Nature et Faune

REVUE INTERNATIONALE POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE EN AFRIQUE (Jestion de la Faune, Amenagement d'aires protegees, Conservation des ressources naturelles

Volume 5, 4, octobre - decembre 1989

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Bureau Regional de la F.A.O. pour l'Afrique - Accra (Ghana)

Nature et Faune

octobre - decembre 1989

La revue Nature et Faune est une publication interna- tionale trimestrielle destinee a permettre un 6change d'informations et de connaissances scientifiques concernant la gestion de la faune, Pamdnagement des aires prot6g6es et la conservation des ressources na- turelles sur le continent africain.

Editeur : A. Iokem Ass. Editeur : P. Happee Conseillers : J. D. Keita et G. S. Child

Pour la publication d'articles ou tout renseignement complementaire, 6crire a Tune des adresses suivantes:

REVUE NATURE ET FAUNE

F.A.O. Regional Office for Africa P.O. Box 1628 Accra (Ghana).

c/o G.S. Child

div. FORW

F.A.O./U.N

via delle terme di Caracalla

1-00100 Rome (Italie).

Le contenu des articles de cetle revue exprime les opinions de lours auteurs et ne re- flate pas necessairement celles de la FAO, du PNUE ou de la redaction. II n'exprime done pas une prise de position officielle, ni de ['Organisation des Nations Unies pour I'Amimentation et I' Agriculture, ni du Programme des Nations Unies pour I'Environne- ment. En particulier les appellations employees dans cette publication et la presenta- tion des donnees qui y figurent n'impliquent de la part de ces organisations aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorites, ni quant aux traces de leurs front ieres ou limites.

Sommaire

Editorial 3

Prot6ger la faune africaine ? Oui mais 4

Une alternative zimbabweenne a l'interdiction de Pivoire 17

Les consequences du coryza gangreneux et des autres infections a herpesvirus

chez les ruminannts sauvages en Afrique 35

Elever des crocodiles pour leur sauver la peau 49

Conservation 56

PRINTED IN GHANA BY WELMAX GRAPHIC ARTS LIMITED

Editorial

Les mauvais eleves reussissent !

L'annee 1989 qui se termine restera dans les memoires comme une an- nee de lutte pour la survie de I'elephant d'Afrique. Pour les milieux natura- listes, la conservation de I'elephant et I'interdiction du commerce de I'ivoire auront ete au centre des debats tout au long de l'annee relayes par de grandes campagnes de presse qui n'ont cesse d'attirer I'attention sur la situa- tion desast reuse des elephants d'Afrique decimes par le braconnage.

L'aboutissement de ces campagnes devait etre la 7eme Conference des Parties de la CITES a Lausanne en octobre ou se deciderait I'avenir de I'elephant d'Afrique et du commerce de I'ivoire.

Apres d'apres discussions, le couperet est tombe : I'elephant d'Afrique sera transfere en Annexe I de la Convention et tout commerce d'ivoire sera in- terdit jusqu'en 1992. Les partisans d'une protection stricte I'ont done empor- te.

Apres une analyse objective de la situation de la Conservation dans les pays africains, nous serions tentes de dire que cette decision est la victoire des mauvais eleves de la Conservation, celle des mauvais gestionnaires qui auront reussi a imposer les consequences de leur incapacity aux quelques pays qui avaient reussi a donner une valeur economique reelle a leur faune et a la gerer d'une maniere rationnelle.

Au-dela de la decision elle-meme, il est important de considerer que cette resolution mentionne peu ou pas I'epineux probleme de la protection de I'habitat de cette espece et qu'elle aura dangereusement divise les pays afri- cains au sein meme de la Convention.

Le danger serait de voir certains pays frustres se retirer de la CITES - des la decision tombee, certains pays d'Afrique australe se sont enquis des procedures de retrait - vu qu'ils ne verraient plus dans cette Convention qu'un moyen d'imposer les attitudes radicales de certaines Parties influentes, ce qui aurait pour consequence de fragiliser encore un peu plus cette Convention.

L'avenir nous dira si la decision prise a Lausanne par 76 voix contre 1 1 etait sage ou non et si I'elephant d'Afrique pourra etre preserve sur ses seules valeurs esthetique et patrimoniale. Pour la beaute du geste en quelque sorte !

PROTEGER LA FAUNE AFRICAINE ?

OUI MAIS...

par Bertrand Chardonnet

Pares nationaux, zones de chasse, braconnage ! C'est la seule affirmation qui ne soit pas contestable actuellement en Afri- que au sud du Sahara, en matiere de faune sauvage. D'aucuns poseront le probleme differemment : chasse traditionelle ou bra- connage ? En d'autres termes les legisla- tions nationales sont-elles adaptees ?

Dans une maniere generate, ce n'est pas le cas, et cela met le chasseur tradition- nel hors-la-loi. Ce n'est pas tellement grave lorsque la densite humaine reste faible et sur les zones banales. Mais de nos jours ces conditions sont rarement reunies, d'autant plus que la densite humaine est une valeur relative, et hautement dependante du degre d'intensification agricole. Ainsi une zone peut etre surpeuplee avec une densite hu- maine d'ur habitant au km2, si les habitants ne sont que chasseurs et qu'il n'y a plus d'a- nimaux! De plus quelle zone banale est ac- tuellement riche en gibier, ayant ete degra- dee par une pression de chasse excessive.

La conjonction de deux phdnomenes conduit done a ('intensification du bracon- nage en zones prot6gees : la croissance de- mographique et la degradation des zones ru- rales. L'augmentation du braconnage appa- rait done comme une reaction des popula- tions locales contre la degradation des conditions de vie, et d'autant plus que les ethnies concerned ont une tradition cynege- tique.

STRATEGIE GENERALE

Des lors la solution du probleme ne peut passer que par la comprehension de ces ph6nomenes. Avant d'interdire la chasse, il faut done pouvoir proposer des ac- tivities de complement, ou mieux de substitu- tion.

L'idee directrice sera que le develop- pement de I'Afrique passe d'abord par I'auto- suffisance alimentaire nationale, et m§me si possible regionale. Cela suppose done dans

la majority des cas une modification des acti- vites habituelles (et non forcement tradition- nelles). Pour entreprendre ces modifications il faudra garder a I'esprit que la sensibilisation aux techniques nouvelles est efficace pour une reorientation d'une activite, mais qu'elle passe le plus souvent par le changement de generation (une ou plusieurs fois), pour des modifications de comportement, et singulie- rement lorsque Ton touche a des activites an- cestrales comme I'elevage et la chasse. De plus ces dernieres activites sont souvent as- sociees a des notions de castes ou de classes sociales. Le systeme economique a mettre en place sera done base sur la pro- duction locale de glucides (mil, mats, igname, manioc selon les regions). La com- mercialisation regionale de ces glucides doit permettre I'achat de condiments, dont la viande fait actuellement partie en Afrique, si Ton se refere aux quantites tres faibles consommees par habitant (et plus faibles en- core si Ton considere le cas des enfants).

Cet ordre economique : glucides puis proteines, est la premiere des condi- tions a remplir pour le passage d'une ethnie "chasseur pur" a celui de "chasseur partiel" (ou chasseur-agriculteur), ce qui reduit dautant le braconnage.

On veillera a introduire une certaine monetarisation du systeme (commercialisa- tion des glucides, des condiments, des fruits, des produits d'elevage et de peche). Even- tuellement on introduira une culture indus- trielle, dont la commercialisation est infini- ment plus aisee, bien que la situation actuelle du marche cotonnier soit mauvaise (conse- quence des productions americaine et chi- noise), et que ce soit la culture la plus adap- ted aux zones soudaniennes qui contiennent la majorite des secteurs les plus favorables a la faune sauvage.

L'absence de monetarisation conduit naturellement a un retour aux valeurs mar- chandes traditionnelles : la viande de chasse en premier lieu, des lors que des achats chez les commergants sont envisages par les per- sonnes rurales (bicyclettes, toles, vetements, etc.).

Dans le cadre de cette monetarisation, I'elevage occupe une situation-cle, represen- tant a la fois I'argent et les proteines. A la premiere place de celui-ci se trouvent les vo- lailles, qui ne demandent que quelques connaissances, le plus souvent a developper seulement, et non une mentalite de pasteur, beaucoup plus difficile a acquerir. De plus I'elevage reagit tres bien et progressivement a la vulgarisation (vaccination, puis deparasi- tage, puis amelioration de I'alimentation, puis du logement...).

Ce cadre etant fixe, quelle idee doit di- nger sa mise en place ? Sans nul doute, ce sera la productivity sans degradation. Cela veut dire qu'il fa ut mettre en place un sys- teme :

- productif: e'est le critere qui inte- resse en premier lieu I'habitant rural. En effet pour lui le systeme actuel est fonctionnel, et pourquoi le changer pour en mettre un moins bon pour lui ?

- perenne: il ne faudra en effet pas avoir a en changer a I'avenir (deuxieme evo- lution de mentalite, avec cette fois beaucoup moins de credibilite...).

La consequence est qu'il faut qu'il soit reproductible de nombreuses annees : cela suppose done une conservation des facteurs productifs, ou tout au moins un ralentisse- ment de la degradation. Concretement, cela suppose done :

- le choix d 'activites et d'especes adaptees a la region considered (ameliora- tion de ce qui existe);

- la mise en place d'une agriculture conservatrice. Cela signifie I'utilisation de va- rietes productives (plus de produit consom- mable, pour la meme quantite de travail et d'exportation d'elements du sol), ('introduc- tion de pratiques culturales visant a la conservation du sol (lignes de niveaux, en- grais chimique non toxique, fumier produit par I'elevage local, restitution au sol des ele- ments non utilises par I'homme ou les ani- maux, jacheres viables).

De meme le deboisement des zones colonisees sera controle.

On percoit done dans cette strategie la notion de cycle (sol, vegetation), ou au moins celle de ralentissement de la degrada- tion. La prise de conscience de ce pheno- mene est importante pour la reussite de I'o- peration. Elle est facilitee par la mise en place de I'elevage, dans lequel le developpe- ment du capital conserve est bien visible. L'extension de ce phenomene a I'agriculture et a la gestion et a I'utilisation de la faune sauvage, est alors plus facile.

Le corollaire de ce systeme est de dis- poser d'espaces propres au developpement : ou sont-ils disponibles ? Pratiquement nulle part!

En effet, de nombreuses regions d'Afri- que sont deja surpeuples (en liaison avec les pratiques agricoles), certaines soumises a I'exode rural.

A cote de cela on note de vastes es- paces consacres aux reserves et pares natio- naux, mais ou Ton rencontre a I'interieur de leurs limites des villages, des champs, des bovins, des braconniers. Leur existence ne satisfait que les bureaucrates de la conservation, qui se plaisent a les classer, a les quantifier en pourcentage du terri- toire national, a les dessiner sur des cartes.

Mais la plupart n'ont aucune efficacite, ni meme aucune existence reelle. Certains n'ont meme aucune valeur naturelle.

Mais ce sont des entraves considera- bles au developpement: zones interdites mais bafouees, et par la suite degradees, et finalement sterilisees, soit exactement I'in- verse du but espere !

L'avenir de ces pares passe done par leur modification : il s'en est deja produit :

- Pares de la premiere generation : vastes superficies classees le plus souvent au debut de ce siecle (1.500.000 ha et plus). Peu d'entre eux sont fonctionnels: Kriiger en Agrique du Sud, Hwange au Zimbabwe, mais geres avec des moyens enormes, les pares du Tsavo au Kenya, ou le "W" (Benin, Burki- na, Niger) rencontrent d 'enormes problemes.

- Pares de 2eme generation : de taille plus controlable (autour de 200 000 ha), ils represented la majorite des pares fonction- nels en Afrique, et sont souvent de creation plus recente : Pare national de la Keran au Togo, par exemple; Pendjari au Benin; Meru, Samburu, Masai Mara au Kenya; Tarangire et Manyara en Tanzanie, Waza au Cameroun, etc...

- Pares de 3eme generation : il s'agit de la creation de zones consacres a la faune sauvage (et pas forcement de pares natio- naux!), a partir d'une situation proche du ze- ro (lequel est la consequence de la "gestion" anterieure. II s'agit de certaines fermes de gi- bier d'Afrique du Sud et du Zimbabwe, du Pare d'Aboukouamekrou en Cote d'lvoire, la reintroduction d'especes disparues au Sene- gal.

A I'epoque des pares de 3eme genera- tion, on envisage encore la creation ou I'a- menagement de ceux de 1 ere generation, qui ont maintes fois prouve leur inefficacite !

LES PARCS NATIONAUX

Le systeme de protection preconise ci- dessous n'est pas restreint aux pares natio- naux de type conventionnel; il s'applique a toute zone consacree a la faune sauvage, dont le statut doit evoluer avec cette concep- tion.

Seuls sont repris ici les principaux themes necessaires a la gestion de ces es- paces. lis trouvent leur origine dans I'obser- vation de I'organisation des quelques en- droits ou la protection a ete bien realisee, et en particulier a Nazinga (Ranch de gibier de 90.000 ha au Burkina Faso) et au Pare Natio- nal de la Keran (superficie : 160.000 ha au Togo).

La superficie

La tres grande majorite des pares ren- frermant des populations de grands mammi- feres stables ou en croissance, e'est-a-dire surmontant leurs problemes ont une surface qui ne depasse pas 200.000 ha. C'est done cette limite superieure, precisee par I'expe- rience qui sera retenue.

Elle presente les avantages suivants :

- a I'echelle africaine, cette surface est possible (environ 40 km sur 50), a la diffe- rence des pares de 1.500.000 ha (environ 150 km sur 100). C'est actuellement un point indispensable au developpement d'une po- pulation animale;

- elle permet de laisser a disposition des populations rurales d'autres espaces pouvant leur permettre d'exercer d'autres ac- tivites : chasse traditionnelle, peche, elevage, tout cela sous controle bien entendu et cela

detourne d'autant les populations du bracon- nage;

- elles sont suffisantes pour conserver des formations vegetales et pour contribuer a la conservation des valeurs ecologiques, car ces pares sont inelus dans une strategie glo- bale de developpement et n'en sont plus I'u- nique support (d'ailleurs totalement inefficace le plus souvent car non respecte);

- cette surface permet la cohabitation des differentes especes animates, car elle est tres superieure aux espaces vitaux, et plus encore aux territoires, des grands mammi- feres africains.

On pourrait faire 2 objections :

- I'elephant : les etudes des mouve- ments de I'elephant ont montre que, contrai- rement aux idees repandues, il ne se depla- cait pas beaucoup des lors qu'il pouvait trou- ver dans le meme secteur : nourriture, abreu- vement, abri et tranquillite. Par contre il ar- rive, quelques fois dans I'annee qu'ils effec- tuent de grands deplacements. Mais, et c'est la le cote encourageant, ils savent tres bien situer les zones "sGres", et n'en bougent alors que peu ainsi qu'on I'observe pour la popula- tion de 60 elephants de la Reserve de la Fosse aux Lions, d'une superficie de seule- ment 5.000 ha au Nord du Togo.

- 1 'eland de Derby : tres peu de choses sont connues sur cet animal. II arrive que Ton en rencontre de fortes densites sur un secteur a un moment donne, puis tres peu a d'autres, alors que les conditions semblent les memes. II y a la des etudes les plus inte- ressantes a entreprendre en Afrique centrale portant sur les deplacements, le comporte- ment et I'alimentation. Cette etude est facili- tee de nos jours par la possibilite d'utiliser des balises Argos, en se referant a une carte de vegetation et des ressources en eau.

Sans cette 6tude, on ne peut que sup- poser que les elands se contentent d'une su-

perficie tres inferieure a cede preconisee, mais qu'ils pourraient en sortir a certaines periodes. On notera neanmois que I'eland resiste tres bien au braconnage, comme on le verra plus loin;

- cette surface permet de ceer un re- seau tres dense de pistes et done de tres bien connaitre les animaux, et done de les proteger plus facilement.

Les points d'eau

Une erreur quasi-generale en Afri- que francophone est de limiter les pares par des rivieres. La premiere conse- quence est de couper la zone ecologique en deux, et done d'exclure d'une maniere temporaire ou permanente une partie des populations animates. L'espace vital est, dans ces conditions, totalement neglige par ces limites.

Au contraire, les meilleurs pares sont organises autour d'une riviere colportant tou- jours, au minimum, des mares residuelles permanentes en saison seche, de fagon a ce que le centre (du fait de I'obligation faite de boire pratiquement chaque jour en saison seche) de l'espace vital de chaque animal coincide avec le centre du Pare. Cela pre- sente de nombreux avantages :

- l'espace vital des animaux est res- pecte par les limites du Pare;

- on eloigne les animaux des limites du pare qui sont les plus difficiles a proteger;

- on cree des secteurs de concentra- tions d'animaux favorables au developpe- ment touristique, done Ton contribue a la pe- rennite de I'operation.

On pourra objecter que Ton contribue- ra a une surpopulation animate locale. C'est sans compter sur les differences de compor- tement des differentes especes qui sont a I'o-

rigine de la distribution spatiale des ani- maux :

- consommation d'herbes (animal paisseur) ou de feuilles (animal brouteur);

- animal territorial ou non par periode, ou de fagon permanente;

- animal solitaire (done necessitant peu de deplacements pour trouver sa nourri- ture), ou en troupeau important (necessitant des deplacements);

- animal modifiant son comportement alimentaire suivant les disponibilites saison- nieres (par exemple, I'elephant);

- animal confiant (cobes), ou craintif (hippotrague, eland).

