Fils ii Kite Hi IEHTNRERH ’ 1 + mer: RE BER Be | EOR THE BEOPEE | | EORTEDVCAMIONE| FOR SCIENCE | LIBRARY OF THE AMERICAN MUSEUM OF NATURAL HISTORY 29a. NORBERT SERIEN 5 Pr Neue Denkschriften der allgemeinen Schweizerischen Gesellschaft für die gefammten Haturwillenfdaften. NOUVEAUX MEMOIRES SOCIETE HELVETIQUR DES SCIENCES NATURELLES, Dritte Dekade. Band VI. mit II. Tafeln. ZÜRICH auf Kosten der Gesellschaft Druck von Zürcher & Furrer. In Commission bei H. Georg in Genf und Basel. 1874. nn A sI2e, 31-.9° Neue Denkschriften der allgemeinen Schweizerischen Gesellschaft für die us gefammten Haturwilenfcaften. —mnmn NOUVEAUX MEMOIRES DE LA SOCETE HELVETIQUE DES SCIENCES NATURELLES, Band XXVl. mit II Tafeln. ZURICH auf Kosten der Gesellschaft Druck von Zürcher & Furrer. In Commission bei H. Georg in Genf und Basel. 1874. OR FE BET “r 8 RS Nhnsnllshar Ram AB es: Inhaltsverzeichniss. 2 ö s Bogen. Seiten. Tafeln. Auguste Forel, Les fourmis de la Suisse. — Systematique. Notices TE anatomiques et physiologiques. bution geographique. vations de moeurs. Architecture. Distri- Nouvelles experiences et obser- LIRULE WEI: N ER r ir E BIETER FRE NT LES FOURMIS SUISSE AUGUSTE FOREL, Docteur en medeeine. ee OUYRAGE GOURONEU: PAR LA SOCIETE HELVETIQUE DES SCIENCES NATURELLES. R| Kit, Ban Fun 344 rin pet nA cute “W 2 01) 279 TEE ı ante f SFAUTP TI2D EN PREFACE. Depuis nombre d’annees (depuis mon enfance) je me suis voue avee predileetion ä lobservation des meurs des fourmis. La lecture de l’admirable ouvrage de Pierre Huber que je fis en 1859 pour la premiere fois m’interessa si vivement que je me mis A refaire une A une la plupart de ses observations; je fus ainsi amene ä en faire aussi de nou- velles *). Plus tard, en 1867, je sentis la necessite de connaitre mieux la classification des fourmis qui jette un jour si grand sur leurs meurs. Elle decele en effet la grande variete de leurs formes, et fait ainsi decouvrir la variete non moins grande d’habitudes et de facultes intelleetuelles qui y correspond. Lä je rencontrai les travaux d’un maitre aussi remarquable dans sa partie qu’Huber dans la sienne, M. le professeur Mayr ä Vienne qui a bien voulu m’aider personnellement de ses lumieres et m’honorer de son amitie. La leeture des travaux d’Ebrard, de Schenk, de Roger, de Nylander, de von Hagens, de Lespes, etc. ete. me fournit encore une foule d’autres donnees de tout genre. Mes relations de collegue, d’ami et de compatriote avec M. le Dr. Emery ä& Naples, auteur d’excellents travaux descriptifs recents sur les fourmis, m’ont &te aussi fort utiles. Des lors je n’ai cesse d’etudier les fourmis au double point de vue de leur classification et de leurs maurs, ce qui n’avait ete fait jusqwici par personne d’une maniere consequente. (es deux e&tudes se completent l’une l’autre sur une foule de points lorsqwelles sont ainsi reunies. J’in- siste sur ce fait, car c’est par cette r@union que le present travail se distingue de la plupart de ceux qui l’ont preeede. J’ai cherche de plus & connaitre l’anatomie des fourmis en me basant sur les travaux de Meinert et de Leydig; malheureusement iei presque tout est encore ä faire. Mes observations ont toujours &te notees avee som ”) Je ne puis m’empecher de dire iei que c’est & mon oncle aime et regrette, M. Alexis Forel, connu par divers travaux dans l’entomologie, que je dois d’avoir guid& mes premiers pas dans cette seience et d’en avoir eultive le goüt chez moi par son aide toujours si bienveillante et par ses conseils. ä mesure qu’elles etaient faites, jour par jour, et datees des 1867; auparavant j’avais d&jä note de nombreuses observations, mais presque toujours sans les dater. La monographie des fourmis de la Suisse ayant &t& mise au coneours en 1870 par la societe helvetique des sciences naturelles, je me mis plus partieulierement & l’&tude de la faune suisse, soit de la distribution geographique des fourmis dans notre pays. Mon travail ayant ete accueilli et juge par la societe plus favorablement que je n’eusse jamais ose l’esperer, je n’ai pas voulu le livrer & l’impression avant de l’avoir soigneusement revu, corrige, et complete sur certains points, autant du moins que cela etait en mon pouyoir. J’ai cru aussi devoir faire droit ä une partie des observations qui m’ont e&te faites par la commission chargee d’apprecier mon travail. A cet effet j’ai ajoute au texte quelques figures explicatives reunies dans deux planches; j’ai traduit en outre en latin les diagnosties des formes nouvelles ou encore insuffisamment decrites. Je suis le premier ä sentir les innombrables lacunes du present travail, mais il en est ainsi plus ou moins de tout travail seientifique; plus on &tudie un sujet, plus on voit s’ouyrir de nouveaux horizons. II n’y a pour ainsi dire pas un point de l’&tude des four- mis ou il ne reste une foule de questions ä resoudre, ce que le leeteur verra suffisam- ment dans le courant de ce qui suit. De plus la bibliographie myrme&eologique est si con- siderable et si disseminee que malgre mes efforts pour la connaitre je n’ai pu y arriver completement. Je r&clame done l’indulgence du leeteur pour les omissions -et les erreurs qui se seront sans aucun doute glissees dans le cours de cet ouvrage. Dans la division que j’ai adoptee, j’ai cherche avant tout ä eviter tout systeme. peut-&tre aux depens de la commodite du leeteur, mais certainement au grand avantage de la verite des faits. Une premiere partie, la Systöm.itigue, comprendra la classification des fourmis de la Suisse d’apres la methode analytique, pr&eedee d’une description du sque- lette chitineux des fourmis. Une seconde partie comprendra quelques etudes amıtomiques et physiologiques en partie nouvelles, mais tout-ä-fait partielles et incompletes. Une troi- sieme partie traitera de l’architeeture des nids chez les fourmis de la Suisse. Une qua- triöme partie indiquera la distribution geographigue des fourmis en Suisse et leur röle dans la nature. Enfin la einquieme partie, la plus considerable, sera consacree aux ewperiences et observations de meurs. Le tout sera suivi d’une courte notice bibliographique. Dans la partie syst&matique j’ai suivi la methode des tableaux analytiques de M. Mayr dans ses Kuropeischen Formiciden. Les raisons qui m’ont engage ä conserver cette methode malgre l’opinion d’autres personnes seront donnees en temps et lieu. La partie systema- tique est suivie d’un catalogue des noms synonymes. En ce qui concerne la faune (IV"”° partie), je me suis tenu assez strietement aux limites politiques de la Suisse, car si l’on se met ä& y ajouter les lieux plus ou moins rapproch&s de la frontiere, on ne sait oü s’arreter. Je me suis cependant laisse aller ä faire une exception en faveur du Salöve, vu l’interet special de sa faune, et, dans les cas N N ou cela pouvait avoir une valeur comparative, j’ai note la presence de telle ou telle es- pece dans une contree avoisinante (For&t-noire, Vosges, iles Borromees). Je me suis permis deux innovations qui peuvent paraitre choquantes, mais que je crois necessaires. La premiere est de donner le nom de races aux especes mal deter- mindes ou montrant des transitions entre elles; on aurait pu les appeler aussi sous-espöces; je ne pretends point par lä les ravaler au niveau de varietes insignifiantes, mais je crois ainsi faciliter le travail de determination qui est souvent rendu impossible pour les for- mes intermediaires ou aberrantes. La seconde est de fixer le sens du mot fourmiliere d’une maniere exacte, afin d’eviter les confusions incessantes resultant de sa signification admise qui est ä la fois celle de mid et celle d’un ensemble de fouwrmis. J’entends uniquement par fowrmiliere ensemble des fourmis (mäles, femelles, ouvrißres, soldats, lar- ves, @&ufs, nymphes, esclaves) qui-forment une m&me communaute, et j’appelle nid leur habitation. Une fourmiliere peut avoir plusieurs nids (je l’appelle alors colonie, avec Ebrard). Ce que j’entends par fourmiliöre est done synonyme de ce que les Allemands appellent Colonie. Je ferai remarquer que si le nombre des genres que le lecteur reneontrera dans c ouvrage lui parait trop grand par rapport A celui des especes et des races, cela vient de ce que je m’en suis tenu ä la faune suisse; ainsi le genre Cremastogaster comprend en tout une ceinquantaine d’especes, mais une seule habite la Suisse. Ö’est tres A tort qu’on a reproch@ a M. Mayr la trop grande multiplication des genres; on oublie l’Enorme variete des formes exotiques, et la grande importance de certains petits caracteres zoolo- giques peu apparents, lorsqu’ils sont eonstants. J’ai employ@ partout pour abreger les signes des sexes: g signifie mäle, Q signifie femelle, $ signifie ouwriöre. Comme je suis oblige de renvoyer fort souvent le lecteur ä l’une ou ä l’autre de mes experiences de meeurs, je les ai disposees sous trente-sept numeros en chiffres romains, et ceux-ci sont ä leur tour subdivises par des chiffres arabes la ou cela est necessaire; quand on verra dans le cours de ce travail ces chiffres simplement en parenthese, on se souviendra quil s’agıt d’un renvoi aux experiences de meurs. Ainsi (VI. 2.) veut dire: Voyez le numero 2 de l’experience VI. J’ai ete second dans mes recherches par le concours bienveillant de plusieurs per- sonnes. Je dois tout particulierement temoigner ieci ma gratitude ä mon ami et beau- frere M. le Dr. Bugnion qui m’a constamment aide de ses connaissances et qui m’a fourni de nombreuses et importantes observations, surtout sur les fourmis des Alpes, sans comp- ter le produit de ses chasses. Je suis redevable a un ami devoue, M. Jean Rochat, d’un grand nombre de fourmis du midi de la France et du nord de V’Italie qui m’ont te tr&s utiles, ainsi que de quelques observations de meurs. Mon ami M. le Dr. O. Stoll ä Zürich m’a fourni aussi diverses donndes importantes par le produit de ses chasses, ainsi que MM. Frey-Gessner et Dietrich. MM. W. Schmid ä Bäle, Coulon ä& Neuchätel, Coaz et Killias a Coire, Isenschmid ä Berne, ont tous montre leur obligant empressement en m’envoyant ä domicile les collections des musees des villes sus-mentionnees ainsi que le produit de leurs chasses. Je profite de l’ocecasion pour remercier toutes ces personnes de leur bienveillant concours. Je dois aussi t@moigner toute ma reeonnaissance ä M. le pro- fesseur Heer ä Zurich, ainsi qw’ä M. Henri de Saussure ä Geneve pour leurs utiles con- seils et leur appui continuel et desinteresse. Je rappelle enfin ce que j’ai dejä dit devoir ä MM. Mayr et Emery pour les en remercier aussi. Chacune des parties de ce travail sera precedee d’une courte introduction, de sorte que je me dispense d’en dire plus ici. AUGUSTE FOREL. Vaux pres Morges, 13 aoüt 1873. Preface. _ CHAPITRE I. TABLE DES MATIERES. I” PARTIE. Systematique. ° Structure externe generale des fourmis Töte Thorax . Abdomen Remarques APITRE 1. Classification des fourmis suisses . Famille Formicarie. Determination des Sie korilien Premier tableau: Determination des genres Tre Sous-famille Formicide > » Ponerid > » Myrmieide i - Second tableau: Determination des especes et das races. Pre Sous-famille Formicidse a. 1. Genre Camponotus 2. Colobopsis Plagiolepis Lasius Formica Polyergus. Hypoclinea Tapinoma . Bothriomyrmex 2m° Sous-famille Poneride 1. Genre Ponera 3° Sous-famille Myrmieide 1. Genre Anergates. 2. » Cremastogaster 3. Genre Solenopsis 4. Strongylognathus by Tetramorium 6. Myrmeeina Aphsnogaster . Myrmica . Asemorhoptrum Pheidole Stenamma Temnothorax . Leptothorax Appendices . ö £ A. 2 rer du a Heeri. CHAPITRE II. Synonymie z B 5 : : e 3 I. Synonymie generale, d’apres Mayr et Roger II. Synonymie d’Huber . III. Synonymie d’Ebrard II” PARTIE. Notices anatomiques et physiologiques. Sur l’appareil venenifique B : Sur le canal intestinal (Structure et Fonchich du yet et a gesier) . .. Sur un organe qui parait &tre celui du goüt Sur les yeux des fourmis (nombre des facettes) Sur les sens des antennes (odorat et toucher) Sur les fourmis auxquelles on coupe l’abdomen Sur le systeme nerveux 4A. Anatomie ö B. Notices ologdeee Sur les fonetions de l’&peron, des palpes et au : 5 . Maniere dont les fourmis nettoient leurs compagnes, leurs larves et one nymphes Diminution de la faculte de se diriger chez les fourmis chargees Ivresse du combat chez les fourmis Appendice I: Monstruosites. Anomalies A. 1. Intermediaires entre 9 et5 . 2. Hermaphrodites : 3. Monstruosites proprement äites : Appendice II: Resum& de quelques nouvelles recherches anatomiques. 4A. Antennes B. Autres organes ITS SPARMIRE Architecture. i Introduetion B 2 CHAPITRE 1. Architecture des ide 2 A. Nids de terre pure *) 1. Nids a& dömes maconnes . 2. Nids mines 3. Nids sous les pierres B. Nids sculptes dans le bois 1. Nids seulptes dans le bois na dit 2. Nids seulptes dans l’ecorce C. Nids en carton, ligneux ou autre.. D. Nids & architecture composee o ; 5 1. Nids mines dans la terre et ee den oe en BEE divers 2. Nids des vieux troncs E. Nids anormaux, E . 1. Nids des murs et des en i 2. Nids des maisons 3. Autves nids anormaux Constructions hors des nids. 1. Canaux souterrains . 2. Chemins 3. Chemins couverts ei anne, 4. Stations et succursales 5. Colonies IV” PARTIE. Distribution geographique des fourmis en Suisse, et leur röle dans la nature. -CHAPITRE I. Distribution geographique des fourmis en Suisse 1. Sous-famille Formieide E | u 2. Sous-famille Poneride 3.73 » Myrmieide Remarque 5 A s . E CHAPITRE II. Röle des fourmis dans la nature. Les fourmis sont-elles nuisibles ou utiles? I. II. E a A. Cas oü les fourmis sont nuisibles B. Cas oü les fourmis sont utiles C. Moyens de detruire les fourmis . V”° PARTIE. Experiences et observations de moeurs. Introduction I. Femelles föcondes isolees 1. C. ligniperdus 9 2. C, ligniperdus, 9 elevee dans une es 3. Leptothorax tuberum, 9 €Elevee dans une boite . 4. C. zthiops, 9 Elevees : 5. P. rufescens, Q Elevees de ee fagons 6. S. testaceus @ chez L. acervorum 7. 8. fugax 9 chez P. rufescens 8. 9 fecondes rassemblees en quantite ale 9. Autres 9 fecondes isoldes II. Fourmilisres mixtes artificielles sanguinea-pratensis obtenues librement dans les champs 258 1. Les F. sanguinea mangent souvent les eocons qu’on leur dme . . . 258 2. La presence des F. pratensis n’empöche pas les sanguinea de conserver leurs BEER fusca ou rufibarbis 6 ; H e 2 ; 2 3 e & 258 3 . Aspect de ces fourmilieres mixtes; Kidistenkare ER leurs nids . E £ 5 B 259 . Demenagement d'une de ces fourmilieres mixtes 3 A B 5 h & 5 259 . Combat des F. pratensis d'une de ces fourmilieres contre leurs anciennes s@urs de la fourmilieres naturelle R 2 Sea G E e 6. et 7. Duree et sort final de ces Turion ER artificielles III. Expedition naturelle d’une fourmiliere de F. sanguinea sur une fourmiliere de F. pratensis 261 IV. Alliance entre jeunes fourmis d’especes differentes _ e 5 3 ; B = 5 V. Rapports entre fourmis adultes de möme race mais de fourmilieres differentes . © a DE SE DS 0 SI 10. - F. pratensis de fourmilieres differentes möldes dans un sac et &tablies au pied d'un arbuste . Deux fourmilieres de L. acervorum &tablies ne un Book . F. rufa de fourmilieres difterentes et F. pratensis 5 . Bataille entre une fourmiliere pratensis A et des fraetions de des anne alten pratensis B et C . Combats et alliances entre F. sanguinea de fourmilieres differentes. . Combats entre T. cespitum de fourmilieres differentes . Combats entre M. levinodis de fourmilieres differentes . Un eombat entre deux fourmilieres de ©. hereuleanus : . Rencontre avec symptömes d'indifference, suivie de Können; enkee ade fourmi- lieres sanguinea. Alliance d’une de ces deux fourmilieres avec une troisieme . Les P. rufescens de fourmilieres differentes ne s’allient jamais. VI. Rapports entre fourmis adultes de varietes, races, especes et genres differents, lors- qu’elles sont aussi de fourmilisres differentes . or 1. Pratensis noires et pratensis claires. Combat a mort. 2. Scabrinodis-lobicornoides et petites scabrinodis. Combat a mort 3. : : 4. Sanguinea et pratensis dans un bocal. Combat & mort. Une 9 vierge pratensis Pratensis, sanguinea, fusca et pressilabris dans un bocal. . etrangere s’allie aux sanguinea contre les 9 de sa propre espece . Pratensis noires, pratensis ordinaires et rufibarbis. Combats . Alliance forede provoqude artificiellement entre F. pratensis et sanguinea. Be lhuch est durable et möme indissoluble. Conduite differente des allides vis-A-vis des an- eiennes compagnes des pratensis. Ex&eutions &a froid . 7. Alliance entre P. rufescens et F. fusca adultes de fourmilieres difförentes 8. C. pubescens et €. ligniperdus de deux fourmilieres. Combats et alliances SH 10. T. cespitum et S. fugax. Combat sur le döme d’un nid double Fourmis de genres tres differents et de taille ou de maurs tres differentes VII. Scission d’une colonie en deux fourmilisres. Jusqu’ä quel point les fourmis separees long- temps se reconnaissent ensuite VIII. Polyergus rufescens (Fourmi amazone). Exp6ditions et observations diverses munnpnep . Le P. rufescens n’a pas d’aiguillon. Son nid a plusieurs ouvertures. 5 . Ses mandibules sont son arme prineipale. Il s’en sert pour percer la tete a ses en- nemig et leur detruire le cerveau . Diverses sortes de haltes durant les Eier . Heure du depart. Organisation de l’armee . Denombrement de l’armee. Sa vitesse . . Amazones-fusca. Expedition double et doublement manquee » Expedition manquee A cause de l’heure tardive. J’y supplee. » Expedition manquee un jour, mais reussie le lendemain. Retour au nid pille. Maniere dont les amazones se dirigent (note) Page a ent BET 9 a u Anden un lung Cs rk un A Be ap Rand Frl A a an > AL a sr a Be a na 53 ’ y \ r Pa vr“ * — N Page 9. Amazones-fusca. Expedition sur une fourmiliere qui a des cocons d - Ä 295 10. » Indeeision de l’armee a propos du depart. Formation des tötes d’armde 296 11. » Expedition sur une fourmiliere a nid souterrain . 1 5 . 297 12. Amazones-rufibarbis. Une expedition normale . $ : 3 : 297 13. » Expeditions auxquelles se melerent es Foinatles - - 299 14. » Expedition oü l’armde se divisa en deux corps. Le plus petit, fort d'une soixantaine de 5, attaqua une grande fourmiliere rufibarbis . { 2 , 300 15. Amazones-rufibarbis. Expedition oü les amazones se trompent de chemin, et oü je suis cause qu'elles decouyrent & la fin le nid qu’elles cherchaient . : 3 : 3 501 16. Armee amazone qui retrouve son chemin apres en avoir partiellement desespere . 501 17. Amazones-rufibarbis. Marches, eontre-marches, courbes faites par l’armde a : 302 18. Fourmiliere amazone commencante . $ ; R £ 2 - - | 5 302 i 19. Fin de trois fourmilieres amazones . . s ' i , A ö } s 302 20. Nids souterrains de F. rufibarbis envahis par les amazones . B - : : 302 21. Lutte d'une grande armee amazone contre l’eau, le vent, et la poussiere r 5 302 22. Deux armees partent en möme temps du nid et attaquent chacune une fourmiliere rufibarbis differente ; : 5 ö 6 5 303 23. Une armee amazone pille d’ End. une fourmiliere Fench = Heike, puis une grande 303 24. Une armde amazone culbute des sanguinea placdes prealablement par moi 'sur le döme du nid des fusea qui allait &tre attaque. Amazones folles de colere. 3 e . 304 25. Expedition tardive par un temps froid. Marche tres lente. Decouragement. Arret com- plet de chaque %. Retour ä vide . , 5 Ä ; E R : 304 26. Diverses sortes d’arr&ts etudies dans une ernsditihn. Vitesse de l’armee ä divers in- stants . i 5 B & S : i B s i 5 2 h 305 27. Amazones anuitigen par la pluie au Fekate d’une expedition . : ; - 5 306 28. Expedition le 9 septembre. L’armee deerit un angle . : { £ 5 - : 306 29. Amazones et Aph&nogaster structor 5 : 306 30. Amazones et F. pratensis. Combats. Les amazones pillent ao er cOCONS 35 F} pra- tensis qu’on leur donne . ; N { ; : : R 306 31. Enlevement d'une portion d’armee amazone mise ensuite avec ie F. Fanta Branmiek dans un appareil. Fourmiliere fusca tres cache. Amazones regevant la pluie. : 307 32. Amazones explorant individuellement les environs de leur nid. . . e © 308 33. Eloignement des fourmilieres amazones les unes des autres . ß 308 34. Les P. rufescens ne savent pas manger seuls. Opinions d’Huber, Tokpeh, et a Teheran Experience refutant ce dernier. Amazones se sugant r&eeiproquement B ; 308 35. Esclaves cherchant ü emp£cher les amazones de partir en les reintegrant dans le nid 310 IX. Polyergus rufescens. Histoire d’une fourmiliere elevee en appareil, et mise plus tard en liberte . B e 6 : : : . $ 5 s 2 & : & . 3ll 1. Etablissement en 1869. Expeditions de l'appareil sur des fourmilieres einereo-rufibarbis, ete. Soixante amazones font prendre la fuite a toute une grande fourmiliere sanguinea. Combat avee d’autres amazones. Mise en liberte de ma fourmiliere. Ses expeditions en 1871; esclaves fusca et rufibarbis a la fois . 5 : F 5 5 ; 5 ; sll R: 2. Expeditions de ma fourmiliere amazone (et de quelques autres) en 1873. Attaques sur des fusca et des rufibarbis. Une fourmiliere pillee six fois. Larves a six pattes pillees. Reneontre fortuite de deux corps d’armee. Statistique des expeditions faites et du nombre de cocons pilles dans un ete. Querelles entre eselaves et maitres. De- part provoque& par moi. Rencontre naturelle avec des F. sanguinea sur un nid de ru- fibarbis. ete. etc. X. Formica sanguinea: Fourmiliere en appareil. Oeufs pondus par des % 1. Etablissement en 1868. Alliance avec des sanguinea d’une autre fourmiliere. Je ne-vois pas de 9 feconde. Elevage de cocons 9 rufa, pratensis, exsecta, pressilabris, fusca, ei- nerea, rufibarbis, P. rufescens par les sanguinea. Sexes ail&s de F. sanguinea seuls eleves, ete. ete. Fourmiliere mise en libert€ dans le gazon & . Nouvel etablissement de la m&me fourmiliere dans un nouvel appareil en 1869. Pas de 9. Oeufs feconds pondus par des ö. Larves enterrdes et deterrdes. Oeufs et nym- phes manges . XI. Tapinoma erraticum . 1. Habitudes en general 2. Demenagements . 2 © 3. Maniere de combattre. Combat avec iu TE span! nn odorant 4. Combats avec la F. sanguinea 5 a ; 5. Demonstration du fait que e’est le venin qui est dort. 6. Etablissement de deux fourmilieres de T. erraticum dans un appareil vitre; aten demeurent separdes et ennemies 48 jours, puis s’allient. Mode de demenagement. Larves 9 et S tudes et mangees. Tapinoma chloroformises . 7. Combats entre Tapinoma de fourmilieres differentes XD. Bothriomyrmex meridionalis. Habitus, m@urs. Fourmilieres elevees artificiellement. Vibration des antennes . XII, Plagiolepis pygm&a. Habitudes, re XIV. Leptothorax divers eleves dans des boites, etc. 1! L. tubero-affinis. Ma fourmiliere eleve une nymphe de L. Nylanderi et dewx de T. cespitum . 2. L. Nylanderi 3. L. nigriceps © h 4. L. acervorum. Q vierges Berta To ailes XV. Anergates atratulus. Mours singulieres. Fourmiliere dans une arene de gypse. 9 fe- eondes. Aceouplement. Jamais de nymphes c#spitum dans les fourmilieres XVI. Strongylognathus testaceus 2. Fourmilieres naturelles. Toujours des larves et des nymphes 5 de T. cspitum, etc. 3. Les fourmilieres de S. testaceus sont ennemies des fourmilieres voisines de T. eespitum . Page 317 324 324 u 3. 6. . Combat entre une fourmiliere de S. testaceus et des T. c»spitum d’une four- miliere ordinaire. Ce sont les Tetramorium esclaves et non les Strongylognathus qui remportent la vietoire et pillent les nymphes Sir cap ylonnathut testaceus eleves dans une arene de gypse Les S. testaceus mangent seuls A la rigueur, mais ne travaillent pas ; XVII. Strongylognathus Huberi. Expedition (pillage de nymphes cespitum) provoquee artifiei- ellement . XVII. Myrmecina Latreillei. Mceurs. Fourmiliere elevde dans une arene de gypse . XIX. Stenamma Westwoodi. Ses rapports avec les F. rufa B XX. Camponotus »thiops et genre Camponotus. Combats. Moeurs. Dee ae, XXI. Espöces et races du genre Formica. Traits de maurs qui caracterisent chacune d’elles 1. Espece. F. fusca. Ses races; habitudes de chacune d’elles . 2. Espece. F. sanguwinea 1 . Fourmilieres sans esclaves . Expeditions naturelles et artifietelles out m» om Combats avec la F. pratensis . . Attaques sur des Lasius . ; . Demenagements. Les F. sanguinea ont ee like ads 2 . Fuites et deroutes des F. sanguinea T. Sanguinea surprises par la pluie. Rapts dere 3. Espece. F. rufa. Traits de maurs propres A l’espece . 1: 2. 3. Race. F. rufa i. sp... 5 5 5 . ; 6 5 : h Race. F. pratensis. Demenagements. Denombrement. Insectes tues. Gym- nastique. Formes pygmees Race. F. truneicola . 4. Espece. F. ewsecta . ie 2. 3. 4. bR 6. Traits de m&urs propres A EN Muniire de shmbaktre F. exsecta i. sp. et F. pressilabris. Alliances e R Etablissement d’une fourmiliere exsecta i. sp. au Bo don bois. Elle forme une colonie ; : : 6 Etablissement d’une fonriihiöre prassilabria da un pre Combats avec des Lasius. Cocons d’autres fourmis pilles etc. Exsecto-pressilabris . XXIII. Fourmilisres mixtes naturelles anormales . . F. exsecta-rubens et F. fusca . F. exsecta et F. fusca . Tapinoma erraticum et Bolhriaserer meridionalis . F. truneicola et F. fusca F. exseeto-pressilabris et F. fusca . F. pratensis et F. fusea. Considerations generales Page 346 348 349 349 sol 352 354 356 356 358 358 359 360 363 363 363 364 364 365 365 368 368 368 369 369 370 370 370 371 371 srl 371 372 372 373 373 g Y } Bun v3 XXI. Especes et races du genre Lasius. Traits de meurs gendraux = Espece. L. fuliginosus. , Colonies. Cocons pilles. Odeur 2. Espece. L. niger 1. Race. L. niger i. sp. Atkägne sur "des F. Fohberkis. Tue das 2 A 2. Race. L. alienus ! 3. Race. L. emarginatus. Ddorat, Genemandhke. den 4. Race. L. brunneus. Timidite. Pucerons. Graines . 3. Espece. L. flavus. Faiblesse. Pucerons dans son nid 4. Espece. L. umbratus ; XXIV. Especes et races du genre Myrmica 1. Espece. M. rubida. Combats. Pigüre ete. 5 ® y 2. Espece. M. rubra. Traits de mours distinctifs de ses six races . XXV. Eansien du genre Aph»nogaster . ; : ß R ? 1. Espece. A. structor. Graines dans son nid. denbat avec as T. ceespitum 2. Espece. A. subterranea. Fourmiliere elevee dans une arene de gypse XXVI. Pheidole pallidula. Röle du soldat. Combats avee le T. c&spitum et le C. »thiops. XXVIl. Solenopsis fugax. Nids doubles. Nymphes de F. pratensis depecdes. Pucerons XXVIII. Cremastogaster scutellaris. Files. Combats ete. 6 ; XXIX. Autres genres. Colobopsis et Hypoclinea. Imitation. Soldat de Ia C. et son röle. Nymphes nues. Fourmilieres elevees dans un bocal. XXX. 0Oeufs, larves, nymphes et &closion des fourmis 1. Oeuf. Ponte. Croissance de l’@uf; son &closion . : 2. Larve. Differentes formes. Poils. Bouche. Alimentation. Depandanke dest ö. Duree de l'e&tat de larve. Distinetion des sexes chez la larve ; 3. Nymphe. Nymphes nues et cocons. Maniere dont la larve file son cocon. N phes nues et cocons chez la mäme espece. Refutation de l’opinion d’Huber 4. Eclosion. La nymphe peut sortir seule de sa peau, mais non de son cocon XXXI g et @. Accouplement. Sort final des g et des ©. Intelligence des 9 et des cd. Accouplement. Ex. du L. flavus. Essaims. Sort des d. Sort des Q fecondees; elles se mutilent. Comment s’entretiennent les fourmilieres? 9 fecondes retenues par les 9. Question de la parthenogenese. Fourmilieres a d seuls ou & Q seules. 9 vierges. Acceouplement de M. scabrinodis etc. au sommet du M*. Tendre. Heures de l’ac- couplement . E XXXIH. Tableau des epoques oü se et en u I“ en 108 ak, 15 ag Q, et ou s’opere l’accouplement chez les diverses formes . 1° Sous-famille. Formieide ans » Poneride. Snsn> » Myrmieid Remarque XXXLIII. Considerations sur ones) des Fonemiiterein sur ar Oinbatalten ef sur Yes fin. Duree de la vie des fourmis 396 m 404 410 411 416 417 - mM — 1. Origine des fourmilieres. Suppositions d’Huber et de Lepeletier 2. Continuation ou conservation des fourmilieres . & L g En 3 3. Fin des fourmilieres 4. Duree de la vie d’une fourmi e < XXXIV. Relations des fourmis avec les pucerons et les allinsete (Eon XXXV. Insectes myrmecophiles. R ä E 5 1. Nematoides. Acariens. Behstende: Podazelles . 2. Hemipteres et Orthopteres 3. Hymenopteres et Dipteres 4. Col&opteres . 5. Larves 640dener a7: XXXVI. Les fourmis en hiver. Tao = 1% oanarikene, sur eb {onzmis, Hoskrei dhör- mometriques. Fourmilieres des Alpes etc XXXVII. Influence de la lumiöre sur les fourmis. Travail de art Considerations generales sur les fourmis au point de vue de la Boris 2 ‚Darınn) de leur intelligence individuelle, de leur instinct social et de leur caractere . Notice bibliographique. . es Table des matieres Explieation des figures T* Pırrız: SYSTEMATIQUE CHAPITRE 1. STRUCTURE EXTERNE GENERALE DES FOURMIS Cette branche de l’anatomie qui sert plus speeialement ä la classifieation, et dans laquelle un «il exere& peut lire jusqu’& un certain point le passe des especes, soit leurs affinites reelles, a &te &tudiee chez les fourmis depuis quelques annees par Mayr avec une perseverance et une justesse remarquables. Loin de se perdre dans les details, il a toujours conserve des vues d’ensemble, et demöle la valeur reelle des caracteres zoologi- ques mieux qu’aucun de ses predecesseurs et eontemporains; les fourmis du monde entier et les fourmis fossiles ont &t& &tudiees par lui. Fenger (allgem. Orism. d. formic.) a voulu traiter ce sujet ä part, et n’a guere reussi qu'ä tout embrouiller sans apprendre grand chose de neuf. Comme il n’existe rien de complet en frangais sur cette partie, je veux en donner ici un court resume, en me basant sur les travaux de Mayr, et en n’a- yant egard qu'aux fourmis suisses. Je n’ai que peu d’observations personnelles nouvelles a ajouter. L’„Einleitung“ des „Europ. Formic.“ de Mayr me servira de modele; j’y puiserai largement, tout en tenant compte des am&liorations faites depuis cet ouvrage. Le corps des fourmis se compose de trois parties distinetes, la tete, le thorax et l’abdomen. A la tete se rattachent les antennes; au thorax les pittes et, chez les mäles et les femelles, les ailes; ä l’abdomen le pedicule, les organes genitaux externes, et l’ai- guillon chez les ouvrieres, femelles et soldats de quelques especes. Tete. La tete des fourmis presente une face anterieure et superieure voütee, et une face inferieure et posterieure plus ou moins plane. Ces deux faces sont separdes en arriere par le trou oceipital, en bas et en avant par la bouche et les fosses artieulaires. des mandi- bules. De cöte elles passent sans demarcation nette de l’une & l’autre. Les mandibules s’artieulent de chaque cöte de la bouche. La face anterieure superieure comprend les par- ties les plus importantes. Le trou occipital est de forme arrondie et situ dans un enfoncement en arriere et en dessous de la tete; il n’offre rien de particulier. Il sert au passage de l’®sophage et de la chaine nerveuse centrale, ainsi qu’ä l’artieulation de la tete sur le prosternum. La bouche, situ&e en avant et en bas, est grande et arrondie; elle comprend les par- ties buccales au nombre de quatre: 1°) Les deux mächoires situees chacune d’un ceöte de la bouche. Elles sont composees de trois pieces larges, minces, faibles, artieulees les unes aux autres (Fig. 9, a b c). Leur face superieure externe est convexe, leur face inferieure interne est concave. Elles portent des palpes maxillaires de 1 ä& 6 artieles. Leur troisitme piece (Fig. 9, e) est garnie ä son extremite de poils tres forts (x); vers son bord interne et superieur elle presente le plus souvent une rangee de papilles gustatives (g); derriere celles-ci se trouve un peigne tres fin, plus delicat et plus long que celui de l’Eperon des pattes anterieures (p). Les mächoires ne sont jamais dentees; leur bord interne et supe- rieur est membraneux, transparent (b e). — 2°) Le labre ou levre superieure est situe en dessus de la bouche qu’il recouvre anterieurement, immediatement sous le bord ante- rieur du chaperon; c’est une simple lamelle faiblement chitineuse, plus ou moins verti- cale ou dirigee en arriere, un peu convexe en avant, ordinairement bilobee. Le labre est relie transversalement ä la face inferieure du chaperon par une membrane, de sorte qu'il est mobile d’avant en arriere. — 3° La lövre inferieure (Fig. 14) forme le plancher de la bouche; elle est tres mobile, etant entouree de parties membraneuses et de museles. Elle porte les deux palpes labiaux qui sont de 1 ä& 4 articles, et la langue. — 4°) La langue (Fig. 10) est un organe membrano-museuleux en forme de euiller qui se detache de la lövre’inferieure, ä sa partie superieure. Elle est tres mobile, extensible, tres con- vexe en avant et en dessus, concave en dessous. Elle est couverte d’aretes ou plis trans- versaux sur sa surface convexe. Sous son extremite anterieure (a) se trouvent deux pe- tites lamelles chitineuses (ce c’) pourvues chacune d’un gros poil (s). Sur chaque ceöte de cette extremite anterieure, ainsi que derriere le bord posterieur se trouve une rangee de papilles gustatives (g’ g). Derriere la langue se trouve de chaque cöt& un peigne (p) com- pose de fortes dents larges et allongees. Les parties buccales sont toutes courtes et ca- chees par le chaperon et les mandibules; on voit seulement les palpes qui pendent en bas. Le labre recouyre ä l’ordinaire entierement la langue et presque entierement les mächoires. Les mandibules sont deux fortes pieces chitineuses s’artieulant en ginglyme de cha- que eöte de la bouche; chez toutes les fourmis suisses, la bouche etant grande, cette artieulation atteint l’angle externe du bord anterieur de la tete. Les mandibules (Fig. 8) sont presque toujours arquees (la sous-famille exotique des Odontomachide fait seule exception); elles se dirigent ä& la fois en avant et vers la ligne mediane. Elles sont massives et plus ou moins eylindriques ä leur base; de lä elles vont en s’amineissant et ordinairement en s’elargissant. Elles ont deux surfaces; l’une, convexe, est ä la fois externe, anterieure et superieure; l’autre, concave, est ä la fois interne, posterieure et inferieure. Ces deux surfaces sont limitees par trois bords communs. Le premier (Fig. 8, b e) et le plus long est faiblement convexe; il va du bas du cöte externe de Yartieulation jusqu’ä l’extremite de la mandibule; c'est le bord externe qui est en meme temps inferieur et anterieur. Le second (Fig. 8, b i) part du haut du cöte interne de l’articulation ; il est beaucoup plus court que le pree@dent, du moins a l’ordinaire, et fortement concave; sou- vent möme il forme un angle rentrant (ainsi dans la Fig. 8); c'est le bord interne qui | est en möme temps superieur et posterieur. Le troisieme (Fig. 8, b t) ou bord terminal va de l’extremite du bord interne ä& celle du bord externe et ne touche pas a l’artieu- lation; il est presque toujours droit, le plus souvent garni de dents, mais parfois aussi tranchant; il se trouve plus ou moins dans la ligne mediane suivant l’ouverture A des mandibules, et suivant que leurs pointes sont eroisees ou non; c’est par luiÄque les # deux mandibules sont eontigues; il a une extremite anterieure inferieure (celle du bord & externe) et une extremite posterieure superieure (celle du bord interne). Le bord externe est tr&s constant, mais les deux autres varient enormement chez les diverses formes, sui- vant la dimension dans laquelle les mandibules se developpent le plus. Quelquefois toute la mandibule est eylindrique, sans dents, et se termine en pointe (genres Polyergus et Strongylognathus); alors ses deux surfaces sont presque lineaires, le bord terminal manque eompletement; il s’est confondu avec le bord interne qui va rejoindre direetement l’ex- tremite du bord externe. D’autres fois le bord terminal se developpe enorm&ment ainsi que le bord externe, le bord interne devient presque nul, et l’on a deux longues et etroites mandibules dentees, croisees comme deux Epees (genre australien Myrmecia); ce ‘cas ne se presente chez aucune fourmi suisse. Les mandibules sont plus ou moins croi- ses A leur extremite suivant la longueur du bord externe; plus il est long, plus elles sont croisees; souvent elles ne se ceroisent pas du tout. Le bord interne est ordinairement court, de sorte qu’aucun vide ne se voit entre les deux mandibules lorsqu’elles sont fer- mees. Chez quelques formes cependant il est assez long (Strongylognathus, Polyergus, Myrmeeina); les mandibules laissent alors un vide entre elles. Chez les 4 les mandibules sont petites; leur bord terminal, ordinairement tres court, est pourvu souvent d’une seule dent. Le bord terminal des mandibules sert A seier, ä mordre, ä porter, ä& dechirer, ä couper, mais jamais ä la mastieation. Le nom de « Kaurand » (bord mastieateur) que lui r donnent les auteurs allemands est done fort mal choisi. “ La face anterieure et superieure de la tete presente les parties suivantes: E Tout-ä-fait en avant et en bas, recouvrant la bouche et les articulations des mandi- bules, est une surface plus ou moins bombee, nommee chaperon (elypeus). Elle oceupe l’espace situ& entre les antennes et la bouche, et forme presque toujours seule le bord anterieur inferieur de la töte en se prolongeant des deux cötes. Le chaperon est limite r nettement de tous les cötes par un sillon (Fig. 7, e). La ligne mediane y est souvent h marquee par une carene, mais pas toujours. Sa forme, ses bords anterieur, lateraux et _posterieur, varient enormement suivant les genres et les especes, aussi sa valeur est-elle 4 grande en classification ; les bords lateraux passent souvent insensiblement au bord pos- terieur. En rn du milieu des bords lateraux du chaperon est; de chaque cöte une fossette qui tantöt est separee de celle des antennes, tantöt ne forme avec elle qu’un seul grand enfoncement. C'est la „Schildgrube“ de Mayr. Appelons la: fosse clypeale. Partant des deux angles posterieurs du chaperon (ou de la portion de courbe qui leur correspond, lorsqu’ils ne sont pas margques), deux arötes @levees se dirigent en arriere, parallöllement ou en divergeant (Fig. 7, a). Ce sont les arötes frontales (lamin® frontales). Elles vont en s’amineissant et en s’abaissant en arriere oü elles se terminent. C'est en dehors de la base de ces ar&tes frontales que se trouvent ordinairement les ‚fosses antennales, grandes, triangulaires, s’enfongant presque perpendieulairement du cöte des aretes frontales, tandis qu’elles remontent en talus du cöte des joues. Elles contien- nent la fossette artieulaire des antennes. Elles se confondent souvent avec les fosses elypeales (Fig. 7, f a). L’aire frontale (area frontalis) est une petite surface ordinairement triangulaire, en- foncee, dont le sommet est sur la ligne mediane, et dont la base est contigu& au bord posterieur du chaperon (Fig. 7). Elle est towjours comprise entre les deux aretes fron- tales, et peut &tre indistinetement delimitee ou m&me manquer completement. Les yeux 4 facettes ou yeux proprement dits sont situes sur le bord lateral arrondi de la face superieure anterieure de la tete, tantöt en arriere et en haut (Fig. 7, y), tan- töt au milieu (Fig. 29), tantöt en avant et en bas, pres de l’articulation des mandibules. Is sont elliptiques, plus ou moins convexes; presque hemispheriques chez les g. Le nom- bre de leurs facettes varie enormement (voy. anatomie), et par suite leur taille. Ils ne manquent completement ä aucune fourmi suisse. Les ocelles (Fig. 7, 0) manquent aux 3 de diverses especes, mais jamais aux on aux g. Ils sont au nombre de trois, disposes en triangle isocele au milieu de la partie posterieure superieure de la tete ou vertex, de telle sorte que la base du triangle est situge en arriere, transversalement, et son sommet en avant, sur la ligne mediane. La partie du vertex situee entre les trois ocelles est souvent un peu pro@minente (Fig. 29) L’ocelle anterieur peut quelquefois exister seul. Le front (Fig. 7, f) est la surface comprise entre l’aire frontale, les ar&tes frontales et l’ocelle anterieur (quelquefois les yeux, quand ils sont en arriere). Il est ordinairement prominent; sa limite posterieure est, comme on le voit, tres vague. Le canal frontal ou sillon frontal (Fig. 7, s) est un sillon median, longitudinal, allant du sommet de l’aire frontale ä l’ocelle anterieur, ou, rarement, jusqu’au trou oceipital. Il mangque souvent completement. Le vertex (Fig. 7, v) est la partie posterieure superieure de la tete, de l’ocelle an- terieur au trou oceipital. Il forme le bord posterieur (superieur) de la tete; ce bord est arrondi et souvent echanere. Les eontours du vertex ne sont nullement definis. Les joues (gene) (Fig. 7, j) sont la surface bombee qui s’&tend de chaque cöte entre la partie laterale du chaperon, les fosses elypeale et antennale, l’eil et le bord lateral n;.. —: de la face inferieure et posterieure de la töte. La grande variabilite dans la position des yeux rend la delimitation des joues tres artificielle. Les antennes sont eomposees de deux parties qui s’artieulent en formant un angle, comme le ecoude de l’homme, de telle sorte que lorsqu’elles sont etendues les fourmis ne peuvent les flechir que d’un seul eöte. La premiere partie ou scape (Fig. 7 et 16, Se) se compose d’un seul article (premier article de l’antenne) tres allonge, formant au plus la moitie de la longueur de toute l’antenne. Il s’artieule dans la fossette antennale au moyen d’une petite tete arrondie separee du reste par un retreeissement ou col (F.7). L’artieulation correspond ä une enarthrose (arthrodie) dont les mouvements ne sont limites qu’en avant et en dedans par les ar&tes frontales. La seconde partie ou fouet (fla- gellum) est composee de 8 ä 12 petits articles etroits dont les derniers forment quelque- fois une massue (Fig. 16, f g). L’articulation entre le scape et le premier artiele du fouet correspond ä un ginglyme parcourant ä peine 180 degres; le fouet se rabat ainsi en avant sur le scape comme notre avant-bras sur notre bras. Les artieles du fouet n’ont entre eux qu’un leger mouvement dans tous les sens, ce qui donne ä l’ensemble une grande flexibilite en mäme temps qu’une certaine fermete. Les derniers artieles sont par- fois aplatis dans un sens. Il arrive dans certains cas qu’un article du fouet des antennes ou des palpes est ä demi divise dans son milieu par une &chancrure transversale; on trouve ainsi des inter- mediaires entre des antennes de 11 et de 12 artieles, ou entre des palpes de 5 et de 6. La face inferieure et posterieure de la tete, nommee aussi gorge, est plus ou moins plate, et fortement &chaneree en avant pour laisser place au corps de la l&vre inferieure, et en arriöre pour aider & former le trou oceipital. La ligne mediane est marquee de l’une ä l’autre de ces &chanerures par un sillon assez profond. La partie anterieure de cette face, dans l’&chanerure, est done formee par le corps de la levre inferieure. Thorax. Il se divise en trois segments, comme chez tous les inseetes: prothorax, mesothorux et metathorax. Chacun de ces segments se divise de nouveau en une partie dorsale ou notum et en une partie ventrale ou sternum. Le mesonotum est lui-m&me compose chez les 2 et les g de plusieurs pieces et porte les ailes. Chaque sternmum porte une paire de pattes. Ces six parties du thorax ne sont pas toujours nettement delimitees. Le pronotum (Fig. 16 et 29, prn) est une lame voütde plus ou moins semilunaire, a bords convexes en avant, et ne prenant pas directement part ä l’articulation de la tete; ses cötes se prolongent en arriere en s’apointissant. Chez les $ il forme le tiers ante- rieur du dos environ, mais chez les @ et £ il est ä l’ordinaire entierement couvert par una‘ a le mesonotum et ne forme plus qu’un fer ä cheval etroit, horizontal, separant en avant et de cöte le mesonotum du prosternum (Fig. 28). *) Le mesonotum n’est le plus souvent chez les $ quun disque voüte qui forme le milieu du dos, et n’a pas de prolongements lateraux; il en a cependant dans quelques genres (Fig. 16, msn). Chez les 9 et Z il se compose des pieces suivantes: 1°) Le mesonohum proprement dit qui forme plus de la moitie anterieure du dos (Fig. 29, msn; Fig. 28); il est voüte en avant, aplati en dessus, de forme elliptigne, et ne se prolonge que peu sur les cötes, sauf entre le mesosternum et le pronotum oü il forme un coin. N est quelquefois carene longitudinalement au milieu, et a möme trois carönes longitu- dinales chez le P. rufescens $. Chez les $ de plusieurs Myrmicide, il presente deux lignes enfoncees qui commencent de chaque eöte, devant, puis se dirigent en convergeant en arriere pour se r&unir au milieu et eontinuer en une seule ligne enfoneee, mediane et longitudinale qui se termine au bord posterieur. 2°) Le proscutellum (Seitenlappen de Mayr) est compose de deux pieces laterales triangulaires r&unies ordinairement au milieu par une bande tres &troite entre l’&cusson et le mesonotum proprement dit (Fig. 29, pro). 3°) L’&cusson (scutellum) vient ensuite, derriöre la piece precedente (Fig. 29, seut); il est fortement voüte en arriere, de forme peu variable, rappelant assez celle d’un prono- tum de 9, mais tourne en sens inverse. Il est un peu comprime de cöte. 4°) Le post- scutellum (Fig. 29, post; Fig. 28) est une piece transversale en fer a cheval qui a sa convexite en haut et en arriere et dont chacune des branches (qui sont elargies et si- tuees sur le cöte du thorax) est perc&e d’une grande ouverture ovale pour l’articulation des ailes inferieures. L’artieulation des ailes superieures est situee entre le mesonotum proprement dit, le proseutellum et les scapule du mesosternum. Le metanotum (Fig. 29, metan) est compose d’une seule piece convexe en haut et en arriere ou bien tronquee en arriere, variant du reste beaucoup de forme; il se pro- longe de cöte entre le postseutellum et le metasternum. En arriere il prend part & l’ar- tieulation du pedieule. On y distingue surtout la face superieure ou basale (Fig. 16, mtb), et la face posterieure ou declive (Fig. 16, mtd). Ces deux faces sont souvent separees par une arete ou par deux Epines; d’autres fois on ne peut les distinguer l’une de l’autre, le tout formant une voüte. Le prosternum (Fig. 16, pst) s’articule seul en avant avec la tete; ä cet effet ses bords sont un peu enroules en haut et en dedans, et forment en avant l’extremite d’un eylindre ouvert en haut, derriere lequel est un retreeissement transversal cireulaire ou col. Cette artieulation permet une forte rotation, un mouvement de haut en bas et un *) La Fig. 29 representant un d' aptere, les parties adventives du mesonotum n’y sont pas developpees comme chez les g et les 2 ordinaires; le pronotum y est aussi relativement plus grand pour la meme raison. mouvement lateral, mais ce dernier est souvent limite par les coins posterieurs de la tete et les coins anterieurs du pronotum. Le prosternum se compose d’ailleurs de deux lames hori- zontales triangulaires reunies sur la ligne mediane par une suture et echancrees en arriere pour l’artieulation des hanches anterieures, puis de deux lamelles laterales faisant plus d’un angle droit avec les precedentes, separdes d’elles par une arete aigue, et s’articulant avec le pronotum. Toute la partie posterieure du prosternum peut s’eloigner et se rap- procher un peu du pronotum; le prosternum entier peut done former avec la tete et les pattes anterieures un tout capable de se mouvoir sur le reste du thorax. Le mesosternum (Fig. 16, mesost; Fig. 21, scap, mesost) se compose d’une lame inferieure horizontale portant en arriere l’artieulation des pattes medianes, et d’une par- tie laterale separee de chaque cöte de la precedente par une arete. Cette partie laterale s’appelle aussi scapula,; elle est considerable chez les 9 et g ot elle s’etend en haut et en avant. Le metasternum se compose d'une petite lame inferieure portant les pattes poste- rieures, puis de deux portions laterales allongees, dirigees en avant et en haut, et com- prises en haut et de cöte entre le metanotum, le postseutellum et les scapule du meso- sternum (Fig. 16 et 29, mst). Mayr les considere comme des parties distinetes, vu je pense qu’elles manquent ä beaucoup d’ouvrieres. En arriere, le metasternum prend part a l’artieulation du pedieule, conjointement avec le metanotum. Les six parties du thorax ne sont pas toujours distinetes, ainsi le metanotum fait souvent un avec le metasternum, le pronotum avec le mesonotum etc. Les fourmis ont dans la regle trois stigmates de chaque ceöte; le premier est au bord posterieur du pronotum; il parait manquer chez quelques @ et 4, mais Gerstäcker assure qu’il est toujours lä chez les 9. Le second est sur les cötes du bord posterieur du me- sonotum, et le troisieme sur les cötes du metanotum, ou quelquefois, d’apres Fenger, sur sa face deelive. Latreille assure qu'il y en a de plus deux & la base de l’ecaille des For- micide. Je les ai vus distinetement chez (. ligniperdus et F. trumcicola %, mais en de- vant et pas en arriere comme dit Latreille. Les ailes (Fig. 1) ne se trouvent que chez les 4 et les 9 encore vierges. Elles sont identiques dans les deux sexes d’une möme espece. Les sup6erieures sont plus longues que les inferieures; c’est comme pour tous les hymenopteres; elles depassent ordinairement le bout de l’abdomen lorsqu’elles sont au repos. Celles des d sont beaucoup plus solidement artieulees que celles des 9 ; nous avons deja vu les points du thorax oü elles s’attachent. De la base des ailes superieures (Fig. 1, A; Fig. 2; Fig. 3) partent quatre nervures longitudinales; ce sont en commencant par le bord anterieur la nervure marginale (costu marginalis), la n. scapulaire (ec. scapularis), la n. mödiane (e. externo-media) et la n. in- lerne (ec. interno-media). La premiere (1) suit le bord anterieur de l’aile & peu pres jus- qu’a son extremite sans se diviser. La n. scapulaire (2), presque parallele ä la pr&cedente, se reunit & elle apres le second tiers de l’aile. Dans l’angle forme par ces deux nervures N avant leur r&union se trouve une lamelle chitineuse jaune ou brune, nomme&e tache mar- ginale (Fig. 1 et 2, X). Chez la M. Latreillei, Ja n. scapulaire, au lieu de se reunir ä la n. marginale apres avoir forme la tache, retourne en arriere pour s’unir au rameau eubital externe. Parfois, cependant, chez cette m&me fourmi, elle s’unit d’abord ä lan. marginale, mais s’en detache de nouveau, apres un court espace, pour s’unir au rameau cubital externe (Fig. 3, 1+2, 2+10). — La n. mediane (3) se divise avant le milieu de l’aile en deux brauches divergentes formant entre elles un angle droit ou un peu aigu. L’une d'elles (6) se dirige vers le bord anterieur ou externe de l’aile et va s’unir ä lan. scapulaire avant la tache marginale; c’est la n. basale (c. basalis). L’autre, sans impor- tance, s’incline vers le bord interne ou posterieur de l’aile oü elle se termine vers une petite echancrure qui se trouve toujours au second tiers environ de ce bord; de lä elle envoie souvent une petite nervure vers l’extremite de l’aile. Enfin la n. interne (4), pa- rallele ä peu pres au bord interne (posterieur) de l’aile se termine avant l’echanerure preeitdee et n’a pas d’importance. Une nervure transversale, la costa separans de Fenger (5), la reunit & angle droit avec la n. mediane. Outre ces quatre nervures longitudinales, nous avons le systeme de la nervure cubitale, le plus important de tous. La n. cubitale (e. eubitalis, 7) part du milieu, environ, de la n. basale, envoie souvent, bientöt apres, une branche (8), ». recurrente (e. recurrens), qui va s’unir ä& la branche interne ou poste- rieure de Jan. mediane, puis, se dirigeant vers l’extremite de l’aile, elle se divise au second tiers de celle-ei, environ, en deux branches terminales, le rameau cubital externe (10) et l’interne (11). Une derniere nervure (9), la n. transverse (ec. transversa), part de la ner- vure scapulaire, la ou elle borde la tache marginale, et s’unit tantöt au tronc de lan. ceubitale, soit & la place oü il se divise, soit avant (Fig. 1), tantöt ä la branche eubitale externe (Fig. 3). Mais quelquefois elle traverse celle-ei et va se terminer seulement ä& la branche eubitale interne (Fig. 2). Une anomalie qui devient quelquefois la regle se rat- tache ä ce dernier cas; e’est quand l’origine du rameau cubital externe manque; alors la n. cubitale se termine simplement par le r. cubital interne, et le r. cubital externe se trouve &tre une nervure isolee, libre ä& ses deux bouts, et croisant ä angle droit la n. transverse (Myrmica). Les cellules sont des espaces de l’aile entierement enfermes par des nervures. Nous avons d’abord trois cellules constantes et par consequent sans valeur pour la classification: 1°) c. scapulaire (Fig. 1 et 2, S) entre les nervures marginale et scapulaire. — 2°) c. externo- moyenne (e) entre les nervures scapulaire, mediane et basale. — 3°) c. interno-moyenne (1) entre les nervures mediane, interne et separante. — Puis viennent les cellules variables: 1°) e. discoidale (d), comprise entre les nervures cubitale et basale, la branche interne de la n. mediane, et la n. reeurrente quand elle existe; si cette derniere nervure manque, il n’y a pas de cellule diseoidale (Fig. 3). — 2°) Entre les nervures scapulaire, basale, eubitale et transverse, se trouve une premiere cellule cubitale (Fig. 1, 2 et 3, C). — Quand la nervure transverse s’unit aux deux rameaux eubitaux, elle forme avec eux une seconde u N ni. © Re a ne cellule cubitle (Fig. 2, e‘). Dans le cas anormal indique ei-dessas, lorsque l’orieine du rameau eubital manque, on a une seule cellule eubitale & demi divisee. — 3°) Entre les nervures marginale, scapulaire, transverse et la branche eubitale externe se trouve la cellule radiale (r), vers l’extre- mite de l’aile. Elle est dite ouverte (manque) quand la branche eubitale externe n’atteint pas la nervure marginale, soit le bord’ de l’aile; elle est dite fermee dans le cas contraire (Fig. 1). Le bord interne de l’aile, au-delä dela nervure interne, est un pen releve en dessus, de sorte que cette nervure forme une aröte prominente sur la face inferieure de V’aile. Les ailes inferieures (Fig. 1, B) n’ont guere de valeur pour la classification, aussi dirons-nous simplement «zles, pour abreger, en parlant des ailes superieures. Elles sont plus courtes que ces dernieres. Elles ont trois nervures longitudinales eorrespondant aux trois dernieres des ailes superieures: n. scapulaire, n. mediane, et n. interne (2, 3‘, 4‘). La n. mödiane se divise, comme dans les ailes superieures, en n. basale (6°) qui va rejoindre la n. scapulaire, et en une branche interne terminale. De la n. basale, vers sa partie superieure, part une n. cubitale indivisee qui va finir vers le bout de l’aile. Cette n. eubitale part aussi quelquefois de la n. scapulaire, peu apres sa jonction avec la n. basale (Fig. 1, B; 7%). Lan. interne ne se divise pas, mais s'unit par une nn. söpa- rante (5‘) a lan. mediane ; elle s’arr&te quelquefois ä cette n. separante. La n. scapulaire deerit un are concave du cöte exterieur et va rejoindre le bord de l’aile & son milieu. Lä elle se termine, ou, si l’on prefere, elle continue extremement retrecie, en suivant le bord, du cöte du bout de l’aile. Quoi qu’il en soit, des cette place A son extremite, le bord de l’aile est garnı de poils raides, erochus au bout, servant ä accrocher l’aile inferieure A la face inferieure de la nervure interne de l’aile superieure (Fig. 1, B; pc). Le premier de ces poils est tres long; les suivants vont en diminuant de longueur jusqu’au bout de l’aile. On voit des variations dans ces nervures chez la m&me espece; il n’est pas rare de trouver des individus ayant une nervure cubitale divisee, une petite cellule cubitale, une n. transverse etc. Les pattes sont au nombre de trois paires analogues chez les 9, ? et d', et variant peu en general, sauf en longueur. On y distingue: 1°) La hanche (Fig. 29, h), piece ovale, plus ou moins allongee, tr&es epaisse et assez longue aux pattes anterieures. 2°) L’anneau femoral (Fig. 29, af), petite piece unique, tres courte, n’ayant presque pas de mouvement sur la euisse. 3°) La cwisse (Fig. 29, f), piece assez longue, le plus souvent aplatie dans un sens, plus ou moins fusiforme ou renflee vers le haut. 4°) La jambe ou tibia (Fig. 29, t), piece allongee qui va en s’epaississant vers son extremite inferieure, ou elle porte l’eperon (Fig. 11 et 29, e), petite piece qui s’articule & l’extremite du tibia a cöte du premier article du tarse. (et Eeperon est dirige en bas, et, dans les pattes anterieures, il est en forme de peigne arque dont la concavite qui regarde le premier article du tarse (Fig. 11, tars) est garnie de dents pointues, serrees, allant en se raccoureissant vers l’extremite. Aux pattes posterieures et medianes, il peut manquer completement ou n’etre qu’une Epine articulee, plus ou moins couverte de petits poils ou piquants; mais il peut aussi etre en 2 — 1 — peigne comme celui des pattes anterieures, auquel cas il est plus minee, plus long et plus droit. Comme celui des pattes anterieures ne varie jamais, nous n’appellerons eperon dans la systematique que celui des pattes posterieures et mediaues. 5°) Le tarse (Fig. 29, tars) est toujours de 5 articles dont le premier, tres long, souvent plus long que le tibia, est arque en haut dans les pattes anterieures; sa concavite, dirigee contre celle de l’eperon, mais situee un peu plus bas, est garnie de poils Epais et pointus (Fig. 11, tars). L’espace compris entre ces deux concavites sert aux fourmis & passer leurs antennes et leurs pattes qui sont ainsi nettoyees entre ce peigne et cette brosse. Ce fait est dejä decrit par Degeer et par Huber. Les tarses posterieurs et medians n’ont pas de concavite semblable. Les articles 2, 3 et 4 sont petits, surtout ce dernier; l’article 5°“ est plus grand que le 4°“, et muni de deux crochets termimaux. Entre ces deux crochets est un petit lobe cgrne n’atteignant ordinairement pas la moitie de la longueur des crochets. Les pattes anterieures sont les plus courtes, puis viennent les medianes; les poste- rieures sont les plus longues. Leur direction, leurs articulations sont comme chez les autres insectes; les anterieures sont dirigees en avant;, les posterieures et les medianes plutöt en arriere. L’articulation de la hanche au sternum, et celle du tarse au tibia cor- respondent ä des enarthroses limitees; l’artieulation tibio-femorale et celle entre la hanche et l’anneau femoral sont de veritables ginglymes. Abdomen. Il se compose de six segments chez les ?, 9 et soldats, de sept chez les d. Ües segments sont emboites les uns dans les autres de telle sorte que, ä partir du premier, celui qui est devant recouyre toujours une partie plus ou moins grande de celui qui le suit immediatement, ä moins que l’abdomen ne soit auormalement distendu. Le premier segment chez les Formicide (Fig. 16) et les deux premiers chez les Myrmicide (Fig. 28 et 29) sont mietamorphoses, c’est-A-dire retreeis sous la forme de un (p) ou de deux (p- 1, p. 2) ne@uds articules qui constituent le pedicule (petiolus). Les Poneride nous montrent de la maniere la plus claire la genese du pedicule. Chez eux le second segment est plus ou moins retreci a son bord posterieur, sans &tre atrophie comme chez les Myr- micide, aussi ne le considere-t-on pas comme faisant partie du pedieule. Le retreeissement n’a point lieu entre le second et le troisieme segment comme une observation superficielle semble le montrer, mais la partie anterieure du troisieme emboitee dans le second est etranglee par le bord posterieur de ce dernier qui se ressere. De la resulte que chez les Poneride, suivant les positions que prennent le second et le troisieme segment de l’abdomen l’un par rapport & l’autre, on voit apparaitre une portion de la partie anterieure retrecie du troisieme, soit sur le dos, soit sous le ventre, en forme de demi-lune; on dirait ä premiere vue un segment supplementaire. Ce fait expligue en meme temps comment se i ee forment les artieulations des neuds du pedieule: la partie anterieure tres retrecie du troisieme segment forme la tete, om plutöt le eylindre artieulaire de l’abdomen dans la cavite posterieure du second neud du pedicule des Myrmicide. Il en est de m&eme des rapports entre le premier et le second segment. Chez le d du genre Anergates (Fig. 29), et chez plusieurs formes de la sous-famille exotique des Dorylide , les neuds du pedieule redeviennent semblables a des segments abdominaux. On est done convenu d’appeler pedi- ceule le premier segment abdominal des Formieidae et des Poneridae, ainsi que les deux premiers segments des Myrmicide, reservant le nom d’abdomen aux autres segments non atrophies; nous appellerons done premier segment de labdomen le second segment reel des deux premieres sous-familles, et le troisieme segment reel des Myrmieidae. Cette deno- mination se justifie par le fait que le jabot et le gesier sont toujours situes dans la partie anterieure (premier segment) de l’abdomen proprement dit. qu’elle eorresponde au second ou au troisieme segment reel. Le pedieule est tres etroit. Chez les Formieidae et les Poneridae ou il ne se compose que d’un segment, il est eylindrique (Fig. 15 et 16, p), surmonte d’une piece nommee eeaille qui est constitudge par une partie de la lame dorsale du premier segment abdominal primitif. L’ecaille (Fig. 15 et 16, e) varie beaucoup ; elle est ordinairement large et com- primee d’avant en arriere, mais quelquefois aussi epaisse et arrondie. Elle est tantöt haute, tantöt basse; tantöt entiere, tantöt Echaneree & son bord superieur:; tantöt verticale, tantöt inclinee en avant (Fig. 15 et 16), quelquefois jusquw'au point de se souder presque entie- rement au corps du pedieule; ete. ete. Chez les Myrmicidae, les deux articles du pedieule sont en forme de n@uds, sans @caille; Mayr a cependant rendu attentif au fait que le premier noud est ordinairement surmonte d'un bourrelet transversal A sa partie posterieure, et que ce bourrelet eorrespond evidemment A l’eeaille. Le premier nceud est le plus souvent eylindrique et raminei en avant oü il se termine par une petite tete articulaire ouverte au milieu pour preter passage ä l’®sophage et ä la chaine nerveuse. I] porte presque toujours en dessous, devant, une dent plus ou moins marquee, dirigee en avant et en bas, qui heurte le metasternum lorsque le pedieule se recourbe trop en bas (Mayr). En arriere et en dessus le bourrelet preeite heurte le metanotum dans le mouvement de bas en haut et en avant (Mayr). Le second n&ud est plus court et plus large que le premier; il s’articule en avant avec le premier n@ud, et en arriere avec la tete articulaire largement ouverte du premier segment de T’abdomen. Celle-ei est situde A l’ordinaire A l’extremite anterieure de l’abdomen, mais chez le genre Oremastogaster elle se trouve sur le devant de la face superieure. Chez les fourmis a pedieule d’un seul article, le mouvement est moins etendu, surtout en haut et de cöte, car T’ecaille le gene: chezles Tiupinoma ot l’ecaille est presque nulle. il est cependant tres considerable, aussi lateralement. Les deux artieulations y sont ü peu pres egalement mobiles; celle entre le pedieule et l’abdomen parait pourtant l’tre un peu plus. Chez les Myrmicidae, par contre, le mouvement, trös etendu en tout sens, est surtout fourni par l’artieulation entre le premier n@ud et le = metathorax , tandis que l’artieulation petiolo-abdominale est a peine mobile et que celle qui se trouve entre les deux n@uds tient le milieu. Les genres Cremastogaster et Sole- nopsis, surtout le premier, peuvent relever leur abdomen jusque par dessus leur tete, gräce a une plus grande mobilite de toutes les artieulations, et de plus, chez les Oremastogaster, ä ce que le premier neud est aplati en dessus, et ne vient pas heurter le metanotum. L’abdomen proprement dit est spherique, ovale, allonge ou cordiforme. Il est parfois plus large que haut, d’autres fois plus haut que large. Chez quelques formes il est aplatı en dessus et bombe en dessous. Chez les Poneridae il est retreei apres le premier segment. Chez les d des Formicidae et des Poneridae, il se compose de 6 segments; chez les 2, 3 et soldats des Formicidae et des Poneridae, ainsi que chez les d des Myrmicidae, il se compose de 5 segments; enfin chez les ?, $ et soldats des Myrmicidae, il n’a que 4 segments. Chaque segment se compose d’une lame chitineuse dorsale (Fig. 15 et 16, 1, 2, 3, 4, 5) et d’une ventrale (Fig. 15 et 16, 1‘, 2‘, 3‘, 4‘, 5‘); les extremites laterales des dorsales recouvrent celles des ventrales quand l’abdomen n’est pas trop rempli; dans le m&me cas, chaque segment recouvre, nous l’avons vu, une plus ou moins grande partie de celui qui le suit en arriere (Fig. 16). Tous les segments (aussi bien leurs lames dor- sales que leurs lamies ventrales) sont pris dans une meme membrane blanchätre, trans- parente (Fig. 15 et 28, m). Ils vont en diminuant de dimension du premier jusqu’au dernier. La lame ventrale du dernier segment (Fig. 15 et 29, 5‘) s’appelle huypopygium ou plaque ventrale, et forme ordinairement un demi-cerele ä convexite posterieure; mais chez les d des genres Tupinoma et Bothriomyrmex elle est profondement echancree au milieu. La lame dorsale de ce dernier segment se nomme pygidium (Fig. 15, 16 et 29: 5; Fig. 28: 4). Chez la plupart des Formicidae 2 et $, le pygidium et I’hypopygium forment ensemble l’extremite posterieure conique de l’abdomen; ce dernier, regarde de dessus, laisse voir ses cing segments (Fig. 16). L’anus (ou plutöt l’ouverture du celoaque) est petit, cireulaire et bord& d’une rangee de poils ou eils larges, aplatis et pointus au bout. Il est apical, c’est-a-dire situe tout ä l’extremite de l’abdomen (Fig. 16, a). Par contre chez les 9 et 9 des genres Aypoclinea , Tapinoma et Bothriomyrmex (Fig. 15), l’abdomen regarde de dessus ne laisse voir que quatre segments; le bord posterieur de la lame dor- sale du quatrieme segment forme ä lui seul l’extremite posterieure de l’abdomen qui a lair tronque. Le dernier segment est cache en entier sous le quatrieme ; il est petit, en forme de calotte. Le pygidium est dirige obliguement d’arriere en avant et en bas, ou tout au moins verticalement de haut en bas. L’anus est grand, en forme de fente trans- versale beante, et n’est pas borde de poils. Il n’est point ä l’extremite de l’abdomen, mais plus en avant et en dessous (Fig. 15). Les d de ces trois genres rentrent dans la regle generale ; leur pygidium est visible de dessus, leurs valvules genitales forment l’extremite posterieure de l’abdomen. Öe caractere decouvert par Mayr il y a peu de temps ( Bern- stein Ameisen)”est de la plus haute importance. Il permet de diviser les Formicidae en deux groupes naturels. Ces deux groupes sont d’autant plus heureux qu'ils se distinguent er encore par la conformation de leur vessie a venin. Cependant Mayr a decouvert tout recemment un genre nouveau, Technomyrmex (Formiceidee Borneenses), qui forme un inter- mediaire entre ces deux groupes; l’anus est en fente transversale, non cilie, mais il est apical. Chez les Poneridae et les Myrmicidae, ’anus est toujours apical, mais il varie de forme. L’abdomen est capable de se distendre enormement, soit par ’hypertrophie des ovaires, soit par la dilatation du jabot; il prend souvent un volume sextuple de l’ordi- naire; la membrane qui relie les segments et leurs lames se voit alors partout, blanche et gonflee. Les 9 fecondes d’Anergates atratulus presentent ce phenomene A un degre exceptionnel (Fig. 28). Les organes genitaux externes d sortent en dessous de l’extremite de l’abdomen. Leur taille varie beaucoup suivant les genres. On y distingue: 1°) Les Penicilli, petits filets uniartieulaires, se detachant d’une petite lame carree situee sous le pygidium; ils sont diriges en arriere. 2°) Les £cailles, lames plus ou moins semicireulaires, convexes en dehors, concaves en dedans, protegeant de chaque cöte les pieces suivantes (Fig. 4 et Fig. 29, ee). 3°) Les valvules genitales exterieures Emergent en dessous des &cailles auxquelles elles sont soudees; elles sont triangulaires ou en forme de couteau, d’epine ete. 4°) Les valvules genitales moyennes (Fig. 5), chitineuses comme les precedentes, varient aussi de forme. 5°) Les valnules genitales interieures (Fig. 6; Fig. 29, vi) sont moins chitineuses ; elles forment ä elles deux une gaine pour le penis (Mayr). Ces valvules interieures sont garnies a leur bord interne et inferieur d’une rangee de dents tres obliques dirigees en dedans. Chez les $ et © des Myrmicidae et des Poneridae, il y a un aiguillon vetractile, de taille tres variable et point proportionnee A celle du corps. Il est legerement arque, avec sa concavite en haut, et n’est point dentele sur les cötes comme celui des abeilles et des guepes. Les details de l’aiguillon appartiennent ä l’anatomie. A l’etat de repos, sa direc- tion est en arriere et plus ou moins en haut; il se montre souvent en partie hors de l’abdomen quand celui-ci est rempli. Mais quand la fourmi veut piquer, il sort en deeri- vant une courbe, et sa pointe finit par &tre dirigee en bas. Seul le genre Cremastogaster pique en haut. Remarques. Nous classerons les fourmis suisses d’apres les variations que presente le squelette ehitineux que nous venons de decrire. Il est bon de ne jamais oublier ieci ce fait fonda- mental, savoir que la valeur zoologigue d’un caractere ne git absolument pas dans ce que sa grandeur ou son apparence peut avoir de frappant, ni m&me dans l’importance de la fonetion qui lui correspond, mais uniquement dans sa constance. Ainsi la petite echanerure du devant du chaperon chez la F\. sangwinen a A cause de sa constance une valeur beau- eoup plus grande que la forte echancrure de l’ecaille chez les Lasius ineisus, affınis, ete., laquelle est sujette ä varier suivant les individus, et se retrouve ä divers degres }chez me AN plusieurs formes voisines (mbratus, mixtus). Mayr a montre que la pubeseence (poils fins et couches), la pilosite (poils herisses) du corps, et surtout la forme et la grandeur relative des parties de la tete, ont une valeur inestimable pour la classifieation des four- mis a cause de leur constance. Je crois cependant qu’on ne doit pas l’exagerer, et que l’on doit se servir de tous les caracteres possibles, aussi des caraeteres anatomiques, des odeurs speeifiques (comme le fait Nylander), des m@urs möme, quand elles offrent des differences constantes. La taille de l’aiguillon ne doit pas &tre negligee. I ne faut pas non plus se dissimuler les transitions, la oü elles existent. Dans ses derniers ouvrages Mayr a &t& de plus en plus amene ä& reeonnaitre la frequence et l’im- portance de ces formes intermediaires (Ameisen des baltischen Bernsteins, p. 21, 45, 49, 54; Neue Formiciden pag. 12). Tl en a trouve tout un dedale pour les genres Lasius et Formica, dans les fourmis de l’ambre, et dans les especes actuelles de l’Amerique du nord. On deeouvre soit dans l’ambre, soit dans les pays &trangers, des intermediaires entre des formes actuellement assez distinetes en Europe. Or, chez les fourmis, ces transitions revetent un caraetere assez partieulier ä cause du fait des fourmilieres. Nous remarquons d’abord dans une möme fourmiliöre (non mixte) que les ouvrieres varient souvent &nor- mement de eouleur, de taille; et möme de forme, tellement que les extrömes paraissent presque des genres differents. Or, chez certaines especes, il y a deux sortes d’ouvrieres distinetes: le soldat, et l’ouvriere proprement dite qui varie alors peu. Les &tudes com- paratives entre ces especes ä soldats et celles A onyrieres variant enormement de taille et de forme montrent une analogie des plus frappantes entre le soldat et les grosses ouvrieres d’une part, les ouvriöres de l’espece ä soldats et les petites ouvrieres de l’autre espece de l'autre part. De plus chez ces espöces a ouvrieres tres variables, les transitions entre les petites et les grosses ouvrieres existent toutes, il est vrai, mais sont plus rares dans une me&me fourmiliere que les extremes. Tous ces faits sont fort eonnus et developpes dans tous les ouvrages. Mais d’un autre cöte il y a des especes qui n’ont qu’une sorte d’ouv- rieres variant trös peu, et, entre ces especes et celles ä ouvrieres tr&s variables, nous trou- vons de nouveau toute une serie de transitions inpereeptibles qui rendent absurde tout systeme de classification base lä-dessus. Il n’y a que peu d’especes oü l’on ne puisse pas du tout distinguer entre petites et grosses ouvrieres. Or dans chaque fourmiliere d’une espece a ouvrieres variables, on trouve (sauf quelques rares exceptions) toutes ces formes et grandeurs de l’ouvriöre. Les mäles et les femelles ne presentent rien de semblable, sauf les intermediaires entre la femelle et l’ouvriere, qui sont assez rares. Remarquons ensuite que les formes ou especes differentes ne sont souvent pas distinetes chez les trois sexes, ni meme chez toutes les formes de l’ouvriere*‘). Ainsi les grosses ouyrieres des F. trum- *) Je dois noter ici un fait eurieux, c'est la non-identit@ des caracteres zoologiques chez les divers sexes des fourmis. Chez aucun autre insecte, a ce que je erois, on n’observe ce fait a un pareil cicola et pratensis sont seules distinetes. Ainsi encore, comme Mayr le fait dejä remar- quer, les mäles des differentes especes d’un meme genre sont dans la regle tellement semblables qu'il n’est souvent pas possible de les distinguer lorsqu’on les prend isol&ment, hors du nid. Une fois que toutes les difficultes provenant des faits que je viens d’enu- merer sont eliminees, il reste un fait tres important et sur lequel aucun auteur, ä ma eonnaissance, n’a insiste. Üest que les formes transitoires entre les especes ou formes rap- prochees se trouvent dans la regle en fourmileres distinctes. On aura ainsi une fourmiliere entiere de Lasius nigro-emarginatus””), une autre de Formica truneicolo-pratensis ete. } \ ’ } degre. Le g et la 9 d’une meme espece paraissent &tre le plus souvent deux insectes de familles differentes; les d de deux especes voisines et meme de deux genres voisins se distinguent presque tou- jours par de tout autres caracteres que les 9 de ces deux memes especes ou de ces deux m&mes genres. Les @ tiennent plus ou moins le milieu entre les $ et les g', mais se rapprochent surtout des pre- mieres. Ces faits justifient pleinement la methode employde par Mayr qui consiste a analyser ensemble dans chaque division systematique d’abord les 9% de chaque subdivision, puis les 9, puis les S, puis les soldats s'il y en a. Nous suivrons cette methode qui permet seule de penetrer a la fois simplement et naturellement l’organisation des fourmis. Je renvoie le lecteur non eonvainen a un examen attentif des fourmis suisses au moyen des tableaux qui vont suivre. Il ne faut pas, dans l’&tude de la nature, vouloir meler ce qui est different et separer ce quı est semblable pour subordonner tout a une seule idee, telle que celle de l’unite de l’espece. Je ne puis m’empecher de eiter ici quelques exemples: Le nombre et la forme des artieles des antennes sont le plus souvent constants dans un möme genre, chez le m&me sexe. Mais il n’y a aucun rapport constant entre les sexes a cet egard, comme on pourrait le eroire a priori; c'est Mayr qui a rendu attentif a ce fait (Bernstein-Ameisen). Chez le genre Tetramorium, la 2 et la 59 ont 12 articles, le d 10; chez le genre Stenamma, la 2 et la 3 ont 11 art., le 8 13; chez le genre Cremastogaster, la 2 et la 3 ont 11 art., le g 12; chez le genre exo- tique Myrmicaria, la 3 a 7 articles, le & 13; chez le genre Solenopsis, la 5 a 10 art., la @ 11 et le d 12; chez le genre Anergates, la 2 a 11 art. et le S aussi, ete. Dans le genre Solenopsis, les 2 et les 3 se distinguent par les deux derniers artieles de leurs antennes qui sont tres longs et forment une massue; chez le g, rien de semblable, mais par contre le premier article du fouet de l’antenne est tres epais et globuleux. Tandis que les F du genre Oremastogaster sont extremement semblables & ceux du genre Solenopsis, les 9 de ces deux genres sont entierement differentes. On retrouve chez les d‘ des genres Tetramorium et Strongylognathus, ainsi que chez celui du Leptothoraw acervorum, un second artiele du fouet de l’antenne extremement long. Aucun caractere analogue ne se retrouve chez les 3 correspondantes. Le genre Lasius se rapproche du genre Camponotus par ses d, du genre Formica par ses $ et ses @. Les 3 du genre Temnothoraw vessemblent a s’y meprendre a celles du genre Pheidole, tandis que ses @ entierement differentes de celles de ce genre sont presque identiques a celles du genre Leptothorax ete., etc. Bref, on peut affirmer hardiment que les differences zoologiques des divers sexes d'une m&me espece sont ordinairement plus profondes chez les fourmis que les differences des diverses especes et möme que celles des divers genres du meme sexe. **) Pour abreger la denomination des formes intermediaires, nous reunirons simplement par un trait d’union les noms des deux formes typiques auxquelles elles se rattachent, suivant en cela l’exemple de M. D. Rapin dans son « Guide du botaniste dans le eanton de Vaud ». FE J’espere pouvoir expliquer ce fait d’une maniere plausible lorsque je parlerai de l’accou- plement et de l’origine des fourmilieres. Cette regle, il est vrai, n’est pas absolue, et il arrive de trouver dans une m&me fourmiliere des individus typiques et d’autres passant nettement ä une forme voisine; cela se voit quelquefois entre les F. cinerea et rufibarbis par exemple. Je l’ai vu une oa deux fois entre les F. rufa et pratensis *). Je erois pou- voir affirmer cependant que cela est rare. Mais une fourmiliere d’intermediaires, de F. truneieolo-pratensis si l’on veut, ne tient pas toujours exactement le milieu entre les deux formes; la balance penche souvent un peu plus pour l’une ou pour l’autre; on aura une fourmiliere de F. trumeicola pratensoides (soit de F. truncicola ayant quelques legers caracteres de F. pratensis), et une autre de F\ pratensis truneicoloides. Si nous conside- rons ce que les auteurs nomment viırzötös, nous trouvons des faits analogues, c’est-A-dire qu'elles sont propres a certaines fourmilieres; Schenk &met dejä cette opinion ä& propos du T. cespitum (Nass. Am. 1852). Mais ici le phenomene est moins margque et passe aux varietes regulieres des ouvrieres dans une m&me fourmiliere. Deux exemples me feront comprendre: Le (. lateralis, noir & l’ordinaire, a une forme des $ et ? ä töte et thorax rouges; on est convenu d’en faire une variete, vu les nombreuses transitions. Mais la regle est que dans une m&öme fourmiliere tous les individus sont noirs, tandis que dans une autre tous ont plus ou moins de rouge ä la tete et au thorax; dans certaines four- milieres les $ n’ont que tres peu de rouge et les ® n’en ont point; c'est la transition. **) C'est du moins ce que j’ai toujours observe en Suisse et dans le midi de la France. Ailleurs on trouve parait-il plus souvent des 9 noires et rouges dans la m&me four- miliere (Mayr). Chez la F. rufibarbis, par contre, les choses se passent un peu autrement. Dans toutes les fourmilieres les gros individus ont le thorax et une partie de la tete tres rouges, tandis que les petits individus les ont presque d’un noir brun. Mais d’un autre cöte on trouve des nids oü les individus sont tous plus fonees, noirätres, et d’au- *) Je commvniquai un jour a un myrmecologiste emerite deux % rufo-pratensis prises dans la möme fourmiliere et piquees a la m&me epingle; il me soutint que l’une etait une F. rufa et l’autre une F. pratensis; je erois A peine ötre arrive a le convainere du fait. **) L'excellent myrmeeologiste Roger (Ameisenfauna der Mittelmeerländer p. 228, 1. 2), discutant la question de savoir s'il fallait reunir le Camp. pallens Nyl. a l’ethiops ou au sylvatieus, declare que cette question ne pourra &tre r&solue que lorsqu’on aura trouve A plusieurs reprises des formes elaires et des formes foneees dans la möme fourmiliere. Or il tombe preeisement la dans l’erreur que je vou- drais relever. Ce qui m’a prouve le passage du (. «thiops au C. sylvaticus n'est point que j'aie trouve des $ noires et des % claires dans une möme fourmiliere, mais le fait que j’ai observe dans la möme localit& une multitude de fourmilieres dont les unes avaient positivement les caracteres du C. @thiops et les autres ceux du (©. sylvaticus, tandis qu’un grand nombre d’entre elles formaient une serie de transitions insensibles entre ces deux extr&mes. Ce fait ne m’engage du reste nullement a r&unir ces deux formes pour en faire de simples synonymes, mais il m’oblige & ne point les deerire comme deux especes actuellement distinctes. , tres oü tous sont remarquablement rouges; dans les deux cas les gros individus sont tou- jours plus rouges et les petits plus noirs. Ceei n’est qu’'un caraetere, la couleur; il en est de möme pour les poils ete. De nombreuses observations et comparaisons m’ont confirme tous ces faits qui decoulent dejk en grande partie des travaux de Mayr, Roger ete. Or il n’en est pas de möme chez les plantes et les insectes solitaires, oü les formes transi- toires se trouvent il est vrai souvent dans des localites particeulieres, mais jamais par- qudes dans un tout aussi distinet qu’une fourmiliere. La fourmilire donne done en general une apparence de constance, de fixitE aux varietes; la cause en est, je erois (je tächerai de le montrer plus bas), dans le fait qu’une meme fourmiliere s’entretient toujours par des femelles öcloses duns son sein et f6condees par des mäles de m&me origine, de sorte qu’en dernier ressort toute la population d’une fourmiliere descend probablement d’une seule femelle. Les femelles qui s’eloignent et s’accouplent avec des mäles d’autres fourmilieres ne rentrent pas dans leur fourmiliere natale (Huber). On peut resumer les deux ordres de transitons dont nous avons parle, dans le tableau ideal suivant, en pre- nant pour exemple les Formica rufa et pratensis: Fourmiliere Fourmiliere Fourmiliere Fourmiliere Fourmiliere I II III IV N Vv F. rufa F, rufa pratensoides F. rufo-pratensis F. pratensis rufoides F. pratensis ? mediaires entre Petites {0} Moyen. e) Grandes 5 Yet Q (2) Inter- Lögöros variations de couleur etc. dans Ta möme fonrniliere, On peut appeler si l’on veut les intermediaires d’en haut zoologiques et les interme- diaires lateraux embryologiques. Mais les faits dont je viens de parler ä propos des varietes admises, en eitant le (©. Iateralis et surtout la F. rufibarbis, forment ä leur tour une transition entre ces deux sortes d’intermediair.s. Le tout est de se sortir de ces embarras 3 se pour la classifieation, sans fausser les faits. En donnant le nom d’espöce, comme le font la plupart des auteurs actuels, ä toutes les formes un peu bien determinees, et constantes dans la m&me fourmiliere, lors m&me qu’on trouve entre elles toutes les transitions pos- sibles formant des fourmilieres ä part, on fausse la notion de l’espece, möme en se pla- cant entierement au point de vue de Darwin. En les relegant au nombre des varietes, on ne les estime pas ä leur juste valeur, et on les met sur le m&me pied que de petites differences qui se trouvent dans la m&me fourmiliere, parmi les enfants d’une m&me m£re. En langage darwiniste, ce sont des varietes deja fixees par l’heredite, mais permettant encore des hybrides indefiniment feconds (les fourmilieres intermediaires ont exige du temps pour devenir considerables, et j’en’ai observ@ pendant deux, trois ans et plus). Or c'est ee qu’on entend ordinairement par une race et ce qu’on a aussi appel& parfois sous- espece. Je sais bien qu’on n’aime pas employer le mot rıce en parlant d’animaux qui ne sont pas des animaux domestiques, et quil n’est pas facile de suivre la genealogie des animaux sauvages. Comme chez les fourmis nous avons la notion de la fowrmiliere *) qui vient ä notre aide, je hasarderai cependant cette innovation, tout en reclamant l’indul- gence du lecteur pour les imperfeetions et les erreurs qui se glissent si facilement dans un essai aussi delieat. J’entendrai done par races des formes constantes en tant que tous les individus d’une m&me fourmiliere d’une certaine race presentent les m&mes caracteres, mais ineonstantes en tant qu’on trouve des fourmilieres dont tous les individus presentent un ensemble de caracteres intermediaires entre ceux de cette race et ceux d’une ou de plusieurs autres. Ces races garderont leur nom special. Je conserverai le nom d’especes aux formes bien tranchees, ne montrant pas d’intermediaires entre elles. Quand une espece se composera de plusieurs races, je donnerai ä l’espece le nom de la forme la plus anciennement decrite, tout en deerivant en m&me temps sous ce nom cette race en par- tieulier, et en conservant aux autres les noms specifigues qui leur ont ete donnes. Le changement se trouve done reduit ä fort peu de chose, et je erois rendre mieux compte ainsi de la realite des faits. Il est du reste &eyident que je ne donne point tout cela comme quelque chose d’absolu ; il y a des transitions entre la race et l’espece, entre la variete et la race; la race est une espece en formation. De plus mes observations sont insuffisantes sur beaucoup de formes rares ou a nids caches, entre lesquelles je n’ai pu encore trouver de fourmilieres intermediaires, quoique je sois persuade de leur existence vu le manque de caracteres distinetifs suffisants et vu le fait que j’ai pris des individus intermediaires isoles. Je dois, pour &tre logique, les rabaisser aussi au rang de races. L’etablissement de races est de plus justifi&e par l’enorme multipliecation des genres faite par Mayr, avec raison du reste. Un fait tr&s interessant, venant encore aA T’appui de ma *) Il ne faut pas confondre fourmiliere avee nid, habitants avec demeure; je renvoie ü la preface pour cette distinction. Fe 1 10, gen these, est l’opinion de Mayr sur le Zasius Schiefferdeckeri Mayr, fourmi fossile de l’am- bre de la mer Baltique, dont ıl a pu examiner 174 exemplaires (de l’ouvriere). Ces exemplaires varient beaucoup et montrent toutes les transitions possibles avec les formes actuelles suivantes: ZL. niger, L. emarginatus, L. alienus, L. brunneus (que j'avais reunies dans mes notes comme races avant d’avoir lu l’ouvrage ou Mayr deerit cette espece: Die Ameisen des Balt. Bernsteins). Mayr avoue qu'il a cherch& plusieurs fois ä en faire des especes differentes, mais que les intermediaires prevalaient tellement qu'il a dü y renoncer. N finit par &mettre Videe que cela pourrait bien &tre l’espece möre des quatre formes actuelles ci-dessus. Je crois ne pouvoir mieux faire que de suivre dans la classification des fourmis suisses le plan analytique de Mayr dans ses Kuropwischen Formiciden, plan qui est ä mon avis un modele de clarte. Dans chaque division, d&s les sous-familles, nous analyserons d’abord les ouvrieres des diverses subdivisions ensemble, puis les femelles ensemble, puis les mäles ensemble. Cela simplifie beaucoup. Je supprimerai entirement la distinetion de certains caracteres qui n’ont de valeur que pour des formes exotiques ou du midi de l’Europe, afin de ne pas compliquer inutilement; je renvoie les personnes qui desireraient les connaitre ä l’ouvrage de Mayr intitule: Zeise der öst. Freg. Novarı um die Erde. Zoolog. Theil. Formicide. Wien 1865, et a ses Neue Formiciden. 1870. Je m’etendrai un peu plus sur un genre, deux especes et un d nouveaux. Pour abreger, je ne repeterai rien de la caracteristique des genres dans le tableau des especes et des races. CHAPITRE Il. CLASSIFICATION DES FOURMIS SUISSES Famille FORWICARTR. Determination des sous-familles. Hymenopteres vivant en societes organisdes. L’espece est constituge par deux ä& quatre sortes d’individus ou sexes: le mäle (J), la femelle (2), l’ouvriere (3), le soldat. Ces deux derniers peuvent faire defaut. Antennes de 5*) ä 13 articles, coudees entre le pre- *) Cette limite inferieure n'est atteinte que par des genres exotiques (Orectognathus). “ = on mier, qu’on nomme plus speeialement « le scape », et le second. Abdomen de 7 segments chez les £,-de 6 chez les autres sexes; son premier ou ses deux premiers segments rgtreeis forment un pedieule. Anneau femoral simple. Un €peron pectine au bas des tibias anterieurs. Ailes non plissees dans le repos, n’ayant qu’une ou deux cellules eubitales, et une seule discoidale ou point du tout. Langue courte, voütee, en cuiller renversee. Les mäles sont caracterises par leurs organes genitaux, leur manque d’appareil vene- nifiqgue, et parce qu’ils ont un segment abdominal de plus que les autres sexes. Leur tete petite, leurs yeux et leurs ocelles pro@minents et ne faisant jamais defaut, leur thorax A pieces adventives pour les ailes, leurs ailes solidement artieulees les distinguent d’ail- leurs ordinairement ä premiere vue. Ils ressemblent plus que les 2 et les 3 ä& d’autres hymenopteres. Leur taille est le plus souvent intermediaire entre celle des ® et celle des 9%. Chez un seul genre les ailes manquent. Les ouvrieres sont caracterisees par leur manque d’ailes, par leur thorax etroit, n’ayant qu’un mesonotum simple, sans @ecusson, ni proseutellum, ni postscutellum, ni ar- tieulations alaires. Leur pronotum pro@minent forme la partie anterieure du dos du thorax, Leurs yeux sont aplatis et leurs ocelles petits ou nuls. Leur tete, beaueoup plus forte que celle des , est plus allongee, munie de plus robustes mandibules, en general d’organes plus massifs. Leurs organes genitaux sont identiques A ceux des ?, mais beaucoup plus petits. Elles ont toujours un appareil venenifique. Leur abdomen a. un article de moins que celui des d. Les femelles ressemblent tout-a-fait aux J par la eonformation de leur thorax et par leurs ailes; toutefois ces derrieres sont faiblement articulees. Elles ont par contre la tete et V’abdomen eomme les 9, quoique, proportion gardee, la premiere soit plus petite et le second plus gros. Leurs yeux sont intermediaires entre ceux des d et ceux des 3, ainsi que leurs ocelles qui ne manquent jamais. Elles ont toujours un appareil venenifique. Leur taille est presque toujours superieure ä celle des trois autres sexes. Les soldts n’existent que chez deux genres suisses. Ils ne se distinguent des 3 que par leur taille plus forte, la structure partieuliere de leur tete, et quelques autres carac- töres de detail. Ils ont parfois la tete de la ? en grandeur absolue ou exageree et le corps de la 9 (Colobopsis). Certains earaetöres specifigues se retrouvent identiques chez les quatre sexes; tels sont ceux du gesier dans tous les cas ou j’ai pu l’examiner, et, le plus souvent, ceux des palpes et du pedieule; mais e’est le plus petit nombre. D’autres sont identiques chez deux ou trois sexes de la m&me forme; ce cas est plus frequent. Ainsi avant tout, les ailes des ? et des d de la m&me forme sont toujours identiques, de me&me que l’appareil venenifique des ?, % et soldats de la meme forme. Les parties de la tete et de l’abdomen sont ordinairement semblables chez les 3, les 2 et les soldats, mais avec des differences. Les intermediaires entre les 2 et les $, les hermaphrodites, les monstres seront traites ä part dans les notices anatomiques. Ant Bro 1" souS-FAMILLE FORMICIDA. Pas d’aiguillon. Un seul article au pedieule. Pas de retreeissement apres le premier segment de l’abdomen proprement dit. Nymphes tantöt contenues dans un cocon, tantöt nues. 2”° SOUS-FAMILLE PONERIDE. *) Un aiguillon, sauf chez les S. Un seul article au pedieule. Abdomen retreci apres le premier segment. Nymphes contenues dans un cocon (d’apres Mayr). “) Mayr, se basant sur l’ensemble des fourmis du monde entier actuellement connues, a institug deux nouvelles sous-familles, e’est-a-dire qu’il a conserve les Myrmicide et les Formicid@ tels quels, tandis qu'il a divise les Poneride en trois: Poneride (sens. striet.), Odontomachide, Dorylide. Nous n’avons en Suisse aucun representant de ces deux derniers groupes. La sous-famille des Dorylide a ete fondee depuis qu’on a reconnu que les genres T’yphlopone et Anomma sont tres probablement les $ des genres Labidus et Dorylus. Je ne suis point en etat de eritiquer cette division avec comnaissance de cause suffisante; je ferai seulement observer que de ces eing sous-familles la mieux caracterisee est celle des Formieide; ses meurs, son habitus, son manque d'aiguillon, les rapports de son pedicule avec son abdomen forment un ensemble de traits distinetifs tres constants. Les Dorylide qui seuls se rap- procheraient d’eux par leur manque d'aigwllon sont tout-A-fait differents par leurs autres caracteres. Par contre on trouve des genres plus ou moins intermediaires entre les quatre dernieres sous-familles, ce qui rend leur distincetion moins faeile. On ne sait en effet comment fixer le point oü l’etranglement qui suit le premier segment de l’abdomen proprement dit des Ponerid@ est assez fort et combine avec une atrophie suffisante de ce premier segment pour que celui-ci puisse &tre appele second n&ud du pedieule. Ainsi le genre australien Myrmecia est evidemment un intermediaire entre les Myrmicide@ et les Ponerid@; dans ses « Ameisen der Novara-Reise », Mayr le rattache aux premiers, tandis que dans ses « Neue Formiciden », il revient a l’opinion de Roger et le rattache aux Poneride « parce que d’apres Lowne sa nymphe est entourde d'un cocon ». Mais on sait que chez les Formicide la m&me espece a parfois des nymphes entourdes d’un cocon, et parfois des nymphes nues; de plus on connait si peu les nymphes des Ponerid@ qu'il est bien hasarde de faire de leur cocon, constate seulement chez quelques especes, un caractere absolu de sous-famille. Le second na@ud du pedicule des genres Cardiocondyla, Emery et Anergates (Fig. 29), qui rentrent du reste tous deux dans les Myrmicide, est plus developpe, plus semblable a un segment abdominal que celui du genre Myrmecia. De plus l’atrophie de l’aiguillon chez la 9 de l’Anergates rapproche ce genre des Dorylide. Les genres de Myrmieide, Eeiton et Typh- latta se rapprochent singulierement des genres de Dorylide, Typhlopone et Anomma, comme Mayr le dit lui-meme. Le genre Leptanilla fond& sur une espece decouverte depuis peu en Italie par M. Emery se rattache d’apres lui aux Dorylide. Mais il a un pedieule nettement biartieule, ce qui devrait le faire rentrer dans les Myrmieide. Enfin les Odontomachid@ ne se distinguent des Ponerid@ que par l’insertion de leurs mandibules qui se touchent a la base et sont paralleles. Mais plusieurs genres des Poneride (Myrmeeia et Drepanognathus p. ex.) tendent deja a une pareille conformation. Chez les fourmis suisses, les seules dont nous ayons A nous oecuper iei, les trois sous-familles Formicide, Poneride et Myrmi- cid@ sont bien distinctes. ® 3”° SOUS-FAMILLE MYRMICIDA. Un aiguillon, sauf chez les d. Deux articles au pedieule. Nymphes toujours nues. NB. Nous analyserons dans un premier tableau les caracteres des genres de ces trois sous-familles, et dans un second tableau ceux des especes et des races. Dans ce second tableau, nous donnerons en tete de chaque genre un court apercu des rapports des sexes, et des traits de maurs distinetifs, PREMIER TABLEAU. DETERMINATION DES GENRES 1” SOUS-FAMILLE FORMICIDE. Ouvrieres. =-me a. L’abdomen, regarde d’en haut, laisse vor ses cing segments dont le 5"* est comique et terminal; Vanus est petit, circulaire, apical, et son bord est cilie (Fig. 16). Eperons simples. Vessie & venin a coussinet (Fig. 17). Nymphes presque towjours entowröes d’un cocon. Boule du gesier spherique, ou peu s’en faut. Le chaperon ne se prolonge pas entre les aretes frontales au delä de leur origine. 1. Fosse antennale et fosse elypeale distinetes, eloignees l’une de l’autre. Les antennes s’artieulent loin du chaperon, vers le milieu du bord externe des aretes frontales. Antennes de 12 articles. Pas d’ocelles. Palpes max. de 6, lab. de 4 arties . 2 Fosse antennale et fosse celypeale reunies en une seule. Les antennes s’artieulent vers le bord externe du chaperon, pres de l’extremite anterieure (inferieure) des aretes frontales (aux angles posterieurs du chaperon) (Fig. 7). . . 2 2..2.2...8 2. Chaperon trapeziforme, ä bords lateraux divergeant en avant. Thorax comprime late- ralement en arriere. Ecaille ovale, verticale, legerement bombee sur ses faces ante- rieure et posterieure. Nymphes toujours entourees d’un cocon. Sepales du gesier en ealice allonge et etroit (Fig. 30). . . . 2 .....2.. 1. G. Camponotus. Mayr Bords lateraux du chaperon paralleles, ne divergeant un peu que vers les coins ante- rieurs. Chaperon tres convexe. Mandibules courtes, &paisses, dentees. Tete obtuse anterieurement. Ecaille ä face anterieure bombee et posterieure plane; elle est carree, epaisse, un peu &chaneree en haut. Nymphes nues. Gesier comme dans le genre precedent "0. GOLDENER PC u eV GO 3. Antennes de 11 artieles. Palp. max. de 6, lab. de 4 articles. Pas d’ocelles. Dos du thorax presque continu. Ecaille entiere, mince, arrondie, assez fortement inclinde en avant. Premier segment de l’abdomen un peu prolonge en dessus et en avant. Boule du gesier legerement ovale; sepales se dirigeant d’abord droit en avant pour se reflechir ensuite brusquement en parasol; dans la partie reflechie, la membrane qui relie les sepales entre elles est chitinisee (Fig. 21) . 3 G. Plagiolepis. Mayr. Antennes de 12 artieles. Dos du thorax interrompu entre le mesonotum et le meta- notum. Sepales du gesier formant un calice plus ou moins court (Fig. 19) . . 4 4. Mandibules (Fig. 36, m 0) etroites, cylindriques, arquees, poimtues au bout, sans bord terminal (ce caractere distingue ce genre de tous les autres Formicide). Ocelles gros, distinets. Palpes max. de 4, lab. de 2 artieles. Bord anterieur du chaperon droit, ne depassant pas l’origine du labre. Aire frontale triangulaire, nette. Metanotum eleve en hosse. Ecaille 6paisse, haute, ovale, vertiale . . 6 G. Polyergus. Latr. Maudibules larges, ä bord terminal dente, comme chez les autres genres (Fig. 8). Me- tanotum bossu, mais pas plus eleve que le reste du thorax. Palpes lah. de 4 art. La partie anterieure du chaperon est avancde au milieu et depasse l’origine du labre en avant-toit . . . . en = DB 5. Aire frontale triangulaire, tres ade See aussi Es stets ainsi que Je sillon frontal. Palpes max. de 6, parfois de 5 articles. Articles du fouet de l’antenne allant en diminuant de longueur et d’epaisseur du 1” au 10”; le 11”° (12”° de antenne) est de nouveau un peu plus long. Eeaille verticale. Calice du gesier beau- coup plus grand que la boule. . . . a 5 Kormicasgliinne. Aire frontale indistincte arrondie rent: sa largeur est presque double de sa longueur. Ocelles et sillon frontal indistinets ou manquant completement. Palpes max. de 6 articles. Articles 2 & 5 du fouet des antennes plus courts et plus minces que les suivants. Ecaille verticale ou legerement inclinee en avant. Thorax court, etroit. Jambes plus courtes, corps plus mou et plus bas que dans le genre Formica. Calice du gesier moins grand relativement ä la boule que dans le genre Formica, Parfoısapluss petit quelle SAGE Basiuss Babr. ß. L’abdomen, regarde d’en haut, ne laisse voir que ses 4 premiers segments; le 5” segment est court, dirige en bas, et entierement cache sous le £"*. Le pygidium est vertical, on dirige obliquement d’arriere en avant. L’anug est grand, infere, en fente transversale; ses bords ne sont pas cilies (Fig. 15). Vessie ü venin a bourrelet, sans coussinet (Fig. 18). Nymphes toujours nues. G£sier cowrt et Epais, de forme variable. Le chaperon se prolonge tantöt plus, tuntöt moins, en arriere, entre les wretes frontales, am delä de lewr origine. Pus d’ocelles. Antennes de 12 articles. Eperons (de toutes les jambes) pectines. 1. Palpes maxill. de 4, lab. de 3 artieles. Le chaperon, nettement delimite, non &chan- ere & son bord anterieur, ne se prolonge qu’un peu entre les aretes frontales; il a 24 un bord posterieur transversal, court et un peu arrondi. Les eötes de la partie anterieure du chaperon sont comprimes d’arriere en avant, et limitent la fosse an- tennale qui est grande. Dos du thorax ä peu pres continu. Face basale du meta- notum de rıöme longueur que la face declive. Ecaille entiere, mince, sensiblement inclinge en avant. Premier segment de l’abdomen legerement prolonge en dessus et en avant (Fig. 15). Pas d’odeur partieuliere. Boule du gesier en forme de tasse ouverte en avant; sepales entierement rabattues en arriere, pointues au bout, et recourbees en forme d’anere; la membrane qui les relie entre elles n’est pas chiti- nisee (Fig. 22 et 23) . LEER 9 G. Bothriomyrmer. Emery Palpes max. de 6, lab. de 4 artieles. Le chaperon, arrondi posterieurement sans for- mer de bord transversal, se prolonge notablement entre les arötes frontales. . 2 2. Metanotum plus ou moins voüte, sans dents; angle entre sa face basale et sa face | declive obtus (comme dans le genre precedent). Chaperon & contours peu distincts, interrompu au milieu de son bord anterieur par une @chanerure etroite et assez profonde. Dos du thorax interrompu entre le mesonotum et le metanotum; ce der- nier est court, et sa face declive a une longueur presque double de celle de la basale. Pedieule comprime dans le sens vertical; sa face superieure aplatie a la forme d’un rectangle ä angles arrondis; elle se termine en avant par une faible aröte transversale qui represente le bord superieur d’une &caille soudee. Le premier segment de l’abdomen, fortement prolonge en dessus et en avant, recouvre entiere- ment le pedieule. Le venin de ce genre a une odeur volatile tres caracteristique. La boule du gesier a la forme d’une marmite dont le couvercle est forme par les sepales entierement reflechies en arriere en facon de parapluie, et reliees entre elles par de la chitine (Fig. 24, 25, 26). . . . 2... ....8G. Tapinoma. Förster. La face basale du metanotum est horizontale et surplombe souvent au moyen d’une ar&te posterieure transversale la face declive qui est verticale ou eoncave. Pedieule muni d’une ecaille cuneiforme-obtuse, tr&s &paisse, fortement inclinee en avant. Dos du thorax interrompu entre le mesonotum et le metanotum. Une impression sur le bord anterieur du chaperon. Venin sans odeur. Boule du gesier allongee, con- tigu& ä Testomae et au jabot; les sepales manquent presque completement (F. 27) 7 G. Hypoeclinea. Mayr. Soldats. 1. Tete tronquee obliquement dans sa partie anterieure qui forme ainsi une surface pres- que plane (legerement concave), ä peu pres eirculaire, limitee tout autour par une arete elevee. Cette surface est formee en bas par les larges mandibules, de cöte par la partie anterieure des joues. Le chaperon, &troit, allonge d’avant en arriere, & bords legerement convergents d’arriere en avant, forme le milieu et le haut de cette surface tronquee, au bord superieur de laquelle il se reflechit ä angle droit RE ln 1 2 Su u En nn ie ? on pour former l’arete et finir bientöt apres en un bord transversal. Mandibules cour- tes, tres @paisses, dentees. Antennes articulees plus haut que le chaperon; la fosse antennale est situce bien au dessus de la troncature. La fosse elypeale est comprise par contre dans la surface tronquee. Les autres caracteres sont identiques A ceux de la 5 (division oe). . . . : 20.20.02 G. Oblobopsis. Mayr. Les autres genres de Formicide n tönt pas ae saldats: Femelles. a. Exactement comme pour les owvrieres correspondantes. Ailes 4 une cellule cubitale. Fosse antennale et fosse elypeale distinctes, eloignees l’une de l’autre. Les antennes s’articulent lom du chaperon, vers le milieu du bord externe des aretes frontales. Antennes de 12 articles. max. de 6, lab. de 4 articles. Ailes sans cellule discoidale. . . . Be er a I Fosse antennale et Fe elymeale reunies en une Saul} To internen ertieulent versg le bord externe du chaperon, pres de l’extremite anterieure (inferieure) des aretes brontalese. 0. ee EEE TENNIS ee Tete non tronquee ae ment: Oieneron Erailie, Me nymphes comme chez la & IE . 16. Camponotus. Mayr. Tete tronquee anterieurement; De qui Be la troncature est moins elevee que chez le soldat; la tete est du reste idenutique ä celle du soldat, mais le vertex est pourvu de trois ocelles. Bords lateraux du chaperon paralleles ou convergeant un peu en avant (sauf aux eoins anterieurs qui divergent de nouveau un peu). Ecaille, nymphe et gesier comme chez a 9 . . . 2. .2..2..2...2 G. Colobopsis. Mayr. Antennes de 11 articles. Töte (sauf les ocelles qui existent), @caille, ablomen, gesier (Fig. 21) comme chez la 9. Ailes sans cellule discoidale. 3 G. Plagiolepis. Mayr. Antennes de 12 artieles. Ailes ayant presque toujours une cellule diseoidale. Premier segment de l’abdomen non prolonge anterieurement. Sepales du gesier formant un calice plus ou moins courtt. . . . . a oe . Exactement comme la 9, sauf pour ce qui concerne re hose 6 6. oe. Latr. Mandibules larges & bord terminal dente, comme chez les autres genres, Polyergus excepte. Palpes lab. de 4 articles . . . ; ee 3 ee Aire frontale triangulaire, tres distinete. Onräetres ha a) en A ceux Demlagoı 2. TUE n } 2. .05.G. Hormica. Linne. Aire frontale pas tres nettement delmitee, is ige que haute, souvent arrondie posterieurement. Les artieles 2 ä 11 du fouet de l’antenne presque &gaux en lon- gueur. Palpes, &caille, gesier comme chez la 9. Corps plus mou et plus bas, jam- bes plus courtes que dans le genre preeedent . . . . .....4G. Lasius. Fabr. 4 B. Exwactement comme pour les 9 correspondantes (sauf les ocelles qui existent). 1. Palpes maxill. de 4, lab. de 3 artieles. Le chaperon, nettement delimite, non &chanere a son bord anterieur, ne se prolonge qu’un peu entre les aretes frontales; il a un bord posterieur transversal, court et un peu arrondi; son bord anterieur, bisinug, limite devant, de chaque cöte, la grande fosse antennale. Aire frontale grande, triangulaire, nette. Metanotum sans dents. Une &caille dressee. (M. Emery ne dit pas si elle est imelinee en avant, mais cela doit &tre le cas). Les ailes ont une cellule discoidale et une ceubitale; la nervure transverse s’unit au rameau eubital externe seulement . . . . „2 0.0...9G. Bothriomyrmex. Emery. Palpes max. de 6, lab. de 4 ae ar chaneron, arrondi posterieurement sans for- mer de bord transversal, se prolonge notablement entre les aretes frontales. . 2 2. Ailes ä une seule cellule eubitale; la nervure transverse s’unit ä& la nervure cubitale ä son point de partage, ou bien au rameau cubital externe. Une cellule discoidale qui peut manquer. Metanotum sans dents. Tete, pedieule, venin, abdomen, gesier comme chezalags oe re 2 0.0...8 .G. Tapinoma. Foerster. Ailes ä deux cellules Erle R une er discordale. Chez l’espece europeenne, le meta- notum est bidente et sa face declive concave. Tete, pedieule, venin, gesier comme chez 1a WS... m ee UMSTIEG Mäles. «*).: Eperons (des jambes medianes et posterieures) simples. Chaperon non prolonge entre les aretes frontales au dela de leur origine. Nymphes presque toujours en cocon. Boule du gesier spherique ou peu s’en faut. Hypopygium entier & son bord posteriewr. Ailes & une cellule cubitale. 1. Fosse antennale et fosse clypeale distinctes, eloignees l’une de l’autre. Les antennes s’artieulent loin du chaperon, vers le milieu du bord externe des arötes frontales. Antennes de 13 articles. Palpes max. de 6, lab. de 4 articles. Organes genitaux externes tr&s petits. Aire frontale mal demarquee; sa largeur est environ double de sa hauteur. Valvules genitales exterieures en forme d’epines. Lobule median du dernier artiele des tarses posterieurs ayant plus de la moitie de la longueur des erochets., Asles sansgeellulerdiseoidale 0 2 *) Les deux divisions « et ß des Formicide sont extrömement naturelles, car leur distinetion repose sur des differences variees, profondes, constantes, ayant trait aussi bien aux meurs, au develop- pement, a l’anatomie, qu’a la structure externe. Mais il se trouve que chez les d, par le fait m&me de leur sexe, les plus frappantes de ces differences font defaut: ils n’ont pas de vessie & venin; leurs organes genitaux externes disjoignent le pygidium et I’'hypopygium, de sorte que le dernier segment de l’abdomen a la m&me structure dans les deux divisions. A Fosse antennale et fosse clypeale reunies en une seule. Les antennes s’articulent vers le bord externe du chaperon, pres de l’extremite anterieure Re des aretes Lrontales ee ae a es N N o- NIRG 2. Chaperon trapeziforme; ses bords lateraux divergent d’arriere en an ou ıls atteig- nent les bords lateraux de la tete. Mandibules comme dans le genre suivant. Arötes frontales recourbees en S, ä peine divergentes. Antennes assez longues; le premier article du fouet est ä peine plus grand que le second. Ecaille epaisse. Gesier comme chez la 5. Valvules genitales exterieures tres &troites. Nymphes entourees d’un COCOT ER gen u. ri Camponotusz Mayır: Chaperon presque carre, un peu elargi ä& ses angles anterieurs qui n’atteignent pas les bords lateraux de la töte. Arstes frontales recourhees en 8, divergeant fortement en arriere. Mandibules etroites, ä bord terminal court, finissant par une forte dent laquelle est precedee d’une dent conrte, obtuse, peu marquee. Antennes courtes. Fouet ä peine plus long que le scape; son premier article est grand, tres renfl& ä& l’extremite, deux fois long et epais comme le suivant. Aire frontale mal delimitee. Thorax plus etroit que dans le genre preeedent. Eeaille du pedieule trös &paisse, tres basse, echanceree en dessus. Valvules oenitales exterieures plus larges ä leur base que dans le genre precedent. Gesier comme chez la 9. De nues. Yeux ebEocellesk gross re ae 2.2 .G. Colobopsis. Mayr. 3. Antennes de 12 articles. Mandibules ä trois dents. Aa sans AS discoidale. Val- vules genitales exterieures presque eirculaires, termindes par une dent obtuse. Pal- pes, ecaille, gesier comme chez a9 . . . . .......83G. Plagiolepis. Mayr. Antennes de 13 articles. Ailes ayant presque toujours une cellule discoidale. Sepales du gesier formant un calice plus ou moins cowt . . . . Be | 4. Mandibules (Fig. 36, m. m) eylindriques, tr&s minces, courtes, ainlue au bon sans bord terminal. Palpes max. de 4, lab. de 2 articles. Chaperon triangulaire, voüte, arrondi posterieurement. Scape des antennes court, long eomme le quart du fouet. Bord anterieur du chaperon droit, non avance anterieurement. Mesonotum tricarene. Ecaille verticale, Epaisse, plus large que haute, echaneree en haut. Valvules genitales exterieures triangulaires, arrondies au but . . . . ....6. Polyergus. Latr. Mandibules larges, munies d’un bord terminal dente, comme chez les autres genres, Polyergus excepte. Palpes lab. de 4 articles. Bord anterieur du chaperon convexe, AYancek er U BRN > u ; I Re N DL EE) 5. Organes genitaux externes grands. ya Bikes ee are (Fig. 4). Aire frontale, palpes, gesier comme chez la 9. Lobule median du dernier artiele des tarses posterieurs ayant ä peine la moitie de la longueur des cerochets. Ecaille verticale, epaisse. Corps robuste; taille presque egale & celle dd la® . .... a EN sr: 5 en Rormicakaliınne: Organes Pe ee tres Bee Valrales senitales exterieures"plates, ramineies IE ä l’extremite qui est arrondie en demi cerele; leur longueur est double de leur lar- | geur. Aretes frontales courtes, divergeant un peu en arriere. Palpes, aire frontale, Ecaille, gesier comme chez la 9. Corps grele, delicat; taille tres inferieure ä& celle | deslan on ae en 2 Er ee AN GERT SER ADTE B. Eperons (de toutes les jambes) pectines. Chaperon arrondi posterieurement, plus ou moins prolonge entre les aretes frontales au delä de leur origine. Nymphes toujours nues. Geösier court, epais, de forme variable. Taille presque egale äü celle de la @. Antennes de 13 articles. z 1. Ailes ayant deux cellules eubitales et une discoidale. Hypopygium entier & son bord posterieur. Le chaperon se prolonge notablement entre les ar&tes frontales. Scape des antennes court. Pedicule portant une &caille basse et Epaisse, ou bien sans eeaille, simplement renflE en avant en forme de n&ud. Organes genitaux externes petits; valvules exterieures presque semicireulaires. Gesier et palpes comme chez ano re 202.7. @. Hypoclinea. Mayr. Ailes ayant une Sale Eelkale Kopiere u une A arale (qui peut manquer). Hypopy- gium &chanere ä son bord posterieur. Le chaperon dont la courbure posterieure est faible ne se prolonge que faiblement ou & peine entre les aretes frontales . . 2 2. Palpes max. de 6, lab. de 4 articles. P&dieule comme chez la $, mais plus &pais. Tete aussi large derriere que devant. Yeux vers le milieu des bords lateraux de la tete. Mandibules ä bord terminal tres large, dente. Chaperon @echanere au milieu de son bord anterieur. Aire frontale et sillon frontal tres indistinets. Scape des antennes presque aussi Jong que les 5 premiers articles du fouet ensemble. Echanerure de l’hypopygium tres profonde, plus ou moins triangulaire, atteignant presque le bord anterieur, et divisant la lame entiere en- deux lobes. Organes genitaux externes assez grands; valvules exterieures en forme de cuillers, convexes exterieurement. _ La nervure transverse des ailes s’unit ä la nervure cubitale & son point de partage, ou bien au rameau cubital externe. Gesier comme chez la 9. 8G. Tapinoma. Feerst. Palpes max. de 4, lab. de 3 articles. Pedicule surmonte d’une £caille Epaisse, arrondie en dessus. T&te retrecie posterieurement. Yeux situes pres des angles anterieurs de la töte. Mandibules pourvues d’un bord terminal court et & tr&s petites dents. Cha- peron entier ä son bord anterieur. Aire frontale distinete. Sillon frontal profond et large. Fosse antennale grande. Scape des antennes court, ä peine plus long que les deux premiers articles du fouet. Echancrure de l’hypopygium semicireulaire, pas tres profonde. Organes genitaux externes assez petits; valvules exterieures eultri- formes, arquees, acuminees ä l’extremite. La nervure transverse des ailes s’unit au rameau cubital externe seulement. . . . ......9G. Bothriomyrmex. Emery. og 9” SOUS-FAMILLE PONERIDE. Ouvrieres. Palpes max. de 1 ou de 2, lab. de 2 articles. Mandibules longues; leur bord interne est court, leur bord terminal large et dente. Chaperon triangulaire, voüte, carene et apointi posterieurement. Les ar&tes frontales sont courtes, tres rapprochees, separdes seulement par le sillon frontal qui part direetement de la pointe poste- rieure du chaperon; il n’y a pas d’aire frontale. Antennes de 12 articles, ä massue epaisse de 4 articles; leurs artieulations sont tres rapprochees. Pas d’ocelles. Yeux tres petits, places tout en avant du bord lateral de la tete, composes de 1 & 5 ou 6 facettes seulement. Pedieule nettement separe de l’abdomen, surmonte d’une £caille epaisse et verticale aussi haute que l’abdomen. Eperons (de toutes les jambes) pec- Tine Per Seulsgente, suisse ®Foner@. lat: Femelles. Comme les 9, mais des ocelles, et les yeux gros et ä beaucoup de facettes. Thorax tres analogue & celui des 9. Ailes ä deux cellules cubitales et une discoidale. (& G. Ponera. Latr. Mäles. Palpes max. de 4, lab. de 3 articles. Mandibules tres &troites, courtes, arrondies au bout, sans dents. Scape des antennes qui ont 13 articles & peine plus long que le premier article du fouet; fouet filiforme. Yeux gros, situes pres des mandibules. Thorax, ailes, Ecaille, eperons, comme chez es @ . . . .....G. Ponera. Latr. 3” SOUS-FAMILLE MYRMICIDE. Ouvrieres. eEnntadiougereres. ala AR el al A Anergates; mi g! Une ouwriere ..., ; e Se ER 2. Le second article du edieae S arkieale) sur la füee superieure du premier segment de l’abdomen. Abdomen cordiforme, aplati dessus, bombe dessous et apointi & l’extre- mite. Palpes max. de 5, lab. de 3 artieles. Antennes de 11 articles. Metanotum muni de deux Epines . . . & 2020. .2 G. Oremastogaster. Lund. Le second artiele du pedicule SArlienle a Vextrömike anterieure de l’abdomen. Abdo- men vvale . . . e ; - Sa PR Pe >) 3. Premier article du nee ä peu pres bare, Bord Auteme ia: anlihalen assez allonge, ainsi que toute leur partie basale; leur bord terminal est par contre assez court et indistinetement dente. I] resulte de cette conformation que les mandibules laissent entre elles deux un petit vide triangulaire, lors m&me quwelles sont fermees. Chaperon court, muni de deux aretes longitudinales se terminant en avant par deux dents obtuses. Antennes de 12 articles dont les trois derniers forment une massue. Yeux situes en avant. Dos du thorax continu. Aiguillon tres petit. Deux fortes epines au metanotum et deux tr&es petites dents en avant de ces @pines. Palpes max. de 4, lab. de 3 arties . . . „2.0. 0...6.G. Myrmecina. Curtis. Premier article du pedieule retreci et ee en avant, €paissi en arriere et en GESSUSE.. oo. geh Ken gseil nen wa EEE 2 . Mandibules tres etroites, eylindriques, arquees, allant en s’amineissant vers l’extr&mite, sans bord terminal, BIS au bout. Tete rectangulaire. Palpes max. de 4 articles, langdessw Ar rn nn. 4 G. Strongylognathus. Mayr. Mandibules s’elargissant vers Tertremile et ayant un bord terminal dnte . . . 5 . Antennes de 10 articles; les deux derniers articles sont tres grands et forment & eux seuls la massue. Palpes max. et lab. de 2 articles. Metanotum sans dents ni Epines. Le chaperon a deux aretes longitudinales. Aiguillon tres grand. 3 G. Solenopsis. W. Antennes de 11 & 12 articles; massue de plus de deux artides . . . 2.2.2.6 . Second artiele du pedieule muni en dessous d’une dent longue et forte dirigee en avant et en bas. Antennes de 11 articles. Palpes max. de 4, lab. de 3 articles. Chaperon grand. Aretes frontales courtes. Massue des antennes de 3 articles. Me- tanotum muni de deux dents Epaisses dirigees en arriere. Le premier segment de l’abdomen est grand; il recouvre presque tous les autres. Aiguillon assez grand. 11 G. Stenamma. Westw. Second hetiele du Dede sans dent, Khtonnes de’11 on 12’articles; 7. Deere . Les trois derniers articles du fouet de l’antenne, pris ensemble, sont sensiblement plus courts que le reste du fouet . . . . ® ERS Les trois derniers articles du fouet de antenne, pris eriepmblt Ka aussi longs ou Plausslongs/quenlerresterdurtonelne re . Palpes max. de 4 ä& 5 articles, lab. de 3. Aire frontale profonde, arrondie posterieure- ment. Pronotum et mesonotum formant ensemble plus ou moins un hemisphere; metathorax tout entier situ& beaucoup plus bas que le prothorax, ce qui s’effeetue par un prolongement en hauteur du mesosternum et de la partie posterieure et inferieure du mesonotum; ä cet endroit le thorax entier est ressere. Eperons des jambes posterieures et medianes simples. Aiguillon petit. Antennes de 12 articles. RENNEN Me de RE NE An. 7 G. Aphenogaster. Mayr. Palpes max. de 6 articles, lab. de 4. Angle posterieur de l’aire frontale pointu. Me- tanotum aussi haut que le pronotum ou ä peu pres. Dos du thorax continu ou in- terrompu entre le mesonotum et le metanotum. Cuisses en massue. Eperons des u SEE SR a jambes posterieures et medianes peetines. Aiguillon tres grand. Antennes de 12 articles 0 Mulrr. IS BHEHIN 247 SEEN yEmicas Tate: . Premier article du Fonet der aniennen ä peu pres der fois long comme il est large; les suivants, d’abord tres courts, vont en grandissant peu ä peu jusqu’au bout de l’antenne sans former de massue determinde. Yeux tres petits, situes un peu en avant. Mandibules ayant 8 & 9 dents. Palpes max. de 4 articles, lab. de 3. Cha- peron &lev& en arriere, pourvu dans son milieu de deux petites aretes longitudi- nales convergentes, entre lesquelles il-est un peu concave. Metanotum pourvu de deux dents triangulaires, pointues. Une faible echanerure entre le mesonotum et le metanotum. Aire frontale &troite, allongee, profonde, mal delimitee du cöte du cha- peron avee lequel elle forme un angle . . .. . . 9 G. Asemorhoptrum. Mayr. Antennes en massue de 3 articles. Yeux de grandeur moyenne . ». . 2... ..10 10. La massue des antennes se eompose de trois articles tres longs. Le 9"" article du fouet (premier de la massue) est plus de deux fois long comme le 8"°; le dernier article ne surpasse que peu en longueur l’avant-dernier. Antennes de 12 articles. Palpes max. et lab. de deux artieles. Thorax retreei entre le mesothorax et le me- tathorax; ce dernier est un peu plus bas que les pro et mesothorax. Aiguillon tres Pebibes nee: STE RTe : NER Pheidoles Westw. Le 3” article du fodet de erkenne net pas ip: fois long comme le 8"°, Le der- nier article a plus de deux fois la longueur de l’avant-dernier .. .... 1 11. Palpes max. de 4, lab. de 3 artieles. Bord posterieur de la partie laterale anterieure du ehaperon contourne et releve, des aretes frontales aux artieulations des mandi- bules; il forme une aröte tres &levee qui borne anterieurement la fosse antennale. Thorax court, haut, & dos continu; pronotum formant deux angles obtus en avant; metanotum ä deux dents pointyes ou courtes &pines. Face anterieure et superieure du premier article du pedieule concave. Aiguillon tres grand. 5 G. Tetramorium. Mayr. Palpes max. de 5, lab. de 3 art. Le bord posterieur de la partie laterale anterieure du chaperon n’est ni releve, ni contourne. Thorax allonge, arrondi en devant. 12 12. Dos du thorax fortement interrompu entre le mesonotum et le metanotum. Poils du corps filiformes, apointis au bout. Metanotum pourvu de deux £pines ou fortes dents. Corps tres &troit et allonge. Chaperon pourvu dans son milieu d’une carene longitudinale en aröte. Massue des antennes mince. Arötes frontales faiblement en S. Aire frontale profonde. Cuisses renflees au milieu. Eperons des jambes posterieures et medianes simples. Aiguillon moyen. Mandibules & 5 dents. Antennes de 12 art. : { iu: : ; . 2.2..12 G. Temnothorax. Mayr. Das du Mar bon ou ä peine en Poils du corps eourts, lEgerement ren- fles ä leur extremite, du moins jamais apointis; c’est le seul genre qui ait ce carac- tere. Metanotum pourvu de deux dents ou de deux Epines. Massue des antennes epaisse. Cuisses medianes et posterieures fusiformes. Antennes de 11 & 12 articles. Arötes frontales presque droites, divergeant tres peu en arriere. Eperons des jambes posterieures et medianes simples. Mandibules ayant 4 ä 5 dents. Aiguillon grand. 2.0.13 G. Leptothorax. Mayr. Soldats. 1. Töte enorme, plus de deux fois large comme le thorax. Mandibules munies d’un bord terminal tranchant qui a seulement deux petites dents devant. Chaperon plus aplati que chez l’ouyriere. Antennes et palpes comme chez l’ouvriere. Sillon frontal tres profond; il va jusqu'au trou oceipital et partage la tete en deux moities comme un abrieot. Pronotum large, muni d’une protuberance de chaque cöte. Aiguillon tres petit. Du reste comme l’ouvriere . . . lan 10.G, Pheidole.. Wesiwe Les autres genres des Myrmicide n’ont pas ® soldats. Femelles. 1. Le second article du pedieule s’artieule sur la face superieure du premier anneau de l’abdomen. Abdomen moins convexe en dessus qu’en dessous, pointu au bout. An- tennes et palpes comme chez la 3. Une cellule cubitale et une discoidale; la nerv. transverse s’unit & la branche eubitale externe. Cellule radiale faiblement ouverte. : er 20 .20..2 G. Oremastogaster. Lund. | Le Second artille Te nödienle s Hrkichle ä Forkrämite anterieure de l’abdomen. Abdo- | menSovaleneı ME he Keae St ne a 2. Premier artiele du pedieule & peu pres cubique, Iegärement pins Tone que large. Man- dibules comme chez l’ouvriere. Ailes avec une seule cellule eubitale; la n. transverse | s’unit ä& la branche eubitale externe. La nervure scapulaire, au lieu de se reunir & | la n. marginale apres avoir forme la tache, retourne en arriere en se dirigeant vers l’extremite de l’aile pour s’unir au rameau cubital externe. Parfois cependant elle s’unit d’abord ä la n. marginale, mais s’en detache de nouveau apres un court espace, pour s’unir au rameau ceubital externe (Fig. 3, 1+2, 2-+-10). Metanotum sans face basale, reduit A l’&tat de lame perpendieulaire, muni de deux fortes Epi- nes. Äntennes, palpes, er aiguillon comme chez l’ouvriere. Tout le thorax eourbiebzetroiti nam an: .2.....6 G. Myrmecina. Curtis. | Premier article du pedieule non enhiäet Nena scapulaire se confondant avec la nervure marginale aussitöt apres la tache, pour ne plus reparaitre. . . .. 8 3. Premier article du pedieule &pais, obtus, plus large que long. Second artiele solidement soude en forme de calotte spherique au premier segment de l’abdomen; sa convexite est en avant; sa largeur est double de sa longueur. Tete fortement &echancree en arriere en demi-lune (Fig. 28). Palpes max. de deux articles courts et fort Epais; palpes lab. d’un seul article court et &pais (Fig. 13 et 14). Labre entier. Antennes EB Se de 11 articles; scape eylindrique; le premier artiele du fouet est long, le second plus eourt, le troisieme tres court, et les suivants vont de nouveau en augmentant peu & peu; le dernier est aussi long que les deux avant-derniers ensemble; les trois ou quatre derniers forment une massue peu distincete (Fig. 28). Mandibules peu larges, ä bord terminal court et tranchant, muni d’une seule dent A l’extre- mite. Le chaperon, arrondi posterieurement, est largement &chanere au milieu de son bord anterieur; il est presque aussi haut dans ses parties laterales que dans sa partie mediane qwi est en outre profondement et largement excavee du bord anterieur au bord posterieur. Les bords lateraux de cette excavation sont coupes france. Le chaperon qui est du reste nettement delimite forme done de chaque cöte, au devant de la tete, un bourrelet sinueux. Aretes frontales courtes, pro&minentes, ä peine divergentes. Aire frontale et sillon frontal variables. Les yeux, situes au milieu du bord lateral de la tete sont assez gros ainsi que les ocelles. Fosse anten- nale profonde. Une seule cellule eubitale; la n. transverse s’unit ä& la nervure ceubi- tale ä son point de partage, ou bien ä la branche cubitale externe, pres de la. Pas de cellule discoidale. Cellule radiale ouverte. Metanotum arme de deux forts tubereules. Jambes assez courtes et assez epaisses. Aiguillon rudimentaire ou nul. Pas d’eperon aux jambes posterieures et medianes. . . . 1G. Anergates. n. g 8. Premier article du pedieule retreei et eylindrique en avant, &paissi en arriere et en VE ee ee a er! 4. Mandibules @largies vers l’extremite, munies d’un bord terminal tranchant, sans dents. Antennes, palpes, chaperon comme chez le soldat. Le sillon frontal se prolonge aussi jusqu’au trou occipital, mais il est moins profond. Thorax large, bas, plat en dessus. Deux dents au metanotum. Second article du pedieule deux fois large comme il est long (elargi sur les cötes). Abdomen plus convexe en dessous qu’en dessus (un peu comme chez Cremastogaster). Ailes a deux cellules eubitales ; cellule radiale ouverte (Fig. 2). Taille enorme par rapport ä celle de la 9. 10 G. Pheidole. Westw. Mandibules tr&s &troites, eylindriques, arqudes, sans bord termmal, pointues au bout. Tete rectangulaire. Palpes max. de 4 articles, lab. de 3. Second article du pedicule ä peine plus large que long. Thorax &troit. Une cellule eubitale. Cellule radiale ou- Verlerl EL re Stkongylognathusa Maya: Mandibules elargies ä leur extremite et munies d’un bord terminal dente. 15 5. Massue des antennes tres grosse, et composee des deux derniers articles seulement. Metanotum sans dents ni tubereules. Antennes de 11 articles. Chaperon muni de deux aretes longitudinales. Palpes comme chez la 9. Ailes avec une cellule cubi- tale et une discoidale; la n. transverse s’unit ä la branche eubitale externe. Cel- lule radiale ouverte. Taille enorme par rapport ä celle de la 9. 3.G. Solenopsis. Westw. Massue des antennes de plus de deux articles. Antennes de 11 ä 12 artiles . . 6 6 =1 Second artiele du pedieule mani en dessous d’une dent longue et forte dirigee en avant et en bas. Thorax &troit, & dents du metanotum comme chez l’ouvriere. Une cellule eubitale et une discoidale; la n. transverse s’unit & la n. cubitale ä son point de partage; cellule radiale ouverte. Tete, antennes, palpes, abdomen comme chez la 5. Taille a peine superieure ä celle de la 9 . 11G. Stenamma. Westw. Second article du pedieule sans dent en dessous . . : 2 A Ailes avec deux cellules ceubitales; cellule radiale tres ee Nee: tr: arrondie en arriere. Eperons des jambes posterieures et medianes simples. Tete, du reste, comme chez a8 . ..... Dee nn. Apkenogasier. Mayız Ailes ayant une seule cellule eahitale ä demi divisee en deux, l’origine de la branche eubitale externe manquant. Cellule radiale ouverte. Angle posterieur de l’aire fron- tale pointu. Tete, du reste, comme chez la 5. Eperons de toutes les jambes pec- linese a: 5 ige : a en 1856, Myrmicar air: Ailes ayant une eeule all enbitale Sale imdivinee, La n. transverse s’unit ä la n. eubitale ä son point de partage (Fig. 1). Eperons simples . . . 2..2...78 Palpes max. de 4, lab. de 3 artieles. Bord posterieur des parties laterales anterieures du chaperon contourne et releve, formant une arte tres @elevee qui borne anterieu- rement la fosse antennale. T&te, du reste, comme chez la 5. Deux epines au me- tanotum. (ellule radiale fermee. Taille tres grande; longueur double ou triple de celle de l’ouvriere . . . . 2..2...9.6. Tetramorium. Mayr. Palpes max. de 5, lab. de 3 role Bord oe des parties laterales anterieures du ehaperon ni releve, ni contourne. Tete, du reste, comme chez la 5. Taille plu- töt petite; longueur n’atteignant jamais le double de celle de la $. Metanotum muni de deux dents ou epimes . . i ; el... 9) Dernier (12”°) article des antennes de la a. ie elıe precedente ensemble; 9”° article ä peine plus long que le 8"“, massue de trois articles. Tache marginale d’un jaune brunätre fonce, tres nette; nervures foncees. Cellule radiale petite, fer- mee. Poils du corps assez longs et apointis. Pattes greles, assez longues. Mandi- bules ä& 5 dents. Chaperon muni d’une carene longitudinale, mediane, en arete. Epines du metanotum larges et assez fortes. Cuisses renflees au milieu. . . . . An RAS En aa LE ee a AL iemarE, Na r- Antennes comme chez le genre precedent, mais dernier article egal en longueur aux trois preeedents ensemble. Elles ont de 11 ä& 12 articles. Tache marginale et ner- vures des ailes tres päles. Cellule radiale tantöt ouverte, tantöt fermee. Mandibules munies de 4 ou 5 dents. Poils du corps plus courts que dans le genre precedent, coupes net A l’extremite. Jambes plus courtes que dans le genre precedent . . 13 G. Leptothorax. Mayr. 39 Mäles. 1 (Fig. 29). Pas d’ailes. Palpes (Fig. 13 et 14), yeux, ocelles, aretes frontales, fosse an- tennale comme chez la @. Chaperon comme chez la @, mais son excavation est un peu moins profonde. Töte aussi un peu moins @chaneree en arriere. Aire fron- tale variable ainsi que le sillon frontal. Mandibules peu larges, arrondies vers le bout, sans dent et sans bord terminal marque (Fig. 12). Antennes de 11 articles qui sont comme chez la ©, mais plus courts et plus epais (Fig. 29, a). Pronotum eourt; son angle lateral posterieur et superieur, releve de chaque cöte contre la scapula du mesosternum, forme avec l’extremite anterieure et superieure de celle-ei une protuberance plus ou moins nette au dessus de laquelle le bord lateral du meso- notum se releve en oreille. Cette place correspond ä l’artieulation de l’aile supe- rieure qui manque. Chez la nymphe elle est marquee par une protuberance tres nette, en arriere de laquelle on en voit une seconde plus petite correspondant l’articulation des ailes inferieures. Du reste l’&cusson, le prosceutellum et le postscu- tellum existent. Mesonotum sans lignes convergentes. Metanotum un peu concave au milieu, mais sans tubereules. Pattes courtes, fort epaisses. Les deux artieles du pedieule sont tres larges et ressemblent ä deux segments anterieurs, un peu re- treeis, de l’abdomen. Abdomen tres grand, Epais; il est recourbe en dessous d’avant en arriere de telle sorte que les organes genitaux arrivent ä etre situes presque en dessous du premier segment: sa partie dorsale est tres convexe, sa partie ven- trale concave. Les organes genitaux externes sont tres curieux: les Ecailles (ec), presque eireulaires, tres grandes, depassent de beaucoup le dernier segment abdo- nıinal; les valvules genitales exterieures (ve) sont petites, triangulaires; les valvules genitales moyennes sont atrophiees, rudimentaires. Les valvules genitales internes (vi) sont enormes et depassent les Ecailles de 0,5"""; leur extremite est recamrbee en arriere; du reste leur forme est la meme que chez les autres fourmis. Tout le corps DrapUBeUBLANene a nalen ae Anergatesunge: Des ailes an nombre de quatre . . . . AN epuPz er 2. Mesonotum pourvu en avant, sur les cötes, de deux sillons e. convergeant en arriere, et se r&unissant ordinairement en un seul au milieu du mesonotum pour suivre la ligne mediane et se terminer au proseutellum . a N RES) Mesonotum sans sillons convergents*). . . . ; Ru‘ RN EIER, 3. Cellule eubitale ä demi divisee en deux, l’origine cB 12 Panele ne externe man- *) Une espece du genre Cremastogaster, le C. sordidula, a bien le commencement de ces sillons convergents en devant du mesonotum; mais on ne la trouve pas en Suisse, aussi je conserve cette divi- sion de Mayr. 5. Antennes de 12 ä& 13 articles. 9, Ailes A une seule cellule eubitale et une discoldale . . . 36 — quant. Palpes max. de 6, lab. de 4 articles. Mandibules dentees. Premier artiele du fonet des antennes plus court que le second. Eperon de toutes les jambes pectine. 8 G. Myrmica. Latr. 4. La n. transverse s’unit ä la branche eubitale externe, ete., ailes comme chez la ©. Mandibules &troites, tridentees, cachees sous le labre. Antennes de 13 articles; scape un peu plus court que les deux premiers articles du fouet ensemble. Metanotum & deux dents. Palpes comme chez l'ouvriere . . . ....6G. Myrmeeina. Curtis. La n. transverse s’unit & la n. cubitale & son point de partage; la n. scapulaire se Cellule eubitale unique, indivisee joint & la n. marginale aussitöt apres la tache marginale, pour ne plus reparaitre. 5 Antennes de 10 articles; second article di Font Ds ion plus long que le scape. 8 6. Scape long comme les 4 ou 5 premiers artieles du fouet pris ensemble. Antennes de 13 artieles, massue de 4. Palpes max. de 5, lab. de 3 articles. Chaperon voüte en arriere, un peu concave en avant, ü rugosites transversales irregulieres, le plus sou- vent arme d’une carene mediane longitudinale. Aire frontale indistinete. Mandibules ä 5 dents pointues. Tache marginale des ailes foncee, tres nette, ainsi que les ner- vures. Cellule radiale petite, fermee. Les deux sillons convergents n’atteignent pas le milieu du mesonotum et s’evanouissent avant de s’unir. Eperons des Jambes pos- terieures et medianes simples. Deux tubercules au metanotum. Valvules genitales exterieures triangulaires, arrondies au but . . . . 12 G. Temnothorax. Mayr. Scape n’atteignant pas plus de la longueur des trois premiers articles du fouet pris ensemble. Les sillons convergents atteignent le milieu du mesonotum et s’y reunis- sent en un seul qui se termine au proseutellum * . . 2... 2... 7. Chaperon voüte, sans carene. Aire frontale indistinete ou manquant completement. Antennes de 12 ou 13 articles. Metanotum court, muni de deux -tubereules quel- quefois un peu en forme de dents: Ailes conıme chez la @. 13 G. Leptothorax. Mayr. Chaperon car&ene. Mandibules tridentees. Aire frontale tres etroite et tres profonde. Antennes de 13 artieles. Metanotum allonge, muni de deux dents dirigees en haut. Cellule radiale des ailes ouverte o . ... 116. Stenamma. Westw. 8. Mandibules &largies & l’extremite, munies d’un bord terminal dente. Second article du fonet des antennes long comme les trois suivants ensemble. Mesonotum depassant le pronotum devant. Palpes max. de 4, lab. de 3 artieles. Eperons des Jambes pos- terieures et medianes simples. Metanotum oblique, pourvu de deux dents. Cellule radiale grande, fermee . . . : ee 285. Tetramoriums Mayız Mandibules tres etroites, eylindriguä hnomnties au bout, sans bord terminal. Cellule radiale ouverte. Le reste comme chez le genre prec. 4 G. Strongylognathus. Mayr. BI) Ailes & deux cellules cubitales (Fig. 2). . . er ee EEE =. 10. Le second article du pediceule s’articule sur la face superieure du premier anneau de l’abdomen. Abdomen cordiforme, apointi au bout, plus convexe dessous que dessus. Premier article du fouet des antennes Epais, presque spherique; scape tres court, ä peine plus long que le premier article du fouet. Metanotum sans dents. Antennes de 12 artieles; palpes maxill. de 5, lab. de 3 articles (chez le ©. sordidula les an- tennes sont de 11 articles, les palpes max. de 4 ou 5, les lab. de 2 ou 3 articles. et le mesonotum a en devant le commencement des sillons convergents). La ner- vure transverse s’unit & la branche cubitale externe. Cellule radiale ouverte. Meso- notum depassant beaucoup le pronotum en avant . . 2 G. COremastogaster. Lund. Le second artiele du pedieule s’articule ä l’extremite anterieure de l’abdomen. Abdo- men ovale. Antennes de 12 articles, conformees tout-a-fait comme dans le genre preeedent. Ailes comme chez le genre preeedent, mais cellule discoidale moins grande. Palpes max. et lab. de 2 articles. Mandibules etroites, tridentees . i £ ke : Sep . 3 G. Solenopsis. Westw. IM. Döner artzele di fonet des antennes ä peu pres epherigue, Valvules genitales exte- _ rieures eultriformes, obliquement tronquees au bout. Hypopygium situe tres en avant. Antennes de 13 articles. Palpes max. de 3, lab. de 2 articles. Cellule radiale ou- verte. Metanotum arme de deux tubercules. Thorax large et bas. 10 G. Pheidole. Ww. Premier article du fouet des antennes cylindrique. Palpes max. de 4 ou 5, lab. de 3 articles. Valvules genitales exterieures triangulaires, arrondies au bout. Antennes de 13 artieles; scape ä peine aussi long que les trois premiers articles du fouet. Aire frontale distinete, arrondie en arriere. Le mesonotum depasse en avant le pronotum. Üellule radiale tres ouverte. Eperons des jambes posterieures et medianes Buplesga er Bl: Aphenpgasier:, Mayt. SECOND TABLEAU. DETERMINATION DES ESPECES ET DES RACES ann 1°° SOUS-FAMILLE FORMICIDE. a. 1” genre Camponotus Mayr. Fourmis pour la plupart de grande taille. Les 3 varient beaucoup. Les petites 3 sont minces et delicates; elles ont la tete assez molle, et petite relativement au corps. 38 Les grosses 9 ont la tete tres dure, enorme relativement au corps; elles sont plus tra- pues; la partie anterieure de leur thorax est plus large. Les g sont de la taille des petites 9, ou de celle des grosses. Les @ sont plus grandes que les plus grosses 9. Les nymphes sont toujours dans un coeon. Les 9 se portent les unes les autres dans leurs migrations; la portee tient une mandibule de la porteuse et se pelotonne sous sa tete en repliant pattes et antennes. Pucerons cherches hors du nid, sur les plantes. Pas d’archi- teeture hors du nid. Fourmilieres grandes, moyennes ou petites. ; Ouvri£res. 1. Dos du thorax convexe d’avant en arriere, sans interruption . . . ee, 2 Dos du thorax fortement interrompu entre le mesonotum et le metandenenN Face basale du metanotum horizontale; sa face deelive presque verticale, formant avee la basale un angle presque droit, coupe net ou arrondi; cötes du metanotum verticaux aussi ann. ua : a - .@ 2. Mandibules munies de 6 a 7 Bent ‚Chapsrbn delindtemeit carene au milien chez les gros individus; sa partie anterieure est prolongee en un löbe tres large, court et rectangulaire, de sorte que son bord anterieur fait de chaque cöte une marche d’escalier descendant d’avant en arriere; ce bord anterieur n’est point echanere au milieu. Corps assez delicat, celui des petits individus tres-delicat. Luisant, sauf la tete chez les gros individus. Pubescence tres faible. Jambes longues, quelquefois tres longues. Tout le corps tres finement rugueux et poncetue. A la tete, surtout devant, les rugosites sont plus fortes, les points enfonees plus gros et plus frequents. ERGNATTERER en 20.20.20. # espece. CO. sylvaticus. Noir; mandibules, fouet des antennes, er artieulations des jambes brun marron. Corps assez abondamment pourvu de longs poils d’un blanc jaunätre. Corps moins delicat, jambes moins longues que chez la race suivante. Les grandes 5 different moins des petites que chez le ©. sylwaticus i. sp.; leur tete est plus arrondie, moins echaneree derriere; la tete des petits individus est moins allongee. L. 6—11"”, : Tr. 02 gethrops ala Var in noir avec He ee it Kinadiuler et les antennes brun marron ou jaune brun, au jaune brun ou brun marron avec l’extremite posterieure de l’abdo- men seule noire. Mais les formes foncees sont deja des passages a la race prece- dente. Chez les formes typiques, la tete des gros individus, qui sont tres grands, est fortement &chaneree en arriere, tres retreeie en avant, presque en forme de coeur; celle des petits individus, qui sont extremement mous et greles, est souvent tres allongee, rectangulaire, et sans lobe anterieur bien net au chaperon. On trouve des 5 formant toute la serie des transitions entre ces formes extremes. Les pattes sont souvent tres longues et tres greles. La pubescence est presque nulle, les poils 39 rares. Chez les gros individus, les yeux sont situes & la partie anterieure de la tete, et le lobe anterieur du chaperon est tres long, au contraire de ce qui a lieu Chezalesupeitsunlke u Sl Ann rl CasyWatieusw2sp. Olivier. C. sylvatico-wethiops. Les formes foncees du Ü. sylvalicus, se rapprochent de plus en plus de l’aethiops en perdant leurs individus extremes, leurs formes exagerees; elles finissent par ne plus en differer que par la couleur entierement rousse de leurs pattes. Mayr et Roger rangent pourtant ces formes sous le nom de sylvatieus. Üest ä Vienne que j’ai observe toute une serie de transitions entre ces sylvaticus fonees et l’aethiops pur. Les pattes passent insensiblement du roux au noir; la taille est de 6 & 11 ou 12”. Mandihales munies de 4 A 5 dents. Chaperon carene au milieu chez les petits indi- vidus, pas chez les gros; son bord anterieur a deux @chanerures laterales plus ou moins marquees au lieu de l’escalier de l’espece precedente. Entre ces deux echan- erures, la partie anterieure du chaperon n’est pas sensiblement avanede en lobe; elle est arrondie ou tronquee, et le bord anterieur est parfois encore echanere au DIN TERN ae ee a ee N are id 3. Thorax pedieule et cuisses d’un rouge plus ou moins fonee, parfois d’un pourpre pres- que noir. Corps peu abondamment pourvu de longs poils, sauf au bout de l’abdo- men ou il y en a beaucoup. Milieu du bord anterieur du chaperon non &chancere, plus ou moins tronque. L. 6, 5—14"" . . . . .. 1° espece. ©. herculeanus. Premier segment de l’abdomen tout noir ou pourvu seulement quelquefois, tout- a-fait devant, d’une petite tache d’un rouge brun. Le thorax, les pattes et le p£6- dieule sont d’un rouge vineux plus ou moins fonce qui peut aller jusquw'a un pour- pre presque noir (varietes alpines), auquel cas c'est la partie anterieure du thorax qui devient d’abord foncee. Abdomen terne, fortement pubescent *). Corps trapu, plus eourt et plus epais que chez la race suivante; tete plus grosse par rapport AU Cops 70 oa ee era Osherenlennuse7..sps Linne: Premier segment de l’abdomen ayant ordinairement sa premiere moitie rouge (parfois cependant tout noir). Abdomen moins terne que chez le (. herceuleanus, ou meme, dans une variete, entierement luisant, ce qui vient de ce que la pubescence est plus faible ou fait entierement defaut. Thorax, cuisses et pedicule d’un rouge plus vif et plus elair. Corps plus allonge et moins Epais; tete moins grosse par rapport au corps qui est plus dur et plus robuste. L. 7 - 14"" 2. r. C igniperdus. Lat. O. hereuleano-Lgniperdus. La eouleur n’ayant rien de stable, e’est surtout une *) Tl est entendu que nous n’appellerons pubescence que des poils tres courts et fins, entiörement eouches et colles au corps. — 4 °— forme du corps intermediaire, ainsi que la pubescence, qui caracterise ces transitions, lesquelles ne sont du reste pas frequentes, Tout le corps noir, mat, legerement soyeux, ce qui vient de sa sculpture finement rugueuse, & rugosites serrees. Abdomen pubeseent et tout herisse de longs poils blonds; le reste du corps un peu moins poilu et beaucoup moins pubescent. Stature du €. ligniperdus, mais plus dur et plus robuste encore. Chaperon non €echanere au milieu de son bord anterieur. Les rugosites, surtout celles de l’abdomen, sont plus serrees que chez l’espece suivante; la ponctuation de la tete est par contre plus läche et moins profonde. L. 8-13" . . . ... 2. espece. C, pubescens. Fahr. Tout le eorps luisant, tres finement rugueux, presque sans puhescence et fort peu poilu. Töte abondammenf ponetuee; points assez profonds, surtout devant et sur les man- dibules. Tete et abdomen noirs; antennes, mandibules, pattes, et le plus souvent les bords des segments du thorax, ou m&me tout le thorax d’un brun marron plus ou moins fonee, souvent roussätre. Une &echanerure au milien du bord anterieur du chaperon. Corps mou et delicat. Difference entre les petits et les gros individus peu considerable. L. 6-97" . 2. ... 2.2.2... ..8. espece. C. marginatus. Datr. 4. Chaperon comme celui des trois especes preeedentes; celui des gros individus est echanere au milieu de son bord anterieur. Luisant. Devant de la tete assez gros- sierement rugueux et poncetue chez les gros individus; le reste du corps (tout le corps chez les petits individus) tres finement rugueux; sur les cötes et la partie posterieure du thorax, les rugositös sont moins fines. Passablement de longs poils blanes sur le corps. Varie du noir d’ebene avec les artieulations des pattes et des antennes seules rousses au rouge vif avec l’abdomen seul noir. Entre ces deux ex- tr&mes que nous pouvons appeler, le premier atricolor Nyl. et le second bicolor Latr., il y a tous les passages possibles. L. 3—7"”" . . 5. espece. C. lateralis. Olivier. L’arete entre la face basale et la face declive du metanotum est parfois arrondie, et la face deelive elle-meme plane (Ü. lateralis i. sp.). D’autres fois l’arete est tres aigüe et la face declive concave; on a alors la variete C. foveolatus Mayr (ebenimus Emery); il y a toutes les transitions entre les deux. Le ©. dalmatieus Nyl. est une variete chez laquelle la tete est noire et le thorax plus ou moins rouge, tandis que chez la variete rouge ordinaire du (©. lateralis, la tete demeure rouge alors que le thorax est dejä fonce. Femelles. 1. Mandibules munies de 6 & 7 dents. Chaperon prolonge anterieurement en un lobe, identiquement comme chez la 9; son bord anterieur n’est pas echanere au milieu. Luisant, sauf la tete qui est ponetuee, finement rugueuse, et A rugosites serrees. Pubescence presque nulle; corps assez abondamment pourvu de longs poils. Ailes N parfaitement claires ou tres legerement teintees de jaune; tache marginale et ner- vures d’un brun noirätre, tres apparentes, L. 11—14"" . 4. espece. C. Sylvaticus. Noir; mandibules, fouet des antennes, artieulations des ailes, et pattes d’un brun roussätre plus ou moins clair. Ailes tres legerement teintees de jaune. Le meta- horax et les cötes du thorax, ainsi que le pedieule devant de l’abdomen tl tb] tes du tl ; jue 1 licule et le devant de | deviennent aussi roussätres chez les varietes celaires. 1. r. C. sylvaticus i. sp. Oliv. oir; mandibules, artieulations et tarses bruns. Ailes parfaitement claires. Du Noir; libules, artieulat t tarses brur Ailes parfaitement claires. D reste identique ä la race precedente. L. 11--13"" (et non 8 a 9""'; comme le dit layr par erreur dans ses Europ. Formie.) . . . . ....2.r. © aelhiops. Latr. Ma; lan E ©. sylvatico-aethiops, comme pour la 9. ndibules munies de 4 & 5 dents. Bord anterieur du chaperon ayant deux &chan- Mandibule es de 4 & 5 dents. Bord anterieur du chaperon ayant d ! cerures laterales &evasees, plus ou moins distinctes. Entre ces deux &chancrures, la partie anterieure du chaperon n'est pas sensiblement avancee; elle est arrondie ou tronquee, et le bord anterieur est parfois encore Echanere au miliu . . .. 02 2. Chaperon trongue au milieu de son bord anterieur, entre les deux echanerures laterales. I IL, Tel & er ER EN Der un Be SR RR Er WEHREN) Entre les deux &chancrures laterales, le bord anterieur du chaperon est arrondi, et interrompu par une echanerure, mediane, 1. 9-10”. 2. nnd 3. Noir. Thorax, pedicule et euisses d’un rouge brunätre fonce passant au pourpre pres- que noir, sauf le mesonotum et l’ecusson qui sont toujours noirs. Täte et thorax un peu luisants, presque sans pubescence. Poils longs, ässez rares, sauf au bord posterieur des segments abdominaux. Ailes fumees de jaune brunätre. 1. espece. a < N EEE nr. 2 20 RO AHOTOHLSANUR: Pre segment & Pabdonda entierement noir ou ayant seulement ’quelquefois une tres petite tache d’un rouge brun, devant. Parties rouges du thorax tres foneees, parfois presque noires (varietes alpines). Les deux tiers posterieurs de cha- que segment de l’abdomen pubescents, finement rugueux et ternes. Le reste du corps presque lisse, ou & rugosites extrömement fines. Thorax ordinairement plus etroit que la tete. Ailes faiblement enfumees. L. 15—17"". 1. r. (©. hereul. i. sp. L. Moitie anterieure du premier segment abdominal, et souvent du second, d'un rouge jaunätre assez vif. Parties rouges du thorax plus vives que chez la race preeedente Tout l’abdomen, comme le reste du corps, luisant et presque sans pubescence. Corps presque lisse ou ä& rugosites extremement fines. Ailes fortement enfumees. Thorax plus large et plus haut que chez le C. herculeamus ti. sp. L. 16—18"". 2. r. ARE de BR Au: 5 ET eakoniperdusn Babe: C. hereuleano-ligniper ae La couleur, IR a eeande la largeur du thorax varient entre les formes types. Tout le corps d’un noir d’ebene legerement mat et soyeux, ce qui vient de sa sculp- ture tres finement rugueuse, ä rugosites serrees. Abdomen un peu pubescent et 6 a assez poilu; le reste du corps n’a que peu de poils et presque pas de pubescence, Tete assez abondamment et nettement a Ailes enfumees de brun noirätre. In : .20.20...2. espece. 0. pubescens. Fahr. 4. Tete plus large que le a Abdomen assez etroit. Ailes assez fortement enfumdes de jaune brunätre. Tache marginale et nervures d’un jaune brunätre, peu apparentes. Tete abondamment, assez regulierement et assez profondement ponctude; finement rugueuse entre les points. Thorax et abdomen tres finement rugueux et ponctues. Man- dibules, antennes et pattes d'un brun roussätre; le reste noir, assez luisant. Pubes- cence faible et poils tres epars . . » . 2... 3. espece. C. marginatus, Latr. Tete plus etroite, tout au plus aussi large que le thorax; abdomen epais. Ailes faible- ment enfumees de jaune roussätre. Tache marginale et nervures d’un jaune bru- nätre. Pubescence presque nulle. Tete plus grossierement rugueuse que chez l’espece precedente; sa ponctuation est beaucoup plus Eparse, plus grossiere et plus irre- guliere. La ponetuation et la rugosite du reste du corps, la pilosite, l’eelat sont tout & fait comme chez le (. marginatus. Noir avec les artieulations des pattes et des antennes rousses (atricolor), ou bien le thorax et la tete sont plus ou moins meles de rouge (bicolor) . >. 2 2.2 2.020.205. espece. CO. lateralis. Oliv. Mäles. Taille grande. L. 9—12””. Mesonotum sans points enfonees Epars . ..... 02 Taille petite. L. 6-8”. Mesonotum ä points enfonces epars. . . » .... 08 2. Entierement noir. Ailes un peu enfumees de brun noirätre. Chaperon ayant ainsi que les joues quelques gros points enfonces €pars. Eeaille ayant une forte echanerure semilunaire. Tete et thorax assez poilus. L. 9—10"". 2. espece. C. pubescens. Fahr. Noir ; extremite des mandibules, artieulations des jambes, quelquefois le fouet des an- tennes rougeätres. Ailes enfumees de jaune brunätre. Joues sans gros points enfonees; chaperon n’ayant que deux fossettes pres de son bord anterieur et deux pres de son bord posterieur. Ecaille largement echanceree. Tete et thorax n’ayant que quelques polls . . ... „0. 2. a tee er ea. 1. espece. C. hercnleanns. Ailes faiblement enfumees. Abdomen mat, couvert de rugosites fines, serrees et transversales. L..9 11” . . . „2.2... 1.r.C. herculeanus i.. sp. Linme. Ailes fortement RE Abdomen assez luisant, ä rugosites transversales tres fines et moins serrees, L. en ar aa. m. Ou Konimerduslatı: es deux races sont es es a a chez le 9. Les transitions n’ont pas besoin de commentaire. €. herculeano-ligniperdus. 3. Bord anterieur du chaperon presque reetiligne. Le chaperon a, comme du reste chez tous les 9 de ce genre, deux gros points enfonees pres de son bord anterieur et en deux pres de son bord posterieur. Mandibules sans gros points enfonces. Ailes pas- sablement enfumedes de jaune roussätre. Tache marginale et nervures d’un jaune roussätre päle, peu apparentes. Noir, luisant; fouet des antennes, mandibules, arti- eulations, tarses plus ou moins roussätres ou brunätres. Tete et thorax presque sans poils; abdomen un peu plus poilu. Ecaille extrömement basse. Töte aussi large que longue. 1.6, 9-4,.5W ... 2 0.00. unse ne B..espece. G. marginatus. Latr. Bord anterieur du chaperon un peu convexe. Ailes ü peine teintees de jaunätre. Tache marginale et nervures d’un jaune roussätre assez päle. Noir, luisant; les artieu- lations sont ä peine plus claires. Tout le corps assez poilu, surtout le mesonotum. Eeaille basse. Tete aussi large que longue. L. 6 -7”". Les 9 des diverses varietes Bonbaidentiques.. un un nee. cn aneie n. i 5. espece..C. lateralis, ‚Oliv. Partie anterieure du chaperon avancde en forme de lobe semicireulaire. Quelques gros points enfonces epars sur les mandibules. Ailes parfaitement claires ou & peine teintees de jaunätre. Tache marginale et nervures d’un brun fonee, tres apparentes. Tout le corps mediocrement poilu; abdomen plus poilu que le mesonotum. Eeaille assez haute. Tete plus longue que large . . . ... . 4. espece. C. sylvaticus. Ailes ä peine teintees de jaunätre. L. 7—8"" . „1. r. ©. sylvatieus i. sp. Oliv. Ailes parfaitement elaires. L, 6-7, 5". . . . ... 2.r. CO. aethiops. Latr. EC. sylvatico-aethiops. 2. Genre Cblobopsis Mayr. Öest a M. Emery qu'on doit d’avoir montre que la C. fuscipes Mayr n’est que la 5 de la €. trumeata Spinola dont la @ et le soldat etaient deja connus. Mais on consi- derait ce dernfer comme une 9; M. Emery a montre done de plus que les especes du genre COolobopsis ont un soldat et une 5 distincets, ce qui a ete confirme depuis chez quelques especes exotiques par M. Mayr lui-möme. J’ai constate de nouveau sur trois fourmiliöres de (. truncata, et cela de la facon la plus evidente, ce fait important. Le soldat garde les portes du nid avec sa tete. Les 9 varient peu de taille. Les g sont un peu plus grands que les 9; les soldats et les @ sont un peu plus grands que les Jg. Les nymphes des quatre sexes sont toujours nues (du moins celles que j’ai observees). Pas d’architeeture hors du nid. Je n’ai jamais vu la (©. truncata eultiver de pucerons; elle leche divers sucs sur les plantes et ne meprise pas les inseetes tues. Fourmilieres petites ou assez petites. Une seule espece suisse dont l’allure est rapide, et qui est extre- mement craintive. Nids dans les arbres, tres dissimules. Ouvrieres. pe Caraecteres du genre; töte laissant apercevoir, devant, les contours vagues d’une tron- cature qui serait situ6e comme celle du soldat, du reste arrondie et seulement Vie obtuse. Tout le corps luisant, tres finement rugueux; tete, en outre, finement ponctuse. Quelques poils €epars; presque pas de pubescence. D’un rouge plus ou moins roussätre ou brunätre; dessus de la tete, cuisses et extremite des antennes brunätres. Abdomen d’un brun noir. Base du premier et du second segment de l’abdomen ordinairement, celle du troisieme quelquefois blanchätres. Le blanc de la base du premier segment est souvent Echancere au milieu, derriere; celui de la base du second segment forme en general deux taches laterales, le milieu etant inter- rompu par du noir; celui de la base du troisieme segment ne forme quand il existe qu’'une bande etroite. Le corps devient parfois presque entierement d’un brun fonee, presque noirätre. L.3—4, 8" . . . 2. 2.2.2... 1. espece. C. truncata. Spin. Soldats. Caracteres du genre. T&te grosse, plus &paisse devant que derriere, rougeätre, sauf le vertex et le fouet des antennes qui sont bruns. La moitie anterieure de la tete est matte, assez poilue, tres grossierement retieulee; le fond des mailles est granule. Sillon frontal distinet; chez les grands individus, il s’arrete & la place oü serait l’ocelle anterieur, et deux fossettes marquent la place des deux autres ocelles. Tho- rax et abdomen exactement comme chez la 5, seulement plus epais. L. 4-6”, ee ee ehe wesperes 0. truneatasge pre Femelles. Caracteres du genre. Corps plus allonge, plus eylindrique et moins Epais que chez le soldat. T&te plus petite que chez le soldat, aussi epaisse derriere que devant. La surface de troncature est aussi plus petite que chez le soldat. Mesonotum finement rugueux-ponctu& et pourvu de tres petits poils obliques. La sculpture et la pilosite sont du reste identiques ä celles du soldat (aussi pour la moitie anterieure de la t&te). Moitie anterieure de la tete, scape des antennes et tarses rougeätres. Moitie posterieure de la tete (surtout dessus), fouet des antennes, thorax, pattes et Ecaille d’un brun marron plus ou moins elair. Une bande transversale devant l’ecusson, articulations des ailes et des pattes, ainsi que le pedieule moins l’ecaille d’un jaune plus ou moins blanchätre. Abdomen d'un brun noir, sauf la base du premier seg- ment, la moitie anterieure du second et souvent la base du troisieme qui sont d’un blane & peine jaunätre. Ces couleurs, tres tranchees chez l’inseete vivant, se ter- nissent en partie lorsqu’il est desseche. Ailes hyalines. L. 5, 8 -7”” (d’apres MM. Mayr et Emery elle atteint jusqu’& 8””) . . . . 1. espece. C. truncata. Spin. Mäles. Caracteres du genre. Corps etroit, allonge, eylindrique. Tete arrondie, non tronquee ee anterieurement. Chaperon faiblement carene, un peu echanere au milieu de son bord posterieur. Tout le corps luisant, tres finement rugueux-ponctue. Poils tres epars; pubescence presque nulle. Brune; thorax, ecaille, pattes, fouet des antennes d’un jaune brunätre ordinairement assez clair; scape des antennes, mandibules, bouche, artieulations des ailes et des pattes, pedieule (sauf l’ecaille) clairs. Ailes hyalines.. 145-5, 5"., . Mu... 2202008. 1. vespece. GC. truncata. Spin. 3. Genre Plagiolepis Mayr. Une seule espece suisse. La 9 est tres petite, le g aussi; la @ est beaucoup plus grande. Pas d’odeur caracteristique. Jambes courtes; demarche assez lente. Abdomen sou- vent releve dans la marche, et surtout dans les mouvements de defense. Corps assez de- licat. Les 9 se suivent bien ä la file, mais savent aussi se porter les unes les autres, ce qwelles font ä la maniere des Campon tus et des Formica, jamais a celle des Tapinoma. Des pucerons dans le nid, quelquefois du moins; elles vont aussi beaucoup en chercher sur les plantes. Pas d’architeeture hors du nid. Nid dans la terre. Nymphes toujours enveloppees d’un cocon. Fourmilieres moyennes, quelquefois grandes. Ouvrieres. Brune, tres luisante, lisse, avec quelques points enfonees tres epars d’ou partent de fins poils eouches, colles au corps. Mandibules, scapes, tibias et tarses, souvent aussi le chaperon et les cuisses jaunes ou d’un rouge jaunätre. L. 1, 2—2, 3”"- 22 en espece. p. main. Take, Femelles. Comme l’ouyriere. Abdomen tres gros. Thorax aplati. Ailes legerement enfumees de buunapuenilne 35 A See espeee, BR. pygmaea, Tatr. Mäles. Brun fonee, peu brillant. Antennes et pattes jaunes. Corps un peu pubescent, tres peu poilu, lisse, n’ayant que quelques points enfonees Epars. Ailes le plus souvent leserement enfumees. L. 1, 5—2, 5’ . . . . . 1. espece P. maea. Latr. S ! 4. Genre Lasius Fabrieius. Genre abondant en formes, surtout en races. Ouvrieres ordinairement petites, courtes, trapues. Femelles tres grandes et grosses. Mäles guere plus grands que les ouvrieres, quelquefois m&me plus petits. Les fourmis de ce genre sont plus delicates et plus basses sur jambes que celles du genre suivant. Les 9 se suivent ä la file; elles ne se portent an jamais. Nids tres varies; souvent des chemins couverts ou ouverts, des pavillons ete. Deux formes ont une odeur caracteristique, differente dans chacune des deux, penetrante, pas volatile; ce sont les L. fuliginosus et emarginatus. De plus, toutes les formes jaunes ont une m&me oleur alliacee, beauconp moins marqude que celles des deux formes pre- eitees, et differente, ressemblant plutöt ä celle du Z. emarginatus. Nymphes toujours en- veloppees d’un cocon (une seule fois j’en trouvai de nues chez le L. niger, mais c’est un fait tout-a-fait anormal). Pucerons cherches sur les plantes par les unes, &leves dans le nid par les autres. Certaines formes ont a la fois des pucerons de racines et des puce- rons de tiges on de feuilles. Fourmilieres ordinairement grandes, souvent tres grandes. Ouvrieres. 1. D’un noir fonce et brillant. Pubescence presque nulle. Corps parseme de poils eourts. Mandibules, fouet des antennes, tarses, rougeätres; cuisses, tibias, scapes, brunätres. Tete cordiforme, echaneree posterieurement. Les trois ocelles petits, mais distincts. Tout le corps tres finement rugueux. Metanotum &pais. Une odeur partieuliere. L. A ler: © : 2.0.0.0 1. espece. L. fuliginosus. Latr. Tout le corps jaune, habberänE er gets: Pas trace d’ocelles. Abdomen tres pubes- center ie BE a RER 9 23 ee ES er Abdomen brun. Tete et thorax bruns, rougeätres ou d’un brun jaunätre. Abdomen tres pubescent; le reste du corps un peu moins. Oecelles indistinets; la place de l’un ou de l’autre, surtout de l’anterieur, est cependant presque toujours recon- naissable au moins par une fossette. L. 2, 5-4” . . . . 2, espece. L. niger. (L. Schiefferdeckeri. Mayr, de l’ambre (?).) Tout le corps d’un brun noirätre; thorax‘un peu plus elair; pattes, antennes et mandibules d’un brun rougeätre. Tout le corps abondamment pourvu de poils. Serpes et tibvis powrvus aussi de poils bien perpendiculaires, et & cöte de cela pu- bescents. Sillon frontal indistinet. Yeux assez gros. Pas d’odeur partieuliere . TR A N re 1. r. L. niger i. sp. Linne. Comme la race preeedente, mais tibias et scapes seulement pubescents, sans poils proprement dits. Taille ordinairement un peu plus petite, pubescence un peu moins forte et couleur un peu plus claire. Sillon frontal indistinet, on seulement marque_ pres de l’aire frontale. Tete de la taille de celle des Z. niger et emarginatus N a ER TE: ; ? ; 2. r. L. alienus. Först. Comme le Z. niger, mais here ua, tete d’un brun rougeätre en devant et sur les eötes; une odeur caracteristigue (c'est la seule race de cette espece qui en presente une). Scapes et tibias poilus. Taille ordinairement pres de 4” . . . eh A er en a RT TeEmAHgEnaLas AU giere Pilosit€ moins forte que chez les L. niger et emarginatus, comme chez le L. alienus. Pubescence assez forte. Scapes et tibias comme chez le L. alienus. Tete AT grosse ; corps court et Epais. Sillon frontal bien marque jusqu’ä l’ocelle anterieur. Yeux plus petits que chez les autres races. Tete et thorax d’un jaune brunätre; la tete un peu plus foneee que le thorax. . . . . . 4 r. L. brunneus. Latr. L. alieno-niger. La pubescence des tibias, en se redressant, passe insensiblement aux poils. Souvent un, deux ou trois poils seulement aux tibias et aux scapes. Dans une fourmiliere les 5 sont plus claires, plus petites, moins pubescentes; dans lautre c'est le contraire. Bref, cet intermediaire est presque aussi commun que les formes typiques. L. nigro-emarginatus. Tres rare. Je ne l’ai vu qu’une fois & Mendrisio. La four- miliere avait des 5 et des @. La couleur &tait exactement intermediaire; une le- gere odeur de Z. emarginatus etait perceptible. Le nid etait sous l’&corce d’un arbre. : L. alieno-brunneus. N’est guere rare. Taille ordinairement petite, 2, 5””. Le sillon frontal est plus ou moins distinet; la tete tient le milieu entre les deux ra- ces pour la grosseur. Couleur d’un gris brunätre on jaunätre; abdomen brun. Pied des arbres. Vieux troncs. | L. brunneo-emarginatus, ou plutöt emarginatus brunneoides. Formes. de l’emur- ginatus plus elaires et moins poilues, vivant sous l’Ecorce des arbres. Taille variable, ordinairement petite; 1. 2—-4”", Chez les gros individus l’abdomen et la tete sont rougeätres. Ecaille basse, un peu plus large en bas qu’en haut, pas ou presque pas echaneree. Thorax et abdomen tres poilus en dessus. Tibias pubes- cents, sans poils proprements dits . . . 20.08. espece. L. flavus. Fahr. Une variet& tres petite, de 2”, ä yeux Bas petits, sans gros individus, est d’un jaune blanchätre, laiteux, et vit sous les pierres. . Taille peu variable, ordinairement grande; 1. 3, 5—5"". Tout le corps de m&eme cou- leur, jaune clair, parfois un peu rougeätre. Ecaille plus haute que chez l’espece precedente, plus etroite au sommet qu’ä la base. . . . 4. espece. L. umbratus. Tibias munis de longs poils fins. Thorax et abdomen tres poilus. Eeaille haute, entiere ou tres faiblement echaneree & son sommet. L. 3, 5-4, 3" . . en : er umbratusmusshee: N Tibias sans poils. Tete Mihoras en abdomen n’ayant que peu de poils courts. ö l F Ecaille moins haute que chez les autres races, plus haute que chez le Z. Havus ; ayant souvent une faible echancrure ä son sommet. L. 3, 5—4"". 2. r. Z. mixtus. Nyl. Tibias sans poils. Thorax et abdomen tres poilus. Eeaille haute, ayant ä son. sommet une @chancrure triangulaire assez profonde. L. 4—5"" (d’apres Mayr, 2, 5. a a 4, 5"; je ne l’ai jamais trouve si petit) . . . . „3. r L.affinis. Schenk. Tibias sans poils. Thorax tres poilu. Abdomen n’ayant qu'une raie de poils der- riere chaque segment et peu de poils epars. Ecaille haute, ayant une profonde g ‚ a) ! echanerure en triangle allonge. L. 4, 5""" (d’apres Mayr). 4. r. L. bicornis. Förster 189 L mixto-umbratus. Pilosite intermediaire entre celle des deux races. Je n’ai pas encore trouv& d’autres fourmilieres formant transition entre ces races, vu leur ra- rete et leur vie each&e (seulement des © isolees); mais leurs caraeteres distinctifs sont si peu solides, leurs meurs, leur habitus, leur taille si identiques que je ne doute pas que ces transitions n’existent. Femelles. 1. D’un noir fonce et brillant. Tete echaneree largement en arriere. Tout le corps he- risse de poils eourts, coupes ras, surtout sur le mesonotum. Du reste comme l’ou- vriere. Moitie anterieure des ailes enfumee de noirätre. L. 6"” A Sr ; el zespecegb: ee Latr. Bruns ou jaunes. Abdomen on altın pubescence serree . . en 2. Töte petite, n’atteignant pas la largeur du thorax, sans hen Be derriere. Thorax large; abdomen beaucoup plus large que le thorax. Taille enorme par rap- port ä celle de l’ouvriere . z & 0% Aenıs 5 Tete plus large que le thorax, fonkbnget ne ä son Boa ee Thorax assez &troit. Ailes enfumees de brun jusqu’au milieu. Abdomen un peu plus large que le thorax, seulement. Taille moins grande par rapport ä celle de la $ y eh era: eh 3 2 2.0. 4. espece. L. umbratus. Tibias poilus. De du khoraz ei de Enbdeiser tres abondamment pourvu de poils courts et ras. D’un brun rougeätre; bouche, antennes et pattes plus claires. Eeaille ayant le plus souvent une &chanerure. L. 7—8"". 1. r. L. umbratus i. sp. Nyl. Tibias sans poils. Thorax presque sans poils dessus. Abdomen n'ayant que peu de poils courts. Ecaille pas ou tres peu @chaneree. Couleur du precedent, mais le dessous de la tete et du thorax, ainsi que le metanotum et presque toute l’ecaille sont le plus souvent rougeätres, clairs. L. 6--8"”" . . . „2. r. L. mixtus. Nyl. Tibias sans poils. Thorax et abdomen abondamment pourvus en dessus de longs poils. Brunätre, fonce. Bouche, antennes et jambes plus celaires. Ecaille carree, pro- fondement &chaneree en triangle. L. 6—-8”" . . . . . 3.r. L. affinis. Schenk. Tibias sans poils. Thorax et abdomen abondamment pourvus de longs poils. Brun; tete et thorax plus fonces en dessus; abdomen plus clair. Mandibules, bord anterieur du chaperon, antennes et jambes d’un jaune rougeätre. Ecaille presque aussi haute que le metanotum, e&troite, ayant A son bord superieur une profonde echancerure arrondie faisant plus d’un demi cerele, ce qui forme de Er deux cornes recourbees en dedans. L. 5" . . : ee er A EZ wbieornis.KNarsier L. mixto-umbratus. = pris ee au vol des @ oü la pubescence des tibias se decolle, s’allonge, de sorte qu’on ne sait plus s’il ne fant pas la prendre pour des poils. Chez les m&mes, le thorax est assez poilu. Bref, je ne sais ä quelle des deux formes les rattacher. L’echanerure de l’ecaille et la couleur varient aussi beaucoup. La difference entre l’echanerure du L. affinis et du L. bicornis n'est pas non plus si grande qu’on le dirait d’apres la description prec&dente que j’ai traduite de Mayr. 3. Dessous de l’abdomen, joues, antennes, mandibules et jambes jaunes; dessous de la tete et du thorax d'un jaune brun; le reste brun. Ailes enfumees de brunätre jus- qu’au milieu. T&te beaucoup plus etroite que le thorax, tres petite. L. 7—9"" . a ’ 5 BE en! 3 espeee- al. Havus, Bahr! Dessous er corps de la m&me Solar que le dessus, ai brun ou brun rougeätre. Tanlenvariable U. 0. 2. er, 2 : „20.2.2. espece. I. niger. Scapes et tibias poilus. ha: Elan! Dun Din fonee. Mandibules, tarses, tibias et scapes d’un brun rougeätre. Thorax pubescent, assez haut; mesonotum convexe enadessusa ea 10m Be BE re VIE RBSnigerzerspeclimne: Exactement comme le precedent, mais un peu plus petit, et les scapes et tibias sans poils ou presque sans poils. L. 7-9” . . . .....2. r. L. alienus. Först. Scapes et tibias poilus. Thorax plus large et plus bas que chez le L. niger; mesonotum assez aplati en dessus. Ailes claires, tres longues. D’un brun assez elair. Thorax, dessous et devant de la tete, devant du premier anneau de l’abdomen, pattes et scapes d’un brun plus ou moins rougeätre ou jaunätre. Dessus du thorax luisant, tres peu pubescent. Odeur comme la 9. L. 8—-10"". 3.r. L. emarginatus. Latr. Tete plus large que chez les races precedentes, presque aussi large que le thorax. Ailes tres enfumees de brun, jusqw'au milieu. Brun fonee, mandibules, antennes et jambes d’un rouge jaunätre. L. 7-9" . . ...... 4 r L. brunneus. Latr. L. alieno-niger. Plus ou moins de poils aux tibias et aux scapes. L. nigro-emarginatus. Thorax un peu pubescent, assez luisant, moins plat que chez le L. emarginatus, plus plat que chez le L. niger. Couleur intermediaire. Je n’ai pas de @ des Z. alieno-brunneus et brunneo-emarginatus. Mäles. 1. Bord terminal des mandibules tranchant, n’ayant qu’une grosse dent en avant. . 2 . Bord terminal des mandibules muni de 5 dents. D’un brun noirätre. Sillon frontal toujours distinet. Ailes enfumees de brun jusqu’au milieu. L. 4—4, 5""". Tete grosse. : ee ER lie wi 20.20.20. 4. espece. L. umbratus. Bord des marnibules et parfois randıbules entieres d’un brun jaune. Yeux dis- vinetementz pOlluser se ee ne. ara. umbratus asrsper Nyl. Bord des mandibules et parfois mandibules entieres d’un brun jaune. Yeux pres- Uuessans polls... ‚or: ER WERENT? el mistussNy. Mandibules entierement an. brun noir; jene Bora En brun jaune. Yeux ayant quelques poils mieroseopiques . . 2. 2 2 2.202020.2.8 7. L. affinis. Schenk. 7 ee Le 9 du L. bicornis n’est pas deerit A ma connaissance, mais il ne saurait dif- ferer beaucoup des trois precedents. Les caracteres distinctifs des 9 de ces trois races sont, comme on le voit, ä peu pres nuls. Aussi est-il tres risqu& de vouloir determiner la race de l!’un d’eux pris isol&ment, hors de la fourmiliere. 2. Noir, luisant. Fouet des antennes, tarses et artieulations des pattes d’un jaune brun. Tete echancree derriere en demi cerele. Ailes enfume&es de noirätre jusqu’au milieu. Pilosite mediocre. Abdomen ä gros points enfonees Epars. L. 4—5"”" . . . : Eee 89 em : ; 2.0.0.1. espece. L. fuliginosus. Tale D’un Bang noirätre, moins Tisantı Fonet des antennes, tarses et articulations des pattes, souvent toutes les pattes d’un brun jaune. Tete entiere ou & peine un peu concave en arriere. Abdomen sans gros points enfonces. . . en 3. Sillon frontal indistinet. Front ayant souvent une impression Krane Yeux ä poils mieroscopiques. Scapes et tibias poilus. Ailes souvent un peu enfumees ä& la base. Mandibules un peu dentees chez quelques rares individus (v. Hagens). L. 3—4”". e ne »2020.20.83. espece. L. flavus. Fabr. len one trös datrneh Taille The grande, Front sans impression transversale . & re. PER Sa: i : 2.2... 2 espece. L. niger. ab: enfumees de De jusqu'au lie Youx sans En Ecaille echanceree ä son sommet. Scapes et tibias sans poils. L. 4-5””. . . . 4. r. L. brunneus. Latr. Ailes claires. Scapes et tibias sans poils. Front brillant. L. 3, 5—4”" Re: a Anden wre). ea ren D.Nalenusbore Ailes claires. Scapes et tibias poilus. L. 3, 7—5””. 1.r. L. niger i. spec. Linne. Identique au L. niger i. spec., mais front un peu plus mat, taille un peu plus petite, et thorax, surtout le bord des segments, plus elair. L. 3, 7—4, 5". . . EHE DEATH 8e e nn. Bm. Z.remärgmatus- habr. Te oJ de ces quatre races a ss diffieiles ä distinguer les uns des autres, sauf celui du Z. brunneus. Les intermediaires n’ont pas besoin de commentaires. 5. Genre. Formica. Linne. Genre abondant en formes. Ouvrieres grandes ou de taille moyenne. Femelles de meme taille que les mäles, plus grandes que les ouvrieres, guere plus grandes que les femelles du genre precedent. Les especes de ce genre sont tres robustes; les gros indi- vidus qui surpassent souvent de beaucoup les petits n’ont pas la tete partieulierement dure ou grosse; elle reste propartionnee au corps qui est trapu et fort. La F. sangwinea et probablement aussi quelques autres formes savent ravir les nymphes de formes plus faibles et s’en faire des esclaves. Les ouyrieres ne savent pas se suivre ä la file sur un terrain inconnu. Elles se portent les unes les autres en toute occasion, de la maniere indiquee pour les genres Camponotus et Plagiolepis. Nids tres varies. Vie peu cachee; elles aiment en general le grand jour et l’air. Plusieurs sortes d’entre elles savent lancer leur venin en jet & une hauteur assez grande, et se dressent pour cela sur leurs pattes posterieures en recourbant l’abdomen sous le thorax en avant. Pattes assez longues; marche saccadee. Nymphes ordinairement enveloppees d’un cocon, mais parfois aussi nues; ces deux cas se presentent chez les m&mes formes, dans la m&me fourmiliere. Pucerons jamais eleves dans le nid, toujours cherches sur les plantes. Intelligence tres developpee. Four- milieres ordinairement grandes ou tres grandes, quelquefois moyennes. Ouvrieres. 1. Derriere de la tete et ecaille ayant chacun une forte echanerure semilunaire. Le der- riere de la tete est bas, un peu aplati en dessus, et retreci lateralement, de sorte que cette espece a un peu l’air d’avoir deux cornes. Matte. Corps presque sans poils, un peu pubescent, sans €clat soyeux. Carene du chaperon ordinairement in- distinete. Taille ramassee. Echancerure entre le mesonotum et le metanotum forte; ce dernier fortement voüte. Nids & materiaux. Vie en colonies. Elle sait un peu faire jaillir son venin. Nymphes toujours dans un cocon . 4. espece. F. exsecta. L. 5—7, 5". Palpes maxillaires de 6 articles, longs, atteignant presque le trou oceipital Ibrageats sont etendus en arriere. Bord anterieur du chaperon peu ou pas releve. Aire frontale lisse et luisante. Ecaille profondement echaneree. Le front est proeminent, sans former un angle distinet avec le vertex d’un cöte et le devant de la tete de l’autre. D’un rouge plus ou moins vif, un peu jaunätre ou brunätre; antennes, pattes et chaperon plus fonees. Vertex, front et une tache semi lunaire sur le pronotum ordinairement bruns; abdomen brun noirätre. Dans une variete de grande taille que j’ai trouvee pres d’Apples et que je nomme rubens, tout le corps est d’un rouge vif, y compris la moitie anterieure du premier segment de l’abdo- men; une petite tache ronde sur le vertex, et le reste de l’abdomen seuls sont brung A a: 5 TR erseeinnnesmeeh Nyl: L. 3, 8—6, Sum. Pulp masilleires Ede courts, depassant ä peine le bord poste- rieur de la bouche, de 5 petits articles; un de ces articles, le 4"° ordinairement, est souvent bossu et a une place plus claire au milieu; rarement il se divise plus ou moins eh deux, ce qui forme 6 articles. Toutes les autres Formica ont 6 art. aux palpes max. Bord anterieur du chaperon releve; un leger enfoncement en cou- lisse derriere. Aire frontale peu luisante, tres finement rugueuse transversalement. Ecaille peu profondement echaneree. Front tres proeminent, un peu aplati au som- met, de sorte que, vue de profil, la tete parait plus ou moins trapezoidale, car elle est aussi un peu aplatie devant et derriere. D’un rouge plus fonce que la prece- dente. Abdomen, vertex, front, une grosse tache semilunaire sur le pronotum, bord superieur de l’ecaille, et tres souvent aussi les pattes, les antennes, tout le pro- thorax, une tache au sommet du mesonotum, le chaperon et le derriere du dessous de lastete d'un! bruninoirätre tonce nn 27. RB” pressilabris. Nyl. F. exsecto-pressilabris. Presque aussi frequente que les formes typiques. Palpes max. courts, de six petits articles. Tous les autres caracteres intermediaires. Derriere de la tete et Ecaille sans aucune @chanerure. Derriere de la tete epais, arnondik. er Es ea: 2 Stel lan Farälnteh fen: Wed Se 2. Chaperon echanere au Killer, de son at a Aire frontale matte, finement rugueuse. Corps presque sans poils, sauf quelques-uns ä l’abdomen. D’un rouge sanguin plus ou moins vif, quelquefois jaunätre. Front et vertex plus fonces. Ab- domen d’un brun noir. Taille tr&s robuste, moins ramassee que celle de la F\ rufa, plus que celle de la F\ fusca. Chaperon sans carene distinete. Nymphes nues ou en cocon. Nids varies. L. 6-9". . 2...2.2.20.2....2. espece. F. sanguinea. Latr. Chaperon!entier) a, sonßbord anterieurl unser. 