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Notes Historiques

SUR LA VIE

DE

P. E." de Radisson.

L: a; PRUD'HOMME.

Saint Bonifacg^ Man,

Imprimirib db L'Aoricult»uf.

NOTES HISTORIQUES

Sup la vie de P. E. de Radisson,

INTRODUCTION.

Les quel(jues notes qui suivent, sont le résultat d'une étude des mémoires écrits par Radisson lui- même et publiés à Boston en 1885.

Pour rendre ce travail plus complet, j'ai cru devoir emprunter ailleurs, des détails importants sur la vie de ce hardi découvreur.

J'avouerai tout de suite, que les mémoires de Ra- disson, soulèvent bien des discussions sur des faits his- toriques, rapportés différemment par des écrivain» d'une grande autorité. Aussi, je suis bien loin, de me porter garant de l'exactitude des dates que je donne. Par un oubli impardonnable, l'auteur se contente sou- vent de mentionner le mois, sans indiquer l'année.

Ce n'est que par une lecture attentive du récit de ses voyages, qu'on peut calculer leur durée. TiCS con- clusions qu'on en tire, sont souvent peu satisfaisantes. Parfois il est impossible de réconcilier ce qu'il dit, avec les données d'autres historiens distingués.

L'embarras n'est pas moins sérieux, lorsqu'il s'agit

de préciser les pays (juïl visita dans son troisième et (luatrième voyage.

Ne pouvant résoudre ces problèmes, je me suis con- tenté de constater ce que ses mémoires mentionnent comme certain ou ce (ju'il est i>ermis d'en inférer comme très probable. Je laisse à d'autres écrivains j)lus habiles et mieux renseignés, le soin de jeter de la lumière sur les parties obscures ou douteuses de la vie de ce grand vr»yageur.

►Saint Boniface le 1er Décembre 1891.

L. A. PRUD'HOMME.

NOTES HISTORIQUES

SUR LA VIE DE PIERRE ESPRIT EE RADISSON.

Prolog LE.

Quelle étrange existence ([ue celle de cet lionmie : Tour à tour, découvreur, officier de marine, inspira- teur et fondateur de la y)lu8 puissante compagnie de commerce qui ait existé dans l'Amérique du Nord, sa ▼ie présente un mélange étonnant des vicissitudes hu- maine».

On le voit alternativement passer de la loge de pau- vres sauvages, à la cour du grand Colbert, haranguer les chefs des tribus et les Pairs les plus illustres de la Grande Bretagne.

Son courage était de bonne trempe. Il vit plus de cent fois la mort en face, sans s'émouvoir, Il brava les tortures et le bûcher chez les Iroquois, les com- plots perfides des sauvages de l'Ouest, les hivers ri- goureux de la Baie d'Hudson et les chaleurs tropicales des Antilles.

Nature aventureuse, attiré comme irrésistiblement vers les régions inconnues, poussé ])ar la fièvre des Aoyages, touj(Hirs prêt à s'élancer dans de nouveaux dangers, Fenimore Cooper, aurait pu en faire, l'un des héros de ses romans les plus é«nouvants.

Le tableau de sa vie, présente cependant bien des ombres. La vie de brigands qu'il mena avec un parti d'Iroquois, ne peut être excusée en aucune façon.

On lui reproche également, d'avoir deux fois déserté le drapeau de la France, sa patrie. Lft* première fois,

on serait tenté d'être indulgent envers lui, car il fut l'objet de graves injustices, de la part du gouverneur de la colonie.

Aucune excuse, ne saurait justifier sa seconde trahi- son. Il n'en ofi"re aucune, non plus. Il avoue bien ingénument, qu'il rechercha le service de l'Angleterre parce qu'il la préférait à la France.

En épousant la fille de Sir John Kertk, il parait avoir é])()usé également la nationalité de cette famille là. Pour lui, il faudrait changer le proverbe et au lieu de "Qui prend mari, prend pays" dire "qui prend femme, prend pays."

Le célèbre découvreur du Nord-Ouest, l'illustre La- Yérendrye. eut comme Radisson et plus encore que lui, de justes motifs de se plaindre de l'ingratitude de la France ; mais combien diâerente fut sa conduite.

Aussi, les persécutions n'ont fait qu'ajouter au front du premier, une nouvelle auréole de gloire, tandis (ju'elles ont apposé au front du second, une tache ineffaçable.

Les âmes vraiment élevées ne cherchent point dans la trahison, la revendication de leurs droits méconnus.

Ses premières années.

Pierre Esprit de Radisscm naquit à Paris. Sa mère, née Madeleine Hénault, épousa en 1680, en secondes noces, Sébastien Hayet dit St. Malo.

Il prétend dans ses mémoires, être arrivé en -Cana- da, le 24 mai 1651. Une de ses sœurs maternelles, Maguerite Hayet, épousa le 24 Août 1653, Médard Chouart Desgroscillers. Ce dernier, devint le compa- gnon de ses principaux voyages.

Avant de se rendre en Canada, Radisson avait visi- té l'Italie et la Turquie. On retrouve dans ses notes, des réminiscences des premiers voyages de sa jeunesse. Son style indique un homme, dont l'esprit avait été bien cultivé. Sans être des modèles du genre, plu- sieurs de ses descriptions, ont un cachet de fraicheur poétique, qui sent l'inspiration.

Ses mémoires s'ouvrent par ces paroles chrétiennes : *'A la plus grande gloire de Dieu."

PREMIER VOYAGE. AU Pays des Iroquois.

Au printemps de 1652, Radisson se trouvait à Trois Rivières, quand un jour, deux de ses amis, lui propo- sèrent un parti de chasse, plus encore pour le plaisir de la chose, que pour les profits qu'ils espéraient en retirer. Il s'empressa d'accepter. A cette époque, les Iroquois étaient partout, un sujet de terreur. Il ne se passait guère» de semaines, sans qu'ils ne commissent quelqu'atrocité, jusqu'aux portes même de Trois-Ri- vières. Ils s'armèrent donc avec soin et partirent.

A un mille du fort, ils furent avertis par un homme qui gardait des troupeaux, d'être sur leurs gardes. En eflfet, il avait aperçu ce matin là, des traces de ces sauvages. Ils continuèrent à descendre le long du fleuve et ne tardèrent pas à faire une chasse abondante. Ses deux compagnons, satisfaits de ce résultat, résolu- rent de ret<Hirner au fort, ce soir même. Radisson au contraire tenait à pousser plus loin. Finalement ils se séparèrent. Radisson, se rendit à environ neuf milles du fort, ayant tué force canards, oies et grues, il les cachî* dans le creux d'un arbre, pour le» mettre à l'abri de la rapacité des aigles, alors très nombreux. Il y avait environ 10 heures, qu'il avait quitté ses deux compagnons, lors<]u'arrivé à une cou- ple de milles du fort, il fut cruellement surpris, de trouver, près du rivage, leurs cadavres nùs et percés de coups. A peine s'était-il, un peu remis de sa frayeur, qu'une bande d'Iroquois, qui se tenait cachée sur la lisière du bois, bondit sur lui, le garrotta et l'emmena prisonnier.

Ces sauvages le traînèrent, à quelques milles plus loin, à un endroit ils avaient construit une cabane au milieu d'une forêt épaisse. Ils lui donnèrent à man- ger et le traitèrent assez bien. Après le repas, ils luiinon dèrent les cheveux de graisse d'ours, et , lui couvrirent la figure de tatouage rouge, en sorte qu'il se vit prei-

que transformé en Iro(|uoig, au nioina en apparence. Toute la nuit, des éclaireurs allaient et venaient au canip, pour éviter toute surprise, de la part des Fran- çais ou Algonquins. Ils s'entouraient de précaution» infinies, pour ne point trahir leur présence et donner l'éveil. Le lendemain, ils se rendirent à leurs bateaux au nombre de 37, et se dirigèrent vers la rive opposée. Radisson, fut solidement attaché à la pince d'un ca- not, pendant qu'ils déposaient à ses pieds, les têtes sanglantes de ses deux compagnons, qu'ils emportaient comme trophées de gloire. Après avoir ramé tout le jour, ils arrivèrent vers le soir, aux iles Richelieu.

"Je fus étonné, dit Radisson, du nombre prodigieux de bœufs sauvages, de castors et d'élans qui abondaient dans ces iles"

Ces iles, étaient un lieu de rendez-vous, pour les di- verses bandes d'Iroquois, qui s'élançaient de sur différents points de la colonie. Un grand nombre de huttes avaient été construites, et il s'y trouvait en ce moment là, 250 guerriers. Ils passèrent trois jours à chasser et fêter. Les iles ne cessaient de retentir de leurs bravado, de leurs hurlements et de leurs chanta de guerre. Voyant que Radisson était abattu et peu dis- posé à prendre part à la réjouissance générale, ils le ras- surèrent en lui répétant "chagon;" ce qui signifie "sois gai ou sois heureux". Ils se dispersèrent ensuite par bandes. Radisson, dût accompagner, celle qui l'avait fait prisonnier. Le long du voyage, les Iroquois pre- naient plaisir à lui enseigner leur langue, et aimaient à l'entendre chanter en français. De distance en dis- tance, ils trouvaient des cabanes construites précé- demment et qui leur servaient comme de postes pour la nuit. Elles étaient échelonnées le long de la route, jusqu'aux confins du pays des Iroquois.

Dans le récit de ce voyage, Radisson, décrit mini- tieusement les moindres détails qui s'y rapportent et les noires pensées qui accablaient son âme. Il serait fas- tidieux de le suivre de rivage en rivage et de s'arrêter avec lui, à chaque campement. Il suffira de glaner ça et là, ce qui peut offrir quelqu'intérêt.

Après quelques jours de marche, plusieurs se plai- gnirent d'être malades. Les fatigues, les misères et la mauvaise nourriture en étaient la cause. Leur grand

remède est uwe bonne transpiration. Voici comment il» s'y prennent. Ils font rougir des cailloux, les dépo- sent sous une loge en pea», et jettent de l'eau froide sur les cailloux, pour produire de la vapeur. C'est au milieu de cette atmosphère suffocante, que les malades s'installent }»endant une heure. Ce traitement fut suivi de bons résultats.

Pendant tout le voyage, les sauvages étaient sans cesse en alerte, ayant toujours l'œil au guet, interrogeant tout et prêts à s'alarmer du moindre bruit insolite. Croyaient-ils réellement à la présence d'un ennemi, ils se cachaient dans les hautes herbes et cessaient de faire du feu. Ils passaient ainsi des jours, sans donner signe de vie.

Plusieurs Hurons, qui avaient été faits prisonnier», les servaient comme esclaves. Les Iroquois les trai- taient d'ordinaire avec dureté et hauteur. A leur arrivée au villago demeurait le parti de guerre, dont Radisson était prisonnier, hommes, femmes et enfants volèrent à leur rencontre, les saluant par des cris de joie.

Les jeunes guerriers marchaient st<»ïquement, gar- dant un silence absolu, comme s'ils ignt)raient que cette fête, fut en leur honneur.

Arrivés au milieu du village, tous s'assirent et Ra- disson fut placé an centre. Les enfants armés de bâ- tons, semblaient n'attendre que le signal, pour le frap- per. Le chef des guerriers, fit signe à Radisson de s'éloigner. Il partit, entouré d'une meute de femmes et d'enfants, qui cherchaient à le tuer. Déjà, l'un d'eux brandissait une hache, audessus de sa tête, lorsqu'un* vieille femme, étendit sa couverte sur lui, comme un bouclier, destiné à le protéger. Elle l'emmena ensuite dans sa cabane, elle lui donna à manger. Un con- seil de vieillards s'assembla, pour délibérer sur son sort. Cette femme assista à leur délibération et insis- ta tellement en faveur du prisonnier, (pie prenant sa ceinture, ils la ])as8èrent autour du bras de Radisson, comme signe d'adoption de ce dernier, ])ar cette vieille femme. De ce jour, en effet, il fut réellement consi- déré comme membre de la famille. Son mari devint son père et ses fils et ses filles, ses frères et sœurs. La vieille lui donna le nom "d'Orinha" qui signifie

lu

"Pierre". C'était ainsi que s'appelait J 4^1 de ses fils, qui avait été tué dans une expédition, et (qu'elle vou- lait faire revivre dans Radisson.

Il reçut comme présent, un fusil et des bracelets. Ils lui ornèrent la tête de plumes d'aigle. Leur nourriture habituelle consistait en farine de blé d'inde, mêlée à de la graisse d'ours. Ce plat favori s'appelait "Orinniack". Il était considéré partout, comme un des leurs. L'adop- tion chez eux, effaçait presque la différence du sang. Un jour, il partit avec trois Iroquois pour aller chasser. Au retour, il rencontra un sauvage qui lui adressa la parole en Algonquin. Il lui dit, qu'il était prèa de Québec et qu'il y avait deux ans, qu'il était prison- nier chez les Iroquois.

"Il me demanda, dit Radisson dans son récit, si "j'aimais les Français. Jelui répf)ndis (jue j'étais Fran- "çais moi-même. Il proposa alors de nous sauver. Je " lui dis que mes trois compagnons s'y opposeraient et " qu'ils avaient promis à ma mère de me ramener. Pré- " fères-tu, me dit il, vivre en esclavage comme les " Hurons ou rester libre et manger du bon pain chea "les Français ? Ne les crains pas, ajouta-t-il, en dési- " gnant mes compagnons ; n( tus les tuerons, tous les " trois, cette nuit. Je me rendis à ses sollicitations. "D'ailleurs, les Iroquois, n'étaient-ils pas, le» plus " cruels ennemis des Français et n 'avaient-ils pas tué " ou brûlé bon nombre de mes proches! Je promis " donc de l'aider. Cette conversation se passait en " Algonquin. Mes compagnons s'informèrent de ce " que je disais. Je leur donnai une réponse évasive, " M(^8 compagnons ne tardèrent pas à dormir. Au mi- " lieu de la nuit, l'Algonquin se leva. Les trois Iro- " quois, étaient phmgés dans un prof(md sommeil. Il " me fit signe ; je m'apprc»chai du feu, pendant qu'il "enlevait leurs haches et m'en passait une. A " vrai dire, il me ré])Ugnaitde frapper des gens, qui ne " m'avaient jamais rien fait de mal ; mais ])our les rai- " sons que je viens de donner, j'acceptai la hache. "Pendant ({ue l'Algonquin en assommait un, moi j'en- " fonçai ma liache, jusqu'au manche, dans la tête d'un "autre, tellement <|ue je ne pus que diÔicilement " dégager. L'Algonfjuin frappa le troisième et moi je " tirai sur lui pour l'achever."

Il

Arrêtons nous un instant, après ce récit, pour con- damner ce triple meurtre, tout à fait injustifiable. Les raisons qu'il donne, ne peuvent pas même pallier sa faute. D'ailleurs, puiscju'ils dormaient, pourquoi ne pas en |)rofiter pour se sauver. Il n'était pas besoin pour cela, de les assassiner lâchement. Etait-ce comme mesure de i)récaution et pour mieux assurer sa fuite qu'il en agissait ainsi ? Sans doute que ce fut le motif de ces meurtres Cette dernière raison toutefois ne vaut pas mieux, que les autres.