On essaiera egalement, la ou il n'y a pas de problemes de surveillance, d'aug- menter la superficie utile pour les animaux en creant des points d'eau permanents pour la saison seche. Le systeme le moins couteux est de construire des retenues collinaires, la ou le bassin versant I'autorise. L'inconve- nient est que lors d'une annee deficitaire en pluie, ces barrages risquent d'etre a sec, et done d'entrafner une surpopulation la ou il y a de I'eau, done une degradation du patu- rage.

La deuxieme solution est de creuser des forages et a les equiper de pompes pour alimenter les animaux. C'est le seul systeme envisageable en region rigoureusement plate. L'inconvenient, en cas de pluviometrie deficitaire plusieurs annees de suite, est de contribuer a I'abaissement des nappes phreatiques.

La solution est vraisemblablement une utilisation des deux systemes.

Une distance entre chaque point d'eau de 5 a 10 km permet de repartir harmonieu- sement les animaux sur le territoire : on tien- dra compte pour cela des carateristiques ve- getans :

- plus rapproches en plaine, de tacon a augmenter Ies densites d'animaux paisseurs ne marchant pas beaucoup (done necessi- tant un paturage de bonne qualite) : cobe de Button, cobe Detassa;

- plus eloignes en zone boisee, puis- que Ton s'adresse a des animaux se depla- gant plus pour exploiter un paturage de plus taible valeur (bubale, hippotrague) ou a des brouteurs (elands).

La gestion des paturages

Comme on I'a vu, le regime alimentaire des animaux est un tacteur important de leur distribution. Celle-ci est egalement en corre- lation positive avec le type vegetal. Ainsi on trouve certains animaux preferentiellement

dans certains types vegetaux. Ainsi, en allant du moins boise, au milieu qui Test le plus :

- plaine (ou savane herbeuse): habitat preterentiel du cobe de Button et du cobe des roseaux, ainsi que principal habitat du cobe Detassa;

- savane arboree ou peu boisee: oure- bi, cephalophe, bubale, hippotrague, buttle;

- savane boisee: hippotrague, bubale, eland de Derby;

- galeries torestieres: cephalophe a tlancs roux, cephalophe a bande dorsale noire, potamocheres, ainsi que I'elephant la ou il est menace.

Cette classitication, bien sur non abso- lue, met en evidence I'attirance de la majorite des animaux pour Ies zones ouvertes, dont la vegetation principale est I'herbe : ces ani- maux sont en effet paisseurs dominants.

Cobe de Button : animal paisseur commun dans Ies savanes d'Afrique de i'Ouest. Les animaux paisseurs tels que le cobe de Button sont detavorises par un embuissonnement trop prononce des savanes. (photo FAO).

En Afrique francophone seuls sont en effet consommateurs stricts de feuilles: les cephalophes, le guib et I'eland. Ces especes ne contribuent que pour une faible part a la biomasse animale (quantite totale d'animaux portes par un secteur exprimee en poids d'a- nimaux par unite de surface).

Les paisseurs sont done, en termes ponderaux les plus importants.

Si Ton regarde les cartes de vegetation d 'Afrique centrale et de I'ouest, on note que la vegetation dominante est la savane boi- see : le milieu est done peu propice aux im- portantes concentrations animales. C'est bien ce que confirment les releves de bio- masse qui donnent, pour les meilleurs sec- teurs, des valeurs de 2 tonnes par km2 alors qu'on arrive a 16 tonnes par km2 au Pare des Virungas (Zaire). La pluviometrie n'explique pas tout: le pare du Serengeti (Tanzanie) supporte 8t/km2 pour une pluviometrie de 800 mm par an (contre 1.100 actuellement pour la majeure partie des pares d'Afrique francophone).

En plus de la formation vegetale, la composition floristique est un facteur prepon- derant. En effet, toutes les herbes ne sont pas consommees egalement :

- les graminees de haute taille (2 m et plus) perdent toute valeur alimentaire apres la moitie de la saison seche (aout) et la ma- jeure partie de la plante n'est pas consom- mee, car lignifiee;

- au contraire, les graminees de petite taille gardent leur valeur alimentaire beau- coup plus longtemps : c'est la cause de la valeur des plaines du Serengeti, dont les "longues herbes" ne depassent pas 80 cm.

Malheureusement ces especes de gra- minees sont rares en Afrique francophone, ce qui nuit a la valeur alimentaire des sa- vanes en question.

L'on voit done que si Ton veut la pre- sence de nombreux animaux, on doit s'orien- ter vers des savanes herbeuses. Malheureu- sement, dans les zones soudaniennes et soudano-guineennes, ou Ton trouve la majo- rity des Pares nationaux, on assiste a un em- buissonnement progressif des savanes, qui tendent done a devenir tres boisees. Les causes principales sont les feux de brousse et la diminution des populations d'elephants.

En effet, les feux de brousse sont sys- tematiquement allumes chaque annee :

- par les chasseurs et braconniers, pour acceder aux zones rendues impenetra- bles par les "pailles", pour avoir une bonne vi- sibilite, pour provoquer le remplacement par des jeunes pousses qui attirent les animaux;

- par les eleveurs a la recherche de nouveaux paturages pour leurs troupeaux.

Ces derniers monopolisent les meil- leurs paturages et eloignent les animaux sau- vages des points d'eau car ils paturent a proximite.

Outre I'agression subie par le sol, le feu selectionne les especes resistantes (pyro- philes), au detriment des autres, souvent meilleures.

Si les feux ont lieu plus tard dans la saison seche, les repousses sont plus faibles car les reserves hydriques de la plante sont moindres. Plus tard encore, le feu peut tuer la plante fragilisee par la secheresse.

Ce phenomene peut etre utilise pour eliminer des plantes envahissantes, favori- sees par des feux de debut de saison seche, mais tuees par T. macroptera, un des com- posants de I'embuissonnement, non consomme par les animaux sauvages, mais casses par les elephants.

L'utilisation des feux permet done de conserver, voire d'augmenter la valeur d'un paturage. II faudra neanmoins tenir compte des facteurs suivants :

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- seuls les feux precoces permettent une bonne repousse;

- une partie de I'espace vital des ani- maux doit rester non bmle pour constituer des abris et des reserves d'aliments de faible valeur, en cas d'insuffisance des repousses;

- du fait du temps necessaire a la re- pousse (10 a 15 jours), et de la rapidite de leur utilisation, cette repousse doit etre eta- gee, faute de quoi des secteurs beaucoup plus vastes que les espaces vitaux de cer- taines especes risquent de se retrouver sans paturage, alors qu'ils sont organises autour des points d'eau. On observe alors des ani- maux en tres mauvais etat, ce qui influe bien sur les parametres de mortalite et de repro- duction;

- les feux tardifs brulent de grands es- paces, mais sont les seuls qui permettent de lutter contre I'embuissonnement.

L'utilisation des feux sera done faite le plus tot possible en debut de saison, puis en brulant progressivement au cours de la sai- son ce qui devient sec et peut bruler. On ob- tient ainsi un brulage par taches, favorables aux animaux et a la vegetation. De plus e'est une prevention efficace contre les grands feux de pleine saison seche. Cela necessite un reseau de pistes assez dense pour la rea- lisation de ce patchwork.

On notera que la gestion des feux doit passer par la connaissane de la dimension de I'espace vital des animaux.

Enfin, on se rappellera que la dispari- tion des elephants a pour consequence, du fait que les arbres ne sont plus casses (en vue ou non de I'alimentation), un embuisson- nement qui n'est pas favorable a la majorite des herbivores. Avec leur disparition, Ton perd en plus une partie du potentiel d'accueil de ces savanes.

Surveillance

Indispensable, la surveillance doit s'appuyer sur quelques principes pour etre efficace :

- les personnes chargees de la surveil- lance doivent etre respectees (voire craintes) par les braconniers, du fait de la legislation nationale. Sans cela il ne restera bien enten- du aucun volontaire pour I'effectuer;

- elles doivent etre motivees par des primes d'efficacite (par braconniers arretes, par armes saisies), et la viande saisie leur etre distribute car e'est une motivation im- portante pour elles. Sans cette motivation, le travail ne sera pas effectue, ou pire, il le sera mal : fausses tournees, parties de peches, voire de chasse! On se rappellera que dans beaucoup de pays le salaire des fonction- naires correspond seulement a la presence, I'efficacite passant par d'autres systemes;

- I'organisation de la surveillance sera basee sur i'effet de poste : on remarque en effet que les animaux sont souvent presents autour du poste de garde, du camp ou de I'hotel, mais que passee une certaine di- stance ils sont absents. La presence est en effet dissuasive (pour autant que la legisla- tion le soit, et soit appliquee). Elle a un avan- tage supplemental : elle ne demande pas d'energie. On connait en effet les actions de I'Afrique sur les caracteres, les automobiles, et il convient de concevoir tout programme a un niveau energetique tres bas, faute de quoi il n'est pas realisable de fait de I'entropie (la degradation de I'energie) qui s'y applique.

Ces postes seront places a une petite distance des points d'eau (1 a 2 km), de fa- gon a laisser I'acces a I'eau aux animaux, mais a entendre si des coups de feu sont ti- res, et sous le vent. On remarque que prati- quement tous les animaux s'habituent tres bien a I'homme, des lors qu'ils sont prote-

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ges : lions, Elephants, buffles et antilopes sont alors visibles du poste;

- des tournees complementaires se- ront programmees. Elles consisteront en la recherche de traces frafches de braconniers, en particulier pres des points d'eau. La voi- ture, la moto, la bicyclette peuvent etre utili- sees pour cette recherche. Ces traces sont suivies a pied si elles sont recentes et qu'elles vont vers un camp de braconniers (faute de quoi c'est bien sur totalement ineffi- cace). Ces criteres sont du ressort des pis- teurs qui savent generalement ou vont les traces, parfois qui a marche...;

- dans la mesure du possible, on asso- ciera les chasseurs (braconniers ?) locaux, comme pisteurs pour la surveillance. Les po- pulations seront d'ailleurs associees aussi souvent que possible aux activites du pare : surveillance, amenagement (ouverture et en-

Girafe : autrefois braconnee pour sa queue (photo FAO).

tretien des pistes et radiers, construction des barrages, fonctionnement des pompes, mise a feu, visite du pare), de fagon a distribuer un revenu monetaire, et a "occuper" les bracon- niers en-dehors de leur occupation favorite.

LES SECTEURS DE CHASSE

La conservation de la nature africaine ne doit pas se limiter aux seuls pares natio- naux. Ceux-ci devraient etre inclus dans une politique de developpement du milieu rural qui prenne en compte la notion du cycle eco- logique. De plus, les pares nationaux, comme nous avons essaye de le montrer ci- dessus, doivent repondre a certais criteres pour etre viables (superficie, points d'eau, gestion des paturages, surveillance).

Mais la plupart des pays d'Afrique n'ar- riveront pas a rentabiliser leurs pares natio- naux, de valeur touristique tres insuffisante.

Comme le montre la recente these de Brian Child, la chasse est (plus que I'exploi- taion stricte de la viande), le meilleur moyen pour la faune sauvage de se maintenir en contribuant au developpement. Pour com- pleter les remarques faites sur les pares na- tionaux (et qui sont valables pour toute zone cynegetique), nous abordons ci-apres les problemes plus particuliers aux secteurs de chasse.

Tout ce qui a ete vu pour les pares na- tionaux est bien sur valable pour les secteurs de chasse, a I'echelle economique pres le plus souvent, puisque dans la chasse inter- vient la notion de rentabilite, si Ton touche a I'organisation de chasse touristique. Actuel- lement les densites animales sont decrois- santes dans la majorite des secteurs : c'est un phenomene qui n'est pas nouveau.

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La grande chasse en Afrique est basee sur la recherche des trophees, dont les por- teurs ne represented generalement que 2 pour cent de la population. Comme ce sont egalement des males reproducteurs, lis ne peuvent etre tous preleves : un taux de 1 pour cent est deja important. II ne s'agit pas du tout d'une chasse d exploitation, mais dune cueillette qui, pour ne pas etre nocive, doit porter sur des populations importantes se reproduisant normalement.

Actuellement ce n'est generalement pas le cas, puisque d'autres prelevements sont effectues (par les braconniers, parfois par les predateurs a la premiere place des- quels on trouve les hyenes, qui tuent beau- coup plus qu'on ne le pense generalement : c'est le chasseur le plus efficace au Serenge-

Ces prelevements sont effectues sur tous les types d'animaux, et non seulement sur ceux supposes les plus "faibles" : fe- melles et jeunes. En effet ces derniers vivent le plus souvent en troupeaux et sont done proteges par I'effet de groupe (conjonction des efforts de survie). Au contraire, un ani- mal solitaire ne beneficie pas de cet effet. De plus, s'il est territorial, il refusera de s'eloigner et sera done encore plus vulnerable.

En tout etat de cause, les animaux d'A- frique ne supportent pas des prelevements aussi importants que ceux des pays tempe- res : ainsi, un taux superieur a 8 pour cent (sexes et classes d'ages confondus), stabi- lise la croissance d'un troupeau de buffles (Marromeu, Mozambique). Si Ton ne preleve que des males, le taux est bien moindre.

Dans I'etat actuel des choses. 2 ac- tions sont possibles pour les guides de chasse soucieux de leur secteur : la sur- veillance et retablissement d'un plan de chasse. En effet, les secteurs sont assez souvent bien amenages, surtout pour les

pistes (deplacements - ou chasse! - en voi- ture oblige!), et bien que les points d'eau puissent parfois etre amenages (cf. pares nationaux).

La surveillance

Elle sera basee sur les memes prin- cipes que ceux enonces plus haut. II faudra tenir compte d'une legislation nationale adaptee au guide de chasse et a son action.

II faudra egalement que :

- le guide choisisse une partie de son secteur reunissant les criteres enumeres plus haut pour la realisation d'un pare national. l_a surface de cette partie ne doit pas etre trop importante : 25.000 ha est une bonne mmoyenne pour une equipe de surveillance;

- I'equipe doit etre suffisamment nom- breuse : 6 pisteurs est un bon chiffre. En ef- fet 4 peuvent aller en brousse et etre effi- caces, tandis que 2 restent au camp (garder le camp contre d'eventuelles represailles, rester avec les femmes, se reposer, se soi- gner), 2 ou 3 personnes sont inefficaces car insuffisamment respectees par les bracon- niers.

- I'equipe doit etre en place toute Tan- nee, ce qui, pour un guide de chasse, veut dire en-dehors de la saison de chasse. Les moments les plus importants sont :

- le premier mois de saison seche (no- vembre), car les pistes ne sont pas encore sur place et les pistes non reouvertes,

- les derniers mois de saison seche et les premiers de saison pluvieuse car les guides "liberent" alors la brousse a un mo- ment tres favorable au braconnage. C'est durant cette derniere periode que des ma- noeuvres temporaires de - la societe de chasse, et done la connaissant bien, peuvent

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Lions : valeur touristique et cynegetique sure; mais avec eux, c'est le probleme des predateurs qui est pose (photo A.lokem/FAO).

rester sur le secteur et mettre a profit leur erudition !

Toutes ces periodes se trouvent en- dehors des moments les plus importants pour I'agriculture, ce qui fait que n'ayant rien a faire "au camp", les hommes iront "en brousse".

L'investissement a faire est relative- ment limite: 6 fois 8 mois de salaire a 400 FF, soit moins de 20.000 FF: prix bien faible en comparaison de celui d'un safari. Mais bien sur cela suppose une intensification des acti- vites sur une petite zone, sans pour autant prelever plus, au moins au debut. La solu- tion: tirer peu, marcher, chasser et observer !

Le plan de chasse

Les quelques pays d'Afrique ayant mis au point un plan de chasse, ou un systeme

de quotas, se heurtent a des difficultes, soit de calcul, soit d 'application. En effet le sys- teme est compris comme une limitation de tir en relation avec une taille de population et une superficie.

Au contraire il taut passer par la notion de population utile pour la chasse (c'est-a- dire le nombre de males porteurs de tro- phees non indispendables a la reproduction) et a la surface utile pour la chasse (c'est-a- dire celle ou s'exerce reellement la chasse).

II n'est pas alors essentiel de passer par la phase de recensement, dont les incon- venients sont bien connus :

- coCit important;

- erreur importante : ii n'est pas rare de lire dans les resultats de recensement: 4.076 cobs de Button, plus ou moins 3.500, ce qui, bien sur, est inutilisable pour la gestion et pour la chasse en particulier. D'ailleurs, un pare bien gere comme celui de Hwange, au

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Zimbabwe, precise que ses recensements d'elephants (espece relativement facile a compter dans ce milieu) sont donn's a plus ou moins 30 pour cent. On peut done s'at- tendre a des resultats beaucoup plus mau- vais pour des especes moins reperables et pour une vegetation plus dense ("biais" im- portants). De plus, les modifications de re- partition des animaux a cause de facteurs an- thropiques (derangement), font que les for- mules statistiques sont difficile a appliquer.

Le recensement sera done reserve a I'etablissement de la repartition des animaux (avec sondage de densite), dans lespace, et au cours des saisons.

C'est egalement un outil utile lorsqu'il peut etre repete, non pas pour obtenir des chiffres absolus, mais comme indicateur de tendance. Cela suppose que la met hod e uti- lisee sort a chaque fois la meme. Ce ne sont pas alors les chiffres les plus interessants, mais ('interpretation que Con en fait.

Dans la pratique, comment proceder pour etablir un plan de chasse ?

On se basera sur deux demarches :

1. le rapport de chasse : redige en fin de saison, il doit comporter un cadre du sec- teur mentionnant :

- le trace des pistes : rares sont en ef- fet les guides qui chassent reguliere- ment a plus de 5 km des pistes (cela permet d'apprecier I'effort d'amena- gement et de calculer la surface utile a la chasse);

- la localisation des animaux tues, par espece, ainsi que la mention du nombre de chasseurs, de jours de chasse, du nombre d'animaux tues, ainsi que la taille des trophees.