2 u Ba 3. Taille tres variable. Corps ramasse. Tete et abdomen beaucoup plus larges que le thorax. Echancrure entre le mesonotum et le metanotum forte. Metanotum forte- ment voüte. D’un rouge fauve assez vif (variant d’eclat), plus ou moins mele de brun et de noir, mais les limites des couleurs toujours assez nettes (sauf chez les tres petits individus). Yeux et ocelles gros. Chaperon & carene indistinete, ou dis- tincte seulement dans sa moitie anterieure. Aiöre frontale toujours lisse et brillante. Elle sait faire jaillir son venin. Nids ä materiaux. Nymphes presque toujours dans a nn oe a een 11, niiEn- D’un rouge clair, ehremement ni Tont ie corps et les pattes herisses de poils courts, perpendiculaires, d’un jaune dore, tres serres. Yeux poilus. Fouet des an- tennes et abdomen, sauf le devant du premier segment, d’un brun noirätre, ainsi que quelquefois une petite tache sur le vertex. Tete des gros individus un peu lui- sante. Chez les petits individus, le rouge est plus terne; le vertex et le dessus du pronotum souvent brunätres, les poils plus longs et moins serres, de sorte qu'il est presque impossible de les distinguer de ceux de la F. pratensis. L. 4—9"" . . a: : : ? ; seen reiten e DT. ABr UNSINN We Dr rouge Dias face. Polls moins aberdante et plus longs que chez la prece- dente. Jambes poilues. Yeux poilus. Abdomen, pattes (sauf une partie des hanches), antennes, vertex, front, une tache eomprenant presque tout le pronotum dont elle atteint le bord posterieur, ordinairement le dos du mesonotum, et souvent celui du metanotum, ainsi que le bord superieur de l’ecaille, d'un noir brunätre. Les petits individus sont quelquefois presque entierement d’un brun plus ou moins noirätre, les limites des parties rouges et noires se fondant. Es des gros individus matte. rd gm ; ; Re or . F. pratensis. De Geer. Comme la ee mais Ihr rouge et moins Rn. vr sans poils. Corps peu poilu. Abdomen (sauf le devant du premier segment qui est souvent rougeätre), vertex, front, souvent une faible tache sur le pronotum (n’en atteignant pas le bord posterieur), antennes et pattes d’un brun plus ou moins fonce. Tete des gros gr individus matte. Petits individus jamais si exigus que chez les deux precedentes. DO Ge Aa : eneRnuaanEspecluinne: F. trunei olo-pratensis. Poils ge la r # uncicola avec une couleur qui, suivant les fourmilieres, devient de plus en plus semblable ä celle de la F\ pratensis; les poils peuvent aussi devenir plus noirs et moins courts. Tete des gros individus plus ou moins matte ete. Nids intermediaires. La F. obscuriventris Mayr (Neue Formiciden) du Connectieut parait &tre aussi une forme intermediaire entre les F\. truncicola et pratensis. F. rufo-pratensis (polyctena Först [?] et piniphila Schenk). Ces formes ont parfois un earaetere un peu partieulier, sont plus petites que les formes typiques, ont les couleurs moins nettes etc. Elles se trouvent dans les elairieres, au bord des bois et surtout dans les montagnes. Elles tiennent ordinairement plutöt de la F. rufa pour les poils et de la F\ pratensis pour la couleur (mıfa foncees et petites). Mais on en trouve aussi qui sont pratensis pour les poils et rufa pour la eouleur. Il y a aussi des fourmilieres intermediaires en tout point. Les differences dans la longueur res- peetive des faces du metanotum (F. yolyctena Först) n’ont aueune constance ; elles varient enormement dans la m&me fourmiliere. Taille moins variable. Corps plus elanee, moms robuste. Tete et abdomen seulement un peu plus larges que le thorax. Eehancerure entre le mesonotum et le metanotum moins profonde, plus evasce. Metanotum faiblement vöüte. (Aucune de ces differences n’est absolue, mais leur ensemble donne un habitus tres divers ä ces deux especes au fond tres distinetes et ne montrant jamais de transitions. Ördinairement noire ou d’un brun noirätre, mais le thorax et m&me la tete sont quelquefois entiere- ment d’un rougeätre d’oere ordinairement terne, quelquefois clair. Les parties rouges et les parties noires n’ont jamais de limites nettes. Yeux et ccelles moins gros. Chaperon ayant toujours une forte car&ne, tres nette, ä son milieu. Aöre Frontale matte, finement rugueuse (sauf chez la F. gagales oü elle est ordinairement luisante comme le reste du corps). L’espece fusca ne sait pas ou presque pas faire jailir son venin. Nymphe nue ou en cocon. Nids dans la terre om dans le bois, sans materiaux (sauf dans de rares er 1,9 UN OUSSsa ee SUR RELN rk NR RN ; ENT EFRRE ae IE ran Luisante. D’un noir Force, presque comme Ener 1: L. fuliginosus. Pubescence trop faible pour empecher cet &clat, sauf & quelques places, tantöt ei, tantöt la. Aire frontale luisante & l’ordinaire, mais quelquefois un peu pubescente et matte. Antennes, pattes et mandibules brunes. Abdomen tres finement strie transversalement et peu ponetue. Poils assez rares. Le venin a souvent une odeur de Tupinoma assez prononeee ä cöte de celle d’aeide formique. L. 5-7,5””" . . . .. 1 r. F. gagates. Latr. Matte. Pubescence assez forte pour l’empecher de luire, trop faible pour lui donner un eelat soyeux prononee. L’abdomen a une ponetuation rugueuse tres dense. Tete Ab Em et thorax finement rugueux. Poils rares. Aire frontale matte. D’un noir souvent brunätre; mandibules, antennes et jambes rougeätres. Mais il y a des varietes, sur- tout dans les pres, ayant un peu plus de poils, une pubescence plus abondante un leger eclat soyeux, et une couleur plus claire. Le thorax arrive möme ä &tre entierement d’un jaune hrunätre ou rougeätre terne, ainsi que le devant de la tete et le pedieule; une tache brune reste eependant toujours sur le pronotum. On trouve, ces individus dans des fourmilieres des pres, au milieu d’autres plus fonces, et mon- trant toutes les transitions; mais d’autres fourmilieres ne renferment presque que des 9 A thorax jaune brunätre. Latreille avait fort bien reconnu cette variete, et su la distinguer de la F\ rufibarbis. C'est ä tort que Schenk et Mayr la confondent de nouveau avec la F\ rufibarbis; en Suisse il y a peu de transitions direetes entre ces deux races dont les meurs sont tres differentes. L. 5—-7"" . . . . ae : Di ma Drake rn a .: Plus poilue que la race precedente. PuDBseenee assez abondante, mais ordinaire- ment sans &clat soyeux marque. Matte. D’un rouge ocreux assez vif, plus ou moins clair; abdomen, presque toujours le vertex et le front, quelquefois le dessus du thorax, le chaperon, le derriere du dessous de la tete, les extremites des pattes et des antennes, et le haut de l’ecaille, d’un brun plus ou moins noirätre. Ce sont les petits individus de certaines fourmilieres qui sont souvent si fonees qu'il devient tres difficile de les distinguer de la race preeedente, surtout quand ils sont morts. Mais lorsqu'ils sont en vie, leur allure est differente et on ne peut les confondre. La F. rufibarbis est vive et hardie, la F\. fusca tres timide. De plus, dans toutes les fourmilieres de F. rufibarbis, on trouve au moins quelques gros individus typiques. ERS We Prrgee Fu Ar. BE maujiborbisalabır: Tout le corps couvert Bee epaisse pubescence qui lui donne un Eclat soyeux pro- nonce. Tete, thorax, &caille et abdomen tout herisses de poils courts; ceux des premiers droits, ceux de l’abdomen diriges en arriere. Couleur intermediaire entre celles des deux races precedentes, quelquefois comme la F. fusca, quelquefois comme Tas rufibarbis: I. — BET RE eineren N Hymne F. fusco-gagates. Cet intermediaire ne doit pas &tre rare, mais, n’ayant pas la F. gagates pres de chez moi, je ne l’ai pas trouv& souvent. Aire frontale et eorps plus mats, plus pubescents, plus rugueux que chez la F\. gagates, taille plus petite. = Mayr (Neue Formiciden p. 13) a recu cet intermediaire de l’Amerique du nord, de plus une variete de la F. gagates ä& thorax, jambes et devant de la tete rou- geätres. F. fusco-rufibarbis. Des formes claires (A thorax rougeätre) et un peu plus pubes- centes de la F\ fusca, habitant les pres, deviennent plus poilues, plus pubescentes, plus courageuses, bref passent parfois insensiblement ä la F\. rufibarbis. Ces series d’intermediaires sont rares en Suisse ou la transition a presque toujours lieu au moyen SE de la forme einerea. Mais ü Vienne j’ai eu l’occasion d’observer de nombreux pas- sages direets entre les F. fusca et rufibarbıs. F. fusco-einerea. Pubescence et poils intermediaires ainsi que les meurs. Pas rare ä Zürich; aussi dans le Canton de Vaud. F. einereo-rufibarbis. Tres frequente a Zürich, & Sion et ailleurs. Les deux races einerea et rufibarbis sont certainement les plus intimement liees des quatre. Femelles. 1. Derriere de la tete et &caille ayant chacun une profonde Echancrure semilunaire. Forme de la tete comme chez la 9. Pubescente, presque pas luisante. Aire frontale luisante. (C’est & tort que Nylander et Mayr disent que la F\ pressilabris @ est tres lui- sante). Thorax etroit. . . . on mama re, 5 «AusespeceiiEitexsäcta. L. 8—9,5"". Palpes maxill., eiserne forme de la tete comme chez la 9. Ailes un peu enfumees de brun. Abdomen, front, vertex, antennes (sauf quelquefois le scape), dessus du thorax, d'un brun chätain; le reste rougeätre ai LE rc ET > ee 1.6 Won: Pälher max., Oaleren comme chez la 9. Forme de la tete comme chez la race preeedente. Ailes ä peine enfumees de noirätre. D’un brun chätain fonce. Devant de la tete, dessous et eötes du thorax, pedicule et bas de l’ecaille, quelque- fois aussi-les cuisses et les scapes, quelques taches sur le mesonotum, et l’anus d’un rougeätre plus ou moins fonce . . . Ä . „2. r. P. pressilabris. Nyl. F. exsecto-pressilabris. Intermediaire. Taille plutöt de l’exsecta (tandıs que chez la 9 e’est plutöt le contraire). Derriere de la t&te Epais, sans echancrure. Ecaille entiere . . . er 2 2. Chaperon echanere au milieu de son bord anterieur. Aire frontale tee Pilosite et couleur de l’ouvriere, mais un peu plus foncee. Abdomen noirätre. Front, vertex, tarses, fouet des antennes et tibias plus ou moins bruns. Ailes enfumees. Abdomen Gonktee I 9 Er 2 nespece. Fr sanguinea. Latr. Chaperon entier ä son bord Anterderte N: wit. De Et en Pe ee) 3. Abdomen eourt, presque spherique. Corps ramasse, en tres robuste; thorax &leve. Tete plutöt plus large que le thorax. Aöre frontale toujours lisse et trös brillante. @onleursdenllouyeiere, I 9ER ee nsespecesk rufa, Abdomen, sauf le devant du premier segment, dessus du thorax, vertex, front, tarses, fouet des antennes, et souvent les tibias et le chaperon d’un noir mat, un peu brunätre. Le reste- d’un rouge fonce. Pas de poils sur le dessus du corps; seule- ment en dessous et auy pattes. Pubeseence forte partout, aussi Fabdomen est-il presque toujours entierement mat. Je possede cependant de petites @ anormales, de 8””, ayant l’abdomen luisant et plus de rouge ä la tete et au thorax. . . . . RER BO ee EL OHNE NL SANENRT ER a 0. TUR DSH mratensissDe.Geer., — Re Exaetement comme la precedente, mais abdomen sans pubescence, tres luisant 3 - u 1. r. F. rufa i. spec. Linne. D’un rouge dla erktäneiadn vif. Front et vertex ou seulement des taches sur ces parties, fouet des antennes, tibias et tarses, trois raies longitudinales sur le meso- notum ou tout le mesonotum et l’ecusson, partie posterieure de ehaque segment de l’abdomen ou tout l’abdomen sauf les *%« anterieurs du premier segment, d’un noir un peu brunätre. Le mesonotum est quelquefois tout rouge, et le pronotum est quelquefois un peu noir. Abdomen pubescent, mat. Tout le corps et les pattes herisses de poils dores, tres fins et assez lngs -. - » » ..... 83. r. F. truncicola. .Nyl. rufo-pratensis. Abdomen ni mat ni luisant partout, plutöt luisant. F. truneicolo-pratensis. Dessus du corps poilu, mais medioerement. Couleur ete. intermediaires. Abdomen grand, allonge. Corps plus @elance, moins trapu, moins robuste, thorax moins eleve que chez la F. rufa. Tete plutöt plus etroite que le thorax. Aüre frontale matte, finement rugueuse (sauf chez la F\. gagates). Couleur de l’ouvriere. L. 9—10, 5 ou 11”"; done plus grande par rapport & l’ouvriere que la F. rufa 9; elle a l’abdomen plus long et le thorax plus court que cette espece. 1. espece. F. fusca. Abdomen tres peu poilu, presque sans pubescence, tr&s luisant. Tete et thorax legerement pubescents et un peu mats. Presque lisse. Aire frontale ordinairement luisante, du moins en partie, quelquefois matte. D’un noir fonee. . Ailes enfumees. Mandibules, antennes, anus et jambes bruns. L. 9—-11"”. . 1. r. F. gagates. Latr. Abdomen ordinairement comme chez la precedente, ä peine un peu plus pubes- cent; presque pas de poils. Töte et thorax un peu mats. Aire frontale matte. D’un noir un peu moins fonce, quelquefois brunätre; mandibules, antennes et pattes d’un brun rouge. Ailes peu ou pas enfumees. Dans les varietes des pres, l’abdomen varie du luisant au mat; il est quelquefois tres mat, ä rugosite et pubescence serrees; le noir devient plus brunätre; souvent le devant de la tete, l’Ecaille, le metanotum et quelques taches sur les cötes du thorax sont plus ou moins d’un jaune brunätre terne.Mh49 10 Won Fan ee We. nern. EL MARS Uschi. speoAinane: Differe de la precedente comme les ouvrieres de ces deux races different entre elles; abdomen et aire frontale toujours mats. La r&partition des couleurs est pres- que exactement la m&me que chez la F. trumcicola Q, avec les m&mes variations, mais les nuances sont beaucoup plus ternes et moins nettement limitees. Puis c'est surtout le dessous de l’abdomen qui est rougeätre; les tarses et les tibias sont or- dinairement aussi rougeätres. Il est presque impossible de distinguer dans une col- lection les @ foncees de F. rufibarbis des @ de la variete rougeätre de la F. fusca; la pubescence et les poils sont un peu plus abondants chez la F\. rufibarbis, voilä tout. I en est autrement lorsqu’on les a en vie. L. 9—11""”. 4. r. F\. rufibarbis. Fabr. Pubescence &paisse partout; un leger @clat soyeux. Tout le corps herisse de poils Ba courts, droits; eeux de l’abdomen dirises en arriere et moins abondants. Couleur variable, tantöt comme la F! fusca, tantöt comme la F. rufibarbis, mais ayant rarement autant de rougeätre que cette derniere peut en avoir. Les @ claires sont tres diffieiles & distinguer de la F\ rufiberbis, cette derniere etant assez poilue et Pabeseengeg ag 9 Zr TER cinereas May. F. fusco-rufibarbis. = F. fusco-gagates. F. fusco-einerea. Poils et pubescence variables. F. cinereo-rufibarbis. Mäles. 1. Bord terminal des mandibules muni de 4 ä 5 dents. D’un noir un peu brunätre. Pattes et organes genitaux externes d’un jaune rouge. Une echanerure au milieu du bord anterieur du chaperon. L. 7 -10””" . . . ....... 2.espece. F. sanguinea. Latr. Bord terminal des mandibules Sen sans dents, termine en avant en pointe ob- tuse. Chaperon entier . . . ; : el 4 2. Derriere de la tete et bord superieur & T’6caille EEaneresn, en arc ne) sur toute leur etendue. Quelques poils Epars sur le corps. Organes genitaux externes jaunes; pattes EM ou moins brunes, jaunes ou re le reste noir. Yeux poilus. er : 2 20... 4.espece. F. exsecta. Palpess max. he: 6 artiolen Tone alteienant presque ie ron oceipital. L. 6-- 9””- L z : Rn. . F. exsecta i. spec. Nyl. Bilden max. rde: b) ankfeles, eonrte, ne erdepassant que peu 2 derriere de la bouche. Mo de, 5 Dr eRropressilabmisuNyl. F. exsecto-pressilabris. Balpes max. ” 6 elite articles, ou de 5 dont un ä& demi partage ete. Derriere de la tete en ligne droite ou un peu convexe (transversalement). L. 8-11”” 3 3. Corps robuste, large, tres poilu, noir. Organes genitaux externes et souvent les pattes diunejaunerrougen l, 9 _IIr=. . 3 especen Errrufa. Les trois races sont presque impossibles ä& es Mayr dit que l’aire fron- tale de la F. truncicola est lisse et luisante, celle des deux autres rugueuse et matte; mais je ne puis trouver aucune constance A ce caractere, L’&caille, chez la F. trun- cicola, est un peu plus epaisse et plus basse, et la pointe des mandibules un peu plus rougeätre que chez les deux autres. Chez la F. rufa i. spec., les yeux et Yab- domen sont moins poilus que chez les deux autres. Chez la F\ prutensis, le dessus de l’abdomen est un peu moims poilu que chez la F. truneicola. Inutile de deerire les intermediaires. Corps long, mince, grele. Yeux sans poils. L. 8—-10””. Noirätre. Organes genitaux 8 Re externes, et presque toujours les pattes, d’un jaune un peu rougeätre . . .. . i : : 5 1. espece. F. fusca. Na ee de orale Buhösnanee forte; ce qui donne au corps un faible eclat soyeux. Seulement quelques poils, sous l’abdomen surtout. Ecaille Epaisse, en- tiere ou presque entiere; bout des mandibules rougeätre. . 1. r. F\. gagates. Latr. Les autres races ont les ailes faiblement ou presque pas enfumdes de brunätre. Pubescence tres serree, Epaisse, ce qui donne au corps, surtout ä l’abdomen, un ecelat soyeux. Ecaille presque entiere. Tete et thorax herisses de poils; abdomen presque sans polls . . . . . . ld Zr cimerea, Mayın Thorax tres peu poilu. Ecaille end mais peu profondement echancree. Pu- bescence medioere . . i ee nA NE mufıbanbisahapız Comme la sn mais ne peu ou pas A et corps un peu- plus Greleunn nr ln ee NZ RN ARUSCHiSRSNe ne JE en F. ‚fusco-einerea. F. cinereo-rufibarbıs. 6. Genre Polyergus Latreille. Une seule espece europeenne (et une seule autre de l’Amerique du nord). Ouvrieres grandes; mäles de la taille des 9; femelles plus grandes. Corps dur, robuste, rappelant celui des myrmicides; mais pas d’aiguillon comme Huber et d’autres l’ont cru. Taille peu variable. Ces fourmis ne travaillent absolument pas, et vont en hordes compactes envahir subitement la demeure des F. fusca ou rufibarbis dont elles pillent les nymphes et les cocons en depit des possesseurs. Les 9 ecloses de ces nymphes chez les Polyergus, se croient leurs anıes, et agissent comme telles, faisant absolument tout l’ouvrage, nourris- sant les larves de leurs ravisseurs et ces ravisseurs eux-memes qui ne savent pas seule- ment manger sans aide. Les Polyergus $ savent marcher en corps, mais aussi se suivre ä la file et möme se porter A l’oecasion ä la facon des Formica et des Ommponotus. Nids dans la terre. Nymphes nues ou en cocon. Les pucerons, les ouvertures du nid ete. sont du ressort des esclaves. Les Polyergus ne savent pas faire jaillir leur venin. Fourmilieres ordinairement assez grandes, mais elles ne comprennent guere plus de 500 a 2000 9 Polyergus, tandıs qu'il y a trois ou quatre fois plus d’esclaves. Ouvrieres. D’un roux plus ou moins brun ou jaune, mat chez les petits individus (les plus fone#s), et souvent luisant sur tout le corps chez les gros. Les parties mattes sont finement rugneuses: l’abdomen est alors en outre pubescent; les parties luisantes sont lisses. Mandibules et aire frontale toujours luisantes. Mandibules et devant de l’abdomen (rarement 5, 5 6, 5""). 1. espece. P. rufescens. Latr. Fr mm ponetues. L. 6, 5-7, 5 FIN EOH Femelles. D’un roux un peu plus fonce que l’ouvriere; &cusson et postsceutellum noirs ou noi- rätres; mandibules, pattes et antennes brunes. Corps plus luisant que chez la 9, surtout la tete et le mesonotum qui le sont toujours; du reste la m@me fine rugo- site des autres parties. Abdomen ponctue et un peu pubescent. L. 9, 5—10""., 1. espece. P. rufescens. Latr. Mäles. Noir. Bout des mandibules, organes genitaux externes et quelques parties des pattes et des antennes d’un brun jaunätre. Tete et thorax mats, finement rugueux. Meta- notum, ecaille et abdomen un peu luisants, tres finement rugueux. L. 7" : 1. espece. P, rufescens. Latr. Femelle-aptere d’Huber (95). (Voyez aux « Notices anatomiques »: Appendice I, 1.) ß. 7. Genre Hypoclinex Mayr. La seule espece europeenne de ce genre tres considerable habite exelusivement le bois, presque toujours sur les arbres ou on la trouve couraut avec la Colobopsis truncata et le Leptothora® affinis. La 9 varie peu de taille; le Jg et la © sont ä peu prös de meme taille, plus grands que la 5. Les nymphes sont nues. Les 9 se suivent ä la file; je ne les ai jamais vu se porter les unes les autres. Pas d’odeur caracteristique. Je n’ai jamais vu !’ A. 4 punetala cultiver de pucerons; elle löche les sucs des fleurs et de la sur- face des feuilles et des tiges des plantes. Habitus analogue ä celui des Zeptothorax. Four- milieres moyennes. Pas d’architeeture hors du nid (v. du reste exp. XXIX). Ouvrieres. Noire, tres faiblement pubescente. Ar&te du metanotum bidentee; face declive concave. Thorax et ecaille rouges; mandibules, antennes, tarses et articulations des jambes d’un jaune rouge. Abdomen ayant presque toujours quatre taches d’un blane jau- nätre, deux sur le premier et deux sur le second segment, devant. Töte, thorax et caille finement rugueux et couverts de gros points enfonces. Abdomen luisant et extremement finement rugueux. L. 3 4”” . 1. espece. H. quadripunctata. Linne. Femelles. Eouleur, sculpture et pubescence comme chez la 9, mais diverses taches noires sur le thorax. Metanotum bidente. Aıles elaires. L. 4, 55"... 2. on ne. 1. espece. H. quadripunctata. Linne. Mäles. Noire. Mandibules, scapes, premier article du fouet des antennes, tibias et tarses d’un jaune brun. Peu de pubescence et presque pas de poils, sauf sous l’abdomen. Tete et thorax finement rugueux et ä gros points enfonces. Pronotum strie. Metanotum a rugosites profondes et grossieres. Abdomen tres finement rugueux. Pediceule sans ecaille, simplement renfle en avant en forme de neud. L. 4, 5—4, 8""- > 1. espece. H. quadripunctata. Te 8. Genre Tapinoma Förster. Ce genre qui n’a qu’un representant suisse a un habitus tres particulier. Les 9. marchent en relevant l’abdomen et en le mouvant en rond, dans tous les sens; elles re- pandent des qu’on les derange une odeur volatile tres caracteristique. Leur corps est mou; elles sont tres agiles. Les Z et les @ ne sont pas beaucoup plus grands que les 9. Les 3 savent se suivre A la file dans leurs fröquentes migrations, mais elles savent aussi se porter. La porteuse saisit alors l’autre par le thorax ou par une patte, et la portee reste, etendue, mais avec les pattes et les antennes pliees comme celles d’une nymphe. Jamais de pucerons dans le nid; les Tupinoma en cherchent m&me rarement sur les plantes. Nids dans la terre. Nymphes toujours nues; jamais de cocons. Fourmilieres moyennes, quel- quefois grandes. Ouvrisres. Noir. Mächoires et ordinairement aussi les antennes et les pattes d'un brun fonce. Tarses jaunätres. Une abondante pubescence blanche sur tout le corps; presque point de poils. Corps tres finement rugueux-ponctue. L. 2, 2--3, 8" ; 5 . 1. espece. T. errativum. Kate. Femelles. Comme l’ouyriere, mais mandibules, scapes et cuisses noirs, ponetuation plus serree, et quelques gros points enfonces sur le dessus de l’abdomen. Ailes un peu enfumees. 1.4, bebrmar a In sn EEE TEsSpEcE HL. erraten Mäles, Ailes, couleur et ponctuation comme la @, sauf les gros points de l’abdomen. Echan- erure de l’'hypopygium etroite, 2 fois longue comme elle est large ä son ouverture. I: Ahr 0 ee ae na lerespeces 1 worraticunelhatı 9. Genre Bothriomyrmex Emery. D Ce genre, quoique rapproche surtout du precedent par son organisation, a certains rapports incontestables d’habitus et de meurs avec le genre Plrgiolepis. Pas d’odeur ® Beer caracteristique. Demarche ‚encore plus lente que celle des Plagiolepis. Jambes courtes. Abdomen relev& ordinairement dans la marche. Corps tres delicat, tres mou. Antennes dans un &tat presque continuel de vibration reguliere qui n’a son analogue, a ma con- naissance, chez aucune autre fourmi. Les g et les @ ne-sont pas plus grands que les 9. Les ouvrieres se suivent admirablement A la file; je ne les ai jamais vues se portant les unes les autres. On ne connait rien de leurs rapports avec les pucerons. Nids dans la terre. Nymphes toujours nues comme chez les Tupinoma. Fourmilieres moyennes ou grandes. L’allure rappelle surtout celle des Plugiolepis, mais aussi celle des petites 9 du L. flavus. . Ouvrieres. D’un brun jaunätre ou grisätre clair; abdomen plus fone6; mandibules, fouet des an- tennes et tarses, jaunes. Töte, en devant, assez luisante; derriere de la tete, thorax et devant de l’abdomen peu luisants; le reste de l’abdomen mat. Une abondante et grossiere pubescence grisätre sur tout le corps, les pattes et les antennes, mais surtout sur l’abdomen. Presque pas de longs poils, sauf vers la bouche et sous l’ab- domen. Mandibules beaucoup plus courtes que chez le 7. erraticum, munies de deux ou trois grandes dents brunätres en avant et de 6 ou 7 petites derriere. Antennes assez @paisses, surtout vers l’extremite qui forme presque une massue. Article 1 du fouet plus long que le 2"“, le 2”° plus long que le 3”° qui est le plus petit; de lä il vont en grossissant peu ä peu jusquw’au bout. Yeux plus petits que chez le 7. erratiwum (55 facettes; chez le Tapinoma au 100). Derriere de la tete tres largement, mais tres faiblement &chanere. L. 2—2, 8" Sa: ; ni espece. B. meridionalis. Baer (Ea A kon insufflsante iR Baper ne coineide pas exactement avec la mienne.) Femelles. D’un brun rougeätre, un peu luisante; pattes, antennes et mandibules jaunätres. Une pubescence epaisse, jaunätre, sur tout le corps qui a un Eclat soyeux. Quelques poils a l’abdomen, presque point ailleurs. Premier article du fouet des antennes a au second, et une fois et demi comme le troisiö&me, L. 2", . : 1. espece. B. meridionalis, Roger (d’apres Emery). Mäles. Brunätre. Un peu luisant; medioerement pubescent, sans poils. Bouche, pattes, anten- nes, organes genitaux externes a pubescence plus longue et päles. L. 2" : a Afrtehe 1. espece. B. meridionalis. Roger. (d’apres Emery). _ 2 2” SOUS-FAMILLE PONERIDE. l. Genre Ponera Latr. Fourmis presque aveugles. Deux especes suisses seulement. Nymphes en cocon d’apres les auteurs (je n’ai encore jamais r&ussi ä en trouver, pas plus que des larves). @ et J a peine plus grands que les 5. Demarche lente. Corps dur, robuste. Vie eachee. Me&urs peu ou pas connues. On ne sait pas möme de quoi ces fourmis se nourrissent; j’ai trouve un myrmecophile, le Trichonyz Meerkelii, chez la Ponera contracta, mais jamais de puce- rons. Les fourmilieres de la P. contracta qui se trouvent dans toute l’Europe, sous les pierres et au pied des arbres, paraissent ötre composees d’un petit nombre d’individus seulement, et ceux-ei ont l’air peu lies entre eux. On les trouve pourtant en general dans un mıeme endroit, sous plusieurs pierres voisines; mais ils ne se portent pas mutuellement, et ont l’air de s’inquieter assez peu les uns des autres. On ne distingue pas nettement leurs nids qui doivent &tre constitues par des canaux souterrains trös fins et tr&s caches; on ne trouve le plus souvent que des 9 et des © apteres. Roger dit positivement que la P. punctatissima forme par contre des fourmilieres distinetes de 30, 40 et 50 individus, et qu’elle sort sonvent de son nid. Cette espece qui, au nord de l’Europe, parait ne se trouver que dans les serres, est autochtone en Italie et en Grece (Roger), ainsi qw'en Suisse, comme nous allons le voir. La P. contracta de Meinert, trouvee par lui en Dane- mare dans des serres, en fourmiliöres assez nombreuses, n’est autre chose que la P. pune- tatissima (e’est Roger qui l’a fait observer le premier). Roger trouva en outre ä Rauden (Silesie), dans les m&mes serres que la P. punetatissima, un certain nombre d’individus isoles tres eurieux auxquels il donna le nom de Ponera androgyna. Ces individus ont. & peu pres exaetement la structure d’une $ de Ponera, mais si on examine l’extremite de leur abdomen, on y trouve les organes genitaux externes d’un J. La description de Ro- ger (Berl. ent. Zeitschr. 1859 p. 246) est fort incomplöte ainsi que sa figure pour ce qui eoncerne ces organes, et renferme quelques erreurs. Il n’hesite pas ä faire de ces individus la $ d’une nouvelle espece (P. androgyna), considerant l’armature genitale J eomme un caraetere speeifique (il la trouve tr&s petite), et rappelant l’opinion de Lespes qui dit que parmi les $ des termites il y en a qui sont des J avortes. La P. androgyna n'avait pas et& retrouvee des lors, ä ma connaissanece du moins, lorsque le 16 aoüt 1868 je decouvris & Vaux pres de Morges, dans un vieux mur situe ä eöte d’une ecurie et d’un tas de fumier, pres de ma demeure, en pleine campagne, dans la propriete de mon pere, propriete rurale qui ne renferme aueune serre chaude ni rien de semblable, une fourmiliere considerable de Ponera punctatissima, la premiere et la seule que j’aie jamais trouvee; je pris d’abord ces fourmis pour des P. contract«. Une foule de © ailees (eertainement plus d’une centaine) s’envolaient ä ce moment, seules, sans &tre accom- pagnees d’aueun J ni des 9. Je commengai ä defaire le mortier du mur; je ne pus decouvrir aucune larve, ni aucune nymphe, ni aucun g, mais je trouvai dans les ınter- ae stices une grande quantite de 9, et parmi elles un certain nombre de gros individus apteres, roussätres, que je pris des l’abord pour des intermediaires entre la 9 et la © analogues ü ceux qu’on trouve chez le P. rufescens, la M. rubida ete. (voir aux Notices anatomiques: Appendice I, 1). Comme j’avais trouve des formes analogues chez beaucoup de fourmis, comme je n’avais pas fait attention & la remarque de Roger qui dit avoir trouve sa Ponera androgyna dans les mömes serres que la punctatissim , et comme je croyais avoir affaire A la P. contracta, je n’examinai pas ces individus ainsi que j’eusse dü le faire, je ne remarquai pas leur armature genitale qui est entierement cachee sous le dernier segment abdominal, je negligeai d’en conserver dans l’aleool, et je les mis dans ma collection avee les 5 et les @ pumetatissima. M. Mayr & qui j’envoyai des exemplaires des trois sortes les determina tous: „ Ponera contracta *, car il n’avait pro- bablement, comme nıoi, pas l’idee qu’on püt trouver une autre espece en Suisse. C’est M. Emery, ä& qui j’envoyai aussi plus tard cette espece, qui me montra mon erreur et me fit remarquer que j’avais affaire ä la pumetatissima, ce dont je pus m’assurer de la maniere la plus positive par la dissection. Je lui parlai ensute dans une lettre de ces individus roussätres que je lui avais envoyes avec la P. punectatissima, et qui s’etaient perdus ä ce qu'il parait pendant le transport, car il ne les avait pas recus; il me re- pondit en me demandant si ce ne serait peut-etre pas la Ponera androgyna. Lorsque je me decidai enfin ä& les comparer & la description de Roger, je pus me convaincre de leur parfaite identite avec la Poneru androgyna, et je trouyai en möme temps leur armature genitale 9. De ces faits il resulte que les Ponera punctatissima et androgyna Roger sont une seule et meme espece (& moins que l’androgyna ne soit parasite de l’autre, ce qui, vu sa conformation, est ä peu pres impossible). Mais qu'est cette P. androgyma? Quel röle joue-t-elle dans la communaute? Il me parait impossible que ce soit un 9 avorte comme a l’air de le penser Roger, car il devrait alors lui rester quelque chose de l’orga- nisation du 9 dans la töte et dans le thorax, comme il reste & la 3 quelque chose de organisation de la @; or ce n’est absolument pas le cas. Malheureusement j’avais neg- lige d’en conserver dans l’aleool; la fourmiliere fut dejä introuvable en 1869, et je ne pus la redecouvrir des lors; il me fut done impossible de dissequer les organes genitaux internes; je ne pus pas meme voir distinetement s’il y avait ou non un rudiment d’ai- guillon. Cependant si !’on eompare ces individus aux hermaphrodites que je deeris dans les notices anatomiques ei-jointes (Appendice I, 2), on ne peut nier que d’est A cette cate- gorie qu’ils semblentd evoir appartenir quoique ils presentent divers caracteres partieuliers, differents de ceux de la P. punetatissima 9, et encore bien plus de ceux du vrai g. D’autres caracteres, et surtout l’artiecle unique des palpes max. les relient intimement ä la punctatissima 9 et @. Chez les fourmis, ’hermaphrodisme n’est point toujours bilateral; il varie beaucoup, et il a parfois une grande tendance & &tre antero-posterieur (la moitie anterieure d’une fourmi etant p. ex. @ ou 5, tandis que sa moitie posterieure est J). Si de plus on reflechit au fait que dans la fourmiliere observee par moi une foule de © IA punctatissima s’envolaient seules, sans g, et que chez l’Anergates atratulus on a l’exemple de 5 apteres, et de @ ailees qui partent seules apres avoir ete fecondees dans le nid, on ne peut s’empecher de penser que ces hermaphrodites pourraient bien jouer le röle actif de g vis-aA-vis des @ (peut-&tre aussi vis-a-vis des 9). Pour les personnes qui croient & la transformation des especes, cela doit &tre un hermaphrodite qui s’est fixe peu ä peu en prenant une forme antero-posterieure, parce que pour une cause ou pour une autre, il se trouvait ainsi etre utile & la communaute. Il est vrai que le J' veritable, analogue ä celui de la P. contracta, existe; il a ete decouvert & Portici, en septembre, par M. Emery qui seul l’a trouve jusqu’ici et qui ne l’a pas encore deerit. M. Emery a eu l’obligeance, non seulement de me communiquer un de ses deux seuls exemplaires, mais encore de m’offrir spontanement la permission de le deerire iei, ce dont je ne sau- rais trop le remereier, d’autant plus qu'il se serait certainement, beaucoup mieux tir& de cette description que moi*). Mais le fait que ce 5 existe ne prouve pas que l’herma- phrodite aptere ne le remplace pas, dans certains cas du moins, avec avantage (ainsi pour la conservation des fourmilieres; nous avons vu que les 9 qui sont & peu pres aveugles n’accompagnent pas les @ hors du nid & leur depart; comment font-elles pour se procurer des © fecondes, si la fecondation a lieu uniquement hors du nid?). Tout cela ne sont que des hypotheses, mais elles servent au moins ä montrer les points qu’il reste ä eclaireir, savoir: 1°) Y a-t-il des hermaphrodites (P. androgyna) dans toutes les four- milieres de P. punctatissima, ou seulement dans quelques-unes? 2°) Ces hermaphrodites s’accouplent-ils avec les @ ou avec les 9, et donnent-ils ainsi des produits?! 3°) Il fau- drait dissequer ces hermaphrodites et analyser leurs organes genitaux internes; s’ils ont des organes g complets, ma supposition risque bien d’etre vraie; sinon ils rentrent pro- bablement simplement dans la categorie des monstruosites. Ouvriöres. Palpes maxillaires de deux articles dont le second se termine par un poil. Bord ter- minal des mandibules muni seulement de 3 ou 4 fortes dents devant (parfois aussi de quelques petites derriere celles-ci). Couleur brune, un peu luisante. Pubescence abondante ; tete couverte d’une ponetuation serree; celle du thorax et de l’abdomen est moins serree. Mandibules, devant du chaperon, antennes, pattes et extremite de l’abdomen d’un jaune rougeätre. Dessous de la partie anterieure retrecie du second segment abdominal grossierement rugueux. L. 2, 7—3, 3""- . ih: : ; : 1. espece. P. contraeta. Tal Palges mazillairen dien sen ie rs pet, arrondi, sans poil au bout. Bord ter- minal des mandibules muni de 3 ou 4 fortes dents anterieurement, et de nombreuses *) M. Emery a m&me eu la bonte de me rendre attentif A plusieurs traits distinetifs du SZ et de la 9 qui sans lui m’auraient certainement en partie Echappe. en petites dents irrögulieres posterieurement. Pubescence encore plus forte que chez la preee- dente, surtout sur le thorax et sur l’abdomen. Ponctuation plus fine et surtout beaucoup plus serree que chez la P. contracta, de sorte que les points sont ä peine separes les uns des autres, et que le corps est presque mat. Dessous de la partie anterieure retrecie du second segment abdominal (Querplaetichen de Roger) tres finement ru- gueux. D’un brun plus fonce. Mandibules, devant du chaperon, antennes, pattes, extremite de l’abdomen rougeätres. L. 2, 5—2, 7””. 2. esp. P. punctatissima. Roger. Femelles. Les yeux ne sont pas tout-a-fait ä l’angle anterieur de la tete; ils sont separes de la partie laterale du chaperon par un espace egal ä peu pres ä& leur diametre; ils ne sont pas tres grands. Palpes, sculpture, pubescence, couleur comme chez la 9. ne ae ONE . 2.0... 1. espece. P. contracta. Latr. Les yeux, plus gros que chez la N eeedente, sont tout-a-fait & l’angle anterieur de la tete, et touchent la partie laterale du chaperon. Palpes, sculpture, pubescence, cou- leur comme chez la 9. L. 3—3, 3”"" . . . 2. espöce. P, punctatissima. Roger. Mäles. Tout le corps est tres luisant et n’a que peu de points enfonees Epars. Tres poilue partout; les poils sont courts et le plus souvent un peu obliques. Pubescence pres- que nulle. Noire, bouche jaune, pattes brunes. Tete bombee, proeminente en haut et en avant; bouche situee assez en arriere. Antennes ä peine coudees entre le premier article du fouet et le scape qui est tout petit, beaucoup plus court que le second article du fouet; ce dernier est aussi long que le scape et le premier article du fouet reunis. Yeux tres gros. Ailes legerement enfumees; le trone de la nervure ceubitale est court, et la nervure recurrente, au lieu de s’unir ä lui, s’unit au rameau eubital interne peu apres le point de partage, ou au point de partage lui-m&me; les deux cellules eubitales sont assez ne Pygidium termine par une longue Epine recourbee. L. 2, 7—3, 3°" .. . 20.0.1. espece. P. contracta. Latr. Tout le corps couvert Aane een serree et d’une pubescence abondante qui se dresse ca et la quelque peu. Dessous et extremite de l’abdomen poilus; & peine quelques poils &epars sur le reste du eorps. Peu luisante; d’un brun plus ou moins noirätre sur le dessus de la tete et de l’abdomen; mandibules, antennes et pattes plus claires. Tete plus allongee et moins bombee que chez la P. contracta,; antennes un peu plus coudees entre le fouet et le scape; ce dernier est presque aussi long que le second artiele du fouet. Ailes hyalines, plus longues que chez la preeedente; le trone de la nervure ceubitale est tres court; la nervure r&eeurrente s’unit au ra- meau eubital interne ä une distance du point de partage egale ä la longueur du 19] ®, trone de la nervure ceubitale; les deux cellules eubitales sont longues et &troites (M. Emery me fait observer que la figure de Smith, Cat. brit. Mus., qui est sense representer l’aile de la P. contracta, se rapporte a la P. punctatissima). Ecaille plus basse et plus &Epaisse, abdomen plus court que chez la P. contracta. Le pygidium n'est pas termine par une Epine recourbee; il est ä peine apointi & l’extremite. Valvules genitales exterieures triangulaires. L. 2, m... Lo nn . 2. espece. P. punctatissima. Roger. Hermaphrodites(?). D’un jaune rougeätre luisant. Pilosite mediocere. Pubescence assez abondante (beaucoup moins que chez la 9). Ponetuation extremement fine et beaucoup moins serr&ee que chez la 9. Tete et thorax conformes tout-a-fait comme ceux d’une 9. Tete grosse, aussi longue et plus large que le thorax, beaucoup plus longue que large. Mandi- bules larges, munies de 7 ä& 8 dents. Palpes comme chez la 9 (c'est l’unique espece de Ponera qui ait un seul article aux palpes maxillaires). Yeux, aretes frontales, sillon frontal comme chez la 9. Antennes de 12 articles, comme chez la %, mais le scape est plus court; il est tres loin d’atteindre l’angle posterieur de la tete. Le fouet est en massue, comme chez la 9. Le metanotum est separ& du mesonotum par une forte &chanerure, ce qui n'est pas le cas chez la 5. L’ecaille est comme chez la 9. Les trois premiers segments de l’abdomen sont presque aussi grands les uns que les autres, et le troisieme recouvre presque entierement les derniers. L’abdomen a six segments (7 avec le pedicule), comme chez les 9: le pygi- dium n’est pas termine par une longue pointe recourbee, il est simplement arrondi au bout. Les Penieilli sont tres courts, poilus, mais ils ne font point defaut comme le pretend Roger. Entre le pygidium et l’'hypopygium se trouve une armature geni- tale externe g’ complete qui n'est guere plus petite que celle du vrai g (laquelle est toujours assez petite). Les Ecailles que Roger deerit et dessine sous le nom de valvules exterieures n’offrent rien de partieulier; elles sont arrondies. Les valvules exterieures que Roger deerit sous le nom de valvules moyennes (par une faute d’im- pression elles sont en outre annotees sur sa figure comme valvules interieures!) sont longues, en triangle allonge, poilues ä l’extremite. Les valvules moyennes que Roger n’a pas vues, parce qu’il n’a pas Ecarte les deux autres paires (qui les cachent), et qui ne sont pas dessindes sur sa figure pour Ja m&me raison, sont plus courtes que les exterieures et que les interieures; elles se terminent par deux appendices chitineux &troits semblables ä deux cornes, au lieu de se terminer par un seul appendice plus large; c’est la corne interieure qui ressemble le plus ä l’appendice | normal (v. Fig. 5). Les valvules interieures sont, je crois, soudees & leur base, comme le pense Roger. Leur extremite est libre, et je n’ai pas vu de dents ä leur bord interne comme chez les g ordinaires de fourmis. (Il est possible que quelques- » unes des differences qui existent entre la description de Roger et la mienne vien- nent de differences individuelles r&elles chez les sujets examines par chacun de nous, mais, autant que j’en puis juger par sa figure qui est fort mauvaise, ce n'est pas le cas des plus importantes). L. 3—3, 5”". Corps plus epais que celui de la $ et de la ©. (P. androgypna) . >»... 2. espöce. P. punctatissima. Roger. 3”° SOUS-FAMILLE MYRMICIDE. 1. Genre Anergates n. @. (@, sans; &oyarns, ouvrier) La © et le J de la seule espece connue de ce genre furent decouverts par Schenk dans des fourmilieres dont les 9 &taient des T. cespitum. Tl erut que ces ouvrieres etaient celles de la @ et du Jg, et deerivit le tout sous le nom de Myrmica atratula. Mayr trouva que l’ouyriere etait ä& peine une variete du T. cespitum, mais que la @ devait &tre tout autre chose; il erut devoir la ranger dans le genre Tomognathus (Europ. Form. p. 56, note; Novarra-Reise p. 23). Il regarda le g de Scherk comme mal developpe (nicht ausgebildet; entend-il par lä que e’etait une nymphe?), et pensa probablement que l’ouvriere devait exister quelgue part, mais qu’on ne l’avait pas trouvee. Or von Hagens a etudie cette espece avee grand soim (Berl. ent. Z. 1867), et a montre que l’ouvriere n’existe pas et que le g aptere et lourd, sachant & peine marcher, que Schenk avait trouve, est bien le seul et vrai g. Il observa m&me l’accouplement dans le nid, obser- vation que j’ai pu confirmer, l’ayant refaite moi-meme (XV). Il regarde cette espece comme parasite du T. cespitum, et laisse sa place dans la systematique en suspens. Or le genre Tomognathus dont l’ouvriere seule est connue n’est represente que par une seule espece finlandaise et danoise: 7. sublevis, vivant chez le L. acervorum en parasite. Ses caracteres ont bien quelque analogie avec ceux de notre fourmi, mais il y a de profondes differences. J’ai trouve moi-m&me IA. atratulus & trois reprises; deux fois j’ai pu en- lever la fourmiliere et l’eEtudier & la maison en captivite. Mes observations rapportees plus loin (exp. XV) viennent confirmer celles de von Hagens. Le g e&tudie soigneuse- ment ne montra beaucoup de particularites. Ce n'est point une nymphe, mais bien un J' adulte tres singulier (voir tableau des genres). De plus j’ai trouve que les palpes des deux sexes sont tres partieuliers (v. tabl. des genres). Le manque d’ouvriere, le manque d’ailes chez le g‘, ainsi que la singuliere conformation de tout son corps, la structure des palpes ete. chez les deux sexes @loignent enormement cette espece des Tomognathus et de toutes les autres fourmis connues; ils justifient pleinement la er&ation d’un nouveau genre. Je erois, comme v. Hagens, que cette fourmi vit en parasite chez le T. cespitum et peut par consequent tres bien se passer d’ouyrieres. Du reste on ne peut nier une analogie frappante entre ses maurs et celles du Strongylognathus testaceus, chez lequel il y a une masse de @ et de g, tres peu de 9, et qui vit chez le T. c@spitum, tres probablement aussi en parasite. BA Femelles. Caraeteres du genre. Tout le front est plus ou moins concave suivant les individus, ce qui fait varier enormement le sillon frontal et l’aire frontale. Cette derniere, ordinairement indelimitable, est parfois assez nette, grande, triangulaire. Le plus souvent il n’y a pas de sillon frontal, mais seulement sur la ligne mediane, en dessous de l’ocelle anterieur, une pro@minence longitudinale allongee et ombiliquee. Si l’impression mediane de cette proeminence se continue en avant et en arriere, elle constitue un sillon frontal. Tout le corps couvert d’une ponetuation serree et grossiere, finement rugueux, mat ou tres peu luisant. Noirätre; abdomen brunätre. Antennes, pattes et mandibules jaunätres. Presque pas de poils, peu de pubescence. Ailes un peu enfumees. L. 2, 5—3°”” . . . . 1. espece. A. atratulus. Schenk. Mäles. Caracteres du genre. T&te comme celle de la @, mais le front n’est guere concave, l’aire frontale et le sillon frontal sont plus souvent distinets. Ponetuation du me- > sonotum assez espacee, tres grossiere, du reste comme chez la @. Aucune pilosite et peu ou pas de pubescence. Entierement d’un gris jaunätre assez clair. Plus large, plus fort, plus trapu que la ©. L. 2, 7—3”” . . 1. espece. A. atratulus. Schenk. 2. Genre Oremastogaster Lund. Une seule espöce suisse, mais une foule d’especes exotiques. Habitus tout-a-fait earacteristique; l’abdomen, d’une extreme mobilite gräce & la curieuse disposition du pe- dieule, peut &tre relev& jusque sur la tete, et faire la roue comme chez les Tapinoma. Son mouvement lateral est cependant moins marque que dans ce dernier genre. Cette fourmi est trös dure, tres robuste, trös courageuse, et se defend en mordant, en piquant et en inondant son ennemi de venin. Seule de toutes nos especes suisses (c’est un trait caracteristique du genre), elle pique en relevant son abdomen par dessus le corps et ja- mais en le recourbant en dessous. Elle n’a jamais d’odeur semblable ä celle du Z. fuli- ginosus, comme le pretend Nylander, du moins pas en Suisse. Les J sont un peu plus grands que les 5, et les @ beaucoup plus. Les $ savent admirablement se suivre & la file, et vont ainsi exploiter tous les arbres, buissons ete. de leur domaine. Elles cherchent leurs pucerons sur les plantes. Nids varies. Fourmilieres considerables. *) Ouvrieres. Un profond sillon entre le mesonotum et le metanotum. Taille trapue. Premier article *) Le CO. seutellaris, tres commun en Italie oü il couvre les murs, les chenes verts ete., y est connu vulgairement sous le nom d’arriccia-euli, Dar ER du pedieule aplati de haut en bas, trapezoidal, plus large devant que derriere, sans dent en dessous. Second article ayant en dessus un sillon longitudinal entre deux elevations. Tete d’un rouge vif; trös rarement noire avec les mandibules rougeätres. Thorax et pedieule aussi d'un rouge vif, ou bien bruns ou noirs. Abdomen entiere- ment noir, plus rarement brun ä base d’un brun rougeätre. L. 3, 5—5, 2” » ..020202020.0 1 espece. C. scutellaris. Oliv. Femelles. Tete d’un rouge vif. Dessous et cötes du thorax rouge brunätre, ainsi que les cuisses; rarement noirs. Le reste d’un noir brunätre, luisant. Allongee. Pedieule comme chez -V’ouvriere. L. 9-10"”" . . 2. 2.2.2.2... 1. espece. C. scutellaris. Oliv. Mäles. Noirätre ou brunätre. Antennes, pattes et mandibules rougeätres. Finement rugueux, mediocrement luisant, presque sans poils. Premier artiele du pedieule ä peine plus large devant que derriere, tres aplati et meme concave en devant et en dessus, renfl& en arriere. Second article nodiforme, sans sillon longitudinal appreciable en Jessus. ld, ne nn lecespece, G.scutellaris.“Ohy: 3. Genre Solenopsis Westwood. Une seule espece suisse; plusieurs etrangeres. Notre espece vit le plus souvent en nids doubles, e’est ä& dire en creusant ses galeries dans les parois de celles d’une autre espece. Ouvrieres extremement petites, presque aveugles. Femelles et mäles enormes par rapport aux ouvrieres. Pucerons soignes dans le nid, sur des racines. Les ouvrieres ne sortent presque jamais, du moins de jour. Elles se suivent ä la file, ne se portent pas. Elles sont trös courageuses; leur allure est assez lente; elles savent relever l’abdomen. Pattes courtes. Corps tres deliecat. Nids toujours ou presque toujours dans la terre. Four- milieres considerables. Ouvriöres. D’un jaune clair ou brunätre. Premier segment de l’abdomen ordinairement plus fonce en dessus. Les grands individus sont beaucoup plus fonces, presque bruns, et peu abondants. Lisse, luisant, peu ponctue, tres poilu. L. 1, 7—2, 5"". Yeux de 6& 9 facettes, seulement. 2... = 2: u. ee sen a an Lu espece. 8. fugax. Latr. Femelles. D’un brun noirätre. Mandibules, antennes, pattes et bord posterieur de chaque seg- ment de l’abdomen d’un brun jaune. Tout le corps trös poilu et luisant. Front et 4 a ” »ERZERLT Tune * De u Fo Ze Zum ae a Be mandibules ä fines stries longitudinales et ä gros points enfonees. Une ponetuation tres grossiere et peu serree sur toute la töte, tr&s @parse sur le reste du corps, sauf sur le mesonotum oü elle est un peu plus dense. Metanotum lisse sur sa face basale, finement rugueux sur sa face deelive. L. 6, 3-6, 7”, 1. esp. 8. fugax. Latr. Mäles. Noir, luisant, tres poilu. Mandibules, antennes et jambes brunes. Mandibules et front stries. Chaperon lisse. Tete, pronotum, metanotum et pedieule finement rugueux. Mesonotum ä gros points enfonces Epars. Abdomen lisse. L. 4—4, 5"" . ... 1. espece. 8. fugax. Latr. “ 4. Genre Strongylognathus Mayr. C’est encore ä Schenk que revient l’honneur d’avoir decouvert la premiere espece de ce genre eurieux. Ses mandibules, comme celles du genre Polyergus, le rendent im- propre au travail ordinaire des fourmis. Or on le trouve avec ses Q@, ses g, ses larves, ses nymphes dans des fourmilieres composees en majorite de T. cespitum 9 avec leurs larves et nymphes 9, mais sans jamais de @ ni de g. Schenk et Mayr en ont conelu qu'il devait piller les 7. cespitum comme le Polyergus rufescens pille les F. fusca et rufibarbis. Von Hagens n’est pas de cette opinion, et il a, je crois, raison comme nous le verrons ailleurs. J’ai d&couvert une seconde espece en Valais; elle se trouvait egale- ment avec des 7. cespitum; elle est plus grande, plus forte, et les 9 sont infiniment plus nombreuses dans la fourmiliöre. Cette espöce-ei parait &tre r&ellement esclavagiste. Les nids de ce genre ne se distinguent pas de ceux des Tetramorium. Ouvrieres petites; femelles plus grandes, mais infiniment moins grandes que chez les Tetramorium. Mäles plus grands que les femelles. Les 9 ressemblent cependant beaucoup & ceux des Tetra- morium, quoique etant bien plus petits; l’analogie du 2” article du fouet de l’antenne est surtout remarquable. Von Hagens insiste beaucoup sur ce point, et emet l’idee que les Strongylognathus pourraient n’&tre qu’une variet€ monstrueuse des Tetramorium. *) L’habitus du S. testaceus est presque le möme que celui du 7. cespitum, mais l’habitus du $. Huberi rappelle plutöt celui du Lept. acervorum. *) J’ai trouve dans la collection du Museum de Paris deux 2 et un d' de Strongylognathus qui ont tous les caracteres du S. testaceus, mais dont la tete n’est absolument pas &Echancree posterieure- ment; de plus ils sont tres noirs, et leur aspect rappelle d’une maniere frappante celui des petits d et des petites @ de diverses varietes meridionales du T. c@spitum. Ils n’ont du reste pas les caracteres du S. Huberi (pas de carene au chaperon ete.). Ce fait viendrait A l’appui de l’idee de von Hagens. Mais on n’a jamais encore pu trouver un seul individu chez lequel la forme des mandibules füt inter- mediaire. Beehdri, u Ouvrieres. Le chaperon, court dans ses parties laterales, se prolonge par son milieu entre les aretes frontales qui sont (ainsi que les antennes) placdes trös au devant de la töte. Il est lisse, luisant, voüte d’avant en arriere, concave de droite ä& gauche, sans la plus petite trace d’une carene. Corps assez court, de la forme de celui du Tetra- morium caespitum. Tete grande, large, avec les mandibules plutöt plus longue que le thorax; elle a ä son bord posterieur une profonde &chanerure s&milunaire qui lui donne l’air d’avoir deux cornes. Thorax court. Metanotum muni de deux petites dents tres courtes et tr&es obtuses, presque lisse et luisant entre deux. Poilu, luisant. Abdomen lisse. Tete et thorax ä stries longitudinales grossieres, sauf le vertex qui est plus ou moins lisse, et le sommet du pronotum et du mesonotum qui est lisse ou finement strie; pedieule finement rugueux. D’un jaune brunätre. Souvent une bande transversale, brunätre, vague, sur le premier segment abdominal. L. 2, 3—-3"”- . . 1. espece. 8. testaceus. Schenk. Chaperon dispose comme chez Körsee Dräcedente, lisse et luisant, voüte d’avant en arriere, mais fortement convexe aussi de droite & gauche, et muni au milieu d’une earene longitudinale qui se continue dans l’aire frontale et ne finit qu’au sommet de celle-ci. O’est ä la hauteur de l’artieulation des antennes que cette carene est surtout @levee. Corps allonge, de la forme de celui du Lept. acervorum. Tete plus petite, plus &troite, moins rectangulaire que chez le pr&cedent, plus courte que le thorax, et n’ayant qu’umne faible Echanerure & son bord postörieur. Thorax allonge. Metanotum muni de deux &pines ou dents pointues comme celles du 7! euespitum ; entre deux il est rugueux transversalement. Peu poilu, luisant. Des rugosites longi- tudinales grossieres seulement sur les cötes de la tete et du thorax, et sur le devant de la tete (sauf le chaperon). Front et vertex lisses, ä points enfone6s larges et epars. Dessus du thorax lisse, sauf le dessus du metanotum qui est tres finement granule. Pedieule finement rugueux et ponctue. Abdomen lisse avec quelques points epars. Roussätre. Front et milieu du dessus de l’abdomen plus fonces. Eperons grossierement pectines. L. 3-8, 5°" . . . ...... 2. espece. 8. Huberi. n. sp. Femelles. Tete et thorax stries partout, longitudinalement et grossierement. Dents du metano- tum plus fortes que chez l’ouvriere, presque spiniformes; metanotum strie trans- versalement entre elles deux. Pedieule rugueux. Abdomen lisse, vaguement ponetue. Du reste la tete et le chaperon comme chez l’ouvriere. D’un brun marron, presque noirätre sur le vertex. Mandibules, antennes, pattes, pronotum et dessous de tout le corps plus ou moins rougeätres ou jaunätres. L. 3, 7-4" . ... OR: BR N ER TE RE TER REINE NE espece. 8. testaceus, Schenk. Huberi. Femelle inconnue. auge Mäles. D’un noir brunätre, luisant. Pattes, bouche, antennes et bord des anneanx de l’abdo- men jaunätres. Tete assez fortement &chanceree derriere. Chaperon sans carene. Dents du metanotum courtes comme chez la 3. Peu de poils. Stri& et rugueux exactement comme la 9, sauf le devant du mesonotum qui est lisse. L. 4—4, 5”"- een Ne 1. espece. $. testaceus. Schenk. S. Huberi. Mäle inconnu. 5. Genre Tetramorium Mayr. La seule espece suisse de ce genre, la plus commune des fourmis (apres le Z. niger peut-ötre) röpandue dans le monde entier, vit presque toujours dans la terre. Les 9 sont petites, les @ et les g' @normes relativement ä elles. Elles sont dures, tres robustes et tres courageuses. Allure assez rapide, corps assez ramasse, pattes assez hautes. Elles savent se suivre ä la file, mais aussi se porter d’une maniere singuliere, propre aux myr- micides: la porteuse saisit celle qu’elle veut porter par le bord inferieur (externe) d'une de ses mandibules et l’enleve ainsi completement en retournant son corps sens dessus dessous; la portee se replie alors sur le dos de la porteuse, tout en ployant ses pattes et ses antennes comme une nymphe. Ce systeme est beaucoup plus commode que celui des Camponotus ete., moins genant pour la porteuse. Pucerons rarement cultives par cette espece. On les trouve dans le nid, sur des racines; du moins au printemps, en hiver et en automne. Elle ne va probablement jamais en chercher sur les plantes; elle se nourrit surtout d’autres substances. Fourmilieres grandes. Cette fourmi varie enormement, surtout dans le midi de l’Europe; ses varietes sont deerites en detail par Mayr, dans ses Neue Formiciden (p. 35), et j'y renvoie. Ouvrieres. Variant d’un jaune brunätre clair & un noir & peine brunätre. Mandibules, fouet des antennes, tarses et articulations des jambes toujours plus celairs. Thorax et tete stries-rugueux longitudinalement. Thorax luisant et lisse entre les stries. Pedicule rugueux. Fosse antennale courte, n’arrivant que jusqu’ä la hauteur des yeux. L. 2,80, en Mehr ve en, Ie: espece. 13: GOSpALTEmI ME re Femelles. D’un noir legerement brunätre; luisante. Mandibules, fouet des antennes, tarses, quel- quefois les pattes entieres, rouge jaunätre. Tete, pronotum, cötes du thorax et metanotum stries. Eeusson et presque tout le mesonotum lisses et luisants. L. 6— 8””-; ordinairement 8" . 2. 220202020. 1. espece. T. c@spitum. Liune. — 18 — Mäles. D’un noir & peine brunätre, Iuisant. Mandibules, antennes et jambes jaunätres. Tete et metanotum stries; le reste du corps presque lisse. L. 6-7" . . 2. 0... 1. espece. T. cspitum. Linne,. 6. Genre Myrmecina Curtis. Une seule esp&ce europeenne et suisse. Femelle ä peine plus grande que le mäle, et celui-ci depassant ä peine l’ouvriere en longueur. Yeux tres petits, pattes eourtes, corps tres trapu, tres robuste et tres dur. Allure tres lente, vie souterraine. Les 9 replient leurs pattes et leurs antennes comme des nymphes, au moindre danger; elles se laissent tomber, et restent immobiles. Aiguillon tres petit. On ne sait pas si elles &l&vent des pucerons. Elles savent tres bien se suivre ä la file. Elles se portent probablement aussi ä la maniere des Tapinoma. Fourmilieres tres petites. Nids dans la terre, Les M. La- treillei repandent une odeur tres deliee, un peu framboisee, et quw'on ne eonstate süre- ment qu’en observant un certain temps ces fourmis. Ouvrieres. Noire, tres poilue. Devant de la tete, face declive du metanotum, dessous du pedicenle, antennes, pattes, bout de l’abdomen et souvent les cötes du thorax d’un roux vif. Tete, thorax et pedieule grossierement rugueux. Abdomen lisse et luisant. L. DE a anna Jule espeee:.M: HLatrenlei.; Curt: Femelles. Oomme l’ouvrire, mais pronotum, cötes du thorax et hbords du mesonotum presque y , I il toujours roux. Mesonotum strie-rugueux longitudinalement. Ailes enfumdes de noi- talres U. SA AT. a en ln.1e iespeee: M. atreillei.; Curt. Mäles, Noire, trös luisante, presque lisse, poilue. Bouche jaune. Antennes et pattes brunes. Ailes enfumees de noir ou de brun fonee. L. 3—3, 7””. 1. esp. M. Latreillei. Curt. d 7. Genre Aphaenogaster Mayr. Nous avons deux espöces suisses de ce genre fortement represente autour de la Me- diterrannee et dans l’Amerique du nord. L’ouvriere varie enormement chez certaines especes (chez une des nötres), et l’on y voit la transition ä un soldat separe comme chez les Pheidole. Chez les formes suisses de ce genre, les petites 9 sont tres delieates, molles; elles ont la tete petite et les mandibules dentees. Les grosses ont le corps deli- 10 Be A cat aussi, mais moins, et elles ont une enorme tete dure, avec des mandibules indistinc- tement dentees, en tranchant inegal. La partie anterieure du corps, plus haute que la posterieure, donne ä& toutes ces 9 un aspect tres partieulier. Chez 1’A. structor, les © sont ä peine plus longues que les plus grandes 9, et les g' sont plus petits. Les Aphae- nogaster ont les jambes hautes; leur aiguillon tres petit ne leur sert presque de rien. Elles se suivent ä la file et ne se portent pas, autant que j’ai pu le voir. Je ne leur ai jamais vu cultiver de pucerons. L’A. structor, et 1’A. barbara du midi de l’Europe, ont une curieuse industrie. Elles vont chercher les sraines de toute sorte de plantes et en remplissent leur nid. Lespes (Revue des cours scientifiques 1866) dit qu'elles attendent que la germination transforme en sucre une partie de l’amidon, et qu’elles se nourrissent alors de ce sucre, laissant le reste sous forme d’une espece de son qu’elles emportent hors du nid *). L’A. subterranea a une vie tres souterraine et n’amasse pas de graines. Nids dans la terre. Fourmilieres moyennes. Ouvrieres. Metanotum sans dents ni epines. Thorax rugueux. Taille et tete variant beaucoup. Mandibules ayant 6 ä 7 dents chez les petites 5. Variant d’un jaune sale & un brun noirätre. Mandibules, chaperon, joues, dessous de la tete, fouet des antennes, articulations des pattes et tarses d’un rouge jaunätre. Tres poilue. Tete et prono- tum mats, fortement rugueux-stries. L. 3, 5—9, 5""”. 1. espece. A. structor. Latr. Metanotum arme de deux epines dirigees en arriere et en haut. Variant du jaune brunätre au rouge brun et möme au brun. Luisante, peu poilue. Dessus de la tete et abdomen plus fonces. Taille et tete beaucoup moins variables.. Chaperon strie longitudinalement. L. 3, 5—5, 2"”" . 2... 2. espece. A. subterranea. Latr. Femelles. Metanotum sans &pines, ayant seulement deux tubereules. Tres poilue. Aire frontale et face declive du metanotum striees, mattes. D’un noir brunätre; pattes brunes; man- dibules, joues, fouet des antennes, artieulations des pattes et tarses d’un rouge jaunätre. Pronotum strie. Mesonotum ä gros points enfonces. L. 9—10, 5" . . an freie ge ana aunek anne, Livespece,, A. ‚siructergsn *) Il a paru dernierement un ouvrage anglais: « Harvesting Ants and Trap-door Spiders (Fourmis moissonneuses et araignees @ trappes) by J. Traherne Moggridge, F. L. S. London 1873 » oü l’auteur parle de ses observations personnelles sur les especes qui recueillent des graines dans le midi de la France. Il ne connait pas les observations anterieures de Lespes et arrive a peu pres aux m&mes resul- tats que lui. Il s’&tend extrömement sur le sujet sans y ajouter un nombre proportionnel de nouvelles observations. Il deerit la maniere dont les graines sont entassees dans les cases. Fe: Metanotnm arm& de deux epines. Mesonotun et &cusson lisses et Juisants. D’un brun rougeätre; peu poilue. Dessus de la tete, du thorax et de l’abdomen plus fonce. TR Sa ee em wen 2: espece A. sübterranea., Latr: Mäles. Metanotum sans dents, @galement incline de haut en bas et d’avant en arriere, ä peine voüte; on ne peut distinguer la face basale de la face declive. Noire. Bont des mandibules et des antennes, artieulations des pattes et tarses rougeätres. Pronotum et metanotum ä stries serrees et grossieres. Mesonotum plus finement rugueux. Corps tres poilu. L. 7, 5—8"”" . . . 2. 2... 1. espece A. structor. Latr. Metanotum en escalier. Sa face deelive est verticale, la partie posterieure (inferieure) de sa face basale est horizontale, et la partie anterieure (superieure) de cette face basale est de nouveau verticale. Deux fortes deuts au bord de la partie horizon- tale de la face basale. D’un brun jaunätre clair, tres luisant. Dessus de la tete, du thorax et de l’abdomen d’un brun fonee. Corps tres peu poilu. Front et vertex tres finement rugueux. L. 4—5"" . . . ... „2. espece. A. subterranea. Latr. 3. Genre Myrmica Latr. Ce senre, tres repandu dans notre pays, comprend des fourmis fortes, robustes, munies 5 ’ Y ’ ’ ’ d’un puissant aiguillon. Les @ sont de m&me taille que les g, et seulement un peu plus grandes que les 9 dont la taille varie tres peu. Les 9 savent se porter ä la maniere des Tetramorium, mais aussi se suivre & la file. Elles cherchent les pucerons sur les ’ plantes, et en ont aussi parfois dans leur nid. Elles n’ont pas la d&marche tres vive, mais sont tres adroites. Nids varies. Fourmilieres moyennes, rarement petites ou grandes. Ouvrieres. Metanotum sans &pines, ayant seulement deux tubereules. Mandibules pourvues de deux fortes dents devant, et de 13 a 14 tres petites derriere. Massue des antennes de 5 articles. D’un rouge jaunätre ou brunätre; milieu du dessus de l!’abdomen plus fonee. Thorax et tete stries. Dessus du pronotum et du second article du pedieule, ainsi que l’abdomen, lisses et luisants. Le reste du pedieule finement rugueux, ) te Be alerespecers Misrubidas Wat Metanotum muni SER deux fortes Epines. era ayant 7 & 8 dents. Massue des antennes de trois & quatre artieles. L. 3, 9—6"" . . . . ER ERUKE a N 2.espece- m. rubra. Linne (F. ae " r% 1022.) Se des en arque et cylindrique pres de sa base; l’are est grand, en eourbe douce, de beaucoup moins de 90 degres. Massue des antennes de quatre articles. Cötes de la tete grossierement retieules; les mailles sont lisses ou presque lisses et luisantes. Aire frontale lisse et luisante. Pedicule presque lisse, n’ayant DE que quelques faibles rugosites de cöte. Metanotum lisse et luisant entre les &pines. Les epines sont plus courtes que la face basale du metanotum. Rugosites de tout le corps plus faibles que chez la race suivante et que chez toutes les autres. D’un rouge plus ou moins jaunätre ou roussätre; dessus de la t&te et de l’abdomen ordinairement plus fonces. 1 Oe a EN Comme la precedente, mais font le corps plus rugueux. Pedieule tres rugueux. Metanotum strie-rugueux transversalement entre les &pines. Epines aussi longues que la face basale du metanotum. L. 5—5, 5”" . . . 2. r. M. ruginodis. Nyl. J’ai trouve& une variete de cette race oü le thorax et la tete etaient plus ou moins taches de noir. Scape des antennes arqu& subitement pres de sa base; l’arc est court et se rap- proche de 90 degres; & la partie anterieure de l’arc, le scape est un peu dilate et forme presque un angle. Massue des antennes de trois articles. Aire frontale gros- sierement striee en long. Metanotum lisse et luisant entre les epines qui sont au moins aussi longues que la face basale du metanotum. Stries du front grossieres et peu serr&es. Pedicule grossierement rugueux. Mailles des cötes de la tete lisses et luisantes. D’un rouge plus ou moins brunätre. Abdomen et dessus de la tete souvent d’un brun presque noirätre L. 5-6””" . . . 3.r. M. suleinodis. Nyl. Scape des antennes coude pres de sa base & angle droit; la partie convexe du coude est @Elevee en forme de lobe ou d’ecaille transversale; ce lobe vu de profil a Vair d’une epine placee sur le scape. La partie concave du coude est arrondie, arquee brusquement, le scape @tant Epaissi dans sa partie coudee. D’un brun rou- geätre sale; pattes plus claires. Le plus souvent le dessus de la tete et l’abdomen, quelquefois tout le corps d’un brun presque noirätre. Massue des antennes de trois articles. Epines un peu plus courtes que la face basale du metanotum qui, entre elles deux, est lisse et luisante. Aire frontale striee comme chez la M. suleinodis. Pedicule grossierement rugueux et strie en long. L. 4—6”” (Les petites formes dansylesw Alpes) er au . re dr Tr. 2M: lobicormis EN yJ® Scape des antennes coude ä ne dorf: sur la partie convexe du coude, il n'y a qu’un lobe oblique et bas, ou une petite dent obtuse, ou rien du tout; le coude est ä l’ordinaire aussi anguleux ä sa concavite. Aire frontale lisse et lui- sante, sauf & sa partie posterieure oü quelques stries du front se continuent souvent sur elle. Metanotum finement rugueux transversalement entre les Epines qui sont aussi longues que la face basale. Pedieule grossierement rugueux. Mailles des cötes de la tete luisantes, ä peu pres lisses (chez les petits individus souvent granulees). Massue des antennes de trois articles. D’un rouge brunätre clair ou jaunätre; sou- vent l’abdomen et le dessus de la t&te sont plus ou moins bruns. L. 3, 5—5, 5” ee ee ee NEN SCHORIO ES Scape des antennes comme chez la M. suleinodis. Mailles des eötes de la tete Nahe mattes, granuldes. Metanotum lisse et luisant entre les Epines. Pedieule plus gra- nul&e que rugueux. L. 3, 5—4, 5"". Tout le reste exaetement comme chez la M. scabrinodis dont cette race n’est guere qu’une variete . . 6. r. M. rugulosa. Nyl. De ces six races, les plus intimement lies apres les M. rugulosa et scabrinodis sont les M. luevinodis et ruginodis entre lesquelles on trouve de frequentes transi- tions. Les formes scabrinodo-lobicornis sont frequentes (variations dans la striure de l’aire frontale et dans la position du lobe du scape des antennes). En Engadine j’ai trouve des fourmilieres suleinodo-scabrinodis. Certaines varietes de la m. sulei- nodis sont si rapprochees de la M. ruginodis que je suis presque certain qu'il existe des intermediaires entre ces deux races. Je suis aussi fort tente de croire ä l’existence de formes lobicorno-suleinodis, ces deux races ayant de grandes affinites, et vivant dans les mömes parages. Malheureusement la M. suleinodis ne se trouvant pas & ma portee, je manque de donnees suffisantes & son &gard. Femelles. Metanotum arme de deux dents tres obtuses. Mandibules ä deux grosses dents devant, et environ 13 & 14 tr&s petites derriere. Tout-a-fait comme la 3. D’un rouge un peu brunätre; luisante; mandibules, bords de l’ecusson et une bande vague sur le bord posterieur du dessus du premier segment abdominal noirätres. Ailes un peu enfumees de brun. L. 9, 5—-12””" . . . 2..2.2...1. espece. M. rubida. Latr. Metanotum arme de deux epines. Mandibules munies de 7 & 8 dents. Massue des an- tennes de trois ou quatre artieles. Ailes legerement teintees de brunätre ä leur base. Lo En N: rer . „2. espece. M. rubra. Linne. (F. suec.) Epines du eanolaın courtes, pas plus longues qu’elles ne sont larges ä leur base. D’un rouge jaunätre ou un peu brunätre; dessus de la tete, bord posterieur du pronotum, une tache ä la racine des ailes, presque tout l’&cusson, et souvent le dessus du premier segment de l’abdomen, bruns ou noirätres. Tous les autres caracteres sont du reste identiques & ceux qui ont ete indiques pour la 9. L. le ee RL TE Er laermocisaNyl. \ Longueur des Epines See len: ä peu pres triple de la largeur de leur base. Couleur de la precedente. Du reste exactement comme la 9. L. 6, 5-7" . a RR ehe ne EM STUgNodES: NY]: Epines du metanotum comme chez la preeedente. D’un brun rougeätre; mandi- bules, antennes et pattes d’un jaune brunätre; tete, abdomen, @ecusson et diverses taches sur le thorax d’un brun noirätre. L. 6, 5—7”". Du reste, caracteres de larkon ae ı ; ae Be ee suleimodsı Nyl: Epines du ta un peu a Ele que chez la M. ruginodis. D’un brun rouge. Dessus de la tete, du thorax et de l’abdomen d’un brun noir. Thorax quel- quefois tachete des deux couleurs. L. 5—6, 5”". Du reste, caracteres de la 9. ee a ee 1 Me l0DUCOrNAS.: NY: Ar a Je possede une singuliöre variete, probablement monstrueuse, de cette ©, variete que M. Bugnion m’a rapportee d’Anzeindaz (2000 metres d’elevation environ). Elle a & peine 5"” de longueur. Le scape des antennes est doucement arque, comme chez la M. laevinodis; l'aire frontale est lisse et luisante, le metanotum luisant et presque lisse entre les Epines; tout le corps est tr&es luisant, quoique grossierement rugueux et strie. Couleur d’un brun fonee; abdomen et dessous de tout le corps plus elairs. Mandibules, antennes et pattes jaunätres ou roussätres. Le pedieule et l’abdomen sont lisses (le pedieule un peu rugueux) et luisants. Le pedicule est tres eourt; une forte dent dirigee en avant sous son premier noeud, et une dent obtuse sous son second noeud. Ailes presque blanches. Longueur des epines du metanotum ä peine double de la largeur de leur base. J’aurais pris ces @ pour une espece ou une race nouvelle si elles ne s’etaient pas trouvees avec des @, 9 et Z normaux de M. lobicornis. Un petit g' analogue se trouvait avec elles (v. plus bas.). Epines du metanotum comme chez la M. ruginodis. Caracteres de la 5. D’un rouge plus ou moins jaunätre. Dessus de la tete, abdomen, et plusieurs taches au thorax, bruns. 1.5, 5 6, 5... ....5.T. M. scabrinodis. Nyl. Caracteres de la 9. Couleur de la o de ir M. laevinodis. L. 5, 5- 6, 5" (d’apres Mayr.) . 2.2.0000 cn ne BEE MS FU M. ruginodo-laevinodis. Epines de longueur intermediaire etc. M. scabrinodo-lobicornis. M. sulcinodo-scabrinodis. Mäles. Metanotum sans dents ni tubereules. Dents des mandibules comme chez la 9. Fouet des antennes filiforme. Scape un peu plus court que les deux premiers artieles du fouet. Noire; extremite des antennes, tarses, articulations des pattes et bout de l’abdomen d’un rouge brunätre ou jaunätre. Ailes un peu enfumees de brun. Dessus de la tete strie en long. Thorax rugueux. Metanotum strie transversalement sur sa partie posterieure. L. 8, 5—-10”"" . . . ....... 1. espece. M. rubida. Latr. Mandibules ayant environ quatre ä& huit dents. Fouet des antennes termine en une massue faible. Scape plus long que les deux premiers articles du fouet. Metanotum arme de deux tubereules ou dents tres obtuses. Ailes legerement teintees de bru- nätre ä leur base. L.4, 5-6” . . . . 2.espece M.rubra. Linne (F. Suec.) Massue des antennes ä peine distinete; les 5 derniers artieles qui vont en gros- sissant l&gerement peuvent &tre regardes comme la formant. Aire frontale lisse et luisante, ou tres finement et vaguement rugueuse. Scape long comme la moitie du fouet, arqu& ä& sa base. Pattes longues et greles. D’un brun plus ou moins fonce. Mandibules, pattes et fouet des antennes plus clairs, ainsi que souvent l’ex- EURE EC) Ih tremite posterieure de l’abdomen. Tibias medians et posterieurs munis de longs poils fins presque perpendieulaires. L. 5, 5"" . . . 1.r. M. laevinodis. Nyl. Exactement comme la preceedente, mais les tibias medians et posterieurs sont munis seulement de poils plus courts, trös obliques, presque couches (presque a l’etat de pubescence). L. 5, 5—6"" . . . .. . 2. r. M. ruginodis. Nyl. Massue des antennes assez Epaisse et Bene de quatre alien, D’un brun plus ou moins noir, luisant; mandibules, fouet des antennes, tarses, parfois les jambes et l’extremite de l’abdomen d’un jaune plus ou moins roussätre. Scape arque pres de sa base, long comme la moitie du fouet environ. Pattes assez longues. Aire frontale grossierement striee en long. L. 5, 5—6””" . . 3. r. M. suleinodis. Nyl. Massue des antennes comme chez la precedente. Scape presque coude ä angle droit pres de sa base (sans lobe). Sonımet de la tete et cötes du thorax stries; meso- notum lisse ou strie. Aire frontale lisse ou ä peine striee. Mesonotum strie. Tibias, tarses et cuisses couverts de poils obliques assez courts. Pattes assez courtes et assez robustes. Noirätre, luisant; anus, mandibules, tarses, massue des antennes et articulations des pattes roussätres. L. 5-6”” . . . . 4 r. M. lobicornis. Nyl. La variet€ du J que M. Bugnion m’a rapportee d’Anzeindaz avec celle de la © ci-dessus mentionnee a comme celle-ci le scape un peu arque et non coude ä sa base; ce scape est & peine long comme les quatre premiers articles du fouet. Poils des tibias et des tarses presque perpendieulaires, et assez longs. Aire frontale lisse et luisante. Deux courtes dents au metanotum. Antennes et pattes courtes. L. 4, 8”” . Mesonotum lisse devant. Noirätre, luisant; anus, mandibules, pattes et antennes d’un roux brunätre. Scape trös court ä l’ordinaire, long, comme les trois premiers articles du fouet ou pas meme (mais quelquefois aussi plus long), un peu arque & sa base. Front et vertex finement granules et fortement rugueux longitudinalement. Cuisses posterieures un peu Epaissies au milieu; pattes courtes. Tarses abondamment pourvus de longs poils presque perpendieulaires. Massue des antennes comme chez les deux precedentes. D’un brun plus ou moins noir, luisant; mandibules, fouet des antennes, tarses et extremite de l’abdomen d’un jaune roussätre. L. 5, 9—6"" : : De Ba MR ann Nyl. Tont-: -a- fait comme Er race en mais front et vertex n’ayant que quelques rugosites longitudinales. Cuisses posterieures non £&paissies au milieu. Tarses Mayant que peu de longs poils; ceux-ci sont diriges obliquement en bas. L. Ds 4 Tau (diapreseNaye)a ner MerugulosaNyl. M. ruginodo-laevinodis. M. scabrinodo-lobicornis. I 9. Genre Asemorhoptrum Mayr. Ce genre ne compte qu’une espece qui figure dans le catalogue de M. Meyer Dür comme se trouvant aux environs de Berthoud. (Myrmica Minkü). M. Meyer Dür m’a assur6E que les premiers exemplaires pris par lui ont &t& determines par M. Schenk & Weilburg, et l’on ne peut douter de l’exactitude de la determination. Je n’avais jamais 0) pu trouver moi-m&me l’Asemorhoptrum en Suisse, lorsque M. Emery le decouvrit ä& Prilly pres de Lausanne, le 15 septembre 1873, sous des feuilles seches et vers des racines, au bord d’un ruisseau situ& dans un bois. M. Emery me fit part de sa trouvaille, et nous Y } ö reprimes ensemble au m&me endroit un certain nombre de 9, sans arriver a decouvrir la fourmiliere. Il vit dans les lieux ombrages et moussus d’apres Nylander et von Hagens. L’habitus est le m&me, d’apres ces auteurs, que celui des Zeptothorax. Von Hagens qui !’a ’ ’ te} le mieux &tudie trouve souvent la 9 isolement vers des nids de ZL. fuliginosus et de quel- ques autres especes, mais il n’en put decouvrir qu’une ou deux fourmilieres. Ouvrieres. Caracteres du genre. D’un rouge de rouille; peu poilue. Milieu du dessus de l’abdomen d’un brun noir; dessus du thorax et de la tete plus ou moins brunätres, parfois d’un brun noir. Bouche, antennes, pattes et dessous de l’abdomen d’un jaune rouge. Tete presque aussi longue que le thorax. Mandibules striees en long ainsi que le front. Vertex et cötes de la töte reticules. Les yeux sont fort petits et situes en avant. Thorax grossierement rugueux. Metanotum arm& de deux dents pointues; luisant et presque lisse entre deux. Abdomen lisse et luisant. Premier article du pedieule tres allonge. L. 8, 3" . . . 2 2.2... 1. espece. A. lippulum. Nyl. Femelles. *) Tete, pedieule, abdomen et couleur de l’ouvriere. Thorax grossierement rugueux lon- gitudinalement, tronque obliquement droit. derriere l’Ecusson. Metanotum arme de deux €pines assez courtes, assez larges & la base. Ailes ä une cellule cubitale. La n. transverse s’unit ä la n. cubitale a son point de partage. L. 5" . .... 1. espece. A. lippulum. Nyl. Mäles. Inconnus. *) Mayr ne donne de description generique que pour l’ouyriere, sauf dans son « Novara-Reise » ou il en fait une insuffisante de la 2. Je donne done iei la description specifique de Nylander tirde de Mayr. Eur. Form. pour la 9, mais je ne l'ai pas admise dans le tableau des genres, faute de don- nees suffisantes. Le 9° n'est decrit nulle part et n'a te pris, & ma connaissance, que par von Hagens. Je ne possede ni $ ni d. De ENT. WU EESRARCH ra 10. Genre Pheidole. Westw. Quatre sortes d’individus distinets: l’ouvriere qui est tres petite et varie tres peu de taille, le soldat, deja plus grand et a tete enorme, la femelle qui est tr&s grande, et le mäle qui n’est guere ‘plus grand que le soldat. Corps des 9 et des soldats mou, deli- eat; pattes longues; seule la tete des soldats est dure; les @ et les Z sont plus durs et plus robustes. Nids dans la terre et dans les murs. Fourmilieres considerables, ayant une masse de 9, de @ et de g, mais moins de soldats. Especes tres courageuses, vivant de rapines. La seule forme suisse de ce genre est tres rapprochee de celle de Madere dont M. le professeur Heer a decrit les moeurs (Haus-Ameise Madeiras). Elle vit de rapines. Je ne l’ai jamais vue avec des pucerons, ni hors du nid, ni dans le nid; Heer ne parle pas non plus de ces insectes ä propos de la P. pusilla. D’apres M. Moggridge, la P. pal- hidula amasserait des graines dans son nid. Ce genre est tres abondant en especes afri- caines, asiatiques et americaines. Les 9 et les soldats se suivent ä la file. Ouvriöres, D’un jaune elair passant & un brun marron fonee suivant les individus. Lisse, luisante., Le metanotum est rugueux et muni de deux petites dents pointues ou mousses. L. LEE EEE re ae en espece, (BP. -pallidula.Nyl: Soldats. Couleur comme chez l’ouvriere. Lisse et luisante; moitie anterieure de la tete striee ainsi que le mesosternum, le metasternum et le metanotum; ce dernier porte deux dents aussi longues que larges ä la base. L. 4—4, 5"". 1. esp. P. pallidula. Nyl. Femelles. D’un brun marron fonee; pattes, dessous de la tete et bord des segments de l’abdo- men ordinairement plus clairs, d’un jaune rougeätre. Les deux tiers anterieurs du dessus de la tete, le pronotum, le metanotum et le premier article du pedieule ru- gueux-stries; le reste lisse et luisant. Metanotum arme de deux tubercules plus ou moins apointis en forme de dents. L. 7, 5-8, 5"". . 1. espece. P. pallidula. Nyl. Mäles. *) D’un brun marron, luisant et foncee. Mandibules, antennes, pattes, bords des segments abdominaux et dessous de la t&te d’um jaune brunätre. Mesonotum d’un brun mar- *) Les d de ce genre ont toujours 13 artieles aux antennes (voy. tabl. des genres), aussi celui de la P. pusilla auquel Heer attribue par erreur 17 articles dans « Die Hausameise Madeira’s ». 11 Wa Er ab FE a Fun a 05 DARZPERTRLTTTA WESEN, PERE EE EREET ER ron plus clair. Thorax tres large. Lisse; mandibules, metanotum et premier article du pedicule finement rugueux; eötes de la tete grossierement rugueux. Mandibules & 4 dents. Metanotum ä deux tubercules. L. 4, 5—5””. 1. espece. P. pallidula. Nyl. 11. Genre Stenamma Westw. Le seul representant de ce genre a des meurs singulieres. On le trouve dans les nids des F. rufa, au milieu de celles-ci, mais on ne sait pas encore, et je n’ai pu decouvrir si la Stenamma a des galeries ä elle ou si elle vit avec sa famille dans les cases des F. rufa. Les 3 sont petites, dures, luisantes, trös robustes, tres agiles, basses sur jambes Les & et les J sont ä peine plus grands que les 9. Fourmilieres petites. Les 5 tra- vaillent et s’occupent de leurs larves. Ouvrieres. D’un rouge jaunätre. Abdomen presque entierement brun. Presque pas de poils. Lisse et trös luisante sur tout le corps. L. 2, 5—3, 3"". 1. espece. 8. Westwoodi. Steph. Femelles. Exactement comme l’ouyriere, mais dessus de la tete et du thorax, ainsi qu’une par- tie de ses cötes d’un brun fonce; abdomen d’un brun noirätre. L. 3—8, 5" . . 1. espece. $. Westwoodi. Steph. Mäles. D’un brun noir. Mandibules, antennes, bords du pronotum et pattes d’un jaune bru- nätre. Tres peu poilue. Tete et thorax finement rugueux et presque mats. Mandi- bules, devant du mesonotum, faces basale et declive du metanotum, pedieule et abdomen plus ou moins lisses et luisants. L. 3, 5”". 1. espece. $. Westwoodi. Steph. 12. Genre Temnothorax Mayr. Habitus des Leptothorax. Allure rapide, corps allonge, tete petite, pattes basses (ces trois derniers caracteres rendent les 9 tres distinetes des Pheidole quand elles sont en vie, tandis que lorsqwelles sont mortes il faut de l’attention et la loupe pour les distin- guer sürement). Femelles plus grandes que les ouvrieres, mais pas beaucoup. Mäles de la taille des ouvrieres. Mours des ZLeptothorax. Fourmilieres tres petites. On ne connait encore que la 9 et la @ de ce genre. J’ai decouvert le S' du T. recedens, seule espece suisse, ä Mendrisio, et je le deeris iei (voy. caract. dans le tableau des genres). Ouvrieres. D’un jaune plus ou moins rougeätre. Dessus de la tete, milieu des cuisses, ainsi que REN les parties laterales du mesosternum et du metasternum brunätres. Abdomen annele de brun; le premier segment entierement brun, sauf ä sa partie anterieure. Lisse et Juisant. Parties laterales (brunes) du mesosternum et du metasternum rugueuses et granuldes. Mandibules, chaperon et pedicule faiblement rugueux. De longs poils sur le ecorps; pattes un peu poilues. Metanotum arme de deux fortes dents ou Epi- nes triangulaires ä base presque aussi large qu'elles sont longues. L. 2, 5—3,2”” 1. espece. T. recedens. Nyl. Femelles. Quelques rugosites sur les joues et derriere la tete. Metanotum rugueux, & rugosites transversales entre les epines. Cötes du mesosternum et du metasternum rugueux, et n’ayant qu'une legere teinte brune. Ecusson brunätre; postseutellum et artieu- lations des ailes superieures noirätres. Dessus des articles du pedicule brunätre. Epines du metanotum un peu plus fortes que chez l’ouvriere. Tout le reste exac- tement comme chez l’ouvriere. Ailes legerement teintees de brunätre. L. 4 —4, 5"" . 1. espece. T. recedens. Nyl. Mäles. Tete rugueuse. Cötes du thorax et premier article du pedieule faiblement rugueux. Le reste lisse et luisant. Ailes presque claires. Dents des mandibules rouges. D’un jaune brunätre clair; abdomen annele de brun (premier segment presque entierement brun). Tete (sauf les mandibules et les antennes) et cöt&es du thorax bruns ou brunätres.*) Antennes et pattes päles. Pedieule tres allonge. L. 2, 8-3". . LER Ne 1. espece. T. recedens. Nyl. 13. Genre Leptothorax Mayr. Ce genre est abondant en formes, mais en formes mal definies. Ouvrieres petites; femelles et mäles de m&me taille ou un peu plus grands quwelles. Les 9 sont allongees, tres agiles, tres robustes et tres dures; elles ont de courtes pattes et un fort aiguillon. Elles savent tres bien se porter les unes les autres ä la maniere des Tetramorium. Je ne les ai jamais vues cultivant des pucerons dans leur nid, ni hors de leur nid. Elles paraissent vivre de sues qwelles trouvent sur les arbres ou ailleurs, car elles eourent tou- jours sur l’ecorce et s’arretent souvent pour la l&cher ä& certaines places. Nids dans l’ecoree, sous les pierres, et dans les rochers; aussi dans la mousse. Fourmilieres petites ou tres petites, fort rarement moyennes. *) Les d que j'ai recoltes etaient tous malheureusement un peu jeunes, de sorte que je ne puis pas completement garantir l’exactitude de la couleur deerite. Ouvrieres. Antennes de 11 articles. Un leger sillon enfonce entre le mesonotum et le meta- notum. Milieu du chaperon presque lisse et un peu concave du bord ante- rieur au bord posteriur . . ... > 20.20.20. 1. espece. L. acervorum. Pattes poilues. D’un jaune rouge ou Aa brun rougeätre. Dessus de la tete, massue des antennes et dessus de l’abdomen d’un brun plus ou moins noirätre. L. 3, 3—3, 7””, Epines du metanotum longues comme presque les */s de la face ba- SaleHL IRA & ! : 20... 1.r. L. acervorum i. spec. Fahr. La variete ulpins de eate race et quelquefois presque entierement d’un brun noir, et vit sous les pierres. La concavite lisse du milieu du chaperon y est tres accentuee. Pattes sans poils ou presque sans poils. D’un jaune rouge; dessus de la tete et de l’abdomen bruns. Massue des antennes brunätre. Epines du metanotum longues comme un peu plus du tiers de la face basale. L. 2, 8—3, 5"". 2. r. L. muscorum. Nyl. Le L. Gredleri Mayr n’est qu’une variete grande (3—3, 5””) et un peu plus claire du Z. muscorum, chez laquelle la concavite mediane du chaperon est un peu plus etroite, un peu plus lisse et un peu plus profonde. Pattes sans poils. Massue des antennes jaune. D’un jaune assez clair; front et j vertex & peine plus fonces; partie posterieure du dessus du premier segment abdo- minal brunätre. Thorax plus court que dans les deux autres races; @pines du meta- notum un peu plus longues que la moitie de la face basale. Le chaperon n’est pas concave au milieu; il a le plus souvent une petite ar&te mediane et deux laterales. Cette race ressemble beaucoup ä& un tres petit ZL. Nylanderi. L. 1, 7—2, 3" EL Re Sr : ee ner, Havicorniss Emenys Je n’ai pas encore Ira Gentermeliaites entre ces trois races; les deux der- nieres sont fort rares en Suisse. Mais le L. muscorum me parait deja &tre une forme tenant des deux autres. Antennes de 12 articles. Jambes sans poils. Le chaperon n’est pas concave au milieu; il est pourvu ordinairement d’une petite arete mediane et de deux ou plusieurs aretes (ou stries) laterales . . .» . . 20.20.20... 2. espece. I. tuberum. Un leger sillon enfonce entre le een et le metanotum. Massue des an- tennes jaune ainsi que le reste du corps; une bande transversale d’un brun noir sur le premier segment de l’abdomen; le dessus de la tete est souvent d’un jaune un peu brunätre. Thorax finement rugueux. Epines du metanotum larges ä leur base, longues environ comme les ”s de la face basale. L. 2, 3—-3”"” . . BR En. (Chez toutes les races swivantes il n’y a pas de sillon enfonce entre le mesonotum et le metanotum; le dos du thorax est continu.) 48 N ES Epines du metanotum tres larges ä leur base, extr&mement courtes, ä peine longues comme !s de la face basale; leur cöte superieur est presque horizontal (formant une ligne continue avec le dos du thorax) et leur eöte inferieur vertical. Antennes entierement d’un jaune rouge, ainsi que les mandibules, les tarses et les articulations des jambes. Le reste d’un rouge brun; dessus de la tete et de l’abdo- men d’un brun noir. Thorax plus grossierement rugueux que chez le precedent. L. ERBETEN A NEN ea rzcorticalistuSschenk. Epines du metanotum etroiten, droites, longues conıme la moitie environ de la face basale. Thorax plus grossierement rugueux que chez le tuberum ?. sp., plus fine- ment que chez l’affinis. Rougeätre. Tete, abdomen sauf une tache jaunätre & la base, cuisses et massue des antennes d’un brun fonee. L. 2, 6-3" . . 2... BSR NEE EL U HIER SIERT EENINEH EA LE AR SE re en USE E1E2007206DS. Mayr. Epines du metanotum longues comme plus des °/s de la face basale, legerement courbees ä l’extremite, et exträmement etroites, ä peine plus larges a la base qu’ä la pointe. Thorax & rugosites longitudinales grossieres. D’un jaune un peu rou- geätre. Milieu des cuisses, front, vertex et dessus de l’abdomen sauf le devant du premier segment brunätres; massue des antennes le plus souvent brunätre, parfois presque d’un jaune rouge. .L. 2, 6-3, 3". . . 2... dr. L. affinis. Mayr. Epines du metanotum variables, ordinairement longues comme la moitie de la face basale, ou un peu plus longues. Thorax finement rugueux. Jaune ou jaune rougeätre; massue des antennes, dessus de la tete (surtout le vertex) et milieu du dessus de l’abdomen d’un brun plus ou moins fonce. Cette race est tres mal definie. Celles de ses fourmilieres qui habitent l’&corce passent souvent au L. affinis, et celles qui habitent sous les a passent au L. a ou au L. interruptus. L. 2, 4—3”" A zaliyh PILORLEN: RSS ERTL . L. tuberum i. sp. Fabr. Epines du ot assez etroites, rnieden SR longues comme le !/s ou au plus comme la !/s de la face basale. Thorax finement rugueux. Jaune; massue des antennes, devant de la t&te (jamais le vertex), et souvent une bande peu nette, interrompue au milieu, sur le premier segment de l’abdomen, d’un brun noirätre. 2 2 De N oe interkumtussuschenk. Comme le precedent, mais plus grand. Bande du premier segment de l’abdomen nettement demarquee, continue, d’un brun noir; devant de la tete et massue des antennes rougeätres ou brunätres. Epines du metanotum longues comme la moitie de la face basale, ou un peu plug longues. L. 2, 5-3, 5"... 2. 20.2. Re DER ER EN a a Ge ar UNITaSCAhıSNluatr. Entierement jaune; ä peine la massue des antennes et le devant de la tete sont- ils un peu rougeätres. Thorax finement rugueux. Epines du metanotum assez larges ä leur base, longues comme les ?s de la face basale, un peu courbees ä leur ex- tremite. Le dos du thorax qui est continu comme chez les 6 precedents le distingue encore du 4. Nylanderi. L. 2, 5"" environ. . . .. . 8 r. Z. luteus. n. st. Er On voit que ces 8 races ne se distinguent les unes des autres que par quelques caracteres, toujours les m&emes, mais combines differemment: forme et grandeur des epines du metanotum, rugosite plus ou moins forte du thorax, taille, couleur. Et encore la couleur ne varie-t-elle que dans un m&me cycle: massue des antennes, vertex, devant de la tete jaunes ou bruns; abdomen brun en dessus ou bien avec une bande de cette couleur. Seul le Z. Nylanderi se distingue par une legere inter- ruption du dos du thorax entre le mesonotum et le metanotum, mais elle est tres faible, et les L. affinis et corticalis sont bien pres d’en avoir une; de plus tous ses autres caracteres sont les m&mes que ceux des autres races. On comprend done que les transitions sont tres frequentes; parfois m&me les $ d’une fourmiliere tien- nent de plus de deux races. Les races les mieux definies sont le L. Nylanderi et le L. corticalis; les L. unifasciatus et interruptus forment A eux deux un groupe assez distinet des autres; le Z. luteus est encore trop peu connu pour qu’on puisse determiner ses affınites; il tient de P’umifasciatus et du Nylanderi. Les races tuberum, affinis et nigriceps sont intimement liees entre elles. Voici les formes intermediaires que j'ai trouvdes: L. Nyland_ro-corticalis. 1 y a lä des corticalis clairs ä &pines plus longues, et des Nylanderi fonces, ä couleur de corticalis. L. Nylanderi var. parvulus Schenk ou la bande brune n’existe que sur le dos et est tres päle. Quelques Z. Nylanderi sans interruption distinete. L. Nylandero-unifasciatus; rare. L. tubero-nigriceps. L. tubero-affinis. L. tubero-interruptus. Je n’ai pas encore trouve de formes affino- nigriceps, mais je ne doute pas de leur existence. Le L. melanocephalus Emery est synonyme du Z. nigriceps Mayr, mais il a l’abdomen plus elair; c'est si l!’on veut un tubero-nigriceps. L. unifasciato-interruptus tres frequent. L. unifaseiatus nigrici- poides, forme foncee de l’unifasciatus chez laquelle l’extremite de l’abdomen, ä partir de la bande, devient brunätre. Femelles. Antennes de 11 articles. Cellule radiale des ailes tres ouverte. Milieu du chaperon presque toujours lisse et un peu concave du bord anterieur au bord posterieur. SR a RE En ER 3 : . 1. esp&ce. L. acervorum. Comme la 5. Ailes blanches. Dossak ER EN tete, du Kheree et souvent du pedi- cule, abdomen et massue des antennes d’un brun plus ou moins noirätre. Le reste d’un jaune rouge; mesonotum souvent rougeätre avec des taches noirätres. L. 319 — Annan. 2.0 mn aln. Esacertorumst. sp mHabr Variete des Alpes comme Ohr la S. Comme la 9. Ailes blanches. D’un jaune rouge; massue des antennes brunätre, ainsi que le dessus de la tete, du thorax et de l’abdomen. L. 2, 7—3, 8". . . EIER Na DELL EDEN NT ELSE I SE u PR FH oe ME SU On LESER BRRr 2... © Be ar Variete Gredleri, Mayr: les grandes formes un peu plus claires ete.; comme chez la 9. f Jaune; une bande transversale & chaque segment de l’abdomen, extremite de l’ecusson et artieulations des ailes brunätres. Epines du metanotum un pea plus longues que leur base n'est large. Du reste comme la 9. L. 3—3, 5”" (d’apres Teva) ee STE De jlavtcornis.Emery. Transitions comme pour la 9. Antennes de 12 artieles. Ailes blanches; cellule radiale assez petite, fermde (c'est ä tort que Mayr attribue une cellule radiale ouverte au genre Leptothorax dans ses Am. der Novara- Reise). Jambes sans poils. Le chaperon n’est pas concave au milieu; il est pourvu ordinairement d’une petite ar&te mediane et de deux ou plu- sieurs aretes (ou stries) laterales . . -. . . 20.0.2. espece. I. tuberum. Mesonotum lisse et luisant. Antennes, in bules et pattes d’un jaune un peu rougeätre; le reste d’un brun marron fonce ou noirätre. Epines du metanotum contes liaya 4 92 Ans nen. Dell cortiealis®= Schenk. (Chez toutes les races swivantes, le RR. est strie longiludinalement). Couleur de la race pr&cedente, mais Ja massue des antennes est d’un brun fonce, tandis que le dessous du pediceule, souvent le dessous de l’abdomen, et parfois le devant de son premier segment sont jaunätres. Le dessus du thorax est parfois aussi d’un brun jaune, sauf l’&eusson. Epines du metanotum longues. L. 3—4"" . ea ER RE TE RELe S ol uberumen sp Rabr: Be schknent comme le nnaceden: mais couleur encore plus foncee, presque noire; euisses d’un brun fonce; le reste des pattes, les mandibules et les antennes sauf la massue sont seuls jaunätres. Les epines du metanotum sont plus courtes et le meso- notum plus profondement et plus grossierement strie. L. 4—4, 5"" . . Sun. : : N EN oa nigmieeps: "Mayr. nes du melenetem longues. Massue des antennes jaune ainsi que tout le corps. Une large bande d’un brun noirätre sur le premier segment abdominal (se continuant ou non en dessous), et une etroite sur chacun des suivants. Ecusson, artieulations des ailes, et quelquefois d’autres taches sur le thorax, d’un brun plus ou moins fonee. Dessus de la tete et du thorax du reste jaunes ou d’un jaune brunätre. In A A En a a a a le er Nylandeni:sRoörst: Epines du metanotum tres courtes, comme deux dents obtuses. Massue des an- tennes brunätre. Du reste absolument identique ä la race precedente. L. 4—4, 5""- ea. x s BEN ee mjasescrtus sn hatr. ine Air N. plus Konauer que chez la race precedente; les couleurs sont plus melees, moims nettement delimitees. Dessus du thorax, de la tete et souvent de l’abdomen vaguement d’un jaune brunätre ou d’un brun clair; l’abdomen est souvent aussi jaune, nettement annele de brun; massue des antennes brune. Du reste comme les deux preeedents. L. 3-4"" . . . 6. r. L. interruplus. Schenk. 8 — Massue des antennes brunätre. Epines du metanotum longues. Mesonotum ä fortes stries. Cuisses brunes au milieu. La couleur varie du reste de celle du L. Nylanderi & celle du L. interruptus, et meme ä celle des formes claires du L. tu- bErum.: Dis AED EN Te a a a en A STHTERERNESIER La @ du ZL. luteus est encore inconnue. L. affino-tuberum. L. tubero-interruptus. L. tubero-nigriceps. Couleur du L. nigriceps, mais les &pines du metanotum sont longues. Mäles. Antennes de 12 articles. Scape plus court que le second artiele du fouet qui est tres long. Le fouet s’epaissit insensiblement jusqu’au bout, sans former de massue. Man- dibules assez etroites, courtes, tronquees au bout, sans dents. Ailes elaires, & cel- lule radiale tres ouverte . . . > 2020.20... l. espece. L. acervorum. Noir ou d’un brun noir. Pattes Drues tarses et artieulations jaunätres. Tete, thorax, abdomen et pattes herisses de longs poils blanes; antennes poilues. L. SR N u a Re 2... .1.r. Z. acervorum i. sp. Fabr. D’un brun noir. Mendibules d'un bean jaune. Pattes plus claires. Dessus de la tete, thorax et abdomen faiblement eh L. 3, 5°” (d’apres Mayr) . . . £ < : e eo naerN Tr NUSCHRUMD: Nyl. TE a di = Manier NIS N inconnu, ainsi que celui de la var. @Gredleri du L. muscorum. Antennes de 13 articles. Scape assez long, beaueoup plus long que le second artiele du fouet qui est aussi court que les autres. Les quatre derniers articles du fouet forment une massue assez mince. Mandibules & bord terminal dente. Antennes et pattes presque sans poils. Corps tres peu poilu. Ailes blanches. Cellule radiale assez petite, fermee. . . n ..20.20.0..2. espece. L. tuberum. Les artieles 2 & 5 dr a de AnLäneh aussi larges que longs; les autres plus longs que larges. D’un brun fonee; pattes et antennes d’un brun tres clair; man- dibules, tarses et articulations des pattes plus päles. Dessus de la tete strie en long. Thorax et pedicule finement rugueux; l’extremite anterieure du mesonotum seule est an et luisante. Metanotum ä deux tubereules elargis, en forme de dents. L. DS NT Sr er. 6. Tr DZ. interruptus. (Schenk Be Srkiele 2 &9 du fonst de ini ont une longueur environ double de leur largeur. Mesonotum lisse et luisant. Le reste du thorax et le pedieule sont luisants, ga et lä tres finement rugueux; la tete est finement rugueuse et matte. Abdomen lisse et luisant. D’un noir brun; mandibules, antennes, pattes et extre- mite de l’abdomen d’un jaune plus ou moins clair. L. 2, 5—3, 2" . ... 1. r. L. Nylanderi. Först. EIRETY he> Exactement comme le precedent, mais mesonotum finement rugueux entre les lignes convergentes. L. 2, 5—3, 5" . . ....... 7. r L. unifasciatus. Latr. Un peu plus grand que les precedents. Mesonotum, ainsi que tout le thorax, la tete et le pedieule assez grossierement rugueux. Abdomen lisse et luisant. Noir; mandibules, cuisses, tibias, scapes, premier et dernier article des fouets brunätres; anus rougeätre; milieu des fouets, tarses, articulations des pattes jaunes. Articles 2 & 6 du fouet Egaux entre eux; leur longueur est plus que double de leur lar- geur. Deux tubereules au metanotum. L. 3—3, 5”"", Forme transitoire : else en ee es wuberoNigricens: Les g' des races corticalis, luteus, affinis, ainsi que ceux des races luberum i. spec. et nigriceps sont encore inconnus, mais le Jg tubero-nigriceps que je viens de deerire est probablement & peu pres identique a celui des. deux races typiques. Les 4 g de l’espece luberum qui viennent d’etre deerits sont extremement peu differents les uns des autres. Chez les petits unifasciatus, surtout dans les fourmilieres de L. unifasciato-interruptus, les articles 2 & 5 du fouet sont presque aussi larges que longs, et le mesonotum est presque lisse. Les petits L. Nylanderı ont aussi ces articles presque aussi larges que longs, etc. APPENDICES A. Description du Brachymyrmex Heeri. Je place iei la description d’une nouvelle fourmi qui n’appartient point ä la faune suisse, mais tres probablement ä celle de l’Amerique tropicale. Quelques personnes, et en partieulier M. le professeur Oswald Heer, m’ayant dit que des fourmis extremement peti- tes se trouvaient en grande abondance dans la serre des Örchidees tropicales du jardin botanique de Zurich, je m’y rendis, et je les trouvai en effet grimpant le long des tiges des plantes les plus diverses sur lesquelles elles cultivaient de nombreux pucerons. Je ne pus trouver leurs nids qui etaient probablement dans la terre des pots ä fleurs. Je ne pris que des 9; leur allure ressemblait & la fois ä celle des Plagiolepis et ä celle des Lasius. Cette charmante petite espöce doit &tre rangee sans hösitation dans le genre Bra- chymyrmex Mayr, le seul genre connu oü les antennes soient certainement de 9 articles (dans le genre Myrmelachista Roger, fonde sur une seule fourmi qui a du reste d’autres caracteres entierement differents, l’auteur ne sait pas au juste si les antennes sont de 9 articles ou de 10). Mayr a e£tabli son genre Brachymyrmex sur une espece (9 et 9) prise vers le Rio Negro, dans la province de Buenos-Ayres, le B. patagonicus Mayr. Puis il a deerit plus tard une seconde espece (9) provenant de la Nouvelle-Grenade, le B. 12 tristis Mayr; il ajoute qu'il possede les trois sexes d’une troisitme espece provenant du Connectieut, mais en nombre insuffisant pour pouvoir la deerire, Il donne en möme temps les modifieations que ces deux nouvelles especes apportent aux caracteres du genre. Notre espece apporte encore une modification importante aux caracteres du genre, en ce qu'elle n'a pas d’ocelles; elle est du reste fort differente du B. patagonieus, et encore plus du B. tristis. Quant ä l’espece non deerite du Connecticut, outre le fait qu'elle a des ocelles, elle vient d’une contree plutöt froide, tandis que notre esp&ce, se trouvant dans une serre de plantes tropicales et n’en sortant pas, a necessairement besoin d’une forte cha- leur, ce qui constitue une difference importante; il est fort probable qu'il y en a d’au- tres. Ainsi Mayr conserve comme caractere generique les quatre dents des mandibules, tandis que notre espece en a eing. Le genre Brachymyrmex doit &tre place entre les genres Plagiolepis et Lasius. Genre Brachymyrmex Mayr (Fig. 16 et 20). (Formieide nov® americane 1868 et Formieide novogranadenses 1870) Ouvriere: Ce genre rentre dans la premiere division («) des Formicide dont il a tous les caracteres, sauf celui du chaperon qui est du reste accessoire: „la vessie d venin est ü coussinet; Vabdomen laisse voir d’en haut ses cing segments dont le 5" est conique et terminal; Vanus est petit, rond, eilie, apical; les eperons sont simples aus jambes poste- rieures et medianes; la boule du gesier est presque spherique; mais le chaperon est ordi- nairement lögerement prolonge entre les articulations des antennes (Fig. 16)“. Les sepales du gesier forment un calice, comme chez les genres voisins ä l’exception du genre Pla- giolepis, mais ce calice est extrömement petit, beaucoup plus petit que la boule (Fig. 20). Antennes de. 9 articles; scape long; les articles 2 a 7 du fouet vont en grossissant de la base ä l’extremite; le dernier artiele est tres grand, tres large et fusiforme (Fig. 16, Sc, fg). Palpes maxillaires de 6 articles, palpes labiaux de 4 (du moins chez le B. Heeri; Mayr n’indique nulle part le nombre des articles des palpes). Aretes frontales courtes; aire frontale distinete; sillon frontal peu profond. Les ocelles peuvent exister ou faire defaut. Fosse elypeale r&unie & la fosse antennale. Mandibules assez etroites, un peu @lar- gies ä leur extr&mite, munies de quatre ou de eing dents. Chaperon voüte, arrondi pos- törieurement ä l’ordinaire. Tete &chaneree posterieurement. Thorax petit, tres court, sans dents ni &pines; mesonotum plus large que long. Eeaille inerme, arrondie & son bord superieur, fortement inelinee en avant. Tout le corps court et large. Mäle (d’apres Mayr): Mandibules eourtes, etroites, recouvertes par le chaperon, sans bord terminal. Chaperon, aire frontale, ar&tes frontales comme chez la $. Antennes de 10 articles; seape long, 6troit; fouet un peu plus Epais; article 1 du fouet plus long et plus &pais que les suivants, articles 2 & 8 eylindriques et presque egaux, dernier article tres long. Ocelles grands, distants. Yeux grands. Thorax bossu en avant; la töte est in- seree en dessous du prothorax. Thorax inerme, aplati en dessus; pronotum tres court; a mesonotum bossu en avant transversalement; metanotum convexe, posterieurement en talus. Ecaille petite, transversale, inclinee en avant. Ailes superieures avec une seule cel- lule ceubitale, et sans cellule discoidale. Brachymyrmex Heeri n. sp. (Fig. 16 et 20). Ouvriere: Longueur 1, 2ä& 2””... Tout le corps court, large, trapu. Mandibules munies de eing dents (les autres especes en ont quatre). Pas trace d’ocelles (les autres especes ont trois ocelles). Yeux composes d’environ 35 facettes chaeun; ils sont situes legerement en avant du milieu des bords lateraux de la tete. Palpes maxillaires longs; le second et le troisieme article sont plus longs que les quatre autres (Fig. 16, p. mn). Les palpes labiaux (p. 1.) sont assez longs aussi; leurs quatre articles sont egaux entre eux. Chaperon (c.) en forme de capuchon (comme chez le B. patagonicus), sans carene, recouyrant un peu les mandibules, fortement voüte de droite a gauche, moins fortement d’avant en arriere. Il est arrondi posterieurement, parfois aussi un peu @chanere au milieu de son bord posterieur; il ne se prolonge pas ou presque pas entre les articulations des antennes (entre les aretes frontales). Aire frontale distincte, triangulaire, souvent un peu arrondie ä son angle posterieur. Sillon frontal distinet. Aretes frontales courtes, diver- gentes, ä peine recourbees. La tete, un peu aplatie en dessus, basse en arriere, est echan- erde & son bord posterieur. Premier article du fouet des antennes un peu plus long que les deux suivants ensemble; dernier (8”° ) article du fouet aussi long que les trois qui le preeedent ä la fois (fg.) Thorax tres eourt, surtout le mesonotum et le pronotum qui sont voütes et forment ensemble seulement les °/s de sa longueur totale. Un sillon trans- versal enfonce, assez etroit, separe le mesonotum du metanotum; ce sillon ne renferme pas de petite spirale (il en renferme une chez le B. tristis). La face basale du metanotum est extremement courte, convexe (mtb); sa face declive, longue, large et plate (mtd), va en pente douce et &gale jusqu’au pedieule. Eperons des pattes anterieures trös forts. Ecaille encore plus fortement inclinee en avant que chez la Plagiolepis pygmaea (e). Pre- mier segment de l’abdomen prolonge en avant et recouvrant l’ecaille; abdomen grand. D’un jaune plus ou moins brunätre, grisätre ou rougeätre. Dessus de la tete et de l’ab- domen plus fonce. Tout le corps luisant; chaperon et face declive du metanotum lisses; quelques rugosites assez grossieres sur les joues; tout le reste tr&s finement rugueux ponetue. Pubescence grisätre, assez forte sur ’abdomen, un peu moins forte sur la tete, plus faible sur le thorax, les pattes et les antennes, nulle sur le chaperon et sur la face deelive du metanotum. Poils epars, un peu partout, sauf sur les pattes et sur les antennes. Les deux stigmates posterieurs sont gros et tres distinets. (Fig. 16. s.) Jardin botanique de Zürich, dans la serre des Orchidees tropicales. Il est possible que quelques-uns des caracteres que je viens de donner pour cette espece s’appliquent aussi aux autres especes du genre, mais je ne puis en juger, ne con- naissant ces dernieres que par les descriptions de Mayr. a AT N N Ze it VD ul I 5 a ad ale Bu iZe Zu = 2 a aa dl An e ZU te A ul a u aaa Zu A rn U a SF u CE an Du B. DESCRIPTIONES NOVORUM AUT NON SATIS DESCRIPTORUM GENERUM, SPECIERUM ET STIRPUM. Genus Brachymyrmex Mayr. Operaria: Vesicula venefica cum pulvinari. Gigeriorum globus fere sphaericus; eorum- dem lamellae antice non reflexae, sed calicem brevissimum constituentes. Abdomen, superne visum, segmentis quinque, ano apicali, rotundo, ceiliato. Pedes postici- calcaribus simplieibus. COlypeus inter antennarum articulationes paulo aut minime intersertus. Antennae novem- articulatae. Palpı mazillares sex, labiales quatuor articulati. Fossa clypealis et fossa an- tennalis conjunctae. Brachymyrmex Heeri nov. species. Operaria: Mandibulae quwinquedentatae. Ocelli desunt. Palpi mazillares longi, sex- articulati, articulis secundo et tertio longioribus quam sumt ahüi. Palpi labiales quadriarti- culati, articulis inter se aequalibus. Clypeus cueulliformis, mandibulas partim obtegens, non carinatus , transversim fortiter, longitrorsum modice fornicatus , inter antennarum articula- tiones non aut vix intersertus, angulo postico rotundato vel paulo emarginato. Caput postice deplanatum et emarginatum. Antennarum flagelli articulus primus paulo longior ducbus sequentibus una sumptis; articulus ultimus (octavus) tres praecedentes una sumptos longi- tudine aequans. Thorax latus, brevissimus, praecipue mesonotum et pronolum quae forni- cata sunt, atque una sumpta ? longitudinis thoracis constituunt. Sulcus meso-metanotalis angustus, distincte impressus, spiracula, pone hunec sita, haud ineludens. Metanoti super- fieies basalis brevissima, convexa; superficies decliwis longa, lata, plana, usque ad petiolum leniter inclinata. Petioli squama fortiter antice inelinata, ab abdominis magni segmento primo antice prolongato obtecta. Flavo-brunneus; caput abdomenque superne obscuriora. Nitidus, subtilissime ruguloso-punctulatus; clypeus et superficies declivis metanoti laevia ; genae partim rugosae. Abdomen fortiter griseo-pubescens, caput minus fortiter, thorax pedes et antennae parum, nequaquam autem elypeus et superficies declivis metanoti. Sparse pilosus. Stigmata posteriora ambo magna et distincte eircumseripta. L. 1, 22". Ponera punctatissima Roger. (Mas nondum est deseriptus.) Mas: Corpus undique dense punctulatum et abunde pubescens; pubes partım se paulo erigens. Abdominis apex parsque inferior pilosa,; corpus caeterum pilis erects vix ullis. Fusco-brumnnea, subnitida, mandibulis, antennis pedibusque pallidioribus. Caput longius et minus rotundatum quam in P. contracta. Scapus antennarum articulum secundum flagelli longitudine fere aequans. Alae hyalinae, longiores quam in P. contracta. Truncus costae cubitalis brevissimus; costa recurrens cum ramo cubitali interno conjuncta. Pars rami cubi- talis interni quae inter truncum costae cubitalis et costam recurrentem sila est, truncum ae costae cubitalis longitudine aequat. Cellulae cubitales ambae longae et angustae. Squama humilior et crassior, abdomen brevius quam in P. contracta. Pygidium (saltem in individuo quod possideo) apice haud in spina longa incurvata terminatum. Valvulae genitales exteriores triangulares. L. 2, 7", Genus Anergates nov. genus. (« sine; £eyarns operarius.) Operaria: Deest. Femina: Petioli articulus primus crassus, obtusus, latior quam longior ; secundus antice convexus, duplo latior gquam longior, abdominis segmento primo coalitus. Caput postice valıde emarginatum. Palpi mazillares 2, labiales 1 articulati; palporum articuli breves et crassi. Antennae 11 articulatae,; scapus eylindrieus; flagelli articulus primus longus, secundus bre- vior, tertius brevissimus; articuli sequentes sensim usque ad apicem in longitudinem et latı- tudinem crescunt; artieulus ultimus duos praecedentes una sumptos longitudine aequat. Mandibulae haud latae, margine terminali brevi, acuto, apice cum dente uno. Clypeus postice rotundatus, antice in medio usque ad marginem posteriorem profunde lateque excavatus. Clypei partes laterales longitrorsum nequaquam angustatae, ut fieri solet. Laminae frontales breves, elevatae, vix divergentes. Area frontalis et suleus frontalis variabiles. Oculi ad media capitis latera. Fossa antennalis profunda. Alae superiores cellula cubitali una, discoidali nulla,; costa transversa cum costa cubitali, vel cum ramo cubitali externo conjuncta. Cellula radialis aperta. Motanotum tuberculis elevatis duobus. Pedes non longi. Aculeus inchoatus aut nullus. Pedes medii et posteriores sine calcaribus. Mas: Alae nullae. Palpi, oculi, ocelli, laminae frontales et fossa antnnalis ut in 9. Olypeus ut in Q, sed excavatione paulo minus profunda. Caput etiam paulo minus postice emarginalum. Area frontalis et suleus frontalis variabilia. Mandibulae haud latae, ad apicem rotundatae , sine dente et sine margine terminali distincto. Antennae 11 artieulatae, ut in Q, sed breviores et crassiores. Thorax ut in maribus alatis, pronoto brevi, scutello. proscutello et postscutello praeditus. Locus alarum superiorum articulationum protuberantia signatus est. Mesonotum sine suleis convergentibus. Metanotum in medio paulo concavum, sed absque tuberculis. Pedes breves, crassi. Pelioli articuli ambo breves, latissimi, abdominis segmentis simillimi. Abdomen maximum, crassum, infra ita incurvum ut genitalia externa fere sub segmento primo sita sint: abdominis pars dorsalis convexa est, pars ventralis con- cava. Squamae genitalium externorum fere circulares, magnae, abdominis segmentum ultimum multo excedunt; valvulae genitales exteriores parvae, triangulares; valvulae genitales mediae inchoatae,; valvulae genitales internae maxime, squamas 0, 5"M- esccedentes, apice postice incurvato, caeterum ut in alüis formicis structae. Anergates atratulus Schenk. Femina: Generis signa propria. Frons tota secundum individua plus minusve concava, N N OT SEN ERLTRR > r n 4 > ya % NT Ei FE unde magna variatio in area sulcoque frontalibus. Area frontalis plerumque indeterminata, aliguando distincte circumscripta, magna, triangularis. Sıepissime deest suleus frontalis, et in linea mediana, sub ocello anteriori, prominentia longitudinalis, elongata et umbilicata sohım invenitur. Si hujus prominentie impressio media antice posticeque continuatur, fit suleus frontalis. Corpus totum dense crasseque foveolato-punctatum, subtiliter rugulosum, opacum vel vix nitidum. Niger; abdomen brunneum; antenne, pedes et mandibule flava. Sparse pubescens, pilis erectis fere nullis. Ale parum infuscatae. L. 2, 5—3"m-, Mas: Generis signa propria. Caput ut in Q, sed frons vie aut nom concava, area suleusque, frontalia saepius distineta. Mesonotum ut in Q, sed cerassissime et paulo minus dense ‚foveolato-punetatum. Vix aut non pubescens; haud pilosus. Totus pallido-griseo-flavus. Fortior, latior, crassior femina. L. 2, 7 —3""", Strongylognathus Huberi nov. species. Operaria: Olypeus laevis et nitidus ut in S. testaceo, sed transversim et longitrorsum valide fornicatus, cum carina mediana, elevata, longitudinali, in area frontali prolongata. Corpus elongatum, Leptothoracis acervorum habitu. Caput brevius thorace, postice leviter emarginatum. Metanotum bispinosum, inter spinas Transverse rugulosum; spine ut in Te- tramorio caespitum. Nitidus, sparse pilosus. Pars anterior capitis, clypeo excepto, capitis thoraeisque latera longitrorsum rugosa. Frons et vertex laevia, sparse lateque punctata. Thorax superne laevis, metanoto, superne subtilissime gramuloso excepto. Petiolus subtiliter rugulosus et punctatus. Abdomen laeve, sparse punctatum. Rufescens. Frons et pars media superiorque abdominis obscuriora. Calcaria crasse pectinata. L. 3—3, DM, Genus Temnothorax. Mayr. (3 nondum est deseriptus.) Mas: Mesonotum cum parte anteriori sulcorum convergentium. Alatus. Alae cum cel- lula eubitali una, indivisa. Costa transversa cum costa eubitali conjuncta. Cellula radialis parva, clausa. Antennae 13 artieulatae, clava quadriartieulata, scapus longitudine articulo- rum 4—5 basalium flagelli una sumptorum. Clypeus postice fornicatus, antice parum con- cavus, irregulariter transverse rugulosus, saepissime carina medıana longitudinali praeditus. Area frontalis indistineta. Mandibulae 5 dentatae. Calcaria pedum posticorum simplieia. Metamotum bituberculatum. Valvulae genitales exteriores Iriangulares, apice rotundatae. Alarum pterostigma costaeque fusca et distinctissima. Temnothorax recedens Nylander. (S nondum est deseriptus.) Mas: Laevis, nitidus. Caput rugulosum. Petioli articulus primus, thoracisque latera parce rugulosa. Alae fere hyalinae. Mandibularum dentes rubri. Flavo-brunneus, pallescens. ge Caput (mandibulis antennisque exceptis) et thoracis latera obscuriora. Abdomen brunneo- annulatum, segmento primo fere toto brunneo. Antennae pedesque pallida. Petiolus elon- gatus. L. 2, 8—-IMm., Leptothorax luteus nov. stirps. Operaria: Antennae 12 articulatae. Pedes absque pilis erectis. Clypeus medio non con- cavus, sed plerumque cum carina parva. Totus flavus; pars anterior capitis antennarumque clava vie rubescentes. Thorax subtiliter rugulosus. Metanoti spinae ad basim non parım latae, ut superficiei basalis *s longae, ad apicem parum incurvatae. Thoracis dorsum nequaquam interruptum. L. 2, 5m, Leptothorax tubero-nigriceps form. interm. (Leptothoracum tuberi i. spec. Fabr. et nigrieipitis Mayr mares nondum sunt deseripti.) Mas: Antennae 13 articulatae. Scapus longior secundo flagelli articulo; elava quadri- articulata. Mandibulae margine terminali dentata. Antennae pedesque sine pilis erectis. Cor- pus parcissime pilosum. Alae hyalinae. Oellula radialis clausa. Caput, thorax et petiolus non parum crasse rugulosa. Abdomen laeve, nitidum. Niger, mandibulis, femoribus, tibüs, scapis, flagellorum artieulis primo et ultimo pallide brunneis. Anus rubescens. Pars media Slagellorum, tarsi articulationesque pedum flava. Flagelli artieuli 2—6 inter se aequales, saltem duplo longiores quam latiores. Metanotum bitubereulatum. L. 3—3, D"m, CHAPITRE Ill. nannnnnnnn SYNONYMIE*) I. SYNONYMIE GENERALE **), d’apres Mayr et Roger. I. Famille FORMICARLE. Genre Formica Linne. T’° SOUS-FAMILLE FORMICIDE. Genres Formica et Polyergus Latreille. *) Les personnes qui desirent connaitre en detail les titres des publications oü sont deerits les synonymes indiques iei n’ont qu’a eonsulter les catalogues de Mayr (Formicidarum index synonymicus) et de Roger (Verzeichniss ete.). **) Les synonymes sont places simplement en retrait de la marge, pour les genres comme pour les especes et les races. La priorite est toujours donnde A la description la plus ancienne, pour peu quelle permette de reconnaitre la forme dont il s’agit. OB E «. ANUS ROND, APICAL. VESSIE A COUSSINET. 1. Genre CAMPONOTUS Mayr (Eur. Form.). Espece 1. ©. HERCULEANUS. r. C. hereuleanus i. sp. Linng (Faun. Suec.). Mayr (Form. austr., Eur. Form.). Nylander (Synopsis). . rufa Linne. . intermedia Zetterstedt. . atra Zetterstedt. . gigas Leach. . castanea Latr. . novaeboracensis Asa Fitch. r. C. ligniperdus Latreille (Hist. nat. d. fourm.). Mayr (F. austr. Eur. Form.) Nylander (Synopsis). F. rufa Wood. Espece 2. C. PUBESCENS Fabrieius (Ent. syst.). Mayr. Nylander. F. fuscoptera Olivier. F. vaga Schrank. F. pensylvanica Asa Fitch. F. Caryae Asa Fitch. Espece 3. C. marsınarus Latreille (Hist. n. fourm.) @. Roger (Berl. ent. Zeitschr. 1862 ° p- 292). F. fallax Nylander 9. Roger (Berl. ent. Zeitschr. 1859 p. 230) 5 9 d. C. fallax Mayr (Eur. Form.). Espece 4. Ü. SYLVATICUS. r. C. sylvaticus i. sp. Olivier (Eneyclop. method.) @. Roger (Berl. ent. Zeitschr. 1862 p- 291). F. marginata Latreille (Hist. n. fourm.) 9. F. castaneipes Leach. F. pallens Nylander. ©. marginatus Mayr (Eur. Form.). r. C. »thiops Latreille (Hist. n. fourm.). Mayr. Nylander. F. nigrata Nylander. F. pallidinervis Brulle (?). Espece 5. C. LATERALIS Olivier (Encyel. meth.). Mayr. Nylander. F. bicolor Latreille. F. melanogaster Latreille. F. picea Leach. v. F. foveolata Mayr (Verh. Z. b. V. 1853 p. 277). Sy TR u de — Pr En As E EN _ 2 v. idem. (©. ebeninus Emery. F. axillaris Spinola. F. atricolor Nylander. v. F. dalmatica Nylander. F. gagates Losana. F. pallidinervis Brulle (?). 2. Genre COLOBOPSIS Mayr (Eur. Form.). Espece 1. C. rruncara Spinola (Insect. Lig.). Mayr. Nylander. Emery (Enumeraz). C. fuseipes Mayr 5. C. truncata Mayr @ et soldat. 3. Genre PLAGIOLEPIS Mayr (Europ. Form.). Espece 1. P. pyGura Latreille (Ess. hist. Fr.). Nylander. Mayr (Tapinoma, Form. austr.) *) 4. Genre LASIUS Fabricius (Syst. Piezat). Espece 1. L. FuLısınosus Latreille (Ess. hist. f. Fr.). Mayr. Nylander. Espece 2. L. NIGER. r. L. niger i. sp. Linng (Faun. Suee.). Fabrieius. Mayr. Nylander. F. brunnea Jurine. Huber. F. fusca Foerster. F. pallescens Schenk. r. L. alienus Foerster (Hym. Stud.). Mayr. Nylander. r. L. emarginatus Olivier (Eneyel. meth.). Latreille. Losana. Lepeletier. Nylander. Mayr. (Eur. Form.) F. brunnea Mayr (Form. austr.). r. L. brunneus Latreille (Ess. hist. f. Fr.). Losana. Nylander. Mayr (Eur. Form.). F. timida Fester. Espece 3. L. UMBRATUS. r. L. umbratus i. spec. Nylander (Act. S. s. Fenn. II. F. III. 1048). Mayr. F. mixta Feerster. r. L. mixtus Nylander (l. e. p. 1050). Mayr. r. L. affinis Schenk (Beschr. nass. Am.). Mayr. r. L. bicornis Feerster (Hym. Stud.). Mayr (Eur. Form.) ©. F. ineisa Schenk. Mayr (Eur. Form.) ©. Espece 4. L. FLavus De Geer (Mem. Hist. Ins. II 1089). Fabrieius. Latreille. Nylander. Mayr. F. ruficornis Fabrieius. *) C'est ici qu’on doit intercaler le genre exotigque BRACHYMYRMEX Mayr (Formicide nove americane) avec l’espece B. Herrı n. sp. (de la serre du jardin botanique de Zurich). 13 RE) . | EN 5. Genre FORMICA Linne (Faun. Suec.). Mayr (sens. striet., Eur. Form.). Espece 1. F. rusca. r. F. gagates Latreille (Ess. hist. f. Fr.). Mayr. Nylander. F. capsincola Schilling ?? F. picea Nylander. r. F. fusca i. sp. Linn (Faun. Suec.). Mayr. Nylander. Latreille. F. glebaria Nylander. F. libera Scopoli. _F. flavipes Geoffroy. r. F. cinerea Mayr (Beschr. ein. n. Am.; Form. Austr.). Nylander. r. F. rufibarbis Fabrieius (Ent. syst. II. 355). Jurine. Roger. F. cumieularia Latreille. Mayr (Eur. Form.). Nylander. F. pratensis Olivier. F. niceensis Leach. F. stenoptera Feerster. F. rufa Losana. h 3 F. media Rai. S Espece 2. F. san@uisea Latreille (Ess. zei f. Fr.). Mayr. Nylander. z F. dominula Nylander. wre Espöce 3. F. RurA. r. F. rufa i. sp. Linne (Faun. Suee.). Latreille. Mayr. Nylander. F. dorsata Panzer (9). F. obsoleta Zetterstedt. F. lugubris Zetterstedt. F. major Nylander. F. polyetena Ferster. F. trumeicola Feerster. 2 are Lasius emarginatus Fabricius. F. apicalis Smith. F. piniphila Schenk (rufo-pratensis). r. F. pratensis De Geer (Mem. Hist. Ins. II p. 1080). F. congerens Nylander. Mayr etc. F. rufa dorso-nigro Huber. Jurine. r. F. truneicola Nylander (Adn. Mon. Form. p. 907). Mayr. F. obsoleta Linne (?). F. truncorum Fabrieius(?). Espece 4. F. EXSECTA. r. F. exsecta i. spec. Nylander (Adn. Mon. Form. p. 909). na r. F. pressilabris Nylander (l. e. p. 911). Mayr. nr a De a aD 6. Genre POLYERGUS Latreille (Hist. nat. Crust. et Ins.). Espece 1. P. RUFEScENS Latreille (Ess. hist. f. Fr., Formica). Mayr. Nylander. F. testacea Fabrieius (Syst. Piez). P. rubescens Leach. ß. ANUS INFERE, EN FENTE TRANSVERSALE. VESSIE SANS COUSSINET. 7. Genre HYPOCLINEA Mayr (Form austr.). Espece 1. H. quanprıpuncrata Linne (Mant. I. 540.) Nylander. Mayr. Tapinoma quadripunetata Schenk (Beschr. nass. Am.) 8. Genre TAPINOMA Foerster (Hym. Stud.). Espece 1. T. erkarıcum Latreille (Ess. hist. fourm. Fr.). Nylander Mayr. F. atomus Latreille. F. caerulescens Losana. Tapinoma collina Foerster. F. glabrella Nylander. 9. Genre BOTHRIOMYRMEX Emery (Ann. del. Mus. Zool. d. R. Univ. d. Napoli Anno V. p. 117.) Espöce 1. B. merIDIonaLıs Roger (Berl. ent. Z. 1863. p. 165, Tupinoma.). B. Costae Emery. I. SOUS FAMILLE PONERIDE. Genre Ponera Latreille. 1. Genre PONERA Latreille (Hist. n. Crust. et Ins.) Mayr. (sens. striet.) Espece 1. P. conrracra Latreille (Hist. n. d. Fourm.) Mayr. Nylander. F. coaretata Latreille (Bull soc. Philom.) Espece 2. P. puncrarissına Roger (Berl. ent. Zeitsch. 1859.). P. androgyna Roger (Berl. ent. Zeitschr. 1859.) (hermaphrodite.). P. contracta Meinert. III. SOUS FAMILLE MYRMICIDE. Genre Myrmica Latreille. 1. Genre ANERGATES n. g. Espece 1. A. arTraruLus Schenk (Beschr. nass. Am. p. 91; © et g, mais pas 9). von Hagens. Tomognathus sublaevis @ (2) Roger (Verzeichniss). Myrmica atratula (2 et 9) Schenk. Tetramorium atratulım (2) Mayr (Form. austr.). Tomognathus atratulus (2) Mayr (Form. Index et Novara-Reise). 2. Genre CREMASTOGASTER Lund (Ann. sc. nat. 1831. p. 132). Acrocelia Mayr (Verh. z. b. Verein 1852, p. 147). x 2 Espece 1. C. SCUTELLARIS Olivier (Eneyel. met. VI. p. 497). Mayr. Nylander. { Myrmica Rediana Dufour. Myrmica rubriceps Nylander (Add. alt.). Acrocelia ruficeps Mayr. Acrocelia Schmidt Mayr. Myrmica algirica Lucas. . F. haematocephala Leach. i 3. Genre SOLENOPSIS Westwood (Ann. a. mag. N. H. VI. 1841. 86). Diplorhoptrum Mayr (Form. austr.; Eur. Form.). Espece 1. S. ruGax Latreille (Ess. hist. f. Fr.). Mayr. Nylander (Synopsis). Myrmica flavidula Nylander (Add. alt.). 4. Genre STRONGYLOGNATHUS Mayr (Verh. z. b. Verein 1853, p. 389). Myrmus Schenk (Stett. ent. Zeit. 1853. p. 299). Espece 1. S. TESTACEUS Schenk (Beschr. nass. Am. p. 117). Mayr. Nylander. Myrmus emarginatus Schenk. Espece 2. S. HUBERI n. sp. 5. Genre TETRAMORIUM Mayr (Form. austr. 151). Espece 1. T. caespitum Linne (Faun. Suee.). Latreille. Nylander. Mayr. Myrmica atratula ($ mais pas @ ni 9) Schenk. e F. binodis Linne. -# Myrmica fuscula Nylander. - - Myrmica impura Feerster. Myrmica modesta Feerster. 6. Genre MYRMECINA Curtis (Brit. ent. VI. p. 265). Espece 1. M. LATREILLEI. Curtis (1. e.). Mayr. Nylander. Myrmica striatula Nylander (Add. alt.). Myrmica bidens Feerster. Myrmica graminicola Feerster. 7. Genre APH/ENOGASTER Mayr (Verh. z. b. Ver. 1853, p. 107). Atta des auteurs, mais pas de Fabricius*). Espece 1. A. srrucror Latreille (Ess. hist. f. Fr.). Nylander. Mayr. = F. lapidum Fabrieius (Syst. Piez.). *) Roger (Verz. p. 48 et 49) a fait remarquer que les auteurs subsequents, Latreille en particulier, avaient forme & tort un nouyeau genre, Oecodoma, pour les especes exotiques cephalotes et sexdens pour lesquelles Fabrieius avait fonde le genre Atta, tandis qu’ils avaient range sous ce dernier nom d’autres especes (barbara etc.) que Fabrieius n’y rangeait pas. Il a done avec raison remplac& la denomination d’Oecodoma Ltr. par celle d’Atta F., et celle d’Atta Ltr. par celle d’Aph@nogaster Mayr. Ne De ie — I — F. aedificator Schilling. Myrmica mutica Nylander. F. rufitarsis Fabrieius (Syst. Piez.). Espece 2. A. SUBTERRANEA Latreille (Ess. hist. f. Fr.). Nylander. Mayr. 8. Genre MYRMICA Latreille (Hist. Crust. et Ins.). Mayr (sens striet.). Manica Jurine (Nouv. met. class. ]). Espece 1. M. rugıpa Latreille (Hist. nat. Fourm. p. 267). Mayr. Nylander. M. montana Imhoft. M. rhymchophora Feerster. M. leonina Losana. Espece 2, M. rugra Linne (Faun. Suec. I. n. 1022; Syst. Nat. p. 2799). r. M. laevinodis Nylander (Adn. Mon. Form.). Mayr. M. longiscapus Curtis. r. M. ruginodis Nylander (Adn. Mon. Form.). Mayr. F. vagans Fabricius? M. vagans Curtis. M. diluta Nylander. r. M. scabrinodis Nylander (Adn. Mon. Form.). Mayr. M. rubra Curtis, mais pas Latreille. M. caespitum Zetterstedt, mais pas Linne. r. M. rugulosa Nylander (Add. alt.). Mayr. M. clandestina Feerster. r. M. suleinodis Nylander (Adn. Mon. Form.). Mayr. M. perelegans Curtis. r. M. lobicornis Nylander (Adn. Mon. Form.). Mayr. M. denticornis Curtis. 9. Genre ASEMORHOPTRUM Mayr (Europ. Formie.). Espece 1. A. rıppurum Nylander (Add. alt.). Mayr. Tetramorium lippulum Roger (Berl. ent. Z. 1859, p. 258). Myrmica Minkii Foerster. Myrmica graminicola Smith. 10. Genre PHEIDOLE Westwood (Ann. a. Mag. VI. 87). Oecophthora Heer (Hausameise Madeira’s). Espece 1. P. paruımura Nylander (Add. alt.). Oecophthora subdentata Mayr. Myrmica megacephala Losana. Pheidole megacephala Mayr (Eur. Form.). 11. Genre STENAMMA Westwood (Intr. Class. Ins. II. p. 226). Formicoxenus Mayr (Form. austr. p. 141). ZB A Espece 1. S. wEstwoopI Stephens (in litt.). Westwood (l. e.). Mayr. M. nitidula Nylander. M. debilis Feerster. M. laeviuscula Feerster. 12. Genre TEMNOTHORAX Mayr (Europ. Form.). Espece 1. T. RECEDENS Nylander (Synopsis). Mayr. Leptothorax recedens Roger (Berl. ent. Z. 1859, p. 258). 13. Genre LEPTOTHORAX Mayr (Form. austr.). Espece 1. L. ACERVORUM. r. L. acervorum i. sp. Fabrieius (Ent. Syst.). Nylander. Mayr. Myrmica lacteipennis Zetterstedt (9). F. graminicola Latreille (variete). r. L. muscorum Nylander (Add. adn.). Mayr. Variet: L. Gredleri Mayr (Form. austr.). r. L. flavicornis Emery (Stud. myrmee.). Espece 2. L. TUBERUM. r. L. tuberum i. sp. Fabrieius (Ent. Syst.). Nylander. Mayr. r. L. corticalis Schenk (Beschr. nass. Am.). Mayr. r. L. luteus nov. stirps. r. L. affinis Mayr (Form. austr.). r. L. nigriceps Mayr (Form. austr.). L. melanocephalus Emery. r. L. interruptus Schenk (Beschr. nass. Am.). Mayr. Myrmica simpliciusceula Nylander. r. L. unifasciatus Latreille (Ess. hist. f. Fr.). Nylauder. Mayr. L. Nylanderi Fcerster (Hym. Stud. I. 53.). Mayr. Myrmica eingulata Schenk. Nylander. Var: Myrmica parvula Schenk. Myrmica unifasciata Smith. Stenamma albipennis Curtis (I) ? I. SYNONYMIE v’HUBER. Plusieurs personnes se plaignent de ce qu’Huber n’a pas employe de noms latins, et pretendent qu’on ne peut par consequent pas reconnaitre les formes dont il parle. Je ne suis point du tout de cette opinion, et je puis assurer que toutes les fourmis dont parle notre auteur sont pour moi parfaitement reconnaissables, sauf une ou deux qu'il ne fait que nommer. A la fin de son livre il donne des deseriptions de Latreille et de — 1083 — Jurine qui sont beaucoup moins claires que les remarques d’Huber lui-möme. ‚Je vais donner ici cette synonymie. 1. Fourmi ethiopienne. Il est de toute &vidence qu’Huber appelle ainsi le Camponotus pubescens; cela ressort de ce quil en dit ä la page 61. Seulement il s’est embrouille dans les deseriptions de Latreille, et a cru avoir affaire ä la Formica aethiops de cet auteur dont il eite la deseription ä la page 317. 2. Fourmi hercule. C'est le Camponotus ligniperdus. Je ne erois pas qu’Huber ait observ& le ©. hereuleanus i. sp.; il ne l’a dans tous les cas pas distingue de sa race. 3. Fourmi fuligineuse. Lasius fuliginosus. 4. Fourmi jaume. Lasius flavus. 5. Fourmi brune. Lasius niger i. sp., et Lasius alienus. Huber ne dit pas un mot des L. brunneus et emarginatus; ou bien il ne les a pas trouves, ou bien il les a laisses de eöte A dessein, ne s’etant pas specialement occupe de leurs moeurs; cette derniere explication me parait la plus probable. 6. Fourmi noir-cendree. F. fusca. i. sp. 7. Fourmi mineuse. F. rufibarbis. 8. Fourmi sangwine. F. sangwinea. 9. Fourmi fawe. F. rufa. Huber distingue fort bien la F\ rufa i. sp. quil appelle fauve dos rouge de la F. pratensis qu'il appelle fauwwve dos noir; il fait remarquer que l’abdomen de la @ est tres luisant chez la premiere, mat chez la seconde. Mais il reconnait en m&me temps leur intime parente et la presque entiere identite de leurs meurs. 10. Fourmi amazone, roussätre ou legionnaire. Polyergus rufescens. 11. Fourmi des gazons. Tetramorium cespitum. 12. Fourmi rouge. Myrmica rubra (ses races). Comme Linne et Latreille, Huber confond toutes ces formes rapprochees. 13. Fowrmi mieroscopique. Je suis presque certain qw’Huber entend par lä le Sole- nopsis fugax, d’apres la description qu'il fait de ses pucerons (p. 196). Mais comme il n’en dit rien d’autre, on pourrait penser aussi ä la rigueur ä la Plagiolepis pygmuea. 14. A la page 159, fin du premier alinea, Huber parle d'une fourmi & deux nouds et ä aiguillon, plus grande que toutes les autres formes de cette categorie, et habitant es Alpes. Il ne lui donne pas de nom, mais il est aussi evident que possible que c'est la Myrmica rubida. II. SYNONYMIE v’EBRARD. Ebrard a l’air de mepriser complötement la syst@matique, et plusieurs des fourmis qu’il nomme ne peuvent &tre determindes exactement. Voiei ce que je crois pouvoir dire: A. DETERMINATIONS CERTAINES. 1. Fourmi grosse tete (F. capitata). Aphenogaster bar- bara L. 2. Fourmi fauwve. F. rufa et pratensis. 3. Fourmi amazome. Polyergus rufescens. jaune. L. flavus. B. DETERMINATIONS MOINS CERTAINES. 1. Fourmi des gazons. T. cespitum? (L.niger?) 2. Fourmi hercule. Ebrard comprend probablement sous ce nom non seulement les Cum- ponotus herculeanus i. spec. et ligniperdus, mais encore les C. pubescens et sylvaticus. 3. Fouwrmi magonne. C'est encore le L. niger ou le L. flavus, du moins probablement. ö IT” Pırrie: NOTICES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES Je renvoie les personnes qui desirent connaitre l’anatomie des fourmis ä l’ouvrage de Meinert (Bidrag til de danske Myrers Naturhistorie, Kjobenhavn 1860, dans le Kgl. Dansk. Videnk. Selskabs Skrifter 5. Rekke naturv. Afd. V. Bind, 1860), et, pour ce qui concerne le cerveau, & l’anatomie comparee de Leydig (Vom Bau des thierischen Körpers, Tübingen 1864. Erster Band; erste Hälfte, p. 235 et p. 236—238). Leydig donne en outre divers details sur l’organisation des fourmis dans ses &erits dissemines (Tafeln zur vergleichenden Anatomie, T. VIII, Fig. 4 u. 5. Müller’s Archiv für Anatomie, Physiologie und wissenschaftliche Medizin: 1855, 1859 p. 59 et T. II fig. 20, 1860 p. 265 et Taf. VII fig. 7. Verhandl. d. Kaiserl. Leopold. Carol. deutschen Acad. d. Naturforscher. 1867: Der Eierstock und die Samentasche der Insecten, p. 21. Das Auge der Gliederthiere; Tü- bingen 1864). L’embryologie a ete traitee dans le temps, en 1832, par Ratzeburg (Ueber die Entwicklung der fusslosen Hymenopteren Larven mit besond. Rücksicht auf die Gatt. Formica). On peut encore y ajouter Swammerdam (Biblia Nature), ainsi que les diverses notices de Leon Dufour et de Lespes*). Je me contenterai de rapporter iei aussi sucein- tement que possible quelques recherches que j’ai pu faire et quelques opinions qui ne concordent pas avec celles d’autres personnes. 1. Sur Vappareil venenifique. Meinert a trouve qu'il y avait des differences conside- rables entre l’appareil venenifique des Formicidae d’un cöte et celui des Myrmicidae et des Poneridae de l’autre. Mes observations m’ont prouve que celui de la division ß des Formicidae avait la me&me structure que celui des Myrmicidae et des Poneridae. Cette diver- gence apparente provient simplement de ce que Meinert ne eonnaissait aucune fourmi de la division ß des Formicidae. L’appareil venenifique se compose: 1°) de la glande venenifique; 2°) de la vessie ä venin; 3°) de l’aiguillon chez les Poneridae et les Myrmicidae; 4°) de la glande acces- soire, Cette derniere avait &te prise jusqw’ä Meinert pour un „receptaculum seminis“; Meinert a montre oü etait le vrai receptaculum seminis, et a prouve que le conduit de sortie de la glande dont nous parlons se jette dans celui de la vessie A venin, tout pres de son orifice externe. Cet orificee commun de l’appareil venenifique s’ouvre dans l’ai- guillon chez les fourmis qui en ont un, et dans le celoaque chez celles qui n’ont pas d’aiguillon. *) Meinert eite encore: Ramdohr, Abhandl. üb. d. Verdauungsw. d. Insecten, p. 140; H. Meckel, Mi- erogr. einig. Drüsenapp. d. nied. Thieren, dans Müllers Archiv. f. Anat. u. Phys. 1846. 14 — 106 — Chez ceux des Formicidae que Meinert a &tudies, on trouve un premier type de la glande venenifique et de la vessie que j’appellerai « type de la vessie & coussinet », d’apres une comparaison de Meinert (Fig. 17). La glande se compose iei de deux petits tubes etroits et allonges (g. 8.) qui se reunissent vers leur base en un seul tube (&‘), lequel entre presque aussitöt apres dans la base de la paroi posterieure de la vessie; lä il tra- verse seulement la tunique externe (propria) de cette paroi, et continue entre les deux tuniques, toujours dans la paroi posterieure, jusque vers le haut de la vessie pour s’y recourber deux fois et revenir ä son point de depart en cötoyant le chemin qu'il venait de faire. Ce n’est qu’apres s’etre ainsi replie longitudinalement nombre de fois en formant un grand coussinet (couss.) de figure ovale, reguliere, que le tube de la glande veneni- figue finit par percer la tunique interne (intima) pour entrer dans la cavite de la vessie, Pendant qu’il forme ce coussinet, surtout pres de son entree dans la vessie, le tube a de nombreux rameaux lateraux; il est entoure d’elements cellulaires peu abondants. Le coussinet forme done une grande plaque ovale, assez @paisse, raide, d’un blanc mat, con- trastant avec le reste de la paroı vesicale qui est transparente, flexible et tres mince (V). Le coussinet garde toujours sa forme, et constitue presque & lui seul la paroi pos- terieure de la vessie lorsque cette derniere est vide, car alors le reste de la paroi vesicale que j’appellerai pour abreger « paroi anterieure » se contracte au moyen de sa tunique musculaire, se fane, et s’applique contre la face interne du coussinet. Quand la vessie se remplit (Fig. 17), sa paroı anterieure est par contre seule capable de se distendre et de s’arrondir; le coussinet demeure ä peu pres raide, et conserve sa forme. De lä resulte que la vessie dans son entier est ovale et plate quand elle est vide, ellipsoide (mais plus bomb6e devant que derriere) quand elle est pleine. Chez ce type, le conduit de sortie de la vessie est tres large et plisse transversalement (e). Meinert deerit un second type, celui des Poneridae et des Myrmicidae; je l’appellerai « type de la vessie ä bourrelet ». Ici la glande venenifique est grande et composee de deux tubes Epais qui se r&eunissent aussi en un seul vers leur base. Mais ce tube unique entre vers le sommet de la vessie et non vers sa base; puis, lorsqu'il a traverse sa tuni- que externe, il se replie irregulierement entre les deux parois en formant un bourrelet de peu d’etendue, moins considerable que les tubes libres, pour entrer enfin dans la cavite de la vessie en percant sa tunique interne. Ce bourrelet est trop petit pour influer sur la forme de la vessie dont la paroi mince, flexible, @lastique et transparente prend la forme spherique que lui donne tout naturellement son contenu liquide. La vessie est done toujours spherique ; lorsqu’elle est vide, elle est extr&mement petite, et sa paroi est toute plissee. Chez ce type, le conduit de sortie de la vessie est plisse transversalement, comme chez le type ä coussinet, mais il est &troit. Or j’ai examine avec soin l’appareil venenifique de tous les Formicidae que j’aı pu dissequer, et j’ai trouve que dans tous les genres de la division «, savoir dans les genres Camponotus, Colobopsis, Plagiolepis, Prenolepis, Brachymyrmex, Lasius, Formica et Poly- a ergus, la glande venenifique et la vessie presentaient la structure du premier type deerit par Meinert (Fig. 17). Par eontre, j’ai trouv& chez tous les genres de la division ß, savoir chez les genres Aypoclinea, Tapınoma, Bothriomyrmex et Liometopwm une struc- ture de la glande venenifique et de la vessie identique ä celle que presentent ces orga- nes chez les Poneridae et les Myrmicidae (Fig. 18). Ces genres n’ont cependant pas trace d’aiguillon. La glande venenifique est tres grosse et tr&s Epaisse (g. 8); elle forme un bourrelet (b) et non un coussinet dans la vessie (v) qui est toujours spherique et dont le conduit de sortie (ec) est m@me plus etroit que chez le genre Myrmica. La difference entre ces deux types est aussi tranchee que possible, comme le montrent les Fig. 17 et 18; je n’ai point trouve de formes intermediaires. Malheureusement, je sus bien loin d’avoir pu dissequer tous les genres connus; les genres exotiques m’ont fait presque ab- solument defaut, et il est fort possible qu’on trouve des transitions chez eux (ainsi chez le genre Technomyrmex Mayr). Dans tous les cas ce caractere reste absolu pour les four- mis suisses, eb tr&s probablement aussi pour toutes les fourmis d’Europe, car les genres Cataglyphis et Acantholepis sont les seuls genres europeens que je n’aie pas pu dissdquer convenablement *), et ils sont trop rapproches des autres genres de la division « pour pouvoir differer d’eux sur un point aussi important. C'est a dessein que j’ai omis jusqu'ici de parler de la glande accessoire. Elle varie en effet d’une maniere beaucoup plus irreguliere que l’appareil venenifique proprement dit. Elle est toujours pleine d’un liquide jaune, epais. Meinert deerit plusieurs formes de cette glande. Chez les Formica, elle est bifide et tubuleuse (Fig. 17 ace.); chez les © de ce genre, elle est extr&mement grande, plus grande möme que la vessie & venin, et se voit du premier coup quand on ouyre l’abdomen. Mais Meinert montre que ce n’est pas le cas des @ de tous les genres, car elle est petite chez le Lasius flavus @. En outre, elle est a peine bifide chez le L. fuliginosus, simple, tr&s grosse et presque spherique chez les L. mixtus et flavus 9. Chez le Bothriomyrmex meridionalis, elle est simple et tubuleuse (F. 18 acc.). Chez la Myrmica ruginodis, elle est ovale et a un long conduit de sortie qui debouche dans l’aiguillon avee celui de la vessie (Meinert, Pl. III, fig. 18). Chez 1’ Aphae- nogaster barbara 9, elle est tubuleuse, unie, un peu renfldee au sommet ete. Il faudrait done avoir disseque celle de toutes les fourmis pour pouvoir avancer quelque chose de general. Je place encore iei une observation trop superficielle pour ätre notee A part. J’ai remarque chez les 9 et les © des genres Bothriomyrmex, Liometopum et Tapinoma (et Hypoclinea?), deux grandes vessies ovalaires ä parois tr&s minces et transparentes qui sont placees ä cöte l’une de l’autre et qui debouchent ensemble presque direetement dans le eloaque. Je n’ai aueune notion sur leur signification ni sur leurs fonetions. Ce qu'il y *) Je dois les Liometopum que jai disseques A l’obligeance de M. Emery qui me les a envoyes de Naples dans l’aleool. — 108 — a de certain, c'est que le rectum, la vessie ä venin avec sa glande accessoire, les ovaires avec la matrice sont tous visibles ä cöte d’elles, debouchant ainsi qu’elles dans le cloaque. 2. Le canal intestinal, abstraetion faite des glandes qui s’y rattachent, se eompose des parties suivantes: 1. Bouche et parties buccales (mächoires, palpes, langue, labre, levre inferieure, langues accessoires). 2. Sac buccal, sorte d’abajoue unique situge au milieu du devant de la tete, sous le pharynx avee lequel il est en large communication. Sa paroi est comme chagrinee, ce qui vient d’une eouche de cellules(?) ä contours tres distinets, cellules que Meinert ne croit pas secretoires. Cette paroi est du reste transparente, et Meinert n’y a pas trouv& trace de musculature. Les mouvements du pharynx doivent suffire ä& vider le sac buccal, et je ne crois pas qu'il se vide souvent. Le sac buccal est de forme parfaitement spherique. Il est toujours rempli de particules alimentaires. Au mieroscope on distingue surtout dans ce contenu des parcelles brunätres ou grisätres opaques, amorphes; des cellules aplaties & noyau distinct, tres petites, Eparses ou r&unies en groupes de eing ou six; des gouttelettes de graisse; d’autres cellules plus grosses; des fibrilles. 3. Pharynz, & parois tres museuleuses, situe dans la tete, devant le cervean. 4. Oesophage. C'est un long canal qui va du pharynx ä l’abdomen. Musculature tres faible (Meinert). 5. ‚Jabot. Simple renflement de l’®sophage qui se forme aussitöt que celui-ei est entre dans l’abdomen. Meinert n’a pu y trouver trace de musculature. Tl l’appelle & tort estomac. 6. G£sier. Renflement cehitineux et musculeux du tube digestif. Meinert !ap- . pelle ä tort pylore, mais il ne merite guere non plus le nom de gesier. 7. Estomac que Meinert appelle & tort duodenum, imitant en cela Straus Durckheim. 8. Intestin. 9. Rec- tum. 10. Cloaque. Il regne aujourd’hui une &trange confusion sur les fonetions de ces divers organes. Je suis loin de pouvoir tout expliquer, mais j’espere jeter quelque clarte sur ce sujet. Les fourmis sont pour la plupart omnivores, cela est vrai, mais elles ne peuvent pas mächer. Leurs mandibules ne leur servent jamais & manger; ce fait demontre par Huber est parfaitement certain; l’observation la plus assidue le confirme; du reste la dispro- portion entre elles et les mächoires suffirait deja pour le rendre &vident. Elles restent toujours fermees et. immobiles pendant que la fourmi mange. A T’ordinaire la bouche est fermee par le labre qui se rabat sur elle en bas et en arriere, recou- vrant completement la partie anterieure des mächoires et de la levre inferieure, Lors- qu’une fourmi veut manger, elle fait un mouvement fort complexe du pharynx qui pousse en avant la langue et toutes les parties circonvoisines (langues accessoires, mächoires etc.) tout en soulevant le labre comme un couverele. Mais les mächoires sont beaucoup trop courtes, trop faibles, trop membraneuses pour broyer un solide quelconque ; elles ne peuvent faire entrer dans la bouche par leur mouvement de va et vient qu’un liquide, ou tout au plus une bouillie. L’observation montre que c'est la langue qui sert surtout aux fourmis lorsqu’elles mangent; elles l’emploient exactement comme les chiens lorsqu’ils lapent ou lorsqu’ils löchent le fond d’une assiette; j'avais fait cette comparaison 1007 6 avant de savoir quelle ayait deja et@ faite par Lespes, et je ne saurais m’exprimer plus elairement. Lorsqu’elles ont affaire & un corps solide renfermant du liquide (un insecte p- ex.), les fourmis le dechirent d’abord avec leurs mandibules, puis lapent ensuite son contenu. Ces faits ont &te deja reconnus et fort bien deerits par Huber (p. 5), puis con- firmes par Lespes, tandis que Leon Dufour eroit les fourmis capables de manger des corps solides, et que d’Esterno les accuse de devorer (VIII, 34). Je ne saurais trop in- sister sur ce point, car il est incroyable de voir combien de personnes persistent & rester dans l’erreur ä ce sujet. Une des fonetions les plus importantes du canal digestif des fourmis, la plus impor- tante mö&me, est celle du dögorgement. Meinert s’imagine que le sac buccal est l’organe qui y est prepose, et que c’est la que les fourmis amassent la nourriture qu’elles distri- buent ensuite ä leurs larves et ü leurs compagnes. Or c’est une erreur complete, comme je vais le montrer. Tous les auteurs qui ont observe les maurs des fourmis savaient deja que cette provision se fait dans l’abdomen et non dans la tete, car l’abdomen est la seule partie du corps qui puisse se distendre, mais il en est capable ä un haut degre. Avant d’aller plus loin je dois dire que Meinert a releve une grave erreur de Leon Du- four. Cet auteur eroyait que la partie anterieure du gesier se trouvait dans le pedicule et le jabot dans le thorax; il en resulterait que le jabot ne pourrait se distendre; cette erreur incomprehensible a jete une entiere confusion sur les fonetions de cet organe. Je puis affirmer avec Meinert que le jabot se trouve toujours dans l’abdomen proprement dit; je me base en cela sur de nombreuses dissections faites chez les especes les plus diverses. Leon Dufour eroit de plus que le gesier sert a triturer les aliments, ce qui est impossible puisque les fourmis ne mangent rien de solide. Enfin je ferai observer que le sac buccal et l’estomae (ce dernier pas toujours) sont remplis de detritus formant une bouillie Epaisse, souvent presque solide, tandis que le pharynx et le gesier sont toujours vides, l’esophage ä& peu pres vide, et le jabot plus ou moins rempli d’un liquide clair, quelquefois presque vide. Chose ceurieuse, le rectum qui est un renflement assez conside- rable du tube disestif et dont les parois renferment un petit nombre d’organes verruci- formes, est presque toujours rempli d'un liquide clair, un peu colore, dans lequel nagent d’apres Meinert quelques rares corpuscules et eristaux; les matieres alimentaires seraient done liquefiees de nouveau apres leur sejour dans l’estomac. Chez certaines fourmis dont le mode d’alimentation est assez mal connu, surtout chez les genres de la division ß des Formicidae, on observe tres souvent dans le jabot un caillot compaete, solide, noirätre, qui vu sous le miceroscope parait homogene et amorphe; cette masse a dü se former dans le jabot möme, car elle n’aurait jamais pu passer par l’esophage. A part cela, je le re- pete, le contenu du jabot est toujours liquide, et ordinairement limpide. Or les gouttes que les fourmis degorgent ä& leurs larves et & leurs compagnes sont toujours, autant qu’on a pu l’observer jusqu’ici, d'un liquide transparent, ordinairement incolore; la nature de ce liquide coneorde done, on le voit, avec celle du contenu du jabot, et non avec celle 0 a fe 1 — 110° — de la bouillie heterogene du sae buccal; elle concorde aussi avec celle des aliments que prennent les fourmis. Du reste les anciens auteurs, prineipalement Swammerdam et Re- aumur, ont dejä demontre d’une maniere aussi evidente que possible que c'est le jabot (premier estomae) qui chez les abeilles est le reeipient du miel recolte sur les fleurs, le- wel est ensuite degorge par les $ dans les alveoles ou quelquefois a d’autres 9, diree- tement, de bouche ä bouche, comme le font les fourmis (voy. surtout Reaumur: Mem. pour serv. ü Uhist. des Insectes, 1740; Tome V, p. 444 et suiv.; pl. 30). Pour les four- mis, les auteurs ont garde& le silence, probablement parce qu’ils ne connaissaient pas leur anatomie; seul Ch. Lespes (Zevue des cours scientifiques, 1866, p. 257) fait observer que le liquide degorge par les fourmis s’amasse prealablement dans le jabot; il n’indique ce fait qu’en passant, ayant l’air de le considerer comme &vident; c’est probablement parce qu’il ignorait les singulieres opinions de Leon Dufour et de Meinert a cet Egard. Quoi- que la connaissance que j’avais des meurs des fourmis me fit considerer des l’abord l’opinion de Meinert comme fausse (nous ne nous arreterons pas a Leon Dufour qui com- mence par une grossiere erreur anatomique sur le point le plus elementaire et le plus essentiel, puisqu'il place le jabot dans le thorax), je erus devoir faire l’experience sui- vante pour lever tous les doutes possibles: Je delayai du bleu de Prusse (substance qui parait ne nuire en rien & la sante des fourmis) dans du miel, jusqw’ä ce que ce dernier eut pris une teinte bleu fonee. J’avais mis auparavant 13 Cumponotus ligniperdus $ dans un bocal, et les avais laisse jeüner pendant plusieurs jours, jusqu’ä ce que leurs abdomens fussent devenus tres petits. Le 20 avril, je sortis quatre de ces 9 et leur donnai du miel bleu ä diseretion. Elles se mirent aussitöt A en laper avec avidite, si bien qu’au bout de quelques heures leurs abdo- mens avaient plus que tripl& de calibre. On voyait une eoloration bleuätre entre tous les anneanx distendus. Je remis alors une de ces 9 dans le bocal avec les 9 restantes qui n’avaient rien mange. Aussitöt elle fut entouree, palpee, lechee. Une petite $ se mit ä Timplorer, et reeut bientöt une goutte bleue qu’elle lecha avidement, puis une seconde, une troisieme, une quatriöme, si bien que son abdomen doubla de volume sous mes yeux, tandis que celui de l’autre diminuait. Cette petite 9 fut imploree & son tour par les autres, pendant que la premiere degorgeait ä une seconde demandeuse, si bien qu'au bout de deux heures la provision de notre fourmi avait &te repartie entre ses neuf compagnes. Je les dissequai alors toutes, et je trouvai les dix jabots remplis de miel au bleu de Prusse. La partie du canal intestinal situde en arriere ne contenait pas une parcelle bleue. Le bleu s’arretait net ä l’entree du gesier, ä la base des quatre sepales de cet organe. La figure 30 represente un de ces jabots, avec le gesier et une partie de l’es- tomac. L’esophage, le pharynx et la bouche &taient teints en bleu, tandis que le sac buecal contenait ä peine quelques parcelles de cette couleur. Je dissequai aussi les trois 9 qui n’avaient pas degorge. Elles me presenterent exactement les memes phenomenes, seulement leur jabot etait fabuleusement gonfle. Il occupait les quatre cinquiemes de l’ab- — 11 — domen dont les autres organes etaient tous refoules en arriere et en dessous. En dessus, il s’etendait jusque dans le einquieme segment. Sa paroi etait enormement distendue et d’une finesse telle qu'un rien suffisait pour la erever et faire eeouler le contenu, c. a. d. le miel au bleu de Prusse. Le gesier, l’estomae, l’intestin, le rectum ne contenaient pas un atome bleu. Je repetai cette experience des manieres les plus varices, et avec des especes fort diverses. Le ZLasius flavus me permit d’observer le tout sans disseetion, gräce ü la transparence de sa chitine; je pus voir la position relative des organes, la largeur de l’oesophage ete. Chez les Myrmica je remarquai que le jabot ne se remplissait jamais a un si haut degre que chez les Formicidae,; par contre un renflement allonge de l’®@sophage rempli de bleu de Prusse se voyait ä travers les parois du thorax. Je conservai vivantes pendant assez longtemps un certain nombre de ces fourmis, et les dissequai les unes apres les autres. Ce n’est qu’au bout de quelques jours qu’on trouve des particules bleues dans l’estomae dont le contenu finit aussi par devenir entierement d’un bleu plus ou moins impur; le contenu du sae buccal ne devient jamais bleu qu’en partie, tandıs que le jabot reste toujours rempli d’un liquide bleu fonce. Il resulte de ce qui precede que le sac buccal n’a au plus qu’un röle accessoire dans l’acte du degorgement, et que c’est le jabot qui est le receptacle servant ä cet usage. On peut ainsi diviser le canal intestinal des fourmis en une partie anterieure qui sert plus ä la communaute qu’ä lindividu, et en une partie posterieure specialement reservee ä la nutrition de ce dernier. Un fait tres remarquable, c'est que pour chaque forme le canal digestif a une structure parfaitement identique dans les trois sexes, tandis que sa structure varie beaucoup suivant les genres. Et pourtant les 9 n’ont jamais ä degorger: ils ne font que recevoir. Üest un fait dont la theorie de l’evolution des especes a de la peine ä rendre compte. Le röle du sac buccal, ce curieux organe que Brants a decouvert le premier chez les gu£pes, et qui fait defaut aux abeilles, n’est point explique. Brants eroit qu'il sert aux guepes ä preparer leur carton, mais les fourmis n’ont rien de pareil & preparer, comme le fait fort bien remarquer Meinert, sauf le Zasius fuliginosus; et le sac buccal n’est pas plus developpe chez cette espece que chez les autres; le Lasius fuliginosus a par contre d’enormes glandes mandibulaires. Le sac buccal doit servir, soit & une digestion speciale pour la partie anterieure du corps (l’analogie frappante de son contenu avec celui de l’estomae parlerait pour cela), soit plutöt ä quelque but encore inconnu; peut-etre ä ajouter quelque el&ment special ä la miellde degorgee aux larves (cela me parait improbable, vu que les larves recoivent aussi des gouttes claires). Les museles des parois de l’abdomen (des segments) sont probablement les seuls qui se contractent lors du degorgement; cela doit suffire pour comprimer le jabot. Le gesier est un singulier organe chez les fourmis; il a donne lieu aux conjeetures les plus diverses. Meinert le regarde comme ser- vant a regler la marche des aliments. Nous verrons bientöt combien il varie de forme. Il me semble certain qu'il sert avant tout ä fermer pour l’ordinaire hermetiquement le canal digestif entre le jabot et l’estomaec. Ce but parait d’autant mieux rempli que les EI a nr a N - T a A 5 — 112 — quatre lamelles chitineuses etal&es anterieurement en forme de lis sont plus developpees. La pression du liquide contenu dans le jabot (de l’interieur) sur ces lamelles qui s’e- talent dans ses parois elles-memes dont elles ne sont qu’un £paississement contribue peut-ötre ä tenir la boule du gesier fermee. Chez les Poneridae et les Myrmicidae oü ces lamelles chitineuses manquent, la fermeture est moins complete; le contenu de l’es- tomac se teint plus vite en bleu quand la fourmi a mange du miel bleu. Le volume de l’estomae varie beaucoup moins que celui du jabot. Il augmente tres lentement, en plu- sieurs jours, lorsq’une fourmi a mange. Les particules solides qu'il eontient n’ont point ete avaldes comme telles, car on en trouve dans l’estomac de toutes les fourmis, mais ce sont certainement des preeipites produits dans les aliments liquides par les sucs digestifs que seceretent sans nul doute les grosses cellules dont est tapissee la paroi stomacale. Le gösier (Fig. 19) que Meinert nomme tout-a-fait ä tort pylore, mais qw'il considere avec raison comme un organe servant ä& la regularisation du mouvement des aliments et non comme un organe de trituration, se compose d’nne partie anterieure (sep., musc., boule) en eonnexion avec le jabot, d’une partie mediane cylindrique et etroite (m.) qui peut faire defaut, et d’une partie posterieure, renfl&e de nouveau, qui entre dans l’estomac (p):: A. La partie anterieure est surtout remarquable chez les Formicidae. Sa paroi (in- tima) comprend quatre fortes lamelles chitineuses, longitudinales, parfaitement symetriques; ces lamelles ne sont que des &paississements de la tunique interne (intima). Chacune d’elles est composee de plusieurs couches longitudinales variant par leur degre de chitini- sation; la partie de la tunique interne qui les relie transversalement l’une ä l’auire est ä Tordinaire transparente, d’une consistancee de parchemin analogue ä& celle de la chitine. Ces quatre lamelles sont recouvertes d’une forte couche de muscles dont la dis- position n’est pas encore bien connue (Fig. 19 muse.). Chaque lamelle a: 1°) Une partie anterieure ordinairement allongee et aplatie, faisant partie de la paroi du jabot dont la cavite ne se termine qu’ä sa base (Fig. 30); cette partie est plus fortement chitineuse que le reste, surtout sur sa face interne; je l’appellerai sepale (Fig. 19. sep.); elle est plus ou moins libre suivant les formes, c’est-a-dire quelle n’est ordinairement reliee & sa voisine que par une paroi membraneuse qui n'est autre que la eontinuation de l’intima du jabot. 2°) Une partie moyenne tres resseree qui n’est autre chose que la base des quatre sepales reunies ä cet endroit par l’intima ä consistance de parchemin, laquelle y est ordinairement möme presque entierement chitinisee (Cataglyphis). Ici la face interne des lamelles cesse d’&tre plus fortement cehitinisee que le reste. Cette place est tr&s impor- tante, car le tube digestif y est ordinairement tenu ferme (Fig. 30). 3°) Une partie posterieure arquee, que je nommerai boule en parlant de l’ensemble des quatre lamelles, faute de nom mieux approprie (Fig. 19, boule). Pour former la boule, les quatre lamelles qui s’etaient rapprochees divergent de nouveau brusquement et deerivent chacune un demi cerele, afin de se rapprocher ensuite pour la seconde fois presque autant que la premiere, au pöle posterieur de la boule. Öes quatre demi cereles sont solidement unis entre eux — 13 — transversalement par lintima & consistance de parchemin et par des fibres museulaires, ce qui fait ressembler ensemble ä une sphere avec quatre demi meridiens en forme de cötes &levdes, entre lesquels se trouvent quatre profondes depressions longitudinales. Dans la boule, les lamelles sont moins £paisses, et faiblement chitinisees; la partie centrale de chaeune d’elles est seule de couleur rousse et elegamment contournee en tire-bouchon (Fig. 19 boule, Fig. 21, Fig. 22); pour voir distinetement cette partie centrale chez les grandes especes, il faut separer une des lamelles des quatre autres; je l’ai cependant des- sinee dans la fig. 19. EB. La partie moyenne du gesier (Fig. 19 m.) est fort simple; elle se compose d’un tube eylindrique etroit, a parois membraneuses et musculeuses, qui va du pöle posterieur de la boule jusqu’a l’estomae sans rien presenter de partieulier. Sa longueur varie beau- coup; elle peut devenir nulle (Aypoclinea). ©. La partie posterieure du gesier est entierement comprise dans la cavite de T’es- tomac et ne se voit que lorsqu’on ouyre celui-ci dans lequel elle entre comme un bouton (Fig. 19 p). Elle eonstitue un renflement de la partie moyenne, ä l’entree de celle-ci dans la cavite stomacale. Elle ne renferme pas de chitine, mais elle a une consistance de parchemin comme la partie anterieure. Elle est epaisse, plus ou moins globuleuse, obovale ou ellipsoide, mais pas tres symetrique. Chez certaines formes on distingue dans la partie posterieure quatre cötes membraneuses plus ou moins nettes qui eorrespondent aux lamelles de la partie anterieure, ainsi chez le Bothriomyrmex meridionalis (Fig. 22 p). Cette partie posterieure n’est pas toujours tres facile a voir et offre moins d’interet que les autres parce qu’elle ne varie pas d’une maniere bien caracteristique. Elle se detache tres facılement. La forme typique du gesier, telle que nous venons de la decrire, est sujette A de singulieres transformations chez les fourmis, et fournit des caracteres generiques tres importants. Meinert ne distingue que deux formes: a) celle des Formica rapportee au type des F. rufa et pratensis (Fig. 19; la figure de Meinert, Pl. I fig. 1. g, represente tres mal *) ce gesier); b) celle des Myrmica et des Ponera chez lesquelles d’apres lui la portion anterieure fait entierement defaut, tandis que la partie moyenne est Epaisse et la partie posterieure plus developpee que chez les Formieidae, du reste de m&me structure. Si Meinert n’a pas vu autre chose, c’est qwil n’avait que la faune extremement pauvre du Danemark & sa disposition. J’ai etudie le gesier de diverses formes, et j’ai trouve une serie de variations singulieres dans sa structure. (es variations se trouvent presque toutes dans la division ß des Formicidae, et servent encore ä rapprocher ce groupe des Myrmicidae et des Poneridae. Nous avons: *) On aurait tres tort de juger l’excellent et consciencieux travail de Meinert par ses figures qui sont en general fort mal executees et qui rendent beaucoup moins bien les faits que ne le font les deseriptions. 15 — 14 — 1°) Un premier type qui a fait surtout l’objet de la description ei-dessus; c'est celui que deerit Meinert. Les sepales sont libres et etalees en avant; elles forment un calice elegant; elles ont la forme de l’extremite d’une rame, mais leur face interne est convexe; elles sont droites ou & peu pres droites. La boule est ä peu pres spherique, e. a. d. que chaque lamelle y deerit un demi cerele. La partie moyenne est longue, cylindrique, etroite. La partie posterieure est assez petite. Ce type lui-möme est sujet ä des varia- tions. Chez le genre Camponotus, la partie moyenne du gesier est tres allongee ainsi que les sepales qui sont etroites, plus de deux fois longues comme la boule, rapprochees les unes des autres (Fig. 30). Chez le genre Colobopsis, les sepales sont dejä plus &talees et un peu plus courtes. Chez les genres Formica et Polyergus, le gesier est beaueoup plus Epais, et plus court que chez les genres precedents; les lamelles sont fortement chiti- nisees; les sepales sont larges, droites, etalees; la boule est plutöt plus large que longue; la partie moyenne du gesier est encore assez longue (Fig. 19). Chez le genre europeen Cataglyphis (C. viatica 9), le gesier ressemble beaucoup ä celui du genre Formica, mais les sepales sont encore bien plus chitinisees, d’un brun noirätre; ce sont les plus foncees que je connaisse; la boule est un peu moins Epaisse que chez les Formica. Le gesier des Lasius est semblable aussi ä celui des Formica, mais les sepales sont encore plus courtes. Chez le Brachymyrmex Heeri 5, tout l’organe est tr&s petit et parait ä peine chitinise; les sepales sont encore dirigees droit en avant, mais extremement courtes, rapprochees ä leur extremite et peu retreeies A leur base; la boule est grosse, spherique; la partie moyenne est assez longue (Fig. 20; le grossissement est d’environ 300 fois). Chez la Prinolepis longieornis (genre europeen, espece cosmopolite), les lamelles sont assez faible- ment chitinisees; les sepales sont tres greles ainsi que tout l’organe; elles sont elegamı- ment recourbees en dehors ä leur extremite anterieure, ce qui forme un calice &vase; elles sont un peu plus longues seulement que la boule, mais celle-ci est allongee; la partie moyenne du gesier est un peu plus eourte que chez les autres formes de ce type. 2°) Un second type est fourni par le genre Plagiolepis (P. pygmaea). lei les sepales sont brusquement reflechies, presque ä angle droit, environ vers leur milieu. La partie posterieure, non reflechie, des sepales est dirigee en ayant comme chez le type precedent; la boule est un peu plus allongee que chez le type prec&dent, mais toujours arrondie, ellipsoide; la partie moyenne du gesier est courte, assez Epaisse. On voit encore de cer- tains rapports entre ce gesier et celui de la Prenolepis que je viens de deerire, mais iei il y a reflexion brusque de la moitie anterieure des sepales; cette partie reflechie a de plus un trait caracteristique, c'est que les quatre sepales y sont fortement chitinisees et soudees aussi entre elles par de la chitine ce qui forme une sorte de parasol. Les s&pales ont une direction presque transversale dans leur partie reflechie; leur extremite seule est libre et recourbee en arriere (Fig. 21). 3°) Un troisitme type est celui du Bothriomyrmex meridionalis. Ici les quatre sepales sont longues, reflechies des leur base et fortement recourbees en arriere en forme d’anere; — la — la membrane (intima) qui les relie ne parait pas chitinisee, mais elle a une consistance de parchemin, de sorte qu'il est tres difficile d’ecarter ou de rapprocher les sepales les uncs des autres. La boule est assez courte et a la forme d’une tasse ventrue ä quatre cötes. La partie moyenne du gesier est extr&mement courte. Les longues sepales en se recourbant entrainent naturellement avec elles les parois du jabot qui recouvrent done en partie le gesier, ce qui rend la dissection difficile. La partie posterieure est courte, appa- rente, et contient quatre eötes membraneuses distinetes (Fig. 22 et 23). 4°) Le genre Tupinoma nous offre un quatrieme type qui tient un peu des denx preeedents, mais qui est dejä beaucoup plus degenere, Les sepales sont courtes et entiere- ment reflechies des leur base, comme chez le Bothriomyrmex,; mais elles sont moins re- courbees en arriere, et sont entierement soudees entre elles par de la chitine, de sorte qwelles forment ensemble un parasol moins plat et un peu plus grand que celui de la Plagiolepis,; leur extremite n’est pas m&me libre comme elle l’est chez cette derniere. La boule a la forme d’une marmite ä quatre cötes; elle est tres courte et tres Epaisse, plus large que le parasol forme par les sepales, lequel lui sert de couverele. On ne distingue presque plus dans la boule une partie centrale de chaque lamelle chitinisee en tire-bou- ehon. -La partie moyenne du gesier est moins courte que chez le type precedent. Je n’ai observe aucune difference dans la structure du gesier entre les deux formes nigerrimum (du midi de l’Europe) et erraticum, ni entre les trois sexes (Fig. 24, 25 et 26). Ce gesier est le plus diffieile & dissequer et ü bien comprendre de tous ceux que j’ai examines; jen ai disseque plus d’une einquantaine. 5°) Le genre europeen Liometopum (division B des Formicidıe) nous offre un type assez particulier (Fig. 34). La consistancee du gesier est moins resistante que chez les Tapinoma, un peu friable. Les sepales, entierement reflechies des leur base, sont courtes, peu recourbees en arriere, mais larges et bombees, de sorte qu’elles font une saillie syme- trique A quatre cötes et ä quatre impressions diagonales dans la cavite du jabot; cette saillie se voit facilement ä la loupe, gräce ä sa couleur rousse, quand le jabot est ouvert et etale. Elles sont moins fortement chitinisees que chez les Tapinoma; elles ressemblent du reste surtout ä celles de ce genre. La boule est allongee et tres etroite, plutöt plus large devant qu’ä son pöle posterieur qui se continue insensiblement dans la partie moyenne du gesier. Cette derniere est e&paisse et extremement courte. La partie posterieure du gesier est grande et fort allongee (p). On voit dans la boule, au centre de chaque la- melle, une spirale tres läche, qui ne semble pas m&me chitinisee. Il est possible que ce qui me parait etre la partie anterieure de la boule soit en realite la base non reflechie des sepales, ce qui rapprocherait ce type de la Plagiolepis pygmea. C'est difficile & decider, mais ce n’est au fond qu'une dispute de mots, car nous avons vu que la base des sepales forme une partie ordinairement resseree faisant transition ä la boule, et c'est cette partie qui est allongee, ainsi que la boule, chez le Liometopum. 6°) Notre sixi&me type est celui de I’ Aypoclinea quadripunetata (Fig. 27); il est peu wen EU EEE) — 16 — probable qu’il se retrouve identique dans tout l’immense genre Hypoclinea avec ses sous- genres, tel que le comprend Mayr maintenant. Ici la partie moyenne du gesier a dis- paru totalement. La boule est ä peu pres cylindrique. Elle est tronquee anterieurement, et contigu& au jabot, dans lequel elle n’entre pas. En arriere elle est arrondie, contigue ä l’estomac, et se continue direetement dans la partie posterieure du gesier. Dans cette boule on distingue quatre cötes longitudinales qui sont ä peine chitinisees; elles sont d’une consistance analogue ä celle de la boule du Liometopum, et paraissent striees trans- versalement. La cavite de la boule parait ramincie et cylindrique anterieurement, en möme temps que ses parois deviennent plus €paisses et prennent une teinte un peu chitineuse; cette partie anterieure de la boule correspond peut-etre comme chez le type precedent ä la base non reflechie des sepales. Si l’on parvient ä placer la boule sur son extremite posterieure, de maniere ä voir sous le mieroseope son extremite anterieure, on reconnait sur celle-eci une croix formee par la rencontre des quatre lamelles qui forment ä cet en- droit un petit rudiment de sepales refl&chies (la m&me croix qu’on voit chez les Tapi- noma A la Fig. 26). La partie posterieure du gesier est courte, Epaisse, tronquee poste- rieurement, tres irreguliere du reste. 7°) Le 7”° et dernier type est celui que Meinert assigne aux Ponera et aux Myrmica (sous ee dernier nom, il comprend aussi les genres Tomognathus, Tetramorium, Lepto- thorax et Stenamma). Je l’ai trouve aussi chez l’Aphenogaster barbara et chez le Cre- mastogaster scutellaris, de sorte qu'il parait bien &tre general chez les Myrmieidae; c'est plus douteux pour les Poneridae. lei il n’y a plus entre le jabot et le gesier qu’un tube irrögulierement eylindrique, le plus souvent un peu courbe, dont les parois sont Epaisses, striees transversalement, et renferment quatre cötes longitudinales membraneuses; ce tube est encore assez resistant. La partie posterieure du gesier est un peu plus developpee en general que chez les Formicidae, mais elle a le m&me aspect, et se detache aussi facile- ment; elle est allongee chez la Myrmica laevinodis, eourte et globuleuse chez l’Aphaeno- gaster barbara; elle se continue direetement dans le tube du gesier. Je n’ai pas donne de figure de ce type du gesier, parce qu'il est tres simple, et qu'il est deja represente dans le travail de Meinert (Pl. I, Fig. 2 g). Meinert croit que le tube de ce gesier qui n’entre nullement dans le jabot (les parois du jabot s’inserent exacetement a son extre- mite) correspond ä& la partie mediane du gesier des Formicidae, et que la partie ante- rieure si compliquee qui distingue cette sous-famille fait defaut dans les deux autres. S’il avait connu la serie des types 2, 3, 4, 5 et 6 que nous venons de deerire, il se serait convaineu quwen realitE cette partie eylindrique du gesier des Myrmicidae et des Poneridae correspond ä la boule du gesier des Formicidae et ä ses lamelles transformees. En effet, le gesier du genre Aypolinea, genre qui a dejäa plusieurs autres caracteres le rapprochant des Poneridae et des Myrmicidae, n’est pas sans avoir de tres grandes analogies avec notre 7”° type, et nous avons vu qwil n’a plus de partie moyenne, celle-ci ayant dejäa diminue graduellement chez les types precedents. — 117 — Malgre tant de differences, le gesier parait avoir le m&me röle chez toutes les four- mis. Ö’est du moins ce que semble montrer l’experience du miel au bleu de Prusse. 3. Sur am orgume qui parait etre celwi du goüt. Meinert deerit dans la partie ante- rieure des mächoires une rangee d’une dixaine de canaux chitineux qu’il considere comme devant &tre l’organe d’un sens, probablement du goüt, car il a vu les nerfs qui y abou- tissaient, et plus en arriere il croit avoir remarque des cellules ganglionnaires et une reunion de ces filets nerveux. Il a trouv@ encore une rangee d’organes analogues A la base de la langue (Fig. 10, &). Ces derniers sont en plus grand nombre. J’ai aussi ob- serve les mömes organes, et de plus j’en ai trouv& une troisieme rangee de sept sur les eötes du bout de la langue de la F. pratensis 3 (Fig. 10, &‘). Ce sont des canaux de la peau qui ont une ouverture externe plus ou moins annulaire. Les filets d’un blane opalin qu’on voit y aboutir dans les mächoires et qui paraissent &tre des nerfs se reunissent en arriere en masses ponctuees probablement sanglionnaires. 4. Yeux des fourmis. Le diametre de la cornee d’une facette varie peu suivant les especes. Les plus petites facettes que j’aie vues sont celles du Oremast. sordidula 9, les plus grosses sont celles de l’Aphaenog. barbara 3; le diametre des dernieres est ä peime double de celui des premieres. Le diametre d’un ocelle est par contre triple de celui d’une facette des yeux chez le ( sordidula g, et quintuple chez la F\ pratensis S. Les ocelles sont en outre bien plus bombes que les facettes des yeux. Le nombre des facettes des yeux des fourmis varie Enormäment, de 1 ä environ 1200 pour les fourmis suisses. Ce sont les 9 qui en ont le plus, puis viennent les © et ensuite les 9. J’ai fait ce compte chez un assez grand nombre de formes. Peut-ötre offrira-t-il un certain interet; on sait que chaque facette correspond ä un element ner- veux terminal, & un bätonnet (Leydig): Camponotus ligniperdus 9 (grosse), pres de 500. Camponotus ligniperdus 3 (petite), environ 450. Tapinoma erraticum 5, aux environs de 400. Tapinoma erraticum 2, environ 260. Tapınoma erraticum 5, environ 100. Bothriomyrmex meridionalis 9, environ 55. Plagiolepis pygmaea O9, de 70 & 80. Brachymyrmex Heeri 3, de 85 & 38. Lasius fuliginosus 5, environ 200. Lasius flavus D, environ 80. Lasius mixtus 9, environ 70. Formica pratensis 5, pres de 600. Formica pratensis ©, 830. Formica pratensis 5, aux environs de 1200. Polyergus rufescens 5, environ 400. Ir Ne Ponera punetatissima 9%, d’apres Meinert, de 1 & 30 (ce dernier nombre me parait errone; je erois que Meinert aura eu sous les yeux un intermediaire entre la 9 et la Q). Ponera contracta et punctatissima 9, celles que j’ai examinees, de 1.ä 5. Ponera punctatissima Q, de 100 ä 150. Anergates atratulus Q, aux environs de 90. Solenopsis fugax 5, de 6 ä& 9. Solenopsis fugax Q, environ 200. Solenopsis fugax , plus de 400. Strongylognathus testaceus 9, environ 45. Tetramorium caespitum 3, environ 45. Myrmeeina Latreillee 9, 14 a 15. Aphaenogaster barbara 9 (grosse), environ 230. Aphaenogaster barbara 5 (petite), de SO & 90. Aphaenogaster subterranea 5, de 90 & 95. Myrmica scabrinodis 9, de 100 & 110. Myrmica laevinodis 9, de 105 ä 115. Pheidole pallidula 9, environ 32. Pheidole pallidula soldat, environ 50. Stenamma Westwoodi D, environ 45. Stenamma Westwoodi @, aux environs de 100. Myrmica ruginodis S, pres de 400. On voit par ce tableau que le nombre des facettes (les chiffres qui preeedent repre- sentent toujours le nombre de ‘celles d’un seul «il; il faut doubler pour avoir celles des deux yeux) ne depend pas seulement du developpement de la vue, mais encore de la taille absolue de lindividu. Il est certain p. ex. que la P pygmaea 9 a une vue beaucoup meilleure que les Lasius fHlavus et mixtus 5; elle a cependant le möme nombre de fa- cettes, mais elle est beaucoup plus petite. Le ©. ligniperdus 9 a certainement la vue assez peu developpee; il n’a pourtant pas moins de 450 ä 500 facettes, tandıs que le Solenopsis fugax 9 qui doit chercher sa © dans les airs ä l’aide de ses yeux n’en a que 400. Il y a des genres europeens et exotiques qui n’ont pas trace d’yeux ni d’ocelles (Typhlopone, Leptanilla, Anomma, Syscia, Typhlatta ete.). 9. Les antennes renferment le sens le plus important des fowrmis. Huber et Ebrard l’ont deja montre. Quel est ce sens? Il me parait &vident qu'il y en a au moins deux qu’on peut comparer l’un au toucher, l’autre ä l’odorat. On sait qu'il n’est souvent pas possible de rapporter exactement la qualite des sens des animaux inferieurs A celle des nötres. Certaines fourmis reconnaissent diverses substances A distance; on les voit s’ar- reter, promener leurs antennes en l’air, puis se diriger ainsi, sans täter le terrain (7@- pinoma, Lasius emarginatus ete.). D’autres au eontraire tätent eontinuellement le terrain (FPonera, L. flavus). D’autres s’aident”en outre de la vue (F. rufa ete.). Je rends attentif =. 18) — ieci ä une experience dont nous parlerons ailleurs (XXIII) ä propos du Lasius emargi- natus. Latreille avait aussi fait cette experience (Hist. nat. des fourmis p. 41), mais il ne dit pas sur quelle espece, et il a le tort de la generaliser ä toutes les fourmis. Lespes l’a faite sur le Z. emarginatus, et montre ainsi l’excellent odorat de cette fourmi (Revue des cours seientif. 