FOR THE PEOPLE FOK EDVCATION FOR SCIENCE LIBRARY OF THE AMERICAN MUSEUM OF NATURAL HISTORY Boum LA SAUVAGINE EN FRANCE Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous les pays y compris la Suède et la Norvèye. ryPOGUAPHIE FIUMIX-DIDDl- KT 0"'. — MESXIL (.EQllE). 'Y LOUIS TERNIER Nos Oiseaux de mer, de rivière et de marais LA SAUVAGINE EN FRANCE Chasse, description et histoire naturelle de toutes les espèces visitant nos contrées OUVRAGE ORNÉ DE 125 GRAVURES D'APRÈS NATURE PAK EMILE TIIIVIER, MAURICE MOISAND ET PAR L'aUTEUR -i'"^ ■^^i^^^^^f^f^ ZSIAISON IDIIDOT FIRMIN-DIDOT ET Ci'S IMPRIMEURS- ÉDITEURS 50, lU'K .lAroiî, PAHIS ..1** PKÉFACE L'ornithologie ne compte pas aujourd'hui, en France, autant d'adeptes que d'autres branches de l'histoire naturelle, que l'entomologie, la conchylio- logie ou la botanique, par exemple; j'ai eu souvent l'occasion de le constater avec regret, et je me suis maintes fois demandé pourquoi les oiseaux, qui jouent dans la nature un rôle économique si considérable , qui tiennent une place importante dans notre faune et qui se recommandent, pour la plupart, par la beauté de leur plumage, la grâce de leurs allures et l'origi- nalité de leurs mœurs, étaient moins en faveur (pic les insectes, les coquilles ou les plantes. Cela tient, dit-on, aux soins que réclament la préparation et la conservation des spécimens destinés aux collections et à la place qu'exige une série d'exemplaires un peu nombreuse; mais ces difficultés, que Ton a d'ailleurs I.V SkLV\CI\E. 11 PRÉFACE. singulièrement exagérées, n'arrêtent pas les Anglais, les AMemands et les Américains qui étudient avec ar- deur non seulement les oiseaux de leurs pays, mais ceux des autres contrées et qui leur consacrent de magnifiques ouvrages. D'ailleurs, pour connaître les oiseaux, il n'est pas absolument nécessaire de pos- séder une collection personnelle et les observations prises sur le vif, dans les champs, dans les bois, sur les montagnes ou le long des grèves, peuvent être aisément complétées par quelques visites dans nos Musées, dont les portes sont toujours largement ou- vertes. C'est précisément ce qu'a fait M. Ternier qui, depuis plusieurs années, étudie les oiseaux avec la passion d'un chasseur et la sagacité d'un naturaliste. Après avoir réuni ses notes, il est venu au Jardin des Plantes, il a contrôlé ses descriptions en les compa- rant avec les spécimens de l'admirable collection que M. le D'" Marmottan a cédée au Muséum. Ses amis et lui-même ont photographié et dessiné les types les plus remarquables et, de cette façon, le livre qu'il publie aujourd'hui, sans avoir la sécheresse désespé- rante de certains traités didactiques, offre une rigueur scientifique que l'on ne rencontre pas toujours dans les ouvrages cynégétiques et que l'on trouve encore moins dans la plupart des ouvrages populaires. Des livres comme celui de M. Ternier sont propres à ré- veiller dans notre pays le goût de l'ornithologie; mais PRÉFACE. iir nous espérons bien que l'auteur ne s'en tiendra pas là et fera paraître prochainement les nombreuses ob- servations qu'il a recueillies sur les autres espèces de la catégorie du gibier à plume. E. OUSTALET ^ Juillet 1897. Docteur ès-sciences, Assistant au .Muséum d'Histoire naturelle de Paris. A MES FRERES EN SAINT HUBERT Ce livre mampiail. Par goût d'abord et, plus lard par métier, je crois avoir lu tout ee ijui .s'f.s/ publié sur les choses de la e/iasse, sur le gi- bier et ses mœurs. Je nhii pas reculé devant les indigestes traités de science pure, tout hérissés de noms barbares et de nomen- clatures diaboliques, et f ai poussé le sentiment du devoir pro- fessionnel jus(iu'à me faire traduire les œuvres étrangères (/ue je ne pouvais étudier convenablement dans le texte original. Or, parmi tous ces ouvrages, l'un de ceux que j^ai lus avec le plus de plaisir, et j'ajoute avec le ph(s de fruit, est celui de M. Ter nier. Au contraire de tous ces fauteurs de plagiats éhontés, deve- nus légion, ipù fibri(pœnt leurs livres avec ceu.r des autres et, nepinAvaut rien tirer de leur propre f nuls, o)it tnnivé com- mode, sous prétexte dliistoire naturelle, de rééditer Bu f fou, Linnée, Temminck, Geoffrog Saiut-IIilaire on Pouchet, l'au- teur de la SauvaiJ^ine n'a rien emprunté au.c maîtres de lu Science officielle, dont il s''est borné à adopter la classificatiou. Il u'a pus davantage, sous préle.vte de chasse, puruphrusé les savantes ou spirituelles études de Blaze, de Lavalh'e, du couitc iP Uoudctdt. Lr e Macroramphe gris. Sous-famillc des Limosicns (les Bar- p:es). La Barge à queue noire ou grande Barge. La Bagre rousse. La Barge de Tereck. Soux-famiUe des Totaniens (Combat- tants et Chevaliers). Le Combattant variable. Le Chevalier aboyeur. Le Chevalier arlequin. Le Chevalier gambette ou rouges. Le Chevalier des étangs. Le Chevalier Sylvain. Le Cul-blanc. La Guignelte vulgaire. La Symphémiescmipalmée. pieds Sous-famille des Trinrjiens (Maubc- cheset Bécasseaux). La Maubèche. Le Bécasseau violet ou Maubèche maritime. Le Sanderling des sables. Le Bécasseau cocorli ou Falcinelle. Le Bécasseau cincle. Le Bécasseau brunette ou à collier. Le B(''casseau platyrhynque. Le l^écasscau échassc ou minule. Le Bécasseau de Temniink. L'Actiture Rousset. Sous-famille e Plongeon lumnie. Le Plongeon cat-niarin. Famille des Alcidés. Sous-famillc des Uricns (Guillemots et Morgulos.) Le Guillemot troile. Le Guillemot l)ridé. Le Guillemot grylle. Le .Mergule nain. 36 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Le Macareux arctique. Sous-famille des Alcieiis (Macareux et Pingouins). Le Pingouin macroptère. Le Pingouin brachyptère. GROUPE DES LONGIPENNES Famille des Laridés. Sous-famille des Lestridiens (les Labbes ou Stercoraires). Le Labbe cataracte. Le Labbe pomarin. Le Labbe parasite. Le Labbe longieaude. Sous-famille des Lariens (les Goé- lands et les Mouettes). La Pagophile blanche. Le Goéland bourgmestre. Le Goéland leucoptère. Le Goéland à manteau noir. Le Goéland à pieds jaunes. Le Goéland à manteau bleu. Le Goéland railleur. Le Goéland cendré ou à pieds bleus. La Mouette tridactyle. La Mouette atricille. La Mouette rieuse. La Mouette mélanocéphale. La Mouette pygmée. La Mouette de Sabine. Sous-famille des Sterniens (Hiron- delles de mer. Sternes el Guifet- tes). La Sterne Tschegrava. La Sterne Hansel. La Sterne Canjeck. La Sterne Pierre-garin. [.a Sterne arctique. La Sterne de Dougall. La Sterne naine. La Sterne fuligineuse. La Guifette fissipède. La Guifette leucoptère. \ La Guifette hybride ou moustac. ORDRE DES PALMIPÈDES. 37 Famille des Procellaridés. / Le Pétrel glaciah Le Pétrel du Cap. [.e Puffin majeur. Le Puffin cendré. ^ .,, , „ ,, . ,„. , Le Puffin de Manx ou des Anglais. Sous- famille des Procellanens (Pe- j , p en \u trels, Puffins, Thalassidromes). | ^'^ p^^/^^ fuligineux. Le Thalassidrome tempête. Le Thalassidrome de Wilson. I,e Thalassidrome cul-blanc. Le Thalassidrome de Buhver. GROUPE DES TOTIPALMES Famille des Pélécanidés. ÎLe Fou de Bassan. I>e Cormoran ordinaire. Le Cormoran huppé. Le Cormoran pygmée. Sous-famille des Frégaticm. \ La Frégate marine. DEUXIEME PARTIE ORDRE DES EGHASSIERS LES ÉCHASSIERS. 41 LES ÉCHASSIERS Le mot « Écliassiors » évoque toujours pour les profanes F idée d'êtres liaut perchés sur des jambes de longueur démesurée, d'oiseaux conformés d'une façon anormale. Bien des chas- seurs ayant tué une bécasse ou une maubèche, dont les pattes sont plutôt courtes, ne se doutent point qu'ils viennent d'abattre un des membres de cette grande classe de migrateurs dont la poursuite leur procure de si poignantes émotions. Les Échassiers représentent à peu près, par leur nombre et leur variété, la moitié de ce qu'on est convenu d'appeler la sauvagine, qui comprend, on le sait , tous les oiseaux de mer, de rivière et de marais. Les Échassiers, comme les Palmipèdes qui complètent la seconde moitié des oiseaux aquatiques, ont de très grands et de très petits représentants. Entre la grue et le bécasseau minute il y a place pour bien des espèces intermédiaires. Il est bien entendu que la classification, instinctive pour ainsi dire, (pii a présidé à la distinction entre les Échassiers et les Palmipèdes, adoptée par les savants des temps les plus reculés, ne repose que sur des données qui pourront peut-êlre plus tard recevoir quelques modifications, mais on peut dire que, jusqu'à présent, il est admis qu'à part les outardes et leui's congénères qui sont des oiseaux de plaine, cl de la bécasse qui est un oiseau de bois, l'ordre des Échassiers comprend Ions les oiseaux susceptibles de fréquenter les marais et les bords 42 LES ECHASSIERS. des eaux douces ou salées, ceux dont les pieds sont joew ou point palmés, propres à la marche, les formes élancées, dont le bec est court ou long, presque toujours fin. Mais il a été impossible à l'homme de sonder les secrets du Créateur et quelques espèces qui bénéficient à la fois des avantages accordés par lui aux Échassiers et de ceux dévolus aux Palmipèdes, tels les fla- mants et les avocettes qui avec des pattes d'échassier ont des pieds palmés, resteront toujours là pour nous rappeler que toute science humaine est imparfaite et que, si les besoins d'une classification ont été imposés aux humains pour se recon- naître au milieu de l'infinité des créatures qui les entourent. Celui qui a présidé à la distribution des êtres animés sur la terre n'a point établi entre eux de ligne de démarcation et que plusieurs ont été constitués de façon à présenter une transi- tion naturelle entre les classes , les familles et les genres que l'étude de l'histoire naturelle impose à ses adeptes. N'étant ni un savant, ni un naturaliste de profession, j'ai dû, dans cet ouvrage, destiné surtout aux chasseurs , ne point innover et me servir des travaux et des recherches des auteurs les plus autorisés et les plus modernes, pour, grâce à une classification raisonnée, permettre aux lecteurs de ce modeste ouvrage de distinguer les espèces innombrables qu'ils pourront rencon- trer au cours de leurs pérégrinations. Les Échassiers figurent tous parmi les oiseaux constituant la sauvagine. Une seule famille fait exception : celle des outardes ou otididés ; un seul genre doit être exclu du groupe des oiseaux qui vont nous occuper, le genre bécasse. Ces volatiles ne fréquentant que les plaines ou les bois ne peuvent entrer dans le cadre que je me suis imposé. LES RALES ET AUTRES COUREURS DES ROSEAUX. 43 CHAPITRE PREMIER FAMILLE DES RALLIDÉS LES RALES ET AUTRES COUREURS DES ROSEAUX Si la bécassine a été dotée d'ailes puissantes qui lui assurent, dans les airs, oîi elle s'élance aussitôt surprise, une sécurité relative, certains autres habitants des marais sont doués de facultés qui leur permettent de se soustraire aux poursuites de leurs ennemis, et notamment à celles de l'homme et de son auxiliaire le chien, en se cachant au milieu des fourrés dont sont couverts les lieux incultes et par-dessus tout les maré- cages. ]\Iais, comme il n'aurait pas suffi à ces oiseaux de se dissi- muler simplement pour échapper aux recherches calculées de leurs ennemis, la nature leur a octroyé des pattes de dimen- sions anormales, leur permettant de courir avec une grande vitesse sur les terrains mous et détrempés qu'elle leur a donnés comme domaine, et comme ces lieux, si impropres, en appa- rence, à servir de demeure à des oiseaux, sont garnis de ro- seaux serrés et de hautes herbes qui entraveraient la marche et retarderaient la fuite de volatiles conformés d'une façon normale, elle a encore ap[)roprié la forme du corps des hôtes mystérieux des marais aux exigences de leur ninnièn^ de vivre. 44 FAiMILLE DES RALLIDÉS. Alors que celui des autres oiseaux d'eau est couformé de manière à présenter une large surface, capable de les sou- tenir sur l'élément liquide, alors que celui des grands voiliers de l'Océan emprunte la forme d'un fuseau, leur permettant de forer l'air, le corps des oiseaux coureurs de roseaux, au con- traire, est aplati latéralement et leur donne toute facilité de s'insinuer, pour ainsi dire, sans les écarter, dans les grands roseaux ou les fourrés, qu'ils peuvent ainsi sillonner sans dé- celer leur passage aux yeux de ceux qui les poursuivent. Les raies, les marouettes, les poules d'eau et les foulques qui composent la famille des Rallidés représentent le groupe de ces oiseaux si particulièrement doués, qui demandent leur salut beaucoup plus à l'agilité de leur course qu'à l'appui de leurs ailes, qu'ils ont fort courtes, et qui ne leur permettent qu'un vol court et fatigant. La famille des Rallidés peut être divisée en deux sous-fa- milles : celle des Ralliens ou râles et poules d'eau et celle des Fuliciens, qui ne comprend que les foulques. Je commence l'étude de la sauvagine par l'examen de ces coureurs de roseaux qui forment le fond de la chasse au marais. LE RALE NOIR. 43 Sous-famille des Ralliens. LE RALE NOIR OU RALE D'EAU Rallus aquaticus. (Linn.) Le raie noir est peut-être le gibier le plus répandu dans tous les marc- cages , c'est ce- pendant un des oiseaux que bien des chasseurs connaissent le moins. C'est qu'il ne suffit pas de se rendre sur un marais, avec un chien excellent en plaine peut- être, mais peu habituéaux cou- reurs de ro- seaux, pour être certain de tirer des raies, voire des maroueltes ou des poules d'eau. J'ai vu de bons chasseurs de plaine, 46 FAMILLE DES RALLIDES. ne connaissant pas la chasse au marais , traverser des endroits où les râles foisonnaient, sans se douter qu'une quantité de ces oiseaux se dérobait sous leurs pas. On ne parle pas beaucoup, en effet, de la chasse du râle noir, parce que les auteurs ou chasseurs qui ne l'ont pas pra- tiquée mentionnent le râle comme une pièce qu'on rencontre par hasard et qui ne vaut pas la peine d'être recherchée. Le râle noir est cependant un de ces échassiers dont la poursuite vient parfois consoler du manque d'autre gibier. Quand la bécassine fait défaut, on peut, grâce à lui, sur cer- tains marais, avec des chiens spéciaux, s'occuper agréable- ment une journée entière, avoir constamment un oiseau — sur pied — et tirer assez fréquemment. Le râle mérite donc mieux qu'une mention dédaigneuse. Le râle noir ou râle d'eau, irater-rail en anglais, est un assez bel oiseau, un peu inférieur comme taille au râle rouge. Il n'a guère de noir que son nom : son manteau est brun- verdâtre, grivelé de taches noires en pinceaux; les ailes sont brun-foncé, les flancs chinés de noir et de blanc, la gorge et la poitrine sont gris ardoisé, le ventre est blanchâtre, légè- rement lavé de roux, la queue est courte, pointue et retrous- sée. Les pattes et les pieds, de très grandes dimensions, sont rouge-obscur. Le bec, long et mince, est rouge-vif. L'iris est rouge orangé. Le corps est, comme celui de tous les coureurs de marais, très aplati latéralement. Il se trouve parmi les divers individus de l'espèce des sujets présentant des diffé- rences de taille considérables. En Normandie, on nomme les plus gros des gambillards. On a presque toujours présenté le râle noir comme un oiseau de passage. C'est surtout cette assertion erronée que je tiens à réfuter en ce qu'elle a de trop général. J'ai cru long- temps aussi que le râle noir, cousin de la marouettc, parais- sait et disparaissait comme elle à des époques déterminées. LE RALE NÔIlî. 47 J'ai pu, depuis quelques années, m'assurcr qu'il n'en est rien. Le rAie noir, comme la poule cFeau, émigré bien quel- quefois et quitte les lieux qui ont cessé de lui offrir les res- sources nécessaires, mais il ne passe point; il change de can- ton simplement et non de pays. Il y a des marais en France où les raies noirs se rencontrent en toute saison et sont absolument sédentaires. Il m'a été donné d'observer de très près les habitudes de ce gibier, et je suis persuadé maintenant que les râles noirs ne quittent jamais les marais où ils sont nés , quand ces marais ne subissent pas les transformations que la civilisation apporte tous les ans aux prairies inondées, et qu'ils restent sur ceux qui demeurent couverts toute l'année de laîches et de ro- seaux et qui ne sont pas périodiquement fauchés et réduits à l'état de prairies nues. Voici du reste ce que j'ai remarqué sur un marais dont le drainage et la fauchaison périodiques sont impossibles : Les râles s'apparient au mois de mars. Ils construisent un nid, composé simplement de laîches foulées, formant une espèce de plateforme relativement à l'abri de l'humidité sur une butte de terre au milieu des herbes. Il a alors une forme ovale et oblongue. Si le nid est au milieu des roseaux, il est appuyé sur des roseaux foulés et des herbes qui le soutiennent. La femelle dépose dans ce nid ordinairement de six à (li\ (piel- quefois jusqu'à (li\-liuit o'ufs, allongés, dim blanc jaunâtre, piquetés de points foncés qui deviennent |»lns serrés au gros bout. I^llc couve pendant vingt jours environ. A|)rès l'éclo- sion, les jeunes râles vaquent eux-mêmes très vite aux be- soins de leur subsistance, et, dès le principe, il est absolument impossible (le faire inetti'e a Tessor ces coureurs prédestinés. I)e;iii((tii|i (le eliasseurs ont ciMi (|iie Ics râlcs ne nous ari'i- \ aient (|iie riiJNer, (|iK'l(|ues auteurs même l'ont (''ciil, |iai-ce (|ne, le (piin/e actùt, ep()(|ne de i'ouN'ertnre de la chasse au 48 FAMILLE DES RALLIDÉS. marais, les herbes et les laiches sont en pleine vigueur, et que les chiens parviennent difficilement à faire partir les râles, surtout les jeunes , qui piètent sans cesse et se laissent prendre souvent sans prendre le vol. J'en ai cependant tué à l'ouverture, mais j'ai dû souvent re- noncer à la poursuite de beaucoup de ces oiseaux, quoique parfaitement convaincu de leur présence devant mes chiens qui, pourtant, plus tard, n'en laissent pas échapper un seul. Lorsque les herbes se dessèchent, lorsque les laîches s'é- claircissent , lorsque les jeunes râles commencent à avoir de l'aile et à comprendre qu'un vol, même court, peut les mettre à l'abri des poursuites du chien, ils sont beaucoup plus faciles à faire lever et c'est alors qu'on peut en tuer un certain nom- bre. Cela explique pourquoi on a pu croire à des passages, alors que la révélation de la présence des râles sur le marais n'est que la conséquence de l'éclaircissement des fourrés où ils se tiennent et de leur confiance dans leurs ailes. A partir du mois de novembre jusqu'à la fermeture de la chasse au marais , c'est-à-'dire jusqu'à la fin du mois de mars, on trouve des râles , et quand on connaît les endroits où ils se tiennent habituellement, on peut se convaincre facilement que les oiseaux tués en hiver sont l)ien ceux qu'on a vu éclore au printemps : leurs refuites sont les mêmes et leurs lieux de refuge ne varient pas. En effet, dans les vrais marais, ceux qui n'assèchent pas, les râles se réfugient toujours dans les grands massifs de roseaux. Ils en sortent le matin et le soir et quelquefois dans la journée, quand tout est tranquille, pour vermiller dans les laîches avoisinantes , mais, une fois levés, ils retournent tou- jours aux grands roseaux qui leur offrent un asile inviolable, souvent impénétrable aux chiens les plus durs. Ils deviennent même tellement rusés que dans le milieu de LE RALE NOin. 49 l'hiver, il suffit que les râles en maraude entendent le moin- dre bruit pour qu'on les voie immédiatement, soit se lever d'eux-mêmes dans les laîclics où ils se trouvent, soit filer à pattes pour regagner leurs retraites qu'ils savent être un écueil pour les meilleurs chiens. Rien n'est plus intéressant pour un observateur patient que de guetter les raies à leur sortie des grandes touffes de ro- seaux. Quand tout se tait sur le marais, quand tout semble calme aux alentours de leurs retraites mystérieuses, les râles se met- tent en mouvement. Ils commencent par pousser leur cri de ralliement. Ce cri singuher et qui peut se traduire par les syllabes : « hi oui oui! In oui! » — avec inspiration et expiration, rappelle les piaille- ments d'une couvée de jeunes oiseaux auxquels les parents viennent apporter la nourriture, mais proférés sur un ton plus fort et plus silllé. Quelques instants après cet appel, ou voit un râle mettre prudemment la tête à la lisière des roseaux et interroger les alentours. Si rien ne bouge, il sort, suivi par d'autres râles, et tous commencent à picorer de-ci de-là, choisissant les clairiè- res et les flaques d'eau où ils se baignent, puis ils finissent par s'éloigner, chacun de leur côté, quelquefois jusqu'à cent mè- tres et plus de l'endroit d'où ils sont sortis. S'ils entendent un chasseur ou un chien, ils se rapprochent vivement de leurs asiles. Il faut donc battre surtout les alentours des massifs de roseaux en rayonnant de là dans les endroits moins fourrés, [)Our couper autant que possible la re- traite aux oiseaux qui sont sortis et, en tout cas, être assuré de pouvoir les tirer quand, forcés de prendre le vol, ils viennent se remettre dans les roseaux. Dans les marais ou il n'existe pas de ces grands massifs foui'iés, il faut, autant que faire se peut, suivre le cliicii, les I. V SAIVACI.NE. i 50 FAMILLE DES RALLIDÊS. râles piétant dans un certain rayon pour ne s'enlever qu'à la dernière extrémité. Si aux alentours se trouvent des buissons et des ronciers, c'est là qu'ils chercheront un dernier asile. Ils se branchent parfois. J'en ai tué souvent dans les saules. Un jour, un râle, levé par mon chien, monta à pic se percher sur un orme assez élevé, je le tuai branché comme une grive. Dans les prairies qui assèchent, au contraire, et après la fau- chaison, quelques râles émigrent vers d'autres marais, les autres se réfugient dans les fossés d'assèchement, ordinaire- ment garnis de roseaux, c'est là que, sur ces marais, on les trouve quelquefois à l'ouverture, et qu'on parvient plus facile- ment à les lever à l'automne quand les roseaux de ces fossés sont secs. Quand il gèle, on les fait partir le long de ces rigoles avec la plus grande facilité. J'estime donc que le râle est un gibier sédentaire de sa na- ture, et que dans les marais proprement dits, le chasseur qui ne vise pas exclusivement à l'excellence du rôti sera certain, en faisant garder sa chasse, de se ménager pour l'arrière-sai- son de nombreux sinon de beaux coups de fusil. Pour la chasse du râle noir, quoi qu'on ait dit, deux sortes de chiens peuvent convenir : les chiens fermes et les chiens qui n'arrêtent pas. J'ai remarqué souvent qu'un râle, arrêté correctement dans les laîches ou les herbes basses, se lève facilement s'il se sent arrêté. Au premier mouvement du chien, si l'oiseau le voit, il part. La marouette fait de même. Mais un chien médiocre, ne marquant que de faux-arrêts ne fera que de la mauvaise beso- gne. Les chiens anglais, au contraire, qui suivent le gibier le nez haut, et l'arrêtent toujours là oh il est^ peuvent faire tuer beau- coup de râles. Bien arrêté, un râle se foule souvent, et ne piète plus. Je sais que sur ce point je diffère d'opinion avec beaucoup LE RALE A'OIR. bl de chasseurs, mais ceux qui ont chassé avec des chiens de haut nez, partagent, j'en suis sûr, ma manière de voir. Cependant^ je ne conseillerai pas de se servir de chiens anglais pour chasser ordinairement le râle, les jeunes finiraient par s'y gâter; aussi, quand on ne veut s'occuper que des râles, il faut, je crois, employer de préférence un chien n'arrêtant pas du tout, et fonçant sur le gibier le nez bas, à condition toutefois que ce nez soit excellent. Le cocker me paraît indiqué. C'est le meilleur chien pour chasser les oiseaux coureurs. Je ne lui trouve qu'un défaut : il est un peu bas sur pattes, et dans les marais prQfondément inondés un chien haut-monté se tire plus facilement des mau- vais pas et se fatigue moins vite. En Normandie, les chiens de marais, corniaux, épagneuls souvent croisés de chien courant, suivent au galop, quelque- fois à voix, les râles dans toutes leurs refuites, et en peu de temps finissent toujours par les acculer, les faire lever ou les prendre. Mais, quand il y a passage de bécassines, il faut avoir soin de laisser ces collaborateurs au chenil. J'ai eu, cependant, des chiens qui arrêtaient de très loin les bécassines, et bourraient les râles absolument comme des cockers. Quand on n'a pas la chance de tomber sur un de ces précieux auxiliaires il est nécessaire d'avoir, pour le marais, deux chiens : un pour la bécassine, l'autre pour les oiseaux coureurs qu'à mon" avis on ne doit rechercher que quand, sur le terrain, il n'y a pas d'autre gibier en perspective. Il Ami tirer les râles avec du plomi) n" 8 ou 10 de Paris. Le coup de fusil est fiicile, l'oiseau vole th-oil, mais les vieux volent vite, et quoique j'aie rencontré bien des chasseurs de marais émérites, tirant correctement la bécassine, je n'en connais pas ([iii j)uissent se vanter de n'avoir jamais inantjiK' un râle». J'en iii iii;iii(|iié aussi, j'espère en manquer encore quelques-uns, 32 Famille des rallidés. ce qui prouvera que j'en aurai tiré beaucoup, car je ne dédaigne pas cette modeste chasse qui offre au chasseur l'occasion de poursuivre un oiseau vraiment sauvage, réfractaire à l'élevage et qui se moque de ceux qui craignent de se mouiller les pieds dans l'espérance d'un maigre butin. Est-ce réellement un maigre butin que le râle? Assurément il ne vaut pas la bécassine ! Mais sur la table comme à la chasse, c'est un gibier de consolation. Faute de grives on mange des merles. LE RALE ROUGE. lïé LE RALE ROUGE Crex prateiisis. (Bechsl.) Le Râle rouge. {Taille, 0-».30) Le râle rouge, laiul-rail en anglais, doit-il être classé parmi les espèces qui constituent ce (pron nonnne la sauva- gine? Est-il un oiseau de marais? Ce sont là des questions bien controversées, mais générale- ment, on range le raie rouge parmi les oiseaux de plaine. Cet échassier est à la vérit('', un oisrau de marais cl un oiseau de plaine suivant les saisons. 54 FAMILLE DES RALLIDÉS. Oiseau de marais en été , de mai à septembre , oiseau de plaine de septembre à la fin d'octobre, émigrant l'hiver dans les contrées méridionales : voilà exactement ce qu'est le râle rouge. Il est surtout un beau gibier d'une grande délicatesse de chair. Son corps, lourd, à cause de la graisse dont il est surchargé, est comprimé latéralement, comme celui de tous les rallidés, la foulque exceptée. Ses ailes sont courtes, concaves et ont l'extrémité arrondie; le bec est grêle, court et comprimé, de couleur blanchâtre dessous , brunâtre en dessus , les pattes , assez hautes et les pieds aux doigts très longs, sont de couleur brun rouge. En été, le mâle a le dos roux légèrement olivâtre, marqué de longs traits noirs, les ailes sont bruu-roux foncé, le dessous du corps est blanchâtre, lavé uniformément de roux clair, la queue, courte et pointue, est brune et jaunâtre. Le dessus de la tête, celui du corps et les flancs sont légèrement ondes d'un cendré-roussâtre qui disparaît à l'automne. L'iris est brun. La femelle a les couleurs moins vives et elle est plus petite. A l'automne, le mâle et la femelle n'ont plus de nuances cendrées, leur tête et leur manteau deviennent simplement d'un roux olivâtre grivelé de noir. Le dessous du corps reste le même. Le râle rouge arrive en France, dans le Nord et dans l'Ouest, en même temps que les cailles, ce qui lui a valu quel- quefois le surnom de roi des cailles. Il choisit pour pondre et couver une dizaine d'œufs (quel- quefois davantage , j'ai connu un nid contenant dix-neuf œufs) , les prairies humides, les prés légèrement inondés, les marais fourrés, garnis de laîches médiocrement baignées parles eaux. 11 affectionne surtout les prés et les marais qui se trouvent dans le voisinage immédiat de la mer. LE R.\LE ROUGE. 35 De mai à août on l'entend crier fréquemment. Son cri, c|ui lui a valu son nom, n'a qu'une lointaine ana- logie avec le râle d'un agonisant. Le râle rouge prononce les syllabes : Cran! cran! creck! creck ! d'une façon sèche et rapide qui rappelle un peu le coassement de certaines gre- nouilles des prés. Ce cri se reconnaît de suite à la diversité des endroits d'où il part ; c'est un cri qui se déplace constam- ment, le râle piétant sans cesse et s'éloignant ou se rappro- chant tour à tour de l'endroit où on l'observe. Les râles restent sur les prairies jusqu'après la fauchaison. Ceux qui y ont élu domicile partent de bonne heure et se reti- rent en })laine, dans les trèllcs et les luzernes, où on les trouve à l'ouverture. Ceux qui ont couvé dans les marais qu'on ne fauche pas, et ceux qui y ont été élevés, y restent })arfois jusqu'au mois de septembre et même jusqu'à la mi-octobre. A cette époque, ils descendent vers le Midi, s'arrètant en route dans le Centre. C'est alors qu'on les trouve dans les blés noirs et les genêts, ce qui leur a valu le nom de râles de genêts dans certaines contrées. Ils y séjournent peu de temps, à la fin d'octobre ils descendent décidément au midi, et, comme les cailles, tentent parfois le passage de la Méditerranée. Légalement, le râle rouge est considéré comme gibier de plaine, et sa chasse sur les marais est interdite avant l'ouver- ture oflicielle. Mais ceux qui chassent en bordure d'étangs, le premier ou le (|Minze juillet, dates de l'ouverture de la chasse aux hal- braus, et ceux qui font l'ouverture de la chasse au marais, le (juiiize août, rencontrent et font lever forcément des râles rouges. La pi'oliibitiou de tirer ces oisean\ au niarais avant l'ouver- luic (le l;i ( li;iss(' en plaiue est-elle donc juste et surtout est-elle eflicace? o6 FAMILLE DES RALLIDÉS. Je ne le pense pas. Plus que personne je suis partisan des mesures protectrices en matière de chasse, mais encore faut-il qu'elles ne nuisent pas aux chasseurs proprement dits, pour profiter seulement aux braconniers et aux étrangers. Or, les chasseurs consciencieux s'abstiennent presque tou- jours de tirer les râles avant l'ouverture de la chasse en plaine, aussi les braconniers sont-ils les seuls à profiter du court séjour que ces oiseaux font sur les marais, après l'ouverture de la chasse au gibier d'eau : ils ont le droit de chasser sur les marais, cela leur suffit, tout leur est bon, et ils tirent les raies rouges, sauf à les dissimuler au fond de leur carnier, mais ils les tirent ! Ce délicieux gibier ne profite donc qu'aux indélicats et aux parasites de la chasse qui se trouvent bénéficier de tous les oiseaux respectés par les chasseurs intéressants. Cela est d'autant plus regrettable que le râle rouge est, en somme, incontestablement un gibier de passage, et que les râles qui échappent au plomb des braconniers vont à l'étranger porter une richesse dont notre pays aurait dû profiler. Toutefois, la chasse du râle rouge ne devrait être autorisée qu'à partir du 15 août. La chasse des halbrans, qui ouvre en juillet, est strictement limitée à ce gibier et à des étangs parfaitement déterminés et soigneusement gardés. La chasse autorisée à partir du quinze août, au contraire, comprend celle des coureurs de marais, et le râle rouge est un coureur de marais à cette époque. Les braconniers ne font pas l'ouverture aux halbrans, faute de terrain de chasse, ils font celle du quinze août. Je sais bien que pour le râle rouge il y a des tolérances. J'ai connu des chasseurs (quorum pars magna fui, je puis le dire maintenant qu'il y a prescription) qui, autrefois, au marais LE RALE ROUGE. o7 Vcrnier et sur les bancs, dits bancs du Nord, à l'embouchure de la Seine, tuaient régulièrement, le quinze août de quinze à vingt râles rouges et qui ne s'en défendaient que mollement. Mais, la plupart du temps, la tolérance ne profite qu'aux au- dacieux et l'audace s'en va avec les années ; je ne tirerais plus de râles rouges au quinze août, ostensiblement du moins, les vieux braconniers les tirent toujours. Le râle rouge, au marais, piète beaucoup devant les chiens, plus qu'il ne le fait en plaine peut-être, et il ne craint nullement l'eau. Les chiens les plus propres à sa poursuite sont les mêmes que ceux dont j'ai eu l'occasion de parler à propos du râle noir. Mais les cockers me paraissent remplir toutes les condi- tions désirables pour cette chasse. Le râle rouge se cantonne, en effet, dans des endroits moins fourrés que ceux que choisit le râle noir, il ne fréquente pas les grands roseaux ni les marais trop profondément baignés par l'eau. Il s'en lient aux laîches et aux hautes herbes. FAMILLE DES RALLIDES. LA MARQUETTE OU PORZANE Porzana maruetta. (G. R. Gray.) La Marouette. (Taille, O^.-iM La marouette appelée aussi girardine et râle perlé en Pi- cardie et en Normandie et spotled crake en Angleterre, a la struc- ture du râle noir, mais son bec la différencie notablement de ce dernier. Il est, comme forme, semblable à celui du râle rouge, et de couleur verdâtre, alors que le râle noir a le LA MAR GUETTE. 59 bec rouge, plus long et plus mince. Comme apparence la ma- rouette se rapproche davantage de la poule d'eau, dont elle semble être la miniature, car elle n'est que de la taille d'une forte caille. Son plumage est brun-bronzé sur les ailes; brun, tacheté de blanc sur le dos; la poitrine est grisâtre, lavée de blanc; le dos et les ailes sont entièrement piqués de petits points blancs qui font paraître l'oiseau comme perlé. Les pattes fortes et les doigts très longs, eu égard au volume du corps, sont vert-tendre. L'iris est brun verdàtre. La marouette a le corps aplati comme les râles et les poules d'eau. A rencontre du raie noir, la marouette est un gibier de passage. Gomme la caille, elle arrive au printemps, pond et couve dans nos régions, je veux parler de celles du nord et du nord-ouest de la France, choisissant les marais fourrés et les prairies inondées, car elle ne se plaît guère que là où Teau est abondante. Son nid, semblal)le à celui du râle, contient une douzaine d'œufs jaunâtres entièrement grivelés de noir ou de Ijrun. Elle repart un peu plus tard que la caille, en novembre, pour disparaître complètement en hiver. A part cette disparition complète, la marouette a les mêmes mœurs que le râle, mais elle est plus facile à faire lever. Comme lui, la marouette, bien arrêtée, se lève assez vite; comme lui, mais plus aisément, devant un cliicu n'arrêtant pas, bourrant sans cesse et de bon nez, elle finit par s'enlever et regagner les roseaux loulïïis où elle se sait relativement en sûreté. Cependant, elle va moins loin que le râle regagner ses abris de prédilection, et après un vol assez court, elle se replonge soiiNcnl (iiins les huches basses pour piélcr de nouveau (levant !<• cliicn. La nuironctlc a |iourt;uil sur le râle une su|t(''ri()ril(' (.'oinnic (l(T('ns('. VMc ploniie davantage, .l'ai vu hien des ma- 60 FAMILLE DES RALLIDÉS. rouettes poursuivies disparaître tout à coup et le chien, resté ferme sur une flaque d'eau limpide et claire, donner de temps en temps un coup de patte en avant et reprendre sa position. Quand ce fait arrive, on peut être certain que la marouette est là, et il n'y a qu'une chose à faire c'est de retrousser ses man- ches et de chercher sous l'eau. J'ai pris ainsi bien des ma- rouettes en vie, immergées à quinze ou vingt centimètres. Les marouettes blessées emploient souvent la même ruse pour se dérober aux recherches. Du mois d'août au mois de novembre, la marouette voyage beaucoup d'un marais à un autre, et, lors de ses passages, on peut ou du moins on pouvait, hélas! autrefois, en tuer de qua- rante à cinquante dans une seule après-midi. Le nombre de ces oiseaux a diminué, mais le chasseur qui tombe sur un pas- sage peut encore emplir son carnier. La marouette, comme le râle noir, se tire avec du 8 ou 10 de Paris. Elle tombe aisément. Si le râle est presque toujours maigre, la marouette par contre, est presque toujours fort grasse. C'est un excellent gibier. Plus délicate de formes que la poule d'eau, la marouette est aussi beaucoup plus délicate de goût, mais, selon moi, elle demande à être servie rôtie et froide. Sa graisse est un peu trop fondante et gagne à être figée. On a appelé la marouette la caille de marais, elle ne vaut cependant pas la caille, mais doit comme elle être mangée très fraîche, au bout du fusil. Elle se gâte promptement. LE RALE BAILLON. 61 LE RALE BAILLON Porzana Baillonii. (DegL) On rencontre quelquefois à côté des râles noirs un petit râle tenant le milieu comme formes entre les râles et les marouettes mais de dimensions très exi- guës. J'en ai tué plusieurs, quand j'ai commencé à chasser, croyant avoir rencontré des sujets de petite taille. Il n'en était rien. Cette petite variété constitue un genre distinct, qu'on trouve surtout en Pi- cardie, bien qu'elle soit, paraît-il, commune à bien des marais de l'Ouest. On a donné à ces petits râles le nom tic râles Bâillon, du nom du naturaliste qui a déterminé les caractères de leur espèce. Les Anglais les nom- mciil Udilluns crakcs. Il ((iiix iciitdoiic de niontionner ici ce petit i^ibier ({ue les cliasseursde marais rencontreront |)n'S(jU(' à coup sur au cours de leurs excursions. Ce râle minuscule a le dos, c(jmnie le râle noir, brun ver- Le Râle haillon. I Taille. (P. 17) 62 FAMILLE DES RALLIDÉS. clâtre, mais non flammé do noir, et parfois lavé de lignes minces et blanches. La gorge et la poitrine sont, comme chez le râle noir, couleur ardoise, mais le ventre, lavé de blanc, n'a pas de tons roux. Les yeux sont rouges. Le bec est beaucoup moins long que celui du râle noir. C'est même une des parti- cularités qui le distinguent de ce dernier dont il a toutes les habitudes. Toutefois, il émigré davantage vers le midi. Il pond de six à huit œufs d'un roux-verdâtre , parsemés de taches petites et peu colorées. LE RALE POUSSIN. 63 LE RALE POUSSIN Porzana Minuta. (Bp.) C'est un tout petit râle, le liltle crake des Anglais. Très élancé, il est haut monté sur de longues pattes, plus minces que celles des autres raies. Son bec est court et fin, l'iris rouge. L'oiseau est de couleur grise, lavée de roux fauve sur tout le corps, la gorge seule est blanche. La femelle est grise , avecla gorge blanche. Le râle poussin est assez rare dans le Nord. Il niche dans le .Midi, on il est plus connu sous le nom de crcve-cliicn, à cause de la difliculté qu'éprouvent les chiens à le faire lever. Son mode de propagation est le môme que celui du râle Haillon, mais ses (rufs son! mnr(|ués de lâches brunes assez apparentes. Le Uàle poussin. {Taille, 0"M9) 64 FAILLE DES RALLIDES. LA POULE D'EAU OU GALLINULE Gallinula chloropics. (Lath. ex Linn.) La Poule d'eau. (Taille, 0'^.36di0) La poule d'eau, water-hen ou moor-hen en anglais, se dis- tingue des râles par la conformation de ses doigts, qui sont très légèrement garnis dans le sens de leur longueur d'une petite membrane qui en augmente la surface et permet à LA POULE D'EAU. 65 l'oiseau de nager plus facilement, et par une plaque dénudée à la base du bec supérieur. Ce bec est jaunâtre, et, chez le mâle, rouge à la base ainsi que la plaque frontale; l'iris est rouge; les pattes et les pieds sont verdâtrcs ; au dessus du genou on remarque une bande rouge vif chez les mâles, jaune chez quel- ques individus et chez les femelles , une vraie jarretière. Le dos est vert-olive brunâtre, le plastron gris ardoise, le ventre gris, lavé de blanc; la queue est blanche, brune et noire, les ailes, do la même couleur que le dos, sont bordées d'une hgne blanche et tournent au l)run foncé vers le fouet. La poule d'eau est de la taille de la perdrix. Elle n'est point un gibier de passage proprement dit; elle n'est pas non plus un gibier fréquentant exclusivement les marais, elle est surtout une habitante des étangs. Les poules d'eau vont et viennent d'un étang à un autre et des étangs aux marais , mais elles ne quittent pas nos pays. Elles abandonnent seulement les lieux où l'eau est gelée pour se fixer momentanément dans ceux où les sources leur offrent constamment de l'eau claire et un asile conforme à leurs ha- bitudes. Elles se cantonnent et reviennent toujours aux endroits où elles ont été élevées. Il n'est guère d'étangs de quelque étendue et de rivières garnies de fourrés oii on ne les trouve à l'état sédentaire. Dans les marais, au contraire, la poule d'eau ne fait que passer, et encore ne la rencontre- t-on (|ue dans le milieu de l'hiver et dans les marais alimentés par des sources qui ne gè- lent jamais. Je dois dire cependant que j'ai vu plusieurs fois des [)Oules d'eau couver dans certains marais, y élever leurs petits et y rester avec eux toute l'auuée, uuùs ces marais sont en elfet reuiplis de sources. Eu règle générale, les poules d'eau uielieiit sui' les bords des i.A s.vlvamm:. j 66 FAMILLE DES RALLIDÉS. étangs du Nord et du Centre au milieu des roseaux qui les entourent. L'ouverture détachasse aux halbrans le l" juillet est désastreuse, souvent, pour les couvées de poules d'eau. Un de mes amis en 1890 a, à cette date, cassé l'aile à une poule d'eau, qui, poussée par le chien, s'arrêta auprès de son nid qui contenait une dizaine d'œufs. Il les prit et les fit cou- ver par une poule qui éleva parfaitement les petits. Une autre année son chien tomba à l'arrêt sur une poule d'eau qui cou- vait quatorze œufs, qui, selon lui, étaient de première couvée. Ordinairement les poules d'eau pondent de six à dix œufs, blanchâtres, très irréguhèrcment tachetés. L'éclosion a lieu en juin , car en juillet on trouve régulièrement des jeunes poules d'eau grosses comme des moineaux dans toutes les bordures d'étangs. Sur les marais qu'on fauche périodiquement la fauchaison détruit un grand nombre de couvées. Les poules d'eau, comme les râles, quittent ordinairement leurs retraites , c'est-à-dire les roseaux et les fourrés où elles se tiennent habituellement, le matin et le soir, pour aller, soit dans les endroits découverts, soit sur l'eau, prendre leurs ébats et chercher leur nourriture. Elles en sortent aussi pendant le jour quand elles ne sont pas dérangées et que tout leur semble tranquille et silencieux aux alentours. Elles font précéder leur sortie d'un appel strident, d'un cri bref et métallique : Klip! Â/z)) / qui s'entend de fort loin. J'ai remarqué que les marouettes émettent à peu près le même cri , mais sur un ton moins fort, alors que les râles , au contraire , font entendre seulement le piaillement dont j'ai parlé. Au marais , on chasse la poule d'eau comme le râle et la marouette, je dis comme l'un et comme l'autre, parce que, comme le premier, elle gagne souvent les buissons avoisi- nants ou les grands massifs de roseaux pour se mettre à LA POULE D'EAU. 67 ral)ri, et que, comme la seconde, elle plonge beaucoup de- vant le chien. Cependant elle se laisse prendre beaucoup plus facilement que ces autres coureurs et les bons chiens la manquent rare - ment. Ce n'est pas dans les marais proprement dits qu'il faut es- pérer rencontrer beaucoup de poules d'eau. Elles ont besoin d'un espace d'eau libre assez étendu pour leur permettre de prendre leurs ébats et elles ne paraissent pas se plaire beaucoup dans les marais oîi les laîches, bien que profondément noyées , les empêchent de nager à leur aise. Les bordures d'étangs et les bords des rivières sont leurs véritables lieux de prédilection. Le long des rivières, on chasse la poule d'eau comme on le fait le long des fossés des marais, le chien explorant les bords garnis de joncs et de roseaux, et la forçant à s'enlever, le plus souvent à se rendre, c'est-à-dire à se laisser prendre. Sur les étangs, la chasse est moins facile. Je ne parle pas de la chasse à l'alfût, bien entendu : le soir et le matin on peut tirer les poules d'eau en se cachant sur les bords de l'étang et en les tirant au posé quand elles sortent de leurs retraites pour gagner le milieu de l'eau. Mais le chasseur a souvent du mal à tirer les poules d'eau devant son chien. En elTet, au moindre bruit, elles se tapissent dans les ro- seaux qui garnissent souvent le milieu des étangs ou dans les bordures et les buissons qui les enlourent , elles sont alors très diiliciles à avoir au boul du fusil. Si les oiseaux sont dans les roseaux du centre, il est bien (lui- (le dcinandei- a iiii cliien d'aller, à la nage, au milieu des roseaux (jui paralysent ses mouvements, faire lever des plon- treurs aussi émériles. 68 FAMILLE DES RALLIDES. S'ils sont dans les buissons, ils se trouvent souvent garantis par la déclivité du terrain, et si, par hasard, ils se voient pressés de trop près, ils partent sous l'eau, ne trahissant leur passage que par un léger sillon à la surface , et gagnent les roseaux immergés. Quelquefois les poules d'eau surprises par les chiens pren- nent le vol et vont plonger à quelques mètres du bord ; on peut alors les tirer, sinon elles restent invisibles. Le tir de la poule d'eau est facile : sur les étangs, elle vole auras de l'eau; au marais, elle s'élève au-dessus des roseaux et fde très droit. La poule d'eau est généralement coriace et a un fort goût de marécage. Aussi faut-il l'écorcher avant de la faire cuire et en préparer un salmis qui sera loin de rappeler le légendaire salmis de bécasses. On a cru qu'il existait en France une autre variété de poules d'eau plus petites que les poules d'eau communes. On appelle ces petites poules d'eau, des poulettes d'eau. Ces oiseaux de taille inférieure sont des femelles ou des jeunes qui sont en effet plus petits , ont la plaque frontale peu développée , la jarretière peu indiquée et les couleurs plus grises. A côté de la poule d'eau, il conviendrait peut-être de men- tionner \q porphyrion ou poule sultane, grande poule d'eau, au bec et à la plaque frontale rougo-vif, à la teinte générale bleu-indigo et aux dessous noirâtres, variés de blanc. Cette espèce se rencontre quelquefois dans le Midi, mais si rarement que je ne crois pas devoir la faire figurer au nombre des oi- seaux qui composent la sauvagine en France. LA FOULQUE. 09 Sous-famille des Fuliciens. LA FOULQUE OU MACROULE Fulica atra (Linn.) i 1 \ I.a F.iulque. (TaiUi\ 0™..';o) Les foulques, classées |);ir (piclques naUiralistes parmi les 70 FAMILLE DES RALLIDÉS. gallinules en ont été séparées par quelques autres pour former une sous-famille, celle des Fuliciens. Leur corps est moins comprimé latéralement que celui des râles et des poules d'eau, leurs jambes sont placées plus à l'arrière du corps et leurs pieds, au lieu d'avoir les doigts frangés seulement d'une petite membrane, sont au contraire à doigts lobés, c'est-à-dire garnis à chaque articulation d'un large feston. L'Europe ne possède que deux genres de foulques : la foulque commune et la foulque à crête. Je ne ferai que mentionner pour ordre cette dernière qui, ne paraissant dans nos pays que par hasard, ne peut être considérée comme un oiseau de France, à l'encontre de sa congénère, la foulque commune, très répandue au contraire sur nos étangs. La foulque, common-coot en Angleterre, est appelée aussi en France macroule, inacreuse \)d.r confusion, /Mc/e//e, morelle, baguette en Normandie, geuderelle dans le Calvados, blérie, joselle et bléraude dans d'autres provinces. Elle a l'apparence de la poule d'eau, mais elle est beaucoup plus grosse. Son plumage est noir grisâtre sur le dos, bleu cendré en dessous, la tête et le cou sont noirs. L'aile est mar- quée d'une ligne blanche. Le bec court, fort et comprimé, est orné à la base d'une protubérance cornée, blanche en temps ordinaire, rouge au temps des amours. L'iris est rouge, les pieds, d'un vert-plombé, ont les doigts palmés, mais non réunis par une même membrane. Chaque articulation est frangée, ce qui rend chacun des doigts sembla- ble à une feuille de chêne de couleur foncée. L'iris est rougeâtre. Les foulques couvent dans toute la France, sur les bords des étangs principalement. Elles pondent de huit à quinze œufs jaunâtres, très piquetés. Comme la poule d'eau, la foulque est un gibier d'étang plutôt qu'un gibier de marais. On la trouve presque toute l'année sur les étangs du Nord et surtout sur ceux du Midi, où elle donne lieu à un « élevage » régulier, si LA FOULQUE. 7i je puis m'exprimer ainsi, et à des battues qui sont devenues légendaires. Elle passe cependant au moment des gelées en bandes assez considérables, ne voyageant que de nuit, dans les endroits ma- récageux dont les fossés ne gèlent pas, et dans les marais sil- lonnés de sources vives. Elle est très difficile à faire lever et se laisse prendre encore plus facilement que la poule d'eau, partout ailleurs que sur les étangs, bien entendu. Elle cherche toujours à se dissimuler sous les troncs des saules ou dans les fourrés oii, acculée, elle attend le chien. Ses passages sont irréguhcrs et dépendent beaucoup de la rigueur de l'hiver. A ne considérer la foulque que comme gibier de marais, on peut dire qu'elle n'est pas gibier courant dans les marais du Nord et de l'Ouest, et qu'on ne peut espérer la trouver régu- lièrement, en chassant devant soi, comme on est à peu près certain de trouver à des époques déterminées des raies et des marouettes. Lorsque les étangs ne gèlent pas, on ne la voit guère sur les marais, mais quand il gèle, la foulque se met en mouve- ment et, si on tombe sur un de ses passages, on peut faire au marais une chasse productive. Un de mes amis a tué en quelques jours, il y a deux ans, une quarantaine de foulques au chien d'arrêt, dans un petit marais, à l'embouchure de la Seine, où depuis dix ans on n'en avait presque pas rencontré. Il y avait eu un passage anormal qui n'a duré que pendant les gelées. Sur les étangs, sans parler tics battues, on lue aussi des foulques la nuit à la hutte, elles viennent aux a[)pclants. Lu fouhjue est digne d'un coui) de fusil, coup de fusil bien facile, ciii' elle a le noI lourd cl droit. Il est très agréable aussi d{' la voir ruser devaut les cliiensel liiiir |)ar se laisser preudre 72 FAMILLE DES RALLIDÉS. par ces excellents collaborateurs qui sont toujours très fiers de rapporter une aussi grosse pièce morte ou vive. La foulque blessée se défend et se sert avec vigueur de son bec pointu. Au point de vue gastronomique, la foulque doit faire sur la table un passage aussi irrégulier que celui qu'elle fait sur les marais. Sa chair est médiocre. Il existe une variété plus grosse de ces oiseaux auxquels on donne alors le nom de macroules. Il n'y a là qu'une différence de taille individuelle qui ne constitue pas un genre distinct. Dans le Midi on appelle la foulque : macreuse. C'est un tort. La macreuse est un canard entièrement noir, qui ne quitte pas la mer, et qui n'a rien de commun avec les coureurs de marais et d'étangs. LES HERONS ET LEURS SIMILAIRES. 73 CHAPITRE II FAMILLE DES ARDÉIDÉS LES HÉRONS ET LEURS SIMILAIRES La faniille des Ardéidés ne compte parmi ses représentants en France que des individus de la sous-famille des Ardéiens qui comprend les Hérons et leurs similaires. Au point de vue de l'histoire naturelle, les Ardéidés sont caractérisés par la conformation de leurs doigts qui leur donne la faculté de se percher, par celle de leur bec, qui est long, aigu, très vigoureux, et par la longueur de leur cou. La manière de chasser ces oiseaux différant suivant leurs variétés, les uns se levant de loin et d'eux-mêmes, les autres se laissant poursuivre dans, les roseaux sans prendre l'essor, j'examinerai séparément chacun des modes de chasse à em- ployer pour s'emparer de ces échassiers qui tous sont un gibier médiocre. FAMILLE DES ARDÉIDÉS. Sous-famille des Ardéiens HÉROiNS LE HÉRON CENDRÉ Arclea clnerea. (Linn.) Un oiseau bien déchu de son ancienne grandeur ! Le héron, autrefois quahfié d'oiseau royal, était aux hôtes des marais ce qu'est le cerf aux habitants des forêts. Pour lui, les grands entretenaient des équipages somptueux, et le faste d'une chasse au héron avec des faucons ne le cé- dait en rien à celui d'une chasse à courre. Mais, la faucon- nerie a vécu, et, malgré les efforts de quelques amateurs pour la ressusciter et la remettre en faveur , je crois que les jours de gloire du héron sont passés et qu'il restera désormais ce qu'il est depuis plusieurs siècles déjà , c'est-à-dire un oiseau de rencontre triste et solitaire. Le héron cendré ou héron commun , héron en anglais , est un oiseau fort élégant au posé ; au vol , il est disgracieux et pesant. 11 est haut monté sur des échasses brunâtres, parfois verdâ- tres, qui font agréablement pendant « au long bec emmanché d'un long cou » si bien caractérisé par le fabuliste. Ses doigts, très longs, ont l'ongle du doigt médian dentelé comme celui de tous les individus de la famille des hérons, le pouce est LE HÉRON CENDRÉ. 75 armé d'un ongle arqué et très long. Le bec roljuste et aigu est jaunâtre, noir à l'extrémité; l'œil, à l'iris jaune, paraît encastré dans la base de ce bec qui accompa- gne une tête noire , garnie petite , d'une aigrette qui re- tombe sur la nuque. Le corps est plus petit que celui du canard mais plus al- longé , et se marie très bien comme ensem- ble avec le cou arqué et les lon- gues jambes de l'oiseau. L'envergure est considéra - ble. Le dessus du dos est de cou- leur uniforme, gris cendré, gris perle même, les ailes sont bleu cendré en dessus, avec les rémiges noires, le ventre est l)lanc, les cotés de la poitrine et les flancs sont noirs. Le cou, garni diin jabot de plumes longues et elFdées, est blanc vers la gorge, agréablement viiri('' do Unes plumes noires. L'iris est jaune clair. Le Héron cendré. [Taille, l'"AO enm7-on) 70 FAMILLE DES ARDÉIDÉS. Les hérons fréquentent les marais, les bords des rivières et des étangs et quelquefois les bords de la mer. Ils nichent sur les arbres. A l'époque de la ponte , ces oi- seaux se réunissent en grandes troupes et font leurs nids dans de grandes futaies qui prennent alors le nom de héronnières. Il existe deux ou trois de ces héronnières en France, dont une, très importante, dans le département de la Marne. Les anciens nids servent plusieurs années de suite et sont presque toujours établis sur les plus hauts chênes de la fu- taie. Les hérons arrivent à ces héronnières vers le 3 ou 4 mars régulièrement. Comme ils n'y sont pas inquiétés, ils devien- nent, sur les lieux où ils élèvent leur famille, aussi confiants qu'ils sont farouches partout ailleurs. Il faut remarquer ce- pendant que jamais les vieux hérons ne vont chercher leur nourriture dans les environs de leurs nids. Ils ne se posent jamais aux alentours, ils s'en éloignent considérablement et reprennent, quand ils sont en quête de leur subsistance, toute leur sauvagerie. Les hérons pondent trois ou quatre œufs bleu-pâle. Dès que les petits sont de force à voler, toute la colonie disparaît pour ne revenir que l'année sui- vante. A partir du mois d'août, les hérons sont communs dans presque toute la France , c'est alors qu'on les trouve sur les marais, quelquefois dans les laîches, plus souvent le long des rigoles ou des ruisseaux et des rivières. Ils se tiennent volon- tiers sur les prairies avoisinant la mer, et descendent même sur les grèves à marée basse. La nuit, ils se branchent, mais ont soin de choisir des asiles où ils n'ont pas à redouter les incursions de l'homme. Les hérons sont extrêmement défiants et partent de fort loin. Une fois levés ils montent obliquement à de grandes hauteurs, étendant leurs longues pattes en ar- rière et renversant leur cou sur leur dos en ne laissant entre- voir que le bout de leur bec, ce qui rend leur vol disgra- LK HÉRON CENDRÉ. 77 cieux et les fait ressembler à deux grandes ailes sans corps ni tête. Ils poussent en volant un cri intermittent , rauque et qui , de loin, ressemble un peu à celui de l'oie. Leur vol, quoique paraissant pesant, est rapide, ils parcourent un kilomètre en une minute, soixante kilomètres en une heure. A l'embouchure des fleuves, dans les baies, ils croisent d'un bord à l'autre et se reposent en tout cas toujours très loin de l'endroit où ils se sont enlevés. En terrain plat, ils sont très difficiles à approcher. Mais on les surprend souvent quand, enfoncés dans les rigoles ou les criques, ils cherchent leur nourriture et ne peuvent voir au- tour d'eux. S'ils sont dans un enfoncement, en contrebas d'un talus quelconque, bord de rivière ou dessous de galets, il faut employer la manœuvre bien connue des chasseurs qui consiste à faire un détour et à arriver, en se cou^Tant du dôme formé par le terrain, à pic sur eux. Sur les grèves ils sont inabordables. Quand on en aperçoit sur le rivage il faut les faire \e\Gv autant que possible de façon à les pousser vers les terres. Ils se reposent alors quelquefois à proximité d'un couvert qui permet de les approcher. J'en ai ainsi amené quelques-uns auprès des galets et j'ai pu les surprendre, après un détour de plusieurs kilomètres, il est vrai. iMais il n'y a pas de plaisir sans peine, et bien que le héron ait encouru la même déchéance au point de vue cu- linaire qu'au point de vue des grandeurs, car sa chair maigre n'est pas fameuse, il restera quand même une pièce méritaut d'être convoitée. FAMILLE DES ARDEIDES. LE HÉRON POURPRÉ Ardca purpurea. (Linn.) Bien que peu connu, môme des chasseurs, 1(^ héron })our])ré, pur- pie hcron en aughiis, est cepen- dant nn visiteur réguher des ma- rais et (les Ijordures d'étangs de la Franco. Scmblaljle i)ar son port, sa forme et sa taille au héron com- t'rTiuîigl'- Le lléi'on |)Ourpré. {Taille, ()"'.8">) mun, il s'en dislingue par la richesse de sa parure. [.i; iiiiuoN l'orui'itK 70 (!(' I)('l ()is(';iii il le dessus (!<• I:i Iric noir, oriK' de deux |)|iiiii('s roniiiiiil iiiH! iiii^rrllc loinh.'iiilc, les joncs i^iiriiics de liuncs roii\ jirdciil, jillcriuint .ivcc (]';iiili-(;s lij^ncs iioii-cs (|iii \ oui, des y\\\ Ml l)iis du cou, l('(|ii('l es! sur le d('v;inl iv^coiivcrl, d'iiii j;d)ol, r'()iissAl,r(! i^i"iv(!l<' cl lliiniincdc noir. Le dos esl, roux eench/', .1 rellels veris, le vcnirc ^ris cendre, l;i poilrine cl les ll.incs sont |)onr|tr(''S, les ;iiles cendrces ;ni\ conv cilnics, lirnnes ;hi\ vr,- inii^cs; le Ixu; est j;nnic, l'iris or;inL'('', les pieds soiil, verd;'ilr(!S. (!e li('ron niche (|iiel(|nerois d.nis le midi de l;i l'r;nice. Il pond d(^n\ ou trois (luifs verd;'ilres. MehitivcMKMit assez rt'p.indn d;uis nos provinces un'iidion.i- les, il esl, l'iM'c d;uis celles du \ord cl de rOiiesl. ]{' ne W ;ii j;un;iis renconlr*'-, ni;iis j';ii vu t\c\\\ individus de celle es|)è(;e liui dernier d.ins le HoiU'i)Oiin;us : Tun d Cux ,1 elc lue d.uis les rosejuix sur le hord d'un él.iuir. (J(! Iiéroii (;sl, l)ieu moins Hwonclie (jiie le li(''rou cendic 80 FAMILLE DES ARDEIDES. LE HÉRON MÉLANOCÉPHALE OU HERON A TÊTE NOIRE Ardea melanocephala . (Vig.) (Taille, un métro) Très rare en France, où cependant il a été rencontré sur les étangs du Midi, ce héron est originaire d'Afrique. II a la tête, le dessus du cou et le haut du dos d'un beau noir foncé, le bas du dos et les couvertures supérieures des ailes gris ardoise, mais les couvertures inférieures entièrement blan- ches, les rémiges noires, la gorge blanche et le dessous du corps gris cendré. Le bec est plus gros que celui du héron commun et les pieds sont noirs. L'AIGRETTE BLANCHE. AIGRETTES L'AIGRETTE BLANCHE Egrelta alha. (Bp. ex Linn.) {Taille, un iwiiivG environ.) On a confondu souvent les aigrettes avec les hérons, c'est ainsi que nous voyons plusieurs auteurs parler d'une variété de hérons blancs qui serait de passage dans certaines de nos pro- vinces. Il n'y a point de hérons blancs en France, mais on y rencon- tre encore quelquefois, bien rarement cependant, des aigrettes. Les aigrettes forment un genre distinct de celui des hérons. Leurs principales différences avec ces derniers reposent sur la forme du bec qui est plus mince que celui des hérons, sur leurs allures plus sveltes, leur structure plus grêle et plus élancée et enfin sur la présence au priiileinps des plumes, dites aigrettes, qui ornent leur dos et le haut de leurs ailes. L'aigrette blanche ou grande aigrette, fjreat nhite cgret en anglais, un peu plus grande (pie le héron, a le [)lumage entiè- rement blanc, le bec noir et les pieds \erdàtres. L'iris est jaune. Ces oiseaux étaient autrefois assez nombreux, en Pro- vence, dans le Languedoc, les Landes et la Bretagne. Ils sont maintenant extrêmement rares. Celte disparition presque coin- plt'lc provient probablement de ce que les espèces d'aigrettes (pii visil;ii('iit nos ((jntrc'cs ont de tlclruitcs dans leur paNsd'o- I. V SVL VM.INK. (5 82 FAMILLE DES ARDÉIDES. rigine à la suite de la guerre acharnée que leur ont fait les chas- seurs d'aigrettes, fournisseurs des marchands de plumes. Les plumes, dites aigrettes, qui garnissent au printemps le dos et les scapulaires de ces oiseaux ont, en effet, une grande valeur commerciale. La mode et l'inconsciente cruauté de la coquette- rie féminine ont voué l'espèce à l'extermination, à l'état sau- vage du moins, car on s'occupe delà domestication des aigrettes et il serait désirable de voir couronner de succès cette tenta- tive qui a, tout d'abord, le mérite d'émaner d'un Français. L'aigrette blanche niche soit dans les arbres soit dans les ro- seaux et pond de trois à quatre œufs verdâtres. L'AIGRETTE GARZETTE. 83 L'AIGRETTE GARZETTE Egrclta Garz-etta. (Bp. ex Linn.) {TailleJr.ôb) La garzettc est moitié plus petite que l'aigrette blanche à laquelle elle ressemble quant au plumage. Tout ce que j'ai dit de l'aigrette blanche s'applique à la garzette qui a, à peu près, les mêmes habitudes, les mêmes mœurs et les mêmes chances de destruction que sa congénère. On appelle fréquemment dans le Midi cet oiseau héron garzette, les Anglais l'appellent, lesser egret. 