La repetition de ces rapports permet de saisir la tendance evolutive de la zone, en- core une fois plus importante que la valeur absolue;

2. Ce rapport sera complete par des visites de terrain, au cours desquelles on es- saiera, non de compter les animaux, mais d'apprecier le nombre d'animaux utiles a la chasse (males adultes) et les structures de population : la reproduction semble-t-il nor- male, les structures familiales sont-elles res- pectees ? Les comportements semblent-ils normaux ?

A partir de ces donnees, de la progres- sion du chiffre des abattages, on pourra mo- duler le quota alloue : par exemple rien ne sert de donner beaucoup de buffles si le nombre tire diminue d'annee en annee, avec un nombre de chasseurs constant. Ce serait meme nefaste car les chasseurs voudront ti- rer d'autres animaux, dont les populations risquent alors de suivre celle des buffles.

II faut done accumuler un certain nom- bre de donnees, mais surtout les traiter et as- surer leur retour au terrain.

Quelques problemes des populations chassees

Sans faire une revue complete, on soulignera quelques points que les guides doivent avoir a I'esprit pour I'etablissement des quotas :

- Les animaux de plaine (cob de But- ton, Defassa en particulier) sont les plus sen- sibles au braconnage (et a la pression de chasse), car faciles a voir, a approcher (en fonction de leur "caractere"), a tirer;

- Les animaux a comportement territo- rial sont egalement faciles a detruire. Ces animaux qui refusent de fuir le danger sur leur territoire sont a conserver pour la repro- duction, puisqu'ils sont dominants. On re- trouve les cobs, les bubales et les damalis- ques;

- les petites especes supportent bien la pression de chasse, grace a_un rythme de re- production et de croissance rapide : ourebis,

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cephalophes, et meme guibs harnaches et potamochdres;

- les espdces qui marchent beaucoup se protegent mieux des effets du bracon- nage: bubales, hippotragues, elands de Der- by.

- les espdces qui mangent des feuilles (brouteurs) sont favorisees actuel- lement par 1'embuissonnement. Sont dans cecas :

- cephalophes, les guibs, I'eland;

- les predateurs sont favorises au de- but des phases de braconnage par la pre- sence de nombreuses carcasses et peuvent se developper alors que leur nourriture dimi- nue.

En conclusion, on se rappellera que les especes les plus sensibles au bracon- nage sont dans I'ordre :

- les cobs et les damalisques;

- les phacocheres;

- les buffles et les bubales;

- les hippotragues et les elands.

En ce qui concerne I'elephant aucune autorisation de tir ne doit etre actuellement donnee de fagon a ne pas legaliser le bra- connage encore tres actif; cela revient done a abandonner le systeme CITES, malgre le fait que e'est une entreprise louable de ratio- nalisation. II taut en effet verrouiller partout ou e'est possible les circuits de commerciali- sation et ne laisser aucune faille, soi-disant pour aider a la gestion d'une ou deux popu- lations d'elephants. Le probleme des preda-

teurs doit §tre pose si Ton veut remonter les populations d'herbivores. Enfin, I'eland de Derby semble en augmentation, en rapport avec un faible braconnage et une augmenta- tion de son habitat par 1'embuissonnement.

CONCLUSION

Devant les echecs passes, il faut inten- srfier sur des surfaces raisonnables, de fagon a pouvoir garder des populations viables.

II faut egalement diversifier les activites du fait d'une saison trop courte en Afrique francophone (4 mois contre 10 en Afrique de I'Est) et combiner vision, observation, marche, chasse et production de viande et de peaux, de fagon a ne pas negliger une source de revenus. Cela permettra de creer les emplois necessaires a la protection des animaux et de leur milieu et de contribuer au developpement. Certains pays d'Afrique de I'Ouest qui I'ont compris, possedent mainte- nant une faune sauvage en bien meilleur etat que certains traditionnellement reputes pour leurs pares et leurs grandes chasses.

Cet article a ete publie dans Connaissance de la Chasse n°158 et 159 et est reproduit avec Vaima- ble autorisation de Viditeur que nous remercions vivement.

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UNE ALTERNATIVE

ZIMBABWEENNE A

L'INTERDICTION DE L'lVOIRE

par Dick Pitman *

Quel est le meilleur moyen de conser- ver les elephants?

Est-ce d'imposer une interdiction to- tale du commerce de I'ivoire ? Ou y a-t-il une autre solution meilleure ?

Le Zimbabwe, de meme que d'autres pays d'Afrique australe, a une longue experience fructueuse dans la conservation des ele- phants, lis comptent des conservateurs et des professionnels de la faune sauvage parmi les plus devoues au monde, tous profondement con- cernes par la survie de I' elephant.

Mais ils n'ont ete consultes ni par les agences de conservation qui appuient I'interdiction totale du commerce de I'ivoire et autres pro- duits d'elephants, ni par les gouvernements

qui imposent cette interdiction sans utiliser les procedures CITES etablies.

II est peu probable que cette interdic- tion arrete le braconnage de I'elephant. Le braconnage du rhinoceros continue avec la meme intensite en depit de I'interdiction du commerce de la corne du rhinoceros. Au contraire, cette interdiction va saper les strategies visant a conserver les elephants et a proteger leur habitat en reconciliant la faune sauvage et la population rurale.

Ces strategies sont en grande partie respon- sables des succes obte- nus par le Zimbabwe dans la conservation de ses elephants pendant que d'autres pays souf- frent d'une severe baisse de leur population d'elephants due au braconnage.

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Cet article est publie pour soutenir la position du Gouvernement du Zimbabwe sur le commerce de I'ivoire et celui de ces com- munautes dont le bien-etre depend en grande partie d'une utilisation rationnelle des elephants.

Ces communautees rurales souffriront severement si I'interdiction de I'ivoire est im- posee.

Par-dessus tout, il est probable que cette interdiction ait I'effet de tuer plus d'ele- phants qu'elles n'en sauvera.

Les faits tels qu'ils sont

Debut 1989, le London Daily Mail rap- portait qu'une cargaison d'ivoire illegal etait arrive en provenance des "forets denses equatoriales de la Vallee du Zambeze ou le nombre d'elepants diminue de moitie chaque annee".

En fait, I'ivoire en question provenait du Zaire. La Vallee du Zambeze se trouve au Zimbabwe, loin au Sud des forets equato- riales et a actuellement une surpopulation d 'elephants.

Les conservateurs et les gouverne- ments ont le droit d'etre bien informes avant d'arreter leurs jugements qui pourront forte- ment affecter I'avenir des elephants. Malheu- reusement, ceci n'est pas toujours le cas. Du fait d'une information incomplete et de rap- ports incorrects, de nombreuses personnes croient qu'actuellement I'elephant africain est une espece menacee.

Est-ce reellement la verite ?

Les elephants sont-ils en danger?

Selon le Groupe de Revision du Com- merce de I'ivoire (ITRG), dont le rapport a im- pose I'interdiction du commerce de I'ivoire en Europe et aux Etats-Unis, les populations d'elephants d'Afrique ont chute de plus d'un million a environ 600.000 a ce jour.

"II n'est pas surprenant qu'aucune en- quete de quelque sorte que ce soit n'ait ete menee sur de vastes parties des forets tropicales d'Afrique ou Ton sait que la densite des elephants varie enormement"

- L'Elephant Africain, PNUE 1989.

Un certain nombre de biologistes re- nommes sont d'avis que le rapport de I'lTRG est incorrect sous certains aspects. Un grand nombre de ces valeurs de populations de pays a pays ne sont que pure hypothese. En particulier, les elephants sont notoirement difficiles a recenser en zone de vegetation dense telles les forets humides equatoriales.

Cependant, meme si les valeurs de I'lTRG sont correctes, un simple total pour le continent dissimule un point capital. II consi- dere les elephants d'Afrique comme un seul troupeau. En realite, il y a plus de 100 po- pulations distinctes d'elephants en Afri- que. Meme les chiffres nationaux peuvent etre trompeurs car un pays peut abriter plusieurs populations geographiquement separees.

Les plus forts declins ont eu lieu dans les pays d'Afrique de I 'Est et Centrale. Selon I'lTRG, les elephants du Zaire ont diminue de 376.000 en 1981 a 103.000 actuellement,

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Populations actuelles d'ele- phants d'Afrique.

ceux du Kenya de 65.000 a 18.000; ceux de Ja Tanzanie de 204.000 a 75.000.

Mais les chiffres de I'lTRG montrent aussi que le nombre d'elephants a augmen- ts dans plusieurs pays, y inclus le Congo, le Gabon, le Botswana, le Zimbabwe et I'Afrique du Sud.

Certaines augmentations sont trop fortes pour etre credibles. La population d'e- lephants au Gabon est supposee avoir aug- ments de 13.400 en 1981 a 92.000 actuelle- ment; ceux du Botswana de 20.000 a 58.000 au cours de la meme periode. A nouveau, le simple enonce des chiffres cache un element important : les techniques d'echantillonnage se sont ameliorees au fil des ans et les chif- fres anterieurs sont presque certainement des sous-estimations.

Neanmoins, les elephants sont certai- nement en augmentation en Afrique australe

depuis plusieurs annees. lis ont ete fortement ex- ploits entre 1850 et 1910, lorsque la recolte annuelle de I'ivoire attei- gnait 1.100 tonnes contre 700 en 1987. La plupart des populations avaient ete severement reduites. Au Sud des ri- vieres du Zambeze et Cunene, les nombres chuterent probablement en-dessous de 10.000 animaux en 1900.

Au cours des an- nees 80, les populations d'elephants dans la re- gion se sont reconsti- tutes d'une maniere re- marquable. L'Afrique australe abrite mainte- nant plus de 30% des elephants du continent. Les populations d'e- lephants du Zimbabwe ont augmente de probablement moins de 5.000 en 1900 a un total aujourd'hui de plus de 50.000.

"II est peu probable que ('alternative - une interdiction totale du commerce de I'ivoire - puisse reussir car I'inves- tissement mondial dans le commerce de I'ivoire est trop grand"

L'elephant d'Afrique, PNUE 1989.

Ceci prouve deux facteurs importants. Premierement, les elephants ont une capaci- ty de recuperation remarquable meme a par- tir d'un population tres faible. Deuxieme- ment, quelque soit la situation ailleurs, les elephants ne sont pas menaces en Afri- que australe.

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Que signifie "menace"

Que devrait-on dire ?

Si quelque chose est menace dans ce contexte, c'est I 'usage de la langue. Le terme "menace" est maintenant utilise pour presque toute espece soit qui existe naturel- lement en faible densite soit qui montre un declin quelque soit la cause.

C'est aussi sujet a des interpretations tres differentes. Par exemple, le nombre de rhinoceros blancs du Sud, Ceratotherium si- mum, avait chute a moins de 50 animaux au debut des annees 1900. Une conservation efficace a permis son augmentation a quel- que 4.000 animaux aujourd'hui.

Bien qu'il soit toujours classe en An- nexe I de la CITES, peu de gens en-dehors de I'Afrique se soucient maintenant beau- coup du rhinoceros blanc. On estime gene- ralement qu'il est "hors de danger". Pourtant I'elephant a ete classe "menace" avec une population d'au moins 600.000.

Si une espece doit etre placee en An- nexe I de la CITES, elle "doit etre reellement menacee de disparition". Beaucoup de bio- logistes pensent que les criteres devaluation du statut des especes doivent etre lies a des considerations genetiques a long terme. Par ces criteres, une espece n'est reellement me- nacee que quand son nombre tombe en-des- sous d'un certain Minimum Viable de Popula- tion (MVP).

Le MVP pour I'elephant d'Afrique est suppose etre de 2.000 animaux. Beaucoup de populations isolees sont tombees sous ce niveau, surtout en Afrique de I'Ouest. Mais il y a au moins dix populations reproductrices qui depassent 2.000 elephants. Presque toutes sont en Afrique australe.

Rien de ce qui precede ne cherche a minimiser I'etat critique de I'elephant d'Afri- que dans les regions ou le braconnage est responsable de declins severes.

II est certainement vrai de dire que les elephants sont localement en danger de dis- parition dans certaines parties de I'Afrique. II est aussi vrai de dire qu'ils sont vulnerables dans d'autres parties.

Mais il est faux de dire que I'ele- phant d'Afrique est en danger de dispari- tion.

Les interdictions ne marchent pas !

Les interdictions proposees pour le commerce de livoire sont basees sur I'hypo- these que la demande en ivoire diminuera et ainsi reduira le braconnage de I'elephant.

Le commerce de la corne de rhinoce- ros est interdit depuis plusieurs annees. Ce- pendant le braconnage du rhinoceros conti- nue de maniere inchangee. Durant I'annee 1988, il y a eu a peu pres 50 incursions des braconniers de rhinoceros dans la Vallee du Zambeze au Zimbabwe. II est probable que ce nombre ait augmente en 1989, prob- ablement du a I 'augmentation du prix de la corne de rhinoceros.

Les interdictions sur le commerce de I'ivoire auront plutot I'effet d'augmenter les prix, d'intensifier le braconnage et de forcer le commerce a devenir clandestin.

Les interdictions pourraient tuer plus d'elephants qu'elles n'en sauveront. Mais

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avant de commencer a rassembler ces don- nees et d 'examiner les alternatives, ii nous taut examiner les conditions dans lesquelles les elephants survivent maintenant dans de grandes parties de I'Afrique.

COMMENT VIVENT LES ELEPHANTS

terme genetique - a besoin d'un habitat d'au moins 2.000 km2 et souvent bien plus.

Cet habitat doit etre peu ou pas habite par I'homme. Les elephants changent de zone quand la densite humaine depasse en- viron 15 personnes par kilometre carre ou quand ils sont regulierement chasses ou au- trement deranges.

"Les zones protegees"

Les elephants peuvent vivre dans des habitats allant des semi-deserts aux forets humides tropicales et a des altitudes variant du niveau de la mer a plus de 3.000 metres sur les pentes du Mont Kenya.

II fut un temps ou leur aire de distribu- tion couvrait la majeure partie de I'Afrique, y inclus ce qui est actuellement le Sahara. Au- jourd'hui, ils sont limites a I'Afrique sub-saha- rienne ou ils occupent une aire totale de dis- tribution d'environ 5 millions de km2. Cette aire se retricit rapidement a cause des im- plantations de villages dans de nombreuses regions.

Une population viable d 'elephants a besoin de beaucoup de nourriture et d'es- pace. Leur regime alimentaire comprend une grande variete d'herbes, de buissons et des fruits, des feuilles et de I'ecorce de nom- breux arbres. Ils passent 1 8 heures par jour a se nourrir et un grand elephant male peut manger plus de 70kg de fourrage en une journee. Ils ont besoin de s'abreuver regulie- rement. Meme dans des circonstances opti- males, il est rare de trouver une densite glo- bale de plus d'un elephant par kilometre car- re.

Ceci veut dire qu'une population re- productrice de 2.000 animaux - probable- ment le nombre minimum viable, ou MVP en

Quand le declin des elephants et d'au- tres animaux spectaculaires est devenu un sujet important d'inquietude au debut de ce siecle, beaucoup de gouvernements colo- niaux africains ont reagi en etablissant des aires protegees dans lesquelles la chasse etait soit controlee soit interdite.

La plupart de ces zones existent tou- jours sous differents aspects. Quelques- unes ont ete designees pares nationaux, dans lesqueis les animaux sont integralement proteges.

D'autres peuvent etre declarees zones de safaris ou d'amenagement de gibier, dans

"Au cours de ces dernieres annees, des operations ont ete entreprises afin de red u ire la densite globale des ele- phants a moins de 0,8 animaux par ki- lometre carre a I'interieur des aires pro- tegees. Ceci devrait aboutir a une po- pulation d'environ 34.000 elephants dans ces zones. Le total est toujours superieur a 40.000 - et le taux annuel d'accroissement au Zimbabwe est ac- tuellement d'envrion 5%"

The Nature of Zimbabwe, UICN 1989.

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En densites trop fortes, les elephants peuvent degrader severement leur habitat (photo FAO).

lesquelles une chasse controlee est autori- sees ou d'autres activites tolerees.

Le Zimbabwe a devolu 44.000 km2 - plus de 20% de sa superficie totale - a la faune sauvage. Le Pare National de Hwange couvre une superficie de plus de 14.000 km2. L'ensemble des pares nationaux et des zones de chasse de la Vallee du Zambeze couvrent 11.000 km2 supplementaires. Plu- sieurs zones protegees ailleurs en Afrique sont considerablement plus grandes.

Tant les industries que les habitations sont interdites dans ces zones. Elles repre- sentent done un enorme investissement des gouvemements et des populations africaines a qui en est interdite I' utilisation pour la culture ou le paturage du betail.

Les elephants peuvent se multiplier ra- pidement dans ces zones. Le Pare National de Hwange au Zimbabwe abritait peut-etre

moins de 1.000 elephants en 1900. Aujour- d'hui il en abrite 22.000. Cela depasse ce que le pare peut supporter et par consequent sa vegetation subit des changements drama- tiques.

Ces augmentations sont le resultat de plusieurs facteurs. L'un est la capacite d'une population d'elephants de s'accroftre de 4 a 7% par an. Un autre facteur pourrait etre I'immigration d'elephants d'autres zones ou ils sont affectes par la chasse ou les implan- tations villageoises.

Mais les elephants ne sont pas confines aux zones protegees. Les trou- peaux d'elephants peuvent se deplacer sur de grandes distances. Dans des zones plus arides ou la nourriture est moins abondante leur domaine vital peut couvrir 3.000 km.

