NS N SSS À À Ÿ SS N RS NS Ÿ NS S RS NKÈ NS NS \ SS RSS RSS Ù SSS N NIK N ù NS NS RQ NS Ÿ NS N NS N NS à S NS NS Ÿ À SNS NKS :b ART or 1e Bt RU T ES RÉ Scpte mis) k a OT ul ( \ TAN (i 2e { qi 1 nt AT NOUVEAU TRAITÉ PLANTES USUELLES. TOME IF NOUVEAU TRAITÉ DES PLANTES USUELLES, SPÉCIALEMENT APPLIQUE À LA MÉDECINE DOMESTIQUE, ET AU RÉGIME ALIMENTAIRE DE L'HOMME SAIN OÙ MALADE; PAR JOSEPH ROQUES, Auteur de la PHYTOGRAPHIE MÉDICALE et de l’'Hisrorre DES CAmricNons COMESTIRLES ET VÉNENEUX. TOME SECOND. But who their virtues can declare ? who pierce with vision pure, into these secret stores of health, and life, and joy ? (Tuowrsex , The Seasons.) À PARIS, LIBRAIRIE DE P. DUFART, QUAI MALAQUAIS, N° 7; ET A SAINT-PÉTERSBOURG , CHEZ J.-F. HAUER ET €. 1837. = 3 E 2 : + x +» æ =— » _ #& L c: + 2 "4 ÿ à l ; pr ÿ è k ? LR nr TRS Es 6 D AE æ # NOUVEAU TRAITÉE DES PLANTES USUELLES. DRYADÉES. DRVYADEZX. Dryadeæ. Vert. DC. POTENTILLE. POTENTILLA. Cauice ouvert, à dix divisions, dont cinq alternes plus petites. Corolle à cinq pétales, un peu arrondis, insérés sur le calice. Étamines indéfinies; filamens plus courts que la corolle. Réceptacle des graines petit, persistant, non charnu. ne NS 0 LA [Ra] NOUVEAU TRAITÉ # ” POTENTILLE ARGENTINE. 4 POTENTILLA ANSERINA. Potentilla anserina. Tan. Spec. 710. DC. FI. Fr. 3732. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 287. BALs. F1. Lyon. 1. 249. Desv. FL Anj. 329. FI. Dan. t. 544. Engl. Bot. t. 861. Elle se fait remarquer par ses tiges grêles, rampantes, traçantes, rameuses, légèrement velues; par ses feuilles plus ou moins grandes, planes, ailées, composées de quinze à dix-sept folioles ovales, oblongues, peu distantes, dentées en leurs bords, verdâtres en dessus, blanchâtres et garnies en dessous d'un duvet argenté. Les fleurs sont grandes, jaunes, axillaires, solitaires , por- tées sur de longs pédoncules radicaux. Le calice est composé de folioles ovales, aiguës, soyeuses et blanchätres, quel- quefois un peu découpées à leurs bords. Cette plante porte le nom d'Argentine à cause de ses belles feuilles soyeuses, brillantes, blanches et comme argentées à leur revers. Elle aime les lieux frais, un peu humides, les bords des prairies et des ruisseaux. Lorsqu'on la mâche on lui trouve une saveur légèrement acerbe; aussi a-t-elle pris rang dans le groupe nombreux des herbes astringentes. Ce serait se livrer à des répétitions fastidieuses, que de reproduire ici tout ce qui a été dit sur les vertus de cette petite plante, presque tombéesen désuétude. Nous nous contente- rons de dire un mot de ses propriétés économiques. Le genre Potentille nous fournit d’ailleurs des espèces plus actives. DES PLANTES USUELLES. 3 L'eau distillée d'Argentine dissipe, dit-on, les taches de rousseur, les feux du visage. Laissons cet innocent cosmé- tique à ceux qui ont assez de temps à perdre pour se farder, pour s'embellir. En Écosse, on mange les jeunes feuilles comme les épi- nards. On emploie aussi comme aliment la racine qui est un peu farineuse, et on l’apprète de diverses mamières. Erhard dit même qu’elle a servi à faire du pan dans les temps de grande disette. Les porcs (la nature appelle indistimctement tous les ani- maux à ses festins) en sont très friands. Ils grognent, ils fouillent avidement le sol où croît l'Argentine pour dévorer ses racines. Les oies aiment nee cette PRInE ce qui lui a valu le nom d’Anserina. > Enfin elle est utile pour le tannage, et . quelques pays on l'emploie à la fabrication de la bière. POTENTILLE DORÉE. POTENTILLA AUREA. Potentilla aurea. Linn. Spec. 712. DC. F1. Fr. 3740. Porr. Encycl. Bot. 594. Lapryr. Plant. Pyr. 1. 289. Bacs. F1. Lyon. 1. 248. Engl. Bot. t. 561. Sa racine épaisse, traçante et noirâtre, produit des tiges grèles, peu élevées, couchées à leur base, redressées à leur partie supérieure, garnies d’un duvet très léger. Les feuilles sont pétiolées, digitées, à cinq folioles cunéiformes, d'un vert clair, avec une petite bordure blanche et soyeuse. Les 4 NOUVEAU TRAITÉ feuilles supérieures sont presque sessiles et composées de trois folioles. Les fleurs sont grandes, terminales, d'un jaune vif, sou- vent safrané à la base des pétales, portées sur d'assez longs pédoncules. Le calice est divisé en dix segmens; la corolle offre cinq pétales échancrés en cœur. Les semences sont aiguës, nombreuses, attachées sur un réceptacle commun. Cette jolie plante croît sur les montagnes et dans les lieux ombragés de la France, de la Suisse et de l'Allemagne. On la rencontre dans les hautes prairies des environs de Lyon et sur la chaîne orientale des Pyrénées. Elle à les mêmes propriétés que l'espèce suivante, bien qu'elle ne soit pas aussi usitée. POTENTILLE RAMPANTE. POTENTILLA REPTANS. Potentilla reptans. Lan. Spec. 714. DC. FI Fr. 3744. Desv. F1 Anj. 329. Cnev. FI. Par. 3. 705. FI. Dan. 1164. Engl. Bot. t. 862. De sa racine brune, épaisse et ligneuse, naïssent plusieurs tiges grêles, couchées, rampantes, stolonifères à leurs arti- culations comme celles du fraisier, garnies de feuilles pétio- lées, à cinq folioles ovales, obtuses, cunéiformes, dentées, presque glabres et d'un vert foncé à leurs deux faces. Les fleurs sont jaunes, axillaires, solitaires, portées sur de longs pédoncules, légèrement velus, ainsi que les tiges et les pétioles. Cette plante croît partout. Elle est commune en été; au bord des chemins, dans les champs, dans les bois, dans DES PLANTES USUELLES: » les prés humides et rocailleux. On lui a donné le nom vulgaire de Quinte-feuille. C'est la Potentille la plus renommée, la plus célèbre, celle à laquelle on peut appliquer particulièrement le nom de Potentilla, dérivé de potens, puissant. En eflet, les anciens lui croyaient de grandes vertus, à commencer par Hippoerate, qui s'en servait pour guérir les fièvres intermit- tentes. Les modernes n'ont pas tous dédaigné cette pratique du prince des médecins. Ils ont aussi employé la racine de Quinte-feuille, et ils ont réellement supprimé des accès fé- briles , ce qui n'est point surprenant, puisqu'elle recèle un principe amer et acerbe. Gilibert dit positivement qu'elle est fébrifuge, et, certes, ce médecin n'est pas des plus crédules en fait de médicamens. On se doute bien que cette plante a dû prendre part comme ses congénères au traitement des pertes de sang, de la dysen- terie, des diarrhées chroniques, des fleurs blanches, etc. Nous avons émis plusieurs fois notre opinion sur l'effet des astringens ; néanmoins nous répéterons encore que ce genre de remèdes ne convient que lorsqu'il y a une véritable atonie, un relâchement spécial à combattre, et que cette cause n’est pas aussi fréquente que le pensent certains praticiens. On voit tous les jours la suppression des diarrhées, des fleurs blanches et autres flux chroniques produire les plus funestes effets. Les vaches, les chèvres, les moutons broutent la Poten- ülle rampante. La racine sert à tanner les cuirs. Presque toutes les Potentilles peuvent se suppléer réci- proquement. Cependant celles qui végètent sur un sol aride, sablonneux, comme la Potentille printanière et la Potentille argentée, ont des vertus plus prononcées, plus astringentes. 6 __ NOUVEAU TRAITÉ POTENTILLE PRINTANIÈRE. POTENTILLA VERNA. Potentilla verna. Lin. Spec. 712. DC. FL Fn 3741. Cuev. F1. Par. 3. 705. DEsv. FI. Anj. 329. FI. Dan. t. 114. Eng. Bot. t. 37. Cette plante a des tiges nombreuses, étalées, pubescentes, blanchâtres, touffues. Ses feuilles sont pétiolées, formées de folioles cunéiformes, légèrement velues : les folioles latérales sont moins grandes que les autres. Les fleurs sont petites, terminales, plus ou moins jaunes, portées sur des pédoncules blanchâtres et pubescens. On trouve cette espèce de Potentille sur les pelouses, dans les lieux secs et arides, dans les bois sablonneux des envi- _rons de Paris et ailleurs. Ses fleurs s’épanouissent au prin- temps et en automne. Elle a d’ailleurs beaucoup de rapport avec la Potentille dorée. Lorsqu'elle est jeune, elle fournit au bétail une nourriture agréable et saine. POTENTILLE ARGENTÉE. POTENTILLA ARGENTEA. Potentilla argentea. Xann. Spec. 712. DC. FL. Fr. 3745. CHev. EL Par. 3. 704. Desv. FI. Anj. 329. Bacs. FI. Lyon. 1. 248. F1. Dan. t. 865. Engl. Bot. t. 89. Sa tige est rougeâtre et cotonneuse, haute de huit à dix pouces, garnie de feuilles composées de cinq folioles, pro- DES PLANTES USUELLES. 7 fondément découpées, presque pinnatfides, d'un vert foncé en dessus, revêtues à leur revers d’un coton fin et très blanc. Les fleurs sont petites, jaunes, disposées en une sorte de corymbe à l’extrémité des rameaux. Cette plante croît en été dans les lieux ombragés, dans les bois sablonneux. Les paysans se servent de sa décoction pour fomenter les vieilles plaies, les ulcérations atoniques. Les végétaux astringens sont utiles en pareil cas; leur action ravive les chairs molles, les déterge et les dispose à la cica- trice. On peut employer indifféremment toutes les espèces de Potentille. TORMENTILLE. TORMENTILLA. Calice à huit divisions, dont quatre alternes plus petites. Corolle à quatre pétales ouverts, en cœur renversé. Éta- mines nombreuses ; filamens de moitié plus courts que la corolle, insérés sur le calice. Réceptacle séminifère petit, non charnu. TORMENTILLE DROITE. TORMENTILLA ERECTA. Tormentilla erecta. Lin. Spec. 716. Porr. Encyel. Bot. 7. 714. DC. F1. Fr. 3729. FIL. Dan. t. 589. — 7'ormen- tilla officinalis. Engl. Bot. t. 863. Cette plante est assez commune sur les pelouses, dans les pâturages secs, dans les bois montueux. 8 NOUVEAU TRAITÉ De sa racine épaisse, tubéreuse , presque horizontale, d'un brun rougeâtre, s'élèvent plusieurs tiges grèles, rameuses, légèrement velues, ordinairement droites, quelquefois cou- chées et diffuses, garnies de feuilles sessiles, alternes, à trois ou cinq folioles digitées, lancéolées, dentées en scie. Les fleurs sont petites, jaunes, portées sur des pédoncules axillaires. Elles ont un calice à huit divisions profondes, alternativement plus courtes, un peu velues, une corolle à quatre pétales un peu échancrés en cœur à leur sommet, seize étamines insérées à la base du calice, et huit ou dix styles. Les semences sont nues, arrondies et situées sur le réceptacle commun. Le nom de Tormentülle, dérivé de Tormina, tranchées, nous dit l'emploi qu'en faisaient les anciens. Il était bien plus question d'arrêter, de réprimer les mouvemens orga- niques par des remèdes astringens , que de les calmer, de les modifier par des méthodes douces. La racine est la partie usuelle de la plante. Elle à peu d'odeur, mais sa saveur est amère et acerbe; elle fournit à l'analyse de la fécule, un principe extractif et du tannin. Son infusion aqueuse, d'abord rougeâtre, précipite en noir la dissolution du sulfate de fer. On place avec raison la racine de Tormentille parmi les astringens les plus actifs. Mais, plus un médicament est éner- gique, plus il faut le manier avec prudence. Les dysenteries rebelles, les dévoiemens excessifs réclament l'emploi de cette racine. L'observation a également constaté son action secon- daire sur la vessie, sur les voies utérines. El faut néanmoins que les mouvemens fluxionnaires qu’on veut combattre puis- sent être rapportés à une atomie organique spéciale. Cette condition est tellement expresse, que les astringens peuvent devenir mortels lorsqu'on arrête inconsidérément des évacua- DES PLANTES USUELLES. 9 tions qui sont revètues d'un caractère critique, ou qui aflec- {ent une marche aiguë. L'étude des phlegmasies nous le dé- montre journellement. Au rapport de quelques pharmacologues, la Tormentille aurait supprimé des fièvres intermittentes prolongées, et même rebelles au quinquina. Cela est très possible. Le quin- quina ne guérit point toutes les fièvres, on le sait bien , mais alors il convient de changer de méthode. En eflet, la nature n'obéit pas toujours au même remède, quelque excellent qu'il soit; elle s'y habitue, et n’en ressent plus l'influence. Les amers , les astringens, les aromatiques suppléent fort bien alors le quinquina. Le docteur Gilibert dit avoir vu en Lithuanie un jeune homme phihisique guéri par le seul usage de la poudre de Tormentille, dont il prit un gros tous les matins pendant l'espace d'un mois. Un paysan lui avait conseillé ce remède. Cette phthisie s'était déclarée à la suite de fréquens crache- mens de sang avec une sorte de langueur de l'estomac. Probablement ce n’était pas une phthisie confirmée. Mais on voit que la racine de Tormentille convenait à merverlle pour remédier à la faiblesse gastrique qui complique très souvent les affections pectorales, les aggrave et les rend mor- telles, si l’on insiste sur une méthode douce et énervante. La racine de Tormentille peut être administrée en décoc- tion , en substance et sous la forme d'extrait. Décoction de Tormentille. On la prépare en faisant bouillir pendant un quart d'heure une once de cette racine dans une livre et demie d'eau, et on édulcore la colature avec du sirop d'écorce d'orange. On 10 NOUVEAU TRAITÉ peut y ajouter environ deux gros d'acide sulfurique alcoholisé (eau de Rabel), si on a besoin de produire une astriction plus considérable. On la prend par petites tasses. On donne ordinairement la poudre de Tormentille sous la forme d’électuaire ou de pilules, à la dose d’un demi-gros et plus. Il est quelquefois à propos de la combiner avec quelques astrmgens aromatiques , de la manière suivante. Poudre astringente et tonique. Prenez: poudre de racine de Tormentille, poudre de quin- quina, de chaque demi-once; poudre de cannelle, un gros; sirop balsamique, quantité suffisante pour former une masse de pilules de cinq grains chacune. On en prend quatre, cinq ou six matin et soir, et on boit immédiatement après une tasse de décoction de Tormentille ou d'infusion de camomille romaine. Cette composition est particulièrement utile dans les cours de ventre rebelles, dans les écoulemens atoniques de l’uté- rus, etc. Îl convient d'y avoir recours lorsque ces évacua- tions deviennent excessives, et qu'elles affaiblissent de plus en plus le système des forces. On prescrit, dans les mêmes circonstances , un demi-gros ou un gros d'extrait de Tormen- tille et un demi-grain d'extrait d'opium qu'on fait dissoudre dans un peu de vin vieux. La racine de Tormentille n'est pas entièrement privée d'arome. Infusée dans l’eau ou dans l’alcohol, elle donne à ces liquides une couleur pourprée et une légère odeur de roses. La décoction de la racine et son mfusion vineuse ou acé- tique forment de très bons gargarismes pour raffermir les DES PLANTES USUELLES. AN gencives. On fait également avec la Tormentille des lotions, des fomentations propres à raviver les ulcères sordides et atoniques. La racine de Tormentille sert à tanner les cuirs: son suc leur donne une belle teinte rouge. Les vaches, les chèvres, les moutons broutent la plante dans les pâturages TORMENTILLE COUCHÉE. TORMENTILLA REPTANS. Tormentilla reptans. Lan. Spec. 716. Porr. Encycl. Bot. 7. 714. DC. F1. Fr. 3730. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 292. DEsv. FI. Anj. 328. FL. Dan. 1164. Engl. Bot. 862. Cette espèce habite les forêts, les lieux couverts de l'Eu- rope. Sa racine épaisse, rougeâtre , produit des tiges grèles, rameuses, toujours couchées, légèrement velues, plusieurs fois bifurquées. Les feuilles sont alternes , pétiolées , à trois folioles cunéiformes , dentées à leur sommet , et munies à leur base de deux stipules entières, lancéolées. Les fleurs sont petites, jaunes, solitaires, soutenues sur des pédoncules qui naissent dans la bifurcation des rameaux. Le calice est court, à peme velu ; les pétales sont entiers à leur sommet. Où trouve la Tormentille couchée , aux environs de Lyon, dans le département de Maine-et-Loire, et dans les Pyré- nées. Elle se plaît dans les pâturages, au bord des champs, le long des haies et sur la lisière des bois. Sa racine est très astringente; elle peut suppléer celle de la Tormentille droite. 42 NOUVEAU TRAITÉ FRAISIER. FRAGARTA. Calice ouvert, à dix divisions, dont cinq alternes plus petites. Corolle à cinq pétales. Étamines nombreuses. Ré- ceptacle pulpeux, hémisphérique, coloré, ordinairement caduc. FRAISIER DES BOIS. FRAGARIA VESCA. Fragaria vesca. Lin. Spec. 708. DC. FI. Fr. 3761. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 287. DEsv. FL. Anj. 330. Lam. Illustr. t. 442. Herbe modeste que la nature a semée partout pour les délices de l'homme. La voilà sous les belles palmes de la lougère, au pied d'un vieux chêne, patriarche de la forêt. Vous l'apercevez à peine, sa tige faible et rampante porte de petites fleurs qui promettent peu, attendez quelques jours. Quelle métamorphose ! quels beaux fruits! quel parfum! C'est une ambroisie toute divine qui pénètre vos sens; l'œil, l'odorat, le goût en sont également ravis. La nature s’est plu à former la fraise. En la créant elle a épuisé toute la délicatesse de son pinceau. Observez sa forme si gracieuse, sa teinte si vermeille, observez encore. Eh bien! n'est-ce pas ce bouton naissant que le souffle de l'homme n'a pas encore atteint? C'est au lever de l'aurore, au doux murmure DES PLANTES USUELLES. 13 des brises, que la nature a fait la fraise. Une vierge pure et sans tache, les premiers rayons du jour lui ont servi de modèle. J'avais franchi les sommets des Pyrénées. J'écoutais le bruit des torrens et des cascades; cette harmonie sauvage me faisait braver la fatigue d’une longue course. Mais peu à peu mes forces m'abandonnent, une soif ardente me con- sume, j'avais oublié ma petite gourde de pèlerin, et le kirsch, ce précieux viatique des montagnes. Je descends de la crête des monts, je glisse à travers les arbustes qui me servent d'appui. Je foule la pelouse couverte de plantes charmantes ; c'est à peine si je distingue le rhododendron ferrugineux qui la pare de ses belles toufles d'émeraude, et de ses bouquets de rose. Jinvoque la fraise, je l'appelle de mes lèvres avides, je la cherche dans les vertes broussailles. Bientôt le souffle des vents m'apporte son parfum; mon œil ardent la découvre, et je la savoure sans la posséder encore. O merveille de nos sens! Quelle harmonie, quel sublime accord dans la créa- tion! L'œil attentif avertit l'odorat; l'odorat, plus friand, flaire, aspire; le goût, plus matériel, palpe, savoure, puis abandonne aux autres organes cette première ébauche, ce premier élément de la force vitale. Assis sur un lit de mousse, à l'ombre d’un vaste chêne, je dévore mes fraises, elles me raniment, elles me restaurent. J'admire le paysage, les sites magnifiques qui m'entourent ; je vois au loin, sur les hautes cimes, la neige et la glace resplendir aux feux du soleil, tandis que des nuages vapo- reux, diaphanes, courent, volent, se séparent, se réunis- sent sur un ciel d'azur... J'écoute. Quel silence! Le bruit du monde ne vient pas jusqu'ici. Je suis heureux, libre, tran- quille, et je remercie la Providence de ce nouveau bien- fait. 14 NOUVEAU TRAITE Le Fraisier des bois a une racine vivace, demi-ligneuse, brune, chevelue, d'où naissent plusieurs tiges grêles, pubes- centes, hautes de cinq ou six pouces. Les feuilles sont la plupart radicales , portées sur de longs pétioles, composées de trois folioles ovales , fortement dentées en scie, d’un vert gai en dessus , blanchâtres et soyeuses à leur revers. Les fleurs sont blanches, disposées en petit corymbe, à l'extrémité des tiges, sur des pédoncules courts. L'ovaire et devient un fruit pulpeux, succulent, d'un rouge vermeil, très parfumé, et d’un goût exquis. C'est la fraise, Cette plante croît dans les lieux ombragés, sur les coteaux et même sur les hautes montagnes, où son fruit est encore plus odorant. Transportée et cultivée dans nos jardins , elle y a produit des variétés plus où moins succulentes , plus ou moins parfumées. Parmi les Fraisiers des jardins on remarque le Fraisier des Alpes, qui fleurit toute l'année, c’est-à-dire jusqu'aux froids rigoureux, et qui a deux sous-variétés , l'une à fruits blancs, et l’autre à fruits rouges. Le Fraisier bifère ou Bargemont est peu différent du Frai- sier des Alpes. Ces divers fruits sont excellens ; on peut les multiplier par le semis et par les filets. Le Fraisier-gaillon produit aussi jusqu'aux gelées. Son fruit est globuleux, d'une moyenne grosseur, et d’un goût parfait. Le Fraisier-capron donne des fruits gros, sphériques, ou allongés suivant les variétés, mais ils sont moins GAS que les précédens. Le Fraisier ananas, originaire d'Amérique, a des fruits très gros, très succulens, très parfumés. Le Fraisier écarlate ou guigne de Virginie, le Fraisier de la Caroline , le Fraisier de Bath, le Fraisier du Chili, nous DES PLANTES USUELLES. 415 fournissent des fruits plus ou moins odorans, plus ou moins volumineux. La fraise est un de ces fruits délicieux et salubres qu'on ne saurait trop multiplier. Le malade, le convalescent , l'homme qui se porte bien, tout le monde l'aime et la recherche. Elle contient un mucilage sucré, de l'acide citrique, de l'acide malique, et un arome exquis, d'où lui vient le nom de fraga- ria, dérivé de fragrans, odorant, qui sent bon. En vieux fran- çais on disait frage, dont nous avons fait ensuite fraise. La nature, avons-nous dit, a doué la fraise d’un principe acide, adouci par une matière muqueuse et sucrée. Cette heureuse combinaison en fait un aliment doux, léger, et un remède tempérant, rafraîchissant. Dans les affections fébriles où la chaleur et l'irritation tranchent sur les autres symp- tômes, le suc de la fraise délayé dans l’eau , pourra suppléer les boissons, les tisanes plus vulgaires. Il est des malades qui se fatiguent promptement de la limonade , de l'eau de gro- seille, de l'eau d'orge acidulée. Eh bien! qu’on leur donne de l'eau de fraises. Cette variété de moyens plait aux gens riches, délicats, difficiles. Elle calme leur impatience, elle donne au médecin le temps d'observer la marche de la ma- ladie , et de saisir les indications importantes qui peuvent contribuer à sa guérison. Le suc de la fraise a une vertu douce, apénitive , qui a été remarquée par tous les hommes spéciaux qui s'occu- pent des maladies du système urinaire. Notre savant ami, M. Ségalas, recommande la fraise et autres fruits rouges pour apaiser l'irritation des reins et de la vessie. C'est en- core un excellent aliment pour ceux qui sont menacés de la gravelle, dont les urines déposent des matières sablonneuses, de l'acide urique. 16 NOUVEAU TRAITÉ La fraise s'est montrée bienfaisante pour le plus grand botaniste des temps modernes. Linné souffrait depuis long- temps de la goutte. Au milieu d'une violente attaque, il simagina que les fraises pourraient lui apporter quelque soulagement, mais elles étaient rares, la saison n’était point propice. La reme de Suède lui en procura. Ces fruits firent merveille, Linné éprouva un calme presque subit. Pendant plusieurs années, au retour de la belle saison, il se mit au régime des fraises, et la goutte se laissa amollir par leur frais et doux mucilage. Nous l’avons dit assez souvent, c’est une maladie qui demande peu de remèdes. On l’apaise par le régime , par la sobriété, par l'exercice, par les choses les plus simples, les plus naturelles. La multiplicité des drogues la rend indomptable. Enfin Linré se trouva si bien des fraises, que presque tous les goutteux de la Suède voulurent suivre son exemple. Le plus grand nombre en fut soulagé. Par re- connaissance Linné consacra une monographie à la fraise bienfaisante. ( Dissertatio de Fragaria vesca. Amœn. acad. t. 8, p.175.) Barthez approuve aussi l'usage habituel des fraises. Il pense que ces fruits doux et subacides peuvent prévenir les attaques de goutte. D'après ces habiles maîtres, j'ai conseillé l'usage des fraises à plusieurs goutteux qui en mangent tous les ans une grande quantité, et qui s'en trouvent fort bien. Mais nos grands journaux n’ont rien dit encore en faveur des fraises. Nous n'avons pas même un rapport verbal de l'Insti- tut. Aucun charlatan n’a fait encore ni un sorbet, mi une conserve de fraises. Linné, Barthez nous disent que la fraise est bonne contre la goutte, un de leurs vieux élèves nous le répète; où est la garantie? Il nous faut un brevet et de grandes annonces. Il faut surtout qu'un homme spécial, un arüiste, et non pas un pharmacien, réduise la fraise en DES PLANTES USUELLES. 17 élixir, ou qu'il en fasse une essence, et qu'il y joigne les simples qu'il connaît si bien pour que ce soit un remède anti- goutteux : alors nous aurons confiance. Jusque-là nous nous bornerons à manger quelques fraises au dessert. Parmi les fruits d'été salutaires aux phthisiques, on doit surtout comprendre la fraise. Si elle ne guérit point la phthisie confirmée, elle apaise du moins la chaleur fébrile qui consume le malade; elle lui offre en même temps une nourriture douce, agréable. Frédéric Hoffmann a guéri, dans l'espace de deux mois avec les fraises, un jeune homme épuisé par une fièvre hectique, accompagnée d'une toux violente , d'étouffemens et de crachats teints de sang. Schulz a également soulagé, et mème entièrement rétabli des phthisiques qui paraissaient dans un état désespéré. Lorsque la lésion pulmonaire n’est pas très profonde; que le malade, d'un tempérament sec, bilieux, irritable, éprouve une chaleur plus ou moins vive dans les entrailles, les fruits doux et sucrés lui seront plus utiles que tous les remèdes balsamiques , que toutes les pâtes anticatarrhales qu'on pro- digue en pareil cas. S'il y joint le laitage pur ou coupé avec l'eau d'orge, l’eau de gruau; s'il fait choix d’une habitation salubre dans quelque vallée, il n’est pas impossible qu'il ob- tienne une prompte guérison. Malheureusement c'est après avoir épuisé toutes les ressources de la pharmacologie qu'on pense à un traitement plus simple, qu'on se dispose à partir pour la campagne. Il n'est plus temps. L'abattement, la consomption , la diarrhée, l'expectoration purulente, an- noncent le dernier terme de la maladie. Comment concilier l'usage du lait avec celui des fraises ? Voilà un mélange qui peut paraître bizarre à certaines gens; mais l'expérience vient nous prouver chaque jour qu'il n'est point nuisible. En Angleterre, en Allemagne, et même en II. 2 18 NOUVEAU TRAITÉ France, on mange avec le lait des fruits de toute espèce, récens, bouillis ou conservés. Cullen dit que cet usage est universel à Édimbourg. Dans nos campagnes , les enfans boi- vent du lait le matin, ils vont ensuite dans les bois à la recherche des fraises, et Dieu sait combien ils en man- gent. Quant aux malades, ce mélange n’est pas plus mal- faisant. Tissot a donné, pendant neuf mois pour toute nourriture, du lait d'’ânesse et des fruits fondans à une femme très iri- table qui avait des obstructions, et qui était menacée d'un ulcère à la matrice. Elle ne pouvait supporter aucun autre aliment. Butini, célèbre médecin de Genève, nourrissait éga- lement les phthisiques avec le lait d’ânesse et les fraises. On n'a pas oublié les succès que lui a valus cette pratique simple. M. Double, praticien si habile et si renommé parmi nous, donne aussi en même temps, et du lait d'ânesse ou de vache, et des fraises et autres fruits fondans, lorsque ce genre d'ali- mentation est indiqué par la nature de la maladie. : Si, après des hommes d'un si haut mérite, 1l nous était permis de citer notre pratique, nous dirions que nous avons conseillé cent fois le laitage avec les fraises. Citons un fait seulement. Un jeune homme, après avoir toussé tout l'hiver, avait craché du sang à plusieurs reprises pendant les mois d'avril et de mai. Deux saignées n'avaient produit qu'un faible sou- lagement. Sa famille était alarmée de son état, et craignait une maladie de poitrine. On l’envoya à la campagne dès les premiers jours de juin. Il y vécut de laitage et de fraises. Il prenait matin et soir une tasse de lait d'’ânesse. Dans la jour- née il mangeait deux potages au lait de vache, et deux ou trois livres de fraises saupoudrées de sucre. Sa boisson ordi- naire était de l’eau d'orge blanchie avec du lait. Au commen- DES PLANTES USUELLES. 19 cement d'août, c'est-à-dire deux mois après, sa santé était florissante. Les fraises offrent une nourriture douce, rafraïchissante , relächante , aux tempéramens sanguins ou bilieux, aux hé- morrhoïdaires, aux hypochondriaques. Il est une sorte de mélancolie dont la cause matérielle réside dans le système abdominal. Cet état de congestion, beaucoup plus fréquent qu'on ne se l'imagine, s'annonce par une sorte de spasme qui se porte sur diflérens points de la région épigastrique, par une chaleur intérieure plus ou moins vive, par une irritation qui rayonne sympathiquement sur l'organe de la pensée, et provoque quelquefois les phénomènes les plus étranges : tan- tôt c’est la crainte, la pusillanimité; tantôt c’est une gaîté insolite, ou une perturbation violente qui peut aller jusqu’à la fureur. Van Swieten a guéri des maniaques furieux qui refusaient toute espèce de nourriture et de médicament par la crainte d'être empoisonnés, en leur faisant manger tous les jours, pendant plusieurs semaines, jusqu’à vingt livres de fraises ou de cerises. Cette grande quantité de fruits excitait des évacuations bilieuses et noirâtres (atrabile des anciens), et bientôt la fureur maniaque se dissipait, en laissant une grande faiblesse, qui cédait elle-même à une nourriture substan- tielle. Per aleum exibat soluta fæx atrabilaria, et brevi totus ille furor pacabatur : debilitas autem a valida diarrhæa ex: hausto corpore superstes facile superabatur bono eictu. (De Melancholia, $. 1097.) IL est rare que les convalescens ne désirent point les fruits d'une acidité agréable, surtout après les inflammations, après les fièvres putrides ou bilieuses. La fraise, par son doux 20 NOUVEAU TRAITÉ arome , va les ranimer, les raftaïchir, les délivrer de ce goût fébrile qui les poursuit encore; mais son usage intempestif ou immodéré a été nuisible à quelques uns. Il est quelquefois utile d'ajouter aux fraises un peu de bon vin, l'estomac les digère mieux. Le médecin doit d'ailleurs consulter le goût du malade, et ne pas trop insister sur les fruits , sur la diète végétale, s'il est habitué à vivre largement. Un régime trop sévère pro- longe la convalescence , et prépare souvent une rechute. C'est une partie de l'hygiène que certains médecins n’ont peut-être pas assez étudiée. S'ils lisaient les œuvres d'Hippocrate , ils y trouveraient d'utiles leçons; mais Hippocrate est bien vieux pour nos Jeunes savans. Nous avons vu que les fraises avaient calmé des maniaques, des hommes furieux. Ici c’est un véritable délire, un délire morbide. Mais la colère, les emportemens qui vont jusqu'à la violence, c'est encore une sorte de délire, bien quil soit passager, ra, furor brevis est. Un régime rafraïchissant , des fruits d'une saveur acidule et sucrée, conviendraient à cet homme au teint de safran, à la parole brève, menaçante. Otez-lui les jus de viande, les coulis, les ragoüts épicés , le gibier, les vins généreux. Donnez--ui des fraises, des cerises, de la laitue, de l'oseille, des épinards, de l'eau fraîche , vous le rendrez certainement plus doux, plus trai- table. Si c'est un auteur, 1l ne refera point le Télémaque, ce livre émané du ciel , mais il deviendra moins mordant, moins satirique. Ce régime de fraises et de laitues rafraîchirait aussi quelques ambitieux que dévore la soif du pouvoir et de la renommée; mais ils préfèrent leur vie agitée, leurs jouis- sances convulsives , et les adulations d’une clientèle avide et DES PLANTES USUELLES. 21 lâche. Nous l'avons déjà dit, 1l n’y a point de régime possible pour ces gens-là. Jusqu'ici la fraise a été l'objet de nos éloges, nous devons dire néanmoins que ce fruit délicieux est antipathique à cer- tains estomacs. Ainsi, il est des personnes qui ne peuvent en manger la plus petite quantité sans éprouver à l'instant des vomissemens , des spasmes, et quelquefois même une éruption vésiculaire qui recouvre toute la surface du corps. Mais ce sont des cas fort rares. Au reste, la pêche, le con- combre, la groseille, la framboise, certains poissons , les moules, les écrevisses , etc., provoquent cette même antipa- thie de l'estomac. Si la fraise ranime les malades, les convalescens , que ne promet-elle pas à l’homme sain! Que de promenades dans les bois pour y cueillir la fraise! Sans la fraise cet exercice eût été oublié, dédaigné. C’est le parfum de la fraise qui conduit ces dames élégantes à travers les ronces et les buissons, dans des sentiers rocailleux, qui leur fait braver la fatigue. Et leurs enfans qui les devancent dans ce taillis touffu! Voyez comme tout le monde est à l'œuvre, comme on se rafraichit, comme on se délecte! Les paresseux, les indolens suivent de loin, ils chancellent, ils suent pour suivre la troupe sémil- lante. On vient à leur rencontre, on leur offre des bouquets de fraises. Les malheureux! énervés qu'ils sont par la mol- lesse et le luxe, ils n'auraient pas la force de se baisser pour les cueillir; mais ils ont fait un peu d'exercice, leur teint blafard se ranime, ils sont encore en vie. Et c’est l'odeur exquise de la fraise qui à fait sortir les femmes, bondir les enfans, qui à trainé à leur suite des moribonds! Les pluies du printemps avaient multiplié la fraise dans le 29 NOUVEAU TRAITÉ taillis, la récolte est abondante, les petits paniers sont pleins. On goûte sur la mousse, on mange les fraises avec du pain bis de la ferme. Quel régal! Oh! les fraises sauvages sont bien plus parfumées. Oui, ce qu’on acquiert avec un peu de peine a bien plus de charme. Et puis l'air frais qu’on respire, les mouvemens répétés de tout le corps, l'aspect de la nature partout rajeunie, reverdie, ces petits rochers, ces petits acci- dens que les dames admirent, ce petit coteau que les enfans voudraient bien escalader, tout cela récrée l'âme, remue les sens, chasse la mollesse, aiguillonne l'appétit, donne le plai- sir, la force, ja santé. Voilà la récréation des champs, le bonheur de la cam- pagne. À la ville la fraise donne d’autres plaisirs. Ils sont moins vifs, moins purs, ils sont plus conformes à notre vie molle et sensuelle. C'est au milieu des efforts de l’art que la fraise va paraître. Mais tous les trésors de l'office n'effaceront point sa parure simple et vermeille. C'est la nymphe des bois transportée dans une cour étrangère, elle attire encore tous les regards, elle séduit tous les cœurs. La fraise a-t-elle besoin de toutes ces métamorphoses inventées par le luxe culinaire? Voyez-la plutôt avec ses grâces naturelles, sans fard, sans artifice; on ose à peine y toucher, elle est si belle, si fraîche! N'importe, elle sera profanée à la cuisme, à l'office, chez le confiseur. Malheureux gourmand ! vous vous êtes placé à l’avant- garde, dans un rude combat où vous n'avez pas su ménager vos forces; vos armes sont émoussées , il faut vous rendre. Mais voici la fraise qui vient remonter votre courage, ranimer votre verve, secourir votre estomac imprudemment engagé. Ne touchez pas à ces mets où la fraise est dénaturée, à tous ces gâteaux où l'on a prodigué le sucre: ces jolies friandises sont pour les dames qui savent manger avec délicatesse. DES PLANTES USUELLES. 23 Acceptez seulement deux ou trois cuillerées de fraises arro- sées de ce vin que vous voyez briller comme le rubis au bout de la table, vous reviendrez à la vie; mais il est bientôt temps de sonner la retraite. Laissez à des convives plus habiles ou plus heureux ce fromage à la crème que la fraise va parfu- mer. Votre astre en naissant ne vous a point fait gastronome ; vous ne savez même pas ce que c’est que la triple alliance. Nous la devons à un homme plus aimable que tous les poli- tiques du monde, à M. le marquis de Cussy. Cette alliance n’a rien d'hostile, elle est toute pacifique, et l'Europe ne doit pas s’en alarmer. C’est tout bonnement le vin de Champagne qui se marie avec la fraise et la crème. M. de Cussy, pour lui faire honneur, ne prend qu'un peu de potage, quelques filets de sole, une caille, ou une aile de bartavelle, et quel- ques belles asperges. Avec ce délicat prélude, il affronte sans crainte cette belle mousse où le CRISE la fraise et la vanille ont laissé leur parfum. On voit qu'il n’est pas si aisé d'être friand. Que de choses dont 1l faut vous priver dans un riche festin , pour digérer et dormir en paix ! Si vous imposez à votre estomac, déjà bien fatigué , des fraises , de la crème, toute sorte de vins, vous le traitez en esclave, vous laccablez de travaib, 1l faut qu'il succombe ou qu’il se révolte, et dans ce nouveau combat vous pouvez périr tous les deux. On mêle la fraise avec les autres fruits rouges de la saison, comme la framboise, la groseille. Ce mélange , saupoudré de sucre, est très sain pendant les grandes chaleurs. On fait avec la fraise des tartelettes, des compotes, des conserves, des liqueurs de table, et des glaces d’un goût fin, d'un parfum suave. Mais ces glaces, qui font tant de plaisir après une jour- 94 NOUVEAU TRAITÉ née brûlante, ne les prenez que lorsque votre estomac a ter- miné son travail, c'est-à-dire quatre ou cinq heures après votre repas. Les fruits glacés, pris pendant l’acte de la diges- tion, ont souvent provoqué les plus graves symptômes. C'est comme une sorte d'empoisonnement qui peut devenir mortel en quelques heures. Ces accidens se renouvellent dans les cli- mats chauds, et mème à Paris; on le sait, et on court prendre des glaces en sortant de table : le plaisir l'emporte sur le danger. Que dirons-nous de l’eau distillée de fraises? C'était un cosmétique autrefois vanté pour embellir le teint. Il est de- puis long-temps tombé dans l'oubli ; il n'y a qu’un charlatan qui puisse le relever. Ce cosmétique serait du moins inof- fensif. Et la petite racine que fournit le Fraisier, faut-il la passer sous silence ? Non, sans doute ; on nous reprocherait de l'avoir dédaignée. Cette petite racine n’a point d'odeur, elle est seu- lement un peu astringente. Nous ferions un long article, si nous voulions énumérer toutes les maladies qu’elle a guéries, probablement de concert avec la nature. On en fait encore quelquefois une sorte de tisane rougeâtre qui est, dit-on, apéritive. L'eau de chiendent vaut mieux. Gelée de Fraises. Prenez une livre de belles fraises , pressez-les légèrement avec une cuillère d'argent sur les parois d’un bol, et jetez-les dans quatre onces de sirop très clair : couvrez l’infusion, et laissez-lui passer la nuit. Le lendemain matin vous la filtrez à la chausse. Clarifiez huit onces de sucre, et mettez-y un peu de coche- nille pour le teimdre d'un beau rose. Après l'avoir passé au DES PLANTES USUELLES. 25 tamis, vous y ajoutez une once de colle de poisson et le jus de deux citrons bien sains, ensuite vous y mêlez le fruit, Remuez légèrement la gelée, que vous aurez soin de mouler de suite, et la mettez à la glace. Observez surtout que le sucre et la colle ne doivent être que tièdes lorsque vous les mêlez. Lorsqu'on n’a pas le temps de passer le fruit à la chausse, on met tout simplement les fraises dans le sirop en ébullition avec un peu de cochenille. On couvre l'imfusion , on la laisse refroidir, et on termine la gelée en y joignant la colle né- cessaire. Marmelade des quatre frus. Prenez deux livres de fraises, deux livres de cerises , deux livres de framboises, deux livres de groseilles rouges et dix livres de sucre en poudre. Cinq ou six minutes d'ébullition suffisent. Emplissez vos pots, couvrez-les , faites-leur passer trois ou quatre heures dans une étuve ou dans un four doux, et serrez-les dans un endroit sec. BENOITE. GEUM. Calice à dix divisions, dont cinq alternes plus petites. Corolle à cinq pétales. Étamines nombreuses. Réceptacle séminifère oblong et velu; semences terminées par de lon- gues barbes, souvent plumeuses ou crochues. 26 NOUVEAU TRAITÉ BENOITE COMMUNE. GEUM URBANUM. Geum urbanum. Lanx. Spec. 716. F1. Fr. 3763. LAPEYR. Plant. Pyr. 1. 292. Cev. F1. Par. 3. 716. Desv. F1. Anj. 328. Dus. F1. Orl. 519. Bas. F1. Lyon. 1. 240. FI. Dan. 672. Engl. Bot. t. 1400. De sa racine vivace, horizontale, fibreuse, d’un brun rougeûtre , s'élève une tige feuillée, légèrement velue, ra- meuse à sa partie supérieure , haute d'environ un pied et demi. Les feuilles radicales sont ailées, à pinnules peu nom- breuses, dont la terminale est fort grande et dentée; les feuilles caulinaires ont trois folioles incisées ou simples, et à trois lobes. Les unes et les autres sont d'un vert foncé et pubescentes, surtout à leur revers. Les fleurs sont jaunes , ordinairement droites, disposées au sommet de la tige et des rameaux sur un long pédoncule. Les pétales sont entiers et très ouverts. Les barbes des se- mences sont rouges et presque entièrement glabres. Cette plante est commune dans les haies, dans les taillis , dans les lieux ombragés , où elle fleurit en mai et juin. Oc- cupons-nous de sa racine , qui a obtenu un grand succès en Europe comme fébrifuge. Cette racine est fibreuse, cylin- drique, de la grosseur du doigt, brune en dehors, d’un blanc rougeâtre intérieurement; elle exhale, quand elle est ré- cente, une odeur de gérofle , qualité qui a valu à la plante le nom de Benoïte caryophyllée. Le nom de Benoite dérive de Bénite, herbe bénite, et le nom de Geum veut dire , en grec, Je donne bon goût. Pline dit aussi que le Geum a des racines d'une odeur agréable , qu'il résout par son bon goût les mau- DES PLANTES USUELLES. 27 vais levains de l'estomac. Voilà bien des titres en faveur d'une herbe modeste qui se cache dans les bois. Des chimistes habiles ont fait l'analyse de sa racine. Bouil- lon-Lagrange y a trouvé du tannin, une substance rési- neuse, de l'acide gallique, et une matière extractive colo- rante. Trommdorff en a obtenu une huile volatile butyreuse, de la résine, du tannin , de l'adragantine peu soluble, une matière gommeuse et quelques traces de soufre. D'après l'analyse de Melandri et Moretti, elle contient de la résine, du tannin, un extrait oxigénable , un extrait savonneux , de l'acide gallique, du muriate de potasse et de magnésie, du nitrate de potasse, de l'huile volatile, etc. Les principes constituans de cette racine annoncent des propriétés actives que l’observation clinique a confirmées. Et pourtant à peine est-il question aujourd'hui de notre Be- noite, plante si commune dans toutes les parties de l'Europe. Le sulfate de quinine règne en despote dans notre pharma- cologie. Il à fait tomber les plus belles réputations ; 1l a ré- duit au néant tous les fébrifuges fournis par les végétaux amers, astringens , {oniques , aromatiques, et même l'arsé- nic, qu'on avait osé nous offrir pour remplacer le quinquma pendant nos guerres maritimes. Je pardonne au sulfate de quinine d'avoir chassé de la matière médicale l'arséniate de potasse, que j'abandonne volontiers à des mains plus savantes, mais je tiens bon pour quelques amers indigènes, tels que la gentiane, les écorces des saules, la Benoite caryophyl- lée , etc. Voyons si cette plante précieuse mérite les éloges qu'elle a obtenus dans toute l'Allemagne , et même en France. Par- lons d'abord de sa vertu fébrifuge. On trouve bien chez les vieux auteurs quelques faits épars où cette vertu est signalée, mais d'une manière vague et peu concluante. Lei, on donne la 28 © NOUVEAU TRAITÉE décoction aqueuse concentrée, deux ou trois heures avant l'accès fébrile; là, c’est l'infusion vineuse qu’on administre un peu avant le frisson. Cest Buchaave, médecin danois, qui a fait connaître par des observations nombreuses, publiées en 1781 et 1784, l'action fébrifuge de la racine de Benoite. Avec cette plante indigène il a guéri des fièvres de tous les types , de toutes les saisons , et même quelques unes qui avaient résisté au quin- quina. D’autres praticiens sont venus appuyer les faits de Buchaave par des observations nouvelles, et tous ces faits sont si nombreux qu'on a cru pouvoir se dispenser du quin- quina. Voilà comme l'enthousiasme et l’exagération gâtent les meilleures choses. D’autre part, des médecins allemands ont contesté les vertus fébrifuges de notre plante, après l'avoir assez souvent éprouvée sans succès. Avec ce conflit d'opinions les bons remèdes finissent par être oubliés ou dé- daignés de la plupart des praticiens. De nouvelles substances s'offrent au monde médical , et on s’y attache pour les dé- laisser un peu plus tard. Parmi les médecins français qui ont expérimenté la Be- noite sur un grand nombre de fiévreux, nous devons citer le docteur Gilbert. «Nous avions déjà, dit-il, essayé en Lithua- nie cette racine sur nos malades, nous l'avons reprise sur ceux de Lyon, et nous pouvons affirmer que nous avons au- tant procuré de guérisons avec la Benoite qu'avec le quin- quina. Nous n’ignorons pas que plusieurs médecins allemands se sont élevés contre les assertions de Buchaave, mais nous savons que l’on a vendu, pour de la racine de Benoite, d'autres racines, ou cette racine elle-même mal desséchée, alté- rée, etc. Au reste, depuis deux ans nous avons vu guérir plus de cent cinquante malades qui n'avaient pris d'autres fébrifuges que la Benoite, le Chardon étoilé ou le Scordium. » DES PLANTES USUELLES. 29 Le docteur Gros-Jean, et plusieurs de ses confrères, ont également guéri un grand nombre de soldats atteints de fièvres intermittentes, en l’an 1v et en l’an v, à l’armée du Rhin, où le quinquina était rare. Malgré ces faits très favorables , sans doute, à la racine de Benoite, nous ne dirons pas qu'on peut se passer du quin- quina, qui d'ailleurs ne guérit pas lui-même toutes les fièvres intermittentes : nous recommanderons, au contraire, aux jeunes praticiens d’avoir promptement recours à cette écorce exotique, ou à ses préparations alcalines , lorsque l'accès fé- brile offrira quelque symptôme insolite, comme une prostra- tion soudaine, des syncopes, des mouvemens convulsifs, et autres phénomènes qui signalent le caractère pernicieux de la maladie. Mais à l'égard des fièvres ordinaires, surtout des fièvres vernales, nous donnerons volontiers la préférence à nos fébrifuges indigènes, en qui nous reconnaissons d’ailleurs des propriétés que ne possède point le sulfate de quinime. Ainsi, dans les fièvres automnales rebelles, dans les fièvres quartes accompagnées de cachexie, d'intumescence, ou de l'engorgement de quelque viscère, nous rejetterons le sulfate de quinine, mais non la Benoite, la gentiane, le trèfle d'eau, etc. Si les organes sont exempts de phlogose, si une sorte d'atonie ou de relâchement entretient cet état cachec- tique, nos amers indigènes seront très propres à le com- battre, à le modifier par leur action encore plus tonique que fébrifuge. On administre la Benoite de diverses manières, sous la forme de teinture alcoholique, ou bien en poudre, en ex- trait, et en décoction. L'essence, comme l'appelle Buchaave, se prépare de la manière suivante. / 30 NOUVEAU TRAITÉ Essence de Benoite caryophyllée. Prenez : racine de Benoite concassée, quatre onces; al- coho!, deux livres. Faites digérer au bain-marie, pendant six jours ; passez et filtrez la liqueur. On donne une demi-once de cette teinture, deux, trois ou quatre fois, pendant l'in- tervalle de l'accès fébrile. Quelquefois il est utile d'augmenter les doses. | Décoction de Benoite. Prenez : racine de Benoite sèche et concassée, une once, Faites bouillir dans une livre et demie d’eau jusqu’à réduction d'un tiers; passez et ajoutez à la colature une once de sirop commun. Îl faut augmenter la dose de la racine, si elle est récente. On prend une tasse de cette décoction toutes les deux ou trois heures. La dose de la poudre est de trois ou quatre gros incorporés avec du miel. On partage cette espèce d'électuaire en trois ou quatre doses, à prendre également pendant l'intervalle des accès. Les fièvres quartes exigent une plus grande quantité de poudre. Ces préparations, surtout la poudre et la teinture alcoholique , ont dompté des fièvres automnales très re- belles. Les matériaux que recèle la racine de Benoite, comme le tannin, le principe extractif, et même le principe aroma- tique, la rendent précieuse pour réveiller la vitalité des or- ganes digestifs, et des viscères voisins. On en reconnaîtra les bons effets, si on la donne vers la fin de la dysenterie, si on l'oppose à ces diarrhées colliquatives qui viennent aggraver DES PLANTES USUELLES. 31 et compliquer les fièvres bilieuses, putrides, pétéchiales, et qui énervent de plus en plus les forces. Voilà comme il faut interpréter les éloges que lui a prodigués Buchaave, dans le traitement de ces fièvres. S'il avait administré un pareil re- mède dans la période d'irritation, il aurait eu plus d'un revers à déplorer. On a pu également appliquer avec plus ou moins de succès la racine de Benoite à quelques affections goutteuses, rhu- matismales, lymphatiques; aux pertes de sang, à la leu- corrhée, etc. : mais on ne doit pas oublier que ces maladies, même dans leur état chronique, s’aggravent assez souvent sous l'influence des toniques, des astringens et des amers. Une sorte de faiblesse, d'inertie et d'engourdissement, des digestions incomplètes, l'mappétence, la pâleur du visage, l'absence de tout mouvement fébrile, nous disent qu'on peut recourir avec confiance à ce genre de médicamens, parmi lesquels la Benoite tient un rang distingué. La racine de Benoïite est plus ou moins énergique suivant le sol où elle croît, et la saison où on la récolte. I faut la cueillir en juin ou juillet, et choisir celle qui végète sur les montagnes, dans les terrains secs, sablonneux et bien expo- sés. Lorsqu'elle est récente elle répand une odeur vive, agréable, imitant celle du gérofle. Si on la fait sécher à l'ombre et avec soin , elle conserve une partie de son arome. Lorsqu'elle est réduite en poudre, elle a une couleur rosée, une saveur amère, âpre et légèrement aromatique. Son infu- sion aqueuse ou alcoholique a une teinte rougeâtre. 32 NOUVEAU TRAITÉ Vin de Benaoite. Prenez : racine de Benoite desséchée avec soin, deux onces; vin rouge de bonne qualité, deux livres. Faites digé- rer pendant huit jours, et filtrez la liqueur. C'est un très bon tonique, dont on prend quelques cuille- rées avant les repas pour exciter l'appétit, pour disposer l'estomac à un travail plus facile, plus régulier. Nous la con- seillons aux convalescens qui ont besoin de remonter leurs forces par des toniques doux, agréables. L’extrait aqueux de Benoite jouit d'une propriété analogue à celle des autres extraits amers. La dose est d’un demi-gros à un gros délayé dans un peu de vin qu'on prend le matin à jeun ou avant les repas. La racine de Benoite pourrait remplacer le houblon dans la fabrication de la bière, à laquelle elle donnerait un fort bon gout. Le petit bétail broute avidement cette plante dans les pâturages. Les jeunes feuilles peuvent se manger en salade. BENOITE DES RUISSEAUX. GEUM RIVALE. Geum rivale. Linn. Spec. 717. DC. FI. Fr. 3764. LAPEYR. Plant. Pyr. 1. 292. Bazs. F1. Lyon. 1. 240. CHev. F1. Par. 3. 717. Engl. Bot. 106. Sa racine fibreuse, de couleur brune ou fauve, produit des tiges droites, hautes de quinze à vingt pouces, un peu ve- lues et presque simples. Les feuilles caulinaires sont assez DES PLANTES USUELLES. 33 petites, alternes, distantes, à trois lobes dentés et pointus ; celles de la racine sont longues, à pinnules latérales, petites et peu nombreuses; mais la terminale est grande, arrondie, dentée et souvent à trois lobes. Les fleurs, au nombre de deux ou trois, sont pédonculées, penchées, et terminent les tiges. Le calice est d'un rouge brun; les pétales sont un peu échancrés, médiocrement ou- verts, et d'une couleur de rouille. Les barbes des semences sont tordues dans le milieu, et légèrement plumeuses dans toute leur longueur. Cette plante croît dans les bois humides , au bord des ruis- seaux. Elle est commune dans les prairies et les lieux arrosés des Pyrénées, où elle fleurit vers le mois de juin. On la trouve . également aux environs de Paris et de Lyon. Sa racine est brune ou roussätre, fibreuse, cylindrique, de la grosseur d’une plume d'oie, moins odorante que celle de la Benoiïte caryophyllée, mais d’une saveur acerbe. Elle à d'abord été essayée comme fébrifuge dans l Amérique septen- trionale. Les succès s’y sont multiphés, et bientôt on l’a mise au-dessus du quinquina. Voilà encore de l’exagération, mais partout les expérimentateurs se ressemblent. Au reste Ber- gius à également obtenu un assez grand nombre de guéri- sons avec cette racine. Des fièvres quotidiennes, tierces, quartes, enfin des fièvres réfractaires à d'autres remèdes, ont cédé, cependant sa vertu fébrifuge a été plus constante à l'égard des fièvres vernales. Dans d'autres cas de très fortes doses ont été inutiles, et il a fallu avoir recours au quinquina. Les médecins suédois ont guéri des flux sanguins, séreux ou muqueux avec cette même racine. Ces guérisons s'expli- quent par son action styptique et corroborante. Cependant la Benoite des ruisseaux a beaucoup perdu de sa réputation dans les pays même où elle s'est montrée si efficace. Ou elle n’a pas IL. 3 34 NOUVEAU TRAITÉ tenu toutes ses promesses, ou elle à été sacrifiée à d'autres remèdes nouvellement découverts. En France on n'a pas même songé à l'essayer. Mais qu'une substance inconnue nous arrive de l'Inde, les expérimentateurs sont tout prêts. Voilà encore une autre plante qui mérite d'être placée au rang des substances toniques et corroborantes. Nous l'offrons aux villageois, aux pères de famille qui ont peu d'argent à dépenser, et qui doivent donner la préférence aux remèdes simples et peu coûteux. C'est aux médecins philanthropes à favoriser cette médication dans les campagnes, dans les vil- lages où les pauvres abondent. On donne la racine pulvérisée à la dose d’un demi-gros ou d'un gros, qu'on réitère deux, trois où quatre fois par Jour pendant l’intermission de la fièvre. On peut la délayer dans du vin, ou en faire un électuaire avec du miel. La décoction, la teinture vineuse ou alcoholique, se préparent comme nous l'avons indiqué à l’article précédent. La poudre de la racine s'applique extérieurement sur les ulcères atoniques et sordides. Le docteur Swediaur, qui a laissé une belle réputation dans sa spécialité, a particulière- ment recommandé ce topique. DES PLANTES USUELLES. 735 BENOITE DES MONTAGNES. GEUM MONTANUM. Geum montanum. Lainn. Spec. 717. DC. F1. Fr. 3766, LaApEyr. Plant. Pyr. 1. 292. Jaco. FI. Austr. t. 373. Lam. Illustr. t. 443. Cette espèce a une tige droite, simple, cylindrique, légè- rement velue, haute d'environ un pied, chargée de quelques feuilles distantes et fort petites : les feuilles radicales sont grandes, ailées, velues, à pinnules qui vont en augmentant de grandeur vers le sommet de chaque feuille. Les fleurs sont grandes, ouvertes, d’un beau jaune, à pé- tales un peu échancrés. Les barbes des semences sont plu- meuses et non tordues. La Benoite des montagnes croît dans les Alpes, les Pyré- nées, les Vosges, les Cévennes, etc. Elle est commune dans les pâturages près des sources froides, au port d'Oo, au pic du Midi (Lapeyrouse). Cette plante a des propriétés analogues à celles des espèces congénères, et peut-les remplacer. DRYADE. DRY AS. Calice à huit découpures égales. Corolle à huit pétales. Réceptacle des graines conique, pubescent, creusé de petites fossettes ; graines terminées par une barbe plumeuse, jamais entortillée au milieu de sa longueur. 36. NOUVEAU TRAITÉ DRYADE A HUIT PÉTALES. DRYAS OCTOPETALA. Dryas octopetala. Linn. Spec. 717. DC. F1. Fr. 3768. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 293. F1. Dan. t. 31. Lam. Illustr. t. 443. La Dryade à huit pétales, qui a donné son nom au groupe de plantes dont nous traçons l’histoire, se fait aussi remar- quer par une vertu astringente. Elle à des tiges rameuses, couchées, peu élevées, presque ligneuses ; des feuilles ovales, simples, couvertes à leur revers d’un duvet blanc, cotonneux; des fleurs solitaires, assez grandes, composées d'un calice à huit divisions, et d’une corolle à huit pétales blancs. Les semences sont terminées par une barbe plumeuse. On prépare avec les feuilles une sorte de thé dans le nord de l'Europe. Cette jolie plante croît sur les Alpes du Dauphiné et de la Suisse. On la trouve aussi dans les fentes des rochers, sur les sommets des Pyrénées. On l'appelle vulgairement Chènette, parce que sa feuille ressemble en quelque sorte à celle du chène. Clusius la nomme Petit Chène de montagne, Chamæ- drys montana. La botanique, qui aime à s’embellir des douces images de la mythologie, lui a donné le nom de Dryade. DES PLANTES USUELLES 37 RONCE. RUBUS. Calice ouvert, à cinq divisions. Corolle à cinq pétales. Etamines nombreuses. Réceptacle court, conique, glabre ; graines enveloppées d'une pulpe aqueuse, et formant par leur réunion une espèce de baie. RONCE FRAMBOISIÈRE. RUBUS IDÆUS. Rubus idæus. Linx. Spec. 706. DC. FI. Fr. 3775. Porn. Encyel. Bot. 6. 239. DEsr. Arbr. 2. 196. LAPEYR. Plant. Pyr. 1. 286. FI. Dan. t. 788. Arbrisseau qu'on dit originaire du mont Ida, et quon trouve pourtant dans nos montagnes, où 1l s'élève à cmq ou six pieds de hauteur. On le reconnaît à ses tiges droites, faibles, blanchâtres, hérissées de petits aiguillons peu pi- quans; à ses feuilles inférieures composées de einq folioles ovales, aiguës, dentées, d’un beau vert en dessus, blan- châtres et cotonneuses en dessous ; à ses feuilles supérieures formées seulement de trois folioles. Les fleurs sont blanches, disposées en petites panicules latérales et terminales, sur des pédoncules velus et un peu rameux. Elles donnent des fruits sphériques, pubescens, succulens, rougeâtres, et d'un parfum exquis. Le Framboisier croît spontanément dans les bois et sur les montagnes de l'Europe, dans les Alpes du Dauphiné et de la Suisse, dans les Pyrénées, au Mont d'Or, etc. Les Grecs Vavaient anciennement observé sur le mont Ida, d'où lui 38 NOUVEAU TRAITÉ vient le nom de Rubus idœus, que lui ont donné les bota- nistes. On le cultive dans tous les jardins, où ses fleurs s’épa- nouissent dès le printemps, se succèdent et donnent des fruits pendant tout l'été. Les horticulteurs ont obtenu des variétés à fruits blancs, à fruits couleur de chair, et à gros fruits rouges. On le multiplie très facilement par les drageons qu'il pousse de tous côtés. Il aime les terres douces, sub- stantielles, un peu humides. On préfère les variétés cultivées aux framboises sauvages, dont le goût est un peu âpre. La framboise blanche a moins de parfum, mais elle est plus sucrée que la rouge. Les fram- boises donnent de l'acide malique et citrique, une matière muqueuse, du sucre, et un principe aromatique. Cette com- position chimique annonce leur qualité acidule, tempérante, rafraîchissante. Comme la plupart des fruits rouges, les framboises servent à préparer des boissons agréables qui apaisent la soif, tem- pèrent la chaleur fébrile dans les maladies aiguës. Leur par- fum plaît généralement aux malades, qui aiment à le trouver uni à la groseille, beaucoup moins odorante. Tout le monde connaît le sirop de groseiïlle framboisé. On en use quand on se porte bien, pour se rafraïchir, mais on croit peu à son efficacité quand on est malade; c'est un re- mède trop simple, trop facile. Eh bien! deux, trois ou quatre cuillerées de ce sirop économique que vous mêlez à une pinte d'eau, ou bien à une égale quantité d’eau d'orge, d'eau de chiendent, forment une tisane précieuse que nous plaçons dans le formulaire de la Médecine agréable. La diète, le repos et cette boisson, guérissent, ou contribuent puissamment à guérir les fièvres bilieuses que les chaleurs de l'été multi- plient. En été, vous pouvez remplacer ce sirop par la fram- DES PLANTES USUELLES. 39 boise et la groseille qui croissent dans votre jardin. Vous en exprimez le suc, que vous délayez dans votre tisane, avec une suffisante quantité de sucre. Vous criez sans cesse contre les médecins, contre les pharmaciens et leurs drogues, vous faites chorus avec Molière, et vous dédaignez tout ce qui est usuel, tout ce qui est aisé, économique! Voilà encore un travers de l'esprit humain que nous ne nous flattons pas de pouvoir redresser chez les malades. Souvent même ils outre- passent l'ordonnance du médecin, et se droguent à son msu. La pulpe fine, parfumée , mucilagmeuse de la framboise offre au convalescent un aliment léger, rafraïchissant , anti- scorbutique. On la mange seule au dessert, ou mêlée avec la fraise et la groseille. Ces fruits rouges se marient fort bien ensemble, et font les délices de la table pendant les chaleurs de l'été. On en fait des tourtes, des gâteaux, des compotes, des gelées , des glaces, des sirops, des liqueurs extrèmement suaves. On aime à retrouver le parfum de la framboise dans certains vins qui manquent d'arome, mais non dans les vins naturellement parfumés. On gâte assez souvent les bons crus de Bordeaux et des côtes du Rhône par cette addition peu rationnelle. J'en appelle aux palais délicats. On peut, au reste, obtenir, par la fermentation des framboises, des li- queurs vineuses et alcoholiques, fort utiles dans les pays où le vin est rare. C’est ainsi que, dans quelques parties de la Pologne , on se désaltère avec du vin de framboises. Les Russes et les Suédois préparent avec ces fruits, du miel et de l’eau, une sorte d'hydromel qu'ils trouvent délicieux. A0 NOUVEAU TRAITÉ Sirop de framboises. On obtient un vinaigre framboisé par la simple infusion des framboises dans le vinaigre. En ajoutant à cette liqueur une suffisante quantité de sucre, on a un sirop très agréable, et fort utile contre les maux de gorge. Une cuillerée de ce sirop framboisé , et quatre onces d’eau, forment un très bon gargarisme. Gelée de framboises. Prenez une livre de framboises bien fraiches, et une demi- livre de groseilles blanches. Écrase-les et les passez au tamis. Faites cuire ce jus dans trois quarterons de sucre cuit au cassé, et laissez-le bouillir jusqu’à ce qu'il soit perlé. Dans quelques vieux traités de pharmacologie, on a pré- senté le vinaigré framboisé comme un moyen préservatif de la peste et des maladies contagieuses. Ce remède populaire n'est point à dédaigner. On l’applique en friction sur la ré- gion épigastrique et sur les membres ; mais 1l faut y joindre d'autres moyens conseillés par l'hygiène, tels qu'un exercice en pleim air, des alimens toniques et restaurans, l'usage modéré du vin , et surtout une grande réserve dans les plaisirs physiques. DES PLANTES USUELLES. A1 RONCE COMMUNE. RUBUS FRUTICOSUS. Rubus fruticosus. Lainx. Spec. 707. DC. FIL Er. 3773. CHEv. F1. Par. 3. 713. Baze. F1. Lyon. 1. 242. DEsr. Arbr. 2. 197. Lam. Hlustr. t. 441. f. 2. FI. Dan. 1163. Ses tiges sont couchées, longues, sarmenteuses, angu- leuses, armées d'aiguillons crochus, garnies de feuilles alternes, pétiolées, à trois ou cinq folioles ovales, dentées, vertes en dessus, un peu cotonneuses et blanchätrés en dessous. Les fleurs sont blanches ou purpurescentes, et disposées en grappes ou en bouquets mégaux à l'extrémité des petites branches. Elles donnent des baies globuleuses, molles, noi- ratres, composées de plusieurs grains réunis. On cultive dans les jardins une variété à fleurs doubles qui est très jolie, et une variété qui n’a point d'épines. Cet arbrisseau abonde dans les haies, dans les bois. Son feuillage est élégant et d’un beau vert. Ses rameaux, flexibles comme des lianes, enlacent les buissons, les couronnent de guirlandes blanches ou roses, qui, dans leur état sauvage, ne manquent ni de grâce, ni de fraicheur. Par ses nombreux aiguillons , la Ronce protége les jeunes arbustes qui croissent auprès d'elle contre l'atteinte des troupeaux. La Ronce aux traits aigus, comme un garde fidèie, Dans différens quartiers se poste en sentinelle , Détourne avec ses dards l’approche du troupeau, Et des arbres naissans protége le berceau. (Casrez, les Plantes.) #2 NOUVEAU TRAITÉ Ses fruits, connus sous les noms de müres sauvages, de mûres de renard, de mürons, se succèdent pendant l'été et une partie de l'automne. Ils sont noirâtres, d'une saveur aigrelette et douce dans leur maturité. Les enfans des cam- pagnes vont à leur recherche dans les buissons, et les déro- bent ainsi aux oiseaux , qui en sont très friands. On croit assez généralement que leur usage est nuisible, mais cette opinion n'est point fondée, à moins qu'on n’en mange avec excès. Les müres sont aussi faciles à digérer que beaucoup d’autres fruits sauvages. Il faut voir autour des villages comme les enfans courent les bois pour s'y nourrir de müres en attendant les noisettes. J'ai plusieurs fois rencontré dans les taillis de la vallée de Cernay des groupes d’enfans qui étaient comme barbouillés de lie de vin. Ils mangeaient des poignées de müres avec un morceau de pain noir, c'était leur goûter. « Les müres vous incommodent-elles quelquefois ? — Non, monsieur, me répondit un jour le plus alerte de la troupe; plus j'en mange, mieux je me porte. » Le suc exprimé des müres sauvages auquel on ajoute du sucre, donne une boisson rafraichissante et antiscorbutique. On en fait un sirop et une gelée d’un goût agréable. Les ca- baretiers des environs de Paris colorent leurs mauvais vins avec le suc de müres qui ne les rend pas meilleurs , mais cette sophistication est du moins innocente. Les jeunes pousses, les bourgeons et les feuilles de la Ronce ont une propriété astringente. On en fait une décoc- tion qu'on emploie sous la forme de gargarisme contre les maux de gorge. Ce remède populaire n’est pont à dédaigner, lorsqu'on y ajoute un peu de lait ou un peu de miel. DES PLANTES USUELLES. 43 RONCE A FRUIT BLEU. RUBUS CÆSIUS. Rubus cæœsius. Lin. Spec. 706. DC. FI. Fr. 3770. DESsr. Arbr. 2. 197. CHEV. F1. Par. 3. 715. BaAz8. FI. Lyon. 1. 242. F1. Dan. 1213. Elle a des tiges faibles, sarmenteuses, cylindriques, cou- chées, rougeûtres, hérissées d'aiguillons très fins, presque droits. Ses feuilles sont pétiolées, à trois folioles ovales, aiguës, d’un vert foncé en dessus, d'un vert plus pâle et ordinairement pubescentes à leur revers. Les fleurs sont blanches, disposées en grappes terminales ou axillaires ; les fruits bleuâtres, couverts d’une poussière fine que le toucher fait disparaître. Cette espèce de Ronce croît partout, au bord des che- mins, dans les haies, dans les champs, dans les taillis, où elle fleurit en mai et juin. Ses fruits ont les mêmes proprié- tés que ceux de la Ronce commune ; mais ils sont un peu plus délicats. On les mange crus ou confits au sucre. Les feuilles et les bourgeons ont aussi une vertu astringente. Dans les contrées du Nord on mange les fruits de quelques espèces qui ne croissent point en France. La Ronce faux- mürier ( Rubus chamæmorus) produit des baies hémisphé- riques , jaunâtres ou d'un rouge pâle, molles, succulentes , sucrées , et un peu acides. Elles humectent , rafraîchissent , apaisent la soif. On les mange crues ou cuites avec du vin et assaisonnées de sucre. Dans la Norvège on en fait une espèce de rob très utile aux scorbutiques. Les Lapons con- servent ces müres fraîchement cueillies dans la neige pour les manger vers la fin de l'hiver. Â# NOUVEAU TRAITÉ La Ronce du Nord (Rubus arcticus ) est encore une espèce usuelle dans le Nortland Suédois, dans la Sibérie, dans la Laponie et au Canada. Les fruits sont gros comme la fram- boise, d'un rouge pourpre, parfumés, sucrés, vineux, légè- rement acides. Au rapport de Linné, ils sont aussi savoureux que les meilleurs fruits européens. Ce grand botaniste se rappelle avec un plaisir indicible que dans ses voyages ils lui ont presque sauvé la vie. « Je serais ingrat, dit-il, envers ce vé- gétal bienfaisant , dont les fruits, d'un suc aussi agréable que restaurant, ont ranimé tant de fois mes forces épuisées par la faim et les fatigues, si je n'en présentais à mes lecteurs une description complète. » (Flor. Lap., p. 162.) En Suède on en fait des confitures, des gâteaux et autres friandises qu'on offre au dessert. En Norvège les feuilles rem- placent le thé de la Chine. DES PLANTES USUELLES. 45 SPIRÉACÉES. SPIREACEÆ. Spireacecæ. Cuev. — Ulmariæ. DC. SPIRÉE. SPIRÆ A. Calice ouvert, à cinq divisions. Corolles à cinq pétales. Étamines nombreuses. Trois à douze ovaires; autant de capsules bivalves; une à trois semences insérées à la suture intérieure des valves. SPIRÉE ULMAIRE. SPIRÆA ULMARIA. Spiræa ulmaria. ann. Spec. 702. DC. FL Fr. 3779. LaApEyr. Plant. Pyr. 1. 283. CHev. FI. Par. 3. 718. Tours. FI. Toul. 144. Bars. FI. Lyon. 1. 238. DEsv. F1. Anj. 330. FI. Dan. t. 639. Reine des prés. Les Anglais la nomment meadow’s sweet, douceur des prés. Nous Favons vue partout cette jolie reine, non loin de Paris, dans les vallées de Bièvre, de Buc, de Chevreuse; aux Pyrénées, dans la délicieuse vallée de Cam- pan. C’est dans les plus beaux jours de l'année qu'elle tient sa cour. Là, point d'intrigues, point de jalousie, point de courtisans à double visage. Là, tout est calme, doux, riant, pacifique, tout porte l'empreinte de la nature. Eà , tout un peuple d'herbes reconnaît la reime des prairies. Heureux de 16 NOUVEAU TRAITÉE vivre sous son empire, il ne demande que quelques rosées fécondes pour le nourrir et le rafraichir. Avez-vous quelquefois assisté au lever de ces charmantes fleurs, quand les heures matinales les réveillent? Avez-vous écouté le murmure des taillis, le frémissement des ruisseaux, les accens cadencés du rossignol, ou la voix plaintive du ramier? C'est le concert de la nature rajeunie qui salue le Créateur ; la Reine des prés a donné le signal ; elle se balance sur sa haute tige, et s'incline devant l'astre étincelant qui annonce sa présence. L’eupatoire d'Avicenne, au teint de rose, la salicaire brillante comme le rubis, la parnassie des étangs, modeste et douce comme sa blanche corolle, entourent leur reine, et baissent aussi leurs têtes ingénues. La sau- vage angélique, posée comme une sentinelle au bord de la forêt, veut prendre part à la fête. Elle agite son vert feuil- lage et ses blanches ombelles où brillent quelques parcelles de pourpre sur un fond d'ivoire. Et l'homme, témoin de ces merveilles vivantes, n’y verrait que la main de l'aveugle hasard! Et sa voix resterait muette, son cœur insensible! Funestes traditions, trop coupables doctrines, laissez-nous du moins l'espérance. Non, le ha- sard n’a pu nous jeter sur une route qui nous mène du néant à la douleur, de la douleur au néant. Ces fleurs qui s'ouvrent pour nous sourire, ces racines qui se remplis- sent d’un suc bienfaisant, ces bocages frais qui nous couvrent de leur ombre, ces flots limpides qui nous désaltèrent, le souffle d'un Dieu pouvait seul les créer. La Spirée ulmaire se plaît dans les bois humides , au bord des ruisseaux. Ses formes élégantes lui ont valu le nom de Reine des prés. Sa tige un peu rameuse, teinte irrégulièrement DES PLANTES USUELLES. 47 d'un rouge de feu ou d'un vert tendre, porte des feuilles ailées avec une impaire, composées de folioles alternative- ment grandes et petites, ovales, aiguës, dentées, d’un vert foncé en dessus, blanchâtres à leur revers. Les fleurs très nombreuses, odorantes.et disposées en co- rymbe au sommet de la tige et des râmeaux, offrent un calice légèrement velu, à cinq divisions, une corolle à cinq pétales concaves, arrondis, d'un blanc d'ivoire, un grand nombre d'étamines surmontées de petites anthères jaunes, et six à huit ovaires. On lui a donné le surnom d'Ulmaire parce que chacune de ses folioles ressemble à la feuille de l'orme. Cette plante est vraiment belle , et je la revois tous les ans avec un nouveau plaisir. Elle exhale un doux parfum qui embaume toute une prairie. Je l'avais déjà observée dans tous les vallons qui entourent notre grande cité; je l'ai re- trouvée dans les prés d'Ermenonville, et au bord des étangs de Morfontaine , séjour délicieux que Joseph Bonaparte avait encore embelli, maintenant presque abandonné. Enfin j'ai pu la cueillir dans la vallée de Campan. Charmé de la revoir dans ce beau lieu des Pyrénées , j'ai voulu respirer encore l'odeur exquise de cette petite forêt de fleurs qui forment des bouquets si élégans au sommet de la tige. L'odeur aromatique, pénétrante des fleurs, annonce des vertus médicinales qu'on n’a peut-être pas assez appréciées. Haller à bien fait l'éloge de leur infusion théiforme, qui pro- voque, dit-il, l'éruption languissante de la petite vérole et “autres exanthèmes ; on a répété la même chose après lui dans plusieurs recueils de matière médicale, mais sans offrir aucun fait concluant. L'eau distillée des fleurs a aussi une propriété cordiale, sudorifique. Elle servait autrefois à préparer des potions, des 18 NOUVEAU TRAIÎTÉ juleps pour ranimer les forces abattues dans les fièvres ma- lignes, etc. Tout ce que nous avons lu est très vague, et ne repose sur aucune observation bien faite. Les fièvres se com- pliquent de tant de manières, elles reconnaissent des causes si diverses ; les fièvres malignes surtout s’accompagnent de phé- nomènes si graves qu'il fdut autre chose que la Reine des prés pour les guérir. Nous pensons néanmoins que l’infusion théi- forme de ses fleurs favorise l'exhalation cutanée. Elle est plus agréable que celle des fleurs du sureau, et peut fort bien la remplacer. Ces fleurs desséchées avec soin conservent leur arome. On prend leur infusion sucrée convenablement, pour rétablir la transpiration refoulée par l'humidité ou par le froid, pour dissiper les courbatures qui surviennent à la suite d'une longue course, d’une partie de pêche ou de chasse. Les abeilles recherchent les fleurs de la Reine des prés. Les bestiaux , les chèvres surtout, aiment à brouter ses feuilles. Les tiges fleuries et les feuilles donnent un jaune franc et solide. La bière par l'infusion des fleurs acquiert un goût agréable. Mais ne croyez pas que ces fleurs donnent à nos vins blancs le parfum des vins de l'Archipel. Ces niaiseries sont pour- tant consignées dans quelques ouvrages récens d'histoire na- turelle. C'est comme le vin muscat de Rivesaltes ou de Fronti- gnan qu'on fait avec du petit vin blanc, des fleurs de su- reau et de la mélasse. Il se trouve des palais assez peu érudits pour y être trompés. Si nous sommes assez heureux pour avoir du vin de Malvoisie, buvons-en, mais pour Dieu n’en faisons point, pas même avec la Reine des prés. DES PLANTES USUELLES. 49 SPIRÉE FILIPENDULE. SPIRÆA FILIPENDULA. Spiræa filipendula. Lann. Spec. 702. DC. FI. Fr. 3778. Porr. Encycl. Bot. 7. 356. LAPEYR. Plant. Pyr. 1. 2892. Bazs. FI. Lyon. 1. 239. Tourn. F1. Toul. 144. CHev. F1. Par. 3. 718. FI. Dan. t. 635. Cette espèce est remarquable par sa racine formée de plusieurs tubérosités brunes, ovales, attachées et comme suspendues à des fils très déliés. La tige est droite, haute d'environ deux pieds, simple ou peu rameuse. Les feuilles sont pétiolées, alternes, composées de folioles ovales, glabres, d'un vert foncé, incisées et dentées. On re- marque dans l'intervalle qui les sépare des stipules amplexi- caules , un peu décurrentes sur la base des pétioles. Les fleurs sont blanches ou un peu rosées, odorantes, disposées au sommet de la tige en une panicule ombelli- forme. Elles ont un calice réfléchi, et huit à douze styles. On a donné à cette plante le nom de Filipendule, de la forme tuberculeuse de sa racine. Elle est vulgaire dans les prairies, dans les pâturages des Pyrénées. On la trouve dans les taillis des environs de Lyon, non loin de Toulouse, aux bords du canal; dans les bois secs et montueux des environs de Paris, et même au bois de Bou- logne. Les pharmacologues ont élevé fort haut les racines de la Filipendule. Ce sont des tubérosités arrondies ou ovoïdes, charnues, noirâtres en dehors, blanches intérieurement, LR A. 50 NOUVEAU TRAÎTÉ | d'une odeur faible, d’un goût douceâtre, mêlé d'un peu d'amertume. ŒElles contiennent un principe amylacé qui devient gélatineux par la décoction. Nous voyons là des élé- . mens plus nutritifs que médicinaux. Cependant ces tuber- cules auraient guéri la leucorrhée, la dysenterie, les hémor- rhoïdes, le catarrhe de la vessie, la gravelle, etc. Voilà, sans doute, des éloges peu motivés. Mais si nos prédécesseurs étaient un peu crédules, nous sommes peut-être trop sceptiques. Nous avons rayé sans façon la Filipendule de la classe des médicamens, et il n’en est plus question dans les pharmacopées modernes. Cependant la décoction des tubercules , à la fois mucilagi- neuse et un peu astringente, ne nous paraît pas un mauvais remède , si on l’applique à quelques affections irritatives des intestins et des voies urinaires. Nous en employons tous les jours qui valent beaucoup moins. Les fleurs exhalent une odeur douce, aromatique. Leur infusion théiforme excite les vaisseaux exhalans de la peau; elle peut remplacer celle de la reine des prés. Au reste c'est une jolie plante qui se fait remarquer par son port gracieux, pittoresque. Elle mérite d'être vengée de l'indifférence des médecins par l'accueil des fleuristes. La racine donne une fécule nourrissante. Desséchée et réduite en poudre, elle peut servir à faire une sorte de pain et de l’amidon. On peut la manger également en bouillie. C’est une ressource qu'il ne faudrait point dédaigner dans les temps de disette. Les porcs sont très avides de ces tubercules ; les émana- tions de la plante les attirent, et le sol est bientôt boule- versé. L’herbe tendre est broutée par les chèvres et les moutons. #; DES PLANTES USUELLES. o1 Le genre Spiræa offre encore quelques espèces utiles à l’économie usuelle , voici les plus remarquables. SPIRÉE BARBE DE CHÈVRE. SPIRÆA ARUNCUS. Spiræa aruncus. Lin. Spec. 702. DC. FI. Fr. 3780. Porr. Encycl. Bot. 7. 355. LAPEYR. Plant. Pyr. 1. 282. CamMERr. Hort. t. 9. Cette espèce a une tige droite, ferme, glabre, peu rameuse, haute de trois à quatre pieds, garnie de feuilles alternes , pé- tiolées, trois fois ailées, à folioles ovales, pointues, dentées en scie. Les fleurs sont blanches, fort jolies, disposées en une panicule ample , formée par un grand nombre d'épis cylin- driques, portés sur des pédoncules rameux : elles sont la plupart unisexuelles, et du même sexe sur chaque individu ; mais on trouve souvent des fleurs hermaphrodites sur les pieds femelles, et même sur les pieds mâles, quoique stériles. Cette plante habite les lieux boisés des Alpes et des Pyrénées. On la trouve aussi dans le Jura, dans les Vosges, dans les montagnes du Bugey et de l'Auvergne. On fait avec ses feuilles desséchées une sorte de thé que certains amateurs comparent au thé de la Chme. 52 NOUVEAU TRAITÉ SPIRÉE DU KAMTSCHATKA. SPIRÆA CAMTSCHATICA. Spiræa camischatica. Parr. El. Ross. 1. 41. t. 28. Porr. Encycl. Bot. 7. 357. Sa tige herbacée , cannelée, velue, a cmgq ou six pieds de hauteur. Les feuilles radicales sont très amples, à cinq lobes aigus, à double dentelure, velues en dessous; les feuilles supérieures hastées ou lancéolées. Les fleurs sont blanches , odorantes, disposées en une très belle cime rameuse. Le calice est velu, à cinq découpures réfléchies. Les capsules sont droites, parallèles, hispides , à deux semences. Cette espèce croît au Kamtschatka dans les prés humides, au bord des ruisseaux. Pallas dit qu'on mange les jeunes pousses crues, qu'on re- cueille les racines pour l'hiver, et qu'on les apprète avec des œufs de poisson. Les feuilles sont employées comme celles des plantes potagères. DES PLANTES USUELLES. 53 SPIRÉE À FEUILLES LISSES. SPIRÆA LÆVIGATA. Spiræa lævigata. Lan. Mant. 244. Porr. Encycl. Bot. 7. Desr. Arbr. 2. 201. 349. Lam. Illustr. t. 436. f. 3. — Spiræa altaica. PALL. FI. Ross. 1. 37. t. 23. C'est un joli petit arbrisseau d'ornement, originaire de Russie et de Sibérie, qu'on cultive en pleine terre. Il a des feuilles entières, lisses, lancéolées, rétrécies à leur base, obtuses à leur sommet et d’un vert glauque. Les fleurs sont disposées en grappes , blanches, odorantes, d'une saveur légèrement acide, agréable. Elles remplacent le thé en Sibérie. SPIRÉE À FEUILLES DE SAULE. SPIRÆA SALICIFOLI A. Spiræa salicifolia. Linn. Spec. 700. DC. F1. Fr. 3776. Poir. Encycl. Bot. 7. 349. Lam. [lustr. t. 439. f. 1. PALL. FI, Ross. 1. t. 21. GMEL. El. Siber. 3. t. 39. C'est un arbrisseau d'un charmant aspect, cultivé depuis long-temps dans les jardins, haut de trois à quatre pieds, à rameaux nombreux, grêles, jaunâtres, garnis de feuilles alternes, lancéolées, presque membraneuses, dentées en scie, d'un vert tendre. 54 NOUVEAU TRAITÉ Les fleurs d’un frais incarnat forment à l'extrémité des ra- meaux une belle panicule droite et touflue. Cette espèce croît dans les montagnes d'Auvergne, à Cassel dans la Hesse , dans la Sibérie, dans la Tartarie. On fait avec ses feuilles des infusions théiformes d'un goût agréable. On multiplie ces deux arbrisseaux de semences, de dra- geons, de marcottes et de boutures. Ils sont peu délicats et s’'accommodent de toute sorte de terrains. On les plante dans les parterres et dans les bosquets; leurs fleurs s'épanouissent au printemps. DES PLANTES USUELLES. 29 AMYGDALÉES. AMYGDALEÆ. Amygdaleæ. DC. AMANDIER. AMYGDALUS. Calice caduc, à cinq divisions. Corolle à cinq pétales. Environ vingt étamines. Un style. Drupe oblong , tomen- teux, renfermant un noyau parsemé de petits pores épars. AMANDIER COMMUN. AMYGDALUS COMMUNIS. Amygdalus communis. Linn. Spee. 677. DC. FI. Fr. 3793. LAPEyR. Plant. Pyr. 1. 278. BLAcK. Herb. t. 105. Dunam. Ed. nov. 4. t. 29. Arbre haut de vingt-cinq à trente pieds, à rameaux flexi- bles, lisses, d'un vert grisâtre, garnis de feuilles alternes, pétiolées, lancéolées, dentées en leurs bords, et d’un joli vert. Les fleurs s’épanouissent avant les feuilles dès les pre- miers jours du printemps. Elles sont presque sessiles, soli- taires ou géminées , éparses le long des rameaux , d'un blanc de lait avec une teinte purpurine vers le centre. 56 NOUVEAU TRAIÎTÉ Les fruits sont des drupes ovales, veloutés, comprimés, recouvrant un noyau ligneux, parsemé de petits pores à sa superficie. Ce noyau renferme une amande blanche, tendre, oléagimeuse , d'une saveur douce. On en distingue plusieurs variétés caractérisées par la grosseur du fruit, la fragilité du noyau et le goût de l’'amande. L’amande amère est une va- riété remarquable par son gout, et par ses effets quelquefois délétères. Nous en parlerons plus tard. L’'Amandier croît naturellement sur les côtes septentrio- nales de l'Afrique. On le cultive particulièrement en Italie, en Espagne et dans nos provinces méridionales. Lapey- rouse l’a observé sur les rochers du Bas-Roussillon, où il se serait naturalisé. C'est un arbre charmant dont on a voulu orner les bos- quets sous des climats moins favorisés du ciel. Ses fleurs, d'une nuance si fraiche, d’une forme si gracieuse, annon- cent le retour du printemps. On est ravi de les voir, on les salue avec reconnaissance. Mais cette apparition hâtive leur est souvent funeste ; l'hiver, caché un instant au fond des bois, revient sur ses pas; elles se flétrissent, elles meurent sous son haleine glacée. Pour que l'Amandier prospère dans le Nord, pour qu'il puisse résister à nos froids rigoureux, il faut l'abriter contre un mur exposé au midi. Parlons maintenant des propriétés médicinales et écono- miques du fruit de l’Amandier ‘. On doit préférer les amandes : N'oublions pas de dire que les fleurs récentes de l’Amandier agissent énergiquement sur le tube digestif. Elles ont quelquefois soulagé des hy- dropiques, en excitant des évacuations copieuses comme les fleurs du pêcher. DES PLANTES USUELLES. | 57 qui ont la coque tendre et fragile. D'après l'analyse chimique faite par M. Boullay, elles donnent une huile fixe abondante, de l’albumine , un sucre liquide, de la gomme, de l’eau, de l'acide acétique. On prépare avec ces semences des émul- sions, des loochs, des sirops, dont tout le monde connaît la vertu tempérante et sédative. Lorsque l'estomac, les intestins, les reins, la vessie sont affectés d’une irritation spasmodique ou inflammatoire, il est peu de boissons aussi utiles, aussi efficaces que le lait d'amandes. Sa préparation est facile. On fait macérer pen- dant quelques instans dans un peu d'eau tiède une once d'amandes douces. On les dépouille de leur tégument, et on les pile dans un mortier avec une once de sucre, en y ver- sant peu à peu une livre d'eau. On passe ensuite à travers un linge cette liqueur laiteuse, à laquelle on peut ajouter, suivant le goût du malade, quelques gouttes d’eau de fleur d'orange. On donne de temps en temps une tasse de cette émulsion pour apaiser la chaleur, l'irritation, la douleur qui accom- pagnent les maladies aiguës, les fièvres inflammatoires. On la réserve ordinairement pour les heures où les symptômes fébriles redoublent. En la donnant vers le soir, les nuits sont quelquefois moins agitées. Nous avons assez souvent substitué à l’eau simple l’eau distillée de laïtue, ou une mfu- sion légère de ses feuilles, et nous avons cru remarquer que l'émulsion était plus calmante. Lorsque l'irritation inflam- matoire affectait plus particulièrement les organes de la res- piration, nous faisions remplacer le sucre par le sirop de violette ou par le sirop de gomme arabique. Si la douleur était très aiguë, malgré les saignées générales ou locales, nous préférions le sirop de pavot blanc ou le sirop diacode. 58 NOUVEAU TRAITÉ Cette émulsion sédative nous servait également à combattre l'affection spasmodique de l'appareil urinaire. De Haën, célèbre médecin de Vienne, faisait un usage fréquent d’une émulsion d'amandes, à laquelle il mêlait une petite quantité de camphre. Émulsion d'Amandes camphrée. Prenez, camphre, dix à quinze grains; amandes douces dépouillées de leur tégument, trois onces. Triturez ces sub- stances dans un mortier, et versez peu à peu dix onces d’eau. Passez, et ajoutez une once de sirop de pavot blanc. De Haën donnait toutes les heures une cuillerée à bouche de cette émulsion, dans les pleurésies, après avoir fait précé- der quelques saignées. Dans l’inflammation des membranes séreuses , le pouls est souvent serré, convulsif; la douleur tranche sur la congestion sanguine, et celle-ci s’aggrave par l'état de spasme, si on ne la combat par les sédatifs. Le docteur Sainte-Marie, médecin distingué de Lyon, trop tôt enlevé à la science, appliquait la même émulsion, non seulement à la pleurésie, mais encore à toutes les in- flammations des membranes séreuses. Elle faisait quelquefois avorter ces inflammations dans leur début, sans aucun autre remède qu'un thé léger, dont le malade prenait une petite tasse après chaque cuillerée d'émulsion. Lorsque la maladie était plus avancée , il s’en servait encore utilement, mais après les évacuations sanguines ordinaires, surtout après l'application des sangsues. Les inflammations chroniques des viscères abdominaux sont presque toujours fatales, parce que le malade, déjà très affaibli, croit pouvoir relever ses forces par une alimentation DES PLANTES USUELLES. 29 substantielle. Une chose qui l'égare, c'est que l'irritation elle-même provoque assez souvent une sorte d'appétit fac- tice qu'il veut absolument satisfaire. Les œufs frais, les po- tages féculens, les consommés chargés d'osmazome sont mis tour à tour à contribution, les symptômes s'aggravent et l'inflammation devient aiguë. Au lieu de ces bouillons de bœuf, de cette nourriture succulente qui augmente l'irrita- tion des membranes digestives, donnez au malade du bouil- lon de poulet coupé avec du lait d'amandes. Je ne saurais dire combien cette boisson , à la fois nutritive et tempérante, m'a été utile pour soutenir doucement les forces, et pour terminer des inflammations d’une nature rebelle. On continuait quelquefois ce régime pendant plusieurs semaines, et même pendant plusieurs mois. Sous son in- fluence, j'ai vu se dissiper des néphrites, des gastro-enté- rites, des affections utérines fort graves. Le bouillon de poulet, d'abord très faible, devenait plus substantiel à mesure que les symptômes perdaient de leur intensité. Le lait d'amandes, par sa qualité réfrigérante, soulage les maladies du cœur, et particulièrement les palpitations qui tiennent à un état d'irritation et de spasme. Je voyais, il y a environ dix ans, M. B...