8i FAMILLE DES ARDÉIDES. LE GARDE-BŒUF IBIS Bubidcus Ibis. (Bp. ex Hasselq.) {Tame,Q'"AG) De passage très irrégulier dans le midi de la France, cet oiseau, plus de moitié moins grand que le héron, a le bec très court, courbé et jaune, les jambes médiocrement longues, les pieds jaunes et l'ongle du pouce très développé, le cou moyen- nement long, en partie dénudé, le plumage entièrement blanc, avec la tête recouverte d'une aigrette pendante roussâtre, et de longue* plumes fauves ébarbées au bas du cou. Le garde-bœuf niche en Afrique, dans les marais, où il pond trois à quatre œufs verdâtres. I.E CRABIER CHEVELU. LE CRABIER CHEVELU Anleola Ralloïdes. (Boie.) Le crabicr chevelu, le seul de l'espèce qui fréquente nos contrées tempérées , se rencontre parfois en Picardie, dans l'Artois, sur les côtes ouest, dans le centre de la France, en Savoie; il est assez commun dans le Midi, en Camargue surtout. Il pousse parfois une pointe jusqu'en Angleterre, où on I(^ connaît sous le nom de squacco-heron . Ses passages en France ont lieu au printemps et à l'au- tomne. Il niche dans les roseaux. Ses œufs , peu nombreux, sont d'un vert-bleu sans taches. Les ('ral)iers sont d'un naturel Le Cral)ier. (T'aV/e, (r.i5) sociable, ils ai- ment à se réunir. Gomme les autres hérons, ils se défendent vigoureusement quand ils sont blessés. Ces oiseaux voient sans bruit, ;iis(Mii('nt ; ils nMitreiil l;i trie *•■•■?* 86 FAMILLE DES ARDÉIDÉS. entre les épaules et étendent leurs pattes derrière le corps, mais d'une façon moins accentuée que les autres hérons. Le crabier, un peu plus grand que le blongios, a la tête jaunâtre , grivelée de brun , le haut du cou roux, garni de longues plumes blanches, bordées de noir. Le dos est roux fauve, les ailes et la queue sont blanches, le jabot et la gorge jaunâtres, le bec est bleu et noir, l'iris jaune, les pattes sont vertes. LE BUTOR. LE BUTOR Botaurus Stellaris. (Steph. ex Linn.) Le butor se distingue essentiellement des hérons, non seule- ment par sa structure, son attitude et certaines de ses formes, mais surtout par ses mœurs qui sont entièrement différentes. Le héron est un oiseau qui vit à découvert, et fréquente as- sidûment les bords de la mer et des rivières, les prairies et les bancs en même temps que les marais; le butor, au contraire, ne vit que dans les marécages recouverts de roseaux épais; ses habitudes sont plutôt celles des coureurs de roseaux, cer- tains chasseurs rustiques ne veulent voir en lui qu'un grand râle. Ils se trompent, assurément, mais il est certain que c'est en chassant le râle qu'on a le plus de "chances de tirer des bu- tors, qui, comme les râles, piètent souvent fort longtemps de- vant les chiens. Le butor ou héron étoile^ bilteni en anglais, est un fort bel oiseau, plus trapu que le héron. Sa hauteur sur pattes est d'environ vingt centimètres. Ses doigts, démesurément longs, atteignent jusqu'à dix centimètres et sont armés de longs ongles acérés. Le pouce, fort grand aussi, porte une véritable griffe Irancliante et recourbée comme les onglets des oiseaux de proie. L'ongle du doigt médian est dentelé conmie celui des hérons. Les pattes et les pieds sont (Time couIcMir (nii vari(> du jaune- FAMILLE DES ARDÉIDÉS. vert au vert-foncé suivant les individus. Le bec verdâtre, long de huit centimètres environ, est légèrement courbé, aplati sur les côtés, très dur, et se termine en pointe aiguë. L'œil, à l'iris jaune clair, paraît comme enchâssé dans la base du bec. La couleur du butor est caractéristique : Les longues pennes des ailes dont l'envergure mesure près d'un mètre, sont brun-rouge, rayées de lignes noires ondu- lées, les couvertures de ces ailes sont fauve-clair, ondées égale- ment de noir, leur en- semble rappelle la colo- rât icm du manteau de la bécasse. Le dos et le ventre sont d'un jaune roux clair, lavé de longs traits noirs. Ce qui caracté- rise surtout cet oiseau, c'est la disposition des plumes de son cou, qui, long de trente centi- mètres est garni d'une collerette de longues plu- mes disposées en jabot, séparées en dessus par une raie qui laisse presque voir la chair à nu, et en dessous par une ligne brun foncé con- tinue, qui prend naissance au-dessous du bec pour se terminer Le Butor. (Taille, O^.ôS à 0" LE BUTOR. 89 en faisceau de petites lignes noires sur la poitrine. Cette colle- rette en jal)ot, formée de plumes extrêmement légères, de couleur fauve clair étoile de noir, presque doré, donne au cou du butor une apparence « flou » du plus gracieux effet. Les plumes de la tête presque entièrement noires sont relevées d'arrière en avant et se hérissent en une huppe très élégante. La femelle a les couleurs moins vives et de ton moins chaud que le mâle. Ce cou qui rend le butor si gracieux dans certaines attitudes pendant sa vie, en fait, après sa mort, quand on le soulève par le bec, le plus disgracieux des oiseaux. 11 ressemble alors à une boule de plumes roussâtres, suspendue à un long, trop long cordon emplumé. Ce cou étendu n'en finit pas : telle est l'impression que j'ai toujours éprouvée en ramassant un butor par le bec. Le butor niche souvent en France, sur les marais du Nord, et pond trois ou quatre œufs, d'un brun jaunâtre ou olivâtre, sans taches. Les butors n'abandonnent les marais du Nord et de l'Ouest que vers l'automne pour descendre au midi. Comme ils ne reviennent qu'au printemps, après la ferme- turc de lâchasse, on les rencontre seulement, en chassant, pendant les mois d'octobre, novembre, et décembre, suivant la rigueur de la température, quand ils se mettent en mouve- ment pour accomplir leur migration. Pendant les mois précé- dents, on n'en tire pas l)eaucoup, car il est presque impossil)le de les faire lever au milieu des roseaux impénétrables avant que l'automne ait éclairci les fourrés et les ait rendus accessi- bles à l'homme et au chien. Le butor piète beaucoup devant les chiens ; il est aussi dif- ficile à faii'e inetlre à l'essor que le râle noir, et sa poursuite a, avec celle de ce dernier, de telles analogies, que bien sou- VT?nt, croyanl voir parlir un râle devant le chien, le chasseur est surpris p;ir un hulDi" (|ui s'culcse lourdemeiil ;iprès une 90 FAMILLE DES ARDÉJDÉS. poursuite acharnée et au moment où il s'y attend le moins. Le butor fait quelquefois tête aux chiens, et se laisse ainsi prendre en vie. En ce cas, la prudence s'impose, son bec est fort dangereux pour l'homme et pour le chien : le butor est vérital)]ement un oiseau très brutal sinon très vigoureux. Il ne faut cependant pas croire que cet oiseau si rusé ne part absolument que quand il est sur ses tins et contraint et forcé. J'ai vu des butors, dans le marais Vernier, notam- ment dans les endroits fourrés , et il en était sur ce marais d'inextricables autrefois, se lever de fort loin et d'eux-mêmes. Celui que j'ai sous les yeux en ce moment, et d'après lequel j'ai décrit l'espèce, était parti devant moi dans une clairière tapissée d'herbes fines où j'espérais trouver des bécassines, mais il est certain, qu'en règle générale, le butor, auquel son long cou permet de voir de très loin au-dessus des laîches, cherche à se dissimuler au plus épais des fourrés dès qu'il aperçoit un chasseur et son chien. Cet oiseau laisse après lui beaucou}) de sentiment et les chiens sont très ardents à sa poursuite. On le tire généralement de près, et, autant que j'ai pu en ju- ger par ceux que j'ai rencontrés, il n'est pas dur à tuer. Le butor fait entendre divers cris : Le soir, quand il plane au-dessus des marais où il veut se re- mettre, il pousse un cri rauque plus fort que celui que profère le héron dans les mêmes circonstances ; quand le butor crie en automne, au crépuscule au plus profond des roseaux, ce sont des « Ho! Ho ! Raouch! » qu'il jette aux échos et qu'on a pu confondre avec le cri des herbagers pourchassant leurs bes- tiaux, ce qui a fait donner au butor en Normandie le surnom de « cacheux de bœufs » ; au printemps, temps des amours, il pousse au contraire le mugissement sonore d'où il a tiré son véritable nom. LE BLONGIOS. 91 LE BLONGIOS. Ardeola Minuta. (Bp. ex Linn.) Le Bloiiglos. [Taille, 0™.3G environ) Le blongios a, à peu près, les mêmes ]ial)itu(les que le bulor, mais il est moins répandu que lui en France. Il lui resseml)lc beaucoup, en petit, comme formes générales : cou garni de plumes en jahot, pattes énormes verdàtres, bec solide et poiulu. 92 FAMILLE DES ARDÉIDÉS. Il est de la taille du râle rouge environ avec le cou plus long. La couleur varie beaucoup suivant les individus, elle rap- pelle souvent celle du Butor, voici cependant quelles sont les teintes les plus ordinaires du plumage chez le mâle : Le dessus de la tête, le dos et la queue sont noirs, à reflets verts, les côtés de la tête, le cou et la gorge sont jaune-roux clair, grivelé de roux foncé. Les couvertures des ailes sont jaunâtres, et les rémiges en- tièrement noires. Le bec est jaune et brun, les pieds et les pattes sont verdâtres. L'iris est jaune l)rillant. La femelle et les jeunes ont une livrée qui rappelle un peu celle du butor. Le dos est brun avec les plumes frangées de jaunâtre, le jabot est fauve, flammé de brun, la queue et l'extré- mité des ailes sont noires. Le blongios arrive dans les provinces du nord et de l'ouest de la France vers le mois de mai ; il repart au Midi un peu plus tard que les râles rouges. 11 niche dans les roseaux ou sur les souches au bord des eaux, et pond en juin une demi-douzaine d'œufs en^^ron, de couleur blanc sale. J'ai souvent rencontré le blongios en août dans les marais de l'Ouest concurremment avec les râles rouges. Il a leur vol, mais part quelquefois plus prestement. J'ai vu des chasseurs le prendre pour un râle rouge; toutefois la confusion n'est possible que quand l'oiseau file droit, vu de dos, et avec les femelles ou les jeunes seulement. Les blongios se cantonnent dans les marais ou au bord des rivières, puis, aux premiers froids, ils descendent vers le Midi. Ils se branchent assez souvent, piètent quelque temps de- vant les chiens avant de s'enlever et, blessés, se défendent énergiquement ; leur bec pointu pique fort, et leurs yeux clairs et méchants les rendent grotesques, quand, à terre, ils essaient de résister aux cliiens. LE BLOxNGIOS. 93 Le mâle fait entendre un cri qu'on peut traduire par : Beiim ! beum! celui de la femelle peut se rencbe par les mots : Geek! geek! Le blongios porte aussi le nom de jwiiacre et, dans le Sud-Ouest, celui de porchat. Les Anglais le nomment littlc bittern. Les marais, le bord des rivières et des étangs sont les stations préférées de ces oiseaux qu'on ne rencontre jamais en plaine, et qui, pas plus que les butors, ne viennent s'abattre sur les grèves. Les blongios sont, comme ces derniers, des invisibles, qu'il faut faire lever de force, et arracher à leurs retraites, auprès desquelles on peut passer sans se douter qu'on laissa derrière soi un gibier rare et singulier. 94 FAMILLE DES ARDÉIDÉS. LE BIHOREAU Nycticorax griseus (Strickl.) Corbeau nocturne pour les savants, night-heron ou héron de nuit pour les Anglais, le bihoreau est en effet un oiseau crépusculaire : la gran- deur de ses yeux lui permet de voir dans les ténèbres et il a le vol doux et silencieux des hibous. Mais il ne faut pas en conclure qu'il soit ce qu'on nomme un oiseau de nuit. Le bi- horeau est une espèce de butor plus triste de mœurs, plus sombre de parure. Af- fectionnant les maréca- ges boisés, il reste tapi pendant le joiu? dans les roseaux et se met en mouvement vers le soir pour chercher sa nourriture qui consiste en insectes , grenouilles et petits poissons. Le maie et la femelle ont la tète et le haut du cou y compris Le Bihoreau. [Taille, 0'".G0) LE BIHOREAU. 95 les épaules noirs; de l'occiput sortent trois ou quatre plumes très longues, blanches et cbarbées. Le dos et la queue sont gris cendré, tout le dessous du corps est blanc, onde de gris sur les côtés, les ailes sont cendrées, le bec, de la longueur de la tète, est noir, arqué et courbé à l'extrémité, les pieds sont jaunes ouverts, l'œil est grand et l'iris rouge. Les jeunes sont grivelés et flammés de noir sur fond brun, plus foncé sur le dessus du corps, plus clair en dessous. Le bihoreau se rencontre accidentellement dans le Nord, il est plus répandu dans le midi de la France. CHAPITRE m FAMILLE DES GRUIDÉS LA GRUE CENDREE Grus cinerea. (Betchsl.) {Taille, 1 inètreooà 1 lu. 50) Il existe en Europe plusieurs variétés de grues, la grue cendrée est la seule qui passe en France, et encore y est-elle un oiseau de passage dans toute l'acception du mot. Les bandes de grues qui éniigrent se posent seulement, sur les grandes plaines et les marais de nos provinces du Centre et du ÎMidi, le temps nécessaire pour prendre leur nourriture et repren- nent aussitôt leur voyage de jour et de nuit en files parfaite- ment ordonnées. Leurs apparitions en France ont lieu en avril et mai ; à la mi- octobre elles re})assent pour se rendre en Egypte. Les i>:ruos nichent dans le nord-est de rEuro[)0, le [)lns sou- vent en Pologne et eu Russie. Elles pondent, à terre, deux œufs, très gros, vert-olive clair, tachetés. Ces oiseaux ne paraissent pas mériter la répiihilion (|ii"(»ii leur ;i laite ({"(Mic des oiscdux stupides et iuconslanls. Les l'cmelles sonl au contraire très attachées à leur uiàle et à leur progéniture, rien ne justifie lacom[)arais()u (pToii fiiil entre elles et les personnes de mœurs légères. LA S\LV\(;i?(K. 7 98 FAMILLE DES GRUIDES. La grue cendrée, common- crâne en anglais, est un des plus grands oiseaux d'Europe : elle mesure jusqu'à 1"',50. Elle a le bec droit, conique et pointu, un peu plus long que la tête, vert foncé et rougeâtre à la base. Ses pattes sont hautes et verdâtres, ses pieds noirs, l'iris est jaune doré. Sa tête dégarnie de plumes est recouverte d'une peau rou- geâtre chez le mâle, grise chez la femelle, son cou est blanc, brun sur les côtés, son corps est entièrement gris cendré, avec les couvertures des ailes de la même couleur et les rémiges noires. Sous les ailes, se trouvent de longues plumes qui remontent, formant au bas du dos de grosses houppes grises et noires frisées. Le vol des grues est élevé et rapide, elles parcourent douze cents mètres par minute, et parfois environ soixante-douze kilomètres en une heure. CIGOGNES ET SPATULES 99 CHAPITRE lY FAMILLE DES CIGONIIDÉS CIGOGNES ET SPATULES La famille des Giconiidcs comprend deux sous-famillcs, celle des Ciconiens ou cigognes proprement dites, et celle des Pla- taléiens ou spatules. Chez les premiers de ces oiseaux le bec est droit, conique et pointu, chez les seconds il est évasé en forme de large spatule. Leurs doigts sont garnis de membranes qui les bordent et les réunissent sur un tiers de leur longueur. 100 FAMILLE DES CICONIIDÉS. Sous-famille des Ciconiens. LA CIGOGNE BLANCHE Ciconia Alla. (Williigh.) {Taille, 1 m. 20) La famille des Ciconiidés n'est représentée en France que par la cigogne blanche et la cigogne noire, qui forment la sous-famille des Ciconiens, et par la spatule qui forme la sous- famille des Plataléiens. La cigogne blanche est bien connue dans Test de la France où elle niche dans l'intérieur des villes, sur les clochers , les cheminées et les toits. Son nid contient de deux à quatre œufs blancs sans taches. Cet oiseau a le corps entièrement blanc , à l'exception des ailes qui sont noires. Les pieds et les pattes très hautes sont rouges, le bec, rouge aussi, est droit et pointu, le cou long,, l'iris brun. Le vol de la cigogne est aussi rapide que celui de la Grue. Sa taille est d'environ l'",20. La cigogne, qui, dans l'Est, où elle est respectée des chasseurs , est de la plus grande familiarité , devient extrê- mement farouche partout ailleurs. Elle séjourne, du mois de mai au mois de septembre, dans les endroits où elle niche et part ensuite pour le Midi en bandes plus ou moins considérables. LA CIGOGiNE. 101 On rencontre la cigogne blanche en Hollande et quleque- fois, mais très rarement, clans le nord de la France, elle ne pa- raît pas passer en Angleterre, cependant elle figure parmi les oiseaux classés comme étant de passage dans ce pays où on l'appelle icliite-stork. Les cigognes font de longues traites et se tiennent toujours dans les régions élevées de l'atmosphère, hors de la portée des armes à feu, mais elles font parfois quelques stations dans nos provinces du Centre et reviennent pendant quelques jours aux mêmes endroits pour se brancher et passer la nuit. J'ai été témoin de ce fait l'an dernier. Une bande de cigognes avait choisi pour y passer les nuits une haute futaie aux en- virons de Louroux-Bourbonnais, dans l'Allier. Le garde de la propriété, après quelques affûts infructueux, finit par tuer un de ces oiseaux au moment où la bande venait pour s'abattre sur les hauts arbres. Les cigognes avaient passé une huitaine de jours dans la contrée et ne reparurent plus. On peut quelquefois tuer une cigogne en envoyant une balle dans les bandes quand elles passent à peu près à portée au-dessus des collines, mais c'est là un hasard. Dans le Centre, on appelle ces oiseaux des dindes sauvages, appellation bien impropre. La cigogne n'a point de cri , elle se contente de faire cla- quer son bec pour exprimer sa crainte, sa colère ou sa satis- faction. 102 FAMILLE DES CICONIIDÉS. LA CIGOGNE NOIRE Ciconia nigra. (Gesn.) [Taille, 1 mètre) La cigogne noire, plus petite que la cigogne blanche, ne mesure qu'un mètre environ. Elle a tout le dessus du corps foncé, le dessous de couleur claire : sa tête est noirâtre , son bec, ses pattes et ses j^ieds sont rougeâtres, son dos et ses ailes sont noir brun changeant, sa poitrine et son ventre blancs. Elle ne niche pas dans les villes, elle fait son nid sur les arbres, dans les forêts de sapins principalement. Elle pond trois ou quatre œufs blancs. Beaucoup plus rare et plus sauvage que sa congénère la ci- gogne blanche, elle paraît se cantonner dans les pays monta- gneux du Sud-Est. Cependant on l'a rencontrée sur les marais de la Somme et quelquefois en Angleterre où on la désigne sous le nom de hkick stork. lA SPATUF.E. 103 Sous-famille des Plataléiens LA SPATULE BLANCHE Platalea leucorodia (Linn.) Les spatules sont remarquables par la forme de leur bec , large et aplati comme une spatule , d'où leur nom français, ou comme une cuiller, d'où leur nom anglais spoonhill. Leur appellation vulgaire en France est palettes ou pales. La spatule blanche a le corps , de la grosseur do celui du héron, entièrement blanc, avec la poitrine jaunâtre, tournant au roux chez les maies au temps des amours. La tête est surmontée , ou plutôt accompagnée sur la partie postérieure, d'une huppe tombante composée de longues plumes effilées. Le bec qui, à la jjase, est de la largeur de celui du ca- nard, s'évase à l'extrémité en forme de large spatule entière- ment plate. Ce bec, très long, de consistance molle, est jaune, cou{)é de lignes noires transversales. Les pattes très hautes sont noires, les trois doigts antérieurs, assez longs, sont re- liés sur un bon tiers de leur longueur par une membrane. L'iris est rouge vineux. La spatule niche d;ms le Xord, en Hollande et en Angleterre. Elle pond de deux à quatre œufs bleuâtres peu ou point tachetés. Les spatules ne sont pas aussi rares en France qu'on l'a souvent prétendu. Elles passent sur les cotes nord et ouest, en bandes s'avancant de front sur une seule ligne , au mo- iiH'iil (le lit ini-ratiou annuelle des oiseaux de passage, c'est- 104 FAMILLE DES ClCOiNIIDÉS. à-dire à l'automne et au printemps, moins nombreuses à cette dernière époque , quelquefois même isolées. Au temps des passages , on tue tous les ans des spatules 0^^^^ dans les départements du Nord et de l'Ouest de la France, soit au gabion, soit sur les marais avoisinant la mer. On a cru longtemps que deux espèces de spatules visitaient nos contrées : Une ^^^ grande va- riété sans huppe; La Spatule blanche. {Taille, O^.TS à O^.SO) une autre plus petite avec huppe ; c'est cette dernière variété que j'ai rencontrée sur les bords de la Manche. Il paraît, ce- pendant, qu'il n'existe en France qu'un seul genre de ces oiseaux ; seulement , les jeunes et les femelles sont de taille LA SPATULE. lOo inférieure et les différences de longueur de la huppe peuvent n'être qu'individuelles. Les spatules font partie de la grande trilju des oiseaux aquatiques qui font régulièrement de la France une de leurs étapes habituelles, mais, comme l'espèce n'est pas très nom- breuse, et que leur séjour chez nous est assez court, beaucoup de chasseurs n'ont pu les rencontrer. Il ne faut pas en induire, comme on l'a fait souvent, que les spatules ne sont amenées chez nous que par des perturbations atmosphériques extraordinaires. Pour chasser la sauvagine avec fruit, il ne faut pas faire de simples incursions au marais ; il faut y chasser régulière- ment. C'est le seul moyen de profiter du passage de certaines espèces qui , bien que s'arrètaht couramment dans nos pays, n'y séjournent que peu de temps. L'IBIS FALCINELLE. 107 CHAPITRE V FAMILLE DES TANTALIDÉS Sous-famille des Ibiens. L'IBIS FALCINELLE Tantalus falcindlus (Linn.) La famille des Tantalidés n'est représentée en France que par un seul membre de a sous-famille des Ibiens, falcinelle éclatant. classé cet oiseau sous le nom il n'est I/Ibis falcinelle. {Taillr, O'Mij sans le hvc) 108 FAMILLE DES TANTALIDES Il n'a de ce dernier que la forme du bec qui est long, épais, recourbé en forme de faucille et de couleur brune. Sa tête est marron foncé, son dos roux à la partie supérieure, vert- bronzé vers le milieu et vert pur à la partie inférieure, tout le devant du corps est rouge marron, les flancs sont verdàtres, les ailes brunes et mordorées avec les grandes pennes noires et cuivrées. Ce qui peut faire facilement comprendre pourquoi cet oiseau ne peut être classé parmi les courlis, c'est l'examen même superficiel de ses pieds qui sont minces, longs et ont un pouce très développé alors que les courlis ont les doigts épais et un pouce rudimentaire. L'Ibis falcinelle, très rare dans le Nord, se rencontre surtout dans le Midi. Il niche à terre dans les grandes herbes et pond quatre œufs bleu- vert sans taches. I.ES l'LLVlERS ET LEURS CONGÉNÈRES. 109 FAMILLE DES CHARADRIIDÉS LES PLUVIERS ET LEURS CONGÉNÈRES Ces oiseaux qui composaient à eux seuls presque toute la classe des Pressirostres de Cuvier, se distinguent en effet par la forme de leur bec qui est toujours assez court, et renllé à sa pointe. On les divise généralement en cinq sous-familles, les deux premières celles des cursoriens et œdicnémiens ne des- cendent qu'accidentellement sur les marais, la troisième celle des charadriens ou pluviers et vanneaux fréquente les ma- rais et le bord de la mer, les deux autres, les strepsiliens et les hœmatopodiens, ne visitent que les grèves. 10 FAMILLE DES CHARADRIIDÉS. Sous-famille des Cursoriens. LE COURVITE GAULOIS Cursorius gallicus. (Bp.) [Taille, 0-.25) Le courvite devrait plutôt prendre place parmi les oiseaux de plaine. On ne peut dire qu'il soit un oiseau de marais. Cependant comme il est un échassier et qu'il se rapproche beaucoup des œdicnèmes et des pluviers, comme on l'a classé dans la famille des charadriidés , je le mentionnerai ici sous la réserve de l'observation qui précède. A peu près de la taille du pluvier doré, il est entièrement de couleur fauve-isabelle. Derrière les yeux il a deux traits noirs coupés par une bande blanche. Son cou est grisâtre, les ailes ont les rémiges noires , sa queue est fauve marquée de noir et de blanc. Les jambes sont hautes, de couleur jaune, le pouce est nul, le bec court et courbé est noirâtre ou jau- nâtre, l'iris est brun clair. Le courvite est originaire de l'Afrique. Il fait en France de très rares apparitions sur les dunes et sur les plaines. LÏKDICNKME <;IUAI{D. 111 Sous-famille des Œdicnémiens. L ŒDICNEME CRIARD Œdicnemus crepitans. (Temm.) Bien que l'œdicnèmo criard soit un oisoau de plaine et qu'on ne le rencontre qu'acci- dentellement au marais, il peut et même doit figurer dans la no- l/fiKdicnènic criard. {Taille, (r.W eni'iron) mcnclature des oiseaux (pii ( omposcnt la sauvairine. 112 FAMILLE DES CHARADRIIDES. On le connaît en France sous divers noms : grand pluvier, courlis de terre, turlu et turlui clans le centre, Saint-Germer en Picardie , petite caiiepetiere dans certaines provinces. I.es anglais le nomment stone-curleic ou courlis des pierres. Il est un peu moins gros que le petit courlis , mais plus haut sur pattes. Sa teinte générale est roussâtre, foncée sur le dessus, claire en dessous, avec le ventre blanc. Le plumage est entièrement moucheté de brun et de noir; les mouche- tures sont beaucoup plus serrées sur le dos que sur la poitrine. Les ailes sont brun cendré et les rémiges noires. Le bec, comme celui de tous les pluviers , est court, de la longueur de la tête environ , jaune à la base , noir au bout. Les commissures du bec sont ornées d'une légère moustache. Les pattes sont hautes et , comme les pieds qui n'ont que trois doigts, sont d'un jaune sale. L'œil est très grand et l'iris jaune doré. Les œdicnèmes se tiennent constamment dans les grandes plaines, de préférence sur les hauteurs. Comme ils courent fort vite, affectionnent les terrains pierreux et déserts, et ont quelques-unes des habitudes de la petite outarde ou canepetière aA^ec laquelle ils ont aussi des affinités au point de vue scientifique, on les a quel- quefois confondus avec cette dernière et dans certaines ré- gions du Centre on les considère encore comme une petite variété des canepetières. Ce qu'il y a de plus curieux, c'est que cette confusion s'est propagée jusqu'en Normandie où, cependant, les œdicnèmes sont fort rares, et qu'un jour où je venais de tuer un de ces oiseaux au bord de la mer, un paysan que je rencontrai le baptisa du nom de canepetière. Il gelait à cette époque de l'année et je ne sais d'où pouvait venir cet oiseau dont l'es- pèce émigré l'hiver vers le Midi. Les œdicnèmes partent en effet en novembre et repassent au L'QEDICXÈME GIUARI). 113 printemps. Ils couvent dans les provinces du centre de la France, mais on a trouvé accidentellement des nichées de ces oiseaux en Picardie et en Angleterre. Celui que j'avais tué en hiver avait donc dû descendre tardivement d'une de ces deux contrées. Les œdicnèmes nichent à terre et pondent de deux à quatre œufs d'un gris-roussàtre, très tachetés. Si les œdicnèmes sont très rares sur les marais et dans les provinces du Nord et du Nord-Ouest, ils sont par contre, très communs dans les contrées du centre de la France : la Beauce, la Sologne, le Nivernais sont leurs pays de prédilection ; j'en ai rencontré beaucoup en Bourbonnais. Les œdicnèmes ne remuent pas pendant le jour, ils com- mencent à s'agiter vers le soir seulement, et, si on peut par- fois les approcher à portée pendant la journée, ils deviennent farouches au moment du crépuscule, sans toutefois avoir cette sauvagerie extraordinaire qu'on leur a prêtée. Ils ont un peu le vol du courlis, moins rapide cependant. Ils font entendre, quand ils s'enlèvent, et le soir quand ils s'agitent, un cri qui ressemble un peu à celui du grand courlis et qu'on peut tra- duire par « tir- mit ». L\ svlvvcim: 114 FAMILLE DES CHARADRIIDÉS. Sous-famille des Charadriens. PLUVIERS ET VANNEAUX LE PLUVIER DORE Characlriiis Pluvialis et apricarius. fLinn.) Le Pluvier doré. {Taille, 0"'.30j Le pluvier doré, golden-plovcr en anglais, est environ de la taille de la tourterelle. 11 a le bec comprime, court et noir, les pattes et les pieds noirs en été, bruns en liiver, trois doigts seulement non palmés, pas de pouce, l'iris noir. J.E PLUVIER DOUÉ. Ho En temps ordinaire, les pluviers dorés, mâles et femelles, ont le manteau et la tête d'un beau noir très moucheté de taches jaune-doré, la poitrine est marquée de grivelures brunes et jaunes, le ventre est blanc. Au temps des amours, le maie et la l'emelle revêtent un plastron d'un I)eau noir velouté qui leur cou\Te les joues, la gorge, le dessous du cou, la poitrine et le ventre et qui est entouré d'une bande blanche prenant au-dessus de l'œil et encadrant le plastron noir sur le cou et les bords de la poitrine. Le pluvier doré niche au Nord. Sa ponte est de trois à cinq œufs d'un jaune- verdàtre, tachetés de gros points gris et uoirs. Il les dépose sur le sol dans la mousse ou le gazon. 11 arri\e en France vers le mois de septembre, quelquefois en août, et y reste jusqu'aux gelées. Le passage de mars paraît être régulier et ne pas dépendre de la douceur ou de la rigueur de la température. J'ai tué des pluviers dorés en mars, alors que la terre était couverte de neige. On dit que le pluvier arrive avec les pluies automnales, ce qui lui a valu sou nom; il serait plus exact de dire qu'il passe un peu plus tard que les autres oiseaux similaires, que ses congénères les pluviers à collier notamment, et que son pas- sage coïncide seulement avec la saison des pluies. Cependant, on doit remarquer qu'il ne fréquente les plaines et les terres de l'intérieur qu'autant qu'elles sont détrempées et que leur état (!' humidité est suffisant [)0ur lui permettre de trouver les vers dont il se nourrit. Le pluvier doré est surtout un oiseau de rivage. Je l'ai tou- jours régulièrement rencontré sur les grèves lors de ses pas- sages. Les pluviers se ticuuciU au bord du llol , eu bandes ou isolés. A mer basse, ils paraissent préférer l;i liuiile dvs e;ui\ ;ui\ iiuli'es eii(h'oils de la plage. A luer li;iiile, ils se uièlenl |)arr()is à (lilféreuls échassiers. 116 FAMILLE DES CHARADRIIDÉS. aux pluviers à collier, aux alouettes de mer et aux culs-blancs retardataires à l'arrière saison, qui côtoient les berges et les galets. Le pluvier est facilement reconnaissable parmi eux à sa taille, à son vol saccadé et à son cri hi-hieu-huit ! Quelque- fois aussi, au moment de la pleine mer, il gagne les marais et les bancs d'alluvion. C'est de grand matin, en septeml^re et en octobre, qu'on rencontre le plus de pluviers au bord de la mer; en plein jour, ils paraissent moins nombreux; le soir, au crépuscule, ils reviennent en grand nombre sur les plages. Je ne sais si les pluviers dorés sont devenus plus sauvages qu'autrefois, en tout cas, je ne les ai jamais vu A'^enir au mou- choir blanc, qui, posé à terre aurait, dit-on, le pouvoir de les attirer. Ils reviennent seulement aux blessés, paraissent en effet fort curieux, et cette curiosité leur fait quelquefois oublier le soin de leur conservation. Un de mes vieux amis, qui a chassé à une époque où les pluviers dorés étaient encore très nombreux sur les marais et les grèves de l'Ouest, prétendait les approcher en mettant son mouchoir au bout de son fusil, moyen incommode et qui me paraît offrir des avantages douteux ; j'aime mieux la méthode courante qui consiste à tourner autour des oiseaux sans avoir l'air de se diriger sur eux et sans paraître les voir, ou celle encore plus sûre au moyen de laquelle on surprend tous les oiseaux qui stationnent au bord de la mer, quand elle ne dé- couvre qu'un espace limité de la plage, en se couvrant, pour les approcher du dôme formé par les galets de la grève ou de la déclivité de la berge. Les pluviers sont un excellent gibier, et l'espèce qui nous occupe, celle du pluvier doré n'a jamais le goût de marécage qu'on trouve parfois chez ses congénères, les pluviers à collier et les pluviers variés ou vanneaux suisses. LE PLUVIER VARIÉ. 117 LE PLUVIER VARIÉ Squatarola helvetica. (Brehm.) Le Pluvier varié. {Taille, O™.;») Ce pluvier a clé souvent classé à toit parmi les vanneaux, sous le nom de vanneau suisse et de vanneau à gorge noire. Cette erreur de classification provenait probablement de ce (|ii(' le |»Iii\ icr (l()r('', type du genre, n'a cpie trois doigts et pas de pouce, alors que le pluvier varié a, comme le vanneau, un jHjuce, très rudimenlaire il est vrai, très court, ne posant |)as à terre, el de ce (juc son L-v\,j)il-lioui(, rappelle un i)eu celui du vanneau (jui prononce les mots (li.i--huil. 118 FAMILLE DES CHARADRIIDÉS. Quant au reste, le pluvier varié ressemble absolument au pluvier doré dont il a le vol qui diffère essentiellement de celui du vanneau. Il est un peu plus grand que le pluvier doré mais la disposition de son plumage est la même, seulement tout ce qui est jaune doré chez le pluvier doré est blanc chez le plu- vier varié. Le mâle et la femelle en été ont la tête et la nuque d'un noir mêlé de gris; le dessus du corps a le fond noir et est entiè- rement grivelé de blanc. La face, la gorge, la poitrine, les flancs et le ventre sont comme chez le pluvier doré entièrement noirs, mais plus lar- gement encadrés de blanc. La tête est, en effet, ainsi que le cou, en grande partie d'un blanc pur, alors que chez le pluvier doré la tête et le cou ne présentent qu'une ligne blanche bordant le noir de la gorge et de la poitrine; la queue est blanche, barrée de lignes brunes, les rémiges sont noires, longues et pointues. Le bec, de la longueur de la tête, est mince, noir et renflé au bout. Les doigts sont légèrement palmés à la base et comme les pattes, noirs ou bruns. L'iris est noir. En hiver, les mouchetures du dos deviennent jaunâtres chez le mâle, le noir du dessous du corps disparaît pour faire place à une couleur uniforme blanche tachetée de brun et de gris. La femelle à cette époque ressemble comme couleur aux jeunes goélands à manteau noir qu'on nomme improprement (jri- sards à cause de la teinte de leur plumage gris, grivelé de noir et de brun. Le mâle en livrée d'hiver est assez semblable au pluvier doré pendant la même saison. Mais l'été les pluviers variés sont d'assez jolis oiseaux , et puisqu'on a appelé le pluvier ordinaire pluvier doré, à cause des mouchetures dorées qui ornent son manteau, il me semble qu'on aurait pu donner au pluvier varié le nom de pluvier argenté, les mouchetures blanches de son dos et de ses ailes LE PLUVIER VARIÉ. H9 ressortant sur le noir profond de son plumage avec autant d'éclat que celles du pluvier doré. Mais, au contraire, on l'appelle simplement eu Normandie pluvier gris, ainsi que le font du reste les Anglais qui le con- naissent sous le nom de grey-plovcr, dans d'autres contrées il est le vanneau suisse, le vanneau pluvier ou la houvierc. Le pluvier, varié niche au Nord et pond quatre œufs olive- clair à taches noires. On n'est pas bien d'accord sur la question de savoir à quel moment cet oiseau revêt son plumage d'amour. Je ne suis pas fixé non plus sur ce point controversé. Tout ce que je sais, c'est que j'ai tué des pluviers variés en robes de noces au com- mencement de juillet et en août. Les pluviers variés voyagent par bandes de trente à qua- rante individus parfois, plus souvent par petites troupes de trois à quatre seulement. On en rencontre aussi d'isolés ou par paires, c'est le cas le plus fréquent en été. Ceux que j'ai tués à cette époque de l'année étaient le plus souvent deux à deux. En août et septembre ils sont plus nom- breux mais plus tard on les voit isolés ou par petits groupes. Le pluvier varié n'est pas farouche. On peut facilement le tirer sans avoir besoin d'employer les précautions usitées avec les oiseaux craintifs. J'en ai tué souvent sur les plages après les avoir approchés à portée en me baissant simplement en marchant. Le chair de ce pluvier est moins délicate que celle du [)lu- vier doré, surtout quand il est en [)lumage d'amour. 120 FAMILLE DES CHARADRIIDÉS. LE GUIGNARD Cliaradrius morineUus. (Linn.) Le giiignard, dotterel en anglais, ne fréquente pas les bords de la mer. 11 préfère les plaines, et autrefois il était très com- mun dans celle des environs de Chartres. Les pâtés de cette ville étaient préparés avec des guignards, dont la cliair est LeGuignard. {Taille, 0»\ii) beaucoup plus succulente que celle des autres pluviei'S. La civilisation aidant, ces oiseaux ont abandonné leurs anciennes stations et sont même devenus relativement assez rares. Ils passent néanmoins en France , mais en moins grand nombre qu'autrefois, au printemps et à l'automne, en avril et en septembre. Ils nichent au Nord sur les hauteurs et pondent à terre trois ou cinq œufs gris-roux ou jaune-olive, tachetés de noir. LE GUIGNARD. 121 Les guignartls ne sont pas farouches et reviennent tour- noyer autour des blessés avec plus d'acharnement peut-être que bien d'autres échassiers. Plus bas sur pattes que leurs congénères , les guignards n'ont que trois doigts. Le pouce est presque nul. Leur bec est plus court que celui des autres pluviers , noir et très mince. Le mâle et la femelle ont , en été , la tète noire , finement mouchetée de roux, le dessus du corps gris brun, légèrement verdàtre, et grivelé de roussâtre; la gorge est gris-roux, terminée par une ligne noire, suivie d'une bande blanche qui forme ceinture. Au-dessous de celte bande, le bas de la poi- trine devient roux , le ventre est noir dans sa partie supé- rieure, blanc vers la queue. En hiver, la bande blanche s'efface. La ligne noire dispa- raît, le roux de l'abdomen devient terne. L'iris est brun. La femelle est un peu plus grande que le mâle. Le cri des guignards peut se traduire par les mots : « Deur! drou ! » siffles et saccadés. 122 FAMILLE DES CHARADRIIDÉS. LE GRAND PLUVIER A COLLIER Charadrius hiaticula. (Linn.) Le grand Pluvier à collier. (T«)7/e, 0'n.20) En juillet et en août on voit apparaître sur les grèves des bandes nombreuses de jolis oiseaux un peu plus gros que des mauvis, au dos gris brun ; au front blanc vers la partie qui se rapproche du bec, coupé vers le sommet par une bande noire, qui, allant d'un œil à l'autre, descend sur les joues; au cou blanc ; au large plastron noir, ceignant tout le haut de la poitrine ; au ventre et aux dessous blanc pur ; aux ailes noires variées de cendré et de gris clair sur les couvertures , d'un brun noir aux rémiges, avec une bande blanche vers le milieu; au bec jaune et noir, très court; aux yeux grands noirs et éclatants; aux pieds jaune-orangé. Ces oiseaux peu LE GRAND PLUVIER A COLLIER. {2:\ farouches à leur arrivée , sont des grands pluviers à collier. Les jeunes n'ont point de bandeau noir sur la tète et le plas- tron est moins bien dessiné. Le grand pluvier à collier est appelé aussi gravelot par certains naturalistes, moineau de mer et maillolin en Nor- mandie, jjluvier ribaudel et grande manchette dans le Nord, ringed plover en Angleterre. Sa qualiiication de grand plu- vier à collier lui a été donnée par opposition à celle de petit pluvier sous laquelle on désigne le petit pluvier à collier, néanmoins le grand pluvier à collier est lui-même un des plus petits de la famille. Dans le sud-ouest de la France, sur le littoral de l'Océan, ce pluvier est indistinctement, avec tous les oiseaux de rivage qui n'atteignent pas la taille de la grive, classé parmi les alouettes de mer, et désigné sous ce seul nom. Il niche quelquefois en France, en Picardie notamment, sur le sable et dans les dunes, et pond trois ou quatre œufs, d'un jaune olivâtre, tachetés de noir, qu'il dépose simplement sur le sol sans aucune préparation. Les pluviers à collier se mêlent volontiers aux alouettes de mer et leurs bandes réunies fournissent aux chassseurs de ri\'age l'occasion de faire de nombreux coups de fusil. Ils visitent presque toutes nos contrées maritimes , depuis le Nord jusqu'au midi. Leur premier passage a lieu en avril et en mai; à cette époque, ils ne stationnent guère. Ils re- passent en août et septembre, sont alors plus nombreux et s'arrêtent plus volontiers. .Fai toujours trouvé les pluviers à collier très faciles à approcher, même sur le sable nu, en ter- rain découvert. Ils se tiennent constamment sur les plages, tantôt à la limite des basses eaux, plus souvent aux endroits des grèves les plus vaseux. Ils sit'llent beaucoup en s'eulevaut , et [jarfois pendant leurs vols, sur iiii ton chiir cl pur. 124 FiVMILLE DES CHARADRIIDÉS. Sans valoir celle des autres pluviers, la chair des grands pluviers à collier est supérieure à celle des autres petits éclias- siers , cependant on lui trouve parfois un léger goût de ma- récage. LK PETIT PLUVIER A COLLIEU. 12c LE PETIT PLUVIER A COLLIER Charadriiis fliiviatilis. (Bechst.) I.e i)etit Pluvier à collier. (Taille. C"'.I5) En compagnie dos grands pluviers à collier, on rencontre souvent sur les plages le petit pluvier à collier, qui cepen- dant se plaît davantage au bord des rivières et sur les bancs de l'embouchure des tleuvcs qu'au bord de la mer, ce qui lui a valu son nom de jduricr fluvialilc. C'est le plus i)etit des pluviers, il est d'une taille infé- rieure à celle de l'alouette et, au volume près, semblable au grand pluvier à collier. Seulement, il n'a point de jaune à la base du l)ec ([ui est toujours complètement noir, sa queue est aussi un [»eii j)Iiis longue et légèivmenl ècliaiicrée. 126 FAMILLE DES CHARÂURIIDÉS. Il niche au Nord , quelquefois en France. Sa ponte est de quatre œufs grisâtres, tachetés de brun. Il les dépose sur les bords des eaux douces ou sur les grèves , cependant on en a trouvé dans des endroits assez éloignés dans l'intérieur des terres. Ce petit pluvier est encore moins sauvage que son congé- nère le grand Pluvier à collier. LE PLUVIER A COLLIER INTERROMPU. 127 LE PLUVIER A COLLIER INTERROMPU OU PLUVIER DE KENT Charadrius cantianus. (Lath.) Le pluvier de Kent, i Taille, 0"'.1(>/ Plus iirand que le précétlcnt, ce petit échassier est aussi plus répandu sur nos rivages. Il a le hec un [)eu })lus louii que celui des deux espèces dont nous venons de parler, toujours noir ainsi que les pieds. Le dessus de la tête et du cou est brun roux, le dos brun cen- dré; les ailes sont brunes et blanches, noirâtres à l'extrémité, la queue est blanchâtre. La gorge et le cou sont d'un beau blanc; à la base du bec, aux joues, on remarque un i)andeau noiirilrc. Tout le toiii' des yeux est hliuic. La poitrine (^st en- tourée d'un large plastron noii-, coupé vers son milieu pnr une bande blimchc (|ui, [)ai1;iiit de l;i gor^e, va l'ejoiiidre le blanc 128 FAMILLE DES CHARADRIIDES. du bas de la poitrine et du ventre. Ce collier coupé, inter- rompu, a fait donner à ce pluvier le nom sous lequel on le dé- signe le plus ordinairement. Cet oiseau a la tête très développée et les yeux très gros. On l'appelle quelquefois petite moii- chette et religieuse. Les Anglais le nomment Kentish plover. Il niche dans les climats tempérés, en Angleterre, en Hol- lande, très souvent en France. 11 pond de deux à quatre œufs, sur le sable; ces œufs sont ou jaune crème, piquetés de noir, ou gris vert, striés ou tachetés de noir et de gris. 11 a les mêmes habitudes que le grand pluvier à collier avec lequel on le rencontre fréquemment. Son cri varie des mots : tiour ! pit-pit ! à ceux de pouie! pouie! siffles et plaintifs. LE VANNEAU HUPPÉ. 129 LE VANNEAU HUPPE Vanellus cristatus. (Meyer ex Wolf.) Le vanneau huppe est universellement connu. Il ne fréquente pas seulement les marais et accidentellement le bord de la mer, il se rencontre partout, ce qui explique sa notoriété. On le trouve aussi bien dans les plaines ensemencées que dans les prairies hu- mides. Il s'arrête là où sont les lombrics ou vers de terre C fH dont il se nourrit. Les lilets dé- truisent dos quantités considéra- l)k's de ces oiseaux qui au momout des passages viennent aHuicnlci'les marches tle Paris cl des viMes de province. L'espèce est nombreuse et la réputation faite à la déhcatesse de la cliiiir du \ aiiiKMU ii a pas peu contribue à le faire Le Vanneau. (Taille, Q'".'S:'>) L\ sauvacim:. 130 FAMILLE DES CHARADRIIDÉS. connaître. « Qui n'a pas mangé vanneau, n'a pas mangé bon morceau. » Voilà le dicton courant, mais qui n'a sa raison d'être qu'autant qu'il s'applique au vanneau mangé en octobre, épo- que où il est gras, et encore y a-t-il meilleur morceau parmi les oiseaux de passage. Le vanneau huppé est environ de la taille du pigeon com- mun. Il a tout le dessus du corps vert-bronzé, la tête d'un beau noir à reflets verts et mordorés. Sa gorge et sa poitrine présen- tent un plastron noir-bleu; les ailes, vertes aux couvertures, sont noires à l'extrémité des rémiges. Le bas de la poitrine et le ventre sont blanc pur, la queue est variée de roux, de noir et de blanc. Le bec est court et mince. De la tête partent de longs brins effilés qui forment une aigrette retombant sur l'occiput. Les pattes et les pieds sont rouge- obscur. Le vanneau a trois doigts en avant et un pouce articulé en arrière, mais qui tou- die à peine terre. L'iris est noir. Les vanneaux nichent en Angleterre, en Belgique et en Hol- lande, malheureusement pour l'espèce et pour les chasseurs, car dans ces deux derniers pays on fait le commerce des œufs de vanneau pour les vendre frais à de prétendus gourmets aussi coupables que les braconniers qui les approvisionnent. Les nids étant à terre, la récolte est facile et désastreuse, aussi le nombre des vanneaux a-t-il diminué depuis quelques années. Ces oiseaux pondent trois ou quatre œufs, assez gros, vert-, olive clair, avec des taches grises, formant couronne au gros bout. Les vanneaux arrivent en France au mois de février, quel- quefois en mars seulement. Ils repassent en octobre pour des- cendre au Midi, ne restant chez nous que jusqu'aux premières gelées. Au printemps, on rencontre souvent les vanneaux isolés ou par paires. Ils sont alors assez faciles à approcher. Je pourrais même dire qu'en prenant les précautions usitées pour tirer le LE VANNEAU. 131 gibier plume au posé on peut les avoir à portée très aisément. Au mois d'octobre, ils vont en bandes, et sont plus farouches, contrairement à ce qui se passe ordinairement avec les autres migrateurs. C'est peut-être parce qu'ils sont en meilleure con- dition et plus vigoureux. Ils se réunissent alors en troupes assez considérables et qui se composent souvent de plusieurs cen- taines d'individus. C'est ce qui m'a permis de faire sur les vanneaux le coup de fusil de longue portée le plus étendu qu'il me soit arrivé de réussir : chassant, il y a dix-huit ans, au marais Yernier sur les biens des héritiers de Condé, je vis un volier de vanneaux s'enlever dans une prairie séparée de celle où je me trouvais par un autre enclos d une grande largeur. J'envoyai dans la bande une charge de plomb n" i, et je tuai raide un des oiseaux. 11 y avait plus de deux cents pas large- ment mesurés. Ce n'était pas un coup d'adresse, c'était un coup de hasard dû à l'agglomération des vanneaux qui se touchaient presque. Le vol du vanneau est très gracieux. Il paraît se jouer dans l'air que ses grandes ailes frappent en cadence, faisant incliner l'oiseau de côté et d'autre de la façon la plus élégante. En partant, le vanneau pousse un cri [)laintif qui peut se tra- duire par les mots di.v-Jniil! siffles et traînés. 11 le fait enten- dre aussi quand, tournoyant, il vient à cet appel facile à imiter. Les jeunes font entendre au départ un huie! ce! très al- longé. J'ai tué plusieurs vanneaux, quelques instants après lenr départ en les ap{)elanl ainsi. Ils revenaient immédiatement et passaient à portée. Le vanneau, qui fréquente surtout les plaines et les marais, se pose quelquefois au bord de la mer, mais bien pins l'are- ment que les pluviers et jamais loin de la berge. Le bi'uit que fait cet oiseau en volant est caraetéristicjue et lui a \aln son nom : 11 se rapproche de ei'lui (|u"oii l'ail en \annanl ilii Lie. Les 132 FAMILLE DES CHARADRIIDES. Anglais ont aussi appelé le vanneau lapwing,ce qui signifie aile qui lape ou se rabat violemment. La cadence de ces deux mots rend mieux l'impression du vol du vanneau que ne le fait notre appellation en français. Le vol du vanneau est très rapide. L'oiseau parcourt quinze cents mètres par minute et quatre-vingt-quatre à quatre-vingt- dix kilomètres en une heure. LE TOURNEPIERRE. 133 Sous-famille des Strepsiliens. LE TOURNEPIERRE Strepsilas in tcrpres . (lllig ex Linn.) iiTinilP.llt(m.|,i||,)l''' Le Toiirncpierrc. {Taille, 0'".-24) Le louriiepiL'iTc a quelquefois été appelé chevalier lourne- |)icrre, mais il n'est pasim chevalier, il se rapproche davantage (les plu\ iei's. On le iiounne eu Frauce suixaut les localités coj/- loinlir, hiirr cl liii/ic, eu Picardie, pirds-yoïKjes, en Normandie, sans t(julefois le coufoudre avec le chevalier à pieds-rouges ou chevalier gambette. Autrefois on le désignait aussi sous le nom de ctnilon-chaud. Les Anglais rappellent / (plus gros que le n" S de Paris), |)arce que, disent-ils, avec de trop p(jtit plomb on ne lail (pie blesser les bécassines sans les tuer. Je crois cependanl (pi'on peut employer avec succès le 8, le 0 et même le 10, à condition de se servir de pondre vive, mais il est certain (ju'il est faux de dire (pi'on ne 172 FAMILLE DES TOTANIDÉS. blesse jamais une bécassine et que le moindre plomb l'abat. Une bécassine va quelquefois très loin avec plusieurs grains de plomb dans le corps. Un auteur anglais cite ce fait que plusieurs bécassines, après avoir reçu une charge de plomb n** 10, ont traversé un lac apparemment sans blessures et ont été retrouvées mortes seulement le soir par les chasseurs traversant en barque le lac au bord duquel elles avaient été tirées. J'ai trouvé moi-même et mes chiens ont pris plusieurs bé- cassines blessées, et pour ne citer que ce qui m'est arrivé l'an dernier seulement, je pourrais rapporter cinq exemples de la vitalité des bécassines. Je me bornerai à citer celui-ci : une bé- cassine tirée avec du plomb n° 10 a été se remettre à 200 mè- tres environ de l'endroit où je l'avais tirée. Relevée et n'ayant pu être tirée de nouveau, elle s'est remise 100 mètres plus loin. Là, je l'ai trouvée raide morte. Elle avait fourni deux vols avant de mourir. Par curiosité, je visitai ses blessures. Elle avait reçu cinq grains de plomb n° 10, deux dans une cuisse, un, entré auprès du croupion, avait traversé les intes- tins et le foie, les deux autres avaient pénétré dans le dos et étaient restés sous la peau. Gomme les quatre autres bécassines qui pourraient me ser- vir d'exemple étaient tombées à peu près dans les mêmes con- ditions, comme les années précédentes j'ai été témoin plu- sieurs fois de faits analogues, il m'est permis de m'étonner que ceux qui ont chassé souvent la bécassine puissent affirmer que, « pour cette délicate, une blessure c'est la mort, et qu'un seul plomb la lui donne ». Je dirai donc aux débutants de ne point considérer toujours comme manquée et perdue une bé- cassine qui se remet à courte distance, après un coup de fusil en apparence sans résultat. Qu'ils se rendent à la remise, ils retrouveront peut-être leur oiseau. C'est un conseil qu'on m'a donné il y a longtemps et dont j'ai tiré souvent profit. LA BECASSINE SOURDE. 173 LA BECASSINE SOURDE Gallinago Gallinula. (Bp.) La Bécassine sourde. {Taille, 0"'.-iO) Avec celle de la bécassine ordinaire dont nous venons de parler, nos marais reçoivent tous les ans la visite de la petite bécassine ou bécassine sourde, jack suipe en Angleterre, pas de bœuf, bécot ou bécasson en Normandie. Elle est prescjue moitié plus petite que la [jrccédenle, a le bec et les pattes plus courts et le [)lumai>e plus brillant. .^loins élégante que la bécassine commune comme formes générales, elle a un habit plus richement orné. Sii tête est noire, (achetée el vn\rc de roux cl de jaune, le 174 FAMILLE DES ÏOTANIDÉS. dessus du cou est nuancé de brun, de blanc et de roux, le dos est noir, rayé longitudinalement de longs traits jaunes avec certaines plumes s'allongeant en forme de faucille, le bas du dos prend des tons irisés et violacés, la queue est noire et rousse, le ventre est blanc, la poitrine et la gorge sont blan- ches, marquées de roux et de noir. Les ailes sont brunes avec les plumes bordées de roux et de gris aux couvertures, brunes à l'extrémité, le bec est noir, les pieds sont vert-ten- dre, l'œil est noir. L'or et le velours forment la partie domi- nante de ce vêtement qui renferme un morceau de choix ; la petite bécassine est encore plus délicate que sa cousine, elle est aussi plus paresseuse, partant plus grasse. Elle a horreur du mouv^ement. Elle arrive en France vers la mi-septembre et reste sur nos marais en assez grand nom- bre, d'une façon sédentaire, jusqu'en décembre. Elle niche dans les climats tempérés, dans la Russie méri- dionale surtout. Elle pond quatre à cinq œufs brunâtres, ta- chetés de noirâtre, dans un nid construit à terre dans les laî- ches et les roseaux. Le meilleur moment pour la trouver en masse est le mois de novembre, avant les gelées. Elle disparaît en décembre presque complètement et repasse rapidement en mars. Elle reste jour et nuit sur les marécages et ne fait pas de va- et-vient entre la plaine et le marais. Elle se plaît dans les en- droits fourrés, sans cependant se cantonner dans les grands massifs de roseaux ; les couverts moyens ont sa préférence, elle se tapit aussi dans les glaïeuls ou iris de marais, ce que ne fait pas la bécassine commune. A rencontre de cette dernière, elle ne part que sous le nez du chien ou sous les pieds du chasseur; encore faut- il qu'on lui marche littéralement sur le corps pour la faire lever sans chien. Cette habitude lui a fait donner le nom de sourde. Elle ne l'est point cependant, et le bruit pa- LA BÉCASSINE SOURDE. 175 raît, au contraire, la terroriser et la faire tenir davantai>e. Elle piète pourtant devant le chien et ne se laisse arrêter qu'à la dernière extrémité, mais, lorsque levée une première fois elle se remet, elle ne bouge pas, se blottit, se gîte en quelque sorte, et, ne laissant percevoir au chien aucun senti- ment, elle est foit difficile à relever. Il faut pour la retrouver des chiens de nez très fin. Quant au chasseur, il a beau avoir remarqué l'endroit précis où elle s'est reposée, il la laissera neuf fois sur dix sans l'apercevoir. Elle ne fait que des vols fort courts et se remet à une cinquantaine de mètres de l'en- droit où on l'a levée. Comme elle se repose toujours sur le marais et qu'on voit exactement l'endroit de la remise, elle est peut-être le petit gibier qui fait faire aux chasseurs le plus de marches et de contre-marches. On finit presque toujours par l'avoir, mais elle donne bien du mal et coûte souvent bien des coups de fusil. Quoi qu'on ait dit, la petite bécassine n'est pas une pièce immanquable. Sa petitesse, son brusque départ sous les pieds du chasseur, son vol souvent irrégulier, sans évolu- tions systématiques comme celui de la bécassine, font de la petite sourde un oiseau difficile à atteindre, surtout dans les endroits fourrés où elle paraît chercher à se dérober derrière les grands roseaux; à la prairie nue, son vol est plus droit et elle est relativement plus facile à tirer. Cependant elle a le coup d'aile moins l'apide que celui de la bécassine, et, comme elle part de très près, elle échappe moins souvent qu'elle au plomb d'un tireur môme de force ordinaire. On peut, pour la sourde, se servir de plomb n" 10 avec charge ordinaire de poudre. Un coup large peut parfaitement convenir, puisqu'on la tire toujours trop près. Ce que j'ai dit de la vitalité de la bécassine peut s'appli(pier à la bécassine sourde. Elle va quelquefois tomber fort loin raide morte, sans que rien ait pu faire croire au tireur qu'il avait visé juste. 176 FAMILLE DES TOTANIDÉS. La sourde ne prend pas le vent comme la bécassine, elle part comme elle peut et on la tire comme on peut. Les petites bécassines, étant presque sédentaires pendant tout l'automne et se trouvant en assez grand nombre dans certains marais, donnent aux chasseurs l'occasion de tirer souvent et de remplir leur carnier d'un excellent gibier ; à ces deux points de vue, elles méritaient la petite digression que mes lecteurs, si j'en ai et s'ils sont chasseurs, voudront bien me pardonner. LE MACRORAMPHE GRIS. 177 LE MACRORAMPHE GRIS Macroramphus griseus. (Leach ex Gmel.) {Taille, O'^/^'O) Cet oiseau forme la transition entre les bécassines et les bar- ges. De la taille de la bécassine double, il a le bec aussi long qu'elle, mais s'en distingue par une tête beaucoup plus arron- die et par les doigts légèrement palmés à leur base. En été, le macrorampbe a le dessus du corps roux, marqué de noir, le dessous roux clair, tacheté. Les grandes pennes des ailes sont noires, la queue est blanche, barrée de noir. En hi- ver, le dessus du corps tourne au grisâtre maillé de noirâtre, les dessous deviennent blancs. Les mœurs de cet échassier qui est originaire de l'Amérique du Nord et qui ne fait en Eiu-ope et en France que des appari- tions tout à fait accidentelles, sont à peu près inconnues. S'il vous arrive d'abattre un oiseau se rapprochant de la descrip- tion qui précède, faites-le soigneusement naturaliser. LA SALVACINE. ' '^ d78 FAMILLE DES TOTANIDES. Sous-famille des Limosiens. LA BARGE A QUEUE NOIRE OU GRANDE BARGE [Limosa OEgocephala.) (Leach ex Linn.) La barge à queue noire ou grande barge atteint presque la taille du livergin ou cor- lieu, soit celle du pigeon ramier. Ses pattes très hautes, et ses pieds légè- rement palmés entre le doigt ex- terne et le doigt médian jusqu'à la première arti- culation , sont noirs. L'ongle du milieu est dentelé. Elle a le bec deux fois aussi longque la tête, flexible, Ç^ épais et droit à . ,^ .„ „ .., la base, fin à l'ex- La Barge a queue noire. (TaïUe, 0'".40 « 4o) t rémité, très re- troussé et arqué en l'air. LA BARGE A QUEUE NOIRE. 179 En été, le dessus de la tète est roux, légèrement grivelé de brun, ainsi que le cou; le haut du dos a les plumes noires, bordées de roux, le bas du dos est brun foncé, la queue est blanche à la base et entièrement noire à l'extrémité, le des- sous du cou, la poitrine et les flancs sont roux, barrés de lignes noires ondulées ; le ventre est blanc, le dessous de la queue de même couleur et strié de noir. Le dessus des ailes est gris cen- dré festonné de roux et de blanc; les grandes pennes sont noires, avec un miroir blanc caché en partie quand l'oiseau est au repos. En hiver le dos devient brun cendré, la poitrine et la gorge perdent leurs tons roux et deviennent grisâtres. La femelle, à chaque saison, a les mêmes couleurs que le mâle mais moins vives. Elle est toujours plus grande que lui. Ces oiseaux ont l'iris brun roux. Les grandes barges nichent en Islande et pondent quatre œufs ohve-foncé, piquetés de brun. Cette barge est appelée aussi en France, barge œgocéphale, grande barge, barge commune, pilai et pilui. Les Anglais la nomment black-tailed godioit ou barge à queue noire. Elle passe en France en mars, avril et quelquefois en mai, surtout depuis quelques années, en même temps que les livergins. L'an dernier, un passage important de grandes barges a eu lieu en mai à Tcmbouchure de la Seine, entre Yillerville et Honfleur. Plusieurs individus étaient déjà en plumage d'amour, les chas- seurs du littoral, les confondant avec les corlieus, les appe- laient livergins rouges. Je les ai détrompés, mais leur confusion s'expliquait facilement, les grandes barges fré- quentant peu ces parages. Ces oiseaux ne se sont du reste arrêtés sur celle plage que peu de temps et sont remontés au Nord. Les l>arges à queue noire repassent à l'automne. Elles préfèrent les marais aux grè\es sablonneuses mais 180 FAMILLE DES TOTANIDES. rayonnent cependant des prairies humides à la mer suivant l'heure des marées. Leur cri a été traduit par les mots : Lodzo! Lodz-o! Elles ne sont pas farouches et se laissent assez facilement approcher. Leur chair, sans valoir celle delà barge rousse, est cependant assez délicate. LA BARGE ROUSSE. 181 LA BARGE ROUSSE Limosa ru fa. fBriss.) La barge rousse, plus basse sur pattes que la précédente, est à peu près de la taille d'une petite bécasse, mais elle est moins ramassée. On la nomme souvent bécasse de mer, soit à cause de sa lointaine ressemblance avec la bécasse, soit à cause de la délicatesse de sa chair qui en fait, à mon avis, le meilleur gibier de })lage. Ses autres noms, en France, sont : barge aboyeuse, par confusion sans doute avec le che- valier ;il)()- La Barge rousse. {Taille, 0".40) yeul'aïKiticl elle ressemi)lc en hiver, et barge à (jueue barrée. Ces deux (i<^Miominations sont la traduction des mots aniilais, barker et bar-taili'd godiril (|ui désii^nenl celle espèce de barge. Dans L.Tf5;»'^_ _ 182 FAMILLE DES TOTANIDÉS. certaines contrées on Fappelle aussi boiiftémi et veneto roux. Elle a, comme la grande barge, le bec très long et très re- levé, mais moins épais à la base. Ses pattes et ses pieds sont noirs, avec le doigt externe légèrement réuni au médian par une membrane; l'ongle de ce doigt n'est pas dentelé comme celui de la grande barge. En été, le mâle a la tête roux clair, le dos noir, festonné de brun et d'apparence générale brun foncé, le bas du dos blanc, la queue blanche, barrée de brun. Tout le dessous du corps est roux vif, avec quelques mouchetures noires sur les côtés ; les couvertures des ailes sont gris-cendré avec des taches rousses et largement bordées de blanc. Les rémiges sont noires. La fe- melle, plus grande que le mâle, a le roux des dessous moins vif. En hiver, le mâle et la femelle deviennent bruns en dessus, avec des mouchetures grises et les plumes bordées de blanc, le cou et la poitrine perdent leurs teintes rousses et sont blan- châtres, striés de brun sur les côtés. La queue est blanche ondée de brun. A cette époque l'aspect général de l'oiseau, comme couleur, rappelle celui du corlieu et plutôt celui du chevalier aboyeur avec lequel on le confond alors quelque- fois. Les barges rousses passent en France en mai et en octobre. Elles nichent dans les endroits les plus rapprochés de la mer, au nord, en Angleterre et en Hollande. Leur ponte est de quatre œufs roussâtres, tachetés de brun. Leur voix est saccadée et chevi^otante, plaintive même. Je puis traduire leur cri par Pidi! Pidi! Pidi! Pidi! Elles fréquentent volontiers les plages à mer basse; avec la pleine mer elles remontent aux marais, mais moins assidûment que les grandes barges. Elles ne sont pas farouches. En octobre et même en novem- bre, on rencontre souvent sur les grèves des barges rousses LA BARGE ROUSSE. i83 isolées en plumage d'hiver. Il est plus rare de les voir en robes de noces au mois de mai. La barge rousse rôtie est un excellent gibier; sans valoir la bécasse ou la bécassine, elle mérite de leur être comparée, à l'automne bien entendu. 