Radisson, après ce méfait, se hâta de s'éloi- gner avec son nouveau com])agnon de voyage. Après 14 jours de marche pénible, ils atteignirent les bords du lac Saint Pierre. Il en était temps car ils se mourraient de faim. Ils commençaient déjà à humer l'air de la patrie et allaient bientôt saluer Trois-Rivières, lorsqu'ils furent surpris par une flotille Iroquoise. L'Algonquin fut percé d'une balle et Ra- disson cerné de toutes parts, fut pris de nouveau au moment son canot, troué de plusieurs balles, allait couler à fond. Il vit ces cannibales dépecer et dévorer sous ses yeux, le malheureux Algonquin. Lui même, fut étroitement lié et traité cruellement. Le parti de guerre, entre les mains duquel il venait de tomber, se composait de 150 hommes. Il revenait d'une course jusque sous les murs de Québec. Ces Iroquois em- portaient comme prisonniers, deux Français, une Fran- çaise, 17 Hurons et presqu'autant de Huronnes. De plus, ils avaient 11 têtes, qui ornaient la proue de leurs bateaux. Comme on le voit, ils avaient fait une ample moisson et s'en revenaient tout énorgeuillis de leurs succès. Radisson eut beaucoup à souffrir de leur bru- talité. Les prisonniers étaient attachés pendant la nuit, à des poteaux, à demi nûs, et de manière à être privés de tout mouvement. Les mousti<iues, ])endant ce temps là, leur brûlaient le corps, sans compter les maringuoins qui avaient aussi beau jeu.

Comme manière de passe temps, leurs gardiens leur enlevaient de temps à autres, qui, un ongle, qui, un doigt. Le jour de leur entrée dans le village Iroquois, auquel appartenait ce parti de guerre, ils furent liés et amenés en file, entre deux haies d'homme» et femmes.

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qui en passant, ne leur ménageaient pas les coups de bâton.

Ils arrivèrent ainsi, couverts de sang, au lieu du supplice. Les Hurons entonnèrent bravement leur chant de mort. La nouvelle du triple meurtre et de la fuite de Radias» )n, s'était réj)andue et mus par la vengeance, les Iroqut)is se pressaient aut<»ur de lui. A ce moment, il apperçut son père et sa mère adoptifs, qui l'amenèrent à leur cabane. Ils se mirent alors à pleurer et à lui reprocher son ingratitude. Radisson, leur avoua tout ce qui s'était passé. Il venait à peine de terminer son récit, qu'une troupe vint le chercher. Revenu au lieu du supplice, il vit l'un des prisonniers Français, couvert de sang et respirant à peine. Un jeune Iro(juois voyant qu'il ne pouvait plus supporter les tourments, lui trancha la tête. Radisson, ne men- tionne pas le nom de cet infortuné, mais il cite un nommé Coutu, aux supplices duquel il assista. A di- verses distances, s'élevaient des échafauds, sur les- quels étaient placés les ])risonniers. Il vit en ce mo- ment là, 5 hommes, 3 femmes et 2 enfants, qui subis- saient les tortures les plus cruelles, que pouvait inven- ter l'imagination de ces barbares. Les parents ame- naient leurs jeunes enfants, assistera ce triste specta- cle, afin de leur apprendre, de bonne heure, les leçon» de la sauvagerie.

L"n groupe d'Iroquois, faisait rougir des haches et des cercles de fer, pour les appliquer ensuite sur la peau, jusqu'à ce (ju'elle fut rôtie ; d'autres encore leur enle- vaient des morceaux de chair vive, qu'ils faisaient bouil- lir et les forçaient ensuite à les manger ; d'autre» enfin les suspendaient à des arbres, pendant qu'on leur bru- lait les pieds à petit feu. Ils leur oâ"raient souvent k manger, de peur que les tourments ne les épuisent trop vite. A i)eine, un i)risonnier avait-il expiré, . que les femmes se hâtaient de lui arracher le cœur et de laver leurs enfants dans son sang, afin de les rendre plus valeureux. Les corps étaient ensuite ou brûlés ou livrés en j)atfire aux corbeaux et aux chiens.

Parvenu à l'échafaud, qui lui était destiné, Radisson servit de cible, pendant quelque temps, à des jeunes gens qui s'amusaient à décocher leurs flèches sur lui. Ils s'apprêtaient déjà à lui écorcher la peau, à plusieurs

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endroits, lorsqu'un heureux événement vint lui donner plusieurs heures de répit. Un orage éclata, tout à coup. La pluie se mit à tomber i)ar torrent et les Iro- quois le laissèrent seul, attaché à un poteau. Ce soir là, une femme, vint prés de lui, tenant par la main un enfant de quatre ans. Elle prit la main de Radisson et se mit à indiquer à son petit enfant, conmient s'y prendre, pour lui couper le pouce, avec une pierre aiguë qu'elle lui donna. Ce pauvre petit, trop faible encore, ne put que donner des preuves de sa bonne volonté. Il ne réussit, au grand déplaisir de sa mère, (ju'à lui scier la peau. Cédant aux pressantes sollici- tations de cette mère inhumaine, il se mit ensuite à sucer le sang qui sortait de cette blessure. C'est ainsi que se formait l'éducaticm de la jeunesse Iroquoi- 8C, en développant chez elle dès l'enfance, des instincts de «ruauté. Le lendemain, sa mère adoptive, le visita à son échafaud et après avoir pansé ses plaies, l'encouragea à souflfrir avec courage. Elle lui assura, qu'il ne serait pas mis à mort. Ce jour là, un Iroquois prit un des doigts de Radiss<m et le mit dans sa pipe. Il fuma ainsi 3 pipes. Son doigt était tout calciné. Le fumet de chair qui s'en exhalait, semblait enivrer de joie, ce barbare. Dans la soirée, ils lui passèrent des lames d'acier rougies, sous la plante des pieds et promenèrent des charbons ardents sur son corps pendant que des en- fants s'amusaient à lui mâcher les doigts avec leurs dents. Le troisième jour, ils le trainèrent à une ca- bane spacieuse, fumaient accroupis, 50 vieillards. Laissons maintenant la parole à Radisson :

" Ils me firent asseoir. J'étais à demi-mort. Je vis "là, mon frère somptueusement paré de colliers de " porcelaine, portant une hache à la main. Mon père " vint ensuite, tenant un calumet de pierre rouge. " Tous portaient, suspendu à leur épaule, un sac de ' * médecine. Ce sac contenait du tabac, des plantes '*ou racines ayant des vertus médicales, les os de leurs "parents ou des têtes de loups, d'écureuil etc. Ils *• gardèrent pendant quelque temps, un silence absolu. " Les prisonniers, qui avaient survécu aux tx^rtures, " furent amenés ; ils com})renaient 2 hommes, 7 fem- " mes et 10 enfants. Après force haYangue, ae la part '* de quelques uns de ces vieillards, il fut décidé qu'une

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'' femme et deux enfants aurnient la tête tranchée et " que le reste demeurerait esclave. La sentence fut " exécutée sur le champ. Ils se mirent alors à discu- " ter sur mon sort. Les opinions étaient partagées. " Mon père parla près d'une heure, gesticulant de " mille façons et menaçant même de me défendre au ''péril de sa vie. Il me réclamait comme son fils. " Mon frère en fit autant. Ma mère entra, elle aussi, " dans le conseil, en chantant et en dansant, comme "pour apaiser ces vieillards. Elle passa, un collier de *' porcelaine autour de mon cou et en jeta un autre, au " milieu des vieillards. Après que tous mes parents " se furent retirés, le conseil siégea longtemps. De "tem[)s à autres, l'un d'eux se levait, allait jeter du "tabac dans le feu et poussait une exclamation. Enfin " il fut décidé, de convoquer uneassemVjlée de toute la "tribu et de lui remettre la décision de cette affaire. " Près de 2000 Iroquois se réunirent. Mon père fit " une seconde harangue, exaltant mon courage et éta- " lant les services que la tribu pourrait retirer de mon •' adoption. Il parlait avec tant de force et de chaleur, " que les sueurs l'inondaient. Finalement, un chef " fort âgé, s'approcha de moi, brisa mes liens, et au " milieu des cris d'approbation de tous les assistants, " je fus conduit à la cabane de nion sauveur je re- " çus tous les soins voulus. Mes plaies ne tardèrent " pas à se cicatriser, mes ongles repoussèrent et je fus '' guéri complètement, moins un de mes doigts, qui "demeura estropié."

Radisson, passa l'hiver parmi les Iroquois, chéri de ses parents d'adoption et traité par la tribu, absolu- ment comme s'il eut toujours été un des leurs.

S<»n péread()])tif était un chef, jouissant d'un grand crédit. Il avait commandé un grand n(mibre d'expé- ditions, tué 19 ennemis et reçu 9 blessures. Il avait encore, jeune, enlevé une Hunjnne, qu'il avait épousée. Il y avait 40 ans, qu'il vivait avec elle. Cette femme avait conservé le souvenir de l'attachement de sa tri- bu pour les Français. C'est ce qui explique le dévoue- ment qu'elle portait à Radisson. Vers la fin de l'hi- ver, il s'enrôla dans une bande de 10 guerriers, avec l'un de ses frères et partit en expédition de guerre. Chacun d'eux, emportait un fusil, une hache, un poi-

gnard et un sac de voyat/e, contenant 6 Ibs de poudre ; 15 Ibs de balle ; 2 chemises ; 1 casque ; 8 paires de chaussures en peau d'orignal ; une couverte, un collier de porcelaine et une courroie pour attacher les pri- sonniers. Les esclaves trainaient tout ce baggage. En passant par les villages Iroquois, ils étaient fêtés et accueillis comme des frères. Ils semblaient surtout tirer vanité, de la ])résence d'un Français au, milieu d'eux. Parvenus, aux confins du territoire de leur nation, ils renvoyèrent leurs esclaves et chacun dût se charger de son baggage.

Ils voyagèrent ainsi plusieurs semaines, traversant les forêts et remontant le cours des rivières, en canot d'écorce. Enfin, ils arrivèrent à un endroit ils bâ- tirent un petit fort, qui devint leur quartier général. De là, ils se dispersèrent, cherchant quelque victime. Le récit de cette expédition, n'est qu'une série d'assas- sinats. Ne roder que la nuit comme des bêtes fauves, tomber à l'improviste sur de pauvres malheureux sans défense, tuer cruellement femmes et enfants, se nour- rir souvent de leur cliair, telle fut en résumé l\)ccupa- tion de ces bandits, en quête de sang. Le résultat de tous ces exploits, fut 22 chevelures et 5 prisonniers. On peut juger par les pr(.)uesses de cette petite troupe de tout le mal que ces sauvages ont fait, aux premiers colons de la Nouvelle France. Cette ex[)édition ne fait pas h(»nneur à Radisson, d'autant plus qu'il l'en- treprit de son bon gré. Il fait mal au c(jeur, de le voir en si mauvaise compagnie. La narration de ce voyage, semble indiquer toutefois, qu'il s'abstint plusieurs fois de prendre part aux méfaits de ses compagncms.

Au retour, il reçut pour sa part de butin, une Hu- ronne, qu'il donna comme esclave à sa mère, 20 peaux de castor et 2 peaux remplies de graisse d'ours, d'ori- gnal et de chevreuil.

A peine s'était-il reposé quelques jours, qu'il partit pour une seconde expédition, dirigée contre certains établissements Hollandais. Ces derniers, dès le pre- mier approche des sauvages, abandonnèrent leurs vil- lages. Les Iroquois, firent main basse sur tout ce qu'ils trouvèrent.

Ils disaient souvent que les Français se bat- taient comme des braves, mais (jue les Hollan-

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(lais étaient pusillanimes et ils les désignaient sous le nom de "ventres de bière." Le quatrième jour après leur départ, ils arrivèrent à Orange, ils furent bien accueillis, à cause du grand nombre de pelleteries qu'ils apportaient, Radisson, se rendit au fort il rencontra le gouverneur ei un soldat Français. Il leur raconta sa vie et malgré leur sollicitation et leur re- proche, il refusa d'abandonner les Ir(j(|U(>is. Il avoue lui même, qu'il commençait à être très attaché, à ses nouveaux parents et au genre de vie qu'il menait, II n'est pas le premier, qui se soit laissé entrainé par les séductions de la sauvagerie. Cependant les paroles du gouverneur, et le contact avec les blancs, réveillè- rent chez lui, les souvenirs de la patrie absente. A peine était-il de retour, qu'il se prit k regretter la civilisation. Il se décida à retourner à Orange. Il prétexta un tour de chasse et partit le 29 Août 1653. Il fut reçu avec bienveillance par le gouverneur et fit la connaissance du Père Noncet. Ce dernier, avait été fait priscmnier en Canada et amené par les Mohawks dans leur pays. Subséquemment, il avait été conduit au fort Orange. Dans la relation des Pérès Jésuites le père Noncet, mentionne qu'il trouva à cet endroit uu jeune homme, qui avait été fait prisonnier .près de Trois-Rivières et agissait comme interprète. C'est évi- demment de Radisson, dont il veut parler.

Il demeura caché dans le fort, pendant trois jours. Pendant ce temps là, ses parents arri- vèrent, s'informant partout de lui et se lamen- tant sur sa perte. D'Orange, il piissa à M^e- nada, d'où il s'embarqua p(jur la Hollande. Il arriva à Amsterdam le 4 janvier 1654 et se rendit ensuite à LaRochelle. C'est là, que se termine le récit des pre- mières aventures de Radisson.

17 DEUXIÈME VOYAGE.

AU FORT ONONDAGUÉ.

Radisson partit de LaRocholle, au printemps de 1654 et arriva à Trois-Rivières le 17 mai.

Ses parents et ses amis, tout surpris de le revoir, ne pouvaient en croire leurs yeux. Depuis lpngtem})8, ils le comptaient au nombre des victimes des Iroquois. De son côté, Radisson ne fut pas moins étonné, d'appren- dre (}ue les Iroquois avaient signé, un traité de paix avec les Français et les Hurons. La colonie commen- çait à respirer. Après la destruction de la nation Hu- ronne en 1651, les Iroquois avaient proposé de sus- pendre les armes. En 1653, la paix avait été conclue. L'année suivante, le père Lemoyne se rendit à Onon- dagué, pour ratifier le traité, et choisit Tendroit. un poste devait être établi. En 1655 les P. P. Chau- mont et Dablon, s'y rendirent, pour prêcher l'évangile et commencèrent à ériger une chapelle. En 1656, le Capt Dupuys, fut envoyé comme commandant, avec un détachement de 55 hommes. Il était accompagné du Père Lemercier. Il y construisit un fort et le mit en état de résister à une attaque de la part des sauvages.

Pendant ce temps là, le reste des Hurons s'était ré- fugié à l'ile d'Orléans. Une partie de ces sauvages, se considérant mal défendus par les Français et dans l'im- possibilité de résister à leurs ennemis, résolut de jjas- ser à ces derniers. Ils expédièrent secrètement des dé- légués aux Mohawks et aux Onontagués, pourleur propo- ser de s'unir à eux. Leur proposition fut accueillie avec empressement. En 1657, les Onontagués se présentè- rent à Montréal pour recevoir les Hurons et les escor- ter dans leur pays, tel que convenu. Ils refusèrent de «e rendre, jusqu'à Trois-Rivières, à cause du voisinage des Algonquins, qui n'étaient pas compris dans le traité de paix. Le gouverneur en profita pour expédier quel ques Français, destinés à fortifier la garnison d'Ononda- içué.

18 •/

Les P.P. Ragueneau et Duperon résolurent de les :accompagner pour aller continuer l'œuvre d'évangé- lisation déjà (xmimencée.

Radisson, offrit ses services à ces deux missionnaires, qui les acceptèrent. Ils partirent au mois de juillet 1657- L'expédition se composait de 80 Iroquois, 100 Hurons, 20 Français et des deux missionnaires. Fidèles à leur passé, les Iroqutns ne manquèrent pas de saisir la première occasion venue, pour égorger lâchement les pauvres Hurons, à qui la veille encore, ils juraient une amitié éternelle. Ils avaient à peine franchi, le lac St. François, que tombant sur ces infortunés, pris à l'im- proviste, ils les tuèrent tous.

