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CONRAD Docteur en Sciences Professeur à l'Athénée Communal de Saint-Gilles (Bruxelles) PUBLIE PAR L’Aquarium pour Tous SOCIÉTÉ NATIONALE DES AMATEURS D'AQUARIUMS & TERRARIUMS ET DE VULGARISATION DE L'HISTOIRE NATURELLE (52) BRUXELLES 19 107 « Connaitre son pays. » « Connaître sa patrie est aussi indispensable que de se » connaître soi-même: c’est la base et le point de départ de tout » enseignement. » écrivait VAN BEMMEL, dans la préface de Patria Belgica. Mais hélas ! Combien peu de Belges connaissent réellement leur pays: combien peu surtout possèdent quelques notions sur son Histoire naturelle; que de gens passent — ignorants ou indifférents — à côté des beautés de la Nature, ne se doutant même pas de ce que leurs promenades pourraient acquérir de charme, s'ils se donnaient la peine d'apprendre à observer le monde merveilleux qui se trouve autour d'eux. Notre petit territoire renferme, malgré son peu d'élendue, une eatraordinaire variété de régions naturelles : Littoral, Cam- pine, Ardennes, Hautes-Fagnes, elec. amenant une grande diversité dans sa richesse faunique et florale. On compte en Belgique environ quinze mille espèces animales et neuf mille espèces végétales; on y connaît trente-cinq espèces de roches et cent quarante espèces de minéraux. Au point de vue géologique, la nature des terrains belges est eatraordinairement variée; rap- pelons de même la grande abondance de nos gîtes préhistoriques et fossilifères. Notre pays est donc pour le chercheur, l'ami de la nature, une source infinie d'émerveillements. Et cependant, alors que nos voisins édilent de nombreux ouvrages destinés à développer le goût des études d'Histoire naturelle, il semble que chez nous ce genre de publications soit jusqu'ici resté presque lettres closes. C’est pourquoi, dans un but de diffusion et de progrès, avons-nous conçu d'éditer une série de volumes con- sacrés à la vulgarisation de l'Histoire naturelle de la Belgique. Grâce aux savants et précieux concours qui nous sont déjà assurés, nous espérons que cette sorte d’Encyclopédie, tout en éveillant la jeunesse au désir de mieux connaître la Nature, sera également un hommage rendu par les naturalistes belges, non seulement à la Science, mais aussi et surtout à leur Patrie bien aimée ! Dr E. RoussEAU. Table analytique des Matières ù PAGES Généralités sur les Batraciens. Dos Urad6leg......--eeeecee GÉNÉRALITÉS Synopsis des genres d’Urodèles..…. Le genre Salamandre (Salaman- Le genre Triton (Molge)........…. Synopsis des espèces du genre Tri- ton Le Triton crêté (M. crislata)...…. Le Triton alpestre (M. alpestris) Le Triton ponctué (M. vulgaris) Le Triton palmé (M. palmata).… MOST ATOUT... secc0ccce CNÉRALITÉN cc coccoscocoroocos Synopsis des familles d'Anoures… Synopsis des lélards d’Anoures… Tableau permettant la détermina- tion d'après les caractères fournis par la ponte... s.ssssossssssvooeee Tableau permettant la détermina- tion approximative d'après le mode d'accouplement ll 26 83 PAGES FAM. I. — DISCOGLOSSIDES... Synopsis des genres et des espèces. Le genre Sonneur (Bombinator) Le Sonneur igné (B. igneus)..…. Le Sonneur à pieds épais (B. pa- chypus) Le genre Alyte (Alytes) ......... L’Alyte accoucheur (4. obstetri- Le genre Pélobate (Pelobates)... Le Pélobate brun (P. fuscus).… FAM. III. — BUFONIDES........ Le genre Crapaud (Bufo) ....….. Synopsis des espèces................. Le Crapaud commun (B. vul- UUTAS}res-eneceseccanersatec-sente Le Crapaud calamite (B. cala- MAL) nes cesse rene ose ere Fam. IV. — RANIDES............. Le genre Grenouille (Rana)....…. Synopsis des espèces.................. La Grenouille verte (AR. escu- lenta) La Grenouille rousse (R. tempo- TATUL) srrsneeresssrretsttereuese FAM. V. — HYLIDES............... Le genre Rainette (Hyla) ....… La Rainette verte (H. arborea). 85 85 36 89 91 + HS SU TEE Le += A 1e D, Lg M nd : + + ge RERO RSR INES CAE PAPE VIT TE 2 LE LS NEA RE 5 M =. 2 pi =-7* durtéhéttéthé _— FFM ERESENIEnS HE rie PT ee GÉNÉRALITÉS SUR LES BATRACIENS ec N abîme sépare les Vertébrés inférieurs, les Poissons, qui sont aquatiques, des Vertébrés £ ns F supérieurs : Reptiles, Oiseaux et Mammifères, définitivement adaptés à la vie terrestre. C’est précisément l’ensemble des Amphibies qui relie les Vertébrés aquatiques aux Vertébrés terrestres. L'étude des Batraciens montre comment des êtres pourvus primitive- ment d’une organisation de Poisson, se sont adaptés, au cours des temps, à la vie terrestre. Dans le groupe des Batraciens, on rencontre des formes purement aquatiques encore et, d'autre part, des espèces réel- lement terrestres, quoique vivant toujours dans les endroits suffisamment humides pour que leur peau ne se dessèche pas. Le développement de l’animal ne va pas droit à son but. Il erre et s’égare dans la formation de structures que l’orga- nisme ne possèdera point à l'état adulte. Ces détours consti- tuent l’abrégé de l'histoire de tout le groupe : le développe- ment du germe n'est qu'un abrégé de l'évolution de la souche. Cette récapitulation rapide de la phylogénie ou évolution NE) au de l’animal dans le temps — constitue une des lois les plus importantes de la biologie : loi déconcertante, qui contribue, avec l’anatomie comparée et la paléontologie, à permettre la reconstruction de tout le passé, si extraordinaire parfois, des organismes. Les premiers Vertébrés qui apparurent furent des Poissons. Tous avaient, au début, le squelette interne cartilagineux et appartenaient aux groupes des Requins, des Dipneustes ou de l’Esturgeon, ayant, dans ce dernier cas, le corps cuirassé d’écailles très fortes. Au cours de leur développement em- bryonnaire, les Amphibies rappellent d’abord l’organisation des Poissons : l’origine des Batraciens se lit done claire- ment dans les phénomènes qui accompagnent leur dévelop- pement. Même les espèces parfaitement terrestres à l’état adulte, comme les Grenouilles et les Crapauds, sont pourvues, dans leur jeune âge, d’une nageoire verticale supportée par une queue en lame de couteau et qui leur sert de godille. Ils nagent avec agilité. Comme les Poissons, ils respirent au moyen de branchies l'air dissous dans l’eau ; comme eux, ils possèdent un cœur à deux cavités seulement et des arcs branchiaux, et leur corps, tout comme celui des Poissons, possède une rangée latérale d'organes particuliers dont la fonction est de renseigner sur certaines propriétés de l’élé- ment dans lequel ils se meuvent. La plupart des Batraciens sont terrestres, mais passent une partie de leur vie dans l’eau, ce qui leur a valu le nom d’Am- phibies : au cours de leur développement larvaire, les bran- chies sont graduellement remplacées par les poumons, les arcs branchiaux se modifient complètement, l'appareil circulatoire se complique et devient analogue à celui des Reptiles; la queue, la nageoire caudale disparaissent totalement chez les Grenouilles et les Crapauds et la locomotion se fait au moyen de deux paires de membres très bien conformés. L'animal quitte l’eau, sans s'éloigner toutefois de la mare qui l’a vu naître, ou, tout au moins, il vivra dans l'humidité de la végé- tation du bord des eaux ou de l'herbe des prairies, ou dans la moiteur des bois. édit. La vie des Poissons est nécessairement aquatique et ils n'eurent jamais ni vrais membres, ni véritables doigts. Ces organes locomoteurs caractéristiques des Vertébrés terrestres n'apparaissent, pour la première fois, que chez les Amphibies. Ce ne sont pas les métamorphoses seules qui trahissent la parenté des Amphibies avec les Poissons. Un grand chaînon relie entre elles ces deux classes d'animaux. C’est le groupe des Stégocéphales, organismes complètement éteints déjà depuis l'époque triasique. Ces Stégocéphales étaient des Batraciens en forme de lézard ou de serpent. Ils avaient les tempes couvertes de plaques osseuses comme chez les Poissons crossoptérvgiens, leurs aïeux. Certains d’entre eux étaient protégés par un bouclier osseux et leur grande bouche était armée de dents acérées. De toute cette superbe armure, les Stégocéphales n’ont laissé à leurs descendants que des écailles arrondies, minces, de vraies écailles de Poissons, et un seul groupe de Batra- ciens, celui des Apodes, les possède. Tous les autres ont le corps absolument nu, humide, visqueux. La paléontologie est loin encore de nous fournir les indica- tions nécessaires sur les étapes successives par lesquelles ont dû passer les Stégocéphales pour se relier aux formes actuelles. C’est sur des considérations d’ordre morphologique que nous nous basons pour étayer l'hypothèse de la descendance des Stégocéphales des Poissons crossoptérygiens, dont les Dip- neustes — longtemps considérés comme établissant le passage des Poissons aux Batraciens — seraient une branche latérale et un groupe terminus. Si nous embrassons, d’un large regard, l’ensemble des Batraciens actuels, nous constatons trois types fondamentaux. Les APODES vivent sous terre, dans les endroits humides de l’Afrique et de l’Amérique tropicales. Ils sont serpen- tiformes ; les membres, incapables de supporter cet énorme RCE corps, et la queue, organe locomoteur devenu inutile, ont subi une régression totale et ont fini par disparaître; et l'on ne saurait s'étonner que les anciens zoologistes aient classé les Apodes parmi les Serpents, qui sont des Reptiles. Ne voyons-nous pas, tous les jours encore, beaucoup de per- sonnes considérer notre Orvet, qui n’est qu’un Lézard dont l'allongement excessif a amené aussi la disparition des mem- bres, comme une Couleuvre ou même une Vipère? On connaît aussi des Stégocéphales vermiformes et apodes. Ils devaient ressembler aux Cécilies et étaient reliés aux Salamandres et aux Tritons par une multitude d'étapes. Le second type nous est offert par les URODÈLES. Les Sirènes des eaux stagnantes de la Caroline du Sud ressem- blent à des anguilles : les pattes antérieures sont rudimen- taires, et les postérieures ont complètement disparu. Le Protée anguillard, misérable animal décoloré et aveugle, vivant dans les eaux souterraines de la Carniole et de la Dalmatie a, à peu près, la forme du précédent ; les membres minuscules, placés aux deux extrémités du corps, n’ont que trois doigts et deux orteils ; les branchies persistent durant toute la vie chez ces deux animaux. Mais voici que nous arrivons aux Urodèles caractéristiques. is forment le groupe des Salamandrines et possèdent un corps de Lézard plus ou moins allongé. C’est l'unique groupe d’Uro- dèles représenté chez nous. La queue de ces animaux est assez longue, cylindrique chez la Salamandre, qui est terrestre, et comprimée latéralement chez les Tritons, qui sont aquatiques. La tête est plus ou moins aplatie, la bouche largement fendue. Les yeux, chez les espèces plutôt terrestres, sont grands et saillants, à fleur de tête. Chez les Urodèles qui passent la plus grande partie de leur vie dans l’eau, ainsi que chez toutes les larves de Batraciens, l'œil est petit et dépourvu de paupières, comme chez les Poissons, et la pupille est généralement ronde. L'’oreille est rudimentaire. La tête n’est séparée du tronc que par une légère constriction qu'on pourrait appeler le cou. Dans cette région s’observent. chez les larves des Urodèles, trois paires de branchies externes, plumeuses. Certains Urodèles, par exemple les curieux Pro- tées et Sirènes de tantôt, conservent intacts, durant toute leur existence, ces organes respiratoires. Mais la plupart les perdent au cours des métamorphoses et, parmi les formes essentiellement aquatiques, nous observons, de chaque côté du cou, un orifice par où s'échappe l’eau introduite dans la bouche. Le tronc, tantôt cylindrique, tantôt plus ou moins déprimé, est lisse ou verruqueux. Les Tritons mâles de certaines espèces s’ornent, à la période des amours, d’une crête médiane dorsale. Chez les Urodèles autres que les espèces «dégradées » citées grande taille et sont pourvus de quatre doigts et de cinq orteils ; ils poussent en avant le corps allongé et flexible, qu'ils sou- lèvent à peine au-dessus du sol ou de la vase. La plupart des Stégocéphales possédaient cette forme de Lézard. Certains d’entre eux, les Labyrinthodontes, devaient ressembler à de petits Crocodiles, aux pattes relativement faibles. plus haut, les quatre membres acquièrent une assez Les ANOURES, enfin, constituent le troisième type. Ils forment un groupe très naturel de Vertébrés conformés pour le saut. Leur corps est raccourci, aplati: leur large tête écra- sée n’est nullement séparée du tronc trapu complètement dépourvu de queue à l’état adulte. Les animaux de ce groupe ont les membres admirablement développés. Les postérieurs surtout, qui sont généralement plus allongés et plus robustes que les antérieurs ; ils consti- tuent de puissants leviers permettant à ces animaux d’exé- cuter parfois des bonds prodigieux pour leur taille. Chez les Crapauds, les membres postérieurs ne servent plus qu’à la marche. Les doigts sont le plus souvent libres, tandis que les orteils — généralement très allongés chez les Anoures — sont plus ou moins palmés. Il y a souvent des GE tubercules tarsiens ou métatarsiens et sous-articulaires (c’est- à-dire sous l'articulation des phalanges). Ils fournissent des caractères précieux pour la détermination (fig. 10, A-D, C). Disons encore que le pouce des mâles, à l'époque de la repro- duction, est muni d’excroissances rugueuses, nommées brosses copulatrices (fig. 10, E, F) : elles permettent une adhérence plus parfaite des deux sexes. Chez les formes grimpeuses, telles que notre charmante Rainette (fig. 10, A), les doigts et les orteils sont dilatés à leur extrémité et forment des disques adhésifs très développés permettant aux membres d’adhérer même à des surfaces lisses et verticales. La grande Rainette patte-d’oie (Hyla faber) du Brésil pos- sède des doigts réunis par une palmure qui lui sert à la con- struction des bassins destinés à abriter la ponte, les mains faisant l’office de truelle. La Grenouille volante (Rhacophorus nigropalmatus), de Bornéo, possède des doigts si largement palmés, qu'ils lui servent, paraît-il, de parachute lorsqu'elle s’élance des bran- ches élevées où elle se tient ordinairement. Chez les Anoures, les yeux sont toujours grands et pro- éminents. La paupière inférieure seule est très mobile et peut recouvrir l'œil comme un rideau translucide. La pupille est plus où moins contractile. Ronde ou subtriangulaire chez quelques-uns, verticale chez les formes essentiellement noc- turnes, elle est horizontale chez la plupart des Anoures (fig. 5). Le tympan est assez grand. Tantôt il est caché sous la peau, tantôt il est très apparent sous la forme d’un disque tem- poral, recouvert par la peau amincie, comme chez la Gre- nouille (fig. 8). Les mâles des Anoures peuvent être pourvus de sacs vocaux externes ou internes, dont nous parlerons plus loin. *# * * Presque tous les Amphibies nagent avec facilité et se dépla- cent dans l’eau avec une grande dextérité. On voit que l’eau est leur élément familier. Pour les uns, c’est un monde nette- 7 ment circonserit qu'ils ne quitteront guère ; quant aux autres, ils n’y vivent qu'à l’état larvaire et à l’époque de la repro- duction. Tous les Urodèles, ainsi que les larves de tous les Batraciens, se servent de leur queue, dans l’eau, comme d’une godille. Pour ne pas offrir de résistance, les membres sont appliqués, pendant la natation, contre le corps et dirigés en arrière. Les Anoures, qui sont dépourvus de queue à l'état adulte, nagent en frappant l’eau de leurs pattes postérieures plus ou moins palmées. Lorsque les Anoures nagent rapidement, ils appliquent les membres antérieurs contre les flancs. S'agit-il de se promener parmi les plantes aquatiques, de ramer près de la surface de l’eau, ils se meuvent comme s'ils marchaient, les pattes frappant alternativement. Sur terre, le spectacle change : à l'exception des Grenouilles, qui sautent admirablement, les Batraciens sont les plus lents des Vertébrés. Si les Amphibies comptent dans leurs rangs des sauteurs, ne perdons pas de vue qu'environ la moitié de tous les Batraciens sont arboricoles, et ce mode d'existence atteint son apogée dans le genre américain Phyllomedusa, qui possède le doigt interne de la main et le gros orteil opposables respectivement aux autres doigts et orteils, comme chez les Singes. Quant aux Apodes, ce sont des fouisseurs qui forent le sol à l’aide de leur museau : leur bouche n’est pas terminale, ce qui empêche l'introduction de terre dans le tube digestif. Malgré leur forme trapue, beaucoup d’Anoures sont d’excel- lents travailleurs de la terre. Notre Pélobate passe la plus grande partie de sa vie profondément enfoui sous la terre, qu'il creuse à l’aide des tubercules cornés, tranchants, qui donnent à ses doigts la forme d’une pelle. * * * Les Poissons et les Reptiles ont le corps couvert d’écailles ou de boucliers osseux ; les Oiseaux et les Mammifères pos- sèdent des plumes ou des poils. Les ancétres des Amphibies, EG les Stégocéphales, portaient une cuirasse résistante dont ils n’ont légué qu'aux Apodes seuls des écailles minuscules en- fouies dans le derme. Chez tous les autres Batraciens, rien de tout cela. La peau est nue, visqueuse et généralement lisse (1). On trouve une plus ou moins grande quantité de calcaire dans les téguments de notre Crapaud commun, dont la peau est rugueuse et porte des pustules cornées. Ces dépôts sont bien plus développés dans la peau de certaines espèces exo- tiques; d’autres Anoures, enfin, comme les Ceratophrys de Amérique, animaux à l’aspect hideux, à couleurs éclatantes, possèdent un bouclier dorsal parfois hérissé de pointes. Chez tous les Urodèles, chez la plupart des Grenouilles, la peau est lisse, molle et lubrifiée par de nombreuses glandes cutanées, ce qui prévient la dessiccation de l’épiderme. Les Batraciens subissent très régulièrement des mues. La peau, comme on sait, se compose de deux couches : le derme forme la couche la plus profonde et l’épiderme constitue la couche la plus externe. Dans la mue, c’est seulement la partie superficielle de lépi- derme, la couche cornée, comme on l’appelle (elle est consti- tuée de cellules mortes), qui est éliminée et se détache périodi- quement, en général tout d’une pièce et plusieurs fois par an. * * * La coloration du corps est très variée. L’Alvte, le Crapaud commun portent, durant toute leur vie, une livrée terne et obscure. D’autres, tels le Crapaud des jones, les Sonneurs et, surtout, les Tritons, sont parés de couleurs plus éclatantes. Chez certains Tritons, en effet, le mâle, à l’époque de la repro- duction, non seulement endosse une éclatante livrée de noce, mais encore se pare d’une belle crête dorsale. Tout le monde connaît la robe vert tendre de la Rainette. (1) BOULENGER a décrit récemment une curieuse grenouille de l'Afrique occidentale dont les flancs, à l’époque des amours surtout, sont recouverts de poils serrés. Mais ces poils ne ressemblent en rien à ceux des Mammi- fères. 0 4 Outre les pigments multicolores éparpillés dans l’épiderme, et qui déterminent la couleur caractéristique de la peau, nous trouvons d’autres pigments, groupés dans des cellules spéciales propres au derme, les chromatophores ou chromoblastes (fig. 1). Ces cellules sont très contractiles. En s’étalant ou en se contractant, ou encore en se superpo- sant, elles changent rapidement la coloration du corps et produisent des variations de teintes comparables à celles du Caméléon, tout en GE étant moins étendues. Il v a des granules blancs, des noirs, des bruns, des jaunes et des rouges ; il y en a même à reflets métalliques. La teinte FG. 1. du corps s’épanouit au soleil et dans une atmo- Chromoblastes sphère chaude: le froid et l'humidité rembru- de la nissent les couleurs. Notre Rainette met la Grenouille. teinte de son justaucorps vert «au même dia- pason » que le vert du feuillage et passe ainsi inaperçue. Depuis tous temps, on a attribué aux Batraciens, surtout aux Salamandres et aux Crapauds, des propriétés venimeuses. Et ce n’est pas à tort. Le vulgaire à reconnu, ici, la réalité des faits avant le savant, et la science doit donner raison aux dires du peuple. Mais celui-ci, comme cela lui arrive si souvent, a donné libre cours à son imagination : il a exagéré le danger de ces animaux. D'innombrables glandes microscopiques sont logées dans l'épaisseur de la peau; ces minuscules laboratoires distillent, par une merveilleuse chimie, des venins très énergiques, à saveur âcre ou amère, à odeur parfois forte et désagréable. Les Crapauds et les Salamandres possèdent, derrière la tête, de grosses glandes renflées (fig. 3 et 18): ce sont les glandes paratoïides, vrais entrepôts de venin, qui peuvent prendre un développement remarquable chez certaines espèces exotiques, telles que le Crapaud agua (Bufo marinus) de F Amé- rique du Sud. Ces animaux peuvent projeter leur poison à distance, lorsqu'on les maltraite. Notre Alvte accoucheur, notre Grenouille verte, même la gente Rainette sont de sub- tils empoisonneurs. T0 I n'y a pourtant pas lieu, pour l’homme, de craindre les Amphibies. Leur venin est purement défensif. Ces animaux sont privés d'organes d’inoculation : ils ne peuvent que lancer de petites gerbes de liquide irritant à une distance de quelques décimètres au plus, comme c’est le cas pour notre Salamandre et les Crapauds. Mais ces projections n’ont lieu que sous le stimulant d’une blessure ou d’une pression des glandes paro- toïdes; au contact des muqueuses de la lèvre, des narines ou des yeux, ce venin ne produit qu'une inflammation peu inquiétante. Nulle part, dans toute la série des Vertébrés, la peau n’est appelée à jouer un rôle aussi important que chez les Batra- ciens : c’est par elle que la fonction respiratoire s’exerce prin- cipalement. Comment un animal peut-il respirer par la peau? Pour respirer, il ne faut, en somme, qu'une nappe sanguine sépa- rée de loxygène par une membrane perméable; c’est là le plus simple des appareils respiratoires. D’innombrables glandes : à mucus maintiennent la peau toujours humide chez les Batraciens et, dans cet état, elle est émineniment perméable à Pair. Dans l'épaisseur de la peau courent d'innombrables vais- seaux capillaires. C’est à travers leur paroi que l’oxygène dissous dans l'air où dans l’eau pénètre dans le sang, lequel l'amène à toutes les cellules et revivifie l'organisme. Aucun Batracien ne boit l’eau par la bouche : tous la hument par la peau et en rejettent l’excès par la même voie. La dessiccation de cette peau, c’est la mort inévitable pour l’ani- mal, car les poumons ne semblent suffire qu’à peine à assurer Poxygénation du sang. Tous les Batraciens vivent donc dans une atmosphère humide. S'ils se rencontrent parfois dans les endroits secs et arides, on ne les y découvrira qu’enfouis pro- fondément dans le sol, ou cachés dans la mousse des bois ; ils ne sortent de leur abri que la nuit ou les jours de pluie. Ainsi la peau entière des Batraciens joue dans l’eau le rôle EU = d’une énorme branchie et, dans l'air, celui d’un vaste poumon. Privés de leurs poumons, ces animaux peuvent encore vivre plusieurs semaines. Une découverte, faite par WiLDER, en 1894, déconcerta le monde scientifique. On avait cru pouvoir aflirmer jusque-là que tous les Vertébrés supérieurs aux Poissons respiraient par des poumons, sauf quelques rares Batraciens qui possédaient des branchies durant toute leur vie. WILDER annonça que certaines Salamandres terrestres bien connues, communes même aux Etats-Unis, des genres Desmo- gnathus, Plethodon et Spelerpes senté en Europe par une espèce — sont absolument privées de poumons, de trachée et de larynx. Chez tous ces Amphi- bies, la respiration se fait uniquement par la peau et surtout par la muqueuse de la bouche et de l’arrière-bouche, pourvues, à cet effet, de vaisseaux capillaires très nombreux. ce dernier est même repré- Les poumons, organes très simples de structure, ne sufli- sant plus à la respiration aérienne, celle-ci se fit par la cavité bucco -pharyngienne, qui acquit progressivement la faculté respiratoire et les poumons devenus inutiles disparurent. Le squelette des Amphibies se rapproche de celui des Pois- sons cartilagineux, mais est plus perfectionné. La constitution des vertèbres présente des particularités remarquables dans les différents groupes ; nous ne pouvons nous étendre ici sur ce sujet. En ce qui concerne leur nombre, nous constatons qu'il est en rapport avec la forme plus ou moins allongée du corps : chez les Apodes, il peut dépasser 200 et atteindre la centaine chez les Urodèles ; il tombe à dix chez les Anoures. Des sortes de côtes très courtes, non reliées au sternum, existent chez les Urodèles et chez quelques Anoures (famille des Discoglossides). Chez la plupart des Anoures, lépine dorsale n’est hérissée, sur les flancs, que par de petits pro- longements des vertèbres, les apophyses transverses. Le crâne des Amphibies est plus simple que celui des Stégocéphales. Il est encore en partie cartilagineux. A la partie inférieure de la tête, dans l’espace limité par les deux branches de la mâchoire inférieure, on trouve suspendu un ensemble complexe de pièces cartilagineuses, formant l’appa- reil hyoîde (fig. 9). Cet appareil hyoïde sert de cadre ou de charpente au pharynx qu'il embrasse ; il résulte de la trans- formation des quatre ares branchiaux de la larve. La respi- ration pulmonaire s'opère par un mouvement de déglutition, la cage thoracique n’existant pas, les côtés étant rudimen- taires. L'air introduit dans la cavité buccale par les narines est comprimé dans la glotte par les mouvements de l’appa- reil hyoïde. Presque tous les Batraciens possèdent des dents, variables de forme et de disposition, mais jamais implantées dans des alvéoles profonds : leur remplacement est indéfini. Certains Sté- gocéphales avaient des dents remarquables, qui offraient des rainures longitudinales produites par un plissement de l'émail se prolongeant dans l’intérieur de la dent : la section en montre un arrangement très compliqué, d’où le nom de Labyrintho- dontes donné à ce groupe. Les autres Stégocéphales et tous les Batraciens actuels ne possèdent que des dents sans rainures, creuses, coniques ou légèrement courbées, servant uniquement à retenir la proie. Tous les Urodèles (sauf les Sirènes) pos- sèdent des dents aux deux mâchoires, alors que ces organes manquent presque toujours à la mâchoire inférieure des Anoures ; les Crapauds, enfin, sont absolument dépourvus de dents. Il existe, en outre, notamment chez les Grenouilles, des petites dents disposées en deux îlots sur le palais (fig. 8); ce sont les dents vomériennes. *% *# Les membres présentent toujours une ceinture scapulaire et une ceinture pelvienne. Chez la plupart des Anoures, la ceinture scapulaire a ses deux moitiés soudées, sur la ligne médiane, au sternum (fig. 7). En plaçant le doigt entre les MNT — deux bras de l'animal, sur la poitrine, on sent que la ceinture pectorale résiste. Il n’en est pas de même chez d’autres Anoures, tels que les Discoglossides. Les premiers sont dits des Firmisternes ; les derniers, des Arcifères. La forme allongée de la ceinture pelvienne est caractéris- tique. Elle représente une paire de pincettes embrassant la partie postérieure de la colonne vertébrale. Excepté chez certains Stégocéphales pentadactyles, les membres antérieurs des Batraciens ne présentent que quatre doigts fonctionnels, auxquels s'ajoute, chez les Anoures, un pouce rudimentaire plus où moins distinct. Les membres postérieurs possèdent cinq orteils. Chez les Anoures, on remarque souvent deux ou trois petits os du côté interne du tarse, qui ont été considérés comme un sixième orteil rudimentaire ou præhallux (fig. 6). Chez ces animaux, le radius et le cubitus, ainsi que le tibia et le péroné, sont respectivement soudés en un os unique. * *k * Les muscles des Amphibies ne diffèrent de ceux des Ver- tébrés supérieurs que par leur rougeur moindre et le faible développement des tendons. Chez les larves, on remarque que les muscles du tronc et de la queue sont divisés en segments successifs. ou myomères (fig. 2 et 17), comme chez les Poissons, dont la chair cuite est écailleuse. Les Anoures ne présentent plus que des traces de cette segmentation; ils offrent cette particularité que leur peau n’adhère pas aux muscles sous-jacents, sauf en certains points, ce qui donne lieu à la formation des poches lymphatiques (voy. Circulation, p. 17). Le système nerveux des Amphibies est encore très simple. Il est pourtant, sous beaucoup de rapports, supérieur à celui des Poissons. Les veux ne manquent jamais. Devenus non Po TA fonctionnels chez les Protées et les Cécilies, ils sont recou- verts par la peau, ou même par les os du crâne. Ils sont petits et dépourvus de paupières chez les Urodèles aquatiques ; grands et saillants, par contre, chez les Anoures adultes. Nous avons parlé plus haut des paupières ; signalons encore une particularité singulière de lorgane de la vue : l’existence d’un muscle rétracteur au moyen duquel il peut être consi- dérablement retiré dans l'orbite. Les Stégocéphales devaient posséder un troisième œil, Pœil pinéal, très développé, à en juger par la grandeur de l'orbite creusée dans l’os pariétal. On n’en retrouve plus de trace ni chez les Apodes, ni chez les Urodèles, mais chez les Anoures on remarque, entre la peau et le crâne, une glande frontale qui semble représenter le dernier vestige de ce curieux organe. L'organe de l’ouie est simple. Jamais il n’y a d'oreille externe. Sauf chez les Anoures, l’organe auditif se réduit au labyrinthe et aux trois canaux demi-circulaires, à peu près comme chez les Poisssons. Les Anoures possèdent, en outre, une caisse du tympan qui communique avec l’arrière- bouche par une large trompe d’Eustache, et qui est fermée en dehors par un tympan discoïde, plus ou moins distinct, qu'une petite tige osseuse, la columelle, met en relation avec l'oreille interne. Les deux narines sont situées à l’extrémité du museau ; elles s'ouvrent dans la cavité buccale par des orifices nommés choanes (fig. 8) et servent à amener l’air aux poumons; ce caractère seul permettrait de distinguer les Amphibies des Poissons, où les narines se terminent en cul-de-sac. On peut considérer l'enveloppe cutanée, si riche en nerfs, comme le siège de la sensibilité tactile. Chez toutes les espèces à l’état larvaire, et chez les Urodèles aquatiques à l’état adulte, certains nerfs sensoriels se ter- minent à la surface en un système d’organes semblables à ceux de la ligne latérale des Poissons (fig. 2). — 15 — Disons un mot de l'appareil digestif. La bouche est généralement grande. La langue (absente chez les Pipa) est une masse charnue entièrement adhérente au plancher buccal, ou bien libre en arrière: dans ce cas. CP NES elle sert d’organe de préhen- TI EE À sion et peut être retournée lestement au dehors et engluer montrant la ligne latérale, les les proies à l’aide de sa surface branchies externes, les pattes, ete. visqueuse. L'Urodèle Spelerpes possède une langue insérée sur un long pédoncule projectile, comme chez le Caméléon. Les dents, petites et coniques, ne servent pas à mâcher la Fi1G. 2.