne comptait les defecations sur sa gauche seulement, c'est-a-dire entre elle- meme et la personne situee sur sa gauche. Chaque c6t6 du quadrat a 6t6 mesur6 au pas. L'dtude de la saison des pluies s'est de- roulee au cours de la premiere semaine de septembre 1987 et, k I'exception des routes pdrim^trales, a englobd la plupart des pistes principales du ranch. A des intervalles de 3 km, la largeur de la route a ete mesuree a 50 cm pr6s. De cette maniere, 1 63 km de route sur une largeur moyenne de 3,9 metres (0,64 km^) ont ete examines. Cette mdthode pre- suppose que le temps de presence des ele- phants sur le systeme routier est equivalent ei celui de leur presence sur les autres parties du ranch (Jachmann, 1984b). Une "crotte" ou "defecation" est definie comme un tas de bouses. Afin de determiner la periode de depot pendant la saison sdche, seules ont ete comptees les crottes qui n'ont pas ete bruiees. Ainsi la periode a debute le jour qu'un site donne a ete bruie. Afin de de- terminer le taux de decomposition des 26 0.9-1.7 [J]]]o.4-0.a [TT]o-0.3 ELEPHANTS /km2 fig. 3. : Distribution des 6l6phants en saison sdche sur ie rancli de Nazinga. Les filches indiquent les d6placements nocturnes k I'ext6rieur du ranch. Les portions du ranch non hachur6es n'abritent pas d'6l6phants. crottes d 'Elephants k Nazinga, 31 crottes d'ages divers et differents, ont ete analysees chaque semaine de ia fin Janvier a la fin mars. Si plus de 90% de la defecation etalt recou- verts d'une surface de boue due k I'activit^ des termites, celie-ci etait jugee comme etant decomposee et done n'etait pas comptabili- see. Le taux de defecation des 6l6phants de Nazinga pendant la saison seche a et6 lvalue en suivant k pied des groupes faml- liaux et des 6l6phants males (se d6plagant seuls) et ce, pendant 73 heures. Le moment de la d^f^cation et le nombre de bouses ont 6te enregistr§s pour chaque defecation. Chez les elephants, il semble y avoir un lien positif entre la quantity d'herbe consomm^e (en %) et le taux de defecation. Ce pheno- mene est du au fait que la consommation d'herbe n'est pas Iimit6e par ses composants chimiques secondaires (Jachmann, 1987b) mais dans une moindre mesure par la rapidi- ty avec laquelle cette herbe traverse le sys- teme digestif. Le r§sultat en est une diminu- tion de I'efficacite d'absorption des proteines. En utilisant le pourcentage d'herbe consom- mee par les elephants (50,4%) au cours du mois precedent I'^tude, combine avec des observations d'une duree de 15,2 heures, on a obtenu le taux de defecation de la popula- tion d'6lephants de Nazinga pendant la sai- son des pluies. Jachman et Bell (1984) n'ont pas trouv§ de differences importantes de taux de defecation entre les groupes d'ages ou de sexe differents au cours d'une meme saison. Nous pouvons done par consequent utiliser des chiffres moyens pour la popula- tion de Nazinga. Les deplacements des elephants au cours de I'annee, etudies par la methode des defecations, I'ont ete en y ajoutant des rele- ves d'empreintes laissees dans la boue (pen- dant la saison seche comme pendant la sai- son des pluies) et en cherchant sur les routes perimetrales des signes attestant que les ele- phants traversent ces routes pour sortir du ranch. De plus, quatre sorties differentes ont eu lieu sur les zones peripheriques du pare pour s'enquerir sur les recents et aneiens de- placements des elephants. La premiere sor- tie a eu lieu dans les villages au Nord-Est du ranch entre Nazinga et le Pare National de P6 (Pare National de Kabore Tambi). La se- conde sortie a eu lieu dans les villages au Nord du ranch jusqu'^ la ville de Leo. La der- niere sortie s'est faite vers le Pare National de P6 ou j'ai interroge les gardes locaux et cher- che des traces d'eiephants le long de la Volta rouge (partant de la route principale N-S vers I'Est). Les ler et 2 avril, deux survols aeriens ont egalement ete faits sur la partie Nord qui borde le Pare pour deceler des traces de de- placements d'eiephants k travers les limites du Pare. Analyse des donnees Les dimensions de la grille ont ete choisies pour des raisons pratiques. Une grille avec des carres de 2,7 km de cote nous permettait d'utiliser les transects existants. La decomposition des defecations d'e- iephants est due ci trois facteurs : les termites pendant la saison seche, les bousiers et les termites pendant la saison des pluies et d'au- tres nuisances tout au long de I'annee (exemple : le pietinement, le feu, la pluie, les insectes, les insectlvores). Pendant la saison sdche, les defecations s'aceumulent car le taux de deposition par les elephants est plus eieve que le taux de deeomposlton du k la fois aux termites et aux intervenants mecani- 27 ques contribuant a la decomposition des crottes d'elephants (voitures, pieds, etc.). La periode pendant laquelle les defe- cations s'accumulent au cours de la saison seche (T(n)) a ete determinee exactement k partir de la periode des brulis dans cette zone particuliere jusqu'au jour de I'etude. Pour obtenir le nombre exact de defecations deposees par les elepfiants un facteur de correction doit etre applique pour tenir compte des defecations qui ont disparu par decomposition. Pour la situation de Nazinga, nous pouvons proceder comme suit. Le nombre de defecations comptees dans chaque qua- drat (D(a)) a ete multiplie par 729 