On ne peut s'expliquer réellement, comment il se fait cjue Français, et Hurons se laissèrent si souvent tromper, par les paroles fallacieuses, d'une nation aussi perfide. Que de fois, Français, Hurons et Algon- quins, dormant en sécurité et se fiant à la foi jurée des Iroquois, se sont réveillés, le couteau sous la gor- ge, au cri de guerre de ces barbares. Les Hurons étaient encore moins excusables que les Français, de se oonfier ainsi, à leurs mortels ennemis.

Lorsque deux tribus ont été longtemps en guerre, il n'est guères possible, de cimenter entr'elles, une paix durable, en vertu d'un simple traité, comme pamii les peuples civili- sés. Le souvenir de leurs jwrents cruellement torturés, est sans îTesse présent à leur esprit, pour attiser les vieilles haines, à peine assoupies. Il faut, pour qu^ la paix ait acquis un caractère de permanence et repose sur des bases durables, qu'une tradition de bons rapports et de fraternité sincère, ait remplacé la tradition d'ini- mitié et de vengeance d'autrefois et en ait fait dispa- raitre toute trace.

Tant que ce résultat n'est pas obtenu, le sauvage n'enterre pas sa hache de guerre. Il consentira à la mottre de côté pour un moment, et promettra ou iSi- gnera tout ce (jue l'on voudra ; mais dans son esprit^ sa hache est toujours là. Au moindre caprice haineux de sa part, il la reprendra sans honte ni remords de conscience et frappera les nialheureux qui ont pris sa parole au sérieux. Ce caractère n'a pas été le propre de toutes les tribus sauvages. Il en est chez qui, la

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fidélité à tenir leur promesse, fut remarquable, mais il convient bien aux Iroqjiois et aux Sioux ces autres Iro- quois de l'ouest.

Pendant le voyage, Radisson craignit plusieurs fois de subir le sort des Hurons. Les canots ne marchaient pas toujours de concert et souvent il se vit seul au milieu des Iroquois, dont la conduite était loin d'être rassurante. Ce qui l'inquiétait davantage, était la présence d'un parent de l'un des Iroquois, qu'il avait tué, lors de son premier voyage. Un jour, il rencontra un parti de guerre, parmi lesquels se trouvaient plu- sieurs Iroquois qui l'avaient bien connu. Ils le pres- sèrent de retourner avec eux, lui disant, que ses pa- rents adoptifs, étaient inconsolables depuis son départ. Il leur remit pour eux, plusieurs présents, qu'ils pro- mirent de leur donner.

Le voyage se fit lentement, car les sauvages s'attar- daient souvent à chasser. Radisson rapporte que le gibier était si abondant, qu'un jour, il vit un troupeau de 300 ours. Les sauvages en furent efirayés et avouèrent n'en avoir jamais vu, en si grand nombre. Un des passe-temps les plus agréables, le long de la route, était de prendre au piège des jeunes chevreuils et de les mettre en liberté dans des petites iles, après leur avoir attaché des clochettes au cou. Les sauva- ge« ent^'uraient ensuite l'ile et faisaient des chasses merveilleuses ; car le gibier efirayé de ce bruit insolite se hâtait de sortir du bois et de se jeter à l'eau. Ra- disson atteignit le f(jrt Onondagué sans accident. Ce poste comprenait deux petits forts entourés d"un dou- ble mur et était flanqué de deux bastions. Au centre du fort principal, se trouvait le château du comman- dant de la place. Autour du fort s'étendaient à plus d'une demie-lieue, des champs de blé d'inde et de di- verses] légumes. Les Français, s'étaient aussi livrés à l'élevage et possédaient un bon troupeau qui leur était d'un grand secours, htrsque la chasse faisait dé- faut, Radisson vit au fort, une Huronne, qu'un des missionnaires avait recueilli, en passant près d'un ro- cher de File du Massacre. Elle raconta, que lorsque les Iroquois descendirent dans leur ile, pour échapper à leur poursuite, elle s'était cachée pendant trois jours, dans le creux d'un arbre. Le missionnaire, après lui

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avoir donné tous les soins que demandHit son état» l'avait prise à bord de son canot. Un soir, un Iroquois pour s'amuser, avait fait semblant de tirer sur elle. Pre- nant la chose au sérieux, elle s'était enfuie dans le bois et il avait été impossible de la retrouver. Cette femme arriva au fort, neuf jonrs après le missionnaire. Elle n'avait vécu pendant ce temps là, que de racines et de fruits sauvages. Un Huron, avait aussi échajjpé au massacre. Il vivait parmi les Iroquois, accusant haute- ment les Français, de complicité avec les ennemis de sa nation.

Lvis Iroquois voyaient avec défiance, cet établisse- ment commencé dans leur pays. A tous les j(»urs, les Français les entendaient répéter avec menace : "Vous êtes venus vous eni^raisser ici, mais vous n'y resterez pas longtemps." Les P.P. Jésuites ne s'épargnèrent point, pc^ur conjurer l'orage qui se préparait. Ils se dispersèrent dans les villages Iroquois, leur prêchant les dcmceurs de la religion chrétienne et s'efforçant de s'insinuer dans leurs btmnes grâces.

Ils eurent peu de succès, malgré tout leur dévoue- ment"; mais d'un autre côté, ils obtinrent des rensei- gnements sur leurs dispositions, qui n'étaient rien moins que rassurantes. Un Iroquois ami, vint un jour, les avertir que les gens de sa nation, avaient te- nu un grand conseil, dans lequel ils avaient décidé de détruire le fort et tous les Français. Cinq cents guer- riers, allaient dans quelques jours, prendre les armes et se jeter sur eux.

Afin de se débarasser de tout ce qui pouvait les gê- . ner, ils avaient assommé k coups de bâton ou en les frappant sur des arbres, tous les jeunes enfants de leurs esclaves. Cernés de tout côté, par des ennemi» irréconciliables, cette faible garnisctn isolée, ne com- prenant que 53 hommes, ne pouvait longtemps résis- ter. D'ailleurs, au printemps, le nombre des guer- riers Iroquois allait se doubler, par le retour des chas- seurs. Les Français décidèrent de construire secrète- ment des bateaux et de donner un festin, à leurs enne- mis, p<jur mieux ménager leur fuite. A peine les ba- teaux étaient-ils terminés, qu'ils invitèrent tous les Iroquois à un grand re})as. Presque tous, se rendirent à cette invitation. Il ne restait pas 20 hommes dan»

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leur village. Les Iroquois firent honneur à tous les meta qui leur furent servis. Après le diner, ils se mirent à danser au son de la guitare, que pinçait un soldat de la garnison, tandis que d'autres Français jouaient de la trompette et battaient la grosse caisse. Les sauvages qui avaient mangé avec excès, furent bientôt épuisés «le fatigue. Ils se couchèrent i)rès des murs du ft^rt.

C'était le moment attendu, pour abandonner le fort. <iuelques Français f .irent tentés d'abord, de profiter de leur profond sommeil, pour se défaire de ces barbares. Les P.P. Jésuites s'élevèrent avec force, contre ce des- sein. Ils leur rappelèrent, qu'ils étaient venus pour instruire et évangéliser les sauvages et non pour les détruire et que leur trahison ne les justifiait pas, eux, -de les assassiner. Ils quittèrent donc le fort Oncmda- gué ce soir même et après bien des souffrances, ils arrivèrent à Montréal le 31 mars: lfi58.

L'hist<jrien Garneau place le fort Ummdagué sur lea bords du lac Salé.

M. J. V. H. Clarke, qui a écrit une histoire de ce fort, j)rétend qu'il se trouvait à environ trois quarts de mille de la Points Verte, dans la ville de Salina, sur le terrain occupé, en 1849 par M. Myrick Bradley. Il paraitrait qu'on y trouve encore, des ruines, qui per- mettent d'avoir une idée générale du plan du fort. Dans le eours de ce voyage, Radiss«»n recm^illit une tra- dition Huronne, fort étrange. Cette légende lui fut racontée plus tard par (quelques chefs Hurons. Plu- sieurs Français lui rapportèrent également avoir en- tendu le même récit.

D'après cette légende, les Hurons, auraient été re- poussés au Nord, par les Iroquois. Ils se seraient alors dirigés de ce côté et auraient poussé leur cour- se, si. loin, qu'ilà auraient atteint la Baie James. Ils auraient côtoyé cette baie, suivi le littoral de la mer et seraient parvenus, après avoir longé les côtes du Labrador, jusqu'au golfe Saint Laurent. Ils auraient remonté le fleuve, jusque vis à vis Tadoussac, ignorant absolument (ju'ils revenaient dans leur jjays. Ils au- raient ensuite, fait alliance avec les tribus du golfe et chassé les IrcKjuois de leur pays. .Cette histoire sans être invraisemblable, est au moins fort extratirdinaire. De Montréal, Radisson se rendit à Trois-Rivières, où.

il rencontra son beau frère Des Groseillers. Ce dernier avait visité le lac Huron, l'année précédente. Ils cau- sèrent longuement de leurs voyages respectifs et dès le mois de mai 1658. ils décidèrent de partir ensemble pt)ur une longue expédition, dans le but de découvrir les pays nouveaux, dont ils avaient entendu parler par diverses tribus sauvages.

TROISIEME VOYAGE.

DANS l'OUE.ST, vers LE MIS.SI.S.SIFI.

Ce fut, vers le milieu de juin 1658, que Radisson et DesGroseillers, entreprirent le premier voyage qu'il* firent ensemble.

Ils étaient accompagnés de 29 Français et 13 sau- vages. Avant d'atteindre les premiers grands lacs, ils furent assaillis, à maintes reprises, par des bandes Iro- quoises, qui infestaient la colonie. Ils furent même obligés, de se construire un fort d'occasion, pour résis- ter à leurs attaques. Ils finirent par repousser ce* barbares, après leur avoir tué 13 guerriers. Les Fran- çais découragés par les difficultés du voyage et les pé- rils constancs, auxquels leur vie étft.it exposée, décidè- rent de ne pas aller plus loin. Ils retournèrent donc à Montréal. Nos deux voyageurs, qui en avaient vu Dien d'autres, continuèrent leur route. Ils remontè- rent le cours du St Laurent et des lac§. sans trop d'ac- cident.

Connne ils n'avaient pas toujours le temps de s'ar- rêter pour chasser ou pêcher, Radisson parle d'un cer- tain met.'?, qui remplaçait souvent le gibier et le poisson. C'était une espèce de glue noirâtre, ressemblant à de la gélatine. Ils l'obtenaient en faisant bfiOillir des li- chens, appelés par les voyageurs " tripes de roche.' Ils renc(»ntrèrent en certains endroits, un si grand nombre de loutres, que les saurages les tuaient à coups de bâtons.

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Parvenus au lac Huron, leurs compagnons de vo- yage se séparèrent d'eux et continuèrent leur course vers l'Ouest. C'était dans cette direction, que demeu- rait la nation à laquelle ils appartenaient.

De leur côté, Radisson et Desgroseillers se dirigèrent vers le sud. Quelques Hurons et Octanacs ccmsenti- rent à les accompagner dans cette exT>édition.

La plunart des découvreurs de l'Amérique du Nord, semblent n'avoir pu deviner l'immense étendue de notre continent. On est presque tenté de croire, qu'ils vou- laient le rapetisser, afin de pouvoir le parcourir plus faci- lement. D'ailleui-s. c'est naturel pour le voyageur de toujours se croire prêt d'arriver au terme, suivant cet axiome anglais "The wish is father of the thought ;" C'est ainsi que Radisson, s'imaginait rencontrer dan» le voisinage du lac Huron, une rivière qui le condui- rait promptement au rivage de la mer.

Les premières tribus, dont nos voyageurs firent connaissance, furent les Pontonatemick et les Panoes- tigonce. Cette dernière, comme s<m nom l'indique, habi- tait autrefois le Saut Ste. Marie, d'où elle avait été repoussée par les Iroquois.

Pendant l'hiver ils firent alliance avec les Escolecke» oit nation de feu, et visitèrent quelques partis de guerre de cette nation, au printemps de 1659.

Ces sauvages, n'avaient jamais vu de blancs. Ils les accueillirent avec de grandes démonstrations de joie, qui n'était pas cependant tout à fait désintéressée. Il» espéraient en effet, que nos deux découvreurs pourraient leur être d'un grand secours, dans leur guerre avec une nation appelée Nadonéceronon. Cette dernière tribu parlait une langue, dont l'accent se rapprochait beau- coup de l'Algonquin. La première partie de leur nom "Nadone" accuse en effet une origine Algine.

Les Escolecke avaient des rap})orts avec les Christi- neaux, avec lesquels ils échangeaient des provisions et des fourrures. Pendant, l'été, les Christineaux vivaient près du littoral de la Baie James. Lorsque les froids, de l'hiver commençaient à se faire sentir, ils se reti- raient dans l'intérieur du pays et erraient ça et la, près des grands lacs.

Les Escolecke, avaient subi le sort dfe's autres nations. Ils avaient occupé d'abord, la partie orientale du lae

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Supérieur. Leur tradition rapportait, qu'ils avaient marché comme le soleil, de l'est à l'ouest.

Radis6<m rencontra quelques restes de la nation Huronne, réfugié? dans ces contrées, pour se sous- traire aux cruelles poursuites de leur implacable enne- mi, les Iroquois.

Les Octanacs qui accompagnaient Radisson, recon- nurent aussi plusieurs familles de leur tribu, qui vi- vaient là ccmime esclaves. Quel pays, visitèrent Radis- son et Desgroseillers ? Il n'est pas facile, ici, de rien préciser. A en juger, par la description des contrées qu'il parcourut, on serait porté à croire, qu'il était dans le voisinage du Mississipi ; probablement dans le Wisconsin ou les Illinois.

Il cofnpare la douceur du climat de ces pays à celui de l'Italie. "Jamais, dit il, il ne neige, ni ne gèle durant l'hiver." II vante le goût exquis du raisin et des citrons que le pays produit en abondance. Il dé- crit la chasse des troupeaux de buffle etc.

En quittant le lac Huron, Radisson parait s'être avan- cé jusqu'à l'approche de l'hiver, dans une direction Sud Ouest. Au printemps, plusieurs nacions du nord, le })ressèrent de venir les visiter II dit qu'il refusa de se rendre à leur demande, vu qu'il voulait pousser plus loin dans le Sud, avant de se tourner vers le nord. Toutefois pendant l'été, quoiqu'il ne le mentionne pas clairement, il dût prendre la direction du nord, car il hiverna (1659-1660) dans un endroit bien b(nsé, U neige était tellement épaisse, que les chevreuils gênés dans leur course, échappaient difficilement aux flèches des sauvages.

Il passa une partie de l'hiver, en compagnie d'une bande de Christineaux, qui arrivaient des bords de la mer du nord (Baie d'Hudson.) Les Christineaux avaient appris la présence de ces deux blancs dans le pays et étaient venus pour leur demander, de faire la traite avec eux. Jusqu'alors, ils échangeaient leurs fourrures avec des sauvages qui visitaient les postes Français. Ils désiraient traiter directement avec les Français. Radisson promit de faire ses efforts pour venir les visiter plus tard. Il parait s'être fort approché du lac Huron, à la fin de l'hiver. Au printemps 1660, nos deux voyageurs se mirent en route de bonne heure

pour retcmnier à Montréal. Ils étnient suivis d'un grand nombre de sauvages. Du lac Huron, ils sui- virent ce qu'ils a|)pellent la route du nord et atteigni- rent la rivière Ottawa. A 30 lieues en deçà du Calu- met, leur parti tua plusieurs bœufs sauvages, dont ils se régalèrent abondamment.