Les elephants ne connaissent pas les limites des pares ou les frontieres internatio-

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nales. lis peuvent se deplacer des pares na- tionaux vers les zones d'habitation.

Et les elephants n'ont aucune pro- tection a travers 90% de leur habitat en Afrique - les 4.500.000 km2 qui ne sont pas a I'interieur des limites des zones pro- tegees. La, ils sont souvent en concur- rence directe avec I'homme pour les terres et la nourriture.

En-dehors des pares

A linterieur des grands pares natio- naux d'Afrique, il est facile de croire aux pro- messes des brochures touristiques disant que cela represente la vraie Afrique

Bien sur tel nest pas le cas Dans la vraie Afrique, les populations humaines ont augmente de 80 millions de personnes entre 1970 et 1980. Depuis lors, elles ont proba- blement augmente de 30 autres pourcents. Les pays de I'Afrique ont parmi les plus hauts taux d'accroissement demographique du monde.

Seule une petite minorite de cette po- pulation croissante trouvera de I'emploi dans I'industrie urbaine ou trouveront une occupa- tion dans les economies monetaires.

La plupart vit dans les zones rurales grace aux methodes traditionnelles d'agricul- ture de subsistance - produisant la nourriture pour eux-memes et leurs families.

La faune et la flore sauvages ont sou- vent ete partie htegrante de cette existence, fournissant nourriture, vetements et pharma- copee.

Avant I'explosion demographique, les agriculteurs de subsistance abandonnaient un terrain apres quelques annees et allaient s'installer ailleurs. Ceci permettait au sol de

recuperet L'agriculture de subsistance pou- vait se maintenir.

Certaines regions sont encore presque inhabitees, en particulier les forets humides - la region dans laquelle le niveau des popula- tions d 'elephants sont encore en grande par- tie inconnues.

D'autres sont legerement peuplees. La, I'homme et la faune sauvage peuvent en- core cohabiter bien que leur relation soit sou- vent conflictuelle.

Mais le plus souvent les implantations villageoises atteignent un niveau auquel la disponiblite en terres est decroissante. La faune sauvage pourrait toujours y survivre, mais elle est en grave danger d'etre aneantie par une chasse excessive pour la nourriture et pour d autres benefices, ou parce qu'elle est en conflit avec les besoins humains.

Dans les cas extremes, les populations sont piegees sur des parcelles minuscules de terrain au sol epuise, incapables de se depla- cer ailleurs et vouees a des rendements cul- turaux decroissants et a un combat deses- pere pour survivre dans des regions a pluvio- metrie incertaine et a potentiel agricole mar- ginal.

Et, dans une majeure partie de I'Afri- que, les aires protegees de faune sauvage sont devenues des enclaves precaires au sein de myriades d'habitations villageoises.

Telles sont les circonstances dans les- quelles les elephants devraient survivre a tra- vers la majorite de leur aire de dispersion.

Les populations avec lesquelles les elephants doivent cohabiter sont aussi di- verses que celles de n'importe quel autre continent. Mais elles ont un commun de- nominateur : la pauvrete.

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Quelques implications

Les populations d'elephants sont ge- neralement stables ou en progression dans les seuls pays qui depensent des budgets raisonnables pour la conservation de leur faune.

Une bon etalon est la somme d'argent depensee chaque annee par kilometre carre de zone protegee. Certains pays depensent moins de 10 dollars EU par kilometre carre et par an. Dans ces pays, les populations d'ele- phants chutent tres rapidement.

Le Zimbabwe depense environ 100 dollars EU/km2/an et bien qu'il souffre egale- ment du braconnage, ii a pu maintenir des populations viables de rhinoceros plus long- temps que n'importe quel autre pays sujet au meme massacre.

Dans ses zones protegees, les ele- phants se sont accrus a un point tel qu'un abattage est necessaire si Ton veut preserver la vegetation et d'autres animaux plus sensi- bles.

Que le braconnage des elephants cesse ou non, des depenses adequates pour la protection de la faune sauvage resteront toujours nee essa ires car la plu- part des grands animaux disparaissent ra- pidement des zones non protegees avoisi- nant les habitations.

Selon TITRG, les couts de la protection des elephants pourraient etre couverts soit par I'aide Internationale soit par le tourisme.

Les couts de protection des pares na- tionaux pourraient probablement etre cou- verts par le tourisme, mais le tourisme est in- constant et il a peu ou pas d' impact sur les milliers de kilometres carres de I'habitat des elephants situes en-dehors des zones prote-

Les pays africains ne souhaitent pas etre simplement consideres comme de gi- gantesques zoos pour le seul plaisir de riches visiteurs etrangers et il en couterait la somme effarante d'un milliard de dollars EU pour proteger les elephants sur I'entierete de son habitat. Ceci est largement au-dela des capacites des agences de cooperation ou de tourisme.

Comment gerer alors les relations en- tre les populations, les zones protegees, la faune sauvage et les milliers d'elephants vi- vant en-dehors des zones protegees ?

Les zones protegees sont generale- ment percues avec hostilite. Pour la plupart des populations rurales, les Pares Nationaux et autres zones protegees de faune sauvage ne sont rien d'autre qu'un gaspillage de terres qui pourraient etre mieux utilisees pour I'agriculture et le paturage de Detail.

"lis disent que nous devons laisser les animaux de la foret tranquilles ? Pour- quoi devrais-je les laisser tranquilles ? Ai-je plante quelque chose pour eux ? Et mes enfants ? S'ils s'approchent de mes champs, je ne penserai qu'a les tuer et les manger"

Un habitant des Terres Commu- nales de Dande, Zimbabwe.

Et les elephants et autres grands ani- maux sauvages ne sont au mieux qu'une nui- sance et au pire, une menace pour la survie.

Ces attitudes sont generalement exa- cerbees par une legislation qui interdit a la population rurale d'utiliser la faune sauvage en quoi que ce soit.

Dans de telles conditions, il n'est done pas surprenant que le braconnage se deve- loppe et que la majeure partie des popula- tions rurales ne soit en rien motivee par la

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preservation mais par contre Test complete- ment pour detruire.

Ceci nous ammene a une question pri- mordial. Les pays en voie de developpe- ment doivent-ils conserver la faune sau- vage pour ses seules valeurs estheti- ques ? Ou doit-on egalement attribuer d'autres valeurs a ces animaux ?

L'lVOIRE : MALEDICTION OU RESSOURCE?

Depuis des milliers d'annees, les po- pulations africaines utilisent la faune sauvage pour I'alimentation, I'habillement, la pharma- copee et - en ce qui concerne les produits prises par d'autres cultures, telles la corne de rhinoceros et I'ivoire - I'argent.

Un commerce d'ivoire entre I'Afrique de I'Est et I'Egypte etait bien deja etabJi il y a 2.000 ans. Au cours du dixieme siecle, le voyageur arabe Al-Masudi mentionne I'abat- tage d'elephants pour leur ivoire. De nom- breux indigenes devenus des chasseurs et piegeurs experts et selon la rumeur, certains utilisaient deja des armes au feu vers 1 777.

Que les elephants soient tues legale- ment ou illegalement, leur ivoire represente une rentree d'argent dont une partie rentre dans I'economie rurale de I'Afrique.

C'est un fait que I'ivoire represente une ressource naturelle majeure. Bien sur, c'est aussi un fait que, dans certaines parties de I'Afrique, cette ressource est utilisee a un rythme insoutenable.

Une question primordiale est implicite- ment posee dans la proposition d'interdiction de I'ivoire : est-il justifiable ou non de consi-

"Quand les Europeens de I'Ouest ont emigre vers I'Afrique de I'Est, ils depei- gnirent le paysage comme une region sterile et "desertique". Mais "deserti- que" etait en grande partie une vue de lesprit occidental car la plupart de ces regions etaient en fait utilisees par les habitants indigenes"

Colin Deihl,

Cultural Review Quartrly, Feb. 1985.

derer la faune sauvage - et I'ivoire - comme une ressource naturelle utilisable ?

De nombreux conservationnistes occi- dentaux considerent que non. lis estiment que la faune sauvage doit etre conservee pour ses seules valeurs esthetique et ethique.

Cette vision preservationniste de la faune sauvage provient de convictions per- sonnels profondes mais il faut la prendre pour ce qu'elle vaut : un jugement de valeur subjectif.

La question evidente qui suit est : une telle vue des choses profite-t-elle a la survie de la faune sauvage dans les conditions afri- caines ?

D'autres verront la faune sauvage d'une autre fagon - surtout ceux qui doivent vivre avec cette faune sauvage et pas seule- ment I'utiliser pour quelques jours comme source de loisir et d'inspiration avant de s'en retourner au confort de la vie occidentale.

Les echelles de valeurs valables dans un monde developpe peuvent etre inappro- priees sur un continent pauvre a demogra- phie humaine galopante competitrice de la faune sauvage pour les terres et I'alimenta- tion.

Cela ne signifie pas que ceux qui ont ces opinions protectionnistes doivent les abandonner, mais ils devraient se demander si ils ont raison de les imposer aux per-

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Que faut-il faire de I'ivoire - confisque ou recolte legalement - ? Faut -il le vendre au profit des populations locales ou le bruler ? (photo WWF).

sonnes vivant dans des circonstances to- talement differentes.

La faune sauvage a ete utilisee en tant que ressource naturelle pendant des milliers d'annees par les populations africaines et bien que cette perspective puisse evoluer avec une augmentation du niveau de vie, ceile-ci ne doit pas etre eciipsee par une utili- sation insoutenable de nombreuses res- sources fauniques a I'heure actuelle, y com- pris I'ivoire.

L'augmentation du prix de I'ivoire peut etre aprrecie de deux facons, soit en tant que sonnette d'alarme appelant une action de

crise, soit en tant qu'aubaine economi- que potentielle qui, bien geree, pourrait devenir un grand avan- tage.

Eile peut aider a preserver la faune sau- vage la ou, autrement, elle serait detruite. Elle peut aider a sauver les elephants eux-memes. Enfin elle peut aider les populations qui en ont le plus besoin: les communautes ru- nlet les plus pau- vres d'Afrique, qui souffrent le plus des ravages de la faune sauvage.

"La conservation pour le principe de la conservation ne marche pas la ou elle affecte de maniere defavorable les moyens de vie de nombreuses per- sonnes... Toute tentative de restaura- tion de la faune sauvage qui ignore ces faits socio-economiques est vouee a I'echec "

FAO, 1987.

L'ALTERNATIVE ZIMBABWEENNE

Les buts supremes des gestion- naires de la faune sauvage du Zimbabwe sont la survie de la faune sauvage, des habitats et des ecosystemes.

Mais le pays souffre de tous les pro- blemes deja exposes. Les communautes ru- rales pergoivent tres souvent les zones prote- gees - pares nationaux et autres - avec grande hostilite. De nombreuses populations viables de faune sauvage survivent encore en-dehors des zones protegees mais sont menacees par I'accroissement demographi- que. Les terres fragiles ou la faune sauvage est la meilleure forme d'utilisation des terres sont ouvertes a de nouvelles installations vil-

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tine etude sociologique en Tanzanie a demontre que I'opposition locale envers les Pares etait universelle"

World Resources,

Institut International pour I'Environ-

nement et le Developpement , 1 987

lageoises. Les sols, les bois et la faune sau- vage y sont menaces de destruction.

La gestion de la faune sauvage est un volet important de la Strategie Nationale de Conservation que le Zimbabwe a adopte pour combattre ces problemes.

Cette strategie identifie plusieurs ob- jectifs principaux pour la gestion de la faune sauvage. Un de ceux-ci est d'assurer une bonne protection aux pares nationaux et au- tres aires de conservation tout en diminuant I'hostilite des populations rurales vivant dans le perimetre avoisinant. Un autre est d'en- courager une gestion prudente de la faune sauvage en-dehors des zones protegees en tant que meilleure option ecologique et eco- nomique d'utilisation des terres dans les nombreuses regions a faible potentiel agri- cole.

Ceci peut ameliorer les conditions de vie des populations et preserver les terres et la faune sauvage qui seraient au- trement detruites. Mais les elephants et les autres animaux doivent devenir des atouts et non des fleaux. Le seul moyen pratique de realiser cela est de leur attri- buer une valeur economique.

Souvent la r6ussite ou I'echec depen- dent fortement du commerce legal de I'ivoire et des autres produits d'elephant. Au Zim- babwe, ce commerce est tres soigneuse- ment et tres 6troitement controle et surveille.

Les pares et les autres zones protegees

Les pares nationaux, tels Hwange, Chi- zarira et Mana Pools, represented a peu pres la moitie des 44.000 km2 des aires protegees de faune sauvage. Ici, le tourisme est la seule forme autorisee d'utilisation de faune sauvage. L'autre moitie consiste principale- ment en des zones de safaris ou une chasse sportive controlee est autorisee.

La creation de ces pares et de ces zones de safaris a ete une reussite excep- tionnelle pour la protection de la faune et de la flore sauvages - ce qui comprend tous les animaux locaux, les plantes, les oiseaux, les reptiles et les insectes. Le nombre d'ele- phants a augmente de moins de 5.000 en 1900 a plus de 50.000 actuellement, tout en etant comprimes dans des habitats se redui- sant sous la pression des activites humaines.

Dans de nombreuses zones, ces po- pulations d'elephants ont cause la destruc- tion de forets et menace la survie d'autres es- peces plus sensibles.

Mais le Zimbabwe a juge que la sur- vie des elephants, des terres boisees et d'autres especes avait une valeur egale.

Une fois ce jugement fait, la seule op- tion pour le Zimbabwe est de require le nom- bre d'elephants la ou ils menacent I'integrite des ecosystemes. C'est seulement a ce point que se pose la question scientifique de savoir combien d'elephants peuvent suppor- ter les zones protegees du pays ? II semble que la reponse soit d'environ 35.000.

II est peu intelligent de detruire I'i- voire et les peaux resultant des abattages de recolte des elephants quand ceux-ci peuvent b^neficier au pays de diverses fa- cons. Une de ces facons est de fournir un

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Avec 1'augmentation de la pression demographique, lea populations ne to- lereront (ou ne favoriseront) la faune sauvage que si elle procure des bene- fices tangibles"

The Nature of Zimbabwe, UICN1989

revenu national, petit mais significatif, pour aider a couvrir les couts de la Conservation. De I'ivoire brut et des peaux sont vendus sur les marches d'ou- tre-mer et le reste est vendu localement et soutient une industrie de sculpture et de fabrication employant plusieurs milliers d'ouvriers. Ces revenus et ces emplois seront perdus si le commerce contrdle de I'ivoire est interdit.

Une autre fagon est de fournir de la viande et des revenus aux communautes ru- rales vivant aux alentours des zones de faune sauvage.

Certaines communautes vivant aux alentours du Pare National de Chizarira avaient I'habitude de placer des collets en fil de fer sur quelque 20 kilometres de longueur capables de tuer de grands animaux tels que les elephants, les rhinoceros et le buffle.

Ce braconnage a pratiquement cesse quand la viande et I'argent provenant des abattages de recolte des elephants fut re- mis a ces communautes au lieu d'etre vendus centralement.

La ou les touristes ne vont jamais

Quelque 10.000 elephants du Zim- babwe vivent encore en-dehors des pares

nationaux, la ou les touristes vont peu ou pas du tout. Nombre de ces zones sont encore peu peuplees mais ceci est en train de chan- ger rapidement.

En quete desesperee de terres, de nouveaux habitants s'y installent en prove- nance d'autres regions du pays. Cette ten- dance s'est acceleree avec le projet CEE d'e- radication de la mouche tse-tse.

En depit des inquietudes declarees de I'Europe pour I'avenir de la faune sauvage en

Un buffle ou un elephant, e'est trop ef- fronte I On les laisse raser nos champs et ensuite on meurt de faim

Un habitant des Terres Commu nales de Dande, Zimbabwe.

Afrique, les reglementations veterinaires de la CEE sur I'exportation de la viande de boeuf selon la Convention de Lome ont deja abouti au massacre de 4.500 buffles sauvages du Cap, vecteurs potentiels de la peste bovine. Des centaines d'elephants ont egalement ete abattus afin de proteger les clotures veteri-

Le moyen le plus efficace de convain- cre les populations des merites de la Conservation est de leur permettre de participer aux decisions concernant les ressources vivantes"

Comment sauver le Monde, UICN, WWF et PNUE, 1980.

naires erigees pour satisfaire aux reglementa- tions CEE.

Du fait de I'accroissement des implan- tations villageoises, il est probable que les animaux - y inclus les elephants - seront tues pour plusieurs autres raisons : pour la

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viande, pour I'ivoire, ou simplement en tant qu'animaux nuisibles destructeurs de re- coltes.

Pourtant des etudes menees par plu- sieurs agences locales et internationales sur I'utilisation des terres ont demontre que la faune sauvage est I'unique ressource de va- leur de ces regions impropres pour presque toute autre utilisation.

Le projet "Campfire" est une strategic mise au point par le Departement des Pares Nationaux pour tenter de satisfaire les be- soins des communautes rurales tout en conservant la faune sauvage et son habitat. II est base sur une utilisation des terres soi- gneusement definie integrant les besoins agricoles et une utilisation prudente de la faune sauvage dans ces zones "marginales".

C'est une extension d'une legislation importante inscrite dans la loi zimbabweenne de 1975 sur les Pares et la Faune Sauvage qui donne aux proprietaires prives la respon- sabilite de la conservation et de I'utilisation de la faune sauvage se trouvant sur leur ter- rains moyennant certains controles gene- raux.

Beaucoup ont pense que cela abouti- rait a la disparition immediate de la faune sauvage de toutes les zones de culture et des ranchs.