18^ FAMILLE DES TOTAMDÉS. LA BARGE DE TERECK Terekia cinerea. (Bp. ex Guldenst.) La Barge de Tereck. (Taille, O'-'.ai) La plus petite des barges. La plus rare aussi, à ce point qu'on a souvent hésité à la classer parmi les oiseaux d'Europe et à plus forte raison parmi ceux de France. Cependant, comme on a tué en Normandie et en baie de Somme plusieurs individus de ce genre et comme j'ai pu en avoir un spécimen sous les yeux, je mentionne ici cette barge dont voici le signalement : De la taille du cocorli ou bécasseau falcinelle, la barge de Tereck a tout le dessus du corps gris cendré, flammé de noir à certains endroits. Sa gorge est blan- châtre; sa poitrine de couleur grisâtre, striée de brun clair. Tous les dessous sont blancs. Le bec, trois fois aussi long que la tête, est fortement re- LA BARGE DE TERECK. i8b troussé. Les pieds ont les doigts réunis par une courte mem- brane et sont d'un jaune sale. La barge de Tereck ou Térékie cendrée habite plutôt l'Asie que l'Europe. Sa ponte est, paraît-il, de quatre œufs olivâtres, tachetés. Elle les dépose au miheu des marais. J'ignore si sa chair égale en délicatesse celle de ses congé- nères. 186 FAMILLE DES TOTANIDES. Sous-famille des Totaniens. COMBATTANTS ET CHEVALIERS Cette subdivision comprend les combattants et les cheva- liers proprement dits. Le bec des divers membres qui font partie de cette sous- famille est mince, long, droit, plus dur que celui des Scolopa- ciens. Leurs pattes sont élevées. Ils fréquentent les bords de la mer, les marais, les rivières et les queues d'étangs. LE COMBATTANT VARIABLE. 187 LE COMBATTANT VARIABLE Machetes pugnax. (G. Guvier ex Linn.) Le combattant a tire son nom autant de la disposition de Le Combattant mâle vu de trois quarts. {Taille, 0'".35) son plumage qui lui donne, au temps des amours, un aspect guerrier, que de sou ardeur belliqueuse elle-même. Son bril- lant costume d'été Ta fait appeler quelquefois Paon de mer en 188 FAMILLE DES TOTANIDÉS. France et par les Anglais indistinctement ruff, mot qui si- gnifie collerette ou reeve, ce qui veut dire bailli. Pendant la plus grande partie de l'année, les combattants mâles et femelles sont fort modestement parés. Ils ont le dos brun roussâtre, le plastron blanc , moucheté de gris, pas de collerette, les pattes et les pieds 'k jaunes, le bec de la longueur jâ Combattant femelle. [Taille, 0'".25) de la tête droit et brun. L'iris est de cette couleur. Les maies sont environ de la grosseur d'une tourterelle, les femelles sont beaucoup plus petites. Elles sont appelées sottes dans le Nord, nom que prend aussi le mâle quand il perd son plumage de noces. Mais, du mois de mai au mois de juillet, temps des amours, ce dernier prend une parure superbe, dont les couleurs va- rient avec chaque individu sans exception. Sa face se dénude et se recouvre de papilles rouges; son cou se garnit d'une large collerette de plumes que l'oiseau peut hérisser comme le font certains coqs, mais d'une façon bien plus accentuée. Cette collerette, qui entoure alors la tête, forme comme un bouclier, LE COMBATTAIT VARIABLE. d89 au milieu duquel s'avance, menaçant, le bec, mince, droit et pointu, que Toussenel a comparé, avec tant d'à propos, à un fleuret démoucheté. Des deux côtés de la tête, deux espèces d'oreillons emplumés complètent l'aspect guerrier de l'oiseau, quand il est agité par une passion violente. Au repos, la collerette se rabat, disparaît, et l'oiseau re- prend son aspect ordinaire, agrémenté seulement par les cou- leurs variées à l'infini de sa parure renversée. Chez les uns, cet ornement est noir ou violet, sans mélange, chez les autres, il est fond noir, avec des taches rouges, jaunes ou rousses, chez plusieurs il est roux ou blanc, pi- queté de brun; cha- que « chevalier » a son armure diffé- rente. Pendant la saison des amours , les combattants maies se livrent constamment entre eux à des com- bats qui ne parais- sent pas avoir sou- vent de conséquences fâcheuses pour Tun ou l'autre des adver- saires. J'ai vu des ba- tailles de combattants , et je crois que les dé- monstrations et les provocations en font souvent tous les frais. On prétend cependant que quelques oiseaux sortent de la f.TfAN/eH ConibatlaiU màlc vu de l'ace. 190 FAMILLE DES TOTANIDES. bagarre dans un piteux état. C'est fort possible, mais il ne fau- drait pas prendre à la lettre les descriptions pompeuses de ceux dont l'imagination a vu dans les chevaliers combat- tants (le premier nom voulait le second) des preux, se livrant à des tournois en règle. Les mâles se battent, comme beaucoup d'autres oiseaux, pour se disputer les femelles, et c'est tout. En juillet , la mue arrive! Adieu colle- rettes et amou- rettes ! Les combattants redeviennent ce qu'ils étaient avant le printemps, des chevaliers, mais de bien triste figure, ils reprennent leur livrée rousse et grise et leur tranquillité. Comme la plupart des migrateurs, les combattants passent l'hiver dans le Sud. Ils arrivent en France au mois de mars et y restent trois mois environ. Vers la fin du mois de mai, ils quittent nos rivages pour ceux du Nord, de l'Angleterre et de la Hollande où ils nichent. Ils ne couvent jamais en France. Leur ponte est de quatre à cinq œufs pointus, vert-clair tachetés de points bruns. Ils repassent en automne , mais , comme ils n'ont plus leur i.TfWKiî»., Combattant mâle vu de dos. LE COMBATTANT VARIABLE. 191 costume de noces, on les confond souvent avec les autres che- valiers. Les combattants sont surtout des oiseaux de grèves. Ils contribuent, dans une trop faible mesure, malheureuse- ment, à alimenter la chasse des bords de la mer, si fertile en variété, en imprévu et en surprises. 19; FAMILLE DES TOTAMDÉS. LE CHEVALIER ABOYEUR Totanus griseiis. (Bechst. ex Briss.) Le chevalier aboyeur [scolopax glottis de Linné), est connu aussi sous le nom de chevalier gris, chevalier aux pieds verts, barge grise, en patois sous celui de tilvau, de hraillou et en An- Le Chevalier aboyeur. {Taille, O"'.40) gleterre sous celui de grecnshank. C'est le plus grand de tous les chevaliers. Il est presque de la taille de la barge rousse et son bec gros LE CHEVALIER ABOYEUR. 103 et très retroussé l'a fait souvent confondre avec cette dernière en livrée d'hiver. Il est haut sur pattes et très élégant. En été, le mâle et la femelle ont le dessus de la tète et du cou d'un noir varié de blanc, le dessus du dos de la même cou- leur avec le bout des plumes bordé de blanc et de gris. Le bas du dos est blanc; le dessus des ailes est, aux couvertures, brun foncé, plus bas, il est cendré roux, bordé de blanc; les rémi- ges sont d'un brun-noir. La queue est blanche, barrée de brun; le cou et la poitrine sont très grivelés et piquetés de noir et de roux, le ventre est blanc; les pieds sont verdâtres. L'iris est noir. En hiver, le dessus de la tête et du cou devient plus terne, le dessus du corps est brun foncé, la gorge et le ventre sont blancs, la poitrine est de la même couleur, grivelée seule- ment sur les côtés. Ce chevalier niche au Nord et eu Ecosse notamment, pond trois à cinq œufs roux, tachetés de brun, qu'il dépose sur le sol ou dans la mousse et le gazon. 11 passe en France en mai et repasse en juillet, août, sep- tembre et octobre. Je l'ai quelquefois rencontré en Normandie en novembre, et toujours sur les bords de la mer, où il se tient à marée basse dans les pierres des moulières et parfois au bord du flot. A mer haute, il se mêle aux petits pluviers à collier et aux alouettes de mer. Je l'ai toujours trouvé facile à approcher et souvent isolé ou par paires, mais assez dur à tuer. J'ai vu plusieurs de ces chevaliers ayant reçu plusieurs plombs n*^ 8 ou G de Paris faire un vol en mer et revenir tomber à bout de forces dans les galets où mes chiens les re- trouvaient. Ils piètcnt alors un })eu et rmisscnt par se blottir et se laisser prendre. Leur vol m'a paru tantôt saccadé, tantôt vif et droit, suivant les individus. Leur cri est : Tiou! ou! ou ! Kiic! ouil! Kilo oui! ! Leur chair est assez bonne. L\ S.VUVAfilNE. 13 104 FAMILLE DES TOTANIDÉS. LE CHEVALIER ARLEQUIN Totanus fiiscus. (Bechst ex Linn.) Comme les autres chevaliers, cet échassier a des noms bien divers, mais qui, presque tous, lui viennent de la couleur de son plumage. On l'appelle indistinctement cheva- lier brun, barge brune, noir-bouillard, cheva- lier arlequin, grand cheva lier à p ieds ro uges . Les Anglais le nomment chevalier noir à jambes rouges : duskg red- shank. Il a en effet les pattes et les pieds rouges et sa couleur générale est, en été, très sombre. Pendant cette saison, le mâle a le dessus du corps noir mordoré avec les plumes piquetées de blanc, d'où son nom d'arlequin; le dessous du corps noir, un peu ardoisé. Les ailes sont noires, variées de blanc et de gris à l'extrémité, la queue est blanche barrée de noirâtre. Le bec, lon^' et droit, est noir Le Chevalier arlequin. (Taille, 0'".35) LE CHEVALIER ARLEQUIX. 195 en dessus, rouge en dessous, l'iris est brun foncé. La femelle a les plumes des dessous pointillées de blanc au lieu de les avoir simplement noires. En hiver, les individus des deux sexes prennent une teinte grise et blanche en dessus, blanche en dessous, sauf aux côtés de la poitrine et aux flancs qui sont gris. Les ailes deviennent brunes piquetées de blanc, noires aux rémiges. Le rouge des pattes et celui du bec, tranchant sur la livrée sombre de l'oiseau, produisent le meilleur etfet, et une bande de chevaliers arlequins trottinant sur le sable ne peut man- quer d'éveiller la convoitise du chasseur. Les chevaliers arlequins, qui nichent au Nord, passent en France en mai et en août. Ils sont toujours en troupes plus ou moins considérables et très sauvages. Il est fort difficile de les approcher en terrain plat et pour les tirer il faut se dis- simuler avec soin. Avec le flot, ils suivent la marée montante, puis, quand la mer ne laisse à nu qu'un espace insuffisant pour leur assurer toute sécurité du côté de la berge, ils reprennent le vol et abandonnent la plage. J'ai vu plusieurs fois des bandes de chevaliers bruns que je guettais, soigneusement caché, à ma- rée montante, se mettre tout à coup à l'essor sans aucune raison apparente au moment où ils allaient se trouver à por- tée. Pendant les marées de morte eau , c'est-à-dire lorsque la mer laisse à découvert, pendant son plein, une certaine étendue de sable, j'ai cependant pu réussir à tuer souvent des chevaliers bruns en les tirant de loin et en employant d'assez gros plomb. Je me souviens qu'un jour que je chassais au bord de la mer avec un Anglais, et que nous avions poursuivi sans suc- cès une pelite bande de ces oiseaux, mon compaauon fmil par i)arier que je ne parviendrais pas à en tuer un seul et il 196 FAMILLE DES TOTANIUES. s'assit au bord d'une crique en me donnant deux heures pour gagner le pari. La mer battait son plein, j'avais le temps et je me mis bra- vement en campagne. Les chevaliers allaient et venaient le long de la côte, parcourant au vol des distances assez consi- dérables ; chaque fois que je parvenais, en faisant un détour dans le marais, à arriver sur eux, ils partaient sans me lais- ser le temps de leur envoyer un seul coup de fusil. A la fin, je les vis se poser sur un petit banc de sable que la mer, qui commençait à se retirer, laissait à découvert. J'opérai mon mouvement tournant et suivant ma méthode je m'avançai en rampant sur les galets surplombant la berge en cet endroit. C'était au mois d'août, il faisait une chaleur affreuse. Le banc de galets, très surélevé, était large, et les cailloux surchauf- fés me brûlaient la poitrine et le visage. Je parcourus ainsi plus de cent mètres; quand j'arrivai sur la crête du monticule de pierres, les chevaliers n'avaient pas bougé, mais ils étaient divisés, les uns courant sur le sable, les autres entrant dans le flot descendant. Je dus me borner à choisir une victime, qui, bien que tirée de très loin, resta sur })lace. Il était temps, je poursuivais les oiseaux depuis près de deux heures. Je me hâtai de rejoindre mon Anglais qui, toujours flegmatique, ter- minait sa pipe et m'avoua franchement que pour tuer un chevalier il ne se serait pas donné tant de peine. Il avait peut- être raison, cependant je n'aurais pas été à ce moment plus heureux de soupeser un beau lièvre que je ne l'étais de lisser le plumage de mon arlequin sous les yeux de ce partenaire sur lequel je venais incontestablement de remporter une victoire d'amour-propre national ! LK CHEVALIER A PIEDS ROUGES. 197 LE CHEVALIER A PIEDS ROUGES OU CHEVALIER GAMBETTE Totanus Calidris. (Bechst ex Linn.) Le chevalier à pieds rouges, appelé aussi gambette et bouil- lard dans le Nord, pieJ-rouge en Normandie, concurremment avec le tourne- pierre, tiranron, sur le littoral du Sud-Ouest et corn- mon reds/iank en Angleterre , est un bel oiseau de la taille de la dou- ble bécassine , haut perché sur de longues pat- tes grêles, qui, ainsi que les pieds, sont d'un beau rouge de corail. Le bec, assez long, est (le la même teinte, nuancé de noir vers la |)oinle et très légèrement retroussé chez certains individus. En été, cet oiseau a le dos brun clair, avec les plumes I.e Chevalier à pieds rouges. {Taille, 0"'.3:i) d98 FAMILLE DES TOTANTDÉS. frangées de noir et d'un peu de blanchâtre, le cou et la poi- trine grivelés de brun sur fond blanc; le ventre est blanc ainsi que la queue qui est lavée et rayée de brun. Les cou- vertures des ailes sont brun-cendré, les rémiges noires et blanches. L'iris est brun. A l'automne, l'oiseau prend une teinte plus grisâtre sur le dessus du corps ; les côtés de la poitrine et les flancs se nuan- cent de brun. Les jeunes ont les pattes jaunâtres. Ce chevalier couve dans les régions tempérées, il est séden- taire ou à peu près dans le Midi de la France. Il se reproduit aussi dans le Nord en avril et mai. Sa ponte est de quatre œufs jaune-vert , marqués de taches formant couronne au gros bout. 11 les dépose au milieu des marais ou sur les dunes, à terre, dans le gazon ou sur le sol nu. Le chevalier à pieds rouges passe au Nord en avril et re- descend au Midi dans le mois de juillet, restant quelque temps sur les rivages septentrionaux de la France. A cette époque la poursuite des chevaliers gambettes est très agréable. A mer montante, quand on a vu une bande de ces oiseaux au bord du flot, il faut se dissimuler sur la limite de la berge. Les chevaliers s'approchent de terre au fur et à mesure que la mer monte et finissent par arriver à portée. Une fois la mer haute, ils remuent beaucoup et ne font que de courtes stations au même endroit. Ils gagnent même quelquefois les bancs herbeux et les prairies avoisinantes, mais sans toutefois s'éloigner beaucoup du rivage. Ils remon- tent souvent les criques, dans ce cas, on peut les surprendre en arrivant perpendiculairement sur ces crevasses. A mer baissante, ils reviennent sur la plage et suivent le flot descendant dans lequel ils entrent parfois pour chercher les petites proies dont ils se nourrissent. A mer basse, ils sont très farouches, et ne se laissent guère surprendre, quand, dans les flaques d'eau formées par la ma- LE CHEVALIER A PIEDS ROUGES. 109 rée, ils poursuivent les petits crustacés que le Ilot y a dépo- sés. Ils sont toujours en bandes, mais quand par hasard il s'en trouve d'isolés, on peut les tirer à portée, en ayant soin de se baisser pour les approcher. Ces oiseaux ont un cri de rappel court et sifflé : Tioa ! d'une intonation interrogative qui a le don d'attirer tous les autres oiseaux de rivage. Les chevaliers à pieds rouges ont subi le sort commun, ils sont bien moins nombreux qu'autrefois et paraissent avoir désappris la route de nos plages. C'est d'autant plus regret- table que ces jolis oiseaux si vifs et si gracieux sont un excel- lent gibier. 200 FAMILLE DES TOTANIDÉS. LE CHEVALIER DES ETANGS Totanus stagnalilis . (Bechst.) Le chevalier des étangs est le plus élancé de tous les che- valiers. Sa taille est celle de la bé- cassine ordinaire, mais il est bien plus haut sur des pattes grêles de couleur noir-ver- datre. Le bec est long et mince. L'iris brun. En été, le mâle et la femelle ont la tête et le cou blancs rayés de noir , le dos rous- sâtre, grivelé de noir, la gorge et la poitrine sont blanches mouche- tées de noir, le ventre est blanc pur. Les ailes sont brunes. La queue est blanche, rayée de brun et de noir. Le Chevalier des étangs. {Taille -O^.âO) LE CHEVALIER DES ÉTANGS. 201 En hiver, les taches de la poitrine s'etfacent en partie, le dos devient gris flammé de noir. Tout l'oiseau, sauf les ailes qui sont brunes, est blanc moucheté, les pattes deviennent vertes. Ainsi que l'indique son nom, le chevalier des étangs ou chevalier staf/natile fréquente plutôt les bordures d'étangs, les marais et les rives des fleuves que les bords de la mer. il se rencontre dans le Nord plus que dans le Midi où ce- pendant il émigré parfois. 11 est en somme assez rare en France. Je n'en ai jamais rencontré qu'un seul au l)ord d'une mare de galjion voisine de la mer. Il niche dans le Nord-Est et, [)araît-il, ses œufs sont ver- dâtres et très })ointillés. Ce chevalier porte en France les noms que j'ai indiqués et ceux de chevalier à longs pieds et de demi-tilvau. Les An- glais le nomment marsh sandpiper ou bécasseau de marais. Son cri peut se traduire par les mots : Fii! hiou ! 202 FAMILLE DES TOTANIDÉS. LE CHEVALIER SYLVAIN Totanus Glareola (1). (Temm. ex Linn.) C'est le plus petit des chevaliers proprement dits. Il est à peu près de la même grosseur que la petite bécassine sourde. Son bec est moins long que celui des autres chevaliers. Il a quelque ressemblance, abstrac- tion faite de la taille, avec le cul-blanc. En été, il a le dessus du corps noir, large- ment parsemé de ta- ches pâles. Sa gorge et sa poitrine sont , vers le milieu, blanc pur, grivelées sur les bords. Ses flancs sont blancs, mouchetés de noir et de brun. Les ailes sont d'un noir brunâtre, la queue est blanche rayée de brun. Les pieds sont verdâtres. L'iris est noir. L'hiver, la gorge est blanche, la poitrine de la même cou- leur, légèrement lavée de brun vers le milieu. Le Clicvalier Sylvain. (Taille. 0"'.22) (1) Bien entendu cet oiseau ne doit pas être confondu avec la Glaréole avec laquelle il n'a de commun que cette qualification latine. LE CHEVALIER SYLYALX. 203 Ce chevalier porte aussi les noms de bécasseau des bois^ traduction de son nom anglais Wood sandpiper, de pluvier épiette, de tili, de rititi et celui de ramage dans les environs de Dieppe, ce dernier nom provenant du siftlement assez doux qu'il fait entendre quand il se pose. Bien qu'il passe régulièrement en France, le chevalier Syl- vain est assez rare. 11 fréquente les marais boisés et les étangs des forêts. Je l'ai rencontré plusieurs fois en septembre au bord des mares dans les prés en Normandie, dans le départe- ment de l'Eure, à plusieurs lieues du bord de la mer. Je ne l'ai jamais vu sur la grève. Cet oiseau niche au Xord et pond de trois à quatre œufs roussâtres irrégulièrement ta- chetés de points sombres qui sont très rapprochés vers le gros bout. 20^ FAMILLE DES TOTANIDES. LE CHEVALIER CUL-BLANC Totanus ochrojjus. (Temm. ex Linn.) Le cul-blanc, ainsi nommé parce qu'il... l'a blanc, est sou- vent confondu avec la guignette. La guignette dont nous par- lerons dans un instant» est nommée aussi cul- blanc de Paris et c'est surtout elle qui procure aux chasseurs parisiens, avec le cul-blanc pro- prement dit, l'occasion de faire en Seine, au mois de mai, des chasses fort agréables. Le cul- l)lanc ordinaire, plus grand que la guignette est aussi plus rare, et bien des chasseurs ne savent point distinguer les deux genres. La des- cription que je donne de ces oiseaux pourra peut-être aider les observateurs à faire la distinction. Le cul-blanc est de la taille du mauvis, il a le i)ec assez long, droit, mince et noir. Ses pattes et ses pieds sont vert-tendre. Le Chevalier cul-blanc. {Taille, O^.Si) LE CHEVAUER CUL-BLA.SC. 205 Le dos et les couvertures des ailes sont vert-noir bronzé, avec les bordures des plumes piquées de blanc verdâtre. Les rémiges sont noires, le cou, la poitrine et les lianes sont blancs, grivelés de noir. Le dessous du corps est blanc, la queue de la même couleur, coupée à l'extrémité de trois bandes noires. L'iris est brun-noir. Cet oiseau niche un peu partout, même dans les pays du centre de la France et de l'Europe. J'ai trouvé une nichée de culs-blancs dans les falaises de Vasouy en baie de Seine. Le nid est posé soit dans les falaises, soit à terre, gé- néralement composé de brindilles et de feuilles mortes et con- tient quatre œufs, jaune-clair ou vert-blanchâtre pointillés de taches rousses convergeant au gros bout. L'habitude qu'a cet oiseau de remuer la queue en marchant lui a fait donner le nom de hochc-cul dans certaines localités. Ailleurs on le nomma pied-vert, pivette^ sifflasson, bécasseau cul-blanc. Les Anglais le nomment ^ree/i sanclpiper. Les culs-blancs font deux passages en France, le premier a lieu de fm avril à fin mai, le second de fin juillet à fin septem- bre. IMais les habitudes des différents individus qui alimentent ces passages varient beaucoup : les uns se cantonnent sur les bords de la mer, les autres remontent les rivières dont ils ani- ment pendant quelque temps les rives, plusieurs s'isolent sur les bancs, à l'embouchure des fleuves, et fréquentent les cri- ques et les crevasses qui les sillonnent, puis les mares, les trous d'eau, les étangs dans les i)rovinces du Centre. Le passage de mai parait cependant fournir le contingent le plus important des lleuves et des riN ières. Au bord de la mer, à cette époque, on ne rencontre que peu de culs-blancs, mais au passage de juillet, ces oiseaux sont au contraire abondants sur les grèves et les bancs. En mai, on chasse le cul-blanc concurremment avec la guignette sur les lleuves et les rivières en bateau. Les bords de la Seine sont couverts de ces petits échassiers et le chas- 206 FAMILLE DES TOTANIDÉS. seur parisien n'a qu'à gagner Asnières pour rencontrer ce gi- bier qui fait tirer bon nombre de coups de fusil à ceux qui sont au courant de ses passages et de sa chasse. Il faut partir de grand matin, et suivre en barque les bords du fleuve, ce qui dans cette saison procure l'occasion de faire une charmante excursion. Quand on a aperçu une bande de culs-blancs, on doit faire manœuvrer le bateau de façon à arriver autant que possible à portée et tirer les oiseaux soit au posé, soit au départ. Ils vont se remettre plus loin sur les ri- ves; la poursuite dure longtemps et est souvent fructueuse. Les culs-blancs sont tantôt très farouches, tantôt très con- fiants. On a remarqué qu'ils se laissent approcher plus faci- lement par les temps de pluie. Comme ils vérotent au bord de l'eau, sur le sable ou la vase, on les voit de loin et leur recherche n'offre guère de difficultés, cependant quelques chasseurs font battre les bords du lleuve par un chien qui ar- rête et fait lever les culs-blancs qui se rasent quelquefois dans les couverts et laisseraient passer le bateau pour partir der- rière ceux qu'il porte. Le cul-blanc démonté plonge du reste beaucoup et l'aide d'un chien est quelquefois d'une grande utilité pour le chasseur. Quelques-uns, poursuivis avec trop d'acharnement, pren- nent un grand parti, montent en l'air, et s'enfoncent à perte de vue dans les terres. C'est ce qu'ils font quand on les lève sur le bord des mares. Ils s'élèvent et vont chercher une au- tre pièce d'eau où ils s'abattent brusquement après leur ran- donnée pendant laquelle ils font entendre constamment leur cri. Au bord de la mer, les culs-blancs sont quelciuefois très fa- rouches; dès qu'ils aperçoivent le chasseur sur la grève, ils partent en poussant leur cri : « Tui! hui! lui! hui! » très sifflé. Quand ils sont isolés, sur les mares, comme ils se dissimu- lent dans les bordures, on les tire au départ très facilement. LE CHEVALIER CUL-BLANC. 207 Il en est de même le long des criques et des rigoles sur les bancs lierl)eux de l'embouchure des fleuves, au quinze août, le cul-])lanc partant alors comme la bécassine, fort preste- ment, mais cependant d'un vol tout différent. On a souvent dit que le tir du cul-blanc était un excellent apprentissage pour celui de la bécassine ; ce n^est pas tout à fait exact : cet oi- seau vole droit, en rasant le sol, mais très vite, et quand il fait des crochets ils ne sont pas réguliers. La bécassine part d'une façon toute différente. Il faut aussi n'accepter que sous réserves les affirmations de ceux qui prétendent que le cul-blanc est aussi délicat que la bécassine : c'est certes un bon petit gibier, quoique de fumet très relevé et un peu plus amer que celui de la guignette, qui au mois de mai et au mois de juillet varie agréablement l'or- dinaire des amateurs privés à cette époque de tout autre gi- bier, mais il n'a rien d'extraordinaire comme finesse de goût. Il paraît cependant que Louis XVIII se faisait servir régu- lièrement des culs -blancs au moment de leurs passages. De- vant une telle autorité je n'aurais qu'à m'incliner, si je n'étais porté à croire qu'il ne mangeait ces oiseaux en juillet que pour trouver les bécassines meilleures en septembre. 208 FAMILLE DES TOTANIDÉS. LA GUIGNETTE VULGAIRE Actitis hypolcucos . (Boie ex Linn.) La Guignelte. {Taille, 0"'.'20) La guignette, je l'ai dit, a été souvent confondue avec le cul-])lanc. En même temps que celle de ce dernier, les bords des fleuves et des rivières reçoivent la visite de ce petit che- valier auquel on peut appliquer à peu près tout ce que j'ai dit du cul-blanc proprement dit. C'est même la guignette qui fait le fond des chasses de rivière et au bord de la mer. Elle est de plus petite taille que le cul-blanc, de la gros- seur environ de la bécassine sourde. Le dessus de son corps est vert-bronzé ; ses ailes sont de même couleur variées de noir et de fauve-verdâtre, le ventre et la poitrine sont blancs, la gorge également blanche légèrement mouchetée de noir. La LA GUIGNETTE. 209 queue est plus sombre que celle du cul-blauc. Elle est plutôt brune barrée de blanc. Les pattes verdàtres sont aussi moins hautes. L'iris est brun. Son bec est plus court que celui du cul- blanc. Elle passe aux mêmes époques que ce dernier, et aux mêmes endroits, surtout sur la Seine où elle porte le nom de cul-blanc de Paris. Elle fréquente aussi volontiers les rives des fleuves et des rivières que le bord de la mer. Sa chasse est la même que celle de son congénère. On la poursuit soit en bateau sur les fleuves, soit sur les bordures de marais avec un chien. Cependant elle ne s'isole pas sou- vent et reste toujours en bandes assez considérables. On ne la voit guère sur les mares. Siu" les bords du lac de Genève elle porte comme le cul- blanc les noms depivette, pieds-verts et desifflasson. En France sur le littoral du sud-ouest on la nomme farlin. Son cri res- semble à celui du cul-blanc mais est plus vif et saccadé. On peut le traduire par les mots : Tui-tui-tui-tui! Les Anglais la nomment common sandpipcr. La guignette niche en mai et juin, à terre, sur les bancs herbeux et dans les laîches. Son nid est composé de roseaux et d'herbes sèches. Elle pond quatre œufs couleur crème. LA SAtV.vr.I.NK. 14 210 FAMILLE DES TOTAMDÉS. LA SYMPHEMIE SEMIPALMEE Symphemia semipahnata . (Harlrlb.) (Taille, 0'".10 environ.) La symphémie semipalmée ne fait que de rares apparitions en Europe et en France. Elle est originaire de l'Amérique du Nord. Elle est de la taille de la grande barge. Son bec est long et droit, ses pieds sont demi-palmés, de couleur noirâtre. Les dessus de son corps sont gris, rayés de noir, les dessous sont blancs, avec des grivelures brunes à la gorge et à la poi- trine. La queue est grise, marquée de noir. Les grandes pennes des ailes sont noires. Elle ne visite guère que dans les hivers rigoureux nos côtes de la Manche. On peut la reconnaître au volume de son bec qui est très fort et à la palmure de ses pieds. MAUBÉCHES ET BÉCASSEAUX. 211 Sous -famille des Tringiens. MAUBECHES ET BECASSEAUX Ces oiseaux sont remarquables par leur petite taille, leur bec de longueur moyenne, leurs pattes peu élevées. Dans le sucl-ouest de la France les chasseurs les nomment tous alouettes de mer. Ils ne quittent guère les grèves et le voisinage des eaux salées. Ils alimentent dans une très large })roportion la chasse des bords de la mer. Leur nombre, leur peu de sauvagerie en font l'objectif des débutants. Leur chair n'est point mauvaise et ils méritent certes mieux que leur réputation de menu fretin indigne d'un coup de fusil. 212 FAMILLE DES TOTAMDÉS. LA MAUBÈCHE CANUT Tringa canutus. (Linn.) La Maubèche. [Taille, 0">.28) Le genre des maubèclies peut comprendre la maubèche canut, la maubèche maritime ou bécasseau violet et le san- clerhng. La première toutefois est la seule qui soit considérée comme une maubèche proprement dite. Elle est le type du genre. Les caractères communs de ces trois espèces d'oiseaux sont : l'étranglement du bec qui, de la longuem- de la tête, se rétrécit un peu vers Texlrémité pour s'élargir ensuite, dans le sens de la hauteur, à la pointe de la mandibule supérieure; des LA MAUBÉCHE CANUT. 213 formes plus ramassées que les autres bécasseaux et des pattes moins hautes. La maubèche canut et la maubèche maritime ont trois doigts très légèrement frangés d'une petite mem- brane et un pouce rudimentaire. Le sanderling n'a que trois doigts et pas de pouce. La maubèche canut est de la grosseur de la bécassine ordi- naire mais bien plus massive. Les trois changements de plumage de cet oiseau suivant l'âge et les saisons avaient fait croire autrefois à l'existence de trois variétés distinctes qu'on avait appelées maubèches ordinaires, maubèches tachetées et maubèches grises. Il y avait confusion. En été, le mâle a le dessus de la tête et du cou noir et fauve, un peu comme l'alouette de mer, le dessus du corps noirâtre, avec les plumes bordées de roux et de grisâtre, le bas du dos grisâtre, la queue brune et noire variée de blanc. Les grandes pennes des ailes sont noirâtres. Tout le devant du corps, gorge, poitrine et ventre, est roux vif. Le bec et les pieds sont noirs, l'iris est brun. La femelle porte à peu près la même livrée. Elle est plus grande que le mâle. En hiver, le mâle et la femelle deviennent gris cendré, avec des mouchetures brunes et blanches sur le dessus du corps; la teinte rousse du dessous disparait et fait place au blanc gri- velé détaches noires; la queue tourne au grisâtre. Les jeunes maubèches sont d'un gris-terne, tacheté de brun sur le dessus, la poitrine est fauve-clair tachetée de brun foncé. Ces oiseaux viennent du Nord où ils nichent. Leur ponte se fait dans les marais et est de quatre œufs, d'un gris-verdâtre ou roussâtre, irrégulièrement tachetés. Les maubèciies ordinaires passent en France, sur les cotes Nord et Ouest, en mai et repassent en août. J'en ai cependant rencontré à l;i lin de juin. A marée haute, elles se tiennent sur les bords des bancs et des prairies. A marée descendante, elles arrivent sur les grèves 214 FAMILLE DES TOTANIDÉS. (lès que le sable, la vase ou les pierres commencent à se dé- couvrir. Je les ai quelquefois vues en bandes peu nombreuses, mais le plus souvent isolées. La maubèche n'est pas farouche, en août surtout, elle se laisse très facilement approcher. Quand ils sont en bandes, ces oiseaux reviennent au coup de fusil. Il m'est arrivé assez souvent de tirer plusieurs fois de suite de petites troupes de maubèches, sur la grève nue, sans avoir besoin de me dissimuler. Quand les maubèches viennent du large elles paraissent peu s'inquiéter de la sécurité de l'endroit oii elles vont se poser, elles arrivent parfois direc- tement sur le chasseur. Leur vol est très vif et en volant et en se posant elles poussent des cris qu'on peut rendre par les syllabes ti-ou-hi! tt-ou-hi! sifflées et traînées. On nomme en France la maubèche canut , bécasseau mau- bèche, wiard, canaton. Le nom exact de cet oiseau en anglais est knot et non pas sandpi'per comme on l'a écrit souvent. Cette appellation de sandpiper s'applique seulement, en An- gleterre, avec un qualificatif approprié, à la petite maubèche maritime ou bécasseau violet, au cul-blanc, à la guignette et au cocorli. A mon avis, la maubèche est un excellent gibier quand elle est grasse; et elle l'est toujours quand elle repasse en août. LA MAUBÈCHE MARITIME. 215 LA MAUBECHE MARITIME OU BECASSEAU VIOLET Tringa Marilima. (Brùnn.) La Maubôche maritime. (Taille, 0"'.33) Cet oiseau diffère du précédent par sa taille qui est seule- ment la même que celle du cocorli , le bécasseau bien connu , par le peu d'élévation de ses pattes et par sa queue qui se termine en pointe au lieu d'être égale comme celle de la mau- bôche Canut. La couleur violette du dessus du corps de la IMaubèche maritime, en été, lui a lait api)li(iuer en France le nom de bé- casseau violet; la couleur pourprée de son dos, en hiver. Ta fait appeler eu Aiiiileterre jyiu-ple-sandpijM'r. Ce i)elit écliassier ne fait en France que des passages irré- guliers et y est beaucoup plus rare que sa congénère la iiiauJtcciie ordinaire. 216 FAMILLE DES TOTANIDÉS. Il niche comme elle au Nord , et pond trois ou quatre œufs olive clair, tachetés de brun et de roux. J'ai quelquefois rencontré, mais rarement cependant, des maubèches maritimes, toujours à marée basse, dans les meu- lières et isolées. En été ces oiseaux ont le dessus du corps noir violet, ta- cheté de jaune roux. Le dessous du corps est grisâtre, gri- velé de noir, le ventre est blanc , la queue brunâtre et ter- minée en pointe. Le bec est jaune à la base, noir au bout, les pattes et les pieds sont jaunâtres. En hiver, le dessus de la tête et du cou est cendré grivelé de noir, le dessus du corps est noir à reflets pourprés, avec les plumes frangées de blanchâtre. La poitrine est grise , marquée de blanc. Les ailes sont brunes. L'aspect général de l'oiseau est assez sombre. Ces maubèches paraissent extrê- mement basses sur pattes. LE SANDERLING 217 LE SANDERLING DES SABLES Calidris arenaria. (Leach ex Linn.) Le Sanderling. {Taille, O"».!") Très souvent confondu, sous le nom d'alouette de mer, avec les bécasseaux brunettes ou petites de mer, le sander- ling a leur taille, mais son bec est plus court, et il n'a que trois doigts et pas de pouce comme les pluviers . Cet oiseau, très éveillé et très remuant, change de plumage suivant les saisons : En été, il a les plumes des parties supérieures noires, bor- dées de roux et de blanc , ce qui le fait paraître largement tacheté de noir et de blanc roussàtre, tous les dessous jusqu'au ventre, d'un roux taciieté de noir et de blanc, le ventre blanc pur, la queue pointue, brune et noire. Les ailes sont brunes 218 FAMILLE DES TOTAMDÉS. et blanches aux couvertures, noires à l'extrémité. Le bec et les pieds sont noirs. En hiver le dessus du corps devient brun, onde de gris et de blanc, les dessous passent au blanc pur. Les jeunes oiseaux ont les parties supérieures noires avec les plumes liserées de blanc et de jaunâtre , les parties inférieures sont blanches , la queue est grise, la poitrine roussàtre. Le sanderling a bien l'apparence d'une petite maubèche avec un peu plus d'élégance ; aussi les Anglais lui ont-ils donné en même temps que ce nom de sanderling celui de lesser knot ou petite maubèche. Il niche au Nord , sa ponte est de trois ou quatre œufs gris verdâtre, très pointillés. 11 passe en France avec les autres bécasseaux en avril et mai et redescend dans les climats tempérés dès le milieu du mois de juillet, faisant une station de plusieurs mois sur nos cotes nord et ouest. Le sanderling est très aisé à approcher. Sa chair, sans être très délicate , n'a pas le goût de sardine rance, que lui ont prêté quelques gourmets , pour lesquels tout oiseau de rivage est nécessairement un mauvais gibier. LE BÉCASSEAU COCORLI. 210 LE BÉCASSEAU COCORLI Pelidna Subarquata. Brelim ex Guldensl.) Le Bécasseau cocorli. {Taille^ 0™.23) Le bec arqué de ce petit échassier lui a valu de nombreuses comparaisons avec les courlis. Son nom de cocorli est la première manifestation de ce rapprochement, mais les diderentes dénominations sous les- quelles on l'a scientiliquement désigne sont aussi sugges- tives : on lui a tout d'abord donné le nom de scolopax su- barquata alors que le courlis cendré était primitivement dis- tingué sous celui de scolopa.c arquata, à cause de la forme arquée du bec. On Ta qualifié aussi du sobriquet de bécas- seau falcinellc, c'est-à-dire à bec en faucille. Les Anglais 220 FAMILLE DES TOTAMDÉS. eux-mêmes le connaissent sous le nom de curlew-sandpiiier ou bécasseau courlis. L'apparence de l'oiseau est en effet celle d'un courlis mi- nuscule , abstraction faite de la couleur du plumage qui , en été, prend des tons roux. Pendant cette saison , le cocorli a les parties supérieures noires avec les plumes liserées de roux et de gris. Le bas du dos est brun onde de blanc , la queue noire et blanche , plus grivelée en dessous , le cou et la poitrine sont roux-foncé , le ventre est de la même teinte mais plus claire. Les couvertures des ailes sont brunes , bordées de gris , les grandes pennes noires. Le bec est long, arqué et noir ; les pieds, de même couleur, ont trois doigts en avant et un pouce rudimentaire. L'iris est noir. En hiver, les dessus deviennent bruns , avec les plumes bordées de gris; la poitrine tourne au grisâtre, la gorge et le ventre sont blancs, les couvertures des ailes grises et les ré- miges noires. La queue est cendrée. Le cocorli couve au Nord trois ou quatre œufs d'un gris verdâtre pointillés, surtout au gros bout. Il passe en France avec les autres bécasseaux compris comme lui dans le genre des Pélidnes et se mêle à leurs bandes. On le tue souvent sous le nom d'alouette de mer ou de pe- tite de mer. Il est cependant un peu plus gros que les autres bécasseaux. Sa taille est intermédiaire entre celle de l'alouette et celle du mauvis. J'ai rarement rencontré de grands voliers composés uni- quement de cocorlis. Ces oiseaux semblent préférer la société des bécasseaux cincles et brunettes. Cependant je les ai sou- vent vus seuls ou par petites bandes de cinq ou six individus. On peut les approcher facilement et sans faire de détours. Il suffit de se baisser légèrement. LE BÉCASSEAU CINGLE. 221 LE BÉCASSEAU CINGLE Pelidna cinclus (Bp.exLinn.) "'"^ '"=-.-^iiiBlflP - Bécusseau cincle. {Taille, o^.aO) Nous arrivons aux petits bécasseaux les plus communs sur tous nos rivages , aux premières victimes des Ncmrods dé- butant sur les grèves. Leur abondance, leur peu de sauva- gerie, la facilité avec laquelle on les tire au posé en font une proie facile pour quiconque parcourt les plages le fusil à la main. Qui n"a commencé sa carrière de chasseur de sauva- gine parle meurtre d'une petite de mer? Lequel d'entre nous ne garde à ces petits oiseaux un souvenir reconnaissant pour les émotions faciles de l'adolescence? Les alouettes de mer sont certes ceux des petits échas- 222 FAMILLE DES ÏOTAMDES. siers qui contriljuent le plus à animer les solitudes des dunes, des grèves et des plages et à leur donner un peu de gaité. Toujours en bandes, elles viennent par leurs cris mélan- coliques, purs et doux, rompre la monotonie du bruit des flots et rappeler aux plus distraits que la vie est partout, même dans les endroits les plus déserts en apparence. Les bécasseaux cincles forment, avec la petite variété des bécasseaux brunettes, qui ne sont, pour ainsi dire, qu'une émanation de leur race, le fond des grands voliers d'alouettes de mer. Le bécasseau cincle est un peu plus gros que la petite bé- cassine sourde. Il change de plumage suivant les saisons et on le rencontre souvent bariolé de la livrée d'été et de celle d'hiver. En été, il a le dessus de la tête et du cou noir, avec les plumes frangées de roux; le dessus du dos fauve, marqué de noir; la queue brune, blanche et rousse, les couvertures des ailes gris roux, avec des bordures noirâtres; les rémiges noires, avec les baguettes blanches. Les dessous du cou, de la gorge et la poitrine sont gris-clair, grivelés de brun ; le ventre est noir, bordé de blanc et paraît entièrement de cette dernière cou- leur quand on ne relève pas les plumes, mais chez les jeunes seulement ; les vieux ont le ventre entièrement noir et le dessous de la queue blanc ; le bec est long , un peu arqué, noir ; les pattes sont très fines et de la même couleur que le bec. L'iris est noir. En hiver, le dessus du corps devient brun cendré très clair, varié de blanchâtre; les dessous sont blancs, avec des grive- lures aux cotés de la gorge et sur la poitrine ; la plaque noire du ventre disparaît; les ailes sont brunes, frangées de gris aux couvertures, et brunes, liserées légèrement de grisâtre aux rémiges. La queue est brune et blanche. Les jeunes oiseaux sont de la même couleur, mais avec plus de noir et de blanc sur le dos et peu de tons roussâtres. LE BÉCASSEAU CINGLE. 223 Les bécasseaux cincles nichent en mai et juin clans les con- trées septentrionales, beaucoup plus au Nord que les bécas- seaux brunettes. Ils pondent trois ou quatre œufs générale- ment jaunâtres, pointillés de roux. Leur nid est construit soi- gneusement à terre et bien caché; quelquefois il est situé sur les anfractuosités herbeuses des hauteurs inaccessibles. Les bécasseaux cincles passent en France sur toutes les côtes du Nord et du Midi. Sur les premières, leur passage a lieu au printemps et à l'automne; dans le Midi, on les ren- contre plutôt l'hiver. Cependant, on voit des bécasseaux cincles, même par les plus grands froids, sur nos grèves du Nord et de l'Ouest, et l'espèce ne paraît abandonner absolument ces régions que pen- dant le temps de la couvaison. Les bécasseaux cincles sont un peu moins nombreux que les bécasseaux brunettes dont nous allons parler et qui sont le type du genre. Le bécasseau cinclc porte les noms de pelichie ciucle, alouetle de mer, petite de mer, petite maubèche en France et ceux de stint et de sea-lark en anglais. FAMILLE DES TOTANIDÉS. LE BECASSEAU BRUNETTE Pelidmi Schingii. (Bp. ex Brehm.) Le Bécasseau brunelle. (Taille, O^.IO) Ce bécasseau est le même que le précédent, mais exacte- ment de la taille de la petite bécassine sourde, et, par consé- quent, plus petit que le cincle. Il est aussi bien plus abondant et plus généralement connu. C'est la vraie petite de mer, le hécot de Somme, V alouette de mer. On le nomme aussi pelidne à collier. Les Anglais l'appellent, comme le bécasseau cincle, slint, c'est-à-dire chétif. Le bécasseau brunette a le bec un peu moins long que son congénère, et ses pattes sont un peu moins hautes. 11 a une tache blanche coupant le noir du ventre au temps des amours. LE BÉCASSEAU BRUNETTE. 223 un peu moins de grivelures, des tons plus clairs. Ce sont-là, avec sa taille plus exiguë, les seules différences qu'il ait avec le bécasseau cincle. Il niche plus près de nos pays, quelquefois même en France. La Hollande, l'Ecosse et le nord de l'Europe sont cependant les lieux qu'il choisit de préférence pour couver trois ou quatre œufs semblables à ceux du bécasseau cincle. Les bécasseaux brunettes sont presque toujours en bandes assez considérables, moins nombreuses cependant qu'autrefois. En 1871 , de vrais nuages de ces oiseaux passèrent sur les côtes de Normandie. Un de mes amis, avec lequel j'ai beau- coup chassé depuis , et dont je ne saurais suspecter la bonne foi, m'a assuré en avoir tué, un jour, eu deux coups de fusil, quatre-vingts dans un volier de plusieurs milliers d'individus. J'ai fait aussi de beaux coups dans de grandes bandes , et il m'est souvent arrivé de tuer toutes les petites de mer de la même petite troupe, au nombre de quinze à vingt, d'un seul coup de fusil, alors qu'elles se rassemblaient en trot- tinant sur le sable. Les petites de mer courent beaucoup et fort vite; quand elles aperçoivent le chasseur elles se contentent de se masser en groupe, ce qui leur est souvent fatal. Elles ont cependant la vie dure; après avoir tiré des petites de mer et qu'on croit avoir couché toute la bande sur place, on est parfois surpris de voir plusieurs oiseaux se relever et s'envoler sans blessure ap[)arenle, absolument comme si le coup de feu n'avait fait que les étourdir. J'ai remarqué que celles qui partent indemnes viennent très souvent se poser de nouveau à côté de celles qui ont été frappées. Elles crient continuellement et sifïlent, sur un ton clair et j)ur, les mots : Ouit! ouït! A leurs voliers se mêlent volontiers presque tous les échas- siers de taille moyenne. LV SAUVAGINE. 15 226 FAMILLE DES TOTAMUÉS. La chair des petites de mer, sans valoir celle des pluviers à collier, n'est pas mauvaise. On vend une quantité assez con- sidérable de ces oiseaux chez les marchands de gibier de Paris oii on les étiquette sous le nom de bécassines. C'est une fraude qui ne devrait pas être tolérée, cela constitue assurément une tromperie sur la qualité de la marchandise vendue, mais on en passe bien d'autres à ces excellents industriels dont le moindre tort est de servir de receleurs à tous les braconniers en toute saison. I.E BÉCASSExVU PLATYRHYNQLE. LE BÉCASSEAU PLATYRHYNQUE Pelidna Platijrhyncha. (Bp. ex Temm.) ^,T^R^J^fv, J-e Bécasseau platyrhynque. {Taille, (f\{l) Presque toujours confondu avec les bécasseaux cincles et bruneltes, ce petit échassier leur ressemble en effet beaucoup et la confusion s'explique aisément. Il est à peu près de la taille du bécasseau brunettc. Ce qui le distingue surtout de ce dernier c'est la teinte roussàtre claire de sa poitrine, les liserés blancs des couvertures de ses ailes, qui le font paraître plus blanc (Fensemble, la courbure et la largeur de son bec qui lui ont fait donner en Angleterre le nom de broad-billed saiulpipcr ou bécasseau à large bec. Cet oiseau a, en été, le dessus de la tête noir et roux, le dos noirâtre, tacheté de gTisatre et de roussàtre, la queue 228 FAMILLE DES TOTAMDES. l)runc, blanche et rousse; les couvertures des ailes noires; la gorge et la poitrine roussâtre-clair, avec des grivelures noires; le ventre est blanc; le bec noir, les pieds sont brun-ver- dâlre, l'iris est brun foncé. En hiver, le dessus du corps est gris avec les plumes bor- dées de blanchâtre, le cou, la gorge et la poitrine sont blancs grivelés de bran. Les jeunes oiseaux sont plus marqués de blanc sur le haut du corps. L'apparence générale du bécasseau platyrhynque est celle d'une petite de mer plus blanche que les autres sur les couver- tures des ailes et plus roussatre de poitrine, mais avec des gri- velures s'arrêtant plus haut que celles de ses congénères. On rencontre ces bécasseaux sur les côtes nord et ouest de la France moins fréquemment que les petites de mer pro- prement dites. J'en ai toutefois tué quelques-uns en Nor- mandie. On ne sait pas exactement dans quelle région ils nichent. Toutefois, il paraît qu'on a trompé des couvées en Norvvège et que les œufs sont d'un gris jaunâtre ou roussatre et très poin- tillés. LE BÉCASSEAU DE TEMMFNCFv. 229 LE BÉCASSEAU DE TEMMINCK Peiidna Tcmminckii. (Boic ex Leisl.) Le Bécasseau de Tciuiiiiiick. (Taille, 0"'.lo) Les bécasseaux dont nous venons de parler ont le bec plus long que la tête. Nous allons })asser à deux espèces dilVérenles dont le bec est plus court que la tête et qui sont les plus pe- tites parmi les échassiers. Le premier de ces oiseaux , le bécasseau Temminck est en- viron de la taille de la mésange charbonnière. Le dessus de son corps , en été, est noir avec les plumes liserées de roux; la [)oitrine est gris-roussàtre légèrement grivelée de noir : les couvertures des ailes sont brunes et rousses; les rémiges noires; le ventre est blanc, la (jueue brune et blanche, le bec brun cour! et très lin; les pattes sont brun-verdàtre. En hiver, le dessus du corps est gris-brun, le dessous blanc, avec la poitrine un peu grisâtre et grivelée. 230 FAMILLE DES TOTANIDÉS. On appelle cet oiseau en France 2)étrot gris , en Angleterre on le nomme Temminck' s stint. Cette espèce niche en Islande et pond quatre ou cinq œufs gris, pointillés de cendré ou de noir. Elle passe en France, se mêlant aux bécasseaux précédents, au printemps et à l'au- tomne. On la voit fréquemment sur les bords de la Loire en été; elle en remonte même le cours assez loin. LE BÉCASSEAU MINULE OU BÉCASSEAU ÉCHASSE. 231 LE BÉCASSEAU MINULE OU BÉCASSEAU ÉCHASSE Peliihia Minuta. (Boie ex Leisl.) Le Bécasseau Minule. {Taille, 0"'.14) C'est le plus petit des bécasseaux. Contrairement aux oi- seaux précédents, il ne voyage pas en grandes troupes, on le voit plutôt seul ou par paire. Il apparaît en France en avril et en mai, et repasse en sep- tembre. Il est connu dans le Nord sous le nom de pctrol rouge et sous celui de bécasseau éehasse. En Angleterre on le nouune little stiitf ou [x'til clK'tir. il est très commun sur les bords du lac de Genève. Il fréquente les bords de la uier où on le rencontre régu- lièromeut lors de ses i)assages. Il court avec une praude rapi- dil(', absohunent comme une souris et est très dillicile à aper- 232 FAMILLE DES TOTANIDÉS. cevoir clans les pierres et les galets. Son cri est : Hitc! hite! très sifïlé et traîné. Ce bécasseau couve dans le nord de l'Europe et pond trois ou quatre œufs jaunâtres , pointillés de brun. En été , ce minuscule écliassier a le dessus du corps noir, grivelé de fauve, la queue doublement échancrée avec les plumes du milieu formant une pointe comme celles des bords , elle est noire, rousse et blanche. Le ventre est blanc , la poitrine grise , grivelée de petites taches brunes, ainsi que le cou. Les ailes sont noires et rous- ses aux couvertures, les rémiges noires et fortement nuancées de blanc aux médianes. Le bec est court et fin , les pattes sont hautes, grêles et noires. En hiver, le dessus du corps devient gris-brun clair, tous les dessous sont blancs. L'ACTITURE ROUSSET. 233 KACTITURE ROUSSET Actiturus rufescens. (Bp. ex Vieill.) Cet oiseau, extrêmement rare, est originaire de l'Amérique du nord, d'où il rayonne parfois en Europe, très rarement en France. Il a la taille du bécasseau cinclc , le bec noir, plus court que la tête, les pattes hautes, grêles et jaunâtres. Le dessus du corps est brun varié de roux, le dessous roux- clair, onde de blanchâtre , les côtés de la poitrine et le ventre sont grivelés de noir, les grandes pennes des ailes brunes en dessus, blanchâtres en dessous; la queue est brune et blanche aux plumes du milieu, grise barrée de noir aux autres, les médianes plus longues que les latérales. L'iris est brun-foncé. L'actiturc a l'apparence d'une toute petite maid)èclic en plu- mage d'amour avec les tons plus pâles en dessous, les pattes plus hautes et la queue plus arrondie. Je ne me souviens en avoir rencontré que deux il y a une quinzaine d'années, au bord de la mer. J'en ai tiré une à quelques })as, posée, après m'être même reculé un peu pour la tuer. Elle courait devant moi sur une martousc au bord du flot, à mer basse. Je l'avais alors prise pour une toute petite maubèche. Comme elle m'avait cependant paru singulière, j'a- vais gardé son signalement ce qui m'a permis d'établir plus tard sa véritable identité. Je regrette de n'avoir pas conservé cet exemplaire d'un oiseau qu'on rencontre très accidentelle- ment et qui n'a d'autre vahnn* iutrinsècjue que celle qu'il em- prunte à la rareté de ses apparitions en Europe. 234 FAMILLE DES TOTANIDÉS. Sous-famille des Phalaropodiens. Ces oiseaux, dont l'une des variétés est de la taille de l'a- louette de mer, Tautre un peu plus grande , se distinguent des autres bécasseaux par des pieds palmés à la manière des foulques, c'est-à-dire festonnés d'une membrane distincte pour chaque doigt. Singulière fantaisie de la nature qui semble avoir toujours voulu conserver un trait d'union entre toutes les espèces de ses créatures. Plumage duveté des mouettes, pieds frangés des foulques, formes générales des bécasseaux, tels sont les caractères de ces oiseaux qui, Aâvant sur les bords de la mer, ont des habitudes mixtes, tenant à la fois de celles des mouettes et de celles des autres coureurs de grèves. La France reçoit la visite de deux sortes de phalaropes : Le phalarope dentelé et le phalarope hyperboré. LE PHALAROPE DENTELÉ. 235 LE PHALAROPE DENTELE Plia laropus Fu lica riiis . (Bp. ex Linn.) Le Phalarope dentelé. (Taille, 0"'.2i) De la taille d'un gros cul-blanc, ce singulier cchassicr, si toutefois on peut appeler échassier un oiseau aussi bas sur pattes , a , suivant son sexe, deux livrées différentes en été. Le mâle a le dessus de la tête noirâtre avec des lacunes blanches; le dessus du corps noir aux plumes bordées de roux; la gorge noire, la poitrine et le ventre roux-rouge , les couvertures des ailes noires bordées de blanc , les grandes pennes noires. La queue est noire grise et rousse, le bec, de la longueur de la tête, noir; les pattes ainsi que les pieds qui sont bordés en feston d'une membrane séparée avec chaque doigt et dentelée sur les bords sont de couleur noirâtre. L'iris est brun. 236 FAMILLE DES TOTANIDÉS. La femelle, à la même époque, a le dessus de la tête noir, celui du cou rouge ; les parties supérieures du corps sont noires et rousses, les dessous roux et les couleurs générales plus vives que chez le mâle avec la taille plus forte. En hiver, le mâle et la femelle deviennent cendrés sur tout le dessus du corps; la tête est cendrée, marquée de noir der- rière les yeux. Le dessous du corps est blanc, avec la poitrine ceinte d'une écharpe cendrée, les ailes sont gris-cendré aux couvertures avec des liserés blancs et noirâtres aux rémiges. La queue est brunâtre. Les plumes de la poitrine et du ventre sont duvetées comme celles des mouettes. La figure que nous donnons représente un mâle en plumage d'hiver. Cet oiseau passe en France d'une façon très irrégulière , on le trouve cependant quelquefois à l'automne et même en hiver à l'embouchure de l'Orne. Il est rare sur les autres côtes françaises. 11 niche au Nord. Les œufs, au nombre de trois ou quatre, sont jaune-verdâtre très pointillés. Le phalarope dentelé fréquente seulement les bords de la mer. Il nage parfaitement. Ses habitudes tiennent de celles des bécasseaux et de celles des mouettes, il vient, quand la mer découvre les plages, vérotcr sur le sable. LE PlIALAUOPE HVPERBORÉ. 237 LE PHALAROPE HYPERBORÉ Lobipcs Jiypcrboreus. (Steph. ex Linn.) t-Tf^Mé-O. Le Plialaropc liyperboré. {Taille, 0"'.19) Plus petit que le précédent, ce Phalarope a les pattes plus hautes que lui, le bec plus long et très mince. En été, il a le dessus du corps brunâtre, tacheté de roux, un hausse-col blanc, une écharpc rouge-vif sur la gorge et la poitrine, remontant au-dessus du cou , le bas de la poitrine et le ventre blanchâtres, les ailes brunes terminées de noir, la queue brune et blanche. En hiver, le dessus du corps tourne au cendré, grivelé de noirâtre, les dessous deviennent blancs et cendrés; le roux de la poitrine disparaît. Ses pattes sont d'un vcrdâtre-foncé , ses pieds sont bordés en 238 FAMILLE DES TOTANIDÉS. festons sans dentelures. Son cri a été traduit par le mot : Tirr! Les Anglais le nomment red-necked phalarope. Ses passages en France sont très irréguliers. Il devient du reste fort rare partout. Comme le phalarope dentelé il niche à terre sur les montagnes. Son nid est profondément enfoncé dans le gazon et contient quatre œufs jaunâtres. Ces œufs sont fort recherchés et attei- gnent en Ecosse le prix de douze francs cinquante l'un. CHAPITRE IX FAMILLE DES RÉCURVIROSTRIDÉS Deux espèces seules appartiennent à cette famille. Elles sont caractérisées par la hauteur de leurs pattes, le peu de développement de leur pouce qui est presque nul, et la fragi- lité de leur bec qui, presque droit chez l'Échasse, est recourbé en l'air chez l'avocette, d'où le nom donné à la famille. L'avocette a les doigts palmés , l'Echasse n'a qu'une pal- mure imparfaite ; mais comme ces échassiers ont, après tout, les doigts plus ou moins palmés, on peut dire qu'ils forment avec le Flamant, dont nous parlerons ultérieurement, la tran- sition entre les Échassiers et les palmipèdes. Cette famille se divise en deux sous-familles : Celle des Himantopodicns ou échasses et celle des Récurvirostriens ou avocettes. 240 FAMILLE DES KÉCURVIROSTRIDÉS. Sous-famille des Himantopodiens. LÉCHASSE BLANCHE Hima ntop us Ca n didus . (Bonneterre.) L'échasse est plus rare sur nos côtes que Favocette. Elle est Féchassier par excellence. Les Anglais Font appelée black winged still ou échasse à ailes noires et long -le g s ou lon- gues jambes, aA^ec raison. Ses pattes sont d'une hau- teur démesurée , mais lui servent merveilleusement pour aborder les endroits vaseux que ne peuvent affronter les autres tsemsp- L'Échasse. (Taille, 0'".33 du bec au Inuit de la queue.) LECHASSE I5EANCHE. 241 oiseaux et les queues de marais et d'étaui^s où elle cherclic sa nourriture. L'échassc, dont la taille varie beaucoup avec les individus, quoique restant intermédiaire entre celle de la tourterelle et celle du pii>eon, a, en été, le dos et les ailes noirs à reflets verdâtres rappelant un peu la couleur du vanneau. La tête est d'un brun noir, le cou chiné sur le dessus, blanc en dessous, ainsi que le ventre et la poitrine qui prend cependant une teinte rosée. Le bec est noir, mince et droit. Les pattes et les pieds qui n'ont que trois doigts et pas de pouce, sont d'un rouge pur, l'iris est rouge cramoisi. En hiver, la tète et le cou deviennent blancs. L'échasse est un oiseau du Midi. Elle niche dans l'Europe tempérée, rarement en France. Ses œufs, au nombre de quatre, sont brunâtres, pointillés de taches formant couronne au gros bout. Elle remonte quelquefois au Nord, mais fréquente plus as- sidûment les côtes du Midi de la France, les bords de la mer et les marais de l'Europe méridionale. Les échasses, en volant, tiennent le cou tendu, contraire- ment à presque tous les autres échassicrs qui le rentrent entre les épaules. i.\ SVLV vi;i\K. 242 FAMILLE DES RECURVIROSTRIDÉS. Sous- famille des Recurvirostriens. L'AVOCETTE Recurvirostra a cocctta. (Linn.) pipe sur le litto- ce, et avocet en Angleterre, est un bel échassier, un peu plus gros que le pigeon ra- mier, mais dont les pattes sont d'une hauteur qui paraît en dis- proportion avec sa taille. Avec l'échasse et le flamant, elle est certainement un des oiseaux les plus haut montés sur jambes de nos contrées. L'avocette appelée cleppe en Picardie, à cause de son cri : « Cleiippe! cleuppe! » kluit en Hollande, oiscau- ral du sud-ouest de la Fran- L'avocelle. {Taille, 0"'.?i5) lavocl:tte. 243 Ce qui, avec cette particularité, caractérise surtout l'avo- cette, c'est la forme de son bec, qui, long, mince et noir, s'incurve en arrière et en l'air, au lieu de se recourber vers la terre, et affecte la forme d'une faucille renversée, singula- rité que présente, mais à un moindre degré, le bec des barges. Le cou est long, grêle et blanc. La tête est petite et noire; le corps est entièrement blanc, les ailes seules sont blanches et noires. Les pieds, entièrement palmés, sont, ainsi que les pat- tes, de couleur bleuâtre. Les avoceltes sont plus répandues au Midi , sur les bords de la Méditerranée et dans nos provinces méridionales que dans le nord de la France. Elles nichent quelquefois dans le Languedoc et le Roussillon. Leur ponte est de trois œufs en- viron, gris-roux ou vert-clair, parsemés de taches plus foncées. Elles passent au Nord, sur les bords de la ^Manche et de l'O- céan, en octobre et repassent en avril. Mais comme, ainsi que les spatules et plusieurs autres migrateurs, elles ne font dans ces régions septentrionales que de courtes stations, comme, de plus , leur espèce est peu nombreuse, on a rarement la cliance de les y rencontrer. Elles sont encore à classer pour les chasseurs du Nord et de l'Ouest parmi les oiseaux réservés aux professionnels de la chasse à la Sauvagine qui, parcourant les marais et les grèves tous les jours, peuvent profiter des passages les plus éphémères des oiseaux migrateurs. On s'est souvent étonné du caprice de la nature qui a donné aux avocettes les })attcs et le bec paraissant les moins propres à les aider dans la recherche de leur nourriture. Mais, ici encore , la criti{[ue ne saurait résister à l'examen, et fait place à l'admiration (| n'inspire toujours à ceux (pii (Hu- dient et comprennent la nature, sa merveilleuse prévoyance à l'égard de toutes les créatures qu'elle a dispersées sur la sur- face de la terre. 