Deux jours, après avoir j)assé les rapides du Calumet ils furent attaqués ])ar les Iroquois. Ces derniers, les tenaient constamment en alerte. Un jour, ils furent obligés de se retrancher derrière des abattis d'arbres et de se couvrir de peaux de castor, pour échapper à leurs coups. Ils subirent un véritable siège, et ne réussirent à repousser leurs assaillants, qu'après en avcàr tué un grand nombre.

Les Iroquois devaient être très nombreux, puisque Radisson était accompagné do 500 sauvages. Il peut se faire que les Irocjuois qu'il rencontra, étaient les mêmes, qui venaient de s'emparer du fort du brave DoUard et de ses 17 compagnons.

Je crois, que ce que rapporte Radisson dans son qua- trième voyage, au sujet de ce glorieux fait d'armes, devrait trouver sa place, ici. La suite de son récit, semble, 'd'ailleurs ici interrompu, tandis que dans son quatrième voyage, le même événement, est rapporté comme un morceau détaché. Nos denx voyageurs arrivèrent au Long Saut, 8 jours après cette sanglante affaire, c'est à dire, le 29 mai 1660.

Ils visitèrent le fort. Radisson donne un récit cir- constancié de cette héroïque défense d'une poignée de braves, contre plus de 800 Iroqnois». Il raconte qu'un seul Français survécut à la prise du fort.

Les Iroquois l'amenèrent dans leur camp. Ayant aperçu près de lui un jùstolet, il le saisit et tua le premier Iroqucns qui se présenta. Alors, ils le saisirent et le brûlèrent sur l'heure. Les cadavres des Fran- çais et des Algonquins, furent attachés à des poteaux échelonnés le long de la rivière. Ce sont là, les seuls détails importants qu'il donne, sur ce combat héroique.

Nos deux voyageurs arrivèrent enfin à Montréal. De là, ils se rendirent à Québec avec leurs 500 sauva- ges. Leur arrivée fut saluée comme une bonne aubaine, et un événement remarquable. Le gouv'erneur en vo- yant un si grand nombre de sauvages, venus de si loin

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et surtout chargés de si riches pelleteries, fit tonner la batterie de la citadelle, en leur honneur. Radisson re tourna ensuite à Trois-Rivières. Il y avait 14 jours, que cette ville, alors simple bourgade fortifiée, était tenue en alarme, par la présence de 300 Iroquois. Ra- disson les attaqua et les força à s'enfuir, après leur avoir tué 11 hor^mes et en avoir blessé davantage. Les sauvages de l'Ouest, purent ensuite retourner dans leur pays, sans être molestés. Radisson termine le récit de ce voyage, en disant que ni lui ni Desgrogeil- lers n'araient visité la Baie du Nord (Baie d'Hudson) et que tout «e qu'ils en connaissaient, leur avait été raconté par les Christineaux.

"Comme le récit de ces sauvages, dit-il, pouvait "après tout, n'être qu'une invention, il fut convenu ' ' entre Degroseillers et moi, que nous n'en parlerions k "personne."

Ils se ])ropo«aient d'aller s'assurer eux mêmes, dan» une autre expédition, de la fidélité du rapport, qui leur en avait été fait.

QUATRIÈME VOYAGE. A LA Baie James.

A peine Radisscm était-il de retour dans la colonie, qu'il souL'eait à s'élancer de nouveau, vers l'extrême Nord-Ouest. Les tribus inconnues, qui l'habitaient et les plages inhospitalières de la Baie d'Hudson l'atti- raient invinciblement.

Il dût attendre toutefois, le retour du printemps.

Dans sa dernière expédition, il avait rencontré un j)arti de Christineaux et en avait reçu des renseigne- ments sur leur pays. Il n'ignorait pas, (pie la traite avec les nations du Nord, dût rapptirter d'immenses- profits. Il y avait là, une vérit^ible mine, dont les riches trésors miroitaient déjà, devant ses yeux.

Aussi, il avait eu la précaution de s'entendre ave c

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8on beau frère Desgroseillers, pour ne dévoiler à per- sonne, leur précieux secret.

Ils espéraient tous deux, entreprendre l'année sui- vante, une nouvelle expédition, pour aller receuillir la moisson qni les attendait.

Cependant, les riches fourrures, que les sauvages, qui les avaient accompagnés, venaient d'apporter à Québec, avaient allumé la convoitise du gouverneur et de scm entourage. Leur secret transpira, par l'in- discrétion, paraitrait il, de la sœur de Radisson, épouse de Desgroseillers.

La rumeur en parvint jusqu'aux oreilles du gouver- neur, qui fit mander Radisson. Il lui proposa, de lui donner pour compagnons de voyage, deux de ses ser- viteurs, avec l'entente que les profits de la traite, se- raient partagés par moitié.

Radisson, ne se souciait guères, d'avoir des associés. Il n'était pas d'humenr, à céder une aussi large part des bénéfices, qui lui coûtaient déjà tant de fatigues. Il repoussa donc ces offres.

Il sentait bien cependant que le gouverneur, pour s'en venger, pouvait le gêner dans ses entreprises. Il était en effet, le dispensateur des licences de traite. Aucun voyageur, ne pouvait s'éloigner de la colonie, sans s'être muni de son autorisation.

Le gouverneur en profita. Afin de le contraindre, à prêter une oreille plus attentive à ses propositions, il lui fit défense d'entreprendre aucun voyage.

Pour le fléchir, Radisson fit intervenir les Révérends Pères Jésuites. Ils firent une tentative en sa faveur. Le gouverneur refusa de lâcher sa proie.

Il est bon de noter ici, le beau témoignage que notre découvreur, rend au zèle de ces saints mission- naires. Il vient d'un homme, qui avait été témoin de leur dévoûment et qui les avait vus à l'œuvre dans leurs lointaines missions.

"Leur seul désir, dit-il, est l'agrandissement du ro- "yaume de Dieu. Ils font preuve d'une charité vrai- "ment admirable, envers tous ceux qui travaillent et *' qui, par leur conduite honnête, se montrent dignes '* d'être aidés. Ceci est la pure vérité. C'est la réponse ** que je fais, à tous ceux, qui voudraient jamais préten-

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dre le contraire. Je parle ici, avec coniiaf8sanc& de *' cause."

Au printemps, deux missionnaires partirent pour L- Nord. Ils se proposaient, dit Radisson, de se rendre à la mer du Nord, en remontant le Saguenay, mais ils rencontrèrent de telles difficultés, qu'ils furent con- traints de rebrousser chemin.

Radisson, semble indiquer ici, l'expédition, entre- prise en 1661, par les RR. Pères Dablon et Druillètes et dont faisaient partie, Michel Leneuf de la Vallière, Denis Guyon, Desprès Couture et François Pelletier.

Il ne savait trop, que faire, en face des défenses for nielles du gouverneur, lorsqu'arrivèrent, au moi.- d'août (1661) sept bateaux, ctmduits par des sauvage.^ de l'Ouest. Comme ils avaient déjà eu des rapports avec lui, ils l'invitèrent à les suivre. Ne }K)uvant plus y tenir, il résolut de braver le gouverneur et de partir quand même.

Il fut donc décidé par Desgroseillers et Radisson <ju'ils accompagneraient les sauvages, et s'éloigneraienf clandestinement avec eux, afin de tromper la surveillan ce du gouverneur.

Ils donnèrent rendez-vous, à leurs ctmipagnons, sur le lac St. Pierre, à 6 lieues de Trois-Rivieres.

Les .sauvages, devaient se tenir cachés, dans des hautes herbes, sur le bord du lac, à un endroit conve- nu, et attendre leur arrivée.

Desgroseillers, était à cette époque, capitaine à Trois-Rivières et connue tel, il était en charge des clefs du fort.

Ils (juittèrent le fort, vers minuit. La sentinelle qui montait la garde ce soir là, en voyant son capitaine, les laissa passer et leur si>uhaita un bon voyage.

Ils étaient trois : Radisson, Desgroseillers et un nommé François LaRivière.

Impatientés de leur retard, les siiuvages avaient fini })ar quitter leur retraite. Nos voyageurs les rejoigni- rent à trois lieues du Fort Richelieu.

Ce i)auvre LaRivière, n'alla pas loin dans cette ex- pédition. Quelques jours après leur départ, ayant aperçu plusieurs canots Iroquois, ils se cachèrent dan^ un bois, et partirent pendant la nuit.

LaRi\ ière, qui était peu nabitué aux fatigues de tels

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voyages, dormait profondément lors du départ de se» compagnons. Ces derniers ne s'apperçurent pas de son absence. Il ne se réveilla que le lendemain. Il erra pendant 14 jours, se mourant de faim. Des sauvages amis, le receuillirent et l'amenèrent à Trois-Rivières, le gouverneur le constitua prisonnier. Les habitants lui rendirent sa liberté.

Nos découvreurs, rencontrèrent quel(jues jours après sept bateaux d'Odanacs^ qui se rendaient eux aussi, au lac Supérieur. Ils ne pouvaient venir plus à propos. Ce renfort leur fut d'un grand secours. Il s'agissait en eflFet, pour eux, de briser la ligne d'Iroquois, qui rayonnaient tout autour de la colonie, et interceptaient partout les passages,

A cette époque, il était impossible de s'aventurer sur le St. Laurent, sans avoir maille à partir avec eux. Ils surgissaient de tous côtés, comme par enchantement, guettant le premier venu, pour lui courir dessus. Il ne se passait ])as de jour, sans que nos découvreurs apper- çussent (quelques canots ennemis, silonnant le fleuve ou se hâtant de se porter sur la rive, pour les attendre au passage.

Afin de se protéger contre leurs traits, nos voya- geurs avaient rangé, sur les bords de leurs canots, des peaux de castor, en guise de rempart. De temps à autres, lorsque les Iroquois se concentraient en forces trop considérables, il leur fallait débarquer, près du premier bois venu, se fortifier le mieux possible et sou t«nir un siège (jui durait quelquefois, plusieurs jours.

Ces petits engagements étaient souvent, assez meur- triers. C'est ainsi, que dans l'un d'eux, les Iroquois. laissèrent 16 morts sur la plage.

Chaque fois, qu'un Iroquois tombait entre leurs mains, les Octanacs s'empressaient de le dépecer et de faire bouillir sa chair, pour la dévorer avec un appétit féroce. En passant près de la chute Niagara, ils eu- rent la curiosité, à l'instar des touristes modernes, d'aller visiter les cavernes qui se trouvent sous la chu- te. Ils traversèrent le lac Erié, que Radisson appelle 'iac des Castors" et remontèrent la rivière Ste. Claire à laquelle Radisson donne le nom de " Sorciers". Par- venu au lac Supérieur, il nous apprend, qu'ils purent

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dormir sans avoir de sentinelle au guet, vu que les Iro- quois ne se rendaient que rarement jusque là.

Il s'enthousiasme à la vue des beautés sauvages de ce lac immense. Ses descriptions exagérées se ressentent de l'état d'exaltation de son esprit. C'est ainsi qu'il prétend avoir vu des masses de cuivre pesant 100 Ibs, et des montagnes de sable si élevées, qu'un homme au sommet, ne paraissait guères plus gros qu'un corbeau. Il raconte qu'un jour, 50 monticules de sable, furent transportés par une tempête d'un côté d'une baie, à l'autre etc. La description féerique, qu'il donne, d'un énorme rocher qu'il rencontra sur les bords de ce lac, est des plus curieuses.

Un énorme rocher s'avance, dit-il, au milieu du lac comme un monstre géant qui garde cette rive.

Il est coupé à pic, et d'une hauteur étonnante. Les vagues qui viennent se briser à ses pieds, ont fini par l'attaquer. A force de lui déchirer les flancs, les flots se sont creusés une caverne, dans laquelle ils viennent s'engoufl'rer.

Cette caverne ressemble au portique d'un édifice Lorsque le lac est agité, par la tempête, une voix lu gubre s'échappe de l'intérieur de ce rocher, qui glace d'efiroi, le pauvre voyageur, qui l'entend pour la pre- mière fois. Les sauvages efirayés, lui ofirent des sa- crifices, pour appaiser les mauvais Manitoux, qui pré- sident à cet endroit,

Radisson, lui donna le nom de ''Portique de St. Pierre."

Il côtoya le lac Supérieur presque tout l'été et ren- contra des Christineaux auxquels il fit des présents. Il se fit escorter par plusieui-s bandes, avec lesquelles il se lia d'amitié.

Il parvint enfin à une baie d'environ 10 lieues.

A quelque distance de là, s'élevait un cap en forme de pyramide et fort élevé. Les sauvages qui l'avaient guidé, lui apprirent que leurs femmes se trouvaient à cinq jours de marche de cet endroit ; mais ils lui dirent en même temps (jue la navigation était très dif- ficile et qu'il lui faudrait faire de longs et de nombreux portages.

Nos découvreurs, décidèrent de se reposer à cet en- droit, pendant que leurs sauvages iraient visiter leurs

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familles. Il fut convenu qu'ils reviendraient, au bout de 14 jours. Pendant ce temps là, ils demeurèrent exposés aux attaques des Nadonéseronons, qui rodaient dans les environs. Ces sauvages étaient fort nombreux et très cruels. Un seul de leur village comprenait plus de 7000 guerriers. Pour se mettre un peu à couvert, ils construisirent un petit fort, surle bord de la rivière.

Ils l'entourèrent de pieux debout, garnis de clochet- tes. Ces dernières, en cas d'attaque nocturne, devaient leur donner l'alarme. Les ennemis ne se montrèrent pas, mais par contre, les écureuils et les renards ve- naient souvent la nuit, sonner le carillon et les tenir en éveil.

Après 2 à 3 semaines d'attente, une cinquantaine de jeunes gens, suivis de quelques uns de leurs anciens compagnons de voyage, arrivèrent au fort.

Ils décidèrent de continuer leur route, en dépit des obstacles. " Le pays que nous traversons, dit Radis- "son, est beau et un peu montagneux. Le bois est "pauvre et rabougri."

Ils arrivèrent après plusieurs jours de marche, dans un village Gri, composé d'environ 100 cabanes. Le chef, qui les avait accompagnés depuis Montréal, leur donna sa propre cabane pour logement. La femme de ce chef, appartenait à la tribu des "Folles Avoines." L'hiver les surprit à cet endroit.

La neige tomba en abondance. Comme la chasse n'était pas excellente, il fut résolu, qu'ils se disi)erse- raient dans les bois, par groupe de 2 à 3 personnes, afin de pouvoir vivre plus facilement.

Ils devaient se réunir au printemps suivant, près d'un petit lac.

Pendant l'hiver (1661-1662) Radisson et Desgroseil- 1ers envoyèrent des messages à diverses nations, les invitant à venir célébrer avec eux, la fête des morts.

Le froid fut très intense. Ils tuèrent quantité de bœufs sauvages, cariboux, f)urs etc. Aux premiers signes du printemps, ils se dirigèrent vers le lieu du rendez-vous. La neige commençait à fondre et pour faire le trajet, ils furent obligés de chausser des ra- quettes de 6 pieds de longueur.

La neige avait en général de 5 à 6 pieds d'épaisseur.

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Une fois rendus au petit lac, le froid se mit à sévir, avec autant de rigueur que durant l'hiver.

Les provisions furent bientôt épuisées. Les sauva- ges se virent réduits, à se n(»urrir d'écorce et de cuir.

La famine devint si grande, que 500 j)ersonne8 mou- rurent faute de vivres.

Enfin les beaux jours commencèrent à luir et dans trois jours, toute la neige disparut.