— Larve de la Salamandre, nourriture, mais simplement à retenir la proie : elles manquent complètement chez les Crapauds. On distingue un œsophage, un estomac, un intestin grêle et un rectum, dont la partie postérieure, où débouchent les organes génito-urinaires, constitue le cloaque. Il y a, en outre, un foie, une vésicule du fiel et un pancréas. On sait, d’après leurs coprolithes, c’est-à-dire leurs excré- ments fossilisés, que les Stégocéphales avaient l’intestin pourvu d’une valvule spirale — comme chez les Poissons archaïques — repli en colimaçon servant à agrandir notable- ment la surface absorbante de l'intestin. Les Batraciens étant carnivores à l’état parfait, l'intestin n’est jamais très allongé chez eux et leurs circonvolutions sont peu nombreuses. Les larves des Anoures, par contre, sont plus ou moins herbivores, et leur canal digestif, extrème- ment allongé, est enroulé comme le ressort d’une montre. * % * Tous les Batraciens qui naissent à l’état de larves respirent d’abord, à l’aide de branchies, l’air dissous dans l’eau. Ces 6r- ganes persistent chez quelques Urodèles—les Pérennibranches — durant toute la vie. On connaît même les larves branchi- fères de plusieurs Stégocéphales. Chez la plupart des Amphibies, les branchies externes sont bientôt remplacées par des branchies dites internes, insérées sur les arcs branchiaux, dans la chambre branchiale, qui est recouverte par un repli de la peau, jouant le rôle des ouïes des Poissons ; cette chambre branchiale communique avec le milieu extérieur par un orifice ou tube, le spiraculum (fig. 17) ; c'est par là que s'échappe l’eau qui a baïgné les branchies. Les poumons des Batraciens ne sont pas logés dans une cage thoracique distincte de la cavité abdominale, et suscep- tible de s’agrandir ou de se restreindre par le jeu des côtes et du diaphragme. Les côtes, nous l'avons vu, sont en général nulles ou rudimentaires, et le diaphragme n'existe pas. Privés de cet ingénieux mécanisme de soufflet qui, chez les Mam- mifères, les Oiseaux et une partie des Reptiles, aspire Pair de lextérieur et le rejette ensuite, les Amphibies en sont réduits, pour gonfler leurs poumons, à avaler l'air ambiant, de la même façon que leurs larves avalent l’eau pour baigner leurs branchies. Les orifices des narines peuvent être fermés par un jeu de soupapes ; la bouche étant close, l'air inspiré est comprimé dans la cavité buccale, forcé dans la glotte et, de là, dans les poumons, par un mouvement de déglutition. Il suit de regarder une Grenouille ou un Triton sortis de l’eau pour remarquer ces mouvements caractéristiques de leur gorge qui s'élève et s’abaisse sans discontinuer. La respiration n’est donc possible que si la bouche est close. Les mouvements respiratoires sont dus au fonctionnement de appareil hyoïde. Les poumons sont longs et étroits, un peu celluleux chez les Tritons ; plus courts et de structure plus compliquée chez la Salamandre. Ils prennent un grand développement et leur paroi se complique fortement chez les Anoures, surtout chez les fouisseurs, comme notre Pélobate. L’allongement excessif du corps chez les Apodes a produit une régression de l’un des deux poumons, tout à fait comme chez les Serpents. Nous avons vu que certains Batraciens, tels les curieux Spélerpes, sont dépourvus de poumons. Disons encore que chez les têtards des Anoures, les ares branchiaux portent à la face concave des proéminences com- site. Sn Thu dtihs tél D" parables aux branchiospines des Poissons : elles se transfor- ment en un appareil de filtration. * * * A la diversité des organes respiratoires correspond un appa- reil circulatoire également variable suivant les formes : là où la respiration est simplement branchiale, il se rapproche de celui des Poissons. L'apparition des poumons entraîne une complication du cœur : jamais pourtant il ne comprend plus de trois cavités ; il est construit à peu près sur le même plan que le cœur des Reptiles et offre deux oreillettes et un seul ventricule dans lequel se fait le mélange des sangs artériel et veineux. La circulation, par suite, est incomplète et la tempé- rature variable. Les globules rouges, transporteurs d’oxygène, sont beau- coup plus grands chez la Grenouille que chez l'homme: ils mesurent vingt-deux millièmes de millimètre. Le Protée pos- sède des hématies absolument gigantesques : on les distingue à l'œil nu ! Le véritable sang des Vertébrés, a-t-on dit, est la lymphe, qui n’est, somme toute, que du sang moins les globules rouges. Tandis que le sang cireule dans des canaux et des poches dont l’ensemble constitue une canalisation close, la lymphe se répand dans tous les interstices des organes, baigne tous les tissus auxquels elle cède les éléments nutritifs et l’oxy- gène et se rassemble ensuite en un système de canaux dits lymphatiques ; ceux-ci ramènent finalement la lymphe dans le système circulatoire clos. Le système lymphatique prend un développement extra-. ordinaire chez les Anoures. Sous la peau existent de vastes espaces remplis de lymphe; celle-ci est reprise par des am- et chassée dans poules contractiles — les cœurs lymphatiques le système veineux. La Grenouille possède quatre cœurs lym- phatiques ; deux antérieurs, près des omoplates, et deux posté- rieurs, près de l'extrémité du bassin. Ces deux derniers sont situés assez superficiellement : on peut aisément les voir battre. II or — Les cœurs lymphatiques sont peu développés chez les Urodèles et les Apodes, chez lesquels la peau adhère davan- tage aux muscles sous-jacents. * * La glotte des Batraciens Anoures est pourvue de cordes vocales qui ne se retrouvent pas chez les Urodèles. Aussi a-t-on nié longtemps la fonction vocale de ces derniers : on a prétendu que l'espèce de gargouillement qu'ils émettent était simple- ment produit par l'air s’échappant brusquement des poumons. Tous ceux qui ont observé de près des Tritons ont pu constater que ces animaux poussent réellement un véritable cri — peu sonore, il est vrai — lorsqu'on les saisit brusquement, où même sans provocation apparente. Ce n’est que dans le groupe des Anoures qu’on rencontre de vrais chanteurs. Ils ont la glotte pourvue de cordes vocales que l'air, expulsé avec force des poumons, met en vibration. Chaque espèce a son chant particulier qui, s’il n’est pas très harmonieux, est parfois très puissant. Du reste, ce n’est guère qu’à l’époque de la reproduction que les mâles — beau- coup plus bavards que les femelles, qui sont souvent muettes — le font entendre. Chez beaucoup d’Anoures, le son est intensifié par un organe accessoire du chant, une sorte de caisse de résonance qu’on désigne sous le nom de sac vocal. Le mâle seul en est pourvu. C’est une espèce de vessie élastique, occupant le dessous de la gorge ou les côtés du cou, et apparente seulement quand elle est gonflée ; ellle prend alors la grosseur d’une noisette ou d’une noix (fig. 22). Néanmoins. en dehors de cette circonstance, sa présence est indiquée soit par une gorge plus lâche et plus pigmentée, comme chez la Rainette et le Calamite, soit par une ou deux fentes latéraies à travers lesquelles le sac vocal fait hernie quand l’air le gonfle, comme cela a lieu chez nos Grenouilles mâles (fig. 8). Les vessies vocales communiquent avec la cavité buccale par une ou deux fentes allongées, situées sur les côtés ef un peu en arrière de la langue. — ‘19 — Un fait qui paraît paradoxal à première vue, c’est que les Anoures peuvent chanter sous Peau. Il s'explique pourtant aisément. « Qu'on se figure, dit LATAsTE (1), deux vessies de eaoutchoue communiquant entre elles par un tube muni d'une anche. Quand on presse lune des vessies, Pair s'échappe dans l’autre et fera jouer l'instrument ; si on exerce alors la pression sur la deuxième vessie, on ramènera Pair dans la première, et l’on pourra renouveler la musique sans avoir à puiser de l'air à extérieur ; l'anche peut même être disposée de façon à vibrer à l’aller comme au retour de la colonne d’air. Les poumons jouent le rôle de lune des vessies, — le sac vocal et la cavité buccale (ou cette dernière seule quand le sac vocal manque) jouent le rôle de l’autre: et la glotte, avec ses cordes vocales, tient lieu du tube à anche vibrante. » La voix varie beaucoup selon les espèces. Tout comme chez les Oiseaux, elle fournit d'importantes indications au chasseur dont l'oreille est exercée. Les glandes génitales, ovaires ou testicules, sont situées à droite et à gauche de la colonne vertébrale, dans le voisi- nage immédiat des reins, avec lesquels les organes mâles sont en connexion. Les oviductes ou canaux de Muller sont de longs tubes flexueux qui débouchent, en arrière, dans le cloaque et dont l'ouverture antérieure s'ouvre en une sorte d’entonnoir. Leur paroi sécrète une substance gélatineuse qui entoure les œufs pendant leur descente. Le rein se décharge, par une foule de petits conduits, dans un second canal longitudinal, Puretère. Chez le mâle, luretère reçoit non seulement lurine, mais encore les produits sexuels. h Les femelles des Urodèles Salamandrides (Salamandres, Tritons) sont pourvues d’une poche spéciale, le réceptacle (1) F. LATASTE, Les Batraciens, et particulièrement ceux d'Europe et de France (Feuille des Jeunes Naturalistes, neuvième année, 1878-1879), 190 — séminal où spermathèque. où les spermatozoïdes du mâle peu- vent être conservés en vie pendant une période assez longue. Il existe de grandes différences dans la forme des sperma- tozoïdes, différences dont on a tiré parti au point de vue systématique. Ceux du Discoglosse mesurent 3 millimètres de longueur ! La vessie urinaire des Amphibies est toujours très grande ; elle paraît joindre à ses fonctions excrétaires celle de réservoir d’eau. On la trouve le plus souvent distendue par un liquide parfaitement clair. C’est ce liquide, tout à fait inoffensif, et que le vulgaire prend pour un venin dangereux, qui est pro- jeté parfois avec une certaine force, lorsque l’animal est malmené. Il n'existe d'organes copulateurs que chez les Apodes. Partout ailleurs, il n’y a pas de copulation proprement dite. Chez les Salamandres seules on observe un vrai accouple- ment ; certaines d’entre elles sont ovovivipares. Nous en parle- rons plus loin. La fécondation est interne chez les Urodèles, tandis qu'elle est externe chez les Anoures (1). En règle générale, la ponte se fait dans l’eau et les jeunes passent par une série de métamorphoses — plus marquées chez les Anoures que chez les Urodèles — avant d'atteindre la forme parfaite qui leur permet de respirer lair libre. Le développement se fait par des métamorphoses d'autant plus profondes que l’organisation de la larve diffère davantage de celle de l’adulte. L'œuf des Batraciens n’est jamais entouré que d’une enve- loppe gélatineuse, mais celle-ci peut être parfois très résistante. Les œufs sont généralement pondus en paquets ou en cha- pelets assez volumineux. Dans la plupart des cas, ïls sont simplement abandonnés à l’eau. Ceux des Tritons sont pondus isolément et fixés aux plantes aquatiques. Parfois la femelle (1) Peut-être à l'exception du Pipa de Surinam. it — ou le mâle les protègent ou les portent avec eux. La femelle du Pipa dorsigera porte ses œufs sur le dos ; le mâle de notre Crapaud accoucheur s’enterre avec les chapelets d’œufs qu'il a préalablement enroulés autour de ses cuisses. Les modes de propagation, en ce qui concerne les détails, sont extrêmement variés et très curieux. BOULENGER a donné, sous forme d’un excellent tableau synoptique, un résumé de nos connaissances à ce sujet (1). Parvenus à l’état parfait, les jeunes Batraciens s’abritent contre la sécheresse sous les pierres, auprès des mares qu'ils viennent de quitter. Qu'un orage éclate, et l’on verra alors des légions de ces petits animaux quitter leur retraite et se répandre dans les champs, les prairies et les chemins, ce qui a donné lieu aux plus fabuleuses croyances, auxquelles nous reviendrons plus tard. On rencontre fréquemment des Amphibies d'espèces diffé- rentes accouplés entre eux. Et pourtant les cas d’hybrides, dans la nature, sont fort rares. Le mieux connu est celui entre le Triton marbré et le Crêté, décrit d’abord sous le nom de Triton Blasii DE L’'ISLE, et rencontré pour la première fois, en Bretagne, il y a bientôt soixante-dix ans. On ne connaît pas d’autre bâtard parmi les Urodèles. Parmi les Anoures, les deux espèces de Bombinator, là où elles vivent côte à côte, produisent parfois des hybrides : HÉROX RoYER en a obtenu en captivité. Malgré la grande facilité avec laquelle se pratique la fécon- dation artificielle chez les Anoures, les nombreuses expé- riences de croisement sur ces animaux n’ont donné que des résultats le plus souvent négatifs. +" + La néoténie est un des phénomènes les plus curieux qu’on rencontre chez les Amphibies. 11 constitue la prolongation de l’état larvaire. (1) G.-A. BOULENGER : Les Batraciens, et principalement ceux d'Europe. Paris, 1910. — Encyclopédie scientifique. on Autrefois on faisait des Protées. des Sirènes et des Axolotls du Mexique le groupe des Pérennibranches : ces animaux ne perdent jamais les branchies dont les autres Amphibies se débarrassent rapidement au cours des métamorphoses. On les considérait comme établissant la transition des Poissons aux Amphibies pulmonés. On découvrit un jour que PAxolotl (on le voit parfois chez nous, en aquarium) n'était qu'une larve d’Amblystome, douée de la faculté curieuse de se reproduire en cet état. On retira donc l’Axoloti des Pérennibranches et on le classa parmi les Salamandrides. Les Pérennibranches ne constituent donc pas un groupe naturel. On peut distinguer deux degrés de néoténie. La néoténie partielle n’est qu’un simple retard de la méta- morphose normale. Certains têtards d’Anoures, par exemple, peuvent vivre plusieurs années et acquérir une taille supé- rieure à la normale, sans que leurs glandes sexuelles arrivent à maturité. Dans la néoténie totale, l'animal, tout en conservant ses ‘aractères de larve, devient à même de se reproduire, comme PAxolot! du Mexique, dont le cas est le mieux connu. En 1861, avant la découverte de la transformation de l’Axolotl en Amblystome, Fizirpro de Kicrppr trouva en Lombardie des Tritons alpestres ayant acquis la maturité sexuelle sans perdre leurs branchies. Il constata aussi que ce fait anormal était devenu la règle chez les Tritons de même espèce vivant dans un petit lac alpin du Val Formazzo. Voilà donc, dit BOULENGER, un cas absolument comparable à celui de l’Axolotl, qui, dans certains lacs du Mexique, ne se trans- formerait jamais en Amblystome. «On avait cru pouvoir expliquer, dit cet auteur, le fait que l’Axolotl reste à l’état branchifère dans ces eaux, par la nature des bords de ces lacs, dont le niveau baisserait gra- duellement et qui, par suite, seraient couverts d’une couche saline qui empêcherait ces animaux transformés de se rendre à terre. Mais cette explication était basée sur des données absolument erronées. On a visité ces lacs : loin d'offrir og l'aspect désolé qui leur avait été attribué, ils sont remplis de végétation et leurs bords offrent toutes les conditions requises pour la vie terrestre. » Ces lacs sont de vrais paradis pour les Axolotls. Si ceux-ci ne s’y transforment jamais, la raison en est qu'ils s’y trouvent trop bien à l’aise pour avoir envie de changer leur mode d’exis- tence. » Ajoutons encore que la néoténie totale, c’est-à-dire accom- pagnée de fécondité, semble être un ‘obstacle à toute trans- formation ultérieure; jamais les Axolotls ni les Tritons ne deviennent adultes s'ils se sont reproduits à l’état larvaire — problème intéressant qui attend encore sa solution. * * * La régénération des parties amputées — queue, membres, branchies — se produit avec la plus grande facilité chez les Urodèles, aussi bien à l’état adulte qu’à l’état larvaire. Il en est de même des éléments du squelette. Chez les Anoures, qui sont plus évolués que les Urodèles, la régénération ne se produit que pendant l’état larvaire. Alors que la queue du tétard repousse très vite, l'adulte amputé d’un membre, ou même seulement d’un doigt, reste estropié et produit tout au plus un court tubercule. Cette faculté n’est pas l'apanage exclusif des Batraciens. Tous les animaux la possèdent, mais à des degrés très divers. Et elle est d'autant plus développée que l'être chez lequel on la considère est placé plus bas, soit dans l'échelle zoologique, soit dans la série des états successifs de son évolution. Nous ne pouvons nous étendre ici sur les résultats étonnants obtenus par l’accollement de demi-embryons de Batraciens, par la production artificielle de monstres doubles, ete. +" + On connaît actuellement sept cents Batraciens, dont cent formes éteintes. Au carbonifère, il existait de nombreux Sté- gocéphales ; les Tritons, les Salamandres, les Grenouilles et OA les Crapauds n’ont apparu qu'au tertiaire. La forme la plus remarquable parmi ces Batraciens du tertiaire est le célèbre Andrias Scheuchzeri, espèce de Salamandre géante décrite d’abord par SCHEUCHZER comme Homo diluvii testis. Dans l’hémisphère boréal, les Anoures s'étendent jusqu’au cap Nord, le Kamtchatka, l’Orégon et la province de Québec. Les Urodèles sont principalement cantonnés dans l’hémi: sphère boréal. Dans l'Ancien Monde, l'Atlas (à l’ouest) et les Himalavas (à l’est) constituent leur limite méridionale. Dans le Nouveau Monde, la limite est moins nette. Les Apodes ne se rencontrent qu'entre les tropiques, en Afrique, en Asie et en Amérique. L’abondance des Urodèles est caractéristique de l’Europe, l'Asie septentrionale et tempérée, et l'Amérique du Nord; la présence des Apodes caractérise les régions tropicales. Le sud de l'Afrique, Madagascar, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Amérique du Sud ne présentent que des Anoures. Pour finir, résumons les quatre grands groupes, ou ordres, dans lesquels on répartit les Amphibies : I. Les Stégocéphales, comprenant les Labyrinthodontes et familles voisines, groupe éteint depuis le trias; on en connaît aujourd’hui près de trois cents espèces. II. Les Apodes, Batraciens vermiformes, privés de membres et à queue rudimentaire. Comptent environ cinquante espèces vivant dans les endroits humides, souvent dans la boue des marécages et ram- pant sous terre comme des vers de terre. III. Les Urodèles, nombreux dans la nature actuelle, et dont les premiers restes remontent au crétacé inférieur. Ce sont des animaux en forme de Lézard, à membres présents au nombre de deux paires. Le nombre d'espèces connues actuellement s'élève à cent trente environ. IV. Les Anoures, constituant le groupe le plus nombreux et le plus uni- versellement distribué aujourd’hui. Le corps est court, ramassé et dépourvu de queue à l’état adulte. Les quatre membres sont très bien organisés pour la marche, la natation, le saut, etc. Ce grand groupe comprend les Grenouilles et les Crapauds. Le premier re- présentant a été trouvé dans le jurassique supérieur. La zone équatoriale et australe fournit les 90 p. c. des espèces actuellement connues. On connaît aujourd’hui vingt espèces euro- péennes qui se répartissent en huit genres et cinq familles, dont le tableau synoptique est donné plus loin ; neuf espèces appartiennent à la faune belge. *AHEZ les Urodèles, la queue, généralement aplatie verticalement, persiste durant toute la vie. Le | corps est plus ou moins allongé et, chez les es- pèces dont les membres sont bien développés, la forme rappelle celle du lézard. Entre ces formes sauroïdes, qui constituent la grande majorité des Urodèles et auxquelles appartiennent les Salamandres et les Tritons, et lAmphiume, dont le corps est comparable à celui d’une Anguille et dont les membres Sont minuscules, on rencontre tous les intermédiaires. Chez les Sirènes de l’Amérique, les membres antérieurs seuls se sont développés. Les côtes existent toujours, quoique courtes. Il n°y a ni membrane du tympan, ni oreille moyenne, comme chez les Poissons. Les membres antérieurs ont quatre doigts, les postérieurs en portent cinq. Les yeux sont petits, parfois même rudimentaires comme chez les Protées des eaux souterraines de l’Istrie, de l’Illyrie et de la Dalmatie. Les organes visuels ne portent de paupières que chez les Salamandrides; la pupille est presque toujours arrondie. orne. Les deux mâchoires, souvent aussi le palais, sont armés de petites dents pointues. Ces animaux se déplacent péniblement à terre, mais nagent en général très bien. Contrairement à ce que nous voyons chez les Anoures, la fécondation est interne chez les Urodèles. Chez les Tritons, par exemple, le mâle, après de longues évolutions autour de la femelle, dépose au fond de l'eau un paquet de spermato- zoïdes — le spermatophore — qui est ensuite saisi par les lèvres cloacales de la femelle. En général, il n’y a donc pas de vrai accouplement : rien qu'un ranprochement des deux sexes. Chez les Salamandres, par contre. et chez certains Tri- tons non indigènes, comme le Triton des Pyrénées, il y a, antérieurement à la ponte, un enlacement des deux sexes ; chez le Triton californien cet amplexus dure plusieurs jours. La plupart des Urodèles pondent des œufs. Les exceptions connues se rencontrent, à l’état constant, chez les Salamandres et le Spélerpes brun, qui sont vivipares. Les œufs sont enfermés dans une capsule gélatineuse, ils sont pondus isolément et fixés aux végétaux submergés. Chez certaines espèces on remarque une curieuse protection de la ponte par les parents. Un petit Urodèle de l'Asie la pro- tège dans un sac gélatineux en forme de boudin, qu'il suspend à une branche au bord de l’eau. Chez le Desmognathe, la mère s’enroule autour du corps le cordon d'œufs et se réfugie dans un trou. La femelle de certains Pléthodons de Californie en- toure les œufs de sa queue préhensile et les transporte avec elle. Le cas d’Autodax est plus curieux encore. Cette espèce de Salamandre terrestre et nocturne de l'Amérique du Nord pond quelques œufs dans un arbre creux, parfois à une hauteur d’une dizaine de mètres au-dessus du sol, et la mère, ou le père et la mère, ne quittent point la ponte jusqu'à l’éclosion, dans le but d'y maintenir le degré d'humidité nécessaire à leur développement et aussi pour les défendre. Pourvus de dents exceptionnellement grandes et acérées, ces Urodèles ER — s’élancent, la bouche large ouverte, sur tous les malintentionnés qui s’approchent d’eux. Dans la métamorphose, les branchies externes ne disparais- sent qu’au moment où l’animal revêt les caractères de l'adulte. Les métamorphoses ne sont, point aussi profondes que chez les Anoures. La larve des Urodèles possède une forme allongée de Poisson (fig. 2) et ne ressemble pas à une sphère terminée par une queue, qui est l’aspect caractéristique des têtards des Anoures ; en outre, les membres antérieurs font ici leur appa- rition avant les postérieurs : le contraire se remarque chez les larves des Anoures. Le plus ancien représentant indiscutable de lordre des Urodèles a été décrit, il y a une trentaine d'années, par DoLLo, sous le nom d’Hylacobatrachus Croyi, d’après un échantillon assez complet trouvé dans notre fameux gisement à Iguano- dons de Bernissart. Il appartient à une formation géologique qui établit la transition du jurassique au crétacé. Rappelons encore ici le célèbre Homo diluvii testis, de SCHEUCHZER, la célèbre Salamandre géante du miocène supé- rieur d’Œningen. On connaît actuellement environ cent trente espèces d'Uro- dèles, dont la grande majorité appartient à la famille des Salamandrides. Les Urodèles sont représentés, en Europe, par dix-huit espèces ; c’est l'Ouest (France, Péninsule ibérique, Italie) qui fournit le plus grand nombre. La faune belge ne compte que cinq espèces, se répartissant en deux genres, et appartenant à la sous-famille des Salamandrines. —" 99; = Synopsis des genres d'Urodèles de Belgique à l'état parfait. 1. Queue cylindrique. Une grosse glande de chaque côté en arrière de la tête. Corps noir, maculé de grandes taches jaunes. Vie terrestre. Genre Salamandra (p. 30). 