244 FAMILLE DES RÉCURVIROSTRIDÉS. L'avoccttc, en ctrct, a une fonction spéciale et est destinée à trouver sa subsistance dans les endroits où l'aide de ses hautes pattes et la forme de son bec lui sont indispensables. Le frai de poisson déposé au bord des eaux constitue le fond de sa nourriture. Il lui fallait donc un instrument propre à écumer, pour ainsi dire, en l'effleurant , la surface des flots : les outils in- ventés par les hommes dans le même but n'ont point d'autre forme que le bec de l'avocette; il lui fallait de hauts sup- ports lui permettant d'entrer dans les basses eaux : ses pattes élevées lui donnent la faculté d'explorer les bords du flot où elle ne pourrait nager, de s'engager plus avant que les autres oiseaux dans l'élément liquide. Et quand elle a gagné un fond suffisant pour se mettre à la nage, ses pieds palmés lui ser- vent encore et viennent compléter l'ensemble des avantages dont la nature a doté cet oiseau qu'au premier abord on pour- rait croire si disgracié par elle. Aussi voit-on toujours l'avocette se poser, non sur le sal)le, mais au bord de l'eau , quelquefois dans le flot mourant sur les grèves, plus souvent au bord des rivières à leur embou- chure, et entrer petit à petit dans les eaux à mesure qu'elle épuise les ressources que lui offrent les rives. Toutefois elle ne s'éloigne pas de l'estuaire des fleuves , ni des bords de la mer. Elle ne paraît pas avoir été rencontrée dans les terres, du moins au Nord, comme bien d'autres oi- seaux de passage. LE FLAMANT ROSE. CHAPITRE X FAMILLE DES PHÉNIGOPTÉRIDÉS LE FLAMANT ROSE P/tœnicopterus Roseus. (PalL) Le Flamairt ou pliénicoptère en français, /lamingo en an- glais, est un habitant des pays chauds, auxquels il a em- prunté sa couleur de feu, et qui ne remonte presque jamais au nord. Cependant, comme on le rencontre assez souvent sur les étangs du midi de la France, venant surtout d'Afrique, car il est voyageur, il doit figurer parmi la sauvagine de nos con- trées méridionales. Il est pourtant universellement connu et j'ai penst' qu'il était superflu d'en donner ici une figure, t'ne simple descrip- tion suffira. Très liant monté sur de longues pattes roses, il a le corps un peu plus gros que celui du canard, mais son cou fort long le fait paraître beaucoup plus gros. II est rose-clair avec les cou- vertures des ailes d'un rouge ardent et les grandes pennes noires. Son bec est large et aplati sur le dessus, renflé et creux en forme de pelle à bords saillants en dessous, et fortemeut 246 FAMILLE DES PHÉNICOPTÉRTDÉS. coudé sur le milieu , moitié rouge et moitié noir. L'iris est jaune. La tête est petite , les pattes sont hautes de un mètre en- viron, les pieds sont demi-palmés. La femelle est un peu plus blanche et les jeunes sont gris. Les flamants nichent dans le sud-est de l'Europe et quel- quefois en France, mais très rarement. Leur nid, au milieu des eaux, émerge en forme de cône tronqué au sommet duquel , dans un petit enfoncement, les femelles déposent deux œufs blancs. Je ne parlerai pas, à propos du flamant, des Romains et ne ferai pas un cours de cuisine historique et ancienne. Les dî- ners de Lucullus et d'Apicius où figuraient des plats de lan- gues de phénicoptères ont fait l'objet de trop savantes dissertations pour que je donne ici mon avis sur le mérite culinaire de cet oiseau. J'ai, pour m'abstenir, deux excellentes raisons : La première , c'est que je n'ai jamais mangé de fla- mant, la seconde c'est que ceux qui , plus heureux que moi, ont pu goûter de ce gibier ne m'ont pas fixé sur sa délicatesse, })uisque les uns disent que la chair du flamant est un mets délicieux et que les autres affirment que sa langue seule est mangeable. N'ayant jamais rencontré cet oiseau à l'état sauvage , ne l'ayant observé qu'en captivité et les mœurs des oiseaux cap- tifs n'ayant aucun intérêt ici, je suis, au point de vue de la manière de chasser le flamant, dans l'obligation de con- fesser mon ignorance et de prier mes lecteurs éventuels de me pardonner de ne point leur faire sur ce sujet un exposé dont l'imagination ferait tous les frais, ce qui n'entre nulle- ment dans mes vues et ce qu'on n'attend du reste pas de moi, i 'en suis convaincu. TROISIÈME PARTIE ORDRE DES PALMIPÈDES 249 LES PALMIPÈDES Si les échassiers ont pu, presque tous, figurer parmi les es- pèces composant la sauvagine, tous les palmipèdes doivent y trouver leur place. Les oiseaux qui composent l'ordre des palmipèdes ont tous, sans exception , les pieds plus ou moins palmés. Ils sont bien des oiseaux aquatiques. Les uns ont les trois doigts antérieurs réunis par une mem- brane avec un pouce détaché, rudimentaire ou nul ; les autres ont les doigts simplement lobés, c'est-à-dire séparément pal- més et ressemblant à de longues feuilles d'arbre. Les toti- palmes ont les trois doigts antérieurs et le pouce réunis par la même palmure. Tous ces oiseaux ont le tarse ou cou-de-pied, court et comprimé. Leur bec est ou plat comme celui des canards, ou conique et terminé par un crochet, ou entièrement droit et pointu, mais toujours fort et résistant. Quelques espèces comme les morgules et les macareux l'ont conformé d'une façon spéciale. Parmi les palmipèdes, plusieurs plongent admirablement, d'autres ne plongent })as et ne cherchent leur subsistance que sur les grèves ou à la surface des flots. Quelques espèces sont presque sédentaires en i^'rance, les autres ne font que passer, quelques-unes ne visitent nos cli- mats que jjoussées par les grands froids. Certains des représentants de cet ordre si intéressani [)eii- 250 ORDRE DES PALMIPÈDES. vent voler jour et nuit pendant une semaine entière, d'autres ne peuvent se soutenir qu'un instant dans l'air en rasant la surface de la mer. Les pingouins brachyptères ne réussissent même pas à se mettre à l'essor. Gomme pour les échassiers, une classification raisonnée s'impose donc pour faciliter l'étude des palmipèdes. J'ai choisi celle qui m'a paru la plus pratique et la plus conforme à l'es- prit d'un ouvrage d'ornithologie écrit pour des chasseurs. Bien des auteurs, savants naturalistes, ont comme famille de transition entre les échassiers et les palmipèdes , indiqué celle des totipalmes et commencé par eux leurs études sur les palmipèdes. J'ai cru devoir faire exactement le contraire. Les totipalmes qui ont les quatre doigts réunis par une même membrane et sont par conséquent les oiseaux les plus palmipèdes de tous, me paraissent mieux à leur place à la suite des autres espèces qui n'ont que les trois doigts antérieurs palmés. Les chasseurs comprendront facilement pourquoi j'ai préféré parler des cygnes, des oies et des canards, avant de décrire les cormorans et les fous. Je crois pouvoir ajouter qu'en intervertissant ainsi l'ordre de la classification , interversion sans importance du reste , je serai peut-être approuvé par quelques naturalistes qui ad- mettent que la classification des oiseaux, étant toute conven- tionnelle, peut être appropriée, sans hérésie scientifique , aux ])esoins de ceux qui s'en servent, sans autre prétention que celle d'être compris des lecteurs auxquels ils s'adressent. GROUPE DES LAMELLIROSTRES CHAPITRE PREMIER FAMILLE DES ANATIDÉS Parmi les palmipèdes, ceux qui attirent le plus les convoi- tises du chasseur, ce sont les Lamellirostres. Les Lamellirostres sont ainsi nommés parce qu'ils ont le bec garni sur les bords de dents ou lamelles qui n'existent pas chez les autres oiseaux. Les Lamellirostres, en France, sont représentés parla grande famille des Anatidés ou oiseaux ayant rapport au canard. Cette famille se divise en cinq sous-familles. Les représen- tants des quatre ]:)remières ont le liée plat, ceux de la cin- quième l'ont conique et muni d'un crochet à sa pointe. La première sous-famille comprend les cygnes, la seconde les oies, la troisième les canards proprement dits et les sar- celles, la quatrième les fuligules ou canards à bec plus fm, la cinquième les harles dont le bec est conformé d'une façon particulière, bien que garni de dents, et dont les habitudes (iiifércnl notablement de celles des autres oiseaux de la fa- mille. Tous les anatidés ont les trois doigts antérieurs palmés et un pouce assez peu développé. Quelques espèces nichent en France, les autres n'y sont fpie de passage. FAMILLE DES ANATIDÉS. Sous -famille des Cygniens. LE CYGNE SAUVAGE Cygnus Férus. (Ray.) {Taille, lin. 50 à 1 m. 60) Le cygne sauvage est le magnifique oiseau universellement connu et qu'il est presque superflu de décrire. Tout son plu- mage est blanc pur. Son duvet merveilleux, après avoir servi de parure à un de nos plus gracieux volatiles, sert ensuite à encadrer de charmants visages féminins. Une garniture de cygne, un boa de ces plumes aériennes, je ne connais rien de plus séduisant. Le maie adulte fournit seul ce duvet si recherché. Les jeunes oiseaux sont gris. Le bec du cygne sauvage est noir, épais et surmonté d'une protubérance jaune. Les cygnes domestiques ont cette protu- bérance rougeâtre ou rouge- vif. Les pieds sont noirs. Le cygne sauvage mesure plus d'un mètre et demi de lon- gueur. La femelle a la protubérance plus petite, le cou plus mince, et posée sur l'eau, elle s'y enfonce plus profondément. Le cygne est certes la plus belle pièce de gibier qu'un chas- seur puisse abattre au marais ou en mer. Sa taille, son élégance, la majesté de ses attitudes en font sans conteste le roi de la sauvagine. Royauté de vieille date, célébrée par les poètes des temps les plus reculés. LE CYGiXE SAUVAGE. 2o:i La domesticité ne l'a point abaissé, et, puisque les mœurs (le cet oiseau sont restées les mêmes à l'état d'esclavage qu'à l'étal de nature, je ne puis mieuK faire que d'emprunter ici la plume d'un écrivain, qui, s'il n'a pas étudié les oiseaux dans leur indépendance sauvage, a su, du moins, communiquera la description des mœurs de ceux qu'il observait captifs la magie de son style et la majesté de son talent. Avant de parler de leur nidification voyons donc avec Buffon quelles sont les amours des cygnes. (( Le couple amoureux, dit-il, se prodigue les [)lus douces caresses, et semble chercher dans le plaisir les nuances de la volupté, ils y préludent en entrelaçant leurs cous; ils respirent ainsi l'ivresse d'un long embrassement ; ils se communiquent le feu qui les embrase; et, lorsqu'enfin le maie s'est pleinement satisfait, la femelle brûle encore; elle le suit, l'excite, l'en- flanune de nouveau, et finit par le quitter à regret pour aller éteindre le reste de ses feux en se plongeant dans l'eau. » La femelle couve à terre, sur un nid composé de brindilles et de roseaux, trois à douze œufs verdàtres. Le mâle la relaye de temps en temps; ils n'abandonnent jamais les œufs. Les cygnes couvent au Nord, en Irlande et dans les régions du cercle arctique. Ils sont moins rares en France, au moment des passages, qu'on ne le croit généralement. Il ne se passe pas d'hiver un peu rigoureux sans qu'on les voie assez nombreux à l'embouchure de nos fleuves et de nos rivières. J'en ai souvent rencontré, à l'embouchure de la Seine et à celle de la Risle, qu'ils remontent parfois fort avant dans les terres. Leur vol est rapide et sibilant. In gardien de phare avec lequel je chasse habituelleuient à l'embouchure de la Seine se trouvait dans la lanterne tie son phare, un jour de forte gelée, quand une bande de cinq cygnes vint à passer à quckpies pas 2o4 FAMILLE DES ANATIDES. de lui. « Ils n'étaient pas à vingt mètres , me dit-il, j'ai bien entendu le bruit de leurs ailes, on aurait dit des grelots d'ar- gent! » L'expression était poétique certes , mais le brave homme , plus pratique que rêveur, ne pouvait se consoler de n'avoir pas eu de fusil entre les mains. Il s'est dédommagé quelques jours après : il a tué un cygne à soixante mètres , avec une charge de plomb n° 2 dont un seul grain a cassé net le cou de l'oiseau. Nous avons en France, lors des passages, deux variétés de cygnes. Le cygne ordinaire et le cygne de Bewick plus petit. L'Angleterre, qui ne voit le cygne sauvage que lors de ses apparitions accidentelles, n'a pas voulu que ce magnifique pal- mipède manquât à la collection des oiseaux auxquels ses côtes servent de berceau. N'ayant pas le cygne sauvage, les Anglais ont rendu sauvage le cygne domestique. Ces cygnes, échappés de la civilisation, vivent à l'état de nature dans toute l'étendue de la Grande-Bretagne. Considéré comme oiseau royal, le cygne y jouit d'une im- munité et d'une sécurité complètes. Il est défendu de tirer ces grands oiseaux qui, reconnaissants de cette protection, couvent sur les moors et les marais des Iles Britanniques. Bons à prendre cependant, quand l'hiver ils descendent en France! Plus d'un cygne, tué sur nos côtes, a vu le jour sous l'œil bienveillant d'un lord humanitaire pour les oiseaux. Les Anglais nomment le cygne sauvage wild swan. LE CYGNE DE BEWICK. 255 LE CYGNE DE BE\A;^ICK Cyg7ius Minor. (Keys. et Blas.) {raille, 1 Ml. -25) Le cygne de Bcwick ne se distingne guère du précédent que par sa taille qui est moindre et n'atteint qu'un mètre vingt-cinq environ. Il est tout blanc, avec le bec jaune à la base et seule- ment un peu renflé dans cette partie, au lieu d'avoir un tuber- cule aussi accentué que celui de son congénère le cygne sauvage ordinaire. La pointe en est noire. La femelle a le bec entièrement plat. Les jeunes sont gris. Le mâle adulte prend quelquefois une teinte jaunâtre sur la tète et le cou. On confond souvent ce cygne avec le cygne ordinaire. La différence de taille et le peu de développement des protubé- rances sont les deux particularités qui peuvent servir à faire une distinction entre les deux espèces. Le cygne de Bewick couve en Islande. 2o6 FAMILLE DES ANATIDE5. Sous-famille des Ansériens. LES OIES Kn octol)re, alors que la chasse en plaine tire à sa fin, alors que les feuilles commencent à jaunir et les feux à pétiller dans les cheminées; lorsque les étrangers, comme on appelle au bord de la mer les visiteurs des stations estivales, ont dépouillé leur personnage de chasseurs d'occasion pour redevenir chasseurs d'affaires ou de plaisirs; quand les collégiens échangent le fusil des vacances contre leur pkime de philosophes involontaires, le chasseur d'hiver, lui, se sent pris de cette fièvre qu'on appelle au mois d'août la fiè\TC de l'ouverture, avec cette différence que les émotions qu'il attend seront entremêlées de périls, de peines et de fatigues, qui les rendront plus fortes et donneront au succès un attrait de plus. C'est bien, en effet, une période particulièrement intéres- sante qui va s'ouvrir pour lui; une ouverture de chaque jour pendant de longs mois, dont les longues nuits d'affût ne le cé- deront en rien comme attrait aux jours trop courts de cette saison si ardemment désirée. Les grands migrateurs commencent à s'agiter. Précédées par les petites espèces, qui ont commencé leur évolution dès le mois de juillet, les grandes bandes de sauva- gine sont dans l'air, annonçant, suivant une croyance populaire bien sujette à caution, par leur empressement plus ou moins hâtif, la clémence ou la rigueur de l'hiver qui commence. LES OIES. 237 De toutes les espèces des grands oiseaux qui passent à l'au- tomne du Nord au Midi, les oies sont les premières à se mettre en marche, leur mouvement est certainement un des premiers à se manifester. Une grande partie des bandes d'oies qui passent au-dessus de nos tètes à l'automne se rend en ligne directe au IMidi, sans faire en France de stations prolongées, mais quelques-unes se cantonnent cependant, et tant que la température reste sensi- blement la même, elles rayonnent dans un large espace de pays, sans se fixer nulle part ni s'éloigner tout à fait. Les oies circulent en troupes généralement peu nombreuses , de quinze à vingt individus environ. Elles voyagent le jour et la nuit indistinctement. C'est cependant de préférence la nuit qu'elles s'abattent sur les marais et les champs lorsque les besoins de leur subsistance les forcent à interrompre momenta- nément leur voyage. Tout le monde a vu des bandes d'oies volant en triangle ou suivant une ligne droite; on connaît leur cri, qu'elles poussent constamment, et qui décèle leur passage pendant l'obscurité des nuits. Leur vol est assez rapide elles parcourent en une minute 800 mètres, en une heure 48 kilo- mètres. Chacun sait qu'en temps ordinaire elles passent fort haut, hors de la portée des armes à feu. Pendant le jour, elles se posent quelquefois sur les grands espaces d'eau tranquille, les lacs, les golfes et embouchures des fleuves, d'où elles peuvent voir de très loin et être assurées qu'elles ne seront pas surprises. 11 est à peu près inutile de chercher alors à les approcher. On y parvient cependant quelquefois en bateau , quand après une trop longue étape, elles viennent de s'abattre et ne songent qu'à se reposer. Au mois de novembre dernier, une bande d'oies plus consi- dérable que toutes celles que j'avais vues jusqu'alors vint L\ SAUVAC1^E. 17 2o8 FAMILLE DES ANATIDÊS. se poser un soir à l'embouchure de la Seine. Il y avait là au moins deux cents de ces oiseaux qui faisaient un vacarme épouvantable. La mer était haute et calme. Elles se réunirent en masse compacte et au bout de quelque temps elles devin- rent silencieuses. Le lendemain matin, elles étaient au même endroit, mais la mer avait baissé et c'était sur un banc de sable que se trou- vaient alors les oies, qui, toutes, sauf une ou deux, dormaient profondément. Lorsque la mer remonta, elles se laissèrent petit à petit soulever par le flot et continuèrent leur somme, jusqu'à l'arri- vée d'un grand navire dont l'approche les fit s'enlever. Elles tournoyèrent pendant longtemps, mais toujours hors de portée pour moi, et finirent par se reposer à l'endroit qu'elles avaient quitté. Ce ne fut que vers le soir qu'elles re- prirent leur voyage interrompu par une sieste qui leur aurait été fatale si on avait pu disposer à ce moment d'un canot. Ces oies, qui venaient du large, avaient dû faire une traite consi- dérable, pour passer ainsi une nuit et un jour au même endroit, dans un tel état de torpeur par un temps doux, clairet calme. En hiver, c'est autre chose. Quand la gelée persiste, quand la neige couvre la terre, les oies se débandent, et on finit par les tirer soit isolées soit en petites bandes, un peu partout, sur les bancs et les marais avoisinant la mer. On les trouve le long des rivières, quelquefois dans les roseaux, mais surtout en mer. A l'embouchure des fleuves, au moment du dégel et de la débâcle des glaces, on peut tuer beaucoup d'oies en suivant en canot les digues et les bords du flot. Elles s'aban- donnent au courant sur les glaçons, et se laissent facilement approcher. En temps de dégel, comme tous les autres oiseaux de pas- sage, elles viennent volontiers à terre et c'est alors qu'on peut quelquefois en tuer même à la hutte ou au gabion. LES OIES. 2b9 Les temps de brouillard épais peuvent aussi fournir l'occa- sion de tirer les oies. Elles se perdent dans la brume et ne sachant où se diriger elles se posent parfois ou passent à portée. L'oie étant un gibier très recherché, non à cause de sa chair, qui ne vaut pas grand'chose, mais à cause de la diffi- culté qu'on éprouve à l'approcher et à raison de sa grosseur qui en fait une belle pièce, on a cherché bien des moyens pour parvenir à la tirer à portée. Le meilleur moyen de tuer les oies, c'est de les chasser en bateau quand il fait très froid; on se munit alors d'imc forte canardière qui permet de tirer de loin. A terre, on tue quelques oies au gabion ou à la hutte, mais généralement ces oiseaux très défiants viennent mal aux ap- pelants, et leur présence sur un marais ou un étang peut même empêcher les autres palmipèdes de s'approcher des canards d'appel. Je n'en ai vu tuer au gabion que par les hivers extrême- ment rigoureux et dans des gabions voisins de la mer. Sans parler de la chemise blanche et du bonnet de coton qu'on a préconisés en temps de neige , il est certain que le chasseur vêtu de blanc éveille moins la défiance des oiseaux, et une veste et un pantalon de toile blanche par-dessus les autres vêtements permet souvent, soit sur la neige, soit sur les galets du bord de la mer, d'approcher le gibier à portée ou de se dissimuler suffisamment pour le tirer au passage. On s'est servi aussi de la vache artificielle et du costume américain en jonc, qui permettent au chasseur, soit de pro- fiter de la familiarité des oiseaux avec les bestiaux, soit de marcher avec son al)n. On emploie les filets, dont le plus usité et le plus destructeur est, sans contredit, le hallier ou vol, (ju'on tend verticalement et dans le([uel viennent donner les bandes de sauvagine quand elles passent au ras du Ilot. 260 FAMILLE DES ANATIDÉS. La France ne reçoit guère la visite que des espèces que nous allons passer en revue. Les autres variétés classées parmi les oiseaux d'Eiu'ope ne sauraient figurer parmi la sauvagine de nos contrées. L'OIE CENDRÉE. 2()1 LOIE CENDRÉE Anscr cinereus. (Meyer.) Dans cette espèce, le mâle a la tête et le cou roux-cendré, le front blanchâtre, l'iris brun-foncé, les paupières jaune-rouge. Le dos est brun-cendré, avec des lignes transver- sales blanches, la queue est blanche et brune , le ventre blanc, la poitrine grise, les ailes sont L'Oie cendrée. (Taille, 0"'.80) ])run-cendré, avec les plumes bordées de blanc aux couver- 262 FAMILLE DES ANATIDES. lures, les grandes pennes sont noires, bordées de blanc. Le bec est jaune-orange, les pieds sont jaune-rouge. La femelle est plus grise et un peu plus petite. L'oie cendrée est celle qui a donné naissance à notre race d'oies domestiques. A l'état sauvage, elle habite l'Europe tempérée, vers l'Est principalement. Elle couve aux mois de mars, avril, et mai, en Russie, en Allemagne, et aussi en Angleterre où on l'appelle grey-lag- Qoose. Son nid est situé dans les osiers ou le gazon, et est com- posé de roseaux et de duvet. Il contient de cinq à douze œufs blanc jaunâtre, quelquefois mouchetés. C'est l'oie cendrée qui est la plus répandue sur les bords de la mer. Pendant les grands froids on la trouve à l'embouchure dos fleuves et on la chasse ainsi que je l'ai indiqué en par- lant des oies en général. L'OIE DES MOISSONS. 263 L'OIE DES MOISSONS OU L'OIE SAUVAGE VULGAIRE Aihser Sylvestris. (Briss.) Cette oie est l'oie sauvage proprement dite, l'oie vulgaire (les moissons, celle qui s'arrête la nuit dans les champs de toutes les parties de notre territoire, sans se cantonner spécia- lement aux bords de la mer. Le maie a la tète et le cou brun cen- dré clair, le des- sus du corps de môme couleur. L'oie des moissons. {Taille. 0"'.8:i) avec quelques plumes bordées de blanc. La queue est noi- râtre, terminée de blanc, le bas du ventre blanc, la poitrine gris-clair, avec les cotés et les lianes brunâtres. Les ailes sont 264 FAMILLE DES ANxVTIDÉS. gris-cendré bordées de blanc, les rémiges noires. Le bec est jaune-orange, avec du noir à la base et l'extrémité, les pieds sont rouge-orange. L'iris est brun. La femelle ressemble au mâle, mais est plus petite, les jeunes sont plus bruns. L'oie des moissons couve au Nord, dans les terrains maré- cageux, elle pond une douzaine d'œufs, d'un blanc sale. Les Anglais la nomment beau goose. L'OIE RIEUSE. 2Go L'OIE RIEUSE Anser Albifrons. (Bechst.) L'oie rieuse est aussi appelée traduction de son nom L'Oie rieuse. (Taille, 0"'.-3) front et tout le tour du hçc l)laiic pur, Ijordé d'une J^ande Itrun-foncé. Le dessus du corps est brunâtre, la queue blanche 266 FAMILLE DES ANATIDES. et noire, le ventre blanc, la poitrine grise, ondée de plaques noires plus accentuées vers les flancs. Les ailes sont brun- roux aux couvertures, noires à l'extrémité; le bec est jaune-orange à la base, noirâtre à la pointe, avec l'onglet blanc. Les pattes sont jaune-orange, l'iris est brun. Les femelles sont plus petites et de couleur plus claire que les mâles. L'oie rieuse niche au Nord et pond une douzaine d'œufs blancs. Son cri , plus moqueur que celui de ses congénères , sans toutefois ressembler beaucoup à un éclat de rire, lui a valu son nom. Elle se rencontre en France, en hiver, et fréquente, comme l'oie cendrée, les bords de la mer. On la trouve quelquefois en baie de Somme. L'OIE A BEC COURT. 267 L'OIE A BEC COURT Anser Brac/ujrhynchus. (Baill.) Celte oie ressemble à l'oie des moissons , mais sa taille est moindre et elle a le bec notablement plus court. Ce bec est noir, avec un peu de jaune seulement vers la pointe. La tête et le cou sont bruns , le bas du L'Oie à bec court. (Taille, O'".cro cou est gris-roux, le dos brun-gris, nuancé de blanc, la queue est noire ol blanclie, le ventre est blanc. Les lianes sont In-uns, nues de blanc, la poitrine est grise. Les ailes ont les couver- 268 FAMILLE DES ANATIDES. tures grises et les rémiges noires. Les pieds sont rougeâtres. L'oie à bec court n'est pas commune en France où on ne l'a guère rencontrée que sur les côtes nord. Il est cependant certain qu'elle y fait encore des appari- tions accidentelles, mais on la confond probablement avec l'oie vulgaire. Tous les chasseurs ne peuvent posséder l'es- prit d'observation de Bâillon qui a été le premier à décrire cette oie et à la distinguer de l'oie ordinaire. L'OIE NA1^E. 269 L'OIE NAINE Anscr Erythrojms. (Newton.) {Taille, 0 m. 55) L'oie naine ressemble à l'oie rieuse ou à front blanc, mais elle est plus petite et son bec est plus court, de couleur chair blanchâtre. Cette oie, très rare en France, habite le Nord qu'elle ne paraît quitter que pendant les hivers très rigoureux. Comme l'oie à front blanc, elle a un bandeau de cette couleur au-dessus du bec. Ce bandeau va rejoindre les yeux et est par conséquent plus développe que celui de l'oie rieuse. La tête est grise, l'iris brun, le dessus du corj)s brun-gris, la queue noire et blanche, le ventre blanc, la poitrine gris- brun, nuancée de noir et de roux vers les flancs; les ailes sont grises aux couvertures, brunes bordées de blanchâtre aux rémiges. Les pieds sont couleur chair livide. 270 FAMILLE DES ANATIDÉS. LA BERNACHE NONETTE Bernicla Leucopsis. (Boie). Quelques auteurs cynégétiques ont classé par confusion les bernaches parmi les canards. C'est certainement là une erreur que la vue de l'oiseau suffit à dissiper; les bernaches ont bien toutes les appa- rences des oies , quelques chasseurs plus La Bernache nonette. {Taille, O'".6o) avisés les nomment ouettes ou petites oies. Nous voyons régulièrement en France deux espèces de LA BERNACHE NONETTE. 271 bernaches : la bernache nonette et la bernache cravant. Une autre espèce, la bernache du Canada [Bernida canadien sis), qui est reconnaissable à sa taille plus forte et à une bande blanche qui lui entoure le cou, est originaire de l'Amérique et a fait en France quelques apparitions accidentelles. Je ne la mentionnerai donc que pour mémoire , ne retenant ici que les deux espèces que j'ai citées. La bernache nonette, qu'on confond souvent avec le cra- vant, à laquelle on donne même ce dernier nom avec celui alouette et de religieuse, se rapproche cependant plus par son aspect de l'oie que du cravant. Les bernaches nonettes présentent des variétés de taille assez sensibles, sans cependant atteindre la grosseur des oies rieuses ou cendrées. Le mâle a le bec beaucoup plus court que les oies, de cou- leur noire, les pieds noirs et les jambes très hautes. La tête est noire, avec le front, les joues et la gorge blanchâtres. L'iris est noir. Le cou et le haut de la poitrine sont d'un noir pro- fond, le dos est gris cendré, le ventre et le bas de la poitrine sont blanc sale. Les ailes ont les couvertures grises, terminées de noir et les grandes pennes noires. Les femelles sont plus petites et les jeunes sont d'une cou- leur générale plus foncée. La bernache nonette niche au nord, ses œufs sont d'un i)lanc jaunâtre ou verdâtre. Les bernaches nonettes passent l'hiver dans nos pays. Elles arrivent du nord en octobre, et sont très nombreuses sur les côtes de l'Océan où on les chasse surtout en bateau. On en tue cependant quelques-unes sur les cotes de la Manche dans les huttes disposées au bord de la mer. Cet oiseau doit son nom scientifique et celui que lui don- nent les Anglais heniaclc goose à une vieille légende qui vou- lait que les bernaches naquissent spontanément sur des co- 272 FAMILLE DES ANATIDES. quillages, les bernicles ou conques anatifères. Comme on ne voyait jamais ces oiseaux quitter la mer, on en avait conclu qu'elles ne pouvaient nicher à terre comme les autres volatiles et on avait inventé le système de la génération spontanée, nous savons maintenant où et comment se propagent les ber- naches. Cette légende s'appliquait aussi à l'espèce suivante et aux macreuses. LA BERNACHE GRAVANT. 273 LA BERNACHE GRAVANT Berni'cla Brenta. (Steph.) La l)cniache cravant est un peu plus grosse que le canard, mais (l'une taille inférieure à celle de la bernache nonette. Haut montée sur pattes, elle a les pieds juY^,i.^_^'''^^ I.a Ficrnaclic crn\am. (Tdilli; 0"'.CO) d'un l)L'aii noir d'éi)ène, le bec pelil , courl cl de la nirme couleur que les pieds. Sa tète est noire, sou cou loni;, mince, brun noir, cliiué i.\ s,vlvacin:î. jîj 274 FAMILLE DES ANATIDÉS. de blanc, et coupé vers le bas par une bande blanche qui n'est pas très nettement dessinée. Le dos est gris brun, la qaeue brune en dessus, blanche en dessous, le ventre est gris foncé marqué de noir, la poitrine est d'un beau gris qui prend souvent une teinte ardoisée. Les ailes sont brunes et noires, marquées de blanc. L'iris est noir. La femelle est plus petite, les jeunes n'ont pas de tache blanche au haut de la poitrine. L'aspect général de l'oiseau est très sombre, ce qui lui a valu le nom de religieuse qui n'est pas caractéristique puisqu'on l'a donné à la bernache nonette et à beaucoup d'autres oiseaux. Un surnom qui lui convient mieux c'est celui qu'on lui ap- plique sur les côtes de la Manche oii on l'appelle mangeuse de varech. Cette appellation est assez fondée, j'ai tué une ber- nache cravant qui avait encore dans le bec une longue tige de varech . On la nomme aussi ouette, les Anglais la désignent sous le nom de hrent goose. Elle niche au nord et dépose sur les lieux voisins de la mer une dizaine d'œufs blancs. L'oie cravant n'a pas les mêmes habitudes que les oies sau- vages; elle paraît s'isoler plus volontiers, et par les grands froids il n'est pas rare de la trouver seule sur les grèves et de la surprendre i)osée, pâturant dans les galets ou les rochers, recouverts de varech et autres plantes marines. Les oies cra- vant tiennent volontiers la mer et ne s'enfoncent guère dans les terres, elles ne sont pas très farouches, j'en ai approché quelques-unes à portée, en terrain plat. Cependant ces oiseaux, qui au début sont loin d'avoir la même sauvagerie que les oies vulgaires , deviennent aussi , quand ils ont été tirés, fort difficiles à atteindre. La chair des ouettes n'est pas fameuse ; celle des oies cra- vant est huileuse et assez coriace. LA BERXâCHE a cou ROUX. 275 LA BERNACHE A COU ROUX Beniicla rufîcollis. (Boie.) {Taille, O^.ôô) La ])ernache à cou roux ne fréquente pas nos pays d'une façon régulière comme la bernache nonettc et le cravant. Elle habite surtout l'est de l'Europe. On Fa rencontrée cependant en France et même en Angle- terre où elle porte le nom de red breasted goose. Plus petite que le cravant, cette oie a la tête et le dessus du corps noirs, avec un peu de blanc entre les yeux qui ont l'iris brun clair. La queue est l)lanche, le bas-ventre est delà même couleur. Le \ entre et les flancs sont noirs, le dessous du cou et la poi- trine roux-vif avec un ceinturon blanc qui remonte jusqu'au dos. La sorue est noire. Les ailes sont noires avec un miroir blanc. Le bec est brun, les pieds sont noirs. La bernache à cou roux niche au nord-ost de l'Europe. Ses œufs sont blancs. 276 FAMILLE DES ANATIDÉS. L'OIE D'EGYPTE Chenalopex Mgypliaca. (Sleph.) [Taille, 0'".r;5 à 70) Un peu plus grande que l'oie cravant, originaire de l'Afrique et designée aussi sous le nom d'oie du Nil, cette espèce ne fait en France que de rares visites. Elle tient le milieu entre les oies et les canards, les tadornes notamment, auxquels elle se rapporte comme formes générales. On Fa appelée aussi oie-renard de même qu'on donnait au tadorne la qualification de canard-renard. L'oie d'Egypte a la tête et le cou d'un blanc ocreux, le front et le tour des yeux de teinte marron, le cou roux, le haut du dos de la même couleur ou plutôt marron-clair finement rayé de noir, le bas du dos brun, avec la queue noire et brune, le ventre blanchâtre. La poitrine et les flancs sont jaunâtres, striés de l)run, avec une large tache marron sur le haut de la poi- trine. Les ailes sont blanches et ont une sorte de miroir noir. Les grandes pennes sont brunes et rousses, noires à l'extrémité. Le bec et les pieds sont rougeâtres, l'iris est rouge orange. Cette oie fait deux pontes par an, en mars et septembre. Ses œufs sont blanc-jaunâtre ou verdâtre. En somme, Foie d'Egypte est en France un oiseau de ren- contre, un égaré. Elle n'a été tuée que par les favorisés du sort et je n'ai pas été du nombre. LES CANARDS. 277 Sous-famille des Anatiens. LES CANARDS Ce qui va suivre s'applique aussi bien aux Fuliguliens qui ne sont qu'une variété des canards, qu'aux canards proprement dits, ou Anatiens. De toutes les espèces qui composent la sauvagine, c'est certainement celle des canards qui intéresse le plus le chasseur qui tient à la valeur de la pièce qu'il convoite. La bécassine est le gibier des chasseurs « artistes », le canard est celui des chasseurs rustiques et pratiques. S'il est vrai que, pour les paysans, celui qui n'a tué que des perdrix et pas de lièvres, est regardé comme revenant presque bredouille, on peut dire aussi que, sur les marais, celui qui ne rapporte pas de canards est considéré comme ayant fait une triste chasse. J'ai même connu des chasseurs qui, passionnés pour ce gibier un peu (( bourgeois », appelaient menu fretin tout ce qui n'avait pas le bec plat et les [)icds palmés. Ils regardaient avec indifle- rence les bécassines, ne comprenant pas qu'on put pousser l'amour de l'art jusqu'à dédaigner un beau col- vert pour d'aussi petites pièces. En iNormandie surtout, où l'intérêt joue toujours un rôle, il m'est arrivé quelquefois de voir un chasseur, ayant tué une douzaine de bécassines, passer pour un malheureux, digne de pitié, i)arce (|ue i'uu de ses compagnons avait dans son carnier un canard quelconque, fusillé au posé ou j)ris i)lessé par son chien. C'est une affaire de volume et de poids et non une (juestion d'adresse. C'est aussi une allaire d'argent. 278 FAMILLE DES ANATIDÉS. Un canard se vend relativement assez cher, tandis qu'une sourde, cela ne vaut pas la charge de plomb. Quoi qu'il en soit, il est certain que les canards, source de richesse pour les pays qu'ils visitent, forment le fond de la chasse au marais, en. rivière et en mer. Tous sont plus ou moins comestibles et leur poursuite demande des aptitudes spéciales; elle offre aussi beaucoup de surprises et d'imprévu. La France reçoit la visite de vingt-quatre espèces de ca- nards en y comprenant les canards proprement dits, les fuli- gules et les harles. Les femelles de toutes les variétés de canards diffèrent presque toujours, comme coloration, du mâle. Elles ont les couleurs plus foncées et plus uniformes. Les jeunes ressemblent plus aux femelles qu'aux mâles. Quelques espèces nichent en France, les autres ne font qu'y passer. Mais, à part la chasse aux halbrans, qui a lieu en juillet, et dont nous parlerons plus tard, c'est pendant l'hiver et par les grands froids que le chasseur de canards peut es- pérer faire de fructueuses rencontres. Quand il gèle, quand la neige couvre la terre, et au mo- ment du dégel, le canard remue, « mouve », suivant l'expres- sion pittoresque, il est en mouvement. Les besoins de sa sub- sistance, le désir de trouver de l'eau claire, lui font oublier sa prudence habituelle et il abandonne les grands espaces cou- verts d'eau, où il se tient d'ordinaire, pour venir, même en plein jour, s'abattre sur les grèves ou les marais, sur les moindres ruisseaux. La chasse du canard sauvage est devenue une vraie science, une étude stratégique. On fait à ces oiseaux les honneurs de l'artillerie. Ne sont-elles point en effet de véritables canons, ces canardières de gros calibre disposées à l'avant de bateaux armés en guerre, ou montées sur pivot dans ces forteresses que sont les gabions modernes? Il faut avouer que le résultat ne dément point souvent les LES CANARDS. 279 espérances de ceux qui s'entourent de cet attirail Ijelliqueux. De véritables hécatombes viennent parfois récompenser ceux qui ne craignent pas leur peine et n'épargnent point la dé- pense. Je n'ai pas la prétention, ne voulant pas faire un traité de chasse, de décrire tous les moyens inventés par les hommes pour s'emparer des canards. Je ne parlerai point des filets, du becquet, du hallicr, grand filet qu'on tend verticalement à la limite du flot, de la canar- dcrie de Hollande, vaste entonnoir où s'enfoncent des voliers entiers, conduits par des traîtres; je ne dirai rien des pièges, de l'hameçon amorcé de grain, du lacet avec trois brins tordus disposé dans les marais, de la glanée, planchette garnie de blé enfilé à des hameçons ou recouverte de collets de laiton. Je mentionnerai seulement comme originale la chasse à la cale- basse. Étant au collège, tout jeune, j'avais six ans, je me suis vu décerner le prix de lecture, récompense que j'ai peut-être méritée, depuis. Dans ce livre, un des rares volumes qui, offerts à la jeunesse, aient quelque intérêt scientifique, et qui était intitulé : Quinze jours au bord de la mer, je me souviens d'avoir lu que les Chinois, pour s'emparer des canards, entrent dans l'eau jusqu'au menton, la tête couverte d'une calebasse, et s'approchant ainsi des oiseaux sans défiance, leur font faire le plongeon, en les saisissant par les pattes, et leur tordent le cou. J'ai lu ailleurs, que les Lapons, au moment de la nuie, tuent à coups de bâton les canards qui , privés de leurs grandes pennes, ne peuvent plus voler. Dans Mayne-Reid, ce naturahsle de l'enfimcc, j'ai vu aussi (jue les Indiens, pour s'emparer des canards, se couvrent la tête d'une peau de cygne et parviennent ainsi à la nage au milieu des bandes de vingeons ou autres palmipèdes dont ils tordent le cou sous l'eau. En Amérique, il parail que les chas- seurs se servent d'un chien pour attirer les canards qui le prenneiil pour ini renard; je crois qu'en France on a aussi 280 FAMILLE DES ANATIDÉS. pratiqué ou du moins essayé ce mode de chasse qu'on nomme le badinage. — J'en passe et des meilleurs... Je me contenterai aujourd'hui de parler très rapidement, leur étude approfondie pouvant défrayer un volume plus con- sidérable que celui que je me propose d'écrire, des genres de chasse les plus courants, et, disons-le, les plus pratiques, employés pour s'emparer des canards, quelle que soit Fespèce à laquelle ils appartiennent. Pourquoi , dira-t-on peut-être (on me l'a déjà dit) , ne pas traiter ce sujet à fond? Le motif de mon abstention est bien simple. Ce n'est pas dans les livres qu'on apprend à chasser. Les novices trouveront de bien meilleures leçons auprès des professionnels de la chasse aux canards que dans le traité que je pourrais faire, d'un autre côté, les chasseurs de pro- fession auraient peut-être à m'apprendre bien des choses que j'ignore et je crois devoir rester dans le rôle que je me suis assigné en essayant simplement de leur être utile, aux uns et aux autres, en leur permettant seulement de désigner scienti- fiquement les espèces qu'ils ne savent pas toujours reconnaître, au lieu de leur donner des conseils pratiques dont ils n'ont que faire. Je ne suis pas un théoricien, j'ai beaucoup prati- qué et chassé plus que beaucoup d'autres , mais je ne me crois pas en mesure de donner des leçons à ceux desquels je pourrais probablement en recevoir. Les cinq genres de chasse les plus usités pour les canards sont : la chasse devant soi, au chien d'arrêt ou sans chien, la chasse à la volée, la chasse en mer, la chasse au hutteau, et la chasse au gabion. A part la chasse aux halbrans dont je parlerai ultérieure- ment, (a chasse au canard sauvage devant soi, n'est pas une chasse particulière, on tire les canards qu'on rencontre, on ne peut guère les chercher à l'exclusion de tout autre gibier. En chassant au chien d'arrêt, au marais, on lève une variété LES CANARDS. 281 infinie d'oiseau\, et le canard peut y figurer, mais on ne chasse pas spécialement le canard. Disons seulement que les endroits où on peut espérer en trouver un, sont les fossés garnis de ro- seaux, les flaques d'eau, les « banques » ou déclivités formées par la mer au bord des bancs , les rivières , puis tout le ma- rais, ou le rivage, car on peut voir un volier arriver de loin, surtout en temps de gelée, et passer à portée. Dans les ro- seaux, le long des fossés, le canard part de très près. Si on chasse les autres espèces composant la sauvagine et si on dis- pose d'un coup chargé de plomb \f 8, comme c'est alors la règle, cette charge suffit, au départ, pour foudroyer un ca- nard; le second coup chargé de plus gros plondi sert, en tout cas, de réserve. J'ai tué des canards à l'arrêt de mes chiens avec du n° 10. Si, au contraire, on remonte le cours des ri- vières (et, quand il gèle, c'est ce qu'il faut faire), on peut charger son fusil avec deux coups de n" 4. Les rivières, les ruisseaux et les sources, quand le temps est à la gelée et à la neige, sont les stations préférées des ca- nards. C'est là qu'on doit les chercher. En chassant devant soi dans les marais, on tombe souvent sur des canards « piqués » au gabion. Ce sont des oiseaux qui ont reçu du plomb mais qui peuvent néanmoins voler, sans toutefois avoir réussi à suivre leur bande. S'ils ne peuvent voler, les chiens les prennent; s'ils ont assez de force pour s'enlever, le coup de fusil est facile. Au retour, les canards appariés dont le compagnon a été tué à la hutte, restent sur le marais et sont bons à prendre pour celui qui bat la prairie. Jc ne saurais donner ici de conseils pour tirer toutes les es- pèces. Elles s'envolent de façon dilférente suivant leurs varié- tés. Disons seulement que le canard franc, montant perpen- diculairement, avant de suivre une ligne droite, il ne faut pas se presser et le tirer un peu en dessus. 282 FAMILLE DES AA'ATIDÉS. Quand il fait « dur » c'est-à-dire quand le vent souffle vio- lemment en tempête et qu'il gèle très fort, les canards, au bord de la mer, passent à la lame, on peut alors les tirer du rivage. Mais l'aide d'un chien ne craignant pas d'affronter l'eau glacée et les vagues est indispensable. C'est pendant ces journées de froid intense qu'on rencontre le plus d'imprévu : les harles, les eiders eux-mêmes, approchent des côtes et viennent donner au chasseur endurci l'occasion de faire des coups de fusil qui comptent dans la vie d'un disciple de saint Hubert. La chasse à la volée ou à la passée demande aussi quelque endurance : le matin et le soir, au crépuscule, les canards vont des marais à la mer et de la mer aux marais. Ils suivent presque toujours, bec au vent toutefois, la même ligne. On va donc s'embusquer, avant la tombée de la nuit ou à l'aurore, aux endroits où on présume qu'ils vont passer et on les tire un peu à l'aveuglette. C'est surtout quand il fait très froid que cette chasse peut réussir. On est prévenu de leur arrivée par le sifflement de leurs ailes et la plupart du temps, on tire « dans le bruit ». 11 faut attendre qu'ils soient passés pour envoyer le coup de fusil, on n'est averti du succès que par la chute des corps sur le sol qui se perçoit assez aisément. Mais un chien, rapportant bien, rend alors de grands services . Cette chasse dure un quart d'heure à peine, elle n'est que le complément d'une journée bien remplie. Pendant les temps de grand passage , il n'est pas rare d'entendre autour de soi une cinquantaine de coups de fusil en quelques minutes, car les riverains qui ont négligé la chasse pendant la journée ne man- quent pas de venir en foule le soir à la volée. La chasse en mer est, avec la chasse au gabion, celle qui procure les meilleurs résultats. Elle se pratique surtout dans les baies, à l'embouchure des LES CANARDS. 283 fleuves. C'est en effet dans l'estuaire des coiu's d'eau que se tiennent le plus volontiers les canards soit en temps ordi- naire, soit par les temps de froid rigoureux. Les oies, pendant les grands hivers, y stationnent de préférence. A cette chasse, on rencontre des individus appartenant à toutes les classes de la société « des cliasseurs » . Dans un mi- sérable c( rafiot », petit bateau plat, sans quille, armé d'un fusil à baguette, qu'on hésiterait à décharger sans faire au préalable un testament en règle, le miséreux, le braconnier de mer, cherche à prendre sa part du butin qu'offre aux chasseurs la migration des palmipèdes. A côté, dans une barque solide, le marin, chasseur de profession, a abandonné la pêche pour la chasse à la sauvagine. Plus loin, de lourdes détonations, partant d'un yacht gracieux, sonnent le glas de bandes entières de canards et de sarcelles, mitraillées par de véritables canons. La chasse en mer, comme la chasse au gabion, a ses adeptes parmi les riches et les pauvres et tel qui se pavane dans un cotre élégant pendant le jour, se retrouvera, la nuit, conforta- blement installé dans une hutte aménagée avec le dernier luxe, voisin de l'occupant du pauvre canot, grelottant dans le vieux tonneau qui lui sert de gabion. Pour les chasseurs de moyenne envergure , un yacht n'est pas nécessaire pour faire de fructueuses chasses en mer. Une bonne embarcation, conduite par un marin expérimenté, cela suffit. Comme armes, un canardier à main, cal. 8, et un bon fusil double, cal. 12, peuvent faire face à toutes les éventualités. Si toutefois vous pouvez vous procurer un bateau où vous puissiez disposer une canardière à pivot, cal. i, vous aurez l'occasion de tirer bien des bandes que vous verriez, sans son aide, s'envoler indemnes. Si vous adoptez ce calibre, choisissez une arme ne basculant pas, un fusil du système Gras ou à tabatière. La bascule, pour les fusils fixés à l'avanl du bateau, est in- •284 FAMILLE DES ANATIDÉS. commode et expose le canon à tremper dans l'eau s'il y a du tangage. En mer, on doit tirer les pièces isolées et à portée avec un fusil ordinaire, en les visant en plein; dans les bandes, il faut tirer en dessus avec la canadière, en haussant sensiblement le coup à mesure que la distance est plus grande. A quatre-vingts mètres, il faut viser un mètre au moins en dessus. On doit toujours se servir de très gros plomb. Un canot à voiles est préférable, le gibier paraissant s'effrayer davantage du bruit des rames ou de celui de l'hélice. Je n'ai pas de conseils à donner en ce qui touche l'approche du gibier. C'est une affaire d'à-propos. Je dirai seulement à ceux qui affronteront la mer, soit en temps douteux, soit en temps de dégel quand la mer charrie des glaçons, d'être pru- dents. J'ai fait naufrage deux fois. Cela m'a rendu fort circons- pect. Si vous n'avez pas de bateau à vous, avec des marins très sûrs, ne vous confiez pas au premier venu. La chasse au hutteau peut être considérée comme la chasse de jour au gabion. Quand il fait grand froid, le chasseur creuse au bord de la mer un trou dans lequel il se blottit. Devant lui, sont piqués des canards d'appel. Les bandes qui passent s'abattent quel- quefois au milieu des appelants. Mais c'est une chasse pénible. Le froid aux pieds, l'inaction, l'humidité font de cet affût un sport très dur. J'ai pourtant vu sur les bancs de Quillebeuf, par un temps de gelée tel que la Seine était prise, un marin rester une nuit entière dans un trou aménagé au bord de l'eau, avec une mauvaise couverture sur les pieds. Il a tué plusieurs oies cette nuit-là, mais, le matin, il était à demi-mort. Au hutteau, on ne tue pas seulement, le jour, des canards, on peut aussi tirer des courlis et d'autres échassiers. Générale- ment on dispose le hutteau au bord d'une crique. Quand le terrain s'y prête, quand la berge est couverte de galets for- LES CANARDS. 28a niant talus, on peut s'embusquer derrière cet affût naturel et, à l'abri du vent et de l'humidité, attendre, sans trop souffrir, le passage des canards, mais on les tire alors en contre-bas et le coup dans les bandes est moins rémunérateur. La chasse an gabion est la chasse classique du canard. Il n'est pas de modeste riverain d'un marais qui n'ait son gabion, construit avec plus ou moins de confortable. IMais quel que soit le degré de hixc ou de misère qui ait présidé à l'amé- nagement de cette hutte, elle procure à ses occupants des plaisirs proportionnés à leurs ambitions. « Faire une bonne nuit », c'est pour les uns, tuer une demi-douzaine de pièces dans les belles passées, pour les autres, c'est pouvoir aligner le matin au moins une vingtaine de canards. 11 y a beaucoup de variétés de huttes ou gabions. Les plus modestes sont tout simplement formés de branches flexibles, recourbées en arc, garnies de paille et recouvertes de gazon. Le fond du gabion, c'est le sol, dissimulé sous une ijotte de paille ou une couverture. Des trous sont disposés sur les côtés de cette charpente rustique et servent de meurtrières. Ce genre de gabion tend à disparaître. D'autres sont aménagés dans une vieille futaille, un vieux tonneau à moitié enfoncé dans le sol. Une ouverture est en- taillée à la partie supérieure pour permettre au gabionneur de s'y glisser. Ce sont de vraies niches à chien, mais l'amour de la chasse ne fait-il [)as souvent perdre à l'homme toute sa dignité? Le gabion le plus pratique, c'est celui en usage en Picardie et en Normandie. C'est une sorte de grande caisse en bois, garnie de zinc à sa partie inférieure pour éviter l'humidité. Elle est enfouie sous terre et ne laisse dépasser à la surface du haut bord ou du monticule dans lequel elle est enchâssée que son toit, qui est goudronné et recouvert de gazon et un petit espace en dessous 286 FAMILLE DES ANATIDES. qui sert à placer les meurtrières. Les meurtrières ou guignettes sont de petits trous carrés, garnis d'une planchette à glissière qui les dégage ou les ferme à volonté. De loin, ces gabions sont invisibles. On y circule, sinon debout, du moins courbé en deux, on y tient à l'aise à deux ou trois et on peut y dormir, y causer assis, même y souper commodément. Sur les bancs où la mer peut monter, on a disposé ces ga- bions de façon à pouvoir flotter. Leur forme n'est pas alors carrée. Tout le fond est légère- ment arqué en forme de dessous de barque sans quille. Ils sont de la longueur d'un homme, assez larges pour abriter deux guetteurs. Mais comme il faut qu'on y puisse demeurer assis, toute la partie du gabion où on doit se tenir est surélevée et forme une espèce de petite tour carrée et basse dans laquelle peut se mouvoir le haut du corps des gabionneurs. Leurs jambes sont au contraire étendues dans l'espèce de boîte oblongue qui forme la partie inférieure du gabion. Dans la cloison supérieure, qui part du milieu de cette boîte et qui se présente en face de la poitrine de l'homme assis, sont percées les meurtrières. Cette petite tour carrée sort seule de la terre, le reste est caché sous le sol, dans une grande cavité. Quand la mer monte par hasard assez haut pour arriver au gabion, elle emplit le trou et met à flot la hutte qui est retenue par une forte chaîne. Je n'aime pas ce genre de gabion, on y est mal couché, mal assis et peu à l'aise pour tirer. La simple caisse flottante carrée me plaît mieux. Mais sur les bancs, presque tous les gabions sont ainsi disposés. Leur grand avantage, c'est d'être facilement transportables. Pour les chasseurs qui ne tiennent pas à aller poser leur gabion à la limite du flot, ou pour ceux qui ga- bionnent sur les marais proprement dits, je crois que la grande hutte en planches, enfouie dans le sol, recouverte de gazon LES CANARDS. 287 et dans laquelle on pénètre par une tabatière située sur le toit esl le modèle de gabion le plus avantageux. Je parle, bien entendu, pour les chasseurs rustiques, ceux qui ne craignent pas de coucher tout habillés sur une pail- lasse. Je ne m'adresse pas à ceux qui font construire sous terre de véritables garçonnières où rien ne manque, ni le salon, ni la chambre à coucher, ni la cuisine. Je connais des gabions qui ont même une cave renfermant les vins des meilleurs crus et dans laquelle est disposé un calorifère. On y soupe royalement, on y dort moelleusement et on y tue quelquefois beaucoup de gibier et toujours le temps d'une façon agréable. 3Iais ce n'est plus là de la chasse. Revenons à notre gabion d'autrefois, rendu cependant aussi confortable que le permettent les exigences de cette chasse qui, il faut bien le dire, ne passionne que les endurcis et que ceux qui en ont essayé. Si l'aménagement du gabion demande à être soigné pour le bien-être du chasseur, celui de la mare ne réclame pas moins de soins. C'est de lui que dépend le succès. Chacun sait que le gabionneur, caché dans sa hutte, a devant lui une certaine étendue d'eau sur laquelle sont piqués les canes d'appel et dont la surface miroitante recevra la visite des bandes de canards sauvages attirés par les cris des appelants et par le désir de se poser sur de l'eau claire. Beaucoup de gabions sont disposés au bord d'un étang ou d'une pièce d'eau naturelle. Je ne parlerai donc point de ceux- là. Je (lirai toutefois que je crois préférable de construire le gabion sur un des bords et non au milieu de l'eau. Mais, sur les bancs, sur les marais, le gabionneur doit lui- même créer sa mare. Sm* les bancs d'alluviou, les mares doivent être creu- sées. Le terrain est plat. On enlève donc, dès le mois d'août, 288 FAMILLE DES ANATIDÉS. une certaine quantité de terre et on forme ainsi une cavité dans laquelle peut séjourner l'eau. On garnit les bords avec la terre enlevée sur le milieu. Les mares, sur les bancs, sont générale- ment de médiocre étendue, rondes ou à peu près, avec un dia- mètre ne dépassant pas souvent cinquante mètres. Sur les marais, les mares sont préparées par la disposition des lieux. En hiver, chaque prairie, entourée de hauts bords, surplombant les fossés et le sol, devient une mare naturelle dans laquelle on amène l'eau. La seule obligation imposée au propriétaire de la hutte, c'est de faucher au ras du sol l'herbe de regain et de l'entretenir sous l'eau aussi courte que possible. La prairie inondée devient ainsi une mare carrée ou à peu près, suivant la hauteur de l'eau qui y séjourne. Le ga- bion lui-même est enfoui dans le haut bord qui l'entoure. Quand le pré se trouve à proximité d'un petit cours d'eau, on peut s'arranger de façon à avoir toujours de l'eau courante; quand il gèle, cette eau ne se prend pas en entier et laisse au milieu de la glace des trous sombres d'eau vive qui sont excel- lents pour attirer le canard. Certains gabions peuvent être arrangés de façon à pouvoir commander deux prairies inondées à la fois, deux mares, l'une devant, l'autre derrière, ils se trouvent à cheval sur le fossé de séparation. C'est là un perfectionnement précieux. En effet, suivant la direction du vent, le gibier tombera plus facilement dans l'une ou l'autre des mares, suivant que le gabion sera en dessus ou en dessous du vent, et celui-ci n'aura pas le désavan- tage, comme les huttes situées au milieu des étangs, d'éveiller la défiance du gibier qui se méfie souvent d'un îlot au milieu d'une pièce d'eau. Nous sommes en possession d'un gabion relativement con- fortable, d'une mare convenable, il nous reste à nous occuper des appelants. Comme pour le reste, il me serait facile de rappeler longue- LES CANARDS. 289 ment, tout ce qu'on a dit sur ce chapitre. Je serai encore très bref et ne dirai absolument que ce que j'ai vu faire et pratiqué moi-même. Il paraît qu'il existe des canards d'appel dressés, qui vont, en liberté, racoler les bandes qui passent. Je crois que le fait est exact, mais comme je ne me suis jamais trouvé à même de me servir de ces canards, je ne me permettrai point d'en parler. Mais ce que je me hâte d'affirmer, c'est qu'au sujet des appe- lants, on a écrit des énormités ! N'ai-je pas lu quelque part que les malards ou cols-verts mâles, étaient meilleurs appelants que les bourres! Il est certain qu'un malard peut appeler, mais en disposer plusieurs comme appelants, je crois que c'est pous- ser un peu loin le désir d'innover. Voici comment j'ai toujours vu procéder : Sur la grande mare, devant le gabion, on pique, soit avec une simple ficelle attachée à leurs pattes et maintenue par une grosse pierre, soit avec une corde à rondelle tournante, rete- nue par un piquet, une demi-douzaine de bourres ou canes sur deux rangées. Chacune des bourres est séparée de sa com- pagne par un espace de trois à quatre mètres. Entre les deux files on laisse un intervalle de huit ou dix mètres suffisant pour permettre de tirer sans blesser les appelants. Derrière le gabion, sur une petite mare, ou sur Taulrc mare, si on en a deux, on pique un ou deux malards. Ces derniers donnent le branle, ils font entendre de temps en temps un moin moin bas et mouillé, pour ainsi dire. Les bourres répondent aussitôt par des couac! couac ! couac! stri- dents, c'est l'appel dans le vague. Quand une bande est en vue, les malards n'ont pas l)esoin de crier, les bourres se chargent du soin d'appeler les passants étoiles s'en donnent à cœur joie. Quand le gibier est posé, les bourres cessent leurs cris, elles conversent discrètement avec les nouveaux venus, leur conten- tement se manifeste par de petits gloussements de satisfaction, LA salvacim:. 19 290 FAMILLE DES ANATIDES. si je puis m'exprimer ainsi, tellement faibles qu'on ne les en- tend pas à vingt mètres. C'est le moment d'ouvrir l'œil. Quand on est rompu au métier, on finit par avoir l'intuition, dans le demi-sommeil, de ce qui se passe sur la mare. J'ai vu mon compagnon habituel, Imttier consommé, qui, depuis le premier septembre jusqu'au trente-et-un mars, ne couche jamais quedans le gabion, me dire souvent, tout d'un coup, interrompant ses ronflements formidables : « Monsieur, il y a une bourre sur la mare, je la reconnais à son cri, elle n'est pas sur l'eau, elle est sur le bord dans l'herbe, mais, guettez-vous, elle va arriver. » Il ne sortait pas le nez de dessous sa couverture, mais toujours, au bout d'un instant, j'apercevais, en effet, un canard dont je ne soupçonnais pas la présence, venir sans bruit, à la nage, du bord de la mare, se mêler aux appelants. Cela devient de l'instinct, et je commence à m'y faire, mais pour les débu- tants, cela paraît extraordinaire. Notez que le cri d'un canard sauvage posé n'est pas un cri, c'est une espèce de gloussement imperceptible; comment mon brave ami fait-il pour s'y recon- naître, au milieu de ses ronflements, des bruits les plus divers qui agrémentent son sommeil et m'empêchent de fermer l'œil? Comment est-il toujours le premier à avoir le sentiment de la présence du gibier? J'ai le sommeil léger, mais je n'ai pas encore l'instinct du gabionneur, aussi je veille et ne m'en plains pas, car une nuit passée dans l'attente et l'espérance d'un plai- sir moral et sain vaut bien celle que l'on passe dans l'atmos- phère viciée d'un cercle dans l'espoir toujours trompeur de gagner quelques louis et avec la crainte toujours fondée d'en perdre davantage. Les meilleurs appelants sont ceux qui sont issus de canards sauvages; les bourres doivent être petites et crier comme des bourres sauvages, sans être trop bavardes. Une bourre trop loquace est désastreuse. J'en connais qui savent ce qu'elles doivent faire, elles ne crient jamais à faux. LES CANARDS. 