NOFICE SUR LE MUSÉE = CONCHYLIOLOGIQUE | 210 le Baron BENJAMIN DELESSÉRT, He WILLIAM H. DA se SECTIONAL LiBRA M. CHENU, DIVISION OF MOL ) Rise , r Docteur en médecine, Conservateur de ce Musée. & J 1 pet, ? Ps ” ‘ + + PARIS | RUE MONTMARTRE, N° 176. | \ r HER ]. | 1849. ) MUSÉE CONCHYLIOLOGIQUE. MU % AUOT ENDAON VAN v'0n NOTICE SUR LE MUSÉE CONCHYLIOLOGIQUE M. le Baron BENJAMIN DELESSERT, PAR M. CHENU, 19 Docteur en médecine, Conservateur de PARIS TYPOGRAPHIE BÉNARD ET COMPAGNIE, RUE DAMIETIE y 2. 1849 HOT Lu SLERUNIEE Lana dy CARTE [i 0: . 14 2j t ] fes 1 Tr AN : PEN LE | L'ON DER # { nant $ | Fi di 1] : Ni … A * | É x l At | ; LL OA à CI ! ‘ LEE 4 ” ; à #1 i er PO A NA débronEr d vou | ROAMQN EE CTAAOME ATH NAT EN! LAN | as E SATA RE à CAS MUSÉE CONCHYLIOLOGIQUE. HO Toutes les productions de la nature sont admirables, toutes méritent la même attention, le même intérêt; et l'on ne pourrait en négliger une seule sans nuire à la connaissance de l’ensemble. Mais chacun, suivant son goût, s'occupe de telle ou telle branche de l’histoire naturelle, et forme une col- lection plus ou moins complète des objets qui lui plaisent. On manquerait cependant le but qu’on se propose, si l’on se contentait de rassembler une foule de productions remarquables par la beauté de leurs couleurs ou la va- riété de leurs formes. Pour qu’une collection soit utile, il faut qu’elle instruise, il faut que l’ordre dans lequel sont classés les objets qui la composent permette de saisir les rapports et les caractères des espèces et des genres ; il faut enfin que l’on connaisse les habitudes ou l'instinct des animaux que l’on a sous les yeux et qu'on sache de quelle partie du monde viennent tant de richesses. Deux branches de l’histoire naturelle ont particuliè- 2 2 rement occupé les loisirs de M. Benjamin Delessert, que des goûts prononcés attiraient vers l'étude des sciences, la botanique et la conchyliologie ; et, dans le musée qu'il a formé, ces deux branches sont représentées d’une ma- nière si complète qu'on a peine à comprendre comment un seul homme, si activement occupé d'ailleurs et d’al- faires du plus hant intérêt, a pu suffire aux soins que nécessitent la réunion et la conservation de choses pré- cieuses dont la valeur ne peut être appréciée que par les savants. Les collections de M. Benjamin Delessert pré- sentent en outre l’immense avantage de ne pas séparer les espèces qu'on veut étudier des livres qui sont néces- saires aux recherches. Ainsi, chaque galerie comprend une collection riche et choisie, classée méthodiquement, nommée avec soin, et une bibliothèque composée des ouvrages les plus remarquables et souvent les plus rares. Cet avantage ne peut se rencontrer dans les élablisse- ments publics où les bibliothèques sont toujours indé- pendantes des collections. Nous ne parlerons ici que de la galerie de coquilles({) et nous croyons devoir dire un mot de son origine. M. Benjamin Delessert a commencé, il y a environ qua- rante ans, à réunir quelques coquilles curieuses. L'étude des espèces fossiles l’intéressa d’abord, et il s’y livra avec ardeur ainsi que son frère M. Etienne Delessert. Is par- coururent ensemble les environs de Paris, ne négligeant (1) M. Lasègue, conservateur de la galerie de botanique, est sur le point de publier une histoire complète des collections qu’elle renferme et il y fait entrer l'exposé géographique des voyages entrepris dans l’in- lérêt de la science. pie. aucune des espèces qu'ils trouvaient, el successivement ils visitèrent la Suisse et l'Angleterre. Chaque voyage enrichissait la petite collection d’un assez grand nombre de coquilles, et son développement rapide est la preuve du zèle des collecteurs. Plus tard M. Benjamin Delessert, obligé de s occuper des affaires de sa maison de commerce, ne perdit pas de vue, pour cela, l'étude à laquelle il continua de con- sacrer quelques moments ; mais ne pouvant plus voyager lui-même, ‘pour augmenter sa collection, il se procura les plus beaux échantillons qu'il put rencontrer ; et, en 1833, il donna une grande importance à son cabinet, jusque-là ignoré, en achetant la collection de coquilles faite par Dufresne, et composée de 8,200 individus bien nommés et classés. Plus la collection s’enrichissait, plus aussi M. Deles- sert se trouvait entrainé à l’augmenter; et c’est depuis cette époque surtout qu'il reçut un grand nombre de coquilles vivantes de toutes les parties du monde, mais sur- tout du cap de Bonne-Espérance, du Sénégal, de l'Inde, du Brésil et de la mer Pacifique. De nombreux voyageurs ont beaucoup contribué au développement d’un musée qui intéressait déjà la science ; mais c’est seulement en 1840 que la collection de M. Delessert s’éleva au premier rang qu'aucune autre ne lui dispute. On connaissait dans le monde savant plusieurs cabinets du plus haut intérêt, celui de Linnée d’abord, et celui de Chemnitz ; malheureusement ils ont été partagés, dissé- minés et perdus pour la science; celui de Draparnaud était vendu hors de France; il ne restait d’intact que pas celui de Lamarek : c’était aussi le plus important, parce qu'il avait servi à ce célèbre naturaliste pour la publica- tion de son ouvrage, qui est encore de nos jours généra lement apprécié par les conchyliologistes. Ce riche cabinet faisait depuis long-temps partie du magnifique muséum du prince Masséna, qui voulut s’en défaire pour s'occuper exclusivement d’ornithologie. Cette collection précieuse, classée par Lamarck et étique- lée de sa main, allait sans doute aussi être divisée et passer peut-être à l’étranger. M. Delessert en fit l’acqui- sition pour la conserver à la science, et il éleva de cette manière le plus beau monument à la gloire de Lamarek ; elle se composait au moment où ce savant la vendit, de 13,288 espèces, dont 1,243 n'étaient pas encore décrites, et l’on y comptait au moins 50,000 coquilles. Le prince Masséna, collecteur enthousiaste, l’enrichit encore d’un très-grand nombre d'espèces rares ou nouvelles, en y ajou- tant les collections de madame Bandeville et de M. Sollier de la Touche, et Ja plupart des belles coquilles de la col- lection Castellin. Ce n'était point assez pour M. Delessert d’avoir réuni tant d'éléments de travail, précieuses reliques de la science ; plusieurs des espèces de ces collections, après avoir passé par d'illustres mains, payaient leur noble et vieille origine par la perte d’une partie de leurs couleurs, facheux tribut payé aux années, sans cependant rien perdre de leur mérite scientifique. IF fallait autant que possible mettre à côté de ces anciennes coquilles, parfois un peu fanées, quelques échantillons frais et riches de leurs couleurs : c’est ce qu’a fait M. Delessert en ajoutant ENT: PS à son musée la collection de M. Teissier, colonel du gé- uie, directeur des fortifications des colonies. Ce collecteur n’admettait dans ses cartons que les co- quilles fraîches et intactes, la moindre égratignure était un motif d'exclusion : aussi cette collection brillante et de création moderne, pour laquelle M. Teissier avait dé- pensé plus de cent mille francs, vient-elle se placer heu- reusement à côté des anciennes, et cette réunion établit avec avantage pour l'étude toutes les différences d'âge, de erosseur et de coloration. Ces richesses conchyliologiques sont réunies dans une