2. Queue comprimée latéralement. Point de glandes derrière la tête. Corps non ainsi. Vie surtout aquatique. Genre Molge (p. 44). ALL ALALS A4 44444424: LES SALAMANDRES Genre SALAMANDRA Laur. É Salamandres sont des Urodèles terrestres ; elles ne sont aquatiques que pendant l’acte de la reproduction, ou pour déposer dans l’eau les jeunes qui naissent dans un état avancé de développement. Elles se caractérisent par la langue disco-ovalaire à peu près complètement adhérente au plancher de la bouche et par les dents du palais, disposées en deux séries longitudinales plus ou moins courbées en S. La peau est luisante et comme vernissée. Des tubérosités glandulaires à pores très distincts sont disposées symétriquement sur le corps et, de plus, on remarque une glande parotoïde derrière chaque œil. La queue est cylindrique. La distribution de ce genre comprend l'Europe centrale et méridionale, le nord-ouest de l'Afrique et le sud-ouest de l'Asie. On en connaît quatre espèces, dont deux habitent l'Europe. La Salamandre tachetée seule appartient à la faune belge ; elle est commune dans les forêts d’Ardenne et de la rive droite de la Meuse. Eye La Salamandre tachetee (Salamandra maculosa Laur.) E Salamandre personnifie la pluie, la pluie bienfaisante : en Chine, on limplore comme une divinité annonciatrice de la pluie qui sauvera les récoltes. Elle aime les lieux humides et frais, les ombres épaisses, les forêts denses de nos Ardennes. En hiver, les trous et les cre- vasses du sol, les troncs vermoulus en hébergent parfois des centaines réunies en un tas inextricable et engourdi. La Salamandre est un animal nocturne qu'on rencontre dans la plupart des pays d'Europe et même dans certaines contrées extra-européennes. Elle fuit les rayons du soleil et ne quitte guère son abri pendant la journée, aussi ne la rencon- trons-nous qu'assez rarement, à moins qu'une pluie abon- dante ait chassé de leurs repaires les limaces et les vers de terre dont elle se nourrit. Elle ne vit réellement que la nuit, lorsque l'humidité et la fraîcheur descendent dans les vallées et les forêts. IT faut que tout son corps soit imprégné d'humidité ; la chaleur sèche de l'été, les rayons de plomb d’un soleil implacable la font mai- grir, sa peau perd son beau vernis brillant, se ride et se fane, la vie de l'animal est menacée. Il le sent et s'enfonce plus pro- fondément dans ses abris souterrains ; là, immobile, il aspire après la pluie. L'orage éclate enfin. La pluie tombe en torrents qui fument au contact du sol calciné. Les pins ruissellent. La fraîcheur descend sur la nature : tout renaît, tout revit. Le promeneur qui suit un sentier solitaire de nos forêts d’Ardenne peut alors assister à un spectacle inattendu qu'il n’oubliera peut-être jamais. Ce spectacle, je le vis, un jour, — il y a longtemps. dans le bois de Chinv. Il est présent à ma mémoire, comme s’il s'était déroulé hier. LAON De tous les fossés, de chaque touffe de mousse gonflée d’eau, de tous les troncs vermoulus sortent des Salamandres. Leur peau est noire, non de ce noir terne qui nous impressionne désagréablement, qui fait penser à l'absence de lumière, à la mort, non. Un noir vernissé, brillant, laqué, un noir qu’on nommerait presque lumineux. De larges taches, de longues bandes d’un jaune éclatant le marbrent et paraissent des langues de feu. Le corps est gonflé, la peau est tendue et semble trop étroite. - Elles traînent lentement, maladroitement leur lourd corps sur des pattes trop faibles qui s'appuient sur des doigts minuscules. Les membres soulèvent à peine le tronc au-dessus du sol; le corps se courbe tantôt à droite, tantôt à gauche. A tout moment, les Salamandres trébuchent sur une petite pierre, une brindille qui leur barre le passage, ou même dégrin- solent d’un talus de mousse et montrent alors leur ventre bedonnant d’un beau bleu ardoise. Mais léquilibre est vite rétabli et les Salamandres continuent leur marche. L'une d'elles vient de s'arrêter court, comme clouée au sol. On la dirait pétrifiée. Médite-t-elle? Ses gros yeux de jais ont- ils aperçu une proie? Elle demeure ainsi immobile pendant plusieurs minutes. Enfin, elle reprend sa marche et la poursuit en se dandinant. Voici que passe une petite limace grise. La Salamandre l’a vue. Elle se décide à faire quelques pas un peu plus accélérés. Elle s'arrête. Elle incline la tête, la tourne obliquement vers la proie, puis, d’un geste court, rapide, elle happe la limace. La pluie a inondé les galeries du Ver de terre qui passe là. Malheur à lui. Son gros corps annelé, tout rose, a attiré l’at- tention de la Salamandre. Mais les mouvements du Ver sont trop prestes pour notre Batracien ; sa fuite lui semble éper- due, à lui, qui progresse si lentement. Il pourrait perdre haleine en poursuivant le Ver. Pourtant il a faim. Il presse le pas, atteint le Lombric au moment où il va disparaître dans un trou du sol, le saisit et l’arrache de son refuge par des se- cousses obliques de la tête, lentement, mais sûrement. Le Lombric s’allonge, s’arc-boute dans {a terre à l’aide de ses minuscules soies qui lui servent de pattes. Résistance vaine. La Salamandre ne lâche pas prise. À intervalles réguliers, elle ouvre un peu la gueule pour saisir plus avant la proie et l’en- gouffrer plus vite dans son estomac qui se dilate fortement, car le ver est aussi long qu’elle. Après quelques minutes, le Lombrie a disparu: la Salamandre fait fonctionner encore deux ou trois fois ses mâchoires, puis reprend sa route, le regard vide et impassible, le corps prêt à éclater. * * * Certaines personnes classeront la Salamandre parmi les « vilaines bêtes » et n’oseront prendre en main son corps bedonnant et tout glacé. Mais la Salamandre n’est pas si vilaine que d’aucuns pourraient le prétendre. Peu d'animaux possèdent une coloration si caractéristique : du velours noir sur lequel flamboient de grandes taches jaune feu. La répartition de ces taches n’est soumise à aucune règle. Leur grandeur, leur nombre, leur disposition diffèrent d’un individu à un autre. Il faudrait chercher longtemps avant de découvrir deux Salamandres absolument identiques. Chez la forme d'Afrique (var. algira BED.) les taches noires se réduisent parfois à deux ou trois sur tout le corps. Dans les Alpes, c’est le noir qui domine. Dans certaines parties de l'Espagne et du Portugal, on rencontre une belle variété (var. Molleri BEDR.) à gorge rouge et à taches carmin. Il en existe encore avec des taches rougeâtres en Belgique, en France, en Allemagne et en Autriche. J’en ai moi-même trouvé un jour un exemplaire de taille extraordinaire dans les environs de Chiny, en Ardenne; il vécut longtemps en terrarium. La variété propre à la Corse (var. corsica SAVI) à doigts et orteils très aplatis, atteint jusqu’à 22 centimètres. Chez nous, la Salamandre tachetée ne dépasse pas une longueur de 20 centimètres. III 34 — Il existe un rapport étonnant entre la couleur de la Sala- mandre et la teinte du sol où elle vit. Les expériences de KAMMERER et d’autres l’ont prouvé. Dans un terrarium très humide mais à température élevée, sur un fond d’argile jau- nâtre, les tâches jaunes prennent le dessus par leur grandeur et par l'intensité de leur teinte. De jeunes Salamandres furent élevées, à basse température, sur de lhumus ou de la tourbe de coloration noire; le jaune de la peau s’effaça devant la teinte noire devenant de plus en plus prédominante. Plus les Sa- lamandres sont jeunes. et plus rapide et complète est la trans- formation. Deux ou trois années suffisent à ce changement de teintes. Mais, dans la nature, ces variations notables ne se remarquent généralement pas, car ces animaux, lorsqu'ils sont en liberté, recherchent instinctivement les conditions de vie qui leur sont les plus favorables. Il est très aisé de distinguer la Salamandre du Triton. Le Triton passe la plus grande partie de l’année dans l’eau; il possède une queue aplatie verticalement qui lui sert de godille. La Salamandre ne va dans l’eau que pour y déposer ses jeunes ; sa queue est cylindrique et comme divisée en anneaux par des renflements successifs ; elle lui sert d’appui pendant la marche. De plus elle possède des glandes débouchant à la surface du corps par une infinité de petits pores bruns ou noirs par où suinte un venin laiteux, protecteur. Les Tritons en sont tou- jours dépourvus. La première est noire, maculée de taches jaunes, et peut atteindre 20 centimètres ; le second porte une livrée toute différente et n’atteint jamais pareilles dimensions. # * * La Salamandre (fig. 3) a la tête large et aplatie. Ses yeux sont placés à la partie supérieure de la tête. Ils sont très saillants, globuleux, et peuvent rentrer profondément dans les orbites qui font saillie dans l’intérieur du palais, où ils sont presque — 35 — entourés d’une rangée de très petites dents, semblables à celles qui arment les mâchoires. L'iris est noir de jais, de sorte qu'on ne le distingue pas du noir de la pupille. Les membres antérieurs portent quatre doigts ; les posté- rieurs, Cinq. FiG. 3. — La Salamandre tachetée et ses larves. La Salamandre n’a point de côtes, tout comme la Grenouille, à laquelle elle ressemble d’ailleurs fort par la forme générale de la tête et de la partie antérieure du corps. Comme elle, elle avale l’air indispensable à sa respiration : sa gorge est toujours en mouvement et semble éternellement avaler à vide : c’est de l’air qu’elle déglutit et comprime dans les pou- mons. L’orifice du cloaque est une fente longitudinale dont les lèvres sont plus tuméfiées chez les mâles que chez les femelles. *k * *# Malgré cette lenteur désespérante qui lasse parfois l’obser- vateur peu sagace, la Salamandre vit des jours paisibles que ne vient point troubler la crainte d'attaques des ennemis, HO — Cette petite créature n’a aucun ennemi à redouter, si ce n’est la Couleuvre à collier. Fait inconcevable, du moins à première vue, car il n’y a nulle part trace d’une ressemblance protectrice. La Grenouille verte, assise sur une feuille de nénuphar, la gente Rainette, collée contre une feuille d’aune, passent inaperçues. Elles sont aussi vertes que les feuilles qui les portent: elles se tiennent immobiles et ne trahissent pas par un mouvement perceptible la présence de quelque chose de vivant, ce qui pourrait attirer l’attention de quelque passant malintentionné. Homochromie défensive et offen- sive à la fois. Les ennemis ne remarquent ni la Rainette, ni la Grenouille verte, et celles-ci, dans leur travestissement, peu- vent se rapprocher facilement, sournoisement de leurs proies. Nulle trace de protection par homochromie chez la Sala- mandre ; elle n’a même pas la possibilité d’une fuite prompte. Peut-on imaginer un animal plus voyant, un être plus lent? Et pourtant la Salamandre, qui avance toujours sans se détourner de sa route, — non qu’elle brave le danger, ainsi qu'on l’a prétendu, mais simplement parce qu'elle ne l’aperçoit pas, — est bien protégée. Sa peau renferme des laboratoires microscopiques, mais innombrables, distillant un venin subtil par une chimie que nous ne dévoilerons peut-être jamais. C’est une liqueur blanchâtre, caustique, très âcre, très véné- neuse pour les petits Vertébrés. Lorsque l’animal est inquiété, ce poison suinte à travers les nombreux pores qui débou- chent par les mamelons et les proéminences de la peau, et perle à la surface du corps ou même est lancé à une certaine distance, en un mince jet. Liquide protecteur remarquable, dont le goût âcre et l’odeur parfois musquée, répugnent aux agresseurs, leur brülent les lèvres, leur enflamment la gorge et les entrailles. Mais est-il réellement efficace, ce venin qui ne se manifeste aux sens de l’ennemi qu'après que la Salamandre a été mal- menée, ou mordue cruellement, ou peut-être même tuée? D'abord, l’animal qui a mordu une Salamandre se souvien- dra pendant longtemps encore des inconvénients et «ne s’y frottera plus » une seconde fois. Mais il y a plus. De loin déjà, — 37 — la Salamandre prévient les passants de ce qu’elle n’est pas mangeable, de ce que, au contraire, elle est dangereuse, et celà, elle le fait précisément à l’aide de sa robe éclatante, L'adaptation protectrice ici — et elle doit être efficace, puisque la Salamandre, nous l'avons dit, n’a qu’un seul ennemi, et encore celui-ci ne s’y attaque-t-il que poussé par la faim — consiste à prévenir les malintentionnés du danger qui les menace, de les mettre en fuite, et de sauver ainsi l'animal si curieusement protégé. Le même genre de protection se manifeste, comme on sait, chez d’autres animaux encore, notamment chez un grand nombre d’Insectes. Le Sonneur en feu est un crapaud commun en Ardenne ; surpris, il se couche sur le dos dans une immobilité absolue et présente la face ventrale de son corps, qui est. d’un rouge éclatant taché de bleu ; limmobilité et la couleur de ce corps déroutent l’agresseur ; les couleurs voyantes, qu'il ne connaît pas aux proies dont il se nourrit et qui ne lui présentent nor- malement que la face dorsale, le troublent, lui font peut-être même peur ; il se méfie et passe outre. #* « L'imagination fantasque de l’homme s’est réellement sur- passée à propos de la Salamandre à qui il a attribué la plus merveilleuse de toutes les propriétés : désirant que l’origine de la Salamandre füt aussi surprenante que sa puissance, et voulant réaliser les fictions ingénieuses des poètes, les anciens ont écrit qu'elle devait son existence au plus pur des élé- ments, qui ne pouvait la consumer, et ils l’ont dite fille du feu. Les modernes ont adopté les fables ridicules des anciens et, comme on ne peut jamais s'arrêter quand on a dépassé les bornes de la vraisemblance, on est allé jusqu'à penser que le feu le plus violent pouvait être éteint par la Sala- mandre. Mais en même temps on l’a rabaissée autant qu’on l'avait élevée par ce privilège unique. On en a fait le plus funeste Mes ee des animaux. Les anciens, et même PLINE, l’ont vouée à une sorte d’anathème en la considérant comme celui dont le poison était le plus dangereux. Ils ont écrit qu’en grimpant dans un arbre, elle en empoisonnait tous les fruits et, qu’infec- tant de son venin presque tous les végétaux d’une vaste con- trée, elle pourrait donner la mort à des populations entières. Les modernes aussi ont cru pendant longtemps au poison de la Salamandre. On a dit que sa morsure était mortelle comme celle de la Vipère : on a cherché à prescrire des remèdes contre son venin ». (LACÉPÈDE, Histoire naturelle des Quadru- pèdes ovipares, 1788.) Il a fallu en arriver jusqu'au siècle de BAcON pour avoir recours aux observations précises par lesquelles on aurait dû simplement commencer. GESNER, le Pline de l'Europe cen- trale (1516-1565) a recours à l’expérimentation et prouve que la Salamandre ne mord pas, de quelque manière qu’on cherche à l'irriter. WuRFBAINIUS boit de l’eau des fontaines où vivent les Salamandres. De MAUPERTHUIS, en 1727, montre que l’ac- tion des flammes sur la Salamandre est la même que sur les autres animaux, que le liquide laiteux qu’elle sécrète ne pourra jamais éteindre le moindre feu, et que des chiens et des coqs, à qui on a fait avaler des Salamandres, n’éprouvent aucun malaise. Les expériences précédentes démontrent que le venin de la Salamandre est inoffensif pour l’homme et les grands Ver- tébrés. LAURENTI, en 1768, fait avaler ce liquide à des Lé- zards et à des Grenouilles : ces animaux sont morts très promptement. Cela est-il en désaccord avec les faits qui vien- nent d’être établis? Aueunement. Les expériences de Lau- RENTI montrent que le lait de la Salamandre est mortel pour les Vertébrés de petite taille. Le venin de la Salamandre maculée a été un des premiers connus, grâce surtout aux recherches de ZALESKI sur sa compo- sition, et de VuLprax et de PHisALIX sur son mode d’action. Le principe actif extrait des grosses glandes parotoïdes et latérales de la Salamandre est la salamandrine, remarquable par ses propriétés convulsives agissant sur les centres nerveux. — 89 — Pour le Chien, la dose mortelle de salamandrine pure n’est - que d'environ 2 milligrammes par kilogramme. La Salamandre n’est d’ailleurs pas réfractaire à l’action de son propre venin, pourvu que la dose en soit assez forte. Les petits oiseaux pépient lamentablement, le corps secoué dans d’atroces convulsions et la mort survient en quelques minutes. Les Poissons et les Tritons dont l’aquarium a été souillé par le venin de cet animal expirent au bout de peu de temps. Mais ce qui n’est point vrai, c’est que ce venin soit dangereux à l’homme, car la Salamandre ne possède pas d’organe d’ino- culation. Recevoir un jet de ce liquide dans l’œil peut cepen- dant être suivi d’une inflammation assez inquiétante, mais cela ne peut arriver que dans des circonstances exceptionnelles. On peut saisir une Salamandre, la retourner à son aise, sans qu’elle songe à avoir recours à son venin protecteur, à moins qu’on ne la maltraite. Mais l’homme est ainsi fait qu'il se plaît à attribuer des qualités merveilleuses à des êtres qu'il ne se donne même pas la peine d'observer de près. Son imagination, dit LACÉPÈDE, a besoin d’être de temps en temps secouée par des merveilles. J'ai devant moi deux livres qui traitent de la Salamandre. L'un dit que le venin a un goût sucré, fade; l’autre, qu’il est âcre et caustique. Pour me rendre compte de ce qui est vrai, J'électrise une Salamandre. Elle creuse le dos, courbe la tête en arrière, comme pour se défaire d’une douleur insup- portable, et dresse la queue verticalement. Partout perlent des gouttes de lait. J’ai vu des jets très fins de venin jaillir à une quinzaine de centimètres de haut. Avant léché une goutte, je ressentis instantanément un goût âcre, caustique, qui persista pendant plus d’un quart d'heure. * * * La résistance au feu n’est pas la fable la plus absurde qu'on ait imaginé au sujet de notre Rogne, comme l’appellent les Re Wallons (1). On a cru pendant longtemps qu’elle n’avait point de sexe et que chaque individu était en état d’engendrer seul . son semblable. Ces suppositions hétéroclites résultent des voiles qui ont longtemps plané sur la reproduction et le déve- loppement de cet animal. Sans être aussi merveilleuse qu’on l’a écrit, la manière dont la Salamandre vient au monde n’en est pas moins remar- quable. Il à fallu beaucoup de sagacité, beaucoup de patience aussi, avant de la comprendre. Et aujourd’hui encore, cer- tains détails demeurent inconnus. Au printemps, les Salamandres s’échappent de leurs ca- chettes. Ce sont presque toutes des femelles ; ce sont même des mères qui vont déposer les jeunes dans une mare voisine. A cette époque, les Salamandres sont un peu plus vives qu'en temps ordinaire et possèdent même, semble-t-il, une petite voix métallique qui rappelle celle de lAlyte. La ren- contre des mâles et des femelles a lieu sur terre ou au bord de l’eau. Dans le premier cas, le mâle se glisse sous sa com- pagne et nous observons un accouplement de courte durée, de quelques heures au plus. Dans l’eau, où la reproduction s’observe rarement, il n’y a qu’un simple rapprochement des deux sexes. Les éléments sexuels du mâle sont reçus dans la poche sémi- nale de la femelle. Là ils peuvent être conservés durant des mois, durant un an même, sans perdre leur activité, sans voir s’affaiblir leur énergie jusqu’au moment de la vraie féconda- tion. Comme l’accouplement précède de longtemps la fécon- dation proprement dite, la naissance des jeunes ne s’effectue que de longs mois après cette fécondation, car les œufs de la femelle se développent très lentement dans les oviductes. En avril, la mère se met à pondre. Elle prend une position telle que la partie postérieure de son corps soit immergée, le reste se trouvant à l’air. Le corps secoué de tremblements, elle expulse les jeunes, un à un. Puis épuisée, exténuée, elle re- (1) En France, on appelle surtout la Salamandre « Le Sourd ». == AT — gagne le rivage et s’y repose pendant une douzaine d'heures, un jour entier, ou plus encore. Elle recommence ensuite jus- qu'à ce que tous les jeunes, généralement une quarantaine, aient été déposés à l’eau. L'œuf qui vient d’être pondu est si transparent qu'on y distingue le jeune complètement développé, la queue con- tournée autour de la tête. Au contact de l’eau, la membrane de l'œuf se ramoliit ; le jeune se secoue et agite la queue qui va lui servir de rame. L’enveloppe de l'œuf se déchire. La larve tombe au fond de l’eau, puis s’élance et sillonne l’eau de ses reflets mordorés. La Salamandre est donc ovipare, mais les jeunes sortent très promptement de l'œuf et, à leur naissance, ils sont déjà pourvus de branchies et de membres. Leurs métamorphoses sont souvent plus abrégées encore : l’éclosion se produit dans le corps même de la mère, avant la ponte, ce qui à fait croire à un réel viviparisme. En réalité, il ne s’agit là que d’ovovivi- parisme. La prévoyance maternelle des Salamandres est merveil- leuse. Pour achever leur complète évolution, les jeunes doivent séjourner en moyenne trois à quatre mois dans l’eau. La mère met tout en œuvre pour installer sa progéniture dans une mare bien fraîche et riche en sources. Elle entreprend, par- fois, de longues et pénibles pérégrinations, à la recherche de Peau. C’est aux endroits balayés par le courant qu’elle confie de préférence, semble-t-il, son précieux fardeau. Elle est par- fois si exténuée qu'elle se noie pendant qu'elle donne la vie à ses jeunes. Lorsque ses investigations sont infructueuses, la Salamandre dépose ses jeunes dans la mousse humide. En naissant, les larves ne mesurent que 25 à 30 millimètres. Leur dos gris brun, un peu verdâtre, est tout parsemé de pail- lettes d’or qui, plus tard, constelleront aussi les flancs et le 2 1) — ventre. La tête est aplatie, le museau arrondi, la queue aplatie en godille. Son bord supérieur s’étend jusqu’au milieu du dos et sa transparence est telle que nous y distinguons les moin- dres vaisseaux sanguins. Ces larves sont très vives et se nourrissent spécialement de petits Crustacés aquatiques. Rien ne fait encore prévoir la vie indolente, apathique presque, qu’elles mèneront sitôt sorties de leur état larvaire. La coloration du corps se rem- brunit, les taches jaunes apparaissent lentement, et la larve, toujours pourvue de ses branchies, essaie d’escalader la berge de la mare et vient très souvent respirer à la surface de l’eau, comme les Tritons. C’est que son appareil respiratoire s’est également peu à peu transformé : les branchies se flé- trissent généralement en août ou en septembre. La queue se raccourcit et s’arrondit graduellement, et la jeune Salamandre, parée depuis quelque temps déjà de la livrée caractéristique de son espèce, devient terrestre. Elle mesure alors 4 à 5 cen- timètres. Ces jeunes Salamandres se rencontrent rarement, ce qui nous permet de supposer qu’elles passent les premières années de leur existence dans les recoins les plus cachés des bois. Les adultes mesurant 20 centimètres environ sont âgés au moins de quatre ans. Dans la nature, les jeunes nés au printemps deviennent pro- bablement adultes la même année ; ceux pondus en automne passent l’hiver, croit-on, à l’état de larves. C’est ce qui s’ob- serve d’ailleurs régulièrement en captivité, lorsque la nourri- ture est très peu abondante. On a même prolongé la durée de la phase larvaire, en empêchant les jeunes de sortir de l’eau. Ils vécurent ainsi une trentaine de mois et atteignirent 75 millimètres. Mais, en général, le développement des Sala- mandres nées en captivité est plus rapide que dans la nature, sans doute à cause de la température plus élevée dans laquelle on les élève. Elles peuvent ainsi déjà quitter l’eau au bout de trois semaines. — 43 — Dans les Alpes, la Salamandre tachetée est remplacée par une autre espèce, la Salamandre noire ($. atra Laur.). dont les mœurs sont identiques sauf en ce qui concerne le déve- loppement. Habitant à une altitude (800 à 3000 mètres) où les con- ditions nécessaires pour la vie aquatique manquent souvent, la période de vie larvaire n'existe pas chez cet animal qui met au monde des jeunes à l’état parfait. « Pour atteindre ce but, dit BOULENGER, la plupart des œufs sont sacrifiés et deux embryons seulement, un par utérus, sont destinés à atteindre la maturité; les jeunes, naissant semblables à leurs parents, mesurent jusqu'à 5 centimètres. Les œufs, nombreux comme chez la Salamandre tachetée, avortent à l'exception d’un seul pour chaque côté, et leurs vitellus forment une sorte de bouil- lie, de pâtée. qui sert à nourrir l’élu. » La Salamandre tachetée passe l'hiver dans une cachette assez sèche, à l’abri de la gelée. Au pied des arbres, dans la mousse, on les trouve parfois réunies par centaines. Le soleil d'avril les éveille facilement de leur torpeur. Les jeunes quit- tent aussitôt leur quartier d'hiver; les adultes ne sortent de leur asile qu’une semaine après. Ce Batracien si résistant au froid et au jeûne, cet animal dont la peau distille un poison âcre et violent est — fait curieux — très sensible à la sécheresse, au venin du Crapaud, au sel de cuisine, au jus de tabac, qui le tuent très prompte- ment. Au contact du sel, l’animal, fou de douleur, parcourt le terrarium, roule de grands veux noirs qui expriment alors des souffrances atroces, se jette sur le dos, sur les flancs, se relève et s’élance dans l’eau qui adoucit un peu son martyre, mais meurt généralement peu de temps après. AA Re En captivité, la Salamandre peut vivre durant de longues années: on en a gardé pendant dix-huit ans. Elle peut devenir si docile qu'elle sort immédiatement de sa cachette lorsqu'on frappe contre la paroi de son terrarium, le soir, et vient pren- dre dans la main le Ver de terre qu’on lui offre. Le terrarium doit être peu exposé au soleil ; il faut qu'il y règne une atmosphère assez humide. Il est indispensable d'aménager à cet animal un bassin rempli d’eau, où il puisse se baigner, des cachettes sous les pierres, sous les écorces ou dans la terre. On le nourrit de vers de terre, de limaces ou d’in- sectes. Il peut jeüner durant des mois. Il vit en très bonne intelligence avec ses semblables, les Grenouilles, les Orvets, les Lézards, pourvu qu'ils ne soient pas minuscules. es. "& 02 æ LES TRITONS Genre MOLGE Merrem | Les Tritons ! Joie des enfants ! Joie des grands aussi ! Quelles parties de plaisir, quelles excursions minutieusement orga- nisées ne nous rappellent-ils pas ! Expéditions où, par un beau jeudi après-midi, on s’en allait explorer les mares des alen- tours, sac au dos et munis d’engins de toute espèce. Pêches miraculeuses, où le filet jetait pêle-mêle sur la berge, englués dans une vase noire et tiède, d'énormes Anodontes, de robustes Dytiques et des Tritons au ventre de feu. Où l’on échangeait deux Grenouilles contre une Epinoche, dix larves de Libellules contre un Triton ponctué, et où un Triton crêté valait cinq Tritons palmés? Décrirai-je un Triton? Mais tous les enfants vous dessine- ront son corps allongé, élégant, sa petite tête de grenouille LÉ... =, — 45 — aux petits veux dorés et tout ronds, sa grande queue aplatie comme un fer de lance, et surtout la superbe crête qui, au printemps, se dresse sur l’échine du mâle de quelques espèces. La forme générale et les couleurs suffisent réellement pour distinguer les Tritons de tous nos autres Amphibies. Rien qui rappelle la forme trapue, déprimée, des Grenouilles et des Crapauds. Point de queue cylindrique, point de peau noire vernissée, tachée de jaune, comme chez la Salamandre. Ajoutons à ces caractères que la langue discoïde ou ovale est libre sur les côtés et à peu près adhérente en arrière, et que les dents du palais sont disposées en deux séries longitu- dinales, parallèles et un peu convergentes en avant en forme de V renversé. Les Tritons constituent un des genres les plus riches en espèces ; on en distingue aujourd’hui vingt-deux, dont douze d'Europe ; les autres habitent l'Algérie, le sud-ouest de l'Asie, la Chine, le Japon et l'Amérique du Nord. Les Tritons par excellence, c’est-à-dire ceux à crête dorsale, sont tous propres à l’Europe et aux parties voisines de l'Asie. Les Tritons sont aquatiques, au moins pendant l’époque de la reproduction, toujours très prolongée. ; C’est dans l’eau qu'ils naissent, chassent, aiment et se repro- duisent. Au printemps, nous les découvrons dans la plupart des fossés et des mares, parmi les algues et les jones de la berge, dans les fossés de draînage, dans l’amoncellement des feuilles mortes. Là où la végétation est dense, on peut en pêcher parfois une cinquantaine en une heure de temps. Les végétaux leur offrent des asiles agréables et sûrs, et abritent de même tout un fouillis d'organismes qui leur servent de nourriture. Sur terre ils sont lents, maladroits, leurs mouvements sont gauches. Ils ne se montrent guère que le soir et la nuit. Mis Le) en fuite, ils plient leur corps à droite et à gauche, le voûtent RAGE à chaque pas, s’arc-boutent sur leur queue trop faible pour les pousser en avant sur le sol. L'eau est leur élément naturel; ils s’y meuvent avec élé- gance, avec vivacité même, frappant le liquide de leur belle et large queue dont ils se servent comme d’une godille. En voici un qui rampe lentement au fond de l’aquarium, la queue bien droite ; il s’arrête net, courbe la nuque et rapproche le museau de la poitrine : il a vu un petit ver rouge, la larve d’un Diptère, et le happe d’un geste brusque et sec. Un mouvement de la queue lance le Triton à quelques centimètres de là. Il secoue son corps, la queue frappe l’eau comme un fouet et, les membres dirigés en arrière et appliqués contre les flanes, il monte comme une flèche en faisant briller son ventre de feu, et vient respirer à la surface. De temps en temps il s’élance dans les directions les plus inattendues, glisse un instant pour repartir ensuite dans un autre sens. En gonflant légèrement ses poumons, il peut se maintenir immobile à la surface; en les vidant partiellement, il rend leur densité supérieure à celle du liquide et on le voit alors marcher, comme à tâtons. Pendant les chaleurs torrides de l’été, qui dessèchent souvent complètement nos mares et nos fossés, les Tritons viennent se réfugier sous les pierres, dans l’entrelacement des racines ou dans les creux de la berge pour y mener une vie terrestre comme les Salamandres. C’est là que certains d’entre eux éta- bliront en commun, plus tard, leur quartier d'hiver, tandis que d’autres, ayant élu domicile dans une mare alimentée par de nombreuses sources, ne quitteront pas leur domaine, même durant la saison froide. Il n’est pas rare de rencontrer, en été ou en automne, cachés sous une grande pierre, le corps enroulé sur lui-même, deux ou trois Tritons ponctués. En Ardenne, on découvre parfois ces animaux dans des stations éloignées de toute mare. Ils résistent non seulement à la sécheresse, mais encore au froid ; on les trouve parfois, au cœur de l’hiver, absolument inertes, le corps gelé, les membres durcis par le froid ; ils peuvent très facilement passer la mauvaise saison de Pannée au sein même de l’eau, à condition qu’elle ne gèle pas complètement. Au retour du printemps, ils se dégourdissent lentement ; leurs membres raidis par le froid redeviennent souples ; ils revivent avec toute la nature. Il arrive même qu’on les trouve en pleine activité au cœur de l'hiver. Au mois de février déjà, les Tritons se mettent à nager joyeusement et commencent les gais ébats qui forment, chez eux, le prélude des amours. Les sexes se distinguent facilement par la conformation du eloaque : chez le mâle, il est renflé en une masse arrondie, fendue suivant la longueur ; il proémine sous forme de cône chez la femelle. Les mâles sont très coquets et se parent d’une robe de noce où flamboient les couleurs les plus vives, où étincellent des paillettes mordorées et des galons nacrés. Muets dans les circonstances normales, ces animaux font entendre une petite voix claire, métallique, lorsqu'on les saisit brusquement, à l’époque de la reproduction. Chez les Tritons proprement dits, il n’y a point de véritable accouplement. Rien qu’un simple