….., négociant de Bordeaux, sujet à des palpitations de cœur d’une nature nerveuse. En arrivant à Paris, où il était venu pour terminer une affaire assez difficile , il fut pris de ces mêmes palpitations, et cette fois 1l était fort alarmé. Je réglai son régime, et je lui prescrivis pour tout traitement du sirop d’orgeat pour bois- son, et un verre de lait d'amandes matin et soir. Il allait mieux. Obligé de m'absenter pour quelques jours, je le re- commandai à M. le docteur Pouget, mon ami. Notre malade éprouva de nouvelles craintes, et avec ces craintes de nou- velles palpitations. Un praticien habile, M. le professeur 60 NOUVEAU TRAITÉ Marjolin , fut mandé. Il crut voir dans ces battemens tumul- tueux et répétés du cœur des signes réels d'hypertrophie. Le malade fut saigné du bras et mis à une diète sévère. A mon retour, Je le trouve encore plus malade et plus inquiet. Je confère avec M. Marjolin sur son état. Je lui fais part de mon opinion sur la nature de la maladie, et je cherche à lui prouver qu'une cause morale lui a donné un degré de gravité qu'elle n'aurait pas eu si le malade eût eu l'esprit plus tran- quille. M. Marjolin voit toujours une dilatation du cœur, et propose la digitale, que je repousse jusqu'à une nouvelle conférence qui devait avoir lieu huit jours après. Je reviens à mon premier traitement, je m'eflorce de rassurer mon malade; deux jours après il est beaucoup plus calme. Le lait d'amande, du bouillon de poulet aux laitues pour tout aliment, avaient produit un excellent effet. Mais il apprend, je ne sais comment, car il n'était pas présent à la consultation, qu'on doit lui donner de la digitale; il se croit atteint d'une maladie du cœur extrêmement grave; il passe toute une nuit dans un état d'anxiété inexprimable, et me fait prier à cing heures du matin d'aller le voir. Je tâche encore de le rassurer, et je lui signifie en même temps qu'il faut partir pour Bordeaux, que les soms de sa femme lui sont indispensables. Mais la fatigue de la route, mais son état déplorable, mais sa grande faiblesse, tout s'op- pose à un voyage si précipité. Je réponds de tout, je garantis un heureux voyage, je vois le malade trois fois par jour, il continue le lait d'amande, il prend un petit potage, matin et soir, avec du sagou et du bouillon de poulet, et il part trois jours après dans une chaise de poste avec un ami dé- voué. Il n’a pas fait six lieues qu'il se sent déjà soulagé, et il arrive à Bordeaux presque guéri. La pureté de l'air, le mou- vement de la voiture, le plaisir d'avoir échappé à la digitale , DES PLANTES USUELLES. 61 et le bonheur de revoir sa femme qu'il aime tendrement, ont produit un changement inespéré. M. Marjolin, qui n'avait pas été prévenu, arrive au jour et à l'heure fixés pour la nouvelle consultation. On lui dit que M. Roques a fait partir le malade presque de force; M. Marjolin, excellent homme, répond : «M. Roques a bien fait. » M. B. revint à Paris quelques mois après, 1l se portait à merveille. On fait ordinairement bouillir des amandes avec l’eau d'orge, avec le bouillon de veau, le bouillon de poulet, pour les rendre laiteux, mais l'amande se décompose, s’altère par l'ébullition. Il vaut mieux ajouter du lait d'amande à ces liquides au moment de les prendre. Pour que l'émulsion d'amandes produise un bon effet, il faut la donner à grandes doses. Que peuvent faire cinq ou six onces d'émulsion qu'on administre en vingt-quatre heures? presque rien. Si le malade est vivement irrité, s’il éprouve une chaleur brûlante, et si d'ailleurs son estomac ne repousse point le lait d'amandes, 1l faut qu’il en prenne au moins une pinte dans la journée. Le lait d'amandes coupé avec le lait de vache est une ex- cellente nourriture à la suite des inflammations du tube digestif. On continue ‘ce régime jusqu'à ce que l'estomac puisse digérer des alimens plus solides. Les phthisiques qui éprouvent une chaleur intérieure qui les dévore, s’en trou- vent également bien. Quelquefois aussi on coupe le lait d'amandes avec l'eau d'orge ou l'eau de gruau. 62 NOUVEAU TRAITÉ Sirop d’orgeat. On peut convertir en sirop l’émulsion très chargée des matériaux de l'amande, en y ajoutant une suffisante quantité de sucre. C'est le sirop d'orgeat tel qu’on le fait maintenant, c’est-à-dire sans y mettre de l'orge. On l’aromatise avec un peu d’eau de fleur d'orange et quelques amandes amères. Une once de cette élégante préparation délayée dans cinq ou six onces d'eau, forme une émulsion extemporanée qui a les mêmes vertus que l'émulsion ordinaire. Ce sirop est si agréable qu'on ne peut croire à sa qualité médicinale, aussi est-1l plutôt rangé parmi les boissons sen- suelles ou de luxe que parmi les remèdes. Et cependant on peut composer sur-le-champ une boisson délicieuse qui cal- mera non seulement la soif, mais encore le délire fébrile qui accompagne les maladies aiguës; qui rafraîchira les en- trailles, disposera au sommeil, apaisera en quelque sorte les soucis qui l'éloignent (vigiles curæ). Cette boisson fraïche et abondante, secondée de quelques pédiluves, vaudra mieux surtout que les remèdes opiacés qui favorisent les congestions cérébrales, provoquent un assoupissement, une sorte de calme perfide. Nous avons remarqué les bons effets du sirop d'orgeat sur quelques hypochondriaques, sur les romanciers, sur les poètes, dont le cerveau, échauflé par les élans d’une imagination ardente, tombe quelquefois dans un délire vague aux approches de la nuit. DES PLANTES USUELLES. 63 Huile d'amandes douces. L'huile douce, d'un jaune pâle, qu'on obtient par la tritu- ration et l'expression des amandes, est douée d’une vertu adoucissante et laxative. C’est le remède des tranchées, des coliques, des irritations intestinales, néphrétiques, des spas- mes douloureux des entrailles. On la donne par cuillerées, seule, ou mêlée avec le sirop de gomme arabique, pour apaiser les effets irritans des pur- gatifs énergiques, des poisons âcres, corrosifs. Elle a quel- quefois suffi pour arrêter l'action délétère des plantes véné- neuses, des champignons imprégnés de principes caustiques. Voyez notre Phytographie médicale, nouvelle édition, tom. 1, pag. 22, et notre Histoire des Champignons. Potion adoucissante. Prenez, infusion de fleurs de mauve, quatre onces; huile d'amandes douces, deux onces; sirop de gomme arabique, une once. Mêlez pour une potion à prendre par cuillerées toutes les heures, ou à des distances plus rapprochées si le cas l'exige. Lorsque l'irritation est violente, on peut ajouter à cette potion une demi-once de sirop de pavot blanc ou vingt gouttes de laudanum liquide. On prend en même temps quelques tasses d'nfusion de fleurs de mauve ou de violette. Les phlegmasies du poumon, les péripneumonies, les ca- tarrhes aigus, perdent de leur intensité par l'huile d'amandes. Cette substance émolliente diminue la toux, prépare, favo- rise l'expectoration. Mais alors on la mêle assez ordinaire- 64% - NOUVEAU TRAÎTÉ ment avec le mucilage de gomme arabique, et on en fait une sorte de looch. Looch émulsif. Prenez, gomme arabique, deux gros; huile d'amandes douces, une once; triturez dans un mortier, et ajoutez peu à peu, sirop de sucre ou sirop de guimauve, une once; eau de fleur d'orange, demi-once; eau commune, deux onces. L'huile est quelquefois remplacée par une quinzaine d'amandes mondées de leur enveloppe. Ce mélange intime porte le nom de /ooch blanc. La méde- cine domestique, la médecine populaire, le donnent dans toutes les affections aiguës de la poitrine, et la médecine rationnelle ou savante ne le dédaigne point. Nous devons pourtant faire observer à nos lecteurs qu'on en fait un abus préjudiciable dans certains rhumes, dans certains catarrhes fomentés par une sorte de pléthore gastrique, muqueuse ou bilieuse. Le malade éprouve alors un dégoüt décidé pour les alimens; sa langue est enduite d’un limon épais, blanchâtre ou jaunâtre. Les évacuans, quelques doux vomitifs, abrègent singulièrement la maladie, et l'empêchent de dégénérer en phthisie pulmonaire. Il faut le dire sérieusement et conscien- cieusement, les loochs pectoraux, les pâtes pectorales, le laitage, la méthode adoucissante exagérée, prolongée, font beaucoup de phthisiques. Nous voulons bien d’une médecine agréable, mais il est des cas où il la faut énergique, et il n'y a pas à balancer. L'huile d'amandes douces produit extérieurement un effet lénitif. On en frictionne l'abdomen tendu, irrité, les membres douloureux. Cette espèce d’onction ou d'embrocation soulage beaucoup mieux les douleurs goutteuses où rhumatismales DES PLANTES USUELLES. 65 que des linimens plus compliqués. Il faut que la friction soit douce, et prolongée pendant un petit quart d'heure. En la renouvelant de temps en temps, on calmera l'impatience, la morosité du goutteux, le temps lui paraîtra moins long, et la goutte deviendra plus traitable; car cette cruelle maladie, comme le dit fort bien Lucien, s'indigne, se révolte contre une médecine turbulente. Suivant nous, la méthode de Lu- cien, philosophe empirique, vaut mieux que celle de nos nou- veaux thérapeutistes, rationalistes , qui veulent guérir la goutte quand même. D'après la recommandation de Soemmering (Traité des Maladies de la vessie, pag. 67), nous avons promptement dissipé un spasme vésical qui tourmentait un vieillard depuis vingt-quatre heures, avec des frictions d'huile d'amandes douces saturée de camphre, faites à la partie interne des cuisses. Mèlée avec la crème, l'huile d'amandes douces calme le feu des dartres vives, rongeantes, des éruptions pustuleuses accompagnées d'une démangeaison quelquefois intolérable. Cette espèce de crème, à laquelle on ajoute un peu d'eau rose pour la parfumer, diminue la rugosité de la peau, l'adoucit, la blanchit, et n'a pas l'inconvénient de la plupart des essences cosmétiques. Amandes amères. Outre les matériaux que nous avons signalés dans les amandes douces, les amandes amères contiennent de l'acide prussique, d'après les recherches de Schrader, de Bonh, de Gehlen, ete. Mais Vogel, de Munich, y a découvert en même temps une huile volatile âcre, transparente, qui s'élève dans Il 5 66 NOUVEAU TRAITÉ la distillation et tombe au fond de l'eau. Cette huile, parfai- tement isolée de l'acide prussique, agit néanmoins comme poison sur les animaux, d'après les expériences de Vogel. Une seule goutte appliquée sur la langue des petits oiseaux, les fait mourir avec de fortes convulsions en quelques se- condes. Un chien de deux mois qui avait avalé quatre gouttes de cette huile, eut des vomissemens, et tomba immédiate- ment dans un profond sommeil qui dura deux heures. Sans éprouver des douleurs aiguës, 1l perdit l'appétit et la gaité, devint languissant, et mourut au bout de huit jours. Les amandes amères prises en substance ne sont pas seu- lement délétères pour les animaux, elles agissent également sur l’homme de la même manière que les feuilles de laurier- cerise. On peut consulter notre Phytographie médicale, t. KEY, pag. 224, où nous avons rapporté plusieurs faits d'empoi- sonnement. | L'impression que les amandes amères portent sur le sys- tème nerveux, explique leur succès dans les fièvres intermit- tentés. On sait que Bergius, Franck de Posen, Hufe- land, ete., ont proposé cenouveau fébrifuge comme succédané du quinquina. Pendant la dernière guerre maritime, on a guéri un assez grand nombre de fiévreux dans les hôpitaux de Gand, avec une émulsion composée de deux ou trois gros d'amandes amères, et de trois onces d’eau où l’on faisait dis- soudre trois gros d'extrait de petite centaurée. On donnait cette émulsion une heure avant l'accès. Dans certains cas, 1l fallait la renouveler deux ou trois fois pour en obtenir de bons effets. D'après les faits que nous avons rapportés ailleurs, ce fébrifuge doit être prescrit avec prudence, surtout aux en- fans, dont le système nerveux est très susceptible. On fait avec les amandes amères des macarons, des mas- sepains, des liqueurs de table, connues sous le nom de ros- DES PLANTES USUELLES. 67 solis, d'essence d'amandes amères. Lorsque le principe amer domine dans ces préparations, leur usage peut devenir nui- sible. Les amandes étaient très renommées chez les anciens. Hermippus dit, dans le Banquet des Savans, que les amandes brillantes font l'ornement des repas. Épicharme dit aussi que les amandes sont des friandises sèches et sonores. D’après Athénée , celles de Naxe sont excellentes ; 1l en vient aussi de très bonnes à l’île de Chypre. Il n’y a rien qui excite plus à boire que de commencer le repas par manger des amandes. Aussi Eupolis s'écriait : Donne, que je mange des amandes de Naxe, et verse-moi du vin des vignes de Naxe. En effet, les amandes, les noix, les noisettes excitent à boire. L'homme sage doit y prendre garde. Un petit verre en appelle un second, et si le vin est excellent, la tête se monte, on se laisse aller, et bientôt on ne sait où l’on va. L'amande fraîchement cueillie est admise à nos desserts. Elle est agréable au goût, et quelques personnes la mangent avec plaisir. Lorsqu'elle est sèche, on la sert également, et quelquefois de compagnie avec la noisette et le raisin sec de Malaga. Mais on doit manger modérément de toutes les amandes huileuses, surtout si l'estomac est froid, languis- sant, si le travail digestif se fait avec peine, avec lenteur. Les pâtissiers et les confiseurs font avec les amandes une infinité de friandises, comme biscuits, macarons, nougats, gâteaux soufflés, dragées , pralines , etc. Tout cela fait la joie des enfans, des dames, et même de certains gourmands qui, après avoir bien dîné, passeraient encore une heure de ré- création à l'office. Parmi ces friandises, le gâteau de Pithiviers jouit d'une réputation justement acquise. Cette réputation s'étend du nord au midi de la France, et jusqu'aux pays étrangers. On 68 NOUVEAU TRAITÉ connaît ces bons gâteaux en Angleterre, en Allemagne, en Prusse et en Russie. Lorsqu'une cuisinière se présente chez le petit rentier un peu friand, on lui demande à l'instant même, savez-vous faire un gâteau de Pithiviers? Si elle répond affirmativement, la maitresse de la maison la complimente, et sans attendre au lendemain , elle veut mettre sa science à l'épreuve, car elle sait elle-même comment il faut s’y prendre, elle a lu le Cuisinier royal, et le Päñssier parisien du fameux Carème, classique à son fourneau, et romantique la plume à la man. Gäteau d Amandes. Tout le monde sait à peu près comment se fait cette espèce de gâteau. Pour qu'il soit délicat et bien parfumé, 1l faut sept onces d'amandes douces, une once d'amandes amères, six onces de sucre, quatre onces de beurre fin, deux macarons amers, quatre jaunes d'œufs et un grain de sel. On y ajoute quelquefois un peu de zeste de citron, ou, si l'on veut, un peu de vanille. On broie parfaitement ce mélange avec quatre cuillerées de crème fouettée. On place l'appareil dans une tourte faite d'avance, et on fait cuire sous le four de campagne. Après trois quarts d'heure de cuisson, les abaisses de pâte se trou- vent croustillantes ; sans cette qualité, ces sortes de gâteaux ne sont point agréables. Attendez que le gâteau soit refroidi pour le glacer avec du sucre réduit en poudre fine. Mangez encore de ce gâteau avec modération, si vous avez déjà passablement lesté votre estomac, et faites-lui grâce si vous digérez difficilement. Voici une sorte de gelée ou de blanc-manger que les ma- lades, les convalescens , et même les gens bien portans trou- veront peut-être agréable. DES PLANTES USUELLES. 69 Blanc-manger ordinaire. Vous faites infuser pendant quelques minutes dans de l’eau chaude quatre onces d'amandes douces et huit amandesamères. Vous les dépouillez de leur enveloppe, et vous les broyez dans un mortier de marbre avec un pilon de bois, en ajoutant cinq onces de sucre blanc et dix onces d'eau. Vous ne versez ce liquide que peu à peu, à mesure que la pâte se forme et de- vient plus fine. Vous passez ce lait d'amande à travers un linge peu serré. D'une autre part, vous faites fondre une demi-once de colle de poisson dans une quantité suffisante d’eau que vous laissez bouillir jusqu’à ce qu'il ne reste environ que quatre onces de liquide. Vous le passez à travers un linge, et vous le mêlez avec le lait d'amande. Vous aromatisez ce mélange avec une cuillerée d’eau de fleurs d'oranger ; ou, ce qui est plus délicat, avec de l'esprit de citron, et vous le versez dans de petits pots à crème qui doivent être exposés pendant quelques heures à l'air froid d’une cave. Il en résulte une masse blanche, demi- molle, gélatmeuse, légère, d’un goût exquis, qui non seule- ment sera un objet de luxe sur les tables, mais encore d'un effet salutaire sur les estomacs paresseux et délabrés. Pour faire du blanc-manger au rhum, vous joignez à la préparation décrite ci-dessus un demi-verre de rhum de la Jamaïque. En y ajoutant du marasquin, vous avez aussi un blanc-manger fort agréable. Blanc-manger à la vanille. Coupez par petites parcelles une gousse de vanille ; faites cuire au petit caramel six onces de sucre, dans lequel vous 70 NOUVEAU TRAITÉ mèêlez la vanille, et laissez refroidir. Ensuite vous le faites dissoudre avec un verre d'eau chaude, et vous placez le poëlon sur des cendres rouges, pour qu'il se fonde plus aisément. Vous pilez une livre d'amandes, vous les mouillez avec trois verres d’eau, et après en avoir exprimé le lait, vous le par- tagez en deux parties égales; vous mêlez dans l’une le sirop à la vanille, que vous passez au tamis de soie, et dans l’autre, six onces de sucre dissous dans un verre d’eau tiède, et passé également au tamis. Ensuite vous ajoutez à chaque partie une demi-once de colle de poisson clarifiée, et vous les versez alternativement, et par couches égales, dans un moule d'entremets mis à la glace. | Blanc-manger au café Moka. Vous torréfiez deux onces de café choisi, et après l'avoir moulu vous le versez dans un verre d'eau bouillante. Vous laissez infuser dans un vase bien clos ; vous tirez l'infusion à clair aussitôt que le marc est déposé, et vous y mettez six onces de sucre avec une demi-once de colle clarifiée. Vous pilez une livre d'amandes, et vous la délayez dans trois verres d'eau filtrée. Après avoir exprimé le lait d'a- mandes, vous le séparez en deux parties; dans l'une, vous versez le café, et dans l’autre, vous mêlez une demi-once de colle et six onces de sucre fondu dans un verre d'eau tiède. Ensuite vous garnissez le moule comme le précédent. Blanc-manger au chocolat. Faites dissoudre dans un verre d'eau bouillante six onces de bon chocolat à la vanille , avec quatre onces de sucre. Pilez DES PLANTES USUELLES. 71 une livre d'amandes, et mouillez-les avec trois verres d’eau. Après en avoir exprimé le lait, vous le séparez en deux parties égales; dans l'une, vous mêlez le chocolat avec une demi- once de colle, et dans l’autre, vous versez six onces de sucre fondu dans un verre d’eau tiède, avec la colle. Vous terminez l'opération comme à l'ordinaire. Blanc-manger aux fraises. Épluchez une bonne assiette de fraises bien müres et bien parfumées ; pressez-les dans un linge clair pour en exprimer le suc. Jetez dans l'eau bouillante une livre d'amandes douces et quinze amandes amères. Après les avoir émondées , vous les laissez tremper dans de l’eau fraîche. Vous les égouttez dans un tamis, et vous les essuyez en les frottant dans une ser- viette. Vous les pilez dans.un mortier en les mouillant avec une demi-cuillerée d’eau chaque fois, afin qu'elles ne tournent pas à l'huile. Lorsque vous avez obtenu une pâte fine et homogène, vous l'ôtez du mortier pour la mettre dans un bol bien propre. Vous la délayez peu à peu avec une cuillère d'argent et quatre verres d'eau filtrée, et vous la versez dans une serviette unie que vous tordez fortement pour en exprimer le lait d'amandes. Vous faites fondre dans le lait d'amandes douze onces de sucre cristallisé et passé au tamis de soie. Vous passez de nouveau le blanc-manger à la serviette, et vous y mêlez une once et demie de colle clarifiée, un peu tiède, afin qu'elle s’unisse parfaitement au lait d'amandes. Ensuite vous ajoutez un verre de jus de fraises. Ce blanc-manger, frappé de glace, flatte l'œil et le goût. L'estomac le reçoit avec une sorte de reconnaissance après 79 NOUVEAU TRAITÉ les fatigues du premier service. Mais prenez garde ! une où deux cuillerées le raniment, le récréent, une plus forte dose peut l’engourdir et le paralyser. PÉCHER. PERSICA. Drupe arrondi, charnu, glabre ou cotonneux. Noyau creusé de sillons profonds, irréguliers. PÊCHER COMMUN. PERSICA VULGARIS. Persica vulgaris. Mix. Dict. n. 1. DC. F1. Fr. 3794. — Amygdalus persica. Linn. Spec. 670. Duxam. Arbr. 2. t. 29. Cet arbre, originaire de la Perse, comme l’exprime son nom spécifique, est depuis fort long-temps naturalisé en Eu- rope. On le cultive dans les jardins, dans les vignes et dans les champs. Sa tige, revètue d'une écorce lisse, grisâtre, s'élève à une hauteur médiocre , et se divise en rameaux nombreux, grêles, garnis de feuilles alternes, étroites, lancéolées, pointues , finement dentées et d’un vert tendre. Les fleurs paraissent avec les premiers beaux jours du printemps, avant le développement des feuilles : elles sont d'un rose vif, sessiles, solitaires, composées d’un calice à cinq divisions , de cinq pétales arrondis, de vingt étamines et d'un style. Le fruit qui leur succède est un drupe arrondi, plus où moins gros, cotonneux ou glabre, charnu, succu- e8t DES PLANTES USUELLES. 79 lent, à noyau très dur, profondément sillonné , et renfermant une amande plus ou moins amère. Parlons d'abord des propriétés des fleurs. Lorsqu'elles sont fraïches elles agissent assez vivement sur les membranes diges- tives. Une pincée infusée dans une tasse d'eau bouillante, vous purgera deux ou trois fois. Une forte dose vous donnera des coliques, vous fera vomir et vous purgera violemment. J'ai voulu éprouver sur moi-même l’action purgative de ces fleurs. J'en ai pris une bonne pincée mêlée avec une petite salade de chicorée sauvage. Quatre heures après j'ai eu des tranchées vives, des évacuations énormes et des sueurs froides. Il à fallu de l'éther et de l'opium pour faire cesser ces accidens. Un enfant de dix-huit mois à qui sa mère avait donné une forte décoction de fleurs récentes de Pêcher comme un re- mède vermifuge, est mort dans des convulsions affreuses , après avoir eu des vomissemens et des selles sanguimo- lentes. (Voyez notre Phytographie médicale, t. 3, p. 222.) Ainsi les fleurs récentes de Pêcher ne sont pas un excel- lent vermifuge, un doux purgatif qu'on puisse donner aux enfans, comme on le dit dans plusieurs ouvrages. Les feuilles fraîches purgent aussi, mais beaucoup moins. C'est sans doute à l'acide prussique ou à un principe amer analogue qu'il faut rapporter leur qualité malfaisante. Nous ne nions point qu'une petite quantité de fleurs ou de feuilles puisse purger sans inconvénient certains individus peu susceptibles, mais un médecin prudent doit tenir compte des faits. Le sirop qu'on prépare avec les fleurs et le sucre purge à la dose d'environ une once. | Galien , grand partisan des remèdes domestiques, conseille de broyer les feuilles de Pêcher, et de les appliquer sur lom- bilic. Il assure que ce topique est un bon vermifuge. Proëndè folia ejus trita, et super umbilicum imposita , lumbricos neca nf. 7h NOUVEAU TRAITÉ La pêche est un fruit admirable; elle charme la vue, l'odorat et le goût. Sa forme, son volume, sa saveur, l'époque de l'année où elle mürit en font de nombreuses variétés. Sa peau est fine, pubescente ou lisse, blanche, jaune, violette , rouge ou marbrée, souvent de deux couleurs fondues en- semble. Sa chair est plus ou moins succulente et fondante, de couleur blanche, rouge ou jaune : tantôt elle adhère au noyau, tantôt elle s'en sépare facilement, ce qui constitue deux races principales de pêches, les pavies où alberges, plus répandues dans les provinces méridionales, et les pêches proprement dites plus communes dans les provinces du Nord. Parmi les variétés les plus estimées on compte la pêche de Malte, la madeleine rouge, la pêche Bourdine, l'adnurable, le téton de Vénus, la payie rouge de Pompone, la pêche de Pau, le brugnon musqué. Les pêches des environs de Paris, surtout celles de Mon- treuil, jouissent d’une réputation bien acquise. Elles sont lines, très fondantes, d’un goût délicieux. Il leur manque néanmoins le parfum de celles du midi. Les pêches du Béarn, du Languedoc , de la Provence, du Roussillon , ne sont peut- être pas aussi fondantes, mais elles sont plus aromatiques. On mange à Ille, dans les Pyrénées orientales , des pêches ou pavies dont la grosseur égale la tête d'un enfant. La chair en est ferme, fine, succulente, d'un parfum et d'une saveur incomparables. Nous avons fait tout exprès le voyage de Perpignan à Ille pour nous en régaler. Vous avez fait six lieues pour manger des pêches! Et pourquoi pas? Les gour- mands de Rome passaient bien les mers pour aller manger des langoustes. La pêche bien müre est un fruit également salubre et dé- licieux. Elle n’est pas plus malfaisante en Perse, son pays natal, qu'en Europe, et ce qu'on à dit à ce sujet est évidem- DES PLANTES USUELLES. 75 ment exagéré. Galien, Nicandre et l’école de Salerne ont ca- lomnié la pêche. Mais partout elle pourra devenir nuisible par sa qualité réfrigérante, si les organes digestifs sont fai- bles , très délicats. Elle pourra même dans quelques circon- stances paralyser pour ainsi dire un estomac énergique. Vous avez mangé rapidement et copieusement, votre esto- mac a recu des mets , des vins de toute sorte, vous lui donnez encore une ou deux belles pêches, il faut qu'il soit bien ro- buste s'il termine son travail sans accident. C’est notre in- discrétion , notre gourmandise, qui ont discrédité la pêche. Au reste, la fraise, la framboise, le melon, peuvent produire les mêmes effets en pareil cas. Il faut surtout que les conva- lescens soient réservés à l'égard de la pêche; ils doivent la sucrer convenablement, l’arroser de vin généreux, ou la manger en compote. Les personnes d'un tempérament chaud, sanguin ou bilieux, s’en trouvent ordinairement bien , lors- que l'estomac a conservé son énergie. Son usage modéré les rafraichit, les relâche, les désaltère. La pêche est, depuis un temps immémorial, en grande vénération chez les Chinois. Leurs livres les plus anciens, les chants des poètes, les mémoires des littérateurs et des médecins disent des choses merveilleuses sur ses propriétés. Les traditions primitives, altérées en mille manières, ont donné lieu à une foule de fables, au milieu desquelles il est curieux de retrouver des traces de la croyance des premiers âges. Selon le livre Chin-noug-king , la pêche yu éternise la vie ; si on n’a pu la manger à temps, elle préserve au moins le corps de la corruption jusqu'à la fin du monde. Dans le Chou-y-ky, on lit ce passage : « Quiconque mange des pêches de la montagne Kous-liou obtient une vie immortelle. » 76 . NOUVEAU TRAITÉ On voit que la beauté, le goût exquis, le parfum suave de la pêche, ont exalté les cerveaux chinois jusqu'à l'enthou- siasme. Les fruits ont quelque chose qui charme non seule- ment les sens, mais encore l'imagination. Il n’y a pas bien loin de l'enthousiasme aux idées les plus singulières. La vie, la santé resprrent sur une belle pêche comme sur les lèvres vermeilles de l'adolescence. Ne dirait-on pas que cette frai- cheur doit être éternelle. La pêche ne pouvait guère être oubliée de nos artistes. Que d'efforts n'ont-ils point faits pour lui conserver son par- fum, son goût, ses qualités naturelles ! Ils l'ont transformée en beignets, en gâteaux, en tartelettes; ils l'ont mise en compote, en marmelade, en confiture, enfin ils l'ont noyée dans l'eau-de-vie. De tout cela nous n'acceptons que les beiï- gnets et la compote; les beignets pour les dames friandes, la compote pour les convalescens et les estomacs délicats. La pêche a un arome très léger, très fugace qui s’'évapore par la cuisson; sa marmelade n’a guère que le goût du sucre. Mais la pêche qu'on vient de cueillir dans un riche espa- lier, ou dans la vigne voisine, la pêche parvenue à son vrai point de maturité, bien succulente, bien parfumée, vous ne sauriez la voir sur la table avec indifférence, si votre goût n est point blasé, si vous n'êtes point malade. Elle est bonne sans sucre, très bonne avec du sucre, excellente avec un vin digne d'un si beau fruit. Si vous avez été sage, réservé au premier service, mangez une pêche avec sécurité, ne craignez rien, vous la digérerez mieux; mais si vous avez farci votre estomac de toute sorte de viandes, de poissons, de légumes, de crèmes, etc., ajournez la pêche à un moment plus op- portun. Nous terminerons l’article de la Pêche par une petite anec- dote que nous devons à un spirituel gastronome. La voici : DES PLANTES USUELLES. 71 Un célèbre bibliothécaire de l'Institut, M. P.R., était peut-être le seul homme qui sût savourer dignement une pêche. Tel connaît le mieux les bons morceaux qui serait in- capable d'analyser la saveur d’un fruit. Un jardinier de Montreuil avait obtenu par des grefles artistement combinées, des pêches de la plus belle espèce. II voulut en faire hommage à Louis XVIIT; mais avant de s’ex- poser à une épreuve dont sa réputation devait dépendre, il alla trouver M. P. R., et lui demanda respectueusement son avis. Le savant était enfoncé dans la lecture de je ne sais quel manuscrit gothique. Il avait le front sourcilleux, l'air singulièrement préoccupé. Notre jardinier annonça le but de sa visite : aussitôt la jubilation du gourmand reparut sur tous les traits de M. P. R., qui s'allongeant dans son fauteuil, les jambes croisées et les mains jointes, se prépara dans un doux recueillement, au jugement important qu’on réclamait de lui. Notre jardinier demande une assiette et un couteau d'argent. Il coupe en quatre la précieuse pêche, en pique une tranche de la pointe du couteau, et la présente grave- ment à la bouche de M. P. R., en lui disant : Goûtez l’eau. Les yeux fermés, le front impassible, M. P. R. goûte l’eau sans mot dire. L’anxiété se peignait dans les yeux du jardi- nier, quand, après deux ou trois minutes, ceux du juge s'en- tr'ouvrirent : « Bien, très bien, mon ami! » furent les seules paroles qu'il put prononcer. Aussitôt la seconde tranche est présentée comme la pre- mière, et le jardinier dit avec un ton plus ferme, plus assuré : Goûtez la chair. Mème silence, même gravité de la part du docte gourmand. Cette fois le mouvement de la bouche était plus sensible, car il mâchait. Enfin il fit uneiclination detête : « Ah! très bien, très bien! » Vous allez croire que la supé- riorité de la pêche était jugée et que tout était dit; point : la 78 NOUVEAU TRAITÉ troisième tranche a son tour. Goûtez l'arome ! reprend le jar- dinier. L'arome fut trouvé digne de la chair et de l’eau. Alors le jardinier sembla rassembler toute sa dignité pour présenter le dernier quartier, et sa physionomie réfléchit une légère teinte d'orgueil et de satisfaction : Goûtez le tout ! son triomphe fut complet. M. P. R., après avoir goûté, S'avança vers lui, les yeux humides d'émotion, le sourire sur les lèvres, et lui prenant la main avec effusion : « Ah! mon ami, c’est parfait ! je vous en fais mon compliment bien sincère. » ABRICOTIER. ARMENITACA. Drupe arrondi, charnu, velouté. Noyau marqué de deux crêtes saillantes, l'une obtuse, l'autre aiguë. ABRICOTIER COMMUN. ARMENIACA VULGARIS. Armeniaca vulgaris. DC. FI. Fr. 3792. Dunam. Ed. nov. à. t. 49. — Prunus armeniaca. Lin. Spec. 679. Arbre de médiocre grandeur, à rameaux étendus, formant une large tête, garnis de feuilles alternes, pétiolées, ovales, presque échancrées en cœur, dentelées en leurs bords, glabres et d'un joli vert. Les fleurs sont blanches, sessiles, disposées en bouquets sur les rameaux. Les fruits sont recouverts d'une peau veloutée, jaune, quelquefois vermeille. On croit généralement qu'il est originaire d'Arménie , d'où il aurait été porté à Rome, et de là dans l'Europe tempérée. DES PLANTES USUELLES. 79 On le cultive en espalier et en plein vent. Les variétés que l'on préfère sont l'abricot-pêche et l’abricot alberge, dont la chair est fondante, parfumée et d’un goût exquis. Les abricots bien mürs sont un fort bon aliment. Leur pulpe est sucrée, adoucissante, relächante, parfumée, mais on dit qu'elle donne la fièvre. C’est un préjugé qu'on trouve dans quelques vieux traités d'Histoire naturelle, et qu'on à répété sans examen dans d'autres ouvrages plus modernes. Les écoliers mangent des abricots par douzaines quand ils peuvent se glisser sans témoins dans un espalier, et 1ls ne gagnent point la fièvre. Si l'on en mange immodérément, on s'expose sans doute à une indigestion, et cette indigestion peut être suivie de quelques mouvemens fébriles, mais tous les fruits, tous les alimens peuvent produire des effets sem- blables. Ne craignez donc point de manger des abricots s'ils sont bien mûrs et si vous n'avez point l'estomac malade. Un mor- ceau de pain et cinq ou six beaux abricots sont un très bon déjeuner pour tous ceux qui anment les fruits et qui les di- gèrent bien. Les abricots brillent dans les desserts de la saison. Lors- qu'ils sont bien vermeils, bien parfumés, ils ne manquent point d'amateurs. On en fait des beignets, des tourtes, des gâteaux, des flans glacés. Nous donnerions volontiers la pré- férence à la tourte. C'est un mets délicieux quand il est pré- paré au foyer domestique et surveillé par une ménagère in- telligente. Quel régal pour les enfans un jour de fête ou de vacances ! C’est encore la bonne ménagère qui préside à la préparation de la marmelade d'abricots. Pour qu'elle soit d'un bon goût, il faut quinze livres de sucre sur vingt livres d'abri- cots. Surtout mettez-y fort peu d'amandes amères, ou plutôt n'en mettez point. Ces amandes deviennent bientôt rances , 80 | NOUVEAU TRAITÉ altèrent votre confiture, lui donnent de l’âcreté et un goût détestable d'acide prussique. La marmelade d'abricots bien faite plaît à tout le monde. C'est une nourriture douce pour le malade et le convalescent; c'est le dessert du petit propriétaire à la campagne comme à la ville; c'est une sorte de consolation pour l'estomac, si le diner n’a pas été abondant. Avec cette marmelade vous faites encore des tartelettes, des gâteaux fort agréables. Parlerons-nous des liqueurs qu’on prépare avec les noyaux et les amandes d’abricots ou de pêches, le sucre et l’eau-de- vie? Lorsqu'on emploie seulement les noyaux, l'infusion doit se prolonger pendant une année au moins, afin d'extraire les principes de ces substances ligneuses; mais il vaut mieux réunir l’amande et le bois, on n'a pas besoin de prolonger autant la macération. On dit que ces ratafias économiques sont excellens. Pour moi, je ne vois là qu’une liqueur mé- diocre, beaucoup de temps perdu, de l’eau-de-vie et du sucre mal employés. Le rataña de cerises est plus agréable et plus sain. PRUNIER. PRUNUS. Drupe arrondi ou ovoide, charnu, glabre, couvert d'une poussière glauque. Noyau comprimé, pointu au sommet, sillonné et anguleux sur les bords. DES PLANTES USUELLES,. S1 PRUNIER ÉPINEUX. PRUNUS SPINOS A. Prunus spinosa. Lin. Spec. 681. DC. FIL. Fr. 3788. DEsv. FI. Ani. 332. FI. Dan. 926. Engl. Bot. t. 842. C’est un arbrisseau qui croît dans les terrains arides, au milieu des haies et dans les bois. On l'appelle vulgairement Prunellier ou Prunier sauvage. Sa tige est recouverte d’une écorce brune, un peu rougeâtre, ridée. Ses rameaux diffus, hérissés d'épines , portent des feuilles pétiolées, ovales, lan- céolées, obtuses , finement dentées à leurs bords, d'un vert foncé en dessus, d'un vert pâle et pubescentes en dessous. Les fleurs paraissent avant les feuilles : elles sont petites, pédonculées, blanches, aromatiques, ordinairement solitaires le long des rameaux. Les fruits sont globuleux, petits, d'un bleu foncé, d'une saveur austère. Le Prunier épineux possède des qualités médicinales ou économiques, dans son écorce, dans ses fleurs et dans ses fruits, connus sous le nom de Prunelles. L'écorce des ra- meaux donne une matière extractive fortement acerbe. Linné, Kniphof, professeur de médecine à Erfurt, le doc- teur Juch, de Munich, ont présenté cette écorce comme un fébrifuge indigène pouvant remplacer le quinquina. Coste, médecin français, a également recueilli quelques faits qui sembleraient lui être favorables, mais il donnait auparavant des purgations actives. Nous avons éprouvé nous-même ce remède. Deux ou trois fois il a dissipé les accès fébriles; dans d'autres circonstances nous avons été forcé de recourir au quinquina. C'est aux médecins des pauvres, aux médecins IT. 6 82 NOUVEAU TRAIÎTÉ qui pratiquent dans les villages à soumettre l'écorce du Pru- nellier à de nouvelles épreuves. Il faut la récolter au printemps sur les rameaux et sur les tiges, et la faire sécher avec soin. On peut la donner en dé- coction à la dose d'une demi-once pour deux verres de cola- ture, mais son effet est plusssür lorsqu'on l'administre en substance pulvérisée. La dose est alors d'un gros qu’on réi- tère deux ou trois fois pendant l'intervalle des accès. On peut donner à cette poudre la forme d'électuaire, en l'incor- porant dans une suffisante quantité de miel. Les fleurs du Prunellier ont un goût d'amande amère. Lorsqu'elles sont fraîches , elles purgent à la dose de deux ou trois gros qu'on fait infuser dans une tasse d’eau bouillante. Il en faut moins si elles sont desséchées. D'après la pharma- copée de Russie on purge les enfans avec ces fleurs. Leur analogie avec les fleurs du pêcher et de l’amandier nous fait suspecter ce genre de purgatif. On fait, avec le suc des fruits acerbes et non mürs, une sorte d'extrait ou de rob très astringent, mais peu usité au- jourd'hui. Dans quelques campagnes, les pauvres mangent quelquefois les prunelles lorsque les premières gelées les ont dépouillées de leur saveur âpre. Les enfans les disputent aussi aux oiseaux qui s'en nourrissent. Ces fruits écrasés et mêlés à une suffisante quantité d'eau donnent, après quelques jours de fermentation, une liqueur vineuse dont on s’abreuve dans quelques cantons. Plaignons le malheureux qui n’a pas d'autre boisson pour se ranimer. DES PLANTES USUELLES. \ 83 PRUNIER DOMESTIQUE. PRUNUS DOMESTICA. Prunus domestica. Linx. Spec. 680. DC. FI. Fr. 3790. Engl. Bot. t. 1733. C'est un arbre de moyenne grandeur, dont la tige droite, revètue d'une écorce brune, un peu cendrée, se divise en rameaux étalés, garnis de feuilles alternes, pétiolées, ovales, dentées, d'un beau vert en dessus, blanchâtres et pubescentes en dessous. Les fleurs sont blanches, pédonculées, solitaires, ou réu- nies au nombre de trois ou quatre le long des rameaux : elles donnent un fruit ovale, chargé, dans sa maturité, d’une poussière fine. La pulpe de ce fruit, ordinairement acerbe, excepté dans les variétés cultivées , entoure un noyau dur, aplati, ovoïde, aigu aux deux extrémités et renfermant une amande amère. Le Prunier domestique nous vient, dit-on, de la Syrie. Cultivé en Europe, depuis une vingtaine de siècles, il nous a donné des variétés nombreuses qui se distinguent par la couleur, la forme, le volume et le goût de leurs fruits. Parmi les variétés les plus recommandables , on compte la Reine- Claude, la Mirabelle ou Drap-d'Or, le Damas violet et rouge, la Royale, le Perdrigon blanc, violet et rouge, l'Impériale violette, la Sainte-Catherine , la Prune de Monsieur, etc. Les anciens avaient, comme nous, plusieurs sortes de prunes. On en trouve l'énumération dans Pline et autres au- teurs. Athénée et Galien parlent des prunes qu'on cultivait dans le territoire de Damas, et qu'on appelait Coccymèles. 84 NOUVEAU TRAITÉ Les prunes mürissent en différentes saisons; nous avons les prunes hâtives, les prunes d'été, les prunes d'automne. Lorsqu'elles sont bien mûres, elles rafraîchissent, humectent les organes pendant les grandes chaleurs. Mais la Reine- Claude est la prune par excellence, elle désaltère par l'abon- dance de son suc, elle nourrit par son principe mucilagineux et sucré. D’après les expériences chimiques qu'on a faites avec plu- sieurs espèces de prunes, on en peut retirer un sucre très blanc, cristallisé et fort agréable au goût. Les tempéramens bilieux ou sanguins, les personnes su- jettes à la constipation se trouvent bien de l'usage des prunes parfumées, succulentes. Ces fruits, pris à déjeuner avec du pain de seigle, rétablissent les garde-robes, et favorisent l'émission des urines , mais il faut avoir un bon estomac pour digérer ce déjeuner un peu rustique. Chacun doit avoir assez bien étudié ses forces pour ne point se livrer à des essais téméraires. A la campagne on peut se permettre certains alimens qui seraient nuisibles à la ville. Un exercice habi- tuel, et la pureté de l'air, fortifient singulièrement les organes digestifs. Que de friandises, que de mets agréables fournissent ces bons fruits! On en fait des compotes, des tartes, des flans, d'excellentes confitures qui varient l'alimentation journalière. Tous les ménages connaissent la marmelade composée avec la Reine-Claude, la Mirabelle, la Prune-Brignolle. La marme- lade de Mirabelle a surtout un goût d'abricot fort appé- tissant. DES PLANTES USUELLES. 85 Pruneaux. On fait sécher les prunes au soleil, au four, et on les con- serve dans des caisses à l'abri de l'humidité. Elles sont d’une grande ressource pendant l'hiver où les fruits sont rares et d'un prix excessif. Les espèces les plus agréables et les plus sucrées donnent des pruneaux excellens : tels sont les pru- neaux de Tours, de Brignolles, de Pézenas, d'Agen et des environs de Bordeaux. Chaque pays a d'ailleurs ses pruneaux particuliers. En Allemagne et en Suisse on fait des pruneaux avec les fruits que fournit une espèce de Prunier qu'on nomme Koet- chier. Cette prune ne commence à mürir qu'à l’équinoxe d'automne; elle dure jusque vers la fin d'octobre. Les pru- neaux en sont délicieux. On en fait une grande consomma- tion dans toute l'Allemagne, la Suisse et là Lorraine. Les pruneaux qu'on fait à Brignolles diffèrent entièrement de tous les autres pruneaux : dépouillés de leur peau et dé- barrassés de leur noyau, ils sont d’une couleur beaucoup plus claire, presque blonde, et forment en quelque sorte une confiture sèche. En Provence on prépare des pruneaux noirs qui restent naturellement bien fleuris, ce qui est dû à l’ardeur du soleil auquel on les expose pour les faire sécher. Dans les environs de Tours, c’est en employant successivement différens degrés de chaleur qu’on donne aux pruneaux cette belle apparence de fleur ou poussière blanche qui les couvre. La dessiccation des pruneaux à l'avantage de développer le principe mucoso-sucré qui constitue la substance nutritive dans tous les végétaux. Lorsqu'ils sont desséchés avec art, ils fournissent un aliment doux et un peu laxatif. On les 86 NOUVEAU TRAITÉ sert crus où cuits sur la table. Les plus gros, comme ceux de Tours, se mangent crus ; ceux qui nous viennent de Bor- deaux ou d'Agen, servent à faire d'excellentes compotes. : La compote de pruneaux, voilà l'aliment obligé de l'hé- morrhoïdaire, de l'hypochondriaque, de l’homme bilieux, ardent, irritable, de tous ceux enfin qui vont difficilement à la garde-robe. Certainement les fameuses pilules d'Anderson, les pilules digestives, les grains de santé, la graine de mou- tarde, ne valent point les pruneaux. Tous ces remèdes prônés par le charlatanisme vous purgeront sans doute une fois, deux fois, trois fois, mais ensuite la constipation deviendra plus opiniâtre, et vous serez trop heureux si vous n’avez pas une inflammation d'entrailles. Les pruneaux, au contraire, vous nourriront légèrement, vous relâcheront, et rétabliront peu à peu les évacuations naturelles. S'ils ne suffisent point, vous prendrez le matin ou le soir une petite dose de magnésie. La constipation est la maladie des paresseux, de ceux qui vivent d'alimens épicés, de haut goût, qui boivent des vins alcoho- liques, du rhum, de l'eau-de-vie et autres liqueurs ardentes. Remuez votre corps, modifiez votre régime, mangez des pru- neaux, vous n'aurez pas besoin de pilules pour aller à la garde-robe. Les pruneaux forment généralement la première nourriture qu'on permet aux convalescens, à la suite des maladies aiguës, et on peut les substituer avec avantage à la plupart des fruits exotiques qui contiennent un principe MUCOSO-suCré. La pharmacie s'était emparée de la petite prüne de Damas, dont elle faisait, avec quelques autres ingrédiens, des élec- tuaires laxatifs. Aujourd'hui ces petits pruneaux noirs sont tombés dans le domaine de la médecine économique. Ils rem- DES PLANTES USUELLES. 87 placent même la casse et le tamarin. On les recommande spécialement pour vaincre les constipations habituelles, les embarras gastriques, lorsqu'on craint l’action irritante des purgatifs ordinaires. Doux purganf. Prenez une poignée de pruneaux noirs ; faites-les bouillir dans une demi-livre d'eau, et buvez cette décoction un peu trouble le matin à jeun. Ce remède simple purge quelquefois mieux que les drogues énergiques. Il convient aux enfans, aux personnes délicates. En y mêlant une très petite pincée de séné, on a un purgatif d'un effet assez constant. On donne aussi la pulpe des pruneaux adoucie avec du sucre, et agréablement aromatisée. Si on y ajoute quelques gros de crème de tartre, il résulte de ce mélange un purgatif antibilieux, très convenable vers la fin des fièvres gastriques. Au reste, on se purgeait anciennement avec les petits pruneaux de Damas. Les Romains les appelaient Pruna Damascena , Pruna Syriaca. Le poète Martial, qui fait quel- quefois le médecin , les conseille pour avoir le ventre libre. Pruna peregrinæ carie rugosa senectæ Sume : solent duri solvere ventris onus. (Epigr. lib. 13.) En Pologne, en Hongrie, en Allemagne, en Suisse et dans les Vosges, on retire des prunes, par la distillation, une liqueur alcoholique dont il se fait une grande consommation dans ces pays. Cette liqueur imite en quelque sorte le kirsch- wasser, ou esprit de cerises , mais il n’a ni son arome , m1 son 88 NOUVEAU TRAITÉ goût, mi sa délicatesse. Dans le commerce, on confond ces deux liqueurs , et, dans le monde, certaines gens, qui veulent passer pour gourmets, n'y trouvent pas de différence. Vora de l'excellent kirsch, leur dit-on, il vient de la Forèt-Noire. Is le goûtent, ils le trouvent délicieux. C'est pourtant de la mauvaise eau-de-vie de prunes, telle qu'on la vend dans les cabarets des Vosges. Voilà ce qui se passe de temps en temps à Paris; je ne sais si à Vienne, à Munich ou à Berne, on a le palais plus délicat. CERISIER. CERASUS. Drupe globuleux, ombiliqué à la base, charnu , dépourvu de poussière glauque. Noyau lisse, arrondi, marqué latéra- lement d'un angle saillant. CERISIER COMMUN. CERASUS VULGARIS. Cerasus eulgaris. Marx. Dict. n. 1. — Cerasus capro- niana. DC. FI. Fr. 3784. — Prunus cerasus. Lin. Spec. 679. DEsr. Arbr. 2. 204. Porr. Encycl. Bot. 5. 668. BLacx. Herb. t. 449. Cet arbre a une tige d'une hauteur moyenne, revêtue d'une écorce lisse et grisâtre. Ses rameaux sont nombreux, fragiles, étalés, garnis de feuilles alternes, ovales, lancéo- lées , pétiolées , dentées en scie, glabres et d’un vert-un peu foncé. Les fleurs, d'un blanc de neige , produisent un effet char- mant. Elles sont agelomérées en petites ombelles , et soute- DES PLANTES USUELLES. 89 nues par des pédoncules plus où moins longs. Les fruits sont globuleux, d'une belle couleur rouge qui contraste agréablement avec la verdure des feuilles. Pline dit que le Cerisier fut apporté par Lucullus, l'an de Rome 680, du royaume de Pont en Italie où il n’était pas connu auparavant, et que dans l’espace de cent vingt ans 1l se propagea au-delà des mers, jusque dans la Grande-Bre- tagne. C’est probablement quelque espèce nouvelle que Lucullus aura fait connaître aux Romains, et non pas notre Cerisier sauvage ou Merisier, qui paraît exister de temps immémorial dans nos grandes forêts. On voit dans Athénée que les cerises étaient connues en Europe avant Lucullus. « Vous autres Grecs, dit Larensius, vous vous attribuez beaucoup de choses, soit comme les ayant nommées, soit comme les ayant trouvées ; vous 1gno- rez sans doute que Lucullus, général des armées romaines, après avoir vaincu Mithridate et Tigrane, est celui qui ap- porta le premier ce végétal de Cérasonte en Italie, et qu'il le nomma Cerasum, du nom de cette ville. C’est cependant ce qu'attestent nos historiens. » Daphnus lui repartit : « Mais Diphile de Siphné, homme très renommé, et qui a vécu nombre d'années avant Lucullus, c'est-à-dire sous Lysi- maque, un des successeurs d'Alexandre, fait mention des cerises. Il dit qu’elles sont stomachiques , d'un bon suc, mais peu nourrissantes; qu’elles ont une saveur fort agréable, mais qu'on préfère celles qui sont plus rouges , et celles de Milet, parce qu'elles sollicitent les urines. » (Banquet des Savans, liv. 2). Au reste, ne disputons point à Lucullus la gloire d'avoir apporté ce fruit délicieux à Rome. Nous avons vu d'autres vainqueurs plus occupés de ramasser de l'or que de faire con- naître des végétaux utiles. 90 NOUVEAU TRAITÉ Le Cerisier vulgaire offre plusieurs variétés dont les fruits sont connus sous les noms de cerises ou griottes. Ces cerises, de forme ronde, ont la peau fine, légèrement adhérente ; la chair molle, fondante , vineuse, agréable et plus ou moins acidulée. Elles sont nutritives par leur mucilage sucré, ra- fraichissantes par leurs principes acides. Il y a peu de fruits aussi salubres que les cerises bien mures, bien fondantes. Leur sue, étendu dans une suffisante quantité d'eau sucrée, forme une boisson fort agréable pour étancher la soif, pour tempérer la chaleur vive qui accompagne les phlegmasies, les fièvres bilieuses ou putrides. Cette boisson mucilagineuse, à la fois sucrée et acidulée, plaît singulièrement aux malades; elle tient le ventre libre, et fait couler plus facilement les urines. Dans les campagnes, où les citrons sont rares, et d'un prix trop élevé pour les pauvres, l'eau de cerises remplace fort bien la limonade. Toutes les cerises bien müres et un peu aigrelettes peuvent également servir à préparer ces tisanes rafraîchissantes, relâchantes et apéritives; on préfère néanmoins la griotte à courte queue, ou la cerise de Montmorency, fruit excellent par l'abondance et la fluidité de son suc. On peut également permettre les cerises crues ou cuites aux malades et aux convalescens qui éprouvent de la chaleur dans les entrailles, qui ont le ventre resserré. Il est rare que l'usage de ces fruits donnés avec discrétion ne leur soit pas favorable. Nous ne savons point profiter des dons que nous fait la nature. À la moindre indisposition nous courons aux remèdes que l'art a composés, et nous négligeons ce que nous avons sous la main. Presque toutes les personnes sujettes à la constipation s'empressent de prendre de la rhubarbe, de l’eau DES PLANTES USUELLES. 91 de Sedlitz gazeuse, des lavemens du matin au soir, et, ce qui est bien plus mauvais, des pilules aloétiques. Si nous sommes en hiver, je ne blâme point quelques grains de rhubarbe ou un verre d’eau de Sedlitz; mais en été je vous conseille de manger des fraises ou des cerises, sur- tout si vous habitez la campagne. Votre petit jardin vous les offre : votre pharmacie est là, elle est sans dégoût, sans amertume. Ces fruits ne tarderont pas à rafraîchir vos en- trailles, à réconcilier votre estomac et votre tête en désac- cord. Lorsque la constipation est opiniâtre, les intestins sont plus ou moins irrités, et cette irritation que le cerveau partage quelquefois très vivement peut produire l’hypochon- drie, la manie. Ces affections sont graves sans doute, cepen- dant les fruits suffisent quelquefois pour les vaincre. On a pu en voir un exemple frappant à l'article Fraises. Voici un fait non moins curieux. Le premier a été recueilli à Vienne par Van Swieten, le second à Paris par un homme non moins célèbre. Vésanie guérie par les Cerises. Corvisart n'était pas seulement le premier médecin de Paris, il possédait encore à un très haut degré l'art de plaire et l'art de bien vivre. IL était à la fois savant, aimable , spi- tuel et gourmand. Son plaisir était de réunir de temps en temps chez lui des médecins, des littérateurs, des artistes dramatiques , des peintres , etc. Il nous racontait un jour au dessert qu'un panier de cerises lui avait valu un superbe che- val. Il traitait un grand personnage affecté d'une espèce de vé- sanie, à la suite de quelques contrariétés qu'il avait éprouvées à la cour de Napoléon. Ce maniaque allait difficilement à la garde-robe, malgré les bains, les lavemens, le petit lait, le 92 NOUVEAU TRAITE bouillon de veau, les doux purgatifs, et un régime végétal. I était chagrin, soucieux, quelquefois taciturne, quelquefois d'une extrayagance, d'un emportement que rien ne pouvait maitriser. On n'avait point songé aux cerises, ni aux fraises, parce qu'il avait toujours eu une sorte d'antipathie pour les fruits. Cependant, comme l’état maladif modifie plus ou moins nos habitudes et nos sensations, Corvisart lui dit un jour : «Mais si vous mangiez des cerises! J'étais, il y a quelque temps, à peu près dans votre état, elles me firent un bien infini. — Eh bien! va pour les cerises, lui répond le malade, qu'on me donne tout de suite des cerises. — Vous en aurez, M. le duc, lui répliqua Corvisart, car J'en ai reçu ce matin de fort belles, et je Suis trop heureux de pouvoir vous les offrir. » On ap- porte un panier de cerises, on les montre au malade qui s’en empare, vide le panier, et puis s'endort. Son sommeil est calme et dure cinq ou six heures. A son réveil il ressent une sorte d'embarras douloureux dans le bas-ventre, et peu de temps après il a deux garde-robes énormes. Corvisart revoit son malade à huit heures du soir, et le trouve mieux. Il lui promet pour le lendemain un autre pa- nier de cerises. « Surtout qu’elles soient aussi bonnes, » lui dit le malade. On le couche. Le sommeil ne se fait pas attendre, et la nuit se passe presque sans agitation, tandis qu'auparavant c’étaient des cris plaintifs, des rêves affreux. II mange encore un panier de cerises, le lendemain autant, en- fin il ne prend pendant huit jours pour tout aliment que des cerises. Mais comme , après le deuxième panier, il était de- venu plus raisonnable , le troisième panier et les suivans furent divisés en trois parts qu'il mangeait à dix heures du matin, à deux heures, et à huit heures du soir. Ces fruits donnèrent constamment au malade deux et quelquefois trois DES PLANTES USUELLES. 93 garde-robes chaque jour. Peu à peu on lui servit des alimens plus substantiels, et, dans l'espace d'un mois, il se trouva par- faitement rétabli. Vers la fin du traitement, Corvisart, après avoir compli- menté le malade sur sa santé, lui dit : «M. le duc, lorsque vous pourrez sortir, je veux que vous me fassiez l'honneur de venir déjeuner chez moi : vous aurez encore des cerises de Colombe (c'était sa campagne), et en outre deux ou trois petits plats de convalescent. » Le jour est pris. Le noble client part monté sur un cheval de belle race. I arrive à l'hôtel du médecin de l'Empereur, et fait placer le cheval dans ses écuries. On annonce M. le duc. Corvisart lui donne la main, et, le voyant tout en sueur, lui demande sil a déjà fait une longue course. — «Non certes, je viens seulement d'essayer un assez joli cheval, mais il est trop vif, trop fringant pour moi. Je sais que vous êtes un habile cavalier, permettez- moi de vous l’offrir. » — Le docteur se confond en remerci- mens, il baise la main de M. le duc, en lui disant : «Mais c'est trop, mais c'est trop pour un panier de cerises. — Mon- sieur le docteur, lui répond le noble duc, j'eusse désiré vous donner un aussi bel attelage que celui de Lucullus quand il montra aux Romains l'arbre de Cérasonte. Vous m'avez réconcilié avec les cerises, vous m'avez rendu la santé, tuto, celeriter, jucundè ;:non, je ne pourrai jamais m'acquitter envers vous, mais il y a là, au fond de mon cœur, un senti ment de reconnaissance qui ne s’éteindra qu'avec ma vie. » Les cerises sont un fruit délicieux pendant les grandes chaleurs. Elles font l'ornement de nos tables; leur charmant aspect ranime er quelque sorte l'appétit déjà fatigué. On en 94 NOUVEAU TRAITÉ fait tout ce qu'on veut : des tartelettes, des gâteaux, des flans , des gelées, des confitures d'un goût agréable et fin. Elles donnent encore à l’économie usuelle des sirops, des vins, des ratafias; au commerce, le kirsch-wasser, liqueur alcoholique d'un arome exquis quand elle est bien préparée. Nous en parlerons tout à l'heure. Vin de Cerises. On prend douze livres de cerises bien mûres et d’un pour- pre foncé. On les écrase après en avoir Ôté les queues et les noyaux, et l'on fait fermenter le jus et le marc dans un baril ou dans une cruche. Lorsque la liqueur a acquis une odeur vineuse, on exprime le jus à la presse, et on le verse dans le même vaisseau, en y ajoutant une demi-livre de sucre par pinte de jus, et les noyaux écrasés. La fermentation recom- mence. Quand elle a cessé, vous soutirez la liqueur, ou bien vous la passez à la chausse pour la conserver dans des bou- teilles bien bouchées. Ce vin de cerises est un stomachique agréable, et se con- serve pendant plusieurs années. On le prend par petits verres. Les cerises à l’eau-de-vie font les délices du braconnier et de certains voyageurs. On se met en route, on part pour la chasse, lorsque l'estomac a reçu cinq où six cerises, et le petit verre d'eau-de-vie. Dans certains cantons, on fait sécher les cerises au four, et on les mange pendant l'hiver, cuites comme les pruneaux. C'est un mets vulgaire dans les Vosges et dans quelques dé- partemens du Midi. DES PLANTES USUELLES. 95 CERISIER DES OISEAUX. ge CERASUS AVIUM. Cerasus avium. DC. F1. Fr. 3786. — Prunus avium. Lainn. Spec. 680. LapEyr. Plant. Pyr. BLACK. Her». t. 495. C’est un des beaux arbres de nos forêts. Son tronc, d’un gris argenté, se divise en branches fortes, étalées, en ra- meaux nombreux, garnis de feuilles ovales, pendantes , denticulées à leur contour, vertes et lisses en dessus, blan- châtres et pubescentes à leur revers. Les fleurs sont blanches, latérales , disposées en ombelles sessiles, soutenues par des pédoncules grèles. Elles ont un calice à cinq divisions réfléchies, une corolle à cinq pétales ovales, échancrés en cœur à leur sommet. Les fruits sont petits dans les variétés sauvages , peu charnus, d’une couleur rouge foncée, presque noire. Cette espèce, qu'on appelle Merisier, croît dans les forêts, dans les bois des montagnes. Ses fruits, d'abord rouges, deviennent d'un pourpre noir quand ils sont mürs. Leur peau adhère à la chair, qui est tendre, aqueuse et sucrée. Les oiseaux contribuent beaucoup à répandre le Merisier : ils enlèvent ses fruits, dont ils sont très friands , et les répan- dent dans les haies, dans les broussailles. On cultive dans les champs et dans les jardins plusieurs variétés qui donnent des fruits de diverses couleurs ; il y en a de rouges, de noirs, de blancs, ou d'un blanc rosé. On les connaît sous les noms de guignes et de bigarreaux. Ces fruits, 96 NOUVEAU TRAITÉ moins délicats et moins estimés que les véritables cerises ou griottes, ne doivent pourtant pas être dédaignés. La guigne rouge du mois de juin a une chair succulente, vineuse et sucrée, de même que la guigne d’un noir luisant. Les bigarreaux ont la chair plus ferme, plus caSsante, mais dans quelques variétés elle est parfumée et très savoureuse. On mange beaucoup de guignes et de bigarreaux dans les campagnes. Les enfans vont même dans les bois disputer aux oiseaux les merises sauvages. C'est avec le suc de la grosse merise noire qu’on fait le kirsch-wasser, ou eau de cerises, liqueur spiritueuse si ré- pandue en Suisse, en Allemagne et même en France. On préfère cependant le kirsch préparé avec les merises noires, petites et succulentes; il a un goût de noyau plus fin, plus délicat. Kirsch-wasser. On cueille les merises quand elles sont bien müres, on les dépouille de leurs queues ou pétioles, on les écrase sous le pilon, et on les laisse fermenter dans des tonneaux pendant huit jours. On les distille ensuite à petit feu dans un alambic, comme l'eau-de-vie ordinaire. La bonté du kirsch-wasser dépend beaucoup de la qua- lité des merises plus ou moins müres , plus ou moins sucrées. Celles qui ont été en quelque sorte torréfiées par un soleil brülant sur des rochers exposés au midi, donnent un kirsch très parfumé, excellent. Lorsqu'il est bien fait, et qu'il a vieilli, il est un des plus agréables stimulans des voies di- gestives. Mais, outre qu'il acquiert très souvent un goût d'empyreume détestable par une mauvaise fabrication , il est DES PLANTES USUELLES. 97 encore sophistiqué par l'eau-de-vie de prunes. Ce mélange est d'autant plus malfaisant, que les noyaux de prunes four- nissent à la distillation une grande quantité d'huile délétère. Ces eaux-de-vie, qu’on devrait appeler eaux-de-mort, sont aisées à reconnaître à leur saveur âcre et empyreumatique. Les gens du peuple les recherchent à cause de la modicité de leur prix ; mais les malheureux qui s’adonnent à cette perni- cieuse boisson tombent dans un état de langueur, et perdent successivement toutes leurs facultés. En traitant, dans notre Phytographie médicale, de cer- taines liqueurs qui agissent quelquefois comme de véritables poisons , voici comme nous nous sommes exprimé au sujet du kirsch. « L'esprit de cerises, ou kirsch-wasser, comme l'appellent les Allemands , est aujourd'hui une liqueur à la mode. Il est plus agréable que l'eau-de-vie, le rhum, le tafia, le rack et autres liqueurs alcoholiques que produit la fermentation spiritueuse des végétaux. Son odeur suave, son goût déli- cat, affriandent le palais, la bouche en est comme parfumée, mais son usage habituel n’en est pas moins nuisible, surtout à l'égard des personnes douées d’une organisation délicate et d’une sensibilité exquise. «On est plus vif, plus léger, plus dispos, après le petit verre de kirsch; l'esprit engourdi se ranime, les sensations se réveillent. Les idées étaient paresseuses ; elles sortent du cerveau vives, fraiches, colorées : on travaille avec plus d’ar- deur, le sujet qu'on traite s'embellit, on le voit sous de nou- velles faces. Mais si vous doublez les doses pour multiplier votre travail, pour le rendre plus facile, vous portez dans votre sein une irritation féconde en maux de toute sorte. Votre estomac, votre cerveau, vos nerfs, se ressentent de cette espèce d'agression que vous renouvelez sans cesse; peu I. 7 98 NOUVEAU TRAITÉ à peu vos forces surexcitées s’épuisent, votre intelligence s'use et s’aflaiblit, vous perdez la mémoire, vos idées se troublent , vous travaillez avec pee, et au lieu d’un labeur riche et fécond, vous n'avez plus que l'impuissance du désordre. Une fois que vous vous êtes livré aux stimulans, que vous les avez savourés, que vous en avez contracté l'habitude, vous ne pouvez digérer, travailler, penser, vivre qu'en exci- tant vos organes. Observez bien qu'on ne règle pas plus l’ha- bitude des stimulans, qu'on ne règle toute sa manière de vivre; leur influence est telle, qu'il vous est bien difficile de vous en passer : c’est un besoin qui renaît sans cesse, besoin d'autant plus insidieux, que les forces semblent renaître lorsqu'il est satisfait. Enfin, pour avoir porté au-delà des li- mites naturelles l'émotion de vos organes, vous les avez rendus insensibles à des impressions plus modérées; 1l vous faut doubler, tripler, renouveler les doses. « Mais nous ne saurions blâmer l'usage du kirsch, lorsque le corps, soumis à de rudes fatigues, a besom d'être récon- forté par quelque stimulant. Si vous parcourez les Alpes ou les Pyrénées, mumissez-vous d'un flacon d'esprit de cerises ; c'est le viatique indispensable dans ces vastes solitudes, c’est lui qui vous fait franchir les torrens, escalader les rochers, c'est lui qui vous réveille sur ces hautes cimes, quand les vents imprégnés du froid de la nuit engourdissent vos mem- bres fatigués. Voyez-vous ces roches menaçantes suspendues sur votre tête, ces vieux mélèzes, ces pins mutilés, gisant sur un sol tout empreint de ravages, ces profonds tapis de neiges, ces glaciers immenses qui vous entourent et vous éblouissent; ce sentier étroit entre deux abîimes où aucun être vivant n'a marqué la trace de ses pas? Entendez-vous ces craquemens multipliés, ces éclats comparables à ceux de la foudre, accompagnés d’un roulement d’avalanches, roule- DES PLANTES USUELLES. 99 ment sourd, propagé à l'infini par l'écho des montagnes , mêlé au murmure de l'air, au bruissement sauvage des eaux? «Ces grandes scènes de la nature vous ont frappé d’étonne- ment et d'eflroi; votre âme s'est émue à l'aspect de tant de périls, votre sang s'est glacé dans les veines; image de la mort est là, devant vous ; elle vous apparaît livide, sanglante ; vous êtes froid, inanimé, prêt à défaillir. Mais vous portez avec vous un salutaire breuvage; vous faites couler sur vos lèvres tremblantes quelques gouttes d'esprit de cerises; cette liqueur vous réveille, vous ranime, dissipe les ténèbres qui couvraient vos yeux. Une douce chaleur se répand dans vos membres engourdis, votre courage renaît, le ravissement succède à la crainte. Ces amas de neige, ces torrens, ces ro- chers , excitent maintenant votre admiration : tout est nou- veauté, tout est prodige. Vous ne voyez plus que la grandeur des lieux; tous ces bruits divers qui vous avaient causé tant d'épouvante ne sont plus qu'une sorte d'harmonie sauvage qui vous transporte; votre cœur est plein de force, de joie et d'enchantement. » ( Phytographie médicale, nouvelle édition, t. I, p. 219.) Une sorte de merise noire, la petite cerise marasque de Dalmatie, nous donne le Marasquin de Zara (Maraschino di Zara), liqueur exquise, mais rare et fort chère. On le con- trefait à Paris et ailleurs avec du kirsch et une proportion convenable d'eau sucrée. Quelle différence entre ce maras- quin bâtard, et le véritable marasquin qui nous vient par la voie de Venise! Celui-ci à un parfum qui charme l’odorat et le goût, c'est du nectar pour un palais sensuel, érudit; l'autre à quelque chose de plat, de factice, qui vous apprend à l'instant même son origine de faubourg. © cupidité mer- cantle ! il faut qu'elle gâte tout ce qui fait la joie de l'homme ! 100 NOUVEAU TRAÎTÉ Voilà comme le goût se corrompt, comme la foi dans les meilleures choses saffablit et s’étemt! Rendons pourtant justice à quelques uns de nos habiles distillateurs; ils font avec nos petites merises bien mûres une liqueur agréable- ment parfumée : c'est la même forme de flacon, la même étiquette, Maraschino di Zara, mais ce n'est point du ma- rasquin. Certes, nous conseillons rarement aux malades les liqueurs alcoholiques; cependant, faut-il le dire? nous avons une sorte de prédilection pour le marasquin d'Italie, et nous l'avons quelquefois conseillé. Voici en quelle circonstance. Il est des hommes, surtout dans une certaine classe, dont l'estomac énervé, paresseux, et pourtant irritable encore, supporte avec impatience les stimulans ordinaires. Il faut à ces vieux enfans gâtés quelque chose qui les délecte, qui les ranime voluptueusement. Au lieu de vos élixirs amers, de vos mixtures de quinquina et de valériane qui les affligent, qui les font tressaillir sans les soulager, donnez-leur quelque remède agréable qui les réconcilie avec la médecine; accor- dez-leur quelques petites cuillerées de marasquin, vous verrez leur confiance renaître avec leur courage, et ils vous béni- ront d'avoir tempéré votre rigueur par un peu d'indulgence. Il y à plusieurs catégories de malades. La médecine ordi- naire, la médecine d'hôpital n'est pomt celle qu'il faut faire dans le monde, surtout dans un certain monde. Assurément une inflammation vive doit être traitée partout avec la mé- thode qu'on appelle antiphlogistique ; mais beaucoup d'autres maux demandent, à l'égard de certains malades, des mé- thodes mixtes, tempérées. Voilà où est la difficulté de l’art; voilà la cause fréquente de son peu de succès, quand il ne DES PLANTES USUELLES. 101 sait pas allier la médecine de l'esprit avec la médecme du corps. Parlerons-nous du ratafia des quatre fruits dont la cerise fait partie, et de ce bon ratafia de Grenoble qu'on prépare avec la merise noire des bois? Oui certes. Nous écrivons un peu pour tout le monde, c'est le tour des petits ménages. Avec un peu d'intelligence on pourra préparer soi-même ces. liqueurs adoucies par les fruits; elles n’en seront que meil- leures. Ratafia des quatre fruits. Vous prenez douze livres de cerises, ou de merises noires bien mûres, bien succulentes, six livres de groseilles, quatre de framboises et trois de cassis. Vous exprimez le suc de vos fruits réunis; vous y mêlez six onces de sucre par pinte de jus, et vous ajoutez ensuite la même quantité d'eau-de-vie que vous avez'de jus de fruits, avec un gros de cannelle fine. Vous faites macérer pendant dix ou quinze jours, vous ex- primez la liqueur et vous la filtrez. Ratafia de Grenoble. Vous prenez six pintes de jus de merises noires des bois , autant d'eau-de-vie, et un peu de zeste de citron. Vous ajoutez les noyaux concassés, et vous faites macérer pendant un mois. Vous exprimez la liqueur, et vous l’édulcorez avec trois livres de sucre fondu en sirop. Ces liqueurs de ménage sont douces, agréables, et en 102 NOUVEAU TRAITÉ même temps stomachiques. Mais il faut en user sobrement. Si l'on en prend tous les jours, l'estomac s'habitue à cette stimulation ; 1l devient paresseux, exigeant, enfin il a besoin d'être excité davantage pour pouvoir digérer. Les ratafias domestiques, quelque doux qu'ils soient, ne conviennent point aux tempéramens nerveux, irritables, aux personnes menacées de quelque inflammation viscérale, aux enfans, aux jeunes gens. Les tempéramens froids, inertes, phlegma- tiques, s’en accommodent beaucoup mieux, ainsi que les vieillards et les convalescens dont les forces sont épuisées ou - très affaiblies. Le Cerisier mahaleb ( Cerasus mahaleb. Linn.), connu sous le nom de bois de Sainte-Lucie, porte des baies ou petites cerises avec lesquelles on fait aussi le kirsch-wasser. Suivant M. Rauch, agriculteur éclairé des Vosges, cette liqueur est supérieure aux autres eaux-de-vierde cerises. Ce mème fruit remplace la petite cerise marasque de Dalmatie, pour la composition du marasquin. Tout le monde connait le Cerisier laurier-cerise (Cerasus lauro-cerasus ), qu'on appelle vulgairement laurier amandier, mais tout le monde ne sait pas qu'il figure parmi les poisons les plus énergiques. Ce bel arbrisseau d'origine asiatique, depuis fort long- temps cultivé en Europe, porte des feuilles et des fleurs qui ont le goût de l’'amande amère. Il faut être très circonspect dans l'emploi économique de cette espèce de Cerisier. Une ou deux feuilles aromatisent agréablement certaines liqueurs de table, leur donnent, ainsi qu’au laitage et aux crèmes, un goût d'amande amère ; mais cette sensualité peut devenir funeste, DES PLANTES USUELLES. 103 si la dose des feuilles est assez forte pour communiquer aux boissons et aux alimens une amertume prononcée. Nous avons exposé l'histoire générale de ce végétal dans notre Phytogra- plie médicale, et nous avons rapporté des faits nombreux qui ne laissent aucun doute sur ses propriétés délétères. ( Voyez : tom. 111, pag. 200.) 410% NOUVEAU TRAITÉ LÉGUMINEUSES. LEGUMINOSÆ. Leguminosæ. Juss. Apaws. DC. ACACIA. MIMOSA. Calice tubuleux , à cinq dents. Corolle à cinq pétales ou à cinq divisions, quelquefois nulle. Cinq étamines ou davan- tage ; filamens capillaires plus longs que la fleur. Un style; un stigmate. Légume de forme variable, quelquefois ailé ou articulé, lisse ou hérissé de pointes. À ACACIA D'ÉGYPTE. MIM OSA NILOTIC4. Mimosa Nilotica. Lin. Spec. 1506. — Acacia vera. J. Baux. Hist. Plant. 1. 429. Cet arbrisseau croît en Égypte , Sur les bords du Nil, dans l'Arabie, dans l'Abyssinie, etc. ; son tronc, recouvert d'une écorce brune, se divise en branches lisses, rougeûtres , garnies de feuilles deux fois ailées, composées de quatre ou cinq paires de pinnules, à folioles obtuses à leur sommet. " A Ja base des feuilles , on trouve des épines géminées, grêles et blanchâtres. Les fleurs sont jaunes, petites, disposées en têtes globu- leuses, et portées sur des pédoncules axillaires. Elles pro- DES PLANTES USUELLES. 105 duisent des gousses articulées, brunes ou roussâtres, compri- mées , renfermant plusieurs semences. Il découle spontanément de l'écorce des branches et du tronc de cet arbrisseau une sorte de gomme connue dans le commerce sous le nom de gomme arabique. C'est une sub- stance dure, réunie en morceaux fragiles, de la grosseur d'une noix, un peu inégaux, raboteux, plus ou moins trans- parens, rougeâtres ou d’un jaune pâle, d’une saveur fade et visqueuse. ACACIA DU SÉNÉGAL. MIMOSA SENEGALENSIS. Mimosa Senegalensis. Linn. Spec. 1056. Lam. Encycl. Bot. 1. 19. Arbrisseau de quinze à vingt pieds de hauteur, dont les rameaux tortueux , irréguliers, portent des feuilles deux fois ailées, composées de quatre ou cinq paires de pinnules , à folioles veinées , terminées par une petite pointe à leur som- met. La base de chaque feuille est garnie de trois épines noi- râtres , luisantes et crochues. Les fleurs sont blanches , petites, disposées en épis pé- donculés et axillaires. Les gousses sont aplaties, très minces et jaunâtres. Cette espèce d'Acacia croît et abonde dans les sables qui bordent la côte maritime du Sénégal. Il découle également de ses branches un suc gommeux, sous la forme de larmes transparentes, cristallines, blanches, d’une saveur douce et visqueuse : on l’appelle gomme du Sénégal. 106 NOUVEAU TRAITÉ La gomme arabique et la gomme du Sénégal jouissent des mêmes propriétés, et on se sert indifféremment de l'une ou de l'autre. Au reste, toute la gomme qui vient par la voie du commerce n'est pas ramassée sur les arbres. La manière la plus ordinaire d’en obtenir une grande quantité, est de creuser au pied des vieux troncs. On trouve alors de grosses masses de gomme qui ont suinté des racines. Les na- turels nettoient ces morceaux de la terre qui les salit, soit en les lavant , soit en les fondant ensemble. Tout le monde connaît la gomme arabique et sa vertu adoucissante. C'est bien là un remède populaire, un remède - domestique, surtout depuis une vingtaine d'années. Les mé- decins n'ont pas oublié sans doute l’eau de gomme et les sangsues de la médecine physiologique. On à rompu bien des lances pour l’eau de gomme et les sangsues : le combat s'est engagé dans les grandes écoles , dans les hôpitaux, dans les villes, dans les campagnes , partout; et après beaucoup de bruit, beaucoup d'injures, on est revenu insensiblement à des idées plus sages , plus rationnelles. Certes, ce n’est pas nous qui pourrons nous plaindre de cette médecime simple , nous la recommandons au contraire à chaque page; mais nous avons toujours cru qu'une mé- thode unique était insuffisante pour guérir toutes les affec- tions maladives. Employez les sangsues et l'eau de gomme lorsque les organes digestifs ou les voies urinaires sont dans un état d'irritation et de phlogose, ces moyens simples au- ront plus de succès qu'une méthode plus riche, plus com- pliquée. La diarrhée , la dysenterie, entretenues par l'éré- {hisme des intestins, se calmeront également sous l'influence de l'eau de somme. La gomme arabique est le remède obligé des rhumes opi- DES PLANTES USUELLES. 107 mitres ; elle adoucit les symptômes de la phthisie pulmo- naire : on la donne surtout lorsque des humeurs âcres s'emparent de la gorge, provoquent une toux sèche, pé- nible et fréquente. Dans ces cas, on en fait une sorte d'émulsion. Emulsion de gomme arabique. Prenez: gomme arabique, demi-once; sucre blanc, deux onces ; faites fondre dans une livre et demie d'eau d'orge aro- matisée avec un peu d’eau de fleurs d'oranger. On peut y ajouter, si l'irritation est très vive, demi-once ou une once de sirop de pavot blanc. Tisane adoucissante. Prenez: gomme arabique, une once; gomme adragant , un gros ; faites bouillir dans une pinte et demie d'eau jus- qu'à réduction d'une pinte, et ajoutez à la colature, sucre candi, deux onces. Cette tisane, qu'on prend par tasses, est utile dans les rhumes, le catharre aigu, le crachement de sang, la dysen- terie, et autres irritations viscérales. On prépare avec la gomme arabique un sirop qui porte son nom, et qui est excellent pour favoriser l’expectoration, pour calmer la toux. On s’en sert pour édulcorer les tisanes , les boissons adoucissantes. On fait également avec cette gomme des pâtes sucrées , des tablettes pectorales qui ont les mêmes vertus. Toutes les pâtes, toutes les compositions pectorales , avec brevet ou sans brevet du gouvernement, ne sont autre chose que de la gomme arabique et du sucre, où l'on a mêlé 108 NOUVEAU TRAITÉ quelque substance colorante pour en faire un remède nou- veau aux yeux de l'amateur enrhumé. Nous ne blâmons point l'usage de ces différentes pâtes, qui sont plus ou moins adoucissantes; c'est l'abus qu'on en fait que nous con- damnons. Gardez-vous d'en prendre une, deux et trois boîtes en vingt-quatre heures, comme on vous le conseille : non seu- lement la toux ne s’apaisera point , mais vous farcirez le tube digestif d'un mucilage épais, visqueux , qui affaiblira l’action de l'estomac et des intestins, détruira votre appétit. Cette énervation se réfléchira peu à peu sur tout l'organisme, les poumons perdront tout-à-fait leur ressort, et vous périrez de la maladie que vous vouliez prévenir. Avant de vous rem- plir de toutes ces pâtes, consultez un médecin habile. D'ailleurs le rhume, la toux, les affections catharrales du poumon ne demandent pas toujours des remèdes adoucis- sans. Il faut quelquefois avoir recours à de légers purgatifs pour débarrasser le tube alimentaire dont l'engorgement en- tretient la toux; et quelquefois aussi on a besoin de quelques toniques pour remonter les organes affaiblis par des mé- thodes énervantes. Les rhumes de l'hiver sont quelquefois très rebelles; mais ils se guérissent au printemps par une crise naturelle, par les crackats, par une sorte d'excrétion muqueuse. Il ne faut pas trop multiplier les remèdes ; 1l suffit quelquefois de se vêtir convenablement, de faire un doux exercice et de vivre avec tempérance. Voici un remède simple contre les rhumes opimitres, avec plus ou moins d'irritation. DES PLANTES USUELLES. 109 Pâte pectorale instantanée. Vous prenez gros comme un pois de gomme arabique, et deux fois autant de sucre candi, que vous laissez fondre peu à peu dans votre bouche, et vous renouvelez de temps en temps cette petite application; ce qui ne vous empêche pas de boire quelques petites tasses d’une infusion théiforme de fleurs de violette et de tilleul, édulcorée avec du sucre ou du sirop de gomme. On guérit beaucoup plus de rhumes avec cette méthode simple qu'avec les remèdes les plus vantés. Mais cette mé- thode n’a pour elle que sa simplicité toute nue, tandis que les grands remèdes ont la voix retentissante des journaux qui transporte leurs miracles de Paris jusqu'à Saint-Pétersbourg. Point de mérite sans beaucoup de bruit. La gomme arabique doit être rangée parmi les substances alimentaires. Des voyageurs, des naturalistes dignes de foi, racontent que des peuplades entières, que des caravanes ont vécu pendant plusieurs mois de gomme arabique. Ce suc, très rafraichissant, est d’un si grand usage parmi les Arabes, qu'ils en font leur principale nourriture pendant leurs voyages. En eflet, il doit leur être d'un grand secours dans des pays arides et sous un ciel brülant, où ils trouvent si rarement de l’eau pour étancher leur soif ardente. Il est vrai que M. Magendie s’est livré à des expériences qui pourraient faire douter des facultés alimentaires de la gomme. Des chiens nourris avec cette substance ont maigri dès la deuxième semaine, et sont morts ensuite dans le marasme. 110 NOUVEAU TRAITÉ Mais ces épreuves perdent beaucoup de leur valeur par la grande différence qui existe entre l’homme et les animaux. C'est ainsi qu'il ne faut point juger des propriétés des médi- camens par les effets qu'ils produisent sur des chiens, sur des singes, sur des lapins, sur des rats, etc. Tout cela est curieux, admirable même dans un amphithéâtre , pour des jeunes gens avides de science, mais au lit du malade ils feront bien de l'oublier un peu. Au lieu de perdre votre temps à examiner les entrailles palpitantes de ces pauvres animaux, étudiez le tempérament, le caractère, les habitudes, les pas- sions de l’homme : votre vie ne suffira même pas pour une étude si longue, si difficile. ACACIA CACHOU. MIMOSA CATECHU. Mimosa catechu. Lin. Suppl. 439. Lam. Encycl. Bot. 1. 20. Arbrisseau des Indes orientales , dont les rameaux sont garnis de feuilles deux fois ailées, composées de quinze à vingt paires de pinnules qui soutiennent un grand nombre de folioles étroites, linéaires , obtuses à leur sommet. Les fleurs sont jaunes, disposées en épis axillaires et pé- donculés. Le fruit est une gousse noirâtre, aplatie, longue de deux ou trois pouces. On croit généralement que le Cachou du commerce est fourni par cet arbrisseau. C'est un suc concret, réuni en masses solides, d’une couleur roussätre ou d’un rouge brun, d'une cassure vitreuse, d'un goût styptique, légèrement amer. D’après l'analyse de Davy, le Cachou contient un DES PLANTES USUELLES. 114 principe extractif, du mucilage et une grande quantité de tannin. Le Cachou est doué d'une vertu astringente très éner- gique. Il relève le ton de l'estomac et des intestins d’une ma- nière admirable ; il réprime ces diarrhées symptomatiques qui se développent pendant le cours des fièvres typhoïdes, et qui tendent à énerver de plus en plus les forces du malade. Nous l'avons souvent donné, avec le diascordium, dans du vin ou dans une infusion aromatique. Poton tonique. Prenez : Cachou ét diascordium, de chaque un gros; infu- sion de menthe ou vin de Bordeaux, six onces. On prend de temps en temps une cuillerée à bouche de cette potion. Elle est plus simple et aussi salutaire que la plupart des remèdes de ce genre. Mais il ne faut pas attendre que les forces soient pres- que anéanties. Aussitôt que le pouls se déprime, et que la diarrhée devient excessive, il faut se hâter de donner le Cachou. C'est à la suite d’une campagne pénible, d'un long siége , de grandes privations , que les maladies aiguës se compliquent de ces cours de ventre si funestes dans les hôpitaux militaires. Le Cachou , le diascordium, l'extrait de quinquina, voilà d'excellens remèdes quand on sait les administrer à propos. C’est en vain qu'on s’est efflorcé, il y a quelques années, de les rayer du formulaire des hôpi- taux; les bons esprits les ont conservés dans leur pratique pariiculière , et ils savent y recourir au besoin. Certes , les cours de ventre n’exigent pas toujours l'emploi des toniques ou des astringens , tant s'en faut ; ils sont même 112 © NOUVEAU TRAITÉ assez souvent le symptôme d’une inflammation viscérale plus ou moins vive : mais alors l'abdomen est plus ou moins tendu, plus ou moins sensible ; la peau est sèche, quelquefois brû- lante, la langue plus ou moins rouge sur les bords ; il est inutile de faire observer que dans ces circonstances il faut une autre méthode. La leucorrhée, les flux hémorrhagiques, et autres éva- cuations excessives dont on peut rapporter la cause à un relâchement, à une atonie morbifique, s’'amendent, se gué- rissent même par l’usage du Cachou ; l'observation et l'expé- rience l’attestent : mais ces affections diverses sont très souvent l'effet d'une irritation organique ou d'un état d'in- flammation qui réclame des moyens tout-à-fait opposés. Il faut donc sans cesse recourir aux causes spéciales des mala- dies , si on veut les combattre avec avantage. Il est mème des évacuations critiques qu'il faut respecter, des flux habituels qu'il faut traiter avec beaucoup de prudence, car leur suppression subite pourrait occasionner de grands dom- mages. Tisane astringente. Faites bouillir deux ou trois gros de Cachou dans deux livres d'eau de riz; passez et ajoutez à la colature une suffi- sante quantité de sucre ou de sirop d’écorce d'orange. Cette décoction est efficace contre les cours de ventre causés par le relâchement intestinal. On la consomme dans l'espace de vingt-quatre heures. Le Cachou forme la base de plusieurs compositions très estimées. On prépare, avec cette substance , la myrrhe, l’es- prit-de-vin, des teintures, des élixirs antiscorbutiques , etc. DES PLANTES USUELLES. 113 Tout le monde connaît les pastilles odoriférantes de Cachou ; on s’en sert pour favoriser le travail de l'estomac et donner à l'haleine une odeur agréable. Élixir antiscorbutique. Prenez : Cachou, myrrhe, de chaque demi-once; baume du Pérou, deux gros; esprit de cochléaria, quatre onces ; eau-de-vie camphrée, huit onces. Faites digérer pendant huit jours, et filtrez. C’est un fort bon remède pour raffermir les gencives, pour combattre l'affection scorbutique de la bouche. CAROUBIER. CERATONTA. Calice très petit, à cinq divisions inégales. Corolle nulle. Cinq étamines; filamens beaucoup plus longs que le calice. Ovaire entouré d'un disque charnu, à cinq lobes. Gousse allongée, comprimée, presque coriace; loges pulpeuses; semences ovales, dures, luisantes. CAROURBIER A LONGUES GOUSSES. CERATONIA SILIQUA. Ceratonia siliqua. Lanx. Spec. 1513. Lam. Encycl. Bot. 1.635. DC. F1. Fr. 3796. DEsr. 2. 252. Duxam. Arbr. DCIIOPAICANAN AIG LS: C'est un arbre d'une grandeur médiocre, toujours vert, dont les rameaux forment une tête arrondie. Les feuilles IT. 8 11% NOUVEAU TRAITÉ sont ailées sans impaire, à six ou huit folioles ovales, ob- tuses, lisses, fermes, d’un beau vert en dessus, veinées et d'une teinte plus pâle en dessous. Les fleurs sont disposées en grappes simples, presque sessiles, d'un pourpre foncé avant leur entier développe- ment. Les fruits sont des gousses épaisses, pulpeuses, compri- mées, pendantes, souvent arquées, divisées intérieurement par des cloisons transversales, en plusieurs loges renfermant chacune une graine. Le Caroubier croît naturellement en Italie, en Espagne, en Égypte, dans le Levant, et dans quelques cantons de la Provence. On le trouve dans les terrains arides et incultes, parmi les rochers exposés au soleil. Il est connu depuis long-temps; Théophraste en a parlé sous le nom de Sike. Ses fruits dans leur parfaite maturité contiennent une pulpe douce, mielleuse, laxative, d’un goût assez agréable. M. Proust en a retiré du sucre. Ils servent de nourriture aux bestiaux et les engraissent. Dans le Levant et en Barbarie la classe indigente s'en nourrit également. En Turquie on en fait des sorbets , et en Égypte on en retire une sorte de miel qui leur sert à confire d'autres fruits. On obtient par la fermentation des siliques une assez bonne eau-de-vie avec laquelle on prépare des liqueurs agréables. Cinq livres de fruits secs donnent une livre d’eau- de-vie. DES PLANTES USUELLES. 115 TAMARINIER. TAMARINDUS. Calice turbiné à sa base, divisé à son limbe en quatre dé- coupures profondes, réfléchies et caduques. Corolle à trois pétales ouverts, ondulés, redressés, presque égaux. Trois étamines fertiles dont les filamens arqués se réunissent infé- rieurement avec quelques autres filamens stériles. Un ovaire, un style et un stigmate. Gousse allongée, obtuse, comprimée, pulpeuse; une valve; une à trois loges renfermant une à trois semences anguleuses. TAMARINIER DES INDES. TAMARINDUS INDICA. Tamarindus Indica. Lan. Spec. 48. Porr. Encyel. Bot. 7. 561. Lam. Ilustr. t. 25. Rare. Hort. Malab. t. 93. C'est un assez bel arbre qui croît naturellement dans les deux Indes, au Sénégal, en Égypte, en Arabie, etc. Son tronc, revêtu d'une écorce brune, se divise en plusieurs bran- ches touflues, garnies de feuilles alternes, ailées, à folioles nombreuses, étroites, un peu velues en dessous, obtuses à leur sommet, et d'un vert luisant. Les fleurs naissent à l'extrémité des rameaux ou dans l’ais- selle des feuilles, en grappes légèrement inclinées : elles ont un calice à quatre folioles ovales, pointues, une corolle à trois pétales ondulés, presqu'égaux, d'une couleur rosée avec des stries d'un rouge de sang. 116 NOUVEAU TRAITÉ Le fruit est une gousse oblongue, obtuse, comprimée, remarquable par trois ou quatre protubérances, et munie de deux enveloppes entre lesquelles se trouve une pulpe noirâtre avec quelques semences anguleuses d'un rouge brun. Cet arbre est très sensible aux changemens que l'air éprouve par la vicissitude des jours et des nuits. On dit que son fruit se retire régulièrement sous les feuilles au coucher du soleil, et que le lendemain il reparaït dès le lever de l'au- rore. Le Tamarinier n’a été connu que des Grecs modernes. Les Arabes appellent son fruit Tamer-hindy, Datte de l'Inde. La médecine emploie la substance molle qu'il renferme, sous le nom de pulpe de Tamarin. Cette substance, d'une saveur acide assez agréable, donne à l’analyse du sucre, de la gélatine, de la gomme, de l’acide citrique, de l'acide malique, de l'acide tartarique et de l'amidon. Cette composition chimique rap- proche le Tamarin de plusieurs de nos fruits mdigènes. La médecine emploie fort peu maintenant la pulpe de Ta- marin. C’est pourtant un remède utile dans le traitement des fièvres bilieuses; 1l calme la soif, tempère la chaleur fébrile, et tient le ventre libre. Deux onces de pulpe que l'on délaye dans deux livres d'eau tiède forment une boisson laxative et rafraîchissante. Lorsqu'on veut exciter plus vivement la membrane intestinale, il faut que la pulpe soit fondue dans un véhicule moins abondant. On y joint aussi quelquefois de la manne ou des feuilles de séné. Mais ce qui doit nous rendre circonspects sur l'usage du Tamarin, c’est qu'il nous parvient ordinairement détaché des siliques, qu'il est plus ou moins altéré, qu'il manifeste très souvent une saveur âcre, nauséabonde, et qu'il peut alors irriter les voies digestives, surtout s'il contient des parties de cuivre: Pour reconnaître la présence du cuivre dans la DES PLANTES USUELLES 117 pulpe de Tamarin, il suffit de la chaufler dans un vaisseau de porcelaine, et de l'agiter avec une spatule de fer. La sur- face de la spatule est Ho recouverte d’une couche de cuivre. Du reste, la pulpe de nos pruneaux peut être substituée avantageusement au Tamarin, surtout si l'on y ajoute un peu de tartrate acidule de potasse. Le Tamarin est très utile dans les climats chauds où il sert d'aliment et de boisson. Les Turcs et les Arabes ont grand soin d'en garnir leurs calebasses pour se préserver de la soif, dont ils seraient tourmentés dans les déserts 1m- menses qu'ils ont à parcourir. Les Indiens et les Américains en font des gelées, des confitures très recherchées. En Afrique les nègres mêlent le Tamarin avec le riz et autres alimens. CASSE. CASSIA. Calice à cinq folioles concaves, colorées, caduques. Co- rolle à cinq pétales arrondis, les inférieurs écartés, et un peu plus grands que les autres. Dix étamines imégales, dont trois petites et souvent stériles, quatre de moyenne grandeur, droites et fertiles, et trois inférieures plus grandes, à an- thères arquées. Ovaire pédiculé. CASSE ORDINAIRE. CASSIA FISTULA. Cassia fistula. Lann. Spec. 540. Lam. Encycl. Bot. 1. 