pour don- ner le nombre de defecations pour chaque carre de 7,29 km^. Pour evaluer le veritable nombre de defecations deposees par jour, on applique le facteur de correction (L(s)) pour tenir compte de la decomposition. Nous ne pouvons cependant pas appliquer ce facteur au nombre de defecations comp- tees pendant I'etude parce que I'accumula- tion des defecations est un processus conti- nu demarrant a zero (t(0)) le jour suivant le debut des feux. Une progression algebrique qui n'apparaissait pas dans la premiere pro- position de projet par Jachmann (1987a) a ete utilisee pour evaluer le nombre de defe- cations qui ont disparu. Le nombre de defe- cations deposees par jour pour chaque carre de la grille est obtenu par ['equation suivante: T(n) X(a) = 729.D(a) i = l ((l-i.L(s)) + ... (l-T(n).L(s))) - L(s) est le facteur de correlation c'est-a-dire la fraction des defecations disparues par jour. Le nombre d'elephants represents par le nombre de defecations deposees par jour peut maintenant etre calculi pour chaque carre de la grille en divisant X(a) par le taux de defecations pendant la saison seche ou le nombre de defecations deposees par jour par elephant (R(s)). L'equation finale est la suivante: n 729.D(a) T(n) a = 1 i = 1 (((l-i.L(s))+...(l-T(n).L(s)))).R(s) Ou: N est la grandeur estimee de la popula- tion d'elephants. Une alternative est de supposer qu'il y a une variation au-dessus et en-dega d'un ni- veau constant de quantite reelle de crottes. Ceci veut dire que die taux de decomposition est egal au taux de decomposition a la moitie de la saison des pluies. L'equation serait ainsi: D(n) logc:; t(l/2) R(s) Ou : - X(a) est le nombre de defecations par jour dans le Xieme carre de la grille, (a = 1 a 100) - T(n) est la periode d'accumulation qui varie de 70 a 120 jours, - D(a) est le nombre de defecations comptees dans le Xieme quadrat, ou : - N est la grandeur de la population d'e- lephants - D(n) est le nombre total de defeca- tions sur le ranch le jour du comptage - 1(1/2) est le temps ou la moitie de la defecation premiere est meconnaissa- ble (tout au long de I'annee) et - R(s) est le taux de defecation pour la saison specifique. 28 RESULTATS ET DISCUSSIONS ESTIMATION DU NOMBRE D'ELEPHANTS Le taux de d§f6cation (R(s)) des 6I§- phants de Nazinga pendant la derniere sai- son seche a ete estime k 14,14 defecations par elephant et par jour, tandis que le taux de defecation pendant la derniere saison des pluies a ete estime a 27,2 defecations par Elephant et par jour. La moyenne du nombre de bouses par defecation pour la saison seche etait de 6,1. Au Malawi, Jachmann et Bell (1984) trouverent un taux de defecation par elephant et par jour, avec une moyenne de 5,6 bouses par defecation. Leurs rdsultats ont ete obtenus sur la base de 147 heures d 'observations par elephant dans les forets miombo du Pare National de Kasungu. En Ouganda, Wing et Buss (1970) donnerent une estimation de 17,0 defecations par ele- phant et par jour avec une moyenne de 6,3 bouses par defecation. Ainsi nos resultats k Nazinga correspondent bien aux observa- tions faites dans d'autres parties d'Afrique. Le taux de decomposition pendant la saison seche (L(s)) a et6 estime k 0,59% par jour. Les defecations qui ^talent recouvertes a plus de 90% par de la boue ^talent conside- r§es comme d^composees. Le t(1/2) ou le temps au bout duquel la moiti§ d'une defeca- tion est m^connaissable a 6t6 estim^ a 82,7 jours. Une estimation du taux de decomposi- tion au cours d'une ann6e doit inclure le taux de decomposition de la saison des pluies que Ton a estim6 §tre cinq fois plus rapide que celui de la saison seche (Jachmann et Bell, 1984). En admettant que ceci puisse 6galement s'appliquer k Nazinga, nous pou- vons estimer le t(1/2) sur une annee a 49,6 jours. La methode de comptage par les defe- cations donne trois evaluations de la popula- tion. Le nombre d'elephants presents sur le ranch pendant la saison sdche a 6te estim6 par la premiere solution a 396 (variant de 323 k 469). La solution utilisant I'hypothese selon laquelle il y a un niveau constant de quantite de defecations a abouti a une estimation de 353 (eventail compris entre 276 et 430). De meme, une estimation preliminaire effectuee pendant la saison des pluies a donne le chif- fre de 420 (eventail de 0 ^ 910). (voir tableau 1 pour comparaison avec des estimations anterieures). Le large eventail de chaque estimation de population k partir d'§tudes a6riennes ou sur le terrain et une modification saisonniere de la repartition de I'^ldphant ajoutes a des Annee Estimation Eventail Evaluation Source 1980 40 - subjective C.Lungren (comm. pers.) 1982 300 0-669 a6rienne Bousquet (1982) 1985 325^ 0-725 au sol O'Donoghue (1985) 1985 630^ 304-956 au sol O'Donoghue (1985) 1987 396 323 - 469 defecations (saison sdche, pr6sente enqu§te) 1987 353 276 - 430 d6f6cations (saison sdche, pr^sente enqudte) 1987 420 0-910 d6f6cations (saison des pluies, pr^sente enqu3te) 1. Eventail bas6 sur r6cart-type 2. Estimation selon les s6ries de Fourier 3. Etimation selon Haynes modifi6. Tableau 1 : R6sunn6 des estimations des populations d'6l6phants sur le ranch de Nazinga de 1980 k 1987. 