En fait il s'est exactement passe le contraire. De nombreux proprietaires de terres ont decouvert qu'une chasse sportive durable etait plus rentable que le Detail. Ceci a permis de preserver les ecosystemes naturels dans ces zones, preservant ainsi tant les sols que la faune sauvage.

Pourquoi serait-il plus "juste" d'exploiter et d'abattre un animal dit domestique pour sa viande et ses sous-produits plutdt qu'un animal sauvage ? (photo FAO)

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"Campfire" etend cette approche aux zones assignees aux communautes rurales, connues au Zimbabwe sous le nom de "terres communales". II donne a ces commu- nautes le droit de decider comment - et si - elles souhaitent conserver la faune sauvage et son habitat et, si elles le font, leur donne la possibility d'en tirer profit.

A ce jour, des communautes rurales ont adopte I'approche "Campfire" dans 26 zones. Mais ce qui plus important encore est que la decision ne leur a pas ete impo- see et a ete prise par les communautes elles-memes.

CAMPFIRE EN ACTION

Les 2.870km du district de Nyaminya- mi se trouvent sur les rives meridionales du Lac Kariba, au Nord du Zimbabwe.

"L'elephant est de loin I'espece animale la plus precieuse avec une valeur uni- taire de 12.400 $, surtout du fait de son ivoire... L'elephant seul represente 75% de la valeur totale de production et le buffle 10%. Ceci met en lumiere r im- portance de ces deux especes dans le programme de gestion"

Etude CEE sur Utilisation des

Terres,

District de Nyaminyami, 1989.

Le climat y est chaud et difficile avec une pluviosite faible et incertaine. Les sols sont pauvres et la region n'a aucun potentiel pour une agriculture a grande echelle ni mi- neraux exploitables.

Beaucoup denfants de Nyaminyami souffrent de malnutrition et de deficences proteiniques et ont souvent du dependre de programmes de secours alimentaire pendant plusieurs annees. Ironiquement, la plus grande ressource de la region sont les pro- teines sous la forme de son pois- son et de sa faune sauvage. La region comprend le Pare National de Matusadona qui abritent de bonnes populations de la plupart des especes, y compris les ele- phants; et 2.500 elephants errent encore dans la region en-dehors du Pare National.

Pendant de nombreuses annees, les communautes de Nya- minyami se sont vues defendre par la loi d'utiliser leur faune abon- dante de quelque maniere que ce soit. Les elephants y etaient par- tout percus comme un animal nui- sible et des pressions pour leur destruction totale se faisaient jour. Recemment, le gouvernement a

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transmis la responsabilite de la faune sau- vage de la region au Conseil regional et les populations de Nyaminyami ont demande la mise au point d'un projet afin de leur permet- tre de beneficier de la faune sauvage. II en a resulte la mise sur pied du Fonds d'Amena- gement de la Faune Sauvage de Nyaminyami constitue de personnalites locales aides par une assistance technique des ONG telles le Zimbabwe Trust, le WWF et le Centre univer- sitaire des sciences sociales appliquees.

Les cultures et les populations sont protegees de la faune sauvage par un usage judicieux de clotures et les zones de cultures de subsistance sont concues de maniere a perturber le moins possible la faune sauvage et son habitat. Cela signifie que les commu- nautes de Nyaminyami font un investisse- ment important en renongant a utiliser ces terres pour la culture ou le paturage. lis es- perent avec raison de plus gros revenus qu'ils n'auraient pu gagner a partir de ces ac- tivites.

La cle est une utilisation controlee de la faune sauvage afin de generer des revenus a partir de deux sources principales : la chasse sportive et des abattages controles. Tous deux dependent fortement de I'utilisa- tion durable des elephants de Nyaminyami.

Pour 1988-1989, les montants totaux des trophees - payes par les chasseurs pour "acheter" les animaux - devraient atteindre 165.000 dollars zimbabweens ($Zim). Les elephants, qui sont des animaux de prestige pour les chasseurs, y interviennent pour 98.000 $Zim.

La plupart des chasseurs viennent des Etats-Unis et de I'Europe et bien que les tro- phees de chasse pourraient ne pas etre su- jets a interdiction sur I'ivoire, la pression pu- blique d'outre-mer pourrait avoir un serieux effet sur la demande pour la chasse a I'ele- phant.

Ceci aura bien plus de consequences qu'une simple reduction des revenus de tro- phees pour Nyaminyami. La chasse a I'ele- phant rapporte plus par jour et dure plus longtemps que les chasses limitees a d'au- tres especes. Ces rentrees seront egalement perdues.

Nyaminyami a egalement decide d'un quota d'abattage de 20 elephants pour 1988- 89 pour son utilisation propre. La viande se- ra vendue a des prix nettement inferieurs au prix du marche pour aider a soulager la mal- nutrition qui harcele la region. Ceci produira egalement de I'ivoire et des peaux pour une valeur de 50.000 $Zim au prix actuel du mar- che.

Non seulement ces revenus prove- nant des elephants dependent du marche legal de I'ivoire et des peaux : ils sont le pivot duquel depend la viabilite entiere du projet. Si le commerce legal de I'ivoire est interdit, les communautes de Nyaminyami perdront une source importante de reve- nus et devront peut-etre dependre a nou- veau des secours alimentaires.

L'habitat de la faune sauvage sera pris pour I'agriculture et le paturage de betail, et souffriront vraisemblablement d'une degra- dation rapide.

Les animaux sauvages seront chasses ou tues. Les 2.500 elephants de Nyaminyami seront probablement les premiers a partir. Quelques-uns seront tues pour alimenter un commerce illegal de I'ivoire cree par les inter- dictions, d'autres le seront pour la viande ou parce qu'ils detruisent les cultures et mena- cent les vies humaines.

Finalement le Pare National de Matu- sadona sera soumis a forte pression de la part des braconniers et des populations en manque de terres. Ses elephants pourraient aussi disparaftre.

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Une idee dont le temps est arrive ?

Qui en souffrira le plus ?

Les propositions de projets tels que Nyaminyami ne sont pas nouvelles et sont suggerees depuis des annees mais elles etaient en avance sur leur temps a cause de legislations et d'attitudes protectionnistes. Aujourd'hui, la philosophie qu'elles represen- ted est appuyee par la Strategie Mondiale de la Conservation, la Commission Mondiale sur I'Environnement et le Developpement et les agences internationales telles que le WWF,

"De nombreuses populations rurales dependent de la faune sauvage, en particulier de l'elephant, pour leurs proteines et pour de petites rentrees d'argent. La conservation de I'ele- phant ameliorera en fin de compte le niveau de vie de beaucoup de pauvres ruraux d'Afrique"

L'elephant d'Afrique, PNUE 1989.

I'UICN, la FAO et le PNUE. Elles sont egale- ment adoptees par plusieurs autres pays de la region d'Afrique australe (SADCC). "Eco- nomics and Ecological Diversity" (Economie et Diversite Ecologique) publie par I'UICN de- crit un projet semblable dans la region de Lu- pande dans la Vallee de la Luangwa en Zam- bie. Les ventes d'ivoire ont fourni la moitie des coOts salariaux des gardes locaux. Le braconnage des elephants et des rhinoceros a chute de 90% entre 1985 et 1987. De meme le Botswana dont certaines regions sont egalement surpeuplees d'elephants est en train d'etudier des projets semblables.

Le temps est venu pour I'idee "Pro- jet Campf ire".

Ce ne sont pas les Etats qui souffri- ront le plus si les interdictions sont impo- sees. Ni les chasseurs ou les organisa- teurs des safaris ni meme les sculpteurs d'ivoire. Ce sont les communautes ru- rales sans autre source de revenus.

Et ce sont les elephants eux-memes. Les biologistes zimbabweens estiment que, rien que pour le Zimbabwe, 10.000 elephants vivant en-dehors des aires protegees seront menaces si les interdictions sont imposees.

Une interdiction generale n'arretera pas le massacre, elle lencouragera.

LA VOIE DE L'AVENIR

La voie de I'avenir reside non pas dans des mesures de panique et de deva- lorisation de la convention CITES, mais dans un meilleur fonctionnement de celle- ci.

Le Zimbabwe est d'avis que l'elephant africain doit rester en Annexe II de la CITES, en tant qu'espece non encore menacee de disparition, mais vulnerable au commerce non controle. Plusieurs autres nations SADCC parta^ent ce point de vue.

Le braconnage excessif de l'elephant est, de toute evidence, une indication de I'e- chec actuel du controle du commerce de leur ivoire par les pays individuels. Beau- coup de choses pourraient etre realisees si ces pays depensaient plus d'argent pour la protection de leur faune sauvage - I'une de leurs ressources les plus precieuses.

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"II est possible de developper une re- gimentation simple pour le commerce de I'ivoire qui aboutiraient a une meil- leure gestion des elephants d'Afrique. Ces strategies peuvent etre benefiques tant pour ies elephants que pour le commerce de I'ivoire qu'ils soutien- nent. Les strategies d'amenagement ont deux buts. Le premier est la conservation des elephants pour les maintenir en nombre important. Le deuxieme est commercial afin de maxi- miser la production d'ivoire"

Dr. David Western,

Membre du ITRG, rapport de 1985.

Et beaucoup de choses pourraient egalement etre realisees en reorientant I'inquietude et I'argent international de la conservation des elephants vers une stricte mise en application des contrdles CITES.

Le gouffre grandissant

Malheureusement, la CITES est de plus en plus utilisee par des groupes de pres- sion pour imposer aux autres leurs propres

"Au Zimbabwe, par exemple, les ele- phants sont un veritable atout - et un exemple typique de I'utilisation durable d'une ressource naturelle. Leur valeur est totalement reconnue et cette abon- dance est grandement due a la ges- tion soigneuse des elephants en tant que ressurce naturelle exploitable

The Nature of Zimbabwe, UICN, 1989.

philosophies de conservation. Un bruyant lobby protectionniste se fait jour s'orientant vers une interdiction totale du commerce de la faune sauvage, menacee ou non.

Si cette tendance doit continuer, il vau- drait mieux abandonner la pretention d'utili- ser la CITES comme un moyen devaluation realiste des menaces que pose le commerce pour certaines especes individuelles.

Mais cette tendance indique egale- ment que le gouffre grandit de plus en plus entre le Nord nanti et le Sud sous-developpe, alors qu'il y a plutot besoin croissant de com- prehension et de reconciliation.

La conservation est compliquee

La vue protectionniste, bien que pro- fondement et sincerement ancree, est le pro- duit d'un concours de circonstances particu- lieres. Elle ne prend pas en compte les com- plexites de la conservation de la faune sau- vage dans les pays moins riches et moins privilegies.

Un groupe s'est vante qu'elle "reduit les complexites environnementales aux sim- ples notions de bon et de mal". Est-il bon ou mal pour un fermier rural de tuer un elephant qui detruit sa culture ?

De tels jugements moraux peuvent etre envisages dans le monde developpe. Dans les pays en voie de developpement ils seraient plutot un symptome de paresse in- tellectuelle.

Dans les pays en voie de developpe- ment, cette vue protectionniste echoue pour les memes raisons qu'elle echoue dans les pays riches : quand elle entre en conflit avec les cultures locales qui vivent de la faune sauvage et de la nature et qui en dependent.

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La philosophie protectionniste appli- quee aux pays de I'Afrique australe accelera la destruction de la faune sauvage et even- tuellement entrafnera la disparition de I'ele- phant dans la Region.

de communication entre les communautes rurales et les opinions publiques etrangeres. lis seront heureux d'offrir les facilites aux agences d'outre-mer et aux journalistes pour venir se rendre compte par eux-memes.

Ce document a ete prepare par les agences de la Conservation du Zimbabwe, non seulement en tant que defense d'un sys- teme particulier, mais en temps que moyen

* redige par Dick Pitman, cet article est produit par le Zimbabwe Trust en collaboration avec I'Association "Campfire" des communautes ru- rales.

Combien de temps I'elephant d'Afrique pourra-t-il Stre preserve sur ses seules valeurs esthetique et patrimoniale ? (photo FAO).

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LES CONSEQUENCES DU CORYZA

GANGRENEUX ET DES AUTRES

INFECTIONS A HERPESVIRUS

CHEZ LES RUMINANTS

SAUVAGES EN AFRIQUE

de E. Thiry* et P.P. Pastoret *

INTRODUCTION

L'impact des infections a herpesvi- rus dans la faune sauvage

Les maladies provoquees par les her- pesvirus chez les ruminants domestiques sont responsables de pertes economiques considerables. Bien que ces virus aient ete particulierement etudies chez leurs notes na- turels, vache et chevre, ils ont ete egalement recherches dans d'autres especes animales phylogenetiquement apparentees a ces hotes naturels. Aucune epidemie severe n'a jusqu'a present ete identifiee dans la faune sauvage en relation avec une infection par un virus de la famille des herpesvirus. Nean-

moins, de nombreux ruminants sauvages sont sensibles a ces virus qui sont prob- ablement responsables de maladies sporadi- ques.

Quelle est alors rimportance de telles infections ? Leurs repercussions cliniques dans la faune sauvage sont faibles, mais leur role epidemiologique est majeur. En effet, I'infection d'animaux sauvages contribue au maintien du virus dans une region donnee et dans une population qui pourrait devenir dans certaines situations un reservoir de vi- rus pour les ruminants domestiques. De plus, les efforts actuels de domestication ou, au moins, d'elevage de ruminants preleves de la faune sauvage doivent tenir compte de ces infections. En effet, I'augmentation de la densite des animaux en elevage permet I'e- closion de maladies a allure epidemique

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alors que celles-ci restaient sporadiques dans les conditions naturelles. La proximite d'animaux domestiques accroit egalement les risques de transmission de ces virus aux animaux recemment introduits.

Les ruminants sauvages heber- gent des virus qui leur sont pro- pres

rus qui lui est propre, mais qui est apparente a un autre virus dont I'hote nature! est la vache.

La latence des herpesvirus assure leur persistance

La presence d'un herpesvirus dans une population d'animaux sauvages est d'au- tant plus importante que le virus persiste dans I'organisme des animaux infectes. Ce mode de persistance s'appelle la latence et se definit comme la propriete de se maintenir dans I'organisme sous une forme cachee, in- decelable par les methodes de diagnotic conventionnelles. Apres I'infection, I'herpes- virus s'installe a I'etat latent dans certains or- ganes de I'organisme et y demeure toute la vie de I'individu. L'animal porteur latent du virus presente une bonne sante et ne peut done pas etre identifie cliniquement. A cer- tains moments, le virus latent reprend sa mu-

ll ne faut pas reduire I'impact des in- fections a herpesvirus chez les ruminants sauvages a une simple circulation de virus dans une population consecutive a sa trans- mission par des animaux domestiques. II est egalement simpliste de transposer au rumi- nant sauvage la situation rencontree chez l'a- nimal domestique. Les herpesvirus isoles chez la vache peuvent bien sur se rencontrer chez certaines especes sauvages, mais des exemples recents demontrent que des her- pesvirus specifiques a des especes sauvages existent. Lorsque ces virus parta- gent des proprie- tes antigeniques avec d'autres virus specifiques de la vache, une mau- vaise interpreta- tion des resuitats serologiques est possible. Eile

mene a considerer erronement que I'espece sauvage est infectee par un virus specifique de la vache alors

ou'en fait elle est

Le buff le appartient a la sous-famille des bovines. Proche parent du boeuf domestique, il

infectee par un Vi- est egalement sensible a la plupart des herpesvirus qui infectent le bovin (photo B.Brochier)

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liplication dans I'animal, peut etre reexcrete et contaminer ses congeneres. Ce pheno- mene, appele reactivation du virus latent, est responsable, par la reexcretion virale, de la transmission du virus par un animal infecte de maniere latente a des animaux indemnes. La latence virale autorise done le virus a per- sister dans un petit nombre d'individus d'une population de taille reduite. La circulation de ce virus est assuree par la reexcretion virale consecutive a un acces de reactivation. Une population dont certains animaux sont infec- tes de maniere latente est done susceptible de maintenir le virus durant de nombreuses annees. C'est pourquoi les infections a her- pesvirus presentent des particularites epide- miologiques qui les distinguent d'autres ma- ladies virales comme, par exemple, la peste bovine.

REVUE DES MALADIES CAUSEES PAR LES HERPESVIRUS

male et de la femelle (vulvovaginite). Les au- tres symptomes associes a I'infection du bo- vin par le BHV-1 sont I'encephalite, la conjonctivite, la metrite et les avortements. En Afrique, la forme genitale est preponde- rate et a ete seule indentifiee chez certaines especes sauvages. La forme respiratoire de I'infection sevit surtout chez le Detail eleve de maniere intensive ou importe.

Le BHV-1 est ('herpesvirus bovin le plus etudie. II persiste a I'etat latent et les conditions qui president a sa reactivation et a sa reexcretion ont ete, du moins en partie, eclaircies. L'injection de glucocorticoides, le stress du transport, la mise-bas, la surinfec- tion par un autre virus, infestation par Dictyo- caulus viviparus, le ver pulmonale, sont au- tant de stimuli de reactivation du virus. Plu- sieurs de ces situations sont rencontrees du- rant la vie de I'animal et la reactivation du vi- rus latent est un evenement hautement prob- able qui se repete durant la vie de la vache.