645. Rumpx. Herb. Amb. 2. t. 21. Arbre élevé qu'on trouve aux Indes orientales, en Egypte eten Amérique. Son tronc est droit, recouvert d'une écorce 118 NOUVEAU TRAITÉ | unie, d'une couleur cendrée au dehors, d'un rouge pâle in- térieurement; Ses rameaux portent des feuilles alternes, pé- tiolées, composées de cinq ou six paires de folioles ovales, pointues, d'un vert pâle, munies de nervures fines et obliques. Les fleurs sont grandes, pédonculées, jaunes, disposées en grappes un peu lâches, longues de huit à dix pouces, et axillaires. Le fruit est une gousse droite, cylindrique, pen- dante, longue d'environ un pied et demi, brune en dehors, jaune intérieurement, divisée par des cloisons transversales et parallèles. Cette gousse ou silique contient une pulpe noire, moel- leuse, douce, qui fournit à l'analyse un principe extractif, du sucre , de la gélatine, du gluten et de la gomme. La Casse est un doux purgatif, introduit en médecine dans le moyen âge par les Arabes. Elle a eu une grande vogue, mais, comme le tamarin, elle est presque tombée en désuétude. La Casse, le tamarin, le séné, la rhubarbe, jouis- saient d'une haute réputation lorsqu'on purgeait fréquem- ment les malades. La lancette et les sangsues les ont peu à peu expulsés de nos dispensaires. Voici pourtant une sorte de réaction médicale qui les réha- bilite : on dit même que cette discussion est fort animée dans les réunions de nos corps savans. Serons-nous purgés ou saignés, si nous avons le malheur d'être atteints de quelque fièvre typhoïde? Voilà la question à l'ordre du jour. Les malades ou ceux qui craignent de le devenir en attendent la solution dans un état d'angoisse. II nous semble qu’elle est depuis long-temps jugée par les bons observateurs. Vouloir guérir le typhus par une méthode unique, exclusive, par les purgatifs, ou par les saignées, c'est une prétention aussi absurde que funeste; c’est une DES PLANTES USUELLES. 119 sorte de monomanie thérapeutique. Il faut purger ou sai- gner, suivant la nature de la maladie. Lisez Sydenham, Pringle, Huxham, Stoll, Hildenbrand, Berthe, etc.; vous verrez que ces deux méthodes ont eu tour à tour des succès. | Revenons à notre Casse. Lorsqu'elle est récente et bien conservée, elle fournit un doux purgatif aux enfans, aux femmes nerveuses, aux personnes délicates qui vont difficile- ment à la garde-robe. On la donne quelquefois dissoute dans du petit-lait. Tronchin administrait fréquemment la Casse, et tous les médecins connaissent sa fameuse marme- lade, mélange de pulpe de Casse, de manne, de sirop de violettes et d'huile d'amandes douces. La Casse prolongea les vieux jours de Voltaire. (Deize.) Voltaire était habituellement constipé, et souvent morose. - Tronchin, son médecin et son ami, lui donnait de temps en temps de la marmelade de Casse qui agissait avec douceur sur les entrailles irritées du vieillard. Je ne sais pourquoi les médecins ont abandonné l'usage de cette composition relâchante, qui n’est point désagréable au goût, et qui soulage ordinairement les hypochondriaques, les hémorrhoïdaires, tourmentés par la constipation. Voici au reste la formule de cette espèce d’électuaire. Marmelade de Tronchin. Prenez : pulpe de Casse récente, manne pure, sirop de violettes, huile d'amandes douces, de chaque deux onces; gomme adragant, seize grains; eau de fleur d'orange, deux gros. 120 : NOUVEAU TRAITÉ Ces substances parfaitement mêlées forment un électuaire ou une-espèce de looch épais, dont on prend une ou deux cuillerées à bouche le matin à jeun, ou le soir en se cou- chant. La Casse est alimentaire dans l'Inde, en Égypte et dans le Leyant. On prépare avec la pulpe cuite une sorte de confiture assez agréable. Le genre Casse renferme un arbrisseau précieux par ses feuilles et ses gousses, c’est le Séné d'Alexandrie ou du Le- vant. Le Séné est encore un purgatif presque tombé dans l'oubli. Nous avons longuement décrit ses propriétés et ses usages thérapeutiques dans un autre ouvrage, nous ne pou- vons qu'y renvoyer le lecteur. (Voyez Phytographie médicale, tar, pe 229.) SOPHORA. SOPHORA. Calice court, campanulé, à cinq dents. Corolle papillo- nacée, à cinq pétales. Dix étamines libres, à filamens ter- minés par des anthères petites, redressées. Un style de la longueur des étamines. Gousse grêle, allongée en forme de chapelet. SOPHORA DU JAPON. SOPHORA JAPONICA. Sophora Japonica. Tainx. Syst. Veget. 391. n. 5. Porr. Encycl. Bot. 7. 230. Desr. Arbr. 2. 257. DunAM. Arbr. Ed. nov. 3. 84. t. 21. C'est un arbre haut de soixante pieds et plus, remarqua- ble par sa belle forme, par son feuillage léger, touffu, d'un DES PLANTES USUELLES. 121 beau vert. Ses rameaux, de couleur purpurine, se garnissent de feuilles alternes, pétiolées, ailées avec une impaire, com- posées de folioles ovales, entières, obtuses, souvent ter- minées par une petite pointe à leur sommet, glabres à leurs deux faces, d'une couleur glauque en dessous. Les fleurs paraissent vers la fin du printemps; elles sont blanches, nombreuses, un peu odorantes, disposées en grappes ou en panicule à l'extrémité des rameaux. Les gousses qui leur succèdent sont charnues, pendantes et bos- selées. En France, elles mürissent à la fin de l'automne. Cet arbre est origmaire de la Chine et du Japon. On le doit au Père d'Incarville qui en envoya des graines à Bernard de Jussieu en 1747. Elles furent semées au Jardin des Plantes , et c'est de là que le Sophora s’est répandu en Eu- rope. Il ne craint point les gelées, il résiste aux hivers les plus froids de nos climats. Il faut seulement l'abriter lorsqu'il est très jeune. On l’emploie à la décoration des parcs et des jar- dins. Son accroissement est très rapide : on le multiplie de drageons et de graines qu’il faut semer vers la fin d'avril, en ayant la précaution de ne les couvrir que d’une légère couche de terre. On les dégage de leur enveloppe avant de les semer ; cette opération facilite l'éruption du germe, et elles lèvent en plus grande abondance. Les racmes du Sophora sont douces et un peu sucrées comme celles du faux acacia et de la réglisse. Les feuilles sont douées d'une action purgative; on dit même que les émanations de son bois purgent les ouvriers qui le tra- vaillent. 122 NOUVEAU TRAITÉ LUPIN. LUPINUS. Calice à deux lèvres entières ou dentées. Carène à deux pétales, presqu'entièrement distincts. Étamines soudées à leur base. Gousse coriace, oblongue, à plusieurs graines. LUPIN BLANC. LUPINUS ALBUS. Lupinus albus. Lin. Spec. 1015. LAM. Encycl. Bot. 3. 621. DC. FI. Fr. 3829. BLackw. Herb. t. 282. Cette plante a une tige droite, cylindrique, un peu ra- meuse, légèrement velue. Ses feuilles sont alternes, pétio- lées, digitées, à cinq ou sept folioles, ovoides, entières, molles, d'un vert foncé en dessus, couvertes en dessous et sur les bords de poils soyeux et couchés. Les fleurs sont blanches, disposées en grappes au sommet de la tige et des rameaux. La gousse est épaisse, hérissée, jaunâtre, velue; elle renferme cinq ou six graines orbicu- laires, aplaties, blanchâtres, amères. Le Lupin blanc est généralement cultivé dans les pro- vinces méridionales. Il prospère dans les plus mauvais ter- rains, dans les sables, dans les graviers. On le sème, on le couvre à la herse, et on l'abandonne jusqu'à la moisson. II offre aux animaux, surtout aux moutons, une nourriture saine et abondante. Pline rapporte que Protogène ne vécut que de Lupins, pendant qu'il était occupé à peindre un célèbre tableau. Les Grecs et les Romains les faisaient également servir sur leurs / DES PLANTES USUELLES. 193 tables. Il padit néanmoins que ce légume était peu estimé, d'après plyieurs passages qu'on trouve dans le Banquet des Savans. Kcophron de Chalcide s'exprime ainsi, en plaisan- tant le hilosophe Ménédème sur ses soupers : « Arrive en- suitedn large plat de Lupins, régal ordinaire de la canaille, et envive de la table des gueux. » Cependant Diphile de Siphne dit que les Lupins sont très aourrissans, surtout lorsqu'on leur a fait jeter leur amer- tume en les trempant dans l’eau. En effet, en les faisant macérer dans l'eau ils deviennent doux , et presque aussi agréables que la plupart des autres légumes. C'est ainsi qu'on les mange dans le Piémont et dans la Corse. On a même voulu remplacer le café des îles par les Lupins torréfiés, et quelques amateurs y ont trouvé peu de différence. C’est encore là un triste essai que nous aban- donnons aux économistes. Le miel cueilli par les abeilles sur les fleurs du Lupin, contracte une légère amertume. Cette plante, toujours diri- gée vers le soleil, indique l'heure du jour, lors même que cet astre est couvert d'un nuage; les paysans ne s'y trompent point. ONONIS. ONONIS. Calice campanulé, à cinq découpures linéaires. Étendard très grand, strié. Filamens des étamines réunis à leur base. Gousse renflée, sessile, renfermant quelques graines réni- formes. 124 NOUVEAU TRAITÉ ONONIS DES CHAMPS. ONONIS ARYENSIS. Ononis arvensis. LAm. Encycl. Bot. 1. 505. DC.1, Fr. 3835. — Ononis spinosa. Lin. Spec. 1006. De sa racine rampante naissent plusieurs tiges dures, rameuses, velues, rougeûtres, ordinairement étalées sur la terre : elles sont dénuées d'épines dans leur jeunesse, mais elles deviennent épineuses en vieillissant, surtout dans les terrains arides. Les feuilles inférieures sont ternées, à fohioles ovales, pubescentes, un peu visqueuses ; les supérieures sont simples : les pétioles sont munis de stipules qui les font pa- raitre ailés. | Les fleurs sont axillaires , solitaires, pédonculées, blanches ou purpurines; le pavillon de leur corolle est fort ample et agréablement rayé. Cette plante abonde dans les lieux secs, sablonneux, au bord des champs et des chemins. On l'appelle vulgairement Bugrane, Arréte-bœuf, parce que ses racines fortes et pro- fondes arrêtent souvent les bœufs à la charrue. Nous passerons rapidement sur ses propriétés médiemales, malgré les éloges de Dioscoride et de quelques modernes. La racine , qui était autrefois la partie la plus usitée, a une saveur un peu âcre; elle figurait parmi les cinq racines apéritives. Aujourd'hui on lui préfère avec raison le chiendent, qui n'est pas moins commun, et dont l’action apéritive est beaucoup mieux constatée. Les jeunes pousses sont alimentaires ; on les mange comme les asperges. Les anciens les mangeaient confites au sel et au vinaigre. DES PLANTES USUELLES. 125 ARACHIDE. ARACHIS. Calice à deux lèvres; lèvre supérieure quadrifide et imé- gale, lèvre inférieure entière. Corolle renversée. Étamines réunies à leur base; dixième filament plus court et stérile. Gousse oblongue, coriace, un peu renflée, parsemée de ner- vures saillantes, umiloculaire, renfermant deux ou trois se- mences. ARACHIDE À QUATRE FEUILLES. ARACHIS HYPOGÆA. Arachis hypogea. Linn. — Lam. Ilustr. t. 615. — Arachis hypocarpogea. Bo». Bot. méd. 1. 262. Sa racine fibreuse pousse une ou plusieurs tiges simples, velues, rougeâtres, cannelées, ordinairement couchées, longues de huit à neuf pouces, garnies de feuilles alternes, ailées sans impaire, à quatre folioles ovales, bordées d'une nervure. Les fleurs sont jaunes, pédonculées, réunies au nombre de trois à six aux aisselles des feuilles. La corolle est presque renversée et composée d'un étendard large, arrondi, échan- cré, de deux ailes ovales plus courtes que l'étendard, et d’une caxène un peu courbée, légèrement bifide à sa base. Les fleurs qui naissent dans les aisselles avortent communément, tandis que les inférieures sont fertiles. Celles-c1 produisent des gousses qui s’enfoncent dans la terre, bien qu'elles soient 126 NOUVEAU TRAÏÎTÉ encore attachées et comme suspendues à leur pédoncule propre. Ces gousses, presque cylindriques, membraneuses, renferment deux ou trois semences rougeâtres, oléagineuses, grosses comme de petits glands. Cette plante, originaire des contrées méridionales de l’'A- mérique et de l'Asie, est depuis quelque temps cultivée en Europe, sous le nom de Pistache de terre. Elle demande un sol léger, sablonneux, un peu humide. On sème les graines depuis la fin de mars jusqu’à la mi-juin, dans un terrain bien préparé et amendé avec du terreau amassé dans les bois, ou des feuilles d'arbres consommées en tas, soit en rayons, soit dans des trous comme pour les haricots. Les plants doivent être espacés d'environ un pied; on les sarcle et on les butte. La récolte se fait comme celle des pommes de terre. On fait sécher la plante arrachée, suspendue en plein air, et on bat les gousses avec des gaules pour en séparer les amandes. Ces amandes sont le principal produit de la Pistache de terre. On les mange cuites, et on en fait d'excellentes purées. On les accommode aussi à l'huile ou au beurre, comme les légumes ; on en fait des dragées , des massepains, des crèmes et autres friandises. D’après le docteur Bodard, la Pistache de terre, torréfiée et convenablement sucrée, donne un fort bon chocolat pour les convalescens et les personnes délicates. On exprime des fruits de l’Arachide une huile qui a la con- sistance de l'huile d'amandes douces. Elle est limpide, pure, blanchätre, sans odeur, et elle sert aux mêmes usages que l'huile d'olive. On assure qu'elle ne rancit jamais, et qu'elle s'améliore en vieillissant. On en fait un savon très blanc et très fin. Le résidu des fruits dont on a retiré l'huile fournit une farine qu'on peut substituer à celle des amandes, et qui est excellente pour engraisser les animaux. DES PLANTES USUELLES. 127 On a naturalisé l’Arachide en Espagne à cause de la bonté de son fruit et de son huile. Elle est maintenant cultivée dans le département des Landes, aux environs de Toulon, de Montpellier et de Toulouse. MÉLILOT. MELILOTUS. Calice tubuleux à cinq dents. Carène courte, d'une seule pièce. Gousse saillante hors du calice. MÉLILOT OFFICINAL. MELILOTUS OFFICINALIS. Melilotus officinalis. Lam. Encycl. Bot. 4. 62. DC. F1. Fr. 3894. — Trifolium melilotus officinalis. Lin. FI. Dan. t. 934. Sa tige est cylindrique, striée, rameuse, haute d'un à deux pieds, garnie de feuilles pétiolées, composées de trois folioles, lisses, légèrement dentées et d’un vert foncé. Les fleurs sont petites, jaunes, odorantes, axillaires, disposées en grappes inclinées. Elles produisent des gousses courtes, pendantes , un peu ridées, renfermant une ou deux semences. Cette plante abonde dans les prairies, dans les champs, au , milieu des haies; elle fleurit en juin et juillet. On lui accorde généralement une vertu émolliente qui ne nous paraît pas con- statée; son odeur forte, sa saveur un peu amère la rangent plutôt parmi les végétaux légèrement stimulans. Sa vertu 128 NOUVEAU TRAIÎTÉ anodine, prônée par quelques auteurs, n'est pas mieux prouvée. Le Mélilot est assez souvent employé à l'extérieur sous la forme de lotions, de fomentations, vers la fin des ophthalmies inflammatoires. Collyre de Mélilot. Prenez : sommités fleuries de Mélilot, une pincée; miel blanc, une demi-cuillerée. Faites infuser, et passez la liqueur à travers un linge. Ce collyre simple, que tout le monde peut préparer, vaut mieux que tous les collyres des charlatans. Il est vrai qu'il coûte fort peu; en voilà assez pour le faire dédaigner. Le Mélilot blanc ( Melilotus alba) et le Mélilot élevé (Meli- lotus altissima), qu’on trouve dans les terrains incultes, peu- vent remplacer le Mélilot officinal ; leurs propriétés sont les mêmes. Le Mélilot à fleurs bleues ( Mellotus cærulea), espèce ori- ginaire de la Bohème qu'on cultive dans les jardins, exhale une odeur balsamique, diffusible, qui attire les abeilles. On lui accorde les mêmes vertus, et on en fait des lotions ré- solutives. Ce Mélilot porte les noms de Baumüier, de Trèfle musqué , de Lotier odorant. Dans quelques cantons de la Suisse on aromatise les fromages avec ses fleurs. Le Trèfle des Alpes (Trifolium Alpinum, Linn.) a une racine succulente, douce, sucrée, qui peut remplacer la réglisse, ce qui lui à fait donner le nom de Réglisse de montagne, de Réglisse des Alpes. Cette plante est commune dans les Alpes, dans les Pyrénées et au Mont-d'Or. DES PLANTES USUELLES,. 129 TRIGONELLE. T'RIGONELLA. Calice campanulé, à cmq découpures presque égales. Ailes ouvertes ainsi que l’étendard , et représentant ensemble une corolle de trois pétales égaux. Carène très petite. Gousse oblongue, comprimée, aiguë, renfermant plusieurs semences arrondies. TRIGONELLE FENU-GREC. TRIGONELLA FOENUM GRÆCUM. Trigonella fœnum græcum. Lan. Spec. 1095. DC. F1. Fr. 3927. Poir: Encycl. Bot. 8. 96. Desr. FI. Atlant. 2. 208. Lam. Hlustr. t. 611. f. 1. Ses tiges sont droites, cannelées , fistuleuses, presque simples, légèrement velues, hautes d'environ un pied , gar- nies de feuiiles alternes, pétiolées, à folioles ovales, obtuses, cunéiformes, crénelées en leurs bords, vertes en dessus, d’une couleur un peu cendrée en dessous. Les fleurs sont d’un jaune pâle, sessiles, solitaires ou gé- minées dans l'aisselle des feuilles. Le fruit est une gousse longue d'environ quatre pouces, un peu courbée, aplatie, terminée par une longue pointe conique. Cette plante croît aux bords des champs dans les départe- mens méridionaux de la France, et sur les côtes de Barbarie. On la cultive en Alsace, et dans quelques parties de la Suisse et de l'Allemagne. IL, 9 130 NOUVEAU TRAITÉ Ses graines sont mucilagineuses, émollientes. On en fai- sait autrefois des cataplasmes, des fomentations pour apai- ser les douleurs goutteuses ou rhumatismales, pour résoudre les tumeurs inflammatoires. La mauve , la guimauve, la graine de lin, les ont remplacées. Le nom de Fœnum græcum indique l'origine et la nature de cette plante. Elle nous est venue de la Grèce, qui l'avait reçue elle-même de l'Egypte, et elle donne une sorte de fourrage, le Foin grec. Caton, Columelle, Pline, ont parlé du Fenu-grec comme d'un fourrage dont on se servait com- munément en Grèce. De temps immémorial.cette plante est cultivée en Égypte, où elle porte le nom d'Helbé. Elle y sert de nourriture à l’homme et aux bestiaux. On la porte dans les marchés en petites bottes que les habitans des villes s'empressent d'acheter et qu'ils dévorent avec une avidité incroyable. Les femmes égyptiennes aiment beaucoup les semences cuites dans du lait; cette espèce de bouillie leur donne de la fraîcheur et de l'embonpoint. On a tort de négliger la culture du Fenu-grec ; il est peu de plantes qui exigent moins de soins. il suffit, pour le semer, dit Pline, de scarifier le sol, scarificatione seritur. Cette nourriture est excellente pour les animaux, dont elle entre- tient la vigueur, l'embonpoint et la santé. * Le Lotier tétragone (Lotus tetragonolobus, Linn.) est une plante légumineuse qui se recommande aussi par ses pro- priétés alimentaires. Ses gousses ont quatre ailes membra- neuses; on les mange comme celles de pois sans parchemin. Les Allemands les assaisonnent comme les haricots. On fait une sorte de café avec la graine torréfiée et réduite en poudre. DES PLANTES USUELLES. 131 Cette plante, indigène des collines de la Sicile, réussit fort bien dans nos potagers. Les abeilles recherchent ses fleurs. Le Lotier comestible ( Lotus edulis, Linn.) a des gousses épaisses, glabres, un peu courbées, d'une saveur douce, analogue à celle des petits pois. On les mange lorsqu'elles sont jeunes, en Italie et sur la côte de Barbarie. Le genre Dolichos offre également plusieurs espèces usuelles en Amérique et dans les Indes orientales. Les Éeyp- tiens mangent le Dolichos lablab. Linn., et les Chinois le Dolichos Sinensis. HARICOT. PHASEOLUS. Calice à deux lèvres; la supérieure échancrée, l'inférieure à trois dents. Étendard réfléchi. Carène et organes sexuels contournés en spirale. Gousse oblongue, polysperme. HARICOT COMMUN. PHASEOLUS VULGARIS. Phaseoius vulgaris. Linn. Spec. 1016. DC. F1. Fr. 3942. Los. Ic. 2. t. 59. On distingue aisément cette plante à sa tige rameuse, volubile; à ses feuilles composées de trois folioles ovales, pubescentes; à ses fleurs blanches où un peu jaunâtres, dis- posées en grappes solitaires, axillaires, plus courtes que les feuilles, enfin à ses gousses allongées et pendantes. Ces gousses renferment des graines plus ou moins grosses, 132 NOUVEAU TRAITÉ blanches, jaunâtres, rouges, violettes ou teintes de ces diverses couleurs. . Cette plante, originaire de l'Inde, est répandue dans tous les jardins potagers. Suivant le sol, le climat, la culture, elle offre des variétés et des sous-variétés à l'infini. Parmi les variétés les plus estimées on compte le Haricot de Soissons, dont la gousse fort longue renferme huit à neuf grammes aplaties et d'un blanc pur. Ces graines ont un goût fin et délicat, surtout quand elles ont été cueillies dans le terroir même de Soissons. Ailleurs, elles ne sont n1 aussi tendres, ni aussi savoureuses. Le Haricot blanc de Picardie, ou haricot de Liancourt, lui ressemble; mais les semences sont plus larges. C’est une variété d'un très grand rapport. Le Haricot blanc sans parchemin est excellent. On mange ses gousses Jusque vers leur maturité, etmème en hiver, si on les a fait sécher avec les graines. Le Haricot riz ou Haricot demoiselle se distingue par la petitesse des semences, qui ne sont guère plus grosses que le fiz. Ce Haricot est fort joli à l'œil, et en mème temps d'un goût très délicat. Le Haricot flageolet, le Haricot de Hollande, le Haricot- sabre à gousses larges et très longues; le Haricot-Sophie à semences rondes et moyennes; le Haricot allemand cultivé à Colmar; le Haricot à graines réniformes, ou Haricot rognon de coq, ne sont pas moins recommandables. Quelques personnes recherchent le Haricot rouge d'Or- léans, à graines aplaties, de moyenne grosseur, rougeâtres et très sapides cuites dans du vin blanc. DES PLANTES USUELLES. 133 Haricots verts à l'anglaise. Les haricots sont un aliment vulgaire qu'on aime, qu’on estime, sans oser le dire. Passe pour les Haricots verts, bien frais, tendres, où l’on voit à peine le rudiment des semences. « Oh! ceux-là, je les aime, mais préparés à l’anglaise seule- ment. Quand vous voudrez, cher docteur, nous irons en manger chez Véry; ce n'est que là qu'on trouve des Haricots verts dignes d’un palais délicat. On nous les servira brûlans, et nous les préparerons nous-mêmes avec du beurre fin d'Ysi- gny. » Voilà ceque me disait un jour un jeune littérateur bien spirituel, bien friand, bien recherché. Il fixe le jour et l'heure du rendez-vous : nous sommes au Palais-Royal à six heures précises. Je ne parlerai point d'un potage printanier, d’un petit poulet gras et fin, et autres choses délicieuses qui me furent offertes avec une grâce infinie : j'ai presque oublié tout cela, mais les Haricots verts, jamais. Les gousses étaient un peu allongées, étroites, fines, tendres, d’un vert d'émeraude: Elles reçurent un peu de sel, un peu de poivre; et le beurre parfumé de la Normandie, mêlé avec prestesse, vint leur donner ce moëlleux qui vous enchante dans les légumes. Eh! comment les arrosiez-vous? me demandera-t-on. Oseraï-je le dire? Ce charmant petit repas, fut commencé et presque terminé avec du vin de Lafitte. Le vin de Champagne frappé de glace nous égaya au dessert, et la fève d'Arabie acheva le bonheur de la journée. O temps de progrès! O mœurs de la jeune France! Voilà comme dinent maintenant les gens de lettres. Ils ne sont plus ces jours néfastes où les muses se réfugtaient tout près du ciel, au sixième étage. Le Mont- Parnasse n'est plus si difficile à gravir. 134 NOUVEAU TRAITÉ Nos grands cuisiniers nous donnent les Haricots verts préparés de mille manières. Les méthodes les plus simples sont les meilleures. Les bonnes gens arrosent les gousses tendres avec du jus de gigot ou de rosbif. Il en est de même des petits haricots blancs fraîchement écossés. Pour tout cela il ne faut qu'un peu de soin et d'intelligence. On n'a nullement besoin de la haute cuisine de Lointier on de Véry, et si le vin de Bordeaux manque, on le remplace par le vin du petit rentier, par le vin de Tonnerre ou de Mâcon. Mettez-vous à table après une longue course, savourez lentement et dignement votre rosbif et vos Haricots, vous aurez la conscience d’un bien-être que n'ont jamais senti les gourmands paresseux. Tous les alimens sont bons quand on se porte bien, ils ne deviennent indigestes que par notre faute. Ou nous ne savons pas nous arrêter quand ils flattent notre goût, ou ils manquent d'un assaisonnement indisper- sable , l'exercice et le contentement. Haricots blancs au jus. Nous voici aux Haricots secs, aux fameux Haricots de Soissons. Leur réputation n'est point usurpée. On les mange au jus, au beurre, à l'huile, au citron, en purée ; mais tout cela vaut-il les Haricots arrosés avec le jus d'un gigot de mouton des Ardennes ou de Pré Salé? Demandez plutôt à M. Berchoux, poète gastronome, chantre joyeux du gigot. Un poète idyllique ne chantera que dans un vallon semé de fleurs, ou sur une colline ombragée d'arbres verts ; la muse de M. Berchoux n’a pas besoin de scènes pastorales, il lui faut seulement une table ronde, un gigot de mouton aux Haricots, et quelques aimables convives. DES PLANTES USUELLES. 1395 J'aime mieux un tendre gigot, Qui, sans pompe et sans étalage, Se montre avec un entourage De laitue ou de Haricot. Gigot, recevez mon hommage; Souvent j'ai dédaigné pour vous, Chez la baronne ou la marquise, La poularde la plus exquise, Et même la perdrix aux choux. (Bercnoux, E'pttre à ma Cousine.) Les hommes friands, habitués à une chère délicate, ne dédaignent point les mets un peu vulgaires. Ils savent fort bien que les infidélités de la table plaisent à l'estomac ; qu'elles lui donnent une sorte de repos qui le récrée, le ranime. Les nouveaux riches , revenant un peu sur le passé, aiment également à retrouver leurs anciens amis dont ils avaient oublié les services. L'aspect de ces bons Haricots donne de la verve à leur appétit blasé, et ils les savourent avec délices. Au reste cette réconciliation les honore; l'ingra- titude est à nos yeux un vice détestable; on ne doit jamais oublier ceux qui nous ont nourris, füt-on ministre ou pair de France. Mais la preuve que les Haricots sont presque une frian- dise, c'est que M. le marquis de Cussy, le gastronome le plus aimable du dix-neuvième siècle, abandonne les blancs de Bartavelle, les filets de sole, assaisonnés de truffes, aus- sitôt que paraissent les Haricots de Soissons. Hélas ! tous les gourmands, tous les gourmets, tous ceux qui aiment à bien vivre, sont dans une anxiété inexprimable. M. de Cussy est condamné depuis six mois à la diète par le jury médical. Voici pourquoi, Une affection hideuse, indomp- table, est venue s'emparer de toute l'enveloppe de son corps. 136 NOUVEAU TRAITÉ Elle y exerce une tyrannie sans exemple; elle n’a pas même respecté les roses de son teint, de ce teint si brillant, si frais, où l'on pouvait se mirer comme dans une glace. Les médecins appelés au secours du noble gourmand ont cherché l'organe coupable, et d’un commun accord { chose rare parmi les gens de l'art) ils se sont écriés : « C’est l'estomac, c'est l'estomac! 1l faut qu'il soit puni. » Adieu les sauces, les ra- goûts, tous les mets friands , adieu le gigot de Pré Salé, les Haricots de Soissons. Il faut qu'il vive d'herbes sauvages comme Pythagore ou Héraclite. Surtout point de vin. La tisane, l’eau pure, la bière, ont remplacé ses bons amis le vin de Richebourg , le vin de Xérès et le café moka. Et cette rigueur diététique exercée par des barbares a-t-elle du mois profité au malade? Point du tout. L’estomac est comme anéanti, il n’a plus la force de se plaindre. D’affreux souvenirs lui rappellent ces mets succu- lens, délicats, qui faisaient ses délices ; 1l pleure, 1] gémit en secret ; il regrette ce temps heureux où il vivait dans une parfaite harmonie avec les autres organes, se livrant tour à tour au travail, au repos ; il maudit surtout l'art impitoyable qui l'a condamné sans l’entendre. Quittons ce langage figuré. M. de Cussy est comme tous les malades habitués à un ré- gime substantiel; il faut le traiter avec moins de rigueur, et ranimer un peu ses forces, afin que la nature puisse com- pléter la crise qu’elle a commencée sur la peau. Nous apprenons avec plaisir qu'on lui a permis quelques potages et un peu de poulet. La longueur de l'hiver lui a été fatale, voici enfin le printemps, tout va renaître. Les herbes nouvelles, les fruits succulens de la belle saison, l’indulgence des médecins, cette force intime qui travaille sans bruit à la conservation du corps, tout cela va nous le rendre frais, pur et rajeuni comme Éson. DES PLANTES USUELLES. 137 Haricots blancs en salade. Un homme qui vivra long-temps dans l'histoire, un homme rare, un homme frugal comme un Spartiate, et dont on peut dire qu'il mangeait pour vivre, avait pourtant quel- ques velléités gastronomiques. Il aimait surtout la polenta et les Haricots secs à l'huile. Croirait-on que M. le comte de Beausset, qui dans ses Mémoires avait honoré les Haricots en disant que l'empereur Napoléon se régaiait de temps en temps à déjeuner avec ce légume en salade, a cru devoir supprimer, dans une seconde édition, ces petits détails culi- naires comme une chose indigne de la mémoire du grand homme? M. de Beausset avait pourtant de l’esprit et de l’éru- dition; il devait savoir que Plutarque n'avait point dédaigné les petits détails qui pouvaient se rattacher à la vie des hommes illustres dont il écrivait l'histoire. Les choses simples et même un peu vulgaires contrastent fort bien avec les belles actions des grands hommes, et ces hommes placés si haut, nous les aimons davantage, lorsque nous les voyons se rapprocher de nous. Voilà donc les Haricots parfaitement réhabilités dans la gastronomie usuelle. Il ne leur manque plus rien, et per- sonne n'osera désormais les attaquer. Ils ont les plus illustres suffrages, les suffrages de Napoléon et du marquis de Cussy. L'un les mangeait à l'huile, l'autre au jus de gigot. Les amateurs qui marchent sur les traces des grands hommes peuvent maintenant choisir. 138 NOUVEAU TRAIÎTÉ Haricots rouges au vin. Les Haricots rouges accommodés avec du petit-salé et du vin blanc ne sont point à dédaigner. Ce n’est pas un mets délicat, mais il convient parfaitement aux estomacs robustes. On peut d'ailleurs les réduire en purée; dépouillés ainsi de leur robe, on les digère beaucoup mieux. C'était le plat favori du docteur Tourlet, traducteur de Pindare. Cet excellent homme réunissait de temps en temps quelques médecins, quelques littérateurs, et il croyait les bien régaler en leur donnant des Haricots rouges cuits avec du lard. Tout est délicieux dans ces petites réunions franches, cordiales : c’est la liberté qui assaisonne les mets. Voilà un souvenir déjà bien vieux ; nous étions sous l'Empire. Il y avait un peu moins de liberté politique, on s'en dédommageait par les épanchemens de l'amitié. Les Haricots riz récoltés dans un terrain sablonneux sont très fondans et très sapides. On les prépare avec du jus de viande, ou avec du beurre frais. Les environs de Versailles en produisent d'excellens. Dans quelques provinces on fait beaucoup de cas d’un petit Haricot rond, blanchâtre, à peu près de la grosseur d’une petite dragée. Lorsqu'on le cultive en plein champ, il produit beaucoup : on le mange ordmai- rement sec sous le nom de Mongette ou de Haricot mignon. Toutes les variétés de Haricots sont nourrissantes ; elles offrent un aliment sain et d'un prix modique aux habitans des villes et des campagnes. Ce légume est moins facile à digérer que la pornme de terre, mais 1l nourrit beaucoup mieux. Les Haricots verts fournissent une nourriture sapide DES PLANTES USUELLES. 139 et légère. La semence fraîche nourrit davantage; desséchée , elle offre un aliment très substantiel par la matière amylacée qu’elle renferme. Les Haricots dont la robe est épaisse sont moins farimeux, moins digestibles. Pour les rendre plus tendres, il faut les laisser tremper pendant vingt-quatre heures dans de l’eau de rivière ou de fontaine. On les fait cuire con- venablement, et on les mange en purée. Mais nous devons faire observer que les Haricots ne con- viennent point à tous les tempéramens. Ils sont flatueux et indigestes pour les estomacs faibles, délicats, irritables. Les gens de lettres, dont les forces digestives sont rarement en harmonie avec les facultés intellectuelles, les digèrent avec peme. Les hypochondriaques, les femmes vaporeuses, hysté- riques, doivent en user avec beaucoup de réserve. Le tube digestif fatigué, distendu par cet aliment d'une nature fla- tueuse, devient un foyer d'irritation qui peut provoquer les anomalies nerveuses les plus graves, les plus singulières. On étoufle , on s'évanouit, on tombe dans un profond assoupis- sement, ou bien on est silencieux, triste, colère, emporté, on verse un torrent de larmes. Tissot a vu des femmes vaporeuses éprouver une sorte d'anxiété, une tristesse inexprimable après avoir mangé des Haricots. J'ai vu moi-même des femmes délicates , parvenues à l’âge critique, tomber dans une espèce de délire maniaque provoqué par les Haricots et autres légumes flatueux. Ce n'est pas non plus une nourriture convenable aux hommes séden- taires, paresseux, inertes. Il faut du mouvement, de l’exer- cice et un bon estomac pour bien digérer les Haricots. 140 NOUVEAU TRAITÉE Haricots verts conservés. Comme les Haricots verts se digèrent beaucoup mieux, on a eu recours à différentes méthodes pour prolonger leur durée, sans altérer sensiblement leur couleur. Voici les moyens les plus simples. On coupe en fragmens rhomboïdaux la gousse des Hari- cots lorsqu'elle est encore tendre, et que les graines com- mencent à se former. On la dispose par couches avec du sel, dans un vaisseau de bois, de la même manière que la chou- croute. Ou bien vous coupez les Haricots en deux dans leur longueur, et après les avoir mondés de leurs filets, vous les faites bouillir pendant un quart d'heure dans l'eau, vous les retirez et vous les laissez égoutter sur une table. Quand ils sont refroidis, vous les arrangez dans des pots de grès, par couches alternatives avec du sel. Vous fermez le vase hermé- tiquement, vous le mettez à la cave, sans y toucher, jusqu'au moment où vous voulez manger les Haricots. Alors vous les lavez pour les faire cuire. On peut les conserver également en les cueillant verts et tendres, en les faisant bouillir dans de l’eau pendant quelques minutes, et en les suspendant dans un lieu convenable pour les faire sécher. Lorsque vous voulez les manger, vous les faites revenir dans de l’eau tiède avec un morceau de beurre mamé; et après les y avoir laissés pendant vingt-quatre heures, vous les faites cuire dans la même eau. Voici encore un fort bon moyen de conserver les Haricots verts, ainsi que les petits pois. Après avoir mis ces légumes dans une casserole, on y mêle, par quatre litres, une grande cuillerée à potage pleine de sucre en poudre. On met ensuite la casserole sur un feu de charbon bien allumé , et l’on remue DES PLANTES USUELLES. 4141 continuellement les légumes pour qu'ils soient bien égale- ment atteints d'une chaleur vive. On retire la casserole du feu et on laisse égoutter les Hari- cots sur une grosse toile disposée en forme de filtre. On les étend ensuite sur du papier dans un lieu sec et bien aéré, mais à l'ombre. On a soin de les changer de temps en temps de place, afin qu'ils sèchent parfaitement. D'après cette méthode, les Haricots se conserveront d’une année à l’autre, et, apprêtés à l'ordinaire, ils paraïîtront avoir été nouvelle- ment cueillis. ROBINIA. ROBINTA. Calice petit, campanulé, à quatre lobes imégaux, peu sen- sibles. Corolle papillonacée. Dix étamines. Un style filiforme, terminé par un stigmate velu à sa partie antérieure. Gousse oblongue, comprimée, polysperme. ROBINIER FAUX ACACIA. ROBINIA PSEUDO-ACACIA. Robinia pseudo-acacia. Lin. Spec. 1043. Porr. Encyel. Bot. 6.222. Desr. Arbr. 2. 302. DunaAm. Arbr. Ed. nov. 2. €. 16. Ce bel arbre porte le nom de faux Acacia, parce qu'il a quelque ressemblance avec Acacia des anciens, qui est une espèce de mimosa. Il a une forme élégante, un feuillage léger, d'une fraîche verdure jusqu’à la fin de l'automne. Ses rameaux sont flexibles, 142 NOUVEAU TRAÎTÉ allongés , garnis de fortes épines ; ses feuilles alternes , ailées , composées de quinze à vingt-cinq folioles glabres, ovales, presque elliptiques,kentières, d'un vert transparent. Les fleurs, blanches comme la neige, naissent en grappes latérales et pendantes à l'extrémité desrameaux. Elles s'épa- nouissent au printemps, et répandent au loin une odeur suave. Nous devons le faux Acacia à Jean Robin, professeur de botanique à Paris, qui le cultiva le premier en France sous le règne de Henri IV, vers l'an 1600. Linné, en reconnais- sance de ce bienfait, donna le nom de Robinia à toutes les espèces du genre auquel il appartient. Cet arbre, originaire de l'Amérique septentrionale, est cultivé dans toute l'Europe. Il embellit les plantations des parcs, des avenues, les massifs des bosquets. Toute espèce de sol lui convient; 1l prospère dans les terrains délaissés, sur les coteaux arides et incultes. On le multiplie de grames et de drageons. On sème les graines en automne ou vers le commencement de mai, dans une terre légère, que l’on arrose de temps en temps si la saison est sèche. Son accroissement est très rapide. Il ne craint pas le voisi- nage des autres arbres, et il réussit très bien au milieu des jeunes chênes et des châtaigniers, auxquels il sert d'abri contre l'ardeur du soleil. Les feuilles, infusées dans l'eau bouillante, purgent les personnes délicates, les enfans, beaucoup mieux que le séné d'Alexandrie. La dose est d'environ deux ou trois gros ou d'une forte pincée pour une tasse d'infusion, à laquelle on ajoute un peu de miel ou de sucre. Ea racine à une saveur douce, sucrée, très analogue à celle de la réglisse ordinaire. On prépare avec les fleurs un sirop agréable, et dans les campagnes on en fait quelquefois des beignets. DES PLANTES USUELLES. 143 Les troupeaux mangent avec avidité les feuilles nouvelle- ment cueillies ; et lorsqu'elles sont sèches, elles fournissent un excellent fourrage pour l’hiver. On.le sème en place, et on le fauche comme de l'herbe. D’après le témoignage de Bohadesch, professeur d'histoire naturelle à l'université de Prague, les feuilles du faux Acacia peuvent fournir au bétail une nourriture plus agréable et même plus succulente que la luzerne , le trèfle ou le sainfoin. Les vaches qui, étant nour- ries de la manière ordinaire, ne donnent que peu de lait, en ont fourni une plus grande quantité aussitôt qu'on les a nour- ries pendant quelques jours avec ce fourrage. On cultive dans les jardins une variété du faux Acacia, ou peut-être une espèce distincte qui n'a point d'épines, qui s'élève beaucoup moins, mais qui est remarquable par ses rameaux Inclinés, extrêmement touflus. Elle est propre à former un ombrage impénétrable aux rayons du soleil. Le Robinier caragane ( Robinia caragana) , mdigène de la Sibérie, est également cultivé dans les bosquets au printemps. Ses fleurs jaunes, nombreuses et disposées en petites grappes, s’'épanouissent dès le commencement de mai. On le multiplie de graines, de drageons et de boutures. Les Russes mangent ses graines comme on mange en France les pois et les ha- ricots. BAGUENAUDIER. COLUTEAÀ. Calicé campanulé, à cinq divisions. Carène obtuse. Eta- mines diadelphes. Stigmate crochu et velu en dessous. Gousse oblongue, renflée, vésiculeuse, à une loge poly- sperme. 144 NOUVEAU TRAITÉ BAGUENAUDIER ARBORESCENT. COL ®., ARBORESCENS. Colutea arborescens. Lin. Spec. 1045. DC. FL Fr. 3948. LapEyr. Plant. Pyr. 2. 423. Dunam. Arbr. Ed. nov. 3. t. 22. Bot. Mag. t. 81. Arbrisseau droit, haut de dix à douze pieds, dont la tige se divise en rameaux revèêtus d'une écorce grise, garnis de feuilles ailées, composées de neuf à onze folioles ovales, échancrées au sommet, et d'un vert glauque. Les fleurs sont Jaunes, disposées en grappes axillaires, pédonculées, peu garnies. L'étendard est marqué d’une raie rouge en forme de cœur. Il croît dans les bois et les buissons des provinces méri- dionales. On le trouve dans les Pyrénées, au milieu des broussailles et des rochers; en Auvergne, en Bourgogne, et jusqu'aux environs de Genève. Son feuillage élégant, ses belles siliques, l'ont fait accueillir dans les parcs, dans les bosquets , où ses fleurs se renouvellent pendant toute la belle saison. Les dames, les enfans, aiment à faire retentir ses gousses remplies d'air atmosphérique. Après le diner, cet innocent badinage favorise la digestion. C’est d'ailleurs un arbrisseau fort intéressant pour la classe indigente ou peu aisée. Ses feuilles et ses gousses purgent aussi bien que le séné d'Alexandrie , ce qui leur a fait donner le nom de faux Séné où Séné d'Europe. DES PLANTES USUELLES. 145 Infusion purgative de Baguenaudier. Prenez : feuilles sèches de Basnomr die deux , trois ou quatre gros ; faites infuser dans cinq onces d'eau bouillante avec une petite cuillerée de miel; passez la liqueur avec expression. Ce purgatif mdigène, pris le matin à jeun, produit plu- sieurs évacuations sans coliques. Il à été recommandé par Gesner, Bartholin, Garidel, Boerhaave, Linné, Coste et Bodard. ASTRAGALE. ASTRAGALUS. RE Calice tubuleux, à cinq dents. Étendard plus long que les ailes et la carène. Gousse à deux loges ; cloison double, pa- rallèle aux valves. ASTRAGALE DE CRÈTE. ASTRAGALUS CRETICUS. Asiragalus creticus. Lam. Encycl. Bot. 1. 321. Win. Spec. 3. 1330. DC. Astr. 196. t. 33. Ses tiges ligneuses, couchées, se divisent en un grand nombre de rameaux courts, redressés et noirâtres. Les feuilles forment des rosettes denses au sommet des rameaux; elles sont composées de sept ou huit paires de folioles petites, IT 10 146 NOUVEAU TRAITÉ ovales, cotonneuses, blanchâtres, et dont le pétiole devient roide , très aigu. Les fleurs naïssent à l'extrémité des rameaux de l’aisselle des pétioles; elles sont petites, d'un pourpre clair et rayées de blanc. Les gousses sont velues, renflées et biloculaires. Ce petit arbrisseau croît dans le Levant, et particulière- ment dans l’île de Candie. Il produit le suc gommeux, connu dans le commerce sous le nom de gomme adragant. C’est une substance concrète, blanche ou jaunâtre, qui nous est ap- portée du Levant en grumeaux, et sous la forme de filamens ou de lames de différentes grandeurs, contournées et souvent repliées sur elles-mêmes. C'est pendant l'été qu’elle coule à travers les fibres et les gerçures de l'écorce de l’arbuste. Quelques chimistes regardent la gomme adragant comme un principe végétal particulier. Mise dans l’eau, elle se gonfle beaucoup , et forme un mucilage mou qui ne se mêle point à ce liquide. La gomme adragant est, comme la gomme arabique, une substance mucilagineuse, émolliente ; mais il faut la donner à plus petites doses. Un gros suffit pour donner à une livre d'eau une consistance sirupeuse. Cette solution de gomme adragant humecte, lubrifie, relâche les organes irrités ou trop sensibles. On s’en sert dans les cas de gastrite ou de gastro-entérite. Elle calme aussi la toux, et favorise l’expectoration dans les rhumes, les ca- tarrhes et autres affections pectorales. On prépare avec la gomme adragant des loochs, des tablettes, des pastilles, des pâtes, etc. L’Astragale gommier ( Astragalus gummafer ), observé par Labillardière sur le mont Liban, produit un suc gommeux, jaunâtre, adoucissant et nutritif. C’est pendant la nuit, et un DES PLANTES USUELLES. 147 peu après le coucher du soleil, que cette espèce de gomme flue des tiges de l'arbrisseau. Les graines de l'Astragalus bæticus contiennent une huile grasse, sans principe amer, qui ne se développe que par la torréfaction. En Allemagne on les mêle avec le café. M. Vogel, célèbre chimiste de Munich, fait particulièrement l'éloge de ce mélange, par parties égales, pour la préparation du café au lait. RÉGLISSE. GLYCYRRHIZA. Calice tubuleux, à deux lèvres; lèvre supérieure à quatre découpures inégales ; lèvre inférieure simple et linéaire. Carène à deux pétales distincts. Gousse courte, comprimée, à trois ou six graines. RÉGLISSE GLABRE. GLYCYRRHIZA GLABRA. Glycyrrhiza glabra. Lin. Spec. 1046. DC. FI. Fr. 3945. Lam. Illustr. t. 625. f. 9. — Ziquiritia officinalis. Moencx. Meth. 152... Ses racines cylindriques, traçantes, ligneuses, jaunâtres, poussent des tiges de trois à quatre pieds, très rameuses, garnies de feuilles glabres, ailées avec impaire, composées de treize à quinze folioles ovales, vertes, luisantes, un peu visqueuses. Les fleurs sont petites, purpurines, disposées en épis grèles, un peu lâches, pédonculés et axillaires, Les gousses 148 NOUVEAU TRAÎTÉ sont glabres, ovales, aiguës, comprimées , à semences presque réniformes. . Cette plante croît naturellement dans les provinces méri- dionales de la France, en Espagne, en Italie, etc. RÉGLISSE HÉRISSÉE. GLYCYRRHIZA ECHINATA. Glycyrrhiza echinaia. Lin. Syst. Veget. 557. Por. Encycl. Bot. 6. 90. JAco. Hort. Vind. t. 95. Cette espèce croît en Italie et dans le Levant. Elle se dis- tingue de ses congénères par ses gousses épineuses. De ses racines grosses, pivotantes, s'élèvent des tiges hautes de quatre à six pieds, rameuses, striées, presque anguleuses, garnies de feuilles ailées, composées de neuf à onze folioles ovales, pontues, avec des stipules étroites , lancéolées. Les fleurs, réunies en tête sur un pédoncule commun, deviennent des gousses ovales, hérissées de pointes épi- neuses, renfermant une à deux semences convexes et ar- rondies. Les racines de ces deux espèces de Réglisse se distinguent par une saveur douce et sucrée. Mais la racine de la première espèce est d’un usage plus vulgaire. Elle donne une matière sucrée et une matière cristallisable. D'après l’analyse de AT. Robiquet, elle contient de l’amidon, une substance cris- tallne ou agédoïte, une huile résineuse âcre, des acides phosphorique et malique, combinés avec la chaux, avec la magnésie, DES PLANTES USUELLES. 149 La Réglisse est le remède du pauvre, de l'ouvrier, de l'homme laborieux. L’orge, le chiendent, la Réglisse, et un peu de repos, voilà ses meilleurs médicamens quand il est échauffé, fatigué, irrité. La tisane d'orge ou de chiendent, avec un peu de Réglisse pour la sucrer, est une des boissons les plus simples et les plus utiles, dans les phlegmasies imternes, dans les affections aiguës de l'appareil urinaire. Elle rafrai- chit les tissus organiques, calme la soif et la chaleur fébrile. Une demi-once de Réglisse et autant d'orge ou de chiendent suffisent pour une pinte de tisane. L'extrait ou suc épaissi de Réglisse est un remède popu- laire contre la toux et les rhumes opiniâtres. Lorsqu'on le prépare à froid, on l’obtient d'un beau jaune, d’une saveur douce, sans âcreté. On en trouve quelquefois dans le com- merce qui est très âcre et chargé de substances étrangères. On doit donner la préférence à celui qui a été préparé par les pharmaciens. On fait avec la Réglisse, la gomme et le sucre, une pâte qui vaut mieux que les pâtes pectorales les plus vantées. Elle apaise la toux, et facilite l'expectoration dans les rhumes , dans les catarrhes pulmonaires. Les brasseurs, en Flandre et en Angleterre, emploient le suc de Réglisse pour la fabrication de la bière, qui en devient plus colorée et plus douce. Espèces pectorales. Prenez : racme de Réglisse, racine de guimauve, fleurs de mauve et de bouillon blanc, de chaque deux onces; semences d’anis étoilé, demi-once. Mêlez ces espèces pour vous en servir en guise de thé. 150 NOUVEAU TRAITÉ On en prend une pincée qu'on fait infuser dans deux ou trois tasses d’eau bouillante. Cette infusion convient aux phthisiques, qui ne peuvent souffrir aucune irritation, et qui sont cependant bien aises de prendre leur thé. On y ajoute quelquefois un peu de sucre et un peu de lait, suivant le goût du malade. GALEGA. GALEGA. Calice campanulé, à cinq dents aiguës, presque égales. Gousse oblongue, droite, comprimée, souvent bosselée par la saillie des graines. GALEÉGA OFFICINAL. GALEGA OFFICINALIS. Galega officinalis. Linn. Spec. 1062. DC. FI. Fr. 3946. LAPEYR. Plant. Pyr. 2. 426. Cnev. FL Par. 3. 755. Lam. Illustr. t. 625. — Galega vulgaris. BLACKwW. Herb, t. 92. Les tiges sont droites, fermes, fistuleuses, striées, ra- meuses, hautes de trois à quatre pieds. Les feuilles sont ailées, composées de quinze à dix-sept folioles oblongues, glabres, obtuses ou un peu échancrées à leur sommet. Les stipules sont distinctes du pétiole, sagittées ou en fer de lance. Les fleurs sont disposées en longs épis pédonculés et axil- laires. Elles sont bleuâtres, quelquefois tout-à-fait blanches, pendantes la plupart sur leur pédoncule commun. Les gousses DES PLANTES USUELLES. 151 sont grèles, fort longues, noueuses, marquées de stries obliques placées entre les semences. Cette plante, appelée vulgarrement Lavanèse, Rue de Chèvre, croît le long des ruisseaux et dans les prairies hu- mides des Pyrénées. On la trouve en Lorraine, en Auvergne, aux environs de Nantes et de Paris. Elle est assez belle pour avoir mérité d'être accueillie dans les jardins d'agrément. C'était anciennement une plante médicmale à laquelle on accordait de grandes vertus. On la donnait comme sudori- fique aux malades atteints de fièvres malignes, et même aux pestiférés, et on a cité quelques faits en sa faveur, c’est-à-dire des guérisons survenues après son usage. Ces faits seraient concluans si nous ne savions pas qu’on a souvent guéri des maladies graves sans remèdes, ou du moins avec des infusions, des tisanes fort innocentes , lorsque la nature était assez forte pour exciter une crise heureuse. Ses bons eflets dans les affections convulsives et vermineuses ne sont pas mieux prouvés. Le petit bétail et surtout les chèvres recherchent cette plante, ce qui lui a fait donner le nom de Rue de Chèvre. On la cultive dans quelques localités comme un fourrage pré- cieux pour les bestiaux. Cet aliment, qui est très substantiel sous un petit volume , doit être mêlé, même après sa dessic- cation, avec la paille ou le foin. GESSE. LATHYRUS. Calice campanulé, à cinq découpures, dont deux supé- rieures plus courtes. Étendard plus grand que les ailes et la carène. Style plane, élargi vers le sommet, velu ou pubes- cent à sa partie antérieure. Gousse oblongue, polysperme, 152 NOUVEAU TRAITÉ GESSE TUBÉREUSE. LATHYRUS TUBEROSUS. Lathyrus tuberosus. Lin. Spec. 1033. Lam. Encycl. Bot. 2. 709. DC. F1. Fr. 3993. Bot. Mag. 111, Sa racine tubéreuse, attachée à des filets profonds et ram- pans, pousse des tiges faibles, anguleuses, longues d'environ un pied. Les feuilles ont deux folioles ovales, oblongues, obtuses, d'un beau vert, munies d'une petite pointe à leur sommet. Les fleurs sont d'un rouge vif, disposées cmq ou six en- semble sur des pédoncules axillaires. Cette plante croît aux bords des champs, en France, en Italie, en Allemagne. On la cultive pour ses racines qui sont farineuses , succulentes , d’un goût imitant celui de la chà- taigne. Les racines tubéreuses de cette espèce de Gesse donnent de l’amidon, du sucre, et une matière extractive. On les mange cuites, au beurre, comme la pomme de terre. C'est un aliment substantiel, et très recherché en Hollande, en Allemagne. L’herbe fournit un bon pâturage aux bestiaux. D'après l'analyse de Parmentier, la Gesse tubéreuse con- tient de la fécule, du sucre et une matière glutineuse, c'est- à-dire les mêmes élémens que le froment, et l’on peut en faire du pain. On cultive aussi la Gesse commune (Lathyrus sativus) sous les noms de Gesse des jardins, de Pois-gesse, de Pois carré , etc. DES PLANTES USUELLES. 153 Cette espèce a des tiges faibles, anguleuses, des fleurs blanches , roses ou bleues. Les anciens auteurs d'agriculture recommandaient de semer la Gesse pour nourrir les bestiaux. Elle fournit en effet un bon fourrage pour les chevaux, pour les bêtes à cornes, surtout pour les moutons, qui la mangent avec avidité. Les semences de la Gesse commune , vertes et tendres, se mangent comme les pois. Lorsqu’elles sont sèches, elles don- nent au contraire un mets grossier, indigeste. POIS. PISUW. Style triangulaire , creusé inférieurement en forme de ca- rène; stigmate velu. Gousse oblongue , à plusieurs graines globuleuses. POIS CULTIVÉ. PISUM SATIVUM. Pisum sativum. Lainn. Spec. 1026. DC. F1. Fr. 3999. Lam. Illustr. t. 633. C'est une plante faible qui a besoin d'appui. Elle a des tiges cylindriques, d'un vert glauque, des feuilles ailées à quatre ou six folioles ovales, et des fleurs blanches, réunies deux ou trois ensemble sur un pédoncule axillaire. Le pois commun, cultivé partout, dans les champs et les jardins, paraît croitre naturellement en Alsace et dans plu- sieurs autres contrées de l'Europe. On distingue un grand nombre de variétés de Pois. Parmi les plus précoces on compte le Pois appelé Michaux, ou Pois 154 NOUVEAU TRAITÉ de quarante jours. Ce Pois est blane, rond, uni, fort tendre et d'un goût sucré. Il a produit une variété qu'on appelle Pois Michaux de Hollande, où Pois de Francfort, et qu'on lui préfère parce que celui-ci est encore plus hâtif et d’une qua- lité supérieure. Parmi les Pois de la seconde saison, on distingue particu- lièrement le Pois Clamart ou carré fin, très fécond. Les grains sont serrés, très sucrés, tendres, excellens. Viennent ensuite le Pois de Marly, gros, tendre, parfaite- ment rond; le Pois sans pareil, à grains allongés, également tendres ; le Pois nain-vert , très fin; le Pois nain-vert de Prusse, bon et très productif, et autres variétés plus ou moins recommandables. N'oublions point une espèce de Pois, qu'on mange avec la cosse , et qu'on nomme Pois goulu, Pois gourmand, Pois mange-tout où Pois sans parchenun. Les cosses sont planes, larges, quelquefois courbées, tendres et sucrées ; on les mange comme les haricots verts. Cette espèce offre plusieurs variétés. Les Pois doivent être mis au rang des légumes les plus précieux. On les mange soit verts, soit desséchés. Lorsqu'ils sont verts ils nourrissent moins, mais ils sont plus agréa- bles, d’une digestion plus facile. A Paris il s’en fait une consommation considérable, et, grâce à l'habileté de nos hor- üculteurs, vous pouvez en manger dans toutes les saisons, si vous êtes riche et gourmand. « Savez-vous, me disait M. le marquis de Cussy, que M. Hope a donné dernièrement une magnifique fête? Il y avait les premières notabilités de la banque, des femmes charmantes, et des petits Pois déli- cieux. — Eh bien! mon: cher maître, lui répliquai-je, je n'aime pas les petits Pois quand la Seine charrie des gla- cons, je préfère les petits Pois du printemps : nous en man- DES PLANTES USUELLES. 155 gerons ensemble, si vous voulez, vers la fin d'avril, ils se- ront plus sucrés, plus savoureux et plus sains. » Les petits Pois bien fins, bien tendres, donnent une nour- riture douce, sucrée, relâchante, et d’une digestion facile. Les convalescens dont l'estomac n’a point souflert peuvent même en faire un usage modéré. On les mange au jus, au beurre frais, au sucre. A la campagne, où la digestion se fait sans peine, sans embarras, quelques estomacs robustes se régalent de petits Pois au lard. C’est le mets de l'homme la- borieux, du cultivateur, du fermier, du curé, du médecin de village. Petits Pois à l'anglaise. Ces petits Pois sont très recherchés : l'assaisonnement en est fort simple; on les sert cuits à l’eau avec un peu de sel, bien égouttés, bien chauds, et couverts de plusieurs petits pains de beurre frais. Îls sont encore excellens avec les viandes, surtout avec une noix de veau, qui en devient elle-même plus sapide. Voilà un plat qui peut sustenter toute une famille de campagnards. On en fait également des potages printaniers d'ur goùt dé- licat. À la campagne, rien n’est perdu ; on mange les cosses des Pois sans parchemin, et même celles des Pois à parchemin, c'est-à-dire qu’on en fait une très bonne purée, quoique dif- férente de celle du Pois même. On fait bouillir ces cosses dans l’eau jusqu’à ce que la pulpe se détache du parchemin; on laisse refroidir; on tord le tout dans un linge fort et à larges mailles : la pulpe se sépare et tombe dans un vase placé pour la recevoir. Cette purée fait d'excellentes soupes au gras OU au maigre. 156 NOUVEAU TRAITÉ Pets Pois verts conservés. Les petits Pois verts se conservent fort bien par le procédé que nous avons indiqué pour les haricots. Si on veut les con- server en grains , 1l faut les choisir bien tendres. Aussitôt qu'ils sont écossés, on les passe à l’eau bouillante, et on les met ensuite dans de l’eau fraiche ; on les retire, on les expose au grand air et à l'ombre sur une nappe blanche ; on les re- mue de temps en temps, et on change même cette nappe si elle est trop mouillée. Quand ils sont bien secs, on les en- ferme dans des bouteilles ou dans une petite caisse. Les pois secs sont très nourrissans ; ils donnent de l’ami- don , une matière végéto-animale, de l’albumine, du sucre, du mucilage, une matière féculente, fibreuse et quelques sels. L'homme robuste, l’ouvrier, le cultivateur, tous ceux qui font beaucoup d'exercice , s’en accommodent à merveille; mais ils causent des flatuosités, des gonflemens, surtout aux estomacs faibles, délicats. On peut, au reste, en faire des purées très substantielles : préparés de cette manière, on les digère beaucoup mieux. Les tiges fraiches ou sèches de toutes les espèces de Pois sont un excellent fourrage pour les bestiaux. Les vaches mangent les gousses avec avidité, et leur lait en devient plus abondant. OROBE. OROB US. Calice tubuleux, à cinq dents; les deux supérieures plus courtes et plus profondes. Style grêle, linéaire, velu à son sommet. Gousse oblongue, presque cylindrique; semences arrondies; ombilic quelquefois linéaire. DES PLANTES USUELLES. 157 OROBE TUBÉREUX. OROBUS TUBEROSUS. Orobus tuberosus. Lin. Spec. 1028. Lam. Encycel. Bot. 4. 626. DC. FIL. Fr. 4006. CHE v. FI. Par. 3. 731. DEsv. FI. Anj. 352. Sa racine fibreuse et tuberculeuse pousse plusieurs tiges anguleuses, ailées, hautes d'environ deux pieds. Les feuilles sont composées de quatre à six folioles allongées, pointues, vertes en dessus, d’une couleur glauque ou bleuâtre en des- sous. Les stipules sont étroites, aiguës, presque sagittées. Les fleurs sont rougeâtres ou purpurines, disposées deux à quatre ensemble sur chaque pédoncule. Elles produisent des gousses longues d'un pouce et demi, d'un rouge noi- râtre. Cette plante est commune dans les bois et les lieux cou- verts; elle fleurit en mai et juin dans les broussailles et les buissons des environs de Paris. On la trouve également aux environs de Lyon. Sa racine tubéreuse contient une matière amylacée assez abondante. On la mange cuite et assaisonnée comme la plu- part des racines nutritives. C'est un aliment vulgaire en Écosse. En y ajoutant de l’eau et un peu de levain qu'on laisse fermenter, on obtient une boisson rafraïchissante et salubre. Quelques autres espèces d'Orobe sont également alimen- taires. Mais Hippocrate dit (Epidem. hb. 2. Sect. 4): « Que des Thraces qui s'étaient nourris d'Orobes éprouvaient des douleurs aux genoux.» D’autres légumineuses, surtout l'Er- eum ervilia, produisent des douleurs et des tremblemens dans les membres. 158 NOUVEAU TRAITÉ FÉYE. FABA. Calice à cinq dents. Étendard plus long que les ailes et la carène. Gousse grande, coriace, un peu renflée; semences oblongues ; ombilic terminal. FÈVE COMMUNE. FA4BA VULGARIS. Faba vulgaris. Moencx. Méth. 130. DC. FI. Fr. 40928. — Vicia faba. Lanx. Spec. 1039. BLACcKw. Herb. t. 19. C'est une plante généralement cultivée dans les potagers ; et même en plein champ. On croit qu’elle est originaire des bords de la mer Caspienne. Sa tige blanchâtre, carrée et vigoureuse, porte de grandes feuilles ailées, à quatre folioles ovales, entières, d'un vert glacé de blanc à leurs deux faces. Un seul pédoncule fort court soutient cinq à six belles fleurs axillaires. La corolle est blanche, marquée d'une tache noire et veloutée au milieu de chaque aile. On appelle cette herbe légumineuse Fève de marais aux environs de Paris. Elle a plusieurs variétés qui diffèrent par la forme et la grosseur des semences. La Fève fournit de l'amidon, une matière animale, du phosphate de chaux, de la potasse et du sucre. La robe ou pellicule contient du tannin. Ces graines sont très nourrissantes, mais d’une digestion difficile. On les mange vertes ou sèches, et on les assaisonne avec de la sarriette, avec du thym ou de serpolet. Ce condi- DES PLANTES USUELLES. 159 ment aromatique les rend plus digestibles. Lorsqu’elles sont vertes, peu développées, on les sert sur les meilleures tables, soit entières, soit sous la forme de purée. Mais il n’y a guère que les estomacs vigoureux qui puissent digérer les Fèves sèches, mème lorsqu'on les a dépouillées de la peau dure et coriace qui les recouvre. Les anciens et les modernes s'accordent à dire que les Fèves sont flatulentes, qu'elles provoquent l'indigestion chez les sujets d’une complexion délicate. On leur a même attribué une action aphrodisiaque. Aussi saint Jérôme, dans une Épitre adressée à des religieuses, leur interdit expressément l'usage des légumes comme les Fêves, parce qu'ils produisent des titillations dans les organes sexuels. (Zn partibus genita- libus titllationes producunt.) » En général les substances d’une nature flatulente irritent le tube digestif, et par sympathie cette irritation peut retentir plus ou moins vivement sur les organes circonvoisins. On croit que le même motif avait déterminé Pythagore à défendre l'usage des Fèves à ses disciples. Horace ne connaissait point ce mauvais eflet de la Fève, ou du moins il paraît qu'il ne le redoutait guère. « Quand verrai-je, s'écriet-il, sur ma table un plat de Fèves, en dépit de Pythagore, et un autre de légumes cuits avec du petit-salé? » O quando faba, Pytsagorae cognata, simulque Uncia satis pingui ponentur oluscula lardo ? (Sar. lib. 2.) 160 NOUVEAU TRAITÉ ERS. ERP UM. Calice à cinq lanières étroites, pointues, profondes, presque égales à la corolle. Étendard plus grand que les ailes; ailes plus longues que la carène. Stigmate glabre; gousse oblongue, comprimée, renfermant deux à quatre graines. ERS LENTILLE. ERVUM LENS. Ervum lens. Lann. Spec. 1039. DC. F1. Fr. 4031. — Lens esculenta. MoEncH. Meth. 131. Sa tige faible, anguleuse, un peu velue, porte des feuilles ailées dont les folioles sont nombreuses , oblongues, plissées au milieu et coupées carrément à leur extrémité. Les pédoncules sont grêles et axillaires; ils soutiennent deux ou trois petites fleurs blanchâtres dont le pavillon est un peu rayé de bleu Le fruit est un légume court qui ren- ferme deux ou trois graines. Cette plante est cultivée dans les champs pour ses semences, que tout le monde connaît sous le nom de Len- ülles, et dont la couleur est plus ou moins fauve, quelquefois noirâtre. Elle a deux variétés : l’une plus grande et à fruits plus gros, l’autre plus petite dans toutes ses parties ; celle-ci a un goût plus délicat, on l'appelle Lentille à la reine. . Les Lentilles donnent de la fécule unie à un principe astringent. Les anciens les croyaient douées d’une vertu su- dorifique , et, vers la fin du dix-huitième siècle, elles étaient DES PLANTES USUELLES. 461 encore le remède mdispensable des maladies éruptives, de la rougeole, de la petite-vérole. La bonne mère de famille aurait craint pour ses enfans, s'ils n’eussent pris quelques tasses de tisane de Lentilles. Ce remède, fort innocent du reste, ne troublait point le travail de la nature, et je l'aime mieux que les méthodes extrèmes. J'avais à peine dix ans quandje fus pris de la petite-vérole ; c'était dans les beaux jours de l’année. J'allais courir autour de l’église de mon village, après avoir pris un ou deux verres d'eau de Lentilles : plusieurs de mes petits cama- rades qui avaient la même maladie en faisaient autant, nous rentrions pour boire encore de l'eau de Lentilles, et grâce à ce remède simple, grâce surtout au bon air que nous res- pirions, la petite-vérole fut des plus bénignes. Des soins plus savans, plus délicats, auraient-ls eu le même succès ? Les propriétés alimentaires des Lentilles doivent fixer un : moment notre attention. On pense généralement que c'est une nourriture grossière, indigeste, flatulente, propre seu- lement aux bons campagnards qui vont à la chasse, où qui tracent des silions dans les champs. Oui sans doute, ce légume nourrit parfaitement l’homme de peine, l'ouvrier, le laboureur ; mais les estomacs faibles s'en accommodent aussi quand il est dépouiilé de sa robe. La purée de Lentilles est plus délicate, plus sapide, plus di- _gestible, que celle des autres graines légumineuses. On fait surtout d'excellentes purées avec la petite Lentille ou Lentille à la Reine, récoltée dans une terre bien légère. Les Grecs et les Romains aimaient beaucoup les Lentilles. Ce légume a donné son nom à la race de Lentulus, comme le pois à la famille des Pisons. Fabius signifie également planteur de fèves. Mais c'était le temps de la simplicité ro- maine. Plus tard il faudra à ce Peuple-Roi autre chose que IT: 11 1462 NOUVEAU TRAITÉ des fèves et des Lentilles : la terre et la mer pourront à peine satisfaire son appétit glouton. Ainsi va le monde, l'appétit vient en mangeant. On lit dans Athénée : « La table étant approchée, nous soupâmes. Nous vidâmes un plat de Lentilles, puis un autre qui vint à la suite, et l’on en servit encore d’autres bien arrosés de vinaigre. » Le comique Diphile dit, dans ses Colombes : « Ce petit diner était charmant , et servi bien proprement. Nous avions chacun une grande jatte de Lentilles bien pleine. » Zénon disait : « Le sage fera tout bien, et assaisonnera des Lentilles avec intelligence... Jetez dans vos Lentilles un douzième de Coriandre. » Mais aucun amateur, chez les anciens ou chez les mo- dernes, n’a encore surpassé Ésaü, qui fit le sacrifice de sa part d'héritage pour un plat de Lentilles. Malgré tous ces témoignages, on ne peut plus favorables, croirait-on que Galien accusait les Lentilles d'être la princi- pale cause de la lèpre des Égyptiens? Dans cette opinion pa- radoxale, nous ne voyons qu'une chose, c'est que le médecin de Pergame digérait mal les Lentilles. On dit également qu'elles inspirent la mélancolie; il est vrai que d'autres soutiennent qu'elles donnent de la gaîté. On voit qu'il y a compensation. Si vous avez mangé à diner une assez grande quantité de Lentilles, donnez-vous du mouve- ment, courez, promenez-vous au grand air, votre digestion sera facile, votre tête libre et calme, votre esprit enjoué. Mais si vous restez enfonçé dans votre fauteuil, si vous lisez la violente polémique dé nos journaux, ou quelques pages des Nuits d'Voung, vous serez morose, mélancolique, vous vous mettrez en colère, vous pleurerez peut-être, et ces pau- vres Lentilles seront à jamais bannies de votre table. Pauvre DES PLANTES USUELLES. 163. espèce humaine ! comme il lui faut peu de chose pour faus- ser son jugement ! On se croit la tête forte, on passe pour un homme éloquent, pour un grand diplomate, tout le monde l'affirme : eh bien! un simple légume, qui séjourne une heure de plus dans l'estomac, nous fait perdre la raison, et pourrait compromettre le salut du pays. Lentilles au petit-salé. On mange les Lentilles à la maître-d'hôtel, au jus, à l'huile, au vinaigre, au citron; mais tout cela ne vaut pas, pour un bon estomac excité par quelque promenade agreste, une purée de Lentilles où repose mollement un morceau de petit lard tendre et rosé. Voyez comme l’intrépide chasseur se délecte en savourant cette purée exquise! Son estomac aguerri par l'exercice ne songera pas même à la digestion ; elle se fera pour ainsi dire à son insu. Ce n’est qu'à la ville que les légumes vous gonflent de vents, vous étouffent ; ils vous punissent de votre paresse ou de vos passions. CICHE. CICER. Calice à cinq divisions presque aussi longues que la corolle ; quatre penchées sur l'étendard, qui est grand, et une située sous la carène, qui est petite. Gousse rhomboïdale, renflée, à deux graines. 164 NOUVEAU TRAITÉ CICHE TÊTE DE BÉLIER. CICER ARIETINUM. Cicer arietinum. Lan, Spec. 1040. DC. FL Fr. 4039. Lam. lllustr. t. 632. — Cicer sativum. Baux. Pin. 347. Sa tige est rameuse, anguleuse, un peu velue, droite, haute d'environ un pied. Ses feuilles ont quinze à dix-sept folioles ovales, obtuses , velues, dentées en leurs bords, gar- nies à leur base de stipules souvent bifides. Les fleurs sont pédonculées, axillaires, blanches ou pur- purmes : elles produisent des gousses ovoides, renflées, velues, visqueuses, dont les semences ressemblent en quelque sorte à une tête de bélier. Cette plante est cultivée, surtout dans le Midi, sous le nom de Pots-ciche. Les semences sont blanchâtres ou rougeûtres suivant la variété qui les produit. Elles fournissent une sub- stance farmeuse, de l'acide oxalique et acétique (acide cicé- rique de Proust et Deyeux). C'est d'Espagne et d'Italie que la culture des Pois-ciches a été introduite dans nos provinces méridionales. On les cultive aussi dans le Nord, mais ils n’ont pas la même saveur que dans le Midi, où on les mange en potage, en purée ou entiers comme les pois et les lentilles. Ils ont néanmoins un goût particulier qui ne plaît pas généralement. | M. Figuier a fait l'analyse des Pois-ciches. D'après ce chi- miste, leur qualité nutritive est due à la fécule, à l'albumme et à la matière végéto-animale qui y sont contenues en grandes proportions. (Bulletin de Pharmacie, 1809.) DES PLANTES USUELLES, 165 Les Grecs les mangeaient rôtis à la poêle. «ILs’est étoufté, disait Phérécrate , en mangeant des Pois-ciches grillés. » Ils en faisaient également une sorte de bouillie avec du lait: Dans sa primeur ce légume paraissait sur la table avec les hors-d'œuvre. Aujourd'hui même l'usage des Pois-ciches est vulgaire en Espagne, en Italie et dans tout l'Orient. Ces mèmes graines, torréfiées et pulvérisées, servent à préparer une infusion ou décoction noirâtre qu'on appelle café indigène, café de Pois-ciches. Madame Gacon Dufour, excellente femme, nous a donné aussi du café de lupin; nous avons le café de chicorée , le café de carotte, etc. Tous ces cafés ne sont bons que dans les recueils d'économie domes- tique. Si vous m'en croyez, n'en faites point, c'est du temps perdu et du sucre mal employé, ou plutôt faites-en pour essai, goûtez cette malheureuse infusion, et achevez la tasse si vous en avez le courage. À Nous passerons légèrement sur la vertu diurétique des Pois-ciches, que nous n'avons jamais conseillés à nos ma- lades ; cependant la grande expérience d’un médecin de Mont- pellier, M. Chrestien, qui en fait un fréquent usage, nous porte à croire qu'ils ont quelque efficacité. Les graveleux pourraient essayer de ce remède fort simple, qui jouit d'ail- leurs de quelque réputation en Espagne et en Italie. Voici la préparation de M. le docteur Chrestien. Tisane contre la gravelle. Prenez : Pois-ciches concassés , une once; eau de rivière, deux livres. Faites bouillir jusqu’à réduction de moitié, eë ajoutez à la colature du miel ou du sucre. On prend cette décoction par tasses dans l’espace de vingt-quatre heures. # 166 NOUVEAU TRAITÉ Il n'y a pas de meilleur fourrage pour les chevaux que cette herbe légumineuse fauchée. Elle produit d’abord sur ces animaux l'effet du fourrage vert, mais après quelques jours d'habitude, 11 n’est point de nourriture qui les entre- tienne mieux en chair. Ce fourrage est également propre à engraisser les vaches dont il rend le lait plus abondant sans nuire à sa qualité. SAINFOIN. HEDYSARUM. Galice persistant, à cinq divisions. Carène transversale- ment obtuse, assez grande, comparée aux autres pétales. Légume formé d'articulations orbiculaires et comprimées, à une seule semence, à une, quelquefois à deux valves. SAINFOIN DES MAURES. HEDYSARUM ALHAGI. Hedysarum alhagi. Lann. Spec. 1051. GMEL. Îter. 2. t. 29. Porr. Encycl. Bot. 6. 396. —.{lhagi Maurorum. Tourn. Inst. Corol. 54. t. 489. C'est un arbrisseau haut d'environ trois pieds, qui a des tiges glabres , cylindriques, divisées en rameaux nombreux, étalés, garnis de feuilles simples, alternes, ovales, lan- céolées, pubescentes, obtuses à leur sommet, et d’un vert pâle. Les pétioles sont très courts, armés à leur base d'ai- guillons étroits, aigus, inégaux, un peu bruns ou rou- geûtres. & DES PLANTES USUELLES. 167 Les fleurs naissent en petites grappes nombreuses, laté- rales, un peu pendantes, sur des pédoncules glabres, striés. La corolle est d’une belle couleur pourpre au centre, rou- geâtre sur les bords. Cette espèce croît dans la Syrie, la Perse, la Tartarie. On la cultive au Jardin du Roi. Les rameaux et les feuilles sont chargés, pendant les grandes chaleurs, d’une matière grasse, onctueuse, qui a la consistance du miel. La fraîcheur de la nuit la condense et la réduit en forme de grains que l’on appelle manne d’Alhagi. On réunit ces grains, et on en forme des pains d'un jaune foncé. Les peuplades sauvages se nourrissent de cette espèce de manne qui était sans doute l'aliment des Israélites lorsqu'ils traversèrent le désert avec Moise. Elle à au reste beaucoup d'analogie avec la manne qu’on recueille sur les frênes et sur le mélèze. Le Sainfoin à bouquets ( Hedysarum coronarium) est une fort belle espèce qu'on cultive dans les jardins, où elle produit un très bel effet par ses fleurs d’un rouge agréable et par ses folioles bordées de blanc. Cette plante, que les cultivateurs appellent Sainfoin d’Es- pagne, croit naturellement en Italie, à Malte , et dans quel- ques uns de nos départemens du Midi. C’est un excellent fourrage pour les bestiaux, et on en forme dans plusieurs contrées des prairies artificielles. Qui ne connaît le Sainfoin commun (Hedysarum onobry- cs), espèce précieuse qu’on cultive sous les noms de Sain- foin et d'Esparcette? Les fumigations de cette plante soulagent les vieilles douleurs rhumatismales. Les feuilles récoltées avant la pousse des fleurs, séchées avec soin ct bien con- 168 NOUVEAU TRAITÉ servées, Ont une saveur et une odeur agréables. On en pré- pare une imfusion théiforme qui excite les fonctions des reins et de la peau. Un agronome nous à donné un jour cette infusion pour du thé vert. «Où avez-vous récolté ce thé, lui dis-je en souriant? — Vous vous trompez, me répondit], je l'ai fait venir du Havre. C'est une maison respectable qui me la fourni, et je l'ai déjà fait goûter à deux ou trois connaisseurs qui l'ont trouvé bien parfumé. — Dans ce cas, à votre pro- chaine récolte de, Sainfoin, je vous prierai de m’en céder quelques livres. » Nous avons des végétaux qui nous donnent des infusions plus ou moins agréables, mais aucune ne ressemble pour l'odeur et le goût au thé de la Chine. On cultive au Jardin du Roi le Sainfoin oscillant (Hedy- sarum girans), espèce qui croît naturellement sur les bords du Gange, et dont Broussonnet a donné la description dans le Journal de Physique de l'année 1787. C'est une des plantes les plus curieuses de l'univers. Elle a des feuilles composées de trois folioles, comme celles du trèfle. La foliole terminale est immobile; les deux autres, beaucoup plus petites, sont pendant le jour dans une agita- tion presque continuelle. Elles s'élèvent et s’abaissent succes- sivement en décrivant un arc de cercle : tantôt elles se meu- vent dans le même sens; tantôt l’une monte tandis que l'autre descend. Deleuze a remarqué que ce mouvement n’est jamais plus vif que dans le temps de la fécondation. Il cesse la nuit, et toutes les folioles sont abaissées lorsque la plante dort : il se ralentit lorsque la plante est malade, et lors- qu'elle est fatiguée par le vent ou par une trop forte cha- leur. DES PLANTES USUELLES. 169 Ce phénomène a donné lieu dans l’Inde à quelques idées superstitieuses. Un amant cueille à un certain jour de l'an- née les deux folioles latérales à l'instant même où elles se touchent ; il les pile avec la langue d’une espèce de chouette, et il en fait un talisman qui doit lui rendre favorable l’objet de son amour. 170 NOUVEAU TRAIÎTÉ TÉRÉBINTHACÉES. TEREBINTHACEZÆ. T'erebinthaceæ. Juss. Ver. DC. PISTACHIER. PIST'ACIA. Fleurs dioïques, disposées en chatons lâches, garnis d'écailles. Fleur mâle: calice très petit, à cinq lobes; point de corolle; cinq étamines ; anthères tétragones. Fleur fe- melle : calice très petit, à trois lobes ; un à trois styles; drupe sec, ovoïde ou presque globuleux, renfermant un noyau glabre, monosperme. PISTACHIER COMMUN. PISTACIA VERA. Pistacia vera. Lan. Spec. 1454. Porr: Encycl. Bot. 550: DC. FL Fr. 4064. DEsr. Arbr. 2. 340. DunAM. Arbr. 2. t. 88. Lam. Illustr. t. 811. f. 2. C'est un arbre qui s'élève à la hauteur d'environ trente pieds, sur un tronc revêtu d’une écorce grise. Ses rameaux portent des feuilles ailées, d’un beau vert, à trois ou cinq folioles presque sessiles , ovales ou lancéolées. Les fleurs sont , les unes mâles, les autres femelles, por- tées sur des individus différens. Les fruits sont à peu près de DES PLANTES USUELLES. 171 la forme d’une olive, rougeâtres, un peu ridés ; 1l renferment une amande d’un vert pâle, douce, huileuse, connue sous le nom de Pistache. Le Pistachier croît en Asie et en Afrique. On le cultive en Espagne , en Portugal et dans nos départemens méridionaux. Suivant Pline, il a été transporté de Syrie en Italie; de là, il s'est répandu dans presque tous les pays qui entourent la Méditerranée. Les pistaches sont nourrissantes, douées d'une saveur douce, agréable, légèrement aromatique. Elles fournissent du mucilage, de la fécule et de l'huile fixe. On les mange crues ; on en fait des crèmes , des gâteaux, des glaces , des émulsions , des dragées qu'on couvre de sucre ou de choco- lat. La pharmacie faisait autrefois avec ces fruits des émul- sions tempérantes , adoucissantes ; les confiseurs et les gla- ciers les lui ont enlevées, elle les remplace par les amandes douces. En Allemagne, on sert la pistache avec les viandes, parti- culièrement avec le veau et le poulet. Les habitans de Scio et des îles adjacentes font confire dans le sel le fruit entier, dont ils aiment le goût acidule et un peu aromatique. L’amande leur sert également dans les apprèts de la cuisine et de l'office. L 172 NOUVEAU TRAITÉ PISTACHIER TÉRÉBINTHE. PISTACIA TEREBINTHUS. Pistacia terebinthus. Lann. Spec. 1455. Porr. Encycl. Bot. 5. 351. DC. FIL Fr. 4065. Desr. Arbr. 2. 339. LaPEyr. Plant. Pyr. 2. 605. DunAM. Arbr. 2. t. 87. Arbre d'une grandeur médiocre, recouvert d’une écorce brune ou rougeñtre , dont les rameaux sont garnis de feuilles ailées, composées de sept à neuf folioles ovales, lancéo- lées, entières, d'un vert luisant en dessus, plus pâles en dessous. Les fleurs sont petites, disposées en une panicule axillaire, redressée, à étamines purpurines. L'ovaire devient une petite baie bien arrondie, sèche, menue, ridée, d’une saveur un peu austère. | Le Pistachier térébinthe croît dans le Levant, dans les iles de la Grèce, en Barbarie et sur les collines de nos pro- vinces méridionales. El est très résineux; il exhale une odeur pénétrante qui se répand au loin, surtout au moment du coucher du soleil. Cet arbre produit la térébenthine de Scio , résine légère, limpide, d’une odeur douce, balsamique. On l'obtient en pratiquant des incisions sur le tronc et sur les branches. Cette opération a lieu pendant les vives chaleurs de l'été , et la résine découle jusqu’au commencement de l'automne, sur des pierres plates qu’on a mises au pied des arbres. Lorsqu'elle n'est point sophistiquée , elle répand une odeur pénétrante, mais douce; sa saveur est moins âcre et sa consistance bien DES PLANTES USUELLES. 173 plus épaisse que celle des térébenthines ordinaires ; mais elle est presque toujours mêlée à celle de Venise, qui la rend plus claire et plus coulante. On a fait sans doute un abus répréhensible de la térében- thine de Scio et autres sucs résineux ou balsamiques dans les ulcérations internes , dans le catarrhe pulmonaire , dans les affections chroniques des reins et de la vessie; mais ceux qui ont voulu les remplacer, dans toutes ces maladies, par les substances gommeuses, émollientes, adoucissantes, ne se sont pas montrés plus sages. Si le malade, atteint d’une affection pulmonaire ou d'un catarrhe chronique, éprouve une douleur sourde, profonde, fixe dans quelques points du thorax, si d'ailleurs il est d’une constitution mobile, délicate, s'il tousse fréquemment, sl a des mouvemens fébriles, gardez-vous bien de lui donner aucune espèce de baume ou de térébenthine ; les boissons émulsives, émollientes , gommeuses, le lait coupé avec l’eau d'orge, lui vaudront infiniment mieux. Mais s'il est d'un tempérament lymphatique, s'il crache difficilement, s'il est faible , d'un âge avancé, n'insistez point sur une méthode énervante, sur une diète rigoureuse, donnez-lui plutôt quel- ques toniques, quelques stimulans : ces remèdes lui seront plus favorables. La térébenthine de Scio, rarement pure, doit être rem- placée par la térébenthime qu'on obtient du mélèze. Voyez la famille des Conifères. Dans l’île de Scio, on mange les fruits du Térébinthe, qui sont un peu astringens, et on les fait mariner pour les con- server. Leur amande a la couleur et le goùt de la pistache, mais elle est beaucoup plus petite. En Turquie, en Perse, dans tout l'Orient, on mâche ha- bituellement le Térébinthe. Les habitans de ces pays croient 174 NOUVEAU TRAITÉ que son usage est un bon moyen de consolider les dents, de les entretenir blanches, de rendre l’haleine agréable et d’exci- ter l'appétit. PISTACHIER LENTISQUE. PISTACIA LENTISCUS. Pistacia lentiscus. Lann. Spec. 1455. Poir. Encycl. Bot. 5. 353. DC. FL Fr. 4066. Lapeyr. Plant. Pyr. 2. 605. Duxam. Arbr. Ed. nov. 4. t. 18. C'est un arbrisseau qui s'élève à la hauteur de douze à quinze pieds, et pousse des rameaux nombreux dont les feuilles sont ailées , persistantes, composées de huit folioles lisses, entières, lancéolées, portées sur un pétiole commun ailé et presque articulé. Les fleurs sont dioïques, purpurines et disposées en grappes axillaires, très serrées dans les mâles, plus lâches dans les femelles. Les fruits sont de petites baies arrondies , charnues, d'abord rougeâtres, brunes dans leur maturité. Le Lentisque abonde dans les îles de Scio , de Chypre et de Candie. On le trouve aussi en Espagne, en Portugal, en Provence, en Languedoc et dans les Pyrénées orientales, parmi les pierres mouvantes. Il fournit un suc résineux, qui coule spontanément ou par incision du tissu du tronc et des rameaux, Cette substance porte le nom de mastic, et nous vient de Scio , sous la forme de petits grains allongés, ou de larmes claires, transparentes , d’une couleur citrine, d’une odeur assez suave, d'une saveur aromatique et amère. DES PLANTES USUELLES. 175 Le mastic, autrefois médicament renommé, ne figure plus dans la pharmacologie ; sa place est fixée parmi les par- fums. Les habitans des îles de l'Archipel, hommes, femmes, enfans, les Turcs en général, et surtout les femmes du sérail, mâchent continuellement du mastic pour se parfumer la bouche etpour entretenir la blancheur des dents. Le mas- tic épuré, ou mastic en larmes, qu'on récolte dans les par- ties les plus méridionales de l'île de Scio, est réservé pour le grand-sultan ; c'est un tribut qu'on paie à sa hautesse. Dans l'Orient , et principalement dans l’île de Scio, on est dans l’usage de mêler, en faisant le pain, un peu de mastic à la pâte pour lui donner une saveur agréable. En Espagne et dans le Levant, on retire par expression des fruits du Lentisque une huile qui sert à assaisonner les alimens. Du temps de Clusius, on faisait en Provence une assez grande quantité de cette huile. Les fruits eux-mêmes sont alimentaires, et, selon Pline, on les mangeait ancien- nement, après les avoir fait confire comme les olives. Le Mangier commun (Mangifera indica, Linn.) appar- tient à la famille des Térébinthacées. C'est un arbre des Indes orientales qui donne des fruits d’une saveur délicieuse. Ils sont légèrement acides et rafraîchissans. On Îles prépare de diverses manières : on les coupe par tranches, et on les fait tremper dans du vin et du sucre, après en avoir enlevé la peau. On en fait d'excellentes confitures, des gelées, des compotes, des beignets. Les feuilles et l'écorce de l'arbre écrasées ont une odeur analogue à celle des fruits. 176 NOUVEAU TRAITÉ JUGLANDÉES. JUGLANDEÆ. Juglandeæ. DC. Fleurs monoïques. Fleurs mâles en chatons pendans, garnis d'écailles, dont chacune est portée sur un pédicelle horizon- tal; calice à six divisions profondes. Corolle nulle. Dix-huit à vingt étamines insérées sur un disque glanduleux; anthères droites, presque sessiles. Fleurs femelles solitaires, deux à deux, ou trois à trois. Calice supère double, à huit divisions; l'extérieur plus court. Ovaire infère surmonté par deux stig- mates très épais. Drupe ovale ou sphérique, renfermant une noix à deux valves. Amande snueuse, partagée à sa base en quatre lobes séparés par des cloisons membraneuses appelées zeste. NOYER CULTIVÉE. JUGLANS REGIA. Juglans regia. Linn. Spec. 1415. DunAM. Arbr. 2. 50. Lam. Encycl. Bot. 4. 500. DC. FI. Fr. 4067. Caev. FI. Par. 3. 948. BLAcKw. Herb. t. 247. C'est un bel arbre, dont le tronc, plus ou moins élevé, se divise en plusieurs branches formant une cime large et touffue. Les feuilles sont amples, à cinq ou sept folioles ovales, entières, luisantes, d’un beau vert, d'une teinte moins foncée par-dessous, d’une odeur forte et résineuse. Les fleurs mâles forment des chatons pendans qui se déve- loppent avant les feuilles. Les fleurs femelles , plus tardives, DES PLANTES USUELLES. 277 occupent l'extrémité des jeunes rameaux, où elles sont réunies au nombre de trois ou ciñiq en une sorte de grappe: elles donnent des fruits globuleux connus sous le nom de noix. Ces noix sont entièrement recouvertes par une enve- loppe épaisse, verdâtre, qu'on appelle brou. Le Noyer est originaire du nord de la Perse, selon Pline. Has a Perside a regibus translatas , indicio sunt græca no- mina. 1 abonde maintenant dans presque toute l'Europe. On le voit dans les parcs, dans les vergers, au bord des ruis- seaux, sur les collines, tantôt solitaire, tantôt formant de très belles allées. On le cultive particulièrement dans les Basses-Alpes, dans le Jura, et dans plusieurs cantons de la Suisse. Parmi les variétés les plus utiles, on distingue le Noyer à gros fruits , dont les feuilles sont plus amples, les noix plus volumineuses; le Noyer mésange, à coque tendre, fragile, dont l’amande est excellente pour la table et très huileuse ; le Noyer de la Saint-Jean, qui fleurit plus tard ; le Noyer à fruits durs, anguleux, renfermant une petite amande très Fe à faire de l'huile. La Virginie et la Louisiane, qui possèdent des forêts de Noyers, nous ont déjà fourni quelques espèces dignes d'être ré- pandues dans nos campagnes. Les noix de la Virginie sontmoel- leuses, cassantes, d’un goût plus fin, surtout plus huileuses que les noix ordinaires ; elles donnent des cerneaux délicats. Le Noyer pacanier de la Louisiane (Juglans olivæformis) fournit de petites amandes d'un goût de noisette; on en fait de l'huile et des pralines excellentes. Les anciens peuples mangeaient comme nous, au dessert, les noix tendres ou sèches. Les Grecs aimaient surtout celles IT. 12 - 178 NOUVEAU TRAITÉ de Perse ou notre grosse noix, qui se nommait aussi noix royale. Athénée dit qu'ellés sont nourrissantes, mais qu'elles causent de la sécheresse à la bouche et dans la gorge. On les faisait griller, et on les mangeait avec du miel. En France on aime beaucoup les cerneaux ou les noix tendres, à moitié formées, et acidulées avec du verjus. Les noix ainsi assaisonnées sont agréables au goût, mais il faut en user modérément. Les femmes qui ont l'estomac délicat, un peu irritable, doivent surtout les craindre. En général on est porté à abuser des primeurs qui paraissent sur la table, et on paie quelquefois d'une violente indigestion trois ou quatre cuillerées de cerneaux. Üne jeune dame, qui en avait mangé une certaine quantité, fut sur le point de périr. L'émétique lui sauva la vie. Les hommes ne sont pas plus sages, mais ils sont plus robustes. On en voit qui, pour s’ex- citer à boire, et pour trouver le vin meilleur, mangent des noix sèches à plusieurs reprises, après avoir parfaitement officié au premier service, et cela sans que leur santé en reçoive la moindre atteinte. N’imitez pas ces estomacs privilégiés, ces intrépides gourmands, vous les verrez peut-être un jour mourir les armes à la main. A la campagne on déjeune fort bien avec quelques noix et du pain bis. C'est un aliment savoureux pour les estomacs solides, indigeste pour les estomacs faibles et délicats. On doit choisir les noix bien conservées, blanches, sans âcreté; lorsqu'elles sont jaunes, vieilles, rances, elles irritent la gorge, provoquent la toux, et causent parfois des coliques très vives. On confit les noix vertes, et on en fait une liqueur sto- machique ou une sorte de ratafia, en y mêlant quelques aro- mates. DES PLANTES USUELLES. 