291 On doit les placer sur la mare de façon que la hutte soit toujous en dessous du vent par rapport à elles. Les ca- nards sentent le gabion et ne tiennent pas quand la brise leur apporte les émanations de la pipe, du grog chaud et autres odeurs que le gabion dégage toujours avec usure. Auprès des bourres on peut placer des canards empaillés ou des formes en bois, des étalons, blettes, ainsi qu'on les appelle. Je ne crois pas beaucoup à leur efficacité pour le canard. Je n'aime pas non plus les mottes de gazon ménagées dans le même but. Une mare doit être limpide et ne présenter à ses visiteurs que la vie et le mouvement. Dans les gabions ordinaires, on peut avoir deux fusils. Le fusil double cal. 12, celui dont on aura le plus souvent l'oc- casion de se servir, et le canardier cal. 8, à un coup, pour tirer dans les grandes bandes. Sur les grands étangs, ce dernier est indispensable, mais sur les mares il est souvent silencieux. Le cal. 12 suiïit pour tirer sur les canards qui s'y abattent toujours assez près. Pour tirer sur le gibier isolé ou sur les bandes moyennes et à portée, le plomb n° I est le meilleur, à mon avis. Le coup de fusil sur un canard isolé et surtout sur une sar- celle n'est pas toujours facile la nuit. Quand il n'y a ni clair de lune ni clair d'étoiles, il est très difficile de viser juste. C'est une habitude à prendre ; on ne voit jamais son guidon , aussi a-t-on inventé divers instruments destinés à faciliter ce tir pendant l'obscurité. Le plus ancien c'est le morceau de cuir en forme de Y, qu'on dispose sur le bout du fusil. Pour viser, on prend la pièce juste entre les deux branches de cet angle et on lire. Je me sers d'un V en acier que j'ai confectionné en cou- pant le sommet d'une de ces mires rondes dites « merveil- leuses » et qui le sont en effet pour faire manquer sûrement le gibier. La mire en acier, ainsi coupée, peut parfaitement, 292 FAMILLE DES ANATIDES. par contre, remplacer le V en cuir ; elle est plus résistante. On fabrique en ce moment un guidon en métal prismatique qui brille à la moindre clarté. Je n'en ai pas encore essayé, mais je crois que par un clair de lune, il peut rendre quel- ques services. Pour distinguer, par un temps sombre, les canards posés sur la mare, je crois très pratique de se servir d'une petite lorgnette achromatique. Je m'en suis toujours parfaitement trouvé, cela m'a évité bien des coups perdus sur des mottes de gazon ou des herbes flottantes, voire même sur des rats d'eau. Quelques chasseurs prennent avec eux leur chien au gabion. Certains de ces excellents collaborateurs sont admirablement dressés à aller chercher les morts et les blessés. C'est assu- rément très commode, quand on chasse sur un étang, de n'être pas obligé de prendre la petite embarcation pour ra- masser le gibier, de n'avoir pas besoin, sur les mares, do passer ses bottes pour aller soi même, par un froid piquant, courir après les pièces démontées, mais le chien n'est mal- heureusement pas seul, il a des comoagnes et les puces sont pour ceux qui ont la peau sensible une véritable torture à la hutte. Quelques gabionneurs quand ils ont tué une ou deux pièces les laissent sur l'eau jusqu'au matin, c'est un mauvais système. Elles effraient les oiseaux qui passent et quand il. fait froid elles se gèlent et se gâtent. Quand on n'a pas la grande habitude du gabion, comme l'a le huttier dont je parlais il y a un instant, il faut veiller constamment, avoir tout le temps l'œil à la « guignette ». Cependant, on peut se départir un peu de cette surveillance assidue pendant les heures les plus sombres de la nuit. Le meil- leur moment, c'est le soir, depuis sept ou huit heures, jusqu'à minuit, et le matin de six heures à huit heures. La passée est active pendant ces quelques heures, elle se ralentit après. LES CANARDS. 293 L'heure des marées, pour les gabions situés au bord de la mer, influe aussi notablement sur le passage du gil)ier. Mais il faut avoir bien soin , si on ouvre une des meurtrières pour re- garder au dehors, de souffler la lumière d'abord, puis de tirer la glissière des autres guignettes. Le canard y voit clair. La première fois que j'ai mené le garde de ma chasse de plaine au gabion, je l'avais installé dans une hutte proche de la mienne. Le brave homme me déclara le matin que bien des canards s'étaient abattus sur la mare, mais que tous s'é- taient enlevés aussitôt qu'il avait ouvert la guignette. Il avait en effet conservé une lanterne allumée toute la nuit ! Il a saisi facilement la cause de son insuccès et s'est bien promis de ne plus recommencer. Au gabion, on tire presque tous les oiseaux qui composent la sauvagine : Des canards et quelquefois des oies , puis des hérons , des butors , des foulques , des raies , le matin des chevaliers , des pluviers, des goélands et des mouettes. On y tue souvent des bécassines. Les bécassines voyagent beaucoup la nuit. Au milieu du si- lence des appelants, vous entendez souvent leur tré-tré-trê, si caractéristique. Elles viennent parfois se poser sur les bords de la mare, quelquefois sous les meurtrières elles-mêmes. Comme on les tire alors de trop près, il faut viser bien au-dessus, il se trouve toujours des plombs qui traînent et qui font encore trop bien, ils enlèvent la tête de l'oiseau. Avec un gabion bien disposé, le gibier vient du reste se poser très près des guignettes. Mon compagnon a tué un jour un malard qui, à deux pas d'une de ces ouvertures, regardait curieusement le gabion. Il lui a coupé la tôte. Les canards proprement dits et les fuligules restent assez 294 FAMILLE DES ANATIDÉS. longtemps sur la mare. On peut attendre et les tirer « à coup y). Mais les sarcelles ne font que « poser » , on doit les tirer le plus vite possible. Elles s'abattent vite, sans faire de randonnées. Elles s'envolent de même. Les canards francs, au contraire, font de larges circonvolutions avant de se poser et une fois abattus ils finissent souvent par se rassembler. On gabionne depuis le mois de septembre jusqu'au mois d'avril, mais les meilleurs mois ce sont les mois d'octobre, novembre, décembre et mars au moment du retour. Janvier ne fournit qu'un maigre contingent à la chasse à la hutte, quand le temps est doux. Par les hivers rigoureux, il peut amener des oiseaux rares. Les meilleurs vents, en Picardie et en Normandie, sont les vents d'est. Le vent de nord-est peut aussi donner lieu à quel- ques bons passages; par contre, les vents d'ouest et ceux du sud sont désastreux. On peut « piquer » sur la glace quand il fait très froid, quand il y a de la neige et que la marc a été au préalable balayée, alors surtout qu'on a quelques clairs d'eau courante. On fait ainsi de beaux coups, mais les meilleurs moments sont ceux qui précèdent la gelée et le temps de dégel. Le dégel amène à terre bien des oiseaux rares. La gelée blanche ne vaut rien, le temps brumeux non plus. Le gabion offre à ceux qui Je pratiquent des plaisirs très vifs. Est-ce à dire que ce soit un sport à la portée de tous? Non, il faut aimer vraiment la chasse pour consentir à passer des nuits sans sommeil, sans lit, sans repos. Mais,, pour les endurcis, la chasse à la hutte est sans rivale. On n'y souffre pas du froid. Une simple couverture suffit à garantir contre les rigueurs les plus excessives de l'hiver le plus rigoureux. On y a même trop chaud quelquefois. La chaleur de la simple lampe à esprit de vin, destinée à faire chauffer le café , suffit parfois à rendre la température tellement élevée dans la hutte LES CANARDS. 295 qu'on est conlraint d'ouvrir toutes les issues pour respirer. Je puis donc dire qu'à part le peu de confort du lit et les veilles forcées, le gabion n'a rien qui puisse effrayer un vrai disciple de saint Hubert. Ce qui passionne au gabion, c'est l'attente toujours accom- pagnée d'une espérance. C'est ce sentiment qui soutient le pê- cheur à la ligne , et de même que ce dernier trouve toujours trop courts les jours où il n'a rien pris, de même j'ai toujours maudit l'aurore des jours d'insuccès, alors qu'elle venait me ravir la dernière espérance. A la chasse, comme en amour c'est l'attente qui passionne. Incrédules, essayez du gabion, attendez et espérez, je suis certain que vous recommencerez ! 296 FAMILLE DES ANATiDÉS. LE CANARD FRANC OU CANARD SAUVAGE Anas Boschas (Linn.) Le Canard sauvage. {Taille, 0"'.55) Parmi toutes celles qui composent la Sauvagine, trois espèces seulement ont été domestiquées : ce sont celle des cygnes, celle des oies, et celle des canards proprement dits. On n'a pas encore pu tirer de la domestication des cygnes des avantages appréciables, mais celle des oies et des canards est pourlaFrance une véritable richesse. Les oies offrent à ceux qui se livrent à leur élevage une double ressource : leur duvet fait l'objet d'un commerce assez important ; leur valeur comme LE CANARD SAUVAGE. 297 denrée alimentaire est incontestaljle. Les canards ne donnent pas de duvet, mais ils sont, avec les poules des races privées, les oiseaux de basse-cour qui fournissent le principal contin- gent aux marchés de la France entière. A l'état sauvage, les canards ne présentent pas un moindre intérêt : avant que la civilisation ait circonscrit le cercle des lieux solitaires où s'ébat la Sauvagine, toutes les populations riveraines des marais ou de la mer trouvaient dans la chasse du canard l'occasion d'augmenter leurs modestes revenus, celle d'ajouter à la ri- chesse de leur pays. ]Malheureusement, les principes écono- miques se sont modifiés, les capitalistes ont envahi les ter- rains réservés autrefois aux incursions des seuls professionnels de la chasse au gibier d'eau. Les marais se sont asséchés, les bancs sont devenus des prairies couvertes de bestiaux et la Sauvagine a désappris la route de nos rivages. Ce qui a fait la fortune des uns a consommé la ruine tles autres. Tel petit propriétaire, qui, autrefois,, pouvait vivre avec le produit de sa chasse d'hiver, s'est vu contraint d'offrir ses services au tenancier des marais et des bancs envahis par les progrès et désertés par les oiseaux de passage. Les terrains d'alluvion, qui appartiennent soit à l'État, soit aux riverains, suivant leur situation, ont subi le sort commun. Il n'y a plus maintenant de ces vastes espaces où la chasse était libre et où le pauvre pouvait chasser le gibier d'eau, puisque la chasse au gibier de plaine lui était interdite. Cependant, tous les marais ne sont pas atfermés, et le nombre, encore fort considérable, des chasseurs et gabionneurs du littoral est là pour prouver que le progrès, si progrès il y a, n'a pas tué tout à fait la chasse à la Sauvagine en France. Le canard franc ou canard sauvage proprement dit est le type du groupe des Lamcllirostres. Le mâle adulte a la tête et le cou dun Ijcau vert à reflets cuivrés; un collier étroit, d'un blanc pur, sépare le cou de 298 FAMILLE DES ANATIDÉS. la poitrine et du haut du dos. Cette dernière partie, comme les plumes des épaules, est brun-gris, striée de noir. Le bas du dos est noirâtre. Les plumes du dessus de la queue sont noir-vert; quatre des rectrices sont noir-mordoré. Elles sont relevées en demi-cercle et forment deux crochets très appa- rents sur le croupion, les autres sont blanches et brunes, le bas ventre est, vers le dessous de la queue, noir et blanc, plus haut, gris-cendré varié de stries noires. L'abdomen et le bas de la poitrine sont blancs, avec des raies brunes formant des stries pointillées peu visibles; les lianes sont marqués de petits croissants noirâtres sur fond blanc; la poitrine est mar- ron plus ou moins clair, assez foncé au temps des amours. Les couvertures des ailes sont brun-cendré et variées de blanc et de noir. Les premières rémiges portent un miroir violet, à reflets d'un vert métallique, bordé de blanc; les grandes pennes sont brunâtres. Le bec est vert-jaunâtre, avec l'onglet noir; l'iris est brun, les pieds sont rouge-orangé. La femelle diffère absolument du mâle comme coloration. Tout le dessus de son corps est roussâtre grivelé de brun foncé, la queue est brune et blanche, sans crochets; l'abdomen et la poitrine sont roussâtres, légèrement striés de brun; les ailes ressemblent à celles du mâle, le bec est plus foncé, les pieds sont d'un rouge orangé plus clair que chez le ma- lard. Les jeunes ou halbrans ressemblent à la femelle jusqu'au mois de novembre, ils sont cependant un peu moins fauves et plus gris. Je n'insiste du reste pas sur ces descriptions. Tous con- naissent le canard mâle, « malardy) ou col-vert, la femelle, cane ou bourre et les jeunes oiseaux appelés halbrans. Le nom de malard donné au mâle vient du nom qu'il porte en Angleterre « mallard », qui désigne l'espèce. LE CANARD SAUVAGE. 299 La femelle porte avec le nom de bourre en Normandie et en Picardie celui cVainette. Les canards francs volent en suivant un ordre géométrique : en triangle, en ligne droite, selon leur nombre. Leur vol est rapide : Ils parcourent en une minute de onze cents à douze cents mètres, en une heure, de soixante-six. à soixante-douze kilomètres. Ils nichent en France, en Angleterre, etdans le nord de l'Eu- rope, dans les marais, au bord des étangs, sur les côtes voi- sines de la mer et couvertes de bruyères, dans les landes a voisinant un cours d'eau. Avec les tadornes et les sarcelles, les canards francs sont à peu près les seuls parmi les anatiens qui viennent en plus ou moins grand nombre nicher régulièrement dans nos pays. Le canard sauvage s'accouple dès la fin de février. Le nid qu'il construit mérite une mention particulière. Il est généra- lement disposé à terre dans les roseaux ou dans les herbes, quelquefois dans les têtards de saule au bord des étangs. Il faut, je crois, répudier la version qui représente le canard sauvage comme nichant quelquefois dans les arbres, dans les nids abandonnés de pies ou de corneilles. La bourre pond, en etfet, de 10 à 18 œufs gris-verdâtre clair. Ils trouvent leur place dans un nid disposé à terre et façonné de manière à pouvoir les contenir, mais comment admettre qu'ils puissent tenir dans le nid d'une pie ou d'une corneille dont les œufs, plus petits, sont seulement au nombre de trois à six? Comment se figurer que les petits canards, qui quittent le nid aussitôt éclos, puissent se jeter du haut d'un arbre élevé et prendre terre sans se tuer? cela me paraît bien inadmissible, et comme j'ai toujours a^u les nids de canards à terre, je crois devoir considérer comme douteuses les relations de ceux qui prétendent en avoir trouvé dans des arbres d'une certaine hauteur. ;J0O FAMILLE DES ANATIDÉS. La femelle seule se charge du soin de la couvaison. Le nid est formé de roseaux, de brindilles recouvertes de duvet. Il est aménagé de telle façon que l'oiseau doit y entrer par un côté et sortir par l'autre. Lorsque la femelle veut quit- ter ses œufs, elle appuie sur l'un des bords du nid qu'elle foule avec ses pieds; ce tassement a pour résultat de faire recouvrir les œufs par le duvet qui les entoure, de façon à leur conserver la chaleur pendant l'absence de la couveuse. Quand cette dernière revient, elle pratique la même opération, mais du côté opposé ; le duvet s'entr'ouvre de nouveau et permet à la mère de reprendre sa position. Les petits sont conduits à l'eau par la mère aussitôt après leur éclosion. Ils ne quittent plus alors le marais ou l'étang que pour aller, la nuit, chercher leur subsistance dans les terres avoisinantes, champs de froment et autres. On recon- naît facilement la présence de halbrans sur un étang aux cou- lées qu'ils font dans les roseaux. A deux mois, ils sont bons à prendre, quoique ne pouvant pas voler; à trois mois ils peuvent prendre l'essor. Ils sont « halbrans volants », à six mois, ils sont canards faits. En juin et même en juillet, les canards muent. En vingt- quatre heures, ils perdent les grandes plumes de leurs ailes et, pendant quinze jours, sont incapables de voler. Cette particula- rité et l'impossibilité presque absolue où sont les halbrans trop jeunes de prendre leur essor au commencement de juillet, devrait faire reculer la date de l'ouverture de la chasse dite chasse aux halbrans qui ouvre du 1^'" au 20 juillet. Cette dernière date devrait toujours être adoptée de préférence. Le l*" juillet, on trouve beaucoup de couvées de canards tar- dives, des canetons gros comme des râles, des vieux canards en pleine mue, on détruit involontairement en même temps beaucoup de nids de poules d'eau. Sur les étangs de moyenne étendue, garnis seulement sur LE CANARD SAUVAGE. :j01 leurs Ijorcls d'une ceinture marécageuse de roseaux, on chasse les halhrans en battant la bordure avec un chien rapportant bien à l'eau. Il faut tout d'abord essayer de tuer le père et la mère. On vient alors facilement à bout du reste de la fomille. Les jeunes hali)rans, à l'ouverture du 1"" juillet ne peuvent presque jamais voler; on les tire sur l'eau, les chiens les prennent souvent, mais ils plongent parfaitement et le bec seul émergeant ils peuvent rester invisibles pendant fort long- temps. Quand on ne peut parvenir à tuer les parents, la mère se charge de conduire la couvée en lieu sûr et même de l'emmener dans les champs voisins sans que le chasseur puisse s'en apercevoir. Le meilleur chien pour chasser les halbrans est celui qui bomTe vivement sans arrêter. Le cocker me paraît pouvoir être recommandé à ceux qui chassent en bordure d'é- tangs. Sur les grands étangs, au contraire, on chasse les halbrans en bateau. On fait au préalable couper les roseaux de façon à établir des tranchées. Les bords de l'étang sont battus par des hommes et des chiens et on tire les canards à la tra- versée des allées ménagées dans les roseaux. Pour la chasse aux halbrans on peut charger son canon cylindrique avec du n"6, le canon chokebored avec du n° 4. Lorsque les halbrans commencent à avoir de l'aile ils abandonnent les endroits où ils ont été élevés. En novembre, ils sont canards faits et alimentent la chasse d'hiver. C'est vers le lo octobre que paraissent les premières ban- des de canards qui descendent du nord et qui n'ont pas couvé en France. Les sarcelles ont déjà fait leur apparition dès le 15 juillet, suivies par les canards sifUeurs. Tant que la température reste normale et que le froid ne sévit pas, on trouve peu de canards pendant le jour en chassant devant soi dans les marais. Ils se cantonnent dans 302 FAMILLE DES ANATIDÉS. la journée sur les vastes espaces d'eau, baies ou grands étangs et ne viennent à terre que la nuit. <}uand la gelée prend, quand le temps devient neigeux, le canard remue et la chasse de jour peut offrir quelques bons résultats. Le jour, quand le canard franc tient au marais, on le rencontre surtout dans les fossés alimentés d'eau courante ou dans les endroits remplis de sources. Il se laisse généra- lement arrêter et est facile à tirer. Il est alors presque tou- jours isolé. Son départ est bruyant. Le malard pousse en partant quel- ques cris, la bourre crie moins. Presque toujours, un canard levé monte en l'air à une certaine hauteur avant de prendre son vol horizontal. Mais ce n'est pas là une règle invariable : j'aisouvent vu des canards francs Hier horizontalement, pres- que au ras du sol, aussitôt levés, ou s'élever obliquement. En tout cas, pour tuer le canard, il ne faut pas se presser et toujours tirer en dessus. A l'arrêt des chiens, on peut par- faitement démonter un canard avec du petit plomb. Quand on tire de loin, dans les bandes, on doit préférer les gros numéros. Je ne reviendrai pas sur les divers modes de chasse dont j'ai parlé à propos du canard en général. Le canard franc passe à la volée, vient la nuit se faire tuer au gabion ; on le poursuit en mer. Il est certainement le plus commun de tous les membres de la famille des anatidés. C'est le canard propre- ment dit, à ce point que bien des chasseurs ne donnent le nom de canard qu'à l'espèce du canard franc ou sauvage or- dinaire, suivant en cela l'exemple des naturalistes; d'autres appellent le canard franc, « gros canard », et confondent indis- tinctement, sous le nom de petits canards, et dans le sud ouest de la France, sous celui de canards mignons, toutes les autres espèces, fuligules, garrots et anatiens. C'est à propos de canards francs que je dois dire un mot LE CANARD SAUVAGE. 303 des canards dits « canards l)lancs » qui ont défrayé bien des controverses. Les uns prétendent que les canards blancs for- ment une espèce particulière, les autres que ces oiseaux sont des canards privés qui ont suivi les sauvages. J'ai vu plusieurs de ces canards. J'en ai rencontré d'isolés, j'en ai trouvé d'au- tres au nombre de deux ou trois, j'en ai reconnu plusieurs mêlés à des bandes de sifïleurs et autres petits canards. Il apparaissent toujours avec les grands froids. Un de mes amis en a tué qui descendaient la Seine sur un glaçon, pendant l'hiver de 1879, j'en ai revu depuis sur les marais de l'em- bouchure du même fleuve en 1889. Ils sont toujours entièrement blancs, avec le bec et les pattes jaune-orangé. Leur forme rappelle absolument celle du canard sauvage ordinaire mais ils sont tantôt de même taille, tantôt plus petits. On les nomme en Picardie vollandoises, et en Normandie canards blancs hollandais. Comme ils ne sont point classés comme espèce particulière, je me suis informé, j'ai pris mes renseignements aux meilleu- res sources et il résulte des études scientifiques qui ont été faites sur ces oiseaux qu'ils sont pour la plupart des canards présentant des cas d'albinisme, et des métis de canard sau- vages et de canards domestiques. Les cas d'albinisme sont nombreux chez les canards francs. Le croisement avec les es- pèces privées est assez fréquent. Le muséum d'histoire natu- relle de Paris a reçu des canards au plumage absolument bariolé, ils avaient été tués avec des canards francs. Ils étaient sans contredit des canards sauvages, mais leur coloration était anormale. Je crois donc pouvoir, sur la foi des renseignements que j'ai recueillis, d'après mes observations personnelles et en me référant aux études scientifiques qu'on a faites à ce sujet, af- firmer que ces oiseaux blancs ou bariolés sont, ou des indi- vidus présentant un cas d'albinisme, ou des métis de canards 304 FAMILLE DES ANATIDES. sauvages et de canards privés, ou des individus privés ayant suivi les bandes qui passent. Mais ils ne forment pas une es- pèce particulière, cela est absolument démontré. Il n'y a pas à l'état de nature, en Europe, de canards blancs. Les cas d'albinisme s'expliquent d'eux-mêmes. Bien d'au- tres oiseaux offrent cette particularité Les croisements s'expliquent par la facilité qu'ont les bour- res sauvages à s'accoupler avec les canards domestiques qui rôdent en liberté sur tous les marais soit de Hollande, soit même de France. Enfin il est certain que nombre d'éleveurs, qui laissent leurs canards vagabonder sur les marais, voient quelques-uns de leurs élèves suivre les bandes de canards sauvages qui les ra- colent. J'ajouterai, en outre, que le canard sauvage se croise, non seulement avec les espèces domestiques, mais encore avec les autres types du genre des fuligules et des anatiens. On con- naît des métis de canards francs avec des pilets,des chipeaux, des sarcelles, des tadornes. Je crois pouvoir rester dans le vrai en disant que tout canard qui ne rentre pas dans une des variétés que j'indique comme pouvant former des espèces par- ticulières doit être considéré comme un métis. Je ne pense pas qu'on découvre en Europe d'espèce nouvelle. LE SOUCHET. 305 LE SOUCHET Spatula Clypeata (Boie ex Linn.) Le souclict. {Taille, 0"'-32) Le souchet est fiicilemeiit reconnaissal)lc à la forme de son bec long, large et évasé comme une cuiller et garni d'une dentelure lamelléc très apparente. La mandibule supérieure cache presque entièrement l'inférieure. Ce bec suffit à lui seul pour distinguer le souchet des autres canards, et le fait toujours appeler vulgairement canard spatule ou canard cuil- ler et louchard. La chair du souchet reste rouge après la cuisson, elle est succulente et très délicate. Cette particularité a valu à ce joli canard le nom de rouge et rouget de rivière les Anglais le nomment s/iorcllcr. LA SAIVACINR. 20 306 FAMILLE DES ANATIDES. Le souchet maie a la tête d'un vert noir à reflets métalliques, le dos chiné denoir et de gris-cendré, avec, au-dessus des ailes de longues plumes en faucilles de couleur bleu-tendre. Le bas du dos est noir-vert, ainsi que le dessus de la queue, dont les rectrices sont blanches et brunes. Le ventre et les flancs sont marron, la gorge et la poitrine blanches et chez quelques sujets ornées de petits croissants bruns. Les ailes sont variées de bleu-tendre, de blanc et de noir auK couvertures, avec un miroir vert-doré, les grandes pennes sont brunâtres. Le bec long et évasé, comme je l'ai indiqué, est noir, quelquefois jaune en dessous. Les pieds sont jaune-orangé. L'iris est jaune. Les femelles, sauf la forme du bec qui difl*ère, ressemblent à la cane sauvage; elles ont seulement un peu de bleu aux couvertures des ailes dont le miroir est vert. Les jeunes sou- chets sont à peu près semblables aux femelles. Les souchets couvent en France, plus souvent en Angle- terre, en Ecosse et en Irlande, au mois de mai. Leur nid com- posé de roseaux et de duvet est aménagé dans une toufl'e de gazon sur les landes ou marais avoisinant la mer ou proches des rivières. Il contient sept à quatorze œufs variant du roux au gris-verdâtre clair. Le souchet ne vit pas en grandes bandes, on le trouve presque toujours seul, et plus souvent dans les marais qu'au bord de la mer sur les grèves oi^i il paraît se poser rarement. Il vient bien aux appelants et se fait tuer à la hutte à l'au- tomne et en février; on ne le rencontre presque pas en hiver, car il semble craindre les grands froids. Il fréquente la Seine, je l'ai trouvé souvent dans les marais qui avoisinent ce fleuve à son embouchure. Le cri du souchet est : croak! peuk! peuk! et assez criard; on l'a comparé au son d'une crécelle tournée d'une façon in- termittente. LE CHIPEAU BRUYANT. 307 LE CHIPEAU BRUYANT Chaulelasmus Streprem. (G. R. Gray.) l.e Cliii>eau. (Tnille, O'».oo) Le cbipeau est de la taille du canard franc. Le niàle a le dessus de la tête et l'occiput roux-foncc, mouchetés de noir et de blanc, les côtés de la tête et du cou gris-cendré, avec des taches brunes. Le haut du dos est noir et gris, le bas brun et gris, avec de longues plumes grises bordées de roux.-clair. Le dessus de la queue est noir, rcxtrémité grise, le ventre blanc. 308 FAMILLE DES ANATIDES. lavé de jaune. Les flancs sont rayés finement de noir et de blanc, la poitrine est émaillée et comme écaillée de noir et de gris. Les ailes sont brun-cendré et roussâtres aux couvertures, elles portent trois bandes, l'une blanche, l'autre noire, la der- nière rousse. Les grandes pennes sont brunâtres. Le l)ec est aplati, et la mandibule supérieure recouvre complètement l'in- férieure. Il est de couleur noire. Les pattes sont minces, et, comme les doigts, de couleur rouge-orange, avec les palmures noires. L'iris est brun roux. La femelle est plus petite que le mâle et ressemble comme couleur, mais en plus foncé, à la bourre sauvage. Les chipeaux passent en France en novembre et en février. Us nichent en mai et juin au Nord de l'Europe, en Angleterre, en Ecosse, en Hollande. Us construisent un nid tapissé d'her- bes et de duvet au milieu des roseaux et y déposent de neuf à treize œufs jaune-verdâtre-clair. Le chipeau porte aussi en France les noms de ridenne et de tierce. Les Anglais le nomment gadwall. Il a le vol du canard sauvage mais beaucoup plus rapide. Il est excellent plongeur. Son cri est : Couac! couac! et a une grande analogie avec celui du canard ordinaire. / LE TADORNE. 309 LE TADORNE DE BELON Tadorna Belonii. (Ray.) l.e Tadorne. (Taille, 0"'.G0) Un des plus beaux canards, on le nomme aussi en France canard hollandais ou de Flandre, ringan. Les Anglais l'ap- pellent common sheldrakc. Beaucoup plus gros que le canard franc, le mâle, en été, a la lêle et le cou vert-foncé, le haut du dos roux-vif, le reste 310 FAMILLE DES ANATIDÉS. du dessus du corps blanc, avec les plumes des épaules noires, le dessus de la queue est blanc avec l'extrémité noire, le des- sous roux. Le ventre est blanc aux flânes, noir à sa partie mé- diane; la poitrine est entièrement couverte d'un large cein- turon couleur cannelle, toute la gorge et le bas du cou sont blanc-pur. Les ailes sont blanches aux couvertures, avec un miroir d'un beau vert pourpre, les rémiges sont noires. Les pattes et les pieds sont couleur chair rose, l'iris est brun. Le bec est retroussé, garni à sa base de deux protubérances qui sont ainsi que lui d'un rouge-vif. Ces protubérances tombent en hiver. La femelle est plus petite que le mâle. Elle n'a pas de pro- tubérances au bec. Sa tête est tachetée de blanc, ses couleurs sont plus pâles. Les jeunes ont la tête brune, tachetée de blanc, les plumes des épaules sont grisâtres, la poitrine a le ceinturon étroit, varié de noir et de roux. Le bec est de couleur foncée, mais rougeâtre. J'ai pu observer un nid de tadorne : Un jour de printemps, je m'étais rendu à l'embouchure de la Seine, près d'un petit marais, dans l'intention de suivre les progrès des couvées des râles et des marouettes qui viennent y nicher régulièrement. Je ne m'étais arrêté ni dans une auberge, ni dans la de- meure d'un propriétaire riverain. Suivant mon habitude, j'étais tout simplement descendu chez le gardien du phare, mon compagnon ordinaire de chasse sur ce marais, très bon ob- servateur et chasseur passionné. (( Vous arrivez bien, JMonsieur, me dit-il, nous avons quel- que chose de curieux à aller voir. » Il ne voulut pas m'en dire davantage. Nous descendîmes du phare, situé sur la hauteur, pour LE TADORNE. 311 gagner le marais par un petit sentier qui serpente dans la falaise. La Seine, qui passe là, a laissé à nu des bancs d'alluvion formant marécage et qui s^arrêtent brusquement à la côte. Des éboulements successifs ont mis à jour d'anciens terriers de lapins qui viennent ponctuer de noir la muraille jaunâtre de terre glaise enserrant la bande de marais dont la verdure, chatoyante en été, encadre gracieusement les bords du fleuve et sert de refuge à beaucoup d'oiseaux coureurs de roseaux, sédentaires dans nos contrées. Des chouettes et des moyens ducs, quelques rapaccs diur- nes, nichent dans les trous abandonnés. — Cachons-nous là, me dit mon chasseur, en me désignant un épais fourré de ronces et de hautes herbes, et atten- dons. » Le silence n'était troublé que par le bruit mourant du flot, le bourdonnement des insectes et le clapotis que faisaient les râles et leurs congénères, qui barbottent à la façon des ca- nards. Au bout de quelque temps, mon compagnon me poussa légèrement le coude. Je vis alors, en Seine, volant au ras du flot, un gros canard. Après quelques randonnées, il piqua droit sur un des trous béants de la falaise et s'y enfonça. A sa tète verdâtre, à son cou blanc, à sa poitrine ceinte d'une écharpe cannelle, à son dos roux, à ses ailes ondées de blanc et de noir, à son bec rouge, surmonté d'une protubé- rance de même couleur, je reconnus un tadorne, le tadorne de Helon , assez répandu sur nos côtes ouest et que j'avais eu souvent l'occasion de rencontrer en chasse à l'arrière-saison. — Comment, dis-je, ces oiseaux nichent ici? — Mais oui, Monsieur, et j'ai été voir leur nid. Le trou n'est pas profond et renferme une douzaine d'œufs, couleur 312 FAMILLE DES ANATIDES. crème, que la femelle ne quitte guère. C'est le maie qui vient d'arriver. » L'oiseau sortit peu après et regagna la Seine. Personne ne connaissait encore le nid et nous fîmes les plus beaux projets. Une cliasse d'ouverture aux halbrans de ta- dorne, ce n'était pas banal. Une cane sauvage, une bourre, comme on dit en Nor- mandie, couvait déjà sur la côte, au milieu des bruyères du plateau qui surplombe les falaises. Nous avions de superbes tableaux en perspective. Un mois plus tard, je revins à mon phare. La bourre avait conduit ses petits sur le marais. On les voyait tous les jours. Un seul était resté en chemin. Il n'avait pu suivre les autres à la traversée de la route qui domine la colline. Il était main- tenant douillettement couché dans une boîte tapissée de foin et consciencieusement nourri par mon gardien. Ses frères et sœurs s'ébattaient sur le marais. Quant aux tadornes, ils avaient disparu. Un fermier des environs avait vu le manège du mâle. Avec une de ces hautes échelles qui servent à cueillir les cerises, appelées guignes dans le pays, il avait atteint le trou et mis la main sur la mère et les canetons. Il les a gardés longtemps. Ils se sont reproduits et ce malencontreux cultivateur possède encore une paire ou deux de tadornes qui font l'ornement de sa basse-cour sans avoir fait celui de notre carnier. Le mâle, qui n'avait pas abandonné la contrée, reçut un coup de fusil au mois d'août et fut perdu en mer. Le tadorne vulgaire niche souvent en France, soit dans les terriers de lapins ou les crevasses, soit dans les trous, dans les dunes. Il se reproduit sur les cotes de la Picardie, près du Havre, sur les falaises d'Orcher, sur celles de Tancarville et de Ber- ville. LE TADORNE. 3i:} Il couve aussi en Angleterre; aux Farn Iskmds; en Ecosse, en Irlande, aux iles Hébrides. Son nid est tapissé d'herbes et de duvet et contient de six à douze œufs. La femelle couve assidûment et le mâle vaque seul aux besoins de sa subsistance. Il ne fait entendre qu'un cri qu'on peut traduire par : Kor! et qu'il pousse surtout au temps des amours. En hiver, les tadornes se réunissent par petites troupes de trois à quatre individus rarement plus. Ils fréquentent les bords de la mer et se font tuer sur les grèves pendant les grands froids. 314 FAMILLE DES ANATIDES. LE CANARD SIFFLEUR OU VINGEON Mareca penelope. (Selby.) Le Vingeon. [Taille, 0"'.i9) On connaît sous le nom de marèques deux espèces de ca- nards sifïlours en Europe. Une seule de ces espèces visite ré- gulièrement la France : celle du canard siffleur proprement dit, ou vingeon. On donne aussi le nom de siffleur huppé à un autre genre de canard, la brante, qui ne doit pas être classée à côté du vingeon, et qui prendra place parmi les fuliguliens. LE VINGEON. 315 Le viiigeon se distingue des autres canards proprement dits par son bec qui est plus petit, court, bleu à la base, noir à la pointe. C'est lui qui arrive sur nos côtes l'un des premiers et qui avec le canard franc et les sarcelles fournit le contingent le plus appréciable à la chasse au gabion en automne. Il apparaît dès le commencement d'octobre et passe soit en grandes bandes, soit isolé. J'ai tiré des vingeons en plein jour, sur les mares, dans les marais, dès le mois de septembre, j'ai même tué une cane vingeon au mois d'août. Ces oiseaux repassent en mars. Le vingeon maie, plus petit que le canard sauvage, a la tète rousse, avec une ligne blanche sur le front et de petites taches noires sur les joues et l'occiput. Le col est brun, poin- tillé de noir, la gorge noire. La poitrine est roux-vineux, le ventre blanc, les flancs sont brun-cendré, piquetés de blanc. Le dos est blanc, strié de noir et ressemble à du canevas, comme celui de la marèque américaine, sa congénère, à laquelle les Américains ont donné le nom de canvas back ou dos-de-toile. Les ailes sont blanches et noires aux couver- tures, avec un miroir vert bordé de blanc et de noir. Les grandes pennes sont noires, la queue est noirâtre. Les pieds sont cendrés et l'iris est brun. Les jeunes et les femelles sont d'apparence grisâtre, la tête et le cou sont d'un roux noir, piquetés de points noirâtres, la gorge est grise, la poitrine et les flancs sont brun-cendré, le? ventre est blanc sale, le dos gris-brun foncé. Les ailes sont brunes grivelées de blanc aux couvertures, avec un miroir blanc-sale et les rémiges noires. Les pieds sont couleur de plomb. Les vingeons nichent quelquefois en France, mais plus communément, au mois de mai, en Ecosse, aux îles Orkneys et Shetland, en Hollande et au nord de l'Europe. Ils pondent 316 FAMILLE DES ANATIDÉS. à terre, dans les roseaux, de six à douze œufs d'un cendré verdâtre terne. Ce canard porte en France le nom de mareque, canard pé- nélope, canard siffleur, double sarcelle, vingeon, vignon, wuiot, oigne, penru, oignard. Les Anglais le nomment wigeon. A leur arrivée, les vingeons, surtout les jeunes, sont faciles à approcher en plein jour et viennent bien aux appelants la nuit. Ils affectionnent les bords de la mer et Temboucliure des fleuves, ils sont gais et aiment à patauger dans la vase, sans cependant barboter comme le font les canards, leur bec ne se prêtant pas à ce genre d'exercice; ils se nourrissent surtout d'herbes et de racines aquatiques. Les vents du nord et de l'est surtout sont les plus favorables à leur passage. Leur nom de siffleurs leur vient de leur cri qui imite un son de flûte très siftlé et qu'ils profèrent même au posé, ce qui permet d'affirmer que ceux qui font provenir ce sifflement du bruit de leurs ailes sont dans l'erreur. Les chasseurs en Nor- mandie les classent dans la catégorie des petits canards, n'ad- mettant dans celle des gros que les espèces de taille égale ou supérieure à celle du canard sauvage ordinaire. Sur le littoral de l'Océan, dans tout le Sud-Ouest, suivant les renseignements qui m'ont été fort courtoisement fournis par M. de Perpigna, l'éminent chasseur de sauvagine de cette région, tous les. canards autres que le canard ordinaire sont appelés invaria- blement canards mignons. LE PILET. 317 LE PILET ACUTICAUDE Dafila acuta. (Eyton). Le Pilet. {Taille, 0"'.68 avec les filets de la queue) Le pilet est wn plongeur émérite. Sa conformation le dis- pose du reste à cet exercice où il excelle, son long cou, son corps fuselé et sa queue terminée par des filets fourchus, le servent merveilleusement. Son bec, mince, est de couleur noir-bleuatre. Chez le mâle, la tête et une partie du cou sont brunes tachetées de noir et de roux-foncé. Le dessus du cou est noir vers la nuque, et garni de chaque côté île deux lignes blanches. Le dessous du corps est blanc, avec le bas 318 FAMILLE DES ANATIDES. du ventre légèrement strié de brun. Le dos est finement rayé de noir et de gris; la queue est cendrée sur les côtés et noire aux plumes médianes qui s'allongent en fdets longs d'envi- ron dix centimètres. Les ailes sont grisâtres, avec un miroir vert encadré en haut par une bande rousse et au bas par une plaque blanche; les grandes plumes sont noirâtres. Les pieds sont d'un noir roux et l'iris est brun. Les femelles sont plus petites et d'une couleur générale qui rappelle un peu celle de la cane sauvage. Elles ont aussi la queue fourchue. Les pilets se croisant souvent avec le canard ordinaire présentent des variétés qu'il serait impossible de décrire exactement. Les pilets sont aussi appelés en France canards ■faisan, ca- nards à queue fourchue, pailles-en-cul, pennards, pointards, woimbres à longue queue, les Anglais les nomment pintails. Ils nichent au Nord de l'Europe et pondent dans les herbes, en mai, de huit à neuf œufs gris-verdatre. lis passenten France où ils s'arrêtent à l'embouchure des fleuves, au printemps et à l'automne. Ils visitent les étangs à leurs deux passages. Leur cri est : Couac! couac! LES SARCELLES. 319 LES SARCELLES On est d'accord maintenant pour ranger les sarcelles, non seulement dans la famille des anatidés où elles doivent né- cessairement prendre place, mais encore dans la sous-famille des anatiens ou canards proprement dits. En effet, les sar- celles sont des canards en miniature : la forme de leur bec, celle de leurs pattes, leur marche aisée, la disposition de leurs couleurs, le miroir de leurs ailes, la structure de leur corps les assimilent aux canards. La différence de taille et une disposition particulière des narines, ne suffisent pas pour les classer à part et en faire une sous-famille. Quelques auteurs ont voulu voir une différence générique dans cette habitude qu'auraient les sarcelles, ce qui est inexact, de ne point voyager par compagnies. Gela suffirait pour faire considérer leur système comme bien peu sérieux. Tous les chasseurs de sauvagine savent au contraire que les sarcelles sont très sociables, surtout à l'automne. J'ai oljservé des bandes de sarcelles de plus de cent individus. Les gabionneurs ont souvent l'occasion de tirer sur des voliers nombreux. J'ai vu des chasseurs en canot tuer d'une seule volée de coups de fusil trente-deux sarcelles, la troupe était certes considéra- ble! Ce qui est vrai, c'est que les sarcelles passent toujours en société à l'automne et par paires au printemps, excepté les sarcelles d'été, qui, en mars, sont presque toujours en nombre. La France ne reroit la visite régulière que de deux variétés 320 FAMILLE DES ANAÏIDÉS. de sarcelles : la sarcelle d'hiver et la sarcelle d'été sont les seules qu'on rencontre couramment sur nos côtes. L'Europe ne compte du reste que six espèces de sarcelles, bien que certains auteurs, se reportant aux ouvrages d'un autre siècle, en mentionnent une quinzaine. On ne connaît en Europe que la sarcelle d'été, la sarcelle d'hiver, la sar- celle soucrourou, la sarcelle angustirostre, la sarcelle à fau- cilles et la sarcelle formose. Les deux premières variétés sont les seules que les chas- seurs français ont l'occasion de rencontrer. Les quelques in- dividus des autres espèces qui ont été accidentellement tués en France ayant été jugés dignes de figurer comme pièces cu- rieuses dans les collections, nous ne parlerons que de celles qui peuvent vraiment être classées parmi la sauvagine de France. LA SARCELLE D'ÉTÉ. 321 LA SARCELLE D'ETE Querquedula circia . (Sleph.) La Sarcelle d'élé. (Taille, 0"'.38j La sarcelle d'été appelée aussi criquar, carlier, crêpe, et sarcelle de Mars en France, garganey teal en Angleterre, est la plus grande des deux variétés de sarcelles de France. Elle est un peu plus grosse que la perdrix grise. Le mâle a le l)cc ])!eu cendré, la tète et le cou roux foncé, piquetés de blanc avec une bande blanche, partant de l'œil et allant encadrer la nuque de chaque côté. Le dos est brun cendré, varié de gris pale, la queue brunâtre, aux plumes bordées de blanc, le ventre blanc roux, finement rayé de noir, la lA SVUVAGIMi. 21 322 FAMILLE DES ANATIDES. poitrine écaillée de petits croissants noirs et roux, la gorge noire; les couvertures des ailes sont gris-bleu, avec des plu- mes noires et blanches et un miroir vert encadré de blanc, les rémiges sont brunâtres; des épaules partent de grandes plumes allongées brunes et bleuâtres ; les pieds sont cendrés, l'iris est brun. La femelle, plus petite que le mâle est plus grise, elle a la tête brune, avec une tache blanche aux com- missures du bec et la ligne blanche comme le mâle au des- sus des yeux. Le dessous du corps est roux brun, la gorge blanche, la poitrine et le ventre sont blancs tachetés de brun. Les jeunes ressemblent aux femelles. Le cri de ces oiseaux est : Kneck! kneck ! Ces sarcelles, qui craignent le froid, restent peu chez nous en hiver. Elles arrivent plus tôt que les canards à l'automne, quittent nos climats aux premières gelées et repassent pour séjourner quelque temps sur nos marais en mars. Elles nichent dans les contrées tempérées d'Europe, en France quelquefois, sans remonter beaucoup au Nord. Elles pondent dans les marais six à huit œufs d'un blanc sale. On trouve les sarcelles de mars sur les marais en bandes plus ou moins considérables, le plus souvent d'une dizaine d'individus. Elles ne fréquentent pas seulement les rivières et les étangs, elles se contentent parfaitement des flaques d'eau disséminées dans les endroits marécageux et revien- nent plusieurs jours de suite aux mêmes étapes. J'ai levé plusieurs fois des voliers de ces sarcelles en plein marais en chassant la bécassine au passage de mars. Isolées elles se posent sur les mares, les trous d'eau, et ne sont alors pas difficiles à tirer. LA SARCELLE D'HIVER. 323 LA SARCELLE D HIVER Querquedula crecca. (Steph.) ^^*^, La Sarcelle d'hiver. {Taille, 0"'.3i) C'est la sarcelle commune : common Ival en anglais, en France : petite sarcelle, arcanette, sarcclle-sarcelline, tru- (leiir, sarcé, criquet et crac à cause de son cri qu'on peut rendre par les mots : Crac! crac! la femelle cric comme une petite cane ordinaire. Sur le littoral de l'Océan la sarcelle d'hiver se nomme moret ou maraton, à Bordeaux on l'appelle hifjanoii. La sarcelle d'hiver est plus petite que la sarcelle d'été. Le mâle est de la taille de la perdrix, la femelle est bien moins grosse. 324 FAMILLE DES ANATIDES. Le mâle a la tête et le cou roux-marron, avec une tache blanche près du bec, mais sans points blancs sur les joues; il a une ligne blanche autour des yeux, encadrant elle-même une large plaque verte qui entoure l'œil et s'allonge en pointe vers la nucjue qui est noire vers son milieu. L'iris est brun, le bec noirâtre. Le dos est rayé de blanc et de noir, tout maillé et orné de longues plumes effilées. La ciueue est brune, noire et blanche. Le ventre est gris clair, blanchâtre même, et les flancs sont striés en zigzag de lignes noires sur fond gris clair. La poitrine est roussâtre, pointillée de noir, la gorge est noirâtre. Les couvertures des ailes sont en partie d'un brun-cendré, quadrillé de noir et jaunâtres à l'extrémité, le miroir est vert-azuré, encadré de blanc en des- sus, de noir en dessous. Les rémiges sont brunes, les pieds sont gris cendré. La femelle est entièrement grivelée de brun et de noir sur fond grisâtre, avec le ventre blanc, les ailes ])run-gris aux couvertures et le miroir vert bordé en haut d'une ligne blanche. Les jeunes lui ressemblent. La sarcelle d'hiver couve en France, en Grande-Bretagne, et au nord de l'Europe. Elle fait, en mai, à terre dans les ro- seaux, un nid tapissé d'herbes, de joncs et de duvet où elle dépose de huit à quinze œufs, le plus souvent huit ou six, blanchâtres ou jaunâtres. Cette sarcelle reste régulièrement en France d'une façon sédentaire jusqu'aux gelées, mais quelques-unes y demeurent toute l'année. Aux premiers froids, ces oiseaux remuent beaucoup, c'est alors qu'on les voit parfois en bandes très nombreuses, au bord de la mer et à l'embouchure des fleuves. Ils fournissent un précieux contingent à la chasse au gabion pendant les premiers mois de la saison. Quand la sarcelle d'hiver repasse LA SARCELLE DHIVER. 32b au mois de février on la rencontre le plus souvent par paires, le long des fossés des marais et des rivières. Les sarcelles ont le départ brusque et le vol très preste et silencieux. Isolées, on peut les approcher assez facilement, mais elles sont assez dures à tuer, bien que j'en aie souvent abattu avec du plomb n" 10. Au gabion, c'est le matin qu'on a le plus de chances de tuer des sarcelles, elles passent même à la volée un peu plus tard que les autres canards. Les sarcelles ne font pas comme ces derniers de grandes circonvolutions avant de se poser. Un volier de sarcelles qui aperçoit les appelants s'abat quel- quefois tout d'un coup, alors qu'on peut croire qu'il passe sans avoir l'intention de s'abattre. Comme les sarcelles ne restent pas longtemps en place, il faut les tirer le plus tùt possible, dès qu'elles touchent l'eau. La chair de la sarcelle, considérée quelquefois comme ali- ment maigre, est très succulente et de beaucoup supérieure, à mon avis, à celle du canard. La sarcelle est un joli gibier, et, bien qu'elle n'ait pas aux yeux de bien des chasseurs la valeur du canard sauvage, je trouve plus agréable de tuer une paire de sarcelles que d'à bat- Ire le plus beau colvert qu'il soit possible de rencontrer. 326 FAMILLE DES ANATIDÉS. Sous famille des Fuliguliens. BRANTES, MORILLONS, MILOUINS, GARROTS, EIDERS ET MACREUSES Les fuliguliens sont plus ramassés de corps que les canards proprement dits, leurs pattes sont courtes, situées plus à l'ar- rière du corps, ce qui rend leur marche malaisée. Leurs pieds sont larges et très palmés. Tous plongent parfaitement. Quel- ques-uns ne quittent même jamais la mer. LA BRANTE. 327 LA BRANTE ROUSSATRE OU SIFFLEUR HUPPÉ Branta rufina. (Boie.) La Branle. (Taille, 0'".59,; Le nom vulgaire de sillleur luippé donné à ce beau canard l'a fait considérer bien souvent comme une variété du siffleur ordinaire avec lequel il n'a aucune affinité. Le mâle, plus grand que le canard sauvage, a la tète rouge, huppée et forte, la nuque noire, le dessus du corps gris-brun- roux, avec les épaules blanchâtres; le bas du dos et le dessus de la queue sont bruns, presque noirs, la gorge, la poitrine et 328 FAMILLE DES ANATIDÉS. le ventre sont crun beau noir. Les flancs sont blancs, les ailes blanches et brunes, avec les rémiges cendrées. La queue est brune. Le bec, assez long et étroit à sa pointe, est rouge, les pieds sont d'un brun-rougeâtre. L'iris est rouge. La femelle a la tète moins grosse et moins huppée, rouge aussi; le dessus du corps est grisâtre, le cou gris, la poitrine et le dessous du corps sont bruns et gris, le bec est brunâtre. Les Anglais appellent la brante red crested pochard, c'est-à- dire milouin à huppe rouge. Elle est rare chez eux, passe assez souvent, lors des migrations annuelles, au nord de la France mais est plus commune dans le Midi. L'espèce paraît du reste peu nombreuse dans l'ouest de l'Europe. Ce canard se cantonne plus volontiers dans le Sud- Est. Il paraît qu'il niche à terre dans les roseaux et pond de six à huit œufs d'un blanc verdâtre ou roussâtre. Comme tous les fuliguliens, la brante ayant les pattes situées très à l'arrière du corps marche avec difficulté à terre, mais plonge parfaitement. LE MORILLON. 329 LE MORILLON Fulifjula cristata, (^Steph.) Le Morillon. (Taille, 0"'.^) Le morillon est un petit canard trapu, J3as sur pattes, aux doigts très allongés, largement palmés et de couleur bleuâtre. Le mâle, en été, a sur la tète une touffe de plumes retrous- sées, formant une huppe tombante. Ce toupet, la tète et le cou sont noirs à reflets violets. Le dos est sombre, d'un brun noir, tacheté de points blancs vers les épaules. La queue est noi- râtre, la poitrine noire, le ventre soit de la même couleur plus grise, ou tout blanc ainsi que les flancs. Les ailes sont noirâtres, avec un miroir blanc oblique, borde (l'une bande 330 FAMILLE DES ANATIDÉS. noir-foncé. Le bec est l)leu-clair, l'iris jaune brillant. La femelle a les couleurs plus ternes, sa huppe est moins longue. Elle a des taches roussatres sur la poitrine, les flancs et le ventre. Son bec est plus foncé que celui du mâle. Les jeunes ont peu ou point de huppe, et ressemblent à peu près, comme couleurs, aux femelles. C'est un jeune morillon qui a été décrit par Buffon et par plusieurs auteurs modernes, de confiance, sous le nom de canard brun, dénomination donnée aussi à tort par quelques autres à l'oie cravant prise pour un canard. Le morillon porte aussi les noms de jji/ei huppé, jacobin. Les Anglais l'appellent tiiftrd duck. Il est commun sur nos côtes en hiver. Il ne s'éloigne guère de la mer ; je l'ai souvent rencontré sur les bancs , par les grands froids, tapi sous les berges, dans ces refuites qu'on nomme « banques » en Normandie. Les morillons partent alors isolés, au ras de l'eau, sous les pieds du chasseur, encore faut-il que les chiens les fassent lever, car, d'eux-mêmes, ils ne songent qu'à se cacher et laissent passer sans bouger ceux qui côtoient les bords des bancs. Ils plongent parfaitement. Quand ils sont en bandes ils sont abordables, même en terrain plat, surtout par les grands froids. Les morillons couvent au Nord une dizaine d'œufs d'un gris vert-clair sans taches. Quoiqu'on ait dit que le morillon pouvait passer pour un excellent gibier, j'ai toujours trouvé sa chair noire et coriace. LE MILOUIN. 331 LE MILOUIN Fuligula ferina. (Steph.) Le milouin, de taille inférieure au canard, est assez commun en France, sur les côtes nord et ouest. Le mâle a la têle et le cou d'un roux vif au printemps, d'unroux varié de noirou presque noir à l'automne. Le dos est noir au haut et au bas, avec le milieu et les cotés d'un gris cendré, gracieusement strié de bleuâtre. La queue est noire et brune, le ventre gris-sale vers le milieu, gris- cendré, varié de raies noires en zigzag vers les flancs; le haut de la poitrine est noir et le bas gris perle, strié de fines Le Milouin. {Taille, 0'".4") raies noires. Les couvertures des ailes sont grises, striées de bleu-cendré; les grandes pennes sont brunes. Le bec est petit, blcii-roncé; les pieds ont les doigts bleus et les membranes noires. L'iris est jaune-orange. 332 FAMILLE DES ANATIDES. Les femelles ont la tête et le cou bruns, avec du blanc au- tour du bec, le dos brun, strié de gris-blanchâtre, la queue grise, le bas ventre gris-brun, les flancs chinés, la poitrine blanche, les ailes brunes, pointillées de gris aux couvertures, brunes aux grandes pennes, avec un miroir gris-brun-clair. Le bec est noir, les pieds sont gris-verdâtre, l'iris est roux. Les milouins nichent au nord de l'Europe et dans toute la Grande-Bretagne. Ils font leurs nids, en mai, à terre, dans les osiers, les joncs et les roseaux qui leur en fournissent les matériaux. Ils pondent de sept à treize œufs gris-brun ou verdàtres. Leur espèce est nombreuse, ils passent au printemps et à l'automne sur nos côtes nord et ouest et descendent au Midi pendant les grands froids. Leur vol est assez rapide et irrégulier. Leur cri est : Croac! kro! kro! kro! On donne aussi à ce canard les noms de vignon, pilet maillé, pilel cendré, pilet tanné, rougeot, plumard et moreton. Les Anglais le nomment pochard. LE MILOLIXAX. 333 LE MILOUINAN Fuligula Marila. (Steph.) Le milouinan, en anglais scaup, est souvent confondu avec le milouin. A peu près de la même taille que ce der- nier, le mâle, en hiver, a la tête et le cou noirs, le bec petit et bleuâtre, l'iris jaune, le dos blanc à la partie su- périeure avec des raies noires. Le bas du dos est noir, la queue brune , le ventre blanc, légè- rement strié de noir, la poitrine mi-partie blanche et noire. Les ailes, aux cou- vertures, sont noires, marbrées de gris avec un miroir blanc oblique, les grandes pennes brunes, les pieds cendrés. La femelle a la tète brunâtre, a\ec du blanc aux commis- I.c Milouinan. [Taille. ()'".48 àO^.iO) 334 FAMILLE DES ANATIDÉS. sures du bec, la poitrine brune, les ailes brunes et blanches, la queue noire et le ventre blanc. Les jeunes ressemblent à la femelle mais sont plus unifor- mément brunâtres. Ce canard niche au Nord, et pond neuf ou dix œufsver- dàtres. Il reste plus volontiers que le milouin pendant l'hiver dans nos contrées. LA FULIGULE NYROCA. 335 LA FULIGULE NYROCA Fuligula Nyroca. (Steph.) Le canard nyroca est un habitant du iMidi. Il est ca- ractérisé par l'iris de son œil qui est blanc. 11 se montre rarement au Nord et fréquente plus régu- lièrement ^-«*^ife. ^^^ départements méridio- naux. Nos jfiïï' ik cotes ouest ne reçoivent jamais sa visite. Il niche presque dans les climats tempérés, à terre, Le Fuligule Nyroca. (Taille, 0"'.4"2) sur les marécages et pond de huit à dix œufs d'un gris jaune- clair. De la taille du morillon, le mâle, en été, a la tète et le cou roux, avec la partie supérieure delà gorge blanche et le reste roux-brun. Le dessus du corps est noir et roux, le ventre 336 FAMILLE DES ANATIDÉS. blanc-sale, la poitrine marron. Les ailes sont noirâtres, avec un miroir blanc coupé par une ligne brune. Le bec est brun noir, les pieds sont bleuâtres sur les doigts, avec les mem- branes noires. L'iris est blanc. La femelle ressemble au mâle. Les jeunes sont plus foncés et ont l'iris gris-clair. Les chasseurs qui ne connaissent pas le véritable nom de ce petit canard le nomment petit canard rouge aux yeux blancs. Bulïon Ta décrit sous le nom de sarcelle d'Egypte. LE GARROT VULGAIRE. 337 LE GARROT VULGAIRE Clangula glaucioii. (Brehm.) Le garrot vulgaire, ou canard-pie, gros pilct à tète noire, canard aux yeux d^or, golden eye en anglais, est plus petit que le canard sauvage, avec des pattes moins hautes, des pieds larges et un bec court, bleuâtre, plus haut que large. Les yeux vifs sont jaune d'or. De chaque côté des commis- sures du bec, on remarque chez le mâle deux pla- ques de plumes blanches. Il a la tète et le haut du cou d'un vert foncé-mordoré. Le dessus du corps est noir, les couvertures des ailes sont blanc-pur et les grandes pen- nes noires. Le miroir de l'aile est blanc. Tout le devant du corps est de cette dernière couleur. Les pattes et les pieds sont d'iiii jaune-foncé sale. I.c Garrol vulsaire. {Taille, 0'".o-2) I.A S^LVACINK 22 338 FAMILLE DES ANATIDÉS. La femelle, bien plus petite que le mâle, a la tête et le cou brun-roux, le dos brun et gris, le haut de la poitrine gris-foncé, le reste des dessous est blanc, le bec noir. Les jeunes ressemblent aux femelles. Chez les uns et les autres la tête est grosse, non huppée mais a les plumes très retroussées. Les garrots portent la tête très penchée et leur bec s'ap- puie souvent sur la poitrine, ce qui, avec leurs yeux clairs, con- tribue à leur donner une apparence ironique très caractéris- tique. Ils marchent avec difficulté, et se tiennent plus volontiers sur l'eau que sur la terre. Leur vol est raide, rapide et sibilant. Ils ne sont pas très répandus en France, bien qu'ils y res- tent tout l'hiver, surtout dans le Midi. Ils passent régulièrement dans toutes nos provinces au printemps et à l'automne. Le garrot niche au Nord, jamais en Angleterre; il pond de dix à quatorze œufs vert-clair. LE GARROT HISTRION. 339 LE GARROT HISTRION Clangula histrionica. (Boie.) ( Taille, 0'".40 à 45) Très rare en France, au point que j'ai hésité à le classer parmi les espèces fréquentant nos parages, le garrot histrion habite le Nord, l'Islande notamment. Il est plus petit que le précédent. Le mâle est entièrement noir et bleu-ardoise, avec les flancs roux. Mais il a une ligne blanche de chaque côté des yeux, une tache blanche derrière les joues, une plaque de même couleur aux cotés du cou, au haut de la poitrine un collier blanc rejoiiiuant une tache de même couleur de chaque côté des épaules et un miroir bleu sur l'aile. L'iris est brun-noir, les pieds sont jaunâtres avec les palmures noires. La femelle est brunâtre, avec des taches l)lanches de cha- que côté du front, des yeux et des joues. Cette description est faite d'après nature comme toutes celles qui figurent dans cet ouvrage. Je m'étais procuré un garrot histrion à grand peine. Une circonstance fâcheuse m'a empêché d'eu faire un dessin d'après l'original. Il aurait été fa- cile de le reconstituer de mémoire, mais toutes les gravures de ce livre étant rigoureusement faites d'après nature, j'ai préféré m'en tenir à une description écrite. L'oiseau est, du reste, facile à reconnaître à sa couleur foncée, brusquement rayée de blanc ce qui lui a valu son nom d'histrion ou d'arlequin. 11 est aussi à présumer (jue peu de chasseurs rencontreront ce ca- nard (jui habite })lutôt rAinéri(|ue. 340 FAMILLE DES ANATIUÉS. Le garrot histrion pond une douzaine d'œufs d'un jaune sale, au milieu des herbes, dans les régions les plus rappro- chées du pùle. C'est ce canard que Buffon appelle le canard à collier de Terre-Neuve et que les pêcheurs de ces parages nommaient the lord ou seigneur. I.A Frur.ILE MIOUELONNAISE. 341 LA FULIGULE MIQUELONNAISE OU HARELDE GLACIALE Harelda glacial is. (Steph.) La fuligule miquelonnaise, appelée aussi canard de Minac- Ion, canarda longue queue de Terre-Neuve, petil pilet, pelil dé \ \ -- :<-- l.a Fuligule miquelonnaise. (TniUc. 0"'.G-i aver les filels de la qinnie.) riveux et long tailed due/,- [»ar les Anglais, se rencontre quel- quefois sur les côtes nord de la France et sur celles de l'Océan pendant les i»rands froids. Oiseau de rencontre, amené seulement |»ar les hivers ri- goureux, et très singulier. Le màlc, en été, a la tête blanche, avec le dessus cl les 342 FAMILLE DES ANATIDÉS. côtés du COU d'un noir pur. Le dessus du corps est de la même couleur, avec une bande rousse de chaque côté des épaules. La poitrine est noire et rousse, le ventre blanc. Les ailes sont noires et blanches; la queue est blanche, ornée de deux filets bruns qui s'allongent démesurément. Le bec est noir, rou- geâtre vers le milieu. Les pattes sont courtes, les pieds longs ont les doigts jaunes avec les palmures noires. L'iris est roux. En hiver, le mâle a la tête blanche avec les côtés du cou roux, la poitrine brune, le ventre blanc. C'est sous ce plu- mage que nous le présentons à nos lecteurs. Les femelles n'ont pas de filets à la queue, elles sont plus rousses avec les dessous blancs. Ce qui caractérise surtout ce genre de canard, c'est la forme delà tète, très ronde, au front proéminent, et celle du bec qui est extrêmement déprimé et de la même largeur à la base qu'à l'extrémité, le peu d'élévation des pattes, la largeur des pieds, et la longueur des filets de la queue. Le canard de Miquelon niche tout à fait au Nord et pond de cinq à sept œufs vert-clair sans taches. On le rencontre très accidentellement par paires, le plus souvent il voyage isolé. Il est, comme le pilet, un excellent plongeur. L'EIDER VULGAIRE. 343 L'EIDER VULGAIRE Somateria moUissima. (Boie.) L'eider, si remarquable à tant de points de vue, l'est aussi par la disposition de ses couleurs qui, contrairement à ce qu'on I.'Eiiler vulgaire. [Taille, 0'".(i8 à TO) observe chez la plupart des autres oiseaux, sont plus foncées sous le corps qu'au dessus. Le mâle prend son plumage de noces vers le mois de dé- cembre ou de janvier. Il a alors le dessus de la tète noir, se- 344 FAMILLE DES ANATIDÉS. paré au milieu par une raie blanche. Le haut du cou et les joues sont blancs; les plumes des côtés du bec et du front s'avancent très loin sur ce bec et vont rejoindre les narines. Le bec est vert et l'iris clair. Derrière la nuque et sur le haut du cou on remarque une large tache vert-clair. Tout le dessus du corps est blanc, à l'exception du bas du dos et de la queue qui sont noirs. Le bas de la poitrine, le ventre, les flancs (à l'exception des côtés du croupion qui sont blancs) sont d'un noir profond. Le haut de la poitrine est blanc, lavé d'une teinte roussâtre. Les ailes sont blanches sur toutes les couvertures, noires aux grandes pennes. Les pieds sont verts. Au milieu de l'été, le maie quitte son plumage d'amour, et revêt une livrée qui ressemble alors à celle de la femelle. Cette dernière a la tête et le cou roux, flammés de traits noirs. Le dessus du corps est gris-brun, varié de roux. Le ventre est brun-foncé, onde de roux, la poitrine est rousse, striée de noir. Les ailes sont brunes avec une bande blanche. Les jeunes ont la tête plus grise et les ailes plus claires. L'eider, très bas sur pattes et très trapu, est presque aussi gros que l'oie rieuse. Il niche au Nord, enNorwège, en Islande, en Ecosse et aux (( Farn Islands ». Il construit son nid à terre, dans les mon- ceaux de pierres ou dans les crevasses des rochers. Il le tapisse avec du gazon, des herbes marines desséchées, mais surtout avec le duvet noir ou brun de son ventre, duvet si élastique, si léger et si moelleux qu'on nomme édredon. L'eider pond de cinq à huit œufs gris-vert ou crème sans taches. La femelle couve avec assiduité et le maie la relaye quel- quefois, mais rarement. Quand, par hasard, l'eider quitte ses œufs, il les humecte, paraît-il, d'un liquide huileux, jaune et nauséabond. 