belle galerie de 50 mètres de lon- oueur, et sont contenues dans 440 tiroirs, dont la surface est d’un peu moins d’un mètre carré. Les espèces trop grosses pour entrer dans ces tiroirs et celles destinées aux échanges sont arrangées avec soin dans 18 armoires vi- trées et exposées à la vue des nombreux curieux qui visi- tent la collection. Les coquilles sont en partie collées sur des cartons dont la couleur indique la patrie de chaque espèce, et en partie libres dans des boîtes pour pouvoir se prêter plus facile ment à l’étude. Les couleurs bleu, jaune, rouge, vert et violet indiquent à la première vue les espèces d'Europe, d'Asie, d'Afrique, d'Amérique et de l'Océanie. Toutes les espèces fossiles sont aussi collées sur des cartons brun- clair. Cette collection classique est consultée jouruelle- ment par toutes les personnes qui s'occupent de conchy- liologie. Le conservateur communique à ceux qui veulent se livrer à l'étude, non-seulement les espèces, mais encore les livres qui leur sont nécessaires, et là chacun travaille avec toutes les facilités qu'il aurait de la peine à réeupir PT partout ailleurs. La bibliothèque conchyliologique s'en- richit chaque jour des ouvrages nouveaux sur la science, français et étrangers ; el jamais M. Delessert ne manque l’occasion de se procurer les livres anciens devenus rares aujourd’hui et qui ne se trouvent plus dans le commerce de Ja librairie. Notre intention élant d’en donner plus tard un catalogue raisonné, nous ne cilerons ici que les plus importants : ce sont ceux de Regenfuss, de Martini et Chemnitz, de Fé- russac, de Stba, de Sowerby, de Poli et delle Chiaje, de Martyn, etc. Enfin, non conteal de communiquer ainsi ses collec- lions el ses livres aux conchyliologistes qui habitent Paris et aux étrangers qui veulent venir nommer ou étudier des espèces, M. Ben]. Delessert a eu la pensée de publier un gros volume in-folio, orné de 40 planches, gravées et coloriées avec le plus grand soin, afin de faire connaître à fous ceux qui ne peuvent proliter de l'accueil qu'il fait aux hommes studieux, les espèces qui, décrites par La- marck dans son Histoire naturelle des animaux sans ver- tèbres, n'avaient pas encore été figurées par les auteurs. Nous ne pouvons manquer cette occasion d'offrir à M. Benjamin Delessert un témoignage de notre vive re- connaissance pour les encouragements de toute espèce qu'il veut bien nous accorder, et qui nous permettent de publier, sous le titre d’Illustrations conchyliologiques, un spéciès général de toutes les coquilles connues vivantes et fossiles. Dans cet ouvrage nous donnons la description et la figure coloriée de chaque espèce, etnous espérons que nos efforts, secondés par les peintres et les graveurs les plus EDR TS distingués de Paris, répondront à tant de bienveillance. 11 ya loin de cette générosité là à la jalousie de certains collecteurs qui attachaient autrefois tant d'importance à être seuls possesseurs des coquilles rares. Aussi l’on en a vu d’assez passionnés, où pour mieux dire assez égoistes, pour acheter à des prix souvent élevés des coquilles qu'ils avaient déjà et qu'eux seuls avaient pu se procurer jus- que-là, et les briser afin de conserver leur privilège de possession exclusive. D’autres cachaient leurs collections à tous les yeux, les conservaient sans profit pour la science et aussi inutilement que l’avare qui enfouit son trésor. Heureuseineut ce genre de jalousie ne se rencontre plus si souvent aujourd’hui, l'amour vrai de la science fait qu'on en comprend mieux les intérêts. L'étude de l’histoire naturelle devrait être considérée comme le complément de toute bonne éducation, pour les jeunes gens comme pour les demoiselles qu’une posi- tion sociale élevée condamne trop souvent à Fennui dans certains moments qu'ils ne savent pas occuper. Ce qui ne veut pas dire que chacun doit être naturaliste, mais bien seulement qu’on ne doit pas ignorer certaines no- tions générales sur la constitution du globe, les révolu- Hions qui se sont succédé à sa surface, etles principes sur lesquels repose la division des animaux, des végétaux et des minéraux. C’est par l'étude, et particulièrement par celle de certaines parties de l’histoire naturelle, comme la botanique, la conchyliologie et l’entomologie, dont les éléments se trouvent partout et à chaque pas, que, loin . sn ADD 2e des bruyantes folies du monde, on trouve encore du charme à la solitude. L'étude de la nature, la contempla- tion des choses qui nous environnent, en nous habituant à ne pas tout rapporter à nous-mêmes, peut corriger nos mauvais penchants et nous rendre meilleurs. Alors nos idées s'étendent et se perfectionnent, notre âme s’élève vers l’auteur de toutes choses; et voilà comme le cœur, l'esprit et la raison trouvent à gagner ‘dans ces douces occupalions, qui, outre les avantages qu’on en retire, ont encore le mérite de procurer les Jouissances les plus pures et les distractions les plus agréab'es. L'étude de l’histoire naturelle, dit l’auteur des Leçons de Flore, à l’avantage immense de se prêter à tous les âges et à tous les goûts. En effet, elle est d’abord restreinte au plaisir que goûte l'enfant à poursuivre un insecte ou un papillon qui vollige sans cesse, et au bonheur de s’en rendre maître ; de cueillir quelques fleurs, ou d'appeler l’escargot au dehors de sa coquille. Bientôt ce même enfant ne se contente plus de ces jeux; 1l conserve pré- cieusement les objets qui flattent sa vue; il ne les éludie pas encore, mais il cherche à surprendre des secrets qui sont loin de lui être dévoilés. Dans sa jeunesse, sa curio- sité se trouve excilée par la lecture des livres qu’il a entre les mains, et qui tous lui parlent des œuvres de la créa- on : c’est alors qu'il commence à comparer les êtres qui jusque-là n'avaient eu pour lui d’autre intérêt que celui de charmer ses moments de récréation. Enfin, quand il est homme, il n’a point oublié les jeux de son enfance; le spectacle de la nature, qu'il n’a considéré qu’isolé- ment dans quelques-unes de ses productions, s'offre à Lee lui avec un caractère de grandeur qui élève l'âme, lui donne une vie nouvelle, et répand sur tous les objets qui l'environnent un intérêt qu'il n’y avait jamais soupconné. Cet intérêt est même, dans quelques imaginations plus ardentes, porté à un tel point d’exaltation, que l'étude de la nature, convertie en une noble passion, devient l’unique objet qui les occupe, tant il est vrai que le beau réel de la création l'emporte sur le beau idéal des inventions humaines. C’est alors que la science lui ouvre les portes de son sancluaire, quelle lui apprend à généraliser ses idées, à considérer, dans l’ensemble des êtres, leurs rap- ports entre eux, leur harmonie avec les autres êtres de la créalion, et qu'elle lui fait connaître ces ressorts secrets qui leur donnent ie mouvement et la vie. Ainsi, ce qui n'est qu'un jeu dans l’enfance, une distraction agréable dans l’âge qui lui succède, devient une source de souvenirs délicieux pour le reste de la vie. Ajoutons que, nous obligeant sans cesse à comparer les objets entre eux, à les considérer sous tous leurs rapports, à les rap- procher, à les grouper, cette étude nous donne un esprit d'observation et d’ordre qui se reporte sur tous les autres actes de notre existence; elle perfectionne