29 periodes d'echantillonnage variables, rendent difficiles la comparaison des differentes esti- mations du nombre d'elephants. A cause des eventails d'estimations de populations qui se chevauchent largement, on ne peut decrire aucune tendance quant au nombre d'elephants de 1982 a 1987. Comme indique dans la partie suivante, la preuve indirecte suppose une population d'elephants qui s'ac- croit principaiement du fait de provenances exterieures au ranch. REPARTITION DES ELEPHANTS EN SAISON SECHE Les elephants de Nazinga ont une re- partition limitee pendant la saison seche de novembre k mai. Plusieurs facteurs y contri- buent dont les deux plus importants sem- blent etre la disponibilite de I'eau et le bra- connage. L'etroitesse du territoire occupe par les Elephants de Nazinga a proximite des points d'eau permanents pendant la saison seche est conforme k celle observee au Ke- nya et au Malawi en cette meme saison (Seu- thold, 1977; Jachman, 1983). Ceci peut se comprendre facilement en termes d'une ana- lyse couts/benefices. Pendant la saison s^che, la nourriture est rare et de faible quality. Si un 6l6phant doit d§penser beaucoup de son §nergie limi- tee k chercher de I'eau ou a faire des allees et venues pour boire, cela ne lui profitera guere ou pas du tout dans un habitat tres etendu. Par consequent, pendant la saison seche, un elephant devrait depenser le moins d'^nergie possible en utilisant une partie, ou presque toutes ses reserves accumulees pendant la precedente saison des pluies. L' elephant devrait occuper un petit domaine pr6s d'un point d'eau permanent. C'est la raison pour laquelle la mortality des jeunes est forte pendant la seconde moiti6 de la sai- son s^che qui est la partie de I'annee la plus restrictive au point de vue alimentaire. A Nazinga, les points d'eau perma- nents entre les rivieres Sissili et Dawevele, ou depuis le debut des ann6es 80 plusieurs bar- rages ont 6t6 construits, forment le domaine de base pour I'habitat de I'elephant. Cepen- dant, toutes les zones comportant des points d'eau permanents ne sont pas occupees par des elephants. Durant toute I'annee on peut trouver de I'eau dans un barrage au Nord-Est ainsi que le long de la rividre Sissili a I'ex- treme Sud. Malgre cela, pendant la saison seche, aucun Elephant ne frdquente ces zones de fagon r^guliere, tres probablement a cause d'une tres forte activite illegale. Les zones du ranch ou la plus grande partie du braconnage a ete observee entre 1982 et 1986 sont principaiement le Nord, le Sud-Est et le Sud-Ouest (fig. 4). Les figures montrent le nombre d'infractions (animaux tues, braconiers vus ou arretes, pieges ra- masses) au km^. Pendant la saison seche les zones frequentees par les braconniers sont generalement evitees par les elephants, aussi j'en deduis une relation de cause a ef- fet. Un phenomene identique a ^galement et6 observe au Pare National de Kasungu au Malawi (Jachmann, 1983). A cause de la disponibilite en eau limi- tee et du fort braconnage pendant la saison sdche, les d^placements des elephants k tra- vers les limites du ranch sont limites ci des sorties nocturnes dans la zone Nord-Ouest uniquement. Au cours de ces deplacements nocturnes k la recherche de la nourriture, les elephants suivent generalement le petit cours d'eau a I'Est de Sla, passant k I'Est de Wiri et Kouna et revenant k Natiedougou. Certaines elephants continuent jusqu'^ Kontiora avant de revenir au ranch. Cette zone Nord-Ouest du ranch a ete survoiee deux fois par avion, suivant des couloirs paralleles k deux kilome- tres d'intervalle. Aucun eiephant ne fut ob- serve pendant ces recherches. REPARTITION DES ELEPHANTS EN SAISON DES PLUIES La repartition des elephants en saison des pluies s'etend au-del^ des limites du ranch (fig. 5). Ces observations sont basees sur des traces et autres signes de leur pre- sence trouves k la fois au cours de comp- tages de defecations et de quatre sorties 30 concernant les pistes p6riph6riques, sans qu'une attention particuii§re soit port6e k leur relative abondance. Par consequent, la fi- gure montre seulement que quelques mou- vements se produisent k Text^rieur du ranch mais il n'y a pas d'6valuation du nombre d'6- l^phants impliques. Au d^but des pluies, d^s que la disponibilite en eau et en plantes four- rageres n'est plus un facteur limitant, les ele- phants se dispersent dans toutes le direc- tions, lis peuvent sentir, k des distances considerables, I'arrivee de pluies torrentielles tres localisees, s'y dinger et utiliser ces zones de fagon opportuniste (fig.4 et 5). A Nazinga, la dispersion des animaux au commence- ment de la saison des pluies semble etre lar- gement influencee par le braconnage parce que I'herbe est encore courte et la visibilite bonne. Plus tard dans la saison, quand I'herbe a atteint sa hauteur maximum et que la visibilite est mauvaise, les elephants peu- vent egalement penetrer les zones reguliere- ment frequentees par les braconniers. La dispersion pendant la saison des pluies est cependant une necesite pour faire face au stress alimentaire et pour renouveler les re- serves d'energie. En meme temps les ele- phants reduisent leur impact dans les zones dont ils dependent pour survivre pendant la saison seche. Des observations preiimi- naires montrent cependant que les zones k haute densite restent les memes au cours de I'annee, bien que les densites absolues de- croissent en saison humide. Rg. 4. : Zones dans et autour du Ranch de Gibier de Nazinga ou des activit^s ill6gales ont 