1866). Huber avait dejüa montre que les P. rufescens ne s’apercevaient de rien, lorsqu’on venait de passer plusieurs fois la main ä& un endroit que devait tra- verser leur armee avant quelle y fut arrivee. J’ai repete bien souvent cette experience avec le möme resultat. Les F\ pratensis sont dans le möme cas, et si l’on frotte le doigt sur leur chemin dans un instant oü il n’en passe aucune, celles qui viennent ensuite traversent paisiblement sans se douter de rien, Par contre leurs antennes sont tres sen- sibles au contact le plus leger. Ce sont les Myrmicides qui paraissent avoir le toucher le plus fin dans les antennes, et les Tupinoma l’odorat le plus developpe. Quoi qu’il en soit, des fourmis privees de leurs antennes perdent la faculte de se conduire *), de distinguer leurs compagnes de leurs ennemies, et möme de decouyrir de la nourriture placee a cöte d’elles. C’est du moins le resultat de mes experienees. Je mis ensemble dans un möme bocal des fourmis d’especes et möme de genres entierement dif- ferents (CO. ligniperdus, T. erraticum, Lasius, Formica ete.), apres leur avoir coupe ä toutes les deux antennes. Elles se melerent completement les unes aux autres, sans dis- tinetion; je vis des Lasius lecher des Formica et des Cumponotus; joobservai möme un commencement de dögorgement entre une 9 L. fuliginosus et une 9 C. ligniperdus. Ces fourmis ne s’apercevaient de la presence du miel que lorsque leur bouche venait par ha- sard s’embourber dedans; elles se mettaient alors & manger, mais maladroitement, et elles finissaient toujours par engluer leurs pattes anterieures avec lesquelles elles eherchaient a täter pour remplacer leurs antennes. Ces fourmis laissaient voir clairement que leur intelligence n’avait souffert en rien, mais qu’elles n’etaient plus susceptibles de fines sen- sations. Elles cherchaient autant que possible ä s’orienter avec leurs pattes, leurs palpes et leur tete, faisant faire & ces organes des mouvements inaccoutumes. Quand elles se rencontraient les unes les autres, elles se tätaient avec leurs palpes et leurs pattes ante- rieures, et finissaient evidemment, d’apr&s ce que nous venons de voir, par se prendre pour des amies. J’observai cependant dans quelques occasions certains gestes de mefianee fort marques, ainsi un reeul subit avee menace des mandibules, mais cela n’avait pas de suite. Une autre fois je mis des F' fusca 9 d’une m&me fourmiliere auxquelles j’avais eoup& les antennes dans un bocal avec leurs larves, leurs cocons et de la terre. Elles n’essayörent pas möme de se creuser la moindre case ni de donner le moindre soin ä& leurs larves qui *) C'est par erreur que j'ai dit ailleurs que les fourmis a ocelles pouvaient retrouver leur chemin lorsqu’elles avaient les antennes coupdes (Bulletin de la soc. suisse d’entomologie Vol. III nro. 3). Des observations insuffisantes m’avaient fait tirer trop hätivement cette conelusion. — 1720 — perirent bientöt. Elles demeurerent ainsi pendant deux semaines, la plupart du temps immobiles, pr&sentant un aspeet des plus lamentables. J’avais mis avee elles une 5 pres- silabris privee aussi de ses antennes; elles ne lui firent aucun mal. En meme temps que l’experience precedente j’en avais fait une exactement parallele, seulement j'avais coupe les jambes anterieures (au-dessus de l’eperon) aux F. fusca et ä la F. pressilabris au lieu de leur couper les antennes. La pressilabris fut tuee des le pre- mier jour. Les fusca firent tous leurs efforts pour creuser des cases et magonner, mais elles n’arriverent qu’ä bouleverser la terre sans pouvoir tracer un seul sillon convenable; un instrument. tr&s important leur manquait. Elles furent bientöt toutes crottees ainsi que leurs larves et leurs cocons; la privation de leur €peron les empecha de se nettoyer. Elles essayerent d’abord de soigner leurs larves, mais n’arriverent qu'ä les salır, et les laisserent ainsi perir. Ce dernier fait n’est pas dü & la privation de l’Eperon, mais & celle des pattes anterieures dans leur ensemble qui sont un point d’appui indispensable pour les ouvrages delicats que les fourmis exeeutent avec leur bouche et leurs mandibules. Je les mis plus tard dans le bocal de leurs anciennes compagnes ä antennes coupees, oü elles tuerent aussitöt la pressilabris de ces dernieres. Les fusca sans pattes anterieures et les fusca sans antennes ne surent du reste pas se secourir mutuellement comme l’aveugle et le paralytique. Elles finirent toutes par perir. Nous voyons done en resume que les organes des sens sont assez variables chez les fourmis; ee sont: 1°) Le loucher qui est tres developpe et reside surtout dans les an- tennes. 2°) L’odorat ou un sens analogue qui a son siege dans les antennes et qui est tres fin chez certaines formes, mais parait &tre plus obtus chez d’autres. 3°) Za vue qui est assez bonne chez les J, moins bonne chez les @, et mauyaise en general chez les 9 oü elle varie du reste beaucoup (elle est assez bonne chez la f. rufa 9, tandis qu'il y a des fonrmis completement aveugles)*). 4°) Ze goüt qui parait exister chez toutes les *) Chacun sait que lorsqu’on agite un objet a un metre de hauteur au-dessus d’un döme de F. rufa, ces fourmis commencent aA entrer en ebullition, a se dresser sur leurs pattes posterieures, et & &jaeuler leur venin en l’air. On peut les provoquer ainsi möme A travers du verre ce qui prouve bien que c'est ici la vue qui les guide. Mais voici un fait encore plus curieux: Le Lasius fuliginosus est le seul Lasius dont les ocelles soient bien developpes. Un jour, par un soleil ardent, je versai un bocal rempli de ces fourmis, que je tenais en chambre depuis quelque temps, sur une allde bordee d’un cöte par un bosquet, de l’autre par un pre. M’etant accroupi aussitöt apres pour les observer, je les vis presque immediatement se diriger rapidement sur moi, les antennes en l’air, en ligne droite, sans hesitation, formant une colonne, et avec un ensemble digne d’une armee de P. rufescens. Je reculai quelque peu; elles continuerent leur mouvement. Je m’aceroupis alors de l’autre cöte de leur tas; aussitöt elles se retournerent pour se diriger de nouveau sur moi. Je changeai encore deux ou trois fois de position; chaque fois elles revinrent vers moi. Alors je me mis a m’eloigner dou- cement en suivant l’allee, toujours accroupi; les fuliginosus me suivirent en colonne, et cela jusqu’& eing metres de distance, toujours en ligne droite et sans hesiter; ils ne se faisaient aucun signe les uns 121 fourmis ä un degre assez marque; on le voit d’apres le choix de leur nourriture, la ma- niere dont elles abandonnent tout-ä-coup le miel auquel on a m&l& une substance amere (morphine, stryehnine), des qu’elles y ont goüte. Les fourmis sont gourmandes. Quand on leur donne du miel (qu’elles aiment beaucoup) elles laissent tout le reste de cöte, m&me leurs larves, pour s’en gorger. Elles ne font pas de m&me pour les substances, qu'elles aiment moins, ainsi pour les sues des corps des insectes. C'est un signe assez certain qu'elles ont le goüt developpe. Nous avons parl& d’organes qui paraissent en &tre le siege, L’owie semble par contre manquer completement. 6. Sur les fourmis auxquelles on coupe labdomen. On sait que les fourmis privees de leur abdomen sont capables de courir, de se battre, de reconnaitre leurs compagnes, de soigner leurs larves (Huber, Ebrard). J’ai observe ces faits plus de cent fois. Je donnai du miel au bleu de Prusse & un Campon. ligniperdus prive d’abdomen, et je l’observai pendant qu’il mangeait. Il n’avait pas commence depuis une minute que le bleu de Prusse decoulait dejüa de son pedieule; il mangea ainsi une grande ‚quantite de ce miel qui res- sortait toujours & mesure qu'il l’avalait. Dans les combats, les fourmis auxquelles on a coupe l’abdomen se distinguent en general par leur courage. Elles ne peuvent pas vivre plus d’un ou deux jours. J’ai remarque qu'elles etaient souvent prises tout-A-coup de eonvulsions generales et restaient ainsi ä terre pendant un certain temps en ayant l’air d’etre sans connaissance. Je les ai vu mourir quelquefois de cette maniere, mais souvent elles se remettaient completement au bout d’un certain temps, et cela assez subitement. Ces convulsions etaient ordinairement provoquees par un violent effort; leur cause est probablement une irritation de la chaine ganglionnaire la oü elle est coupee. Je n’ai pas observe comme Ebrard que ces fourmis fussent rejetees hors du nid par leurs compagnes, aussi longtemps du moins qu'elles etaient vives et actives. Une fois fletries et languis- santes, elles ne font que partager en cela le sort de toutes les fourmis qui sont dans cet etat. 7. SYSTEME NERVEUX. A. Anatomie. Le systeme nerveux des fourmis n’a guere &t6 etudie jusqu’& present. Seul Leydig (Vom Bau des thierischen Körpers) donne une des- eription histologique et anatomique tres remarquable du cerveau*) de la A. rufa 3. Le aux autres; chacun se dirigeait sur moi pour son compte. Il me vint alors & l’idee que je leur faisais peut-etre l’effet d’un arbre ou de quelque chose d’analogue. Je me dirigeai aussitöt vers le bosquet; la eolonne m’y suivit. Mais quand je l’eus amende au bord m&me des arbustes, et que je retournai ensuite sur l’allee, elle cessa de me suivre, et les fourmis se mirent a explorer la lisiere du bosquet. Il me semble Evident qu'iei j'ai cause une illusion d’optique & ces fourmis; cela montre en m&me temps que la vue des fourmis n'est pas nette, ce qui du reste peut se deduire de toutes leurs allures. *) Nous appellerons cerveau avec Swammerdam, Faivre et Leydig les deux ganglions de la tete: le ganglion sus-@sophagien est le cerveau proprement dit, et le ganglion sous-@sophagien est la partie inferieure du cerveau. 16 — 12 — reste du systeme nerveux n'a jamais ete deerit dans son ensemble, & ma connaissance du moins. Je suis arrive*) ä dissequer dans sa continuite toute la chaine nerveuse du C. ligniperdus @ et 5 (Fig. 35), ainsi que celle de la F\ pratensis @ et 5. Mais je n’ai pas encore essay& de dissequer les systemes pneumogastrique et sympathique dont la preparation est deja fort diffieile chez les gros imseetes. La partie qui offre le plus de diffieultes est le pedieule, ä cause de ses deux retr&eissements devant et derriere l’ecaille. On arrive cependant avec des ciseaux tres fins ä& le couper longitudinalement de chaque cöte de maniere A pouvoir Öter la moitie superieure de sa coque chitineuse; il suffit alors d’enlever l’esophage pour decouyrir la chaine nerveuse. Le pedieule renferme un ganglion. Le cerveau proprement dit, si bien deerit par Leydig (l. e.) dont je eite en partie la description, est fort different de celui de la plupart des autres insectes; il se rapproche beaucoup de celui de l’abeille et des autres hymenopteres vivant en societe. On est frappe tout d’abord & son aspect par deux gros hemispheres tres pro&minents, situes tout-ä-fait en haut, et un peu en arriere. Au deyant de ces hemispheres, le cerveau est recouvert par une grosse glande jaune (glandula verticis de Meinert) qui se jette dans le pharynx. Si Ton repousse legerement les hemispheres en arriere et en bas apres avoir Öte la glande, on voit apparaitre en avant les autres parties du cerveau telles que les represente la fig. 35 (C. ligniperdus 9); eette figure n’entre absolument pas dans les details histologi- ques pour lesquels je renvoie le lecteur ä Leydig (l. e., et Tufeln zur vergl. Anatomie: T. VIII, fig. 4). D’abord les deux h&mispheres (Fig. 35 corp. ped.) qui sont constitues chacun par deux masses annulaires, eylindriques, paraissant former chacune un demi cercle, et reli6ees chacune ä la base des pedoncules du cerveau (commissures reliant de chaque cöte de l’esophage le cerveau proprement dit au ganglion sous-esophagien) par un pedon- cule secondaire convexe en dehors. (es masses sont les corps pedoncules de Dujardin ; elles sont toutes deux entourees d’une substance corticale celluleuse qui donne & chaque h&misphere ou lobe sa forme h@mispherique. Les corps pedoncules ne sont chez aucun insecete aussi developpes que chez les fourmis; ils sont m&me rudimentaires chez la plupart des insectes. Viennent ensuite les lobes cer@braux primordiaux, la formation ganglionnaire primitive du cerveau, laquelle se retrouve chez tous les insectes (Fig. 35, e. prim.). Is forment ensemble une seule masse transversale, un peu retrecie au milieu, qui recouvre la partie inferieure des eorps pedoneules. Au milieun de chaque lobe, on voit par trans- parence un tres gros noyeau qui regarde de derriere semble divise en deux moities: ce n’est que le commencement de la commissure allant au ganglion sous-@sophagien; cette commissure parait &tre double (de chaque cöte) d’apres Leydig. A droite et ä gauche, *) Gräce aux procedes ingenieux de M. le professeur Blanchard que M. Künkel, aide-naturaliste au Museum de Paris et anatomiste distingue lui-m&me, a eu la bonte de m’enseigner; gräce aussi aux excellents instruments qu'il m’a aid& a me procurer. Qu’il me soit permis de le remercier ici. ii — 13 — les lobes cerebraux primordiaux se continuent pour former les lobes ou nerfs optiques (Fig. 35, n. opt.) qui se rendent aux yeux composes. En avant et en bas, les lobes cere- braux portent chacun un lobe cönique, le lobe olfactif ou antennal (Fig. 35, lob. olf) d’ou part le nerf antennal (n. ant.). Entre les deux nerfs antennaux, on voit deux nerfs tres fins qui partent aussi du cerveau; ce sont les nerfs de la lövre superieure (n. labr.). Chez les fourmis qui ont des ocelles, ces derniers ont chacun un gros nerf tres facile ä voir, et siepais qu’on peut presque le regarder comme un lobe eerebral; ces nerfs partent direetement des corps pedoneules; celui du milieu (de l’ocelle anterieur) a deux racines, une dans chacun des hemispheres. Leydig a dejä montre que le d6veloppement des ocelles n’est point necessairement en rapport avec celui des corps pedoneules, car ces derniers sont beaucoup plus developpes chez la F. rufa 9 que chez l’abeille, tandis que les ocelles sont plutöt plus petits, proportion gardee. Il laisse cependant la question en suspens, regardant toutefois comme tr&s probable que les corps pedoncules sont avant tout le siege des facultes intellectuelles superieures. Je puis lever ce dernier doute de Leydig, car je me suis assure que les corps pedoncules se trouvent tres developpes chez des fourmis qui n’ont pas trace d’ocelles, telles que le Oumponolus ligniperdus 5 (Fig. 35 corp. ped.), le Lasius flavus 5 ete. Chez ces fourmis sans ocelles, plus aucun nerf visible ne part done des corps pedoncules. Hätons-nous de dire que ce fait ne prouve pas que les nerfs des ocelles soient, la oü ils existent, independants des corps pedoncules, mais seulement quils n’en sont qu’une dependance accessoire. Le cerveau proprement dit n’est pas identique chez toutes les fourmis. Je n’ai malheureusement que fort peu de donnees A cet &gard. Les corps pedonceules sont enormes chez les 9 du genre Formica qui renferme les four- mis les plus intelligentes; et, chose tres remarquable, ils sont plus petits chez les @ et beaucoup plus petits chez les 9 de ce m&me genre. Ce fait est si frappant que je l’ai fait constater, sans l’avoir pr@venue, ä une personne tout-a-fait &trangere aux sciences naturelles. Or la @ et le J' sont bien plus grands que la 9, et ont (le ZJ surtout) les ocelles et les nerfs ocellaires infiniment plus developpes. Voilä done encore une preuve que la vue ocellaire n’est qu’'une fonetion accessoire des corps pedoneules, Mais nous savons combien l’intellisence des 9 et meme celle des @ est inferieure A celle des 9. Chez le ©. ligniperdus 3 (Fig. 35), les corps pedoncules sont plus petits, proportion gardee, que chez la F. pratensis 9 et surtout que chez la F. sangwinea 5, ce qui tient soit au manque d’ocelles, soit plutöt & ce que l’intelligenee est moins developpee. Les lobes ou nerfs optiques sont en general fort Epais, ä peine retreeis entre leur partie peri- ferique et le lobe cerebral primordial; chez les especes & petits yeux, ils sont cependant bien plus etroits, ainsi deja chez le ©. ligniperdus 3 (Fig. 35, n. opt.). Les lobes anten- naux sont tres developpes. La partie inferieure du cerveau (ganglion sous-esophagien) est beaucoup plus petite que le cerveau proprement dit; elle ui est unie par des commissures extremement massives qui ne laissent entre elles qu’une petite ouverture pour l’esophage. Ce ganglion ne parait a 77 rien offrir de bien partieulier, et ceux qui veulent l’assimiler au cervelet ou ä la moölle allongee n’ont pas de preuves serieuses ä l’appui de leur assertion. Leydig (l. e. p. 231) dit lui-möme que sa structure ne differe de celle des ganglions thoraciques que par un plus grand developpement des commissures transversales. C’est de lui que partent les nerfs des mandibules, des mächoires et de la-levre inferieure; on ne le voit pas dans la fig. 35 ou il est cach€ par le cerveau proprement dit. Les trois ganglions thoraeiques sont gros et distinets l’un de l’autre, mais les gang- lions mesothoracique (Fig. 35, G. mesot.) et metathoraciqgu: (Fig. 35, G. metat.) sont tres rapproches l’un de l’autre, separes seulement par des connectifs epais et fort courts. Le ganglion prothoracique (Fig. 35, G. prot.) est par contre separe du ganglion sous-@so- phagien et du ganglion mesothoracique par de longs et forts connectifs. De chaque gang- lion thoracique part une paire de gros nerfs pour la paire de pattes correspondante; l’eloignement des ganglions l’un de l’autre correspond du reste ä peu pres ä celui des paires de pattes l’une de l’autre. Chez la @, l’arrangement est exactement le meme; mais il y a de plus les nerfs des ailes qui partent des connectifs situes entre le ganglion pro- thoracique et le ganglion mesothoraeique, plus prös de ce dernier dont leurs fibres sont evidemment originaires; ils en sont encore assez &loignes chez le ©. igniperdus @. Leydig (l. e. p. 196) donne d’autres exemples de nerfs partant des commissures. Les ganglions prothoraeique et mesothoraeique sont proteges chaeun par un solide anneau chitineux implante derriere le ganglion, de chaque cöt&e des connectifs, et le recouyrant en partie. Les connectifs qui partent du ganglion metathoraeique pour aller au ganglion du pedicule sont assez Eepais a leur origine, mais ils se ramineissent bien vite, et deviennent beaucoup plus etroits que ceux des ganglions anterieurs. Le ganglion du pedicule (F. 35, G. petiol.) est tres petit, rond chez la F\. pratensis @ et 9, allonge chez le C. ligniperdus Q et 9; il se trouve sous l’ecaille, dans la partie renflee du pedieule, ordinairement plutöt au devant de cette partie renflee. C'est le premier ganglion abdominal qui chez certains insectes est situ@ encore dans le thorax. Les nerfs qui partent de ce ganglion vont prineipalement dans l’abdomen (Fig. 35, n. pet. abd.). Chez certains Myrmicidae, l’enveloppe chitineuse du corps est si transparente qu’on peut voir au travers toute la chaine nerveuse centrale, dans des individus conserves au beaume de Canada. Je me suis ainsi assure que chez le Cremastogaster sordidula 5 et chez la Pheidole pallidula 9, le ganglion du pedicule se trouve dans le premier neud, au milieu. Il n’y a aucun ganglion dans le second neud. Les deux ganglions abdominaux qui suivent (Fig. 35, G. abd. II et G. abd. III) sont ä peine plus grands que le ganglion du pedieule; ils sont ronds chez la plupart des fourmis, separes l’un de l’autre et du g. du pedicule par de longs et minces eonnectifs. Le dernier ganglion (Fig. 35, G. ult.) se compose de deux ganglions soudes (Meinert); il est ordinairement allonge, toujours plus grand que les trois precedents, et reli& au troisieme ganglion abdominal par deux connectifs assez courts, parfois tres courts. Il envoie des nerfs lateraux, et deux nerfs posterieurs terminaux (Fig. 35, n. uterin) — 15 — qui ressemblent par leur position aux connectifs. Ces deux nerfs vont ä la matrice, et de la probablement aux organes qui entourent le eloaque. Le systeme nerveux des fourmis a besoin d’ötre encore &tudie avec beaucoup de soin. Sans parler des systemes pneumogastrique et sympathique encore inconnus, il y a, sur- tout dans le cerveau, une foule de details tres compliques qui demandent des recherches speciales approfondies, pour lesquelles l’etude d’especes aveugles, de formes ä intelligence peu developpee (Ponera) et d’autres ä intelligence tres grande (Formica), en un mot l’etude comparative des formes, surtout des formes extr&mes, serait d'une grande ressource. B. Notices physiologiques. La physiologie du systeme nerveux chez les insectes a ete beaucoup etudiee. Deja Swammerdam (1637 ä 1680) considere le ganglion sus-@so- phagien des insectes comme l’analogue du cerveau des vertebres. Dans ce siecle nous avons les noms de Treviranus, Rengger, Dujardin, Yersin, Faivre ete. qui tous ont cherch6 par des vivisections ä se rendre compte des fonctions de l’ensemble et des diverses parties de la chaine nerveuse. Duges (Physiologie comparde 1838) eroit les ganglions thoraciques intelligents (je cite d’apres Faivre). Bergmann et Leuckart (vergl. Anat. u. Phys. 1852) trouvent tout simplement absurde l’opinion qui assimile le ganglion sus-esophagien au cerveau des vertebres, et ils ne se donnent pas la peine de la refuter; c’est juger som- mairement et bien ä la legere une question aussi diffieile. Cette maniere de voir n’est du reste pas celle de la plupart des autres auteurs qui ont en general conserv& celle de Swammerdam, et cela pour de bonnes raisons. Treviranus avait dejäa trouv& que le cerveau etait beaucoup plus developpe chez les hymenopteres vivant en societe que chez les autres insectes, et Dujardin decouvrit que ce developpement tenait ä des organes partieuliers qu’il deerivit le premier et nomma Corps pedoneules. Tl trouva que ces corps pedoneules etaient surtout tres gros chez les hymenopteres vivant en societe, qu'ils etaient en rapport avec l’intelligence des insectes, qu’ils disparaissaient presque totalement chez les insectes peu intelligents. Ces organes sont tout partieulierement developpes chez la Formica rufa 5 (encore bien plus grands, proportion gardee, que chez l’abeille). Leydig observa chez elle leur liaison avec les pedoncules du cerveau, ainsi que beaucoup de details histologiques. Avant d’examiner l’opinion des physiologistes proprement dits, je tiens ä dire un mot de ce qu’on entend par actions ou mouvements « röflexes », « coordonnes >», « automatiques », « volontaires ». Il est peu de terme qui pröte plus ä la confusion que celui de reflexe. Une action röflexe est ä proprement parler la simple eontraction d’un musele provoquee uniquement et immediatement par l’exeitation d’un nerf sensible. Un mouvement reflexe ne peut done avoir lieu que par l’intermediaire d’au moins une cellule nerveuse (certainement de plusieurs) qui puisse changer la direetion centripöte de l’exeitation en une direction centrifuge, ce. a. d. la faire passer de la fibre nerveuse sensible ä la fibre nerveuse motrice. Le mouvement reflexe simple se fait le plus souvent dans la localite du corps oü l’exeitation sensible a eu lieu. De lä le mot « reflexe ». Une action automatique est une action coordonnee, souvent rythmique ou continue, se — 126 — produisant sans la participation de la volonte, evidemment sous l’influence cachee d’un agent qui exeite certains centres nerveux ou certains nerfs sensibles internes (telle est en grande partie l’action du ceur des vertebres). L’action volontaire est celle qui parait n’etre causee par aucun agent excitateur sensible ni externe, ni interne, mais par une impulsion spontande venant du cerveau. La logique et de nombreux faits reelament cepen- dant des agents excitateurs sensibles comme cause premiere des actes volontaires; mais alors les cellules du cerveau doivent &tre capables de conserver ä l’etat latent les impres- sions qu'elles ont recues des agents exeitateurs (m&moire), de rappeler ä diverses &epoques ces impressions sous telle ou telle influence en agissant les unes sur les autres, ce qui fait qu’elles en ont conscience (images de memoire, representations), d’associer les repre- sentations pour en former de nouvelles ou des idees (pensee, reflexion, raison), enfin d’agir sur les muscles par l’impulsion d’une idee, d’un raisonnement, ou tout au moins d’une simple representation (volonte), ce qui a lieu tres probablement par l’intermediaire des centres nerveux secondaires qui president aux mouvements coordonnes. L’action volontaire pure est done le resultat des sensations conscientes et de la pensee. Les mouvements coordonnes sont ceux dans lesquels un ensemble de muscles agissent de concert, sans se contrarier, chacun d’eux tendant d’apres sa capacite & l’execution commune d’une action qui a un but. L’aetion reflexe simple telle que nous l’avons definie est loin d’&tre la plus frequente. On entend le plus souvent par mouvement reflexe la contraction brusque d’un ensemble de muscles, lorsqu’elle est causee immediatement par l’exeitation periferique de quelque partie sensible. La premiere question qui se presente est celle-ei: une action reflexe peut- elle ötre coordonnee, c’est-A-dire la contraction de chaque fibre peut-elle &tre adaptee ä celle des autres fibres irritees en m&me temps, de telle maniere qu'il en resulte un en- semble ayant un sens ou une utilite quelconque? Les experiences prouvent que oui, car on obtient encore des mouvements coordonnes, rythmiques, avec quelques fibres nerveuses unies par quelques cellules, ainsi dans un ceur separe du corps, et m&me dans un mor- ceau de c@ur. La mo&lle &piniere est consideree comme le siege des reflexes chez les vertebres, et l’on sait qu’un vertebre decapite est capable d’execeuter des mouvements coordonnes encore tres complexes *). Mais une fois qu’on a accorde ce point, on ne sait oü s’arröter, car l’agent exeitateur et par suite le mouvement qu’il produit peuvent se compliquer beaucoup, ce dernier surtout par suite de complications dans l’appareil nerveux central. En effet, l’exeitation des cellules qui servent d’intermediaire ä& l’action reflexe peut provoquer lateralement l’irritation d’autres cellules qui produisent ä leur tour un *) Ainsi une grenouille decapitee se frotte le corps avec la patte des qu’on la touche, comme pour enlever l’agent excitateur, etc. Hermann (Grundriss der Physiologie des Menschen, 1870, p. 418, 436 et suiv.) insiste sur l’importance des reflexes coordonnes. — 127 — mouvement associe au premier. Nous sortons dejä par cette porte de la definition du pur reflexe. On est force de se representer qu'il y a dans le syst&me nerveux des groupes souvent tres considerables et tres etendus de cellules ganglionnaires agissant toujours ensemble d’une m&eme facon (coordonnee) sur des groupes de muscles correspondants lors- qu'ils sont exeites par une m@me exeitation sensible ou par une m&me impulsion volon- taire; c'est ainsi qu’on s’explique certains mouvements coordonnes des plus complexes (vol, nage) qui peuvent avoir lieu d’une facon consciente ou inconsciente, par une action volontaire ou reflexe. Nous voilä deja bien loin du point de depart. Nous trouvons done toute une serie de transitions entre les mouvements reflexes les plus simples et les mou- vements reflexes coordonnes les plus compliques. Les actions automatiques sont au fond aussi des actions reflexes, seulement l’excitation sensible est interne, et produite par des phenomenes vitaux. Ainsi la simple action directe du soleil sur un imsecte prive de cer- veau suffit pour produire des mouvements coordonnes tres complexes, lesquels sont done causes soit directement par l’action de la chaleur sur les nerfs sensibles (reflexes coor- donnes), soit indirectement par l’aceeleration et l’augmentation des phenomenes vitaux (eireulation, secr&tion, assimilation). L’exemple le plus remarquable que je connaisse en ce genre, celui qui ressemble le plus a un acte volontaire instinctif, est le suivant, rap- porte par Yersin ä propos d’un grillon g auquel il avait coupe les deux connectifs entre le ganglion sous-@sophagien et le ganglion prothoracique, et qu”l avait mis au soleil (Bullet. de la soc. vaudoise des sciences natur., Tome V. Nro. 41, p. 289): « Un mäle, « quarante jours apres l’operation, sort brusquement de sa torpeur habituelle, il marche « en stridulant du chant d’appel d’une maniere parfaitement normale, et fait sortir un « spermatophore bien conforme; bientöt apres ce grillon cherche ä le faire tomber en « frottant l’extremite de son abdomen sur le sol, ce qui exige de tout le corps un en- « semble de mouvements assez compliques. Ce m&me insecte, plac& peu de temps apres « au dessous d’une femelle operee comme lui et dans la position des grillons pendant « l’accouplement a fait tous les mouvements que necessite cet acte. La femelle qui d’abord « se debattait vivement, a fini par se preter aux desirs du mäle et par prendre la posi- « tion qui facilite le depöt du spermatophore ». Le premier de ces actes du mäle opere est evidemment dü ä l’action du soleil qui a exeite tout l’organisme et par lä indirecte- ment les organes genitaux, ce qui a produit cette sorte d’onanisme. Le second me parait un simple reflexe coordonne provoque par le contact de la femelle, et cela d’autant plus facilement que les organes genitaux du g avaient deja ete excites. Ces mömes grillons se nettoyaient avee leurs pattes quand Yersin les pingait (acte bien certainement reflexe), aussi bien que quand il les exposait au soleil. Ils ne cherchaient plus ä& s’enfuir d’une maniere consequente lorsqu’on les irritait. Les @ operees ne pondirent pas. A Vaide des agents excitateurs internes (de celui qui produit la faim p. ex.), on x arrive & certains actes instinctifs qui done au fond rentrent dans la categorie des refle- xes *), mais iei il y a presque toujours une association d’impressions sensibles dans le temps, ce qui suppose une me&moire et des representations, si peu conscientes qu'elles soient, et c’est ce qui nous sort peu & peu du domaine reflexe. De lä nous passons insensiblement ä des instinets plus compliques, vaguement conscients, qui font transition aux actes de volonte pure. On parle m&me avec une certaine raison de reflexes conseients, car toute action reflexe peut devenir consciente aussitöt apres qu’elle a eu lieu, si les appareils nerveux qui l’ont produite sont en communication avec un organe pensant (cer- veau). Enfin n’oublions pas que toute action primitivement volontaire et consciente, si complexe qu’elle soit, peut devenir inconsciente, instinetive, reflexe, lorsqu’elle est repe- tee souvent par le m&me individu et lui devient habituelle. Darwin considere les instinets compliques comme le resultat d’actes nombreux dont chacun a &t& primitivement fort simple. Ces actes auraient ete fixes peu & peu par la selection naturelle dans la suite des generations, tout en se coordonnant les uns avec les autres, de maniere & pouvoir etre finalement executes dans leur ensemble sous l’influence de certaines excitations sen- sibles, et a l’aide d’un petit nombre d’impulsions volontaires ä peine conscientes, sans que l’individu ait besoin de les avoir appris. On peut &tre m&me certain qu’un bon nombre des actes simples qui ont servi d’origine aux instinets compliques, ont &te volon- taires (les autres ont dü &tre reflexes ou instinctifs simples)**). Quant & l’antagonisme entre l’instinet et l’intelligence dont on a tant parle, il est reconnu qu'il n’existe pas (Pouchet, Darwin): les animaux qui dans un m&me groupe ont les instincts les plus com- pliques sont aussi en general les plus intelligents (fourmis, castors). Nous arrivons ainsi ä l’action volontaire que nous avons cherche & definir plus haut. Elle peut &tre plus ou moins eonsciente, mais parler d’actes volontaires absolument in- conscients qui seraient le propre de l’instinet est dire un non-sens, car un acte absolu- ment inconscient est un acte reflexe ou automatique; il y a du reste des transitions. *) Virchow (Samml. wissenschaftlicher Vorträge u. s. w. Ueber das Rückenmark, 1871, p. 24, 31) admet qu'un certain nombre de mouvements reflexes ne peuvent &tre distingues des instinets (eite d’apres Darwin). **) En voici un exemple: les Formica pratensis et truneicola elevant peut-&tre une fois sur mille des cocons de F. fusca pour en faire des esclaves ou plutöt des auxiliaires, font un acte de volonte, un acte qui ne leur est pas instinetif, et ne le font probablement que poussdes par certaines eircon- stances; la F\. sanguinea faisant la m&me chose peut-&tre 99 fois sur 100, mais encore irregulierement, sans etre dependante de ses auxiliaires et pouvant fort bien s’en passer, y est deja poussee en grande partie par un instinet herite; le Polyergus rufescens qui le fait toujours et ne peut vivre sans auxi- liaires ne commet plus qu’un acte de pur instinet, quoique fort complexe, acte qu'il exeeute Aa la suite de quelques impressions assocides (temperature elevee, vue de ses compagnons ete.), ce qui n’empeche pas que l’aceomplissement de cet instinet soit en partie conscient et accompagne d’impulsions volon- taires; le Strongylognathus testaceus, enfin, qui cherche parfois ä faire comme le P. rufescens n'a plus que les vestiges de cet instinet devenu inutile (v. Exp. de ma&urs XV]). — 129 — L'action volontaire n'est souvent eausee que par une representation, par une image sen- sible, laqu-lle n’est accompagnee que d’une conscience vague, obscure qui est le propre de l’instinet. Une conscience claire et nette de soi et des choses est le resultat de la pensee, de ce travail interieur qui coordonne les representations de toutes les manieres possibles. Elle est d’autant plus nette que le cerveau pense plus; il est done plus que probable que chez aucun animal elle n’est aussi nette que chez l’homme (mais elle varie infiniment dans sa clart& chez ce dernier). On sait que la volonte a le pouvoir de s’op- poser aux mouvements reflexes, d’empecher que chaque irritation sensible produise un mouvement. Ce pouvoir est d’autant plus fort que l’intelligence est plus developpee. Il se constate chez les inseetes, lorsqu’ils sont prives de leur cerveau proprement dit, par une augmentation de l’irritabilite reflexe, laquelle est du reste dejä tres forte chez l’in- secte normal. Nous n’avons done en definitive nulle part de limite bien tranchee entre l’action reflexe simple d’un cöte, et l’aetion volontaire consciente de l’autre. Comment le systeme nerveux pourrait-il par consequent nous offrir des localisations absolues comme le vou- draient certaines personnes? Il peut et doit par contre nous offrir des localisations rela- tives, et avant tout celle de l’organe de la pensee, de la volonte, de la conscience (.Be- wusstsein). Plus la pensee sera simple et rare, et plus la conscience sera obscure, moins cet organe devra &tre distinet des centres reflexes, si ce que nous avons dit est vrai. Cela dit, & quoi reconnaitrons-nous un acte volontaire chez les insectes? Ce n’est pas chose facile, car la plupart de leurs actes sont instinetifs, c’est-A-dire qu'ils n’ont pas eu besoin d’etre appris par chaque individu, et ils sont accompagnes de nombreux mouvements reflexes coordonnes. Les fourmisgqui renferment les formes d’inseetes les plus intelligentes seront done mieux appropriees ä notre but qu’aucun autre insecte. Si nous arrivons ä observer quelque acte positivement contraire ä Tinstinet de l'espece, ä l’habitude servile, si nous remarquons de grandes « variations individuelles dans quelques- uns de ces instinets », nous pourrons conclure que la pensee et la volonte consciente y jouent un röle preponderant; or nous verrons chez les fourmis un grand nombre d’actes de ce genre (Architecture, et surtout: Experiences de mours VI, 4; VI, 6; XXII). Les actes compliques desquels on sait positivement qu'ils sont le resultat de connarssances acquises par l’individu depuis sa naissance (non pas d’instincts herites A un certain äge) ont necessairement &t& conscients et raisonnes. Tel est le cas pour les fourmis du fait d’apprendre & distinguer leurs compagnes des 9 de nı&me espece, mais d’autres fourmi- lieres; il leur faut presque toujours une certaine attention pour cela, car elles se trom- pent souvent au premier instant, et les experiences de mours II. 5, IV et VI. 6 que nous verrons plus tard demontrent qu’elles ne l’apprennent qu’apres leur @closion; elles peuvent par ce moyen s’habituer & vivre bien avec des especes tout-a-fait differentes, avec. lesquelles elles n’ont jamais de rapports dans l’etat naturel, tout comme ä devenir les ennemies acharnees de fourmis de leur propre espece. Enfin les actes instinetifs eux- 17 a — 10 — memes, actes consequents, vaguement conscients, ayant une duree et un but, doivent etre autant que possible distingues des mouvements reflexes et automatiques. Tel est l’in- stinet de fuir un danger d’une maniere consequente et par divers moyens quand un seul ne suffit pas, celui de chercher une certaine nourriture d’une eertaine facon jusqu’ä ce qu’on y arrive, celui de retourner ä un leu oü on avait trouve quelque objet utile lors meme que cet objet a disparu, celui de remplacer dans ses fonetions un organe lese par un autre qui ne les remplit pas d’ordinaire, celui de soigner les larves et celui de defen- dre la communaute chez les fourmis ete., etc. Avec ces premisses, si insuffisantes qu’elles sont, nous pourrons mieux apprecier les opinions des auteurs et nous en former une. Faivre (Du cerveau des Dytiques considere dans ses rapports avec la locomotion, dams les Annales des Se. nat, 1857”—58, Zoologie; Vol. 8 p. 245, Vol. 9 p. 23) compare un dytique (coleoptere aquatique) auquel il a enleve le cerveau proprement dit au pigeon auquel Flourens avait enleve les grands hemispheres du cerveau. Je ne puis qu’abonder dans son sens. Dans les deux cas, en effet, l’animal eonserve ä& un haut degre la faculte d’executer les mouvements eoordonnes les plus compliques, mais ses actions sont soit reflexes, soit automatiques. L’exeitation sensible peut encore provoquer chez lui l’action coordonnee d’un ensemble de cellules qui par l’heredite et la selection naturelle *) ont fini par former un tout agissant toujours d’une certaine facon, mais il ne peut plus as- socier de representations, car il n’a plus que des impressions sensibles passageres et inconseientes. L’impulsion volontaire fait absolument defaut. Si on le jette en Vair, il vole, mais sans but, en ligne droite, et sitöt qu'il tombe sur un objet, il se pose dessus; la chute dans l’air est pour lui l’agent ex&itateur qui produit d’ordinaire le vol par action reflexe, et le contact d’un corps solide celuı qui provoque d’ordinaire Ja station en equi- libre, aussi par action reflexe. Mais une fois debout, il ne faıt plus rien & moins qu’on ne recommence A l’exeiter; alors il fait soit des mouvements de fuite, soit des mouve- ments de defense qui continuent parfois un moment apres que l’exeitation a cesse, cha- que nouvelle impulsion &tant provoquee par l’exeitation qu’a produite la precedente. Si on lui met des aliments dans la bouche, il les avale (pigeon), mais il ne sait pas les prendre si on les met devant lui; il ne sait done plus associer les impressions produites dans ses centres nerveux d’un cöte par la faim et de l’autre par la vue de la nourriture. De plus, tandıs qu’il se laisse mourir de faim avec de la nourriture devant lui si elle n’entre pas directement dans sa bouche, il avale au contraire tout ce qu’on lu met dans la bouche, meme lorsqu’il est dejä bourre jusqu’au cou, ce que ne fait jamais un animal ayant une volonte. On ne peut guere juger de ce phenomene chez les insectes prives de *) Peut-elle aussi provoquer des actions reflexes coordonnes acquises par l’habitude chez l’indi- vidu lui-möme? a a er a a ed 7 EI RE EL Zn Ü N Fi N r — 131 — cerveau, @ar les antennes et les yeux sont leses avec le cerveau; on observe par contre qu’ils sont tres capables de faire des mouvements de defense ou de fuite, mais ils ne les font qu’au moment ou on vient de les exciter, et cela d’une maniere inconsequente et inu- tile. En un mot, les phenomenes musculaires de chaque action prise a part sont parfai- tement eoordonnes (vol), mais les diverses actions ne sont pas coordonnees (associees) entre elles en vue d’un but. Yersin, dont les experiences sur le grillon sont pourtant les plus soigneuses et les plus eonsciencieuses de toutes, ne parait pas avoir tout-ä-fait cette opinion (Bulletin de la soc. suisse d’entomologie Vol. II, nro. 2 p. 99) quoique il parle parfois de la volonte normale ou cephalique du grillen (Bulletin de la soc. vaudoise des sciences naturelles, Tome V, p. 305). Ses experiences (anterieures du reste A celles de Faivre) me paraissent cependant amener ä& la möme conelusion que celles de cet auteur (voy. l’experience eitee plus haut). Mais Yersin confond sous le nom de mouvements vo- lontaires les actions automatiques, les actions reflexes coordonnees, les instincts et les actes d’intelligence ou de volonte consciente; c’est la ce qui l’induit en erreur dans ses eonelusions (l. c. p. 284 ete.). En resume done, c’est dans le cerveau proprement dit des insectes qu’est le siege de toutes les associations de representations plus ou moins conscientes et de la volonte. Ce siege parait etre plus specialement localise dans les corps pedoneules, le reste du cerveau etant en relation plus direete avec les nerfs des organes des sens, et le developpement des corps pedoncules etant plus proportionnel A celui de l’intelligence et des imstincts superieurs. Ce dernier fait demande cependant pour pouvoir etre generalise a &tre con- firme par l’etude comparede de nombreux cerveaux d’animaux articules. Avant de eiter une ou deux experiences ä l’ appui de ce qui precede, quil me soit permis de refuter une opinion de Faivre, opinion basee encore sur un mauvais sens donne A lexpression »centre des mouvements coordonnes«. Faivre regarde le ganglion sous- @sophagien (portion inferieure du cerveau) comme l’analogue du cervelet parce qu'il est un centre de mouvements eoordonnes. Or on sait maintenant quwil est plus que douteux que le cervelet des vertebres soit un organe servant de centre ä la coordination des mou- vements. Et de plus, si un vertebre decapite ex@cute des mouvements tres bien coordonnes, un inseete decapite en fait d’encore mieux coordonnes. Les mouvements ataxiques ob- serves dans les l&sions du cervelet indiquent il est vrai une perturbation dans la co- ordination, mais cette perturbation semble bien plutöt provenir d’une irritation, d’une collision entre l’action volontaire et l’action reflexe, que de l’absence d’un organe et de sa fonetion. Faivre essaie encore du reste d’autres localisations tout aussi malheureuses, ainsi celle du centre respiratoire dans le ganglion metathoraeique qui a ete refutee par d’excel- lentes experiences de Baudelot (De linfluence du syst. nerv. sur la respiration des insectes, dans la Revue des socieles savantes, 1564). D’apres Baudelot, chaque ganglion est un centre special pour la partie du corps qwil oceupe, mais il ya en outre une centralisation gene- rale plus ou moins forte suivant les types. Une centralisation generale pour les actions — 82) — automatiques et reflexes coordonnees generales doit &tre admise, puisqu'il se produit des mouvements eoordonnes de tout le corps en l’absence du cerveau (marche, eramponnement de tout le corps dans l’acte de piquer). Si la petitesse des fourmis offre des inconvenients, ceux-ci sont largement rachetes par lintelligence de ces insectes qui permet d’apprecier infiniment mieux la valeur de leurs actes si varies que celle des actes beaucoup plus uniformes des insectes peu intel- ligents. Il est bien remarquable, de voir & quel point ä cette intelligence correspond un plus grand developpement du cerveau, surtout des corps pedoncules, et surtout chez les 9. Je crois done pouvoir recommander fortement les fournis aux physiologistes (surtout les genres Camponotus et Formica). Voiei en attendant le resultat de quelques observations ou experiences @parses que j'ai faites et qui sont tres incompletes. Toute lesion profonde du cerveau chez les fourmis produit d’abord des eonvulsions et de nombreux mouvements reflexes, coordonnes, mais tres varies, et sans but, sans co- ordination entre eux, sans suite. Ensuite arrive un etat de stupeur, avee ou sans aug- mentation de l'irritabilite reflexe. La coordination des mouvements ne souffre pas beaucoup, sauf pour ce qui concerne les antennes dont le neri est atteint ä& sa source, maisiln’'ya plus trace d’actes volontaires et consceients. Ainsi une F\ rufibarbis dont le cerveau a ete detruit par la mandibule d’un P. rufescens reste bientöt clouee en place, debout sur ses six pattes; elle est prise souvent d’un tremblement general, et leve quelquefois une patte ä des intervalles reguliers. Parfois aussi elle fait quelques pas courts et rapides, comme mue par un ressort, comme un automate, sans but. Si on l'irrite, elle fait des mouve- ments de defense parfaitement coordonnes, mais elle retombe dans sa stupeur des qu’on la läche. Elle n’est plus capable d’actions consequentes en vue d’un but unique; elle ne cherche ni & fuir, ni ä attaquer, ni & rentrer dans sa fourmiliere, ni ä& s’unir ä ses com- pagnes, ni ä @viter le soleil, l’eau ou le froid, ni meme ä& marcher; elle a perdu m&me les instinets el&mentaires de la frayeur et de la conservation; ce n’est plus qu’un appa- reil automatique et reflexe qu’on peut comparer en tout point au pigeon auquel Flourens avait extirpe les grands h&mispheres du cerveau. Il en est exactement de m&me du corps d’une fourmi privee de sa tete. Il n'est guere possible de separer chez les fourmis le gan- glion sus-@sophagien du sous-esophagien, sans blesser l’un ou l’autre. Leur commissure est si Epaisse et si courte qu’ils forment un tout unique. On peut observer dans les com- bats des P. rufescens avec d’autres fourmis une variete infinie de lesions seulement par- tielles du cerveau qui presentent les phenomönes les plus curieux. Certaines 9 sont prises d’une rage folle et se jettent sur tout ce qu’elles rencontrent, mordant indistinetement amis et ennemis. D’autres prennent au contraire une allure lente et se promenent au milieu du combat d’un air indifferent. D’autres ont aussi les mouvements subitement ralentis, mais reconnaissent encore leurs ennemis, s’en approchent, et essaient de les mordre avec un calme et un sang-froid qui contrastent d’une maniere singuliere avec Vallure des fourmis saines. Je rapporterai ailleurs (VI. 8.) un fait fort curieux qui rentre — 13 — x dans cette eategorie. Il est ä peine necessaire de dire que le phenomene de la marche en cercele s’allie fort souvent ä l’un ou ä l’autre de ces symptömes. Une experience merite d’&tre mentionnee. J’avais essaye plusieurs fois d’observer la eonduite d’une tete de fourmi separee du trone, mais outre que le seul mouvement des antennes et des mandibules ne suffit que tr&s imparfaitement pour donner une idee claire de l’impulsion qui le produit, la l&esion du eou est si rapprochee du cerveau que celui-ci parait toujours souffrir plus ou moins. Le plug souvent il se produit aussitöt une erampe des antennes, souvent aussi d'une ou des deux mandibules, puis des convulsions; la fle- trissure et la mort de la tete ne se font pas attendre longtemps; de sorte que je n’etais arrive A aucun resultat satisfaisant. Quelques tetes me montrerent cependant des mouve- ments d’antennes qui me parurent volontaires. J'essayai alors de trancher la fourmi entre le prothorax et le mesothorax, laissant ainsi intact avec la tete le ganglion du prothorax. Plusieurs fois la tete et le prothorax furent pris de crampes et de convulsions qui firent manquer l’experience, mais d’autres fois elle r&ussit pleinement. Je la fis sur le döme möme d’un nid de F. rufibarbis. J’observai alors, chaque fois, que le troncon anterieur conservait seul l’intelligence entiere de la fourmi. Il cherchait ä marcher avec ses deux pattes et implorait & l’aide de ses antennes toutes les 9 qui passaient. Si l’une d’elles s’arretait, il y avait un vif echange de battements d’antennes; le troncon cessait aussitöt les essais infructueux qu’il faisait avee ses deux pattes pour reprendre son €quilibre ; on voyait tous les signes ordinaires de deux fourmis amies qui se parlent. Je mis deux de ces troncons anterieurs de F. rufibarbis Yun & cöte de l’autre, et ils se parlerent ami- ealement de la m&me maniere; ils paraissaient implorer le secours l’un de l’autre. J’allai cehercher alors des F\. sangwinea, ennemies des preeedentes, et j'obtins d’elles aussi quel- ques troncons anterieurs en bon 6tat. L’un d’eux, mis ä eöte d’un troncon de rufibarbis, fut aussitöt reconnu de celui-ci comme ennemi, et saisi par lui par une patte; il se mit alors & mordiller avec fureur la tete du troncon de rufibarbis, sans parvenir ä se saisir d’une antenne, car ce dernier les tenait retirdes soigneusement en arriere. Bref, ces deux troncons ennemis se battirent avee autant de vivaeit€ qu'il leur fut possible, et cela a plu- sieurs reprises. Je donnai aussi du miel ä ces troncons anterieurs de fourmis, et ıls en mangerent. Les troncons posterieurs qui renfermaient les ganglions mesothoracique et metathoraeique intacts resterent naturellement debout sur leurs quatre pattes dans une stupeur complete. Des sections pratiquees entre le mesothorax et le metathorax donnent plus faeilement encore le m&me resultat, mais ne prouvent pas grand'chose, car elles lais- sent devant presque necessairement les ganglions mesothoracique et metathoraeique; ic le trongon anterieur peut marcher, mais il tombe souvent a la renverse, oubliant qu'il n’a plus ses pattes posterieures pour s’appuyer. Si l’on compare la conduite d’une fourmi privee de ses organes des sens les plus importants, soit de ses antennes, de ses yeux et de ses ocelles (on peut les enlever avec un rasoir), avec celle d’une fourmi qui a le cerveau lese, ou avec celle d’un corps sans — ı134 — tete, on voit immediatement quelle profonde difference il y a entre elles deux. Les actes de la premiere denotent un but intelligent, et sont spontanes; ceux de la seconde ont tous les caracteres de mouvements automatiques ou röflexes (coordonnes ou non)*). Je rappelle iei l’experience citee plus haut sous la rubrique 5. Enfin nous verrons plus bas la description d’un hermaphrodite du P. rufescens dont la tete et le prothorax sont entierement 9: l’abdomen et le reste du thorax par contre moitie 9, moitie J.. Cet hermaphrodite a m&me les organes genitaux externes entierement Jg, et les internes (Fig. 37) moitie 5, moitie J. Eh bien, pendant sa vie il prenait part aux expeditions comme une simple 5, car je le surpris portant une larve au retour de l’une d’elles. Il avait done la m&me intelligence qu’une 9, et savait que le but de l’ex- pedition &tait de rapporter des larves ou des cocons. Or les @ elles-mömes, qui savent & la rigueur suivre l’armee, n’ont pas l’idee de piller des larves: ä bien plus forte raison les g en sont-ils incapables. Mais la tete de notre hermaphrodite etant entierement 9, il devait en &tre de m&me de son cerveau, et tout nous est explique. 8. Nous avons souvent parle de l’eEperon que les fourmis ont aux pattes anterieures, et qui leur sert & se brosser. De Geer (Mömoires pour servir a lUhistoire des insectes. T. VII. 1778) en a fait une description excellente, et a devine en partie son usage, Huber l’a decrit de nouveau et a montre ses foncetions dans tous leurs details (l. e., p. 9. et ailleurs). Fenger (Allgem. Orism. d. Am. Wigmann's Archiv f. Naturg. Jalurg. XXVLL. 1862. Vol. I. p. 282) a refait encore cette decouverte et la donne comme nouvelle. Mayr, dans sa reponse ä Fenger (me&mes archives, 1865. Vol. I. pag. 105), tout en. confirmant le fait, dit qu'il l’avait observe lui-m&me depuis longtemps, mais ne l’avait pas publie. L’eperon (Fig. 11, e) est en forme de peigne, de m&me que le bord concave du premier article du tarse qui est en face (Fig. 11, tars). Cet appareil sert ä la fourmi ä se brosser, ä se nettoyer. Comme l’eperon et le premier article du tarse sont articules ä& cöte l’un de l’autre & l’extremite du tibia, ils constituent deux veritables brosses pouvant s’eloigner ou se rapprocher l’une de l’autre suivant l’epaisseur de l’objet plac& entre elles. C'est l’eperon des pattes anterieures (Fig. 11) qui est de beaucoup le plus important. La fourmi *) L’experience est encore plus facile A faire sur des gu&pes. Une gu&pe privee de ses yeux, ocel- les et antennes cherche en general un coin oü se cacher; elle täte constamment le terrain avee ses palpes et marche avec la tete baissde pour pouvoir mieux s’en servir; elle s’arr&te des qu’elle rencontre quelque objet, change alors parfois de direction ete. Une gu&pe dont on detruit le cerveau est prise de convulsions et de mouvements reflexes (& la suite de l’excitation sur la plaie fraiche), consistant surtout en frottements des pattes contre le corps, puis elle demeure bientöt presque entierement im- mobile, ne faisant que de temps en temps quelques pas ou quelques mouvements d’ailes, ou encore se frottant le corps avec les pattes, toujours sans but, et comme mue par un ressort. Quand on la touche, elle fait par contre de violents mouvements de defense ou de fuite tres bien coordonnes, mais incon- sequents, cessant avec la cause qui les provoque, reflexes. 7 la — 15 — s’en sert pour peigner ses antennes, sa tete, ses palpes, ses mandibules, et aussi la partie posterieure de son corps. Les Eeperons des autres pattes qui sont souvent a peu pres nuls servent ä brosser le derriere du corps. Les pattes se brossent les unes les autres. Mais il s’agit encore de nettoyer l’Eperon lui-m&me quand il est sale. Les fourmis prennent a cet effet leur patte entre leurs mandibules et la font passer et repasser contre leur bouche. Le P. rufescens ne se sert que de la mandibule du m&me cöte pour serrer la patte eontre la bouche. Il est facile par exemple d’observer les P. rufescens, lorsqu'ils sont de retour d’une expedition, et se promenent lentement, fatigues, sur leur döme. On voit alors le plus souvent une des pattes anterieures brosser l’antenne du m&me cöte, puis passer ä& son tour dans la bouche, puis brosser de nouveau l’antenne, et ainsi de suite; l’autre patte anterieure fait de m&me de son cöte. Ces derniers faits n’ont pas ete indiques, ä ce que je crois. Peut-&tre le peigne des mächoires (Fig. 9, p) joue-t-ıl un röle dans cet acte; peut-etre aussi le peigne situe der- riere la langue (Fig. 10, p.). Du reste les deux pattes anterieures peuvent se nettoyer aussi mutuellement avec leur eperon. Les palpes semblent servir aux fourmis ä täter les objets qu'elles lechent ou lapent, Elles les plongent dans le miel qu’elles mangent. Le pedieule procure & l’abdomen une grande mobilite. Mayr considere les neuds. l’ecaille, les epines placees sous les neuds, comme servant & fixer une limite & cette mo- bilite. Cette explication me parait tres plausible, du moins dans beaucoup de cas. 9. Un des faits les plus attrayants des meurs des fourmis est le soin avec lequel elles nettoient leurs compagnes, leurs larves, leurs cocons etc. lorsqu’ils sont sales. Mettez des fourmis avec une vingtaine de leurs cocons que vous aurez eu soin de souiller de terre, de deformer mäme (sans faire de mal & la nymphe qui se trouve dedans); vous etes certain de retrouver le lendemain tous ces cocons parfaitement propres, lisses et en ordre. Les 9 rendent le m&me service ä leurs compagnes qui arrivent parfois entierement couvertes de boue dessechee dont elles ne peuvent se debarrasser seules. Ce n’est point l’eperon qui fonctionne dans ce cas comme le pretend Fenger (l. e.). Les fourmis se servent ä cet effet de leurs mandibules pour öter le plus gros de la salete, puis de leur langue et de leurs mächoires pour enlever le plus fin. Rien n’est charmant comme de voir la delica- tesse avee laquelle elle s’acquittent de ce devoir; elles ne souffrent pas qu’il reste la plus petite parcelle impure sur un cocon. Les peignes des mächoires et de la langue leur ser- vent peut-etre aussi ä cet usage. 10. Un fait qui ne manque pas d’interet physiologique a rapport au P. rufescens sur- tout. Lorsque les armees de cette espece ne sont pas chargees de cocons, nous verrons avec quel ensemble elles se dirigent (VIII. 10.) au moyen de signaux que se font les 9. Eh bien, lorsque les 9 portent des cocons, elles ne savent plus se concerter ni se donner la direction les unes aux autres. Tout ce dont elles sont capables, c’est de revenir sur leurs pas, sans s’inquieter les unes des autres. Un fait remarquable me le prouve. Des — 156 — amazones etaient entrees dans un nid souterrain de F\. fusca situ dans le gazon. Une partie de l’armee s’engagea, parait-il, dans un canal souterrain et alla ressortir chargee de cocons ä trois ou quatre decimetres de la, toujours dans le gazon. Les 9 qui &mergerent a cet endroit firent toutes quelques pas dans une direction & peu pres juste, parallele ä celle que suivaient les 9 ressorties par lä oü elles &taient entrees (cela semble denoter une memoire tres remarquable de la direction, independante de l’orientation par les objets)» puis elles s’apergurent quelles se trouyaient & un endroit inconnu. Elles se mirent alors a reyenir sur leurs pas, ä s’eparpiller, ä chercher partout, sans jamais deposer leurs cocons. Je les observai pendant une demi-heure. Un certain nombre d’entre elles venaient ä chaque instant tomber par hasard sur le bon chemin; elles le reconnaissaient aussitöt et partaient sans hesiter dans la bonne direction, mais aucune d’elles n’allait avertir ses com- pagnes dans l’embarras, et celles-ci continuaient toujours ä chercher dans tous les sens, Jusqu’a ce qu’elles retrouvassent elles-memes leur chemin. Quelques-unes allerent se perdre a une grande distance, dans une direction entiörement fausse (comparer avec la note de l’exper. VII. 8.). Je ne vis pas un seul mouvement d’ensemble, pas un seul signal compris. Cela eontraste singulierement avee une armee non chargee qui peut se tromper dix fois de chemin sans que jamais une seule 9 se perde (VIII). D’autres fourmis (F. rufa, F. sangwinea, F. fusca) ont aussi plus de peine & trouver leur chemin quand elles sont chargees; on les voit alors souvent deposer leur fardeau pour aller s’orienter, puis revenir le prendre. Huber avait deja observe ce dernier fait qui n’a jamais lieu chez les amazones, ni chez les fourmis ä bon odorat (Tapinoma avant tout). 11. Dans leurs combats entre elles, les fourmis presentent un phenom&ne qui parait passer insensiblement du physiologique au pathologique. Je veux parler d’une sorte d’i- vresse du combat qui fait que le m&öme insecte qui &tait d’abord eraintif et hesitant devient par le fait m&me de la lutte d'une audace de plus en plus insensee qui le porte souvent ä se faire tuer tout-A-fait inutilement. Je parlerai plus tard de ce fait chez le P. rufescens (VIII. 24.) oü il atteint le degre d’une sorte de folie furieuse. Mais on le retrouve du plus au moins chez toutes les fourmis, sauf chez les formes tout-ä-fait läches (Myrmeeina). Les fourmis peuvent ainsi en arriver au point de ne plus du tout recon- naitre leur chemin ni m&me leurs propres compagnes sur lesquelles elles se jettent. Ces dernieres sont cependant ä l’ordinaire en &tat de les ramener ä elles en les forgant ä rester tranquilles; ä cet effet elles se mettent souvent deux ou trois ensemble, et prennent chacune la retive par une patte jusqu’ä ce quelle soit calmee; pendant ce temps elles la tätent avec leurs antennes. On peut souvent observer, dans un combat entre deux fourmiligres, comment une 9 d’abord hesitante en arrive peu ä peu & ce point apres avoir lutte suc- cessivement avec plusieurs ennemis. NT Ne APPENDICE 1: Monstruositös. Anomalies embryogeniques. 1. Les intermödiaires entre @ et 5 que nous designerons par le signe $%, pour abreger, se distinguent des monstruosites proprement dites et de la plupart des hermaphro- dites par la symötrie complöte de leurs organes. Je parlerai ailleurs (Exp. de meurs, XXX. 2, fin) de V’affinite qui existe entre les @ et les 3; je ne m’y arröte done pas. Je fais re- marguer aussi en antieipant qu'il y a de simples 3 fecondes (v. X. 2.). Les individus dont je veux parler ne sont pas trös rares, tout en &tant une exception. J’en ai trouv@ chez les fourmis les plus diverses. Chose curieuse, il n’en est fait mention presque nulle part. M. Emery en deerit un cas chez la Leptanilla Revelierüi (Bullet. del. Soc. Ent. Ital., vol. IT, fasc. 2, 1870), et Huber un cas chez le P. rufescens. Huber a eu la malheureuse idee d’appeler ces individus dont il donne un dessin (l. e. Pl. 2, fig. 4) Femelles apteres, ce qui pröte A une confusion avec les vraies @ qui ont perdu leurs ailes. Nous devons diviser ces 99 en plusieurs categories: a) Quelques-uns (c’est le plus petit nombre) ont des ovaires de @, gros, & gaines tres nombreuses, et par consequent leur abdomen a aussi les proportions de celui d’une ©. Ces % ont du reste la forme du corps ä peu pres identique ä celle des 9; ıls n’ont pas d’ailes, et leur thorax a la forme de celui des 9. Le prineipal representant de cette ca- tegorie est celui du P. rufescens (femelle aptere d’Huber). Cet &tre singulier, dont le type est tres constant, est assez rare. Cependant, certaines anndes, on en trouve quelques individus dans la plupart des fourmilieres. Son röle, s’il en a un, est inconnu. Peut-etre peut-il remplacer les @ dans leurs fonetions. La dissection m’a montre que ses ovaires etaient identiques ä& ceux de la ©. Sa taille, beaucoup plus trapue que celle de la 9, est egale ä celle de la ©; son thorax presente A peine des rudiments d’articulations alaires et un tres petit ecusson rudimentaire; sa couleur est plus claire que celle de l’ouvriere et de la femelle. J’ai trouv& un individu tout analogue chez la F\ rufibarbis et un autre chez la Myrmica rubida; ce dernier est long de 9,5"" et a aussi des rudiments d’articulations alaires et d’ecusson. Son thorax est du reste tout-A-fait 9, et son abdomen gros. Je crois devoir faire encore rentrer dans cette categorie une 9 demesur&ment grande que j’ai trouvee chez le Orem. sordidula, espece du midi de l’Europe. Elle a plus de 4””, tandis que les autres ont de 2,5” a 5””, Tont ce qu’on sait des habitudes des &tres de cette sorte, c’est que ceux du P. rufescens ne se melent pas aux expeditions des 9 (Huber). b) Une seconde categorie de ces 5% est caracterisee par des ovaires rudimentaires, exactement comme ceux des 9; ces ovaires n’ont qu’une, deux, ou trois gaines au plus ä l’or- dinaire. L’abdomen de ces 59 est tr&s-petit. Leur taille depasse A peine celle des 9; souvent m&me ils sont aussi petits que les plus petites 3. Mais leur thorax, sans &tre identique ä celui de la @, s’en rapproche beaucoup; le mesonotum, si petit chez les 9, prend ici la forme de celui des ©, repousse le pronotum en avant, le metanolum en arriere, s’etend en 18 A Sata. auch Al en ee „7 dB RER Ba En a ma 0 G Da BE I Sale a ER a mei A — 138 — hauteur et en largeur, se complique souvent de rudiments d’ecusson et d’artieulations alaires, sans toutefois arriver ä avoir des ailes (peut-&tre y en a-t-il des rudiments dans la nymphe, mais dans ce cas ils tombent & l’eelosion). Tout le thorax de ces individus parait demesurement grand et bossu. Leur tete est petite, et rappelle beaucoup plutöt celle de la @ que celle dela 5. J’ai trouve ä peu pres toutes les formes intermediaires entre ces % et les 9, mais pas entre eux et les @. C'est la categorie la plus frequente. J’en ai trouve chez les Formica rufa, sanguwinea, et rufibarbis, chez le Tapinoma nigerrimum, et chez la Myrmica levinodis. Dans une fourmiliere de F. rufa, sur l’Uetliberg, je trouvai le 1 aoüt 1869 une grande quantite de ces 9%; ils formaient bien un cinqui&me de la population. Beaucoup d’entre eux etaient fort petits, ne depassant pas 5"""; les plus grands n’attei- gnaient pas la taille des grosses 9. J’enlevai une partie du nid qui contenait aussi des Stenamma Westwoodi (Exp. de meurs XIX), et j'observai assez longtemps ces insectes apres les avoir portes & Vaux. Les 95 se montrerent toujours tres paresseux et läches; je ne les vis jamais travailler; les 9 firent seules un demenagement, soignerent seules les cocons et les larves. Ces 95 sont donc peu intellisents; la petitesse de leur tete en est un signe. L’annee suivante je retrouvai la möme fourmiliere rufa de l’Uetliberg avec une foule de 9% dont la plupart etaient fraichement &elos. Ce fait prouve avec beaucoup d’autres que les fourmilieres s’entretiennent par les @ &closes dans leur sein, et fecondees par des 9 de m&me origine. Tous ces 99 avaient l’abdomen fort petit; ceux que je dis- sequai avaient tous des ovaires 9. Un: individu 95 que je pris chez le Temnothorax recedens me parait former un passage entre cette categorie (b) et la pr&cedente (a), Il est un peu plus grand qu’une 5; son abdomen est assez gros; son thorax est presque 9, mais montre une legere tendance ä la forme de celui des prec&dents. Il me parait en &tre de m&öme de l’individu deerit par M. Emery (Leptan. Revelierii), lequel est tres caracteristique. c. Petites @. Ces formes appartiennent &videmment aux 9%, mais elles sont ailees. On les trouve surtout chez les genres ou la 5 ressemble beaucoup & la ©. Elles se distinguent des vraies @ par leur taille plus petite, leur abdomen plus petit en proportion, et surtout par la grande &troitesse de leur thorax qui a du reste la structure de celui des @. Je n’ai pas encore pu en dissequer. Il est peu probable que ces petites Q soient fecondes. Elles ont leurs analogues chez les abeilles et les bourdons. J’en ai trouve chez les Myrmica rubida et levinodis, chez le Leptothorax acervorum et chez la Stenamma Westwoodi (apteres chez cette derniere, mais elles devaient avoir eu des ailes). L’observation de Meinert qui dit que les 9 de Stenamma Westwoodi sont tantöt privees, tantöt pourvues d’ocelles me parait fondee sur de pareils 9%. Ma petite @ de M. rubida n’a que 9"", Elle est done plus petite que le 29 deerit plus haut. Au musee de Neu- chätel se trouve m&me une petite @ de M. rubida n’ayant que 7”, ailee et normale du reste. Les @ anormales de M. lobicornis deerites ailleurs (Tableau des especes et des races) paraissent rentrer dans les monstruosites, quoique elles soient symetriques. An 1? kan \b ; u A ee 2. Hermaphrodites. Ces anomalies sont connues et deerites chez la plupart des insectes depuis longtemps. Uhez les fourmis on a d&jä trouv@ des individus moitie @, moitie dd, et d’autres moitie 9, moitie , mais les disseetions sont fort rares et imncompletes*). On trouve chez elles deux sortes d’hermaphrodites. 1°) Entre @ et J, 2°) entre $ et g. Is ne sont presque jamais completement lateraux; ordinairement un cöte est plutöt J', et l’autre plutöt @ ou 9, mais il ya des parties @ sur le cöte g, et vice versa; quelquefois P’abdomen est © tandis que la tete est g‘, et vice versa; d’autres fois enfin le corps entier de l’individu est symetrique et offre une forme intermediaire entre le g' et la ©, sans qu’aueune localisation soit possible, exterieurement du moins. La disseetion peut du reste donner de curieux resultats comme nous le verrons. Ce quw'il y a d’interessant chez les fourmis, c’est que les sexes sont si differents de couleur et de structure qu'on peut re- connaitre sürement & quel sexe appartient chaque membre ou segment, et m&me chaque fragment de segment. Voici la description des hermaphrodites que je possede: a) Polyergus rufescens $° (Fig. 36). O’est sans contredit le plus eurieux d’aspect. I est presque lateral. La moitie droite de la tete (M) est presque exactement g' et la moitie gauche (0) 3; ä& droite la tete est done noire avec une mandibule tr&s courte (Fig. 36, mm), un «il enorme (o m), une antenne (a m) ü scape court eb & long fouet; A gauche elle est rousse avec une grande mandibule arquee (m o), un «il assez petit (o 0) et une antenne ° (a o). La ligne de demarcation (l) entre le cöte noir (J‘) et le cöte roux (9) est ex- tremement nette, ä peu pres mediane. Cependant l’ocelle anterieur est en entier sur le *) Meinert (1. c.) deerit brievement deux hermaphrodites sans les dissequer. Le premier est un Tetramorium simillinum (Myrm. caldaria) qui a la tete J, le thorax et l’abdomen 9; le second est une Myrmica lobicornis qui a la tete et en general l’Epaisseur d'une 9, par contre la sceulpture, la couleur et les organes genitaux d'un JS. (es donnees sont un peu sommaires et absolues. 'Tischbein (Stett. ent. Zeitschr. 1851, 295) et Klug (ibid. 1854, 102) deerivent un meme hermaphrodite lateral de F. sanguinea dessing dans la Stett, ent. Zeitschr. 1853, Tab. III, fig. 2. Il est J ä gauche, 9 A droite; organes genitaux d'. Roger (Berl. ent. Zeitschr. 1857, p. 1—15. Tab. I, fig. 2) deerit aussi un hermaphro- dite lateral du Tetr. simillimum (Tetrogmus ealdarius); il est J & gauche, @ & droite. Dans aucun de ces cas la dissection ne parait avoir dte faite completement. On a par contre quelques dissections soigneuses d’hermaphrodites chez les l&pidopteres, mais ici l’'hermaphrodisme parait &tre presque toujours nettement lateral d’un bout a l’autre du corps, ce qui n'est pas le cas chez les hymenopteres. Ainsi une Melitea didyma du musee de Berlin a un ovaire d’un cöte et des organes d de l’autre; une Gastropacha quereifolia deerite par Klug (Verhandl. p. 368) et par d’autres avec beaucoup de soin, est $ Agauche, @ A droite; elle a un ovaire A @ufs & droite, un appareil J &a gauche; ete. Dans la Stett. ent. Zeitschr. 1861, p. 259 et 1863 p. 189 se trouve un travail de H. Hagen mtitule « Insecten- Zwitter », et renfermant l’enumeration de tous les auteurs qui ont traite ce sujet, plus le catalogue de tous les inseetes hermaphrodites deerits jusqu’a cette &epoque. Dans le nombre, il n’y a que 17 hymenopteres dont deux fourmis (celle de Roger et celle de Tischbein). A ces deux cas et aux deux de Meinert j’en ai sept & ajouter. aa Ar A Wen, a De AZ SE a da an a. ah a 9 2 — 10 — eöte J'; il est fort gros ainsi que l’ocelle droit, tandis que l’ocelle gauche (S) est petit. Pronotum 9, sauf deux taches mäles ä droite. Mesonotum 9 & gauche et J ä droite oü il a des ailes chiffonndes et une moitie d’&ceusson (a gauche il n’a naturellement pas trace d’ailes). Metanotum et pedieule 9 sauf quelques taches noires (5) ä droite. Pattes droites A moitie g'. Pattes gauches 9. Abdomen (exterieurement) entierement 3. Taille d’une 9. Cet individu est eclos dans une de mes fourmilieres artificielles ou je l’observai vivant pendant deux semaines entieres. Il courait fort bien avec les autres fourmis. Je ne le vis pas manger, car les P. rufescens ne mangent pas seuls. Par contre je remarquai que les mouvements de ses membres- droits, en partieulier de la mandibule, &taient parfaitement coordonnes avec ceux des membres gauches correspondants. Je ne le dissequai pas. b) Formica exsecta %. C'est une 9 qui a quelques parcelles g ä gauche; elle a la taille ordinaire d’une 9. Sont J: 1° une bande longitudinale noire ä gauche sous la gorge, 2° Ja moitie gauche du pronotum, 3° sur le mesonotum, ä& gauche, une grosse tache noire en V, une protuberance noire (&cusson?), et des rudiments d’articulations alaires. Tout le reste est 9. Le mesonotum est difforme. Cet individu vient d’une fourmiliere naturelle. ce) Formica truneicola 25. Ici le melange est plus intime et l’irregularit& complete. La moitie droite de la tete est entierement ©; la moitie gauche est plutöt g, mais pas completement. La mandibule gauche est plus petite que la droite et a7 dents au lieu de 8 (chez le S elle est sans dents); antenne gauche a bien 12 articles, mais le 12”° est ä demi partage (le J’ en a 13). Le thorax rouge marqu& de noir est surtout Q, mais il a un peu de g’ ä& gauche. Exterieurement, l’abdomen a l’air entierement g'; il a six seg- ments (sans,compter le pedieule), et les organes genitaux externes (valvules) 9 parfaite- ment conformes des deux cötes. La dissection des organes abdominaux de ce curieux hermaphrodite me montra d’abord les organes genitaux g' parfaitement bien conformes de chaque cöte, occupant la partie superieure (le dos) de l’abdomen (testicules, vaisseaux deferents, glandes accessoires). En dessous de ces organes regnait une confusion indeseriptible qui jointe a ma maladresse et au fait que l’insecte avait etE longtemps dans l’aleool fit que je ne pus m’orienter sur la topographie. J’isolai neanmoins deux organes fort nets dont l’un est um ovaire plus petit que l’ovaire @ et plus grand que l’ovaire $. Il a, comme l’ovaire 9, un grand nombre de gaines. Celles-ci renferment chacune un grand nombre d’eufs, mais tous sont petits; aucune gaine ne renferme d’eufs mürs ä sa base. Le second me parait &tre pres- que certainement une vessie & venin rudimentaire, racornie. On sait que cet organe n’e- xiste pas chez le g. Quoi qu'il en soit de la vessie, nous avons la un cas d’hermaphrodisme veritable, presentant deux testicules entierement normaus, et au moins un ovaire & peu pres normal. Le canal intestinal ne presentait rien de particulier, sinon qu'il etait pres- que entierement vide. Cet individu a &t& pris par moi dans les Vosges, pres de Saverne, dans une four- miliere. ya — le d) Formica rufibarbis Qg. Cet individu est extremement curieux. Les caracteres des deux sexes y sont intimement meles des deux cötes & la fois. Les deux cötes de la tete sont parfaitement identiques l’un & l’autre, et cependant il est impossible de dire si c'est une tete de mäle ou une tete de fenelle; sa forme est exactement intermediaire entre les deux. Les deux antennes sont de 13 articles, comme chez le 9, mais le scape est plus long par rapport au fouet. Les deux mandibules sont indistinctement dentel&es, m&- lees de rougeätre et de brun; on ne peut dire ni quwelles soient g, ni quw'elles soient ©, Les ocelles et les yeux sont aussi de forme et de taille intermediaire. Toute la tete est plus forte que chez le 9, plus faible que chez la ©. Elle est noire. Le thorax est inde- terminable; ce qu'il y a de plus frappant, c’est que la moitie droite du metanotum est rouge jaunätre et sa moitie gauche noire, tandis que la moitie droite de l’&eussop ainsi que de l’ecaille est noire, et leur moitie gauche rouge jaunätre; done le metanotum est © ä droite, J ä& gauche, tandis que l’ecusson et T’eeaille sont 9 & droite et @ ä gauche. Comme chez la @ normale elle-m&me le thorax a plus ou moins de rouge ou de noir suivant les individus et a la m&me forme que celui du Z chez lequel il est presque en- tierement noirätre, on ne peut s’y reconnaitre. Les six pattes sont symötriques, jaunätres, et ont plutöt la forme @. Les ailes sont identiques dans les deux sexes, et par conse- quent indeterminables chez notre hermaphrodite. L’abdomen parait @; il a 5 segments (sans compter le pedicule); il est globuleux, assez petit. L’anus est rond, entour& de cils, comme chez la @. Mais il s’ouyre en haut dans une fente transversale non ciliee, situde entre l’hypopygium et le pygidium, et formant comme un second anus. L’anus propre- ment dit est tailleE dans l’'hypopygium. J’ai pris cet hermaphrodite au vol, au sommet du Monte Salvatore, en Tessin. Il volait avee des @ et Z de son espece qui s’accouplaient. Cela semble montrer un instinct de reproduction. Sa disseetion me reussit fort mal. Il &tait conserv& dans l’alcool, et ses organes ab- dominaux avaient et en partie endommages par quelque pression. Apres avoir enleve la vessie & venin qui etait tres reconnaissable, de forme ä peu pr&s normale, mais courte, ramassee, et ä petit coussinet, je decouvris ä gauche de l’estomae un oraire parfaitement normal, a gaines remplies d’eufs; il avait la forme Q, mais il &tait tres petit. A droite, un peu vers le milieu, et place assez superficiellement, se trouvait un singulier petit organe, evidemment rudimentaire, mais dont je ne puis m’expliquer la signification. I avait la forme d’un casque tres obtus (un peu comme l’ovaire), mais il &tait compacte (ne contenait pas trace de gaines), Epais, encore plus petit que l’ovaire, et portait en dessous deux appendices courts et @pais, formant comme deux tubereules obovales dirig6s en avant oü etait leur gros bout, de chaque eöt€E de la pointe du casque. Peut-stre est- ce un rudiment d’organes genitaux internes g. Je n’obtins cet organe que separe de tout le reste. La glande accessoire de la glande ä venin &tait grande, mais aplatie et difforme. Vers le cloaque, il etait fort diffieile de se reconnaitre. Il y avait lä des rudi- ments d’organes chitinises (de valvules genitales 9°?). Le canal intestinal &tait en partie Yu — 12 — deteriore. En somme done, les organes genitaux de cet hermaphrodite etaient fort atro- phies; leur nature @ & gauche est certaine, confirmee encore par la vessie ä venin; ä droite il y a doute. e) Parmi les fourmis r&coltees par M. Frey-Gessner se trouyait une Myrmica ailee prise par M. Frey-Gessner sur le col du Susten, le 23 VII. Je la pris au premier instant pour un g', mais je vis bientöt que la töte avait des rapports avec celle d’une ©. In’y a absolument rien d’asymetrique chez cette fourmi. Elle est plutöt J, ear l’abdomen a eing segments (plus les deux du pedicule), et les organes genitaux externes J; le meta- notum n’a que deux tubereules, comme chez le g. Mais la tete a des yeux plus petits que chez le g, comme ceux de la Q; elle est aussi un peu plus grosse que celle du g, et sa forme est intermediaire entre celles des deux sexes, ainsi que sa couleur; les an- tennes ont 13 articles, comme chez le J, mais leur eouleur et leur forme rappellent celles des antennes de la @; il y a anssi deux bandes rousses distinctes sur un fond brun devant le mesonotum, ce qui n’a jamais lieu chez les g. La seulpture de la tete et du mesonotum est plas rugueuse, et leur &clat est moindre que chez le J. Cet hermaphro- dite, ou si l’on veut ce J ä aspect un peu f&minin appartient ä la race ruginodıs. f) Polyergus rufescens 35. Le 18 VIII 1873 j’observais ä Vaux le retour d’une ex- pedition d’amazones, lorsque je fus frappe par l’aspect curieux de l’une d’elles, qui por- tait une larve pillee, comme les autres. Cette amazone &tait un hermaphrodite 99 pres- que lateral. Chose curieuse, il faisait partie de la m&me fourmiliere (ancien appareil) que celui qui est deerit plus haut (a). Sa tete est absolument 3, sauf une tache noire sous la gorge ä droite. Le prothorax est aussi entierement 9; la patte anterieure droite est cependant un peu plus foncee que la gauche. Le mesothorax, le metathorax et le pedieule sont $ ä gauche et J ä& droite; la d&marcation est tres nette, et se trouve sur la ligne mediane. Le eöte ZJ du thorax est un peu atrophie; il a cependant un demi €cusson et un demi postseutellum rudimentaires, ainsi qu’une aile superieure et une aile inferieure chiffonnees. Les pattes medianes et posterieures sont 9 ä gauche, J ä droite. Les trois premiers segments de l’abdomen sont divises par la ligne mediane en une moitie droite J et une moitie gauche 9, aussi bien dessus que dessous. Leurs lames ventrales sont du reste normalement conformees. Mais la moitie droite de la seconde lame dorsale est soudee ä la fois ä sa moitie gauche, et ä la moitie gauche de la troi- sieme lame dorsale; ces deux dernieres ne sont done separees l’une de l’autre que jus- qu’& la ligne mediane. La moitie droite de la troisieme lame dorsale, separee ainsi de sa moitie gauche, se termine vers la ligne mediane en un bord arrondi. Le 4”* segment est entierement J ä l’exterieur; ses lames dorsale et ventrale sont ä peu pres normales; il en est de m&öme du 5” segment. Il existe un 6” segment assez petit, et defectueux en partie du cöte gauche; il est compose d’un pygidium (lame dorsale) et d’un hypopygium (lame ventrale). Les organes genitaux externes sont entierement mäles, pairs, normaux, A U FE PENETITEAE a u" Fr in? Y u ” rim. WIEM An) “ . R . A > U Cpl — 143 — de la grandeur ordinaire; ce sont les Ecailles et les trois paires de valvules externes qui sont absolument comme chez nn g' normal. Longueur: La disseection de cet hermaphrodite faite pendant qu'il etait frais me montra d’abord un canal digestif normal. Une petite vessie debouchant dans le eloaque ä cötE du rectum mm, ‘ parait &tre une vessie ä venin rudimentaire sans coussinet distinet. Vient ensuite une matrice mediane, ä peu pres normale (Fig. 37, m) dans laquelle aboutit ä& gauche une trompe normale (tromp.) qui se termine par un ovaire $ normal ä& six ou sept gaines et & aufs (o. g.). A droite une glande accessoire mäle tout-ä-fait normale (V. S.) s’ouvre en bas dans la matrice, et se continue en haut en un vaisseau deferent (v d). Ce vais- seau deferent change d’aspect vers sa partie superieure (cesse d’avoir un double contour); il se termine dans un organe fort complexe qui contient d’un cöte plusieurs gaines d’o- vaires distincetes avec des aufs (od), et de l’autre un appendice &pais, irregulier, d’aspect granuleux, qui doit probablement &tre un rudiment de testicule dans sa tunique (t). Cet hermaphrodite est encore fort eurieux a un autre point de vue; il montre clai- rement que l’intelligence des fourmis reside daus leur tete. En effet, il sut non seulement aller au pillage avec l’armee, mais encore prendre une larve aux rufibırbis pour la rap- porter chez lui. Les @ m&me ne savent pas faire cela. Comment un Sg le sait-il? C'est parce que sa tete, et par consequent son cerveau, sont entierement 9; le reste du corps (valvules 9‘, glande accessoire ete.) n’a avec ses ganglions aucune influence sur les facul- tes intellectuelles ni sur les meurs d’une fourmi. 8) Il ne nous reste que le singnlier hermaphrodite de la Ponera punetatissima (P. androgyna Roger) qui est si l’on veut un g A corps de 9, et qui semble former une caste assez constante de la communaute chez cette espece. Nous l’avons dejä deerit ail- leurs (Systematique: tableau des especes et des races). 3. Monstrwositös proprement dites. Le plus eurieux exemplaire de ce genre que je possede est une Aypoclinea quadripunctata g qui a 7 pattes et 5 ailes. Elle a d’abord six pattes normales et quatre ailes normales avec les pieces thoraciques eorrespondantes normales aussi. Le bord lateral posterieur gauche du pronotum porte une petite piece adventive arrondie et chitineuse & laquelle s’artieule une cinquieme aile rudimentaire et assez chiffonnee. Cette piece est un peu en dessous et en avant de l’artieulation de l’aile superieure gauche. A gauche il y a quatre pattes dont les trois posterieures sont les normales, car c’est la seconde qui a l’eperon typique, et sa structure est parfaitement conforme & celle de la patte anterieure droite. La patte anterieure gauche est l’adven- tive; elle est du reste parfaitement bien conformee (tarse, tibia, euisse, hanche normaux), mais elle n’a pas d’eperon typique (peetine). Je n’ai pu constater elairement la maniere dont cette patte adventive s’articule au prosternum, eraignant de gäter l’inseete. Le reste du corps de ce J est parfaitement normal. Je l’ai pris au vol ä Bussigny (Vaud). Dans une de mes fourmilieres artificielles de Zeptothorax acervorum, j'observai une 9 qui marchait en tenant l’abdomen tr&s raide, et devie ä gauche. Cette 3 &tait plus N TE ERTET N. a courte que les autres, mais travaillait comme elles, portait des larves ete. Elle &tait in- capable de mouvoir son abdomen sur le thorax d’une maniere appreeiable. En voiei la cause: le pedieule &tait intimement soude au metathorax, ne formant qu’un avec lui; il etait de plus atrophique, ne laissant pas reconnaitre la moindre trace d’une division en deux n@uds; son articulation avec l’abdomen e&tait disposee un peu obliquement et tres peu mobile. Le metanotum lui-m&me etait difforme, sans Epines. Le reste du corps 6tait normal. Cela vient evidemment d’un defaut embryonnaire. Un Aphaenogaster barbara @, provenant de Cannes, me presente une anomalie du ımeme genre. Les deux neuds du pedieule sont soudes en une seule masse qui est &paisse ä droite et atrophique ä gauche. Cette masse s’articule normalement avec le metathorax, mais elle est soudee au premier segment de l’abdomen. Enfin, parmi les Myrmica laevinodis du musee de Neuchätel, se trouve un J dont le metanotum est arme ä& gauche d’un tubereule allonge et obtus (normal), et ä droite d’une longue Epine (comme chez la ©). Ce g' est du reste parfaitement normal, et ne presente aueune trace d’hermaphrodisme. APPENDICE II: Resume de quelques nowvelles recherches anatomiques. Pendant l’impression ‘de la premiere partie du present travail, j’ai ete ä möme de me rendre a Tübingen et d’y commencer quelques recherches histologiques sur les four- mis ä l’aide des directions obligeantes et des conseils de M. le professeur Leydig qui a bien voulu mettre une partie de son temps ä& ma disposition pour m’indiquer ses metho- des, revoir mes preparations et &claireir mes doutes par ses explieations. Qu’il me soit permis de lui t£moigner ieci toute ma reconnaissance pour son aide si constante, si bien- veillante et si desinteressee. Je ne donne maintenant qu’un resume suceint des quelques resultats auxquels je suis arrive, ne pouvant malheureusement plus les accompagner de figures. Je me reserve de completer plus tard ces recherches, et d’y ajouter les figures qui sont indispensables: A. AnTEnNES. Les antennes des fourmis contiennent un gros nerf, un trone tra- cheal et des muscles. Pour dissequer ces parties, il faut avoir des instruments tres fins, tels que des aiguilles ä cataracte, et de fortes loupes & dissecetion sont presque indispen- sables. Les muscles, tres forts dans le scape et dans le premier artiele du fouet, dispa- raissent ä peu pres completement dans les derniers articles; il n’y en a plus trace dans le dernier. Dans les articles du fouet, le nerf antennal forme des renflements ganglion- naires. Le dernier artiele ne renferme plus qu’une masse ganglionnaire dans laquelle se terminent les derniers rameaux du trone tracheal; le nerf lui-m&me parait finir deja dans l’avant-dernier article. Cette masse ganglionnaire se compose de nombreux noyaux sphe- TEN — 135 — riques fort petits, entoures d’une faible quantit& de protoplasma. Elle ne peut &tre que nerveuse, car elle fait immediatement suite ä un gros trone nerveux dont on voit des ramifications au milieu d’elle dans l’avant-dernier artiele; mais elle ressemble plutöt A certaines parties des ganglions de la chaine centrale qu’aux terminaisons nerveuses ordi- naires. 1°) Dans l’interieur de l’antenne se trouvent deux sortes d’organes chitineux qui n’ont ete vus jusqu'ici par personne, et qui paraissent &tre en rapport avec la masse nerveuse ganglionnaire dont je viens de parler, laquelle n’a pas &ete decerite non plus: Vers le tiers posterieur du dernier article de l’antenne se trouvent ä l’interieur 5 ä 12 tubes cehitineux longitudinaux, allonges, tronques en arriere, ramineis en avant, et se’ eontinuant chacun en un canal chitineux fort &troit et tres long. Ce canal deerit quel- ques zigzags, et aboutit finalement vers le tiers anterieur du dernier article A une onver- ture annulaire du squelette chitineux externe (peau). Cette ouverture n’est point sur- montee d’un poil. Chez quelques antennes de ZLasius flavus 5 conservees dans du vernis de Damar, les organes entiers sont restes remplis d’air, ce qui m’a permis de les obser- ver avec une grande nettete dans leur position naturelle, sans dissequer l’antenne: l’an- neau exterieur, le long canal et le tube chitineux etaient pleins d’air. (es organes sont reunis sur toute Jeur longueur en un seul faisceau, serres les uns contre les autres et meme enchevetres, situes pres du cöte dorsal du dernier article de l’antenne au tiers an- terieur duquel ils s’ouvrent ä l’exterieur. Mais en outre on en trouve quelques-uns isoles dans les autres articles du fouet de l’antenne. Lorsqu’on dissöque l’antenne, les longs canaux se cassent, et les tubes chitineux demeurent en connexion avee la masse nerveuse ganglionnaire dont il est tres diffieile de les isoler. Si l’on y r&ussit, on voit presque toujours encore quelques lambeaux blanchätres, tr&s probablement de nature nerveuse, attenant A l’extremite posterieure tronqude et ä la face longitudinale econcave (interne) du tube chitineux. Ce tube chitineux est lui-m&me de nature compliquee; il renferme un second tube (poil transforme) dans son vide interieur, lequel vide est ordinairement rem- pli d’air dans son tiers ou ses deux tiers anterieurs. En outre il presente A l’rexterieur trois aretes, lesquelles se terminent posterieurement chacune par une legere protuberanee qui depasse la surface tronquee. Enfin le tube entier est concave du cöte de la masse nerveuse interieure, convexe du cöte externe. Pour observer les details de sa structure, un tres fort grossissement est necessaire. Öes tubes sont entierement interieurs, et ne tiennent ä la peau (squelette chitineux externe) que par le long canal sus-mentionng; il est facile de s’en assurer par la dissection. Il m’a &te impossible de trouver un element cellulaire glanduleux entourant ce tube chitineux (M. le professeur Leydig me rendit attentif, lorsque je lui montrai ces organes, aux glandes unicellulaires du vagin du Ca- rabus auratuıs dont la cellule renferme un tube chitineux qui se continue en un long et etroit conduit de sortie chitineux: (Mäller’s Archiv 1860 Taf. IT Fig. 4). Je suis arrive au contraire & la conviction que la surface convexe (externe) du tube est libre; son 19 — 146 — extremite posterieure et sa face concave me paraissent en connexion directe avec la masse nerveuse, sans que je puisse l’affirmer positivement. Vers l’extr&mite anterieure du dernier article de l’antenne, pres des ouvertures an- nulaires des organes preeedents, se trouvent, toujours ä l’interieur de l’antenne, eing ou six organes chitineux &pais qui ont presque exactement la forme des bouchons des bou- teilles de vin de Champagne. Is communiquent directement avec la peau chitineuse par leur extremite anterieure arrondie qui est claire et brillante. Le col court et retreei qui suit celle-ei eorrespond au long conduit de sortie des organes preeedents. Vient ensuite le eorps, &largi de nouveau, qui eorrespond au tube des organes precedents, et qui parait avoir une structure analogue. Quelques-uns de ces organes se trouvent aussi isolement dans les autres articles du fouet de l’antenne. Les organes en bouchon de Champagne paraissent &tre en connexion avec la masse ganglionnaire de l’antenne, et sont ä l’ordinaire remplis d’air, comme les precedents. Ces deux sortes d’organes interieurs pourraient A la rigueur &tre des glandes; cepen- dant je ne puis le croire, vu que je n’ai pas pu voir de cellule ä leur base; or rien n'est facile A voir comme les cellules slandulaires chez les insectes. On ne comprend guere non plus & quoi serviraient des glandes au bout des antennes. Les organes que nous venons de deerire sont extr&mement constants et se retrouvent presque sans modifications chez les trois sexes de toutes les especes de fourmis que j’ai examinees (Formieide et Myr- micıde). 2° Viennent ensuite trois sortes d’organes exterieurs: Leydig (Miller’s Archiv 1860 T. VIII. Fig. 7) a decouvert que sur l’antenne de la Formica rufa 5, surtout vers l’extremite, se trouvent, ä cöte des poils ordinaires etroits et pointus, des massues ou poils tres Epais, transparents, obtus au bout. Ces massues sont implantees dans de larges canaux-pores qui apparaissent ä leur base comme autant de disques transparents. Leydig les nomme « massues olfactives » (Ziiechkolben), et considere les autres poils apointis comme des poils tactiles. Ces derniers sont implantes dans des canaux-pores beaucoup plus etroits; ils se distinguent des poils ordinaires du reste du corps par leur uniformite, leur delicatesse, leur moins forte chitinisation. Mais une troi- sieme sorte d’organes a Echappe & Leydig; je dois leur decouverte au Polyergus rufescens 5 chez lequel ils sont d’une nettete remarquable gräce A la transparence de la chitine. Ce sont des poils tres larges, mais appointis a l’extremite, qui, au lieu d’etre dresses comme les organes precedents, sont entierement couches dans une fossette longitudinale allongee de la peau clitineuse. Le tiers ou le quart posterieur du fond de cette fossette est perc& d’un large canal ovale (canal-pore) dans lequel s'implante la base du poil qui forme un coude en cet endroit. Le poil lui-m&eme a trois aretes, et presente en outre un second contour interieur qui me parait devoir correspondre & un second poil renferme dans le premier. Ce dernier caractere fait ressembler & premiere vue ces organes aux tubes des organes interieurs que nous avons deerits plus haut. Ils ressemblent aussi beaucoup — 147 — aux organes superficiels de l’antenne d’un Ophion deerits par Leydig (Müller’s Archiv 1860, ES ABER TB REIE Je n’ai pu observer directement la continuite d’aucun de ces organes chitineux ex- terieurs avec la masse nerveuse ganglionnaire interieure; je suis cependant persuade quelle existe. De m&me que les organes interieurs, ces organes exterieurs sont surtout abondants aux derniers articles de l’antenne, et manquent completement au scape et au premier artiele du fouet. Mais ils varient beaucoup chez les divers genres de fourmis. O’est le P. rufescens qui presente les trois sortes d’organes externes le plus nettement differeneides. Ils sont aussi fort distinets chez les Formica et les Camponotus. Chez le Lasius flavus g, il n’y a pas de massues olfactives. Les poils couches & double contour sont tres allonges et tres nets chez le Bothriomyrmex meridionalis. Chez d’autres fourmis ils sont moins distinets des poils tactiles et des massues, moins nettement enfonces dans leur fossette longitudinale. Je ne puis m’etendre iei sur ces differences, mais ce que je puis deja affır- mer en these generale, c’est que les fourmis ü bon odorat (Tapinoma, L, emarginatus) se distinguent par une grande abondance de ces organes sensoriels externes, mais nulle- ment par une grande differenciation de leur forme. Chez ces m&mes fourmis, les organes sensoriels internes deerits plus haut ne sont par contre pas plus abondants que chez les autres; chez les 9‘, ils paraissent m&me &tre en general moins abondants que chez les 9. Tl me semble evident que tous ces organes sensoriels exterieurs sont des poils modi- fies avec leur canal-pore. Je vais meme plus loin, et je erois qu'il en est de me&me des organes interieurs, lesquels me paraissent &tre des poils qui se sont peu-ä-peu enfonees dans l’interieur de l’antenne. Le fait que les organes exterieurs couches ä& double eontour sont deja enfonees dans des fossettes, et que les organes interieurs en bouchon de Cham- pagne touchent la face interne de la peau vient ä l’appui de cette opinion. J’avoue que la decouverte de ces divers organes m’a fait un grand plaisir, vu quelle vient confirmer anatomiquement d’un cöte les faits physiologiques montrant que les an- tennes renferment de beaucoup les sens les plus importants des fourmis, et de l’autre les observations de meeurs montrant l’admirable variete des procedes et des habitudes de ces inseetes. Mais d’une autre part je ne me dissimule pas que ce n’est qu’une ebauche; le plus diffieile reste & faire : etudier les rapports histologiques de la masse nerveuse avec chacun de ces organes, ainsi que la foncetion physiologique de chacun d’eux. BB. AuTRES ORGANES. Pour abreger, je ne ferai ici qu’&numerer mes resultats et les points ou ils different de ceux des auteurs. 1. Le canal exereteur des tubes libres de la glande venenifique des Formicidae « a bel et bien une foule de petits canaux lateraux (ramifiecations allant evidemment chacune a une cellule) comme le deerit Leydig (Müller’s Archiv 1859 p. 59), et n'est point simple comme le dessine Meinert (l. e. Pl. II, fig. 12). 2. La vessie ä venin des Formieidae (division «) possede une museulature eireulaire transversale tr&s distinete qui passe par-dessus le coussinet. Le milieu de la paroi ante- — 148 — rieure de la vessie seul n’a pas de muscles, vu que, tout autour, les fibres ceireulaires jusque lä paralleles s’anastomosent entre elles en formant des anses. Sur le coussinet, les fihres musculaires sont plus minces que sur le reste de leur parcours. L’enveloppe peri- toneale de la vessie A venin ne possede des trachees que lä oü elle eouvre le coussinet. 3. Le jabot n’est point prive de musculature comme le pretend Meinert. Il a au con- traire un reseau de muscles stries tres nets, quoique tres fins et tres ramifies; ces museles se laissent distinguer en longitudinaux et transversaux. J’ai vu aussi un trone nerveux se rendre ä la surface du jabot et s’y ramifier. Ces faits ont te observes chez le L. flavus 5 et la F. rufibarbis 9. 4. Le r&eseau musculaire de l’estomae est plus serre, mais plus fin encore que celui du jabot. 5. La glande accessoire de la vessie a venin chez la F\. rufibarbis 9 possede de belles cellules Epitheliales moitie polygonales, moitie arrondies, & contours distinets; je ne puis done donner raison ä Meinert qui pretend que les contours des cellules sont indistincts. En outre Meinert a vu, chez la F. fusca 5 seulement, un tr&s fin reseau museulaire ä la surface de cette glande; il n’a pu le voir chez la F. rufa 5. Je vois distinetement chez les F. rufibarbıs 9 et pratensis 9, ainsi que chez le L. flavus 9, un reseau mus- eulaire tres serre et extremement ramifie ä la surface de cette glande. 6. De la paroi posterieure du jabot, & une certaine distance de l’insertion du gesier, partent des fibres museulaires striees isolees (L. Havus et F. rufibarbis 3) qui vont s’at- tacher direetement ä la periferie de la boule du gesier. De cet endroit se detachent de nouveau d’autres fibres museulaires isol&es qui vont se fixer de la meme maniere ä la paroi anterieure de l’estomae. Ces fibres musculaires sont entierement libres, tendues comme les cordages d’un navire, eloignees les unes des autres. Ce singulier fait n'est pas encore deerit & ma connaissance. 7. La structure mieroscopique des tubes ovariaux chez les 9 des F. rufibarbis et L. flavus est presque identique ä celle de ceux de la F. fusca © decrits et dessines par Leydig (Eierstock und Samentasche der Insekten); on y voit aussi un fil terminal renfermant des noyaux carres; les @ufs mürs ont le m&me aspect. Les deux ovaires sont plus solidement unis entre eux A leur extremite qu’au vaisseau dorsal auquel ils ne tiennent que par quel- ques tendons £troits. 8. Meinert (l. e. Pl. I; fig. 1, d) dessine et decerit sous le nom de corpora incerta deux corps spheriques situes de chaque cöte de l’@sophage, derriere le cerveau, et ren- fermant de nombreuses et belles cellules; il ne peut determiner leur nature; chez les Odımerus (sorte de gu£öpe) il en a vu trois ä quatre. Leydig (Vom Bau des thierischen Körpers, p. 270) eroit pouvoir admettre avec grande probabilite que ce sont les deux ganglions lateraux des nerfs stomato-gastriques. Je me suis assure chez le L. flavus et la F. rufibarbis que les deux gauglions lateraux du nerf stomato-gastrique se trouvent im- mediatement au-dessus des deux corpora incerta de Meinert, & cöte l’un de l’autre, et recouyrant l’esophage; ils sont allonges et on voit en avant comme en arriere les nerfs qui en partent. Les cellules de ces ganglions ont un autre aspeet que celles des corpora incerta. La nature de ces derniers m’est aussi enigmatique qu’ä Meinert. 9. Les poils herisses du corps, qui sont ordinairement simples et pointus, sont tron- ques A l’extremite et souvent m&me renfles chez le genre Leptothorax, comme l’a montr& Mayr. Mais en outre, ehez ce meme genre, ils sont denteles irregulierement, ce que Mayr ne parait pas avoir vu. III” Partie: ARCHITECTURE OU STRUCTURE DES NIDS ET DE LEURS ANNEXES Introduction. Les construcetions variees des fourmis, leurs monticules dans les pres, leurs sculptures dans le bois ete. frappent tout d’abord l’observateur, et c’est le trait de leurs meurs qui a etE le plus commente sinon le plus etudie. C'est Gould (An Account of English Ants; London 1747) qui le premier deerit leur maniere de bätir avec soin. Viennent ensuite de Geer (1778), puis Christ (1791); ce dernier, & cöte de beaucoup d’erreurs, montre que ce sont bien les F. rufa elles-m&mes qui ereusent leurs chemins. Mais c’est Huber (1810) qui le premier, consacrant ä ce sujet un chapitre & part, l’etudie ä fond et dans ses details les plus minutieus, avec une exactitude presque irreprochable. Son seul defaut est ici comme ailleurs, de s’ötre limite & un trop petit nombre d’esp&ces. Ebrard complete Huber par quelques observations tres interessantes. Bates a donne dans ces dernieres annees des details fort instructifs et dignes de foi sur les nids de diverses fourmis americaines. Enfin Nylander et Mayr dans leurs divers opuseules donnent de courtes notices sur les nids de toutes les especes de fourmis pour lesquelles ils peuvent le faire, mais ces notices ne contiennent guere de details preeis. Comme c'est un des cötes des fourmis que j’ai le moins specialement etudies, je devrais peut-&tre renvoyer simplement le leeteur aux auteurs preeites, et surtout ä Huber; je erois cependant mieux faire en essayant de classer et de differencier l’art de bätir chez les fourmis connues en Suisse, vu qu’un travail de ce genre n’existe pas encore. Huber ne donne pas suffisamment l’idee de l’immense variete dans l’art de bätir des diverses formes de fourmis, art qui varie encore enormement chez la m&me forme suivant les lieux, les eirconstances oü elle se trouve, et möme suivant les saisons. Certains nids ou certaines parties de nids ne sont que provisoires, d’autres doivent durer des annees: certains nids montrent dans leurs diverses parties une structure assez differente. L’architee- ture enfin varie beaucoup suivant qu’un nid est desting & une grande ou & une petite population. L’aspect des nids peut differer beaucoup suivant qu'ils sont fermes partout sauf a quelques places cachees, ou bien quils s’ouvrent & l’exterieur par des trous nombreux; or cela varie non-seulement suivant l’espece, mais encore chez la m&me espece suivant que la population du nid est forte ou faible. On voit de grands nids de F\. fusca tres peuples ouverts de tout cöte, et de petits nids de F. sanguinea entierement fermes, tandis que le contraire est la rögle. Tl est bon de rappeler ici la definition du mot fourmiliere que nous avons donnde dans la preface, afın d’eviter des confusions; nous entendrons toujours par nid, l’edifice, le labyrinthe quel qu'il soit qui, formant un tout plus ou moins bien deli- mite, sert de demeure A un certain nombre de fourmis, tandis que nous appellerons fourmiliere une societe de fourmis (d’un ou de plusieurs sexes, d’une ou de plusieurs especes, n’importe) vivant en relations amicales eontinuelles les unes avec les autres, solidaires les unes des autres, et contribuant chacune pour une part quelconque & l’en- tretien de la communaute. Cette distinetion est tres importante, car nous verrons plus tard quune fourmiliere peut comprendre plusieurs nids, qu'un nid peut con- tenir plusieurs fourmilieres (S. fugax), et enfin qu’'une fourmiliere peut se composer de plusieurs especes entierement ditferentes. Notre etude actuelle est celle des nids et de la maniere dont les Jourmis les bätissent. Le trait caracteristique de l’architeeture des fourmis est le manque ä peu pres complet d’un plan geometrique invariable ou peu variable, propre ä chaque forme, tandis que nous trouvons chez les gu£pes, les abeilles etc. des nids bätis avec une admirable regularite et toujours de la meme maniere chez la meme espece. Les fourmis savent varier leur architecture, moins parfaite il est vrai, suivant les eirconstances et profiter de tout ce qui se presente ä elles. De plus, dans la construction du nid, chaque ouvriere travaille ind&pendamment, concoit et execute seule Je plan d’une portion du nid, n’y etant que quelquefois aidee par quelques-unes de ses compagnes qui finissent par con- cevoir son idee. Toutes les 9 n’ayant pas exactement la m&me maniere de voir sur les points de detail, il en resulte de frequentes collisions dans le travail:l’une defait ce qu’a fait l’autre. (es faits prouves jJusqu’ä l’eEvidence par Huber (voir plus bas) donnent la ele du secret de tous les labyrinthes des fourmis. On retrouve du reste le trait caracteristique que nous venons d’indiquer dans toutes les meurs des fourmis : c’est toujours la 9 qui a trouye la maniere la plus avantageuse de tirer d’affaire la communaute, ou celle qui met le plus de persistance ä entrainer les autres, qui finit par gagner la majorite de ses compagnes, et finalement toute la fourmiliere, mais non sans de nombreuses luttes d’in- fluences; du reste une fois qu’une fourmi en a converti une autre, la seconde agit avec elle au m&me degre, de sorte que la premiere se perd bientöt dans la foule de celles quelle a entrainees et qui entrainent ä leur tour les autres. Et cependant on trouve souvent dans les nids quelques vestiges de symetrie, fait qu’Huber a & mon avis trop generalise, vu qu’on ne l’apercoit distinetement que dans des nids tout particulierement bien places, isoles de tout appui, et situes sur une surface plane. Telle est la disposition concentrique des etages d'un nid de Las. niger (fourmi brune d’Huber). Beaucoup de nids, mais peut-etre pas le plus grand nombre, sont surmontes d’une calotte de forme tres variable, paraissant tendre ordinairement dans les grands nids reguliers a la forme d’un paraboloide ou d’un hyperboloide (ou moins exactement ä celle d’un cöne ä sommet arrondi)*). Cette calotte qui *) Il est difficile de donner une idee exacte de cette forme typique. Ce n'est ni celle d'un cöne — 12 — porte seul vulgairement le nom de fourmiliere n’est que la partie superficielle et ordinaire- ment accessoire du nid; nous l’appellerons comme Huber döme. Plusieurs de ces dömes ne sont que temporaires et servent au printemps ä procurer une chaleur egale aux larves (T. erraticum). D’autres, et c'est le cas de tous ceux qui sont simplement maconnes, s’a- platissent considerablement en automne et en hiver, ce qui vient simplement de ce que, les ouvrieres cessant d’y travailler, la terre perforee en tout sens dont ils sont composes se tasse par la pluie et par son propre poids. Souvent, tres sonvent m&me, les fourmis qu’on trouve dans un nid ne sont pas celles qui l’ont bäti. C'est un fait qui ne simplifie pas notre ötude, et il est etonnant de voir comment des espöces de taille completement differente savent s’accommoder des nids les unes des autres. Elles en modifient bien peu & peu l’architecture, surtout ä l’exterieur, mais il est rare qu’on ne reconnaisse pas le veritable auteur du nid lorsqu’on le demolit. On voit ainsi le m&me nid passer quelquefois suecessivement ä trois, quatre et meme & un plus grand nombre de proprietaires differents. Tantöt le nid a te abandonne volontaire- ment par son premier proprietaire, tantöt il lui a et enlev@ par la violence. C’est ainsi qu’on voit dans la premiere categorie des nids de F\ pratensis passer ä des F. sanguinen, puis ä des T. caespitum ou A des L. flavus, des nids de ©. ligniperdus passer ä des F. fusca ou ä des L. niger ete.; dans la seconde categorie des nids de L. flavus voles par des L. niger, des F. fusca, des F. pratensis, ou par quelque autre fourmi, car c’est de toutes les fourmis celle qui est le plus souvent d&possedee par les autres, mais on voit aussi des nids de F. fusca, et rufibarbis conquis et eonserves par des F. sangwinea, des nids de F. sanguinea conquis par des C. ligniperdus ete, ete. Ce qui explique la possibilite'de la chose, c’est que chez des fourmis oü l’ouvriere est tres petite, la femelle est souvent aussi grosse que chez des espöces A ouvriere beaucoup plus grande; or comme les galeries et les salles du nid doivent toujours ötre proportionnees aux plus grands individus qui doivent les habiter et non aux plus petits, il s’en suit que, chez le L. flavus p. ex., avec ses grosses femelles, elles sont assez spacieuses pour loger des F. prat:nsıs. Je dois dire ici deux mots de ce que j’ai appel& dans une note publiee en 1869 dans le bulletin de la soc. suisse d’entom. Vol. IH, Nr. 3, les fourmilieres doubles. Ce sont des nids habites simultangment par deux ou plusieurs fourmilieres d’especes ennemies. J’ai de- montre ä cette &poque qu’en realite les appartements de ces deux sortes de fourmis ne sont nulle part en communication direete, et que ce sont de fait deux nids qui n’en pa- raissent exterieurement qu’un seul. On peut done les appeler nids doubles aussi bien que ni celle d’un pain de suere; le diametre de la base est ordinairement au moins double de la hauteur. Quand le döme est form& de materiaux tres mobiles, sa forme parait bien &tre celle d’un hyperboloide, sinon c’est plutöt celle du paraboloide. Du reste les nids ayant cette forme typique ou ideale sont rares; on en reconnait souvent a peine des &l&ments. Su! — 1593 — Fowrmilieres doubles, puisque au fond il y a deux nids comme deux fourmilieres. Dans le cas le plus typique, chez le Solenopsis fugax, le nid de la petite espece est plus ou moins completement emboite dans les cloisons du nid de la grosse espece. Mais j'avais d&ja alors tabli deux autres categories de nids doubles, les söparant d’une maniere probablement trop absolue de ceux des S. fugax: 1° nids dont les habitants sont en guerre souterraine chronique, et 2° nids accessoires ou succursales de petites especes autour des nids de grosses especes. Une &tude attentive et de tr&s nombreuses observations m’ont montre depuis lors que ce phenomene &tait encore beaucoup plus general que je ne le eroyais, et quil est impossible de faire une distinetion absolue entre ces differentes categories de nids doubles. S’jl est vrai que les fourmilieres de grandes especes, surtout des especes rufa et ewsecta et de leurs races, se tiennent ä des distances respectueuses les unes des autres, il n’en est pas du tout de m&me pour la plupart des autres espöces. On dirait, au contraire, si ab- surde que cela paraisse, que les peuplades les plus ennemies recherchent ordinairement le voisinage les unes des autres. C’est ce qui a fait dire & Mayr par erreur (Form. austriaca, p. 7) que souvent des fourmis d’especes differentes vivent en bonne amitie sous une meme pierre. Il arrive en effet ä tout moment de trouver sous Ja möme pierre, ou dans le meme monticule de terre, deux ou plusieurs especes differentes. Mais les appartements de chaque espeee sont separes par un mur mitoyen en terre de ceux des autres especes. Je ne eiterai qu’un exemple court et simple: Le 19 aoüt 1868, en soulevant une pierre qui s’en- fongait en terre sous la forme d’une pyramide ä trois cötes, je vis aussitöt que deux des surfaces triangulaires du terrain correspondant aux cötes de la pyramide etaient occupees par des galeries de. Tetramorium cespitum, et la troisieme par des galeries de Lasius niger. En examinant attentivement les eonfins des deux espöces, je vis que les galeries des 7. cespitum, tout en penetrant sur le territoire des L. niger et en enlagant de leurs meandres celles de ces derniers, ne communiquaient pourtant nulle part directement avec elles. Des que j’eus soulev& la pierre, les 7. caespitum sortirent en masse, se repandirent aussi sur les cases ouvertes des L. niger, et tuerent tous ceux de ces derniers qui ne s’enfuirent pas au fond de leur nid. Les Z. niger durent &videmment barricader et defendre leurs galeries profondes. Un an apres je vins soulever la m&me pierre que j’avais remise a la meme place: les Z. niger et les T. caespitum &taient toujours en presence; le domaine des L. niger avait m&me plutöt augmente. On peut voir des faits pareils tous les jours. Mais quand on revient plus tard on ne trouve souvent plus qu’une des especes, ou bien on en trouve une troisieme A cöte, ou bien encore une troisieme qui a pris la place des deux autres ete. Si l’une des especes est beaucoup plus petite que l’autre, les röles changent un peu en ce que la petite espece ne peut &tre delogee par la grande a cause de l’extröme etroitesse de ses galeries. Par contre alors les ouvrieres de la petite espece peuvent s’ouvrir sans danger des passages dans les galeries de la grande espece, et y commettre des rapts de toute sorte lorsqu'elles sont mal gardees. Le Solen. fugax, vivant fort ordinairement avec toute sa famille dans les eloisons des nids des grosses fourmis, ou du moins tout 20 — 154 — ä cöte, est l’exemple le plus remarquable de ce fait. Mais beaucoup d’autres petites especes font tres souwvent & peu pres de meme, surtout divers Zeptothorax, le T. erraticum, le T. caespitum; elles vivent avec toute leur famille aux portes des nids de fourmis plus grosses. Et d’autre part ce n’est pour aucune espece, pas m&me pour le $. fugax, une regle absolue. Seule la Stenamma Westwoodi qui du reste rentre probablement dans une toute autre cate- gorie de fourmis vit toujours dans les nids de F. rufa ou pratensis. C'est dans ce sens que je dois modifier l’opinion que j’aı mise dans la note eitee plus haut ou j’etablissais des categories trop absolues. La raison qui conduit des espöces de m&me taille ä rechercher un voisinage qui les entraine ä des guerres continuelles, en suite de ruptures du mur mi- toyen, guerres dont nous verrons divers exemples plus tard, cette raison, dis-je, ne m’est pas encore du tout claire. Le seul avantage que je puisse y voir est qu’elles trouvent souvent aınsi une pierre qui leur convient particulierement, ou bien un nid deja tout fait dont elles conquerent une partie, laissant l’autre ä son possesseur. Mais si un nid peut &tre double, nous avons dit aussi qu’une fourmiliere peut com- prendre plusieurs nids. Je ne fais que ceiter ce fait en passant, devant y revenir. Une fourmiliere peut compter jusqu’a 200 nids et plus. Ces nids sont alors tous rapproches et communiquent entre eux soit exterieurement, soit par des canaux souterrains. Je r&ser- verai le nom de colonies & ces fourmilieres-lä. Ceci m’amene ä dire qu’outre l’architeeture des nids il y a chez les fourmis une architecture hors des nids, rendue necessaire par leurs relations avee les pucerons et par leur exploitation en grand des vegetaux ou plutöt de ce qui vit sur les vegetaux. Nous avons dans cette categorie ä distinguer : les stations ou suceursales, les canaux souterrains, les chemins couverts, les pavillons et les chemins ouverts. Notons encore que chez les fourmilieres mixtes, e. a. d. composees de plusieurs especes amies, l’architeeture est aussi mixte, chaque espece travaillant ä sa maniere, lorsque toutes sont des especes laborieuses. Huber ne deerit que l’architeeture de neuf especes de fourmis et n’entre dans les details que pour eing d’entre elles qui sont: F\ rufa, F. fusca, Las. niger, Las. fuligi- nosus et C. pubescens. Il divise ainsi l’architeeture des fourmis en quatre categories: 1°) Fourmis ä materiaux mobiles et de nature variee (F. rufa), 2°) Fourmis maconnes (F. fusca, L. flavus, L. niger), 3°) Seulpteuses (L. fuliginosus), 4°) Fourmis travaillant la sciure de bois (CO. pubescens et L. flavus). Cette division est beaucoup trop absolue et ne peut &tre maintenue telle quelle. Par contre les procedes employes par les fourmis pour travailler la terre sont si admirablement bien deerits par Huber que je ne puis mieux faire que de le citer textuellement en temps et lieux, renvoyant le lecteur ä l’original pour plus de details. J’ajouterai que j’ai souvent refait les observations et les exp@riences d’Huber ä ce sujet et n’ai pu que confirmer en tout point ses resultats. Il n’en est pas de me&me pour les autres modes de bätir. Nous ferons deux grandes divisions que nous subdiviserons ensuite: 1. Architecture des nids et Il. Constructions hors des nids. CHAPITRE 1. ARCHITECTURE DES NIDS A. Nids de terre pure. Nous avons iei trois varietes A distinguer, savoir les nids mines, les nids maconn6s et les nids sous les pierres. Ces trois formes sont reliees entre elles par tous les inter- mediaires possibles; dans toutes trois la partie souterraine du nid est identique. Ce sont le plus souvent les m&mes especes de fourmis qui emploient ces trois modes de bätır, suivant les eirconstances, mais ordinairement l’un de preference aux autres. Deux raisons justifient cette distinction: d’abord l’aspeet tres different que presentent les nids des trois categories, et ensuite les variations qui en r@sultent dans l’art de bätir et dans les habi- tudes des fourmis. Les formes intermediaires ont des nids mines surmontes de petites constructions maconnees irregulieres ou partielles, et des nids surmontes d’une ou de plusieurs pierres prises dans un päte de maconnerie. Les nids de pure terre sont de beau- eoup les plus frequents. Le materiel de construction des fourmis est ici simplement de la terre humide qu'elles petrissent avec leurs mandibules et dont elles forment de petites pelotes qui adherent facilement les unes aux autres. Elles se servent de leurs mandibules de deux manieres. Lorsqu’elles les tiennent fermees, elles ont une sorte de truelle eon- vexe en avant et en dessus, concave en dessous et en arriere, pointue ä l’extremite; cette truelle leur sert ä räcler le terrain humide pour faire leurs pelotes, puis ä modeler et & comprimer leurs constructions pour les rendre plus solides et plus unies, ce qu’elles font avec la partie anterieure convexe de leurs mandibules serrees l’une contre l’autre, en lui imprimant des mouvements varies d’arriere en avant et de bas en haut. En second lieu, les memes mandibules constituent lorsqu’elles sont ouvertes une veritable paire de tenailles ä bord dente (du moins chez toutes les ouvrieres des espeöces travailleuses de notre pays). Elles leur servent ainsi ä& transporter leurs pelotes de terre, mais ausssi ä les petrir, puis ä les amineir dans un sens. Enfin leurs pattes anterieures leur servent aussi de truelles plates entre lesquelles elles modelent la terre; ce sont les tibias et le premier artiele des tarses qui jouent ce röle. Un certain nombre de F\ fusca ouvrieres que je mis dans un bocal avee de la terre humide et des larves, apres leur avoir coupe les tibias anterieurs (voir: Notices anatomiques d), ne purent que tres diffieilement ereuser quelques trous peu profonds; elles ne surent edifier aucune ease convenable, se salirent elles-m&mes ainsi que leurs larves, sans pouvoir se nettoyer (vu le manque de l’&peron), et decouragees finirent par abandonner leur ouvrage et par se tenir simplement ä la surface de la terre. Les mömes pattes anterieures servent encore aux fourmis A fonir la terre NE AT seche et grenue ou le sable, ä la maniere des taupes. Les pattes medianes et posterieures les secondent dans ce travail pour lequel la fourmi s’aplatit ordinairement sur son ventre. Mayr (Ungarn’s Ameisen) deerit la maniere dont le Ohtaglyphis cursor (fourmi quw'on ne trouve pas en Suisse) se ereuse des trous dans le sable en fouissant avec ses deux pattes anterieures et en rejetant en m&me temps le sable en arriere, entre ses quatre pattes posterieures sur lesquelles il se tient. Ce mode de travailler n’est point partieulier au (. cursor; il est propre ä& la plupart des fourmis; seulement il frappe peut-&tre plus chez cette espece qui vit dans le sable et qui est extr&mement haute sur jambes. Enfin lorsque nos ouvrieres sont obligees de s’attaquer & une matiere dure comme de la terre seche et com- pacte, elles l’ineisent avec leurs mandibules et cherchent ensuite & l’arracher par mor- ceaux en s’appuyant fortement sur leurs pattes et en imprimant ä leur tete des mouve- ments de droite ä gauche et de gauche ä droite pour detacher la parcelle qu'elles tien- nent entre leurs pinces. Elles font ä peu pres le möme manege pour couper en tout ou en partie les tiges ou les feuilles de gramindes qui doivent servir & leur maconnerie, seulement iei les dents de leurs mandibules font positivement l’office de seie; la meme ocillation de la tete de droite & gauche et de gauche ä& droite fait mouvoir les mandi- bules, et fait aussi que les deux sillons pratiques de cette maniere par ces deux petites scies se rencontrent au milieu. Les fourmis construisent ainsi soit en minant, soit en maconnant, des vides irreguliers qu’on peut distinguer en galeries et en cases ou salles. Ces vides sont separes par des plafonds ou planchers affeetant toujours la forme de votes plus ou moins prononcees. Ces voütes sont soutenues par des murs ou par des pili rs munis d’ares-boutants. Des brins d’herbe servent souvent de points d’appui ou de poutres et des feuilles de plafonds ä ces ouvrages. Mais il ne faut pas vouloir trop preeiser les formes de ces labyrinthes, car dans les parties les plus fines et par consequent les plus perforees de ces edifices, les plafonds, planchers et murs sont perces de tant de trous qwil ne reste plus qu’un echafaudage de poutres en terre se croisant et se reunissant en tout sens. C’est surtout le cas lä ot une touffe d’herbe a servi de centre ä l’edifice, et, par la masse des points d’appui quelle presentait, a permis de donner une grande legerete au döme. Ceci ne se trouve naturellement que dans les eonstruetions exterieures maconnees, ou dömes, surtout chez les F\ sanguinea, F. fusca, Tetr. caespitum et Tap. erralicum. Nous devons distinguer la partie souterraine des nids qui est la meme dans nos trois categories, de la partie superficielle qui varie dans chacune d’elles. La partie souterraine est toujours simplement minee. Comme les fourmis n’ont pas besoin d’y &co- nomiser la place autant qu’ä l’exterieur oü elles ont la peine de maconner, elles y font leurs vides en general plus eloignes les uns des autres, laissant entre eux des murs €pais de terre compacte, ce qui permet de faire iei plus rigoureusement la distinetion entre les galeries ou couloirs et les cases. Cette partie souterraine a un centre qui touche ä celui du döme quand il y en a un et qui dans le cas contraire est situ& un peu au dessous de la surface du terrain, au milieu du nid. Ce centre n’a aucune limite marquee; c'est un : [ur a a simplement la partie la plus travaillee, la plus perforde et ordinairement la plus habitee de l’edifice. Si l’on suit de lä les cases et galeries soit dans la direction de la profon- deur verticale, soit dans les direetions laterales, on voit qu’elles deviennent de plus en plus rares et les murs de terre entre elles plus &pais. A la fin on ne trouve plus que quelques galeries souterraines se continuant quelquefois ä une assez grande distance et se terminant soit sous terre par une case, soit ä l’exterieur par une ouverture ordinaire- ment cachee. Quelquefois elles vont aboutir & un autre nid. Si l’on part des galeries periferiques, on peut done dire qu'elles eonvergent, tout en se ramifiant toujours plus, pour former le centre du nid souterrain. Nous verrons plus tard leurs divers usages. Des pierres situees sous terre peuvent modifier leur cours et la forme du nid souterrain. Quand le terrain est rempli de pierres, ou compose de roc plus ou moins dur dans les fentes duquel est un peu de terre plus friable, les fourmis doivent faire toutes leurs con- structions dans les interstices de ces pierres, et nous passons insensiblement ä une autre classe de nids que nous etudierons plus tard. Les constructions souterraines dont nous venons de parler sont celles des nids grands et moyens; de lä aux plus petits nids com- poses seulement de deux ou trois et m&me d’une seule case, communiquant ä l’exterieur par une seule galerie plus ou moins tortueuse, on trouve toutes les formes intermediaires imaginables. Nous savons que les fourmis ont beson de chaleur et d’eau, mais qu’une trop forte chaleur leur est nuisible, et l’est encore plus ä& leurs larves, tandis qu’une submersion, meme complete, ne leur fait que peu ou pas de mal pourvu qu’elle ne soit pas de trop longue durde et que l’eau soit un peu froide. C’est done ä tort quwHuber donne aux dömes maconnes le but de proteger les fourmis et leur couvee contre la sub- mersion lors de grandes pluies. Il donne pour preuve que pendant les temps de pluie on trouve les cocons, les larves et les fourmis dans les &tages superieurs des nids. Or cela n’est vrai que pour les temps de pluie chaude ot la chaleur solaire rayonne encore sen- siblement entre chaque averse ä travers des nuages peu epais. En placant alors leur couvee sous la croüte la plus superficielle, sous le toit du döme, les fourmis lui procurent une chaleur douce, egale et humide. Qu’adviendrait-il, avec l’opinion d’Huber, des nids purement mines qui sont bien plus que les nids & dömes exposes ä &tre submerges? Dans les temps pluvieux et froids, dans les temps froids en general, les fourmis se cachent toujours elles et leur couvee dans les parties profondes du nid, ä moins quun rayon de soleil ne vienne concentrer de la chaleur sous le döme. Lorsque le soleil est trop ardent, les fourmis recherehent egalement le fond de leur nid. Les dömes servent done essentiel- lement ä renforcer la chaleur des rayons du soleil lorsqwils sont faibles ou trop rares. Aussi les trouvons-nous surtout dans les lieux ombrages ou exposes au nord, au bord des bois et dans les hautes herbes, oü leur &levation permet aux rayons solaires de les atteindre. Les pierres produisent le m&me effet que les dömes, mais comme elles ne sont pas poreuses comme la terre, elles ont en outre la propriete d’empächer l’evaporation de l’eau qui est sous elles,"done de conserver l’humidite. Aussi trouvons-nous les nids sous rau k — 158 — les pierres principalement dans les lieux secs et en pente, exposes au midi. J’ai trouve de la terre humide & 1 centim. au dessous de pierres assez petites, par une chaleur tor- ride, ä deux heures du jour, et cela apres une longue secheresse, sur le Petit-Salöve, c’est-ä-dire sur un des endroits les plus desseches qui se puissent imaginer. Enfin dans les marais et dans les lieux souvent et longtemps submerges on ne trouve guere de nids de fourmis, sauf dans les arbres ou dans les trones d’arbres. On y voit cependant ga et lä des dömes eleves de Z. favus qui pourraient bien servir iei ä proteger les fourmis contre la submersion; mais la base de ces dömes jusqu’ä une certaine hauteur est ordi- nairement un ilot preexistant forme par une touffe de plantes dont les raeines sont cou- vertes de pucerons. 1. NIDS A DÖMES MACONNES C'est ici qu’on peut observer le mieux en plein jour l’art de nos fourmis. C'est aussi presque uniquement sur deux types de cette categorie qu’ont ete faites les observations d’Huber et d’Ehbrard, savoir la F. fusca (fourmi noire-cendree) et le ZL. niger (fourmi brune d’Huber), fourmis qui comme nous le verrons font aussi des nids d’un tout autre genre. Je transcris ci-dessous les passages les plus saillants de ces deux auteurs sur les dömes et la maniere dont les fourmis les construisent, en faisant observer que tous deux entendent ordinairement par fowrmiliere ce que j’appelle nid. Ce sont d’abord une deseription des nids de F\ fusca par Huber *; puis les procedes employes par les ouvrieres de la m&me espece pour bätir **; puis un cas des plus curieux de procedes intelligents employes par une ouvriere, toujours de F. fusca, observe par Ebrard ***. Ensuite vient la description du nid des Z. niger par Huber ****, puis la maniere dont les ouyrieres s’y prennent pour le bätir *****, * (Huber. Rech. f. ind. Geneve 1810, pag. 30). « Si l’on veut juger du plan interieur des fourmiliöres, il convient de ehoisir celles qui n’ont pas ete gätees aceidentellement, et dont la forme n’a pas &te trop alteree par les circonstances locales: il suffira, alors, d’une attention mediocre pour s’apercevoir que les fourmilieres d’especes differentes ne sont pas construites dans le m&me systeme ». « Aimsi le montieule &leve par les fourmis noires-cendrees offrira toujours des murs epais, formes d’une terre grossiere et raboteuse, des etages tres prononees, et de larges voütes, soutenues par des piliers solides: on n’y trouyera ni chemins, ni galeries propre- ment dites, mais des passages en forme d’eil-de-beuf: partout de grands vides, de gros massifs de terre, et l’on remarquera que les fourmis ont consery@ une certaine propor- tion entre les piliers et la largeur des voütes auxquelles ils servent de supports ». ** (Huber |. c., p. 44, 45). « Lorsque les fourmis noir-cendrees veulent donner plus d’elevation ä leur demeure, elles commencent par en couvyrir le faite d’une Epaisse couche de terre qu’elles apportent de l'interieur; et c’est dans cette couche m&me qu’elles tracent, — 59 en creux et en relief, le plan d’un nouvel etage: elles ereusent d’abord ca et la, dans cette terre meuble, de petits fosses plus ou moins rapproches les uns des autres, et d’une largeur proportionnee ä leur destination; elles leur donnent une profondeur ä peu pres egale: les massifs de terre qu'ils laissent entre eux doivent servir ensuite de base aux murs interieurs, de maniere qu’apres avoir enleve toute la terre inutile au fond de cha- que case, et reduit ä leur juste epaisseur les fondements de ces murs, il ne reste plus & leurs architeetes qu’ä en augmenter la hauteur et ä& recouvrir d’un plafond les loges qui en resultent. » « Apres avoir observe T’esprit dans lequel etaient construites ces fourmilieres, je sentis que le seul moyen de penetrer dans les veritables secrets de leur organisation, etait de suivre individuellement la conduite des ouvriöres occupees üA les elever. Mes jour- naux sont remplis d’observations de ce genre: je vais en extraire quelques-unes, qui m’ont paru interessantes. Je decrirai done ici les mana@uvres d’une seule fourmi que j’ai pu suivre assez longtemps pour satisfaire ma curiosite: » « Un jour de pluie je vis une ouvriere creuser le sol aupres d’un troü qui servait de porte ä la fourmiliere : elle accumulait les brins qu’elle avait detaches, et en faisait de petites pelottes, qu’elle portait ca et la sur le nid; elle revenait constamment ä la m&me place, et paraissait avoir un dessein marque, car elle travaillait avec ardeur et perseverance. Je decouvris d’abord en cet endroit un leger sillon trac& dans l’Epaisseur du terrain; il etait en ligne droite, et pouvait representer l’ebauche d’un sentier ou d’une galerie : l’ouyriere, dont tous les mouvemens se faisaient sous mes yeux, lui donna plus de pro- fondeur, l’elargit, nettoya ses bords, et je vis enfin, sans pouvoir en douter, quelle avait eu l’intention d’etablir une avenue conduisant d’une certaine case A l’ouverture du souter- rain. Ce sentier, long de 2& 3 pouces, forme par une seule ouvriere, etait ouvert au-dessus, et borde des deux cötes d’une butte de terre: sa concavite, en forme de gouttiere, se trouva d’une regularite parfaite, car l’architecte n’avyait pas laisse dans cette partie un seul atome de trop. » « Le travail de cette fourmi &tait si suivi et si bien entendu, que je devinais presque toujours ce quelle voulait faire, et le fragment qu’elle allait enlever. » « A eöte de l’ouverture oü ce sentier aboutissait, en &tait une seconde, ä laquelle il fallait aussi parvenir par quelque chemin : la m&me fourmi executa seule cette nouvelle entreprise; elle sillonna encore l’&paisseur du sol, et ouvrit un autre sentier parallölement au premier, de sorte qu’ils laissaient entre eux un petit nur de3ä 4 lignes de hautenr. » « Les fourmis qui tracent le plan d’un mur, d’une case, d’une galerie, etc., travaillant chacune de leur cöte, il leur arrive quelquefois de ne pas faire coineider exactement les parties d'un m&me objet, ou d’objets differents; ces exemples ne sont pas rares, mais ils ne les embarassent point: en voici un oü l’on verra que l’ouvriere decouvrit l’erreur et sut la reparer. » « La s’elevait un mur d’attente; il semblait place de maniere a devoir soutenir une PO i ek ha ah A + — "460 — voüte encore incomplete jetee depnis le bord oppose d’une grande case; mais l’ouvriere qui l’avait commencee lui avait donne trop peu d’elevation pour le mur sur lequel elle devait reposer : si elle eut ete continue sur le möme plan, elle aurait infailliblement rencontre cette cloison ä la moitie de la hauteur, et e’&tait ce qu'il fallait &viter : cette remarque critique m’occupait justement, lorsqu’une fourmi arrivee sur la place, apres avoir visit€ ces ouvrages, parut &tre frappee de la m&me diffieulte, car elle commenga aussitöt a detruire la voüte ebauchee, releva le mur sur lequel elle reposait, et fit une nouvelle voüte, sous mes yeux, avec les debris de l’aneienne. » v « C’est surtout lorsque les fourmis commencent quelgue entreprise, que l’on eroirait voir une idee naitre dans leur esprit, et se realiser par l’ex&eution. Ainsi, quand l’une d’elles decouvre sur le nid deux brins d’herbe qui se croisent et peuvent favoriser la for- mation d’une loge ou quelques petites poutres qui en dessinent les angles et les cötes, on la voit examiner les parties de cet ensemble, puis placer, avec beaucoup de suite et d’adresse, des parcelles de terre dans les vides et le long des tiges; prendre de toutes parts les materiaux ä sa convenance, quelquefois m&me sans menager l’ouvrage que d’autres ont @bauche : tant elle est dominee par lidee qu’elle a concue, et qu’elle suit sans dis- traction. Elle va, vient, retourne jusqu’ä ce que son plan soit devenu sensible pour d’autres fourmis. » *** (Ebrard, Etud. de meurs, Geneve 1864. p. 3.) « Le sol &tait monille et les travaux en pleine activite. C’etait un va-et-vient continuel de fourmis sortant de leur demeure souterraine et apportant des morceaux de terre qu'elles adaptaient aux constructions anciennes. Ne voulant pas disseminer mon attention, je la fixai vers la salle la plus vaste. Une seule fourmi y travaillait. L’ouvrage etait avance, et cependant, malgre une saillie prononceee en dedans de la partie superieure des murs, un espace de 12 ä 15 milli- metres restait ä couvrir. Ü’etait le cas, pour soutenir la terre restant ä placer, d’avoir recours, comme le font plusieurs especes de fourmis, ä des piliers, ä de petites poutres, ou bien ä des debris de feuilles seches; mais l’emploi de ces moyens n’est pas, ai-je dit, dans les habitudes des fourmis noires-cendrees. >» « Notre ouyriere, paraissant quitter un moment son ouvrage, se dirigea vers une plante de graminde peu distante, dont elle parcourut successivement plusieurs feuilles (feuilles lineaires, e’est-A-dire longues et &troites). Choisissant la plus proche, elle alla chercher de la terre mouillee qu’elle fixa ä son extremite superieure. Elle recommenca cette ope- ration jusqw’ä ce que, c&dant sous le poids, la feuille s’inclinät legerement du cöte de la salle ä couvrir. Cette inelinaison avait lieu malheureusement plutöt vers l’extremite de la feuille, laquelle menacait de se rompre. La fourmi, parant ä& ce grave inconvenient, la rongea & sa base externe, de sorte qu'elle s’abaissa dans toute sa longueur, au-dessus de la salle. Ce n’etait point assez:l’apposition n’etait pas parfaite; l’ouvriere la completa en deposant de la terre entre la base de la plante et celle de la feuille, jusqu’ä ce que le — 161 — rapprochement desire fut produit; ce resultat obtenu, elle se servit de la feuille de gra- minde en guise d’arc-boutant, pour soutenir les materiaux destines ä former une voüte. » *##* (uber 1. c. pag. 31.) « Cette fourmi (Las. niger), une des plus industrieuses, construit son nid par etages de 4 a 5 lignes de haut, dont les cloisons n’ont pas plus d’une demi-ligne d’epaisseur, et dont la matiere est d’un grain si fin que la surface des murs interieurs en parait fort unie. Ces etages ne sont point horizontaux; ils suivent la pente de la fourmiliere; de sorte que le superieur recouvre tous les autres, le suivant embrasse tous ceux qui sont au-dessous de lui, et ainsi de suite, jusquw'au rez-de-chaussee, qui eommunique avec les logements souterrains. Cependant ils ne sont pas toujours arranges avec la m&me regularite, car les fourmis ne suivent pas un plan bien fixe; il semble, au eontraire, que la nature leur ait laisse une certaine latitude ä cet egard, et qu’elles peuvent, selon les eirconstances, le modifier ä leur gre; mais quelgue bizarre que puisse paraitre leur maconnerie, on reconnait toujours quelle a ete formee par etages concentriques. » « Si l’on examine chaque etage separ&ment, on y voit des cavites travaillees avec soin, en forme de salles; des loges plus etroites et des galeries allongees qui leur servent de communication. Les voütes des places les plus spacieuses sont supportees par de petites colounes, par des murs fort minces, ou enfin par de vrais arc-boutans. Ailleurs, on voit des cases qui n’ont qu’une seule entree; il en est dont l’orifice repond ä l’etage inferieur: on peut encore y remarquer des espaces tres-larges, perces de toutes parts et formant une sorte de earrefour, ou toutes les rues aboutissent. Tel est ä peu pres l’esprit dans lequel sont construites les habitations de ces fourmis : lorsqu'on les ouvre, on trouve les cases et les places les plus etendues remplies de fourmis adultes; mais on voit toujours que leur nymphes sont r&eunies dans les loges plus ou moins rapprochees de la surface, suivant les heures et la temperature, car ü cet @gard les fourmis sont douees d’une grande sensi- bilite, et paraissent connaitre le desre de chaleur qui eonvient A leurs petits. » « La fourmiliere contient quelquefois plus de vingt etages dans sa partie superieure, et, pour le moins, autant au-dessous du sol. Combien de nuances de chaleur doit admettre une telle disposition, et quelle facilit€ les fourmis ne se procurent-elles pas par ce moyen, pour la graduer? Quand un soleil trop ardent rend leurs appartements superieurs plus chauds qu'elles ne le desirent, elles se retirent avec leurs petits dans le fond de la four- miliere. Le rez-de-chaussee devenant ä son tour inhabitable pendant les pluies, les fourmis de cette espece transportent tout ce qui’les interesse dans les etages les plus eleves, et c’est la qu’on les trouve rassemblees avee leurs nymphes et leurs aufs, lorsque les sou- terrains sont submerges. » r##* (Huber, I. c. pag. 56—41). « Chaque fourmi apportait done entre ses dents une petite pelote de terre quelle avait formee en ratissant le fond des souterrains avec le bout de ses mandibules (ce que j’aı vu souvent au grand jour) : cette petite masse de terre etant composee de parce’les reunies seulement depuis quelques instans, pouvait aisement se preter ä l’usage que les fourmis voulaient en faire; ainsi, lorqu'elles l’avaient appliquee 21 — 12 — ä l’endroit oü elle devait rester, elles la divisaient et la poussaient avec leurs dents, de maniere ä remplir les plus petites inegalites de leur muraille. Leurs antennes suivaient tous leurs mouvemens, en palpant chaque brin de terre, et quand ils etaient disposes ainsi, la fourmi les affermissait en les pressant legerement avec ses pattes anterieures: ce travail allait fort vite. » « Apres avoir trace le plan de leur maconnerie, en plagant ca et lä les fondements des piliers et des eloisons qu’elles voulaient etablir, elles leur donnaient plus de relief, en ajoutant de nouveaux materiaux au-dessus des premiers. Souvent deux petits murs, destines ä former une galerie, s’&levaient vis-A-vis un de l’autre et ä peu de distance; lorsqu’ils ötaient A la hauteur de 4 ou 5 lignes, les fourmis s’oceupaient ä& recouvrir le vide qu'ils laissaient entre eux, au moyen d’un plafond de forme eintree: cessant alors de travailler en montant, comme si elles avaient juge leurs murs assez &leves, elles placaient contre Varste interieure de l’un et de l’autre, des brins de terre mouillee, dans un sens pres- que horizontal, de maniere & former au-dessus de chaque mur un rebord qui devait, en s’elargissant, rencontrer celui du mur oppose; leur €paisseur etait ordinairement d’une demi-ligne. La largeur des galeries qui resultaient de ce travail etait le plus souvent d’un quart de pouce. » « lei plusieurs eloisons vertieales formaient l’&bauche d’une loge qui communiquait avec differents corridors par des ouvertures menagees dans la maconnerie; la c’etait une veritable salle dont les voütes etaient soutenues par de nombreux piliers; plus loin on reconnaissait le dessin d’un de ces carrefours dont j’ai parl& ci-dessus, et auquel abou- tissent plusieurs avenues. Ces places 6taient les plus spacieuses; cependant les fourmis ne paraissaient point embarrassees ä faire le pJancher qui devait les recouvrir, quoique elles eussent souvent deux pouces et plus de largeur: e’&tait dans les angles formes par la rencontre des murs, puis le long de leurs bords superieurs, qu’elles en plagaient les premiers el&ments; et de la sommite de chaque pilier s’etendait, comme d’autant de cen- tres, une couche de terre horizontale et un peu bombee, qui allait se joindre a d’autres parties de la m&me voüte, partant de differents points de la grande place publique. » « Cette foule de magonnes, arrivant de toutes parts avec la parcelle de mortier qu'- elles voulaient ajouter au bätiment; l’ordre qu'elles observaient dans leurs operations, l’accord qui regnait entre elles, l’activit€ avec laquelle elles profitaient de la pluie pour augmenter l’elevation de leur demeure, -offraient‘ l’aspect le plus interessant pour un ad- mirateur de la nature. » « Cependant, je eraignais quelquefois que leur edificee ne püt pas resister A sa propre pesanteur, et que ces plafonds, si larges, soutenus seulement par quelques piliers, ne s’ecroulassent sous le poids de l’eau qui tombait continuellement, et semblait devoir les demolir; mais je me rassurai en voyant que la terre apportee par ces insectes adherait de toutes parts au plus leger contact, et que la pluie, au lieu de diminuer la cohesion de ses partieules, semblait l’augmenter encore. Ainsi loin de nuire au bätiment par sa au — 198 — chüte, elle eontribue done ä le rendre plus solide. Ces parcelles de terre mouillee, qui ne tiennent eneore que par juxta-position, n’attendent qu’une averse qui les lie plus etroi- tement, et vernisse, pour ainsi dire, la surface du plafond qu'elles composent, ou les murs et les galeries restees ä& decouvert. Alors les inegalites de la magonnerie disparaissent; le dessus de ces etages, composes de tant de pieces rapportees, ne presente plus qu'une seule eouche de terre bien unie, et n’a besoin, pour se consolider entierement, que de la chaleur du soleil. » « Ce n’est pas qu’une pluie trop violente ne detruise quelquefois plusieurs cases, surtout lorsqu’elles sont peu voütees; mais les fourmis ne tardent pas a les relever avec une patience admirable. » « Ces differents travaux s’exeeutaient A la fois sur toutes les parties de la fourmi- liöre qu’on vient de deerire: ils se suivaient de si pres dans ses nombreux quartiers, qwelle se trouva augmentee d’un &tage complet en 7 a 8 heures. Car toutes ces voütes, jetees d’un mur ä& l’autre, etant ä& la meme distance du plan sur lequel elles s’elevaient, ne formerent qu’un seul plafond lorsquelles furent terminees, et que les bords des unes atteignirent ceux des autres. » « A peine les fourmis eurent-elles acheve cet etage qu’elles en bätirent un nouveau; mais elles n’eurent pas le temps de le finir; la pluie cessa avant que leur plafond füt entierement eonstruit. Elles travaillerent cependant encore quelques heures, en profitant de U’humidite de la terre; mais le vent du nord s’etant leve avec violence, il la dessecha trop promptement; de maniere que les fragments rapportes n’avaient plus la möme ad- herence, et se reduisaient en poudre: les fourmis voyant le peu de succes de leurs efforts, se deeouragerent enfin, et renoneerent A bätir; mais, ce dont je fus etonne, c'est qu'elles detruisirent toutes les cases, et les murs qui n’etaient pas encore recouverts, et repar- tirent les debris de ces ebauches sur le dernier etage de la fourmiliere. » Il m’est impossible de deerire d’une maniere plus interessante ou plus exacte que ne le font ces deux auteurs les procedes employes par les ouyriöres magonnes. Mes obser- vations nombreuses, mais peu suivies, sur ce sujet ne font que confirmer a peu pres en- tierement celles d’Huber, aussi je me dispense de les rapporter. Je ferai seulement remar- quer que les &tages concentriques superposes du nid des L. niger ne s’observent que rarement d’une maniere tres distinete; le plus souvent on ne voit que des vestiges de cette disposition, car il est assez rare de trouver un nid parfaitement intact et isole. Nous avons done une premiere categorie de magonnes se rattachant au type du Za- sius niger. Ce type se distingue par un certain ensemble dans le travail des ouvrieres, par une certaine regularite dans la construction qui laisse plus ou moins reconnaitre des tages concentriques superposes, et enfin par l’emploi de piliers en terre pour soutenir les voütes. Les plus grands dömes du Z. niger, ayant plus ou moins la forme reguliere typique, appuy6s quelquefois contre une grosse pierre ou contre un trone d’arbre, peu- — 14 — vent depasser 0", 3 en hauteur et 0”, 6 en diamötre de base; ces dömes sont permanents. La race L. alienus bätit de meme, mais vit plus souvent sous les pierres. Les dömes de ces deux races ont en general plusieurs ouvertures laterales. Le Z. flavus bätit des dömes aussi grands et souvent meme plus grands que le Z. niger. Son architecture est analogue ä celle du precedent, mais se rapproche un peu de celle de la FE. Jusca; ses constructions beaucoup plus massives et resistantes que celles du Z. niger laissent voir moins de piliers, et les etages y sont peu nets. Ses dömes sont permanents, sauf les petits dömes secon- daires perches sur le prineipal, petits amas de cases que cette fourmi, comme toutes les autres maconnes, bätit legerement, dans un but provisoire, et qu'elle appuie ordinaire- ment & une touffe d’herbe ou ä une tige queleconque. Les dömes de cette espece, fermes le plus souvent en temps ordinaire, sont ouverts de tout cöte par les 9 lorsqu'il pleut et lors de la sortie des @ et g. Le Z. flavus est une des plus pures fourmis magonnes; il ne bätit que tres rarement son nid d’une facon differente. L’espece L. umbratus et ses races, surtout le ZL. mixtus, font quelquefois des dömes maconnes. Leur architecture n’a rien de saillant, sinon que les galeries et les cases sont grandes et espacees; le tout est tres massif, ce qui rapproche leurs nids de ceux des Cumponotus. Elles s’etablissent volontiers dans des terrains marneux. Je vis une seule fois un nid de Z. mixtus au mi- lieu d’un pre avec un petit döme assez plat, fraichement maconne, tres leger, perce de nombreuses et larges ouvertures. Ce nid exceptionnel ressemblait exterieurement beaucoup a un nid de F. rufibarbis; ıl etait tres peuple de @ et de g. Les dömes de l’espece zum- bratus sont ordinairement completement fermes. Tous les dömes des especes du genre Lasius ont quelque chose de commun dans l’aspect. Les brins ou touffes d’herbe, les tiges de plantes n’entrent que rarement dans leurs constructions et y sont accessoires. Si le nid est dans le gazon, les tiges de gramindes traversent le döme tout droit, sans changer la disposition des etages. Vient ensuite le type Camponotus, vepresente par le (©. aethiops. Cette fourmi fait des dömes tres plats, etendus et irreguliers, d’une maconnerie extrömement compacte. Tout y est spacieux; ce sont surtout de larges galeries tortueuses qui apres quelques meandres dans le döme s’enfoncent rapidement ä une grande profondeur sous terre. Les nids du C©. sylvatieus sont parfaitement identiques & ceux du (©. aethrops, d’apres ce que jıai observe ä Vienne (Autriche). Ces deux races etant tres craintives et vivant tres ca- chees, le döme mangque souvent; il a ordinairement l’aspect d’un placard de boue humide et homogene qui a ete seche au soleil; il ne laisse apercevoir aucune ouverture & sa sur- face, sauf lorsque les ouvrieres sont occeupees ä maconner, auquel cas il ressemble a un nid de Formica fusca en formation. Le nid ne s’ouyre que par des trous lateraux caches ou par des galeries tortueuses peu profondes, s’eloignant du döme et s’ouyvrant A une distance souvent assez grande. Tres souvent plusieurs dömes eloignes de quelques pieds les uns des autres sont en communication par de pareilles galeries. D’autres fois ces dömes se touchent tous et n’en forment qu’un tres etendu et tres irregulier occupant — 15 — souvent plusieurs pieds carres de terrain. Il faut ordinairement une assez grande habi- tude pour reconnaitre que cette terre nue, compacte, ä peine bombee est le döme d’un nid de fourmis. Le Camponotus ligniperdus fait souvent des nids maconnes identiques A ceux du (C. aethiops. Peut-etre est-ce aussi quelquefois le cas du (. herculeanus et du O. pubescens. Le C. lateralis fait rarement des nids ü dömes, quoique, comme l’oethiops, il niche toujours dans la terre. Ses nids sont toujours petits; le döme, quand il y en a un, est plat, restreint et ferme&; les cases et galeries sont plus analogues A celles des F. Fusca qwä celles du ©. aethiops. Le type des Oumponotus se rapproche de celui des F. fusca par son irregularite et par le manque de piliers et d’etages distinets, mais aussi de celui des Lasius par la rarete de l’emploi de vegetaux comme soutiens de la macon- nerie. Un troisieme type, celui de la F\ fusca, est des plus repandus. Nous avons vu la description qu’en font Huber et Ebrard. Ce type se distingue par sa grande irregularite venant de ce que les ouyrieres travaillent dans une independance complete les unes des autres. Les etages ne sont pas du tout marques aussi nettement que le dit Huber; les fourmis ne construisent pas ad hoc de piliers de soutien, mais les gros trous perces en tout sens font que des pans de mur ressemblent ä des piliers. Pour la meme raison les cases et les galeries se confondent le plus souvent. Un trait distinetif de ce type est l’emploi de tous les objets qui se presentent pour rendre les eonstructions plus solides, ou bien plus Elevees ct plus spacieuses. Une touffe d’herbe servira d’&chafaudage, une coquille d’escargot vide fera une case, une feuille de plantain fera un plafond; une tige tortueuse ou un rhizome erimpant sur un bloce qui surplombe servira de centre ou d’appui a une tour qui s’elevera beaucoup au dessus du reste du döme ete. etc. Aussi n’est-ce pas la regle de trouver un pareil nid ayant vraıment un döme de forme reguliere. On voit ordinairement un döme plat, surmonte de plusieurs dömes secondaires irreguliers et grimpant autour d’un appui vegetal queleonque. De plus la base du döme n’est pas un cerele ni une ellipse, mais une eourbe irreguliere faisant des avancements dans divers sens. Les dömes secondaires dispa- raissent presque totalement en automne, et il ne reste alors que le döme fondamental tres aplati, inegal, compose de terre nue et compacte; on ne le reconnait que diffieilement alors pour un nid de fourmis. La F. fuscn construit les dömes les moins irreguliers de ce groupe avec le 7. caespitum. Ses dömes sont presque toujours fermes A la surface et ne s’ouvrent que lateralement ou par des galeries qui s’eloignent du döme. Souvent deux ou plusieurs dömes @loignes de quelques pieds les uns des autres sont en communieation souterraine. La F. rufibarbis, qui est plus souvent mineuse que maconne au contraire de la preeedente, sait aussi bätir des dömes analogues ä ceux de celle-eı. Ils sont plus irre- guliers, d'une construction moins massive, moins eleves et perces de plusieurs ouvertures soit au milieu, soit sur les cötes; les 9 y entrent et en sortent eontinuellement. Du reste les formes intermediaires entre les F\ einerea, rufibarbis et fusca font aussi des nids inter- mediaires. La A. sanguinea bätıt souvent des nids de terre pure qui ont alors tout-a-fait — 16 — l’architeeture des deux formes precedentes, mais sont toujours perees de plusieurs ouver- tures laterales tres visibles. Le P. rufescens ne travaillant pas, son nid est bäti par ses esclaves fusca ou rufibarbis, chacuns ä leur maniere; les nids de rufescens & esclaves rufi- barbis sont ouverts de tout cöte, ceux de rufescens ä esclaves fusca sont fermes sur le döme mais ont plusieurs ouvertures laterales dont quelques-unes, situees en general du mö&me ceöte du nid, sont grandes, faciles ä voir, et servent ä la sortie et ä la rentree de l’armee. Dans les petits nids il n’y a quelquefois qu’une seule de ces grandes ouvertures. C'est probablement ce qui a fait dire a Mayr que le nid du P. rufescens ne communique avec l’exterieur que par un seul trou. Le fait est que je n’ai encore vu qu’un seul nid, trös petit pour lequel cela füt vrai. Les nids de P, rufescens sont ordinairement plus grands que ceux de F. fusca ou de F\ rufibarbis seules; ils sont surtout plus etendus et ont souvent plusieurs dömes secondaires. La F. gagates fait parfois des dömes maconnes tout-A-fait analogues ä ceux de la F. fusca. Les F. pressilabris et truneicola font tres exceptionnellement des nids a döme de terre pure ä la facon des F\ fusca. La F. pratensis mö&me peut avoir temporairement un döme amalogue. Le 7. caespitum ventre dans le type fusca quoique beaucoup plus petit et d’une autre sous-famille. L’art de bätir est chez lui au fond exactement le m&me, seulement les nids se trouvent beaucoup plus finement con- struits vu la taille des artisans. Les dömes secondaires atteignent ici une dimension rela- tivement tres grande, rendue necessaire par la masse de grosses larves @ et 5 que les 9 doivent elever. Ces dömes secondaires sont un labyrinthe des plus elesants qui a tres souvent pour centre une touffe d’herbe servant d’echafaudage, ou une tige de plantain ou une autre tige analogue servant de pilier central. Mayr (Ungarn’s Ameisen, p. 19) fait la möme remarque A propos de cette fourmi. Le döme principal est toujours massif, assez plat, et ressemble ä s’y meprendre ä un döme de F. fusca lorsque les dömes secondaires ont disparu, tellement il est compacte, nu et ferme. Ces nids maconnes de T. caespitum paraissent töujours fermes, sauf lors de la sortie des 9 et des Q, et lorsque les $ bätissent; mais en realite ils sont perees ä une foule d’endroits de tres petites ouvertures, obstruees ordinairement par quelques grains de terre meuble ou de sable, et qui vomissent des files innombrables de petites ouyrieres des qu’un danger ou une proie se presente. Öette espece sait du reste bätir de diverses autres facons. Enfin le Solenopsis fugaxc qui vit ordinaire- ment d’une toute autre maniere bätit quelquefois de tres petits dömes en terre, semblables ä ceux des T. caespitum, mais toujours plats, et contenant quelques grandes cases r&unies par de longues et &troites galeries ä d’autres cases semblables situees plus loin, soit dans la terre, soit dans le nid d’une autre espece. Nous avons encore A parler des dömes temporaires dont nous avons dit quelques mots plus haut. Quelques fourmis, surtout le 7. erraticum, n’en font jamais d’autres. Le but des dömes temporaires est de procurer de la chaleur ä des larves ou ä des nymphes, et cela promptement, lorsqu’une cause passagere quelconque produit de l’ombre sur le nid. Lorsque la cause qui a necessit€ la construction du döme disparait, les fourmis l’aban- — 1617 — donnent, et il s’&croule bientöt, vu sa fragilite. Le 7. erraticum qui doit son nom ä ce qu’il ehange tres souvent de demeure, et qu'il demenage avee une rapidite etonnante toute sa famille ä des distances souvent considerables, est un des hötes les plus communs de nos prairies naturelles. Or ses @ et ses 9 Eclosent en juin, c’est-A-dire avant que les pres soient fauches. Comment se procurent-ils du soleil? Des l’apparition des premiers rayons de soleil du printemps les 9 sont en activite, plus töt que la plupart des autres fourmis; elles sortent leurs aufs des souterrains et les placent sous la eroüte superficielle du terrain, car leur nid simplement mine n’a pas de döme apparent. Lä les eufs eclosent rapidement et les larves grossissent. Mais le soleil fait aussi pousser l’herbe et les larves se trouvent bientöt a l’ombre. Alors on voit sur tous les pres s’elever en peu de jours des centaines de petits dömes en forme de tours, auxquelles les tonffes d’herbe servent d’echafaudage. (es dömes s’elevent perpendieulairement; ils sont & peu pres cylindriques; leur base a peine plus grosse qu’une piece de eing franes n’est souvent pas plus large que leur sommet. Ils atteignent ainsi une hauteur de deux ou trois pouces, rarement plus, mais cela leur suffit ordinairement pour dominer la partie la plus touffue des graminees et n’etre guere de- passes que par les tiges floriferes. Ces dömes sont composes d’une croüte exterieure tres fragile en grains de terre agglomıeres, formant un mur plus ou moins eylindrique et ver- tical dont le sommet est voüte. L’interieur est un &chafaudage de feuilles de graminees qui se tordent en cherehant ä eroitre et que les fourmis relient quelque peu entre elles par de la terre pour les fixer. Pas question de distinguer iei des salles ou des galeries, car tout le döme ne forme qu’un grand hangar. Aussi les ouvrieres se tiennent-elles toutes accrochees par leurs pattes au plafond de la voüte ou bien aux innombrables poutrages de terre et de verdure qui composent l’edifice, ou encore accrochees les unes aux autres, portant chacune une larve ou un paquet de petites larves et d’eufs agglomeres suspendu ä ses mandibules. Ce döme est toujours pere& de plusieurs trous. Sitöt que l’herbe est fauchee, ces dömes s’aplatissent; des que les @ et les J’ se sont envoles ils disparaissent a peu pres totalement. Quelquefois, lorsque l’herbe repousse, on en voit quelques-uns se reformer pour les larves et les nymphes de 9 qui doivent encore &elore, mais jamais ils n’atteignent la hauteur des premiers. La partie souterraine du nid des 7. erraticum est solide; les cases et les galeries y sont petites et &loignees les unes des autres, ce qui contraste avec l’archi- teeture du döme. Presque toutes les fourmis maconnes savent @lever des dömes pareils qui forment le plus souvent alors ce que nous avons appele ci-dessus des dömes secondaires; ce sont cependant surtout les maconnes du type de la F. fusca qui excellent dans ce genre. N leur reste souvent en automne un assez grand nombre de cocons 9 ä faire eclore; l’herbe a repousse et le soleil est tres oblique. On voit alors surtout la F\ sanguinea elever rapide- dement des dömes exactement semblables ä ceux que nous venons de deerire chez le T'. erraticum. J’en vis une fois un de trois pouces de haut @lev@ en une seule nuit par des sanguinea,; j'ötai la croüte et ne trouyai en dessous aucune trace de magonnerie, mais simplement une &paisse touffe d’herbe couverte d’ouvrieres qui portaient des nymphes. — 168 — Cette eroüte maconnee ne seryait qu’&ä concentrer la chaleur solaire. Enfin l’espece Myr- mica rubra et toutes ses races, surtout la M. /aevinodis, elevent des dömes temporaires presque identiques ä ceux du 7. erraticum, mais & parois moins verticales; cependant elles se passent le plus souvent de tout döme, sauf la M. laevinodis. Elles ne font jamais de dömes permanents*). 3, NIDS MINES Nous avons vu dejä leur architeeture, en parlant des constructions souterraines en general. Il y a deux choses ä& remarquer. C'est d’abord le fait que toutes les especes ma- connes peuvent aussi avoir des nids simplement mines, et que c’est toujours le cas pour les nids tr&s peu peuples et tr&s petits des fourmilieres commencantes. En second lien il faut savoir l’emploi que ces fourmis font de la terre qu’elles ont extraite de leurs sou- terrains et dont elles ne se servent pas pour faire un döme. Or nous trouvons que les unes l’emportent ä une certaine distance pour s’en debarrasser, tandis que d’autres la deposent a cöte des ouvertures de leur nid en parcelles seches et mobiles qu’elles se gardent bien de faire adherer entre elles, et forment ainsi un cratere dout le fond est une ouverture de leur nid. Ces erateres sont analogues aux entonnoirs des fourmilions. Ils servent de remparts aux portes du nid qui ne risquent rien alors ä rester ouvertes. Les ouvrieres les reparent soigneusement lorsque la pluie ou le vent les a endommages, et elles les entre- tiennent continuellement. Pour que ces crat&res remplissent leur but, il faut que la terre soit un peu sablonneuse. On en trouve aussi dans le sable pur. Enfin les nids mines se distinguent essentiellement suivant qu’'ils sont ouverts ou fermes, car dans ce dernier cas l’inspeetion la plus minutieuse du terrain ne laisse pas soupceonner leur existence et le hasard seul les fait decouyrir. Les nids ä cerateres sont toujours ouverts. Les fourmis qui font ordinaire- ment des erateres n’en font pas lorsque leur nid est place dans une terre forte et cohe- rente, lorsqu’il est sous une pierre, ou enfin quand il se trouve dans un endroit tres frequente par les hommes, comme une rue, une route, une cour. ; Le prineipal representant des nids ä crateres est l’Aphaenog. structor. Les erateres *) On voit dans tous les musees des nids de fourmis seulptes dans le bois, mais on n'y voit pres- que jamais de nids en terre. Cela tient a ce que ces nids sont sı fragiles qu'ils se reduisent souvent en debris avant möme qu’on ait pu les enlever. Apres avoir essay& divers moyens pour les conserver, je suis arrive & trouver que le meilleur etait de vernir le nid ou le fragment de nid qu’on veut conserver avec du silicate de potasse pur, A l’aide d'un pinceau. Le silicate a un peu de peine a adherer a la terre seche; mais si elle est humide on n’obtient pas un dureissement convenable, elle demeure friable. N suffit du reste d’un peu de patience pour arriver au but desire. Les nids aiusi vernis conservent pres- que leur couleur normale (la gomme laque les rend par contre noirätres), et deviennent tres durs au bout de quelques jours. Je suis arriv6 ainsi & dureir sur place, puis a enlever et A conserver intacts les dömes temporaires les plus fragiles du T. erraticum. es sont eleves de deux ä trois centimetres et composes de grains de sable assez gros. On voit les ouvrieres monter gravement et prudemment le talus de leur rempart mouyant pour redescendre de l’autre cöte; elles--m&mes glissent souvent en entrainant du sable, mais cela ne les decourage pas et l’on voit continuellement des 9 apporter du fond du nid de nouvelles parcelles et les deposer sur le bord de leur cratere. Chaque nid a un ou plusieurs crateres. Les nids sont ordinairement tres etendus, ont beaucoup de suceursales et forment souveut des eolonies. Nous retrouverons cette espece faisant des nids sous les pierres, dans les maisons, dans les murs. Ces nids-lä ont souvent des succursales ou des canaux annexes s’ouvrant ä quelque distance au milieu d’un eratere. La Pheidole pallidula et le T. caes- pitum font aussi tres frequemment des erateres tout-A-fait analogues ä ceux de l’A. stuctor, mais plus petits et d’un grain plus fin, surtout ceux des Pheidole. La Myrmica rubida possede aussi cet art, mais ses crateres sont moins prononees que ceux des especes prece- dentes, car son nid est presque toujours bäti dans un sable tres fin, au bord des torrents venant des Alpes. Ce sable est le limon depose des dits torrents. Les erateres que fait la M. rubida dans ce sable sont Evases, souvent effaces ou marques d’un seul cöte lorsque l’autre cöte s’appuie contre une pierre ou un vegetal. Comme rien ne s’eboule plus facile- ment que ce sable, les ouvrieres doivent constamment ereuser et deblayer, et comme les nids sont considerables et comptent toujours plusieurs erateres, il arrive tres souvent que le sable deblaye s’amoncele toujours plus entre les crateres et que le tout prend l’appa- rence d’uw döme. Mais on se tromperait grandement si l’on eroyait que ce döme a ete maconne. Ce n’est qu’un amas de sable limoneux d’oü sortent les crateres; le nid est purement mine et souterrain. J’ai vu de pareils pseudo-dömes aussi chez l’A. structor dans je midi de la France. C'est surtout lorsque du gazon croit dans le sable que ces amon- eelements entre les cerateres sont favorises. Les quatre especes que nous venons de voir savent toutes faire des demi-crateres, c’est-ä-dire des amas de sable d’un seul eöte, par exemple lorsque leur trou s’ouyre droit au pied d’un mur, ou lorsque leur nid est sous une pierre et a des trous lateraux. La plupart des autres mineuses savent aussi faire ä l’occasion un cratere, mais il est tres rare qu’elles le fassent. Toutes les fourmis que nous avons vues dans les maconnes font done aussi suivant les cas des nids mines. Nous laisserons de cöt& les nids commencants qui chez toutes les fourmis magonnes ou mineuses ne sont composes que de quelques cases et d’une galerie s’ouyraut ordinairement ä la derobee sous une feuille ou dans une touffe d’herbe. Pour tous les autres cas, nous verrons que celles des maconnes qui font des nids fermes sont aussi des mineuses ä nids fermes, et que celles des maconnes qui font des nids ouverts sont des mineuses ä nids ouverts. Ainsi la F. rufibarbis est ordinairement mineuse et son nid mine ou maconne s’ouvre par plusieurs gros trous d’oü sortent une foule d’ouvriöres. Les waconnes suivantes sont le plus souvent simplement mineuses: F\rufibarbis (nid ouvert), S. fu- gaxz (mid ferme), T. erraticum (nid & peu pres ferme). Les maconnes suivantes font rare- ment des nids purement mines: L. flavus (nid ferme), L. niger et alienus (nid demi-ouvert), 22 ug — 170 -— F. sanguinea (nid ouvert), (. aethiops, sylvaticus et ligniperdus (nid plutöt ferme). Les F. pressilabris, trumeicola et pratensis ne font jamais de nids simplement mines, sauf les nids commengants. Les especes suivantes font leur nid tantöt simplement mine, tantöt sous les pierres, Ä peu pres aussi frequemment l’un que l’autre : T. erraticum, T. ces- pitum, lespece Myrmica rubra et ses races (cette espece tient son nid demi-owvert, par de petites ouvertures peu nombreuses); puis F. cinerea, F. rufibarbis, M. rubida, A. structor, P. pallidula (ces especes ont leurs nids percees de tout cöte par des ouvertures ordinairement grandes); puis F. fusca, F. gagates, ©. lateralis, Pon. contracta, A. subter- ranea, S. fugax, M. Latreillei, Las. umbratus et ses races (ces especes tieunent leurs nids fermes; ces nids sont ordinairement tres diffieiles ä decouvrir). Enfin les especes suivantes qui font presque toujours leur nid sous les pierres le font exceptionnellement sans pierre ni döme : Bothriom. meridionalis et P. pygmaea. Le L. fuliginosus mine souvent une partie de ses appartements dans la terre avec une architecture analogue & celle du L. flavus. Seuls les nids des especes ou races suivantes meritent quelques details de plus. La F. cinerea fait son nid _dans les endroits arides et nus, dans le sable, au bord des eaux et surtout dans les faubourgs des villes. Elle mine des galeries larges et aplaties, ainsi que de grandes salles basses sous la croüte dure des trottoirs et des routes, entre les pierres, les paves, les fentes des murs, les racines d’arbres. Les jardins, tous les vegetaux sont envahis par elle. A cet effet elle forme d’immenses colonies dont les nids sont disposes A peu de distance les uns des autres sur une m&me ligne d’action, ainsi le Wong de la rive d’un fleuve, d’un torrent ou d’un lac, le long d’un des trottoirs d’une rue de faubourg. Tous ces nids sont relies par des files de fourmis et des canaux souterrains. On a ainsi des fourmilires composees de vingt, de trente, de cent nids. Elle ne craint pas de miner dans le sable mouvant tout au bord des fleuves et des torrents des Alpes, au mepris des inondations. Je connais & Zurich un assez grand jardin dont le sol est si completement mine par des galeries de F. cinerea qu’on peut presque le regarder tout entier comme un unique et vaste nid de cette fourmi. Les ouvertures y sont il est vrai disposees par groupes distants ä& peine d'un ou deux pieds les uns des autres, et qu’on pourrait & la rigueur appeler nids, mais il y a entre deux beaucoup d’ouvertures isolees et de canaux souterrains. Chose eurieuse, nous trouvons tous les intermediaires entre ces nids ouverts de partout et vomissant des torrents de fourmis guerrieres ä la moindre alerte, et les nids souterrains fermes de la pacifique F. fusca, de m&me que nous trouvons toutes les varietes intermediaires entre ces deux fourmis. Les nids souterrains des F. fusca sont deja deerits par Huber et par Ebrard ä propos des expeditions des fourmis esclavagistes, surtout du P. rufescens. C'est en effet par ce seul moyen qu’on les decouyre, comme nous le verrons lorsque nous parlerons du P. rufescens. Ces nids, souvent considerables, situes dans les prairies, sont completement souterrains; la terre que les 9 sortent du nid est emportee bien loin, la surface du nid ne se distingue en quoi que.ce soit d’un gazon naturel. Une ou deux ouvertures tres petites suffisant tout juste au passage d’une ouvriere debouchent soit dans une epaisse touffe d’herbe, soit dans un autre recoin cache. Ues ouvertures con- duisent dans une galerie longue et tortueuse qui n’arrive souvent qu’ä une assez grande distance aux cases oü est cachee la famille de nos fusca. Ebrard pense, avec raison je erois, que les F. fusca placees pres des nids de P. rufescens emploient ce procede pour eviter leurs ineursions; j’espere pouvoir prouver plus loin qu'elles y reussissent quelque- fois. Mais Ebrard va trop loin en exeluant de ce mode de bätir toutes les F. fusca qui ne sont pas ainsi menacees. Il m’est parfois arriv@ d’ouvrir par hasard d’an coup de eiseau de pareils nids souterrains dans des endroits ou iln’y avait point de P. rufescens. La Myrmeeina Latreillei fait aussi des nids mines souterrains. Comme elle est peu connue, la description d’un de ces nids que j’etudiai avee soin ne sera pas inutile. Ce nid 6tait situ A cöte d’un nid de F. rufa oü je cherchais des S. Westwoodi. Les dernieres galeries laterales des rufa le depassaient meme des deux cötes. Je le deceouvris en enlevant des tranches verticales de terre avec mon eiseau. Tout le nid etait forme d’un amas de canaux tres etroits, d’un millimetre de diametre environ, se croisant en tout sens, peu distants les uns des autres, et aboutissant ä& un petit nombre de petites cases. Ce laby- rinthe formait en tout une petite sphöre grande comme la moitie du poing, bien massee, n’envoyant aucun canal souterrain & distance. Je ne pus trouver le camtl qui conduisait & V’exterieur; le nid n’etait du reste qu’ä deux ou trois centimötres au dessous de la sur- face du sol. Une centaine de Myrmecina 3 Y'habitaient avee leurs nymphes des trois sexes, Ces nymphes &taient disposees une ä une, ä la suite les unes des autres dans les canaux dont nous avons parl& et par petits tas de trois ou quatre dans les cases. Deux 5 qui se rencontraient dans un canal devaient avoir de la peine a s’y croiser. Je pris ces Myr- mecina avec leurs nymphes et les &tablis dans ma chambre, dans une aröne de gypse; j'y mis de la terre ou elles firent un nid tout-A-fait analogue ä leur nid naturel. Cette fourmi est aussi grande cependant que le 7. caespitum, mais ses @ et ses g’ sont beaucoup plus petits, de plus elle est tres läche et tr&s craintive, ce qui peut expliquer pourquoi elle fait ses appartements tellement plus etroits. La Ponera contracta, fourmi presque aveugle, fait souvent son nid au pied des arbres, dans la terre, oü je la trouvai une fois a cöte de la M. Latreillei, de sorte qu’en ereusant la terre on les eüt eru melees. Ces nids sont encore plus souterrains que tous les autres; leur structure ne m’est pas elaire; ce qui est certain, c'est qu'ils ne sont pas en un mas compacte, mais qu'ils sont composes de canaux ramifies s’&tendant assez loin dans divers sens. Il en est de möme pour leurs nids sous les pierres. Enfin le Solenopsis fugax a des nids mines remarquables par leurs grandes cases reliees entre elles par des canaux longs, tortueux et encore plus etroits que ceux des Myrmecina. Du reste il y alä deux sortes de. canaux; les uns plus larges et plus reguliers servent ä& tous les sexes; les autres presque imperceptibles, et tres variables, ne servent qu’aux 9. Quelquefois au lien d’une grande case il y en a deux ou trois r&unies par des trous, ee qui revient A une salle ä compartiments. Ces nids sont ordinairement dans les cloisons de terre des nids d’autres fourmis, quelquefois a cöte, quelquefois isoles. un, 3. NIDS SOUS LES PIERRES Non seulement toutes les maconnes et les mineuses, mais encore d’autres fourmis qui ne savent pas travailler la terre profitent souvent du dessous des pierres pour y etablir leur demeure. Ce qwil y a de caracteristique pour tous ces nids c'est la maniere dont les fourmis arrangent le dessous de la pierre, endroit qui leur convient tout partieulierement, comme nous l’avons vu plus haut, surtout dans les lieux sees. Toutes les fourmis con- struisent lA des cases de grande superficie, mais tres basses, reunies par des galeries qui sont aussi trös larges et tres basses. Le tout est parallele ä la face inferieure de la pierre, qui sert de plafond commun; l’ensemble forme done un etage plus ou moins horizontal. Mais il s’agit que la pierre ne s’affaisse pas, et ä cet effet les fourmis laissent des murs tres epais et des mas de terre entre les cases et les galeries. Plus la pierre est lourde, plus les cases et les galeries sont basses, plus aussi les murs sont €pais, et vice versä. Comme les eol&opteres et autres insectes habitant sous les pierres, les fourmis ne nichent pas indifferemment sous toutes. Il ne les leur faut ni trop grosses ni trop petites, et sur- tout pas trop Epaisses, trop massives. Des cailloux aplatis ayant de 1 a& 16 decimetres carres de surface, quelquefois plus gros pour les grosses especes, sont ce qu’elles preferent. C'est dans cette partie de leur nid que les fourmis passent la majeure partie de la journee lorsque le soleil se montre, si peu que ce soit. Un soleil d’et par trop ardent peut seul les forcer ä se retirer pendant le gros du jour avec leur couvee dans leurs souterrains. Mais elles s’y retirent aussi des qu'il fait sombre et froid, car si les pierres se rechauffent vite, elles se refroidissent tout aussi promptement. Il faut done un souterrain, et nous le trouvons chez toutes celles de nos fourmis lapidicoles qui savent aussi miner ou maconner. Nous retrouvons dans ces nids les traces des traits caracteristigues de l’architecture des maconnes et des mineuses. Ainsi chez l’A. structor nous voyons souvent des demi-crateres au bord de la pierre; chez la F. cinerea nous trouvons de nombreux nids sous des pierres reli6s entre eux par des bandes de fourmis ou des canaux souterrains, et formant une colonie. En general chez les magonnes les bords de la pierre sont relies plus intimement aa sol, et plus ou moins enchässes au moyen de murs eleves par les ouyrieres; si le dessous de plusieurs pierres rapprochees est occupe par la m&me fourmiliere, il arrive ordinairement que tontes sont prises dans un m&me päte de maconnerie qui ressemble alors & un vrai döme (C. aethiops, F. sangwinea, C. ligniperdus, T. caespitum). Ces cas sont beaucoup plus rares chez les mineuses pures; cependant on voit souvent des nids d’A. structor et de P. pallidula sous des pierres ainsi prises dans un päte de terre maconnee et remplie de cases et de galeries. Les plus mineuses des mineuses, ainsi la P. contracta, aiment beaucoup le dessous des pierres, mais ne font jamais de maconnerie sur leurs bords; elles ont par eontre de profonds souterrains. Une variete du Z. flavus petite et d’un jaune tres clair vit souvent sous les pierres, tandis que la forme ordinaire n’aime pas ce — 193 — genre de demeure. Il nous reste encore deux categories importantes de nids sous les pierres qui sont les suivantes : 1°) Nids des fourmis qui vivent toujours ou presque toujours sous les pierres. Ce sont les P. pallidula, P. pygmea, B. meridionalis, A. subterranea et F. gagates. Les trois premieres especes recherchent les endroits en pente exposes en plein midi et sans ombre; les deux dernieres preferent les decombres et les ieux ombrages. Les endroits habites par les trois premieres sont en general tres rocailleux, le sol y est interieurement bourre de pierres, ordinairement calcaire, ce qui donne un caractere partieulier ä tous les nids de fourmis qui s’y trouvent. La P. pallidula forme le plus souvent des colonies de plusieurs nids; une seule fourmiliere oeeupe un grand nombre de pierres grosses et petites, et etend souvent ainsi son domaine sur une surface de plusieurs metres ; les dessous des diverses pierres occupees sont relies entre eux par des canaux souterrains et par des files de fourmis ä lexterieur. La P. pygmaea et le B. meridionalis vivent d’une maniere analogue, mais leurs fourmilieres moins considerables occupent rarement plus de deux ou trois pierres. Ces especes aiment beaucoup les pierres souterraines et se cachent avec toute leur couvee dans les interstices les plus &troits. Ce trait rapproche beaucoup leurs nids des nids des murs et des rochers, car les travaux de mineuses sont reduits ä fort peu de chose. Nous avons vu la P. pallidula vivre quelquefois sans pierres, dans des nids ä crateres; nous la retrouverons dans les maisons. La P. pygmea ne craint pas les petits bois de chenes exposes au midi oü elle aime les amas de feuilles seches et y trouve des vides tout faits quelle bouche ä certains endroits avec de la terre, mais elle prefere toujours qu’une pierre soit sur ces feuilles seches. La partie souterraine de son nid se reduit ordinairement a peu de chose. Je n’ai encore trouv& le rare B. meridionalis que dans des rocailles. L’A. sub- terranea vit dans les decombres et les lieux ombrages, sous les pierres. Elle choisit de preference les pierres situdes sur des detritus vegetaux; la partie souterraine de son nid est presque toujours considerable. Une fourmiliere oceupe souvent plusieurs pierres; les relations se font alors toujours par des canaux souterrains on eirculant dans les feuilles söches et les detritus vegetaux, car les ouvrieres ne se montrent guere au jour. La F. gagates merite notre attention. Latreille dit simplement quelle fait son habitation au pied des arbres. Schilling (Bemerkungen etc.) pretend quelle ne construit pas de nids, mais colle ses @ufs au trone des arbres et vient les y nourrir apres les avoir entoures de terre. Reste ä savoir si la #". capsincola de Schilling est bien la F\. gagates, et si toute l’histoire n’est pas un mythe. Mayr rapporte cette observation dans ses Form. Austriaca, mais en elevant des doutes sur son authentieite. Dans ses Zurop. Formic. ıl dit que la F\. gagates aime surtout les bois de chenes oü elle fait le plus souvent des nids de terre caches; il deerit un de ces nids dans ses Ungarn’s Ameisen. Je ne puis que confirmer cette der- niere assertion en ajoutant que presque tous les nids que j’ai trouves etaient sous des pierres ordinairement assez grandes, cachees sous des feuilles seches ou prises dans des racines d’arbres, dans les taillis de chenes les plus epais. Je ne les ai presque jamais - 14 — trouves ailleurs que dans des bois de ch@nes, mais bien de diverses especes de chenes (sur- tout Querc. cerris et pubescens), en Tessin, & Vienne, dans le midi de la France et & Fon- tainebleau. Ces nids ressemblent un peu ä ceux de (\ «ethiops,; ils sont composes de larges galeries espacees qui s’enfoneent ä une grande profondeur entre les pierres et les racines, de sorte que rien n'est diffieile comme d’y fouiller. Les ouvrieres s’enfilent en toute häte avec leurs larves ete. dans leurs galeries profondes des qu’on souleve la pierre. A Vienne (Autriche), la F\ gagates est tres commune; j’ai trouve ses fourmilieres par cen- taines sur le versant sud du Leopoldsberg. Les nids y sont moins caches et plus ouverts que dans les autres heux oü je les ai observes; j’en ai trouv@ quelques-uns qui n'etaient pas vers des ehönes; d’autres n'etaient pas surmontes de pierres et ressemblaient parfai- tement ä& des nids de F\ fusca & döme maconne. Les nids des petites varietes interme- diaires avec la F. fusca ressemblent ä ceux de cette derniere. 