notre juge- ment, développe nos facutés intellectuelles en multipliant nos idées. Est-il, en effet, de moyen plus puissant, pour agrandir notre être, que l'acquisition de nouvelles con- naissances ? Est-il des jouissances plus réelles, plus indé- pendantes des circonstances et des temps? Placés au mi- lieu des œuvres de la création, pouvons-nous fermer les yeux sur tant de merveilles, ou nous borner à une simple admiration quand tout nous invite à les étudier? Il est vec Éd vrai de dire qu'on est quelquefois découragé dès le début à la lecture de certains livres, dits élémentaires, qui mas- quent les agréments d’une science par lexposition trop sévère des principes et par les changements interminables d’une nomenclature livrée à l'arbitraire et au mauvais goût des réformateurs. En débarrassant la science de ce cortége pédantesque, en la présentant avec ces notions simples et claires qui doivent la guider et non la sur- charger, on la rendrait plus accessible et plus agréable à tous ceux qui veulent s’en occuper, et la science y gagne- rait autant qu’à la plus brillante découverte. Soit qu'on se contente de rassembler les espèces du pays qu'on habite ou qu'on se procure celle des pays étrangers, on ne tarderàa pas à être embarrassé de ses ri- chesses si, à l’aide d’une méthode quelconque, on ne parvient à les classer avec ordre. En effet, si une collec- ton, quelque peu nombreuse qu’elle soit, des matériaux d'une science qu'on veut étudier, est réellement indispen- sable, si le plaisir qu’on éprouve, par exemple, à la vue de quelques coquilles aux brillantes couleurs ou aux formes élégantes suffit pour exciter l’admiration, c’est une jouissance dont il ne résulte, avons-nous déjà fait re- marquer, aucune instruction si lon n’y joint quelques nolions sur ce qui les concerne. Nous dirons donc quelques mots des coquilles et des animaux qui les construisent et les habitent; et comme nous ne voulons faire ni de la science ni de l’érudition, nous n'emploierons, pour cette exposition superficielle, que les mots dont la simplicité vient si bien en aide à Ja mémoire. 1 en est un cependant que nous ne pouvons chi des éviter, et nous allons de suite en donner l'explication. L'étude des coquilles, la science qui a pour objet la connaissance, la description et l’arrangement de ces êtres, a reçu le nom de Conchyliologie. Ce mot, un peu difficile à prononcer d’abord, est formé de deux mots grecs, dont Vun signifie coquille et l’autre discours, c’est-à-dire dis- cours sur les coquilles ; et par extension ce mot s'applique aussi aux animaux dont elles sont l'ouvrage et qui les habitent, et qu’on désigne sous le nom de Mollusques ou animaux moux. Les formes si singulières d’un grand nombre de coquilles, l’éclat de leurs couleurs, de leurs taches aux ondulations parfois si brillantes, et leur con- servation si facile, sufliraient indépendamment du char- me qui satlache à leur étude scientifique, pour justi- lier le plaisir qu'éprouvent certaines personnes à réunir et à conserver des productions si variées. Leur beauté ne pouvait échapper à l'observation des hommes ; et dans les premiers âges de la science comme de nos jours, de grands philosophes ne dédaignèrent pas de s'occuper des coquilles. Ce serait le cas de citer Aristote, Pline et quel- ques autres; mais tant de gravité nous effraie, et nous nous abstenons. Une coquille, en général, n’est autre chose qu’une en- veloppe dure, calcaire, plus où moins épaisse, qui pro tège un animal en le recouvrant entièrement ou en partie, et dans laquelle il trouve un abri contre les accidents qui peuvent provenir de causes extérieures ; et, soit dit en passant, cette coquille remplace le squelette, cette char- pente osseuse qui soulient le corps des animaux d’une organisalion supérieure. = AGE La coquille est intimement unie à l'animal; elle croît avec lui el par lui. Aussi pensons-nous que quelques gé- néralités sur cette classe d'animaux assez singuliers ne seront pas sans intérêt. On désigne donc, sous le nom sénéral de Mollusques, un groupe particulier et très-nom- breux d’êtres aux formes les plus variées et les plus bi- zarres, Ce groupe trouve sa place dans la seconde des deux grandes divisions par lesquelles on est convenu de partager le règne animal, et qui présentent deux types principaux, Savoir : 1° Les animaux vertébrés qui ont un squelette inté- rieur, une charpente osseuse ; 2° Les animaux invertébrés qui n’ont point de squelette intérieur, mais dont l’organisation extérieure suffit pour soutenir et protéger les organes nécessaires à la vie. Cette seconde division renferme une série immense de créalures que les différences d'organisation et de facultés ont fait subdiviser en plusieurs classes distinctes, dans l’une desquelles se trouvent les Mollusques. Les Mollusques sont des animaux dont le corps est mou et d’une substance comme gélatineuse. Aucune articula- tion ne s’y fait remarquer, et l’on entend par articulation la réunion de deux pièces qui peuvent se plier sans se détacher, comme les jointures des membres. Le plus grand nombre des animaux de cette classe est recouvert d'une coquille, mais tous ne sont pas pourvus de cette enveloppe extérieure. Chez quelques-uns la co- quille est intérieure, e’est-à-dire qu’elle est contenue dans l’épaisseur de la peau, n’est pas apparente, et pré- sente un plus ou moins grand développement ; chez quel- eV: ques autres elle est nulle. Ces différences assez remar- quables ont fait désigner sous le nom de Mollusques nus ceux chez lesquels la coquille n’est pas apparente ou manque entièrement, pour les distinguer des Mollusques à coquille. On remarque de grandes diversités dans le mode de reproduction des Mollusques : les uns sont vivipares ; les autres sont ovipares et pondent des œufs semblables à ceux des oiseaux : les coquilles terrestres sont de ce nombre. Il y en a dont les œufs ressemblent assez au frai de grenouille ; quelques autres enfin font des œufs enve- loppés d’un sac membraneux et réunis en chapelets ou en masse, Âu moment de l’éclosion, le Mollusque sort de l’œuf avec sa coquille déjà formée, mais très-mince, et comme à l’état de pellicule transparente; ce n’est qu’en grandissant qu'elle devient calcaire. Ainsi les Hélices ou Escargots de nos jardins pondent au printemps un grand nombre d'œufs, gros comme des petits pois ; ils les déposent dans les endroits ombragés et humides, au pied des arbres, entre des racines, sous des pierres. Ces œufs éclosent peu de temps après, et les petits sortent tout formés. Les Jardins ne suffiraient pas à leur nourriture s'ils ne trouvaient de nombreux ennemis dans les oiseaux de passage, qui en sont très-friands. On voit, d'après ce que nous venons de dire, que les Mollusques ne sont pas également favorisés sous Le rap- port des organes qui nous semblent les plus importants. Leurs formes, leurs allures s’éloignent de celles des animaux qui nous environnent. Nous ne retrouvons pas ces contours élégants, ce mouvement, cette vivacité qui N] L Vopies caractérisent lant d’autres animaux; mais ces différentes combinaisons par lesquelles les formes de tous les êtres se trouvent modifiées à infini, rentrent dans le plan gé- néral de la création; elles sont d’ailleurs merveilleuse- ment appropriées aux mille circonstances de besoins