La thelite ulcerative bovine

La rhinotracheite et la vulvovagi- nite infectieuses bovines

Ces deux entites cliniques sont cau- sees par le bovine herpesvirus 1 (BHV-1), egalement denomme virus IBR/IPV {infec- tious bovine rhinotracheitis/infectious pustu- lar vulvovaginitis). Ce virus est responsable d'une maladie respiratoire, une rhinotra- cheite, accompagnee de toux, de jetage na- sal, de temperature et de difficultes respira- toires; elle peut evoluer en broncho-pneumo- nie et etre mortelle. II est aussi responsable d'une maladie genitale qui atteint les mu- queuses des organes genitaux externes du

Un autre herpesvirus, le bovine her- pesvirus 2 (BHV-2), denomme egalement vi- rus de la mamilite herpetique bovine, est re- sponsable de cette maladie. Ce virus provo- que en Afrique une affection repandue, connue sour le nom de maladie d'Allerton ou pseudodermatose nodulaire {pseudo-lumpy skin disease) qui est une affection generali- see de la peau avec presence de nodules qui evoluent en ulceres. Les signes cliniques ob- serves en Europe se caracterisent par I 'appa- rition d'ulceres sur le trayon (th&ite) et ont donne le nom a la maladie.

Le BHV-2 persiste egalement a I'etat latent chez le bovin et peut y etre reactive.

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Les conditions de latence et de reactivation ont ete moins etudiees que pour le BHV-1 .

Les infections a herpesvirus appa- rentes au bovine herpesvirus-1

Le coryza gangreneux

La forme africaine de cette maladie qui est egalement connue sous le nom de mali- gnant catarrhal fever est produite par un au- tre herpesvirus, Yalcelphine herpesvirus 1 (AHV-1). La maladie est caracterisee par une affection generate avec fievre et depression provoquee par une atteinte inflammatoire ai- gue de nombreux tissus de I'organisme. L'a- nimal presente un catarrhe anterieur avec d'abondants ecoulements mucopurulents oculaires et nasaux ainsi qu'une augmenta- tion de volume des ganglions lymphatiques. Cette maladie est mortelle. La meme mala- die est decrite dans d'autres continents que I'Afrique, mais I'agent responsable n'a pas encore ete identifie. II s'agit probablement d'un herpesvirus apparente a l'AHV-1, mais tres difficle a isoler.

L'herpesvirus du coryza gangreneux persiste a I'etat latent, mais pas chez le bo- vin. II est demontre que le gnou (Conno- chaetes taurinus et C.gnu) ou il provoque une infection latente sans symptomes. C'est lorsqu'il se transmet au bovin apres excretion par le gnou que la maladie s'exprime.

L'incidence du coryza gangreneux chez la vache est intimement liee a la periode de mise-bas des gnous : a ce moment la fe- melle gnou transmet le virus a son nouveau- ne qui est capable de I'excreter en quantites suffisantes pour infecter les bovins. Cette in- cidence est importante au Kenya, dans le pays Masai', ou elle est de 7%. Dans certains troupeaux, l'incidence peut meme s'elever de 13 a 20%.

Plusieurs virus apparentes au BHV-1 ont ete isoles d'autres especes animales. L'herpesvirus isole du buffle d'eau (Bubalus bubal is) en Australie est consider^ comme une souche de BHV-1. Par contre, les her- pesvirus isoles de Cervides, les cervid her- pesvirus 1 et 2 (CerHV-1 et 2), sont specif i- ques respectivement du cerf elaphe (Cervus elaphus) et du renne (Rangifer tarandus). Bien que ces virus aient ete reconnus jusqu'a present uniquement en Europe, leur epide- miologic est une belle illustration de I' exis- tence d'herpesvirus adaptes specifiquement a une espece de ruminant domestique ou sauvage. La meme situation pourrait etre re- contree en Afrique ou de nombreuses es- peces possedent des anticorps envers le BHV-1. Le premier herpesvirus (CerHV-1) a ete identifie chez des cerfs maintenus en ele- vage en Grande-Bretange qui presentaient une maladie oculaire contagieuse. Le se- cond (CerHV-2) a e\e isol6 en traitant un renne sero posit if par des injections de gluco- corticoides qui ont provoque une reactivation et une reexcretion genitale de l'herpesvirus. Aucune maladie associee au CerHV-2 n'a en- core ete decrite chez le renne. Ce virus a ete recherche et finalement isole en Finlande, car des examens serologiques avaient diagnosti- que des anticorps anti-BHV-1 chez les rennes, alors que les bovins de ce pays sont indemnes d'infection par le BHV-1. La pre- sence d'anticorps anti-BHV-1 signait en reali- te une infection par le CerHV-2 qui est tres apparente au BHV-1 : des anticorps diriges contre le premier virus sont done capables de reconnaitre le second virus. Une telle si- tuation peut evidemment engendrer une confusion epidemiologique. Elle se rencon-

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Le gnou est I'espece qui maintient le virus du coryza gangreneux dans la nature. II est infecte de maniere persistante par le virus sans §tre malade. II transmet le virus aux bovins au moment de la mise-bas (photo FAO).

tre 6galement chez le cerf ou le CerHV-1 pro- voque I'apparition d'anticorps qui reconnais- sent aussi le BHV-1 et chez la chevre, ou le caprine herpesvirus 1 (CHV-1) est etroite- ment apparente au BHV-1 .

Des enquetes serologiques anciennes qui recherchaient chez ces especes animales des anticorps diriges contre le BHV-1 ont conclu a tort que le virus y etait present. En fait, les anticorps identifies dans ces etudes etaient diriges contre des herpesvirus appa- rent^ au BHV-1 , mais qui s'en distingent au point d'etre considered comme des especes virales differentes. Le manque de connais- sance des herpesvirus heberges par d'autres especes de ruminants sauvages ne permet pas encore de declarer que chaque espece possede son propre herpesvirus. II est prob-

able que la situation epidemiologique com- bine les deux possibility : herpesvirus diffe- rents mais apparentes dans plusieurs es- peces de ruminants et le meme herpesvirus present chez differentes especes de rumi- nants. Des recherches mendes sur les rumi- nants africains determineront si plusieurs es- peces d'herpesvirus apparent6es au BHV-1 existent aussi en Afrique.

L'inf ection par le bovine herpesvi- rus-4

Le bovine herpesvirus-4 (BHV-4) a et§ isole de nombreux cas cliniques differentes en Afrique et dans les autres continents. Ce

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virus n'est pas associe a des symptomes particuliers, quoique son role dans les trou- bles genitaux est probable. II est par exem- ple propose dans S'etiologie du syndrome EPIVAG (epididymite-vaginite) decrit depuls de nombreuses annees chez les bovins afrl- cains.

L'infection par des herpesvirus d'autres artiodactyles

dama) et d'antilopes. II est done capable de passer la barriere specifique pour infecter d'autres artiodactyles.

LE SPECTRE DE RECEPTIVITE DES HERPESVIRUS CHEZ LES RUMINANTS

Le virus de la maladie d'Aujeszky pro- voque une maladie aigue nerveuse mortelle chez de nombreuses especes, notamment des ruminants. Le pore est I'hote naturel de ce virus, mais celui-ci passe aisement la bar- riere specifique. Neanmoins les autres es- peces animales infectees constituent des culs-de-sac epidemiologiques, car elles ne contribuent pas au maintien et a la transmis- sion du virus.

Le virus de la rhinopneumonie equine est un herpesvirus du cheval qui a ete spora- diquement isole du bovin, du daim (Dama

Le virus de la rhinotracheite infec- tieuse bovine et les virus apparen- tes

Le spectre de receptivite des rumi- nants au BHV-1 est presente au tableau 1. Toutes les especes reprises dans ce tableau sont -elles effectivement sensibles a ce vi- rus ? La plupart des renseignements pro- viennent d'examens serologiques. Les ani- maux possedent done des anticorps qui re- connaissent le BHV-1. Pour certaines es- peces seulement, le virus a ete isole de pele- vements ou a ete inocule experimentalement avec succes. Dans ces deux cas, la preuve de la receptivite de I'espece au virus existe : le gnou, le buffle d'eau, des cerfs americians ainsi que le mouton et la chdvre domestique. Pour les autres, un resultat positif peut egale- ment signifier une reaction croisee avec un autre herpesvirus apparente au BHV-1. Lors- que cette information est connue, elle est in- diquee dans le tableau. La difficulty d'isoler des virus dans des populations d'animaux sauvages ne permet pas de preciser dans quelle mesure le BHV-1 infecte reellement chacune de ces especes.

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Le virus de la thelite ulcerative bo- vine

Un grand nombre de ruminants sau- vages africains, la girafe (Giraffa camelopar- dalis) et surtout des Bovides, possedent des anticorps diriges contre le BHV-2 (tableau 2). Le buffle {Syncerus caffer) a presente la ma- ladie d'Allerton en Tanzanie. Par ailleurs, bien que la prevalence de I'infection de la vache par le BHV-2 soit elevee dans les pays d'Europe occidental, aucun signe serologi- que n'est demontre chez les ruminants sau- vages dans les memes regions. Cette obser- vation contraste fortement avec la situation africaine.

Le virus du coryza gangreneux

mettent le virus au bovin et aux autres es- peces sensibles; les autres porteurs de virus AHV-1 ou apparentes, qui appartiennent aux Alcelaphines et aux Caprines, peuvent appa- remment §tre mis en contact sans dommage avec les especes sensibles. Les especes sensibles au AHV-1 sont : la vache et les buf- fles domestiques, le banteng (Bos javani- cus), le gaur de I'lnde (Bos gaurus), les deux bisons (Bison bison et B. bonasus), le grand Koudou (Tragelaphus strepsiceros), le sitatunga (Tragelaphus spekei), le nilgaut (Boselaphus tragocamelus). Les Cervides sont plus sensibles que les bovins au coryza gangreneux : cerf sika (Cervus nippon), chi- ta1 (Ax/s axis), cerf du Pere David (Elaphurus davidianus), cerf elaphe, chevreuil (Capreo- lus capreolus), sambar (Cervus timorensis et C. unicolor mariannus) et barasingha (Cer- vus duvauceli).

La liste des ruminants qui possedent des anticorps contre le AHV-1 ou un virus ap- parente est presentee au tableau 3. II faut y ajouter des membres des Cephalophines et des non ruminants appartenant aux Cameli- des et aux Hippopotamides, mais ces resul- tats sont fragmentaires et doivent etre confir- med Le virus a ete isole des deux especes de gnou; des herpesvirus apparentes ont ete isoles de bubales (Alcelaphus buselaphus; Alcelaphus buselaphus camaa), de topis (Damaliscus korrigum; Damaliscus lunatus jimela), d'oryx algazelle (Oryx gazella dam- man) et de bouquetin siberien (Capra ibex si- berica) dans des jardins zoologiques ameri- cains.

II faut distinguer entre les especes qui hebergent le virus a I'etat latent sans signes cliniques et les especes qui sont sensibles au virus et developpent le coryza gangreneux. Parmi les premieres, seuls les gnous trans-

Le bovine herpesvirus 4

Le BHV-4 n'est pas strictement specifi- que a une espece. En effet, il a ete isole non seulement du bovin, son note naturel, mais aussi du bison americain, du mouton et du buffle ou il persiste a I'etat latent. Une etude sero-epidemiologique menee en Europe oc- cidentale n'a pas revele d'anticorps chez les ruminants sauvages de cette region, alors que I'infection est tres repandue chez les bo- vins. En Afrique, le virus est present chez le betail dans plusieurs pays; il a ete isole au Kenya de buffles sauvages ou I'infection semble particulierement frequente.

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Famille

Sous-famille

Espece

Cervides

Cervines

Cerf commun (Census elaphus)

Wapiti oriental (Census elaphus canadensis)

Daim (Dama dama)

Odocoflines

Chevreuil (Capreolus capreolus) Cerf de Virgine (Odocoileus virginianus) Cerf-mulet (Odocoileus hemionus Elan (fllces alces)

Rangiferines

Renne(1) (Rang iter tarand us) Caribou (Rangifer tarandus caribou)

Gi raff ides

Giraffines

Girafe (Giraffa camelopardalis)

Antilocaprides

Prong horn (/kntilocapra americana)

Bovides

Tragelaphines

Eland du Cap (Taurotragus oryx)

Grand Koudou (Tragelaphus strepsiceros)

Bovines

Boeuf domestique (Bos taurus) Buffle d'eau (1) (Bubalus bubalis) Biiffle d'Afrique (Syncerus caffer)

Alcelaphines

Bubale {Alcelaphus buselaphus)

Topi (Damaliscus korrigum)

Blesbok (Damaliscus dorcas)

Gnou a queue blanche (Connochaetes gnu)

Gnou bleu (Connochaetes taurinus)

Hippotragines

Antilope chevaline (hippotragus equinus) Hippotrague noir (hippotragus niger) Addax fiddax nasomaculatus)

Reduncines

Cobe a croissant (Kobus ellipsiprymus)

Cobe de Buffon (Kobus kob)

Cobe lechwe (Kobus leche)

Cobe des rosea ux (Redunca arundinum)

Redunca Nagor (Redunca redunca)

Antilopines

Gazelle de Thomson (Gazella thomsoni) Springbok (flntidorcas marsupialis) Impala (flepyceros melampus)

Caprines

Chamois (Rupicara rupicapra)

Chevre domestique (Capra aegagrus hircus)^)

Mouton domestique (Ovis ammon aries)

(1) especes qui sont sensibles a un virus antigen

iquement apparent^ au virus de la rhinotracheite infectieuse bovine

Tableau 1 : Spectre de receptivite du virus de la rhinotrach6ite infectieuse bovine et des virus

antigenetiquement apparentes

42

Famille

Sous-famille

Espece

Gi raff ides

Giraffines

Girafe (Girafa camel opardal is)

Bovides

Tragelaphines

Grand Koudou {Tragelaphus strepsiceros) Guib harnache (Tragelaphus scriptus) Eland du Cap (Taurotragus oryx)

Bovines

Boeuf domestique (Bos taurus) Buffle d'Afrique (Syncerus caffer)

Alcelaphines

Bubale (Alcelaphus buselaphus) Topi (Damaliscus korngum) Tsessebe (Damaliscus lunatus) Gnou bleu (Connochaetes taurinus)

Hippotragines

Antilope chevaline (Hippotragus equinus) Hippotrague noir (Hippotragus niger) Oryx algazelle (Oryx gazella) Oryx beisa (Oryx beisa)

Reduncines

Cobe a croissant (Kobus ellipsiprymnus) Cobe defassa (Kobus ellipsiprymnus defassa) Cobe des roseaux (Redunca arundinum)

Antilopines

Springbok (/\ntidorcas marsupialis) Impala (flepyceros melampus)

Caprines

Chevre domestique (Capra aegagrus hircus) Mouton domestique (Ow's ammonaries)

Tableau 2 Spectre de receptivite du virus de la thelite ulcerative bovine

LA TRANSMISSION DES HERPESVIRUS D'UNE ESPECE A L'AUTRE

La source de virus qui conduit a la transmission dun herpesvirus est un animal qui excrete le virus : soit cet animal a subi une infection primaire, soit il est porteur la- tent du virus et le reexcrete apres avoir ren- contre un evenement provoquant la reactiva- tion du virus. Le deuxieme cas est plus diffi-

cile a observer mais il est responsable de nombreuses infections. Le meilleur exemple est le cas de la transmission du virus du co- ryza gangreneux (AHV-1) du gnou au Detail ou de lagent de la forme europeenne du co- ryza gangreneux du mouton au Detail ou au cerf d'elevage. La transmission du virus dune espece a I'autre est conditionnee par deux facteurs principaux : la proximite des animaux et un stimulus de reactivation qui permet la reexcretion du virus par I'animal qui en est porteur latent. II faut done une conjonction de deux evenements pour per-

43

Famille Sous-famille

Espece

Cervides Cervines

Chital (Ax/s axis)

Sambar de la Sonde {Cervus timorensis)

Sambar des Philippines (Cervus unicolor

mariannus)

Barasingha {Cervus duvaucelf)

Thameng (Cervus eldi thamin)

Sika (Cervus nippon)

Cerf commun (Cervus elaphus)

Cerf du Pere David (Elaphurus davidianus)

Chevreuil (Capreolus capreolus)

Odocoilines

Cerf de Virginie (Odocoileus virginianus)

Cerf mulet (Odocoileus hemionus)

Cerf mulet de Columbia (Odocoileus

hemionus columbianus)

Alcines

Elan d'Amerique (/Uces americana)

Elan du Yellowstone ibices alces shirasi)

Rangiferines

Renne (Rangifer tarandus)

Antilocaprides

Pronghorn (Antilocapra americana)

Bovldes Tragelaphines

Grand koudou (Tragelaphusstrepsiceros)

Sitatunga (Tragelaphus spekei)

Nilgaut (Boselaphus tragocamelus)

Bovines

Gaur (Bos gaurus)

Banteng (Bos javanicus)

Boeuf domestique (Bos taurus et Bos indicus)

Bison d'Europe (Bison bonasus)

Bison d'Amerique (Bison bison)

Alcephanines

Bubale (blcelaphus buselaphus)

Tsessebe (Damaliscus lunatus)

Topi (Damaliscus korrigum)

Blesbok (Damaliscus dorcas)

Gnou a queue blanche (Connochaetes gnu)

Gnou bleu (Connochaetes taurinus)

Hippotragines

Antilope chevaline (Hippotragus equinus)

Hippotrague noir (Hippotragus niger)

Oryx algazelle (Oryx gazella)

Oryx beisa (Oryx beisa)

Gemsbok (Oryx gazella gazella)

Oryx d'Arabie (Oryx leucorvx)

Addax (Addax nasomaculatus)

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Reduncines

Cobe a croissant (Kobus ellipsiprymnus) Cobe defassa (Kobus ellipsiprymnus defassa) Cobe de button fidenota kob) Cobe des roseaux {Redunca arundinum)

Antilopines

Impala (fleoyceros melampus) Chamois (Rupicapra rupicapra)

Caprines

Bouquetin {Capra ibex)

Markhor de Boukhara (Capra falconeri heptneri Mouflon a manchettes (Ammotragus lervia) Tahr de I'Himalaya (Hemitragus jemlahicus) Mouflon d'Asie mineure (Ovis ammon orientalis Mouton (Ovis ammon aries)

Tableau 3 : Spectre de receptivite du virus du coryza gangreneux et des virus antigenetiquement apparentes

mettre la transmission. La probability que ces deux evenements se presentent simulta- nement est d'autant plus elevee que les ani- maux sont domestiques ou au moins en ele- vage. Le risque de transmission est faible entre deux especes sauvages; il augmente lorsque I'une des deux especes est domesti- quee ou en elevage (cas de la transmission du AHV-1 du gnou au bovin); il est maximum lorsque les deux especes sont domestiquees ou elevees (cas de la transmission de I'agent de la forme europeenne de coryza gangre- neux entre mouton et vache ou cerf d'ele- vage).