2°) Des fourmis qui font leur nid autrement qu’avee de la terre pure le font quelque- fois sous des pierres. Nous avons ici d’abord le groupe des F' pratensis, sanguinea, Irun- cicola et pressilabris qui font, la premiere tres rarement, et les trois autres tres frequemment leur nid de cette maniere, surtout la #. sanguwinea et la F. truncicola. Les bords de la pierre sont alors ordinairement garnis des materiaux ordinaires de ces fourmis, quelquefois meme la pierre en est ä demi couverte, mais souvent aussi le nid est purement mine dans la terre, sous la pierre, et ne presente pas trace de döme en materiaux; c’est tres souvent le cas chez la F. sangwinea. Puis vient le CO. pubescens qui fait tres rarement son nid sous les pierres ä la facon du (©. ligniperdus. Mayr (Ungarn’s Ameisen) pretend au contraire que c'est le mode ordinaire de bätir de cette espece; c'est peut-etre vrai pour la Hongrie, mais abso- lument pas pour la Suisse (ni pour la France ou Lespes l’a aussi presque toujours trouvee dans le bois); je puis affirmer ce fait avec certitude, ayant observ& des centaines de ces fourmiliöres dans les localites les plus diverses. Puis vient tout un groupe de fourmis qui font dans la regle leur nid sous l’Ecorce des arbres, dans les maisons, ou dans les murs et qui exceptionnellement s’etablissent sous des pierres. Elles y gardent alors leur habitus que nous verrons plus loin, se menagent de grands espaces vides sous les pierres plutöt quwelles n’y font des cases ou des galeries, et ne creusent que peu ou pas de souterrains. (e sont les Lasius emarginatus et brumneus, les Leptothorax acervorum et tuberum ainsi que leurs races sauf les L. Nylanderi, corticalis et affinis, enfin le Oremastogaster scutellaris. Les nids doubles sont surtout frequents sous les pierres, et nulle part on ne peut mieux les observer. En soulevant une pierre on voit par exemple la surface qu’elle recou- vrait divisee assez nettement en trois parties oceupees chacune par une espece de fourmi totalement differente. On voit ainsi un tiers tout noir de 7. erraticum, V’autre jaune de S. fugax, le troisieme gris de 5. meridionalis; rien n’est plus dröle que le combat qui suit l’enlevement du toit commun, et la häte avec laquelle chaque espece emporte sa couvee dans les souterrains. Je repete encore ici que si l’on regarde attentivement on pourra toujours suivre le mur mitoyen qui separait completement les trois fourmilieres l’une de l’autre. — 195 — Dans les hauts paturages des Alpes, au-dessus de la region des sapins, on ne trouve que peu d’espöces de fourmis; mais les fourmilieres en sont nombreuses. Toutes y vivent sous les pierres, comme les autres insectes. Les bords de la pierre n’y sont presque ja- mais recouverts de maconnerie; par contre la partie souterraine du nid est je crois assez considerable, I est du reste tres diffieile de la demolir, vu la durete du terrain ; sous lui se trouve le roc dans les fentes duquel les fourmis se faufilent. Ainsi vivent entre 1500 et 2000 mötres les F\ fusca; M. suleinodis, lobicornis (v. alpine) et ruginodis; L. acer- vorum (v. alpine) et tuberum i. spec. Il est ü remarquer qu’on ne trouve jamais le ZL. acer- vorum sous les pierres dans la plaine. Dans les Alpes il montre une tendance toute parti- euliere & mimer sous les m&mes pierres que les Myrmica, formant ainsi des nids doubles (Haute-Engadine). - B. Nids sculptes dans le bois. On a souvent pretendu que les fourmis n’attaquaient que les trones pourris ou tout au plus les arbres malades. Cette assertion me parait reposer sur une observation super- ficielle. Certaines formes, preeisöment celles du groupe qui nous occupe et celle du groupe suivant, abandonnent au eontraire le plus souvent les trones qui se pourrissent. D’apres une opinion eneore assez repandue (defendue recemment p. ex. par M. Chevrier dans le bulletin de la soeiete suisse d’entomologie. Vol. III. n® 7, p. 332), aueun des insectes consideres par les forestiers et autres gens comp6tents comme nuisibles ne s’attaque a des plantes saines, mais tous se contentent de vegetaux d s@we alteree, renfermant un prin- cipe morbide. Cette opinion est due & une idee reconnue de nos jours comme entierement fausse, idee qui fait de la maladie un prineipe partieulier, etranger & l’organisme; nous savons au eontraire que la maladie est une simple modification des organes et de leurs fonetions. D’apres la maniere de voir que nous venons d’indiquer, les insectes seraient en quelque sorte un effet de la maladie. M. Chevrier accorde m&me sa protection aux pucerons et aux gallinseetes; il cherche ä& les rendre innocents du mal qu'ils font aux plantes; e’est dommage qu'il ne parle pas des chenilles et des hannetons pour les absou- dre aussi. Je ne veux pas discuter ici les faits ni les arguments eites a l’appui de cette theorie, mais il est evident qu’on tomberait dans l’absurde si on voulait la pousser con- söequemment jusquwau bout, car chaque entomologiste sait qu'il n’existe guere d’arbre au monde, si sain soit-il, qui ne reeele pas quelque insecte occupe A ronger ou ä piquer ses feuilles, ses fleurs, son &corce, son bois ou ses raeines. Mais il est tout aussi faux d’ac- euser les inseetes, et surtout un inseete en partieulier, de tout le mal; le elimat, la eul- ture, la temperature, l’exposition, l’äge, les aceidents, les blessures et une foule d’autres eireonstances qui agissent d’une maniere debilitante sur un vegetal diminuent sa force de resistance et le rendent plus accessible en general aux attaques des insectes. Elles peuvent meme favoriser ces attaques d’une maniere plus direete (ainsi une plaie faite & l’eeorce). Ici comme ailleurs il faut done rester dans de justes limites, et observer avant Pe — a — de deeider. Enfin n’oublions pas que dans le trone d’un arbre le fiber seul est vivant, que Ja couche subereuse de l’ecorce, le bois et l’aubier sont des tissus morts, ou peu s’en faut, qui ne peuvent reparer eux-mömes les pertes qu’on leur fait subir. D’apres mes observations, la plupart des fourmis du groupe qui nous occupe, ainsi que celle du groupe suivant, s’attaquent parfois les arbres de l’apparence la plus saine et la plus robuste; leur vegetation ne parait point en souffrir. Cela ne veut pas dire que ces memes especes ne sachent pas utiliser aussi des trones d’arbres morts quand ils ont encore de la consistance, ce qui est l’important pour elles, car ce quelles cherchent dans le bois, c’est un abri et non un aliment. Nous avons deux sortes de nids sculptes & dis- tinguer, savoir: 1. NIDS SCULPTES DANS LE BOIS PROPREMENT DIT Ces nids sont le pendant des nids mines dans la terre, seulement la charpente etant d’une matiere plus resistante, les fourmis peuvent lui donner plus d’elegance en dimi- nuant l’epaisseur des murs et des colonnes. Les representants typiques de cet art sont quatre formes du genre Oumponotus, les C. ligniperdus, hereuleanus, pubescens, marginatus. Les ©. hereuleanus et ligniperdus font soit dans des arbres sains oü ils trouvent vers le pied un defaut d’ecorce, soit dans les trones coupes qui ne sont (au moins en partie) pas encore pourris, soit dans les racines encore solides, soit enfin dans les poutres des mai- sons, dans les planches, les ponts de bois ete. des labyrinthes qui ne le cedent souvent guere A ceux des Z. fuliginosus (voir plus bas) pour l’elegance, et qui ont toujours l’avantage d’etre beaucoup plus solides, car ici l’on ne trouve jamais de carton ligneux. Les plus fines parois qui sont & peine plus €paisses qu’une carte ("/, millimetre) laissent toujours reconnaitre les fibres ligneuses dans leur ordre naturel lorsqu’on en observe de fines tranches sous le miceroscope, aussi ont-elles une resistauce, une @lastieite qui man- que eompletement au carton des fuliginosus. Ces fourmis n’observent ordinairement aueun ordre dans la disposition de leur nid; elles la font varier suivant les circonstances. Le bois est tellement perfore en tout sens qu’on ne peut ordinairement distinguer les cases des galeries dans la partie centrale; mais on remarque en general que les vides laisses ont une forme allongee dans le sens des fibres du bois et comprimee dans l’autre sens. De cette maniere les parois existent surtout aussi dans le sens des fibres et les colonnes dans le sens qui leur est perpendieulaire. Cette disposition donne beaucoup plus de soli- dite a l’edifice, tout en donnant moins de peine aux fourmis. Une couche de bois de plus d’un centimetre d’epaisseur est toujours laissee A l’exterieur pour proteger le tout et n'est pereee que de quelques trous pour les communications avec le dehors. Je n’ai jamais vu l’ecorce d’un arbre vivant attaquee par ces fourmis. Ö’est surtout le C. herculeanus qwi vit dans les arbres, dans les forets, tandis que le ligniperdus, plus ami du soleil, habite plus souvent les trones coupes dans les clairieres, les poutres, planches ete. Il est tres 37 — 17 — rare que ces especes forment des eolonies, et celles-ci sont toujours tres restreintes. Pres- que toujours un seul nid suffit ä une fourmiliere. Le bois mine eonserve sa couleur na- turelle; & peine le voit-on quelquefois un peu enfume chez le ©. lögniperdus. Lorsqu’un aceident met ä decouvert une partie du nid, les fourmis en abandonnent la portion avancee et bouchent les galeries ouvertes avec de la seiure et des debris divers. Le (Ü. pubescens differe en quelques points des precedents. Ses galeries et ses cases sont plus marquees parce qu’il laisse plus d’epaisseur aux parois. Il n’attaque ordinairement qu’'un bois tres dur et tres sec. Partout il montre une affection particuliere pour les ponts de bois, les poutres isolees, en general pour le bois desseche et durei au soleil. Il craint les bois touffus, !’ombre en general, et recherche les lieux arides et exposes au midi. A Sierre on le trouve surtout dans les trones coupes, mais aussi dans les pieds vivants du Pinus montama oü ses nids sont d’une solidite a toute epreuve. Un de ces trones, coupe A six deeimötres au-dessus du sol, etait encore recouvert d’une &corce morte de deux ä trois centimetres d’epaisseur, extremement dure et adherant solidement au bois; cette &corce etait percde exterieurement d’un ou deux gros trous d’ou sortaient des (. pubescens. J’en enlevai non sans peine quelques morceaux dont la face interne se montra percee d’une foule de trous de 5 & 15 millimetres de diametre, et distants de 1 Ye ä& 10 centimetres les uns des autres; ä chacun d’eux correspondait un trou analogue & la surface de l’au- bier. La couche moyenne de l’ecorce etait entierement sillonnee de galeries et de cases larges et aplaties, contournees en tout sens et contenant des larves. En Tessin les grands ehätaigners ont presque toujours des defauts d’&corce souvent considerables. On y trouve souvent des nids de (©. pubescens etablis de la meme maniere que dans les pins de Sierre. J'ignore s’ils sculptent aussi la couche subereuse morte de l’&corce vivante. Le C. margi- natus (fallae Nyl.) vit en petites fourmilieres et est tres peureux. Roger dit aussi quil est tres timide, et ajoute qu’on le trouve partout en Allemagne sur les vieux chenes. Je n’en ai decouvert que quatre nids. Le premier se trouvait pres de Zurich & l’extremite d’une des branches mortes d’un gros chene, branche elevee de 10! mötres au dessus du sol. L’arbre etait abattu depuis peu et je pus l’etudier A mon aise. La branche morte avait ä peine eing ou six centimetres de diametre; le bois mort en etait deja de consis- tance un peu liegeuse. L’extremite cassee ne montrait pas de trou; mais deux ouvertures ovales se trouvaient sur le pourtour lateral, pres du bout de la branche. Deux galeries, partant de ces trous, se rejoignaient ä 4°" de profondeur; de lä une galerie centrale, sinueuse, parcourait le centre de la branche jusqu’ä un decimetre de profondeur; la elle se terminait par trois ampoules en forme de cases n’ayant pas plus de 2°” carres de sur- face. Sur son parcours, cette galerie envoyait ä peine trois ou quatre courtes galeries laterales qui se terminaient aussi chacune par une case; les cases et les galeries &taient un peu aplaties dans un m&me sens, e’est-äA-dire que leur coupe transversale &tait en ge- neral elliptique. C’etait lä le nid tout entier de nos fourmis, nid peupl& de 150 9 envi- ron et de larves. Un second nid de meme taille et tout semblablement dispose se trou- 23 a — 178 — vait ä Vaux, en entier dans la couche subereuse de l’Ecorce du trone d’un gros noyer, vers le pied. Un troisiöme nıd se trouvait aussi & Vaux dans un vieux poteau. Il venait, je pense, d’&tre fonde par les 9 qui etaient encore occupees A y apporter leurs larves et leurs compagnes; elles descendaient du haut d’un poirier ou etait evidemment leur an- cienne demeure. Je n’ouvris pas ce nid. Le quatrieme nid de (©. marginatus que je pus examiner, le plus eonsiderable, se trouvait dans le jardin de !’höpital des alienes ä Vienne, dans une maitresse branche morte de Puulonia. Cette branche avait deux decimetres de diametre. Les fourmis en sortaient d’abord par une ouverture prineipale pratiquee sur l’extremite coupee france d’une branche secondaire (morte aussi, naturellement), puis par une seconde ouverture plus petite situce dans un defaut d’ecorce de la branche principale, ä un metre environ de la premiere, et enfin par une troisieme ouverture tres petite cor- respondant au vide central (& la mo&lle) d’un tres petit rameau casse qui partait direc- tement de la grosse branche, entre les deux premieres issues. Peu de temps apres ma decouverte, l’arbre ayant &te abattu, je d&membrai la branche, ce qui me permit d’observer en meme temps le nid et la fourmiliere. Öelle-ei, composee de 3, de @, de g et de lar- ves, pouvait comprendre environ mille fourmis. Le nid etait compose: 1°) du vide central eylindrique de la maitresse branche, correspondant ä la moälle; 2°) d’etages concentriques correspondant aux couches du bois. Chacun de ces tages etait tres bas, mais tres etendu et formait plutöt une grande salle ä cent m&andres que des cases et des galeries separees. Par contre les etages communiquaient entre eux ainsi qu’avec le vide central et les ou- vertures exterienres seulement par de rares et etroits passages. Chose curieuse, le nid etait concentre dans les couches medianes du bois; les couches plus exterieures n’etaient perfordes que par les canaux de sortie dont le prineipal debouchait du reste par le vide central de la branche seeondaire eoupee. Tout ce bois mort de Paulonia qui servait d’abri aux (. marginatus &tait fort dur. Je n’ai observe le (©. sylvatieus en societe qu’ä Vienne. Lä tous ses nids 6taient en terre: minds, maconnes ou sous les pierres. Les auteurs qui l’ont observe dans le midi de la France oü il est commun l’ont trouve surtout sur le pinus maritima que nous n’avons pas en Suisse, mais ils ne disent pas oü il habite, Nylander par eontre dit positivement qu'il fait son nid sous les pierres. Done en resume les Campon. «thiops, sylvaticus et lateralis (v. noire) vivent probablement toujours dans la terre; les € ligniperdus, herculeanus et pubescens dans la terre ou dans le bois (les deux derniers trös rarement dans la terre); le (©. marginatus toujours dans le bois d’apres les observations de Roger et les miennes. I] parait que les varietes ä tete et thorax rouges du (. lateralis vivent quelquefois dans le bois; mon beau-frere, M. Bugnion, m’a rapporte de Nice des @, J et 5 d’une de ces varietes, pris dans un nid sculpte dans le trone d’un figuier. Elles sont rares en Suisse, et je n’y ai pas trouve leur nid; dans le midi de la France, j’en ai trouv& sous les pierres. L’A. quadripunctata fait ordinairement son nid A la maniere du C. marginatus, tantöt dans l’&eorce, tantöt dans le bois mort, mais l’ensemble est plus grand, tandis que les cases et les galeries sont naturellement plus — 19 — petites vu la taille des artisans. J’en ai trouve un nid seulpte dans le bois d’une branche morte de noyer; un autre dans un poteau ete. Les galeries et les cases sont separdes les unes des autres par des murs tres @pais. La Colobopsis truncata fait d’apres Nylander son nid comme les deux fourmis preeedentes. J’en ai decouvert deux dans les moignons de branches eoupees d’un poirier. Deux ou trois ouvertures extr&mement petites, rondes, fai- saient communiquer le nid avec l’exterieur. Ces portes etaient gardees chacune & l’ordi- naire par un soldat dont la tete eylindrique tronguee en devant, servait litteralement de bouchon ä l’ouverture. L’interieur des nids se composait de galeries tortueuses, plus ou moins aplaties dans un sens, et minees dans le bois ou dans l’ecoree; il y avait peu de cases. Un de ces nids &tait considerable, et occupait tout l’interieur d’un moignon de branche coupee. Le bois sculpte etait fort dur, mais sec. Les galeries quoique tr&s nom- breuses etaient separees les unes des autres par d’epaisses parois de bois. Ce nid con- tenait & peu pres 620 fourmis des quatre sexes, et ce n’etait qwavece la plus grande attention qu’on arrivait & decouvrir les deux seules petites ouvertures qui le faisaient communiquer avec l’exterieur. Ces trois dernieres especes font passage A la categorie suivante, celle des nids dans l’ecorce, ainsi que quelques Leptothora® (affinis, interruptus et umifasciatus) qui seulptent parfois leur nid dans le bois sec. Mais nous avons encore une serie d’autres fourmis qui sculptent exceptionnellement leur nid dans un bois solide. J’avoue que je ne suis pas tres au elair sur la maniere dont elles s’y prennent, et je les soupconne de profiter fort souvent des nids abandonnes par les especes precedentes et par le Lasius fuliginosus, ou des sculptures des larves de bostriches et autres col&opteres xylophages, ainsi que de celles des larves de longieornes, de charancons ete. Souvent on reconnait cette origine ä des traits caracteristiques pour le veritable artisan (sillons des bostriches, carton noir du L. fuliginosus), mais d’autres fois cela n’est plus possible. Meme certains de ces nids montrent dans leur architeeture une analogie frappante avec celle des nids en terre de la fourmi qui les habite (F. fusca, L. niger), de sorte qu'il est difficile de refuser eompletement ä cette derniere l’art de seulpter le bois, surtout quand il est un peu ramolli. Bref, tous ces nids, sauf ceux du (. scutellaris, ne se trou- vent que dans les vieux troncs morts et sont le plus souvent combines avec de la terre, de la sciure ete. Nous ne voulons parler ici que de ceux qui sont entierement sculptes dans le bois solide de ces trones. Les F\ fusca, L. niger, M. levinodis et M. ruginodis savent tres probablement sculpter eux-m&mes. Les nids du Z. niger sont en general dis- poses en etages superposes soutenus par d’epaisses colonnes ; tout y est un peu ä angle droit, les plafonds comme les murs, ce qui les distingue des autres. (eux des A. fusca tiennent le milieu entre les precedents et ceux du (. pubescens, tant pour la taille que pour la disposition. Ceux des Myrmica ressemblent a ceux des Z. niger, mais ils sont plus petits et les formes des vides y sont plus arrondies. Dans les cases et galeries de ces quatre especes, tous les vides inutiles sont bouches avec des detritus et de la vermoulure. Les F. sangwinea, truncicola, pratensis et rufa ont souvent leur nid en tout ou en partie — 802 = sculpte dans le bois des vieux trones, surtout les deux premieres formes. Il est probable que ce sont souvent les anciens nids des especes precedentes abandonnes, ou conquis par les quatre formes sus-nommees. Cependant j’ai trouv& plusieurs troncs d’arbres ensevelis sous les materiaux de ces fourmis, et seulptes evidemment par elles. Les (©. scutellaris sculptent aussi des nids considerables dans les arbres et dans les trones coupes. Je n’ai jamais pu examiner leur ouvrage, mais je les ai vu entrer par des trous de l’ecorce dans le trone dechire d’un gros chätaigner en Tessin. M. Bugnion a vu un de leurs nids sculp- tes & Nice, dans un olivier, et m’en a rapporte les 5. M. Mayr pretend que cette espece fait toujours son nid dans les murs ou sous les pierres et ne fait que courir sur les ar- bres. Par contre M. Emery ä& Naples n’a vu leurs construcetions que dans les trones d’ar- bres. En Tessin j’ai observe egalement les deux sortes de nids. 3, NIDS SCULPTES DANS L’ECORCE Je n’ai jamais vu de nids de fourmis entre l’ecorce et l’aubier d’un arbre vivant (excepte dans ses branches mortes); c’est du reste ä peu pres une impossibilite. Il en est autrement du dessous de l’ecorce & demi detachee des trones pourris. Nous avons done ä distinguer deux sortes de nids d’ecorce, savoir les nids sculptes dans la couche subereuse d’une &corce saine, et les nids &tablis sous l’Ecorce des vieux troncs ou des arbres morts. Les premiers doivent seuls nous occuper ici & proprement parler. Dans beaucoup d’arbres, mais surtout dans les pins, les noyers, les chönes, la partie subereuse de l’ecorce atteint une grande Epaisseur. Diverses fourmis en profitent pour s’y etablir en y minant des cases et des galeries larges et basses; l’epiderme de l’ecorce sert de plafond, les portes sont menagees dans les anfractuosites naturelles de l’ecorce. Le genre Leptothorax fait prineipalement ses nids de cette maniere. Ses fourmilieres sont pauvres en individus et ceux-ci sont petits. Tout le nid se compose en general d’une ou d’un tres petit nombre de grandes cases basses r&unies sur un petit espace; il n’a que peu de courtes galeries. Les Z. corticalis, acervorum (dans la plaine), Nylanderi et affinis vivent presque toujours de cette manidre autant que jai puen juger; l’affinis sculpte cependant aussi son nid dans le bois mort. Les Z. tuberum in spec., unifasciatus et interruptus vivent soit dans l’&corce, soit dans le bois mort, soit sous les pierres ou dans la mousse; ıl en est de m&öme, je crois, du Z. muscorum. Le L. acervorum affectionne particulierement l’ecorce des pins, le L. affinis celle des noyers et des ch@nes; les autres vivent ä peu pres sur tous les arbres inditferemment. Le Temnothorax recedens sait aussi faire son nid de cette maniere, d’apres les observations de M. Emery. Le C. marginatus et surtout 1’. quadripunetata font aussi parfois leur nid & la mode des Leptothorax, mais avec quelques variantes comme nous l’avons vu plus haut. Le Zasius brunneus fait son nıd dans l’ecorce des noyers et d’autres arbres; il en profite pour @lever des pucerons dans ses cases. Mais ses nids sont tres considerables et oceupent toute la eirconference de gros arbres jusqu’a une — .131 — grande hauteur. Ils sont composes d’un nombre considerable de cases, et d’encore plus de galeries sinueuses allant dans toutes les directions sans aueun ordre. Les ouvrieres bouchent les vides inutiles avec les detritus de l’&corce, et se servent m&eme de ces detritus pour faire des galeries exterieures couvertes, extremement fragiles, ressemblant aux maconneries en terre; je ne sais si elles emploient le suc d’une de leurs glandes ä cet effet; le fait est que leur tete est relativement grosse. Les nids du Z. brumneus se ramifient le plus souvent dans les parties mortes des arbres, sous l’ecorce et dans le bois, ainsi que dans la terre, ce qui fait qu’ils ne rentrent pas strietement dans la categorie dont nous nous occupons. On les trouve parfois aussi entierement sculptes dans le bois mort. Cette fourmi sait du reste faire son nid encore autrement comme nous le verrons, mais c'est l’exception. Le L. emarginatus bätit tres rarement des nids analogues & ceux du ZL. brumneus; jen ai vu un ou deux dans l’ecorce de grands chätaigners. Le seul nid de la forme intermediaire L. nigro-emarginatus que j’aie trouve etait ainsi construit dans l’eeorce d’un pommier, et avait beaucoup de galeries exterieures couvertes en detritus d’ecorce. Les especes suivantes : F\ fusca et einerea, F. sangwinea, T. caespitum, L. niger et alienus, et parfois aussi le L. brumneus s’etablissent souvent sous l’ecorce ä demi pourrie des vieux trones, entre elle et l’aubier. LA les detritus leur servent ä se faire des cases et des galeries larges et basses; elles y melent aussi de la terre et d’autres materiaux; le nid se continue ordinairement dans la terre ou dans le bois, de sorte qu'il rentre dans les nids composes que nous verrons plus bas. C. Nids en carton, ligneux ou autre. Les nids du Lasius fuliginosus representent seuls ce groupe. Nous savons par Meinert que cette fourmi a un developpement tout partieulier des glandes mandibulaires et meta- thoraciques. Meinert affirme le premier que le bois qui forme ses labyrinthes n’est pas du bois naturel mine ou sculpte, mais un carton compose de parcelles ligneuses agglo- merees au moyen d’une substance seeretee par les glandes dont nous venons de parler. Mais il ne dit pas comment il s’en est assure, et puisque d’autre part Huber, sans se poser preeisement cette question, laisse positivement entendre quil considere ces parois ligneuses comme les restes du bois naturel seulpte par les fourmis, il &tait permis d’avoir des doutes. De plus Mayr (Ungarn’s Asneisen) dit que les nids de L. fuliginosus sont ereuses dans le bois pourri, et dans des cas tr&s rares bätis avee de petites pierres et des debris organiques colles solidement ensemble. Je suis entre tout r&ecemment en possession d’un fragment d’un de ces derniers nids tout-ä-fait exceptionnels qui jettent une grande lumiere sur l’art de bätir des L. fuliginosus; j’en parlerai plus bas. Tous les autres nids que j’ai examines etaient composes d’un carton ligneux extr&mement homogene, souvent comme finement veloute, *) compose de parcelles mieroscopiques assez &gales entre elles *) Ce veloute tient & une sorte de villosit&E dont chaque poil est compos& d’un chapelet de cellules — 12 — en grosseur, et ne paraissant jamais renfermer de matieres etrangeres au bois (ä part la substance agglutinante). L’opinion de Meinert me paraissait devoir &tre la bonne, car l’aspeet d’un de ces morceaux de nid qui etait blane par exception me frappait par son analogie avec le carton ligneux des frelons (Vespa crabro). Ni l’eau chaude, ni l’eau froide, ni l’acide chlorhydrique, ni la potasse caustique, ni l’alcool, ni le chloroforme ne purent desagreger ce carton, quoique je l’eusse laisse sejourner pendant plusieurs heures dans ces divers liquides. Cependant l’eau, chaude ou froide, le ramollit en le rendant flexible, d’une eonsistance un peu gelatineuse. Quelques coupes faites avee un rasoir & un endroit oü ces constructions venaient s’adapter & une lame de bois naturel me montrerent de la facon la plus claire sous le mieroscope que Meinert avait raison. La ligne de demarcation entre le bois naturel et le carton des fuliginosus &tait aussi nette que possible. D’un eöte l’on voyait la mosaique des coupes transversales circulaires des fibres du bois (Fig. 33. b.) offrant sa regularıte habituelle, ou bien leur coupe longitudinale non moins reguliere (Fig. 31 et 32, b); de l’autre un tissus compaete formıe de dehris ligneux tres fins agglo- meres sans aucun ordre (Fig. 31, 32 et 33, c.), les uns coupes transversalement, les autres longitudinalement, se croisant en tout sens, et pris tous ensenible dans une masse jau- nätre plus ou moins homogene, laissant reconnaitre des parties plus foncees. (es dernieres etaient beaucoup plus abondantes dans le carton de couleur noire. Les debris häches etaient beaucoup plus petits que la coupe transversale d’une seule fihre elementaire du bois. Peut- ötre cela vient-il de ce qu’une des paires de grosses glandes des L. fuliginosus, la meta- thoracique p. ex., secrete un liquide qui ramollit le bois et permet aux 5 de le travailler comme de la terre, tandis que le suc des glandes mandibulaires servirait a en faire ensuite un earton solide? Ce ne sont que des suppositions; le fait qu’on ne trouve pas de longues fibres dans ce detritus vient ä leur appui, mais les experiences directes faites par Huber et aussi par moi pour voir travailler des 2. fuliginosus ont entierement echoue;, ils se refusent ä travailler le bois, la sciure et tout ce qu’on leur donne en captivite. Est-ce peut-&tre parce qu’ils ne peuvent travailler que du bois deja vermoulu? Des faits impor- tants parlent contre cette opinion qui parait &tre celle de Mayr*), sinon celle de Meinert. C'est tout d’abord l’homogeneite du carton, Vegalite des parcelles qui le constituent. On se demande ensuite oü les fourmis trouveraient assez de vermoulure homogene pour faire leurs immenses labyrinthes. Le fait que dans ce carton sont prises un plus ou moins grand noınbre de fines lamelles longitudinales droites ou courbes de bois naturel, lesquelles sont souvent fort diffieiles & distinguer du carton lui-m&öme, ne prouve pas grand’chose. Enfin voici une experience qui n'est guere encourageante : & noyau tantöt arrondies, tantöt allongees; c'est evidemment quelque champignon (Fig. 32, Vu Les parties non veloutees sont finement raboteuses, ce qui vient probablement de l’impression des mandi- bules des fourmis. £ *) Cet auteur n’a du reste fait aucune experience a ce sujet. — 183 — Le 15 mai, je mis dans un bocal un grand nombre de L. fuliginosus 9 avee leurs larves et leurs cocons. Je leur donnai : 1°) un morceau de bois €pais et tres dur, mais perc& de part en part par les bostryches; 2°) une lame de sapin coupee en rectangle; 3°) un morceau de ehene; 4°) Quelques parcelles de leur carton ligneux. J’eus soin de me rappeler la forme de ces divers materiaux, et j’y ajoutai : 5°) une grande quantite de seiure et de vermoulure de bois dans laquelle disparut tout le reste. Ces fourmis se mirent bientöt ä miner la sciure. Elles y firent des cases et des galeries, mais tout-a-fait a la maniere des autres fourmis; les murs &taient tr&s &pais et s’eboulaient avee une grande faeilit&; les partieules de sciure n’etaient lies entre elles que par !’humidite et par un peu de moisissure. Je resolus de m’armer de patience pour voir si le temps produirait du changement. Mes fourmis &taient nourries de miel et d’insectes; elles mangeaient beaucoup de miel. Je fermai d’abord le bocal avec de la mousseline. Les fuliginosus l’ayant percee et s’etant mis & demenager, j’y substituai une Epaisse couche de ouate qui finit aussi par ötre percde gräce A la patience des 9; celles-ei l’arrachaient en effet brin ä brin, et faisaient tomber les fils ’un apres l’autre dans le bocal. Je mis alors une lame de bois de sapin en guise de couverele, et je la fixai en la couvrant d’un morceau de toile attache au bocal par un &lastie. Des lors les 3 n’essayerent plus m&me de sortir. Ne pouvaient- elles done pas percer le bois? Elles dechirörent par contre du papier humeete que je leur donnai, et en firent entrer les parcelles dans leur bätisse. Mais celle-ci demeurait toujours ä la fois massive et sans solidite, soit sans eiment, comme l’auraient faite des Zasius niger. Le 11 juillet seulement (au bout de plus de deux mois), je me decidai a demolir ces con- struetions qui s’&boulerent aussitöt, et au milieu desquelles je retrouvai la lame de sapin, le morceau de ch&ne, le bois perc& des bostryches, et meme les parcelles de leur ancien carton dans le möme e&tat que lorsque je les y avais mis; ces objets n’avaient absolument pas et& entames, et aucune partieule de vermoulure n’y avait &t& ajoutee; les fourmis n’avaient absolument point fait de carton. Je fis encore d’autres experiences en donnant simplement du bois aux L. fuliginosus. C'est ä peine si au bout de trois semaines elles paraissaient avoir grignotte quelques atomes de bois et les avoir adaptes a l’eEponge que je leur avais donnee. Le resultat peut etre considere comme nul. Ces resultats peuvent s’expliguer de deux manieres : ou bien le carton ne se forme que petit & petit en un temps tr&s long, les fourmis diminuant peu ä peu l’Epaisseur des parois de leurs constructions en vermoulure ä mesure qu’elles se solidifient (mais pourquoi se solidifieraient-elles?); ou bien il manquait & mes L. fuliginosus eleves en captivite soit quelque aliment partieulier servant ä produire dans leurs glandes la matiere collante sans laquelle le carton ne peut se faire, soit simplement la volonte ou le courage de faire ce carton. Ü’est cette seconde opinion qui me parait la plus vraisemblable. Mais ainsi la question demeure en suspens. Ce qui est certain, c’est que sans un ramollissement naturel ou artificiel du bois, ces fourmis ne peuvent le percer comme le tont les Cumponotus ; OT Fe — 14 — leurs mandibules sont beaucoup trop faibles pour cela. Peut-&tre se servent-elles aussi de vermoulure preexistante. Quoi qu'il en soit, nous sommes forees de nous en tenir ä l’inspection purement objective du nid. « Qu’on se represente, dit Huber (l. e. p, 53), l’interieur d’un arbre « entierement sculpte, des tages sans nombre, plus ou moins horizontaux, dont les plan- « chers et les plafonds, ä cing ou six lignes de distance les uns des autres, sont aussi « minces qu’une carte ä jouer, supportes tantöt par des eloisons verticales qui forment « une infinite de cases, tantöt par une multitude de petites colonnes assez legöres qui « laissent voir entre elles la profondeur d’un &etage presque entier; le tout d’un bois noir- « ätre et enfume, et l’on aura une idee assez juste des cites de ces fourmis. » Huber dessine en outre Pl. 1, fig. 3 et 4, deux morceaux d’un pareil nid; la fig. 3 rappelle mal- heureusement plutöt les nids du (€. ligniperdus. Les cloisons verticales ont d’apres Huber une disposition concentrique qui correspond ä celle des couches ligneuses. Il est inutile de vouloir deerire d’une maniere plus exacte la disposition de ces labyrinthes, d’autant plus quwils sont dejäa deerits par une foule d’auteurs et qu’on en voit des morceaux dans beaucoup de musees. Voici seulement ce que j’ai aajouter. La fragilite de ces constructions minces par- fois comme du papier est telle qu’elles doivent &tre recouvertes d’une enveloppe solide qui les protege de tout cöte. C'est l’arbre, c’est-äA-dire ce qui en est reste intact, soit l’Ecorce, le liber et les eouches externes de l’aubier, qui fait cet office, et c’est pour cela que la majorite des nids de cette espece sont bätis dans des arbres vivants et paraissant sains. Ceux qui sont bätis dans des trones coupes et morts n’ont pas une longue vie, et finissent par se deteriorer tellement que les fourmis doivent les abandonner. Il en advient de m&me lorsqu’on coupe un arbre habite par notre fourmi, aussi trouve-t-on souvent dans de vieux trones servant de demeure ä d’autres fourmis ou ä d’autres insectes les derniers vestiges seulement de ce qui fut un palais de Z. fuliginosus. Si la vegetation de l’arbre n’est pas alteree, il n’en est pas de m&me de sa solidite, ce qui se comprend de soi; l’arbre ne perd pas impunement la majeure partie de son bois et de son aubier, aussi voit-on tres-souvent ces arbres tomber lors des orages avec une facilite ineoncevable pour ceux qui n’en con- naissent pas la cause. J’eus ainsi la satisfaetion de voir la predietion que j’avais faite de la chute d’un enorme bouleau, metropole d’une grande colonie de ZL. fuliginosus, se realiser un an apres par un fort vent. Ce bouleau ne presentait auenn defaut naturel de l’ecorce, aucune branche morte; son trone paraissait d’une integrite parfaite ä l’exterieur; seule- ment vers la base, on aperceyait en regardant attentivement quelques petites ouvertures arrondies cachees dans les anfractuosites de l’Ecorce et pretant passage aux fourmis. Non seulement le trone, mais les racines de l’arbre sont ainsi travaillees et le labyrinthe y est encore plus fin que dans le tronc, comme le montre Huber. Le carton est ordinairement de couleur noirätre, comme du noir de fumee; il en est de m&me du bois naturel servant de paroi, mais le mieroscope montre souvent sur celui-ci une couche de carton travaille. J’ai cependant vu une exception remarquable ä ce phenomene; c’etait un nid construit dans ee le trone d’un grand sapin, pres de Zurich; le nid entier etait d’un jaunätre tr&s clair, et l’on distinguait deja ä l’oeil nu la difference entre le bois naturel et le carton ligneux. Cela se voyait surtout bien sur une fine lamelle verticale de bois naturel, laissee telle quelle au milieu du labyrinthe, et contre laquelle les tages horizontaux venaient s’appuyer. Je n’ai jamais vu de couleur intermediaire entre le noir de fumde ordinaire et ce cas partieulier; je ne puis m’expliquer ce fait. Tous les auteurs ne parlent que du bois noir. Je crois comme Huber que les Z. fuliginosus attaquent indifferemment tous les grands arbres. J’ai vu leurs nids dans des chenes, saules, bouleaux, noyers, chätaigners, pommiers, pins et sapins. De plus ils s’etablissent quelquefois dans les maisons et dans les murs. Dans les maisons ce sont les poutres et les planchers qui leur servent & installer leurs labyrinthes. Pour s’introduire dans un arbre, les Z. fuliginosus recherchent un defaut de V’ecorce dont ils font ensuite leur grande porte d’entree. Un arbre sans un seul defaut d’ecorce a moins de chances d’etre atteint. Mais il me parait probable que les Z. fuligi- nosus savent aussi cereuser & travers l’Ecorce: et le liber des trous ronds qui mettent leur nid en communication avec l’exterieur; cependant ils n’en percent que le moins possible, comme s’ils savaient que la prosperite de l’arbre depend de l’integrite de l’ecorce et est liee ä& celle de leur nid. Enfin les fourmilieres de cette espece sont les plus riches en individus de toutes celles de nos contrees, aussi forment-elles le plus souvent des colonies dans les bois dont chaque arbre devient un nid ou une succursale des fuliginosus. L’arbre le plus gros et le plus vieux sert ordinairement de metropole; des chaines de fourmis relient ce gros arbre aux autres, et ceux-ci entre eux. J’ai compte ainsi 10 arbres rap- proches occupes tous par la m&me fourmiliere, Plusieurs de ces arbres secondaires n’ont pas de defaut d’ecorce, mais seulement des trous perces semble-t-il ad hoc par les L. fu- higinosus. Outre cela il y a des arbres environnants oü les fuliginosus grimpent pour chercher des pucerons, mais sans faire de nid dans leur trone; il n’est pas toujours fa- cile de s’assurer des l’abord si un arbre n’est habite qu'exterieurement oü s’il l’est aussi en dedans; mais on y arrive sans peine par une observation un peu suivie. Les jeunes arbres ne sont presque jamais attaques & l’interieur. Tout recemment M. le D’ Marcel ä Lausanne a decouvert dans les carrieres de Villars au dessous de cette ville un nid tres remarquable habite et construit par des Lasius fu- liginosus. M. Marcel a eu l’obligeance d’en recueillir une partie A mon intention et d’ob- server avec soin le hieu oü il se trouvait ainsi que la maniere dont il etait construit, ce dont je lui temoigne ici toute ma reconnaissance. Un mur au bord duquel ceroissaient des buissons d’aubepine etait en demolition; le terrain sablonneux du pied de ce mur avait ete enleve en partie au niveau des racines de l’aubepine qui etaient & decouvert. C’etait lä, en dessous du niveau du sol, que se trouvait le nid en question & demi detruit et attenant encore au mur ainsi qu’aux racines de l’aubepine. Ce nid etait un labyrinthe dont l’aspect &tait presque identique ä celui des nids ordinaires de Z. fuliginosus dans le bois; ses cloisons &taient tout aussi minces. Sa couleur &tait aussi noirätre, mais avec 24 \) po a a — 16 — une teinte un peu plus grise, et la surface des eloisons etait recouverte aussi en grande partie de la m&öme eouche veloutee de fines villosites que nous avons deerite. Vues au mieroscope, ces villosites presentaient les m&mes chapelets de cellules (Fig. 32, V) pour- vues d’un noyau distinet. Mais toutes les cloisons du nid etaient en outre inerustees de nombreux points blances qui n’etaient autres que divers petits grains de sable blanes ou gris (eristaux de quartz entre autres) dont quelques-uns etaient roules. Plusieurs cailloux de plus grande dimension etaient aussi pris dans les parois du nid. De plus la consistance de ce nid &tait plus cassante, moins @lastique que celle des nids construits dans le bois, sans &tre moins solide du reste. Sa densite paraissait aussi plus considerable. M. Marcel fut frappe lui-m&me des l’abord du fait tres important que le nid etait entierement sou- terrain, et que par consequent les fourmis devaient avoir mine avant de construire, ou tout au moins-en construisant. Il soumit aussi des morceaux du nid ä la caleination au moyen du chalumeau; au commencement il s’echappa quelques vapeurs empyreumatiques, puis plus rien; les fragments eonserverent leur forme et diminuerent ä peine de volume, mais ils prirent une couleur rouge de brique, et devinrent plus friables. Done la majeure partie de la matiere des parois du nid est inorganique, et de nature terreuse. Je refis cette experience avec le me&me resultat, et pour comparer je traitai aussi par le chalu- meau des fragments de nids ordinaires de L. fuliginosus en carton ligneux. Ils furent en quelques instants reduits en fumde, ne laissant qu'un faible residu de cendres blanches comme le premier morceau de bois venu. La difference est done aussi tranchee que pos- sible. Les fragments du nid de M. Marcel ne peuvent pas plus etre desagreges par l’al- cool, le chloroforme, les acides, les alcalis et l’eau froide ou chaude que ceux des nids ordinaires. Comme ces derniers, et presque plus qu’eux, ils deviennent cependant mous, flexibles, un peu gelatineux dans l’eau. Done la substance evidemment organique qui relie les parcelles terreuses et les petites pierres dont ils sont composes est insoluble dans les divers reactifs indiques, mais prend dans l’eau une consistance gelatineuse. Au microscope les parois de ce nid laissent voir la m&me substance jaunätre ou brunätre que nous avons dejä vue dans les nids ordinaires en carton ligneux. Cette substance parait done bien &tre le eiment qui lie si bien entre elles les parcelles tantöt organiques (bois), tantöt inorga- niques dont se composent les cloisons du nid, eiment qui ne peut guere &tre autre chose que la seeretion d’une des glandes de la fourmi. Les constructions du nid de M. le D" Marcel venaient se coller au mur et aux raci- nes dures, fortes et presque absolument intactes de l!’aubepine. Ces racines dont M. Marcel a eu la bonte de me donner un grand &chantillon auquel adherent encore quelques par- ties du nid &etaient A peine un peu rongees ä& la surface de leur &corce. Mayr (Ungarn’s Ameisen) deerit, avons-nous vu, un nid änalogue sinon identique, mais sans entrer dans aueun detail. C'est le seul cas deerit ä moi connu. Si ces nids exceptionnels aident ä comprendre la structure des autres, ils ne peuvent malheureusement pas expliquer la maniere dont les ZL. fuliginosus s’y prennent pour bätir. Cette question ne pourra &tre resolue que par l’observation directe. SI SE Le L. fuliginosus sait du reste se creuser de simples galeries, de simples cases sou- terraines au pied de ses arbres, et m&me des succursales, toutes minees dans la terre ä la facon des autres fourmis mineuses, sans eiment special, souvent ä une certaine distance du nid prineipal. Il sait aussi employer la seiure de bois pour boucher des ouvertures qui le genent au lieu de les murer avec son carton ligneux. Il sait en un mot maconner et travailler la sciure de bois, dans son etat naturel, sans se servir de la substance col- lante dont il fait son carton. Il a enfin un trait commun avec les autres especes du genre Lasius, c'est une certaine symetrie, une certaine routine dans son architecture. D. Nids & architecture composie. Öe sont des nids oü l’architeeture maconne et mineuse est combinee avec celle du bois, ou toutes deux avec d’autres materiaux dont nous allons parler. Nous en avons deux categories principales: 1. NIDS MINES DANS LA TERRE ET SURMONTES D’UN DOME EN MATERIAUX DIVERS Ts constituent les dömes les plus considerables bätis par les fourmis d’Europe. Ces dömes (acervi) sont connus de tout le monde; tous les auteurs en parlent, et chacun veut y decouyrir quelque chose de nouyeau. Ü’est encore Huber qui les a le mieux deerits, mais il omet ceux des . exsecta, pressilubris et truncicola. Nylander qui deerit le pre- mier ces trois formes caracterise leur nid d’une maniere insuffisante et souvent fautive (Synopsis des f. de F.). Nous devons y distinguer trois types desquels derivent les autres formes: 1°) Type rufa. 2°) Type exsecta. 3%) Type sanguinea. La F. rufa vit dans les bois, dans les lieux ombrages en general, et y fait des nids reguliers, ä base ordinairement eireulaire, qui atteignent jusqu’ä un metre d’elevation au dessus du sol et encore plus en profondeur au dessous. Le diametre de leur base sur le sol peut atteindre deux metres. Les dömes typiques presentent assez bien la forıne regu- liere d’un cöne ä sommet arrondi; lorsque les materiaux sont petits (aiguilles de sapins), le döme s’eboulant facilement prend plutöt la forme d’un hyperboloide. Les nids ä base elliptique ont l’air formes de deux nids adjacents soudes en un seul dont le sommet se trouve alors &tre en arete arrondie. Souvent le döme est assez aplati. Ce döme repose sur une base en terre maconnee affeetant la forme d’un grand cratere dont le talus ex- terieur est la continuation de la surface du döme. Le döme lui-meme est compose de materiaux des plus varies, differant suivant ce que les fourmis trouvent ä leur portee. Les uns sont en forme de poutres; ce sont des bouts de tiges de gramindes, des ramilles seches, des &pines, des aiguilles de Coniferes, des pedoneules de feuilles söches, ete., etc. D’autres sont de forme arrondie, plus ou moins spherique; ce sont des graines un peu grosses, de petits fruits secs, de petites pierres, les coquilles de petits mollusques ete. Le — 18 — type de la F\ rufa n’emploie presque pas de materiaux mous et plats, soit de debris de feuilles seches, ou du moins ils ne jouent dans son nid qu’'un röle secondaire; c’est un premier fait important. Les poutres y jouent par eontre un grand röle et sont de taille considerable; j’en ai mesure qui avaient 13° de long sur 1Ye"" de diametre (tige de graminde), et d’autres qui comptaient 5° de long sur 3'/,”" de diametre (petit rameau coupe); on en trouve de plus grands encore, et une seule 5 peut les trainer. Les fourmis apportent constamment de ces materiaux sur leur döme, disposent les poutres en les en- tre-eroisant, et bouchent les interstices avee les materiaux arrondis. Nous avons donc ä l’exterieur le döme forme d’une eouche compacte de ces materiaux, et reposant sur une zone de terre maconnee. Si nous enlevons cette couche, nous decouvrons un labyrinthe des plus eompliques dont une moitie est sous la eroüte du döme, au dessus du niveau du sol, et dont l’autre moitie (inferieure) repose dans le cratere forme par la base en terre, et s’etend le plus souvent en dessous du niveau du sol; ces deux moities ne forment qwun tout unique dont le centre est ordinairement au niveau du sol ou un peu en dessus. On y reeonnait les mömes materiaux qu’ä la surface du nid, mais ils sont tous colles entre eux assez solidement par de la terre et forment ainsi la charpente de l’edifice; les poutres servent partout de colonnes et de poutres horizontales; leur longueur permet aux fourmis de laisser de grands vides et de donner aux parois peu d’epaisseur ou m&me de les supprimer entiörement. C’est ce qui a lieu pour le centre du labyrinthe, lequel n'est au fond qu’une grande salle ou plutöt un grand vide dont le plafond est soutenu par un echafaudage de poutres. Mais cette grande salle n’est pas nettement delimitee comme on pourrait le eroire en lisant Huber; elle se continue de tout cöte de telle maniere que les interstices situes entre les poutres se ferment peu & peu pour constituer des murs qui söparent bientöt alors des cases et des galeries distinetes. Si l’on s’avance & partir de ce centre du cöte du souterrain, les materiaux diminuent peu ä peu, la terre augmente rapidement, et l’on arrive au fond du eratere qui n’est plus qu’un simple nid mine dans la terre et compose d’une multitude de cases et de galeries disposees plus ou moins par tages et separdes par d’&paisses cloisons, architecture que nous connaissons dejä. Si nous partons du centre dans la direction du döme, nous voyons par contre toujours moins de terre laquelle est en grains plus mobiles; les vides diminuent, deviennent plats et irre- ouliers, se perdant dans les interstices des materiaux qui sont de moins en moins soli- dement unis mais de plus en plus entasses. Enfin la croüte superficielle n’a plus de cases, mais est seulement perede de trous eylindriques qui servent d’entree aux fourmis. Tel est l’edifice; comment les fourmis le font-elles? Huber l’a trouve en l’observant ä travers du verre et le fait eomprendre en remontant ä l’origine des nids. Ils ne sont d’abord qu’une cavit6 ereusdce dans la terre, ou plus souvent preexistante, telle qu’un trou de grillon, ou surtout un nid de Zasius flavus ou niger. D’un eöte les rufa amassent sur la surface du nid tous les materiaux qu’elles trouvent aux environs, mais sans chercher ä en bätir des cases, se menageant seulement des trous pour entrer dans le souterrain; de l’autre elles | Ir. re Rei N — 18977 minent activement le fond du souterrain et apportent la terre ä la surface, la melant autant que possible aux materiaux. D’une part la pression des nouveaux materiaux ap- portes, de l’autre la pluie suivie de soleil, serrent et solidifient cette masse informe; la pluie delaie la terre et la fait adherer aux materiaux tout en l’entrainant vers le bas, tandis que les materiaux eux-memes, enchevötres, formant une masse e@lastique et resis- tante, ne bougent guere de place. Aussi la partie inferieure de cette couche superficielle a-t-elle toujours plus de terre et est-elle toujours plus tassee que sa partie superieure. Ö'est dans cette partie inferieure de la croüte superficielle que les fourmis minent petit ä petit leur labyrinthe en ötant la terre et les petits materiaux pour y faire d’abord des cases et des galeries, et en ne laissant finalement que les poutres unies entre elles par un peu de terre pour soutenir le döme, ce qui forme le grand vide central. Elles deposent de nouveau sur la surface du nid tout ce qu'elles enlövent ainsi. A mesure que le döme s’eleve de cette maniere et s’etend dans tous les sens, la pression qu'il exerce sur l’echa- faudage qui est sous lui d’un cöte, et le minage continuel que pratiquent les fourmis dans les fondements de l’autre, occasionnent un affaissement graduel et insensible du tout, affaissement qui se fait naturellement sentir surtout au milien. C’est pourquoi le laby- rinthe arrive a se trouver en partie au dessous du niveau du sol. Il y arrive tout seul; les fourmis n’y portent pas une seule poutre elles-m&mes. La base, ou cratere en terre qui s’eleve aussi a mesure que le döme s’eleve, vient avant tout de ce que les fourmis concentrent toujours leurs materiaux vers le sommet du döme, et de ce que ceux-ci ne glissent presque jamais vu leur dimension, puis de ce que la periferie du nid etant beau- coup moins minde que son centre par les 9, le döme ne s’y affaisse pas avec le laby- rinthe comme au centre. Comme ce pourtour est cependant perc& de trous ol les mineuses apportent de la terre sortie du fond du souterrain, il s’eleve peu ä peu, et les 9 y bä- tissent aussi des galeries. Les nids des races de l’espece F. rufa sont ouverts de toute part par de nombreux trous, car ces fourmis sortent beaucoup, plus que toutes les autres fourmis de notre pays, du moins par les jours chauds. Nous verrons au sujet de leurs mours comment elles ouvrent et ferment leurs portes. Notons encore la perseverance et la force qu’elles deploient en transportant au milieu du gazon, veritable for&t vierge pour elles, les poutres qui leur servent de materiaux et qui s’acerochent & ehaque obstaele. Deux ou plusieurs 5 s’aident souvent mutuellement dans ce travail; il leur faut d’ordinaire un certain temps pour s’entendre; l’une tire dans un sens et l’autre dans l’autre, ou bien elles tirent toutes deux du möme cöte, mais une tige d’herbe placde entre deux retient la poutre et l’effort de l’une paralyse celui de l’autre; elles finissent cependant toujours au bout d’un instant par comprendre leur erreur et par allier utilement leurs efforts. (es traits sont deerits partout; je ne m’&tendrai pas davantage sur leur compte. Un fait qu’on n'a pas releve ä ce que je crois merite cependant de l’ötre. Les materiaux du döme et du labyrinthe forment une masse @lastique et resistante qui n’est pas enlevde par les pluies ni aplatie, qui ne peut pas se fondre comme les dömes simplement maconnes le —- 1% — font en automne et en hiver. Huber a deja montre comme quoi ces materiaux empechent presque entierement l’interieur du nid d’ötre mouille par les fortes pluies, lorsque les fourmis ont ferme leurs portes. Mais comme ces insectes travaillent continuellement ä augmenter leur nid, il s’en suit souvent qu'il eroit beaucoup plus vite que la fourmiliere ; les habitants ont une maison trop grande; d’un autre cöte la partie la plus ancienne de l’edifice, soit la partie profonde et laterale du labyrinthe, finit par se putrefier en partie; les larves de eetoines, les cloportes, une foule d’inseetes viennent s’y etablir, y trouvant leur nourriture, et y deposent leurs excerements. Tout cela repugne aux fourmis qui se coneentrent toujours plus au sommet ou sur quelque point lateral de leur nid, ce qui rend leur communication avec les souterrains mins (qui leur sont indispensables en hiver) toujours plus diffieile. Le nid s’elevant ainsi toujours davantage finit par &tre perche sur une base qui ne lui appartient plus et qui ne contient que des hötes incommodes. Ce sort final de beaucoup des nids de F. rufa i. sp., mais aussi de beaucoup de ceux de F. pratensis et des grands nids de F. ewsecta, fait que la fourmiliere finit ordinairement par s’en degoüter, et en recommence un autre ailleurs. Un m&me nid peut cependant durer plusieurs annees sans en arriver lä; plus le terrain oü il se trouve est humide et rempli de matiöres vegetales, plus il arrive vite & sa fin de cette fagon. Tout ce que nous venons de decrire est naturellement loin d’e&tre absolu et varie enorm&ment suivant les cas particuliers. Tantöt la eroüte du döme est plus Epaisse, le labyrinthe plus demarque et la partie minde plus grande, tantöt le tout est plus homogene et la eroüte a peine distinete du labyrinthe. Souvent les materiaux ronds l’emportent en nombre sur les pou- tres, et alors tout l’edifice est beaueoup plus meuble, moins solide. C'est aussi le cas dans les nids des for&ts de sapins oü les aiguilles seches de ces arbres servent de poutres: comme elles sont tres courtes, le döme est moins solide et prend un aspect partieulier. Le döme est quelquefois &leve, presque aussi large au sommet qu’ä la base (grandes pou- tres), ou au contraire presque eönique (aiguilles de sapin); d’autres fois il est bas (ma- teriaux ronds), et a une large base et un sommet aplati. Souvent tout l’edifice est adosse ä un arbre, ä une pierre; d’autres fois un trone d’arbre lui sert de centre. Dans les nids eneore nouveaux, la base cerateriforme en terre peut manquer completement. Souvent les fourmis bätissent leurs nids au milieu d’un tas de fewlles söches ou d’une branche seche tombee ä terre; ces objets aident alors ä former la charpente qui recoit d’eux un cachet partieulier. Remarquons surtout que les plus grands nids ne sont souvent pas plus peu- ples que ceux de moyennne dimension, car ces grands nids sont ordinairement ceux d’an- cienne date, et, comme ils ont subi les inconvenients indiques plus haut, ils ne sont qu’en partie habites et souvent pres d’ötre abandonnes. Les fourmilieres de F. rufa compren- nent souvent plusieurs nids, rarement (du moins d’apres mes observations) plus de trois ou quatre, et forment ainsi de petites colonies. Von Hagens (B. E. Z. 1868, p. 265) distingue deux especes de F. rufa, la premiere ayant des poils abondants sur le thorax et le devant de l’abdomen, la seconde n’en ayant pas. D’apres lui la premiere doit avoir — 191 — un nid partieulier oü elle demenage tons les automnes pour y passer l’hiver, tandis qu'elle ventre au printemps dans le premier; la seconde n’a qu’un seul nid pour toute l’annee. Je n’ai jamais fait d’observations semblables; Huber et Ebrard n’ont rien vu de pareil non plus. Il est vrai que la F. rufa i. sp. ne se trouvant pas & proximite de l’endroit ou j’habite, je n’ai jamais pu l’observer d’une maniere bien suivie; chez la F\. pratensis je m’ai jamais rien vu de pareil non plus. Je ne doute pas de l’exactitude de l’obser- vation preeitee, mais il se pourrait bien que ce ne füt qu’un fait exceptionnel comme on en voit tant chez les fourmis; cela me parait m&me tr&es probable, d’autant plus que loin de faire deux especes de la #. rufa, je trouve des intermediaires entre elle et la F. pratensis. La F. ewsecta, notre second type, a au fond les m&mes prineipes d’architeeture que la F. rufa, aussi n’y reviendrons-nous pas. Les points qui l’en distinguent sont les sui- vants. D’abord elle emploie des materiaux beaucoup plus fins. Les aiguilles de sapin sont ses plus grandes poutres, et encore trie-t-elle les plus petites. Ensuite les materiaux mous, soit plats, tels que les debris de feuilles seches, soit filiformes, tels que les feuilles de gramindes dessöchees les plus tenues jouent chez elle un röle tres important; ils font meme la vraie partie constituante de ses dömes. Elle y mele un peu moins de terre que la F. rufa. Bref, la consistanee du döme est beaucoup plus fine et beaucoup plus homo- gene. Aussi ses dömes qui atteignent parfois une taille egale ä ceux de la F. rufa, sont- ils encore plus reguliers; ce sont de tous les dömes des fourmis ceux qui ressemblent le plus souvent A la forme ideale du paraboloide. Mais ces dömes varient beaucoup d’aspect, car leur base n’est pas toujours un cerele, mais souvent une ellipse plus ou moins allongee, ce qui vient peut-etre d’une tendance ä former deux nids separes. Souvent aussi un des eötes est plus abrupt que les autres, et l’oppose en pente plus douce; cela constitue une deviation notable de la forme typique. La plupart des nids ont une base erateriforme en terre, mais plus petite, plus basse que celle des F. rufa, et cette base manque tr&s souvent aux nids petits ou moyens. Tl est assez rare que ces nids soient adosses A un arbre; par contre un vieux trone pourri leur sert quelquefois de noyeau. Les petits dömes des nids naissants sont souvent perches sur celui d’un nid de Z. flavus vole a son proprietaire. Les materiaux de la F. exsecta meles avee de la terre ou avec des detritus vegetaux, de Uhumus, forment une masse &lastique, ayant l’aspect d’une tourbe tres legere, tres friable et tr&s peu comprimee. Cette masse sert A former un labyrinthe analogue ä celui des F. rufa. Mais comme les poutres sont ici trop petites et trop rares pour servir de soutien, l’on ne voit jamais le grand vide central, la grande salle qui existe dans les nids de F. rufa, sauf lorsque notre fourmi bätit dans le gazon oü une touffe d’herbe peut lui servir d’echa- faudage. Tout le labyrinthe est done compos& de cases et de galeries plus ou moins dis- posees en tages ä la facon du ZL. niger, et separdes par d’epaisses cloisons; au centre qui est le plus peuple, les cloisons sont plus minces. Le souterrain est comme chez la F. rufa. La eroüte du döme est tres meuble et n’est ordinairement percee d’aucun trou; — 12 — ceux-ci sont tous pratiques dans le pourtour de la base. Iei, comme chez les F\ rufa, les vieux nids sont les plus gros, ont une base plus haute, et le bas de leur labyrinthe (sa partie souterraine) est putrefi& et infeste de larves de Öetoines ete. Aussi ces vieux nids sont-ils bientöt abandonnes, comme ceux des F. rufa. Ils ont de plus la particularite d’ötre beaucoup plus solides que les nouveaux qui se demolissent avec une facilite inouie. La F. exsecta mine probablement son nid pour l’ordinaire & la facon des F. rufa dans la eroüte du döme formee par les materiaux apportes, mais elle sait aussi & l’oecasion edifier des cases et des galeries & la mode des F\ sanguwinea, surtout lorsqu’elle a un appui naturel ä sa disposition, ainsi une touffe d’herbe, une tige, une branche seche. A cet effet elle apporte comme la F. fusca des grains de terre pris au fond du nid, mais elle m&le des materiaux ä sa maconnerie, de sorte qu’elle arrive ä faire un Echafaudage ä peu pres stable sans que la terre employee soit bien mouillee, aussi se passe-t-elle le plus souvent de la pluie pour son travail. Ces nids sont ordinairement dans les bois, et font le plus souvent partie de colonies quelquefois immenses comme nous le verrons ailleurs. La dimension de ces nids varie enormement; les nouveaux nids, les nids petits ou moyens, sont relative- ment les plus peuples. Dans un ou deux vieux nids, j’ai vu clairement l’effet de la pression du döme sur les parties profondes du labyrinthe qui &taient aplaties en couches se laissant separer facilement dans le sens horizontal et pas dans le sens vertical, de m&me que les roches schisteuses. > J’ai peut-&tre tort de prendre pour mon troisieme type les nids de la F. sanguinea qui sait employer ä son gr& tous les modes d’architeeture. Ce mode de bätir est cependant eelui qui lui est le plus familier. Huber le deerit comme un intermediaire entre l’art des maconnes et celni des F\ rufa. La F. sangwinea emploie plutöt des materiaux de la nature de ceux de la F. exsecta, soit des materiaux mous, mais elle y joint volontiers des mate- riaux arrondis; elle emploie done des morceaux de feuilles, de petites pierres, des debris ligneux de forme courte et &paisse; jamais elle ne se sert de poutres allongees comme la F. rufa, mais ses materiaux sont plus grossiers que ceux de la F. exsecta. Ces materiaux ne sont point deposes simplement sur le nid, ou ne le sont que temporairement et en petit nombre, car la F. sanguwinea est au fond une magonne. Des qu'il pleut ou des que la terre est humide, nos fourmis commencent ä apporter des grains de terre du fond de leur souterrain, et ä Edifier des cases ä la facon des F. fusca leurs esclaves qui les aident dans ce travail. Mais les sanguinea entremälent leur ouyrage des materiaux preeites, les- quels servent ainsi direectement ä soutenir leur magonnerie, et non ä faire une croüte qui sera plus tard minde, comme chez les F\ rufa et exsecta (nous avons vu cette derniere agir cependant quelquefois comme la F. sanguinea). La difference n’est cependant pas si absolue qu’elle parait au premier abord. En effet, comme chez toutes les maconnes la pression diminue peu ä peu la grandeur des cases et des galeries, les fourmis sont obligees, lors- qu’elles bätissent de nouveaux etages, de prendre aussi de la terre dans les cloisons devenues trop Epaisses, afin de parer ä cet inconvenient. De lä ä extraire la terre de la — 19 — couche superfieielle du nid devemue trop €paisse, il n’y a qu’un pas; les F\ fusca le font quelquefois et les F. sanguinea encore plus souvent, surtout lorsqu'elles ont accumule beaueoup de materiaux sur leur döme par un temps sec, et que la pluie survient ensuite; c’est alors qu’on les voit &lever de nouveaux etages en quelques heures; mais, tout en minant la eroüte de leur döme, elles edifient en dessus, ce que ne font jamais les F\ rufa. Les F. sanguinea savent dans cet ouvrage se servir ä merveille des touffes d’herbe, des pierres, des trones d’arbre, des buissons ete. comme appui, comme soutien de leurs Echaf- faudages. Elles donnent ainsi A leurs dömes qui sont toujours beaucoup moins @leves que ceux des types pr&eedents toutes les formes possibles, les plus irregulieres. On peut distin- guer ordinairement dans leur nid une base en terre magonnee pure, mais il est rare quelle soit erateriforme, et elle revet plutöt le caractere de döme primaire permanent par rapport aux constructions que nous venons de voir, et qui jouent le röle de dömes secondaires, souvent temporaires ou disparaissant en automne. J’ai vu de ces dömes maconnes et meles de materiaux &tre &leves en trös peu de temps & une assez grande hauteur autour de touffes d’herbe. Ils sont alors aussi larges au sommet qu’ä la base, et identiques aux dömes purement maconnes eleves par la m&me F. sanguwinea et le T. erraticum; nous en avons parle plus haut. Le döme primaire est souvent revetu de plusieurs de ces dömes secon- daires etroits et @leves. Mais la F\ sangwinea fait aussi quelquefois dans les bois des dömes ressemblant a ceux de la F\ exsecta, quoique plus irr&guliers, plus plats et ä materiaux plus grossiers. Ses nids sont presque toujours fermes sur le döme et ouverts seulement lateralement. Elle fait souvent des colonies, mais jamais de plus de deux ou trois nids dont elle n’habite ordinairement qu’un seul. Elle emigre fregquemment d’un nid ä l’autre pendant le courant de l’ete, et en bätit de nouveaux, ou plus souvent en vole aux F. fusca, L. flavus ete. pour abandonner les anciens. Le nid le plus profondement mine, soit le plus ancien, est celui qu’elle prefere d’ordinaire pour l’hiver, et c'est lä qu’on la retrouve au printemps. Lorsqu'elle niche sous les pierres, elle elöve souvent des macon- neries melees de materiaux, assez haut sur les bords de la pierre, et m&me par dessus. La dimension de ses dömes varie peu; elle ne depasse guere pour les plus gros la taille des plus grands nids de F\ fusca et rufibarbis ou de P. rufescens, e’est-A-dire environ six deeimetres de diametre de base sur dix a quinze centimetres de hauteur. Du reste la forme varie tellement qu’on ne peut rien preciser; il est bien rare que la base soit reguliere (eireulaire ou elliptique). I nous reste & etudier les nids de trois races, lesquels se rattachent aux types que nous venons de voir. La F. pratensis, race de la F\. rufa, fait son nid dans les pres, le long des haies, sur la lisere des bois. Les materiaux de meme calibre ou encore plus gros que ceux de la F. rufa i. sp. sont surtout des parties de tiges de gramindes. Ses nids sont plus petits que ceux de la F. rufa, mais pas toujours plus plats comme le dit Mayr. La base crateri- forme en terre en est ordinairement plus grande, et le döme plus petit. Ces nids ne 25 — 194 — reposant que rarement sur de la terre vegetale, s’elevent et se putrefient moins sou- vent et plus lentement que ceux des F\. rufa. J’en connais un qui prospere depuis plus de dix ans ä la möme place. Les nids plats que Mayr dit former la regle sont ceux dont la base crateriforme est tres &levee et le döme tres petit. Ce dernier peut en effet &tre tellement reduit qu'il ne depasse plus le niveau de l’arete du ceratere, et se trouve &tre completement horizontal; le nid a alors la forme d’un eöne tronque n’ayant de materiaux que sur sa base superieure. Mais m&me ces nids ont un labyrinthe de poutres liees par de la terre et ayant un vide central, comme ceux des ra, seulement il est en entier compris dans la base cerateriforme en terre qui va jusqu’au sommet du nid. Ces nids se trouvent surtout dans les pres et sur la lisiere des bois; ce sont je crois le plus souvent d’aneiens nids de Z. flavus. I ya tous les intermediaires entre ces Edifices en cönes tron- ques et des nids identiques ä ceux de la F\ rufa; il n’y a aueune difference absolue entre les demeures de ces deux races, d’autant plus que l’on trouve souvent des fourmilieres intermediaires entre elles deux (F. rufo-pratensis). En somme les nids de F\ pratensis sont moins typiques que ceux de F. rufa, varient plus de forme et de dimension; ils sont souvent tres petits, mais relativement plus peuples que ceux de la forme typique. Enfin la F\ pratensis fait aussi souvent si ce n’est plus des eolonies que la F. rufa, et les fait volontiers plus considerables, comprenant jusqu’ä sept ou huit nids. Les F. praiensis ouvrent leur nid comme les F. rufa. Les nids de la F. trumcicola forment, comme ses maurs et ses caracteres zoologiques, un intermediaire entre ceux des F. sanguwinea et ceux des F. pratensis; mais tandis que par les derniers elle se rapproche beaucoup plus de la F. pratensis, elle ressemble surtout a la F. sanguinea par la forme de ses nids. Certains d’entre eux ressemblent aussi & de petits nids de rufa ou d’exsecta. Elle sait maconner comme la F. sanguinea, mais elle sait aussi employer des poutres allongees comme la F. pratensis. Elle sait faire des dömes secondaires sur un döme prineipal, s’etablir sous des pierres qu'elle entoure ensuite et couyre möme & moitie de materiaux meles de maconnerie, comme la F. sangwinea,; mais elle sait aussi, dans les bois, &lever un döme unique se rapprochant de l’'hyperboloide ou du paraboloide, mais moins haut et ä base plus large que celui des F. rufa. Bref, il est inutile de se perdre dans les nombreuses formes de nids intermediaires que presente cette fourmi. Remarquons seulement ses traits caracteristiques. Elle affeetionne plus qu’aueune autre forme les trones d’arbres (ce qui lui a vala son nom) et les grandes pierres pour en faire le centre, le point d’appui de son nid; il est rare de trouver un nid qui n’ait pas un appui pareil. Le döme du nid monte en talus tout autour de l’appni et le reeouvre quelquefois entierement. Les dömes sont presque toujours tres meubles, s’eboulent avee une grande facilite. Ils sont peu ouverts au sommet, car les fourmis s’y tiennent moins rassemblees que les F\ pratensis, mais les ouvertures laterales sont grandes, et souvent ä une certaine hauteur. La F. truncicola sait mieux qu’aucune des autres fourmis de ce groupe etablir ses construetions en materiaux A peine unis par un peu de terre dans tous les en- — 195 — droits possibles; ainsi je vis & Stresa (Iles Borromees) un nid adosse au trone d’un chene rabougri, dans une haie, nid dont le döme se prolongeait par une grosse galerie bätie comme je viens de l’indiquer, rampant le long du trone du chene, et arrivant ä& environ six deeimetres au-dessus du sol sur le faite du dit tronc, ä l’endroit d’oü partaient les branches; lä etaient &tablies quelques cases. Les nids des F. trumeicola varient peu de grandeur; ils sont ordinairement conıme de gros nids de F. sanguinen, ou un peu plus grands; leur base est en general plus reguliere. Uette race forme souvent des colonies de deux ou trois nids. Enfin les nids de la F\ pressilabris sont bätis dans les pres, le long des haies, sur les collines couvertes d’arbustes rabougris, d’apres le type de ceux de la FF. ewsecta. Les materiaux en sont les mömes, et si possible encore plus petits; mais la F. pressilabris y mele une masse de terre, soit (ce qui est l’ordinaire) en grains mobiles qu’elle ne ma- conne pas, laissant a la pluie le soin de les faire adherer, soit en maconnant elle-m&me pendant la pluie et en melant & la terre des materiaux, comme le fait la F. sungwinen. Ses dömes sont beaucoup plus petits que ceux de la F. exsecta; les plus grands atteignent cependant assez souvent une hauteur de plus de trois decimetres, sur plus de six deei- metres de diametre de base; les plus petits sont moins gros que le poing. Ils sont cepen- “dant tres reguliers et sont apres ceux de la F. exsecta les nids qui se rapprochent le plus souvent de la forme typique. Mais comme ils sont ordinairement sur des pentes, leur forme s’altere en ce que le cöte d’amont (presque toujours expose au nord ou au nord-est) est eourt et abrupt, tandis que le cöte d’aval (sud ou sud-ouest) s’allonge en une pente douce. Un phenomene analogue s’observe chez les dömes maconnes des L. flavus dans les mon- tagnes (Huber, I. c. p. 319). La base crateriforme, en terre, du nid de la F. pressilabris est souvent assez haute. Cette fourmi ne craint pas d’appuyer son nid sur une grosse pierre et de recouvrir plus ou moins celle-eci de materiaux, comme le fait la F. trumcicola; mais elle n’aime pas les trones d’arbres, car elle a tres beson de soleil. Les nids de la F. pressilabris sont ouverts lateralement, jamais sur le döme; ils sont quelquefois com- poses de plusieurs petits dömes secondaires places sur un döme primaire, mais c'est rare. Cette race forme comme la F. exsecta des colonies considerables dont les nids sont tres rapproches, quelquefois si rapproches que deux ou trois nids n’ont l’air d’&tre que des dömes separes d’un m&me nid mine; ce n’est pourtant que rarement le cas. N’oublions pas que la F. pressilabris n’est qu’une race de l’exsectt et que les nombreuses formes intermediaires bätissent aussi des nids en tout point intermediaires. Nous avons ainsi termine ce qui a trait aux six formes de fourmis qui construisent prineipalement des nids ä materiaux. Mais plusieurs especes maconnes savent se servir de materiaux semblables ä l’occasion, soit A la maniere des F\ sanguinea, soit ä celle des F. rufa, soit meme ä celle du type ewsecta. Comme ce n’est jamais qu’une exception chez ces especes, nous nous bornerons ä les indiquer avec le type qu’elles imitent: Le T. cespitum bätit assez souvent des dömes qui ressemblent tellement a ceux de — 196 — la F. pressilabris que j'y ai ete trompe plus d'une fois; il le fait surtout dans les terrains durs, couverts de bruyeres. Le L. niger amasse quelquefois sur le faite de son döme une petite couche de poutres tenues (debris de graminees), ä la facon de la F. rufa; ja vula F. fusca en faire autant quelquefois. Les F. fusca, rufibarbis et cinerea, ainsi que le T. erraticum savent ä l’occasion möler ä leur maconnerie des materiaux analogues ä ceux de la F. sanguinea, et en s’y prenant de la m&me maniere; quelquefois m&eme leur nid prend la tournure de celui de la _F\ pressilabris. 2. NIDS DES VIEUX TRONCS Tandis qu’Huber ne parle presque pas de ce genre d’architeeture, Mayr, Nylander, Schenk, les auteurs des ouyrages systematiques en general, indiquent fort bien les especes qui vivent dans les trones pourris et la maniere dont elles bätissent. Les trones pourris sont, on le sait, un paradis pour les entomologistes; ils recelent les tresors les plus varies en fait de coleopteres ete. Mais les fourmis y trouvent aussi leur affaire en se nourrissant de ces hötes divers, et ne font en cela pas du tout celle des chercheurs d’in- seetes. Dans un trone pourri, il y a d’abord la charpente solide, soit ce qui reste de bois non pourri et d’ecorce adherente. Puis la mousse et les lichens qui croissent dessus, ainsi que l’ecorce ä demi detachee, choses qui pour les fourmis ont la meme valeur ä peu pres. Enfin les detritus de toute sorte qui forment une masse plus on moins humide, plus ou moins coh6rente, mais toujours molle, dans les interstices du bois reste solide, sous la mousse et la vieille &corce. Remarquons que la partie centrale du bois, celle qui entoure la moelle dans le trone et dans les grosses racines, etant la plus dure, est celle qui se pourrit le moins vite et forme le dernier squelette d’un tronc lorsque tout le reste a disparu (je possede un pareil squelette trouve au centre d’un gros nid de F. exsecta; on dirait en petit un vieux sapin mort avec ses branches dessechees). Ensuite viennent les lamelles concentriques qui separent les couches annuelles du bois et de l’aubier, et en dernier lieu les couches concentriques elles-memes qui se pourrissent les premieres. De plus l’aubier dans son ensemble se pourrit avant le bois. Lorsque des fourmis s’etablissent dans un trone pourri, l’on peut dire en these generale que les detritus leur servent de ciment, comme la terre humide aux maconnes, et que les restes d’ecorce ä demi detachee, ainsi que la mousse, leur font le möme usage que la croüte des dömes ou qu’une pierre couvrant un nid mine, tandis que le bois et l’ecorce solides servent de charpente ä& l’edifice. On comprend combien de varietes peuvent se montrer suivant que le trone est plus ou moins pourri, que les fourmis travaillent plutöt tel ou tel des elements que nous venons d’enu- merer, ou qu’elles y melent plus ou moins de terre. On concoit aussi que la structure de ces nids peut passer et passe tres frequemment par tous les intermediaires possibles ä — 197 0 — celle des nıds sceulptes dans le bois ou dans l’&corce solide des arbres sains. Toutes les fourmis que nous allons trouver ici font deja partie d’une des categories preeedentes, et chacune d’elles y deploie les particularites qui lui sont propres dans ses autres manieres de bätir. Ainsi les maconnes sont surtout habiles & se servir des detritus pour construire des cases, des galeries ouvertes (L. niger, brunneus, flavus ete.), pour faire adherer au trone les ecorces pretes ä se detacher au moyen de murs plus ou moins meles de terre (F. sanguwinea, truneicola, fusca, T. cespitum). Les Leptothorax savent surtout profiter de l’ecorce encore solidement adherente, ou du bois encore solide commengant seulement ä se pourrir au milieu des couches concentriques; ils y minent de petits nids solides pour mettre en sürete leurs petites fourmilieres. Les Camponotus utilisent surtout la charpente solide. Les Myrmica, et aussi certains Leptothorax aiment avant tout la mousse, sans mepriser les detritus ni le bois reste solide. Les fourmis suivantes sont les plus com- munes dans les trones pourris des bois et surtout des clairieres: avant tout le Las. niger qui les infeste presque tous, puis la F. fusca, la F. sangwinea, les Las. alienus (alieno-brun- neus, alieno-niger), les Myrmica levinodis et ruginodis, les Leptothorax unifasciatus et interruptus, les Camponotus ligniperdus et hereuleanus. Les fourmis suivantes s’y trouvent plutöt exceptionnellement : (. pubescens, Las. flavus, mixtus, brunneus, T. cespitum, M. rubida, M. scabrinodis, Lept. acervorum et Nylanderi. Je n’ai pas cite dans cette liste les F. cinerea, truncicola, exsecta, pressilabris, rufa et pratensis, car ces especes ne se servent des vieux troncs d’arbres que comme d’un centre, d'un noyeau, ou comme d’un appui (F. einerea et truncicola) qui soutient leur nid; chez les quatre dernieres surtout, le trone est presque toujours entierement cache dans le nid. Cependant ces especes, surtout les F. trumeicola et cinerea savent profiter des interstices des couches concentriques du bois pour en faire. des loges spacieuses. Elles savent m&me sculpter le bois a l’occasion, lors- qu'il est un peu ramolli; on reconnait leur ouvrage ä la grandeur et a la disposition des cases. Les nids de la F. sangwinea tiennent le milieu entre les derniers mentionnes et ceux de la F. fusca; cette espece est surtout habile a profiter de l’e&corce a demi detachee pour jouir sous elle avec ses larves de la chaleur du soleil. Le Las. niger et la F. fusca que nous avons vus aussi parıni les fourmis sculpteuses sont les hötes les plus typiques des vieux trones ou ils savent profiter de tout. Les Las. Havus et mixtus se distinguent des autres par l’emploi tout special qu'ils savent faire de la sciure pour bätir des etages entiers de cases et de galeries au sein des trones ereux surtout; leur nid se continue alors le plus souvent dans la terre. D’apres Huber et Lespes, le (©. pubescens sait employer la seiure ou vermoulure de bois comme les deux precedents; je n’ai jamais rien vu d’analogue en Suisse. Les M. laevinodis et ruginodis font tres frequemment coneurrence aux L. niger et aux F. fusca dans les vieux trones, et parviennent souvent ä& Evincer le premier. Cela nous amene a dire que les trones pourris sont avec le dessous des pierres l’en- droit de predilection des nids doubles. On trouve tres souvent deux, trois especes dans un meme trone qu’elles se disputent, et comme les troncs se degradent en peu d’annees, — 198° — cela finit inevitablement par des conflits et par la retraite d’un des coneurrents; le „Kampf um’s Dasein“ (combat de la vie) y est donc beaucoup plus vif que sous les stables pierres. Les vieux trones, nous venons de le voir, n’ont qu’une duree passagere. Aussi les four- mis auxquelles ils servent d’asile doivent-elles fregquemment changer leur nid. Certaines especes, surtout les L. niger et brumneus, ainsi que la F. sanguwinea, font des colonies eomprenant plusieurs vieux troncs rapproches, et relies par des chaines de fourmis ou par des chemins couverts. A peine peut-on rattacher & la categorie qui nous occupe les nids faits par quel- ques fourmis dans l’humus et les feuilles seches; tels sont certains nids de P. pygmaea et d’A. subterramea, ainsi que de diverses Myrmica. D’apres Nylander et Von Hagens on trouve l’Asemorhoptrum lippulum dans les bois, parmi les feuilles seches et la mousse, mais ces auteurs ne parlent pas de son nid. Je n’ai jamais pris cette fourmi moi-meme. E. Nids anormaue. Ce titre ne rend pas tres bien le caractere des divers nids dont nous allons parler, et qui n’ont guere d’autres rapports entre eux que celui de ne rentrer dans aucune des classes pr&cedentes, mais je n’ai pu en trouver de meilleur; du reste plusieurs sont vrai- ment anormaux : 1. NIDS DES MURS ET DES ROCHERS C'est la seule categorie naturelle qu’on puisse detacher de la classe qui nous occupe. Ces nids ont un caractere partieulier, celui de ne necessiter aucune architecture speeiale de la part de leurs possesseurs. Aussi peut-on ä peine leur donner le nom de nids. Tout l’art des fourmis qui y habitent consiste apres quelles se sont installees elles et leur famille dans les vides preformes ou anfractuosites des rochers, entre les pierres et dans la maconnerie des murs, ä boucher avec des grains de sable ou de terre les issues inu- tiles ou nuisibles, et ä &tablir des communications commodes entre les diverses parties du nid. Ce dernier art est le plus diffieile, car elles doivent souvent employer des efforts eonsiderables pour demolir un bout de maconnerie qui les gene, pour carter une petite pierre qui obstrue un eouloir &troit. Quand elles n’y arrivent pas, il faut tourner la dif- fieulte et passer ailleurs. Le Lasius emarginatus est le representant le plus typique de cette categorie. Il s’etablit ainsi en immenses fourmilieres dans les murs des jardins et des maisons, dans les rochers ete., et trouve moyen de faire communiquer tous les vides oü il loge sa couvee soit par des passages interieurs, soit par des chaines de fourmis. On peut done considerer aussi ses fourmilieres comme des colonies. C'est la seule espece de notre pays qui vive presque exclusivement de cette facon. Apres lui vient le Ü. scu- tellaris qui niche presque exactement de la m&me maniere, mais qui, ne craignant pas le grand jour, fait toujours communiquer entre eux les nids de ses colonies par des co- — le) — lonnes de fourmis, moyen quwil emploie aussi pour aller traire ses pucerons. En Tessin, le seul de nos cantons oü cette espece existe, les murs sont ordinairement faits en pierres superposees sans mortier; c'est la que le (€ scutellaris s’etablit le plus souvent, et il n'est pas facile de l’y suivre, car ces pierres tiennent tr&s solidement. J’y ai remarque un fait eurieux, c’est que souvent on voit cette espece apporter toutes ses larves et ses nymphes pour les mettre en tas entre les pierres nues et söches, lors m&me que le soleil de midi du mois de juillet brille dans toute sa force; et cela sans les couvrir de quoi que ce soit, pas möme d’un grain de terre, de sorte qu’on voit toute la famille exposee en plein air, si lon s’approche du mur, sans avoir besoin d’y toucher. Mais des miliers d’ouvrieres l’entourent et la defendent avee fureur au moindre danger. Je n’ai vu de fait semblable chez aucune autre espece. Les fourmis suivantes font quelquefois dans les murs et les rochers des nids comme les preeedentes: Las. brumnmeus, Las. fuliginosus (je ne Y'ai vu qu’une fois, dans les ruines d’un vieux chäteau, ruines oü il ne restait absolument rien de ligneux), A. structor, P. pallidula, Pon. punctatissima (une seule fois & Vaux, dans un mur, la seule fois que je trouvai cette espece), Las. niger et alienus (rarement), €. ligniperdus, F. cinerea et rufibarbis, F. sangwinea. Il y a de plus dans cette categorie un groupe forme par de petites fourmis qui font des nids composes d’une seule ou de deux ou trois loges, et nichent ainsi dans une seule fissure de rocher, entre deux pierres, ou bien sous une petite pierre qui repose sur une grosse ou sur un roc. Les Leptothoraw tuberum, unifasciatus, interruptus (et Hlavi- cornis?) nichent souvent ainsi; les deux seuls nids du Z. nigriceps que j’aie trouves etaient etablis de cette maniere. Le Temnothorax recedens agit de mıeme. J’en ai trouve sept ou huit nids dans un m&me mur sans mortier; tous etaient sous de tr&s petites pierres plates qui reposaient dans les interstices des grandes pierres, sur ces dernieres. Quelques grains de sable bouchaient les vides inutiles. Enfin les especes suivantes font quelquefois leurs nids dans le mortier, ou sous les pierres qui sont sur les murs. Ües nids ne sont ni si etendus que les premiers, ni si restreints que les derniers eites, et rentrent aussi dans la categorie des nids sous les pierres: T. cespitum, F. fusca, P. pygmea, T. erraticum, S. fugax, C. lateralis (varietes rouges surtout). 2. NIDS DES MAISONS Cette categorie, intimement liee ä la preceedente, ne s’en distingue que par ce que plusieurs especes qui en font partie attaquent aussi les poutres et les planchers qu’elles perforent souvent entierement. Ce sont surtout le Z. fuliginosus, ainsi que les €. ligni- perdus, hereuleanus et pubescens qui peuvent de cette maniere causer de grands dommages. Comme suivant les pays et les elimats, ce sont des especes tres differentes qui s’etablissent dans les maisons, je rappellerai que je m’en tiens & la Suisse. Il est inutile de repeter — 200 — iei ce que chacun sait, c'est que les fourmis, une fois qu’elles ont envahi une maison, s’etablissent dans les fentes de tous ses murs, et peuvent arriver jusqu’au toit, qu’elles entrent dans les chambres, dans les euisines, en un mot quelles se considerent comme les vrais proprietaires du bätiment. On peut regarder une fourmiliere de maison comme une colonie qui &tablit ses nids dans les fentes des divers &tages et des diverses facades, les reliant entre eux par des chaines de fourmis qui suivent ordinairement les corniches et les pieds de murs. J’ai eu l’occasion lors de reparations faites & la maison de mon pere de voir les grands vides ou salles basses horizontales des Lasius emarginatus entre les pierres des murs qu’on demolissait. Des milliers d’ouvrieres defendaient avec fureur leur couvee privee si inopinement de son abri. Les F\ cinerea, rufibarbis et fusca, les L. niger, T. cwespitum, C. seutellaris, A. structor n’habitent jamais les etages superieurs des maisons, et ne penetrent presque jamais dans les appartements; ils se contentent de s’etablir dans les murs exterieurs et entre les escaliers et les corniches du rez-de-chaussee ; parmi ces especes, les deux dernieres ne se trouvent qu'en Tessin; les autres offrent ce genre d’habitat plutöt dans la Suisse eentrale et septentrionale. D’apres Mayr (Ungarn’s Ameisen) le Las. umbratus vit aussi parfois dans les maisons; je ne l’ai vu qu’une fois sortir des murs exterieurs, tout en bas, et je doute qu’il penetre jamais dans les cham- bres. Parmi les quatre sortes de fourmis que nous avons vu s’etablir dans la partie lig- neuse des maisons, le ©. pubescens ne le fait que dans le sud de la Suisse, en Valais et en Tessin, oü il s’etablit surtout dans les poutres et dans les planches des maisons en bois; les trois autres especes ne sont nulle part en Suisse frequentes dans les maisons, mais, la oü elles sont, elles font du mal. On trouve ga et lä dans toute la Suisse le Z. brunneus dans les maisons; il vit dans les poutres oü il seulpte son nid, mais il est plus inoffensif que le Z. emarginatus; au sud il vit surtout dans l’&corce des noyers et des chätaigners. Les deux derniöres especes sont les vraies fourmis domestiques: le L. emar- ginatus dont nous avons deja tant parle et qu’on trouve dans les maisons, de Zurich ä Mendrisio et de Bäle ä Geneve, mais qui y est beaucoup plus repandu au sud qu’au nord; puis la P. pallidula qui ne se trouve qu’en Tessin, oü elle s’&tablit dans beaucoup de maisons et y devient encore plus insupportable que le Z. emarginatus. La P. pusilla de Madere et des presqu’iles de la Mediterrannde est tout au plus une race de la P. palli- dula. La maniere dont cette P. pusilla vit dans les maisons, ses meurs etc. ont &te de- erites dans tous leurs details par Heer (an d. Zürch. Jugend L. IV Stück. 1852). Mais en Tessin la P. pallidula est beaueonp moins hardie que dans le sud de l’Europe; l’on peut aussi remarquer en general qu'il y a beaucoup plus de fourmis dans les maisons du midi de la Suisse que dans celles du nord, et qu'elles y sont beaucoup moins timides. Lucas, ä Paris, pretend que le S. fugax « cause des dommages dans les magasins de la Compagnie coloniale ». Mayr (Formicidarum index) a d&ja fait justice de cette erreur et montre que Lucas confond le Solenopsis fugax avec le Monomorium Pharaonis, petite fourmi qui y ressemble beaucoup et qui est repandue dans les ports de mer et les gran- des villes du monde entier, oü elle vit dans les maisons. — 901 3. AUTRES NIDS ANORMAUX Nous ne parlerons plus ici des Lept. muscorum, interruptus et tuberum vivant caches dans une touffe de mousse, ni des nids de F. fusca ou M. lobicornis qu'on trouve dans les hauts päturages des alpes sous une bouse dessechee qui leur tient lieu de pierre. Tout cela se laisse deviner. Mais j’ai trouve une bouse un peu seche qui formait un charmant nid de T. erraticum; ces fourmis y avaient mine une foule de cases et de galeries; elles y vivaient avec leurs larves et leurs nymphes. Je trouvai aussi dans une bouse de gros calibre toute une fourmiliere de C. ligniperdus qui s’y etaient etahlis de la m&me ma- niere. A peine est-il besoin de parler encore des trous de grillons et d’autres insectes, des nids d’especes plus faibles qui sont envahis et conquis par des fourmis pour en faire leur demeure; nous en avons suffisamment eerit. Il ne nous reste plus que les galles, soit celles des chenes, soit celles des rosiers, qui servent de nids A certaines fourmis, lorsque le eynips les a quittees en percant leur enveloppe exterieure. Les petites fourmilieres des Leptothorax y trouvent assez de place pour se loger, surtout celles du Z. tuberum; mais aussi celles de la Colobopsis truncata d’apres Nylander, Mayr et Emery. Nous avons ainsi passe en revue toutes les manieres de bätir leur nid que possedent ä ma connaissance les fourmis suisses. On voit quwelles sont nombreuses. Encore deux mots sur l’architeeture exterieure. CHAPITRE Il. CONSTRUUTIONS HORS DES NIDS Une fourmiliere doit le plus souvent chercher sa subsistance hors de son nid, sur- tout sur les arbres oü elle va traire les pucerons au bout des branches, comme nous le verrons plus tard. Toutes les constructions dont nous allons parler sont faites dans ce but. Elles manquent chez beaucoup d’especes, surtout chez celles qui ne font que de pe- tites fourmilieres. Nous ajouterons les colonies ä cette division. 1. CANAUX SOUTERRAINS I est inutile de dire comment les fourmis s’y prennent pour miner une simple galerie sous terre; nous en avons assez vu d’exemples. Toutes les fourmis savent ä l’occasion ereuser 26 Er a 5 us * Br des canaux qui, partant de la partie souterraine de leur nid et se tenant plus ou moins loin de la surface du terrain, s’en vont aboutir ä une distance souvent assez considerable. Leur but est soit de relier deux nids d’une ceolonie (chez les especes A m@urs souterraines, sur- tout chez les Camp. aethiops et lateralis, Lasius flavus, L. umbratus et ses races, Form. Fusca, Tetr. caespitum, 5. fugax), soit de procurer aux habitants d’un nid une issue eloignee du döme qui leur permette de sortir et d’entrer sans devoiler ä leurs ennemis le lien qui recöle leur couvee (surtout aussi les m&emes especes que ci-dessus). Chez le L. favus ıls sont pratiques en outre dans toutes les directions pour aller a la recherche des pucerons de racines (Huber). Chez le $. fugazx, ils servent principalement ä relier entre elles de petites agglomerations de cases, @loignees les unes des autres, et qu’on peut re- garder comme nids separes, si l’on veut, car les canaux qui les reunissent n’ont souvent pas un demi millimetre de diametre, de sorte que les 5 seules peuvent.y passer. Huber (l. e. p. 22) parle deja de ces « galeries tortueuses » souterraines. Ebrard les decrit trös bien chez la F. fusca (l. ec. p. 5) et chez l’Aphaenogaster barbara, espece du midi de l’Europe (l. c. p. 9). Il est difficile de les suivre directement dans leur parcours; mais les incursions du P. rufescens chez la F. fusca, fait dont nous aurons a parler plus tard, nous fournissent un moyen tres curieux de nous assurer de l’existence des communications souterraines. Le P. rufescens vient en armee serree attaquer les F. fusca,; l’armee entre dans le nid par la premiere porte qu’elle trouve ouverte, et en ressort quelques minutes apres chargee de cocons voles aux proprietaires du nid. Ebrard eite un cas ou les P. ru- ‚fescens etant entres subitement dans un nid de F\ fusca par le döme, il vit ces dernieres emerger tout-ä-coup du milieu d’une touife d’herbe situee a 40°” du döme, et s’enfuir avec leurs nymphes et leurs jeunes ouvrieres encore blanches. Moi-meme je vis une armee de P. rufescens arrıvant rapidement sur un nid de F. fusca s’arreter ä 10°” du döme et entrer toute entiere par une ouverture pratiquee dans le gazon et que je n’avais pas vue. Je bouchai cette ouverture lorsque toutes les envahisseuses furent sous terre, et j’en pratiquai une ou deux sur le döme des F. fusca. L’armee toute entiere ressortit au bout de deux ou trois minutes par les ouvertures que je venais de faire. Une autre armee des memes P. ru- ‚fescens envahit un petit döme de F\ fusca A peine gros comme une pomme. J’apergois alors ä 30 ou 40°" de la un second döme analogue au premier; j’y fais une ouverture et bientöt les rufescens ressortent en deux colonnes partant l’une du premier döme et l’autre du second, preuve indubitable d’une communication souterraine entre les deux. Mais nous avons vu plus haut que les nids de F. fusca n’ont souvent point du tout de döme, et il leur arrive dans ce cas frequemment de ne s’ouyrir que par des canaux s’eloignant du nid. C'est alors que les P. rufescens ont le plus de peine & les decouvrir. Je note ici comme comparaison une observation de Bates sur une @norme fourmi bien connue au Bresil, l’Atta cephalotes (probablement plutöt IA. sexdens): on voulait ensoufrer un de ses nids pour en tuer les habitants, comme on le fait chez nous pour les nids de guepes. Quel ne fut pas l’etonnement de Bates, lorsqu'il vit la fumee de soufre ressortir en co- lonne & 70 pas du nid! — 203 — 2, CHEMINS Certaines espäöces de fourmis allant en files assez serrees exploiter tel pre, tel arbre ou telle haie se construisent ä cet usage de veritables grandes routes battues qui leur faeilitent enorm&ment la eireulation, surtout dans les pres oü les tiges entrecroisees des sramindes genent extremement leur marche, prineipalement lorsqu’elles portent un fardean. Tandis que Mayr (Leben u. Wirken d. einh. Am.) croit que ces chemins se font tout seuls par le simple fait du passage continuel des fourmis, Christ et Huber avaient dejäa vu qwelles travaillaient elles-memes ä les ereuser. Le fait que d’autres fourmis qui marchent en files assez serrees pour exploiter leurs arbres (0. scutellaris, F. exsecta) ne laissent rien apercevoir de semblable suffirait & lui seul pour prouver que ces chemins demandent un travail special. Les chemins dont je veux parler sont partieuliers aux F\ rufa et pratensis ainsi qu’au L. fuliginosus, surtout aux deux premieres. Les petites fourmilieres n’en font pas ou bien n’en font qu’un seul; plus une fourmiliere est considerable, plus elle a de chemins. Leur direction ne depend ni du soleil, ni d’un « certain instinet qui pousse les fourmis A partir en liene droite », comme le pretend M. E. Robert (dans les Annales des Sciences Nat. 1842), mais simplement des endroits quw'elles peuvent exploiter, et de la maniere la plus commode d’y parvenir. Le chemin a avantage ä passer dans des endroits riches en butin, car les fourmis peuvent en profiter pour chasser sur tout son parcours en s’ecartant un peu A droite et ä gauche. Si une fourmiliere est au bord d’une haie, elle construira d’abord un chemin le long de la haie ä droite et un autre ä gauche; ces chemins allant en sens eontraire serviront ä exploiter les deux bouts de la haie; ils iront en diminuant graduellement d’importance jusqu’ä une certaine distance du nid oü ils de- viendront indistinets. Dans ce cas la haie est ordinairement situee entre une route et un pre; alors, si la fourmiliere est puissante, elle envoie un certain nombre d’ouvrieres ä travers la route pour exploiter la seconde haie situce de l’autre cöte. Mais il est impos- sible et inutile aux fourmis de faire un chemin ä travers la grande route, aussi n’est-ce que de l’autre cöte de celle-ci que deux ou plusieurs chemins partent du point oü arrive la colonne de fourmis et se dirigent des deux eötes de la haie ou dans une autre prairie. D’autres fois, si elles y trouvent avantage, les fourmis traversent la route en deux endroits. Mais les chemins les mieux battus sont ceux qui partent direetement du nid pour exploiter le pr& du möme eöte ou les arbres qui s’y trouvent. Quelquefois un chemin s’en va droit ä un arbre oü il s’arröte net, les fourmis allant presque toutes sur l’arbre; le plus souvent ils vont en devenant de moins en moins marques et finissent par disparaitre peu A pen. Souvent un chemin se bifurque; d’autres fois il repart d’un arbre ou d’un bout de haie en formant un angle avec sa direction preeedente. Les fourmis profitent des passages natu- rels ou elles peuvent ceirculer sur un certain espace sans avoir besoin de creuser avec peine une route, ainsi du pied d’un mur, du bord d’une allee. Dans les bois et les taillis, leurs chemins sont plus simples ä creuser, car il y a moins de plantes basses et enche- — 204 — vetrees; la eireulation est ordinairement tres facile pour les fourmis dans ce qui est pour les hommes un taillis inextricable. Elles y font cependant des routes dont elles ötent les feuilles söches et autres embarras. Enfin les chemins servent ä r&eunir divers nids d’une colonie. Ils varient beaucoup en frequentation, en largeur et en longueur. La premiere de ces qualites depend naturellement de l’importance du lieu d’exploitation ou il conduit. Dans les bois oü la construction de la route est facile, mais oü des feuilles qui tombent, des debris de toute sorte viennent constamment l’obstruer, les fourmis ont soin de lui donner beaucoup de largeur, jusqu’a deux decimetres, mais peu de profondeur. Dans les prairies au contraire ou la construction est difficile, mais stable, ces chemins sont &troits et profonds; ils ont ä peine 4 äü 6°" de largeur sur 1 & 2°” de profondeur. Les F\. rufa et pratensis ereusent leurs routes en deblayant la terre, en ötant les objets qui encombrent le passage, et en coupant ou plutöt en sciant les tiges des petites plantes qui les genent au moyen de leurs mandibules. Elles ne commencent pas A les ereuser ä partir de leur nid, mais elles frequentent d’abord (quand elles se bätissent un nouveau nid p. ex.) toutes les lignes oü elles veulent creuser des chemins, et travaillent ä les construire sur toute leur longueur en meme temps. Ce n’est qu’en observant d’une maniere suivie qu’on se rend compte de tous les efforts qu’a coütes aux fourmis la construction de ces chemins, surtout dans les prairies. Ils ne different de ceux que font les hommes qu’en ce qu'ils sont concaves au milieu et releves sur les bords, de sorte que la pluie les submerge. Leur longueur, avons-nous dit, varie beaucoup. Ils peuvent s’etendre jusqu’ä 80 et meme 100 pas (60 © 80 mötres) de distance du nid. Un seul grand nid peut en envoyer huit ou dix. Quelquefois ils vont tous d’un meme cöte, ne s’ecartant qu’ä angle aigu les uns des autres; c’est le cas quand ce cöte est le seul ä exploiter. Tout ce que nous avons dit se rapporte aux chemins des F. rufa et pratensis. Les L. fuliginosus ne font ordinairement pas de chemins battus, leur passage d’un arbre a l’autre n’etant pas difficile. J’ai observe cependant dans quelques-unes de leurs grandes colonies des chemins analogues ä ceux des fourmis preeedentes, mais plus etroits quoique aussi distinetement ereuses. Plusieurs routes semblables partaient d’un enorme chätaigner non loin de Lugano, et se dirigeaient vers d’autres arbres. Les Z. fuliginosus sortaient du tronc de ce chätaigner jusqu’a trois metres du sol. 3. CHEMINS COUVERTS ET PAVILLONS Cette industrie est de nouveau propre seulement ä un petit nombre d’especes suisses. Huber l’a si bien deerite qu’il n’y a presque rien ä& ajouter (l. c. p. 198 ä 201). Ces fourmis sont avant tout les ZL. niger et alienus, puis les L. brunneus et emarginatus, en- fin les Myrmica levinodis, scabrinodis ete. Elles ont aussi des plantes, des arbres meme ä exploiter malgr& leur petitesse, mais ce sont surtout leurs pucerons qu’elles veulent aller visiter en paix et proteger contre d’autres fourmis ou contre leurs ennemis nom- breux (larves de coceinelles ete.). A cet effet le Las. niger ereuse des chemins analogues — 205 — ä ceux des F\ rufa, mais il a le plus souvent soin de profiter de la terre de deblai lors- qwelle est humide pour coayrir ces chemins d’une voüte magonnee. A certains endroits trop expos6s, il sait percer des tunnels (fragments de eanaux souterrains) qui ressortent plus loin pour se continuer dans un nouveau chemin couvert. Lorsque le ehemin passe en un endroit abrite, tel que le pied d’un mur, les fourmis suppriment la voüte, et il devient identique aux chemins ouverts des F. rufa; il en est de m&me lorsque les L. niger traversent une grande route; ils essaient bien de faire des voütes, mais elles sont con- stamment detruites. On comprend quel aspeet varie et interessant presentent ces chemins. J’en ai vu un qui 6tait entierement voüte et fait en terre; il avait un ä& deux centi- mötres de large sur un centimetre ä peine de haut, et montait sur le pan d’un mur de six decimetres de hauteur sur trois d’&paisseur. Il traversait ensuite le sommet de ce mur et redescendait de l’autre cöte jusqwä terre; tout cela pour passer d’une cour dans un jardin. Deux autres chemins de L. niger traversaient une route large de cing metres et demi. Ces chemins servent dans une colonie ä conduire d’un nid A l’autre; mais bien plus souvent ils aboutissent ä une plante ayant des pucerons sur ses tiges. Arrive au pied de la plante le chemin s’arröte, mais les fourmis elevent le long de la tige des ga- leries maconndes qui enferment complötement les pucerons, et cela jusqw’ä deux ou trois deeimetres au dessus du sol. Elles y bätissent m&me souvent plusieurs cases soutenues par les feuilles de la plante. Le Las. niger sait enfin aussi se servir des detritus de l’e- corce pourrie pour faire des galeries analogues le long des trones des arbres oü vivent des pucerons (chönes, noyers); mais c’est surtout, comme l’a deja fait remarquer Roger, Vindustrie du L. brunneus qui ne vit presque que de cette maniere, en eultivant d’eEnormes pucerons d’&eorce qu'il protege A l’aide de voütes construites en detritus. Les Myrmica citees plus haut ne font guere de chemins couverts. Elles bätissent par contre des cases en terre sur les plantes autour de leurs pucerons. Les unes sont en communication avee le nid par une voüte en terre rampant le long de la tige; les autres sont bäties entiere- ment en l’air, sans communication couverte avec le sol. Ce sont surtout ces dernieres que nous appellerons avec Huber pavillons. Les pucerons, et surtout les gallinsectes sont litteralement mures par ces fourmis; leur prison est du reste assez large, et une petite ouverture permet aux fourmis d’y entrer et d’en sortir. ‚J’ai observe un pavillon de M. scabrinodis situ6 & quelques centimetres au dessus du sol, sur un rameau de chöne; il avait la forme d’un eocon, et &tait long d’un centimetre et demi. Il recouvrait des ('her- mes que les fourmis eultivaient avee soin. Quand les pavillons communiquent avec le nid des fourmis, celles-ei y portent souvent leurs larves, et ils deviennent une simple depen- dance du nid. J’ai observe un pavillon bäti ainsi autour d’une tige de plante par des Lasius emarginatus. Ce pavillon recouyrait aussi des C’hermes. Notons en passant un fait qui se rapporte ä cette industrie. J’avais etabli des 7. cespitum dans une arene entouree d’un mur de gypse en poudre qui les empechait de s’echapper, car chaque fois qu’ils tentaient de l’escalader, le gypse s’eboulait et les ren- — 206 — versait (j'appellerai pour abreger « arenes de gypse » ces arrangements dont je me suis beaucoup servi). Cela alla bien pendant une quinzaine de jours, mais alors il prit a mes fourmis lidee de tourner la diffieult& en essayant de ereuser delicatement un tunnel dans le gypse. Plusieurs essais echouerent, le tunnel s’eboulant ä mesure qu’elles creusaient, mais, apres de longs efforts, elles finirent par reussir et par percer mon mur de gypse dans toute son &paisseur A plusieurs places; un de ces tunnels se bifurquait m&me dans l’interieur du mur. Il me suffit d’un leger attouchement pour faire ebouler le gypse et combler tous leurs tunnels, mais il parait qu'elles avaient perfeetionne leur methode de creusement, car des lors elles en refirent partout en quelques heures, ä mesure que je les detruisis. Je les laissai alors tranquilles et elles s’enfuirent avec leurs larves et leurs nymphes. Ce fait montre combien les fourmis savent varier leur industrie. 4. STATIONS ET SUCCURSALES Les pavillons que nous venons de voir sont deja des stations. Mais il y en a beau- coup d’autres. Les stations servent d’entrepöt aux fourmis qui vont au loin chercher leur subsistance. Ainsi les F. rufa et pratensis en ont toujours un certain nombre le long de leurs chemins; il en est de möme des Zasius niger, alienus, emarginatus. Ce sont au fond simplement de petits nids servant aux ouvrieres fatiguees ou dessechees par le soleil & se reposer, ou encore aux attardees ä passer la nuit quand elle est froide. Les ouvrieres s’y refugient aussi lorsqu’une averse les surprend. Ces stations varient de la taille d’un petit nid, couvert quelquefois d’un döme, ä celle d’une simple case creusee dans la terre. Elles peuvent grandir et devenir nids d’une colonie, lorsqu’un certain nombre d’ouvrieres s’y &tablissent definitivement avec des larves, des femelles ou des mäles. Les suceursales sont la m&me chose au fond; j’appliquerai plus particulierement ce nom aux stations etablies par certaines petites especes aupres des nids des grosses, ou par certaines fourmis aupres d’un objet qu’elles exploitent, ainsi au pied d'un arbre. 5. COLONIES J’en ai dejä si souvent parl& dans ce qui preeede qu’il y aurait a peine besoin d’y revenir si ce qui ya trait &tait deja assez connu d’autre part. Huber seul & ma connais- sance en dit quelques mots exacts ä propos des migrations des F. rufa, mais il ne s’y arröte pas, et parait les considerer comme une exception (1. c. p. 146). Ebrard les cite bien (l.c. p. 39), mais ila l’air de les regarder comme &tant toujours plus ou moins pro- visoires. C’est ä Ebrard que j’emprunte le terme de colonie pris dans cette acception. Or pour bien pen6trer les meurs des fourmis, il est de toute importance d’ayoir une idee elaire sur les eolonies. Une colonie, nous l’avons vu, est une fourmiliere qui habite plu- sieurs nids en möme temps. C’est ce qui nous explique pourquoi nous voyons A un endroit les habitants de deux nids de meme espöce avoir entre eux des rapports amicaux continuels, tandis qu'ailleurs eceux de deux autres nids, de m&me espece aussi, se livrent des combats acharnes; dans le premier cas nous avons affaire ä une colonie, non pas dans le second. Toutes les fourmis suisses, sauf les especes des genres Colobopsis, Hypoclinea, Tapinoma, Polyergus, Leptothorax, Stenamma, (Temnothorax?) et Myrmecina font plus ou moins souvent des colonies. Chez les especes ä vie souterraine, les colonies sont diffieiles a reconnaitre, car les communications sont aussi mindes sous terre, et des observations assidues seraient encore necessaires A leur sujet. Les nids des colonies sont ordinairement situes le long d’une möme ligne d’exploitation, ainsi le long d’une m&eme haie, sur la lisiere d’un meme bois, du meme cöte d’une rue de faubourg (F. cinerea), dans un meme jardin (L. niger), dans une möme maison (L. emarginatus). Chez la plupart de nos fourmis, les colonies eomprennent trois ou quatre nids an plus. Tel est le cas des especes des genres Campo- notus, Myrmica, Ponera, Plagiolepis, des F. fusca, rufibarbis, sangwinean et truncicola. Chez les Lasius niger, emarginatus, brunneus, alienus et flavus, les F. rufa et pratensis, le T. caespitum, le S. testaceus, les genres Pheidole et Aphaenogasier, nous trouvons dejä des colonies un peu plus grandes. Enfin les especes suivantes : L. ‚fuliginosus, F. exsecta et pressilabris, F. cinerea sont les seules fourmis qui fassent, en Suisse, ä& ma connais- sance, des colonies vraiment considerables. Je ne mesure pas la grandeur des colonies ä l’espace qu’elles oceupent, car on doit tenir compte de la taille des fourmis; les nids sont plus rapproches et plus petits chez les petites especes, ainsi chez le Las. niger et le T. caespitum. Dans une colonie, on trouve presque toujours des nids de taille differente, des nids enormes et d’autres tres petits, commencants. Quelquefois, dans les petites colonies, un seul gros nid peut etre regarde comme la capitale, et les autres comme des depen- dances, mais ce n’est pas l’ordinaire. Les nids d’une colonie doivent tous renfermer des larves, nymphes ete., doivent avoir leur population plus ou moins propre, sans quoi ils ne seraient que des stations. A cöte de tout cela, on trouve toujours dans les colonies un peu grandes des nids abandonnes, soit completement, soit en partie; soit temporairement, soit pour toujours. Mais ces nids ne deviennent pas la proie d’autres fourmis, car la eolonie veille & leur conservation. Une colonie de F. exsectu composee de plus de 200 nids (j'en ai compte 200, mais elle s’&tend certainement plus loin) occupe dans une clairiere des for&ts du Mont Tendre au dessus de l’Isle environ les trois quarts d’un espace circulaire de 150 ä 200 mötres de rayon. Tous ces nids, la plupart grands, sont relies entre eux par des millions de fourmis eirculant dans tous les sens. Les plus grands nids ont jus- qua 18 decimetres de diametre & la base et 7 & 8 deeimötres de hauteur, Ils sont dis- poses plus ou moins par petits groupes de trois ou quatre nids ä& peine distants d’un metre l’un de l’autre. Dans tout l’espace occupe par la colonie, on ne peut decouvrir aucune autre espece de fourmi, sauf quelques fourmilieres de 7. erraticum qui s’y hasar- dent gräce ü leur agilite. Sur les confins de la colonie, on voit quelques nids de Z. flavus dont les exwsecta s’emparent les uns apres les autres. Outre ces 200 nids, il y en a encore Du} ep un assez grand nombre d’abandonn6s. Sur le Petit-Saleve, pres de Geneve, entre Mornex et Monnetier, se trouve une colonie analogue de F. pressilabris ; elle est presque aussi considerable que la precedente, mais les nids sont plus petits. Elle oceupe un espace cou- vert d’arbustes rabougris sur lesquels les fourmis el&vent leurs pucerons. La preuve que les habitants de tous les nids de ces deux colonies sont bien amis se trouve tout d’abord dans le fait que des bandes de fourmis les unissent tous, et ensuite dans l’experience que je fis de mettre ensemble des fourmis des nids les plus eloignes; elles se reconnurent aussitöt et s’entr’aidörent pour mettre en ordre ce que j’avais bouleverse. L’instinet de eolonisation est si inn& chez les F\ exsecta et pressilabris, que lorsqu’on en etablit une quantite un peu considerable en un seul tas, dans un pre, elles fondent aussitöt trois ou quatre nids ü quelques deeimetres les uns des autres. On comprend combien cette repar- tition d’une fourmiliere en plusieurs centres qui restent allies peut donner de puissance ä ces insectes par son extension. Nous en verrons des exemples plus tard. On peut sans exageration comparer ces nids aux eites d'un meme empire, comme le fait Huber, ou mieux aux villes d'une meme republique. J’ai deja parl& des colonies des F\. cinerea et des L. fuliginosus & propos de leur architecture; je n’y reviendrai pas. Avant d’en finir avee l’architeeture des fourmis, je dirai que les nids de la St namma Westwoodi sont encore une enigme pour moi; je rapporterai ce quil y a & en direä propos des meurs de cette espece. J’ai.traite un peu longuement l’architecture, la regar- dant comme une base necessaire pour comprendre bien les ma@urs et pour se rendre compte de la distribution g&ographique des fourmis. Beaucoup de points sont certaine- ment incomplets ou m&me inexacts; le leeteur voudra bien les excuser, ou encore mieux les rectifier par de nouvelles observations. Je rappelle que tout ce qui a ete dit s’appli- que ä la Suisse; l’art de bätir chez certaines especes peut fort bien &tre assez different sous un autre climat, dans un autre terrain. Je eite enfin ci-dessous la conclusion que tire Huber de ses observations sur les fourmis magonnes, sur la Z. fusca en partieulier ; je erois qu’elle resume fort bien l’art architectural chez toutes les fourmis *). *) (Huber 1. ce. pag. 49—51). « D’apres ces observations et mille autres semblables, je me suis assurE que chaque fourmi agit ind&pendamment de ses ecompagnes. La pre- miere qui concoit un plan d’une exeeution facile en trace aussitöt l’esquisse; les autres n’ont plus quw’a continuer ce quelle a commencee : celles-ci jugent par l’inspeetion des premiers trayaux de ceux qu'elles doivent entreprendre; elles savent toutes ebaucher, con- tinuer, polir ou retoucher leur ouvrage, selon l’occasion: l’eau leur fournit le ciment dont elles ont besoin; le soleil et l’air dureissent la matiere de leurs edifices; elles n’ont d’au- tre eiseau que leurs dents, d’autre compas que leurs antennes, et de truelle que leurs pattes de devant, dont elles se servent d'une maniere admirable pour appuyer et conso- lider leur terre mouillee ». « Ce sont lä les moyens materiels et mecaniques qui leur sont donnes pour bätir;z' elles auraient done pu, en suivant un instinect purement machinal, executer avee exacti- .. —. AN = tude un plan geometrique et invariable; construire des murs egaux, des voütes dont la courbure, caleulee d’avance, n’aurait exige qu’une obeissance servile; et nous n’aurions ete que medioerement surpris de leur industrie; mais, pour @lever ces dömes irreguliers, composes de tant d’etages; pour distribuer d’une maniere commode et variee les appar- tements qu’ils contiennent, et saisir les temps les plus favorables ä leurs travaux; mais surtout pour savoir se conduire suivant les eirconstances, profiter des points d’appui qui se presentent, et juger de l’avantage de telles ou telles operations, ne fallait-il pas qu’elles fussent doudes de faeultes assez rapprochees de l’intelligence, et que, loin de les’ traiter en automates, la nature leur laissät entrevoir le but des travaux auxquels elles sont destinees ? » IV” Part: DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE DES FOURMIS EN SUISSE ET LEUR ROLE DANS LA NATURE annnnnan CHAPITRE |. DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE DES FOURMIS EN SUISSE C'est surtout & Mayr qu’on doit des donndes generales preeises sar la distribution geographique des fourmis & la surface du globe. Elle se distingue par deux caracteres prineipaux: la pauvrete des regions froides en types speciaux, et la grande extension territoriale de la plupart des especes ou formes. Le nord de l’Europe ne possede qu’une seule forme bien determinee qui ne se trouve pas dans le sud, du moins on n’en connait pas d’autres; c'est le Tomognathus sublevis. A mesure qu’on avance vers le midi, de nou- velles especes apparaissent, mais ä cöte d’elles les especes du nord eontinuent a subsister, quoique en se retirant surtout dans les regions ombrag&es et montagneuses; c’est du moins la regle generale; quelques types qui se trouvent au nord et au centre de l’Europe dis- paraissent cependant dans les presqu’iles de la Mediterranee. Il en est de m&me pour les montagnes; il n’y a pour ainsi dire aucune forme alpine typique; ä peine la M. sulei- nodis merite-t-elle ce nom. Et cependant certaines especes atteignent des regions tres hautes. La F\. fusca p. ex. se trouve jusque dans les päturages les plus @leves, pres de la limite des neiges eternelles; mais on la voit aussi sur le versant sud des cöteaux les plus chauds du Tessin, aux environs de Mendrisio. Le Camponotus pubescens se trouve dans toute la moiti& meridionale de l’Europs, sur l’ile de Gottland (d’apres Nylander), en Asie, en Afrique et dans l’Amerique du nord. Je pourrais citer une foule d’exemples semblables, mais je erois que c’est inutile. Il resulte de ce que nous venons de voir que la varıete des formes est extremement restreinte dans les regions froides et tres grande dans les regions chaudes; mais les premieres se rattrappent en partie par le nombre des individus. L’habitat des fourmis depend done avant tout de la temperature. La nature geolo- gique du terrain a peut-etre une certaine valeur pour quelques especes; je n’ai pas de donnees & cet &gard, mais certainement l’importance en est tres faible; nous avons vu dans l’architeeture que les fourmis savent faire leur nid ä peu pres partout, et s’accom- moder aux eirconstances les plus diverses. Les vegetaux influent aussi sur leur distri- bution, ainsi que U’humidite du terrain. Certaines formes ont besoin de grands arbres — 2ll — (F. rufa); d’autres ne vivent que dans les lieux humides (M. lerinodis); d’autres n'ha- bitent que les lieux secs, arides et caillouteux (Plagiolepis pygmea, Bothriomyrmex meri- dionalis). Remarquons bien que les indieations des localites ont peut-etre plus de valeur pour les fourmis que pour tous les autres insectes, car ces derniers n’ont pas de demeures fixes avec des communautes se conservant pendant plusieurs annees comme les premieres. La Suisse, quelque petit que soit son territoire, montre les faunes de fourmis les plus differentes suivant les localites, gräce ä la diversit@ de climats quelle presente. Les prineipaux faeteurs influant sur la distribution des fourmis sont comme nous venons de le voir l’altitude, la latitude, Vexposition et ’humidite (de l’air et du terrain). Les endroits oü il pleut beaucoup, oü le ciel est souvent couvert (Zurich), sont pauvres en especes. L’influence de la latitude et de l’exposition est telle que de simples donnees d’altitude n’ont presque pas de valeur. Les m&mes especes qui se trouvent & une hauteur assez considerable en Tessin ne vivent au nord de la Suisse que dans la plaine. Si l’on &tudie la faune d’une simple colline, on la trouvera fort differente sur son revers septentrional de ce quelle est sur son revers meridional. Un des exemples les plus frappants de ce fait se trouve sur les montieules qui entourent Sierre; les especes meridionales (Cump. @thiops, CO. lateralis, ©. pubescens, P. pygmwa, A. subterranea) ne se trouvent que sur leur versant sud, tandis que leur versant nord abonde en Z. niger, L. flavus, C. ligni- perdus, F. fusca ete. Il vaut done beaucoup mieux s’en tenir aux points de comparaison que nous fournit la vegetation dans les montagnes, et parler de la region des hauts pä- turages, de la region des sapins, de la region subalpine (en excluant naturellement de cette derniere les collines & vignobles, ä chätaigners ete. du sud de la Suisse, malgr@ leur elevation souvent assez grande). Jamais on ne doit juger de l’habitat d’une espece en ce qui concerne l’altitude par des J ou des © pris isol&ment. Nous avons vu en effet que ces deux sexes recherchent toujours les sommets pour s’y accoupler. Ils vont souvent, par un beau jour d’ete, s’abattre dans des regions oü leur espece ne peut subsister, et oü ils ne tardent pas ä perir. C’est ainsi que M. Bugnion trouva des F\ rufa et pratensis S' sur le glacier d’Hüfi; on m’en a aussi rapporte du sommet du Ststzerhorn (Grisons); j’ai pris moi-m&me des Jg et des © de ces fourmis sur l’arete couverte de neige qui separe l’Engadine de la valldee de Roseg, entre le Piz Surlei et le Piz Corwatsch. Or on ne trouve pas de four- milieres rufa ni de fourmilieres pratensis au dessus de la region des sapins, et les indi- vidus ail&s en question &taient parvenus ä& celle des neiges eternelles. Une Myrmecina Latreillei @ ailee que je pris sur le Jura, prös du Mont Tendre, ä une assez grande elevation, ne me prouve done pas que les fourmilieres de cette espece subsistent a cette hauteur. Pour toutes les formes un peu rares ou dont l’habitat presente des irregularites remarquables, je ne donnerai que des indications de localites; je chercherai par contre & indiquer en grand les limites qu’atteignent les formes communes. A PA Les donnees dont je dispose sont surtout le resultat des excursions que j’ai faites dans differentes parties de la Suisse, prineipalement dans les cantons de Vaud, Zurich, Schwyz, Uri, St-Gall, Glaris, Valais, Tessin, Soleure, Geneve, et dans l’Engadine, J'ai toujours eu soin de noter la presence des formes communes en ces divers lieux, et leur habitat. A cela je dois ajouter les fourmis que plusieurs personnes, entre autres mes amis MM. Bugnion et Stoll, ainsi que MM. Frey-Gessner, Heer, Killias et Dietrich ont eu l’obligeance de me eommuniquer. M. Bugnion m’a dote en outre de nombreuses observations sur les especes alpines. Je me suis aussi adresse aux divers mus&es de la Suisse, et n’ai qu’ä me louer de l’obligeance avec laquelle on a mis ä ma disposition les fourmis qui s’y trou- vaient en me les envoyant m&me le plus souvent. Les colleetions de Neuchätel (provenant de M. Meyer-Dür) et de Bäle (provenant d’Imhoff) sont riches et fort interessantes ; elles m’ont fourni des faits importants. A Geneve il n’y a que les vieilles collections de Jurine et de Ferrero; la premiere, malgr& son etat de vetuste et sa mauvaise conservation offre un veritable inter&t. Les colleetions de Lausanne (Meyer-Dür), Zurich, Coire et Berne ne m’ont pas offert grand chose d’interessant. Il n’existe & ma connaissance que deux documents de quelque valeur sur la faune des fourmis de la Suisse, le travail d’Imhoff et Labram (Insekten der Schweiz, Basel IT 1838) ne renfermant guere que des erreurs. Le premier se trouve dans les Formicina austriaca de Mayr (1855); l’auteur y indique vingt-huit especes suisses, d’apres les echan- tillons que lui ont envoy6s Heer, Imhoff, Bremi, Stierlin et Graffe. Cette enumeration qui a l’avantage d’ötre parfaitement exacte en ce qui concerne la determination des types ne renferme guere que les especes les plus communes. Le second document est de Meyer- Dür (Mittheil. d. Naturf. Ges. in Bern 1859, p. 34: Die Ameisen um Burgdorf); «est un catalogue des fourmis des environs de Berthoud. Le travail de M. Meyer-Dür est d’une exactitude remarquable; il s’y trouve une espece que je n’ai pu decouyrir moi- möme en Suisse, mais qui doit y exister ä en juger d’apres sa repartition dans le reste de l’Europe; c’est le L. bicornis (F. incisa) (dont un exemplaire suisse @ se trouve du reste au musde de Bäle). Quoique je n’aie pu contröler moi-m&me que quelques deter- minations de M. Meyer-Dür, l’auteur s’etant defait des fourmis qu’il possedait, je suis persuad® que la plupart sont justes, car j’ai trouve les m&mes especes dans des lieux analogues (Soleure) *). M. Meyer-Dür a pris trente et une especes (ou races) de fourmis *) Les deux seules erreurs & moi connues infirmant la faune de M. Meyer-Dür, erreurs que jai trouvees dans les fourmis des musdes de Neuchätel et de Lausanne provenant de lui et determindes par lui sont les suivantes: 1°) Des $ de Lasius brunneus (timidus Feerst), s’y trouvent a deux endroits, sous les deux noms differents de timidus et alienus; cette derniere determination seule est erronde. 2°) Sous le nom de M. Minküi (Asemorhoptrum lippulum) je n’ai trouv@ au musee de Neuchätel que des Tetram. cespitum 3 d'une variete elaire. Comme M. Meyer-Dür etait la seule personne qui affırmät avoir trouve cette fourmi en Suisse, je lui &erivis A ce sujet, et il eut l’obligeancee de me r&pondre que les — 213 — aux ehvirons de Berthound; il estime ä plus de soixante le nombre de celles qui doivent exister en Suisse. Ce nombre presume concorde, on le voit, parfaitement avec celui que je puis donner aujourd’'hui comme effectif (66 especes dans le sens ordinaire du mot, c’est-ä-dire en comptant les races sous ce nom), et qui, je l’espere, augmentera encore dans l’avenir. 1" SOUS-FAMILLE FORMNICIDE. 1. Genre Onmponotus. 1. espece Ü. HERCULEANUS. 1. r. ©. hereuleanus i. sp. Cette forme habite les bois, les lieux froids et ombrages; elle craint le soleil. On la trouve surtout dans la region subalpine et dans la partie inferieure de la region des sapins; elle mangue completement dans le fond des vallees et dans les plaines de la Suisse meridionale; elle n’atteint pas le haut de la region des sapins. Sans etre preeisement rare, elle est beaucoup moins commune que la race suivante quelle remplace dans la region des sapins. Uetliberg, Rigi, Pilate, Fribourg, Untere Sandalp, Croix d’Arpille, Ormonts, Maloggia (ä& plus de 1500 mötres). Wasen (Ct. d’Uri), Teufelsbrücke et Dischmathal (Dietrich). Haute-Engadine, Forelaz (pres du Trient), Mont Tendre, Emaney et Morgins (Valais). Berthoud (Meyer-Dür). Airolo, Jura soleurois, Haut du Sustenpass, Andermatt (Frey-Gessner). Grisons (Killias) ete., ete. 2. r. (©. ligniperdus. Commun dans toute la Suisse, mais surtout dans la plaine; il va du haut de la region subalpine (Guarda dans l’Engad. inf., Klosters p. ex.) jusqwaux points les plus chauds du Tessin (Mendrisio, Lugano). On le trouve soit sous les pierres, soit.dans les trones d’arbres; surtout dans les clairieres des bois, mais aussi sur des pentes arides exposees au midi. Il prefere les taillis et les lieux incultes aux prairies et aux jardins; il habite cependant parfois les maisons. En somme, il prefere l’ombre au soleil. Il a besoin du voisinage des arbres, ou au moins des buissons pour y eultiver les pucerons. A Sion et ä Sierre j’ai trouve une variete de cette race, variete qui se distingue par son corps tres Juisant. C. herculeano-ligniperdus. Pied du Mont Tendre, Vaux. J’en ai aussi trouve dans la Fore&t-Noire, non loin de la frontiere suisse, 2. espece C. PUBESCENS. Habite la plaine dans toute la Suisse, mais tandis qu'il est premiers A. lippulum qu'il prit A Berthoud lui furent determines par Schenk qui ne peut s’ötre trompe mais il en a souvent cherche d’autres au möme endroit et a pu fort bien prendre ä leur place des T. cespitum clairs. J’ajoute que cette erreur ne me surprend pas, vu qu’aueune fourmi n’a ete aussi souvent eonfondue avec d'autres especes que le T. cespitum; je l’ai trouv& parmi sept especes differentes de genres differents dans la colleetion Sichel du Museum de Paris. Sur la foi de M. Meyer-Dür et de Schenk, je eonserve done 1’A. lippulum dans la faune suisse. P. $S. M. Emery la decowvert röcemment a Prilly. extrömement eommun dans les parties chaudes du Tessin et du Valais, il est rare partout ailleurs. Il se trouve presque toujours dans les trones d’arbres; cependant, comme il aime beaucoup le soleil, il s’etablit ordinairement dans les souches rabougries des pentes arides exposees au midi. En Tessin il vit partout dans les tronces des chätaigners, & Sierre dans ceux des pins, ä Fully dans les poutres des maisons et dans les poteaux, aux environs de Vaux et de Morges dans les ponts et autres ouvrages de bois. Malgre sa predileetion pour les lieux secs exposes au soleil, on le trouve quelquefois dans les bois, et, fait difficile & expliquer, au contraire des (. @thiops et luteralis il presente justement ce genre de vie dans les regions les plus froides qu’il habite; j’ai decouvert ainsi quelques-unes de ses four- milieres dans les trones pourris des for&ts au pied du Mont Tendre, pres de Zurich, aux environs de Morges. Cette esp&ce n’atteint jamais la region subalpine proprement dite. On l’a prise encore ä Bieberstein, et ä Homberg, dans le Jura, pres d’Aarau (Mus. de Bäle); dans le canton de Berne (Mus. de Neuchätel); dans la vallee de Bregaglia. Chose curieuse, on la trouve, d’apres Nylander, sur l’ile de Gottland (mer Baltique). 3. espece. Ü. MARGINATUS. Rare en Suisse. Ce Camponotus se distingue par sa vie cachee et son extröme timidite. On le trouve dans le bois, sur les arbres. Zurichberg, dans une des branches mortes d’un chene; Vaux, dans un poteau et dans l’&corce d’un noyer; Sion. 4. espece Ü. SYLVATICUS. 2. r. C. aethiops. Tres commun dans les parties chaudes de la Suisse meridionale, soit en Tessin, en Valais, et sur le versant sud du Saleve. On le trouve de plus dans le canton de Vaud, mais seulement sur quelques cöteaux abrupts, secs, exposes au midi, entierement ä& l’abri du vent du nord, et ne se trouvant que fort peu au dessus du niveau du Leman. Il n’atteint pas les derniers vignobles. Je ne Vai jamais pris dans le reste de la Suisse, et je ne erois pas quil y existe. Il est encore commun ä Sierre. A Vaux il se trouve sur deux ou trois cötes qui remplissent les con- ditions indiquees; ses nids sont dans un gazon court et see. C'est une forme du midi de l’Europe qui atteint chez nous, de m&me que plusieurs autres, sa limite septentrionale laquelle est nettement tranchee. Le (©. aethiops aime les lieux incultes, les taillis, les arbustes (specialement les chenes), le soleil, ainsi que les lieux sees, chauds et rocailleux. Ses nids mines ou maconnes, le plus souvent sous les pierres, sont ordinairement assez dissimules; les 9 se trouvent sur les arbustes oü elles cultivent leurs pucerons. 1. r. ©. sylvaticus, i. sp. Cette forme m£ridionale abonde sur les bords de la Mediter- ranee oü elle affectionne le Pinus maritima. J’en ai pris une seule $ sur un chätaignier aux environs de Lugano (pied du Monte Bre).*) 5. espece. Ü. LATERALIS. La variete noire a exactement le m&öme habitat que le €. ethiops,; je n’ai jamais trouve la premiere en un lieu sans y decouvrir aussi le second, *) Je n’ai pris les formes sylvatico-ethiops qu’a Vienne (Autriche). ar et viee versa. Je ne puis done que repeter iei tout ce que j’ai dit du C. @tliops. Le C. lateralis (v. noire) est done commun en Tessin, en Valais (Sion, Sierre, Fully ete.), et sur les deux Saleves. On le trouve aussi dans le canton de Vaud (Vaux etc.) avec le (. aethiops, mais pas dans le reste de la Suisse. La variete rouge est plus meridionale; elle est rare en Suisse; je ne Vai prise que trois ou quatre fois en Tessin. M. Stoll l’a aussi trouvee ä Someo (Maggia). 2. Genre Colobopsis. 1. espöce. ©. mruncara. Vit sur les arbres, surtout sur les noyers, puis sur les chenes et les arbres fruitiers. Elle est repandue dans toute la Suisse, mais plus rare au nord qu’au sud. Elle n’atteint pas la region subalpine. Si l’on se donne la peine de la chercher sur les noyers, on ne la trouve plus si rare qu'on le croyait. Ses nids pratiques sur les arbres, dans le bois des branches mortes, dans l’&corce ou dans les noix de galle, sont trös eaches; on n’arrive ordinairement ä trouver que des 9 montant et descendant sur les trones des arbres. Zurichberg, Vaux, Bussigny, Lully, Locarno, Lugano. Mendrisio (Frey- Gessner). 3. Genre Plagiolepis. 1. espece. P. pyamza. Lieux secs et rocailleux exposes au midi; sous les pierres. Tres commune sur les deux Saleves, en Valais (Fully, Sierre, Tourbillon, St-Maurice), et dans tout le Tessin. Champel pres Geneve (Frey-Gessner). Je l’ai prise aussi dans la partie inferieure de la vallde de Bregaglia. Enfin j’en ai deeouvert quelques fourmilieres a Vaux sur un eöteau aride (carriere de sable). Chose curieuse, je n’ai pu la decouvrir nulle part ailleurs, pas möme dans les lieux oü se trouvent des Cumponotus aethiops et lateralis. 4. Genre Lasius. 1. espece. L. FrLavus. Tres commun dans toute la Suisse. Il commence deja dans la region des sapins et va jusque dans les localites les plus chaudes (Lugano p. ex.). I affeetionne tout partieulierement les prairies (pres naturels), et y prospere d’autant plus qu’elles sont plus grasses ou plus humides. Si l’on veut trouver des L. flavus de grande taille et en grandes fourmilieres, il suffit de chercher dans un pre humide ou bien fume£. Üette espece aime assez l’humidite; on la rencontre beaucoup dans les terrains marecageux. Elle habite aussi les bords des bois et des haies, mais pas l’interieur des bois. Sur les pentes arides, rocailleuses, exposees au midi, on ne la voit que rarement, et c’est alors le plus souvent une variete blanchätre et de petite taille (versant sud du Petit-Saleve). Jamais le L. flavus n’habite les maisons; il ne se trouve que rarement dans les jardins. C'est lui qui eleve la plus grande partie des dömes maconnes que nous voyons par miliers dans les prairies de la plaine et des sous-Alpes (Klenthal, Fracherets, Vall&e de Morgins, An- dermatt, Einsiedlen, etc. — 216) — 2. espece L. UMBRATUS. l. r. L. umbratus i. sp. Assez rare dans toute la Suisse oü il parait n’habiter que les lieux chauds de la plaine et des vallees, quoique ses sexes ailes s’elevent fort haut; je le erois plus commun en Tessin qu’ailleurs. Cette race a une vie tres cachee, de möme que les trois autres, aussi trouve-t-on plus souvent des J et des @ isoles que des 9; ces dernieres ne sortent jamais ou presque jamais de leurs souterrains, J’ai deeouvert quelques fourmilieres dans des clairieres et au bord des routes. Zurich (Seefeld), Legern, Regensberg. Lutisbach pres Lenzburg (Frey-Gessner). Coire, dans un jardin (Coaz). Lausanne, Pilate (une © ailee), Locarno; Col de Balme, plus haut que le col (une © ailee); Mont Cenere, Loco (Önsernone). Berthoud (Meyer-Dür). Lago di Mu- zano, pres Lugano (Dietrich); Andermatt et Geschenen (Q@ ailees isolees, Dietrich). 2. r. L. mixtus. Ca et la dans toute la Suisse, mais seulement dans la plaine et au fond des vallees. Il est aussi commun au nord qu'au sud. Il affeetionne les terres mar- neuses, et ne craint pas les taillis ni les haies. Son habitat et ses meurs sont du reste les m&mes que chez le ZL. umbratus i. sp. Vaux, Morges, Zurichberg, Uetliberg, Legern, Grand-Salöve, Pied du Mont-Tendre. Berthoud (Meyer-Dür). Corcelle (W. Schmid). Lenz- burg (Wullschlegel). 3. r. L. affinis. Cette race parait &tre rare en Suisse; son habitat est analogue A celui des deux precedentes. Vaux (au bord d’un bois), Morges (pre), Sierre (® ailee). Ammerswyl pres Lenzburg (Frey-Gessner). Berthoud (Meyer-Dür). 4. r. L. bicornis. Meltingen, Ct. de Soleure (une © ailee du musee de Bäle). Ber- thoud (Meyer-Dür). Cette race est extrömement rare et fort mal definie. Elle n’a guere ete trouvee que par Förster et par Schenk, en Allemagne; la @ ailee de Meltingen repond fort bien ä la description que donne Mayr (Europ. Formie.). 3. espece L. NIGER. 1. r. L. niger i. sp. Extr&mement commun; probablement la forme indigene la plus repandue. Le L. niger i. sp. se trouve partout; bois, clairieres, prairies, jardins, maisons, lieux incultes, deconibres, humidite, secheresse, soleil. ombre, tout lui est bon. Tl a cependant une predilection pour les taillis, les clairiöres, les hois peu €pais. Dans les prairies il est moins abondant que le L. flavus. Il n’aime pas les lieux trop arides trop denudes de vegetation, aussi n’en trouve-t-on que quelques faibles fourmilieres sur le versaut sud du Petit-Salöve et sur les cötes analogues. Dans les jardins- il devient souvent une vraie plaie. Il habite toute la Suisse et s’eleve jusque vers la region des sapins. 2. r. L. alienus. Cette race ä peine differente de la precedente est moins commune qu’elle. Elle aime assez les lieux arides et chauds oü elle remplace souvent completement le Z. niger i. sp. (Chäteau de Martigny, Tourbillon [Sion] ete.). On la trouve aussi dans les prairies. Elle est repandue dans toute la Suisse, mais elle abonde surtout en Tessin et en Valais. Elle n’atteint pas la region subalpine. a 3. r. L. emarginatus. Peu ecommun dans le nord de la Suisse (Zurich, Soleure ete.); trös commun dans le sud. On ne le trouve que dans la plaine et dans les vallees basses. Son habitat est tr&s caraeteristique. Il ne vit que dans les murs, dans les maisons, dans les fentes de rochers et quelquefois dans les arbres. De lä, il se repand souvent sur diverses plantes, surtout sur les espaliers oü il eultive des pucerons et surtout des gallinseetes. Ces partieularites jointes ä son odeur caracteristique en font une forme fort distinete et facile ä reconnaitre. 4. r. L. brunneus. Assez commun dans toute la Suisse; il n’est pas plus abondant au sud qu’au nord. Il ne s’eleve guere que jusqu’aux premieres collines des sous-Alpes. On le trouve surtout sur les arbres dans l’&corce desquels il fait son nid (noyers, chenes, tilleuls ete.). Puis il vit quelquefois dans le bois pourri, dans les maisons, dans les rochers, le long des murs, & la maniere du L. emarginatus. I n’aime ni trop d’ombre, ni trop de soleil. Vaux, Zurieh, Uetliberg, St-Gall, Fribourg, Pied du Rigi, Sierre, Martigny, Bre- gaglia ete. Berthoud (Meyer-Dür). L. alieno-niger. Vaux, Bregaglia, Sion (bord de la Borgne). Pied du Saleve (Frey- Gessner). Coire, Tarasp (Killias). L. nigro-emarginatus. Mendrisio, dans l’eEcorce d’un arbre. L. alieno-brumneus. Vaux, Sion. L. brunneo-emarginatus. Lugano, Zurich. 4. espece. L. FULIGINOSUS. Commun dans toute la Suisse; il ne s’eleve guere que jus- qu’aux premieres collines des sous-Alpes. Il vit dans les bois, dans les bouquets d’arbres, et quelquefois dans les arbres isole. On le trouve rarement dans les murs et dans les maisons (ruines pres du Katzensee, Zurich; Lausanne, Hermitage). Il craint le soleil, marche toujours ä l’ombre; mais il aime la chaleur, et il est, peut-&tre plus commun en Tessin que dans tout le reste de la Suisse. 5. Genre Formica. 1. espece F. Fusca. 1. r. F\. gagates. On ne la trouve A ma connaissance qu’en Tessin, dans les fourres de chenes qui couvrent les collines du sud de ce canton. On voit les 9 grimper en files, lentement, sur les branches de ces arbustes ou elles cultivent leurs pucerons. Pour les nids, voir « Architecture ». Mendrisio, Monte Generoso, Monte Br& pres de Lugano. 2. r. F. fusca i. sp. Tres commune dans toute la Suisse, depuis les cöteaux les plus arides et les plus brüles des environs de Mendrisio et de Lugano jusqu’aux päturages les plus eleves des Alpes, jusqu’ä la limite des neiges eternelles. Aucune fourmi n’etablit sa demeure ä une si grande elevation (Piz Surlei, & pres de 2400 metres; Anzeindaz, sur les points les plus @leves du päturage [M. Bugnion]; Obere Sandalp ; Col de Barberine ; Suffisteinalp et haut de la Wengernalp [M. Bugnion]). Elle se trouve partout: dans les bois, dans les prairies, dans les lieux incultes, dans les jardins, au pied des maisons, dans 28 ale les murs ete. Elle aime plutöt l’ombre et l’humidite que le soleil et la secheresse; mais elle ne eraint pas une pente exposde au midi, des qu'il y a quelque vegetation. Nulle part elle n’est si commune que dans les hauts päturages des Alpes et sur les cimes du Jura. Elle a done une beaucoup plus grande extension territoriale que le L. niger, quoique elle soit moins abondante en un me&me lieu. La variete ä thorax rougeätre ne se trouve ni dans les bois, ni dans les hauts päturages, ni dans les lieux arides et chauds, mais seule- ment dans les prairies de la plaine et des sous-Alpes (Vaux, Zurich, Klenthal ete.). 3. r. F. cinerea. L’habitat de cette race est fort remarquable. Tandis que dans certains lieux ses fourmilieres innombrables &vincent celles de toutes les autres fourmis, elle manque completement dans d’autres endroits sans que la raison en soit bien claire. Il resulte de lä qu’on ne peut lui assigner une limite generale. Elle affeetionne tout par- ticulierement les terrains sablonneux et denudes de vegetation. On dirait qu’elle ne peut vivre la ou il n’y ani sable fin ni poussiöre. Elle parait suivre en general les cours d’eau limoneux (torrents, rivieres\venant des Alpes) et les bords des lacs; ses grandes colonies s’y etablissent dans le sable limoneux depos& sur le rivage. C'est ainsi que les bords du Rhöne en Valais, du Rhin dans les Grisons, de la Linth ete. ete. en sont infestes. Outre cela la F. cinerea a pris pour ainsi dire possession de certaines villes otı ses colonies couvrent toutes les routes des faubourgs et remplissent tous les jardins. Zurich et Coire meritent surtout d’ötre eitees ä cet Egard; lä pas un jardin n'est epargne; on voit sortir les $ par centaines des interstices des paves, du pied des murs ete. Mais, chose curieuse, la F. cinerea est fort rare dans le canton de Vaud (sauf du cöte de Geneve, ainsi & Gen- thod [de Saussure], au bord du Rhöne de Lavey ä Villeneuve, et en generale dans les Alpes vaudoises). A peine trouve-t-on au bord du lac Leman de Saint-Prex ä Lutry quel- ques fourmilieres qui sont bien plus souvent des fusco-einerea que de vraies cineren. A Lausanne, ä Morges, on n’en trouve pas une seule. Cette race parait ne s’&lever quw’ä une faible hauteur dans les Alpes. La F. cinerea ne se trouve jamais dans les bois ni dans les prairies grasses; elle n’envahit pas non plus l’interieur des maisons. On l’a encore trouvde aux endroits suivants: Untere Sandalp, Yens, Bregaglia, Berne, Locarno, Lugano, Monte Üenere (bord d’une riviere), Mendrisio. Aarau (Mus. de Bäle). Giriz, im Moor, Ct. de Berne (Mus. de Bäle). Schafmatt, Jura, prös d’Aarau (Mus. de Bäle). Tarasp (Killias). 4. r. F. rufibarbis. Se trouve dans toute la Suisse, mais surtout dans le sud oü elle est tres commune, tandis quelle l’est beaucoup moins au nord. Elle atteint rarement le haut de la region subalpine ou le bas de la region des sapins. Elle aime les pentes arides exposees au midi; on la trouve aussi dans la plupart des prairies, mais jamais dans les bois; elle ne craint pas le bord des routes ni les lieux ineultes; elle ne s’approche guöre des maisons, et se voit trös rarement dans les jardins. Une @ aptere, isolde, ä Anzeindaz (M. Bugnion). Je ne pus en trouver dans la haute Engadine quune unique fourmilisre & Ponte (bas de la haute Engadine). Einsiedlen, Zurich, Vaud, Fribourg, Saleve, Sierre, Tessin. Berthoud (Meyer-Dür). oe F. fusco-gagates. Monte Bre pres de Lugano. F. fusco-einerea. Einsiedlen. Alpes vaudoises. Bord du lae Leman. Zurich. Rigieulm. F. einereo-rufibarbis. Zurich (jardin de l’höpital, Zurichhorn, Zurichberg). Sion (Tour- billon). F. fusco-rufibarbis. Rive du Leman entre Ouchy et St-Sulpice. Je l’ai trouvee sou- vent ä Vienne. 2. espöce. F. SAnGuInEA. Commune, cA et la meme trös commune, dans toute la Suisse jusque dans la region des sapins. Elle atteint son maximum dans la plaine au nord et au centre de la Suisse, ainsi que dans les sous-Alpes; elle devient rare dans les par- ties chaudes du Tessin et du Valais, sur les pentes exposdes au midi. Elle aime surtout les clairieres et les bords des bois, puis les haies et les bords des routes, puis les prairies quelles qu’elles soient. Elle vit aussi dans les lieux incultes lorsqu’ils |ne sont pas trop arides. Elle se tient & distance des habitations humaines et m&me des jardins. Ex. de localites elevees: Maloggia. Haute-Engadine. St-Gotthard, au-dessus d’Airolo, region des sapins (M. Bugnion) ete. Et d’un autre cöte dans des localites chaudes. Ex: Martigny. Petit-Saleve (sommet). Monte Br& (sommet). Mt-Generoso (pres du sommet). 3. espece F. RUFA. 1. r. F. rufa i. sp. Commune dans toute la Suisse, sauf dans les parties chaudes du Valais et du Tessin oü elle est rare. Elle habite les clairieres des bois et des forets; on la trouve souvent aussi dans l’interieur m&öme des bois. Jamais une fourmiliere de cette race ne peut prosperer dans une prairie si elle n’a pas au moins quelques arbres ä sa portee. La F. rufa i. sp. merite done de toute maniere le nom de „Waldameise“ que lui donnent les Allemands. Dans les Alpes son existence est intimement liee ä celle des sapins; elle s’elöve aussi haut que les derniers de ces arbres, mais jamais plus haut (flanes du Piz Surlei, au dessus de Silvaplana; Maloggia; Pilate; Rigi; Simplon ete.). D’assez grandes eolonies dans les for&ts du Mont Tendre. D’un autre cötE je l’ai trouvee pres de Sion, au bord du Rhöne, et sur le Monte Br pres de Lugano. Elle fuit les habitations de I’homme, 2. r. F. pratensis. Trös commune dans toute la Suisse, des localites les plus chaudes du Valais et du Tessin jusqu’au haut de la region des sapins. Elle ne ceraint pas les clairieres ni les bois, mais elle prefere les prairies, les bords des routes et des haies, les lieux incultes, et m&me les eötes arides lorsqwelles laissent encore pousser des arbustes. Elle a beaueoup plus besoin de soleil que la race pr&cedente, et supporte beaucoup mieux la secheresse. Elle s’approche un peu plus des habitations humaines que la F. rufa; on la trouve parfois dans les jardins des villages. Rigieulm, Pilate, Maloggia, flanes du Piz Surlei, sommet du Mont Tendre, Sierre, Fully, Petit-Saleve, Mt-Cenere, Loco (Onser- none), ete. etc. 3. r. F. truncicola. Beaucoup moins commune que les deux autres races. Distribution g6ographique irreguliere. Elle n’atteint pas le haut de la region subalpine. Elle vit dans nn = ae“ TE Br a ee IR EN IT — 20 — les celairieres des bois et des foröts; on la trouve aussi vers les haies et vers les murs, au bord des routes. Il m’a et& impossible, malgre toutes mes recherches, de la trouver jusqu’a present dans les cantons de Vaud, de Geneve et du Valais; les clairiöres des for&ts du Mont Tendre qui sembleraient si bien lui convenir ne m’ont jamais laisse voir une de ses fourmilieres. Par contre elle est fort commune en Tessin (Mt-Cenere [versant nord]; Mt-Salvatore; Loco et toute la vall&e d’Onsernone; Magadino [M. Stoll]). Elle est encore commune dans le bas de la Bregaglia et sur le Weissenstein (Soleure). Puis je l’ai prise sur l’Uetliberg, mais elle y est assez rare. Viennent ensuite les localites suivantes: Weggithal (Heer). Kleenthal (Bremi). Weesen (Bugnion). Berne, Berthoud (Meyer-Dür). Pfoeffers (Dietrich). Tarasp (Killias). F. rufo-pratensis.- Rigieulm. Vallee de Morgins. Uetliberg. Mont Tendre. Flanes du Piz Surlei (Haute-Engadine). Prilly pres de Lausanne. Ces intermediaires se trouvent done surtout dans les montagnes. F. truncicolo-pratensis. Mt-Cenere (sommet du col). Pied du Mt-Salvatore. 4. espece. F. EXSECTA. 1. r. F\. exsecta i. sp. La forme typique ne se trouve pas rarement dans toute la plaine suisse; elle devient dejä rare dans la partie superieure des sous-Alpes. Elle vit dans les clairiöres des bois et des forets, ne s’approchant jamais des habitations humaines. Une immense colonie de plus de 200 nids dans une clairiere du bas du Mont Tendre, au dessus de l’Isle; d’autres colonies plus faibles dans les environs. Bois pres de Morges. Bois de Fermant ete. Albis (Zurich). Fribourg. Vall&e de Bregaglia. Vallee de Misoeco, ä Roveredo (Killias). Sommet du Monte Bre. Jorat (Bugnion). Bernardin (Dietrich). Axen- berg, Uri (Dietrich). Variete: F. exsecta-rubens : bois de Fermant pres d’Apples (Vaud); Andermatt (Dietrich). 2. r. F. pressilabris. Cette forme passe pour trös rare partout. Je ne puis accorder cela en ce qui concerne le canton de Vaud oü on la trouve assez frequemment en petites colonies de deux & 8 ou 10 nids, rarement en un seul nid, dans les prairies et au bord des routes (Vaux, Morges, Clarmont, Golion, Lausanne, l’Isle). Il y en a aussi plusieurs ceolonies, dont une immense (de plus de cent nids), sur le versant sud du Petit-Saleve, entre Mornex et Monnetier, mais seulement lä oü il y a des arbustes. Une belle colonie de F. pressilabris, composee de plus de 30 nids, se trouve sur le sommet de la dent de Jaman *). Enfin M. Bugnion m’a rapporte quelques $ de cette race provenant de dix ä *) J’engage les personnes qui monteront sur la dent de Jaman & constater l’existence de cette eolonie qui ne peut absolument pas leur &chapper, vu qu'elle occupe tout le sommet et les gazons fortement inelines qui se trouvent immediatement au dessous, de tous les cötes. Plusieurs nids sont au bord du sentier. Ces nids ont une base en gazon assez elevde et sont pour la plupart plats a leur som- met. Ils sont de grandeur moyenne; aucun d’eux n'est tres grand. Mn, douze gros nids (probablement une colonie) qui se trouvaient pres de Siebenbrunnen (val. de la Leuk), ä 1460 metres d’elevation. La F\ pressilabris typique n’a pas ete prise ailleurs en Suisse jusqu’ä present. Dans toutes les localites oü je l’ai observee, j'ai remarque qu'elle aimait les cöteaux secs et chauds, les prairies exposdes au midi, mais pas les endroits trop nuds; je ne l’ai jamais trouvde dans les bois. En ce qui concerne l'habitat, comme en ee qui concerne les maurs, elle est done ü peu pres ä la FM. ewsecta i. sp. ce que la F. pratensis est ä la F. rufa i. sp. F. exsecto-pressilabris. Les formes intermediaires que je comprends sous ce nom sont peut-ötre plus frequentes que les deux formes typiques, et leur habitat presente un fait assez remarquable. Tandis que dans la plaine, et speejalement dans le canton de Vaud, on ne peut trouver que des F. pressilabris typiques et des F. ewsecta i. sp. typiques, dans les sous-Alpes et dans la region des sapins on ne voit presque que des formes inter- mediaires. Ponte (bas de la haute Engadine). Entre Bergün et le col de l’Albula. Monte Cenere, Sommet du Monte Bre, pres de Lugano, ä cöte de l’exse:ta typique. Solalex (val. de l’Avencon) ä 1440 metres. Dischmathal, ä plus de 1600 mötres, forme plutöt pressi- labris (M. Dietrich). Ormonts (M. Bugnion). Piz Alun prös Pfeffers (Frey-Gessner). J’ai trouve de plus ces formes transitoires en quantite sur les collines des Vosges aux envi- rons de Saverne et de St-Odile. Elles font leurs nids dans les taillis, dans les clairieres, au bord des routes. A Ponte elles formaient plusieurs colonies assez considerables. 6. Genre Polyergus. 1. espece. P. RUFESCENS. Jamais dans les montagnes (si l’on en excepte les collines du Tessin). Pas rare dans la Suisse meridionale; extremement rare dans les cantons du nord (je ne l’y ai jamais vu moi-möme). On le trouve frequemment sur la rive vaudoise du Leman, mais pas ä& plus d’une lieue du lac, et seulement dans les lieux abrites ou exposes au midi. Cette espece aime les praivies maigres, les bords des routes, et les lieux ineultes non boises; elle fuit les bois et l’'humidite ainsi que les cötes par trop arides. Vaux, Morges, St-Prex ete. Lausanne. Lavey. Sion (Tourbillon). Loco (Onsernone). Stresa (Iles Borromees). Campagne de Bel-Air pres de Chene (Geneve). Bäle (Imhoff, et une 9 dans la collection de M. G. Haller). M. le prof. Heer m’a assur& avoir pris lui-m&me le P. rufescens & Zurich (Wollishofer-Almend). Il m’a et& impossible de le trouver dans le canton de Zurich. 7. Genre Hypoclinea. 1. espece. H. Quanrıpuncrata. Beaucoup moins rare que la (©. trumcata, mais genre de vie et habitat presque identiques. Elle se trouve ordinairement sur les arbres sains (quelquefois sur le bois mort), surtout sur les noyers et les chenes le long desquels on la voit monter et descendre. Nils dans l’ecorcee ou dans le bois mort (branches wortes des arbres). On la trouve dans toute la Suisse (plaine, valldes basses et collines), mais elle atteint probablement ä peine le bas de la region subalpine, Elle me parait plus commune dans les cantons du sud que dans ceux du nord. Vaux, Lausanne, St-Gall, Pied du Rigi, Zurichberg, Uetliberg (M. Stoll), Berthoud (Meyer-Dür), Schaffouse (Stierlin), Sierre, Locarno, Loco (Onsernone), Monte Cenere, Monte Salvatore, Lugano. 8. Genre Tapinoma. 1. espece. T. ERRATICUM. Commun dans toute la Suisse oü il atteint environ le haut de la region subalpine (Einsiedlen, Rigi et Pilate jusqu’ä 1200 metres ä peu pres. Sommet du Grand-Salöve. Rampes du Mont Tendre etc.). Mais cette espece abonde surtout dans les parties les plus chaudes de la Suisse; elle se plait principalement sur les cötes arides ex- posdes au midi (Fully, Saleve, Monte Br& pres de Lugano ete. ete.). Le T. erraticum aime done le soleil et les lieux secs; on le trouve cependant aussi dans les prairies eultivees les plus grasses, dans les clairieres, le long des routes, sur les murs, dans les jardins. Je ne me souviens pas de l’avoir vu dans l’interieur d’un bois. Il ne s’approche guere des maisons. 9. Genre Bothriomyrmex. 1. espece. B. MERIDIONALIS. Pentes rocailleuses et seches exposees au midi; sous les pierres. Eboulis au pied du pas de l’Echelle (Saleve); Petit-Saleve, entre Mornex et Monne- tier. Colline pres de Stresa (Iles Borrome&es). On voit que cette espece n’a pas et& prise en Suisse, ä strietement parler; mais la faune du Salöve qui est & un quart d’heure de la frontiere est en general ajoutee A la nötre, et celle de Stresa est si identique ä celle du Tessin que je regarde comme certaine la presence du B. meridionalis dans ce canton. 2” SOUS-FAMILLE PONERIDE. 1. Genre Ponera. 1. espeee. P. conTRacTa. Qä et la dans toute la Suisse, mais seulement dans la plaine et dans les vallees basses. Elle a une vie entierement souterraine; on la trouve sous les pierres, surtout au bord des rivieres, et dans les prairies, au pied des arbres. Vaux, Zurich (Uetliberg, Zurichberg, bord de la Sihl), Sion (bord du Rhöne). Ob. Lorenzbad, Argovie (Mus. de Bäle). Veyrier pres Gen&ve (Frey-Gessner). Graffe (Mayr, Form. austr.) et Diet- rich l’avaient dejä trouvee & Zurich. 2. espece. P. puncratıssıma. Vaux; une grande fourmiliere dans les interstices de la magonnerie d’un mur (avee l’hermaphrodite androgyna Roger). 3" SOUS-FAMILLE MYRMICIDE. 1. Genre Anergates. 1. espece. A. arraruLus. Rare. Chez le 7. caespitum. Vaux. Petit-Saleve, au-dessus u Sr RE de Monnetier, sous une pierre. Chemin de la Forelaz, en dessus de Martiguy, sous une pierre. Val Morobia, Tessin, & 1500 mötres d’elevation (M. Bugnion). Wiesenfluh, pres de Bäle, dans le Grand-Duch& (Muse de Bäle). Berthoud (Meyer-Dür, Mus. de Neuchätel). 2. Genre Oremastogaster. 1. espece. C©. SCUTELLARIS. Cette fourmi si commune dans le midi de l’Europe ne se trouve en Suisse que dans le canton du Tessin, mais elle y est tres frequente. Elle vit dans les murs, dans les arbres (chätaigniers), dans les jardins, au pied des maisons. Elle supporte le soleil le plus ardent, mais on la trouve aussi dans les-lieux ombrages. Locarno, Loco (Önsernone), Monte Br&, Mendrisio, Monte Generoso. Someo, vallde de Maggia (M. Stoll). Tessin et Chiavenna (Heer). 3. Genre Solenopsis. 1. espece. S. FUGAX. Tres commun dans la Suisse meridionale, commun dans les can- tons du nord. Il n’atteint ordinairement que la partie inferieure des sous-Alpes. Vit surtout dans les nids des autres especes de fourmis (F. fusca, F. pratensis, P. rufescens, T. caes- pitum ete., ete.). Prairies quelles qu’elles soient, et cötes arides exposdes au midi (sur ces dernieres on en trouve assez souvent des nids isoles, simples). Jamais je n’ai trouve le S. fugax dans les bois, ni däns les lieux tres humides, ni dans les maisons. Vaud, Soleure, Zurich, Valais, Tessin, Saleve, Berthoud (Meyer-Dür). J’en ai trouv6& une fourmiliere au bord de la route du Simplon, sur le versant nord. 4. Genre Strongylognathus. 1. espece. S. TESTACEUS. Assez commun dans la Suisse meridionale. Il parait &tre plus rare dans les cantons du nord et ne pas se trouver dans les montagnes. On a besoin de beaucoup d’attention pour le decouvrir, meme en un lieu oü il n’est pas rare, car ses nids sont identiques & ceux du 7. caespitum, et les 9 sont si peu nombreuses par rapport aux 9 caespitum qu’on peut, si on ne les connait pas, mettre dix fois la fourmiliere A decouvert sans se douter de leur existence. C’est different, il est vrai, si on a la chance de tomber sur l’Epoque des @ et des g' qui ne peuvent Echapper au premier coup d’eil. J’avoue franchement que je n’ai jamais su decouvrir cette espece avant l’annde 1869, quoi- que elle existät dans des localites dont je eroyais connaitre chaque mötre carr& de terrain. Je fus tres humilie lorsque j’en trouvai ensuite plusieurs fourmilieres & Vaux m&me, dans des coins ou j'avais deja enfonce tant de fois mon eiseau auparavant. Cela montre qu’il ne faut pas se häter de nier la presence d’une espece en un lieu, surtout celle d’une petite espece ä mours cachees. Le S. testaceus se trouve dans les prairies et sur les cötes arides, ineultes, exposces au midi. Vaux, Lausanne, Petit-Salöve (entre Mornex et Monnetier), Zurich (Oberstrass), Fribourg, Sion (Tourbillon), Vall&ee d’Onsernone (Loco et ailleurs), Lugano, Mendrisio, Stresa (Iles Borromees). u — 224 — 2. espece. S. HUBERI. Fully, vers le bas de la cöte, sous des pierres, dans un pre rocailleux. Une seule fourmiliere (1871) que je n’ai plus pu trouver en 1872. 5. Genre Tetramorium. 1. espece. T. caESpırum. Extröemement commun dans toute la Suisse. Il va dans les Alpes jusqu’au haut de la region des sapins (Maloggia; au niveau des derniers sapins, sur les flanes du Piz Surlei dans la Haute-Engadine; Anzeindaz [M. Bugnion]). Il four- mille sur les pentes arides et rocailleuses exposees au midi, dans les localites les plus chaudes du Tessin et du Valais, sur le Saleve ete. Il abonde partout dans les prairies, dans les lieux incultes, sous les pierres, au pied des murs et des maisons, dans les jardins, entre les paves, dans le sable comme dans les terres fumees. Les bois et m&me les clai- rieres paraissent seuls lui repugner. Partout ailleurs il se trouve en concurrence perpez tuelle avec les Z. niger et flavus, la F. fusca et les especes du genre Myrmica. 6. Genre Myrmecina. 1. espece. M. LATREILLEI. Cä et lü en Suisse, dans la plaine; rare, vie cachee. Ravins, lieux ombrages, pied des arbres, murs. Vaux, Clarmont, St-Saphorin, Zürichberg, Uetli- berg. Grabs, canton de St-Gall (M. Kubli). Ackerberg, Jura argovien (Frey-Gessner). Ber- thoud (Meyer-Dür). Suisse (de Saussure, d’apres Nylander). J’ai pris une © ailee, isolee, sur le Mont-Tendre. 7. Genre Aphaenogaster. 1. espece. A. STRUCTOR. Rare en Suisse, oü elle n’a ete trouvee que par moi sur le Petit-Saleve et dans le sud du Tessin. A Mendrisio, au pied du Monte Bre, et au pied du Monte Generoso, elle se trouve en abondance, surtout dans les villages, entre les paves, puis sous les pierres, dans les murs, sur les cötes arides exposees au midi. Cette fourmi que j'ai beaueoup observee dans le midi de la France recherche la proximite de l’homme; elle aime s’etablir autour des maisons, et m&me dans leurs murs. Les villages et les faubourgs sont ses lieux favoris, mais on la trouve aussi dans les endroits sauvages et incultes. 2. espece. A. SUBTERRANEA. Tres commune en Tessin, commune en Valais, rare dans les cantons de Vaud et de Geneve. Elle n’a pas encore &t& trouvee ailleurs en Suisse. Son habitat est caracteristique; elle vit sous les pierres, dans les decombres, dans les lieux ombrages et ineultes; on la prend aussi au bord des routes et des bois, vers les haies, sur les col- lines rocailleuses et couvertes d’arbustes rabougris. Elle aime la chaleur, mais pas les rayons directs du soleil. Vie cach&e, souterraine. Vaux, Lausanne. Versant sud du Grand- Salöve, tout pres du sommet. St-Maurice, Martigny, Fully, Sierre (tr&s commune). Locarno, Monte Cenere, Monte Bre pres de Lugano, Stresa (Iles Borrom&es). Cette espece se trou- vera probablement aussi dans le nord de la Suisse, par la suite. 8. Genre Myrmica. 1, espöce M. rupıpa. Habite ä peu pres les m&mes lieux que la Formica cinerea. Elle se trouve surtout dans les sous-Alpes, le long des cours d’eau, mais aussi dans les vallees basses, dans certaines localites de la plaine, et sur le Jura. Elle n’est nulle part extreme- ment abondante, mais elle est commune en divers endroits. Je n’ai jamais pu la trouver aux environs de Vaux ni de Morges. Elle aime les terrains sablonneux, le dessous des pierres, en general les endroits denudes, mais pas trop seces. Elle n’atteint pas le haut de la region des sapins. On la trouve quelquefois dans les faubourgs, pres des maisons, jamais dans les bois. Vallee du Rhöne. Vevey (M. Bagnion). Fribourg (une foule d’enormes fourmilieres au bord de la Sarine, au pied du Grand-Fey), Zurich (devant le Polytech- nieum et l’höpital), Einsiedlen, Untere Sandalp, Grisons, Locarno, Salvant, Vallee de Bre- gaglia (tres commune), Weissenstein, Kurfirsten (Leistkamm). Plans de Freniere (M. Bu- gnion). Au Richard, 1500 metres (M. Bugnion). Mont-Tendre, jusque pres du sommet. Berthoud (Meyer-Dür). Wildegg, Gadmen (Frey-Gessner). Wöschnau Insel, sur l’Aare. Soleure (Mus. de Bäle). Wasen, pres de Fluelen (Dietrich). Tarasp (Killias). 2. espece M. RUBRA. 1. r. M. laevinodis. Tres commune dans les lieux humides de toute la Suisse. Elle abonde partout dans les marais, dans les bois, le long des ruisseaux et des rivieres, dans les prairies humides. Elle fait son nid dans la terre, sous les pierres, dans la mousse ou dans les vieux trones. Jamais on ne la trouve sur les pentes arides exposees au midi, ni dans les lieux secs en general. Dans les Alpes elle n’atteint pas le haut de la region des sapins (Klenthal, Morgins, Samaden, St-Moriz). Elle est plus commune dans le nord de la Suisse que dans le sud; je l’ai cependant prise a Mendrisio. Nulle part je ne l’ai vue en quantite aussi considerable qu’ä Zurich, surtout sur les bords de la Sihl. 2.r. M. ruginodis. Moins commune que la race precedente. Elle a moins besoin d’hu- midite que cette derniere et s’eleve jusqu’au haut de la region des sapıns. Elle vit surtout sous les pierres, dans les clairieres, au bord des bois et des routes, dans les lieux ineultes. Cantons de Vaud et de Zurich (Vaux, Zurich ete.). Lenzburg (Frey-Gessner). Mont-Tendre, Morgins, Klenthal, Rigi, Mont-Pilate (vers le Klimsenhorn). Siebenbrunnen, vallee de la Lenk, ä 1460 mötres d’elevation (M. Bugnion). St-Gotthard, au-dessus d’Airolo (M. Bu- gnion). Maloggia (vers un marais, au sommet du col), Bregaglia, Monte Generoso. Ber- thoud (Meyer-Dür). Dischmathal, ä plus de 1600 metres (M. Dietrich). 5. r. M. scabrinodis. Tres commune dans toute la Suisse. Elle n’atteint pas le haut de la region des sapins, mais elle abonde en revanche dans les localites les plus chaudes du Tessin, du Salöve ete.; c'est la forme la plus meridionale du genre Myrmica. Cette race n’aime guere les bois ni les lieux humides; elle se plait surtout dans les prairies, au bord des routes et sur les cötes arides exposdes au midi. Elle ne s’approche pas volon- tiers des maisons, pas plus que les autres races de cette espece. Les points eleves oü j’ai 29 — 26 — encore trouve la M. scabrinodis sont le sommet du Mont-Tendre, Einsiedlen, le Rigi, et le Mont-Pilate (en dessous du Klimsenhorn). 6. r. M. rugulosa. Cette forme mal definie est rare partout. Sion (dans une prairie inculte, au bord de la Borgne), Zurich. Elle parait avoir le m&me habitat que la _M. sca- brinodis. 3. r. M. suleinodis. C’est la seule fourmi qui paraisse &tre exclusivement propre aux montagnes. Nylander et Mayr ont dejü releve ce fait que mes observations ne font que confirmer. Elle est tres commune dans la Haute-Engadine oü elle atteint une elevation presque aussi grande que la F. fusca (flanes du Piz Surlei). Je ne l’ai prise qu’une seule fois A un autre endroit, savoir sur un des points les plus &@leves du päturage de l’Obere Sandalp (Glaris). M. Stierlin l’a trouvee au Mont-Rose (Mayr, Form. Austr.). Elle vit sous les pierres, dans les hauts päturages et dans la region des sapins. N’apres Nylander et Mayr elle descend jusqu’a la region subalpine. 4. r. M. zoBIcornIs. Habite surtout les montagnes; elle est commune dans les hauts päturages et dans la region des sapins, tandis qu'elle est assez rare dans la plaine, et möme dans les sous-Alpes. De plus les fourmilieres des montagnes sont d’une variete plus petite et plus foncee que celles de la plaine. La M. lobicornis a du reste les memes goüts et les m&mes allures que la M. scabrinodis. Vaux, Zurichberg, Martigny. Mont Tendre (sur toute sa partie superieure, dans les päturages). Maloggia. Leistkamm (Kurfirsten). Anzeindaz (M. Bugnion), Unteralp (M. Dietrich). Davos (Musee de Bäle). Roveredo, val de Misoceo, Tarasp (Killias). La curieuse variete de la Q et du g, ä scape arque, n’a ete trouvee qu’ä Anzeindaz, par M. Bugnion. M. ruginodo-Iaevinodis. Zurichberg, Uetliberg. Misoceo, Coire (Killias). M. scabrinodo-lobicornis. Vaux. Pas de l’Echelle (Salöve). Sion, Sierre. M. suleinodo-scabrinodis. Maloggia. M. ruguloso-scabrinodis. Vaux, Zurich, Sion. 9. Genre Asemorhoptrum. l. espece. A. LıppuLum. Berthoud (Meyer-Dür). Prilly pres Lausanne (M. Emery). 10. Genre Pheidole. 1. espece. P. PALLIDULA. Cette fourmi qui appartient ä la faune du midi de l’Europe ne se trouve en Suisse que dans le seul canton du Tessin. Elle habite exactement les me&mes localites que le Oremastogaster scutellaris, et y est encore plus commune que ce dernier. Elle aime les pentes arides exposees au soleil, les rocailles, les lieux secs et pier- reux en general, les murs, les maisons (qu’elle envahit souvent). Elle va jusqu’a une certaine hauteur sur les collines du Tessin ou on la trouve A cöte des C. aethiops et la- teralis, des P. pygmaea ete. Locarno. Vallee d’Onsernone. Monte Bre. Mendrisio. Monte Generoso. Cordenio, vall&ee de la Masgia (M. Stoll). —_— 27 — 11. Genre Stenamma. 1. espece. S. westwoopı. Vit dans les nids des Formica rufa i. sp. et pratensis. Je n’ai su la trouver en Suisse que chez une seule fourmiliere rufa, sur l’Uetliberg. 12. Genre Temnothorax. 1. espece. T. REGEDENS. Sept & huit fourmilieres sous de petites pierres detachees qui se trouvaient dans les anfractuosites d’un mur sans mortier, au dessous d’Örbino pres de Mendrisio. C’est la senle fois que j’aie pris en Suisse cette espece meridionale qui parait du reste etre fort rare partout. 13. Genre Leptothoraw. 1. espece. L. ACERVORUM. 1. r. L. acervorum i. sp. Commun dans tout le nord de la Suisse, et dans les mon- tagnes jusque sur les hauts päturages; il est rare dans les plaines du sud de la Suisse. Dans les hauts päturages on le trouve sous les pierres, et il est d’une couleur plus fon- cee; partout ailleurs il vit dans l’ecorce des arbres et dans les vieux trones; il montre une predileetion marquee pour les pins et les sapins. Forelaz (Trient). Malogsia. Piz Alun (Frey-Gessner). Haute-Engadine. Anzeindaz (Bugnion). Barberine. Lausanne. Sion. Treös commun dans le canton de Zurich, dans le Jura vaudois jusqu’au sommet du Mont Ten- dre ete., ete. 2. r. L. muscorum. Parait &tre rare en Suisse. 9 isolees courant sur des arbres A Sion (bord de la Borgne), et aux environs de Lugano. Il doit se trouver aussi dans le nord de la Suisse, car on le prend dans le nord de l’Europe. 3. r. L. flavicornis. Au dessous d’Orbino, pres de Mendrisio, sous une petite pierre, dans l’anfractuosite d’un mur sans mortier (& cöte des T. recedens). Ü’est la seule fois que j’aie trouve cette forme. 2. espece L. TUBERUM. 2. r. L. corticalis. Vaux. Zurich, dans l’ecorce d’un arbre, au bord de la Sihl. 3. r. L. nigriceps. Rare. Vit sous les pierres et dans les fentes de rochers, sur les eötes arıdes et rocailleuses. Sion. Petit-Salöve. Grand-Salöve. (Je l’ai trouve aussi dans les Vosges). 4. r. L. affinis. Habite la plaine et les vallees dans toute la Suisse. On le croirait rare si on n’allait pas le chercher sur les trones des noyers et des chenes oü il grimpe en compagnie des H. quadripunctata et des ©. truncata. Lä il est commun, tandis qu’on le trouve plus difficilement sur les autres arbres ou dans les vieux trones. Vaux. Bords de la Sihl. Uetliberg. Zurichberg. Pied du Rigi, pres d’Immensee. Sierre (dans l’&corce de quelques pins). 8. r. L. luteus. Grand-Saleve. Tessin. Sous les pierres. 5. r. L. tuberum i. sp. Dans les montagnes, ainsi que dans les lieux secs et rocail- —_— 223 — leux, il vit sous les pierres. Ailleurs il se trouve dans l’&corce des arbres. Il habite toute la Suisse, jusqu’au haut de la region des sapins, mais il n’est commun nulle part. Vaux, Rigi et Zurich, dans l’&coree. Gysula dans le Jura argovien, et Lutisbach pres Lenzbourg (Frey-Gessner). Born pres de Kappel, canton de Soleure (Musee de Bäle). Andermatt (M. Dietrich). Dans les localites suivantes il se trouvait sous les pierres: Pas de l’Echelle (Saleve). Petit-Salöve (entre Mornex et Monnetier). Sommet du Mont Tendre (plusieurs fourmilieres). Sils (Haute-Engadine). Entre Albinnen et Loueche (Bugnion). 6. r. L. interruptus. Rare, sous les pierres, dans le bois mort et dans l’ecorce. Vaux, Sion, Petit-Saleve. 7. r. L. unifasciatus. Il n’est guere rare sous les pierres, mais il vit aussi dans l’ecorce et dans le bois sec. Je ne l’ai jamais trouve dans les montagnes. Il n’aime pas les eötes arides, seches et exposees au midi; il prefere les clairieres, les murs, le pied des arbres. On le trouve dans la möme loealitE tantöt sous les pierres, tantöt dans l’e- corce. Vaux. Morges. Lausanne (M. Bugnion). Sion (bord de la Borgne). St-Maurice (M. Bugnion). Sierre. Locarno. Bregaglia (bas de la vallee). Berthoud (Meyer-Dür). Bienne (Musee de Berne). Homberg et Ackerberg, Jura pres d’Aarau (Musee de Bäle). Lago di Muzano pres Lugano (Dietrich). 1. r. L. Nylınderi. Il habite la plaine dans toute la Suisse. On le trouve dans l’e- corce des arbres les plus divers, jamais sous les pierres. Il est assez commun dans le canton de Zurich et commun dans le canton de Vaud, mais il faut le chereher dans les bois et dans les taillis, sur les trones des arbres. Grabs, canton de St-Gall (M. Kubh). Monte Bre. Lutisbach pres Lenzbourg (M. Frey-Gessner). Berthond (Meyer-Dür). Je ne Vai jamais vu dans les montagnes (Tessin reserve). L. tubero-affinis. Petit-Saleve. Zurichberg. Vaux. L. tubero-interruptus. Pas de l’Echelle pres Geneve. L. tubero-nigriceps. Mont Tendre. Petit-Saleve. Sous les pierres. L. unifasciato-interruptus. Monte Cenere. Mendrisio. Sion (bord de la Borgne). St- Maurice (M. Bugnion). L. Nylandero-unifasciatus. Vaux. Saleve. Zurich (ce sont des formes du Nylanderı sans interruption au thorax qui ressemblent aussi ä d’autres races). L. Nylandero-corticalis. Monte Bre. Loco (Onsernone). Sur l’ecorce. REMARQUE. Si l’on fait abstraetion des formes rares, de celles qui ont une repartition irreguliere, et de celles qui sont egalement communes dans toute la Suisse, on voit d’apres le tableau qui precede un certain nombre de zones d’altitude et de latitude nettement caracterisees. Le canton du Tessin, soit le versant meridional de la chaine des Alpes, est caracte- rise par le C. scutellaris et la P. pallidula qui donnent ä sa faune le cachet de celle de l'Italie. er Une seconde zone est limitee par les Camponotus aethiops et lateralis, ainsi que par la P. pygmaea. Elle eomprend le Valais, le Salöve et quelques points chauds du canton de Vaud. Dans le reste du plateau suisse et des valldes on ne trouve pas de limite tranchee; mais les parties plus meridionales, en partieulier le canton de Vaud, montrent certaines formes (P. rufescens, ©. pubescens, L. emarginatus) en beaucoup plus grande abondance. Beaucoup de formes, nous l’avons vu, s’arretent au pied des montagnes, sans möme atteindre la region subalpine (O. truncata, Las. emarginatus, Lept. Nylanderi ete.). Une espece, la M. rubida, atteint par contre son maximum dans cette region. De lä la faune va en s’appauvrissant peu ä peu jusque vers le haut de la region des sapins sans rien montrer de particulier, sauf le maximum de frequenee du ©. herculeamus i. SP. La region des hauts päturages offre de nouveau quelques faits interessants. Toutes les fourmis y vivent sous les pierres, ou pen s’en faut; on en trouve aussi parfois dans les bouses dessöchdes. Les formes suivantes qui aboudent dans cette region donnent a sa faune un cachet speeial (ce qui vient peut-etre plutöt du manque d’autres formes): M. suleinodis. M. lobicornis (v. petite et foncee). L. acervorum (v. foncee). F. fusca i. sp. Le Jura ne se distingue en rien des Alpes, au point de vue des fourmis, du moins d’apres les observations que j’ai pu faire sur le Mont Tendre, la Dent de Vaulion, le Weissenstein et le Lagern. La haute Engadine a une faune assez eurieuse. Il m’a &t& impossible d’y trouver une seule espöce du genre Zasius, du moins de Maloggia ä Ponte (je n’ai pas et€ plus bas). Voici les formes que j’y ai prises: O. herculeanus i. sp., F. fusca i. sp., F. sangui- nea, F. rufa i. sp., F. pratensis, F. rufo-pratensis, L. acervorum i. sp., L. tuberum i. sp., T. caespitum, M. ruginodis, M. suleinodis. J’ai trouv& de plus les M. lobicornis et sulcı- nodo-scabrinodis sur le col de Maloggia seulement, puis les F. rufibarbis, F. exsecto-pres- silabris et M. laevinodis vers Ponte seulement. Qu’on me permette d’&numerer encore les fourmis que j’ai trouvees sur le versant sud du Petit-Saleve, entre Mornex et Monnetier. Cela donnera mieux que quoi que ce soit lidee de la faune des eötes arides, söches et exposdes au midi. Je crois que l’enu- meration sera assez complete, car j’ai passe plusieurs journdes ä explorer ce petit espace de terrain, et cela dans diverses saisons: C. aethiops, O. lateralis, T. erraticum, B. meri- dionalis, P. pygmaea, L. flavus (vw. elaire), L. niger i. sp. (rare), F. rufibarbis, F. pra- tensis et pressilabris (dans les zones d’arbustes), A. atratulus, 8. fugax, S. testaceus, u. eaespitum, A. structor, M. scabrinodis, L. tuberum i. sp., L. nigriceps, L. interruptus, L. affino-tuberum. Le C. ligniperdus, le L. flavus (v. ordinaire), ainsi que les F. sanguinea et fusca i. sp. ne se trouvent guere que vers le haut de ce versant, mais ils abondent au sommet et sur le versant nord. Enfin j’ajouterai que sur le seul territoire de la commune de Vaux (pres de Morges) — 30 — dont le plus grand diametre se parcourt en moins de vingt minutes je n’ai pas trouve moins de quarante-deux formes (especes et races) de fourmis, sans compter les varietes intermediaires. CHAPITRE Il. ROLE DES FOURMIS DANS LA NATURE. LES FOURMIS SONT-ELLES NUISIBLES OU UTILES? 1 Si les fourmis ne presentent qu’un assez petit nombre de formes, surtout dans nos climats, elles rachötent amplement cette inferiorit€ par le nombre des individus et par la vie en societe. Tous les auteurs qui ont &tudie ces insectes s’accordent ä leur donner une place eonsiderable dans l’&conomie de la nature. Cette place, ils la doivent ä leur union, & leur eourage et ä leur intelligence. Le developpement considerable de leur cerveau (gan- glions sus-@sophagien et sous-@sophagien des auteurs) qui surpasse celui de tous les autres insectes, tant par son volume (proportionnel) que surtout par la complication de sa structure (Leydig) est une confirmation &clatante de ce que nous revele l’observation de leurs meurs. Les fourmis sont un peu si l’on veut aux autres insectes ce que l’homme est aux autres mammiferes. Elles se trouvent presque partout, et partout oü elles sont elles font la terreur des autres petits animaux, du moins de ceux qui ne sont pas proteges contre elles par la nature au moyen de poils (larves de eetoines), d’une carapace tres dure et trös lisse (Hister), d’une odeur particuliere (certaines larves de Coleopteres), de toiles files (araignedes, diverses chenilles) ete. ete. Rien n’est amusant comme de verser un sac de F. pratensis dans une prairie fauchee et d’observer la maniere dont ces fourmis prennent possession du territoire qui les entoure. Tous les grillons doivent fuir en aban- donnant leurs trous; les sauterelles, les Cercopis, les Haltica se sauvent de tout cöte en sautant; les araignees, les staphylins, les carabes doivent souvent abandonner leur proie pour eviter de succomber eux-mömes. Les plus maladroits, ceux qui ont perdu des jambes, et surtout ceux qui viennent de muer ou d’eelore sont oecis puis dechires par les fourmis. J’ai vu des F. pratensis qui avaient prolonge un de leurs chemins, vu l’agrandissement de leur fourmiliere, rencontrer ainsi un nid de guepes (Vespa germanica) bäti dans la terre, en bloquer l’ouverture, et finir par en chasser les nombreux habitants, non sans avoir perdu beaucoup de combattants. Lorsque les hannetons (Mel. vulgarıs) se preparent ä sortir de terre au printemps, on voit souvent des F. pratensis les surprendre et les — 231 — tuer alors qu'ils commencent ä percer la croüte superieure du terrain, pendant que le pas- sage est encore trop petit pour laisser sortir le hanneton, mais assez grand pour laisser entrer les fourmis. Les chenilles, les lombries, les cercopis, les larves de toute espece deviennent ainsi la proie des diverses formes des genres Formica et Myrmica, des Lasius Juliginosus et niger, des Tetramorium, des Tapinoma ete. Bien plus, les insectes ailes tels que les Dipteres et les Lepidopteres ne sont point ä leur abri; j’ai vu souvent des Pha- Iaena, Larentia, Satyrus, Bibio, Tipula ete. qui s’etaient embarrasses dans le gazon attrapes et tues par des fourmis. Je n’en finirais pas si je continuais ainsi, & la maniere de la plu- part des auteurs qui ont Ecrit sur ce sujet. Quelques faits generaux nous Eclaireront beaucoup mieux. Nous verrons ailleurs assez de details. 1°) I ya fourmis et fourmis. Il ya plus de difference entre une Plagiolepis pygmea 9 et un (. ligniperdus 9 qu’entre une souris et un tigre. Une fourmiliere de L. fuligi- nosus est ä& une fourmiliere de Zeptothorax tuberum ce que Paris est & un hameau. Si l’on ajoute ä cela la rarete de beaucoup de formes, on verra que le nombre de celles qui jouent un röle vraiment important est assez restreint. Des fourmis comme les Myrmecina, les Temnothorax, les Leptothorax, les Ponera ne s’elevent que peu au dessus des insectes vivant solitaires. 2°) Nous avons vu combien l’habitat des fourmis est varie. Certains lieux sont cepen- dant plus ou moins completement ä leur abri. Ce sont d’abord les champs cultives qu’on laboure toutes les annees ou au bout d’un cycle de peu d’annees (champs de cereales, de colza, de pommes de terre ete.; prairies artificielles). Ce fait etait deja connu de Latreille. Il n’a guere besoin d’explieation; le labour detruit les nids, ce qui, joint & une trop grande inferiorite de vegetation, engage les fourmis ä Emigrer. Les F\. rufibarbis, san- gwinea et fusca bravent souvent ces inconvenients. Les marais proprement dits sont in- habitables pour les fourmis. On est cependant etonne de trouver encore des fourmilieres florissantes de L. flavus et de M. laevinodis dans des prairies marecageuses qui sont sub- mergees pendant une partie de l’annee; il semble qu’elles devraient &tre noy6es. Les parties centrales, touffues des forets, ou aucun rayon de soleil ne peut penetrer, sont le plus souvent sans fourmis; ä peine la F\ rufa i. sp., le C. herculeanus i. sp. et le L. fuli- ginosus s’y aventurent-ils quelquefois. Il en est de meme du centre des villes, des rues etroites et frequentees en general. J’ai vu encore des fourmilieres de 7. caespitum & Vienne dans la Laudongasse, rue large et peu anımee. 