11 est L'EIDER VULGAIRE. 345 proba])le que c'est pour les préserver et pour les soustraire à la gourmandise des mouettes et des goélands qui sont très friands des œufs des autres oiseaux. On appelle quelquefois vulgairement Teider oie à duvet et canard édredon. En Angleterre on le nomme eider-duck. L'eider fait entendre au temps des amours un cri qu'on a traduit par : Ah! o! et en temps ordinaire un son inarticulé « hr! kr! kr ! » Cet oiseau visite nos cotes pendant les grands froids. Ordi- nairement Teider, plongeur émérite, ne vient pas souvent sur les marais et se cantonne plutôt en mer ou sur le bord des grèves. Cependant un de mes amis a tué un eider dans un petit marais à l'embouchure de la Seine, dans des conditions anormales que je crois pouvoir rapporter ici : C'était en 1870. Après une longue période de froid très vif, le dégel était arrivé subitement avec un grand coup de vent. La mer était démontée. Mon ami partit avec son père, de grand matin, pour se rendre à un marais voisin. En arrivant en vue d'une large mare, ils aperçurent un oiseau qu'ils prirent pour une oie et qui se leva à leur approche. Le marais est couvert de mares de gabion. Le volatile allait de l'une à l'autre de ces pièces d'eau sans jamais se laisser surprendre à portée. Mes amis, enragés chasseurs, le poursuivirent pendant plus de quatre heures. A la fin, ayant remarqué qu'il avait toujours une tendance à revenir à la mare où ils l'avaient vu pour la piemière fois, marc appelée les Six-acres, l'un d'eux se cacha dans un fossé, l'autre se mit de nouveau à la poursuite de l'oiseau, (jui, au bout de quelque temps revint elïective- ment pour se poser sur les Si.r-acres et passa assez loin du chasseur embusqué qui lui envoya deux charges de plomb 00, et le blessa, mais pas suflisamment pour l'empêcher de faire une nouvelle randonnée. Melevé encore une fois, il revint passer à portée de mon ami (]ui l'étendit raide. C'était un 346 FAMILLE DES ANATIDES. eider mâle superbe. Je ne cite ce fait que parce qu'il est rare de trouver des eiders sur les marais et surtout de les voir persister à y rester malgré une poursuite aussi longue. 11 est probable que l'état de la mer empêchait l'oiseau de tenir le large. Bien qu'on tue assez souvent des eiders sur nos côtes, ils ne paraissent pas être de passage régulier. Les grands froids semblent seuls les décider à descendre et à pousser leurs in- cursions jusque sur le littoral du Sud-Ouest. L'KIDER A TÈTE GRISE. 347 LEIDER A TÊTE GRISE Som a ter ia spectabilis . (Boie.) {Taille, 0™.65) L'eider dont nous venons de parler est l'eider vulgaire. A côté de lui existe une autre espèce plus rare sur nos côtes. L'eider à tète grise, à peu près de la même taille que le précédent, mais plutôt un peu plus petit, a le dessus do la tète et de la nuque d'un gris bleuàtre-clair. Le bec est jaune avec deux protubérances rouge-vif à sa base qui est moins emplumée que celle du bec de l'eider vulgaire. Le dessus du corps est semblable à celui de ce dernier, mais avec un peu de brun aux couvertures supérieures des ailes. Le ventre et les flancs sont noirs, la poitrine est roux-jau- nàtre clair. Les pieds sont jaunes avec les palmures noires. La femelle ressemble à peu près à celle de l'eider vulgaire mais, au lieu d'être rayée de noir sur fond roux, la poitrine est simplement tachetée. C'est cet eider, je crois, qu'on désigne en Angleterre sous le nom de king eider ou eider-roi. Son mode de propagation est le même que celui de l'eider ordinaire. 348 FAMILLE DES ANATIDÉS. LES MACREUSES Les macreuses sont de véritables canards de mer, et n'ont rien de commun avec les oiseaux qu'on chasse sous ce nom sur les étangs du Midi et qui ne sont autre chose que des foulques. Contrairement aux autres canards, les macreuses ne quit- tent pas la mer où elles se réunissent en troupes considérables, occupées sans cesse à pêcher sur les hauts fonds. Dès que Tune d'elles plonge, toutes les autres font de même et dispa- raissent sous l'eau en peu d'instants. Elles volètent, entre leurs immersions, en passant les unes au dessus des autres et en rasant l'eau; elles visitent ainsi un assez grand espace de pêche. Quand elles prennent le vol, elles se reposent toutes assez près de l'endroit d'où elles sont parties. On ne peut, sauf dans des circonstances exceptionnelles, comme celle que je citerai plus loin, tirer les macreuses qu'en bateau, elles n'approchent guère du rivage et se tiennent constamment au large. Les pêcheurs en prennent souvent de grandes quantités, soit dans les filets qu'ils disposent pour prendre le poisson, soit dans ceux qu'ils tendent horizontalement aux endroits que fréquentent les macreuses. La chair de ces oiseaux est considérée par l'Église comme aliment maigre. La raison de celte tolérance qui remonte à une époque fort éloignée, a sa source dans une légende bizarre, détruite maintenant, mais qui a laissé subsister le privilège LES MACREUSES. 349 et qu'on a appliquée aussi à l'oie bernache et au cravant. On avait vu les macreuses apparaître tout à coup en nom- bre considérable sans qu'on put se rendre compte de Tendroit où elles avaient établi leur nid et déposé leurs œufs. Ou en avait auguré tout naturellement qu'elles ne devaient pas se reproduire comme les autres oiseaux. Certains « savants » prétendirent qu'elles naissaient du fruit d'un arbre croissant aux îles Orcades. D'autres les firent éclore du bois pourri dans l'eau de mer; les derniers voulurent qu'elles sortissent d'un coquillage que pour cette raison on nomma a7^rt^i/è c'est-à-dire qui porte des canards. On prétendit même que les macreuses avaient le sang froid et que leur graisse ne figeait jamais. L'Église permit donc de manger des macreuses comme chair maigre en carême. La vraie raison de cette permission anormale, il faut la chercher ailleurs, elle a été, je crois, inspirée par d'autres considérations que des considérations plus ou moins scienti- fiques. En effet, les macreuses sont très nombreuses au moment du carême, époque du passage de printemps, sur les côtes ouest et nord de la France. Elles étaient, et sont encore, une ressource précieuse pour les habitants, généralement peu fortunés, du littoral. Un pré- lat plus avisé et plus humanitaire que les autres aura baptisé la macreuse poisson et permis ainsi d'utiliser sans péché, une richesse envoyée par la Providence elle-même. Bien des commandements de l'Église ont été inspirés par des considérations tout aussi pratiques. Sur les cotes de la Manche, on ne vend pas les macreuses au marché, on les expose à la poissonnerie. Si les oiseaux de mer évoquent toujours pour moi quelque 3o0 FAMILLE DES ANATIDÉS. souvenir de jeunesse, les macreuses, elles, me rappellent ma plus tendre enfance. Pendant les jours forcés d'abstinence, mon plus grand bonheur était d'obtenir de mes parents la permission d'aller, avec la vieille cuisinière, choisir une ma- creuse à la poissonnerie. C'était du gibier, et le chasseur en- ragé que je suis devenu sommeillait déjà en moi, puis une macreuse écorchée et accommodée à la Normande, c'est-à- dire préparée en civet, absolument comme un lièvre, n'est pas à dédaigner. Je suis maintenant moins enthousiaste qu'autrefois, mais j'ai la religion des souvenirs, et c'est toujours avec un nou- veau plaisir que je salue sur la table l'apparition de ce plat du pauvre, dont la vue me reporte bien loin dans le passé. J'ai dit que les macreuses ne quittaient jamais la mer que quand elles y étaient contraintes par une circonstance extra- ordinaire. Voici un exemple de cette dérogation à leurs ha- bitudes : 11 date d'hier : Au mois de janvier dernier, un grand navire chargé de pé- trole a pris feu à l'embouchure de la Seine, en face de Ber- ville. La mer a été saturée du liquide nauséabond. De grandes bandes de macreuses se trouvaient en baie. Beaucoup périrent intoxiquées par le pétrole répandu à la surface de l'eau, les autres, ne pouvant tenir la mer, vinrent toutes prendre terre sur les grèves, les marais et les bancs où les chasseurs en firent un massacre incroyable. Pendant trois jours ce fut une petite guerre; plus de mille oiseaux furent tués sur les côtes sur un espace de trois lieues. Une ville voisine en vit entrer à l'octroi sept cent qua- rante quatre. Un de mes amis en a tué trente-sept en deux heures, un au- tre quarante dans une après-midi. Mais^ car il y a un mais, plusieurs de ces macreuses étaient LES MACREUSES. S'il immangeables. Elles sentaient le pétrole et étaient impropres à la consommation. Que n'avaient-elles conservé le bon goût d'huile naturelle qu'on reproche tant à tous les oiseaux de mer! Mais, la civilisation aidant, les Normands ont pu, pen- dant quelque temps, apprécier les amertumes de la cuisine au pétrole d'Amérique. Il y a en France, de passage, trois espèces de macreuses : La macreuse orchnaire, la double macreuse et la macreuse à lunettes. :!o2 FAMILLE DES ANATIDÉS. LA MACREUSE ORDINAIRE Oidemia ni g va. (Flem.) A peu près de la taille de la cane sauvage, le mâle de la macreuse ordinaire est entièrement noir, avec des teintes vio- lacées à la tête et au cou. La Macreuse ordinaire (jeune mâle). {Taille, 0"'.52) * Il n'a pas de miroir sur l'aile. Le bec porte à la base une protubérance noire. Il est jaune aux narines; l'iris est rouge, les paupières sont jaune-orange, les pieds noirs. LA MACREUSE ORDINAIRE. :jo3 La femelle, plus petite, est connue sous le nom de grisette en Picardie, de hizclte en Normandie. Elle a le dessus du corps brun-noiràtre, le dessous du cou gris, tacheté de brun, le haut de la poitrine brun, le bas brun-cendré ainsi que le ventre. Les flancs sont bruns, les ailes brunes aux couvertures, noi- res aux rémiges. Le bec est noir et la protubérance peu appa- rente. Les pieds sont noirâtres, l'iris brun. En vieillissant, les femelles tournent au noir terne. Les jeunes macreuses sont brunes, avec les dessous gris ondes de brun et les pieds d'un jaune vert sale. C'est un jeune mâle que représente la gravure. La macreuse ordinaire niche dans les petites îles du Nord de l'Europe et de l'Ecosse. Elle pond en mai ou juin de six à neuf œufs blanc-sale, dans un vide creusé dans la terre ou dans une déclivité naturelle de terrain et à Tabri d'arbustes ou de touffes d'herbes. Le nid est tapissé de plantes marines desséchées et d'herbes mortes. La macreuse ordinaire arrive en France de très bonne heure et y reste tout l'hiver. Les Anglais la nomment common scotcr. LA SALVACINi:. 23 354 FAMILLE DES ANATIDÉS. LA DOUBLE MACREUSE Oidemia fusca. (Flem.) Cette macreuse est un plus peu grande que le canard sau- vage. On la nomme aussi macreuse brune. Le mâle est d'un beau La double Macreuse. {Taille, 0"'.58) noir. Ce qui le distingue de la macreuse mâle ordinaire, c'est un miroir blanc sur l'aile et une tache de même couleur au- tour des yeux. Le bec est rougeâtre à la pointe, noir aux protubérances. LA DOUBLE MACREUSE. 3oo L'iris est blanc. Les pieds ont les doigts rouges et les mem- branes noires. Les femelles sont plus petites, elles sont brunes, avec du blanc aux joues. Le bec ne porte pas de protubérances. L'iris est brun, les pieds sont rougeâtres. Les jeunes sont grivelés de brun sur fond gris en dessous, bruns en dessus. Leurs pieds sont rouge-orange très foncé. La double macreuse niche au Nord et pond une dizaine d'œufs blanc-sale. Elle est un peu moins répandue que la ma- creuse ordinaire , mais visite régulièrement la France où on la rencontre une partie de l'hiver. On la confond souvent avec la macreuse ordinaire, bien que l'existence du miroir blanc sur l'aile et de la plaque blanche autour des yeux suffisent à faire facilement distinguer le maie de celui de la macreuse commune. 3b6 FAMILLE DES ANATIDÉS. LA MACREUSE A LUNETTES Oidem ia perspicilla la (Steph.) Pas de confusion possible avec les autres espèces. Le plu- mage du mâle est entièrement noir, sans miroir sur l'aile. La Macreuse à lunettes. {Taille, O^.aa) La tête est caractéristique; le front porte une plaque blanche et la nuque et le haut du cou sont entièrement de la même couleur qui tranche brutalement sur le noir pur du reste du plumage. Le bec est singulier, difforme. Il a, à chacun de ses côtés, LA MACREUSE A LUNETTES. 357 deux énormes protubérances rondes et noires. Le reste du bec est rougeatre, mais les plumes de la tète se prolongent jusqu'aux deux tiers de la mandibule supérieure qu'elles cou- pent d'une ligne noire. L'iris est blanc. Les pieds sont rouges et les palmures noires. La femelle est brune en dessus, avec la tête noire et une tache blanche autour des yeux. Elle a le ventre gris, les cou- vertures des ailes brunes et les rémiges noires. Les jeunes oiseaux sont bruns en dessus, grivelés de brun et de gris en dessous. Les jeunes mâles ont la plaque blanche sur la nuque. Cette macreuse est plus rare que les précédentes sur nos côtes. Cependant on en tue quelques-unes régulièrement tous les ans. Son mode de propagation est, paraît-il, le même que celui des autres macreuses. l^Ue porte aussi en France les noms de macreuse à large bec et de canard marchand. Les Anglais la nomment surf SCO ter. 338 FAMILLE DES ANATIDÉS. Sous-famille des Mergiens. LES HARLES Les harles ont des formes bien caractéristiques. Us ont la structure des canards, mais avec les pattes un peu plus à Tarrière du corps, leurs pieds sont complètement palmés comme ceux des Anatiens. Ils ont leur vol soutenu, mais leur bec diffère de celui des canards et a une forme toute parti- culière. Il est plat à la base, cylindrique, mince dans le reste de sa longueur et terminé par un crochet acéré et recourbé, (^e bec est garni de dents ou lamelles parfaitement visibles sur toute son étendue. Les harles sont d'excellents plongeurs. Ils sont tous huppés. Ces deux particularités pourraient peut-être les faire considérer comme une espèce transitoire entre les canards et les grèbes, mais j'ai lu dans plusieurs ouvrages, qui, dit-on, font autorité en matière de chasse, que les harles tiennent le milieu entre les canards et les hérons ! Je vois bien les analogies qu'ont les harles avec les canards, mais celles qu'ils peuvent avoir avec les hérons me laissent rêveur! J'ai trouvé Toriginc de ce rapprochement fantaisiste dans un ouvrage de chasse datant de bien loin et qui a été depuis cons- ciencieusement copié par beaucoup d'auteurs. Il est du reste pardonnable, même à de grands chasseurs, de n'avoir jamais vu de harles. J'ai rencontré les trois espèces qui fréquentent ou plutôt LES HARLES. 3o9 visitent nos côtes, mais par de telles températures que je com- ' prends presque ceux qui préfèrent emprunter leurs rensei- gnements à des écrivains plus ou moins sérieux, qu'on peut feuilleter au coin du feu, sans aller pendant les grands froids observer les oiseaux sur les grèves. On y risque quel- quefois la peau de ses jambes, c'est ce qui est arrivé à un de mes compagnons qui, un matin oii nous avions pu voir défiler devant nous toutes les variétés d'oiseaux qu'amènent seuls les grands froids, notamment des harles-piettes, a eu les jambes gelées et mises à nu quand il a retiré ses bottes. L'Europe peut compter parmi ses visiteurs quatre espèces de harles : Le harlo bièvre, le harle huppé, le harle couronné et le harle piette. Le harle couronné ne descendant presque jamais en France, je ne parlerai que des trois autres espèces. 360 FAMILLE DES ANATIDES. LE HARLE BIEVRE Mergus Merganser. (Linn). C'est le plus grand elle plus beau des harles. On le nomme Le Harle bièvre. (Taii^e, 0™.70) aussi grand harle, harle commun, hievre, harle blanc, bec-de- scie, grande ridenne, hère; les Anglais l'appellent goosander. LE n\RLE BIÉVRE. 361 De la taille d'une petite oie, le màlea la tête et le cou noirs, à reflets verts, avec les plumes retroussées formant huppe. Le clos est noir en haut, gris-cendré au milieu et au bas, la queue est grise, avec des teintes brunes. Le ventre et la poi- trine sont blancs et, pendant que l'oiseau est en vie, présen- tent une teinte rosée qui disparaît quelques instants après la mort. Les couvertures des ailes sont blanc-jaunutre, bordées de noir, les grandes pennes brunes à l'extrémité. Le bec, plat à la base, cylindrique au milieu et terminé par un crochet acéré très prononcé, noir, est recourbé et rou- geatre. Il est garni de dentelures très apparentes en forme de scie qui ont valu au bièvre son surnom de hcr-dc-scie L'iris est rouge, les pieds sont rouge-vermillon. La femelle, un peu plus petite, est aussi huppée que le mâle mais sa tête est brune, son dos grisâtre, sa gorge blan- che, avec une teinte rousse au milieu du cou et de la poitrine. Cette dernière est grise sur les côtés. Les flancs et le ventre sont blancs, les pieds rouges, avec les palmures grisâtres. L'iris est brun-roux. Les jeunes sont semblables à la fe- melle. Le liarle bièvre niche en avril et mai au nord de l'Europe, dans les îles des côtes d'Ecosse notamment. Son nid est amé- nagé dans les rochers, les crevasses ou même dans les bois, au pied d'un arbre, entre les racines. 11 contient de six à douze œufs blanc-crème. Le harle bièvre nous visite surtout pendant les hivers ri- goureux. Comme tous les harles il a la faculté de nager la tête seule hors de l'eau. Son cri est un sifflement plaintif. Par les grands froids, les bièvres s'approchent des côtes et quand il fait beaucoup de vent ils recherchent les anses où les eaux sont plus calmes. On les tire soit quand ils se tiennent en mer et qu'ayant plongé ils reparaissent à la surface de l'eau, soit du ri- 362 FAMILLE DES ANATIDÉS. vage comme les canards, quand ils passent à la lame à ma- rée haute. On en tue aussi quelques-uns au gabion ou à la hutte. Bien que la chair du bièvre ne soit pas un mets bien dé- licat, ce bel oiseau est un gibier très recherché à cause de son volume, de sa rareté et de l'endurance que demande, pour ceux qui le recherchent, la rigueur de la saison où il fait ses apparitions. LE HARLE HUPPE. 36:5 LE HARLE HUPPE Mergus Scrmtor. (Linn.) Le harle huppé, plus petit que le précédent, est de la taille d'un fort canard. I..- Ilarlc liuppc. {Tnilti\ ()"'.(iO) [>e mâle a la lète noire et liuppée, mais d'une faron bien plus prononcée que le liarle bièvre. Les plumes de la huppe 364 FAMILLE DES ANATIDÉS. sont longues et effilées et retombent en arrière. Le cou est blanc, avec une ligne noire verticale sur le milieu de la par- tie postérieure. L'iris est rouge. Le haut du dos est noir foncé, le bas gris-cendré, avec des stries noires. La queue est brune, le ventre blanc pur, la poitrine rousse, grivelée de noir. Aux ailes, vers l'épaule, on remarque une sorte d'épaulette for- mée de plumes gonflées et arrondies, noires avec de larges taches blanches à leur extrémité. Les couvertures sont blan- ches en forme de large miroir et coupées de deux étroites lignes noires. Les rémiges sont noires. Le bec ressemble à celui dubièvre, il est rouge. Les pieds sont de couleur orange. La femelle est plus petite, elle a la tête moins huppée que celle du mâle, d'un brun roux, l'iris brun, le dos gris-brun, le ventre et la poitrine blancs, les flancs gris-brun, la gorge blanchâtre ondée de roux. Les pieds sont de teinte orangée. Les jeunes ressemblent à la femelle mais n'ont pas de roux à la gorge. Les harles huppés sont moins communs en France que les grands harles; cependant ils passent régulièrement sur nos côtes et s'y rencontrent aussi l'hiver. Le harle huppé porte en Picardie le nom de ripoupéc, les Anglais l'appellent rcd breasted mer ganser. 11 niche, en mai et juin, en Ecosse, aux îles Orcades, Shet- land, aux Hébrides, dans les joncs, sur les bancs, dans des trous de lapins. Les œufs au nombre de six à sept sont dépo- sés dans un nid formé de gazon et d'herbes sèches. Ils sont d'un gris olivâtre ou jaunâtre. LE HARLE PIETTE. 36o LE HARLE PIETTE Mergus Albellus. (Linn.) Le harle piette est de la taille d'un petit vingeon. La tête chez le maie est huppée, blanche sur le dessus et le front, l \ » I.c Ilarle |)icttc. {7fu7/e, 0'".Vi avec une tache noire à reflets verts sur l'occiput et une grande plaque de même couleur autour des yeux allant rejoindre le bec. L'iris est roux, le bec bleu et de même forme ({ue celui des autres harles, mais plus court. Le bas de la tête, le cou, le ventre sont d'un blanc pur argenté ce qui a fait par erreur 366 FAMILLE DES ANATIDÉS. croire souvent que le harle piette était un grèbe. Le dos est noir. Une bande de cette couleur passant sous les épaules qui sont blanches vient former deux demi-colliers sur les côtés de la poitrine. La queue est grise et brune. Les flancs sont striés de lignes noires sur fond gris. Les ailes sont blanches aux couvertures, variées de blanc et de noir vers leur milieu et noirâtres à l'extrémité. Les pieds ont les doigts bleus et les palmures noires. La femelle est plus petite. Elle a la tête huppée et ainsi que le haut du cou de couleur roussatre; le dessus du corps est brun-grisâtre, la queue brune, le ventre blanc, la poitrine grise; la gorge et le bas du cou sont blancs. Les ailes sont blanches et brunes. Les jeunes sont semblables aux femelles, mais les jeunes mâles ont la plaque noire du tour des yeux bien indiquée. Le harle piette niche au Nord, dans les marécages. Il pond une douzaine d'œufs jaunâtres. On le nomme piette, piutte, religieuse, les Anglais l'appellent sinew. Il fréquente les bords de la mer, les marais, l'embouchure des fleuves et le bord des rivières et des lacs. Les harles piettes volent avec une ex- trême rapidité et quelquefois à une assez grande hauteur, alors que les autres harles ont le vol bas. Ils vont quelquefois par petites bandes de plusieurs individus, s'abattent sur les mares de gabion et passent surtout le matin à la volée comme les autres canards. Je n'en ai cependant rencontré que pen- dant les hivers très rigoureux et par les temps de neige. Ils sont excellents plongeurs. GROUPE DES PLONGEURS BRACHYPTÉRES Pour beaucoup, tous les oiseaux de ce groupe sont des Plongeons. Surle littoral de la Manche, sur celui de l'Océan, on ne les désigne pas autrement. Cependant il existe entre les di- verses espèces qui composent cette catégorie de palmipèdes de telles différences que la classification adoptée par les natura- listes paraîtra très naturelle à ceux qui prendront la peine de comparer entre eux tous ces plongeurs. Cependant ils ont entre eux des caractères communs : leurs ailes sont toujours courtes, chez quelques espèces elles sont impropres au vol. Leurs pattes sont situées tout à fait à l'ar- rière du corps et ne leur permettent de se tenir à terre que dans une position presque verticale. Tous plongent parfaite- ment et passent une grande partie de leur existence sur ou sous les eaux. Les Plongeurs Brachyptères forment, pour les espèces qui visitent la France, trois familles. La premièreest celle des Grè- bes, si remarquables par la conformation de leurs pieds. La seconde, celle des Colymbidés, comprend les plongeons pro- prement dits. La troisième, celle des Alcidés, se divise en deux sous-familles : celle des Uriens, ou guillemots et mergules et celle des Alciensou pingouins et macareux. CHAPITRE II FAMILLE DES PODICIPIDÉS LES GRÈBES Les caractères distinctifs des grèbes sont l'absence de la queue et la conformation de leurs tarses que, pour la clarté, je continuerai à désigner sous le nom de pattes, et celle de leurs doigts. Leurs pattes sont très aplaties latéralement, cou- vertes de grandes écailles et leurs doigts (un pouce en arrière très court et trois doigts en avant dont l'externe plus long que les autres), ne sont pas reliés par une même membrane, mais respectivement palmés : ils ressemblent à de longues feuilles d'arbre verdàtres. Leurs ongles sont plats, larges et rappel- lent vaguement ceux d'un enfant. Il est facile avec ces données de distinguer les grèbes des plongeons proprement dits dont les pieds sont entièrement palmés et qui ont des ongles sembla- bles à ceux des autres palmipèdes. Leur bec est droit, conique et pointu, leurs plumes brillantes sont soyeuses, duvetées. Les grèbes sont, avec les Eiders, les oiseaux aquatiques que la valeur de leur plumage a le plus contribué à faire con- naître des profanes en matière de chasse et d'histoire natu- relle. Pendant longtemps, la mode a été aux manchons et aux toques (le grèbe et cette mode avait quelque raison d'être : Hien de plus séduisant que la fourrure du grèbe, rien de plus L\ .SALV\(;INE. 24 370 FAMILLE DES PODICIPIDÉS. riche, de plus brillant, de plus moelleux, de plus chaud et en même temps de plus léger. La partie utilisable de la dépouille des grèbes est le dessous du corps qui, chez la plupart des espèces, est blanc d'argent à reflets métalliques, nuancé sur les bords de brun luisant. Les pattes sont situées à l'arrière du corps, les cuisses ne sont pas détachées, aussi les grèbes ne peuvent-ils se soutenir que difficilement sur le sol et clans une position presque en- tièrement verticale. Ils ne peuvent prendre leur vol à terre et, quand ils y sont surpris, ils se laissent appréhender aisément. J'ai été plusieurs fois témoin de la capture, sur les plages, par les pêcheurs du littoral, de grèbes amenés sur le bord soit par un coup de vent, soit par toute autre circonstance anormale. Mais sur l'eau, les grèbes se dédommagent. Ils sont dans leur élément ; plongeurs sans rivaux, ils peu- vent rester immergés plusieurs minutes et parcourir sous les eaux des espaces considérables avec une surprenante vélocité ce qui les a fait souvent prendre pour des plongeons. Ils se tiennent plus volontiers sur les eaux douces que sur les eaux salées. Sur les lacs, les étangs et les rivières, leur chasse en bateau n'est pas sans intérêt et présente quelques difficultés. Les vieux grèbes sont rusés. On trouve cependant assez souvent les grèbes en mer, sur- tout à l'embouchure des fleuves. On les chasse en barque, c'est la chasse la plus courante, mais rien n'est plus intéres- sant que d'essayer, du rivage, de tirer un grèbe qu'on aper- çoit sur Teau. Les grèbes ont toujours tendance à s'approcher de la grève, surtout à mer baissante, pour y trouver le menu poisson qui, on le sait, grouille au bord du flot. Quand on a avisé un de ces oiseaux à peu de distance de la rive, il faut se baisser et se dissimuler autant que possible pendant que le grèbe reste à la surface, puis profiter du mo- ment de son immersion, et il plonge souvent et reste long- LES GRÈBES. 371 temps SOUS l'eau, pour approcher le plus possible de l'endroit où on pense qu'il va reparaître. Autrefois les grèbes qu'on appelait vulgairement, comme on le fait encore aujourd'hui, des plongeons, passaient pour fort rusés et pour très diliiciles à tuer. (]ela peut se concevoir dans une certaine mesure. On les tirait avec des fusils à pierre. Dès qu'ils voyaient le feu de l'amorce, ils disparais- saient sous l'eau et le plomb ne rencontrait que le remous qu'ils avaient laissé en plongeant. Mais maintenant, avec les armes dont nous disposons, cette déconvenue n'est plus à craindre. On doit tirer l'oiseau dès qu'il émerge, mais avoir soin tou- tefois de ne pas tirer trop haut et de viser en plein corps. On a cependant dit souvent que les plongeons devaient être tirés à la tète. S'ils ne plongeaient pas, ce serait exact. C'est bien la tête que le chasseur doit surtout tacher d'atteindre chez tous les plongeurs, qui ne restent sur place que lorsqu'ils sont frappés à mort, mais en visant la tête, on risque presque toujours de tirer trop haut et de ne rien atteindre. En effet, le grèbe, comme tous les oiseaux plongeurs, dès qu'il s'aperçoit qu'il devient le point de mire du tireur, plonge de nouveau. Or, au moment de plonger, il fait un mouvement ondulant du cou, jnouvement qui ramène la tête presque au niveau de la poitrine pour la faire disparaître la première sous l'eau, aussi, si on vise la tête, alors qu'elle est verticale, le coup passe toujours au dessus de l'oiseau sans rencontrer cette partie visée qui lorsque le plomb arrive se trouve déjà bien en con- tre-bas. Kn tirant l'oiseau en plein, au contraire, on a la chance d'atteindre la tête quand, ramenée au niveau du corps \)i\v ce mouvement singulier que l'on connaît, elle n'est pas encore immergée. Comme un plomb dans le corps peut du reste tuer l'aide un grèi)e, je crois donc (|ni! vaut mieuv ne l)as tiroi- trop haut sur l'eau. Ouand il est frappe, le grèbe, 372 FAMILLE DES PODICIPIDÉS. comme la plupart des autres oiseaux plongeurs, fait le simu- lacre de plonger, laisse tomber sa tête dans l'eau, et, emporté par l'impulsion que lui donnent les pattes, culbute, et reste à la surface, le ventre en l'air. S'il se débat dans une autre posi- tion, soit qu'il n'ait que l'aile cassée, soit qu'il n'ait reçu qu'une blessure lui laissant quelque vigueur, il faut le redou- bler immédiatement, car un grèbe qui n'est que blessé est presque toujours perdu pour le chasseur. Le grèbe nage avec une incroyable vitesse, il semble courir sur l'eau, le corps à moitié hors de l'élément liquide et je comprends parfaitement qu'on ait fait souvent une comparai- son entre le grèbe qui rase l'eau en s'enfuyant et le lièvre qui déboule, les oreilles droites et la tète haute, sans faire de bonds. Il y a des instants, oii cette analogie , abstraction faite du milieu et de la couleur des deux sujets, paraît frappante. Les grèbes sont presque toujours fort gras. A mon avis et suivant l'opinion de plusieurs chasseurs ils ne sont pas à dé- daigner comme gibier de ceux qui ne craignent pas le goût particulier à toutes les espèces qui constituent la Sauvagine. L'Europe compte sept variétés de grèbes. Cinq seulement vi- sitent la France. LE GRÈBE HUPPÉ. 373 LE GREBE HUPPÉ Podiceps Cri status. (Lath.) I.e ('.r('l)o liiippé. {Taille, Q'^.ti.i) Le givbc huppé est le plus grand de la fainille. Il at- 374 FAMILLE DES PODICIPIDÉS. teint et dépasse même la taille du canard sauvage mâle. Le mâle et la femelle, au printemps, ont la tête ornée de deux houppes de plumes qui simulent des cornes et les joues garnies d'une sorte de fraise ou collerette qui leur donne un aspect tout particulier. Le dessus de la tête, cornes emplumées comprises, est noir, ainsi que les plumes de l'occiput qui se redressent en une sorte de huppe hérissée. Les plumes des joues et des côtés de la tête, très longues, se ramènent en avant et forment autour du bec et des yeux une collerette blanchâtre à sa partie mé- diane, d'un roux ardent dans la région moyenne et noire sur ses bords. Le dessus du corps est noir-brun. La queue fait ab- solument défaut, elle est remplacée par une sorte de duvet soyeux. Tout le dessous du corps est blanc argenté, brillant, avec des teintes roussâtres aux flancs et aux côtés de la poitrine. Les ailes sont noir-brun, avec le bord supérieur de leurs cou- vertures blanc et un miroir de même couleur vers le milieu, presque toujours caché quand l'oiseau est au repos. Le bec est brun en dessus, rouge sur les côtés et à la man- dibule inférieure, avec la pointe blanchâtre. Les pieds, conformés comme je l'ai indiqué, c'est-à-dire avec les doigts séparément bordés d'une large membrane et des ongles plats, sont d'un verdâtre foncé. L'iris et les paupières sont rouges. A l'automne les grèbes perdent leur huppe et leur colle- rette. Les jeunes n'ont ni toupet ni fraise. Ils ne revêtent leur li- vrée d'adultes que vers l'âge de trois ans. Le grèbe huppé est, avec le grèbe castagneux, le plus ré- pandu de la famille sur nos côtes, nos rivières et nos étangs. Il passe régulièrement en France au printemps et à l'au- tomne. Il fiéquente les eaux douces et surtout l'embouchure LE GRÈBE HUPPÉ. 37b des fleuves qu'il remonte fort loin. Par un hiver rigoureux j'en ai vu un à Paris, entre le Pont-Neuf et le Pont-des-Ar(s. Le grèbe huppé couve en avril, mai et juin en France, dans quelques localités seulement, en Norwège et dans la Grande- Bretagne. Son nid est presque toujours situé au bord des eaux douces. Il est aménagé dans les roseaux croissant dans l'eau et formé de plantes aquatiques. Il contient de trois à cinq œufs, le plus généralement quatre, blancs, qui finissent par se salir beaucoup. Cet oiseau est appelé par les Anglais grcat crcsled grèbe. En France on le nomme aussi plongeon par erreur, grèbe cornu; les pêcheurs de Normandie le nomment trelle. Son cri ressemble à un coassement de grenouille. 376 FAMILLE DES PODICIPIDÉS. LE GRÈBE JOUGRIS Podiceps grisegena. (G. R. Gray.) Plus petit que le précédent, ce grèbe est plus rare en France. Le Grèbe jougris. [Taille, 0'".4;i) Chez les deux sexes, au temps des amours, la tête est sur- montée d'une huppe formant deux cornes noires; le front est LE GREBE JOUGRIS. 377 de la même couleur, ainsi que le haut du cou. Les joues et la gorge sont gris bleuâtre très clair, c'est de cette particularité que l'oiseau a tiré son nom de jougris. Le dessus du corps est brun-foncé, le ventre blanc, avec le plumage soyeux et bril- lant, et quelques petites taches brunes vers les flancs qui sont roussâtres, le dessous du cou et la poitrine sont roux-ardent, d'où le nom anglais de ce grèbe red neckcd grehc ou grèbe à cou rouge. Les ailes sont brunes et ont une sorte de miroir blanc. Le bec est noir et jaune, les pieds sont d'un noir vert avec les doigts jaunâtres. L'iris est jaune-rouge. En hiver, les cornes dispa- raissent et le roux de la poitrine devient terne, l'iris tourne au jaune clair. Chez les jeunes, les joues sont blanches, mar- quées de brun, la poitrine est roux-cendré, l'iris roux. Le mode de propagation de ces oiseaux est à peu près le même que celui du grèbe huppé. Une autre variété plus grande et plus forte avec la même livrée que celle du Jougris, a été désignée sous le nom de grehe de Holboll. Je ne puis que mentionner son existence sans m'y arrêter. Je crois que celte variété n'est pas à ranger parmi nos oiseaux de France. 378 FAMILLE DES PODICIPTDÉS. LE GREBE ESCLAVON Pocliceps auritus. (Lath.) A peu près de la tailJe de la sarcelle d'été, ce grèbe, au printemps, est reconnaissable à la collerette qui lui garnit les joues et qui est, comme la tète, d'un beau noir lustré, avec deux espèces de cor- nes de plumes rousses au- dessus des yeux. Le dessous du corps est noir, la poitrine et le ventre sont blancs. La gorge est noire ou brune suivant les individus; les ailes sont noires avec une bande blanche. Le bec est rou- geâtre, les pieds sont vert- foncé. L'iris est rouge- clair. A l'automne, la collerette tombe, le dos brunit, le cou devient gris. Ce grèbe se cantonne plus au Nord que les précédents. On le trouve cependant en baie de Somme au mois de mars. Il niche dans les marais. Ses œufs sont beaucoup plus petits que ceux du grèbe huppé, mais de même couleur et comme eux ils se salissent promptement. Ce grèbe est appelé en France , esclavon, oreillard, grèbe à cou brun. Les Anglais le nomment sclavonian grèbe. ï •^f^Klf A.*--^, __J' La Grèbe esclavon. (Taille, 0'".3S) LE GRÈBE A COU NOIR. 379 LE GREBE A COU NOIR Podiceps nifjricollis. (Sund.) Ce grèbe est de la taille de la petite sarcelle, un peu plus petit par consé- quent que le grèbe esc la von, avec le- quel on l'a long- temps confondu. En été, le mâle et la femelle ont seulement le des- susde la tête huppé et d'un noir ver- dàtre , les joues sont simplement garnies de plumes effilées jaunâtres qui partent des yeux pour retom- ber gracieusement en arrière. Le dessus du corps est noir, ainsi que la gorge, le cou et la poitrine. Le ventre est blanc avec des teintes rousses aux lianes. Le bec, très petit, mince et court est noir. '..TrRK'E"^ . __- I.c Grohc à cou noir. {Taille. 0'".34) 380 FAMILLE DES PODICIPIDÉS. L'iris est rouge, les pieds sont d'un verdâtre foncé. En hiver, ces oiseaux perdent les attributs qui ornent leur tête et ressemblent au grèbe esclavon pendant la même sai- son, mais ils sont moins grands, et leurs yeux n'ont pas, parait-il, le cercle blanc qui partage l'iris des grèbes escla- vons. Les jeunes sont plus petits, gris-foncé en dessus, blancs en dessous, avec du roux à la poitrine. Ils ressemblent un peu aux castagneux. Le grèbe à cou noir, appelé en Angleterre eared grèbe est plus répandu dans le Midi que dans le nord de la France et fréquente plus volontiers les lacs et les rivières que la mer. Cependant, il passe au Nord, sur les côtes, au printemps, et est alors en plumage d'amour. La gravure qui accompagne cette description a été faite d'après un individu mâle, tué au printemps eu baie de Somme. Le grèbe à cou noir niche au bord des étangs et des rivières. Il pond trois ou quatre œufs d'un jaune roux. LE GRÈBE CASTAGNEUX. 381 LE GRÈBE CASTAGNEUX Podiceps (l uvia t ilis . (Degl.) Est-il bien nécessaire de décrire ce petit grèbe que tous les chasseurs connaissent sous le nom de petit plongeon, lulu, poussin d^eau et de pattes-en- cul? Ce qu'il im- porte de faire savoir surtout, c'est que le cas- tagneux n'est pas un plon- geon, mais un grèl)e, le plus petit de tous, Utile grèbe ou petit grèbe en anglais. Il est aussi le plus petit des plon- geurs, avec le mergule nain, toutefois, dont nous parlerons ultérieurement. Le castagneux est partout, au bord de la mer à la limite du Ilot, quand le temps est calme; dans les marécages inondés, dans les fossés remplis d'eau des marais, sur les fleuves, les rivières, les lacs, les étangs et même les mares. 11 est répandu dans toute la France. Le Caslagneux. {TaiUe, O-^.as « 0"'.30) 382 FAMILLE DES PODICIPIDÉS. Il y niche même, ainsi qu'en Belgique, en Hollande, en Suisse, en Angleterre, en Ecosse. Son nid est très grand et déposé dans les roseaux ou les herbes. Le castagneux pond ordinairement en mars et mai, quelquefois en août. Ses œufs, au nombre de trois à cinq, sont blancs ou jaunâtres, souvent sans taches, parfois pointillés de brun. Le castagneux semble n'avoir pas d'ailes. Sa taille varie de celle de la sarcelle à celle d'un gros poussin. Sa couleur est différente suivant les individus. On en voit de teinte jaune- olive, d'autres sont bruns. La livrée ordinaire de ces oiseaux est cependant la suivante : En été, ils ont la tête et le dessus du cou noirs, tout le dos noir vert, le ventre gris bleuté, avec des teintes marron, la poitrine et le cou de cette dernière couleur, les ailes verdâtres, ondées de blanc, le bec noir, blanchâtre à la pointe; l'iris brun-rouge, les pieds verdâtres. En hiver, le dessus du corps devient brun, le devant blan- châtre avec du roux au cou. Les castagneux égayent beaucoup les rivières et les eaux stagnantes, mais, dans les marais, ils font le désespoir des chasseurs. Cependant il est des chiens qui les prennent. Un de mes amis, grand amateur de chasse au marais, avait une chienne nommée DinaJi qui plongeait admirablement et pre- nait tous les castagneux qu'elle rencontrait dans les grands fossés. Le castagneux se fait tuer la nuit au gabion sur les mares au milieu des appelants. Il pousse un cri sifflé qu'on peut traduire par ouit! ouït! On n'est pas bien d'accord sur la valeur du castagneux comme gibier. Ce n'est certes pas là une grosse pièce ! Mais il est gras et quoique beaucoup de chasseurs n'en veuillent pas goûter prétendant qu'il sent le musc, je dois reconnaître que sa chair ne me paraît pas désagréable. CHAPITRE m FAMILLE DES COLYMBIDÉS LES PLONGEONS Nous avons vu que les grèbes ont les doigts séparément palmés, non réunis par une même membrane et garnis d'on- gles très caractéristiques. Les plongeons, au contraire, ont les trois doigts antérieurs palmés comme ceux des canards, avec le doigt externe plus long que les autres. Leur bec est conique et pointu. Leurs cuisses sont collées à l'arrière du corps et cette conformation leur interdit absolument la marche. Ils ne peuvent que se traîner à terre ou y prendre une position tout à fait verticale mais alors sans faire un mouvement. Leurs ailes étant du reste fort courtes, les plongeons passent leur existence sur les eaux, sous les eaux pourrait-on dire, car ils plongent presque cons- tamment et restent immergés pendant fort longtemps. Et encore, quand ils reparaissent à la surface, ne laissent-ils sou- vent sortir de l'eau que leur tète et leur cou comme le font •parfois les Harles et les Cormorans. Les plongeons n'approchent du rivage, comme les grèbes, quand ils sont en mer, que quand le temps est très calme. Les coruiorans m'ont semblé faire exactement le contraire. La raison de cette dilférence provient de ce qu'à l'encontre des grèbes et des plongeons, les cormorans peuvent assez facile- 384 FAMILLE DES COLYMBIDÉS. ment se mouvoir à terre et ne craignent pas d'y être jetés par les vagues. Si les grèbes peuvent être considérés comme des plongeurs d'eau douce, les plongeons, au contraire, préfèrent les eaux salées. On rencontre cependant quelquefois des plongeons proprement dits sur les rivières, les fleuves et les lacs du Centre. Le genre des plongeons ne comprend que trois espèces re- marquables par leur volume. Il n'y a pas de petits plongeons; j'ai indiqué que les oiseaux qu'on désigne couramment sous ce nom sont des grèbes. LE PLONGEON IMBRLN. 38t LE PLONGEON IMBRIN Colynibus glacialis. (Linn.) I,e l'iDiigeon iinbrin. (Taille, 0"'.8-2) A peu {)rès de la taille de l'oie, riinl)i-in est le plus i>rand des plongeons. L\ S\lVA(;iNE. 25 386 FAMILLE DES COLYMBIDES. Au printemps, il a la tête noire; le cou, sur le devant et sous la nuque, rayé de hlanc. Les côtés du cou sont blan- châtres. Le dessus du corps est noir, avec deux taches de grandeur variable mais toujours carrées à l'extrémité de cha- que plume. Les dessous sont blancs, avec les flancs bruns et quelques traits noirs sur les côtés de la poitrine. Le bec est rigoureux, de la longueur de la tête, conique, pointu et noir. L'iris est rouge. Les pieds sont larges, de couleur brun foncé. En automne, la tête et le dessus du corps tournent au brun noir, les taches blanches deviennent indistinctes et grises, le dessous du corps est blanc. La femelle^ qui aux deux saisons revêt le même plumage que le mâle, est toujours plus petite. Les jeunes sont aussi de moindre taille, bruns dessus, avec des taches grises, blancs en dessous. Leur iris est brun. L'imbrin adulte est assez rare sur nos côtes. On rencon- tre plutôt des femelles et des jeunes. Ces oiseaux passent chez nous pendant l'hiver et fréquen- tent les côtes de préférence. Cependant ils s'enfoncent quel- quefois , suivant les cours d'eau, dans les terres, et on les voit souvent sur les lacs de Suisse. L'imbrin niche au nord, dans les rochers inabordables. Il ne pond que deux œufs foncés, noir-vert, tachetés de noir. Il porte aussi le nom de grand plongeon du nord. Les An- glais le nomment great northcrn divcr ce qui signifie absolu- ment la même chose. LE PLOxNGEON LLMME. 387 LE PLONGEON LUMME Colymbus ariicus. (Linn.) iiutet- Lc l'iongcon liniinic. {Tnillr. (i^.Tii) Le lumme est un peu plus petit que rimi)rin. Il est ce- pendant de la taille de l'oie rieuse. S'il n'est le plus p;rand, il est du moins le plus beau de tous les plongeons. En plu- 388 FMIILLE DES COLYMBIDES. mage d'amour c'est un magnifique oiseau et il ne faut pas que son nom de lumme le fasse confondre avec le guillemot que les Allemands nomment lumme. Au printemps, les lummes ont le dessus du cou et de la tête brun, le haut du dos noir profond, à reflets verts avec, sur les côtés, deux bandes de taches blanches. Sur les épaules et au dessus des ailes, ils ont une rangée de taches carrées, blanches, disposées en damier, ce qui donne à ces oiseaux une apparence bien caractéristique qui leur a valu le nom de plongeons damier. Le bas du dos est noir mais moins foncé que le haut. Le dessous de la queue est noir, le ventre et la poitrine sont blancs, avec quelques raies noires aux flancs. La gorge est admirablement marquée. Tout le haut est occupé par un rectangle géométriquement dessiné, d'un beau noir à reflets violets, avec un hausse-col formé de petites lignes blanches. Ce rectangle est encadré dans une série de traits noirs on- dulés sur fond blanc qui se continuent en longueur pour al- ler rejoindre le blanc du haut de la poitrine. L'iris est roux, le bec noir, les pieds sont bruns. En hiver, le noir des parties supérieures devient terne, les taches s'effacent; sous le cou les lignes ondulées tournent du noir au brun. Les femelles sont plus petites, les jeunes n'ont ni noir ni lignes à la gorge qui est brune. Le lumme niche au nord, sur les îles qui avoisinent l'E- cosse, aux Orcades, en Norvège. Le nid, situé le plus souvent près de la mer, jamais loin de l'eau, est déposé dans une dépression du sol sur la terre, dans le gazon ou entre des pier- res. Il est tapissé déracines, de laîches ou d'herbes. Quelque- fois il ne contient pas de matériaux. Les œufs, au nombre de deux généralement, bien que souvent le Lumme n'en r.E PLONGEON lA'.MME. 389 ponde qu'un seul, sont hrun-rouge foncé, tachetés de noir. Le cri des lummes est singulier. Les Anglais qui nomment le lumme black throatcd divcr ou plongeon à gorge noire, ont traduit ce cri par une phrase pittoresque : Drink! Drink! tlie lake is nearhj dried up ! » Ce qui veut dire : (c A boire! à boire ! le lac est bientôt à sec. » Ces mots prononcés à l'an- glaise, sur un ton roulé, vif et saccadé, peuvent s'écrire en français de la façon suivante : « Drinn-K! Drinn-K! zen lè- gue is nuicij draede heup! : » Cela rend bien le cri du lumme au temps des amours. Les lummes sont devenus rares. Leurs œufs étaient l'objet d'un commerce important. Ils sont maintenant placés sous une protection spéciale et il faut espérer que l'espèce ne dis- paraîtra pas totalement. Ces oiseaux qu'on voyait autrefois, paraît-il, sur les lacs de Suisse et sur nos grands fleuves ne se rencontrent plus guère qu'en mer. En baie de Somme, pendant les hivers ri- goureux, on peut en trouver encore quelques-uns. En plumage d'amour, ils sont rares. L'individu dont nous donnons la fi- gure est un des plus beaux spécimens qui existent. Il appar- tient au Muséum d'histoire naturelle de Paris et fai( partie de la collection Marmottan. Il a été tué au Crotov. 390 FAMILLE DES COLYMBIDÉS. LE PLONGEON CAT-MARIN Colymbus seplcntrionalis. (Linn ) D'une taille supérieure ou égale à celle de l'oie cravant suivant les individus, le cat-marin est le plus petit et le plus commun des plon- geons sur nos côtes. 11 est reconnais- sable à son bec plus relevé en l'air que celui de ses congénères. Au printemps, il a la tête brune, piquetée de noir, grise vers les joues, le cou gri- velé , noir et blanc, le dos brun avec des taches blanches. Le bas ventre est blanc, coupé d'une bande brune, le ventre et la poitrine sont blancs, avec des taches noires aux flancs. La gorge et le haut du cou sont garnis d'une plaque marron-vif qui caractérise l'oiseau et l'a fait nommer par les Anglais plongeon à gorge rouge. Le Plongeon cat-marin. {Taille, O^.Câ) LE PLONGEON CAT-^L\RL\. 391 red throated dicer. Les ailes sont brunes, le bec est noir, les pieds sont d'un brun verdâtre, l'iris est rouge. En hiver, la tête devient prise, marquée de taches noires, le dos se couvre de points blancs, la bande marron de la gorge disparaît. Les jeunes, de la taille d'un fort canard, sont plus gris, avec des taches l)runes au cou et les dessous blancs. Le cat-marin, chai de mer, plongeon ordinaire, est répan- du sur nos cotes nord pendant tout l'hiver. 11 remonte quel- quefois la Seine assez avant. Il niche au Nord, en Islande, en Norvège, dans les îles des côtes d'Ecosse. Les œufs au nom- bre de deux sont couleur de terre , mouchetés de noir. Ils sont déposés en mai et juin entre les pierres, sur le sol nu ou sur un peu d'herbe ou de laîches. Le cri du cat-marin peut se traduire ainsi : Krkèré! Ke- keré! CHAPITRE IV FAMILLE DES ALCIDÉS Les Alcidés tirent leur nom de celui du [)ingouin : AIca do Linné. Les caractères distinctifs de celte l'amille sont : la briè- veté des ailes qui dans une espèce sont impropres au vol; l'absence de pouce et la conformation des pattes qui, collées à l'arrière du corps, rendent la marche de ces oiseauK très pénible, (^ette famille a été ordinairement divisée en deux sous-familles : celle des Uriens ou guillemots et celle des Alciens ou pingouins proprement dits et macareux. Tous ces oiseaux sont des plongeurs. Ils ne pondent qu'un œuf. 39i FAMILLE DES ALCIDÉS. Sous-famille des Uriens LES GUILLEMOTS Les gLiilleniots sont généralement assez connus des chas- seurs du littoral du nord et de l'ouest de la France. Ces oi- seaux, qui vivent en grandes troupes, nichaient autrefois en nombre considérable sur nos côtes. Ils sont moins communs maintenant. Ils sont d'excellents plongeurs; lear vol est bas mais sou- tenu. On chasse ordinairement les guillemots en mer et on les tire quand, descendant des rochers pour gagner l'eau, ils passent au vol au-dessus des embarcations. On a aussi quelquefois l'occasion de les tirer quand ils s'a- bandonnent au courant, et s'approchent du rivage. Les guillemots sont-ils des oiseaux stupides comme on l'a prétendu? Je le croirais assez volontiers, car ils semblent quelquefois mériter cette réputation. A terre, ils se tiennent immobiles sur la pointe des rochers et paraissent comme hébétés. En mer, s'ils sont parfois très prompts à disparaître sous les flots, on les dirait au contraire, dans certaines occasions, comme in- conscients du danger. Un jour que je longeais le bord de la mer, complètement basse à ce moment, j'avisai tout d'un coup devant moi, sur l'eau, à cinq mètres du bord, un bloc noir, que je pris tout d'a- bord pour un morceau de bois bercé par le flot. Jem'appro- LES GUILLEMOTS. 395 chai et arrivé en face de cet objet qui paraissait inanimé, je vis que c'était un guillemot qui me regardait stupidement, la tête entre les épaules. Je dus me reculer pour le tirer et le tuer. Il n'avait pas été blessé auparavant. Comme cet oiseau ne dormait pas et qu'il me voyait, j'ai compris pourquoi on avait donné aux guillemots l'épithète de niais. On compte en Europe jusqu'à cinq espèces de guillemots : le guillemot troïle, le guillemot bridé, le guillemot grylle, le guillemot Arra et le guillemot de Mandt. La France ne reçoit guère la visite que des trois premières espèces. Le guillemot Arra et le guillemot de Mandt paraissent ne pas être des hôtes habituels de nos contrées et se cantonner beaucoup phis au nord. 396 FAM[LLE DES ALCIDES. LE GUILLEMOT TROÏLE Uria Tro'ile. (Lalh.) Le Guillemot tioïie. {Taille, 0"'.ij) C'est le guillemot vulgaire. 11 est environ do la taille du canard. Les mâles, les femelles et les jeunes se ressemblent à quel- que chose près. En été, ces oiseaux ont la tête et le cou, qui LE GUILLEMOT TROILE. 397 est assez court, entièrement noirs, avec une ligne, une vraie balafre, creusant un sillon noir derrière l'œil et sur les côtés du cou. L'iris est brun. Tout le dessus du corps est noir, ainsi que les ailes qui sont seulement bordées, vers le milieu, d'une petite bande blanche. Le dessous du corps est blanc pur, avec des marques noires aux lianes, cachées par les ailes quand l'oiseau est au repos. Le bec est droit, pointu, comprimé, noir et gris; il rappelle un peu celui de la corneille, mais il a la mandibule inférieure un peu anguleuse et son intérieur est jaune-vif. Les pieds sont bruns. En hiver, les teintes de la tète deviennent plus grises et der- rière le cou apparaissent quelques taches blanches. Chez quelques rares individus de l'espèce, la tête et le manteau, au lieu d'être noir-pur sont brun-clair. Le guillemot troïlo niche en communauté, au Nord, en Norvège, mais surtout au nord de la Grande-Bretagne et assez souvent en France, aux Aiguilles d'Étretat, à Aurigny et sur les îles de la Bretagne. Il dépose en mai un seul œuf sur le roc nu au bord des falaises, sur le sommet des rochers. Cet œuf est de couleur très variable et irrégulièrement tacheté. Le guillemot troïle est appelé common guillemot [ourles An- glais et lumme par les Allemands, Il ne faut pas toutefois le confondre avec lo i)longoon lumme avec lequel il n'a rien de commun. En France on le nomme quelquefois corneille de mer, cor- beau plongeon, guiot. Sur le littoral du Sud-Ouest il cstdésigné sous la qualification de plongeon nom donné indistinctement dans cette région à tous les oiseaux plongeurs sans excep- tion. Le guillemot préparé comme la macreuse est man- geable : comme elle c'est un mets (|ui ne doit figurer que sur une table modeste. 398 FAMILLE DES ALCIDÉS. LE GUILLEMOT BRIDÉ Uria Ringvia. (Brûnn.) {Taille, Om.iO àOm. 45) Le giiillemot bridé est souvent considéré comme une simple variété du guillemot troïle. Il lui ressemble absolument comme taille et plumage, mais il a autour des yeux un cercle blanc qui se continue en ligne courbe derrière ces organes, remplaçant par un trait clair la balafre noire de son congénère. Il se mêle aux bandes de ce dernier, couve en commu- nauté avec lui, mais est bien plus rare. Cependant il doit fi- gurer parmi nos espèces indigènes. Le Guillemot arra ne saurait être classé ici au même titre. Je ne crois pas qu'on l'ait rencontré en France d'une façon bien régulière. Un peu plus petit que le précédent, il ressemble aux au- tres guillemots que j'ai décrits, mais son bec est beaucoup plus large, plus court et plus recourbé. LE GUILLEMOT GRVLLE OU A MIROIR. 399 LE GUILLEMOT GRYLLE OU A MIROIR Uria Grylle. (Lath.) Le Guillemot si'y'l^^'- {Taille, 0".3G) Le guillemol grylIc ou petit guilleinot à miroir, black cjuil- lemot en anglais, ce qui signifie guillemol noir, est beaucoup plus petit que les précédents. 11 est de la taille de la sar- celle. Le maie et la femelle, en été, sont entièrement noirs avec un large miroir l»l;inc occupant presque toutes les couvertu- res des ailes. Le bec est noir, moins fort el moins pointu cpie celui du 400 FAMILLE DES ALCIDES. giiillemot commun. L'intériem' en est rouge-vif. L'iris est brun. Les pieds sont rouges. En hiver, la tête se pointillé de blanc, les plumes du dos sont bordées de blanc. Les ailes sont noires à leur partie supérieure, et, comme en été, garnies du large miroir blanc. Les grandes pennes sont noires. Tout le dessous du corps est blanc pur. Les jeunes sont noirs en dessus, avec de nom- breuses taches blanches, le devant du corps est blanc, lavé et taché de noir. Leurs ailes ont le large miroir blanc. Le guillemot que nous représentons est un mâle en livrée d'hiver. A terre, il est plus souvent assis ou couché que debout, ce n'est que lorsqu'il veut se mouvoir qu'il prend la position indiquée par le dessin. Autrefois on désignait cet oiseau sous le nom de colombe tachetée du Groenland. C'est en effet dans ces régions qu'il niche. Il pond un ou deux œufs grisâtres très tachetés qu'il dépose dans les crevasses des rochers. Le guillemot à miroir est plus rare en France que ses con- génères ; cependant il y fait quelques apparitions en automne et en hiver. Le Guillemot de Mandt n'est qu'une variété du guillemot grylle. 11 en diffère seulement, paraît-il, par des plumes blan- ches aux grandes pennes de l'aile qui sont noires chez le guil- lemot grylle. Je ne cite qu'en passant l'existence de cette variété qui n'est pas de passage courant en France. LE MERGULE NAIN. 401 LE MERGULE NAIN Mergulus Aile. (Vieill.) De la taille de la grive, ce petit plongeur a, en été, la tête, le cou, la gorge, le haut de la poitrine, tout le dessus du corps, noirs. Le bas de la poitrine et le ventre sont blancs, les ailes noires, avec un peu de blanc aux plumes des épaules. L'œil est tout noir, le bec de même couleur, petit, court, anguleux, avec des narines en bosse très ap- parentes. Les pieds sont brunâtres. En hiver, la gorge, le cou, le haut de la poitrine deviennent blancs. La femelle })rend îi cette saison des ta- ches blanches derrière le cou. Le mergule nain niche dans les régions du cercle arctique, il pond un œuf verdàtre, avec ou sans taches. Il passe quelquefois sur nos côtes nord et ouest en hiver. Comme les macareux et bien d'autres oiseaux de mer, les mergules nains ne peuvent supporter les violentes tempêtes qui les font périr en p;rand nombre. Les Anglais nomment le mergule nain litUi' (luk. I.V SAl VACINE. 26 Le Mergule nain. {Taille, 0'".-23) 402 FAMILLE DES ALCIDES. Sous-famille des Alciens MACAREUX ET PINGOUINS LE MACAREUX ARCTIQUE Fratercula Arclica. fVieill.) Le macareux mérite une étude particulière. Sa bizarrerie, son assiduité à visiter les côtes de France, ses ha- bitudes singulières en font un oiseau intéres- sant. Perroquet de mer, bee de perroquet, moine de mer, petit moine, petit plongeon, tels sont les noms qui servent à le désigner en France. Les Anglais le nomment Puffin. Il est impossible de le confondre avec aucun autre oiseau, la forme de son bec le singularisant suffisamment. Le macareux n'atleint pas tout à fait la taille de la sarcelle d'été. Le Macareux. {Taille, 0"'.aO) LE MACAREUX ARCTIQUE. 403 Il a le dessus de la tête et du corps d'un beau noir, avec un collier de même couleur, mais plus terne, autour du cou. Tout le tour des yeux, les joues, le haut de la gorge sont gris- blanc. Quelques plumes du bord des ailes ont l'extrémité blanchâtre. Les pieds sont rouge-orange. L'œil, à l'iris blanc, est encadré dans une excroissance ou cirrhc triangulaire, de couleur grise. Il est entouré de paupières rouges. Le bec est caractéristique. 11 occupe, dans le sens vertical, tout le devant de la tête qui est fort grosse. Il est plus haut que long, triangulaire et assez largement aplati, dans le sens latéral, pour figuier l'extrémité de deux lames de couteau se rencontrant l'une par le dos, l'autre par le tranchant. Ce bec est gris de fer avec du bleu à la base, rouge-vif à la pointe et porte trois ou quatre sillons blanchâtres à la mandibule su- périeure, deux ou trois à la mandibule inférieure. En hiver les teintes du bec se ternissent. Les jeunes oiseaux ont le bec plus petit. Les macareux ont un aspect grotesque. Leur maintien est sérieux et grave. Ils se tiennent droits sur leurs pattes écar- tées tournées en dehors; la marche leur étant pénible, ils res- tent fort longtemps dans une complète immobilité. Ils volent bas, mais d'une façon assez soutenue. Quand la mer est calme, ils abandonnent leurs rochers pour passer tout leur temps sur l'eau. Le cri des macareux est sonore, on peut le traduire par o-r! r! ou ar! ar! Les macareux nichent en France, aux mois de mai et juin, sur nos côtes nord et ouest, à Étretat, dans les îles de Bre- tagne, sur toutes les côtes ouest de l'Angleterre, de Tlùosse, aux îles Hébrides, puis surtout aux Farn-Islands. Le macareux, ce disgracié, rachète sa laideur physi(|ue par des qualités morales. Il ne pond qu'un œuf grisâtre ou blanc 404 FAMILLE DES ALCIDÉS. sombre, pointillé de brun pâle et de gris, surtout au gros bout, mais il le cache avec jalousie soit dans des trous qu'il a sou- vent soin de creuser lui-même dans le sable ou la tourbe, soit dans des crevasses inaccessibles. Le fond du nid est garni de mousse et de duvet. L'œuf se salit promptement au contact de la terre ou du sable qui l'entourent. Le macareux couve avec assiduité et soigne avec sollicitude son unique petit qu'il sem- ble aimer davantage en raison même de sa difformité. Les macareux nichent quelquefois en communauté et la plage qu'ils ont alors choisie est lellement minée par leurs terriers que ceux qui s'y aventurent risquent d'enfoncer jus- qu'aux genoux dans ces galeries d'oii sortent les oiseaux comme des lapins furetés à blanc. Ces oiseaux sont des migrateurs. Ils arrivent dans les contrées oîi ils couvent en avril et repartent en août pour descendre au midi. Bien qu'étant des plongeurs dans toute l'acception du mot, destinées à vivre sur les flots, les macareux ne peuvent sup- porter les tempêtes. Les fortes lames les tuent. Après les ou- ragans, ils jonchent de leurs cadavres les grèves battues par les vents. Un de mes amis, revenant d'Algérie, m'a appris que l'an dernier, à la suite du cyclone qui a bouleversé l'Eu- rope et s'est fait sentir sur les côtes nord de l'Afrique, quan- tité de macareux avaient trouvé la mort et que leurs petits corps étaient venus s'échouer en grand nombre sur les plages algériennes. Il y a deux espèces de macareux : Le macareux arctique, celui dont nous venons de parler, appartient seul à la faune française. L'autre espèce, le macareux à croissants ne visite jamais nos parages. LE PINGOUIN MACROPTÉRE. 