rapprochement des sexes. Le mâle se borne à évoluer, à parader autour de la femelle, devant laquelle il dépose un spermatophore en forme de cône, de cloche, d’entonnoir renversé, dont le contenu est recueilli par les lèvres cloacales de la femelle, et la fécondation s’accom- plit. Chez le Triton de Wall, de la Péninsule Ibérique, le plus grand de toutes les espèces européennes, — il atteint 30 centi- mètres — l’accouplement se fait comme chez les Salamandres et peut durer plusieurs jours. Chez le Triton des Pyrénées, le mâle saisit la femelle par les membres postérieurs et l’enlace dans la région anale; le spermatophore est déposé entre les membres du couple enlacé. Dès la fin du XVIII siècle, on savait, grâce aux recherches de SPALLANZANI, que la fécondation est interne chez les Tri- tons, alors qu'elle est externe chez les Anoures. Mais un voile épais a plané pendant longtemps sur la façon dont les sperma- tozoïdes gagnent l’utérus. Les uns considéraient l’eau comme So es le véhicule des éléments sexuels. Les autres croyaient à un accouplement réel. Ces dernières conjectures semblèrent con- firmées à un moment par la découverte de SIEBOLD d’un réceptacle séminal chez la femelle, poche située près du cloaque, dans laquelle les spermatozoïdes peuvent s’aceumuler et rester en vie pendant tout un temps, prêts à féconder les œufs à mesure qu'ils descendent dans les oviductes. Comme le fait ressortir BOULENGER, nous sommes en pré- sence d’un fait extraordinaire. Les Tritons sont communs partout, au printemps, et s’observent facilement en captivité. Malgré cela, la découverte du spermatophore, par C. RoBIn, ne remonte qu'à une quarantaine d'années. Et il n’y a que trente-cinq ans environ que nous sommes renseignés sur le mode exact de la fécondation du Triton et de FAxolotl, grâce aux publications de F. Gasco. Ces observations ont été étendues à d’autres Urodèles. Elles ont confirmé la prévision du savant italien, tout au moins en Ce qui concerne les espèces européennes. La fécondation, tout en étant toujours interne, n’est pas accompagnée d’une vraie copulation. Avant GAsco, on obser- vait les Tritons dans des aquariums à fond sombre d’argile ou de gravier. Vus ainsi de dos ou de profil, leurs organes génitaux, comme l’a fait observer LATASTE, ne tombaiïient sous l'œil de l’observateur que par accident, et le sort du sperma- tophore demeurait ignoré. Gasco a eu l’ingénieuse idée de suspendre,/au plafond, des vases à fond transparent ; il a été amené ainsi à fournir les premiers renseignements exacts, les premières observations détaillées sur ce sujet. A l’époque de la reproduction, les mâles montrent une vivacité, un entrain, une élégance de poses qu’on n’eût pas soupçonnés tout d’abord, et cherchent à plaire aux femelles. Une compagne trouvée, le mâle s’en approche au point de la toucher du museau, joue, court avec elle, tantôt la poursuit, tantôt la précède, et lui ferme ensuite le passage. Le couple s'arrête. Le mâle redresse sa crête, courbe son corps et se bat les flancs, à coups rapides et légers, de sa queue si souple et si brillamment colorée. Tantôt à droite, tantôt à 10 — gauche, il se flagelle et souvent même on voit trembler, à une petite distance du corps, la fine extrémité de sa queue repliée. Ces jeux amoureux sont répétés un grand nombre de fois, pendant des heures, des jours. Si la femelle fait quelque mouvement pour s'enfuir, le mâle s’élance aussitôt au-devant d'elle et lui barre le chemin. Soudain, il se soulève sur ses membres postérieurs, laisse immobile sa queue toujours repliée sur le côté et dépose enfin, à quelques centimètres du museau de la femelle, un ou plu- sieurs spermatophores blancs, semblables à de petits rubans longs de 4 à 5 millimètres et larges de 1 à 114 millimètre. C’est alors qu’on peut observer un fait important. La femelle s’avance et touche le mâle qui chemine à petits pas, et lon voit le premier spermatophore, puis le second, à peine tou- chés, adhérer aux lèvres de son cloaque et s’y insinuer. Les œufs sont pondus un à un. A l’aide de ses pattes posté- rieures, la femelle les fixe, isolément ou en petits groupes, sur les plantes aquatiques, à la source même de loxygène indispensable à leur développement ; les œufs y adhè- rent par le mucilage très gluant dont ils sont entourés. Parfois elle les colle simplement aux pierres du fond ou aux écorces qui flottent à la surface de l’eau ; souvent la mère, voulant protéger son trésor, plie la feuille au- tour de l’œuf qu’elle lui a confié (fig. 4). La ponte des Tritons s’échelonne sur une période assez étendue, un petit nombre d’œufs étant pondus tous les jours. FiG. 4.— Triton femelle : Te À L'œuf qui vient d’être pondu a at de pondre. la forme d’une petite perle ovale, à vitellus arrondi, La capsule gélatineuse qui l'entoure ne gonfle” que lentement, contrairement à ce qui se produit chez les Grenouilles. IV HN EQ — Trois jours se sont écoulés depuis la ponte; la forme de l'œuf s’est un peu modifiée; on voit à la loupe le petit em- bryon. Deux jours plus tard, il se recourbe sur lui-même et montre nettement une tête, un tronc et une queue. D’imper- ceptibles proéminences se dessinent à l'avant : les premières ébauches des branchies et des pattes. En l’espace de vingt-quatre heures, l'embryon change trois, quatre fois de position. Le lendemain, les branchies externes se couvrent comme de petites feuilles et deviennent des houppes plumeuses ; le corps est si transparent que l’on y voit le sang circuler dans tous les organes. Voici le douzième jour : les branchies deviennent de plus en plus feuillues ; l'embryon a hâte de sortir de son enveloppe. Les parois de l'œuf se distendent sous ses mouvements rapides et étendus. Demain elles se déchireront et la larve ira se fixer à une feuille submergée, à l’aide des petits fils qu’elle porte sur les côtés de la tête. Elle y demeurera immobile pendant des heures. Au moindre heurt, elle vibre et bat l’eau de sa queue. Parfois elle s’élance à la nage et se fixe de nouveau à quelque feuille où elle demeurerx immobile des jours entiers peut-être ; parfois aussi elle tombe, comme foudroyée, au fond de l’eau. Le développement se poursuit, les cellules créent les cel- lules, les organes s’ébauchent et évoluent; les veux sont encore à peine ouverts, la bouche, à peine fendue. Les pattes antérieures font leur apparition sous la forme de moignons, tandis que chez les Grenouilles et les Crapauds ce sont les membres postérieurs qui apparaissent en premier lieu. Les viscères se développent, l’estomac se forme et l’appétit s’éveille ; l'animal va à la chasse ; son gibier est encore minus- cule, presque microscopique : il se compose de petits Crustacés qui sont attrapés avec dextérité, mais lorsque la faim le te- naille, le jeune Triton ose s'attaquer à ses propres frères, leur dévore les branchies ou leur ronge la queue. Peu à peu les pattes antérieures grandissent. Lorsque la — 5l — taille de l'animal atteint 2 centimètres, les membres postérieurs font, à leur tour, leur apparition. Trois mois après l'éclosion, le développement de la larve s'achève ; elle mesure alors 5 à 8 centimètres et est apte à se reproduire. Les larves nées au printemps se transforment dans le cou- rant de l'été. Mais il y a souvent des retardataires ; surpris par les premiers froids, ils sont obligés de remettre leur dernière métamorphose au printemps suivant. Lorsque les conditions de la vie sont défavorables par suite de l’exiguité du séjour, les Tritons peuvent se reproduire avant de devenir adultes. Ils se multiplient alors à l’état de larves pourvues de branchies. Ce phénomène curieux, la néoténie, s’observe surtout chez le Triton ponctué et l’Alpestre. Depuis leur plus tendre jeunesse, les Tritons se nourrissent uniquement de matières animales. Tout jeunes, 1ls chassent des Crustacés minuscules et leurs larves, ainsi que des Vers. Plus tard, ils réclament une nourriture plus substantielle, poursuivent les Insectes nageant à la surface ou au sein de l’eau, les Mollusques, les Vers de terre, dévorent les œufs et les têtards des Grenouilles et n'hésitent point à happer les larves de leur propre espèce. Très voraces, les grandes espèces, telles le Triton crêté, déciment les petites, et les individus robustes massacrent les malingres et les faibles. Absolument inoffensifs, les Tritons se rendent utiles par la destruction des larves de Cousins, lesquelles fourmillent dans nos mares. La mue se produit tous les trois ou huit jours, au printemps. Quelques jours avant de faire peau neuve, la vivacité de leurs mouvements fait place à une allure lente qu'on dirait préoccupée et soucieuse: la peau s’assombrit: les couleurs perdent leur éclat, l'épiderme se détache lentement ; il doit en résulter une sensation désagréable aux Tritons, d’où leur abattement, leur apathie. Lorsqu'ils sentent le moment venu de la mue, ils essaient, à l’aide de leurs pattes de devant, de déchirer au menton la peau qui se flétrit et les incom- A — mode ; le corps se secoue, serpente, frétille et, à l’aide de l’in- tervention des membres antérieurs, la peau s’enlève lente- ment, se ride et se retrousse finalement jusqu’au-delà de la base de la queue. Cette mue est généralement terminée en une heure, parfois elle dure plusieurs heures, ce qui fatigue beaucoup lanimal. La vieille peau est abandonnée et, si la mue s’est passée sans accroc, elle n’est nulle part lacérée. Les Tritons l’avalent parfois. Tous les enfants ont élevé des Tritons dans un aquarium quelconque (1), où ces bêtes amusent fort, d'autant plus qu’ils ne sont aucunement dificiles et qu’on peut, en appartement, leur faire passer facilement l'hiver. Très voraces, ils deviennent fort dociles si on les nourrit avec régularité. Il suffit, alors, de s’approcher de leur aquarium; assis au fond de l’eau, ils tournent la tête, lèvent le museau et attendent leur part. Au début de la captivité, ils sont craintifs. Le moindre geste les effarouche et les met en fuite ; ils passent la journée, cachés parmi les plantes aquatiques ou les pierres du fond. De temps à autre, ils se hasardent hors de leur abri, montent en fré- tillant à la surface pour renouveler leur provision d’air frais et rejeter l’air souillé, et se réfugient aussitôt dans leurs cachettes. Mais bientôt la faim les tenaille. L’apaise-t-on au moyen de Vers de terre, de têtards de Grenouilles, de petits Poissons ou de petites lanières de viande, ils abandonnent lentement leur crainte, deviennent si confiants et même si audacieux, que pendant la journée entière l’aquarium s’anime de leurs joyeux ébats. Rampant d’abord lentement au fond de l’eau, ils s’élan- cent soudain verticalement et regagnent la surface, puis replongent parmi les Myriophyllums et les Fontinalis et regardent autour d’eux pour voir si rien de mangeable ne passe à proximité. (1) Il faut avoir soin de fermer l’aquarium d’un grillage métallique, sinon ces animaux s’échappent en grimpant contre les parois de leur prison. Ces animaux sont habitués à vivre sur le fond sombre des fossés et des mares. Dans nos aquariums souvent trop clairs, où la végétation ne tamise pas toujours suflisamment la lumière, leurs petits yeux encerclés d’or voient très mal. Tels des personnes myopes, ils sont gauches et maladroits. Il est fort amusant de les nourrir de vers de terre. Dès qu'ils les ont aperçus, ils s’approchent et baissent la tête pour contempler de près cette proie succulente. Puis, tout d’un coup, ils happent l'extrémité du lombric, s’enfuient en se- couant la tête à droite et à gauche, avalant de plus en plus le ver qui s’enroule autour du Triton comme un serpent. D'autres Tritons accourent, l’autre les a vus et fuit, éperdu, en tournant autour de son axe et en soulevant des nuages de vase. Deux, trois Tritons voudraient bien s’inviter à cette table si bien servie. Ils sont tellement affamés, ils sont si pré- occupés, qu'ils confondent ver de terre et pattes des convives, et ce sont alors des tiraillements et des bousculades à n’en pas finir. En voilà deux en train de se chamailler pour un gros Lom- bric; pendant qu'ils s’'empoignent, un troisième larron sur- vient et détale avec l’objet du litige. Indifférents les uns pour les autres dans les circonstances habituelles, les Tritons deviennent absolument insociables en présence d’une proie. Ils se bousculent, se battent de la façon la plus acharnée, se mordent le museau, les pattes, la queue. Voici deux voisins qui ont entamé le même ver; l’un a saisi le bout antérieur du ver, l’autre, l'extrémité postérieure; et tandis que le Lombric se sent sollicité de deux côtés à la fois vers l'estomac des deux Tritons, ceux-ci se rapprochent peu à peu l’un de l'autre. Les voilà nez à nez. Si myopes qu'ils soient, ils constatent leur méprise, mais ne s’en soucient guère. Ni l’un ni l’autre ne veut la reconnaître. Ils s’are-boutent dans la vase et tirent en sens opposé. Le ver ne se déchire généra- lement pas, mais le convive le plus fort est assez indélicat pour arracher de la bouche et de l’estomac de l'autre la moitié du ver déjà dégluti. te Le pouvoir de régénération est très grand chez les Tritons. Si, dans un aceident, nous perdons un bras, une jambe; si une explosion nous fait perdre un œil, ce sont là des accidents déplorabies. des malheurs affreux. Dans les luttes engagées entre Tritons, des doigts, des pattes entières se perdent, des mâchoires sont lacérées. Point d’alarmes pour si peu de chose, les organes perdus se reconstituent rapidement et complète- ment. Et ce ne sont pas des moignons qui repoussent, mais des organes bien complets, aussi développés que ceux qu'ils reconstituent. et offrant tous les os, toutes les articulations. Un membre reconstitué peut se perdre une nouvelle fois! Le malheur n’est pas irréparable, le membre repoussera encore. SPALLANZANI, qui fit un grand nombre d’expériences sur la régénération des Tritons, leur fit produire, en trois mois, six cent nonante nouveaux os ! BLUMENBACH a observé que, dix mois après l’extirpation des quatre cinquièmes de l'œil d’un Triton, un nouvel œil s'était reconstitué. eo Synopsis des espèces indigènes du genre Triton, à l’état parfait (1). 1. Dessous orange sans taches, parfois avec des petites taches noires. 2 Dessous maculé de grandes taches. 3 2, Dessus de la tête avec trois sillons longitudinaux depuis l’extrémité du museau jusqu'au niveau des yeux. Gorge couleur de chair sans aucune tache. Dessus jaune brun. Le Œ' (2), à l’époque de la re- production, a les orteils complètement palmés, la queue tronquée, terminée par un fil, et la crête non interrompue. Molge palmata (p.62). (1) Dans l’emploi de semblables tableaux, on se trouve, dès le début, en présence de deux alternatives, dont l’une s’applique à l'animal consi- déré ; la phrase choisie renvoie par un chiffre à un nouveau système de deux phrases, et ainsi de suite jusqu’au nom du groupe, du genre ou de l'espèce auxquels appartient l’animal considéré. (2) Le signe © désigne le mâle ; le signe Q; la femelle, Dessus de la tête non ainsi. Gorge orange. tachetée. Dessus foncé, très variable de coloration. Au printemps, le mâle porte une crête basse, non découpée, ornée de taches verticales noires ; orteils sans pal- mure. Queue non prolongée en un fil. Molge alpestris (p. 58). 3. Peau rugueuse, granuleuse, marbrée de noir. Gorge tachetée. Dessus foncé avec marbrures noires, ou tout à fait noirâtre. Pas de sillons longitudinaux entre le museau et les yeux. Au printemps, le C' porte une crête élevée, festonnée, interrompue à la base de la queue, et une bande longitudinale nacrée sur les flancs de la queue. Pas de palmure. Molge cristata (p. 56). Peau lisse, maculée de petites taches rondes, Gorge tachetée, Dessus blond avec des taches noires arrondies. Trois sillons longitudinaux s'étendent, sur le dessus de la tête, depuis l'extrémité du museau jusqu’au niveau des yeux. Au printemps, le G' porte une crête ondu- lée s'étendant sans interruption du museau au bout de la queue et une palmure incomplète aux orteils. Molge vulgaris (p.60). et Synopsis des espèces indigènes du genre Triton, à l’état larvaire (1). 1. Queue très pointue, prolongée en filament et portant de grandes taches noires. Doigts et orteils très effilés. Molge cristata (p. 56). Queue plus ou moins pointue, mais non prolongée en filament. 2 2. Diamètre de l'œil égal à ou un peu plus court que la distance entre les narines ou entre la narine et l'œil. Molge alpestris (p. 58). Diamètre de l’œil plus grand que la distance entre les narines. 3 3. Diamètre de l’œil à peu près aussi grand que la distance entre la narine et l'œil. Molge vulgaris (p. 60). Diamètre de l'œil plus grand que la distance entre la narine et l'œil. Molge palmata (p. 62). (1) N. B. Ce tableau s'applique aux larves dont les quatre membres sont bien développés, et avant les derniers changements qui se tra- duisent par le développement des paupières mobiles, la réduction des crêtes caudales, et l'apparition du système de coloration de l'animal à l'état parfait, La détermination nécessite l'emploi d’une forte loupe, grossissant quinze à vingt fois. Et Le Triton crète (Molge cristata Laur.) GE le plus grand de nos Tritons ; il mesure 13 à 17 centi- mètres. Il se distingue encore par sa peau granuleuse, son museau arrondi, très convexe et sans sillons longitudinaux, les orteils libres, la queue terminée en pointe aiguë. Ajoutons à cela que la crête du mâle est élevée, festonnée et inter- rompue à la base de la queue ; chez la femelle, il n’y a qu’un sillon médio-dorsal. La coloration varie suivant la saison et le sexe. Le dos, les flanes, la queue, la face supérieure des membres sont brun foncé, ou olivâtres, ou même noirâtres. Toute la peau est marbrée de grandes taches foncées plus ou moins distinctes. La face inférieure, depuis la gorge, varie du jaune citron à l'orange vif; elle est plus ou moins tachetée ou marbrée de noir ; parfois le noir domine, parfois la zone médiane du ventre est immaculée. L’iris est jaune d’or. Les doigts et les orteils sont jaunes, annelés de noir. Au printemps, le mâle endosse une livrée des plus splen- dides (fig. 1 de la planche). Le dessus de la tête se marbre de noir et de blanc; le ventre devient d’un jaune orange constellé de nombreuses taches noires; sur les côtés de la queue se dessine une bande longitudinale bleuâtre, nacrée ou argentée. Le dos, enfin, se pare d’une admirable crête, très haute et découpée en scie; elle commence tout à l'avant de la tête, entre les deux yeux, et s'étend jusqu'au bout de la queue. A la base de celle-ci, elle s’interrompt complètement par une forte échancrure. Cette crête est parfois si élevée que sa hauteur égale celle du tronc. Au cœur de l'été, lorsque le Triton crêté quitte l’eau, cette crête disparaît, la bande nacrée de la queue s’efface et le jaune du ventre pâlit. La femelle, à l’époque de la reprodution (fig. 2 de la planche), est dépourvue de crête, que vient remplacer un sillon médiodorsal ou, plus rarement, une raie jaunâtre. La teinte jaune soufre du ventre se poursuit sur la tranche infé- rieure de la queue. Les orteils sont beaucoup moins allongés que chez le mâle. La forme-type du Triton crêté se rencontre dans toute l’Europe centrale (à l'exception du sud de la France),la Grande- Bretagne, le Danemark, le sud de la Scandinavie. En Belgique, nous la rencontrons surtout dans les mares et les ruisseaux de la haute Belgique, où elle est assez commune. Ailleurs elle est rare, surtout en Campine. En liberté, la femelle fixe, au printemps, ses œufs isolément sur les objets immergés, de préférence sur les feuilles des plantes aquatiques. En captivité, elle laisse souvent un assez grand nombre d'œufs réunis en chapelets, qu’elle abandonne simplement au fond de l'aquarium. Vers la mi-juin, les larves mesurent environ 5 centimètres. Leurs branchies, très développées, forment deux belles houp- pes plumeuses. Le corps est tacheté de sombre sur le dos et offre quinze ou seize sillons verticaux sur chaque côté, dont neuf à onze s'étendent en travers du ventre. Les doigts et les orteils sont très longs, très gréles : le plus long est au moins égal à la distance qui sépare la narine de l'œil. La queue, bordée d’un liseré blanc, est très pointue et se prolonge en un filament ; elle est ornée de grandes taches noires. Bientôt de petites taches jaunes se répandent sur les flancs ; le dessus devient brun olivâtre ; les pédoncules des branchies, les flancs, le ventre sont mordorés. Au commencement de septembre, l'éclat métallique s'éteint. La teinte fondamentale passe au gris olivâtre. Le ventre se colore en jaune pâle avec quelques taches plus foncées ; une bande jaunâtre devient visible sur la ligne vertébrale. Les rugosités de la peau apparaissent en blanc sur les flancs. Les branchies disparaissent lentement à mesure que se déve- CT loppent les membres. Le Triton alpestre (Molge alpestris Laur.) L° forme générale du Triton alpestre rappelle celle du Tri- ton crêté : les proportions sont moins élégantes, la tête est plus courte, mais, par contre, le coloris, au printemps notam- ment, est bien plus beau que chez toutes les autres espèces belges. Tout en étant inférieure à celle du Triton crêté, la taille de l’Alpestre dépasse celle des deux autres espèces. Elle est de 8 à 10 centimètres, la femelle atteint parfois 12 centi- mètres. La peau est lisse, du moins en dessous. Les parties supé- rieures sont foncées et de coloration très variable. On observe généralement, chez le mâle, une teinte bleu ardoise, tantôt claire, tantôt foncée, qui passe au gris vert sale chez la femelle. Chez les deux sexes, la peau est marbrée de taches irrégu- lières, brun foncé, confluentes. Le dessous est toujours rouge ou orange, et absolument immaculé, sauf à la gorge. Sur les flancs, à la limite du bleu ardoise du dessus et de la couleur feu du ventre, court une bande claire, admirablement rehaussée de taches foncées. L'iris est jaune d’or, un peu rembruni. Les doigts et les orteils, dans les deux sexes, sont annelés de noir ; ils sont toujours libres. A l’époque des amours, le mâle (fig. 3 de la planche) porte sur le dos une crête droite, basse et continue, c’est-à-dire sans découpures. Elle commence dans la nuque et se perd dans le tranchant supérieur de la rame caudale. Cette crête est blanc jaunâtre et offre des bandes verticales noires, très courtes, disposées en A; entre les branches des À pénètrent généra- lement des taches foncées, triangulaires, venues de la base de la crête. On peut dire aussi que ces bandes sont disposées en zigzag. Le gris ardoise fondamental passe au bleu dans la région dorsale; les flancs brillent même souvent d’un bleu clair admirable. Les petites taches qui ornent les flancs du bio x — 59 — trone et les côtés des mâchoires s’entourent d’un anneau blanchâtre, argenté, comme dans une peau de panthère ; en confluant, ces taches peuvent constituer des bandes. An prin- temps. l'orange du ventre passe au rouge feu; sur les flanes court un ruban bleu d’azur, qui tranche magnifiquement sur le rouge des faces inférieures. Le bord inférieur de la queue devient blanc jaunâtre, tacheté de foncé; en outre, on remarque souvent, dans la moitié inférieure de la queue, une bande un peu nacrée. La femelle (fig. 4 de la planche) est toujours dépourvue de crête. A sa place se remarque, chez certains exemplaires, une ligne vertébrale claire, jaunâtre ou rougeâtre, mais peu nette. A cette époque, la teinte fondamentale du dos passe au gris plus ou moins foncé, teinté d’olivâtre, même au bru- nâtre ou au noirâtre. Les taches du dos deviennent également plus foncées, mais il arrive qu'elles manquent. Les taches latérales, à bord découpé, confluent par endroits et deviennent plus nombreuses que chez le mâle ; elles n’empiètent pas sur la zone orange du dessous. Le Triton alpestre habite la plus grande partie de l'Europe centrale. Il se rencontre dans le nord et l’est de la France, la Loire constituant sa limite méridionale à l’ouest. Quoique commun et se trouvant un peu partout dans les plaines, il remonte très haut dans les Alpes, jusqu'à 2.600 mètres. En Belgique, on le rencontre dans les ruisseaux et les mares, un peu partout ; il y est même très commun. Il passe la mau- vaise saison sous la mousse, au pied des arbres, dans les lieux humides et obscurs. Cette espèce reste longtemps aquatique. On la trouve dans les eaux souvent jusque dans l’arrière-saison, parfois même en plein hiver. Bamps a remarqué, à plusieurs reprises, tant dans la zone campinienne (Genck) que dans largilo-sablonneuse (Herck-Saint-Lambert), que quelques spécimens conservent les branchies externes pendant une certaine partie de l’âge adulte. En captivité, le Triton alpestre fraie déjà au commencement d'avril. Les œufs fraîchement pondus sont gris brun; peu après leur éclosion, les larves sont brunâtres et offrent deux 60 bandes longitudinales foncées. À une époque plus avancée de la vie, la teinte du dessus passe au brun olivâtre, avec des reflets argentés ou dorés La membrane caudale est maculée d’obseur. Plus tard, en août, les larves offrent un aspect caractéristique : des taches claires, assez grandes et de forme irrégulière, apparaissent et s'étendent sur les flancs. Elles deviennent de plus en plus claires, peuvent confluer entre elles et tranchent très nettement sur la teinte fondamentale. La larve du Triton alpestre se distingue aisément de celle du Crêté et du Ponctué; la queue est tronquée au bout, dépourvue d’un prolongement filiforme et d’un liséré blane : elle diffère en cela de la larve du Crêté; elle se distingue de celle du Ponctué par sa taille plus considérable et d’autres caractères très nets, signalés dans notre Synopsis des larves de Tritons. Le coloris noir de la nageoire forme un réseau régu- lier à mailles serrées, non en forme de taches. Une fois qu'ont apparu sur les flancs les taches claires sur fond brun cuir, les larves du Triton alpestre se reconnaissent au premier coup d'œil. Elles mesurent 32 à 78 millimètres. Le Triton alpestre, en outre, possède des membres plus trapus, à l’état larvaire, que le Triton crêté. —— Le Triton commun ou ponctue (Molge vulgaris Linné. — Triton punctatus Latr.) LE Triton ponctué, tout comme l’espèce précédente, est com- mun partout. Le mâle mesure 8 à 11 centimètres; la femelle est souvent un peu plus petite. Cette espèce a une forme plus élancée, un museau plus pointu que les formes précédentes. Le mâle se distingue des mâles de toutes nos autres espèces, par une crête ondulée non interrompue à la racine de la queue, ses orteils bordés d’une palmure très incomplète, son ventre lisse mais tacheté — él — Chez les deux sexes, la peau est toujours lisse et le dessus est blond ou brun, avec un peu d’olivâtre parfois. On observe, en outre, chez le mâle, plusieurs rangées longitudinales de taches noires ; chez la femelle, ces taches peuvent être reliées et former une ligne foncée de chaque côté du dos. Sur les flancs, la couleur s’éclaireit. Le ventre est blanc ou jaune, avec une zone médiane orange ou vermillon, maculé de grandes taches arrondies chez le mâle, de taches plus petites, puncti- formes chez la femelle. Le museau assez allongé (plus arrondi chez la femelle que chez le mâle) est creusé de trois sillons longitudinaux à sa face supérieure. Au printemps, la queue du mâle devient plus élevée (fig. 7 de la planche) ; la crête, à bord ondulé, commence à la nuque et s’étend sans interruption jusqu’au bout de la queue, qui se termine en une pointe aiguë. La coloration du dessus passe au vert olivâtre; celle du dessous, à l'orange vif qui se poursuit en une bande longitu- dinale s’étalant sur la tranche inférieure de la queue. Au-dessus de cette bande orange court un ruban bleu ou nacré, barré par des taches foncées. Les orteils sont bordés d’un repli cutané simulant une palmure à peine ébauchée ; ils sont lobés comme ceux d’une Grèbe. La femelle (fig. 8 de la planche) est toujours dépourvue de crête ; rien qu'un petit repli plus ou moins net. La queue n'offre qu'une bordure peu large ; la tranche inférieure en est jaune ou orange. Les orteils ne présentent pas la moindre trace de bordure cutanée ; ils sont moins allongés, au printemps, que chez le mâle. La teinte du dos est plus claire que chez celui-ci. Les flancs sont légèrement mordorés; la teinte orange du milieu du ventre est moins vive. Le Triton ponctué est la plus commune de nos espèces. On le rencontre partout. Cet animal ne manque que dans le midi de la France, en Espagne et au Portugal. Son aire d'habitat s’étend sur presque toute l’Europe, mais arrive moins loin, vers le nord, que celle du Triton crêté. Au sud des Alpes, la NE forme type est remplacée par la variété meridionalis BLGR., à queue terminée par un filament, et à orteils plus fortement bombés. Ces caractères sont encore plus fortement accentués- chez la forme de Grèce et de Corfou, la variété graeca Wot.