et de conditions qui varient le mode d'existence imposé aux nombreux groupes d'animaux répandus sur la terre, el uous devons nous incliner devant cette prévoyance sn- périeure qui à réglé et harmonisé ainsi les lois les plus disparates de la nature. Pour Jeter un peu d'intérêt sur les Mollusques, on doit dire qu'avec ces formes si étranges un certain nombre de ces animanx se fait remarquer par les ornements les plus somptueux. Dans quelques espèces, en effet, la peau pré- sente les couleurs les plus vives et les plus agréables. Si l’on ajoute à celte recherche les nuances admirables qui font de la coquille un des corps les plus richement ornés, on ne prendra plus eu pitié ces animaux inconnus à tant de monde, ces pauvres Mollusques dont on connail géné- ralement peu les mœurs, les instincts et les habitudes. Les coquilles ont de tout temps été divisées en trois grandes classes bien distinctes : elles sont bivalves, uni- valves, multivalves ; ces divisions se comprennent si fa- cilement qu'il ne sera pas nécessaire d’insister beaucoup sur leur signification. Nous dirons seulement que le mot valve est en quelque sorte synonyme du mot coquille, et qu'on y ajoule les angmentatifs en usage dans le langage ordinaire lorsqu'elles se composent de deux on de plu- sieurs pièces distinctes. Les Bivalves, comme les Huiîtres, les Moules, sont composées de deux pièces le plus sou- — 19 — vent symétriques, el réunies par une espèce de charnière plus ou moins compliquée et maintenue par un ligament solide. Cette charnière, analogue à celle d’une boîte, dif- fère dans chaque genre; elle se distingue par l'absence ou la présence de dents ou pièces saillantes qui s’engrè- nent dans celles de la valve opposée ou dans des trous correspondants. La forme, le nombre, la distance respec- tive et la direction de ces dents sont autant de caractères qui, ajoutés à ceux qu'on tire de lanimal et de la forme générale de la coquille, servent à établir la distinction des genres et même des espèces. Les coquilles univalves, par opposition aux précédentes, sont formées d’une seule pièce, comme on le voit chez l’Escargot ; et les caractères qui servent à l'établissement des genres et des espèces de cette classe se tirent princi- palement de la forme et des accessoires de l'ouverture par laquelle l’animal sort de sa coquille ou rentre dans son intérieur. Un assez grand nombre de coquilles univalves ont ce qu’on appelle un opercule calcaire ou membraneux ; c'est une pièce attachée à l'animal, mobile à sa volonté et qui s'adapte parfaitement à l'ouverture. Quand le Mol- lusque veut sortir, l’opercule s’abaisse pour lui livrer passage, et se relève pour fermer la coquille lorsqu'il sera rentré. Quelques espèces d’univalves présentent l'ouverture de la coquille à gauche, au lieu de l'avoir à droite comme le plus grand nombre ; cette disposition est accidentelle pour certains Escargots, tandis qu’elle paraît être naturelle pour deux ou trois Bulimes et une Agathire. Les coquilles multivalves sont composées de plusieurs — 90 — pièces symétriques ou irrégulières réunies par des liga- ments, comme dans l’Anatife et l’Oscabrion, ou soudées, comme dans quelques Balanes ou Glands de mer. Les Anatifes doivent leur nom au préjugé qui, dans les temps d’ignorance, les faisait considérer comme donnant nais- sance aux Canards. Toutes ces coquilles présentent un grand nombre de caractères différentiels qu'il serait inutile d'indiquer ici, car on ne comprend la nécessité de préciser mathémali- quement ces formes que lorsqu'on arrive à l’étude de chaque espèce en particulier. Si la forme des coquilles varie à l'infini, on peut en dire autant de leurs couleurs, souvent si vives et si belles ; elles sont nuancées de rouge, de blanc, de jaune, de bleu ; les unes sont marbrées, les autres tachetées régu- lièrement sur un fond plus ou moins brillant; d’autres enfin sont richement nacrées à l’intérieur. Nous ne pouvons rien dire de la cause qui produit ces couleurs ; chaque espèce, dans toutes lesclasses d'animaux, présente une nuance qui lui est propre et qu’on retrouve assez constammentsur les espèces aualogues, sauf quelques anomalies ou quelque influence locale, Il en est donc de la cause des couleurs des coquilles comme de celle des fleurs; on signale les différences, mais on ne peut en ex- pliquer la raison d’une manière bien satisfaisante. {l y à des secrets que nous ne pouvons pénétrer; ce sont autant de limites placées par le Créateur entre lui et la plus in- telligente de ses créatures, comme pour lui rappeler sans cesse son infériorité et confondre son orgueil. L'influence d’une température élevée, celle d’une vive De: NS lumière ou d’un soleil brûlant, qui peuvent expliquer certains phénomènes propres aux pays chauds, ne suffisent pluslorsqu'il est question d'animaux qui vivent dans la mer et à de grandes profondeurs où la température est basse, où les rayons solaires ne pénètrent peut-être plus et où la lumière est bien modifiée par le milieu qu’elle traverse. Cependant ce n’est que dans ces mers profondes que vivent et se développent ces belles coquilles qui étalent à nos yeux cette nacre éblouissante qu’on ne retrouve sur aucune espèce terrestre, tandis qu’on commence à la rencontrer sur quelques espèces fluviatiles. Il faut donc croire que la lumière exerce une inflence particulière lorsqu'elle tra- verse l’eau, et que le degré de cette influence est en raison directe de la profondeur et de la densité du liquide. Nous ajouterons que la lumière parait jouer un rôle beaucoup plus important que la température pour la for- malion des couleurs; car chez tous les animaux les teintes les plus vives se remarquent uniquement sur la partie du corps qui se trouve constamment exposée à la lumière directe, tandis que la partie tournée vers la terre et ne recevant qu'une lumière réfléchie est généralement plus pâle. Cette observation s'étend aux coquilles ; aimst, pour ne parler que des espèces qui restent constamment fixées aux rochers ou aux corps solides sur lesquels elles sont nées, on remarque que la valve supérieure est vivement colorée, tandis que l’inférieure est blanche ou plus ou moins pâle, comme on le voit pour les Huitres et les Peignes. Cet elfet ne peut donc être attribué à la tempé- rature, qui est la même pour l’une et l’autre valve, mais seulement à l’action des rayons lumineux. Les noms spécifiques qu’on impose aux coquilles sont le plus souvent tirés de leurs formes, de leurs couleurs, du pays qu'elles habitent, de l'usage qu’on en peut faire, afin que ce nom soit en quelque sorte caratéristique de ? \ ] espèce. Mais comme beaucoup de coquilles, quoique d'espèces différentes, présentent les mêmes formes et les mêmes couleurs, on leur donne comme témoignage de recon- naissance le nom du voyageur qui le premier les a rap- portées, ou celui d'hommes éminents dans la science. Ainsi nous citerons les noms suivants tirés : de la forme. La Figue. La Grenade. La Fraise. Le Bec-de-Flûte. La Bille-d'Ivoire. Le Cœur. Le Bénitier. La Lanterne. Le Labyrinthe. Le Télescope. La Tète-de-Bécasse. La Harpe. Le Cadran. La Navetie. La Grimace. La Corbeille. Le Marteau. Le Parasol-Chinois. Le Marron. La Peau-de-Serpent. La Tulipe. Le Manche-de-couteau. Le Sabre. Le Fuseau. Le Maillot. La Vis. de la