3°) Domaine des fourmilieres. Chaque fourmiliere un peu considerable a son domaine, son territoire qu’elle semble considerer comme une propriete. Cela resulte direetement du fait que toutes les fourmilieres sont ennemies les unes des autres. Une grande fourmiliere pratensis peut ainsi posseder tout un pre, plusieurs arbres, une haie; de ce domaine sera exclue toute autre fourmiliere pratensis, rufa, sangwinea, truncicola, fuliginosus,; des P. rufescens ne sauraient pas y vivre sans peine. Les autres formes plus petites etä vie plus souterraine pourront cependant y exister. Nous avons vu plus d’un exemple de ce genre; —-— 232 — je rappellerai la grande colonie de F\. exseeta du Mont-Tendre et les colonies de L. fuli- ginosus. Huber l’a fort bien dit: les fourmis n’ont pas d’ennemis plus terribles que leurs semblables. Les disputes de territoire a la frontiere de deux grandes fourmilieres sont la cause ordinaire des guerres les plus acharnees, mais ces guerres elles-m&mes finissent par fixer une limite oü s’arretent les 9 de chaque parti; les arbres a pucerons sont la pomme .de discorde la plus frequente (XXI. F. exsecta 5). Les Lasius flavus, T. cwspitum ete. ont des domainmes souterrains qui se composent de canaux mines et de racines de plantes; ils ne sont pas moins disputes que la surface du sol. Les fourmis n’ont guere d’ennemis dangereux (& part les autres fourmis). Certains oiseaux, surtout le pivert, qui penetre en hiver dans les nids des F. rufa et pratensis pour manger*) les 9 engourdies, divers para- sites dont nous parlerons ailleurs, ’homme, et peut-etre encore les araignees et les larves de fourmilions sont les seuls qui meritent d’&tre mentionnes, pour la Suisse du moins. 108 Les fourmis sont en general rangees parmi les animaux nuisibles & I’homme. La- treille (Hist. nat. des fowrmis) les aceuse d’une foule de mefaits qui ne leur incombent qu’en partie, et il indique divers moyens pour les detruire. D’autres auteurs, ceux qui ont observ& avee soin, savoir Huber, Ebrard et Mayr, les regardent comme etant ä la fois utiles et nuisibles. Enfin les forestiers, en partieulier Ratzebourg, se sont accordes depuis nombre d’annees pour leur attribuer une bonne influence dans les bois oü elles preservent les arbres de l’invasion d’autres inseetes nuisibles. Aussi le gouvernement prussien prit-il il y a peu d’annees la decision (ä jamais me&morable dans les fastes de la myrmecologie!) de promulguer un edit defendant la destruction des fourmis. Cette mesure est parfaitement justifiable, conıme j’espere le montrer bientöt. Mais toutes ces appre- eiations pechent par un point capital: on y juge toujours les fourmis en general, et l’on oublie qu’il ne faut pas attribuer aux unes ce que font les autres. Je crois pouvoir affır- mer que certaines formes sont essentiellement nuisibles, tandis que d’autres sont essen- tiellement utiles, et d’autres encore tout-A-fait indifferentes en ce qui regarde l’homme. Nous allons passer en reyue les divers attributs qui rendent les fourmis suisses interes- santes au point de vue utilitaire, en indiquant chaque fois les formes que cela concerne. A. Cas ou les fourmis sont nuisibles : 1. Pucerons et gallinsectes. Chacun sait combien ces animaux sont nuisibles ä cer- *) Au mois de fevrier 1868, je trouvai pres de Zurich, dans un bois, les exer&ments desseches d’un oiseau qui ne devait pas &tre des plus petits a en juger par leur calibre egal a celui d’un manche de plume. Ces exer&ments &taient entierement composes de debris de fourmis tres reconnaissables (t&tes, thorax, pattes, antennes, abdomens), si bien que je pus diagnostiquer a coup sür la race qui etait la Myrmica levinodis. Il faut que cet oiseau (probablement un pie) ait trouv& dans quelque vieux trone une fourmiliere engourdie de M. levinodis dont il se soit regale. en a = taines plantes. Ce sont surtout les pucerons des racines et les gallinsectes ou Coceinae qui meritent notre attention. Ces derniers (C’hermes, Coccus) font surtout tort chez nous aux pöchers, et dans le midi aux orangers. Or tous les jardiniers aceusent les fourmis du mal que font ces insectes, et ils assurent qu’en les eloignant on guerit la plante. Les jardi- niers n’ont probablement pas si tort. En effet, les fourmis protegent les gallinsectes et les pucerons contre tous leurs ennemis naturels qui sont nombreux (larves des coceinelles ainsi que l’insecte parfait, ichneumons, Hemerobius, larves de Syrphus); de plus, elles provoquent probablement chez eux une succion plus active, ce qui cause un plus grand epuisement de la plante. Nous n’avons done pas lieu de nous etonner si, la oü les puce- rons et les gallinsectes sont soignes par les fourmis, ils prosperent mieux que lorsqu’ils sont seuls, et si les plantes en souffrent d’autant plus. Or l’experienee nous apprend que ce sont surtout les plantes eultivdes qui periclitent sous l’influenee des pucerons et des gallinsectes, prineipalement dans les jardins. Les fourmis des jardins seront done celles que nous devrons surtout aceuser, et en realite les Lasius niger 3. sp., alienus et emar- ginatus, ainsi que quelquefois les F. einerea et fusca i. sp. sont les formes les plus nui- sibles & ce point de vue, le L. niger i. sp. avant tout. Les Camponotus vivant presque exclusivement de pucerons peuvent &tre aussi eonsideres comme nuisibles. Les pucerons des racines, devenus trop eelebres depuis qu’on a decouvert que l’un d’eux (Phylloxer« vastatrix) &tait cause de la terrible maladie qui ravage actuellement les vignes du midi de la France, sont beaucoup plus repandus qu’on ne le croit en general. Il en existe plusieurs especes sur les racines des diverses plantes de nos prairies. Or nous verrons quw’une des fourmis les plus communes, le Z. /lavus, s’entretient uniquement en eultivant ces inseetes. Les montieules des L. flavus sont fort connus des agrieulteurs qui les accu- sent non seulement de gäter les faux lors de la fenaison, mais encore de nuire ä la eroissance de l’herbe. Je ne me charge pas d’elueider la question; il faudrait en faire une etude speeiale, mais j’ai fait cent fois la remarque suivante: les nids de la plupart des fourmis dans les prairies, surtout ceux des #\ pratensis et sanguinea, mais aussi jusqu’ä un certain point ceux des F. fusca, rufibarbis, P. rufescens ete., sont entoures d’une zone d’herbe plus &paisse, plus verte que celle des environs, ce qui les fait souvent reconnaitre de loin. Or cela n’est point du tout le cas des nids de ZL. flavus autour des- quels l’herbe parait &tre plutöt maigre. Je crois du reste que cette zone de gazon £pais est due aux debris organiques que les fourmis rejettent autour de leur nid apres les avoir suces, et qui font l’office de fumıer. Le Z. flavus est la seule fourmi qui puisse £&tre consideree comme serieusement nuisible en @levant des pucerons de racines. 2. On a beauconp aceuse les fourmis de s’attaquer direetement aux fruits, aux fleurs et aux graines. Huber, et plus tard Mayr les ont justifi&es en assurant qu’elles ne ron- geaient jamais un fruit non entame, mais qu’elles venaient seulement lecher le suc des plaies faites aux fruits par d’autres animaux. Je ne puis que confirmer cette assertion; on sait du reste que les fourmis ne peuvent ni ronger ni mächer, mais seulement scier, 30 — dechirer, puis l&cher les substances liquides ou visqueuses. Aucune fourmi suisse ne s’at- taque aux graines, ä part l’Aphaenog. structor qui ne se trouve qu'au sud du Tessin et rarement sur le Salve. Mais dans le midi de l’Europe cette espece, et surtout I’A. bar- bara, eausent dit-on parfois un grand tort aux recoltes de ble, de riz ete. en emportant des millions de grains dans leurs souterrains. Diverses fourmis, surtout les F\. fusca et rufibarbis, vont souvent l&cher le liquide sucr€ qui se trouve dans la corolle des fleurs saus leur causer aucun dommage, comme le font les abeilles, les bourdons, les gu&pes ete.; ce fait s’observe le plus souvent sur les Ombelliferes. Done en somme, les fourmis ne sont direetement nuisibles ni aux fruits, ni aux fleurs, ni aux graines (en Suisse du moins). 3. Foröts, bois en general. Aucune fourmi ne fait direetement tort ä la vegetation des arbres; nous avons vu dans l’architeeture ce qui en est des nids des fourmis ligni- coles, et j'y renvoie. Les L. fuliginosus(2), ©. hereuleanus, O. ligniperdus, ©. pubescens peu- vent cependant eauser certains dommages en minant le bois, et en lui ötant ainsi sa so- lidit6; mais ces dommages se r&duisent en somme ä peu de chose dans notre pays: ici c’est la chute pr&maturde d’un arbre, lä celle d’une poutre ou d’un plancher. Les fourmis ne cachant pas leurs travaux comme les termites, on peut toujours prevoir ces aceidents ä l’avance. Exemples: chute d’un grand bouleau oü des L. fuliginosus avaient etabli leur nid central; plancher d’une maison entierement mine par des L. fuliginosus (Lausanne); ponts de bois (Vaud) et poutres des maisons (Valais) mines par les C. pubescens. Le tort que certaines formes (F. rufa, F. pratensis, L. fuliginosus) semblent pouvoir faire aux arbres en y eultivant des pucerons est plus que compense par le fait qu'elles les preser- vent d’autres ennemis beaucoup plus dangereux; Ratzeburg l’affirme, et toutes mes obser- vations viennent ä son appui. 4. Maisons. Il est connu de tout le monde que dans les faubourgs, dans les villages, dans les campagnes isoldes, les maisons sont souvent infestees de fourmis qui deviennent une veritable plaie. Elles pendtrent partout, s’attaquant surtout au sucre, aux confitures et au miel, mais aussi ä tous les autres aliments, aux insectes vivants qu’on @leve (XXIH. L. emarginatus), bref, ä tout ce qui peut leur convenir d’une maniere ou d’une autre. Lors de l’accouplement, les @ et les Z volent de nuit dans les chambres, viennent s’a- battre lourdement sur la figure des personnes qui dorment, sur la table oü l’on travaille, ce qui ne laisse pas que d’ötre fort desagreable; j’en parle par experience. La seule fourmi qui merite dans toute la Suisse le titre de fourmi des maisons est le Zasius emarginatus. C'est & cette forme que se rapporte tout specialement, ce que je viens de dire. Son odeur nauseabonde la rend encore plus detestable. Nous devons aussi mentionner la Pheidole pallidula qui commet les m&mes degats, mais vit seulement en Tessin. Quelques autres for- mes se trouvent parfois dans les maisons, mais elles y sont beaucoup moins desagreables (sauf le L. fuliginosus dans quelques rares cas); ce sont les L. brunneus, fuliginosus et niger i. sp., les C. ligniperdus, herculeanus i. sp. et pubescens. Certaines fourmis viennent aussi parait-il manger le miel dans les ruches d’abeilles pen peuplees (Christ). Le Doct. Kerner y a trouve par exemple le Camp. sylvaticus (Mayr Ung. Am.). Dans les jardins, les Z. niger i. sp. et emarginatus se rendent aussi fort incommodes, les premiers par leurs constructions qui grimpent sur toutes les plantes, ainsi que par le sans gene avec lequel ils montent sur les jambes et les vetements des personnes, les seconds par la mauvaise odeur qu'ils donnent aux fruits (peches, fraises, framboises) sur lesquels ils se promenent. La f. cinereau merite une mention speciale. Elle ne penetre pas dans l’interieur des habitations, mais elle peut devenir un veritable fleau dans les jardins. Elle y Epuise les plantes par la culture des pucerons, et elle en rend parfois le sejour intolerable par la maniere dont elle grimpe sur les personnes, s’introduisant avec une agilite inouie dans tous les replis des vetements, et venant vous mordre avec fureur’ jusqu’a la figure, sans qu’on puisse s’en debarrasser. Je comnais un jardin & Zurich oü l’on ne peut pas entrer et faire quatre pas au milieu des allees sans &tre couvert de F. einerea des pieds aA la tete. A ce propos je ferai remarquer que toutes les fourmis ne s’attaquent point ä l’homme de cette maniere, pas meme quand on detruit leur nid. Celles qui se montrent les plus hardies apres la F. cincrea sont la F\. rufibarbis, puis les F. exsecta, pressilabris et sangıinea, les Lisius fuliginosus et niger, les Myrmica ru- bida, ruginodis et levinodis, le T. cwspitum, le ©. seutellaris et la P. pallidula. 5. Pigtere. Tout le monde craint la pigüre des fourmis, et cependant sur soixante- six formes existant en Suisse, il en est tout au plus quatre ou eing qui soient reellement capables de traverser notre @piderme avec leur aiguillon, et de nous causer ainsi une legere inflammation eirconserite qui se traduit par une d&mangeaison ou par une douleur plus ou moins aigue, ainsi que par un löger erytheme avec ou sans enflure. Ces formes sont les suivantes: 1°) M. rubida. La piqüre de cette fourmi est vraiment tr&s doulou- reuse; la douleur quelle produit est ä mon avis au moins aussi forte et surtout plus aigu& que celle d’une pigüre de guepe ordinaire (Vespa vulgaris ou Vespa germanica). Mais la M. rubida n’est pas tres commune, et ses nids sont sur des lieux decouverts oü on les voit aussitöt, de sorte qu’on n’en est pas souvent atteint. 2°) M. levinodis et ru- ginodis. Ces formes connues sous le nom de fourmi rouge, rousset, rousselet ete. sont les seules dont le publie ait souvent & souffrir. Lorsqu’on s’assied dans les bois, sur la mousse ou sur un trone d’arbre, au bord des ruisseaux et des rivieres, il est rare qu’on n’entre pas en collision avec elles. Elles envahissent promptement les vötements, et l’on sent bientöt ä divers endroits comme autant de pigüres d’epingles cuisantes. La douleur est beaucoup moins forte que celle produite par la M. rubida, et elle disparait le plus sou- vent au bout de quelques minutes. Les races scabrinodis et lobiornis ne piquent presque jamais, car leur humeur n’est point agressive conıme celle des pr&eedentes, et leur aiguillon est plus faible. 4°) Le T. cespitum mord avec fureur, mais son aiguillon est trop court pour traverser l’epiderme, ä moins que celui-ei ne soit tres fin (enfants, visage ete.). Dans ce dernier cas il provoque une l&gere douleur; sinon (et c’est l’ordinaire) une simple — 236 — demangeaison. Les autres Myrmicides et Ponerides suisses sont incapables de nous piquer, leur aiguillon &tant trop faible ou trop court (chez les Leptothoraz, c'est surtout le man- que de courage qui en est la cause). Les Formieides peuvent &tre fort desagr&ables malgre leur manque d’aiguillon, et cela de trois manieres: 1°) simplement en s’introduisant sous les vetements et en grim- pant sur les bras, sur les jambes, sur tout le corps, en entrant dans les oreilles ete. (Las. niger et fuliginosus, P. pallidula, C. scutellaris, la morsure de ces especes £etant trop faible pour qu’on la sente); 2°) en pingant douloureusement la peau avec leurs man- dibules et en versant dessus du venin qui produit en outre une demangeaison (formes des genres Cumponotus, Formica et Polyergus); les F. cinerea, rufibarbis, exsecta et san- guinea joignent ce desagrement au precedent; 3°) en &aculant & distance du venin qui peut atteindre les yeux et faire assez mal (F. rufa, pratensis et truncicola). 6. Enfin nous avons vu & propos du Z. Alavus (pucerons) qu'il se rend fort desagre- able aux faucheurs par ses dömes maconnes qui parsöment les prairies. Les dömes en materiaux des F\ pratensis et autres peuvent &tre desagreables & l’eil, mais n’ont aucun inconvenient serieux. B. Cas oü les fourmis sont utiles : 1. L’utilit&E des fourmis pour l’homme se reduit en quelque sorte & un seul fait: la destruction d’autres insectes nuisibles. Les fourmis qui se nourrissent exelusivement ou presque exclusivement de liqueur de pucerons ou de substances vegetales ne peuvent done &tre qu’inutiles ou nuisibles; tels sont la plupart des Zasius, les Camponotus, les Lepio- thoraz, les Aphwenogaster, les Solenopsis ete. Celles qui au contraire s’attaquent aux in- sectes font en general un grand bien aux vegetaux en les debarrassant des chenilles, des Cercopis, des sauterelles, des grillons ete., ete. qui se nourrissent ä leurs depens. En outre, la frayeur que les fourmis inspirent aux autres insectes empöche ces derniers d’approcher les vegetaux qu’elles occupent. C’est probablement pour cela que dans les forets les ar- bres occupes par les F\ rufa ou exsecta sont si specialement pr&serves des Bostryches et autres inseetes nuisibles. Les formes qui font la chasse ä d’autres petits anımaux sont avant tout celles du genre Formica, puis celles des genres MUyrmica, Tetramorium et Pheidole, puis le T. erraticum, les L. fuliginosus, niger i. sp. et emarginatus. Mais seules les F. rufa, pratensis et exsecta mettent au jour leur utilite d’une maniere evidente, gräce ä leur taille et surtout & la grandeur de leurs fourmilieres. Je ne crois pas qu’on doive pour cela mepriser les services moins visibles et plus dissemines des autres formes (ainsi des F. fusca et rufibarbis, des Tetramorium et des Myrmica). Je renvoie ieci aux expe- riences de meurs pour le d&nombrement que j’ai fait des imseetes tues par des F\. pra- tensis et rapportes & leur nid par leurs chemins (XXI. F. pratensis. 4.). On ne se fait pas du tout une idee suffisante de l’enorme quantite d’inseetes nuisibles que detruisent les fourmis. Il ne faut pas oublier quelles ne profitent que d’une tr&s petite partie de leur proie, puisqu’elles ne peuvent que lecher les sucs de son corps, lesquels se dessöchent en grande partie avant quelles aient seulement pu dechirer le squelette chitineux. 3. On se servait autrefois des fourmis, e’est-äA-dire des F. rufa et pratensis pour pre- parer l’acide formique. Aujourd’hui on le tire de diverses substances par des procedes ehimiques, ce qui est infiniment plus simple et moins coüteux. Nos insectes sont done devenus inutiles ä cet &gard, ce dont ils n’ont pas lieu de se plaindre. Le contenu de la vessie A venin des A. rufa et pratensis est de l’acide formique assez peu mele d’autres substances, mais il n’en est @videmment pas de m&me de toutes les autres especes dont le venin a une odeur et une saveur variables. Puis on ravit les cocons des memes F. rufa et pratensis pour nourrir divers oiseaux qu’on tient en cage, sacrifiant ainsi des millions d’insectes utiles dans un but tout au moins inutile. Afın d’obtenir ces cocons, nommes vulgairement @ufs de fowrmis, Y’homme se sert d’une ruse vraiment infernale. Tl profite de Pamour des fourmis envers leurs cocons pour les tromper; il verse le contenu d’un nid en un lieu quelconque, et dispose tout A cöte un reeipient soigneusement couvert de feuilles seches oü les 9 se hätent d’aller entasser leurs cocons, eroyant les mettre ainsi en sürete. Au bout de quelques heures, il se trouve naturellement que les fourmis ont travaill& pour l’amateur d’oiseaux qui n’a plus qu’ä serrer dans une armoire le reeipient rempli de eocons proprement arranges. Les fourmis (F. rufa et pratensis) sont encore mentionndes comme remöde dans divers livres de pharmaeologie, et se trouvent meme dans les pharmaecies. II est ä peine besoin de dire qu'elles y jouent le m&me röle que les neuf dixiemes de leurs confröres en fioles et en tiroirs, c’est-aA-dire celui d’une drogue indigeste qui ne sert absolument quw’ä remplir la bourse des pharmaciens, & vider celle des malades et & bourrer inutilement la cervelle des etudiants en medecine. Enfin Lepeletier assure que d’apres les observations de Thouin les fourmis sont utiles aux plantes en sucant la liqueur des pucerons, car lorsque ces derniers sont laisses a eux- memes ils la rejettent sur les feuilles des plantes qui se trouvent ainsi bientöt enduites d’un vernis suere, lequel nuit & leur respiration. Le fait est positif, et la deduetion est ingenieuse, mais il est probable que les pucerons nuisent cent fois plus aux plantes en les epuisant et en arrötant la vegetation des branches qu'ils oeeupent qu’en vernissant quel- ques feuilles; des lors le pretendu service que rendent les fourmis devient plus que pro- blematique. Tl est du reste probable que certaines especes de pucerons ne peuvent guere se passer de fourmis, tandis que d’autres ne sont jamais cultivees par elles. Si nous voulons resumer tout ce qui vient d’&tre dit d’une maniere pratique, nous pouvons considerer en somme comme nuisibles les formes des genres Lasius et Camponotus, comme utiles par contre les formes du genre Formica (excepte la F. cinerea), surtout les F. rufa, pratensis et exsecta. Les autres formes sont de peu d’importance, ou bien elles ont des avantages et des desavantages qui se compensent plus ou moins. TEN ET TR Pe RE REED ee C. Moyens de detruire les fourmis: Le fait fondamental qui se pr&sente ici est peu encourageant. D’apres ce que j’ai vu je suis arrive & la convietion que les seules fourmis que nous soyons facilement en etat de detruire sans detruire en m&me temps nos recoltes sont precisement celles qui nous sont utiles, savoir les F\ rufa, pratensis, trumeicola, sangwinea, exsecta et pressilabris, en d’autres termes les fourmis ä& materiaux. Il suffit pour cela d’enlever rapidement au printemps le döme et le labyrinthe du nid, lesquels contiennent le gros de la fourmiliere, et de les mettre dans l’eau bouillante ou de tuer les fourmis d’une autre maniere queleonque; or rien n’est plus facile. Les 59 restantes rebätissent le döme, mais, si l’on repete deux ou trois fois de suite ce procede, elles emigrent et vont fonder un nouveau nid ailleurs. Alors on peut achever completement leur ruine,. car le nouveau nid est toujours tres superficiel pendant les premiers temps, et il suffit d'une fois ponr enlever tout ce qui reste. Mais ä quoi bon indiquer le moyen de detruire des insectes que nous devrions proteger. Nous ferions mieux d’imiter la Prusse, en interdisant de faire du mal aux fourmis des bois, et de surveiller speceialement les eleveurs d’oiseaux et les pharmaciens ä cet egard. Les autres fourmis, surtout les Zasizus, ont des nids si caches dans la terre qu’en voulant les detruire on n’arrive ordinairement qu’ä faire tort aux plantes qu’on voulait. pröserver. ll en est de m&me des nids des maisons et de ceux des arbres. Ces derniers sont cependant peut-&tre plus faciles & atteindre. Je suis bien persuade qu’on peut dans certains cas avee de la patience venir & bout d’une fourmiliere de Lasius, mais on ne peut pas en purger une localit€ comme des F. rufa. Je cerois que le seul moyen efficace est d’introduire dans le nid, lä oü cela est possible, une substance veneneuse non volatile telle que du phosphore *), du sublime eorrosif, du mercure metallique, de l’onguent gris, du sulfate de euivre, et de boucher ensuite autant que possible les diverses ouvertures. (Ce moyen doit surtout &tre efficace pour les nids sculptes dans les arbres, car lä les $ ne peuvent pas boucher leurs galeries. Si les fourmis ne perissent qu’en partie, ce qui est *) Je me suis assurd que l’odeur concentree du phosphore ordinaire tue les fourmis au bout d’un certain temps (deux ou trois jours d’apres mes experiences). Mais l’inflammabilite de cette substance la rend dangereuse. On peut cependant diminuer considerablement ce danger en pilant le phosphore dans un corps visqueux et hygrometrique (melasse p. ex.; on emploie ce melange pour la Mort-aux-rats). Pour plus de prudence, il faudrait, s’il s’agit d'un nid dans le bois, mettre le melange de phosphore et de melasse dans un petit recipient en verre ouvert a une extremite, afin de pouvoir enlever le tout a volonte. Ce r&eipient devrait &tre introduit avee son eontenu dans le nid par quelque issue de telle fagon que son ouverture communique avec l’interieur du nid. Il faudrait ensuite boucher avee du ciment ou de la terre glaise toutes les issues du nid qu'on pourrait decouvrir et pas seulement celle par laquelle on aurait introduit le reeipient a phosphore. Les fourmis ne craignent pas de manger cette melasse au phosphore, et je ne crois pas qu’elles en meurent si elles vont ensuite dans une athmos- phere pure. probable, celles qui restent seront du moins foreees de se retirer ailleurs, Les substances volatiles (eamphre, benzine, chloroforme) ou decomposables ä l’air (cyanure de potassium ete.) ne tuent que quelques 9; les autres se refugient un peu plus loin ou se protegent ä l’aide de murs mitoyens, et reviennent des que le danger est passe. Ratzeburg recom- mande de boucher les ouvertures des nids avec de la chaux rendue amere au moyen d’une deeoetion de coloquinte, et d’entourer de goudron le pied des arbres qu’on veut proteger contre les fourmis. La poudre persane peut servir ü eloigner pour un certain temps des L. emarginatus d’une armoire a confitures, mais elle ne les detruit pas. Je previens sur- tout les personnes qui s’imaginent emprisonner les fourmis dans les murs d’une maison et les reduire & mourir de faim en bouchant tous leurs trous avec du mastic quelles entreprennent un travail parfaitement inutile. Puisque nous n’arrivons pas m&eme ä en- fermer les souris de cette maniere, nous arriverons bien moins A enfermer les fourmis auxquelles suffit une ouverture grosse comme une tete d’epingle. L’eau bouillante ne sert: qwä tuer quelques 9 qui sont A la surface, parce qu’elle se refroidit aussitöt quelle penetre dans le nid; l’huile serait peut-etre plus effieace, car elle adhere au corps des inseetes et bouche ainsi leurs stigmates. Je demontrerai ailleurs l’inutilitE de l’enleve- ment des dömes des ZL. flavus en automne avec la pelle. Le remede le plus rationnel qui ait ete essaye pour detruire les Z. Hlavus qui infestent les prairies, est de piler leurs nids avec une poutre courte et pesante, de maniere ä& les enfoncer jusqu’au dessous du niveau du sol. Pour que cela soit utile, il faut que les fourmis soient bien sous leur döme et non dans les canaux souterrains des environs. Je pense done que le mieux est de choisir le moment oü le nid est plein de cocons des trois sexes ou de @ et J Eclos, c’est-a-dire les mois de juin et de juillet (le moment qui suit la fenaison). On doit alors &eraser la majeure partie de la fourmiliere et de sa descendance. Je n’ai pas de donnees sur les resultats qu’on obtient par ce moyen. Le fait que les champs qu’on laboure toutes les anndes n’ont presque pas de four- milieres montre que le labour repete est un remede efficace, mais il faut ayouer qu'il est un peu trop radical. Latreille indique les moyens suivants dont je n’ai Eprouy& que le dernier: 1°) En- tourer le pied des arbres de poix ou de suie. 2°) De l’eau chargee d’une forte decoction de feuilles de noyers est sensee tuer les fourmis. 3°) La rue (en decoction) et le tabac sont senses les faire fuir; je n’ai jamais vu le tabae produire cet effet. 4°) Apporter des F. rufa en quantite considerable dans les jardins qu’on veut purger d’autres fourmis. J’avais mis ce dernier systeme en pratique longtemps avant de savoir que Latreille l’avait deja invente, et je vais raconter une de mes experienees ä ce sujet: J’avais promis au proprietaire d’un jardin situ& dans un faubourg de Zurich et in- feste de F. cinerea, jardin dont j'ai dejä parle, de faire mon possible pour le debarrasser de ces insectes. Je le previns que j'apporterais dans ce but d’autres fourmis, ennemies des premieres, et qui n’auraient aucun des inconvenients de celles-ci. Malheureusement les — 240 — F. rufa et pratensis sont peu abondantes autour de Zurich et n’y sont qu’en petites four- milieres. Un premier essai que je fis avee une fourmiliere rufa et une fourmiliere pra- tensis apportees dans des sacs manqua completement. Les deux fourmilieres furent ex- termindes par les F\ cinerea jusqu’a la derniere 9. Je m’armai done de grands sacs, je pris un porteur avec moi, et j’allai le 11 mai 1879 par le bateau ä vapeur ä& Zollikon, village aux environs duquel il ya d’assez grands bois. Lä je trouvai deux ou trois belles fourmilieres rufa dont je remplis un sac, puis deux grandes fourmilieres pratensis dont je remplis un second sac, et enfin une dizaine de fourmilieres sangwinea qui occeuperent le troisiome sae. Mon porteur s’en chargea non sans peine, et, arrive au jardin, je deposai chaeun des sacs ä une place differente, les rııfa au pied d’un grand sapin, les autres vers des massifs d’arbustes. Les 9 de fourmilieres differentes mölees dans un m&me sac ne tarderent pas A s’allier, vu la gravit& des eirconstances (voy. Exp. de meurs V). En effet, les nouvelles venues s’etendirent ä la ronde autour de leurs tas respectifs, mais elles durent bientöt se limiter a un cercle de deux ou trois pieds de rayon autour de chaque tas, car des millions de cinerea vinrent les assieger. Rien n’etait curieux ä voir comme l’enorme tas des F. rufa qui paraissait aussi peuple qu’un grand nid des bois, et qui pourtant tait bloque par cette nuee de petites fourmis grises lesquelles sortaient de tous les coins du jardin. Cependant les nouvelles venues etaient trop fortes pour rester dans cet &tat. Chacune des trois sortes prit l’offensive et repoussa peu ä peu les cinerea ä la ronde, non sans des combats acharnes. Les rufa conquirent un second sapin et s’etendirent sur une pelouse; les sangıinea s’emparerent d’assaut de deux ou trois nids de cinerea, et les pra- tensis en firent autant. Ües faits se passerent pendant les deux ou trois premiers jours. Des lors les combats devinrent moins acharnes; les cinerea se contenterent de faire un blocus moins resserre, et les autres ne cherchörent plus ä rompre pour l’ordinaire les limites qui leur etaient ainsi assignees, de sorte que le jardin eontinua & €tre surtout le domaine des cinerea, mais renfermant les trois autres domaines comme trois enclaves. Ce- pendant les rufa et les pratensis firent de temps ä autres de nouvelles attaques, et finirent par augmeuter leurs domaines respectifs, tandis que les sanguinen ne surent que s’emparer d’un petit prunier. Le 8 juin, les rufa occupaient une pelouse sur un rayon de plus de six metres; les pratensis avaient conquis de nouveau trois ou quatre nids tres peuples de F. einerea et tout un massif d’arbustes. Les cadavres de fourmis des quatre sortes jonchaient le terrain & certains endroits. Mais, chose singuliere, la plus grande partie d’entre eux avait etE amonceles par les fourmis (probablement par les cinerea) sur le gra- vier, exactement au milieu des allees, oü ils formaient une trainee longue de dix metres et large de trois centimetres, trainee qu’on apercevait ä distance comme une bande gri- sätre; les cadavres y etaient serres, entasses les uns sur les autres. J’ignore le motif qui a pu engager les fourmis a disposer ces cadavres dans un ordre, on peut dire dans une symötrie aussi frappante. Curieux de savoir de combien les fourmis que j'avais apportees l’emportaient dans la lutte sur les cinerea, ä nombre egal, je pris plusieurs pincees de — 4l — ces cadavres ä divers endroits, je comptai dans chacune le nombre des cinerea et celui de leurs ennemies, et je pris ä la fin la moyenne totale (basee sur plusieurs centaines de cadavres. Je trouvai qu’en moyenne il y avait & peu pres trois cadavres de cinerea (2,9) pour un des autres (je ne pris pas la peine de distinguer les rufa des pr.tensis et des sanguinea, ce qui eüt souvent necessite la loupe et n’eüt servi de rien, vu que ces trois sortes n’avaient pu combattre les unes contre les autres, leurs cereles respectifs ne s’etant jamais rejoints). Le 3 juillet, rien n’avait change; les fourmis de Zollikon avaient cesse d’avancer; les eombats n’avaient plus lieu; on ne voyait plus guere de cadavres; il y avait evidemment treve. Cependant les cinerea avaient sensiblement diminue dans la plus grande partie du jardin, mais elles s’etaient concentrees ä l’une des extr&mites oü elles couvraient d’autant plus le terrain et les arbres restes en leur pouvoir. Le 4 aoüt je trouvai le tas des rufa detruit, et le reste des $ dont l’immense majorite avait disparu etablies ä quel- que distance. Le proprietaire m’assura que cela s’etait passe subitement, pendant une nuit. Il est certain que les cinerea n’en &taient pas cause, car elles n’avaient pas encore ose remettre les pieds dans l’aneien domaine des rufa. Les sangwinea avaient entierement disparu de la möme maniere. Les pratensis seules etaient encore assez florissantes, mais elles finirent aussi par disparaitre plus tard. L’annee suivante les cinerea envahirent de nouveau tout le jardin. Cette experience dont le resultat n’est guere encourageant au premier abord montre que le moyen n’est cependant pas entierement inefficace. Je suis persuade que si mon temps me l’avait permis, et si j'avais eu plus de F\. rufa et praiensis & ma portee, je serais arrive & faire disparaitre les cinerea jusqu’ä la derniere. Une fois ce resultat atteint, il aurait suffi d’entretenir chaque annde une ou deux faibles fourmilieres rufa ou pratensis dans le jardin pour &viter une nouvelle invasion. Or les F. rufa et pratensis ne causent aucun desagrement dans les jardins et leur sont plutöt utiles. On voit done en resume que nous disposons de bien faibles moyens pour detruire les fourmis uuisibles. En defendant la destruction des fourmilieres, le gouvernement prussien empeche done de fait seulement la destruction des especes utiles (laquelle se fait sur une grande &chelle pour nourrir divers oiseaux en cage), et il atteint parfaitement son but. De plus je suis sür que la propagation des F\. rufa, pratensis et exsecta emp&che jusqu’&a un certain point celle de diverses formes nuisibles telles que les Caumponotus, les L. fuli- ginosus et niger qui sont en concurrence directe avec elles. Le röle que les fourmis jouent dans la nature en Suisse, dans les pays temperes en general, est des plus modestes lorsqu’on le compare & celui qu'elles jouent dans les pays tropieaux. La puissance que leur union et leur intelligence donne ä ces petits insectes se montre dans ces derniers d’une maniere surprenante, et les r&cits des voyageurs sur ce sujet touchent souvent au tragique. Les Bresiliens disent des fourmis qu'elles sont les veritables reines du Bresil vu que ce sont elles qui y exercent la plus grande puissance (Heer, Haus-Ameise Madeiras). sl V"° PARTIE: EXPERIENCES er OBSERVATIONS DE M(EURS Introduction. J’ai essay& de classer les resultats de mes exp6riences et leur deseription sous des chefs, dans des chapitres partieuliers; mais j’ai vu que je n’aboutirais ainsi quw’ä allonger, ä me repeter, et surtout que je risquerais de rendre les faits moins fidelement en les parquant dans des categories qui n’existent pas dans la nature. ‚Je vais done les deerire bruts, tels que je les ai observes, sans suivre d’ordre bien marque. Ce systeme n’est mi litteraire, ni elegant, mais je le crois preferable pour tout lecteur qui cherche des faits reels, et non des opinions et des theories. Une seule experience se trouvera souvent avoir rapport ä des faits de nature tres diverse, ä des fourmis d’especes completement diffe- rentes; je ne la couperai pas en deux pour cela. Il y a plus de douze ans que j’observe les meurs des fourmis, notant ä mesure chaque observation interessante, mais mes &tudes prineipales sur ce sujet datent de 1867. Il est clair que je ne puis deerire ici qu’une partie des faits observes pendant cette periode de temps; je choisirai les plus interessants. J’ai pu confirmer presque toutes les observations d’Huber; sur quelgues points cependant je suis arrive A des resultats differents. J’ai confirme aussi plusieurs de celles d’Ebrard, mais je suis en desaccord avec Jui & plus d’un @gard. : De plus, j’ai specialement etudie certains points negliges par ces auteurs et encore fort obscurs. La question qui m’a tou- jours le plus interesse et qui m’a donne les resultats les plus inattendus est celle des rapports amicaux ou hostiles des fourmis de fourmilieres differentes, suivant les eircon- stances ou on les place, et suivant qu'elles sont de m&me espece ou non. J’ai ete amene ainsi ä la decouverte de nouvelles fourmilieres mixtes naturelles, dans des cas excep- tionnels, apres en avoir souvent obtenu d’artificielles pendant plusieurs annees. A cöte de cela j’ai cherche ä etudier les meurs encore peu ou pas connues de certaines especes, ainsi des Tapinoma erraticum, Bothriomyrmex meridionalis, Formica pressilabris et exsecta, Myr- mecina Latreillei, Str. testaceus et Huberi, ete. Mes especes favorites ont cependant tou- jours ete: d’abord le Polyergus rufescens, vu son singulier instinet esclavagiste et ses ex- peditions si variees; en second lieu la F. sangwinea, va son intelligence vraiment superieure, autant que j’ai pu en juger, et son aptitude ä varier ses procedes suivant les circonstances. Enfin, avant de commencer, je suis tenu de donner un certain nombre d’explications —_— 243 — et de definitions qui se prouveront ensnite d’elles-m&ömes par les experiences, mais qui sont indispensables ä la clarte de ce qui suivra. Disons tout d’abord en these generale que les fourmis d'une möme fourmiliere sont amies, et que celles de fourmilieres differentes sont ennemies. Ce fait fondamental est toujours vrai. 1. A quoi reconnait-on que deux fowrmis soni amies ou ennemies? Tl se presente ici deux cas; ou bien chacune se sent soutenue par de nmombreuses compagnes, ou bien l’une ou l’autre ou toutes deux sont isolees. Cela ne changera en rien les rapports des fourmis amies, mais bien ceux des fourmis ennemies. a) Deux fourmis ennemies isoldes se rencontrent. Elles chercheront toujours alors ä s’eviter; elles se fuiront mutuellement, ä moins que l’une ne soit beaucoup plus grande et plus forte que l’autre, auquel cas la petite seule fuira. Si une seule des fourmis est isolee et que l’autre se sente ‚soutenue, la fourmi isolee fuira seule; l’autre attaquera souvent. b) Deux fourmis amies se reneontrent. Il peut se presenter une foule de cas. Ou bien elles se coudoieront sans faire semblant de se voir, mais sans manifester d’effroi, sans faire d’ecart, ou bien alles s’arreteront. On les verra alors souvent toutes deux im- primer ä leur corps quelques secousses fort vives d’avant en arriere, et se frapper vivement le front ou une autre partie du corps, puis se quitter; d’autres fois une seule des deux fera ce manege vis-A-vis de l’autre qui la palpera pendant ce temps avec ses antennes. D’autres fois toutes deux resteront immobiles de corps en se frappant mutuellement de leurs antennes. Öe dernier acte est un signe moins sür d’amitie et nous le verrons souvent chez des fourmis qui sont dans le doute, ne sachant si elles ont affaire ä une amie ou & une ennemie. On ne verra presque jamais deux amies se menacer de leurs pinces et surtout pas recourber leur abdomen l’une contre l’autre. Deux cas particuliers sont tres carac- teristiques pour deux fourmis amies : le dögorgement, et le transport de consentement mutuel. >i l’une des deux fourmis qui se rencontrent a faim ou soif, et surtout si elle s’apercoit que le jabot de l’autre est rempli, ce qwelle reconnait en lui tätant T’abdomen avec ses antennes, elle ui demande ä manger. A cet effet, elle vient earesser sa tete, en la l&chant et en lui frappant le chaperon de ses antennes ä coups repetes. Sila fourmi ainsi requise accede au desir de la demandeuse, elle ouvre ses deux mandibules au maximum, retire ses antennes en arriere, avance tout son appareil buccal, comme lorsqu’elle veut manger, et, restant ainsi dans une immobilite exterieure complete, elle fait bientöt sortir de sa bouche une goutte d’un liquide transparent. Pendant ce temps la demandeuse ne reste pas inac- tive; elle fait converger les bouts de ses deux antennes sur le chaperon de celle qui de- sorge, et le frappe alternativement de l’une et de l’autre tres rapidement; ce mouvement ne peut &tre mieux compare qu’ä celui des doigts dans un trille sur le piano (Huber). En meme temps elle brosse aussi tres rapidement les cötes de la tete de celle qui degorge avec ses deux pattes anterieures, l’une apres l’autre. Tout en faisant cette gymnastique, elle leche la bouche immobile et emmiellee qui est devant elle exactement comme elle — 244 — löcherait une goutte de miel sur un morceau de papier, sans jamais ouvrir ses mandibules comme semble le dire Huber (p. 178) (les fourmis mangent toujours avec les mandibules fermees, en lechant ou lapant avec leur langue). La fourmi qui degorge a l’air de jouir; elle fait sortir quelquefois deux ou trois gouttes l’une apres l’autre; d’autres fois, lors- quelle a mange un liquide visqueux (miel Epais), on ne voit pas sortir de goutte, car la demandeuse l&che ä mesure la substance gluante qui ne sort que lentement. Cet acte du degorgement joue un röle tres important dans l’economie d’une fourmiliere; c’est un signe parfaitement certain que les deux fourmis sont amies. Vient ensuite le transport mutuel. Nous avons vu dans le tableau deseriptif des especes comment les diverses sortes de fourmis se transportent. Le but de la porteuse est soit de montrer a l’autre un che- min qu'elle ne connait pas, soit de la mener & un endroit oü elle veut des aides pour executer un travail. Lors d’un demenagement, les 5 qui savent le chemin du nouveau nid y portent celles qui ne le savent pas. Ebrard assure que les 9 portent quelquefois leurs compagnes fatiguees revenant d’une longue course. J’ai vu des faits qui viennent ä l’appui de cette opinion. Huber a deja montre que le transport mutuel etait un signe d’amiti6 et non d’inimitie. C'est meme un signe tres sür pur reconnaitre des fourmis amies, mais on peut tomber dans une grave erreur si on n’y fait attention. En effet, lorsque deux fourmis ennemies se sont battues sans employer le venin, il arrive trös souvent que l’une, se sentant faiblir et ne pouvant plus resister, cesse tout-ä-coup de se defendre, replie ses antennes et ses pattes comme une fourmi portee par une amie, et laisse faire son ennemie. Celle-ei sait ce que cela signifie, et l’eııporte paisiblement, soit dans son nid, soit dans son camp oü la prisonniere est ensuite lentement dechiree et tuee. Ordinairement, dans ce cas, les ennemies se tenaient par les jambes ou par le tho- rax, bref par un membre qui n’est pas celui que saisit une porteuse amie, lequel est dans la regle une mandibule; le vainqueur, se gardant de lächer prise une seule fois, continue a porter le vaincu par ce membre quel qu’il soit. Mais il arrive souvent aussi que les adversaires se battaient en se tenant par les mandibules, et alors l’analogie avee une fourmi qui porte une amie est vraiment frappante. Il y a cependant un moyen certain de distinguer les deux cas: prenez un objet delie, une feuille de graminee p. ex.. et pla- cez le entre les tetes des deux fourmis, de maniere ä forcer la portee ä lächer prise ou seulement ä se derouler, puis observez. Si ce sont deux amies, elles se lächeront aussitöt; la fourmi portee ne s’enfuira pas, mais, apres s’&tre cachee un instant, elle se mettra & chercher de tout cöte la porteuse qui en fera autant de sa part. Elles finiront le plus souvent par se retrouver; vous verrez alors la porteuse saisir l’autre par une mandibule, et celle-ei se laisser prendre sans resistance et se replier aussitöt; souvent elles se frap- peront un instant auparavant de leurs antennes. Si ce sont deux ennemies, vous aurez le plus souvent beaucoup de peine ä les separer; la fourmi portee se deroulera immediate- ment, il est vrai, mais l’autre ne la lächera pas de si töt. Si vous arrivez ä les separer, vous remarquerez souvent que la 9 portee est malade ou Ecloppee, ce qui n’a presque u — 245 — jamais lieu quand’ce sont deux amies; si ce n’est pas le cas, elle s’enfuira prestement, ou bien, ce qui n’est pas rare, vous les verrez recommencer ä se battre. Souvent vous verrez la porteuse rattraper l’autre, la mordre ä diverses places et l’entrainer finalement par une jambe ou par le thorax; l’autre apres avoir resiste plus ou moins longtemps se rendra de nouveau. Du reste nous aurons occasion de voir une forme intermediaire entre le portage de fourmis amies et celui de fourmis ennemies, ä& propos des alliances entre fourmis adultes ennemies (VI. 6). En somme cependant, on peut considerer les cas de fourmis ennemies qui se portent comme de rares anomalies, tandis que chez les fourmis amies (de certaines especes) c’est un acte des plus frequents. Aussi lorsqu’on rencontre des files de fourmis oü beaucoup de 9 en portent d’autres roulees autour de leur tete, on peut &tre certain que ce sont des compagnes (amies) de la m&me fourmiliere. e) Si vous mettez ensemble des fourmis amies dans une boite ou dans un bocal, elles se reuniront au bout d’un moment et se coucheront les unes ä cöte des autres ou sur les autres. Si elles sont ennemies, elles se battront ou se fuiront, mais jamais elles ne resteront tranquilles, se touchant l’une l’autre sans se mordre. Ces mömes fourmis amies se löcheront les unes les autres avec leur langue en avancant la bouche, se degor- geront de la nourriture, se frapperont de leurs antennes ou de leur tete en imprimant une secousse au corps, se porteront les unes les autres, mais ne se mordront jamais, ne recourberont jamais leur abdomen l’une contre l’autre. d) Deux fourmis ennemies se rencontrent, se sentant toutes deux soutenues par de nombreux camarades. Supposons les de möme taille. Si elles se rencontrent & l’impro- viste, se trouvant l’une sur l’autre avant d’avoir pu se reconnaitre, elles saisiront aussi- töt chacune le premier membre venu de son adversaire avec les mandibules. Suivant les especes et suivant l’animosite plus ou moins grande, il y aura ensuite tous les degres du combat. Le plus violent s’observe lorsqu’employant d’un seul coup toute leur force et toutes leurs armes, elles s’etreignent avec fureur, se roulant toutes deux sans chercher ä se terrasser, mais en recourbant leur abdomen autant que possible et en s’inondant mu- tuellement de venin (ou en cherchant ä& se percer de leur aiguillon quand elles en ont un). Si ce ne sont pas deux fourmis d’espece tres robuste, il suffit souvent de quelques minutes pour que l’une ou toutes deux soient tuees, suivant que l’une arrive ä piquer ou & inonder l’autre la premiere ou que toutes deux y arrivent & la fois. Cela ne se voit qu’au fort d’une bataille violente. Le plus souvent, les deux adversaires s’&tant saisis, commencent apres s’etre palpes un instant avec leurs antennes, ou sans l’avoir fait, par chercher ä s’entrainer ou ä se terrasser reeiproquement. A cet effet ils se tirent chacun en sens inverse par le membre qu'ils ont saisi, ou bien se roulent sans s’inonder d’abord de venin, sans se piquer. C'est une lutte a outrance. Cette lutte finit soit lorsque, le venin ou l’aiguillon s’en melant, un des ennemis tue l’autre, soit lorsque l’un des deux, plus faible, se rend et se laisse entrainer par l’autre, auquel cas il est bientöt tu& par les $ du camp ennemi. Souvent il replie ses pattes et ses antennes, et se laisse emporter ainsi (ce dernier cas n'a lieu que dans les combats faibles). — 246 — Mais si les deux ennemis ont eu le temps de se reconnaitre avant d’etre l’un sur l’autre, chacun cherche ordinairement A saisir son adversaire sur le dos du thorax. A cet effet ıls se menacent l’un l’autre, les mandibules ouvertes, les antennes retir&ees en arriere, et souvent l’abdomen ä demi recourbe en avant. Ils s’elancent plusieurs fois l’un contre l’autre, mais rarement l’un des deux arrive ä& son but; le plus souvent ils se prennent tous deux ä la fois par les mandibules, et se battent ainsi, ou bien se lächent et recom- mencent (ce qui arrive souvent aussi dans le cas preeedent oü ils se sont pris & l’impro- viste). D’autres fois un d’eux arrive & saisir son adversaire par une antenne ou par une patte, et peut l’entrainer ou &tre entraine; dans ce dernier cas il läche souvent prise. Quand un des ennemis a et&E assez heureux pour saisir l’autre sur le thorax, c’en est souvent fait de ce dernier, car le premier glisse ses mandibules jusqu’au cou de sa vic- time, et fait des efforts inouis pour la decapiter en mouvant ses pinces comme deux scies par une impulsion de la tete de droite ä gauche et de gauche ä droite. Il est rare qwil separe completement la tete du thorax, la destruetion de la chaine nerveuse suffisant ä son but. C'est le plus souvent par surprise, lorsqu’un des ennemis a vu l’autre le premier, qu’il reussit ä le saisir ainsi sur le dos. On voit aussi quelquefois une fourmi se jeter sur une ouvriere ennemie, l’inonder de venin, puis s’enfuir. Quand l’une des fourmis ennemies est plus grosse que l’autre, le genre de combat ne differe guere qu’en apparence; la grosse cherche avant tout ä Eviter d’etre prise par les pattes et täche de saisir la petite sur le dos ou sur la tete. Il lui suffit alors le plus souvent de serrer une fois fortement ses mandibules, pour tuer la petite, ä laquelle elle coupe le corps ou le comprime si fortement qu’elle disloque d’un coup tous les organes internes. La petite, de son cöte, cherche ä Eviter cela, et täche de saisir la grosse de maniere ä ne pouvoir &tre mordue par elle, en la prenant par une antenne, par la base d’une patte, par le pedieule ete. Lorsqu’un des combattants est tres petit et l’autre gros ou tres gros, ce dernier ne distingue souvent pas ou presque pas son ennemi, ce qui donne au combat un caractere tres comique (8. fugax ou P. pygmea avec une grosse fourmi; voy. ma note sur les maurs du 8. fugaz). Chez les fourmis & mauvaise vue, les combats sont toujours plus lents; elles ne se reconnaissent que lorsqu’elles se touchent. Chez les especes A corps tres dur, les combats sont aussi moins vifs, mais beaucoup plus acharnes. On ne peut pas toujours dire comme le pretend Huber qu’ä grandeur egale une fourmi A aiguillon T’emporte sur celle qui n’en a pas; cela depend avant tout de la durete de la carapace chitineuse, puis de la force de l’aiguillon. On peut plutöt dire quw’ä taille egale la fourmi la plus dure l’emportera presque toujours sur la plus molle ou la plus delicate. Ainsi la F\ rufibarbis l’emporte sur l’A. structor. e) Un genre de combats doit surtout attirer notre attention; c’est ce que je nom- merai combats ü froid ou combats chroniques. Nous verrons plus bas les causes qui les determinent. Ces combats commencent presque toujours par ce que j’appellerai des tirail- lements: les fourmis se prennent par les pattes ou par les antennes, et se tirent sans violence, sans grands efforts, mais avec une tenacit& etrange, se palpant d’une maniere continue avec leurs antennes. Lä les deux adversaires ne s’inondent jamais de venin, ne recourbent jamais leur abdomen. Presque toujours l’un des deux est patient et l’autre actif; le premier se laisse faire sans se defendre, avee une resignation stoique. L’autre fait A peu pres ce que font les Indiens ä leurs prisonniers; il prend une antenne de sa vietime et travaille avec une tranquillit& vraiment infernale & la couper ou plutöt ä la scier avee ses mandibules; cela fait, il coupe une patte ou l’autre antenne, et ainsi de suite, jusqu’ä ee que sa vietime, affreusement mutilde mais parfaitement en vie, soit dans Vimpuissance la plus eomplöte de se defendre ou m&me de se guider seule. Alors il Ta- chöve quelquefois en lui coupant le eou ou le thorax, mais plus souvent il lemporte et va la deposer en un lieu &earte oü elle doit necessairement perir. Ce n'est pas une fois, mais plus de cent fois que j’ai fait cette triste observation. Une modifieation plus douce de cet acte a lieu lorsque la plus forte, voulant simplement se debarrasser de l’autre, sans lui faire de mal, l’emporte aussi loin que possible, l’abandonne, et se häte de reve- nir. Ce fait est aussi assez frequent. f) Nous n’avons parl& que des combats singuliers. Lorsqu’une fourmi est saisie par deux ou plusieurs ennemis, elle est ordinairement perdue, & moins qu'ls ne soient beau- eoup plus petits quelle. Elle se defend vivement, lors des eombats violents, mais, cou- verte de venin, tiree dans tous les sens, elle succombe bientöt. Ordinairement une de ses assaillantes profite de ce que les autres la tiennent pour arriver ä son cou et la deca- piter ou chercher ä le faire. Il ne faut du reste pas non plus vouloir trop gen£raliser ; les proeedes varient suivant les genres et les especes de fourmis (XX, XXI). Lorsque le combat n’est pas vif, la fourmi surprise par plusieurs ennemies est faite prisonniere, comme on est convenu de le dire. Ces prisonnieres, enımenedes dans le nid ennemi, ne sont jamais mangees ni reduites en esclavage, ainsi qwWon l’a souvent pretendu, mais elles sont execeutees ä froid comme je viens de le deerire ei-dessus. Ceei m’amene & dire que le plus souvent la vietime de ces ex&cutions ä froid a non pas un seul, mais plusieurs bourreaux qui travaillent chacun & un de ses membres, L’execution achevee, ou ä demi achevee, la vietime est emportee au loin et abandonnde morte ou vivante. Lorsque plusieurs ennemis s’attaquent simultansment, il se forme souvent des chaines de combattants comme les de- erit Huber. Deux fourmis s’etant saisies, d’autres des deux camps s’attachent & leurs pattes ou les prennent sur le thorax, jusqu’& ce qu’un des partis, le plus fort, emporte la chaine, et la rompe en faisant prisohniers tous ses ennemis. g) Si l’on observe des fourmis ennemies, ensemble dans un bocal ou dans une boite, on les voit se separer bientöt en deux camps aussi &loignes Tun de l’autre que possible. Quand deux 9 ennemies se rencontrent, elles s’&vitent, se menacent ou se battent. Ony voit en tout ou en partie les scenes que je viens de decrire. h) Une fourmi qui a le dessous saisit souvent un membre de son adversaire, y eram- — 248 — ponne ses mandibules de toutes les forces qui lui restent, et p@rit en y demeurant atta- chee. Ce n’est pas chose facile pour l’autre que de s’en debarrasser, car le corps mort de ces petits inseetes, place ä l’air, se dessöche avant qu’un relächement putride des museles ait pu commencer. Aussi doit-elle le plus souvent trainer ce corps apres elle jusqu’ä ce qu'une de ses amies l’allöge en separant le trone de la tete; quant a la töte, elle la eonserve longtemps, plusieurs jours souvent, jusqu’ä ce que le frottement ou les efforts de ses compagnes finissent par la detacher. Le P. rufescens sait eviter cet in- convänient. Il a une singuliere maniöre de combattre qui n’appartient qw'ä lui et aux Strongylognathus. Toutes les fois qu’un ennemi le prend par la patte, il lui saisit la tete avec ses mandibules arquees et pointues, de maniere ä ce que l’une soit fix&e sur le front et lautre sur la face inferieure de la tete. Cette menace suffit ordinairement pour faire lächer prise ä l’ennemi. S’'il ne le fait pas, le Polyergus enfonce ses deux mandibules comme deux poignards, se servant pour cela du m&me mouvement de tete de droite ä& gauche et de gauche ä droite qui sert aux autres fourmis & scier, et il laboure ainsi la tete de son ennemi. Chose inceroyable, il a toujours l’instinet de choisir la place oü se trouve le cerveau (les ganglions de la tete), et arrive ainsi en un instant ä& le detruire. On voit alors l’ennemi, pris tout-A-coup de convulsions, lächer le membre qu'il avait saisi, les nerfs mandibulaires &tant necessairement mis hors de fonetion par la destruetion de leur centre. Si le Polyergus a mal plante ses mandibules la premiere fois, on ne tarde pas ä le voir ressortir l’une d’elles ou toutes les deux, et les enfoncer & une autre place pour atteindre son but. Ce fait est d’une constance si remarquable que je ne comprends pas comment Huber n’en fait aueune mention. C'est gräce ä ce seul expedient que les Polyergus reussissent & s’echapper tous ou presque tous sains et saufs des fourmilieres de F. rufibarbis qu’ils ont pillees. Nous voyons done que les symptömes ne manquent pas pour distinguer les fourmis amjes et ennemies. Cependant une foule de ces faits ont ete pris par les auteurs pour tout autre chose que pour ce qu'ils sont en realite, et c'est pour cela que j'y ai tant insiste. Huber est ä peu prös le seul qui ait vraiment compris leur signification. Ebrard lui-möme, ä la suite d’une ou deux experiences (p. 25 et 26 de ses Hiudes de maurs), a eru que jamais des fourmis de m&me espece ne se tuaient. Il faut done observer avee beaucoup de perseverance, et experimenter d’une maniere aussi variee que possible, pour arriver A son but. Gardons-nous en partieulier de confondre une certaine brusquerie, meme une certaine brutalit& qu’ont entre elles des fourmis amies lorsqu’elles sont pressdes, ainsi lorsqu’une reeruteuse cherche une compagne ä emporter lors d’une migration, avec de veritables symptömes hostiles, lesquels ne sont souvent rien moins que brusques (com- hats & froid). 2. Une precaution & prendre chaque fois qu’on observe les fourmis est de mettre la main gauche devant la bouche et le nez, en l’appuyant sur ce dernier, afin d’eviter que la plus l&gere haleine ne vienne atteindre les fourmis, car je ne connais rien qui les effraie autant. Un souffle suffit souvent pour faire avorter l’experience qui marchait le mieux. Il est inutile d’ajouter qu'il ne faut intervenir activement que le plus rarement possible, une fois qu’une experience marche bien. Mieux vaut tout brouiller une bonne fois que de chieaner legerement des fourmis ä cing ou six reprises; cela les derange beaucoup moins. 3. Nous verrons dans le cours de ces experiences comment les fourmis 9 traitent les ©, d, larves, nymphes et eufs amis et ennemis. Tous jouent un röle passif, sauf quel- quefois les @ qui se defendent lorsqu’un ennemi les attaque et savent fort bien distin- guer un ami d’un ennemi. 4. Le courage de toute fourmi augmente chez la m&me forme en raison directe de la quantite de compagnes ou amies quelle sait avoir, et diminue en raison directe de l’iso- lement plus grand oü elle se trouve de ces compagnes. Chaque habitant d’une fourmiliere trös peupl&e est beaucoup plus hardi qu’une $ exactement semblable d’une tres petite peuplade. La m&me 9 qui se fera tuer dix fois lorsqu'elle est entouree de ses compagnes, se montrera extremement timide, evitant le moindre danger, m&me une fourmi beaucoup plus faible qu’elle, lorsqu'elle sera isolee, & vingt metres de son nid. Formez une four- miliere en miniature de Sä 10 9, avec des larves, une © feconde ete., et vous verrez qu’elles chercheront & peine ä se defendre, et fuiront au moindre danger. Ü’est une verite des plus generales, applicable ä toutes les especes, aussi les 9 des fourmilieres tres grandes sont-elles toujours les plus hardies. Cela n’exelut pas les degres de courage sui- vant les especes, hätons-nous de le dire; ainsi un P. rufescens sera toujours infiniment plus courageux qu’un (©. marginatus. Ce n’est pas du tout la cerainte de la mort qui est la cause de cette difference. Si vous prenez deux fourmis ennemies acharnees, choisies au milieu d’un combat, et que vous les mettiez delicatement dans une boite assez petite, vous les verrez s’eviter, se menacer lorsqu’elles se rencontrent, se tirailler peut-&tre un instant, mais jamais se faire du mal. Mettez cent fourmis de chaque camp dans une boite deux cents fois plus grande, et vous &tes presque sür que beaucoup se tueront. Rien n’est plus approprie que ce principe ä la conservation de l’espece ; il est evidemment plus avan- tageux pour une petite societe de fuir sans chercher ä resister, car chacun de ses membres lui est precieux, tandis qu’une grande peuplade aura avantage ä sacrifier un certain nombhre de ses ouvrieres pour conserver ses domaines, ses nids etc. 5. Je ne donne pas ici de details sur les fourmilieres mixtes, en ayant dejäa dit un mot dans le tableau systematique des especes ä propos des P. rufescens, S. testaceus et Huberi, genre Formica ete. Je renvoie du reste pour cela ä& Huber, Ebrard, et v. Hagens. Je dirai simplement qu’une fourmiliere mixte est une fowrmiliere composee de deux ou plu- sieurs especes differentes viwant comme des s@urs, en parfaite intelligence. Nous les divi- serons en deux classes: 1°) Celles oü une des especes est entierement faineante. Iei rentrent celles des P. rufescens avec les F. fusca ; celles des Str. testaceus, Str. Huberi et A. atra- lulus avec les T. c@spitum. 2°) Celles oü toutes les especes travaillent. Ici nous avons les 32 — 230 — fourmilisres des F. sangwinea, puis, exceptionnellement, des F\ pratensis, truncicola, ex- secta et T. erraticum (2) avec les F. fusca, rufibarbis et B. meridionalis (2). On sait que les P. rufescens et F. sangwinea pillent les cocons des nids de F. fusca et rufibarbis, et que telle est l’origine de leurs fourmilieres mixtes; de la le nom d’escelaves donne aux deux dernieres especes. Ce nom rend mal les faits; j’aime mieux celui d’ auxihaires employ& aussi par Huber. On ne sait pas l’origine des autres fourmilieres mixtes. Celles des $. Huberi, F. pratensis, truncicola et exsecta, ainsi que celles du 7. erraticum avec le B. meri- dionalis dont je ne suis pas parfaitement sür, ne sont encore decrites nulle part; je les ai decouvertes depuis peu de temps seulement. 6. Les fourmis ont un besoin absolu d’humidite, comme nous l’avons vu dans le cha- pitre de l’architeeture & propos des dömes et des pierres. Mettez des fourmis quelconques dans un bocal en verre dont l’ouverture n’est fermee que par de la mousseline, et il suffira souvent de quelques heures pour qu’elles perissent toutes si vous ne leur donnez pas d’eau. Si le bocal est bouche, elles vivront beaucoup plus longtemps, l’&vaporation etant plus faible. On se fait ordinairement une idee entierement fausse des soins ä donner aux fourmis et aux insectes en general qu’on veut elever. Ils ont presque toujours assez d’air, meme dans les boites qui ferment le mieux. Si l’on emploie des bocaux, on ne risque rien en les bouchant, pas trop solidement il est vrai, avec un bouchon de liege. C'est toujours l’eau qu’on neglige. Mais il ne faut pas de lacs risquant de noyer les prisonniers. J’ai trois systemes : 1°) Une eponge qu’on imbibe d’eau, et qu’on met dans la boite ou dans le bocal; cela a l’inconvenient d’etre trop vite sec. 2°) Lorsqu’on a beaucoup de terre dans le lieu de l’experience, il suffit de l’humecter direetement. 3°) On a de l’eau dans un verre ou autre recipient, et au moyen d’une bande de papier ä filtrer on la met en communi- cation avec la terre ou le bois des fourmis. La capillarite l’y fait aller petit ä petit. Ce systeme est excellent pour les arenes de gypse que nous verrons bientöt. En general il vaut mieux tenir les fourmis dans des appareils assez bien fermes ou l’humidite de la terre ne s’Evapore que peu. 7. Les fourmis aiment la chaleur quand elle est humide. Mais il ne la leur faut pas trop forte. Je n’ai pas fait de mesures thermomötriques sur la temperature des endroits ou elles tiennent leurs larves en ete, mais lorsque le soleil est au zenith, et que le nid se trouve expose ä ses rayons, elles sont toujours cachees au fond de leurs souterrains avec leur famille, & moins que la temperature de l’air ne soit pas trop elevee. Lorsqu’il fait froid, elles recherchent au contraire de tout leur pouvoir les rayons solaires. Elles peuvent, du reste, supporter beaucoup de froid; je le montrerai plus bas (XXXV]). 8. Je renvoie aux notices anatomiques et physiologiques pour d’autres faits que nous y avons vus. 9. Lorsqu’une de leurs compagnes est legerement blessee ou un peu malade, les fourmis la soignent. Si elle est mourante ou languissante, ce qui se voit & un dessechement ou ä une fletrissure des tarses et des bouts des antennes, elles la considörent comme perdue, — Ball — et l’emportent loin du nid pour !’y laisser mourir. Ebrard l’a deja demontre (l. c. p. 31 et 32). 10. Les fourmis ne mangent presque jamais un ennemi de leur taille; je ne deeiderai pas si c'est parce quwelles le trouvent trop coriace ou pour une autre raison. Il semblerait qu’en dechirant son abdomen elles y trouveraient une bonne nourriture facile a lecher. Par contre les petites fourmis savent fort bien depecer les grosses, et certaines grosses (F. sangwinea) savent aussi sucer des especes petites et molles, apres les avoir &crasees entre leurs mandibules. Cela varie du reste suivant les especes dont quelques-unes sont plus carnassieres que d’autres (T. erraticum, T. cespitum). Par contre les fourmis sont tres avides des larves, des nymphes, et souvent des @ et des g' d’autres especes; elles mangent me&me parfois leurs propres larves comme je le montrerai. Jamais des fourmis amies ne s’attaquent les unes les autres; elles se laissent plutöt mourir toutes de faim. 11. La plupart des fourmis eultivent des pucerons et des gallinsectes, les unes dans leur nid, les autres sur des plantes. Elles les protegent contre leurs ennemis et, en retour, les pucerons leur donnent leurs exerements qui sont un liquide suere; ils savent möme häter l’exeretion de ce liquide et en augmenter la frequence lorsqne les fourmis les solli- eitent beaucoup avec leurs antennes. Je renvoie ä Huber pour plus de details sur ce sujet qu'il a etudie tres A fond (voy. du reste XXXIV). Les pucerons sont privilegies : ceux d’une branche p. ex. peuvent passer successivement ä eing ou six fourmilieres differentes; ils seront toujours traites en amıs, et seront aussi genereux pour la derniere que pour la premiere. 12. La question de l’accouplement, celle des @ fecondes apres l’accouplement, puis lorigine des fourmilieres, les @ufs, larves et nymphes, ainsi que beaucoup d’autres questions seront traitees ä part ä la fin de ces experiences (XXX, XXXI, XXXII); il est inutile d’en parler ici. D’autres se comprendront et s’expliqueront par les experiences elles-m&mes. 13. Appareils. Je veux decrire en quelques mots les principaux procedes dont je me suis servi. A. Pour ereuser dans les nids, en enlever des parties ete., je me sers d’un eiseau de menuisier ou d’une truelle de botaniste. B. Pour transporter des fourmilieres avec une partie de leur nid je me sers de sacs de toile. J’ai soin d’y mettre une petite branche d’arbre, pour eviter que la terre se tasse trop, lorsque le transport doit &tre long, et j’y ajoute de l’eau. Ö©. Pour etablir les grandes fourmilieres de grosses fourmis, je me sers d’un appareil analogue ä celui d’Huber (pl. I. fig. 2). C’est une grande boite plate dont les deux grandes faces sont vitrees et distantes l’une de l’autre de moins de trois centi- metres. Une grande feuille de fer blane eriblee de trous separe encore cet espace en deux parties, larges de moins de 1!°® chacune. Deux volets exterieurs peuvent s’ouvrir et se fermer en s’appliquant contre les. grandes faces de verre. Un des cötes &troits de cette boite (qui doit reposer verticalement sur un de ses autres cötes &troits) peut s’ouyrir sur toute sa longueur. Lä j’ai modifie le systeme d’ouverture d’Huber qui est incommode. Un trou traverse le cöt6 qu’on peut ouvrir. Un conduit de fer blane s’engage depuis l’exterieur dans ce trou. Une mangeoire ou cage bien fermee en toile metallique un peu fine, munie d’un tube de eaoutchoue gros et court, peut s’adapter au conduit de fer blanc. On peut faire ä la mangeoire une autre ouverture qu’on bouche avee du eaoutchoue. Cet appareil est ainsi tr&s portatif et peu genant. On perce un trou dans sa face etroite superieure pour y verser de l’eau de temps en temps. Une modification avantageuse serait de rem- placer la feuille de fer blane par une feuille en bois (moins bon conducteur de la cha- leur) pereee de peu de trous, et de donner ä& cet appareil une tres grande surface et une epaisseur encore un peu moindre. On peut observer ainsi les meurs des fourmis ä travers le verre, dans leur intimite, car l’&troitesse de leur boite les force & se servir du verre comme paroi de toutes leurs cases. En mettant l’appareil au soleil, on leur permet d’y trouver deux temperatures differentes gräce & la feuille mediane. On n’ouvre les volets que pour les observer. On les nourrit par la mangeoire. D. Une modification tres simple de cet appareil est une boite en fer blanc de m&me forme ayant ses deux grandes faces vitrees et distantes d’un eentimötre au plus, sans feuille mediane, sans cöte ouvrable. Un trou fait dans un des cötes sert & adapter une mangeoire. Cela convient ä des four- milieres de petites espöces; il faut &tre tres prudent et &viter une trop forte chaleur, surtout le soleil. Deux feuilles de earton servent ä couyrir le verre. L’humidite s’y con- serve seulement trop bien et la moisissure s’y met facilement. E. Arönes de gypse. C'est le meilleur proc&de que j'aie trouv& pour l’education des fourmis de taille petite ou moyenne. Le gypse en poudre tres fine ne nuit aucunement aux fourmis, mais si l’on en fait un mur un peu &lev& et vertical en le comprimant et en le modelant avec les doigts (ce qui est facile, car cette poudre est tres coherente), il leur est impossible de l’escalader, car chaque fois qu’elles tentent de le faire, le gypse s’eboule et elles tombent ä la renverse toutes blanchies; cet insuccees les degoüte bientöt et elles renoncent ä leur essai. Seuls des T. cespitum ont reussi & faire des tunnels dans mes murs de gypse (voy. architecture hors des nids). Je dispose un mur pareil en arene sur une planche; je depose au milieu de cette arene un peu de terre recouverte ou non d’un morceau de verre; celui-ci est alors recouvert ä son tour d’une feuille de bois ou de carton. Je mets ensuite mes fourmis dans l’aröne formee par le mur de gypse, et je les laisse s’y &tablir ä leur guise. Je puis agrandir, rapetisser, ouyrir mon arene & volonte; je puis aussi la mettre en communi- cation avee un appareil comme ceux deerits sous les rubriques Ü et D; c’est m&me le moyen le plus simple de faire entrer les fourmis d’elles-mömes dans ces derniers. On peut faire aller les fourmis lä ou l’on veut; ıl suffit d’entretenir de l’eau, de la terre humide, dans l’endroit oü l’on desire qu’elles se rendent (dans l’appareil p. ex.) tandis qu’on laisse le reste se dessecher; on est sür que les fourmis iront toutes lä ou sera l’humidite. Une arene de gypse remplace souvent avec avantage la mangeoire en treillis de fer d’un ap- pareil. Une seule precaution ä prendre est d’eviter avec soin que le gypse se mouille, car alors il devient compacte et les fourmis peuvent passer dessus. C’est pour cela que ces appareils ne peuvent rester dehors en permanence ä cause de la pluie. F. De petites boätes en carton fermant bien, ou l’on met une Eponge dans une auge en ciment et un petit nid — 2593 — artificiel en li6ge ou en bois recouvert de verre, vont tres bien pour @lever les fourmilieres des Lepiothorax et autres petites fourmis lignieoles. Je prefere cependant encore une arene de gypse. G. Des bocaux en verre & large embouchure fermee par de la mousseline ou par un bouchon en liege vont tres bien pour des experiences qui ne doivent pas durer trop longtemps, qui demandent une surveillance attentive et qui ne comprennent qu’un petit nombre de fourmis. Je les ai surtout trouves commodes pour les especes du genre Caum- ponotus. I faut avoir soin d’y mettre quelques objets sur lesquels les fourmis puissent facilement grimper, car l’eau qu’on y met s’amasse au fond et peut les noyer. H. Tous les appareils ou un canal plein d’eau doit servir de barriere aux fourmis ne valent ab- solument rien d’apres mes experiences; ils se derangent eonstamment et les fourmis les traversent ou s’y noient. I. Pour saisir et transporter des fourmis individuellement sans leur faire de mal, je me sers de pinces tres fines et je prends l’insecte par une patte. On peut fort bien saisir aussi les grosses especes avec les doigsts sans leur faire aucun mal, quand on en a l’habitude. K. Je nourris mes fourmis captives avec du miel et des insectes que je tue ou leur donne vivants. J'y ai ajoute parfois’ des pucerons, du sucre, des confitures ete. Je ne repeterai pas ces details & propos de chaque experience; ils seront sous-entendus. ‚Je dois renouveler frequemment la nourriture de mes fourmis pour eviter qu’elle se moisisse. En lisant les observations et les experiences qui vont suivre, on trouvera que beau- coup manquent d’un but queleonque, et que d’autres sont incompletes ou inachevees. J’ose cependant les presenter telles quelles, n’etant pas de ceux qui croient devoir absolument chercher un but et trouver une borne & tout dans la nature. I Femelles fecondes isol£es. Huber eroit que les femelles des fourmis apres avoir ete fecondees dans les airs et s’etre arrache les ailes elles-m&mes (j’ai confirme ce dernier fait bien souvent) en leur faisant faire des mouvements extr&mes dans tous les sens, savent se faire un petit nid dans la terre, y pondre des @ufs, soigner ceux-ci, et nourrir les larves qui en £@closent jusqu’ä ce qu’elles soient devenues ouvrieres parfaites. Il les eroit, en un mot, capables de fonder seules une nouvelle fourmiliere. Il cite plasieurs faits tres coneluants & l’appui du commencement de leur histoire; ıl vit, dit-il, des © seules dans une case avec leurs aufs, et möme avec de petites larves qu’elles @eleverent un certain temps. Il vit aussi des fourmilieres composees de quelques 9 avec une @ feconde et des nymphes. Il donna des nymphes 9 ä& des © fecondes, et elles surent les faire €eelore en ouvrant leurs cocons; elles leur aiderent möme ä se defaire de leur peau de nymphe, comme le font les 9, mais il ne trouva jamais une @ feconde seule avec de grosses larves ou avec des nym- phes. II ne cite pour cela qu’une observation rapportee par un de ses amis (M. Perrot) qui aurait trouve une @ seule soignant des nymphes. Mais il faut &tre bien habitue aux — 24 — meurs des fourmis pour assurer un fait pareil, car souvent des $ sont cachees tout ä cöte. Comment Huber n’a-t-il pu le voir lui-m&me? Ebrard“a fait des experiences ä ce sujet. Il avait souvent trouve des © seules dans une case dans la terre, avee ou sans c@ufs, mais jamais travaillant ä& chercher des pucerons, jamais avec de grosses larves ou des nymphes. Il lui parut impossible qu’une @ seule püt elever ses larves (elle devrait dans ce cas les laisser souvent seules pour aller chercher de la nourriture). Pour le prouver, il prit 20 © fecondes de F. fusca et les mit dans des vases separes avec de la terre. Le lendemain elles avaient dejä creuse des galeries. Il les nourrit de miel, d’un jaune d’euf et de sauterelles tuees. Au bout d’une semaine elles avaient pondu des @ufs et en avaient fait de petits tas; les petites larves etaient, dit-il, dejä €eeloses. Dans trois des vases il mit deux 9 de la m&me espece, mais pas dans les autres. Au bout de huit nouveaux jours, il y avait dans ces trois vases de nombreuses larves assez grosses, tandis que dans les autres vases la plupart d’entre elles avaient disparu; deux ou trois seulement avaient survecu et un peu grossi « aux depens de celles qui avaient disparu », dit Ebrard. Enfin, einquante jours apres le commencement de l’experience, toutes les femelles et les larves avaient peri dans les vases sans ouvrieres, tandis que les trois autres contenaient beau- coup de cocons. Mayr (Das Leben und Wirken der einheimischen Ameisen) a aussi trouve des @ seules dans une case avec leurs cufs, mais pas avec des larves ni avec des nym- phes. Il ne dit pas qu'il ait cherch@ ä les elever. Comme j’ai fait plusieurs de mes ex- periences avant d’avoir connu celle d’Ebrard, il sera interessant de les comparer: 1. Le 18 avril 1868 je trouyai une femelle feconde de ©. ligniperdus soignant seule de petites larves dans une case, dans la terre. 2. Le 21 juin de la möme annee je trouvai une seconde @ feconde de ©. ligniperdus dans le möme cas, mais sans @ufs ni larves. Je la pris et la mis dans une boite avec un peu de tourbe, du miel et des insectes morts que je renouvelai frequemment. Le 22 jun elle avait pondu un «uf. Le 25 elle l’avait abandonne et avait creuse une grosse case dans sa tourbe. Le 27 elle avait fait deux &ufs qu'elle se mit ä lecher et ä soigner. Le 28 elle en avait 4 ou 5 quelle soignait. Ayant trouve des L. fuliginosus avec leur famille, je lui donnai une 9 de cette espece ainsi qu’une larve et un cocon. Elle tua la ° d’un eoup de dent, mais le lendemain ses propres @ufs avaient disparu tandis qu'elle avait l’air de prendre soin de la larve et du cocon de L. fuliginosus. Le 2 juillet elle soignait toujours ces deux &tres, mais de plus elle avait pondu 5 nouveaux «@ufs quelle soignait aussi. Je lui donnai deux cocons de F\ rufa qu'elle mordit avec colere, rejeta hors de sa case et couvrit de sciure. Le 9 juillet elle tua de möme des cocons de F'. ci- nerea et des mouches, puis les rejeta sans les manger; elle ne touchait qu’au miel. Elle avait agrandi sa case en agglomerant la seiure de sa tourbe, et pondu de nouveaux «eufs, quelle soignait ainsi que les anciens, la larve et le cocon de L. fuliginosus. Le 15 elle avait laisse perir sa larve de L. fuliginosus et la rejeta hors de sa case; ses eufs avaient pris une teinte jaunätre, Elle prenait peu & peu des allures de bete feroce dans sa cage; — 209, — chaque fois que je mettais devant sa case un nouvel objet queleonque, un cocon de fourmi, une parcelle de bois, peu importe, elle le mordait avec fureur ä plusieurs reprises, puis le portait ä l’autre bout de la boite et l’enfouissait dans de la sciure de tourbe. Le 29 un de ses &ufs etait &elos et avait donne une petite larve bien maigre. Le 5 aoüt je remarquai que le eocon de L. fuliginosus qu’elle portait toujours et mettait avec ses aufs et ses larves, car presque tous les @ufs &taient &clos, avait un aspeet noirätre et racorni. Je le lui arrachai et l’ouvris; il renfermait une nymphe morte, mais si formee qu’elle devait avoir passe le temps de l’&closion; &videmment la @ avait neglige de l’ou- vrir & temps. Je lui rendis cette nymphe morte sans coque; d’abord elle ne la reconnut pas et Jui donna quelques eoups de dents; puis l’ayant palpee avec ses antennes, elle la prit tout-ä-coup, l’emporta dans sa case et se remit ä la lecher comme si elle eüt ete vivante. Elle continua ainsi ä la soigner pendant un certain temps. Le lendemain seule- ment elle se decida ä la jeter hors de sa case. Il est @vident que cette nymphe £tait morte depuis plusieurs jours, et elle ne s’en &tait pas apereue. Le 16 aoüt, apres quelle eut laiss& pericliter puis perir ses larves l’une aprös l’autre, il ne lui en resta plus que deux qu’elle soignait. Je lui donnai alors 7 ä 8 larves assez grosses prises dans une fourmi- liere de son espece (C. ligniperdus). Elle les accueillit bien, les porta ga et la dans sa case, mais les laissa pericliter ne les nourrissant quinsuffisamment ou pas du tout; une de ces larves mangea sous mes yeux un peu de miel que je mis sur sa bouche; une au- tre se refusa ä ce mode anormal d’alimentation. Puis ma Q ligniperdus laissa perir ses deux petites larves encore vivantes. Le 12 septembre les larves que je lui avais donnees vivaient encore en partie, mais dans un 6tat pitoyable; la @ elle-m&me avait l’air ma- lade. Des lors elle s’affaiblit toujours plus et perit le 19 septembre apres trois mois d’existence dans sa boite. 3. Le 14 decembre 1868, M. Kubli me rapporta une © feconde de Leptothora® tu- berum prise seule avec trois petites larves dans une galle vide qui se trouvait dans une tige de Rubus fruticosus. Je la mis dans une petite boite de carton (voy. appareils: F) oü elle resta deux jours sans soigner sa prog@niture qui periclita. Le 16, elle etait acerou- pie sur ses petites larves qui avaient pris meilleure apparence; elles etaient plus grasses et plus luisantes. Le 25 janvier 1869, il faisait — 14° centigrades dehors; ma © soignait toujours ses larves et les l&chait souvent. Celles-ei avaient, semblait-il, legerement grossi et se portaient fort bien; je pouvais tout observer dans une petite case artificielle vitree que j’avais faite et ou ma © s’etait etablie. La larve la plus grosse etait comme la moitie de la tete de la ©. Mais de lä au 14 avril les larves ne grossirent plus et per- dirent peu & peu leur bonne apparence; la @ ne pondit pas; le 15 elle abandonna les deux plus petites larves qui moururent. Quelques jours apres la derniere perit aussi aban- donnee par sa mere. La © elle-möme se portait cependant & merveille, mais ne pondait toujours pas. Elle ne pondit jamais, du moins je ne m’en apergus pas; la petitesse ex- treme des aufs de cette espece en est peut-etre cause. Le 20 juillet 1869, elle se portait —_— 236 — encore & merveille, vivant toujours seule dans sa boite. Le 4 aoüt elle devint languis- sante, et elle mourut le 6, apres avoir passe pres de huit mois dans la prison ot je l’ob- servais. 4. Le 31 mars 1868 je pris une © feconde de (©. ethiops, seule dans une case ä deux ou trois centimdtres au dessous du niveau du sol; elle n’avait pas de larves. Je l’etablis dans une boite avec deux 9 d’une autre fourmiliere de son espece. (es 9 peri- rent bientöt, la vie en boite ne leur convenant pas; j’eusse dü leur donner de la terre humide. J’en mis ä plusieurs reprises de nouvelles, prises dans des fourmilieres differentes, et elles eurent toujours le m&me sort au bout de eing & six jours. La @ mourut le 15 avril sans avoir pondu. Le fait interessant de cette experience est que chaque fois les 9 provenant de fourmilieres tres diverses ne firent aucun mal ä la 9, s’allierent avec elle et la soignörent. Elles s’allierent aussi les unes aux autres, apres s’etre &vitees pendant un temps tres court seulement. 5. Le 13 aoüt 1869 je trouve une Q de P. rufescens ayant perdu ses ailes et rödant sur la route. Or l’ouvriere de cette espece ne sait ni maconner la terre ni möme manger seule? Que fera la @? Je la prends et la mets dans une assez grande boite en carton avec case artificielle. Je la vois bientöt boire avidement de l’eau, ce que ne fait jamais une 9 rufescens. Je lui donne alors 10 5 de F. fusca prises dans un nid quelconque. La premiere 9 fusca qui rencontre la © la saisit par une patte et la menace de son abdomen, mais elle la reläche aussitöt. Des lors elles s’approcherent toutes de la femelle et ne lui firent plus de mal; elles s’allierent a elle completement, la frappant amicalement de leurs antennes et la l&chant; la © se laissait faire. J’observai cette intimite pendant deux jours; elle ne cessa pas. Je mis alors la @ rufescens et ses fusca dans un appareil de fer blane (systeme D) oü j’eus le tort de les negliger completement, et oü toutes perirent du 18 au 20 aoüt. Je ne trouvai aucun signe de combats ä leurs cadavres. En 1872, en observant une expedition de P. rufescens, je vis tout-ä-coup un violent combat dans l’herbe; l’armee avait reneontre une @ feconde isoldee de son espece, mais evidem- ment d’une autre fourmiliere (voy. VIII. 13), et dejä plusieurs 9 s’etaient jetees sur elle et la mordaient avec fureur. Je me hätai de la delivrer, et je la mis dans un bocal avec de la terre et une douzaine de F. rufibarbis 9 d’une fourmilitre non mixte. Ces rufi- barbis s’alliörent des l’abord ä la © et veeurent pendant une semaine en parfaite intelli- gence avec elle. Mais au bout de ce temps la @ rufescens perit. En 1866, j’avais aussi trouve une @ feconde isolde de P. rufescens, et l’avais mise dans une grande boite avec de la terre humide, toute seule. Elle avait su manger un peu, et ayait cherche ä se glisser dans les fentes de la terre, mais elle n’avait jamais cherch ä magonner une case, et avait fini par perir sans avoir pondu. 6. Le 31 aoüt 1869 je trouvai dans les Vosges une fourmiliere de Leptothorax acer- vorum au milieu desquels se trouvait une @ aptere de Strongylognathus testaceus. Je ne pus malheureusement pas les garder vivants. Ce fait est interessant & deux points de vue: — 220 — d’abord parce qu’on n’avait encore jamais trouve le $. testaceus ailleurs que chez le T. cwspitum, et ensuite parce qu’il jette une certaine lumiere sur l’origine des fourmilieres des especes faineantes; il n’y avait pas de $. testaceus 9 dans cette fourmiliere. 7. Le 9 mai 1871 je trouvai une @ feeonde, aptere, isolee, de S. fugax, eachee dans une des cloisons de terre d'un nid de P. rufescens. Ce fait merite mention pour £&tre eompare A ceux que j’ai relates sur les m@urs de cette espece (Bulletin de la soc. swisse d’entom. Vol. UI n® 3). 8. Le 27 juin 1871, je trouvai au bord de la route du Simplon, non loin du som- met du col, en soulevant une pierre, plus d'une ceinquantame de F. rufa Q, toutes les unes sur les autres ou ä cÖöte des autres, et toutes ayant perdu leurs ailes (done presque sürement feeondes). Ce qu’elles faisaient lä, je lignore; je relate le fait tel que je l’ai vu; il n’y avait pas une seule 9 parmi elles, ni eufs, ni larves, ni nymphes. Sous une autre pierre, ä peu de distance, je trouvai 10 @ rufa semblablement etablies. Six jours plus tard, je trouvai en Tessin, ä Loco, sous une pierre, une fourmiliere de F. fusca dont une moitie environ se composait de @ apteres, et l’autre moitie seulement d’ou- vrieres. Des faits analogues ne sont deerits nulle part, que je sache. 9. Je trouvai une autre fois sous une pierre au Saleve une jolie case habitee par deux © fecondes de Las. Hlavus qui s’y trouvalieut seules, sans wufs. Le 3 aoüt 1873 mon freöre m’apporta dans un morceau de marne une @ feconde de L. niger qui vivait seule avee un paquet d’@ufs dans une case fermee. Le 4 juim 1873, je decouvris sous une pierre une @ feconde isolee de Myrmica scabrinodis dans une jolie petite case sphe- rique en terre, tres proprement arrangee, et contenant des aufs avee de tout-ä-fait pe- tites larves. Je ne parle pas d'une foule d’autres @ fecondes de C. ligniperdus, pubescens, hereuleanus ete. que je trouvai ainsi etablies seules dans des cases avec ou sans aufs, et qui ne me presenterent rien de particulier. Le 9 jwillet 1872, je decouvris encore sous l’eeorce d’un trone de melöze abattu, entre Martigny et la Forclaz, un grand nombre de Q@ tecondes isolees de C. hereuleanus, etablies chacune dans un de ces petits nids que se font les larves de capricornes pour y passer leur etat de nymphe, et que l’insecte parfait abandonne. Aucune de ces @ fecondes n’avait d’eufs ni de larves. Jamais je n’ai trouve une @ feconde seule avec des larves un peu avancees, ni avec des cocons ou des nymphes. Il est evident que les observations qui precedent font pencher la balance en faveur d’Ebrard et rendent l’opinion d’Huber au moins tres improbable. Je me garde pourtant bien de deeider d’une maniere absolue. Chacun pourra se faire son idee en lisant les faits ä l’appui des deux manieres de voir. Lepeletier de St-Fargeau (Hist. natur. des Hymen., t. 1 p. 144) avait deja emis la m&me opinion qu’Ebrard; il cite un fait qui semble venir ä son appui. 33 I Fourmilieres mixtes artificielles, obtenues librement dans les champs. Dejä en 1861, pendant l’ete, je me preparai sans le savoir une surprise pour l’annee suivante. Dans le but d’observer leurs combats, je portai ä diverses reprises des sacs rem- plis’ de F. pratensis avec leurs ceocons aupres de quelques fourmilieres de F. sanguinea. Je remarquai que les sanguinea, ayant vaincu chaque fois, pillöerent avec une rapacite peu commune tous les cocons des F\. pratensis et les emporterent dans leur nid. ‚’etais persuade qu'elles les mangeraient, ayant, dejä souvent remarque que lorsqu’on donnait & une espece des cocons d’une autre espece, c’etait l’usage quelle en faisait. Cependant je fus fort etonne l’annee suivante en allant voir ces fourmilißres sanguwinea de trouver le döme de leur nid couvert de F. pratensis a sa surface. Je n’en erus pas mes yeux quand je vis ces deux especes, ennemies si acharnees ä l’ordinaire, courant eöte ä cöte sur le meme nid, s’aidant ä r&parer la breche que je venais d’y faire, et emportant en commun les cocons dans leur souterrain. Mais ä cöte de cela il y avait encore dans ces fourmi- lieres les auxiliaires ordinaires des F. sanguwinea, savoir des F. rufibarbis dans les unes et des F. fusca dans les autres. Ce fait meritait d’etre suivi et je resolus de sacrifier une de mes peuplades mixtes ä une experience. J’allaı prendre un gros sac de F\. pra- tensis etrangeres et le versai devant celle des fourmilieres ou les pratensis etaient le moins abondantes. Un violent combat s’engagea; les pratensis alliees des sangwinea combattirent avec celles-ci contre les nouvelles venues, en montrant autant de fureur que les sangwinea elles-mömes. Les pratensis que j’avais apportees etaient si nombreuses qu’elles eurent le dessus et vinrent assieger les alliees sur leur döme. Öes dernieres se sentant perdues se mirent & fuir en emportant leurs larves, leurs nymphes et les jeunes fourmis fraiches ecloses. Je vis les pratensis de la fourmuliere mixte s’enfuir avec les sanguinea, leur aidant ä porter la couvee. Toutes ensemble allerent s’etablir & quelque distance de la et firent en commun un nouvean nid. Je refis des lors plus de vingt fois ces experiences, et voiei les faits que j’en recueillis : 1°) Il est rare que les F. sangwinea elevent tous les cocons de F. pratensis qu’on leur donne. Elles en mangent souvent une grande partie. J’ai m&me observe une four- miliere sanguinea & laquelle je donnai une quantite fabuleuse de cocons de F\. pratensis dans le courant d’un ete et qui n’en eleva pas un seul; il en fut de m&me pour plusieurs autres fourmilieres auxquelles j’en donnai moins. Je ne sais ä quoi tiennent ces differences. 2°) Dans toutes ces fourmilieres mixtes je trouvai un certain nombre de F. fusca ou rufibarbis, tout autant que dans une fourmiliere normale de F. sanguwinea. La presence des F. pratensis n’empeche done pas les F\ sanguinea de faire leurs expeditions ordinaires et de piller des fourmilieres de F. fusca et rufibarbis. Je n’ai malheureusement jamais pu assister & une expedition d’une de ces fourmilieres mixtes, m’etant presque toujours trouve hors de chez moi a l’Epoque voulue; il aurait ete interessant de voir si des F. pratensis s’y melaient. 3°) L’architeeiure des nids de ces fourmilieres offre un grand interöt en ce quelle est exactement intermediaire entre celle des F\. sanguwinea et celle des F\ pratensis; des que ces dernieres sont un peu nombreuses, c'est leur maniere de bätir qui l’emporte, car elles sont tres actives dans ce genre de travail. L’aspect d’un de ces nids est des plus eurieux quand on observe ses habitants. Le döme est ä l’ordinaire couvert de F. pratensis, et on ne se douterait souvent pas qu'il y a des F\. sangwinea & l’interieur; les pratensis vont et viennent en tout sens, apportent des materiaux sur le döme, se chauffent au soleil ete. Mais si vous les effrayez ou si vous apportez des fourmis ennemies vers le nid, la scene change comme par enchantement en un clin d’eil. Tandis que la plupart des F. pratensis s’enfuient au fond du souterrain pour chercher du secours, vous voyez le döme se rougir ä vue d’eil de F. sanguinea qui se jettent avee fureur sur l’ennemi. Bientöt les ouvrieres des deux sortes concertent leurs efforts, tout en combattant chaque espece A sa maniere. Les F. sanguinea etant plus agiles et plus courageuses (les F. pra- tensis ne savent bien combattre qu’en rangs serres), sont toujours les premieres ä la charge. 4°) Dans une de ces fourmiliöres mixtes, les pratensis surpassaient en nombre les sanguinea. J’observai un jour que les F. sangwinea etaient oceupees A etablir un nouveau nid ä& trois ou quatre mötres de distance; elles venaient sur le döme de l’ancien, y saisis- saient des F. pratensis et des F. sangwinea, indistinetement, et les portaient dans le nou- veau domicile. Mais, chose eurieuse, les F\. pratensis ne prenaient aucune part active ä ce demenagement; elles se laissaient porter, mais ne portaient jamais. Il me parut m&me qu’une partie de celles qui 6taient portees par les saunguwinea dans le nouveau nid retour- naient & l’ancien, car dans ce dernier il ne restait que peu de sangwinea, tandis que dans le nouveau il n’y avait par contre que peu de pratensis. Je dus malheureusement m’ab- senter et ne pus voir la fin du demenagement. 5°) Une fourmiliere sanguinea se trouvait au bord d’une haie a dix pas d’une four- miliere pratensis, et &tait constamment en lutte avec elle. Öes deux fourmilieres resterent cependant plusieurs anndes en presence sans que l’une d’elles se deeidät & s’eloigner. Je pris un jour en 1866 un gros sac de ces pratensis, rempli surtout de cocons, et le mis devant les F. sanguwinea. Les pratensis furent vaincues et leurs cocons pilles. En 1867 la fourmilisre sanguinea etaitt mixte; un grand nombre de F. pratensis travaillaient avec elles dans la plus parfaite harmonie. Or ces F. pratensis n’etaient qu’a dix pas de leurs soeurs, soit des pratensis du nid voisin, &closes aussi des cocons de l’annee prece- dente. Le fait etait piquant. Je pris une poignee de pratensis de la fourmiliere natu- relle et les placai devant la fourmiliere mixte. Leurs sceurs, alliees des sangwinea, se trou- vaient ä ce moment en assez grand nombre sur le döme et se jeterent sur elles avee fureur, les couvrant de venin, les mordant, et les tuant en un temps fort court; le combat — 200 — fut des plus violents; jamais je ne vis les pratensis de ces nids mixtes y mettre autant d’ardeur que cette fois. Les sangwinea accourues en grand nombre & leur aide montrerent plus de moderation dans la lutte; je vis plusieurs couples de pratensis ou les deux champions resterent morts sur le carreau apres s’etre reciproquement inondes de venin. Üe fait n’a pas besoin de commentaires; il est trop clair. ]l explique suffisamment pourquoi les F. pratensis de la fourmiliere mixte n’etaient pas retournees ä la fourmiliere qui leur avait donne le jour et au sein de laquelle elles avaient passe leur etat de larves et une partie de celui de nymphes. Le 15 avril 1868 la fourmiliere des sanguinea etait encore mixte; je refis la möme experience avec un resultat identique. Les pratensis naturelles etaient toujours dans leur ancien nid, et la fourmiliere mixte dans le sien. 6°) Quelle est la duree et le sort de ces fourmilieres mixtes obtenues artificiellement ? Celles que je pus suivre et auxquelles je ne redonnai pas de cocons de F\ pratensis ne du- rerent que deux ou trois ans au plus; cependant, tandis que les unes finirent par redevenir entierement sanguinea, les autres devinrent entierement pratensis. Je ne sais pas d’une maniere positive comment cela arriva, mais comme je donnai souvent aussi des cocons @ et J' pratensis aux sangwinea, la chose n’a rien d’etonnant. La seconde annee on voyait deja, le plus souvent, ou bien une fourmiliere de pratensis au milieu de laquelle couraient encore quelques rares sanguinea, ou bien le contraire. Lorsque j’essayai de donner pendant plusieurs annees de suite des cocons de pratensis & une m&me fourmiliere de sangwinea devenue mixte et oü les sanguinea avaient repris le dessus numeriquement, elles renon- cerent la plupart du temps ä les elever de nouveau; elles les mangerent, et la fourmiliere redevint entierement sangwinea (ainsi en fut-il dans le cas cite precedemment sous la rubrique 5). Une fois, une fourmiliere sanguinea qui avait ete mixte-pratensis cessa de l’e&tre pendant un an; je lui redonnai des cocons pratensis et elle redevint mixte l’annee suivante. Un jour je retrouvai une de ces fourmilieres mixtes ayant ä peu pres autant de sanguinea que de pratensis. Je repassai 15 jours apres ä cet endroit et fus surpris au plus haut degre de ne trouver absolument plus que des pratensis dans le nid. Oü avaient dis- paru les sangwinea? Avaient-elles organise une €emigration ä& part? Je me le demande encore. 7°) Mais voici des faits encore plus curieux. Depuis trois ou quatre ans je n’ai presque plus fait de ces experiences-lä, et celles que j’ai faites l’ont ete sur d’autres fourmilieres habitant ailleurs. Or voici que cette annee (1871) je retrouve trois fourmilieres mixtes sanguinea-pratensis aux places oü j'en connaissais il y a trois ou quatre ans, places que javais neglige de visiter des lors. L’une de ces fourmilieres, entre autres, habite l’endroit mö&me oü se trouvait dans le temps celle dont les sanguinea avaient disparu dans l’espace de 15 jours. La seconde est remarquablement grande; son nid a plusieurs dömes, et con- tient des F. rufibarbis en nombre plus grand encore que les pratensis et les sanguwinea (je puis m’expliquer & la rigueur la presence de cette fourmiliere-ci par un combat que jai provoque l’annee passee entre des F. sanguinea et des F. rufibarbis, combat dans lequel je melai quelques pratensis, mais presque sans cocons). La troisieme est ä peu pres entierement composee de pratensis,; elle est justement occupee ä s’etablir dans un nouveau nid; les sanguwinea, quoique rares, aident activement au demenagement. Il faut necessaire- ment qu’au moins deux de ces fourmilieres aient pu rester mixtes pendant quelques annees, ce qui se comprendrait ä la rigueur si chacune des deux sortes avait pu entretenir suffi- samment de ©, de g et de larves de son espöce pour empecher l’autre de prendre le dessus. Jamais je n’ai observe la moindre rixe entre les sanguinea, les pritensis et les Fusca ou rufibarbis de ces fourmilieres. m Expedition naturelle de F. sangwinea sur une fourmiliere de F. pratensis. Je rapporterai ici un fait dont je n’ai et€ temoin qu’une fois, mais qui montre qu’une fourmiliere mixte sanguinea-pratensis pourrait fort bien se trouver accidentellement a l’etat de nature : A trente pas d’une grande fourmiliere sangwinea que je connaissais de longue date, il s’etait etabli depuis peu une tres petite fourmiliere de F\ pratensis, au bord d’une vigne. Un beau jour je m’arretai pres des sangwinea et je vis qu’une &paisse colonne de leurs 9 se dirigeait du cöte du nid des pratensis: je la suivis et j’apercus bientöt des 9 san- guwinea revenant chargees d’enormes cocons @ ou G qui ne pouvaient ötre de fusca ni de rufibarbis. Je courus au nid des pratensis; il en &tait temps. Le döme 6tait couvert de sanguinea et la fourmiliere entiere des pratensis fuyait dans une deroute complete au milieu de la vigne, avec ses @ fecondes et quelques cocons @ ou Z sauves du pillage. Les F. samguinea les y poursuivirent encore sous mes yeux, et les dispersörent complötement apres leur avoir enleve leurs derniers cocons. Elles mangerent ensuite tous ces cocons, probable- ment parce qu'ils etaient de @ ou de g. Si les pratensis eussent eu & ce moment des cocons 9, les sanguwinea les auraient, je erois, fait &elore et la fourmiliere serait devenue mixte. Or on sait que le moment oü les F. pratensis ont telle ou telle sorte de cocons dans leur nid varie enormement suivant les fourmilieres. IV Alliance entre jeunes fourmis d’especes differentes. Les fourmilieres mixtes naturelles de P. rufescens et de F. sangwinea montrent dejä que des fourmis d’une autre fourmiliere et d’une autre espece, prises ä l’etat de nym- phes par ces deux sortes de fourmis, et ecloses au sein de leurs ravisseurs, deviennent alliees et amies de ceux-ci. L’experienee citee plus haut (II. 5) montre qu’on peut obtenir artificiellement, mais en pleine libert€ dans les champs des fourmilieres mixtes d’autres —. 262 — especes qui ne vivent jamais ensemble ä l’etat de nature; on voit meme alors l’espece pillee devenir ennemie de la fourmiliere qui lui a donne le jour*). Or Huber a dejä dit, et j'ai confirme le fait, que les P. rufescens et les F. sanguinea enl&vent souvent aussi dans leurs expeditions des fourmis encore toutes blanches, fraichement sorties de leur nymphe, et que ces jeunes 9 se laissent faire et s’habituent ä la societe de la fourmiliere ennemie comme les 9 Ecloses seulement apres avoir ete ravies A l’etat de nymphes. D’un autre cöte, lorsqu’une fourmiliere assiegee par une autre prend la fuite, on remarque que ses jeunes fourmis ne se melent jamais aucombat; elles ne savent que s’enfuir en suivant les autres et en emportant des nymphes, mais elles savent faire cela. De tous ces faits j'avais conclu ce qui suit: Les fourmis fraichement &closes de leur nymphe apprennent d’abord les travaux domestiques et le soin des larves; plus tard seulement, elles arrivent ä distin- guer un ami d’un ennemi, a savoir quwelles sont membres d’une fourmiliere plutöt que d’une autre, et a combattre en consequence. Pour m’en assurer je fis l’experience suivante qui, je crois, ne manque pas d'interet. Je me deeidai & etablir dans une boite vitr&e de jeunes fourmis de trois especes dif- ferentes en leur donnant des nymphes nues et des cocons de six especes ä soigner. N fallait les choisir tres jeunes et les mettre toutes ensemble, car chez certaines especes il suffit de trois ou quatre jours de vie pour qu’une nouvelle &close sache deja plus ou moins reconnaitre un ennemi. Je mis dans ma boite vitree des nymphes avancees de F\ pratensis, exsecta, fusca, rufibarbıs, sangwinea et de C. ethiops, sous la garde de quelques jeunes 9 exsecta, sanguinea et rufibarbis prises dans diverses fourmilieres. Dans un coin de la boite je mis de la terre humide et un morceau de verre par dessus. Bientöt les jeunes fourmis des trois especes, travaillant de concert, et sans essayer de se disputer, porterent presque toutes les nymphes sous ce morceau de verre et s’y etablirent en commun. Une seule 3 rufibarbis, un peu moins jeune (plus foncee) que les autres, fit bande ä part et alla s’eta- blir ä l’autre bout de la boite avec un cocon. Je cherchai plusieurs fois en vain ä la faire aller vers les autres; elle les evitait toujours et retournait dans son coin avee son cocon; a la fin pourtant elle se decida (le lendemain seulement) & s’unir ä ces ennemis qu’elle ne pouvait &viter. Des les premiers jours de l’experience, j’eus le plaisir de voir de nouvelles jeunes fourmis ecloses dans ma boite, et, en observant attentivement, je vis des F\. ewsecta et rufibarbis occupees A dechirer quelques eocons, a en extraire Ja nymphe, et & aider delicatement celle-eci au moyen de leurs mandibules ä se defaire de sa vieille peau. Ce furent d’abord des F. exsecta qui regurent ainsi le jour. Mais bientöt je vis des F\ rufi- barbis ouvrir quelques cocons de F. fusca et de F. pratensis; je vis aussi quelques A. x *) Je n’ai reussi il est vrai a obtenir en liberte que des fourmilieres mixtes sanguinea-pratensis (plus les esclaves fusea ou rufibarbis), et encore toujours en donnant les cocons pratensis aux sanguinea; les autres essais ont toujours manque, les cocons donnes ayant ete manges. Mais on verra que j’ai ob- tenu bien d’autres fourmilieres mixtes dans mes appareils tenus en chambre. — 263 — exsecta rendre le m&me service ä des nymphes de F. pratensis. Je remarquai cependant en general que chaque sorte de fourmi preferait faire eclore les nymphes de son espece. Les cocons de (©. ethiops furent seuls negliges; les jeunes $ en ouvrirent bien un ou deux, mais les nymphes qui y &taient contenues perirent. J’eus ainsi le plaisir de voir naitre sous mes yeux une petite fourmiliere on ne peut plus artifieielle, composee de eing especes differentes vivant toutes dans la meilleure intelligence. Cette experience me donna l’occasion de remarquer que parmi les nymphes de F. pratensis que les 9 tiraient de leur cocon, les unes etaient encore presque blanches et les autres dejü extremement foncees, noires et jaunes; il y en avait aussi de couleur intermediaire et toutes reussissaient egalement bien; mais les plus foncees devenaient presque aussitöt des fourmis robustes et actives, tandis que les autres restaient plusieurs jours faibles et paresseuses. Ce fait que j’ai dejä con- firme tres souvent depuis lors, aussi pour d’autres esp£ces, semble prouver que les nymphes de fourmis sont capables d’eclore & des degres de maturite differents, qu'il n’y a pas un instant fixe pour leur &closion, laquelle serait impossible avant ou apres, mais. que les ouvrieres les font Eclore ä volonte, tantöt plus töt, tantöt plus tard, suivant leur convenance. Cependant une nymphe de P. rufescens @ que j’avais sortie trop töt de sa coque, ne se decida ä eclore que plus de 30 heures apres, et son &closion fut parfaitement normale (XXX, 4). Ce temps a naturellement une limite, et j’ai vu de vieilles nymphes, tirdes sans doute trop tard de leur eocon, essayer de marcher avec leur vieille peau dont elles n’avaient pu se delivrer. Elles perissaient au bout de peu de temps dans cet etat. Environ dix jours apres le commencement de l’experience, plusieurs des premieres 9 de ma boite etaient dejä devenues plus fonedes. Je dus alors m’absenter, et avant de partir je deposai ma fourmiliere devant une fente de mur oü elle ne tarda pas & s’installer. Puis j’allai chercher de nouveau de jeunes ouvrieres de F\. fusca et pratensis dans l’espoir de renforcer mes &löves. Mais celles-ei n’en voulurent rien; elles prirent les nouvelles arrivees qui cherchaient ä entrer dans leur nid, apres les avoir menacdes de leurs mandi- bules, les emporterent ä& une certaine distance et les y abandonnerent. Je replacai en vain plusieurs fois ces nouvelles fourmis devant le nid; les anciennes les rejeterent avec toujours plus de colere. Elles avaient done bien deeidöment form une fourmiliere independante. Quand je revins quatre semaines plus tard, la fourmiliere avait disparu, detruite probable- ment par les peuplades voisines. kapports entre fourmis adultes de meme race, mais de fourmilires differentes. Ebrard, d’apr&s quelques experiences analogues A une ou deux de celles qui vont suivre (l. e. p. 25 et 26), acru, comme nous l’avons dejä dit plus haut, que les fourmis de möme espece ne se tuaient jamais. O’est une grave erreur; ä& ce compte-lä toutes les fourmiliöres — 264 — d’une m&me espece ne tarderaient pas ä former une confederation, ce qui n’a pas lieu. Huber croit au contraire, ou du moins ä l’air de croire, qu’elles se battent toujours et ne s’allient jamais. C'est egalement errone, quoique plus pres de la verite, Frappe de cette contradietion j'ai fait une foule d’experiences sur ce sujet; je vais en deerire quelques- unes. Leur resultat general est des plus eurieux; le voiei en gros : les fourmis de me&me espece et de fourmilieres differentes se battent ä outrance quand les deux partis sont se- pares l’un de l’autre, places dans des eirconstances commodes, qu'ils sont bien etablis, point inquietes, et libres; le combat devient froid ou chronique quand l’un des deux partis au moins est plac& dans une situation tr&s gönante, mais surtout quand tous deux sont enfermes ensemble ou places dans des eirconstances diffieiles, et il se termine alors le plus souvent par une alliance definitive; quand les eirconstances sont des plus mauvaises, et surtout quand iln’y a quun tres petit nombre d’owvrieres de chaque fowrmiliere, ıl n’y a pas m&me de combat; l’alliance est immediate ou peu s’en faut. Une fois qu’une alliance s’est faite, elle ne peut plus se defaire. Il y a du reste des exceptions ä tout ce qui pre- cöde. Nous retrouverons des faits analogues dans des experiences plus complexes qui seront decrites ailleurs : 1. Un soir d’ete, en 1858 ou 59 (mes notes ne renferment pas la date) je remplis un sac de F. pratensis (les F. rufa et truncicola ne se trouvent pas aux environs imme- diats de Vaux, de sorte quwune erreur de race est impossible) prises dans 7 ou 8 four- milieres fort &loignees les unes des autres, et je versai le tout ä mon retour au pied d’un lilas. Le lendemain elles travaillaient toutes en bonne harmonie et fondaient un nid commun. A quelques jours de lä, j’allai remplir un nouveau sac dans une autre fourmiliere de F. pratensis et le deposai pres du lilas, & cöte des precedentes. Presque aussitöt un combat acharne s’engagea; une partie des nouvelles venues furent tuees; les autres s’en- fuirent en emportant leurs cocons et allerent s’etablir ailleurs. 2. Le 8 mars 1868 je trouvai deux fourmilieres de Leptothorac acervorum; je pus enlever en un seul morceau l’&corce qui contenait le nid de la premiere que je nommerai A, tandis que je ne m’emparai de la seconde que j’appellerai B qu’en recueillant les 9, les © fecondes et les larves dans un mouchoir. Cependant B &tait plus grande que A. Arrive chez moi, je couvris ma table d’une nappe, je posai le morceau d’&corce renfer- mant les Leptothorax A au milieu de la table, sur la nappe, et je versai les autres ü cöte. Les Leptothorax sont assez craintifs et cherissent l’E&corce; aussi les B, se trouvant sur eette nappe unie, se häterent-ils d’envahir le morceau d’&corce oü ils decouyrirent bientöt les petites ouvertures conduisant dans le nid des A. Ils s’y introduisirent aussitöt et y transportörent leurs larves, sans qu’on vit sortir d’abord un seul A pour se defendre. Mais bientöt la seöne changea et je vis sortir des trous de l’Ecorce plusieurs Leptothorax oeeupes ä en tirer d’autres par les pattes. L’un des partis, je m’assurai ä divers signes que e’etaient les B, avait le dessus, car plusieurs de ses 9 &taient presque toujours oceu- ‚pees A en tirailler une seule des autres, et les B continuaient & introduire leurs larves — 25 — dans le nid. Ces combats n’etaient pas vifs; l’aiguillon ne s’en me&lait point, et de plus cette espece &tant extrömement robuste et coriace, les champions n’arrivaient presque absolument pas ä se faire de mal. Cependant je vis bientöt de plus en plus elairement que les B &taient occupes ä tirer un a un tous les A hors du nid, y compris leurs femelles, dans le but evident de s’y &tablir & leur place. Mais les A, ne sachant oü aller, ne s’en- fuyaient pas et cherchaient au contraire & rentrer dans leur nid. Ce fait donna lieu aux scenes les plus comiques. Les B exasperes de voir que les A se hätaient de rentrer dans le nid aussitöt qu’ils les lächaient se mirent ä les saisir un & un par le thorax ou par une patte, et & les transporter ä distance, soit ä trois ou quatre centimetres du morceau d’ecoree; puis ils les deposaient lä, croyant peut-&tre que les A n’oseraient pas revenir. Ces derniers se sentant plus faibles repliaient pattes et antennes et se laissaient porter; mais aussitöt qu’ils etaient libres, ils retournaient en ligne droite au nid oü ils arrivaient souvent aussi töt que ceux qui les avaient emportes. Ebrard (l. e. p. 27) raconte un fait analogue qu'il a observe chez le Camponotus herculeanus. Je m’amusai & suivre assez long- temps ce manege et je vis que les B transportaient les A ä des distances toujours plus grandes. Enfin un B arriva avec son fardeau au bord de la table; il y avait evidemment la un preeipice ä pie, aussi s’arreta-t-il net; je le vis avancer la tete du cöte du vide en soulevant l’ouvriere A qu’il portait et qui etait toujours repliee, puis ouvrir les mandibules et laisser choir son ennemi sur le plancher. Il attendit encore un instant, puis revint sur ses pas. Je pris alors delicatement la fourmi A qui courait dejä sur le plancher et la remis sur la table devant l’ouvriere B qui revenait au nid. Celle-eci l’ayant apergue la saisit aussitöt, la porta derechef jusqu’au bord de la table, tendit le cou encore plus avant que la premiere fois et la jeta de nouveau, ou plutöt la fit tomber par terre. Je repetai deux fois l’experience et obtins le möme resultat; le Leptothorax B recommenga chaque fois son @uyre sans se rebuter. Je mis alors le morceau d’ecorce et toutes les fourmis eparses dans un bocal en verre. Chose curieuse, la lutte continua pendant plusieurs jours dans le bocal exactement comme je viens de la deerire. Les A sorties du nid par les B y rentraient toujours. Deux ou trois 9 A furent meme assez gravement maltraitees et eurent des pattes et des antennes coupees. Cependant peu ä peu les B finirent par renoncer ä leur haine inutile et admirent la plupart des A dans leur fourmiliere (ils ne les tuerent pas dans le nid, car j’aurais vu les cadavres que les fourmis rejettent toujours en cas pareil). Mais leur colöre se con- centra sur deux @ fecondes A, l’une claire et l’autre foncee, et sur trois ou quatre 9 qu'ils ne cesserent de tirailler et de chicaner. Je vis un Zeptothorax B porter une de ces Q@ pendant plusieurs heures en tournant au fond du bocal, sans la deposer. Ces quelques pauvres rebutees erraient tristement au fond de leur prison; la @ foncee et une ou deux 9 _ perirent bientöt. Au bout de huit ou dix jours, la @ claire fut laissee tranquille, et m&me admise dans le nid; je la vis des lors y entrer et en sortir sans &tre incommodee. Depuis ce fait, il n’y eut plus aucune rixe, Pres de deux mois plus tard, le 30 avril, ayant mis 34 — 260 — le bocal au soleil, je vis un Zeptothorax 5 en serrer tout-A-coup un autre contre le verre, Apres un vif change de mouvements d’antennes, il le retourna d’un seul coup sens dessus dessous en lui prenant une mandibnle par dessous, et l’emporta ainsi. dans le nid, tandis que l’autre se renversait par dessus la tete du porteur en repliant pattes et antennes : c'est leur maniere amicale de se porter; je l’ai observee fort souvent. Cette fourmiliere ne me montra des lors rien de partieulier. Les L. acervorum sont tres craintifs; ils ne touchörent jamais aux insectes que je leur donnai, mais seulement au miel. 3. Le 23 mai 1868 & trois heures de l’apres-midi, & Zurich, par un beau soleil, je deposai le contenu d’un sac puise dans un nid de F\ rufa vers une fourmiliere &loignee de la meme race. Il y eut un combat assez vif, beaucoup de 9 furent saisies sur le dos et ecrasdes, mais le venin fut peu employe. Une heure apr&s, le temps s’etait couvert. Je pris de nouveau un sac de rufa et le portai vers une petite fourmiliere de F. pratensis com- posee d’individus extremement petits. Il n’y eut presque pas de combat; quelques 9 des deux partis lutterent un moment, puis se relächerent. Les pratensis fermerent leur nid et n’en sortirent pas; les rufa se retirerent. 4. Je me decidai un jour & faire une experience en grand, et je la suivis avec soin dans tous ses details. Elle est un peu longue, mais ne manque pas d’interet. La voiei : Le 7 avril 1869, & 7'e heures du matin, je pris dans une grande fourmilire de grosses F. pratensis (B) autant de fourmis que je pus (il est facile au printemps d’en prendre d’un coup une masse Enorme, car elles sont en tas sur leur nid). Je les mis dans un sac que j’allai aussitöt verser & un metre environ d’une assez forte fourmiliere de F. pratensis un peu plus petites (A) dont le nid se trouyait sur la lisiöre de gazon d’un massif d’arbustes. Les B etaient places dans le massif, ä cöte de la lisiere de gazon. En m&me temps j'avais et€ chercher un sac encore plus considerable dans un autre grand nid de grosses F. pratensis (C) et l’avais plac& de l’autre cötE du nid A, dans le massif lui-m&me, & 3 metres de distance de ce nid (done A 4 metres des B). Il etait encore de bonne heure, et il faisait assez frais. Les 9 des tas B et Ü commeneerent ä& mettre de l’ordre dans leurs materiaux, sans s’eloigner beaucoup; je fais remarquer en passant qu'iln’y a pas de cocons, ni m&öme d’eufs ä cette Epoque, du moins ordinairement, chez les F\ pratensis. Cependant bientöt quelques 9 de la fourmiliere A commeneerent ä sortir et ä& suivre tranquillement leur chemin situe le long de la Iisiere de gazon. Elles vinrent tomber au milieu des B qui les saisirent aussitöt, les couvrirent de venin et les tuerent. Ces scenes resterent isolees pendant pres de trois quarts d’heure; les A etant toutes prises par les B, aucune d’elles ne put donner l’alarıne, d’autant plus qu'une £Epaisse touffe d’herbe situ&e sur le talus de leur nid, du cöte des B, leur rendait le retour diffi- eile. Pourtant ä& 8Yı heures le nid A commengait ä &tre tout couvert de 3 qui se chauf- faient au soleil, et un plus grand nombre d’entre elles le quittaient pour aller sur leur route du cöte des B. Les B commenc£erent ä s’&mouvoir de ces ennemis arrivant, un & un il est vrai, mais continuellement, du m&me cöte, et un assez grand nombre d’entre elles se r&pandirent dans eette direetion pour y faire une reconnaissanee; elles arriverent ainsi jusqu’ä deux deeimötres du nid A. Quelques 9 A parvinrent alors & leur echapper, et röpandirent un peu d’alarme sur le döme de leur nid. Un certain nombre de A allerent bientöt oceuper la touffe d’herbe dont j’ai parle, ainsi qu’une partie de la lisiere de gazon; les combats commeneerent ü devenir frequents. La nouvelle en füt aussitöt repandue sur le tas des B, et je vis une colonne serree de ces fourmis se diriger assez rapidement vers le lieu de la lutte, enlevant partout les couples qui eombattaient individuellement, deliv- rant les B et entrainant les A prisonnieres sur leur tas oü elles etaient tudes. Pendant ee temps une alarme de plus en plus vive se repandait sur le nid des A, et un grand nonbre de 9, se devalant & travers la touffe d’herbe, commeneerent ü deboucher en rangs serres dans le massif. A 8!’ heures un champ de bataille dans toutes les regles s’etait forme sur la terre du massif, & deux decimetres de la touffe d’herbe; il ne changea pas de place d’un centimetre pendant une heure; les deux eolonnes d’arrivants grossissaient ä vue d’eil, et le combat atteignait un degr@ d’acharnement peu commun. Ce combat frappait par sa regularite qui contrastait avec l’irregularit@ des eombats de F. sangwinea contre d’autres fourmis. Aucun des partis ne cherchait, comme le font les F. sanguinea, ä venir prendre l’autre de flane par une man@uvre hardie et rapide. Tout leur art se bornait & arriver en masses toujours plus compactes sur un point ou plutöt sur un front d’un deeimetre de largeur environ. Lä se reproduisaient dans toute leur variete les scenes qu’Huber deerit (l. e. p. 162—164) A propos d’un combat entre F. rufa de deux fourmi- lieres et dont j’ai donne les details dans l’introduetion & ces experiences. Des chaines de quatre ä dix fourmis eramponnees les unes aux autres et se couyrant de venin n’etaient pas rares. Je vis souvent, comme Huber, des $.du m&me parti se tromper, s’attaquer et se mordre meme assez vivement, mais jamais cela n’en venait au point de se lancer du venin avant qu’elles se fussent reconnues et lächees. Par contre, lorsque deux fourmis luttaient, et qu’une troisiöme venait s’en meler, il arrivait quelquefois que l’une des trois eombattantes couyrait de venin son alliee, par pure maladresse. Celle-ei, etourdie, lui rendait souvent la _decharge, et la troisieme, profitant de cette meprise, entrainait les deux autres ä demi mortes dans son camp ou elles &taient achevees sous mes yeux. Ü'est le cas de remarquer ici que les pratensis s’acharnent sur leurs ennemis aux trois quarts morts pendant longtemps encore, lors meme qwils ne remuent plus que le bout des tar- ses; les sangwinegn nme font jamais cela. Cependant il devenait de plus en plus &vident que les B avaient le dessus, car e’&taient elles qui rompaient toutes les chaines, tandis que les A ne faisaient presque pas de prisonnieres. Et malgre cela le döme du nid A etait tranquille; les 9 y travaillaient presque comme s’il ne se füt rien passe d’anormal (Huber fit la möme remarque, mais le combat n’etait pas aux portes du nid comme ici) ; seulement une foule de 9 partaient ä travers la touffe d’herbe pour le combat. A 9 heures et demie, les B parvinrent enfin par un violent effort & rompre le front des A qui se replierentrapidement de 1 '/, deeimetre, soit Jusqu’ä 5 centimetres de latouffe d’herbe. Lä se trou- — 268 — vait une ligne de defense naturelle formee par un rameau sec, une feuille seche et une petite plante de graminee; ces objets, si futiles qu’ils fussent en apparence, servirent de rempart aux A qui s’y arr&terent et purent gräce ü eux resister a l’ennemi. En m&me temps une panique effroyable se repandit en peu d’instants sur le döme du nid A; les se croisaient en tout sens les pinces entre-ouvertes, et se frappaient vivement de deux ou trois coups saccades chaque fois qu’elles se rencontraient, si bien qu’un instant j’eus lidee qu’elles pensaient & fuir. Mais il n’en &tait rien; leurs ressources etaient plus gran- des que je ne le croyais. A la suite de ce signal d’alarme generale, toutes les ouvertures du nid vomirent des flots de combattants qui eoururent rejoindre les autres en toute häte. Une partie d’entre eux suivirent la lisiere de gazon, tandis que d’autres passaient de l’autre eöte de la touffe d’herbe, de sorte qu’ils arriverent en formant un front beaucoup plus large qu’avant et deborderent le front des B. Pendant ce temps les B avaient con- centre toutes leurs forces disponibles sur le champ de bataille et faisaient des centaines de prisonnieres qui @taient entrainees sur leur tas; mais elles n’avaient pas encore pu rompre la ligne de defense des A. Lorsque les renforts arriverent aux A, les röles com- mencerent ä changer; mais les B firent des efforts inouis. pour se maintenir, et ce mo- ment fut le plus chaud de la bataille. Le terrain &tait couvert de chaines de combattants serrees les unes ä cöte des autres sur plus d’un pied carre de surface; vers le milieu, mais plutöt du cöte des A, on pouvait toujoars distinguer la ligne de bataille autour de la feuille et du rameau secs. Vers 10! heures cette ligne devint intenable pour les B debordees de toute part; apres un dernier effort elles furent culbutees et se retirerent rapidement jusqu’ä la premiere ligne de bataille du matin. Mais elles ne purent s’y tenir qu’un instant; des lors les A avaneerent r&gulierement, sans s’arröter; les B resisterent toujours vivement jusqu’ä 11 heures; alors le champ de bataille se trouva transporte jus- qu’ä deux decimetres de leur tas. A midi seulement les A &taient au pied du tas, car un autre danger les avait appelees ailleurs; cependant tout &tait fini de ce cöte. Une pani- que generale s’empara des B qui se mirent & fuir en desordre dans un pr& situe de l’au- tre cöte du massif. Les A parvenues sur le tas des B cesserent de les poursuivre, et pour cause. Nous n’avons en effet rien dit des C qui, se trouvant fort &loignees, n’avaient pas cherche ä attaquer, d’autant plus que les A tout occupdes de l’autre cötE n’envoyaient presque pas une 9 dans cette direction. J’aidai la discorde en rapprochant le tas des © et en en semant quelques parcelles dans la direction des A, de sorte que quelques com- bats eurent lieu. Cela augmenta peu ä peu; vers 11 heures, au moment de la deroute des B, les C se trouvaient & deux deeimötres du nid A, mais de l’autre cöte, et en nom- bre assez restreint; quoique en somme plus nombreuses que les B, elles avaient l’air peu soucieuses de se battre, et n’envoyaient que peu de 9 au combat. Les A en ayant fini avec les B tournerent toutes leurs forces contre ce nouvel ennemi et le combat fut d’abord aussi violent qu’avee les B, quoique plus restreint. Les C se defendirent vaillamment, —ı N \ mais, & 12!/e heures, ne recevant point de renforts, elles durent commencer ä reculer. Les A de leur cöte, lasses de combattre, n’avangaient que mollement, de sorte que vers trois heures de l’apres-midi les deux partis s’evitaient plus qu'ils ne se battaient; bientöt chacun rentra chez soi, et l’on en resta lä. Mais les deux champs de bataille, surtout celui des B, &taient couverts de plusieurs centaines et peut-&tre de milliers de morts; une foule de ces cadavres &etaient ceux de deux ennemis encore enlaces et se tenant par les mandibules. Le lendemain il n’y eut pas de combat; seulement des rixes individuelles. Le surlen- demain, jour tres chaud, je mis & plusieurs reprises de fortes poignees de A pres du tas des C. Chaque fois il y eut un combat extrömement vif oü je ne vis plus jamais de 9 se tromper et mordre un allie; les C, plus grosses en general, l’emporterent chaque fois en faisant un affreux carnage des A qui s’enfuirent en deroute dans leur nid sans faire une seule prisonniere. Je vis mainte fois des Ü &craser d’un seul coup de dent la tete ou le thorax de petites A. Mais jamais les C ne les poursuivirent bien loin, et les A ne recurent pas de renforts notables. Enfin, deux jours plus tard, le 11 avril, je mis une enorme poignde de A devant les C. Ces dernieres devaient avoir souffert quoique elles se fussent mine des galeries dans la terre & la place möme oü je les avais mises, car cette fois leurs trous furent bientöt assieges par les A qui avaient pris le dessus et les tirerent presque toutes hors de leur nid provisoire pour les tuer au grand jour. Les debris des C qui purent s’enfuir allerent fonder un petit nid de l’autre cöte du massif; (les B en avaient fait autant de leur cöte). Pendant tout ce temps j’avais fait la eontre-partie de l’experience; la voici : Je pris pendant le combat quatre 9 des A, dans la partie de leur colonne situee pres du nid, afin d’etre sür de ce que je faisais, et trois 9 Ü choisies avec le möme soin. Je mis ces 7 fourmis ensemble dans un bocal en verre. Il n’y eut pas le plus petit combat, mais elles se separerent d’abord en deux groupes, les 3 C d’un eöte; les A de l’autre (je les reconnaissais ä leur taille que j’avais choisie dans ce but). Je secouai alors le bocal pour les meler; elles se eroiserent les unes les autres, sans manifester de colere ni de frayeur, et se separerent ensuite en deux nouveaux groupes, l’un de 3 A et l’autre des 3 C plus une A. Ces deux groupes resterent separes pendant deux jours, une des A constamment ä cöte des C, dans les meilleurs rapports avec elles. Je les mis ensuite toutes dans un vase plus petit oü elles s’unirent en un seul groupe, dont les membres ne ces- serent de vivre dans l’intelligence la plus parfaite. Je mis ensuite dans un autre bocal une A, une B et une CE qui vecurent en bonne intelligence, et ne se disputerent pas meme au premier instant. Les pratensis A, B et Ö etaient toutes de veritables pratensis; je les ai soigneuse- ment examindes, seulement la fourmiliere A renfermait un plus grand nombre d’individus petits et moyens que les deux autres. 5. Les fourmilieres de F\ sangwinea ne sont pas tres considerables. Comme j’avais — 270 — souvent besoin d’un grand nombre de ces fourmis, il m’est arrive plus de cent fois de remplir un sae avec eing ou six fourmilieres differentes, sac que j’allais vider quelque part dans un pre, le plus souvent vers le nid d’une autre espece. J’obseryai ensuite souvent des tiraillements, et möme des combats individuels assez vifs entre les sanguwinea des diverses fourmilieres, mais presque toujours cela se termina par une alliance complete. Lorsque je portai par contre les sanguinea d’une fourmiliere aupres du nid d’une autre fourmiliere, des combats eurent lieu entre elles, comme entre les pratensis A et B; apres une vive lutte et quelques morts les nouvelles arrivees durent chaque fois s’enfuir. 6. Chez le Tetramorium cespitum, de pareils combats entre fourmilieres differentes sont extremement communs, sans qu’on ait besoim de les provoquer en rapprochant les ennemis les uns des autres. lls offrent presque toujours un caractere de lenteur et de chronieite tout partieulier. Mayr (Ungarn’s Ameisen) deerit ces combats tres exactement; il les prend bien pour ce qu'ils sont, et ajoute fort ä propos que leur longue duree est due ä la durete du corps des Tetramorium. Mais il ne dit pas qu’ils aient lieu entre four- milieres differentes, et laisse ainsi leur cause incertaine. On dirait parfois que ce n’est qu’une dispute ou um curieux exereice, car on ne peut arriver & voir des morts ni des blesses. D’autres fois ces luttes sont assez meurtrieres. Un jour j’apergus de loin sur une allee un objet noirätre que je pris pour un morceau d’etoffe. Arrive ä cette place, je vis un espace de deux centimetres carres tout noir de 7. cwspitum qui se tiraient tous par les pattes et par les antennes. Aucun d’eux ne recourbait son abdomen; aucun ne faisait d’effort violent; tous etaient dans une immobilite presque complete, car chacun tirait en sens inverse des autres, ce qui donnait un singulier aspect ä cette scene. On remarquait seulement chez la plupart de ces fourmis des mouvements d’antennes, et un leger va et vient de l’ablomen d’avant en arriere. Un seul geste que je fis afın de les effrayer sufft pour faire lächer prise ä& tous les combattants ä la fois, et chacun s’enfuit chez soi, sans que je pusse voir un seul mort; ä peine queiques 9 un peu &€cloppees s’en retour- naient-elles en boitant legerement. Elles rentraient toutes dans des galeries qui s’ouvraient sur l’allee; je ne pus distinguer les nids des deux fourmilieres (ce n'est pas etonnant, car cette espece est si commune qu'on en trouve des nids dans chaque metre carre de nos prairies, et, comme la plupart sont mines et souterrains, il est extrömement diffieile de distinguer les differentes fourmilieres, la plupart d’entre elles comprenant plusieurs nids). Du commencement d’avril & la fin de mai 1872, j’observai dans tous les faubourgs, les jardins, et möme dans quelques rues de Vienne des centaines de combats entre T. ces- pitum ; tous etaient assez meurtriers et se voyaient surtout entre les paves. Le 24 avril 1870, j’observai le long du talus de gazon qui se trouve ä l’entree de V’universit@ de Zurich, sur une longueur de plus de 30 mötres, un immense combat entre T. cespitum. Sur toute cette longueur le combat &tait egalement violent ou peu s’en faut, il me fut de nouveau impossible de distinguer d’oü sortait chaque parti. Les ennemis etaient identiques de couleur, de taille ete. (on sait que cette espece varie beaucoup). Iei — all — le combat &tait des plus serieux. Des milliers de morts jonchaient le terrain sur toute sa longueur. On voyait les combattants recourber leur abdomen pour se piquer l’un l’autre, et faire de violents efforts pour l’emporter. En general trois ou quatre fourmis en entou- raient une autre, et, si on les separait, on trouvait cette derniere ä demi-morte, ayant une partie de ses membres coupes. Ces combats durerent pendant plus d’un mois avee une intensite et une extension variables; le 20 mai ils etaient d’une vivacıte etonnante, car il faisait tr&s chaud, et ils avaient lieu sur une etendue aussi grande que le 24 avril, mais il n’y avait guöre de morts; la fureur etait devenue moins grande, semblait-il, de part et d’autre. Dans deux autres eas observes ä Vaux, je pus distinguer assez nettement les nids de ehaque parti, l’un des deux etant compose de cwspitum de grande taille et l’autre de tres petits. Les vainqueurs arrivaient en toute häte et en colonne, sans s’ecarter les uns des autres, et venaient assieger les vaincus autour des ouvertures de leur nid souterrain. Une fois enfin, je pus voir nettement la cause d’un de ces combats. Un petit nid de F. sanguinea, fond& depuis quelques jours par les 3 d’un sac de cette espece que j'avais depose ä quelques pas d’une fourmiliere de P. rufescens fat envahi tout-A-coup par l’armee de ces derniers qui le pillerent ä fond, si bien que toutes les sanguinea s’enfuirent en abandonnant leurs nymphes dans le nid et sur le döme. Avant que les amazones fussent toutes parties, je vis des 7. cespitum sortiv de la terre des environs pour depecer les nymphes qui gisaient sur le döme et les emporter dans leurs souterrains. Mais il parait qu'ils appartenaient A deux fourmilieres, car ils commencerent bientöt & se livrer entre eux un combat acharne. 7. J’observai un combat analogue entre deux fourmilieres de M. levinodis ; Y’aiguillon y jouait un grand röle, et je ne pouvais les separer, tant leur acharnement etait grand. 8. Le 7 juillet 1872 je fus t@moin, sur la route qui va de la Forelaz au glacier du Trient, d’un combat naturel entre deux fourmilieres de C. hereuleamus. Une de ces four- milieres (M) habitait un enorme trone de meleze situ@ au bord de la route, entierement depouille de son &ceorce, coupe ä plus de deux metres du sol, et dont le bois etait tres dur. Les fourmis sortaient par centaines d’une foule de galeries qui, s’ouvraient sur le pour- tour et möme au sommet du trone, couraient en tout sens d’un air agite, frappant le bois avec leur abdomen (XX. 3), et se frappant les unes les autres avec le front; le tout pro- duisait un bruit tr&s sensible. Le danger les appelait au pied du trone, et c’etait aussi dans ce sens que se faisait le mouvement general. L’autre parti (F) avait evidemment le dessous et paraissait d&ja disperse, du moins en grande partie; il me sembla qu’il venait d’un bois situ& de l’autre cöt& de la route, car une file de fourmis, tres clairsemees il est vrai, traversait cette derniere; bref, l’origine du combat me resta obscure. Le plus grand nombre des luttes avaient lieu au pied m&öme du meleze; on voyait une fourmi (M) se jeter violemment sur une autre (F); parfois les deux champions se lächaient apres avoir essay& de se mordre; le plus fr&quemment ils se saisissaient mutuellement par quelque wu —_— 22 — partie du corps (tres rarement par les jambes), et se roulaient par terre. Souvent l’un des deux sortait au bout de quelques secondes mutile ou & moitie coupe en deux de cette lutte. A l’ordinaire la fourmi M recevait aussitöt du secours et la fourmi F etait mise en pieces en peu d’instants. Dans les combats des Camponotus la mutilation au moyen des mandibules joue un röle beaucoup plus important que le venin; c'est le contraire chez les Formica et les Lasius. Je renvoie du reste pour plus de details & l’experience VI. 8. 9. J’imaginai un jour une experience qui, favorisee par les eirconstances, eut un curieux resultat. Une allee de gravier etait bordee d’un cöteE par un bosquet et de l’autre par un verger. J'’avais etabli depuis quelque temps sur la lisiere du bosquet une fourmiliere san- guinea qui avait prospere : appelons-la « S. du bosquet » pour abreger. En face d’elle, au bord de l’allee, sur le verger, se trouyait une fourmiliere rufibarbis que les sanguinea avaient, contre leur habitude, neglige jusqu’alors d’attaquer. Enfin, en continuant dans le verger une ligne ideale tirde entre les nids de ces deux fourmilieres, on trouyait a 17 pas des rufibarbis (19 pas environ des $. du bosquet) une autre fourmiliere sangwinea, grande et &tablie la depuis longtemps : appelons la «S. du verger». Le 3 juillet apres-midi, jallai puiser des fonrmis dans une grande fourmiliere sanguwinea eloignee de plus d’un demi kilometre des pr&cedentes, et j’en remplis un sac. Puis je vins verser le contenu de mon sac devant les rufibarbis qui furent battues et durent s’enfuir au bout de quelques minutes. Les sangwinea s’etablirent aussitöt dans leur nid; nous les appellerons des ä pre- sent « nouv. sanguinea » pour les distinguer des deux autres fourmilieres sanguinea sus- mentionnees. Tout en allant chercher le sae des nouy. sanguinea, j’avais rempli un autre sac beau- coup plus grand d’une grande quantite de cocons de F. pratensis, pris dans eing ou six nids differents, avee le moins de fourmis possible. Des que les nouv. sanguinea eurent chasse de leur nid les rujibarbis, je semai une trainee de ces cocons de pratensis, & partir du nid des S. du verger, dans la direction des nouv. sangwines (ancien nid rufibarbis). Aussitöt les S. du verger se jeterent dessus; elles se mirent ä les piller en suivant la trainde, et en les emportant ä mesure dans leur nid. Arrivees & mi-chemin, elles cesserent presque d’avancer; je renforcai alors la trainee de cocons, et j'’en etablis une autre A partir du nid des nouv. sanguinea, laquelle venait & la rencontre de la premiere. Les nouy. sangwinea qui avaient dejä introduit leurs propres nymphes dans le nid se jeterent sur ce butin avee une ardeur inesperee; de leur cöte les S. du verger recommeneerent A avancer, si bien que vers six heures du soir les deux colonnes se rencontrerent; elles etaient presque de m&me force, les S. du verger etant beaucoup plus @loignees de leur nid que les nouv. sanguinea du leur. J’avais verse beaucoup de cocons au devant d’elles au dernier moment. Les sanguwinea des deux fourmilieres arrivaient en foule, sans se lasser de prendre ces cocons et de les emporter chez elles; tous les cocons des deux traindes &taient dejä pilles, sauf ceux du point oü les deux partis allaient se rencontrer. Je semai une masse de cocons en cet endroit, sur une longueur de 4 deeimetres environ, Je m’attendais & un — 2793 — combat. Mais & mon grand etonnement, c'est ä peine si les sanguwinea des deux fourmi- lieres firent attention les unes aux autres. Des $ de chaque parti depassaient le point de rencontre; elles entraient dans le camp de l’autre parti, jusqu’ä la limite des eocons, et n’en choisissaient un qu’en cet endroit. On eut dit qu’elles recherchaient avee predilection les eocons les plus avances comme risquant de leur &chapper plus faeilement que les autres. Les deux partis faisant la m&me man@uvre, il en resultait un croisement perpetuel d’allants et de venants de chaque parti qui aurait et@ absolument incompr£hensible pour qui n’aurait pas connu sa cause. Les S. du verger allaient surtout chercher les cocons situes le plus en avant du cöte des nouv. sanguwinea, et vice versa. Toutes ces fourmis se croisaient sans jamais se tromper; celles de chaque parti emportaient les cocons dans leur nid res- peetif. A partir du champ de cocons de 4 decimötres, on voyait deux courants d’egale force et diametralement opposes de fourmis chargees de cocons. Au milieu, c’etait une eonfusion indeseriptible. Cä et lä il y avait de petites rixes. lei deux 9 de partis opposes se disputaient un cocon; mais les sanguinea ne sont pas tenaces, et l’une d’elles cedait bientöt. Ailleurs, e’&tait une nouv. sanguinea qui entrainait une S. du verger dans son camp, ou vice versa; ici encore il n’y avait qu’un faible tiraillement, et la prisonniere parvenait ordinairement bientöt ä s’&chapper. A peine quelques-unes de ces prisonnieres furent-elles entrainees de part et d’autre jusqu’au nid ennemi oü je ne sais le sort qu’elles subirent. Bref, j’eus beau ajouter des cocons pendant une heure, la seene demeura toujours la meme:« chacun pour soi, mais sans combat ». Lorsque presque tous les cocons furent pilles, les deux colonnes diminuerent de force, et peu ä peu les sangwinea de chaque four- miliere rentrerent dans leur nid respectif. Les S. du verger ne revinrent m&me plus des lors en cet endroit. Voilä done un cas d’indifference aussi caracterise que possible : il n’y a ni combat ni alliance, malgre un contact considerable et assez long. Pendant ce temps, j’avais cherche ä rapprocher par le m&me moyen les nouv. san- gwinea des S. du bosquet qui n’etaient &loignees d’elles que de deux pas. Mais ces dernieres etaient mal disposees, et l’experience r&ussit moins bien que dans le cas preeedent : le resultat fut d’abord analogue, quoique les 9 faites prisonnieres de part et d’autre fussent un peu plus nombreuses. Mais les jours suivants, les rapports continuerent. Les S. du bosquet entrainerent plusieurs nouv. sanguinea dans leur nid; peu ä peu ces tiraillements furent remplaces par des transports amieaux, et je vis des 9 porter des nymphes ou d’autres 9 du nid des nouv. sanguinea dans celui des S. du bosquet. L’alliance &tait pres- que consommee au bout de deux jours, et des lors je ne pus plus distinguer les partis l’un de l’autre. Mais je vis s’etablir un demenagement de plus en plus actif, et bientöt - toutes les nouv. sangwinea furent transportees avec leurs esclaves, leurs nymphes, et les eocons pratensis qu’elles avaient pilles dans le nid des S. du bosquet. Imutile de dire que les communications avec les S. du verger, des lors encore plus &loignees, ne furent plus jamais renouvelees. Je considere cette allianee entre les nouv. sangwinea et les S. du bosquet comme le simple resultat de la proximite ä laquelle se trouvaient (gräce ä moi) ces deux 35 — Mm — fourmiliöres. Etant necessairement en contaet continuel, elles se sont deeidees peu ä peu ä s’allier, au bout d’environ deux jours. 10. Le Polyergus rufescens fait iei une ceurieuse exception ä tout ce que j’ai observe chez les autres fourmis. Je n’ai jamais pu encore obtenir d’alliance entre $ de fourmilieres differentes chez cette espece. Il suffit de mettre dans un m&me bocal deux 9 de fourmilieres differentes pour qu'elles se jettent avee fureur l’une sur l’autre et se mordent de toutes leurs forces, si bien qu’ä l’ordinaire elles perissent toutes deux sans s’etre m&me lächees. Ce qwil y a de eurieux, c’est que ce meme P. rufescens s’allie fort bien avec des F. fusca ou rufibarbis adultes d’autres fourmilieres que la sienne (VI, 7; VII, 34 fin). A propos d’autres exp6riences, je eiterai encore par la suite des combats et des allı- ances entre fourmis de mömes races et de fourmilieres differentes (X. XI.). VI Rapports entre fourmis adultes de varietes, races, especes et genres differents, lorsqu’elles sont aussi de fowrmilieres differentes. lei la rögle generale est la guerre, avec plus ou moins de violence suivant les cas. Si ee sont des individus isoles et de m&öme force qui se reneontrent, ils s’evitent en ge- neral; parfois ils se querellent; presque jamais ils ne combattent serieusement. Tandis que chez les fourmis de möme race les combats commeneent le plus souvent par des tiraille- ments, avec une certaine hesitation, que le venin n’est souvent pas employe, ou seulement apres que la querelle s’est augmentee et que les partis ennemis se sont bien reconnus, nous avons toujours affaire iei a des luttes violentes et deeidees des l’abord. II n’y a jamais la moindre hesitation; les tiraillements mous sont exceptionnels; chaque parti met tout en @uvre pour annihiler l’autre le plus promptement et avec le moins de danger qu'il peut. Mais comme la tactique de chaque adversaire est differente, elle se trouve gagner beancoup en importance, et donne fort souvent ä elle seule la vietoire a l’un ou ä l’autre suivant les cas. De ce dernier fait resulte, chose qui parait improbable au premier abord, que ces combats sont ordinairement moins meurtriers que les luttes entre fourmis de meme race, et d’autant moins que les adversaires sont plus differents. Une alliance est un fait extr&mement rare et ne peut s’obtenir que par des procedes tout-ä-fait contre nature. Je ne veux point m’amuser iei & raconter toutes les guerres de fourmis que j'ai observees; nous en avons vu et en verrons assez. Je deerirai seulement un certain nombre d’obser- vations faisant transition ä celles du numero preeedent (V). J’ajouterai que je erois toute alliance entre fourmis «adultes de genres @loignes impossible; du moins je n’ai pu y arriver jusquw'iei, ainsi entre Myrmicides et Formicides, m&me entre Oaimponotus et Formica, entre Formica et Lasius etc. 1. Le 17 avril 1870, je pris une forte poignee d’ouvrieres dans une fourmiliere de F. pratensis d’une variete presque toute noire, et je les posai sur le milieun d'un nid cou- —_— 25 — vert de F\ pratensis d’une variete plus elaire. Ce fut une boucherie atroce sur laquelle je ne veux pas m’etendre. A peine quatre ou eing des noires purent-elles s’chapper. Toutes les autres furent tudes en moins d’une heure. Des experiences faites de la meme maniere entre pratensis de m&me variete, experiences que je n’ai pas rapportees, ne produisirent souvent qu'un faible combat, surtout lorsque je les fis vers la fin de l’ete; une fois ou deux möme je fus tente de eroire qu’il y eut alliance, ce qui n’est pas toujours facile a verifier en pareil cas. 2. Le 12 mai 1871, je vois quelques 9 de M. scabrinodis-lobicornoides, grandes, d’un brun uniforme et luisant (ä aire frontale un peu striee), sortir de leur nid mine au bord d’un massif, et aller ä six deeimötres de distance. Lä elles se trouvent assaillies et cap- turdes par de petites M. scabrinedis d’un jaune brunätre clair et plus mat. Les petites, beaueoup plus nombreuses, ont le dessus; elles sont surtout plus basses sur jambes, et courent moins vite que les lobicornoides. Elles attrapent ces dernieres par les pattes, et les amarrent au terrain, mais elles ne font aueun mouvement prononee du eöte du nid des grandes. Quelques-unes des grandes essaient de delivrer les autres, mais elles sont aussi prises. Alors de nouvelles arrivees retournent ä la häte au nid et y repandent l’alarme, puis vont de nouveau au combat suivies de quelques auxiliaires. La lutte s’en- venime beaucoup; des chaines de fourmis se forment et sont vivement disputees par les deux partis. Je vois une fois deux ennemies arrivant l’une contre l’autre avec les mandi- bules ouvertes; la petite essaie de mordre une patte de la grande, mais celle-ei la pre- vient, la saisit par les ar&tes frontales (quj sont tr&s @levees et rapprochees dans le genre Myrmica), et l’entraine ainsi dans son camp. Ailleurs je vois une des petites jouer exac- tement le möme tour & une grande. Celle-ei se pelotonne et se laisse emporter. Mais la petite se trompe de chemin et vient tomber au milieu des ennemis oü elle est prise et la grande delivree. Alors je vois tout-A-coup sortir un flot de lobicornoödes des trous de leur nid et arriver en colonne serree sur le lieu du combat. Il leur suffit de quelques secondes pour rompre toutes les chaines, delivrer toutes les prisonnieres de leur parti, et mettre en fuite toutes les petites qui ne sont pas prises. Mais, chose eurieuse, les petites au lieu de fuir au loin s’eelipsent sur place en se cachant dans les anfraetuosites du ter- rain. Evidemment elles se trouvaient sur leur nid möme qui etait souterrain. Ce qui me le prouva le mieux, e’est qu’une des grandes, retenue par trois petites au moment de l’arrivee de la eolonne, fut subitement entrainee par l’une d’elles dans un petit trou situe entre deux grains de terre, trou oü toutes deux disparurent, les deux autres ayant aussi- töt läche prise. Toutes les petites faites prisonnieres furent tudes ou entrainees a demi- mortes dans le nid des grandes qui jouaient de leur aiguillon et de leurs mandibules avec tant de force que j'entendis distinetement le craquement de ces dernieres sur le thorax dur et rugueux des petites. L’arme&e des grandes sejourna un moment encore sur le lieu de sa vietoire, eherchant entre les inegalites du terrain & penetrer dans le nid des petites; mais celles-ci avaient bouch& leurs portes avec de la terre, et, apres un moment d’essais — 276 — infruetueux, les scabrinodis-lobicornoides ventrerent dans leur nid. Toute cette petite bataille n'avait pas dure plus d’un quart d’heure. 3. Je mis ensemble dans un bocal, le 11 avril 1869: 1°) 2 3 pratensis d'une meme fourmiliere (Z). 2%) 1 9 sanguwinea d’une seconde fourmiliere. 3°) 2 9 fusca esclaves dans deux fourmilieres sanguinea differentes et autres que celle de la sanguinen que je viens de nommer 4°) 1 3 pressilabris et 5°%) 1 3 pratensis d’une fourmiliere mixte artifieielle pratensis-sanguinea (X), fourmiliere d’oü venait aussi une des deux fusca. Je distinguais facilement cette pratensis des deux autres ä sa petite taille. Au premier moment les 9 de fourmilieres differentes s’eviterent sans se battre, et celles de möme fourmiliere s’unirent. Bientöt les deux 9 pratensis Z. se sentant fortes s’etablirent au fond du bocal, tandis que les autres grimpaient le long du verre. La 9 pressilabris fuyait toutes les autres avec terreur, et j’eus la maladresse de l’ecraser en fermant une fois le bocal. Mais ensuite les deux fusca se rapprocherent de la F. sanguinea, quoique avec mefiance et avec quelques menaces de mandibules. La petite 5 pratensis X fraya d’abord avee sa fusca (de la möme fourmiliere), se tenant tapie ä cöte d’elle; mais celle-ei la quitta ä plusieurs reprises pour aller vers la sangwinea. Cette derniere montra bientöt une aversion toujours plus marquee pour les deux pratensis Z.; chaque fois quelle les rencontrait elle leur montrait les dents. C’&tait tres r&eiproque, et je vis une fois une des pratensis prendre une patte de la sangwinea; aussitöt les deux abdomens se recour- berent l’un contre l’autre, mais les deux ennemies se relächerent au m&me instant. Le lendemain il y avait deux groupes distinets: 1°) Les trois pratensis, la petite s’etant alliee aux Z. 2°) La sanguinea et les deux fusca completement alliees et blotties ensemble. Iei Vinstinet speeifique, si l’on peut parler ainsi, l’avait emporte chez la pratensis X sur l’instinet de la fourmiliere; e’est la seule fois que je vis ce fait. Mais comment appeler ’instinet qui poussa les deux F\. fusca & s’allier & une sanguinea d’une autre fourmiliere, surtout celle qui avait une ancienne allice dans la personne de la petite pratensis? L’ex- perience suivante me donna du reste un resultat bien different qui montre une fois de plus combien l’on doit se garder de tirer des eonelusions trop generales de quelques ex- periences. 4. Le 26 mai 1871, je mis dans un bocal, avec de la terre, du bois et du miel, 10 3 sanguinea d’une fourmiliere et 10 9 pratensis d’une autre. Il y eut d’abord deux ou trois combats singuliers tres vifs; puis cela s’apaisa; les sanguinea s’etablirent ensemble dans un con du bocal, les pratensis dans un autre. Cependant une ou deux 9 de chaque parti perirent ä la suite de ce combat. Le 23 mai, voyant que ces deux groupes ne vou- laient ni s’unir ni se battre, et se contentaient de s’eviter ou de se menacer de leurs mandibules, j’enlevai le bois et une partie de la terre; les groupes s’agiterent aussitöt et une vive melee eut lieu; les sangrimea se roulaient par terre avec les pratensis; puis les combattants se relächaient pour recommencer bientöt apres. Meme une sanguwinea ti- raillee par quatre pratensis fut tuee, et ailleurs une pratensis eut l’abdomen coupe. La — 277 — tranquillite se retablit pourtant bientöt et les deux groupes se reformerent, cehacun sur un morceau de terre. Mais les pratensis avaient et& fort maltraitees, parait-il, car il n’en restait le lendemain que quatre vivantes, tandis que 8 sangwinea subsistaient encore. Les deux groupes resterent pourtant tranquilles; une petite 9 sangıinea seule allait con- stamment taquiner les pratensis. J’avais trouve quelques jours auparavant une © pratensis isolde sur la route, et probablement vierge, car elle possedait toujours la base de ses alles aux trois quarts dechirees, et je l’avais oubliee dans une boite sans lui donner ä manger. Je la retrouvai ce jour lü (29 mai), et je la mis dans le bocal. Elle etait affa- mee, et au lieu de fuir les fourmis du bocal, elle s’approcha d’elles successivement, frap- pant leur tete de ses antennes pour leur demander & manger. Or je fus stupefait de voir les pratensis lui montrer les dents et la repousser, tandis que les sanguinea la laisserent faire. Elle quitta done les pratensis et commenca ä sollieiter vivement quelques sanguinea en cherchant leur tete, l&chant leur bouche, et frappant rapidement leur chaperon de ses antennes, si bien que deux de celles-ci se laisserent aller l’une apres l’autre & Ecarter leurs mandibules, & avancer leur bouche et ä lui degorger de la miellee. Je ne pouvais en croire mes yeux: une fourmi se trouve placee entre des individus de son espece et d’autres d’une autre espece; ces individus sont bien de fourmilieres differentes, non mix- tes, et la fourmi en question s’allie ä ceux de l’autre espece contre ceux de la sienne! Le fait est que des ce jour lä ce fut une alliance offensive et defensive de cette @ pra- tensis avec les sanguinea, contre les 9 pratensis. Je ne pus pas voir la plus petite dis- pute entre la © et ses alliees au milieu desquelles elle ne cessait de se blottir que pour se promener dans le bocal et se rouler ä& tout moment par terre avec une des quatre 9 pratensis qui montraient encore plus d’animosite contre elle que contre les sunguinea. Cependant, ayant trouve dans l’apres-midi du m&me jour une autre @ pratensis vödant aussi sur la route, mais completement aptere et probablement feconde, je la pris et la mis aussi dans le bocal. Son apparition produisit contre mon attente une bataille gene- rale, fort violente vu que j’avais rajoute deux nouvelles 9 pratensis de la m&me fourmi- liere que les autres. Une sanguinea fut inondee de venin et mourut en quelques secondes; la pratensis qui avait fait le coup etait ä peine moins malade et perit quelques minutes apres. Deux autres pratensis furent encore tres maltraitees sans avoir pu faire de mal aux sanguinea et ne tarderent pas A perir aussi. Pendant ce temps la @ vierge pratensis (la premiere), prenait ouvertement parti pour les sangwinea, et menagait de ses mandi- bules la @ feconde qui avait aussitöt pris parti pour les pratensis, comme il semblait qweüt dü faire l’autre. Le calme s’etant retabli, le fond du bocal resta au pouvoir des sanguinea et de leur alliee, tandis que les trois 9 pratensis restantes (dont une, malade aussi, ne tarda pas & perir comme les autres) grimpaient contre le verre avec la @ fe- conde qui leur restait fidele, et cherchaient ä s’enfuir. Le lendemain, 30 mai, une 9 pra- tensis succomba de nouveau aux sangwinea qui, se sentant fortes, prenaient toujours plus l’offensive, La bonne intelligence entre elles et la © vierge allait croissant; elles se le- — 78 — chaient constamment et se blotissaient ensemble, tandis que la @ feconde et la 9 pra- tensis qui restait ne savaient oü s’enfuir et se serraient l’'une contre l’autre. Le 2 juin la derniere 9 pratensis fut tuee et la @ feconde cruellement mutilee par les sanguinea qui lui couperent trois pattes ä l’articulation tibio-femorale, et une antenne au milieu du scape, La © vierge, vive et alerte, se promenait au milieu des sanguinea comme .chez elle; je la vis m&me un moment ayant la © feconde acerochee ä une de ses pattes, mais elle s’en debarrassa bientöt. Je conservai ces fourmis en parfait etat (sauf la @ feconde) jusqu’au 17 juin; la © vierge ne cessa pas un instant de vivre dans la plus complete harmonie avee les sangwinea. La Q feconde vecut jusqu’au 9 juin apres qu’on lui eut encore coupe l’antenne et les trois pattes qui lui restaient. Une petite 3 de C. ligniperdus que je mis dans le bocal fut vivement menacee par la @ vierge, mais ce furent les $ sanguinea qui la tuerent. Ayant vu ce que je voulais voir, et n’esperant rien de plus, je donnai la liberte a ma Q@ vierge pratensis et ä ses sanguinea le 17 juin, trois semaines apres le commencement de l’experience. J’ai eru devoir entrer dans les details minutieux de cette curieuse observation afın qu’on voie clairement que ce n’est point un conte, comme on pourrait &tre tente de le croire. Chacun des episodes relates iei a &t& observe avec soin et note jour par jour, comme je le fais du reste pour toutes mes observations. 5. Je mis un jour successivement devant une forte fourmiliere de F. rufibarbis deux poignees de f. pratensis, une de la varıete foncee, presque noire, deja citee, l’autre de la forme ordinaire. Toutes deux attaquees avec grande vigueur par les rufibarbis furent mises en deroute l’une apres l’autre. Mais elles s’enfuyaient du meme cöte, et a peine avaient-elles ä moiti6 &chappe aux rufibarbis qu'elles se mirent ä se battre entre elles avec un acharnement incomprehensible en pareille eirconstance. 6. Le 29 mai 1871, je resolus de faire en grand une experience projetee depuis long- temps. Je m’armai d’un gros sae, et j’en remplis d’abord un tiers avec une grande four- miliere sanguinea, puis un autre tiers avec une fourmiliere pratensis. A peine eus-je intro- duit ces dernieres dans le sac que je secouai vivement celui-ci en remuant son contenu, afin de möler complötement les deux especes. Je les laissai environ une heure ainsi. Puis je mis le sae en communication direete avec un nid artificiel en fer blane et en verre (systeme D) oü se trouvaient encore les galeries en terre d’une fourmiliere qui y avait ete Tannde precedente, et oü je n’eus qu’& verser de l’eau. A peine cette issue leur fut-elle ouverte que je vis ä travers le verre une foule de $ des deux especes deboucher dans l’appareil avee une agitation des plus marquees et dans un desarroi complet : plusieurs se battaient ä outrance; d’autres avaient dejä des ennemies mortes acerochees ä& leurs pattes; la plupart cependant &taient libres, mais, rencontrant amies et ennemies en nombre Egal de tous les eötes, elles montraient les dents ä& toutes, faisant des &carts ceontinuels, et visiblement en proie ä la terreur. Cependant les sangwinea vecouvrerent les premieres un certain calme, et etablirent un prompt demenagement des cocons dans l’appareil oü elles — 279 surpasserent bientöt en nombre les pratensis. Elles portaient indistinetement les cocons des deux especes. Un certain nombre de grosses pratensis eurent l’air de suivre machinale- ment ce mouvement, car elles apporterent bientöt aussi des cocons quw'elles deposerent dans les cases de l’appareil. Mais elles faisaient constamment des ecarts, lorsqu’une san- gwinea les menacait. Cependant les combats perdirent bientöt de leur violence, et ils degenererent en tiraillements et en menaces, tandis que les fourmis qui s’etaient dejä saisies auparavant perissaient les unes apres les autres. Telle etait la situation le soir du premier jour. Le lendemain matin, T’appareil trop petit pour le nombre des fourmis etait bourre de cocons. Beaucoup de pratensis et un certain nombre de sanguinea etaient mortes; les autres avaient l’air de travailler de concert, car elles portaient les cocons aux m&mes places et ne se menacaient presque plus de leurs mandibules lorsqu’elles se rencontraient. Cependant un certain nombre de pratensis etaient encore tiraill&es chacune par une, deux ou trois sangwinea qui jouaient toujours le röle actif, la pratensis se laissant faire. Je mis alors le sac qui renfermait encore beaucoup de fourmis, surtout des pratensis, aimsi que l’appareil, en communication avee mon grand appareil en bois et en verre (systeme d’Hu- ber; @.) lequel renfermait aussi les galeries en terre d’une fourmiliere qui y avait ete l’annee preeedente. Je dus ensuite m’absenter un jour, et, quand je revins, le 2 juin, je trouyai une alliance complete. Les sanguinea et les pratensis avaient demenage tous les cocons dans le grand appareil et s’y etaient &tablies en nombre ä peu pres @gal d’un commun accord. On ne voyait plus un seul tiraillement. Je vis bientöt une 5 pratensis degorger de la nourriture ä une D sangwinea. Les cadavres des combats du premier jour avaient ete abandonnes dans le sac et dans le petit appareil que j’enlevai tous deux; je fus meme etonne d’en trouver moins que je ne l’eusse eru. On distinguait les cocons des sangwinea de ceux des pratensis & leur couleur plus foneee, et je voyais les 9 de chaque espece s’oceuper aussi bien des cocons de l’autre que des leurs. J’adaptai & l’appareil une man- geoire en toile metallique avec du miel. Cependant au milieu de cette tranquillite suceedant au tumulte, je vis bientöt recommencer quelques tiraillements entre pratensis et sanguinea, mais sans acharnement, sans pattes coupees. Le lendemain, 3 juin, l’aceord &tait de nou- veau parfait et ne fut des lors plus trouble un instant. Ces fourmis adultes, d’esp&ces fort differentes s’etaient completement unies et ne formaient plus qu'une fourmiliere. Le 7 juin je portai l’appareil sur le gazon et je l’ouvris, l’ayant place pres d’un petit nid de F. rufibarbis. Il faisait froid, et mes fourmis ne firent qu'une attaque fort molle, dirigee par les sanguinea, et que les pratensis ne suivaient qu’avee hesitation. Bientöt ces dernieres decouyrirent un trou de grillon et un petit nid de fourmis abandonne ä trois deeimetres du nid des rufibarbis,; elles se mirent aussitöt ä y demenager activement toute la fourmiliere, et bientöt les sangwinea leur vinrent amicalement en aide. Rien n’etait plus interessant que de voir ces ennemies d’il y avait quelques jours se portant les unes les autres dans un nid commun. Je remarquai la gradation suivante quant au nombre des porteuses par rapport ä celui des portees : 1°) Le plus souvent on voyait des pratensis portant des sanguinea, puis 2°) des pratensis portant d’autres pratensis, 3°) des sanguinea portant d’autres sanguinea, et le plus rarement 4°) des sanguinea portant des pratensis. Je ne vis qu’un ou deux de ces derniers couples. Il etait aussi curieux de voir encore aux pattes de plusieurs de ces fourmis des tetes de celles de l’autre espece qui y Etaient restees accrochees depuis le combat du premier jour. Un Episode assez curieux est le suivant: un tas de cocons avait et€ form& provisoirement dans une touffe d’herbe, au bord de l’appareil, et des pratensis les demenageaient activement dans le nouveau nid. Une petite 9 san- guinea, postee sur ces cocons etait dans un etat d’agitation ineroyable. Elle cherchait & s’opposer A ce transport, se jetait ä la tete de toutes les pratensis une apres l’autre, leur arrachait les cocons qu’elles venaient de prendre pour les relächer aussitöt et recommencer avec d’autres. Les pratensis se laissaient faire avec une patience admirable, et finissaient toujours par emporter leurs cocons malgre la rage de cette petite bete. Je vis quelques autres disputes analogues oü une pratensis et une sangwinea se roulerent un instant sur le terrain, mais pour se relächer aussitöt sans avoir employ& de venin. Une seule fois je vis une petite sanguinea s’acerocher ä la patte d’une pratensis et y perir. On eüt dit que la liberte redonnait une legere animosite aux nouvelles alliees. Mais cela ne dura que pendant le demenagement, et resta le fait de quelques individus isoles de chaque espece ; le soir m&öme tout &tait fini, et les allides se trouvaient ensemble dans le nouveau nid. Le demenagement n’avait dure qu'un jour. Un incident de nature fort differente merite cependant d’ötre rapporte : un assez grand col&optere (Hister quadrimaculatus L.) arriva tout-A-coup au milieu de mes fourmis et, sans se gener, enfonca sa tete dans un gros cocon © pratensis. Les fourmis se jeterent en vain sur lui avee fureur, le mordant, l’inon- dant de venin et cherchant ä lui arracher sa proie. L’Hister avait replie ses quatre pattes posterieures sous son ventre d’oü il les sortait de temps en temps pour pousser sa proie eontre une touffe d’herbe, tandis que ses deux pattes anterieures, enfoncees avec sa tete dans la substance de la nymphe. s’y accrochaient en s’ecartant, et opposaient un ‚obstacle invineible ä tous les efforts de plus de douze grosses fourmis. La carapace chitineuse de l’Hister &tait trop dure, lisse et arrondie pour que les fourmis pussent y acerocher leurs mandibules, et tous leurs efforts furent inutiles. J’aidai de diverses manieres aux fourmis en remettant toujours I’ Hister au milieu d’elles; peine inutile, il sortit toujours vainqueur avec le cocon qui etait aussi gros que lui & peu pres. Le 12 juin, les pratensis et sanguinea s’etaient bäti un petit döme; elles n’avaient pas cherch@ ä se separer. Le 14 juin, je trouvai le nid des rufibarbis occupe par ma four- miliere mixte; j’avais manqu& le moment de l’attaque; peut-&tre aussi les rufibarbis avaient-elles Emigre d’elles-memes. Le 17 juin, la fourmiliere etait florissante, l’intelligence parfaite; le döme, couvert surtout de pratensis, devenait rouge de sanguwinea des qu’un danger se montrait. Du reste ces fourmis oceupaient les deux nids, celui des rufibarbis qui s’etaient enfuies, et le premier oü elles s’etaient &etablies. Je partis alors pour un voyage. Er — 281 — Le 31 juillet, je retrouvai mes fourmis toujours dans le möme tat. Je fis alors un essai nouveau. J'allai chercher une poignee de F. pratensis & la fourmiliere d’ou j’avais tireE deux mois auparavant a l’etat adulte celles de ma peuplade mixte, et je les posai devant un des nids de cette derniere. J’observai avec- grand soin ce qui se passa. Une lutte tres vive stengagea presque aussitöt entre les nouvelles arrivees et les sangwinea qui leur deroberent leurs cocons; mais cette lutte n’avait rien de violent; le venin ne fut pas employe; les sanguwinea se jetaient sur les pratensis, les roulaient par terre, puis les relächaient aussitöt. Les pratensis avaient l’air de n’y rien comprendre; elles se sentaient evidemment battues, mais elles ne s’enfuyaient pas. Ce qu'il y eut de singulier, ce fut la con- duite des pratensis de la fourmiliere mixte. Elles n’arriverent que peu & peu, et, Evitant autant que possible leurs anciennes seurs, sans les combattre, elles s’oceuperent presque uniquement ä demenager les cocons dans le nid. Mais les nouvelles arrivees se montrerent beaucoup plus violentes ä leur egard; en voici un exemple: une grosse pratensis du nid arrıve vers le tas des nouvelles et veut prendre un cocon @; aussitöt une petite 9 des nouvelles lui saute ä la tete et l!’en empeche, la tire par une patte, puis par une antenne, puis cherche ä separer ses mandibules du cocon. La pratensis du nid se defend ä& peine, cherche ä prendre le cocon par un autre bout, puis finit par ceder & la persistance de l’autre et par s’en aller quoique sa taille beaucoup plus forte lui eüt permis de l’emporter facilement si elle l’eüt voulu. Mais bientöt les pratensis du nid s’enhardirent, se mölerent ä celles du tas, et, comme il etait impossible de les distinguer autrement qu’ä des signes hostiles qui devenaient de plus en plus rares et faibles, je fus fort embarrasse. Je vis, il est vrali, plusieurs pratensis en entrainer d’autres bon gre mal gre dans le nid; iei il &tait facile de deviner l’origine de chacune. Mais j’en vis aussi se rouler volontairement, en repliant pattes et antennes, ä la mandibule d’autres pratensis qui les portaient egalement dans le nid. Dans ce dernier cas quelle etait la portee? Une pratensis du nid egaree, ou une des nouvelles qui s’etait decidee A reconnaitre son ancienne seur et a se laisser porter par elle? La suite des faits me fait pencher pour cette derniere opinion. En effet, je mis successivement eing ou six poignees de pratensis de la fourmiliere naturelle vers le m&me nid de ma fourmiliere mixte, et chaque fois les memes faits se reproduisirent. Leurs combats &taient toujours beau- coup plus vifs avec les sangwinea qu’avee leurs anciennes sceurs, et cependant jamais le venin ne fut employe; je ne pus observer en tout qu’une 9 sangwinea et deux ou trois petites 9 pratensis qui furent tuees. D’un autre eöte, un petit nombre seulemeut des nouvelles arrivees fuyaient eparses dans l’'herbe et revenaient du reste souvent au tas, tandis que plusieurs etaient portees ou entrainees dans le nid par leurs seurs comme par les sanguinea. Je ne pus demeler aucune tentative des pratensis du nid pour s’allier aux autres contre les sanguinea, fait qui aurait semble bien naturel puisqu’elles n’&taient separees des premißres et alliees aux secondes que depuis deux mois; leurs bons rapports avec les sanguwinea ne se troublerent pas un instant. Mais le fait le plus curieux &tait la douceur relative des sanguinead vis-a-vis de ces nouvelles pratensis qu’elles n’avaient jamais connues. Üe fait va 36 — 2332 — bientöt s’eelaireir. Le lendemain la proportion des pratensis sur le nid avait sensiblement augmente et depassait notablement celle des sanguwinea. Plus de doute; une bonne partie, au moins, des nouvelles venues avaient @te admises dans le nid, mais sur quel pied? lä etait la question. Voici alors ce que je vis en observant attentivement : toutes les pra- tensis se frappaient amicalement entre elles de leurs antennes, et la plupart faisaient de meme avec les sanguinea,; mais des scenes particulieres offraient un tout autre aspect. lei &tait une grosse pratensis qui avait les deux antennes et une patte deja coupees; deux sanguinea etaient occupees ä la torturer sans qu’elle fit la moindre resistance; elle cher- chait seulement ä s’&chapper, mais la perte de ses antennes l’empechait de trouver son chemin. Tandis que l’une des sanguwinea cherchait & lui couper une cuisse, l’autre s’achar- nait & son prothorax qu’elle voulait entamer ou separer de la tete, mais elle ne pouvait y parvenir, la pratensis etant beaucoup plus grosse et plus dure quelle; aucune des deux n’employait le venin; e’etait une ex&cution ä froid. La pratensis eut meme deux ou t{rois fois l’innocence de lecher les sanguinea. Ailleurs une autre 9 pratensis etait egalement tiraillee par deux sanguwinea ; elle n’avait encore qu’une patte coupee, et essayait quelque- fois de menacer un peu les autres de ses mandibules, mais elle aussi etait d’une resignation incroyable. Pendant que les sanguinea la mordaient, elle les frappait continuellement de ses antennes, et les lechait m&me amicalement avec sa langue. Mais tout-a-coup elle par- vint & s’&chapper par un mouvement brusque, et, au lieu de s’enfuir loin du nid, elle se preeipita, en courant de toutes ses forces et en bousculant les ouyrieres diverses rassem- blees sur le döme, vers la plus grande avenue du nid oü elle s’enfila sans que les san- guinea cussent pu la reprendre.. Un instant apres je vis une sangwinea sortir de cette möme avenue en entrainant hors du nid une petite pratensis; une seconde sanguwinea vint se joindre ä elle; mais iei la pratensis se defendit assez vivement pour donner beaucoup l’embarras aux deux sanguinea qui n’employerent cependant pas de venin. Je delivrai la pratensis qui fit exactement comme la preeedente, s’enfuit ä toute vitesse dans le nid. Je vis encore plusieurs pratensis tirees ainsi hors du nid par des sangwinea qui les tiraillerent ensuite sur le döme et leur couperent des membres. Une de ces pratensis qu’une san- guinea avait prise par une mandibule eut l’esprit de s’acerocher ä une de celles de la san- gwinea et de se rouler sur elle-meme en se laissant porter. La sangwinea essaya de la derouler en la frottant contre le terrain, mais en vain; la pratensis ne lächait pas prise et ne bougeait pas. D’autres sanguinea essayerent de la mordre, mais son immobilite parut les deeoncerter; la porteuse involontaire, fatiguee, lächa prise, et la pratensis s’enfuit au plus vite dans le nid. Je vis enfin une sangwinea sortir du nid le cadavre d’une pratensis toute jeune et molle encore qu'elle alla deposer & quelques centimetres de la. Ces tiraille- ments continuerent pendant plusieurs jours, toujours actifs de la part des sanguinea et passifs de la part des pratensis. Le 6 aoüt ils avaient cesse, mais quelques cadavres de pratensis, et une ou deux de ces fourmis mutilees encore vivantes se trouvaient autour du nid. Le döme, vu l’augmentation des pratensis, avait pris le cachet de l’architeeture de cette espece et etait couvert de poutres qui servaient a ouvrir et & fermer les portes. Des lors je ne remargquai plus de querelles, et ma fourmiliere mixte existe encore au moment oü j’eeris (22 septembre 1871). Cette longue experience donne mainte preuve de intelligence des fourmis et de dif- ferences individuelles prononcees chez elles (de caractere si l’on veut). 7. Le 29 mai 1871 je mis dans un bocal avec de la terre et du papier & filtrer 10 9 de P. rufescens avee 15 5 de F. fusca d’une fourmiliere non mixte. Dans le premier moment d’effervescence, un P. rufescens saisit la tete d’une F. fusca, et lui transperca le cerveau d’un seul coup; la F. fusca vresta immobile, son corps n’etant plus mu que par les centres nerveux reflexes. Mais des lors il n’y eut plus de violences. Les fusca evitaient les rwufescens, tandıs que ces derniers les recherchaient au contraire plutöt. Le lendemain, 30 mai, il y avait une alliance evidente. Tous les rufescens et toutes les fusca ne formaient qu’un seul tas et se lechaient les uns les autres. Je les conservai jusqu’au 2 jum et leur donnai alors la liberte ; l’intimite n’avait jamais ete troublee. 8. Depuis assez longtemps j’avais dans un bocal des (©. ligniperdus &tablis dans un morceau de, bois qu'ils avaient seulpte. Ayant trouve le 12 juin 1871 une fourmiliere de ©. pubescens, je mis un certain nombre d’ouvrieres de cette espece dans le bocal. Une melee violente s’en suivit aussitöt; mais ce fut un combat & la mode des Camponotus qui n’est pas celle des autres fourmis. Ils cherchent avant tout ä intimider leur ennemi en executant un violent mouvement en avant de tout le corps, sans changer leurs jambes de place. Tout en ex&cutant ce mouvement, ils ont les antennes rabattues en arriere et les mandibules ouvertes. Ils s’elevent de plus aussi haut que possible sur leurs pattes de devant pour eviter d’etre pris sur le dos. S’ils arrivent au contraire ä saisir leur ennemi sur le dos ou quelque part ä la racine des pattes, ou encore par les deux antennes ä la fois, ils serrent leurs deux mandibules peu dentees avec une force prodigieuse, et ne tar- dent ordinairement pas, apres quelques efforts, & couper ou ä briser la partie mordue; il est rare que l’ennemi resiste ä cette atteinte, d’autant plus qu’en m&me temps le Cum- ponotus recourbe son abdomen et inonde de venin la plaie qu'il vient de faire. Si les deux champions s’attrapent par les mandibules ou par une patte, ils se lächent le plus souvent aussitöt et recommencent; dans le premier cas cependant ils s’inondent quelque- fois reciproquement de venin. Ces combats sont surtout le fait des grosses 9; les petites, tres delicates et tres craintives, essaient bien quelquefois d’imiter les grosses, mais ne reussissent alors guere qu’ä s’accrocher ä une patte de l’ennemi et ä y perir. Toutes ces scenes se passaient dans mon bocal, mais les ligniperdus ayant pour eux le nombre et, semblait-il, la force, les pubescens eurent de la peine & se maintenir. Cependant ces der- niers montraient un calme et une adresse remarquables dans le combat, et ils etaient plus robustes que les ligniperdus. Aussi m’apergus-je bientöt qu'ils en tuaient beaucoup. Je vis par exemple un gros pubescens saisir un gros ligniperdus par le cou et faire des efforts inouis pour le decapiter. Le ligniperdus se sentant pris ne bougeait pas. Tout-a- AWO 1 eoup il fut saisi de violentes convulsions, et sa tete alla rouler a quelques centimetres de son corps. Peu ä peu cependant les pubescens s’organisaient et les ligniperdus faiblis- saient, mais des tetes, des pattes, des abdomens coupes, et de nombreux cadavres encore entiers jonchaient le fond du bocal. Sur ces entrefaites la nuit vint. Le lendemain matin, les pubescens avaient conquis une portion des galeries seulptees dans le bois et s’y &taient etablis. Au moment oü j’ouvris le bocal pour mieux voir, la secousse provoqua une colli- sion nouvelle, et les ligniperdus (qui probablement se sentaient deja vaincus depuis un certain temps) furent tout-ä-coup saisis d’une panique generale. Prenant leurs larves et leurs cocons, ils se mirent tous ä grimper en une bande serree contre le verre, cherchant vainement ä s’echapper. Ils retombaient tous les uns apres les autres au fond du bocal. Les pubescens ne perdirent pas leur temps, et s’etablirent aussitöt avec leurs larves dans tout le morceau de bois; une grosse 9 se mit en sentinelle ä chaque ouverture. Pendant ce temps d’autres se jetaient au milieu des ligniperdus, mordant ä droite et ä gauche sans se gener, car la terreur de ces derniers etait telle qu’ils ne se defendaient plus. Une petite 5 pubescens se distinguait par son audace et se jetait sur les plus gros ligni- perdus les uns apres les autres. Plusieurs ligniperdus furent encore tues. Un gros pubes- cens ayant saisi un ennemi plus gros que lui par le cou, celui-ci fut bien pris de con- vulsions, mais sa tete ne tomba pas. Le pubescens lächa cependant prise. Le ligniperdus resta d’abord comme petrifie, mais peu ä peu il se remit legerement, la tete recommenga petit & petit ä entrer en relation avec le corps; il marcha, ouyrit les mandibules, et re- connut ses ennemis d’avec ses amis, quoique sa lesion eüt produit sur lui l’effet si com- mun de la marche en cercle. Mais tandis que ses compagnons etaient tous en fuite et dans une terreur folle, il n’eut pas l’air de le comprendre ou de s’en apercevoir, et se mit & mordre tous les pubescens qui s’approchaient de lui; il saisit m&me presque l’un d’eux sur le cou; l’adresse ne lui faisait point defaut. Cependant, deux pubescens Vayant pris ’un par une patte, l’autre par une mandibule, et tirant en sens inverse, cela acheva de separer ses commissures nerveuses et il fut perdu. La panique des ligniperdus dura un quart d’heure apres lequel ils se calmerent et se blottirent ensemble dans un coin, leur nid &tant pris. Des lors, chaque fois que je rouvris le bocal, ce fut le signal d’une nouvelle tentative de fuite generale. Des lors aussi, il y eut une sorte de tr&öve, et l’on se contenta de se menacer de part et d’autre. Le soir du meme jour, je mis dans le bo- cal une dizaine de grosses 9 ligniperdus d’une autre fourmiliere que les precedentes, et un peu plus foncees, lesquelles pouvaient changer entierement la face des choses. Mais & peine furent-elles dans le bocal que les pubescens et les auciens ligniperdus tomberent sur elles d’un commun accord. Les nouvelles arrivees se defendirent vaillamment et tuerent plusieurs 9 des deux autres partis; les anciens ligniperdus firent alors une nouvelle ten- tative de fuite, et les pubescens vesterent les maitres. Or le lendemain matin je ne fus pas mediocrement etonne de trouver tous les pubescens mis en pieces, jusqu’au dernier, et les nouveaux ligniperdus completement allies aux anciens avee lesquels ils occupaient le nid (je reconnus facilement cette alliance ä& la taille et & la couleur des fourmis res- tantes qui etaient toutes amies); mais leur nombre avait diminue de moitie. Je les con- servai ainsi jusqu’au 17 jun, et leur rendis alors la liberte. 9. On sait que les Solenopsis fugax vivent le plus souvent en nids doubles avec d’autres fourmis qui sont leurs ennemies (Bulletin de la soci6te swisse d’entomol. Vol. III n° 3). On sait de plus que leurs @ et leurs 9 ne quittent le nid pour s’accoupler qu’en septembre ou mıeme en octobre, par des jours chauds et humides, alors que les autres fourmis sont pour la plupart cachees dans leurs souterrains. Le 1” octobre 1872, par un temps humide (commencement de pluie), je vis & Lausanne, dans un pre, sur un döme de terre dejäa aplati, un combat violent entre des T. cespitum 9 et des S. fugax $. Ces derniers, en nombre superieur, me paraissaient l’emporter, et en me&me temps je voyais sortir du nid un certain nombre de leurs © ailees et de leurs g' dans le but evident de prendre leur essor, ou tout au moins de s’y preparer. lei done le depart des @ et des g avait suffi pour allumer une petite guerre. La demolition du döme me montra que jJavais bien affaire & un nid double de Tetramorium et de Solenopsis. 10. Les fourmis de genres tres differents, et surtout de taille ou de maurs tres dif- ferentes presentent une variete infinie dans leur maniere d’agir les unes envers les autres. Je ne puis entreprendre iei de detailler toutes ces nuances. On verra du reste des faits qui s’y rapportent dans d’autres experiences (XI, XVIII, XXIII). Les especes tres paci- fiques (Myrmecina) et celles qui vivent en fourmilieres tres petites (Zeptothorax, Stenamma) ne combattent pour ainsi dire jamais; elles se contentent de fuir et de rendre leurs nids inaccessibles en les faisant petits, etroits et caches. Celles qui sont tr&s agiles ( Tuupinoma, F. rufibarbis) ou tres coriaces (M. scabrinodis) vont souvent commettre des vols jusque sur les dömes, et m&me parfois jusque dans les nids des autres especes (XI, XXI, XXIV). Seission d'une colonie en deux fowrmilieres. Jusqgwä quel point les fowrmis separees longtemps se reconnaissent ensuite. 