179 Ratafia de brou de noix. Vous prenez soixante noix vertes, récemment nouées et saines, trois livres de vieille eau-de-vie, une livre et demie de sucre, un gros de cannelle, et un gros de macis. Vous écrasez les noix, vous les laissez infuser avec les aromates dans l’eau-de-vie pendant deux ou trois mois, et vous faites fondre le sucre dans la liqueur. Vous laissez de nouveau reposer la liqueur pendant quelques semaines, puis vous l'exprimez et la filtrez. On prend une cuillerée à bouche de ce ratafia pour ranimer les fonctions de l'estomac. On retire de la noix, par expression, une huile douce et savoureuse, qui remplace dans quelques cantons l'huile d'o- live pour la salade, et le beurre pour la friture ; mais il ne faut pas la laisser. vieillir, elle ne se conserve pas long-temps. L'huile grasse que l'on obtient par le feu a une odeur et un goût désagréables ; on la brûle dans les lampes, et on en fait du savon. Les racines du Noyer et l'enveloppe verte des fruits donnent une belle teinture fauve ou brune. Les feuilles fraiches chas- sent les insectes, surtout les punaises. Le bois est liant, flexible, recherché des tourneurs et des ébénistes. NOYER NOIR. JUGLANS NIGRA. Juglans nigra. Wir. Spec. 4. 456. Lam. Encycl. Bot. 4. 502. Desr. Arbr. 2. 347.%4co. Ic. Rar. t. 191. C'est un très bel arbre, haut de cinquante à soixante pieds, formant une cime étalée, garnie d'un grand nombre de branches revêtues d’une écorce brune ou d’un brun verdâtre. 180 NOUVEAU TRAITÉ Les feuilles sont grandes, alternes, lisses, composées de quinze à dix-neuf folioles ovales, lancéolées, dentelées, d’un vert sombre et luisant, à nervures rudes et saillantes en dessous. Les fleurs mâles sont disposées en chatons pendans, cylindriques, sur des pédoncules simples; les fleurs femelles ont des pistils d'un vert blanchâtre. Le fruit est une noix ronde, d'un noir mélangé de jaune, un peu tuberculeuse, sillonnée profondément. Ce Noyer est originaire de la Virginie. On le cultive en Europe dans les jardins et dans les parcs. L’amande est douce, huileuse, et se conserve fraîche pendant plusieurs mois. Les habitans de la Virginie en font une sorte de pain. Ils écrasent les noix avec un maillet, et ils les lavent dans de l’eau. Les coques surnagent , et 1l se précipite au fond du vase une sub- stance qui devient farineuse en se desséchant. NOYER CENDRE. JUGLANS CINERE 4. Juglans cinerea. Wir1p.Spec. 4. 456. Lam. Eneycl. Bot. 4. 503. DEsr. Arbr. 2. 347. Jaco. Ie. Rar. t. 192. Le Noyer cendré ressemble beaucoup au précédent par le feuillage, et s'élève à peu près à la même hauteur. Il en diffère pourtant par ses feuilles, qui sont ridées, ternes, tandis qu'elles sont luisantes et très lisses dans le Juglans nigra. Les pétioles qui les soutiennent sont également rudes au toucher. Les fleurs mâles sont disposées sur des chatons courts, gros, cylindriques, à pédoncules simples. Les fleurs femelles ont les pédoncules velus, arrondis et terminaux. Le fruit est un drupe ovale, velu, très visqueux, profondément sillonné. DES PLANTES USUELLES. * 181 Ce Noyer croît naturellement dans les parties septentrio- nales des États-Unis, dans la Louisiane, dans le Canada. On le cultive en France depuis long-temps. Il résiste fort bien à nos hivers. Ses amandes sont petites, mais douces et très oléagineuses. Dans la Louisiane on ne mange point les fruits mürs, mais on les confit au vinaigre comme les cornichons, lorsqu'ils ont acquis la moitié de leur grosseur. 182 NOUVEAU TRAITÉ RHAMNOIDÉES. RHAMNOIDEÆ. Rhamnoideæ. VENT. — Frangulaceæ. DC. JUJUBIER. ZIZYPHUS. Calice ouvert, à cinq divisions. Corolle à cinq pétales , in- sérés sur un disque glanduleux situé à la base du calice. Cinq étamines opposées aux pétales. Deux styles. Drupe ovoide renfermant un noyau à deux loges. JÜJÜBIER COMMUN. ZIZYPHUS VULGARIS. Zizyphus vulgaris. Lam. Encycel. Bot. 3. 316. DC. F1. Fr. 4080. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 120. LAM. Illustr. t. 185. f. 1. — Rhamnus zizyphus. Lin. Spec. 282. — Zizyphus sativa. DunaAm. Ed. nov. 3. t. 16. | Grand arbrisseau de quinze à vingt pieds de hauteur, dont le tronc est revêtu d'une écorce rude, gercée, raboteuse et d'un rouge brun. Ses rameaux sont nombreux, flexibles, garnis à leur insertion de deux aiguillons droits, presque égaux; ses feuilles ovales, luisantes, d'un vert clair, légère- ment dentées en leurs bords, et portées par de courts pétioles. Les fleurs naissent aux aisselles des feuilles, deux à deux ou quatre à quatre; elles sont petites, d’un jaune pâle, atta- chées à de courts pédoncules. Les fruits sont ovales, d’un DES PLANTES USUELLES. 183 beau rouge dans leur maturité, à peu près de la grandeur et de la forme de nos olives. On les appelle Jujubes. Apporté de Syrie à Rome sous le règne de l'empereur Auguste, le Jujubier s'est naturalisé dans l'Europe méri- dionale. On le trouve maintenant en Espagne, en Italie, dans le Languedoc, dans la Provence et dans les Pyrénées. Les jujubes ont une saveur douce, vineuse, agréable. Elles sont d’un usage si familier dans les maladies de poitrme, que le vulgaire croirait ne pouvoir guérir d'un simple rhume s’il ne prenait de la tisane de jujubes. Ces fruits contiennent, au reste, une matière sucrée et du mucilage. On peut les prendre, soit seuls, soit mêlés aux figues, aux dattes, aux raisins secs et autres substances pectorales, pour adoucir les rhumes, les catarrhes et autres irritations ; mais il ne faut pas en pro- longer l'usage sans nécessité, car toutes les tisanes chargées de matières mucilagineuses affaiblissent singulièrement les voies digestives. On préparait autrefois une pâte sucrée, transparente et d'un beau jaune brun, avec les jujubes, la gomme arabique et le sucre. Celle qu'on trouve aujourd’hui dans le commerce a bien à peu près la même couleur ; elle est fort belle, transpa- rente, mais 1l n'y a point de jujubes ; c’est tout bonnement de la gomme sucrée. Mais nous l'avons déjà dit, la gomme et le sucre peuvent remplacer toutes les pâtes pectorales pour les rhumes et la toux d'irritation. On mange les jujubes fraiches en Espagne, en Italie et en France; elles sont nourrissantes, d’une saveur douce, vineuse, un peu aigrelette. On les vend dans les marchés de nos dépar- temens méridionaux. Le Lotos des anciens est une espèce de Jujubier, mais plus petit, plus délicat. EI croît en buisson, et n’a guère que quatre 18% NOUVEAU TRAITÉ ou cinq pieds de hauteur. Ses fruits, de la grosseur d'une prunelle sauvage, prennent, comme la jujube, une couleur rousse en mürissant ; ils ont une saveur douce, agréable. Cet arbrisseau abonde dans le royaume de Tunis, particu-— lièrement sur les confins du désert et aux environs de la petite Syrie, pays autrefois habité par les Lotophages. Le professeur Desfontaines, qui l'a observé sur les lieux où il croît, pense que c’est le véritable Lotos dont ces peuples se nourrissaient. Polybe nous dit la manière dont on préparait ancienne- ment le fruit du Lotus. Lorsque le fruit est mûr, les Loto- phages le cueillent, l'écrasent et le renferment dans des vases. Is ne font aucun choix des fruits qu'ils destinent à la nour- riture des esclaves, mais ils choisissent ceux qui sont de meil- leure qualité pour les hommes libres. Leur saveur approche des figues ou des dattes. On en fait aussi une sorte de vin en les mêlant avec de l’eau. Ce vin est délicieux, il a un goût de miel. Aujourd'hui les habitans des bords de la Syrte et du voisi- nage du désert recueillent encore les fruits de cetteespèce de Jujubier, les vendent dans les marchés publics, les mangent comme autrefois, et en nourrissent même leurs troupeaux. C'est ce même Lotos que les compagnons d'Ulysse trou- vèrent si délicieux qu'ils avaient oublié jusqu'au nom de leur patrie. «Au moment où mes guerriers ont porté à leurs lèvres ce fruit aussi doux que le miel, loin de songer à mes ordres ni à leur départ, ils n’aspirent qu’à couler leurs jours parmi ce peuple (les Lotophages). Savourer le Lotos est leur seul charme; ils ont oublié jusqu'au nom de leur patrie. Je les arrache à cette terre, peu touché de leurs larmes, et je les entraîne dans la flotte. » (Odyssée, chant 9.) | Thé des Apalaches. C'est un arbrisseau de la famille des DES PLANTES USUELLES. 155 Rhamnoïdes, que les botanistes appellent Cassina peragua, qui croît dans les montagnes du Paraguay et dans la Floride. Ses feuilles, d'une saveur styptique, légèrement amère, donnent une sorte de thé très recherché dans l'Amérique méridionale. Elles font également les délices des anciens naturels et des Espagnols. Au Paraguay, dans le Chili et le Pérou, on se contente, avant d'employer la feuille, de la faire sécher et de la réduire presque en poussière. On la fait griller dans la Floride. Après l'une ou l’autre de ces préparations, on la fait infuser dans l'eau bouillante, à laquelle elle donne une couleur légèrement vineuse ; on prend alors la liqueur sans lui donner le temps de noircir. On y ajoute ordinairement du sucre, du jus de citron, des pastilles parfumées ou quelques fleurs aro- matiques. Cette boisson répare et soutient les forces. Elle est souvent la seule provision que les sauvages de la Floride emportent dans leurs courses. Ils prétendent qu'une tasse de cassme suffit pour soutenir un guerrier durant vingt-quatre heures. - Nous passons sous silence le Nerprun cathartique ( Rham- nus catharticus ), dont les fruits purgent quelquefois avec une grande force, et peuvent enflammer le tube intestimal. Ce n'est qu'aux médecins qu'il appartient de manier ce purgatif indigène. Les chèvres qui broutent les feuilles de cet arbris- seau donnent un lait purgatif. Les fruits donnent la même propriété à la chair des grives. ( Voyez notre Phytographie médicale, tom. 111, pag. 295.) 186 NOUVEAU TRAITÉ OMBELLIFÈRES. UMPELLIFERÆ. Umbelliferæ. Juss. Venr. DC. — Umbellate. Lin. * BOUCAGE. PIMPINELLA. Calice entier. Pétales presque égaux, courbés en cœur à leur sommet. Stigmates globuleux. Fruit ovale, oblong, strié. Collerettes nulles. BOUCAGE ANTS. PIMPINELLA ANISUM. Pimpinella anisum. Lan. Spec. 379. Lam. Encyel. Bot. 1. 451. — Anisum. BLAcKW. Herb. t. 374. Sa racine blanche, menue, fibreuse, pousse une tige peu élevée, striée, pubescente, rameuse à sa partie supérieure. Les feuilles radicales sont composées de trois folioles cunér- formes à leur base, arrondies et dentées à leur sommet. Les feuilles supérieures sont ailées, à folioles plus étroites, pro- fondément incisées. Les fleurs sont petites, blanches, disposées en ombelles à l'extrémité des rameaux, souvent munies d’une collerette à une seule foliole. Les fruits sont ovoides, convexes, can- nelés, pubescens, d’un vert foncé, d’une odeur agréable, pénétrante, d'une saveur aromatique. DES PLANTES USUELEES. 187 Cette plante croît naturellement en Italie, en Sicile, en Égypte, dans le Levant. On la cultive dans plusieurs de nos provinces, et particulièrement dans la Touraine. Elle demande une terre légère, sablonneuse, et une exposition chaude. On sème la grame au printemps, lorsqu'on ne craint plus les gelées tardives ou les pluies froides. Les semences sont à la fois médicinales et économiques ; . elles ont une odeur suave, une saveur chaude ; elles donnent une huile volatile abondante, blanche, concrescible à dix degrés au-dessus de zéro. L'usage de ces graines, qu'on appelait autrefois carmi- natives, est encore aujourd'hui un remède vulgaire. On s’en sert pour chasser les flatuosités, pour réveiller le ton des organes digestifs, et c'est un moyen aussi agréable qu’effi- cace, lorsque le gonflement des intestins est seulement spas- modique, sans irritation vive, sans inflammation. Des frictions douces, pratiquées sur l'abdomen avec de la flanelle, et quelques dragées d’anis soulagent presque tou- Jours les hypochondriaques tourmentés par les vents, et doivent être préférées à des moyens plus actifs, comme le vin chaud sucré, l'eau-de-vie et autres liqueurs alcoholiques. D'ailleurs les flatuosités dépendent de causes diverses, et de- mandent par. conséquent des remèdes variés. On les guérit quelquefois avec les toniques, et plus souvent avec des bois- sons délayantes, légèrement anodines. Dans d’autres circon- stances 1l faut avoir recours à des purgatifs assez énergiques. Le docteur Carrère a donné tous les jours un quart de grain d'opium et vingt grains de quinquina à un homme âgé de soixante-seize ans, qui était sujet, depuis plusieurs années, à des coliques venteuses très fréquentes : le sixième jour, ce vieillard a rendu des vents pendant trois heures, sans presque aucune Imterruption, et ses coliques n'ont plus reparu. 188 NOUVEAU TRAITÉ On prend ordinairement les semences d'Anis en infusion , à la dose d’un à deux gros, dans une livre d'eau bouillante, qu'on sucre légèrement. On mâche aussi les graines; elles parfument la bouche et dissipent les flatuosités. L'huile essentielle qu’on obtient par la distillation est très suave; on en prend huit à dix gouttes dans une demi-tasse d'infusion . de feuilles de mélisse ou de fleurs de tilleul, édulcorée avec un peu de sucre. Cette potion, fort simple, réveille les mem- branes digestives, et favorise l'expectoration dans le catarrhe chronique des vieillards. On est assez dans l'usage d'ajouter une pincée d’Anis aux potions purgatives , afin d'en corriger le mauvais goût. On l’enduit de sucre et on le convertit en dragées, qu'on prend après les repas pour accélérer le travail de la digestion. Ces dragées conviennent aux estomacs froids, paresseux. On prépare avec les semences d'Anis des liqueurs excel- lentes , et tout le monde connaît l’anisette de Bordeaux. C'est une des liqueurs les plus douces, les plus suaves. Vous pou- vez faire en une heure un ratafia d'Amis d'un goût fort agréable. Ratafia d'Anis. Prenez : eau-de-vie, une pinte; eau clarifiée, un demi- setier ; sucre, huit à dix onces ; huile essentielle d'Anis , quelques gouttes. Vous mettez l'huile essentielle sur un morceau de sucre pour faciliter son union , et vous filtrez la liqueur. DES PLANTES USUELLES. 189 BOUCAGE SAXIFRAGE. PIMPINELLA SAXIFRA GA. Pimpinella saxifraga. Lanx. Spec. 378. Lam. Encycl. Bot. 1. 450. DC. FI. Fr. 3411. CHE v. F1. Par. 3. 634. BAz8. F1. Lyon. 1. 313. F1. Dan. t. 669. Cette plante croît en France, en Allemagne et autres par- ties de l'Europe. On la trouve sur les pelouses, et dans les pâturages des montagnes. On la reconnaît à sa tige grêle, rameuse, peu garnie de feuilles, haute d'environ un pied et demi; à ses feuilles ailées, composées de cinq à sept folioles ovales, arrondies, incisées ou lobées, et dont la terminale est ordinairement trifide. Les fleurs sont blanches, disposées en ombelle de dix à douze rayons. Les pétales sont presque égaux, recourbés à leur sommet, et les stigmates un peu arrondis. Les se- mences sont oblongues , roussâtres, d'une saveur un peu âcre. Cette ombellifère, rarement employée, se distingue par une odeur forte, par une saveur chaude, stimulante, amère. La racine est surtout imprégnée d'une huile volatile très active. Comme tous les amers, elle augmente les phé- nomènes d'ixritation, relève le ton des tissus organiques. C'est particulièrement dans la racine et les semences que ré- sident ses propriétés. Stahl, Buchner, Cartheuser, ont fait un grand éloge de cette plante , presque oubliée aujourd'hui. On à pourtant exagéré ses vertus en lui attribuant le pou- voir de dissoudre les calculs urinaires. Rien n’est moins con- 190 NOUVEAU TRAITÉE stant que son action diurétique, toujours subordonnée à l'excitation générale. D'ailleurs, il est des circonstances qui exigent la plus grande réserve dans le choix des substances propres à exciter la sécrétion des urines. On proscrira sur- tout l'emploi des stimulans diurétiques dans les affections de l'appareil urinaire accompagnées de spasmes douloureux, et on aura recours aux apéritifs émolliens, aux boissons impré- gnées d'un doux mucilage, aux bains tièdes , etc. Les jeunes feuilles sont alimentaires pour l'homme. On les mange en salade. Cette plante fournit également une nourriture très saine pour les bestiaux. Les chevaux et toutes les bêtes à cornes aiment l'herbe quand elle est tendre, et ja graine peut leur être donnée à la place de l'avome. BOUCAGE À GRANDES FEUILLES. PIMPINELLA MAGNA. Pimpinella magna. Lainn. Mant. 217. Lam. Encycl. Bot. 1. 450. DC. FL Fr. 3412. Cnev. FL Par. 3. 634. Desv. FI. Anj. 243. FL Dan. t. 1155. Sa racine fusiforme , blanche et aromatique , pousse une tige striée, rameuse, droite, cylindrique, haute de deux ou trois pieds. Les feuilles radicales sont pétiolées, simples, ovales , arrondies, dentées et trilobées ; les feuilles cauli- naires sont ailées, formées de cinq ou sept folioles ovales, assez larges, dentées, d'un vert luisant : les feuilles supé- rieures n'ont que quelques folioles, petites, à découpures étroites et pointues. … Les fleurs sont blanches ou rougeâtres, disposées en om- belles médiocrement garnies et penchées avant la floraison. DES PLANTES USUELLES. 491 Cette plante fleurit en juillet et août. Elle est commune dans les bois et les prés couverts, le long des ruisseaux. On la trouve à Montmorency et dans la vallée de Che- vreuse. La racine est fusiforme, blanchâtre, amère , âcre, aro- matique ; elle donne une huile volatile de couleur bleue. On peut la substituer à la racine de l’espèce précédente. L'une et l’autre abandonnent leurs principes actifs à l'eau, au vin et à l’alcohol. Voilà deux plantes indigènes très recommandables , et pourtant tout-à-fait négligées. Elles méritent de prendre place parmi les végétaux toniques et fébrifuges. La plupart des espèces congénères partagent leurs propriétés. ÉGOPODE. ÆGOPODIUM. Calice entier. Pétales entiers, inégaux, fléchis et échan- crés au sommet. Fruit ovale, oblong , marqué de trois à cinq côtes longitudinales sur chaque graine. ÉGOPODE DES GOUTTEUX. ÆGOPODIUM PODAGRARIA. ÆÆgopodium podagraria. Lanx. Spec. 379. DC. FL Fr. 3410. LAPEyr. Plant. Pyr. 1. 166. F1. Dan. t. 670. — Pimpinella angelicæfolia. LAM. 1. 451.—Seseliægo- podium. Scop. FI. Carn. Ed. 2. n. 359. Sa racme, allongée , rampante, traçante, pousse une tige droite, glabre, un peu rameuse, haute de deux ou trois 192 NOUVEAU TRAITÉ pieds. Ses feuilles inférieures ont leur pétiole divisé en trois parties, soutenant chacune trois folioles ovales, pointues et dentées : les feuilles supérieures sont simplement ternées , à folioles plus étroites. Les fleurs sont blanches, disposées en ombelles lâches, planes, formées d’une vingtaine de rayons. Les collerettes sont nulles. On trouve cette plante dans les jardins, dans les haies, dans les bois. On l'appelle vulgairement Herbe aux gouiteux, parce qu'on l’a crue douée d'une vertu spécifique contre la goutte. Elle est légèrement aromatique. Dans les pays du Nord, on la mange au printemps comme plante potagère. Tous les bestiaux s’en nourrissent également avec plaisir. SÉSÉLI. SESELT. Calice entier. Corolle à cinq pétales égaux, courbés en cœur. Cinq étamines, à filamens subulés, terminés par des anthères simples. Ovaire surmonté de deux stigmates. Fruit ovale, petit, strié; semences concayes du côté intérieur, con- vexes en dehors. SÉSELI CARVI. SESELI CARF1I. Seseli carvi. DC. F1. Fr. 3420. Porr. Encyel. Bot. 7. 136. — Carum carvi. Lin. Spec. 378. LApEyr. Plant. Pyr. 1.164. F1. Dan. t. 1091. JAcQ. F1. Austr. t. 393. Ses tiges lisses, striées, rameuses, portent des feuilles deux fois ailées, à folioles linéaires, mcisées, disposées en croix et comme verticillées autour de la côte principale. DES PLANTES USUELLES. 193 Les fleurs sont petites, blanches, disposées en ombelles lâches ; elles ont des pétales bifides. On trouve cette plante dans les prés montagneux , où elle fleurit en mai et juin. Les semences sont brunes, d’une odeur forte, aromatique. Elles font partie des quatre grandes semences chaudes, et donnent beaucoup d'huile volatile. D'après les anciens pharmacologues , les graines de Carvi excitent toutes les sécrétions, l'urine, la sueur, les règles , le lait, etc. Elles fortifient la tête, le cœur et l'estomac. Elles sont stimulantes comme la plupart des grames des plantes ombellifères, voilà toutes leurs vertus. On peut donc en faire usage en infusion vineuse ou aqueuse pour relever le système organique , surtout les voies digestives, lorsqu'elles sont affaiblies et dans un état de relâchement. La racine est aussi stimulante, aromatique, mais à un plus faible degré. En Allemagne, en Hollande, en Angleterre , on mêle les graines de Carvi à la pâte dont on fait les biscuits de mer. Les marins en assaisonnent aussi leurs alimens, et les habi- tans de l'Amérique en consomment des quantités considé- rables dans leur cuisine. Les Tartares les mangent également avec le lait. En Allemagne, elles servent à assaisonner le pan, le fromage, le poisson et quelques ragoüts particuliers. On en fait aussi des dragées avec du sucre, des liqueurs de table, etc. Dans le Nord, on s'en sert pour aromatiser l'eau-de-vie de grains. Les racmes, les feuilles et les jeunes pousses du Carvi cultivé sont comestibles. 19% NOUVEAU TRAITÉ SÉSÉLI TORTUEUX. SESELI TORTUOSUM. Seseli tortuosum. Lainx. Spec. 373. DC. F1. Fr. 3419. Poir. Encyel. Bot. 7. 133. Lapeyre. Plant. Pyr. 1. 163. — Sium tortuosum. J. BAUS. Hist. 3. p. 2. t. 16. f. 1. Sa tige est dure, presque ligneuse, tortueuse, très ra- meuse, d'un vert un peu glauque ou blanchâtre, haute d'en- viron un pied. Les feuilles mférieures sont grandes, deux _ fois aïlées, à folioles divisées en découpures linéaires, d’un vert glauque : les feuilles supérieures sont beaucoup moins grandes , et leur gaine est bordée d’une membrane blanche. Les fleurs sont blanches , petites, disposées en ombelles terminales et axillaires, formées de quatre où cmgq rayons : elles produisent des semences petites , striées , blanchâtres. Cette plante croît dans les contrées méridionales de l'Eu- rope. On la trouve dans la Provence, dans le Languedoc , dans le Dauphiné et dans les Pyrénées orientales. Elle se plait dans les lieux arides, au milieu des rochers. On l'appelle vulgairement Séséli de Marseille. Les racmes, surtout les semences, ont une saveur âcre, une odeur aromatique ; elles contiennent de l'huile volatile. On les prend en infusion dans du vin pour provoquer l'écou- lement menstruel et pour chasser les vers. Le Séséli de montagne ( Seseli montanum. Linn.), qu'on trouve dans les pâturages secs des Pyrénées, et le Séséli glauque (Seseli glaucum), qui en est une variété, ont les mêmes vertus. . Une autre espèce produit des racines très âcres et très purgatives, c'est le Séséli turbith (Seseli turbith. Linn.). Cette plante croît particulièrement en Espagne. DES PLANTES USUELLES. 195 IMPÉRATOIRE. IMPERATORIA. Calice entier, peu apparent. Pétales échancrés, cour- bés, presque égaux. Fruit comprimé , elliptique; graines bordées d’une aile membraneuse, munies sur le dos de trois petites côtes. IMPÉRATOIRE OFFICINALE. IMPERATORILA OSTRUTHIUM. Imperatoria ostruthium. Linn. Spec. 371. DC. F1 Fr. 3421. Lam. Encycl. Bot. 3. 242. Illustr. t. 199. f. 1. LAPEYR. . Plant. Pyr. 1. 162. — {mperatoria major. GaR. Aix. t 55. Sa racine épaisse, noueuse, fibreuse , pousse une tige cylindrique, peu rameuse, haute d'environ deux pieds. Les feuilles radicales sont grandes , pétiolées, découpées sur les bords, trilobées et d'un joli vert ; les feuilles supérieures sont alternes , moins grandes , également lobées et dentées. Les fleurs sont petites, blanches , disposées sur une om- belle grande, terminale, formée de vingt à trente rayons. Les pétales sont repliés, cordiformes. Le fruit consiste en deux semences convexes sur le dos, et bordées d'une petite membrane. Cette plante croît dans les pâturages des montagnes, dans les Alpes , dans les Pyrénées , au Mont d'Or, etc. Elle fleurit en Juin.et juillet. On la cultive dans les jardins. 196 NOUVEAU TRAITÉ Sa racine est oblongue, tubéreuse, articulée, oblique, traçante, fibreuse et noirâtre. Elle se distingue par une odeur aromatique, par une saveur chaude, amère, âcre, piquante. Ses principes actifs résident dans une huile yo- latile et une substance extractive résineuse. Si on coupe la racine fraiche, elle laisse échapper un suc amer, d’un blanc jaunâtre. C'est une de nos meilleures plantes indigènes; elle produit une excitation vive, provoque la sueur et l’excrétion des urines. On peut l'employer utilement dans la plupart des fièvres intermittentes et des affections maladives qui récla- ment l'usage des toniques. Et pourtant elle est tout-à-fait oubliée : on lui préfère des plantes herbacées, inodores et insipides. L'Impératoire a beaucoup d'analogie avec l’angélique , à laquelle on peut la substituer. On donne sa racine pulvé- risée, à la dose d'environ un demi-gros, dans un peu de vin, ou bien en infusion aqueuse , à la dose de deux ou trois gros pour une livre de colature. La teinture alcoholique peut être préparée de la manière suivante. Teinture d’Impératoire. Prenez : racine d'Impératoire pulvérisée, une once; écorce d'orange, demi-once; semences d'anis, deux gros. Faites digérer pendant huit jours dans une livre d'alcohol, et filtrez là liqueur. Celte teinture stimulante est très convenable vers la fin des fièvres muqueuses et adynamiques. On la prend par petites cuillerées étendues dans une demi-tasse d'infnsion de petite sauge où de camomille romaine. DES PLANTES USUELLES. 197 On peut la prendre également , mais à plus fortes doses, comme fébrifuge. Lange a dissipé des fièvres quartes rebelles avec Ja racine pulvérisée. Il regarde ce remède domestique comme supérieur au quinquina. On s’en sert également contre la paralysie de la langue , et on la mêle avec la graine d'anis. On mâche ce mélange, qui provoque une salivation abondante. On se sert de la racine d'Impératoire pour aromatiser le fromage de Glaris en Suisse. ACHE. APIUM. Calice entier. Pétales égaux, arrondis, courbés à leur sommet. Fruit ovoide ou globuleux; graines conyexes en dehors et marquées de cinq petites côtes ou nervures peu saillantes. Collerette nulle ou composée d’une à trois fo- lioles. ACHE DES MARAIS. 4PIUM GRAVEOLENS, Apium graveolens. Linn. Spec. 379. FE Fr. 35922. Lapeyre, Plant. Pyr. 1. 166. Porr. Encycl. Bot. 5. 194. FI, Dan. t. 790. Cette plante, dans son état sauvage, a des racines dures, blanchâtres , des tiges cannelées, rameuses, des feuilles lisses, une ou deux fois ailées, à folioles larges, incisées, lobées, dentées, et d'un vert luisant. Les fleurs sont petites, d'un blanc jaunâtre , disposées en ombelles terminales ou latérales, presque sessiles. Elle croît 198 NOUVEAU TRAITÉ 4 partout en Europe, et même en Barbarie. On la trouve dans les marais et sur les bords des ruisseaux. Dans les marais, cette’espèce d'Ache a une odeur forte, désagréable, une saveur âcre, presque brülante. Transpor- tée et cultivée dans les jardins, elle y a perdu son âcreté originelle, et même son nom, car on l'appelle partout Céleri. L’Ache était connue des Grecs ,,qui en faisaient des cou- ronnes destinées aux vainqueurs dans les jeux isthmiques et néméens. Juvénal reproche à Néron d’avoir fait le métier de baladin et d’avoir disputé la couronne d'Ache. « Qu’a-t-il fait ce Néron dans le cours de sa détestable tyrannie? Il a chanté, il a dansé, il s'est prostitué sur des théâtres étrangers. Voilà ses belles actions. Quel bonheur pour lui de remporter la couronne d'Ache dans les jeux des Grecs ! » ” Quid Nero tam sævä crudäque tyrannide fecit ? Hæc opera atque hæ sunt generosi principis artes, Gaudentis fœdo peregrina ad pulpita cantu Prostitui, Graïæque Apium meruisse coronæ. ® (Juv. Sat. 8.) Dans leurs banquets, les Romains se couronnaient d'Ache et de myrte. « Remplissons les coupes de ce vin de Massique qui fait oublier les maux; tirons des parfums de ces larges conques ; qu'on se hâte de nous faire des couronnes d'Ache et de myrte. Oblivioso lævia Massico Ciboria exple : funde capacibus Unguenta de conchis. Quis udo Deproperare Apio coronas Curatve myrto ? (Horn. Od.-7, UE. 2.) DES PLANTES USUELLES. 199 Horace ne connaissait point notre Céleri ; il l'eût sans doute trouvé délicieux avec son vin de Massique ou de Fa- lerne. Ce sont les Italiens qui, les premiers, ont transformé l’Ache sauvage en plante potagère. Le Céleri cultivé offre plusieurs variétés remarquables. On préfère le Céleri plein, blanc, rouge ou rose, dont les côtes sont tendres, charnues, sillonnées. Le Céleri nain, ou Céleri frisé, est tendre et cas- sant; le Céleri court, ou petit Céleri, est creux, moins déli- cat ; on mange ses feuilles en salade. Une autre variété se distingue par sa racine épaisse, volu- mineuse, imitant la forme d'une grosse rave ou d'un gros navet; c'est le Céleri à grosse racine, ou Céleri rave. D'après les expériences chimiques de M. Vogel de Munich, les feuilles du Céleri contiennent une huile volatile incolore, de laquelle dépend leur odeur pénétrante ; une huile grasse, des traces de soufre, de la bassorine dissoute dans un acide fable, ce qui constitue une gélatine tremblante ; une matière gommeuse, de la mannite incapable de subir la fermentation spiritueuse ; enfin du nitrate de potasse en quantité considé- rable et du muriate de potasse. Le Céleri est une plante très estimée. Lorsqu'il est cru , 1l a une saveur aromatique, agréablement stimulante, qui a pu faire croire à certaines vertus que les hommes épuisés recherchent sans en tirer un grand profit. El n’y a ni ragoüts, ni sauces, ni remèdes capables de faire des miracles , lorsque l'imagination est pervertie et que les organes sont usés. Le Céleri plein, tendre , frais, mangé en salade, et assai- sonné avec du vinaigre aromatique, avec de l'huile de Pro- vence et un peu de moutarde fine, est vraiment délicieux. Il réveille l'action de l'estomac, donne de l'appétit et une sorte d'alacrité qui se prolonge pendant quelques heures ; mais Il faut se bien porter pour digérer le Céleri cru. Faites-le cuire 300 NOUVEAU TRAITÉ au jus pour le malade et le convalescent; s'il a moins de par- fum, il est plus nourrissant et plus digestible. On en fait également des potages, des ragoûts de toute sorte. Il donne une saveur délicate à la purée de gibier et à toutes ces riches garbures qui parent la table des gour- mands. Ragoüt de Céleri. Vous faites cuire du Céleri haché comme la chicorée ou les épinards. Vous l’assaisonnez de poivre , de sel, de mus- cade ; vous le nourrissez de bon bouillon , et vous le servez avec des croûtons dorés. Vous pouvez même, si vous êtes un peu friand, placer sur ce lit bien douillet quelques ortolans ou quelques filets de perdreaux rouges. Essayez de ce plat, vous en serez peut-être satisfait. La recette m'a été communiquée par un vrai disciple d'Épicure, par le docteur Bonnafos de Perpignan, celui-là même qui nous donnait des potages au Céleri et aux bécasses. Les échos des Pyrénées répètent encore son nom, devenu célèbre dans ces montagnes. Brillat-Savarin , comparé à cet homme rare, n'est qu'un écolier, et Grimod de La Reynière, s’il l'avait connu , lui aurait dressé des autels. Il est vrai qu'il n'a rien écrit, et que tout ce qu'il a dit, tout ce qu'il a fait, est perdu pour les races futures. Quelle perte ! Fricandeau au Céleri. Descendons de ces hauteurs culinaires, etrapprochons-nous un peu du petit fourneau campagnard, qui a bien son prix. C'est la bonne ménagère qui vous donnera , après un potage succulent, aux racines nouvelles, le meilleur plat de nos joyeux ancêtres. Voyez ce fricandeau piqué, d'une couleur DES PLANTES USUELLES. 201 riche et vermeille ; voyez surtout son accompagnement: c'est du Céleri plein, rose, tendre, nourri d'un jus délicat. Quel parfum! quel goût! Vous pouvez diner sans crainte, ja digestion ne sera ni longue, ni pénible. Peu de mets apprêtés simplement , mais élégamment , voilà ce qui plaît à l'estomac; ce sont les superfluités du grand monde qui le pervertissent, l'accablent, l'irritent, puis le paralysent. C'est comme ces vêtemens chargés d'or et de broderies qui arrêtent la marche de ceux qui les portent. On sert également le Céleri en friture saupoudré de sucre et glacé. On peut en faire une conserve parfumée , nourris- sante, stomachique. Le malade, le convalescent, les per- sonnes délicates, la préféreront sans doute à la conserve officinale qu'on préparait jadis avec l'Ache sauvage cueillie dans les marais fangeux. Le Céleri rave offre un aliment parfumé, très sain et très délicat. On mange sa grosse racine au beurre, ou au jus de viandes. ACHE PERSIL. APIUM PETROSELINUM. Apium petroselinum. Lin. Spec. 379. Porr. Encycl. Bot. 5. 192. DC. FL Fr. 3521. Lam. Illustr. t. 196. £. 1. BLACKW. Herb. t. 172. Cette plante, cultivée depuis fort long-temps dans les jardins potagers, est, dit-on, originaire de l'île de Sar- daigne. Sa racine est longue, fibreuse, médiocrement épaisse, fusiforme , blanchâtre ; elle produit des tiges droites, cylin- driques, striées, rameuses, hautes d'environ trois pieds. Les 202 NOUVEAU TRAITÉ feuilles inférieures sont pétiolées , deux fois ailées, à folioles ovales, cunéiformes, inégalement incisées et dentées ; les feuilles supérieures sont linéaires, ternées ou simples. Les fleurs naissent en ombelles au sommet des tiges et des rameaux ; elles sont jaunâtres, à cinq pétales égaux, dont le sommet est recourbé en dedans. La collerette ou involucre de l'ombelle universelle est d'une seule pièce : les petites ombelles sont ordinairement garnies de plusieurs folioles très courtes, subulées. Les semences sont jointes deux à deux, sillonnées , ovales et grisâtres. Le Persil offre plusieurs variétés, que certains natura- listes regardent comme des espèces distinctes. Le Persil frisé (Apium crispum) a des feuilles grandes, crépues en leurs bords ; le Persil à larges feuilles ( Apium latifolium) se fait remarquer par son port plus élevé, par ses feuilles plus larges et par sa racine épaisse , d'une saveur sucrée. Cette dernière espèce, qui est d’un grand produit, donne un aliment aussi salubre qu'agréable. Son usage est très répandu en Hollande et en Angleterre. Le Persil occupe un rang distingué parmi les plantes po- tagères. Toutes ses parties sont aromatiques, d'un goût pi- quant, agréable. La médecine faisait autrefois un assez fré- quent usage de la racine et des semences ; elles contiennent un principe aromatique et volatil , avec un peu d'huile essen- tielle butyracée. La racine jouit d'une propriété apéritive ou diurétique qui a été remarquée par les anciens et les mo- dernes, mais elle ne dissout point les calculs urinaires, comme on l'avait cru anciennement. La médecine populaire emploie encore assez souvent les feuilles pilées , et réduites en une sorte de cataplasme, qu'elle applique sur les contusions récentes. On peut, du reste, sans DES PLANTES USUELLES. 203 appauvrir la matière médicale, abandonner le Persil à l'art culinaire, qui en fera un meilleur usage. Le Persil rend les mets plus sains, plus agréables ; 1l excite l'appétit et favorise la digestion. Mangez une omelette sans Persil, fût-elle dorée et ventrue, comme l'exige Brillat- Savarin, vous direz qu'il y manque le condiment indispen sable, et vous la digérerez moins bien. Une foule de mets plus on moins vulgaires, plus ou moins délicats, ne pour- raient se passer de Persil. Si vous avez un jardinet, n'oubliez pas d'y semer celte plante aromatique. Elle forme de fort jolies bordures, et ses feuilles, rassemblées en touffes d'un vert agréable, plaisent à l'œil. Surtout allez cueillir vous-même votre Persil, faites une petite promenade, votre omelette ou votre petit ragoût vous paraîtra meilleur. ANETH. ANETHUM. Calice entier. Pétales entiers, presque égaux, courbés en demi-cercle. Fruit lenticulaire, comprimé; semences planes d’un côté, convexes de l’autre, marquées de cinq côtes. 204 NOUVEAU TRAITÉ ANETH FENOUIL. ANETHUM FOENICULUM. Anethum fœniculum. TLainn. Spec. 377. Lam. Encycl. Bot. 1. 170. DC. F1. Fr. 3523. Lapeyre. Plant. Pyr. 1. 164. GOERTN. Fruet. 1. 105. t. 23. f. 5. De sa racine blanche et fusiforme naissent des tiges ra- meuses, lisses, hautes de quatre à cinq pieds, garnies de feuilles amples, deux ou trois fois ailées, à folioles capil- laires, d'un vert glauque. Les fleurs, de couleur jaune, forment à l'extrémité des rameaux des ombelles larges et ouvertes. Les fruits sont petits, ovales, d’une saveur chaude. Le Fenouil, qu'on appelle aussi Aneth doux, croît abon- damment dans l'Europe méridionale. On le trouve dans les Pyrénées orientales, aux environs de Prats-de-Mollo. On le cultive en Italie et dans nos départemens méridionaux. Toute la plante exbale une odeur forte, pénétrante. La racine fournit une matière extractive légèrement amère. Les semences donnent une huile volatile verte et concrescible. On n'apprécie pas assez les vertus médicinales du Fenouil. Les graines excitent doucement et agréablement les organes digestifs, dissipent les flatuosités. On les prend le matin à jeun, avant et après les repas, sous la forme de dragées, en infusion aqueuse, vineuse ou alcoholique. La propriété qu'on attribue au Fenouil d’exciter la sécrétion du lait chez les nourrices, demande à être constatée par une observation plus exacte. DES PLANTES USUELLES_ 205 ‘Le Fenouil qu'on cultive en Italie sous le nom de Finocluo dolce, a des racines d'un goût fort agréable. On les mange comme celles du céleri; et on confit les tiges de la plante comme celles de l’angélique. ANETH ODORANT. ANETHUM GRAVEOLENS. Anethum graveolens. Lin. Spec. 377. Lam. Encycl. Bot. 1. 170. — Ænethum. BiAckW. Herb. t. 545. Cette espèce a beaucoup de ressemblance avec l’Aneth fenouil, et ses propriétes sont les mêmes. Sa racine, blanchâtre et fusiforme, pousse une tige cylin- drique, striée, rameuse, haute de quinze à vingt pouces. Ses feuilles sont alternes, deux fois ailées, à découpures fines, à pétioles membraneux, amplexicaules à leur base. Les fleurs sont jaunes, petites, disposées en ombelle à l'extrémité de la tige. Les fruits sont comprimés , formés de deux petites semences ovoïdes, striées et entourées d'un très petit rebord. L’Aneth odorant fleurit en juillet et août. Il croît dans les champs, dans les lieux cultivés, en Espagne, en Portugal, en Italie, et dans nos départemens méridionaux. Ses graines et ses racines exhalent une odeur forte, pénétrante, aroma- tique ; elles donnent de l'huile volatile. On s’en sert pour assaisonner différens mets. C'est un assaisonnement vulgaire. Les Romains se couronnaient d'Aneth dans les festins, à cause de sa bonne odeur, et les gladiateurs le Re à leurs alimens pour augmenter leurs forces. 206 NOUVEAU TRAITÉ Les Grecs n'estimaient pas moins l'Aneth. D'après Alcée et Sapho, ils se parfumaient les cheveux, le cou, la poitrine , les mains avec cette plante aromatique. MACERON. SMYRNIUIN. Calice entier, peu apparent. Péta es pointus, relevés en carène, légèrement courbés au sommet, presque égaux. Fruit ovale, ventru; semences en forme de croissant, sillonnées intérieurement, relevées sur le dos de trois nervures saillantes. MACERON COMMUN. SMYRNIUM OLUSATRUM. Smyrnium olusatrum. Lin. Spec. 376. Lam. Encycl. Bot. 3. 665. Illustr. t. 204. DC. F1. Fr. 35924. CHev. F1. Par. 3. 633. Gizis. Élément. Bot. 2. 415. La tige est droite, cylindrique, rameuse, haute de deux ou trois pieds. Les feuilles inférieures sont trois fois ternées, composées de folioles ovales, arrondies, dentées, lobées, glabres et luisantes : les feuilles supérieures sont simplement ternées. Les fleurs, d'un jaune pâle, naissent au sommet des ra- meaux en ombelles irrégulières. Les fruits sont ovales, com- posés de deux semences cannelées, en forme de croissant. Cette plante croît dans les pâturages humides et couverts de nos départemens méridionaux. On la trouve également dans les lieux cultivés des environs de Paris, à Charonne, à Brunoy, où elle fleurit en mai et juin. (Chevallier.) DES PLANTES USUELLES. 207 La racine est imprégnée d'un suc âcre et amer, imitant la saveur et l'odeur de la myrrhe. Les semences abondent en huile essentielle. Les anciens connaissaient cette plante. Pline dit que son suc sent la myrrhe, d'où lui vient le nom de Smyrnium. Au reste, cette odeur lui est commune avec plusieurs autres ombellifères, entre autres le Scandix odorata, à qui les anciens botanistes avaient donné le nom de Myrrhis. Le Maceron commun ne figure plus dans le catalogue des plantes médicinales. Il a été banni de l’officine du pharmacien et même de nos cuisines. C'était autrefois une plante potagère, comme l'indique son nom Olusatrum ( Olus atrum) , légume noir, de la couleur sombre de son feuillage. Ses racines ont à peu près le goût du céleri, et on peut les manger au printemps, de même que les jeunes tiges, soit en salade, soit cuites au jus. Les feuilles pourraient servir d'as- saisonnement comme le persil. PANAIS. PASTINACA. Calice entier. Pétales entiers, presque égaux, courbés en dedans. Fruit comprimé, presque plane; graines un peu échancrées au sommet, presque ailées sur les bords, mar- quées de trois nervures saillantes. 208 NOUVEAU TRAÎTÉ PANAIS CULTIVE. PASTINACA SATIF À. Pastinaca sativa. Lann. Spec. 376. DC. FI Fr. 3595. Engl. Bot. 556. — Pastinaca. BLackw. Herb. t. 379. Cette plante potagère a une racine charnue, fusiforme, blanchâtre ou jaunâtre, une tige droite, cylindrique, can- nelée, rameuse, haute de trois à quatre pieds; des feuilles pubescentes, une fois ailées, composées de folioles ovales, assez larges, lobées ou incisées ; des fleurs petites, régulières, jaunes, réumies en ombelles de vingt à trente rayons, dépour- vues de collerette. Le Panais croit naturellement dans les prés, dans les haies, au bord des champs. On le cultive dans presque toute la France sous le nom de Pastenade. Par la culture ses racines deviennent plus grosses, plus tendres, plus sucrées. On en distingue deux variétés : l’une à racme plus ou moins pivo- tante, on l’appelle Panais long ; l'autre, à racine arrondie, plus grosse, se nomme Panais rond ou de Siam Ces racines potagères fournissent un aliment doux et sain ; elles contiennent du sucre, et une assez grande quantité de fécule. On s'en sert particulièrement pour les potages. Il faut rejeter les vieux Panais, qui ont quelquefois une âcreté dés- agréable. Le Panais, cuit dans du lait, est favorable aux phthisiques, aux personnes délicates, épuisées. Les Irlandais font bouillir et fermenter avec du houblon la racine de Panais, et ils obtiennent ainsi une boisson qui rem- place la bière. En Thuringe, on retire des Panais une espèce de sirop dont les gens du pays se servent au dieu de sucre. DES PLANTES USUELLES. 209 Sirop de Panas. On fait bouillir les racines coupées en petits morceaux, jusqu'à ce qu'elles s'écrasent sous les doigts. On les remue pour qu'elles ne brülent point; on les broie ensuite pour en exprimer le suc, qu'on soumet encore à l’ébullition avec d'au- tres Panais coupés aussi en petits fragmens; on fait évaporer le jus et on l'écume. La cuisson peut durer environ quinze heures, et quand la liqueur a pris la consistance du sirop, on la retire du feu. Si on la laissait cuire plus long-temps, on obtiendrait du sucre cristallisé. La fane du Panais est un excellent fourrage. Les racines fournissent aussi une bonne nourriture aux bestiaux. Le lait des vaches en devient plus abondant et plus crêmeux, sans contracter aucun goût désagréable. Les moutons, les porcs, les lapins les mangent également. PANAIS OPOPONAX. PASTINACA OPOPONAX. Pastinaca opoponax. Lin. Syst. Veget. 240. Manr. 357. Lam. Encycl. Bot. 4. 719. DC. F1. Fr. 3526. Gouan. Illustr. 19. t. 13 et 14. BLACKW. Herb. t. 434. Sa racine est épaisse, fibreuse, jaunâtre; sa tige haute de six à huit pieds, droite, cylindrique, divisée en rameaux opposés, ouverts, garnis de feuilles amples, deux fois ailées, à folioles oblongues, rudes et d'un vert un peu sombre. Les pétioles et les nervures postérieures sont hispides. Il. 1% 210 NOUVEAU TRAITÉ Les fleurs sont petites, d'un jaune vif, disposées en om- belles au sommet de la tige. Les fruits sont elliptiques, lisses et bordés. Cette plante croît dans le Levant, dans la Sicile et dans la France méridionale. On la trouve aux environs d'Aix et de Montpellier. Elle fournit un suc résineux qui coule par incision de l'extrémité inférieure de la tige et du collet de la racine. On le reçoit du Levant et de la Sicile, sous la forme de grains sphériques ou ovales, onctueux , friables, d'une couleur jaune en dehors, blanchâtre intérieurement, d’une odeur forte, diflusible, d’une saveur amère, âcre, nauséabonde. Ce suc concret, désigné dans les pharmacies sous le nom de Gomme opoponax, fournit, d'après l'analyse de M. Pel- letier, de l'huile volatile, de la résme, de la gomme, de l’ex- tractif, de l’amidon, de l'acide malique, etc. Quoiqu'il soit voué à l'oubli par la médecine moderne, il exerce néanmoins une action tonique sur le canal digestif et sur les organes environnans. Comme quelques autres sub- stances fétides, il provoque la sueur et l’excrétion urmaire. On le conseillait, il y a quelque temps, dans l'asthme, dans les toux humides, etc. ; mais il faudrait en borner l'usage aux maladies avec relâchement des tissus organiques, et ne point imiter Geoffroy, qui le recommande d’une manière trop géné- rale contre la paralysie et autres affections du système nerveux. On administre ordinairement ?Opoponax sous la forme de pilules, depuis dix grains jusqu'à un demi-gros. On l'appli- quait sur les tumeurs indolentes, et 1l faisait partie de plu- sieurs onguens ou emplâtres aujourd'hui tout-à-fait oubliés. DES PLANTES USUELLES. 211 CERFEUIL. CHÆROPHY LLUM. Calice entier. Pétales échancrés, inégaux. Fruit cylin- drique, lisse, glabre ou strié. Collerette générale nulle. CERFEUIL CULTIVÉE. CHÆROPHYLLUM SATIVUM. Chærophyilum sativum. Lam. Encycl. Bot. 1. 684. DC. FI. Fr. 3431. — Scandix cerefolium. Lin. Spec. 368. JAcQ. FI. Aust. t. 390. Sa tige est droite, rameuse, ordinairement glabre, striée, haute d'environ deux pieds, garnie de feuilles deux ou trois fois ailées, à folioles un peu élargies, courtes, incisées ou pinnatifides. Les fleurs sont blanches, petites, disposées en ombelles latérales, sessiles, la plupart à quatre ou cinq rayons. Les fruits sont menus, lisses, allongés, noirâtres dens leur maturité. C'est une plante qui croît spontanément dans les provinces méridionales, et qu'on cultive dans tous les jardins pour ses propriétés médicinales, économiques et culinaires. Son nom, dérivé du grec, annonce ses bonnes qualités. En eflet sa feuille réjouit par sa saveur agréable, légèrement aroma- tique. Parlons d'abord de ses vertus médicinales. Que de maux on à cru pouvoir guérir avec le cerfeuil! L'obstruction des viscères abdominaux, l'hydropisie, lhypochondrie, la gra- 212 NOUVEAU TRAITÉ velle, les affections cutanées, ont été souvent attaquées avec cette herbe potagère ; mais on ne dit pas si elle a souvent réussi. Ce n'est pourtant pas un remède à dédaigner. Par exemple, son suc délayé dans du petit lait ou dans une décoc- tion de chiendent, pourra contribuer à la guérison de cer- taines hydropisies en facilitant le cours des urines. Les hypochondriaques , les hémorrhoïdaires, qui éprouvent de la chaleur et une sorte d'embarras dans les entrailles en seront également soulagés. Plenck conseille le suc de Cerfeuil à grandes doses dans du petit lait contre les dartres. Le fameux Bouvard a guéri quelques hydropiques avec le suc de Cerfeuil et les cloportes. Ces mêmes remèdes sont utiles aux malades affectés de la gravelle. On mêle quelquefois le suc de Cerfeuil à celui des plantes chicoracées et antiscorbutiques pour dompter les dartres invétérées. Quelquefois aussi on réussit beaucoup mieux, en donnant des végétaux moins actifs sous la forme de bouil- lons; par exemple le Cerfeuil, la laitue et la chicorée qu’on fait cuire avec du veau, avec du poulet ou des grenouilles. Le malade se baigne de temps en temps, suit un régime doux et fait tous les jours de l’exercice sans fatigue. Ce traitement favorise les mouvemens naturels sans les précipiter, et surtout nirrite point les organes intérieurs. Les remèdes actifs qu’on prodigue dans ces maladies dé- placent la matière morbifique par une sorte de révulsion : on croit le malade guéri parce que sa peau est débarrassée ; mais bientôt ses entrailles deviennent douloureuses, la dartre n'a fait que changer de place. Le Cerfeuil rend les bouillons, les potages, les viandes, les ragoûts plus sapides et plus sains. Après le régime sub- stantiel de l'hiver, cette herbe potagère rafraichit, récrée, DES PLANTES USUELLES. 213 délecte l'estomac. On aime surtout à la savourer dans les salades de laitue , qu'elle parfume agréablement. CERFEUIL MUSQUÉ. CHÆROPHYLLUM ODORATUM. Chærophyllum odoratum. Lam. Encyel. Bot. 1. 683. DC. F1. Fr. 3429. Bacs. FI. Lyon. 1. 319. — Scandix odorata. Lin. Spec. 368. LAPEyR. Plant. Pyr. 1. 160. Jaco. FI. Austr. App. t. 37. Sa racine allongée, épaisse, blanchâtre, aromatique, pousse une tige creuse, cannelée, pubescente, rameuse, haute de deux ou trois pieds. Ses feuilles sont fort grandes, molles , d’un vert foncé, trois fois ailées, légèrement velues, souvent marquées de taches blanchâtres, à folioles ovales, pointues , incisées et dentées. Les fleurs sont blanches, disposées en ombelles à l’extré- mité de la tige et des rameaux. Les semences sont luisantes, longues de quatre à six lignes et profondément cannelées. Elles ont, ainsi que les racines, à peu près le parfum et le goût de l’anis. Cette espèce croit en Italie, sur les Alpes, dans les mon- tagnes de la Suisse, dans le Languedoc, dans la Provence et dans les Pyrénées. Elle peut remplacer le Cerfeuil ordinaire pour les usages domestiques. Les jeunes feuilles et les graines vertes hachées se mangent en salade et dans les potages. Les Kamtschadales s'en nour- rissent habituellement, et en préparent une sorte de liqueur. # 214% NOUVEAU TRAITÉ SCANDIX. SCANDIX. Calice entier. Pétales inégaux, échancrés. Fruit finement strié, hérissé de quelques poils courts, surmonté d’une pointe en forme d'alène. SCANDIX PEIGNE DE VÉNUS. SCANDIX PECTEN-VENERIS. Scandix pecten-veneris. Lin. Spec. 368. DC. FI. Fr. 3432. LAPEyYR. Plant. Pyr. 1. 160. CHEev. F1. Par. 3. 638. FI. Dan. t. 844. JacQ. F1. Austr. t. 263. Sa tige est grèle, lisse, divisée en rameaux étalés de huit à dix pouces. Ses feuilles sont finement découpées, d’un joli vert et quelquefois légèrement velues. Les fleurs petites, blanches, irrégulières forment des om- belles peu garnies. Elles produisent des fruits terminés par une corne comprimée, très longue, imitant une aiguille ou une dent de peigne : ces fruits sont hérissés de petits poils rudes sur les côtes de la graine et sur les bords des cornes. Cette plante est très commune, en été, dans les champs, parmi les moissons. On l'appelle Cerfeuil à arguillettes, Ai- guille de berger, Peigne de Vénus à cause de la longueur et de la forme comprimée de ses fruits. | Les Grecs donnaient le nom de Scandix à une plante sau- vage qui leur servait d'aliment, et qui parait être notre Scan- dix pecten. DES PLANTES USUELLES. 215 Cette espèce est diurétique ; son goût se rapproche un peu de celui du Cerfeuil ; on peut la manger en salade lorsqu'elle est jeune. On la donne en fourrage aux bestiaux, CORIANDRE. CORTANDRUY. Calice à cinq dents. Pétales courbés en cœur, égaux dans le disque, inégaux à la circonférence. Fruit globuleux. Colle- rette générale nulle, ou à une seule foliole. CORIANDRE CULTIVÉE. CORIANDRUM SATIVUM. Coriandrum sativum. Linn. Spec. 367. Lam. Encycl. Bot. 2. 106. [llustr. t. 196. Cette plante aromatique est originaire d'Italie. On la cul- tive dans nos jardins et dans nos champs. Sa tige grêle, cylin- drique, rameuse, parvient à la hauteur d'environ deux pieds. Les feuilles mférieures sont deux fois ailées et composées de folioles assez larges, ovales ou arrondies, incisées plus ou moins profondément ; les feuilles supérieures sont découpées en folioles lméaires. . Les fleurs sont blanches, un peu nuancées de rouge, dis- posées à l'extrémité de la tige et des rameaux, en ombelles de cinq à huit rayons. Les semences sont globuleuses, striées et Jaunâtres. La Coriandre exhale une odeur forte , désagréable, surtout lorsqu'on la froisse entre les doigts. Les Arabes lui attribuent 216 NOUVEAU TRAITÉ une propriété stupéfiante et vireuse; et Tragus place les graines qui n'ont point subi de préparation au rang des sub- stances délétères. Mais, comme le remarque Valmont de Bomare, l'expérience a détruit depuis longtemps ce préjugé, puisque plusieurs peuples les mêlent dans leur boisson et leurs alimens. Elles ont une saveur chaude, piquante, four- nissent une huile volatile citrme. Ainsi que la plupart des semences des ombellifères, elles stimulent le canal diges- tif, dans les cas de débilité et de flatulence. On s’en sert communément pour aromatiser les potions purgatives. Dans plusieurs pays, les semences de Coriandre servent de condiment dans la cuisine. Les Hollandais en mettent dans presque tous les ragoüts. On les enduit de sucre, et on en fait des dragées d’un goût agréable. On s'en sert également pour aromatiser quelques liqueurs de table. CUMIN. CUMINUM. Calice à cinq dents. Pétales échancrés, courbés à leur sommet, presqu'égaux. Fruit petit, elliptique, strié, glabre ou un peu velu, couronné par les dents du calice. CUMIN OFFICINAL. CUMINUM CYMINUM. Cuminum cyminum. Lan. Spec. 365. Lam. Encycl. Bot. 2. 224. GouAN. Illustr. 18. Sa racine grêle, fibreuse, blanchâtre, pousse une tigé” striée, rameuse, haute de huit à dix pouces, garnie de feuilles à découpures presque capillaires et quelquefois trifides, imi- tant en quelque sorte celles du fenouil. DES PLANTES USUELLES. 217 Les fleurs sont petites, blanches ou purpurmes, disposées en ombelles de quatre ou cinq rayons, à la partie supérieure des tiges, et portées sur des pédoncules opposés aux feuilles. Le fruit est ovale, strié, verdâtre, glabre, quelquefois un peu velu, renfermant deux semences appliquées l’une contre l'autre. Cette plante, originaire de l'Égypte et du Levant, est cul- tivée dans nos provinces méridionales. Ses graines ont une odeur vive, agréable, une saveur aromatique, âcre, piquante ; elles contiennent un peu d'huile essentielle. Dans les pays du Nord on en met quelquefois dans le fromage et dans le pain. Les pigeons en sont très friands. BERLE. STUNT. Calice presque entier. Pétales lancéolés ou en cœur, légè- rement courbés à leur sommet. Fruit ovoïde, glabre, strié. BERLE CHERVIL. SIUM SISARUM. Sium sisarum. Lin. Spec. 361. Lam. Encycl. Bot. 1. 405. DC. FIL. Fr. 3450. Cette plante, qu'on croit originaire de la Chine, vient naturellement dans les prés de la Haute-Provence. Sa racine est composée de plusieurs tubercules allongés, ridés, tendres, d'une saveur douce et sucrée. Sa tige est droite, striée, rameuse, haute de deux à trois pieds, garnie de feuilles ailées, à cinq ou sept folioles lancéolées, dentées en scie. Les fleurs sont blanches, petites, disposées en ombelles de 218 NOUVEAU TRAITÉ neuf à douze rayons. La collerette générale a six ou sept fo- livles inégales et linéaires. On cultive le Chervi dans les jardins comme plante pota- gère. Ses racines donnent un mucilage sucré très abondant. On les prépare pour la table de plusieurs manières. On en fait des purées, des potages, des ragoûts fort agréables. On les mange également en friture, ou cuites dans du lait. Elles fournissent une nourriture adoucissante , légère et délicate aux phthisiques et aux convalescens. Margraff a extrait des racines de Chervi un sucre aussi blanc que le sucre de canne. Elles donnent aussi de l'a- midon. BERLE AMOME. SIUM AMOMUM. Sium amomum. DC. FI. Fr. 3456. CHev. FI. Par. 3. 629. — Sium aromaticum. Lam. Encycel. Bot. 1. 405. — Sison amomum. Yann. Spec. 362. DEsv. FIL. Anj. 245. JacQ. Hort. Vind. 3. t. 17. La racine est blanche, fibreuse, fusiforme. Elle pousse une tige grêle, droite, un peu rameuse, haute d'environ deux pieds. Les feuilles sont ailées, composées de sept folioles ovales , lancéolées, pointues, bordées de fines dentelures. Les folioles des feuilles supérieures sont quelquefois un peu incisées. Les fleurs sont blanches , disposées en ombelles droites, terminales, à quatre ou six rayons. Les semences sont brunes, petites, striées, d’une saveur aromatique. Cette plante vient dans les haies, dans les champs argi- leux, au bord des bois. Elle fleurit en juillet et août. ne DES PLANTES USUELLES. 219 Les racines et les semences sont amères ; elles exhalent une odeur analogue à celle de l’origan ou du cardamome. Les anciens leur attribuaient de grandes vertus; ils les donnaient aux femmes stériles. Cette plante stimule les tissus orga- niques, comme la plupart des ombellifères ; voilà tout. On peut la donner en infusion aqueuse ou vineuse. Les semences contiennent de l'huile volatile, elles sont plus stimulantes que la racine. ANGÉLIQUE. ANGELICA. Calice à cinq dents peu marquées. Pétales lancéolés, courbés au sommet. Styles horizontaux ou réfléchis. Fruit arrondi ou ovoïde, anguleux, glabre ; semences creusées sur la face interne d’une strie longitudinale, convexes en dehors et relevées de cinq côtes, dont trois dorsales et deux marginales plus larges. Collerette générale à trois ou cinq folles; collerette partielle globuleuse, à cinq ou huit folioles. ANGÉLIQUE ARCHANGÉLIQUE. ANGELICA ARCHANGELICA. Angelica archangelica. Lanx. Spec. 360. Lam. Encycl. Bot. 1. 171. DC. F1. Fr. 3457. F1. Dan. t. 206. C’est une belle et vigoureuse plante que la nature a semée sur les hautes montagnes de l'Europe. On la reconnait à sa racine volumineuse, charnue, brune en dehors , blanche in- térieurement; à sa tige épaisse, fistuleuse, rameuse, un 220 NOUVEAU TRAÏTÉ peu rougeûtre, haute de cinq à six pieds ; à ses feuilles très amples, deux fois ailées , composées de folioles ovales, lan- céolées , dentées en scie, et souvent lobées, surtout la ter- minale. Les fleurs sont d'une teinte verdâtre, disposées en ombelles grandes et bien garnies. Elles donnent des fruits cannelés et bordés d'une aile membraneuse. L’Angélique croît naturellement dans les montagnes du midi de la France, en Italie, en Allemagne, etc. On la cul- tive pour ses propriétés alimentaires, économiques et médi- cinales. Linné aimait à rehausser les bonnes plantes par des noms pompeux. Le nom d'Angélique ne lui a point suffi, il a voulu mettre ce noble végétal parmi les Archanges. On l'appelait également Herbe-du-Saint-Esprit. Tous ces noms, émanés du ciel, n’ont pu sauver l’Angélique de l'indifférence des médecins. Elle est aujourd'hui oubliée, dédaignée, enfin reléguée dans l’officine du confiseur. Et pourtant son goût, son arome , ses principes chimiques , annoncent de grandes vertus. En effet, cette plante précieuse pourrait remplacer avantageusement plusieurs substances stimulantes qui nous viennent des pays étrangers. Toutes ses parties, et principa- lement les racines, sont imprégnées d'huile essentielle , et d'une gomme-résine très aromatique, un peu musquée. La racine et les semences ont des propriétés médicinales très énergiques. On peut les prescrire dans toutes les mala- dies qui reconnaissent pour cause matérielle une véritable faiblesse. L’Angélique est surtout un excellent remède pour les vieux goutteux qui digèrent péniblement, qui sont tour- mentés par des flatuosités; pour les convalescens dont les forces sont épuisées, soit par la longueur de la maladie, soit par l'abus des méthodes énervantes. On donne les racines et les semences d'Angélique en infusion aqueuse , vineuse ou alcoholique. Ces préparations sont stimulantes, toniques, et DES PLANTES USUELLES. 2921 même cordiales, comme on disait autrefois, car elles rami- ment singulièrement le système organique , surtout les forces digestives. Vin d’Angélique. Prenez, racine d'Angélique coupée par petits morceaux, deux onces ; cannelle fine, deux gros; vin rouge, deux livres. Faites digérer pendant trois ou quatre jours dans un vase hermétiquement fermé, et fitrez la liqueur. On en prend une ou deux cuillerées à bouche, deux ou trois fois par jour, savoir, le matin à jeun, à midi, et le soir en se couchant. Teinture d’Angélique. Prenez, racine d'Angélique, deux onces; semences d’anis, demi-once; alcohol à vingt-deux degrés, deux livres. Faites digérer pendant cinq ou six jours; filtrez la liqueur, et ajoutez deux onces de sucre cristallisé. Cette teinture excite l'appétit, ranime les fonctions de l'estomac, dissipe les flatuosités. On la prend par petites cuillerées à café dans un peu d’eau sucrée, ou dans une demi- tasse d'infusion de camomille romaine. Les confiseurs n'imiteront point la versatilité des méde- cins , ils se garderont bien d'abandonner l'Angélique. C'est par notre faute que la pharmacie est presque réduite au néant. Pendant près de dix ans nous n'avons ordonné aux malades que de la gomme et des sangsues ; nous n'avons pas même fait grâce aux remèdes agréables. Peu à peu on a déserté la pauvre pharmacie, et on s'est porté vers l'officme du confiseur, où l'on trouve des sirops, des pâtes, des con- 293 NOUVEAU TRAITÉ serves, des gelées de toute espèce. Les confiseurs sont main- tenant les pharmaciens à la mode, les pharmaciens de la jeune France. Ces nouveaux artistes préparent, avec les tiges en- core jeunes et tendres de l’Angélique , une sorte de conserve d’un goût fort agréable qui donne du ton à l'estomac et par- fume la bouche. On vante surtout celle qu'on prépare à Niort, où l'on cultive l'Angélique avec beaucoup de succès. On fait encore avec l'Angélique d'excellentes liqueurs. Le fameux vespétro est préparé avec les semences d'Angélique et de quelques autres végétaux ombellifères. C'est une liqueur cordiale, stomachique, qu'il faut boire à très petites doses, lorsque les forces languissent, et que l'estomac a besoin d'être un peu ranimeé. On peut composer soi-même une espèce de vespétro ou ra- tafia économique d'après la recette suivante. Ratafia d' Angélique. Prenez, semences d'Angélique, trois gros; semences de fenouil et d'anis, de chaque deux gros; eau-de-vie, deux pintes; eau filtrée , six onces. Après une macération de huit ou dix jours, vous ajoutez une livre de sucre, vous laissez reposer la liqueur et vous la filtrez. L’Angélique est une plante alimentaire, et, sous ce rap- port, elle mérite encore mieux le beau nom qu'on lui a donné. C’est par la quantité et la diversité des plantes nutri- tives que l'abondance s’entretient, et qu’on éloigne la disette, puisque si quelques unes viennent à manquer, d'autres se trouvent prêtes à prendre leur place. L'exemple de plusieurs peuples du Nord, pour lesquels l'Angélique est un aliment recherché, doit nous engager à DES PLANTES USUELLES. 293 essayer aussi ce genre de nourriture qui peut être comparée, et qui nous paraît même préférable à celle que fournit le céleri. Les habitans de plusieurs cantons de l'Islande mangent l'Angélique, qui y vient d’uné grandeur extraordinaire. C’est aussi la nourriture des Lapons. Ils mangent la racine , les tiges et les feuilles, soit fraîches, soit bouillies dans du lait. Le voyageur Acerbi rapporte qu'après avoir goûté cette plante, dont il trouva la saveur fort agréable, 1l en devint aussi avide que les Lapons. L'illustre Linné s'est également régalé d'Angélique en Laponie. LIVÉCHE. LIGUSTICUM. Calice à cinq dents très courtes. Pétales entiers, courbés en dedans. Fruit ovale, oblong ; semences glabres, planes d'un côté, convexes de l’autre et relevées de cinq côtes sail- lantes. Collerette universelle membraneuse, composée de sept folioles inégales; collerette partielle formée de trois à quatre folioles. LIVÈCHE OFFICINALE. LIGUSTICUM LEVISTICUM. Ligusticum levisticum. Lainn. Spee. 359. LApeyr. Plant. Pyr. 1. 154. — Angelica levisticum. DC. F1 Fr. 3460. — Angelica paludapifolia. Lam. Encyel. Bot. 1.173. — Levisticum. BLAcKW. Herb. t. 275. Sa tige est épaisse, cylindrique, glabre, un peu rameuse, haute de quatre ou cinq pieds. Ses feuilles sont grandes, 29% NOUVEAU TRAITÉ deux ou trois fois ailées, composées de folioles planes, lisses, luisantes, cunéiformes, entières dans leur moitié inférieure, incisées et lobées vers leur sommet. Les fleurs sont jaunâtres, terminales, disposées en om- belles d’une grandeur médiocre. Cette plante croit naturellement dans les prairies des mon- tagnes, en Languedoc, en Provence, en Dauphiné. On la trouve dans les Pyrénées orientales, autour de Mont-Louis. On l'appelle vulgairement Livèche, ou Ache de montagne. On la cultive dans le Nord comme une plante précieuse pour la médecine domestique. Toutes ses parties exhalent une odeur forte, aromatique; elles contiennent un suc gommo-résineux, d'une saveur chaude, amère, un peu âcre. La racine et les semences don- nent de l'huile volatile. La Livèche possède toutes les propriétés médicinales de l'angélique. Elle pourrait remplacer plusieurs substances aro- matiques qui nous viennent des pays étrangers. La racine et les semences excitent les membranes digestives et sympathi- quement les voies utérines; ce qui explique les bons effets qu'en a obtenus Gilibert dans l'hystérie et la chlorose causées par la suppression du flux menstruel. Le même auteur dit que les semences augmentent évidemment la quantité du lait chez les nourrices. Cette observation est-elle bien exacte? On donne la racine de Livèche sous la forme de poudre, et par petites cuillerées qu'on délaie dans du vin ou de la bière. Cette mixture, qu'on répète deux ou trois fois par Jour, ranime les fonctions utérines et rétablit le cours des règles. | Les feuilles et les jeunes pousses servent d’aliment comme le célert; on les apprête de la même manière. DES PLANTES USUELLES. 295 BERCE. :. HERACLEUM. Calice presque entier. Pétales échancrés , courbés au som- met, égaux dans le centre, inégaux à la circonférence, les extérieurs bifurqués. Fruit elliptique, comprimé, strié, un peu échancré au sommet; graines membraneuses sur les bords. Collerette générale à plusieurs folioles caduques; col- lerette partielle formée de trois à sept folioles. BERCE BRANC-URSINE. HERACLEUM SPHONDYLIUM. Heracleum sphondylium. Lans. Spec. 358. Lam. Encycl. Bot. 1. 402. DC. F1 Fr. 3476. DEsv. F1. Anj. 253. Engl. Bot. t. 939. Appelée vulgairement Branc-ursine, Acanthe d'Allemagne. Cette plante abonde dans les prés humides et marécageux. Sa racine blanche, ridée, charnue, pousse une tige droite, cylindrique, cannelée, rameuse, couverte de poils rudes, haute d'environ trois pieds. Les feuilles sont fort amples, ailées, à folioles lobées, dentées, velues particulièrement à leur revers. Les fleurs sont blanches , disposées en ombelles terminales de dix à douze rayons. Les vertus médicinales de cette plante sont nulles, ou du moins contestées, mais non ses propriétés économiques. La décoction fermentée des feuilles tient lieu de bière aux pau- vres gens, en Pologne, en Lithuanie et au Kamtschatka. ET. 415 2926 NOUVEAU TRAITÉ Dans cette dernière contrée, on mange les tiges vertes après en avoir enlevé l'écorce, qui est dure et un peu âcre. En Sibérie, on fait sécher au soleil ces mêmes tiges ratissées ; elles se couvrent d'un suc mucilagineux et sucré que l’on re- cueille avec soin, et qui passe pour une friandise très dé- licate. On obtient aussi par la fermentation des tiges de la Berce, dépouillées de leur enveloppe corticale, une sorte d’alcohol plus agréable que celui des céréales. La Berce de Sibérie (Heracleum Sibiricum, Linn.) est une grande et belle plante dont on mange les jeunes feuilles en guise de légume. L'infusion des tiges dans l’eau offre une boisson salutaire à la classe indigente. Ces mêmes tiges ma- cérées et cuites sont alimentaires. LASER. LASERPITIUM. Calice presque entier. Pétales courbés au sommet, échan- crés, ouverts et presque égaux. Fruit ovale ou oblong; se- mences convexes en dehors, et relevées de quatre ailes membraneuses. Collerette générale ou partielle composée de plusieurs folioles inégales et membraneuses. DES PLANTES USUELLES. 227 LASER A FEUILLES LARGES. LASERPITIUM LATIFOLIUM. Laserpitium latifolium. Linw. Spec. 356. Lam. Encycl. Bot. 3. 423. DC. FI. Fr. 3470. Lapeyre. Plant. Pyr. 1. 150. JacQ. Fi. Aust. t. 146. Sa racine allongée, épaisse, fibreuse, pousse une tige cylindrique, glabre, striée, rameuse, haute de deux pieds et quelquefois davantage. Ses feuilles sont amples, deux fois ailées, composées de folioles ovales, tronquées obliquement, comme cordiformes, dentées, d'un vert glauque en dessus, glabres où pubescentes à leur revers. Les fleurs sont blanches, petites, disposées en ombelle terminale fort large et très ouverte. Cette plante croit naturellement dans les bois des monta- gnes, en Allemagne, en Suisse, en Italie, et dans une grande partie de la France. On la trouve dans les Pyrénées, au bord des torrens. Sa racine exhale une odeur forte, pénétrante. Elle est imprégnée d'un suc laiteux amer, âcre et très purgatif ; ce qui lui a valu le nom de Turbtth des montagnes. Cette racme, dit Peyrilhe, agit avec violence. Les paysans des montagnes l'emploient à titre de purgatif. Bergius se plaint de ce qu’on néglige ce puissant remède. Dans quel- ques pays on s'en sert pour purger les bestiaux. 2928 NOUVEAU TRAITÉ LASER DES MONTAGNES. LASER SILER. Laserpitium siler. Linn. Spec. 357. Lam. Encycl. Bot. 3. 496. DC. FL Fr. 3473. Lapeyre. Plant. Pyr. 1. 152. JAcQ. FI. Austr. t. 145. Cette espèce a une tige cylindrique, finement striée, un peu rameuse, haute de deux ou trois pieds. Les feuilles sont larges, deux ou trois fois ailées, composées de folioles lan- céolées, glabres, entières, glauques ou d'un vert pâle. Les fleurs sont blanches, nombreuses, disposées en om- belles larges et terminales. Les fruits sont oblongs ; leurs ailes sont petites et peu saillantes. Cette plante croît dans les montagnes de l'Italie, de l’Au- triche, de la Suisse, du Dauphiné et de la Provence. On la trouve également dans les Pyrénées. Toutes ses parties ont une odeur forte, une saveur chaude, amère, aromatique. La racine donne de l’huile essentielle et une matière résineuse. Les semences sont très aromatiques , également imprégnées d'huile volatiie. Le Laser des montagnes, tout-à-fait oublié des médecins ; devrait être réhabilité parmi nos plantes usuelles. Beaucoup de végétaux exotiques qu'on emploie journellement ne le valent point. Le Peucédane officinal ( Peucedanum officinale), le Peu- cédane de Paris (Peucedanum Parisiense), et le Peucédane silaus (Peucedanum silaus), qu'on trouve dans les taillis, dans les lieux ombragés, se distinguent également par des pro- priétés énergiques. DES PLANTES USUELLES. 229 ATHAMANTE. ATHANMANT'A. Calice entier. Pétales échancrés, courbés au sommet, à peine inégaux. Fruit ovale ou oblong, strié. Collerette gé- nérale et collerette partielle à plusieurs folioles simples. ATHAMANTE DE CRÈTE. ATHAMANTA CRETENSIS. Athamanta cretensis. Linn. Spec. 352. Lam. Encycl. Bot. 1. 324. DC. F1. Fr.:3482. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 148. JAcQ. FI. Austr. 62. Sa racine blanchâtre pousse quelques tiges droites, striées, pubescentes, hautes d'environ un pied. Les feuilles sont ver- dâtres, légèrement velues, deux ou trois fois ailées, à folioles divisées en segmens étroits, pointus et linéaires : leur pé- tiole embrasse la tige par une gaine membraneuse sur les bords. Les fleurs sont blanches, disposées en ombelles de dix à quinze rayons. Les semences sont oblongues et velues. Cette plante croît naturellement dans les montagnes des Alpes, des Pyrénées, des Cévennes, des Vosges, etc. On faisait autrefois un assez grand usage des semences qui nous venaient de l’île de Candie, car nous ne voulions pas aller les recueillir dans nos montagnes. Ces graines sont aromatiques, d'une saveur chaude, un peu âcre; elles four- nissent de l'huile essentielle. L'eau, le vin et l'alcohol s'em- 230 NOUVEAU TRAITÉ parent de leurs principes actifs. On les employait pour sti- muler l'utérus et l'appareil urinaire. ATHAMANTE LIBANOTIS. ATHAMANTA LIBANOTIS. Athamanta libanotis. Lann. Spec. 351. LAM. Encycl. Bot. 1. 324. DC. F1. Fr. 3481. LapEyr. Plant. Pyr. 1. 148. JAcCQ. FI. Austr. t. 2992. De sa racine fusiforme s'élève une tige droite, cannelée, un peu rameuse, plus ou moins glabre, haute de deux à trois pieds. Les feuilles sont grandes, deux fois ailées; leurs pin- nules ou premières divisions sont garnies jusqu’à leur base de folioles oblongues, pinnatifides, à découpures pointues. Les fleurs sont petites, blanches, disposées en ombelles serrées, très garnies et convexes. Les semences sont ovoiïdes, recouvertes d'un duvet blanc, léger et fugace. Cette plante croît au bord des bois montagneux; on la trouve dans les Alpes, le Jura, le Bugey, etc. Lapeyrouse l'a cueillie dans les pâturages et sur les rochers ombragés des Pyrénées; elle est commune dans la vallée d'Eynes. Lorsqu'on la froisse entre les doigts, elle exhale une forte odeur d'encens, ce qui lui a fait donner le nom de Li- banotis. DES PLANTES USUELLES. 231 ATHAMANTE MÉUM. ATHAMANTA MEUM. Athamanta meum. Tann. Spec. 353. — Meum atha- manticum. JAco. F1. Aust. t. 303. — Ligusticum meumn. Lam. Encyel. Bot. 3. 577. DC. FL. Fr. 3468. — Æthusa meum. DEsr. Cat. Plant. ed. 3. 201. Sa tige est droite, cannelée, un peu rameuse, haute d'en- viron un pied, garnie de feuilles glabres, d'un vert foncé, deux ou trois fois ailées, composées de folioles à découpures étroites, courtes, capillaires. Les fleurs sont blanches, petites, odorantes, disposées en ombelles terminales : la collerette universelle, quelquefois nulle, offre ordinairement une à cinq folioles étroites; la collerette partielle a plusieurs folioles longues et linéaires. Cette plante croit dans les montagnes de l'Europe méri- dionale. On la rencontre dans les prairies des Alpes, des Py- rénées, des Cévennes, des Vosges, etc. On l'appelle vulgai- rement Fenouil des Alpes. Le nom de Meum, dérivé du grec (plus petit), exprime la délicatesse de son feuillage; ses fo- lioles sont aussi fines que des cheveux. Sa racine est brune en dehors, blanche intérieurement, d'une odeur aromatique, pénétrante, agréable, d'une saveur vive, un peu àcre. Dans les provinces méridionales où cette plante abonde, elle pourrait remplacer toutes les autres ombellifères. L'infusion un peu forte de la racine et des semences, est un fort bon fébrifuge qu'on peut prendre dans l'intervalle des accès , ou quelques instans avant le frisson (Murray). Nous recommandons cette plante aromatique, tonique , 232 NOUVEAU TRAITÉ stimulante, à ceux qui aiment la médecine usuelle ou do- mestique , enfin la médecine des pauvres. ATHAMANTE ORÉOSÉLINE. ATHAMANTA OREOSELINUM. Athamanta oreoselinum. Linn. Spec. 352. Desr. Cat. Plant. ed. 3. 203. Jaco. F1. Austr. t. 68. — Selinum oreoselinum. DC. F1. Fr. 3485. BAL8. F1. Lyon. 1. 328. Sa tige est glabre, cylindrique, rameuse, haute de deux pieds. Ses feuilles ressemblent un peu à celles du persil; elles sont trois fois ailées, à folioles cunéiformes, incisées, tri- fides ou pinnatifides : les pétioles sont comme brisés ou in- terrompus dans leur direction. Les fleurs sont blanches, disposées en ombelles terminales assez garnies. La collerette générale est formée de huit ou dix folioles Hinéaires, pointues, étalées ou réfléchies. Cette plante fleurit en juillet et août. On la trouve dans les prés secs et dans les bois des montagnes, en Suisse, en Angleterre, en Allemagne et en France. La racine contient un suc laiteux, amer, gluant, qui, par l'évaporation , donne une résine brillante, aromatique, d'une couleur jaunâtre. L'eau, le vin et l’alcohol se chargent de ses principes actifs. L’infusion aqueuse des semences, des tiges , des feuilles est très aromatique. Cette plante, dont les auteurs récens de matière médicale ne parlent point, mérite l'attention des praticiens. Murray se plaint du peu de cas qu’on en fait aujourd'hui. Särps mi- nort hodie in pretio habita, quam meretur, wa ut nulhbi fere DES PLANTES USUELLES. 233 apud auctores materiæ medicæ occurrat. ( Apparat. med., x, p. 355.) ATHAMANTE DES CERFS. ATHAMANTA CERV ARTA. Athamanta cervaria. Lin. Spec. 352. Jaco. FI. Austr. t. 69. — Selinum cervaria. DC. FI. Fr. 3484. Bazs. F1. Lyon. 1. 328. On reconnaît cette espèce à sa tige ferme, striée, ra- meuse, garnie de feuilles deux fois ailées, composées de folioles, grandes, lancéolées, pointues, inégalement dentées en scie, veinées en dessous, d'une couleur glauque. Les fleurs sont blanches, disposées en ombelles termi- nales, à huit ou dix rayons. Les collerettes ont six à huit folioles lancéolées, souvent réfléchies. Les fruits sont glabres, ovales, striés. L'Athamante des cerfs fleurit en août et septembre. Elle croit dans les montagnes du Languedoc, de la Provence, du Dauphiné, du Jura, de l'Alsace, etc. On la trouve également dans les bois des environs de Lyon. Les semences sont aromatiques, d'une saveur vive mêlée d'amertume. Les paysans de la Styrie s'en servent pour gué- rir les fièvres intermittentes. Haller recommande cette plante à l'attention des méde- cins; son excellente odeur semble promettre de grandes ver- tus. Elle est très recherchée des cerfs, d’où lui vient le nom de Cervaria. Le Sélin des marais (Selinum palustre, Linn.) est encore une plante énergique, imprégnée dans toutes ses parties d'un 234 NOUVEAU TRAITÉ suc laiteux amer. La racine excite vivement les glandes sali- vaires. Cette plante abonde dans les prés humides; elle a des fleurs blanches, disposées en ombelles grandes, planes, de vingt à trente rayons. Le fruit est comprimé, bordé d'une aile membraneuse, et marqué de trois côtes saillantes sur le dos. | La racine est antiscorbutique; elle sert d'assaisonnement dans quelques pays du Nord; les Russes l'emploient comme le gmgembre. CRITHME. CRITHMUM. Calice entier. Pétales entiers, courbés au sommet, presque égaux. Fruit ovoide, comprimé, strié, collerettes à plusieurs feuilles. CRITHME MARITIME. CRITHMUM MARITIMU M. Criüthmum maritimum. Lin. Spec. 354. DC. FL Fr. 3480. Lapeyre. Plant. Pyr. 1. 150. Jaco. Hort. Vind. t. 187. Engl. Bot. t. 819. Sa tige est droite, cylindrique, lisse, verte, simple ou peu rameuse. Ses feuilles sont deux fois ailées , à folioles étroites, lancéolées, linéaires, un peu aplaties, charnues et d’un vert foncé. Les fleurs sont blanches, disposées en ombelles mé- diocres et terminales. DES PLANTES USUELLES. 235 Cette plante croît sur les bords de la mer parmi les rochers, en Espagne, en Italie, en France. On la trouve dans les Pyrénées, à Collioure, à Bagnols , à Port-Vendres, et même dans l'intérieur des terres sur les collines exposées au soleil. Elle porte les noms de Bacille, Criste marine, Fenouil de mer, Passe-pierre, Perce-pierre. La Passe-pierre, comme l’appellent les cuisiniers, est une herbe saine, apéritive, appétissante, qui fait partie de la four- niture des salades. On fait confire ses tiges et ses feuilles dans le vinaigre comme les cornichons. La bonne ménagère fait grand casde cet assaisonnement, et quand elle prépare ses cornichons, elle se garde bien d'oublier la Passe-pierre. Ces substances végétales , confites dans le vinaigre, réveillent, stimulent l'or- gane du goût, et lui font trouver les viandes plus agréables, surtout le bœuf qu’on sert une seconde fois sur les tables mo- destes. Le petit propriétaire, le petit cultivateur, mangent gaîment leur bouilli de la veille, doublement assaisonné, d'abord par l'exercice, ensuite par la Passe-pierre et le corni- chon. Soyez laborieux, votre estomac ne sera pas difficile, c'est l'oisiveté qui nous gâte, nous énerve, nous donne des appétits bizarres. Il faut au sybarite un lit de roses pour ses membres délicats, de l'essence de gibier et du piment de l'Inde pour son estomac délabré. Cultivez donc la Passe-pierre dans votre petit jardin, si vous en avez un. Elle se multipliera par les graines que vous semerez en automne, ou dans le mois de mars. Cette culture exige quelques soins. Il lui faut un sol léger, bien abrité, de la chaleur et peu d’'arrosement. Couvrez-la d'abord de terre, et mettez par-dessus celle-ci un lit de mousse que vous humec- terez de temps en temps, jusqu'à ce que le semis ait paru. Vous la couvrirez de paille pendant l'hiver pour la garantir des fortes gelées. 236 NOUVEAU TRAITÉ BUNIUM. BUNITUM. Caïce entier. Pétales égaux, courbés en cœur. Fruit ovale, oblong, strié; interstice des stries tuberculé. Colle- rette générale nulle ou à plusieurs folioles simples. BUNIUM NOIX DE TERRE. BUNIUM BULBOCASTANUM. Bunium bulbocastanum. Lanx. Spec. 349. DC. F1. Fr. 3495. Bacs. F1. Lyon. 1. 322. CHEv. FL. Par. 3. 627. FI. Dan. t. 246. JAcQ. FI. Aust. t. 66. Sa racine tuberculeuse, arrondie, noirâtre, profondément enfouie dans la terre, pousse une tige droite, cylindrique, striée, un peu rameuse, haute de quinze à vingt pouces. Les feuilles sont deux ou trois fois ailées, à découpures glabres, linéaires, courtes, fines, portées sur un pétiole très élargi. Les fleurs sont blanches et forment des ombelles assez amples : la collerette générale offre sept à huit folioles l- néaires, beaucoup plus courtes que les rayons. Les fruits sont cylindriques, un peu noirâtres, d'abord réfléchis, puis caducs. Cette plante est commune dans les champs et dans les pâ- turages des hautes montagnes, où elle fleurit en juin et juillet. On la trouve aux environs de Paris et de Lyon. Sa racine bulbeuse contient une farine nourrissante; on la mange crue ou cuite, après l'avoir dépouillée de l'écorce DES PLANTES USUEËLES. 237 qui la recouvre. Les Allemands la font cuire dans du bouil- lon, et l'assaisonnent simplement avec du poivre. C’est un aliment très usité à Vienne. CAROTTE. DAUCUS. Calice entier. Pétales courbés en cœur, plus grands sur les bords de l'ombelle. Fruit ovoide, hérissé de poils roides; semences planes, striées intérieurement, convexes en de- hors et relevées de petites côtes membraneuses. Collerettes générales pinnatifides. CAROTTE COMMUNE. DAUCUS CAROTT1. Daucus carotta. Linn. Spec. 348. LAM. Encycl. Bot. 1. 327. DC. EL. Fr. 3500. CHE v. F1. Par. 3. 648. Bacs. FI. Lyon. 1. 333. F1. Dan. t. 723. Jaco. Hort. Vind. 3. t. 78. Dans son état sauvage la Carotte a une tige rameuse, hé- rissée de poils courts et rudes, haute de deux ou trois pieds. Ses feuilles sont grandes, légèrement velues, deux ou trois fois ailées, à folioles partagées en découpures étroites, aiguës, presque linéaires. Ses fleurs, petites et blanches, forment des ombelles larges, bien garnies, dont le centre est remarquable par une fleur rouge et stérile. Les semences sont hérissées de poils courts et grisâtres. Cette plante est assez commune aux bords des champs et dans les prés. Elle a produit , par la culture, plusieurs variétés qui donnent des racines de diverses couleurs , et plus ou moins 238 NOUVEAU TRAITÉ volumineuses. Il y en a de rouges, de jaunes, de blanches, et même de violettes. La grosse rouge et la violette ont une saveur aromatique assez pénétrante ; la jaune et la blanche sont plus sucrées. Les amateurs de ces racines attendent impatiemment les premiers beaux jours pour savourer les Carottes nouvelles , comme la petite Carotte rouge, et la pe- tite Carotte jaune hâtives. Outre qu'elles sont plus tendres que les racines conservées, elles viennent dans une saison où tout s’embellit, où tout se renouvelle, oui, tout, jusqu'à l'appétit. Au reste, la nature du sol influe beaucoup sur l'arome et la saveur de la Carotte. La meilleure est celle qu'on a semée dans une terre sablonneuse et pourtant substantielle. La Carotte donne un suc mucilagineux, du sucre incristal- lisable, et de la fécule. C’est une racine très nourrissante et très salubre ; il y a peu d’estomacs qui ne la digèrent bien. Elle plait au malade, au convalescent comme à l’homme en bonne santé. Faites manger beaucoup de Carottes à ce malheureux qui a passé l'automne et l'hiver à prendre des médicamens de toute sorte pour résoudre l’engorgement du foie. Donnez-lui cette racine préparée de diverses manières; faites-en des potages, des purées, et même une sorte de sirop qui ne déplaira point à son goût. Préparez aussi, si vous voulez, avec les semences de la même piante, infusées dans de la petite bière houblonnée, une boisson apéritive qui le soulagera également. Vous aug- menterez sa vertu en y ajoutant des graines d'anis et de fe- nouil. Cette espèce de bière aromatique n’est pas moins efli- cace lorsque le système urinaire est dans un état de langueur. Les anciens conseillaient la Carotte aux malades affectés de jaunisse, aux calculeux, aux hydropiques, aux phthi- siques, etc. Les modernes, beaucoup plus positifs veulent des remèdes plus énergiques, et ils ont auélquetos raison. En effet, la Carotte ne peut suppléer la lancette ou les sang- DES PLANTES USUELLES. 239 sues, lorsqu'une inflammation sourde travaille un ou plu- sieurs viscères, Ce qui arrive assez souvent dans les affections ictériques : mais la Carotte pourra servir du moins à varier le régime du malade; et après avoir rempli les indications les plus importantes, on fera peut-être bien de se confier à la nature, aidée d'un bon régime alimentaire. La Carotte appliquée sur les ulcères cancéreux ne les guérit point, mais elle calme les douleurs lancinantes, et plus d’un malade s’est trouvé soulagé après l'application d’un cataplasme de pulpe de Carottes. C'est un remède populaire qu'un très grand chirurgien, le professeur Boyer, employait dans sa pra- tique. M. le docteur Pouget, mon ancien disciple (ce praticien habile me fait l'honneur de m'appeler son maître), s’en sert également pour calmer l'irritation excessive de ces ulcérations incurables. Quand la Carotte ne suffit point , il arrose le cata- plasme avec une légère décoction de feuilles de Belladone. Les applications de Carotte apaisent aussi le prurit msup- portable causé par les dartres. On lave fréquemment la partie malade avec une forte décoction de cette racine, ou bien on applique sa pulpe cuite en forme de cataplasme. Ces remèdes extérieurs ont rarement l'approbation des médecins, mais ils sont du reste fort innocens, et je les préfère, quand le mal est inguérissable, aux cruelles tentatives de l’art. Les propriétés alimentaires de la Carotte ne sont pas du moins contestées , et cette plante potagère plaît généralement. Les potages gras ou maigres, aux Carottes nouvelles, sont de véritables potages de santé pour les hypochondriaques qui ont les entrailles douloureuses, ou plus ou moins sensibles ; pour les convalescens à la suite des gastrites ; pour les femmes nerveuses, hystériques, qui se plaignent de chaleurs imté- rieures. 240 NOUVEAU TRAITÉ Ces potages printaniers, où l’on peut mettre d’ailleurs d'autres légumes sucrés, plaisent ordinairement aux malades, et peuvent les nourrir pendant quelque temps, lorsque des alimens plus substantiels leur sont interdits. Potage à la purée de Carottesset de gibier. L Ne quittons point le potage, cet aliment chéri des Fran- çais, sans parler de la purée de Carottes, que nous recom- mandons aussi à l'homme bien portant. Elle est très nour- rissante et très sapide, préparée avec du beurre, un morceau de sucre et le bouillon du pot. Mais ce potage à la purée de racines est trop simple pour nos petits Lucullus. Ils veulent que la purée de Carottes soit ennoblie par la purée de gibier ; et pour faire ce potage, il ne faut rien moins que quatre vieilles perdrix, trois perdreaux, un vieux coq ou un faisan, trois livres de tranche de bœuf, deux bottes de Carottes, une botte de céleri, et deux ou trois clous de gérofle. Les vieilles perdrix, le coq, le bœuf et les légumes doivent faire le bouillon. Quant aux perdreaux, il faut qu'ils soient rôtis, pilés à froid dans un mortier, et passés à l'étamine. On ajoute à cette espèce de purée une quantité suffisante de bouillon , et on fait mijoter le tout sans ébullition sur un feu doux. Voilà le potage de nos gourmands fatigués par les veilles et par l'abus des plaisirs. Cette purée, riche d'osmazôme, nourrira parfaitement le faible vieillard, ou le jeune homme déjà vieux par ses passions ; mais elle ne les rendra point ma- gnanimes, comme disaient les anciens. Le feu sacré une fois éteint ne se rallume plus. à La Carotte est le légume de la bourgeoisie comme de la classe opulente. Elle plaît à tout le monde, elle est accueillie DES PEANTES USUELLES. 