40e LE PINGOUIN MACROPTERE Alca Torda. (Linn.) .TfkME- l.e Pingouin niacroplère. {Taille, O^.iO) Avec cet oiseau nous arrivons aux pingouins proprement (lits. Deux espèces de pingouins peuvent tiiïurer parmi les oi- seaux se rencontrantaccidenteilementen France : la première, 406 FAMILLE DES ALCIDÉS. celle dont nous parlons, a des ailes qui permettent à l'oiseau de voler, la seconde n'a que des rudiments d'ailes, qui lui in- terdisent ce genre de locomotion aérienne. Le pingouin macroptère a la tête et le cou entièrement noirs, avec une petite ligne blanche partant de l'œil et allant rejoindre le bec. Tout le dessus du corps est noir, ainsi que les ailes qui sont seulement coupées vers le milieu par une bande blan- che. Tous les dessous sont d'un blanc pur lustré. Le bec large en hauteur, très comprimé, est noir avec trois stries blanches; il est garni à l'intérieur d'une peau jaune- orange. Ce bec tranchant a fait donner à l'oiseau en Angleterre le nom de razorhill ou bec de rasoir. L'iris est blanc et les pieds sont noirs. En hiver Taspect de l'oiseau est à peu près le même qu'en été, mais la bande blanche de Taile s'accentue et s'élargit. Les jeunes sont plus petits et ressemblent aux adultes. A l'époque de la mue, le bec tombe, il devient alors petit et court pour repousser ensuite large et tranchant. Le pingouin macroptère est à peu près de la taille du guil- lemot troïle, mais il est plus trapu et a la tête beaucoup plus grosse. Il visite nos côtes nord en hiver. Il niche en mai et juin quelquefois en France, à Étretat et sur les côtes de Bretagne, plus souvent en Ecosse et aux Farn-Islands. Il pond sur le sol nu, dans les crevasses des rochers, un œuf blanc ou brun-roux- clair. Le cri du pingouin ressemble à un grognement sourd. LE PINGOUIN BRACIIVPTÈRE OU GRAND PINGOUIN. 40' LE PINGOUIN BRACHYPTÈRE OU GRAND PINGOUIN Àlca Impcnnis. (Linn.) {Taille, ir.Cjo) Ce pingouin n'a que des moignons au lieu d'ailes ; il est de la taille d'une petite oie mais a le corps très allongé et le cou court. Tout le dessus du corps est noir, la tète de même couleur, avec une tache blanche entre l'œil et le bec. Les dessous sont blancs, les rudiments d'ailes noirs, avec une ligne blanche à l'extrémité des rémiges secondaires. Le bec est plus long que celui du pingouin macroptère et noir, avec une grande quantité de stries blanches. L'œuf est très gros, roussâtre, tacheté et rayé de noir. Cet oiseau fort rare ne fait en France que des apparitions très accidentelles. Les Anglais le nomment grcat (luk. GROUPE DES LONGIPENNES Les Longipennes sont les oiseaux de mer à grandes ailes. Leur large envergure leur permet d'affronter les solitudes de l'Océan et de parcourir l'immense étendue des cotes. Leur structure est parfaitement appropriée au genre de vie qui leur a été imparti. Leur corps est généralement fuselé, léger, relalivement à son volume, leurs ailes sont puissantes, beau- coup plus développées que chez les autres oiseaux, leurs pieds sont palmés. Ils peuvent se mouvoir avec plus ou moins de facilité sur le sol et se soutenir aisément à la surface des flots. Mais comme il semble, qu'en faisant la répartition des avantages dont elle a comblé les oiseaux, la nature n'ait pas voulu se montrer trop prodigue à l'égard d'une même catégorie de volatiles, elle a réservé à d'autres palmipèdes, qui ne sont pas aussi bien doués sous le rapport du vol, la faculté de plonger. Les Longipennes, en effet, ne plongent pas et il nous faut ici mettre encore une fois les lecteurs en garde contre les descriptions séduisantes de ceux qui ont puisé dans leur seule imagination les renseignements trop fantaisistes qu'ils don- nent sur les mœurs des oiseaux de mer. Il est certainement très pittoresque de se figurer les mouettes, après leurs capri- cieuses évolutions à la surface de la mer, disparaissant tout à coup sous les flots à la poursuite du poisson qu'elles ont aperçu du haut des airs et remontant ensuite avec leur proie GROUPE DES LONGIPENNES 409 soit dans leur bec, soit dans leurs doigts, comme on l'a même écrit. Assurément, cette fiction ne peut avoir une grande importance, mais pourquoi inventer quand la simple obser- vation suffirait à défrayer des volumes. Il me paraît plus intéressant de rechercher le « pourquoi » des habitudes des oiseaux. Ce « pourquoi » se trouve toujours dans le rôle qui leur est assigné et on pourrait le trouver souvent sans aller sur les lieux-mêmes étudier les habitudes des diverses espèces. Les mouettes, les goélands, les hirondelles de mer, les pétrels ne peuvent plonger parce que leur conformation le leur défend. L'étonnante légèreté de leur corps qui les rend aussi insubmersibles qu'un morceau de liège, la longueur de leurs ailes et la position de leurs pattes leur interdisent absolument, pour un observateur qui raisonne, de chercher sous les eaux les moyens d'échapper à leurs ennemis ou de poursuivre les poissons dont ils font leur subsistance. Au contraire, les oiseaux plongeurs apparaissent, à première vue, disposés merveilleusement pour s'enfoncer sous les flots : leur corps est très lourd, leurs ailes sont presque nulles et leurs pattes situées tout à fait à l'arrière du corps. Ils ne peu- vent ni marcher ni voler avec aisance, il leur fallait un mode de locomotion où ils pussent exceller. La faculté de plonger leur était naturellement réservée. Et comme le raisonnement que j'ai toujours suivi m'a paru constamment trouver sa con- firmation dans ce qui existe, il fallait une espèce de transition entre les plongeurs parfaits et les voiliers par excellence. Les anatidés, cygnes, oies et canards, sont la famille transitoire. Ils n'ont pas le vol aussi puissant que les Longipennes mais ils ont la faculté de plonger, sans toutefois être des plongeurs aussi émériles que les plongeurs proprement dits. N'accordons donc aux Longipennes que la supériorité (pii leur a été donnée [)ar la nature et considérons-les comme des 410 GROUPE DES LONGIPENNES. oiseaux au vol puissant et soutenu, n'en faisons pas des plongeurs. Mais, si nous refusons de leur reconnaître un attribut qu'ils n'ont point, ne leur prêtons pas, par contre, des mœurs qui seraient de nature à les rabaisser. Les Longipennes sont toujours représentés comme des oiseaux immondes se nomTissant de débris et de détritus répugnants, nous verrons plus loin qu'il ne faut point prendre à la lettre les assertions de ceux qui, sur la foi do renseigne- ments inexacts ou d'observations isolées trop généralisées, ont fait de ces palmipèdes des mangeurs de chair morte, des fossoyeurs de l'Océan. Le groupe des Longipennes est divisé en deux grandes familles : la famille des Laridés et celle des Procellaridés. CHAPITRE V FAMILLE DES LARIDÉS La famille des Laridés comprend trois sous-familles : La première celle des Lestridiens, les labbes ou stercoraires, la seconde celle des Lariens ou mouettes et goélands, la troi- sième celle des Sterniens ou hirondelles de mer. Cette famille se distingue de celle des Procellaridés par la conformation des narines qui sont percées dans le bec alors que les Procellaridés ont les narines en forme de tuyaux sur- montant le bec. Les Laridés fréquentent aussi plus volontiers les grèves que ne le font les Procellaridés. 412 FAMILLE DES LARIDÉS. Sous-famille des Lestridiens LES LABBES OU STERCORAIRES Ceux qui chassent occasionnellement sur les bords de la mer, éprouvent toujours quelque difficulté à distinguer les différentes espèces d'oiseaux qu'ils rencontrent. Les Longipennes, en particulier, offrent des différences scientifiques tellement insaisissables et leurs variétés sont si considérables, qu'il est parfois impossible, à première vue, de les désigner par leur nom générique. Combien de chasseurs ignorent jusqu'à l'existence du labbc ou stercoraire, combien le confondent avec les goélands et les mouettes avec lesquels il a du reste de grandes affinités! Mais les différences entre les stercoraires, les goélands et les mouettes sont cependant assez tranchées pour qu'on ait créé dans la nombreuse famille de Laridés la sous-famille des Lestridiens comprenant les peu nombreux genres de labbes, qui fréquentent plus ou moins régulièrement les côtes de France. Ces différences reposent, d'abord sur la forme du bec su- périeur, qui, au lieu d'être d'une seule venue, comme celui des goélands et des mouettes, est, chez les labbes, recouvert d'une espèce de cire sur la moitié de sa longueur et terminé par un crochet recourbé qui paraît surajouté; ensuite sur la disposition de la queue, dont les rectrices médianes dépassent notablement les autres plumes, ce qui donne à cette partie de LES LABBES OU STERCORAIRES. 413 l'oiseau l'apparence d'un fer de lance plus ou moins aigu, alors que la queue des autres Laridés est égale, ou à peu près, dans toute sa largeur. Le plumage des stercoraires, comme celui de tous les oi- seaux, varie beaucoup suivant l'âge ou le sexe. Il change de couleur, chez les maies, avec chaque saison. Certains indivi- dus ont une coloration qui diffère parfois notablement de celle qu'on reconnaît comme caractéristique des genres qui compo- sent cette famille. Mais pour un observateur attentif, tous ces oiseaux sont aisément reconnaissables à leur bec et à leur queue, confor- més comme je l'ai indiqué plus haut et surtout à leur tête aplatie, ainsi qu'à leurs yeux brillants, qui leur donnent le regard fier et railleur, l'aspect hardi et cruel des oiseaux de proie terrestres. Les labbes ont tiré leur appellation de stercoraires d'une vieille légende : Le mot stercus en latin, d'où on a fait stercoraire en France, signifie littéralement « fiente ». On a cru longtemps, en effet, que les labbes poursuivaient les autres oiseaux de mer pour les effrayer et profiler des conséquences habituelles de la peur, qui se traduit, on le sait, chez les oiseaux comme par- fois chez les humains, par un manque absolue de... retenue. On pensait donc que les stercoraires ne se nourrissaient que des déjections des oiseaux qu'ils pourchassaient. Il a fallu les observations d'un chasseur naturaliste trop peu connu. Bâil- lon, pour mettre à néant cette légende : Le labbe poursuit les oiseaux pêcheurs pour leur faire là- cher le poisson qu'ils ont pris et s'en emparer. Comme la proie ainsi abandonnée est de couleur claire, des observateurs superficiels avaient pu croire que ce que rejetait le volatile poursuivi ne tombait pas précisément de son bec, d'où les conséquences fâcheuses pour la dignité du labbe. 414 FAMILLE DES LARIDÉS. On sait maintenant que les stercoraires se nourrissent non seulement des poissons qu'ils dérobent aux oiseaux qui les ont capturés, mais qu'ils ne dédaignent nullement les œufs et même les petits des autres palmipèdes. Oiseaux de proie par leurs formes, ils le sont aussi par les mœurs. On a vu des labbes, en captivité, avaler de petits chats qu'on leur jetait vivants. Si les oiseaux de passage reviennent presque toujours aux blessés, dans une toute autre intention que celle de les ache- ver, quoiqu'on ait dit et écrit, les stercoraires, eux, se jettent volontiers sur les petites pièces démontées, avec le désir bien évident d'en faire leur profit. Ils se précipitent souvent sur les sternes qu'on laisse à la traîne derrière les barques pour at- tirer leurs congénères. Aimant les proies vivantes, ils paraissent occuper dans l'or- dre des Longipennes la place assignée parmi les rapaces aux falconidés, alors que les goélands représentent, avec plus de noblesse et de poésie, la famille des vulturidés qui ne reculent pas devant la chair morte. La mer, suivant les règles immuables de la nature^, devait nous offrir^ parmi ses oiseaux, une classe de rapaces corres- pondant à celle des oiseaux terrestres du même genre. Les stercoraires font la transition, ce sont des rapaces, aux pieds palmés, au vol puissant, rapide ou lent suivant les cir- constances, courageux parce qu'il leur faut lutter contre des créatures vivantes et que toute lutte pour la vie entraîne avec elle la hardiesse et l'audace. Comme les oiseaux de proie, les labbes sont toujours iso- lés; on en tue quelques-uns au large de la baie de la Somme, et à l'embouchure de l'Orne, sur les côtes de l'Ouest et sur celles de la Méditerranée. Ils suivent les mouettes et les goé- lands dans leurs déplacements, et, là oii ces oiseaux sont en grand nombre, on peut espérer rencontrer leur parasite. I.ES LABBES OU STERCORAIRES. 415 dont heureusement pour eux, l'espèce n'est pas nombreuse. On compte en Europe quatre variétés de Labbes : Le Labbe cataracte. Le Lal)be pomarin. Le Labbe parasite. Et le Labbe longicaude, le plus commun sur les côtes de France. Nous allons les passer rapidement en revue. 416 FAMILLE DES LARIDES. LE LABBE CATARACTE Stercorarius Catar racles. (Vieill.) (Tfaï/c, O^.oôàO-'.eO) Le labbe cataracte, très souvent confondu avec les goélands sous le nom de goéland brun ou stoéland brun, appelé aussi cordonnier par les marins, jwulc de mer en Normandie et common shiia en Angleterre, est le plus grand de tous les stercoraires. Sa taille égale presque celle des grands goé- lands. L'aspect de son plumage, à fond brun et roux et aux plu- mes usées à leur extrémité, rappelle celui de certains rapaces. Cet oiseau a la tête et le dessus du corps d'un brun noir grivelé de roux et de gris. Le ventre et la poitrine sont brun- cendré lavé de roux, la gorge et le cou sont brun-gris onde de roussatre. La queue est brune avec deux filets dépassant les autres plumes de trois centimètres environ. Les ailes sont brunes, pointillées de blanchâtre et de roux aux couvertures, avec un large miroir blanc, et brunes à l'extrémité. Le bec, conformé ainsi que je l'ai indiqué, c'est-à-dire, portant a sa mandibule supérieure un crochet qui paraît surajouté, est noir et brun. Les pieds sont noirâtres. L'iris est brun noir. En hiver, le plumage subit peu de modifications, mais s'as- sombrit aux parties inférieures. Cette description s'applique également aux maies adultes, aux femelles et aux jeunes, mais ces derniers ont les grivelurcs moins accentuées. Ce stercoraire, assez rare, se rencontre accidentellement sur les côtes du nord, de l'ouest, du midi de la France. Tl est LE LABBE CATARACTE. 417 originaire des îles du Nord de l'Europe, des îles Shetland no- tamment, où il couve plus spécialement maintenant et où ses nids sont l'objet d'une protection particulière. Mais la destruc- tion des couvées pendant de longues années avait tellement ré- duit l'espèce du labbe cataracte que, malgré les mesures ac- tuelles de conservation, cet oiseau ne se trouve plus qu'en petit nombre. Il couve en mai et juin, sur le sol, dans la mousse ou la bruyère. Sa ponte est de deux œufs brun-olive fonce, couverts de taches grises plus nombreuses au gros bout où elles forment couronne. Le labbe cataracte attaque tous les oiseaux qui viennent approcher de son nid. Son cri est : Skua! et egg! egg! I.\ SVL'V.Vr.INE. 27 418 FAMILLE DES LARIDÉS. LE LABBE POMARIN Stercorarius Pomarimis. (VieilL) Le I.abhe pomarin. {Taille, 0"'.4"> sans les filets de la queue.) Le lal)l)e pomarin a été pendant longtemps et est encore quelquefois désigné sous le nom de labbe parasite, par con- fusion avec le labbe parasite proprement dit. Ce qualificatif de parasite est du reste appliqué couramment à tous les lab- bes. Le labbe pomarin est de la taille d'une très forte mouette. Le mâle et la femelle ont la tète plaie, noire. Ils possèdent la faculté de redresser les plumes de la nuque. LE LABBE POMARIN. 419 Le dessus du corps est noir-hrun fonce, la queue brune, avec les deux plumes médianes formant des filets contournés qui dépassent les autres plumes de cinq à dix centimètres. Cepen- dant, chez i)eaucoup d'individus, ces plumes sont cassées ou usées. Le ventre est blanc, les flancs sont tachetés de brun. La poitrine est blanche, comme moirée et présente un ensemble de petites taches brunes sur les côtés. La gorge et le cou sont blanc-jaune. Les ailes sont brunes, le bec, jaune à la base, est noir au crochet. L'iris est brun. Les pieds longs et largement palmés sont noirs. C'est là la livrée d'été. L'hiver, le dessus du corps se couvre de mouchetures cen- drées; les taches des parties inférieures se multiplient et vien- nent couvrir une partie du ventre et de la poitrine. Les jeunes oiseaux sont gris-foncé obscur sur le dessus; la poitrine et le ventre sont gris avec les plumes bordées de roux. Leur aspect est assez sombre. Le labbe pomarin niche au Nord, sur les îles désertes. Il dépose à terre, dans la mousse, de deux à trois œufs brun- olive foncé, parsemés de taches comme le sont ceux du labbe cataracte. Lo labbe pomarin se rencontre parfois sur nos côtes de l'Atlantique et de la Manche où on le nomme penmarin. Les Anglais l'appellent pomalhorine skua. 420 FAMILLE DES LARIDÉS. LE LABBE PARASITE Stercorarius Parasiticus, (C. R. Gray.) {Taille, O^AO sans les filets de la queue) Le labbe parasite est à peu près de la taille de la mouette rieuse. Il se cantonne dans le Nord plus volontiers que les espèces précédentes et s'aventure moins au Midi. Le maie est ordinairement en hiver d'une apparence très sombre. Il est noir foncé, grivelé sur le dessus et noir cendré en dessous du corps. En été, la poitrine et le ventre deviennent blancs, le cou tourne au jaune-foncé et les rectrices médianes s'allongent notablement. Le bec et les pieds sont bleuâtres. La femelle et les jeunes sont bruns, entièrement grivelés de roux-clair. Le labbe parasite niche au norJ, aux îles Orcades, Shet- land, Hébrides, en Ecosse où on le connaît sous le nom de labbe de Ricliardson, Richardson's skua. Il niche à terre, dans la mousse, et pond, en mai, deux œufs brun-sombre, pointillés de taches qui se réunissent au gros bout pour for- mer une couronne. Le cri de cet oiseau peut se traduire par les mots : Mie! auk! LE LABBE LONGICAUDE. 421 LE LABBE LONGICAUDE Stercorarius Longicaudus. (Briss.) [Taille, 0™.88 sans les filets de la queue) Le labbe longicaude a été quelquefois confondu avec le labbe parasite, auquel il ressemble comme coloration, mais il est plus petit et les filets de la queue sont deux fois plus longs, atteignant parfois jusqu'à vingt centimètres. Il fréquente les côtes nord et ouest de la France , où il est de passage régulier. Son mode de propagation est le même que celui des autres labbes. En Angleterre on le nomme Buffon'^s skua. 422 FMIILLE DES LARIDÉS. Sous-famille des Lariens LES GOELANDS ET LES MOUETTES Ce n'est pas derrière un grillage qu'il faut étudier les mœurs des animaux. Vouloir se faire une idée de ce que sont exacte- ment les goélands et les mouettes en observant ces oiseaux en captivité, en les voyant se disputer un morceau de viande douteux ou des restes de poissons corrompus, avec cette apreté à la curée que donnent seules aux êtres captifs les angoisses de la faim et la résignation à la perte de la liberté, c'est vouloir recueillir des observations aussi fausses que celles que pour- rait prendre un étranger, désireux de connaître les habitudes des Parisiens, en allant visiter les prisons de Mazas ou de la Roquette. C'est pourtant ce qu'ont fait bien des naturalistes auxquels manquaient les renseignements précis. Nos savants modernes se sont prémunis contre ces observations dangereuses, mais le mal était fait et ce qu'on a écrit sur les mouettes, à une époque oii l'étude d'après nature n'était pas possible, a encore son contre-coup dans les publications populaires. Ou n'a point pris garde, en écrivant sur les mouettes et les goélands des tirades majestueuses qui les représentaient comme des vautours et des corbeaux avides de chair corrom- pue, que l'aigle lui-même, en captivité, n'est ni plus ni moins répugnant, quand il déchiquette un os avarié, que le goéland qui lui, du moins, a presque toujours soin de laver les débris qu'on lui jette. LES GOÉLANDS ET LES MOUETTES. 423 Les oiseaux de mer dont je veux parler ont donc été, à mon avis, de tout temps bien méconnus et bien calomniés. Depuis Buflbn, qui avoue n'avoir étudié les goélands et les mouettes que derrière les grilles du jardin du Roi, jusqu'au chasseur fin de siècle qui ne les a entrevus que de loin, du bord de la grève, sans même penser à affronter, à mer basse, leur habitat fangeux et sans oser risquer sa vie, à mer haute, dans un canot peu confortable, tous, jusqu'à ce jour, n'ont eu pour les mouettes et les goélands qu'expressions de mépris : voraces, voleurs, lâches, corbeaux de la mer, vautours de l'Océan, ce sont les qualificatifs les plus modérés que j'aie en- tendu appliquer à ces malheureux palmipèdes. Je voudrais réhabiliter ces beaux oiseaux et démontrer que leurs mœurs n'ont rien de répugnant, que l'étude de leurs variétés présente quelque intérêt. Rendons-nous donc sur une plage. La mer baisse, le sable, les lagunes vaseuses, les galets se découvrent peu à peu et se dessèchent avec ce bruissement particulier qui semble animer encore les endroits que naguère le fiot emplissait de vie et de mouvement. En se retirant, la mer n'oublie pas les créatures ailées qui ne vivent que de ce qu'elle leur abandonne et chaque marée sert aux oiseaux un somptueux festin. Arrivant du large, apparaissent tout à coup des bandes in- nombrables de goélands et de mouettes qui viennent se poser bruyamment sur le bord du fiot qui semble reculer devant elles. Ce ne sont pas seulement des détritus ou des cadavres de poissons que viennent chercher ces oiseaux de mer, ils préfè- rent de beaucoup les petites proies vivantes qui se (léi)attenl sur la vase, dans les galets ou sur le sable. Demandez plutôt aux pêcheurs dont ils dévalisent les « ains », liameçons ;itla- chés à une petite ligne maintenue sur le sable par un [jicjuet. 424 FAMILLE DES LARIDÉS. Mais, toujours la légende! Les vautours ne peuvent manger que de la chair morte, et comme les goélands sont les vau- tours de l'Océan, ils doivent se repaître de débris! Les goélands et les mouettes ne sont ni les vautours de l'Océan, ni les corbeaux de la mer. Ils se nourrissent comme bien d'autres oiseaux, et quand ils peuvent choisir, ils dédaignent les détritus. Puis, ont-ils l'air vraiment de corbeaux ou de vautours? Leur manteau gris-perle, leur poitrine d'un blanc éclatant, l'élégance de leurs formes, ne permettent-ils pas de s'insurger contre cette appellation fantaisiste. Ce sont des oiseaux stupides, dit-on, on les tue à coups de bâton! Essayez, et, au lieu de bâton, munissez- vous d'un bon fusil, vous reconnaîtrez facilement que les goélands et les mouettes, sur nos rivages, sont farouches et abandonnent plu- tôt leur proie que le soin de leur conservation. Je veux bien qu'après les ouragans quelques-uns haras- sés, fatigués par le vent se laissent appréhender, mais en temps ordinaire, ce n'est pas la même chose . Et cette sauva- gerie est raisonnée. Dans les ports de mer, dans l'intérieur des villes, sur les bassins où ils se savent en sûreté, ces oiseaux sont presque familiers; au bord de la mer, sur les rives déser- tes, au contraire, ils comprennent que leur sauvegarde c'est la fuite et ils fuient juste à temps pour éviter les coups du chasseur qui les poursuit. En effet, alors que les autres oiseaux s'envolent instinctivement à la vue de l'homme, les goélands, eux, ne s'enlèvent que quand ils pensent qu'il y aurait vraiment danger à demeurer. Pour les tirer, il faut ou les surprendre ou les tromper. On les surprend à marée baissante, en se couvrant du talus formé par les galets ou des déclivités du terrain; à mer basse, on les trompe, soit en tournant autour d'eux, sans avoir l'air de les voir, soit en faisant des allées et venues qui leur permettent LES GOÉLANDS ET LES MOUETTES. 425 de croire que vous avez autre chose en vue. C'est surtout le regard du chasseur qu'ils observent. Leur œil est toujours rivé au sien et si on les fixe un instant, à n'importe quelle dis- tance, ils s'enlèvent. En mer ils sont moins défiants; habitués à voir les barques de pêcheurs et les navires à voiles, ils pas- sent souvent à portée. Pour tirer les mouettes et les goélands, je crois qu'il est pré- férable d'employer le gros plomb. Je me sers toujours du n" 2 de Paris. Ils reviennent toujours « bavoler» au-dessus des leurs bles- sés ou morts. Je ne crois pas que ce soit, comme on le dit, dans l'intention de les achever ou de les dévorer. J'ai cons- tamment vu les goélands, après quelques circonvolutions, linir par s'éloigner. J'ai même laissé des oiseaux sur place pendant assez longtemps sans me découvrir, jamais je n'ai observé que leurs congénères les aient attaqués. Il en est au- trement entre oiseaux blessés en même temps. Ils se battent alors quelquefois. Mettant à profit cette habitude qu'ont les goélands et les mouettes de venir reconnaître leurs congénères on peut se ser- vir d'appelants pour les attirer à portée. On attache devant un affût disposé sur la grève une mouette privée. Quand un goé- land ou une mouette passe au large, on tire le fil qui retient la captive. Elle ouvre les ailes et ses évolutions attirent l'atten- tion de l'oiseau qui vient alors tournoyer à portée. La chasse des goélands et des mouettes, quand il n'y a pas d'autre gibier en vue, permet, à mon avis, de passer quelques heures d'une façon agréable. Je trouve à cette chasse un double intérêt : Sur les grèves les goélands et les mouettes sont très dilli- ciles à approcher. J'ai dit qu'il fallait ruser pour les tirer, et, quand le succès a couronné vos tentatives, vous avez la satis- faction de la (lilliculté vaincue. 426 FAMILLE DES LARIDÉS. D'un autre côté, Tétude des variétés de ces oiseaux est très intéressante, il est agréable de comparer et de distinguer les différentes espèces qui croisent sur nos côtes. La chasse au bord de la mer demande plus d'endurance que la chasse en plaine. Elle offre aussi plus d'imprévu et c'est l'imprévu qui passionne le chasseur de Sauvagine. Un dernier mot pour terminer : Sur la foi de personnes qui n'ont jamais vu de goélands et de mouettes ailleurs que dans les livres ou dans les jardins où on les tient en captivité et qui d'après des renseignements erronnés ont écrit que les goélands et les mouettes étaient immangeables, on en est gé- néralement arrivé à se persuader que ces oiseaux ne sont pas comestibles. C'est encore là une exagération. Certes, loin de moi la pensée de comparer, au point de vue culinaire, le goéland ou la mouette à la bécasse ou au faisan! Mais de là à affirmer, comme l'ont fait Buffon et bien d'au- tres après lui, qu'on n'en saurait pas goûter sans vomir si, avant de les manger, on ne les avait exposés à Vair, pendus par les patleSj la tête en bas^ pendant quelques jours ^ afin que l'huile ou la graisse de baleine sorte de leur corps et que le grand air leurote le mauvais goût, » il y a une nuance! J'ai mangé sou- vent du goéland, je n'ai jamais ressenti les inconvénients an- noncés, ce qui aurait pu m'arriver, toutefois, si j'avais pris la précaution indiquée de laisser, en été, les oiseaux suspendus pendant plusieurs jours en plein air, opération qui aurait peut- être été de nature à donner à la chair ainsi exposée un tout autre goût que celui d'huile de baleine ! Les goélands n'ont pas, du reste, l'occasion de se nourrir souvent de l'huile des cétacés dans nos parages. J'ai cepen- dant vu deux baleines échouées sur les côtes du Calvados mais j'ai remarqué que les oiseaux de mer n'y avaient pas touché. Je n'aurais pas été chercher aussi loin la citation qui pré- LES GOÉLANDS ET LES MOUETTES. 427 cède si elle n'avait été, par plusieurs auteurs, considérée comme lettre d'évangile. Cette croyance que les goélands ne sont pas comestibles est tellement enracinée chez beaucoup de gens que j'ai vu des personnes n'en ayant jamais goûté déclarer qu'elles ne le feraient jauiais. J'ai du pour les convaincre leur en faire servir sous uu autre nom, elles ont trouvé le plat, sinon ex- cellent, du moins supportable. Plusieurs m'ont même demandé de leur envoyer des goélands quand j'aurais l'occasion d'en tirer. En réalité c'est la sauce qui fait manger ces oiseaux. Pré- parés comme les macreuses, écorchés et en civet, les jeunes grisards valent mieux qu'un mauvais poulet. Si toutefois vous vous ne pouvez vaincre votre répugnance, ne jetez point les oiseaux que vous aurez tirés, donnez-les aux pêcheurs. Vous ferez la charité et vous n'aurez pas inutilement semé la mort autour de vous. Les savants n'admettent pas la distinction entre les goé- lands et les mouettes. Peureux il n'y a que des goélands. Il paraît en elfet que, parmi les lariens qui habitent les pays étrangers, il y a des espèces qui servent de lien entre les goélands et les mouettes. J'ai cependant maintenu la di- vision. Nous n'avons en France, comme espèce de transition entre les goélands et les mouettes, que le goéland à pieds bleus ou goéland cendré. Eu Normandie, les chasseurs font trois distinctions. Les grands goélands sont appelés des marias. Ils se reconnaissent à l'état adulte, à leur volume, à la couleur claire de leurs yeux, à la force de leur bec. Les jeunes sont toujours grivelés et désignés sous le nom de grisards. Ils ont les yeux noirs. Le goéland ii pieds bleus est appelé mniu/ddnn. Il a les yeux noirs à tous les Ages comme les mouettes, mais son bec tient 428 FAMILLE DES LARIDÉS. le milieu entre celui des goélands et celui de ces dernières. Cet oiseau forme l'espèce de transition. Les mouettes appelées aussi mauves, sont reconnaissables à leurs yeux noirs étroitement cerclés d'un iris brun sombre à tous les âges, à leur taille inférieure à celle des goélands et à leur bec fin et mince. Toutes, sauf la mouette tridactyle, ont, au temps des amours, la tète couverte d'un capuchon de couleur foncée. Quelques espèces sont sédentaires en France, les autres sont de passage, mais demeurent sur nos côtes une partie de l'hiver. Ainsi que je l'ai indiqué, les mouettes et les goélands ne plongent pas et trouvent leur subsistance soit à la surface des flots, soit sur les grèves. Leur vol est tantôt lent, tantôt rapide; il peut leur per- mettre de parcourir neuf cents mètres par minute; cinquante- quatre kilomètres à l'heure. LA PAGOPHILE BLANCHE. 429 LA PAGOPHILE BLANCHE Pagoph il a Ehu rnea . (Kaup.) {Taille, 0'°.45 environ) La pagophile n'est point classée parmi les goélands pro- prement dits. Elle forme un genre à part. Elle est de la taille d'une forte mouette. Toute blanche, d'où son nom anglais ivory gull, ou goéland d'ivoire, elle a sur les dessous du corps une teinte rosée qui disparaît après la mort. Le bec est très court, jaunâtre avec la pointe rouge. Les pieds ont les palmures très échancrécs et sont noirs. L'iris est brun. Les jeunes sont grivelées de grisâtre sur les parties supé- rieures. Ce goéland est connu aussi sous le nom de sénateur et de mouette blanche. Il est rare en France, et se cantonne au nord de l'Europe où il niche. Il pond deux ou trois œufs d'un gris verdàtre très tachetés. t30 FAMILLE DES LARIDÉS. LE GOÉLAND BOURGMESTRE Larus glaucus. (Briinn.) {Taille, 0'»\G9 à Û">.72j C'est le plus grand des goélands. En été, il a la (ête et le cou blancs, l'iris jaune, glauque, le bec jaune-citron avec une tache rouge à l'angle de la man- dibule inférieure. Le dessus du corps est gris-cendré-bleuâtre, très clair, les couvertures des ailes sont de la môme couleur. Le reste du corps, queue et grandes pennes des ailes comprises est blanc pur. La queue n'est pas échancrée. Les pieds sont couleur cil air pâle. En hiver la tête et le cou se flammentde brun. Les jeunes sont entièrement grivelés de brun sur fond blanc et leur iris est noirâtre. On appelle aussi ce goéland, goéland à manteau gris. Les Anglais le nommeni glaucus gull. Il est rare et se cantonne au Nord. 11 paraît qu'il pond dans les rochers deux ou trois œufs jaunâtres, tachetés. Il ressemble au goéland argenté, mais est plus grand et a l'extrémité des ailes blanche au lieu de l'avoir noire. Je ne me souviens avoir tué que deux de ces oiseaux : Un, isolé sur un banc de sable, dont j'ai conservé longtemps les ailes à cause de leur enveigure considérable et le bec que je possède encore; un autre, en même temps que trois goélands à LE GOÉLAND BOURGMESTRE. 431 pieds jaunes, des jeunes connus sous le nom de grisards et que j'ai abattus du même coup de fusil dans une bande. Je n'en ai pas tiré depuis. Ceux que j'ai tués étaient incontestablement des vieux. Leur envergure atteignait deux mètres^ alors que celle du goéland à manteau bleu ou argenté dépasse rarement un mètre soixante-dix. 432 FAMILLE DES LARIDÉS. LE GOÉLAND LEUCOPTERE Larus Leucopterus. (Ferber.) (Taille, 0".55 environ) Le goéland leucoptère ou à ailes blanches ressemble au précédent mais il est plus petit et a le bec plus court. Il est à peu près de la taille du goéland à pieds jaunes. Sa tête et son cou, en été, sont blancs; le dessus du corps est gris cendré bleuâtre, presque blanc, les ailes sont de même couleur aux couvertures, complètement blanches à l'ex- trémité. La queue est blanche et non échancrée. Le bec est court, jaune, avec une tache rouge à l'angle de la mandibule inférieure. Les pieds sont jaunâtres, l'iris est jaune d'or. L'hiver, la tête et le cou se couvrent de grivelures brunes. Les jeunes sont entièrement tachetés de brun mais leurs grivelures sont comme lavées surtout à leurs parties inférieures. Ils ont l'aspect plutôt blanc-sale. Leurs pieds sont livides, leur iris brun-noir. J'en ai tué quelques-uns à l'embouchure de la Seine. Ce goéland est appelé aussi goéland d'Islande, Iceland gull par les Anglais. Il est originaire de ce pays, des îles Feroë et du Groen- land. Il y niche et pond de deux à Irois œufs roux-foncé très tachetés. LE GOÉLAND A MANTEAU NOIR. 433 LE GOÉLAND A MANTEAU NOIR Larus Marimis. Linn.'l -jhjç» v';*'»*" "^ ■ Le Goéland à niaiileau imir. {Taille, 0"'.37) Le goéland à manteau noir, connu aussi sous le nom de goéland marin ^ (jnél and à ailes de velours, appelé tartane en Normandie sur les cotes du Calvados^, greater black backed gull en Angleterre, est, avec le bourgmestre, le plus grand des goélands. Il atteint la taille d'une petite oie. En été, le mâle et la femelle ont la tête et le cou d'un hianc pur, le dessus du corps est noir-velouté. La queue est blanche, non échancrée ; tout le corps en dessous est blanc. Les ailes I.\ SMV\(.1NR. 28 434 FAMILLE DES LARIDÉS. sont noires, avec du blanc à l'extrémité des grandes pennes, sauf à celles formant la pointe de l'aile. Le bec est jaune, avec une tache rouge à l'angle de la mandibule inférieure. L'iris est blanc jaunâtre, le regard fier, cruel même. Les paupières sont rouges, les pieds de couleur chair-pâle bleutée. En hiver, quelques traits bruns viennent strier le blanc de la tête et des dessous du corps. Les jeunes sont grivelés de brun sur fond blanc sale; leurs yeux sont noirs, leur bec est de la même couleur. Ce sont ces goélands en livrée de jeune âge et les jeunes goélands à pieds jaunes qu'on désigne sur nos côtes sous le nom de gri- sards et dont quelques auteurs cynégétiques ont, comme les naturalistes anciens, fait une espèce distincte. Les grisards sont simplement les goélands à manteau noir ou à pieds jaunes qui n'ont pas atteint l'âge adulte. Le goéland à manteau noir niche, en mai et juin, en Ecosse, en Angleterre, en France, dans les rochers et sur les landes. Il fait un nid avec des brins d'herbes, sur le sol et y dépose deux ou trois œufs d'un gris-verdàtre ou jaunâtre, très pointillés. Ce goéland est très commun sur nos côtes, sous sa livrée déjeune âge, en août, septembre, octobre et en hiver. Les jeunes femelles sont en majorité. Les adultes sont plus rares; cette particularité trouve son explication dans ce fait que les goélands à manteau noir ne revêtent leur livrée d'adultes qu'à l'âge de trois ans. Les jeunes sont assez farouches mais très curieux. En ru- sant^ on peut les tirer à portée. Les vieux sont plus sauvages. J'en ai cependant tué quelques-uns en terrain plat, en tour- nant autour d'eux. Ils reviennent avec beaucoup de persistance tournoyer au- tour des blessés. Quand deux de ces oiseaux ont été blessés en même temps, LE GOELAND A >L\MEAU XOIR. 433 ils se battent et se font même des blessures dangereuses. Au mois de novembre dernier, j'avais, en deux coups de fusil, cassé l'aile à deux goélands à manteau noir, en livrée de jeune âge mais d'une taille supérieure à la taille ordinaire. Tombés l'un à coté de l'autre, presque à mes pieds, ils s'at- taquèrent violemment et le plus gros rerut même sous l'aile un coup de bec qui le fit expirer presque aussitôt. En mou- rant, il rendit par le bec une limande plus large que la main et qu'il avait avalée entière. Comme ce goéland était d'une grosseur remarquable, je l'ai envoyé à un de mes amis qui Ta fait naturaliser. Les goélands à manteau noir semblent appeler le coup de fusil. Quand ils sont levés, narquois, ils reviennent tournoyer autour du chasseur, en poussant cet éclat de rire moqueur : Qua! fjua ! (lua ! qui est leur cri habituel quand ils volent. Au repos, ils ont un autre cri stupide qu'ils émettent en al- longeant le cou comme des coqs et qui est horriblement criard et désagréable. Le meilleur moyen d'approcher ces oiseaux à portée c'est de feindre de ne pas les remarquer. Habitués à voir les pêcheurs inolTensifs pour eux, toujours penchés vers la terre, ils ne se défient pas de ceux qui regardent le sol. Se baisser sur le sable, regarder de cùté, c'est ce qu'il faut faire quand on voit un goéland venir majestueusement au-devant de soi. Combien de fois en ai-je vu passer au- dessus de ma tête quand je leur tournais le dos .'Posés, ces oiseaux suivent, non vos mouvements, mais la direction de vos yeux. N'ayez jamais l'air de les regarder, ils se laisseront approcher. Ce que je viens de dire s'applique à tous les goélands. 436 FAMILLE DES LARIDÉS. LE GOÉLAND A PIEDS JAUNES OU GOÉLAND BRUN Larus Fuscus. (Linn.) Le Goéland à pieds jaunes, mâle adulte. (Taille, 0"".S0 « 0"'.5o) Ce goéland est souvent désigné sons le nom de goéland brun. Or, cette appellation crée souvent une confusion. On a décrit plusieurs fois, comme l'avait fait Buffon du reste, le labbe cataracte sous ce nom de goéland brun. Je préfère donc le nom de goéland à pieds jaunes. Le maie adulte, en été, n'a pas, en effet, une seule plume de couleur brune. Il a la tête et le cou blancs^ le dessus du corps noir cendré, ardoisé, mais très foncé. La queue est blanche, non écliancrée. LE GOÉLAND A PIEDS JAUNES OU GOÉLAND BRUN. 437 Tous les dessous du corps sont blancs, les ailes sont de la couleur du manteau mais ellessont, vers l'épaule, à la jointure, blanches, ainsi que le représente notre gravure. L'extrémité de leurs pennes est largement marquée de blanc, c'est ce qui forme les taches blanches qui varient le bas du manteau. Le bec est jaune citron, avec l'angle de la mandibide inférieure Le Goéland à pieds jaunes, jeune l'einelle. {Taille, 0'".i9 à 0"'.ôo) rouge-vif. Les i)aupières sont rouge-orangé, l'iris est jaune- clair. Les pieds sont jaunes. En somme, ce goéland ressemble au goéland à manteau noir mais il est plus petit, le noir de son dos est plus terne, plus ardoisé, il a plus de blanc à l'épaule, des taches rondes blan- ches à l'exlrémité des grandes pennes et des pieds jaunes, au lieu de les avoir, comme le goéland à manteau noir, de couleur chair livide. En hiver, la tête et le cou se flamment de brun. Les jeunes 438 FAMILLE DES LARIDÉS. sont grivelés de blanc sur fond brun en dessus, de brun sur fond blanc sale en dessous. Ce sont des grisards, plus jDctits que les jeunes goélands à manteau noir, avec la même colo- ration mais plus sombres en dessus et avec des pieds jaunâtres. Leur bec est noir, l'iris brun-foncé presque noir. Ce goéland est assez commun sur nos côtes, il passe en mai, disparaît des rivages où il ne niche pas pendant les mois de mai et de juin et revient en juillet et en août pour rester une partie de Thiver occupé à rayonner sur une large étendue de plages. Il niche en France et en Angleterre sur les rochers déserts ou dans les landes. Il fait un nid avec de mauvaises herbes et des plantes marines desséchées, il y dépose deux à trois œufs roussâtres ou grisâtres, parsemés de taches rondes noirâtres. Ce goéland porte aussi le nom de petite tartane, aile-de- velours ^ les jeunes sont appelés grisards, gros gris^ margas gris y poules de mer. Les Anglais appellent le goéland à pieds jaunes petit goé- land à manteau noir : Icsser black backed gull. Le cri de cet oiseau est : Ah I ah ! ah! Il prononce ces mots sur un ton moqueur. LE GOÉLAND A iMANTEAU BLEU OU ARGENTÉ. 439 LE GOÉLAND A MANTEAU BLEU OU ARGENTE Larus argentatus (Brïinn. Le goclaïul à manteau bleu, mâle adulte, en hiver. [Taille, 0'".{)0 « 0"'.iw) De taille intermédiaire entre les deux espèces dont nous ve- nons de parler, c'est-à-dire plus gros qu'un canard sauvage, le goéland à manteau hleu ou goéland argenté a, en été, la tête et le cou d'un blanc pur. Le bec est jaune, avec l'angle de la mandibule inférieure rouge-vif. L'iris est jaune-clair et donne à l'oiseau le regard de l'oiseau de proie. Le manteau est bleu-cendré-clair, la queue blanche. Tous les dessous du corps sont blancs. Les ailes sont pareilles au manteau, avec les grandes pennes noires, liseréeset (jueNjuefois tachetées de blanc. 440 FAMILLE DES LARIDÉS. Les pieds sont couleur chair-livide ou jaune pur, cette dernière couleur s'observant cependant plus rarement. En hiver, ainsi que le représente la gravure, la tête et le cou se couvrent de lignes brunes. Les jeunes, comme ceux des espèces précédentes, sont entièrement grivelés de brun et de blanc, mais ils sont plus clairs, ont l'aspect plus blanchâtre et leur dos prend ra- pidement une teinte bleuâtre. Le goéland à manteau bleu adulte est un des plus jolis de la famille. La délicatesse de ton de son manteau mauve, la blancheur immaculée de son plastron, lui donnent un air de propreté et de coquetterie que ne dépare pas la fierté clu regard qui tient de celui du rapace. Ce goéland est très agressif; quand il est blessé il se dé- fend avec plus d'acharnement que les autres oiseaux de mer. Il est un terrible destructeur d'œufs. Dans les pays où il niche il devient un véritable fléau pour les oiseaux qui cou- vent dans son voisinage. Il se reproduit dans le nord de l'Europe, en Angleterre, en France, sur les côtes de la Manche et de l'Océan. Il pond, soit à terre dans le gazon, soit dans les anfractuosités des ro- chers inaccessibles, deux ou trois œufs brun-olive ou brun- roussâtre tachetés. Il se rencontre sur toutes nos côtes de France, au nord, à l'ouest et sur la Méditerranée où il descend en hiver. On lui donne les noms de gros marrjas, miaulavd, goéland à manteau gris, grande mauve. Les Anglais le nomment herring- gull on goéland du hareng. Son cri est : Hiaue! hiaue! hiaue! c'est le cri qu'il profère en volant. Son cri d'alarme est : Ki iok! très sifllé d'abord et traî- nant à la dernière syllabe. LE GOÉLAND RAILLEUR. 441 LE GOELAND RAILLEUR Larus gelastes. (Lichst.) [Taille, 0"'.45) Il ne faut pas confondre cet oiseau avec la mouette rieuse. Tous les goélands et les mouettes sont plus ou moins suscep- tibles de se voir appliquer ce qualificatif de rieurs ou rail- leurs. Ce goéland a été appelé aussi mouette à bec grêle, les Anglais le nomment slender billed guU. 11 a en effet le bec assez long, mince et tout rouge. Plus petit que les goélands dont nous avons parlé précé- demment, il a la tête et le cou blancs. Son manteau est bleu cendré, sa queue blanche ; tous les dessous du corps sont d'un blanc teinté de rose. Les ailes sont de la même couleurque le dos, avec les gran- des pennes variées de blanc et de noir. Les pieds sont rouges. Les jeunes n'ont pas de rose à la poitrine, leur queue est barrée de brun et leur bec et leurs pieds sont plus foncés que ceux des adultes. Ce goéland appartient au Midi, à la Méditerranée principa- lement. Il couve souvent en France, dans les marais de la Provence. On ne le voit pas dans le Nord. FAMILLE DES LARIDÉS. LE GOÉLAND CENDRÉ OU GOÉLAND A PIEDS BLEUS Larus Canus. (Linn.) ,:yT-^% i;i^^^^^-^--i:iÈî^i]sx. Le Goéland à pieds bleus (jeune âge). {Taille, 0"\'i(i) Pour les naturalistes savants, il n'y a que des goélands. Les mouettes ne forment pas pour euK un genre particulier. Elles sont classées parmi les goélands, mais en Normandie, nous autres chasseurs, naturalistes d'occasion, si je puis m'expri- mer ainsi, nous avons créé trois genres de Lariens. Nous faisons une distinction entre les goélands proprement dits ou margas; les petits goélands ou margadons; et les mouettes ou petites mauves. Le goéland cendré fait la transition et est désigné sur nos côtes de Normandie sous le nom de margadon; sur celles de Picardie sous celui de grande miaule. LE GOÉLA^'D CEiNDRÉ OU GOÉLAND A PIEDS BLEUS. 443 Sa taille tient le milieu entre celle des goélands et celle des mouettes. Son bec se raproche de celui des premiers, ses yeux sont noirs comme ceux des mouettes à tous les âges. En été, les adultes ont la tête et le cou blancs, le manteau gris bleuâtre très clair, mauve pâle. La queue est blanche. Le dessous du corps est blanc, les ailes sont pareilles au manteau avec les grandes pennes noirâtres marquées de blanc. Les paupières sont rouges, le bec assez fort est jaune avec l'intérieur orangé. Les pieds sont teintés de l)leu. L'œil est noir, avec l'iris brmi. En hiver, les pieds deviennent entièrement bleus, le bec prend une teinte de la même couleur. La tète et le cou se couvrent de taches noirâtres. Les jeunes ont la tète et le cou grivelésde brun. Leur dos est brun, moucheté de roux-clair, avec du blanc grisâtre aux épaules, la queue est blanche, noire au bout. Le ventre est blanc, la poitrine et la gorge sont blanches, légèrement mou- chetées de brun ou sans taches. Les ailes sont, aux couvertu- res, variées de brun et de blanc, les grandes pennes sont noi- res, avec des ronds blancs à la pointe. Le bec est noir, les pieds jaunâtres. C'est un jeune oiseau que représente la gravure. Ce goéland niche au nord de l'Europe, de l'Angleterre et de l'Ecosse, quelquefois en France, en mai et juin. Il pond deux à quatre œufs d'un blanc plus ou moins jau- nâtre ou verdâtrc, très tachetés, il les dépose dans un nid aménagé sur le sol avec du gazon et des détritus d'herbes re- jelés par la mer. Cet oiseau est le goéland commun, le common f/ull ci com- mon soa-mcu: des Anglais. Il reste une partie de l'hiver sur nos cotes im il arrive en août. 444 FAMILLE DES LARIDES. LA MOUETTE TRIDACTYLE Larus Tridactylus. (Linn.') La Mouette tridactyle (jeune âge). {Taille, 0"'.40) Avec cet oiseau nous arrivons aux mouettes proprement dites. La mouette tridactyle ou mouette à trois doigts se distin- gue de ses congénères en ce que le pouce n'existe chez elle qu'à l'état très rudimentaire. Le mâle et la femelle, en été, ont la tête et le cou blancs, le bec noir, quelquefois jaunâtre avec l'intérieur rouge-orange. L'iris est noir. Le dos est bleu-cendré, la queue blanche, le ventre et la poitrine sont blanc-pur, les ailes bleu-cendré aux couvertures, avec les grandes pennes variées de noir et de blanc à leur extrémité. LA MOUETTE TRIDACTYLE. 445 Les pieds, dont le pouce est à peu près nul, sont noir- vert ou d'un verdatre sale. En hiver, la nuque et le cou deviennent gris- cendré, quel- ques traits bruns apparaissent sur la tète. Les jeunes ont le dos bleu-cendré avec les plumes bordées de brun. Les ailes sont également bleu-cendré, brunes aux épaules, noires aux grandes pennes. La queue est blanche, noire à son extrémité. Cette mouette niche, en mai et juin, en Angleterre, en Ecosse aux Famé hlands. Elle établit son nid, très bien ta- pissé d'herbes, sur les anfractuosités dos rochers inaccessibles, et dans les crevasses des falaises. Elle pond de deux à quatre œufs brun-clair ou couleur de pierre, tachetés de gris. Elle a le vol très vif et très droit. Son cri est : Kitt! éelet guette! éoué! Les Anglais l'ont tra- duit par les mots get — aicay, et ont donné à l'oiseau le nom de kittiwake. Extrêmement gracieuse, celte mouette visite toutes les côtes du nord, de l'ouest et du midi de la France pendant le prin- temps, l'automne et l'hiver. Les jeunes mouettes tridactx les, appelées petites mauves et petites mouettes cendrées, se mêlent aux bandes de jeunes mouettes rieuses et comme elles rayonnent sur les grèves, mais avec plus de vivacité dans les mouvements et avec un vol plus rapide. 446 FAMILLE DES LARIDÉS. LA MOUETTE ATRICILLE Larus atriciUa. (Linn.) {Taille, Û-^.-iO) Cette mouette a été longtemps confondue avec la mouette rieuse. A première vue elle lui ressemble en effet. Mais, au vol, ses ailes semblent bien plus noires que celles de la mouette rieuse qui paraissent toutes blanches. On a, du reste, rarement l'occasion de faire la confusion, car cette mouette est assez peu répandue en France. En été, elle a la tête et le cou couverts d'un capuchon noir; le dos est gris-brun, la queue blanche. Les dessous sont blancs, nuancés de rose. Les ailes sont gris-brun, avec les grandes pennes noires. Le bec et les pieds sont rouge-brun, les pieds parfois noirâtres . En hiver, la tête et le cou deviennent blancs, avec quelques taches grises devant les yeux. Le dessus du cou est noirâtre, le manteau brun-gris clair, les dessous sont blancs, les ailes sont grises aux couvertures, noires aux grandes pennes. Les jeunes oiseaux sont grivelés, sur le dessus du corps, de grisâtre et de brun. La queue est brunâtre, la poitrine et la gorge sont brun-clair. Leur ventre est blanc, les ailes sont grivelées comme le manteau aux couvertures, noires à leur extrémité, le bec est noir, les pieds sont rougeâtres. Cette mouette niche dans l'Amérique du nord, où , paraît- il, elle pond trois œufs d'un blanc sale, tachetés de brun. Elle semble rare en Europe, cependant, il peut se faire qu'on la confonde quelquefois avec la mouette rieuse. LA MOUETTE RIEUSE. 44' LA MOUETTE RIEUSE Lariis Ridibundus. (Linn.) Mouettes rieuses, livrée d'été à droite, plumage d'iiiver à gauclie. {Taille, 0"'.iO) C'est une des mouettes les plus répandues en France. En été, le mâle et la femelle adultes ont la tète couverte d'un capuchon noir, quelquefois brun , qui descend sur le haut du cou, le bec est rouge, l'iris brun-noir. Le bas du cou est blanc, le dessus du dos gris-cendré bleuâtre très clair. La queue est blanche, le dessous du corps blanc, un peu rosé, les ailes sont cendré-bleuatre très clair à leurs couvertures, blanches à l'extrémité, avec une légère ligne noirâtre sur le bord des plumes ; les pieds sont rouges. L'hiver, le capuchon disparaît, la tète et le cou deviennent blancs, avec quelques taches noirâtres. La gravure représente, à droite, un mâle en plumage d'été, à gauche, un mâle en plu- mage d'hiver. 448 FAMILLE DES LARIDÉS. Les jeunes ont la tête et le cou blancs, avec quelques ta- ches brunes, le bec est décoloré et a la pointe noire. Le dos est brunâtre, irrégulièrement varié de roux blanchâtre. La queue est blanche et brune, les dessous sont blancs, quelque- fois lavés de brun à la poitrine. Les ailes sont brunes, macu- lées de blanc roussàtre aux couvertures, blanches et noires aux grandes pennes, le blanc y dominant. Les pieds sont jaunâtres. Cette mouette niche en avril et mai , quelquefois en France, mais plus souvent dans les îles désertes du nord de l'Ecosse et des côtes anglaises. Elle fait un nid à terre, le tapisse d'herbes sèches et y dépose deux ou trois œufs de teintes très variées, grisâtres, roussâtres ou olivâtres, très tachetés et se confondant avec la couleur du sol ou de la mousse qui les entourent. La mouette rieuse est appelée en France miaule, mouette à capuchon, en Normandie on nomme les adultes en livrée d'été des étaillets, par confusion avec les hirondelles de mer, en Picardie on leur donne celui de poverets. Les Anglais dési- gnent cette mouette sous le nom de black headed-gull ou mouette à tête noire. Elle est très commune sur toutes nos côtes du nord, de l'ouest et du midi. Elle fréquente également les fleuves et les étangs de l'in- térieur. Les jeunes mouettes rieuses arrivent dans nos parages nord et ouest de 1res bonne heure et y séjournent pendant un cer- tain temps. Quand elles ont adopté un canton elles y restent sans jamais beaucoup s'en écarter. A marée basse, elles affectionnent les endroits de la plage où une dépression a formé une lagune vaseuse. C'est dans la vase molle qu'elles paraissent chercher de préférence leur nourriture, mais avec quelle précaution pour ne point souil- ler la blancheur de leur jabot ! Elles vont et viennent d'un vol LA MOUETTE RIEUSE. 449 moelleux et lent au dessus de cet espace fangeux, se posant à peine un instant, effleurant le plus souvent le sol pour s'élever ensuite et reprendre leur course capricieuse. A marée haute, elles n'abandonnent pas la contrée, elles suivent le bord de la plage et croisent dans les airs jusqu'à ce que la mer en se retirant leur permette de recommencer leurs gracieuses évo- lutions au-dessus de la grève abandonnée par les flots. Je ne connais rien de plus charmant que les jeunes mouet- tes rieuses. Leurs yeux noirs et doux, leur bec fin et élégant, de longueur voulue à raison de la grosseur de la tête, l'harmo- nie de leurs formes de dimensions bien proportionnées, m'ont toujours séduit. Comparez le corps de la mouette à celui du pigeon et jugez : l'élégance de la première ne saurait être méconnue, la mouette a les pattes assez élevées, le pigeon est bas sur ses appuis, il est trapu, elle est élancée! Ces mouettes ne sont que plumes et bien qu'elles parais- sent atteindre la taille d'un ramier elles sont loin d'avoir le même poids. Elles ne pèsent rien. Toujours maigres, elles ne sont qu'ailes et duvet. Les adultes, avec leur capuchon me paraissent moins séduisants, mais à leur passage ils m'amu- sent. Quand ils viennent de prendre cette livrée qui semble les gêner et que plusieurs couples s'abattent sur la grève, j'ai toujours, malgré moi, pensé à une noce, à une bande de jeunes fous. Se bousculant en riant, se posant à peine au même endroit, pressées de retourner aux endroits où elles ni- chent, les mouettes rieuses, à leur premier passage, m'ont paru ne faire qu'une halle sur nos côtes. Leur cri, qui à l'automne n'est pas trop criard, est, au printemps assez dé- sagréable. Je puis traduire le [)remier par ces mots : Kaiurl keque! le second par Krld kriic! L\ SAtVA(;iNK. 450 FAMILLE DES LARIDES. LA MOUETTE MELANOCEPHALE Larus melanocephalus . (Natterer.) ?t;;,^:5''™^™i'*,rHiiui!iii|îijfi|""''''^r^^wWhiT^ii!^' La Mouette mélanocéphale. [Taille, 0"'.44) Plus grande que la mouette rieuse, elle lui ressemble à première vue. Elle a, en été, la tête et le cou noirs, l'iris brun-foncé, le bec rouge avec une bande noire à la mandibule inférieure vers la pointe. Le manteau est cendré trcs clair; tout le reste, rémiges comprises, est blanc. Elle a l'air, de loin, complètement blanche, avec la tête et le cou seulement d'un beau noir. En hiver ces deux parties deviennent entièrement blan- ches. Les jeunes ont la tête et le cou grivelés et, comme chez ton- LA MOLETTE MÉLANÛCÉPHALE. 4ol tes les jeunes mouettes, leur dos est varié de brun et de blanc. Leurs ailes ont l'extrémité noire et la queue est terminée par une bande de cette dernière couleur. Cette mouette , qu'on confond souvent avec la mouette rieuse, se tient de préférence dans les contrées méridionales. J'en ai cependant tué, sur les côtes du Calvados, il y a quel- ques années, une qui faisait partie d'une petite bande de trois individus. Mais elle est rare au nord; la Méditerranée, l'Adriatique, et le sud-est paraissant être ses stations préférées. Elle visite pourtant Arcachon et le liltoral du sud-ouest de la France. Son cri ressemble à celui des hirondelles de mer : Krie! krie! krie! Pirre! pirrel Elle couve au sud-est de l'Europe deux ou trois œufs sem- blables à ceux de la mouette rieuse. Les Anglais la nomment : adriatic guU. 452 FAMILLE DES LARIDES. LA MOUETTE PYGMEE Larus Miniitus. (PalL] La Mouette pysm6e (Jeune âge). (Taille, 0"'.28) La plus petite des mouettes. Elle n'atteint pas la taille de la lourterelle. En été, elle a un capuchon noir, couvrant la tête et le cou. L'iris est noir, le bec rouge obscur. Le dos est bleu-cendré clair, la queue blanche, les dessous sont l)lanc-rose. Les ailes sont bleu-cendré aux couvertures et aux grandes pennes qui sont terminées de l)lanc. Les pieds sont rouges. En hiver, la tête et le cou deviennent blancs tachetés de noir. Les jeunes ont la tête noire, grivelée de blanc, le dos gris- cendré, tacheté de noir, les dessous blancs, les ailes blanches avec les couvertures très largement tachées de noir. LA MOUETTE PYGMÉE. 453 Cette petite mouette, appelée little gull en anglais, est assez rare en France. Elle ne fait au Nord que des apparitions. Elle se reproduit au sud-est de l'Europe, dans les marais et sur les bords de la mer. Elle pond, paraît-il, trois œufs semblables comme couleur à ceux des autres mouettes. FAMILLE DES LARIDÉS. liA MOUETTE DE SABINE Larus Sabinei. (Leach.) La Mouelte de Sabine. [Taille, 0"'.36) Toutes les mouettes dont nous venons de parler, sauf la mouette tridactyle qui a la queue légèrement échancrée, ont cette partie du corps égale ; la mouette de Sabine l'a four- chue. Elle est un peu plus petite que la mouette rieuse, elle a la taille de la tourterelle, avec laquelle elle a, surtout dans le jeune âge, une grande ressemblance. En été, la mouette de Sabine a la tête et le cou de couleur ardoise, avec un collier noir au bas de ce capuchon. L'iris est noir, le bec court, fm et renflé à l'extrémité, noir avec la pointe jaune. Le dos est bleu-cendré aux couvertures, avec les grandes pennes noires, tachetées de blanc. En automne, la tête devient blanche, mais le collier noir de- meure presque en entier. LA MOUETTE DE SABINE. 4b5 Les jeunes sont grivelées, mouchetées sur tout le dessus du corps, avec fond gris-foncé. Elles ressemblent un peu comme aspect à une tourterelle sauvage. La poitrine est grisâtre. Cette mouette est rare, on la rencontre au Midi sur les côtes du sud-ouest de la France. Les Anglais la nomment Sabine s gull. to6 FAiMILLE DES LARIDÉS. Sous-famille des Sterniens LES HIRONDELLES DE MER Sternes et Guifettes. Ces oiseaux, créés pour vivre dans les airs, nousoffrent une fois de plus l'occasion d'admirer la merveilleuse sagacité qui a présidé à la création de tous les êtres animés. Comme les hirondelles de mer sont destinées à remplir sur les flots et sur les rivages le rôle assigné sur terre aux hiron- delles, comme elles doivent se nourrir de proies vivant dans les airs ou à la surface de la mer, la nature ne leur a stricte- ment accordé que les instruments nécessaires à leur subsis- tance aérienne : leurs ailes sont puissantes, leur vol rapide, leur taille exiguë, leur queue très longue. Mais, leurs pattes qui ne doivent point les porter à terre, sont petites et courtes, leurs pieds qui ne doivent pas leur servir à nager ne sont que semi-palmés et semblent n'avoir été ajoutés à leur corps que pour compléter l'harmonie de l'ensemble et répondre seulement aux incidents de leur existence qui pourraient, par hasard, soit les contraindre à prendre temporairement un appui sur le sol, soit les amener à se poser momentanément à la surface des flots. A la taille près, elles ressemblent comme formes générales à de grandes hirondelles, revêtues des couleurs les plus habi- tuelles des oiseaux de mer, le gris-cendré et le blanc ; leur vol capricieux et léger, elles l'empruntent à leurs ailes, lon- gues et échancrées. LES HIRONDELLES DE MER. 437 Mais leur bec est toujours assez long, assez volumineux et très pointu. Les hirondelles de mer sont des oiseaux sociables. Toujours en troupes, elles ne se séparent même pas de leurs congénères pour couver et l'incubation a lieu en communauté. Pour le chasseur, les sternes n'olTrent que l'intérêt d'un coupde fusil, quelquefois difîicile mais stérile, carsi la plupart des oiseaux d'eau sont un gibier médiocre, on peut dire que les hirondelles de mer ne sont pas du véritable gibier. Les sternes sont de tous les oiseaux d'eau ceux qui revien- nent avec le plus d'acharnement aux blessés. Quand on a tué une hirondelle de mer, il suffît de la laisser à terre pour tirer à coup sûr tous les individus composant la bande et qui vien- nent « bavolcry) sur la pièce gisant sur le sol. En lançant en l'air une sterne abattue, on attire aussi toutes ses congénères à portée des coups de fusil. Le petit plomb s'impose. Les grandes ailes reçoivent toujours un grain qui fait tomber l'oi- seau. Comme il est admis que sur les grèves et en mer on tire tout ce qui vole et comme les sternes font partie de la Sau- vagine, nous allons examiner rapidement chacune des varié- tés de ces oiseaux qui sont divisés en deux genres : les ster- nes et les guifettes. En Normandie on nomme toutes les hirondelles de mer étaillets sans distinction. 458 FAMILLE DES LARIDÉS. LA STERNE TSCHEGRAVA Sterna Caspia. (Pall.) l.a Sterne Tscliegrava. {Taille, 0"'."i8) De la taille d'une forte mouette, mais paraissant bien plus longue à cause du développement de ses ailes, la Tscliegrava est la plus grande des hirondelles de mer. Sa taille et la conformation de sa queue permettent de la distinguer facilement de ses congénères : avec la sterne Han- sel qui est plus petite, elle est la seule hirondelle de mer qui ait la queue non fourchue. Elle a, en été, tout le dessus de la tète noir-pur, le cou blanc, le dessus du corps bleu-cendré très clair, avec le bas du dos et la queue d'un blanc pur. La queue est plus courte que les ailes et non échancrée. Tous les dessous sont blanc-brillant, LA STERNE TSCHEGRAVA. 