6t6 observ6es de 1982 §i 1986. Les valeurs repr^sentes le nombre d'infractions au km^. fig. 5. : Distribution des 6l6phants en saison des pluies, en ce compris les d^placennents des 6l6phants en-dehors des limites du ranch de Nazinga. (A connparer avec la distribution en saison s^che (fig. 3.)). DEPLACEMENTS Pour comprendre entierement ces mouvements saisonniers des elephants du ranch de Nazinga, nous devons revenir aux annees 70. La zone consideree est la partie Centre-Sud du Burkina Paso, entre les ri- vieres Volta Rouge et Volta Noire k I'Ouest (fig. 1). En 1973, le Pare National de P6 abri- tait environ 260 elephants (Heisterberg, 1976) tandis que la zone de Nazinga ne contenait que peu d'eiephants et de fagon saisonniere seulement (C.G.Lungren, comm. pers.) Les elephants de P6 semblaient se disperser da- vantage vers les zones peripheriques du Pare au fur et k mesure que la saison s'avangait et au milieu de la saison des pluies, les ele- phants quittaient leurs zones habituelies de saison seche et n'y revenaient pas avant plu- sieurs mois (Heisterberg, 1976). Selon la po- pulation locale vivant dans les villages proches de la riviere SIssill (Quest du ranch, Nord de Leo et Est de la foret des Deux Ba- le), au debut des annees 70, beaucoup d'eie- phants passaient et devastaient leurs cultures pendant la seconde moitie de la saison des pluies. Les elephants semblaient venir tant de I'Ouest que de I'Est. Vers 1980, moins d'eiephants passd- rent pres des villages au Nord-Ouest du ranch. Depuis 1983, seul un groupe familial de six membres a ete observe (fin aoQt 1986) pres de la riviere Sissili. Tout le long de la route habituelle de migration, les villageois 31 disent soit qu'ils n'ont pas vu d'elephants de- puis longtemps (depuis le milieu des annees 70) soit qu'ils ont seulement vu des traces ou les Elephants eux-memes. Une etude de la FAO de 1981 k 1982 a estim6 que 150 §16- phants vivaient encore dans la region des Deux Bal6 (Bousquet, 1982). Au cours des trois dernieres annees (1985 k 1987) aucun elephant n'a ete obser- ve dans le Pare National de P6, k Texception des traces de trois Elephants traversant la Volta Rouge du Sud au Nord au milieu de la saison humide en 1986 (gardes locaux, comm. pers.). Le 29 avril 1987, j'ai parcouru 12 km le long de la Volta Rouge, k partir de la route principale P6-Ouagadougou, k la re- cherche d'indices de la presence d'ele- phants; j'ai seulement trouve quelques em- preintes qui semblaient vieilles de plusieurs anndes. Des points d'eau permanents etaient disponibles k plusieurs endroits. En tenant compte des informations donnees ci-dessus, j'ai 6mis I'hypothese que, pendant les sai- sons s^ches du debut des anndes 70, un groupe d'6l6phants occupait le Pare de P6 et un autre groupe occupait la foret des Deux Bal6. En saison humide, les elephants occu- pant le Pare de P6 migraient vers I'Ouest le long de la rividre Nazinga et continuaient le long de la riviere Sissili, tandis que les ele- phants des Deux Bal6 migraient vers I'Est. Quelques ^changes g^netiques ont pu se produire quand de grands groupes d'ele- phants en provenance des deux zones prote- gees se rencontraient dans la zone de repro- duction. Quand I'herbe devenait moins ap- petante, les deux clans retourneaient dans leur domaine de saison seche a I'interieur des zones protegees. Aprds la pdriode de s§cheresse du d6- but des ann6es 70, beaucoup de pasteurs peuhls (fulani) et le reste de leur betail quitt^- rent la region sah^lienne vers le Sud passant d'une zone de 200 mm de pluies a une zone de 600 mm. En meme temps que les Peuhls, les Mossi qui occupaient les zones les plus s^ches au Nord du Plateau Central migrerent vers la savane humide du Sud entre les zones soudaniennes et guin6ennes ou la plu- viom^trie de 700 ^1100 mm est plus regu- li^re. Le r^sultat a 6t6 une colonisation pro- gressive de la zone situde entre la Volta Rouge et la Volta Noire ou la terre a 6t6 d6fri- 32 ch6e pour la culture et I'^levage de b6tail. En plus, dans cette region du Sud, les pro- grammes d'aide exterieure de lutte contre I'onchocercose (c6cit6 des rivieres, provo- quee par une mouche noire, Simulium sp.) et la trypanosomiase (maladie du sommeil, pro- voqu6e par la mouche ts6-ts6, Glossina sp.) ont debute. La quantity de terres de plus en plus importante soumise ^ I'agriculture, le nombre croissant du cheptel domestique et le braconnage plus important des §l6phants au cours de leur migration annuelle ont fait que beaucoup moins d'6l6phants migrent jusqu'au milieu de la zone comprise entre la Volta Rouge et la Volta Noire. En 1977, les Elephants se deplagaient encore d'Est en Quest et vice-versa, mais sur une petite dchelle (fig.6). Les elephants venant du Pare de P6 passaient chaque ann^e dans la zone de Nazinga ou, avec le developpement du projet de Nazinga, la protection contre le bra- connage s'am§liorait chaque ann6e. De meme, la construction des premiers barrages au ddbut des annees 80 fournissait de I'eau toute I'ann^e en quantity de plus en plus im- portante. Ceci a sans doute engendr6 un d6- placement graduel des elephants, occupant autrefois le Pare de P6 pendant la saison s6che, et restant maintenant k Nazinga au cours de leurs d6placements vers I'Est k la fin de la saison humide. Au cours de I'^tude de la FAO en 1981-1982, 500 6l6phants (eventail de 0 ^ 1 100) ont §te estimes dans le Pare de P6 et la region de Nazinga pendant la saison sdche. Ces modifications de d6pla- cements se poursuivent jusqu'^ maintenant et le r^sultat final est repr6sent6 par la fig.6. Les Elephants des Deux Bale occupent en- core la meme zone et il est fort probable que quelques-uns d'entre eux seulement effec- tuent des migrations vers I'Est pendant la sai- son humide. Les 6l6phants du Pare de P6 se sont apparemment tous d6plac6s vers le ranch de Nazinga qui est devenu leur base permanente en saison sdche. On pense que dans quelques anndes le ranch deviendra leur base permanente tout au long de I'an- n6e. Tous les d^placements d'dlephants vers les anciennes zones de saison s6che et de saison humide ne se sont pas arretds. Les deux observations, I'une d'un groupe fa- 60 N=Nazinga D.B.= Deux Bal4 km Fig. 6. : Distribution des 6l6pharits (hachur^) et caract6ristiques pr6sum6es de migration (fidches) au cours de la saison des pluies de ig77(A), 1982 (B) et 1987 (C). Les lignes pointill6es repr6sentent les limites de la zone de de distribution des 6l6phants. (voir fig. 1 . pour les diff6rents noms de zones). milial prds du village de Sissili venant de I'Est (aout 1986) et les empreintes de trois ele- phants traversant la Volta Rouge et se diri- geant vers le Nord (aout 1986) en sont la preuve. Selon nos conclusions, il doit encore y avoir quelques elephants qui quittent le ranch pendant la saison humide, mais lis doi- vent §tre peu nombreux. CONCLUSION Pendant la saison sdche, les elephants ont tendance k ocuuper une zone Iimit6e pr6s des points d'eau permanents. Au debut des pluies et pendant la plus grande partie 33 de la saison des pluies, les 6l^phants se dis- persent et utilisent des ressources qui ne sont disponibles que temporairement, r6duj- sant ainsi Timpact qu'ils ont sur les zones fourragdres de saison seclie. La disponibilit6 en eau et le braconnage apparaissent comme les deux principaux facteurs determi- nant I'espace occupe par les Elephants. Du fait que le braconnage est un s^rieux pro- bldme aussi bien k i'ext§rieur que le long des limltes du ranch, je formule I'hypoth^se que la plupart des Elephants occupant la plus grande zone de Nazinga peuvent etre ren- contres sur le ranch pendant la derniere par- tie de la saison seche. Cette periode est par consequent la plus convenable de I'annde pour obtenir des estimations precises du nombre maximal des elephants occupant le ranch. Ainsi les deux estimations de 353 et 396 elephants, suggerant une population d'environ 350 k 400 elephants doivent etre des nombres relativement precis pour Na- zinga (notion elargie) au debut 1987. L'esti- mation de 420 elephants pour la saison hu- mide est moins precise que celle de la saison seche. Le nombre quelque peu 6lev6 pour la saison des pluies et la petite difference entre les estimations des deux saisons, indiquent que peu d'elephants doivent quitter le ranch pendant des periodes prolongees. Dans les annees qui viennent, les d6- placements des elephants au-dela des limites du ranch se limiteront probablement de plus en plus k des sorties nocturnes en toute s6- curite k I'interieur d'une zone limitee. Au cours des quinze dernieres annees, les Ele- phants se sont limites, le long de la Volta Rouge, a une zone de plus en plus reduite et ceci s'est accentue au cours des dernieres annees (1983 k 1987). Les paramdtres de la population tels que I'age d'arrivee a maturity pour la reproduction, I'lntervalle entre deux mises bas ou le temps entre deux p6riodes fructueuses du rut et la mortality chez les jeunes seront influences en consequence (Jachmann, 1980, 1985, 1986). Cestrois pa- ramdtres varient avec la density de la popula- tion. Celle-ci, k son tour, a un impact sur I'a- bondance fourragdre k travers une competi- tion pour Taccds a la nourriture entre les membres d'un clan (Jachmann, 1987b). L'dge de la maturite reproductive ou de la premiere conception est le parametre qui change le plus lentement, variant au fil des generations successives, les causes n'etant suivies d'effets qu'apres une periode allant de 10 ^ 20 ans. L'intervalle entre les mises bas semble changer durant la vie de reie- phant et a done un effet k plus court terme. La mortalite des jeunes elephants est le prin- cipal parametre ayant un effet k court terme sur la densite de population. Mon estimation est que le taux de mortalite des jeunes ele- phants va s'accroitre durant les cinq pro- chaines annees, apres quoi un age plus eieve k la premiere conception et une fecondite plus faible des femelles plus agees prendront partiellement le relais. Remerciements Je remericie le Ministre de I'Environne- ment et du Tourisme pour m'avoir autorise k mener ce travail sur le terrain. Je remercie egalement I'ADEFA (Association pour le oe- veloppement de I'Elevage de la Faune Afri- caine) pour m'avoir fourni les fonds neces- saires. Mes remerciements particuliers vont au Dr. G. Frame pour avoir fait ces commen- taires sur mon manuscrit. Bibliographie BOUSQUET, B. (1983). Resultats des inven- taires a6riens de la faune. FAO DP/UPV/78/0C8. FAO Rome. CAUGHLEY, G., SINCLAIR, R. et SCOTT- KINNIS, D. (1976). Experiments in ae- rial surveys. J.Wildl.Mgmt., 40 : 290- 300. HEISTERBERG, J.F. (1976). Further notes on Po National Park, Upper Volta : Ecolo- gical sun/eys and development pros- pects. US Peace Corps, Ouagadou- gou, 46p. 34 JACHMANN, H. (1980). Population dynamics of the Kasungu eieptiant Netheriands Journal of Zoology, 30 : 622-634. JACHMANN, H. (1983). Spatial organization of the Kasungu elephant. Contribution to Zool. Univ. of Amsterdam, 53 : 179- 186. JACHMANN, H. (1984a). The Ecology of the Kasungu elephant. PHD Thesis, Uni- versity of Groningen, Groningen. 