241 à la ville, au village, aa hameau, partout. Si l'on fait des consommés, des veloutés, de grandes et de petites sauces , la Carotte est là pour les colorer et les parfumer. La noix de veau à la Conti la réclame, comme le morceau de veau à la casserole du bourgeois ou du campagnard. Veau aux Carottes. Lorsque, après une herborisation un peu pénible dans les bois de Meudon ou de Verrières, je gagne les faubourgs de Paris, etque mon estomac, dont j'aime à écouter les plaintes, me crie qu'il est déjà tard, je me hâte, je double le pas, et bientôt j'arrive chez un ami, quai Malaquais, où m'attend la pièce de veau d'une couleur ravissante, proprement servie , autour de laquelle foisonne la Carotte imprégnée d'un jus délicat. Tous mes sens la convoitent, je l'admire, je la flaire, je la savoure, et mon estomac applaudit. Voilà de ces petits festins comme je les aime, simples, sans prétention, sans embarras, offerts avec une cordialité parfaite Dans les grandes réunions, les mets les plus friands ont souvent peu de saveur. Le manque d'exercice, l'affluence des laquais, quelquefois un voisin ennuyeux, en faut-il davan- tage pour faire un mauvais dîner à une table somptueusement servie? Sirop de Carottes. La Carotte contient une substance sucrée, mielleuse, dont on peut faire un sirop pectoral. On la réduit en pâte, on en exprime le Jus, et on le fait évaporer à une douce chaleur. Ce sirop tient lieu de sucre et de miel, il calme la toux et facilite l'expectoration. On le prend par cuillerées. II. 16* 242 NOUVEAU TRAITÉ La Carotte, séchée et réduite en poudre, est fort utile aux voyageurs. On peut en faire des ragoüts, des potages agréables et sains. Lorsqu'on veut conserver les Carottes pour la consomma- tion de l'hiver, on les arrache ordinairement vers la fin de septembre ou en octobre; on en retranche les feuilles ; et on les place, lit par lit, sur du sable sec, dans un cellier ou une cave peu profonde. La Carotte ne fournit pas seulement à l’homme une nour- riture saine et abondante, elle plait également aux bestiaux et les engraisse. On leur donne les feuilles pendant l'au- tomne, et plus tard les racines. Les chevaux, les bœufs, les vaches, les moutons, les pores, les mangent avec avidité. On peut également en nourrir la volaille. TORDYLE. TORDY LIUM. Calice à cinq dents. Pétales courbés en cœur, très grands et bifurqués sur les bords de l'ombelle. Fruit comprimé, orbiculaire, entouré d’un rebord calleux et cannelé; semences planes. DES PLANTES USUELLES. 244 TORDYLE OFFICINAL. TORDYLIUM OFFICINALE. Tordylium officinale. Lan. Spec. 345. DC. FL Fr. 3515. Por. Encycel. Bot. 7. 709. Sa tige est droite, cannelée, rameuse, velue, médiocre- ment élevée. Les feuilles sont alternes, ailées, à folioles ovales, lancéolées, incisées et crénelées ; les supérieures sont découpées en lanières étroites, écartées. Les fleurs sont blanches, disposées en ombelles planes. Les fruits sont comprimés, presque orbiculaires, garnis d’un bourrelet blanc, épais et crépu. Cette plante croît aux bords des champs, dans nos dépar- temens méridionaux. Elle est connue dans les pharmacies sous le nom vulgaire de Séséli de Crète. La racine et les semences ont une saveur amère, légère- ment aromatique. On les employait anciennement en infu- sion thérforme, pour exciter le canal digestif et les bronches, dans les cas de flatulence et de catarrhe chronique du pou- mon. Cette mème infusion est un fort bon diurétique. Bellon dit que les Turcs mangent cette plante en salade quand elle est jeune. Le Tordyle de la Pouille (Tordyliun apulum. Linn.) est doué des mêmes propriétés que l'espèce précédente, avec laquelle il à d’ailleurs les plus grands rapports. On le trouve dans les contrées méridionales de l'Europe, et on le reconnait à ses tiges velues, cannelées, médiocrement rameuses , à ses folioles presque rondes, laciniées où un peu lobées. Les 244 NOUVEAU TRAITÉ semences sont arrondies, comprimées, à rebords blancs, tuberculeux. ’ SANICLE. SANICULA. Calice presque entier, à peine sensible. Pétales entiers, courbés à leur sommet. Fruit ovoïde, presque globuleux, hérissé de pointes dures, crochues. Collerette universelle tournée d'un seul côté; collerette partielle formée de plu- sieurs folioles, et enveloppant l'ombellule en entier. SANICLE D'EUROPE. SANICULA EUROPÆ A. Sanicula europæa. Lin. Spec. 339. DC. F1. Fr. 3550. Porr. Encycl. Bot. 6. 500. CnHEev. F1. Par. 3. 449. BALB. F1. Lyon. 1. 345. Desv. F1. Anj. 242. Lam. Illustr. t. 191. f. 1. FL. Dan. 283. Sa racine est une souche horizontale d'où naît une hampe droite, presque nue, grèle, haute de dix à quinze pouces. Les feuilles sont pétiolées , lisses, palmées, à trois ou cinq lobes profonds, dentés, incisés ou trifides, d’un vert luisant en dessus, blanchâtres en dessous. Les fleurs sont blanches, fort petites, disposées en om- bellules globuleuses : les rayons de l’ombelle universelle sont au nombre de quatre à cinq. Les fruits sont arrondis, héris- sés, comme ceux de la bardane. La Sanicle est commune dans les lieux embragés et mon- tueux, où elle fleurit vers le mois de mai. La racine et les feuilles sont amères, un peu âpres ou astringentes. DES PLANTES USUELLES. 245 C'est une plante célèbre dont le nom rappelle les hautes vertus qu'on lui a prêtées; mais elle est bien déchue de son antique réputation. Son suc, convenablement délayé et édul- coré, ne serait pourtant pas un remède inefficace, et nous le donnerions volontiers pour modérer les flux sanguins en- tretenus par le relâchement des vaisseaux. On prescrit tous les jours pour les mêmes cas des plantes qui n'ont pas plus d'énergie. L'infusion et la décoction des feuilles sont légère- ment astringentes ; on les édulcore avec du miel. La Sanicle fait partie du thé suisse ou faltranck, sorte de pot-pourri végétal où chaque collecteur jette, au hasard et suivant son caprice, une foule de plantes de propriétés diverses. On trouve dans ce mélange d'herbes sèches, la Sanicle, l'aigremoine , la véronique, la sauge, la scolopendre, le pied-de-lion, plusieurs espèces d'achillée, etc. Lorsque les labiées et les composées dominent dans le faltranck, comme cela arrive quelquefois, cette espèce de thé est alors très pernicieux pour les femmes parvenues à l’âge critique, surtout lorsqu'elles éprouvent une sorte de chaleur et d'irri- tation dans les organes-digestifs ou dans les voies utérines. Les médecins qui ignorent la nature de ces mélanges végé- taux, et qui les conseillent pour satisfaire l'imagination des malades, sont exposés à commettre des erreurs graves. Un thé de véronique ou de fleurs de tilleul vaut mfiniment mieux. PANICAUT. ERYNGIUW. Calice persistant, à cinq divisions. Pétales oblongs, cour- bés : fruit ovale-oblong , couronné par le calice, et souvent hérissé d'écailles ressemblant à des paillettes. 246 NOUVEAU TRAITÉ PANICAUT DES CHAMPS. ERYNGIUM CAMPESTRE. Eryngium campestre. Lin. Spec. 337. DC. F1. Fr. 3552. CHEV, F1. Par. 3. 651. F1. Dan. t. 875. Jaco. F1. Austr. t. 155. Sa tige peu élevée, droite, cylindrique, striée, blanchâtre, se divise à sa partie supérieure en rameaux nombreux et très ouverts. Les feuilles sont amplexicaules, ailées, d’un vert glauque, à folioles décurrentes, laciniées, bordées d'aiguil- lons fins, blanchâtres et piquans. Les fleurs sont blanches, petites, terminales, fort nombreuses, disposées en tête ar- rondie ; les folioles de leur involucre sont étroites, roides et épineuses. Cette plante est commune dans les terrains arides, sa- blonneux, aux bords des champs. On l'appelle Chardon-Ro- land, Chardon à cent têtes. . Sa racme est douce, d’une saveur agréable, légèrement aromatique. On la croyait aphrodisiaque, elle est seulement un peu diurétique comme celle de quelques autres ombelli- fères. On la mange jeune et tendre dans quelques pays du Nord, et on la fait confire avec du sucre. Les vaches et les moutons se nourrissent de ses feuilles naissantes. L'incinération de la plante entière donne beau- coup de potasse. DES PLANTES USUELLES. 247 PANICAUT MARITIME. ERYNGIUM MARITIMUM. Eryngium maritimum. Tann. Spec. 337. Lam. Encycl. Bot. 4. 753. DC. FL Fr. 3551. LAPEYR. Plant. Pvr. 1. 138. FI. Dan. t. 875. Sa tige est épaisse, cylindrique, feuillée, rameuse, blan- châtre, haute d'environ un pied. Les feuilles inférieures sont larges, arrondies, pétiolées, blanchôtres ou d'un vert glau- que, plissées, un peu incisées, et bordées de dents épineuses ; les autres sont sessiles, anguleuses ou trilobées. Les folioles de l'involucre sont fort larges, anguleuses, épineuses, et au nombre de cinq ou six. Les paillettes du ré- ceptacle, ainsi que les collerettes et les pédoncules, se ter- gnent d'une couleur azurée. Cette plante croît dans les sables maritimes des provinces méridionales. On la trouve aussi dans le Nord. Sa racine est également aromatique et diurétique. Les jeunes pousses ont un fort bon goût; on les mange dans quelques pays comme les asperges. On a dù remarquer que la famille des Ombellifères nous fournit un grand nombre de plantes alimentaires ou médici- nales; mais à côté de ces végétaux bienfaisans se trouvent d'horribles poisons. Ainsi la petite Ciguë (Æïthusa cynapium) croit dans nos jardins à côté du persil, et lui ressemble en quelque sorte, ce qui a donné lieu à divers empoisonnemens. 248 NOUVEAU TRAITÉ Aux environs d'Angers, et dans quelques départemens de l'Ouest, on mange les racines de l'OEnanthe à feuilles de peucédane (OEnanthe peucedanifolia), et de l'OEnanthe pim- prenelle (OEnanthe pimpinelloides). Ces racines croissent à la superficie du sol, et se composent de quelques petits tuber- cules allongés ou de forme ovoïde, remarquables par leur blancheur intérieure : on les nomme dans l'Ouest Jouanettes, Abernotes, Méchous, etc. Malheureusement, les habitans des campagnes les confondent quelquefois avec celles de l'OEnanthe safranée (OEnanthe crocata), et cette méprise leur devient fatale. L'OEnanthe safranée croît dans les prairies basses et hu- mides, au bord des fossés et des étangs. Ses racines sont très multipliées, pivotantes, arrondies, de la grosseur d'une pe- tite carotte, imprégnées d'un suc jaunâtre et fluide. Peu de poisons végétaux agissent avec autant d'énergie sur lhomme et sur les bestiaux. Les bœufs qui ont mangé des racines de cette espèce d'OEnanthe, ne peuvent ni les rejeter, ni les digérer; ils tombent bientôt en mugissant, écument horri- blement, enflent et périssent en moins d'un quart d'heure. Ce qu'il y a de singulier, c'est que la fane (les feuilles) est pour eux une nourriture succulente et same. L'homme qui par méprise a avalé ce poison, meurt dans des convulsions épileptiques. Nous avons rapporté, dans notre Phytographie médicale, un grand nombre de faits sur ce genre d'empoisonnement, et nous avons indiqué en même temps les meilleurs moyens curatifs pour l’homme et pour les animaux. ( Voyez tom. 5. pag. 368-381.) DES PLANTES USUELLES. 249 ARALIACÉES. ARALIACEÆ. Araliaceæ. Juss. VEenr. ARALIE. ARALTA. Calice à cinq dents. Corolle à cinq pétales. Cinq étamines. Cinq styles et cinq stigmates. Baie à cmg loges. ARALIE HISPIDE. A4RALIA HISPIDA. Aralia hispida. VENT. Hort. Cels. 41. t. 41. Micx. FI. Boreal. 1. 185. Porr. Encyci. Bot. Suppl. 1. 417. Cette plante a des tiges simples, peu élevées, nues et ligneuses à leur partie inférieure, striées, hérissées de poils, garnies à leur partie supérieure de feuilles alternes, presque verticillées, deux fois ailées, composées de folioles ovales, aiguës, sessiles, dentées en scie, vertes en dessus, blanchä- tres en dessous, hispides ainsi que les pétioles. De longs pédoncules unilatéraux et axillaires portent une ou plusieurs petites ombelles simples, hémisphériques, com- posées de seize à vingt rayons filiformes, dont linvolucre est formé par autant de bractées lancéolées, aiguës, ciiées, de couleur purpurine. Le calice est à cmq dents très courtes ; les pétales sont insérés sur un disque glanduleux; l'ovaire est 250 NOUVEAU TRAITÉ surmonté de cinq styles. Les baies sont brunes, globuleuses, de la grosseur d'un petit pois, à cinq sillons et à cinq loges. Cette Aralie croît parmi les rochers, sur les hautes mon- tagnes du Canada. Sa racine est souvent mêlée à la salsepa- reille. On en prépare des infusions sudorifiques. ARALIE À GRAPPE. ARALIA RACEMOSA. Aralia racemosa. Wirzv. Spec. 1521. CorNuT. Canad. 74, t. 75. LAm. Encycl. Bot. 1. 224. — A{ralia cana- densis. TOURNEF. 300. Ses tiges sont herbacées, lisses, d'un vert obscur ou rou- geûtre, hautes de trois à quatre pieds, garnies de feuilles amples, une ou deux fois ailées, composées de folioles ovales, pointues, cordiformes à leur base, dentées en scie et presque glabres. Les fleurs naissent en petites ombelles ou en grappes ra- meuses, terminales et axillaires. Elles sont d’un vert blan- châtre, au nombre de quinze à vingt par ombellule, et sou- tenues par des pédoncules pubescens. Cette plante croît naturellement au Canada. On la cultive au Jardin du Roi, où elie fleurit en été. ARALIE ÉPINEUSE. ARALIA SPINOSA. Aralia spinosa. Lann. Spec. 392. Lam. Encycl. Bot. 1. 293. Desr. Arbr. 1. 359. Comm. Hort. 1. 89. t. 48. C'est un arbrisseau de huit à dix pieds, dont la tige est droite, simple, feuillée seulement à son sommet, hérissée DES PLANTES USUELLES. 251 d'aiguillons nombreux. Ses feuilles sont amples, trois fois ailées, d’une verdure agréable, composées de folioles ovales , pointues, pétiolées, glabres et légèrement dentées. Les fleurs sont petites, très nombreuses, d'une couleur herbacée, et disposées en larges panicules au sommet des branches. Elles s’épanouissent en été, et produisent des fruits d'une couleur ferrugineuse à leur maturité. Cette espèce est originaire de la Caroline et de la Virgi- nie. On la cultive en pleine terre dans nos climats, mais il faut l'abriter des vents du nord. On la multiplie de drageons et de semences. L’écorce des rameaux et les racines sont sudorifiques. Col- den dit que les sauvages d'Amérique les emploient contre l'hydropisie et le rhumatisme. Ces différentes espèces d'Aralie, ainsi que l’Aralie à tige nue (Aralia nudicaulis), remplacent la salsepareille dans l'Amérique septentrionale. Il découle de l'Aralie à ombelle (Aralia umbellifera) un sue gommo-résineux, qui, en se desséchant, devient d'un roux brun ou noirâtre. Cette résine répand une odeur aromatique quand on la brûle. Cet arbrisseau croît à Amboine, sur les montagnes. Le Gim-seng (Panax quinquefolium) , plante fameuse chez les Chinois, appartient à la même famille. Elle croît natu- rellement au Canada, et dans les forêts épaisses de la Tar- tarie. Nous passerons sous silence les vertus merveilleuses que les Chinois lui attribuent; nous dirons seulement que les Hollandais vendaient jadis une seule racine de Gin-seng jus- qu'à cent cinquante florins. Quelques vieillards maniaques ou 252 NOUVEAU TRAITÉ quelques jeunes débauchés ne croyaient pas acheter trop cher une plante qui leur promettait des miracles. On confond quelquefois le Gin-seng avec le Ninsin (Sium ninsi), plante de la famille des Ombellifères, également esti- mée des Chinois, et qui a, dit-on, la vertu de prolonger la vie. Certes, la tempérance vaut mieux que toutes les herbes de la Chine. DES PLANTES USUELLES. 253 CAPRIFOLIACÉES. CAPRIFOLIACEZÆ. Caprifoliaceæ. Juss. VENT. DC. LINNÉE. LINNÆA. Calice à cinq lobes, entouré à sa base d’un petit calice per- sistant, hispide, à quatre parties. Corolle campanulée à cinq lobes. Quatre étamines, dont deux plus courtes. Stigmate globuleux. Baie ovoïde, sèche, à trois loges renfermant cha- cune deux graines. LINNÉE BORÉALE. ZLINNÆA BOREALIS. Linnæa borealis. Lin. Spec. 880. F1. Lapp. 250. t. 12. f. 4. F1. Dan. t. 3. Gronovius s’est immortalisé en dédiant le genre Linnæa au célèbre Suédois qui, après avoir étonné le monde savant par son génie et la variété de ses connaissances, tient encore le sceptre de la botanique, et marche légal de Buffon dans quelques autres parties de l'Histoire naturelle. Ce genre est composé d’une seule plante désignée sous le nom de Linnée boréale. On trouve ce petit arbuste toujours vert dans les lieux montueux, et dans les forêts de l'Europe septentrionale, Il croît également dans les Alpes de la Suisse, en Alsace, et aux environs de Montpellier. Îl pousse des rameaux ligneux, grêles, cylindriques , ram- 25% NOUVEAU TRAITÉ pans, légèrement velus, garnis de feuilles opposées, pétio- lées, ovales, arrondies, crénelées, et d’un joli vert. C'est dans les beaux jours du printemps que ses fleurs campanulées, d'un blanc nuancé de rose, ornent l’extrémité des rameaux, et répandent le parfum le plus gracieux. Elles offrent un double calice : l'extérieur, situé à la base de l'ovaire, est composé de quatre feuilles imégales ; l'intérieur est quinquéfide, et repose sur l'ovaire, qui devient une baie ovale, sèche, à trois loges. Les feuilles et les tiges de cet arbuste ont une saveur amère, mêlée d'un peu d'astriction. On vante leur action médicinale contre le rhumatisme et les maladies cutanées; il paraît néanmoins qu'elles ne sont guère usitées qu’en Suède. Mais quel est l'amateur qui ne s'empressera d'accueil- lir une jolie plante consacrée à la mémoire de Linné? Les fleurs répandent une odeur suave, surtout pendant la nuit. SUREAU. SAMBUCUS. Calice à cinq lobes. Corolle en roue à cinq divisions pro- fondes. Cinq étamines alternes avec les divisions de la co- rolle. Trois stigmates. Baie arrondie, à une loge ; à semences rugueuses, attachées vers l'axe du fruit. SUREAU NOIR. SAMBUCUS NIGRA. Sambucus nigra. Linn. Spec. 385. DC. FL Fr. 3405. FI. Dan. t. 545. Cet arbrisseau rustique abonde dans toutes les parties de l'Europe, se plait sur tous les sols, et s'élève à la hauteur de dix à quinze pieds. DES PLANTES USUELLES. 255 Ses rameaux sont verdâtres , pleins d’une moelle blanche, garnis de feuilles aïlées avec une impaire, dont les folioles sont ovales , lancéolées, dentées en scie, et d’un vert foncé. Les fleurs naissent en manière de corymbe au sommet des rameaux ; elles sont petites, nombreuses, blanches et d’une odeur pénétrante. Le fruit est une petite baie sphérique, succulente, rouge d'abord , noirâtre à l’époque de sa matu- rité, renfermant deux ou trois semences convexes d’un côté, anguleuses de l'autre. Le Sureau noir possède des propriétés énergiques. Ses ra- cines,, et l'écorce moyenne de sa tige ou de ses rameaux, se distinguent par une saveur amère, âcre, mauséeuse. La mé- decine domestique s’en sert quelquefois pour émouvoir vive- ment le canal digestif dans l’hydropisie ascite et l’hydropisie cellulaire. Mais c’est un remède qui exige de la prudence; il n'y a guère que les médecins qui puissent l’employer utile- ment. Les fleurs répandent une odeur forte , pénétrante, et per- sonne n'ignore qu'elles favorisent assez bien l’exhalation cu- tanée. On les prend en infusion théiforme. Une pincée suffit pour une ivre de colature, à laquelle on ajoute une ou deux onces de miel, et quelquefois une cuillerée de vinaigre. Cette boisson est convenable lorsqu'on s’est refroidi, à la suite d'une longue course ou d'un travail pénible. Elle contribue à rétablir la transpiration, et prévient les rhumes, les affec- tons catarrhales. Ces fleurs sont aussi d'un fréquent usage à l'extérieur, sous la forme de lotions, de fumigations et de cataplasmes, dans les fluxions érysipélateuses et autres phlegmasies de la peau. La pharmacie nous offre une espèce de conserve préparée avec le suc des fruits et le sucre, qu'on appelle rob de Su- reau. Cette conserve doit être donnée à grandes doses si l'on 256 NOUVEAU TRAITÉ veut exciter les fonctions des vaisseaux cutanés. Suivant Bergius, on l’emploie fréquemment en Suède, à la dose d'une à deux onces. Desbois de Rochefort attribue à l'eau distillée des fleurs du Sureau une action narcotique que l’ex- périence dément. L'économie domestique met aussi à contribution les fleurs de Sureau pour parfumer le vinaigre, et pour communiquer au vin blanc une saveur de muscat. Dans le Nord, on fait une espèce de vin avec le suc des fruits et le miel. On mange aussi quelquefois les bourgeons ou les jeunes pousses en salade, pour avoir le ventre libre. Qu'on y prenne garde! C’est un remède dangereux. CORNOUILLER. CORNUS. Calice à quatre dents. Corolle à quatre pétales, petits, dilatés à leur base. Quatre étamines alternes avec les pétales. Un style. Drupe ovoïde ou globuleux, non couronné , renfer- mant un noyau à deux loges et à deux graines. CORNOUILLER MALE. CORNUS MAS. Cornus mas. Linn. Spec. 171. DC. FI Fr. 3407. DEsr. Arbr. 1.351. LAPEYR. Plant. Pyr. 1. 73. CHEv. FI. Par. 3. 620. Lam. [lustr. t. 74. f. 1. Dunam. Arbr. Ed. Nov. t. 45. C'est un arbrisseau d'un beau feuillage, très rameux, haut de dix ou douze pieds, qui porte des feuilles pétiolées , ovales , entières, pointues, d'un vert luisant, parsemées de DES PLANTES USUELLES. 257 quelques poils en dessous, et marquées de plusieurs nervures concentriques. Les fleurs naissent avant les feuilles, et for- ment de petites ombelles jaunes, composées de dix à quinze rayons uniflores. Ces ombelles ont chacune une collerette de quatre folioles ovales, pointues, et aussi longues que les rayons. Les fruits mürissent en automne; ils sont oblongs, d'un beau rouge dans leur maturité. On trouve le Cornouiller mâle dans les bois et dans les haies. On cultive une variété à fruits d'un jaune de cire. Les anciens ont connu le Cornouiller. Théophraste et Pline en font mention. Virgile en parle également dans l'Énéide et dans les Géorgiques : « Près de là se trouvait une éminence dont le sommet « était garni d'une toufle épaisse de myrtes et de cornouil- « lers. » Fortè fuit juxtà tumulus , quo cornea summo Virgulta, et densis hastilibus horrida myrtus. (Æxei., lib. 3.) Les fruits du Cornouiller ont une saveur acerbe, qui s'adoucit et devient agréable dans leur parfaite maturité. Dans nos campagnes, les enfans les recherchent et s’en nourrissent. On les mange également, en Autriche et en Allemagne, crus ou confits dans le sel et dans le vinaigre. On en fait aussi une sorte de conserve avec du sucre. Les chèvres et les moutons broutent les feuilles du Cor- nouiller. Cet arbrisseau vit des siècles ; il brave l'intempérie des saisons, et réussit sur tous les sols, mais principalement à l'ombre. On pourrait en orner les bosquets. Ses fleurs pa-" raissent à la fin de l’hiver et durent long-temps. Son feuil- lage, d’un beau vert, est respecté par les insectes, et quand IL - 162 258 NOUVEAU TRAITÉ les chenilles dévorent les arbres d'agrément, il conserve sa parure. Son bois est dur, d’une teinte fauve; on l’emploie à divers usages économiques. On en faisait autrefois des dards et des piques. Volat tala cornus. (Virg.) CHEVREFEUILLE. LONICERA. Calice très petit, à cinq dents. Corolle tubuleuse, en cloche ou en entonnoir, à cinq divisions un peu inégales. Cinq étamimes de la longueur de la corolle. Stigmate globu- leux. Baie à une, deux ou trois loges polyspermes. CHÈVREFEUILLE DES BOIS. LONICERA PERICLYMENUM. Lonicera periclymenum. Lin. Spec. 247. Lam. Encycl. Bot. 1. 728. DC. F1. Fr. 3393. Desr. Arbr. 1. 334. Lapeyre. Plant. Pyr. 1. 112. CHEv. FIL Par. 3. 617. BLackw. Hort. t. 25. Tout le monde connaït cet arbrisseau grimpant dont les fleurs parfument en été les bois et les buissons. Ses tiges grèles , velues et flexibles, embrassent les corps environnans qui leur servent d'appui. Ses feuilles sont opposées, ovales, pointues, d'un joli vert, pubescentes en dessous, attachées à de courts pétioles : les feuilles supérieures sont sessiles. Les fleurs sont grandes, d’un blanc nuancé de jaune et de rouge, d'une odeur suave; elles naissent en bouquets au sommetdes rameaux. La corolle est irrégulière, à deux DES PLANTES USUELLES. 259 lèvres. Les fruits sont globuleux, rouges dans leur maturité, et d’une consistance molle; ils contiennent plusieurs semences dures et arrondics. Cette espèce croît partout. Nous l'avons observée dans presque toutes les vallées des environs de Paris, à Bièvre, à Chevreuse, à Fontainebleau, à Morfontaine, à Ermenon- ville; enfin, nous l'avons retrouvée sur les collines boisées des Pyrénées, qu'elle embellit de ses gracieuses guirlandes. On la cultive dans les bosquets et dans les jardins, ainsi qu'une variété à feuilles découpées et panachées. CHÈVREFEUILLE DES JARDINS. LONICERA CAPRIFOLIUM. Lonicera caprifolium. Linn. Spec. 246. Lam. Eneycl. Bot. 1. 727. DG. F1. Fr: 3392. Desr. Arbr. 1. 334. LapEyr. Plant. Pyr. 1. 111. JaAcQ. F1. Austr. t. 357. Arbrisseau sarmenteux, grimpant, à rameaux flexibles, lisses, verdâtres , garnis de feuilles opposées, sessiles, ovales, la plupart obtuses, glabres, d'un vert glauque en dessous. Les feuilles placées vers le sommet des tiges se soudent en- semble par la base. Les fleurs sont fort belles, d’un doux parfum, blanches intérieurement, teintes de pourpre en dehors, disposées en bouquet terminal, composé d'un ou deux verticilles feuillés à leur base. Cette espèce croit dans les vignes et dans les bois des pro= vinces méridionales. On la cultive également dans les bos- quets et dans les parterres. Ces arbrisseaux se propagent de 4 * 260 NOUVEAU TRAITÉ graines, de drageons et de boutures. Ils prospèrent dans tous les terrains et à toutes les expositions. En parcourant les vieux traités de botanique et de matière médicale, on voit que le Chèvrefeuille des bois a joui d'une certaine réputation. Les uns l’ont recommandé comme un remède spécifique contre la goutte; les autres en ont fait des collyres, des gargarismes , des infusions, des décoctions diurétiques. On préparait avec les fleurs un sirop, une eau distillée, et l'écorce des tiges passait pour un excellent sudo- rifique qui devait faire oublier le gayac et la salsepareille. Mais les médecins ont laissé le Chèvrefeuille dans les buis- sons, et ils ont bien fait. Heureux les malades qui peuvent, quand vient la convalescence, aller respirer son doux parfum dans quelque joli paysage! La pureté de l'air, les émanations balsamiques des fleurs sont aussi de fort bons remèdes. On cultive dans les bosquets le Chèvrefeuille toujours vert (Lonicera sempervirens), remarquable par ses tiges sarmen- teuses et par ses fleurs d'un rouge vif; le Chèvrefeuille de Tartarie (Lonicera Tartarica), dont les rameaux sont droits, les fleurs d’un blanc teint de rose; et le Chèvrefeuille des Py- rénées (Lonicera Pyrenaica), dont le feuillage glauque con- traste admirablement avec les fleurs d'un blanc de neige. Dans son pays natal, cette espèce embellit les grandes roches calcaires. Nous ferons remarquer à nos lecteurs qu'ils ne doivent jamais avaler les fruits des Chèvrefeuilles. Il en est qui ont une action drastique, qui excitent de viclens vomissemens. Les baies du Chèvrefeuille velu (Lonicera xilosteon) sont emplies d'un suc amer, fétide et vénéneux. ( Voyez notre Phytographie médicale, ou Histoire des Poisons trés du règne végéial, nouvelle édition, tom. 11, pag. 352.) ÿ DES PLANTES USUELLES. 261 On reconnaît cette espèce à ses feuilles ovales, pointues, molles, d'un vert blanchâtre, pubescentes et presque coton- neuses en dessous; à ses fleurs blanches, disposées deux à deux sur le même pédoncule; à ses fruits d’un beau rouge. Elle abonde dans les Pyrénées et dans les Alpes, au milieu des buissons et dans les lieux ombragés. On la cultive dans les jardins, où elle se montre sous plu- sieurs variétés fort jolies, et dont les fruits sont blancs, jaunes, bleus ou rouges. 262 NOUVEAU TRAITÉ LORANTHÉES. LORANTHEZÆ. Lorantheæ. C. Ricu. et Juss. GUI. V'ISCUNT. Fleurs monoïques ou dioïiques. Calice à bord entier, à peine sensible. Quatre pétales caliciformes, courts, dilatés, réunis par leur base. Fleurs mâles : quatre étamines; an- thères sessiles, insérées sur le milieu des pétales. Fleurs femelles : ovaire couronné par le bord du calice; style très court; stigmate obtus. Baie globuleuse, monosperme. GUI À FRUITS BLANCS. 7ISCUM ALBUM. V'iscum album. Lin. Spec. 1451. Lam. Encycl. Bot. 355. Ilustr. t. 87. BaLs. F1 Lyon. 1.350. CHev. F1. Par. 3. 619. C. Ricu. Ann. du Mus. 12. t. 27. DunAM. Arbr. Ed. nov. 1.t. 26. — J’iscum. Brackw. Herb. t. 184. C’est une plante parasite dont la tige ligneuse, divisée en rameaux articulés, flexibles, verdâtres, nombreux et diffus, forme une touffe arrondie, haute d'environ deux pieds. Les feuilles sont opposées, oblongues, lancéolées , obtuses, ses- siles, dures, épaisses, d'un vert tirant sur le jaune. Les fleurs sont petites, jaunâtres, ramassées par petits bouquets dans les bifurcations supérieures des rameaux, DES PLANTES USUELLES. 263 Moutes mâles sur certains individus, toutes femelles sur d’autres; celles-ci donnent des fruits globuleux, blancs, presque diaphanes, monospermes , plems d'une substance glutineuse. Le Gui croît sur les branches du pommier, du chène, de l'orme, du frêne, du bouleau, du tilleul, du peuplier, etc. Sa graine est semée par les grives sur l’écorce des arbres, où elle germe et se développe. Lorsqu'il est frais, il exhale une odeur nauséabonde ; ses rameaux, ses feuilles et ses fruits sont amers, un peu acerbes. On l'employait anciennement, sous le nom de Gui de chéne, comme un remède spécifique contre les maladies convulsives. Colbatch, médecin anglais, a même publié une longue dis- sertation où 1l compare sa vertu antiépileptique à l'action fébrifuge du quinquina. Personne, au reste, n’a partagé cet enthousiasme ridicule, et, comme plante médicinale, le Gui de chêne est aujourd'hui tout-à-fait oublié. Les fruits purgent avec violence, et on les regarde comme vénéneux ; cependant les oiseaux, surtout les merles et les grives, s’en nourrissent. Virgile compare le rameau d'or que cherchait Énée, au Gui, qu'on voit en hiver renouveler ses tiges et entourer de son feuillage jaune le tronc étranger qui le nourrit. Quale solet sylvis brumali frigore viscum Fronde virere novä, quod non sua seminat arbos, Et croceo fœtu teretes circumdare truncos. (Æxui., lib. 6.) Le Gui fut long-temps une plante sacrée à cause de ses vertus merveilleuses. Suivant Pline, les Druides avaient une grande vénération pour cette plante, qu'ils allaient recueilur avec tout l'appareil de la superstition. Le prêtre, vêtu de 264 NOUVEAU TRAIÎTÉ- ÿ blanc, montait sur l'arbre, coupait le Gui avec une serpé d'or et le recevait dans ses vêtemens. Ensuite 1l immolait les victimes , et adressait des prières aux dieux. On croit que cette cérémonie se pratiquait dans le pays Chartrain, où était. le principal collége des Druides. DES PLANTES USUELLES,. 265 RUBIACÉES. RUBIACEÆ. Rubiaceæ. Juss. Vent. DC. ASPÉRULE. ASPERULA. Calice à quatre dents. Corolle en entonnoir, à trois ou quatre divisions. Fruit formé de deux baies sèches, globu- leuses, non couronnées par le calice. ASPÉRULE ODORANTE. ASPERULA ODORATA. Asperula odorata. Linn. Spec. 150. DC. F1. Fr. 3340. CHev. F1. Par. 3. 606. Lam. Illustr. t. 61. FI. Dan. t. 562. De sa racine grêle, rampante, naissent des tiges simples, un peu anguleuses, médiocrement élevées, portant des feuilles ovales, lancéolées , ciiées sur les bords, rassemblées en étoile ou en verticille, et d’un vert agréable. Ces feuilles sont ran- gées d'espace en espace, et leur grandeur augmente pro- gressivement à mesure qu’elles se rapprochent du sommet de la tige, qui se termine par des fleurs réunies en bouquet, petites, blanches, pédonculées, agréablement odorantes. C'est une jolie plante qui croît à ombre dans les bois des montagnes. On la trouve dans la forêt de Montmorency. Ses 266 NOUVEAU TRAITÉE fleurs répandent une odeur douce, ainsi que son feuillage vert et à demi-fané. Elle fleurit en mai et juin. Nous avons peu de chose à dire sur les vertus médicinales de l’Aspérule odorante qu'on appelle aussi petit Muguet des bois. On croyait autrefois qu'elle était apéritive, qu’elle gué- rissait la jaunisse, les obstructions du foie, et même la rage. Notre crédulité ne va pas si loin. Voici ses usages économiques. Les fleurs communiquent au vin et à la bière un goût agréable, et leur infusion théi- forme excite légèrement l'estomac. Le roi de Pologne, Sta- nislas, qui jouissait de la santé la plus robuste, prenait régu- lièrement tous les matins une tasse de cette espèce de thé. La plante elle-même est une excellente nourriture pour les bestiaux. On dit qu'elle augmente le lait des vaches. Les abeilles recherchent les fleurs. L’Aspérule à l’esquinancie (Asperula cynanchica, Linn.) ne guérit point les maux de gorge; mais c'est une plante tinctoriale utile, et qui donne une belle couleur rouge. Elle teint en rouge les os des animaux lorsqu'on la mêle à leur nourriture. L’Aspérule des teinturiers ( Asperula tinctoria, Linn.)four- nit une aussi belle couleur que la garance elle-même. On fait bouillir ses racines dans du fort vinaigre; on trempe la laine dans la décoction encore chaude , et en la retirant , on la jette aussitôt dans une lessive froide préparée d'avance. Ce procédé, indiqué dans les Mémoires de l’Académie de Stockholm, peut être suivi avec avantage et économie dans les campagnes. Cette plante est commune dans les terres en friche, dans les lieux secs et arides, sur les pelouses, sur les pentes des collines. On pourrait la cultiver dans un terrain de la même DES PLANTES USUELLES. 267 nature , exposé au midi, en y semant la graine au printemps. Cette culture ne serait pas sans utilité. CAILLE-LAIT. GALIUM. Calice à quatre dents. Corolle en roue ou en cloche, à quatre divisions. Fruit formé de deux capsules ovoïdes, non couronnées par le limbe du calice. CAILLE-LAIT JAUNE. GALIUM VERUM. Galium verum. Lainn. Spec. 155. DC. FIL Fr. 3349. Lapeye. Plant. Pyr. 1. 68. Lam. Encyel. Bot. 2. 582. Engl. Bot. t. 660. C'est une petite plante qui abonde dans nos campagnes, aux bords des bois et des prairies, où elle se fait remarquer par sa racine grêle, traçante ; par ses tiges carrées, légè- rement velues, noueuses, hautes d'environ un pied ; par ses feuilles étroites, linéaires, pointues, réunies en yertialles, au nombre de cinq, six et même davantage autour des nœuds des tiges. Les fleurs sont petites, jaunes, odorantes, portées sur de courts pédoncules, et agrégées en petites grappes à l'extré- mité des tiges et des rameaux. On a contesté à cette plante non seulement ses vertus médicinales, mais encore la justesse de son nom vulgaire, car elle ne fait point cailler le lait, d’äprès les expériences de Parmentier et Deyeux. Cependant les fleurs ont des nectaires remplis d'une sorte de miel qui s'aigrit par une dessiccation 268 NOUVEAU TRAITÉ lente, et passe à l'état d'acide acétique; ce qui pourrait expliquer la propriété qu'ont ces fleurs de faire cailler le lait. Ainsi les deux chimistes que nous venons de citer pourraient bien n’avoir pas tout-à-fait raison. Toute la plante exhale une odeur aromatique, approchant de celle du miel. L'eau distillée des fleurs est également odo- rante. On donnait autrefois l’infusion des sommités fleuries aux épileptiques, aux femmes vaporeuses, aux hypochon- driaques , mais nous n’avons aucun fait qui constate les succès de ce remède. Au reste le Caille-lait a des propriétés économiques dont on peut tirer parti. Ses fleurs bouillies dans une eau d'alun avec de la laine, donnent à celle-ci une couleur orangée. La racine arrachée en automne ou au printemps , bien nettoyée et disposée par couches avec la laine filée, ensuite bouillie avec la petite bière, teint la laine en rouge. En Angleterre, on emploie le Caille-lait pour donner une nuance jaune aux fromages. Les sommités fleuries sont un bon fourrage pour les chèvres et les moutons. Le Caille-lait blanc ( Galium mollugo, Linn.) ne diffère guère de l'espèce précédente que par la couleur blanche de sa fleur. Il se trouve aux mêmes lieux, et 1l a les mêmes qua- lités tinctoriales. En Russie, au rapport de Pallas, les femmes emploient les racines du Caille-lait blanc, au lieu de garance, pour temdre les laines. Considéré comme fourrage, il plaît davantage aux bestiaux que le Caille-lait jaune. Le Caille-lait du Nord (Galium boreale, Linn.) sert, en Russie, aux mêmes usages. Les brasseurs colorent la bière avec sa racine. Le bétail mange également cette plante. DES PLANTES USUELLES, 269 GARANCE. RUBTA. Calice à quatre dents. Corolle en cloche évasée, à quatre ou cinq divisions, à quatre ou cinq étamines. Fruit composé de deux baies glabres et arrondies. GARANCE DES TEINTURIERS. RUPBIA TINCTORUM. Rubia tinctorum. Vann. Spec. 158. DC. FI. Fr. 3388. Lam. Encycl. Bot. 2. 604. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 68. BLAcKW. Herb. t. 326. Sa racine est cylindrique, traçante, rameuse, rougeâtre. Elle produit plusieurs tiges longues de deux ou trois pieds, sarmenteuses, quadrangulaires, noueuses, hérissées d’ai- guillons. De chaque nœud sortent cinq ou six feuilles oblon- gues, pointues, verticillées, garnies à leurs bords et à leur nervure postérieure de dents crochues et blanchâtres. Les fleurs sont petites et d’une couleur jaunâtre; elles naissent sur des pédoncules rameux, disposés dans les ais- selles des feuilles supérieures. Le fruit est formé de deux baies unies ensemble, molles et succulentes dans leur matu- rité. On trouve dans chacune de ces baies une semence presque ronde. On trouve cette plante en tale, en Suisse, et dans nos provinces méridionales. Elle est commune dans les Pyrénées. La racine de Garance a joui d'une haute réputation comme substance médicinale ; elle est maintenant presque inusitée. 270 NOUVEAU TRAITÉ On avait remarqué anciennement qu’elle avait la propriété de teindre l'urine en rouge. Elle colore également les os des animaux qui s'en nourrissent. Si on leur donne alternative- ment de la Garance et du fourrage pur, de quinze jours en quinze jours, leurs os se trouvent marqués de cercles con- centriques alternativement rouges et blancs. On a conclu de ce phénomène physiologique que la Ga- rance pourrait être placée utilement dans le traitement du rachitis ; mais bientôt les espérances se sont évanouies, et l'observation n’a point confirmé les éloges de Levret, Schlos- ser et autres partisans de cette racine. Cependant on la compte parmi les substances apéritives, et quelques vieux praticiens en font encore usage pour résoudre l’engorgement chronique du foie. Sa composition chimique n'annonce pas des propriétés très actives. Elle est inodore, et d’une faible amertume. Tisane de Garance. Prenez : racine de Garance, trois ou quatre gros; faites bouillir dans une livre et demie d’eau pendant un quart d'heure, et ajoutez vers la fin une pincée de sommités fleuries de houblon et une once de miel de Narbonne. On prend cette tisane en trois doses dans le courant de la journée. On cultive la Garance dans plusieurs de nos départemens, et dans presque toutes les parties de l’Europe. Elle se mul- tiplie de graines , de drageons et de provins. On ne la récolte qu'après trois ou quatre années de végétation. Ce temps est nécessaire pour que les principes qui lui donnent tant de prix dans les arts soient parfaitement élaborés. La Garance contient une matière colorante, d'un jaune fauve, très soluble DES PLANTES USUELLES. 271 dans l’eau, et ure matière colorante d'un rouge vif, qui ne s'y dissout qu'à l'aide de la première. C'est une des plantes économiques les plus utiles. Elle donne une teinte écarlate qui est, sinon brillante, du moins solide et durable. Les semences légèrement grillées donnent une sorte de café qui, dit-on, n'est point désagréable. CAFTER. COFFEAÀ. Calice très petit, à cinq dents. Corolle en entonnoir ; tube cylindrique ; orifice un peu dilaté; limbe plane à cinq lobes. Étamines saillantes. Baie ovoide ou arrondie, rarement oblongue, ombiliquée. Semences recouvertes d’une arille, planes d’un côté, convexes de l’autre. CAFIER D’ARABIE. COFFEA ARABICA. Coffea arabica. Lann. Spec. 245. Lam. Encycl. Bot. 1. 550. KERN. Gen. Plant. v. 5. Icon. Juss. Acad. 388. ÉYAS C'est un arbrisseau toujours vert qui s'élève jusqu’à la hau- teur de quinze à vingt-cinq pieds, sur une tige droite, de trois à quatre pouces de diamètre. Ses rameaux sont presque cylindriques, opposés deux à deux, et situés de manière qu'une paire croise l’autre; une écorce fine et grisâtre les re- couvre ainsi que la tige. Les feuilles sont ovales, lancéolées, aiguës, entières, ondulées, d'un vert luisant en dessus, d’un vert pâle en dessous. On remarque vers la base de leurs pétioles, sur la face nue des rameaux, deux stipules opposées dont la pointe se termine en alène. 242 NOUVEAU TRAITÉ Les fleurs sont blanches, sessiles, d’une odeur suave, ras- semblées quatre ou cinq ensemble dans les aisselles des feuilles. Les fruits sont globuleux, à peu près de la forme de nos cerises, rouges ou d'un rouge brun dans leur parfaite matu- rité, ombiliqués à leur sommet. Ils contiennent, sous une pulpe d’un goût douceâtre , deux graines ou semences ovales, aplaties et sillonnées d'un côté, convexes de l'autre, d’une consistance cornée, d'une odeur et d’une saveur aromatiques qui se développent par la torréfaction. Le Cafñer est originaire de la haute Éthiopie, où il est cultivé de temps immémorial. Celui que l'on cultive dans YYémen, vaste contrée de l'Arabie heureuse, porte un fruit d'une couleur jaunâtre, d’une bonne odeur, appelé par excellence café Moka. C’est le plus parfait de l'univers. Les immenses plantations de Cafers qui enrichissent l'Amérique, viennent toutes, dans l'origme, de deux pieds que fournit le Jardin des Plantes de Paris. C’est Declieux, officier de marine, qui fut chargé de porter ce trésor aux Antilles. Pendant son voyage, l’eau étant devenue rare sur le vaisseau, il partagea chaque jour, avec ses arbustes chéris, la faible ration qu'on lui donnait. ( Voyez l'histoire du café dans notre Phytographie médicale, nouv. édit. tom. 11, pag. 289.) Tout le monde connaît ces graines délicieuses qui portent le nom de café, et presque tout le monde voudrait prendre chaque jour du café Moka. Mais on le trouve rarement pur dans le commerce; le café de l'île Bourbon le remplace. Quelques amateurs lui préfèrent même le café de la Marti- nique qui est plus substantiel, mais d'un parfum bien moins suaye. Le café contient du mucilage, de l'acide gallique, une DES PLANTES USUELLES. 213 matière résineuse, une huile essentielle concrète, de l’albu- mine, et un principe aromatique volatil. M. Pelletier et M. Garot en ont extrait une substance particulière qu'ils appellent caféine. Avant la torréfaction, le café a une saveur un peu âcre et amère; il perd la première lorsqu'on le brûle, mais il conserve encore une partie de la seconde. La torréfaction développe les principes solubles; elle doit être modérée, si l'on veut conserver l’arome, et ne pas décomposer l'acide, la gomme et la résine. Ordimairement on le réduit en poudre au moulin, mais il vaut mieux le triturer dans un mortier de marbre avec un pilon de bois. On a singulièrement exagéré, ce me semble, les dangers du café, et c'est à tort que le célèbre médecin de Lausanne en interdit l'usage aux hommes de lettres. Il est certain que cette agréable liqueur, prise avec modération, réchauffe dou- cement l'estomac, augmente son action digestive, ranime la circulation, et excite même les fonctions de l’entendement. Il soulage presque toujours les personnes sujettes à de fortes migraines, et dont l'estomac digère avec lenteur. C’est un remède domestique dontles Écyptiennes font un grand usage pour exciter la menstruation. On peut sans crainte conseiller le café aux hommes sédentaires, assoupis, paresseux, chargés de graisse et d'obésité. Cette boisson les stimulera agréablement, et les rappellera, pour amsi dire, à la vie. Mais l'usage habituel du café sera nuisible aux personnes très trritables, sujettes à des mouyemens spasmodiques, à linsomnie, à des constipations opiniätres. Les femmes en- ceintes, qui ont déjà éprouvé de fausses couches ou des pertes JL. 18 974 NOUVEAU TRAITÉ utérines ; doivent craindre son action stimulante, ét en user sobrement. Au reste, les Turcs, les Persans, les Indiens, tous les peuples de l'Europe, font une grande consommation de café, et 1l ne paraît pas qu'ils s’en portent plus mal, qu'ils vivent moins long-temps. Voltaire, Fontenelle, Delille, l'empe- reur Napoléon, en prenaïent tous les jours. Les trois pre- miers sont morts de vieillesse; c'est le chagrin et non le café, qui a tué Napoléon. Si vous aimez le café, si vos entrailles ne sont point douloureuses, si après avoir savouré cette excellente liqueur, vous vous sentez ranimé, plus apte au travail, continuez, et ne vous effrayez point des menaces, des prédictions sinistres du docteur Hahnemann, qui a com- paré le café aux plus affreux poisons. L'espèce de rigueur avec laquelle certains médecins ont condamné l’usage du café au lait, est aussi injuste que ridi- cule; car si ce mélange agréable ne convient pas à quelques personnes, il est très salubre pour une foule d'autres, qui en font, avec raison, leur déjeuner habituel. Le café étendu dans du lait est, dit-on, nuisible aux femmes, dont il relâche l'estomac et les intestins. «C’est le café au lait qui leur donne cette maladie fâcheuse qu'on nomme fleurs blanches. En vain les médecins ont crié contre ce détestable déjeuner, en ont démontré le péril, l'habitude et le goût prévalent, et on sacrifie sa santé au plaisir d'un moment. Si les femmes remplaçaient du moins le café par la poudre de chicorée ou de pois ciches, elles obtiendraient une liqueur moins irritante et presque aussi agréable. » C'est un botaniste qui nous dit ces belles choses, et qui sans doute n'aime point le café. S'il l'aimait il serait plus in- dulgent. Nous ne prétendons point que ce déjeuner convienne DES PLANTES USUELLES. 275 à toutes les femmes; mais il en est qui ne peuvent digérer, le matin, ni la viande, ni les légumes, tandis qu'elles se trou- vent à merveille d’une tasse de lait parfumé avec un peu de Moka, et convenablement sucré. Quant au café de chicorée, de pois ciches, de carotte, etc., on fera bien d'y renoncer, c'est du temps, du combustible et du sucre perdus pour Féco- nomie domestique. Mixture fébrifuge. Prenez : café torréfié et broyé, six gros ; suc de citron, deux onces ; eau pure, trois onces. Ce breuvage doit être pris chaud et à jeun pendant Bai In- tervalles de la fièvre. II est quelquefois utile de le renouveler quelques instans avant le frisson. On guérit ainsi la plupart des fièvres intermittentes dans la Morée et à Constanti- nople. Le docteur Grindel, conseiller aulique de l’empereur de Russie , le docteur Pouqueville, et autres médecins, recom- mandent le café comme un excellent fébrifuge. Nous l'avons employé nous-même assez souvent, et nous pouvons affirmer qu'il a dompté des fièvres qui avaient résisté au sulfate de qui- nine. Nous donnions aux malades un peu difficiles une forte infusion de café Moka avec une cuillerée de jus de citron et un peu de sucre. Voici une préparation de café pour ceux qui n’ont point la fièvre; nous l'empruntons au célèbre Carème. Gelée au café Moka. Mettez six onces de café Moka dans un moyen poëlon d'of- lice, et torréfiez-le sur un feu modéré, c'est-à-dire que vous 9276 NOUVEAU TRAITÉE le colorez sur un feu doux, en ayant soin de le remuer con- tinuellement, afin de lui donner une couleur égale. Lorsqu'il est brülé d'un beau jaune rougeâtre, vous en retirez le hui- tième ; vous jetez le reste dans trois verres d'eau filtrée et presque bouillante. Couvrez parfaitement l'ébullition et la laissez refroidir. Pendant ce temps, faites bouillir un demi-verre d’eau : en le retirant du feu vous y mettez le huitième dn café moulu , et pour précipiter le marc, vous y joignez un peu de colle de poisson. Quand il est bien reposé, vous le tirez à clair et le mêlez avec l'infusion, que vous aurez passée au tamis de soie. Vous faites filtrer cette liqueur à la chausse, et vous y ajoutez douze onces de sucre clariñié, une once de colle et un demi- verre de kirsch-wasser. Versez la gelée dans le moule, et mettez sur le couvercle de la glace pilée. Café à la créme frappé de glace. Vous faites une infusion assez forte de café Moka ou de café Bourbon; vous la mettez dans un bol de porcelaine, vous la sucrez convenablement, et vous y ajoutez une égale quan- tité de lait bouilli ou le tiers d’une crême onctueuse. Vous en- tourez ensuite le bol de glace pilée. C'estun déjeuner délicieux pendant les grandes chaleurs de l'été. Le docteur Bonnafos de Perpignan le conseillait à ceux qui avaient perdu l'appétit, et qui éprouvaient une faiblesse générale. Cet aimable épicurien , dont la mémoire nous sera toujours chère, nous disait un jour : « Étudiez , mon ami, ce qui est bon, ce qui plait aux hommes; tâchez de devenir un peu friand , faites de petites expériences gastronomiques Sans blesser les lois de l'hygiène, vous vous en porterez mieux, NA û DES PLANTES USUELLES. 271 et, dans certaines circonstances, vous exercerez sur les ma- lades enclins à la gourmandise un pouvoir sans bornes. Dé- Jeunez pendant les mois de juillet et août avec du café glacé, et pendant l'hiver avec des potages aux bécasses. Avec ce ré- gime, j'ai ramené à la santé et à la raison un ancien chanoine qui ne mangeait presque plus, et qui était déscoûté de la vie. » La famille des Rubiacées renferme des végétaux énergiques dont nous avons donné une description très étendue dans un autre ouvrage : ce sont l'ipécacuanba et le quinquina. ( Voyez notre Phytograplue médicale , tom. 11, pag. 202 et 321.) 278, NOUVEAU TRAIÎTÉ VALÉRIANÉES. VWALERIANEÆ. V’alerianeæ. DC. VALÉRIANE. VALERIANA. Calice à limbe plumeux, roulé en dedans pendant la florai- son, et se déroulant à l'époque de la maturité. Corolle en en- tonnoir, sans éperon, à cinq lobes inégaux. Une à trois éta- mines. Capsule à une loge monosperme. VALÉRIANE OFFICINALE. VALERLANA OFFICINALIS. V'aleriana officinalis. Lann. Spec. 45. DC. F1. Fr. 3315. Porr. Encycl. Bot. 8. 300. Lapevyr. Plant. Pyr. 1. 18. CHEv. FI. Par. 3. 601. FI. Dan. t. 570. Lam. Illustr. t. 24. La Valériane officinale croît spontanément dans les lieux humides et ombragés de l’Europe : sa racine est blanchâtre, fibreuse, rampante, d’une odeur forte. Ses tiges sont droites, cylindriques , striées, un peu velues, hautes de trois à quatre pieds, garnies de feuilles ailées, à folioles étroites, lancéolées, pubescentes, dentées en leur bord et d'un joli vert. Pl DES PLANTES USUELLES. 279 Les fleurs sont blanches ou purpurines, odorantes et dis- posées en panicule au sommet de la tige et des rameaux. Elles ont un calice adhérent avec l'ovaire, et dont le limbe est roulé en dedans jusqu'à l'époque de la maturité des graines, une corolle imfundibuliforme, à cinq lobes, trois étamines saillantes et un style. Les semences sont oblongues et cou- ronnées par une aigrette plumeuse. Cette plante est assez commune aux environs de Paris, dans les bois de Meudon et de Chevreuse. On la trouve aussi dans les Pyrénées. On l'appelle Valériane sauvage. VALEÉRIANE PHU. VALERIANA PAU. V'aleriana phu. Lin. Spec. 45. DC. FL Fr. 3316. Porr. Encycl. Bot. 8. 297. Lapeyre. Plant. Pyr. 1. 18. BLACK. t. 250. Cette belle espèce se cultive dans les jardins sous le nom de grande Valériane. Sa racine est épaisse, fusiforme, ridée, odorante; sa tige, bifurquée, fistuleuse, haute d'environ trois pieds. Les feuilles radicales sont ovales, pétiolées, entières, quelquefois en forme de lyre, les feuilles caulinaires pinnati- fides, à folioles lancéolées, pointues. Les fleurs sont blanches ou rougeâtres, disposées en panicule au sommet de la tige et des rameaux. On trouve cette plante en Allemagne, dans les Alpes et dans les Pyrénées. Sa racine exhale une odeur forte et péné- trante. La Valériane nard-celtique ( Valeriana celtica) croît sur les rochers des Hautes-Alpes, dans le Piémont, au Mont- Cenis, etc. Sa racine écailleuse, noiïrâtre, fortement odo- LÉ. 280 NOUVEAU TRAITÉ rante, pousse une tige grêle, simple, peu élevée. Les feuilles radicales sont oblongues , obtuses, entières ; les feuilles supé- rieures plus étroites. Les fleurs sont terminales, sessiles, de couleur de rose, et disposées en grappe allongée. Une autre espèce, la Valériane des Pyrénées ( Valeriana Pyrenaica) , se fait remarquer par une tige simple, cylindri- que, très élevée, quelquefois un peu rougeâtre. Les feuilles inférieures sont grandes, cordiformes, dentées, pétiolées, d’un vert sombre; les supérieures sont ternées. Les fleurs, d’une teinte purpurine, naissent en corymbe serré sur des pédoncules velus; elles ont trois étammes. Ces différentes espèces doivent être mises au rang des plantes médicinales. Toutefois la Valériane sauvage, ou la première espèce, est celle dont on a le mieux étudié le mode d'action. Sa racine est fibreuse, brune en dehors , blanchâtre inté- rieurement, d'une odeur camphrée, diffusible, d’une saveur âcre, amère, un peu salée. Elle donne à l'analyse un prin- cipe particulier soluble dans l’eau, insolublesdans l'éther et dans l'alcohol, de la résme noire, une huile volatile ver- dâtre, d'une odeur camphrée, de l'extrait gommeux et de la fécule. On a sans doute exagéré les succès de la Valériane dans les affections graves du système nerveux, et il serait ridicule de la regarder comme le véritable remède de l’épilepsie; cepen- dant 1l n’est pas rare de la voir réussir dans cette maladie difficile, par l'excitation vive et subite qu'elle porte sur l'or- ganisme; et si elle ne produit pas souvent une cure radicale, elle a du moins le précieux avantage de supprimer pour quel- que temps les paroxysmes. C’est ce que nous a appris notre propre observation , malgré les tentatives infructueuses faites par des hommes d’un grand mérite. AA DES PLANTES USUELLES. 281 Du reste, la Valériane est d’un bien faible secours contre l'épilepsie entretenue par des lésions organiques, ou par des affections morales profondes ; et celle qui succède à la sup- pression d'une hémorrhagie, ou à la répercussion de quelque maladie cutanée, exige des moyens plus directs. On ne serait pas plus fondé dans ces circonstances à employer l'opium, le quinquina , le campbre, les feuilles d'oranger, et autres mé- dicamens dont on a tour à tour prôné les succès dans le trai- tement des affections nerveuses. La racine de Valériane a dû fixer aussi l'attention des pra- ticiens dans les cas de fièvres intermittentes, de fièvres pu- trides et ataxiques , surtout lorsqu'elles se compliquent de la diathèse vermineuse. Combinée avec le quinquina, elle pro- duit alors de grands effets, et ce mélange est un des meilleurs vermifuges qu'on puisse administrer. On donne cette racine de plusieurs manières. Son imfu- sion théiforme doit être préférée à sa décoction, parce qu'elle conserve beaucoup mieux ses principes. La propor- tion est depuis deux gros jusqu’à une once pour une livre de véhicule. Lorsqu'on veut appliquer la Valériane au traitement de l'épilepsie et autres maladies spasmodiques, il faut, après avoir rempli les indications générales qui se présentent, l'ad- ministrer à fortes doses pour obtenir du succès. On commence par en donner tous les jours un demi-gros en poudre, et on élève progressivement la dose jusqu'à deux gros, et même davantage , suivant l'intensité et la fréquence des paroxysmes. Notre Phytographie médicale offre aux praticiens des prépara- tions nombreuses qu'on ne saurait placer ici. : te # 2892 NOUVEAU TRAITÉ MACHE. V'ALERTANELLA. Calice à limbe denté, adhérent à l'ovaire. Corolle sans épe- ron, à cinq lobes inégaux. Trois étamines. Capsule à trois loges, dont deux avortent très souvent. MACHE CULTIVÉE. VALERIANELLA OLITORIA. ’alerianella olitoria. Moencx. Meth. 493. DC: F1 Fr. 3330. — V’aleriana locusta. Lan. Spec. 48. Porr. Encyel. Bot. 8. 313. FI. Dan. t. 738. Ses racines blanchâtres et fibreuses produisent des tiges peu élevées , faibles, grêles, cylindriques, quadrangulaires, à bifurcations divergentes. Les feuilles sont opposées, allon- gées, un peu épaisses, tendres, molles, glabres , ordinaire- ment entières, quelquefois dentées vers leur sommet. Les feuilles inférieures sont rétrécies en pétiole à leur base ; les inférieures sessiles , presque conniventes. Les fleurs sont petites, de couleur blanche ou légèrement purpurine, et réunies en petits bouquets à l'extrémité des rameaux. Le fruit est glabre, un peu comprimé, simple, point couronné, un peu bordé latéralement. Cette petite plante croît dans les terrains cultivés , dans les vignes, dans les champs, dans les jardins. On la cultive gé- néralement sous les noms de Mäche, de Doucette, de Blan- chette. On l'appelait aussi Salade de chanoine. Les jardiniers DES PLANTES USUELLES. 283 en distinguent plusieurs variétés : la Mäche à petites feuilles ; la Mäche à larges feuilles ; la Mâche à la Régence. Cette der- nière est la plus forte et la plus productive. On sème les graines en tout temps. La Mâche a une saveur douce, un peu fade, mais elle offre une salade tendre, saine et rafraichissante, surtout quand elle est jeune. On la mange en hiver et au printemps. Quelquefois on y mêle du céleri pour en relever le goût. Cette salade champêtre était, dit-on, très recherchée des chanoines. Voilà le meilleur éloge qu'on en puisse faire : on a conservé le souvenir de leur friandise et de leur bon goût. Il s'est pourtant trouyé un homme difficile, un certain La- quintinie, qui a méprisé la pauvre Doucette : C'est, dit-il, une salade rustique et sauvage qu’on fait rarement paraître en bonne compagnie. Ce mauvais gourmand n'était pas digne d'être chanoine. La Mâche est surtout salutaire au printemps ; ses feuilles, plus tendres, plus succulentes, tempèrent, rafraichissent le sang un peu échauffé par le gibier et les mets épicés, dont on abuse assez souvent en hiver. Cette petite plante offre d’ailleurs une excellente nourriture au menu bétail, surtout aux agneaux qui la broutent avec plaisir dans les champs. 284 NOUVEAU TRAITÉ DIPSACÉES. DIPSACEÆ. Dipsaceæ. DC. CARDÈRE. DIPSACUS. Calice double, à bord entier, persistant. Corolle tubuleuse, à quatre divisions. Quatre étamines saillantes. Stigmate sim- ple. Réceptacle garni de paillettes épineuses, plus longues que les fleurs. Semence anguleuse, couronnée par les deux calices. CARDÈRE A FOULON. DIPSACUS FULLONUM. Dipsacus fullonum. Linx. Spec. 140. Lam. Encyel. Bot. 1. 622. Tllustr. t. 56. f. 1. DC. F1 Fr. 3293. Cnev. FI. Par. 3. 597. Sa tige est rameuse, droite, haute, cannelée, d'un vert terne , hérissée d'épines. Ses feuilles sont ovales, lancéolées, molles, d'un vert foncé, réunies par leur base en en- tonnoir. Les fleurs , d'une couleur rougeâtre, terminent la tige et les rameaux ; elles sont formées de paillettes courtes recour- bées en hameçon, et légèrement ciliées sur les bords. DES PLANTES USUELLES. 285 Cette plante robuste croît dans les lieux stériles, aux bords des chemins, le long des haies. On la cultive pour l'usage des manufactures de drap, et on l'appelle vulgairement Chardon à foulon. Elle est plus utile aux arts qu'à la médecine, et tout ce qu'on peut dire de ses vertus médicinales , c’est que sa racine est un peu diurétique. On trouve ordinairement à la jonction de ses feuilles cauli- naires une eau limpide qu'elle semble offrir au voyageur altéré; d'où lui vient le nom de Dipsacus, dérivé du mot grec qui veut dire j'a soif. Cette espèce de coupe contient quelquefois plusieurs verres d'eau. On croyait anciennement que cette eau avait une vertu cosmétique , et on la recueillait pour linflammation des yeux, pour les taches de rousseur. C'est un remède fort innocent. Au reste, les petits oiseaux y font quelquefois leur toilette du matin. SCABIEUSE. SCABIOSA. Calice double, adhérent, persistant ; l'extérieur membra- neux Ou scarieux , plissé; l'intérieur terminé par des arètes ou des soies. Corolle tubuleuse, à quatre ou cinq lobes iné- gaux. Quatre étamines saillantes. Stisgmate obtus, échancré. Semence ovale, couronnée par les deux calices. 286 NOUVEAU TRAITÉ SCABIEUSE DES CHAMPS. SCABIOSA ARVENSIS. Scabiosa arvensis. Lin. Spec. 143. DC. F1. Fr. 3301. Lam. Illustr. t. 57. f. 1. — Scabiosa pratensis hirsuta. F1. Dan. t. 447. Cette plante abonde dans les champs, dans les prairies, aux bords des chemins. Sa racine vivace, longue, un peu fibreuse , pousse des tiges velues, rondes, cylindriques, plus ou moins rameuses. Les feuilles caulinaires sont opposées, pinnatifides, presque ailées, lanugineuses, terminées par une découpure assez grande, pointue, crénelée ; les infé- rieures sont ovales, lancéolées, très souvent entières et dentées. Les fleurs, d'un bleu rougeâtre, sont réunies en tête sur des pédoncules velus. Les fleurettes de la circonférence sont plus grandes que celles du centre. SCABIEUSE SUCCISE. SCABIOSA SUCCISA. Scabiosa succisa. Lin. Spec. 142. DC. FI. Fr. 3300. Poir. Encyel. Bot. 6. 706. Desv. FI. Anj. 229. FL Dan. 10970; On rencontre cette espèce danses pâturages, dans les lieux incultes et dans les bois un peu humides. Elle est appelée Succise où Mors du diable, parce que sa racine est comme rongée à son extrémité. DES PLANTES USUELLES. 287 Ses tiges sont droites, rougeâtres, rameuses , hautes d’en- viron deux pieds, garnies de feuilles ovales, lancéolées, en- tières ou dentées, vertes en dessus, d’une teinte plus pâle en dessous. Les fleurs sont d'un pourpre bleuâtre, terminales, réunies en tête convexe, souvent au nombre de trois. Les fleurettes ne sont point inégales entre elles, et leur involucre est fort court. Une autre espèce croît dans les mêmes lieux; c’est la Sca- bieuse des bois, Scabiosa syloatca. Ses feuilles sont grandes, ovales, dentées, d’un vert brun, traversées par une nervure blanche. Ses fleurs sont termi- nales, d'un bleu rougeñtre. La corolle offre quatre segmens presque égaux. Les semences sont velues. Ces plantes n'offrent rien de très remarquable quant à leurs propriétés chimiques et médicales. La routine en a cependant consacré l'usage dans les maladies qui s'emparent de l'organe cutané, et plusieurs médecins les conseillent encore aujour- d'hui avec confiance. Quelques auteurs surannés les recom- mandent contre les fièvres ataxiques, et même contre la peste. La Scabieuse des champs est celle dont on fait plus fré- quemment usage. On emploie la racme, les feuilles et les fleurs. La dose n’est pas rigoureusement déterminée. On prépare, avec le suc exprimé de la plante fraîche, un sirop dont Geoffroy vante la propriété antidartreuse. Il faut en même temps bassiner les parties affectées de dartres avec la décoction de la plante. On ajoute à deux livres de cette décoction environ une once d'eau-de-vie camphrée. Enfin, l'eau distillée de Scabieuse sert quelquefois d'excr- 288 NOUVEAU TRAITÉ pient aux potions sudorifiques, sans rien ajouter à leurs vertus. La Scabieuse des champs est cultivée comme fourrage dans quelques cantons des Cévennes. Elle engraisse et ra- fraichit les bestiaux, particulièrement les moutons et les agneaux, qui en sont très friands. | DES PLANTES USUELLES 289 y COMPOSÉES. COMPOSITÆ. Compositæ. Apaxs. Linx. DC. I° TRIBU. CHICORACÉES. CICHORACEÆ. CHICORÉE. CICHORIUM. Involucre double, l'intérieur à huit folioles droites, soudées à la base, l'extérieur à cinq folioles plus courtes, ouvertes à leur sommet. Réceptacle nu ou garni de poils. Semences couronnées d'une aigrette sessile. CHICORÉE SAUVAGE. CICHORIUM INTYBUS. Cichorium intybus. Lixx. Spec. 1142. DC. F1. Fr. 2996. Lam. Encycl. Bot. 1. 732. — Cichorium sylvestre. BLackw. Herb. t. 185. Les terres légères et sablonneuses produisent abondam- ment la Chicorée sauvage. On la rencontre aux bords des champs et des chemins, où elle se fait remarquer par sa tige 4 290 NOUVEAU, TRAIÎTÉ droite, cylindrique, striée, peu rameuse, parsemée deypoils , haute d'environ un pied et demi; par ses feuilles oblongues, pubescentes, profondément découpées, avec un lobe ter- ._minal, élargi et presque triangulaire. Les fleurs sont grandes, sessiles, d’un joli bleu, ordinaire- ment réunies deux ensemble le long de la tige etdes rameaux. Les folioles calicinales sont ciliées. Les semences sont angu- leuses et couronnées d'une aigrette courte, sessile, écail- leuse. Cette plante offre des variétés à fleurs rougeûtres et à fleurs blanches. La Chicorée sauvage cultivée dans les jardins est beaucoup plus élevée, plus rameuse; ses féuillés sont plus longues, moins profondément découpées, et presque glabres. La Chicorée sauvage se présente ici comme un remède domestique , comme un médicament simple trop négligé ; et pourtant il en est peu d'aussi utiles, d'aussi salutaires. Les anciens et les modernes sont d'accord sur ses vertus, mais l'homme malade dédaigne les remèdes de son champ ou de son jardin. Toute la plante est imprégnée d'un suc laiteux, légèrement amer; elle contient beaucoup de nitre, du muriate et du sul- fate de potasse. Les anciens traitaient la plupart des affections abdominales avec la Chicorée sauvage qui est amie du foie, suivant l'ex- pression de Galien, et n'est point contraire à l'estomac. Les modernes n'ont pas moins estimé cette plante, et il fut un temps où on la donnait à pleines mains pour résoudre l'en- gorgement des viscères, pour dissiper la Jaunmissé, pour ranimer les fonctions du foie, etc. Ce traitement un peu trop empirique était quelquefois salutaire, mais il faisait néoliger d'autres moyens plus rationnels. C'est ainsi que la jaunisse, qui accompagne l'irritation vive ét douloureuse du DES PLANTES USUELLES. 291 “oie, demande autre chose que l'emploi des plantes amères et lactescentes. Une méthode plus tempérante, la saignée même ou l'application des sangsues, des boissons légèrement apé- ritives , comme le petit-lait, l'eau de chiendent, la limonade cuite, auront certainement plus de succès. Nous recommandons surtout les herbes chicoracées pour dompter les fièvres intermittentes de l'automne contre les- quelles on a épuisé les plus puissans fébrifuges. On fera une médecine plus naturelle, plus philosophique, en cessant d'attaquer directement ces fièvres réfractaires qui cèdent quelquefois à un régime doux, simple et substantiel. On a critiqué tout récemment cette médecine expectante, et l’on a dit qu'il fallait absolument vaincre la fièvre, si l'on voulait éviter l'engorgement des viscères. Nous nous en rapportons aux médecins hippocratiques. En continuant le quinquina et ses préparations alcalines, non seulement on ne guérit point la fièvre, mais on la rend plus opiniâtre, et l’on pro- voque en même temps l'irritation inflammatoire des tissus organiques. En pareil cas nous prescrivons une sorte de tisane pré- parée avec la racine et les feuilles de Chicorée qu’on édul- core avec une suffisante quantité de miel. Le suc exprimé de la plante fraiche et délayé dans du petit-lait, ou dans une. décoction de chiendent, est également efficace contre ces fièvres dégénérées qui résistent à l’action des fébrifuges vul- gaires. La Chicorée est le remède des hypochondriaques qui éprouvent une sorte de chaleur et d’embarras dans les viscères abdominaux, qui vont difficilement à la garde-robe. Qu'ils boivent de la tisane de Chicorée sauvage, qu'ils se nourris- sent de celle que la culture a adoucie, et de quelques autres plantes potagères ; qu'ils fassent régulièrement de l'exercice 299 NOUVEAU TRAITÉ sans fatigue, que évitent les excès de tout genre, ils nes tarderont pas à ressentir les bons effets de ce régime diété- tique. C’est avec la médecine des alimens qu'il faut traiter l'hypochondrie, et la plupart des affections nerveuses. Un régime doux, des distractions agréables, sort plus utiles que les remèdes nervins les plus vantés. ( On voit tous les jours les maladies de la peau, telles que les. dartres, les éruptions pustuleuses, les rougeurs, etc., résister à tout l'appareil pharmacologique, puis s'amender par des méthodes plus douces, plus simples, empruntées à la famille des chicoracées. La Chicorée sauvage, le pissenlit, la laitue, sont à la fois des remèdes et des alimens, mais c'est une médecine trop simple; et d'ailleurs comment re- noncer aux ragoûts, aux raffinemens de la cuisme, surtout au bon vin, aux liqueurs suaves de nos distillateurs? On aime bien mieux ces bonnes méthodes végétales, imprégnées de mercure, célébrées par nos journaux ; elles ne vous astrer- gnent à aucun régime, elles vous guérissent promptement et sûrement. Lecteur, n’en croyez rien, on vous trompe. Passons maintenant aux usages économiques de la Chico- rée sauvage. Cultivée dans les champs ou dans les jardins, elle devient plus douce et on en fait des salades fort appétis- santes. Pour en avoir continuellement, on la sème tous les quinze jours sur couche ou en pleine terre, suivant la saison. On coupe les jeunes feuilles pour la salade; les grandes feuilles font un excellent fourrage. Avec cette Chicorée, on obtient, l'hiver, la salade connue sous le nom de Barbe de capucin. De novembre en décembre, on fait dans une cave une couche de terre sablonneuse; on y place horizontalement, et la tête en dehors, les ragines de DES PLANTES USUELLES. 293 l'année, qui poussent bientôt de longues feuilles blanches étiolées. On les coupe pour l'usage de la table. IL faut soi gner et arroser à propos les semis. Cette espèce de salade est ordinairement tendre et d'une saveur amère; on la rend plus douce en y mêlant de la bette- rave. Elle est fort saine, et ranime l'appétit. Je ne sais si je dois parler du café de Chicorée. Cette poudre noire, qu'on obtient par la torréfaction des racines de la plante, n’a aucun arome, elle est seulement un peu amère. Les petits ménages de Paris et de la province n'ont pas encore renoncé à ce malheureux café. Ils s'en servent même pour gâter le café de l’île Bourbon ou de la Martinique, et s'ils avaient du vrai Moka, ils le déshonoreraient également. Par ce mélange, le café en devient plus noir, mais 1l perd une grande partie de son arome et de sa qualité agréablement stimulante. Il faut d’ailleurs un peu plus de sucre pour l’édul- corer. Ce n'est donc pas un café économique. La Chicorée sauvage n'est pas moins utile aux animaux qu'à l'homme. Elle croît dans toutes sortes de terres, mais elle réussit beaucoup mieux dans un sol léger et sablonneux. Comme elle pousse très promptement, elle donne un four- rage abondant et salutaire, dans une saison où les bestiaux, rebutés de la nourriture sèche de l'hiver, sont avides de plantes fraiches. Les vaches auxquelles on donne une ou deux rations de Chicorée par jour abondent en lait, et ce lait est aussi doux, aussi crèmeux, que lorsqu'elles sont nourries avec tout autre fourrage. La Chicorée plait également aux mou- tons, et aflermit leur santé. En Allemagne et en Prusse on la cultive assez généralement pour le bétail. Arthur Young, célèbre agriculteur, parle avec enthou- siasme de la Chicorée. « Je ne vois jamais, dit-il, cette excel- lente plante sans me féliciter d'avoir voyagé dans le but d'ac- LE) 29% NOUVEAU TRAITÉ quérir et de répandre des connaissances utiles. » Selon lui, l'introduction de ce fourrage en Angleterre, quand bien même un lord n'aurait fait autre chose pendant sa vie, suffi rait pour prouver qu'il n'a point vécu inutilement. Une autre espèce de Chicorée, qui est annuelle, se cultive également dans les jardins potagers, c’est la Chicorée endive { Cichorium endivia), dont on distingue, plusieurs variétés ; la Chicorée scarole ou à larges feuilles ({ Cichorium latifolium ) ; la Chicorée à petites feuilles ( Cichorium angusüfolium), et la Chicorée frisée ( Cichorium crispa). La Chicorée scarole a des feuilles larges, cassantes, plus charnues que celles des autres Chicorées. Lorsqu'elle est bien blonde et bien tendre, elle nous fournit des salades délicieuses. Salade de Chicorée endive. C’est une salade qui plaît à tout le monde, et qu'on sert sur les meilleures tables. Quelques amateurs aiment qu'on en relève le goût par un peu d'ail. Si vous êtes en famille, régalez-vous avec ce condiment de Gascon ou de Provençal ; mais si vous avez quelques convives, surtout des dames, consultez leur goût, le code de l'amphitryon vous le recom- mande expressément. Vous devez avoir d'ailleurs du vinaigre aromatique, où l'ail se trouve combiné avec d'autres sub- stances , de telle manière que l'analyse la plus fine ne saurait. l'y découvrir. De l'huile de Provence d’un vert d'émeraude, du vinaigre parfumé , de l’'Endive tendre, blanche, à feuilles capillaires, voilà de quoi faire une salade irréprochable, si vous savez ménager le poivre et le sel. Rien de plus sain, de plus exquis que cette salade pendant è DES PLANTES USUELLES. 295 les vives chaleurs de l'été. L’estomac la recoit avec un con- tentement qui se réfléchit bientôt dans tous les traits du visage. C’est une rosée bienfaisante qui le délasse, qui le ranime; ne vous inquiétez point de la digestion, elle se fera sans trouble, sans embarras, mais soyez sage au dessert. La Chicorée vient encore orner nos tables, préparée au maigre , à la crème ou au jus de viandes. Lorsqu'elle est bien cuite et nourrie de bon consommé, c'est un mets des plus sains et des plus agréables. Les vieillards, les femmes déli- cates, les enfans débiles, les convalescens, digèrent parfai- tement la Chicorée au jus. Quelquefois elle sert de parure à des blancs de volaille, à un carré de mouton, ou au classique fricandeau. Ces viandes en sont plus sapides et plus délicates. Quelquefois aussi on la mange simplement apprètée au beurre. On fait ainsi di- version à une chère plus riche, plus substantielle ; l'estomac prend du repos , les fonctions gastriques se remettent, et de nouveaux plaisirs attendent l'homme friand qui est versé dans l'art de bien vivre. C'est ainsi que se conduisait Horace. Il me charme vraiment quand il me dit : Me pascunt olivæ, me Cichorea, levesque malvæ. Des olives, de la Chicorée, de la mauve ! Oh! ce régime était sans doute le prélude de quelque Joyeux anniversaire. LAMPSANE. LAMPSAN 4. Involucre caliculé, muni à sa base de folioles courtes. Réceptacle nu. Semences lisses, caduques. 296 NOUVEAU TRAITÉ LAMPSANE COMMUNE. LAMPSANA COMMUNIS. Lampsana communis. Lam. Encycl. Bot. 3. 414. DC. FL Fr. 2876. CHE v. F1. Par. 3. 531. — Lapsana com- munis. Lin. Spec. 1141. F1. Dan. t. 500. Sa tige est ferme, striée, ordinairement très rameuse, haute d'environ quinze pouces. Ses feuilles inférieures sont en forme de lyre à leur base, et se terminent par un lobe fort grand, ovale, arrondi, un peu denté : les feuilles supérieures sont lancéolées, pointues, lisses et très glabres. Les fleurs sont petites, Jaunes, terminales, soutenues par des pédoncules grêles, droits, rameux, formant un corymbe au sommet de la plante. Cette plante croît dans les lieux cultivés, dans les champs, le long des haies; elle est fort commune et fleurit dans les mois de juillet et d'août. On la nomme vulgairement Herbe aux mamelles, parce qu'on l’appliquait autrefois sur les tu- meurs des seins. Elle est amère et laxative. On peut la substituer à la chi- corée sauvage. On la mange crue en salade , ou cuite au jus. On en fait un grand usage à Constantinople et dans plusieurs provinces de la France. LAITUE. LACTUCA. Involucre oblong, composé de folioles imbriquées, mem- braneuses sur les bords. Réceptacle nu; aigrette pédicellée. DES PLANTES USUELLES. 297 LAITUE CULTIVÉE. LACTUCA SATIF A. Lactuca sativa. Linn. Spec. 1118. Lam. Encycl. Bot. 3. 402. DC. F1. Fr. 2886. — ZLactuca. BLAckw. Herb. t. 88. C'est une plante annuelle dont on ignore l'origme, et qui se reproduit par la culture sous des variétés nombreuses. Sa tige est droite, cylindrique, glabre, rameuse à sa partie supérieure, garnie de feuilles alternes, ovales, oblongues, ondulées , amplexicaules et d’un vert pâle. Les feuilles infé- rieures ou radicales sont pétiolées et plus larges. Les fleurs sont petites, nombreuses, jaunâtres, droites, disposées en panicule vers le sommet des rameaux, et portées sur des pédoncules courts. Cette plante potagère, cultivée dans tous les temps et dans presque tous les pays, a un nombre prodigieux de variétés qu'on peut rapporter à trois races principales : la Laitue pommée ( Lactuca capitata), dont les feuilles sont arrondies, ondulées, concaves, réunies en tête comme un chou; la Laitue frisée, qui se distingue par ses feuilles découpées, dentées et crépues sur les bords ; et la Laitue romaine, à feuilles allongées , rétrécies vers la base, presque lisses et non ondulées. Toutes les Laitues ont une saveur douce, aqueuse, et des propriétés rafraichissantes, calmantes. Le bouillon de veau aux Laitues est un remède vulgaire, trop vulgaire peut-être, aussi est-il abandonné à la sœur de charité, à la garde- malade. Je ne connais pourtant pas de meilleur moyen pour rafraîchir les entrailles, pour favoriser les évacuations intes- tinales. 298 NOUVEAU TRAÏÎTÉ J'ai souvent conseillé ce bouillon de Laitues à des malades qui avaient abusé des purgatifs aloétiques, et qui étaient affectés d’une sorte d'hypochondrie. Ils ne tardaient pas à en éprouver un soulagement remarquable. Le bouillon de Laitues, ou bien leur suc exprimé et délayé dans du petit-lait, les bains tièdes, et un régime végétal , voilà la méthode que j'ai long-temps appliquée à la plupart des affec- üons nerveuses, accompagnées d'une sorte de spasme viscéral. Si les entrailles étaient douloureuses, je faisais précéder ce traitement de quelques saignées locales. C'est ainsi que je faisais de la médecine domestique. La Laitue jouit d'une vertu sédative qui a été remarquée de plusieurs médecins, bien qu'elle ait été contestée par d'autres. Galien, déjà vieux et fatigué par ses longs travaux, dormait paisiblement après avoir soupé avec de la Laitue. Van Swieten la conseille comme un doux parégorique. L'eau distillée avec soin n’est point dépourvue de pro- priétés anodines ; mais la décoction des feuilles réussit mieux ; on la sucre légèrement, et on l’aromatise avec un peu d’eau de fleur d'orange. | L’extrait de la plante est encore plus sédatif. Les médecins anglais emploient sous le nom de Lactucarium, et les méde- cins français sous celui de Thridace. Cette préparation a eu d'abord une grande vogue, et quelques praticiens la préfé- raient même à lopium. Mais on revient peu à peu à ce vieux calmant, qui est un remède divin lorsqu'on sait le manier avec sagesse. La Laitue doit ses propriétés alimentaires à son suc muci- lagineux , qu'anime faiblement un principe amer. On la mange crue ou cuite. Une sorte d'instinct conservateur nous DES PLANTES USUELLES. 299 fait désirer cet aliment pendant les chaleurs brülantes de l'été. En effet, rien ne vous rafraichit comme une salade de Laitue préparée par une main intelligente. Si vous êtes constipé, si vous souffrez des hémorrhoïdes, si la goutte vous tour- mente, si vous éprouvez des chaleurs intérieures, si vous vous êtes nourri pendant plusieurs jours de mets trop succu- lens, trop épicés, mettez-vous au régime des Laitues.Pen- dant mes attaques de goutte, assez rares, mais très vives, la Laitue crue ou cuite est presque mon unique nourriture, et ie m'en trouve fort bien. Il est pourtant des estomacs qui la digèrent difficilement. En général, la Laitue convient peu aux personnes inertes, sédentaires, d’un tempérament froid, phlegmatique ; elle devient flatulente, et trouble leurs digestions. Mais elle calme et tempère l’homme bilieux ou sanguin, l'homme _ agité par des passions vives, échauffé par les excès de la table. Les anciens, surtout les Grecs et les Romains, aimaient * singulièrement la Laitue ; ils la mangeaient au commence- ment et à la fin des repas. Elle a eu les suffrages de Martial, de Virgile, d'Horace, de Pline le jeune. Martial, qui était quelquefois admis à la table des grands comme poète et parasite, avait recours à la Laitue, qui lui tenait les entrailles libres : Prima tibi ventri Lactuca movendo uülis. 11 appelait aussi le repos de la bonne chère : Grataque nobilium requies Lactuca ciborum. Aristoxène de Cyrène, philosophe voluptueux, arrosait de vin et de miel les Laitues de son jardin, et les cueillant le lendemain dès l'aurore, il disait que c'étaient des gâteaux verts que la terre lui envoyait. On croyait anciennement que la Laitue avait une action sédative sur les organes de la génération. D'après Athénée, 300 NOUVEAU TRAITÉ les Pythagoriciens mangeaient une espèce de Laitue à feuilles larges et sans tige, qu'ils appelaient Eunuque. Il fait dire également à un certain Eubule : « Ma femme, ne me sers pas de Laitue sur ma table, ou ne t'en prends qu’à toi-même; car on dit que c'est sous cette plante que Vénus avait caché Adonis avant sa mort. Ainsi c’est un manger de morts. » Ce préjugé s’est pourtant répandu chez les peuples mo- dernes, et bien des gens se défient encore de la Laitue comme du nénuphar. Qu'ils se rassurent en voyant les gens du peuple et les villageois manger tous les soirs une grande quantité de Laitues au milieu d'une nombreuse famille. Ce n'est point la Laitue qui diminuera vos forces, ce sont les excès auxquels vous vous livrez qui vous rendront impuissant. Potage aux Laitues. On fait avec la Laitue d'excellens potages printaniers. On choisit des Laitues pommées et tendres, on les émince, et on les fait cuire à petit feu dans du bouillon. Quelquefois on y joint d'autres légumes , tels que carottes, ognons, Et oseille, etc. Ces Dos bn médicinaux sont placés avec avantage dans le régime des goutteux, des hypochondriaques, des phthi- . siques, etc. On les permet aux convalescens , à la suite des inflammations chroniques. Bien des malades qui ne peuvent supporter le lait, digèrent parfaitement ces potages com- posés de substances animales et végétales, qu’on peut rendre d’ailleurs plus nutritifs en y ajoutant quelques tranches de pain. Les médecins de l'ancienne école de Montpellier, qu'on allait consulter jadis de tous les points de l'Europe, ordon- naient une grande variété de bouillons médicinaux, et leur DES PLANTES USUELLES. 301 habileté dans le traitement des maladies chroniques était universellement reconnue. On reviendra peut-être un jour à cette médecine diététique que nous a léguée Hippocrate, mé- decine plus sûre, plus salutaire, plus en harmonie avec l'or- ganisation de l’homme, qu’une foule de médicamens dont l’action et les effets sont un objet continuel de controverse. ES Laitues au beurre frais. Disons maintenant quelque chose des préparations vrat- ment culinaires de la Laitue. Les gourmands tiennent peu à nos bouillons médicinaux , ils préfèrent les Laitues entières à l'espagnole, les Laïtues au jus. Eh bien ! nous leur conseillons plutôt les Laitues hachées comme les épinards , simplement . nourries de beurre frais et de bon bouillon. C’est un plat moel- leux, agréable, d'une esshen facile. L'espèce de coulis où baignent les Laitues entières est presque toujours âcre et trop épicé. On a beau les dresser en couronne, les glacer, les entourer de croûtons artistement découpés; chez les grands restaurateurs, même dans les grandes maisons, ce mets est rarement de bon goût. On est di la persuasion que la Laitue est froide et fade; on veut la réchaufler, la rendre plus sapide, on lui donne une âcreté brülante, qu'il faut étemndre par de copieuses hibations, et au lieu d'une nuit calme on a le cauchemar. La Laitue se sert encore avec toute sorte de TE de c'est une combinaison heureuse, surtout pour les estomacs irri- tables qui ont besoin d'être reconfortés. Voici un fait que nous mettons sous les yeux du lecteur un peu gourmand. Il verra que notre estomac met quelquefois en jeu les ss sions les plus violentes. 302 NOUVEAU TRAÏTÉ État de démence guéri par les Laitues. Un malade condamné à une diète sévère à la suite d'une gastro-entérite, se voyait dépérir tous les jours. Il avait autrefois beaucoup aimé une fort jolie personne, mais depuis long-temps sa blessure était guérie. Un rêve la lui montre : parée de nouveaux charmes. A son réveil, le souvenir de son 1 ancienne maîtresse l'obsède, l'irrite; sa tête s’exalte, sa ja- lousie renait, 1l devient furieux. On le saigne, on le baigne, sa folie redouble, il veut se suicider. Depuis huit ou dix Jours 1l prenait de l’eau d'orge gommée pour toute nourriture. On modifia son régime, et on lui pré- senta quelques cuillerées de Laitues cuites, arrosées avec le jus d'un poulet qu'on avait mis à la broche. A l'aspect de ce mets inattendu, il devient plus calme, il le dévore et demande encore à manger. On lui donne un blanc de poulet et un verre - d'eau rougie. Son estomac entièrement satisfait ne trouble plus les autres organes; il reprend son travail habituel, et la digestion se fait sans aucune espèce d'embarras. Enfin le ma- lade passe dans son lit, s’y endort presque aussitôt, et repose tranquillement jusqu'au lendemain. À peine a-t1l ouvert les veux qu'il s'écrie : Je meurs de faim. On lui donne encore du poulet et des Laitues au jus. Ce petit repas l'enchante, il veut savoir ce qu'il mangera plus tard, et il n’a aucun souvenir de” ce qui s’est passé la veille. d LAITRON. SONCHUS. Involucre oblong, imbriqué, ventru à sa base. Réceptacle nu; graines striées, surmontées d'une aigrette courte el sessile. w DES PLANTES USUELLES. 303 LAITRON OLÉRACÉ. SONCHUS OLERACEUS. Sonchus oleraceus. Linn. Spec. 1116. Lam. Encycl. Bot. 3. 398. DC. F1. Fr. 2895. FL Dan. t. 682. Engl. Bot. 843. Sa tige lisse, tendre, fistuleuse, un peu rameuse , haute d'environ deux pieds, porte des feuilles alternes, embras- santes, allongées, auriculées à leur base, glabres, d'un vert glauque, bordées de cils un peu épineux, découpées en lyre vers leur sommet, avec un lobe terminal fort grand et trian- gulaire. Les fleurs sont jaunes, terminales, portées sur des pédon- cules courts, lisses, glabres, un peu cotonneux sous le calice. Cette plante croît dans les lieux cultivés , dans les champs, dans les jardins. On en distingue une variété, à feuilles bor- dées de cils durs, comme épineux, plus étroites, et crépues ou ondulées sur les bords. On la rencontre dans les terrains pierreux et incultes. Le Laitron des champs et des jardins abonde en suclaiteux, un peu amer, très analogue à celui de la chicorée sauvage. Dans quelques cantons on mange les jeunes feuilles, soit en salade, soit cuites comme les épinards. Cette plante fournit une nourriture agréable aux vaches, aux lapins, aux lièvres. Le Laitron des Alpes ( Sonchus Alpinus, Linn.) est égale- ment alimentaire. Cest.une belle plante qui croît sur les hautes montagnes de la Laponie, dans les Pyrénées, dans les Vosges, dans les Alpes du Dauphiné et de la Provence. Sa tige est droite, cylindrique, très élevée, ordinairement un peu rougeâtre, hérissée de poils épars et redressés. Ses feuilles sont amples, amplexicaules, pinnatifides, terminées ré Ÿ ee 304 NOUVEAU TRAITÉ par un lobe triangulaire et denté. Les fleurs sont disposées en un épi lâche, d'un bleu tirant sur le pourpre. Toute la plante est également imprégnée d'un suc laiteux amer. Les Lapons mangent les feuilles, ainsi que les tiges dépouillées de leur écorce. On peut aussi faire usage d'une autre espèce qui croît sur les bords des étangs et des fossés aquatiques: c’est le Sonchus palustris. Toutes les espèces de Laitron sont alimentaires. Leurs propriétés se rapprochent de celles des autres chicoracées. On mange leurs feuilles jeunes et tendres en salade, ou bien on les fait cuire comme les épinards. L'hiver, leurs racines fraiches, assaisonnées comme les autres légumes, servent aussi d'aliment. ÉPERVIÈRE. HIERACIUM. Involucre imbriqué ; réceptacle nu ou quelquefois garni de soies plus courtes que les graines; aigrette sessile, formée de poils simples ou dentelés. ÉPERVIÈRE PILOSELLE. HIERACIUM PILOSELLA. Hieracium pilosella. Lin. Spec. 1125. LAm. Encycl. Bot. 2. 361. DC. FI. Fr. 2913. CHEv. El. Par. 3. 536. Bu. Herb. t, 279. FI. Dan. t. 1110. Du collet de sa racine naissent des rejets feuillés, ram- pans, ainsi qu'une tige grêle, nue, blanchâtre, haute de cinq ou six pouces, un peu velue. Les feuilles sont entières, DES PLANTES USUELLES. 305 ovales, rétrécies à leur base, garnieS de longs poils, d'un vert foncé en dessus, blanches et cotonneuses à leur revers. Les fleurs sont d’un jaune de soufre, terminales et soli- taires. Les semences sont noires, cunétformes, à aigrette simple, sessile, soyeuse. Les coteaux arides, les terrains sablonneux fournissent cette plante, qui fleurit tout l'été, et porte le nom de Piloselle ou Oreille de souris. ( Ses feuilles contiennent un suc amer, laiteux , légèrement styptique, très analogue à celui des autres chicoracées. Mais on lui préfère avec raison la chicorée et le pissenlit, dont on connaît beaucoup mieux les eflets. Cette espèce d'Épervière est au reste assez jolie pour orner les gazons champêtres. Nous passons sous silence l'Épervière des murs ( Hiera- cium murorum ), appelée vulgairement Pulmonaire des Fran- çais, dont les vertus ne sont pas mieux constatées. PISSENLIT. TARAXACUIM. Involucre à deux rangs de folioles : les intérieures droites, presque égales; les extérieures plus courtes, ouvertes ou réfléchies. Réceptacle nu; aigrette pédicellée. IL. 20 306 NOUVEAU TRAITÉ PISSENLIT DENT-DE-LION. TARAXACUM DENS LEONIS. Taraxacum dens leonis. Desr. F1. Atlant. 2. 298. Porr. Encycl. Bot. 5. 