LES INFECTIONS A HERPESVIRUS ET LE MODE D'ELEVAGE

Plus le mode d'elevage est intensif, plus le risque d'eclosion d'une maladie est grande. L'elevage intensif du cerf en Grande-Bretagne s'est accompagne de Tap-

parition d'epidemies de coryza gangreneux et de maladie oculaire causee par le CerHV- 1. Une attention particuliere doit etre posee sur les methodes de ranching de plus en plus intensives qui sont mises sur pied a I'heure actuelle pour diverses especes de ruminants africains. La situation la plus dangereuse est probablement rencontree lorsque plusieurs especes sont elevees dans les memes enclos et partagent les memes points d'eau et les memes sources de complement alimentaire. Les fermes ou une seule espece est elevee selon une methode intensive proche de celles utilisees pour les animaux domesti- ques feront malheureusement I'experience d'epidemies. En effet, la majeure partie des grands ruminants africains fait I'objet d'une certaine forme d'exploitation, depuis la re- serve de chasse jusqu'a l'elevage en ferme. lis sont a peu pres tous sensibles au moins a I'un des trois herpesvirus BHV-1, BHV-2 et AHV-1. Des especes comme les gnous, le blesbok (Damaliscus dorcas), I'impala (Ae- pyceros melampus), le springbok Antidorcas marsupialis) sont maintehus en ranch ou meme en ferme. Certaines especes sont en voie de domestication: le buffle, I'oryx, le nil-

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gaut (Boselaphus tragocamelus) qui est a present elev6 en ferme en Nouvelle-Zelande et en Grande-Bretagne.

Les especes menacees qui sont rein- troduces dans leur milieu naturel sont egale- ment sujettes a ces infections. Les individus proviennent de jardins zoologiques ou ils ont pu contracter une infection latente par un herpesvirus. L'elevage temporaire de trou- peaux de telles especes dans des enclos est un facteur ideal pour la transmission des her- pesvirus : le voyage du jardin zoologique jus- qu'au pays de reintroduction provoque un stress de transport capable d'induire la reac- tivation et la reexcretion de I'herpesvirus. Meme si une periode de quarantaine est pre- vue a I'arrivee des animaux et permet d'atten- dre la fin de I'episode d'excretion du virus, I 'introduction de I'individu dans un groupe in- connu est egalement de nature a provoquer la reactivation de I'herpesvirus. La mise-bas est aussi un stimulus de reactivation pour plusieurs herpesvirus et contribuera a la dis- persion du virus dans la communaute. Celle- ci subira la circulation du virus et il y aura amplification du nombre d'animaux infectes. Ceux-ci seront ulterieurement relaches dans la nature ou I'infection se maintiendra, mais conservera alors une allure sporadique.

Des jardins zoologiques et des ele- vages de cerfs en enclos ont deja vecu de veritables epidemies de coryza gangreneux affectant plusieurs especes de ruminants.

LES PRECAUTIONS A PRENDRE

Dans le cadre de la prevention des maladies a herpesvirus, il faut distinguer en-

tre la protection contre les symptomes clini- ques et la protection contre I'infection par le virus. Chez le Detail, la vaccination contre la rhinotracheite infectieuse bovine a permis d'eviter des desastres economiques en pre- venant I'apparition de symptomes cliniques. Elle ne joue aucun role dans le controle de la transmission du virus, car un animal vaccine, qui est infecte par un virus de la nature, ex- crete le virus sans etre malade et contribue a sa dissemination. De plus, la rhinotracheite infectieuse bovine est la seule maladie bo- vine a herpesvirus pour laquelle la medecine veterinaire dispose de vaccins. Ces vaccins ne protegent pas contre les infections par d'autres herpesvirus, meme si ceux-ci sont apparentes. Les precautions a prendre pour empecher ou, au moins, controler les infec- tions a herpesvirus chez les ruminants sau- vages en captivite ou en elevage seront de nature hygienique.

II faut eviter la proximite d'especes qui peuvent se transmettre des herpesvirus de I'une a I'autre. II faut eviter les situations fa- vorables a la reactivation d'un herpesvirus la- tent. Si elles ne peuvent etre evitees, les ani- maux a risque doivent etre isoles des autres. Le depistage serologique des animaux est difficile a realiser pratiquement. II constitue neanmoins la meilleure solution, meme si elle n'est pas ideale. En effet, I 'analyse serologi- que ne permet pas d'identifier tous les ani- maux infectes de maniere latente par un her- pesvirus, car une minority de ceux-ci portent le virus a I'etat latent sans posseder d'anti- corps detectables par les methodes de dia- gnostic courantes. Cette proportion tres fai- ble d'animaux porteurs latents sans signature serologique est responsable d'echecs dans le controle des infections a herpesvirus et dans I'assainissement des elevages. La solu- tion la plus real i st e consiste a autoriser la presence d'animaux infect6s de maniere la-

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Les antilopes font actuellement I'objet d'essais d'elevage et sont meme maintenues dans des fermes. Ces

especes, comme I'impala, sont sensibles a plusieurs herpesvirus. II faut done etre attentif a I'eclosion de

maladies liees au mode d'elevage et a la presence d'herpesvirus (photo FAO).

tente, mais de reduire au maximum les possi- bility de reexcretion et de transmission de virus en separant les animaux par lot et en leur evitant le plus possible les stress qui sont identifies comme stimuli de reactivation. Bien que certains echecs soient possibles, le controle des infections sera done atteint en separant les animaux seropositifs des sero- negatifs. Dans le cas de la prevention contre le coryza gangreneux, la reduction du risque de transmission du virus sera assuree par une surveillance accrue au moment des mise-bas, puisque les nouveaux-nes excre- tent le virus et sont responsables de sa disse- mination.

II est illusoire de controler les infec- tions a herpesvirus en milieu naturel, car le phenomene de latence du virus autorisera toujours sa persistance dans la population.

En realite, ce n'est pas necessaire puisque, dans la nature, les herpesvirus jouent un role pathogene limite et n'ont pas encore ete re- connus responsables de pertes importantes dans la faune sauvage conduisant a un dese- quilibre du milieu naturel.

CONCLUSIONS

Plus de soixante especes de rumi- nants sont sensibles aux infections par her- pesvirus. Ces virus sont done tres repandus parmi les ruminants. De plus, le maintien de ces infections est assure par le phenomene de latence. L' intensification de I'elevage de

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ces especes augmente les risques d' infection et de deveJoppement d'epidemies. Les infec- tions a herpesvirus n'ecnappent pas a cette regie et les exemples recents tires de lele- vage du cerf en temoignent.

Les herpesvirus ne constituent pas ac- tuellement une menace pour la faune sau- vage. Neanmoins, des que I'equilibre est rompu et qu'H y a un effort d' intensification et d'elevage, le risque est reel et ces infections doivent etre prises en consideration par les personnes qui sont impliquees dans le choix des especes et le type d'elevage.

Remerciements

Les auteurs remercient vivement le Dr. Ph.Chardonnet, de I'lnstitut d'Elevage et de Medecine Veterinaire des Pays Tropicaux, pour ses precieuses informations sur lele- vage des especes sauvages en Afrique.

Pastoret P.-P;, Thiry E., Brochicr B., Schwers A., Thomas I., Dubuisson J.

Maladies de la faune sauvage transmissi- bles awe animaux domestiques. Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1988, 7, 661-704. Plowright W.

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Pathogenic, latence et reactivation des in- fections par herpesvirus. Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1986, 5, 821-828. Thiry E., Mecrsschaert C, Pastoret P.-P.

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ELEVER DES CROCODILES POUR LEUR SAUVER LA PEAU

INTRODUCTION

par C. Reizer * et E. Langelet **

ELEMENTS DE ZOOLOGIE

Le massacre des crocodiles a com- mence vers le milieu de ce siecle et n'a cesse de croftre. Au nombre des especes mena- cees, figure en particulier le crocodile du Nil Crocodylus niloticus, le plus grand et le plus commun des crocodiles africains.

Alors qu'il etait sacre chez les Egyp- tiens, il est aujourd'hui pourchasse comme nuisible ou pour la valeur commerciale de sa peau. A quoi s'ajoute la quasi-impossibilite de surveiller en permanence des colonies sauvages dispersees. On comprend des lors que les mesures de protection en sa faveur soient rarement efficaces.

Pour a la fois endiguer les massacres et satisfaire I'industrie de la maroquinerie, I'e- levage en milieu maitrise s'est developpe de- puis une bonne quarantaine d'annees, avec des resultats satisfaisants. Le present article en dresse le bilan.

Les crocodiles, comme tous les rep- tiles sont po'Mlothermes. En consequence, leur activite est fortement dependante du cli- mat : aux trop hautes temperatures, faute de pouvoir estiver au frais, ils succombent ; aux basses, ils tombent dans la torpeur. Pour maintenir une temperature corporelle ideale de 25°C, les crocodiles alternent done bains de soleil et baignades. Quand le climat ne leur permet pas une thermoregulation nor- male permanente, ils suspendent toute activi- te , estivant ou hibernant dans des tanieres creusees dans les berges des cours d'eau (GUGGISBERG, 1972).

Les crocodiles sont ovipares et, en principe, se reproduisent une fois I'an. La maturite sexuelle est atteinte vers 12-15 ans pour les males, un peu plus tot pour les fe- melles. lis atteignent, a cet age, un poids de 100 a 150 kg et une longeur de 3 m; mais, en fait, vu la grande variability de croissance, cette maturite sexuelle est plus liee a la taille et au poids qu'a I'age. L'accouplement a lieu dans I'eau apres une parade nuptiale : a ce

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VUE DORSALE

VUE VENTRALE

Eaai I les

post-oaaipitales f)(~\

Eaai I les ^\ / Q'i \

nuoa les

Eaai I les latevalez

Collier ventral

Double arete aaudale

Zrete simple

figure 1 : caracteres morphologiques externes des crocodiles (De Buffrenil, 1984).

moment, les males sont particulierement agressifs et bruyants. Trois mois plus tard, la femelle pond une trentaine d'oeufs en moyenne ; elle les dispose en couches suc- cessives separees par du sable, dans un nid creuse a proximite de la berge. L'incubation dure de 12 a 13 semaines, sous la surveil- lance de la mere qui humidifie les oeufs et chasse tout importun.

Le taux d'eclosion, malgre cette garde maternelle, demeure faible, +/- 30 % : preda- teurs et climat en sont les responsables. L'e- closion est annoncee par des piaillements des jeunes, stimulus qui incite la mere a de- terrer les oeufs et a aider les jeunes a se de- gager de leur coquille (des recepteurs senso-

riels situes au niveau du pa- lais et des machoires, lui permettent de controler son travail avec precision). La femelle rassemble sa cou- vee dans sa gueule et la porte a I'eau. Elle continue- ra a veiller sur elle pendant une douzaine de semaines. Certaines couvees sont par- fois regroupees sous la sur- veillance d'un adulte.

Le regime alimentaire est exclusivement carnivore. II varie avec I'age, passant des insectes et crustaces aux poissons, mammi- feres... et crocodiles. La fre- quence des repas est etroi- tement liee a la temperature et a la pression atmospheri- que: il y a en effet apparition de troubles digestifs aux trop basses ou trop hautes temperatures.

Le comportement so- cial joue egalement un role en elevage. Le crocodile du Nil a coutume de vivre en colonies, chacune d'elle etant structuree en groupes d'individus de tallies semblables, repartition qui autorise une den- site elevee tout en limitant les agressions.

Le crocodile du Nil apparaft ainsi adapte a son milieu ; une part importante de son energie peut done etre utilisee pour sa croissance et sa reproduction. Par ailleurs, son comportement social, base sur des rap- ports de force favorise I'accouplement de su- jets forts, plus aptes a produire beaucoup d'oeufs et a mieux defendre leur couvee. La regulation des populations est realisee par un taux de mortalite 6leve durant la premiere an- nee, compensatrice de la quasi-invulne>abili-

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te des sujets ages. Par suite de son eclec- tisme alimentaire, il joue un role de regulateur ecologique dans les eaux africaines. Sa dis- parition, du fait des hommes, risque de gene- rer une situation de desequilibre (LANGELET, 1986).

ZOOTECHNIE

1. Legislation

La Convention de Washington (1970) reglemente le commerce des crocodiles et des objets d'origine crocodilienne. Ceux-ci sont pour la plupart repertories en annexe I, parmi les especes menacees d'extinction im- mediate.

Pour qu'un centre d'elevage soit re- connu et puisse commercialiser legalement sa production, il devra done satisfaire aux re- commandations de la convention : ainsi, il ne pourra mettre sur le marche des animaux captures dans la nature, ni porter atteinte aux populations sauvages pour se constituer un stock ; cependant, dans certains cas precis, la convention autorise des prelevements re- guliers dans le milieu si ceux-ci sont compen- ses par des lachers d'une partie du cheptel ne en captivite (en principe 5%).

2. Remarque prealable importante

Un des problemes poses au crocodile et done a son elevage, est consequent de son type de regulation thermique; les am- biances les plus favorables sont done celles ou temperatures et taux d'humidite sont ele-

ves et constants; en clair, le climat Equatorial de basse altitude est ideal.

3. Methodologie d'elevage

II existe 2 premieres categories d'ex- ploitation : les unes sont a but commercial, les autres, plus rares, se preoccupent du re- peuplement des zones naturelles (POOLEY, 1971).

D'autre part, I 'elevage peut soit etre en circuit ferme, soit dependre des populations sauvages pour son approvisionnement en oeufs et en juveniles.

3.1. Recolte et incubation des oeufs

Le nid est repere (il se manifeste par une depression dans le sol), la femelle chas- see. Les oeufs sont collectes aux heures frafches, soit 48 heures, soit 55 jours apres la ponte ; de fagon a ne pas briser les capil- laires fragiles qui relient I'embryon a la co- quille. Les oeufs sont manipules avec delica- tesse et marques sur la face superieure pour etre replaces dans la meme position dans la boite de transport et d'incubation. lis sont nettoyes et desinfectes, puis places dans des nids ou chambres d'incubation reproduisant les conditions naturelles. Une installation peu couteuse consiste a disposer les oeufs sur un lit de paille sur claie. Temperature (28-34°C) et humidite relative (80-90 %) sont maintenues constantes. Comme chez d'au- tres reptiles, la temperature d'incubation agit sur le sexe : les basses temperatures favori- sent I 'apparition des femelles ; phenomene interessant pour I'elevage vu la croissance ju- venile superieure de celles-ci (BOLTON M., 1980, DUFAURE J.P., 1986).

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Quelle que soit la technique employee, de strides mesures de protection doivent etre prises pour eloigner tous les types de predateurs des lieux d'incubation.

A I'approche de d'eclosion, les nids sont particulierement surveilles. Les nou- veaux-nes ainsi que les dechets de coquilles sont enleves au fur et a mesure. Les prema- tures, reconnaissables a leur vitellus non completement retracte dans la cavite abdo- minale, sont places sur une toile a I'abri de la lumiere. Si aucun signe d'eclosion ne se ma- nifeste apres le delai normal d'incubation, celle-ci est provoquee soit par variation de la temperature, soit par la diffusion d'enregistre- ment de piaillements de bebes-crocos (POO- LEY, 1971).

Des taux d'eclosion de 80% sont ainsi couramment atteints.

Durant les premiers jours, les nou- veaux-nes se nourrissent sur leur reserve vi- telline; I'alimentation artificielle ne commence qu'une semaine plus tard.

3.2. Elevage des jeunes

Les jeunes crocodiles sont de prefe- rence gardes en lots d'une quinzaine d'indivi- dus afin de prevenir les enzooties et de repe- rer les sujets faibles. Le site choisi pour I 'ele- vage juvenile doit etre isole du reste de la ferme.

L'analyse de la situation dans le Sud- Est asiatique conduit a preconiser I'usage de bacs en polyester, faciles d'entretien, hygie- niques et aisement transportables (fig.2).

Les bacs sont regroupes dans une cage grillagee sous un toit a claire-voie qui permet de reguler la temperature, ils seront maintenus en parfait etat de proprete. Dans les exploitations plus rudimentaires, par exemple villageoises, les bacs peuvent etre

remplaces par de petits enclos contenant un bassin cimente.

Les jeunes crocodiles sont nourris quotidiennement de crevettes ou de pois- sons coupes en des. La ration de base (5 a 10 % du poids vif) est souvent completee par des insectes attires par une lampe placee au- dessus des bacs.

Lorsque les animaux atteignent une taille de 80 cm, ils sont transferes dans des enclos de plus grandes dimensions.

Dans les entreprises bien gerees, le taux de mortalite n'excede pas 20%.

3.3. Elevage des juveniles

Cette denomination est reservee aux sujets dont la taille est comprise entre 80 et 150 cm.

Ces animaux sont habituellement lo- ges dans des enclos pourvus d'un bassin en terre ou en ciment non abrasif. Une autre so- lution consiste a construire des pares cimen- tes pourvus d'un promontoire.