couleur. Le Damier. La Pie. L'Iris. Le Ruban. Le Drap-d'Or. Le Soleil-Levant. Le Soleil-Couchant. L’Abricot. Le Damier. L'Opale. Le Café-au-Lait. La Bouche-d’Or. La Bouche-d’Argent. La Bouche-de-Sang. La Musique. L’aile-de-Papillon. Le Tigre. L’Arlequine. Le Bois-Veiné. La Carte-Géographique. de noms d'hommes, De Durvi le. De Cook. De Lamarck. De Chemnitz. De Lister. De Linnée. De Humbold. De D2lessert. De Blainville. De Richard. De Brongniart. De Geoffroy. De Quoy. De Gaimard. De Gray. De Sowerby. De Léa. D’Adanson. De Draparnaud. De Deshayes. De Bruguières. De Muller. Le même séjour ne convient pas à tous les Mollusques. Ceux de ces animaux qu’on ne trouve pas dans les eaux salées des mers ou dans les eaux douces, soit dormantes, soit slagnantes, vivent sur la terre ou ils recherchent de préférence les lieux frais et humides. Ces différents modes d'habitation ont fait distribuer les Mollusques en trois sections, selon la nature du milieu dans lequel ils existent : 1° Marins; 2° fluviatules ; 3° terrestres. On sait que trus les animaux sont doués d’une orga- nisation propre qui rend chacun d’eux apte à vivre et à se maintenir dans la condition où il se trouve irrévoca- blement placé : de là ces modifications de structure qui nécessitent les différences des milieux où se meuvent fant d'êtres organisés. Je pense qu'il ne sera pas sans intérêt de parler de quelques genres remarquables et même de quelques es- pèces de la collection de M. Delessert, en ayant soin d’ap- peler l'attention sur les particularités les plus curieuses, quelquefois même en racontant les faits qui S'y ratta- chent, ou en parlant de l'instinct et des mœurs de quel- ques-uns des animaux qui ne sont représentés dans cette collection que par leur coquille. Ainsi nous dirons quelques mots de l'organisation de la peau de certains Mollusques; et si nous parlons d’abord des Poulpes, c’est que leur histoire a donné lieu à un grand nombre de récits étranges et fabuleux. La peau de la plupart des espèces de Poulpes est par- semée d’un grand nombre de petites taches de diverses couleurs, chacune ayant sa teinte propre, et où dominent principalement le jaune, le rose et Pindigo. Ges taches ne paraissent pas quand lanimal est dans son état de repos et de tranquillité habituels; mais s’il croit avoir quelque danger à redouter ou s’il est placé sous l'influence d’une excitation extérieure, ces taches se mettent aussitôt en mouvement, et paraissent et disparaissent avec la plus grande rapidité. On ne saurait dire quel parti Fanimal espère tirer de la contraction et de lexpansion de ses taches. Peut-être pense-{-1l que leurs mouvements répétés doivent en im- poser et faire peur à l'ennemi qui le tourmente ou dont il prévoit que l'atteinte lui sera funeste. Cette explication fera peut-être sourire, mais pourquoi lPirritation et Ja co- lère portées à un certain degré chez ees animaux, ne met- traient-elles pas en mouvement quelque liquide intérieur qui augmenterait ou changerait momentanément leur cou- leur? L'homme lui-même n’est-1l pas soumis à ces alter natives, selon que les mouvements d’une passion vive viennent l’agiter? Quoi qu'il en soit, s’il était possible que le jeu de ces taches fût un épouvantail pour quelques animaux, les Poulpes posséderaient encore un moyen de se dérober aux attaques de leursennemis. En effet, un de ces Mollusques, appelé Seiche, est-il poursuivi par un animal dont la pré- sence lui donne quelque inquiétude, le voilà qui disparaît aux regards de celui-là; sa trace se perd dans la teinte soudainement obscure de l’eau qui Fenvironne, et c’est lui qui produit à volonté ce nuage en laissant échapper de son corps une liqueur noire très-foncée, soigneuse- ment renfermée dans un sac, et qu'il tient en réserve pour en faire usage dans des cas urgents. [® 19 5 Cette liqueur est à peu près de même nature que l'encre de la Chine. On pense aussi que l'instinct porte ces ani- maux à troubler l’eau de cette façon afin de n’être pas aperçus de la proie qui les tente et qu'ils veulent saisir à lPimproviste. Quelques naturalistes, mettant en doute le courage des Poulpes, attribuent cette action au sentiment de la peur poussé à l'extrême, ce qui, par parenthèse, ferait peu d'honneur à ces animaux et ne s’accorderait guère avec la force et la voracité qui les distinguent. La tête des Poulpes est couronnée par quatre paires de longs appendices charnus, presque égaux, terminés en pointe et auxquels on a donné le nom de bras ou de pieds. M. Cuvier a décrit un Poulpe dont les bras avaient un pied et demi de longueur et dix-huit lignes de dia- mètre. Ces bras, disposés en cercle, sont liés l’un à l’autre à leur base par une membrane à peu près semblable à celle qu'on remarque aux pattes des Oiseaux nageurs, comme les Canards. Leur ensemble figure assez bien un cône renversé ou entonnoir, dans le fond duquel est placée la bouche, ori- fice circulaire, muni de deux mâchoires dures, cornées, et ayant la forme d’un bec de Perroquet. Les ventouses ou suçoirs qui garnissent ces bras servent à l'animal à se fixer à un corps quelconque. et c’est par leur moyen qu'il étreint assez vigoureusement sa proie pour qu’il soit impossible qu’elle lui échappe. Ces suçoirs, disposés symétriquement sur un double rang, font abso- lument, par le vide qu'ils opèrent, l'effet de véritables ventouses. Leur quantité peut s'élever à deux cents et plus; el comme un grand nombre agit toujours simultanément, M — on comprend la ténacité extraordinaire qui fait adhérer ces animaux aux corps qu'ils embrassent, ténacité telle- ment puissante, qu'on ne trouve d’auire moyen pour leur laire lâcher prise que de leur déchirer ou de leur couper les bras, et encore ces débris continuent-ils à tenir avec une grande force après celte opération. Les formes bizarres des Poulpes, leur taille qui surpasse celle des autres Mollusques, leurs mœurs singulières avaient depuis longtemps appelé l'attention des observa-- (teurs sur ces animaux. La difficulté d'observer les Poulpes ne permet cepen- dant pas de déterminer au juste la taille à laquelle ils peuvent parvenir. Le Poulpe commun peut arriver à peu près à une longueur de deux pieds. Où prétend qu'il en existe une espèce dans l'océan Pacifique qui a près de six pieds de long, et un auteur dans lequel nous voudrions avoir toute confiance, dit avoir rencontré au milieu de l’Océan un Poulpe ayant les bras courts et de la grosseur d’un tonneau. Ces mesures ne sembleront que médiocres si on les compare à celles que l’on trouve dans d’autres auteurs moins dignes de foi. En effet, ils citent une espèce dont les bras avaient trente pieds de long et’ étaient si gros qu’à peine un homme aurait pu les embrasser. Un fait de ce genre est encore rapporté par des voyageurs modernes qui, du ton le plus grave et avec un sérieux qui ne se dément pas, évaluent même à soixante pieds la lon- gueur des bras d’un Poulpe qu'ils disent avoir vu. Ce qui justifierail assez bien le nom de Poulpe-colossal donné à cet animal, D’autres n'ont pas craint de répéler ce fait PR et d'appuyer de l'autorité de leur nom les récits les plus fantastiques et les plus invraisemblables. En admettant cette énorme dimension, la force attri- buée à un tel animal ne doit pas laisser que d’être mer- veilleuse. Arrivé à une certaine