348. DC. FL Fr. 2952. Lam. Illustr. t. 635. — Leoniodon taraxacum. TLann. Spec. 1122. F1. Dan. t. 574. Sa racine cylindrique, lactescente, d'une grosseur mé- diocre, produit des feuilles allongées, glabres, plus larges vers leur sommet, profondément découpées, à pinnules den- tées à leur bord supérieur et un peu arquées en crochet. Du milieu de ces feuilles s'élève une hampe fistuleuse, quelque- fois un peu velue, haute de six à huit pouces, terminée par une grande et belle fleur d’un jaune vif. Cette plante offre plusieurs variétés, à feuilles velues, larges ou très étroites, presque entières ou finement décou- pées. Elle croît partout, dans les prairies, dans les jardins, au bord des champs, etc. La nature l'a multipliée pour nos besoins. On l'appelle Dent-de-lion, parce que les dentelures de la feuille ressemblent en quelque sorte à la mâchoire de cet animal. Le nom de Pissenlit n’a pas la même justesse. Toutes ses parties contiennent un suc laiteux, amer, où la chimie a trouvé un principe extractif, de la résine verte; de la fécule, du nitrate de potasse, et de l’acétate de chaux. C'est un remède domestique qui partage les vertus de la chicorée sauvage, et peut-être lui est-il préférable. On fait avec le Pissenlit des tisanes amères qui corroborent les mem- branes digestives, qui raniment l'appétit languissant. C'est en stimulant le système gastrique qu'il réagit sur le foie , et ? DES PLANTES USUELLES, 307 contribue à dissiper l'engorgement de ce viscère. Cependant des plantes plus amères et plus actives ne produisent point les mêmes effets. Notre Dent-de-lion aurait donc quelque chose de spécial dans ce genre de maladie? Ce qu'il y a de sûr, c’est que des praticiens célèbres, parmi lesquels nous comprendrons Van Swieten, faisaient un fréquent usage de cette plante pour résoudre les engorgemens abdominaux nés de fièvres intermittentesou d'affections hypochondriaques invé- térées. On emploie particulièrement le suc de la plante fraiche, soit seul, soit mêlé avec celui de quelques herbes apéritives et antiscorbutiques. Voici préparation de Van Swieten. Suc d'herbes. Prenez : Dent-de-lion avec toutes ses parties, fumeterre, cresson de fontaine, cerfeuil , de chaque une pincée. Hachez ces herbes, faites-les bouillir pendant cinq ou six minutes dans une chopine de petit-lait clarifié; passez avec expres- sion, et ajoutez tartrate de potasse , un à deux gros; miel de Narbonne, six gros. On prend tous les matins à jeun ce petit-laiten trois doses, en observant une heure d'intervalle de l’une à l'autre. Après un mois on remplace ce remède par les eaux de Spa. Aucune autre chicoracée ne fournit autant de suc laiteux que le Pissenlit. Mais, pour en obtenir d'heureux effets, il faut le donner à haute dose, soit dans du petit-lait, soit dans du bouillon de veau. Ce traitement, quand on a le choix de la saison, réussit beaucoup mieux en avril, mai et juin, époque de l’année où la plante jouit de toutes ses vertus. Plus tard elle n’agit plus aussi efficacement. Le suc de Pissenlit, mêlé avec celui de saponaire et de trèfle d’eau , est un puissant remède contre les dartres invé- 308 NOUVEAU TRAÎTÉ térées, surtout contre les fièvres quartes entretenues par l'engorgement des glandes. Ici les préparations de quinquina sont évidemment contre-indiquées, puisque la fièvre est elle- même un moyen de guérison, lorsqu'elle est modérée. Le quinquina ne devient utile que pour combattre quelques symptômes graves. Zimmermann regardait le suc des chicoracées comme le meilleur fondant des tubercules pulmonaires. Il en faisait également usage dans le traitement des hydropisies rebelles, et tous les médecins savent qu'il soulagea pendant quelque temps le grand Frédéric par le sucfdgPissentit qu'il lui don- nait à grandes doses. Les vieux praticiens prescrivent encore les chicoracées aux enfans affectés d'engorgemens glanduleux, d'atrophie mésentérique. Lorsque ces affections sont accompagnées de mouvemens fébriles et de la sensibilité des organes, il faut avant tout combattre cet état d'irritation et de spasme par les délayans, les adoucissans, les antiphlogistiques; on arrive ensuite peu à peu aux fondans et aux apéritifs, tels que les sucs de chicorée sauvage, de Pissenlit, de cerfeuil, de cres- son, etc., qu'on mêle avec le petit-lait, ou avec le bouillon de veau. Mais il faut que le régime alimentaire soit en harmonie avec ce traitement. Il est utile d'insister sur les alimens tirés des végétaux, sur les herbes et racines potagères, sur les fruits bien mûrs et bien succulens. Si ce régime fatigue et affaiblit, on le modifie en permettant un peu de vin, et en aromatisant un peu les mets. Enfin on permet les viandes blanches etautres alimens plus substantiels. On trouve un modèle parfait de traitement pour ce genre DES PLANTES USUELLES. 309 de maladies, dans les Consultations de Barthez, publiées par M. le professeur Lordat. (Voyez tom. 1, pag. 295.) Décoction de Pissenlit. La médecine domestique emploie ordinairement la tisane ou décoction de Pissenlit. On l'obtient en faisant bouillir une forte poignée de feuilles et racines dans une suffisante quan- tité d'eau. On la fait plus légère, quand on veut seulement réveiller un peu l’action de l’estomac et des intestins. Au reste les tisanes des plantes chicoracées ne se mon- trent vraiment efficaces que lorsqu'elles sont concentrées. Quel effet peuvent produire trois ou quatre feuilles de chi- corée sauvage ou de Pissenlit noyées dans deux ou trois livres d'eau? Cette boisson délayante n’est pourtant pas à dédaï- oner le matin à jeun, si la veille on a abusé des plaisirs de la table. Le Pissenlit fournit au printemps une salade un peu amère, mais saine et très appétissante. C'est la salade du faucheur, du cultivateur, du maitre d'école, et même du bon curé de village. On mange seulement les feuilles tendres et les jeunes pousses. On peut les faire cuire et les apprêter comme la chicorée. C'est une excellente mourriture pour les tempéramens bilieux, pour les sourmands qui éprouvent des embarras intestinaux, qui ont perdu l'appétit, et qui regret- tent les jouissances de la table. Le régime des chicoracées les remontera peu à peu, et dissipera ce dégoût qui fait leur supplice. Mais je leur conseille d'aller cueillir eux-mêmes le Pissenlit, au bord des champs ou dans les prairies; quand viendra l'heure du diner ils le trouveront meilleur. Le Pissenlit conserve la santé de la vache et de la chèvre; teur instinct les porte à cette pâture bienfaisante après les 310 NOUVEAU TRAITÉ fourrages secs de l'hiver. Les moutons et les agneaux l’aiment également, et l'abeille recherche ses fleurs. HELMINTHTE. HELMINTHTIA. Involucre à deux rangs de folioles. Graines striées trans- versalement ; aigrette pédicellée. HELMINTAIE VIPÉRINE. HELMINTHIA ECHIOIDES. Helminthia echioides. GOERTN. Fruct. 2. 368. t. 159, f, 2. Lam. Illustr. t. 648. DC. FL Fr. 2976. Cuev. FI. Par. 3. 552. — Picris echioides. LiNN. Spec. 1114. Cette plante est chargée dans toutes ses parties de poils durs et piquans. Sa tige est épaisse, fistuleuse, striée, ra- meuse, haute de trois pieds et plus. Les feuilles radicales sont un peu sinuées ou dentées, les autres entières et lan- céolées. . Les fleurs sont jaunes, disposées en corymbe sur des pé- doncules hispides : l'involucre extérieur est composé de cinq folioles larges, ovales, presque en cœur, très piquantes et presque épineuses. On trouve cette espèce d'Helminthie vers la fin de l'été, le long des haies, aux bords des fossés et des chemins. Elle croit aux environs de Paris et dans presque toute la France. On lui attribue les propriétés de la chicorée. Ses feuilles sont hispides, un peu amères ; on les cueille jeunes, et on les DES PLANTES USUELLES. 311 mange cuites dans les potages. La racine est douce et mucr- lagineuse. PORCELLE. HYPOCHÆRIS. Involucre oblong, imbriqué, inégal. Réceptacle garni de paillettes. Aigrette pédicellée, quelquefois sessile dans les fleurs de la circonférence. PORCELLE TACHÉE. HYPOCHÆRIS MACULAT A. Hypochæris maculata. Linx. Spec. 1114. Por. Encycl. Bot. 5. 570. DC. F1. Fr. 2954. Lapeyr. Plant. Pyr. 2. 487. CHE v. F1. Par. 3. 547. FI. Dan. t. 149. Les feuilles naissent presque toutes de la racine; elles sont grandes, ovales, oblongues, velues, marquées de taches d'un brun rougeâtre, légèrement dentées à leurs bords : les feuilles caulinaires sont petites et peu nombreuses. La tige est droite, haute de quinze à vingt pouces, divisée en deux ou trois rameaux allongés , hérissés de poils. Les fleurs sont grandes, jaunes, ordinairement solitaires ; les folioles de linvolucre sont d’un vert foncé, hérissées en dehors de poils noirâtres. Les graines sont brunes, un peu luisantes , rugueuses, surmontées d'aigrettes pédicellées. Cette plante croit sur les collines sèches, parmi les gazons et les bruyères, en Allemagne, en France, dans les Pyrénées, dans les Alpes. On la trouve aussi à Fontainebleau, à Saint- Léger, etc. 312 NOUVEAU TRAITÉ Les Smolandais mangent les feuilles comme les choux, et les porcs ne sont pas moins friands de la racine. SCORZONERE. SCORZONERA. Involucre oblong, imbriqué, entouré d'écailles inégales, membraneuses sur les bords. Réceptacle nu; graines ses- siles ; aigrette pédicellée. SCORZONÈRE D'ESPAGNE. SCORZONERA HISPANICA. Scorzonera hispanica. Lan. Spec. 1112. Por. Encyci. Bot. 7. 15. DC. FI. Fr. 2978. — Scorzonera sativa. BLAcKkW. Herb. t. 406. Cette plante alimentaire croît particulièrement en Es- pagne. On la trouve aussi dans les pâturages de nos pro- vinces méridionales. Sa racine est fusiforme, allongée, noirâtre en dehors, blanche intérieurement, charnue, laiteuse. Elle pousse des tiges cylindriques, cannelées, rameuses, hautes de deux à trois pieds, garnies de feuilles ovales, pointues, glabres, légèrement ondulées, amplexicaules, vertes à leurs deux faces, entières ou légèrement dentées à leurs bords. Les fleurs sont jaunes, terminales, solitaires, portées sur de longs pédoncules. Le réceptacle est nu; les semences sont allongées, presque cylindriques, cannelées, couronnées d’une aigrette plumeuse. DES PLANTES USUELLES. 313 On cultive la Scorzonère dans presque tous les jardins po- tagers. Sa racine est douce, émolliente, mucilagineuse, très nutritive. Un médecin espagnol, Nicolas Monard, a longuement dis- serté sur les vertus de cette plante, et 1l n'y a pas encore bien long-temps qu'on donnait sa tisane à presque tous les enfans atteints de la petite-vérole. Ce remède domestique que j'ai moi-même tourné en ridicule (et certes je m'en re- pens) était du moins fort innocent, fort doux; et la nature pouvait continuer paisiblement le travail qu'elle avait com- mencé. Vers la fin du dix-huitième siècle, la médecine est devenue plus philosophique, par conséquent moins crédule ; elle a examiné , analysé tous nos remèdes, et n’a conservé que les substances héroïques. Lisez les écrits de cette épo- que, vous pourrez vous convaincre que la pratique n’a jamais été aussi incendiaire. On croyait que la nature toujours aux abois ne pouvait marcher qu'à l'aide des plus forts stimulans. Cette philosophie turbulente et vaniteuse n’était point celle d'Hippocrate. Il faisait peu, il observait, il attendait, il secou- rait quelquefois la nature, mais il ne lui faisait jamais violence. Ainsi, nous pouvons donner lartisane de Scorzonère légé- rement sucrée, aux enfans attemts d’aflections éruptives, lorsqu'il n'existe aucun symptôme de congestion sanguine, ou d'embarras muqueux. Cette boisson un peu nutritive les soutiendra, et la maladie, abandonnée pour ainsi dire à elle-même, se terminera par une crise heureuse. Nous réser- verons la méthode tonique ou stimulante pour les enfans débiles et d'un tempérament lymphatique ; la saignée et les sangsues pour les enfans menacés d’une inflammation d’en- trailles, ou d’une congestion cérébrale. Mais ici la médecine domestique doit être sage, réservée, ou pour mieux dire elle doit s’aider des conseils d'un homme habile. 31% NOUVEAU TRAITÉ La Scorzonère fournit un mucilage abondant, qui nourrit fort bien sans échauffer les organes. On la conseille aux con- valescens, aux personnes qui ont les entrailles irritables, douloureuses, aux phthisiques, aux hypochondriaques, aux goutteux, aux femmes nerveuses, mélancoliques, sujettes aux inflammations utérines. On la leur donne simplement préparée au beurre ou à la sauce blanche. C’est un aliment doux, léger et très sain. On la sert également sur les meilleures tables, soit au jus de viandes, soit en friture. On en fait aussi de petits beignets très friands. SCORZONÈRE HUMBLE. SCORZONERA HUMILIS. Scorzonera hurnilis. Linn. Spec. 1112. DC. FI. FI. 2979. Lapeyre. Plant. Pyr. 2. 456. Cnev. KL. Par. 3. 553. JA co. F1. Austr. t. 36.— Scorzonera nervosa. LAM. F1. Fr. 2. 81. Porr. Encycl. Bot. 7. 21. Sa racine épaisse, noirâtre, pousse une toufle de feuilles ovales, lancéolées, rétrécies en pétiole, planes, entières, marquées de nervures longitudinales. La tige est droite, presque nue, glabre ou un peu cotonneuse, striée, haute de huit à douze pouces. Les fleurs sont terminales, jaunes, solitaires. Les folioles de l'involucre sont ovales, lancéolées, un peu cotonneuses à la base et sur les bords. Cette espèce croît en Allemagne, en Suède et en France. On la trouve dans les Pyrénées , dans la forêt d'Orléans, à Fontainebleau , à Montmorency, etc. DES PLANTES USUELLES. 315 On mange les jeunes tiges ainsi que la racine, qui contient un principe muqueux très abondant. On la donnait autrefois aux hypochondriaques. Toute la plante plaît beaucoup aux bestiaux. Les porcs aiment surtout la racine, et bouleversent les prés humides où elle abonde. SCORZONÈRE TUBÉREUSE. SCORZONERA TUBEROSA. Scorzonera tuberosa. NWViLLp. Spec. 3. 1501. n. 10. ParLas tin. 3. Append. n. 131. t. Y. f. 3. Porr. Encycl. Bot. 7. 19. C'est une petite espèce qui a des racines tubéreuses d'où s'élève une tige haute de trois à quatre pouces , cylindrique, presque simple, quelquefois divisée en deux ou trois rameaux, garnie de feuilles alternes , linéaires, aiguës, pubescentes à leur face inférieure. Les fleurs sont jaunes, terminales ; l’'involucre est imbri- qué d'écailles très courtes, lâches, réfléchies et sétacées à leur sommet. Les semences sont striées et surmontées d’une aigrette sessile. La Scorzonère tubéreuse croît dans la Syrie et sur les bords du Volga, dans les terres limoneuses et desséchées. Les Turcs et les Calmoucks se nourrissent de ses racines, qui sont d'un excellent goût. 316 NOUVEAU TRAITÉ SALSIFIS. TRAGOPOGON. Involucre composé d'environ huit à dix folioles égales et soudées ensemble. Réceptacle nu; graines striées en long ; aigrette sessile. SALSIFIS DES PRES. TRAGOPOGON PRATENSE. Tragopogon pratense. Lin. Spec. 1109. DC. EL Fr. 2988. CHEv. F1. Par. 3. 555. Buzz. Herb. t. 209. Lam. Hlustr. t. 646. Sir. Engl. Bot. t. 434. Cette plante a une racine fusiforme, charnue, laiteuse, d'où s'élève une tige ferme, un peu rameuse, striée, assez haute, garnie de feuilles alternes, lisses, étroites, lancéolées, amplexicaules, un peu ondulées à leurs bords, marquées dans leur milieu d’une bordure blanche. Les fleurs sont grandes, d’un beau jaune, solitaires à l’ex- trémité d'un long pédoncule. Le calice est un peu plus grand que la corolle, et ses folioles sont parfaitement glabres. On a donné à ce Salsifis, qui abonde dans les prés, le nom de Barbe de bouc (Tragopogon). Ses aigrettes longues et soyeuses ressemblent en quelque sorte à la barbe d’un bouc. Nous ne parlerons point des propriétés médicinales qu'on avait cru reconnaître en cette plante. Elle est remplie, comme l'espèce suivante, d’un suc lactescent fort doux et en même temps nutritif. On mange dans le Nord les jeunes pousses, les feuilles et les racines, dont le goût est fort analogue à celui du DES PLANTES USUELLES. +47 Salsifis des jardins, ou de la scorzonère d'Espagne. Les jeunes pousses s'apprêtent comme les épinards ; on les mange aussi en salade ; mais la racine n’est bonne et tendre qu'au prin- temps, avant le développement des feuilles. Plus tard elle devient dure et comme ligneuse. J'ai mangé plusieurs fois du Salsifis que j'avais récolté dans les prairies, cuit dans l'eau, et simplement apprèté avec du beurre, du sel et un peu de lait; je l'ai trouvé doux, tendre, excellent. Dans les cantons où les légumes sont rares, cette racine pourrait les suppléer. Il ne faut rien mépriser dans les campagnes; le philosophe Héraclite vivait d'herbes sauvages ; s'il et connu le Salsifis des prés, il s’en füt sans doute régalé. Un économiste allemand, Erhart, dit que l'armée de Jules-César, cernée par les soldats de Pompée, vécut pendant quelque temps des racines de cette espèce de Salsifis. Tous les bestiaux recherchent cette plante ; la chèvre seule ne la broute pas. SALSIFIS À FEUILLES DE POIREAU. TRAGOPODON PORRIFOLIUM. Tragopogon porrifotium. Linx. Spec. 1110. DC. F1. Fr. 2991. Poir. Encycl. Bot. 6. 478. Lapeyr. Plant. Pyr. 2. 455. JAcQ. Icon. Rar. t. 159. On reconnaît cette espèce à ses fleurs d’un pourpre violet plus ou moins foncé, et à ses feuilles qui ressemblent un peu à celles du poireau. Les racines sont blanchâtres en dehors et en dedans, charnues , fusiformes ; les tiges droites, hautes de deux à 318 NOUVEAU TRAITÉ trois pieds, cylindriques, lisses, fistuleuses, striées, ra- meuses ; les feuilles alternes , étroites, allongées, pointues, amplexicaules, creusées en gouttière à leur base, et d'un vert un peu glauque ainsi que les tiges. Les fleurs, portées sur un pédoncule renflé, terminent les rameaux ; elles sont solitaires, et d’une teinte violette. Cette plante, originaire des provinces méridionales, se cultive dans les jardins. On sème la grame à la volée, en février et avril, dans une terre substantielle, profonde. Elle ne redoute pas les engrais les plus actifs, et elle brave les hivers les plus rigoureux. La gelée fane ses feuilles, mais elle n'endommage pas ses racines, Les racines du Salsifis cultivé contiennent un sue muqueux abondant, très doux, et très nutritif. On les mange, comme les racines de la scorzonère, et on les conseille aussi aux con- valescens, aux phthisiques, aux dartreux, aux hémorrhoï- daires, à tous les malades qui ne sont pas astreints à une diète rigoureuse, mais qui redoutent les alimens d'une nature chaude, irritante. Enfin le Salsifis offre en général à tous les estomacs une nourriture douce, agréable et salubre. On confond très souvent, dans les cuisines, la scorzonère avec le Salsifs cultivé; celui-ci a des races blanches exté- rieurement ; celles de la scorzonère sont toujours noires. Au reste, les racines de ces deux végétaux ont à peu près le même goût et les mêmes qualités. L'erreur ne tire pas à consé- quence. On mange dans nos provinces du Midi les racines et les feuilles naissantes du Scolyme d'Espagne ( Scolymus Hispa- nicus). Cette plante chicoracée croît en Provence, en Lan- guedoc, aux bords des champs et des chemins. Elle à des racines épaisses, ramifiées, succulentes, des feuilles grandes , sinuées, épineuses et des fleurs jaunes. On DES PLANTES USUELLES. 319 l'appelle vulgairement Épine jaune, Cardoussés où Car- douilles. II TRIBU. CYNAROCÉPHALES. CYNAROCEPHALÆ. BARDANE. RAP PA Involucre sphérique, imbriqué d'écailles terminées par une épine crochue. Réceptacle garni de paillettes ; aigrette courte, persistante, à poils roides, simples, inégaux. BARDANE À TÊTES COTONNEUSES. LAPPA TOMENTOSA. Lappa tomentosa. Lam. Encycl. Bot. 1. 377. DC. F1. Fr. 3009.— Arctium lappa. Lann. Spec. 1143. — Arctium bardana. Wirip. Spec. 3. 1632. Engl. Bot. 1228. Sa tige épaisse, droite, striée, rameuse, haute de deux à trois pieds, porte des feuilles amples, pétiolées, cordiformes, d'un vert foncé en dessus, blanchâtres et cotonneuses en dessous. Les fleurs, d’une teinte purpurine , forment des têtes arrondies, toutes garnies d'une espèce de coton entre ieurs écailles calicimales. Cette plante croît aux bords des champs et des chemins, dans les lieux incultes, dans les décombres. Elle porte le nom 320 NOUVEAU TRAÎTÉ de Bardane ou de Glouteron, et fleurit en juillet. On dis- tingue plusieurs variétés ou espèces que Linné a réunies sous le nom d'Arctium lappa. Elles ont les mêmes propriétés mé- dicinales. La racine de Bardane est longue, fusiforme, spongieuse, ridée, d'une couleur brune en dehors, blanche intérieure- ment ; elle a une saveur douceâtre, légèrement amère. On a trop vanté et trop déprécié la Bardane. Elle ne guérit point les dartres rebelles; elle n'a rien de spécifique contre la sy- philis, contre les maladies goutteuses et rhumatismales ; maIs elle exerceune action douce sur.Ja peau ; elle rétablit la trans- piration et la moiteur de cet organe quand il est aride, irrité. Le professeur Alibert, qui a écrit si habilement sur les der- mostoses, conseille la Bardane comme un remède, simon spécial, du moins utile dans ce genre de maladies. Le célèbre Barthez recommande également les décoctions de Bardane comme un doux sudorifique qui soulage surtout les vieux goutteux. Cette plante favorise également les fonc- tions des reins; et l’on sait que les maladies goutteuses et rhumatismales se terminent quelquefois par une sécrétion abondante d'urines. «Forestus rapporte qu'un malade, détenu au lit par des douleurs de goutte, sans pouvoir remuer aucun de ses mem- bres, et ne pouvant être guéri par aucun des remèdes que lui prescrivaient les médecins, fit usage de la décoction de Bar- dane dans de la bière, ce qui lui fit rendre une grande quan- tité d’urines blanches, semblables à du fait, et qu'il fut amsi délivré de ses douleurs. » (Barthez, Traité des maladies gout- teuses, tom. 1, pag. 145.) La décoction de Bardane doit être employée avec constance, si l'on veut en éprouver de bons eflets; ce n'est point un remède énergique, il agit doucement et lentement; mais il DES PLANTES USUELLES. 321 soulage et dissipe même quelquefois les irritations goutteuses et rhumatismales. On coupe cette tisane avec un tiers ou un quart de lait, et l'on y ajoute un peu de miel. Nous la recom- mandons égaleinent aux dartreux, aux asthmatiques, d’après notre propre expérience. | Voilà ce que nous avions à dire sur la Bardane, plante presque abandonnée des médecins, à qui 1l faut toujours des remèdes nouveaux, et de nouveaux malades pour les éprou- ver. Comme plante dépurative, elle peut fort bien remplacer la squine et la salsepareille. N'oublions pas ses propriétés économiques. Les jeunes tiges, coupées avant la floraison de la plante, dépouillées de leur écorce, et parfaitement cuites, sont presque aussi agréables que les asperges. On les mange également crues en salade, assaisonnées avec de l'huile et du vinaigre. CHARDON. CARDUUS. Involucre mbriqué d'écailles pointues, épineuses. Récep- tacle garni de paillettes soyeuses ; aigrette caduque, à poils simples, réunis à leur base en forme d’anneau. CHARDON MARIE. CARDUUS MARTANUS. Carduus marianus. Tan. Spec. 1135. DC. FI. Fr. 3012. Engl. Bot. 976. — BLackw. Herb. t. 79. Sa tige est droite, épaisse, cannelée, rameuse, haute d'environ deux pieds, garnie de feuilles larges, smuées, anguleuses, embrassantes, d’un vert clair marbré de blanc, bordées de pointes dures et épineuses. If. 21 322 NOUVEAU TRAITÉ Les fleurs, teintes de pourpre, naissent solitaires au som- met de la tige ou des rameaux; les involucres sont courts, assez gros, à folioles ovales, imbriquées et bordées à la base d'épines simples , terminées par un appendice étalé, lancéolé, épineux au sommet. Ce Chardon fleurit en mai et juin, et se trouve communé- ment dans les lieux incultes. On l'appelle vulgairement Chardon argenté, Chardon Notre-Dame, Chardon Marie. Le nom de Marianus vient de Marie, la mère de Jésus- Christ : on a dit qu'une goutte de son lait, tombée sur cette plante, y fit les marques blanches que l'on voit sur ses feuilles. Nous croyons devoir épargner à, nos lecteurs les détails pharmacologiques dont cette plante a été l'objet. Ces répé- titions n'éclairent point, et deviennent fastidieuses. Nous dirons seulement qu'on lui a concédé des vertus apéritives , diurétiques , sudorifiques , fébrifuges, etc. Voici ses pro- priétés économiques. On mange au printemps les jeunes feuilles du Chardon- Marie, et de la plupart des autres espèces. Dans le Nord on se nourrit des jeunes pousses et des racines du Chardon des marais ( Carduus palustris). On peut même manger les jeunes tiges et le réceptacle du Chardon ériophore ( Carduus eriophorus), où Chardon aux ânes, avant l'épa- nouissement de ses fleurs. Mais je crois voir déjà certains savans froncer le sourcil ; je crois même les entendre mur- murer tout bas : l’'empoisonneur ! Qu'ils se rassurent; ces mets vulgaires ne sont faits que pour nous autres ignorans , ou pour quelques pauvres campagnards, trop heureux de partager avec leurs animaux les biens que leur donne la Pro- vidence. Dans des temps calamiteux, l’homme doit connaître les plantes qu'il foule sous ses pieds; celles qu'il a méprisées jusque-là peuvent prolonger son existence. DES PLANTES USUELLES, 323 ARTICHAUT. CYNAR1A. Lé Involucre très grand, ventru, imbriqué d'écailles charnues à la base, terminées en pointe épineuse. Tous les fleurons hermaphrodites. Réceptacle charnu, garni de soies. Graines couronnées d'aigrettes plumeuses. ARTICHAUT COMMUN, CYNARA SCOLFMUS,. Cynara scolymus. Lin. Spec. 1159. Lam, Encycl. Bot, 1.277. DC. FL. Fr. 3069. BLAcKwW. Herb, t, 458. Tout le monde connaît cette plante potagère dont la tige épaisse, cannelée, cotonneuse, divisée en quelques rameaux, s'élève à deux ou trois pieds de hauteur. Elle a des feuilles alternes, amples, presque horizontales, à découpures dentées ou pinnatifides, d’un vert cendré en dessus, revêtues en des- sous d’un duvet blanchâtre. Les fleurs, d'un pourpre azuré, forment une grosse tête à l'extrémité de la tige et des rameaux. Les écailles de l'invo- lucre sont larges à leur base, et se terminent en pointe non épineuse. L’Artichaut est oirginaire des contrées méridionales de l'Europe. On ne connaît point l’époque où l'horticulture en a fait la conquête. D'après Athénée ( Banquet des Savans), les Grecs le mangeaïent sous le nom de Kynara. On distingue plusieurs variétés d’Artichants. Il y en a de verts, de blancs, de violets, de rouges. La variété la plus 32% NOUVEAU THAITÉ commune, et que l’on cultive de préférence dans les climats du Nord, est l'Artichaut vert. On estime particulièrement le gros vert et le vert pâle de Laon comme plus charnus. Le violet est plus hâtif; on le mange cru ainsi que le rouge. On cultive dans nos départemens méridionaux, surtout en Provence, de petits Artichauts verts et violets d’une qualité supérieure. L’Artichaut sucré de Gènes a une saveur douce et fine qui plait à quelques friands ; mais il dégénère dès la seconde année, et on le cultive rarement dans nos jardins. On sème l’Artichaut en mai et juin, d’abord sur couche, ensuite on le met en place. Il donne ses calices écailleux quel- quefois dans l’année même. On le multiplie aussi par œille- tons, qu'on plante en avril, à deux pieds et demi de distance les uns des autres et en quinconce, dans une plate-bande, dont la terre, franche, légère et profonde est bien amendée. Cette plantation donne des fruits dans une année quand on la soigne. C'est une fort belle plante lorsque ses pommes écailleuses et rondes la couronnent. LP une promenade matinale dans la campagne , vous courez à votre potager; leurs teintes vertes, violettes, blanches ou purpurines enchantent vos regards ; : mais si vous êtes friand, si vous avez une serpette, vous coupez sans pitié les plus petites, les plus tendres, les plus fraîches : en quelques minutes vous avez un déjeuner sain et fort appétissant. C’est pendant les grandes chaleurs qu'on mange les Artichauts, préparés, comme on le dit, à la poivrade. N'oubliez pas de les arroser d'huile et de vinaigre ; cet assaisonnement les rendra plus sapides, et vous les digérerez mieux. VL Artichaut a une lésère amertume qui stimule l'estomac etranime l'appétit. C’est l'aliment de l'homme sédentaire, de l'homme froid, paresseux, que le plus léger nuage retient DES PLANTES USUELLES. 329 dans sa chambre. Le convalescent, les personnes faibles ou valétudinaires doivent manger les Artichauts cuits. Quelques hygiénistes ont prétendu, et Brillat-Savarin , qui était aussi un peu crédule en fait d'hygiène, a dit également que l’Artichaut avait une vertu aphrodisiaque. Ce fameux gourmand mangeait un ou deux Artichauts en se mettant à table; après ce prélude, il tombait sur des rognons au vin de Champagne, sur des côtelettes, sur des filets de volaille aux trufles, et tout cela était arrosé d'un flacon de vin de Pommard ou des côtes du Rhône! Pendant la chaleur générale produite par l'assimilation, 1l à pu avoir quelques réminis- cences, quelques velléités ; mais je proclame hautement l'in- nocence du pauvre Artichaut, au milieu de cette masse ali- mentaire. L'Artichaut cuit perd sa légère amertume, et ne fournit plus qu'un mucilage nutritif, point échauffant, d’une saveur fort agréable. On l’apprête d’une infinité de manières, à la sauce blanche ou brune, au velouté, aux fines herbes, à la Barigoule, etc., ou bien on le fait frire comme la scorzonère. Cette agréable friture vient quelquefois fort à propos réjouir le palais un peu fatigué du goût des viandes. Mais il faut que la pâte soit fine, légère et nourrie de beurre frais. Une vieille friture est presque un poison pour un estomac dé- licat. Les fleurs de l’Artichaut ont la propriété de coaguler le lait. L'eau dans laquelle les têtes ont bouilli sert au tannage des peaux, et les feuilles sont un excellent fourrage pour les vaches. Ces mêmes feuilles, hachées et bouillies, donnent à la temture une couleur solide de vigogne doré. On cultive dans quelques jardins l'Artichaut sans tige (Cy- nara acaulis), originaire des sables de la Barbarie, d'où 326 NOUVEAU TRAITÉ ss M. Poiret l’a rapporté. Ses feuilles sont lisses, sans épines, ses fleurs belles et d’une odeur suave. On avait cru d'abord que cette plante ne réussirait que dans la serre ou l'orangerie, mais on a reconnu qu'elle végète également dans nos climats, en pleine terre , si on lui donne une bonne exposition, et un abri contre les "M trop ri- goureux. On mange les racines de cet Artichaut, plus savoureuses encore que les feuilles calicinales et le réceptacle de l’Arti- chaut commun. ARTICHAUT CARDON. CIYNARA CARDUNCULUS. Cynara cardunculus. Lin. Spec. 1159. DC. F1. Fr. 3068.— Cynara spinosa. BAuH. Pin. 384. La tige est droite, épaisse, peu rameuse, très élevée. Les feuilles sont grandes, d'un vert blanchâtre en dessus, coton- neuses en dessous, pinnatifides, à lobes étroits, décurrens sur le pétiole , hérissés de fortes épines. Les fleurs sont terminales et d'un bleu violet; l'involucre est composé de folioles lancéolées , larges à leur base, termi- nées par une épine longue et très aiguë. Cette plante croît naturellement en Espagne, en Italie et dans le midi de la France. On la cultive dans les jardins po- tagers, sous les noms de Uarde, Cardon, Cardon d'Espagne. Les jardiniers distinguent deux espèces ou variétés de Cardon : l’une nommée Cardon de Tours, l'autre Cardon d'Espagne. La première est armée d'épines très piquantes à l'extrémité de chaque nervure des divisions des feuilles : la _ DES PLANTES USUELIES. 327 seconde n’a presque point d'épines ; ses côtes sont minces et moins tendres. Pour avoir des Cardons toute l’année , 1l faut en semer en plusieurs saisons. En janvier, on sème sur couches, sous cloches, ou encore mieux sous châssis. On sème de même en avril et mai, dans des trous bien amendés en bon ter- reau, pour l'automne et l'hiver. On arrose fréquemment pen- dant la sécheresse. Dans les bonnes terres, les côtes des feuilles, qui sont la seule partie que l'on mange, acquièrent une grosseur considérable. On fait étioler ou blanchir les Cardons lorsque les feuilles sont assez fortes. Pour cela on amoncelle la terre à leurs pieds ; on rapproche avec du jonc ou de l'osier les feuilles qui sont très longues, et on les enveloppe de paille sèche. Le Cardon s’étiole dans trois semaines ; plus long-temps amsi serré, il pourrit. On mange les pétioles des feuilles et leurs côtes longitu- dinales. C'est un aliment qui devient doux et tendre par la cuisson , mais qui demande à être relevé par un peu d'assai- sonnement. On apprèête les Cardons au consommé , à la bé- chamel, en purée, etc. On les donne aux estomacs délicats, aux convalescens , comme une nourriture légère et de facile digestion. J'ai nourri pendant environ deux mois, avec des Cardons et des Épinards, un malade qui éprouvait une irritation douloureuse dans la région du foie, et qui ne pouvait digérer aucune autre espèce de légume. 328 NOUVEAU TRAITÉ CARLINE. CARLINA. Involucre imbriqué de fohioles : les extérieures lâches, si- nuées, épineuses ; les intérieures scarieuses, luisantes, colo- rées, ouvertes en forme de rayon. Réceptacle garni de pail- lettes multifides à leur sommet. Aigrettes plumeuses ; rayons de l'aigrette réunis à leur base en forme d'anneau. CARLINE VULGAIRE. CARLINA VULGARIS. Carlina vulgaris. Lin. Spec. 1161. Lam. Encycl. Bot. 1. 624. Illustr. t. 662. DC. FI. Fr. 3098. Bazs. F1. Lyon. 1. 414. Cnev. F1 Fr. 3. #69. Lapeyre. Plant. Pyr. 2. 497. Sa tige est droite, simple ou un peu rameuse, haute d’en- viron un pied, rougeâtre inférieurement, cotonneuse à sa partie supérieure , garnie de feuilles alternes , oblongues, pinnatifides, dentées, épineuses en leurs, bords, verdâtres en dessus, blanchâtres à leur revers. Les feuilles supérieures sont lancéolées et ciliées. La couronne de linvoluere est d'un blanc sale; les fleurons intérieurs sont jaunâtres, et ceux de la circonférence d'un pourpre violet. Cette plante croît dans les lieux arides, sur les collines sèches et rocailleuses, où elle fleurit enjuillet et août. On l'appelle Herbe à la pluie, parce que sa fleur se ferme lorsque le temps devient humide, et s’épanouit par un beau jour. Ses racines sont imprégnées d'un suc jaunâtre, résineux, amer, aromatique, qui se concrète et devient dur comme de DES PLANTES USUELLES. 329 la cire. Dans la Pouille les bergers le ramassent avec soin, et l’appellent Cera di cardo, cire de chardon. On a conservé dans la pharmacologie bien des plantes qui ne valent point la Carline vulgaire. Gilbert la regarde comme un de nos meilleurs fébrifuges , et prescrit sa racine infusée dans du vin comme un excellent stomachique. Les jeunes tiges et les réceptacles sont alimentaires. CARLINE A FEUILLES D’ACANTHE. CARLINA ACANTHIFOLIA. Carlina acanthifolia. Arr. FI. Ped. n. 571. t. 51. DC. F1. Fr. 3097. LApEyr. Plant. Pyr. 2. 497. — Carlina utzka. HaAcQ. Carn. 7. t. 1. Cette plante n'a presque point de tige. Ses feuilles sont ovales, pétiolées, étalées sur la terre en forme de rosette, smuées, dentées , épineuses en leurs bords, blanchâtres et cotonneuses à leurs deux faces. Du milieu de cette rosette naît une fleur sessile, large de trois à quatre pouces, garnie d'une couronne blanche, un peu rougeâtre en dessous. On trouve cette belle Carline sur les basses montagnes du Dauphiné, du Piémont et de la Provence. Elle croît égale- ment dans les Pyrénées, au Canigou, à Prades, à Barèges, etc. Sa racine est amère, aromatique, résineuse, comme celle de la Carline commune. On mange comme les artichauts ses réceptacles , qui sont très charnus. C’est un aliment usuel dans les Cévennes , dans les Alpes méridionales et dans les Pyrénées. On en fait aussi une sorte de confiture avec le miel ou le sucre, et on la sert sur les meilleures tables. 330 NOUVEAU TRALTÉ La Tribu des Cynarocéphales nous offre encore deux plantes alimentaires dont on pourrait tirer parti dans les campagnes : l'une appartient au genre Onopordum , Y'autre au genre Cir- sum. bi Onopordon. Onopordum acanthium. On reconnait cette plante sauvage à sa tige haute de trois ou quatre pieds, ferme, épaisse, revêtue d'un duvet d'un blanc de neige, di- visée en rameaux épineux; à ses feuilles amples, ovales, sinuées, anguleuses, dentées, blanchâtres, hérissées d'é- pines; à ses fleurs purpurines’ou blanches. | Elle végète dans les hieux mcultes, au bord des chemins, au milieu des décombres. On l'appelle vulgairement Pédane, Épine blanche, Chardon acanthin, Artichaut sauvage. On mange les jeunes tiges, de même que les réceptacles avant l'épanouissement des fleurs. On retire des semences, qui mürissent promptement, une huile grasse assez abon- dante et bonne à brüler. Les vaches, les chèvres, les chevaux, négligent cette plante, l’âne seul en fait ses délices. La nature à voulu que les goûts fussent variés chez les animaux comme chez l'homme. Cirse oléracé. Cirsium oleraceum. ( Cnicus oleraceus. Linn.) Sa racine longue et rampante produit une tige haute d'envi- ron trois pieds, cannelée, blanchâtre et un peu rameuse. Les feuilles sont glabres, lobées, plus ou moins pinnatifides, verdâtres, bordées de cils épineux. Les fleurs sont d’un blanc jaunâtre, terminales, ramassées trois ou quatre ensemble, et placées entre des bractées cor- diformes, ciliées , qui les couvrent en partie. Cette plante est commune, en juillet, dans les lieux hu- smides, dans les prés marécageux. On la trouve dans les bois DES PLANTES USUELLES. 331 tourbeux de Montmorency. Les Russes mangent les jeunes feuilles comme les choux. Enfin la même Tribu renferme quelques autres plantes amères et plus ou moins fébrifuges. De ce nombre sont la grande Centaurée (Centaurea Can la Centaurée amère ( Centaurea amara) ; la Centaurée chardon bénit (Cen- taurea benedicta ); et la Centaurée étoilée ( Centaurea calci- trapa). Ces différentes espèces guérissent assez souvent les fièvres intermittentes simples. La Centaurée étoilée se distingue particulièrement par une amertume vive et durable, soit dans les feuilles, soit dans les fleurs. C’est un de nos meilleurs fébrifuges indi- gènes ; il peut fort bien remplacer le quinquina dans les cam- pagnes. Nous avons guéri avec la décoction des feuilles et des fleurs plusieurs malades atteints de fièvres de divers types. Un jardinier de Villiers-sur-Orge avait depuis plusieurs mois une fièvre quarte accompagnée d’une enflure assez con- sidérable des membres inférieurs. Il avait pris du quinquina à différentes reprises ; la fièvre disparaissait, mais pour quelques jours seulement. Consulté par ce malade, je lui montrai au bord des champs le remède qui devait le guérir. IL s’empressa d'en faire une ample provi- sion, et il fit usage de la préparation suivante, qui le guérit radicalement. Décocton fébrifuge de Centaurée étoulée. Prenez : feuilles et fleurs épanouies de Centaurée étoilée, une demi-poignée ; faites bouillir pendant dix ou quinze mi- nutes dans une livre et demie d'eau ; passez, et ajoutez à la colature une cuillerée de miel. 332 NOUVEAU TRAITÉ On consomme cette tisane dans la journée, et on la con- tinue jusqu'à ce que les accès fébriles aient disparu. Il est uüle d'en prendre encore pendant quelques jours un ou deux verres, afin de prévenir les rechutes, qui sont assez fréquentes dans ce genre de maladie: Les Juifs assaisonnaient l'agneau pascal avec les feuilles de la Centaurée étoilée, et les Égyptiens mangent encore au- jourd'hui avec délices ses jeunes pousses. III TRIBU. CORYMBIFÈRES. CORYMBIFERÆ. EUPATOIRE. EUPATORIUÏN. Involucre oblong, cylindrique, imbriqué d'écailles iné- sales. Fleurons en petit nombre, tubuleux et hermaphro- dites. Style long, profondément bifurqué. Réceptacle nu ; aigrette sessile, simple ou ciliée. EUPATOIRE A FEUILLES DE CHANVRE. EUPATORIUM CANNABINUN. Eupatorium cannabinum.Vanx.Spec. 1173. Lam. Encyc. Bot. 1. 403. DC. F1. Fr. 3107. Bas. F1. Lyon. 1. 412. Desv. F1. Anj. 218. FI. Dan. t. 745. Engl. Bot. t. 438. Sa tige un peu quadrangulaire, droite , velue, rougeâtre, rameuse , haute de trois à quatre pieds et quelquefois davan- DES PLANTES USUELLES. 333 lage, porte des feuilles opposées, sessiles, formées de trois lobes lancéolés et dentés, à peu près comme les feuilles du chanvre. | Les fleurs sont petites, nombreuses, d'une teinte purpu- rine, rassemblées en corymbe à l'extrémité des rameaux, et remarquables par leurs styles très saillans. Cette belle plante abonde dans les lieux aquatiques, au bord des prairies humides, le long des ruisseaux. Nous l'avons observée dans la vallée de Montmorency, dans la vallée de Chevreuse , aux bords de l’'Yvette, et dans les prairies de Buc, aux bords de la Bièvre. Elle croît également à Er- menonville, à Chantilly et à Mortfontaine, le long des étangs, où elle acquiert cinq ou six pieds de hauteur. Elle fleurit pendant toute la belle saison. L'Eupatoire était connue des anciens. Suivant Pline, elle tire son nom d'Eupator, roi de Pont, qui, le premier, la mit en usage. Quelques pharmacologues la nomment Eupa- toire d’Avicenne. C'est une plante injustemént oubliée. Son odeur péné- trante, sa saveur amère, ses principes chimiques, révèlent des propriétés actives. Elle contient de la résine, de l'huile volatile, une matière animale, du nitrate de potasse, du ma- late et phosphate de chaux. Gesner a constaté sa vertu pur- gative par des expériences faites sur lui-même. Quelquefois aussi elle augmente le cours dés urines, ou dispose à la sueur. Les habitans des campagnes, qui avaient remarqué l'action purgative et diurétique de l'Eupatoire, en faisaient des ti- sanes pour se délivrer de lhydropisie. Il ne faut pas rejeter avec dédain tous les remèdes populaires , il y en a d'excel- lens; et quelquefois l'observation d'un simple villageois se trouve aussi juste que celle de l'homme de l'art. 334 NOUVEAU TRAITE Gilbert, grand partisan de notre plante , recommande expressément de n’employer que les racines fraiches ou nou- vellement desséchées : lorsqu'elles ont vieilli, elles n’agissent que faiblement sur les membranes digestives, Ce médecin conseille également l'infusion et le suc des feuilles fraîches, pour dissiper l’engorgement des viscères et l'espèce d'œdème dont se compliquent si souvent les fièvres intermittentes rebelles. L'infusion vneuse de la racine agit avec énergie. II faut la préparer de la manière suivante : Infusion vineuse d’Eupatoire. Prenez : racine d'Eupatoire fraîche ou desséchée avec soin, une once; faites macérer pendant vingt-quatre heures dans huit onces de vin blanc. On en prend une, deux ou trois cuillerées à bouche toutes les heures. Gesner donnait cette même racine pulvérisée et délayée dans du vin. Un gros suffit ordinairement pour exciter de nombreuses évacuations. Si Chomel et quelques auteurs plus récens n'ont pas obtenu les mêmes effets, c'est qu'ils ont em- ployé dés racines trop anciennes. On peut également donner les feuilles ou la racine en décoction, les feuilles à la dose d'une demi-poignée, la ra- cine à la dose de deux onces pour une livre de véhicule, qu'on adoucit en y ajoutant un peu de réglisse ou de miel blanc. La dose du suc exprimé de la plante fraiche est de trois ou quatre onces, qu'on mêle dans une tasse de bouillon de veau. | Il n'est pas de plante plus commune que l'Eupatoire d'Avicenne; on la trouve à chaque pas dans les prairies un peu humides, aux bords des fossés, des lacs , des étangs, DES PLANTES USUELLES. 339 des ruisseaux, des rivières. Nous la recommandons aux mé- decins bienfaisans, aux médecins des pauvres et de la classe ouvrière des campagnes. Elle peut remplacer dans beaucoup de circonstances le jalap, la scammonée , l’aloès , le séné et autres purgatifs exotiques. GNAPHALE. GNAPHALIUM. Involucre imbriqué d'écailles oblongues, obtuses, iné- sales, souvent colorées sur les bords. Fleurons tubuleux, les uns hermaphrodites, les autres femelles. Aigrette velue ou dentée vers le sommet. GNAPHALE DIOIQUE. GNAPHALIUM DIOICUN. Gnaphalium dioicum. Linn. Spec. 1199. LAM. Encycl. Bot. 2. 755. DC. FT. Fr. 3193. CHE v. F1. Par. 3. 582. Gus. Plant. Eur. 2. 384. FL Dan. 1228. Engl. Bot. 119267 On trouve cette jolie plante dans les prairies monta- gneuses, sur les collines sèches et arides, où elle fleurit au printemps. Elle est connue sous le nom vulgaire de Pied-de- chat. On la reconnaît aisément à sa tige droite, cotonneuse , peu élevée, garnie à sa base de rejets rampans, et de pe- tites rosettes de feuilles oblongues, spatulées, vertes en dessus, revêtues d'un duvet blanchâtre en dessous. Les feuilles cau- linaires sont lancéolées, plus étroites et assises. 336 NOUVEAU TRAIÎTÉ Le sommet de la tige est orné de fleurs globuleuses , dis- posées en corymbe, et dont l’involucre offre des écailles blan- ches ou agréablement panachées de blanc et de pourpre. Il ne faudrait pas examiner rigoureusement cette petite plante, un peu trop vantée par nos prédécesseurs ; on la croirait inerte, et on voudrait la remplacer par quelque re- mède plus énergique. Mais a-t-on besoin de remèdes éner- giques pour calmer les irritations pulmonaires ? Après les saignées, que l’inflammation rend indispensables, les bois- sons pectorales, bues à longs traits, calment la toux, favo- risent la transpiration ; et cette médecine douce, facile, peu dispendieuse, qui provoque la raillerie de quelques théra- peutistes, vaut certainement mieux que leurs méthodes plus savantes, plus fastueuses. Ces boissons pectorales ou béchiques, comme on les appe- lait anciennement, se font avec les fleurs de notre petite plante, et on y joint quelquefois les fleurs de violette, de mauve oude tussilage. On les édulcore avec du miel de Narbonne ou avec du sirop de capillaire. Les rhumes, la toux, les affections catarrhales simples, cèdent très souvent à ces infusions théiformes, qu'on rend plus efficaces en y mêlant un peu de lait. Le genre Gnaphalium renferme encore quelques espèces intéressantes, dont les feuilles et les sommités pourraient fournir d'excellentes couchettes. Dioscoride appelle Graphalium une plante dont les feuilles molles et blanches servent, dit-il, à remplacer le coton. Les modernes nomment également Herbe à coton le Gnaphale d'Allemagne (Gnaphalium germanicum, Linn.), parce que ses feuilles sont blanchâtres, soyeuses, molles au toucher. La plupart de ces plantes se conservent long-temps, d'où leur vient le nom d’Immortelles. DES PLANTES USUELLES. d91 VERGE D'OR. SOLIDA4G0. Involucre oblong, imbriqué d'écailles étroites, acuminées, conniventes, inégales, ouvertes au sommet. Réceptacle nu. Fleurons tubuleux, jaunes, hermaphrodites. Demi-fleurons femelles, au nombre de cinq ou six, en languette, et de la couleur des fleurons. Aigrette velue. VERGE D'OR COMMUNE. SOLIDAGO VIRGA AUREA. Solidago virga aurea. Linn. Spec. 1235. DC. F1. Fr. 3160. Porr. Encycl. Bot. 8. 473. Caev. FL. Par. 3. 590. Desv. FI. Anj. 222. F1. Dan. t. 663. Engl. Bot. 301. Cette plante embellit les bois et les pâturages secs par ses belles grappes de fleurs radiées , d’un jaune brillant. On l'ap- pelle Verge d'or. Elle a des tiges droites, dures, cannelées, d'un brun rougeâtre inférieurement, vertes et pubescentes vers le som- met, et plus ou moins élevées. Les feuilles sont ovales, lan- céolées, pointues, dentées, rétrécies en pétiole, d'un vert foncé en dessus, blanchâtres et pubescentes à leur face inférieure. Les fleurs règnent le long de la partie supérieure des tiges, où elles sont disposées en grappes droites, plus ou moins allongées. La Verge d'or fleurit en août et septembre. Elle devien- drait une plante d'ornement si elle était exotique et moms II. 22 338 NOUVEAU TRAITÉ commune. On la rencontre dans nos vallons, aussi bien que dans nos bois montueux. Une variété à tige simple, basse, portant des grappes courtes, peu garnies, croît dans les hautes montagnes des Alpes. Voici une plante vulnéraire singulièrement prônée. Écou- tez Chomel, Geoffroy, Linné, Haller, Vogel, etc., c'est un des végétaux les plus utiles. Quelles sont donc ses vertus? La Verge d'or a une saveur légèrement amère, un peu astrin- gente; mais elle ne saurait guérir lhydropisie , ni fondre les obstructions des viscères. Nous croyons pourtant qu'elle a une propriété apéritive ou diurétique, car elle a soulagé plusieurs calculeux à qui nous en avions conseillé l'usage. Un vieillard qui urinait difficilement depuis cinq ou six mois, et qui éprouvait une sorte de spasme douloureux dans les reins, a rendu une grande quantité d'urines sablonneuses, après avoir pris, tous les matins pendant sept à huit Jours, deux tasses d'infusion théiforme de Verge d'or. C'est la seule tisane qu'il emploie maintenant lorsqu'il ressent quelque embarras dans l'appareil urinaire. Ceux qui voudront en faire l’essai devront l’édulcorer avec un peu de sucre ou un peu de miel. Tous les bestiaux mangent volontiers la Verge d'or lors- qu'elle est fraiche. Quelques amateurs cultivent cette plante dans les jardins, où elle fleurit depuis le mois d'août jusqu'au milieu de l’au- tomne. Toute exposition lui est indifférente, elle prospère en tous lieux, et ne réclame presque aucune culture. On la multiplie en séparant les pieds, de même que la Verge d'or du Canada (Solidago canadensis) et la Verge d'or toujours verte { Solidago sempervirens). DES PLANTES USUELLES. 339 INULE. INUL A. # Involucre imbriqué. Fleurs radiées ; fleurons hermaphro- dites jaunes ; demi-fleurons femelles de la couleur des fleu- rons; anthères prolongées en. deux pointes à leur base. Aigrette simple , entourée quelquefois d’une membrane en- tière ou dentée. INULE OFFICINALE INULA HELENIUM. Inula helenium. Linx. Spec. 1236. Lam. Encyel. Bot. 3. 254. DC. F1. Fr. 3142. LAPEYR. Plant. Pyr. 2. 592. Bas. Fl: Lyon. 1, 403. CHE. F1. Par. 3. 535. F1. Dan. t. 728. BLACKW. Herb. t. 473. Sa racine brune, épaisse et charnue, pousse une tige pu- bescente, ferme, droite, cannelée, un peu rameuse à sa partie supérieure, haute de trois à quatre pieds. Les feuilles radicales sont pétiolées, fort amples, ovales, lancéolées, pointues, dentées, vertes et ridées en dessus, cotonneuses et blanchâtres à leur revers : les feuilles supérieures, moins grandes, de forme ovale, embrassent la tige. Ses fleurs sont terminales, fort grandes, radiées, d'une belle couleur d'or, à demi-fleurons nombreux “et un peu étroits ; les écailles de leur involucre sont larges et ovales. Cette belle plante croît naturellement en Allemagne, en Italie, en France, dans les lieux humides, dans les prairies, dans les bois. On la trouve, aux environs de Paris, dans les bois de Sénart, de Montmorency, de Marcoussy, de Che- vreuse, etc. Lapeyrouse dit qu'elle abonde dans les lieux 340 NOUVEAU TRAITÉ frais et boisés des Pyrénées. Elle fleurit en juillet et août. Or l'appelle vulgairement Aunée. Sa racine est cylindrique, charnue, brune en dehors, d'un blanc jaunâtre intérieurement, d'une odeur aromatique, d'une saveur amère et un peu âcre. Elle donne à l'analyse ut substance particulière qu'on à nommée inuline; une huile volatile concrescible, de la fécule , de l'albumine, une ma- tière extractive , de l'acide acétique, des acétates de potasse et de chaux. Cette espèce d'Inule, qu'on nomme aussi Enula campana , mérite les éloges qu'elle a reçus de presque tous les auteurs de matière médicale, et personne ne révoque en doute son action à la fois stimulante et tonique. Elle est, dit-on, em- ménagogue, diurétique, sudorifique , yermifuge, etc. Voilà bien des propriétés; mais-tout cela est fort vague. Pour épargner au lécteur des répétitions inutiles et fatigantes , nous dirons que la racine d'Aunée remédie à la faiblesse spé- ciale de l'estomac et des intestins, comme la plupart des substances amères; que sa propriété excitante peut réagir sympathiquement sur les voies utérines ou sur le système cutané, et provoquer tantôt l'écoulement menstruel, tantôt les sueurs. C’est ainsi qu’on a également observé ses bons effets dans quelques catarrhes pulmonaires. Tronchin, médecm de Voltaire, prescrivait la racine d'Aunée, édulcorée avec du miel, pour exciter l'expectoration. Voici sa formule. Boisson anticatarrhale. Prenez : miel blanc, quatre onces; faites bouillir dans une pinte d'eau pendant un quart d'heure. En retirant le vase du feu, ajoutez, racine d'Aunée, demi-once ; anis étoilé, DES PLANTES USUELLES. 341 deux gros. Laissez infuser pendant demi-heure. On prend de temps en temps une tasse à café de cette boisson. Vin d'Aunée. Prenez : racine d'Aunée , demi-once ; vin rouge, de bonne qualité , une livre; faites maçérer pendant trois ou quatre jours. C'est un agréable et bon stomachique pour les vieillards et les enfans d’une constitution débile. On le prend par cuil- lerées. Il soulage également les asthmatiques. On fait avec la pulpe de cette même racine une espèce de pommade qui est d'un usage vulgaire contre la gale. Au rapport de Lapeyrouse, la classe pauvre des environs de Saint-Béat se guérit parfaitement avec cette pommade. On l'emploie avec le même succès en Allemagne, soit pour l'homme, soit pour les animaux, surtout pour le menu bétail. L’Aunée est fort commune en Allemagne, en Flandre, dans l'Alsace, la Lorraine , etc. Les Allemands se servent de la racine confite pour"assaisonner leurs alimens, et ils la préfèrent aux épices de l'Inde. Plater l'appelle Aromate ger- marique. Ce n'est peut-être pas un condiment délicat, mais 1l est salubre. 342 NOUVEAU TRAITÉ INULE DYSENTÉRIQUE. INULA DYSENTERICA. Inula dysenterica. Linn. Spec. 1237. Lam. Encycel. Bot. 3. 263. DC. F1. Fr. 3146. LAPEeyr. Plant. Pyr. 2. 593: CHEv. F1. Par. 3. 587. Desv. FL Anj. 292. F1. Dan. 410. Engl. Bot. t. 1115. # Cette plante, qui porte aussi les noms de Conize et d'Herbe de Saint-Roch, croît abondamment dans les fossés humides et dans les lieux marécageux. Du cellet de sa race s’élèvé une tige droite, cylindrique, velue, rameuse, haute d'environ deux pieds, garnie de feuilles alternes, oblongues, molles, amplexicaules, ondulées ét lé- gèrement dentées en leurs bords, un peu velues, d’un vert pâle en dessus, cotonneuses et blanchâtres en dessous. Les fleurs s'épanouissent pendant les mois d'août et de septembre : elles sont pédonculées, jaunes, solitaires sur leur pédoncule, et disposées ef corymbe au sommet des ra- meaux. La racine de l’Inule dysentérique est oblongue, épaisse, garnie de fibres capillaires, brune en dehors, blanchâtre in- térieurement, mucilagineuse, légèrement aromatique, et d'une saveur âcre, mêlée d'amertume. Linné rapporte que cette plante fut d’un grand secours dans une dysenterie épidémique, qui s'était manifestée parmi les troupes russes combattant contre les Turcs. On connaît les heureux effets des substances amères et aromatiques dans le traitement des flux intestinaux provenant d'une faiblesse DES PLANTES USUELLES. 343 spéciale ; et l'épidémie dont parle Linné était sans doute de cette nature. L'Inule odorante ( Inula odora ), espèce qui croît en Italie et dans nos provinces méridionales, est encore plus stimu- jante et plus aromatique. Les feuilles radicales sont grandes, ovales, un peu obtuses, rétrécies en pétiole; les feuilles supérieures ovales, lancéo- lées, amplexicaules : elles sont toutes chargées de poils blanchâtres à leurs revers. La racine exhale une odeur bal- samique. TUSSILAGE. T'USSILA4G0. Involucre à plusieurs folioles égales, linéaires, un peu membraneuses, disposées sur un seul rang. Fleurs floscu- leuses ou radiées; fleurons tantôt tous hermaphrodites, tan- tôt femelles, fertiles vers la circonférence et hermaphrodites dans le centre. Aigrettes simples ou pileuses, sessiles ou pé- dicellées. TUSSILAGE COMMUN. TUSSILAGO FARFARA. Tussilago farfara. Lan. Spec 1214. DC. FI. Fr. 3163. Porr. Encycl. Bot. 8. 153. CHEv. F1. Par. 3. 594. BALE. FI. Lyon. 1. 398. Desv. FI. Anj. 223. FI. Dan. 663. Engl. Bot. t. 301. Ses races, fort longues, tendres, blanches, traçantes , poussent plusieurs tiges droites, simples, rougeûtres, coton- 344 NOUVEAU TRAITÉ neuses, hautes de huit à dix pouces, garnies d’écailles mem- braneuses , presque imbriquées, lancéolées et pointues. Les feuilles ne paraissent qu'après la floraison : elles sont toutes radicales, pétiolées, assez grandes, échancrées en cœur à leur base, un peu anguleuses, munies à leurs bords de pe- ttes dents charnues, d'un vert gai à leur face supérieure, blanchâtres et cotonneuses en dessous. Les fleurs sont radiées , d’un beau jaune, solitaires à l’ex- trémité des tiges. L'involucre est composé d’écailles étroites, linéaires, toutes égales, disposées sur un seul rang, Cette plante porte le nom vulgaire de Pas-d’âne ; on l’ap- pelle aussi Tussilage. Elle croît dans les terrains humides et sablonneux, aux bords des fontaines, des ruisseaux, des étangs, des rivières. | Le nom de Tussilage (Tussis, toux) indique les vertus dont elle est douée. Ses fleurs un peu mucilagineuses ont toujours figuré dans l’officme du pharmacien parmi les es- pèces pectorales. On les prend en infusion théiforme comme les fleurs de violette, de mauve, de bouillon blanc, etc., pour calmer la toux, pour abréger le cours des rhumes. Toutes ces boissons qu'on édulcore avec du sucre, avec du sirop, avec du miel, sont très salutaires lorsque la poitrine est vive- ment ivritée. En y ajoutant un peu de lait on a une espèce d'émulsion qui plaît smgulièrement aux enfans etaux femmes délicates. C’est un remède facile, peu dispendieux, qui rend les nuits plus calmes, qui dispose au sommeil, qui excite une douce transpiration. On ne connaissait guère que les vertus médicinales des fleurs ; les feuilles et les racines n'étaient point usitées. Un médecin anglais, Fuller, les a recommandées, dans sa Méde- cine gymnastique, comme un remède précieux contre les éerouelles, et Cullen est venu confirmer le témoignage de DES PLANTES USUELLES. 349 Fuller. H a donnéà plusieurs malades le suc exprimé des feuilles fraîches de Fussilage , et ce suc, continué pendant quelque temps ; à favorisé la cicatrice des ulcères scrophu- leux. Ilra obtenu le même effet d’une forte décoction des feuilles sèches. Le docteur Allen dit aussi que la décoction des feuilles de Tussilage l'emporte sur tous les remèdes qu’on a connus jusqu'ici pour guérir les écrouelles. Voici une observation fort intéressante que nous devons au docteur Bodard, qui l'a recueillie à l'hôpital de Pise. Elle est consignée dans son Cours de Botanique médicale. Une femme, âgée de trente ans, vint à l'hôpital de Pise, cruellement affectée d'ulcères scrophuleux. Elle, n'avait éprouvé aucune’atteinte de cette maladie ni dans son enfance, ni dans sapremière jeunesse. Les premiers symptômes s'é- taient manifestés depuis cingrans. Plusieurs glandes s'étaient successivement gonflées , ouvertes et ulcérées à la région su- périeure du thorax. Lorsque les unes se cicatrisaient , les autres se rouyraient, et distillaient du pus de La plus mau- vaise qualité. Enfin cette pauvre fille était réduite à l'état le plus pitoyable et le plus hideux. Indépendamment de l'insomnie, de l'inappétence, et d'une fièvre qui la dévorait, elle avait au cou, sur les épaules, sur le cartilage xyphoïde, sous chaque aisselle, sous chaque sein, des ulcères livides et baveux dont les bords étaient enflammés, d'un rouge vif, et d'où ruisselait une matière ichoreuse. L'ulcère du milieu de la poitrine avait plus de deux pouces de diamètre, et laissait le sternum à découvert. On donna tous les matins à la malade huit onces d'une forte décoction de feuilles sèches de Tussilage. Sous peu de jours la vivacité des bourrelets de quelques ulcères était amortie, et le pus moins abondant. Bientôt après 1l y eut une amélioration manifeste. 346 NOUVEAU TRAITÉ Le sommeil, dont la malade était privée depuis long-temps, avait reparu. Le rouge vif des joues commençait à s'éteindre, la fièvre était sensiblement diminuée, La malade se plaignait seulement de coliques et d'un peu de diarrhée. Les ulcères, pansés exactement soir et matin avec la: charpie seule, s'améliorent de jour en jour, et finissent par se cicatriser. Le sommeil est bon, l’appétit se prononce , en un mot, la malade se sent fort bien. Ce changement aussi rapide qu'inattendu avait singulière- ment frappé les médecins. Il pouvait être le résultat d’une crise naturelle plutôt que l'effet du remède. Ils voulurent s'en assurer, et l'usage de la décoction fut suspendu. Au bout de dix jours de la cessation du traitement ;.on s'aperçut que la cicatrice du sein gauche était un peu enflam- mée et gonflée. La malade y éprouvait dela douleur. Dès le lendemain , une des extrémités de cette cicatrice commença à distiller une sérosité qui devint bientôt de la même couleur et de la même consistance qu'auparavant. Nouvelle inflam- mation aux cicatrices de l’aisselle droite, de l’aisselle gauche, et successivement à toutes les autres, qui devinrent doulou- reuses ; insomnie, pouls fébrile , suppression des évacuations intestinales. La recrudescence de la maladie étant bien con- statée, on recommencça le traitement. Dès le lendemain les évacuations alvines reprennent leur cours avec modération, les douleurs diminuent de nouveau, la plaie du sein gauche se referme complétement au bout de quelques jours. Enfin, peu de temps après la reprise du trai- tement, la malade se trouve assez bien pour retourner chez elle. À son retour en France, le docteur Bodard s’est livré à de nouvelles expériences qui ont pleinement confirmé les heureux effets du Tussilage dans le traitement des maladies DES PLANTES USUELLES. 347 scrophuleuses. Le docteur Gaulthier de Claubry a eu égale- ment à se louer de ce remède. On donne le Tussilage de plusieurs manières. Le suc ex- primé des feuilles fraîches doit agir plus vivement que la dé- coction des feuilles desséchées. La dose est de quatre à six onces, qu'on fait prendre tous les matins à jeun. Le professeur Hufeland, qui a publié un excellent livre sur la maladie scrophuleuse, fait le plus grand éloge du Tussi- lage, surtout du suc exprimé de la plante fraîche. Voici les propres expressions de ce célèbre médecin. « Quoi qu’en disent quelques médecins modernes, il s’en faut que le Tussilage soit dépourvu de toute propriété. Tou- tefois cette opinion ne me surprend pas de la part de ceux qui veulent juger des vertus des médicamens sur leur saveur, leur odeur, ou sur l'espèce de réaction qu'ils provoquent dans l'économie. Je conviens que le Tussilage ne possède aucun de ces caractères; mais c'est, à mon avis, une mau- vaise manière de raisonner; et pour moi, je n'écoute que l'expérience quand il s’agit de prononcer sur les vertus des substances médicinales. « Or l'expérience m'a appris que le Tussilage produit de très bons effets dans l’engorgement des glandes, dans les éruptions cutanées, la teigne, et principalement dans la toux et les affections pulmonaires qui dépendent du vice scrophuleux. « Mais, comme il n'est point irritant, il convient particu- lièrement aux sujets doués d’une grande sensibilité, aux enfans délicats, dans les toux d'irritation, surtout à ceux dont les poumons sont naturellement très irritables. « Quant à la manière de l'administrer, on peut donner le suc frais de Tussilage à la dose de deux ou trois onces, plu- sieurs fois par jour; ou préparer une décoction avec une 348 NOUVEAU TRAITÉ once de cette plante, pour consommer dans la journée. J'ai vu plusieurs fois des engorgemens scrophuleux opiniâtres, des éruptions cutanées, etc., disparaître en peu de temps sous l'influence de ce moyen administré comme nous venons de le dire. « Les fomentations de Tussilage produisent aussi de très bons effets dans les inflammations des yeux, les ulcères, la teigne. J'ai vu plusieurs fois les feuilles fraîches de cette plante appliquées sur des éruptions croûtonneuses , provo- quer la chute des croûtes et déterger la partie. » (Hufeland, Traité de la Maladie scrophuleuse, traduit par M. Bousquet, pag. 273.) TUSSILAGE PÉTASITE. TUSSILAGO PETASITES. Tussilago petasites. Lan. Spec. 1215. DC. EL Fr. 3165. Potr. Encycl. Bot. 8. 148. Bazs. FI. Lyon. 1. 398. LaApEyr. Plant. Pyr. 2. 513. F1. Dan. t. 842. Sa racine, charnue, traçante et noïrâtre, produit au prin- temps plusieurs tiges simples, droites, épaisses, cotonneuses, garnies dans toute leur longueur de squammes rougeîtres. Ces tiges, hautes à peine d’un pied, portent à leur sommet une vingtaine de fleurs purpurines disposées en thyrse. Ses feuilles sont radicales , pétiolées, amples, ovales, cor- diformes, inégalement dentées, d’un vert foncé en dessus, pubescentes et blanchâtres en dessous. Cette plante, qu’on appelle vulgairement Pétasite (Grand Bonnet) à cause de la srandeur de ses feuilles, qui peuvent facilement couvrir la tête d’un homme, eroît dans les lieux DES PLANTES USUELLES. 349 humides, aux bords des fossés, des ruisseaux, des torrens. Ses beaux panaches de fleurs purpurines devraient la faire admettre dans les bosquets. Ses racines sont très épaisses, longues, charnues, blan- châtres intérieurement, noirâtres en dehors, d’une odeur pénétrante, d'une saveur amère, un peu aromatique. Elles paraissent plus actives que celles du Tussilage commun, mais on s’en sert rarement. C'est aux médecins des campagnes où cette plante abonde à étudier ses propriétés, et à les faire . connaître. Les feuilles fraîches, un peu écrasées, plaisent aux bes- taux, et les abeilles recherchent les fleurs. TUSSILAGE ODORANT. TUSSILAGO FRAGRANS. Tussilago fragrans. Virx. Act. Soc. Hist. nat. Par. 1. 71. t. 12. Porr. Encycl. Bot. 8. 151. DC. FL. Fr. Suppl. 5. 471. C'est au docteur Villars scélèbre botaniste, que nous de- vons la connaissance de cette espèce, originaire des Basses- Alpes. De sa racine noueuse et traçante naissent des feuilles arrondies, échancrées en cœur à leur base, grandes, fine- ment dentées à leur contour, molles, d'un beau vert en dessus, pubescentes et d’une teinte plus pâle à leur face infé- rieure, et portées sur des pétioles dont la base embrasse une tige droite, striée, velue, haute d'environ un pied, garnie à son sommet de fleurs purpurines, odorantes et réunies en thyrse. 350 NOUVEAU TRAITÉ Cette belle plante croît aussi dans les Pyrénées, aux envi- rons de Naples et dans la Barbarie. On la cultive dans quel- ques jardins. Ses fleurs exhalent une odeur douce et suave, imitant celle de l’héliotrope. Leur infusion théiforme, édul- corée avec du sucre, est agréable et un peu stimulante: quelques personnes la préfèrent au thé ordinaire. SOUCI. CALENDULA. Involucre composé de plusieurs folioles égales, disposées sur un seul rang. Fleurs radiées ; fleurons mâles au centre, hermaphrodites à la circonférence ; demi-fleurons femelles et fertiles. Graines membraneuses, irrégulières, courbées. SOUCI DES CHAMPS. CALENDULA ARVENSIS, . Calendula arvensis. Lin. Spec. 1303. Porr. Encycl. Bot. 7. 275. DC. F1. Fr. 3202. Tour. F1. Toul. 216. Bazs. F1. Lyon. 1. 388. Cmev. FI. Par. 3. 571. Buzz. Herb. t. 239. nu | Sa tige est grêle, striée, cylindrique, rude, rameuse, un peu velue, haute d'environ un pied. Ses feuilles sont ovales, lancéolées, sessiles, entières, quelquefois un peu dentées, glabres à leurs deux faces et d’un vert tendre. Les fleurs sont terminales, solitaires, d'une grandeur médiocre , d’un jaune safrané. Les écailles de l'involucre sont aiguës et disposées sur deux rangs. Les semences du milieu sont arquées, creusées en nacelle d’un côté, hérissées d'aspé- DES PLANTES USUELLES. 391 rités sur leur dos, et renfermées dans des espèces de cap- sules membraneuses et convexes : celles de la circonférence sont plus longues, et souvent prolongées en pointe bifde. Cette plante croit dans les lieux cultivés, dans les vignes, dans les champs. Ses fleurs s'ouvrent à neuf heures du matin et se ferment à trois heures. SOUCI DES JARDINS, CALENDULA OFFICINALIS. Calendula officinalis. Lixn. Spec. 1304. Por. Encycl. Bot. 7. 275. DC. FL. Fr. 3203. GOoERTN. Fruct. 2. 422. t. 168. f. 4. BLACKW. Herb. t. 106. Cette espèce croît naturellement dans les provinces méri- dionales de la France, et sur les côtes de Barbarie. Elle à beaucoup de ressemblance avec le Souci des champs, dont elle diffère néanmoins par ses feuilles en forme de spatule, et par ses fleurs plus grandes, plus nombreuses, d'un jaune plus foncé. Les semences du centre sont courbées en arc, hérissées, celles de la circonférence élargies, creusées en forme de nacelle. On cultive cette plante dans les jardins, où elle produit plusieurs variétés remarquables par la teinte plus ou moins foncée des fleurs. On attribue à ces deux espèces les mêmes propriétés. Toutes les parties manifestent une saveur acidule, légère- ment amère. Les fleurs exhalent une odeur forte, un peu vireuse, et donnent à l’analyse un principe éthéré très sub- til, et une matière gommo-résineuse, On recommande le suc 352 NOUVEAU TRAITÉ exprimé de la plante fraîche, à la dose de trois ou quatre onces, dans les affections scorbutiques, dans l'engorgement des viscères abdominaux, la menstruation laborieuse , ete. On prescrit aussi les feuilles ct les fleurs en infusion dans l'eau ou dans le vin. Ces plantes ont beaucoup perdu de leur réputation; elles figurent encore dans la pharmacologie, mais aucun médecin ne les emploie. | Les laitières de Paris se servent quelquefois de la fleur du Souci pour colorer le lait qu'elles ont écrêmé et délayé ; mais cette addition lui donne un goût désagréable. SENECON. SENECIO. Involucre à un seul rang de folioles noirâtres au sommet, entouré de quelques bractées à la base. Fleurs flosculeuses ou radiées; aigrette simple, molle et sessile. SENECON COMMUN. SENECIO VFULGARIS. Senecio vulgaris. Lin. Spec. 1216. DC. FI. Fr. 3168. Porr. Encyel. Bot. 7. 77. Desv. FIL Anj. 222. FI. Dan. t. 513. BLAckw. Herb. t.:182. C'est une plante extrêmement commune, «dont, la tige tendre, cylmdrique, fistuleuse, rameuse, striée , haute de huit ou dix pouces, se garnit de feuilles ailées, molles, presque charnues, vertes, à pinnules irrégulières, oblongues, sinuées ou denticulées à leur contour, glabres, quelquefois un peu cotonneuses et blanchâtres en dessous. DES PLANTES USUELLES. 393 Les fleurs sont jaunes , disposées en corymbe lâche, à l'ex- trémité de la tige, sur des pédoncules grêles, inégaux, un peu inclinés. Le réceptacle est nu ; les semences sont étroites, ovales, surmontées d’une aigrette très blanche et soyeuse. Cette plante abonde dans les champs, dans les jardins , dans tous les lieux cultivés; elle se reproduit et reste verte toute l’année. Nous nous étendrons bien peu sur les propriétés du Se- neçon vulgaire, que les médecins emploient aujourd'hui fort rarement. Il est inodore , d’une saveur herbacée, légèrement acide. Les uns lui ont accordé une vertu émolliente et l'ont recommandé contre le crachement de sang, les phlegmasies externes ; d’autres ont prétendu, sans administrer de meil- leures preuves, qu'il apaisait les coliques des petits enfans. Les chèvres et les porcs le mangent dans les pâturages ; les chevaux et les moutons le dédaignent. Les petits oiseaux, surtout les chardonnerets, sont très friands de ses graines. SENECON JACOBÉE. SENECIO JACOBE A. Senecio Jacobea. Lin. Spec. 1219. DC. FI. Fr. 3173. Porr. Encycl. Bot. 7. 93. CnEev. FI. Par. 3. 592. DESv. Fi. Ânj. 224. Lapeyre. El. Pyr. 2. 515. FI. Dan. t. 944. Engl. Bot. 1130. Sa tige est droite, cylindrique, striée, rameuse, souvent rougeàtre vers la base, haute de deux ou trois pieds et plus, garnie de feuilles alternes, pétiolées ou presque sessiles , pinnatifides et d’un vert foncé, à découpures inégales, den- tées, planes, obtuses. HE 23 354 - NOUVEAU TRAITÉ Les fleurs sont jaunes, nombreuses, disposées en corymbe terminal. L'involucre est glabre, sillonné, court et cylin- drique; les demi-fleurons sont oblongs, terminés par trois dents, d’abord planes, puis roulés en dessous. Les graines sont petites, couronnées par une aigrette simple, sessile , très blanche. Cette espèce fleurit en été; on la trouve dans les bois sa- blonneux , dans les prés un peu humides , le long des che- mins. On l'appelle Jacobée, Herbe de Saint-Jacques. Elle offre plusieurs variétés plus ou moins rameuses, à feuilles plus ou moins grandes, plus ou moins découpées. La Jacobée est une plante amère, un peu âcre, qui a été recommandée à l'attention des médecins par Gilibert. Elle ranime, dit-il, les forces digestives; elle est efficace contre l'œdème qui est la suite des fièvres intermittentes. Les vaches broutent volontiers son feuillage. Cette plante se fait remarquer par sa haute taille, et par ses fleurs jaunes, disposées en corymbe, qui durent depuis le mois de juin jusqu'aux gelées. Elle pourrait servir à la dé- coration des grands parterres. Le Seneçon blanc (Senecio incanus, Linn.) est une ie plante qui a une tige cotonneuse, peu élevée, des feuilles pinnatifides, également revêtues d’un duvet blanchâtre, et des fleurs radiées d’un jaune brillant. Cette espèce croît dans les Pyrénées, dans nos départe mens méridionaux, et dans les Alpes de la Suisse, où elle porte le nom de Genipi jaune. Les montagnards l'emploient à titre de sudorifique. Elle ne déparerait point nos jardins. DES PLANTES USUELLES. 399 PAQUERETTE. BELLIS. Involucre hémisphérique, à plusieurs fohioles égales, disposées sur un seul rang. Fleurs radiées ; fleurons herma- phrodites ; demi-fleurons nombreux, lancéolés, entiers, fe- melles, fertiles. Réceptacle tuberculeux, conique. Graines nues. PAQUERETTE VIVACE. PBELLIS PERENNIS. Bellis perennis. Linn. Spec. 1248. Lam. Encycl. Bot. 5. 6. DC. FL. Fr. 3219. Tour. FL Toul. 214. Lam. Illust. t. 677. F1. Dan. t. 503. Tout le monde connaît cette jolie plante, qui embellit les pelouses et les bords des chemins, depuis le printemps jusqu'à l'automne. Son nom latin (Bellis perennis) annonce son élé- gance et sa durée. Les feuilles, placées à la base de la tige, s'étendent circulairement, et forment autour d'elle comme un petit tapis de verdure. Elles sont nombreuses, petites, ovales, spatulées, légèrement velues, d’un vert assez prononcé. Du milieu de ces feuilles s'élèvent une ou plusieurs tiges rondes, minces, unies, hautes de trois à quatre pouces, couronnées de fleurs solitaires, radiées, dont le disque est jaune et la circonférence panachée de blanc et de rouge. Cultivée dans les jardins, la Paquerette offre des variétés fort jolies et très propres à orner les gazons champêtres. On les multiplie par les éclats des racines, qu'on replante dans un terrain frais et un peu ombragé. 356 NOUVEAU TRAITÉ Voici encore une petite plante tout-à-fait déchue de son antique réputation. D'abord estimée, recherchée des méde- cins pour ses admirables vertus (car elle guérissait, disait-on, une foule de maladies), aujourd'hui elle attire à peine leurs regards lorsqu'ils vont se délasser à la campagne. Au nombre de ses anciens panésyristes, nous remarquons pourtant deux hommes célèbres, Baglivi, médecin de Rome, et Fouquet, professeur de Montpellier. Le premier s'en servait contre le catarrhe suffocant, Fouquet la donnait aux phthisiques, mêlée avec le gland de chène et le miel rosat. Ainsi que la plupart des plantes de la famille des Com- posées, la Paquerette est remplie d’un suc visqueux, légère- ment amer. Ce suc excite doucement les membranes diges- tives, et devient laxatif, ce qui explique en quelque sorte la vertu fondante et résolutive que lui avaient reconnue quel- ques vieux praticiens. J'ai fort souvent mangé en salade les feuilles de Paquerette, et lorsque j'étais constipé, cette petite verdure a rarement trompé mon attente. Essayez de cette médecine agréable, vous 1rez quelquefois vous promener le long des prairies, et vous direz : Comment les médecins ont-ils pu mépriser une herbe si jolie, si bienfaisante ? Les moissonneurs, les soldats, ne dédaignent point la Pa- querette; ils s'en nourrissent, ils la mangent en salade, ou cuite avec de la viande. Les premières feuilles du printemps, bien cuites et convenablement assaisonnées , sont aussi agréa- bles que la chicorée ou les épinards. Les moutons broutent également avec plaisir cette petite plante. La Paquerette porte aussi le nom de Marguerite, petite DES PLANTES USUELLES. 3957 Marguerite. Voici son origme poétique, tirée de la Parthé- néide de Baggesen. Grotte du mont Béat. …… Il s'arrête, et levant les yeux sur le plus rude escar- pement du précipice, il y découvre une grotte spacieuse, à l'entrée de laquelle fleurissent avec une pompe sauvage des bouquets d'arbrisseaux divers et des toufles pendantes de verdure. L'intérieur de la grotte se partage en une multitude de réduits tortueux; et du plus secret enfoncement de ce labyrinthe jaillit un ruisseau qui, après en avoir parcouru les détours, en vient arroser le seuil, et de là glisse et plonge dans labîime inférieur. Ses bords sont tapissés d’une mousse délicate et touflue, émaillée de Paquerettes, d’anémones et de renoncules odo- rantes, parmi lesquelles rampe agréablement le fraisier. Mal- heureux qui pourrait se reposer à l'entrée de cette grotte sans être pénétré de la majesté paisible de la nature qui respire à l'entour, et regarder sans émotion l'azur du ciel et les côtes riantes du lac de Thunn, à travers les longues et mobiles guirlandes de verdure qui la décorent ! Les habitans des lieux voisins font, sur la caverne du mont Béat, plusieurs récits merveilleux, entre lesquels il en est un plus touchant et plus répandu. Un chasseur des environs était allé, suivant sa coutume, à la poursuite du chamois. Sa femme, la plus sage et la plus belle de la contrée, mquiète de ne pas le voir revenir, après une absence de trois jours, se mit en chemin pour le chercher sur les montagnes ; mais elle portait un enfant dans son sein, et bientôt saisie de langueur et de fatigue, elle se réfugia dans cette même grotte, depuis si renommée. Ce n'était alors qu'une fournaise embrasée par le 358 NOUVEAU TRAITÉ soleil. Pas le moindre filet d’eau ne l’arrosait ; pas un arbuste n’y croissait, pas une fleur, pas un brin de mousse. La pauvre égarée se coucha sur la roche dure et brülante. Tantôt elle se figurait son époux tombé du haut d’un roc dans un abîme, et désirait la mort. Tantôt elle songeait au fruit d'amour vivant dans son sein, et priait le ciel de la sauver. Car, même au fond des enfers, une femme prête à devenir mère tremblerait de mourir, tant est sacré l'instinct qui l'at- tache à sa double vie! Mais c'en était fait! la malheureuse allait périr d’accablement et de soif, lorsque tout à coup, du fond de la grotte, sourdit un ruisseau qui vient, en flots limpides, caresser sa bouche desséchée. Au même instant, le rocher où elle s’est étendue se tapisse de mousse et de fleurs, qui lui font une couche odorante et molle. Ce n'est plus cette mème caverne jusqu'alors si triste et si nue. C'est un asile agréable, où règne un air doux et balsamique. La femme souffrante sentit ses douleurs s’apaiser peu à peu, et tomba dans un profond sommeil. Oh! qui pourrait dire quelle joie et quelle surprise l'atten- daient à son réveil ! Elle trouva à ses côtés son époux , et sur son sein une fille belle comme le jour, qu’elle baisa mille fois, et nomma, en souriant, Marguerite. C’est le nom donné depuis, par les bergers, à cette petite fleur qui, autour d’un disque doré, étale des rayons du blanc le plus pur, et l’une de celles dont s'était émaillée subitement la grotte merveilleuse. (Par- thénéide, chant 1v.) PYRÈTHRE. PYRETHRUM. Involucre à écailles imbriquées, scarieuses au sommet. Fleurs radiées ; fleurons hermaphrodites ; demi-fleurons fe- DES PLANTES USUELLES. 359 melles, fertiles, à trois dents. Graines couronnées par une membrane saillante, souvent dentée. PYRÈTHRE MATRICAIRE. PYRETHRUM PARTHENIUM. Pyrethrum parthenium. Smrrs. F1. Brit. 2. 900. DC. F1. Fr. 3215. Base. F1. Lyon. 1. 386. — Matricaria par- thenium. Lan. Spec. 1250. LAM. Encydl. Bat#3797. _ FL Dan. 674. Engl. Bot. t. 1231. Ses tiges, droites, fermes, cannelées, rameuses , hautes d'environ deux pieds, portent des feuilles ailées, légèrement velues en dessous, composées de folioles ovales, étroites , pinnatifides et d'un vert tendre. Les fleurs naissent, au sommet des tiges et des rameaux, sur des pédoncules disposés en corymbe; elles ont le disque jaune et la couronne blanche. L'involucre est pubescent, hémisphérique , composé d'écailles scarieuses , déchirées au sommet. Les graines sont sillonnées, couronnées par un bord membraneux. Cette plante, beaucoup plus connue sous le nom de Matri- caire, croît dans les lieux incultes et pierreux, au milieu des décombres, aux bords des champs, le long des murs. Son nom annonce les vertus qu'elle possède ou qu'on lui a prêtées. Sa saveur est amère, son odeur forte, aromatique, péné- trante. Elle donne une huile volatile bleuâtre, avec un prin- cipe extractif. Tous les anciens auteurs de pharmacologie ou de matière médicale nous retracent à l'envi les propriétés nombreuses de la Matricaire, et nous la représentent surtout comme un 360 NOUVEAU TRAITÉ puissant emménagogue. La médecine moderne n’a point par- tagé cet enthousiasme, car elle emploie rarement la Matri- caire. Les principes chimiques qu'elle recèle annoncent pourtant des propriétés actives, et des faits nombreux attes- tent son action stimulante et tonique, non seulement sur les voies digestives , mais encore sur les organes voisins. On a tellement abusé des amers, des excitans, des toni- ques, lorsqu'on ne voyait dans la plupart des affections uté- rines, hystériques, nerveuses, etc., qu’un état de langueur et de faiblesse, qu'un nouveau systèmews’est hâté de les exclure de la pratique médicale. C’est une sorte de revire- ment scientifique qui a signalé les premières années du dix- neuvième siècle, et qui a renversé la doctrine de Brown et de quelques solidistes. Nous préférerions ce nouveau système si la lancette et les sangsues n'étaient toujours là pour dés- emplir les vaisseaux et remédier à l’état de phlogose. Mais toutes les méthodes exclusives, extrêmes, sont funestes à l'humanité. Nous l'avons déjà dit, et nous ne saurions assez le redire. de Une femme éprouve-t-elle une suppression menstruelle, accompagnée d'un état de langueur et de faiblesse, de la lenteur du pouls , d’une sorte de mollesse dans les chairs, de la pâleur du visage, etc. ; prescrivez-lui une infusion aqueuse ou vineuse de feuilles de Matricaire, un exercice propor-# tionné à l’état des forces, un régime un peu stimulant, des fictions sur les membres, ce traitement ranimera la nature paresseuse et contribuera à la guérison de la malade. Mais voici une femme qui est dans d'autres conditions. Elle est mal réglée, elle se plaint d’une irritation doulou- reuse , soit dans la région de la matrice, soit dans les viscères environnans ; la fièvre, l'insomnie l’épuisent, la moindre fatigue, la moindre pression augmentent ses douleurs. Elle DES PLANTES USUELLES. 361 prend des emménagogues , comme la Matricaire, la Ca- momille, l'Absinthe, l'Armoise, etc., ces remèdes aggra- veront son état, et elle pourra périr d'une inflammation aiguë ou chronique. La Matricaire ne convient pas davantage à cette fille jeune, forte, vigoureuse, en qui la vie sur- abonde ; des boissons délayantes, tempérantes , rafraïchis- santes, lui vaudront beaucoup mieux. 4 Infusion de Matricaire. Prenez : fleurs de Matricaire, demi-once ou ure bonne pincée; faites infuser dans trois ou quatre tasses d'eau bouil- lante ; passez , et ajoutez à l'infusion un peu de sirop ou un peu de sucre. Ou bien faites macérer pendant deux jours une poignée de fleurs de Matricaire dans deux livres de vin blanc. Cette préparation est plus active; on en prend une ou deux onces , deux ou trois fois par jour. Elle ranime les fonc- tions digestives , et favorise le flux menstruel. Le suc exprimé de la plante, et donné à la dose de deux onces, une heure pvant le paroxysme fébrile, a guéri des fiè- vres intermittentes. C'est pour cela que les Anglais lui ont donné le nom de Feverfew. MATRICAIRE. MATRICARIA. Involucre hémisphérique, imbriqué d'écailes foliacées, aiguës. Fleurs radiées ; fleurons hermaphrodites ; demi- fieurons oblongs, femelles, fertiles. Réceptacle conique. Graines nues. 362 NOUVEAU TRAITÉ MATRICAIRE CAMOMILLE. MATRICARIA CHAMOMILLA. Matricaria chamomilla. Linx. Spec. 1956. Lam. Encyc. Bot. 3. 728. DC. FL Fr. 3217. Desv. F1. Anj. 225. Bazs. FL. Lyon. 1. 384. CHev. FI. Par. 3. 577. Engl. Bot. t. 1232. Sa tige est droite, striée, anguleuse anne, haute d'environ un pied, garnie de feuilles deux fois ailées, à dé- coupures fines, presque capillaires, d’un joli vert. Les fleurs ont le disque jaune, la couronne blanche et l'involucre presque plane ou peu hémisphérique ; elles sont nombreuses, terminales, grandes et disposées en corymbe. Cette plante croît dans les lieux cultivés, dans les champs, dans les jardins. Elle porte le nom de Camomille commune. Ses fleurs ont une saveur amère , une odeur forte et aro- matique. La Camomille commune a un arome moins agréable que la Camomille romaine, mais elle est plus active. Son amer- tume et son odeur annoncent son énergie Ælle donne une huile essentielle d’une couleur bleuâtre. Galien, Dioscoride, « Aëtius, lui avaient reconnu une propriété fébrifuge qui a été confirmée par Hoffmann, Pringle, Morton, Cullen et autres médecins modernes. On emploie particulièrement les fleurs en infusion théi- forme, dont on donne plusieurs tasses une ou deux heures avant l'accès fébrile. Morton et Hoffmann ont guéri un grand nombre de fièvres intermittentes avec la poudre de ces mêmes fleurs, tout aussi bien qu'avec le quinquina. Ce fébri- DES PLANTES USUELLES. 363 fuge indigène a même réussi dans quelques circonstances où l'écorce du Pérou avait été vainement administrée. On a également recours à la Camomille commune pour stimuler les voies digestives lorsqu'elles sont dans un état de langueur et d'inertie, pour dissiper la flatulence, pour réveiller la vitalité de la matrice, etc. On prépare avec les sommités fleuries des infusions , des décoctions plus ou moins concentrées. La dose ordinaire est d'un à deux gros pour une livre de colature. On en fait aussi des bains, des lotions, des fumigations aromatiques, pour corroborer le système musculaire, après les attaques de goutte, de rhumatisme, etc. Potion fébrifuge de Pringle. Prenez : fleurs de Camomille, demi-once ; faites infuser pendant demi-heure dans huit onces d'eau bouillante, et ajoutez à la colature : eau-de-vie, deux onces; carbonate de potasse, un gros. On en prend deux cuillerées à bouche trois ou quatre fois par jour. Pringle combattait avec cette mixture les fièvres intermittentes irrégulières, compliquées de jaunisse et d'ob- structions viscérales. (Obsereations sur les maladies des armées. ) La poudre des fleurs est d’un demi-gros ou d'un gros. On la délaye dans un peu de vin, ou on l'incorpore dans du miel. Il faut en prendre trois ou quatre doses dans l'intervalle des accès. Le suc exprimé de la plante fraîche.est également fébri- fuge à la dose de deux ou trois cuillerées à bouche. 364 NOUVEAU TRAITÉ MATRICAIRE ODORANTE. MATRICARIA SUAVEOLENS. Matricaria suaveolens. Lainn. Spec. 1256. Lam. Encycl. Bot. 3. 728. DC. F1. Fr. 3218. Lapeyre. Plant. Pyr. 2. 531. Cette espèce a beaucoup de ressemblance avec la Matri- caire camomille, mais elle est douée d'une saveur plus agréable, plus douce. Les feuilles sont trois fois pinnati- fides , à lanières plus grèles. Les fleurs sont de moitié plus petites ; les imvolucres ont leurs folioles moins obtuses. Elle croït dans nos provinces méridionales , dans le Dau- phiné, dans le Languedoc, dans le Roussillon. On la ren- contre aux environs de Narbonne, à Perpignan, à Ille, à Collioure, dans la Cerdagne, et autres lieux des Pyrénées orientales , etc. Cette plante a une odeur agréable, une saveur aromatique; ses propriétés se rapprochent de celles de la Camomille ro- maine. Elle est légèrement stimulante et antispasmodique. On la prend en infusion théiforme légèrement sucrée, pour stimuler les facultés gastriques. TANAISIE. TANACETUM. Involucre hémisphérique, imbriqué d'écailles petites, poin- tues, serrées. Fleurs flosculeuses ; fleurons du disque her- maphrodites, à cinq divisions; ceux de la circonférence fe- melles, fertiles , à trois divisions. Semences couronnées d'un rebord membraneux et entier. pr DES PLANTES USUELLES. 365 TANAISIE COMMUNE. TANACETUM VULGARE. Tanacetum vulgare. Lan. Spec. 1148. DC. FT. Fr. 3225. Por. Encyel. Bot. 7. 570. Bacs. F1. Lyon. 1. 384. Desv. F1. Anij. 219. CHEv. FI. Par. 3. 