- TERSD., qui remonte jusqu'en Dalmatie. Les larves du Triton ponctué sont plus petites que celles de l’Alpestre et aussi plus élégantes. Leur coloration est plus claire ; elle est d’un brun olivâätre pâle. La membrane caudale est peu ou point tachetée de noir. Ce qui les distingue très nettement encore des larves de PAlpestre, c’est une série de points jaunes disposés régulièrement suivant la ligne latérale et s'étendant jusqu'à l'extrémité de la queue; en outre, chez le Triton ponctué, le diamètre de l’œil est à peu près égal à la distance entre les narines. La taille maxima est de 35 milli- mètres. Bawes a trouvé plusieurs larves de cette espèce, ayant con- servé les branchies externes pendant une certaine partie de l’état parfait. Le Triton palmé (Molgse palmata Schn.) C: Triton est moins commun que les deux précédents. Il est plus confiné à certaines régions, à certaines stations, et manifeste une prédilection marquée pour les sources lim- pides, bien fraîches. De forme élégante, il a la même taille que le précédent et mesure 6,5 à 8 centimètres. Il se distingue de toutes les autres espèces par sa gorge immaculée, sa crète dorsale très basse et, chez le mâle, la réunion des orteils par une palmure complète, très sombre, et une arête longitudinale courant de chaque côté de la co- lonne vertébrale, ce qui donne à la coupe transversale de l’animal un contour anguleux. — 69 — La queue du mâle —et ceci constitue un caractère très saillant — est coupée carrément à son extrémité et se ter- mine par un fil atteignant plusieurs millimètres. Par sa colo- ration, la femelle se rapproche souvent beaucoup de celle du Triton ponctué. On la reconnaîtra pourtant toujours à un caractère, propre d’ailleurs aux deux sexes et n’existant chez aucune autre espèce : l’absence complète de taches sur la gorge qui est couleur de chair. Le dessus est brunâtre ou brun olivâtre, marbré ou tacheté de noir avec une bande noire de chaque côté de la tête, traver- sant l’œil. Le dessous est lisse, blane jaunâtre, parfois jaune orange et plus où moins maculé, avec une bande médiane jaune. La livrée de noce du mâle est bien simple (fig. 5 de la planche) : pas de crête dorsale; une simple arête noirâtre, basse, droite et continue qui se poursuit jusqu'à l'extrémité de la queue. Les pattes postérieures présentent une palmure complète, foncée, ce qui permet alors de le distinguer de toutes les autres espèces indigènes. Les membres sont marbrés et finement tachetés de noir, ou bien même tout noirs. Les taches sombres de la queue sont disposées en une rangée supé- rieure et une rangée inférieure longitudinales, séparées l’une de l’autre par une bande faiblement irisée et bleuâtre. Chez la femelle (fig. 6 de la planche), au printemps, la crête est moins élevée. La palmure des orteils fait complète- ment défaut. La coloration est plus uniforme, la teinte fonda- mentale prédomine davantage, les taches étant moins accen- tuées. La face ventrale seule est plus vivement colorée que chez le mâle. Le Triton palmé habite surtout la région occidentale de l'Europe. On le rencontre dans le nord-ouest de l'Espagne, dans toute la France, en Belgique, dans toute l'Angleterre et Ecosse, dans les Pays-Bas, l'Allemagne occidentale et la Suisse. En France, c’est l’espèce la plus commune ; on la rencontre partout, jusqu'à une altitude de 1.000 mètres environ, dans les Alpes et les Pyrénées. = 64 = En Belgique, le Triton palmé est moins commun que les deux espèces précédentes. Sans être précisément rare, comme on l’a écrit souvent, il est plus local et semble restreint à certaines stations, où on le rencontre alors en abondance. C’est ainsi qu’on le trouve communément dans certains fossés et plusieurs mares de la forêt de Soignes, à Rouge-Cloître. Quoique voisin du Triton ponctué et se rencontrant avec lui dans bien des stations, on n’a jamais observé d’hybride entre ces deux espèces. De toutes les espèces indigènes, c’est le Triton palmé qui fraie le plus tard. La femelle ne commence à pondre que vers la fin d'avril. Lorsque les froids viennent interrompre la ponte, elle peut reprendre sa tâche de mère au mois de mai et, même à cette époque relativement avancée de l’année, les mâles continuent leurs jeux amoureux commencés au prin- temps. Les œufs sont plus petits que chez les autres espèces. Les larves ont les membres assez trapus et le milieu du dos est brun cuir. Le long de la ligne médiane dorsale court une raie plus foncée. De part et d’autre des deux arêtes longitudinales dorsales se trouve une rangée de taches argentées formant presque une bande qui s’étend jusqu’à l’extrémité de la queue. Les paillettes argentées augmentent sur les flancs. Le ventre est mordoré. Le tranchant inférieur de la queue possède une mince raie jaune orange. La queue elle-même est peu ou point tachetée ; elle ne se prolonge pas en filament. Le dia- mètre de l’œil est plus grand que la distance entre les narines, ou entre la narine et l’œil. La taille maxima des larves est de 30 millimètres. LES ANOURES LAN N corps ramassé, trapu, terminé à l'avant par une tête écrasée et courte, à bouche très large- ment fendue, absence de cou, quatre membres très bien développés, dont les postérieurs sont plus allongés que les antérieurs, voilà les carac- tères extérieurs de ces êtres dénommés vulgairement Gre- nouilles et Crapauds. Les yeux sont relativement énormes, saillants et rétractiles. La pupille varie suivant les genres (fig. 5); tantôt elle est PP » Ju = pe PERS 7 D / ES . A : f \ / fl | a=— pupille arrondie (Sonneurs) ; \ | 62 (y M7 b=—cordiforme (Sonneurs) ; e— verticale (Alyte) ; e f d=—en fente verticale (Pélobate) ; e—horizontale (Grenouille) ; f—id. (Rainette, Crapaud). F1G. 5. Formes différentes de la pupille chez les Anoures. ovale (horizontale ou verticale), tantôt arrondie, triangulaire, ou cordiforme. Elle est très contractile, surtout chez les espèces crépusculaires ou nocturnes. Les narines, situées près de v 661 —— l’extrémité du museau, peuvent être fermées par une soupape spéciale ; elles s'ouvrent dans l’arrière-bouche par les choanes. Le conduit auditif est grand et se reconnaît au tympan qui est à fleur de peau et en forme de disque circulaire (fig. 8); chez un certain nombre d'espèces, le tympan est complète- ment caché. NA tee JS L D e mle c TE 2 Se N PER 4 h VAS MS VI ST CARRE = / “sl ù b y P ÈS N / fé L/ de 3 nn: : A œ——, Sn PE — = : ; A ta k = ? ml È 5 n—0s nasal ; on— orifice nasal ; fp—fronto-pariétal ; or—orbite ; a—atlas ; II-VITI—Iles sept vertèbres dorso-lombaires ; s—sacrum ; u—urostyle. —Membres antérieurs : h—humérus (bras) ; re—radius et cubitus soudés (avant-bras) ; e— carpe (poignet) ; mte—métacarpe ; 2-5— les quatre doigts ; le pouce 1 est rudimentaire. — Membres postérieurs : fé—fémur (euisse) ; tp—tibia et péroné soudés (jambe); ta—tarse (cou de pied) ; mtt— métatarse ; 1-5— les cinq orteils; on distingue le sixième orteil rudimentaire ou praehallux. FrG. 6. Squelette du Crapaud, vu par la face dorsale. Ce qui varie assez notablement, c’est la conformation des membres, notamment les proportions entre les pattes, la lon- gueur et la structure des orteils et la nature de leur palmure. La plupart des Anoures se déplacent avec facilité et certains d’entre eux exécutent des bonds énormes, comme les Gre- nouilles. Ce sont réellement des animaux construits pour le saut, bien que certains d’entre eux, qu’on peut qualifier de dégradés au point de vue de la locomotion, aient perdu cette faculté, comme les Crapauds. Les membres postérieurs des Grenouilles sont devenus de puissants leviers qui permettent au corps de se projeter dans l’espace ; renforcés, chez les espèces aquatiques, par une large palmure qui s’étend entre les orteils, ils constituent un organe très efficace pour la nage. La peau est tantôt lisse et glaireuse, tantôt sèche et par- semée de grosses verrues. Elle n’est pas unie à la chair par du tissu adipeux:; elle enveloppe simplement le corps; on peut soulever la peau dans les différentes régions du corps: ainsi se forment les espaces sous-cutanés occupés par la lymphe, dont nous avons déjà parlé plus haut ; ils sont infini- ment plus développés chez les Anoures que chez les Urodèles. Les os sont figurés en noir; le cartilage, en gris; s —sternum; el — clavicule ; & —0s coracoïde ; eg—cavité dans laquelle s’emboîte le bras; o —omoplate (en partie). F1G.7.—La ceinture scapulaire de la Grenouille, vue par le côté ventral. La conformation du squelette (fig. 6) est des plus simples. La tête est fortement aplatie, à cause de la position hori- zontale des énormes orbites. La région du cou ne possède qu’une vertèbre. Toute la colonne vertébrale n'offre qu’une dizaine de vertèbres et, fait curieux, ce nombre se réduit même à la moitié chez une espèce de l'Afrique tropicale. L’unique vertèbre sacrée offre, sur les côtés, de grandes expansions qui supportent les os du bassin, allongés en forme de pincettes, et la région coccygienne n’est représentée que par une pièce unique, très allongée, l’urostyle. Nous avons déjà dit plus haut que le radius et le cubitus, d’une part, le tibia et le péroné, d’autre part, forment un os . sr — unique, et que les pattes de derrière présentent un prachalluæ, ou sixième orteil rudimentaire. Les côtes manquent complètement; elles ne sont repré- sentées, sauf chez les Discoglossides, que par de petites épines latérales qui prolongent les apophyses transverses des sept vertèbres dorso-lombaires. Les flancs des Anoures sont donc mous et flasques. et la respiration pulmonaire se fait par la déglutition de l'air. N=—narine; C—choanes; P—pupille; T—tympan; F—fente vocale; V = dents vomériennes ; O — emplacement de l'œil; E— trompes d'Eustache; G—glotte; M—pédoncule de la langue L. FiG. 8.—Les organes internes de la bouche chez la Grenouille verte. La mâchoire supérieure porte généralement des dents petites et pointues qui ne servent qu’à retenir les proies ; il y en a souvent aussi d’autres, les dents vomériennes, groupées sur le palais (fig. 8 et 20). Presque tous les Anoures possèdent une langue charnue ; elle est rarement fixée à son extrémité pos- térieure ; le plus souvent, elle n’est rattachée à la mâchoire inférieure que par son extrémité antérieure ; comme elle est susceptible d’être projetée au dehors, sa surface gluante con- stitue un organe de préhension remarquable (fig. 8). eo Le régime de l’adulte étant carné, le tube digestif est large, court et peu contourné; il se termine dans le cloaque. La vessie urinaire est spacieuse et reçoit une urine limpide. Tous les Anoures, surtout les espèces fouisseuses, possèdent de vastes poumons en forme de sacs gaufrés. Le larynx est soutenu par l'appareil hyoïde, reste des arcs branchiaux de la larve. C’est un cartilage continu, assez complexe, qui, chez la Grenouille (fig. 9), présente de chaque côté une longue corne et trois processus, et se termine à l’arrière par deux os allongés, embrassant le larynx. Le larynx est souvent en rela- tion avec des sacs vocaux internes ou externes, et dont la fonction est de renforcer le coassement. m—-maxillaire inférieur ; h — le cartilage hyoïde avec ses trois processus a, b et ch, ses cornes €, et les deux prolonge- ments osseux, {, qui embras- sent le larynx. FiG. 9. La mâchoire inférieure et l’appareil hyoïde de la Grenouille verte. Les Anoures sont des carnassiers qui ne se nourrissent que de proies vivantes : insectes, vers, limaces. Ils n’hésitent pas à dévorer leurs propres jeunes ou des congénères de taille infé- rieure. Une Rainette australienne ne se nourrit que d’autres Rainettes ; les Cératophrys de l'Amérique du Sud, Crapauds hideux, énormes, ne se nourrissent que de Grenouilles. Les grandes espèces osent s'attaquer non seulement à des Poissons, à des Tritons et à des Lézards, mais même à de jeunes Ser- pents, à des Oiseaux et à de petits Mammifères. 0 Le modus vivendi est différent suivant l’époque de l’année. Chez nous, certaines espèces se retirent, en automne, dans la vase des mares, dans les crevasses du sol ou sous les pierres, et y passent tout l’hiver en une léthargie plus ou moins pro- fonde. Pendant ce repos forcé, ils se nourrissent surtout des provisions accumulées en réserve, pendant la bonne saison, dans leur foie. A l’approche du printemps, après une pluie d’orage, ils apparaissent parfois si soudainement et en quantités telle- ment prodigieuses, que des personnes ignorantes parlent de pluies de Grenouilles et se figurent avoir vu tomber du ciel ces myriades ressuscitées d’un long repos hivernal. A— Disques adhésifs et tubercule métatarsien de la Rainette; B — Orteils du Crapaud -vert, à tuberc. sous-artic. simples; C— Orteils du Crapaud commun, à tuberc. sous- artie. doubles; D— Tuberc. sous-artie. et tuberc.-métatars. de la Grenouille rousse ; E— Membre antérieur du Sonneur à pieds épæis, avee brosses copulatrices; F—Main de la Grenouille rousse, avec brosses copulatrices; G=— Patte de derrière du Pelobate brun, sans tubere. sous-artic., avec tuberc. métatars. comprimé et à bord tranchant. F1G. 10.— Tubercules métatarsiens et sous-articulaires, et brosses copulatrices. La reproduction a lieu, le plus souvent, dans l’eau et la fécondation est externe, sauf deux exceptions : Pipa et Pseu- dophryne. Ce n’est pas seulement comme fécondateur que le mâle prend une large part dans la reproduction, mais encore comme accoucheur et même comme «nourrice ». A la fin du repos hivernal, les testicules et les ovaires ont atteint tout leur développement. Les ovaires sont bourrés d'œufs qui commencent à descendre lentement dans les ovi- ductes ; la femelle est comme prête à éclater sous la pression A=—Sonneurs ; B— Grenouilles : C=—cordonnonétirédu Crapaud commun ; D—id., étiré ; E=— ponte de l’Alyte. F1G. 11. — La ponte des principaux Anoures. de ce lourd fardeau qui lui gonfle les flancs. Les deux sexes se réunissent alors, le plus souvent, dans les eaux stagnantes ; le mâle se cramponne à la femelle en lui passant les bras sous les aisselles et joignant les mains sur la poitrine (Grenouilles), ou bien il enfonce les poings dans les aisselles de la femelle (Crapauds):; c’est laccouplement axillaire. D’autres Anoures saisissent la femelle à la taille : c’est l’accouplement lombaire (Discoglossides, Pélobatides, etc.). oo A cette époque, les pouces des mâles, parfois les bras, la poitrine, le ventre, même les orteils, portent des rugosités, où brosses copulatrices qui se détachent plus tard (fig. 10). Portant ainsi son compagnon sur le dos, la femelle se tient au fond de l’eau ou nage en tous sens jusqu'au moment où, sous la pression du mâle, les œufs sont expulsés et ensuite fécondés. Les œufs sont très nombreux. On en compte de 700 à 10.000 par ponte chez nos espèces indigènes. Ils montrent (fig. 11) un vitellus sphérique (brun ou noirâtre en dessus, blane jau- nâtre en dessous, ou presque entièrement noir) entouré d’une capsule gélatineuse sphérique, se gonflant bientôt dans l’eau au point d'atteindre 7 à 10 millimètres. Chez nos Grenouilles, par exemple, ces masses d’œufs sont agglutinées en paquets volumineux qui tombent au fond de l'eau ou s’attachent aux végétaux submergés, où même — comme chez la Grenouille rousse — flottent à la surface. Chez les Crapauds, la ponte a lieu en deux cordons, un pour chaque utérus: ils sortent lentement et simultanément et ressemblent, comme dit BOULENGER, à la rigidité près, à des tubes de verre dans lesquels les œufs sont disposés comme de petites billes. Dans ce cordon gélatineux, chaque œuf est séparément entouré d’une enveloppe propre, sphérique. Si nos espèces indigènes, comme la majorité des Anoures d’ailleurs, ne pondent que dans des masses d’eau assez con- séquentes, il est des espèces exotiques qui se contentent d’un minuscule berceau pour leur progéniture, et pondent dans l’eau de pluie accumulée à l’aisselle des feuilles des Agaves ou des Broméliacées, ou bien dans les arbres creux. Une Rainette brésilienne, Hyla resinifictrix, calfeutre ces abris et les cimente à l’aide de résines récoltées sur différents arbres ; elle construit un vrai aquarium, parfaitement étanche, auquel elle confie sa ponte, et le voyageur, étonné, peut alors entendre partir des coassements sonores de la cime des arbres. 78 — Irréfléchies, imprévoyantes, nos Grenouilles confient sou- vent leur ponte à des flaques d’eau pluviale qui ne tardent pas à disparaître. Les Crapauds, plus intelligents, entortillent leurs cordons d'œufs aux plantes aquatiques des mares plus profondes. A d’autres espèces, enfin, incombent de lourdes et pénibles charges de nourrice ; chez les unes, c’est le père ou la mère, chez les autres, les deux à la fois qui remplissent cette fonction. 1— jeune têtard, de profil ; on re- marque les branchies externes b et l’appareiïl adhésif s; 2— individu un peu plus âgé, vu par la face ventrale ; la bouche a s’est percée ; on voit encore l’ap- pareil adhésif s ; 3—individu plus âgé, à branchies internes (de profil); A— apparition des membres pos- térieurs et fermeture de l’ori- fice branchial ; 5—apparition des membres an- térieurs ; 6— disparition de la queue; 7=individu adulte : e—bec corné; r=orifice branchial ; i—intestin spiralé; u—anus; m—museles de la queue; n=—narine ; o—=œil; ty=tympan. FiG. 12. — Les métamorphoses de la Grenouille. Les deux cas les plus anciennement connus de protection particulière des œufs sont ceux de lAlyte d'Europe et du Pipa de l'Amérique. Chez notre Alyte accoucheur, la charge des œufs incombe au père qui entortille les œufs autour de ses jambes (fig. 16) et s’enfouit dans le sol jusqu'au moment de leur éclosion. Chez le Pipa, les œufs sont portés par la mère sur le dos. La membrane du cloaque se dévagine et forme une poche allongée que la femelle dirige en haut, en avant, en passant sous la poitrine du mâle; c’est par cet ovipositeur que les œufs ar- ne rivent sur le dos de la femelle; la peau de cette région se tuméfie et croît entre les œufs pour former autant d’alvéoles qui les entourent complètement et sont même fermés en dessus par un opercule. Les jeunes ne quittent leur berceau qu’à l'état parfait. Un Ranide arboricole de Ceylan porte les œufs collés au ventre ; un autre, du Caméroun, les protège d’une façon plus efficace encore : il les garde dans sa bouche. Au bout d’un temps plus ou moins long selon la tempé- rature, — quelques jours à plusieurs semaines, — l’embryon est formé. Il se nourrit de la masse nutritive accumulée dans le vitellus, mais bientôt, impatient de jouir de sa liberté, il se dégage de la capsule gélatineuse. Certes, il ne ressemble encore en rien au têtard si agile que tous les enfants ont pêché ! Trop faible encore pour se déplacer, sa masse informe pend, presque inerte, à la paroi de l’œuf qu'il a quitté. L’adhérence se fait grâce au mucus visqueux sécrété par un organe spécial placé sous la future bouche (fig. 12). L’embryon restera là jusqu’à ce que son dévelop- pement soit assez avancé pour qu'il puisse se déplacer et pour- voir à sa nourriture. Car il est encore aveugle et, sur le dessous de la tête, une simple petite dépression indique où se creusera la bouche. Les narines, elles aussi, sont à peine ébauchées et un tout petit tubereule, de chaque côté du bord postérieur de la tête, représente le rudiment des branchies. A mesure que l'embryon s'accroît, sa queue s’allonge et sa partie musculeuse, nettement composée de segments paral- lèles, comme chez les Poissons, se borde en dessus et en des- sous d’une crête membraneuse. Les branchies externes se sont développées entretemps et deviennent rameuses. Les fossettes olfactives se transforment en vraies narines et communiquent avec la bouche, ce qui caractérise tous les Vertébrés supérieurs aux Poissons. L’œil, d’abord caché sous la peau, voyage vers la périphérie, la bouche acquiert des lèvres et l’anus se forme : en un mot, la larve est devenue capable de se nourrir. LT ST Nous passons à la deuxième période de la vie larvaire, l’état de têtard proprement dit (fig. 123). Un repli de la peau vient recouvrir les branchies externes qui s’atrophient et sont remplacées par des houppes bran- chiales internes disposées sur les quatre ares branchiaux car- tilagineux. Les arcs branchiaux constituent un appareil de filtrage par lequel l’eau absorbée par la bouche doit passer pour baigner les branchies. Cette eau est ensuite expulsée par ù b > 24 b 2} << 7 Le os | ( » À CS ee | | À \ \* / / \ AS \ = xx’=axe transversal du corps; yy’—axe longitudinal; b—bouche ; s—spiraculum ; a—anus. — À— Bombinaltor : spirac. médian, plus rapproché de l’anus que de la bouche; B— Alyles: spirac. médian, plus rapproché de la bouche que de l’anus; C— Pelobates et Bufo: spirac. à gauche, anus médian; D—Hyla et Rana. spirac. à gauche, anus à droite. FIG. 13.— Disposition du spiraculum, de l'anus, etc., chez les têtards des Anoures (les têtards sont vus par la face ventrale). un tube (unique chez les Anoures européens) : c’est le spira- culum, dont la position a fourni des caractères importants pour la détermination des larves. Il est généralement situé sur le côté gauche (fig. 13 et 17), mais, chez les Discoglossides, il s'ouvre au milieu de la poitrine. La bouche s’arme d’un bec corné, noir ou bordé de noir, à bords tranchants, ou denticulé ; on peut distinguer aussi (fig. 14) une lèvre supérieure et une lèvre inférieure dont la surface porte non seulement des papilles, mais encore des rangées de petites dents cornées ; la disposition de ces dents peut s’ex- FE — primer par des formules ; l’arrangement que représentent la figure 14 (A et B) sera exprimé par la formule 3 qui indique deux séries de dents labiales à la lèvre supérieure et trois à la lèvre inférieure. L’organe adhésif sous-buccal, devenu inutile, disparaît, et le repli cutané s’étant soudé à la peau au-dessus des arcs branchiaux, la tête se con'ond avec le trone globuleux, sous lequel on distingue, à travers la peau, l’intestin démesurément long et enroulé sur lui-même comme le ressort d’une montre (fig. 123). A— Grenouille verte ; B—Sonneur igné.— 0 —orifice buccal ; m,m'—mandibules supérieure et inférieure du bec corné; s,i—lèvres supérieure et inférieure ; p=—papilles labiales; 1, 2=—les deux séries de dents labiales supérieures. — I, IL, I1I1— les trois séries de dents labiales inférieures. FiG, 14. — La bouche des Têétards. Nous voici arrivés à la dernière période larvaire. Elle est caractérisée par l’apparition des membres, la transformation de l’appareil respiratoire et la perte de la queue. Contrairement à ce qui se passe chez les Urodèles, les membres postérieurs des Anoures font leur apparition avant les antérieurs ; ils acquièrent graduellement leur complet déve- loppement avant la résorption de la queue. Les membres antérieurs croissent simultanément, mais ils sont cachés dans la chambre branchiale ; parvenus à la forme définitive, ils déchirent la peau ou passent par le spiraculum. y — Alors les crêtes caudales s’abaissent et la queue se résorbe graduellement. Les poumons, qui avaient coexisté avec les branchies et servaient d'organes respiratoires accessoires et d'appareil hydrostatique, fonctionnent définitivement, avec la peau, pour assurer la respiration. Le bec et les dents cornées tombent ; la fente buccale s’élar- git. Les yeux se dégagent de la peau et acquièrent des pau- pières mobiles. Le régime, d’herbivore ou mixte qu'il était, devient carné, l'intestin se raccourcit notablement ; et le jeune Anoure, souvent encore muni d’un bout de queue, sort de l’eau : les métamorphoses sont accomplies. Ces métamorphoses sont done bien plus frappantes que chez les Urodèles. Le développement offre des transforma- tions moins graduelles, des modifications plus marquées, un changement soudain de forme et de régime à la dernière période de l’état larvaire. La néoténie, si fréquente chez les Urodèles, ne s’observe que rarement chez les Anoures ; tout au contraire, la vie larvaire peut être totalement supprimée, eomme chez l’'Hylode de la Martinique, petite Rainette chez laquelle le jeune quitte l’œuf avec tous les caractères de lanimal parfait. Disons encore que la taille du têtard n’est pas en rapport avec celle de Padulte. Le Crapaud commun est notre plus grand Batracien ; ses têtards, qui ne dépassent pas 3 centi- mètres, figurent parmi les plus petites larves. Par contre, le Pélobate brun, qui, à l’état adulte, ne dépasse pas 7 centi- mètres du museau à l’anus, a des têtards géants (fig. 17) pouvant atteindre une quinzaine de centimètres. Le plus grand têtard connu est celui du Pseudis paradoæa de l'Amérique du Sud; il mesure 23 centimètres, quoique l'adulte n’excède pas la longueur de 6 centimètres. Les Anoures sont, en général, beaucoup plus vifs que les Urodèles. Tout en étant nocturnes, ils déploient également, pendant le jour, une certaine activité qui ne s’observe pas chez les autres Batraciens. LE rater Ils courent, sautent, grimpent et nagent beaucoup mieux que les Urodèles, Ce que les Kangourous sont parmi les Mam- mifères, certaines Rainettes australiennes le sont parmi les Batraciens : elles sautent à hauteur d'homme! Les Rhacophores de la Malaisie volent d’arbre en arbre en déployant, comme un parachute, la palmure extraordinairement développée qui relie leurs orteils. L'intelligence des Batraciens paraît, en général, assez obtuse. On peut cependant observer des différences d’une espèce à Pautre. Tous nos Urodèles sont assez mal doués sous ce rap- port; mais, parmi les Anoures, les Crapauds, et notamment le Crapaud commun, sont assurément bien supérieurs aux Grenouilles. J1 suffit, pour s’en convaincre, d'observer, avec attention, l’allure de ces animaux en captivité. On remarque chez les Anoures, non seulement la mémoire des lieux (faculté que ne possèdent pas les Urodèles), mais encore une certaine dose de prudence et de méfiance, et, avant tout, la faculté de tirer profit des leçons reçues à l’école si dure de la vie. Possédant une voix parfois très sonore, les Anoures clament leur bien-être à qui veut l’entendre et font retentir dans la nuit leur chant sonore, que nous désignons par le terme dédaigneux de « coassement ». Comme il est varié, le chant des Anoures ! Quelle différence entre le vacarme de la Grenouille verte, de la Rainette et du Crapaud calamite, clameurs assourdissantes parfois, et le son argentin produit par l’Alyte, un vrai tintement de clochette ; le hou-hou plaintif du Sonneur, le petit aboiement du Crapaud commun ! Chaque espèce a son chant spécial, et si ce chant peut paraître hideux à certaines personnes et leur marteler le tympan, 1l n’en est pas moins vrai qu'il est l'expression d’une exubérante joie de vivre. Il n’en est pas moins vrai qu’il appartient au caractère de nos mares dont il fait partie inhérente, au même titre que le coin-coin des canards et le murmure des roseaux. C’est là un concert qu’on ne peut enlever au paysage, sans le dénaturer, comme on ne peut supprimer le cri rauque des 10 — Mouettes, au bord de la mer, ou, dans nos forêts, la voix du Coucou, de la Grive ou de la Draine. Insistons encore, avant de terminer cette partie générale, sur la grande utilité des Batraciens, des Anoures en particu liers, et réelamons pour eux la protection qu’ils méritent. Leur insatiable appétit débarrasse d’une foule d'insectes nuisibles les diverses plantations qui font la richesse d’un pays. Toutes les espèces sont absolument inoffensives, et pour l'homme, et pour les animaux domestiques. Jusqu'en ces dernières années on ne connaissait aucun repré- sentant des Anoures avant la période tertiaire. Mais, en 1902, un squelette complet et assez bien conservé a été décrit du jurassique supérieur d’Espagne sous le nom de Palæobatra- chus Gaudryi Vipar. Nous savons donc maintenant que cet ordre avait des représentants contemporains des gigantesques Dinosauriens et des hétéroclites Reptiles volants, les Ptéro- dactyles. Quoi qu’il en soit, les Anoures fossiles qui nous sont connus ne jettent, pas plus que les Urodèles, aucune lumière sur lori- gine des Batraciens actuels. Dès la fin du jurassique ils devaient exister tels que nous les voyons aujourd’hui. Un mot encore sur la distribution géographique des Anoures. La zone septentrionale, caractérisée par la richesse en Urodèles, l’est aussi par la présence d’Anoures très généralisés, tels que les Discoglossides ; elle n’a aucun représentant en dehors de ses limites. Les Bufonides, c’est-à-dire les Crapauds, sont nombreux, surtout en Amérique, et on peut en dire autant des Ranides, ou Grenouilles, quoique les formes arboricoles (Rhacophorus) ne se trouvent qu'à l’est de la région paléarctique. La zone équatoriale et australe est de beaucoup plus riche. Elle fournit 90 p. ce. de toutes les espèces connues. La région africaine est caractérisée par la présence d’Aglosses, et par le nombre et la variété des Ranides, tant terrestres qu’arbo- ricoles. Madagascar a une faune herpétologique à part : les Bufonides, si nombreux sur le continent africain, y font défaut. La région indienne ou orientale a beaucoup d’espèces en commun avec la région africaine, mais les Aglosses manquent, La région sud-américaine ou néotropicale est caractérisée par la prédominance des Bufonides et des Rainettes ; elle pos- sède, en outre, plusieurs familles qui lui sont propres. C’est la faune la plus riche du monde, en ce qui concerne les Anoures. On compte une vingtaine d’espèces d’Anoures européens, se répartissant en cinq familles. Comme pour les Urodèles, l’ouest (France, Péninsule ibérique, Italie) est plus riche que l’est. Neuf espèces appartiennent à la faune belge. Les différents tableaux qui suivent permettront la détermination des espèces indigènes à l’aide des caractères fournis par l’adulte, le têtard, la ponte et le mode d’accouplement. ND —— Synopsis des familles d’Anoures (adultes) appartenant à la faune belge. 