1. Une fourmiliere pratensis avait son nid (A) depuis longtemps au bord d’un jardin potager. Elle avait plusieurs chemins tres frequentes. L’un d’eux entre autres traversait la route, puis entrait dans un pre, passait le long d’un etang et allait se terminer de l’autre cöte, vers un massif d’arbres. Il etait fort long et peu commode. En 1865, au printemps, les fourmis commeneerent ä& fonder un second nid (B) & l’extremite de ce chemin, vers le massif d’arbres. Ce nid grandit tres vite, et une forte partie de la popu- lation de l’autre s’y porta ; le chemin devint de plus en plus frequente. Presque en meme temps, la m&me fourmiliere fondait un troisieme nid (C) au bout d’un autre chemin. Mais les habitants du second nid ne tarderent pas, ä ce qu'il parait, ä lui trouver des inconyenients, seulement, au lieu de retourner ä& leur ancienne demeure, ils commeneerent — 286 — une nouvelle emigration qui continuait exactement la direetion de la premiere, Ils fon- derent un nouveau nid D dans le gazon, & une grande distance du nid B, et par con- sequent ä une distance & peu pres double du nid A. Cette emigration alla assez vite, et bientöt le nid B fut completement abandonne. Les relations continuerent tout l’&te entre les nids A et D, malgre la grande distance qui les separait, mais en automne le froid les interrompit. Le printemps suivant (1866), les habitants du nid D ayant trouve divers massifs d’arbres & leur portee ne retournerent plus qu’ä une courte distance dans la di- rection de l’ancien nid B. Les habitants du nid A, de leur part, n’arriverent plus jus- qw'au nid B, leurs interets s’etant portes d’un autre eöte, vers leur ceolonie ©. Ainsi D et A se separerent completement. Les 9 de D &migrerent eneore plus loin et allerent fonder vers un massif un nid qu’elles conserverent des lors longtemps; leur fourmiliere prospera et devint tres grande. La colonie A C existe encore telle quelle aujourd’hui et a aussi beaucoup prospere. Le 8 aoüt 1869, je pris une poignee de fourmis dans le nid A et je les portai vers la fourmiliere D. Un combat s’engagea aussitöt, d’abord peu vif, puis bientöt le venin s’en möla et les A vaineues dureut s’enfuir. Voilä done maintenant deux fourmilieres distinctes, dont l’origine unique et la scission en deux par colonisation est indubitablement prouvee. Or c’est un des deux modes de fondation de nouvelles four- milieres admis par Ebrard, mais sans preuve positive (l. c. p. 39). Il se contente de par- ler des colonies, sans citer de cas oü les relations aient &t& brisees entre les habitants d’un nid et ceux des autres. 2. Le nid des D avait pris des proportions telles qu’on r&solut de le detruire en mon absence, vu qu'il etait gönant sur la terrasse oü il se trouvait, et ä cet effet on en en- leva une grande partie qu’on transporta pendant les premiers jours d’avril 1871 & une dis- tance respectable. Je dus ensuite admettre le fait accompli, et j’enlevai m&me encore une partie des $ du nid D pour renforcer celles qu’on avait emportees, lesquelles ne tarderent pas ä fonder un nid. Un mois plus tard, je pris une poignee d’ouyrieres du nid D, et je les placai sur un chemin qu’avaient dejä fonde leurs anciennes compagnes. Il s’en suivit une explication tres vive: les 9 que j’avais apportees et celles du chemin sautaient quatre ou eing fois de suite l’une contre l’autre en ouvrant les pinces, puis se frappaient long- temps de leurs antennes. Je ne vis aucun tiraillement ni aucun combat, mais une certaine defiance mutuelle qui ne dura du reste qu’un moment, car peu ä peu elles se m&lörent completement, et les 9, arrivant en masse de leur chemin, transporterent les nouvelles arrivees dans leur nid le plus paisiblement du monde, apres leur avoir aide & deblayer leur tas *) oü se trouvaient ensevelis quelques cocons et quelques ouvrieres. Une autre experience m’offrit un spectacle plus eurieux : je pris une 9 du nid ]), et je la mis sur le döme *) Chaque fois qu’on transporte des fourmis dans un sac, on prend avec elles des debris de leur nid qui forment un tas a l’endroit oü on les depose. — 2397 — meme de ses compagnes d'il y avait un mois. Elle fut instantanement environnee par plus de einquante fourmis qui se mirent ä la palper de leurs antennes toutes a la fois, ou ä peu pres, avec une attention et un soin tels- que la nouvelle venue serree de tous les eötes ne savait ol se tourner. Elle se mit alors ä donner d’un air fort inquiet des secousses vives et repetees de tout son corps (ses mandibules etant entr’ouvertes) A celles qui l’en- touraient immediatement. Celles-ei la quittaient alors, paraissant satisfaites; mais celles qui etaient derriere arrivaient ä leur tour, et les forces de cette pauvre 9 ne suffisaient que tout juste ä repondre ä cette foule qui l’obsedait et augmentait toujours. Tout-a-coup une autre fourmi lui offrit sa mandibule que notre ouyriere saisit aussitöt avec empresse- ment, et autour de laquelle elle se pelotonna. Mais ses tribulations n’etaient pas finies. Une foule de 5, bousculant la porteuse, l’empechaient d’avancer et palpaient son fardeau toujours avec la m&me attention. L’une d’elles se mit ä palper ineisivement une patte de la portee, la saisit tout-ä-coup avec ses mandibules et se mit ä la tirer dans le sens in- verse de celui ou marchait la porteuse. (et exemple malveillant ne fut heureusement suivi par aucune des autres, et cette fourmi mefiante, se sentant isolee, lächa bientöt prise. La porteuse arriva alors pres d’une ouverture par laquelle elle se häta d’emporter l’autre dans l’interieur du nid. Ces faits montrent que des fourmis separees depuis un certain temps se reconnaissent, comme Huber l’a deja montre (l. e. p. 150). Mais les gestes qu'il prit pour des caresses extraordinairement amicales, venant du bonheur de se retrouver, ne sont certainement pas autre chose que des signes de doute et de mefiance, lesquels se dissipent du reste bientöt, surtout quand les 9 retrouvees sont nombreuses. Cette reconnaissance a une limite; l’avant-derniere experience (VII. 1.) le prouve de la maniere la plus @evidente. Huber a vu des fourmis se reconnaitre aprös quatre mois de separation. J’en ai vu exactement autant (IX, 1). Avee ces donnees, je crois qu’on ne risque pas de se tromper en admettant que les fourmis d’une m&me fourmiliere, separees les unes des autres, puis remises ensemble dans le courant d’un m&me ete, peut-etre d’une m&me annee, se reconnaitront et s’uni- ront, mais que sı la separation a ete plus longue, elles se battront. La chose est du reste d’autant plus raisonnable et probable que la vie d’une fourmi ne devant que rarement de- passer un an, les 9 qu’on remettrait en presence au bout de ce temps ne seraient plus du tout les memes (comparer avec l’experience IV). Vin Polyergus rufescens. Expeditions et observations diverses. Ce sujet est si connu, rapporte dans tant d’ouvrages, qu’il semble inutile d’y revenir ici. Cependant tout ce qui a ete Eerit sur cette fourmi n’est guere qu’une repetition des observations d’Huber, si j’en excepte les relations d’Ebrard, une courte notice de v. Hagens qui n’apprend presque rien de nouveau, une expedition racontee sans details par Mayr E uw (r er RER — 288 — (Ungarn’s Ameisen), et une sortie tres’dröle, mais denuee de tout fondement, faite par le comte d’Esterno (Revue et mag. zool. 1868 p. 435) qwi s’imagine refuter toutes les ob- servations d’Huber. Or Ebrard contredit Huber en quelques endroits, et ce dernier n'a pas deerit toutes les singulieres variations qui se montrent dans les expeditions du P. rufescens. Quelques points encore negliges doivent aussi &tre releves. Les expeditions de cette fourmi sont si eurieuses, si variees, et presentent tant d’anomalies, que je cerois inte- ressant d’en decerire un bon nombre. 1. Deux erreurs eirculent dans la plupart des ouvrages allemands, ä savoir que les nids de cette espece n’ont qu'une ouverture, et que l’ouvriere et la femelle sont pourvues d’un aiguillon. Je les ai deja refutees ailleurs (Bullet. de la soc. suisse d’entom. Vol. III. n? 3 el 6). 2. Huber aussi eroit que leur aiguillon et leur impetuosite donnent seuls la vietoire ä ces fourmis. Il y a beaucoup de vrai pour la seconde de ces qualites, mais ce que je ne puis comprendre c’est qu'il n’ait pas remarque, ni Ebrard non plus, l’usage presque ex- celusif qu'elles font de leurs mandibules pointues pour poignarder le cerveau de leurs enne- mies et leur faire lächer prise, ainsi que la terreur qu’inspire ä& ces dernieres la simple menace de cet acte. Ce fait (voy. plus haut dans les generalites sur les combats des fourmis) est si constant, qu'il ne peut Echapper ä& quiconque observe p. ex. une expedition de P. rufescens contre des F. rufibarbis. De plus il est impossible aux P. rufescens de couper un membre ä un ennemi, vu la conformation de leurs mandibules, et les cas rapportes par Ebrard (l. ce. p. 17) de tetes de F. rufibarbis attachees aux pattes de P. rufescens sont inadmissibles; je n’ai jamais rien vu de pareil; un P. rufescens ne peut pas couper la tete au cadavre d’un ennemi. Par la m&me raison le P. rufescens ne s’attache jamais ä la patte d’un ennemi, & moins que ce dernier ne soit beaucoup plus gros que lui (C. pubescens), mais il l’attaque toujours par le corps. Enfin cette espece se distingue de toutes les autres par un courage individuel aveugle qui la porte aux actes d’audace les plus inouis. Une seule 9 de P. rufescens mise au milieu d’une fourmiliere ennemie ne cherche point & s’enfuir comme le fait toute autre fourmi, mais, sautant ä& droite et & gauche, elle transperce ä elle seule la tete de dix ou quinze adversaires, jusqu’ä ce que, saisie elle-möme par le thorax, elle finisse par succomber. Chose curieuse, une armee de ces memes fourmis marchant en rangs serres montre un courage de toute autre nature, beaucoup plus raisonne, et sait fort bien se retirer, se detourner, lorsqu’un danger la menace; une 9, lorsqu’elle fait partie d’une pareille armee, s’&carte le moins possible des autres, et s’enfuit des qu’elle se trouve entour&e de trop d’ennemis. J’ai fait plus de mille fois ces remarques dont une seule expedition bien observee fournit deja une quantite. 3. Les haltes durant une expedition sont considerees par Huber comme servant ä& attendre la queue de l’armee, et par Ebrard comme des arr&ts au dessus de fourmilieres Fusca si cachees que les P. rufescens ne peuvent decouvrir l’entree de leur nid. Or ces deux cas se presentent, le premier plus souvent que le second, et nous avons en outre bu, [= une troisitme sorte de haltes que je regarde comme la plus frequente, et qui vient d’une hesitation dans le chemin ä suivre. Oette hesitation peut provenir soit de ce qu’une par- tie des amazones voudraient aller dans une direetion et les autres dans une autre (de ce que les unes ont en vue une certaine fourmiliere et les autres une autre; parfois m&me cela provoque une separation de l’armde en deux), soit de ce que les lieux oü elles arri- vent leur deviennent ineonnus. J’ai m&me vu plusieurs fois des P. rufescens s’egarer com- plötement, ce qu’Huber n’a vu quwune fois. Les observations suivantes gagneront, du reste, beaucoup en interet si on les compare ä celles d’Huber et d’Ebrard dont elles con- firment la plus grande partie. 4. Heure du depart. Organisıtion de larmöe. Comme le dit Huber, e’est presque tou- jours entre 2 et 5 heures de l’aprös-midi que les P. rufescens partent de leur nid. Von Hagens en vit partir & 6 heures; j’ai observe deux departs & une heure et demie; ce sont les deux cas extrömes, ä ma connaissance; on n’a jamais observ@ d’expeditions le matin. Ebrard dit que dans les premieres expeditions (mois de juin) ils partent tres tard, et que des lors ils partent tous les jours un peu plus töt. Je n’ai jamais rien vu de semblable. J’ai vu le möme jour les amazones (nom donne par Huber ä cette espece, et que nous emploierons aussi) de deux fourmilieres differentes partir les unes ä deux heures et un quart, les autres ä quatre heures et un quart. Par contre j’ai remarque que les amazones de la möme fourmiliere partent souvent pendant quelques jours de suite tou- jours ä la möme heure. L’heure du depart depend dans la rögle de la temperature; plus il fait chaud, plus les amazones partent tard, et vice-versa. Les amazones de la me@me fourmiliöre partirent la möme annee, le 1 VII ä 3/s heures, le 23 VII a 5 heures, le 10 VII & 3 heures, le 12 VIII ä 1Yg heure, le 14 VIII ä 4° heures etc. Les departs du 10 et surtout du 12 VIII correspondirent & un fort et subit abaissement de la tempe- rature; celui du 14 VII ä un fort retour de chaleur. Suivant les fourmilieres, les expe- ditions commencent du milieu de juin au commencement de juillet (peut-&tre plus töt dans les lieux trös chauds), et finissent du milieu d’aoüt au commencement de septembre. Les P. rufescens se promenent ä l’oordinaire assez longtemps sur leur döme avant de partir. Tout-ä-coup quelques-uns rentrent preeipitamment dans le nid, et des flots d’ouvrieres de cette espece en ressortent, se frappant de leur front les unes les autres, puis partent dans une direction, en armee plus ou moins longue et plus ou moins large, mais toujours compacte. Leurs eselaves n’y font presque pas attention. Les observations d’Huber sur la marche de ces armdes sont tres justes. Une tete formee de quelques fourmis avance en se renouvelant continuellement, les premieres retournant en arriere jusqu’a la queue de l’armde ä laquelle elles donnent la direction en frappant de leur front toutes les fourmis- qu’elles rencontrent. Il n’y a aueun chef. Il y aurait trop de generalites ä dire encore, et je renvoie aux eas partieuliers. Huber dit que ces fourmis ne sortent que lorsque la temperature de l’air est au moins de 16 degres Reaumur (20 eentigrades); je n’ai jamais fait d’observations thermometriques, mais je ne doute pas que cela ne soit vrai, & l’ordi- naire du moins. 37 — 290 — 5. Dönombrement de larmee. Sa vitesse. Aucune donnee exacte n’existe ä ce sujet. Cependant il n’est pas difficile de compter une armee d’amazones ä son retour, alors que les fourmis sont plus espacees. Je comptai ainsi une armee des plus petites qui se trouva exactement de 375 9 (comptees sur le gravier oü elles passaient). Une autre, plus grande, mais encore assez faible, se composait d’environ 560 fourmis. L’armee de cette derniere fourmiliöre, repartie le lendemain par une journee plus chaude, comptait de 1200 a 1400 fourmis; je ne pus la denombrer plus exactement, mais cela suffit pour prouver que les amazones d’une fourmiliere sont loin de partir toujours toutes ensemble le m&me jour. Je puis m&me affirmer qu’elles ne partent jamais toutes a la fois; on en trouve toujours un certain nombre dans le nid pendant l’absence de l’armee. J’ai compte encore plusieurs armees d’amazones d’une facon plus ou moins exacte; j’en ai trouve de 830, 900, 1095, 1200 fourmis. Ce denombrement ne peut se faire qu’au retour de l’armee, et encore faut- il quelle soit tres espacee, si elle est considerable, pour qu’il soit possible. A cet effet, il suffit de fermer les ouvertures du nid envahi avec de petites pierres, lorsque l’armee y est entree; on peut arriver ainsi ä ne laisser sortir les amazones presque qu’une ä une. On fait alors une trace sur le terrain, & un endroit decouvert oü l’armee doit pas- ser, et on compte les $ ä& mesure qu'elles depassent cette trace. Il n’y a pas longtemps que j’ai fait de ces denombrements, mais les donnees que j’en ai obtenues jointes au souvenir que j’ai de la grandeur des nombreuses armees d’amazones que j’ai vues me permettent de dire que le chiffre d’un de ces corps d’expedition peut varier de moins de 100 fourmis & plus de 2000. Ces chiffres sont fort petits relativement ä la grandeur de la plupart des fourmilieres, mais les auxiliaires forment peut-etre les sept huitiemes de la peuplade. Vitesse de l’armee en marche. Elle est tr&s remarquable. Elle varie: 1°) Suivant la temperature; la chaleur l’augmente, le froid la diminue. 2°) Suivant le terrain. Plus le terrain est uni, plus les amazones courent vite; c'est dans le gazon que leur marche est le plus gende, les tiges et les feuilles enchevetrees formant autant d’obstacles que chaque fourmi doit eontourner ou franchir. La vitesse est surtout grande & la descente, plus petite sur un terrain plat, encore plus ä la montee. 3°) Suivant que les fourmis sont chargees ou non. L’armee au retour, lorsqu’elle est chargee de nymphes, marche environ d’un tiers plus lentement qu’ä l’allee. 4°) Suivant les fourmilieres, suivant la disposition des 9, bref suivant des eirconstances qui echappent souvent & l’observation. Dans l’ex- perience IX nous verrons une armee marcher lentement en phalange serr&e parce qu’elle va attaquer un ennemi redoutable. De plus la vitesse moyenne caleulee sur la duree de toute une expedition depend du temps employe au pillage de la fourmiliere ennemie, et surtout du plus ou moins grand nombre d’arr&ts (ceux-ei sont souvent, comme nous le verrons, ä peine marques, et l’he- sitation se manifeste seulement par un ralentissement de la marche). Cela dit, voiei quelques chiffres : — 291] — 1°) Une armee qui alla piller une fourmiliere fusca situee a 20 metres de chez elle, en passant moitie sur du gravier, moitie sur du gazon, employa 35 minutes pour toute son expedition, soit pour parcourir 40 metres (les arrets et le pillage compris). Done un mötre fut parcouru, moyenne totale, en 52! secondes dans cette expedition. 2°) Une armee alla piller une fourmiliere situ&e & 30 metres de chez elle et employa une heure pour toute l’expedition. Iei la vitesse moyenne totale est d’un metre par minute. 3°) Une arınde etait en marche dans un gazon serre; je mesurai sept fois de suite sa vitesse, autant que possible dans les moments oü la marche etait en ligne droite et sans arrets appreeiables. Un mötre fut parcouru en 48, 37, 48, 37, 37, 45, 42 secondes; done en moyenne en 42 secondes. Une autre fois la m&me armee en marche dans le m&me gazon commenga une expedition par le soleil, mais, un orage menagant, le ciel s’assombrit rapi- dement et la vitesse de l’armee diminua ä vue d’eil; il lu fallut d’abord 48 secondes, puis 53, puis 64 pour parcourir un metre. Les amazones d’une expedition deerite plus loin arriverent ä parcourir dans le gazon un metre en 33/3 secondes. 4°) Une armee ä son allee, marchant sur le gravier, pareourut un metre en 26!/2 secondes. 50) Une armee ä son retour, chargee de cocons, et marchant dans le gazon, parcourut un metre une fois en 58 et une fois en 59 secondes. : On peut done admettre qu’une armee marchant ä toute vitesse sur un terrain de- eouvert (une route p. ex.) arrive A parcourir un metre en 25 secondes, soit 4 centimötres par seconde. ÜO’est une vitesse enorme si l’on pense qu’on a affaire a des insectes de 5,9 ä 7,2 millimötres de longueur *), et que ce n’est point la vitesse de chacun d’eux (qui doit &tre encore plus grande), mais celle de leur horde dans son ensemble, horde com- posee souvent de 1000 ä 2000 individus. La vitesse moyenne de toute l’expedition, arrets et pillage compris, peut &tre consideree, sans qu’on risque de s’ecarter souvent beaucoup de la verite, comme &tant d’un metre par minute. Ceci permet de caleuler avec facilite la duree probable d’une expedition, quand on sait la distance du nid sur lequel elle est dirigee. 6. Un jour, & 4 heures de l’apres-midi, l’armee d’une fourmiliere amazone-fusca (soit ä esclaves fusca) situee sur un pr@ en pente rapide part en descendant cette pente et arrive bientöt- au coin d’une vigne dont elle suit le bord. Elle s’arr&te une premiere fois; les fourmis se rassemblent et se repandent de tout cöte; puis elles repartent dans la m&me direetion. Arrivees au bout de la vigne, ä quarante pas de leur nid, elles s’arretent de *) Si nous supposons la vitesse exactement proportionnelle a la taille, si nous admettons 6, 5"m- comme taille moyenne du P. rufescens, et si nous prenons un homme de 1, 60 metre de hauteur (l’'homme mesur€ des pieds a la tete est plutöt plus massif que le P. rufescens mesure de la bouche au bout de l’abdomen), cet homme devrait faire plus de 35 kilometres a l’heure pour mareher aussi vite en proportion qu’une armee d’amazones lancee a toute vitesse. IlAui faudrait pour cela courir aussi vite que le chemin-de-fer. — 292 — nouveau et s’eparpillent. Cette fois l’arret dure longtemps. A chaque instant l’on voit un mouvement se produire dans le centre de l’armee, et un peloton partir dans une direction, puis un autre dans une autre; mais au bout d’un instant les fourmis de ces pelotons s’ecartent, cherchent & droite et ä gauche, puis reviennent au centre en deerivant des courbes. Cet arr&t dure un quart d’heure au bout duquel l’armee entiere s’ebranle pour reprendre le chemin de son nid, sans avoir rien trouve. Notons iei en passant le fait que les amazones suivent presque toujours & leur retour exactement le chemin qu’elles ont pris pour aller, m&me lorsqu'elles ont fait un grand detour et qu’elles pourraient semble-t-il revenir en ligne droite. Elles ne font d’exceptions & cette regle que pour les lieux situes pres de chez elles et quelles connaissent & fond. Tel est du moins le resultat de mes observations. Revenons ä& notre expedition. Pendant le retour de l’armee, je pose 7 ou 8 cocons de F\ rufibarbis sur son passage. Deux amazones, des premieres, en prennent cha- eune un; les autres passent dessus sans y faire attention ou du moins sans les prendre. L’armee entiere revenue ä son nid passe sur le döme sans s’y arreter un instant, & mon grand etonnement, et se dirige en sens inverse de la premiere fois, en remontant le pre. Les deux 9 chargees de cocons rentrent seules dans le nid. L’armee avance peniblement, car la pente est trös raide; une fatigue marquee devient sensible lorsqu’elle est arrivee a 70 pas de son nid. Elle ne s’est arretee que deux ou trois fois en tout, et pendant peu de temps, eontinuant toujours en ligne presque droite. Sa marche devient alors tres lente. Cependant en cherchant je vois un beau nid de F\ fusca situ& droit devant elle, a quelques pas; je ne doute pas qu’elle ne l’attaque. Mais l’armee etant arrivee A trois pas de ce nid, soit & 80 pas du sien, il se passe un singulier phenomene : sans que la moindre hesitation dans la direction ä suivre se fasse remarquer, sans qu’une seule ouvriere s’ecarte des autres, je vois le nombre de celles qui retournent en arriere pour donner aux autres la direetion prendre une proportion de plus en plus forte, si bien qu’au bout d’un instant la tete cesse d’avancer, et que, toutes les ouyrieres faisant peu & peu volte- face, l’armee entiere se remet lentement en marche pour son nid, de nouveau ä vide. Elle n’y arrive qu’ä 7 heures du soir, donnant les signes les plus visibles d’une grande fatigue (les 9 se trainent maladroitement), apres avoir parcouru en trois heures un espace long de 240 de mes pas, ce qui fait approximativement un metre par minute.en moyenne. Et tout cela en manquant deux fois de suite son but, la premiere pour s’ötre trompee de chemin, la seconde probablement par fatigue (l’heure tardive y &tait certainement aussi poure baucoup). 7. L’armee d’une autre fourmiliere mixte amazone-fusca partit un soir & 5 heures. Arrivee a 60 pas de son nid, elle entra dans l’ombre d’un noyer, et dut traverser-un sentier, puis une petite coulisse au fond de laquelle eoulait un filet d’eau. Pour passer cette eoulisse, les amazones furent foreees de grimper sur les brins d’herbe qui s’entreeroi- saient au dessus de l’eau, ce qui leur donna beaucoup de peine, car elles employerent un quart d’heure A ce seul trajet. Arrivee de l’autre cöte, l’armee se remit en marche, par- . — 293 — eourut encore l’espace de deux ou trois pas, puis fit brusquement volte-face, sans avoir cherch6 ni hesite un seul instant (exaetement comme celle du cas preeedent la seeonde fois), et revint sur ses pas. Or iei de nouveau elle ne se trouvait plus qu’ä un metre d’une four- miliere de F' fusca -lorsque le decouragement la prit. J’enlevai alors promptement une partie du nid des F. fusca avee des cocons et des fourmis, et je mis le tout a cöte des amazones. Oelles-ci s’en apereurent aussitöt, se jetörent sur le tas que je venais de deposer et pillerent tous les eocons; les ‚fusca bouseuldes n’eurent pas lidee de se defendre. Pres d’un tiers de l’armde put se charger, et le reste revint ä vide. Mais le passage de la eoulisse donna beaueoup de peine aux fourmis qui portaient des eocons, et plusieurs d’entre elles &tant tombees-dans l’eau durent y abandonner leur fardeau pour sauver leur vie. Elles arriverent ensuite sans encombre chez elles. 8. Un jour, & 3 ®/a heures, des amazones-fusca se mirent en marche, et, arrivges a 15 pas de leur nid, elles se trouverent au bord d’un chamıp de ble. Lä, la tete de l’armee s’arreta; la queue l’ayant rejointe, les fourmis se mirent ä se eroiser dans tous les sens en se parlant avec leurs antennes, puis elles s’&parpillerent dans tontes les direetions. Bientöt elles se reunirent de nouveau et s’engagerent non sans hesiter dans le champ de ble. Mais elles ne s’y &taient pas avancdes de six deeimetres qu’elles s’arreterent encore, revinrent jusquwau bord du champ, & la place de leur premier arret, et y firent halte de nouveau. Cette fois ce ne fut plus seulement l’armee dans son ensemble qui n’avanca pas pendant un moment, mais toutes les fourmis, qui resterent chacune pendant une ou deux minutes dans une immobilite si eomplete qu'on les eüt dit paralysees. Cet aspect etait sin- gulier. Cependant un einquieme environ de l’armde se remit en mouvement, et entra de nouveau en eolonne dans le champ de ble, tandis que le reste des amazones conservaient leur immobilite. Cette eolonne s’avanca de quatre metres environ, en hesitant et en cher- chant ä droite et ä gauche sans rien trouver. Puis elle revint sur ses pas et trouva le gros de l’armee toujours dans une immobilite & peu pres complete. Ce fut le signal du retour general. Toute l’armee s’ebranla et rentra au nid sans rien rapporter. Le lendemain ä quatre heures, les mömes amazones repartirent dans la meme direction. Arrivees au champ de ble, elles s’y engagerent sans hesiter, mais en obliquant A droite, de sorte qu’elles en ressortirent bientöt par l’autre bord pour tomber ä l’endroit meme sur un gros nid de F. fusca.*) Elles l’envahirent par une galerie ouverte sur le döme *) J’ai vu tres souvent des cas analogues ot les amazones d’une fourmiliere, apres etre allees un jour dans une direction en hesitant, en faisant des zigzags, en s’arretant a chaque instant pour s’epar- piller et chercher, puis en revenant finalement & vide, partirent le lendemain dans la meme direetion, mais cette fois sans hesiter et en allant droit au but. La maniere dont les armedes de P. rufescens se dirigent et decouvrent des fourmilieres fusca ou rufibarbis n'est a mon avis pas si simple que le pen- sent Huber et Ebrard. Je la crois au contraive fort complexe, quoique je ne puisse encore m’en rendre un compte exact malgre mes nombreuses observations a ce sujet. Mais il y a une chose dont je suis r — 294 — et y disparurent toutes en un instant. Bientöt je vis sortir quelques ‚fusca qui grimperent sur les brins d’herbe avee des nymphes qu'elles portaient. Puis les amazones ressortirent en assez bon ordre, chargees chacune d’une nymphe. Les dernieres d’entre elles furent chassdes par les fusca. L’armee arriva ä son nid ä 4 ®/ı heures, mais au lieu d’y entrer, les amazones deposerent leurs nymphes en tas devant une de leurs portes, et repartirent aussitöt pour le nid pille. Les amazones qui repartirent les premieres passerent ä cöte de la bande de celles qui revenaient encore chargees de cocons, et non au milieu d’elles, afın de ne pas les troubler dans leur marche; il y eut done deux courants paralleles, mais en sens contraire. J’ai fait cette observation presque chaque fois que j'ai vu la töte d’une armee amazone revenir sur ses pas & vide en croisant la queue qui arrivait chargee de nymphes. Pendant ce temps les F. fusca avaient barricade les entrees de leur nid avec des grains de terre. La tete de l’armede amazone arrivee derechef vers ce nid attendit un moment persuade, c'est qu’une ouyriere qui a decouvert une fourmiliere ne peut y conduire toute l'armee & elle seule. En effet, une $ isol&e peut bien retrouver son chemin; mais seulement en cherehant A droite et ü gauche et en faisant des detours; jamais sans hesiter, a moins quelle ne soit tout pres de son but ou dans un lieu qui lui est entierement familier. Elle peut aussi & un moment donne, si elle fait partie de l’armee, former une töte, c’est-A-dire donner & un certain nombre de ses compagnes une impulsion dans telle ou telle direction, mais son action s’arrete la, car elle est aussitöt depassee par le flot qu’elle a mis en mouvement et qui la deborde; elle doit suivre alors A son tour sans avoir le temps de recon- naitre le chemin quelle avait pris autrefois, et, lorsqu’ensuite un nouvel arr&t a lieu, c’est probablement une autre $ qui donne la nouvelle impulsion. Bref, l’armee entiere se dirige mieux et surtout plus rapidement qu’une $ seule, ce qui vient, je erois, de ce que chaque fourmi peut a un moment donne reconnaitre le chemin & tel ou tel indice qui echappe aux autres. Sans avoir une statistique suffisante, je erois eependant avoir remarque que lorsqu’une armde amazone part dans une direction qu'elle n’a pas suivie depuis longtemps, elle hesite, louvoie et s’arr&te beaucoup plus que dans le cas contraire; chaque 9 &tudie le terrain; l’expedition manque ordinairement. Mais le lendemain l’experience de la veille a profit€ a toutes; la premiere partie du trajet se fait sans hesitation, et dans la seconde on arrıve au but. Je mis un jour sur le nid d’une petite fourmiliere rufibarbis, situde & 5 metres au plus d’une four- miliere amazone, une poignee de ces dernieres prises dans l’armee qui allait ailleurs. Ces rufibarbis avaient &te pilldes l’annde preeedente, mais pas encore cette annde la. Les amazones envahirent le nid, et les rufibarbis, vu leur petit nombre, prirent la fuite avec leurs nymphes et leur 9 feconde. Les en- vahisseuses se chargerent de eocons, mais quand elles voulurent revenir chez elles, elles ne surent de quel cöte aller; la plupart cherchaient bien dans la bonne direction, mais beaucoup aussi dans la mau- vaise. Leurs fardeaux les emp&chaient de se concerter. Quelques-unes qui n’avaient pas de cocon avaient l’air aussi embarrasseces que celles qui en portaient un. Je voyais telle $ chercher pendant plus d’un quart d’heure dans une direction, puis revenir au nid rufibarbis pour aller ensuite chercher dans une autre. Cependant un grand nombre de ces amazones apres de longues recherches finirent par recon- naitre A peu pres la bonne direction, par s’approcher de leur nid qui etait tres peu @loigne, par trou- ver tout-A-coup un endroit eonnu, et par s’elancer alors sans hesitation vers leur but. Je ne pus m’em- pöcher de penser que si ces $ avaient &t& plus nombreuses, sans charge, et qu’elles se fussent con- certees, elles anraient trouv& beaucoup plus töt leur route, et qu’aucune ne se serait perdue. — 29 — le gros de la bande, puis envahit en un instant le döme des F\ fusca, deblaya les grains de terre amonceles devant les galeries et y p@netra en bousculant sans effort les defenseurs. Un certain nombre de ceux-ci s’enfuirent alors de leur nid en emportant des nymphes, ce qui n’empecha pas les amazones de rentrer chez elles en rapportant un riche butin qwelles introduisirent elles-memes dans leur souterrain. Elles ne ressortirent plus ce jour-la. Les fusca pillees rentrerent bientöt chez elles avec le reste de leurs nymphes. La resistance des F\ fusca est presque toujours nulle, ou A peu pres, du moins sur le döme. Dans le nid elle doit &tre assez faible, car je n’ai trouv& que rarement un P. rufescens mort ou ä& demi-mort. 9. Une autre fois les amazones de la fourmiliöre dont je viens de parler assaillirent une fournnliere de F. fusca qui avait des cocons g (Huber pretend qu'elles ne le font jamais). Tandis que le gros de l’armee se remettait en marche charge de cocons 5, je vis quel- ques amazones sortir a reculon des galeries des F. fusca en trainant ceux de g. Or ces derniers etaient tres gros, et les amazones qui les tenaient, arrivees sur le döme des fusca, se mirent ä les retourner dans tous les sens en cherchant a les emporter, mais elles n’y parvinrent pas. Cependant les F. fusca qui sont plus petites peuvent bien les porter. D’oü vient cette difference? Cela me fit regarder de pres et me rendit attentif & un fait dont ne parlent ni Huber ni Ebrard. Les amazones ne portent point les cocons comme les autres fourmis; elles ouvrent autant que possible leurs mandibules &troites et tres arquees, de maniere ä ce que le cocon soit compris en partie dans cet arc, au point que les bouts des mandibules arrivent ä peu pres ä& son milieu ou meme le depassent un peu; ainsi le cocon ne peut tomber, et elles n’ont besoin ni de pincer la coque, ni de serrer fortement. Leur fardeau ainsi pris, elles font avancer un peu leurs mandibules vers celle de ses extremites qui est en avant, de maniere que la plus grande partie du cocon vienne a se trouver entre leurs jambes, sous leur tete et leur prothorax. En faisant ainsi, elles peuvent courir tres vite malgre leur charge, celle-ci ne s’accrochant pas continuellement aux herbes entrecroisees. Les autres fourmis portent les cocons et m&me les nymphes nues en en pincant une petite partie entre leurs mandibules dentelees qui s’y accrochent facilement sans la blesser. Quand les amazones veulent en faire autant, elles enfoncent leurs deux poignards dans la nymphe qui est tuee; j’ai vu faire parfois cet acte stupide a des 9 de cette espece qu’un combat trop violent avait surexeitees. Mais lorsqu’un P. rufescens veut prendre un cocon (ou une nymphe) trop gros pour qu'il puisse l’entourer de ses mandibules, et surtout pour qu’il puisse marcher en le tenant entre ses jambes, il se trouve dans un embarras insurmontable, d’autant plus quwil ne sait pas le trainer ä reculon. Dans notre cas, ces quelques amazones etaient arrivees gräce aux points d’appui ä tirer ces cocons 9 hors du nid, mais, une fois lä, elles firent de vains efforts pour les faire avancer; quand elles etaient & cheval sur eux, leurs pattes ne touchaient pas terre assez pour quwelles pussent marcher, et leurs mandibules glissaient sur le cocon. Elles se consumerent pendant un quart d’heure en efforts inutiles, et, apres avoir culbute plus de — 296 — vinst fois avee leur fardeau, elles finirent par l’abandonner et par rentrer ä vide chez elles longtemps apres le reste de l’armee. 10. Le lendemain de l’expedition preeedente, les mömes amazones se mettent en marche le long de la eoulisse ä sec et du sentier au bord duquel &tait leur nid. Mais leur mouve- ment s’arrete bientöt; on voit autant de fourmis revenir en arriere qu’il y en a qui avancent; les unes suivent la coulisse, les autres le pre; enfin toutes reviennent peu ä peu sur le döme du nid sans que la queue de l’armee l’ait jamais entierement quitte. Ces fourmis se repandent alors de tout cöte; on voit un mouvement se produire dans une partie de l’armee; le reste suit peu ä peu, mais le flot qui s’etait @lanee dans une direction faiblit apres avoir parcouru quelques deeimetres de chemin, et l’indeeision generale recom- mence encore plus forte. Pendant une heure cet etat d’effervescence dura parmi l’armee amazone qui du döme de son nid partait tantöt dans une direction, tantöt dans une autre, quelquefois se separait en deux bandes dont l’une allait a droite et l’autre ä gauche, mais toujours pour revenir au bout d’un moment. Enfin toutes les 9 revinrent sur leur döme, puis partirent avec assez d’ensemble dans une direction, mais au bout d’un instant elles retournerent de nouveau en arriere et rentrerent toutes definitivement dans leur nid. J’ai revu depuis lors plusieurs fois des scenes analogues, mais deux ou trois fois, entre autres chez des amazones-rufibarbis, larmee finit par se decider, et par aller piller une fourmiliere. A cette occasion je puis affirmer que Ja maniere dont une armee amazone se dirige est beaucoup plus complexe qu’Huber et Ebrard ne le eroient. Ce qu’il y a de certain, c’est que chaque depart dans une direction queleonque, soit lorsque les fourmis sortent de leur nid, soit lorsqu’elles sont arretees et indecises au milien de leur course, vient toujours & la suite de l’impulsion donnee par un petit noyau d’ouvrieres, tantöt de celles de la tete, tantöt de celles de la queue, tantöt de celles du gros de l’armee. Tandis que l’armee entiere indeeise cherche de tout cöte, on voit tout-ä-coup A une place queleonque un mouvement tres restreint, de quelques fourmis qui preeipitent leur allure, se frappent de leur front, et s’elancent dans une direction, serrees les unes contre les autres en fendant la foule des indeeises. Celles-ci ne les suivent point toutes ä la fois, mais, parmi celles qui ont donn& le signal, il y en a qui retournent continuellement en arriere, et qui se jettent au milieu des indeeises, les frappant l’une apres l’autre de leur front; des qu’une fourmi a recu cet avertissement, elle suit le mouvement. Les amazones veulent &tre suivies. Si une tete d’armee s’est formee comme je viens de l’indiquer (peut- etre est-ce une seule fourmi qui conımence le mouvement), et si, malgre les @missaires quelle envoie en arriere, elle n’est pas suivie par le gros de l’armee ou au moins par un certain nombre de fourmis, on la voit hesiter, faiblir, puis retourner en arriere. C’est ainsi que lorsque deux tetes se forment ä la fois dans deux direcetions differentes, la plus faible cede le plus souvent et revient sur ses pas. Nous verrons que ce n’est pourtant pas tou- jours le cas. C'est surtout afin de s’assurer qu’elles sont suivies, que les $ marchant en tete, retournent constamment en arriere, laissant leur place ä celles qui les suivaient imme- diatement, comme l’a observ& Huber. : - 297 — 11. Des amazones-fusca partent un jour, et, arrivees a 20 pas de leur nid, elles s’ar- retent. Mais au lieu de s’eparpiller dans toutes les directions, elles se mettent A chercher ä l’endroit möme en tätant partout le terrain de leurs antennes avec une attention sin- guhere, furetant dans les touffes d’herbe, et ne s’ecartant pas les unes des autres. Cet arret a un tout autre caractere que ceux que nous avons vus jJusqu’icj. Enfin je vois un mouvement subit se produire vers un petit trou rond ou une graine de chanvre ne serait pas entree, et les amazones arrivees dessus se mettent & y p@netrer une A une. Mais cela va trop lentement; le reste de l’armee eherche toujours; un violent mouvement se produit tout-A-coup dans un autre sens, et le reste des amazones se preeipite dans une touffe d’herbe serree, situee ä trois decimetres du petit trou. L’armee y disparait graduellement, et bientöt on ne voit plus rien; ä peine apercois-je une ou deux fusca rödant dans l’herbe & cet endroit. Quelqu’un arrive en ce moment ne pourrait se douter de ee qui vient de se passer. Enfin, au bout de cing minutes seulement, je vois sortir de la touffe d’herbe une amazone avee un eocon, puis une seconde, et bientöt toute une file, mais jamais deux de front. Une seconde file sort bientöt du trou dont nous avons parl& d’abord. Un peu plus loın ces deux files se rejoignent, et reprennent en commun le chemin du nid des rufescens. Toute l’armee sortit ainsi graduellement, si bien que les premieres amazones etaient deja arrivees sur leur döme, alors que les dernieres n’&taient pas encore hors du nid pille. Aucune amazone ne revint & vide, du moins pas sous mes yeux. 12. Les amazones-rufibarbis prennent un peu le caractere de leurs esclaves. Elles sortent bien plus de leur nid que les amazones-fusca, plus tard le soir et plus töt le mat; on en voit presque toujours quelques-unes sur le döme. Leurs armdes marchent en rangs tres serres, et en general plus rapidement que celles des amazones-fuser, quoique ce soit exactement la meme espece. Voici un cas d’expedition normale sur une forte fourmiliere rufibarbis : Un apres-midi & 3’ heures, les amazones d’une grande fourmiliere situde dans un pre, ä dix pas d’une route, partent dans une direction perpendieulaire ä& la route; apres avoir oblique un peu, elles reprennent la ligne droite. Enfin je deeouvre ä deux pas de l’armee un nid, couvert de #. rufibarbis, et eloigne de 50 pas du nid des amazones. La tete de l’armee parvenue äA un deeimetre des rufibarbis reeonnait qu’elle est arrivee, car elle s’arröte brusquement, et envoie une foule d’&missaires qui se preeipitent avec une rapidite incroyable dans le gros et la queue de l’armee. En moins de trente secondes toute l’armee est reunie en un mas devant le nid des rufibarbis sur le döme duquel un second mouvement d’une impetuosite sans egale la preeipite toute entiere. Ce n’etait point inutile, car les rufibarbis s’&tant apercgues de l’arrivee de l’ennemi au moment oü Ja tete de l’armee s’arretait, il leur avait aussi suffi de quelques secondes pour eouvrir leur döme de defenseurs (ce döme &tait, comme presque toujours, perce de plusieurs gros trous). Une melee indeseriptible s’en suit, mais le gros de l’armde des rufescens penetre pourtant aussitöt par toutes les ouvertures. Au m&me instant un torrent de rufibarbis sortent par 38 — 298 — ces memes orifices emportant des centaines de cocons, de larves et de nymphes, fuyant de tout eöte et grimpant sur les brins d’herbe (surtout les jeunes 9), tout en bousculant les dernieres amazones qui ne peuvent parvenir ä entrer. Ce spectacle si different de celui de l’invasion d’un nid de fusca est une des scenes les plus curieuses qu’on puisse voir. Ici les amazones ne restent pas plus d’une minute dans le nid et ressortent en armee par tous les trous A la fois, tenant chacune un cocon, une larve ou une nymphe. Mais ä peine la töte de l’arme&e est-elle en marche pour le retour que la scene change de nouveau. Les rufibarbis voyant que l’ennemi s’enfuit se precipitent avec fureur & sa poursuite. Elles saisissent les amazones par les pattes, et cherchent ä leur arracher leurs nymphes. Si une rufibarbis s’est accrochee au cocon que tient une amazone, celle-ci fait glisser peu & peu ses mandibules sur le cocon jusque vers la tete de la rufibarbis. Cette derniere läche alors le plus souvent prise. Si elle ne cede pas, l’amazone lui saisit la töte entre ses mandibules, et, si cette injonetion ne suffit pas, la tete est transpereee. J’ai vu un ou deux cas oü, malgr& cette derniere execution, les mandibules de la rufibarbis n’ayant pas läch€ la coque, l’amazone emporta le cocon avec le cadavre de son ennemie qui y pendait. D’autres fois la rufibarbis profite d’un instant oü l’amazone läche prise pour s’enfuir avec le cocon; elle y parvient surtout lorsqu’une autre rufibarbis retient l’amazone par une patte, et que celle-ci läche le cocon pour se delivrer. J’ai encore observ@ dans ces luttes une foule de faits de detail que je ne puis rapporter ici. Quelquefois une amazone emporte une jeune rufibarbis vivante au lieu de nymphe, mais j’en ai vu aussi se charger de cadavres de rufibarbis adultes, fraichement tuees, et les emporter jusque dans leur nid. J’ai meme vu des amazones prendre des coques dechirees et vides (dont la nymphe ayait ete tiree), et les rapporter chez elles comme si c’eussent et@ des cocons contenant une nymphe. Cependant elles reconnaissent souvent leur meprise et abandonnent en chemin ce butin inutile. Mais revenons A l’ensemble de notre armee. Tandis que la tete et le gros de l’armee reviennent en rangs serres, charges de butin, mais harceles par les rufibarbis, la queue se trouve dans un grand embarras. Les amazones, suecombant au nombre des rufibarbis, doivent aban- donner leurs eocons, et sont bien heureuses d’echapper saines et sauves, ce qu'elles ne peuvent faire sans tuer plusieurs ennemies. Quelques-unes m&me, mais en tres petit nombre, saisies & la fois par cing ou six rufibarbis qui les couvrent de venin, finissent par perir. Malgre cela, lorsque le gros de l’armee a deja quitte le nid pille, on voit encore quelques amazones se jeter en desesperees au milieu des rufibarbis, rentrer meme dans le nid, et arriver quelquefois encore par un prodige d’adresse ä emporter quelques cocons. Beaucoup d’autres, renoncant au butin, s’occupent ä delivrer celles de leurs compagnes qui sont prises par les rufibarbis. Mais au bout de dix minutes ä partir du depart de la tete de l’armee, toutes les amazones ont abandonne le nid pille. Les rufibarbis poursuivent par centaines l’armee amazone jusqu’ä mi-chemin des deux nids; sı elles ne peuvent aller plus loin, c’est parce que leurs ennemies courant plus vite qu’elles les devancent peu ä peu. Les amazones rentrees chez elles y introduisent leur butin et ne ressortent plus. Les = rufibarbis ventrent aussi dans leur nid avec les cocons sauves du pillage. Un assez grand nombre d’entre elles ont peri, mais c’est fort loin d’etre un carnage comme celui dont parle Ebrard (l. e. p. 17). Le lendemain ä& la m&me heure, les memes amazones pillerent de nouveau cette fourmiliere rufibarbis. 13. Une autre fois les rufescens de la fourmiliere dont nous venons de parler par- tirent dans la direction de la route et traverserent celle-ei. Je vis ä mon grand &tonne- ment quelques femelles de leur espece parmi elles, les unes ailees, les autres n’ayant qu’une alle, ou entierement apteres. Ces @ couraient au milieu des 9, en suivant tous les mouve- ments de l’armee, mais elles s’arretaient souvent et marchaient un peu moins vite que les d, ce qui fit que peu ä peu elles se trouverent ü la queue. Elles se brossaient souvent les antennes et les pattes de derriere avec leurs @perons, comme les 9. A ce propos, je ferai remarquer que les 9 amazones se brossent constamment pendant leur marche. Elles s’arretent un instant, en se suspendant souvent par deux pattes du möme eöte A un brin d’herbe, et brossent avec une rapidite fievreuse leurs deux pattes posterieures du cöte oppose -ainsi que leur abdomen avec l’eEperon de la patte anterieure correspondante. Uela ne dure que cing ou six secondes; puis elles se remettent en marche pour recommencer bientöt apres de l’autre cöte. Elles brossent aussi de temps en temps leurs antennes. Si l’on suit une seule 5 pendant un moment, on sera etonne de la frequence de cet acte et de la rapidite avec laquelle il s’execute. Les autres especes de fourmis font la m&me operation plus lentement, moins souvent, et brossent surtout leurs antennes. De l’autre cöte de la route que traversait notre armee etait une haie tres Epaisse ou elle s’engagea. Arrivee au- delä de cette haie, elle entra dans un pre, s’arreta un instant sur le döme d’un nid de Z. niger qu’elle examina, puis continua son chemin en faisant des detours, des zigzags et des arrets nombreux. Apres avoir cherche en vain, les amazones revinrent ä vide et en de- sordre chez elles, les unes s’etant decouragdes avant les autres qui ne retournaient que peu ä peu. ÜCela derouta completement les @ qui resterent eparses sur le trajet de l’armee et ne surent pas rentrer au nid, oü j’en rapportai quelques-unes qui erraient ä l’aventure sur la route longtemps apres le retour des 9. Le lendemain l’armee repartit dans la möme direction accompagnee encore de 7 &8 femelles. Arrivee sur le nid des Z. niger, elle s’arreta un instant, puis partit dans un sens formant un angle avec le trajet quelle venait de parcourir, ne fit qu’une ou deux eourtes haltes, avangant toujours en ligne droite, et vint tomber sur une tres grande fourmiliere de rufibarbis & 50 pas de son nid. La melde fut encore beaucoup plus vio- lente que dans le cas precedent, mais le nid des rufibarbis pere& de plus de huit grosses ouvertures fut entierement envahi. Au moment oü l’armee 6&tait dans le nid et oü le döme couvert de milliers de rufibarbis ne voyait plus arriver que quelques retardataires amazones, trois ou quatre @ qui avaient pu suivre l’armee jusque lä y arriverent aussi. Je ne sais si elles s’attendaient ä cette surprise, mais le fait est qu’elles n’essayerent pas d’entrer dans le nid, et se mirent ä se battre avec fureur contre les rufibarbis; leur — 800 — forte taille leur donnait un grand avantage et elles tuaient beaucoup d’ennemis, mais aucune d’elles ne chercha A prendre un cocon, pas m&me de ceux que je leur presentai au bout d’un fetu. L’armee ressortit chargee de butin presque aussitöt apres &tre entree, mais les rufibarbis etaient si nombreuses qu’elles se jeterent deja sur les premieres ama- zones qui repartirent. Celles-ci ne purent s’enfuir qu’avec peine, poursuivies par une ar- mee de rufibarbis au moins double de la leur. Beaucoup durent abandonner leurs cocons et proteger leurs compagnes chargees. Quelques-unes eurent la hardiesse de rentrer dans le nid et purent encore enlever quelques nymphes. Mais une foule d’entre elles resterent occupees A guerroyer avec les rufibarbis en protegeant la queue de l’armee. Les femelles n’eurent pas l’idee de revenir avec les 9 et resterent sur le döme, luttant chacune con- tre une nude d’ennemis; je finis par les delivrer et les rapporter chez elles. Beaucoup de rufibarbis, et un nombre assez notable d’amazones perirent. Le lendemain, une seconde expedition se dirigea sur cette m&me fourmiliere, et presenta les memes incidents. 14. Une autre grande fourmiliere amazone-rufibarbis avait son nid entierement mine dans le gazon, au bord d’un sentier, et s’ouyrant ä la surface par plus de vingt trous. Son armee, de force moyenne, partit un apres-midi en descendant le sentier. Elle par- courut ainsi l’espace de 15 de mes pas et arriva ä& un endroit oü le sentier faisait un contour et &tait borde d’une lisiere de gazon tres epais : Elle s’engagea alors dans ce gazon, et s’y arreta un instant. Une tete se forma bientöt et s’avanca en suivant cette lisiere. Mais presque aussitöt une seconde tete plus forte se forma au centre de l’armee qwelle entraina dans le pre ä droite du sentier. Gräce probablement ä& l’epaisseur du ga- zon, la premiere tete ne s’en apereut pas et continua son chemin, forte seulement d’une soixantaine de fourmis. Je suivis les deux troupes ainsi formees en allant de l’une & l’autre et en posant un objet par terre pour retrouver celle que je quittais. La grosse troupe ne tarda pas ä trouver une forte fourmiliere rufibarbis qu’elle pilla comme ä l’or- dinaire, non sans une vive resistance et non sans &tre poursuivie ä son retour. Pendant ce temps la petite troupe continuait sa marche avec une rapidite folle, sans paraitre s’apercevoir de sa defecetuosite. Une ou deux fois la tete envoya des @missaires en arriere en assez grand nombre, lesquels ne trouverent que quelques fourmis ä avertir; malgre cela elle continua ä& marcher apres s’etre engagee dans le m&me pre que le gros de l’armee, mais deux mötres plus loin. Enfin je vis au-devant de cette petite troupe un enorme nid de rufibarbis sur lequel elle marchait en droite ligne. Arrivees aux portes de leurs ennemies, les amazones s’arreterent hesitantes et se rassemblerent. Les rufibarbis s’en etant aussitöt apergues sortirent par centaines. Mais l’hesitation ne fut que de quelques secondes et je vis cette poignee de moins de cent fourmis s’elancer au milieu d’ennemis presque aussi gros quelles et au nombre de plusieurs milliers. Je ne fus pas souvent temoin d’un spectacle plus etonnant, malgre sa petitesse. Les amazones disparurent litteralement sous le nombre de celles qu'elles attaquaient avec cette audace sans exemple. J’en vis pourtant plusieurs entrer dans le nid ennemi au milieu des colonnes noirätres qui en sortaient. Les rufibarbis ri n’emporterent que quelques nynıphes hors de leur demeure et les y reintegrerent presque aussitöt, voyant la faiblesse de leur ennemi. Au bout d’un instant, je vis pourtant res- sortir ca et lä une amazone emportant un cocon et fuyant ä toute vitesse au milieu des rufibarbis. La retraite de cette petite troupe de pillards ne montra que les scönes qui se passent ä l’ordinaire lorsque les dernieres amazones d’une armee quittent un.nid pille. Les P. rufescens ressortirent tous un & un, mais un tiers d’entre eux ä peine purent emporter quelque chose. Ils n’auraient rien emporte du tout si les rufibarbis eussent su oü les poursuivre, mais comme ils sortaient egrenes, & un decimetre l’un de l’autre, les habitants du nid couraient furieux de tous les cötes sans savoir oü aller. Les amazones ne furent pas poursnivies par les rufibarbis & plus de deux ou trois deeimötres. Chose eurieuse, les rufibarbis ne firent que deux ou trois amazones prisonnieres; peut-&tre y en eut-il un plus grand nombre de tuees ä& l’interieur du nid. Je dois dire qu’au premier moment j’avais eru que pas une ne ressortirait. Cependant les premieres amazones de cette petite bande rejoignirent ä leur retour la queue de la grosse troupe qui revenait chargee de butin, et toutes ensemble rentrerent chez elles pour n’en plus ressortir. Le lendemain, l’armee partit dans la möme direction, mais cette fois, arrivee ä& la lisiöre de gazon, elle ne se divisa pas, et alla toute entiere piller la fourmiliere assaillie la veille par la grande troupe. Le surlendemain elle fit de m&me. Je ne la vis jamais retourner ä& l’autre fourmiliere. 15. Dans une autre expedition, les memes amazones arrivees ä 40 pas de leur nid s’arreterent dans une indecision complete, et apres avoir cherche dans toutes les directions elles se mirent ä revenir sur leurs pas. A ce moment je decouyris & deux mötres d’elles, mais dans une direetion autre que celle quelles suivaient, un nid de F. rufibarbis, pro- bablement celui qu’elles cherchaient. J’en enlevai une partie et je semai la terre et les cocons vers les amazones,. Üelles qui s’en apercurent se jeterent parmi les autres, et le signal fut donne en quelques secondes ä tout le gros de l’armee qui retournait deja sur ses pas, et qui fit alors de nouveau volte-face pour piller ce qui se trouvait lä. Mais il n’y eut pas de quoi charger la sixieme partie des amazones. Les autres cherchaient en tätant le terrain le nid qu’elles supposaient ötre sous terre ä l’endroit möme. Quelques- unes d’entre elles s’etant aventurees plus loin deeouvrirent le veritable nid ä demi demoli par moi. Aussitöt un nouvean signal fut donn& et toutes les amazones non chargees s’elan- cerent dans cette direction, tandis que les autres retournaient chez elles. Le nid fut envahi malgre la resistance des habitants. Je croyais en avoir enlev& la plus grande partie, et je fus fort &tonne de voir revenir toutes les amazones chargees de cocons. Les deux troupes rentrerent l’une apres l’autre chez elles. 16. Une autre fois des amazones firent un long arret pendant une expedition. Enfin l’armee revint sur ses pas. Elle etait deja occupee A retourner en longue ligne, lorsque les dernieres restees retrouverent le bon chemin et donnerent le signal. Mais les trois quarts de l’armee seulement firent volte-face; l’autre quart, deja trop loin, revint ä vide dans le nid. — 302 — 17. Des amazones-rufibarbis partent a 3"s heures de leur nid. Arrivees ä dix pas de distance, elles s’arretent; une partie de l’armee revient au nid, tandis que l’autre reprend sa marche. Cette derniere ne va pas bien loin, s’arr&te de nouveau, cherche son chemin, puis revient ä son tour. Arrivee sur le döme du nid, elle trouve la moitie qui etait re- venue d’abord partant dans une autre direetion, et se met ä sa suite. Apres plusieurs arrets, l’armde avance encore jusqu’a quinze pas de chez elle, puis deerivant sans s’arreter de nouveau une gracieuse courbe, elle rentre au nid par un autre chemin sans avoir cherch& de fourmiliere rufibarbis. On eüt dit une promenade. Ü’est un cas oü probable- ment une partie des amazones avaient en vue une certaine fourmiliere, d’autres une autre, et oü d’autres encore avaient envie de rester chez elles. Je erois ces cas plus frequents qu’on ne le pense. 18. Je vis une petite fourmiliere amazone qui avaıt l’air d’etre naissante. Elle avait une armee tres peu nombreuse (de 150 fourmis peut-&tre) et n’attaquait que de tres petites fourmilieres rufibarbis situees A peu de distance de chez elle. Dans son nid se trouvait un nombre proportionnel d’esclaves. L’annee d’apres elle avait beaucoup augmente. 19. J’assistai A la fin de trois fourmilieres amazones-fusca. Je vis leur armee diminuer d’annde en annee, puis enfin cesser d’etre. Je ne trouvai alors plus dans le nid que des fusca 3 avec quelques g rufescens. La distance enorme ä& laquelle les amazones devaient aller pour trouver des fusca me parut &tre dans un des cas la cause de cette fin, mais je ne m’explique pas les deux autres. 20. Les amazones-rufibarbis attaquent aussi les habitants de petits nids A peu pres souterrains, ou du moins qu’on n’apercoit que lorsque l’assaut a commence, ce qui n’em- peche pas les rufibarbis de sortir aussitöt en masse avec leurs nymphes, et de poursuivre ensuite l’armee & son retour. Quoi qwil en soit, un fait positif est que ces fourmilieres a nids souterrains, soit fusca, soit rufibarbis, sont les seules qui persistent ä subsister ä de petites distances d’une fourmiliere amazone (5 ä 15 pas). Mais il s’en trouve aussi & de grandes distances, et meme dans des contrees ou il n’y a pas d’amazones (v. p. 170). 21. Ö’est aux bains de Lavey, pres du Rhöne, que je vis la plus grande et la plus audacieuse fourmiliere amazone. Elle se trouvait separee de la route par une petite fon- taine entourde d’arbres et dont le bassin etait enfone& en terre. Un paysan s’amusa un jour ä inonder la tete de l’armee qui partait en bouchant le conduit de sortie de la fon- taine, ce qui fit couler l’eau du bassin sur le gazon ras. Cela n’arreta pas les amazones qui passerent toutes lentement, en se cramponnant aux herbes et au bord du bassin de la fontaine avec leurs pattes; celles qui furent ektraindes par l’eau se racerocherent plus loır et recommencerent. Toute l’armee arriva ensuite, sauf une quarantaine de 9 qui s’etaient noyees, ä la route ou un vent violent soulevait des flots de poussiere, et oü les baigneurs allaient et venaient. Les amazones se mirent A la traverser sans hesiter, mais elles n’avancaient qu’une patte apres l’autre, pour ne pas &tre emportees par le vent. Malgre cela, elles n’etaient pas au milieu de la route, que dejä la moitie d’entre elles, — 8303 — entraindes en depit de tous leurs efforts, se trouvaient ä& dix ou quinze pas des autres, et remontaient peniblement contre le vent, toutes couvertes de poussiere. Cependant une petite partie de l’armee arriva de l’autre cöte de la route pour tomber sur une grosse fourmiliere rufibarbis qui se trouvait preeisement lä. Elle l’envahit sans attendre les autres qui n’arriverent que peu ä peu ou pas du tout, puis revint, sans &tre poursuivie cette fois, et chargee de butin. Le vent entraina de nouveau les fourmis qui portaient des cocons ä de grandes distanees sur la route, mais elles ne lächerent pas prise pour cela et arriverent la plupart ä la derive de l’autre cöte, puis remonterent dans le gazon pour rejoindre le bon chemin. Elles etaient toutes grises de poussiere, mais le bain qu'elles prirent en tra- versant de nouveau l’eau (qui coulait toujours, car je n’avais pu l’arreter completement) se chargea de les nettoyer. J’en voyais qui etaient tombees dans le bassin de la fontaine, lequel se trouvait & ras terre et debordait; elles ne lächaient pas leurs cocons et se de- battaient avee leurs pattes. Si l’eau les poussait au bord, elles se hätaient de s’y accrocher et de reprendre leur marche avec leur fardeau. Elles arriverent ainsi chez elles non sans peine. Mais le plus fort est qwelles repartirent aussitöt dans la m&me direction et retour- nerent piller la möme fourmiliere avec les m&mes peripeties. Il en mourut certainement une foule, mais cette armde ne formait qu’une petite partie des amazones de la fourmi- liere. En effet, le lendemain je versai & eöte de leur nid un gros sac de F. pratensis. Ces nouvelles venues furent aussitöt culbutees, et leur tas fut couvert en un instant d’amazones beaucoup plus nombreuses que la veille. 22. Des amazones-rufibarbis eouvraient leur nid le 18 aoüt 1867 a 4'je heures, sans pouvoir se deeider & partir dans une direetion determinee. Enfin toup-a-ceoup il se forme en möme temps deux tötes de möme force qui partent chacune dans une direetion differente. L’armee se divise ainsi en deux corps egaux. Le premier, arrive a 24 pas du nid, attaque une petite fourmiliere rufibarbis, revient bien charge et repart aussitöt pour le nid pille. Les premieres amazones de ce corps, de retour chez elles, etant reparties sans attendre Varrivee des autres, l’armee marche cette fois A la debandade. Une tete tres faible arrive vers les rufibarbis qui, n’etant pas encore revenues de leur poursuite de la premiere in- eursion, font aussitöt volte-face, et s’emparent des premieres amazones avant l’arrivee des autres. Les amazones qui suivaient, voyant cela, s’arr&tent et attendent le reste de l’armee qui une fois en force delivre les prisonnieres, bouscule les rufibarbis et se charge de nou- veau de cocons. A ce moment, l’autre corps d’armee arrive ä& 70 pas du nid n’avait pas encore trouve de fourmiliere rufibarbis; il s’arreta alors et se mit ü chercher; il com- mengait deja & rebrousser chemin, lorsque les amazones decouvrirent un nid souterrain renfermant une fourmiliere rufibarbis assez forte qui leur fournit un ample butin apres un vif combat. 23. Des amazones-fusca quittent leur nid et traversent ä l’ombre un taillis large de 20 pas. Arrivees dans un pre de l’autre cöte, elles passent & six deeimetres d’un nid de F. rufa, s’arr&tent un moment & cette place et cherchent, puis continuent, puis s’arretent — 304 — de nouveau, cette fois plus longtemps, en tätant le terrain; puis elles cherchent ä& entrer dans une touffe de mousse. Cependant un autre beau nid de fusca est a 5 deeimetres au- devant d’elles. Il parait que quelques-unes peuvent entrer dans un petit nid souterrain situ dans cette touffe de mousse, car quatre ou eing ressortent avec des nymphes; mais pendant ce temps quelques-unes decouvrent le nid situ en avant, et viennent appeler le sros de l’armee qui va aussitöt le piller. 24. Quelques jours apres les amazones de la m&me fourmiliere etaient perchees en masse sur les brins d’herbe qui couvraient leur döme, immobiles, se chauffant au soleil; c’etait le 12 aoüt. Bientöt, & un signal donne, toutes se mirent en marche. Quelques-unes, perchees trop haut, ne regurent pas le signal et resterent un moment encore immobiles, mais bientöt elles parurent voir le mouvement, car elles descendirent. L’armee suivit le möme chemin que la derniere fois. Je m’etais muni d’un sac rempli de F. sanguinea et d’un autre rempli de F. pratensis. Arrivees de l’autre cöte du taillis, les amazones prirent la direetion du nid qu’elles avaient &vite la premiere fois. Je fis une breche & celui-ei et je posai mes sangwinea & cöte. Öelles-ci se repandirent aussitöt de toute part et entrerent dans le nid des fusca qui sortirent pour se defendre. A ce moment arrivent les premieres amazones. Voyant des sanguinea, elles reculent et attendent le gros de l’armee qui a l’air agitee; mais une fois reunies en un mas, les amazones fondent sur les sangwinea avec un elan remarquable. Celles-ci retranchees derriere deux touffes d’herbe repoussent un premier assaut par leur force et leur adresse, mais les amazones serrent leurs rangs et en font un second plus violent qui les amene sur le döme au milieu des sangunmea. Ce eombat fut d’une vivacite remarquable, mais les sanguwines ne tinrent pas plus de deux minutes. Les pratensis de mon sac, videes A ce moment, furent aussitöt culbutees par les amazones. Apres ce double exploit l’armee rufescens resta un instant sur le döme des fusca et sur les deux tas ennemis, puis elle envahit le nid des premieres, et retourna chez elle avec un butin peu considerable, pendant que les pratensis et les sanguinea fuyaient de tout cöte avec leurs cocons. Pas une amazone n’avait peri, mais en revanche beaucoup de fusca, sanguinea et pratensis, car un certain nombre d’amazones, folles de colere, ne retournerent pas avec l’armde, mais s’acharnerent ä& tuer des fourmis de ces trois especes. Cet etat de rage folle est tres frequent chez les amazones qui ont combattu un peu longtemps. Elles mordent alors tout ce qu’elles voient, des cocons, des morceaux de bois m&eme; je les ai vu tuer des fusca leurs esclaves qui cherchaient ä les calmer; je les ai aussi vu se mordre entre elles. Leurs esclaves, lorsqu’elles sont lä, arrivent cependant le plus souvent & les calmer. Les amazones ainsi furieuses ne savent plus retrouver leur chemin. Cependant elles se tranquillisent d’elles-m&mes peu ä peu, et apres &tre parties, puis revenues maintes fois sur le lieu du combat, elles finissent par reprendre le chemin du logis qu’elles recon- naissent alors. 25. Le 5 septembre 1867, annde froide, les amazones de la fourmiliere preeedente etaient de nonveau perchees en masse sur les brins d’herbe et immobiles. L’apres-midi — 305 -—- etait fraiche, la bise soufflait, et je ne eroyais pas ä la possibilite d’une expedition. Üe- pendant tout-ä-coup peu avant 5 heures, quelques amazones descendirent de leurs herbes et se mirent & donner l’impulsion du depart. Mais le mouvement fut d’une mollesse ex- tröme, et je fus etonne de voir une tete d’armee quitter le nid. Un einquieme & peine des amazones reunies sur le döme se deeiderent A suivre cette tentative hardie; beaucoup n’allerent que lentement et quelques-unes revinrent sur leurs pas. Cette troupe s’avanca jusqu’ä 20 pas du nid et vint tomber dans l’ombre d’un cerisier; le manque de soleil ralentit aussitöt la marche des amazones; cela augmenta graduellement, et l’armee finit par s’arreter toute entiere, comme engourdie. La queue avait rejoint la tete, et cette troupe de fourmis resta pendant eing minutes dans l’immobilite la plus complete, comme dans un cas eite plus haut (VIII. 8). Alors seulement quelques amazones se mirent lentement en mouvement, et toute l’armee rentra chez elle non sans peine, car le soleil &tait pres- que couch£, et il faisait froid quand elle arriva. 26. Le 13 aoüt 1871, les amazones-rufibarbis d’une fourmiliere situge au milieu d’un pre partirent & 3 heures de l’apres-midi apres avoir beaucoup couru sur leur döme et aux alentours. Elles s’avaneerent dans un champ de luzerne, s’arretant et changeant de di- rection & chaque instant, ce qui fit qu’en somme elles conserverent la premiere. Je re- margquai que les arrets avaient lieu lorsque les 9 de la tete, indecises, retournaient en arriere ou s’eparpillaient. Mais souvent ce fait n’avait pas pour suite un arret proprement dit parce que le gros de l’armee (quelquefois seulement la queue de l’armee), arrive en cet endroit, econtinuait en avant sans s’arreter, devenant ainsi tete & son tour. Quelque- fois cette nouvelle tete s’eparpillait bientöt derechef, et le nouveau gros de l’armee prenait ä son tour la direetion, de sorte que l’ensemble de ce curieux manege prodnisait un ralen- tissement general et donnait & l’armee un aspeet hesitant et l’air de se replier continn- ellement sur elle-meme. Lorsqu'elle eut traverse le champ de luzerne, la horde jusqu’alors hesitante s’elanga en ligne droite avee une rapidite surprenante dans un pre@ naturel. Je mesurai la vitesse de cette marche de l’armde dans son ensemble en mettant un bäton long de 1,s metre dans la direction quelle allait suivre, ä cöte d’elle, un de ses bouts situ au niveau de la tete de la troupe; en meme temps je regardais & ma montre. Je repetai trois fois le caleul et trouvai cet espace parcouru deux fois en 60 secondes (ce qui fait un metre en 33/3 secondes) et une fois en 70 secondes. Cela fait trois centimetres par seconde. Il y eut encore deux grands arrets d’indecision dans ce pre; chaque fois il se forma en möme temps deux tetes, l’une dans la direction sud-ouest, l’autre dans la direetion nord-ouest; chaque fois cette derniere, plus puissante, l’emporta, et l’autre dut revenir sur ses pas, quoique une fois il eüt presque eu scission de l’armee en deux. Ar- rivees ä 56 pas de leur nid, les amazones tomberent sur une fourmiliere rufibarbis de moyenne grandeur. A son retour, l’armee fut poursuivie par les rufibarbis jusqu’a 16 pas du nid pille. Elle arriva & 42 heures chez elle; elle avait done parcouru en moyenne un mötre par minute, ä peine; la difference entre ce resultat et celui du calcul preeedent 39 — 78069 vient des nombreux arrets et du combat avec les rufibarbis, puis du fait que le retour est plus lent ä cause de la charge. La tete de l’armee repartit dans la möme direction, peu apres son retour, lorsqw'elle eut emmagasine elle-m&me les cocons pilles; mais les amazones repandues sur le döme ne voulurent pas la suivre en nombre suffisant malgre les &missaires qu’elle envoyait en masse en arriere, de sorte qu’arrivee & deux metres du nid seulement elle dut rebrousser chemin. 27. Quelques jours apres je vis les mömes amazones rentrer chez elles chargees de cocons ä 5!’ heures, arrosees par une pluie d’orage qui durait depuis cing minutes (Ebrard pretend que les fourmis prevoient toujours la pluie). 28. Le 9 septembre 1871, jour tres chaud, les m&mes amazones partent ä 2!/ı heures, marchent en faisant beaucoup d’arrets, et finissent par faire presque un angle droit avec leur premiere direetion; des lors elles courent vite et en ligne droite. A 37 pas de leur nid elles pillent une petite fourmiliere rufibarbis cachee dans un nid souterrain. O’est l’ex- pedition la plus tardive que j’aie vue. 29. J’avais mis un jour quelques 9 amazones vers une fourmiliere d’ Aphaenogaster structor. Les grosses 9 de cette espece etaient seules & se defendre, et les muıfescens cher- chaient en vain A percer leurs tetes qui @taient trop dures. Je vis cependant une amazone qui avait enfonc€ l’une de ses mandibules dans la bouche möme d’une enorme Aphaeno- gaster et qui ’y plongeait et replongeait dans tous les sens en s’appuyant sur l’autre. Elle finit par lächer prise. L’Aphaenogaster continua & courir avec les mandibules ouvertes; mais en l’observant je remarquai qu’elle ne les refermait jamais. Je la pris alors et vis qu’elle ne pouvait plus mordre; ses mandibules ballotaient, et se laissaient mouvoir sans faire la moindre resistance. Il fallait que les nerfs mandibulaires eussent ete leses par l’ama- zone; je ne puis me l’expliquer autrement. 30. Je mis souvent des pratensis et des sanguinea non loin de fourmilieres amazones; Si les esclaves &taient des rufibarbis, c’etaient elles qui attaquaient d’abord; si e’etaient des fusca, quelques-unes d’entre elles allaient avertir les amazones qui sortaient seules. Ces dernieres arrivaient d’abord une & une et se jetaient aussitöt individuellement au milieu de l’ennemi; puis il en venait toujours plus, et il suffisait le plus souvent d’une vingtaine pour mettre en deroute un nombre d’ennemis einquante fois plus grand, car ceux-ci etaient effrayes par cette audacieuse attaque. Cependant les pratensis saisissaient souvent les rufescens par le thorax, les inondaient de venin et les tuaient. Les amazones combattaient toujours en percant ou en cherchant ä percer la tete de leur ennemi, ce qui leür &tait tres diffieile pour les grosses 9 pratensis. Elles tuaient aussi beaucoup de nym- phes en les transpercant, mais je leur en vis quelquefois porter avec soin un certain nombre dans leur nid. Les eselaves rufibarbis prenaient toujours une part active au combat, les fusca presque jamais. Une fois, comme une armee rentrait d’une expedition chargee de cocons et les deposait pour repartir, je mis un gros sac de pratensis avec beaucoup de cocons & plus d’un mötre du nid, dans la direction d’oü venait l’armee. Cette fois il _ SE suffit de trois minutes pour rassembler toute l’armee qui eulbuta les pratensis en un instant, envahit leur tas et se chargea de ceocons qu’elle rapporta dans le nid; seulement un petit nombre d’amazones se mirent ä en mordre quelques-uns. Vu la courte distance, il se forma une chaine d’amazones allant chercher des cocons et revenant chargees. Peu ä& peu, ce- pendant, les esclaves rufibarbis s’en melerent, et les amazones leur laisserent piller le reste du tas. Un fait remarquable s’observe chaque fois que l’on verse un sac de fourmis (fusca, rufibarbis, sangwinea, pratensis, peu importe) avec leurs cocons devant des P. rufescens. Ceux-ci, apres s’ötre &lances sur les materiaux entasses parmi lesquels gisent p&le-mele cocons, larves et fourmis, s’imaginent probablement que c’est le döme d’un nid, car ils cherehent partout une ouverture qui leur permette d’entrer sous terre. A cet effet, les uns deblaient la terre du tas, tandis que les autres fouillent le terrain et les touffes d’herbe avoisinantes, cherchant en vain une entree. La perseverance qu’ils mettent ä ce travail est parfois inouie, et telle qu’ils negligent souvent presque completement de prendre les cocons qui gisent epars & la surface, qui sont tout & leur portee, et qui suffiraient ä les charger tous. Ceux qui sont enfin decourages finissent le plus souvent par rentrer & vide; parfois ils savent prendre les cocons qui gisent A cöte d’eux; mais la plupart de ceux-ci restent ordinairement abandonnes. Je n’ai trouv& chez aucune autre fourmi un instinet aussi aveugle et un pareil manque de perspieaeite. Les sangwinea pillent tout de fond en comble en pareil cas. J’ai donne tres souvent de cette maniere des cocons de F. pratensis et de F. sanguwinea & des fourmilißres amazones, mais jamais il ne furent eleves; les rufibarbis ou les fusca les mangerent toujours. Je n’ai vu que deux fourmi- lieres amazones avoir ä la fois des esclaves fusea et rufibarbis. L’une etait artificielle (ancien appareil) et l’autre naturelle. Cette derniere attaquait & l’ordinaire des fourmilieres rufibarbis, mais je constatai aussi une expedition qu’elle fit sur une fourmiliere fusca. 31. Je fis une fois l’essai de prendre une armee amazone en marche et de l’enfermer dans un appareil avec des fusca d’une fourmilire ordinaire. J’avais pris pour cela un sac de fusca, et je le placai ouvert, sans le verser, devant une armee de rufescens en marche. Celle-ei n’y entra qu’en partie, mais je pris ce qui y entra en fermant le sac que je mis ensuite en communication avee une arene de gypse, et celle-ci avec un appareil vitre. Apres avoir tue un certain nombre de fusca, les amazones finirent par s’allier ä elles. Le reste n’eut pas d’interet, sinon que ces amazones remises quelques jours plus tard vers leur fourmiliere ne furent pas reconnues tout d’abord par leurs anciennes seurs qui se jeterent sur deux d’entre elles et les tuerent; mais leurs anciennes esclaves les reconnurent par contre bientöt, et les porterent de l’appareil dans le nid. L’armee dont j’avais enleve une partie par surprise pour l’enfermer dans mon sac ne continua pas sa marche et resta obstinement en place en tätant le terrain. Un quart d’heure apres elle voulut retourner chez elle; je mis alors un sac plein de pratensis avec leurs cocons ä cöte d’elle. Les amazones se jeterent dessus, mais ne pillerent rien et se mirent ä tuer les cocons et les pratensis. Pendant ce temps une partie de l’armee se remit a DA Zu a a a täter le terrain a cöte. Cependant le temps s’assombrissait; deux ou trois violentes averses se succederent; l’armee rufescens resta en place, tuant les pratensis et tätant le terrain. Au bout d’une heure seulement je remarquai un mouvement particulier parmi les amazones qui se jeterent sur un point oü elles tätaient le sol depuis longtemps, y creu- serent, et penetrerent dans une galerie. Toute l’armee s’y enfila petit & petit et les ama- zones en ressortirent ensuite une ä une chargees de cocons de fusca. Il leur avait fallu une heure pour trouver le moyen d’entrer dans ce nid souterrain &loigne seulement de eing metres du leur, et elles ne l’auraient certainement pas trouve sans les circonstances anormales amendes par moi. 32. Je vis souvent des amazones 9 courant seules ä de grandes distances de leur nid & diverses heures de la journee, et cherchant de cöte et d’autre. On les voit ordinaire- ment partir tard dans la matinee, Eparses, mais parfois en assez grand nombre; elles marchent par saccades, et non point d’une maniere continue comme dans les expeditions: elles vont dans toutes les direetions. J’en vis souvent ä 30 pas et plus de distance de chez elles. Je pense comme Huber qu’elles cherchent ainsi des fourmilieres de fusca dont elles savent ensuite le chemin quand elles font partie de l’armee. 33. Les fourmilieres amazones sont toujours &@loignees les unes des autres de 80 & 100 pas au moins d’apres ce que j’ai vu. Je doute du reste qu’elles puissent subsister ä une plus grande proximite, car leurs armees respectives se rencontreraient inevitablement une fois ou l’autre, et s’aneantiraient reeiproquement. 34. Les P. rufescens sont, comme Huber l’a montre, dans une dependance absolue de Jeurs auxiliaires ou esclaves. Ils ne savent ni maconner, ni soigner les larves, ni m&me manger eux-memes. Ce fait demontre par une experience d’Huber oü 30 amazones en- fermees dans une boite se laisserent „mourir de faim en deux jours“, du moins en partie, et ou une seule esclave retablit l’ordre et rendit la vie ä celles qui n’etaient pas mortes, en leur degorgeant le miel qui &tait devant elles et quelles n’avaient pas su prendre, ce fait, dis-je, est, parfaitement exact. Il n’y a qu’une erreur d’interpretation, c'est que les fourmis ne perissent pas de faim’ en deux jours, mais seulement de soif; on peut en con- server vivantes pendant un mois sans leur donner & manger si l’air qui les entoure est humide. M. Lespes a confirme du reste par des experiences nouvelles le fait que les P. rufescens ne peuvent pas manger seuls (Revue des cours scientifiques 1866, p. 257). Mais M. d’Esterno pretend que tout cela est faux, que parler d’un animal ne sachant pas manger seul est dire une absurdite et que d’apres ses experiences des amazones enfer- mees seules dans des boites „dövorörent de la viande“. Elles sont earnassieres, dit-il, et le miel d’Huber ne leur plut pas ä cause de cela. Si elles mangent celui que leur degor- gent leurs esclaves, c'est, dit-il encore, parce qu'il s’est animalise (textuel!). Il finit par les comparer aux chiens et aux loups qui flairent le gibier, et par dire qu'elles mangent les cocons quwelles pillent, et qu'elles s’etablissent dans les nids de fusca dont elles for- cent les habitants adultes & devenir leurs esclaves. Il pretend a l’appui de cette derniere assertion avoir vu des © fusca („noires“) dans une fourmiliere rufescens. Or, de meme NE qu’Huber et Ebrard, je n’ai jamais vu dans les fourmilires amazones autre chose que des 9 et des nymphes (ou de grosses larves) 9 de l’espece esclave; par contre des 9, g et 3 rufescens. Les assertions du comte d’Esterno reposent, j'ose l’assurer, sur une suite ininterrompue d’erreurs; tout y est faux d'un bout ä l’autre. Mais comme elles pour- raient paraitre justes & quelqu’un qui ne connait pas les meurs des fourmis, j’ai cru devoir faire l’experience qui suit pour la rapporter iei : Dans un bocal avee de la terre humide, je mis le 5 juin 1871 douze 9 rufescens d’une fourmiliere amazone-rufibarbis. Je leur donnai un cocon ©, 7 cocons 9 et 5 larves 3, tous de F. rufibarbis, et tous pris dans une fourmiliere ordinaire (non mixte). J’y mis de plus une araignee tude, une larve de capside (h&mipteres mous dont les fourmis prennent et tuent beaucoup) vivante, un petit morceau de viande de baeuf, et une goutte de miel sur un morceau de verre. Les rufescens porterent d’abord les cocons ca et la, puis finirent par les abandonner sans les mettre en ordre, et par s’entasser les uns sur les autres, sans toucher ä rien de ce qui etait dans le bocal. Ils ne bougeaient plus de leur coin. Le len- demain absolument rien n’avait change. Je soufflai legerement sur les amazones pour les mettre en mouvement. L’une d’elles arrivee vers la goutte de miel toujours intaete (qui eüt completement disparu pendant la nuit si une seule rufibarbis avait ete la), la täta de ses antennes et appliqua sa bouche dessus, maladroitement et sans l’avancer; je lui vis faire un ou deux mouvements de la bouche, ce qui me prouva qu’elle en avait goüte, mais cela ne dura pas dix secondes, et, voulant se retirer, elle s’embourba dans le miel, le mordit, y englua ses antennes et se sauva dans un coin. Toute la maniere dont elle ac- complit cet acte fut si peu naturelle, si contraire A ce que j’ai vu faire a toutes les autres fourmis qui avancent delicatement leur bouche en retirant leurs antennes quand elles veulent manger, que c’est ä mon avis une preuve de l’ineptie de cette espece & manger seule. Du reste toutes les autres 9 que le hasard amena vers le miel l’eviterent au lieu d’y toucher, et je ne pus des lors &tre temoin d’une seconde scene analogue. Par contre j’observai ensuite & plusieurs reprises un fait bien plus eurieux. Nous savons que quand une amazone a faim, elle sait fort bien solliciter une de ses esclaves en lui frappant le chaperon de ses antennes, puis l&cher la goutte que celle-ci lu degorge. Or une de mes prisonnieres s’approcha d’une des autres et se mit ä la sollieiter ainsi. Il parait que cela donna & l’autre la me&me idee, car elle se mit & sollieiter la premiere ä son tour. Toutes deux se dresserent, l’une contre l’autre, ouvrant ä demi les mandibules, se frappant mu- tuellement le chaperon de leurs antennes, et se l&chant la bouche l’une l’autre. Mais comme toutes deux demandaient, et qu’aucune ne degorgeait, je ne vis passer aucune goutte entre les deux bouches. Le fait que chacune frappait le chaperon de l’autre suffisait du reste pour montrer qu’aucune ne degorgeait. Je revis plus de dix fois ce fait, toujours la möme chose; aucune ne degorgen du liquide & une autre. Je pus les observer en effet pendant plusieurs jours, sans qu’aucnn changement survint. Le Capside resta vivant; la viande, l’araignee, le miel ne diminuerent pas d’un atome; mais les amazones demeu- — 731002 — rerent en bonne sante gräce & l’humidite, sauf deux d’entre elles qui etaient dejä infirmes le premier jour et qui perirent bientöt. Les cocons resterent sans soins. Les larves, ne recevant aucune nourriture, devinrent tres maigres. Lorsqu’une amazone s’approchait de l’une d’elles, la larve se demenait vivement pour demander ä manger, mais la fourmi se contentait de la frapper une fois ou deux de ses antennes, puis l’abandonnait. Au bout de sept jours d’experience (12 juin), tout etait dans le m&me &tat. J’ötai alors l’araignde et la viande qui s’etaient moisies, et je mis dans le bocal une 9 rufibarbis prise & la fourmiliere des amazones (une de leurs esclaves). La nouvelle arrivee fut ä l’instant m&me assiegee par les amazones qui l’implorerent toutes ensemble pour recevoir de la nourriture. Mais elle refusa d’abord, puis, ayant trouv& le miel, elle s’en remplit le jabot en moins de dix minutes. Cela fait, elle se mit & le degorger aux amazones, les unes apres les autres. Ici le degorgement &tait tout-A-fait normal; la rufibarbis, les mandibules ouvertes et les antennes immobiles comme tout le corps, faisait sortir de sa bouche une goutte claire, grosse comme la tete de l’amazone, tandis que celle-ci jouait des antennes et des pattes anterieures sur sa bienfaitrice, tout en lapant la goutte. La rufibarbis mangea ainsi tout le miel, et le distribua aux rufescens. Tl est inutile de dire que les amazones n’ayant pas touche aux huit cocons ni aux cing larves, aucun d’eux n’avait ete „devore“, et que la rufibarbis prit soin des premiers; les secondes avaient peri d’inanition (on sait que les larves ont plus besoin de nourriture que les insectes parfaits). Le lendemain, comme la rufibarbis ne maconnait pas la terre, je lui donnai une compagne, et, ä elles deux, elles bätirent plusieurs cases oü elles porterent les cocons et les amazones. Je gardai mes fourmis jusqu’au 17 juin, jour ou les »ufibarbis avaient tire une ou deux nymphes de leurs coques et les soignaient. Je les remis alors toutes, sauf 3 amazones, sur leur nid oü elles furent reconnues et bien accueillies. Je donnai aux trois amazones restantes trois 9 rufibarbis d’une autre fourmiliere. Celles-ci ne voulurent d’abord pas s’allier ä elles malgre les solli- eitations des amazones, et n’y consentirent que le lendemain. Je pense que cette experience confirme suffisamment le fait que les amazones ne sont pas carnassieres, ne mangent pas les nymphes de rufibarbis, et ont besoin de leurs esclaves pour &tre nourries. Je n’ai jamais vu non plus une amazone manger seule ä l’etat de li- berte. I] est du reste assez improkable que M. d’Esterno ait eu vraiment le P. rufescens sous les yeux, car cela supposerait trop d’imagination dans sa maniere d’observer. Mais javoue que je ne saurais ä quel genre, ni m&me A quelle sous-famille rapporter sa fourmi « rousse-noire dite rousse ä esclaves noires ». 35. Les rapports sociaux des Polyergus avec leurs eselaves ont ete si bien deerits par Huber que je ne m’y &tends pas; on en verra du reste plusieurs traits dans l’experience suivante. Je signale ici seulement deux observations : Le 20 juin 1872 les expeditions d’une de mes fourmilieres amazone-fusca n’avaient pas encore commence (elles ne commeneerent que le 4 juillet). De deux ä& quatre heures de l’apres-midi, les amazones sortirent en assez grand nombre du nid, s’eloignant me&me Ya reale de plusieurs centimetres du döme. Mais leurs esclaves avaient Fair de ne rien comprendre a cela, car elles etaient activement occupees ä courir apres les amazones, ä les prendre par une mandibule et ä les rapporter dans le nid. Ces dernieres qui n’avaient pas l’air d’etre encore disposees ä partir, quoique il fit tres chaud, se laissaient faire le plus souvent, et s’enroulaient autour de la tete des fusca. Mais une fois dans le nid elles ressortaient fre- quemment. Je n’ai jamais observe ce fait d’une maniere aussi generale, et cela semble montrer que chaque annee les esclaves doivent s’habituer aux expeditions des amazones pour arriver ä les considerer comme quelque chose de naturel et & ne plus s’y opposer. Huber (l. e. p. 257) a aussi ete temoin de faits analogues, mais il leur donne une autre signification. Il eroit que cela doit empecher les amazones d’aller trop töt en expeditions, car elles pilleraient alors des nymphes 9 et @ de leurs esclaves ce qui Epwiserait les ‚fourmilieres de celles-ci. Nous avons vu (VIII. 9) qu'il y a d’autres emp&chements de nature mecanique ä ce fait, et d’ailleurs un aceident pareil compromettrait bien plutöt l’existence des fourmilieres amazones, car les esclaves prefereraient certainement conserver des femelles de leur espece pour entretenir la fourmiliere mixte, des que cela leur serait possible. Le 23 aoüt 1372 des amazones qui avaient fait un ample butin l’avaient emmagasine en entier dans la partie sud de leur nid. Leurs esclaves commencerent aussitöt apres ä demenager ce trop plein dans la partie nord qui etait plus spacieuse. Je ne sais pourquoi tout ce transport eut lieu ä l’exterieur, sur le döme, et non & l'interieur. Les fusca trans- portaient non-seulement des cocons, mais aussi des 9 rufescens, car l’armee s’etait entassee elle-m&eme ä l’endroit oü elle avait depose le produit de son pillage. Polyergus rufescens. Histoire d’une fowrmiliere elevce en appareil, et mise plus tard en liberte. I. Le 11 avril 1869 j’enlevai & l’aide d’une pelle le nid d’une fourmiliere amazone- fusca & peu pres en entier avec ses habitants, y compris une © feconde. Il n’y avait pas d’ceufs. Je le deposai dans une grande arene de gypse en communication avec mon appareil vitre ä cötes en bois (systeme d’Huber, C), dans lequel j’avais mis de la terre humide. Un demenagement actif de l’arene dans l’appareil commenca bientöt; il avancait surtout pendant la nuit. Les fusen seules porterent tout, y compris les rufescens, et bätirent des galeries et des cases en etages superposes dans la terre de l’appareil. Le 13 avril je pus deja supprimer l’arene de gsypse qui etait presque vide, et mettre une mangeoire en toile metallique. Ma fourmiliere prospera; les 9 fusca venaient l&cher du miel et prendre des in- sectes que je mettais dans la mangeoire; d’un autre cöte elles y jetaient tous les debris qui les genaient : cadavres de fourmis, surplus de terre, insectes desseches dont elles avaient leche les sucs apres les avoir dechires ete. On eüt dit qwelles avaient compris mon — 3ld — veau; une partie d’entre elles redescendaient dejä l’escalier, lorsqu’un noyau se forma en avant, courut en arriere au milieu de celles qui retournaient, et les rappela en un elin d’eil en haut oü l’armee entiere chercha eneore ä gravir le mur oriental de la mai- son. Le vent emportait de nouveau les amazones, mais elles recommengaient toujours; 1a pluie s’en melait. Enfin elles se deeidörent ä revenir dans un desordre affreux. Toutes ces fourmis en debandade surent pourtant retrouver leur chemin et rentrer dans l’appa- veil. Mais les dernieres ayant trouv& un second trou de cinerea, non loin de l’appareil, elles y entrerent et en ressortirent des cocons. Cela suffit pour donner de nouyeau l’Eveil ä& toute l’armde qui repartit & 7 heures du soir pour le pillage, envahit ce nid en prati- quant une nouvelle ouverture, et s’y chargea assez bien de nymphes, puis rentra peu & peu dans l’appareil non sans avoir encore couru un certain temps dans les environs. Tout ne fut rentre qu’ä 8 heures du soir. Deux ou trois ineidents meritent d’etre notes : 1°) Je vis une amazone prendre une fusca par les mandibules, pres de l’appareil; celle- ei se replia sous sa tete, et se laissa porter par le Polyergus jusque dans le tube de caoutehouc. Huber eite un cas (l. e. p. 254) oü une arme amazone, ayant trouve un nid de fusca abandonne, revint chez elle, puis oü chaque rufescens prenant une fusca, toute la fourmiliere fut ainsi demenagee dans ce nid. Je n’ai jamais revu ce singulier fait qui ne peut ötre mis en doute. 2°) Plusieurs fusca rapporterent dans l’appareil des amazones qui s’etaient perdues. 3°) Quelques amazones erraient ga et la, portant un co- con de einerea, et ne trouvaient pas l’entree de l’appareil. Une fusca prit le cocon de l’une d’entre elles; mais l’amazone, au lieu de lächer prise, s’enroula autour du cocon, et la fusca porta ce double fardeau dans l’appareil. Je fus deux fois temoin de ce fait. Le 3 aoüt, mon appareil refit le voyage de Zurich & Vaux. Le 4 aoüt je le plagai sur une allee, ä deux pas d’une fourmiliere sanguinea situee sur le gazon, au bord de l’allde. Les fisca sortirent d’abord, et attirerent l’attention des sangwinea, lesquelles se röpandirent peu ä peu sur l’alldee en nombre toujours plus grand. Les sanguinea tuerent ainsi un bon nombre des fusca de mes amazones. Bientöt l’allee fut rouge de sanguinea qui approchaient de la porte de mon appareil. Une dizaine d’amazones se deeiderent alors A sortir et se jeterent au milieu des sanguinea. Cela suffit pour retarder la marche de ces dernieres. Mais ces quelques fourmis eurent beau se multiplier, elles disparurent sous le nombre des ennemis qui les inondaient de venin et arrivaient en nombre toujours plus grand. Alors je vis les amazones sortir deux ä& deux du tube de caoutchoue et tomber sur les sangwinea qui formaient un front imposant. Chose curieuse, il n’en sortit pas plus d’une soixantaine, et cette petite troupe tenta seule le combat. Cela suffit pour ar- röter net la marche des sanguwinea. Les amazones n’attaquörent pas en corps, mais se jeterent toutes pele-mele au milien des sanguinea, mordant ä droite et & gauche, trans- percant la töte de leurs ennemies et trouvant toujours moyen de se degager lors meme que dix ou vingt sanguinea &taient aux prises avec chacune d’entre elles. Je vis alors un mouvement de recul s’operer dans toute la masse des sanguinea. Ce mouvement s’ac- — 315 — centua toujours plus, quoidue les amazones n’opposassent aucun front d’armee ä leurs ennemies et ne recussent absolument aueun renfort. Bientöt les sangwinea« eurent reeule jusqu’au bord de l’allee, aux portes de leur nid. Les amazones, toujours au milieu d’elles, gravirent en möme temps qu’elles les pentes du döme, combattant toujours avec la m&me ardeur, sans avoir l’idee de fuir quoique plusieurs d’entre elles eussent peri et que beau- coup d’autres eussent reeu du venin. Rien n’etait eurieux comme cette lutte; les amazones s’arretaient pour se gratter l’abdomen et les pattes posterieures apres chaque combat sin- gulier contre ces ennemies plus grandes et beaucoup plus nombreuses qu’elles, lesquelles se voyaient pourtant battues. A ce moment les sangwinea avaient perdu courage. Quelques fusca, leurs 'esclaves, sortirent bientöt des nymphes du nid, et eing minutes ne s’etaient pas &couldes qu’une panique ineroyable s’empara de la fourmiliere. Toutes les sunguinea, ainsi que leurs esclaves, sortirent & la fois du nid en emportant des nymphes dont elles abandonnerent m&me une grande partie sur le döme qui en fut couvert, et s’enfuirent dans toutes les direetions sans faire plus aucune resistance. En dix minutes elles eurent totalement &vacue le nid, y laissant presque toutes leurs nymphes. On apercevait & peine les quelques amazones qui avaient et@ cause de cette scene et qui rödaient sur le döme sans entrer dans leur conquete. Cependant quelques-unes prirent enfin des cocons et les porterent dans l’appareil. Elles n’y etaient pas depuis deux minutes que toute l’armee qui n’avait pas donne signe de vie jusqu’alors sortit par le tube de caoutchoue et alla piller les nymphes du nid conquis. L’abondance etait telle qu'une chaine non interrompue d’ama- zones s’etant &tablie, il se forma bientöt un tas enorme de nymphes qui obstruaient com- pletement l’entree du tube et que les fusca ne pouvaient suffire & imtroduire dans l’appareil. Le pillage dura jusqu’ä 8% heures du soir; je dus couper quelques essais de demenage- ment commences par les fusca dans le nid des sanguwinea. Une trentaine d’amazones au plus avaient peri, sur les soixante environ qui avaient mis en fuite a elles seules toute la fourmiliere sangwinea,; la plupart etaient mortes par suite du venin qu’elles avaient recu. Une foule de cadavres de sanguinea couvraient l’allee. Le butin etait trop conside- rable, et toutes les nymphes de sanguwinea furent mangees ou jetees par les fusca qui ne conserverent que celles de leur espece dont beaucoup avaient ete pillees (les sangwinea avaient auparavant pille elles-m&ömes des nids de fusca). Les sangwinea ne revinrent dans leur nid que plusieurs jours apres. Elles s’etaient fait de petits nids provisoires dans l’'herbe. Le 8 aoüt, ä 4 heures, je portai mon appareil vers une fourmiliere ennemie d’ama- zones-fusca. L’armee de celle-ci n’osa pas partir, et un peloton qui sortit de mon appareil engagea un combat terrible avee elle. Ces amazones se battaient avee une fureur in- eroyable. Elles se saisissaient mutuellement le thorax, et il se formait ainsi des paquets de eing ou six fourmis qui roulaient par terre en se mordant sans qu’on püt distinguer les amies des ennemies. Les miennes furent toutes tudes, mais le gros de l’armee ne sortit pas, et je rapportai mon appareil & la maison. — 316 — Le 15 aoüt ma fourmiliere allait toujours bien. Beaucouß de g' rufescens &taient eelos. Je posai l’appareil sur le gazon, devant un nid de F. rufibarbis, et je l’ouvris en- tisrement. Le temps etait froid; un combat tres mou eut lieu, surtout entre fusca et rufi- barbis. Beaucoup de ces dernieres furent tuees. Le lendemain cependant elles s’etaient enfuies, et les fusca demenagerent tout le contenu de l’appareil dans leur nid, y compris les d. Je ne remarquai ni cinereo-rufibarbis, ni sangwineau parmi les esclaves de mes ama- zones. Evidemment les fusca avaient mange ou jete les nymphes de ces esp£ces. Le 17 aoüt le temps etait chaud; mes amazones sortirent en une petite armee et allerent piller les rufibarbis qui s’etaient &tablies a un metre de lä. J’allai chercher beau- coup d’amazones et de leurs esclaves dans P’aneien nid d’oü j'avais tir quatre mois aupa- ravant les fourmis de mon appareil, et je les mis vers ces dernieres. Elles se recomnwrent presque aussitöt, et les nouvelles arrivees furent transferees dans le nid. De nouvelles $ fraiches Ecloses se joignirent & l’armde qui se retrouva bientöt grande, mais tres bigarree, car beaucoup de ces nouvelles etaient tres petites et foncees. Je mis encore plusieurs fois des fusca avec leurs cocons aux alentours du nid; elles furent tou- jours pillees. En 1870 je ne pus passer que quelques jours ä Vaux oü je retrouvai le 17 avril mes amazones dans leur nid. Au printemps 1871 je ne les retrouvai pas. Le 21 juillet 1871 je vis pres de cet endroit une petite arm&de amazone en marche, qui s’arr&ta bientöt, ne trouva rien, et revint sur ses pas. Elle alla rentrer dans un trou cach@ dans le gazon, exactement & la place de l’aneien nid (qui avait &te pris le 15 aoüt 1869 ä& des rufibarbis). La fourmiliere exis- tait done toujours. Je lui vis d&s lors refaire plusieurs expeditions bien r&ussies sur des fourmilieres usca; deux autres meritent d’&tre mentionnees. Le 31 juillet 1871 l’armde part et marche lentement. Elle arrive ä eing pas de sa demeure vers un nid que j’avais vu abandonner quelques jours auparavant par des rufi- barbis qui l’habitaient. Elle s’y introduit, y reste pendant quelques minutes, puis revient ä vide chez elle et ne repart pas. Croirait-on que le 2 aoüt, trois jours apres, ces m&mes amazones retournerent & ce m@me nid vide, et y entrerent une seconde fois pour revenir de nouveau chez elles ä vide? Cependant je remarquai que parmi les esclaves fusca de ces amazones il y avait quel- ques rufibarbis. J’observai de singuliers faits & leur egard : plusieurs fois je les vis tirail- löes par les fusca. D’autres fois j’en vis qui se laisserent faire en se repliant et que des Fusca emporterent et deposerent ä une certaine distance du nid. La plupart, lorsqu’elles revenaient vers l’entree du nid, s’y preeipitaient tout-A-coup en courant pour Eviter d’etre reprises par les fusca (comparer avec VI. 6. fin). Je vis aussi un ou deux cadavres de rufibarbis emportes par des fusca. Le 13 aoüt je trouvai l’armde de mes amazones aux prises ü six pas de son nid avec une fourmiliere rufibarbis assez forte et composde de grosses 3. Le combat £tait tres — 317. — violent. Le gros de l’arm&e revint charge de eocons, mais les rufibarbis poursuivirent en desesperees les amazones jusqu’ä leur nid oü elles se trouverent avoir affaire aux fusca esclaves; les 9 rufescens durent deposer leurs cocons ä la häte pour defendre leur propre nid et delivrer beaucoup de leurs compagnes de petite taille faites prisonnieres par les rufibarbis. Il y eut une masse &norme de rufibarbis tuees. On aurait dit qu’elles cher- chaient la mort. Quelques-unes s’ötaient attachees aux pattes d’amazones qui ne purent s’en debarrasser et qui ne revinrent pas chez elles, car elles s’obstinaient ä mordre le ca- davre qui les genait, et ä tächer de l’arracher. Un petit nombre d’amazones perirent sous le venin de leurs nombreuses ennemies. Le lendemain les amazones retournerent piller la me&me fourmiliere en bataillon serre, formant presque un carre, et marchant tr&s lentement. Le reste se passa comme la veille; elles revinrent charges de nymphes. Les rufibarbis esclaves des amazones combattirent ardemment celles de la fourmiliere pillee qui avaient de nouveau poursuivi l’armee jusque chez elle. Des lors le nombre des esclaves rufibarbis augmenta dans la fourmiliere amazone, et les fusca cessörent de les tirailler. O’est la seule fois avec une autre que j’ai vu une fourmilire mixte amazone-fusca-rufibarbis. En 1872 elle prosperait toujours et avait toujours des esclaves des deux sortes. 2. Je place ici, ä la suite de ce qui preetde, les observations que j’ai faites sur le P. rufescens pendant l’etE de l’annde 1373, car elles ont presque toutes ete faites sur la fourmiliere dont nous venons de parler, soit sur mes anciennes &leves. Au printemps 1873 les fusca eleverent un grand döme maconne, preuve que la four- miliere avait prospere. On ne voyait plus de rufibarbis parmi elles; il parait qu’en 1872 les amazones n’avaient plus pill& de fourmilieres de cette race. Le 29 juin les amazones sortirent pour la premiere fois, et je fus &tonne de la grandeur de leur armee qui devait certainement comprendre environ 1500 fourmis. Parties vers 5 heures seulement, elles n’allerent pas loin, ne trouverent rien, et rentrerent chez elles. Le 1 juillet elles allerent & 3!/a heures piller une fourmiliere fusca, et rentrerent avant 4 heures. Le 2 juillet, elles allerent piller une autre fourmiliere fusca assez grande, situde pres d’un sapin; elles de- erivirent une courbe en s’engageant dans le gazon, et passerent ä cöte d’une fourmiliere rufibarbis sans l’attaquer. Le butin fut considerableg, L’armee retourna piller les fusca une seconde fois, mais elle ne rapporta que quelques larves, puis elle rentra chez elle. Cette meme fourmiliere fusca fut pillee une troisieme fois par mes amazones le 10 juillet, c’est- ä-dire 8 jours apres; chose curieuse, elles passerent alors par une allee, en suivant un tout autre chemin que les deux premieres fois, c’est-ä-dire en deerivant une courbe en sens inverse. Öes 8 jours avaient suffi aux fusca pour elever de nouvelles larves qui etaient deja en cocons, car l’armee amazone revint chez elle amplement chargee de cocons. Elle n’alla plus ce jour-la au nid pille; mais 15 jours plus tard, le 25 juillet, elle y retourna pour la 4"° fois, et cette fois de nouveau par le chemin qu’elle avait suivi le 2 juillet. Elle y fit encore une ample recolte de eocons, et eut m&me l’impudence de repartir aussitöt, quoique en hesitant, pour aller de nouveau le piller. Mais cette 5” fois elle n’en rapporta — 318 — presque rien. Il est & remarquer que, lors de cette expedition du 25 juillet, les amazones eurent de la peine ä penetrer dans le nid des fusca dont le döme aplati etait entierement ferme, et qui ne s’ouvrait qu’ä trois deeimötres de la par un canal souterrain. Le 14 aoüt mes amazones retournerent piller pour la sixieme fois la m&me fourmiliere fusca. Elles prirent la ligne droite, entre les chemins qu’elles avaient suivis les 2 et 10 juillet. Elles eurent de la peine ä& entrer dans le nid, mais chacune en rapporta une nymphe ou une larve. Les fourmilieres rufibarbis abondent aux environs du nid de mes amazones. Dans une de leurs expeditions, celles-ei s’arr&terent non loin d’une de ces fourmilieres rufibarbis et se mirent ä chercher partout. Je pris de la terre, des fourmis et des nymphes dans le nid des rufibarbis, et jetai le tout dans la direetion des amazones. Bientöt la partie de l’armee qui en &tait le plus rapprochee se mit & marcher dans cette direction et ä rappeler les autres amazones. Mais en m&me temps une tete s’etait formee dans une autre direction, et l’armee fut bientöt divisee en deux corps. Celui que j'avais attire du cöte des rufibarbis attaqua celles-ci; mais & mon grand &tonnement il ne se trouva dans cette fourmiliere presque rien d’autre que des cocons de @ et des larves A six pattes (de Coleopteres?) dont je parlerai ailleurs (XXXV). Ces larves que les rufibarbis defendaient avec autant d’acharnement que leurs propres cocons furent ravies en assez grand nombre par les ama- zones. Mais ces dernieres ne purent pas emporter un seul cocon Q rufibarbis; ils etaient trop gros pour l’are de leurs mandibules (VIII. 9). L’autre corps d’armee alla apres de nombreux arrets et zigzags piller une fourmilisre fusca plus eloignee. Les F. rufibarbis dont nous venons de parler furent pillees de nouyeau par mes amazones le 16 aoüt; il n'y avait plus de larves ä six pattes, mais le butin en eocons et larves 9 rufibarbis fut en revanche tel que l’armee alla 4 fois de suite au pillage, et revint chaque fois entiere- ment chargee. Le 18 aoüt, nouveau pillage, mais maigre butin. Une autre fois mes amazones aprös avoir pille des fusca repartirent aussitöt dans la möme direction apparemment pour retourner au m&me nid, quoique la queue de l’ar- mee n’eut pas trouv@ de quoi se charger. Mais arrivees au tiers du chemin, elles s’arr&- törent, s’eparpillerent, et commeneerent ä& rebrousser chemin. Voilä un cas oü leur retour n’etait certainement pas dü au fait qukelles ne savaient pas leur chemin, mais ä l’idee qu'elles ne trouveraient plus rien dans le nid pille, et ce furent probablement les ama- zones qui avaient ete les dernieres au pillage qui empe&cherent les autres de continuer leur chemin. Une belle fourmiliere rufibarbis se trouvait tout pres du lieu d’arret de l’armee; j’attirai les amazones vers elle, comme dans le cas preeedent. Le combat fut tres violent et tres meurtrier ; les amazones n’arriverent que peu ä& peu, mais elles tue- rent presque la moitie des rufibarbis”). Elles s’emparerent du nid; puis elles formerent *) Ebrard eite un cas analogue et dit (l. cc. p. 16) que les amazones font un carnage horrible des mi- neuses (rufibarbis). — „919, — a la facon des sanguinea une chaine non interrompue d’allantes et de venantes, car cha- que 9 chargee, & peine de retour chez elle (au nid des amazones), deposait son cocon et repartait aussitöt pour le pillage. Les amazones pillerent ainsi de fond en comble le nid des rufibarbis. Cependant celles de ces dernieres qui avaient survecu y rentrerent aussitöt apres le depart des pillardes et y demeurerent, car 13 jours plus tard les ama- zones vinrent spontanement les piller de nouveau, et firent encore un ample butin dans leur nid. Le 7 aoüt, jour tres chaud, mes amazones partent ä 4 heures et 5 minutes; elles vont, en decrivant une courbe, jusqw'ä 27 pas de chez elles. Lä elles s’arr&tent dans le gazon et cherchent longtemps; bientöt deux groupes se forment dans l’armee : l’un (A) cherche & une place, et l’autre (B) ä une autre. Tout-ä-coup les amazones du groupe B s’elancent vers une ouverture qu’elles ont trouvee dans la terre dessechee, et y penetrent en masse. C’est un nid de F\ fusca. Le groupe A n’est pas averti, car il y a trop peu d’amazones Eparses dans le gazon sur l’espace qui le separe du groupe B; il continue ä chercher; & peine quelques 9 sont-elles prevenues et viennent-elles une ä& une rejoindre les B. Dejä ces dernieres ressortent chargees de eocons et reviennent chez elles. Les A qui cherchent toujours s’elancent subitement en avant dans le gazon, en suivant une toute autre direetion que celle du nid pille par les B; elles vont ainsi jusqw’ä 13 pas du lieu de l’arröt. Elles font alors halte de nouveau, cherchent encore longtemps, et finale- ment reviennent sans avoir rien trouve. Pendant ce temps les B ont &t& deposer leur butin chez elles et retournent au pillage. Les A repassent sur le lieu de leur premiere halte, sans s’y arröter cette fois, et prennent pour revenir chez elles le chemin que l’ar- mee entiere a pris pour aller. Elles ne tardent done pas ä rencontrer les B. Les deux corps d’armee doivent, semble-t-il, &tre fort &tonnes de cette rencontre, car l’un revient a vide, deeourage, tandis que l’autre retourne gaiement au pillage. J’observe de pres. Les B marchent plus serrees et sont plus nombreuses. Lorsque les 9 A ont rencontre la tete d’armee des B, elles continuent d’abord ä marcher en sens inverse; mais bientöt elles s’arretent, l’une plus töt, l’autre plus tard, font volte-face, ehacune pour son compte, et se mettent ä marcher avec les B comme si elles n’avaient fait que cela jusqwici, sans hesiter un seul instant. Le corps d’armee B reeueille ainsi en avancant tout le corps A, ä mesure que ce dernier revient; il fait faire volte-face & toutes ses 3 l’une apres l’autre. Ainsi toute l’arm&e retourne au pillage, et cette fois les A, &parses parmi les B, n’ont pas l'idee de s’arreter de nouveau au lieu de la premiere halte. Le nid des fusca ne fournit plus qu’un assez maigre butin. C'est la seule fois que j’aie observ6 une pareille rencontre imprevue de deux corps d’armee d’amazones. Une fois encore, la moitie de mes amazones seulement avaient trouv& de quoi se charger chez une fourmiliere rufibarbis; les $ non chargees formörent un corps separe, et partirent du nid pille pour aller dans une autre direction oü elles trouverent une se- conde fourmiliere qui leur fournit des nymphes et des larves. — 320 — Un jour l’armde de mes amazones retournait pour la seconde fois au pillage d’un nid de fisca. Je me eouchai sur le gravier oü elle passait, et j’etendis mon bras sur le sol, devant elle. La tete hesita, fit en partie le tour de l’obstacle, jusqw’ä ma main; mais bientöt un certain nombre d’amazones gravirent mon bras, et presque toute l’armee les suivit, franchissant ainsi directement l’obstacle. Cependant une partie des amazones s’e- taient röpandues le long de mon corps, et s’etaient glissees sous moi. Lorsque je me relevai, elles se trouverent subitement ä l’air libre, mais separees des autres et du bon chemin. Elles ne surent pas retrouver leur chemin (les autres etaient presque toutes en avant), s’avancörent dans une direction completement fausse, chercherent longtemps en vain, et finalement revinrent chez elles ä vide; elles venaient pourtant de faire cette route le möme jour, mais elles s’&cartörent du gros de l’armde ä cause d’un obstacle im- prevu, ce qui les derouta tout-ä-fait lorsque l’obstacle fut tout-ä-coup leve. J’ai cherch& cette annde & faire une statistique des expeditions de ma fourmiliere amazone pendant la saison oü elles ont lieu. J’ai &t@ malheureusement empeöche d’en voir une partie, ce qui rend la statistique incomplöte; les chiffres approximatifs que j'ai ob- tenas ont eependant leur interet, et permettent certaines conclusions. Les observations sont faites dös le 29 juin (jour de la premiere expedition de l’ete) au 18 aoüt. Les ex- peditions qui ont eu lieu & partir du 18 aoüt font defaut. Dans cet espace de temps j’ai dü m’absenter plusieurs fois, et mes amazones ont pu sortir alors sans que je les aie vues; c'est eependant l’exception. J’observai en tout 30 apres-midi pendant lesquels mes amazones firent des expeditions. Il y eut quelques autres jours d’orage et m&me de tres beau temps pendant lesquels elles resterent chez elles. Dans ces 30 apres-midi, l’armee entiöre partit en tout 44 fois de son nid (un jour p. ex. 4 fois de suite). Sur ces 44 expeditions, il y en eut 4 oü l’armee se divisa en deux corps, 6 oü elle revint sans avoir tronve de fourmiliere (pour cause d’erreur de chemin, ou de fatigue), trois oü elle ne deeouvrit que des fourmilieres qui ne possedaient point de eocons ni de larves, 6 dont elle rapporta un maigre butin, 25 dont elle rapporta un ample butin. Sur les 8 corps formes par la division en deux de l’armee, laquelle eut lieu quatre fois, un ne trouva rien, 7 attaquerent des fourmilieres; sur ces 7 derniers, 4 ne firent qu’un maigre butin, 3 fi- rent une ample r&colte. Done il y eut en tout 41 attaques de fourmilieres; sur ce nom- bre, 19 sur des fourmilieres rufibarbis (dont 3 ot les amazones revinrent absolument sans rien), 19 sur des fourmilieres fusca, et 3 dont je ne vis que le retour. Mais au point de vue des fourmilieres pillees, ces chiffres se repartissent autrement, la m&me fourmiliere ayant &te ordinairement pill&e plusieurs fois. Sept fourmilieres fusca differentes ont ete pilldes en tout: une 6 fois, une 4 fois, une 3 fois, deux 2 fois, deux 1 fois. Huit four- miliöres rufibarbis differentes ont &t& pillees en tout: une 5 fois, deux 4 fois, une 2 fois, quatre 1 fois. Restent les trois exp@ditions dont je ne vis que le retour, mais oü les amazones rapportaient des nymphes et des larves. Les denombrements que je fis dans les derniers temps de l’armee de mes amazones m’ayant tous donne un nombre superieur ü 1000 fourmis*) (le plus souvent aux environs de 1100), je puis admettre que lorsqu’elle revenait amplement chargee d’une expedition, elle devait rapporter en moyenne 1000 cocons ou larves, ce qui ferait dejü 25,000 d’apres le chiffre indiqu& plus haut. Dans les cas de maigre butin, je puis compter qu’en moyenne un tiers de l’armee (et cela pour le moins) &etait charge, ce qui fait en tout 2000 cocons ou larves de plus. Viennent encore les 7 corps separes dont chacun represente la moitie de l’armde et dont trois rapporterent un ample butin; on peut done compter pour eux en tout environ 2300 cocons ou larves. Nous avons done en somme environ 29300 co- cons ou larves pilles dont ä peu pres 13000 de rufibarbis, 14000 de fusca (d’apres la repartition des cas de maigre butin et d’ample butin suivant ces formes) et 2300 de pro- venance inconnue (probablement de ‚fasca). Si nous ajoutons ä ce chiffre la quantite pro- bable de butin rapporte des expeditions que je n’ai pas vues, et de celles qui auront eu lieu apres le 18 aoüt, nous devons arriver & un chiffre peu eloigne de 40000 cocons ou larves pilles cette annee par mes amazones. Il est vrai que l’ete a ete exceptionnellement chaud et sec; jamais je n’ai vu les amazones faire autant d’expeditions. Cependant en admettant que le nombre indique se reduise ä 20000 ou 25000 dans une annee ordi- naire, il n’en reste pas moins tres grand, et semble devoir representer le chiffre des esclaves dans une fourmiliere amazone. Ü’est peut-etre la vie souterraine des F. fusca qui nous fait ceroire & l’ordinaire leur nombre moins grand dans les fourmilieres amazones, car il est bien peu probable qu’elles mangent des nymphes de leur propre espece lors- quw'elles ne sont pas &levees en captivite dans un appareil. Hätons-nous de faire observer ieci quil y a une grande anomalie dans notre fourmiliere, car elle est actuellement pres- que uniquement amazone-fusca, et son armee a cependant pille, avons-nous vu, 13,000 cocons de rufibarbis. Ces cocons de rufibarbis seront probablement manges en grande partie par les fusca. J’ai pourtant remarque un certain nombre de 9 rufibarbis &eloses dans la fourmiliere ; elles ne sont pas tiraillees par les fusca. J’ai vu constamment cette annde des amazones de ma fourmiliere partir individuel- lement et aller ä de grandes distances (jusqu’& 50 pas de leur nid) en marchant par saccades. J’en ai vu qui inspectaient au nombre de 4 ou de 5 des nids de F\ fusca situes ä plus de 30 pas du leur; elles en cherchaient les ouvertures, et examinaient soigneuse- ment les alentours. Öes faits me prouvent de plus en plus que les 9 amazones vont etudier chacune pour son compte la situation des nids ä esclaves aux environs du leur, et que c'est ce qui permet A l’armee de se diriger avec ensemble, et de prendre une deeision & un moment donne. J’observai pour la premiere fois cette annde chez mes amazones un fait trös curieux: les esclaves fusca se mirent & tirailler ga et lä individuellement des 9 amazones avant *) Certainement ce nombre a dü aller au commencement jusqu’a 1500. 41 — 32 — . ou apres leurs expeditions. Ainsi une fusca prenait une amazone par un membre, et l’en- trainait loin du nid. L’amazone resistait peu, souvent m&me se repliait ä moitie. Parfois la fusca devenait violente et mordait l’amazone en recourbant son abdomen. L’amazone patientait un certain temps. Deux issues se presentaient suivant les cas: 1°) Parfois la Fusca finissait par deposer l’amazone ä& quelque distance du nid; aussitöt cette derniere cherehait son chemin pendant un instant, puis s’elancait vers le nid oü elle arrivait avant la fusca. Cependant cette derniere la rattrapait quelquefois pendant quelle cherchait son chemin, et la portait encore plus loin, mais le resultat final &tait le m&me. 2°) D’autres fois la fusca se montrait trop tenace et trop violente. Alors l’amazone impatientee se recourbait brusquement et saisissait la t&te de son esclave entre ses mandibules ; ordinai- rement la fusca lächait aussitöt prise. Mais quelquefois elle resistait ä cette injonetion et s’obstinait & mordre, ce qui lui coütait cher, car l’amazone lui percait la tete avec ses mandibules, et se debarrassait ainsi d’elle comme d’une ennemie, en la tuant. Je vis une fois une amazone tirailldee par 6 ou 7 de ses esclaves dont elle finit par se debarrasser en en tuant une. Ces tiraillements devenaient done de vrais combats ä froid comme ceux dont nous avons parle ailleurs (V, 2; VI, 6 ete.). Il faut avouer que voilä de singuliers faits; ıls sont heureusement fort rares. Avec un peu d’imagination on en ferait des revol- tes d’eselaves comprimees par la force, les menaces et les ex&eutions des maitres. Mais ce serait une grande erreur. Ces phenomenes se passaient pendant un temps tres chaud et tres sec. Les fusca obsedees probablement par la horde paresseuse, alteree et trop nombreuse des amazones qui venaient constamment demander ä boire, et ne pouvant lui suffire, furent prises d’impatiences individuelles qui les pousserent & chercher un moyen de s’en debarrasser. Les tiraillements cesserent en effet completement apres la pluie. Mais les amazones &taient trop coriaces pour pouvoir &tre mutildees ä froid par les fusca, sinon elles l’auraient certainement &te. Le fait le plus eurieux est ä mon avis la deeision que prenait finalement l’amazone d’enfoncer ses mandibules dans la tete de l’esclave qui deeid&ment ne voulait pas lächer, et de revenir ensuite paisiblement & la fourmiliere oü les autres fusca ne la recevaient pas plus mal pour cela. Cet acte peut venir de ce qu’ici c'est le plus faible qui attaque le plus fort, mais je l’attribue surtout au fait que les amazones ne peuvent absolument pas supporter d’etre prises par les jambes, et que leur instinet les pousse lorsqu'elles le sont ä& percer la tete de leur adversaire, ce qu’on peut observer dans presque toutes leurs expeditions. Peut-etre Huber avait-il affaire & un cas analogue au pr&ceedent lorsqu’il raconte avoir vu des amazones revenant ä vide d’une expedition manquee &tre mal regues par leurs esclaves qui les tiraillerent. J’observai une fois ou deux apres le retour des expeditions le m&me fait singulier que j’ai signale dans l’experience VIII, 34, e.-A-d. deux amazones se demandant mutuel- lement ä manger, et se sucant la bouche l’une l’autre. Je crois etre arrive deux ou trois fois cette annde ä provoquer artificiellement le depart de mes amazones. Souvent, par de tres beaux jours, l’heure de l’expedition passait, je ne sais pourquoi, sans qu’elles partis- sent; au lieu de se mettre ä courir, elles se perchaient sur les brins d’herbe autour de —_— 33 — l’entree de leur nid et ne bougeaient plus. Quand je vins alors repandre l’alarme parmi elles, en passant mon doigt sur elles, cette alarme fut prise par celles qui etaient dans le nid pour un signal de depart; toute l’armee sortit, se repandit sur le döme et partit bientöt pour une expedition. Enfin j’ajoute que la prosperite de ma fourmiliere amazone s’est manifestee cette annee par la production d’un grand nombre de 9, et que j’y ai trouve en outre un bermaphrodite et trois 55 (femelle-aptere d’Huber). Le 5 juillet, je visitai pres de Geneve, avec M. Frey-Gessner, une grande fourmiliere amazone-fusca. Une premiere armee etait deja en marche; il s’y forma bientöt dans le gazon deux tetes qui se separerent ä angle tres aigu, et diviserent toute la bande en deux colonnes qui bientöt marcherent ä& cöte l’une de l’autre, ä quelques centimötres de distance. Elles attaquörent toutes deux la m&me fourmiliere fusca, et revinrent divisdes comme elles &taient alles, jusqu’au point ou elles s’etaient separees en allaut. Avant que cette armee fut de retour, une seconde armee un peu moins forte partit de la m&me fourmiliere amazone dans une direction opposee, et alla piller une autre fourmiliere fusca. Les 9 de la premiere armee qui arrivait ne se joignirent pas & la queue de la seconde arınde qui partait, et rentrerent dans le nid pour n’en plus ressortir de la journee. Le 8 aoüt, l’armee d’une fourmiliere amazone-rufibarbis, apres avoir &te piller une petite fourmiliöre rufibarbis & une faible distance, partit de nouveau de son nid‘ dans une autre direction. Elle marchait & la debandade, de sorte que des 9 quittaient encore le nid alors que la tete etait dejä ä 30 pas de chez elle. A ce moment je remarquai ä quelgues deeimetres en avant des premieres amazones de l’armee un certain nombre de F. rufibarbis perchees sur des brins d’herbe et tenant des larves dans leurs mandibules. Je m’approchai, et je decouvris le döme du nid des rufibarbis; mais il etait couvert de F. sangwinea qui s’etaient empardes du nid, en avaient chasse les habitants, et empor- taient chez elles les larves et les nymphes, dans une direction opposee ä celle d’oü venait l’armee amazone. Öelle-ei fut bientöt arrivee, culbuta les sunguwinea sans le moindre effort, mais ne trouva plus rien dans le nid qui etait, parait-il, deja entierement devalıse. Les amazones se mirent alors & poursuivre les sangwinea qui fuyaient de tout cöte & leur approche. Mais ces dernieres etaient tres disseminees et se cachaient dans l’herbe; aussi l’armee amazone n’alla-t-elle guere qu’ä deux ou trois mötres au-delä du nid des rufi- barbis, et revint-elle chez elle, decouragee de ne rien trouver. Je suivis alors la file des sanguinea qui me conduisit, dans une direction opposee ä celle du nid des amazones, jusqu’a 80 pas du nid des rufibarbis. Lä se trouvait seulement le nid des sangwinea qui y rentraient & chaque instant avec des larves et des cocons pilles. Les amazones auraient eu de la peine ä aller jusque-lä pour arracher le butin & ces premiers voleurs arrives avant elles. Mon frere a ete temoin avec moi de cette singuliere expedition, la seule oü j’aie vu les deux sortes de fourmis esclavagistes se rencontrer d’une facon fortuite, et dans une fourmiliere de l’espece esclave. —_— 324 — Formica sanguwinea : Fourmiliöre en appareil. Oeufs feconds pondus par des ©. 1. Le 18 avril 1868 j’allai chercher pres de Morges une fourmiliere de F. sanguinea et je la fis entrer dans mon grand appareil (C) oü j’avais mis de la terre. Elle me pre- senta une foule de faits eurieux que je tächerai d’enumerer le plus brievement possible. J’avais fait entrer dans l’appareil une fourmiliere de Solenopsis fugax qui vecut quel- que temps dans les parois des cases, mais les sanguinea amineirent enormement ces parois, et les Solenopsis finirent par disparaitre (Bull. de la soc. d’entom. Vol. III, n® 3 p- 115). Je ne pus remarquer de @ feconde parmi mes sangwinea, et cependant le 2 mai il y avait une quantite d’eufs dans l’appareil. Mes prisonnieres mangeaient beaucoup de miel, s’emparaient des insectes que je mettais dans leur mangeoire, et les emportaient dans l’appareil ou elles les dechiraient; puis elles l&chaient les sucs de leur corps qu'elles rejetaient ensuite dans la mangeoire. Le 2] mai beaucoup de petites larves etaient Ecloses. Je donnai ensuite & mes sanguinea des larves et des cocons de F. fusca, L. niger, L. flavus ete., de sorte que je ne pus plus faire des lors d’observations tres positives sur leurs propres larves. ‚Bien plus, le soir du m&me jour je mis dans un sac des sangwinea ‚prises dans deux fourmilieres du Zurichberg avec leurs larves (car j’avais fait le 20 avril le voyage de Vaux ä Zurich), et je placai ce sae en communication avec l’appareil. Il y eut d’abord de violents tiraillements, mais sans emploi du venin. Puis bientöt le contenu du sae fut demenage dans l’appareil, et le lendemain il y avait alliance presque complete. Les esclaves des trois fourmilieres etaient des fusca qui s’allierent aussi entre elles et aux sanguinead. Le 23 mai j’ötai le sac qui etait presque vide; l’alliance &tait consommee, et ma fourmiliere avait double. Des lors les petites larves de mes premieres sanguinea qui etaient en retard sur celles des nouvelles se mirent ä grossir rapidement et je ne pus bientöt plus du tout distinguer les unes des autres. Le 3 juin beaucoup s’etaient mises en cocon. On voyait aussi beaucoup de eoeons 3 de sanguinea et de fusca, ainsi que de pratensis; j'avais donne ces derniers la veille & mes sanguinea. Il y avait de plus une nymphe nue 9 de l’une ou l’autre de ces especes. La mangeoire etait remplie d’ou- vrieres qui cherchaient en vain ä sortir, et passaient leurs antennes par les trous du treillis. Le 6 juin, je mis encore dans la mangeoire beaucoup de cocons 9 @ et J' fusca, cinerea, rufibarbis, rufa, niger et cespitum. Tous furent pris avec une egale avidite par les sangwinea. Le 10 juin je vis quelles avaient mange et. mangeaient encore plusieurs de ces nymphes, apres les avoir sorties de leurs cocons. Le 13 juin une ou deux 9 rufa etaient Ecloses. Le 14 juin je leur donnai un certain nombre de larves allongees, anne- _ 35 — l&es, et & six pattes &eailleuses, prises dans une fourmiliere rufa, et dont je parlerai dans les Myrme&eophiles (XXXV). Elles les prirent aussitöt et les soignerent comme les leurs. Ces larves se montrörent tres vives, se glissant ou courant dans tous les coins; les fourmis furent fort douces avec elles et les mirent avec leurs propres larves, dans les mömes cases. Une 9 sanguinea degorgea sous mes yeux de la miell&e ä une de ces larves ä six pattes. Une seeonde ponte d’eufs avait &te faite par mes sangwinea (9 ?) dans l’appareil et, vers le 15 juin, autant que je pus les reconnaitre, ces larves etaient devenues grosses et com- mengaient ä filer leurs eocons. Elles etaient evidemment g ou 9, vu leur taille. Le 19 juin, beaucoup de 9 rufa, tirees de leurs cocons, &taient e&eloses et ceouraient en bonne intelligence avec les sangwinea. Quelques g et @ sangwinea (probablement sortis des cocons de celles du Zurichberg) etaient &clos; les 9 avaient ouvert leurs cocons et aide les nymphes ä se debarrasser de leur peau aussitöt apres. Il n’y avait pas de nymphes nues @ ou J, mais beaucoup de nymphes nues 9. Par contre les cocons de L. niger et L. flavus @, 5 et d, ainsi que ceux de F. rufa, fusca et cinerea @ et J' etaient de- chire et la nymphe toujours impitoyablement tuce. Une @ fusca qu’on avait laisse eelore apres avoir dechire sa coque fut tude sous mes yeux par des 9 sangwinea. Ces fourmis etaient done assez intelligentes pour laisser eelore des 9 d’autres especes, tandis qu’elles tuaient les @ et les g (comparer avee VI. 4). Comment font-elles la difference ? Savent- elles pourquoi elles la font? Le 25 juin je vis deux nymphes nues de 5 sanguinea,; les JS et les @ sanguinea ainsi que les 9 rufa avaient augmente en nombre. Les larves ä six pattes se portaient toujours bien, mais je n’en vis pas de transformees en nymphes. Le 28 juin je donnai des larves et des cocons @, get 5 de L. fuliginosus & mes san- gwinea. Le 29 juin les deux nymphes nues g sanguwinea etaient devenues foncees; les 9 n’avaient pas ouvert les cocons, sinon pour faire Eclore la nymphe (ou la tuer) aussitöt apres. Le 2 juillet les g sanguinea etaient Eelos en masse. Je erus aussi remarquer des 9 cinerea. Le nombre des cocons avait sensiblement diminue. Le 9 juillet des centaines de J' encombraient T’appareil. Il etait urgent de leur fournir une issue pour les laisser s’envoler. A cet effet je fis une ile en toile metallique au milieu d’un bassin d’eau, et je la mis en communication avec l’appareil par un long tube de eaoutchoue qui passait sous leau et s’ouvrait au milieu de Tiile. Les 9 sangwinea arriverent bientöt en foule sur leur nouveau domaine, montrant un calme, une tranquillit@ qu’elles n’avaient point lorsque je les etablis le 18 avril; elles se laissaient observer sans paraitre effrayees, quoiqu’il fit beaucoup plus chaud quwalors. J’avais mis du miel sur lile; elles n’y tou- cherent presque pas pendant la journee. Aucun Z ni aucune © ne sortirent. A la tom- bee de la nuit, la scene changea. Les 9 arriverent en quantite, mais cette fois elles se mirent en foule ä manger du miel; des fusca 9 arriverent aussi pour en faire autant. Par contre, le soir comme le jour, elles mepriserent les mouches que je leur donnai. Il etait curieux de voir combien la nuit, car ü 11 heures du soir cela ne faisait qu’augmenter, l’activite de ces fourmis etait plus grande, et surtout plus utile que le jour, pendant lequel elles avaient l’air de courir sans but. — 326 — J’ai refait dös lors souvent cette observation, soit sur des fourmilieres elevees en ap- pareil, soit aussi dehors, sur des fourmilieres libres. Leur allure de nuit etait toujours tres partieuliere, lente et reguliere, tandis que de jour elle etait brusque et saccadee. Je crois que cette difference tient ä ce que les yeux sont assez developpes dans le genre Formica. Le lendemain matin, la scöne avait de nouveau change. Cette fois je trouvai une quan- tit&E de J et quelques Q, tous de sanguinea, qui couraient sur l’ile; plusieurs etaient tombes dans l’eau. L’animation augmenta de plus en plus, et les @ prirent d’abord leur vol apres avoir battu un moment des ailes. Je coupai les ailes ä quelques Q et J, puis je les remis sur l’ile. Je ne vis aucun accouplement. Des lors les 5 et les @ sortirent tous les matins des le point du jour; les plus avanc&s prenaient leur essor, les autres rentraient tous avant midi dans l’appareil. Quelques sanguinea 9 etrangeres que je mis sur Vile furent en partie tudes, mais il me sembla qu'un certain nombre d’entre elles obtinrent gräce, apres avoir et quelque peu tirailldes. Le 14 juillet je remarquai que beaucoup de nouveaux Jg tr&s petits &taient &clos dans l’appareil, mais ils ne sortaient pas encore. Les rufa 9 vinrent aussi sur lile. Le 15 jwllet j’ötai l’ile, les J n’y venant presque plus, et les @ &tant parties, sauf celles auxquelles j’avais coupe les ailes. Quel- ques cocons que je decouvris dans le tube en l’enlevant se trouvaient &tre de sanguinea JS, cinerea 3 et rufa 3, du moins tres probablement. Je n’apergus plus dans l’appareil de larves ä six pattes; je ne sais ce qu’elles &taient devenues, et je n’en revis plus des lors. Ayant ouvert un des volets et expos& ainsi une moitie du nid de mes fourmis aux rayons direets du soleil sous le verre, je les vis toutes passer avec les cocons de l’autre cöte de la feuille de fer blane, sauf les F. rufa et pratensis qui resterent tranquillement sous le verre. Je vis ä plusieurs reprises des sangwinea arıiver preeipitamment et chercher ä en- trainer des pratensis ou des rufa de l’autre eöte, mais celles-ci resisterent. Chaque fois que j’effrayais mes fourmis ä travers le verre, je voyais les sunguinea et les fusca courir dans tous les sens, tandis que les rufa et les pratensis restaient immobiles, mais en ou- vrant les mandibules et en recourbant l’abdomen. Le 23 juillet, les nouveaux 9 &taient en foule dans la mangeoire, cherchant ä sor- tir. Je remis l’ile, et ils prirent leur essor. J’en recueillis un certain nombre, choisissant les plus differents: tous &taient des F. sangwinea 9. Vu leur &elosion tardive et leur petitesse, j’&tais persuad& qu’ils &taient le resultat des eufs pondus dans l’appareil (par des 3 sangwinea?), mais la preuve positive manquait. Des $ cinerea etaient Eeloses, mais les 3 et les J de tout ce qui n’etait pas sanguinea &taient tues. Les ZJ auxquels j'avais coupe les ailes avaient peri le 31 juillet. Les @ par contre etaient tres vives et avaient pris les allures des 3 sanguinea. Elles venaient dans la mangeoire l&cher du miel. Je leur voyais aider les 3 & porter des cocons d’un cöte de l’appareil dans l’autre lorsque le soleil &tait trop ardent. Je mis une fois une gu£pe (vespa vulgaris) en parfaite sante dans la mangeoire. Quatre 9 sanguinea la saisirent ä la fois par les pattes; puis une Q se jeta sur sa tete et linonda de venin en l’etreignant de toutes ses forces. Deux minutes yi — 327 — apres, la guöpe tomba sans mouvement, les pattes contracetees ; elle etait bien morte, car elle ne bougea plus. La Q lächa prise alors, boitant un peu; mais elle se remit au bout d’un instant. Quelques 9 se chargerent de depecer la guepe. Le 8 aoüt je revins & Vaux avec mon appareil. Le 9 aoüt j’y remarquai des tiraillements ; quelques sanguinea pre- naient des cinerea par les pattes, et quelques cinerea prenaient des rufa,; cela durait assez longtemps, mais je ne voyais jamais d’efforts faits pour eouper le membre saisi. Le 12 aoüt je donnai des cocons 9 exsecta & mes sanguinea. Le 16 aoüt quelques 9 ewsecta etaient dejä Ecloses. Les tiraillements continuaient, mais toujours faiblement et sans suite fächeuse, entre especes differentes seulement. Je mis encore dans la mangeoire des cocons 8 pressilabris, rufibarbis et P. rufescens; puis quelques eocons g' rufescens. Le 19 aoüt les tiraillements ne continuaient plus guere qu’entre F\. sanguinea et ceinerea. A ce mo- ment il y avait dans l’appareil des F\ sanguinea, rufa, pratensis, exsecta, pressilabris, Fusca, einerea et rufibarbis 9, plus une 5 de P. rufescens, le tout vivant en bonne in- telligenee; il y avait aussi encore les @ sanguwinea sans ailes; leur allure vive et leur petit abdomen temoignaient de leur virginite. Quelques jours apres j'y vis un P. rufes- cens hermaphrodite, & demi 9 et ä& demi g; je le reconnus ä& travers le verre et je reussis ä le prendre; il est deerit ailleurs (Fig. 36). Mais bientöt des g rufescens furent aussi tires de leurs cocons; les 9 des autres especes les soignerent sans leur faire de mal. Il m’est impossible de dire au juste quelles 9 les firent eclore, mais je erois que ce furent des F. exsecia ou fusca, car ces deux especes etaient les plus actives dans ce genre d’ouvrage. Les sanguwinen 9 etaient toujours en majorite dans l’appareil. Le 3 sep- tembre, le nombre des 9 et S rufescens avait beaucoup augmente. Je voyais les 9 des differentes especes se degorger mutuellement de la miellee. Les 9 exsecta et pressilabris se distinguaient par leur activite et les soins qu’elles donnaient aux cocons. Je 23 sep- tembre les tiraillements &taient rares et faibles. Je portai mon appareil dehors, devant une fourmiliere rufibarbis. Un semblant d’attaque eut lieu, mais le froid la fit avorter. Deux @ sangwinea s’en melerent et vinrent assieger une ouverture du nid des rufibarbis; l’une d’elles fut entrainee dans le nid; l’autre tua deux 9 rufibarbis apres les avoir en- trainees hors de leur nid. Ces © &taient evidemment vierges; leur courage et la petitesse de leur abdomen le montrait. Le 25 septembre je portai mon appareil de nouveau sur le gazon, cette fois pour donner la liberte aux fourmis. Comme elles ne voulurent pas en sortir pendant deux jours, je le demontai completement en detruisant leurs cases et leurs galeries. Elles se deeidörent alors & s’etablir ailleurs, sous les feuilles radicales d’une Sal- via, endroit oü se trouvait un trou de grillon, ä un metre et demi des pieces disloquees de l’appareil. Le dem&nagement fut eurieux ä observer. Toutes ces especes differentes se portaient les unes les autres, sauf les amazones, qui se laissaient faire, mais ne faisaient rien. L’intimite etait complete ; les tiraillements avaient entierement cesse des la sortie de l’appareil. Un episode merite mention : une petite 9 sangwinea voulait porter une 9 rufescens dans le nouveau local. Celle-eci ne voulut pas s’enrouler. Alors la sanguinea la gg prit par une jambe et se mit ä l’entrainer malgre sa resistance. Les 59 rufescens ne sa- chant pas s’acerocher avec leurs tarses aussi bien que les autres fourmis, la sanguinea avancait, quoigue lentement. Elles parcoururent ainsi plusieurs decimetres, l’amazone re- sistant toujours, mais ne mordant pas. La sanguwinea lächa alors prise pour reconnaitre son chemin en cherchant ä droite et & gauche. Pendant ce temps l’amazone courait de tout cöte, ne sachant oü aller, quand vint ä passer une 5 rufa qui voulut & son tour la prendre pour la porter au nouveau nid. Mais l’amazone lui resista- aussi, et, comme les F. rufa (et leurs races) sont assez maladroites, celle-ei ne parvint pas & entrainer la retive. La sangwinea arriva sur ces entrefaites, et frappa un instant la rufa de ses an- tennes, sur quoi celle-ci lächa prise et s’en alla. La premiere porteuse reprit alors la jambe de l’amazone qui resistait toujours, et l’entraina non sans peine jusque dans le trou de grillon; elle avait employe plus d’une demi heure pour parcourir un mötre et demi de cette maniere. Un peu plus tard des rufa et des pratensis essayerent un contre- demenagement et se mirent ä rapporter des sangwinea vers l’appareil: mais ce mouve- ment eut le dessous, car aucune des autres especes ne voulut y prendre une part active. Les g rufescens furent aussi portes dans le nouveau nid. Les exsecta firent ensuite le metier de sentinelles et resterent seules des lors ä defendre l’entree du nid. J’enlevai les fragments de l’appareil entierement &vacues. 2. Le 9 avril 1869 je retrouvai mes fourmis ä& l’endroit oü je les avais laissees en automne, sous les feuilles de la möme Salvia. Mais je fus fort surpris de trouver un paquet d’eufs au milieu d’elles, car il n’y avait pas de © fecondes. Ce fait meritait d’etre etudie. Le 15 avril je pris tout le nid avec une pelle, et je le mis dans un sac; puis jetablis une arene de gypse en communication avec un appareil de ferb-lane (systeme D), et je sortis une ad une toutes les fourmis du sac en les examinant soigneusement avant de les mettre dans larene. Toutes ces fourmis etaient des 9; il n’y avait plus une © parmi elles, pas meme une © vierge. Il n’y avait plus de rufa, ni de pratensis, ni de rufibarbis, ni de g rufescens. Il y avait surtout des 9 sanguinea, puis des cinerea 9, des fusca 9, des exsecta 9, et enfin deux D rufescens. A cöte de cela un assez grand nombre d’eufs en petits paquets. Quelques Solenopsis fugax 3 se trouvaient entre les mottes de terre, ainsi qu’une @ feconde de cette espece. Mes fourmis s’etablirent le m&me jour dans l’ap- pareil avee leurs @ufs. Chose eurieuse, ä peine y furent-elles que les tiraillements de l’annee precedente recommeneerent; mais bientöt je vis des sangwinea se tirailler aussi entre elles; evidemment ce n’etait pas grave. Une sanguinea mordillait le thorax d’une autre ; celle-ci l’ayant entrainee, la premiere replia pattes et antennes et resta ainsi sur le dos de la seconde. Le 7 mai de petites larves &taient sorties des eufs. Je vis le meme jour une operation que je soupgonnais avoir deja dü se passer auparavant, car le nombre des @ufs avait diminue : Une sangwinea prit un uf, disposa un de ses bouts du ceöte de sa bouche, et l’y fit disparaitre en moins d’une minute (on sait que ces aufs sont tres mous, et leur contenu liquide). Le 13 mai les larves ayaient grossi; les eufs me —_ 829) — semblaient plus nombreux. Le 22 mai plusieurs larves avaient depasse la taille des plus grosses larves $. D’autres plus petites etaient en paquets. 2 n’y avait presque plus d’eufs. Le 29 mai plusieurs larves avaient disparu, probablement mangees. Le 31 mai deux lar- ves s’etaient mises en cocon. Peu de jours apres je vis des larves entourees de grains de terre et ecommencant ä& filer leur cocon. Je crus d’abord que ces grains de terre s’etaient pris par hasard dans leurs fils, mais je m’apergus bientöt que e’etaient les 9 sanguinea qui deposaient cette terre autour des larves. Ces faits devinrent de plus en plus frequents : au bout de quelques jours je vis jusqu’ä quatre ou cing larves plac&es les unes sur les autres, et dont chacune &tait entiörement entouree de terre. Parmi ces larves, quelques- unes etaient encore petites et maigres. Une fois enfermees par les 9 dans ce cocon arti- ficiel, la plupart se metiaient ä filer en dessous un veritable eocon ; les sangwinea les deterraient alors et nettoyaient le cocon. J’en vis cependant qui ne se filerent pas de coque et furent deterrees malgre cela. Aucun des cocons de mes fourmis n’etait assez petit pour ötre de 9. Leur forme etroite et la teinte noirätre qu'ils prirent plus tard montrerent qu’ils etaient de g. Il y avait encore beaucoup de petites larves ä la fin de mai, mais il n’y avait plus d’eufs. Il etait certain que les eufs d’oüu etaient provenues ces derniöres petites larves avaient &t& pondus dans l’appareil oü ils ne pouvaient l’avoir ete que par une ou plusieurs 9. Or j’avais remarque des le commencement deux ou trois DO sanguinea qui avaient l’abdomen tres gros, et chez lesquelles on voyait la membrane intermediaire entre les segments; elles me parurent &tre toujours les m&mes. Le 10 jwin, un nowveau paquet d’eufs fraöchement pondus se trowvait dans lappareil. Done tous les doutes qui eussent pu me rester etaient leves; les 9 etaient bien les pondeuses. Reste ä& savoir si elles avaient &t& fecondees par les 5° qui etaient dans l’appareil l’annde preee- dente, ou si nous avons affaire ä un cas de parthenogenese. Je ne me charge pas de decider. Malheureusement je ne pus voir €clore ces derniers aufs, car ma fourmiliere oü le nombre des 9 avait peu ä& peu beaucoup diminue alla des lors en periclitant. Je vis des 9 ouvrir de leurs propres eocons, et en manger la nymphe sous mes yeux. (De Geer avait deja vu des fourmis manger leurs propres larves). Elles mangerent aussi leurs der- niers aufs avant qu'ils fussent &elos. Cependant les petites larves etaient devenues grosses; mais peu d’entre elles arriverent ä se mettre en cocon. Le 19 juin j’observai une larve de moyenne taille qui paraissait muer; elle n’eut pas la force d’öter sa peau jusqu’au bout. C'est evidemment ä& cette eirconstance que je dus m’en apercevoir, car c'est la seule fois que j’aie eru &tre tömoin de la mue d’une larve de fourmi. Ce fait demande done ä £&tre confirme, ce ä quoi je n’ai pas reussi jusqu’ici. Le 5 juillet un nouveau paquet d’aufs etait dans l’appareil; ıl ne tarda pas ä disparaitre comme le precedent. Le 27 juillet, presque tout &tait mort; il ne restait que quelques cocons dans un piteux etat. Je vis alors un Z frais eelos qui me parut &tre de sangwinea, mais qui perit dans l’appareil sans que j'’eusse pu le prendre. Les 9 laisserent perir tous les autres cocons, et le 5 aoüt je lächai dans le gazon celles qui restaient. Je ne suis pas le premier qui ait vu pondre des 42 — 30 — fourmis 9. Denny (Ann. a. mag. of nat. hist. Il ser. 1. 240) et Lespes (Annales des sc. nat. IV serie. Tome XIX. Zoologie. 1863) ont obtenu des ceufs d’ouvrieres. Mais Lespes assure que ces @ufs sont toujours infeconds, qu'ils se fanent et n’&closent pas. Je viens de montrer que ce n’est au moins pas toujours le cas. Lespes avait-il pris les precautions necessaires ? XI Tapinoma erraticum Nous avons dit quelques mots des allures singulieres du genre Tapinoma (tableau des especes et des races). Voici quelques observations se rapportant au 7. erraticum, fourmi dont ne parlent ni Huber, ni Ebrard. 1. Cette fourmi extremement agile se rencontre le plus souvent par individus isoles qui courent en relevant un peu l’abdomen et en etendant au vent leurs deux longues antennes filiformes qu’ils agitent dans tous les sens avec un air d’inquietude. Si l’on suit une de ces fourmis dans le gazon, on la voit monter et descendre les brins d’herbe les uns apres les autres; elle s’arrete souvent, et quelquefois on voit ses deux antennes se eoncentrer subitement sur un point; c’est une goutte qu’elle a trouvee et quelle leche. Plus loin elle decouvre un cadavre de grosse fourmi ou d’inseete, le saisit aussitöt et l’emporte dans son nid. Des qu’un danger la menace, elle tourne son abdomen du cöte de l’ennemi en restant un instant immobile, puis s’enfuit. Si on la prend entre les doigts, elle repand une odeur tres forte et caracteristique, mais passagere, qui parait &tre celle d’un &ther compose. J’en ai souvent trouve beaucoup dans les cadavres d’oiseaux ou de chats dejä en putrefaetion auxquels elles ne craignaient pas de goüter. Lorsqu’un combat a lieu entre de grosses fourmis, on peut presque &tre certain de voir arriver des Tapi- noma qui se promenent au dessus de la scene en passant d’un brin d’herbe ä l’autre, et si l’on fixe son attention sur l’un d’eux, on le voit souvent chercher ä droite et & gauche jusqu’ä ce qu’il ait trouve une fourmi morte ou mourante; il la saisit alors par une patte, la hisse sur un brin d’herbe, et l’entraine de feuille en feuille jusqu’ä ce qu'il soit loin du champ de bataille; il reprend alors la voie terrestre et la porte dans son nid. On peut &tre temoin de ce fait dans la plupart des combats entre grosses fourmis, du moins en Suisse, dans la plaine. 2. Les 7. erraticum changent tres souvent de demeure. Je ne puis en donner la raison. Il n'’y a aucune fourmi qui sache demenager avec une rapidite pareille. Ils ne vont quelquefois qu’& deux ou trois decimetres de distance de leur premier nid, mais d’autres fois & plusieurs metres. Lorsqu’on les voit, on dirait une armee de P. rufescens revenant du pillage chargee de nymphes. Il est tres rare en effet que les 9 se portent les unes les autres; elles vont toutes en courant, serrees les unes & cöte des autres. Il y en a deux ä quatre de front, et presque toutes portent des nymphes nues, car dans — 33 — ce genre la larve ne se file jamais de cocon. Si l’on revient deux heures plus tard, on ne trouve ordinairement plus rien; le dem&nagement est termine. A peine une ou deux 5 eourent-elles encore entre les deux nids. Les @ et les g’ savent suivre les $ ä la file dans ces migrations. 3. Je n’avais jamais vu combattre de 7. erraticum, et je voulus voir comment ils s’y prenaient. En ayant trouve une assez grande fourmiliere dans le gazon, en septembre 1867, je mis sur le nid meme une grande quantite de Tetramorium cespitum (fourmi & aiguillon, mais de m&me taille) pris au centre d’un nid populeux. A mon grand &tonne- ment je vis les deux especes se möler sans avoir l’air de lutter, mais les Tetramorium tres agites se roulaient par terre ä tout moment, tandis que les Tapinoma s’arrötaient et faisaient manoeuvrer leur abdomen en tout sens; en m&me temps une odeur de Tupinoma de plus en plus forte se faisait sentir. Vivement intrigue, je me mis ä& suivre attentive- ment un Tetramorium ,; voieci ce que je vis en employant une loupe pour mieux distinguer les mouvements de ces petits &tres : le Tetramorium marchait avee les mandibules ou- vertes; je le vis bientöt s’approcher avee un air menagant d’un Tapinoma; aussitöt l’ab- domen de ce dernier fut dirige eontre la tete du 7. cwspitum, et je remarquai un liquide bulleux, semblable ä de l’eau de savon, qui sortait de l’extremite de l’abdomen du 7. erraticum, sans &tre &jacule. Le Tetramorium rebroussa chemin brusquement. Des lors tout me fut explique, et je remarquai aussitöt une foule de scenes partieulieres qui m’a- vaient &chappe jusque lä. Je vis un Tetramorium se jeter tout-ä-coup sur un Tupinoma, mais il recut au meme instant le liquide (venin) dont nous venons de parler sur la tete. Aussitöt il frotta vivement sa tete contre le sol, se salit de boue, fit quelques pas en arriere, puis roula par terre en se tordant d’un air gravement malade. Un autre resta comme mort apres avoir recu une decharge de venin sur le thorax. Je vis bientöt beau- coup de Tetramorium dans cet &tat. En suivant un Tiupinoma, je le vis asperger plus de dix ennemis de suite sans que sa provision de venin parüt s’epuiser ; mais il fallait cha- que fois que le bout de son abdomen touchät le corps du Tetramorium, sinon ce dernier fuyait sans avoir de mal. Ce quil y a de remarquable dans ces faits, e’est d’abord le grand avantage que l’extreme mobilite de leur abdomen sur le pedieule donne aux Tapi- noma, et en second lieu la propriete qu'ont ces fourmis de faire sortir leur venin sans se eramponner au corps de leurs ennemis, et dans quelque direction que soit leur abdo- men. La plupart des autres fourmis sans aiguillon doivent ordinairement recourber leur abdomen entre leurs pattes et faire un violent effort pour en exprimer le venin. Cette difförence s’explique par la conformation de l’anus (ouverture du cloaque) et de la vessie ä venin qui est toute autre chez les Tupinoma, les Bothriomyrmex et les Hypoclinea que chez le reste des Formicide. Or les Bothriomyrmex et les Hypoclinea font sortir leur venin comme les Tuapinoma. De plus l’aetion de ce venin de Tupinoma et son odeur sont tres partieulieres. On comprend done pourquoi les Tetramorium ne pouvaient faire usage de leur aiguillon ni de leurs fortes mandibules. Cependant les Tupinoma, probablement — 332 — effray6s par le fait que leurs ennemis &taient plus nombreux qu’eux, et que leur provision de venin commencait & diminuer, songeaient & s’enfuir quoique pas un d’eux n’eüt ete tue. Tout-ä-coup je vis trois ouvertures se former presque en meme temps dans la terre qui couyrait le nid, et trois colonnes de Taupinoma, sortir de lä, se dirigeant chacune en rangs serres dans une direetion differente. Quelques @ fecondes et plusieurs S' marchaient au milieu des 9 qui portaient les larves et les nymphes. Les Tetramorium qui avaient beaucoup souffert ne chercherent pas ä les inquieter. Les trois colonnes allerent chacune s’etablir dans une touffe d’herbe, ä& un decimetre environ du nid. Il suffit d’un quart d’heure pour que toute la fourmiliere eüt @vacu@ son domicile. Je me convainquis par plusieurs essais que le degagement de l’odeur d’un Tapinoma 3 ou @ se fait toujours simultanement avee la sortie du venin en petites bulles blanches au bout de l’abdomen. 4. J’eus des lors souvent l’occasion de voir des F\. sangwinea dans leurs excursions par petites troupes tomber sur des 7. erraticum qui demenageaient, et je fus t@moin des scönes les plus comiques. Une 9 sangwinea s’approchait et s’elancait sur les erraticum pour en saisir un; aussitöt eing ou six abdomens venaient caresser sa tete, et la grosse fourmi se retirait en faisant les contorsions les plus singulieres. Üependant les sanguwinea resistaient mieux que les 7. cespitum, vu leur grande taille; elles revenaient souvent & la charge, et &cerasaient parfois un Tapinoma entre leurs pinces. 5. Meinert pensant que l’odeur du Z. fuliginosus vient des glandes metathoraciques, je fis une petite experience pour m’assurer de ce qui en est chez les T. erraticum et nigerrimum (Nyl.). J’avais remarque que ces fourmis conservees ä l’aleool, meme pendant plusieurs annees, tout en n’etant pas du tout odorantes lorsqu’on les laissait intactes, le redevenaient tout-A-coup pour quelques minutes si l’on &crasait leur abdomen entre les doigts. Je pris un certain nombre de ces 9 vivantes et leur coupai l’abdomen. Je mis les abdomens dans l’aleool, et je gardai vivantes pendant plusieurs heures les fourmis ainsi mutilees. Au bout de ce temps je les chicanai en vain; elles ne repandirent plus d’odeur; je les &erasai et il en fut de möme. Les abdomens, par contre, sortis de l’aleool, degagerent une forte odeur de Tupinoma des que je les Eerasai. Comme il n’y a guere dans l’abdomen des fourmis d’autres glandes speeifigues que les glandes & venin (A part les glandes digestives, sexuelles et urinaires), il me semble bien positif que cette odeur est propre au venin, surtout si l’on y ajoute les observations faites sur l’insecte vivant dans le combat cite plus haut. 6. Le 19 mars 1868 je resolus d’etablir une fourmiliere (A) de 7. erraticum dans un petit appareil de fer-blane (systeme D). Je n’avais pas encore invente les arenes de gypse et je mis mes Tupinoma sur une ile, dans un bassin, avec un petit tube de caout- chouc pour leur permettre d’aller dans l’appareil. Ils avaient dejä commence & y aller; beaucoup se trouvaient dans le tube, lorsque le mouvement s’arreta. Il n’y avait presque pas de fourmis dans l’appareil. J’attendis plus d’une heure; puis je concus des soupcons, et j’enlevai le tube qui se trouva ötre plein d’eau et bourre de Tapinoma noyes ne don- nant plus signe de vie; parmi eux etait leur seule @ feconde. C'est alors que j’eus l’idee de faire une aröne de gypse dans laquelle je mis aussi les fourmis noyees. Je fus agre- ablement surpris de voir alors les 9 s’approcher de ces dernieres et les lecher. Peu ä peu les noyees revinrent presque toutes ä la vie, y compris la @, et se remirent presque aussitöt au travail. Toutes ces fourmis se r&unirent en deux ou trois monceaux, les 9 s’etant blotties les unes sur les autres. Mais la migration dans l’appareil recommenca bientöt activement et me montra des faits nouveaux, propres aux Tupinoma. Une recru- teuse sortait-elle de l’appareil, on la voyait s’avancer legerement vers l’un des monceaux de 5 en se brossant les antennes. Puis tout-ä-coup elle s’elancait au milieu de ce tas de fourmis immobiles en les bousculant ä droite et & gauche; on eüt dit qu’elle cherchait ä les reveiller. Apres avoir traverse le monceau, elle recommencait ce manege en sens inverse; j’en vis qui le repeterent quatre ou cing fois de suite. Apres cela, la meme 9 retournait vers l’entree de l’appareil, mais lentement, et en touchant ä chaque pas le sol du bout de son abdomen (je ne puis dire si elle y deposait un peu de son venin odorant). Une seule recruteuse parvenait rarement ä mettre ainsi une petite partie du monceau & sa suite; mais quand deux ou trois 9 travaillaient ä& la fois, elles r&ussis- saient souvent ä mettre tout le tas en mouvement. Elles rentraient alors dans l’appareil suivies d'un certain nombre de fourmis, tandiıs que les autres s’eparpillaient puis finis- saient par reformer un monceau. Mais outre ce moyen aussi expeditif que singulier de montrer le chemin ä leurs compagnes, les receruteuses en avaient un autre. Elles saisis- saient les plus endormies par le cou, par le thorax ou par une patte et les entrainaient. Les fourmis ainsi traitees se defendaient d’abord vivement, eramponnaient leurs pattes au sol, et menacaient les reeruteuses de leurs mandibules; mais elles cedaient le plus souvent au bout d’un instant, repliaient leurs pattes et leurs antennes tout en conservant le corps &tendu, et se laissaient porter ainsi dans l’appareil. D’autres fois les recruteuses impatientees de leur resistance les abandonnaient. Je vis une 9 saisie de cette maniere par une patte s’acerocher avec ses mandibules ä la patte d’une troisieme 9 qui se mit ä la menacer. La reeruteuse ayant bientöt läche prise, les deux autres se querellerent encore un instant avant de se quitter. Le demenagement se termina ainsi en peu de temps. Quelques paquets d’eufs qui se trouvaient avec les 9 furent aussi portes dans l’appareil. Les Tapinoma eurent bientöt fait dans la terre de l’appareil deux ou trois grandes salles auxquelles le verre servit de paroi des deux cötes. Le lendemain je decouvris une belle fourmiliere (B) de Tupinoma erraticum, avec plusieurs ©; les 9 y etaient beaucoup plus nombreuses et en general plus grandes que chez la premiere. Je la pris en entier et la mis dans l’ar&ne de gypse. Ces nouvelles venues ayant envahi l’entree de l’appareil, il s’engagea un combat tres vif entre les deux fourmilieres. Les ouvrieres A, se sentant plus faibles et ne sachant oü s’enfuir, se reti- rerent dans leurs cases oü elles s’emprisonnerent elles-mömes en faisant des murs de terre du cöte de l’ennemi, entre les deux grandes faces vitrees de l’appareil. Les B s’e- — 334. — tablirent paisiblement dans la partie anterieure de l’appareil, apres que celles d’entre elles qui eurent decouvert les premieres cet emplacement y eurent conduit les autres de la m&me maniere que cela avait eu lieu pour les A. Mais comme elles voulaient aussi se faire des cases, elles se mirent & demolir ä cet effet les murs de celles des A. Je les vis faire ainsi plusieurs fois des breches dans la prison de ces dernieres; un combat de courte duree eut lieu chaque fois; une ou deux A furent entrainees, puis tudes par les B, tandis que les autres se hätaient de refaire un mur plus en arriere en prenant pour cela de la terre vers le fond de l’appareil. Cette singuliere position des fourmis A dura, chose presque ineroyable, jusqu’au 7 mai, d’est-A-dire pendant un mois et demi. Enfermees completement pendant tout ce temps dans un espace qui devenait de plus en plus petit & mesure que les travaux des B les forgaient ä reculer leur mur, elles avaient fini par &tre aceulees tout-A-fait au fond de l’appareil. Comme les fourmis B disposaient seules de l’entree du nid artificiel, et par suite de la mangeoire que j’y avais adaptee, les A n’eurent absolument rien d manger pendant tout ce temps. Je ne vis cependant mourir que le petit nombre d’entre elles qui furent faites prisonnieres par les B, lors des combats provoques par chaque breche pra- tiqu6e dans le mur. Je fus temoin de plusieurs de ces petits combats; souvent il n’y eut que des menaces de part et d’autre; les 9 se montrerent les dents de chaque eöte de la breche, puis les A refirent le mur. L’abdomen de ces dernieres devint d’une peti- tesse qui temoignait de leur disette et contrastait singulierement avec les abdomens gon- flös des B. Malgre cela les A conserverent leur @ et une partie de ses aufs; elles trou- verent m&me moyen de nourrir quelques larves, evidemment aux depens de leur propre corps. Le 6 mai je mis mon appareil au soleil. Les larves des B qui etaient sorties de l’eeuf vers le milieu d’avril avaient beaucoup grossi, et ces fourmis occupaient presque tout l’appareil. Les A acculees dans un des angles du fond n’avaient plus qu'un faible mur de terre pour se proteger. Plusieurs breches furent faites, quelques combats assez vifs eurent lieu, mais le mur fut encore repare. Le lendemain je remis l’appareil au so- leil; le matin deja la situation &tait tres tendue; je vis plusieurs breches faites par les B, j’apereus des A entraindes et tiraillees; une melde generale devenait imminente. Je dus alors m’absenter pendant quelques heures. Quand je revins, toutes les cases commu- niquaient entre elles par de larges passages, la prison des A avait disparu, toutes les fourmis etaient me&lees, et on ne voyait plus aucun combat, aucun tiraillement. Le soir je ne trouvai que quatre on cing cadavres de 39 dans la mangeoire. L’alliance etait con- sommee entre les deux fourmilieres; il n’y eut plus möme de tiraillements entre les qui ne se separerent jamais des lors (comparer avec V). J’avais donn& plusieurs fois aux B de grosses larves @ ou J' de leur espece prises dans des fourmilieres naturelles plus precoces qu’elles; elles les mangerent toutes. Je vis souvent les @ fecondes porter des @ufs ou des larves comme de simples 9. Le 19 mai la plupart des propres larves de mes Tapinoma (B-+A) avaient atteint — 899 — la taille des 5; mais il y en avait de plus petites, et je remarquai de nouveaux paquets d’oeufs fraichement pondus. Le 20 mai et les jours suivants toutes les grosses larves se changerent en nymphes 9 sans se filer de ecocon; aucune d’elles ne depassa la taille des 9. Le m&me jour, et deja un peu auparavant j’avais trouve dans toutes les fourmilieres naturelles que j'avais ouvertes beaucoup de grosses nymphes @ et g, & cöte d’un plus petit nombre de larves et de nymphes 9. Des lors les 7. erraticum de mon appareil continuerent ä &lever pendant tout l’&t€E une foule de larves 9, mais jamais une seule larve @ ni g'. Bien plus, ils mangerent, en partie sous mes yeux, toutes celles que je leur donnai, et qui provenaient de fourmilieres naturelles de la m&me espece. Comme il est extrömement probable que dans le nombre des larves il s’en trouvait de g, sinon de @, il me parait presque certain que mes Tapinoma avaient su les distinguer et les manger. La differeneiation entre @ et 9 doit avoir lieu pendant la periode de larve, celle entre @ et 9 deja dans l’euf, mais l’Epoque parait varier, et les 9 n’ont vraisem- blablement pas le pouvoir de determiner ä volonte la formation du sexe chez la larve. Du reste le fait que mes 7upinoma mangeaient les nymphes @ et g de leur espece que je leur donnais parle par analogie pour un acte semblable ex@cute sur leurs propres larves. Enfin nous retrouverons un fait analogue chez les Bothriomyrmex, genre voisin des Tu- pinoma. Le nombre des ouvrieres de mon appareil augmenta beaucoup pendant l’ete, gräce aux nouvelles ecloses. Elles mangerent toujours fort bien les inseetes que je leur donnai ä cöte du miel, sans mepriser ce dernier. Dans l’appareil, je voyais & chaque instant une 9 revenant de la mangeoire avec l’abdomen gonfle &tre assiegee par 7 ou 8 de ses compagnes qui la frappaient toutes ä la fois de leurs antennes. Elle degorgeait & chacune, l’une apres l’autre, une goutte de liquide, exactement comme le font les autres fourmis. Ce fut le 3 juin que je vis les premieres jeunes 9 &closes. Jusqu’au 17 juillet, je n’observai rien d’interessant. Les 9 garderent dans leur etroite prison toute la viva- eite qui leur est propre ä l’etat de nature; elles s’amoncelaient ordinairement les unes sur les autres, tenant leurs nymphes et leurs larves entre leurs mandibules. Le 17 juillet je voulus faire une experience en leur faisant respirer un peu de chlo- roforme; malheureusement, par maladresse, je laissai couler quelques gouttes de ce liquide dans l’appareil lui-m&me. Aussitöt les $ du devant de l’appareil, noy6es dans le chloro- forme, cesserent tout mouvement; je me hätai d’insuffler de l’air par le tube de sortie, mais malgre cela, les $ du fond finirent aussi par lächer leurs nymphes, et tomberent pour la plupart; je ne remarquai pas d’agitation chez elles au premier moment. Les plus robustes resterent debout, sans marcher, mais en se brossant les antennes d’une maniere continue. Je ne cessai pas de faire un courant d’air, et je vis bientöt les $ du fond se ranimer; au bout de vingt minutes elles reprirent les nymphes &parses. Les @ fecondes qui avaient mieux supporte la erise que les 9 s’unirent ä elles. Mais ces fourmis, quoi- que travaillant de nouveau avaient une allure tres lente. Les 9 de la partie anterieure de l’appareil &taient pour la plupart encore comme mortes, trois heures apres l’aceident; —_— 36° — les autres etaient cependant bientöt venues au milieu d’elles, le chloroforme s’etant en- tierement Evapore. Le lendemain je mis l’appareil au soleil. Je remarquai d’abord que toutes mes fourmis avaient conserve, et conserverent malgre une chaleur intense, une singuliere lenteur dans leurs mouvements. Je vis ensuite que le nombre des 9 actives avait augmente; il fallait done qu'un certain nombre d’entre elles se fussent remises apres une narcose de plusieurs heures. Je remarquai du reste en m&me temps la confir- mation de ce fait: parmi les 9 qui gisaient sans pouvoir marcher, la plus grande partie remuaient les pattes et les antennes, mais, chose curieuse, ce mouvement semblait limite aux articulations des scapes avec la tete et des hanches avec le corps et les cuisses. De plus, presque toutes ouvraient et fermaient leurs mandibules en remuant la tete. Elles mordaient tout ce qui se presentait; je leur vis saisir les pattes de leurs compagnes qui passaient et y rester accrochees. Tous ces mouvements avaient un caractere convulsif. Je vis cependant quelques-unes de ces fourmis se r&veiller tout-ä-coup sous mes yeux de leur lethargie, se relever et aller courir avec les autres. Les jours suivants, le nombre des fourmis sans mouvement et de celles qui n’avaient que des mouvements convulsifs ne diminua plus; ces dernieres moururent möme peu ä peu tout-A-fait, et furent empor- tees par leurs compagnes dans la mangeoire. Beaucoup de nymphes avaient peri et furent aussi rejetees. Les fourmis conserverent pendant longtemps une allure aussi lente que le premier jour. C'est ä peine si le 23 juillet elles &etaient un peu plus alertes. Elles ne recouvrerent jamais la vivacite quelles avaient avant leur aceident. Je les gardai cepen- dant en assez bon &tat jusqu’au 17 aoüt, epoque oü je leur donnai la liberte. Il est & remarquer qu’elles conserverent toujours, jusqu’ä la fin, un venin tres fortement odorant, malgr& leur captivite et la nourriture que je leur donnai (miel et insectes) ; la plupart de celles qui restaient &taient certainement nees dans l’appareil. J’avais garde ma four- miliere prisonniere pendant cing mois. € 7. Je erois que les observations qui preeedent donnent en gros les traits saillants des meurs de cette fourmi dont les habitudes ne sont deerites nulle part. Elle a un ca- chet tr&s partieulier qui la distingue nettement de tous les autres genres des Formieides. Je n’ai jamais vu combattre les Tapinoma autrement que je ne l’ai deerit plus haut (3 et 4), si ce n’est lorsqu’ils combattent entre eux. Ils ont l’air moins Eprouves que les autres fourmis par le venin de leur propre espece, et se battent avec beaucoup d’achar- nement entre fourmilieres differentes. Nous avons deerit ailleurs la construction des nids des Tapinoma et certaines parties de leur anatomie (p. 107, 115, 166). XI Bothriomyrmex meridionalis. Cette espöce, la seule du genre, est une d&couverte recente; je renvoie aux traits — 337 — generaux qui la concernent et qui sont indiques ailleurs (tableau des especes et des races). Il n’existe pas & ma conmnaissance la plus petite donnee sur sa maniere de vivre. Je vais rapporter le peu que j’en ai vu. 1. C'est en soulevant les pierres du versant meridional du Petit-Saleve que j’ai trouve pour la premiere fois un certain nombre de fourmilieres de Bothriomyrmex. Leur habitus me les fit d’abord prendre pour une espece nouvelle du genre Plagiolepis. Leur demarche lente, leurs pattes courtes, leur maniere de rester ä cöte les uns des autres sur le dessous de la pierre soulevee, et de ne s’enfuir qu’en se suivant ä la file me rappelait vivement l’allure analogue de la P. pygmea, mais aussi celle du Lasius flavus. Tls ne repandaient aucune odeur quand je les derangeais. Cependant leur maniere de remuer leur abdomen etait analogue ä celle des Tupinoma, je les vis aussi faire sortir lentement du bout de cet organe un venin bulleux et d'un blane mat, mais toujours inodore. Je ne trouvai pas de 9 courant hors du nid, mais je n’apereus pas non plus de pucerons dans le nid. Je ne sais done pas encore de quoi ils se nourrissent ä l’ordinaire. J’en 6tablis deux fois des fourmilieres dans des nids artificiels. La premiere qui &tait dans un appa- reil de fer blane perit par un aceident; la seconde vecut dans une arene de gypse pen- dant assez longtemps. Voici ce que jai vu de plus interessant : 2. Les antennes des 9 de cette espce sont continuellement animdes d’un mouvement resulier de vibration qui a l’air independant de la volonte, et que je n’ai vu chez aucune autre fourmi. C'est l’antenne entiere (le fouet et le scape) qui vibre dans une direction ä la fois de haut en bas et d’arriere en,avant. Les oseillations sont petites, mais tres rapides. I] est rare qu’on voie une 9 arröter pendant un moment cette vibration; je l’ai vu cependant plusieurs fois, ce qui montre la possibilite du fait (de m&me que nous pou- vons arreter un moment notre respiration, acte qui se fait ä l’ordinaire sans que la vo- lonte s’en mele). Lorsque les $ sont immobiles dans leur nid, entassdes les unes sur les autres, rien n’est plus bizarre que de voir vibrer ces centaines de petites antennes qui ont Y’air de eils vibratiles vus sous le mieroscope. Lorsqu’elles marchent, ce mouvement continue comme si de rien n’etait. Si l’on retient une 9 par une patte contre son gr6, la vibration continue, mais elle fait de temps en temps une courte pause. Si l’on fixe une antenne en Ja prenant entre des pinces, cela derange la vibration de l’autre antenne, vibration qui devient intermittente et faible, mais qui reprend des qu’on läche prise. Les antennes des Bothriomyrmex ex&cutent du reste, tout en vibrant, exactement les mömes mouvements volontaires que celles des autres fourmis. Je n’ai pas remarque que la tem- perature eüt une influence appreeiable sur ce mouvement de vibration que j’ai möme ob- serve chez des individus ä demi-morts. Je n’ai aueune idee de l’utilitE que peuvent avoir ces oscillations perpetuelles des antennes. Le fait est que cela donne ä cette espece un habitus tout particulier. 3. Le Bothriomyrmex est, avec la Myrm. Latreillei, la fourmi la plus pacifique, la plus inoffensive que je connaisse. Il ne cherche point & assaillir une fourmi ennemie, 43 — 888 — möme lorsqu’elle est ä la porte de son nid; il ne se defend que mollement, en se servant de son abdomen et de son venin exactement comme le Tiupinoma. Il est extremement tendre et delicat; le plus petit effort suffit pour le tuer. La lenteur de sa demarche est etonnante ; il court encore beaucoup moins vite que la Plagiolepıs pygmea. J’ai eu l’oc- casion d’observer pendant plusieurs jours une fourmiliöre artificielle de chacune de ces deux especes ä cöte l’une de l’autre. 4. Les 9 de cette fourmi ne savent pas se porter les unes les autres. Elles sont par contre tres habiles & se suivre ä la piste. Lorsque j’en mis une grande fourmiliere dans une arene de gypse communiquant avec un appareil, les premieres 9 qui decou- vrirent l’entr&e de ce dernier revinrent au milieu des autres; il s’etablit presque aussitöt une file de 5 qui porterent leurs eufs directement dans le nouveau nid, sans faire le plus petit &cart. Toute la fourmiliere se mit & la suite et il suffit de fort peu de temps pour terminer le demenagement. Une fois dans l’appareil, ces fourmis s’y repartirent en trois ou quatre monceaux, les unes sur les autres, tenant leurs @ufs entre leurs mandi- bules, comme des Tapinoma. Je ne les voyais sortir que quelquefois, et presque toujours ä la file les unes des autres, n’avancant qu’avec prudence; rarement une 9 sortait seule. Elles ne touchaient jamais aux insectes que je leur donnais; le soir, on les voyait venir en quantit& manger le miel qui se trouvait dans l’arene. Si l’on effrayait quelques-unes de celles qui mangeaient, elles ne s’eparpillaient point, comme le font en pareil cas toutes les autres fourmis, mais rentraient dans l’appareil par lä oü elles etaient venues, et toutes leurs compagnes les suivaient ä la file, les unes apres les autres, abandonnant aussi le miel. 5. Ces fourmis elevörent leurs larves et leurs nymphes 5 dans mes nids artificiels; elles firent &clore de jeunes 9. Mais, comme les Tapinoma, elles s’obstinerent & ne point elever de @ ni de J et & manger toutes les nymphes © et g' que je leur donnai. J'ai vu beaucoup de leurs nymphes @ gJ et 9, aussi bien dans leurs nids naturels que dans mes appareils. Toutes etaient nues, comme chez les T. erraticum et nigerrimum. XI Plagiolepis pygmea J’ai deja dit ä& peu pres tout ce que je connais des habitudes de cette fourmi pygmee (architecture et tableau des especes et des races). J’en ai @lev@ une fourmiliere dans une arene de gypse, en regard de l’une de celles de B. meridionalis. Les antennes de la P. pygmea ne vibrent pas du tout. Elle fait preuve de beaucoup de hardiesse et de courage, en attaquant l’ennemi qui se presente ä elle; elle le prend par une patte et recourbe son abdomen comme les Zasius et les Formica; mais elle sait aussi relever cet organe et le diriger de cöte. Les 9 ne eraignent pas de sortir individuellement. Je leur ai vu faire une '6migration ä une assez grande distance; elles se portaient les unes les autres, comme — 339 — des Formica. Elles avaient dans mon arene de gypse une grosse © feconde dont elles prenaient un soin inoui. Une cour de 10 & 15 $ l’accompagnait partout oü elle allait. Les nymphes sont toujours dans un cocon; j’ai verifie ce fait dans plus de cent four- milieres, ä des poques diverses, pour les ©, les get les 9; j’ai vu des $ dechirer des eocons pour delivrer la nymphe. J’ai trouve d’enormes pucerons de racines, longs de 6"”-,. larges de plus de 2"”, et &pais d’autant, qui vivaient au milieu d’une fourmiliere de P. Pygmea, sous une pierre du Petit-Saleve. Les $ en prenaient soin comme de leurs pro- pres larves. A Sion et ailleurs, j'ai vu des P. pygmea demander de la miellee ä de petits pucerons noirs qui vivaient sur des tiges d’Kuphorbia cyparissias. On trouve souvent leurs fourmilieres en nids doubles sous les pierres avee d’autres especes; on peut ainsi facilement observer leur maniere de combattre. En captivite, elles ne mangörent que du miel. XIV Leptothorax divers eleves dans des boites etc. L’habitus partieulier de ce genre homogene, la petitesse de ses fourmiliöres, deman- daient des observations speciales qui manquaient encore entierement. Voiei le peu que Jen ai pu faire; elles laissent encore beaucoup & completer (v. du reste plus haut, V. 2). 1. Le 17 avril 1868 je trouvai dans l’&corce d’un pin une tr&s petite fourmilisre de L. tubero-affinis, eomposee d’une © feconde, d’une quinzaine de 9, et de quelques aufs. Je perdis quatre ou eing 9 en la prenant, et je cassai deux pattes ä la @. Je mis en- suite cette petite famille dans une boite en carton avec une case vitree. Elle prospera; la © vecut fort bien avec ses quatre pattes; quelques larves sortirent des eufs et furent nourries. Les 9 ne mangeaient guere que le miel que je leur donnais; elles etaient tres eraintives et s’etaient etablies avec la @ dans la case; elles s’oceupaient peu de la © qui vivait presque comme l’une d’elles. J’ai remarqu& qu'il n’y a guere que les 9 des genres Plagiolepis et Lasius, ainsi que de quelques Formica, qui forment une eour assi- due et serree autour de leurs @ fecondes. Chez les Zeptothorax, c'est l’extreme oppos6; les @ vivent presque comme les 5; elles sont seulement moins aptes au travail. Huber a done tort de generaliser le röle des @ fecondes des Lasius ete. comme il le fait (l. ce. p- 115 et 116). Le 24 mai, la @ de ma fourmiliere captive avait pondu de nouveaux aufs (comparer avec I. 3), et les larves etaient devenues fort grosses. Les $ mangörent des larves de Lasius que je leur donnai. Le 4 juin une larve etait devenue nymphe 5; mais il ne restait que deux grosses larves et des @ufs. Le 10 juin il y avait deux nym- phes 9 et huit ou neuf petites larves sorties des aufs. Parmi ces derniöres deux &taient jaunes et conserverent cette couleur; les autres etaient blanchätres. Le 13 juin elles avaient grossi; je donnai alors ä mes Z. tubero-affinis une nymphe 9 de Leptoth. Ny- landeri dont ils prirent soin. Ces fourmis ne cherchaient jamais ä s’enfuir quand j’ouvrais — 340 — la boite; elles me frappaient par la finesse du toucher de leurs antennes au moyen des- quelles elles palpaient avee une preeision remarquable les plus petits atomes, et distin- guaient leur qualite (un auf de leur Q, un grain de poussiere, un atome de miel). Le 21 juin je leur donnai quelques nymphes de Tetramorium cespitum qu'elles tuerent et mangerent. Le 25 juin la nymphe de L. Nylanderi etait close, et la $ qui en Etait sorlie vivait en bonne intelligence avec les tubero-affinis, travaillant avec eux. Le 28 juin je perdis plusieurs $ par maladresse; il ne me resta que la © avec ceing 3 tubero-affinis et la $ Nylanderi; les petites larves avaient beaucoup grossi et commengaient ä se transformer en nymphes. Le 29 juin une des anciennes nymphes fut delivree, et l’autre ne tarda pas ä la suivre, ce qui fit deux 9 tubero-affinis de plus. Le m&me jour je donnai a mes fourmis des nymphes de 7. cespitum %; elles soignerent deux ou trois des plus jeunes, et tue- rent les autres qui &taient pres d’eelore, ou plutöt les laisserent perir faute de soins. Le 15 juillet, il y avait de nouvelles petites larves. Le 16 juillet, me des deux nymphes de Tetramorium cespitum quelles avaient continue de soigner vint a £Eclore, et vecut des lors avec ces fourmis d’un autre genre dans la plus parfaite intelligence (comparer avec I, IV et X). Le 18 juillet, la seconde nymphe de T. cespitum fit de m&me, mais la 5 etait un peu mal r&ussie et perit au bout de 7 jours. Le premier Tetramorium prospera par contre de plus en plus; il etait plus grand que toutes les $ Leptothorax, et se distin- guait par sa vie peu sedentaire; il courait eontinuellement dans toute la boite, mais revenait souvent vers les Leptothoraxw. Le 29 juillet les nouvelles petites larves tubero- affinis avaient grossi, et les nymphes 9 de la seconde generation commenceerent & €Eclore. Le 16 aoüt je mis les 7 9 tubero-affinis qui restaient et la @ dans l’esprit de vin, parce que la fourmiliere avait beaucoup souffert pendant mon voyage de Zurich ä Vaux. Son existence en captivite avait dure 4 mois. 2. Une fourmiliere de Leptothorax Nylanderi beaucoup plus considerable que la pre- cedente (contenant une soixantaine de 9 et une @ feconde) fut aussi etablie par moi le 17 avril 1868 dans une boite en carton, et relächee le 16 aoüt. Ces fourmis &eleverent- de nombreuses larves provenant de leur @, mais pas d’etrangeres. Ces larves donnerent des nymphes 9 et g’ qui vinrent & bien pour la plupart. Les $ ne mangerent done pas leurs larves J comme mes Tapinoma. L’eelosion des 5 eut lieu des le 29 juin, et con- tinua pendant le mois de juillet. Ces fourmis se montraient beaucoup moins timides que les L. tubero-affinis (en partie & cause de leur plus grand nombre). Elles prirent une ou deux fois des inseetes que je leur donnai. 3. J’etablis dans une ar&ne de gypse une fourmiliere de L. nigriceps trouvee le 26 avril 1871 sur le Grand-Salöve. Il n’y avait que des 9 en abondance et une © feconde. Ces Leptothorux ne m’offrirent rien de partieulier, sinon que je les vis souvent se porter les uns les autres, le porte renverse sur le dos du porteur. Quelques combats individuels qu’ils eurent avee des T. cespitum qui avaient fait par accident irruption dans leur arene, me montrerent qu’an Leptothoraxz est a taille egale plus fort et plus robuste qu’un Te- tramorium. Je les gardai vivants jusqu’au 17 juin. y; 4 > U 77a — 341 — 4. Ayant trouv& le 25 juin 1868 une fourmiliere de L. acervorum dans l’&eoree d’un pin, avec une Q ailee et des nymphes ©, je la pris et la conservai dans une boite jus- qu’au 16aoüt. Plusieurs @ vinrent äe&clore dansla boite; les @ de cette espece ne sont pas plus grosses que les 9. Je vis souvent ces petites © porter des larves et des nymphes comme le font les 9. Chose curieuse, elles perdaient presque toutes leurs ailes au bout de deux ou trois jours d’existence. J’en vis meme une faire des efforts, des contorsions avec ses alles, dans le but &vident de les faire tomber. Comme elles &taient ndes dans la boite ou il n’y avait pas de g, elles ne pouvaient avoir &te fecondees. Je ne puis done com- prendre pourquoi elles s’ötaient les ailes. Serait-ce peut-etre de cette maniere que s’en- tretiennent les fourmilieres de Leptothorax oü les 9 ne peuvent guere retenir de force des @ fecondes, ä cause de la petitesse des nids, de leur position sur des parois verti- cales, et de ce que les J' ne sont souvent pas lä en m&me temps que les © aildes? Ces Q@ vierges apteres ne seraient-elles pas fecondees plus tard par des Z €clos ensuite dans la meme fourmiliere? Le fait est qu’on trouve tres souvent chez les Zeptothorax des Q apteres ä abdomen petit qui n’ont point l’air fecondes, & cöte d’autres qui le sont Evi- demment. Je me garde de vouloir deeider Iı question. XV Anergates atratulus C'est une fourmi sans ouvriere et ä mäle aptere. La fourmilire se compose de © et de g atratulus, de T. cespitum 9 adultes et des larves et nymphes © et J atratulus. Chose incroyable, ni von Hagens, ni moi n’avons jamais pu trouver de nymphes % caes- pitum dans ces fourmilieres. Von Hagens (Verhandl. des nat.