Peu de temps après, arrivèrent 8 délégués de la cé- lèbre nation des Nadonéseronons.

Sans nous expliquer pourquoi, Radisson, nous an- nonce à cette partie de son récit, qu'à l'avenir, il dé- signera ces sauvages, sous le nom de •' Nation du Bœuf." On peut conjecturer néanmoins, qu'il leur donna ce nom, parcequ'ils se livraient surtout à la chasse des troupeaux de buffles, qui constituaient leur principale nourriture. Ils lui offrirent des présents consistant en avoine, maïs, peaux de buffle et de castor blanc.

Des envoyés de 18 nati(;ns différentes se rendirent au petit lac. Ils tinrent un grand conseil, auquel assis- taient plus de 500 sauvages.

Ils décidèrent de construire un grand fort, qui de- vait être Vemporium de la traite du Nord-Ouest. Ils se mirent immédiatement à l'œuvre et l'achevèrent en très peu de temps.

Il était carré et dominait un monticule ; en sorte qu'on pouvait l'appercevoii* de loin.

Ce poste, dans l'idée de nos découvreurs, devait être permanent. Ils espéraient pouvoir établir des rap- ports non-interrompus avec ce fort, et y déposer des marchandises, destinées à alimenter la traite, dans tous les environs.

Quelques jours après, arriva un parti des "Anciens". Ils se présentèrent en grande pompe et admirablement parés. Ils avaient la figure tatouée de mille couleurs, les cheveux noués en toufie sur la tête et ornés de plumes d'aigle et de corbeau. Ils portaient une lon- gue robe blanche, faite de peaux de castor et un cou- teau poignard d'un pied et demi de longueur.

Leur princi])ale nourriture, durant l'hiver, consis- tait en riz, qu'ils faisaient bouillir dans des vases en «uivre.

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Radisson, avait rencontré (juehjues bandes de cette nation, dans son expéditi(»n précédente. Ils lui dirent <ja'il8 étaient venus pour amener de nouveau, des Français, dans leur pays. Ils désiraient également, que les découvreurs épousent leurs querelles contre leurs ennemis, les Christineaux.

Radisson, qui au contraire, voulait cimenter la paix entre toutes les nations, partit avec 50 hommes pour aller visiter les Christineaux et leur conseiller d'enter- rer la hache de guerre. Après trois jours de marche, il atteignit leur village. Les Christineaux étaient réu- nis au nombre de 600, dans un fort.

Il fut bien acceuilli et réussit dans sa mission paci- tique, audelà de toute attente.

Il leur promit, qu'au printemps suivant, il se ren- drait sur le côté du lac Supérieur, qui se trouvait dans la direction de l^r i>ays et qu'il les attendrait sur le bord du lac. Les Christineaux devaient de leur côté, venir le rencontrer à cet endroit, ])our l'amener dans l'intérieur, vers la région qu'ils habitaient. Le fort ils se trouvaient, n'était que temporaire. Ces sauva- ges n'étaient ])oint fixés à cet endroit, d'une manière ])ermanente. D'ailleurs, le gros de leur nation, se trouvait fort éloigné de ce territoire.

A sept jours de marche de là, se trouvait la nation du "Bœuf." Elle possédait de grandes cabanes cou- vertes de peaux. Un de leur village possédait une po- pulation de 7000 âmes. Leur pays n'était pas boisé. Pour se chauffer, ils étaient obligés de se servir de mousse. Ils cultivaient le maïs et chassaient le buflSe, qui paissait dans les vallées avoisinantes.

Les grains de maïs étaient [)etits, à cause du froid qui les empêchait de parvenir à 'maturité.

Leur pays, contenait plusieurs mines de cuivre et de plomb. 'On y trouve, dit Radisson, des montagnes " couvertes d'une pierre transparente et tendre comme " celle de Venise". Après avoir lié amitié avec ces sauvages et les tribus avoisinantes, nos découvreurs poussèrent plus loin. Ils furent obligés de faire de pénibles portages, à travers les bois, pendant huit jours. Ils atteignirent un lac, ils tuèrent plus de 600 orignaux, et bâtirent un fort sur le» bords de ce lac.

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Ils passèrent une partie de l'hiver (1662-1663) dans ce fort. Ils se mirent de nouveau en route, avant que les rivières ne fussent libres et enfin arrivèrent à un camp de Christineaux, (jui les conduisirent à la grande rivière.

"Nous arrivâmes, dit Radisson, au rivage de la " mer nous trouvâmes une vieille maison toute dé- " molie et percée de balles".

Les sauvages lui dirent que les hommes qui étaient venus là, appartenaient à deux nations diÔ'érentes. D'après la descrijjtion qu'ils en donnèrent, ce ne pou- vait être d'autres que des Européens.

Ils passèrent l'été, à visiter diverses îles et à tuer des poules et des canards. Les buffles se rendaient jusque là, mais les sauvages ne les tuaient que dans le cas de pressante nécessité.

Nos découvreurs s'avancèrent pluïHoin, dans la Baie. Ici, laissons la parole à Radisson. " La grande rivière " vient du lac et déverse ses eaux dans la rivière de* " Sagnes (Saguenay) appelée Tadousac. Cette dernière "de l'endroit nous étions dans la Baie du Nord, se " trouve à 100 lieues de la grande rivière du Canada".

Durant l'hiver, (1663-1664) ils retournèrent au lac Supérieur, en suivant une rivière différente de celle par laquelle ils étaient venus.

S'il faut en croire, le témoignage de Radisson, il au- rait poussé si loin dans le Nord, qu'il serait parvenu avec Desgroseillers jusqu'à la Baie James. Les ruine» d'une maison dont il parle, ne seraient-elles pas, par hasard, celle construite et abandonnée par les Danois, vers 1634 ? On rapporte en effet, que les sauvages trouvèrent de !a poudre laissée par les Danois. Com- me ils n'en connaissaient pas l'usage, ils y mirent le feu et la mais<m sauta avec eux. Cet établissement des Danois se trouvait, paraitrait-il, à environ 60 lieue» au nord, de la rivière Nelson.

Avec une narration aussi peu précise que celle de Rîidisson, il n'est pas permis de l'affirmer avec aucun degré de certitude, mais la chose est bien possible.

Le voisinage du Saguenay indique, ce me semble, qu'il ne se rendit point jusqu'à la Baie d'Hudson, mais qu'il visita simplement la Baie James. S'il eût poussé se*

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courses jusqu'à la rivière Nelson, il u'ent pu manquer d'avoir connaissance du grand lac Winnipeg.

De retour au lac Supérieur, il apprit par les sauva- ges, qu'il existait dans une direction nord du lac Su- périeur, un lac plus grand (^ue tous les autres, Radison déclare qu'il n'avait jamais entendu parler de ce lac, au})aravant.

Ce lac en question, ne serait-il j)as, par hasard, le lac Winnipeg, qui se trouve dans une direction nord, Nord-Ouest du lac Suj)érieur ?

Si oui, alors, on ne peut raisonnablement prétendre que Radissoa visita la rivière Nelson ; autrement, il n'eut pu ignorer l'existence de ce grand lac. Les sau- vages lui en auraient parlé.

Il rapporte une épisode assez amusante de son sé- jour à la Baie du Nord (Baie James). Un jour son beau-frère Desgroseillers, montrait à un sauvage, une image représentant " la fuite en Egypte". La Ste. Vierge et l'enfant Jésus d'après le dessin, se trouvaient assis sur un âne et St. Joseph suivait tristement à côté. Le sauvage, après avoir examiné un instant, cette ima- ge, se mit à pleurer et à se lamenter d'une manière pitoyable, au grand étonnement de Desgroseillers qui ne pouvait s'expliquer la cause d'une conduite aussi étrange. Pendant une demie-heure, ce sauvage fut en proie à un véritable désespoir. Desgroseillers réussit enfin à le calmer et se fit expliquer ce que cela voulait dire. Le sauvage lui déclara, qu'il croyait qu'il était sorcier et qu'il connaissait tous les événements passés.

Les gens de la nation du " Bœuf " lui avaient en- levé, il y avait environ 4 ans, .sa femme et son enfant et il n'avait pu les retrouver depuis. Or, cette image, d'après sa modeste interprétation, représentait ce qui lui était arrivé.

La Ste. Vierge et l'enfant Jésus ne figuraient ni plus ni moins, que sa femme et son enfant. Les gens du "Bœuf" étaient symbolisés par l'âne, tandis que St. Joseph était tout bonnement son humble personne. Est-ce assez crâne ?

Nos découvreurs partirent de bonne heure au prin- temps (1664.) Les sauvages qui les accompagnaient, étaient au nombre de 700.

Ayant rencontré quelques canots ïroqnois. le»

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Christineaux effrayés, rebroussèrent chemin. Parve- nus à la rivière Eturgeon, ils passèrent 14 jours à faire des provisions. Ils firent sécher près d'un million d'eturgeons. Le reste du voyage se fit sans incident remarquable.

Ils arrivèrent à Montréal dans l'été 1664.

EXPEDITIONS MARITIMES. A LA Baie d'Hudson.

Malgré le succès de leur expédition, Radisson et Des- groseillers furent très mal acceuillis par le gouverneur. Il ne pouvait leur pardonner, d'avoir désobéi à ses ordres et de lui avoir refusé une part des profits. Pour s'en venger, il les rançonna du mieux qu'il pût. Il leur fit payer, entr'autres choses, $2000 pour la construction d'un fort à Trois-Rivières. Cette somme constituait près du tiers, du revenu net de leur voyage.

Cependant, ils ne se découragèrent pas pour cela. Ils formèrent le projet, de se rendre à la Baie d'Hud- son, par mer. Ils s'adressèrent à i)lusieurs marchands de Québec, dans le but d'organiser une société. Com- me les négociations n'avançaient pas à leur gré, Dea- groseillers passa en France, pour demander la restitu- tion des argents, que le gouverneur leur avait enlevés.

Il' fut bien reçu à la cour, mais on se contenta de le payer en belles paroles.

Il se hâta de revenir en Canada.

A peine de retour, il partit de Québec, avec Radis- 8(m (1664) sur un petit navire.

Ils n'avaient avec eux que sept matelots. Nous igno- rons si ce navire fut équipé à leurs frais ou par les marchands de Québec. Ils avaient avec eux, des mar- chandises, car ils firent la traite, pendant quelques jours, à St. Pierre du Cap Breton.

Pendant son court séjour en France, Desgroseillers avait rencontré un bourgeois de LaRochelle, qui avait

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promis de lui envoyer un navire, à l'ile Percée et de le mettre ainsi en état, de faire le voyage à la Baie d'Hud- 8on.

Le navire n'arriva pas. Desgroseillers proposa alors de se rendre dans la Nouvelle-Angleterre. A cette nouvelle, l'équipage, se révolta et menaça de les tuer tous deux, comme traitres à leur pays.

Ils se dirigèrent vers Pcjrt Royal ils rencontrèrent des armateurs de la Nouvelle Angleterre.

Ils finirent bientôt par s'entendre avec eux. Une convention fut rédigée et signée de part et d'autre.

Dans l'automne (1664) nos deux découvreurs, par- taient de Boston, sur un bateau équipé par les arma- teurs en (question. Ils ne pénétrèrent dans la Baie d'Hudson, que jusqu'au 61° nord. Ritdisson aurait désiré s'avancer plus loin dans la Baie, mais la saison était trop avancée pour le faire.

Ils n'étaient pas préparés d'ailleurs, à hiverner dans ces parages désolés. Ils échangèrent quelques paroles avec des indigènes qu'ils rencontrèrent sur la côte, et se hâtèrent de retourner à Boston, avant d'être arrêtés par les glaces

Radisson donne très peu de détails sur ce voyage. Il est bien certain que son séjour dans la Baie, fut très- court. Ce ne fut, pour ainsi dire qu'un premier essai.

Les fréteurs, lui avaient promis deux vaisseaux pour le printemps suivant, (1665). Ils tinrent parole. Comme il était trop à bcmne heure, à cause des glaces, pour entreprendre ce voyage, ils l'envoyèrent, en attendant, faire la pêche à l'ile de Sable, sur l'un de ces bateaux.

Une horrible tempête, le jeta sur la côte et le brisa complètement. L'équipage ne se sauva qu'avec la plus grande peine. Un procès s'en suivit, qui finit par être réglé, à l'amiable. ""*"

Pendant que Radisson se trouvait à Boston, pour surveiller sa cause, il fut introduit au Colonel George Cartwright.

Cet ofiicier, faisait partie de la commission Royale, chargée de régler des questions importantes, alSfectant la colonie.

Il s'intéressa à Radisson et lui congeilla d e passer en

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Angleterre avec lui, lui promettant de l'aider dans se» projets, au{)rès du Roi.

Radisson et Desgroseillers s'embar(|uèrent en eflFet avec le Colonel, le 1er Août 1665. Pendant la traver- sée, ils furent attaqués par un vaisseau Hollandais, le '*Coper''. Après deux heures de combat, ils furent obligés de se rendre, et furent transportés sur les côtes d'Espagne, d'où ils se rendirent en Angleterre.

Pendant ce voyage, à la demande de Cartwright, Radisson prépara un mémoire de ses différents voya- ges, pour être soumis au Souverain Anidais.

Ce mémoire se ressent à certains endroits, de la pré- cipitation avec laquelle, il a été préparé. On y rencon- tre des anachronismes, et des inexactitudes évidentes, tendis qu'à d'autres endroits, l'auteur passe d'un sujet à un autre, sans transition, ni plan arrêté.

Il est probable aussi que des feuillets ont été trans- posés et que d'autres manquent complètement.

Ils n'arrivèrent en Angleterre, que le 25 octobre 1665.

Ils étaient à peine installés, qu'ils reçurent la visite d'un Français, originaire de la Picardie, nommé Elie Touret, qui avait bien connu Desgroseillers.

Il paraitrait, que le capitaine du " Coper " avait fait rapport à Dewitt, le grand honmie d'état de la Hol- lande, de la rencontre qu'il avait faite, de nos deux découvreurs.

Dewitt, qui ne rêvait que l'agrandissement de sa patrie, résolut de les attacher à son service. Il leur dé- pêcha donc Touret, comme son émissaire secret. Tou- ret fit connaître à Radisson et Desgroseillers, le but de sa mission. Non contents de fermer l'oreille à ses propositions, ils le dénoncèrent. Touret fut arrêté et emprisonné pendant quelque temps.

Cartwright leur obtint une audience auprès du Roi. Ce dernier leur ])romit un bateau j)our le printemps suivant (1666) En attendant il leur fit servir à chacun une pension de 40 chelins par semaine. Ils passèrent trois mois à Oxford et se rendirent de là, à Londres et à Windsor.

La guerre avec la Hollande, fit avorter leur projet. Le navire promis, ne fut pas accordé. Le voyage fut donc ajourné à l'année suivante. Ils ne furent paa

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])lu8 heureux en 1667, car, le navire qui leur était des- tiné, reçut l'ordre de se rendre aux îles Barbades et a la Virginie.

Découragés par ces contre-temps, ils s adressèrent en 1667, à l'ambassadeur Anglais, auprès de la cour de France. L'ambassadeur les introduisit au Prince Ku- pert. .

Ce prince intéressa plusieurs puissants beigneurs d'Angleterre à cette entreprise. ..t > a

Ils s'associèrent et équipère;it deux navires. '^^\' gle" qui fut confié au Capt. Stannard et le " JS ul- Pareil" (Non-sucb) <iui fut placé sous le commande- ment du Capt. Zacharie Gillam.

Radisson s'embarqua sur le premier et DesgroseiUers sur le second.

Ils partirent de Gravesend, le 3 juin 1668.