1. Doigts et orteils dilatés au bout en un disque adhésif (fig. 10, A). Hylides (p. 129), Doigts et orteils non dilatés au bout en un disque adhésif. 2 LM . Pas de dents à la mâchoire supérieure. Pupille horizontale (fig. 5, e, f). Peau très verruqueuse. Bufonides (p. 103). Des dents à la mâchoire supérieure. 3 3. Pupille horizontale (fig. 5, e, f). Langue fourchue et très libre en arrière, Tympan distinct (fig. 8). Peau lisse, au moins sur le dos. Ranides (p. 115). Pupille ronde, triangulaire, cordiforme ou verticale (fig. 4,a,b,c,d). 4 4. Dents vomériennes en arrière des choanes (fig. 20). Pupille ronde. triangulaire, cordiforme ou verticale. Discoglossides (p. 85). Dents vomériennes entre les choanes (fig. 8). Pupille en fente verti- cale (fig. 5, d). Pélobatides (p. 98). LEA Synopsis des Anoures de Belgique à l'état de têtards à branchies internes, après l'apparition des membres postérieurs, mais avant l'apparition des membres antérieurs"). 1. Spiraculum médian; anus médian (fig. 13, A, B). Queue arrondie ou obtuse à l’extrémité. Dents labiales en 2/3 séries (fig. 14). 2 Spiraculum à gauche (fig. 13, C, D). 4 2, Spiraculum plus rapproché de l’anus que du museau (fig. 13, A). Queue tout au plus une fois et demie la longueur du corps ; deux à deux fois et demie aussi longue que haute. De fines lignes noires se croisant sur les membranes caudales. 3 (1) Pour certains termes, voir plus haut, page 75. La détermination nécessite l'emploi d’une bonne loupe, grossissant quinze à vingt fois. VI 1 e) = gg — Spiraculum plus rapproché du museau que de l’anus (fig. 13, B). Queue au moins une fois et demie la longueur du corps; deux et deux tiers à trois fois et demie fois aussi longue que haute. Pas de réseau pigmentaire sur les membranes caudales. Alytes obstetricans (p. 93). . Bouche triangulaire (fig. 14, B). Bombinator igneus (p. 89). Bouche elliptique (fig. 14, A). Bombinator pachypus (p. 91). . Anus médian (fig. 13,C). 5 Anus à droite (fig. 13, D). Spiraculum dirigé en haut et en arrière. 7 . Spiraculum dirigé en haut et en arrière; dents labiales en 4/4 ou 5/5 séries. Queue terminée en pointe aiguë (fig. 17), sans lignes pig- mentaires. Bec tout noir. Pelobates fuscus (p. 99). Spiraculum dirigé droit en arrière. Queue arrondie à l'extrémité. Dents labiales en 2/3 séries. 6 . Bouche au moins aussi large que l’espace interoculaire. Bufo vulgaris (p. 104). Bouche considérablement plus étroite que l’espace interoculaire. Bufo calamita (p.112). Yeux franchement latéraux (donc visibles dorsalement et ventrale- ment). Crête caudale prolongée très en avant sur le corps, presque jusqu’entre les yeux. Hyla arborea (p. 129). Yeux supères. Crête caudale ne s'étendant pas en avant au delà du niveau du spiraculum. 8 7e. x 2 ou 3 Séries de dents labiales : . Queue terminée en pointe aiguë. Espace interoculaire mesurant au moins le double de la distance entre les narines et dépassant de beaucoup la largeur de la bouche. Rana esculenta (p. 118). Æ ; 3 à 5 ; : Séries de dents labiales : A Queue terminée en pointe obtuse, une et demie à deux fois la longueur du corps. Largeur de la bouche un peu moindre que l’espace interoculaire, qui égale à peu près une fois et demie la distance entre les narines. Rana temporaria (p. 124). & 1 ge Tableau analytique permettant la détermination des Anoures indigènes, d'après les caractères fournis par la ponte. . Le mâle entortille les œufs autour de ses jambes et les garde ainsi jusqu’à ce qu'ils aient atteint un développement assez avancé. A ce moment le mâle se rend à l’eau où les jeunes s’échappent à l’état de têtards. Œufs réunis entre eux par des cordons élastiques (fig. 11, E). Alytes obstetricans (p. 93). La ponte est abandonnée à l’eau. 2 . Les œufs sont pondus isolément, ou en petits paquets de deux à douze (fig. 11, A). G. Bombinator (p. 86). Les œufs sont disposés irrégulièrement dans un gros cordon gélatineux. Pelobates fuscus (p. 99). Les œufs sont disposés en deux longs cordons gélatineux. 3 Les œufs sont réunis en un paquet gélatineux et volumineux. 4 . Dans le cordon non étiré, les œufs sont disposés sur trois à quatre rangs ; dans le cordon étiré, ils le sont sur deux rangs (fig. 11, C, D). Buîo vulgaris (p. 104). Dans le cordon non étiré, les œufs sont disposés sur deux rangs ; dans le cordon étiré, ils le sont sur un seul rang. Bufo calamita (p. 112), 4. L'enveloppe gélatineuse de l’œuf, peu avant l’éclosion, mesure 3 à 4 mil- limètres de diamètre. Embryon jaunâtre. Hyla arborea (p. 129). L’enveloppe gélatineuse de l'œuf, peu avant l’éclosion, mesure 7 à 10 millimètres de diamètre. Embryon brun ou noirâtre. 5 5. La ponte flotte à la surface de l’eau. Diamètre du vitellus : 2 à 3 milli- mètres ; le vitellus est presque entièrement noir (fig. 11.B). Rana temporaria (p. 124). La ponte est submergée. Diamètre du vitellus : 11, à 2 millimètres ; le vitellus présente un hémisphère supérieur brun ou noir, et un hémisphère inférieur blanc ou jaunâtre. Rana esculenta (p. 118$). LA Tableau permettant la détermination approximative 15 © d'après le mode d’accouplement. Accouplement lombaire : le mâle saisit la femelle à la taille. © I Accouplement axillaire. L’accouplement a lieu à terre ; le mâle, ayant entortillé les œufs autour de ses cuisses (fig. 16). s’enfouit dans le sol. Alytes obstetricans. L’accouplement a lieu dans l’eau et la ponte y est abandonnée. Bombinator igneus; B. pachypus; Pelobates fuscus. Le mâle appuie ses pattes de devant sur la poitrine de la femelle. Rana esculenta ; R. temporaria, Le mâJe enfonce ses poings dans les aisselles de la femelle (ou dans le voisinage des aisselles). Bufo vulgaris ; B. calamita ; Hyla arborea. \RALSALSAS AS Fam: = DISCOGLOSSIDES ei | espèces appartenant à cette famille, qui est la moins évoluée parmi les Anoures, se caractérisent par la ceinture scapulaire très élastique, la mâchoire supérieure dentée, les côtes courtes et les vertèbres concaves à l’arrière. (Par ces deux derniers caractères, les Discoglossides se rapprochent des Urodèles supérieurs.) La pupille est ronde, triangulaire, cordiforme ou en fente verticale. La larve possède un spiraculum médian. Les Discoglossides forment une petite famille ne renfermant que quatre genres. Trois espèces seulement appartiennent à notre faune : I. Pupille arrondie, triangulaire ou cordiforme (fig. 5, a, b.c). Tympan absent. Peau très verruqueuse en dessus. Genre Bombinator (p. S6). 1. Ventre rouge ou orange tacheté ou marbré de noir ou de bleuâtre. extrémité des orteils brun noir. Bombinator igneus (p. #4). 2. Ventre jaune pâle à orange, tacheté ou marbré de gris bleuâtre ou de noir. Extrémité des doigts et des orteils jaunes. Bombinator pachypus (p. 91). IT. Pupille verticale (fig. 5, d). Tympan visible sous la forme d’une plaque arrondie située derrière l’œil. Peau peu verruqueuse en dessus. Alytes obstetricans (p. 93). REUREUEUREUEUEREURERERSRES ME LES SONNEURS Genre BOMBINATOR Merrem. | Sonneurs se distinguent par l’absence de tympan, leur langue circulaire, entière, adhérente au plancher de la bouche dans toute son étendue, et leur pupille arrondie, triangulaire ou cordiforme (fig. 5, a, b,c). Les dents vomériennes sont disposées en deux groupes transversaux en arrière des choanes. Les doigts sont libres ; les orteils sont réunis par une palmure. Ce genre comprend quatre espèces, dont deux européennes. On a souvent considéré les Sonneurs comme des animaux lugubres ; on se demande pourquoi? Est-ce parce qu’ils ha- bitent parfois les marais désolés et les tourbières inacces- sibles ; que leur voix n’est pas aussi sonore que celle de la Grenouille verte, mais mélancolique et triste? Celui qui se donnera la peine de les observer de près trouvera beaucoup de charme à la coloration éclatante de leur ventre, et s’inté- ressera à leurs mœurs si curieuses. Durant la période d'activité, les Sonneurs sont réellement aquatiques. Ils ne s’éloignent que rarement et jamais beaucoup de leur élément. Vers la fin de l’automne seulement on les trouve, surtout le Rouge, sous les pierres, près de la berge, en compagnie des Tritons. Sur terre, leurs bonds sont courts, mais assez agiles. Toujours pressés, ils exécutent parfois des pirouettes involontaires et, lorsqu'ils veulent happer un gros Ver de terre, ils y mettent on — parfois tant de brusquerie et de gaucherie qu’ils culbutent et tombent sur le dos. Dans l’eau, ils se tiennent généralement à quelque distance du bord, la tête à demi émergée, poussant leur cri plaintif et monotone, le soir; au moindre bruit, ils plongent, rapides comme l'éclair, et disparaissent. Lorsque le danger est passé, ils reviennent au même endroit, observent les alentours de leurs gros yeux étonnés, puis re- prennent leur chant. Ce chant, qui résonne comme un gong de bronze, ne s'entend que vers le soir et dure toute la nuit. Sans être nullement désagréable, il peut finir par nous éner- ver par la monotonie de ses interminables ounk, de ses éter- nels hou, hou. La voix est assez faible et ne s'entend qu’à quelques pas. Chaque individu ne la fait entendre que trois ou quatre fois par minute, C’est toujours exactement le même cri. Mais comme tous les mâles le lancent l’un après l’autre, il en résulte un concert ininterrompu. Sans pouvoir lutter en cela avec la Grenouille verte, les Son- neurs se meuvent avec beaucoup d'adresse dans l’eau. Ils nagent admirablement ; ils excellent aussi à s’enfouir prompte- ment dans la vase. Sur terre, lorsque les Sonneurs sont poursuivis, et que la retraite leur est coupée, ils prennent une pose très particu- lière. Ils se jettent sur le dos, tordent bras et jambes, pour ne présenter que leur ventre flamboyant taché de noir ou de bleuâtre. Dans cette position hétéroclite, ils demeurent de longues minutes jusqu’à ce que le danger ait disparu (fig. 15). Leur immobilité déroute l’agresseur : ces couleurs voyantes, qu'il ne connaît pas aux proies dont il se nourrit habituellement, le troublent, l’inquiètent, lui font peut-être même peur : il se méfie et passe outre. BouLENGER dit que les Sonneurs ne se jettent point sur le dos. Ils font le mort, c’est vrai, mais en courbant l’échine de facon à rendre le dos concave, en relevant les membres sur le dos et en se fourrant les poings dans les yeux, comme pour ne point voir le danger qui les menace. 2 88 — Lorsqu'ils sont très menacés, ces animaux font suinter de leur dos verruqueux et à la face supérieure des cuisses une sécrétion écumeuse très âcre, plus vénéneuse encore que le poison du Crapaud commun. Cette sécrétion est surtout abon- dante chez notre espèce à ventre jaune. Les Sonneurs sont donc admirablement protégés : ils n’ont pas d’ennemis à crain- dre, même pas la Couleuvre à collier, et, lorsque nous les manions pendant un certain temps, la sécrétion cutanée qu'ils dégagent cause une vive irritation des muqueuses, qui se tra- duit par des éternuements répétés. F1G. 15.— Les Sonneurs (Bombinator). — A droite, un Sonneur igné, sautant après une Mouche ; à gauche, un Sonneur à pieds épais, faisant le mort. Ces animaux intéressants sont non seulement tout à fait inoffensifs, mais encore éminemment utiles par la destruction d’une grande quantité d’insectes, de limaces et de vers. La nourriture nécessaire pour combler lestomac d’un Sonneur est vraiment énorme, J’ai vu un Sonneur igné manger, en deux jours, près de cent larves de Tipules (nommées communément Vers rouges). Ils ne sont aptes à la reproduction que la troisième année de leur existence. — 89 — Le Sonneur igné, ou à ventre rouge, s’accouple en juin; l'espèce à ventre jaune, un mois plus tôt. Les mâles saisissent les femelles dans l’aine et fécondent les œufs, qui sont atta- chés isolément, ou par petites grappes, aux plantes aquatiques (fig. 11, A), puis s’en vont, sans plus se soucier ni de leur compagne, ni des œufs. Ces derniers se développent assez vite : le cinquième jour déjà on aperçoit la larve ; le neuvième, elle quitte l’œuf. Vers la fin de septembre, les pattes postérieures se sont développées : les branchies et la queue disparaissent quelques jours avant que le jeune Sonneur sorte de l’eau. La même femelle peut pondre deux ou trois fois par an et produire de quatre-vingts à cent œufs à chaque ponte. Le têtard, de forme trapue, mesure jusqu’à 50 millimètres. En captivité, les larves se nourrissent comme les Limnées et les Planorbes, en raclant de leur bec corné les parois de l’aquarium, sur lesquels végètent des algues; elles mangent aussi des animaux microscopiques. La larve de lespèce à ventre jaune, le Sonneur à pieds épais, peut devenir très grande ; la queue est bordée alors d’une haute nageoire. Les Sonneurs vivent très longtemps en captivité; on les élève très facilement. EPA V À £< 27 2 $ Es À F Le Sonneur igné ou en feu (Bombinator igneus Laur.) ‘rs belle espèce (fig. 15) atteint 4 à 414 centimètres. Le dessus est très verruqueux. Les glandes cutanées, rondes ou ovales, percées de pores distincts, sont souvent surmontées d’aspérités noires. Les régions supérieures sont grises ou olives, maculées de grandes taches symétriques noires, parfois vert bouteille, qui suivent plus ou moins la disposition des mamelons ie de la peau. Généralement il existe une paire de taches vertes entre les épaules. Le ventre est d’un noir bleuâtre piqueté de blanc et relevé de taches orange ou rouge vermillon. La lèvre est barrée de lignes verticales; les membres — surtout les doigts et les orteils, dont les bouts sont noirâtres ou bru- nâtres — sont aussi barrés ou annelés de foncé. L’iris est doré, très obscurci par du pigment brun ou bronzé. Le mâle est pourvu de sacs vocaux internes ; il peut renfler considérablement la gorge. A l’époque de la reproduction, il porte des brosses copulatrices à la face interne de l’avant-bras et sur les deux doigts internes (fig. 10, E). Cette espèce ne se rencontre, dans l’Europe centrale, qu’à l'est du Weser, d’où elle s'étend au nord jusqu’au Danemark et le sud de la Suède ; au sud, jusqu’en Autriche-Hongrie et en Moldavie. Le Volga semble constituer sa limite orientale. Elle ne s'élève pas dans les montagnes, où elle est souvent remplacée par lespèce suivante. Sa limite maxima d’alti- tude est, d’après BOULENGER, à environ 250 mètres en Tran- sylvanie. En Belgique, le Sonneur igné se rencontre surtout en Ardenne où il est même commun dans les flaques et les mares, au pied des rochers, ainsi que dans les bruyères. On le rencontre rare- ment en Campine. Il présente peu de variétés : dans une même mare, certains exemplaires sont maculés de grandes taches, tandis que d’autres n’en portent que de petites. Il se réveille déjà vers la fin de mars, parfois plus tôt encore, de son sommeil hivernal. On le rencontre encore dans l’eau au mois d'octobre. Le Sonneur en feu est un des rares Anoures qui se reproduit en captivité. Le têtard, de forme très courte, et mesurant jusqu’à 50 milli- mètres, est remarquable par la présence de lignes pigmen- taires noires qui s’entrecroisent à angle droit. CN Les lèvres donnent à la bouche un aspect triangulaire (fig. 14, B), caractère qui distingue la larve de cette espèce de la suivante, chez laquelle la bouche est elliptique. a ) Le Sonneur à pieds épais ou à ventre jaune (Bombinator pachypus Fitz.) ee espèce (fig. 15) est très voisine de la précédente, avec laquelle on l’a souvent confondue. Elle est plus trapue encore que le Sonneur igné. Sa tête est ‘plus large, les doigts moins frêles, les verrues plus fortes et couvertes de petites aspérités cornées dont celle qui se trouve au sommet de la verrue est la plus développée. Le pied, qui est souvent très épais, comme enflé, est plus largement palmé. Le dessus est jaunâtre, gris brun ou olive, uniforme ou tacheté de noirâtre; généralement on observe une paire de taches claires entre les épaules et une autre vers le milieu du dos. La face inférieure varie du jaune pâle ou du jaune citron à l’orange; elle est marbrée de gris bleuâtre ou de noirâtre. Le bout des doigts et des orteils est toujours jaune. Le mâle est privé de sacs vocaux : il porte, outre les brosses copulatrices (fig. 10, E) mentionnées chez l'espèce précédente, de petites excroissances semblables sous les deuxième et troi- sième orteils. La taille est de 4 à 41% centimètres. L'habitat du B. pachypus est beaucoup plus étendu que celui du B. igneus. On le trouve dans le sud de la Belgique, et un peu partout, quoique local, en France. Il habite égale- ment en Suisse (il y vit jusqu’à 1.200 mètres), en Allemagne et en Italie. Il manque complètement en dehors de l'Europe. Vers l’est, il se rencontre avec l'espèce précédente, qui se LME maintient alors dans la plaine, tandis que la première s’éta- blit surtout dans les endroits montagneux : dans le Tyrol, il atteint 1.500 mètres d’altitude. Enfin, il s’étend au sud-est jusqu’en Grèce et en Turquie. Dans les pays côtiers appartenant à son aire d'habitat, il se rencontre jusqu'à proximité du littoral, notamment en Belgique, en France, en Istrie et Dalmatie. Nous en avons rencontré en abondance, il y a quelques années, dans une mare, à Nylen, près de Lierre. Les exemplaires du sud sont plus jaunes sur le ventre : les taches bleuâtres y sont très petites. Chez les formes habi- tant les hautes altitudes, c’est la couleur foncée qui domine. Chez les jeunes individus, qui viennent de se transformer, le dessous est blanchâtre, maculé de foncé; les jambes seules sonc jaunes. Le Sonneur à ventre jaune est très peu difficile dans le choix de son habitat ; la plus petite mare, une flaque d’eau, lui suffit, si vaseuse soit-elle. Il s’installe et pond même dans les ornières profondes que la pluie a remplies, dans les flaques de purin au pied des tas de fumier et dans les abreuvoirs. Les mœurs sont à peu près les mêmes que chez l’espèce précédente, mais le Sonneur à pieds épais ne quitte ses quar- tiers d'hiver que vers le milieu ou la fin d’avril. L'époque de la reproduction commence aussi un peu plus tard : on rencontre encore, au mois d’avril, des individus accouplés. La voix du mâle est plus faible ; c’est un mélanco- lique kou-hou. En été, lorsque les mares se dessèchent, cet animal se cache dans la vase du fond ; il en sort, la nuit, pour aller à la chasse. Pendant les années de sécheresse, il disparaît déjà vers la fin de septembre ; pendant les années humides, on le trouve encore en pleine activité, dans les mares, au mois d’octobre. ni SAIE SALE DATE SA NR SAN SAR SAR SAR SAR SAUT PES ALYIES Genre ALYTES Wagl. | représentants du genre Alvte possèdent la pupille verti- cale, les dents vomériennes disposées en arrière des choanes, la langue circulaire, entière, à peu près adhérente, et le tym- pan distinct. Les doigts sont libres : les orteils, palmés. Ce genre ne comprend que deux espèces d'Europe : lAlyte accoucheur, qui appartient à notre faune, et PAlyte de Cis- ternas, qui habite l'Espagne et le Portugal. ak L] FAN 7 æ L'Alyte accoucheur (Alytes obstetricans Laur.) ’ALYTE accoucheur atteint 314 à 414% centimètres. Il a la forme trapue du Crapaud (fig. 16). La tête est plus large que longue ; l’œil est grand, très saillant et latéral. L'espace interorbitaire égale la largeur de la paupière supérieure. Le tympan est arrondi et mesure les trois cinquièmes aux quatre cinquièmes du diamètre de l'œil. Le dessus est gris cendré, avec une tendance vers le jaunâtre, brunâtre ou verdâtre; il est souvent piqueté de noirâtre, avec ou sans points rouges ou couleur de rouille. Le dessous est d’un blanc sâle ou grisâtre ; une teinte carnée s'étend sur O4 les membres. La gorge et la poitrine sont souvent pointillées de gris. L'iris est doré et veiné de noir. HÉRON-ROYER en a décrit une variété albinos, à peau blanche et yeux rouges. Le mâle se distingue difficilement de la femelle, si ce n’est par un corps plus court et les membres antérieurs un peu plus robustes. Il n’a ni sacs vocaux, ni brosses copulatrices. Les doigts et les orteils sont courts, aplatis, obtus; les derniers sont palmés au tiers ou à la moitié. L’Alyte exhale une forte odeur d’ail. F1G. 16.— L’Alyte accoucheur. — Mâle chargé d'œufs. L’Alyte accoucheur n’a été trouvé qu’en Europe centrale. On le rencontre dans toute la France, où il est très commun dans beaucoup d’endroits. Il est aussi fréquent dans les parties accidentées de la Belgique, aux environs de Liége et dans le bassin de la Dyle, ainsi que dans le Limbourg hollandais, le Luxembourg, la Suisse et le long du Rhin. Le Brunsvick et la Thuringe constituent sa limite orientale. Au sud-est, il ne dépasse pas les Alpes, mais on le rencontre dans toute la péninsule ibérique. Il vit dans les endroits ombragés, sous les pierres, sous les racines des arbres, dans les crevasses du sol. Il recherche le voisinage des habitations de l’homme ; les vieux murs de vil- lage, les jardins, les terrains vagues de la ville semblent ses lieux de prédilection. C’est ainsi qu’on le rencontre en plein Paris, au Jardin des Plantes, où il fut découvert au milieu du XVIIIe siècle. 05 C’est là que Demours observa, pour la première fois, en 1741, le mode si remarquable de la reproduction chez cette espèce qui, depuis, a été étudiée avec un soin tout particulier par A. DE L’'ISLE aux environs de Nantes (1). L'’accouplement est lombaire. Après un certain temps, le mâle serre avec tant d’énergie les flancs de la femelle, que les œufs s’échappent brusquement, et comme par explosion, pour tomber entre les membres postérieurs du mâle, qui forment, par leur position spéciale, une sorte de corbeille, dont le fond est représenté par les pattes de l’animal. Les œufs, grands et jaunes, en deux chapelets, comme enfilés par des fils élastiques (fig. 16, E), forment une grande masse dans ce réceptacle. « Les œufs, dit BOULENGER, ayant été fécondés un instant après leur expulsion, il y a ensuite une pause de dix à quinze minutes, après laquelle le mâle se met en devoir de se charger de la ponte. » Pour cette opération, il reste cramponné à la femelle et étend les jambes de façon à étirer les fils élastiques qui relient les œufs. » Après une manœuvre compliquée, il arrive à faire passer ses deux pattes au travers du paquet des œufs, qui sont ainsi entortillés autour des jambes au niveau des talons. Le couple se sépare alors et le père, chargé de son précieux fardeau, se retire dans un trou ou sous une pierre et continuera à porter ainsi la ponte pendant environ trois semaines. Mais il est si peu gêné dans ses mouvements qu’on le rencontrera, la nuit, errant à la recherche de sa nourriture, ou même, par un temps très sec, allant à l’eau dans le but d'entretenir l'humidité nécessaire au développement des œufs (2). DE L’ISLE a même (1) Mœurs el accouchement de l'Alytes obstetricans. (Ann. des Sciences nat., sixième série, t. III, 1876.) e (2) Très fortement menacé et croyant sa vie en danger, le mâle se dé- barrasse de son fardeau. Ces œufs ne peuvent être placés dans l’eau ; ils meurent tous. Pour provoquer leur éclosion, il faut les enfouir dans un trou creusé dans la terre humide qu'on recouvre de mousse bien fraîche. L'obscurité est nécessaire. 106 — observé qu’un mâle porteur d’œufs peut s’accoupler de nou- veau et se charger ainsi d’un double fardeau. » Dans l’œuf, qui est à grand vitellus, la larve passe une période considérable, pendant laquelle elle respire par de grandes branchies externes, une de chaque côté. Ce n’est que quand elle atteint l’état de têtard proprement dit, — c’est-à- dire munie du bec et des dents cornées, et après la formation du spiraculum, qui suit la perte des branchies externes, — que le mâle considère le moment venu de lui donner la liberté (1). Il choisit une mare propice, y plonge son arrière- train, et les petits têtards s’échappent rapidement par une déchirure qui se produit dans la capsule de l'œuf. Dès que les œufs sont tous éclos, le mâle se débarrasse des enveloppes vides : sa mission est accomplie. » La ponte de l’Alyte a lieu depuis mars jusqu’en août ; elle s'effectue généralement en mai. Chaque femelle pond trois ou quatre fois, à quelques semaines d’intervalles, produisant en tout de cent vingt à cent cinquante œufs. A l’époque des amours, les mâles, qui sont plus nombreux que les femelles, se disputent avec acharnement. Lorsque la femelle ne trouve pas de mâle pour laccoucher, elle erre durant longtemps parmi les végétaux de la mare avant de pondre. Lorsqu'elle s’est décidée à mettre en liberté ses chapelets d’œufs, elle rampe, sans s'arrêter, parmi les plantes : les chapelets s’emmélent, s’accrochent partout, et sont ainsi débobinés. Cela peut durer deux, trois jours. Le têtard, au moment de l’éclosion, mesure 14 à 17 milli- mètres ; mais il peut acquérir la taille très considérable de 80 à 90 millimètres. Il vient au monde bien mieux armé pour la lutte pour l'existence que tous ses congénères. Ceux-ei naissent à l’état d’embryons informes, trop faibles même pour (1) LATASTE et d’autres auteurs ont observé que. dans la nature, — et j'ai remarqué la même chose en captivité — les Alytes mâles se rendent à l’eau presque tous les soirs, que les œufs soient près d’éclore ou non, que le temps soit humide ou sec. UT = se nourrir; lui, 1l entre en scène, vigoureux, muni d’un bec robuste et d’un intestin prêt à fonctionner. Le têtard se rencontre en hiver aussi bien qu'en été, soit qu'il soit venu au monde à la fin de l’été, soit qu'il ait pro- longé son existence larvaire. Phénomène curieux : on observe parfois, dans une même mare, certains têtards se transformant au bout de quelques mois, alors que d’autres y mettent un an ou plus. L’Alyte est un excellent fouisseur. Il creuse, les pattes pos- térieures en avant, et peut construire ainsi des terriers de dix mètres de longueur. Ses mouvements sont lents et lourds comme chez notre Crapaud commun ; pourtant il peut grimper très vite et avec une sûreté remarquable. La petite voix du mâle est agréable et sonne comme une elochette de verre, au timbre bien clair. Les Alytes ne chassent que la nuit. On en a vu construire de vrais pièges à Insectes, à la façon des fourmi-lions. Ils prennent leur nourriture comme les Grenouilles, en levant le museau, car ils chassent principalement des Insectes. Fam. 11. — PÉLOBATIDES ec Ce. famille établit la transition de la précédente à la sui- vante, dont elle diffère essentiellement par la présence de dents à la mâchoire supérieure. Les côtes manquent toujours, et la pupille est verticale. Les dents vomériennes se trouvent entre les choanes (les Disco- glossides les ont en arrière des choanes). Les Pélobatides sont représentés par une demi-douzaine de genres et une trentaine d’espèces en Europe, en Asie, jusqu’à la Nouvelle-Guinée, et dans l'Amérique du Nord. Deux genres européens seulement : les Pelodytes et les Pelobates; ces derniers présentent une espèce indigène. La plupart des Pélobatides sont admirablement outillés pour fouir le sol. LES PÉLOBATES Genre PELOBATES Wagl. | ie Pélobates, par leur aspect, tiennent de la Grenouille et du Crapaud, mais se rapprochent davantage de la première par leur pattes postérieures relativement longues, et la faculté bien développée du saut. Ce sont, en outre, d’excellents fouisseurs. La langue est circulaire, entière ou faiblement échancrée, et libre en arrière. Le tympan manque. Les doigts sont libres ; le tubercule métatarsien est grand, comprimé et à bord tran- chant (fig. 10, G). Des trois espèces actuellement connues, deux appartiennent à l'Europe; la troisième, à l'Asie mineure et à la Syrie. Le Pélobate brun seul est indigène. DZ I Le Pélobate brun (Pelobates fuscus Laur.) | Pélobate brun est de forme trapue. Sa tête, plusl arge que longue, est très convexe et bombée à l’occiput; le crâne est rugueux, la peau adhère aux os ; le museau est ar- rondi. L'espace interorbitaire est convexe et beaucoup plus large que la paupière supérieure. Les dents vomériennes, nous l'avons vu. sont disposées en courtes séries transversales entre les choanes, et le tympan est absent. — 100 — Les doigts sont pointus ; le tubercule métatarsien interne est brun, grand, comprimé, corné et à bord tranchant (fig. 10, G) ; l’animal s’en sert comme d’une pelle pour creuser la terre ; les membres postérieurs sont robustes ; replié en avant (comme dans la figure 21), le talon (articulation tibio-tarsienne) s’étend jusqu’à l'épaule ou le commencement des mâchoires ; les or- teils sont courts et largement palmés ; la palmure en atteint souvent l'extrémité ; ces orteils sont dépourvus de tubercules sous-articulaires. La peau est lisse; ce n’est qu’exceptionnellement qu’on remarque de petites verrues aplaties sur le dos. Le Pélobate brun présente une coloration variable. Le dessus est jaune brun chez le mâle et gris clair chez la femelle; ce fond est tacheté ou marbré de brun marron ou de roussâtre. Tantôt ces taches à bords foncés sont petites et isolées, tan- tôt très grandes et confluentes, de façon à former une bande de chaque côté de la ligne vertébrale, Ce dessin est souvent relevé de petites taches ou de points rouge brique ou ver- millon. Le dessous est d’un blanc sale, uniforme, ou tacheté de gris ou de gris brun. L’iris est doré ou rouge cuivre; la pupille est en fente verticale (fig. 5, d). Les mâles, plus nombreux que les femelles, ne possèdent ni sacs vocaux, ni brosses copulatrices. Une grosse glande ovale lisse sur le dessus du bras les distingue nettement des femelles. Cette espèce mesure, du museau à l’anus, 50 à 70 milli- mètres ; la femelle est ordinairement plus grande que le mâle. L’habitat du Pélobate brun, quoique très étendu, est local, car il dépend surtout de la nature du sol. Cet animal, essentiel- lement fouisseur, ne se rencontre que dans les terrains meubles et sablonneux ; il évite, en conséquence, les régions mon- tagneuses. Il a une prédilection marquée pour les cultures d’asperges. Chez nous, on le rencontre dans toute la Basse-Belgique, qu'il caractérise même, et surtout dans la Campine anversoise. Il est rare dans la province de Limbourg, où BAmpPs n’a jamais rencontré la forme adulte, mais seulement les têtards géants (à Genck, etc.). — 101 — En France, le Pélobate brun ne se trouve que ça et là dans le nord et l’est, et à l’ouest jusqu’à la Sarthe. Il est assez commun dans certaines localités aux environs de Paris. De là il s'étend à travers toute l’Europe, jusqu’en Dane- mark, le sud de la Suède et le golfe de Riga, au nord ; jusqu’en Italie, Autriche-Hongrie et Roumanie, au sud. En Asie, il pénètre jusqu’au littoral de la mer Caspienne. En Suisse, il n’a été rencontré qu'aux environs de Bâle. Le Pélobate brun n’est aquatique que pendant la saison de la reproduction, de mars à mai. Il recherche alors les mares ou les fossés profonds ; il y reste rarement plus d’une semaine. L’accouplement est lombaire. Les mâles — plus nombreux que les femelles — passent la tête au-dessus de la surface de l’eau et font entendre leur monotone clock-clock, espèce de gloussement, auquel la femelle répond par une sorte de grogne- ment. Le cri de douleur, par contre, ressemble à un véritable miaulement. Les œufs sont pondus en un gros cordon de 15 à 20 mil- limètres de diamètre que la femelle enroule autour des plantes aquatiques du bord de Peau. Quelques jours après la reproduction, les Pélobates retour- nent à terre et y errent dans les terrains sablonneux, la nuit, lorsqu'ils vont en chasse: ils se nourrissent principalement d’Aphodius, de Géotrupes et de Copris (Coléoptères qu'ils ren- contrent autour des bouses de vache), ainsi que d’araignées, mais ils ne dédaignent pas les blattes, les grillons, les mouches, les chenilles lisses, les vers, les limaces. Le Pélobate erre à l’aventure pendant toute la nuit. Sou- vent, après ses périgrinations nocturnes, l’aurore vient le sur- prendre ; alors il s’arrête et s’assied sur son arrière-train, puis, pivotant à droite et à gauche, il troue le sol et repousse le sable autour de lui. À mesure qu’il s'enfonce, le sable retombe sur son corps et le recouvre. 