taille, il pourrait, dit-on, se défendre contre le lion le plus vigoureux et le terrasser ; un éléphant même ne lui ferait pas peur. On ne devrait donc plus s'étonner de voir ce même Poulpe attaquer un vaisseau, s’y cramponner et le faire chavirer par son poids ou s'emparer des hommes que ses bras rencontrent sur le pont et qu’il entraîne avec la plus grande facilité pour s’en repaître au fond de la mer!!! Nous avons sous les yeux une gravure faite à plaisir, quoique faisant partie d’un ouvrage sérieux; elle repré- sente ce terrible animal embrassant toute la circonférence d'un vaisseau et l'étreignant de ses bras formidables, dont trois s’enroulent autour des mâts et en atteignent l’extré- mité. Quel bâtiment pourrait résister à un tel choc, à un tel ennemi? Aussi ce navire est-il près de couler bas, et si nous admettions la possibilité d’une telle rencontre, il nous semblerait tout simple que des marins, SUrpris à l'improviste par une attaque de cette nature, aient été saisis d’une terreur profonde, et qu'à la vue d’un pareil danger ils aïent fait un vœu de pèlerinage à saint Thomas, Si, par son intercession, il parvenait à les délivrer de ce péril. C’est ce qu’on raconte êlre arrivé à des marins de Saint-Malo qui, ayant puisé dans ce vœu un courage nou- veau, coupèrent, à l’aide de haches et de sabres, mais non sans peine, les bras du Poulpe immense dont le corps disparut dans les flots. a+ Due Quelque fabuleuses que soient ces dimensions données à un Poulpe, elles n’approchent pas de celles plus men- songeres encore d’une espèce célèbre, connue générale- ment sous le nom de Kraken. Un auteur grave, qui vivait dans le siècle dernier et qui parle du Kraken, le regarde comme le plus grand et le plus surprenant de tous les animaux de la création. A l'en croire, son dos ou sa partie supérieure n’aurail pas moins d’une demi-lieue de circonférence, et, pour don- ner plus de poids à son assertion, il ajoute que quelques- uns disent plus, mais que, pour plus grande certitude, il préfère Le moins. Au sujet des apparitions et disparitions soudaines d'îles qu'on a signalées dans les mers du nord et que les marins de ces contrées attribuent au diable, le même auteur explique ces phénomènes par la présence du Kraken dans ces mers. Il est au moins singulier qu'avec une pareille idée, qu'il soutient fort gravement, notre auteur puisse regar- der comme notoirement fabuleux et traiter de roman ridicule, ce que dit un auteur plus ancien, d’une Baleine qui était si grande que son dos pouvait être considéré comme une île, avec d'autant plus de raison qu’une cer- laine quantité de sable le recouvrait quelquefois. On aurait pu y aborder, enfoncer des pieux, allumer du feu pour la cuisson des aliments, dernière opération qui, du reste, paraissait n'être pas loujours du goût de l’animal qui, pour se débarrasser de cetle sensation importune, ne trouvait d'autre moyen que de s’enfoncer doucement T0 Es dans la mer et de disparaître aux regards des matelots ébahis qui se croyaient sur une île ! ! L’Argonaute, à plus juste titre, mérite quelques obser- vations ; cette coquille, une des merveilles de la nature suivant Pline, est mince, fragile, et représente assez exactement la forme d'un navire, ce qui fait supposer que c’est d'elle que l’homme a pris les premiers princi- pes sur la navigation ; mais si la coquille est remarquable, l'animal qui l’habite l’est bien davantage par l'instinct qu'on lui prête. Voici ce qu'en dit un naturaliste : Cet animal est herbivore ; après s’être repu au fond de la mer des plantes qui font sa nourriture ordinaire, veut-il s'élever à la surface de l'onde, il tourne sa coquille, y forme un vide par la manière dont il s’y place, et s'élève, ainsi qu'un aérostat, par sa propre légèreté spécifique. Si le temps est beau et la mer calme, il déploie alors deux légère membranes qui lui servent de voiles, il les présente au vent qui les tend par le plus léger souffle, et ce sont deux de ses pattes qui les soutiennent, quatre autres lui servent de rames lorsque le vent, trop calme, ne l’aide pas assez, et deux autres, croisées en arrière, lui liennent lieu de gouvernail. Ce charmant coquillage, ainsi qu'une élégante frégate, vogue légèrement sur la surface de la mer, remplissant en même temps les fonc- üons de matelot, de rameur et de pilote. La nature ne lui a donné ni arme offensive pour punir un agresseur, ni arme défensive pour combattre un ennemi ; aussi est- il d’un naturel craintif, car il n’a d'autre moyen, pour échapper à la voracité des habitants des mers, que l’em- ploi constant de son adresse, aidée d’une active surveil- — 30 — lance, Craint-1l la tempête, aperçoit-1l un ennemi ; dans l'instant ses voiles sont pliées, il retire ses rames, rentre son gouvernail, se resserre dans la partie la plus profonde de la coquille, la submerge, et acquérant par celte ma- nœuvre plus de poids que le volume d’eau qu'il déplace, il coule bas el retourne au fond de la mer jusqu’au mo- ment où le calme le rappellera à la surface. Si tous nos physiciens et nos navigateurs avaient été appelés à faire l'éducation de ce coquillage, que lui auraïent-ils ensei- gné de mieux ? Tous les naturalistes ne sont cependant pas d’accord sur les habitudes et l'instinct de lArgonaute ; les uns prétendent que l’animal que nous venons de décrire n’est pas né dans la coquille. Ils veulent que ce soit un para- site qui s’y est logé après en avoir chassé ou mangé le vé- rilable maître ; cette opinion est facilement combattue, et heureusement, pour lintérêt qu'on porte à lhabile constructeur, il est reconnu qu’elle est fausse. Les autres veulent que Pinstinet du Poulpe de PArgonaute soit très- borné, et que les organes qu'on prend pour des rames soient tout simplement destinés à maintenir le Poulpe dans sa coquille. Quoi qu'il en soit, cette charmante es- pèce n'en mérite pas moins l’admiration de tous les cu- rIEUX. Nous ne pouvons dire qu'un mot des genres que nous signalons à la curiosité des visiteurs de la galerie ; ainsi nons nous bornerons à dire que les coquilles connues sous le nom de Cônes avaient d’abord été rassemblées par M. Hwass au nombre de 146 espèces, qui ont été décrites par Bruguières el figurées dans l'Encyclopédie méthodique. 