Ils firent route ensemble, jusqu'à environ 400 lieues, des côtes d'Irlande. Il s'éleva alors, une grande tem- pête qui sépara les deux vaisseaux. " L'Aigle" fut en grand d«iger de périr. Chassé par le vent, et trop avarié pour continuer sa course, il retourna en Angle- terre, au grand regret de Radisson.

Le "Nul-Pareil" qui portait Desgroseillers, pût se aendre à la Baie d'Hudson. Il pénétra dans une ri- vière à laquelle Desgroseillers, donna le nom de "Prin- ce Rupert." Il bâtit le "fort Charles " et après avoir fait une traite merveilleuse avec les indigènes, il retourna en Angleterre dans l'été 1669.

Les profits considérables que le Prince Rupert et ses associés, retirèrent de ce voyage, donna naissance à la célèbre compagnie de la Baie d'Hudson. Nos deux découvreurs eurent donc l'honneur d'avoir donné l'idée de fonder un poste, dans ce coin reculé du mon- de. ^, .

Ils peuvent à bon droit, réclamer la gloire, d avoir été les fondateurs de cette puissante compagnie, qui pendant deux siècles, sauf quehjues années d'interrup- tion, régna en maitresse dans ces parages.

En consultant les mémoires échangés, entre le gou- vernement Français et le gouvernement Anglais, au sujet des droits de la Cie., on constate que le voyage du Capt. Gillam, ayant Desgroseillers comme guide, fist indiqué comme ayant eu lieu, en 1667. Or, Radis-

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son dit pf)sitivement, quil arriva en Angleterre en 1665, et que le voyage en question, n'eut lieu (jue troi» ans après.

Au SERVICE DE LA ClE. DE LA BaIE d'HuDSOÎ*.

En 1670, Radisson, se rendit au Port Nelson avec le premier gouverneur la Cie., M. Charles Baily. Il y retourna en 1671 avec trois navires. Pendant ce v<;yage, il laissa des marchandises ])our faire la traite, sur la rivière Nelson. Il établit aussi un poste sur la rivière Orignal (Mo«)se) et alla hiverner sur la rivière Rupert.

L'historien "Oldmixon" prétend avoir eu, en .sa possession, le journal tenu par Thomas Gorst, qui agis- sait dans cette expédition, comme secrétaire du gou- verneur Baily. Il cite, comme consignés dans ce journal, certains faits f<jrt intér«»ssants.

C'est ainsi que, d'après Oldmixon, les sauvages étaient très mal disposés vis-à-vis les Anglais et fré- quentaient peu la Baie.

Les Français lui faisaient une concurrence ruineuse. lis avaient fondé un établissement sur la rivière Ori- gnal, à une distance de pas plus de huit jours de mar- che, de celui des Anglais. Ils vendaient leurs mar- chandises à plus bas prix que les Anglais.

Baily sentant que les sauvages abandonnaient la Cie. tint un grand conseil de tous les officiers, le 3 Avril 1673. Le Capt. Desgroseillers et le Capt. Cole assis- taient a ce conseil. Desgroseillers fut d'avis qu'il fallait remt>nter la rivière Cjrignal, pour empêcher les Français d'intercepter le commerce de la Baie.

S(ni opinion prévalut. Baily l'envoya sur cette ri- vière, avec le Capt. Cole et Gorst. Ils en rapportèrent 250 peaux de castor et firent alliance avec le chef de la nation des Abbitibbis.

Le 30 Août, Baily vit arriver à son poste un Père Jésuite. Le seul renseignement que nous ayons, sur ce missionnaire, c'est qu'il était de ])arents Anglais. Il était porteur d'une lettre, de la part du gouverneur de Québec, en date du 8 octobre 1673. Dans cette

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lettre, le gouverneur demandHit à Baily, de traiter ce missionnaire, avec tous les égards voulus. Il remit aussi à Desgroseillers une lettre qui lui venait de son gendre.

Le zélé missionnaire, était parti de Québec, avec le gendre de Desgroseillers, et trois autres Françiùs, pour se rendre à la Baie. Les difficultés du voyage, et la crainte des tribus sauvages, avaient fini, par découra- ger ses compagnons, et ils étaient retournés sur leurs pas.

Baily, crut que ce religieux n'était pas étranger au mécontentement, qui régnait parmi les sauvages, à l'endroit des Anglais. Il le retint dans son fort et résolut de l'amener avec lui, en Angleterre.

Il crut, que Desgroseillers entretenait des rapports secrets avec ses compatriotes, au détriment de la Cie, et conçut de graves soupçons sur sa fidélité. Le 22 Septembre 1673, le Capt. Gillam, parut dans la Baie, amenant sur le " Prince Rupert," le successeur de Baily, M. William Lyddell.

Desgroseillers, aurait donc hiverné dans ces parages, durant l'année 1672 à 1673. Radisson était-il avec lui ? Il n'en est fait aucune mention.

C'est vers ce temps là, qu'il épousa Lady Kertk. fille de Sir John Kertk. Il est ])robable qu'à cette époque, il passait en Angleterre, sa lune de miel.

Il est certain que de 1668 à 1674 Radisson fit au moins, deux voyages à la Baie d'xludson. Il pourrait se faire, qu'il en fit davantage.

Malgré l'influence de s<m beau-père qui était membre du bureau de direction de la Cie, Radisson se vit négligé. D'un autre côté, la fidélité de Desgro- seillers était considérée, comme chancelante. Les principaux officiers de la Cie, jaloux de leur mérite, les traitèrent tous deux indignement.

Humiliés et déçus dans leurs espérances, ils se dis- posèrent à abandonner ces ingrats, (jui s'enrichissaient de leurs travaux.

C'est là, d'ailleurs, l'histoire de tous ceux qui déser- ^nt le drapeau de leur patrie.

On les cajole et les caresse, tant qu'on en a besoin, pour les rejeter ensuite avec mépris, cqmme des ins- truments inutiles.

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Au SERVICE DE LA FraN(:E.

A plusieurs rej)ri8es, le grand Colbert, avait invité Radisson et Desgroseillers à reprendre le service de la France. Au mois d'octobre 1674, ils se présentèrent devant lui. Colbert, après leur avoir reproché sévère- ment leur conduite, leur promit des lettres patentes de pardon et de restitution de leurs biens, s'ils voulaient se livrer à la traite au ])rofit de leur mère-patrie, France.

Il leur offrit également d'acquitter leurs dettes, de leur payer £'400 en sus et de leur donner un emploi lucratif. Ils acceptèrent.

Radisson dit que Colbert s'acquitta de toutes ses promesses, moins la dernière.

En effet, il attendit quelque temps, sans que ses services fussent requis. Il s'en plaignit à Colbert, qui lui avoua, que pour rétablir la confiance dans son allé- geance à la France, il fallait (j[u'il amène sa fennne en France.

Il se rendit en Angleterre, mais ne pût persuader sa femme à le suivre. Son beau-père s'y opposa formelle- ment.

Tout ce que Radisson et Desgroseillers purent obte- nir de la cour de France, fut une lettre de recommen- dation pour le Comte de Frcmtenac, gouverneur de la colonie.

Ils se rendirent donc à Québec. Frontenac ne vou- lut ou ne piit, rien faire pour eux.

Desgroseillers retourna à Trois -Rivières et Radisson en France. Ce dernier s'engagea dans la marine et ])rit part à l'expédition, commandée par le Comte d'Estrée, dirigée contre l'ile de Taboga. Le navire sur lequel, il se trouvait, sombra et il ne se sauva qu'avec la plus grande peine. A .son retour en France, il reçut comme récompense, une somme de £100.

Le Vice-Amiral, qui avait ])u admirer son courage et son habileté, promit de lui d(mner le commandement d'un vaisseau de guerre et écrivit à la cour, pour le recommander en conséquence.

Radisson vint encore se heurter cette fois-ci contre le même obstacle. Colbert se défiait de lui. Il croyait <^u'il subissait l'influence des Kertk. Pour l'y soub-

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traire, il lui déclara, qu'il ne pouvait rien espérer, tant que sa femme ne viendrait pas demeurer en France. C'était la condition siiie quâ no^i de tout îivancement.

Colbert avait raison et connaissait bien son homme. Radisson avoue lui même, en toutes lettres, à plusieurs endroits de ses mémoires, que depuis son mariage, les liens de famille étaient plus forts chez lui, que ceux de la patrie et que dans ses aflections, il donnait la pré- férence à ^l'Angleterre.

Radisson, })assa en Angleterre, pour constater encore une fois de plus, les dispositions de sa fennne. Son beau-père le mit tellement dans ses intérêts, que Ra- disson écrivit pour lui, en France, au sujet d'une ré- clamation qu'il prétendait avoir, pour la prise de Québec, en 3629.

Sir John Kertk, était le frère de Louis, Thomas et David Kertk et associé avec eux dans le commerce. Il réclamait pour la société '-Kertk" £34,000, comme indemnité de guerre.

Radisson fit des ofires de service à la Cie de la Baie d'Hudson, qui les refusa. Le 12 Août 1679, il se trou- vait à Brest.

Après bien des correspondances et des entrevues avec Colbert, ce dernier lui donna des lettres d'intro- duction auprès de l'Intendant de la colonie M. de La Chesnaie. L'Intendant l'informa qu'il n'y avait pour lui, qu'un seul moyen de gagner les bonnes grâces du grand ministre ; c'était de tenter sérieusement un dernier effort, pour amener sa femme en France et d'établir ensuite un poste dans la Baie d'Hudson, pour le compte de la colonie. Radisson promit de ne rien négliger pour réussir. A peine, était-il arrivé à Lon- dres qu'il se rendit auprès du Prince Rupert, pour le prier d'intercéder pour lui, auprès de Cie. Il eut l'humiliation, de se voir encore cette fois-là, éconduit dédaigneusement. Bien entendu, sa femme, ne tra- versa pas en France. Colbert ])arait avoir soupçonné le jeu double et déloyal de Radisson, car avant son départ pour Québec, il lui recommenda d'être sur ses gardes et de ne pas se laisser séduire par les promesses des Anglais.

Il arriva à Québec, le 25 Juillet 1681.

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Après avoir discuté avec l'Intendant, les conditions de l'expédition projetée, il fut convenu que l'Inten- dant équiperait deux navires pour le printemps suivant et que Desgroseillers et Radisson en prendraient le commandement. L'Intendant fournissait tout et ils avaient chacun un quart des profits. En ce moment là, se trouvait dans le pcjrt de Québec, un navire appar- tenant au gouverneur de l'Acadie. L'Intendant de- manda à Radisson, de partir immédiatement sur ce bateau et d'aller hiverner en Acadie. Au printemps suivant, il devait rencontrer Desgroseillers, à l'ile Per- cée, qui était le lieu du rendez-vous.

Radisson accepta. Il partit, accompagné de troi» hommes ; J. Bte. Desgroseillers, scm neveu qui avait souvent traité avec les sauvages ; Pierre Allemand, un excellent pilote et J. Bte. Godfroi, un traiteur d'expérience, qui avait ui.^. grande c(mnaissance des sauvages.

En juillet 1682, les deux bateaux promis le " Saint Pierre" et la "Charente" arrivèrent à l'ile Percée. Celui qui était destiné à Riidisson, était vieux et peu propre à ce service ; celui de Desgroseillers étiiit excel- lent. Tous deux, cependant étaient troi) petits pour un voyage aussi dangereux. Desgroseillers avait 15 hommes d'équipage.

ExpÉDiTiox EE 1682 ET 1683.

Ils quittèrent l'ile Percée, le 11 Juillet 1682. Ils ne tardèrent pas à rencontrer, d'énormes banquises de glace.

L'équi[)age eiSrayé se mutina. Les navires chassés, par le vent, furent ccmtraints de relâcher dans une- rade, des côtes du Labrador, Ils en ])r<)fitèrent, pour traiter 100 peaux de lou}>s, avec les Esquimaux.

Le 28 Août (1682,) les deux bateaux entrèrent dans la rivière Hayes, qu'ils remontèrent jusqu'à 15 milles de son embouchure. Ils s'arrêtèrent près d'nn cours d'eau, qui se jette dans la rivière Hayes et y établirent

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leurs quartiers d'hiver. Desgroseillers se mit aussitôt à construire une maison et un hangar, tandis que Ra- disson partit en canot, pour aller reconnaitre les sau- vages de l'intérieur. Il pénétra jusqu'à environ 150 milles dans le pays. Le 12 Septembre, il revenait suivi d'un grand nombre de sauvages.

Il était à peine de retour, qu'un soir, à son grand ét(mnement, il entendit la détonation d'un canon.

Il partit avec trois hommes, pour découvrir ce que ■cela signifiait. Le 16 septembre il a])erçut, un navire mouillé près d'une ile de la rivière Nelson.

L'équipage avait dressé une tente dans l'ile et était occupé à y construire un fort.

Radisson passa toute une journée, caché dans les branches, épiant ce qu'ils faisaient. Il s'approcha assez près d'eux, pour reconnaitre qu'ils parlaient Anglais. Il retourna vers ses trois compagnons. Ils se montrèrent sur la côte, en face de l'ile. Ils ne tardèrent pas à être remarqués par ces ncjuveaux venus, qui, après quelque hésitation, se dirigèrent vers eux, en canot.

Ils se tinrent à distance. Radisson leur dit qu'il ét^it venu dans cette direction, en entendant le bruit de leur can(m, espérant y rencontrer un navire Fran- <jais qui était attendu de jour en jour. Il les somma d'avoir à quitter cette rivière à l'instant, les menaçant de les chasser. Il leur déclara, qu'il réclamait le pri- vilège exclusif de la traite, comme premier occupant.

Il allait continuer ses menaces, lorsqu'il reconnut le Capt. Gillam, avec lequel il avait eu de fréquents rapports à Boston. Un certain historien veut même que Gillam 1 ait accompagné, lors de sa première expé- dition maritime à la Baie d'Hudson. Il changea aussi- tôt de langage et se rendit à bord du navire de Gillam, il fut reçu avec les témoignages de la plus grande amitié. Il fit promettre à Gillam de ne pas laisser ses hommes sortir de l'ile, de crainte de rencontrer des Français. Il l'assura qu'il verrait à ce qu'il ne fut pas molesté par les sauvages, sur lesquels il exerçait une grande influence.

li entrait dans le plan de Radisson, d'exagérer les forces qu'il possédait, sur la rivière Hayes. Dans ce dessein, il fit croire à Gillam, qu'il avait un fort bien défendu et garni de canons, que deux navires Fran-

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çais étaient nnivés réceninient et avaient établi un poste au nord du sien, qu'il était avec Desgroseillers- le commandant de tous les établissements Français de la Baie, etc.

Gillam ajouta foi à tout et se croyant à sa merci, ne chercha qu'à gagner ses bonnes grâces. Les véritable* intentions de Radisson, ne sont point douteuses.

Il nous apprend lui même, (ju'il se proposait de le faire partir ou de s'emparer de son navire.

Il voulait cependant mettre si)n idée à exécution,, sans verser de sang et il résolut d'attendre une occa- sion favorable. Il se croyait d'autant plus justifiable, d'en agir ainsi, que Gillam lui avait avoué, qu'il n'avait point de commission de la part du gouvernement An- glais, pour faire la traite dans la Baie.

Radisson promit à Gillam de venir le voir, au bout de 15 jours et ils se séparèrent dans les meilleurs ter- mes possibles.

Il était à peine descendu à 9 milles, sur la rivière Nelson, qu'il aperçut un navire, faisant voile vers lui. C'était le gouverneur Bridgar, de la Cie,, de la Baie d'Hudson, qui entrait dans la rivière Nelson. Le na- vire était commandé par un autre Capt. Gillam, père du premier. Radisson les attendit sur le rivage.