11 peut ainsi creuser une galerie souterraine absolument invisible du dehors, avec lequel elle n'offre aucune communication. Aussi ses poumons sont-ils énormes ; ils constituent de vastes réservoirs d’air. C’est là, 102 — enterré dans le sol meuble, parfois à une profondeur d’un mètre, qu'il passe la plus grande partie de son obseure exis- tence. Lorsqu'on le surprend, il s’enfouit complètement, en moins d’une minute, creusant à l’aide des tubereules cornés, durs et tranchants, qui arment ses tarses. Le Pélobate exécute des bonds assez étendus et très répétés, un peu lourds pourtant. 11 nage rapidement et s’enterre, mieux que les Crapauds, dans la vase des mares. Lorsqu'on l’agace, il ouvre la bouche, comme pour mordre, et pousse des cris perçants ressemblant aux miaulements des jeunes chats. En même temps il fait suinter à la surface de son corps une sécrétion à forte odeur d'ail. Le têtard du Pélobate brun est absolument remarquable par sa taille gigantesque (fig. 17). Aucun Batracien ne possède des larves aussi grandes. Le corps égale parfois en grosseur un fort œuf de poule, et la longueur totale du têtard parvenu à son complet développement est de 10 à 12 centimètrés ! On en a vu atteignant même 1714 centimètres ! s=—spiraculum ; a— anus. Fi1G. 17.— Le têtard du Pélobate. 2 En général, la transformation finale a lieu à la fin de l'été ; une partie des têtards pourtant hiverne. Les Pélobates vivent bien en captivité, à condition qu'on leur assure une nourriture grasse et abondante; leur vora- cité n’a pas de limites. Si on ne leur donne pas suffisamment de terre pour s’enfouir pendant le jour, ils ont l’air endormis, somnolents, et leurs mouvements sont alors d’une lenteur extrême, Ils se tiennent dressés sur les pattes antérieures, les yeux fermés et rentrés dans les orbites. a AR AR AR AE Fam. 11]. — BUFONIDES | ni Bufonides se distinguent des autres familles par leur corps lourd et trapu, leurs mâchoires dépourvues de dents, leur langue libre en arrière et projectile, leur pupille contrac- tile et horizontale (1), alors qu’elle est toujours verticale chez les Pélobatides, et ronde, triangulaire, cordiforme ou verticale chez les Discoglossides ; leurs pattes sont épaisses et comme difformes ; les postérieures sont à peu près aussi longues que les antérieures ; leur peau est très verruqueuse. La plupart des Bufonides vivent à terre et beaucoup sont d'excellents fouisseurs. Parmi les exotiques, les Nectophrines d'Afrique grimpent aux arbres. Cette famille est à peu près cosmopolite. Elle n’a toutefois pas de représentants dans les îles du Sud du Pacifique, ni à Madagascar, ce qui est très surprenant, vu la richesse de la faune batrachologique de cette grande île. Il existe environ cent quarante espèces dont deux seulement, appartenant au genre type, Bufo (Crapauds), sont indigènes. Le genre Bujo LAURENTI, le seul européen, possède, outre les caractères de la famille, les particularités suivantes : le tympan est présent, mais assez peu distinct ou même caché sous la peau: les doigts sont libres; les orteils sont plus ou moins palmés, mais la palmure ne s'étend pas entre les méta- tarsiens externes. (1) Du moins chez tous les Bufonides européens. — 104 — Ce genre renferme une centaine d’espèces européennes, asia- tiques, africaines et américaines. Les espèces d'Europe sont au nombre de trois, dont deux seulement appartiennent à notre faune. 1. Orteils au moins à moitié palmés. Espace interorbitaire au moins aussi large que la paupière supérieure. Iris rouge cuivre, plus ou moins veiné de noir. Pas de pli cutané le long du tarse. Pas de grosse glande sur la jambe. Bufo vulgaris (p. 104). 2. Orteils palmés seulement à la base. Espace interorbitaire plus étroit que la paupière supérieure. Pli cutané le long du tarse (rarement absent). Iris jaune, veiné de noir. Une grosse glande, analogue aux parotoïdes. sur la jambe. Bufo calamita (p. 112). LS Le Crapaud commun (Bufo vulgaris, Laur.) LL jour, — écrit le vieux GESNER (1), le Pline de l’Europe centrale, —un grand Crapaud s’introduisit dans la cellule d’un moine. Pendant que celui-ci, après son repas, dormait paisiblement couché sur le dos, le Batracien rampe vers lui et s’installe sur la bouche même du moine endormi. Les autres moines voient ce spectacle effrayant ; ils ne savent que faire ; arracher le Crapaud, c’est provoquer la mort certaine de leur frère ; le laisser en place, c’est bien plus cruel encore que la mort. On transporte donc le moine, sur son matelas, près d’une fenêtre où une grosse Araignée a tissé sa toile. L’Araignée a vu le Crapaud, dégringole le long de son fil, s’élance sur son ennemi, lui plonge son dard dans le corps (!!!), puis retourne prestement à sa toile. Le Crapaud se dresse, s’enfle, (1) C. GESNERI, medici Tigurini, Historiae Animalium liber II de Quadrupedis oviparis, 1554 (p. 63). — 105 — mais n’abandonne pas encore sa place sur les lèvres du moine. L’Araignée attaque une seconde fois le monstre qui, aussitôt, gonfle plus fort son corps verruqueux. Une troisième fois, l’Araignée transperce le Batracien : il contracte ses pattes, puis tombe raide mort. » Voilà la reconnaissance que lAraignée témoigna à son hôte. » Ce récit n'est-il pas édifiant? Comment peut-on ‘imaginer des absurdités pareilles? Et ce qui est plus inimaginable encore, c’est que de nos jours il existe encore des milliers de personnes qui croient à des faits analogues (1). Que n’a-t-on pas écrit, que n’a-t-on pas raconté au sujet du Crapaud ! LACÉPÈDE (2) lui-même, qui sut si bien réhabiliter la Sala- mandre, nomme ce pauvre Batracien «un animal dégoûtant, dans lequel tout est vilain, qu’on ne découvre qu'avec horreur, et qu'on est tenté de prendre pour un produit fortuit de l’hu- midité et de la pourriture ». Un animal abject qui « paraît vicié dans toutes ses parties. S’il a des pattes. elles n’élèvent pas son corps disproportionné au-dessus de la fange qu'il habite. S'il a des yeux, ce n’est point pour recevoir une lumière qu'il fuit. Mangeant des herbes puantes et véné- neuses (3), caché dans la vase, tapi sous des tas de pierres, retiré dans des trous des rochers, sale dans son habitation. dégoûtant par ses habitudes, difforme dans son corps, obscur dans ses couleurs, infect par son haleine, ne se soulevant qu'avec peine, ouvrant, lorsqu'on l'attaque, une gueule hi- deuse, n’employant d'autre arme qu’un liquide fétide qu’il lance ». Et un peu plus loin : « Il transpire de tout son corps une humeur laiteuse, il découle de sa bouche une bave (!) qui (1) On m'aflirme qu’il y a une trentaine d'années, aux environs de Ruysbroeck, on racontait aux enfants que les Crapauds crachaient du feu et qu'il fallait les frapper à l’aide d’une branche pourvue de deux feuilles ! (2) LACÉPÈDE, Histoire naturelle des Quadrupèdes ovipares, ele. 1834, t. I, p. 81. (3) Un peu plus loin LACÉPÈDE dit que le Crapaud est avide de ciguë ! 106. — peut infecter les herbes et les fruits sur lesquels il passe, de manière à incommoder ceux qui en mangent sans les laver». LACÉPÈDE termine ce terrible réquisitoire en demandant : « Pourquoi donc laisser subsister un animal qui souille et la terre et les eaux, et même le regard? » Cette pauvre bête inoffensive, — très utile, au contraire, par la destruction d'énormes quantités de vermine, — mérite toute notre reconnaissance, toute notre estime, pour les pré- cieux services qu’elle nous rend ! Loin de la détruire, l'Homme F1G. 18. — Le Crapaud commun. devrait la protéger et tâcher de la propager dans les pares et les jardins potagers. Les jardiniers anglais, avec le sens pra- tique qui les caractérise, achètent des milliers de Crapauds sur le continent et les placent dans leurs cultures. On accuse aussi cette bête inoffensive et utile, de pénétrer dans les étables, de vider les pis des vaches et des chèvres ! De tout cela, pas un mot n’est vrai. La sécrétion de ses glandes (1), (1) Le venin du Crapaud doit son activité à la présence de deux substances toxiques : la bufotaline, qui, injectée à la Grenouille, amène l'arrêt du cœur, absolument comme la digitaline (extraite de la digitale), et la bufoténine, dont l’action se rapproche du curare et qui provoque la paralysie. — 107 — mise en contact avee nos muqueuses, peut, tout au plus, (comme celle de la Salamandre), causer une inflammation légère ; rien de plus. Toutes ces fables sont sans fondement, et ceux qui les ont inventées, comme ceux qui les racontent ou y croient, mon- trent par là qu'ils n’ont jamais observé de près ces animaux, peu élégants, c’est possible, mais combien utiles et combien intéressants ! Le Crapaud commun (fig. 18) peul atteindre une taille respectable. La femelle mesure 8 à 12 centimètres de longueur : dans le midi de l’Europe, elle peut même atteindre 20 centi- mètres ; le mâle est nettement pius petit et d’allures moins lentes. Tout le dessus du corps est couvert de tubercules verru- queux de diverses grandeurs, plus où moins saillants, poreux, souvent même épineux:; les régions inférieures sont granu- leuses; ces verrues ne laissent libres, derrière le tympan, qu'une grosse glande parotoïde, courbée en croissant, et bor- dée de foncé du côté externe. La coloration de la peau est très variable. Les parties supé- rieures varient du brunâtre et du roussâtre à l’olive et au gris : elles sont tachetées où marbrées de brun foncé ou de noirâtre. Parfois, chez la femelle, les marbrures noirâtres envahissent les régions supérieures, laissant entre elles de petites taches jaunâtres ; d’autres femelles ont des marbrures d’un rouge de rouille. La face inférieure est blanchâtre, grise, bleuâtre ou brun pâle, souvent couleur chair sous les cuisses, avec ou sans taches brunes ou noirâtres. Les caractères qui le distinguent le mieux du Crapaud des jones (p. 112) sont signalés dans le tableau dichotomique de la page 104. Le Crapaud commun a une distribution très étendue em- brassant à peu près toute la région paléarctique. On le ren- contre, en effet, dans toute l’Europe, jusqu'au 659 lat. N., à Pexception de l'Irlande, la Corse, la Sardaigne et les Baléares ; il atteint l'altitude de 2.200 mètres dans les Alpes, s'étend — 108 — à travers toute l’Asie septentrionale jusqu’au Japon, habite presque toute la Chine et le Thibet jusqu’à 3.000 mètres, et se rencontre, enfin, dans les parties verdoyantes du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie. L'habitat de ce Batracien est très varié. On le trouve dans les bois, le: taillis et les haies, les champs et les prairies, dans les jardins, les caves et les grottes, au pied des vieilles mu- railles, sous les tas de pierres ou les troncs d’arbres, en un mot, partout où se présente un refuge, partout où la terre meuble lui permet d’en creuser un. Autant que possible, il choisit les lieux humides, ombragés ; c’est pour cela qu'il se rencontre souvent sous les plantes dont les larges feuilles le protègent contre la lumière. I1 semble avoir une prédilection marquée pour certains végétaux à odeur forte, telles que la sauge et la ciguë. C’est un animal nocturne qui ne sort qu’au crépuscule, à moins qu'une pluie chaude ne soit tombée ou que le temps soit nuageux. Il erre à l'aventure, en quête des Insectes, Vers et autres Invertébrés dont il fait sa nourriture. Maladroit dans ses mouvements, incapable d'exécuter des bonds étendus ou rapides, lourdaud et pansu, il évite de s’aventurer trop loin. Mais, par contre, il examine en détail son domaine de chasse restreint et ne fait guère un pas sans épier les alentours. Sa voracité est très grande, c’est une faim que rien ne calme. Il rend de grands services à l’agriculture et à l’horticulture. C’est à cause de sa maladresse qu'il dégringole souvent dans les soupirails de nos caves, qu'il tombe dans les grottes et les puits, dont il ne pourra plus s’échapper. Là encore, il trouvera de quoi se nourrir largement. Son œil est perçant : le plus petit Insecte est englué au moyen de la langue projetée en avant. Voici un Ver de terre qui passe : les yeux du Crapaud étincellent ; il se dresse, fait quelques pas rapides, s'arrête devant la proie. Ses yeux la fixent, la fascinent. Les orteils trépignent d'émotion. Puis l'animal lance sa langue visqueuse et englue la victime. Le ver est-il trop long — un petit coup de la patte antérieure amène dans la bouche. —. 109 — Hautement sociable, ce Batracien vit en bonne intelligence avec ses semblables, sauf au moment de la reproduction où les mâles se combattent avec acharnement. Tout ce qui se meut, le Crapaud le remarque. Un animal immobile passe inaperçu. Un insecte mort est obstinément dédaigné. Cela signifie-t-il que les facultés psychiques de ces animaux soient très peu développés? Non; eux aussi sont susceptibles d'apprendre par l’expérience et, en captivité, ces Amphibies abandonnent très vite leur timidité pour qui les soigne bien, et viennent même prendre dans nos mains l’in- secte que nous leur tendons. Le Crapaud commun passe l’hiver dans les crevasses creusées dans le sol aride, loin des eaux, contrairement à ce qui se passe chez la plupart des autres Anoures. Il creuse rarement, préférant s'installer dans les abris qu’il trouve sur son passage, où dans les trous des souris. Il s’y enterre vers la fin de septembre ou au commencement d’octobre, parfois en société de plusieurs individus, et s’abrite contre le froid par un rempart de terre élevé à l'entrée du gîte. C’est là qu'il reste tapi, immobile, engourdi, jusqu’en avril- mai. Une fable absurde, basée sur des faits mal observés, est celle qui a trait aux Crapauds trouvés encastrés dans des murs ou des pierres, ou même dans des blocs de houille. L'amour du merveilleux est allé jusqu’à vouloir faire de ces prisonniers des survivants d’époques fort reculées, des contemporains de la formation de ces rochers, dans lesquels ils seraient donc enfermés depuis des milliers de siècles ! Les Crapauds, quoique doués d’une grande longévité, quoique susceptibles de résister à un long jeûne et de se contenter d’une petite quantité d'oxygène, ne peuvent vivre longtemps privés complètement d’air, de nourriture et surtout d'humidité. De nombreuses expériences sur des ani- maux séquestrés dans des boîtes ou dans des blocs de plâtre Pont démontré. HÉRISSANT a constaté que des Crapauds, emprisonnés dans des blocs poreux, déposés dans des endroits humides, ont pu vivre jusqu’à dix-huit mois. — li — Dans les cas où l’on a trouvé un Crapaud encastré dans une pierre, dans un mur, il est probable que l’animal avait pénétré tout petit dans sa prison par une fissure passée inaperçue, fissure qui, tout en ne lui permettant plus de s'échapper par suite d’un accroissement de taille, avait pu suffire au passage des insectes et des vers nécessaires à son alimentation. En avril-mai, les mâles se rassemblent en grand nombre dans les étangs et les mares, mais se contentent souvent des flaques les plus exiguës. Le mâle, généralement plus petit que la femelle, se dis'ingue par son corps plus court, ses membres antérieurs beaucoup plus robustes. Quoique dépourvu de sac vocal, il fait entendre une voix ressemblant à un faible aboiement. C’est cette voix, résonnant jour et nuit, qui annonce l’époque de la repro- duction. L’accouplement est axillaire et dure huit à dix jours, même trois à quatre semaines, Jusqu'à ce que la ponte commence. La ponte a lieu par longs cordons glaireux, dans lesquels les œufs, petits et noirs, sont disposés en deux ou quatre files. Ces cordons, de épaisseur d’un crayon et de la longueur de 3 à 5 mètres, sont entortillés autour des plantes aquatiques ou des branches d’arbres immergés ; ils renferment plusieurs milliers d'œufs. Les têtards, noirâtres et minuscules, — leur taille ne dépasse guère 3 centimètres, — vivent généralement par bandes ; huit à douze semaines après l’éclosion, leur métamorphose est com- plète ; bien que fort petits encore et toujours pourvus de leur queue, ils quittent l’eau, gagnent la terre, menant la vie des adultes, mais combien plus vifs dans leurs mouvements. Leur croissance est lente ; ils ne sont aptes à la reproduction que vers la cinquième année de leur existence. Les Crapauds atteignent un âge très avancé. PENNANT en a gardé un, en captivité, pendant trente-six ans; le hasard seul mit fin aux jours de cet animal. Cette longévité des Crapauds constitue un facteur important dans la conservation de l’espèce. Ils ont peu à craindre des — 111 — autres animaux, à cause de leurs glandes à venin. Les Ser- pents seuls les chassent, mais avec peu d’entrain. La multi- plication de lespèce est faible : les parents déposent les œufs dans les moindres flaques d’eau qui se dessèchent complète- ment en été, d’où une mortalité énorme. La Lucilie bufonivore de Montrez est, pour les Crapauds, un ennemi redoutable. Tout le monde connaît les Lucilies, ces mouches à teinte métallique que l’on voit s’abattre sur les corps en décompo- sition et dont les larves, dénommées asticots, servent aux pêcheurs à la ligne. Ces larves s’introduisent dans le corps des malheureux Cra- pauds par de petites blessures préexistantes, ou pénètrent même par les narines. Leur voracité est inimaginable : en deux ou trois jours, elles décuplent leur taille en se régalant à un horrible festin. Elles détruisent les mâchoires du Crapaud, rongent complètement les yeux, remplissent les orbites d’un grouillement repoussant, rongent jusqu’au cerveau de leur victime : la mort seule met fin à ce martyre affreux. Serpents et Lucilies ne sont cependant rien à côté d’un ennemi autrement redoutable, qui tue par ignorance et par plaisir de tuer, l Homme. La forme peu gracieuse des Crapauds, leur corps froid et visqueux, la sécrétion vireuse de leur peau ne justifient pas le dégoût exagéré qu'ils inspirent à certaines personnes; la laideur n’est pas un crime! Il faut détruire enfin les préjugés absurdes qui règnent encore dans nos campagnes et dans nos villes ; il faut faire valoir auprès de tout le monde les services rendus par ces humbles animaux et l'intérêt qu'il y a à les protéger. Quand donc ne verra-t-on plus des personnes d’âge et surtout des enfants se livrer à des actes de barbarie de toutes sortes, les uns en écrasant ces animaux sous leurs pieds, ou en les frappant avec des pierres ou des bâtons, les autres, en les perforant avec des branches taillées en pointe? — 112 — Le Crapaud des joncs ou Crapaud calamite (Bujfo calamita Laur.) É Crapaud des jones, bien moins commun que le précédent, a les membres postérieurs si courts que l’animal est inca- pable de sauter ; il marche à quatre pattes, le corps à distance du sol et court même assez vite, ce qui le distingue, même dans la demi-obseurité, du Crapaud commun. qui sautille ; mais le Calamite court par saccades, en s’arrêtant fréquem- ment comme pour reprendre haleine et observer ce qui se passe autour de lui: on a comparé sa marche à celle de la souris. Les membres postérieurs sont un peu ou pas plus longs que le corps ; les orteils ne sont palmés qu’à la base (tandis qu’ils le sont au moins à moitié chez le Crapaud commun) et pos- sèdent des tubercules sous-articulaires doubles (fig. 10, E). Une grosse glande, analogue aux parotoïdes, occupe le dessus de la jambe. Le dessus du corps est gris, jaunâtre ou verdâtre, tacheté ou marbré de brun, d'olive ou de vert, souvent pointillé de noir, Les grandes verrues sont souvent rouges ou rousses, avec ou sans bordure noire ; le long du dos s'étend presque tou- jours une ligne jaune allant du museau à la pointe du coccyx. Le dessous est d’un blanc sale, plus ou moins maculé de noirâtre. Les veux sont jaunâtres, pailletés de noir. Le tym- pan, près duquel s’observe une assez grande parotoïde, est petit et indistinct. La taille est à peu près la même chez les deux sexes : 5 à 7 centimètres du museau à l’anus. Le mâle est pourvu d’un sac vocal gulaire très développé, gris violacé ou bleuâtre ; lorsqu'il est gonflé, il est au moins aussi gros que la tête. Le Crapaud calamite habite l’Europe occidentale et cen- trale, depuis le sud de l’Ecosse et l'Irlande jusqu’à Gibraltar. — 118 — Très commun et fort répandu en France et dans la Péninsule ibérique, il devient de plus en plus local vers le nord et l’est ; sa limite orientale est le golfe de Riga, la Pologne, la Bohême et la Galicie: il ne se rencontre pas au sud des Alpes, où il est remplacé par le Crapaud vert. Le Crapaud des jones affectionne les endroits sablonneux de la Campine et de la zone littorale ; on le rencontre souvent, même en plein jour, dans les dunes de notre littoral. Il ne craint pas de déposer ses œufs dans les mares ‘aumâtres. C’est le meilleur fouisseur parmi les Bufonides. Non seule- ment il est capable d'agrandir les trous préexistants, mais il se construit de nouveaux refuges en travaillant des quatre membres (la partie postérieure du corps en avant) et en grat- tant le sol de ses doigts à extrémités cornées. Arrivé à une certaine profondeur, il fait volte-face, continue à creuser avec les membres antérieurs, et rejette la terre, comme une taupe, avec les pattes postérieures. Malgré l’absence de palmure, cet animal nage assez bien. I] passe la journée soit dans ses refuges souterrains, soit dans les crevasses des pierres ou des murailles. Les mâles se font entendre souvent au printemps et au commencement de l’été : leur voix très forte, comparable à celle de la Rainette, consiste en une seule note rapidement répétée. Quelques instants après le coucher du soleil, par un temps très calme, ces ra, ra retentissent en chœur, subitement, comme sur commande ; ces symphonies s'entendent parfois à plus d’un kilomètre ; puis, tout d’un coup, silence. Quelques instants après, le chant étourdissant reprend. L’accouplement est semblable à celui du Crapaud ; pourtant les Calamites ne se rendent à l’eau qu’à la tombée de la nuit, et la fraie a généralement lieu en mai et juin ; elle se termine généralement avant le lever du soleil. Les têtards quittent l’œuf trois à quatre jours après et perdent leurs branchies plus tôt que dans l'espèce précédente. Le tétard du Crapaud des jones, le plus petit de toutes les larves des Anoures européens, est noir, large, aplati, comme VIII — 114 — ponctué de paillettes métalliques, et ne mesure que 20 à 30 mil- limètres. Il se tient surtout parmi la végétation de la berge et se nourrit de vase. Le Crapaud des jones est apte à se reproduire à partir de la quatrième ou cinquième année de son existence ; il atteint très probablement un âge fort avancé. Il est aussi utile que le Crapaud commun. En présence d’un ennemi, le Crapaud calamite prend la fuite. Mais, lorsque la fuite est impossible, lorsqu'on le mal- mène, il se contracte si fort que toutes les glandes de sa peau font suinter à la surface du corps un liquide protecteur blan- châtre, écumant, dont l’odeur rappelle celle de la fumée de la poudre ou du caoutchouc fondu. Fam. 1V.