-hist. Vereins des preussischen KRheinld. 1867. 2. Anhang, p. 49) dit quwil n’a jamais trouve de „amentwickelte $* (3 non developpees) de 7. caespitum chez ’A. atratulus. Je puis dire exactement de möme pour ce qui me concerne, et cependant c’est A peine si j’ose admettre ce fait d’une ma- niere absolue et generale. Comme il n’est pas possible iei que ces T. caespitum soient pilles a l’etat de nymphe comme chez le P. rufescens, il faut chereher une autre expli- cation, laquelle manque malheureusement malgre les recherches assidues de Von Hagens. Cet auteur a vu l’accouplement des @ et des g dans le nid. II a suivi la möeme four- miliere pendant plusieurs annees ü la möme place, et reconnu des @ fecondes au mois de juillet. II a vu les © ailees s’envoler le 12 aoüt et quitter le nid. Or les Tetramorium 9 de ces fourmilieres n’ayant aucun de leurs propres 9, ni aucune de leurs propres @ soignent ces @ et ces J atratulus comme si c’&taient les leurs. Von Hagens pense que les @ fecondes s’introduisent dans une fourmiliere ordinaire de T. caespitum qui les accepte et soigne leur progeniture. A cela j’objecterai que les T. caespitum, ayant leurs propres @, ne les changeraient pas volontiers contre des &trangeres, ou tout au moins les garderaient ü cöte de celles-ei; 1A. atratulus est beaucoup trop petit et trop faible — 342 ° — pour tuer des @ caespitum. Mais en supposant m&me que ce soient des T. caespitum 5 isoles, @loignes de leur nid, qui, rencontrant une © feconde atratulus, se joignent ä elle pour fonder une nouvelle fourmiliere, cela ne suffit pas pour expliquer le nombre extr&- mement grand de ces 9 caespitum, ni surtout comment elles se renouvellent chaque annee dans la fourmiliere. Il y a lä une enigme que nous retrouverons avec quelques differences aussi inexpliquee pour le Strong. testaceus, et qu’une observation tres assidue jointe & des experiences pourra seule resoudre. La possjbilite d’une reproduction des 7. caespitum par parthenogenese ne doit point &tre oubliee. Voici mes observations qui ne servent guere qu’ä confirmer von Hagens. 1. Le 7 aoüt 1869 je trouvai sur le petit Salöve, en dessus de Monnetier, en soule- vant une pierre, une fourmiliere composee en majeure partie de 9 caespitum, puis de © atratulus fort alertes. A cöte de cela il y avait quelques nymphes © atratulus et un atratulus; je ne pus pas enlever grand chose, car le nid etait dans la rocaille, et il etait impossible de ereuser. Tout ä cöte de cette fourmiliere se trouvaient de grandes fourmi- lieres ordinaires de 7. caespitum, avec beaucoup de nymphes 9, mais sans trace d’Aner- gates. Je refis deja sur cette petite fourmiliere une partie des observations de von Hagens. Je ne pus y trouver de @ feconde. 2. Le 9 juillet 1872, je trouvai pres de Martigny, sur le chemin de la Forelaz, dans un petit mur degrade, une belle fourmiliere d’Anergates atratulus comprenant des milliers de 9 caespitum et un grand nombre de nymphes © et g atratulus. I y avait ä cöte de cela une certaine quantite de larves dont l’espece n'etait pas determinable, mais qui ne pouvaient &tre ni @ ni J caespitum vu leur petite taille (tout au plus des 9, ce qui, nous le verrons, n’etait pas le cas). En outre un grand nombre de © ailees et quel- ques J apteres atratulus etaient Eclos et se promenaient inactifs au milieu des cespitum. Pour completer le tableau, une unique @ feconde aptere atratulus gisait au centre de la fourmiliere. Je dis gisait, car la peinture de von Hagens reste encore au dessous de la verite. L’abdomen de cette @ feconde etait si fabuleusement distendu que le reste de son eorps n’etait plus ä& cöte qu’un appendice qui ne pouvait prendre terre; elle etait natu- rellement incapable de marcher, et c’etaient les 9 caespitum qui la transportaient d’un lieu & l’autre. La tete et le thorax &tant ensemble gros environ comme une puce, l’ab- domen seul atteignait le calibre d’une lentille. Les lames chitineuses dorsales et ventrales des segments abdominaux formaient comme deux rangees longitudinales de taches noires, l’une en dessus, l’autre en dessous, sur la ligne mediane de l’abdomen dont les parois etaient presque en entier formees par la membrane blanchätre intersegmentaire inceroya- blement distendue (cela rappelait tout-ä-fait les dessins du COntaglyphis melligera de Me- xico qui gonfle tellement son abdomen d’une substance sucree, que les indigenes le man- gent). Le contenu de l’abdomen donnait par transparence ä cette membrane une teinte d’un jaune rougeätre (Fig. 28). Je ne pus, malgre des recherches minutieuses faites dans ce but, deeouyrir aueune nymphe 9 caespitum. Les g atratulus ne sont pas si absolument — 343 — maladroits que le disent Schenk et von Hagens; ils savent fort bien marcher quoique trös lentement; c’est surtout leur abdomen recourbe en dessous et tres raide qui les gene (Fig. 29). Leur allure ressemble ä celle des poux; comme ces insectes ils etendent sou- vent leurs six pattes lateralement en les animant de petits mouvements rhythmiques d’ap- parence convulsive dans toutes les artieulations ä la fois. Les @ font aussi parfois de m&me, surtout lorsqu’on les effraie ou qu’on les prend par les ailes, mais elles sont in- comparablement plus lestes que les 9; leur couleur noire, matte, contraste avec la teinte gris jaunätre tres clair de ces derniers. Je pus m’emparer de la majeure partie de la fourmiliere que je mis dans un sac et que j’etablis le jour möme ä& mon retour dans une arene de gypse. Je conservai mes prisonnieres pendant un mois (jusqu’au 5 aoüt). Mon temps ne me permit malheureuse- ment pas de les soigner et de les suivre comme je l’eusse voulu. Les 3 caespitum ereu- serent une infinite de cases et de galeries dans la terre qui oceupait le milieu de l’arene, et qui leur servit de nid. Elles prirent un grand soin de la © feconde atratulus, la transportant toujours dans la case la plus spacieuse et la plus habitee. Une quantite de nymphes © et J atratulus se mirent ä eclore, et augmenterent ainsi le nombre de mes eleves atratulus, mais beaucoup d’entre ces derniers perissaient en compensation. Les 9, comme les J, &taient incapables de manger seules; il fallait que les 9 caespitum leur degorgeassent le miel mis ä leur portee. Le 12 juillet, en soulevant une motte de terre qui couvrait une case, je vis une © ailee atratulus ä l’entree de la case; ayant voulu la prendre par les ailes avec de fines pinces, j’entrainai & sa suite un J' qui lui etait uni, et qui ne lächa pas prise; je l’abandonnai aussitöt et pus observer l’accouplement ä mon aise. Il a done lien ä& l’interieur ou & J’entree du nid, comme le dit von Hagens, et le g, tout maladroit qu'il est, sait bien attraper la @. Ce g &tait plus fortement uni ä sa © que ne le sont en general les 5 de fourmis aux leurs, ce qui tient peut- ötre au developpement considerable de ses valvules genitales internes. Il se separa cepen- dant d’elle au bout de quelques minutes. Les I caespitum tu&rent et mangerent plusieurs insectes que je leur donnai, les preferant en general au miel. De nombreuses larves gros- sirent et se transformerent en nymphes, mais toujours en nymphes atratulus S ou 9; je erois pouvoir affırmer qu'il n’y eut pas une seule nymphe de Tetramorium caespitum dans cette fourmilitre pendant tout le temps que je l’observai, car je concentrai toute mon attention sur ce point. Or on trouve preeisement ä cette &poque une masse de nymphes 9 caespitum dans toutes les fourmilieres de 7. caespitum et de Strong. testaseus. Je vis encore que les @ atratulus perdaient souvent leurs ailes tres töt (apres avoir ete fecondees?). Une deduction fort interessante A tirer de ces faits est que chez l’A. atratulus tout accouplement autre qwentre freres et seurs (Q et J de la meme fourmiliere) est impos- sible. Des @ de fourmilieres &trangeres ne pourraient en effet pas s’introduire dans le nid pour y chercher les g‘, car elles seraient tudes auparavant par les 9 caespitum qui — 34 — sont beaucoup plus agiles qu'elles, et qui sont une des fourmis les plus guerrieres et les plus fortes. Quant aux g,ils ne sont pas m&me capables de sortir du nid. Le depart des Q@ ailees seules, qu’observa von Hagens, ne peut donc avoir pour but que la fondation de nouvelles fourmilieres par des @ dejä fecondes. Reste ä savoir comment elles s’y prennent. Le 24 juillet je trouvai la @ feconde morte; son abdomen fletri et ratatine avait diminue de moitie. Quoique elle ne donnät plus signe de vie et füt m&me dessechee, les 9 caespitum prenaient encore soin d’elle, la lechant et la portant d’un lieu ä l’autre avec plus d’empressement que les nymphes; elles firent tous leurs efforts pour m’em- pecher de la leur öter, ce que je fis ä dessein tres lentement. Le 5 aoüt la plupart des © et des g atratulus avaient peri; les nymphes pericli- taient. Les 9 caespitum seules prosperaient et cherchaient depuis quelques jours & sortir de leur prison en deblayant le mur de gypse ä sa base avec leurs pattes pour y prati- quer des tunnels. Je leur donnai la liberte. 3. Le 24 mai 1873, je decouvris ä Vaux une fourmiliere d’A. atratulus comprenant une © feconde analogue ä celle dont j'ai parl& plus haut (Fig. 28), des 9 caespitum, des nymphes @ atratulus et beaucoup de larves. Je voulus la suivre ä l’&tat de nature : Les larves devinrent toutes nymphes pendant le mois de juin, et ces nymphes etaient toutes de l’espece A. atratulus @ et S. Je ne pus pas trouver une seule nymphe caes- pitum; il parait done qu'il n’y en a positivement jamais, puisque leur defaut se confirme dans chaque cas. Malheureusement le temps devint tres sec, le döme de mes fourmis s’aplatit, et les 9 caespitum se refugierent avee leurs &leves au fond de la terre, tout en changeant souvent de place au moyen de canaux souterrains pour &viter les breches que je faisais ä leur nid. Je ne pus done plus les suivre comme je l’eusse voulu. Le 1” juillet, les @ et les g' etaient Eclos; le 4 juillet je vis une @ prendre son vol, et je decouvris un Q dans la terre. Des lors je ne pus plus trouver que des 9 caespitum &parses. XVI Strongylognathus testaceus Nous avons iei exactement le möme cas, semble-t-il, que pour le P. rufescens : des fourmilieres composees de Tetram. caespitum 3 et nymphes 9, puis de S. testaceus 9 Q et J et des nymphes correspondantes. Remarquons bien qu’on trouve. toujours ici (& l’epoque voulue, soit des le commencement de juin & la fin de l’automne) une grande quantite de larves et de nymphes 9 caespitum dans les fourmilieres, ce qui parait ne jamais &tre le cas chez l’Anergates atratulus d’apres les observations de von Hagens et les miennes. Le $. testaceus ayant de plus les mandibules pointues et arquees comme le — 345 — P. rufescens, Schenk qui le decouvrit en conelut qu'il devait aller piller des nymphes de T. caespitum comme le P. rufescens pille celles des F\. fusca et rufibarbis. Mais il se presenta ici trois objeetions capitales que von Hagens fit le premier : 1°) Des observations assidues n’ont jamais rendu temoin d’expeditions de S. testaceus sur les fourmilieres des Tetramorium. 2°) Le S. testaceus 5 est plus petit, plus faible, et a une allure plutöt plus lente que le 7. caespitum. 3°) Dans une de ces fourmilieres mixtes il n’y a qu’un tres petit nombre de $. testaceus 9 *), tandıs qu'il y a une masse enorme de Tetramo- rium 8 et de S. testaceus @ et 9. Von Hagens deduit de ces trois faits que le S. tes- taceus n'est probablement, comme I’A. atratulus, qu’un höte pacifique du 7. caespitum. Mais iei nous retrouvons les memes objecetions que nous avons enumerees ä propos de l’A. atratulus. Si le fait du manque de nymphes 9 caespitum chez 1’A. atratulus se con- firme absolument (il peut &tre deja considereE comme presque certain), il constituera du reste une difference capitale entre cette fourmi et les Sitrongylognathus. Von Hagens dit aussi qu'il serait possible que le S. testaceus ne füt qu’une variet@ monstrueuse du T. caespitum; il y a beaucoup d’analogie entre l’abdomen et le thorax des 9, ainsi qu’entre les J entiers de ces deux especes. Öe n'est qu’une hypothese, et une hypothese des plus risquees; v. Hagens le dit lui-meme. Les S. testaceus se montrent du reste ineptes & maconner la terre et ä aider les Tetramorium dans leurs travaux, comme l’ont dit Schenk et von Hagens. Voici les ob- servations que j'ai pu faire sur cette fourmi, depuis trois ans ä peine que je la connais. 1. Je trouvai une fois en 1869 une © feconde de S. testaceus seule dans une four- miliere de Z. acervorum (voy. ]). 2. Je trouvai au Petit-Salöve, le 11 avrıl 1870, plusieurs fourmilieres de S. testaceus sous les pierres. Dös lors j’en trouvai & Zurich, en Valais, en Tessin, ä Fribourg et fina- lement ä& Vaux m&me oü je n’avais pas su les decouvrir jusqu’alors, ce qui me confondit. Malgre toutes mes recherches, je ne pus jamais les voir faire une expedition, ni meme se rassembler sur leur döme. Et cependant je constatai toujours dans leur nid la presence d’une foule de larves qui devinrent des nymphes de 7. caespitum 9, mais jamais @ ni d. Les 5 tesiaceus variaient en nombre suivant les fourmilieres, mais je n’en trouvai jamais une proportion qui me parüt plus forte qu’une ou deux sur plus de cent Tetramorium 9. Du 24 juin au 4 aoüt, je trouvai dans ces fourmilieres, chez les unes plus töt, chez les autres plus tard, des centaines de @ et de J’ de S$. testaceus, dont le depart et l’accou- plement s’effectuerent comme chez les T. caespitum et chez les autres fourmis. Plusieurs *) Mayr (Ungarn’s Ameisen) dit il est vrai qu'il trouva une fourmiliere oüu il y avait presque au- tant de $. testaceus que de T. caespitum; je n’ai jamais vu de cas analogue dans le grand nombre de fourmilieres que j’ai trouvees, et mes observations concordent entierement sur ce point avec celles de Schenk et de von Hagens, 44 — 346 — de ces fourmiliöres etaient des colonies comprenant quelques nids dont les uns contenaient un peu plus de $. testaceus que les autres. Dans les environs on trouvait, comme par- tout, beaucoup de fourmilieres ordinaires de T. caespitum avec leurs © et leurs g. 3. Je voulus voir d’abord si ces fourmilieres normales de T. cuespitum etaient enne- mies ou non de celles de $. testaceus qui n’etaient distantes d’elles que de quelques de- cimötres souvent. Le resultat fut positif. Je mis une poignee de caespitum naturels devant une fourmiliöre de S. testaceus. Les T. caespitum esclaves(?) les attaquerent avec fureur; le venin et l’aiguillon furent employes. Mais tandis que Schenk et v. Hagens disent que les S. testaceus sont läches et maladroits (feig und unbeholfen), je les vis se meler au combat et attaquer tres courageusement l’ennemi. Chose digne de remarque, ils combat- taient ä la maniere des P. rufescens; je les voyais se jeter au milieu de leurs ennemis, menacant ä droite et ä gauche, et prenant la tete de leurs adversaires entre leurs deux mandibules comme pour la transpercer; je remarquai meme que cet acte en imposait aux Tetramorium qui lächaient souvent une patte qu'ils avaient saisie, lorsqu'ils etaient ainsi menaces. Mais ce combat, observe sans prevention, etait une veritable caricature de ceux des P. rufescens. Un Strongylognathus ne parvint jamais ä transpercer sous mes yeux la tete d’un Tetramorium; il s’y serait plutöt casse les mandibules. D’un autre cöte je vis plusieurs Tetramorium saisir des Strongylognathus par le thorax, les inonder de venin (les pergant peut-&tre en m&me temps de leur aiguillon), et les tuer ainsi en un temps fort court. Ce furent les Tetramorium esclaves (allies) des Strongylognathus qui furent les vrais defenseurs de la fourmiliere et qui mirent l’ennemi en fuite. Je pris trois couples de combattants Tetramorium et Strongylognathus, et je les mis dans une boite; les $. testaceus furent tues tous les trois. Je repetai des lors souvent des combats analogues, toujours avec le m&me resultat; l’un d’eux merite d’etre mentionne : 4. Le 22 juillet 1871 je pris une grande quantite de 7. caespitum d’une fourmiliere naturelle avee leurs nymphes 5 (les © et les 9 etaient deja partis), et je les placai & trois deeimetres d’une belle fourmiliere de S. testaceus qui renfermait encore beaucoup de Q et de J. Un combat ne tarda pas ä s’engager entre les Tetramorium. S. (allies des Strongylognathus), et les Tetramorium N (les nouveaux venus). Les T S sortirent bientöt en trois files noires de trois trous de leur nid; on voyait ca et lä un Strongylogn. 3 au milieu d’eux. Ces trois files formerent comme les deux ailes et le centre d’une armee; un champ de bataille distinet se forma bientöt & mi-chemin entre le nid et le tas des T N qui accouraient aussi en masse, et le combat atteignit un degre de fureur inoui. Toutes les scenes decrites ailleurs dans un combat entre F. pratensis de fourmilieres dif- ferentes (V. 4) se repeterent ici en plus petit, mais avec tout autant de violence; seule- ment les 9 Tetramorium mouraient moins vite que les 9 pratensis parce qu’elles sont plus dures. Les T S avaient le dessus, mais n’avangaient que tr&s lentement, millimetre par millimetre. Pendant ce temps les S. iestaceus sortaient du nid en nombre toujours plus grand, et vraiment tres grand quand on pense au peu qu'il y en a dans une four- sa 1“ 2 a — 3417 — milire; malgre cela ils ne formaient pas plus d’un einquantieme des combattants; on les distinguait facilement des Tetramorium au milieu desquels ils couraient par leur cou- leur d’un roux clair et par leur petite taille. Je les suivis attentivement, et je remarquai qu’arrives au champ de bataille beaucoup d’entre eux le depassaient, comme font les Po- Iyergus, et se jetaient seuls au milieu de milliers d’ennemis, en mordant ä droite et & gauche. Ils cherchaient toujours, mais en vain, ä percer la tete des T N; par contre je remarquai distinetement que cette manauyre, jointe au courage aveugle de ces petits etres contribuait beaucoup ä semer une grande agitation parmi les T N que je vis bien- töt commencer ä fuir de l’autre cöte de leur tas. Cependant presque tous les Strongy- lognathus qui depasserent ainsi le champ de bataille furent tu&es sans arriver ä& tuer un seul T N. Ceux qui restaient sur le champ de bataille des Tetramorium s’oceupaient ä& mordre la tete des prisonniers T N faits par les T S, mais leurs eiforts n’aboutissaient absolument & rien; les T S seuls etaient capables de tuer les T N. Le champ de bataille se transporta peu a peu au pied du tas des T N que les deux ailes des T S cherchörent ä entourer; mais tandis qu’une partie des T N se retiraient en assez bon ordre avec leurs uymphes, les autres continuaient ä se battre & outrance. Les T S commeneerent ä ravir une foule de nymphes ä leurs ennemis et & les emporter dans le nid. Les Strongy- lognathus voulurent en faire autant; j’en vis meme qui essayerent d’arracher des nymphes ä des T N, en s’y prenant comme les Polyergus. Leurs efforts etaient eurieux & observer. Ils faisaient comme les Polyergus, retournant une nymphe en tout sens afin de la placer commodement dans l’are de leurs mandibules, mais, lorsqu’ils y etaient arrives, leurs forces suffisaient ä peine ä porter ce fardeau; il s’accrochaient ä chaque brin d’herbe, tombaient & tout instant, et retournaient de nouveau leur nymphe pour la prendre autre- ment, ce qui contrastait singulierement avec l’allure rapide des T S qui couraient avec leur charge en relevant la tete, sans s’acerocher ä rien. Plusieurs de ces S. testaceus, perdant courage, remirent leur fardeau ä des T S avant d’ötre arrives & leur nid. En somme, done, les $. testaceus ne furent qu’une aide des plus accessoires dans la victoire que remporterent les T S, et la quantite qui en perit fut enorme relativement aux fai- bles services qu'ils rendirent. Je crois que le reeit fidele de ce combat suffit pour montrer que cette nouvelle ama- zone n’est qu’une triste caricature du P. rufescens. Il est impossible, semble-t-il, quelle puisse piller ä& elle seule une fourmiliere naturelle de Tetramorium, et surtout quelle puisse en rapporter les nymphes chez elle sans &tre vingt fois culbutee par son ennemi. Cela devient presque evident quand on pense a l’enorme disproportion du nombre. Il y a done une @nigme lä dessous; comment les nymphes de 7‘. caespitum arrivent-elles dans la fourmiliere du S. testaceus? Pourquoi le S. testaceus a-t-ıl tant de @ et de J et si peu de 5? Ce dernier fait le rapproche d’une maniere evidente du genre Anergates. D’apres l’idee darwiniste, ce doit &tre une espece ou l’ouyriere est en voie de disparaitre, probablement parce qu’elle est devenue inutile; von Hagens a dejä fait cette remarque. — 348 — 5. Je mis un jour (12 avril 1870) une fourmiliere de S. testaceus dans une arene de gypse communiquant avee un appareil de fer blane (systeme D). Les Tetramorium com- mencerent bientöt ä demenager dans l’appareil. Ils firent absolument tout. Les Strongy- lognathus ne porterent pas une larve et se laisserent porter eux-memes par les Tetra- morium qui les prenaient soit par une mandibule, auquel cas le Strongylognathus se repliait sur le dos du Tetramorium *), soit par le cou, le thorax ou le pedieule et alors le Strongylognathus repliait simplement ses pattes et ses antennes (methode des Tapinoma). Je vis aussi souvent, conme Schenk et von Hagens, des Strongylognathus se laisser tom- ber comme morts dans un coin, en repliant pattes et antennes. Les Tetramorium le font aussi quelquefois, mais tr&s rarement. Les Strongylognathus que je mis sur ma main me mordirent, mais sans recourber leur abdomen jusqu’ä leur bouche comme le font les 7. caespitum. Je vis beaucoup de Strongylognathus sollieiter des Tetramorium de leurs an- tennes pour se faire porter. Mes fourmis allaient fort bien, lorsque j’eus l’imprudence de les exposer ä un soleil trop ardent; je les retrouvai presque toutes mortes apres trois heures d’absence. Je conservai cependant celles qui survecurent, car c’etaient surtout des Strongylognathus qui avaient, parait-il, mieux supporte la chaleur. Je leur redonnai meme une aröne de gypse en guise de mangeoire, et elles veeurent ainsi tout l’ete dans ma chambre, jusqu’au 7 septembre (done pendant eing mois), sans me montrer beaucoup de partieularites. Quelques-unes des petites larves quelles avaient avant leur aceident y avaient surveeu, et je fus fort &tonne d’en voir sortir plus tard des $ de Tetramorium cespitum. Pendant tout le temps de leur captivite, les Strongylognathus ne surent que se promener et ne rien faire; ils mangeaient cependant quelquefois eux-memes un per de miel. Ce furent les Tetramorium qui soignerent les larves et creuserent les galeries. J’avais mis une fois quelques Teiramorium ennemis dans l’arene. L’un d’eux avait saisi un Strongylognathus par le cou; je serrai le thorax du Tetramorium et le tuai. Mais il etait restö aceroche au Strongylognathus qui ne pouvait marcher avec ce fardeau. Je mis ce couple ä l’entrde de l’appareil; un Tetramorium allie des Strongylognathus prit Vennemi mort par la patte sans s’inquieter du Strongylognathus vivant qui y etait attache, et alla jeter l’un et l’autre vers le mur de gypse. Je repetai deux ou trois fois l’experience avec le möme resultat. Je coupai alors le cou du Tetramorium mort, et le Strongylognathus *) Lespes (Revue des cours seientifiques 1866) prend cet acte pour celui du degorgement! Il dit que lorsque les S. testaceus ont faim, ils prennent leurs eselaves, les couchent sur le dos, et qu'alors l’esclave (T. eespitum) degorge; il ajoute que les longues mandibules du S. testaceus rendent cela ne- cessaire. Une erreur pareille d’observation, me rend, je l’avoue, un peu sceptique a l’egard d’autres cas de degorgement affırmes par Lespes A propos des Lomechusa (XXXV). Je puis affirmer que le degor- gement se fait iei exactement comme chez les autres fourmis, et en particulier comme chez le 2. ru- feseens (VIIL, 34) et chez le S. Huberi (XVII) dont les mandibules ont la m&me conformation. Le S. estaceus se tient debout sur ses pattes, et lape la goutte que lui degorge le T. cespitum aussi debout. — 349 — put marcher, n’ayant plus que la töte de son ennemi ä porter; des lors il ne fut plus rejete par ses Tetramorium, mais au contraire porte par l’un d’eux dans l’appareil. Je ne pus jamais me servir de cet appareil pour essayer de faire faire une expedi- tion aux Strongylognathus, ear il y avait beaueoup trop peu de fourmis. Un autre essai du möme genre, fait en 1871, manqua par suite d’un aceident de möme nature que celui des Strongylognathus dont je viens de parler. 6. Le 6 juin 1871 je mis dans une boite en carton 4 $ de S. testaceus avec de la terre humide, plus 4 larves et 5 nymphes de T. caespitum. ÜCes S. testaceus vecurent six jours dans leur boite; ils porterent d’abord les nymphes ga et lä, puis les abandonnerent et les laisserent perir. Ils mangörent un peu de miel, mais tres peu seulement, et n’es- sayerent pas m&me de se creuser une case. XVH Strongylognathus Huberi. Le 23 juin 1871, en soulevant des pierres sur les eötes de Fully en Valais, je trou- vai sous l’une d’elles une grande fourmiliere de 7. caespitum meles avec des fourmis rousses plus grandes qu’eux et formant environ le tiers de la population. Ces fourmis ressemblaient ä& des Zeptothorax acervorum, mais je reconnus aussitöt & leurs mandibules que j’avais affaire ä une nouvelle espece de Strongylognathus qui semblait devoir £&tre moins innocente que le S. testaceus. Voyant que cette fourmiliere formait une colonie et oceupait le dessous de plusieurs pierres, je ne craignis pas d’aller remplir un sac de Te- tramorium et de leurs nymphes 9 dans une fourmiliere ordinaire de cette espece, pour le verser & un deeimetre des $. Huberi. Il y eut d’abord quelques luttes entre les Tetra- morium des deux fourmilieres, puis le combat s’arreta un moment. Mais quelques minutes ne s’etaient pas &coulees que je vis une veritable armee de $. AHuberi sortir du nid et se diriger vers l’ennemi en formant une tete distinete. L’analogie avee une armee de P. rufescens etait frappante; je vis aussi des Strongylognathus qui retournaient en arriere, comme pour donner aux autres la direction. Quelques Tetraumorium allies des Strongylo- gnathus marchaient avec eux, mais en tres petit nombre. Arrivee au tas des ennemis, cette armee se divisa en deux colonnes dont l’une (A) suivit un des bords du tas, bord qui fourmillait de Teiramorium, et bouscula tous ces derniers sur son passage. L’autre (B) grimpa sur le sommet m&me du tas qui etait tres expose au soleil et presque vide de defenseurs. Cette armee de $. Huberi grossit enormement en quelgues minutes, et il lui suffit d’un instant pour culbuter les Tetramorium qui prirent la fuite avee leurs nymphes. Le combat fut cependant extremement violent, vu le grand nombre des Tetra- morium. La colonne B surtout, arrivee de l’autre cöte du tas apres l’avoir traverse, y trouva une resistance tres vive. Rien ne fut plus curieux pour moi que d’observer la maniere de combattre de ces nouvelles amazones qui elles meritaient bien ce nom. Elles — 350° — saisissaient les Tetramorium par la tete, exactement comme le font les P. rufescens, mais elles n’arrivaient pas plus que les S. iestaceus & les transpercer. Par contre lorsque les S. Huberi se mettaient trois ou quatre & mordre un Tetramorium, ıls reussissaient sou- vent ä le tuer. Le fait le plus important est qu'ils se jetaient sur tous les Tetramorium qui portaient des nymphes. Ils faisaient alors glisser leurs mandibules sur Ja nymphe, comme les Polyergus. Arrive de la sorte ä la tete du Tetramorium, le Strongylognathus commengait ä la mordre. Un Teiramorium ainsi menace lächait presque toujours sa nymphe pour s’enfuir, et le S. Huberi l’emportait. Il etait singulier de voir la terreur que ces mandibules des Strongylognathus inspiraient aux Tetramorium, terreur presque aussi grande que celle des F\ rufibarbis pour les mandibules des P. rufescens; aussi jamais un Tetra- morium ne restait-il accroche aux pattes d’un $. Huberi; il lächait prise des que ce dernier se retournait. Par contre je vis des Tetramorium saisir des Strongylognathus par le thorax et finir ainsi par les tuer. Les quelques esclaves (?) des $. Huberi qui avaient d’abord suivi l’armee se retirerent bientöt completement apres avoir emporte quelques nymphes de l’ennemi dans leur nid. Les Strongylognathus vresterent done entierement seuls au combat. Ils n’avaient d’abord guere pris de nymphes, mais bientöt leurs deux colonnes envahirent toutes les eachettes ou les Tetramorium avaient entasse leurs &leves, et les leur ravirent avec autant d’ensemble que des P. rufescens. Bientöt l’armee des $. Huberi revint au nid en courant, chargee de nymphes, tandis que de nouvelles 9 accou- raient encore au pillage. On eüt dit une armee de P. rufescens pillant un nid de F. fusca tr&s rapproche du sien; l’analogie etait complete; les Strongylognathus portaient les nym- phes exactement comme les Polyergus. Un seul fait ne cadra pas avec les autres : lorsque le combat fut fini, je remarquai, la ou avait ete la colonne B, une cinquantaine de ca- davres dont presque la moitie etaient des S. Huberi. Sur le terrain de la colonne A, la proportion des morts etait il est vrai beaueoup moins favorable aux 7. caespitum. Le nombre des 8. Huberi dans cette fourmiliere etait certainement superieur & celui des P. rufescens dans les leurs, meme par rapport au nombre des esclaves. Cette decou- verte m’interessa au plus haut degre, et je mis tout ce que je pus de la fourmiliere dans un sac, afıin de l’&tablir ä& mon retour. Je dus malheureusement voyager encore pendant pres de trois semaines que mes S. Huberi durent passer dans ma malle avec un peu d’eau et de miel. Ils arriverent cependant en partie vivants a Vaux, et j’etablis ce qui en restait dans une arene de gypse avec un appareil (systeme 1). Il y avait dans la fourmiliere des larves et des nymphes 9 © et g’ de S. Huberi, ainsi que des nymphes 5 de T. caespitum, mais aucun 9 ni aucune @ de cette derniere espece. Le deme- nagement de l’arene dans l’appareil ne me montra rien que. ce que j’avais prevu; les Tetramorium, quoique moins nombreux, car ils avaient plus souffert du voyage que les Strongylognathus, firent seuls tout l’ouvrage; ils mangerent seuls aussi le miel que j’avais mis dans l’arene, et le degorgerent ensuite aux S. Huberi. Cette fourmilitre ne me mon- tra des lors rien de partiealier, car les nymphes avaient toutes peri pendant mon voyage, — 31 — sauf une. Mes S. Huberi existent encore ä present (2 octobre 1871) dans l’appareil. J’ob- servai une fois dans tous ses details le degorgement d’un Tetramorium a un S. Huberi ; cela se passa comme chez les aufres fourmis. Les Strongylognathus resterent toujours dans l’inaction la plus complete. Je erois qu’on ne peut refuser au S. Huberi la facult€ de se pourvoir de nymphes 5 caespitum en allant les piller dans les fourmiliöres naturelles, comme le P. rufescens. Reste encore ä observer s’il le fait en realite ä l’ordinaire dans l’etat de nature, XV Myrmeeina Latreillei. Nous avons dejä parl& du nid et de l’habitus de cette fourmi (Architecture et tableau des especes p. 73 et 171). Il nous reste & voir ses maurs. Tous les auteurs qui l’ont ob- servee se sont plus & la decorer des titres de paresseuse et de läche; le second est tres merite, mais pas le premier. 1. J’en trouvai une fourmiliere le 24 juillet 1870, et je la mis dans l’arene de gypse de mes Strongylognathus testaceus, laquelle etait fort grande. Cette fourmiliere se com- posait de pres de 100 9 avee beaueoup de nymphes 9 et J'; je ne pus y trouver de Q feconde, mais plusieurs 9 avaient de gros abdomens. Je leur avais prepare un petit tas de terre humide couvert d’une lame de verre sur laquelle etait une feuille de carton qu’on pouvait öter A volonte. Les Myrmecina se mirent aussitöt ä y creuser des galeries tres etroites, et au milieu, sous le verre, elles firent une grande case qui avait plusieurs prolongements. Elles se montrerent tr&s assidues aupres de leurs nymphes. Au bout de quelque temps plusieurs 9 et plusieurs 9 &taient &elos. Ces fourmis ont une allure tres lente; leur euirasse de chitine est d’une durete A toute Eepreuve; leurs pattes courtes et tout leur corps @pais et ramasse en font un &tre ä part. Elles ont la faculte de se rou- ler en boule en repliant leurs pattes et leurs antennes, comme le font beaucoup d’in- sectes; dans cette position elles ont le bout de l’abdomen vers la bouche, tandis que les Strongylognathus et meme les Tetramorium qui font aussi quelquefois les morts se con- tentent de replier les pattes et les antennes en conservant le corps ä demi etendu. Des qwon les effraie, les Myrmeeina se roulent en boule, sans chercher ni ä s’enfuir, ni ä se defendre; elles conservent souvent dans cette position les nymphes qu’elles tenaient au- paravant entre leurs mandibules. On comprend que celles de mon arene de gypse vecu- rent ä cöte des Strongylognathus qui etaient en fort petit nombre sans se battre avec eux. Je vis des Strongylognathus et de leurs Tetramorium venir visiter le nid des Myr- mecina;, celles-ei les entouraient sans les attaquer, sans m&me les menacer. Si un Stron- gylognathus dans cette position menacait une des Myrmecina, celle-ci se roulait en boule, meme au milieu de son nid, dans la case centrale. Je remarquai que les Myrmecina, pour eviter ces invasions, se contentaient de placer une 9 ä l’entree de chacune des petites —_— 392 — ouvertures du nid; cette 9 fermait entierement l’entree avee sa tete ou son abdomen. Mais mes Myrmecina voyageaient aussi dans l’arene; elles mangeaient du miel; j’en vis beaucoup qui allerent jusqu’ä l’entree de l’appareil des Strongylognathus, mais sitöt qu’un de ceux-ci les approchait, elles se roulaient en boule jusquw’ä ce qu'il füt parti. Un jour elles voulurent demenager et aller dans un autre coin de l’arene. A cet effet elles se suivirent ä la file; j’en vis une seule essayer de porter une de ses compagnes qui s’y refusa. Je n’avais jamais vu une Myrmecina combattre, et, pour y parvenir, j'en mis une au milieu d’une fourmiliere de 7. caespitum. Elle se roula aussitöt en boule; les Tetra- morium avaient presque l’air de l’eviter (son odeur framboisee en &tait-elle cause?). Je reussis cependant ä chicaner assez deux ou trois T, caespitum pour quwils s’acharnassent sur la Myrmecina. Celle-eci ne se deroula que lorsqu’elle fut tres fortement mordue, et ne mordit elle-m&me qu’une fois ou deux pour lächer prise aussitöt apres. Mais apres avoir ete ainsi malmenee pendant une demi heure, ma M. Latreillei se portait aussi bien qu’en commencant; cela montre ä quel point cette espece est coriace. 2. Les deux nids de M. Latreillei que j'ai trouves &taient eontigus, l’un A un nid de F. rufa et l’autre & un nid de Ponera contracta. C’etaient plus ou moins des nids dou- bles, surtout le second. Une autre fois je vis des © ailees sortir de la fente d’un mur, mais aucune 9 ne les accompagnait. 3. Une 5 que je trouvai occupee ä lecher un chat en putrefaection me montra par la qu’elle ne dedaignait pas ce genre de nourriture, et se rapprochait en cela des Tapi- noma et des Tetramorium. XIX Stenamma Westwoodi. Cette espece qui n’est pas rare dans le nord de l’Europe se trouve exclusivement dans les nids des F\ rufa et pratensis. Feerster, Nylander, Mayr ete. en parlent et sont tous d’accord sur ce fait. Mais aucun d’eux ne decrit son genre de vie d’une maniere qui puisse deeider si elle est amie de ses hötes, ou si elle en est ennemie comme Je S$. fugax. En un mot, on ne sait pas si ces fourmis d’especes differentes qn’on voit melees en demolissant le nid sont lä en nid double ou en fowrmiliere mixte. Cette question est d’un grand interet; le peu que j’ai pu voir parle pour un genre de vie intermediaire, fait qui s’expliquerait par la grande difference de taille entre la Stenamma et la F. rufa, dont en outre l’une est dans les Myrmicidae tandis que l’autre est dans les Formicidae. Je ne erois pouvoir mieux rendre mon idee qu’en comparant la conduite des F\. rufa en- vers les S. Westwoodi avec celle des fourmis en general envers les col&opteres myrme- eophiles (voir ailleurs). Malheureusement je n’ai pu trouver la $. Westwoodi qu’une seule fois, chez la /\. rufa, et mes experiences sont fort incompletes. J’avais pris le 1” aoüt 1869, pres de Zurich, une quantite de F, rufa, dans une — 353 — fourmiliere qui eontenait des intermediaires entre $ et @. Je les avais mises dans un sac que je n’ouyris qu’ä mon arrivee ä Vaux, le 5 aoüt, pour l’etablir au pied d’un poi- rier. Lä seulement je vis des S. Westwoodi 3 et @ apteres qui couraient parmi les rufa, se glissant entre les morceaux de bois assez gros dont les debris du nid (qui etait ä moitie dans un trone pourri) se trouvaient composes. En examinant un de ces debris de bois avee soin, je trouvai une petite case ä parois tres minces, ereusee dans le bois, et contenant un paquet de larves extr&mement petites qui ne pouvaient, semblait-il, appar- tenir qu'aux Stenamma. Leur forme etait fort differente de celle des jeunes larves de F. rufa sortant de l’euf, et leur taille encore plus petite; elles ressemblaient en tout point ä celles des Leptothorax. De plus la case &tait trop petite pour pröter passage ä une F. rufa 3. Mais aucune fourmi ne surveillait ces larves (peut-etre avais-je fait tomber les gardiennes). Je pris ce que je pus attraper de Stenamma, c’est-ä-dire pres d’une trentaine, 9 et Q, et je les mis dans un bocal avee des F. pratensis 9 d’une fourmiliere de Vaux. Les pratensis ne firent guere attention aux Stenamma; deux ou trois fois cependant elles en prirent une par le thorax et la serrörent un instant entre leurs mandibules, mais la Stenamma s’echappa chaque fois sans paraitre avoir souffert. Je remarquai que les Ste- namma Q@ se conduisaient exactement comme des 9; les unes comme les autres couraient toujours tres rapidement, d’un air inquiet, passant entre les jambes des pratensis, et changeant ä chaque instant de direction sans s’arreter. Elles perirent presque toutes en quelques jours, mais sans que j’eusse pu remarquer de combat serieux entre elles et les F. pratensis, sans qwelles se fussent attachees aux pattes de ces dernieres. Elles ne voulurent pas toucher aux petites larves dont j’ai parle, et que je leur avais donnees. Mes rufa, inquietees par des L. niger, s’etant mises ä demenager, je remarquai quel- ques Stenamma © et 3 qui se trouvaient sur le trajet de la migration, ä une certaine distance du tas ou nid primitif. Elles &taient singulierement agitees et accostaient toutes les 3 rufa, qui passaient, courant entre leurs jambes, les frappant de leurs antennes, et grimpant meme sur leur dos. Les rufa avaient l’air de les ignorer compl&tement, et, sans leur faire de mal, ne repondaient point ä leurs avances. Il ne restait presque plus de Stenamma sur le tas des rufa. Le 10 aoüt, apres un temps de pluie, je retrouyai mes rufa etablies & plus de trois metres du poirier oü elles &taient d’abord. Leur nombre avait fort diminue. Or je vis une 5 Stenamma parmi elles, et je constatai avec soin son identite. C'est une preuve Evidente que ces petites fourmis sont capables de suivre les F. rufa dans leurs migrations, malgre la disproportion de taille. Je mis enfin dans un bocal, avee des 9 rufa de la fourmiliere de Zurich, une © Stenamma vestee seule vivante de l’experience avec les pratensis. Ces rufa ne lu firent aucun mal; une seule d’entre elles la prit une fois un instant entre ses pinces, puis la relächa aussitöt. Une fois la Stenamma vrencontra une petite 5 rufa; elles sauterent 45 — 354 — l’une au devant de l’autre deux ou trois fois, comme deux 9 de la m&me fourmiliere qui se parlent, et elles ne se firent aucun mal. La Stenamma courait au milieu des rufa et grimpait sur leur dos impunement, mais dans la regle les rufa ne faisaient aucune attention ä& elle. Pour eomparer, je mis 7 Tetramorium caespitum $ dans le bocal; aussi- töt ils se mirent ä quereller les rufa et ä prendre leurs pattes. Celles-ei de leur cöte les mordirent avec colere chaque fois qu'elles les attraperent, et cela au point de les couper en deux, de sorte qu’au bout d’une demi heure tous les sept etaient tues, tandis que la Stenamma eourait toujours au milieu des rufa sans &tre maltraitee. Ce qu'il y a de plus caracteristique pour la S. Westwoodi, c'est son allure rapide et son agitation perpetuelle. Il me parait probable que c'est elle qui recherche les F\. rufa et pratensis, tandis que celles-ci ne lui temoignent que de l’indifference. Mais je ne puis dire ni si elle se fait des cases ä& part, nı oü elle place ses larves. XX Camponotus ethiops et genre Camponotus. 1. J’elevai pendant tout un ete une fourmiliere de C. aethiops dans un appareil en fer-blane (systöme D). Aucune fourmi ne me montra aussi peu de faits interessants, sauf peut-&tre le C. marginatus. Le miel etait la seule nourriture goütee par cette race; des insectes que je mettais dans la mangeoire y etaient laisses en paix ou seulement tues ä& coups de dents, mais jamais manges, jamais portes dans l’appareil. A peine mes Campo- notus daignerent-ils y transporter un ou deux des cocons et des larves d’autres fourmis que je leur donnai, encore les rejeterent-ils bientöt apres dans la mangeoire; je ne leur en vis jamais manger. J’avais donne ä cette fourmiliere, outre sa propre @ feconde, une Q feconde &trangere, mais de son espece; elle vecut en fort bonne intelligence avec les 5 et l’autre ©, fait tres exceptionnel. 2. Je fis attaquer une fois, au printemps, une fourmiliere de (. aethnops par une grande quantite de F. pratensis places au devant du nid @thiops. Les praiensis envahirent presque aussitöt les galeries des «ethiops dont la plupart furent tues; un fort petit nom- bre seulement, y compris une @ feconde, purent s’enfuir, car ils avaient eu le tort de se defendre en se retirant toujours plus profondement dans leur nid. Un certain nombre de F. pratensis furent tuees par les grosses 9 aethiops. 3. Tous les Camponotus eombattent de la m&öme maniere; les grosses 9 defendent le nid en placant leur tete devant les ouvertures et en retirant les antennes en arriere; tout ennemi qui veut s’approcher recoit de violents coups de dents donnes toujours avec un lan de tout le corps. S’ils attaquent hors de leur nid, les Camponotus vont en troupe serree. Les grosses $ sont plutöt devant; elles marchent prudemment, toujours en reti- rant leurs antennes et en se lancant vivement en avant pour se rejeter aussitöt apres en arriere. Le signal de l’alarme est tres partieulier; non seulement les Cumponotus se frap- — 35 — pent vivement et ä coups repetes les uns les autres, mais en m&me temps ils frappent le sol deux ou trois fois de suite avec leur abdomen, et repetent cet acte & de courts intervalles, ce qui produit un bruit trös marque qu’on entend surtout bien lorsque le nid est dans un trone d’arbre. En somme les fourmis de ce genre sont toutes eraintives et delieates, ä part la tete des gros individus dont les mandibules tres fortes et tres dures sont une arme redoutee de presque toutes les fourmis, La plus craintive est le ©. mar- ginatus qui ose ä peine defendre son nid; puis viennent les C. sylwalicus, aethiops et lateralis; le ©. pubescens est la plus robuste et la plus courageuse. J’ai &te temoin d’un combat entre des (©. herculeanus et des F. sangwinea, combat que je n’avais point pro- voque. Les ©. herculeanus vaineus &taient obliges de s’enfuir; il y avait des morts des deux cötes. Des P. rufescens 9 mis avec quelques grosses 5 de C. pubescens eurent tous la tete coupee en moins d’une demi-heure. 4. Les ©. lateralis ont l’habitude de grimper sur les brins d’herbe pour en redes- cendre aussitöt; j’ai suivi des 9 qui monterent et descendirent ainsi sur plus de vingt brins d’herbe de suite sans s’arreter; j’ignore ä quoi cela leur sert. Ils savent du reste fort bien eultiver les pucerons. lJallure des petites 9 rappelle celle des Tapinoma; elles 'vont aussi röder pres des fourmilieres d’autres especes. 9. Les ©. ligniperdus, herceuleanus et pubescens, surtout ces derniers, sortent en lon- gues files pour exploiter les pucerons d’un ou de plusieurs arbres; les plus grosses 9 savent se faire servir m&me par de petits pucerons. Les petites 9 s’oceupent surtout ä& soigner les larves et les nymphes. Quant aux chefs ou « doyens d’äge(!) » dont parle Ebrard (l. e. p. 11), un leeteur attentif concevra des doutes graves ä leur egard; je erois pouvoir assurer qu'ils sont un pur effet de l’ima- gination de l’auteur. Huber a dejä montre que les fourmis n’ont jamais de chefs, et que meme les F. fusca, auxiliaires des P. rufescens, ne subissent pas la moindre contrainte; je ne puis que confirmer son opinion; je n’ai jamais vu une fourmi jouer envers ses compagnes un röle preeminent. Une grosse 9 est toujours l’objet d'un peu plus d’atten- tion qu’une petite de la part des autres, dans la simple proportion du volume plus con- siderable qu’elle represente. Si les grosses 9 marchent en tete, c’est pour defendre la fourmiliere, les petites n’en &tant pas capables; lors d’un demenagement, on ne peut voir auceune difference dans le genre d’activit@ des diverses formes de 9. En somme, pourtant, on peut dire qu’ä l’ordinaire les petites 5 sont plus travailleuses que les grosses qui sont ä leur tour plus guerrieres (comparer avee XXV]). 6. La moitie du dessous d’une pierre que je soulevaı ä& Mendrisio etait occupee par une forte fourmiliere de C. aethiops, et l’autre moiti& par une forte fourmiliere d’A. structor. Le mur mitoyen etait tres mince, et des que j’eus enleve le plafond commun, un violent combat s’engagea. Les A. structor y deployerent toute leur faiblesse et leur ineptie; toutes, m&me les gros individus, furent coupees en morceaux par les mandibules des grandes 9 aethiops; elles ne surent se servir ni de leurs mandibules, ni de leur ai- guillon, ni m&me de leurs pattes pour s’enfuir ä& temps. — 356 — 7. Le C. ligniperdus est plus robuste que le (©. hereuleanus. J’ai mis souvent de gros tas de F\. pratensis devant des fourmilieres de (C. ligniperdus; les grosses 9 de ces der- niers ecraserent toujours des centaines de 9 pratensis entre leurs pinces, et le reste de celles-ci durent s’enfuir. Je n’ai jamais vu des Oumponotus poursuivre leurs ennemis ou leur ravir des nymphes. 8. Les Oamponotus sont doues d’un excellent odorat. J’avais pris un nid de (\ her- culeanus sculpte dans le bois et je l’avais mis dans ma chambre. Beaucoup de 9 y etaient restees, mais je voulus m’en debarrasser afin de garder le nid, et pour cela je me con- tentai de ne pas les nourrir. Elles se mirent alors & courir partout, et m&me ä sortir par la fenötre, mais elles rentraient toujours au nid. J’avais ä quelque distance d’elles une grande aröne de gypse ä mur fort eleve, et renfermant des $. testaceus. Dans cette arene 6tait du miel que les Oumponotus ne pouvaient ni voir, ni rencontrer par hasard ä cause du mur de oypse. Eh bien de grosses 9 herculeanus se mirent A attaquer mon mur pendant la nuit avec leurs pattes et leur t&te, reussirent & y faire une breche, en- vahirent l’arene et mangerent le miel. Je refis le mur plusieurs fois, mais elles recom- mencerent toujours ä le battre en breche. Enfin je lui donnai une telle Epaisseur qu’elles ne purent plus y parvenir. Une 9 arriva cependant ä l’escalader je ne sais comment, mais apres s’etre gorgee de miel, elle ne put plus ressortir de l’arene, car elle avait perdu son agilite, et je la retrouvai le matin, l’abdomen gonfle, appuyee contre le mur de gypse, contre lequel venaient &chouer cette fois tous ses efforts. Les Camponotus, malgre leur bon odorat, d&menagent comme les Formica, c.-A-d. en se portant les uns les autres. J’ai observe p. ex. des (©. marginatus qui quittaient la brancHe d’un poirier pour aller s’etablir dans un vieux poteau; ils s’y transportaient mutuellement. XXI Especes et races du genre Formica. Nous en avons dejä parle & propos de plusieurs experiences. Je ne veux guere don- ner iei que les traits qui caracterisent chacune des formes de ce genre, le plus interes- sant de tous au point de vue des maurs. 1. espece. F. fusca. Elle se distingue des autres par ses nids presque toujours de terre pure, ou de bois pur, par sa taille moins grande, son agilite, son adresse, et une activite moins collective des 9. Gräce ä leur manque de tactique d’ensemble, & l’initiative presque uniquement individuelle des 9, les fourmilieres ennemies des races de cette espece peuvent vivre ä de tres petites distances les unes des autres sans se faire de guerre en regle; tout se borne ä& des escarmouches qui n’interessent que quelques 9. Pour la meme raison, et gräce ä leurs nids plus caches, elles peuvent exister aussi ä& de faibles distances des four- —_— 37 — miliöres des autres espöces du genre, maistelles sont souvent alors exposees aux incursions de ces dernieres. Deux des races de cette espece servent en effet quelquefois d’esclaves ä d’autres especes du genre ainsi qu’au P. rufescens. 1. race. F. gagates. Vie cachee; elle se nourrit presque exclusivement de pucerons. Je l’ai vue cependant parfois s’emparer de chenilles vivantes et les tuer. Elle rappelle le C. ethiops et lateralis, ainsi que le Z. fuliginosus dans son allure mesuree, point sacea- dee comme celle des autres Formica. Un peu moins timide que la race suivante, surtout lorsqu’elle se sent en nombre, elle sait aussi combattre avec un peu plus d’ensemble. Dans deux combats que je provoquai entre Cump. sylvatico-ethiops et F. gagates, ces der- nieres eurent la victoire, a nombre egal. 2. race. F. fusca i. sp. Timide; c’est la forme qui est le plus souvent esclave. Elle chasse plus que la preeedente; elle sait attaquer les Zasius niger et flavus, et s’emparer des @ et des 9 d’autres especes A l’epoque de l’accouplement pour s’en nourrir. Elle sort de son nid par des ouvertures cachees. Elle ne sait pas se defendre avec ensemble, et les Od vont individuellement ä la recherche des pucerons ou ä la chasse. Ses fourmilieres sont moyennes ä l’ordinaire, quelquefois petites, rarement en colonies. Nids souvent dans les trones. 3. race. F. cinerea. Elle se distingue de la precedente par ses grandes fourmilieres en colonies, par ses nids mines et ouverts, par sa vie au grand jour, en plein soleil, et par une audace individuelle tres grande. Elle lui ressemble par son manque complet d’en- semble dans la defense du nid (p. 313 et 314, attaque de rufescens), tandis que plusieurs 9 savent fort bien se reunir pour attaquer des insectes. Elle est d’une agilite incroyable, et tres carnassiere, ce qui ne l’empeche pas d’avoir aussi ses pucerons sur des plantes. 4. race. F. rufibarbis. Elle se distingue des deux precedentes par un ensemble beau- coup plus grand dans la defense de son nid, ce qui est surtout sensible lors des invasions qu’y font les P. rufescens (VIII. 12). Quoique servant souvent d’esclave A la F. san- gwinea, elle a beaucoup de rapports de meurs avec elle. Comme la F. fusca i. sp., elle a des fourmilieres moyennes, quelquefois petites, et elle fait rarement des colonies qui sont toujours de peu d’etendue. Son agilite &gale celle de la A! cinerea. Comme elle, elle vit au grand jour, cependant un peu moins, et ses nids sont souvent un peu plus fermes. Elle est encore plus carnassiere et plus audacieuse que la F. cinerea, quoique cela ne paraisse pas autant & cause de son abondance moins grande en un m&me lieu. Elle va individuellement voler des Z. Hlavus jusque dans leur nid. Lorsqu’on depose un gros tas de F. rufa avec leurs cocons en un lieu queleonque aux environs duquel se trouvent des F. rufibarbis, on voit des 9 rufibarbis arriver, en s’aidant des brins d’herbe comme les Tapinoma, jusqu’au milieu des rufa, et leur voler des nymphes qui sont pourtant en- tourees de centaines de defenseurs. Rien de plus eurieux que de suivre une de ces 9. Des. qu’elle rencontre une 5 rufa, elle fait un saut de cöte et se glisse ainsi au milieu de ces redoutables adversaires tantöt en s’effacant derriere un grain de terre, tantöt en _— 358 — grimpant sur un brin d’herbe, toujours alerte et sachant echapper ä cette nude d’ennemis qui l’entourent. Si une 9 rufa saisit une de ses pattes, elle fait la morte, et des que la rufa läche prise pour mieux mordre, elle s’enfuit. Lorsqu’elle a trouve au milieu des rufa, apres avoir furete dans tous les coins, un cocon mal garde, elle s’en saisit et s’en- fuit au plus vite. Si une rufa l’arröte en attrapant le cocon, elle ne läche point prise, mais continue & tirer; la rufa, toujours maladroite, semble eroire souvent que c’est une de ses compagnes qui tient ce cocon, ou bien c’est pour mieux le prendre qu’elle läche prise ; bref, la rufibarbis arrive presque toujours ä le lui arracher. Cette audace est in- eroyable et t6moigne d’une adresse infiniment superieure ä celle des F. rufa. J’ai vu des F. rufibarbis arriver jusqu’au bord du döme d’un gros nid tres peuple de F. pratensis d’oü partaient eing ou six chemins bourres de fourmis. Mettez une 5 rufibarbis prise delieatement lorsqu’elle court dans un pre (ce qui n’est pas facile), au milieu d’un döme fourmillant de F. rufa ou pratensis; s’il fait un beau temps chaud vous la verrez tou- jours s’echapper saine et sauve. J’ai vu des F. rufibarbis $ attraper en quantite des mouches du genre Bibio pleines de vie, lors de leur accouplement. Ce qui distingue la F. rufibarbis, comme les autres races de cette espece, des F\. sanguinea, rufa et exsecta, ainsi que de leurs races, c’est son manque de tactique, d’ensemble. Elle ne sait pas for- mer de troupes oü une 9 puisse r&pandre promptement un signal ou donner une di- rection. Les formes intermediaires entre ces races ont des meurs intermediaires (p. ex. F\ cinereo-rufibarbis). 2. espece. F. sangwinea. 1. Cette fourmi qui forme un intermediaire entre les meurs de son genre et celles du genre Polyergus fait aussi transition dans un autre sens entre les habitudes de l’espece rufa et celles de l’espece fusca (race: F\ rufibarbis). Elle a la taille et la force de la F. rufa, et une partie de l’agilitE et de l’adresse de la F\. rufibarbis. Ses fourmilieres sont moyennes ou assez grandes; nous avons vu ailleurs la variete de ses nids. Cette fourmi combat avec une veritable tactique deja plus ou moins deerite par Huber. Lorsque des F. sangwinea ont affaire ä& un ennemi de leur taille, elles ne l’attaquent pas de front, mais cherehent toujours ä le surprendre de cöte. Elles vont par petites troupes qui en- voient constamment des courriers chercher du renfort en arriere et s’oceupent & Epier les mouvements de l’ennemi et ses points faibles. Si une armee serree de F\. pratensis s’a- vance contre elles, elles cherchent ä l’effrayer par des surprises. Tandis que le front de l’armde des pratensis est & deux pieds du nid des sanguwinea, on voit tout-A-coup une troupe de celles-ei aller attaquer les flancs ou la queue de cette armee, s’elancer avec une impetuosite ineroyable au milieu des pratensis, mais ceder et se retirer presque aus- sitöt si la resistance est trop forte. Ces attaques par derriere effraient beaucoup les pra- tensis qui finissent souvent, lorsqu’elles sont r&petees, par prendre une panique subite et — 359 — par eeder sur toute la ligne ä la fois. C'est alors surtout que se deplöie l'intelligence des F. sanguwinea. Elles savent toujours saisir l’instant ou les pratensis se communiquent le signal de la deroute, et elles savent s’apprendre cette decouverte les unes aux autres avec une rapidite ineroyable. Au moment m&me oü l’on voit les pratensis se jeter les unes contre les autres en se frappant de quelques coups rapides, puis cesser toute resistance et s’enfuir en masse, on voit aussi les sanguinea se jeter tout-ä-coup au milieu d’elles sans la plus petite retenue, mordant ä droite et ä gauche comme des Polyergus, et arra- chant les cocons de toutes les pratensis qui en portert. J’ai vu souvent au premier in- stant une seule petite sangeinea faire ce manege au milieu de milliers de pratensis plus grosses qu’elle, sans craindre de les assaillir les unes apres les autres. Les prutensis sont si stupefiees qu’elles ne font plus la moindre resistance, fussent-elles cent contre une. Une fois, des pratensis ainsi vaincues s’etaient refugiees en masse ä un metre de distance, sous les larges feuilles d’un plantain, avec leurs cocons. Je vis arriver une seule petite 9 sangwinea qui penetra au milieu d’elles, et aussitöt toutes s’enfuirent ä la fois en abandonnant leurs eocons. Aucune fourmi ne se jette sur les eocons des autres especes comme la F. sangwinea; lors des combats, on dirait que c’est son seul but. Tandis que les F. rufa s’acharnent toujours sur les ennemis qu’elles ont fait prisonniers pour les tuer, les sanguined ne le font presque jamais. Ce n’est pas en tuant beaucoup d’ennemis, mais en r&epandant l’effroi dans leur camp quelles arrivent & vaincre. On voit ä chaque instant une F\ sanguinea se rouler par terre avec un ennemi, puis le lächer aussitöt pour tomber sur un autre. Si l’on suit une sangwinea dans une de ces melees, on verra quelle arrache souvent un cocon ä un ennemi pour le rejeter aussitöt par terre et en arracher un second & un second ennemi. J’en ai vu repeter cet acte plus de dix fois de suite sans jamais emporter le cocon ainsi conquis. Leur but est-il d’effrayer par la un grand nombre d’ennemis, ou simplement de les empecher d’emporter les cocons? Je n’en sais rien, mais il est certain qu’elles arrivent ä ces deux resultats. 2. Les F. sanguinea travaillent fort bien dans leur nid, savent soigner les larves, bätir ete. (X). Beaucoup d’auteurs se sont demande pourquoi elles faisaient des esclaves. Or jai observe des fourmilieres de F. sangwinea ne contenant pas une seule esclave fusca ni rufibarbis, tandis que dans d’autres situees ä peu de distance les esclaves formaient la moitie de la fourmiliere. Le elimat n’est done pas pour grand chose dans ceci, et les observations de Smith utilisees par Darwin, pretendant qu’en Angleterre la F\ sangıinea fait moins d’esclaves que dans le midi, me paraissent avoir peu de portee. J’ai en effet observe sur le col de Maloggia, & une elevation de pres de 1800 metres, sous un elimat tout particulierement froid, des fourmilieres sanguinea sans esclaves, et d’autres qui en avaient beaucoup. J’ai fait la m&eme observation au pied du Mont-Tendre, c’est-ä-dire presque dans la plaine. J’ai cru observer que les nids sans esclaves contenaient un nom- bre partieulierement grand de 9 sangwinea tres petites; la loupe me montra toujours leur chaperon €Echanere; ce n’etaient done point des F\. rufibarbis, race qui manquait du — 360 — reste dans les environs, tandis que les fusca y abondaient. Cependant cela n’explique pas grand chose, car il y a de petites 9 sangwinea dans toutes les fourmilieres, aussi dans celles ü esclaves. Je ne veux pas trop rechercher le motif qui pousse les sanguinea ä se faire presque toujours des esclaves. Peut-&tre le sentiment de leur force, et le desir de travailler moins, pour faire plus ä leur aise la chasse aux Las. flavus et niger, est-il le mobile qui les pousse ä cet acte. Celui-ci leur serait peu ä peu devenu plus ou moins instinctif puisqu’il etait avantageux ä la conservation de leur espece. Des faits analogues que nous verrons plus loin (XXIT), chez les F. rufa et exsecta, semblent parler pour ce que je viens d’enoncer. 3. La maniere dont la F\ sangwinen se procure ses auxiliaires est fort differente des procedes du P. rufescens. Chose curieuse, quoique cette fourmi soit commune dans toute l’Europe, aucun auteur, sauf Huber, ne parle de ses expeditions. Il faut dire, il est vrai, qu’elles commencent ordinairement le matin, durent longtemps, et sont peu frequentes. Huber les a admirablement deerites; j’ai pu confirmer l’exactitude de tout ce qu'il en dit. On peut observer ces expeditions des le milieu de jun au milieu d’aoüt (& Vaux du moins). Les F\. singuinea partent par petites troupes, sans ordre; ces troupes envoient constamment des @missaires pour chercher un renfort qui n’arrive que peu ä peu, de sorte qu’elles emploient plusieurs heures pour arriver ä leur but. On ne voit point une armee compacte ayant une tete et une queue, mais, sur un espace de vingt ä soiwante pas, on remarque des pelotons de fourmis qui se suivent, et entre deux des 9 isolees qui vont et viennent. Lorsque le peloton qui marche en tete a trouve un nid de F. fusca ou de F\ rufibarbis, il ne fait que l’examiner; les habitants (F. rufibarbis p. ex.) ont le temps de se reconnaitre et de chasser les premieres sanguinea ou meme de les faire prisonnieres. Les sangwinea se hätent alors d’aller appeler du renfort; nulle part mieux que lä on ne peut observer les signaux et la maniöre dont ils sont compris. Ces fourmis font un veritable siege ou plutöt un blocus, jamais d’invasion subite. Elles for- ment un cerele ou au moins un demi-cerele autour du nid de leurs ennemis et restent sans avancer, les mandibules ouvertes et les antennes en arriere. Les rufibarbis de leur cöte arrivent en masse sur leur döme, s’entassent sur les ouvertures du nid, et cherchent inutilement & attaquer les sangwinea. Quand ces dernieres se sentent en force suffisante, elles tentent l’assaut qui ne manque jamais, et dont le but @vident est d’arriver aussi vite que possible aux ouvertures du nid pour empecher les rufibarbis d’emporter leurs nymphes. La seule presence des sanguinea effraie en effet tellement les rufibarbis que presque toutes sont dejä hors de leur nid au moment de l’assaut. Cet assaut produit une melee d’une vivacite etonnante. Les sangwinea s’elancent avec un ensemble remarquable sur le döme et se repartissent en autant de troupes qu'il y a d’ouvertures. Chacune de ces troupes penetre en partie dans l’ouverture qu’elle assiege en bouseulant les rufibarbis qui en sortent, et en formant une veritable douane qui permet aux fourmis de sortir seules, mais force ä& rentrer toutes celles qui portent des nymphes. En effet, des que — 8361. — l’assaut a commencee, toutes les rujibarbis cherchent & s’enfuir avec leurs nymphes, et c'est ce que les sungwinea ne veulent pas. Rien n'est curieux comme d’observer cette lutte aux portes du nid. Ici une »ufibarbis parvient ä s’enfwr; la une sanguwinea arrache une nymphe ä une rufibarbis et la reintroduit dans le nid ou l’y jette simplement par l’ouverture; ailleurs une rufibarbis veut sortir en emportant une larve, mais elle se voit rejetee dans le nid avec son fardeau, etc. Au bout de quelques minutes les sanguinea ont ainsi force les rufibarbis A evacuer leur nid en y laissant presque toutes leurs nymphes; elles ont en meme temps penetre peu A peu elles-memes dans le souterrain. Quelques rufibarbis essaient bien d’y rentrer, mais il est rare quelles arrivent ä en retirer une nymphe. Les sanguinea n’ont pas il est vrai les terribles mandibules pointues ni l’elan irresistible des P. rufescens, mais elles sont en revanche bien plus grandes et plus fortes qweux. Aussi lorsqu’une rufibarbis ou une fusca lutte avee une sanguinea pour la pos- session d'une nymphe, a-t-elle toujours le dessous au bout d’un instant. Aussitöt apres lassaut une partie des sanguinea se mettent em petites troupes A la poursuite des rufi- barbis dans toutes les directions, afın de leur ravir encore les quelques nymphes qu’elles ont emportees. Elles les debusquent des touffes d’herbe et des trous de grillons oü les rufib. venaient de se refugier avec leurs @ fecondes et le peu qu’elles avaient sauve du pillage, s’y eroyant en sürete. Bref, c’est une razziıa aussi complete que possible. Une fois les rufibarbis entierement eliminees et les sangwinea etablies dans le nid congquis, ces dernieres commencent ä emporter les nymphes hors du nid, et ä les transporter chez elles, ce qu'elles font sans se presser. Üe demenagement dure encore pendant la journee suivante, meme quelquefois pendant trois jours et plus, lorsque la distance est grande et le butin considerable. Elles abandonnent ensuite le nid pille ou les wufibarbis ne rentrent presque jamais. Les F. fusca resistent au commencement avec tout autant d’energie que les F. rufibarbis, et elles se determinent en general moins facilement que ces dernieres ä pren- dre la fuite. Lorsque les sanguinen font l’assaut de leur döme et que toute resistance au dehors est devenue impossible, ıl arrive le plus souvent que les A. fusca au lieu de fuir rentrent preeipitamment dans leur nid et barrieadent leurs portes avec des grains de terre. Mais les sangıinea ont bientöt arrache tous ces obstacles et se mettent a envahir le nid. Au bout d’un moment on voit tout-a-coup les frscıt sortir en masse avee des larves et des nymphes. Elles ne font des lors presque plus de resistance, et sont activement pour- suivies par les sanguine«. En somme on peut dire que les rwjibarbis qui perdent plus vite leur espoiv, qui fuient plus töt avec leurs nymphes, conservent par contre beaucoup plus de courage individuel apres l’assaut, car elles osent m&me rentrer au milieu des sanguinea pour reconquerir leurs eleves. Les sangıinea cherchent toujours A tuer le moins possible de rufibarbis ou de fusca, mais lorsque ces fourmis s’attachent avee trop d’achar- nement ä leurs pattes, elles les ecrasent avec leurs mandibules. Les expeditions des F. sanguinen commencent, avons-nous dit, le matin; suivant la distance ou se trouve la fourmiliere qu’elles vont attaquer, l’assaut a lien a 11 heures, 46 — 862 — midi, 1 heure, 2 heures, parfois m&me seulement & 3 ou ä 4 heures du soir. J’ai vu des sangwinea, apres avoir conquis le nid d’une premiere fourmiliere rufibarbis, repartiv de ce nid dans une direction qui faisait un angle avec la premiere direetion qu’elles avaient suivie, et aller piller une seconde fourmiliere rufibarbis dont le nid etait situe & 8 pas de celui de la premiere, et ä plus de 50 pas du nid des sangwineu. Un moyen fort simple d’observer ces assauts sans attendre les expeditions des F. sanguinea qui sont rares (guere plus de deux ou trois par an et par fourmiliere), consiste ä remplir un sac de ces fourmis, et ä le verser & trois ou quatre decimetres d’une four- miliere fusca ou rufibarbis. Si les sangwinea sont assez nombreuses, et s’il fait chaud, le combat ne tarde pas ä& Eclater. Mais dans ce cas elles n’ont pas le temps de faire un bloeus, et, surtout si elles ont affaire ä des F! rufibarbis, elles sont ordinairement atta- quedes avant d’avoir pu assaillir. Je vis souvent des F\. sangwinea, en nombre vraiment tres petit, attaquees ainsi par les rufibarbis du nid pres duquel je les avais deposees, se voir piller leurs propres nymphes par les rufibarbis, et pourtant ne pas renoncer ä l’as- saut. Elles finirent m&me dans plusieurs cas par mettre en fuite les rufibarbis vingt fois plus nombreuses qu’elles et par s’emparer de leur nid. Ce n’est ni leur force, ni m&me leur adresse qui leur donne la vietoire, mais simplement leur courage et leur tactique, Elles savent se reconnaitre et marcher avee ensemble au milieu de nuees d’ennemis qu’el- les effraient en les mordant de droite et de gauche sans jamais s’acharner sur l’un d’eux; elles &vitent avant tout de se laisser prendre les pattes. Elles font lächer prise aux rufi- barbis en menacant leur tete de leurs mandibules, comme les P. rufescens, quoique elles ne puissent pas la transpercer. J’ai vu des troupes de dix ou quinze sangwinea savoir man@uvrer assez bien au milieu de centaines de rufibarbis pour arriver & une des ouver- tures du nid et y penetrer ä elles seules, deeidant ainsi le sort du combat, car c’etait le signal de la fuite des rufibarbis. Les rufibarbis se mettent tres töt ä emporter des larves et des nymphes, mais elles continuent malgr& cela ä se defendre, ce qui n'est pas le fait des fusca. J’ai möme vu un cas oü un tres petit nombre de sunguinea apportees par moi avaient r&ussi par leur hardiesse ä envahir un enorme nid de grosses rufibarbis dont les habitants en fuite avec leurs nymphes couyraient le terrain & dix ou quinze decimetres a la ronde. Cependant les rufibarbis qui rentraient dans le nid pour en tirer encore des nymphes ne trouvant plus ou presque plus de sangwinea qui s’opposassent ä elles vinrent rappeler les fuyardes qui rentrerent peu ä peu avec leurs nymphes. En effet, les combats ayant continue, les sanguinea dispersees par la masse enorme de rufibırbis qui sortaient, et amarrees en grande partie au terrain par celles qui se defendaient, n’avaient plus pu se reunir pour assieger les trous; elles furent alors presque toutes tueces par les rufibarbis qui, revenues de leur frayeur, se jeterent sur elles d'un commun accord. Comme Huber, j’ai trouv& plusieurs fourmilieres de F\. sanguinea qui avaient a la fois des esclaves fusca et rufibarbis. I n’y a rien d’etonnant lä, car les sanguinea soignent elles-memes en grande partie les nymphes de leurs esclaves. Ce qui est bien plus curieux, c’est qu’une Bin —_— 363 — möme fourmiliöre de P. rufescens ne pille presque jamais (IX) qu’une des deux races d’es- claves, lors möme que des fourmilieres de l’autre sont ä sa portee. 4. Les F. sanguinea vont encore souvent attaquer en petites troupes des nids de Lasius niger et flavus; elles s’amusent ä& en tuer les habitants, mais ne s’emparent du nid que lorsqu’elles veulent s’y Etablir. Schenk a eru & tort qu'elles faisaient des esclaves avee les nymphes du Z. alienus, et F. Smith qu'elles en faisaient avec celles du Z. flavus. C'est une erreur complöte; elles ont toujours mange les nymphes de Lasius que je leur ai donnees. Ces auteurs ont evidemment pris des cas de nids doubles pour des fourmilieres mixtes. Il m’est bien arrive une fois, le 22 aoüt, de trouver dans un nid de F. sangıinea situ& sous une pierre toute une rangee nombreuse de eocons de Lasius (niger? flavus?); mais il n’y avait aucune 9 de Lasius Eelose A cöte, tandis qu’il y avait de nombrenses esclaves rufibarbis. Ce nid contenait en outre de nombreux cocons de rufibarbis et de scingwinea. Mais je vois dans ce fait seulement une preuve de plus que les F. sanguinen font souvent la chasse aux Lasius et & leurs cocons pour les manger (v. du reste l’exp. X). C'est gräce ä la taille de ces cocons et ä la localitE oü se trouvait le nid que je pus reconnaitre avee certitude qu'ils etaient de Lasius. 5. Rien n’est frequent comme de voir demenager les F\ sangwinea, et cependant elles sont au fond d’une fidelite remarquable A leurs nids. Elles ont en effet l’habitude de se construire ou plutöt de voler plusieurs nids (aux F\ fusca qu’elles ont pillees, & des L. flavus ete.), et d’habiter tantöt Tun, tantöt l’autre, souvent deux ou trois a la fois; un d’eux est ordinairement le prefere, du moins pendant quelques annees, puis plus tard c’est un autre. Plusieurs auteurs pretendent quw'elles ont un nid qui leur sert de quartier d’hiver. Je ne le crois pas. Je connais du moins une fourmiliere qui a trois nids et qui a positivement passe l’hiver une fois dans l’un et l’autre fois dans un autre. 6. Lorsque des F. sanguinea sont vaincues par une grosse fourmiliere de F\ pratensıs, ce qui arrive frequemment, elles savent s’enfuir en bon ordre avec leurs nymphes, et de- fendent les portes de leur nid jusqu’& la derniere limite; j’ai vu quelques-uns de ces cas. Les pratensis ne savent pas bloquer le nid; leur but n’est du reste pas de piller les co- cons qu’elles meprisent möme souvent completement. Elles assiegent d’abord d’un seul cöte et seulement une ou deux portes, de sorte que les sanguinea ont le plus souvent le temps de faire tout leur d&menagement par les issues encore libres avant que les pra- tensis y soient arrivees. Les seules deroutes veritables de F. sanguwinea que j'aie observees furent causees par des Polyergus (IX) *). A nombre egal la F. sangwinea l’emporte tou- *) Les combats entre P. rufescens et F. sanguinea sont un des plus merveilleux exemples de l’im- portance de la tactique dans les luttes des fourmis. Aucune fourmi n'est battue aussi facilement par le P. rufescens que la F. sanguinea, et cela parce qu’elle a la m&me tactique que lui, mais avec moins d’ensemble, moins de resolution, et sans avoir les mömes armes. Elle est culbutee et roulde par l’elan irresistible de l’amazone avant d’avoir pu se reconnaitre. En effet, ni l’une ni l’autre de ces fourmis — 364 — jours sur la FR. pratensis; jai vu des sangıinea mettre en fuite des prasensis au moins quatre fois plus nombreuses quelles. Ce qui donne le dessus ä l’ordinaire aux F\. pra- tensis, e’est leur nombre beaucoup plus grand; m&me leurs plus petits nids sont extreme- ment peuples. 7. Je vis une fois des F. sanguinea surprises au milieu d’une expedition par une violente averse, nouveau cas oü l’instinet des fourmis se trouve en defaut. Une autre fois ° je vis une armee de P. rwfescens revenant chargee de nymphes &tre assaillie par une petite troupe de F. sanguwinea,; quelques Polyergus ayant läche leurs cocons pour se de- fendre, les sanguinea attraperent ces derniers et s’enfuirent en les emportant. Une autre fois eneore des F. fusca que j'avais etablies au milieu d’un massif furent pillees moins d’une heure apres leur installation par une troupe de trente ou quarante sangwinea qui venaient d’un tres petit nid situe a dix pas de distance. 9. espece. F. rufa. Elle se distingue des precedentes par le manque d’initiative individuelle, par le sacri- fice de l’individu ä& la masse. C'est preeisement le contraire de la F\. fusca. Tout se fait ne cherche äA tuer ses adversaires ni a les fixer au terrain; chacune au contraire cherche A les inti- mider en s’elangant au milieu d’eux, et en mordant a droite et a gauche. Or dans cette manauvre, les P. rufescens quoique plus petits ont l’avantage de savoir se communiquer beaucoup plus prompte- ment leurs signaux que les sanguinea, d’avoir plus qu’elles la facult€E de marcher rapidement en avant en troupe serree; de plus ils possedent deux terribles mandibules arquees et pointues toujours pretes a transpercer la tete de l’ennemi qui osera les saisir. On comprend ainsi comment une troupe resolue de 60 P. rufescens (IX) put repousser rapidement l’armee plus hesitante de toute une fourmiliere san- guinea (plusieurs centaines de %) jusqu’aux portes de son nid, et lui inspirer par la une telle terreur que toute cette fourmiliere s’enfuit a la fois en quelques minutes, abandonnant honteusement son nid et presque toutes ses nymphes ä ces quelques ennemis. Cette möme armee de 60 rufescens n'aurait certainement pas pu mettre en deroute une fourmiliere de F\. pratensis ni m&me de F. rufibarbis aussi forte que l’&tait celle des sangwinea, et cela parce que ces fourmis, qui ont moins peur que les san- gwinea d’exposer leur vie en s’acharnant sur leurs ennemis dans des luttes corps a corps, auraient em- ploy@ une autre tactique beaucoup plus nuisible aux amazones. Elles les auraient saisies individuelle- ment par le thorax, inondees de venin, amarrees au terrain, et auraient ainsi paralyse leur mouvement d’ensemble en s’acharnant sur chacune d’elles en partieulier. Il suffit de comparer ce combat que je viens de rappeler avec celui de l’experience VIII. 14, oü aussi une soixantaine d’amazones assaillirent a l’improviste une fourmiliere rufibarbis, pour voir combien les sanguinea sont plus facilement battues par les P. rufescens que les rufibarbis. Et pourtant les sanguwinea de l’experience IX auraient pu certai- nement ä leur tour vaincre sans peine une fourmiliere rufibarbis plus eonsiderable que celle de l’expe- rience VII. 14. J’ai provoque des lors plusieurs combats entre P. rufescens et F. sanguinea; ces der- nieres furent toujours eulbutdes avec la m&me facilite et ne purent jamais faire subir de pertes appre- ciables aux amazones. Une fois möme les esclaves rufibarbis d’une petite fourmiliere sanguinea attaquee par des amazones (le combat avait &t& provoque& par moi) resisterent seules jusqu’a la fin, et parvinrent & sauver quelgues nymphes tandis que les sanguinea fuyaient lächement en abandonnant tout. Dr chez elle en commun. Des chemins battus la conduisent le plus souvent ä ses pucerons, aux arbres quelle exploite ete. (v. p. 203). Partout oü elle va ainsi en bande, elle se re- garde comme chez elle, et, si on y met un ennemi, on voit bientöt arriver de la four- miliere des flots de defenseurs. Cette fourmi est essentiellement maladroite ; elle se cogne partout en marchant, passe dix fois & cöte d’un objet qu’elle cherche sans le remarquer ete. Ses mouvements sont brusques. C'est de toutes nos fourmis celle qui a la meilleure vue, mais on dirait que c’est aux depens de ses autres sens qui, ä en juger d’apres ses allures, doivent &tre fort obtus. Ü'est la fourmi qui sait le mieux ejaculer du venin ä distance, et surtout en l’air; elle le lance jusqu’ä eing ou six decimetres de hauteur. Les F. rufa, pratensis et trumeicola vivent au grand jour plus que toutes les autres, et se tiennent sur le döme en assez grande quantite. Au printemps les $ s’y trouvent m&me en gros tas, immobiles, les unes sur les autres. Colonies (voy. p. 190 et 206). Deux points essentiels distinguent cette espece de la F. sangwinea avec laquelle une de ses races, la F. trumeicola, a exterieurement de grands rapports : 1° Sa tactique dans les combats est toujours d’aller en une seule masse serree, droit en avant. Ses efforts ten- dent ä& tuer le plus d’ennemis qu’elle peut, et ä cet effet les 9 se sacrifient aveuglement pour le bien commun. ‚Jamais une petite troupe ne se separe de la masse pour faire une attaque sur les flancs de l’ennemi. Une 5 ne s’aventure presque jamais seule, et si cela lui arrive, elle s’enfuit au plus vite pour rejoindre les autres (ä moins-qu’elle ne tombe au milieu des ennemis avant d’avoir eu connaissance de leur presence, p. ex. au moment ou l’on vient de verser un sac de fourmis vers le nid d’une fourmiliere ennemie). Cette espece ne poursuit jamais un ennemi qui s’enfuit en cessant toute resistance; elle n’en est pas capable. 2° La F. rufa ne fait pas d’esclaves, sauf peut-&tre dans quelques cas anormaux (voir & l’exp. XXII). Nous avons assez parle des guerres des F. pratensis en partieulier (V. 4. etc); celles des F\. rufa eb trumcicola que j’ai observees n’en differaient presque pas. J’ai etudie avec soin un combat entre F. truncicola et F. sangwinea,; les F. truncicola se sont conduites tout-ä-fait comme des prratensis. Gould decrit dejä les migrations des F\. rufa et la maniere dont elles se transportent. Huber les approfondit jusque dans leurs plus fins details. l. race. F. rufa i. sp. Des chemins battus. Grands nids; grandes fourmilieres. Vie dans les lieux boises. En general les nids sont beaucoup plus grands que chez la F. pra- tensis par rapport & la population qu’ils contiennent. Ils sont aussi et surtout plus grands dans le sens absolu du mot. 2. race. F\. pratensis. Exactement comme la preeedente, mais fourmilieres en general moins grandes; les nids sont surtout plus petits, et les habitants y sont tr&ös entasses. Vie dans les prairies et au bord des bois. Chemins battus, le plus souvent du moins. 1. Je n’ai guere A ajouter a ce que dit Huber des migrations de cette race (les mi- grations sont identiques chez les deux autres, comme j’ai pu l’observer). Les 9 se por- tent les unes les autres, et portent aussi les @ et les g par les mandibules ; la fourmi — 366 — portee se roule sous la tete de la porteuse. Ces demenagements se distinguent de ceux des F. fusca et sangwinea par leur plus grand ensemble. Il s’en fait presque toujours plu- sieurs A la fois, puis viennent des contre-demenagements (retours ä l’ancien nid), et cela finit souvent par former des colonies ou m&me des seissions (VII). Un de ces demenage- ments me donna l’occasion de faire un denombrement, fort peu exact il est vrai, mais qui a l’avantage de donner une idee du nombre des 5 d’une fourmiliere pratensis : Des F. pratensis d’une fourmiliere de moyenne grandeur commeneerent et termi- nerent sous mes yeux (ü cötE de ma demeure) un demenagement fort simple d’un ancien nid dans un nouveau, avec un troisieme nid servant d’etape ä mi-chemin. Je me mis & compter, entre l’ancien nid et l’e&tape, combien de $ passaient dans un sens, et combien dans l’autre, pendant une minute ä& une place fixe. Je fis ce denombrement & plusieurs heures differentes des belles journees, et je jugeai approximativement que huit journedes pareilles auraient suffi pour demenager toute la fourmiliere (cela dura plus longtemps & cause de quelques jours froids et pluvieux, puis ä cause du commencement et de la fin du demenagement oü les recruteuses |porteuses] sont toujours en plus petit nombre). Je caleulai aussi d’apres plusieurs observations qu’en moyenne le recrutement durait seulement 7 heures par jour, soit de 942 h. du matin & 4!/s h. du soir, car c’&tait au mois de mai; les nuits &taient tres froides et les journees tres chaudes; on voyait commencer et s’ar- röter le reerutement & un moment relativement tres preeis. J'obtins les chiffres suivants : 1° Reeruteuses retournant ä& vide de l’etape & l’aneien nid . . 38 & 50 par minute, 2° Reeruteuses se dirigeant en sens contraire, de l’ancien nid ä l’&tape, chargees chacune d’unerautre, oe. N ee 3a A OWpArEneIunEn 3° Fourmis allant & vide de l’ancien nid ä l’etape. . . . . . ..8& 7 par minute; 4° Fourmis allant de l’etape & l’ancien nid chargees d'une autre 9. 0. Les nombres de la rubrique 2° doivent &tre doubles, puisque chaque $ en porte une autre. Si nous prenons les moyennes, nous avons 78 O9 allant de l’ancien au nouveau nid et 44 allant du nouveau ä l’ancien par minute. Il s’en suit que la population du nouveau nid s’accroit par minute de 34 9. D’apres les donnees admises plus haut, il est facile de caleuler qu’on arrive & une fourmiliere d’environ 114,000 $ (disons de 90,000 ä 150,000, vu les nombreuses sources d’erreur). Si l’on met la fourmiliere en question qui &tait moyenne en regard des petites et des grandes, on peut penser que les fourmilieres des F. pratensis varient de 5000 ou 10,000 5 ä 400,000 ou 500,000, lorsqu’elles ne forment pas de colo- nies. La population des grandes colonies doit s’elever beaucoup plus haut, surtout chez les F. ewsecta, L. fuliginosus ete. 2. Je m’assurai aussi dans ce demenagement du fait que les recruteuses arrivant & la fin de la journee sur l’ancien nid y restaient; j’en vis möme plusieurs qui voulaient encore emporter des 9 dans le nouveau nid &tre entrainees par celles-ci dans le souterrain. Aussi, le lendemain matin, voyait-on des 9 quitter l’ancien nid chargees d’autres 9, avant que les premieres recruteuses venant du nouveau nid fussent arrivees, — Bla — 3. Une scöne assez curieuse se passa sous mes yeux lors de ce meme demenagement. Je vis tout-A-coup une grosse 9, &videmment malade, luisante, marcher en trebuchant, avec les tarses et les antennes flötris, ayant une mandibule ouverte et l’autre fermee, Elle marchait sur le döme de l’aneien nid. Je vis d’autres 9 s’approcher d’elle, la lecher ä divers endroits, la palper avec leurs antennes, et chercher ä l’entrainer doucement dans linterieur du. nid en la tirant par les pattes. Une reeruteuse de taille moyenne arrive soudain, ecarte les autres $ d’un air resolu et cherche & prendre la malade. Elle l’invite avec les antennes ä s’accrocher ä l’une de ses mandibules, mais la malade n’a pas l’air de comprendre. Elle essaie alors de la prendre par la tete, par le pedieule, par le cou, par les pattes; elle la pousse vivement dans tous les sens. La malade a enfin !’air de com- prendre ä moitie ce qu’on lui veut; elle replie ses pattes et ses antennes, puis se laisse tomber, mais sans prendre une mandibule de la reeruteuse. Celle-ci la saisit alors par deux de ses jambes replies ä& la fois, et l’emporte ainsi vers le nouveau nid. Un quart d’heure apres je retrouvai ce couple quelques pas plus loin, sur la ligne de reerutement; je le reeonnus & la maniöre anormale dont la malade etait portee. Je fis lächer prise a la reeruteuse au moyen d’un fetu. La malade se deroula et recommenca ä boiter, mais la reeruteuse revenue de sa peur la saisit de nouveau et continua son chemin en la portant. Voilä un cas oü une $ malade fut T’objet d’attentions speeiales de la part de ses com- pagnes ; Ebrard et Huber eitent des cas plus touchants, mais peut-&tre moins Evidents. Ici il n’y a pas de doute; on la porte dans le nouveau nid, et en la prenant d’une ma- niere anormale. Ce n’est pas l’ordinaire, et les 9 malades d ce point sont le plus souvent delaissees ou rejetees hors du-nid comme le montre fort bien Ebrard par quelques expe- riences (l. c. p. 31). 4. Dans une autre fourmiliere pratensis situee au bord d’une haie et d’un pre, je fis un denombrement d’un autre genre, celui des insectes divers, sauterelles, cercopis, che- nilles, vers ete. que les 9 rapportent par leurs chemins; je comptai qu’il en passait en moyenne 4 par minute ä& la m&eme place, le 21 mai ä 2 heures de l’apres-midi. Si l’on pense que cette fourmiliere (tres grande, il est vraı) avait encore 7 autres chemins plus ou moins frequentes, et que pendant les fortes chaleurs les 9 sortent la nuit, autant que le jour, on comprendra quelle destruction d’insectes cela represente. 5. Huber parle (l. e. p. 170) d’une sorte de gymastique, ou plutöt de combats si- mules que se livrent les F. pratensis (rufa?) 3 d’une m&me fourmiliere, sur leur döme, lorsqu’elles sont dans l’etat le plus tranquille et le plus prospere. Malgre l’exactitude avee laquelle il deerit ce fait, j’avais peine & y croire avant de l’avoir vu moi-meme, mais une fourmiliere pratensis m’en donna l’exemple ä plusieurs reprises lorsque je l’approchai avec preeaution. Des 9 se saisissaient par les pattes ou par les mandibules, se roulaient par terre, puis se relächaient, s’entrainaient les unes les autres dans les trous de leur döme pour en ressortir aussitöt apres ete. Tout cela sans aucun acharnement, sans venin; il etait evident que c’etait purement amical. Le moindre souffle de ma part mettait aussitöt — 308 — fin A ces jeux. J’avoue que ce fait peut paraitre imaginaire & qui ne l’a pas vu, quand on pense que l’attrait des sexes ne peut en €tre cause. 6. J’ai souvent observe des fourmilieres pratensis ot toutes les 9 etaient petites; les plus grosses etaient de la taille des $ moyennes ordinaires, et les petites, de 4 ä 6””, formaient la grande majorite. J’en vis une qui etait tout partieulierement composee de 9 pygmees, et qui se trouvait en plein demenagement; je la pris d’abord pour une fourmiliere de F. pressilabris. Les @ y etaient aussi trös petites. 3. race. F. trumeicola. Elle se rapproche plus de la F. sungwinea que les precedentes. Fourmilieres plus petites que celles des F. rufa et pratensis. Je n’ai jamais vu de chemins battus partant du nid. Les 9 de cette race sont encore plus fortes et plus robustes que celles des deux autres. Elle aime les bords des bois. Je n’ai jamais pu l’observer d’une maniere suivie, ne l’ayant jamais eue & ma portee. Elle se rapproche surtout de la A. pratensis, pour les moeeurs, et a des analogies que nous avons indiquees avec la F. san- guinea,; nous avons vu les differences ä propos de cette derniere fourmi. Les maeurs des F. rufo-pratensis et truncicolo-pratensis semblent faire aussi une tran- sition entre celles des races typiques. Les formes rufa-pratensoides sont en general de petite taille et ont plutöt les meurs de la F. rufa (polyetena, piniphila). Les formes pratensis rufoides sont en general assez grandes et ont plutöt l’'habitus des F\ pratensis. Tout cela est du reste fort peu absolu. 4. espece. F. exsecta. 1. L’initiative individuelle est peu de chose chez cette espece, comme chez la F. vufa, mais les 9 ont beaucoup plus soin de leur vie et emploient une tactique partieuliere pour preserver leur corps tres delieat des mandibules ennemie. Cette tactique n'est decerite par aucun auteur, et cependant il suffit pour l’observer de faire combattre des F. ewsecta (ou pressilabris) avec d’autres Formica. On voit alors les F. exsecta s’avancer en troupe assez serree, oü les $ sont en mouvement continuel, mais ne s’ecartent jamais les unes des autres sans revenir aussitöt en arriere. Elles sautent en mordant ä droite et ä gauche, mais elles evitent toujours d’en venir direetement aux prises avee un ennemi, & moins qu’elles n’arrivent ä& le saisir de maniere ä ne pouvoir &tre mordues elles-memes sur le dos. Elles attrapent ainsi des F\ pratensis deux ou trois fois longues et six fois fortes comme elles en sautant sur leur dos, ou en prenant la base d’une de leurs antennes ou de leurs pattes. Mais elles excellent surtout dans l’art de se jeter deux ou trois äa la fois sur un ennemi en le prenant chacune par une extremite et en tirant de toutes leurs forces en sens inverse les unes des autres pour eviter d’&tre mordues. Elles amarrent ainsi au terrain une grosse 9 pratensis, car elles sont habiles a se cramponner avec leurs pattes. C'est alors que se montre le trait vraiment caracteristique de cette espece : sitöt qu’un ennemi est ainsi amarre, une 9 exsecta« ou m&me deux ä la fois se postent sur son cou qwelles cherchent ä couper ou plutöt ä .scier avec leurs mandibules. La constance de cet — 369 — acte est remarquable et donne un caractere tout special ä ces combats. Mais alors les 5 qui amarraient l’ennemi au terrain lächent tres souvent prise, surtout si elles sont me- nacees, et la 9 occupde au cou y reste seule. Celle-ci ne läche presque jamais prise, et Von voit dans un combat entre exsecta et pratensis une foule de ces dernieres courant avee une petite exsecta eramponnee A leur cou quelle cherche a couper. Si la pratensis est de la taille de l’exsecta ou seulement un peu plus grosse, elle ne tarde pas ä s’arreter, et & &tre prise de convulsions, sa chaine nerveuse etant coupee; mais si une petite ew- secta a affaire & une grosse pratensis, il est rare quelle parvienne seule a la decapiter ; il lui faut le concours de plusieurs camarades. Une exsecta saisie sur le dos par une pra- tensis est ordinairement &cerasee en un instant. J’ai vu des F\ exsecta employer le m&me proeede envers des Camponotus ligniperdus, et arriver ainsi & en oceir plusieurs. La F. exsecta ne fait point de chemin battus, quoique elle ne sorte presque pas individuellement, mais elle marche en colonnes nombreuses qui vont exploiter les arbres ete. Elle est ex- tremement active ä construire son nid et & soigner ses larves. Elle se nourrit surtout de la liqueur des pucerons. Des qu’une fourmiliere de cette espece est un peu grande, elle eolonise. Cet instinet de vivre en colonies est des plus caracteristiques; nous en avons parl& dans l’architeeture (construetions hors des nids). La F\ exsecta ressemble ä la F. rufa par la brusquerie de ses mouvements, par sa bonne vue, par la grande union entre toutes les 9 d’une fourmiliere, union qui depasse encore celle des F. rufa. Elle s’en distingue par son adresse, sa tactique prudente, ses nids fermes sur le dessus du döme ou elle ne se tient qu’en fort petit nombre. 2. Les deux races de cette espece ont presque exactement les memes maurs. Les seules differences sont dans l’architeeture, les caracteres zoologiques et l’habitat; nous en parlons ailleurs. On peut dire que la F\ pressilabris est & peu pres ala F\ ewsecta ce que la F. pratensis est & la F\ rufa, et cela presque & tous les points de vue (couleur, nids, habitat, taille). Les 9 des deux races ont le corps mou et tres delicat. Elles ne font pas d’esclaves, sauf peut-&tre dans quelques cas anormaux (voir exp. XXII). Rien n’est plus facile que de provoquer une alliance entre des F. exsecla (ou pressilabris) de fourmilieres (eolonies) differentes; il suffit de les me@ler. Par contre si on les &tablit A une certaine distance les unes des autres, elles se battent lorsqu’elles se rencontrent ; une des four- milieres finit par s’eloigner de l’autre, et non par se r&unir ä elle. ‚J’ai fait des experiences ä ce sujet avec les deux races. 3. Klablissement d’une fourmiliere d’exsecta i. sp.: Le 12 jum 1871 j’apportai une srande quantite de F\. exsecta prises dans la grande colonie du Mont Tendre dont nous avons parle ailleurs, et je les mis au bord d’un; petit bois ä Vaux. Elles commeneerent par s’etablir dans leur tas de materiaux et par assaillir deux fourmilieres de L. niger et une de Z. flavus,; elles firent pendant deux ou trois jours le siege des nids de ces fourmis et en tu&rent beaucoup avant de les avoir chassees ; les L. lavus qui &taient un peu plus loin eonserverent m&me la moitie de leur nid. En m&me temps des bandes d’ewseota, ou 47 — 370 — plutöt des colonnes, partant du tas, allaient envahir les arbustes environnants dont elles chassaient les L. niger et les F. fusca pour prendre leurs pucerons. Mais mes exsecta s’avaneerent surtout en une grande colonne qui suivit la lisiere du bois. Arrivees ä quel- ques mötres de leur tas elles trouverent un ch&ne occupe par des ©. ligniperdus qui y venaient en file eultiver des pucerons. Les exsecta firent des efforts inouis pour deposseder ce terrible ennemi; elles grimperent m&me sur le chene malgre lui, mais elles finirent par &tre repoussees apres s’etre fait tuer par centaines, non sans oceir toutefois elles- m&mes un certain nombre de ligniperdus. En quelques jours elles fonderent encore deux nids au bord du bois, tout en conservant un de ceux des Z. niger auquel elles firent un döme en materiaux. Je pus admirer l’union de ces fourmis dans cette occasion plus que jamais; elles sortaient toujours en colonnes et rentraient toutes ensemble le soir, lorsqu’il faisait frais. Jamais des 9 ne s’aventurerent seules, du moins pendant les huit premiers jours. Une $ ne pouvait ötre attaquee sans ötre secourue aussitöt par plus de vingt com- pagnes. Cette fourmiliere, prospere encore a l’'heure qu’il est, a renonee completement & aller inquieter les C. ligniperdus. 4. J’etablis une fois des F\ pressilabris d’une maniere tout analogue dans un pre. Les 5 de cette race sont un peu moins delicates que celles de F. exsecta i. sp., et s’en- tendent si possible encore mieux & decapiter leurs ennemis. Elles firent comme les pröce- dentes et ne s’eloignerent de leur tas qu’en colonnes. Elles envahirent plus de dix trous de grillons dont elles chasserent les possesseurs. C’est un acte que toutes les fourmis savent faire pour se procurer un abri provisoire. Elles entrent au nombre de trois ou quatre dans la demeure du grillon qui sort et cherche ä& les mordre ou ä les chasser avec ses pattes; mais elles se jettent sur lui en lui prenant les jambes et en T’inondant de venin. Le grillon eede alors aussitöt et s’enfuit en abandonnant son nid, bien heureux quand il n’est pas tu& avant d’avoir pu s’echapper. Mes pressilabris eurent encore & lutter contre quelques F. rufibarbis, fonderent deux ou trois petits nids et se fournirent de pucerons sur un pin situe & peu de distance. 5. Les F\ exsecta et pressilabris sont tres curieuses ä observer dans leurs combats avec le L. niger et surtout avec le Z. flavus. Elles ont une grande frayeur d’&tre prises par les pattes, et le L. flavus dont la seule maniere de combattre est de s’acerocher aux jambes de ses ennemis leur fait souvent plus peur qu’aucune autre fourmi. Quand on leur donne des cocons d’autres especes, elles les prennent quelquefois avidement et d’autres fois les me&prisent; je ne les leur ai jamais vu &lever; elles les mangent done, du moins dans la regle. J’ai observe non loim de Vaux une fourmiliere pressilabris qui il y a quel- ques annees ne possedait qu’un nid. Elle a si bien prospere des lors, qu’elle possede plus de 12 nids maintenant, et oecupe en entier un petit pre. 6. Les formes intermediaires (F. exsecto-pressilabris) sont tr&s frequentes; leurs moeurs sont aussi intermediaires, ce qui n’est pas difficile ä se representer ; on les trouve surtout dans les sous-Alpes, dans les montagnes en general, tandis que dans la plaine les deux formes typiques predominent. — 371 — XXI Fourmilieres mixtes naturelles anormales. Croirait-on que des especes de fourmis fort differentes, ennemies naturelles, et qui ä V’ordinaire vivent en fourmilieres simples, des fourmis chez lesquelles on n’a jamais ob- serv& d’instinets eselavagistes, se trouvent dans certains cas fort rares former entre elles des fourmilieres mixtes. J’avoue que ce fait me parut si invraisemblable que je ne pus le croire complötement qu’au quatriöme cas qui se presenta ä& moi. Comme de pareilles observations n’ont jamais &t& faites, & ma connaissance, je vais les donner en detail dans l’ordre chronologique. 1. Un des premiers jours de septembre 1867 je trouvai dans un bois non loin d’Ap- ples une fort petite fourmiliere de F\. exwsecta d’une variete tres grande et presque entiere- ment rouge que j’ai nommee rubens dans le tableau des especes oü je la deeris. En ouvrant le nid, je vis des F. fusca 9 typiques melees ä ces ewsecta-rubens, et leur aidant ä em- porter au fond du souterrain les cocons mis & decouvert. La fourmiliere etait si petite que je ne pus en prendre un sac; en quelques minutes presque toutes les $ eurent dis- aru, et, le temps me manquant, je dus me contenter de quelques-unes que je mis dans de l’aleool. Je ne pouvais en eroire mes yeux, et cependant je tenais des $ des deux especes qu’on ne pouvait meconnaitre; je venais bien de les voir s’entr’aider et non se battre. Je tächai de me persuader que cette F. exsecta-rubens etait une nouvelle espece esclavagiste, mais je ne pus trouver de differences essentielles entre elle et lewsecta ty- pique, de sorte que je finis par &tre convaincu que je m’etais trompe dans mon obser- vation. Il faut eependant dire que je retournai l’annee suivante chercher cette fourmiliere, mais qu'il me fut impossible de la retrouver, quoique je me rappelasse parfaitement de la place oü elle se trouvait. Je ne revis jamais non plus de F. ewsecta-rubens. Par contre je trouvai, parmi des fourmis que M. Dietrich avait rapportees d’Andermatt, une 9 se rapportant &videnment ä cette forme. 2. Le 26 avril 1870, mon ami M. Bugnion me rapporta des F\. ewsecta 9 normales et des F. fusca $ typiques qu’il m’assura avoir prises non loin de Lausanne sous l’Ecorce d’un möme trone pourri, entierement melees les unes aux autres. Elles etaient toutes deux en grand nombre, et il les vit entrer ensemble dans les m&mes galeries, sans se battre le moins du monde. Malgre l’evidence du fait et la confiance absolue que j’avais dans le talent observateur de M. Bugnion, je conservai des doutes. L’ete suivant M. Bugnion me rapportait encore des F. fusca 9 quw'il avait prises cette fois sous une pierre, aux Or- monts, möldes avec des F. exsecto-pressilabris d’une forme typiquement intermediaire. 3. Le 23 juin 1871, en soulevant une pierre au dessus de Stresa (Iles Borromees), je ne fus pas medioerement surpris de trouver sous elle des Tapinoma erraticum meles ä des Bothriomyrmex meridionalis. Les deux especes etaient ä peu pres en nombre egal et couraient par centaines les unes au milieu des autres en portant des larves et des nym- _- IN — phes, exactement comme des $ d’une m&me fourmiliere. Elles entraient dans les memes trous sans avoir le moins du monde l’air de s’eviter les unes les autres lorsqu’elles se rencontraient. Je les observai soigneusement avant de rien faire, et je ne pus voir le plus petit symptöme d’inimitie. Jamais un nid double ne m’avait offert pareil spectacle. A une place se trouvait un tas de nymphes, et & une autre un tas d’eeufs, lorsque je soulevai la pierre. Les deux sortes de fourmis les porterent d’un commun accord dans le souterrain. Je pris alors tout ce que je pus enlever du nid et je le mis dans un grand sac avec beaucoup de terre, afin que les $ pussent s’y separer ä leur aise en deux camps, si telle etait leur intention ; je mis ensuite ce sac dans ma malle, car j’etais en voyage. Les 1 et 2 juillet j'ouvris mon sac pour observer; les deux especes y &taient toujours melees, por- tant leurs nymphes ensemble; aucune trace de combat. Si elles avaient &t€ ennemies, elles se seraient separdes en deux camps. Je ne pus des lors rouvrir le sac que le 15 juillet. Il ne vivait plus que quelques $ de chaque espece. Je les mis dans une aröne de gypse oü elles se r&unirent sous un m&me morceau de terre. Le 17 juillet je mis les einqg derniers Tapinoma avee les eing derniers Bothriomyrmex dans un bocal. Ils se reunirent aussitöt en un seul groupe, se l&chant les uns les autres, tandis qu’un 7. cespitum 9 et un S. fugax $ qui se trouvaient par hasard aussi dans la terre du sac et que je mis avec eux allerent se cacher chacun dans un coin. La bonne intelligence dura deux jours au bou desquels je mis fin ä l’experience. On pourra objecter ä la seconde partie de cette obser- vation que la possibilit€ d’une alliance force dans le sac, comme dans l’experience VI. 6, &tait donnde. La premiere partie, soit les observations faites sur le nid avant de mettre les fourmis dans le sac, le fait de la place plus que suffisante que les 9 avaient dans ce möme sac pour se s@parer en deux groupes distinets, et enfin les faits relates plus haut ä propos du T. erraticum (p. 334) me semblent cependant prouver suffisamment qu’il y avait alliance preexistante. 4. Le 3 juillet 1871, en soulevant une pierre sur un mur pres de Loco (Tessin), je fus enfin forc& de me rendre ä l’evidence : une fourmiliere composee aux trois quarts de F. fusca 9 et au quart de F. truncicola 3 &tait lä, avec des larves, des ceufs, des cocons et des nymphes nues. Les cocons et les nymphes nues, quoique portes surtout par les F. fusca, ne pouvaient &tre que truncicola, vu leur taille. Le melange et l’amitie etaient complets; toutes ces fourmis coüraient ensemble et se frappaient de leurs antennes. Je vis une F. fusca prendre doucement une jeune 9 truncicola par une mandibule, et la porter au fond du nid apres que celle-ci se fut roul&e sous sa tete. L’habitus m’avait deja fait voir du premier coup que c’etaient bien des F. trumcicola et pas des F. san- guwinea; je m’en assurai & l’endroit m&me avec la loupe. Ne pouvant les emporter vivan- tes, je me contentai de mettre des $ des deux sortes dans l’aleool. Dans ce cas les actes d’amitie entre les deux especes furent si evidents, le nid etait si isole, seul sur un mur, qwil n’y avait plus le moindre doute possible. 5. Le 11 juillet 1871, sur le passage de l’Albula, en descendant du cöte de Bergün, — 398 — je trouvai une petite fourmiliere de F. ewsecto-pressilabris n’ayant qu’'un seul nid. En ou- vrant ce dernier je vis un certain nombre de F. fusca 9 courir au milieu des exsecto- pressilabris et rentrer avec elles dans le souterrain. J’etais fort presse et je ne pus faire d’autres observations. - 6. Le 30 aoüt 1871 je trouvai ä& quelques pas du sommet du Mont-Tendre une petite fourmiliöre de F\ pratensis. Le nid avait un döme bien forme avec les materiaux ordinaires. En le d&molissant je trouvai un assez grand nombre de F\ fusca 9 courant au milieu des pratensis. Il y avait dans le nid beaucoup de cocons assez petits, mais ayant cependant l’air d’etre des cocons de pratensis 9. Je vis les fusca s’oceuper activement ä emporter ces cocons dans le souterrain. Une d’elles saisit m&me une 9 pratensis egaree & quelque distance du nid, et I’y rapporta apres que celle-ci se fut roulee sous sa tete. Il n’y avait pas la plus petite dispute; l’aecord etait parfait entre les deux especes. Je ne pus voir aueune nymphe nue. Je mis tout ce que je pus prendre dans un sac et je le versai a Vaux sur le gazon, le m&me jour, & mon retour. Lä je pus suivre tout A mon aise les bons rapports entre les deux especes; elles demenagerent dans un gite decouvert par les pratensıs. Je vis les fusca y entrer avec elles, y porter des cocons ete. ete. Le doute n’etait pas possible; j’avais affaire ä& une fourmiliere mixte fusca-pratensis ou les fusea formaient environ un dixieme de la population. 7. Les eas que je viens d’enumerer sont les seuls dont j’aie connaissance. Il est im- possible de nier leur analogie avec les fourmilieres normales de la F. sangwinea, et de ne pas songer aux fourmilieres de F! sangwinea sans esclaves. D’un autre cöte, tout en s’etonnant de la diversite de ces cas et des especes qui les concernent, on remarquera que la F. fusca, l’espöce esclave par excellence, figure dans tous, sauf dans le n° 3. Mais pourquoi, lorsqu’on donne ä des F' pratensis ou exsecta des eocons de F. fusca, les man- gent-elles toujours (du moins & ce que j’ai vu)? Je rappellerai cependant les experiences IV et XIV. 1. Remarquons aussi que les cas 2 (l’un des deux), 4, 5 et 6 concernaient des fourmilieres de montagne, se trouvant ä une assez grande &levation. La proportion numerique des 9 de chaque espece differait dans chacun des cas; elle ne montre aucune regularite. Dans toutes ces observations, sans exception, la fourmiliere mixte etait petite ou assez petite. Le cas le plus singulier est sans contredit celui des Tapinoma et des Bothriomyrmex. Peut-on penser que des Tupinoma aient eu une fois l’idee de former une armee pour aller piller des B. meridionalis et en faire des eselaves? Mais est-il beaucoup plus facile de se le representer de la part des F\. exsecta, truncicola et pratensis, fourmis qui dedaignent souvent m&me de relever les cocons de F. fusca qu’on leur donne? Je me garde de rien vouloir deeider sur l’origine de ces fourmilieres, mais je rends attentif ä la possibilite d’une alliance entre especes differentes, plus ou moins forcee par les eircon- stances, possibilite prouvee par l’experience VI. 6. — 3714 — XXX Especes et races du genre Lasius. Ce genre (voy. tableau des especes et des races) se distingue par ses grandes four- milieres, et surtout par la variete et la finesse de son architecture dont nous avons assez parle ailleurs. Les © fecondes sont entourees d'une foule de 9 qui les suivent partout, les recouvrent möme souvent en entier, les nourrissant et recueillant les nombreux oeufs quwelles pondent. Les Zasius se suivent ä la file, mais ne se portent pas. Ils eultivent tous une foule de pucerons qui les alimentent presque exelusivement, sauf le Z, emarginatus. Is eombattent au fond avec assez peu d’ensemble, mais leur grand nombre fait souvent croire quwils en ont. Toute leur tactique consiste A attraper les jambes de leurs ennemis en se r&eunissant au nombre de quatre ou ceing. Ils font cela m&me pour les ennemis de leur taille. Lorsque leur demeure est assiegee, ils ne cherchent jamais & s’enfuir en sortant tous ensemble de leur nid avec leurs larves, leurs nymphes, leurs © fecondes, comme le font les Formica, Cumponotus, Tapinoma (pas toujours) et Plagüolepis; mais ils se cachent dans leurs souterrains, tout en les defendant ä& outrance, galerie par galerie. C'est un vrai combat de barricades; ils bouchent toutes les avenues avec des grains de terre que l’ennemi doit enlever pour avancer. Leurs nids &tant toujours fort grands et construits en vrais labyrinthes, ils peuvent soutenir cette lutte pendant assez lonstemps ä& moins que l’ennemi ne soit en nombre immense. Pendant ce temps ils mi- nent activement la terre dans une direction queleonque, afin de s’evader; le plus souvent, du reste, ils ont des canaux souterrains mines d’avance. Le fait est que si l’on fait as- sieger ainsi un nid de ZL. flavus ou niger p. ex. par des F\ pratensis, on ne tarde pas ü voir s’elever ä une tres faible distance un nouveau döme de Zasius. C’est ainsi que la plupart des especes de ce genre savent sauver leur famille bien plus completement que par une fuite soudaine, et cela gräce ä leurs vastes construetions souterraines. (es com- bats souterrains de defense et d’attaque peuvent du reste passer ä l’etat chronique, et nous retombons dans ce que nous avons appel& les nids doubles (architeeture, page 152). Cette maniere de se defendre contre un ennemi, et de s’en döfendre au moyen de bar- ricades souterraines a ete deerite plus haut (XI. 6) d’apr&s des observations directes; elle n’est pas seulement le propre des Lasius, mais des Tetramorium, et en general de toutes les grandes fourmilieres & nids mines dans la terre, ä part celles des genres indiques ei-dessus (Formica ete.). Les eombats entre Lasius d’especes ou de races difie- rentes n’ont jamais la violence de ceux des Formica. Les adversaires se tiennent plutöt sur la defensive, se menacant de leurs mandibules ouvertes, et faisant des soubresauts ä& la facon des Cumponotus. Le L. niger attaque souvent les L. flavus et mixtus. 1. espece. L. fuliginosus. Se distingue par ses grandes colonies, son architecture, son odeur, ses chemins battus — 319 — et ouverts, sa vie au grand jour, sa marche en files. Il eultive les pucerons des grands arbres, surtout eeux du chöne dont il y a beaucoup d’especes, entre autres une tres grande vivant sur l’&corce du trone. Il sait aussi faire la chasse aux vers et aux insectes, comme la F. rufa. Sa superioritE numerique le fait craindre de toutes les fourmis. Je mis un jour le contenu de plus de dix nids de F. pratensis devant un trone d’arbre oceupe par des fuliginosus. Ceux-ei furent d’abord assieges dans leur arbre, mais ils se häterent d’aller demander du secours aux nids des autres arbres de la colonie, et je ne tardai pas ä voir arriver ä pas mesures d’epaisses colonnes noires qui sortaient des arbres environnants ; je compris alors V’utilit& des colonies; les pratensis accablees par le nombre s’enfuirent en masse, non sans avoir eu une foule de morts, et en abandonnant presque tous leurs eocons ä l’ennemi. Les fuliginosus privent ces cocons avec avidite et les firent tous dis- paraitre dans leur arbre. Une autre fois je vis une file de L. fuliginosus allants et ve- nants qui traversaient un sentier. Presque tous ceux qui rentraient ä leur nid portaient de belles nymphes 9 @ ou J' de Myrmica (scabrinodis?). Ces nymphes &taient toutes entiörement fraiches, mais plusieurs d’entre elles &taient plus ou moins dechirees. I] etait evident que ces Z. fuliginosus venaient de devaliser une fourmiliere de Myrmica, mais jeus beau suivre leur file dans le pre d’oü elle venait, je ne pus decouvrir le nid pille; il faut dire du reste que le temps me manquait. A en juger par la quantite des nymphes pillees, la fourmiliere des Myrmica ne devait pas ötre petite. Le sort reserve ü& ces nym- phes &tait evidemment d’&tre mang£es. Une experience que je fis sur l’odeur du Z. fuliginosus ne fut pas aussi deeisive que l’experience faite sur celle du 7. erraticum, mais le resultat fut different. Je coupai les tetes, thorax et abdomens de plusieurs $ et les mis ensemble dans l’aleool. L’aleool ne se purifia qu’avee une certaine peine de cette odeur penetrante du L. fuliginosus. Les tötes, ecrasdes, donnerent une odeur tres violente, mais les thorax et les abdomens ne me parurent pas entiörement inodores. L’experience est un peu difficile (vu la tenacite de l’odeur); elle a besoin d’ötre renouvelde avec beaucoup de soin. Je crois cependant avoir montr& que cette odeur n’a pas sa source, du moins pas la prineipale, dans le venin, comme chez les Tapinoma. L’ejaculation du venin ne produit du reste pas d’odeur marquee. 2. espece. L. niger. Intermediaire entre la vie au grand jour du preeedent et la vie souterraine des sui- vants. Les meurs et l’habitus de ses races different considerablement, de sorte qu’on ne peut pas dire beaucoup de generalites sur son compte. C’est presque la seule espece qui fasse des chemins couverts; c’est sa speeialit&; les pavillons sont aussi le plus souvent son ceuvre. C'est tres souvent ä leur aide quelle va chercher les pucerons sur les plantes, les englobant ainsi & peu pr&s dans son nid. Elle sait les transporter comme des larves d’un endroit & un autre suivant; ses besoins. 1. r. Z. niger i. sp. La plus commune des fourmis suisses avec le T. cespitum. Nids —_— 376 — dans la terre ou dans les vieux trones. Pucerons cherches surtout sur les tiges et sur les feuilles, avee ou sans pavillons; quelquefois dans le nid, en automne (Huber). Assez robuste et courageux. Le L. niger combat tres frequemment les 7. cwespitum, F. fusca, L. flavus, F. san- gwinea, Myrmica diverses, avec des chances tr&s differentes. Je vis un jour (29 avril & 2 h. apres midi) un nid de F. rufibarbis entierement cern@ et assiege par des milliers de L. niger. Une grande partie au moins du combat se passait & l’exterieur, sur le döme. Les niger, en masses serrees, n’osaient cependant pas avancer, mais ils occupaient dejä quelques galeries periferiques du nid. Les rufibarbis n’osaient entrer et sortir de leur nid qu’en passant de brin d’herbe en brin d’herbe au dessus de l’arm&e des niger; plusieurs d’entre elles &taient prises et tudes. Je repassai le m&me soir ä cet endroit oü je trouvai les assiegees et les assiegeants dans la meme position respective. Le Z. niger i. sp. est l’ennemi le plus terrible de l’espece Z. umbratus et de ses races qui sont cependant de plus grande taille que lui. Deux exemples suffiront pour le montrer : Le 8 avril 1871, je trouvai sous une grosse pierre une grande fourmiliere de L. niger au milieu desquels se trouvaient des centaines de Lis. mixtus morts, mais tous fraiche- ment tus. Il est evident que les L. niger avaient fait irruption dans une de leurs gale- ries en minant sous terre, les avaient ainsi surpris et tues, puis avaient ressorti leurs cadavres. Le 12 mai 1871, je vis dans le creux d’un trone pourri des L. niger oceupes en foule ä depecer de gros cadavres jaunes que je reconnus &tre ceux de Las. affinis 9. Une enorme pierre se trouvait a cöte de ce tronc. Je la soulevai et trouvai sous elle le nid des Las. affinis deja & demi envahi par les Z. niger. Je vis quelques combats indi- viduels; un afinis seul l’emportait sur un niger, mais sa delicatesse, sa lächete et sa lenteur jointes au manque de secours (car les «affinis etaient peu nombreux) lui donnaient finalement toujours le dessous. Huit jours apres, les affinis avaient entierement disparu et les niger oceupaient toute la place. J’ai revu des lors plusieurs cas analogues. Dans ses combats avec le L. emarginatus, il a toujours le dessous; il en est pres- que toujours aussi de möme dans ses luttes avec le 7. c@spitum dont laiguillon est mortel pour lui, ainsi qu'avec les Myrmica; mais son agilite et la facilit@ avec laquelle il mine la terre lui donnent d’autres avantages sur les Myrmicide. 2. r. L. alienus. Cette race a les memes maurs que la precedente, mais sa vie est un peu plus cach&e, et son humeur plus pacifique. Elle fait plus ou moins passage aux meurs du L. brunneus. 3. r. L. emarginatus. C’est sans eontredit la plus robuste et la plus forte des quatre races. Elle a un odorat d’une grande finesse. Des pots de confiture, entoures d’eau, sont neanmoins bloques par des centaines de ces fourmis qui cherchent en vain le moyen d’y penetrer. Les 9 ne s’aventurent guere individuellement, mais vont en files le long des corniches et des murs oü elles ont leurs passages habituels. Si T’on appuie une fois le doigt sur l’endroit oü elles vont et viennent, ä un moment oü aucune $ ne s’y trouve, — hl — on voit la premiere 9 arrivant ä cet endroit s’arreter net, les antennes au vent, puis retourner en arriere; bientöt on apergoit des $ courant d’un air inquiet des deux cötes de l’espace oü l’on a passe le doigt, sans oser le traverser; tr&s souvent elles font un detour et passent en dessus ou en dessous; elles ne se remettent que peu ä peu ä re- prendre la ligne droite, non sans s’arreter souvent en agitant leurs antennes. Les anten- nes de cette fourmi sont toujours en l’air; elle ne täte presque jamais le terrain, et ra- rement les objets, sauf ceux qu’elle mange ou va manger. Ses nids dans les murs et dans les maisons ne lui permettent pas d’elever des pucerons a domicile; elle va les chercher sur des arbres fruitiers prineipalement et semble avoir une predileetion pour les Gallinsectes. Elle attaque tout dans les maisons. J’avais dans une commode de ma cham- bre, au second &tage, une boite mal jointe, remplie de chenilles. Je la trouvai un jour envahie par des centaines de Z. emarginatus qui avaient deja tue toutes les chenilles. Une autre fois ils entrerent dans une boite qui eontenait des papillons fraichement tues, et les d&chirörent en les arrachant & leurs &pingles. Un jour je trouvai des Z. emargi- nalus en combat avee des T. caespitum. Les T. caespitum semblaient vouloir se retirer ä cause du soleil. Je mis alors un morceau de suere entre les deux camps. Aussitöt les Z. emarginatus se jeterent en foule dessus en ceulbutant les Tetramorium pour le sucer ä leur aise; ils repousserent m&me l’ennemi ä une certaine distance au delä. Mais les Te- iramorium s’etaient, parait-il, apergus de quelque chose, car je les vis bientöt sortir en masse de leur nid et venir attaquer les emarginatus. Le combat devint tres violent. Tan- dis que les Tetramorium prisonniers resistaient gräce A leur durete, les emarginatus etaient tues en quelques minutes lorsqu'ils &taient pris. Ces derniers perdirent bientöt courage malgre leur nombre et leur taille plus forte. Les Tetramorium avancerent et les chasse- rent du suere qu’ils se mirent & manger ä leur tour. Je semai encore des miettes de cette pomme de discorde dans la direction oü se retiraient les emarginatus qui furent poursuivis jusqu’a leur nid. Je cherchai ä trouver la source de l’odeur des L. emarginatus, comme je l’avais fait pour les L. fuliginosus, et j'obtins ä peu pres le m@me resultat; seulement l’odeur me parut assez egalement repartie dans les trois parties du corps. Cette experience demande aussi A &tre confirmee. 4. r. L. brunneus. Cette race est un peu ä la preceedente ce que le Z. aliemus est au L. niger, mais avec des differences beaucoup plus profondes. Elle est d’une timidite, d’une faiblesse et m&me d’une lächete qui &etonnent ä juste titre quand on pense a la srandeur de ses fourmilieres. Elle sort tres peu de son nid, et vit presque exelusivement d’enormes pucerons qu’elle &leve dans ses cases et dans ses chemins couverts pratiques dans l’ecorce des arbres oü elle fait le plus souvent son nid. Elle a grand soin de ces pucerons et les emporte lorsqu’on les decouvre, ou du moins elle les conduit dans ses galeries encore intactes lorsqu’elle ne peut les porter. Ces pucerons ont un sugoir extr&- mement long qu'üls tiennent ä l’ordinaire profondement enfonce dans l’Epaisse Ecorce de 48 — 378° — V’arbre dont ils sucent les sues. Ils ne peuvent l’en retirer qu’ä grand peine, et rien n’est dröle lorsqu’on les a mis & decouvert comme de voir les L. brumneus tirer de toutes leurs forces ces pauvres betes dont la trompe qui sort lentement de l’Ecorce est si tendue quelle risque de se rompre. Le nom de Formica timida que Feerster avait donne au L. brunneus lui convenait fort bien; e’est dommage qu’il soit venu trop tard. Le 9 juillet 1872, je trouvai pres de Martigny, au pied d’un noyer, sous des pierres adossees au tronc, une grande fourmiliere de Z. brumneus dont le nid se continuait dans la terre, autour des raeines, et dans l’&corce du trone. Dans celles des cases du nid qui se trouvaient sous les pierres, etaient amassees en quantite considerable de petites graines- noires, oblongues, dures, ä hile blane et mou. Ces graines, grosses environ comme des srains de millet, etaient proprement arrangees en tas proportionnes & la hauteur et & la surface des cases. Les 9 L. brumneus les portaient comme leurs cocons. Il n'y en avait pas sous les pierres qui ne recouvraient pas quelque partie du nid des L. brunneus. C'est la seule fois que j’aie vu un fait pareil chez une fourmi autre que l’Aphenogaster structor (je n’ai pas encore observe moi-meme 1’A. barbara qui seule fait de m&me). Les meurs des Las. alieno-niger, alieno-brunneus, nigro-emarginatus tiennent plus ou moins le milieu entre celles des races typiques. 3. espece. L. Hlavus. Cette espece a la vue tr&s faible et vit presque toujours sous terre; les 9 ne sortent guere que lors de l’accouplement pour accompagner les @ et les g', et retenir quelques Q fecondes necessaires & l’entretien de la fourmiliere. C’est la fourmi mineuse par excel- lence. Elle vit exelusivement de la liqueur de ses pucerons; je ne puis mieux faire que de renvoyer le lecteur & Huber qui l’a etudiee avec le plus grand soin. Elle va &videm- ment chercher ses pucerons sur les racines des plantes au moyen de canaux souterrains, et elle les eleve sur les racines qui avoisinent son nid. Des qu’on les met ä& decouvert, elle les emporte comme ses propres larves, fait que j’ai observ& fort souvent. Huber a vu un combat entre deux fourmilieres qui se volaient r&eiproquement leurs pucerons. Les L. Favus soignent m&me dans leur nid, avec leur propre prog@niture, les @ufs pondus en automne par ces insectes qui sont vivipares au printemps; Huber l’a demontre de la ma- niere la plus Evidente. Mises hors de leur nid, ces fourmis sont tr&s eraintives, marehent sans s’ecarter les unes des autres et en tätant constamment le terrain avec leurs anten- nes; des qu’elles trouvent une fissure, elles s’y cachent et y portent leur famille; si elles n’en trouvent pas, elles se mettent & miner ä l’endroit möme; jamais on ne les verra essayer de demenager en grand & decouvert. Si leur nid est attaqu& par d’autres fourmis, elles se defendent avec acharnement, mais elles sont si delicates qu’elles se font presque toujours battre; elles se retirent alors sous terre, ä& cöt€ ou ä peu de distance, en faisant un mur mitoyen (nids doubles). — 379 — 4. espece. L. umbratus. Ses meurs sont les m&mes que celles de l’espece precedente, mais encore plus ca- chees, plus souterraines. Je n’ai pu remarquer de differences sensibles entre les trois races que j’ai observees (umbratus 3. sp., mixtus et affinis). XXIV Especes et races du genre Myrmia. Les Myrmicidae sont en general loin d’avoir des meurs aussi interessantes que les Formicidae. Le genre Myrmica se distingue par son aiguillon tres fort et par la taille assez grande de ses 9 qui ne craignent pas l’air ni la lumiere. Les 9 de ce genre savent eultiver des pucerons sur les plantes et m&me faire des pavillons en terre pour les pro- teger. Elles ont une grande initiative individuelle, mais peu d’ensemble dans leurs com- bats. Elles sortent presque toujours seules, et deploient une adresse et une audace dignes de la F\. rufibarbis. Elles ont du reste plus d’un rapport d’habitudes avec l’espece F\ fusca et ses races. Elles marchent regulierement, tantöt en relevant la tete et en etendant les antennes, tantöt en frappant la terre avec ces organes. Le toucher est leur sens le plus fin, semble-t-il, comme chez tous les Myrmicidae. 1. espece. M. rubida. C'est sans contredit l’espece la plus redoutable des fourmis d’Europe. Les gros Aphe- nogaster qui ont une apparence bien plus feroce avec leurs enormes tetes, sont des &tres fort inoffensifs. Quelques exemples montreront le courage de la M. rubida et la force de son aiguillon. Au mois de juillet 1863 je versai un sac rempli de F\. pratensis vers des ouvertures en crateres d’ou sortaient des M. rubida, pres de Lavey. Les pratensis qui s’ecarterent de leur tas tomberent dans ces entonnoirs et se battirent avee les rubida qui sortirent bientöt, apres les avoir toutes tuees, et cernerent le tas. Les pratensis etaient fort ef- frayees; elles n’osaient que saisir rapidement les rubida pour les relächer aussitöt et s’enfuir, tandis que, lorsqu’une rubida avait pris une pratensis par la patte, elle ne lächait pas, mais la tuait d’un eoup d’aiguillon. Il suffit aux rubida de moins d'une heure, ä partir du moment oü je versai le sac, pour tuer toutes les pratensis, sans en excepter une, quand mö&me ces derniöres Etaient plus nombreuses qu’elles. Pas une seule M. rubida n’avait &te tuee. Quelque temps apres je mis un tas de rubida vers une grande colonie de F. cinerea. Elles resisterent pendant plus de deux heures ä des torrents de cinerea qui arrivaient de tous les nids, et tuerent beaucoup plus d’ennemis qu’elles n’&taient nombreuses, avant de suecomber. Un P. rufescens s’&tant mis & vouloir mordre une M. rubida, il fut tue en quelques secondes. — 3890 — Le 7 juillet 1871, je trouvai une colonie de plusieurs grands nids de M. rubida dans la vallee de Bregaglia. J’en mis une forte poignee au milieu du döme d’une grande four- miliere de F. rufa i. sp. Les rufa sortirent bientöt par milliers de leur nid; leur döme en etait couvert. Croirait-on que cette poignee de rubida tint bon, et que pas une rufa n’osa envahir le cerele d’un decimetre de diametre, ou un peu plus, qu’elles occupaient! Bien plus : c’&taient les rubida qui attaquaient, et qui, au lieu d’essayer une fuite en corps en s’ouyrant un passage au milieu des rufa, ce qui leur eüt reussi sans peine, restaient tranquillement sur leur tas, oceupees ä porter leurs nymphes, et se jetaient de temps en temps sur les rzıfa les plus avancees qui reeulaient aussitöt. Elles tuerent beaucoup de rufa en ma presence, tandis qu’ä peine deux ou trois d’entre elles qui s’etaient trop aventurees succomberent ä la masse de leurs ennemies et surtout au venin, mais non sans avoir fait chacune plusieurs: vietimes. Quelques-unes s’&Echapperent en traversant toute la foule des rufa. Apres avoir observe ce combat pendant une demi-heure, je dus partir. Les rubida avaient ä peine perdu quelques millimetres de terrain ; elles tenaient toujours ferme ; pas une rufa n’osait penetrer dans leur cercle. O’etait cependant au milieu du nid des rufa. Le 9 aoüt 1869 je mis un gros sae de rubida (prises sur le Jura) ä Vaux, vers un chemin de F. pratensis, A peu de distance du nid de ces dernieres. En vain des centaines de pratensis vinrent-elles essayer de faire valoir leurs droits par la force; les rubida ne eödörent pas d'un centimetre, et les pratensis apres s’etre fait tuer en quantit& inutilement, durent se detourner de leur chemin. La pigüre de la M. rubida n’est pas indifferente & l’homme (v. page 235). Les M. rubida 9 savent former des files regulieres qui servent & relier deux nids d’une colonie, ou qui conduisent ä quelque lieu d’exploitation. 2. espece. M. rubra. Cette espece, bien plus petite que la preeedente, se distingue d’elle des l’abord par son metanotum biepineux; elle ne fait jamais de crateres; du reste ses mo@urs ressem- blent fort ä celles de la M. rubida. Les races levinodis et ruginodis sont tres belliqueuses, comme la M. rubida. Elles sont hautes sur jambes, piquent assez fort (ce sont elles qu’on appelle ordinairement fouwrmis rouges). Les guerres entre fourmilieres differentes de la m&me race sont tres frequentes. Elles aiment les lieux humides et ombrages. La M. levinodis sait mieux que toutes les autres ceultiver les pucerons. Ses nids ont ordinairement un döme qui est le plus souvent temporaire; elle les fait aussi sous les pierres et dans les trones pourris, souvent dans les terrains marecageux. La M. ruginodis a moins besoin d’humidite ; elle habite plus sou- vent sous les pierres et dans les trones pourris; elle fait transition entre les M. levinodis et sulcinodis. Les races lavinodis et ruginodis se ressemblent enormement ; on trouve entre elles de nombreuses transitions. Toutes deux manquent entierement dans les lieux arides. — 3831 — La race suleinodis est une forme exelusivement alpine, vivant sous les pierres. Son habitus et ses meurs sont intermediaires entre l’habitus et les meurs des M. ruyinodis d’un eöte et scabrinodis de l’autre. La race rugulosa est une forme rare et mal definie, vivant dans les prairies, et res- semblant enormement aux petites scabrinodis,; les pattes sont un peu plus longues. Les races scabrinodis et lobicornis sont bien distinetes des levinodis et des ruginodis. Elles sont plus coriaces, mais beaucoup moins belliqueuses ; leur aiguillon est plus faible, leurs societes sont moins nombreuses; elles aiment les lieux arides, mais aussi ceux qui ne sont ni secs ni humides. Leurs jambes sont plus courtes que celles des precedentes ; les fourmilieres differentes de möme race se livrent des combats frequents, mais peu meurtriers. Les nids de la M. scabrinodis sont presque toujours sans dömes et situes dans les lieux secs et arides (aussi dans les pres et sous les pierres des bois), jamais dans les trones d’arbres. Elle n’est pas tres belligueuse, mais par contre extr@mement voleuse. Elle va derober la proie des autres fourmis jusque dans leur nid. J’en ai vu entrer individuelle- ment dans des nids de Z. flavus, en retirer une $ de cette espece, la tuer et l’emporter comme proie. Lors des combats entre grosses fourmis, les M. scabrinodis se disputent leurs cadavres avec les T. caespitum et les T. erraticum. J’ai vu une 9 scabrinodis arracher un cadavre d’insecte ä une 9 rufibarbis sur le döme m&me de son nid, et malgre tous les efforts de cette derniere pour le retenir. Elle faisait la morte, puis entrainait vite le ca- davre lorsque la rufibarbis lächait prise, se laissant mordre, mais ne perdant pas un instant pour gagner du terrain. J’en vis une autre attraper un cocon que des rufibarbis empor- taient, fuyant devant des F. sangwinea. En vain plus de douze 9 rufibarbis chercherent ä le lui arracher, ä lui faire lächer prise, & lui couper la tete; elle resta immobile, les mandibules cramponnees ä la coque. Sa patience surpassa celle des rufibarbis et elle finit par emporter ce cocon si hardiment derobe. Je vis des scabrinodis venir en foule sur un morceau de sucre que j’avais mis sur le döme d’un nid de F. sangwinea. Des 9, serrees dix fois de suite sur le dos par les mandibules d’une grosse 9 sanguwinea qui se erispait de toutes ses forces, recommengaient invariablement ä& manger leur sucre des qu’elles &taient relächees. La M, scabrinodis est en rixe continuelle avec le T. cespitum,; elle a ordinaire- ment le dessus, mais pas toujours. Les fourmilieres de la M. scabrinodis sont ordinairement beaucoup plus petites que celles de la M. levinodis. La race lobicornis est une forme plutöt alpine. Ses meurs sont du reste identiques ä celles de la preeedente. Les maurs des formes transitoires sont intermediaires entre celles des races typiques. — 332 — XXV Especes du genre Aphwnogaster. Elles se distinguent des Myrmica par leurs longues pattes, leur corps mou, leurs in- dividus ä grosse tete dure parmi les $, leur faiblesse, leur lächete et leur petit aiguillon. On ne peut nier une certaine analogie entre elles et les Camponotus, dans les rapports entre grosses 9 et petites S, puis dans leur maniere de combattre. Les grosses 9 vont aussi en avant, donnant & tors et & travers des coups de dents violents, en imprimant ä tout leur corps un mouvement analogue ä celui des Camponotus. Elles se defendent aussi en placant leurs tetes devant chaque ouverture du nid, comme le font du reste la plupart des fourmis. 1. espece. A. structor. (Voy. tableau des genres et des especes). L’amas de graines dans son nid est un trait des plus caracteristiques que nous avons vu plus haut. Nous avons aussi vu son ineptie dans un combat avee le ©. «thiops (XX. 6). Nids ä crateres, souvent du moins. Vie au grand jour. Difference tres grande entre les $ dont les grosses ont une t&te @norme. 1. L’A. structor aime les endroits secs et chauds, les lieux frequentes, les routes, les villes. Elle attrape tous les debris provenant des maisons (miettes de pain ete.), pour les porter dans son nid avec ses graines. Elle met les graines en tas dans ses cases, mais, chose curieuse, elle y m&le de petites pierres rondes et de petites coquilles de mollusques qui ne peuvent la nourrir comme le sucre des graines pres de germer; c’est du moins ce que j'ai observe. 2. Je mis en septembre 1867 un tas de 7. cespitum devant une fourmilire d’4. structor. C'est ä peine si ces dernieres purent defendre leur nid. Elles avaient beau me- nacer de leurs pinces; c’est ä peine si elles arrivaient quelquefois ä couper en deux un T. cespitum. Plusieurs d’entre elles se laisserent entrainer hors de leur nid, malgre leur taille, et furent tuees par leurs petits ennemis. Les Tetramorium se retirerent ensuite tranquillement, volontairement, sans &tre poursuivis. 3. Je vis une fois dans les ruines d’un chäteau un eombat entre deux fourmilieres d’A. structor. Ce combat etait peu vif. 4. Des A. structor mises par moi dans un appareil ne purent malheureusement y etre gardees que peu de temps. Je les vis tourner et retourner leurs graines entre leurs mandibules en les lechant, mais sans jamais les briser ni les ronger. 2. espece. A. subterranea. C'est une des fourmis les moins interessantes que je connaisse. Elle ressemble exte- rieurement beaucoup ä la Myrmica laevinodis, mais la tete de ses gros individus est plus IE — 383 — grosse, sans &tre demesuree comme chez l’A. structor. Elle est faible et läche; sa vie est tres souterraine. J’en ai garde une fourmiliere du 28 avril au 18 juillet 1871 dans une arene de gypse, sans rien y voir d’interessant. Les $ se suivirent ä la file sans se porter, pour s’etablir dans leur nid. Elles ne voulurent rien manger d’animal, seulement du miel. Lorsque je les lächai sur le gazon, elles se firent toutes tuer par les T. caespituum des environs. Cette espece aime avant tout l’ombre, tout en ayant besoin de chaleur. On la trouve surtout dans les decombres, sous les pierres entourees de dehris vegetaux. XXVI Pheidole pallidula. Tout en ayant l’habitus du genre precedent, et en etant tout aussi delieate, si ce n’est plus, cette fourmi est douee d'un courage inoul. Ses fourmiliöres tres considerables se distinguent par la presence d'un soldat et d’une 9, distinets l’un de l’autre dans leur forme comme dans leurs fonctions. L’aiguillon est tres faible chez tous les deux. Heer (Hausameise Madeira’s) a montre une partie des fonetions du soldat des P. pusilla. Tandis que les $ venaient en masse se jeter sur la viande et sur les insectes places sur une table, les soldats faisaient l’office de bouchers ; ils coupaient la proie en petits morceaux, tandis que les $ seules portaient ensuite ces parcelles dans le nid. Ce röle est tres important; il expligue pourquoi l’on voit les soldats sortir du nid avec les 9. La P. pallidula vit au grand jour; on la voit courir le long des maisons, dans les lieux arıdes, par le soleil le plus ardent; elle prefere cependant marcher ä& l’ombre ou - le soir. Elle ne ceultive pas de pucerons, parait-ıl, et n’amasse pas de &raines, mais elle va & la chasse des insectes et de tous les debris possibles. Les $ et les soldats vont tou- jours ensemble, meles, jamais en troupes separdes, et savent fort bien se suivre ä la file. Ces insectes ont beaucoup d’ensemble dans leurs mouvements ; le moindre signal se com- munique avee grande rapidite des uns aux autres, et toute une armee est bientöt trans- portee en un lieu voulu. L’allure rapide et la grande union de ces petites 9 qui se de- vouent par centaines au bien commun et les unes pour les autres leur donnent le m&me avantage qu’aux F. exsecta. Lorsqu’on demolit un de leurs nids, on est bientöt couvert des pieds ä la tete de 5 qui vous mordent avec fureur et restent presque toutes mortes ä vos habits, le plus petit frottement suffisant pour les tuer. On voit done que le courage n'est point l’apanage exclusif du soldat qui est m&me beaucoup plus prudent que la 9, et ne se devoue qu’a bon escient, comme s’il avait conscience que sa taille plus grande fait de lui un £&tre plus precieux pour la communaute. Le röle du soldat n’est pas seulement de couper les proies des ouvrieres : cet ötre eurieux et difforme est de toute necessit@E pour proteger le nid contre d’autres fourmis qu’il coupe en deux avec ses mandibules tranchantes. Il sert surtout a defendre les portes — 3834 — du nid avec sa tete en s’y prenant exactement comme les grosses 9 des Camponotus et des A. structor, mais avec plus de courage que ces dernieres. Le soldat ne prend aucune part aux travaux domestiques. J’elevai une fourmiliere de Pheidole pendant quelque temps dans un appareil. Elles aimaient beaucoup le suere et le miel, malgr& leurs instinets car- nassiers. Elles ne mangeaient du reste point & proprement parler la viande ni les insectes, mais elles en l&chaient seulement les parties liquides ou solubles. Les $ travaillaient seules ä soigner les larves et les nymphes. Les soldats se promenaient dans une inaction com- plete, comme des 9 de Polyergus. Il ne m’est pas possible d’admettre comme Heer que ces fourmis mangent les cadavres de leurs compagnes, ou qu’elles tuent m&me celles-ei ä l’occasion ; j’ai remarque au contraire qu’elles rejetaient tous les morts en un tas, dans la mangeoire, comme le font les autres fourmis. Heer enferma des © et des soldats dans un verre oü une petite ouverture seule &tait laissee, capable de preter passage ä des 9 seulement. Les 9 de la maison y firent irruption et tu&rent les soldats et les © en leur coupant les membres. Ce r&sultat ne me surprend point. Les @ et les soldats provenaient, je ne puis en douter, d’une autre fourmiliere (on ne peut guere se procurer de © dans les nids des maisons qu’on ne peut demolir), et cela ne prouve point un combat entre fourmis de la mönıe fourmiliere, fait qui, s’il avait lieu, renverserait toute l’economie des fourmis et rendrait leurs societes impossibles. Le recit du combat suivant fera comprendre la maniere dont les Pheidole se de- fendent : En septembre 1867 je mis un gros tas de 7". cuespitum d’une variete de grande taille ä un deeimötre d’un des nids d’une colonie de Pheidole pallidula. En un elin d’eil l’alarme fut röpandue, et des centaines de 9 Pheidole se jeterent au devant de l’ennemi. Mais les Tetramorium, infiniment plus forts et plus robustes, n’en eurent pas moins le dessus, et s’avaneerent resolument vers le nid en tuant une foule de Pheidole 5 qui restaient ac- crochees & leurs pattes apres avoir succombe ä un seul coup de dent ou d’aiguillon. Les soldats arriverent alors peu & peu en assez grand nombre. Ils s’avancerent en ouyrant leurs pinces; chacun d’eux, menagant ainsi ä droite et ä& gauche, arrivait & intimider plu- sieurs 9 Tetramorium et & les faire reculer. Ces soldats tächaient surtout d’eviter de se laisser prendre les pattes; ils cherchaient ä saisir un adversaire sur le dos. S’ils y par- venaient, ils serraient aussitöt le cou du Tetramorium de toutes leurs forces, et ne tar- daient pas & le couper. Mais si un soldat etait force de lutter corps & corps avee un Tetramorium, la partie etait indecise, et ce dernier l’emportait souvent, surtout si le soldat etait pris par une mandibule Si un Tetramorium voulait entrer dans le nid, un soldat poste ä la porte lui donnait de violents coups de dents qui lui faisaient perdre l’Equilibre, et permettaient aux 9 de l’entrainer dans le souterrain. Les $ se retirerent peu & peu toujours plus du combat, tandıs que le nombre des soldats augmentait, et finalement les Tetramorium, eerases par le nombre et decapites en quantite, furent mis en deroute. Lorsque l’agresseur est d’une taille plus forte, les soldats ne peuvent plus le eouper .. ne > . nr a ee — 35 — en deux, et leur röle dans le combat devient presque pareil ä celui des 9 ; ils s’attachent aux pattes de l’ennemi. J’ai vu cependant quelques C. @thiops 9, mis au milieu d’une fourmiliere de P. pallidula, avoir finalement le pedieule coupe par des soldats. Quelques observations de Heer sur la maniere dont une $ cherche ä retrouver un morceau de viande qu’on lui a enleve, et qu’on place ä une certaine distance d’elle, tendent ä montrer quelle ne le voit (ou ne le sent?) pas ä plus de trois centimetres environ d’eloignement. J’ai fait beaucoup d’observations analogues sur diverses fourmis, et je erois que c'est iei l’odorat qui les guide plus que la vue. En effet, le P. rufescens qui a les yeux et les ocelles beaucoup plus developpes n’apercoit pas A cette distance un cocon qu'il a perdu, tandis qu’un 7. erraticum, un L. emarginatus savent se diriger sur un objet situ& plus loin encore, gräce ä leur odorat. L’arröt avee la töte en l’air que Heer voyait faire aux Pheidole qui cherchaient quelque chose a evidemment la m&me signification que ceux dont j’ai parle ä propos des deux especes preeitees (XI et XXIII). Je renvoie le leeteur aux excellentes observations de Heer sur les degats que causent les Pheidole dans les maisons, et sur beaucoup de traits de leurs habitudes. XXVH Solenopsis fugax. Je renvoie, pour plus de details sur les maurs de ce representant typique des nids doubles, ä la note que j’ai publiee dans le Vol. III, n® 3, du Bulletin de la Soc. suisse d’entomologie. C'est une fourmi & vie souterraine, ereusant des canaux extr&mement fins (j’en ai vu, depuis la publication de cet article, qui avaient un demi-millimetre de diametre) oü les $ seules peuvent passer, et d’autres un peu plus gros permettant tout juste aux & de eir- culer. Ces canaux aboutissent ä de grandes cases qui renferment les membres de la nom- breuse fourmiliere. Le $. fugax vit ainsi sans danger au centre möme des nids d’autres especes ; j'en ai m&me trouv@ au centre d’un nid de P. pallidula; il est toujours ennemi acharne de son höte. On en trouve aussi des nids isoles et fort souvent des nids situes seulement 4 cöte de ceux d’une autre espece dans lesquels ils s’engrenent plus ou moins. J’ai vu des S. fugax se faufiler en sortant de terre dans un gros tas de cocons que ve- naient de faire des F\. pratensis versees par moi dans l’herbe. Ils se mirent ä& perforer les coques et ä depecer les nymphes dont ils firent une grande destruction. Il est assez vraisemblable qu’ils font de m&me dans les nids doubles. Le $. fugax a presque toujours dans son nid des pucerons de racines qu'il soigne comme le L. lavus,; ils sont ordinaire- ment petits et blanes; j’en ai vu aussi d’assez gros, roses et presque hemispheriques. Le S. fugax 3 a le corps delicat, l’allure lente, l’aiguillon tres fort, et la vue pres- que nulle. 49 — 386 — XXVII Cremastogaster scutellaris. Nous en avons parl& dans le tableau des especes, et ä propos de l’architeeture. Comme la P. pallidula, le Las. fuliginosus, la F. rufa, il joue un röle important dans l’&conomie de la nature. C’est une des fourmis les plus courageuses, et en meme temps les plus ro- bustes et les plus fortes. > Les (©. scuiellaris ne sortent presque jamais seuls de leur nid, mais en files serrees, epaisses de une ä trois ou quatre 9. Celles-ci ne s’ecartent jamais d’un centimetre de la voie, laquelle n’est pourtant marquee par aucune trace visible. Rien n’est plus attrayant ä voir que ces files de fourmis luisantes, noires et rouges, qui relevent l’abdomen comme des staphylins des qu’on les effraie. Le (©. scutellaris est la fourmi la plus typique du Tes- sin. Sa vue a l’air peu developpee, quoique il vive autant au dehors que la Z\ rufa ou le L. fuliginosus. Les files dont nous venons de parler se divisent et se subdivisent & mesure qu’on s’eloigne du nid, pour aller exploiter les arbres et les plantes ou ces fourmis eul- tivent leurs pucerons, mais jamais les 9 ne s’eparpillent au bout de leurs chemins comme les F. rufa ; une file se divise en deux autres files, et ainsi de suite; les $ se separent et se r&unissent toujours exaetement au m&me point; il y a ordinairement autant d’al- lantes que de venantes. Les C; scutellaris vont partout, au soleil comme ä l’ombre, dans les lieux humides eomme dans les lieux secs, sur les murs et sur les maisons, comme sur les arbres. De m&me que les Pheidole, les Cremastogaster combattent avec un ensemble et une fureur inouis. Chose eurieuse, leur aiguillon fort petit a l’air de ne jouer qu’un röle tres secondaire. J’ai remarque qu’en recourbant leur abdomen par dessus et non par dessous leur corps, ils inondaient leurs ennemis de venin ä l’exterieur comme une Formica ou un Tapinoma et n’avaient point l’air de piaquer comme une Myrmica. Us prennent leurs adversaires par les pattes, le dos, les antennes, peu importe ; puis ils les inondent de venin, les entrainent prisonniers et les tuent bientöt. Rien n’est dröle comme un combat entre une 9 scutellaris et un soldat de Pheidole ; tandis que le soldat cherche en vain & couper un membre queleonque de son ennemi, celui-ci promene son abdomen sur la tete du soldat que le venin met toujours plus en fureur. XXIX Autres genres. Colobopsis et Hypoclinea. Nous avons dejä tellement parle du 7. caespitum, seule espece suisse du genre Tetra- morium, quil est inutile de rien ajouter sur son compte. Le peu que je connais des mo@urs des genres Temnolhorax, Ponera et Asemorhop- trum a ete relate dans le tableau des especes et des races. — 33970 — Les genres Colobopsis et Hypoclinea meritent encore quelque attention. Quoique fort eloignee dans la systematique, la C. truncata et IH. 4 punctata ont descurieuses analogies qui tiennent ä leur genre de vie et ä l’imitation zoologique. On sait que certains animaux de familles tres differentes ont parfois exactement la m&me forme generale, la m&me taille, la m&me couleur, les mömes dessins sur le corps et sur les ailes, le möme bourdonnement ete. Souvent l’un des deux est parasite de l’autre et pene&tre chez lui & la faveur de ce deguisement (ainsi les Volucella qui vont deposer leurs aufs dans les nids des Bombus ete.). D’autres fois un animal faible effraie ses ennemis en imitant un animal plus fort. Je ne sais laquelle de nos deux fourmis imite l’autre, ni pourquoi elle le fait, mais il est certain qwil y a entre elles un certain degre d’imitation. Le fait le plus curieux est la presence de taches blanches ä la base de l’abdomen chez ces deux especes, ce qui ne se retrouve A ma connaissance chez aucune autre fourmi d’Europe. La coloration du reste du corps est aussi tres analogue. L’allure, l’habitus, la taille, ainsi que les moeurs sont tres sem- blables. Ces deux especes ont leurs nymphes toujours nues. Toutes deux vivent sur les arbres oü elles seulptent leur nid dans le bois ou dans l’ecorce. Ces nids tres caches ne s’ouvrent que par de tres petites ouvertures, gardees constamment chacune par un soldat chez les Colobopsis. Les 5 des Hypoclinea sortent en files de leur nid des qu'il fait chaud, descendent au pied de l’arbre, et vont lecher les sues des plantes environnantes sur les feuilles, les fleurs, les tiges ; je n’ai jamais pu encore leur voir eultiver de pucerons. Les 5 des Colobopsis sortent une ä une de leur nid, mais cherchent ä part cela leur päture de la m&me facon que les Aypoelinea. Sur un arbre oü l’on voit des Hypoclinea, on trouve le plus souvent aussi des Colobopsis qui courent ca et la a cöte d’elles et vont sur les mömes plantes, mais il faut regarder attentivement pour les voir. Les Colobopsis comme les Hypoclinea s’aplatissent sur l’&corce & la moindre alerte, et se refugient dans ses an- fractuosites. Lorsqu’une Oolobopsis rencontre des Hypoclinea, celles-ci la menacent le plus souvent, mais il n’y a pas de combat; les deux especes sont trop poltronnes. Les four- milieres des Hypoclinea sont assez grandes, plus grandes que celles des Oolobopsis. Des que le soleil cesse de luire, des que la temperature s’abaisse un peu trop, les 9 de ces deux especes rentrent dans leur nid et n’en sortent plus. Les Aypoclinei se suivent & la file. Je n’ai jamais vu les Colobopsis se porter les unes les autres, mais je pense qwelles savent le faire. C’est M. Emery qui a decouvert (Enumerazione ete. Napoli 1869) que les €. truncala Spin. et fuscipes Mayr, ne sont qu’une seule et m&me espece, dönt la premiere est le soldat et la seconde la 9. Il les a trouvees ensemble, en une m&me fourmiliere. J’ai constate de nouveau cette annde la parfaite exactitude de cette decouverte sur trois fourmilieres differentes. J’ai conserve quelque temps dans un grand bocal, ensemble, une fourmiliere d’Aypo- elinea et une fourmiliere de Colobopsis, chacune dans son nid, sans qu’aucun conflit sur- vint. Les Colobopsis $ venaient manger du miel; elles depegaient aussi des mouches tuees que je leur donnais. Les /Aypoclineaw ne mangeaient qu’un peu de miel. Les soldats des — 5388 Colobopsis ne sortaient jamais du nid; dans la nature on les trouve parfois dehors, mais rarement. Les @ et les J' Colobopsis sortirent tous seuls du nid pour s’envoler, sans que les 9 fissent attention a eux. La fourmiliere se ecomposait de 620 fourmis dont 450 9, 65 ©, 45 J et 60 soldats, chiffre plus fort que je ne l’aurais eru. Dans une autre four- miliere la proportion des soldats &tait beaucoup plus forte. Toutes les nymphes d’ Aypo- clinea et de Colobopsis que j’ai vues etaient nues; chez les Colobopsis j'ai observ& celles des 4 sexes. Je n’ai trouve qu’une © feconde dans le nid des Colobopsis; par contre chez les Hypoclinea il y en avait beaucoup. Les Leptothorax affinis se trouvent souvent sur les m&mes arbres que les C. truncata et les 4. quadripunctata; leur allure est analogue, mais je ne les ai pas vu aller sur les plantes. Oeufs, larves, nymphes et Eclosion des fourmis. 1. Les @ufs feconds des fourmis, pondus par des @ fecondes ou quelquefois par des 9 (la parthenogenese ne peut entrer ici en ligne de compte que comme une question encore & resoudre), sont releves par les 9 de la fourmiliere qui les mettent ensemble en petits paquets et sont constamment oceupees ä les lecher. D’apres les observations d’Hu- ber (l. e., p. 69), les @ufs de fourmis ceroissent avant d’eclore. L’a@uf fraichement pondu est allonge, d’un blanc ou d’un jaunätre opaque; en s’agrandissant, il devient transparent, se courbe ä une extr&mite, et n’eclot qu’une quinzaine de jours apres la ponte. Cette croissance de l’@uf s’explique peut-etre par le fait que les 5, en le lechant, le nourris- sent par endosmose. Les eufs @ 5 et Jg sont identiques de eouleur, de forme et de taille. Mayr (Form. austr.) a vu des @ufs noirs chez le L. flavus; il est &vident qu'il a pris des @ufs de pucerons pour des aufs de fourmis (p. 378). 2. La larve qui Eclot de l’@uf est un petit ver blane montrant douze anneaux qui sont souvent fort indistinets. Elle est apode, courte; son extremite anale est &paisse et arrondie; son extremite buccale est &troite, recourbee en arc, et se termine en pointe plus ou moins obtuse. Cette forme est tres sujette & varier : chez les Tapinoma, les Lep- tothorax et les Solenopsis, les larves sont tres courtes, Epaisses aux deux bouts, raides et indistinetement annelees, tandis que, chez la M. rubida, elles sont rondes et Epaisses en arriere, longues et effilees en avant, egalement arquees d’avant en arriere, Chez les Cam- ponotus elles ont la peau flasque, et sont comprimees dans le sens qui va du dos au ventre; leur partie buccale est brusquement recourbee, tandis que le reste du corps est droit. Les larves sont tres mobiles chez certaines formes (Lasius, Camponotus), extreme- ment raides, presque incapables de remuer m&me leur tete, chez d’autres (Tapinoma, So- lenopsis, Leptothorax). D’apres Gould, de Geer et Huber, les larves de fourmis qui passent l’'hiver dans le — 889 — nid comme telles sont velues dans cette saison et peu ou pas dans les autres. Ratzeburg nie formellement ce fait. Sans avoir fait d’observations pr&eises A cet Egard, je erois de- voir donner raison ä Ratzeburg, car en laissant de cötE ce qu'un fait pareil aurait d’in- vraisemblable, les poils chitineux des larves de fourmis &tant tres solidement attaches, je ferai observer que les larves des especes les plus diverses passent quelquefois l’hiver dans le nid, cela aux äges les plus differents, et que leur villosit€ ne m’a jamais frappe. De plus presque toutes ces larves sont plus ou moins velues, en ete aussi, et lorsqu’elles sont maigres elles paraissent naturellement plus poilues que lorsqu'elles ont beaueoup mange. Or en hiver elles sont toujours maigres. Mayr a trouv& que les poils des larves de Camponotus ligniperdus &taient ramifies. La töte des larves de fourmis est plus ou moins distinete, sans yeux. On y distingue deux rudiments de mandibules; les mächoires sont soudees en une piece mediane, molle, echaneree en devant, et munie de quatre poils chitineux courts et Epais (deux de chaque eöte). Enfin au centre, en dessous de l’ouverture buccale, se trouve la levre inferieure qui est molle et retractile (Brants et Ratzeburg). L’anus est en forme de fente. Je ne puis rien dire des mues des larves de fourmis, ä part le fait eite plus haut ä propos d’une fourmiliere artificielle de F. sangwinea (X. 2), fait qui peut &tre conteste. Les larves des fourmis sont dans une dependance absolue des ouvrieres. Elles ne sa- vent pas meme manger seules du miel qu’on met ä cöte d’elles. Elles peuvent bien se tordre plus ou moins, mais möme les plus mobiles ne sont pas capables de changer de place. Lorsqu’elles ont faim, elles commencent ä se remuer et ä avancer leur bouche de eöte et d’autre; les 9 leur degorgent alors de la miellee comme elles le font ä& leurs compagnes; les larves n’ont qu’ä la sucer avec leur langue. De plus les 9 les lechent continuellement, les nettoient des qu'elles sont salies par de la terre, et les transportent d’un endroit a un autre du nid suivant le degre de chaleur et d’humidite qui y regne. Lorsque les larves sont encore petites, les 9 les agglomerent ordinairement en paquets, afın de les transporter plus rapidement. Quelquefois plusieurs petites larves adherent ainsi ä une plus grosse. Les 9 savent cependant aussi porter une petite larve seule ou un ceuf seul, mais il leur arrive alors souvent de les perdre, car elles ne peuvent les retrou- ver qu’avec leurs antennes, lorsqu’elles les ont laisse tomber. La duree de la vie des fourmis ä l’etat de larve est longue. Üertaines larves, sorties de l’oeuf en automne, ne deviennent nymphes qu’au mois de juillet de l’annee suivante (5. fugax); eela doit bien &tre le maximum. Les larves qui croissent le plus vite sont, je erois, celles de Tupinoma; les premieres sortent de l’oeuf vers le commencement d’avril, et l’on trouve deja des nymphes avant la fin de mai. Celles des Formica croissent vite, celles des Lasius tres lentement. Chez la meme espece, les larves &eloses au printemps ou en et& croissent naturellement plus rapidement que celles d’automne qui passent l’hi- ver presque sans grossir. — 390 — Les larves de fourmis peuvent rester, m&me en &te, deux ou trois jours sans manger ; elles maigrissent alors beaucoup; leur peau se plisse. Si on les donne ensuite @ des 9, elles se retablissent promptement. Chez les Leptothorax, on trouve souvent, surtout au printemps, des larves entiörement racornies et chiffonnees, probablement deja mortes, dont les $ prennent encore soin. En general les larves qui ont passe l’'hiver comme telles sont tres maigres au printemps. A la sortie de l’euf, et m&me assez longtemps apres, on ne peut distinguer les larves 9, 5 et Jg. Ce n’est que plus tard que la difference de taille et certaines legeres diffe- rences de forme permettent de les distinguer, du moins chez la plupart des esp£ces. On a demontre il y a longtemps que les abeilles $ peuvent changer une larve 5 en larve @ au troisieme jour de sa vie en agrandissant sa cellule et en lui donnant une nour- riture speciale. Ce fait, si singulier au point de vue de l’embryologie, est bien prouve. L’analogie conduit & supposer qu’il en est de m&me pour les fourmis.: Cependant il ne parait point que cela soit le cas. D’abord la question de la grandeur de la cellule ne peut pas entrer en ligne de compte, puis toutes les larves, @, 9 et g sont le plus soavent melees; de plus ces larves recoivent la miellee direetement de la bouche des 5. On ne concoit pas comment les 9 pourraient degorger deux sortes de liquides & vo- lonte (voy. anatomie). Une plus grande quantite de nourriture, donnee aux larves des- tinees ä devenir @, expliquerait la chose si les @ etaient toujours plus grandes que les 9, mais ce n'est pas le cas. Puis comment expliquer la presence des soldats chez les Pheidole, des 9 ä grosses tetes chez d’autres especes etc. Il ya lä un mystere que nous ne pouvons malheureusement chercher ä percer que par des conjeetures. Je ne vois pas comment on pourrait faire des experiences directes; on n’a aucun des points de repere qui existent chez les abeilles; la miellee degorgee par les $ &chappe & toute analyse; il n’existe pas d’alveoles; la vie des larves est si longue, et la dependance oü elles sont des 5 si complete que toute &ducation artificielle me parait impossible. Heer (Hausameise Madeira’s) croit bien que les 9 ne peuvent pas rendre des larves @, 9 ou soldat & volonte, chez les Pheidole; mais il dit pour le prouver qu'il n’y a pas d’intermediaires entre les Q et les 9; or ces intermediaires existent. Le fait est quw'il n’y a absolument rien de prouve ä cet egard. Les ouvrieres fecondes dont j'ai parl& plus haut, et la structure ana- tomique des organes genitaux 9 et soldats montrent evidemment que ces formes tiennent de la ©, et pas du tout du Jg‘. Herold (Entwicklungsgeschichte der Schmetterlinge) a prouve que le rudiment des glandes genitales existe deja dans l’euf des papillons, et pretend me&me y trouver une difference entre les organes @ et g. Weismann (Entwicklung der Dipteren, 1864. Seite 134) trouve ces organes differencies chez de jeunes larves de Sar- cophaga carnaria, mais ne peut voir ce qui en est dans l’euf. Les @ doivent done se differencier des g dans l’euf ou dans la petite larve qui vient d’eclore. La question de savoir jusqu’a quel point l’acte de la feeondation a une influence sur la production des sexes n’est pas non plus resolue. Mais il est presque certain que l’euf primitif a en lui — 8391 — un germe ä la fois @ et d. La differeneiation entre les @, 5 et soldats se produit selon toute probabilite pendant la periode de larve, aussi chez les fourmis, mais plus tard que celle entre @ et g', chez les larves @. Reste ä determiner la cause et l’Epoque de cette differenciation *). 3. Nymphe. Les larves des fourmis se transforment en nymphes de la möme maniere que celles des autres hym@nopteres, sans le secours des 9. Les unes se filent auparavant un cocon, les autres pas. La nymphe n’a rien de partieulier ; elle ressemble & toutes celles des autres familles de l’ordre. Huber a fort bien remarqu& que la tache noire qu’on voit & l’extremite anale de tous les cocons de fourmis se produit avant que la larve soit devenue nymphe, et quelle est formee par les excrements de l’insecte. La peau de la larve vient ensuite s’y ajouter. Les larves qui se filent une coque commencent par s’en- tourer d’un reseau de fils tres fins qu’elles fixent aux objets environnants (grains de terre, detritus ete.). Ce n’est que gräce ä& ces points d’appui qu’elles arrivent A se revetir d’une coque de tissu serre qui s’applique presque exactement sur tout leur corps. Cette coque, laissee ä elle-m&me, se trouverait done fixee aux objets environnants et couverte de grains de terre ou d’autres debris; c'est en effet ce qu’on observe toujours, lorsqu’on assiste A sa confection. Mais des qu’elle est terminde les 9 la detachent du terrain, enlevent toutes les parcelles qui y sont attachees, et la rendent propre et lisse comme un «uf. La nymphe n’est mobile que pendant sa mue, et quelques instants apres; des lors elle demeure com- pl&tement incapable de se mouvoir. Elle est d’abord entierement blanche ; ses yeux de- viennent bientöt bruns, puis noirs. Le reste de son corps ne prend une nuance plus foncde que peu de jours avant l’eclosion ; cela varie du reste beaucoup suivant la couleur que doit avoir definitivement la fourmi. Les nymphes sans cocon (nymphes nues), ne se distinguent en rien de celles qui en ont un. Bien plus, nous verrons que les larves de la möme espäce se filent quelquefois un cocon, et d’autres fois pas. Huber s’est completement trompe ä cet &gard. Tl est parti *) Il a paru dernierement dans les Petites nouvelles entomologiques (n? 80, 15 juillet 1873; Paris chez Deyrolle), sous le titre de: « Sur la production des sexes dans les Lepidopteres par M. Mary Treat », le resum€ des experiences de l’auteur sur ce sujet. L’auteur a obtenu des 2 de presque toutes les che- nilles abondamment nourries pendant leur derniere mue, des J par contre de presque toutes celles qui furent insuffisamment nourries pendant leur derniere mue. Si ce resultat se confirmait, ce qui parait impossible, et que la determination des sexes ne dependit que de la quantite de nourriture que prend la larve & une certaine Epoque, le cas des fourmis pourrait jusqu’a un certain point s’eelaireir. La pro- duction de 4 sexes distinets chez les Pheidole et les Colobopsis reste cependant difficile & expliquer par ce moyen. Du reste le r&sultat des experiences de M. Treat n’est pas absolu, de l’aveu de l’auteur, et je me rappelle avoir obtenu moi-m&me une 9 tres petite, tout-A-fait anormale par sa taille, de Sa- turnia carpini, provenant d’une chenille qui avait A peine et nourrie pendant sa derniere mue; e’etait bien une @ et pas un d’; on ne peut pas confondre les deux sexes de cette espece. — 392 — de l'idee que le cocon n’avait pas d’autre but que celui de servir de point d’appui & la larve pour se debarrasser de sa peau; d’apres lui les Myrmicidae, ayant le corps plus al- longe et plus mobile, peuvent se passer de cette aide, la nymphe etant capable d’exeeuter des mouvements beaucoup plus etendus. Cette derniere explication est dejä inadmissible, puisque les Myrmeecina qui sont aussi raides et trapues que possible ont des nymphes sans cocons, tandis que celles de certaines formes de Formicidae bien autrement allongees et mobiles (Plagiolepis, petites 9 de (amponotus ete.) en sont toujours pourvues. De plus les nymphes des genres Colobopsis, Hypoclinea, Tapinoma et Bothriomyrmez (Formicidae) n’ont jamais de cocons. Mais la veritable erreur d’Huber concerne les fourmis chez lesquelles on trouve tantöt des nymphes nues, tantöt des eocons (l. ec. p. 84 et 85, note). De Geer et Latreille avaient deja vu que les F\ fusca et rufibarbis presentaient ce curieux phenomene, mais ils n’a- vaient pas decide si dans ce cas les larves de ces fourmis ne se filaient pas de coque, ou bien si le fait &tait dü & ce que les 9 la dechiraient ä& une Epoque anterieure & l’e- elosion. Huber tranche la question dans ce dernier sens, en ajoutant au nombre de ces fourmis la F. sanguwinea et le P. rufescens. Il dit que, chez ces quatre especes, les larves se filent toujours un eocon, mais que, des qu'elles s’y sont transformees en nymphes, les 3 dechirent la coque devenue inutile. Il se base d’abord sur ce qu’il a vu souvent des 9 de ces esp&ces ouvrir leurs cocons et en tirer des nymphes encore tres jeunes, et en se- cond lieu sur ce que les larves qu'il a sorties de leur cocon avant qu’elles se fussent metamorphosees n’ont pu devenir que des nymphes difformes qui n’ont pas tarde & perir. Je ne nie aucun de ces deux faits, et je suis möme sür de leur exactitude, mais ils ne prouvent pas absolument ce qu’'Huber veut demontrer. Les auteurs modernes ont aussi observe des nymphes nues et des cocons chez ces especes. Mayr (Form. austriaca) y ajoute möme les L. niger et fuliginosus,; mais il ne soulöve pas möme la question dont nous nous oecupons, et dit simplement que tantöt les larves de ces fourmis filent, et que tantöt elles ne filent pas. Voiei ee que j’ai observe ä ce sujet : Chez les F. fusca, rufibarbis et cinerea, ainsi que chez la F. sanguinea et le P. rufescens, on trouve tantöt des cocons 9 et tantöt des nymphes nues 9 ; chez certaines fourmilieres et ä certaines &poques, seulement des cocons ou seulement des nymphes nues, ou les deux sortes ä la fois. Chez ces mömes especes les nymphes @ et g' sont parfois aussi nues, mais plus rarement. J’ai de plus trouv@ quelquefois un assez grand nombre de jeunes nym- phes nues 3 m£ldes avec des eocons, chez la F. truncicola. Chez les F. rufa et pratensis jen ai aussi vu plusieurs fois qui etaient entierement blanches, mais toujours en fort petit nombre, et au milieu d’une masse de cocons. Je n’en ai jamais apergu chez les autres Formica. Une seule fois, le 7 octobre 1870, je trouvai ä Zurich une fourmiliere de L. niger eontenant une quantite de nymphes nues $ de diverses couleurs et quelques cocons 3. Le 16 juillet 1871 je trouvai une nymphe nue g’ dans une fourmiliere de ©. aethiops. Chez le L. fuliginosus je n’ai pu encore decouvrir que des cocons. — 393 — J’ai remarqu& que chez toutes ces especes les nymphes nues montrent tous les degres de developpement possible, ä partir du blane le plus pur et de la consistance la plus molle. Mais j’ai observ& de plus, surtout dans mes fourmiliöres vitrees, que les cocons n’etaient point toujours ouverts par les $ un certain temps avant le moment de l’eclosion de la nymphe. Chez toutes les fourmis qui ont des cocons, ceux-ei sont dechires par les 9, mais, chez la plupart, seulement au moment de l’&closion de la nymphe. Chez les F. sanguinea, usca, rufibarbis, einerea et P. rufescens, il arrive aussi souvent que les ® dechirent la coque, surtout celle des nymphes 9, peu de temps apr&s que la larve s’est metamorphosee, mais ce n’est point une rögle absolue comme semble le croire Huber; je suis tente de croire que c’est au contraire l’exception (X, 1). Chez ces especes, on trouve fort souvent des nymphes adultes dans les cocons. Mais je puis de plus affırmer, et c'est lä le fait capital, que, chez ces mömes especes, la plupart des nymphes nues proviennent de larves qui ne se sont point fil& de eocons. Dans plusieurs fourmilieres fusca, lesquelles renfer- maient beaucoup de nymphes nues, quelques cocons et quelques larves adultes, on pouvait voir ä la couleur opaque de ces dernieres, et & un renflement qui se formait pres de leur tete, qu’elles etaient prös de se metamorphoser. Je pris plusieurs de ces larves, et je les mis seules avec quelques 9 dans un bocal renfermant de la terre humide. Zlles se trans- formerent toutes en nymphes au bout de quelques heures, et cela sans s’ötre file de cocons. Les nymphes &taient parfaitement bien conformees; je les conservai un certain temps, puis je les jetai lorsque je me fus assur6 qwelles restaient normales et pleines de vie. On trouve done des fourmilieres oü une partie des larves filent et oü d’autres ne filent pas. A quoi cela tient-il? Il m’est impossible de le dire. C’est evidemment une coutume intermediaire entre celle des larves qui filent toujours (F. ewsecta) et celle des larves qui ne filent jamais (T. erraticum). J’ai remarque que chez les especes dont nous venons de parler, les premieres nym- phes -(juin et commencement de juillet) sont toutes dans des cocons; les nymphes nues viennent ensuite, et sont surtout abondantes en automne; mais on trouve alors aussi des cocons, m@me jusqu’en hiver. L’epaisseur de la coque des larves fileuses est faible; sa couleur varie du blanc & un jaune un peu roussätre, suivant les espöces. On distingue ä leur nuance les cocons des diverses espöces de Formica. Chez les especes F. rufa et exsecta et chez leurs races, la coque est assez grossiere, sa surface est un peu rugueuse et filamenteuse; chez les especes fusca et sangwinea elle est lisse et fine. Les eocons des Lasius ne sont pas si fins que ceux des (umponotus. La nymphe, qu’elle soit nue ou entourde d’une coque, ne prend aucune nourriture, mais les 9 la transportent, la lechent, la nettoient comme la larve. Dans divers ouvrages il est dit que les ouvrieres mettent les larves d’une certaine taille ensemble dans certaines cases, les nymphes dans d’autres etc. Cela a lieu quelquefois en effet; je l’ai observe souvent chez des Lasius et chez des F\. fusca; mais ce n’est point du tout une regle 90 — 394 — absolue, et souvent, chez les mömes espöces, les @ufs, les larves, les cocons, les nymphes nues gisent pele-möle les uns avec les autres dans les mömes cases. Les nymphes @ et J ne sont pas non plus separees ä l’ordinaire des nymphes 9. La nymphe, des sa sortie de la peau de larve, ne change plus de forme et ne grossit plus. Aussi les nymphes des 9, des Q,.des soldats et des g' sont-elles parfaitement dis- tinetes les unes des autres des le commencement. 4. Eclosion. Gould deeouvrit le premier que les nymphes des fourmis ne pouvaient ouvrir leur cocon sans le secours des 9; ä& cet effet, celles-ci dechirent delicatement la coque ä un endroit queleonque avec leurs mandibules, et en tirent la nymphe. Ce fait a ete confirme par tous les auteurs subsequents. Mais Huber affirme de plus que la nymphe ne peut sortir seule de sa peau, que les 9 doivent encore lui aider ä s’en debarrasser et en partieulier etendre les ailes des nymphes © et g. Cette seconde assertion n’a pas etE admise aussi facilement que la premiere, quoique Fenger (Allg. Orismol. d. Ameisen ; Archiv f. Naturg. 1862), sans avoir connu les observations d’Huber, ait vu de nouveau les 9 delivrer des nymphes de leur peau, et &tendre les ailes des @ et J. Ayant observe moi-möme tous ces faits plus d’une fois, je ne pouvais les mettre en doute, mais desirant savoir positivement si les nymphes ne pouyaient jamais Eclore seules, je fis l’experience suivante : Le 1” juillet, je mis dans une boite en carton A, ä demi remplie de terre humide et renfermant une &ponge avec du miel, un grand nombre de nymphes $ et quelques nymphes 9 de Tetramorium caespitum, toutes pres d’eclore, c.-ä-d. tres foncees et faisant dejä des mouvements de pattes. Je les deposai une ä& une, afin d’etre certain de n’intro- duire aueune 9. Dans une autre boite B, je mis aussi des nymphes 9 et une nymphe g' cespitum, mais sous la garde de six 9 de leur fourmiliere. Le resultat fut tout-ä-fait contraire ä mon attente : Dejä le lendemain une nymphe 9 s’etait delivree seule de sa peau dans la boite A, et la 9, parfaitement normale, courait partout. Trois 9 etaient aussi presque entierement sortis seuls de leur peau de nymphe qui enserrait cependant encore l’extremite poste- rieure de leurs ailes et de leur abdomen; le reste des ailes e&tait lisse et bien etendu. J’achevai de delivrer de sa peau de nymphe une de ces fourmis; aussitöt apres elle se mit ä marcher, et ses ailes furent bientöt normalement &tendues. Mais les autres nym- phes g, laissees ä elles-mömes, ne purent achever de se degager. Le surlendemain trois nouvelles 9 &taient &eloses; les nymphes 5 &taient toutes dans l’etat de celles qui etaient ecloses le jour precedent, e.-ä-d. que leur vieille peau chiffonnee ne retenait plus que l’extremite de leurs ailes et de leur abdomen; seule celle que j’avais delivree etait deve- nue un J adulte tont-A-fait normal, courant dans la boite. J’ötai toutes les 9 &Ecloses pour voir si de nouvelles nymphes 9 sauraient se degager seules; le resultat fut encore positif; tous les jours subsequents je trouvyai de nouvelles 9 &eloses qui formerent bien- töt une fourmiliere et se mirent ä porter le reste des nymphes dans un m&me endroit et ä en prendre soin. Mais aucune nymphe 5 n’arriva seule entierement & bien, — 395 — Dans la boite B oü il y eut des l’abord des 9 adultes, les choses se passerent pres- que moins bien que dans la boite A; la nymphe 9 (un peu malmende par moi le pre- mier jour, il est vrai) perit avant d’avoir pu eclore; de nouvelles 9 s’ajouterent aux six anciennes. Je fis alors une seconde experience avec des nymphes de Formica. Je tirai moi- meme delicatement de leurs cocons un certain nombre de nymphes de A. pratensis 5 qui d’apres leur eouleur foncee visible ä travers la coque devaient &tre prös d’eelore, et je. les mis dans un bocal, sur de la terre humide. Le jour m&me je vis Eelore seules, par- faitement bien, et completement, plusieurs 9 pratensis. Une nymphe de P. rufescens 9, tiree de sa coque de la m&me facon, sut Eclore et etendre parfaitement ses ailes sans le moindre secours; elle demeura plus de 30 heures hors de sa coque avant d’eelore. Lors de l’&closion, iei comme chez les T. cespitum, la peau de la nymphe se fend longitudi- nalement sur le dos, puis la fourmi fait des contorsions regulieres pour se degager peu ä peu en commencant par la tete et le thorax; cela se passe done comme chez les au- tres insectes. Enfin je mis dans une boite analogue aux precedentes un grand nombre de cocons 8 © et J de diverses especes de Formica, tous pres de leur &closion; chez tous on vo- yait deja la nymphe brunätre ä travers la coque. Mais tous perirent sans pouvoir &clore; aucune nymphe ne put ouvrir sa coque. Quelques-unes avaient essay& de se debarrasser de leur peau dans le cocon meme, avant de perir, ä ce que je vis plus tard. Done les nymphes nues des fourmis, möme celles qui etaient d’abord dans un cocon leguel a ete enleve avant l’eclosion par quelguun d’autre, peuvent €elore seules. Par contre ces memes nymphes ne peuvent ouvrir leur cocon. De ces experiences on ne peut conclure que les observations d’Huber et de Fenger ainsi que les miennes sur l’assistance que les 9 pretent aux nymphes pour les degager de leur peau aient ete mal faites ou mal interpretees; elles auraient seulement dü &tre aussitöt suivies des contre-experiences dont je viens de donner le resultat. II n’y a rien d’etonnant & ce que les 9 aident les nymphes & se debarrasser de leur peau, quoique ces dernieres puissent ä la rigueur s’en defaire seules. Il est meme certain que les 9 rendent souvent ce service aux nymphes, tout au moins pour degager leurs pattes et l’extremite de leurs ailes; ce fait a &t@ trop positivement et trop soigneusement observe par Huber et par Fenger pour pouvoir ätre nie; je lai observe moi-möme plusieurs fois dans ses details, de sorte que je ne peux concevoir aucun doute ä son egard. Enfin les experiences d’eclosion spontanee ne r&ussissent que sur les nymphes prises lorsqu’elles sont d&ja avancees; möme alors une bonne partie des nymphes perissent toujours sans avoir pu Eclore, et beaucoup ne se debarrassent qu’& moiti6 de leur peau. Quant aux jeunes nymphes, elles ont encore besoin des soins continuels des $ pour ne pas perir; il ne me parait pas qu’on puisse les conserver en vie sans les donner ä des 9. J’ai deja dit plus haut (IV) que l’&poque de l’eelosion des nymphes n’est certaine- — 396 — ment poimt un instant fixe, mais une periode assez longue, pendant laquelle les ouvrieres ont le temps de choisir & volonte leur moment pour ouvrir la coque, en un mot qu'un jour d’avance ou de retard par exemple dans l’eelosion d’une nymphe n’a pas d’inconve- nients pour elle. J’ai donn& ınes raisons et je n’y reviens pas. Au möme endroit (IV), jai aussi parl& des jeunes fourmis et de leur röle. Les coques dechirees par les 5 sont ensuite rejetees par elles, chez certaines especes (F. fusca et ses races, L. niger ete.), autour des portes du nid oü on les voit ensuite amoncelees pendant assez longtemps. D’autres especes les font disparaitre en les portant au loin ou en les melant aux materiaux de leurs nids (Camponotus, F. rufa et ses ra- ces, ete.). XXX JS et 5. Accouplement. Sort final des g et des 9. Tandis que les jeunes 3, des qu’elles sont sorties de leur peau de nymphe, apprennent les traveaux de l’interieur du nid, il n’en est point de m&me des jeunes @ ni des jeunes oJ. Is restent dans l’inaction, se laissant guider, porter et nourrir par les 9. Il ya ce- pendant une notable difference entre la conduite des @ et celle des g'. Ces derniers sont de fait incapables de tout travail, meme de se defendre lorsqu’un ennemi les attaque. Je ne crois pas m&eme qu'ils soient capables de distinguer nettement les 9 de leur fourmiliere de leurs ennemis en general. Lorsqu’on bouleverse leur nid, ils se cachent dans tous les coins, souvent sans etre en etat de retrouver des galeries pour rentrer, tandis que les. Q savent fort bien se reconnaitre; aussi ces dernieres sont-elles toutes en sürete depuis longtemps, alors qu'une foule de g errent de tout cöte sans savoir oü aller. Les 9 sont souvent obligees de les ramener presque tous elles-memes dans le nid. Ces g' sont essen- tiellement a@riens, et des que leur corps s’est suffisamment durei, ils commencent & sortir du nid et ä& se promener autour des portes pendant quelques jours avant de prendre leur essor. Les @ ont un tout autre caractere. Malgre leurs ailes, elles sont plus pres des 9 que des g. Elles savent a l’occasion aider les 3 dans leurs travauz. C'est surtout le cas chez les Tupinoma et les Leptothorax. J’ai vu souvent des @ porter des larves ou des nymphes. Lors d’un combat, si les habitants d’un nid sont forees de s’enfuir, on voit assez souvent quelques @ vierges porter des larves; elles savent fort bien suivre les 9 dans leur fuite, ce dont les g’ sont presque toujours incapables. Nous avons deja vu divers traits d’intelligence et de courage chez les @ de fourmis (L, X. 1, XIV. 4, VIII. 15); je n’y reviens pas. Mais j’ai fait aussi remarquer ä& ce propos que jamais leur intelligence n’atteignait celle des 9, que leur conduite ayait un caraetere d’impetuosite tout partieulier, joint & un manque de perseverance. Les @ savent fort bien reconnaitre leurs alliees de leurs ennemies (VI. 4). Lorsque leur corps a pris assez de consistance, les @ commencent, comme les g', & sortir du nid, etä se promener sur le döme en grimpant sur les plantes — 397 — environnantes, quelques jours avant de prendre leur essor. Les ©, comme les g‘, sont ä ce moment accompagnees par les 9 de la fourmiliere qui sont fort agitees et ramenent leurs elöves dans le nid au moindre danger. Ces scenes sont admirablement decerites par Huber, ainsi que les suivantes ; son exactitude ne laisse rien & desirer, ainsi que j’ai ete souvent ä mö&me de le constater, mais il ne parle pas des innombrables varietes et ex- ceptions qui compliquent infiniment la question. Pour plus de clart& nous nous en tien- drons d’abord aux Lasius, et en partieulier au Z. flavus. Icı les © et les g &Eclosent en möme temps ou peu s’en faut; on trouve les deux sexes ä peu pres dans toutes les four- milieres ; ordinairement les 9 en plus grand nombre que les @. Apres que les promenades que nous venons de deerire se sont repetees pendant quelques jours conseeutifs, on voit par une belle apres-midi du mois d’aoüt l’effervescence augmenter ä la surface du nid. Les 9 commencent les uns ä s’envoler, les autres ä poursuivre les @ ; la scene s’anime toujours davantage ; les 9 s’agitent de plus en plus; bientöt les @ prennent aussi leur vol et s’elevent ä une grande hauteur. Ainsi se forment des essaims qui peuvent devenir immenses si les @ et les g' de presque toutes les fourmilieres de la m&me contree partent le m&me jour. A ce moment les @ et les 9 de meme espece, et souvent d’especes diffe- rentes se melent dans les airs, sans distinction de fourmilieres. Les 5 de L. flavus, beau- coup plus petits que les ©, se jettent sur elles dans les airs, sans que cela occasionne la chute des couples ainsi formes ; les @ continuent & voler en portant un et quelquefois deux ou trois g' sur leur abdomen. Une meme © est souvent fecondee par un assez grand nombre de 9 successivement. Je ne parlerai point de ces essaims ni de leur grandeur. Ils arrivent quelquefois a obseureir l’air; ces nuages de fourmis ailees sont deerits par une foule d’auteurs et se voient dans certaines annees plutöt que dans d’autres suivant les eontrees. Ils apparaissent prineipalement lorsqu’un beau jour succede & une periode pluvieuse. Ce n’est pas seulement le Z. flavus, mais les L. niger et alienus, L. fuliginosus, Myrmica diverses, S. fugax, T. caespitum ete. qui peuvent faire de pareils essaims (Heer, Hausameise Madeira’s; Huber 1. e. p. 98 ete.). On voit des colonnes de fourmis s’elever et s’abaisser alternativement dans les airs, d'un mouvement assez r@gulier, en prenant presque toujours pour base un objet eleve au dessus de terre, ainsi le clocher d’une &glise, le sommet d’un peuplier, le haut d’une colline ou m&me d’une montagne. Huber reussit & se poser lui-meme comme base d’un de ces essaims; lorsqu’il marchait lentement, l’essaim suivait dans les airs son mouvement. Pendant ce temps, que font les 9? C’est encore Huber qui nous l’a montre. Elles ne perdent point leur temps, mais cherchent ä se pourvoir de @ fecondes, pour la con- servation de la fourmiliere. Ce qui faeilite leur täche, c’est qu’un assez grand nombre d’accouplements ont lieu sur la surface m&me du döme ou sur les brins d’herbe environ- nants avant que les @ aient pris leur vol. J’ai ete temoin plusieurs fois de ce fait, chez le L. flavus en particulier. Les 5 se jettent alors sur ees ©, leur arrachent les ailes en tirant ces membres dans tous les sens, et les entrainent dans le nid. Les autres @ et g), — 398 — ceux qui ont pris leur vol, ne rentrent plus jamais däns le nid. Huber l’avait fort bien montre, et e’est & tort qu'apres lui divers auteurs ont affirme de nouveau qu’elles y ren- traient. Les © fecondes montrent une aversion prononeee pour leur fourmiliere natale ; du reste les essaims sont transportes dans les airs & de grandes distances, et composes de © et de J de diverses fourmilieres. Toute personne qui a observe les fourmis sait qu’apres le passage des essaims on voit par terre une foule de © privees d’ailes. Gould l’avait dejä observe. D’oü vient ce fait? C’est encore Huber qui l’a Eclairei par l’observation la plus exacte et la plus soi- gneuse. Les ©, une fois feeondees, tombent finalement par terre ou s’y posent volontaire- ment. Des qu’elles ont trouve un peu d’humidite, elles se reposent, se brossent les an- tennes et les pattes, puis font avec leurs ailes de singulieres contorsions. Elles les etendent au-delä de la limite normale, en s’aidant m&me de leurs pattes, et au bout de quelques instants ces ailes tombent ä cöte d’elles. Elles se mutilent done elles-memes. J’ai et€ t&moin moi-möme souvent de cet acte. Rien n’est plus simple que de le provoquer ; il suffit de prendre delieatement quelques couples d'un essaim, et de les mettre dans une boite vitree avec de la terre humide. Comment se fait-il qu'un fait aussi positif n’ait ete confirme par personne depuis Huber, et que les auteurs modernes aient l’air de le mettre en doute en avangant de nouveau l’hypothese que les ailes tombent seules ou que les 9 les arra- chent ä toutes les @? Ce dernier cas n’est vrai que pour les @ retenues de force, comme nous l’avons vu plus haut, lesquelles sont en fort petit nombre. Du reste il ne faut pas s’imaginer que l’acte singulier et paraissant contre nature auquel les @ fecondees se soumettent soit pour elles quelque chose de penible ou de douloureux. Leurs ailes sont en effet trös faiblement articulees, beaucoup plus faiblement que celles des g, de sorte que le plus leger effort suffit pour les detacher; on a souvent lieu de s’en apercevoir lors- qu’on prend des © aildes pour en faire collection. Nous avons done maintenant trois categories d’insectes ä suivre une fois l’accouple- ment termine. 