Ses trois hommes se cachèrent dans le bois, qui bor- dait la rivière, se montrant de temps à autres, à divei-s endroits, de manière à laisser croire, qu'ils étaient nombreux. Il tint au gouverneur, à peu près le même langage, qu'au jeune Gillam et n'oublia pas surtout de lui faire un récit fantaisiste du nombre d'ht)mme3,. de navires, de forts et de canons dont il prétendait dispo- ser.

Bridgar fut sa dupe et se montra très conciliant. Radisson, lui indiqua l'endroit, sur la rive nord de la rivière Nelson, Sir Thomas Button avait hiverné précédemment. Il permit à Bridgar, après s'être fait un peu prié, d'hiverner sur cette rivière.

Après ce voyage de surprise, il retourna auprès de son beau frère, aucpiel il raconta, ce qui venait de se ]>asser. Il fut décidé, de s'assurer de la fidélité de tous les sauvages et de les engager à n'avoir de commerce, qu'avec eux. Cette précauticm étjiit d'autant plus nécessidre, qu'ils se trouvaient entourés d'Anglais des

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deux côtés ; au nord ouest par deux établissement» nouveaux sur la rivière Nelson et de l'autre par les postes de la Cie. , au fond de la Baie James.

Radisson continua à les tromper de la plus belle façon. é

Un jour, c'était un matelot qu'il introduisait, comme commandant d'un fort, ou capitaine d'un navire ; un autre jour, il en présentait un autre, comme maitre canonier etc. Il ne leur vint pas à l'esprit, que Ra- disson s'amusait à leurs dépens.

Ce qu'il y avait de plus extraordinaire, c'est que Bridgar tout comme Gillam ignorait à cette époque présence d'autres Anglais, à une distance aussi rappro- chée. Quelque temps ai)rès, il visita le Capt. Gillam.

Il le trouva bien fortifié, ayant six canons prêts à faire fou. Le Capt. se confondit en excuses, de s'être autorisé à bâtir ce fort. Il prétendit qu'il n'en agissait ainsi, que i)our se protéger contre les employés de la Cie., de la Baie d'Hudson, au cas il leur arriverait de se rendre sur cette rivière,

Radisson, l'informa, que ce qu'il appréhendait, était arrivé, mais (jue par bonheur pour lui, le Capt. du bateau ét^it son père.

Il lui apprit également, que son père, était tombé malade dès son arrivée. Radisson avait connu le père du jeune Gillam, en Angleterre. Il était un de ceux, qui avaient contribué, à le faire renvoyer du service de la Cie.

Le Capt. Gillam insista, pour voir son père.

Il fut convenu qu'il le suivrait, déguisé en matelot Français. Il tenait en eflfet, à n'être pas reconnu, vu qu'il venait pour faire la traite sans la permission de la Cie, et devait être considéré par le gouverneur, comme un contrebandier. Ils partirent ensemble et arrivèrent sans accident. Après avoir salué le gouverneur Brid- gar, ils se rendirent dans une cabine du navire, dans laquelle le père Gillam était couché, assez souffrant. Grande fut sa surprise, de revoir son fils à cet endroit. Il pouvait à peine, en croire ses yeux. Ils versèrent tous deux des larmes de joie. Le père toutefois crai- gnait beaucoup que son fils ne fut découvert. Ils s'en- tendirent, pour empêcher leurs hommes, de se diriger

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vers la partie ae la rivière, qu'ils habitaient respective- ment et pour leur défendre de tirer du canon.

Pendant l'hiver, Radisson tint constamment les yeux ouverts sur ces deux établissements là. A toutes les semaines, il envoyait un ou deux de ses serviteurs, examiner ce qui s'y passait.

Bridgar ne pouvait demeurer longtemps, sans décou- vrir le fort de Gillam, à cause de la proximité de son établissement.

Un jour, le gouverneur ayant demandé à Radisson dans quelle direction se trouvait son principal poste, il lui répondit qu'il était à quelques milles plus haut sur la même rivière.

Le gouverneur quelques jours après, envoya deux hommes pour reconnaitre secrètement dans quel état, était ce fort et lui faire rapport.

Dans le même temps, Radisson qui soupçonnait bien ce qui allait arriver, avait offert deux de ses ser- viteurs au Capt. Gillam jr, pour enseigner à ses hom- mes à faire la chasse. Ce dernier s'était empressé d'accepter une si bonne offre.

De cette façon, Radisson se trouvait en mesure de surveiller Bridgar.

Les envoyés de Bridgar, aperçurent le fort du jeune Gillam, qu'ils prirent bien entendu, pour celui de Radisson et racontèrent au gouverneur, qu'il était défendu par plusieurs canims. La père Gillam, qui comprenait bien leur erreur, n'eût garde de les désa- buser. C'eut été ruiner son fils et l'exposer à être déporté en Angleterre.

Pendant (jue se jouait ce drame, Radisson prenait ses mesures pour ruiner, les deux établissements An- glais. De son côté, Bridgar, méditait un coup de main, pour assurer la suprématie de sa Cie. Il consta- tait avec regret qu'aucun sauvage ne venait à son éta- blissement. Il était évident que les Français s'accapa- raient de toute la traite.

Il ordonna à deux autres de ses employés, de se ren- dre sur la rivière Hayes, examiner les autres établisse- ments Français, dont lui avait parlé Radisson. Ces pauvres gens, peu habitués à entreprendre de tels vo- yages, furent découverts par les hommes de Radisson à 15 milles du poste Français. Il en était temps, car

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ils se mourraient de froid et de faim. Ils se trouvèrent fort heureux, d'être pris.

Ils racontèrent à Desgroseillers et à Radisson que le bateau de la Cie., avait été emporté par les glaces, que quatre hommes s'étaient noyés à bord, qu'il ne restait plus que 18 employés au gouverneur et que les provisions faisaient défaut.

Touché de pitié, Radisson, envoya à Bridgar 100 perdrix et de la poudre, pour l'aider à passer l'hiver. Pendant ce temps là, le jeune Gillam devenait de plus en plus arrogant.

Un jour, il manifejita le désir, de visiter les établis* sèment Français. Radisson l'amena avec lui. Il le garda pendant un mois et le traita comme son hôte. Oillam put constîiter que les Français faisaient une traite prodigieuse et il en devint jaloux. Il lui annon- <;a qu'au printemps, il ne continuerait pas, à se tenir ainsi enfermé dans son fort, mais qu'il irait lui aussi, visiter les sauvages.

Radisson l'attendait là. Une discussion assez ora- geuse s'en suivit, pendant laquelle Gillam finit par dire, qu'il allait retourner à son fort et que Radisson n'oserait pas rendu là, lui tenir un tel langage.

Sur ce, Radisson lui déclara que de ce moment, il devait se considérer comme son prisonnier.

Il apprit à Gillam le triste état de l'établissement de la Cie., et lui annonça, qu'il allait s'emparer de son fort.

Radisson partit avec huit hommes. Gillam et l'un des matelots de Bridgar ayant manifesté le désir de les suivre, pour être témoins de ce qui allait se passer, il le leur permit.

Arrivé à une demie-lieue de l'ile, il envoya deux de ses hommes en avant, tandis qu'avec les cinq autres, il s'approchait du fort, par un autre côté de l'ile. Le« deux hommes se rendirent, droit au fort, et informè- rent les matelots que leur Capitaine s'envenait avec Radisson, mais que tous deux étaient très fatigués, et que leur Capitaine les faisait mander de venir à sa rencontre, avec une bouteille de brandy, et quelques provisions.

Les matelots les crurent sur parole et se mirent ira-

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médiatement en route, ne laissant que quelques hom- mes au fort.

Radisson, qui n'épiait que ce moment là, entra par derrière eux, et s'empara du fort, sans coup férir, au nom du roi de France.

Il fit ra])j)eler les matelots et les désarma. De fait ces pauvres gens, n'étaient pas fâchés de passer sous un autre maitre, car ils avaient eu beaucoup à souffrir, de la part de Gillam.

Cependant, un soldat Ecossais, qui voulait faire du zèle, s'échappa du fort et alla avertir Bridgar.

Radisson, se trouvait fort embarassé, car les Anglai» au fort Gillam, étaient plus du double des siens et il ne pouvait guères compter sur la fidélité de ses nouveaux sujets.

Pendant la nuit, Bridgar en ])rofita, pour essayer de s'emparer du navire. La sentinelle donna l'alarme et Radisson arriva juste à temps, ponr le faire échouer dans son dessein. Il fit quatre prisonniers, parmi les- (juels se trouvait l'Ecossais, qui s'était sauvé la veille. Bridgar écrivit à Radiss(m, se plaignant d'avoir été trompé, et de ce qu'il lui avait caché, la présence d'un traiteur étranger, ajoutant que s'il en avait eu connais- sance, il l'aurait aidé à détruire ce fort.

Radisson alla le visiter, et lui dit qu'il était au cou- rant de tous ses complots perfides, contre les Français, que ces derniers avaient les premiers titres, à la traite du pays et qu'il était bien décidé à les faire respecter. Néanmoins, l'extrême nécessité dans laquelle se trouvait son établissement, l'attendrit encore cette fois là. Le gouverneur n'avait plus ni poudre ni provi- sions. Il ne lui restait que deux fusils en bon état.

Ses hommes étaient si maladroits, qu'ils passaient des journées entières à la chasse, sans tuer le moindre gibier. Radisson, poussa la générosité jusqu'à prêter jx)ur une partie de l'hiver, deux de ses hommes pour les ravitailler.

Pour les récompenser de ces bienfaits, quelques se- maines ai)rès, Bridgar se rendait secrètement au fort de Gillam et essayait de gagner les Anglais à sa cause )>our s'emparer du fort.

Les Français, qui se trouvaient là, s'aperçurent de ses desseins et le firent prisonnier.

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ïUdisson, qui venait souvent visiter ce fort, désor- mais sous SH dépendance, le trouva ivre et exaspéré de sa déconfiture. Pour en finir avec lui, il l'amena re- joindre Gillam, au poste Français.

Les serviteurs de Bridgar, comme ceux de (iillam, le supplièrent de les prendre sous sa protection. Tous se plaignaient des mauvais traitaments de leurs mai- tres.

De fait, ni Bridgar ni Gillam ne pouvait nourrir les hommes à leur service. Ils seraient morts de faim plus d'une fois, sans l'assistance de Radisson; tandis que les Français, qui étaient excellents chasseurs, vi- vaient dans l'abondance.

L'établissement deDesgroseillers et de Radisson sur la rivière Hayes, devint donc le rendez-vous des officiers et d'un bon nombre de matelots Anglais. Les sauva- ges, qui avaient de l'aversion pour ces derniers, se montrèrent fort mécontents de ce voisinage. Ils ne pouvaient comprendre, comment les Français ne i)rofi- taient pas de leur avantage, pour égorger tous les An- glais. Radisson dût les faire escorter, rjuand ils sor- taient, de crainte que les sauvages ne leur fissent un mauvais parti. C'est ainsi que les Anglais, quoique de beaucoup les plus nombreux, étaient nourris et proté- gés par les Français et se trouvaient entièrement en leur puissance.

Pendant cet hiver là, (1682-1683) trois hommes, du côté des Français, avaient dirigé toutes les opérations dans la Baie.

Le Capitaine Médard Chouart Desgroseillers, étant le plus âgé. était demeuré au poste, sur la rivière Hayes, à faire la traite ; Radisson avait tenu les An> glais en échec, les avait empêchés d'avoir des rapports avec les sauvages et avait fini par s'emparer de leurs établissements, tandis que J. Bte. Desgroseillers, fis du premier, avait fait les courses à l'intérieur, visitant partout les sauvages et les dirigeant au poste Français. Ces trois hommes, tous trois ])arents, se complétaient

Le 22 ou 23 Avril 1683, la glace sur la rivière Hayes commença à se briser. Les deux navires Français furent grandement avariés.

Craignant que le-même sort, ne fut réservé au vais-

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seau de Gillam, Radisson se reixiit, sur la rivière Nel- son et le mit en sûreté.

En passant au poste de Bridgar, il trouva quatre hommes, morts de faim. Deux autres s'étaient empoi- sonnés en buvant une certaine liquçur, qu'ils avaient trouvée dans la casette du chirurgien. Un autre enfin s'était cassé le bras, en allant à la chasse.

Radisson prit soin du reste des hommes et procura une chaloupe à Bridgar.

Quelque temps après, voyant qu'il n'avait pas assez d'hommes pour défendre le fort Gillam «t qu'il était pour lui, une source d'embarras, il le fit brûler, au grand contentement de Bridgar, qui voulut lui même avoir l'honneur, d'y mettre la première étincelle.

Des quatre bateaux dont Radisson pouvait disposer, il ne s'en trouvait que deux qui pussent être mis en état de prendre la mer ; celui sur lequel il était venu et celui de Gillam.

Il les fit réparer et appareilla pour le Canada. Il offrit à tous les Anglais de les amener avec lui. Il n'y eut ([ue deux matelots qui refusèrent cette offre. Quant à Bridgar, il fit mettre un pont sur sa chaloupe et déclara qu'il préférait se rendre au fort de la Cie, AU fond de la Baie James.

Radisson lui procura tout ce dont il avait besoin, pour faire ce voyage. Lorsque Bridgar fut prêt à par- tir, Radisson brûla son établissement, pour lui ôter l'envie, de revenir sur la rivière Nelson.

Il laissa J. Bte. Dosgroseillers, son neveu, au poste de la rivière Hayes, avec sept hommes, avec instruc- tion de continuer à faire la traite, pendant son absen- ce. Médard C. Desgroseillers et Radisson lui donnè- rent le commandement absolu de tout. Ayant embar- qué toutes les fourrures, Radisson prit le commande- ment du bateau de Gillam.

Bridgar, effrayé par les glaces, demanda à être re- ^u, à bord du bateau de Desgroseillers.

Ils levèrent l'ancre, le 27 juillet (1683.) Ils voyagè- rent au milieu d'énormes banquises de glace, jusqu'au 24 Août. Les deux Anglais qui avaient été sauvés, au milieu de l'hiver, au moment ils allaient mourir de faim, dénoncèrent à Desgroseillers, un complot que leurs compatriotes à bord, avaient formé.

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Ils devaient, à un signal donné au milieu de la nuit se jeter sur les Français et les égorger.

Desgroseillers, pour se j)rotéger, les fit ensuite en- fermer pendant la nuit. Arrivé au 56° degré, Bridgar demanda à se rendre avec sa chaloupe, au fond de la Baie James.

Comme Desgroseillers craignait, qu'il n'eut l'inten- tion d'aller surprendre s<in fils, sur la rivière Hayes, il refusa à sa demande, mais il permit à ses hommes de se rendre dans la Baie James, s'ils le désiraient. Ils y consentirent.

Ils se trouvaient alors à environ 120 lieues de l'éta- blissement de la Cie., dans la Baie James. Ils prirent des provisions pour huit jours et partirent.

Une tempête que Radisson et Desgroseillers eurent à essuyer, les retarda beaucoup. Ils n'arrivèrent à Qué- bec qu'à la fin d'octobre 1683. Immédiatement après leur arrivée, ils firent au gouverneur LaBarre, un rap- port de leur expédition. Le gouverneur, prit sur lui de restituer au Capt. Gillam, le navire (^ue Radisson lui avait pris.