— RANIDES ei E représentants de ce groupe possèdent une mâchoire supérieure dentée et des vertèbres procèles, sans côtes. Beaucoup d'espèces ne vont à l’eau qu’au moment de la reproduction ; elles se tiennent de préférence dans les prairies humides, les champs, les bois, errant à l’aventure, se reposant là où l’aube les a surprises, et reprenant leurs pérégrinations après le coucher du soleil. Un grand nombre vivent sur les arbres, tout comme les Rainettes. Le modus vivendi est à peu près le même chez toutes les espèces; à une vie printanière et estivale très exubérante, pleine d’émois, de chants et de plaisirs, succède une vie autom- nale moins gaie et, finalement, un long sommeil hivernal qui dure jusqu’au retour du printemps. Cette famille, qui comprend une quarantaine de genres, n’est représentée, en Europe, que par le seul genre Rana, Grenouille, Les autres genres sont propres à l'Amérique du Sud et surtout à l’Asie et à l'Afrique. Chez nous, les Grenouilles se rendent parfois désagréables par leurs bruyants concerts, mais ce petit désagrément - que seules les personnes nerveuses éprouvent réellement — est — 116 — largement racheté par la grande utilité de ces animaux. Par contre, certaines espèces géantes de l'Amérique et de l'Inde n'hésitent pas à s'attaquer à de jeunes canards ou de jeunes oies. La plupart des Ranides confient simplement leur ponte à l’eau, sans s’en préoccuper ensuite. Mais il existe des cas où soit le mâle, soit la femelle s'occupe des œufs. Le développement des têtards se fait comme nous avons décrit plus haut. PES IGRENOLIILLES Genre RANA Linné Ce le seul genre européen parmi les Ranides. Il se carac- térise par la pupille horizontale, ovale (fig. 5, e) ; la langue échancrée et très libre en arrière (fig. 8 et 20). Le tympan est le plus souvent distinct. Les doigts sont libres ; les orteils, plus ou moins palmés. Il existe toujours des dents à la mâchoire supérieure et sur le palais. Le genre Grenouille comprend près de deux cents espèces propres à l’Europe, à l'Asie, à l'Afrique et à l'Amérique sep- tentrionale et centrale. Une seule espèce dans l'Amérique du Sud; une autre dans l'extrême nord de l’Australie. Huit espèces se rencontrent en Europe; deux seulement appar- tiennent à la faune belge. Nos Grenouilles peuvent se diviser en deux sections, celle des Vertes et celle des Rousses. Mais disons tout de suite que les premières endossent souvent un habit brunâtre, tandis que les Rousses sont plus conservatrices et se contentent de leur livrée. La coloration générale du corps ne suffit donc pas à distinguer ces deux groupes. Ils sont pourtant nettement tranchés : les Vertes considèrent même les Rousses comme des ennemies et les dévorent. Il suffit d’un coup d’œil pour établir cette distinction. Le caractère distinctif entre ces deux sections, nous le devons, je le dis sérieusement, aux gastronomes amateurs de cuisses de Grenouilles ; ils doivent l’avoir découvert en premier lieu. Chez les Vertes (Rana esculenta et ses variétés), les cuisses sont marbrées de noir sur fond blanc ou jaune et la palmure des orteils est complète. — il — Chez les Rousses (R. temporaria, etc.), les cuisses n’offrent pas cette coloration, et la palmure ne s’étend que sur les deux tiers ou les trois quarts des orteils. D’autres traits distinctifs existent encore : on les trouvera dans le tableau dichotomique suivant. PA Synopsis des espèces belges du genre Rana, Grenouille. Dents vomériennes au niveau du bord postérieur des choanes (ou immé- diatement en arrière de celles-ci; fig. 8). Mâles pourvus de sacs vocaux externes faisant hernie (lorsque les animaux coassent) par une fente située de chaque côté derrière la bouche. Le membre postérieur étant replié en avant (fig. 21), le talon peut atteindre le bout du museau. Espace interorbitaire mesurant le tiers ou la moitié de la largeur de la paupière supérieure. Dessus du corps généralement vert. Rana esculenta (p. 118). Dents vomériennes dépassant, en arrière, le niveau des choanes (fig. 20), Sacs vocaux internes ou nuls. Le membre postérieur étant replié en avant (fig. 21), le talon atteint le niveau de l’œil ou de la narine. Espace interorbitaire aussi large ou un peu plus étroit que la paupière supé- rieure. Coloration variable ; souvent brunâtre ou roussâtre ; rarement vert proprement dit. Rana temporaria (p. 124). a (] La Grenouille verte (Rana esculenta Linné) L° Rana esculenta (fig. 19) est le véritable type des Gre- nouilles vertes. Sans les pattes postérieures, qui mesurent 10 à 11 centimètres, le corps de ce Batracien atteint 6 à 8 cen- timètres de longueur, parfois même plus. Les dents vomériennes sont disposées entre les choanes (fig. 8); c’est là un caractère distinctif très net. —.119 — Le dessus est de coloration variable, mais généralement vert vif ou vert olive, parfois brunâtre, uniforme ou relevé de taches noires ou brun foncé, parfois bordées de jaunâtre. On observe, dans la plupart des cas, trois bandes jaunâtres ou blanc-verdâtre, longitudinales. L'une longe la colonne vertébrale, les deux autres forment des plis dorso-latéraux glanduleux et très saillants. Le dessous est blanc, avec ou sans taches où marbrures noires. Les doigts sont obtusément pointus. Les tubercules sous-articulaires sont pe- tits, modérément saillants. Le membre postérieur étant replié en avant (fig. 21), le talon atteint le bout du museau ou un point quelconque entre celui-ci et l'épaule. Le tubercule métatarsien, à la : ; À = FIG. 19. base du premier orteil, est tantôt petit : à 2 Me La Grenouille verte. et mousse, tantôt grand et comprimé, Mâle en train de coasser. suivant les variétés. Les veux sont saillants et vifs; l'iris est d’un beau jaune d’or. L'espace interorbitaire est étroit; il mesure le tiers ou la moitié de la paupière supérieure. Le mâle est caractérisé par sa taille plus petite, les membres antérieurs plus robustes, un coussinet à la base du doigt interne, portant, à l’époque de la reproduction, des rugosités grisâtres, et un sac vocal externe de chaque côté de la tête, caisse de résonance faisant hernie, lorsque l’animal coasse, par une fente située à la commissure des mâchoires (fig. 8, 19). La Grenouille verte — qui est représentée en Europe par trois variétés — à une distribution géographique très étendue comprenant toute l'Europe, à l'exception de lextrême Nord. C’est ainsi que ce Batracien manque à l'Irlande, à l'Ecosse, à la Norvège et à la plus grande partie de l’Angleterre et de la Suède. Elle vit aussi bien dans les plaines que dans les montagnes, tout en ne s’élevant guère au-dessus de 1.000 mètres d’alti- tude dans les Alpes. — 120 — Peu difficile dans le choix de son habitation, cet animal ne manque dans aucune mare, dans aucun fossé, mais les assem- blées nombreuses de Grenouilles vertes ne se rencontrent que dans les eaux dont la berge est entourée d’un fourré épais de jones, et dont la surface est occupée par une végétation à feuilles flottantes. C’est ainsi qu’elle a une prédilection mar- quée pour les petits étangs à nénuphars. Elle s’installe sur les larges feuilles de ces belles plantes pour se chauffer béate- ment au soleil et exprimer son bien-être par un concert assourdissant. On dirait qu’un sentiment de haute sociabilité les ait réunies là, qu’elles aiment à se sentir ainsi côte à côte. Telle est notre interprétation, et elle doit être erronée : les Grenouilles, même lorsqu'elles chantent toutes à la fois, sont indifférentes les unes pour les autres, et si elles sont réunies là en si nombreuse assemblée, si la même feuille de nénuphar en porte parfois deux et même trois, c’est que la mare est trop petite pour ce peuple innombrable et que tous les indi- vidus réclament leur part du soleil et de sa chaleur bien- faisante. L'animal ne paraît nullement incommodé par les ardeurs de l’astre : sa peau agit à la façon de ces vases de terre qu’on nomme «alcarazas »; le liquide qui transsude et s’évapore suflit à refroidir le vase comme le corps du Batra- cien. Dérange-t-on l’animal, il s’élance immédiatement en un bond pouvant atteindre deux mètres d’étendue, plonge et disparaît au fond de l'étang. Mais la Grenouille verte n’y séjourne jamais trop longtemps : après quelques minutes, la crainte se dissipe, l’animal regagne la surface, inspecte les alentours de ses gros yeux ronds et myopes, puis retourne à son ancienne place. Au coucher du soleil, ou après une pluie, les Grenouilles vertes se donnent rendez-vous parmi les plantes des berges et y font entendre leurs concerts. Les femelles n’ont qu’un petit eri court, faible, Parmi les mâles, les uns tiennent la basse ; les autres, plus jeunes, font les barytons et les ténors. Concerts assourdissants, concerts sans trêve, sans repos, retentissant de jour et de nuit parfois, et se prolongeant au delà de l’époque — 121 — de la reproduction. D’innombrables brékèkè-koak sont criés, grognés par des centaines de gosiers rauques. A la mi-octobre, la Grenouille se réfugie parmi la végé- tation dense, dans la vase, ou dans une crevasse, où elle passera l'hiver. A terre, la Grenouille verte ne se déplace qu’en sautant. Ses bonds sont non seulement très étendus, mais encore admi- rablement calculés. En sautant, l'animal peut changer brus- quement de direction et faire volte-face en un clin d'œil. Quoique moins bien douée, au point de vue intellectuel, que le Crapaud, la Grenouille sait néanmoins adapter sa ligne de conduite aux circonstances de la vie courante. Là où personne ne vient la déranger, elle devient finalement si confiante, qu'elle laisse le promeneur se rapprocher d’elle à deux pas avant de fuir. Là où on la traque, la moindre ombre, le plus léger bruissement l’effarouchent. La Grenouille verte est un carnassier qui ne mange que le gibier qu'elle a attrapé elle-même. Tout ce qui est immobile la laisse absolument indifférente et ne semble pas exister pour elle. Elle épie tout ce qui passe à proximité et, lorsqu'une mouche ou une libellule passent assez près d’elle, elle saute, la langue gluante projetée hors du museau. Elle se nourrit généralement d’Insectes, d’Araignées, de Vers, de Limaces, et ne craint pas les Guêpes. Sa voracité est très grande. J’en ai vu une dévorer, en un jour, plus de cin- quante grosses mouches bleues. Par la destruction qu’elle fait de ces animaux nuisibles, elle mérite toute notre protection, toute notre reconnaissance. Mais ses services ne sont géné- ralement pas reconnus, car c’est un grand malheur, dit LacÉ- PÈDE, de ressembler à un être ignoble, le Crapaud. Le pisciculteur exècre la Grenouille verte, le mâle surtout, nuisible aux carpes, auxquelles il enlève les écailles par son amplexus ou mutile les branchies. Cet Anoure n'hésite pas non plus à dévorer les petits spé- — 122 — cimens de son espèce et surtout ceux de la Grenouille rousse. Tout ce qui se meut, il le happe, peu lui importe le volume de la proie. On a trouvé une Souris dans l’estomac d’une Grenouille : la Batrachomyomachie ne manquerait-elle done pas d’une certaine base scientifique ? On en a même vu s’atta- cher à la queue d’une Couleuvre : on devine facilement com- ment se termina cette entrevue. Les jeunes quittent les quartiers d’hiver avant les parents, souvent déjà au commencement d’avril. Ce n’est qu’au prin- temps que les adultes, plus prudents, sortent de leurs abris. L'époque de la reproduction tombe généralement au com- mencement de juin, beaucoup plus tard donc que chez la Rainette et la Grenouille rousse. Dans l’accouplement, — il est axillaire et dure rarement plus de huit jours, — le mâle fait sortir les œufs de la femelle par la force de ses bras et la masse de son corps. Les œufs, aglutinés en paquets volumineux, tombent au fond de l’eau ; ils sont plus petits, mais plus nombreux que ceux de la Grenouille rousse ou de la Rainette: le vitellus mesure à peu près 114 millimètre de diamètre ; il est brun en dessus, blanc jaunâtre en dessous. Le quatrième jour déjà après la ponte, la larve se meut ; le cinquième ou le sixième, l’œuf éclate, et le têtard (1) fait son apparition. Quinze jours après la ponte, les branchies externes s’atro- phient et on aperçoit le spiraculum, impair, sur le côté gauche. Au régime jusque là herbivore succède le régime carné ; l’exa- (1) Voici ce que PILE (livre IX, chap. 74) dit au sujet du développe- ment des Grenouilles : « Les femelles produisent de très petites chairs noires (les têtards!) et où l’on ne distingue que les yeux et la queue. Puis les pattes se dessinent et la queue se bifurque pour former celles de derrière. » Chose singulière ! Au bout de six mois de vie, ces têtards se résolvent en limon sans qu’on s’en aperçoive; puis on les voit reparaître tels quels dans les eaux, au printemps suivant(!), par un procédé de la nature qui reste inconnu, bien qu’il se renouvelle tous les ans. » — 123 — men, au microscope, du contenu des intestins le montre. Lorsque le têtard mesure 6 à 7 centimètres, les quatre membres sont parfaitement formés, mais la queue est encore plus longue que le corps. Mais à partir de ce moment, elle s’atrophie len- tement ; la taille du corps ne s'accroît plus ; au contraire, on dirait que le jeune adulte est plus petit que le tétard. Les métamorphoses ne sont complètement achevées qu'après quatre mois ; l’âge mür est atteint la cinquième année. Peu de Grenouilles meurent d’une mort naturelle. La plu- part disparaissent sous la dent, le bec ou la serre d’un ennemi quelconque. Beaucoup d'animaux, et notamment les Tritons, opèrent parmi les œufs et les têtards un effroyable carnage. Et celà est nécessaire, car si chacun des trois ou quatre mille œufs que peut représenter une ponte unique de Grenouille rousse donnait naissance à un individu, en peu de temps, toutes nos mares, tous nos fossés seraient insuffisants pour héberger cette population fantastique. Le calcul le plus rudimentaire montre que si tous les reje- tons d’un même couple arrivaient à se développer, ils occupe- raient toute la terre après quelques générations. L'Homme aussi est un de ses ennemis les plus redoutables en tirant à terre des paquets d’œufs et en les abandonnant là à la dessiccation, en chassant les Grenouilles, ou en les tuant sans rime ni raison. Aussi la Loi a-t-elle reconnu l'utilité de protéger ce Batracien et ses congénères, et en défend-elle la chasse, la vente et même le transport. En France, en Italie et dans le sud de l’Allemagne, on fait une chasse active à la Grenouille, surtout en automne, lors- qu'elle est plus grasse. On la prend facilement au moyen d’un hameçon portant un petit morceau d’étoffe rouge qu'on agite dans l’eau. La pêche au filet ne donne de bons résultats qu’au début : ces animaux se rendent bien vite compte de la guerre qu'on leur fait ; ils deviennent très prudents, fuient la berge ou se réfugient dans la vase. En captivité, la Grenouille verte se montre d’abord abso- lument indomptable, mais au bout de quelques jours, elle —_— 124 — finit par se calmer; bientôt elle apprend à reconnaître l’en- droit où on lui donne la nourriture et vient même prendre, dans la main, le ver de terre qu’on lui présente. 7. La Grenouille rousse. SX (Rana temporaria Linné.— R. muta Laur.) fie espèce mesure 60 à 95 millimètres. Elle se distingue aisément de la Grenouille verte par ses mœurs, sa colo- ration et, avant tout, — ceci constituant un des meilleurs signes distinctifs — par la disposition des dents vomériennes en arrière du bord postérieur des choanes (fig. 20). ms, mi—mâchoires supérieure et inférieure ; v=— dents vomériennes disposées en arrière des choanes €: o— œil ; a,p— parties antérieure et posté- rieure de la langue ; e— trompe d’'Eustache. F1G. 20.— Cavite buccale de la Grenouille rousse. La peau est lisse ou faiblement verruqueuse en dessus ; un cordon glanduleux en forme de A existe, le plus souvent, entre les épaules. La coloration varie infiniment. Il y a des Gre- nouilles rousses de toutes les teintes, sauf pourtant le vert proprement dit et, sur un grand nombre d'individus, il est rare d’en rencontrer deux absolument semblables. Le brun et le roux sont pourtant les couleurs les plus fréquentes. La plupart des spécimens portent des taches ou marbrures brun foncé ou noirâtres comme de grandes taches d’encre. — 125 — Sur la tempe, il existe presque toujours une grande tache foncée et allongée, d’où le nom de {emporaria donné par LiNNÉ à ce Batracien. Les membres sont marqués d’anneaux foncés ; ce dessin est parfois irrégulier. Les parties inférieures sont le plus souvent jaunâtres ou blanchâtres, presque toujours tachetées de brun ou de roux ou pointillées de gris. L'iris est doré. F1G. 21. — Le membre postérieur r étant replié en avant, le talon «a (articulation tibio-tarsienne) at- teint le bout du museau (Rana esculenta), où seulement le tym- pan, l’œil à ou la narine n (Rana lemporaria). Le mâle diffère de la femelle par ses membres antérieurs très robustes, par son pouce renflé en coussinet du côté interne et couvert de brosses copulatrices noires et, enfin, par la pré- sence de sacs vocaux internes et la couleur bleuâtre ou vio- lacée de la gorge à l’époque de la reproduction. La Grenouille rousse est commune dans toute l’Europe septentrionale et centrale, jusqu’au Cap Nord; elle s’étend à travers la Sibérie, jusqu’à l’île de Yesso. Dans l'Europe méri- dionale, dit BOULENGER, elle manque ou est cantonnée dans les montagnes, atteignant la limite des neiges dans les Alpes. Elle manque dans la plaine du sud de la France, mais réap- paraît dans les Pyrénées. Elle fait défaut dans la partie pénin- sulaire de lItalie. La Grenouille rousse est le Batracien le plus précoce à se réveiller. À peine sortie du repos hivernal, elle s’occupe déjà de la reproduction, immédiatement après la fin de l’hiver, lorsque les eaux sont parfois encore chargées de glaçons; dans les montagnes de l’Asturie, on en a vu accouplés dans la neige. Les œufs de cette espèce sont déjà éclos avant qu'aucune autre espèce n’ait pondu les siens. Les larves aussi se déve- loppent plus vite que celle des autres Grenouilles, ce qui per- met à la Rousse d’habiter des contrées où l’hiver ne dure que quelques semaines. Dans les pays tempérés, si l’hiver n’est pas trop rigoureux, l’accouplement a lieu déjà en février. A cette époque, ces animaux nagent en grand nombre dans les étangs et les mares. Les mâles se disputent les femelles avec acharnement et font entendre sous l’eau leur chant peu sonore, qu’on peut rendre par grouk, grouk. L’accouplement — il est axillaire — peut durer des semaines. Parfois la ponte s'effectue très vite : tous les œufs sont expulsés et fécondés en une heure. Les œufs sont plus grands, mais moins nombreux que ceux de la Grenouille verte : la sphère vitelline, presque entière- ment noire, mesure de 2 à 3 millimètres de diamètre. La ponte forme de gros paquets gélatineux renfermant jusqu’à 4.000 œufs ! Après être tombée au fond de l’eau, elle revient bientôt flotter à la surface des mares, ce qui la distingue alors de celle de tous nos autres Anoures. Ces gros paquets d’œufs flottants sont souvent détruits par les gelées, ou par l’assèchement des mares pluviales, ou par l’abaissement du niveau de l’eau aux bords des étangs. Si les œufs ont échappé, les larves sont souvent victimes des mêmes fatalités, car la Grenouille rousse, à l'encontre du Crapaud commun, ne montre aucune prévoyance dans le choix des endroits où elle dépose sa progéniture. Le têtard, qui ne dépasse pas une longueur de 45 millimètres, se transforme en mai ou juin. C’est alors que des milliers de petites Grenouilles sortent de l’eau, quelques-unes encore — 127 — munies d’un bout de queue, et se blottissent dans des cre- vasses ou sous des pierres au bord de l’eau qui les a vu naître. Qu'un orage éclate, et l’on verra des myriades de ces petits animaux quitter leurs retraites aux premières gouttes de pluie, couvrir les champs et les chemins de leurs innombrables légions. Ainsi s'explique tout naturellement un fait qui a donné lieu aux plus fabuleuses croyances. Les anciens prétendaient, dit LATASTE, que les jeunes Grenouilles naïissaient de la pous- sière desséchée des chemins, fécondée par les grosses gouttes de pluie; ou que, se formant de toutes pièces dans les airs, elles tombaient avec les pluies d’orage. Cette dernière opinion s’est perpétuée jusqu’à nos jours! Assurément, on ne croit plus à la génération spontanée des Grenouilles, mais bien des auteurs ont admis l’existence des pluies de Grenouilles et de Crapauds, les expliquant à l’aide de trombes atmosphériques : ces Batraciens seraient enlevés d’un endroit pour retomber ailleurs. Il est fort possible qu’une trombe emporte des Batra- ciens avec d’autres corps vivants et inanimés; mais elle ne les séparerait pas des autres débris pour les accumuler en grand nombre en un point ; et, surtout, elle ne les déposerait pas sur le sol avec des précautions telles qu’ils soient aussi frais et dispos. L’imagination et l’auto-suggestion aidant, beaucoup de personnes se sont figuré avoir réellement vu tomber du ciel d'innombrables Batraciens, et en avoir même reçu sur leur chapeau ou leur parapluie. « Pour peu qu’on eût voulu découvrir la vérité, dit Lacé- PÈDE, on les aurait trouvés, avant la pluie, sous des tas de pierres et dans d’autres abris, où on les aurait vu cachés de nouveau après la pluie, pour se dérober à une lumière trop vive. Mais on aurait eu quelques fables de moins à raconter, et combien de gens dont le mérite disparaît avec les faits merveilleux ! » Après la ponte, la plupart des Grenouilles rousses se rendent à terre. Contrairement à ce que l’on observe chez les Vertes, — 128 — elles s’éloignent souvent beaucoup des eaux, se promènent dans les prairies, les jardins, les champs et les bois. Dès que la chaleur les accable, elles se cachent sous les pierres, au pied des arbres, dans les crevasses du sol. Le soir, elles sortent de leurs repaires pour se rendre à la chasse. Elles sont au moins aussi utiles que l’espèce précédente. Là où elle existe, la Rousse est généralement très abondante et vit souvent côte à côte avec le Crapaud. La Grenouille rousse est une mauvaise musicienne ; ce n’est qu'au moment de la reproduction qu’elle fait entendre ses grouk, grouk peu sonores. Elle n’est donc pas complètement muette, et le nom de muta, qui signifie muette, ne s’explique pas. La Grenouille rousse a beaucoup plus d’ennemis que la Verte. La mort la guette à tous les moments de l’existence et menace les œufs, les embryons, les tétards, les adultes. Ceux-ci ne sont réellement en sûreté que lorsqu'ils se retirent dans la vase, vers la fin d’octobre, ou dans les refuges ter- restres. Tous les Mammifères, tous les Oiseaux, tous les Rep- tiles traquent ce pauvre animal et à ces exterminateurs se joint l'Homme, grand amateur de cuisses de Grenouilles. La Grenouille rousse n’a rien des mouvements prestes, des allures distinguées de la Verte : elle saute moins bien que cette dernière. En captivité, elle se montre moins indomptable, moins irré- fléchie que la Verte; elle s’apprivoise et s'adapte beaucoup plus rapidement et bien plus complètement aux circonstances ambiantes. SA IE AE BAIE AE SU UE Fam. V. — AYLIDES LAN e Hylides se caractérisent par leurs doigts et leurs orteils dilatés en disques adhésifs terminaux (fig. 10, A), leur mâchoire supérieure dentée, ainsi que par leurs mœurs. Cette famille est très riche en représentants, et très répandue. Elle comprend environ 270 espèces réparties dans le monde entier, mais appartenant surtout aux régions chaudes de l'Amérique et de l'Australie. Un seul genre, avec une seule espèce, la Rainette, vit en Europe (1). y 2 K 21 Te La Rainette verte. (Hyla arborea Linné.) | (Eos a fait de la Rainette presque un animal domes- tique. Il a voulu que la Raïne, comme on l’appelait dans le temps, fût prophète et lui servît de baromètre ; il lui a con- struit un petit terrarium avec une immanquable échelle de bois. Les observations précises ont pourtant démontré que cet animal est un météorologue auquel il ne faut nullement se fier. Malgré cela, nous aimons la Rainette, car c’est le plus gentil, le plus gracieux, le plus agile de tous nos Batraciens. (1) On connaît environ cent septante-cinq espèces de ce genre, la plu- part d'Amérique et d'Australie, IX = us) — Ce petit animal, de 35 à 45 millimètres de longueur, a le dos parfaitement lisse et luisant, et du plus beau vert, un vert tendre, un vert de feuilles fraîches. Le dessous est blanc ou jaunâtre et granuleux, et ces deux couleurs sont nettement séparées l’une de l’autre par un beau ruban noir (parfois brun) bordé en haut de blanc ou de jaune; ce galon latéral (fig. 22) FIG, 22.— La Rainette verte. — A droite, un mâle en train de coasser. part du museau et se poursuit jusqu’à la cuisse. Dans la région lombaire, il forme une boucle dirigée en avant et en haut. Dessin absolument charmant! Les bras et les cuisses sont verts au-dessus, encadrés de jaune; leur face inférieure est teintée de Jaune pâle ou de rose, ainsi que les doigts et les orteils. La tête est courte et aussi large que le corps, à museau arrondi. La langue est circulaire, libre et échancrée à l’arrière, Les dents vomériennes sont disposées en deux groupes entre les choanes. L’œil, modérément grand, est latéral; l’espace interorbitaire est aussi large que la paupière supérieure ; la pupille est horizontale. Le tympan est bien distinct, mais ne mesure que la moitié du diamètre de l’œil ; il est aussi grand que les disques adhésifs des orteils ou des doigts. Les tuber- — ‘181 — cules sous-articulaires sont grands et saillants. Le membre postérieur est modérément allongé; quand il est replié en avant, contre le corps (comme dans la fig. 21), l’articulation tibio-tarsienne atteint le tympan ou l’œil, ou arrive même entre l’œil et la narine. Les orteils sont palmés à moitié ou aux deux tiers. La Rainette verte habite l'Europe centrale et méridionale, d’où elle s'étend jusqu’en Corée, en Chine et en Japon. Elle habite aussi le nord de l'Afrique, Madère et les Canaries. C’est un animal des plaines, qui n’évite que les hautes montagnes et les régions septentrionales. La forme type est caractérisée par la présence de la bande latérale dont nous avons parlé. Elle se rencontre dans presque toute l’Europe et en Asie mineure. Dans le midi de la France, elle est remplacée par la variété meridionalis BOETTGER, plus élancée que la forme type, sans galon latéral, et à gorge en partie verte. Une troisième forme, la variété Savignyi AUD. se trouve en Corse, en Sardaigne, dans l'archipel grec, en Chine, au Japon, ete. Chez elle, le liséré latéral se perd avant d’atteindre la cuisse et ne forme pas de boucle dans la région lombaire. Tout ce qu’on peut dire de l'instinct, de la souplesse, de l’agilité de la Grenouille commune appartient à un bien plus haut degré à la Rainette verte. Plus gentille, plus éveillée, plus agile que tous nos autres Batraciens, elle est capable de se mouvoir dans l’eau, sur terre et dans les arbres. Dans l’eau, la Rainette égale presque la Grenouille verte. Sur terre, elle saute même avec plus d’agilité, car elle a les pattes postérieures plus longues en proportion de la grandeur du corps, mais dans l’art de grimper, elle ne connaît aucune rivale. C’est au cœur des bois frais et humides, c’est dans les branches des arbres qu'elle passe toute la belle saison ; elle sautille de rameau en rameau, de feuille en feuille, avec une sûreté étonnante. Les grosses pelotes adhésives qui terminent ses membres sont comme enduites d’une glu qui lui permet d’adhérer aux sur- — 132 — faces verticales les plus lisses ; son ventre humide, étroite- ment appliqué contre l’obstacle, lui fournit encore un puis- sant concours dans cette opération. Fait-il beau, la voilà à la face supérieure des feuilles, immo- bile, mais épiant les alentours de ses beaux veux à iris doré, veiné de brun. Pleut-il, la Raine se réfugie à la face inférieure des feuilles. La pluie persiste-t-elle, voilà qu’elle se réfugie dans l’eau ; ou dans ses cachettes habituelles, sous les pierres, dans les trous du sol, dans les crevasses des murs. La teinte de l’animal est si parfaitement en harmonie avec celle du feuillage, que la Rainette passe absolument inaperçue. On l'entend coasser à deux ou trois pas ; on perçoit son inter- minable krac, krac où karac, karac, cri le plus sonore parmi tous les Batraciens d'Europe. L’œil même exercé ne peut rien découvrir. On fait quelques pas, un énorme bond vous montre que vous étiez tout près du chanteur, sans le voir, ‘ar il ne saute qu’au dernier moment, confiant comme il est dans la coloration protectrice de sa robe. La Raine s’éveille tôt, au printemps, de sa léthargie hiver- nale. Vers la fin d'avril, le mâle sort de sa cachette et choisit de préférence un étang dont la berge est entourée de jones, de buissons, d'arbres. Il se reconnaît facilement ; il possède un sac vocal sous-gulaire externe, de couleur brunâtre, ou verte, qui, lorsqu'il est vide, forme des plis longitudinaux et qui, lorsqu'il est gonflé, devient une sphère énorme, plus grosse que la tête. Le soir, au printemps, les mâles coassent en chœur et font un vacarme assourdissant. Chez la femelle, la gorge est blanchâtre, ou d’un gris-violet pâle, et absolument lisse. Donc, en avril-mai, le mâle se rend à l’eau, à la tombée de la nuit. Une semaine plus tard, la femelle vient l’y retrouver. L’accouplement est axillaire : le mâle enfonce ses poings dans les aisselles de la femelle. La ponte s’effectue la nuit, par pelotes ayant à peu près la grosseur d’une noix. Elle ne dure que quelques heures, et le mâle quitte alors la femelle, sans se demander si tous les œufs ont été fécondés. Les têtards se reconnaissent à leur queue effilée, à leur crête — 133 — dorsale s'étendant en avant jusque entre les yeux, à ses flancs mordorés, et à la position fort latérale des yeux. Ils atteignent à peine 5 centimètres de longueur. Le développement des larves est rapide. En trois mois les métamorphoses sont effectuées et les jeunes vont à terre. Leur teinte est d’abord jaunâtre. Ce n’est qu’à partir de la quatrième année d’existence qu'ils sont aptes à la reproduction. La mue s'effectue tous les quinze jours. Ces changements de peau amènent régulièrement des modifications dans la coloration, qui passe au vert clair, au bleu cendré ou au bleu- vert, pour revenir ensuite au beau vert feuille. La Rainette se nourrit, comme ses congénères, de toutes espèces d’Insectes et d’Araignées. Tout ce qui est vivant, tout ce qui se meut, elle le happe au moyen de sa langue gluante. Elle dédaigne les animaux immobiles ou morts. Si la proie est trop volumineuse, les pattes antérieures prêtent leur aide. Elle mange beaucoup pendant l'été. Quoique plutôt de mœurs nocturnes, elle ne laisse passer aucun Insecte à proxi- mité, même pendant le jour. Lorsqu'elle est malmenée, elle secrète, par la peau, un liquide toxique même pour les animaux de son espèce. La Rainette est fort peu difficile à élever, à la condition qu'on lui fournisse l'humidité indispensable, On en a tenu en captivité pendant vingt-cinq ans ! Il suffit de les nourrir de mouches et de vers de farine. Si on les alimente bien en automne, on leur fait passer facilement l'hiver. La Rainette apprend facilement, en captivité, à recon- naître son gardien. < J C4 . * 1 4 : . n na! ? » : Le ñ f _ +! } ni : £ % l à n < (oi = : à L a” + PE > # u : { » : ‘ : > à A f x : . L = SN 4 Li a te j | h L. : L d : À AE: Lo Nu v. ÉNE TIRE + PTS 20 SE le MONA Ti I f SUMMER (1 LT RE 0 ne eau De DT ARE à AULV== #1 Lan LS VAI Ce Tr ACCRNES L ER .. "x DCE. RAT so (D: Na JUNE AE … A D on cl | N VERTE ER ave AL Fa 11408 ne = ee nr ti JON 1} T L ler MR: | d - à Le, CE (TOUS À L ra à {lue T0 eee TMÉe 15% ee lle EL 2. CUS RQ. Ne :. AU LES KM 0e Er 1 2% D: : ES 171 MERE : (tea 07 Û : L _ : : » e fl à 4 EL . < tu F a L er | VA l'YNOLRNRSS " on Dee J WU) 12 NATIONS # Ai 4 | ; È k 2 ER | ei il (Xr 1. RANCE » ” L L A (1 A { Far! 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