2 font A Ce genre compte aujourd’hui, dans la collection de M. Delessert, plus de 250 espèces et plus de 2,000 indi- vidus, parmi lesquels on remarque le Cône Gloire de la mer, une suile de Cônes Cédonulli, le Cône d'Oma, le Cône Noble où Damier de la Chine, l'Amiral d'Orange et le Cône Delessert, espèce aussi rare qu’elle est remar- quable par sa forme et sa fraicheur. Le genre Heux est composé d'environ 400 espèces et de 3,000 individus. Il à été nouvellement enrichi des belles coquilles des îles Philippines si habilement explo- rées par M. Cnmine. Le genre Cyrrea (Porcelaine), formé des coquilles, si- non les plus intéressantes, du moins les plus belles, comprend environ 80 espèces et 2000 individus. Plu- sieurs sont remarquables : nous citerons la Porcelaine aurore, qui sert de signe de distinction aux chefs de la Nouvelle-Zélande ; ils la portent suspendue sur la poitrine, aussi la plupart des échantillons qu’on observe dans les musées sont-ils percés d’un trou. Nous ne parlerions pas de la Porcelaine monnaie de Guinée, si commune d’ailleurs dans les collections, s’il n’était curieux de savoir qu’elle sert encore de monnaie dans certaines parties de l’Inde et de l'Afrique. Dans le genre VoLure, composé de plus de 50 espèces et de 400 individus au moins, on remarque les échan- tillons les plus beaux et les plus frais; mais on s'arrête avec plaisir devant la Volute Queue de paon, dont la forme gra- cieuse ajoute au mérite d’une coquille riche en couleurs. Le genre le plus complet de la collection est sans con- tredit celui connu sous le nom de SpoNDyLE, aucun mu- sée n’en présente un aussi grand nombre d'espèces ni d'aussi riches variétés. L'espèce la plus remarquable de ce genre est nommée Spondyle royal; c'est le plus bel échantillon qu'on connaisse d’une coquille très-rare, car on en compte trois à peine dans les collections ou mu- sées royaux français et étrangers. L’acquisition de cette coquille a donné lieu à un acte peu commun de dévouement à la science, et qui prouve le fol enthousiasme des collecteurs. M. R°°", professeur de botanique d’une Faculté de Paris, et plus savant que riche, voulut, sur la proposition d’un marchand étran- ser, acheter ce Spondyle à un prix très-élevé, qu'on dit être de 3,000 à 6,000 fr. Le marché débattu et le prix convenu, 1l fallait payer. Les économies en réserve ne faisaient qu’une faible partie de la somme, et le mar- chand ne voulait pas abandonner sa coquille sans en re- cevoir la valeur. M. R°"", consultant alors plus son désir de posséder une coquille unique encore, que ses faibles ressources et l’étendue du sacrifice, fit secrètement un paquet de sa modeste argenterie et alla la vendre pour compléter la valeur de son acquisition, et, sans oser en parler à sa femme, il remplaça de suite son argenterie par des couverts d’étain, et alla chercher le malheureux Spondyle, qu’il nomma fastueusement Spondyle royal. Mais l'heure du diner arriva. On comprend aisément la stupéfaction de madame R°*”", qui ne put expliquer de suite une telle métamorphose et se livra à mille conjec- tures pénibles, M. R°°", de son côté, revenait heureux chez lui et sa coquille bien emballée dans une boîte pla- cée dans la poche de sa capote; mais, en approchant, 1l nn — ralentit le pas, devint soucieux, songeant pour la première fois à la réception qui allait lui être faite. Les reproches qu'il attendait étaient bien un peu compensés par la jouissance du trésor qu'il rapportait. Enfin il arrive, et madame R°"* fut plus sévère que le pauvre savant ne l’espérait ; aussi son courage l’abandonna. Tout pénétré du chagrin qu’il causait à sa femme, il oublia sa coquille, et se plaçant sans précaution sur une chaise, il eut la douleur d’être rappelé à son trésor en entendant le cra- quement de la boîte qui la protégeait. Heureusement, le mal ne fut pas grand : deux épines seulement de la co- quille furent cassées, et la peine qu'il en éprouva fit à son tour tant d'impression sur madame R°°”", qu'elle n'osa plus se plaindre, et ce fut encore M. R°"* qui eut besoin de ses consolations. Je dois parler d’une coquille terrestre connue sous le nom de Bulime, et qui n’a rien de remarquable par elle- même ; mais on l’examine avec intérêt, parce que l’on peut suivre son développement presque Jour par jour, depuis l’âge adulte et parfait jusqu’au moment où elle sort de l’œuf. Ces suites d’âges, fort curieuses pour les naturalistes, ne le sont pas moins pour les gens du monde. On voit aussi dans la collection deux petites coquilles noires qu'on nomme Monodonte bicolore ; elles ne se font remarquer n1 par la beauté de leurs couleurs n1 par leurs formes; mais elles ont servi de boucles d'oreilles à la reine d’Otaiti, qui les a données au capitaine Cook, et c’est là leur titre de noblesse. Dans le voisinage de ces coquilles, on trouve plusieurs 3 se espèces singulières : je veux parler de celles qu'on dé- signe vulgairement sous les noms de Fripière et de Ma- conne. Elles appartiennent à la mème espèce; mais la première se couvre complétement de débris d’autres co- quilles qu’elle attache à son test en se développant. Par cette ruse, elle échappe à ses ennemis, qui ne l'attaquent que pour la manger el qui, voyant des coquilles cassées et vides, passent sans se douler que ces débris cachent une proie. La seconde se couvre de pierres au lieu de coquilles, et elle les arrange symétriquement en cerele, en com- mençant par:de petits cailloux qui occupent le centre, sommet de la coquille, et en terminant par de plus gros- ses, jusqu’à la bouche. On en trouve encore qui, dans le même but, se cou- vrent de débris de Madrépores. Enfin, la plus singulière de ces espèces attache à son test une série de petites coquilles bivalves ouvertes, et les arrange par gradation et avec tant de soin, qu’il se- rait impossible de dire de combien l’une d'elles est plus grande que celle qui la précède, quoique la première soit à peine visible, tandis que la dernière présente une surface d’un centimètre. Il nous reste à signaler une petite coquille fort redou- table et qui produit de grands dégâts sur les vaisseaux, le Taret : c’est une espèce perforante qui se loge dans le bois des navires et perce même les pierres les plus du- res. C’est le Taret qu’on accuse de détruire les digues qui protégent la Hollande contre l’invasion des eaux. Ces renseignements sont bien incomplets, mais nous n'avons fait que nous promener rapidement dans la ga- lerie, el nous n'avons parlé que des espèces qui attirent généralement l'attention des curieux. Il s’en trouve ce- pendant un très-grand nombre encore qui mériteraient d’être citées, quoique peu remarquables par leur cou- leur ou leur forme. Nous ne parlerons que d’une de ces dernières, connue sous le nom de Gryphée; elle est fort intéressante et on ne peut plus rare. C’est la seule espèce vivante connue d’un genre très-riche en espèces fossiles. On peut dire en passant que les coquilles fossiles sont comme des médailles caractéristiques des terrains et comme les contemporains de leur formation : aussi le parti que la géologie à su en tirer leur a assuré une place importante dans l'étude de cette science. Pour donner une idée de la richesse de la collection, nous dirons qu’elle se compose de 300 genres environ, comprenant 25,000 espèces et au moins 150,000 co- quilles. De nombreux voyageurs ont contribué à son dé- veloppement; nous citerons particulièrement MM. Gau- dichaud, Perrottet, Leprieur, Goudot et Cuming. Quelques coquilles ont beaucoup perdu de la valeur qu'elles avaient autrefois, parce qu’elles étaient très-rares et très-recherchées. Ainsi, la Scalaire précieuse s’est ven- due jusqu’à 3,000 francs, tandis qu'aujourd'hui elle vaut à peine 40 francs; la Phasianelle-faisan a été achetée souvent 600 francs; le Cône cedo-nulli, 1,000 francs ; le Cône gloire-de-la-mer, 1,400 francs; la Porcelaine aurore et le Nautile ombiliqué, 1,009 francs, etc.; mais depuis que les voyages de cireumnavigation sont plus fréquents et que nos bâtiments visitent tous les points LR du globe, on à rapporté un grand nombre de coquilles, et leur prix a beaucoup diminué. Cependant il y en à encore de fort chères, et il faut toujours payer la nou- veauté. Nous terminerons en disant un mot de l’usage qu’on fait de certaines coquilles et des animaux qui les habi- tent. Ainsi, dans tous les temps, elles