Bridgar et Gillam partirent ensemble à bord de ce bateau, et se rendirent à la Nouvelle- Angleterre. De là, Bridgar, fît voile pour Liverpool, il fit un rap- port, dans lequel il accusait Radisson de toutes espèces de villénie,

Radisson, avant le départ de Bridgar, du port de Québec, était allé le saluer. A cet endroit de son ré- cit, il ajoute les paroles étranges qui suivent : "Nous " nous séparâmes Bridgar et moi, bons amis. Je l'as- " surai de l'intérêt, que je portais aux Andais et lui "déclarai que j'étais tout disposé à servir, le Souve- " rain Anglais et la Nation Anglaise, avec le même " dévoiîment et la njême afi'ection que ceux dont j'avais " fait preuve envers la France." Bridgar le récom- pensa de ces témoignages d'amitié, en le dénonçant comme un criminel.

On est presque tenté, en lisant ces lignes, d'oublier les services que Radisson venait de rendre à la France, pour ne voir en lui, qu'un homme vénal toujours prêt à changer de drapeau.

La conduite du gouverneur LaBarre, fut sévèrement blâmée par le Marquis de Seignelay. Il lui écrivit le

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10 Avril suivant (1684) qu'il ne pouvait comprendre, comment il avait pu prendre sur lui, sans consulter ni l'Intendant ni le Conseil Souverain, de rendre ce na- vire à Gillani, Il lui déclara en termes amers que cet acte était injustitiable. Le Capt. Gillam, disait il, de- vait être considéré comme un pirate, vu qu'il n'était porteur d'aucune commission du Souverain Anglais. En lui restituant, son navire, le gouverneur le recon- naissait de fait, comme, un vaisseau marchand, en règle avec sa nation. Les conséquences, disait le Marquis en terminant, seront que l'Angleterre se prévaudra de cet acte, pour prétendre avoir pris possession de la rivière Nelson avant Radisson et Desgroseillers,

Il y avait à peine dix jours, que ces derniers étaient k Québec, que le gouverneur, leur fit part, d'une lettre de Colbert, lui mandant, qu'à leur retour de la Baie d'Hudson, il désirait que l'un d'eux se rende immé- diatement à la cour, pour lui rapporter ce qu'ils avaient fait.

Ils s'embarquèrent tous deux pour la France, le 11 Novembre 1683. Ils arrivèrent à LaRochelle le 18 Décembre.

Le 15 Janvier 1684, ils se trouvaient à Paris. Ils apprirent là, ([Ue Lord Preston, Ambassadeur Anglais avait porté des plaintes au roi, au sujet de ce qui s'était passé sur la rivière Nelson. Radisson était accusé entr'autres choses, de s'être montré cruel envers les Anglais, et d'avoir brûlé leurs établissements. L'Ambassadeur demandait réj^aration et une punition exemplaire.

Le Marquis de Seignelay, s'occupa de cette affaire, à la place de son père, le célèbre Colbert, qui venait de mourir.

Il approuva tout ce que Radisson et Desgroseiliers avaient fait et les loua même, d'avoir agi ainsi.

Lord Preston, en effet aurait plutôt les remercier d'avoir sauvé la vie à ses compatriotes qui, sans eux, n'auraient pu manquer de mourir de faim.

55 Expédition de 1684.

Le voyage, que Radisson et Desgroseillers venaient de terminer, avait rapporté de gros profits à la France. Le ministre de la marine, ordonna de préparer deux autres navires pour leur permettre de partir pour la Baie, le printemps suivant. En reconnaissance de leurs services, il leur fit remise des droits de douane, qui «'élevaient à un quart des peaux de castor

Pendant ce temps là, Radisson cherchait à retour- ner à ses anciens maîtres. Il s'en ouvrit à un ami et à quelques uns des membres de la famille de Lord Pres- ton. Il leur fit comprendre bien clairement, qu'il ne dépendait que de lui, de livrer aux Anglais, le pos- te que conimandait son neveu, et qu'il était prêt à le faire, si la Cie. , voulait lui rendre justice.

Bien plus, il avoue qu'il fit des démarches, pour faire connaître au gouvernement Anglais, les disposi- tions dans lesquelles il se trouvait.

" Je n'épr(iuvai, dit-il, aucune répugnance à faire * ' les premiers pas, auprès de Lord Preston et à avoir •' une entrevue avec lui à ce sujet."

Bien entendu, l'Ambassadeur l'acceuillit les bras ou- verts et lui fit mille promesses engageantes. Il se mit à négotier les termes de son retour, avfec la Cie. de Ift Baie d'Hudson.

D'un autre côté, il continua en apparence, à se pré- parer à un second voyage, pour le compte de la France

Il prit grand soin, de cacher à la cour de France, ses relations avec l'Ambassadeur.

Le département de la marine, avait fixé le jour de son départ, au 24 Avril 1684.

Il le fit retîirder, sous le fallacieux prétexte, qu'il avait à régler quelques afiaires de famille.

Son but était de s'assurer des bonnes dispositions de la Cie. , à son égard, avant de rompre avec sa mère pa- trie.

Il poussa la fourberie, jusqu'à se rendre au dépar- tement de la marine et discuter les détails les plus im- portants de son futur voyage, le jour même de son dé- part définitif pour Londres.

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Le 10 mai 1684, il arrivait à Londres, et le même soir, il concluait les arrangements avec Sir Young et Hayes, délégués de la Cie. La Cie., s'engagea à in- demniser généreusement Radisson, Desgroseillers et tous les Français en hivernement dans la Baie et à les employer comme ses officiers.

Radisson fut ensuite présenté au Roi, par l'entre- mise du Prince Rupert, et lui jura allégeance, fidélité et dévoûment. La Cie., le reçut comme un enfant prodigue et se hâta de mettre trois navires à sa dispo- sition.

Les choses ne languirent pas, car dès le 17 mai, il partait à bord du " Happy Return," en route pour la Baie.

Desgroseillers fatigué de ses longs et pénibles voya- ges, demeura en Angleterre.

Les trois navires, rencontrèrent à l'entrée de la Ri- vière Nelson, une frégate ayant à bord le gouverneur dr la Cie. Ce dernier, après le départ de Desgroseillers et de Radisson, avait quitté la Baie James, pour venir hiverner sur la rivière Nelson. Lorsque Radisson arriva, il venait d'abandonner st)n poste, par crainte des Français et des sauvages.

Radisson prit le parti de se rendre en chaloupe sur la rivière Hayes, avec le Capt. Gazer, afin de prépa- rer son neveu, à bien acceuillir les Anglais.

Il fut surpris, de consulter que son ancien poste avait été abandonné.

Ayant rencontré plusieurs canots sauvages, il se fit reconnaitre et leur annonça que Français et Anglai» ne formaient plus qu'un, désormais. Il les présenta au Capt. Gazer, comme l'un de ses amis.

Il apprit d'eux, que son neveu s'était retiré dans une île située, audessus des rapides, de la rivière Hayes. Il leur fit quelques présents et leur demanda d'aller avertir son neveu, qu'il était arrivé et qu'il l'attendait à l'ancien poste.

Le lendeman, J. Bte. Desgroseillers arriva en effets tout étonné de voir son oncle en telle compagnie.

Radisson lui expliqua tout ce qui s'était passé, de- puis son départ. Le discours qu'il lui tint et qu'il rapporte tout au long, n'est qu'un réquisitoire contre l'ingratitude de la France à leur égard et un pompeux

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étalage des récompenses qui les attendaient de la part des Anglais.

Le jeune Desgroseillers, était un homme d'honneur, auquel il répugnait de passer ainsi à l'ennemi. Il se montra indigné et refusa de trahir ainsi sa patrie.

Pour le convaincre, Radisson fut obligé de lui rap- peler, qu'il n'était pas en état de lui résister. L'argu- ment du plus fort, étant toujours le meilleur, Desgro- seillers céda.

Il remit le commandement à son oncle. Il ne de- manda rien pour lui-même, mais insista pour que la Cie. lui donna suffisamment, pour prendre soin de sa mère. Les sept autres Français suivirent l'exemple de leur chef. Radisson eut toutes les difficultés possibles I>our réconcilier les sauvages avec les Anglais. Pour y parvenir, il leur dit que les Français étaient de pau- vres marins, qu'ils n'avaient pas assez de navires, pour venir souvent traiter avec eux, qu'en un mot, leur intérêt était de faire comme lui et de s'attacher à la Cie.

Desgroseillers remit 20,000 peaux de castor a Ra- di»S(m. Ce fut un profit net pour la Cie.

Voici maintenant ce qui s'était passé, dans la Baie, depuis le départ de Radisson, tel que rapporté par le jeune Desgroseillers. Quelques jours après le départ des deux bateaux, les Français entendirent des coups de can(m, du côté de la rivière Nelson.

Ils ne tardèrent pas à découvrir l'arrivée de navires Anglais. Ils résolurent de ne pas les inquiéter.

Sur ces entrefaites, un parti de (quatorze sauvages, arriva au fort Desgroseillers. Ils dirent aux Français qu'ils venaient de la rivière Severn, ]K)ur traiter avec eux. Ils se préparaient à entrer dans le fort, lorsque le chef se précipitant sur Desgroseillers, le frapj)a d'un coup de poignard.

Desgroseillers pût heureusement, parer le coup et se mettre en défense. Les autres eflfrayés et voyant les Français accourir au secours de leur commandant, dé- posèrent leurs armes.

Ils déclarèrent que les Anglais de la Baie James, avaient promis à leur chef, un baril de poudre et d'au- tres présents, s'il assassinait tous les Français. Les

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autres sauvages furent bientôt informés de cet atténuât.

L'un d'eux, sans en rien dire à)Desgroseillers, se mit à la poursuite du chef, le provoqua à se battre et le terrassa d'un coup de hache.

De là, il se rendit, avec une bande armée, sur la rivière Nelson, attaqua les Anglais et en tua plusieurs.

Desgroseillers, lorsqu'il fut informé de cette mal- heureuse affaire, chercha à pacifier les sauvages.

Redoutant des représailles de la part des Anglais, il se retira dans une ile, d'un accès difficile et garda avec lui, un groupe de sauvages amis, pour se défendre, en cas d'attaque. Les craintes de Desgroseillers étaient bien fondées, car les Anglais s'imaginant injustement qu'il avait été l'instigateur de ce mouvement, donnè- rent des présents à quelques sauvages pour le tuer.

Ils n'osèrent pas cependant attaquer les Français ouvertement.

L^n jour, l'un de ces sauvages, ayant rencontré un Français à la chasse, tira sur lui et se sauva. La balle alla se loger dans son épaule.

Les diverses nations sauvages, irritées de tant de perfidie de la part des Anglais, se liguèrent partout contre eux, pour les chasser du pays. Elles envoyèrent de toutes les parties de l'intérieur, des délégués offrant leurs services et se déclarant prêtes à courrir sur les Anglais partout ils les trouveraient jusqu'à ce que le dernier fut mort ou parti.

Desgroseillers, leur conseilla d'attendre le retour de son père et de son oncle, avant de ne rien entreprendre.

Malgré tout ce qui venait d'avoir lieu, il se rendit au fort Anglais, pour rétablir si possible, la bcmne en- tente. Cette démarche n'obtint aucun bcm résultat.

Le gouverneur se disposait même à le faire prison- nier, au cas il serait retourné le visiter une seconde fois. Au printemps 1684, Desgroseillers vit arriver à son poste, 400 Asénipoëtes (Assiniboines.) Le chef de cette nation, était déjà descendu à Québec avec Ra- disson et exhibait avec orgueil, une médaille que le gouverneur de la Nouvelle-France, lui avait donnée.

Ces sauvages attendirent longtemps, le retour de Radisson, pour aller avec lui, brûler l'établissemenfc Anglais.

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Ils s'impatientèrent à la fin, du retard de Radisson e^ n'écoutant que leur haine contre les Anglais, ils s'étaient déjà mis en marche, y)our aller sur la rivière Nelson, exécuter leur dessein, lorsque le gouverneur, informé du danger qui le menaçait, crut prudent de s'éloigner. Radisson était arrivé à ce moment là, pour rétablir la concorde.

Après (|ue tous les esprits furent pacifiés et que Ra- disson eut disposé les sauvages à voir les Anglais d'un meilleur œil, il fit mettre les fourrures à bord du na- vire et se disposa à retourner en Angleterre, rendre compte de ce qu'il avait fait.

Il avait été convenu avant son départ, qu'il laisserait dans la Baie son neveu et quelques uns des Français, |)our continuer à faire la traite. Radisson décida donc que son neveu et un autre Français qui servait d'inter- prète continuerait à y faire le commerce.

Le gouverneur ne voulut point consentir à cela. Il avait déterminé de ne pas y laisser un seul Français.

Il traita Radisson connne un simple valet. Il poussa l'impudence jusqu'à ordonner à ses officiers de mettre tous les Français à bord, de force ou de gré.

Radisson dût se soumettre.

Ils s'embarquèrent tous, avec le gouverneur liB 4 Septembre 1684 et arrivèrent eu Angleterre le 23 octobre.

Dès son arrivée à Londres, Radisson eut l'honnenr d'avoir une audience privée avec le Roi, qui lui témoi- 1,'na en termes flatteurs, sa haute appréciation des ser- vices qu'il venait de rendre à la Couronne. Quelques jours après, le comité de la Cie., se réunissait pour en- tendre son rapport. Il s'attendait naturellement à un chaleureux acceuil et surtijut à une généreuse récom- pense. Grande fut sa surprise. On le bouda, au sujet des attentions (jue le Souverain' paraissait lui porter. ÎJn bon nombre le jalousaient et voulaient qu'il se con- tente de l'honneur d'avoir tiré les marons du feu, pour eux.

Radisson se retira encore nne fois, désenchanté.

Les mémoires préj)arés par Radisson, s'arrêtent ici.

60 DernièR£.s années de sa vie.

D'après le témoignage du Capt. Berger, qui se ren- dit dans ces parages, l'année suivante, il paraitrait que Radisson et son neveu se trouvaient cette année la (1685) sur la rivière Ste. Thérèse, et qu'ils y passèrent l'hiver de 1685 à 1686.

La fameuse expédition du Chevalier de Troyes, fut organisée principalement pour s'emparer de la perst)n- ne de Radisson. Le fort Ste. Thérèse tomba entre les mains des Français et il est probable que Radisson devint leur prisonnier. Qu'advint-il de lui, après ? Il disparait du domaine de l'histoire.

Charlevoix dit qu'il mourut en Angleterre.

La Cie., de la Baie d'Hudson lui accorda une pen- sion viagère de douze cents louis, qui lui permit d*; vivre tranquillement de ses rentes.

Il eut neuf enfants.

Les deux aines, Pierre et Claude devinrent prêtres Marguerite l'une de ses filles, épousa Noël Legardeur, et Françoise se maria à Claude Volant, de St. Claude.

Ces deux dernières ont laissé des descendants.

Etienne, le septième de ses enfants, se maria à Sorel en 1693. L'année suivante, il obtint l'octroi d'une pa- tente pour plusieurs iles, sur le lac St. Pierre, qui lui furent c(»ncédées.

Il est probable que tous les enfants de Radisson, passèrent en Canada et adoptèrent l'origine de leur père.

TABT.E DES MATIERES.

Introduction 3

Prologue 5

Ses premières années 6

Au pays des Iroquois . . . 7

Au Fort Onondagué 17

Dans l'Ouest, vers le Mississipi 22

A la Baie James 26

A la Baie d'Hudson 36

Au service de la Cie. de la Baie d'Hudson 40

Au service de la France 42

Expédition de 1682 & 1683 44

Expédition de 1684 55

•ernières années de sa vie 60

EyBÉGiSTRÉ, Conformément, à l'acte du Parlement du Canada, en l'année 1892, par L. A. Prud'homme, au bureau du Ministre de l'Agriculture. Ottawa.

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