L'ombrage en enclos "naturels" est ob- tenu par plantation d'arbres. Les clotures sont realisees en palissades de bois ou en treillis metallique. L'orientation et les dimen- sions des pares sont determinees de fagon a assurer une bonne aeration.

Lorsque cela est possible, il est tou- jours souhaitable d'alimenter les bassins en eau courante; ceci en outre permet parfois .('introduction directe de poissons vivants. La profondeur des bassins doit etre de 60 cm de fagon a eviter toute surchauffe.

La densite est difficilement chiffrable car elle depend dans une tres large mesure de la gestion des enclos.

Ainsi a la Samut Prakan Corocdile Farm de Bangkok, plus de 200 crocodiles d'au moins 1 m sont eleves dans les pares de

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20 m x 4 m, pourvus de tortures a claire-voie (LANGELET, 1987). En Papouasie Nouvelle- Guinee, on maintient plusieurs centaines d'a- nimaux dans des pares de 20 m x 20 m tra- verses par des canaux sinueux de 2 m de large (REIZER, 1976; BOLTON, 1980; BOL- TON, 1981).

Pour eviter les combats et pour que chaque animal art acces a la nourriture, les crocodiles sont regroupes par classe de taille de 20 en 20 cm.

La ration quotidienne se compose de poissons, de poulets, de de- chets d 'abattoirs, de chair de crocodile, a raison de 200 a 400 g par specimen. La meilleure croissance est obtenue avec le poisson. II faut compter environ 200 kg d'aliments pour obtenir un crocodile de taille commer- ciale.

3.4. Elevage de reproduc- teurs

Les adultes sont dete- nus dans de grands enclos reproduisant dans toute la mesure du possible les conditions naturelles. Ce- pendant, pour supprimer tout comportement territo- rial generateur d'agressivite, on maintient une densite elevee : ainsi a la S.C.F. de Bangkok, plus de 200 adultes se partagent 50 ares avec une mortal ite par mor- sure inferieure a 2% I'an.

Les femelles pretes a pondre ont acces a des

boxes de 4 x 4 m leur garantissant un mini- mum d'isolement. Une fois la ponte effec- tuee, la femelle est chassee et I'ouverture du nid obturee : dans le cas present, les oeufs restent dans le nid jusqu'a eclosion, sous surveillance humaine avec rectification even- tuelle de la temperature et de I'humidite rela- tive.

La ration alimentaire, a base de pois- son de preference, est voisine de 1 % du poids corporel par jour.

Pares en ciment

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Trou d'aeration

i

Niveau d'eau

Or, il y a progression geometrique des prix consentis suivant les categories commer- ciales.

- Taille d'abattage choisie en fonction du marche. Or, il y a aussi progres- sion geometrique des prix suivant les catego- ries de taille.

Tuyau de vidange

figure 2 : coupe transversale d'un bac en polyester pour I'elevage des jeunes crocodiles ( 120 x 120 x 60 cm)

CONCLUSION

En fait, I'elevage du crocodile du Nil ne presente pas de difficulty majeure. On peut done esperer reconstituer les populations sauvages et surtout les sauver en approvi- sionnant I'industrie en peaux produites en mi- lieu maitrise.

La rentabilite economique de la croco- diculture est excellente ; elle est due a plu- sieurs facteurs :

- Excellence de la croissance

- Excellence du taux de conversion alimen- taire

- Production de peau de qualite, vu

. I'abattage dans les conditions ide- ales;

. le traitement de la peau immediat, done excellent ;

. la suppression de la territorial ite qui limitant les agressions, limite aussi les defauts de peaux d us a la cicatri- sation des blessures.

L'ensemble de ces caracteristiques confere aux peaux de crocodiles d'elevage, une superiority defini- tive sur celles issues des crocodiles chasses dans le milieu natu- re!.

L'elevage du crocodile du Nil est ainsi le meilleur garant de la survie de I'espece.

BIBLIOGRAPHIE

BOLTON, M. 1980 Elevage du cocodile en Pa- pouasie Nouvelle-Guinee, in : Revue Mondiale de Zootechnie, FAO, vol. 34, pp 15-22, Rome.

BOLTON, M. 1981 Crocodile Husbandry in Papua New Guinea, FAO Field Docu- ment, 103 p., Port Moresby.

De BUFFRENIL, V. 1984 Especes Menacees et exploitees dans le monde. Guide prati- que pour leur connaissaince et leur identi- fication. XXVII Les crocodiliens . de Beaufort ; 39 p., Paris.

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Boxes-pondoirs

DUFAURE, J.P. 1986 La reproduction des cro- codiles, in La Recherche, Vol. 17, 179, pp 902-911, Paris.

GUGGISBERG, C.A.W. 1972 Crocodiles - Their Natural History, Folklore and Conservation. Wren Publishing PTY LTD, 195 p., Victoria.

LANGELET, E. 1986 Zoologie et zootechnie de Crocodylus niloticus L. Memoire de graduat en agriculture tropicale, IATH 136 p. Ath (B).

LANGELET, E. 1987 Report on training ses- sion in crocodiles farms of South-East Asia. Roneo, 27 p. Waterloo (B).

POOLEY, A.C. 1971 Crocodile Rearing and Restocking, in Crocodiles. (Proceedings of the First Working Meeting of Croco- dile Specialists, sponsorised by the New York Zoological Society and organized by the Survival Species Commission,

IUCN, at the Bronx Zoo, New York 15 - 17 March, 1971), vol 1 Supplementary Paper 33, pp 104-130., Morges (CH).

REIZER, C. 1976 Technical, Economic, Fi- nancial and Institutional Feasibility of Proposals for Agricultural Development in East-SepiklPNG. Chapter V, Fish Pro- duction and Processing Sub-Project, pp. 224-288, BEI - AGRER/Bruxelles and ADB/Manilla.

* C. Reizer, Fondation Universitaire Luxem- bourgeoise, B-6700 Arlon (Belgique)

** E. Langelet, Institut agricole et technique du Hainaut B-7800 Ath (Belgique).

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CONSERVATION

Lausanne : Conference de la CITES

Du 9 au 20 octobre dernier, s'est tenu la 7eme Conference des Parties de la CITES (Convention sur le Commerce International des Especes de faune et de flore sauvages menacees d' extinction). Cette 7eme Session aura certainement eu le benefice de faire connaitre la Convention - du moins son exis- tence - au grand public dans le monde entier tant sa tenue aura ete attend ue et preparee a grand renfort de medias. C'est en effet a cette occasion que devait etre decide le sort de I'elephant d'Afrique qui, tout au long de I'annee, fit I'objet de tant de campagnes me- diatiques et de conferences de toutes sortes afin de decider de son avenir.

Dans ce bref apergu, nous ne relate- rons brievement que les resultats des discus- sions concernant I'elephant d'Afrique, debat tant attendu de par le monde. Un compte- rendu detaille de la reunion sera fait dans le prochain numero de Nature et Faune.

Si de nombreux points tres importants devaient etre discutes au cours de cette reu- nion, les debats auront ete totalement domi- nes par les discussions sur le commerce de I'ivoire et la situation de I'elephant d'Afrique.

Suite a la proposition de sept pays de transferer I'elephant d'Afrique d'Annexe II en Annexe I, l'6tude de la situation de I'elephant d'Afrique fit apparaitre - mais est-il encore be- soin de le redire - la situation catastrophique de cette espece. Toutefois, de fortes dispari- tes regionales apparaissent et font que I'una-

nimite etait bien loin de regner lors des de- bats quant a savoir quel serait I'avenir de I'es- pece. Les pays d'Afrique australe, ou les po- pulations d'elephants sont stables voire croissantes, s'opposerent fermement a un transfert de cette espece en Annexe I de la Convention, ce qui revient a interdire tout commerce de quelque produit ou partie que ce soit provenant de cet animal.

Apres de longs et houleux debats, il fut finalement decide du transfert de cette es- pece vers I'Annexe I et de I'interdiction de tout commerce d'ivoire en precisant toutefois que certaines populations pourraient even- tuellement, apres etude, etre transferees en Annexe II si elles s'averaient ne pas etre me- nacees.

Du fait que ce declassement ulterieur ne pouvaient leur etre garantis a I'heure ac- tuelle, sept pays emirent des reserves quant a cette resolution.

Outre cette resolution sur cet impor- tant et epineux probleme du devenir de I'ele- phant d'Afrique, treize autres resolutions fu- rent votees par la Conference des Parties sur lesquelles nous reviendrons plus en detail ul- terieurement.

Kenya : assassinat de "Bwana Simba".

Le 20 aoQt en debut d'apres-midi, George Adamson, le grand specialiste des felins, fut abattu par les braconniers dans la reserve de Kora, au Centre-Est du Kenya.

Apres son epouse Joy, le nom de George Adamson - surnomme en Kiswahili "Bwana Simba" (Monsieur Lion) - vient done s'ajouter a la liste des martyrs de la protec- tion de la faune sauvage. Leurs travaux sur

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les felins, en particulier les lions, ont rendu ce couple celebre de par le monde entier, no- tamment par les livres de Joy, adaptes a I'e- cran - Nee libre, Vivre libre et Libre pour tou- jours -, ou elle retrace I'histoire d'Elsa, un lionceau recueilll apres la mort de sa mere. Les droits d'auteur avaient permis au couple de creer des institutions pour la protection des animaux.

Cet assassinat ne fait qu'allonger la longue liste des recents mefaits des bracon- niers au Kenya qui, traques par le Gouverne- ment, se sont mis a tirer sur tout ce qui bouge, y compris les touristes. En juillet der- nier, deux touristes francais ont ete cribles de balles dans le pare national de Meru, voisin de la reserve de Kora. Deux semaines plus tard, une touriste americaine a connu le meme sort dans le pare national du tsavo, dans I'Ouest du pays, lorsque les bracon- niers se sont attaques a un convoi de tou- ristes. Deux autres personnes furent egale- ment blessees. Le meme mois, dans la pro- vince cotiere, des voleurs abattirent un tou- riste beige et lui volerent sa voiture. A cela vient egalement s'ajouter le cas non encore elucide de la mort de Julie Ward, adoles- cente anglaise dont les restes furent retrou- ves dans la reserve de Masai' Mara.

Bien que les forces de securite, dont les moyens ont ete renforces, oppose une guerre sans merci aux braconniers - plu- sieurs dizaines ont deja ete abattus -, ces drames ont une forte incidence negative sur le tourisme, principal pourvoyeur de devises etrangeres du pays.

A la suite de ces incidents, des milliers de reservations, provenant des quatre coins du monde, furent annulees.

La mort de George Adamson, age de 83 ans, a frappe encore un peu plus I'opinion qui en conclut que le Kenya n'est plus une villegiature sure et le gouvernement kenyan

aura fort a faire pour restaurer I'image idylli- que du Kenya portee de par le monde par le film Out of Africa.

Rhinos decornes !

Dans le Damaraland, les responsables de le Conservation en Namibie coupent les cornes des rhinoceros noirs Diceros bicornis anesthesies afin de les proteger des bracon- niers. Cette mesure, essayee pour la pre- miere fois, divise les principaux conservation- nistes de la region.

New Scientist, 27/5/89, 33.

Reintroduction : oryx algazelles tunisiens

En decembre 1985, dix oryx algazelles Oryx dammah des zoos britanniques de Mar- well et d'Edimbourg furent relaches dans le Pare National de Bou-Hedma en Tunisie. De- puis lors, ces animaux sont surveilles regulie- rement et en decembre 1988, un chercheur du Zoo de Londres se rendit sur place pour la sixieme fois.

Le but de cette visite etait de surveiller I'etat de sante et le succes de la reproduction de ce troupeau et d'en ecarter le male domi- nant. Cet animal a deja tue trois addax males Addax nasomaculatus et a ete consi- dere anormalement agressif, meme vis-a-vis des males de son espece. Comme mesure a court terme, la Direction des Forets avait dresse une cloture afin de diviser le Pare en deux, separant les addax a I'Est des oryx a

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I'Ouest, mais cette solution n'etait pas satis- faisante a long terme.

L'enlevement de ce male sera sans doute egalement benefique pour d'autres rat- sons. Une analyse genetique des dix ani- maux reintroduits a montre qu'ils sont tous tres proches parents et le fait d'empecher ce male de s'accoupler avec ses propres filles devrait aider a garder le niveau de consan- guinite bas. Le male suppose devenir le do- minant n'est pas un parent trop proche des femelles adultes et de leur progeniture.

Le troupeau est maintentant forme de 14 animaux, dont quatre jeunes nes sur place et leur etat sanitaire semble bon selon une observation generate et I'examen detailie de quatre animaux tranquillises.

La gestion future du troupeau est ac- tuellement discutee et si Ton prend en compte les considerations genetiques, il ne serait pas prudent de laisser les animaux du troupeau actuel devenir les seuls fondateurs da la population future d'oryx du Pare. La premiere etape sera d'importer de nouvelles femelles, de preference sans aucun lien de parente, probablement des Etats-Unis, et qui seraient integrer dans le troupeau existant.

les statistiques commerciales internationales.

Selon David Western dans Pachyderm, 66.360 a 76.440 rhinoceros noirs et 2.272 a 2653 rhinos blancs du Nord ont ete abattus par les braconniers de 1970 a 1987. Ces rhi- noceros auraient du fournir un poids estime de 199.478 a 229.910 kilos de cornes alors que les statistiques commerciales n'en re- censent qu'environ 101.000 kilos. Qu'est il advenu de I 'autre moitie ?

Western pense que 45 a 51% des comes manquantes (selon ses estimations) dans les donnees commerciales pourraient etre importees sur des marches inconnus tels que des Etats Arabes autres que le Ye- men du Nord qui utilisent egalement la come de rhinos, Oman par exemple, ou d'autres pays asiatiques tels que la Coree du Nord ou ont ete decouvertes des cargaisons illegales. Ou bien les cornes manquantes pourraient etre introduces sur les marches connus en quantites beaucoup plus grandes que celles estimees jusqu'a present. Par exemple, Tai- wan, un des plus gros importateurs de comes de rhinoceros, n'etait pas reconnu comme tel jusqu'en 1988.

Oryx, 23(4), oct.89

Que deviennent les cornes de rhinoceros ?

Selon une recente analyse des taux de decroissance des populations de rhinoceros noirs (Diceros bicornis) et blancs du Nord {Ceratotherium simum cottoni), il semblerait que seule la moitie des cornes provenant des rhinoceros braconnes soit enregistree dans

Camouflet pour les conservateurs !

Considere comme un cas important d'application de la legislation sur le com- merce des plantes, le Royaume-Uni avait condamne Henry Azadehdel, surnomme "le cavalier de la derniere orchidee", a un an de prison avec un sursis de 8 mois, une amende de 16.800 dollars EU et un montant equiva- lent pour les frais de justice, pour trafic et commerce d'orchidees menacees. Cette

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condamnation etait la premiere poursuite fructueuse d'un trafiquant de plantes en Grande-Bretagne.

Pourtant, quelques semaines apres que les conservationnistes aient applaudi les tribunaux pour avoir enfin reconnu les pro- blemes du commerce illegal des plantes, la Cour d'Appel britannique jugea que la sen- tence et les amendes etaient trop fortes et re- duisit la sentence d'Azadehde! a six mois de prison, ramena I'amende a 4.200 dollars EU et leva les frais de justice. Le trafiquant quitta la prison des le jugement d'Appel apres six semaines de prison.

Selon le New Scientist, "les trafiquants de plantes rares ont dO en rire tout le long de leur retour vers la jungle ... et la cause de la conservation a ete renvoye des dizaines d'annees en arriere".

Au cours du jugement, le tribunal nota que "sans la moindre consideration pour la conservation, la preservation, les pays d'ori- gine et les lois, I'accuse a viole quelques-uns des plus precieux specimens des plus belles regions du monde afin d'assouvir son obses- sion pour les orchidees et sans nul doute pour alimenter son compte bancaire". Aza- dehdel aurait gagne quelque 588.000 dollars EU en trois ans de recolte d'orchidees. Les Douanes ont passe pres de 18 mois a ras- sembler les preuves apres avoir ete alertees par des chercheurs botanistes.

Azadehdel fut pris en flagrant delit a I'aeroport de Heathrow a Londres en decem- bre 1987 de retour d'Equateur avec une va- lise pleine de plants sauvages de 15 rares or-

chidees Phragmidpedium, dont une espdce tres rare, P.Besseae, decrite pour la premiere fois en 1981. Les enqueteurs decouvrirent ensuite quelque 350 plantes, evaluees a 70.560 dollars EU, a son domicile dont trois especes sont considerees menacees. Une espdce consideree eteinte jusqu'a sa rede- couverte en 1978 dans un pare de Malaisie, Paphiopedilum sanderianum, fut trouvee dans sa collection.

Malgre tout ce remue-menage, tout ce travail des douanes et devant une telle evi- dence, que s'est-il done produit ? Selon New Scientist, les tribunaux ont considere les plantes comme des especes de second rang car "si les personnes qui trafiquent les plantes doivent subir de telles sentences, comment faudra-t-il punir les trafiquants de peaux, d'ivoire et de corne de rhinos ?" II existe de nombreux Azadehdel dans le monde attires par I'argent facile et rapide que peut rapporter le commerce des orchidees sauvages rares et ce nouveau jugement leur aura appris qu'ils ont peu a craindre des tri- bunaux britanniques et aura clairement fait comprendre la situation aux agents charges du controle de ce trafic.

Le classement en Annexe I de la Cites des deux genres d'orchidees Phragmipe- dium et Paphiopedilum a ete propose pour consideration lors de la 7eme Conference des Parties CITES en octobre dernier.

New Scientist 1670 et 1674, TRAFFIC USA, vol.9(3).

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