439 les couvertures des ailes sont bleu-cendré clair, les grandes pennes brun-gris clair. Le bec est gros, long, très pointu, rouge avec la pointe noire. La mandibule inférieure est vers son milieu légèrement anguleuse. Les pattes sont assez hautes, les pieds sont très petits, noirs. L'iris est brun-jaunâtre. En hiver le dessus de la tête se couvre de points blancs. Les jeu- nes ont le manteau tacheté de noir. Cette hirondelle de mer habite le Midi, les bords de la mer Caspienne, d'où son nom en anglais, Caspian tern. On la rencontre sur la Méditerranée. Elle remonte cepen- dant parfois au nord sur nos côtes de la Manche, au Crotoy et sur les grèves de la Seine- Inférieure. Elle couve même, parait- il, en Danemarck, dans les sables, sur le sol. Elle pond deux ou trois œufs jaunàtre-clair très tachetés. 460 FAMILLE DES LARIUÉS. LA STERNE HANSE L Sterna Anglica. (Montagu.) La Sterne Hansel. (Taille, O-'-SC) D'une taille un peu inférieure à celle d'une tourterelle, cette hirondelle de mer est caractérisée par la forme de son bec, qui, noir et assez court, rappelle un peu celui des mouettes, ce qui a fait appeler cet oiseau, en Angleterre, Sterne à bec de mouette gull hilled tern. Comme celle de la Tschegrava, la queue de la sterne Hansel n'est pas fourchue. Elle a le dessus de la tête et du cou d'un noir pur, le dessus du corps bleu-cendré clair, la queue non échancrée et blanc- grisâtre. Tous les dessous sont blancs. Les ailes sont bleu-cendré aux couvertures; les grandes pennes sont terminées de brun. L'iris est brun. Les pieds sont noirs, les pattes élevées. En automne le dessus de la tête se couvre de mouchetures blanches. Les jeunes ont la tête blanchâtre, avec des taches brunes sur les ailes. LA STERNE HANSEL. 461 Celte hirondelle de mer est une habitante du Midi. Elle fré- quente la merXoire, le sud de l'Allemagne, la Méditerranée. Elle apparaît cependant quelquefois sur nos côtes nord. Elle couve dans les régions tempérées et plutôt au sud-est de l'Europe. Elle pond de deux à quatre œufs d'un gris jaunâtre ou verdâtre, tachetés de gris. t62 FAMILLE DES LARIDÉS. LA STERNE CAUJECK Sterna Cantiaca. (Gmel.) La Sterne Caujcck. {Taille, 0"'.45 Cette sterne est d'une grosseur intermédiaire entre celle de la sterne Tschegrava et celle de la sterne Hansel. A rencon- tre de ces deux dernières, elle a la queue très fourchue. Son bec est long, fort, noir, avec la pointe rousse. En été, sa tête est noire. Les plumes de la nuque, de même couleur, s'allongent en pointe et quand l'oiseau les hérisse elles forment une petite huppe. Le cou est blanc, le dessus du corps bleu cendré, le bas du dos blanc, ainsi que la queue qui se sépare en deux fourches très aiguës. Tous les dessous sont blancs avec une nuance rose à la poi- trine. Les ailes sont bleu cendré aux couvertures, gris-foncé à l'extrémité. Les pattes sont courtes, les pieds petits, noirs en dessus, jaunes en dessous. L'iris est brun foncé. En hiver, le front se couvre de blanc. LA STERNE CAUJECK. 46:^ La Sterne caujeck niche au nord, dans les îles désertes, no- tamment aux Farnc Islands : Elle couve à terre, dans les pierres, en bandes très nombreuses, en mai et juin. Sa ponte est de deux ou trois œufs d'un blanc roussàtre, tachetés de points noirâtres, leur couleur se confond avec celle du sol. On appelle cette sterne en Angleterre Satidiciv h t en i. Elle est commune en France sur nos côtes nord et ouest, principalement aux mois d'août et de septembre. Toujours en bandes, ces oiseaux sont très criards, leur cri peut se traduire par : Kir! hit ! 464 FAMILLE DES LARIDÉS. LA STERNE HIRONDELLE OU PIERRE GARIN Sterna Hinindo. (Linn.) La Sterne Pierre-Carin. (Taille, 0"'.42} C'est l'hirondelle de mer vulgaire appelée autrefois grande hirondelle de merPierre-Garin. Elle n'est cependant pas la plus grosse, puisque la Tsche- grava et la Caujeck ont une taille bien supérieure. Son corps a, à peu près, le volume de celui de la tourterelle. En été, elle a la tête et le dessus du cou d'un noir pur. Le bec est très long, fort, pointu, rouge cramoisi, avec la base noire. L'iris est noirâtre. Le dessus du corps est bleu cendré, la queue blanche, très fourchue, mais plus courte que les ailes. Les dessous du corps sont blancs, moirés de gris argenté. Les ailes sont gris-clair, avec la pointe blanche. Les pieds, petits, échancrés aux palmures, sont rouges. En hiver, la tète blanchit. Les jeunes ont le dos tacheté de brun. Cette hirondelle de mer fréquente également le Nord et le LA STERNE HIRONDELLE OU PIERRE-GARLN. 465 Midi. Elle niche quelquefois en France, souvent sur les côtes sud et ouest de l'Angleterre et sur les Famé Iskuuh, en mai et juin. Elle façonne, sur le sol, dans les rochers ou dans les dunes, une sorte de nid qu'elle tapisse avec de l'herbe et du gazon sec et dans lequel elle dépose deux à trois œufs jaunâtres ou verdàtres, très tachetés, dont la couleur s'harmonise avec celle du sol. Elle quitte les lieux où elle a élevé ses petits en juillet et croise sur nos côtes jusqu'en septembre ou octobre. Elle repasse en mai. Son cri est perçant et peut se traduire par le mot : Pirre! prononcé d'une façon saccadée. Son vol est semblable à celui de certaines mouettes mais bien plus rapide. La Pierre-Garin porte aussi en France les noms de (joëlette, petit criard, hirondelle de fleuve, étaillet. Les Anglais la nomment common tcrn. LV SAUVAGINE 30 466 FAMILLE DES LARIDES. LA STERNE ARCTIQUE Stei'ua Paradisea. (Brûnn.) La Sterne arcli(|ue. (Taille, 0'".39) La sterne arctique est une des plus gracieuses hirondelles de mer. Elle est un peu plus petite que la Pierre-Garin, avec laquelle on l'a souvent confondue. Mais, ses pattes beaucoup plus courtes, sa queue bien plus longue et son bec plus petit, l'en différencient notablement. Sa tête est noire, son bec, plus court et plus fin que celui de la Pierre-Garin, est tout rouge. L'iris est brun-noir. Le cou est blanc, le dessus du corps bleu-cendré; la queue gris-argenté, très longue, très fourchue, se termine par deux pointes en forme d'alêne qui dépassent l'extrémité des ailes. Le dessous du corps est blanc-bleuâtre au lieu d'être blanc pur. Les ailes, très longues et très aiguës, sont entièrement gris- cendré. Les pattes, extrêmement courtes, font paraître Toiseau comme porté au ras du sol. Les pieds qui sont très petits sont rouées. LA STERNE ARCTIQUE. 467 L'hiver la tête se nuance de blanc. Les jeunes ont des taches brunes sur les ailes. La sterne arctique niche au nord, dans le golfe de Bothnie et dans les îles des côtes de la Grande-Bretagne, aux Famé Is- lands notamment, en mai et juin. Elle ne fait pas de nid, elle dépose simplement sur le sable deux ou trois œufs couleur de terre, très tachetés et qui se confondent avec le sol sur lequel ils reposent. On appelle aussi cette hirondelle de mer slcnie Paradis. Les Anglais la nomment arctictern. Son cri est : Krr! ie lires traîné. Elle passe régulièrement en France en mai^ août et septem- bre. Elle fréquente surtout nos cotes nord. 468 FAMILLE DES LÂRIDÉS. LA STERNE DE DOUGALL La Sterne de Dougall. {Taille, 0"\3-) Sterna Dougallii. (Montagu.) Plus petite que la Sterne arctique, avec le corps gros comme celui d'une grive, cette hirondelle de mer a la tête et la nuque d'un beau noir, le bec long, fin, noir et rouge, l'iris brun. Le dessus de son corps est blanc- bleuté très clair, la queue, de même couleur, dépassant les ailes, est très longue, fourchue et ter- minée par deux pointes aiguës. Le dessous du corps, gorge comprise, est blanc-rosé, les ailes, longues, sont pareilles au manteau, les pattes sont de hauteur normale, les pieds rouge-orangé. L'hiver la tête est mouchetée de blanc. La sterne de Dougall, nommé en Angleterre roseate stem ou sterne rosée, est assez commune en Grande-Bretagne et en France surtout sur les côtes de l'Atlantique. Elle a le vol moins vif et plus moelleux que les autres hi- rondelles de mer. Son cri est à peu près semblable à celui de la sterne arcti- que, un : Krie! ie! traîné. Elle niche en mai et juin dans les îles du nord de l'Europe et en France dans les îles de Bretagne. LA STERNE DE DOUGALL. 469 Elle construit, à terre dans les pierres, un petit nid très- bien fait, caché sous les herbes qui croissent dans les inters- tices des rochers. Il contient de deux à trois œufs, quelque- fois quatre, d'un gris jaune, marqués de gris violet et de taches noires. Si la sterne arctique est une des plus gracieuses , la sterne Dougall est la plus élégante des hirondelles de mer. 470 FAMILLE DES L ARIDES. LA STERNE MINULE Stenia minuta. (Linn.) La Sterne minule. (Taille, (y.H'i) Sterne minule, sterne naine, Utile stem ou petite sterne en anglais, ces noms indiquent clairement que l'oiseau est de dimension exiguë. Cette petite hirondelle de mer est de la taille d'une alouette, mais avec une queue et des ailes très longues. Elle a une grosse tête noire, avec tout le front blanc. Le bec est long, pointu, fort, jaune, avec du noir vers la pointe. L'iris est noir. Le dessus du corps est cendré-bleuâtre, la queue fourchue et blanche, les ailes sont gris-bleuàtre, avec les grandes pen- nes brun-cendré. Les pattes sont médiocrement hautes, les pieds petits et jaune-orangé. L'hiver le dessus de la tête blanchit. J'ai vu des sternes minules entièrement blanches. La sterne naine niche en mai et juin en Hollande, en Angle- terre, en France, surtout au midi. Elle pond à terre, sans préparation aucune, de deux à quatre œufs, d'un gris jaunâtre ou verdâtre, pointillés de noir. Son cri est : Pirre! pirre! très criard. LA STERNE MINULE. 471 Elle est très répandue en France. Elle fréquente non seulement les bords de la mer mais aussi les fleuves, les lacs de l'intérieur et les rivières ; on la voit sur l'Orne, la Loire, le Cher, elle est rare à l'embouchure de la Seine. 472 FAMILLE DES LARIDES. LA STERNE FULIGINEUSE Sterna fuliginosa. (GmeL) (TaUle, 0™.38) Ce nom indique suftisaniment que cette hirondelle de mer a le plumage très sombre. Son nom anglais, sooty tern, est la traduction du nom français. Le front est blanc, mais tout le dessus du corps est brun- noir, le dessous gris-blanc moiré, rappelant un peu le plumage du grèbe. La queue est fourchue, noire, avec les bordures blanches; elle est plus courte que les ailes, qui sont noires. Les jeunes sont brun-noir en dessus, gris en dessous. Cette hirondelle de mer est rare en France. LA GUIFETTE FISSIPÉDE. 473 LA GUIFETTE FISSIPEDE Hydrochelidon fissipes. (G. R. Gray.) I.TFRsiEV.- La Guil'etlc lissipédc. {Taille, 0'".i:'>) Les guifettes se distinguent des sternes en ce qu'elles ont le bec court, mince, un peu courbé, les ailes plus longues que la queue qui est peu fourchue. Les pieds sont peu palmés, ils semblent n'avoir les doigts que frangés. Le dessous du corps est presque toujours plus foncé que le dessus. Enfin les guifettes au lieu de nicher à terre sur les plages nichent dans les roseaux des marais. Trois espèces de guifettes frécjuentent les côtes de France. La plus connue est laguifette fissipède ou épouvantail (ju'on ne doit pas confondre cependant avec le petit })étrel. A peu près de la taille de la sterne naine, elle a en été, la tête et le cou noirs, l'iris noir, le bec de môme couleur, avec les commissures rouges, le dessus du corps est gris brun, le bas ventre blanchâtre, les dessous sont noirs, les ailes gris 474 FAMILLE DES LARIDES. foncé aux couvertures, noires au bout, les pieds rouge-obscur. En hiver ces teintes deviennent plus claires et tournent au gris. Les jeunes ont le dos piqueté de blanc, le front est de cette même couleur et leur poitrine blanchâtre. La guifette fissipède niche dans les marais, au bord des étangs et des rivières. Elle construit un nid avec des roseaux et y dépose trois ou quatre œufs roussâtres ou olivâtres très tachetés. Elle est très répandue tant sur les côtes du nord que sur cel- les de l'ouest et du midi de la France, on la nomme sterne ou hirondelle de mer épouvantail, épouvantail satanite, gachet, guifette noire, nom qu'on donne aussi à la sterne leucoptère. Les Anglais la nomment sterne noire, hlacktern. LA GUIFETTE LEUCOPTÈRE. 47 b LA GUIFETTE LEUCOPTERE Hydrochelidon leucoptera. fBoie.) I.;i Guirelle Icucoplére. {Taille, 0"'.2o) On la nomme aussi guifette noire, appellation qu'on appli- que aussi à la guifette fissipcde et qui a le tort de créer une confusion entre les deux espèces. Conservons-lui donc le nom de leucoptère qui signifie à ailes blanches et qui a l'avantage de parfaitement caractériser l'oi- seau. Les Anglais lui donnent le même nom dans leur langue, ivliilc rinçjed tcrn, ou hirondelle de mer à ailes blanches. Tout son corps est noir, mais elle a la queue blanche et les couvertures des ailes blanches variées de gris clair. L'iris est noir, le bec et les pieds sont rouges. Les jeunes ont le noir du plumage lavé de blanc. Cet oiseau niche dans les roseaux et pond trois ou quatre œufs brunâtres très tachetés. Hn rcnconlrc la guifette leucoptère plut<')t au midi ([u'au nurd (ju'ellc visite cependant (juek(uefois 476 FAMILLE DES LARIDÉS. LA GUIFETTE HYBRIDE OU HIRONDELLE DE MER MOUSTAC Hydrochelidon Hy brida. (G. R. Gray.) Cette guifettc a le dessus de la tête et celui du cou noirs, le bec rouge et fin, l'iris noir. Le dessus du corps est gris cendré, la queue, un peuéchan- crée, est grise bordée de blanc, le ventre est gris, la poitrine gris ardoise, le cou et la gorge sont blanchâtres, les ailes sont gris- cendré, avec l'extré- mite brune en dessous, les pieds sont rouges. L'hiver, la tête de- vient complètement blanche,avec une tache noire derrière l'œil. Les jeunes ont la tête brune et le dessus du corps brun gri- velé de roux, leurs pieds sont couleur chair et leur bec est brun. L'hirondelle de mer moustac, appelée en Angleterre lohisker- cd tern ou sterne à moustaches est de la taille de la grive. Elle se rencontre plus souvent au midi, dans la Camargue, que dans le nord de la France. Elle y couve dans les marais, dans les roseaux où elle construit un nid, elle y dépose trois ou quatre œufs vert-clair, pointillés de noir. J.a Guifette liybride. (Taille, Q"'.'i~) CHAPITRE YI FAMILLE DES PROCELLARIDÉS Sous-famille des Procellariens Les procellaridés comptent parmi leurs représentants le plus grand des oiseaux de mer, l'albatros dont nous ne parle- rons point, puisqu'il ne fréquente pas les côtes de France, et le plus petit, le thalassidrome tempête. Tous les oiseaux qui composent cette famille ont le bec surmonté de petits tuyaux qui forment leurs narines, ce qui sert à les faire distinguer des autres longipennes. Parmi les espèces françaises, ou du moins visitant plus ou moins régulièrement nos côtes, nous pouvons faire figurer les pétrels, les puflins et les thalassidromes. Tous ces oiseaux voyagent la nuit aussi bien que le jour. Ils sont crépuscu- laires. Tous se montrent en grand nombre au moment des ouragans, d'où leur nom d'oiseaux des tempêtes plus particu- lièrement appliqué au petit pétrel. Les pélrels, puffins et thalassidromes sont de bons voi- liers, mais ils ne peuvent supporter les grandes tempêtes qui en détruisent un grand nombre. ils ont la singulière habitude, en rasant l'eau, de laisser pendre leurs pattes, ce (jui ;i pu laiie croire j)on(lant long- temps qu'ils avaient la faculté do courir sur les llols. 478 FAMILLE DES PROCELLARIDÉS. Il se pourrait même que les pétrels dussent leur nom à cette légende. Pétrel vient en effet de Petrus ou Pierre en latin, et on sait que saint Pierre aurait un jour pu marcher sur les eaux pour rejoindre sa barque. Les procellaridés sont divisés en deux sous-familles : les Diomédicns ou albatros et les Procellariens ou pétrels, puffins et tlialassidromes. Nous ne nous occuperons que de la der- nière. LES PETRELS Les pétrels proprement dits se distinguent des autres pro- cellaridés par leurs formes plus massives et par leur bec gros, court et surmonté de deux tuyaux bien plus longs que chez les autres espèces. LE PÉTREL GLâCL\L OU FULMAR. .79 LE PÉTREL GLACIAL OU FULMAR Procéda ria g la c ia l is . (Linn.) tr.j.»..r Le Pétrel glacial. [Taille, 0"'.ltj; Le pétrel glacial ou fulmar est de la taille du goéland cendré ou à pieds bleus, soit de celle d'une forte mouette. Il a, en été, la tête et le cou blancs, le manteau, couver- tures des ailes comprises, bleu cendré avec les grandes pennes des ailes brunâtres. La queue est de la même couleur cpie le manteau et de forme arrondie. Tout le dessous du corps est Ijlanc [)iir. L'iris est brun, les pieds, aux doigts très longs et largement palmés, sont jaunâtres. 480 FAMILLE DES PROCELLARIDÉS. Le bec, conformé comme celui de tous les pélrels, est court, gros, épais, portant à l'extrémité de la mandibule supérieure un crochet surajouté très recourbé. La mandibule inférieure paraît avoir la pointe enchâssée comme un coin dans la base du bec. Les narines sont formées de deux petits tubes, courbes à l'orifice, dirigés en l'air et surplombant la base supérieure du bec pour s'allonger jusqu'à la moitié de la longueur de cet organe : deux vrais petits canons de pistolet. Le bec est jaune, les narines sont de couleur orange-rouge. Le fulmar niche en mai et juin au Nord, dans les îles de l'Ecosse, aux Farne-Islands. Son nid, formé d'herbes sèches, de plantes marines dessé- chées, est aménagé dans un petit trou ou une petite excavation insuffisante pour cacher l'oiseau en entier. Il ne contient qu'un œuf blanc. Ce pétrel porte le nom de fulmar en Angleterre et en France. Il est plus commun sur les côtes de la Grande-Bretagne que dans nos contrées, où cependant on le rencontre au large. I.E PETREL DU CAP OU PÉTREL DAMIER. 481 LE PÉTREL DU CAP OU PÉTREL DAMIER Procellaria Capensis. (Linn.) (Taille, 0".35). Ce pétrel a la tête noirâtre, le dos varié de taches plus ou moins carrées, noires et blanches, d'oîi son nom de damier. La queue est blanche et noire, le dessous du. corps blanc. Les couvertures des ailes sont blanches, tachetées de noir; les grandes pennes sont noires à l'extrémité, blanches à la base. Le bec, semblable comme forme à celui du fulmar, est noir. L'iris et les pieds sont également de cette dernière couleur. La dénomination de pétrel du Cap, donnée à cet oiseau, in- dique assez qu'il est un habitant des régions australes. Il n'a été rencontré en France que d'une façon très accidentelle. H en est de même pour une troisième espèce de pétrel nommé pctrcl Jlasitc. Cet oiseau a les dessus noirâtres et les dessous blancs. Les marins le nomment le diable. Il aurait ét('', paraît-il, rencontré aux. environs de Dieppe, de boulogne et sur les côtes anglaises. LA !>\i vv(;im:. ?, 1 482 FAMILLE DES PROCELLARIDÉS. LES PUFFINS Les puffins se distinguent des pétrels par la forme de leur bec qui est Ijeaucoup plus long et plus fin, par celle de leurs narines qui sont composées de deux tubes bien moins longs, enfin par leur coloration toujours très foncée sur le dessus du corps et d'un blanc pur ou onde de roussâtre à reflets, comme celui du plumage des grèbes en dessous. LE PUFFIN MAJEUR. 483 LE PUFFIN MAJEUR Puffi.nus major. (Faber.) [Taille, Dm .6-2) Le piiffin majeur est de forte taille. Il est de la iirosseur d'un grand goéland. En été, il a la tête et le haut du cou noirs, le bas du cou blanc, le dos noir, grivelé de gris, blanchâtre vers le bas, la queue noire, le dessous du corps blanc argenté, rappelant un peu le plumage du grèbe, avec les flancs tachetés de brun. Les ailes sont noires, variées de blanc aux couvertures, noires à l'extrémité. L'iris est brun, les pieds sont longs, très palmés et grisâtres, le bec est noir beaucoup plus long et plus Qn que celui des pétrels, sa mandibule inférieure est terminée en pointe et les narines, disposées aussi en tubes, sont plus courtes que celles des pétrels dont nous avons parlé. En hiver et chez les jeunes oiseaux, le dos devient plus noir, les ailes restent variées de gris et de brun noir. Ce pullin est originaire du Xord, de l'Islande. Il se montre quelquefois au large des côtes anglaises et françaises, notam- ment de celles de lîretagne. Les Anglais le nomment (jrcdl x/ttuo-iralcr ce (jiii \ eut dire : f/rand coupeur ou tondeur d'eau, probahlemeni à cause de riiabitude (ju'ont les pulliiis de raser la surface des Ilots. 484 FAMILLE DES PROCELLARIDES. LE PUFFIN CENDRE Puf/înus cinereus. (Degland.) [Taille, O^.OO) Le puffin cendré fréquente de préférence la Méditerranée, aussi les Anglais l'ont-ils nommé Meditcrranean shearwater. On le trouve sur nos côtes du midi et en Corse . Il paraît cependant qu'il remonte quelquefois au nord. Il est de la taille d'une grosse mouette. Tous ses dessus sont noirs et bruns, ses dessous blancs; le bec et les pieds sont jaunes. Il niche au Midi et pond sur les rochers un seul œuf blanc. LE PUFFIN DE MANX OU DES ANGLAIS. 48o LE PUFFIN DE MANX OU DES ANGLAIS Puffinus Anglorum. (Boie.) {Taille, 0"'.45) Cet oiseau aie dessus du corps, tête comprise, brun-noir; le ventre et la poitrine sont d'un blanc argenté et moiré avec des lignes noirâtres vers la gorge. Le bec est brun, les pieds sont jaunes. Ce puffin niche au nord, aux îles Féroë, de Farn, dans toutes les îles anglaises et écossaises, en mai et juin. Il creuse un trou, une espèce de terrier, dans les falaises, ou se contente d'une crevasse de rocher. Il ne pond qu'un œuf blanc. On le rencontre assez fréquemment sur nos côtes de la Manche et de l'Ouest. Les Anémiais le nomment Maux shearwatcr. 486 FAMILLE DES PROCELLARIDÉS. LE PUFFIN YELKOUAN Puffinus yelkouan. (Bp.) • vtefj Le Pullin Yelkouan. {Taille, 0'".3I) Il est plus petit qu'une tourterelle et bien moins long. La tête est noire à son sommet_, blanche vers la gorge ; le dos est noir-brun luisant, le dessous du corps blanc, les pieds sont jaunâtres, le bec est long, assez fin, brunâtre en dessus, blanc en dessous, l'iris est clair. Ce puffin habite la Méditerranée et la mer Noire. L'individu dont nous donnons la figure fait partie de la collection du Muséum de Paris et a été tué sur la Méditerra- née. LE POnX RTJGDfETÎ- i^T LZ PUF FIN FrXIGL>rEUX :^trlCl!C.-^ . Ce putlin. ainsi ^-- ..i-.-ie son l.. .1 ais, est d'an {damage sombre. De la taille d'une grosse monette, il a tons les dessos bnm- foncé, les dessous sris-ardoisé, son plumage ré^^ ri celui de la poule d'eau . Les pattes sont brunes et les pieds noirs ou œuleur chair : le bec est verv^làtre. plus :"rt que celui des autres puffins. Cet oiseau niche r'bis dans les iles du nord de la Grande-Bretagne et pond a ne marqué de Il descend parfois sur nos coles de la Manche. En Angle- terre on le nomme 488 FAMILLE DES PROCELLARIDÉS. LES THALASSIDROMES On aurait peut-être pu appeler les Thalassidromes hi- rondelles de nfev. Plus que les sternes ces oiseaux ont l'appa- rence de véritables hirondelles. La taille, la coloration se rap- prochent de celles de nos hirondelles terrestres. Mais leurs habitudes sont bien différentes et si les hiron- delles sont à juste titre considérées comme les messagères des beaux jours, les thalassidromes ou petits pétrels peuvent pas- ser pour les indicateurs delà tempête et des orages. Oiseaux singuliers qui suivent les ouragans et que les ou- ragans dévorent. Ils ne peuvent supporter les grands vents et viennent sur les côtes et autour des navires chercher un abri contre les fureurs des éléments. Ils voyagent la nuit aussi bien que le jour et si on doit se méfier des légendes, il ne faut pas non plus les repousser de parti pris. On a dit que les petits pétrels étaient des oiseauxde nuit. Cette assertion a été démentie. Je serais cependant dis- posée croire que, comme les pétrels, les thalassidromes peu- vent parfaitement voyager pendant l'obscurité. En effet, une nuit que j'étais dans un gabion au bord de la mer, mon compa- gnon tua vers minuit un oiseau qu'il me rapporta avec une ter- reur superstitieuse : une hirondelle aux pieds palmés, qui na- geait sur la mare au milieu des appelants! Le brave homme était disposé à croire qu'il avait occis le diable en personne! Je le détrompai,- et lui appris que l'oiseau qu'il avait tué et que j'avais du reste déjà pu observer, était l'oiseau des tempêtes, LES THALASSIDRO.MES. 489 si redouté, mais si respecté cependant des marins parce qu'il leur annonce le mauvais temps, en venant en troupes serrées, entourer leur navire à l'approche des ouragans : le petit pétrel ou épouvantai!, sombre avant-coureur de la tempête, sinis- tre précurseur du naufrage et de la mort ! 490 FAMILLE DES PROCELLARIDES. LE THALASSIDROME TEMPETE Thalassidroma Pelagica. (Selby.) ■ Appelé en France oiseau des tempêtes, épouvantail comme la guifette , nommé storm pétrel ou pétrel de tempête par les Anglais, c'est ce petit palmipède, à peine gros comme une hirondelle, qui a valu aux pétrels leur répu- tation. Il a la tête et le des- sus du corps d'un brun noir, la queue blanche à la base, noire à l'ex- trémité, égale, non échancrée, ne dépas- sant pas les ailes. Tout le dessous du corps est noir de suie, légèrement ardoisé , le bas ventre est blanchâtre, les ailes sont noires avec une sorte de miroir oblique blanc-grisâtre. L'iris est noir, le bec noir et crochu, les narines parais- sent ne former qu'un seul tuyau, au lieu de se séparer en double tube. Les pattes sont de moyenne hauteur, les pieds sont noirs et bien palmés. Cet oiseau couve, paraît-il, quelquefois en Bretagne et sur les îles de la Méditerranée, mais il se cantonne aussi en Le Tlialassidromc tempête. (Taille, 0"".1G) LE THALASSIDROME TEMPETE. 491 Irlande et ne semble pas nicher ailleurs en Grande-Bretagne. Il fait plusieurs pontes en mai , juillet et septembre, mais chaque fois il ne pond qu'un œuf blanc tacheté de rougeatre. Il le dépose sur la terre nue, au fond d'un trou dans les rochers. C'est le plus répandu des Thalassidromes, il fréquente à la fois la Manche, TOcéan, la Méditerranée. Il vit en société et, comme ses congénères, se montre surtout au moment des ouragans. 492 FAMILLE DES PROCELLARIDES. LE THALASSIDROME DE W^ILSON Tlialassidroma océan ica . (Schinz.) {Taille, 0'". 17) Semblable comme formes , coloration et taille au précé- dent, quoique un peu plus gros, ayant comme lui la queue non fourchue, ce thalassidrome s'en distingue par la hauteur de ses jambes qui sont fort longues. Les pieds sont non's avec les palmures jaunes. Il couve aux Antilles et pond un œuf blanc, tacheté de rougeàtre, qu'il dépose dans un trou de rocher. Il fréquente surtout les côtes de l'Amérique, mais visite les nôtres de temps en temps. On l'appelle aussi oiseau de tempête, thalassidrome océa- nien, les Anglais le nomment Wilson^s pétrel. LE THALASSIDRO.ME CUL-BLANC OU DE LEACH. 493 LE THALASSIDROME CUL-BLANC OU DE LEACH Thalassidroma leucorhoa . (Degland.) {Taille, 0"'.20) De la taille du merle, cet oiseau a la tète grisâtre, le dos brun, la queue fourchue, contrairement à ce qui existe chez les espèces précédentes, et de couleur blanche à la base , brune aux pointes. Le bas ventre est blanchâtre, les dessous du corps sont gris ardoise, les ailes brunes, avec un miroir grisâtre. Le bec est noir, ainsi que les pieds. Les pattes sont de hauteur moyenne. Ce thalassidrome niche en juin aux îles Hébrides dans des trous de rochers, il tapisse son nid de gazon et pond un œut blanc, tacheté de rougeàtre et couvert d'une sorte de couche de chaux. Son cri est : Pirre! ouït! Les Anglais le nomment Leacli\s jhrk tailed pétrel c'est-à- dire pétrel de Leacli, à queue fourchue. Il fréquente la Manche, l'Océan, la .Méditerranée, où on le nonmie Pétrel Lach, par corruption de son véritable nom. 494 FAMILLE DES PROCELLARIDÉS. LE THALASSIDROME DE BULW^ER Thalassiclroma Bulweri. (Bp.) {Taille 0".30) Infiniment plus rare que les précédents , ce thalassidrome est beaucoup plus gros. Il est de la taille d'une tourterelle, entièrement noir et gris ardoise sans blanc. Il a la queue fourchue et les pattes de hauteur moyenne. Il niche à l'Ile iMadère et aux Canaries et ne pond qu'un œuf blanc. Il s'égare rarement en France. GROUPE DES TOTIPALMES CHAPITRE VII FAMILLE DES PÉLECANIDÉS Les Totipalmes sont remarquables par leurs doigts qui sont tous palmés, le pouce compris. Ce pouce, par la disposilion des palmures, au lieu d'être directement opposé aux autres doigts, })araît se diriger en avant. Les pattes sont situées de façon à permettre à l'oiseau de marcher à terre. Les Totipalmes sont représentés en France parles fous, les cormorans et les frégates. Les cormorans sont de beaucoup les plus communs sur nos rivages et à l'embouchure de nos lleuves. 496 FAMILLE DES PÉLECANIDÉS. Sous-famille des Pélécaniens LES FOUS ET LES CORMORANS LE FOU DE BASSAN S II la Bassana. (Briss.) ].c Fou de liassan. {Taille, 0'".S9) Le nom de fous a été donné à ces oiseaux par les navi- gateurs auxquels ils viennent parfois se livrer eux-mêmes. Inconscients, pour ainsi dire, de la présence de l'homme sur les navires, ils se posent, en pleine mer, sur les vergues. LE FOU DE BASSAX. 497 sur le pont même des bâtiments de long cours et comme, une fois posés, la longueur de leurs ailes les empêche de s'enlever facilement, ils se laissent prendre sans pouvoir op- poser une bien grande résistance. Leur apparente étourderie leur a donc fait donner par les marins français le nom de fous, par les matelots anglais ce- lui de boobics qui signifie nigauds. Le nom exact du fou en Angleterre est fjannet. J'ai été témoin, du reste, de la persistance avec laquelle ces oiseaux suivent parfois les navires. Un jour que je me rendais en Angleterre, un fou vint planer sur le steamer fai- sant le service de Calais à Douvres. Il nous accompagna pen- dant toute la traversée, ne s'élevant jamais à plus de cent mètres au-dessus du pont. L'approche des côtes lui fit re- prendre le large. Les fous de Bassan qui tirent leur qualification de leur ancien pays d'origine, l'île de Bass ou Bassan, dans le golfe d'Edimbourg, couvent en mai et juin, en Irlande, en Ecosse et dans les îles des cotes du nord de l'xVngleterre ; les Farne- Islands sont pour eux un pays do prédilection. Leur nid, tapissé de varech, de gazon et de mousse, est si- tué sur les anfractuosités et les pentes des rochers ou des pré- cipices. Il contient deux œufs de couleur blanchâtre. Ces oiseaux sont, en apparence, de la taille de Toie sau- vage, mais leur corps est plus allongé et leur poids souvent inférieur à celui de l'oie. Leur envergure est considérable. Us sont entièrement blancs, à l'exception des grandes pen- nes de l'aile qui sont noires et du derrière de la tête qui est jaunâtre. Les jeunes sont bruns, grivelés de blanc. Le bec, très fort, est verdàtre. Les yeux, qui sont ijlancs ou d'un jaune clair, sont entourés d'une peau bleuâtre qui re- joint la linso (lu bec. I-V ïALSA'.IMi. 32 498 FAMILLE DES PÉLÉCANIDÉS. Ils ont les quatre doigts réunis par une même membrane comme tous les totipalmes. C'est en mer qu'on peut surtout espérer rencontrer à por- tée un fou de Bassan et on en tue tous les ans quelques-uns sur le littoral de la Manche et de l'Océan. Cependant, par les grands vents, ces oiseaux se rapprochent des côtes et offrent quelquefois au chasseur de grèves l'occasion d'enrichir sa collection d'une pièce fort belle et très enviée. Les fous de Bassan, quoique grands voiliers, ne peuvent résister aux violents ouragans. M. de Perpigna, qui a beaucoup chassé sur le littoral du sud-ouest de la France, m'a assuré qu'après les tempêtes on trouve souvent sur les plages des fous de Bassan harassés de fatigue et qui se laissent prendre sans peine. Le cri du fou rappelle celui de l'oie. Sa chair, qui sent le musc, n'est pas fameuse, cependant elle est servie parfois à Paris dans des restaurants à bon mar- ché, car j'ai vu des fous pompeusement exposés à Tétalage de plusieurs de ces établissements où on a dû les offrir aux consommateurs comme gibier de mer. A mon avis le fou de Bassan fait meilleure figure dans un parc ou dans une col- lection que sur la table (1). (1) Autrefois en Ecosse on faisait une grande consommation de jeunes fous de Bassan qu'on nommait alors « Soland geese ». LES CORMORANS. 499 LES CORMORANS Qui voudrait régaler le diable, lui faudrait bièvre ou cor- moran. C'est un vieux dicton. Le cormoran est en elTet un piètre gibier. Vivant, il répand une odeur infecte ; sa chair cuite n'est pas fameuse. J'ai connu des marins qui n'en voulaient pas goûter. Cependant les jeunes cormorans sont mangeables. Ces oiseaux sont assez recherchés à cause de la diffi- culté qu'on éprouve à pouvoir les approcher et les tirer à portée. Le mot cormoran, s'écrivait, paraît-il, autrefois, cormarin ce qui signifiait corbeau marin. L'assimilation était inexacte comme l'est aussi la désignation scientifique de l'oiseau : Plia- lacrocorax ou corbeau chauve. Les cormorans sont des pêcheurs émérites, bien qu'ils ne puissent tenir longtemps la mer ; leurs immersions sont assez courtes, et, de temps à autre, ils sont obligés de se poser, soit sur les rochers, soit sur les bancs pour se secouer, car, con- trairement à ce qui se passe chez les autres oiseaux plongeurs, leurs plumes no sont pas imperméables et finissent par se mouiller, mais ils ont soin de se tenir toujours éloignés des endroits accessibles à l'homme et il est fort rare d'en sur- prendre un à portée, .le n'ai jamais pu on approcher que deux : un qui se tenait sur des « martouses» grandes platpios de tourbe échancréespar les eaux de la mer et (pie j'ai surpris on me couvrant dos galets du rivage ot un autre ipii s'otait 500 FAMILLE DES PELÉCANIDES. aventuré à l'embouchure d'une petite rivière où il se trouvait en contrebas de la berge. Par les gros temps, les cormorans s'approchent quelquefois du bord de la plage et paraissent même affectionner les en- droits où les lames déferlent avec le plus de violence. J'ai passé de longs moments, par les temps de grand vent, à observer des cormorans se jouer dans les vagues. Secouant leur torpeur habituelle, ils paraissaient attendre les fortes lames pour se précipiter le cou en avant dans leur volute et reparaître sur leur crête, portant haut la tête, la tournant dans toutes les directions, comme s'ils étaient fiers de leur audace. Dans ces conditions, ils entrecoupent leurs immersions de vols fort courts et se replongent ensuite dans l'écume. Les autres plongeurs, au contraire, craignent le grand vent et s'éloignent des côtes quand le temps est mauvais. J'ai déjà indiqué que cette différence doit provenir de ce que les cormorans peuvent se mouvoir à terre avec plus de facilité que les autres oiseaux dont les pattes sont situées très à l'ar- rière du corps et qui craignent d'être jetés sur la rive. Les cormorans se tiennent dans une position moins verticale que les autres plongeurs et ils marchent, lourdement il est vrai, mais d'une façon soutenue. En bateau, il est assez difficile de les atteindre. Les cormorans se cantonnent pendant quelque temps dans certaines contrées, surtout à l'embouchure des fleuves. Ils vont et viennent alors pendant toute la durée de la haute mer et font de longues traites au vol qu'ils ont rasant quoique très soutenu. A marée basse, ils se posent sur les bancs où ils res- semblent de loin à de grands corbeaux, n'interrompant leur immobilité que pour lustrer leurs plumes ou étendre leurs iiiles. Les pêcheurs prennent quelquefois des cormorans dans les filets qu'ils disposent pour le poisson. I,ES CORMORANS. oOl On sait que les cormorans ont la singulière faculté, comme les harles et les plongeons, de nager la tête et le cou seuls hors de l'eau. Ils se perchent assez fréquemment. Ils peuvent être dressés pour la pêche. Les Chinois les ont depuis longtemps employés comme auxiliaires et en France, quelques amateurs entretiennent dans le même but des cor- morans ordinaires, soigneusement dressés, dont ils font, sui- vant l'expression pittoresque du plus habile et du plus sym- pathique d'entre eux, le plus merveilleux de tous les engins de pêche. Trois espèces de cormorans visitent la France plus ou moins assidûment. 502 FAMILLE DES PELECANIDES. LE CORMORAN ORDINAIRE Phalacrocorax Carbo [Leach.) Le cormoran ordinaire est un grand oiseau à l'aspect som- bre et qui mesure plus de deux pieds de longueur totale. Sa tête et son cou sont d'un noir vert à reflets métalliques, avec, au printemps seulement, des plu- mes effilées, striant de bldnc le fond verdâtre des parties supérieu- res. Les plumes de la tête sont al- longées et forment ^^:.4r,^ 'j^ LlJ^-Iec Le Cormoran ordinaire. (Taille, 0'".8 une sorte de huppe tombante. Le cou est chiné, grivelé de blanc sur noir. Le dos est bronze-cuivré, tacheté de noir. LE CORMORAN ORDINAIRE. 503 Le ventre et la poitrine sont noirs avec des reflets verts et bleus. La gorge est blanche, le Ijec long, fort, terminé par un crochet acéré, est garni en dessus d'une membrane jaunâtre, dégarnie de plumes et qui va rejoindre le hausse- col blanc. Les joues et le tour des yeux sont dénudés et de couleur verdàtre. Les ailes sont noirâtres, les pieds, aux quatre doigts réunis par une même membrane, sont noirs. L'iris est vert très clair. La femelle et les jeunes sont grivelés de noir sur fond brun- clair, comme la cane sauvage. Ce cormoran, appelé aussi cropêcherot en France et ro/-mo- rant en Angleterre, niche en avril, mai et juin, sur presque toutes nos côtes de la Manche et de l'Océan, sur celles de rÉcosse, et dans les iles des côtes anglaises. Son nid est situé sur le bord des rochers, le plus souvent dans le voisinage de la mer, mais quelquefois dans l'intérieur des îles et plus rarement dans les arbres. Il est large, tapissé de plantes marines, d'herbes sèches, de brindilles de bois mort, et contient de trois à six œufs, d'un bleu vert, recouverts d'une épaisse couche de chaux rugueuse et blanche. C'est ce cormoran qui est le plus connu en France. 304 FAMILLE DES PELECANIDÉS. LE CORMORAN HUPPÉ Phalacrocorax cristatus (Steph.) {Taille, 0'".55à 0"'.G0) Ce cormoran, plus petit que le précédent, est entièrement noir-vert-bronzé, avec les couvertures des ailes portant une bande d'un noir pur. Il n'a pas de col blanc, mais seulement une membrane jaunâtre sous le bec. Sa tête est surmontée d'une buppe bien dessinée, d'où son nom de cormoran huppé, crested cormorant en anglais. Son bec est plus fin et aussi long que celui du cormoran ordinaire. Il ne porte sa huppe qu'en mars et avril. En mai elle dis- paraît. Les jeunes sont grivelés de blanc sur fond sombre. Le cormoran huppé est plus commun dans le Midi qu'au Nord. Cependant on le rencontre quelquefois sur les côtes de la Manche et de l'Océan. Il niche même dans les îles qui garnissent ces régions et pond deux ou trois œufs semblables à ceux de son congénère le cormoran ordinaire, mais plus petits. LE CORMORAN PYGMEE. 305 LE CORMORAN PYGMEE Plialacrocorax Pygmœus. (Dumont.) {Taille, ir.oO) Ce cormoran, appelé aussi petit cormoran, le pygmy cor- moraut des Anglais, est plus petit que le canard. Il est rare au nord et se cantonne plus volontiers au sud-est de l'Europe. Il est d'un noir vert à reflets cuivrés, avec un toupet de plu- mes effilées et des grivelures blanches à la tête et au cou. La membrane qui entoure le bec et les yeux est noire, le bec court, l'iris bleualre-foncé. A l'automne, les grivelures de la tête et du cou dispa- raissent. 11 paraît que ce cormoran couve au sud-est de l'Europe et que ses œufs, plus petits, ressemblent comme coloration à ceux des autres cormorans. 506 FAMILLE DES PÉLÉCANIDÉS. Sous-famille des Frégatiens LA FRÉGATE MARINE Fregata Marina (Barrère.) {Taille, 1 mètre.) Faut-il mentionner la frégate parmi les oiseaux qui peu- vent être considérés comme faisant partie de la Sauvagine de France? Je ne le pense pas. Mais comme je me souviens avoir entendu dire qu'une frégate avait été tuée aux environs de Cherbourg il y a quelques années et comme je ne veux pas être accusé d'être volontairement incomplet, je dirai seulement que ce grand oiseau, qui mesure un mètre de l'extrémité du bec à celle de la queue et dont l'envergure atteint 3 mètres cinquante et même 4 mètres, est entièrement noir, avec une plaque dénudée sous la gorge de couleur rouge sanglant. Le bec est de la même teinte, long et droit, avec un crochet très recourbé à sa pointe. La queue est longue et fourchue. Les pattes sont courtes, les pieds, dont les quatre doigts sont réunis par une membrane, sont semi- palmés et de couleur rouge-foncé. La frégate ne quitte jamais les océans. Elle peut voler nuit et jour pendant cent-soixante-huit heures consécutives, ainsi qu'il résulte d'une observation faite .récemment. Les chasseurs des côtes de France auront certainement peu de chances de rencontrer ce grand voilier qui est un habitant des tropiques. CHAPITRE VIII OISEAUX DIVERS Il ne faudrait pas croire que sur les marais, la mer et les rivières, on ne rencontre absolument que les espèces faisant partie delà Sauvagine. On peut, dans ces endroits privilégiés, trouver tous les oiseaux; certains d'entre eux, qui font partie de ceux classés comme oiseaux de plaine ou de bois, y viennent même faire des apparitions régulières. Je n'étudierai pas tous ces volatiles. Il me faudrait recommencer un ouvrage complet. Les Rapaces fréquentent tous les marais, la buse, le bal- buzard, les faucons, les milans, le pygargue même, car j'en ai rencontré un à l'embouchure de la Seine, ne dédaignent pas de faire des incursions sur les marécages et sur les grèves. Les oiseaux de nuit, surtout les moyens ducs et les hibous, passent souvent leur journée dans les roseaux. Ils cèdent leur place, le soir, à des bandes innombrables d'étourneaux. Les corneilles ordinaires et les corneilles à manteau infes- tent les plages et les marais. La huppe elle-même, dont j'ai pu me procurer de beaux échantillons au bord de la mer, les pigeons, les tourterelles, viennent picorer jusque sur le sable ou dans la vase. Mais tous ces oiseaux ne font point partie do la Sauvagine. Je ne ferai donc que mentionner leur présence sur les marais et les rivages. Cei)endant, je m'anvlerai un instant devant deux espèces o08 OISEAUX DIVERS. qui, si elles ne peuvent prendre place à côté des volatiles que j'ai décrits, méritent cependant une mention particulière, parce que c'est dans les lieux humides et au bord des rivières seulement qu'on rencontre la première, et sur les dunes, au mo- ment de ses passages, qu'on peut espérer trouver la seconde. Je veux parler du martin-pêcheur et du syrrapte paradoxal : Au bord des rivières et le long des fossés des marais, le chasseur est parfois surpris par le brusque départ d'un tout petit oiseau qui file droit comme une flèche, en poussant un cri répété : Ki, M, là, ki, d'une sonorité argentine, et qui va se percher plus loin sur une branche sèche ou un poteau à découvert. Son vol est rapide pour sa taille. Il parcourt 600 mètres par minute, 36 kilomètres à l'heure. C'est un des oiseaux les plus brillants de nos contrées qui a causé cette surprise : le martin-pêcheur (Alcedo ispida). L'alcyon des anciens. Il est à peine de la taille de l'alouette, mais son bec long, droit, fort et robuste le fait paraître un peu plus gros qu'il est réellement. Son manteau est bleu-tendre à retlets changeants, ses ailes sont bleu-sombre, perlées de bleu-vert-clair, sa tête et le dessus de son cou sont d'un bleu noir tacheté et pointillé de bleu clair. Sa poitrine est jaune-rouge ardent, sa gorge est blanche, ses pattes sont très courtes et ses pieds fort pe- tits ont deux des doigts réunis, ce qui leur donne une ap- parence singulière. Les Anglais nomment cet oiseau làng pshcr, ou roi-pê- cheur, tant il est vrai que les brillantes couleurs du costume évoquent toujours une idée de supériorité. Triste roi, toutefois, qui niche au bord des eaux, dans les trous des arbres ou dans ceux creusés par les rats le long des rives. On le rencontre sur les bords des rivières, des ruisseaux et des fossés remplis d'eau. OISEAUX DIVERS. 309 Il reste en France pendant l'été et l'hiver mais paraît chan- ger souvent de résidence. Durant les neiges, il descend aux marais, ce qui m'a permis de faire un jour, par un froid épouvantable, un coup de fusil assez rare : deux martins-pêcheurs partirent tout à coup devant moi, Tun suivant l'autre, je les tuai tous deux du même coup ; on ne doit pas tirer les martins-pêcheurs, mais j'étais jeune, et une jolie bouche avait prononcé l'arrêt de mort de mes deux victimes en insinuant devant moi, la veille, ([ue ces oiseaux ornent fort gracieusement un cha- peau déjeune fille. Le marlin-pêcheur est très farouche mais son vol est droit, ce qui permettrait facilement de le tuer si, comme gibier, il valait le coup de fusil et si sa gentillesse ne lui faisait trouver grâce auprès de tous les chasseurs. Je ne serais pas complet si je ne signalais encore le passage intermittent, et combien intermittent ! sur nos côtes de la Manche et de l'Océan d'un oiseau bien extraordinaire, puisque les savants lui ont donné le nom de syrrapte paradoxal [Syr- raples paradoxus). Cet oiseau, qui n'est autre que la poule des steppes, est originaire de la Chine et de la IMongolie. Bien que n'ayant aucun droit à figurer parmi la Sauvagine, le syrrapte paraît chez nous surtout sur les dunes ou les grèves, vers le mois de juin. IMais il ne faut pas croire (pie ses apparitions concordent avec celles des autres migrateurs (]ui nous visitent tous les ans à hi inêine époque. Le syrrapte lui, ne nous arrive (juo tous les vingt-cinq ans ! On l'avait rencontré en ISIJiî. Il avait quitté nos contrées avec l'hiver et on avait oublié jus([u'à son existence quand en IScSS un nouveau passage de syrra[)tes fut signalé sur les cotes de l'Océan, d'abord, de la Manche ensuite. Plusieurs bandes se fixèrent dans les dunes et v couvèrent. 310 OISEAUX DIVERS. L'hiver emmena toutes les familles et nous ne reverrons, paraît- il, leurs descendants que dans seize ans. Aussi, si en 1913, il vous arrive de tuer sur les rivages un oiseau de la taille d'un pigeon, à large envergure, aux ailes et à la queue terminées par de longues plumes effilées, de couleur généralement Isabelle coupée de traits noirs, au plastron entouré d'un collier noir et blanc, au bec très court et très fm, aux pattes courtes, dont les trois doigts sont cou- verts de poils fauves, vous aurez tué un syrrapte paradoxal. CONCLUSION J'ai terminé l'étude très rapide des divers oiseaux qui com- posent la Sauvagine en France. Je ne crois pas avoir laissé de côté beaucoup des espèces qui doivent figurer dans ce groupe si important, mais dont la composition est absolument con- ventionnelle. En elTct, Texpression de sauvagine veut bien dire l'ensemble des oiseaux de mer, de rivière et de marais, mais elle doit être limitée, en ce qui concerne les chasseurs, aux oiseaux considérés comme gibier. Bien des auteurs, assurément plus compétents que je puis l'être, ont écrit sur les chasses de marais et de mer des ou- vrages avec lesquels celui que je livre à la publicité ne peut rivaliser, mais je ne crois pas que, jusqu'à présent, on ait ja- mais pensé sérieusement à faire concorder des études prati- ques avec celles de l'ornithologie proprement dite. Ainsi que je l'ai annoncé en commençant je n'ai voulu entreprendre ni une étude purement didactique ni un traité de chasse. Mon désir a été d'écrire une histoire naturelle de la sauva- gine à l'usage des chasseurs. Puissent les lecteurs de ce modeste ouvrage savoir gré à l'auteur de leur avoir épargné des recherches scientifiques toujours assez arides et d'avoir essayé de leur permettre de comparer leurs observations personnelles avec les études des naturalistes (jui, seuls, sout à même de décrire et de classifier d'une l'arou exacte les Naiiclés inliniesdcs êtres que ol2 CONCLUSION. la nature a répandus à profusion à la surface de la Terre. Admirer la création, c'est rendre hommage au Créateur! Et quel autre sentiment que celui d'une admiration sans bornes peut nous inspirer la constatation de la sagacité mer- veilleuse qui a présidé à la répartition raisonnée des attri- buts de chacun des oiseaux dont nous venons d'étudier la structure et les mœurs? Quels hommages ne devons-nous point, nous autres chasseurs, à Celui qui a su prévenir nos désirs, pourvoir à nos besoins, nous offrir la variété et l'im- prévu et nous donner les moyens de satisfaire notre passion pour la chasse, le plus noble, le plus sain et le plus moral de tous les délassements de l'homme! TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS D'OISEAUX FIGURANT DANS CE VOLUME Actiture Roiissot '2'.\'.\ Aigrette blanche Si Aigrette garzette s:! Avocelte - 1'-' B Barge à queue noire ou grande Barge ITS Barge rousse ISl Barge de Téreck l!S l Bécasse lôd Les Bécassines 157 Bécassine double irv.t Bécassine ordinaire Kl 1 Bécassine sourde 1 7.'î Les Bécasseaux "211 Bécasseau Brunetteou à collier.. JJ 1 Bécasseau cincle -'-'l Bécasseau cocorli ou ralcinelle.. . -Jl!) Bécasseau minule ou Écliasse.... "^^l Bécasseau Platyrliyn([ue 2'2~ Bi'casseau de Teniniinck '22'.^ Bécasseau violet ou Jlaubèclie maritime i-Mô r.eiiiaclie cravant ^'T-'î Bernaclie nonelte "JTO liernaclie à cou roux ■JTô l'.iiiiireau 'M Biongios 'M Branti? roussàtre ou .Sil'llcur iuip- i"' --' Bulni- s: c Les Canards -.'77 I \ SM V \(.IN|-. Canard franc ou sauvage -Mi Canard sillleur 31 1 Chevalier aboyeur l'.'i Chevalier arloi|uin l'M Chevaliei'à pieds rouges ou Gam- bette lî)7 Chevalier des étangs 2(Ji) Chevalier Sylvain 20'2 Chevalier cul-blanc "-^04 Chipeau bruyant 3u7 Cigogne blanche b"' Cigogne noire 1"2 Combattant variable 187 Coi'Iicu ou Livergin L19 C(jrmorans 49f» Cormoran ordinaii'e 7jÛ"2 Cormoran luipi)é 504 Cormoran pygniée 5( lô Courevite gaulois 1 K» Les Courlis 111 Courlis cendré 111 Courlis à bec grêle I'jI Courlis Corlieu ou Livergin Il'* Crabier chevelu 8ô Cygne sauvage iô2 L'ygne de Bewick '2î)ii E Lcliasse blanche Jlii Lider vulgaire i! l:> Lider à télo giùse il 17 F Flamant ros.- „'!."> l"ou de Hassan \'^'> l'oulipie ii'.> l'n-gate marine 7>iN'. 3 3 514 TABLE ALPHABÉTIQUE. Fiiligule Jliquelonnaise 341 Fulieule iivroc;i 3:!5 Garde-bœuf Ibis Garrot vulgaire Garrot histrion Glaréole Goélands et Mouettes Goéland bourgmestre Goéland leucoptèrc Goéland à manteau noir Goéland à pieds jaunes ou Goéland brun Goéland à manteau bleu ou ar- genté Goéland railleur Goéland cendré ou à pieds bleus. Les (irobes Grèbe huppé (ii'èbe jougris Grèbe esclavon Grèbe à cou noir (irèbe castagnoux Gi'ue cendrée Guil'ette fissipède Guifctte leucoptère Guifotte liybride ou nioustac. . . . Guignard Guignette vulgaire Les Guillemots Guillemot troïle Guillemot bridé Guillemot grj'lle ou à mii'oir. . . . H llarelde glaciale (ou Fuligule mi- quelonnaiso) Les Ilarles Ilarle bièvi'e Harle huppé Harle piette Héron cendré Héron pourpré Héron mélanocéjjhale Hirondelles de mer (Sternes et Guifettes) Huîtrier-pie S4 33!) 141 4-2-2 431» 432 433 430 430 441 442 3G9 373 37(; 3:s :.'i; Les Sarcelles ;!i!l Sarcelle d'été ;];'i Sarcelle d'hivei- Si':] Siflleur ou Vingeon :îl4 Siffleur huppé ou Brante roussà- tre ;!27 Souchct :j( )') Stercoraires n •> Sternes ou Hirondelles de mer. . 45r) Sterne arctique 4(iO Sterne Caujeck 4(j2 Sterne Dougall 4(i8 Sterne Ilansel w,o Sterne fuligineuse 17-^ Sterne IIiroudi41c nu Pierre Ga- rin ICI Sterne miaule I7(i Sterne Tscln^grava IjS Spatule blanche pcj Symphéniie semipalniée 21ii Tadorne de liélon :><)(.) Thalassidrome tempête l'.tO Thalassidrome de Wilsoii Ilij Thalassidrome cul-blanc (ui de Leacli l'.c! Thala.ssidrome de Bulucr 11)1 Tournepiei-re l.'J.'i Vanneau huppé' Ij'.i Vin^ii'on mu Panai'd siflleur .'îl I TABLE DES MATIÈRES Pages. PRÉFACE DI-: M. OLSTAI.ET I PRÉFACE DE M. E. BEIJ.ECRUIX V AVANT-PROPOS . . . .• IX PREMIERE PARTIE Considérations générales sur la sauvagine et sur les endroits qu'elle visite en l'rance. CHAPITRK l Les marais, les prairies et les bancs d'alluvion 3 CHAPIÏRK II Les étangs in CHAPITRE III Les fleuves et les rivières ... 12 CHAPITRE IV La mer el ses rivages. . . i i CHAPITRE V La sauvagine. I'' ClIAI'lTRi; VI Quelques mois d'uruilliologic cl classilicaliun de la sauvagiin' au point de vue de la chasse -"' 518 TABLE DES MATIERES. DEUXIÈME PARTIE ORDRE DES ÉCHASSIERS rd,ges. Les Échassiers 41 CHAPITRE 1 Famille des Rallidés. Les râles el autres coureurs de roseaux 4:{ Sous-famille des Ralliais 45 Le Ràle noir ou Râle d'eau. — Le Rcàle rouge. — La Alarouette ou Porzane. — Le Ràle Bâillon. — Le Ràle poussin. — La Poule d'eau ou Gallinule. Sous-famille des Fididens 60 La Foulque ou iMacroule . CHAPITRE H Famille des Ardéidés. Sous-famillc des Ardriens. Hérons. 74 Le Héron cendré. — Le Héron pourprô. — Le Héron mélanocé phale. — Aigrettes. L'Aigrelle blanche. — L'Aigrelle garzelio. — Le Garde-bœuf ibis. — Le Crabier chevelu. — I^e Butor. — Le Blongios. — Le Bihoreau . CHAPITRE ni Famille des Gruidés. La (irue cendrée 07 CHAPITRE IV Famille des Ciconiidés. Cigognes et spatules 90 Sous-famille des Cicoaiens 100 La Cigogne blanche. La Cigogne noire. TABLE DES MATIÈRES. ol9 Papes. Sons- famille des Platalciens 103 La Spatule blanche. CHAPITRE V Famille des Tantalidés. Sons-famille des Ibiens 107 LTbis falcinelle. CHAPITRE VI Famille des Charadriidés. Les Charadriidés. — Les l'iuviers et leurs congénères lO'J Sous- famille des Cuvsoricns 110 Le (^ourvile gaulois. Sous- famille des Œdicnémicns III L'Œdienème criard. Sous- famille des Charadriens. IMuviers et Vanneaux I llr Le Pluvier doré. — Le Pluvier varié. - Le Guignard. — Le grand Pluvier à collier. — Lo pctil IMu\ier à collier. — Le Plu- vier de Ivenl ou Plu\ier à colliiM* inicrrompu. — Le \'anneau huppé. Sous-famille des Strepsiliens L!:t Le Tournepierre. Sous-famille des Ilœmatopodiens . . . 130 l.'huifrier-pie. CHAPITRE VII Famille des Glarëolidés. La (il aréole I il ciiai'HiM'; viii Famille des Totanidés. Soits-faiiiille des Xuinciiieiis. Los (iourlis i i i Le Courlis cendré. — Le Corlieu ou Livergin. — Le Courlis à hoc ffrèle. o20 TABLE DES MATIÈRES. Pages. Sous-famille des Scolopaeiens. Bécasses et Bécassines 155 La Bécasse. — Les Bécassines. — La double Bécassine. — La Bé- cassine ordinaire. — La Bécassine sourde. — Le Macroramplie gris. Sous-famille des Limosiens 1 78 La Barge à queue noire ou grande Barge. — La Barge rousse. — La Barge de Tereck. Sous- famille des Totaniens. Comballanls et Chevaliers 186 Le Combattant variable. — Le Chevalier aboyeur. — Le Che- valier arlequin. — Le Chevalier à pieds rouges ou Cambette. — Le Chevalier des étangs. — Le .Chevalier Sylvain. — Le Chevalier cul-blanc. — La Guignette vulgaire. — La Symphémie semipalmée. Sous-famille des Tringiens. Maubèches et Bécasseaux 211 La Maubèche Canut. — La Maubèchc maritime ou Bécasseau violet. — Le Sanderlingdes sables. — Le Bécasseau cocorli. — Le Bé- casseau cincle. — Le Bécasseau Brunette. -— Le Bécasseau Platy- rhynque. — Le Bécasseau Temmink. — Le Bécasseau minute ou échasse. — L'Actiture Roussel. Sous-famille des Phala7'opodiens.. . : 234 Le Phalarope dentelé. — Le Phalarupe hyperboré. CHAPITRF. IX Famille des Récurvirostridés. Sous-famille des Himantopodiens. . .-. 240 L'Echasse blanche. Sa us- famille des Recurvirusti'iens 242 L'Avocette. CHAPITRE X Famille des Phénicoptéridés. Le Flamant rose 245 TROISIEME PARTIE ORDRE DES PALMIPÈDES Les Palmipèdes 249 TABLE DES MATIÈRES. S-21 GROUPE DES LAMELLIROSTRES CHAPITRE I Famille des Anatidés. Pag(?3. Sous- famille des Cygnicns 252 Ee Cygne sauvage. — Le Cygne de Bewick. Sous-famille de^ Ansériens. Les Oic;^ 250 L'Oie cendrée. — L'Oie des moissons ou Oie sauvage vulgaire. — L'Oie rieuse. — L'Oie à bec court. — L'Oie naine. — La Bernaclie nonette. — La Bernaclie cravanl. —La Bernaclie à cou roux. — L'Oie d'Egypte. Sous-famille des Anatiens. Les Canards. (Ciiasse de jour, à la volée, au huteau, eu mer, au gabion 277 Le Canard franc ou canard sauvage. — Le Soucliet. — Le Chipeau l»niyanl. —Le Tadorne de Bélon. — Le Canard sitfleur ou vingeon. — Le Pilel acuticaude. — Les Sarcelles. — La Sarcelle d'été. — La Sarcelle d'hiver. Sous-famille des Fuligulicns. Branles, Morillons, .Milouins, Euligules, Garrots, Eiders et Macreuses :^2fi La Brante roussàtre. — Le Morillon. — LeMilouin. — Le Miloui- nan. — La Euligule Nyroca. — Le Garrot vulgaire. — Le Garrot liisirion. — La Fuligiile .Miquelonnaise ou Harelde glaciale. — L'Eider vulgaire. — L'Eider à tèle grise. — Les Macreuses. — La Macreuse ordinaire. — La double Macreuse. La Macreuse à lu- netlcs. Sous- famille des Mergiens. Les llarles 358 Le liarlc biévre. — Le Harle liu|)pé. - Le llarlt^ l'ielle. GROUPE DES PLONGEURS BRACHYPTÈRES CIIAIMTBI'. II Famille des Podicipidés. Les (irèbes ^''^ Le Grèbe liuppé. - Le (;rrbe Jougris. — Le (irèbo esclavoii. — Le (irèbe à cou noir. !.<• (irébe casta^Mniix. i,v su VM.iNi;. 'i :v22 TABLE DES MATIERES. CHAPITRE m Famille des Colymbidés. Pages. Les Plongeons 383 Le Plongeon Inihrin. — Le Plongeon Lumme. — Le Plon- geon Cal-marin. CHAPITRE IV Famille des Alcidés. Sous-famille des Vriens. Les Guillemots 394 Le Guillemot troïle. — Le Guillemot bridé. — Le Guillemot grylle. — Le Mergule nain. Sous-famille des Alciens. Macareux et Pingouins 402 Le Macareux arctique. — Le I^ingouin macroptère. — Le Pin- gouin brachyptère. GROUPE DES LONGIPENNES CHAPITRE V Famille des Laridés. Sous- famille des Lcstridiens. Les Labbes ou Stercoraires 412 Le Labbe cataracte. — Le Labbe Pomarin. — Le Labbe parasite. — Le Labbe longicaudo. Sous-famille des Larlcns. Les Goélands et les Mouettes 422 La Pagophile blanche. — Le Goéland bourgmestre. — Le Goéland leucoptère. — Le Goéland à manteau noir. — Le Goéland à pieds jaunes ou Goéland brun. — Le Goéland à manteau bleu ou argenté. — Le Goéland railleur. — Le Goéland cendre ou à pieds bleus. — La Mouette tridactyle. — La Mouette atricille. — La Mouette rieuse. — La Mouette mélanocéphale. — La Mouette pygmce. — La Mouette de Sabine. Sous-famille des Sterniens. Les Hirondelles de mer, Sternes et gui- fettes • 450 La Sterne Tschegrava. — La Sterne hanse! . — La Sterne cau- jeck. — La Sterne hirondelle ou Pierre-Garin. — La Sterne arctique. — La Sterne de Dougall. — La Sterne minute. — La TAIU.F. DES .MATIÈRES. 523 Pages. Sterne fuligineuse. — La fiuiCette fissipède. — La (Juifetle leucop- lère. — La Guifetlc hybride ou hirondelle de mer mouslac. CHÂPITRK VI Famille des Procellaridés. Sous-famillc des Procellarlcns. Les Pétrels 477 Le l'étrel glacial. — Le Pétrel du Cap. — (xs l'ulTins. — Le Puffin majeur. — Le l'uffin cendré. — Le Puflln de Manx ou des Anglais. — Le Puflin yelkouan. — Le PulTm fuligineux. — Les Thalassidromes. — l,e ïhalassidrome tempête. — Le Thalassi- drome deWilson. — Le Thalassidromc cul-blanc ou de Leach. — Le Thalassidromc de Bulwor. GROUPE DES TOTIPALMES CHAPITRh: VII Famille des Pélécanidés. Sous-famille des Pelécaidens. Fous et Cormorans 40(3 Le Fou de Bassan . I,es Cormorans. — Le Cormoran ordinaire. — Le Cormorjn huppé. — Le Cormoran pygmée. Sow^- famille des Ftvgatiens. La Frégale marine o06 GIIAPlTllt; VIII Oiseaux divers o07 Conclusion ni I Tyiio^raiihii- lii iriiii-Diclot ol C". - .Mcsiiil (Kurr). LA Nos Oiseaux de mer, de rivière et de marais SAUVAGINE EN FRANCE par LOUIS TERNIER CHASSE, DESCRIPTION ET HISTOIRE NATURELLE DE TOUTES LES ESPÈCES VISITANT NOS CONTRÉES OUVRAGE ORNÉ DE 125 GRAVURES lyAPRKS NATURE l'AR E THIVIER, M. MOISANT) ^^ ET L AUTEUR ^ y /: lîji^/.e / J MAISON DIDOT lav.M»!,. PARIS BIBLIOTHÈQUE DE LA CHASSE ILLUSTRÉE Album de la Chasse illustrée. 1 vol-iiolil iii-foliii. relie ijorcdhie. (iirien)entstlorés sur plais . ^0 l'r. Almanach de la Chasse illustrée. 18!»7 18f»8. Carnet du chasseur. Brochure gr. in-8" de fit pa^es. illustrée de iioniljreuses si'! ij»ces ]tra tiques. Kxploilati'iii pratique ns ''. . ^ Ir. — L'Enfance du Chien. 1 v. in-18 Jésus illu'jtré. -2 Ir. * 0>isEMRi;VY (viciimte IL d"). L'École du'piqueur. 1 vol. in-18 -2 Ir. PERCHERON (Oaston). Les Oiseaux de bàsse-cour Histoire naturelle. Hvgicne. maladies, t vol. in-18 '. '. . ■"< fr. — La Rage et les expériences de M. Pasteur. ! vol. in-18 Jésus ., . t> fr. «0 ;: rvnvMoND (I..). La Chasse pratique de l'aïouette. 1 vol. in-18 1 fr. .-iO — La Pèche pratique en eau douce, à la ligne et au filet. 1 vol. in 18.lii; . . 3 l'r. î Un K.vin (Camille de). Le Lièvre et le itënard au chien courant, suivi d'un Dictionnaire des termes de chas.se. 1 vol. in-ts 2 Ir. ♦ - Veneurs et Braconniers. Iv. in-18 j. :< fi. .'il) * Tredicini 1)1. Saint SÉvERiN (comte Hector). La Chasse au Chamois. 1 vol. in-18 jcsus illustré, 2ii gravures 3 Cr. .'>0 VoiTEM.iER. L'Incubation artificielle et la basse- cour. ;>• édit. 1 vol. in-48 illustré, avec couveritu'e eu chromo , , .'i l'r. no ♦ Y(;Eii. A travers bois, prés et sillons. Itécils cvuégéti(pies en vers. 1 v(d. in-18 .... .'t l'i'. .*>o TjJ^ chasse illtjstrp:]e .lOUUNAI. m-S CIIy\SSEURS ET L.\ VIE A LA CAMPA(,NE Publié if c lo coiicûttis (les l'crivains le.s plus aiilOfiS(''S, sous la dii-ectioii ilc ;\L E. BEl.Eill'HOIX et illusli'é par les inoilloiii's artistes 3 1' a II II «• «■ Ce journal paraît tous les s;; dis depuis le 3 août 18(>7, dans le format grand in-'»", el contient des recils de chasses, de |iéclies, de vojai.!'S, des études sur i'ac::vi\ i l'i:' '\^fB:m:2k )'.^iij iP :i:;:i"