579. Lam. [llust. t. 696. f. 1. FI. Dan. t. 871. De sa racine vivace, higneuse, s'élèvent, à la hauteur de trois ou quatre pieds, des tiges droites, striées, cylindriques, rameuses, glabres, quelquefois pubescentes. Les feuilles sont grandes , alternes, pétiolées, deux fois ailées, d’un vert prononcé, à folioles étroites, allongées, imcisées, aiguës, un peu décurrentes sur le pétiole commun. Les fleurs sont nombreuses, d’un jaune foncé et brillant, disposées en corymbe à l'extrémité de la tige et des rameaux. L'involucre est hémisphérique, d'un vert un peu jaunûtre, imbriqué d'écailles étroites, serrées, glabres. Le réceptacle est presque conique, convexe, ponctué, nu: les semences sont petites, presque pentagones, en cône renversé, cou- ronnées par une membrane à cinq petites dents à peine sensibles. C'est une belle et vigoureuse plante qui abonde en été au bord des rivières, des étangs, des fossés, etc. Nous l'avons souvent cueillie dans les vallées de Chevreuse, de Buc, de Bièvre, de Longpont. Elle produit une variété encore plus belle, et dont les feuilles sont presque frisées. On la cultive dans quelques jardins comme plante d'ornement. Cette variété a été peinte par Rapin : 8 366 NOUVEAU TRAIÎTÉ Hibernos etiam durant Tanaceta per imbres, Clara colore suo crispæque volumine frondis. (Horr.) Toutes ses parties exhalent une odeur forte, pénétrante ; leur saveur est aromatique et très amère. L’herbe fleurie et les semences donnent à l'analyse de l'huile volatile camphrée, une matière extractive et du tannin. L'infusion des feuilles noircit par le sulfate de fer. On ne saurait contester les vertus énergiques de la Tanaisie, et cependant elle est presque inusitée en France. Ses effets ont beaucoup d'analogie avec ceux de l'absinthe, de la matri- caire, de la millefeuille et de quelques autres plantes amères. On la donnait autrefois aux goutteux, aux filles chlorotiques, aux enfans tourmentés par les vers. Une petite fille de la vallée de Longpont éprouvait depuis environ un mois des mouvemens convulsifs dans les membres inférieurs. Elle avait pris différens remèdes qui n'avaient ap- porté aucun soulagement à son mal. Sa mère me connaissait déjà, elle m'avait rencontré plusieurs fois dans mes herbori- sations aux bords de l'Orge, petite rivière qui baigne la vallée. Mon petit fagot d'herbes lui avait inspiré une grande con- fiance, et elle pensait que je pourrais peut-être guérir son enfant. Ayant appris que je venais d'arriver chez M. Grimod de La Reynière, dont l'habitation est voisine de Longpont, elle voulut me consulter pour la petite malade. D’après les détails qu’elle me fournit, je pensai que cette affection con- vulsive était provoquée par la présence des vers. Je lui indiquai le lieu où elle trouverait abondamment de la Tanaisie. L'enfant prit ce jour-là même deux tasses d'une infusion assez forte de cette plante. Le lendemain matin le remède fut renouvelé, et vers midi elle rendit six vers lom- DES PLANTES USUELLES. 367 bricoïdes , après avoir éprouvé des coliques et quelques mou- vemens convulsifs. On lui donna en outre plusieurs lavemens préparés avec une décoction de Tanaisie et une ou deux cuillerées d'huile d'olive, et ces lavemens entraînèrent encore plusieurs vers. Dès ce moment la petite fille devint tranquille, et les convulsions cessèrent comme par enchantement. Elle conti- nua néanmoins pendant plusieurs jours l'usage de la Tanai- sie, et elle fut purgée avec huit grains de rhubarbe et quatre “grains de jalap. L'herbe fleurie, c’est-à-dire l'extrémité des rameaux, les fleurs et ies graines doivent être administrées en infusion” théiforme, à la dose d’une forte pincée pour une livre d'eau bouillante. Le vin et l'alcohol peuvent également extraire les principes médicamenteux de la plante. Le vin de Tanaisie est surtout un excellent vermifuge qu'on donne par cuille- rées aux enfans débiles, tourmentés par les vers. Voici comme on le prépare. Vin de Tanaisie. Prenez : sommités de Tanaisie coupées menu, deux onces ; vin blanc ou rouge de bonne qualité une livre ; faites macé- rer pendant deux ou trois jours, et filtrez la liqueur. On donne ce vin par cuillerées, non seulement aux en- fans qui ont des vers, mais encore aux jeunes filles chloro- tiques, aux femmes faibles et délicates dont la menstruation est difficile et irrégulière. En Allemagne, et dans quelques autres contrées de l'Eu- rope, on substitue quelquefois la Tanaisie au houblon pour la préparation de la bière. 368 NOUVEAU TRAFTÉ % BALSAMITE. BALSAMITA. Involucre très ouvert, imbriqué. Tous les fleurons tubu- leux, hermaphrodites, à cinq dents. Réceptacle nu. Semences couronnées d'un rebord membraneux incomplet. BALSAMITE COMMUNE. BALSAMITA MAJOR. Balsamita major. Desr. Act. Soc. Hist. nat. 1. p. 3. DC. ET. Fr. 32922. — Tanacetum balsamita. Lann. Spec. 1148. LaApEyr. Plant. Pyr. 2. 502. — Balsamita mas. BLAcKW. Herb. t. 98. Cette espèce se fait remarquer par ses tiges droites , can- nelées, légèrement velues, blanchâtres, rameuses, hautes d'environ trois pieds; par ses feuilles ovales, elliptiques, finement dentées en leurs bords et d’un vert blanchâtre. Les fleurs sont jaunes, petites, disposées en corymbe à l'extrémité des tiges et des rameaux. L’involucre est glabre, d'un vert jaunâtre , ouvert, imbriqué; tous les fleurons sont tubuleux , hermaphrodites, à cinq dents courtes, aiguës, un peu réfléchies. Les semences sont couronnées d'une petite membrane à peine sensible. Cette plante croît en Suisse, en Italie et dans nos pro- vinces méridionales. On la cultive sous les noms de Cog des jardins, Menthe Coq, Grand-Baume, etc. La Balsamite exhale, surtout quand on la presse avec les doigts, une odeur pénétrante assez suave; elle a d'ailleurs ÿ DES PLANTES USUELLES. 369 une saveur chaude, aromatique , mêlée d’amertume. L'infu- sion théiforme de l'herbe fleurie est un stomachique fort agréable et très usité en Hollande. Voltelén parle avec une sorte d'enthousiasme de l'infu- sion vineuse des feuilles. Ce vin réveille l'esprit , donne de la gaité, chasse la mélancolie. Vino imprimis infusa folia mentem mirificè excitant, lœtificant, undè melancholicis egregia. Pour le rendre encore plus agréable et plus parfumé, il conseille d'y ajouter une pincée de mélisse et d'aspérule odo- vante. Sans qu'il le dise, l'aimable professeur buvait de temps en temps quelques petits coups de ce vin, pour dissiper l'in- Îluence un peu triste des brouillards de la Hollande. Tout le monde peut préparer ce remède domestique. En Italie les feuilles de Balsamite servent à assaisonner les salades, et à relever le goût des sauces. BALSAMITE ANNUELLE. BALSAMITA ANNUA. Balsamita annua. DC. F1. Fr. 3223. — 7Tanacetum annuum. Linn. Spec. 1183. Porr. Encycl. Bot. 7. 573. LapEyr. Plant. Pyr. 2, 502. Gouan. Illustr. 66. Fr Cette plante est toute couverte d'un léger duvet. Sa tige est droite, striée, cylindrique, haute de deux à trois pieds, divisée vers la partie supérieure en rameaux divergens. Les feuilles radicales sont deux fois ailées, celles de la tige réu- nies par faisceaux pinnatifides, à lobes trifurqués ; toutes ont des lanières étroites, pointues. Les fleurs sont disposées en corymbe serré au sommet de la tige et des rameaux : chaque corymbe est composé de Il | 24 370 NOUVEAU TRAITÉ trente-six à quarante petites fleurs jaunes, flosculeuses , et dont tous les fleurons sont hermaphrodites. Le réceptacle est nu, un peu convexe. La Balsamite annuelle croît en Espagne, en Italie et dans nos départemens méridionaux. Elle se plaît dans les lieux in- cultes et sablonneux. Elle exhale une odeur forte et aroma- tique qui se rapproche de celle de la Tanaisie commune , et elle partage probablement sa vertu excitante. ARMOISE. ARTEMISTA. Involucre ovoïde ou arrondi, imbriqué d’écailles oblongues et serrées. Fleurs flosculeuses ; fleurons du disque nombreux, hermaphrodites, à cinq dents; fleurons de la circonférence grèles, peu nombreux, entiers, femelles, fertiles. Graines nues. Réceptacle nu ou hérissé de poils. ARMOISE ESTRAGON. ARTEMISIA DRACUNCULUS. Artemisia dracunculus. Linn. Spec. 1189. Lam. Encycl. Bot. 1. 266. DC. FIL Fr. 3236. GMEL. Sib. 2. t. 59. foi. On reconnaît cette plante à ses tiges grêles, hautes de deux à trois pieds, vertes, glabres, rameuses; à ses feuilles étroites, lancéolées , sessiles , lisses et d’un vert foncé. Les fleurs sont petites, nombreuses, d’une couleur jau- nâtre, disposées en grappes axillaires à la partie supérieure DES PLANTES USUELLES. 371 de la tige et des rameaux : leur réceptacle est nu, et leur in- volucre demi-globuleux. Originaire de la Sibérie, l'Estragon est cultivé dans tous les jardins potagers. Dans la Sibérie et la Tartarie, où il croît spontanément, il se reproduit par les semences. Dans nos climats il donne rarement des graines fécondes. On le mul- tiplie par boutures au printemps, et plus vite par éclats de racines, que lon peut aussi repiquer à l'automne, à huit pouces les unes des autres, et qu’on relève et sépare tous les deux ou trois ans. L'Estragon est une plante aromatique que la médecine a cédée à l’art culinaire, et elle a bien fait, car elle est assez riche en végétaux stimulans. Ses feuilles jeunes et tendres sont imprégnées d'un arome piquant, agréable, qui relève la saveur aqueuse et un peu fade des laitues, les rend plus di- gestibles. Je ne sais si le lecteur sera de mon avis, mais il me semble que rien n'est plus appétissant, pendant les vives chaleurs de l'été, qu'une belle romaine, arrosée de nos propres mains dans le petit potager, fraîchement cueillie, parée et parfumée d'Estragon. En la voyant paraître sur la table on la savoure d'avance; et si on est en famille, on fait une espèce de macédoine avec la laitue et la tranche de veau rôti. Cet agréable et salutaire mélange de viande et de végé- taux frais, la nature l'indique aux estomacs chaleureux. Macédoine à l'Estragon. Mais je crois entendre un gourmand qui se plaint de ce re- pas un peu vulgaire. « Une tranche de veau, quelques feuilles de jaitue, et une pincée d'Estragon ! Y pensez-vous? c'est à peine le simple menu d'un curé de campagne. Que ne parlez- vous d'une poularde fine ou d’un poulet gras imprégné d'un 372 NOUVEAU TRAITÉ aspic à l’Estragon ? Voilà ce qui plaît aux gens de bon goût; et si vous nous conseillez une macédoine, permettez-nous du moins de remplacer le veau de Pontoise par quelques filets de poularde de la Bresse ou du Mans: » Que cet homme difficile à vivre nous suive pendant quel- ques jours, s'il en a le courage, à travers les montagnes, il mangera avec délices l'omelette au lard, assaisonnée d'Es- tragon. Le dindonneau, l'agneau, le chevreau , toutes les viandes blanches, sympathisent avec notre petite plante aromatique; mais, dans tous ces ragoûts, il faut la semer d'une main légère. Les médecins n’ont peut-être pas assez observé le pouvoir des condimens sur l'estomac de l'homme malade; ils regar- dent ces petites connaissances comme indignes d’un savant , qui ne doit se livrer qu'aux plus hautes spéculations de l'art. Je leur en demande bien pardon; mais plus d’uné fois un cuisinier intelligent a conduit comme par la main vers la convalescence, des malheureux malades qui prenaient une tout autre route : témoin le célèbre Carême, qui prolongea les jours du prince de Galles, en réformant son régime beaucoup trop stimulant. Ce prince sensuel n'avait plus que quelques réminiscences voluptueuses; ses organes étaient flétris, usés par une vie toute consacrée aux plaisirs physiques. Les substances irri- tantes, les épices, les drogues de l'Inde , la présence, l’as- pect, la conversation de ce qu'il avait tant aimé, tout cela l'épuisait, le fatiguait, le tourmentait, voilà tout. Carème s’'avisa de faire suivre au prince une hygiène toute différente. Il remplaça le piment de l'Inde et le gingembre par l'Estra- gon; les coulis, les hautes sauces, le gibier, par des potages printaniers, par des viandes gélatineuses, par des légumes DES PLANTES USUELLES. 373 frais et tendres, par des crèmes douces, enfin par une ali- mentation variée et présentée sous des formes appétissantes. Notre habile artiste défendit expressément à son royal malade les pilules, les tablettes imprégnées de cannelle et de vanille, qui lui fatiguaient l'estomac et la tête, sans autre retentissement. Après deux mois de ce régime, le prince se sentit renaître. Plus de rèves pénibles, plus de cauchemar ; il est plus gai, plus content, plus dispos; 1l croit remonter le fleuve de la vie. Carème reçoit en récompense des compli- mens flatteurs , et une belle tabatière d'or. Revenons à notre Estragon. S'il est utile et agréable aux princes , il ne l'est pas moins aux petits ménages bourgeois. C'est là que se font les rémolades, les ravigotes, et autres petites sauces que le vinaigre à l’Estragon relève admirable- ment. N'employez jamais d'autre vinaigre. Si votre marchand ne vous à point trompé, sil vous a fourni du vinaigre de vin, l'Estragon lui donnera encore plus de relief, et s'il est un peu frelaté,, l'Estragon corrigera son mauvais goût. Vous connaissez les moutardes exquises qu’on prépare aujourd'hui presque partout : celles où notre petite herbe a laissé son parfum sont les plus agréables et les plus saines. Ne craignez pas d'en faire usage, si votre estomac est prêt à défaillir pendant une longue convalescence, s'il éprouve cette espèce de langueur et de dégoût qui est la suite des fièvres bilieuses ou putrides. La moutarde à l’Estragon remontera mieux vos forces digestives que les pilules stomachiques in- ventées par nos charlatans, et prônées par leurs compères. Oserai-je vous parler de ces petits cornichons qu’on mange à Saint-Pétersbourg, à Rome ; à Paris, à Londres, partout? De ces cornichons qui relèvent les substances les plus fades, et qui vous font trouver excellent, même un ragoût ré- chauflé? Essayez de les confire sans Estragon, ils perdront la 374 NOUVEAU TRAITÉ moitié de leur prix. L’assaisonnement, répandu sans pro- fusion, voilà ce qui distingue la bonne ménagère comme le grand cuisinier, l'homme du monde aimable comme le poète, le littérateur, l’érudit de bon goût. Un compliment bien tourné, une répartie fine, spirituelle , une pensée profonde, voilée sous une forme agréable, élégante, tout cela est une sorte d'assaisonnement. C'est l'assaisonnement qui nous fait supporter la vie, c’est l’assaisonnement qui gouverne, qui mène le monde; mais que Dieu nous préserve des mauvais CUISINIETS ! ARMOISE AURONE. ARTEMISITA ABROTANUIN. Artemisia abrotanum. Lan. Spec. 1185. Lam. Encycl. Bot. 1. 265. DC. FI. Fr. 3243. LAPEYR. Plant. Pyr. 2. 503. BLACKW. Herb. t. 555. C'est un joli arbrisseau, haut d'environ trois pieds , à ra- meaux verdâtres, cylindriques , garnis de feuilles pétiolées , persistantes, finement découpées et d’un vert cendré. Les fleurs sont jaunes, ovoïdes, disposées le long des rameaux supérieurs en grappes menues et terminales. Leur involucre est pubescent et leur réceptacle glabre; les fleurons sont au nombre de huit à dix. On a donné à cet arbuste le nom de Cütronelle, à cause de l'odeur agréable qu'il exhale. Il croît naturellement au bord des vignes , dans le midi de la France. On le cultive dans les jardins, où il fleurit en août et sep- tembre. On le multiplie de graines, de drageons enracinés et DES PLANTES USUELLES. 375 de boutures. Il n'exige pas plus de soins que les plantes ordi- paires ; une terre douce et légère lui suffit. Sa verdure est agréable, et 1l figure bien dans les bosquets d'hiver. Lorsqu'on froisse les feuilles de l’Armoise aurone, elles répandent une odeur pénétrante, aromatique, imitant celle de l'éther. Elles sont amères et donnent un peu d'huile es- sentielle. Cette espèce d'Armoise est rarement employée ; elle jouit pourtant d’une propriété stimulante assez énergique. On la donnait autrefois en infusion aqueuse ou vineuse pour rani- mer le système gastrique, pour expulser les vers, pour pro- voquer l'écoulement des règles. On la remplace maintenant par l’absinthe et par quelques autres espèces congénères. Toutes les Armoises , et particulièrement l'Absinthe (Ar- temisia absinthium), espèce qui croît naturellement dans les lieux arides et incultes, sont des plantes médicinales pré- cieuses. Celle-ci est à la fois excitante et tonique. Elle se distingue par une grande amertume, par une odeur forte, pénétrante, aromatique. Braconnot en a extrait une huile volatile verte, une matière résineuse très amère, de l’albu- mine, plusieurs sels, etc. Les affections Halde provenant d'une débilité spéciale guérissent où s’amendent, sous l'influence prompte, in- tense et durable de l'Absinthe. Son infusion aqueuse ou vineuse, sa teinture alcoholique, son extrait, réchauffent l'estomac et les intestins, raniment leurs fonctions , et cette excitation se répète sur presque tout le système organique. Des faits irrécusables viennent attester qu'elle a été efficace contre la chlorose, les fleurs blanches, l’hydropisie , la dia- thèse vermineuse, la goutte, le scorbut, les fièvres intermit- tentes, etc. On donne l’Absinthe en infusion dans l’eau, dans le vin, 376 NOUVEAU TRAITÉ dans l'alcohol, dans la bière. On prépare l'infusion vineuse de la manière suivante : Infusion vineuse d Absinthe. Prenez : sommités d'Absinthe , une poignée ; vin rouge ou blanc de bonne qualité, une pinte; laissez imfuser pen- dant quarante-huit heures. Cette liqueur est très salutaire aux convalescens dont les forces ont été épuisées , soit par la maladie, soit par des mé- thodes débilitantes. Elle fortifie singulièrement l'estomac, excite l'appétit et régularise les digestions. C'est aussi le remède des vieux goutteux et des enfans tourmentés par les vers ; la dose est d’une ou deux cuillerées à bouche. On donne l'extrait d'Absinthe, à la dose d'un demi-gros, en bol, ou délayé dans un peu de vin généreux, le matin à jeun, et immédiatement avant les repas. Nous avons souvent guéri la fièvre intermittente, en doublant la dose, et en l’ad- ministrant une heure avant l'accès. Tous les gourmands connaissent les liqueurs spiritueuses qu'on prépare avec l’Absinthe. Un ou deux petits verres de ces liqueurs excitantes, qu'ils boivent avant les repas, les disposent à mieux savourer les délices de la table ; mais peu à peu l'estomac s’y habitue, et il faut doubler, tripler les doses pour lui donner une nouvelle énergie. L'exercice est un moyen plus naturel et plus sûr. Tout est délicieux quand on à un peu agité le système musculaire avant de se mettre à table. L'Absinthe communique au vin, à l'alcohol, à la bière, une propriété enivrante très remarquable. On doit ménager les doses, surtout lorsqu'on est malade. DES PLANTES USUELLES. NU L'Armoise des glaciers (Artenusia glacialis, Linn.) et l’Armoise des rochers (Artemisia rupestris, Linn.), connues, l'une et l'autre, sous le nom de Gémpi, sont également amères, stimulantes et toniques. Les habitans des Alpes en font usage dans les maladies aiguës, et principalement dans la pleurésie. Cette méthode, dont se plaignait le célèbre Tissot, est évidemment meurtrière dans les inflammations. C'est le Génipi des Alpes qui tua le malheureux Claude Anet, atteint d’une pleurésie à la suite d’une herborisation fatigante qu'il avait faite dans ces montagnes. Jean-Jacques, qui raconte sa mort, est presque étonné que le Gémipi n’ait point déployé sa vertu spécifique dans cette circonstance. « Ce pauvre garçon, dit-il, s'échaufla tellement, qu'il gagna une pleurésie dont le Génipi ne put le sauver, quoiqu'il y soit spécifique ; et malgré tout l'art de Grossi, qui certai- nement était un très habile homme, malgré les soins infinis que nous prîmes de lui, sa bonne maîtresse et moi, il mourut le cinquième jour entre nos mains, après la plus cruelle ago- nie. » (Confessions, part. E, liv. v.) On voit que le pauvre herboriste Claude Anet fut victime de ses petites connaissances en botanique médicale, et des préjugés de Grossi, de Rousseau, de madame de Warens, qui croyaient pouvoir guérir une inflammation violente avec un remède incendiaire. On voulait faire suer le malade , et on l'étouffa. Une ample saignée et une infusion de fleurs de violette lui eussent probablement sauvé la vie. Les mêmes propriétés se retrouvent dans l'Armoise pon- tique ou petite Absinthe (Artemisia pontica); dans l'Armoise maritime (Artemisia maritima); dans l’Armoise commune (Artemisia vulgaris) et dans presque toutes les espèces con- génères. | Nous devons faire observer ici que la médecine domestique, 378 ” NOUVEAU TRAITÉ usuelle où populaire, comme on voudra l'appeler, abuse dans tous les pays de ces végétaux stimulans. Beaucoup d'af- fections maladives qu’on rapporte à un état de faiblesse dé- pendent fort souvent d'une inflammation chronique, et peuvest devenir mortelles par ce diagnostic erroné. Lorsque le pouls est fébrile, et qu'il existe dans les entrailles de la chaleur et de la sensibilité, il faut redouter l'usage des amers et des excitans. SANTOLINE. SANTOLIN A. Involucre hémisphérique, imbriqué d’écailles oblongues, serrées, inégales. Tous les fleurons tubuleux, hermaphro- dites. Graines couronnées d’un rebord membraneux. Récep- tacle garni de paillettes. SANTOLINE FAUX-CYPRÈS. SANTOLINA CHAMÆCYPARYSSUS. Santolina chamæcyparyssus. Lin. Spec. 1179. DEsr. Arb. 1. 300. Porr. Encycl. Bot. 6. 505. LAPEYR. Plant. Pyr. 2. 501. — Santolina incana. DC. FI. Fr. 3248. Lam. Ilustr. t. 671. f. 3. — Æbrotanum fœmina. BLackw. Herb. t. 346. C'est un arbrisseau touflu, odorant, dont les tiges ra- meuses, cylindriques et blanchâtres se garnissent de feuilles alternes , sessiles , étroites, allongées, cotonneuses, rassem- blées par paquets , munies à leurs bords de petites dentelures disposées sur quatre rangs. DES PLANTES USUELLES. 379 Les fleurs sont d'un jaune de soufre , solitaires au sommet des pédoncules ; elles ont un involucre hémisphérique et pubescent. La Santolne Faux-Cyprès croît naturellement dans les contrées méridionales de l'Europe. On la trouve aux environs de Nîmes, de Narbonne, d'Aix, et dans les Pyrénées , aux expositions les plus chaudes, sur les rochers. Cette jolie plante conserve sa verdure toute l’année ; on la cultive dans les bosquets d'hiver, en choisissant un sol léger, exposé au midi. On l'appelle vulgairement Aurone femelle, Santoline, Petit-Cyprès, Garde-robe. Son odeur aromatique très expansive , et sa saveur amère annoncent de grandes vertus, d'où lui vient le nom de Santo- line, c'est-à-dire Herbe sainte, Herbe sacrée. Nous ne répéterons pas ici tout ce qu'on trouve dans quel- ques vieux auteurs au sujet de cet arbuste aromatique; nous dirons seulement qu'il partage les propriétés de la plupart des plantes qui composent la petite famille des Radiées ou Corymbifères , et que son action vermifuge est surtout remar- quable. On prend l'infusion aqueuseou vineuse de ses feuilles, préparée comme l'infusion d’absinthe. On emploie aussi les semences pulvérisées et mêlées avec d’autres substances ver- mifuges. Poudre vermifuge. Prenez : semences de Santoline, racine de valériane sau- vage, jalap, de chaque demi-gros ; mêlez pour une poudre dont la dose est de quinze à vingt grains pour un adulte, et de six à huit grains pour un enfant. On prend ordinairement cette poudre délayée dans un peu de vin ou dans une demi-tasse d'infusion de camômille. 380 NOUVEAU TRAITÉ L'odeur forte de la Santoline met en fuite les insectes qui rongent les étofles de laine; cette propriété économique lui a valu le nom de Garde-robe. ( CAMOMILLE. ANTHEMIS. Involucre à folioles imbriquées , presque égales, scarieuses sur les bords. Fleurs radiées ; fleurons du disque hermaphro- dites ; ceux de la circonférence femelles , fertiles, lancéolés, nombreux. Réceptacle convexe ou conique, garni de pail- lettes. Graines couronnées par une membrane entière ou dentée. CAMOMILLE DES CHAMPS. ANTHEMIS ARVENSIS. Anthemis arvensis. Lainn. Spec. 1261. Lam. Encycl. Bot. 1.575. DC. F1. Fr. 3260. Desv. FIL. Anj. 227. Bacs. FL Lyon. 1. 379. CHEv. FL Par. 3. 575. FL Dan. 1178. Engl. Bot. t. 602. Sa tige est rameuse, striée, un peu rougeâtre, haute d'en- viron un pied. Ses feuilles sont revêtues d'un duvet blan- châtre, cotonneux, deux fois pinnatifides, à découpures linéaires. Les fleurs ont le disque jaune, la couronne blanche, et les écailles de l'involucre un peu brunes à leurs bords. Le récep- tacle est conique, hérissé de paillettes lancéolées qui dépas- sent un peu la longueur des fleurons. Les graines sont lisses, un peu couronnées , en forme de toupie. DES PLANTES USUELLES. 381 Cette plante est commune, en été, dans les champs sa- blonneux. Elle exhale une odeur forte, presque fétide. CAMOMILLE NOBLE. ANTHEMIS NOBILIS. Anthernis nobilis. Linn. Spec. 1260. Lam. Encycl. Bot. 1. 574. DC. FL Fr. 3259. Ce v. FL. Par. 3. 575. DESv. F1. Anj. 227. Tour. F1. Toul. 215. Lapeyre. Plant. Pyr. 2. 532. BLACKW. t. 596. Sa racine, ligneuse et un peu rampante, produit des tiges hautes de huit à dix pouces, légèrement velues, d'abord étalées, puis redressées, et divisées en rameaux garnis de feuilles pinnatilides , d’un vert pâle, à découpures linéaires, courtes, aiguës, recouvertes d'un léger duvet. Les fleurs sont terminales, solitaires, attachées à de longs pédoncules ; elles ont le disque jaune, et les rayons d'un blanc pur. Cette plante croît abondamment dans les pâturages secs, dans les terrains sablonneux, sur la lisière des grandes routes, au midi et au nord de la France. On la trouve sur les pe- louses, dans les Pyrénées ; aux environs de Paris, à Meudon, à Versailles, à Saint-Germain, etc. C'est l'espèce la plus intéressante du genre par son odeur balsamique et par ses propriétés. On cultive dans les jardins une variété à fleurs doubles. x 382 NOUVEAU TRAITÉ CAMOMILLE COTULE. A4NTHEMIS COTULA. Ænthermis cotula. Lin. Spec. 1261. Lam. Encycl. Bot. 1. 575. DC. FI. Fr. 3261. CHev. F1 Par. 3. 575. BALE. FI. Lyon. 1. 379. Desv. FL Anj. 227. FI Dan. 1179. Engl. Bot. 1772. Cette plante se fait remarquer par son odeur fétide, par sa tige rameuse, diffuse, haute d’un pied et même davantage, garnie de feuilles glabres, deux fois pinnatifides, d’un vert. assez foncé, à découpures linéaires, pointues, entières ou. incisées. Les fleurs, ordinairement nombreuses, forment un corymbe irrégulier. Elles ont le disque jaune et les rayons blancs. Les écailles calicinales sont étroites et un peu blanchâtres en leurs bords. La Camomille cotule, qu on appelle aussi Maroute, Ca- momille puante, abonde en été dans les terrains incultes, dans les décombres, au bord des chemins. Lorsqu'on la presse avec les doigts, elle exhale une odeur fétide, très pénétrante. Cette dernière espèce est rarement employée par les mé- decins, bien qu’elle jouissed'une propriété excitante assez énergique. Elle doit être mise au rang des plantes amères et fébrifuges. L'infusion des fleurs, donnée avant le frisson, guérit les fièvres intermittentes simples, aussi bien que l'ab- sinthe, la Camomille romaime, la petite centaurée, etc. Elle excite également la vitalité de l'utérus, chez les filles chlorotiques , d’une complexion molle et inerte. On peut aussi l'employer à l'extérieur, sous la forme de cataplasmes , de fomentations, de bains aromatiques, pour DES PLANTES USUELLES. 383 remédier à l’atonie musculaire, pour ranimer les ulcères scrophuleux. La Camomille des champs exhale une odeur moins forte, mais elle a une amertume prononcée. D'après plusieurs ob- servations que nous avons recueillies à la campagne, nous n’hésitons pas à l’admettre au rang de nos fébrifuges indi- gènes. L'auteur de la Flore de Toulouse, M. le docteur Tour- non, à également guéri un bon nombre de fièvres intermit- tentes avec la Camomille des champs. Mais la Camomille par excellence, la Camomille qui a con- servé jusqu'ici une haute réputation, c'est la Camomille _ romaine. Ses propriétés ne sont peut-être pas plus actives, . mais on lui trouve un arome plus fin, plus agréable. Le Du nom qu'on lui a donné ( Anihemis nobilis, Eu noble) fait allusion à sa qualité aromatique et à ses excellens effets. Les fleurs de cette espèce de Camomille ont un arome pénétrant et balsamique, avec une saveur chaude et amère. Elles donnent du camphre, un principe résineux, du tannin, et une huile essentielle d'une belle couleur de saphir. Cette composition chimique fait pressentir de puissantes vertus, et les faits arrivent de toute part pour les confirmer. La médecine dogmatique et la médecine usuelle ont une égale estime pour la Camomille romaine. C'est le remède des hypochondriaques, des femmes hystériques, de tous ceux dont les forces digestives sont affaiblies. Indigestions, inap- pétence, flatuosités, aigreurs, diarrhée chronique, étouffe- mens, spasmes nerveux, affections goutteuses, suppression menstruelle, tous ces maux, de nature et de causes si di- verses, ont été attaqués avec cette herbe aromatique. Mais hâtons-nous de dire que son usage n’est vraiment utile que lorsque les organes ont besoin d'être ranimés, exci- tés. Et, par exemple, les aigreurs, les flatuosités , la car- 384 NOUVEAU TRAITÉ dialoie, les flux intestinaux, dépendent fort souvent d'un état d'irritation ou de phlogose qui repousse les substances excitantes et toniques. La Camomille romaine doit être placée au premier rang des fébrifuges indigènes. Nous en avons acquis la preuve dans nos rapports avec plusieurs médecins qui pratiquent dans les petites villes ou dans la campagne. M. Vernhe, médecin à Danville, et M. Maréchal, médecin à Sedan , ont guéri un grand nombre de fièvres intermittentes avec la Camomille, administrée sous différentes formes. Ce re- mède convient surtout aux fièvres intermittentes simples L. qui se développent au printemps; il a partout triomphé de. plusieurs fièvres-quartes rebelles au quinquina, d'après ke témoignage du docteur Bodard. On doit préférer la Camomille simple, récoltée dans les sites arides où elle croît spontanément, à la Camomille à fleur double cultivée dans les jardins; celle-ci est beaucoup moins active, malgré l'opinion contraire de quelques botanistes ; il faut aussi ne la pulvériser qu’au moment d’en faire usage. On administre la Camomille en infusion aqueuse ou vi- neuse, en poudre, en extrait, etc. Une infusion légère fa- vorise admirablement l'effet de l’émétique et autres vomitifs. Elle suffit même quelquefois pour débarrasser l'estomac surchargé d'alimens, de matières bilieuses où muqueuses. Cette même infusion, légèrement sucrée et prise par pe- ttes tasses, calme les accès d'hystérie, d'hypochondrie , dissipe les flatuosités, les bâillemens, les spasmes qui les accompagnent, et provoque une douce moiteur, presque toujours salutaire. Elle est également utile aux vieux gout- teux qui éprouvent des douleurs vagues, qui ont la peau sèche, aride, rugueuse; aux asthmatiques tourmentés par des spasmes, par des étouffemens. DES PLANTES USUELLES. 385 Infasion fébrifuge. Prenez : fleurs de Camomille sèches, demi-once; eau bouillante, huit onces. Laissez infuser pendant demi-heure. On donne cette infusion légèrement sucrée en deux doses en- viron une heure avant l'accès. Lorsque le fébricitant est d'une bonne complexion, on peut y ajouter quelques cuillerées de vin ou d’eau-de-vie. On continue ce remède les jours suivans jusqu’à ce que la fièvre ait disparu. Si la fièvre résiste, on à recours aux fleurs de Camomille "récemment pulvérisée. La dose est de quinze à vingt grains ; mais il faut en prendre cinq ou six doses pendant l'intervalle des accès. Le meilleur véhicule, c’est le vin. Lorsque la fièvre a cédé, il est nécessaire de continuer encore pendant quelques jours l'usage de la Camomille. L'infasion de Camomille est aussi un excellent vermifuge pour l'enfance. Voici une formule qui n'a fort bien réussi après avoir donné d'autres remèdes sans succès. Mixture vermifuge. Prenez : fleurs de Camomille, une pincée; faites bouillir légèrement dans quatre onces d'eau, et puis laissez infuser pendant un quart d'heure. Passez avec expression, et ajoutez un petit morceau de sucre, une petite cuillerée de jus de a- tron, et une bonne cuillerée d'huile d'olive. On donne cette mixture aux enfans en deux doses. On prépare aussi avec la Camomille des lavemens, des cataplasmes, des lotions, des bains aromatiques. L'huile de Camomille n’est autre chose que de l'huile d'olive dans la- IT, 25 386 NOUVEAU TRAÎTÉ quelle on a fait infuser les fleurs de la même plante. On en frictionne les membres affaiblis par la goutte ou le rhuma- tisme. On fait aussi avec cette huile des embrocations sur le bas-ventre, pour calmer la sensibilité qui est la suite de la gastro-entérite. Quelques grains de camphre augmentent son efficacité. Deux espèces congénères se distinguent par des propriétés analogues : la Camomille élevée (Anthemis allissima) et la Camomille des teinturiers (Anthemis tinctoria ). La première espèce a une tige droite, rougeâtre, haute, rameuse, des feuilles pmnatfdes, à lobes découpés, garnis tées sur des pédoncules un peu épaissis vers leur sommet. Le réceptacle est garni de paillettes lancéolées, acérées, presque épineuses. Elle exhale une odeur très agréable. On la trouve parmi les gazons, dans les prairies, dans les champs de nos dépar- temens méridionaux. La Camomille des teinturiers se fait remarquer par sa tige rameuse, rougeâtre inférieurement, pubescente et blan- châtre à sa partie supérieure; par ses feuilles trois fois pin- natifides, velues et cotonneuses en dessous, à découpures fines, étroites , aiguës; par ses fleurs jaunes , portées sur des pédoncules nus et blanchâtres. Cette plante croit dans les prés secs et arides de nos pro- vinces méridionales. Ses fleurs ont une odeur forte, aroma- tique et une saveur amère; leur infusion concentrée jouit d'une propriété fébrifuge qui a été constatée par Gilibert. » LITE à leur base d’une petite dent recourbée. Les fleurs sont por-" DES PLANTES USUELLES, 387 CAMOMILLE PYRÈTHRE. ANTHEMIS PYRETHRUM. Anthemis pyrethrum. Linn. Spec. 1262. Lam. Encycl. Bot. 1. 575. Desr. F1. Atlant. 287. DC. FI. Fr. 3264. Bot. Mag. 462. Sa racine charnue, fusiforme, pousse des tiges nom- breuses, feuillées, ordinairement simples et uniflores, quel- quefois un, peu rameuses, hautes d'environ un pied. Les feuilles sont d'un vert tendre, deux fois pinnatifides, à dé- coupures un peu charnues. Les fleurs sont grandes, fort belles, solitaires, terminales; les demi-fleurons sont blancs en dessus, d’une couleur purpurine ou rougeâtre en dessous. La graine est menue, plane, bordée sur les angles et couronnée au sommet par une membrane. Cette espèce de Camomille croît dans le Levant, en Italie, en Allemagne, et aux environs de Montpellier. Elle porte le nom de Pyrèthre à cause de la chaleur âcre que sa racine im- prime à la bouche quand on la mâche. Telle qu'on nous l’apporte du Levant, cette racine est médiocrement épaisse, ridée, garnie de fibres menues, un peu tortueuses, fauve en dehors, blanchâtre intérieurement, inodore, d'une saveur brûlante. Elle contient de la gomme, une huile fixe, une huile âcre et un principe colorant jaune. Lorsqu'elle est fraîche , elle donne à la main , suivant le pro- fesseur Desfontaines, une sensation de froid suivie d’une chaleur assez vive. On recommande particulièrement son usage contre l'odon- talgie rhumatique, l'engorgement des glandes salivaires, et la 388 NOUVEAU TRAITÉ paralysie de la langue. Mais alors on ne l'emploie pas inté- rieurement, on la tient seulement dans la bouche et on la mâche. Les dentistes en font des élixirs, des teintures odon- talgiques par sa macération dans l'alcohol. Les épiciers met- tent aussi de la racine de Pyrèthre dans leurs vinaigres afin de leur donner plus de force. On trouve dans le commerce une autre racine à laquelle on donne aussi le nom de Pyrèthre; mais elle appartient à une plante différente: c’est la racine du Chrysantemum fruti- cosum de Linné. Elle est blanche, ligneuse, moins épaisse et moins active que la Pyrèthre ordinaire. ACHILLÉE. ACHILLEA. Involucre ovoide , imbriqué d'écailles Erbit inégales , serrées. Fleurs radiées; fleurons hermaphrodites ; demi- fleurons femelles , fertiles, au nombre de cinq à dix. Récep- tacle plane, étroit, garni de paillettes. Graines entièrement nues. ACHILLÉE MILLEFEUILLE. ACHILLEA MILLEFOLIUM. Achillea millefoliumn. Lann. Spec. 1125. Lam. Encycl. Bot. 1.29. DC. F1. Fr. 3280. FI. Dan. 737. Engl. Bot. 758. — Millefolium. BLaAckxw. Herb. t. 18. Ses tiges cylindriques, dures, un peu velues, vertes, quelquefois un peu rougeâtres à leur partie inférieure, hautes d'environ deux pieds, se divisent en plusieurs ra- ‘ie {! DES PLANTES USUELLES. 389 meaux à leur sommet. Ses feuilles sont allongées, deux fois pinnatifides , d’un gros vert, à découpures extrèmement nom- breuses , linéaires et dentées. Les fleurs, blanches ou purpurines , forment des corymbes assez garnis au sommet de la tige et des rameaux. Les demi- fleurons sont peu nombreux et presque en forme de cœur renversé. Cette plante croît abondamment dans les lieux incultes et arides , dans les prairies, aux bords des bois, des champs et des chemins. On l'appelle vulgairement Millefeuille, Herbe au charpentier. Sa réputation est fort ancienne. Le nom d'Achillea , suivant Pline, lui vient d'Achille, qui s’en servit le premier pour guérir les blessures. Peyrilhe a eu tort de vouloir bannir du catalogue des plantes utiles la Millefeuille , dont l'odeur est forte, balsa- mique, et la saveur amère, un peu acerbe. Elle fourmit à l'analyse de l'huile volatile camphrée et un principe extractif amer. Cette composition chimique parle en sa faveur. Les médecins allemands , particulièrement Stahl et Fré- déric Hoffmann, avaient une grande estime pour cette herbe amère, aujourd hui peu employée par les médecins, et même tout-à-fait dédaignée de quelques pharmacologues. Nous ne voulons pas offrir ici la nomenclature de tous les maux qu'on a Cru pouvoir guérir avec la Millefeuille ; elle serait fort longue, et le lecteur le plus bénévole y croirait à pee : cependant elle n’est pas aussi inerte, aussi insignifiante qu'on veut bien le dire. Par sa propriété astringente et tonique, elle a modéré des flux excessifs, des hémorrhagies, des leu- corrhées, etc. Des praticiens qui n'écrivent point , mais qui observent attentivement l'effet des remèdes, nous ont dit avoir employé avec un plein succès le suc exprimé de la plante fraiche , pour arrêter des hémoptysies rebelles à la 390 NOUVEAU TRAITÉ saignée et aux boissons tempérantes. Lorsque le suc ou la décoction de la plante ne suffisaient point, on les étendait dans une eau alumineuse. Mais c’est un remède astringent d'une application délicate. La suppression brusque d'un écoulement muqueux ou san- euin peut entraîner les plus funestes accidens. Tous les mé- decins le savent, mais les gens du monde ne s’en doutent point. Voici un fait qui pourra les éclairer; il a été recueilli par un praticien célèbre : «Un enfant sujet à une évacuation périodique de sang , par les narmes , fit des remèdes qui suspendirent cette éva- cuation. Il devint bouff, enflé de tout le corps, surtout de la partie supérieure ; la fièvre et la difficulté de respirer étaient très marquées. Les parties inférieures se gonflèrent à la suite d’une saignée au pied, et la fièvre diminuant, l’en- flure diminuait à proportion, mais la difficulté de respirer augmentait. Enfin le malade ne put plus se coucher que du côté droit. Toute son enflure disparut, et il mourut avec une suppuration au poumon du côté sur lequel 1l se couchait, et qui se trouva aussi plein d'eau. » ( Bordeu , Recherches sur le Tissu muqueux, et sur quelques maladies de la poitrine.) Stahl conseille limfusion théiforme de Millefeuille aux hé- morrhoïdaires , aux hypochondriaques, aux femmes hystéri- ques. D’autres prétendent avoir calmé avec le même remède les coliques nerveuses, la cardialgie, les flatuosités, etc. Tout cela est possible lorsque le système organique est frappé d'une véritable faiblesse ; mais les affections nerveuses re- connaissent d’autres causes, et ne sauraient être combattues par une méthode exclusive. La Millefeuille est le remède du bücheron, du charpentier pour le traitement des plaies, des contusions , des ulcères. Lorsque les plaies sont récentes, tousles topiques où entre la DES PLANTES USUELLES. 391 Millefeuille ne peuvent que les irriter, les enflammer. Mais il n’en est pas de même des ulcérations sordides ou atoniques; ces applications les raniment, les détergent et les disposent à la cicatrice. On emploie alors l'infusion aqueuse ou vineuse, et même le suc de la plante. On prépare également avec la Müllefeuille des fumigations et des bains aromatiques. La racine à une saveur amère et une odeur de camphre. On l’emploie en infusion et en décoction comme les sommités fleuries de la plante. Le vin et l'alcohol s'imprègnent égale- ment des principes actifs de la Millefeuille. L'économie domestique pourrait s'emparer de cette plante, abandonnée des médecins. Elle est, dit-on, un excellent remède contre la gale des moutons. C'est aussi un bon four- rage pour ces animaux, et même pour les chevaux et les vaches. On la trouve partout ; elle végète dans les terrains les plus arides, elle résiste aux plus grandes sécheresses. Si l'on remarque de loin un espace vert dans un pâturage brülé, il est probable que cet espace est garni de Millefeuille. Cette plante est quelquefois employée à la préparation de la bière, qui acquiert alors une qualité très enivrante. Cette boisson est maintenant aussi frelatée que le vin. | ACHILLÉE NOBLE. ACHILLE A NOBILIS. Achillea nobilis. Linn. Spec. 1268. Gici8. Élém. Bot. 3. 80. DC. FL Fr. 216. Lapeyr. Plant. Pyr. 2. 535. On reconnait cette espèce à son odeur aromatique, cam- phrée ; à sa tige ronde , non sillonnée, pubescente, haute de douze à quinze pouces; à ses feuilles deux fois pmnées , co- tonneuses, à lanières écartées, pointues, étroites, dentées en scle. 392 NOUVEAU TRAITÉ Les fleurs sont disposées en corymbe à l'extrémité des ra- meaux ; elles ont le disque jaunâtre, les demi-fleurons blancs, courts, échancrés au sommet et peu nombreux. L’Achillée noble croît dans le Piémont, dans la Provence, dans le Languedoc, dans le Dauphiné, dans les Pyrénées. Elle se plaît sur les collines, dans les terrains un peu sablon- neux. Toutes ses parties répandent une odeur pénétrante et balsamique. Elle possède les propriétés de l'espèce précédente, la Millefeuille, et peut fort bien la remplacer. Son odeur, son amertume, annoncent même une action plus vive, plus énergique. Son infusion aqueuse ou vineuse, légèrement sucrée, est un stomachique agréable. On s'en sert dans les Alpes pour exciter la sueur, pour guérir les fièvres intermit- tentes simples. ACHILLÉE MUSQUÉE. ACHILLEA MOSCHAT A. Achillea moschata. JAGQ. Austr. App. t. 33. DC. FL. Fr. 3276. — Achillea Genipi. Mure. App. Med. 1. 255. HazL. Hist. Stirp. Helv. n. 112. Sa racine, dure et de couleur fauve, pousse plusieurs tiges droites, simples, ordinairement glabres, quelquefois pubescentes, garnies de feuilles sessiles ou un peu pétiolées, pinnatifides , à lobes linéaires, opposés, entiers, presque obtus , au nombre de trois à six sur chaque côté et disposés régulièrement. Les fleurs, au nombre de cinq à huit, sont disposées en corymhe terminal , nu, droit et assez serré. Les folioles de DES PLANTES USUELLES. 393 l'involucre sont brunes sur les bords ; le disque est jaune, en- touré de demi-fleurons blancs, dentés au sommet. Cette plante croît parmi les rochers des hautes Alpes. Elle est commune au mont Saint-Bernard, au Simplon et dans les Alpes du Dauphiné. M. Hannin l'a cueillie auprès des glaciers. On l'appelle Achillée musquée, à cause de l'odeur exquise qu’elle exhale : elle porte aussi le nom de Génipi blanc. C'est le Tanacetum alpinum, odoratum, de Gaspard Bauhin. Cette petite plante est un puissant stomachique; ses vertus ont beaucoup d'analogie avec celles de l'espèce suivante. Elles font partie, l’une et l'autre, des thés ou vulnéraires suisses. ACHILLÉE NOIRE. ACHILLEA ATRATA. Achillea atrata. Lan. Spec. 1267. LAM. Encycl. Bot. 1. 29. GiziB. Elém. Bot. 3. 78. DC. FI. Fr. 3277. LAPEYR. Plant. Pyr. 2. 535. JAcQ: FI. Austr. t. 77. Sa racine, un peu ligneuse, horizontale et brunâtre, produit une tige droite, simple, légèrement velue , haute de huit à dix pouces, garmie de feuilles ailées , presque ses- siles , glabres , composées de folioles linéaires , aiguës, sim- ples ou divisées. Les fleurs sont portées sur des pédoncules pubescens, et disposées en un corymbe terminal. Elles ont le disque jaune , les rayons de la circonférence blancs, et les écailles de l'in- volucre entourées d'une large bande noire. Cette espèce croît sur le sommet des Alpes du Dauphiné et de la Suisse. On la trouve aussi dans les Pyrénées. Elle 394 NOUVEAU TRAITÉ répand une odeur aromatique qui se conserve long-temps, même dans l’herbier du botaniste ; sa saveur est très amère. On lui a donné le nom de Génipi noir ou rai Gérupi. Les habitans des Alpes en font un grand usage pour rani- mer leurs forces, pour provoquer les sueurs dans la pleu- résie , la péripneumonie , pour arrêter la diarrhée, les flux dysentériques, etc. Nous avons déjà observé combien cette médecine populaire est pernicieuse dans les maladies aiguës, surtout dans les inflammations de la plèvre, du poumon et des voies digestives ; mais nous ne saurions assez le dire aux habitans des campagnes, parce que nous savons qu'ils en abusent encore malgré les conseils des médecins, malgré toutes les remontrances du respectable Tissot. (Voyez, à l’ar- üicle Armoise , la mort de l’herboriste Claude Anet, racontée par Jean-Jacques Rousseau.) Cependant, dans les maladies chroniques accompagnées d'une véritable faiblesse, d'une sorte de langueur et d'inertie, toutes ces herbes aromatiques produiront certainement de bons effets. Elles relèveront les forces , ranimeront l'appétit, hâteront la convalescence. Les faltranks ou thés suisses doivent leurs vertus stimu- lantes à l'Achillée musquée, à l’Achillée noire, à l'Achillée naine (Achillea nana), autre espèce très odorante, et à quel- ques Armoises dont nous avons déjà parlé. On y joint plu- sieurs espèces de labiées , ainsi que l’Aspérule odorante, le Millepertuis, la Reine des Prés et l’Arnica des montagnes. Ce mélange de plantes amères et aromatiques stimule singulièrement les organes, et pourrait remplacer la plupart des substances toniques et excitantes qui nous viennent des pays étrangers. Mais, pour grossir les rouleaux des thés suisses, les herboristes y mélent indistinctement toutes sortes d'herbes, même les débris hachés de leurs magasins. DES PLANTES USUELLES. 395 « Voilà, dit M. Hannim, ce que les charlatans vendent au peuple pour guérir tous les maux, au son d'une musique bruyante. » M. Hannin a sans doute raison de se plamdre de ces pe- tites ruses mercantiles qui rendent les thés vulnéraires pres- que imertes ; cependant, le dirai-je? tout cela tourne au profit de l'humanité , et il y a compensation, d'après le sys- tème philosophique de M. Azaïs. Le peuple et même un certain monde plus distingué ont une grande confiance dans les herbes que produisent les montagnes de la Suisse, et ils abusent des thés vulnéraires. Que deviendraient alors les femmes hystériques, les hypochondres , les enfans délicats, les malades atteints d'affections nerveuses, d'inflammations chroniques, avec toutes ces infusions excitantes ? Que les herboristes n'oublient donc pas de mêler dans leurs faltranks des fleurs de mauve, de bouillon-blanc, de coquelicot , et que les bateleurs à grandes moustaches continuent de les vendre aux niais qui les écoutent et les admirent. ACHILLÉE STERNUTATOIRE. ACHILLEA PTARMICA. Achillea ptarmica. Laxx. Spec. 1266. Lam. Encycl. Bot. 1. 98. DC. FL Fr. 3271. Lapeyre. Plant. Pyr. 2533: Bars. F1. Lyon. 1. 378. CHEv. F1. Par. 3. 574. FI. Dan. t. 643. Engl. Bot. 757. De sa racine rampante et fibreuse s'élèvent plusieurs tiges cylindriques, glabres, simples ou un peu rameuses, hautes de deux ou trois pieds. Les feuilles sont éparses, sessiles, 396 NOUVEAU TRAITÉ linéaires, lancéolées, lisses, d'un vert un peu foncé, bordées de dentelures en scie très aiguës et très rapprochées. Les fleurs sont disposées en corymbe un peu lâche à l’ex- trémité des rameaux. Le disque est jaunâtre, entouré de dix à quinze demi-fleurons blancs, à limbe étalé et terminé par deux ou trois dents obtuses. Les folioles de l'involucre sont serrées, un peu brunes sur les bords. Cette plante croît aux bords des étangs, des rivières, et dans les prairies humides de l'Europe tempérée. On la trouve aux Pyrénées, sur les bords des ruisseaux, dans les pâturages humides des montagnes. Toutes les parties de l’Achillée ptarmique fournissent une matière extractive d'une grande amertume. La racine et les feuilies fraîches ont une saveur âcre et brülante. Les fleurs exhalent une odeur forte, aromatique, un peu nauséeuse. Son nom, dérivé du mot grec péarmos, qui signifie éternue- ment, annonce ses propriétés. On emploie les feuilles sèches comme le tabac pour exciter la membrane pituitaire. La racine provoque la salivation, si on l'applique à la surface muqueuse de la bouche ; mais, sous ce rapport, on lui préfère la racine de pyrèthre, à laquelle on attribue une action plus intense. On cultive dans les jardins une jolie variété à fleurs doubles, à laquelle les fleuristes ont donné le nom de Bouton d'argent. Ses fleurs paraissent au mois de juillet et durent pendant tout le temps de la belle saison. Lapeyrouse a trouvé cette variété sauvage aux Pyrénées, dans la vallée d'Eynes. DES PLANTES USUELLES. 397 ACHILLÉE VISQUEUSE. ACHILLEA AGERATUM. Achillea ageraium. Lann. Spec. 1264. Lam. Encycl. Bot. 1.25. DC. FI. Fr. 3268. LAPeyr. Plant. Pyr. 2. 534. Mie. Ic. t. 10. Ses tiges sont fermes, droites, glabres, un peu rameuses, hautes de deux pieds, garnies dans toute leur longueur de feuilles lancéolées , obtuses, dentées en scie, vertes, un peu visqueuses , rétrécies à la base en un court pétiole, et réunies ordinairement par faisceaux. Les fleurs sont jaunes, petites, disposées en corymbe ter- minal et serré ; les demi-fleurons sont courts et peu apparens. Cette plante croît dans nos départemens méridionaux, aux environs de Perpignan, de Montpellier, d'Avignon, etc. Ses fleurs sont assez belles pour la faire accueillir dans les jardins. Depuis long-temps la médecine a abandonné cette plante aromatique, appelée dans quelques vieilles pharmacologies, Eupatoire de Mésué. Son amertume et son odeur balsamique, agréable, témoignent contre cet injuste abandon. Mésué pré- parait, dit-on, avec cette espèce d’Achillée, un sirop et des trochisques qui lui servaient à fondre les obstructions du foie et des autres viscères. Dans toutes ces guérisons, la nature et le régime avaient sans doute une grande part, cependant on ne saurait contester les bons effets des plantes amères et aromatiques lorsque les viscères sont dans un état de relâche- ment et d'atonie. L’Achillée visqueuse, au reste, parait douée des vertus de la millefeuille et de ses congénères. L'huile d'olive impré- 398 NOUVEAU TRAÏÎTÉ gnée des principes de la plante favorise , suivant Chomel, le départ des vers. On l’applique en friction sur le ventre des enfans. L'absinthe, la camomille romane, la camomille puante, produisent le même effet. Il suffit de faire infuser ces plantes dans de l'huile dont on frictionne l'abdomen deux ou trois fois par jour. Elle est encore plus vermifuge si on y ajoute quelques grains de camphre. Tous ces petits remèdes domestiques sont faciles, peu dispendieux, et quelquefois très salutaires,. surtout aux enfans, qui ont tant de répu- gnance pour les médicamens intérieurs. SPILANTRHE. SPILANTHUS. Involucre composé de deux rangs de folioles droites , oblongues, presque égales. Fleurons tubuleux , égaux, tous hermaphrodites, à cinq découpures courtes, quelquefois quatre. Réceptacle allongé, cylindrique, presque conique, garni de paillettes membraneuses. Semences ovales, com- primées, ciiées, blanchâtres à leurs bords, couronnées par deux petites soies, flexibles, glabres, inégales, SPILANTHE OLÉRACÉ. SPILANTHUS OLERACEA. Spilanthus oleracea. Tann. Syst. Veget. 609. DEsr. Cat. Plant. 186. JAcQ. Hort. Vind. t. 135. GriM. Gaz. Sant. SU LE OLA C'est une plante à la fois économique et médicinale, qu'on appelle vulgairement Cresson de Para. Elle a des tiges basses ) DES PLANTES USUELLES. 399 à peine longues de six ou huit pouces, rampantes, cylin- driques, feuillées, garnies de rameaux courts. Ses feuilles sont opposées, pétiolées, épaisses, échancrées en cœur à la base, ovales, dentelées, glabres et d'un vert päle ou jaunâtre. Les fleurs sont d’une forme globuleuse, d’une couleur jaune, solitaires sur des pédoncules extrêmement longs. Le Spilanthe oléracé croît naturellement dans l'Amérique méridionale. On lecultivedans quelques jardins sur des couches chaudes ou sous châssis. Vers la fin d'avril ou dans le mois de mai, on peut le repiquer, mais il faut l'exposer au midi et l'arroser de temps en temps. Cette plante fleurit ordinairement au mois d'août ; on peut la récolter dans le courant de septembre ou d'octobre. Elle se sème fort bien d'elle-même, mais elle craint la rigueur de nos hivers; sans cela elle se reproduirait sans soin et sans culture. Les pays méridionaux lui conviennent beaucoup mieux. Les feuilles fraîches ont une saveur âcre, piquante, qui excite vivement les glandes muqueuses et salivaires. Les ha- bitans de l Amérique méridionale les mangent crues ou cuites, et les regardent comme un antiscorbutique puissant. Les liqueurs alcoholiques et l'eau mème s'emparent facile- ment des principes actifs du Cresson de Para. D’après l’'ana- lyse chimique faite par M. Lassaigne, il contient une huile volatile odorante, d'une saveur très âcre, une matière gom- meuse, une matière extractive âcre et amère, du malate acide de potasse, de la cire, un principe colorant jaune, du sulfate et du muriate de potasse, et du phosphate de chaux. M. le docteur Emmanuel Rousseau, chef des travaux ana- tomiques au Jardin du Roi, a particulièrement étudié les eflets médicinaux de cette plante. Nous nous empressons de faire connaître à nos lecteurs quelques faits intéressans qu'il 400 NOUVEAU TRAÏÎTÉ a consignés dans le tome troisième de la Gazette de santé; rédigée par M. Grimaud de Caux. En 1800, un voyage scientifique aux terres australes fut ordonné par Napoléon. Il en chargea Baudin, l’un de ses plus habiles marms. Ce capitaine, monté sur la frégate le Géo- graphe, partit du Havre le 19 octobre de cette mème année. Dans ce bâtiment se trouvait un jeune jardinier, envoyé par le Muséum d'Histoire naturelle, qui, docile aux conseils tout philanthropiques des To din s'était muni de deux flacons contenant un peu plus d'un lite de têtes de Cresson de Para en macération dans de l’eau-de-vie. Arrivé sous les tropiques, vers les îles Madères, il com- mença à en faire usage, 1l continua chaque jour, et il fut exempt du scorbut qui ravageait tout l'équipage à un tel point, que le capitaine lui-même était obligé de se faire couper des excroissances de chair sur les lèvres et les gen- cives. A Botany-Bay, plus de vingt hommes de l'équipage périrent de cette cruelle maladie. Beaucoup d’autres ne purent être employés à cause de leur extrème faiblesse. Quant à ce jar- dinier, le voyage qu'il fit à la Nouvelle-Hollande n’altéra nullement sa santé, grâce à l'emploi qu'il continua de faire de la teinture spiritueuse du Cresson de Para. Aussi ses forces et son agilité lui permirent-elles d'enrichir le Muséum d'His- toire naturelle, qui lui doit la plupart de ces arbres qui font lornement des serres, ainsi qu'une immense quantité de graines, de coquilles, d'insectes, etc. Mademoiselle M... , âgée de trente-huit ans, avait le corps entièrement couvert de taches scorbutiques ; son haleine ex- halait une odeur insupportable. Elle avait la bouche, surtout les gencives, dans un état déplorable lorsqu'elle vint consulter M. Rousseau. Au bout de deux mois elle fut parfaitement DES PLANTES USUELLES. 401 rétablie par la teinture alcoholique du Cresson de Para et per un régime convenable. ! Un vieux militaire vint consulter M. Rousseau au mois de mai 1824, pour des taches d'un rouge livide qu'il avait en diverses parties du corps. Tout le système musculaire était mou, d’une flaccidité node qui frappa l'attention du médecin. Doué d'un tempérament bilioso-sanguin, il jouissait, avant la campagne de 1812, d'une forte constitution et d’une santé . parfaite. Pendant l'hiver de 1823, il éprouva des douleurs musculaires qui le tenaient constamment cloué sur son lit. Ses gencives présentaient une teinte d'un rouge cerise; elles étaient extrêmement tuméfiées et sanguinolentes; l'odeur de son haleine était insoutenable. Cette diathèse scorbutique parfaitement caractérisée fut heureusement combattue en moins de six semaines par la teinture spiritueuse de Spilanthe oléracé. Plusieurs enfans d’un tempérament lymphatique avaient des abcès qui parcouraient les diverses parties du corps. On leur administra le même remède , tous les matins à jeun, à la dose d'une petite cuillerée dans un demi-verre d’eau su- crée. Dans l'espace d’un an leur santé s’est améliorée d’une manière remarquable. M. le docteur Morand fait également l'éloge des propriétés antiscorbutiques du Cresson de Para dont il se sert depuis longues années. « Sa teinture alcoholique, dit-il, arrête comme par enchantement l’hémorrhagie passive des gen- cives; et il n'y pas de meilleur remède pour l'affection scor- butique de la bouche. » .:. En 1825, M. Rousseau signala: à l'Académie royale de Médecme les heureux ‘effets du Cresson de Para, et cette communication futsuivie d'un rapport favorable. Depuis Il 26 102 NOUVEAU TRAITÉ cette époque on vend ce remède par petits flacons , sous le nom ridicule de Paraguay-Roux. Sic vos non vobis. HÉLIANTHE. HELIANTHUS. Involucre imbriqué de folioles nombreuses, oblongues , ouvertes ou réfléchies. Fleurs radiées ; fleurons hermaphro- dites, ventrus dans leur partie moyenne ; demi-fleurons ovales, oblongs, stériles. Réceptacle plane, très large. Semences couronnées par deux arêtes molles, caduques. HÉLIANTHE TUBÉREUX. HELIANTHUS TUBEROSUS. Helianthus tuberosus. Lin. Spec. 1277. Lam. Encyci. Bot. 3. 83. DC. FI. Fr. 3290. JacQ. Hort. Vind. t. 161. Sa racine est composée de tubereules arrondis ou ovoïdes, charnus, rougeâtres en dehors, blancs intérieurement. Sa tige est droite, cylindrique, épaisse, verdâtre, pleine de moëlle, chargée de petits poils rudes, haute de six à dix pieds. Ses feuilles sont alternes, rudes au toucher, pétiolées, ovales, aiguës. Les fleurs sont jaunes, d'une grandeur moyenne, solitaires à l'extrémité de la tige et des petits rameaux pur naissent dans les aisselles des feuilles supérieures. Cette plante alimentaire, connue en Europe avant la pomme de terre et la patate, est comme l’une et l'autre ori- ginaire de l'Amérique. Elle a été cultivée en France à la fin DES PLANTES USUELLES. 403 du seizième siècle. On la voit maintenant dans un grand nombre de jardins potagers, où elle se multiplie de ses er cules. On l'appelle Topinambour. Elle se reproduit presque sans culture; elle prospère partout, même dans les lieux om- bragés et dans les sols les plus médiocres. Le Topinambour a une saveur douce, agréable, qui res- semble en quelque sorte à celle de l'Artichaut. On le fait cuire dans l’eau, et on le mange assaisonné, soit avec du beurre, soit avec du jus de viandes. Ce légume peut d’ailleurs rem- placer dans les ragoûts la pomme de terre, le navet, la ca- rotte, etc. Plenck l’accuse d'avoir causé des tremblemens avec un peu de stupeur à la tête. Ego saltem aliquoties post hujus cibi pastum sentiebam levem temulentiam in capite. A1 dit pourtant que c'est un aliment savoureux, délicat, préparé avec une sauce au beurre. On voit qu'il a voulu faire une sorte de réparation au Topinambour; il la lui devait. J'ai mangé plusieurs fois à la campagne de ces tubercules cuits à la vapeur de l’eau, et je n'ai jamais éprouvéle moindre tremblement, le moindre embarras. Nulle plainte également de la part de plusieurs personnes, qui en un usage et que J'ai imterrogées. Mais le Topinambour intéresse surtout l’économie rurale. Les bestiaux se nourrissent de ses racines et de son feuillage. Les moutons, les bœufs, les vaches mangent les tubercules lavés, coupés par morceaux crus ou cuits; la volaille les mange également cuits, réduits en pâte et mêlés avec du son. Les jeunes tiges et les feuilles qu'on a fait sécher servent pendant l'hiver à la nourriture des chèvres et des moutons. 10% NOUVEAU TRAITÉE HÉLIANTHE À GRANDES FLEURS. HELIANTHUS ANNUUS. Helianthus annuus. Lann. Spec. 1276. Lam. Eneycl. Bot. 3. 82. DC. EL. Fr. Mrzc. Tllustr. Icon. Cette belle plante, connue sous les noms de Soleil, Fleur de solal, Tournesol, est origmaire du Pérou. Elle se fait remarquer par sa haute taille et par sa fleur dont la dimension surpasse celle de toutes les fleurs connues. La tige est droite, cylindrique, épaisse, feuillée, velue, rude au toucher, ordinairement simple, quelquefois rameuse, haute de huit à dix pieds et même davantage. Les feuilles sont alternes, éparses, grandes, pétiolées, ovales, presque en cœur, pointues , dentées ou crénelées sur les bords, rudes et verdâtres. Les fleurs sont terminales, solitaires, penchées latérale- ment, tournées le plus souvent du côté du soleil, et d'un jaune éclatant. Elles s'épanouissent vers le mois de juillet. … Originaire du Pérou , le Tournesol est depuis long-temps cultivé dans presque tous les jardins, où 1l domine majestueu- sement sur toutes les autres plantes. Son attitude est vraiment royale. Mais après avoir charmé vos regards, il vous offre le ré- ceptacle de ses grandes et belles fleurs que vous pouvez manger comme celui de lartichaut. Les abeilles viennent butiner sur ces mêmes fleurs où elles puisent les élémens du miel. Les graines, dont le nombre est prodigieux, sont égale- ment nourrissantes , et ont une saveur agréable de noisette. DES PLANTES USUELLES. 405 C'est d'ailleurs une nourriture précieuse pour Les bestiaux, surtout pour les porcs, les moutons et la volaille. Rien n’est plus profitable aux poules, et ne les excite plus puissamment à pondre. Sonnini a fait cette remarque à la campagne. Pen- dant les hivers les plus rudes et dans un climat septentrional, ses poules lui ont constamment fourni des œufs avec une abondance vraiment surprenante. Une pareille fécondité épuise, sans doute, les poules auxquelles on la procure, mais c’est un léger inconvénient lorsqu'il s’agit d’une espèce qu'il est si facile de renouveler. L'huile qu’on exprime des graines est très bonne et peut- être la meilleure de toutes après celle d'olive. Deyeux a retiré trois onces d'huile, et quelquefois plus, par livre de graines. Le marc, après l'extraction de l'huile, nourrit fort bien les bestiaux, les porcs et les volailles. Nous ne parlons pas d'une espèce de café qu’on dit avoir obtenu dela graine de Tournesol torréfiée et pulvérisée ; nous n'aimons pas tous ces cafés indigènes, surtout quand nous sommes en paix avec l'Europe, et que nous avons le café Moka ou le café Bourbon. 106 NOUVEAU TRAITÉ CAMPANULACÉES. CAMPANULACEZÆ. Campanulaceæ. Juss. Ver. DC. — Campa- nulæ. ADANs. CAMPANULE. CAMPANUL A. Calice à cinq divisions réfléchies. Corolle en cloche, à cinq divisions. Cinq étamines; filamens élargis à leur base; an- thères oblongues , droites. Stigmate à trois parties. Capsule oyoide , brite , à trois ou rarement cinq loges polyspermes. CAMPANULE RAIPONCE. CAMPANULA RAPUNCULUS. Campanula rapunculus. Lann. Spec. 232. Lam. Enceyel. Bot. 1. 572. DC. FI. Fr. 2837. Cev. FI. Par. 3. 515. n Desv. FI. Anj. 196. FI. Dan. 1396. Engl. Bot. t. 283. Sa racine fusiforme, blanche, tendre, produit une tige droite, cannelée , hérissée de poils blanchâtres, rameuse dans sa partie supérieure, haute d'environ deux pieds. Ses feuilles radicales sont molles, légèrement velues, ovales, rétrécies en pétiole à leur base; celles de la tige sont lancéolées, poin- tues, sessiles et un peu distantes. Les fleurs sont bleues, quelquefois blanches, pédonculées, disposées au sommet de la tige et des rameaux en manière DES PLANTES USUELLES. 407 d'épis grèles et très lâches. Le calice est glabre, à cinq divi- sions en alène Cette plante potagère croît en France, en Angleterre, en Suisse, en Allemagne, dans les prés, dans les vignes, le long des haies et des fossés. Elle fleurit en juillet et août. On l'appelle vulgairement Raïponce. Les racines et les feuilles qui naissent de leur collet ont une saveur douce, agréable; on les mange en salade pendant l'hiver et au printemps. On les mange également cuites et préparées comme les autres légumes. Une simple sauce au beurre les rend très sapides, et c'est un mets qu'on peut servir sur une bonne table. La culture que reçoit la Raiponce augmente le volume de ses racines. On la multiplie par ses grames qu'on sème, en juin et juillet, sur une terre légère recouverte d'une petite quantité de terreau fin. Il faut l’arroser de temps en temps. On répand ordinairement la graine au hasard, dans un lieu ombragé où elle germe presque sans culture. On peut encore la semer avec de petites raves ou autre verdure ; elle lèvera facilement à la faveur de l'abri et de l'humidité de ces plantes. Les semences mürissent en automne, et l’on recueille les racines à l'entrée de l'hiver. 408 NOUVEAU TRAITÉ CAMPANULE A FEUILLES DE PÊCHER. CAMPANULA PERSICIFOLIA. Campanula persicifolia. Lan. Spec. 232. Lam. Encycl. Bot 1. 579. DC. FL. Fr. 2838. Bazs. F1. Lyon. 1. 465. Desv. FIL. Anj. 196. Cuev. F1. Par. 3. 525. Buzz. Herb. t. 367. FL Dan. t, 1087. Cette espèce de Campanule s'élève à deux ou trois pieds de hauteur sur une tige droite, simple, lisse, médiocrement garnie de feuilles. Les feuilles radicales sont ovales, oblon- gues, rétrécies en pétiole vers leur base; les feuilles supé- rieures sont linéaires, lancéolées , sessiles, écartées les unes des autres et légèrement dentelées. Les fleurs sent d'un bleu d'azur, quelquefois blanches, assez grandes, peu nombreuses et disposées en épi. La co- rolle est évasée en forme de cloche. Elle croît dans les lieux ombragés et montueux, dans les bois taillis. On la trouve à Vincennes, à Saint-Germain, etc. " Ses racines sont imprégnées d’un suc muqueux et nutritif. On cultive cette jolie plante dans les jardins, où elle donne des fleurs simples ou doubles, bleues ou blanches suivant la variété. Il lui faut une terre substantielle et quelques arrose- mens pendant la sécheresse. DES PLANTES USUELLES. 409 CAMPANULE GANTELÉE. CAMPANULA TRACHELIUM. Carnpanula trachelium. Lanw. Spec. 235. Lam. Encycl. Bot. 1. 583. DC. FI. Fr. 2845. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 105. CHEV. El. Par. 3. 526. F1. Dan. t. 1026. Engl. Bot. tn Da Sa racine épaisse, blanche, fibreuse, pousse des tiges droites, velues, rudes, anguleuses, rougeâtres, feuillées dans toute leur longueur, hautes de deux ou trois pieds. Les feuilles sont alternes, pétiolées , larges , cordiformes, poin- tues, dentées en scie, chargées de poils courts. . Lesfleurs sont bleues, violettes ou blanches, pédonculées, axillaires et remarquables par leur calice qui est recouvert à sa base de longs poils blancs ; comme lanugineux. Cette plante, connue sous le nom vulgaire de Gants de Notre-Dame, croît en juillet et août, dans les bois et le long des haies. On la trouve aux environs de Paris, de Lyon, de . Barèges, etc. On la cultive dans quelques jardins, et l’on mange, au printemps, ses jeunes racines comme celles de la Raiponce. Toutes les Campanules sont plus ou moins alimentaires ; elles contiennent un suc blanc, doux, muqueux et nutritif. Dans quelques campagnes on tire parti de la Campanule fausse raiponce ( Campanula rapunculoides). Cette espèce a une racine fusiforme, succulente, une tige rougeâtre, garnie de feuilles cordiformes , lancéolées, dentées, portées sur de longs pétioles. Les fleurs sont éparses, d'un bleu rougeûtre, inclinées , unilatérales, disposées en épi dans les aisselles des 410 NOUVEAU TRAITÉ feuilles supérieures. Elle croît aux bords des vignes et des chemins. On mange aussi en salade la Campanule miroir de Vénus (Campanula speculum. Linn.). C'est une jolie petite plante qui se fait remarquer dans les champs par une tige mince, haute de huit à dix pouces, rameuse, un peu étalée; par ses feuilles oblongues , crénelées; par ses fleurs nombreuses, so- litaires et d’un violet pourpre. La corolle est arrondie et très élégante, d'où lui vient le nom poétique de Miroir de Vénus, Speculum Veneris. On sème cette Campanule en pleine terre, au mois de mars. Il lui faut du soleil, une terre substantielle et un arro- sement ordinaire. RAIPONCE. PHYTEUMA. Calice à cinq divisions. Corolle en roue; tube court; limbe divisé profondément en cinq lobes aigus, linéaires, recour- bés. Cinq étamines ; filamens un peu élargis à leur base ; anthères oblongues, droites. Stigmate trifide. Capsule à trois loges s’ouvrant par un trou latéral. # RAIPONCE EN ÉPI PHYTEUMA SPICAT A. Phyteuma spicata. Lan. Spec. 242. DC. FL Fr. 2867. Porr. Encycl. Bot. 6. 70. Bazs8. FI. Lyon. 461. CHE. FL. Par. 3. 527. Desv. F1. Anj. 197. FL Dan. t. 362. Lam. Ulustr. t. 124. £. 1. Sa racine est charnue , blanchâtre, fusiforme. Elle donne naissance à une tige droite, simple, glabre, striée, haute de DES PLANTES USUELLES. 411 quinze à vingt pouces. Les feuilles inférieures sont ovales, oblongues, cordiformes, pointues, pétiolées, doublement dentées à leurs bords; les supérieures sont lancéolées, pres- que linéaires, sessiles. Les fleurs forment à l'extrémité des tiges un épi cylin- drique ou pyramidal, muni de bractées linéaires et mem- braneuses; la corolle est ordinairement bleue, quelquefois blanche. Cette plante est commune dans les bois et les pâturages des montagnes. On la trouve à Montmorency, à Villers-Cot- terets, etc. Sa racine est succulente et bonne à manger comme celles des campanules. Voilà ses qualités économi- ques. Quelques vieux botanistes disent qu'elle est apéritive, rafraichissante ; d'autres prétendent qu'elle augmente le lait des nourrices. Tout cela est encore moins ridicule que le nom de Phy- teuma, dérivé d'un mot grec qui veut dire engendrer. Les Grecs donnaient ce nom à une plante aphrodisiaque, qui n'était certainement pas notre petite Raiponce. Dioscoride et Pline disent, en parlant du Phyteuma, qu'il est bon pour se faire aimer, qu'il sert aux plaisirs de l'amour. 11 y a quelque chose qui vaut mieux que le Phyteuma des Grecs, et toutes nos herbes cultivées ou sauvages. Le remède est fort simple, mais tout le monde ne sait pas le préparer; vous en trouverez la recette dans Ovide : « Voulez-vous être aimé? tâchez d'être aimable. » 412 NOUVEAU TRAITÉE VACCINIÉES. V'ACCINIEÆ. V’accinieæ. DC. AIRELLE. V ACCINIUM. Calice adhérent à la base, entier ou à quatre dents. Co- rolle campanulée, à quatre divisions plus ou moins pro- fondes et réfléchies. Huit ou dix étamines insérées sur le réceptacle; anthères bicornes à la base. Un style simple. Baie globuleuse, ombiliquée, à quatre loges polyspermes. AIRELLE MYRTILLE. VACCINIUM MYRTILLUS. Vaccinium myrtillus. Lan. Spec. 498. Lam. Encycl Bot. 1. 72. DC. FL Fr. 2818. Desr. Arbr. 1. 269. Lapeyr. Plant. Pyr. 1.208. DEsv. F1. Anj. 192. CHEv. F1. Par. 3. 520. Bacs. F1. Lyon. 1. 467. F1. Dan. 974. C'est un petit arbrisseau qui vient dans les lieux frais et ombragés de nos montagnes, et dont la tige se divise en ra- meaux glabres, anguleux, flexibles, verdâtres, hauts d'en- viron un pied. Les feuilles sont alternes, ovales, aiguës, presque sessiles, d'un joli vert, finement dentées en leurs bords, un peu nerveuses en dessous. DES PLANTES USUELLES. 413 Les fleurs, inchnées, solitaires, d’un blanc nuancé de rose, naissent à la partie supérieure des rameaux, et s’épanouissent aux premiers jours du printemps. Les fruits qui leur suc- cèdent sont globuleux, d'un bleu foncé ou noirâtre dans leur maturité, et d’une saveur aigrelette. On a donné à cet arbuste lenom de Myrülle ou petit Myrte à cause de sa jolie verdure. Il croît dans presque tous les bois de l'Europe, au nord, comme dans les pays méridionaux. Nous avons mangé ses fruits rafraichissans dans les bois montueux des Pyrénées, sur les coteaux boisés qui envi- ronnent Bruxelles, et dans la forêt de Montmorency. # Le bücheron, le pâtre, le naturaliste déjeunent fort bien avec du pain bis et quelques grappes noires de Myrtille. Je n'ai jamais été plus léger, plus dispos, plus vigoureux qu'après une longue course dans les montagnes , où j'avais vécu de fraises, de fruits de Myrtille, de pain de seigle et d'eau fraîche puisée dans le torrent. L'air vif et pur des mon- tagnes, le mouvement musculaire, du lait, des fruits sau- vages et un peu de pain, voilà la véritable pharmacopée de ce malheureux qui à épuisé tous les raffinemens d’une vie mondaine, qui s'endort dans nos Académies, à l'Opéra comme à l'Institut, qui se met à table sans appétit, la quitte avec des bâillemens et des frissons. S'il n’a pas le courage d'aller visiter les Alpes, les Pyrénées, les Vosges ou le Mont-d'Or, qu'il parte au mois de mai pour Montmorency; qu'il par- coure les charmantes collines qui couronnent la vallée, et, quand il sera fatigué, qu'il se repose à l'ombre des bocages d'Andilly ou de Saint-Prix. C'est là que le Myrtille, caché dans la bruyère, lui donnera ses graines bleues qui lui rafraîchiront le sang et les en- trailles, qui lui rendront le sentiment de l'existence. O le char- mant paysage! Heureux les habitans d'Andilly ! Jean-Jacques A4 NOUVEAU TRAITÉ y a passé des heures pleines de délices ; mais sa tête exaltée, chaleureuse, venait bientôt interrompre les doux batte- mens de son cœur. Lisez les pages brülantes qu'il a écrites sous les beaux châtaigniers de la colline. Quel mélange de sentimens contraires! La nature l'avait fait naître pour aimer, pour souffrir et se plaindre. Son âme était un abîme d'amour, de fiel, d'orgueil, de force, de faiblesse, de vices et de vertus. Mais de sa tête, semblable à un volcan, jaillissaient des pensées profondes et philosephiques , des élans sublimes, des éclairs qui vous éblouissent quand vous parcourez ses écrits, et qui vous forcent à l’admirer. Oh! j'irai encore fouler la fraîche pelouse d'Andilly, y sa- vourer ces petites graines noires, ces raisins des bois, comme les appellent les montagnards. Je visiterai le petit hermitage de M. Fayot, son jardinet, ses fleurs, ses pampres verts. Je gravirai la colline , j'y cueillerai le polygala aux ailes de rose , ces orchis si vermeils, ces menthes si suaves que M. Gaubert aime tant. Le voilà ce spirituel confrère, 1l cause avec grâce, avec modestie, avec une simplicité qui vous charme. Je l'écoute, je crois l'entendre encore. Nous dinons dans la pe- tite salle à manger de M. Fayot, nous mangeons les fraises, les œufs frais, le fromage à la crème d'Andilly. Tout cela nous est offert avec une bonté parfaite. M. Fayot a raffermi ses nerfs un peu délicats, dans ce petit asyle ; il y a retrouvé toute sa verve , tout son esprit, et cette causerie douce, fine, bienveillante, qui le fait aimer partout. Les fruits du Myrtille sont très recherchés dans les Vosges et dans le Jura, où on les nomme Brimbelles. On les mange seuls, ou mêlés avec de la crèême, avec du vin. On en fait aussi des tartes, des confitures agréables. Les enfans, les DES PLANTES USUELLES. 415 bergers vont dans les forêts disputer les Brimbelles aux coqs de bruyère et à divers autres oiseaux qui en sont aussi très friands. La cuisine allemande ne dédaigne point ces fruits dont le suc sert à assaisonner plusieurs ragoüts. Dans d’au- tres pays on les fait sécher et on les conserve pour l'hiver. Aux environs de Paris et dans les départemens voisins, surtout à Montmorency, à l'Ile-Adam, où ils abondent, on les connaît à peine. On pourrait cependant, avec leur suc épaissi et réduit par la cuisson, en faire une espèce de confi- ture ou de gelée très saine pour les malades , pour les enfans, pour les convalescens. Mais 1l faudrait prendre garde en les cueillant de ne pas les confondre avec les fruits de la Bella- done (Atropa belladona) qui sont très vénéneux. Ceux-ci sont plus noirs, plus gros, plus luisans, d'un goût fade et nau- séabond, tandis que les baies du Myrtille ont une saveur douce , aigrelette, un peu astringente. AIRELLE DES MARAIS. VACCINIUM ULIGINOSUM. V'accinium uliginosum. Linn. Spec. 499. Lam. Encyel. Bot. 1. 73. DC. F1. Fr. 2819. Desr. Arbr. 1. 269. LapEeyr. Plant. Pyr. 1. 208. F1. Dan. t. 231. Sa tige, à peine haute d’un pied, se divise, à sa base, en rameaux cylindriques, étalés, d'un brun rougeâtre. Ses feuilles sont petites, ovales, obtuses, entières, persistantes , vertes à leur face supérieure, un peu blanchâtres, veinées et réticulées à leur revers. Les fleurs sont blanches, quelquefois un peu couleur de rose , portées sur de courts pédoncules, et disposées dans les 416 NOUVEAU TRAITÉ aisselles des feuilles. Elles ont un calice fort court, à quatre ou cinq découpures, et une corolle ovale, à quatre ou cinq dents réfléchies en dehors. Les fruits acquièrent une teinte noirâtre en mürissant. Cette espèce croît dans les lieux humides et couverts. Elle. abonde sur le Puy-de-Dôme et sur le Mont-d'Or. On la trouve également dans les Pyrénées, sur les rochers ombragés et tapissés de mousse. Les fruits ont une saveur qui n’est point désagréable, et les enfans les mangent volontiers; mais on assure qu'ils ont une qualité enivrante. Les Kamschadales en retirent, par la fermentation, une sorte d’eau-de-vie. AIRELLE ROUGE. VACCINIUM VITIS-IDÆ 4. V’accinium vitis-idæa. Lan. Spec. 500. DC. FI. Fr. 2820. Lam. Encycl. Bot. 1.74. LAPEyr. Plant. Pyr. 1. 208. Tourx. FI. Toul. 121. DESF. Arbr. 1. 269. BALB. F1. Lyon. 1. 468. FI. Dan. t. 40. Engl. Bot. t. 598. C'est un joli arbrisseau touffu et toujours vert, qui croit naturellement dans les montagnes boisées. Sa tige, grèle, cylindrique , rameuse , pubescente vers le sommet, ne s'élève guère qu'à la hauteur d'un pied. Ses feuilles sont dures, ovales, lisses, renversées, d’un vert foncé en dessus, d'une teinte plus pâle et parsemées de petits points noirâtres en dessous. | Les fleurs sont campanulées, d'un rose pâle, disposées au sommet des rameaux en petites grappes pendantes. Elles pro- DES PLANTES USUELLES. 447 duisent des fruits d’un rouge vif et luisant dans leur ma- turité. L’Airelle rouge croît sur les Alpes et jusquedans le Groën- land. On la trouve en France, dans les bois des Vosges, de l'Alsace, du Dauphiné et des Pyrénées. Elle croît aussi aux environs de Lyon, sur le mont Pilat. … Ses fruits ont une saveur légèrement acide. On en com- pose, dans les montagnes, des boissons rafraïchissantes qui remplacent l'eau de groseille. On les mange crus ou confits. On en fait des robs, des conserves, des gelées, et même une sorte de vin qu'on estime beaucoup en Allemagne et en Suède. Fit etiam delicatum oinum ex baccis. (Zückert, Mar. aliment.) Cet arbrisseau a produit, par la culture, une variété à feuilles panachées. Il se fait remarquer dans les bosquets par son feuillage élégant, toujours vert, et par ses fruits teints d'un rouge vif. On le multiplie de rejetons ou de graines que l'on sème à l'automne. Il lui faut un terrain frais, sablon- neux, un peu humide et ombragé. En Suède on le plante en bordure dans les jardins. AIRELLE CANNEBERGE. VACCINIUM OXYCOCCOS. V'accinium oxycoccos. Lainn. Spec. 500. Lam. Encyel. Bot. 1:724DC. F1. Kr: 2891.) DEsr. Arbr.°1:269 Lapeyre. Plant. Pyr. 1. 209. CHEV. FI. Par. 3. 591. F1. Dan. t. 80. Engl. Bot. 319. Ses tiges sont grèles, filiformes, rameuses, touffues, sou- vent rougeâtres, longues de huit ou dix pouces, couchées, IT, DAT RAS NOUVEAU TRAITÉ rampantes au milieu des mousses. Ses feuilles sont alternes , petites, ovales, oblongues, quelquefois pointues, glabres et d'un vert brillant en dessus, blanchâtres ou glauques à leur revers. Les fleurs sont très petites, peu nombreuses, solitaires, - portées sur de longs pédoncules dans les aisselles des feuilles supérieures. La corolle est d'une couleur rosée, à quatre di- visions très profondes et recourbées en dehors. Les fruits sont rouges, globuleux, d'une acidité agréable. Cette espèce vient dans les forêts marécageuses , où elle fleurit pendant tout l'été. Ses fruits mürissent en septembre et octobre. On l'appelle vulgairement Canneberge ou Coussinet. On mange les fruits de la Canneberge de même que ceux des autres espèces ; mais ils sont encore plus acides, d'où leur est venu la dénomination grecque d'Oxycoccos, baie acide. On en fait un grand usage dans le Nord; c'est le Kloukwa des Russes. En Suède on en prépare avec le sucre une fort bonne confiture qu'on offre au dessert. Dans le nord de l'Amérique on mange également les fruits du Vaccinium corymbiferum, du Vaccinium resinosum, et de quelques autres espèces. On les cueille indistinctement et on en fait une sorte de confiture qui se conserve pendant plu- sieurs années. DES PLANTES USUELLES. 419 ÉRICINÉES. ERICINEÆ. nee Desv. Desr. BRUYÈRE. ERICA. Calice simple ou double, à quatre divisions. Corolle en tube ou en grelot; limbe à quatre lobes. Huit étamines saillantes ou renfermées dans la corolle; anthères simple- ment échancrées ou fourchues. Un style et un stigmate. Capsule polysperme, à plusieurs loges et à plusieurs valves. BRUYÈRE COMMUNE. EÆERICA VULGARIS. Erica vulgaris. Lan. Spec. 501. Lam. Encycl. Bot. 1. 476. DEsr. Arbr. 1. 242. F1. Dan. t. 677. — Calluna erica. DC. F1. Fr. 2808. Desv. FI. Anj. 191. CHEv. F1. Par. 519. Cet arbrisseau forme des touftes étalées , diffuses, hautes de quinze à vingt pouces. Sa tige est tortueuse, rameuse, recouverte d'une écorce dure et rougeâtre. Ses feuilles sont très petites, sessiles, d’un vert tendre, rapprochées et comme disposées sur quatre rangs ; leur base est sagittée ou bifide, tout-à-fait appliquée sur les rameaux. Les fleurs sont petites, presque sessiles, d'un rouge vif, quelquefois blanches , disposées en grappes simples et termi- nales. Elles ont un calice double : l'extérieur est à quatre 420 NOUVEAU TRAITÉ d folioles ovales, vertes, carénées; l'intérieur, quatre fois plus grand, enveloppe la corolle dont le limbe offre quatre divi- sions profondes , droites, pointues. Le Stigmate est saillant , à quatre lobes. La Bruyère commune croît abondamment dans les landes, dans les bois sablonneux, dans les terrains incultes et arides de l’Europe. Les anciens lui attribuaient la vertu de briser ou de dissoudre le calcul de la vessie, comme le fait en- tendre le nom d'Erica, dérivé d'un mot grec qui veut dire briser. Nous ne croyons pas à cette vertu merveilleuse, mais peut-être a-t-on traité un peu trop légèrement les opinions émises par nos prédécesseurs. La Bruyère, par ses propriétés chimiques, se rapproche beaucoup de quelques plantes de la même famille, particulièrement de la Busserole ( Arbutus uva ursi) à laquelle on ne peut contester une action spé- ciale sur l'appareil urinaire : cette analogie nous dit de ne pas la confondre avec les végétaux inertes. Nous la recom- mandons aux hommes spéciaux, qui s'occupent des maladies de la vessie. La Bruyère pourprée (Erica purpurascens, Linn.) et la Bruyère herbacée ( Erica herbacea, Linn.) ont, comme la Bruyère commune, un principe amer et un peu astringent. La décoction des sommités fleuries , édulcorée avec le miel, est apéritive et diurétique; quelquefois aussi elle provoque les sueurs. Ces Bruyères servent également à préparer des bains, des fomentations propres à relever le ton du système musculaire. On les conseille aux paralytiques, aux vieux goutteux. Un malade devenu presque impotent, à la suite d'un rhuma- tisme qui l'avait tourmenté pendant près d’une année, fut en- tièrement guéri par des bains préparés avec la Bruyère com- mune. DES PLANTES USUELLES. 491 Les paysans du Nord font avec la Bruyère des couchettes où ils reposent plus tranquillement que nous sur l'édredon. Les abeilles vont cueillir sur les fleurs les matériaux d'un miel jaune qui conserve la saveur un peu âpre de la plante. Les chèvres, les moutons, les lièvres mangent les sommités de la Bruyère. En Danemarck on en fait une sorte de bière qui n'est point désagréable. Cette plante sert également au tannage. Nous ne parlons pas des Bruyères du Cap et du midi de l'Europe, cultivées dans les bosquets, arbustes charmans pour la plupart, et dont le feuillage conserve une agréable verdure au milieu des frimats. L'amateur leur prodigue des soins délicats et jouit de leur aspect dans une serre tempérée : pour moi , J'aime à m'égarer au milieu d’une forèt couverte de Bruyères, sous un ciel pur, étincelant; la nature un peu sau- vage à toujours été de mon goût. En la contemplant je sens davantage le prix de l'indépendance. ARBOUSIER. ARBUTUS. Calice très petit, à cinq divisions. Corolle ovoïde ou glo- buleuse, à cinq dents roulées en dehors. Dix étamines atta- chées à la base de la corolle. Un style; un stigmate. Baie sphérique, à cinq loges. 429 NOUVEAU TRAITÉ ARBOUSIER BUSSEROLE. ARBUTUS UVA4 URSI. Arbutus uva ursi. Tinn. Spec. 566. Lam. Encycl. Bot. 1. 298. DC. FI. Fr. 2811. DEsr. Arbr. 1. 260. LAPEYyR. Plant. Pyr. 4.291: ÆL Dan. 33. C’est un arbrisseau toujours vert dont les tiges faibles, couchées, rameuses , longues d'environ deux pieds, portent des feuilles petites, éparses, ovales, oblongues, glabres, fermes, luisantes , entières , rétrécies en un court pétiole à la base. Les fleurs sont blanches ou légèrement purpurines, dispo- sées en grappes courtes à l'extrémité des rameaux. Elles pro- duisent des baies globuleuses, d'un beau rouge à leur ma- turite. Cet arbuste croït dans les montagnes des Alpes, du Jura, des Vosges et des Pyrénées. On le trouve sur les rochers à Saint-Béat, au pic de Lhiéris (Lapeyrouse). On l'appelle vulgairement Busserole parce que ses feuilles ressemblent beaucoup à celles du buis, et Raisin d'ours parce que ses fruits sont très recherchés de cette bête fauve. Les feuilles et l'écorce des rameaux ont une saveur astrin- gente et amère. Elles contiennent du tannin, un principe muqueux, de l’extractif amer, de l'acide gallique, de la résine, de la chaux, et un extractif oxigénable. Cette composition chimique révèle des propriétés médici- nales énergiques, propriétés que des faits nombreux ont con- firmées, soit en France, soit en Allemagne. Les hommes qui les ont recueillis méritent certainement quelque créance, et \ DES PLANTES USUELLES. 423 quand on peut citer les noms de Sauvages, De Haën, Mur- ray, Werthof, Van Swieten, l’on ne doit pas trop s'inquiéter du scepticisme de quelques auteurs plus modernes. La Busserole n’a point une vertu lithontriptique, elle ne brise point la pierre, mais elle exerce une action spéciale sur les reins, sur la vessie , excite leur vitalité, favorise le départ du sable, des graviers, des petits calculs. De Haën la met au- dessus de tous les autres diurétiques, d’après les succès qu'il en à obtenus. Bergius a guéri en dix jours avec le même remède une ischurie rebelle occasionnée par la présence de la gravelle. Michel Girardi a eu également à se louer de son usage, et lui a consacré une Monographie qui a été insérée dans le recueil de Sandifort. M. le docteur Ségalas, qui a étudié avec tant de soin les ma- ladies des voies urinaires, conseille la décoction des feuilles de Busserole pour favoriser la sortie des élémens de la pierre. Soemmering l'emploie aussi pour combattre le spasme vési- cal occasionné par le déplacement de la goutte. Nous avons remarqué que les diverses préparations de cette plante, sa décoction, son infusion aqueuse ou vineuse, soulagent particulièrement les vieillards affectés de gra- velle. Les urines sont plus abondantes et souvent chargées de matières muqueuses et sablonneuses. Un vieux goutteux qui ne pouvait uriner la plupart du temps qu à l’aide d’une sonde de gomme élastique, put se passer de sonde pendant plus de six mois, en buvant tous les matins et quelquefois le soir deux tasses de décoction de feuilles de Busserole et de thé noir, édulcorée avec du sucre. Mais cette plante ne convient certainement pas lorsque la strangurie est occasionnée par une irritation inflammatoire des reins ou de la vessie. Tous les diurétiques un peu actifs sont alors nuisibles, tandis que les évacuations sanguines , 424 NOUVEAU TRAITÉ les boissons douces, émulsives , tempérantes, comme l'eau d'orge , l'eau de graine de lin, le lait d'amandes, soulagent infiniment le malade. En s’occupant de la maladie locale il ne faut point perdre de vue l’état général de l'économie. Et, par exemple, si la rétention d'urine survenait après une at- taque de goutte, 1l faudrait tâcher de rappeler l'irritation arthritique vers son siége primitif, par des fomentations chaudes , par des cataplasmes de farime de graine de lin légè- rement saupoudrés de moutarde. Lorsque les accidens sont produits par la présence de la pierre, 1l faut nécessairement avoir recours à la lithotritie, opération facile et presque toujours sans danger, grâce à l'habileté de nos hommes spéciaux. Tout autre traitement fait perdre un temps précieux , les douleurs deviennent quel- quefois atroces et se terminent par une inflammation mor- telle. C'est ainsi que mourut le philosophe Épicure, à l'âge de soixante-douze ans. Il éprouva des douleurs inouies pendant quatorze jours sans donner aucune marque d'impa- tience. Cette héroïque résignation me ferait croire qu’on a calomnié la philosophie d'Épicure. Nos épicuriens ne meu- rent pas ainsi. L' opération terminée , il y a un régime de rigueur à suivre au moins pendant quelque temps. Ainsi le iladé doit vivre en grande partie de végétaux, car on a remarqué qu’une ali- mentation trop succulente favorise la formation de la gravelle. IL se privera absolument de liqueurs alcoholiques, et il rem- placera le vin par une bière légère, ou par l'eau de Seltz animée avec un peu de vin blanc. C'est ici que l'emploi de la Busserole est d’une grande utilité. On peut la prendre soit en poudre, soit en infusion ou en décoction. DES PLANTES USUELLES. 