154p.. JACHMANN, H. (1984b). >Assessmenf o/ e/e- phant numbers by means of dropping counts on tracks and its use in Nkho- takota Game Reserve. Nyala, 10(1) : 33-38. JACHMANN, H. (1986). Notes on the popula- tion dynamics of the Kasungu ele- phant. Afr. Journal of Ecology, 24 : 215-226. JACHMANN, H. (1987a). The Ecology of the Nazinga elephant (1), Project propo- sal. Project Nazinga, ADEFA, Ouaga- dougou. JACHMANN, H. (1987b). Food selection by elephants in miombo woodland in re- lation to leaf chemistry. Afr. 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Ground censuses of large mammals at the Nazinga Game Ranch Project, 1985. Nazinga special reports. Series C, n°9. Project Nazinga, ADEFA, Ouagadougou, 32p. Cet article a ete publi6 en anglais dans la revue Pachyderm Newsletter (n° 10) du Groupe de Specialistes des Rhinoceros et Elephants d'Afrique de I'UICN et nous a ete transmis par le Delegu6 Regional de I'UICN pour I'Afrique de I'Ouest, Mr. Gerard SOUR- NIA que nous remercions vivement ainsi que I'UICN. La traduction libre est due ci Agn^s Sournia. 35 VOISINS ET PARTENAIRES : participation des populations a la Conservation par Deborah Snelson et Tony Potterton * Un des principaux r^sultats de la crois- sance ddmographique galopante en Afrique a 6te le besoin de terres agricoles suppl6- mentaires. Les populations se sont depla- c6es vers les zones avoislnant les Pares Na- tionaux et les Reserves et II y a souvent conflit entre agriculture, b6tail et faune sau- vage. Les routes traditionnelles de migration des animaux sauvages ont 6X6 perturbdes par raccroissement des activlt^s humaines et la chasse de subsistance et le braconnage commercial ont d6vast6 les populations d'a- nimaux sauvages. Meme les bassins ver- sants bois6s, n6cessaires k I'agriculture mo- derne, risquent d'etre d6vast6s. Dans le pass6, la Conservation de la faune sauvage s'est principalement concen- tr6e sur la protection et la gestion des Pares Nationaux et des Reserves. Elle s'occupait d'antibraconnage, de maintien de I'infrastruc- ture des pares et de leur administration. L'6- dueation k la Conservation se coneentrait sur les dcoliers vivant dans les centres urbains, les gardiens g^rant les pares et s'oeeupant des touristes d'outre-mer. Les fermiers vi- vant aux abords des aires prot6g6es furent peu conseill^s et aidds. Bien que les pares g6n6rent des revenus considerables, ces vil- lageois voisins n'en ont g6n6ralement pas b6n6fiei6. Pourtant lorsqu'un pays, comme le K6nya par exemple, eonsacre prds de 8% de son territoire k la Conservation, le nombre de personnes toueh6es y est evidemment considerable. De nos jours, er6er de nouveaux Pares et Reserves strietement protegees n'est plus rdellement faisable. La Conservation vieux style doit faire place a une Conservation plus pratique et plus r^aliste. La faune sauvage est la ressource naturelle la plus rentable dans des pays tels que le Kenya, la Tanzanie et le Rwanda. Les devises §trang6res gene- r6es par le tourisme y sont essentielles pour les Economies nationales. Pourtant cette ressource - qui demande peu d'entretien et se renouvelle par elle-meme - est gravement menacde. Les efforts de Conservation ne peu- vent plus se eoneentrer uniquement sur la preservation d'ilots de faune sauvage et d'ha- bitat. La Conservation creative doit s'inquid- ter des besoins des eommunaut6s avoisinant les zones protegees et s'assurer que ceux-cl sont compatibles avee les strategies de Conservation. Tout projet devrait s'assurer que les populations locales beneficient de la faune sauvage, du tourisme et de techniques am6lior6es d'agriculture et de marketing. Le malentendu trds r^pandu selon lequel la faune sauvage et la Conservation ne servent les intdrets que d'une petite minority pourrait alors etre supprim6. "Les Services de Vulgarisation sur la Faune Sauvage" ont pour objectif de r^conci- 36 lier la Conservation et les populations lo- cales. Pour promouvoir des id6es sur la va- leur de la Conservation de la faune sauvage, il est impdratif que les villageois en b^n^fi- cient. Au K6nya par exemple, les pavilions pour touristes et les campements sont situ6s sur les terrains avoisinant le Pare National d'Amboseli et la Reserve Nationale de MasaT- Mara. Ces plaines sont divis6es en ranchs collectifs g6r6s sous forme de cooperatives et un tel emplacement des facilit6s touristi- ques garantit que les loyers et les revenus vont directement aux membres des collectivi- t6s des ranchs. La vulgarisation sur la faune sauvage montre que les autoritds responsa- bles des Pares s'intdressent tant au bien-etre des populations locales qu*^ celui du pare. Elle cherche ci assurer une progression com- mune de la Conservation et des besoins du d^veloppement. Depuis 1 984, un projet pilote de vulga- risation (Wildlife Extension Project (WEP)) est en cours k Loitokltok aux abords du Pare Na- tional d'Amboseli au K6nya. II a 6t6 finance par le Fonds Afrleain pour