1°) Les 9 ne rentrent pas dans le nid; ils ne cherchent m&me jamais & rentrer dans une fourmilire queleonque. Ils volent encore quelques heures ou quelques jours sur les arbres et sur les fleurs, et perissent bientöt, soit de faiblesse ou d’inanition, soit en devenant la proie des araignees ou des fourmis d’autres especes. Il n’est point vrai comme le pretendent certains auteurs que les 5 de leur fourmiliere les rejettent comme des &tres devenus inutiles. Lorsqu’on remet un de ces g dans sa fourmiliere na- tale, et qu’on le force & y rester, les $ lni prodiguent les m&mes soins qu'aux autres fourmis et ne lui font aucun mal; mais il meurt naturellement, au bout de peu de temps. J’ai fait cette experience dans mes appareils vitres. 2°) Les @ qui ont et& fecondees dans les airs ou ailleurs que sur leur döme ne rentrent pas dans.leur fourmiliere. Elles seraient en effet fort embarrassees d’en retrouver le chemin une fois qu’elles sont tombees ä de grandes distances et qu’elles se sont öte les ailes. Huber a exprim& clairement ce fait. Mayr (das Leben u. Wirken d. einh. Am.) eroit que les $ vont chercher celles qui tombent aux en- — 399 — virons du nid et les y ramönent. Il y a iei une confusion qu’il faut se garder de faire. En effet, quänd par un beau jour toutes les fourmilieres d’une espece commune ont essaime ä la fois dans une localite, les @ fecondes tombent comme une veritable pluie sur toute la surface du terrain et par consöquent aussi pres des fourmilieres. Mais il est evident qu’elles ne vont pas retomber justement chacune vers sa fourmiliere natale quand il ya des centaines de ces fourmilieres dans un m&me pre. Il faudrait pour cela un hasard tout partieulier. Or des @ fecondes ne sont point accueillies amicalement par les $ d’une fourmiliere &trangöre, lors meme quelle est de m&me espece (V. 2). J’ai eu l’occasion de voir fort souvent des @ fecondes pratensis, cespitum, fusca ete. qui couraient dans les pres, venir tomber au milieu d’une fourmiliere de leur espece et y ötre tuees par les 9. Je n’ai reussi qu’une ou deux fois, dans des appareils, & faire accepter ä des 9 une © provenant d’une autre fourmiliere; j’ai möme constamment remarque qu'elles s’alliaient plus facilement ä d’autres 9 qwä des ©. On m’objectera que je suis ainsi en contradie- tion avee moi-möme, puisque je regarde comme probablement vraie l’opinion de Lepeletier sur l’origine des fourmilieres (XXXII), opinion qui suppose des @ fecondes isolees ren- contrees par des 9 de leur espece, mais evidemment d’autres fourmilieres, lesquelles s’al- lient ä elles. Je r&pondrai que les eirconstances sont iei tres differentes, et je rappellerai les experiences rapportees plus haut (V et VI. 4). Une ou deux 9 isolees, ne sachant plus peut-etre retrouver le chemin de leur nid, n’auront jamais l’idee d’attaquer une © feconde isolde provenant d’une autre fourmiliere; elles la fuiront ou ’sallieront ä& elle, se trouyant dans une position diffieile. Mais si la m&me © feconde vient tomber par megarde au pouvoir d’une fourmiliere entiere de son espece, autre que celle qui lui a donne le jour, elle sera tu&e comme ennemie, les 9 de cette fourmiliere n’etant point pressees par les eirconstances; e’est du moins le resultat de mes observations. Je n’ai jamais ete temoin du fait que Mayr donne comme general, et que je viens de eiter ci-dessus. Nous avons deja vu le sort des @ fecondes tombees loin de leur nid (I). Elles cherchent un endroit propice, s’y creusent une case et pondent des aufs quwelles soignent ä moitie, sans savoir les mener seules & bien, du moins d’apres les observations d’Ebrard et les miennes. Une foule d’entre elles sont tu&es par des fourmis d’autres especes et m&me par celles de leur espece, mais d’autres fourmilieres. Aucun cas positif de nouvelle fourmiliere fondee par une @ feconde seule n’est encore connu. 3°) La troisieme ceategorie comprend les quelques @ qui ont &te fecondees avant d’avoir pris leur essor, sur le döme m&me de leur nid, et qui ont et€E emmenees prisonnieres par leurs propres 9. (es Q@ ont ete necessairement fecondees par des g de la meme fowrmiliere, car des S etrangers ne viennent jamais s’aventurer sur le döme ennemi. Ce fait est de toute importance, Ces @ retenues d’abord de force par les 3 s’habituent au bout de peu de jours ä leur captivit et ne cherchent plus ä s’enfuir. Quelquefois il n’y en a quwune seule, d’autres fois il yen a plusieurs, jusqu’& vingt ou trente, dans une m&me fourmiliere. Elles servent a pondre les ceufs qui feront au moins les @ et les 9 de l’annee suivante (voir X. 2). Elles sont le — 40 — plus souvent suivies d’une sorte de cour, soit d’une troupe de 9 qui les löchent, les nourrissent, et ramassent les @ufs qu’elles pondent. Gould insiste dejä sur ce@ fait, lequel est surtout marqu& chez les Lasius. Huber a montre que les diverses @ fecondes d’une meme fourmiliere ne sont point rivales comme les reines des abeilles, mais qu’elles vivent en paix les unes avec les autres, fait que j’ai pu confirmer mainte fois. La fecondite d’une @ varie beaucoup suivant les especes; la grosseur relative de son abdomen en donne une idee assez juste. Chez les Lasius, chez le P. rufescens, chez l’Anergates, une seule @ pond des milliers d’ceeufs, mais alors il n’y en a qu’une dans les fourmiliöres un peu pe- tites, ainsi chez le P. rufescens, le plus souvent du moins. Chez les T. erraticum et Lept. acervorum, les @ sont peu fecondes, et il y en aun assez grand nombre dans une m&me fourmiliere, lors möme souvent quelle est petite. Une © fecondee une fois reste probablement produetive toute sa vie, comme chez les abeilles. Chez certaines especes, les aufs semblent &tre le plus souvent tous pondus en automne, et les @ fecondes ne se trouvent ordinairement plus dans le nid au prin- temps (5. fugax). Cependant en cherchant bien on en trouve souvent encore ä cette Epo- que, m&me chez ces especes. On aurait grand tort de ceroire que les $ les chassent ou les tuent apr&s la ponte. Lorsqu’elles meurent, c’est de mort naturelle; je l’ai souvent observ@ dans mes appareils. La durde normale de la vie d’une @ feeonde & l’etat parfait n'est pas connue exactement, mais je crois quelle doit varier entre un peu moins et un peu plus d’une annee (I), & peu pres comme celle des 3. L’aceouplement peut-il avoir lieu dans le nid? Cette question est fort importante, mais n’est malheureusement pas resolue sauf pour le genre Anergates oü, le J &tant ap- tere, il ne peut en ötre autrement*); von Hagens a m&me pu l’observer ainsi que moi. Je n’ai vu par contre aucun accouplement dans mes appareils chez les autres fourmis, pas plus qu’Huber, et cependant il semble necessaire qu'il s’en fasse dans les nids, du moins chez certaines formes (Leptothorax), sans quoi on ne peut guere eomprendre comment elles se procureraient des @ feeondes, vu la petitesse de leurs fourmiliöres et la position de leurs nids (sur les arbres). Le fait que cela a lieu, comme je viens de le dire, chez l’Anergates atratulus ne prouve malheureusement rien du tout. Dans tous les cas l’aeeou- plement se fait quelquefois sur le döme, avant que les @ et les Z soient partis, et e’est important. On comprend du reste que cet acte &chappe faeilement ä l’observation, vu sa courte duree (voir plus bas). Huber a vu des accouplements entre 9 et J, et dit que les $ en moururent. Je n’ai rien vu de semblable, mais j’ai vu des 3 fecondes (X. 2). Iei se presente tout naturellement la question de la parthenogenese. A en juger par l’a- nalogie avec les abeilles et par l’exp6rienee que je viens de rappeler, on serait tres tente *) Les cas de d apteres a @ aildes sont &videmment de grandes raretes dans la nature. West- wood (Introduct to the Class of Insect. II p. 160) eite un Chaleidite a 2 ailde et J aptere. — 41 — de eroire que tous les eufs qui feront des S' sont pondus par des @ vierges, par des 9 ou par de vieilles @ qui ont Epuise leur provision de semence. Mais la longue durde de la vie des @ufs, des larves et des nymphes m’a empeche jusqu’ä present de faire une experience, qui pour etre deeisive doit etre faite comme suit : Prendre en &te, lorsque les ©, les g et les 9 commencent & @elore, dans une ou plusieurs fourmilieres, des nym- phes 5 et @ en abondance, ainsi que des @ et des 9 encore entierement blanches, ve- nant d’eelore, afın qu’on soit bien certain qu'elles n’ont pu &tre fecondees. Il faut se garder de mettre une seule 9 adulte avec elles, car on pourrait ne plus la reconnaitre ensuite, et elle peut avoir ete fecondee. Cela fait, il faut etablir cette jeune famille dans un appareil, avee grand soin. Nous avons vu (IV) que les jeunes 9 savent soigner les nymphes et ouvrir leurs cocons. On pourra ensuite y ajouter de nouvelles nymphes 9 et © de möme espece, car si la fourmiliere n’est pas assez nombreuse, elle risque de peri- eliter. Il s’agira alors d’observer : 1°) si des @ufs seront pondus, 2°) si, dans ce cas, ils donneront des larves, 3°) si ces larves donneront toutes des nymphes g, ou si elles don- neront aussi des nymphes @ ou 9. Une autre question A resoudre serait celle de savoir si des 9 fecondees par des sont dans certaims cas capables de produire non seulement des Sg, mais encore des © et des D. Il nous reste ä signaler des faits tres frequents, rapportes par la plupart des auteurs modernes (v. Hagens, Mayr ete.), faits qui, s’ils etaient aussi reguliers que le dit v. Ha- gens p. ex., nous offriraient des diffieultes insurmontables. Il arrive en effet ä& chaque instant que dans une fourmiliere on ne trouve qu’un des sexes en grande quantite, et l’autre en fort petite quantite, ou pas du tout. Dans telle fourmiliere de F. pratensis p. ex. on ne trouvera que des ©, et dans telle autre, ä la meme @poque, on ne trouvera que des g. Nil arrivait en effet que pendant tout un ete il n’y eut jamais qu’un des sexes a la fois dans le nid, l’accouplement sur le döme ou dans le souterrain serait im- possible, et je ne sais pas comment les 9 se procureraient des @ fecondes. Peut-ötre que les @ fecondes de l’annee preeedente pourraient encore pondre une annde? La diffi- eulte semble bien exister pour certaines especes rares et ä petites fourmilieres (Zepto- thorax), et des observations assidues sont encore necessaires A cet @gard, mais v. Hagens va beaueoup trop loin, et je puis affırmer que chez la plupart des especes il y a toujours un moment ou des @ et des g se trouvent ensemble dans la fourmiliere. Ce moment varie enormement, suivant les anndes et suivant les especes, mais c’est en general eelwi de la premiere generation de l’annee, tandis “que les generations d’automne sont plus souvent d’un seul sexe, surtout de g. Du reste cela varie tellement qu’on ne peut donner de regle. Chez le S. fugax, la premiere generation de @ et de Z n’eelot qu’au mois d’aoüt, et ne s’aceouple qu’au mois de septembre; il y a toujours des @ et des J ä la fois dans chaque fourmiliere. Chez le T. erraticum les @ ailees et les S se trouvent toujours ensemble dans chaque fourmiliere, mais la premiere generation de @ et de g Sl — 402 — eelot et s’accouple au mois de juin, et on trouve quelquefois en automne une seconde generation de J seuls. Chez la F. pratensis, par contre, on trouve des @ et des g ailes toute l’annee, m&me pendant l’'hiver, mais pas dans toutes les fourmilieres en m&me temps. La meme fourmiliere a jusqu’ä trois ou quatre generations par an; tantöt on ne trouve que des J, tantöt seulement des Q, tantöt les deux ensemble; il n’y a pas d’espece oü ce soit plus irregulier. Cependant, si l’on se donne la peine de chercher avee soin dans un cas oü il semble n’y avoir que des @ p. ex., il est bien rare quw'on n’arrive pas ä decouvrir quelque g cache dans un coin, et vice-versa. Ce n’est que lorsqu’on a demoli ainsi case par case des centaines de nids qu’on voit combien il est diffieile d’affirmer que dans tel cas il n’y a absolument que des J p. ex., et point de © ailees, ou dans tel autre cas le contraire, Souvent aussi, dans un nid oü il semble n’y avoir que des g, p- ex., si l!’on regarde les nymphes, on voit que plusieurs d’entre elles sont @. Afın de donner une idee de ces faits suivant les especes, je donnerai plus bas un tableau resu- mant les observations de divers auteurs (surtout les donnees de Nylander) et les miennes. Les nymphes 3 se trouvent en general dans toutes les fourmilieres pendant tout l’ete et l’automne. Chez la plupart des especes, elles paraissent successivement, sans in- terruption (F. fusca); chez d’autres elles paraissent quelquefois par generations, avec des intervalles (F. pratensis). Lorsqu’une @ n’a point ete fecondee, elle ne s’arrache presque jamais les ailes elle- mö&me, Huber l’a dejä montre; mais elle prend plus ou moins les allures d’une simple 9, et ses ailes ne tardent pas ä se dechirer et & devenir impropres au vol. Il n’est pas rare de trouver de ces @ vierges dans des fourmilieres (Leptothorax, F\. exsecta, M. levinodis); on les reconnait ä leur agilite, & la petitesse de leur abdomen, et souvent aux restes de leurs ailes; ces derniers peuvent cependant finir par disparaitre complötement. Ces @ vier- ges ne sont jamais entourees d’une cour de 9, mais j'ai toujours remarque qu'elles etaient assez paresseuses. Une simple conjeeture ä l’appui de laquelle je puis Evoquer quelques faits eites plus haut (XIV. 4) est permise ä cet egard. Ces @ vierges apteres se trouvent preeisement chez les especes oü les @ et les J sont le plus souvent separes, ou un seul sexe apparait & la fois dans la fourmiliere. Voiei la supposition qu’on peut faire : une partie des @ d’une generation restent dans la fourmiliere, perdent peu ä peu leurs ailes, et sont fecondees plus tard, dans le nid, par une generation de S subsequente. Ce n'est, je le repete, qu’une hypothese, et une hypothese applicable seulement a un certain nom- bre de cas. Le fait est que, dans ces fourmilieres, on trouve presque toujours des @ fe- condes, soit en meme temps que ces @ vierges, soit ä d’autres Epoques. On trouve aussi chez les fourmis, comme chez les abeilles et chez les bourdons, des generations de Q tres petites et de 9 tres petits. C'est surtout le cas en automne. Leur röle n’est pas connu. J’en ai vu chez les F\ rufa et pratensis, chez la M. levinodis ete. Les secondes generations de @ et de qui eelosent en automne prennent le plus souvent aussi leur vol dans cette saison, mais je les ai vu plusieurs fois passer l’hiver dans le nid (F. pratensis, L. mixtus). — 4938 — Chez beaueoup d’especes de fourmis, l’acte de la copulation ne peut avoir lieu en Vair, le g &tant trop gros pour &tre porte par la @. Le J' se jette bien souvent au vol sur la ©, mais tous deux tombent ä terre. D’autres fois les @ vont se poser sur un sommet queleonque, et e’est lä que les S' viennent les chercher. Les $. fugax @ peuvent eneore porter leur 5 au vol, mais lä oü la disproportion entre les deux sexes est encore moins grande, cela n’est plus possible (Myrmica, Leptothorax, ete.). J’ai et€ temoin le 30 aoüt 1871 des scenes les plus instructives ä cet egard sur le sommet du mont Tendre (Jura). Il y a lä un mur sur lequel vinrent s’abattre entre deux et trois heures de l’a- pres-midi des essaims de fourmis @ et Z des formes suivantes : L. acervorum et tuberum, M. scabrinodis et lobicornis. Ils etaient entierement meles. Les @ se posaient sur les pierres du mur et sur mes habits, ainsi que les g. Lä les ' poursuivaient les @ ä la course, et les saisissaient entre leurs fortes pattes. Les @ ne faisaient pas toujours une resistance bien vigoureuse. Dös qu’un Z avait reussi ä& introduire son penis dans le vagin de l’une d’elles, il lächait prise des six pattes ä la fois, et restait immobile; la © restait aussi immobile, ou bien eourait de cöte et d’autre. Je ne vis pas un seul accouplement durer plus d’une minute; au bout de quelques secondes, le mäle se detachait de laQ@ et s’eloignait. Mais il &tait fort souvent remplace aussitöt par un autre qui cherchait m&me frequemment ä l’arracher de son poste avant qu'il l’eüt quitte de lui-m&me. Chaque fois, le g retirait son penis avant de quitter la @. Je vis ainsi une meme @ fecondee trois fois de suite en moins de trois minutes; un quatri&me g' ayant voulu venir ä& son tour, il fut trös mal recu; la @ s’opposa pendant plusieurs minutes a tous ses efforts, et finit par se debarrasser de lui. Je vis aussi plusieurs fois la @ et le g' se lecher et se frapper mutuellement de leurs antennes avant et apres l’aceouplement. Je ne pus pas suivre assez longtemps un meme 5 pour le voir feconder deux @ de suite, mais je suis persuade que cela arrivait. Je n’eus pas non plus l’occasion de voir une @ lobicornis p. ex. s’accoupler avec un g scabrinodis ou vice-versa; il y avait trop peu de lobicornis, mais on comprend qu’un fait pareil pouvait facilement avoir lieu. C’est ainsi que je m’explique la formation de beaucoup de fourmilieres intermediaires entre les varietes et les races differentes (for- mes rapprochees), ainsi p. ex. de fourmilieres de M. scabrinodo-lobicornis. L’aeeouplement a lieu ä& des heures tres differentes suivant les especes; chez les unes c'est de grand matin (F. sangwinea); chez d’autres vers 11 heures du matin ou midi (P. rufescens); chez d’autres l’apres-midi (L. flavus ete.); chez d’autres encore le soir ou meme la nuit (L. emarginatus, L. fuliginosus, C. truncata). Tableau des epoques ou se trowvent les aufs, les larves, les nymphes, les @, les g, et oü s’opere laccouplement chez les diverses formes. Les auteurs ont presque tous renonee A donner un pareil tableau, vu le peu de con- — 404 — stance de ces epoques, leur variabilite chez la meme espece suivant les fourmilieres, l’annee, l’exposition, l’altitude ete. J’avoue que pour la plupart des cas c’est une chimere de vou- loir &tablir des regles generales. Mayr (Form. Austr.) dit de presque chaque espece : « elle essaime au milieu de l’ete (Hochsommer) ». Cette donnde est loin d’ötre exacte dans tous les cas oü il l’indique. Nylander, en donnant dans son Synopsis des f. de France et d’Alg. des epoques fixes pour l’accouplement de la plupart des especes, est certainement trop absolu. Meinert donne quelques excellentes indications dans sa faune danoise qui est malheureusement tres restreinte. Il y a cependant au milieu de cette confusion un certain nombre de faits qui sont constants, et ce serait un tort de les passer sous silence; d’au- tres sont vrais en general quoique sujets ä de nombreuses exceptions. Enfin dans les cas oü l’irregularit& est complete, il est bon de l’indiquer, tout en donnant des exemples, soit un certain nombre d’observations positives. Je rappelle qu'une donnee telle que celle-ei : « d‘ dans une fourmiliere le 15 V 1869» ne veut pas dire quwä cöte des 9 dl n’y avait que des S dans cette fourmiliere, mais seulement que je n’y ai trowwe que des S (souvent parce que je n’avais pas cherch£), ce qui est fort different. Je me contenterai de passer sous silence les eas pour lesquels je n’ai pas de donnees, et d’indiquer simplement mes observations sous forme d’exemples, lä ot je n’ai que des donnees trop peu nombreuses pour qu’on puisse en tirer des conclusions generales. Je eiterai aussi les indications de Mayr, de Nylander et de Meinert. Remarquons encore que dans les Alpes, si l’ete est plus court, le developpement des larves est d’autant plus rapide, ce qui retablit souvent l’equi- libre, mais pas toujours. T° SOUS-FAMILLE FORMICIDE. 1. Genre Camponotus. Je n’ai que rarement &te temoin de l’accouplement des especes de ce genre, et je ne puis dire positivement comment il s’opere. On voit bien, chez les ©. ligniperdus et pu- bescens p. ex., les d et les @ prendre leur essor apres avoir &t€ accompagnes hors du nid par les 9, mais ils ne paraissent pas former d’essaims. Je suis tente de croire qu'ils s’accouplent au sommet des arbres. Un fait constant pour le genre est la presence de 5 fecondes dans la fourmiliere pendant toute l’annee, mais en petit nombre. 1. ©. HERCULEANUS. & (. herculeamus i. sp. Aucune donnde de Nylander. S’accouple du commencement au milieu de l’ete, d’apres Mayr. J et @ ailes dans une fourmiliere, en grande quantit€ & Zurich, le 24 VII 1870, dans une autre a Emaney (Valais, 1500 metres), 6 VII 1872. 9 dans une fourmiliere le 15 V 1869. © ailees, isolees : Rigi 30 V 1868; Teufelsbrücke 15 VII, et Dischmathal 7 VII (M. Dietrich) ; Airolo 20 VII (Frey- Gessner). Lou&che juillet (Musee de Berne). 9 isoles : Sommet du Pilate 31 V 1868; haut du Sustenpass 23 VII (Frey-Gessner). @ fecondes isolees : Rigi 30 V 1868; Forelaz 9 VII 1872 sous l’&coree d’un trone pourri, au nombre de 7 ou 8; Jura pres d’Olten 2 V, — 405 — Andermatt 27 VII, Pas de Riom (Savoie) 25 VII (Frey-Gessner) ; Engstelnalp juillet (Musee de Berne). ß. ©. ligniperdus. L’accouplement aurait lieu d’apres Schenk des le mois d’ayril au mois de juin, et d’apres Nylander ä la fin de juin et en juillet. D’apres Mayr ce serait des avril au milieu de l’ete. Je ne crois pas quwon puisse rien dire de positif ä cet egard. J’ai trouve suivant les anndes et les localites des @ et des 5 dans les fourmilieres aux mois d’avril, mai, juin, juillet et aoüt. Le plus souvent les @ et les g sont ä la fois dans la meme fourmiliere ; quelquefois on n’y trouve que des g. Les Q@ fecondes etablies isolement dans des cases sont tres frequentes (I); on les trouve aussi des avril jusqu’en aoüt. Les oeufs, les larves et les cocons montrent une grande irregu- larite; on en trouve ä peu pres toute l’annee. Dans la m&me fourmiliere il y a souvent en meme temps des aufs, des larves de toute taille, des cocons 9, @ et g ete. Depart en masse des @ et g d’une fourmiliere, Lausanne 13 VI 1872 et jours suivants, vers le milieu du jour. 2. Ö. PUBESCENS. Accouplement au milieu de l’&t6 d’apres Mayr. Depart en masse des Q et Q' d’une fourmiliere, Tolochenaz pres Morges 14 VI 1872, vers le milieu du jour. Q@ ailees, isolees : Monte Cenere 30 VI; Sierre 2 et 3 V (Frey-Gessner). 9 isoles : Sierre mai (Mus. de Berne) ; Sierre 2 V (Frey-Gessner). 9 dans le nid, Sierre 26 VI, Onser- none 3 VII. © feconde isolee, Sierre 26 VI. Larves diverses, pied du Mont Tendre 10 VI. 3. Ö. MARGINATUS. Depart des @ et des g' d’une fourmiliere & Vienne (Autriche), du l au 12 V 1872. 4. C. synvanıcus. &. C. @thiops. En Tessin, en Valais, sur le Saleve, ä Vaux, j’ai trouve des @ ailees et des g ensemble dans presque toutes les fourmilieres du milieu de juin au milieu de juillet. Cette epoque me parait e&tre assez fixe. Le 25 IV je trouvai dejü de grosses larves, sur le Petit-Saleve. @ fecondes isolees 31 III et 4 VIL PB. €. sylvatieus i. sp. Rien de connu. £ 9. C. LATERALIS. Je n’ai pas pu trouver de @ aildes ni de g' pendant l’ete, chez cette espece, malgre des recherches soigneuses dans beaucoup de nids; je n’ai jamais trouve autre chose que des 9 et des cocons 9. Dans le midi de la France j’ai pris des @ et des & ensemble dans diverses fourmilieres au mois de septembre; & Nice, M. Bugnion en a trouve aussi le 27 III. Le 25 IV 1871 j’ai trouv& sur le Petit-Saleve des @ et des J' ‚dans une fourmiliere. II semblerait done qu'ils eelosent en automne et s’accouplent au printemps. 2. Genre Colobopsis. Ü. TrUNncATA. Depart des @ ailees et des J d’une fourmiliere, Vaux, du 30 VII 1873 au 7 VIII 1875, de 7 & 10 heures du soir. S aile isole, 30 VII & 10 h. du soir. © ai- lees, isolees, Mendrisio 25 VII (Frey-Gessner). M. Emery, dans son Enumerazione, dit que les individus ailes se trouvent ä& Naples au milieu de l’ete. Nymphes 9, d, 5 et soldats daus une fourmiliere, Vaux 16 ä 31 VII 1873, — 406 — 3. Genre Plagiolepis. P. pyGMmarA. Le 11 avril, sur le Saleve, je ne pus trouver ni @ufs, ni larves dans aucune fourmiliere. @ fecondes pendant toute l’annde, dans la plupart des fourmilieres. Les @ et les g' se trouvent ensemble, aussi dans la plupart des fourmilieres, du milieu de jun au milieu de juillet, en Valais, en Tessin et au Saleve. Dans plusieurs nids je n’ai trouv& que des g, mais cela ne veut rien dire, car ces nids sont tres diffieiles ä de- molir et font le plus souvent partie de colonies assez etendues. J’ai observ& l’accouplement sur le Petit-Saleve, le 6 VII 1873 entre 6 et 7 heures du matin. De tous les nids de la eontree partaient des @ aildes et des g' accompagnes par les 9. Les g' se jetaient au vol sur les @ qui continuaient & voler en les portant en croupe. Une @ portait ainsi jusqu’a trois ou quatre J’ ä la fois au vol. En automne il y a quelquefois une seconde generation de . D’apres Mayr l’accouplement a lieu au milieu de l’ete. 4. Genre. Lasius. Chez toutes les especes de ce genre, l’accouplement a lieu en l’air, et les @ et J forment des essaims. Les @ufs sont en general pondus en automne. On ne trouve que rarement et diffieilement des @ fecondes dans les fourmilieres, mais on en trouve cepen- dant, möme en te, avant l’&elosion des @ de l’annde. Les deux sexes se trouvent en- semble, en möme temps, dans chaque fourmiliere. Le L. umbratus et ses races paraissent seuls faire quelquefois exception, et presenter de temps en temps des generations de © seules et de S seuls. Le developpement des larves et des nymphes de Lasius est tres lent. 1. L. rLavus. D’apres Nylander l’aceouplement serait en septembre et en octobre. Je ne l’ai jamais vu ä cette Epoque. D’apres Mayr il s’effectuerait au milieu de l’ete et en automne. En Suisse, il a lieu tres regulierement entre la fin de juillet et la fin d’aoüt, suivant les fourmiliöres. © feeondes isolees 26 IV 1871, Saleve. @ fecondes dans la four- miliere & Zurich, 4 VIII 1870, ä& Vaux, 26 V 1871. © ailees et 9 dans les fourmilieres de la fin de juin ä la fin de juillet, et encore dans le mois d’aoüt. Ces limites extr&mes ne sont naturellement jamais le fait d’une m&me fourmiliere pendant la meme annee. D’apres Meinert, on trouve des fourmis ailees du commencement de juillet ä& la fin de sep- tembre, mais c’est en Danemark. Les @ufs sont presque tous pondus en automne; les larves ecelosent m&me le plus souvent avant l’hiver. Mais des @ufs $ sont encore pondus au printemps et pendant l’ete, car on voit des larves et des cocons 9 jusqu’en automne ou ils se trouvent avec les @ufs de la generation de l’annee suivante. L’accouplement a lieu dans l’apres-midi. 2. L. NIGER. «. L. niger i. spec. Aceouplement l’apres-midi, du milieu de juillet au milieu d’aoüt. Des J plus tard encore quelquefois, meme en automne. Suivant les fourmilieres, on trouve des @ ailees et des J des la fin de juin aux premiers jours d’aoüt. Les aufs sont pondus pour la plupart deja en automne, comme chez le L. flavus. — 407 — Le 9 X 1871 p. ex., on trouvait A Vaux dans les fourmilieres des aufs, de petites larves, et encore quelques cocons 9 et quelques jeunes 9. ß. L. alienus. Exaetement comme le precedent. y. L. brunneus. Aucune donnee de Nylander, ni de Mayr. Je ne suis arrive que deux ou trois fois & trouver autre chose que des 9 dans les nids de cette espece. Depart des © ailees et des S d’une fourmiliöre, Vaux 16 VI 1873, de 6 & 8 heures du matin. © ailees, isolees, Zurich 30 V 1869. © ailees encore dans la fourmiliere, Vaux 29 VI 1873. Des milliers d’eufs et de petites larves chez une fourmiliere, & Vaux, le 16 IV 1868. ö. L. emarginatus. L’accouplement s’effectue pendant la premiere moitie de la nuit. Je l’aiı vu & Vaux le 15 VII 1871, le 25 VII 1873, et le 8 VIII 1873; d’autres fois ıl a lieu plus töt ou plus tard. D’apres Nylander il aurait lieu ä la fin de juillet et en aoüt, d’apres Mayr au milieu de l’ete. @ ailees et 9 ensemble dans les fourmilieres des la fin de juin au commencement d’aoüt, en general. De petites larves dans une fourmiliere le 26 IV 1871 au Saleve. &. L. nigro-emarginatus. Q ailees, dans la fourmiliere, Mendrisio 5 VII 1871. 3. L. umgrAtus. Pas de donndes generales certaines sur ses diverses races. @. L. um- bratus i. sp. D’apr&s Nylander et Meinert l’aecouplement a heu en aoüt ou en septembre, d’apres Mayr au milieu de l’ete. Des 9 ailes dans les rues de Zurich le 22 VIII 1868. Q@ ailees isoldes 3 V, 3 VII, 17 VII, 7 VII, 15 X; 16 V 1833 (musee de Bäle). 5 dans une fourmiliere, Locarno 29 VI 1871. © ailees et 9 dans une fourmiliere, Lago di Mu- zano pres Lugano 27 VII (M. Dietrich). B. L. mixtus. Aceouplement, & Zurich, le 20 IX 1870, ä& 4 Y2 heures du soir; les @ et 9 partaient ensemble d’un nid. @ ailees, isolees, Legern, 3 V. Q ailees en masse dans une fourmiliere, sans un seul S', Morges 16 III 1868. Q et g ensemble dans une möme fourmiliere, Vaux 4 IX 1868, Morges 17 VIII 1869, en aoüt d’apres Meinert. y. L. affinis. Une @ ailee, isolee, Vaux 12 V 1869. 5 dans la fourmilisre, Ammerswyl pres Lenzbourg,. IV (Frey-Gessner). Accouplement observe en septembre par Schenk et en juin par Mayr. 6. L. bicormnis. Une @ ailee au musde de Bäle, ayant sur son &tiquette : Meltingen (Soleure) 22 VII 1831. 4. L. Funisıwosus. Accouplement, 24 VI, 29 VI et 3 VII; fin de juin selon Nylan- der ; milieu de l’&t& d’apres Mayr. Les @ et les g sortent ensemble du nid des deux ou trois heures de l’apres-midi jusqu’au milieu de la nuit, d’apres Huber. @ et 5 presque toujours ensemble dans chaque fourmiliere, des le milieu de juin au milieu de juillet; en Danemark e’est en juillet et au commencement d’aoüt d’apres Meinert. 5 seuls dans une fourmiliere, Vaux 12 VIII 1868. © apteres (fecondes) par centaines sur les routes, So- leure 21 VIII 1869. @ aildes et S volant &pars, Sion 24 VI 1871, Zurich 1—17 VI 1870, Andermatt 17 VII 1871 (Dietrich). 5. Genre. Formica. On ne voit jamais d’essaims formes par les @ et les J de ce genre; du moins je n’en connais aucune deseription, et je n’en ai jamais vu. L’accouplement n’a certainement — 408 — pas lieu en l’air, mais se fait probablement sur le sommet des arbres ou des collines. Je l’ai observe, chez la _F\ rufibarbis, sur le sommet du Monte Salvatore (Tessin), de bon matin. Un second trait assez caracteristigue est le manque ordinaire d’une Epoque fixe; on trouve chez la plupart des formes des @ et des g’ aux &poques les plus diverses; chez certaines formes, il y a pourtant un peu plus de regularite. Des @ fecondes se trouvent dans les fourmilieres pendant toute l’annde. Les @ufs de la grande ponte ne paraissent jamais avant l’hiver, mais toujours au printemps seulement, souvent assez tard. Par contre il arrive fort souvent que des g', des @ ailees, des eocons de divers sexes, des larves meme passent l’hiver dans les nids. L’accouplement parait avoir lieu en general de grand matin ; je l’ai observ& positivement chez les «FM. sangwinea et rufibarbis. Les donnees de Nylander n’ont guere de valeur, & mon avis. Quelques exemples donnes pour les diverses formes montreront combien il est inutile de vouloir fixer des &poques. 1. F. rusca. Il y a lä encore une apparence de regularite. «. F. gagales (accouple- ment en juillet et en aoüt d’apres Nylander). Je n’ai trouve qu’une fois des @ ailees chez une fourmiliere, sur le Monte Generoso, le 6 VII 1871. ß. F. fusca i. sp. (accou- plement au milieu de l’ete d’apres Mayr, en aoüt et en septembre d’apres Nylander ; cette derniere donnee est fausse pour l’ordinaire). @ aildes ou g dans la fourmiliere 14 VI, 30 VI, 3 VI, 6 VII, 19 VII, 14 VIII, 30 VII. Tantöt © et g' ensemble, tantöt un seul des sexes. @ feconde isolee, Zurich 9 V, et d’autres ä toutes les epoques imagi- nables. Les premiers eufs au mois d’avril. Cocons 9 jusqu’a l’entree de l’hiver. y. F. einerean. @ et 9 dans les fourmilieres ordinairement ensemble, des le milieu de juin. Accouplement des la fin de jun au milieu de juillet. C’est la plus reguliere des formes du genre Formica. J’ai verifi& ces dates pendant plusieurs anndes ä& Zurich, puis ä Coire et en Valais. @ ailees et g isoles, Mendrisio 21 et 22 VII (M. Frey-Gessner). 6. F\ ru- Jibarbis. Accouplement, Monte Salvatore 1 VII 1871, & 7 heures du matin; en Juillet, d’apres Nylander. @ ailees ou g' dans les fourmilieres, 21 VI, 27 VI, 9 VI, 12 VII, ze SANE art NA SIENVADNE 2. F. SAn@UINEA. Les premiers eufs au mois d’avril. Depart des Q@ ailees et des d’une fourmiliere : Vaux 3 VII 1873 de 7 & 8 heures du matin. © et g dans les four- milieres du milieu de juin ä& la fin de juillet (aceouplement au milieu de l’ete d’apres Mayr). 3. F. rura. a. F. rufa i. sp. Oeufs a diverses Epoques. @ ou g, ou tous deux en- semble dans les fourmilieres, 30 V, 10 VI, 10 VII. © ailees et 9 dans une fourmiliere, Dischmathal, & 1600 metres au moins d’elevation, 6 VII (M. Dietrich); Col de Balme, pres du haut, 7 VII 1872. Cocons @ 30 VIII 71, 20 IV 69 & Zurich. (Aecouplement en mai et en juin selon Nylander, d&s le mois d’avril jusqu’en automne d’apres Mayr). J’ai observe des @ ailees et des g' pres de s’envoler, en Engadine, le 10 VII 1871. @ ailees isolees, 10 V, 17 V, 24 V, 26 VII. @ fecondes isolees, Simplon 27 VI 1871 (I), Mont Pilate 31 V 1869. ß. F. pratensis. Oeufs & toutes les &poques, ainsi que les larves et les — 409 — cocons de diverses sortes. Q@ ou J, ou tous deux ensemble dans les fourmilieres, 2 V, 29 V, 7 VI, 17 VI, 28 VII, 10 VII, 4 IX ete. Accouplement 10 VIII 1869, et 2 V 1871, le matin (d’apres Nylander ce serait au mois de juin!). C'est la plus irreguliere de toutes les fourmis & cet Eegard. y. F. trumcicola. (Accouplement au milieu de l’ete selon Mayr et Nylander, en juillet et en aoüt selon Schenk). @ ailees et g' ensemble dans diverses fourmilieres, surtout des @, Weissenstein 22 VIII 1869. 9 seuls dans des four- milieres, Stresa 28 VI, Monte Cenere 30 VI, Loco (Onsernone) 3 VII. Fourmis aildes en juillet d’apres Meinert. 5 isole, 15 V 1834 (musee de Bäle). @ feconde, isolee, Magadino, aoüt 1869 (M. Stoll). 6. F. rufo-pratensis. @ ailees dans une fourmiliere 1 V. &. F. truncicolo-pratensis. 3 dans une fourmiliere, Monte-Cenere 30 VI. 4. F. exsecrA. a. F. exseeta i. sp. (Accouplement au milieu de l’et@ d’apres Mayr et Nylander). @ vierges ä ailes dechirees dans plusieurs colonies, Mont-Tendre, Pampigny, 10 VI 1871. 9 dans des fourmilieres, Mont-Tendre 9 VIII 1869, Monte-Bre 4 VII 71. Fourmis ailees du milieu de juillet ä la fin d’aoüt d’apres Meinert. Les eufs sont pondus tres tard; les premiers @ufs seulement le 6 V, sur l’Albis; encore aucune larve. Le 10 VI, encore beaucoup d’eufs au pied du Mont-Tendre, diverses larves dans les fourmilieres les plus avancees, ainsi que quelques eocons @ ou Z. Cocons 9 jusqu’en hiver. Du reste tout cela varie beaueoup suivant l’exposition et V’altitude. ß. F. pressilabris. (Accouplement en juillet d’apres Nylander). @ ailees et 9 ensemble dans les fourmilieres, Vaux du 5 au 15 VII 1871 et du 6 au 17 VII 1873. @© ailees seules dans une fourmiliere, Vaux 23 VI 1870, 21 VII 1872. 5 en abondance dans diverses fourmilieres, 6 VII, 17 VII, 30 VII, 6 VIII, 19 VIII. Cocons et larves de tout sexe et de tout äge, sommet de la dent de Jaman 18 VII 1873. Les @ufs sont pondus moins tard que chez la race preee- dente. Öocons 9 jusqu’en hiver. y. F. ewsecto-pressilabris. 2 ailees dans deux fourmilieres, Monte-Öenere 30 VI 1871, Monte Bre 4 VII 1871. g isole, Piz Alun 21 VII (Frey- Gessner). 6. Genre. Polyergus. P. RUFESCENS. Tres semblable aux especes du genre preeedent. @ fecondes toute !’an- nee dans les fourmilieres; je n’en ai guere trouve qu’une par fourmiliere. Depart des g seuls d’une fourmiliere, Vaux 1 VIII 1873 de 11 heures ä midi; depart general des © ailees et du reste des & de cette m&me fourmiliere, le 14 VIII & 1 heure du jour. Üe depart des @ et des g a ete deerit avee soin par Huber (l. e. p. 249), qui l’a observe le 31 VII a 10%: heures du matin. Il vit partir environ 50 @ et 200 Z d’une fourmi- liere. Oeufs pondus tard, seulement en mai. © aildes et Z dans les fourmilieres ordinai- rement ensemble, du milieu de juillet au milieu d’aoüt. Souvent cependant des 9 seuls, surtout en automne (septembre). @ fecondes isolees, 4 VIII 1873, 10 VIII 1869. Les nymphes 9 &elosent pour la plupart en aoüt et en septembre. 92 — 40 — 7. Genre. Hypoelinea. H. QuADRIPUNCTATA. Peu de donndes. @ fecondes dans une fourmiliere ä Vaux, le 14 IV 1871; I n’y avait ni oufs ni larves ni nymphes dans cette m&me fourmiliere. 5 isoles 28 IX 69, ä Bussigny ; septembre 1831 (musde de Bäle). Un 9 isole le 25 VII (Mayr). Nymphes %, larves diverses, et beaucoup de @ fecondes dans une fourmiliere, Vaux 10 VII 1873. 8. Genre. Tapinoma. T. ERRATICUM. C'est peut-etre de toutes les fourmis celle qui montre le plus de con- stance au point de vue qui nous occupe. Nylander dit que cette espece s’accouple en juin. J’ai observ& le depart des © et des J’ le 14 VI 1868 & Zurich. On trouve des @ fe- condes dans la fourmiliere en assez grand nombre pendant toute l’annee. Les @ufs sont pondus au printemps, des les premiers jours de soleil. Du 29 mai au 17 juin j’ai trouve chez les nombreuses fourmilieres que j’ai examindes chaque annee dans diverses parties de la Suisse des © aildes et des J ä la fois; tr&s rarement un seul des sexes. Lorsque le printemps est froid il y a un peu de retard; ainsi en 1873 l’accouplement n’a eu lieu ä Vaux qu’ä la fin de juin et dans les premiers jours de juillet. Il a lieu dans la regle au milieu de juin ou un peu plus tard, et des lors on ne trouve plus que des lar- ves et des nymphes 9 dans les fourmiliöres. J’ai trouve une seule fois, par exception, des © aildes dans une fourmiliere le 10 juillet, ä l’ermitage de St-Maurice; les fourmilieres voisines n’en avaient pas. Quelquefois au mois de septembre il ya une seconde generation, de Z seulement. Je n’ai jamais vu d’essaims de @ et de gJ' de cette espece. L’accouple- ment ne peut guere avoir lieu en l’air, vu la taille des . Dans les localites les plus froides oü l’on trouve encore le T. erraticum, il est probable que son accouplement a lieu plus tard, mais je n’ai pas de donnees positives ä cet &gard. Les Q vierges parais- sent perdre quelquefois leurs ailes avant d’avoir quitte la fourmiliere. 9. Genre. Bothriomyrmex. B. MERIDIONALIS. D’apres Emery, un g fut pris au mois de mai. Malgre des recher- ches soigneuses chez plusieurs fourmilieres je n’ai jamais pu trouver de © fecondes. Le 11 avril il n’y avait ni @ufs ni larves dans les fourmilieres. Petites larves 25 IV 1871. Nymphes © J' et 3 en quantit€ chez diverses fourmilieres du 16 juin au 17 juillet. Chose curieuse, je n’ai pu arriver ä trouver aucune @ ailee ni aueun J (XI). II” SOUS-FAMILLE PONERIDE. 1. Genre Ponera. 1. P. contracra. D’apres Nylander, les @ ailees et les d' se trouvent en septembre. g ailes, 27 VIII 1869, Saverne (Vosges); 10 VIII 1833 (ce dernier est au musee de — 41 — Bäle). © fecondes, ou du moins apteres, dans les fourmilieres ä toutes les epoques en assez grand nombre. Je n’ai pas d’autres donnees. 2. P. puncranıssima. Des centaines de @ sortaient d’un nid et prenaient leur vol le 16 VIII 1868, & Vaux; dans le nid se trouvaient des hermaphrodites (P. androgyna) ; je ne pus trouver un seul 9. S pris ä Portiei pr&s Naples en septembre par M. Emery. III" SOUS-FAMILLE MYRMICIDE. 1. Genre Anergates. A. ArkATunus. lei, les g etant apteres, l’aceouplement a lieu A l’interieur du nid comme nous l’avons deerit plus haut (p. 343). Neanmoins les @ prennent leur essor et quittent leur fourmiliere; von Hagens a aussi observ& ce fait le 12 aoüt 1865. D’apres cela, il faut qu’elles conservent leurs ailes, quelque temps au moins apres l’accouplement. Nymphes @ et J’ avec beaucoup de larves dans une fourmiliere, Vaux 24 V 1873. Nym- phes @ et 9 dans une fourmiliere, Forclaz 9 VII 1872, mais aucune nymphe de Tetra- morium cespitum (mi 9, ni @, ni 9), dans aucun de ces deux cas. © fecondes dans une fourmiliere ä Cleve, en juillet 1866 (von Hagens), Vaux 24 V 1873 et Forclaz 9 VII 1872. J’ai trouv@ des @ ailees et un g ensemble dans une fourmiliere, sur le Saleve, le 7 VIII 1869. © ailees et 9 nombreux dans la fourmiliere :- Forelaz 9 VII 1872, Vaux 1 a4 VII 1873. © ailees, val Morobia (Tessin, 1500 meötres), septembre (M. Bugnion) ; Wiesenfluh 26 V (musee de Bäle). L’accouplement aurait lieu en juin et en juillet d’apres Schenk. Je l’ai observ@ dans une fourmiliere artificielle le 12 VII 1872. 2. Genre Cremastogaster. C. SCUTELLARIS. Accouplement en septembre et en octobre d’apres L&on Dufour. Mon ami M. Rochat a observ@ le depart des @ et des J & Cannes (midi de la France), le 8 X 1869. 9 dans une fourmiliere, 17 VII 1868, en Tessin (M. Stoll). Du 29 VIau 6 VII 1871, je n’ai pu trouver, dans les diverses fourmilieres visitees par moi en Tessin, que des larves et des nymphes @ J' et 9, mais dans chacune, il y avait & la fois des nym- phes J et des nymphes 9, toujours en tres grand nombre. 3. Genre Solenopsis. S. FUGAX. Accouplement en septembre, vers la fin de l’apres-midi (5 IX, 16 IX, 24 IX). Il a lieu en l’air; les @ et les 9 forment des essaims. Il n’est pas facile de trouver des @ fecondes chez les fourmilieres; j’en ai trouv@ en automne, mais une fois aussi le 16 VI, sur le Saleve. © aildes et 9° dans les fourmilieres des le commencenent d’aoüt ä l’epoque de l’accouplement; dans chacune on trouve les deux sexes ä la fois. Je n’ai ja- mais vu qu’une generation de @ et de g par annee; il ne pourrait guere en &tre autre- ment vu l’extreme lenteur du developpement des larves de ces deux sexes. En effet, les — 42 — eufs sont deja pondus en partie, souvent du moins, en automne. Des le mois d’avril les larves grossissent, mais tres lentement. Deja au mois de mai on voit souvent des larves qui ont depasse la taille des S, et qui ne peuvent &tre que @ ou Z. Mais, chose eurieuse, un grand nombre de larves 9 deviennent nymphes longtemps avant les larves 9 et g. Le 16 VI 1871, sur le Saleve, il y avait dans les fourmilieres des nymphes 9 en quan- tite, quelques-unes tres avancees dejä, et les larves @ et g n’avaient pas encore atteint toute leur grandeur. Des cette Epoque jusqu’en automne, on trouve des nymphes 9 et de jeunes 9. Les larves @ et g ne deviennent nymphes qu’en juillet. @ feconde isolee, Vaux, 9 V 1871. 4. Genre Strongylognathus. 1. S. TESTACEUS. J’ai observe le depart des @ et des ZJ pres de Locarno, le 2 VII 1871 & 3 heures du soir. Von Hagens l’a observe en aoüt 1866; ee sont les 9 Tetra- morium qui accompagnent les @ et les J' Strongylognathus. Le 14 VIII 1872, jai observe & Lausanne le depart d’une quantit€ de $; je ne pus voir un seul J; les 9 cespitum accompagnaient en foule les @ Strongylognathus sur les brins d’herbe, ce que ne faisaient jamais les 9 Strongylognathus; par contre ces dernieres se promenaient sur le döme en nombre relativement assez grand. @ et 5 dans les fourmilieres, Sion 24 VI, Loco 3 VII, Fribourg 18 VIII, Mendrisio 5 VII, Vaux 16 VII, 19 VII, 1 VIO, 4 VII, 27 VII, Saleve 17 VII. Les deux sexes etaient toujours ensemble dans chaque fourmiliere. © fe- conde isolee, Zurich 135 VII 1870. © feconde dans une fourmiliere (avee 9 cespitum et S. testaceus), Sion 24 VI 1871. © feconde seule dans une fourmiliere de Lept. acervorum, 31 VII. Petites larves, 11 IV. Nymphes @ et J, 29 V. Nymphes 5 caespitum, 26 V, et des lors jusqu’en automne. 2. S. HUBERI. Fully 23 VI 1871, larves diverses, nymphes @ J et 5, nymphes 9 cespitum. 5. Genre Tetramorium. T. czsprrum. L’epoque des © et des 9 varie beaucoup suivant les fourmulieres, l’ex- position, les varietes ete. D’apres Nylander l’accouplement aurait lien au mois de juillet, d’apres Mayr au milieu de l’ete. Les nombreuses observations que j’ai faites me permet- tent de dire qu'il s’effectue en Suisse de la fin de juin ä la fin de juillet; je l’ai observe cependant une fois le 22 VIII, sur le Weissenstein. D’apres Meinert, il a leu en juillet dans le Danemark. Le 1 VII 1871 j’ai observe le depart des @ et des g sur le döme de leur nid, ä 6 heures du matin, & Lugano. Des Q et des g' se trouvent partout, volant ca et lä, courant sur les routes, pendant le mois de juillet. Je n’ai jamais vu une © porter un g’ au vol. @ feconde dans une fourmiliere, Lausanne 14 VIII 1872. @ et J presque toujours ä la fois dans chaque fourmiliere, du commiencement de juin au milieu de juillet. 9 isoles, Zurich 7 VI 1868. Dans la haute Engadine, seulement encore de — 43 — grosses larves @ et J le 8 VII 1871, tandis quw'il y en avait dejä le 11 IV sur le Salöve. Les @ufs sont souvent pondus en automne, en partie du moins, et Eclosent souvent aussi A cette Epoque. Je trouvai p. ex. une foule de petites larves dans plusieurs fourmilieres le 9 X. Des nymphes S$ dans les fourmilieres des les premiers jours de juin & la fin de l’automne. 6. Genre Myrmeecina. M. LArkeitter. L’aecouplement a lieu en aoüt et en septembre d’apres Nylander, au milieu de l’ete d’apres Mayr. Q ailees sortant de leur nid, 25 VIII 1869. g' ailes, isoles, Ackerberg dans le Jura argovien, 9 VIII (Frey-Gessner), 27 VIII (Vaux), 11 IX 1833 (musee de Bäle). @ aptere, isoldee, Vaux 27 IX 1869. @ fecondes dans les fourmilieres, avril (St-Gall, M. Kubli), 28 IT 1868 (Zurich). Larves en avril (St-Gall, M. Kubli). Voir du reste l’experience XVII. 5 pris en assez grand nombre au vol a Lausanne le 7 IX 1873 (Bugnion). 7. Genre Apheenogaster. 1. A. strucror. Accouplement ä la fin du printemps d’apres Mayr; Nylander ne dit rien. © fecondes dans les fourmilieres, Lugano 4 VII, Mendrisio 5 VII, midi de la France en septembre. Une masse de nymphes 9, Lugano 4 VII. @ ailees et J dans une möme fourmiliere, Cannes 17 IV 1870 (M. Rochat). @ ailees en automne 1868, Cannes (M. Rochat). 9 ailes, midi de la France, avril et septembre. @ ailees et J dans plusieurs fourmilieres (ensemble), Vienne (Autriche) 16 IV 1872. 2. A. SUBTERRANEA. D’apres Mayr elle s’accouplerait au milieu de l’ete. @ ailee au vol, Lyon 1 X 1867. © feconde dans une fourmiliere, Stresa 28 VI; c'est la seule fois que j’aie röussi a en trouver une, quoique j’aie cherche chez plus de einquante fourmi- lieres. @ et 9 ensemble dans une fourmiliere, mais fraichement &clos, Vaux 8 VIII 1871. Nymphes 9, J et 5, Sierre 25 VI. Larves petites et moyennes, sommet du Saleve 26 IV. Larves diverses et nymphes 9 dans toutes les fourmilieres du Valais et du Tessin, du 25 VI au 6 VII 1871. 8. Genre Myrmica. L’accouplement eommence en l’air, le plus souvent du moins, mais les couples tom- bent ä terre, la @ ne pouvant porter le & au vol. Parfois les 9 poursuivent les @ ä la course, sur quelque sommet, et l’accouplement a lieu ainsi. Les © et les J forment des essaims souvent considerables. Les deux sexes se trouvent ordinairement ensemble dans les fourmilieres. Oeufs et larves ä des epoques tres variables, quelquefois en automne, quelquefois au printemps. Accouplement ordinairement en automne. D’apres Mayr, il au- rait lieu chez toutes au milieu de l’ete, ce que je conteste. 1. M. rugıpa. 5 ailes, isoles, Sion 24 VI. © et Z dans les fourmilieres, 16 V {Fo- — 44 — ret-Noire), 16 VI 1872 (Wasen pres Fluelen, Dietrich), 30 VIII (Mont-Tendre, pres du sommet, dans plusieurs fourmilieres). @ ailees dans une fourmiliere, Kurfirsten 5 VI; g ailös, Weissenstein 22 VII. Q ailee, isolee, Wildegg 19 V (Frey-Gessner). @ fecondes isolees, Lintthal 18 VII, Sierre 26 VI, Bregaglia 7 VII, Gadmen 21 VII (Frey-Gessner). Q feconde dans une fourmiliere, Bregaglia 7 VII, ete. 2. M. RUBRA. a. M. levinodis. Se distingue par ce quelle a toujours des @ fecondes, souvent en assez grand nombre, ä& toutes les epoques dans ses fourmilieres. Aceouplement, Vaux 4 IX 1868. © aildes et 9 dans les fourmilieres en aoüt et en septembre d’apres Nylander, du milieu de juillet au milieu de septembre d’apres Meinert. @ vierges tres petites, ä& ailes dechires, dans une fourmiliere, Vaux 9 IX 1868, et dans une autre le 16 IV 1868. ß. M. ruginodis. @ feeondes dans les fourmilieres plus rarement que chez la race preeedente, Uetliberg 2 V, Monte Generoso 6 VII. @ ailees et S dans les four- milieres 12 VII, 2 VIII; en aoüt et en septembre d’apres Nylander. @ fecondes isolees, Klenthal 16 V 1868, Lenzbourg, 5 III (Frey-Gessner). y. M. suleinodis. Accouplement en aoüt d’apres Mayr. 9 en juillet et en aoüt d’apres Meinert. © fecondes dans quelques fourmilires, haute Engadine 10 VII 1871. ö. M. ruqulosa. Fourmis ailees en septembre, d’aprös Meinert. &. M. scabrinodis. Accouplement 1 X 1867, 4 IX 1868 (Vaux), 30 VII 1871 (sommet du Mont-Tendre), 25 VIII 1869 (Strasbourg). @ et J' dans les fourmilieres en aoüt et en septembre d’apres Nylander et Meinert. Dans une fourmiliere des nymphes Q et J ainsi que des Z &@clos, Lausanne 14 VIII 1872. g ailes 17 VIII, 25 VIII ete. O ailees isoldes, Morges 6 IV 1868 (au vol); Veyrier pres Geneve 4 VII, St-Gotthard 9 X (Frey-Gessner). @ fecondes dans les fourmilieres 3 IV, 11 IV, 25 IV, 26 IV, 2 V dans differentes localites; tr&ös souvent on n’en trouve pomt. @ fecondes isolees, sous l’&corce, Zurich fevrier et mars. &. M. lobieornis. @ ailde seule dans une fourmiliere, Vaux 1 VIII 1868. Accouplement, sommet du mont Tendre 30 VIII 1871; Danemark, commen- cement d’aoüt (Meinert). © aildes et J, normaux et anormaux, Anzeindaz aoüt 1869 (M. Bugnion). @ fecondes dans quelques fourmilieres, Kurfirsten 5 VI, haute Engadine 8 VI. 9. Genre Asemorhoptrum. Rien de connu au point de vue qui nous occupe. 10. Genre Pheidole. P. rarııpura. Depart des @ et des Jg, 29 VI 1871, 6 h. du soir, ä Locarno. J’ai examine plus de cent fourmilieres de cette espece, du 28 VI au 6 VII 1871, dans les diverses parties du Tessin. Toutes avaient des individus ailes plus ou moins fraichement eclos, et des nymphes des quatre sexes. Chez la plupart il y avait des @ et des g' ensemble mais un des sexes predominait ordinairement. Chez quelques-unes je ne pus trouver que des ©, ou seulement des J; mais comme la plupart de ces fourmilieres etaient en colo- F de; sis — 45 — nies, et leurs nids dans des roches calcaires, il etait impossible de les fouiller de fond en comble. Le nombre des individus @ et g dans chaque fourmiliere est extremement con- siderable; chez une ou deux d’entre elles je trouvai aussi quelques @ fecondes. @ fecon- des dans une fourmiliere, septembre, midi de la France. 11. Genre Stenamma. S. Wesrwoonı. @ apteres toute l’annde dans les fourmilieres. Je ne connais pas d’au- tre donnee sur les sexes ailes. 12. Genre. Temnothoraz. T. RECEDENS. Sept petites fourmiliöres rapprochees les unes des autres, a Mendrisio, le 5 VII 1871. Dans chacune une © aptere; dans une d’elles, il y en avait m&me trois. Chez trois ou quatre de ces fourmilieres, il y avait des 9 fraichement eclos et des nym- phes J;; chez une ou deux d’entre elles, il y avait de plus des © ailees. 13. Genre. Zeptothorax. Accouplement comme chez les Myrmica, mais le petit nombre des @ et J' empeche qu’il se forme & proprement parler des essaims de Leptothoraw. Un certain nombre de @ paraissent perdre leurs ailes avant d’avoir pu s’envoler (lorsqwelles sont encore vierges ?). Le plus souvent on ne trouve qu’un des sexes ailes ü la fois dans les fourmilieres. L’e- poque oü les @ et les J &closent, celle oü les eufs sont pondus, ete. paraissent varier passablement chez la meme forme suivant les anndes et les localites. Je manque cepen- dant de donndes suffisantes pour chaque sorte de Leptothorax. On trouve presque tou- jours une ou plusieurs @ fecondes par fourmiliere, ä toutes les epoques de l’annee. 1. L. ACERVORUM. a. L. acervorum i. sp. Accouplement au milieu de l’et& selon Mayr; 30 VIII 1871, sommet du Mont Tendre. © aildes dans une fourmiliere, Zurich, 21 VI 1868. 5 dans diverses fourmilieres, Anzeindaz 20 VIII (M. Bugnion), Uetliberg 28 VI, Vosges 30 VIII, 5 VIII 1834 (localit& [?] Musee de Bäle). J isoles, Piz Alun 21 VI (Frey-Gessner). Larves de toute taille, mars 1868 & Zurich. Fourmis ailees, de la fin de juin au milieu de septembre d’apres Meinert, ß. L. muscorum et y. L. flavicornis, aucune donnee. 2. L. TUBERUM. «. L. corticalis. @ feconde dans une fourmiliere, 2 V & Zurich. ß. L. affinis. @ fecondes isolees, Zuriehberg 22 V 1870 et Vaux 24 V 1873. y. L. nigri- ceps. @ fecondes dans la fourmiliere, Vosges 31 VIII 1869, Saleve 26 IV 1871, Sion 24 VI 1871. ö. L. interruptus. @ fecondes dans une fourmiliere avec larves diverses, Vaux 21 V 1873; © ailees et S dans les fourmilieres des le 27 VI au 17 VII 1873. e. L. tuberum i. sp. Accouplement, sommet du Mont Tendre, 30 VIII 1871.*) @ ailee isolee, *) Je n’ai pu retrouver les d pris dans cette eirconstance; c’est pourquoi je n’ai pu les deecrire. — 416 °— Andermatt 47 VII 1871 (Dietrich). Q ailee dans une fourmiliere, Lenzburg (Lütisbach) 5 VII (Frey-Gessner). © feconde dans une fourmiliere, Gysula (Jura argov.) 15 II (Frey- Gessner). @ fecondes isoldes au printemps, sous l’&corce, Vaux, Zurich. & L. Nylanderi. Accouplement au milieu de l’et€ d’apres Mayr. J en abondance dans diverses fourmilieres, Vaux septembre 1867, fin de juin (appareil), 29 VII 1834 (musde de Bäle). n. L. uni- Faseiatus. @ fecondes isolees, Vaux 14 IV 1871; 20 VII 1833 (musee de Bäle). Accouple- ment au milieu de l’ete d’apres Mayr. L. tubero-nigriceps. 5 dans une fourmiliere, Saleve, 16 VI 1871. © ailees dans la fourmiliere, Mont Tendre 30 VIII 1871. Je ne sais rien de partieulier sur le Z. Iuteus. Remarque. Quelque incomplet que soit le tableau precedent, il sera peut-etre utile aux personnes qui veulent chercher les sexes ailes de es especes. De plus il peut servir de base a un travail plus complet. Des exceptions remarquables doivent &tre signalees, et se trouvent m&me chez les es- peces ou les Epoques paraissent etre le plus fixe. C'est surtout le cas dans les endroits tres froids, exposes au nord, sur les sommites, dans les päturages des Alpes. Lä le deve- loppement des larves peut subir des retards eonsiderables, mais une fois que l’ete s’est fait jour, leur eroissance est d’autant plus rapide. Quelques exemples le montreront. Les 8, 9 et 10 juillet 1871, la Haute-Engadine &tait & peine sortie de la neige. Les Myrmica et les Leptothorax avaient cependant dejä des nymphes $, Q et J’; les Tetramorium n’avaient que des larves. A Ja limite des neiges, sur les pentes inferieures du Piz Surlei, il y avait encore quelques fourmilieres de F. fusca et de M. suleinodis, mais elles n’avaient que des @ufs. Un peu plus bas, entre Silvaplana et Ponte, les F\ fusca avaient dejä des cocons Q et Jg), ainsi que les F. ewseeto-pressilabris. Les F. rufa et pratensis avaient des J et des Q ailees. Chez le T. erraticum, le möme jour du mois d’avril, les fourmilieres dont le nid est expose au midi ont le plus souvent de grosses larves @ et Z, tandis que celles dont le nid est expose au nord n’ont que des @ufs ou de petites larves. Cependant, au moment de l’accouplement, les secondes ont ordinairement presque rattrape les premieres. Cela est du reste loin d’&tre absolu; il est @vident que, dans les localites chaudes, les fourmis sont en somme plus avancees, et qu'il se forme plus facilement deux generations des sexes ailes pendant un meme ete. Aussi, JA oü j’ai indique une epoque, p. ex. pour V’aceouplement (ainsi milien de juin au milieu de juillet), le commencement de cette epoque s’appligue en general aux fourmilieres des lieux chauds, et la fin ä celles des lieux plus froids. — 47 — Fr XXXHI Considerations sur Vorigine des fourmilieres, sur lewr conlinuation et sur lewr fin. Durce de la vie des fowrmis. 1. Des milliers de fourmilieres, toutes ennemies les unes des autres, peuplent chacune de nos prairies. Nous en voyons qui s’eteignent, d’autres qui apparaissent, d’autres qui demenagent ; nous pouvons aussi en observer beaucoup qui demeurent florissantes pendant de nombreuses anndes. Mais d’ou vient que leur origine nous &echappe toujours ou presque toujours? Huber l’avait, semblait-il, mise au jour d’une maniere aussi plausible quinge- nieuse; il croyait avoir des preuves suffisantes pour affirmer que les @ fecondes sont capables ä elles seules de fonder une nouvelle fourmiliere. Mais les observations d’Ebrard et les miennes paraissent montrer qu’un fait pareil ne peut pas se produire (p. 253). Pourquoi ne trouve-t-on jamais de @ seules avee des larves avancees ou des nymphes? Un fait positif est qu’on voit souvent apparaitre en un lieu une fourmiliere encore faible, com- posee de 9 en assez petit nombre, avee une @ feconde, sans qu’on puisse comprendre d’ou elle est venue (ainsi chez la F. pratensis). C'est la que nous manquons de donnees et que nous devons encore avoir recours aux conjectures. La supposition qui se presente tout naturellement, c’est qu’une @ feconde isolee, etablie dans une case, est decouverte par une ou plusieurs 9 de son espece, egarees ou &loignees de leur fourmiliere, lesquelles s’allient ä elle et fondent avec elle une nouvelle peuplade, abandonnant toute relation avec leurs anciennes compagnes. Cette hypothese a deja ete faite par Lepeletier (Hist. nat. des hym., tome 1 p. 114), et ıl la base sur une observation. Il dit avoir vu une @ feconde seule dans un trou, puis des 9 de son espece venir aux alentours, la nourrir, et fonder le lendemain un nid & cet endroit. J’avoue que cette observation m’inspire tres peu de confiance, d’autant plus que Lepeletier ne s’est pomt oecupe specialement de fourmis; il ne donne aueun detail sur le temps qu’il a employe ä suivre cet episode, ni sur les four- milieres avoisinantes. La supposition n’en reste pas moins tres heureuse. Ebrard la fait de nouveau, sans citer Lepeletier ; pour lui c’est un fait evident, car il eroit que les fourmis de fourmilieres differentes ne sont point ennemies lorsqu'elles sont de m&me espece. En outre Ebrard parle des colonies et de la formation de fourmilieres nouvelles (il confond les notions de nid et de fourmiliere) par ce moyen (VII). J’ai d&montre un cas de ce genre de la maniere la plus positive (VII). Mais je n’en reste pas moins persuade que la seission d’une colonie en deux ou plusieurs fourmilieres n’est point un fait normal, se produisant regulierement ; je la regarde plutöt comme un cas exceptionnel. Il ne peut en &tre question chez les especes qui ne font jamais de colonies. Il ne nous reste done que la supposition de Lepeletier, *) mais je erois quil faut se *) Je ne parle pas de la pretendue observation de Christ qui dit avoir vu souvent les jeunes % 33 — 48 — garder de la prendre pour un fait acquis. Je ne crois pas non plus que idee d’Huber puisse &tre encore absolument rejetee. N’oublions pas la grande variete de forme des fourmis. Ce qui est vrai pour une es- pece ne l’est peut-&tre pas pour une autre. Si je prends des cas partieuliers, on s’en rendra compte. L’H. quadripunctata, la ©. truncata et divers Leptothorax ne vivent presque que dans ou sur les arbres, en fourmilieres assez petites ou tres petites. Les deux pre- mieres especes ne sont pas communes. Comment se fait-il qu’on en trouve des fourmilieres sur des arbres entierement isoles, au milieu d’une prairie par exemple. J’avoue que je ne puis me representer une 9 de Ü. truncata traversant seule une prairie sur la longueur d’une centaine de metres pour venir tomber sur un noyer et y trouver une @ feconde isolee de son espece. Ici. l!’on revient involontairement ä l’opinion d’Huber. Mais d’un autre eöte il est tout aussi difficile de se representer une @ pratensis fondant seule une fourmiliere, pour qui econnait les menrs de cette fourmi. Il en est de meme du L. fuli- ginosus; comment arrive-t-il dans des bouquets d’arbres isoles? Mais aussi comment une Q@ de cette espece fonderait-elle seule une fourmiliere ? Il y a lä encore des decouvertes ä faire, j’en suis persuade. Les suppositions d’Huber et de Lepeletier n’expliquent du reste pas tous les faits, ä supposer m&me qu’elles soient vraies pour les fourmis ordinaires. Comment commencent les fourmilieres des genres Polyeryus, Strongylognathus et Anergates? Huber s’imagine que les @ fecondes de P. rufescens se mettent ä travailler, ä elever leur famille, et qu’en- suite les 9 elles aussi sont laborieuses jusqu’a ce qu’elles aient pu se faire des esclaves. lei il y a double hypothese, et probablement double erreur. Les 5 rufescens sont inca- pables d’elever des larves et de les nourrir; tout nous le montre, et le passage de La- treille eit€ par Huber (l. ce. p. 253) prouve tout simplement que le premier de ces auteurs n’avait pas su voir les fourmilieres de cette espece. *) Toutes les observations faites des lors, y eompris les miennes, montrent que jamais le P. rufescens ne se trouve sans esclaves, que jamais il ne travaille. Il en est de m&eme des deux autres genres que je viens de nommer. Avec l’hypothese de Lepeletier, les faits s’expliqueraient dejü beaucoup mieux. ID suffirait pour ces trois genres que les @ fecondes soient trouvees par des 9 de l’espece esclave qui s’allient ä elles, fait qui n’aurait rien d’etonnant (I. 5). Mais cela n’explique point la maniere dont se continuent les fourmilieres de $. testaceus et d’Anergates, car de l’annee essaimer en corps comme les abeilles, precedees de leurs 2 (apteres) qui marchaient en tete, et fonder ainsi tout-a-coup un nouveau nid au pied des dites ? qui les regardaient faire. Ou bien c'est une pure fable, ou bien il s’est completement mepris sur ce qu'il voyait. *) Latreille dit: „Cette espece est fort rare; je ne l’ai observee en societe qu’une seule fois, encore n’y avait-il qu’un tr&s petit nombre d’individus. Elle court tres vite, et fait son nid, je crois, dans la terre“. Huber en deduit que, plus heureux que lui, son predecesseur ayait vu une fourmi- liere naissante, composee de P. rufescens sans esclaves. — 49 — ces especes etant ineapables de se procurer des esclaves, et les @ et 5 Tetramorium man- quant dans leurs fourmilieres, celles-ei s’&teindraient ä la premiere generation. Nous avons dejü parl& de cette singulire eontradietion qui semble inexplieable (XV et XV). Si l’on arrivait ä d&montrer que les $ peuvent se reproduire par parthenogenese, la question serait peut-ötre r&solue, mais on ne peut admettre un fait pareil sans de bonnes preuves. 2. Si nous savons peu de ehose sur l’origine des fourmilieres, il n’en est pas de meme de leur continuation, de leur entretien (A part le cas des Anergates et des Strongylognathus). Tei nous avons vu (XXXI) la regle generale, A savoir que les $ retiennent des @ qui ont 6te fecondees avant leur depart par des J de la fourmiliere. Il n’est pas impossible quil y ait quelques exceptions ä cette rögle, mais cela n’en changerait pas les conse- quences generales. En effet, il decoule de ce qui vient d’&tre rappel® que tous les habi- tants d’une fourmiliere descendent en dernier ressort des mömes parents. Il n’y a de eroisements possibles entre races ou varistes difförentes, ni möme entre fourmilieres diffe- rentes, que dans les airs, ou sur des sommets &loignes des fourmilieres. Cela explique le fait dont nous avons parle dans le chapitre de la structure externe des fourmis, ä propos des races et des varietes. Je suppose qu’une @ truncicola ait ete fecondee par un g pratensis, et quelle arrive d’une maniere queleonque, avec ou sans aide, A etre mere d’une fourmiliere. Ses descendants seront des F. truncicolo-pratensis. Mais pour que la fourmiliere reste truneicolo-pratensis, il ne faut pas que ses 9 puissent se procurer des Q truneicola ou des Q pratensis fecondees ailleurs par des $ de leur race respective, sans quoi la fourmiliere redeviendrait bientöt pratensis ou trumeicola, ces deux formes &tant beaucoup plus communes. Tl faut done qu'elle s'entretienne par des © truncicolo-pratensis fseondees par des Z truncicolo-pratensis. Or c'est &videmment ce qui a lieu. Pour la m&me raison, une fourmiliöre pratensis de variete fonede demeure variete foneee jusquw'ä sa fin, ce qui ne serait pas le cas si elle pouvait s’entretenir au moyen de @ fecondes nees dans d’autres fourmiliöres ou seulement fecondees par des J d’autres fourmilieres. La concor- dance des observations sur chacun de ces faits (@ fecondes retenues par les $ sur le döme du nid; fourmilieres demeurant toujours de meme variete pendant plusieurs annees) est la meilleure preuve qu’on puisse donner de leur connexion. 3. Les fourmilieres finissent, s’eteignent, comme toute chose, les unes plus töt, les autres plus tard. On remarque alors en general que les dernieres generations ne com- prennent plus que des '; j’en ai fait souvent l’observation. Le manque de soleil, la perte d’une source importante d’alimentation (d’un arbre p. ex.), l’apparition d’une puissante rivale sont les causes qui paraissent le plus souvent faire perieliter une fourmiliere. 4. Quelle est la durde de la vie d’une fourmi ä l’etat parfait? Nous avons deja vu ce qui en est a l’etat de larve et de nymphe oü cela varie beaucoup (XXX et XXXI). Les 9 meurent peu apres l’aecouplement (XXXI). D’apres Christ, les 9 et les @ vivraient par contre trois ou quatre aus. Oette opinion n’est guere admissible. J’ai garde il est vrai une @ de Z. tuberum huit mois en vie dans une boite, et elle etait certainement &close — 420 ° — depuis quatre mois quand j’ai commence a T’elever (I. 3), mais c’est le seul exemple positif que je connaisse d’une pareille longevite en captivite. L’ensemble de mes observations sur les meurs des fourmis m’a amene ä la convietion que la vie moyenne de ces insectes (9 et @) A l’etat parfait doit Etre d’un an environ (VII. 2), plus souvent moins que davan- tage. Je suis persuade qu’en automne il ne reste presque plus que les 9 &celoses pendant le courant de l’ete. Christ base son opinion sur la coloration plus ou moins foncee des 5 d’une m&me fourmiliere. Or lorsqu’il fait chaud, une fourmi atteint peu de jours apres son €closion la nuance qu’elle gardera toute sa vie. Il ne faut pas confondre ce fait avec celui des varietes individuelles de coloration (les petites 9 sont ordinairement plus fonceees que les grandes); dans une m&me fourmiliere, une 9 plus foneee qu’une autre est souvent beaucoup plus jeune quelle, ce dont je me suis tres souvent assure en suivant le deve- loppement des jeunes 9 apres leur &closion. XXXIV Relations des fourmis avec les pucerons et les gallinsectes. Reaumur, Degeer et Christ avaient dejä remarque que les fourmis lechaient les exere- ments des pucerons, mais c’est Huber qui a penetr& le premier les rapports intimes des fourmis avec ces insectes. Il a montre que les pucerons sont les animaux domestiques, le betail des fourmis. Des lors cette observation a ete faite fort souvent; on n’a pu la mettre en doute comme d’autres, car les faits sont trop Evidents. Nous en avons dejä parle dans le tableau des especes et dans plusieurs des experiences precedentes ; nous ne reviendrons pas sur les details concernant les diverses formes de fourmis considerees ä ce point de vue. Lorsqu’une fourmi veut avoir de la liqueur de puceron, elle frappe ces inseetes avec ses deux antennes, comme elle frappe le chaperon des autres fourmis pour leur demander & manger. Quand un puceron le peut, il fait sortir lentement de son anus (et non des cornes qui sont & cöte) une goutte d’un liquide transparent ; *) la fourmi lape aussitöt cette miellee. Huber a montr& le premier que les fourmis, par leurs instances, pouyaient deter- miner une exeretion plus frequente que de coutume chez les pucerons. Quand il n’y a pas de fourmis, les pucerons rejettent leurs excerements en l’air par une sorte de ruade, fait que j’ai aussi observe fort souvent. Lorsqu'il y a des fourmis, ils attendent par contre qu’elles s’approchent en les flattant de leurs antennes; ils font alors sortir une goutte de leur miellee. Le meme puceron peut servir ainsi plu- *) Les pucerons possedent pour la plupart deux cornes ereuses, une de chaque cöte de l’anus; de ces tubes sort aussi une exeretion, mais elle est moins liquide que celle de l’anus (Reaumur). C’est probablement le produit d’une glande. Les fourmis boivent la goutte que le puceron fait sortir de son anus, du moins a l’ordinaire, et non point la seeretion de ces cornes, comme l’ont pretendu certains auteurs, Il est facile de s’en assurer en les observant a la loupe avec quelque precaution pour ne pas les effrayer. sieurs fourmis de suite. Quand il n’y a pas de fourmis, on peut observer longtemps les pucerons sans les voir rejeter leurs exer&ments; quand les fourmis y sont, les gouttes se suceedent tr&es rapidement. Les exerements de ces insectes sont un liquide suere, ce dont on s’assure facilement. Comme les plantes qu’ils sucent ne sont ordinairement pas suerees, il doit se faire une transformation chimique dans le canal intestinal des pucerons. L’allianee entre les fourmis et les pucerons consiste en un &change de bons services, car les fourmis protegent leur betail contre ses nombreux ennemis, soit contre les larves de coccinelles, de dipteres ete. Nous avons vu que certains genres de fourmis (Lasius) savent transporter leurs pucerons d’un endroit & l’autre, et meme soigner les @ufs de ces inseetes. Nous avons aussi vu qu’un certain nombre d’especes ceultivent les pucerons des racines, et qu’elles les amassent dans leur nid m&me; cela devient alors leur unique source de nourriture (L. flavus). Les gallinsectes ou Coceinae (Chermes, Coccus) rendent exactement les m&mes services aux fourmis. Dans plusieurs contrees tropieales, ce sont les larves de divers Homopteres (Cercopis ete.) qui remplacent les pucerons aupres des fourmis ; celles-ci les protegent aussi en retour. D’apres une communieation faite au mois d’oetobre 1872 ä& la societe entomolog. italienne par M. le professeur Delpino, ce naturaliste a ob- serve un fait analogue en Italie. TI a vu des Cumponotus pubescens demander ä des larves de Tettigometra virescens et recevoir d’elles la miell&e, comme ils le font pour les pucerons. Les pucerons et les gallinseetes fournissent aux fourmis dans nos pays a l’ordinaire la plus grande partie de leur nourriture. Mais il y a lä encore d’enormes differences suivant les formes. Les Leptothorax ne paraissent jamais elever de pucerons ; il en est de m&me des Pheidole, Tapinoma, Hypoclinea et A.structor, Ace queje erois. Öes fourmis ont d’autres moyens de subsistance : les unes sont plutöt carnassieres comme les Pheidole, les Tapi- noma, les Tetramorium; les autres lechent direetement les sucs des fleurs et des arbres (Leptothorax, Colobopsis); d’autres encore amassent des graines qu’elles font germer A moitie pour avoir du suere (A. structor). Quelques formes vivent exclusivement de puce- rons (L. flavus, L. brunneus), ou presque exelusivement (Z. niger, Camponotus divers). D’au- tres savent varier leurs moyens, l&cher elles-m&mes les fleurs, tuer des insectes et cultiver des pucerons ; telles sont surtout les especes du genre Formica. Le genre Lusius montre une grande variete au pomt de vue qui nous occupe. Les especes flavus et umbratus ne eultivent absolument que des pucerons de racines. Le L. fuliginosus ne cultive que des pucerons de l’&corce, des tiges et des feuilles. Le Z. brunneus ne parait eultiver que des pucerons de l’&corce. Les L. niger et alienus eultivent des pucerons de racines et des pucerons de la partie exterieure des plantes. Ils savent transporter aussi ces derniers d’un lieu & l’autre. Enfin le Z. emarginatus n’eleve que peu de pucerons, et seulement sur la partie exterieure des plantes. Certaines especes de pucerons ne sont pas eultivees par les fourmis, ainsi celui du rosier. Un jour j’observai dans un lieu aride, pres de Martigny, une quantite de plantes —_— 42 — de Stachys en pleine floraison, et au milieu d’elles beaucoup de petites plantes d’une autre famille. Ces dernieres etaient couvertes de pucerons noirs, mais je ne pus y voir aucune fourmi, tandis qu’une foule de 7‘. cespitum $ entraient dans les corolles des Stachys pour en lecher les sucs. D’autres plantes des environs avaient des pucerons en petit nombre, lesquels etaient ceultives par des Z. alienus. Nous avons vu (Architeeture) que certaines fourmis (L. niger, brunneus et emarginatus, M. levinodis et scabrinodis) savent bätir autour des tiges de plantes couvertes de pucerons des pavillons en terre souvent assez eleves afin de mieux proteger leur Detail. Divers gros pucerons du chene sont tout partieulierement recherches par les L. fuli- ginosus, F. gagates, C. lateralis. Lorsqu’on voit des fourmis grimper sur un arbre, c'est le plus souvent pour y aller sollieiter leurs pucerons, mais il faut quelquefois une certaine attention pour remarquer ces derniers. Il yen a par exemple une espece grise, assez agile, qui vit sur les feuilles des cöniferes, et que les F. rufa et pratensis eultivent avec pre- dileetion ; il faut souvent beaucoup de peine pour l’apercevoir, tandis que les fourmis se voient & distance. Les fourmis qui vont sur les poiriers, les pommiers, les pöchers, les orangers, y vont uniquement ä cause des pucerons et des Coccine, point du tout pour manger les fruits dont elles n’entament jamais la pelure. Je n’ai jamais vu, pas plus qu’Huber, les fourmis manger leurs pucerons; meme des Z. flavus que je laissai avee ces inseetes sans leur donner ni plantes ni nourriture ne leur firent aueun mal. Par contre Leuret (Anatomie comparee du systeme nerveux) raconte que M. Duveau vit une fourmi impatientee '@craser un puceron et le manger. On voit de quelle haute importance les pucerons sont dans l’&conomie des fourmis. Il suffit de deux ou trois portions d’exer&ments de ces inseetes pour remplir le jabot d’une fourmi qui degorge ensuite cette liqueur ä ses compagnes et ä ses larves. Mais on voit aussi qu’en dernier ressort ce liquide nutritif vient des plantes auxquelles les fourmis sont par ce moyen nuisibles de deux manieres : 1°) en protegeant les pucerons qui se pro- pagent d’autant plus qu'ils ont plus de fourmis autour d’eux; 2°) en les faisant redoubler d’activite dans leur succion. Plus la fourmi sollieite le puceron, plus il exerete frequem- ment; cela me parait devoir coincider avec une succion plus intense. Je renvoie le lec- teur a Huber pour plus de details sur les rapports entre les fourmis et les pucerons. XXXV Insectes myrme£cophiles. Il est connu que les fourmis ont souvent dans leur nid des hötes de nature fort di- verse. Huber, Ebrard, Mayr, les myrmecologistes en general s’en sont fort peu occupes, tandis que les autres entomologistes, surtout ceux qui etudient les Coleopteres, recherehent avec grand soin ces insectes myrmecophiles ; ils ont m&eme invente des instruments spe- eiaux pour leur faire la chasse. On peut accuser les myrme&cologistes de negligence ä cet — 43 — esard; mais ils sont fort exeusables, car les inseetes dont nous nous occeupons, les Cole- opteres en particulier, jouent un röle tout-ä-fait accessoire et möme accidentel dans l’&co- nomie des fourmis. Aucun d’eux n’est necessaire aux fourmis, car ils manquent dans beaucoup de fourmilieres; on peut tous les considerer comme des parasites en appliquant aussi ce terme aux animaux qui vivent aux depens des autres sans s’attaquer directement ä leur corps. Les seules observations suivies faites sur les coleopteres myrmeeophiles sont dues ä Müller (Germar’s Magazin der Entomologie III. 69) et & Lespes (Bulletin de la soc. ent. de France 1855. Troisiöme serie, tome III, p. L 1; et Revue des cours scientifiques 1866 p. 257). Le premier a fait ses observations sur les Claviger, le second sur les Lomechusa (Atemeles). D’apres ces auteurs, les Olaviger et les Lomechusa sont nourris par les fourmis qui leur degorgent de la miellee; en revanche les fourmis lechent les poils des elytres des Claviger et ceux de l’abdomen des Lomechusa. Malgre les details que donne Lespes, je ne puis me fier absolument ü ses observations, car dans d’autres cas il affırme avoir vu des degorgements la ou il n’y avait certainement eu aucun acte de ce genre (XVI, 5). Je n’ai jamais fait d’observations suivies sur ce sujet. Les quelques cas oü j’ai eleve des myrmecophiles pendant un certain temps avec leurs fourmis ne me permettent pas de röfuter les observations de Müller et de Lespes, mais me permettent encore moins de les confirmer. Malsre cela, l’observation des maurs des fourmis laisse facilement distinguer diverses categories de ces insectes au point de vue de leurs rapports avec les maitres du logis qu’ils habitent. C’est surtout au printemps qu’on trouve les Myrmecophiles dans les nids des fourmis. Pour ce qui concerne les coleopteres, je renvoie le lecteur aux notices de Müller et de Lespes deja eitees, ainsi quaux nombreux ouvrages speciaux et generaux eerits sur cet ordre; les especes suisses sont plus ou moins bien indiquees dans le Cata- logue des coleopteres suisses de Stierlin et de Gautard. Nous pouvons diviser les myrmecophiles en groupes de trois manieres differentes : 1°) D’apres leurs rapports intimes avee les fourmis. Les uns sont traites amiealement par elles, les autres en ennemis; les uns sont probablement directement parasites, d’autres le sont indireetement. Ce serait la meilleure division, mais nos connaissances sont trop bornees a cet Egard pour que nous puissions l’employer systematiquement. 2°) Parmi ces insectes, les uns vivent toujours chez les fourmis, et les autres se trouvent aussi ailleurs. Ces derniers sont tres nombreux, et leur röle n’est pas du tout elair. 3°) On peut simplement suivre l’ordre zoologique. Ce dernier systeme est le seul qui puisse etre suivi consequemment, vu le peu de connaissance que nous avons des maurs des myrme&cophiles. Je me contenterai de parler des formes que j’ai trouvees moi-meme en Suisse, ainsi que de quelques autres, car les indieations des catalogues de Coleopteres ete. ne permet- tent ordinairement pas de reconnaitre l’espece de fourmi dont il s’agit. La plupart de ces — 424 — Coleopteres se trouvent chez les F. rufa et pratensis, ainsi que chez le L. fuliginosus, mais on ne les observe pas dans leurs rapports avec les fourmis. On prend une poignee des debris du nid qu’on vient de demolir, on la met avec les fourmis sur un treillis tres fin, et l!’on secoue le tout plus ou moins longtemps. Les myrme&cophiles &tant fort petits passent ä travers le treillis, et on les cherche dans la poussiere qu’on a eu soin de laisser tomber sur une nape blanche. Ces insectes vivent-ils r&ellement au milieu des fourmis, ou se cachent-ils simplement dans les materiaux du nid? Ö'est ce que nul ne saurait dire. Ce sont preeisement les hötes de ces deux especes de fourmis qui sont le plus diffieile ä observer par rapport ä& leurs maurs. 1. NfmaToipes. ACARIENS. ÜRusTacks. PODURELLES. On trouve quelquefois des Nema- toides, parasites, dans l’abdomen des fourmis; Gould en parle deja (1747); j’en ai trouve chez le L. flavus ©. Cela ne rentre pas preeisöment. dans notre sujet. Une espece de Cloporte d’un blane assez pur est un des hötes les plus frequents des fourmis les plus diverses. Il vit au milieu d’elles, dans leurs cases, mais se retire souvent aussi dans les parties inhabitees du nid. Huber en parle sans insister sur ses habitudes. Les fourmis ne font point de mal ä ces eloportes qui paraissent passer leur vie entiere chez elles, car on en trouve de toute taille, des plus petits jusqu’aux plus grands; mais elles ont l’air de ne faire aucune attention A eux; je ne les ai jamais vu leur donner des soins. Les antennes de ces crustaces sont dans un &tat d’agitation perpetuelle. Pourquoi les fourmis les supportent-elles? De quoi se nourrissent-ils? C'est ce qu’on ne sait pas encore. f Des Podurelles et des Lepismes se trouvent souvent aussi dans les nids des fourmis, ° n . E n . . B » x . mais ces animaux sont si agiles et leur eorps offre si peu de prise qu'il leur est tres faeile d’y vivre contre le gre des proprietaires. Les Acariens ont l’air de jouir, eomme les Cloportes blanes, d’une certaine immunite ; ils eonrent au -milieu des fourmis sans exeiter la colöre de celles-ei. Il est assez rare de les voir s’attacher au eorps de leurs hötes ou & celui des larves et des nymphes; j’ai ce- pendant observ& ce fait plusieurs fois, et comme c'est le genre de vie de la plupart des Acariens, on doit probablement le eonsiderer iei aussi comme general. Du reste, vivant dans le nid, les Acariens ne risquent rien en lächant une fourmi, car ils en retrouvent d’autres tant qu’ils en veulent. 3. HEmIPTkRES ET ÖRTHOPTERES. Meyer-Dür (die Am. um Burgdorf) parle de deux eimi- eides : Microphysa myrmecobia (Myrmedobia coleoptrata, Fall. d’apres Fieber) et Microphysa testacea qui se trouvent chez les F. rufa et pratensis. Un Orthoptere (Myrmecophila) doit aussi avoir le m&me genre de vie. 3. HYM£noPTERES ET DIPTERES. Schenk parle deja d’un Braconide noir et effile quil vit entrer le matin dans un nid de F. pratensis. J’ai observe extremement souvent un — 425 — Braconide*) tres petit, assez court, long de 2,5 ä& 3,5”", ainsi qu’un Diptere encore plus petit, long de 1,2 & 1,5”", de forme arrondie, lesquels ont des allures singuliöres vis-A-vis des fourmis. O’est surtout lors des combats entre fourmis de grandes especes (Oamponotus, Formica) que j’ai vu souvent ces petits insectes venir bourdonner au-dessus des combat- tants. Je n’ai presque jamais vu les Dipteres sans qu'il y eüt en möme temps des Bra- conides, et vice-versa. Si l’on s’attache A un de ces insectes, on le voit suivre au vol tous les mouvements d’une fourmi, toujours la meme au moins pendant un moment, et cela avec une opiniätret@ incroyable. Il cherche ä se poser sur son abdomen. La fourmi s’aper- coit fort bien de la chose ; chaque fois que l’insecte aileE s’approche trop, elle se retourne brusquement et cherche ä l’attraper ; celui-eci lui &chappe toujours, ce qui la met dans une colere de plus en plus grande. Rien n'est plus curieux ä observer que ce manege. Le Diptere montre encore plus d’opiniätrete que le Braconide, et arrive plus souvent que lui & se poser sur l’abdomen d’une fourmi ; mais celle-ei tourne aussitöt la tete et le para- site s’enfuit. Quoique j’aie observe ces faits plus de cent fois, je ne suis jamais parvenu a voir l’un de ces insectes enfoncer sa tariere (le Diptere a l’abdomen pointu et tres mobile ü son extremite) dans le corps d’une fourmi. J’ai remarque que, lors des combats de fourmis, ils ne se posaient jamais sur celles qui etaient mortes ou malades, mais seulement sur les bien portantes. Quand deux adversaires sont aux prises, il semble que les para- sites doivent avoir beau jeu pour se poser sur leurs abdomens, mais m&me alors les fourmis s’en debarrassent. Il est evident que ces insectes sont de veritables parasites, et il est probable quils deposent directement leurs @ufs sur ou dans le corps des fourmis. Leur extreme petitesse et la rapidite de leurs mouvements rend l’observation tres diffieile. Peut-&tre aussi la larve du Diptere est-elle & son tour parasite de celle du Braconide, lequel est plus gros et plus abondant en nombre. 4. ÖOLEOPTERES. A. Un certain nombre de Coleopteres vivent au milieu des fourmis, sont soignes par elles, transportes au fond du nid lorsqu’il y a danger. Il ya attouche- ment reeiproque d’antennes. D’apres Müller et Lespes, les Olaviger et les Lomechusa four- nissent, avons-nous vu, aux fourmis un suc alimentaire, et en retour les fourmis les nour- rissent ; leurs larves sont, je crois, inconnues. M. Bargagli a publi& recemment dans le Bulletino entom. ital. une observation sur le Olaviger Banudii,; il dit avoir vu plusieurs de ces insectes oecupes a devorer le cadavre d’une fourmi. D’un autre cöte, Lespes (Observ. sur les fourmis neutres, Ann. des Se. nat. 1863) conserva pendant une annee des L. emar- ginatus avec des Olaviger,; la fourmiliere s’eteignit peu A peu sans produire de larves. *) M. Giraud, a Paris, a eu l’obligeance de me determiner ce Braconide : c'est l’Blasmosoma Bero- linense Ruthe. Lui-meme l’a pris souvent chez la F. rufa, bourdonnant a l’entree du nid, mais jamais chez d’autres especes. Je l’ai observe chez toutes les especes du genre Formica et chez les Camponotus. 54 — 426 — Ce resultat ne me parait pas concorder trös bien avec ceux qu'il obtint plus tard (1866). C'est done peut-etre aux depens des larves des fourmis que vivent ces Coleopteres. Mais pourquoi les fourmis prennent-elles soin d’eux ? Peut-&tre est-ce simplement l’odeur qu'ils repandent (v. plus bas), ou la maniere dont ils savent flatter les $ avec leurs antennes qui leur donne ce privilöge. J’ai conserv& quelque temps un Chennium avec des T. cws- pitum, et un Atemeles avec des M. laevinodis. Je n’ai pu observer autre chose que des mouvements d’antennes trös vifs de part et d’autre, et une agitation remarquable chez l’Atemeles; ce dernier courait d’une fourmi ä l’autre sans s’arreter, revenant sans cesse sur ses pas, comme le font les $S. Westwoodi avec les F. rufa. Le plus typique de ces Col&opteres est le Chennium bitubereulatum qui n’a ete trouve jusqw’& present que chez le T. caespitum et chez le $. testaceus (v. Hagens). Je l’ai pris plusieurs fois sur le Salöve et aux environs de Morges, toujours chez le T. caespitum. Puis vient le Batrisus formicarius que jai trouv& chez le L. brunneus, & Vaux et ü Zurich, mais qw'on a pris aussi, parait-il, chez d’autres especes. On trouve en general un seul Chennium ou un seul Batrisus dans une fourmiliere. Les Olaviger (C. foveolatus) vivent par contre ordinairement en assez grand nombre dans la meme fourmiliere. Le €. foveolatus se trouve surtout chez le Lasius flavus (Saleve, Valais), mais aussi chez les L. niger et alienus (Mayr, Förster); j’ai pris une fois ä Vaux un Claviger longiornis chez la Myrmica laevinodis. Le Trichonyx Maerkelii est tres rare ; je l’ai decouvert & Sion chez la Ponera contracta. La Lomechusa strumosa se trouve prineipalement chez la F. sanguinea; je Y’ai prise ä Vaux, ä Zurich et dans la Foret-Noire. L’Atemeles emargi- natus est commun au printemps chez les especes du genre Myrmica, surtout chez la M, laevinodis; on le trouve dans toute la Suisse. D’apres Mayr (Form. austr.), il vit aussi chez la F. rufa. J’ai pris l’Atemeles paradoxus *) plusieurs fois chez la Myrmica seabri- nodis et une fois (variete : inflatus Zett.) chez la F. sanguinea. B. L’Hetaerius quadratus (ou sesquicornis) n’a &t& trouve que chez les fourmis, mais il a l’air d’&tre traite par elles avec indifference. J’en ai vu un cependant blotti au milieu d’un tas de F\. fusca et de P. rufescens, dans une de mes arenes de gypse. Ce curieux insecte se trouve dans le canton de Vaud, surtout chez le Polyergus rufescens dont il a exaetement la couleur. Je l’ai pris aussi une fois chez la F'. pressilabris (Vaux), une fois chez la F. sanguinea (Martigny), et une fois chez le L. niger (Zurich). Schenk l’a trouve chez la F. fusca, Mayr chez la F. rufibarbis. C. D’autres Coleopteres se reneontrent le plus souvent chez les fourmis, mais quel- quefois aussi isolöment. Tels sont une foule de Staphylinides, ainsi les Dinarda dentata et Merkel, le Scopeus minimus chez les especes du genre Formica, les Myrmedonia *) Je dois une partie de ces determinations de coleopteres ainsi que des suivantes a l’obligeance de M. le Dr. Stierlin a Schaflouse, et l’autre a celle de mon ami et beau-frere M. le Dr. E. Bugnion. ' | i - ; 3 3 —_— 27° — Funesta, humeralis*) et autres chez le L. fuliginosus ete. L’Amphotis marginata se trouve surtout ä l’entree des nids de L. fuliginosus, blottie dans les anfractuosites de l’&coree; les fourmis ne lui font aucun mal, ne l’attaquent pas. Les especes que je viens d’&nume- rer ont l’air de vivre toutes en bonne intelligence avee les fourmis, du moins d’etre souf- fertes par elles. Il en est peut-etre autrement de diverses formes d’Hister qu'on trouve chez beauconp de fourmis. D. JP’enumere encore quelques especes de Coleoptöres que j’ai prises chez des four- mis, mais dont les rapports avec ces dernieres sont tres douteux. J’ai trouve le Pselaphus Heisei chez le L. niger, le Trachyphleus squamulatus chez l’Anergates atratulus, un By- thinus chez la Ponera contracta, VOmias brunipes chez le L. niger, V Homalota anceps chez la F. fusca, ’Hom. flavipes chez la F. rufa, une nymphe de Barynotus chez la F. fusca & l’ob. Sandalp. Je rappelle ici l’observation que j’ai rapportee plus haut (VI. 6) sur un Zbster quadrimaculatus qui mangea un cocon de F. pratensis au milieu des 9. J’ai vu un autre de ces Hister qui avait penetre chez des T. cwespitum, probablement dans le m&eme but, perir sous les coups d’aiguillon de ces fourmis. 5. LArvEs. A. Il n’est fait mention dans aucun ouvrage d’une larve allongee, eylin- drique, longue de 4 & 8 millimetres, distinetement annelde, blanche, munie d’une tete chitineuse distinete, de mandibules chitineuses, et de six petites pattes chitineuses ante- rieures (vraies pattes thoraciques), larve que j'ai trouvde A diverses reprises chez plusieurs especes de fourmis, et dont ces dernieres prennent autant de soin que des leurs. J’ai deja parl& de ce fait ä propos de mon appareil de F. sangwinea (X. 1). Il n’est pas dou- teux que ces larves ne soient nourries par les fourmis 3. Celles-ei les trainent en effet partout avec leurs propres larves et leurs propres nymphes, sans faire la moindre difference. J’ai pu saisir une fois ’instant ou une 9 sanguinea degorgeait de la miellee & une d’elles. J’ai vu des F\ rufa, lors d'un d&emenagement, les transporter de l’ancien nid dans le nou- veau. J'ai vu des F. rufibarbis, chassees de leur nid par des F. sanguinea, s’enfuir en emportant ces larves aussi bien que les leurs ; les sanguinea cherchaient ä les leur arracher, et la dispute etait aussi vive que pour les larves de rufibarbis. Enfin jai vu des P. ru- fescens ravir ä& des F. rufibarbis de pareilles larves ü six pattes, lors d’une expedition et les rapporter chez eux. Lorsqu’on trouve ces larves dans une fourmiliere, elles y sont ordinairement en nombre considerable. Je les ai observees chez les F. rufa, sangwinea, rufibarbis, et chez le P. rufescens. Je n’ai jamais pu voir la nymphe, ni l’insecte parfait ; celles que j'ai elevees avee des fourmis dans des appareils finirent par disparaitre. Je suis maintenant persuade qu’elles quittent les fourmis au moment oü elles sont pretes ä de- venir nymphes, et qu’elles vont se metamorphoser ailleurs. D’apres leur habitus et leur *) Lespes pretend que les Myrmedonia attaquent les fourmis, leur coupent l’abdomen et les man- gent (?). structure, elles ne peuvent guere ötre que des larves de Coleopteres. Je ne erois pas que les fourmis retirent d’elles le moindre avantage, mais il me parait probable qu’elles sont dans les fourmilieres comme les @ufs de coucous dans les nids d’autres oiseaux, c’est-A-dire que les fourmis les prennent pour leurs propres larves. B. D’autres larves vivent dans les nids des fourmis, mais seulement dans les nids & materiaux, et il est tres probable qu’elles se nourrissent simplement des debris vegetaux et animaux qui forment la base de ces nids (F. rufa, exsecta ete.). Robert (Ann. des Se. nat. T. XVIII. 2 serie 1542) mit plusieurs larves de Cbtonia dans un pot avec des ma- teriaux de F. rufa (sans fourmis) ; elles s’en nourrirent et prospererent. On les trouve aussi dans les nids abandonnes, ce qui vient encore ä l’appui de ce fait. Elles ne craignent cependant pas de venir dans les cases habitees par les fourmis qui se jettent alors sur elles avec fureur. Mais ces larves sont tres robustes, et herissees de poils, de sorte que les fourmis ne peuvent leur faire de mal. J’ai ete fort souvent t&emoin de luttes pareilles ; les larves se hätent du reste de s’enfuir en ereusant la terre devant elles. Elles detruisent ainsi en partie les travaux des fourmis, leurs galeries ete., infestent le nid de leurs exer&ments, et forcent souvent les 9 ä elever toujours plus leur döme. Von Hagens a vu de ces larves se transformer en Cetonia floricola, et non aurata. Les larves de Olythra, et de divers Dip- teres ont un genre de vie analogue ü celles de Cetonia. Schenk eleva ainsi des larves de Microdon mautabilis prises dans un nid de L. niger, et en obtint l’insecte parfait. 6. OpEUR. Plusieurs des myrme&cophiles dont nous avons parl& repandent lorsqu’on les prend une odeur d’ethers composes qui se trouve &tre exactement la m&me que eelle des Tapinoma, odeur que nous avons vu avoir son siege dans le venin de ces fourmis. Cette odeur qui est absolument constante chez les Tupinoma ne l’est pas chez ces myrmeco- philes ; tantöt ils en sont doues, tantöt ils n’en ont pas trace. Chose eurieuse, ces in- sectes ne vivent point chez les Tupinoma, mais chez d’autres fourmis. Cette m&me odeur se retrouve assez souvent, mais moins intense, chez des fourmis qui n’appartiennent point au genre Tapinoma; je l’ai remarquee a Vienne et ä Fontainebleau chez la F. gagates, en Suisse chez les Myrmica scabrinodis et laevinodis. Enfin je l’ai observee chez des insectes qui, autant qu’on sait, n’ont aucune liaison avec les fourmis (Pezomachus, hymenopteres dont la forme a il est vrai de l’analogie avec celle des fourmis). Mais ce sont surtout des Atemeles vivant chez les Myrmica, et des Lomechusa vivant chez la F. sanguwinea qui m’ont presente ce fait remarquable. Ils degageaient une odeur de Tupinoma tres Intense, Cette odeur est si caracteristique qu’on ne peut la confondre avec aucune autre ; je l’ap- pelle « odeur de Tapinoma » pour la designer. 3 Le 3 VII 1870, jour oü les @ et les gJ de L. fuliginosus s’aceouplaient, je pris & Zurich sur une ombellifere, fort loin de toutes les fourmilieres de L. fuliginosus A moi eonnues, un petit hymenoptere aile qui degagea aussitöt une forte odeur de L. fuliyinosus. Le 26 VI 1871, je retrouvai ä Sierre un hymenoptere pareil qui degagea la m&öme odeur. XXXVI Les fowrmis en hiver. Influence de la temperature sur les fourmis. Mesures thermometriques. Je ne veux pas revenir sur toutes les fables qui ont ete inventees a ce sujet ni sur toutes les refutations qu’on en a faites, mais quelques points ont besoin d’etre Eelaireis. La legende populaire *) qui date des temps les plus recules (Proverbes de Salomon, Esope) raconte comme quoi les fourmis amassent en &t& des graines dans leur nid afın de n’etre pas au depourvu pendant l’hiver. Cette legende a ete dejü refutee par Swammerdam (XVII. siecle), par Gould **), puis par Christ, Latreille, Huber ete. qui ont prouve que les fourmis ne differaient en rien des autres animaux ä sang froid, qu’elles s’engourdis- saient lorsque la temperature s’abaissait ä un certain degre, et qu'elles ne faisaient point de provisions. Ebrard (l. e. p. 21) pretend il est vrai que les fourmis mineuses (rufibarbis) ne s’engourdissent pas en hiver, mais c’est une erreur; elles s’engourdissent tout comme les autres. Il faut ajouter que cet alinea d’Ebrard ne renferme que des erreurs. Cet auteur est singuliörement inegal. A cöte d’observations remarquables par leur exactitude, il ra- conte des faits inexacts ou tres mal observes. La legende a pourtant sa raison d’etre ; ces auteurs (sauf Gould) onblient qu’elle vient de la Gröce et de l’Orient oü il y a d’autres fourmis que dans le nord de l’Europe; si Huber avait bien cherebe, il aurait meme pu trouver le mot de l’enigme sur le Petit-Salöve. Nous avons vu, en effet, que les Aphauenogaster structor et barbara (dont la premiere se trouve en Suisse) amassent reellement des graines diverses dans leur nid (voy. tableau des especes et des races), et que ces graines servent d’apres Lespes A les nourrir, gräce ä la transformation d’une partie de l’amidon en sucre par la germination. Or ces deux especes sont les fourmis les plus communes du midi de l’Europe et des pays qui entourent la Mediterranee, tandis qu’elles ne se trouvent *) Dans les Proverbes de Salomon, chap. VI, versets 6, 7 et 8, il est dit que les fourmis amassent leur nourriture pendant la moisson, et qw'elles n’ont ni princes ni chefs. L’exactitude de cette derniere assertion n’est pas sans interöt, surtout si l’on pense A l’opinion contraire erronde d’Ebrard (XX. 5). **) Gould ajoute cependant : « Pourtant il se peut qu'il en soit autrement pour les fourmis exo- tiques, car quoique durant le froid de notre hiver les fourmis soient generalement engourdies et aient «& peine besoin d'un peu de nourriture, dans les regions plus chaudes, durant la saison des pluies, quand elles sont probablement eonfinges dans leur nid, d’abondantes provisions leur sont peut-£tre ne- A A « cessaires » (traduit d’apres la eitation de Moggridge). Ce passage, remarquable par la perspicaeite et la moderation qu’y montre Gould (1747), contraste avec les affırmations souvent meprisantes ou ironiques des auteurs subsequents, voire möme d’Huber (l. e. p. 20), sur la legende en question; il peut encore servir d’exemple aujourd'hui. — 430 pas dans le nord. M. Moggridge a deerit r&cemment dans tous leurs details les greniers des Aphaenogaster (voir tableau des especes et des races, genre Aphaenogaster, note du bas). On peut dire sans risquer de se tromper beaucoup que le besoin de nourriture chez les insectes croit en raison direete de la temperature, de m&me que leur activite. En hiver ils sont done engourdis, ou peu s’en faut, et ne mangent rien ou presque rien. Les phe- nomenes chimiques et physiques de leur corps, ainsi la respiration, sont presque nuls. Si l’on met p. ex. un Coleoptere aquatique (Dyticus) dans un bocal dont l’eau est a + 1°, on le verra rester au fond pendant plusieurs heures, sans venir respirer (ces inseetes sont obliges de venir respirer l’air a la surface); si au contraire l’eau est ü +20° ou +25° centigrades, il montera ä chaque instant pour ouyrir ses stigmates ä la surface. Huber a montre de plus, pour ce qui concerne les fourmis, que les pucerons s’engourdissaient en möme temps qu’elles, et que, lorsque la temperature s’elevait pendant quelques Jours en hiver, elles savaient aller les trouver, du moins les plus voisins de leur habitation; la peine est encore moins grande pour les espöces qui elevent ces insectes sur les racines croissant dans leur propre nid. Done plus il fait chaud, plus les fourmis sont actives, plus elles sont agiles, plus elles sont adroites, plus elles bätissent, plus elles elevent de larves, plus elles font d’ouvrage en peu de temps, en un mot; mais aussi plus elles man- gent, plus elles consument rapidement leurs forces et leur vie, plus leurs larves croissent et se transforment rapidement. En un mot l’activite vitale (Stoffwechsel et Kraftwechsel) des fourmis, comme celle des insectes en general, augmente et diminue avec la temperature ambiante. Des que l’hiver s’approche, les fourmis se retirent peu a peu au fond de leurs sou- terrains oü elles s’entassent les unes sur les autres avec leurs larves, quand elles en ont ä ce moment, et restent dans une immobilite complete. Il ne faut pas croire cependant que leur volonte n’ait aucune part dans cet acte. Elles ne vont point s’endormir toutes ä la fois, mais les unes apres les autres, et, tandis qu’une grande partie de la fourmiliere est engourdie, quelques 3 travaillent eneore et sortent du nid au milieu du jour, quoique d’un pas languissant. Enfin ces dernieres 9 vont se joindre aux autres, et lorsqu’on ouvre alors le nid on ne trouve plus que des $ engourdies. Pendant les journees chaudes de l’hiver, dans les lieux abrites, on voit souvent quelques 9 qui se promenent, ce qui a fait eroire & certains autenrs que quelques especes ne s’engourdissaient pas. lei encore ce ne sont qu’un trös petit nombre de 9 qui se reveillent pour quelques heures. On voit cependant des fourmilieres se reveiller presque totalement pendant les hivers exception- nellement doux, et cela surtout lorsque cette temperature elevee a dure un certain temps et penetre dans la terre. C'est ainsi que les 1 et 4 janvier 1873 j'ai observe aux environs de Morges, dans les lieux abrites et exposes au soleil, des fourmilieres fusca et pratensis presque entiörement röveillees. Les 9 d’une de ces dernieres se promenaient en grand nombre sur leur döme et &taient fort vives. Il en est au printemps de meme qu’en automne, et dans chaque fourmilire une partie des 9 se reveillent avant les autres. J'ai constate 5 — 451 — ce fait ä diverses reprises. J’ai observe de plus que chez Ja m&me espece le moment du reveil varie suivant l’exposition du nid et suivant sa profondeur. Les 9 des nids exposes au midi et & l’abri du vent se reveillent beaucoup plus töt que les autres. Les 9 des nids anciens et tres profonds se reveillent plus tard que celles des nids superficiels, car la chaleur du soleil penetre moins vite jusqu’ä elles. Ce dernier fait explique pourquoi l’on voit souvent les 9 de deux nids de F\ fusca p. ex. situes tout pres l’un de l’autre, et ex- poses de la m&me maniere, se reveiller les unes huit ou quinze jours plus tard que les autres. Pendant l’hiver, nous l’avons vu, les dömes maconnes s’aplatissent, les cases et les galeries superficielles sont peu ü peu detruites, obstruees par de la terre (le gel et le degel y eontribuent pour leur part), de sorte que les fourmis ä nids de terre pure ne peuvent sortir au printemps, du moins le plus souvent, qu’en minant de bas en haut; ce fait est tres facile ä observer chez les A. fusca qu'on voit surgir ainsi A la surface les unes apres les autres. Les F\. rufa, pratensis et truncicola sortent de leurs souterrains et viennent sur leur döme se chauffer au soleil sans s’eloigner de leur nid, pendant plusieurs jours de suite apres leur reveil. Elles forment ainsi d’enormes amoncellements de $ immobiles en- tassees les unes sur les autres, comme les abeilles qui essaiment en forment autour de leur reine. Sil’on repand l’alarme parmi elles ü ce moment, elles s’enfoncent aussitöt en masse dans leur nid, jusqu’a ce que le tas y ait presque totalement disparu; alors celles qui restent et qui ont pris terre se mettent sur la defensive. Mais toutes les fourmis n’ont pas de souterrains ; les Leptothorax p. ex. s’endorment simplement (dans leur @corce, les Z. fuliginosus dans leurs arbres ete. Lorsqu’on conserve en hiver des fourmis dans une chambre chauffee, elles ne s’engourdissent pas. En resume l’on peut done dire que les fourmis s’engourdissant en hiver elles n’ont pas besoin de nourriture, mais que lorsqu’elles se trouvent dans un lieu oü le soleil peut provoquer pendant cette saison, ä certains moments, une temperature un peu &levee, une partie d’entre elles se reveillent; dans ce dernier cas elles trouvent de quoi se nourrir, car les pueerons et les autres insectes du meme lieu se reveillent aussi en meme temps; de plus ces endroits abrites sont ceux oü les plantes se mettent souvent ä pousser en plein hiver (violettes, primeveres ete.). Il est &vident que dans les pays chauds les fourmis ne s’engour- dissent pas, et que dans les pays tres froids elles passent presque toute l’annde endormies. Lorsque la temperature ne s’eleve suffisamment qu’au milieu du jour, les fourmis s’en- gourdissent de nouveau pendant la nuit, et möme le matin et le soir. C'est le cas dans les Alpes, sur les plus hauts päturages ; lä leur .activite est bornde le plus souvent ä deux ou trois mois de l’annde, tout au plus, et, pendant cette periode möme, ä quelques heures du jour. Il se presente iei plusieurs questions fort importantes. Les nids des fourmis ont-ils une temperature plus elevee que celle des environs (on sait que c’est le cas des ruches d’abeilles) ? Les fourmis ont-elles une temperature propre ? A quel desre s’engourdissent- elles? Quel degre de froid peuvent-elles supporter sans perir? Je ne pretend point resoudre ces problemes d’une maniere absolue, mais je erois pouvoir en donner au moins une idee. Mayr (Form. Austr.) croit que la temperature des nids des fourmis est assez &levee, et qu’en hiver elles s’arrangent pour ötre toujours dans un milieu au-dessus de 0°. Il rapporte deux experiences thermometriques qui n’ont & mon avis aucune valeur, vu qu'il a oubli@ de mesurer la temperature du terrain aux environs du nid. Or la temperature momentanee de l’air n’est en aucun rapport constant avec celle des zones souterraines. I a trouve une fois une temperature de 0,6 ° centigrades plus elevee que celle de Vair, et l’autre fois de 12,5 °. Avant d’aller plus loin je veux rapporter quelques observations que j’ai pu faire : 1° Dans un grand nid de ZL. flavus, pres de Zurich, le 18 XII 1867, la tempera- ture & six pouces de profondeur &tait de +7 & +71,0 e.; ä la m&me profondeur, dans le terrain environnant, elle etait de -+6°1° ec. Le 2 I 1868, au m&me endroit, aussi chez des L. flavus, & la möme profondeur, la temperature etait de 0° & 12° e.; dans le terrain environnant, de —2° e.; la tempe- rature de l’air etait de —14° c. Le froid durait depuis assez longtemps. 2° Le 30 III 1869, je fis diverses observations sur des F. pratensis qui etaient en tas sur leurs nids; on verra par les r&sultats qu’il faut se garder de faire des conelusions hätives. Le soleil brillait depuis midi; la temperature de Pair & 2 Ya heures &tait de 47° centigrades ä& l’ombre, ä 4 heures elle &tait de +7 Ye ° centigrades. A 2 Ye heures j’enfoneai mon thermomötre de 7 !s centim. dans la terre compacte d’un talus expose en plein au soleil; il monta & 413° c. Enfonc& ensuite de 9 centim. au milieu d’un nid A de F. pratensis & surface horizontale et ne recevant que des rayons solaires tres obliques, il monta rapidement jusqwäü 22°; les fourmis se trouvaient en masse dans cette partie du nid, et y &taient en pleine activite. Je le mis ensuite ä la meme profondeur, dans une partie inhabitee du meme nid, un peu plus ä l’ombre, il est vrai, et de cöte, la ou il y a plus de terre et moins de materiaux ; il redescendit ü +72. Sur un autre nid B, je placai la boule du thermometre au milieu du tas de fourmis qui etaient sur le döme, sans l’enfoncer dans le nid; la temperature monta ä +18° c.; je la mis ensuite sous une feuille söche, tout ä eöte, mais dans un endroit sans fourmis, et la tempe- rature redescendit ä —-14°e. Sur un autre nid C, expose en plein au soleil, les 9 etaient en tas A la surface; je mis la boule du thermometre au milieu d’elles, ce qui les agita beaucoup, et la temperature monta ä +3L1'/g°c. Je cherchai ensuite ä obtenir la plus haute temperature possible parmi des feuilles seches situces a cöte de ce nid et exposees de meme; j’arrivai ainsi üä -+-30° e. On voit par ce qui precede que la temperature dependant avant tout du soleil, de la profondeur, et des corps qui se trouvent ä& la surface du terrain, il faut &tre prudent dans ses conelusions ; les feuilles söches et les materiaux des F. pratensis se rechauffent bien plus vite que la terre humide. D’un autre cöte beaucoup de fourmis en activite, serrees les unes contre les autres, paraissent produire une certaine elevation de temperature. u Aa3 — 3° Le 8 I 1870, je trouvai une fourmiliere de M. Inevinodis avec des larves, des © fecondes et un Atemeles emarginitus. Je mis toute la famille dans une boite en carton, entre les doubles fenetres de ma chambre exposees au midi. La fenetre exterieure fermait tres mal, de sorte qu’il gelait pendant la nuit dans cet espace, tandis que de jour les rayons du soleil y produisaient une forte chaleur. Je conservai ainsi ces fourmis jusqu’au 3 II. Pendant le jour elles etaient en pleine activite, soignajent leurs larves et leurs @ ; 1’ Ate- meles courait au milieu d’elles. Je laissai la boite ouverte, et elles ne cherchörent pas ä s’enfuir, car le froid qui regnait dehors les rebutait. Mais des que le soleil s’abaissait, elles perdaient peu ä peu leur aetivite, et finissaient par s’engourdir totalement. Le matin entre 7 et 8 heures, je fis ä plusieurs reprises des observations au thermometre. A cet effet je placai la boule de mercure au milieu des fourmis, la recouvrant möme entierement de 9 engourdies, et je la laissai ainsi pendant vingt minutes ou une demi-heure. La tem- perature descendit plusieurs fois a —3°%, —4° e., une fois möme üä —5° ce. (la temperature du dehors etait de —12° a —140 c.). Il est &uident que cette temperature reprösentwit bien celle du corps des fourmis; il ne peut en ötre autrement. Les 9 etaient dans une immobilite complete, leurs pattes et leurs antennes & demi repliees; mais elles n’etaient point raides; leurs membres se lais- saient mouvoir dans toutes les direetions, leur corps etait flexible. L’Atemeles etait engourdi au milieu des 9, et comme elles. Ges memes insecetes etaient pleins de vie et d’activite deux heures plus tard, car la temperature du milieu qui les entourait montait jusqu’ä +20° c. pendant le jour. Mes fourmis resterent, ainsi que leur Atemeles, pres de deux mois exposees journellement ä ces grandes variations de temperature, sans &tre recou- vertes par le moindre objet, et sans paraitre souffrir. Je leur donnai de temps en temps un peu d’eau et de miel qu’elles mangerent. Elles s’evaderent le 3 III, par une journee chande, A travers les jointures de la fenetre. 4° J’ouvris plusieurs fois en hiver, lors des plus grands froids, les dömes des nids de L. flavus qu’on avait enleves avec la pelle, retournes, et laisses ainsi dans les pres sous forme de mottes. Les agrieulteurs du canton de Vaud s’imaginent par ce moyen dötruire les fourmilieres. J’y trouvai le plus souvent les 9 completement engourdies dans les cases dont les parois etaient inerustees de glace, mais jamais je n’en decouvris de mortes; elles se reveillerent toujours apres que je les eus rechauffees un moment dans ma main. 5° Le 27 janvier 1873 je remplis deux bocaux ä peu pr&s egaux, l’un (A) d’une portion de nid de F. pratensis avec ses habitants, l’autre (B) de materiaux de F\ pratensis sans fourmis, et je les mis sur ma fenötre. Je mesurai la temperature dans les deux bocaux en enfoncant la boule du thermometre ä la m&me profondeur et de la möme maniere, seule- ment dans le bocal A j’eus soin de la faire entrer dans une case pleine de 3 engourdies. Dans les deux bocaux le thermomötre marqua —4-0,5° Celsius. Le lendemain la temperature du bocal A, dans la case pleine de 9, descendit & —0,5 °e. Toutes ces 9 se röveillerent quand je remis le bocal dans ma chambre. 55 — 434 — Les faits qui preeedent montrent qu’une temperature au-dessous de zero ne cause pas la mort des fourmis, lors m&me que ce n’est point seulement le milieu ambiant qui se refroidit ainsi, mais aussi leur propre corps. Cela n’a rien d’etonnant; l’eau seule göle ä zero, mais non pas l’eau qui contient d’autres substances en dissolution, ni les liquides organiques. Il serait facile de determiner par des experiences suivies ä quel degr& la tem- perature doit s’abaisser pour causer la mort des divers insectes, et des fourmis en parti- eulier ; il est probable que cela varie suivant les especes, et qu’une F. fusca p. ex. peut supporter plus de froid qu’une P. pallidula. Pour ce qui en est de la temperature propre des insectes, il est connu qu’elle se rapproche d’autant plus de celle du milieun ambiant que leur activite est moins grande; lorsqu’ils sont engourdis c’est ä peine s’il y a une difference, et il est Evident que cela doit surtout &tre le cas chez les petits inseetes oü la surface du c9rps est Enorme par rapport au volume*). Il est parfaitement vrai que les fourmis se cachent en hiver au fond de leur nid et s’y entassent, mais est-ce bien seulement pour se procurer plus de chaleur? J’ai deux ob- jeetions & faire & cette supposition. Premierement je rappelle au lecteur la variete infinie des nids des fourmis. Tel nid est situ& sur une surface plane, ä l’abri du vent, dans une terre vegetale ; il est protege du rayonnement par un groupe de sapins; les fourmis qui l’habitent depuis longtemps lui ont donn@ une grande profondeur. Ici les habitants joui- ront en hiver d’une temperature egale, et n’auront jamais ä craindre le gel; au printemps par contre la chaleur ne penetrera que lentement et tard jusqu’a eux. Tel autre nid (de Leptothorax acervorum p. ex.) est situ& sur Ja pente abrupte d’un rocher des Alpes, & 2200 mötres d’elevation, dans une legere anfractuosite contenant & peine quelques atomes de terre et une petite motte de Silene acaulis,; un petit caillou plat le recouvre ; les fourmis ne peuvent s’enfoncer bien profond, car elles ne savent pas creuser le roc; la pente est trop raide pour que la neige puisse jamais y tenir. Ces petits inseetes qui ne savent pas möme employer des materiaux pour se faire un döme seront soumis & des variations enormes de temperature, et surtout & un froid excessif. M. le professeur Rambert **) a *) Plateau, dans une brochure dont je n’ai pris connaissance que pendant l’impression de ce travail (Recherches physico-chimiques sur les artieul&s aquatiques; Bruxelles, chez Hayez) a fait des expe- riences sur ce sujet. Ses resultats ne concordent guere avec ce que j'ai observ& chez les fourmis, mais il n’a opere que dans l’eau. Il croit que c'est la privation de mouvement qui cause la mort des in- sectes pris dans la glace. Mais le froid les prive de mouvement sans eau ni glace, et ils ne meu- rent pas. **) Les Alpes Suisses, 1. serie, 1866, page 296 et Bibliotheque universelle, Tome XXXIII, Nr. 130 (1 octobre 1868) page 192. L'auteur fait observer que la theorie de certains botanistes qui veulent que les plantes alpines soient tres sensibles au froid et protegees en hiver par un manteau de neige est au moins fort risquee. En effet, on a observ& depuis nombre d’annees que la temperature atteint souvent en hiver, dans les Alpes, a une elevation de 2000 metres et au-dessus, un minimum de 25 degres Celsius -— 435 — fait cette observation & propos des plantes alpines, il y a plusieurs annees. Il a montre que le pretendu manteau de neige qui devait les proteger du froid en hiver n’existait pas pour toutes celles qui se trouvaient sur les ar&tes battues par le vent, dans les anfractu- osites des rochers abrupts, en un mot dans tous les lieux oü la neige ne peut tenir. Au printemps, ce seront par contre les fourmilieres mal protegees qui se reveilleront les pre- mieres, des que le soleil viendra rechauffer la pierre qui recouvre leur nid: elles travaille- ront le jour et s’engourdiront la nuit, comme mes M. Iaevinodis et leur Atemeles. Remarquons bien que les deux cas extremes que je viens de supposer se rencontrent souvent chez la meme espece, ainsi chez la F. fusc« qui habite les hauts päturages des Alpes comme les forets de la plaine. La seconde objeetion que j’ai & faire au pretendu besoin de chaleur des fourmis est plutöt une autre supposition. N’est-ce pas I’humidite plutöt que le froid que les fourmis veulent eviter en se cachant en hiver ? En effet, si une temperature de zero degre et au- dessous n’est pas direetement nuisible aux fourmis, elle peut le devenir si le milieu qui les entoure est tres humide. Une fourmi prise dans de l’eau qui gele doit beaucoup souffrir de la dilatation que subit celle-ci; son corps doit risquer d’etre comprime ou m&me d6e- ehire. ‚J’avoue que c’est une pure hypothese, mais il serait facile de la confirmer par des experiences *). Il y aurait ainsi une raison pour engager les fourmis a se retirer dans des endroits ä l’abri du gel, et surtout dans des lieux oü l’eau ne puisse arriver en quantite suffisante ä la fois pour les mouiller. Je dois dire que chez quelques especes de fourmis, ainsi chez la F. rufa, un en- semble de eirconstances semblent concourir pour conserver une certaine dose de chaleur dans les nids en hiver. Les nids de ces fourmis sont tres grands ; leur döme est eompose de materiaux, vegetaux pour la plupart, qui laissent entre eux de nombreux interstices ; au-dessus des souterrains qui sont tres profonds se trouve un labyrinthe de cases qui fonetionne comme un mur creux. Tout cela fait obstacle au refroidissement. Enfin ces fourmis sont grandes et tres nombreuses; il est probable que, lorsqu’elles sont entassdes au-dessous de zero. Or, passe une certaine inelinaison, les parois rocheuses ne retiennent pas la neige, et les sommets battus par les vents sont sans cesse balayes et mis a nu, en sorte que toutes les plantes qui habitent ces stations la sont peu ou point garanties. Exemples : les Gentiana imbricata qui habıtent le sommet du Drönaz (2950. m.); maintes touffes de Rhododendron situdes a 2000 et 2200 metres contre des rochers ardus oü la neige ne peut tenir ete. M. Rambert, en racontant une course qu'il fit lui- me&me au sommet du Rigi (1800 metres) au milieu de l’hiver, dit : « Jusqu’au sommet du Rigi, nous renconträmes de longues plates-bandes denudees, dont les gazons affrontaient bravement les gelees d'un rude hiver. » *) Plateau (1. c.) prouve que la dilatation de l’eau qui gele ne comprime pas les corps qui y sont plonges. Et pourtant les Dytiques meurent dans l’eau gelee. — 46 — les unes sur les autres, leur chaleur propre devient sensible. Le fait est que le gel ne penetre jamais bien profond dans ces nids. Mais il faut se garder de vouloir gen£raliser ces donnees comme l’ont fait quelques auteurs, car toutes les eirconstances que je viens d’enumerer, ou du moins presque toutes, font defaut chez la plupart des especes. Il est evident que dans un nid de Zeptothorax, compose de 30 ou 40 petites 9 et d’une ©, ni l’agglomeration des fourmis, ni la profondeur du nid, ni la superposition des cases, ni les materiaux ne seront capables de s’opposer au refroidissement: Je rappelle par exemple les nids de Leptothorax et d’Hypoclinea situes dans la eouche suberense de l’&corce des arbres, ainsi que ceux qui sont sous une petite pierre reposant elle-meme sur un roe nu et compacte. Pour ce qui en est des temperatures elevees, je n’ai pas fait de mesures exactes; cela parait varier du reste suivant les especes; ainsi le ©. scutellaris supporte un soleil ardent sur un mur sec, tandis que le C. hereuleanus se cache toujours au frais et ä l’ombre. C'est prineipalement la chaleur seche qui nuit & nos insectes, car elle fait &vaporer les liquides de leur corps. La plupart des fourmis ceraignent done une temperature trop elevee, et surtout les rayons directs du soleil. Ces derniers joignent l’action de la lumiere & celle de la chaleur; ils sont surtout @vites par les fourmis ä vue faible (S. fugax, P. con- tracta, L. flavus). Mais la F. pratensis, p. ex., recherche autant que possible les rayons solaires direets au printemps et en automne, tandis qu’au mois de juillet elle les fuit et marche toujours ä l’ombre au milieu du jour. Ceei nous amene a parler de l’infiuence de la lumiere sur les fourmis. *) XXXVI Influence de la lumiere sur les fowrmis. Travail de nuit. Les opinions les plus eontradietoires ont &te @mises sur ce sujet. Deja Gould vit que les fourmis travaillaient de nuit; Huber montra que cela differait suivant les especes ; Kirby vit des F. rufa en pleine activit€E ä deux heures du matin au clair de la lune; Ratzeburg les trouva sur les plantes, aupres de leurs pucerons, de nuit comme de jour; Mayr au contraire (Form. austriaca) ne les vit travailler de nuit que lorsque leur nid avait ete endommage. Pour nous rendre compte de la verite, nous avons trois faeteurs ä considerer : 10 la *) Plateau donne 33,5 a 46,2 degre cent. comme maximum supporte sans aceidents par les artieules aquatiques. — 4397 — temperature, 2° l’espöce ou la race de fourmi ä laquelle nous avons affaire, 3° le genre du travail. Le plus important de ces faeteurs est sans eontredit la temperature. Il fait presque toujours plus froid de nuit que de jour; il s’en suit qu’au printemps et en automne les fourmis travaillent ä l’ordinaire de jour seulement, tandis qu’en ete, lorsqu’il fait une cha- leur trop forte, elles travaillent surtout de nuit. Cela varie naturellement suivant la si- tuation des nids. J’ai vu des Z. pratensis qui ne sortaient presque pas de tout le jour pendant une periode trös chaude du mois de juillet d&boucher par milliers de leur nid des le soir, inonder tous leurs chemins, et aller ä une distance assez grande traire leurs pu- cerons sur les arbres. Je les trouvai par une nuit obscure, ä l’aide d’une lanterne, sur des branches de pins et de sapins en compagnie de leurs pucerons. Cette activite n'est point interrompue de toute la nuit, car de grand matin elle n’a pas diminue. J’ai fait la möme observation pour la F. pressilabris, le L. niger, la M. scabrinodis ete. Par contre au printemps ees mömes fourmis ne sortent souvent de leur nid qu’a huit ou neuf heures du matin pour y rentrer avant cing heures du soir. Dans mes appareils j’ai fait la meme observation ; les fourmis y &taient tres actives de nuit quand il faisait chaud, meme plus actives que de jour; elles dormaient par contre lorsqwil faisait froid. Pour ce qui eoncerne les differentes especes de fourmis, nous devons avant tout avoir egard A leur genre de vie, puis au developpement de leurs sens. Nous avons ainsi ä dis- tinguer trois categories de fourmis qui sont loin d’&tre tranchees, mais dont les types ex- tremes sont au moins fort distinets : 1° Fourmis souterraines; 2° Fourmis a odorat ou toucher trös d&veloppe ; 3° Fourmis ä vue developpee. Il va sans dire que nous ne parlons que des 3. La lumiere n’a aucun effet sur les premieres (L. flavus, 5. fugaz, P. con- tracta) ; elles vivent toujours dans leur nid sans se preoceuper du jour ni de la nuit; la temperature a seule de l’influence sur elles. Elles ont en m&me temps la vue tr&s peu developpee. Celles de la seconde categorie (L. emarginatus, T. erraticum, Myrmica, Campo- notus) sortent beaucoup de leur nid; elles n’ont pas d’ocelles, mais leurs yeux composes sont assez grands; elles se distinguent par le developpement de leurs antennes, soit en longueur (T. erratieum), soit en &paisseur (Myrmica). Ces fourmis sortent indifferemment de nuit et de jour; leur allure est mesurde, toujours la meme. La temperature parait aussi presque seule les influencer. Enfin les dernieres sont les fourmis ä ocelles (P. rufescens, F. rufa ete.). Celles-ei ont les antennes moins developpees et se dirigent en partie au moyen de la vue. De jour leur allure est saceadee, brusque ; de nuit elle est lente et me- suree. Elles paraissent preferer en general le jour ä la nuit pour sortir de chez elles, ä moins que la chaleur ne soit trop forte. Une partie du travail des fourmis, savoir le soin des larves, les occupations de l'in- terieur en general, se fait toujours dans l’obseurite. Il leur est done inutile de distinguer dans ce cas entre le jour et la nuit. Cependant la presence du soleil rend les variations — 438 — de temperature plus grandes de jour, ce qui force les fourmis ä changer plus souvent leurs larves de place. Je renvoje du reste le lecteur & ce que j’ai pu dire plus haut sur ce sujet a propos des captives de mes appareils. Un second genre de travail est celui de l’architecture ; la nuit se prete avantageusement aux constructions des maconnes, car la terre se desseche moins vite que pendant le jour, et la ecoh6esion des parcelles qui servent de mortier aux fourmis a le temps de devenir plus complete. Les fourmis & materiaux (F. rufa ete.), par eontre, hätissent surtout de jour. On voit souvent le matin des dömes entiers de fourmis maconnes (L. niger, T. erraticum) lä oü le jour preeedent on n’eüt pas soupconne l’existence d’une fourmiliere. Du reste c’est ieci ’humidite qui est l’impor- tant, et les 9 maconnes travaillent fort bien de jour, lorsqu'il fait une pluie fine ou lorsqu’on arrose leur nid (L. flavus). Enfin le travail du dehors qui consiste ä aller bu- tiner, chercher des pucerons, faire des esclaves (P. rufescens) ete., varie enormement sui- vant les especes; nous en avons dejä suffisamment parle. Huber a montre que les F\ rufa et pratensis savaient fermer et ouvrir les portes de leurs nids. Ce fait a ete souvent observe des lors. Toutes les fourmis savent faire cela, mais chaque espece emploie les materiaux qui lui sont propres. Ce n’est pas particuliere- ment le soir et le matin,que les F. rufa ferment et ouvrent les entrees de leur nid; on peut dire en these generale que les fourmis quelles qu’elles soient ne conservent des ouver- tures ä leur demeure que pendant qu’elles les utilisent, et qu’& tout autre moment elles les ferment plus ou moins completement. Ainsi les S. fugax et les L. flavus ont & l’or- dinaire des nids entierement fermes, ou peu s’en faut, mais au moment du depart des © et des g le döme s’ouvre de toute part; les 9 y font aussi des trous depuis dedans lorsqu’elles veulent bätir un nouvel etage. Elles ferment ensuite les portes avec des grains de terre. Les F. rufa barrieadent leurs entrees avec des poutres (tiges de graminees etc.) ; elles ferment en temps de pluie et lorsqu’il fait froid ; une 9 garde ensuite & l’ordinaire chacune des portes en restant pres de la sortie. Ebrard (l. e. p. 33) pretend faire jouer aux fourmis le röle que le barometre lui- möme remplit si imparfaitement ; il assure qu’elles prevoient & l’avance la pluie et le beau temps, et eite des faits & l’appui de cette these. Je crois devoir protester contre son as- sertion. Il est vrai que les F\ rufa, pratensis et quelques autres rentrent chez elles quand il pleut et ferment leurs portes, mais elles ne sont pas plus habiles ä prevoir le cas que le premier humain venu. J’ai vu trois fois des P. rufescens surpris par la pluie, et pas seulement par une averse passagere, au milieu de leur expedition ; j’en ai vu d’autres, qui se preparaient A partir, rentrer dans leur nid parce que le ciel s’etait un peu couvert, puis repartir plus tard lorsque le soleil eut reparu (ils auraient dü prevoir des l’abord qu’il ne pleuvrait pas). Une armee d’amazones surprise par une averse ä& 30 pas de son nid fut fort effrayde et fit d’abord un brusque mouvement general en arriere ; puis elle s’arreta completement, et reprit lentement le chemin de son nid lorsque le gros de l’averse fut — 439 — passe. Quand elle rentra chez elle ä vide, la pluie avait cesse. Des F. sanguinea furent aussi inondees sous mes yeux pendant une de leurs expeditions, ce qui ne les empeöcha pas de la continuer. Enfin je vis m&me des F\ pratensis surprises par la pluie pendant qu’elles etaient en pleine activit@ sur tous leurs chemins, et que leurs portes &taient tout _ ouvertes. Quand la pluie arrive subitement par un temps chaud, les fourmis sont ordi- _ nairement surprises; si le mauvais temps se prepare peu ä peu et avee un abaissement de temperature, elles rentrent ä temps chez elles. “ Gonsiderations gen6rales sur les fourmis au point de vue de la theorie de Darwin, de leur intelligence individuelle, de leur instinet social et de leur caractere. Dans son ouvrage sur l’origine des especes, Darwin dit ä propos des fourmis escla- vagistes, et en partieulier de la A sangwinea : « J’ai vu parfois des fourmis qui d’ordinaire ne font point d’eselaves emporter des nymphes d’autres especes, lorsqu’elles les trouvent &parses aux alentours de leur nid; il n'est pas impossible que quelques-unes de ces nymphes mises en reserve comme nourriture soient venues ä Eclore et que ces fourmis &trangeres en suivant leurs propres instinets aient rempli dans leur nid d’adoption les fonetions dont elles &taient capables. Si leurs ser- vices se sont trouves de quelque utilite ä l’espece au milieu de laquelle elles sont ainsi nees par hasard, au point qu’il füt plus avantageux ä cette espece de capturer des tra- vailleurs que de les procreer, l’habitude acquise de recueillir ou de derober des @ufs etran- gers seulement pour s’en nourrir pourrait en &tre devenue plus forte ou s’etre transformee par selection naturelle, de maniere ä avoir pour but prineipal d’elever des esclaves >». La perspicacit@ de Darwin se montre dans ce passage, car il ne s’est pas que je sache occupe lui-m&me des fourmis, et les observations de Smith, sur lesquelles il se base, ne sont guere de nature ä Eclaircir les faits. Si l’on se rappelle les experiences eitees plus haut (II; IX, 1, fin; XXI, F. sangwinea, 2; XXII), on avouera qu’elles viennent singu- lierement & l’appui de son hypothese. On sait de plus qu’une nymphe nue peut @clore seule, et que les F. fusca ont souvent des nymphes nues. Du reste les fourmis commen- cent par tirer de leur coque les nymphes ä coc»n qu’elles veulent manger. L’existence des 9 chez les fourmis est un des faits qui paraissent diffieiles & expliquer par la theorie de Darwin. J’avoue que ce n'est pas ce qui me gene le plus. La grande difference qui existe entre leur organisation et celle des @ s’expligue me semble-t-il aussi facilement que la difference de structure, de taille, de couleur ete. qui existe entre les @ et les g‘, par la selection sexuelle *). Comme nous l’avons vu plus haut (XXX. 2. fin), on n'est pas fore& de croire que *) Des fourmilieres encore dans l’enfance de la societe (on peut se les representer analogues A celles a ala ea ve a aa Pe En ie de a ar Er Ne de — 41 — les sexes doivent &tre absolument limites ä deux; si un troisime etait utile ä la propa- gation d’un type, pourquoi ne se serait-il pas forme *)? Il ne faut pas non plus partir a priori de l’idee que la 9 n’est necessairement pas autre chose qu'une Q avortee pour avoir recu une nourriture partieuliere & l’etat de larve, et cela simplement parce que ce fait a ete prouve chez les abeilles. Qui sait si le plus grand developpement du cerveau n’est pas primaire chez les 5, et l’atrophie des ovaires secondaire ? L’existence du soldat chez les Colobopsis et les Pheidole, e.-a-d. d’une seconde forme de @ infeconde parfaitement dis- tinete de la $ comme de la @ feconde, parle pour une differenciation embryonnaire ana- logue ä celle du J’ et de la 9, comme le fait fort bien remarquer Heer (Hausameise Madeira’s p. 23). Mais cette differeneiation doit avoir eu pour point de depart la Q@ et jamais le g. Ce qui parle pour Darwin dans cette categorie de faits, ce sont de nouyeau les innombrables intermediaires, les passages de la @ ä la 9, de la 9 au soldat. Il est evident pour qui ne ferme pas les yeux ä dessein que les grosses 9 des A. structor et des Camponotus sont les analogues des soldats. Non-seulement leur forme, mais encore leur caractere plus paresseux et plus guerrier que celui des petites 9.en est un indice certain. Chez ces fourmis les formes intermediaires sont plus rares que les extrömes. Chez la F\ rufa et ses races il y a aussi de grosses et de petites 9, mais la difference entre les deux castes est peu tranchee et les intermediaires sont nombreux. Il y a peu de fourmis chez lesquelles on ne remarque pas un commencement de distimetion entre 9 grandes et petites. Dans le genre exotique Pheidologeton, les grosses 9 sont identiques aux soldats de Phei- des Stenamma ou des Ponera actuelles, ou mieux encore aux societes des Chalicodoma) se seront trouvdes composees de d‘ et de 2 seulement; parmi ces dernieres, quelques-unes se seront parfois trouvees in- fecondes et par la mö&me plus aptes au travail. Il est evident que le travail etant le soutien de toute association ces fourmilieres-Ja auront eu le dessus dans le combat de la vie; mais,il leur fallait aussi conserver des.2 fecondes: A cet effet il aura suffi que la faculte de pondre un certain nombre d’eufs ayant une propension a devenir @ infecondes, en meme temps qu’un certain nombre d’autres gardant leur propension a devenir 2 fecondes (et meme d’autant plus fecondes qu'elles n’'avaient plus A travailler) s’he- rität et se fixät chez les 2 fecondes de ces fourmilieres, tout comme la faculte de pondre des @ufs ayant une propension & devenir les uns @ et les autres JS a dü s’heriter et se fixer chez des animaux d’abord gemmipares ou hermaphrodites pour qu'ils devinssent animaux ä& sexes separes. Quelle qu’aura ete la cause determinante de cette differeneiation embryonnaire et a quelque periode de l’embryon quelle ait pu se produire, elle s’explique egalement facilement par la selection naturelle, m&me si elle a ete dueä un acte instinetif des membres adultes de la communaute (telle que la production A vo- lonte des reines par les abeilles); dans ce cas cela aura &t& cet instinet qui se sera herite, et fix& chez les 2 infecondes avee leur infecondite, peut-&tre möme avant que celle-ci füt complete. La seleetion naturelle agissant ensuite, probablement möme des l’abord, sur ces 9 infecondes (par l’intermediaire des @ fecondes) les aura differeneides de plus en plus en les rendant plus propres A telle ou telle oceupation. Ainsi se seront formees les grandes differences entre les 9 et les ®, ces dernieres devenant de leur cöt&E de plus en plus lourdes, ineptes et fecondes. La formation d'un quatrieme sexe (soldat) n'est pas plus diffieile a expliquer (XXX. 2). *) Fritz Müller a decouvert dernierement une espece de Crustace constitude par une @ et deux sortes de d differents. 56 ah a du un u a ee SO ri — 442 dole et les petites $ de Pheidole, mais on trouve des intermediaires (Mayr), tandis qu’on n’en trouve pas chez les Pheidole. Il en est de m&me pour les @ et les 9. Tandis que chez les Solenopsis, les Pheidole, les Tetramorium, on pourrait croire que la @ appartient A une autre famille que la 9, c’est ä& peine si on peut les distinguer l’une de l’autre dans les genres Stenamma et Ponera. Les intermediaires entre ces deux extrömes sont donn6s par les genres Leptöthorax, Myrmica, Formica, Lasius ete. Dans une societe, il est connu que la distribution du travail est un avantage, un perfectionnement de l’etat social. Or nous trouvons surtout ces formes extremes des 9 et les grandes differences entre @ et 5 chez les fourmis qui vivent en fourmilieres considerables, tandis que chez les fourmis oü la vie en soeiete est peu developpee, la 9 ressemble beaucoup & la © (Ponera, Stenamma, Leptothorax, Myrmeeina). Ces dernieres sortes semblent presque for- mer un passage ä la vie nomade des autres insectes (Ponera, Stenamma). Les J' des fourmis different encore plus des autres sexes que ceux-ci ne different entre eux. Cette difference est möme avons-nous vu si profonde ä l’ordinaire qu’on ne trouve presque plus de carac- teres speeifiques ni m&me generiques communs entre les g et les 9. Cela s’explique par une action toute speeiale de la selection sexuelle, action due ä l’instinet social. Je ne crois pas qu'aucun &tre organique aussi @leve presente autant de differences entre les sexes ni des differences aussi profondes que les fourmis. *) *) Darwin a montre que certaines particularites qui n'ont et ne peuvent jamais avoir eu d’emploi ou d’utilitE que pour un sexe se trouvent cependant aussi parfois chez l’autre sexe. En d’autres termes Ia selection naturelle modifie un organe d'une facon ayantageuse & l’espece chez un des sexes, et l’autre sexe se modifie parfois de la m&me maniere sans en retirer aucun avantage, par simple correlation. Un exemple tres remarguable de ce fait se trouve chez les genres de fourmis Polyergus et Strongylognathus. Leurs J et leurs @ ont les mandibules eylindriques et pointues comme celles des $. Cette forme des mandibules est &evidemment chez ces dernieres une consequence de l'instinet esclavagiste, car elle les rend impropres au travail et tout partieulierement propres au pillage des nymphes chez des especes en- nemies. Or il est bien certain que jamais les J ni möme les 9 n’ont eu besoin de pareilles mandibules pour porter des cocons pilles ni pour tuer leurs ennemis lors du pillage, car jamais les Z ni les 2 n’ont &te au pillage. L’instinet esclavagiste n’a en effet pas pu par exemple exister chez les @ ou chez les $ avant quw'il existät des 9, car alors l’'instinet soeial lui-m&me devait a peine commencer & exister. Ajoutons encore & cela que le genre Polyergus est tres voisin du genre Formica et le genre Strongylo- gnathus du genre Tetramorium ; ces deux genres ont cependant de larges mandibules dentees. Nous devons penser que les 9 qui ont produit des $ a mandibules toujours plus pointues l’ont emporte dans le combat de la vie la ou l’instinet esclavagiste existait deja, et qu’en möme temps leurs mandibules et celles des J ont subi sans necessite la m&me transformation, par correlation. Un autre fait analogue et non moins remarquable est celui de l’identite de la forme du gesier et en general du tube digestif chez les trois sexes d'un m&me genre, alors möme que le d' de ce genre (Formica) ressemble beaucoup moins A sa 9 qu’au d' d’un autre genre (Tapinoma) chez lequel le gesier est entierement different. Ce fait doit probablement s’expliquer comme le preeedent, a moins que les diffe- rences dans la forme du gesier ne soient anterieures A la differenciation des sexes chez les fourmis; 4 ? i- ” 4 — 443 — Nous avons une autre serie d’intermediaires en ee qui concerne l’instinet esclavagiste et un instinet parasitique, serie ä laquelle von Hagens a rendu attentif. Je puis encore y ajouter un ou deux chainons. Si nous partons de la fourmi travailleuse, sans esclave, du L. niger, p. ex., nous avons la gradation suivante : 1° Fourmis travailleuses pures ; 2° Fourmis ü fourmilieres mixtes anormales (XXU); 3° F. sanguinen (ggf. sans esclaves) ; 4° Polyergus rufescens (iei le travail qui avait seulement diminue chez la F. sanguwinea cesse entierement, et l’instinet esclavagiste atteint son apogee; 5° Strong. Huberi (Vin- stinet esclavagiste est certainement encore vivace); 6° Strong. testaceus (Vinstinet esclava- giste n’existe plus que sous forme de vestiges derisoires; l’ouvriere s’atrophie et tend ä disparaitre); 7° Anergates atratulus (l’ouvriere a disparu; le parasitisme est seul admis- sible). Cette derniere fotrmi est, me parait-il, un exemple remarquable de retour aux caracteres des ancetres (societes incompletes, sans 9) par le parasitisme; sa gendalogie s’explique par le S. tesiaceus ou la 5 devient si rare relativement A la @ et au g. L’intelligence des fourmis est avant tout l’apanage des 9, beaucoup moins des ©, et presque pas des 9. A son developpement correspond un developpement proportionnel des hemispheres eerehraux (corps pedoncules) chez ces trois sexes. Elle varie suivant les especes et n’est pas toujours plus forte chez celles qui forment les plus grandes fourmi- lieres. C'est ainsi que le genre Zasius avec ses grandes peuplades est loin de briller par la spontaneite, la reflexion des actes de ses 9. Dans le genre Formica qui me parait etre le plus intelligent de tous, c’est certainement la F. sanguwinea qui a la palme. Aucune espece n’est susceptible d’autant de modifications dans ses habitudes et dans sa maniere d’agir suivant les eirconstances. Elle sait se faire des esclaves d’une foule d’autres esp£ces, combat avee une tactique etonnante, fait son nid de toutes les manieres imaginables sui- vant l’endroit ou elle se trouve, combine ses plans d’attaque contre les especes les plus diverses (L. niger, F. pratensis, F. fusca). Je n’ai du reste qu’ä rappeler les experiences VI 4 VI 6, X et XXI. Partout on y voit la F. sangwinea superieure A la F. pratensis. On doit accorder que les fourmis sont les plus intelligents parmi les inseetes, Non seulement Huber, mais Ebrard, Swammerdam, Lepeletier et les autres auteurs qui se sont donne la peine de reflechir sur leurs maurs en les comparant ä celles des abeilles sont obliges de leur accorder la preeminence. Leur architecture est bien moins artistique, il est vrai, mais elle varie ses procedes et ses materiaux, se plie aux circonstances, fait bois de tout, tandis que celle des abeilles est toujours la m&me. Les abeilles n’ont pour aiusi dire aucun soin & donner ä leurs larves; elles se contentent d’apporter de la pätee dans les cellules. Les fourmis doivent nourrir elles-m&mes leurs &leves de bouche & bouche, leur elles n'auraient en effet pas de raison d’etre chez les Z qui ne degorgent pas et mangent a peine. Il est fort curieux que le gesier soit presque le seul organe qui paraisse toujours presenter des caracteres generiques absolument identiques dans les trois sexes. PP 4 2 Pie, | — 44 — prodiguer des soins eontinuels, les porter d’un lieu ä un autre suivant la temperature, et cela pendant plusieurs semaines, tandis que les larves d’abeilles ne vivent que eing jours comme telles. De plus, l’abeille eclot seule, tandis que la fourmi a le plus souvent besoin du secours de ses Compagnes, cas unique parmi les inseetes. Enfin la r&duction d’autres especes en esclavage, des pucerons en domestieite et une foule d’autres traits de meurs sont des gages de superiorite sur les abeilles dont les habitudes sont plus simples et plus monotones. L’experience VI 4, dont j’ai observe tous les details avec beaucoup de soin, et dont le resultat est si elair qu’il n’est pas possible de concevoir l’apparence d’un doute sur la conduite des 5 et © qui y sont en jeu, est & mon avis une des preuves d’intel- ligence les plus remarquables, car c’est un cas de reaction @vidente contre linstinet. Enfin les decouvertes de Leydig sur le cerveau de la F. rufa viennent confirmer cette opinion mieux que tout ce que je puis dire. D’un autre cöte, hätons-nous de le dire, rien ne serait plus ridieule que d’aller trop loin et d’accorder aux fourmis plus qu’elles n’ont, de les decorer de toutes les qualites intelleetuelles imaginables. Leur raisonnement ne va pas plus haut que celui des autres animaux intelligents ; il n’atteint certainement pas celui des mammiferes superieurs. Mais en un point elles priment tous les animaux, c’est en ce qu’on peut appeler improprement Vinstinct social. Une foule d’intelligences individuelles (de centres nerveux, de cerveaux) sont reunies par la d’une facon plus ou moins intime, s’ajoutent jusqu’a un certain point et surtout dans certaines eirconstances les unes aux autres, ce qui produit un ensemble plus intelligent, plus raisonnable que l’individu (ex. : une armee d’amazones en marche, tactique des F. sanguwinea). Cet instinct social est tel chez les fourmis qu’on ne peut s’em- pecher d’y voir une analogie frappante avec les petites societes ennemies des temps pri- mitifs *). Christ (1791) fait observer que les fourmis vivent en republiques modeles, mais *) Si nous considerons d’un cöte la grande intelligence individuelle des mammiferes superieurs (singes antropoides, phoques, elephants ete.), l’analogie si complete de leur structure, en partieulier de celle de leur systeme nerveux, avec celle de l’homme, et de l’autre la ressemblance a peine moins frappante de la vie sociale des fourmis avec la nötre, tandis que leur forme et leurs facultes individuelles sont si eloigndes de nous qu’une comparaison parait ridicule, on ne peut s’emp&cher de penser que l’union de ces deux facteurs (la naissance et le perfectionnement de l’instinet social chez un mammifere superieur) a dü suffire pour produire l’'homme avec toutes ses facultes, cette union devant donner une immense im- pulsion aux fonetions du cerveau, et determiner ce dernier a se developper. P.S. J'avais deja &erit cette note ainsi que tout ce qui preeede et ce qui suit lorsque je fis la lec- ture du troisieme grand ouvrage de Darwin, celui sur l’origine de l’'homme, dans lequel cette idee est developpee tout au long avec une foule d’autres analogues de la maniere la plus remarquable et la plus detaillee (Chapitre 3). Je erois devoir cependant ne rien changer a mon texte. Darwin insiste sur- tout sur le fait que la conscience morale doit necessairement resulter de l’union de l’instinet social avec intelligence tres developpde de l’individu, et cela par suite de combats entre des instinets opposes, analogues A ceux que je cite a la fin de ce chapitre. Je ne crois pas qu’aucun amimal fournisse autant de faits eurieux ayant trait & l’instinet social que ne le font les fourmis. Je ne puis du reste m’&tendre sur ce sujet, et je renvoie le lecteur a l’ouvrage de Darwin, | j il eroit qwelles sont des machines agissant d’apres un instinet que Dieu a mis en elles. Bien avant lui dejä, Swammerdam (1637—1680) avait compar& les societes des fourmis aux communautes des premiers chretiens. On peut dire que ces insectes nous donnent le type parfait du socialisme mis en pratique jusqu’a sa derniere limite. Ils nous montrent en m&me temps ce qui manque ä l’homme et surtout ce quw'il a de trop (individualite) pour se gouverner de cette maniere. Je crois meme que rien ne peut mieux demontrer la faussete des theories socialistes qu’une comparaison entre l’homme et les fourmis. La famille des fourmis est leur fourmiliere; elle est done identifiee A toute la societe. Chaque individu prodigue &galement ses soins ä tous les autres (ä tous ceux qu’il reconnait comme appartenant & sa societe, ä& sa fourmiliere) en raison directe de leur taille et de leur utilite pour la communaute. Les petits sont eleves en commun. Nous avons vu qu'il faut faire quelques restrietions : les S' sont soignes lors m&me qu’ils sont devenus inutiles; on observe parfois des querelles de courte duree entre les 9 (XI. 6; commencement, deme- nagement). Le travail est libre chez les fourmis; il n’y a pas de chefs; par cela m&me il leur est instincetif (aux 9), agreable, sans quoi leur soeiete ne pourrait exister. Le fait qu'il y a des especes "paresseuses faisant des esclaves vient ä l’appui de cette opinion. En effet, les esclaves des P. rufescens, F. sangwinea ete. ne se doutent pas de leur origine. Ils travaillent librement, par goüt et par instinet, dans la societe oü ils sont nes (l’in- stinet social n’existe pas chez la larve). S’ils le voulaient, rien ne les empecherait de se separer de leurs soi-disant maitres et de les laisser mourir de faim. Mais, si cela avait eu lieu au commencement, jamais il ne se serait forme d’especes paresseuses et esclavagistes. C'est preeisement en profitant d’abord plus ou moins consciemment (F. sangwinea), puis inconseiemment (P. rufescens) de l’instinet travailleur d’especes plus faibles, que les fourmis paresseuses en sont arrivees peu ä peu ä perdre leur penchant naturel au travail, comme nous le montre la serie indiquee plus haut. Une fourmiliere amazone est aussi republicaine qu’une autre, seulement elle eontient deux sortes d’individus dont les uns ont pour fonetion la defense du nid et le pillage, les autres le travail. On arrive ainsi & trouver une cer- taine analogie entre les rapports des P. rufescens avec leurs esclaves et ceux des P. pallı- dula soldats avec les P. pallidula ouvrieres. Chaque fourmi 9 est pröte ä sacrifier sa vie pour la communaute, du moins dans les srandes fourmilieres et cela sans qu’on l’y oblige. Les @ et les g' ne s’occupent que de la reproduetion de nouveaux individus pour la communaute, et lui sont utiles en cela. Mais comme ils ont de plus & pourvoir ä la fondation de nouvelles societes qui seront ennemies de celle ou ils ont vu le jour, il s’en suit une collision entre leur instinet et celui des 9 a un certain moment. Cette collision se montre lors de la capture et de la retention forcee de quelques © fecondes par les 9. L’instinet social des fourmis est limite & ce que nous avons appele la fowrmiliere qui peut &tre une grande colonie. Nous ne pouvons comprendre par quel signe les fourmis distinguent les 9 de leur fourmiliere de celles des autres fourmilieres de m&me espece, .% ET TOT N U ET A ee ER - BES car il est absolument impossible que les 9 d’une colonie p. ex. se connaissent toutes in- dividuellement. Il ya &videmment la un fait que nous ne sommes pas ä& meme de saisir. Si nous considerons les relations des differentes fourmilieres entre elles, leur rapport avec les societes humaines devient encore plus frappant : guerres, treves, alliances, pil- lage, vol, surprises, tactique (ruses), rien n’y manque. Ajoutons ä& cela les pucerons qui sont leurs vaches, leurs animaux domestiques. Les cas d’alliances et d’executions & froid (VI. 6 fin) sont surtout remarquables. Puis les treves qui ont lieu entre deux fourmilieres ennemies apres des combats repetes : jai connu une fourmiliere sanguinea et une four- miliere pratensis situees & dix pas l’une de l’autre. Elles se livraient tous les printemps un combat acharne, les cadavres des deux partis jonchaient le bord de la route; mais jamais les unes n’arriverent ä chasser les autres de leur nid. Ce combat se prolongeait pendant plusieurs jours au bout desquels il se formait une treve qui durait pendant le reste de la belle saison ; les 9 de chaque parti cessaient de frequenter le terrain mitoyen (mais si l’on mettait quelques 9 pratensis sur le döme des samgwinea, ou vice-versa, il y avait combat acharne). Enfin les fourmis 9 ont comme les autres animaux, et plus que les autres insectes un ensemble de penchants instinctifs predominants qui leur donnent ce qu’on peut appeler un carüctere, lequel varie suivant les formes, mais a cependant des traits communs, gene- raux. (es penchants predominants sont la colere qui est un des plus manifestes (VIII, 24; XXXV, 3; les formes des genres Formica et Polyergus ont un temperament tout spe- cialement irritable, surtout les A. rufa et exs.cla, ainsi que le P. rufescens), le devoiment pour leur communaute en general et pour chacun de ses membres en partieulier, la haine de tout &tre &tranger ä leur fourmiliere (A part quelques privilegies tels que les pucerons et les Myrmecophiles), l’acti it6, la perseverance et la gowrmandise. Des exemples remar- quables de rancune (ex&eutions A froid) sont donnes dans les experiences VI, 6 (fin) et IX (fin). Le courage varie beaueoup, et va en general avec la colere,; les especes läches, telles que la Myrmeeina Latreillei ne sont pas du tout irritables; cependant certaines es- peces tres courageuses, ainsi la Myrmica rubida, ont un courage assez calme, ne sont point irritables eomme le Polyergus rufescens par exemple. Rien n’est curieux comme d’observer chez les fourmis lindeeision resultant du combat entre deux pen- chants. Si l’on met du miel sur un champ de bataille de Formica sangwinea et pritensis, au moment oü la lutte est le plus acharnde, on voit des 9 s’en approcher et y goüter, mais presque jamais elles ne s’y arretent; l’ardeur du combat est plus forte; cependant la möme 9 y revient souvent deux ou trois fois. de suite d’un air inquiet. Cela varie du reste suivant les formes; chez les Lasius et les Tetramorium, la gourmandise l’emporte ordinairement sur la haine et le devoüment (XXIII. Z. emarginatus). Un exemple remar- quable de combat entre la haine de certaines F. pratensis contre les singwinea d’un cöte, et leur affeetion (devoüment) pour leurs anciennes compagnes de l’autre, se trouve relate & la fin de l’experience VI, 6. Lorsque les F\ rufibarbis sont attaquees par des F. sun- =” Ir N 5 guinea ou par des amazones, on observe chez elles de nombreux exemples de lutte entre ‚ la frayeur et le devoüment, et ä ce propos aussi beaucoup de differences individuelles. Telle 3 se laissera tuer plutöt que de lächer le eocon quelle defend ; telle autre ceödera _ bientöt et s’enfuira. La jalousie semble presque ineonnue aux fourmis 3 et meme aux ©. La frayeur leur est commune avec tous les animaux. Le deeouragement s’observe fre- quemment, mais ne dure qu’aussi longtemps que la cause qui le produit (fourmis vaineues et dispersces ou emprisonndes ; F. rufa et sangwinea surtout). Un veritable desespoir s’ob- ‚serve souvent chez les F. rufibarbis auxquelles les F. sanguwinea ou les P. rufescens ravis- ‚sent leurs nymphes (IX, 1. fin). -_NOTICE BIBLIOGRAPIIQUE NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE Les publications qui ont paru sur les fourmis sont si nombreuses que je renonce ü en donner un catalogue ici. Je renvoie pour une partie aux eitations plus ou moins abre- gees que J’ai faites dans le courant de ce travail, ainsi qu’au catalogue de Mayr. Du reste une grande quantite de ces publieations sont insignifiantes; d’autres sont de simples ex- traits ou des repetitions de ce qu’ont dit Gould, Huber, Ebrard, Mayr et les auteurs ori- ginaux en general. Je ne fais que noter en passant comme curiosite un ouyrage de M. Jules Levallois intitule : « L’annee d’un ermite» (Paris, librairie internationale. 1870), ouvrage dont les deux tiers ä peu pres sont consacres aux m@urs des fourmis (pages 67 ä 177). D’auteur se donne comme philosophe ermite venant livrer au publie ses obser- vations sur les ma@urs des fourmis qu'il etudie depuis plusieurs annees; il ajoute que c'est une de ses principales occupations. Il a lu, dit-il, Huber et Ebrard, mais on ne s’en dou- terait guere d’apres ce qu'il Eerit, car il ignore leurs decouvertes les plus importantes. Son ouyrage contient une masse enorme de phrases, peu d’idees, et presque pas un fait. Il m’a ete impossible d’y trouver une seule observation de quelque valeur ou seulement une opinion d’une portee appreciable. Si la philosophie de l’auteur n’a pas de meilleure base, il faut avouer qu’elle se contente de pen. En ce qui eoncerne les meurs des fourmis, les ouvrages les plus originaux et les plus importants sont les suivants : Swammerdam, dans : Johannis Swammerdam, Biblia nature. Lugduni-Batavorum, 1738. in-fol. (publie longtemps apres la mort de l’auteur). Puis dans : Historia insect. seneralis, Utrecht, 1682, in-4. Leuwenheck, dans : Antonii van Leuwenheck arcana nature deteeta ope mieros- copiorum ; ex Belgico latine versa. Delphis 1695, in-4°. Gould. An Account of English Ants. In-12°, London, 1747. Geoffroy, dans : Histoire abregee des insectes qui se trouvent aux environs de Paris. 1762, (peu important, beaucoup d’erreurs). Ch. Bonnet, dans : Oeuvres complötes, tome I, p. 523; &d. in-4°. De 6eer, dans : Memoires pour servir & l’histoire des insectes. T. VII. 1778. Christ. Naturgeschichte der Inseeten. Frankfurt am Main. 1791. Pierre Huber. Recherches sur les meurs des fourmis indigenes. Paris et Geneve. 1810. 57 Möme ouvgage, nouvelle edition : Les fourmis indigenes. Geneve, 1861. Osw. Heer. Ueber die Haus-Ameise Madeira’s. An die Zürcherische Jugend, 1852. Ebrard. Nouvelles observations sur les fourmis; dans la Bibliotheque universelle, liv- raison de juillet 1861, Geneve. Le möme article est reproduit dans : Etudes de maurs, Geneve, 1864 (ouvrage ä part du me&me auteur). Bates. The naturalist on the Amazones, 1863 (Meurs des fourmis du Bresil). von Hagens dans la Berliner entomologische Zeitschrift, 1867, p. 101 et 1868, p. 265. Le m&me dans : Jahresbericht d. Naturw. Vereins v. Elberfeld u. Barmen 1863, p. 111. On peut encore ajouter & ce qui precede les notices suivantes : Mayr. Ungarn’s Ameisen, im Programme der städtischen Oberrealschule zu Pest im Schuljahre 1856/7. Mayr. Das Leben und Wirken der einheimischen Ameisen. Wien 1864. Fenger, dans : Allgem. Orismologie der Ameisen (Wigmann’s Arch. für Naturgesch. 1862). 6ideon Lin- decum. Notice on the habits of the Agrieultural Ant of Texas, dans : Journ. proceed. Linean soc. zoolog. VI. p. 29. ff. (Ces observations, quoique rapportees lä par Ch. Darwin, m’inspirent peu de confiance). Ch. Lespes. Revue des cours scientifiques, 17 mars 1866, p- 257. Meinert. Bidrag til de Danske Myrers Naturhistorie. Kjobenhavn 1860 (seconde partie). Carl Nagel. Der wunderbare Haushalt der Ameisen, aus eigenen Beobachtungen mitgetheilt, dans : Alle. deutsche Naturhist. Zeitung, 1846, 1. p. 549 (je ne connais que le titre de ce travail). ete. ete. Enfin A. Forel, dans : Bulletin de la soe. suisse d’ento- mologie. Vol. III, n® 3, 1869; et J. Traherne Moggridge. Harvesting-Ants and Trap- Door Spiders. F. L. S. London 1873. Mayr (Das Leben und Wirken ete.) traite fort mal les travaux des anciens auteurs ; ils constituent d’apres lui une charge inutile et meme un obstacle pour les auteurs con- temporains. Cela peut &tre vrai jusqu’ä un certain point pour les ouvrages de classification, mais en ce qui concerne les maurs e’est tout-a-fait injuste, temoin le jugement que l’au- teur porte au m&me endroit sur Huber : « Auch Jean Pierre Huber hat sich zu dieser Zeit (commencement de ce siecle) viel mit der Lebensweise der einheimischen Arten be- schäftigt; doch waren seine Resultate nicht besonders gross, da die Arten nicht sicher bekannt sind, die er untersucht hatte. » *) La bibliographie de la partie systematique est de beaucoup la plus considerable. Je laisse entierement de cöte ce qui n’a rapport qu’aux fourmis exotiques, et je n’indique que les ouvrages les plus indispensables traitant des fourmis d’Europe. Les travaux des anciens auteurs tels que Linne, Fabrieius, Olivier ne sont plus d’aucune utilite aujourd’hui. *) Jean Pierre Huber s’est aussi beaucoup oceupe A cette epoque des m@urs des especes indigenes; cependant ses r&sultats ne sont pas fort considerables, car on ne connait pas d’une maniere certaine les especes qu'il a observees. . r ud un EA TU rl har A EE ZuE DL us ae PANNE DEE 3" na Zul ah Zn madlaelnn Aula he ah u 70 an BE A an nn ie ad ie De ah Latreille est tres vieilli, mais il contient beaucoup de bonnes remarques et c’est lui qui a servi de base aux travaux modernes. Les trois ouvrages prineipaux ou il traite des fourmis sont : 1. Essai sur Vhistoire des fowrmis de la France. Brives 1798. 2. Histoire naturelle des Fowrmis, 1802. 3. Genera Crustaceorum et Insectorum. 1806—1809. L’auteur le plus important est sans contredit Mayr. Sa perspicacite remarquable dans la ereation des genres, et en general dans la distinetion de la valeur respective des caracteres zoolo- g.ques, la minutieuse exactitude de tous ses Eerits qui representent une somme de travail res considerable ont &leve la myrmeeologie au niveau des parties les mieux connues de l’entomologie. Parmi ses nombreux opuseules, les plus importants sont par rang d’an- ciennete : 1. Formicina austriaca, von Dr. Gustav Mayr, in : Verhandlungen des K. K. zoologisch-botanischen Vereins in Wien 1855. V. Band. 2. Die Europwischen Formiciden. Wien 1861, bei Gerold. 3. Reise der «ster. Fregatte Novara wm die Erde. Formicide. Wien 1865. In Commission bei Gerold’s Sohn (Diagnostie des genres). 4. Die Ameisen des baltischen Bernsteins. Kanigsberg, 1868. In Commission bei W. Koch. 5. Neue For- miciden in : Verh. des K. K. z.-b. Vereins. Wien 1870. Roger : Beiträge zur Kenntniss der Ameisenfauna der Mittelmeerländer, in : Berliner entomologische Zeitschrift 1859 p. 225 et 1862 p. 255. F. Smith : Essay on the Genera and Species of British Formicide, in : Transaetions Entom. Soeiety. Vol. II, N. S., Part III, p. 95-135, 1855. Schenk: Beschreibung nassauischer Ameisenarten, in : Jahrbücher des Vereins für Naturkunde im Herzogthum Nassau. 8. Heft. Wiesbaden 1852. Nylander : Synopsis des Formicides de France et d’Algerie, dans : Annales des Sciences Naturelles T. V., 4 serie. A cela il faut ajouter les deux catalogues de Mayr et de Roger : Mayr : Formicidarum Index synony- micus in : Verh. des K. K. z.-k. Vereins in Wien, 1863. Roger : Verzeichniss der For- miciden-Gattungen und Arten. Berlin 1863. Gedruckt bei A. W. Schade. Puis les notices d’Emery : 1. Enumerazione dei Formicidi ete. dans : Annali dell’ Academia degli Aspi- ranti Naturalisti. Napoli. 1869. 2. Studi mürmecologiei, dans: Bulletino della Societä En- tomologica Italiana, vol. II, fasc. 2, 1870. En ce qui concerne les fourmis suisses en partieulier, on a: 1. Imhoff und Labram : Insekten der Schweiz. Basel. U. 1838. 2. Meyer- Dür : Die Ameisen um Burgdorf, dans : Mittheil. der Naturf. Gesellsch. in Bern. 1859, p- 34. 3. Mayr, Formieina Austriaca (cite plus haut). Un catalogue assez complet des articles publies sur la systematique des fourmis jusqu’en 1863 se trouve dans l’Index de Mayr que je viens de ceiter, et j’y renvoie les personnes desireuses de mieux connaitre cette partie de la bibliographie. L’anatomie des fourmis et les branches qui s’y rattachent sont fort peu representees ; jıai indiqu& les prineipaux &erits qui s’y rapportent au commencement des notices anato- miques et physiologiques de ce travail (p. 105), et je ne les r&pete pas ici. L’ouvrage de Meinert est ce qu'il y a de plus complet. Ö’est dommage qu'il ne renferme ni les muscles ni le systeme nerveux. Deux ouvrages de Mayr ont trait aux fourmis fossiles. L’un d’eux a ete cite plus haut ; ä propos de la systematique : Ameisen des baltischen Bernsteins. Ce travail fait avee un grand soin est interessant ä& divers points de vue. L’autre est intitule : Vorläufige Stud tudien über die Radoboj-Formiciden (Jahrbuch der K. K. geologischen Reichsanstalt in Wien 1867, ılrk Band, 1. Heft). Ce dernier sujet a aussi ete traite par Heer : Die Insektenfauma | der doboj, 1867 oder 68. EXPLICA’TION DES FIGURES. eg, Pas ur? 213 na: I r Explication des Figures. Planche I. Fig. 1. Aile superieure et aile inferieure du Tetramorium ewspitum 2. A. AILE SUPERIEURE. /, nervure marginale. 2, nervure scapulaire. 3, nervure me- diane, 4, nervure interne. 5, nervure söparante. 6, nervure basale. 7, nervure cubitale, 8, nervure recurrente. 9, nervure transverse. /0, rameau cubital externe. 11, rameau eubital interne. s, cellule scapulaire. e, cellule externo-moyenne. i, cellule interno- moyenne. d, cellule discoidale. c, eellule eubitale. r, cellule radiale (fermee). X, tache marginale. B. AILE INFERIEURE. pc, poils erochets qui la fixent ä l’aile superieure. 2° & 7°, nervures de mömes noms que celles de l’aile superieure qui sont numerotees par les memes chiffres. Fig. 2. Aile superieure de la Pheidole pallidula @. c, premiere cellule cubitale. c‘, se- eonde cellule eubitale. r, cellule radiale (ouverte). Les autres lettres et chiffres ont la meme signification que dans la figure 1A. Fig. 3. Aile superieure de la Myrmecina Latreillei g. c, eellule eubitale. r, cellule radiale (fermee). 27 + 2, nervure scapulaire reunie ä la nervure marginale apres la tache. 2 + 10, nervure scapulaire unie au rameau eubital externe apres avoir quitte de nouveau la nervure marginale. Les autres chiffres ont la m&me signification que dans la figure I A. Fig. 4. Valvule genitale exterieure de la Formica sangwinea S, attenante & l’ecaille du m&me eöte. ec, ecaille. ve, valvule genitale exterieure. Fig. 5. Valvule genitale moyenne de la F. sangwinea JS. Fig. 6. Valvule genitale interieure de la F. sanguinea IS. Fig. 7. Töte de la F. pratensis $ vue de devant. m, mandibules. c, chaperon. 7, joue gauche. f, front. v, vertex. 0, ocelles. y, «il gauche. s, sillon frontal. a, ar&te frontale gauche. fa, fosse antennale droite (unie ä la fosse elypeale). Sc, seape de l’antenne droite. aire, aire frontale. Fig. $S. Mandibule gauche de la F. pratensis 9, grossie 20 fois, vue de sa face in- ferieure, interne et posterieure. sa, surface articulaire. be, bord externe. bi, bord interne. bt, bord terminal. Fig. 9. Mächoire droite de la F. pratensis 5, grossie 40 fois, aplatie et vue de sa I face inferieure interne. Les trois premiers articles du palpe maxillaire y sont encore atte- nauts. a, premiere piece. b, seconde piece. c, troisieme piece. x, poils & l’extremite de la troisieme piece. g, papilles gustatives. p, peigne. m, palpe maxillaire coupe apres son troi- sieme article. Le bord externe, inferieur de la mächoire, est celui du cöte duquel est le palpe. Fig. 10. Langue de la F\. pratensis 9, vue de cöte, grossie plus de 50 fois. a, son extremite anterieure. p, peigne situe derriere son bord posterieur. g et g‘, papilles gusta- tives. cc‘, lamelles chitineuses. s, poil de la lamelle chitineuse droite. Fig. 11. Premier article du tarse et &peron de la patte anterieure de la F\ pressi- labris 9, s’artieulant tous deux & l’extremite inferieure du tibia. tib, tibia. tars, premier article du tarse. e, @peron. Fig. 12. Mandibule gauche de l’Anergates atratulus g, vue de sa face superieure ex- terne. be, bord externe. bi, bord interne. sa, surface articulaire. Fig. 13. Mächoire droite de l’Anergates atratulus 9, avee son palpe maxillaire de deux artieles. m, palpe maxillaire. Fig. 14. Levre inferieure de l’Anergates atratulus , avee ses deux palpes labiaux uniartieules. c, corps de la levre inferieure. /, palpe labial. 9, bout de la laugue qui est rentree. Fig. 15. Abdomen du Bothriomyrmex meridionalis 5, vu de cöte. 1,2,3,4, lames dorsales des quatre premiers segments abdominaux. 1,2‘, 5’, 4‘, lames ventrales des dits. 5, Pygidium. 5°, Hypopygium. a, anus, (non cilie, en fente transversale). m, membrane intersegmentaire. p, pedicule. e, Ecaille. Fig. 16: Brachymyrmex Heeri $, vu de cöte. Les pattes et les hanches des deux eötes, ainsi que les palpes et les antennes du cöte gauche ont et& enlevees pour simplifier le dessin. 1,2,5,4, lames dorsales des quatre premiers segments abdominaux. 1‘, 2', 3°, 4‘, lames ventrales des dits. 5, Pygidium. a, anus (eilie). p, pedieule. e, Ecaille. s, stigmates. mtb, face basale du metanotum. mtd, face deelive du metanotum. msn, mesonotum. prn, pronotum. st, metasternum. mesost, mesosternum. 9st, prosternum. pm, palpe maxillaire droit. p/, palpe labial droit. c, chaperon. Sc, scape de l’antenne droite. fg, fouet de l’antenne droite. Fig. 17. Vessie et glandes & venin du Ckumponotus ligniperdus 9. v, paroi (ante- rieure) dilatee de la vessie qui est remplie de venin. c, conduit de sortie de la vessie. couss, coussinet forme par les replis du conduit excreteur de la glande, et constituant presque toute la paroi posterieure superieure de la vessie lorsque celle-ci est vide. gg, les deux tubes de la glande venenitique qui se reunissent en un seul en g‘. acc, glande ac- cessoire (bifide). Fig. 18. Vessie et glandes ä venin du Bothriomyrmex meridionalis 3. v, paroi de la vessie qui est remplie de venin. c, conduit de sortie de la vessie. b, bourrelet forme par les replis du conduit exereteur de la glande. 99, glande venenifique. acc, glande accessoire (simple). EN EATETE WO EN TERN. II Fig. 19. Gesier de la Formica pratensis 9 vu de eöte, entre deux lamelles dont les söpales sont un peu &cartdes. Les sepales des deux autres lamelles situees derriere sont par contre un peu rapprochees, et se voient gräce a cela entre les premieres. 7, Jabot, sep, sepales du gesier. boule, boule du gesier. m, partie mediane, eylindrique du gesier. p, partie posterieure du gesier, laquelle se trouve dans l’estomae. est, extremite anterieure de l’estomac, ouverte et vue de dedans pour laisser apercevoir la partie posterieure du gesier; la couche interieure de cellules ä graisse a ete enlevee, et il ne reste que la tunique externe avec les trachees. muse, couche de fibres museulaires qui entourent la partie anterieure du gesier, jusqu’au jabot. cm, couche mamelonnee, gelatineuse qui re- couvre chaque lamelle ä l’exterieur. Fig. 20. Gesier du Brachymyrmex Heeri 3, vu de cöte, entre deux lamelles (ces deux lamelles, situdes devant, cachent complötement les deux autres qui sont immediate- ment derriere elles). Lettres comme dans la figure 19, mais l’estomae n’est pas ouvert. Fig. 21. Gesier de la Plagiolepis pygmea Q@ vu de cöte, entre deux lamelles, mais un peu obliquement, de sorte qu’on apergoit par transparence les deux autres qui sont derriere. La moitie anterieure des sepales est reflechie. Dans leur partie reflechie, la mem- brane qui les unit entre elles est chitineuse. Lettres comme dans la figure 19, mais l’es- tomaec n'est pas ouvert. Fig. 22. Gesier du Bothriomyrmex meridionalis 3, vu de cöte, entre deux lamelles (ces deux lamelles, situdes devant, cachent completement les deux autres qui sont derriere). Les sepales sont entierement reflöchies en forme d’ancere. Lettres comme dans la figure 19. Fig. 23. Gesier du B. meridionalis 5, vu de devant, mais un peu obliquement. On voit nettement les quatre sepales recourbees en ancre. Plunche IT. Fig. 24. Gesier du Tapinoma nigerrimum $ vu de eöte, entre deux lamelles (ces deux lamelles, situees devant, cachent complötement les deux autres qui sont derriere, mais non pas la partie ehitinisee intermediaire entre les sepales qui depasse ces dernieres et fait saillie de cöte). Les sepales sont eourtes, souddes entre elles par de la chitine, et entierement reflechies dans leur partie anterieure, ce qui forme une sorte de parapluie devant la boule qui est fort &paisse. Lettres comme dans la figure 19, mais l’estomaec n’est pas ouvert. Fig. 25. Gesier du T. nigerrimum 9 vu de cöte, exactement en face d’une lamelle, de sorte que les deux lamelles voisines se voient de chaque eöte, tandis que celle qui est derriere est cachee. Lettres comme dans la figure 19, mais l’estomae n’est pas ouvert. Fig. 26. Gesier du T. nigerrimum 5, vu exactement de devant. On voit les quatre sepales en forme de eroix, avee la chitine qui les relie et qui forme le parapluie. Fig. 97. Gesier de I’ Hypoclinen quadripunelata 9 vu de cöte, entre deux lamelles qui cachent les deux autres situees derriere. Öe gesier parait n’etre guere constitue que par la boule. j, jabot. boule, gesier. est, estomac (partie anterieure, non ouverte). >. Er ds Pur ir are u a FE Fr Rn% 7. aa 2 gm PS A nd HERD, A a N Dt zu Fe ar 2 A u ER TE A N a EU A En ; 3 Y En a IV Fig. 28. Femelle feconde de l’Anergates atratulus, vue de dessus. Elle a l’abdomen fabuleusement gonfle, et a perdu ses ailes. /, 2, 3, 4, lames dorsales des segments abdo- minaux. mm, membrane intersegmentaire enormement distendue. Fig. 29. Anergates atratulus g, vu de cöte, dans son, attitude habituelle. L’antenne droite, les trois pattes droites et la moitie de la patte posterieure gauche ont &t& enlevees pour ne pas compliquer la figure. /,2,3,4, James dorsales des quatre premiers segments abdominaux. I‘, 2‘, 5‘,4‘, lames ventrales des dits segments. 5, Pygidium. 5‘, Hypopygium. ec, ecaille genitale gauche. ve, valvule genitale exterieure gauche. vi, valvule genitale interieure gauche. p.1, premier article du pedicule. 9.2, second article du pedieule. c, cha- peron. 0, ocelles. s, stigmate. prn, pronotum. msn, mesonotum proprement dit. pro, proscutellum. scıt, seutellum ou Ecusson. post, postscutellum. metan, metanotum. scap, sea- pula du mesosternum. smesost, mesosternum. mst, metasternum. A, hanche. «af, anneau femoral. f, cuisse. £, tibia. tars, tarse. 6, eperon. a, antenne. Fig. 30. Jabot, gesier et partie anterieure de l’estomae d’un Camponotus ligniperdus 9 qui a mange du miel au bleu de Prusse. On voit comment cet aliment bleu fonce qui remplit le jabot s’arr&te net & l’etranglement qui se trouve entre la boule et les sepales du gesier. Le canal qui va du gesier & l’estomac ne contient pas un atome bleu, pas plus que l’estomae lui-m&me ni la boule du gesier. Lettres comme dans la figure 19, mais l’estomae n’est pas ouvert. Fig. 31. Mince tranche, faiblement grossie d’une cloison d’un nid de Z. fuliginosus ; cette cloison est coupee & travers l’endroit oü elle vient s’appliquer perpendiculairement sur une lamelle de bois naturel (sapin). Le bois naturel est coupe dans le sens longitu- dinal de ses fibres. b, bois naturel. c, carton des fourmis formant la cloison. Fig. 32. Tranche analogue ä la preeedente, mais plus fortement grossie, afin qu’on puisse comparer la structure normale des fibres du bois b, s’arretant net ä& l’endroit oü commence le carton c des L. fuliginosus, avec celle de ce carton qui est compose d’un chaos de debris oü l’on reconnait encore gä et lä des traces de la structure organique du bois (sapin). v, villosites qui constituent le veloute des parois du nid. On voit que ce sont des poils formes par des chapelets de cellules ä noyaux (champignons). Fig. 35. Tranche fortement grossie, analogue ä& la pr&eedente, mais le bois (sapin) y est coupe dans le sens transversal de ses fibres qui forment une mosaique sur la coupe. b, ec, comme dans les deux figures preeedentes. Fig. 34. Gesier du Liometopum microcephalum 9. Lettres comme dans la figure 19. Fig. 35. Systeme nerveux central du Camponotus ligniperdus 3. Le cerveau n’est pas dans sa position normale; sa partie anterieure inferieure (lob, olf.) est relevee, et sa partie posterieure superieure (corp. ped.) est rabaissee, afın que toutes deux soient sur le meme plan que le lobe eer&ebral primordial. On ne voit pas le ganglion sous-esophagien, ni les nerfs qui en partent, car ils sont entierement caches par le cerveau proprement dit et par ses nerfs. Je n’ai pas pu voir de nerfs ocellaires rudimentaires chez cette espece qui n’a pas d’ocelles. Sc, scape de l’antenne. Ocul, il. c. prim., lobe eerebral primordial (primäre Hirnanschwellung) ou ganglion sus-esophagien primitif. corp. ped., corps pedon- eules de Dujardin (hemispheres cerebraux). lob. olf., lobe olfactif ou antennaire. n. opt., nerf ou lobe optique. n. ant., nerf antennaire ou olfactif. n. labr. nerf de la lövre supe- rieure. comm., connectifs ou commissures longitudinales qui relient le ganglion sous-@so- phagien (qu’on ne voit pas) au ganglion prothoraeique. @. prot., ganglion prothoracique avec le nerf des pattes anterieures. @. mesot., ganglion mesothoracique avec le nerf des pattes medianes. @ metat, ganglion metathoracique avec le nerf des pattes posterieures. @. petiol, ganglion du pedieule, ou premier ganglion abdominal. n. pet. abd., nerf par- tant du ganglion du pedieule pour se rendre dans l’abdomen proprement dit. @. abd. II, second ganglion abdominal. @. abd. III, troisiöme ganglion abdominal. @. ult., der- nier ganglion abdominal, compose de deux ganglions soudes. n. uterin., derniers nerfs partant du dernier ganglion abdominal; ils se rendent ä la matrice et aux organes situes autour du cloaque. h, hanches des trois paires de pattes. Fig. 36. Tete d’un hermaphrodite lateral mäle et ouvriere du Polyergus rufescens. M, eöte droit (mäle). O, cöte gauche (ouvriere). 1, ligne de demarcation longitudinale, tres nette, presque mediane, entre le cöte mäle et le cöte ouvriere. om, @il du cöte mäle. 00, @il du cöte ouyvriere. am, antenne du cöte mäle. «a 0, antenne du eötE ouvriere. m m, mandibule du cöte mäle. mo, mandibule du cöt&e ouvriere. Fig. 37. Organes genitaux internes d’un autre hermaphrodite lateral mäle et ouvriere du Polyergus rufescens. M, eöte droit (mäle). O, cöte gauche (ouvriere). ın, matrice. tromp, trompe. 09, ovaire 9 ä gauche. vs, glande accessoires J' normale ä droite. vd, vaisseau de- ferent. t, organe massif, irregulier (testicule rudimentaire dans sa tunique ?). od, gaines d’ovaire contenant des @ufs et partant de l’extremite du vaisseau deferent A droite, & cöte de l’organe preeedent. RR RR Sanndeah BE TERN BUN Hung Wahn eue BEER. yoyy ir ann gg, rs FH BONES ER RUD N 2.0 22E Ben Re eh au Verwal, ah info Nässe, winken) ee er a ee Nr Bun, Ara RIO DRIN REF? ee AR 0 ent rndase line ech De de Er Ned IR He DEE GE VER TIN PEL TIER STE 72201 7.2 30 27027277 INNE TU UEGTN RR, ee ee ah ee ei a oh ern Ana rg no NUT n BR a PURN AR, hi x Stiche Date 1002 ae u kan Hi Kin lylasif) Dr, Rn 95 Tore aan Bei Ban, 2 I SR. ee ee rk ask ERON men rag aim a ee erh kalt a Are Tauimohake al TUE zan da, Aula BEE Ierhier aedklı Eng ur gta Raireal he ENT Fe her ern are RL er Ne nah Da PERL INCH SENT NERN 2ER - er di Aerneea A Pereira aA lH CH uEITOER REN re ee AD AD ES TEn run) BI SET HR U 7 En Sn | N ke GN eu AN en Ber 10 EETER se ATIOS FIR AEN Haren Aa VE at 2 ee ch u N a NR Ra Hlaunc Ieldch we ‚20 Se EN a ru wur An Irak sah u Ta Bine; Ar kaleh AOREN ai Ak nTan as PRRE Pr \ TR A ar er es; 11 Ar RN eV Fe ER N! ar NER ar 7275 A ER Se Ti 2% RN Re BES: fe sn Ir le a eu et Fr ERSTER ar ce ee ee A tee A ARTeT 12 IE ALERT TAETTNEN | Mem.d.1. Soc. des Se. nat. Vol. XXVI. COUSS-. - -- Er MESIE mil "pur Sı \ \ micsost \ tel jest st eMexger; tuihy, Mem. d. 1. Soc. des Se. nat. Vol. XXVl. PISIE E > S $ nz N RN est \ ch sepu boule un ft est - - eG =, Se %. AN =. ec. pırun--— -- Hz = EZ FH org ned. \ 574 72 - - camm fr. gurol fr. mesol --- fr metat 5 03 petrol N ziel. abd Wr .abd.I Ar abd. MI le va.ulerun A. Forel, del. AMNH LIBRARY UlIIINII 1001 25511