ont servi de nour- riture à l’homme, et elles sont encore une des grandes ressources des navigateurs. On servait beaucoup de coquillages sur les tables somp- tueuses des Romains, et Séneque nous apprend que le luxe qu’on déploya devint si grand, qu’on fut obligé de prohiber l’usage de ce mets, par une loi spéciale, moins pour arrêter la destruction complète des habitants des mers que pour meltre un terme aux folies que ce luxe enfantait. De nos jours, on sait avec quelle passion certains ama- teurs recherchent les Huîtres, et quels soins on prend pour les rendre plus abondantes, ou leur donner une couleur et un goût particuliers. C’est ainsi qu’on parque des Huîtres pêchées dans la mer, et qu’on les garde dans de grands étangs formés par les hautes marées, afin que la tranquillité de l’eau favorisant le développement des plantes marines que ces animaux mangent, ils prennent la couleur et le goût de ces plantes et deviennent par là beaucoup plus estimés des amateurs. Faut-il s'étonner si Apicius, ce célèbre gourmand dont parle Pline, avait in- venté une méthode pour les conserver, et s’il proposait de les soumeltre à un certain régime pour les engraisser ! Alors les plus grosses étaient les meilleures ; aujourd’hui CRE on choisit les plus pelites. Les premières ont-elles changé de goût par instinct de conservation, ou les amateurs sont-ils moins gourmands ? Les hommes ne sont pas les seuls amateurs d'Huîtres; on dit que les Crabes en sont très-friands, et je ne parlerais pas plus de ces animaux que des oiseaux qui s’en repaissent, si, pour les manger à leur aise ou sans craindre d’être pris comme le Rat de la fable, les Crabes n'avaient le soin de placer entre les valves de l’Huitre qu’ils convoitent, lorsqu'elle est entr — ouverte, une petite pierre qui empêche la coquille de se fermer, et leur assure une retraite facile, L’ostracisme, cette loi célèbre en usage à Athènes, doit son nom à la manière dont on l’appliquait. Le mot ostra- con, en grec, signifie coquille, et les citoyens donnaient leurs suffrages en écrivant sur une coquille enduite de cire le nom de celui qu’ils voulaient envoyer en exil. Les Romains faisaient des coquilles un plus noble usage : ils se servaient des grandes espèces connues sous le nom de Buccins, comme de trompettes, pour conduire leurs soldats au combat. Les Tyriens et les Carthaginois savaient extraire des Murex cette belle couleur qu’ils nommaient pourpre et avec laquelle ils teignaient Les étoffes de luxe. On dit que les Mexicains emploient encore le même procédé. Plusieurs peuples se servent de coquillages comme d'ornements : ils en font des colliers, des coiffures, des meubles, et ils en couvrent les brides de leurs chevaux. En Calabre et en Sicile on file la soie que produit le Jambonneau, espèce de coquille bivalve qui produit une houppe soyeuse dont on fait des étoffes très-belles et très- = if = fines. Enfin, dans plusieurs parties de l'Inde, on fait de la chaux avec les grosses coquilles, et en Angleterre on se sert de l’animal qui les habite comme d'engrais pour les terres. Les grosses coquilles connues sous le nom de Casques sont employées pour faire des camées ; la différence de couleur des couches superficielle et profonde de ce co- quillage permet de graver un sujet quelconque d’une teinte jaune ou rouge sur un fond blanc. La coquille appelée le Bénilier, employée comme orne- ment de cheminée, ct les grands individus de cette espèce, servent quelquefois de bénitiers dans les églises. Le Béni- tier qu’on voit à l’église de Saint-Sulpice pèse 500 livres. Nous ne dirons pas ici à quel usage on emploie toutes les coquilles, nous n’avons pas la prétention d’en faire une histoire complète ; mais nous ne pouvons nous dispenser de parler des Perles et de la coquille qui les produit. Les Perles sont une excroissance de la partie inté- rieure, solide et nacrée de la Mère-Perle; plusieurs espèces d'Huîtres et de moules de rivière en fournissent, mais les seules précieuses se trouvent dans l’Huître perlière, nom- mée Paintadine mère-perle. I y a, dit-on, des Perles de plusieurs couleurs ; les blanches sont préférées en Eu- rope, les jaunes et les noires que nous ne connaissons pas sont les plus estimées dans l’Inde. Les Perles, pour avoir de la valeur, doivent être rondes, polies et très-pesantes. Le savant Linnée, ayant remarqué que ces excroissances étaient dues à une blessure ou maladie de l'animal, à proposé de faire pêcher un grand nombre de coquilles nacrées à l’intérieur, de les percer sur un point avec une ZE larière très-fine, de les parquer comme on le fait pour les Huitres, et d'attendre le temps nécessaire pour que la Perle soit formée. Ce procédé, que le gouvernement sué - dois crut assez important pour en faire un secret, a bien réussi à fournir quelques Perles, mais, la dépense l’em- portant de beaucoup sur la recette que ces Perles médiocres pouvaient produire, on fut obligé d'y renoncer. Je suis persuadé que les Perles ne seraient pas aussi recherchées comme ornement de toilette si on savait que la pêche de la coquille qui les fournit occasionne la mort d’un grand nombre d’esclaves qu'on dresse à cette opéra- tion dès le Jeune âge, et qui pour la plupart meurent avant d’avoir atteint leur vingtième année. C’est à Ceylan, sur les côtes du Japon, et surtout dans le golfe Persique, qu'on se livre à cette spéculation inhumaine. De malheu- reux nègres sont obligés de plonger à de grandes profon- deurs où leur poids ne les entrainerait pas. Une corde sous les aisselles, une pierre aux pieds et un panier à la ceinture, voilà leur tenue de pèche. Ils vont ainsi déta- cher les Huîtres des rochers, et lorsque leur panier est plein ou que Pair leur manque, on les enlève à l’aide dé la corde qu’ils agitent pour demander à remonter.Mais que de voyages sont-ils obligés de faire avant de rencontrer une perle! on le comprendra si l’on apprend qu’il s’en trouve une à peine sur dix mille coquilles qu'on rapporte. On dit que les fameuses Perles qui ornaient les oreilles de Cléopâtre avaient été achetées à un prix qu’on évalue à quatre millions de francs; on devrait plutôt se de- mander combien elles ont coûté de victimes. L'histoire rapporte qu'elle en fit dissoudre une dans du vinaigre et — 40 — l’'avala à son repas comme le mets le plus recherché, pour qu'il füt dit qu’elle surpassait Antoine en magni- ficence. Les Perles ne sont pas le seul produit qu’on relire des Huiîtres perlières ; elles fournissent encore la nacre qu'on emploie à tant d'usage, mais principalement dans la cou- tellerie fine, l’ébénisterie de luxe, l’incrustation des armes ou de mille autres objels précieux. Dans cette courte notice nous avons cherché à prévenir la plupart des questions qui nous sont habituellement faites par les personnes qui visitent la galerie des coquilles de M. Benjamin Delessert, et nous aurons complètement atteint le but que nous nous proposons, si nous parve- nons à convaincre nos lecteurs de la nécessité d'étudier les productions si variées de la nature, et à leur faire comprendre les avantages moraux qui résultent de cette étude, indépendamment des jouissances vraies qu’elle procure. ee — nd BR — —————— ms 2-0 -8 exp Paris --Typ. Bérard et Comp., snce. de Lacrampe, rue Damiette, 2. Ses 55 NT N LIBRARIES | | — Nu |