les Espdees Mena- c6es (FAEM) et la Fondation pour la Faune Sauvage Afrieaine (FFA). Ce projet a deve- loppd des m^thodes de participation des eommunaut6s (vivant dans des zones dans lesquelles les animaux sauvages se disper- sent r^gulidrement en provenance des Pares) aux activitds de la Conservation. II a permis d'6tablir une meilleure communication entre les autorit6s du pare et les communautes lo- cales. GrSce k I 'organisation d'ateliers et de reunions communautaires, les problemes - telle la destruction des cultures par les ani- maux sauvages et I'approvisionnement en eau pour le b6tail - ont pu etre abordes. La population locale elle-meme a 6t6 impliqu6e dans la reclierche de solutions fournissant des informations et des techniques suseepti- bles d'etre appliqu6es k leurs propres pro- blemes environnementaux. Ce projet pilote a Le projet de vulgarisation sur la faune sauvage organise des reunions pour permettre aux populations locales et aux autorit6s du Pare de discuter les probldmes d'int6rSt commun. (cr6dit WEP/AWF). 37 permis Tetablissement de groupements de femmes et I 'organisation d'activitds genera- trices de revenus telle que la production lo- cale d'articles artisanaux vendus aux tou- ristes. Pour que d'autres communaut^s puis- sent prof iter de cette pr^cieuse experience, des lignes directrices pour ce type de travaux de vulgarisation sur la faune sauvage ont 6t6 redigees et seront prochainement publi6es par le Programme des Nations Unies pour I'Environnement (PNUE). Les m^thodes re- tenues sont utilisees pour de nouveaux pro- jets. Par exemple, au cours de ces deux der- nieres annees, le Service des Pares Natio- naux de Tanzanie (PANATA) et la FFA ont coopere afin de developper un tel Service de Vulgarisation au sein meme du Sen/ice des Pares Nationaux. Vu son importance en tant que zone tampon du Pare National de Serengeti mais aussi au vu de I'importance du site pour I'^ta- blissement de lignes directrices pour les acti- vit6s futures dans les zones de chasse control^e, la Zone de Chasse Controlee de Loliondo fut choisie comme site du premier projet de vulgarisation sur la faune sauvage en Tanzanie. En Tanzanie, plusleurs zones adja- centes aux Pares Nationaux ont 6t6 desi- gnees Zones de Chasse Controlee ou Re- serves de Gibier. Les Reserves de Gibier sont quasi excluslvement orient^es vers la conservation de la faune sauvage et le tou- risme cynegetique. Par contre, les zones de chasse controlde limitent la chasse mais n'imposent rien d'autre quant k I'usage de la terre ce qui fait qu'elles ont souvent ete des zones d'habitat et d'agriculture sans restriction aucune. Les aeti- vites dans les ZCC sont un sujet de controverse en Tanzanie et une nouvelle legislation sur les activites autorisees sera bientot necessaire d'autant plus que le role des zones tampons pour les Pares Nationaux devient plus pre- cis. Le ZCC de Loliondo est im- portante car une grosse partie de la migration - mondialement ceie- bre - des gnous passe chaque an- n6e k travers cette region. Ac- tuellement, la region est occupee par le peuple MasaV vivant dans des habitations dispersees et e'est dans cette region que I'a- gent de vulgarisation a travailie. A I'heure actuelle, Tagricul- ture dans la region est tres limitee mais de tr^s nombreuses de- mandes d'attribution de terres ont aetuellement et6 introduites pour la culture k grande dchelle de ee- r6ales et pour le ranching de b6- tail. Les autorites du pare sont in- quidtes car de tels developpe- merits nuiront au maintien des grandes populations d'animaux sauvages qui font la renomm6e 38 Mr. Edward Lenganasa, agent de vulgarisation attach^ au Pare National du Serengeti, est le premier garde en Tanzanie affect6 au travail avec les communaut6s en-dehors du Pare. (cr6dit : T.Potterton/AWF) du Serengeti. Par centre, I'utilisation de la re- gion par les Masai pour le paturage du b^tail est enti^rement compatible avec les int6r§ts du Pare puisque la terre reste non cl6tur6e. Elolgn6e des centres habit6s comme elle Test, la zone du projet reste trds sous-d6- veloppde du point de vue Infrastructures. Cependant vu que la pression sur les terres s'accroit, 11 est n§cessaire d'obtenir une prise de conscience accrue des communaut6s lo- cales quant k leur position afin qu'elles puis- sent s'adapter k cette situation Evolutive. Ceci est done un des probldmes priori- taires auquel le garde charg6 de la vulgarisa- tion s'est attaqu^ en cherchant k ^tablir des voles de communication entre les villages et le Pare. D'autres probldmes seront identifies lors des entretiens avec les chefs des com- munaut6s et par la realisation d'ateliers lo- caux. Ces methodes donneront roceasion aux populations locales de d^finir les pro- bldmes et de s'y eonfronter. Autant que pos- sible, aueune solution n'est presentee comme un fait accompli. L' experience dans d'autres domaines du d6veloppement a mon- tre que les mesures prises grace k la partici- pation totale des populations locales dans le processus de prise de decision menant k celles-ci, ont plus de chance d'etre aceep- t6es dans leur Int6gralit6 et d'etre plus dura- bles. Un autre point crucial de ee travail est de fournir une r6ponse adequate de la part des autorit^s k tout ee qui ressort des discus- sions avec les populations locales. Par exemple dans le projet-pilote du Serengeti, les reunions initiales ont r6vei6 qu'un des probldmes majeurs dans la region 6talt le vol de betail par des gens ext6rieurs k celle-ci. Les habitants ont demand^ qu'un poste de garde soit §tabli k la frontiere du Pare ou lis pourraient aisdment signaler les incidents. Les autorit^s du Pare jugdrent qu'un tel poste pourralt aussi servir k d'autres fonetlons et en planifient aetuellement I'installation. II est important que les experiences ti- roes de projets tels que eelui du Serengeti soient utilisees et servent de base dans d'au- tres situations. Dans le Pare National du Ta- rangire, ^galement situ^ dans le Nord de la 39 Tanzanie, la FFA mene en ce moment une 6tude importante sur I'utilisation des terres dans les zones avoisinantes. La deuxi^me partie de ce projet du Tarangire impliquera I'affectation d'un agent de vulgarisation dans ces zones. Les resultats des experiences ob- tenus dans la ZCC de Loliondo permettront r^tablissement rapide d'autres unites de ter- rain pour la vulgarisation. Le paysage magnifique de la ZCC de Loliondo repr^sente un potentiel 6norme pour des activites telles que le camping et les safaris pedestres. Toute activite touristique gen6ratrice de revenus pourrait aider les pro- jets de developpement indispensables pour les populations locales. Encore une fois, I'a- gent de vulgarisation pourrait avoir un role k jouer dans les negociations entre les com- munautes locales, les fonctionnaires du D6- partement de la Faune Sauvage et les agences de voyages pour trouver des arran- gements. II est demontr^ que, lorsqu'elles beneficient directement des zones prote- gees, les populations locales protegent ces zones pour sauvegarder leur nouveau moyen d'existence. Vu que le PANATA est actuellement occup6 k 6tablir le service de Vulgarisation et d'Education, la FFA a pu r6agir rapidement pour fournir les intrants et I 'expertise n6ces- saires au lancement des premieres initiatives. L'ann^e k venir sera importante pour le ren- forcement et le modelage du nouveau ser- vice et pour maintenir le mouvement. Les occasions fournies k ce nouveau service de contribuer efficacement k la Conservation et au developpement dans les zones avoisinant les Pares Nationaux de Tanzanie sont 6normes et le defi est excitant. Entretemps 11 est ndcessaire que, dans d'autres regions et pays, les autorit6s com- p6tentes pour la faune sauvage reconnais- sent le role que peuvent jouer les commu- nautes locales dans la Conservation de la faune sauvage et qu'elles commencent k 6ta- blir un contact avec les communaut^s voi- sines des aires prot6g6es. Elles doivent en- suite consid^rer les besoins de formation des fonctionnaires qui seraient assignes a ce genre de travail. La FFA a r6cemment §t6 impliqu6e dans le developpement d'un nou- veau cours au College pour TAm^nagement de la Faune Sauvage Africaine de Mweka oCi sont formes les fonctionnaires de la faune sauvage de Tanzanie et d'autres pays afri- cainS; afin de preter plus d'attention aux in- terrelations entre les populations locales et la faune sauvage. Une formation plus specifi- que pour l'6ducation des adultes et le deve- loppement communautaire serait opportun dans certains cas. Une telle formation fera partie d'une propositon de projet FFA dans les zones voisines du Pare National de Tsavo Quest au K6nya. Le Pare souffre d'incur- sions massives de b^tail appartenant aux po- pulations locales MasaV. Cette situation a ete aggrav6e par I'^tablissement sporadique de petites proprl6t6s agricoles, d'habitat non contr6l6 et de plantations commerciales pri- vies de sisal. Bien que les probldmes du Tsavo different de ceux de Loitokitok et de Loliondo, I'approche et les principes g6n6- raux de vulgarisation sur la faune sauvage seront les memes : encourager les popula- tions k participer k la Conservation. * African Wildlife Foundation P.O.Box 48177 Nairobi (K6nya) \ff^#lfe^"' 40 ELE-INFOS AMNISTIE POUR LES ELEPHANTS ! La campagne "Amnlstle pour les 616- phants" de la Soci6t6 Nationale de Protection de la Nature (SNPN) de France a d6marr6 le 12 d6cembre 1987. La SNPN s'est flx6 comme objectif I'arret du commerce Interna- tional de rivoire et done I'lnscription de 1*616- phant d'Afrlque en Annexe I de la CITES (Convention de Washington). L'essentlel est d'attelndre cet objectif rapidement : chaque jour qui passe signifie la mort de pr6s de 300 6l6pliants I Dans cette course centre la montre et surtout contre d'6normes int6rets commer- ciaux, I'appul des "media" 6tait essentiel qui, il taut le reconnaitre, ont amplement r6pondu aux espoirs en diffusant ces informations et ces donn6es qui, dans leur effroyable s6che- resse et quelle que soit la fagon dont on les Interprdte, d6montrent k r6vidence que le plus grand des mammif6res terrestres est en train de subir, k une Vitesse acc6l6r6e, le meme sort que le bison d'Am6rique k la fin du si6cle dernier. A I'heure actuelle, la p6tition diffus6e par Amnlstie pour les 6l6phants a d6j^ re- cueilli plus de 90.000 signatures, en grande majorit6 frangaises, mais 6galement beiges, suisses, allemandes, angiaises, finiandaises, australiennes, Isra6liennes et m6me japo- nalses, renfort particuli6rement significatif, le Japon 6tant le principal importateur actuel d'lvoire. Des signatures, notamment de jeunes, nous sont aussi parvenues de diff6- rents pays d'Afrlque (Burl