4925 Décoction de Busserole. Prenez : feuilles du Busserole, demi-once ; bois de réglisse, deux gros ; faites bouillir pendant un quart d'heure dans une livre et demie d'eau. On prenddeux tasses de cette boisson le ma- tin à jeun, et deux autres tasses dans le courant de la journée. On fait quelquefois infuser dans la décoction bouillante une pincée de thé noir et autant de baies de genièvre. Cette espèce de tisane, édulcorée avec un peu de sucre, soulage beaucoup les vieillards tourmentés par la gravelle. La dose de la Busserole en substance pulvérisée est de vingt à trente grains qu'on peut délayer dans une petite tasse de thé. On réitère cette dose deux ou trois fois par jour. La racine et les fruits desséchés sont également doués d'une vertu diurétique. On les donne comme les feuilles en poudre ou en décoction. Les fruits ont un goût peu agréable; cependant , au rap- port de Gmelin , les habitans de la Sibérie les mangent avec plaisir. Les oiseaux et les ours en sont également friands. Les feuilles servent à tanner les cuirs, et donnent, animées avec le vitriol , une temture noire. ARBOUSIER DES ALPES. ARBUTUS ALPINA. Arbutus alpina. Lainn. Spec. 566. Lam. Encyel. Bot. 1. 288. DC. FI Fr. 2811. DEsr. Arbr. 1. 260. LAPEYR. Plant. Pyr. 1. 221. FI. Dan. t. 83. Cette espèce forme un sous-arbrisseau presque rampant. Ses tiges sont grèles, rameuses , courbées sur la terre, Ca- 496 NOUVEAU TRAITÉ chées en partie sous la mousse , longues de six à dix pouces. Ses feuilles sont ovales, oblongues, élargies vers leur som- met, un peu spatulées , pétiolées , ridées, veinées, dentées, un peu velues en dessous. Les fleurs sont petites, blanchâtres, ramassées à l’extré- mité des rameaux. Elles donnent des baies sphériques, ombi- liquées , d’une couleur bleuâtre. Ce petit arbrisseau croît dans les montagnes de la Lapo- nie, de la Sibérie, du Dauphiné et de la Suisse. Lapeyrouse l'a observé au Canigou et autres montagnes des Pyrénées. Il se plaît sur les rochers ombragés et humides. Les fruits sont à peu près de la grosseur d'une cerise, d'une saveur assez agréable. Les montagnards et les bêtes fauves s’en nourrissent sous les glaces du Nord. On cultive cet arbuste, ainsi que l’Arbousier busserole, dans quelques jardins paysagistes. La couleur tranchante de leurs fruits, les uns bleus, les autres d'un rouge éclatant, produit un assez joli effet. On les élève dans le terreau de bruyère, et on les multiplie de drageons et de graines. Ils fleurissent au printemps. ARBOUSIER DES PYRÉNÉES. ARBUTUS UNEDO. Arbutus unedo. Lan. Spec. 566. Lam. Encycl. Bot. 1. 229. DC. FI. Fr. 2812. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 221. Desr. Arbr. 1. 259. Dunam. Nouv. éd. 1. t. 21. C'est un arbrisseau élégant et toujours vert, qui s'élève à la hauteur de douze à quinze pieds dans le midi de la France ; c'est un arbre dans l'Orient. Ses rameaux se garnissent de \ DES PLANTES USUELLES. 4927 feuilles alternes, ovales, lancéolées, glabres, coriaces, d'un vert luisant et foncé , dentées en leurs bords, portées sur des pétioles courts et rougeûtres. Les fleurs naissent à l'extrémité des rameaux, en grappes courtes, rameuses et un peu inclinées. Elles sont blanchàä- tres, disposées sur des pédoncules garnis d'une écaille rou- geâtre à la base de chacune de leurs divisions. Les fruits sont pendans, gros, sphériques, tuberculeux, à peu près sem- blables à la fraise, et d’un rouge pourpre à leur maturité. Cet Arbousier croît en Orient et sur les côtes de Barbare. On le trouve également en Italie, en Espagne, en Provence, en Languedoc, et aux deux extrémités de la chaine des Py- rénées, autour de Perpignan et de Bayonne. Ses fruits, dans leur maturité parfaite, sont très sapides, très délicats, particulièrement en Barbarie. On les mange dans le courant de l'automne. Ils sont peu estimés dans nos provinces méridionales , où ils ne mürissent qu'imparfaite- ment. Les enfans et les oiseaux s’en nourrissent. Ces fruits ne sont point narcotiques comme on l'a dit. Le professeur Desfontaines et M. Poiret en ont mangé copieusement en Afrique , et n'ont éprouvé aucune espèce d'incommodité. Les chèvres mangent les jeunes rameaux de cet Arbou- sier. On le cultive dans les jardins pour son feuillage toujours vert, et pour ses fruits d'un rouge vif. PYROLE. PYROLA. Calice très petit à cinq divisions. Corolle à cinq pétales concaves, arrondis, ouverts et connivens à leur base. Dix étamines non saillantes. Un style terminé par un stigmate épais, à deux ou cinq crénelures. Capsule arrondie, un peu 428 NOUVEAU TRAITÉ comprimée, à cinq angles, à cinq loges, à cinq valves ; se- mences petites et HOT emR es PYROLE A FEUILLES RONDES. PYROLA ROTUNDIFOLI A4. Pyrola rotundifolia. Linx. Spec. 567. Porr. Enceycl. Bot. 5. 741. DC. F1. Fr. 2813. CHE v. F1. Par. 3.519. LAPEYR. Plant. Pyr. 1. 222. Lam. Illustr. t. 367. f. 1. FL Dan. t. 110. ; Les racines sont rougeâtres, grèles, traçantes; elles pro- duisent des tiges simples, droites , presque nues , hautes de huit à dix pouces. Les feuilles sont toutes radicales, attachées à de longs pétioles, arrondies ou ovoïdes , entières, un peu épaisses, glabres , d'un vert tendre et luisant. Les fleurs sont blanches, disposéesk à l'extrémité des tiges en une grappe lâche. On trouve à la base de chaque pédon- cule une bractée lancéolée, étroite et fort courte. Les éta- mines ont leurs filamens redressés, un peu courbés en arc. Le pistil, courbé en sens inverse , est remplacé par une cap- sule à cinq loges, renfermant des semences nombreuses , très menues. Cette jolie plante croît dans les lieux couverts, au milieu des bois et des broussailles. Elle fleurit en juin et juillet. Ses fleurs sont odorantes. On la cultive dans les jardins, à une exposition ombragée, et sur un sol léger, peu substantiel. Ses feuilles sont amères et astringentes comme celles de la busserole , et il est probable qu’elles sont douées des mêmes propriétés. Il ne faut donc pas être surpris si cette petite herbe a été anciennement recommandée contre les diarrhées DES FLANTES USUELLES. 429 chroniques , les fleurs blanches “oueennes par une sorte de relâchement organique. Gilibert qui n'est pas un médecin très crédule , fait particulièrement l'éloge de la décoction des feuilles; cette boisson astringente lui à servi à réprimer des diarrhées invétérées , à ranimer des ulcérations atoniques. Une autre espèce, la Pyrole ombellée ( Pyrola umbel- lata, Linn.), est employée dans l'Amérique septentrionale comme un puissant diurétique , et son usage a été introduit dans la médecine anglaise. On donne l'extrait de la plante sous la forme de pilules, à la dose de cinq scrupules par jour; ou bien on fait dissoudre cet extrait dans l’eau bouillante. Le docteur Sommerville cite plusieurs cas remarquables de l'utilité de ce médicament dans les hydropisies. (Decandolle, Essai sur les propriétés médicales des Plantes.) La Pyrole à ombelle croît dans les forêts de l'Amérique septentrionale. On la trouve également en Lithuanie, en Suède, en Dannemarck , en Allemagne et en Suisse. 430 NOUVEAU TRAITÉ # SAPOTÉES. SAPOTEZÆ. Sapoteæ. Juss. — Hilospermeæ. Ver. SAPOTILLIER. ACHRAS. Calice à six folioles droites, ovales, concaves , inégales ; les extérieures plus larges et plus courtes ; les intérieures colorées. Corolle campanulée ; limbe à six découpures planes, presque ovales ; orifice muni de six écailles échancrées à leur sommet. Six étamimes. Pomme globuleuse, charnue, à dix ou douze loges, contenant chacune une semence ovale, comprimée , luisante. SAPOTILLIER COMMUN. ACHRAS SAPOTA. Achras sapota. Lann. Spec. 470. SWARTZ. Observ. 198. Por. Encycl. Bot. 6. 530. Lam. Illustr. t. 255. JACQ. Amer. 57. t. 41. Cet arbre est originaire de l'Amérique méridionale. On le cultive aux Antilles et à Saint-Domingue. Son tronc, plus ou moins élevé et revêtu d’une écorce brune, gercée, se di- vise en rameaux réunis en cime , garnis de feuilles alternes , ovales , lancéolées, pétiolées, luisantes, d’un vert foncé en dessus, d'une teinte plus pâle en dessous. 1 DES PLANTES USUELLES. 431 Les fleurs sont pédonculées, blanchâtres, solitaires, si= tuées entre les feuilles , à l'extrémité des rameaux. Elles ont un calice à six folioles ovales, concaves, aiguës; une corolle tubulée, campaniforme, à six divisions , avec autant d’écailles à son orifice; six étamines et un style. Le fruit est une pomme ovale, charnue, à douze loges, renfermant autant de se- mences, dont plusieurs avortent. Les fruits du Sapotillier, parvenus à une maturité par- faite, sont excellens. On les sert, aux Antilles, sur toutes les tables. On en compose des gelées, des confitures agréa- bles et rafraichissantes. Les semences sont un peu amères, mucilagineuses ; elles servent à préparer des émulsions utiles dans les maladies aiguës des voies urinaires. L'écorce du tronc et des branches a une saveur amère, styptique. On la substitue au quinquina dans le traitement des fièvres intermittentes. Quelques autres espèces donnent aussi des écorces fébrifuges. On mange , à la Jamaïque, à l’île de Cuba et au Pérou, les fruits du Sapotillier marmelade (Achras mammosa, Linn.) ; leur pulpe est douce et mucilagineuse. La famille des Sapotées renferme quelques autres végétaux dont les fruits sont également alimentaires. Ainsi on mange ceux du Mimusops elengi, Linn., de l’Imbricaria malaba- rica, Lam., du Chrysophyllum cainito, Linn., etc. Les graines de toutes les Sapotées fournissent une huile peu fluide, butyracée, qui sert de condiment alimentaire. On emploie surtout les graines du Bassia butyracea. Cet arbre est connu dans l'Inde sous les noms de Wava, Mahoa où Madhuca ; ses grames sont si nombreuses et si huileuses, qu’un arbre rapporte jusqu'à trois quintaux d'huile. 432 NOUVEAU TRAITÉ Cette huile remplace le beurre à la côte de Coromandel. On croit que l'arbre de beurre, observé par Mungo Park au Bambarra, appartient à la famille des Sapotées. M. le professeur Decandolle rapporte à la même famille le fameux arbre de la Vache, dont le suc laiteux, au rapport M. de Humboldt, sert à la nourriture des hommes dans l Amé- rique méridionale. DES PLANTES USUELLES. 133 ÉBÉNACÉES. EBENACEZÆ. Ebenaceæ. VEnT. Juss. DC. ALIBOUFIER. STYRAX. Calice en forme de godet , entier ou à cinq dents. Corolle en entonnoir, insérée à la base du calice ; tube court; limbe divisé en trois ou sept parties. Six à seize étamines; filets réunis à la base, attachés au tube de la corolle. Ovaire sur- monté d'un style et d'un stigmate simples. Drupe coriace, renfermant un ou deux noyaux monospermes. ALIBOUFIER OFFICINAL. STYRAX OFFICINALE. Styrax officinale. Tan. Spec. 535. Lam. Encycl. Bot. 1.81. DC. F1. Fr. 2794. DEsr. 1. 214. CAVAN. Dissert. n. 499. t. 188. f. 2. Duxam. Arbr. Nouv. éd. 7. t. 4. C'est un arbre qui s'élève à la hauteur d'environ vingt pieds, et dont les rameaux nombreux portent des feuilles alternes, ovales , entières, pétiolées, d’un beau vert en dessus, blanchâtres et cotonneuses à leur face inférieure. Les fleurs sont blanches, nombreuses , assez semblables à celles de l'oranger, et réunies en bouquets à l'extrémité des rameaux. Les découpures de la corolle sont droites et pro- II. 28 434 NOUVEAU TRAITÉ fondes ; le calice en est fort court et presque entier. Le fruit est blanchâtre, cotonneux, arrondi, de la grosseur d'une aveline. Il renferme un noyau dont l'amande est huileuse, odorante, d’une saveur âcre et amère. L'Aliboufier croît dans le Levant, en Italie, et dans les bois de la Provence méridionale. On le cultive en pleine terre aux expositions les plus chaudes; mais pour le conserver, il faut l'abriter dans l’orangerie en hiver. On le multiplie de drageons , de boutures, et de graines qu'il faut semer aussitôt qu'elles ont été cueillies. Toutes ses parties exhalent une odeur balsamique. Son écorce est imprégnée d'un suc résineux, ambré, qui découle spontanément ou par incision, et qui se condense comme les autres résines aromatiques. On a donné à cette espèce de ré- sine le nom de Storax calamite. Elle est assez solide, un peu grasse, rougeâtre, parsemée de points brillans, inflammable, d’une odeur suave, pénétrante, analogue à celle du benjoin ; d'une saveur aromatique, chaude, un peu àcre. On apportait anciennement le Storax dans des roseaux, d'où il avait reçu le nom de Calamite. I] partage l'action sti- mulante de la plupart des substances balsamiques et rési- neuses qu'on trouve dans les officmes. Son usage était jadis consacré aux affections catarrhales atoniques du poumon et de l'appareil urinaire. On s’en sert quelquefois encore, et on le donne en poudre à la dose de quinze à vingt grains incor- porés dans du miel. On peut le combiner avec quelques sub- stances sédatives , telles que le safran, l'opium, etc. Pilules anticatarrhales. Prenez : Storax calamite, safran oriental, extrait de ré- glisse, de chaque deux gros; extrait aqueux d'opium, demi- DES PLANTES USUELLES. 435 gros ; teinture de myrrhe, quantité suffisante pour, former soixante-douze pilules. On en prend une ou deux dans les catarrhes chroniques pour calmer la toux et favoriser l’expectoration , et l’on boit immédiatement après une tasse d'infusion d'hysope ou de fleurs de tilleul, légèrement sucrée. On se sert aussi du Storax extérieurement pour stimuler les ulcères atoniques et hâter leur cicatrice. On en prépare également des parfums, des pastilles odorantes. Théophraste et Pline parlent aussi du Storax comme d'un médicament et d’un parfum dont on se servait anciennement. ALIBOUFIER BENJOIN. STYRAX BENZOIN. Styrax benzoin. DriAnD. Act. Ângi. 77. pag. 308. t. 12. Porr. Encyel. Bot. Suppl. 1. 290. L'Aliboufier benjoin est indigène des Indes orientales. C’est un assez grand arbrisseau dont les feuilles sont alternes, pétiolées, oblongues, ovales, entières, mucronées, tomen- teuses à leur face inférieure. Les fleurs sont disposées dans l'aisselle des fewulles en grappes paniculées. Cet arbrisseau, obliquement incisé, fournit un suc rési- neux, blanchâtre, qui devient d’un rouge brun lorsqu'il est figé, et qui'est connu sous le nom de Benjoin. Celui qu'on appelle Amygdaloïde est le plus pur. El est divisé en petites masses imitant la forme d’une amande. Son odeur est suave et très diflusible. Sa saveur est âcre, piquante. Mis sur des charbons ardens, il brüle en répandant une fumée blanche, d'une odeur très parfumée. Le Benjoin se sublime au bain de sable en fleurs argentées. 36 NOUVEAU TRAITÉ Il contient, d'après l'analyse de Bucholz, de la résine, de l'acide benzoïque, un baume analogue à celui du Pérou, et un principe aromatique particulier. Prise intérieurement, cette substance résineuse exerce une action stimulante sur l'organisme, augmente la chaleur générale, réchaufle l'estomac, lui donne plus d'énergie, rend la circulation plus rapide, les sécrétions, les exhalations plus abondantes. On la donne à la dose de quelques grains pour ranimer les fonctions digestives, pour stimuler le pou- mon dans l'asthme humide, les catarrhes chroniques, la phthi- sie tuberculeuse , etc. Les balsamiques ont été presque abandonnés dans ces derniers temps, parce qu’on n'a vu dans presque toutes les affections pulmonaires qu'une phlegmasie plus où moins vive. Âu commencement du catarrhe, c'est-à-dire dans sa période aiguë, les relächans, les mfusions béchiques doivent être, sans aucun doute, préférés; mais plus tard, lorsque le malade s’affaiblit et que le poumon s'engorge, il faut se hâter de changer de méthode, et ne pas craindre de donner quel- ques substances résineuses excitantes, même à des doses assez élevées. Laënnec a quelquefois guéri des catarrhes fort anciens qu'on regardait comme incurables, par les vomitifs répétés, par les amers, les balsamiques, les stimulans. On emploie particulièrement pour les usages médicmaux l'acide benzoïque obtenu par la sublimation du Benjom, et on l'administre, depuis dix jusqu'à trente grains, en dissolu- tion aqueuse, ou sous la forme d'électuaire par l’imtermède du miel ou d'un extrait convenable. Le sirop de baume de _Tolu, préparé d’après le mode de quelques pharmacopées , n'est qu'un sirop d'acide benzoïque qu'on donne par petites DES PLANTES USUELLES. 437 cuillerées pour favoriser l'expectoration dans les catarrhes chroniques. Potion balsamique. Prenez : racine de polygala amer, demi-once; faites bouillir pendant un quart d'heure dans douze onces d’eau; passez et ajoutez à la colature sirop de Benjom ou de Tolu, deux onces. Nous donnions autrefois cette potion aux vieillards affectés de catarrhe, à la dose de deux cuillerées à bouche de deux en deux heures. Lorsque la maladie était fort ancienne, nous faisions ajouter à la décoction deux ou trois gros de quin- quina. Ce médicament fort simple remplaçait avec un avantage évident les tisanes pectorales, les pâtes béchiques et autres préparations analogues dont on avait abusé. Les enfans débiles, amaigris, et tourmentés par une co- queluche rebelle à l’opium, à la belladone, aux potions adou- cissantes, aux boissons gommeuses, ont été plus ou moims promptement soulagés par le même remède pris par cuillerées. Élixir antiasthmatique de Barthez. Prenez : fleurs de Benjoin, un gros ; opium purifié, demi- gros; camphre, un scrupule; huile essentielle de graines d'anis, quinze gouttes; esprit de vin rectifié, une livre. Faites digérer, et passez. ( Consultations de médecine de Barthez, publiées par M. le professeur Lordat.) Barthez prescrivait cet élixir, d’abord à vingt gouttes, puis à des doses plus élevées, pour favoriser l'expectoration, pour calmer la violence des attaques et ramener le sommeil chez 438 ” NOUVEAU TRAITÉ les asthmatiques d'une complexion faible et nerveuse. Vers la fin de la maladie, il donnait le lait d’ânesse et le quinquina. On prépare avec le Benjoi des parfums, des lotions, des teintures dont on se sert pour embellir la peau. La teinture de Benjoin est un cosmétique célèbre. Avec quelques gouttes de cette teinture, qu'on étend dans un peu d’eau, on obtient une liqueur lactescente, connue sous le nom de Lait sirginal. Cette préparation, simple et facile, n'entraïne aucune espèce de danger. Elle est préférable à tous les cosmétiques si vantés par les charlatans. Teinture cosmétique. Prenez : Benjoin, une once; baume du Pérou, un gros; alcohol, huit onces. Faites digérer pendant huit jours dans un flacon que vous agitez de temps en temps. Filtrez la liqueur. Une demi-once ou une cuillerée de cette teinture suffit pour donner à une livre d'eau une couleur laiteuse. Au lieu d'eau simple onspeut employer l’eau de rose. On fait matin et soir des lotions répétées sur la peau échauflée, couperosée ou un peu rugueuse: on prend quel- ques bains , et on suit pendant quelque temps un régime doux. Méfiez-vous de la plupart des cosmétiques que vous don- nent les industriels pour dissiper les taches de rousseur, pour rendre le teint brillant et frais, pour guérir les dartres, les éruptions de toute espèce. Ces topiques, presque toujours répercussifs, peuvent compromettre grayement votre santé. I est d'ailleurs des maladies de la peau qu'on ne doit point chercher à guérir. C’est fort souvent une sorte d'éruption cri- tique, surtout pour l'enfance et pour les femmes de quarante à cinquante ans. La phthisie pulmonaire, des affections ner- DES PLANTES USUELLES. #39 veuses violentes, la manie, l'hystérie, l'hypochondrie, sont quelquefois la suite de cette répercussion : nous avons pu nous en convaincre par notre propre pratique. Le docteur Carrère, médecin de Montpellier, rapporte qu'une jeune dame, aussi intéressante par son esprit et ses talens, que par sa beauté, tomba dans une phthisie pulmo- naire qui la conduisit au tombeau, pour avoir répercuté une petite dartre qu’elle avait au menton. La famille des Ébénacées a reçu son nom d’un arbre de Île-de-France, qu'on appelle Diospyros ebenus, ou Ébénier. Son bois, remarquable par sa couleur d'un beau noir, est à la fois économique et médicmal. Zacutus Lusitanus ( Praxis admir. Obs. 135) lui attribuait les vertus du gayac, et l'em- ployait comme sudorifique dans les affections rhumatismales invétérées. Le bois d'ébène est employé dans les arts depuis des siècles; et cependant l'arbre qui le fournit est resté fort long-temps inconnu. Virgile fait mention du bois d'ébène dans ses Géor- giques. PAR ARE ARTE Sola India nigrum Fert ebenum , solis est thurea virga Sabæis. (Gronc., lib. 2.) Chez l’Arabe, l’encens embaume au loin la plame, Sur les rives du Gange on voit noircir l’ébène. (Deuirce.) Le Plaquemmier de Virginie (Drospyros Virguuana ) fournit, d'après la pharmacopée américaine de Coxe, des écorces fébrifuges. Cet arbre croît aussi dans les terrains hu- mides de la Caroline, Ses fruits, très muürs, se mangent 20 NOUVEAU TRAITÉ comme les nèfles. La pulpe sert à faire une espèce de galette mince, d'un goût assez agréable, surtout quand elle a été sé- chée au soleil. Les fruits de quelques autres espèces sont également ali- mentaires au Mexique, au Japon, à la côte de Coroman- del, etc. Le Plaqueminier faux-lotier ( Diospyros lotus. Linn. ) croît en Italie et dans nos départemens méridionaux. Tournefort et quelques autres botanistes lui ont donné le nom de Guia- cana, parce qu'ils le croyaient doué de propriétés semblables à celles du gayac. On en mange les fruits. On le cultive en pleine terre dans nos jardins, de même que le Plaqueminier de Virginie. DES PLANTES USUELLES. 441 OLÉINÉES. OLEINEÆ. Oleineæ. Horru. et Lincxk. OLIVIER. OLEA. Calice petit, à quatre dents. Corolle en entonnoir; tube court; limbe à quatre divisions ovales. Deux étamines. Stig- mate à deux divisions échancrées. Drupe renfermant un noyau osseux, à deux loges et à deux graines, eee uniloculaire et monosperme par avortement. # OLIVIER D'EUROPE. OLEA EUROP Æ 14. Olea europæa. Lis. Spec. 11. Lam. Encycl. Bot. 4. 537. DC. FL. Fr. 2467. DEsr. Arbr. 1. 112. LAPEyr. Plant. Pyr. 1. 4. LEHr, Dissert. de Oleà Europ. Icon. Duxam. Nouv. éd. 5. t. 6. — Olea sativa. BLAcKw. Herb. t. 199. L'Olivier sauvage abonde sur les collines de la Numidie, de la Grèce et de la Sicile. Privé d’une nourriture suffisante, il est ordinairement petit, grêle, tortueux, d’une forme irré- gulière, d'un aspect triste et agreste. Perfectionné par la cul- ture 1l devient plus régulier, plus élevé, plus beau. Sa tige, revêtue d’une écorce lisse et cendrée, se divise en rameaux nombreux, garnis de feuilles opposées, persistantes, co- 4.42 NOUVEAU TRAIÎTÉ riaces, oblongues, lancéolées, d’un vert plus ou moins foncé en dessus , d'une teinte blanchâtre à leur revers. Les fleurs sont blanches, petites, disposées en grappes axillaires , et formées d’un calice à quatre dents aiguës, d’une corolle en entonnoir, à quatre divisions ovoïdes, de deux éta- mines à anthères arrondies, et d’un style très court, cou- ronné par. un stigmate bifide. Le fruit est un drupe ovale, charnu, dont la pulpe succulente entoure un noyau très dur, à une ou deux semences. L'Olier est cultivé dans tout le midi de l'Europe, en Afrique, et dans une grande partie de l'Asie mineure. Les livres sacrés, les historiens, les poètes, les vieux naturalistes en font mention. La Genèse nous dit que la colombe lâchée par Noé, après le déluge, revint avec une feuille d'Olivier. L'Ecclésiaste fait croître ce bel arbre dans les champs de l'Asie : Quasi Olivaspeciosa in campis. Homère fait une description touchante de l'Olivier, dont il compare la chute à la mort du jeune Euphorbe. Comme un bel Olivier, tendre arbuste, cultivé par une main habile dans un lieu solitaire où jaillissent d’abondantes eaux, porte au loin son heureux feuillage, et, balancé tour à tour par l'haleïne de tous les vents, se blanchit déjà de fleurs, quand un tourbillon impétueux arrivé soudain le déracine et l'étend à terre: ainsi l'illustre fils de Panthus est immolé par Ménélas, qui se hâte de lui enlever ses armes. (Iliad. chant 17.) Suivant les mythologues, l'Olivier fut porté d'Égypte dans l'Attique par Cécrops. D'autres prétendent qu'Hercule, après ses glorieuses expéditions, en fit présent à la Grèce, qu’on le planta sur le mont Olympe, et que ses rameaux servirent à couronner les vainqueurs aux jeux de l'Élide. On connaît la fameuse contestation de Minerve et de Neptune devant Ju- piter, et le triomphe de la déesse de la Sagesse, qui avait fait DES PLANTES USUELLES. 4438 sortir du sein de la terre un Olivier couvert de fleurs et de fruits. Ces fables prouvent toute l'importance que les Grecs atta chaïent à cet arbre précieux. En effet, toute l’Attique était couverte d'Oliviers. Il n'était permis à personne d'en arra- cher dans son propre champ plus de deux par année, à moins que ce ne fût pour quelque usage autorisé par la religion. Celui qui violait la loi était obligé de payer, pour chaque pied d'arbre, cent drachmes (quatre-vingt-dix livres) à l'ac- cusateur, et cent autres au fisc. On en prélevait le dixième pour le trésor de Minerve. On trouvait souvent des bouquets d'Oliviers laissés en réserve , et entourés d'une haie. Ils n'ap- partenaient.pas au propriétaire du champ, mais au temple de cette déesse. On les affermait, et le produit en était unique- ment destiné au maintien de son culte. Si le propriétaire en coupait un seul, il était puni par l'exil et par la confiscation de ses biens. C'était l'Aréopage " qui connaissait des délits relatifs aux diverses espèces d'Oli- viers, et qui envoyait de temps en temps des inspecteurs pour veiller à leur conservation. Cet arbre n’était pas moins en honneur chez les Romains. D'après le témoignage de Pline, il était défendu de le faire servir à des usages profanes ; on ne permettait pas même de le brüler sur les autels des dieux : Zn profanis usibus pollni Oleam fas non est, ut ne propitiandis numünibus accendi ex his altaria aræve debeant. (Lab. 15. cap. 3.) L'Olivier était regardé comme l'heureux emblème de la paix et de la concorde. A l'aspect d'un simple rameau d'Qli- vier, présenté par l'ennemi vaincu, les phalanges grecques ou romaines arrêtaient leur marche, et l'aimable paix, ce doux présent du ciel, ce ferme appui des empires, succédait aux alarmes et à l'horreur des combats. On allait implorer 444 NOUVEAU TRAITÉ l'assistance d'un peuple ami ou même inconnu, en portant à la main des branches d'Olivier. Le héros troyen n'avait point oublié ce symbole pacifique lorsqu'il fut demander du secours au roi Evandre. Tum pater Æneas puppi sic fatur ab alt4, Paciferæque manu ramum prætendit olive. (Æwein., lib. 8.) Les Grecs et les Romains honoraient la Paix comme une grande déesse. Ceux-ci lui avaient élevé, dans la rue Sacrée, le plus grand et le plus magnifique temple qui fût dans Rome, et dont quelques voûtes subsistent encore. Elle. était repré- sentée avec un rameau d'Olivier, quelquefois avec des ailes, tenant un caducée et ayant un serpent à ses pieds. Dans une médaille d'Antonin le Pieux, la Paix tient de la main droite une branche d'Olivier, et brûle de la gauche des boucliers et des cuirasses. Pour une simple couronne d'Olivier les athlètes grecs s'exposaient aux plus rudes combats. Mais on avait attaché tant de gloire à cette couronne, qu'elle était de toutes les espèces de gloire la plus flatteuse. Miltiade, Cimon, Thémis- tocle, Epaminondas, Philopæmen, n’ont pas été plus distin- gués parmi leurs concitoyens qu'un athlète qui avait rem- porté le prix de la lutte ou de la course. Cicéron dit que la couronne d'Olivier remportée aux jeux Olympiques était un consulat pour les Grecs, et égalait en Grèce l'honneur du triomphe des Romains. Horace, dans son enthousiasme poé- tique, élève les vainqueurs au-dessus dela condition humaine: ce n'étaient plus des hommes, c’étaient des Dieux. Le vainqueur était proclamé par un héraut publicrau son des trompettes. On le nommait par son nom, on y ajoutait DES PLANTES USUELLES. 445 celui de son père, celui de la ville d’où il était, quelquefois même celui de sa tribu. I était couronné de la main d'un des Hellanodices; ensuite on le conduisait en pompe au Pryta- née, où l'attendait un festin somptueux. Retournait-il dans sa ville? ses concitoyens venaient en foule au-devant lui, persuadés que la gloire dont il était couvert 1llustrait leur patrie et rejaillissait sur chacun d'eux. Il n'avait plus à craindre la pauvreté ni ses tristes humiliations : on pourvoyait à sa subsistance; on éternisait sa gloire par ces monumens qui semblent braver l'injure du temps. Les plus célèbres sta- tuaires briguaient l'honneur de le représenter en marbre ou en bronze, avec les marques de sa victoire, dans le bois sacré d'Olympie. Certes, voilà, dit Mirabeau, une étrange considération accordée à des courses, à des combats à coups de poing. Mais l'opinion gouverne le monde, et celui qui la dit le premier avait grandement raison. On croit que Olivier est originaire de l'Orient, et que de là il fut transporté en Grèce, puis dans les Gaules et en Ita- lie. D'après Pline, il n’y avait pas encore, sous le règne de Tarquin l'Ancien, d'Olivier en Italie, en Espagne, ni même en Afrique. Depuis fort long-temps il est répandu et parfaitement cul- tivé dans presque tout l'Europe méridionale. I! se plaït sur les coteaux exposés au soleil , et réussit sur un sol rocailleux ou sablonneux, comme dans les terres fortes et substan- tielles. El lui faut une chaleur presque constante, et un abri contre les grands froids. On le multiplie de tronçons , de ra- eines, de drageons , de boutures et de semences; mais la mé- thode la plus usitée, c’est la greffe en couronne et en écus- 446 NOUVEAU TRAITÉ son. On forme des pépinières d'Oliviers sauvages, pour y greffer les bonnes variétés que l’on veut propager. Or peut planter les boutures à demeure, en ayant soin de les arroser de temps en temps pour faciliter l’éruption des racines. On transplante les Oliviers en automne et au commencement du printemps. Cette dernière saison paraît préférable à plusieurs cultivateurs. L'Olivier donne un grand nombre de variétés de fruits qui diffèrent par la forme, la grosseur et la qualité. Nous allons parler succinctement des principales espèces. Olive d'Espagne, Oliva hispanica. Elle se fait remarquer par sa grosseur. On la fait ordinairement confire, parce que son huile est amère. Elle est commune en Espagne : on la trouve aussi en Provence, aux environs d'Aix et de Marseille, où elle porte le nom d'Espagnen. L'arbre qui la produit est très gros, et il étend beaucoup ses branches. On croit que cette espèce est l'Orchites des anciens. Olive Picholine ou Saurine, Oliva oblonga. (Gou. FI. Monsp. 6.) Le nom de Picholine a été donné à cette variété d'Olivier, dont le fruit est destiné à être confit en vert, parce qu'on doit cette invention à Picholini, dont les descendans , établis en Provence, font un très grand commerce d'olives ainsi préparées. De toutes les olives confites, c’est la plus dé- licate. Elle fournit aussi une huile très douce. Olive pointue ou Punchude, Oliva atro-virens. (Gar. Hist. Plant. 335.) Le fruit est allongé, pointu par les deux bouts, et surtout par le supérieur. Le noyau est terminé par une pointe très vivesci la couleur du fruit est d’un vert noïrâtre ou vineux, et le noyau gros, proportion gardée avec le fruit, qui donne une huile fine ; là le fruit, dans sa maturité, a une couleur rouge qui approche de la jujube, d'où lui a été donné le non de Rougette. Ces deux variétés ont des feuilles très DES PLANTES USUELLES. 447 étroites et très allongées. On les cultive dans le Languedoc et aux environs d'Aix. L'huile en est bonne et d'une belle couleur d'or. Olive blanche ou Blancane, olive vierge. Olea alba. (Clus. Hist. 23.) Assez rare en Provence et en Languëdoc, cette va-" riété est commune dans les environs de Nice. Fruit très petit, ovale, tronqué par les deux bouts. Sa grosseur n'excède pas celle d'un haricot de la petite espèce. La couleur blanche de l'écorce ressemble assez à de la cire. Le fruit est peu charnu, le noyau allongé, pointu des deux bouts. Les feuilles sont courtes, très larges, pointues aux deux extrémités; les ra- meaux déliés sans beaucoup de consistance. Cette variété est plus curieuse qu'utile. C'est peut-être la seule espèce d'olive qui ne noircisse pas. Son huile est douce, mais fade et en petite quantité. Cette variété paraît être celle qui porte, aux environs de Nimes, le nom de Mousette. Les Grecs modernes appellent les fruits de cet arbre Raphas. Dans l’ancienne Rome ils étaient connus sous la dénomination de Cominiènes ; quel- quefois 1ls ne sont pas plus gros que des câpres. | Glive Amandier, Amellou ou Amellingue. Oliva amygda- lina. (Gou. FI. Monsp. 6.) Cet Olivier est commun Je plu- sieurs cantons de la Provence et du Languedoc. La l'forme de son fruit ressemble à celle d’une dades Le noyau est peu sillonné, petit, allongé, très pointu à son sommet, tronqué à sa base. La feuille est fort large, courte, arrondie au sommet, terminée par une petite pointe. Le fruit est plus employé à confire qu'à faire de l'huile, qui cependant est très douce. Olive Cousmeau ou Corniau. Olea craniomorpha. (Gou. FI. Monsp. 6.) Le fruit ressemble à celui du Cornouiller. Il est petit, ordinairement arqué, allongé, noir comme le raisin nommé Morillon, terminé en pointe. Son noyau est plus 418 NOUVEAU TRAITÉ aplati d'un côté que de l’autre, pointu aux deux extrémités, irréguhèrement ridé, Les feuilles sont peu nombreuses, pe- tites, pointues , quoique arrondies à leur sommet. Les ra- meaux inférieurs s’inchnent vers la terre à peu près comme “ceux du Saule de Babylone ou Saule pleureur. Cet Olivier, ordinairement chargé de fruits, donne une huile très fine. Il est très commun en Languedoc, aux environs d'Aix et de Marseille. Cette variété est la Coroneïde des Grecs mo- dernes. Olive Ampoullau ou Baralanque. Olea sphærica. (Gou. FI. Mons. 6.) Cet Olivier est très multiplié en Provence et en Languedoc. Ses fruits, presque arrondis, donnent une huile très fine et très délicate. Olive précoce, Moureau, Mourette, Mourescale ou Né- grette. Oliva præcox. (Gou. FI. Monsp. 6.) On cultive cette variété dans presque tous les cantons de la Provence et du Languedoc. Son huile est excellente. Les fruits sont moyens, arrondis, d'un noir pourpre. Les feuilles sont larges, nom- breuses, épaisses, d’un vert foncé en dessus , blanchâtres en dessous. Olive Verdale ou Verdau. Olea viridula. (Gou. FI. Monsp. 6.) Son fruit reste vert pendant long-temps. Il est d'une forme ovoide, un peu pointu à l'extrémité supérieure, et tronqué à sa base. Les feuilles sont longues, élargies dans le milieu, allongées aux deux extrémités. Get Olivier est très commun au pont Saint-Esprit, à Montpellier, à Pézénas, à Béziers. Il donne une huile d’une qualité médiocre. Olive en bouquets ou Bouteillau. Olea racemosa. ( Gou. FL Monsp. 6.) Cet Olivier craint moins le froid que les autres variétés ; il porte des fruits rassemblés en bouquets, arrondis, noirs, à noyau court. Olive marbrée, Pigale ou Pigau. Olea variegata. (Gou. DES PLANTES USUELLES. 449 FI. Monsp. 7. Fruits de couleur variable, d'abord verts, puis rouges, puis violets, tiquetés de points blancs. Olive Sayerne ou Sagerne. Olea atro-rubens. (Gou. F1. Monsp. 7.) Variété ainsi nommée de la couleur violette et noire de son fruit, qui donne une huile des plus fines. Elle est connue, aux environs de Marseille, sous le nom de Rouget. Olive odorante ou Luquoise. (Olea odorata. Roz. Dict.) Olive très longue, courbée d'un bout à l'autre, pointue et relevée des deux côtés, à noyau long, étroit, également courbé. La peau, long-temps verte, devient rougeâtre, pi- quetée de blanc. La pulpe, de couleur vineuse, donne une huile fort douce. | Une autre variété fort intéressante qu’on devrait chercher à acclimater dans le midi de la France, c’est celle qu'on nomme, dans les parties méridionales de l'Italie, Oiva d'ogni mese (Olivier de tous les mots). Cet arbre produit en effet des olives plusieurs fois dans l'année ; elles sont petites, ovales, noirâtres, et l'huile qu'on en obtient est d’une excel- lente qualité. Nous ne croyons pas devoir traiter ici de la culture de l'Ohvier, ni de la fabrication de l'huile d'olives; nous ren- voyons le lecteur aux ouvrages publiés par Gouan, Amoreux, Rozier, Bernard, Sinety, etc.; et nous allons nous occuper plus particulièrement de cet arbre précieux sous les rapports de ses qualités alimentaires et médicinales. Olives préparées. Les olives fraîches sont imprégnées d'une saveur âcre et amère dont on les dépouille par divers procédés. Aïnsi on les fait tremper dans de la saumure aromatisée avec du fenouil, du cumin, des graines de coriandre, de la menthe, etc. Il 29 450 NOUVEAU TRAITÉ Cette méthode de les confire est adoptée par les Grecs mo- dernes. À Marseille , on se sert de la lessive ordinaire, rendue caustique par l’addition d’un peu de chaux vive. Quand cette lessive est claire, on la verse sur les olives, et, dès qu'elle a produit son eflet, on les met dans l’eau fraîche, qu'on re- nouvelle tous les jours. Ensuite on ajoute du sel et des herbes odorantes. On les enferme dans des flacons et de petits barils, que l’on tient dans un lieu frais et à l'abri du contact de l'air. Les olives picholines sont les plus délicates. On les pré- pare ainsi : On laisse pendant quelque temps les olives dans la saumure ; on les retire, on enlève le noyau par une inci- sion en spirale, et on le remplace par un morceau d'anchois et une câpre. On renferme ensuite ces olives dans des vases remplis de bonne huile. Il y à quelques variétés d'olives qu'on mange fraiches quand elles sont parfaitement müres, en les assaisonnant seulement avec de l'huile, du poivre et du sel. Les olives ainsi préparées excitent l'appétit, stimulent l'estomac. On les sert, comme hors-d’'œuvre , avec les autres productions de la Provence. Les Grecs les mangeaïent égale- ment imprégnées d'huile et de saumure, sous le nom de Colymbades. Aristophane y fait allusion dans ce passage de sa pièce intitulée la Vieillesse : « O vieillard, lesquelles aimes-tu mieux, ou de ces courtisanes « qui tombent par trop de maturité, ou de ces jeunes ten- « drons qui ont la chair aussi ferme que des colymbades ? » Les Romains mangeaient des olives en se mettant à table pour aiguillonner l'estomac, et à la fin des repas pour le DES PLANTES USUELLES. 451 récréer et le délasser. Les meilleures venaient de la Marche d'Ancône (Picenum). Haæc quæ? Picenis venit subducta trapetis , Inchoat atque eadem finit oliva dapes. (Marr. Epigr., lib. 13.) Horace, dans ses momens de frugalité, dit que le faisan d'Tonie n’a pas plus d’attrait pour son estomac que la simple olive fraîchement cueillie , ou l'oseille des prés , ou la mauve salutaire, ou quelquefois un agneau qui aura été égorgé pour les fêtes du dieu Terme, ou enfin quelque chevreau sauvé de la dent du loup. Non Afra avis descendat in ventrem meum, Non attagen lonicus Jucundior, quam lecta de pinguissimis Oliva-ramis arborum, Aut herba lapathi prata amantis, et gravi Malvæ salubres corpori, Vel agna festis cæsa Terminalibus, Vel hædus ereptus lupo. (Eron. Od. 2.) Horace était friand, sensuel, courtisan habile, mais il aimait surtout la liberté, l'indépendance, la vie douce et facile de la campagne. Son ode, Beatus ille qui procul nego- ts, est un chef-d'œuvre de poésie, de grâce, de simplicité antique ; elle vaut tout un poëme :. * Le lecteur un peu bienveillant nous pardonnera sans doute, si nous mêlons quelquefois la nourriture de l'esprit avec celle du corps; l’une fait mieux digérer l’autre. 152 NOUVEAU TRAITÉ Poulet farci d'Olives. À Paris, les amateurs d'olives ne sont pas en grand nom- bre ; cependant nos habiles cuisiniers ne craignent point de faire paraître sur une table somptueuse un canard aux olives. Cet assaisonnement lui donne un goût délicat qui plait sin- gulièrement aux Méridionaux. Le docteur Bonnafos, de Per- pignan, qui aimait à réunir à sa table des médecins, des naturalistes, des hommes de lettres , leur offrait de temps en temps un poulet gras parfaitement rôti et farci d'olives. Nous trouvions ce poulet délicieux, et aucun convive ne pensait qu'on aurait pu le farcir de truffes. Au reste , ces olives avaient un arome spécial que je n'ai point retrouvé à celles que j'ai pu manger à Paris ou ailleurs. L'art d'assaisonner, d’aromatiser les alimens d'une ma- nière convenable n’est point un art facile. Il faut cramdre surtout l'excès des parfums; ce luxe de sensualité dénature les mets et les rend insalubres. Si vous avez parcouru les Essais de Montaigne , qu'avez-vous pensé de ce paon et de ce faisan qu'on servit au roi de Thunes, qui avait pris terre à * Naples pour s'aboucher avec l'empereur Charles ? Montaigne dit que l’assaisonnement avait coûté cent ducats. : «Et quand on les dépeçoit, non la sale seulement, mais «toutes les chambres de son palais, et les rues d’autour, «estoient remplies d’une très souëlue vapeur, qui ne s’éva- «nouissoit pas si soudain. » (Essais de Mont., hiv. [.) Huile d'Olive. Tout le monde connait l'huile qu'on obtient en exprimant le parenchyme ou la pulpe de l'olive. Sa qualité dépend de la DES PLANTES USUELLES. 453 nature du sol où croissent les Oliviers, de l'espèce d'olive qui la fournit et du procédé qu'on emploie pour l’extraire. Celle qui coule par expression et sans feu est la plus pure et la plus délicate ; on l'appelle huile eierge. 1 Y à une autre sorte d'huile vierge que les gourmets recherchent, mais qui est fort rare, et que les épiciers n’ont jamais connue. On l’obtient en pratiquant des excavations dans la pâte que forment les olives bien broyées : ces trous se remplissent d'huile, qu'on recueille sans presser la pâte. L'huile ordinaire est celle qu'on extrait à l’aide de l’eau bouillante. Les huiles qui nous viennent de la Provence, surtout d'Aix ou des cantons qui avoisinent cette ville, sont fort renommées. On estime aussi les huiles des environs de Montpellier, de Béziers, de Nimes, d'Avignon, etc. Un noble député de Vaucluse recueille dans ses domaines une sorte d'huile d'une qualité excellente. Elle a un goût fin et suave ; elle est d'un vert tendre et d’une limpidité parfaite. Si j'avais l'honneur de connaître M. le marquis de Cambis ,Je lui en ferais mon compliment. Je ne suis pas assez ingrat pour oublier l'huile exquise de Lucques. L'empereur Napoléon aimait beaucoup cette huile : il avait placé dans le pays même un homme de confiance pour veiller à sa fabrication, et ce brave homme, qui vit encore et qui se nomme Ruelle, lui en expédiait tous les ans plusieurs tonneaux. Une dame de mes clientes, une belle et bonne dame , qui avait des relations avec l'impératrice Joséphine, a pu m'en fournir pendant plusieurs années une certaine provision. Fritures, ragoûts, salmis, omelettes, salades, tout était délicieux avec cet assaisonnement de Lucques. Je n'en peux dire autant de l'huile de Venise, et surtout de l'huile de la Catalogne. Les Oliviers des environs de Figuières, par exemple, portent de très beaux fruits, mais Fhuule y est 45% NOUVEAU TRAITÉ faite avec si peu de soin, qu'elle vous bouleverse l'estomac par son goût pharmaceutique. On ne s'en servait dans nos hôpitaux militaires que pour faire des emplâtres et des onguens. ) À Paris, les huiles d'olive non frelatées sont assez rares, à moins qu’on ne les prenne dans nos premiers magasins, ou qu'on ne les fasse venir directement de nos provinces méri- dionales. Si l'on n’y ajoutait que l'huile récente de pavot ou de colza, le mal ne serait pas si grand; mais on veut tirer parti des huiles vieilles , rances, altérées, et on les mêle avec l'huile d'olive nouvelle. Je préfère les huiles blanches, natu- relles, préparées avec soin, comme l'huile de faîne, l'huile de noix, aux huiles d'olive faites de toutes pièces. Ces huiles agissent quelquefois comme un véritable poison sur des estomacs faibles, délicats ou très irritables. Des hommes affectés d'hypochondrie , des femmes , des enfans, d’une complexion nerveuse , ont éprouvé sous nos yeux des symptômes cholériques produits par de l'huile ou du beurre dans un état de rancidité. Les Romains faisaient une grande consommation d'huile d'olive. Horace, Juvénal, Martial, nous vantent celle qu'on récoltait à Venafre, dans la Campanie. His mixtum jus est oleo quod prima Venafri Pressit cella. l (Hor. Sat., lib. 2.) Hoc tibi Campani sudavit bacca venastri. (Marr. Epigr., lib. 13.) Mais on avait à Rome, comme nous avons à Panis, de l'huile frelatée , de la mauvaise huile. Juvénal dit que Virron DES PLANTES USUELLES. 4535 arrosait son poisson avec de l'huile de Venafre, tandis qu'il faisait servir aux parasites admis à sa table de chétifs légumes uageant dans de l'huile qui sentait la lampe. Ipse Venafrano piscem perfundit : at hic, qui Pallidus offertur misero tibi causis, olebit Laternam. (Juv. Sat. 5.) L'huile d'olive remplace le beurre dans nos provinces mé- ridionales, et pourtant la cuisine n'y est pas plus mauvaise ; on pourrait même dire que celle de Marseille, d'Avignon, de Montpellier, de Toulouse, de Bordeaux, est excellente. Il ne faut point juger la cuisine du Midi d'après quelques marmitons qui ont cru limiter en l'exagérant. A la vérité sous le Directoire une sorte de cuisine provençale régnait despotiquement, parce qu'il fallait aux Apicius sortis du limon de notre république, des mets fortement épicés, des sauces brülantes pour réveiller leurs palais un peu rudes : mais l'Empire vint nous civiliser avec sa gloire, avec ses nouvelles conquêtes, avec sa gastronomie beaucoup plus douce. Les poulets à la Marengo avaient déjà remplacé le Kari à l'indienne, lorsque Cambacérès se chargea du rôle difficile de Lucullus sans avoir ni les viviers, ni les volières, ni le salon d'Apollon de ce gourmand fameux. On a beaucoup vanté sa cuisine, qui était substantielle, abondante, mais peu délicate, c'est-à-dire sans principes, sans traditions. Le feu sacré ne s'était conservé que dans les fourneaux souterrains du prince de Talleyrand. L'Empereur, homme naturellement sobre et frugal, en- courageait pourtant les progrès de la gastronomie, science toute nouvelle qui flattait la vanité des nouveaux riches, et ré- pandait l’'aisance dans la classe marchande. Bon nombre d'aca- 456 NOUVEAU TRAITÉ démiciens, de savans, de ducs, de comtes, de barons, se firent gourmands ; et nos braves officiers un peu fatigués de com- bats les imitèrent. L'huile d'olive coulait à flots d’or dans les cuisines de nos grands restaurateurs du Palais-Royal. On n’a jamais tant mangé de poulets sautés à la Marengo. Le temps passe vite, et bientôt tout s’oublie. Ce ragoût n’est plus de mode maintenant; mais il figure encore sur la carte, et, en l'y voyant, un vieux grognard palpite, tressaille de joie. Pour moi, qui aime la vieille gloire de nos armes, j'aime aussi le poulet à la Marengo, qui me la rappelle. Poulet a la Marengo. C'est tout bonnement un poulet jeune, bien blanc, artis- tement dépecé, et sauté avec de l'huile de Provence, avec quelques lames de truffes noires, du poivre, du sel, de la muscade, et du jus de citron. C’est de la cuisine classique de l'Empire. Essayez de ce ragoût, vous lui trouverez quelque chose de fin, de déhicat, et vous voudrez recommencer en- core. La Restauration, un peu friande, ne l'avait point dé- daigné, et Louis XVIII l'aimait passionnément. Les gens d'esprit ont toujours su apprécier les bons morceaux. Le filet de bœuf sauté et assaisonné de la même manière doit trouver aussi beaucoup d'amateurs. C'est un mets à la fois savoureux et puissamment nutritif. On peut en supprimer les truffes, si l'on craint leur action stimulante qu'on a, du reste, beaucoup exagérée. Salmis de perdreaux ou Salmis du chasseur. Les salmis de perdreaux, de bécasses, de faisans, de mau- viettes, sont plus moëlleux, plus délicats lorsqu'on joint un DES PLANTES USUELLES. 457 peu d'huile fine au beurre frais. On fait rôtir deux ou trois per- dreaux, on coupe leurs membres, et on les fait sauter dans une sauce préparée , avec du beurre, deux cuillerées d'huile d'Aix, un demi-verre de vin, un peu de sel , un peu de gros poivre et un peu de jus de citron. « Monsieur le chasseur ! comment trouvez-vous ce salmis de perdreaux à la pari- sienne? — Il est excellent. Parlez-moi d'un ragoüt fait avec du beurre, et non avec votre huile de Provence. » Le chas- seur y fut trompé. En ne forçant point Fhuile, amis et en- nemis de ce condiment, tout le monde est satisfait. Le rosbif, les côtelettes de mouton, le lièvre , le lapereau, le chevreuil, le sanglier, sont plus tendres, plus délicats, plus sapides lorsqu'on les à imprégnés d'huile d'olive. Friture à l'lunle. Et la friture ! vous n'en parlez point ; vous n'avez donc pas voyagé dans les Pyrénées? Lecteur ! suivez-moi dans la vallée de Campan : la distance de Paris n'est que de cent quatre- vingt-dix lieues. Mais on va rondement aujourd'hui avec les chemins de fer. Entrons dans cette maisonnette assise aux bords du Gave. Voici de petites truites encore palpitantes qu'on vient de pêcher dans le torrent. Vite! qu'on les fasse frire dans l'huile la plus fine, qu’on les saupoudre de sel et qu'on les arrose de suc de citron. Savourez dignement cette délicieuse friture , et dites-moi si ce n'est point là le cibus Deorum. Chaque pays a ses productions et ses méthodes culinaires. Si jamais vous allez à Bâle, vous aurez aussi de l'excellente truite, mais n'employez que le beurre des Alpes, on n'y con- naît point nos huiles vierges. Ne faites point d'expériences avec l'huile du pays, vous en auriez du regret. Je vous re- 458 NOUVEAU TRAITÉ commande aussi les jolies truites des Ardennes, surtout les truites des ruisseaux limpides qui vont se perdre dans les forges de Bouthancourt. Les Champenois friands les arrosent avec de l'huile de Provence, et ils réservent le beurre pour le gros poisson. Donnez au Provençal, au Languedocien, au Gascon, en convalescence , une carpe, un merlan, apprètés avec de l'huile d'olive, ils vous béniront d'avoir deviné leur goût , et ils s’en porteront mieux. Champignons à l'huile. Les truffes, les champignons cultivés, les champignons des bois, le cep à la robe d'ébène, la belle oronge, fameuse depuis les Romains jusqu'à nous ; la morille qui s’élance du sein de la terre, lorsque le merle commence à chanter sur l'ormeau; tous ces trésors de la table aiment à se baigner dans l'huile vierge. L’amateur de champignons trouvera, dans le Traité spécial que nous avons publié sur ces plantes, des condimens, des ragoüts, des sauces de toute espèce ; 1l n'aura que l'embarras du choix. Qu'il en use pourtant avec réserve, avec intelligence, il en sentira mieux le prix. Nous dirons seulement ici que le suc de citron et l'huile d'olive sont leur véritable assaisonnement. Mais 1l faut que l'huile soit douce, délicate, onctueuse sans âcreté, enfin d’une odeur suave. Salade de laitues. Et sans l'huile d'olive que deviendraient toutes les plantes herbacées ou légumineuses qui croissent dans nos potagers? Que ferions-nous de la laitue, de l’endive, de la petite chico- rée sauvage, du céleri, du pourpier, du cresson, de toutes Fr DES PLANTES USUELLES. 459 ces salades qui viennent ranimer, réjouir nos estomacs, allan- guis, affaissés sous le poids d'une chère trop succulente ? Oui, sans l'huile d’ohve, qu'en ferions-nous? La salade de laitues est l'aliment de l'homme simple et frugal. Voyez ce bon curé de campagne qui s'est fatigué en allant secourir à l'extrémité de sa paroisse le malade, l'orphe- lin, l'indigent : il est là sous la treille de son petit jardin, il se restaure, si c’est le vendredi, avec un potage aux racines, aux herbes nouvelles, avec une omelette dorée, ventrue, juteuse, et une petite salade de romaine qu'il a cueillie et préparée de ses propres mains. Ses pampres verts , ses pom- miers, le défendent contre les rayons du soleil; il savoure son petit diner avec ce plaisir qui naît d’une conscience pure : une douce joie rayonne dans son heureux regard, il pense au bien qu'il pourra faire le lendemain. Le laboureur, louvrier, l'homme de peme, oublient les fatigues de la journée, en mangeant le soir en famille des laitues à huile d'olive, et pourtant cette huile n’est point de premier choix ; mais le travail et le contentement lui don- nent l'agréable sapidité qui lui manque. Le peuple, soit à la ville, soit à la campagne, est grand mangeur de laitues. Cette salade le rafraichit, le délasse, le restaure même. Rémolade. Ici le gastronome, pour doubler, tripler ses jouissances , agite lui-même dans un bol de porcelaine, avec une cuiller de buis, de l'huile vierge d'Aix mêlée à la moutarde de Bord. Son odorat en perçoit le premier les émanations stimulantes : les sens gustatifs attendent impatiemment leur tour. Il est à table seul, il n'a pour témoins que des filets de poularde et une belle queue de saumon, qui vont bientôt disparaître. Il se 460 NOUVEAU TRAÏTÉ met à l'œuvre: itattaque intrépidement le saumon, qu'il sauce dans sa rémolade; 1l boit deux verres de vin de Médoc; il revient une fois, deux fois au saumon : quelques faibles dé- bris attestent une victoire complète. À ce premier combat succède un instant de repos. Notre gourmand se délasse en mêlant les filets de poularde avec des cœurs de laitue et des anchois, et il arrose le tout, convena- blement salé et poivré, avec de l'huile d'olive et du vinaigre à l’estragon. L'attaque n’est ni plus longue, ni plus difficile; c'est pour lui une petite escarmouche, une sorte de petite guerre. Il se prépare aujourd'hui pour diner demain sérieuse- ment. Îl doit assister à un diner de corps où il faudra déployer toute sa vaillance. Une vie toute sensuelle, toute consacrée à la gourman- dise, est une vie détestable qui n'aura jamais notre appro- bation; nous observerons néanmoins qu'il convient de faire de temps en temps diversion à un régime trop méthodique. Quelques petits excès ne sont pas inutiles pour stimuler les forces de la nature. Les sujets d'une complexion molle, d'un tempérament phlegmatique, d'un caractère froid, ont besoim de réveiller le corps et l'esprit par une alimentation excitante, surtout pendant les temps pluvieux et humides de l'automne; ce régime devient même indispensable dans tous les temps de l’année, s'ils habitent un pays marécageux. Ils ne doivent pas craindre de faire usage d'alimens relevés, épicés, de viandes assaisonnées avec un mélange d'huile, de moutarde et de jüS de citron; de gibier, de saucisson cru, d'olives mari- nées, de vins généreux, un peu alcoholiques, de thé, de café, etc. DES PLANTES USUELLES. KG Haricots à l'huile. Nous ne parlerons point de la morue à la Provençale que l'huile d'olive a rendue célèbre, ni du thon mariné et autres bonnes choses qu’elle nous conserve pour varier nos alimens ou les rendre plus savoureux ; mais nous ne pouvons passer sous silence le mets chéri de Napoléon. Après avoir dicté un décret, un sénatus-consulte à ses secrétaires où à ses mi- nistres, il les congédiait bien vite pour aller déjeuner avec des haricots à l'huile. Nous avons déjà dit qu'il la faisait venir de Lucques, et qu'elle était d’une qualité supérieure. Ces haricots étaient pour l'Empereur un régal sans pareil. Napoléon a été le premier homme de son siècle ou plutôt des temps modernes, non seulement par son génie, par sa va- leur, par les grandes choses qu'il a faites, mais encore par sa vie simple, frugale et tout-à-fait digne des beaux jours de Sparte et de Rome. Aigue boulide (Eau bouillie). C’est une espèce de potage fait tout bonnement avec de l'eau bouillante, une petite gousse d’ail, un peu de sel, quel- ques cuillerées d'huile d'olive, et quelques tranches de pam. Il est sain, léger et d’un fréquent usage dans le midi de la France. On le permet vers la fin des maladies aiguës. Un pauvre Provençal gisait sur son grabat, dans un petit hôtel de la rue Notre-Dame-des-Victoires. IL s'était traité lui-même d'une fièvre bilieuse avec des citrons et des oranges. Il allait bien. Mais pour hâter sa convalescence, 1l s’avisa de prendre des pilules purgatives qui provoquèrent des évacua- tions abondantes et douloureuses avec une débilité extrême. 62 NOUVEAU TRAITÉ Son appétit était perdu. Le vin, le bouillon, les tisanes que lui donnait un de ses compatriotes un peu médecin, lui fai- saient horreur. J'eus occasion de voir ce malade. « Souffrez-vous de l'estomac, de la tête, ou de quelque autre organe? — Je ne souffre maintenant de nulle part, mais je meurs de faiblesse. Le bouillon, la viande, le vin, voilà mon dégoüt, mon supplice. J'aimerais mieux passer par le fer ou le feu. — Que voudriez-vous manger? Inter- rogez vous-même votre estomac, 1l vous répondra peut-être. — Aigue boulide! Aigue boulide! Aigue boulide! » Et après ces exclamations qui semblaient sortir d'un souterrain, il s'évanouit. « Il est fou, me dit alors l'ami du malade; il ne parle depuis hier que d'Aigue boulide , et rien ne passe, pas même quelques cuillerées de tisane. C’est un homme mort. » On lui fait respirer du vinaigre, on lui frictionne les membres et la région de l’estomac. Il se remet un peu, il soupire, et bientôt il pleure à chaudes larmes. « Rassurez- vous, monsieur, vous aurez une Aigue boulide. C'est aussi dans mes maladies l'aliment de mon choix. Je vais la com- mander, elle sera prête dans une demi-heure. — Avec de l'huile de Provence, un peu d'ail, un peu de pain, n'est-ce pas! — C'est cela même. » Je restai près du malade, je voulus être témoin de son petit repas. Enfin la voilà cette Aiïgue boulide où l'huile surnage en gouttelettes d’or. Les joues creuses et pâles du moribond se colorent peu à peu d’un léger incarnat; son œil presque éteint se ranime : le seul aspect de l’Aigue boulide a presque fait un miracle. « Prenez-en seulement la moitié, dis-je alors au malade; dans une heure on vous donnera le reste. Rassurez-vous, je connais les bons effets de l'Aigue boulide, elle vous guérira certainement. » À ma visite du soir, je trouvai le malade infiniment mieux. DES’ PLANTES USUELLES. 463 Il continua le même aliment pendant deux ou trois jours. Il prit ensuite de la gelée de groseille, et peu à peu une nour- riture plus substantielle avec un peu de vin. Sa convalescence marcha rapidement, et en moins de quinze jours il fut en- tièrement rétabli. Je me rappelle qu'à la suite de deux maladies graves dont je fus atteint, à Perpignan et à Lagrasse, lorsque j'étais mé- decin des hôpitaux militaires, j'éprouvai moi-même un pareil désir pour l'Aigue boulide. Cet instinct de la nature, qui nous inspire le goût de tel ou tel aliment, doit être respecté, et il faut satisfaire ce goût, à moins que des raisons puis- santes ne s'y opposent. Un aliment réputé plus sain ne pro- duira pas les mêmes effets ; 1l y a plus, il pourra même nuire au malade. Passons maintenant aux propriétés médicinales de l'huile d'olive. Lorsqu'elle est récente, pure et d'une saveur douce, elle possède une vertu relâächante, émolliente, dont la méde- cine domestique peut retirer de grands avantages. On l’em- ploie intérieurement, et on l’applique sur la surface du corps, pour remédier aux inflammations, aux irritations, aux spasmes douloureux, etc. Donnée par cuillerées, soit seule, soif mêlée à des potions anodines , elle apaise les coliques, les tranchées, les dou- leurs néphrétiques. On à pu se convaincre de son efficacité dans la période aiguë de la dysenterie, dans l'inflammation des intestins produite par les préparations de plomb, par les poisons âcres et corrosifs. Mais 1l ne faut point alors se borner à quelques cuillerées ; le malade doit en prendre, coup sur coup plusieurs petites tasses. Ce remède simple a calmé sous nos yeux des douleurs atroces , des convulsions presque téta-" 264 NOUVEAU TRAITÉ niques causées par des champignons délétères ou autres vé- gétaux imprégnés de principes âcres. On doit faire en même temps des frictions douces sur le bas-ventre avec de l'huile d'olive, et donner aussi quelques. lavemens oléagineux. (Voyez notre Phytographie médicale et notre Traité des Champignons.) Après un accouchement laborieux, les femmes éprouvent quelquefois des douleurs gastriques, des irritations utérines qui s'amendent par des potions huileuses. L'huile d'olive re- médie également à la constipation , au ténesme, à la stran- gurie. On voit aussi des femmes éprouver, au renouvellement périodique du flux menstruel, des contractions vives de la matrice et des parties voisines, qui imitent en quelque sorte les douleurs de l’enfantement : donnez-leur quelques cuille- rées d'huile d'olive ou d'amandes douces, mêlée avec du sirop de guimauve ou de fleurs de violette, vous relàcherez, vous calmerez les parties irritées, et vous rendrez l'écoulement sanguin plus facile, plus abondant. Mais n’abusez point des remèdes oléagineux; ils affaiblis- sent les facultés digestives , et tous les estomacs ne sauraient les supporter. N'imitez pas surtout ce médecin de la Charité qui ordonnait par semaine un muid d'huile d'olive ou d'amandes douces. Les malades se trouvaient fort mal sous la conduite de ce praticien, que Venel qualifie de médecin huleux Potion huileuse. Prenez : huile d'olive pure et récente, trois onces; eau distillée ou clarifiée, deux onces; sirop de sucre ou de gui- mauve, une once; eau de fleurs d'oranger, quelques gouttes. Mèlez et agitez le flacon au moment de prendre la potion. DES PLANTES USUELLES. 465 La dose de cette mixture est d'une à deux cuillerées à bouche, qu'on renouvelle de demi-heure en demi-heure , ou à des intervalles plus ou moins rapprochés , suivant la gravité des symptômes. On peut boire immédiatement après une petite tasse d'infusion de fleurs de mauve, de violette ou de tilleul. C’est un excellent remède pour les personnes qui souffrent habituellement des reins, de la vessie, des hémorrhoïdes ; qui sont sujettes à la constipation, aux épreintes , aux spas- mes douloureux de l'estomac, des intestins, de la matrice, etc. De Haën était grand partisan des potions huïieuses, dont il avait reconnu la grande efficacité contre les inflammations rebelles aux antiphlogistiques. C'est alors, dit-1l, que les huiles douces, administrées à hautes doses, apaisent mer- veilleusement les nausées, les vomissemens , les irritations, les douleurs gastriques. Il faut en donner deux ou trois fois par jour, au moins Cinq ou six onces. L'huile d'olive est encore le remède des accidens causés par l’abus des toniques, des stimulans ; par les purgatifs rési- neux, par l'élixir de Le Roy, par les pilules d’Anderson, par la moutarde blanche et autres médicamens empiriques. Aïnsi la moutarde blanche vous donne d'abord quelque soulage- ment si vous êtes habituellement constipé; mais ensuite elle vous resserre, Vous constipe davantage, ainsi que toutes ces pilules dont on vante l'effet relächant. Bientôt les irritations viscérales viennent se joindre à votre constipation, vous per- dez le sommeil, vous devenez triste, morose, impatient ; les veines hémorrhoïdales s’engorgent, vos nerfs se crispent, votre tête s'embarrasse, votre visage jaunit ou se teint d’une couleur de lie de vin, vous devenez la proie d’une inflamma- tion chronique, ou vous perdez la raison. IT. 30 466 NOUVEAU TRAITÉ Mais, si mieux conseillé, vous renoncez à temps aux pi- lules, aux remèdes du charlatanisme; si vous prenez deux ou trois fois par Jour quelques cuillerées d'huile d'olive, quelques tasses de limonade légère, d'eau d'orge , d’eau de chiendent, ou de bouillon de veau, vous ne tardez pas à ressentir les eflets salutaires de ce nouveau traitement. On recommande l'huile d'olive pour apaiser les irritations pectorales, les catarrhes aigus, la pleurésie, la péripneu- monie. On calme aussi les quintes de toux, on prépare et on favorise l'expectoration, avec l'huile d'olive mêlée à quelque sirop agréable qu'on prend par petites cuillerées. Mais il faut user modérément des huileux, des corps gras, des pecto- raux, surtout vers la fin des rhumes et des catarrhes, et même les remplacer par quelques doux stimulans pour remé- dier à la faiblesse organique. C'est avec raison qu'on a placé l'huile d'olive parmi les remèdes vermifuges. Elle convient particulièrement aux en- fans et aux sujets délicats qui sont tourmentés par les vers. Mixture vermifuge. Prenez : huile d'olive, deux onces ; eau de menthe poi- vrée, une once ; mêlez, et ajoutez une petite cuillerée de suc de citron. On prend deux cuillerées à bouche de cette potion, le matin à jeun, et on continue ainsi d'heure en heure. On déjeune ensuite avec une panade préparée avee de l'huile et un peu d'ail. Ce petit traitement, continué pendant deux ou trois jours, m'a réussi dans quelques circonstances où les vermifuges DES PLANTES USUELLES. 467 ordinaires avaient été vainement administrés. Pour les enfans un peu difficiles, 1l faut ajouter un peu de sucre à la potion. Mixture huleuse de Vogler. Prenez : eau pure, ou bien eau de fleurs de sureau, quatre onces ; ipécacuanha en poudre, deux grams; nitrate de po- tasse , vingt-quatre grains ; gomme arabique, un gros; acide sulfurique délayé, quinze gouttes ; huile d'olive douce et ré- cente, une once. Mèlez en triturant dans un mortier de marbre. Autre mixture huleuse. Prenez : eau distillée de roses, deux onces ; gomme ara- bique, un gros et demi; huile d'olive, sirop de guimauve ou sirop de fleurs de violette, de chaque demi-once. Triturez la gomme arabique avec l'eau de roses pour obtenir un mucilage, et ajoutez ensuite l'huile d'olive et le sirop de guimauve. Vogler employait avec un grand succès la première prépa- ration, dans la dysenterie, dans les affections cholériques , la cardialgie, la strangurie, l'ischurie , le pyrosis, les coli- ques nerveuses ; dans les inflammations aiguës du système pulmonaire, la toux férine, les fièvres exanthématiques, putrides, malignes, avec diarrhée. IT la donnait aux adultes à la dose de deux cuillerées à bouche de deux en | deux heures ; aux enfans, par petites cuillerées. La deuxième mixture était réservée pour les cas de vo- missemens, de cardialoie, de coliques et de dysurie avec fièvre et diarrhée. Lorsque dominaient la chaleur, la soif, la sécheresse et l'amertume de la bouche, il y faisait ajouter dix ou douze gouttes d'acide sulfurique affaibli. La dose était, 468 NOUVEAU TRAITÉ pour les adultes, d'une cuillerée à bouche répétée toutes les deux ou trois heures. Les enfans n’en prenaient qu'une ou deux petites cuillerées à thé. (Vogler, Pharmacologia selecta, ed. 4. pag. 62 et 63.) On prépare avec l'huile d'olive une foule d’emplâtres, de pommades, que nous abandonnons aux dispensaires pour ne nous occuper ici que des applications les plus simples. On fait avec l'huile d'olive des frictions , des embrocations sur le rachis, sur les membres ,'sur le sternum et sur l'ab- domen, pour: seconder les remèdes intérieurs, dans les cas de crampes, d’affections spasmodiques de la poitrime, de l’es- tomac, des reins et de la vessie. Pour rendre ces embroca- tions plus efficaces on y ajoute parfois quelques grains de camphre, quelques gouttes de laudanum liquide. Les embrocations huileuses simples sont peut-être le meilleur remède de la*goutte très aiguë, très douloureuse. On frictionne doucement les membres, à plusieurs reprises, et on les enveloppe avec de la flanelle ou de la mousseline. Ces frictions pratiquées avec intelligence calment le malade, lamusent et l'endorment sans fatiguer sa tète comme les linimens opiacés. C'est au reste mon remède de prédilection quand je souffre de la goutte. Il est vrai que ma fille Valen- tine me fait elle-même ces frictions, et qu'elle s'en acquitte avec un zèle, avec un dévouement, avec une grâce qui me charment. Je me trouve déjà soulagé lorsque cette admirable enfant s'approche de mon lit de douleur. La piété filiale est une émanation du ciel. Heureux les pères qui, au milieu de leurs souffrances , peuvent recueillir les soins et les consola- tons de leurs enfans! Celse, Cœhus Aurelianus et Galien avaient fait connaître DES PLANTES USUELLES. 469 l'efficacité des frictions huileuses contre l'hydropisie ascite ; la médecine moderne à confirmé cette observation pratique. Van Swieten, Monro, Tissot, Bacher ont guéri plusieurs hydropiques en faisant frictionner la région abdominale avec de l'huile d'olive. Nous avons employé le même remède, il n’y a pas encore long-temps, avec un succès qui nous à sur- pris. Ces frictions doivent être pratiquées matin et soir, avec la main bien imprégnée d'huile. Quelques minutes ne sau- raient sufBre , il faut y employer au moins une heure pour qu’elles soient efficaces. Les urines coulent avec plus d'abon- dance, et les évacuations intestinales deviennent plus faciles. Les frictions huileuses, faites sur toute la surface du corps, ont été recommandées par M. Poutingon de Montpel- lier pour calmer la toux, pour diminuer la congestion pecto- rale chezles enfans affectés de coqueluche. Laënnec les a aussi employées utilement, non seulement contre la coque- luche, mais encore contre le catarrhe sec et chronique , avec de fréquentes recrudescences de catarrhe aigu se renouvelant aux moindres vicissitudes de l'atmosphère. Ce moyen de favo- riser là transpiration cutanée, qui faisait une partie considé- rable de l'hygiène des anciens, a sans contredit été beaucoup trop négligé dans les temps modernes. Le professeur Desgenettes et quelques autres médecins ont loué la vertu prophylactique des frictions huileuses contre la peste. Ce remède n’a peut-être pas toute l'efficacité qu'on lui attribue, mais il ne faut rien négliger lorsqu'on est menacé d'un pareil fléau. On ajoute ordinairement un peu de camphre à l'huile d'olive, et on croit que ce mélange est encore utile lorsque les symptômes pestlentiels ont éclaté. 470 NOUVEAU TRAITÉ Huile d'olive camphrée. Prenez : camphre, un demi-gros; huile d'olive, six onces ; mèêlez en triturant dans un mortier. On se fait frictionner toute la surface du. corps avec une éponge imbibée de cette mixture huileuse. Si une première friction ne provoque pas des sueurs abondantes , on recommence les jours suivans jus- qu'à ce qu'elles paraissent , et on ne change de chemise et de lit que lorsque la transpiration a cessé. Avant de répéter les frictions , 1l faut essuyer la sueur avec un morceau d’étofle chaude : on peut y revenir plusieurs jours de suite, jusqu’à ce qu'on aperçoive un changement favorable, et alors*on frotte plus légèrement et moins souvent. Le malade peut boire en même temps de quelque tisane sudorifique. Celui qui fait les frictions doit avoir lui-même le corps oint d'huile; il doit surtout éviter le souffle des ma- lades. Dans plusieurs épidémies de peste très meurtrières , onta observé qu'il n’y avait que les porteurs d'eau, particulière- ment les porteurs d'huile et ceux qui la faisaient, qui n'é- taient point atteints de la maladie. L'huile, en bouchant l'ex- trémité des pores ou des vaisseaux absorbans qui s'ouvrent à la surface du corps, empêche l'introduction des miasmes pestilentiels. On à encore remarqué que les personnes habituellement ivres , étaient presque toujours épargnées par les épidémies graves. Le vin, pris avec modération, ranime les forces phy- siques et morales, mais je ne crois pas que les excès soient un bon moyen de se préserver des maladies contagieuses. Hippocrate faisait lui-même beaucoup de cas des frictions huileuses, qu'il regardait comme un excellent moyen de pro- DES PLANTES USUELLES. 471 voquer la sueur. La nature est quelquefois lente et comme indécise; il faut l'aider, la solliciter non seulement par des frictions d'huile chaude sur différentes parties du corps, mais encore par quelque boisson légèrement aromatique , comme une infusion de feuilles d'oranger ou de menthe, de fleurs de camomille ou de tilleul. L'huile d'olive, camphrée et animée avec l'ammoniaque liquide, était le remède de Pringle contre l’esquinancie. Ce liniment est connu de tous les médecins, et ce n’est point pour le leur rappeler que nous en parlons ici, mais il est utile de le faire connaître aux personnes charitables qui donnent quelquefois des conseils aux petits ménages. Liniment de Pringle contre l'angine. Prenez : huile d'olive, deux onces; camphre, vingt-quatre grains ; esprit volatil de corne de cerf succinée (ammoniaque succiné ), demi-once. Mèlez. On trempe dans ce liniment un petit morceau de flanelle d'une grandeur relative à celle de la partie antérieure du cou qu'il doit recouvrir. On l'imbibe de nouveau toutes les quatre ou six heures. Ce topique excite ordinairement une rubéfaction prompte, qui fait cesser la phlogose intérieure et le spasme dont elle est si souvent accompagnée, et qui, à luiseul, produit la moitié des symptômes. Après ces applications, il survient ordinairement une abondante sueur au cou et même sur le corps entier. Mais 1l est sage de dégorger auparavant les par-- tes malades par des évacuations sanguines, à moins que la fluxion ne soit à son début. Ce liniment, convenablement employé, peut être d'un grand secours aux personnes sujettes aux angines, el qui, au 472 NOUVEAU TRAITE moindre refroidissement, éprouvent cette espèce de phlogose à un degré considérable et avec terminaison par suppuration. Pendant l'action du topique, ilest bon de tenir dans la bouche quelques tranches d'orange saupoudrées de sucre ou une pe- tite cuillerée de gelée de sels avons réduit de moitié la dose d'ammoniaque indiquée par. Pringle. Cette liqueur caustique, quoique enchaînée par l'huile d'olive, produit chez les personnes qui ont la peau délicate, surtout chez les enfans, une rubéfaction trop vive. Nous avons vu plus d'une fois ses mauvais effets. Liniment contre la brûlure. Prenez : huile d'olive, eau de chaux, de chaque quatre onces. Mêlez en agitant. On imbibe de ce mélange un linge fin, et on l’applique sur la partie brülée. Lorsque la brülure est tout-à-fait récente, il prévient l'inflammation consécutive ; et quelquefois aussi il la dissipe lorsqu'elle est déclarée. La pommade de Tissot est plus facile à préparer et presque aussi efficace. Ce n’est autre chose que de l'albumine ou blanc d'œuf qu'on bat avec quelques cuillerées d'huile d'olive jusqu'à ce que le mélange soit intime. Pommade adoucissante et balsamique de Sainte-Marie. Prenez : huile d'olive, eau-de-vie, fleur de farine de fro- ment, sucre blanc, térébenthine, blanc d'œuf frais, miel blanc ou de Narbonne, de chaque une once. On commence par mêler ensemble la térébenthine avec le miel; on ajoute ensuite peu à peu les autres ingrédiens, ayant soin de remuer doucement le mélange. Il en résulte DES PLANTES USUELLES. 473 une pommade que l'on étend sur des linges fins, et dont on recouvre les parties blessées ou ulcérées. Cette composition est fort utile dans les plaies très doulou- reuses, soit récentes, soit chroniques, accompagnées d'une vive irritation. Le docteur Sainte-Marie dit en avoir éprouvé les plus heureux effets. Toute composée de remèdes domes- tiques, elle est bien supérieure, par son efficacité, à des onguens plus coûteux et plus célèbres. Mais voici une pommade bien plus simple que j'ai souvent indiquée dans les campagnes , et dont on m'a fait compliment. Prenez : une once de beurre frais (point salé surtout), une cuillerée à bouche d'huile d'olive et un jaune d'œuf. Mêlez parfaitement ces substances. On applique sur les parties contuses,, irritées, enflammées, des linges imbibés de cette pommade adoucissante, et on les renouvelle une ou deux fois par jour. On calme avec le même topique les ulcérations, les hémorrhoïdes douloureuses. Un jeune bücheron s'était blessé à la jambe; il avaitirrité sa plaie par des onguens, par des topiques de toute espèce. Les douleurs qu'il éprouvait étaient si vives qu'il n'avait pas un moment de repos. Cette pommade calma promptement l'ir- ritation douloureuse, et l'ulcère fut guéri en très peu de temps par la nature, le meilleur médecin des plaies, lorsque le système n'est point affecté de quelque vice spécial. La chirurgie moderne a singulièrement simplifié le traite- ment des ulcères , en élaguant toutes ces pommades, tous ces onguens, tous ces baumes ridicules inventés par la vieille chirurgie emplastique. L'huile, la cire et la charpie pour les plaies simples, le fer et le feu pour les ulcères qui tendent vers une terminaison funeste, voilà les armes que nos grands chirurgiens manient avec une admirable habileté, avec une rare intelligence. « Monsieur! s'écriait un jour l'excellent 474 NOUVEAU TRAITÉ Boyer, Ôtez tous.ces emplâtres, lavez votre plaie avec de l’eau tiède, et couvrez-la de charpie enduite de cérat, vous n’aurez plus besom de mes consultations. » Un empirique voulait appliquer sur l’ulcère la pâte arsénicale du frère Côme. *% Savon médicinal. L'huile d'olive combinée avecdla soude caustique donne le savon blanc: et avec la potasse, le savon noir, vert et mou, que l'on emploie dans nos manufactures. Nous ne parlérons que des propriétés médicinales du savon blanc. Ce savon, d’une saveur légèrement alcaline, se dissout dans l'eau, dans l’alcohol et dans l’éther. On le prépare égale- ment avec l'huile d'amandes douces. Lorsqu'on ne voyait dans la plupart des maladies que des engorgemens, des obstructions organiques, on faisait un grand usage du savon pour les modifier, pour les résoudre, pour les fondre. On le mêlait aux purgatifs, à l’aloès, au jalap, à la rhubarbe, aux extraits amers, aux substances diu- rétiques, et ces combinaisons actives produisaient de fort bons effets dans quelques maladies chroniques en réveillant la vita- lité des tissus : mais les praticiens routinierset les empiriques ont tellement abusé des pilules savonneuses, des pilules pur- gatives, des pilules fondantes , qu’on n’emploie plus guère le savon médicinal ou amygdalin que pour la barbe. Heureuse- ment 1l s'opère un mouvement rétrograde, et l'on revient peu à peu à quelques remèdes injustement abandonnés. Le savon médicinal a une action diurétique qui a été re- marquée par la plupart des médecins. Dans certaines hydro- pisies, c'est un remède merveilleux. Le docteur Pougens nous offre à ce sujet une observation fort intéressante. Qt DES PLANTES USUELLES. 47 Hydrothorax guéri par le Savon. Une femme âgée de quarante-deux ans était devenue hy- dropique à la suite d’une pleurésie mal jugée. Deux hommes de l’art avaient épuisé tous les remèdes, et ils pensaient que la malade n'avait que peu de jours à vivre. M. Pougens fut appelé. Il trouva cette pauvre femme assise sur son lit et présentant les symptômes suivans : difficulté extrème de la respiration, pouls intermittent, presque imperceptible; visage bouffi, violet, paupières injectées ; toux fréquente, suivie de petits crachats sanguinolens ; enflure considérable de toutes les ex- trémités, de l'abdomen et de la poitrine ; soif, palpitations de cœur,-son mat de la cavité du thorax, etc. Frappé d'un ta- bleau si affligeant, le médecin avait porté un funeste pro- nostic, et il se disposait à quitter la malade sans rien lui pres- crire, la croyant dans un état désespéré. Le mari suivit ses pas, et le força, en quelque sorte, à tenter quelques remèdes pour prolonger les jours de son épouse. M. Pougens fit prendre, le soir, à la malade un demi-gros de savon réduit en pilules, et par-dessus une tasse de décoction de feuilles de cassis édulcorée avec du sucre. Le lendemain matin 1l y eut un soulagement marqué. La malade avait rendu cinq ou six livres d'urine pendant la nuit. On continue les mêmes remèdes pendant trois jours, ils pro- duisent les mêmes effets. Les urines coulent presque conti- nuellement; 1l survient quelques selles liquides, et l'enflure est considérablement diminuée. On suspend l'usage des pilules savonneuses, parce qu'elles agissaient avec trop d'énergie. On donne quelques cuillerées d'un vin tonique préparé avec le quinquina et les baies de #76 NOUVEAU TRAITÉ genièvre; l'urine n’est plus abondante, l’enflure reste sta- tonnaire. La malade revient à ses pilules, qu’elle réclame de toutes ses forces, et les prend tous les matins à jeun, pendant trois jours. Les urines coulent de nouveau avec abondance. On suspend et on reprend alternativement les pilules diuré- tiques. L’enflure diminue progressivement, et au bout de trois semaines on n'aperçoit aucun symptôme d'hydropisie. Le docteur Pougens a obtenu le même succès du sävon dans un cas d'hydropisie ascite, mais il l'a vu échouer dans d'autres hydropisies. Il en est de même de la plupart des mé- dicamens. (Dict. méd. prat., tom. 4, pag. 392.) Le savon a été vivement recommandé contre les affections calculeuses , contre la gravelle, par Sauvages, par Alston, par Boerhaave, par Tronchin, par Sæmmering, par lé doc- teur Ségalas, etc. Pilules contre la Gravelle. Prenez : savon médicimal, extrait de chiendent, feuilles de busserole réduites en poudre , de chaque trois gros; miel blanc, quantité suffisante pour former des pilules de quatre OU CInq grains. On prend, le matin à jeun et le soir en se couchant, trois, quatre ou cinq pilules, et l’on boit immédiatement après une tasse de tisane de chiendent miellée ou sucrée. Nous pouvons garantir les bons eflets de ce traitement fort simple. Prenez : savon médicinal, térébenthine cuite, rhubarbe en poudre, extrait de genièvre, de chaque trois gros ; sirop balsamique, quantité suffisante pour former des pilules de cinq grains chacune. DES PLANTES USUELLES. 4171 On en prend quatre ou cinq matm et soir, et on avale immédiatement après une tasse de décoction de chiendent et de feuilles de saponaire, édulcorée avec du miel. Ces pilules , un peu plus actives, stimulent le tube intes- tinal, ainsi que l'appareil urinaire. On ne doit en faire usage que lorsque ces organes sont exempts de phlogose. De Haën, célèbre médecin de Vienne, avait une méthode particulière qui soulageait infiniment les vieillards graveleux. Voici cette méthode, dont le docteur Sainte-Marie a fait un grand éloge : Méthode contre le Calcul de la vessie. On prend, le matin à jeun, trois ou quatre cuillerées à bouche d’eau de chaux dans un verre de lait. On réitère cette dose, et de la même manière, dans la soirée. Une ou deux heures avant le diner, on avale trois ou quatre pilules de sa- von blanc, de quatre grains chacune. En se mettant au lit, on prend depuis deux gros jusqu à une once de sirop de pavot blanc pur, ou dans un véhicule approprié, comme une forte infusion de capillaire de Mont- pellier. On continue long-temps de la sorte, en augmentant peu à peu la dose du savon et de l’eau de chaux. Dans cer- tains cas graves, De Haën faisait encore injecter dans la vessie, au moyen d'un algalie, de l'eau de chaux étendue d'eau. 11 a obtenu d'incroyables eflets de cette méthode. Le docteur Sainte-Marie, qui les a confirmés par sa propre pratique, dit qu'il n’en connaît pas de plus efficace contre les maladies calculeuses , les graviers, et mème les catarrhes chroniques vésicaux qui désolent tant de vieillards. I n'a jamais employé les injections dans la vessie, recommandées par De Haën, mais il prescrivait souvent des bains de siêge 478 NOUVEAU TRAITÉ prolongés, dans l’eau desquels on jetait une ou deux poignées de farine d'orge. De Haën a souvent réussi, par cette méthode, à suppri- mer entièrement les douleurs des calculeux, et à les faire vivre pendant dé longues années, sans les assujettir à un régime minutieux, quoique leurs calculs n’eussent subi au- cun changement par son emploi. On sait que dans les lésions organiques, c'est déjà beaucoup que de réduire la maladie à sa plus simple expression, en détruisant tous les élémens accessoires qui la compliquent. Il paraït que Robert With avait connaissance de cette méthode avant De Haën, et l'employait avec succès. Le savon s'allie parfaitement avec les purgatifs résineux, et modifie leurs principes âcres. C'est ainsi qu’en mêlant la résine de jalap avec le savon et l'huile d'olive, on obtient une huile laxative qui peut remplacer l'huile de ricin , beau- coup plus chère, et souvent rance ou sophistiquée. Huile laxalve. Prenez : résine de jalap récemment pulvérisée, neuf grains ; savon médical, quatre grains. Mêlez, triturez exactement dans un mortier, et ajoutez peu à peu : huile d'olive nouvelle , une once et demie. On prend une cuillerée à bouche de cette huile, d'heure en heure ou de deux en deux heures, ayant soin d'agiter préalablement le flacon avant de la verser. Elle excite dou- cement le tube intestinal, sans causer ni tranchées, ni irri- tation. Les personnes tourmentées par des épreintes, par des flatuosités , par une constipation opiniâtre, en ont été promptement soulagées. Cette mixture, donnée aux enfans DES PLANTES USUELLES. 479 par petites cuillerées, agit aussi comme un excellent vermi- fuge. Elle tue ou met en fuite les vers, et détruit le foyer muqueux qui leur sert de retraite. Pilules contre les Calculs biiares. Prenez : savon médicinal, demi-once; extrait de réglisse, deux gros ; térébenthine, vingt gouttes. Faites avec une suffisante quantité de sirop des cinq racines des pilules, du poids de quatre grains chacune. Tronchin prescrivait trois de ces pilules le matin, à midi et le soir, aux malades affectés de calculs biliaires. On leur donnait immédiatement après chaque dose un verre de petit- lait clarifié, où l’on avait fait fondre une cuillerée à café de miel blanc. Il regardait le petit-lait miellé comme un fondant aussi actif que les sucs exprimés des plantes savonneuses, quand la saison ne permet pas de faire usage de ces sucs. Pilules purgatives d’Althof. Prenez : savon amygdalin , résine de jalap, de chaque un gros. Faites fondre dans environ deux gros d'esprit-de-vin rectifié. Lorsque vous aurez obtenu par la trituration une masse molle et bien liée, faites-la évaporer à un feu doux jusqu'à consistance d'un extrait épais, que vous réduisez en pilules , du poids de quatre grains chacune. Murray fait l'éloge de ces pilules, qui purgent avec dou- ceur, non seulement les adultes, mais les enfans. Pour les premiers, la dose est de quatre ou cinq pilules; pour les en- fans, de deux seulement, qu'on fait dissoudre dans un peu d'eau sucrée ou dans un sirop quelconque. 180 NOUVEAU TRAITÉ Ces pilules conviennent aux gourmands, qui éprouvent une sorte de plénitude après les excès de table, et qui ne veulent point réformer leur mauvais régime. Ils peuvent en prendre deux le soir en se couchant, et deux autres le matin à jeun, en buvant immédiatement après un verre d’eau fraîche. Le savon est encore employé extérieurement, dissous dans quelque eau spiritueuse, comme l’eau de lavande, l’eau de Cologne, l'eau vulnéraire, l'eau-de-vie, etc. On l'applique sur les tumeurs indolentes, sur les membres paralysés ou affaiblis par la goutte, par le rhumatisme, par des courses pénibles. Faites fondre demi-once de savon blanc dans quatre onces d'eau-de-vie ; frictionnez la partie malade avec cette liqueur, et couvrez-la ensuite avec de la flanelle chaude. Ce remède domestique peut remplacer la plupart des préparations de nos pharmacopées et de nos dispensaires. Mais prenez garde de ne point l'appliquer sur des parties très irritées, sur des tumeurs phlegmoneuses : vous pourriez y appeler la gangrène. Nous avons déjà parlé d’un accident de ce genre. (Voyez notre Introduchon, page 38.) Les athlètes se faisaient oindre les membres avec de l'huile d'olive afin de leur donner plus de souplesse, plus de vi- gueur. Après l’onction ils se roulaient dans du sable. Chez les Grecs, chez les Troyens, les jeux nautiques, les com- bats du gymnase, la lutte, le pugilat, étaient toujours pré- cédés de frictions huileuses. Exercent patrias oleo labente palæstras Nudati soc : juvat evasisse tot urbes Argolicas , mediosque fugam tenuisse per hostes. (Vire. Æxeun., lib. 3.) DES PLANTES USUELLES, 181 Enfin de nos lutteurs l’essaim est assemblé ; Sur leurs corps demi-nus des flots d'huile ont coulé : À ces jeux paternels nous volons avec joie, Et notre cœur palpite au souvenir de Troie. (DEziLze.) Caætera populeä velatur fronde juventus, Nudaiosque humeros oleo perfusa nitescit. Considunt transtris, intentaque brachia ramis Intenti expectant signum , exultantiaque haurit Corda pavor, pulsans , laudumque arrecta cupido. (Æxen., lib. 5.) De pâles peupliers leur troupe ceint sa tête; Et du fruit de Pallas la brillante liqueur De leurs corps demi-nus assouplit la vigueur. Ils se placent : les bras étendus sur la rame, Attentifs au signal, ils Pattendent; leur âme S’élance dans la lice, et l’espoir et la peur Font bouillonner leur sang, font palpiter leur cœur. ( DeiLce.) En lisant Homère on voit que le bain était toujours suivi d’onctions d'huile d'olive. Ulysse se baigne plusieurs fois, et, par les soins des captives, l'huile coule sur ses membres fatigués. Après le bain il est comme raieuni. « Cependant le magnanime Ulysse, par les soins de la vieille Eurynome, jouit enfin du bain dans sa demeure; elle l'arrose d'huile, et le décore de superbes vêtemens. Une beauté divine, par la volonté de Minerve, se répand sur les traits du héros. Il rentre, on l’eût pris pour l’un des immor- tels. » (Odyss. chant 23.) A Rome, Scipion l'Africain, Cicéron, Horace, Pline le naturaliste, Pline le jeune, etc., se faisaient frotter d'huile après s'être baignés. Mais le luxe et la débauche ne tardèrent IT, 31 A82 NOUVEAU TRAITÉ pas à passer, de la table, dans la salle des bains. L'huile d'olive fut abandonnée au peuple. Les grands personnages, les affranchis devenus riches, s'inondèrent de myrrhe, d'es- sence de roses, de parfums asiatiques, et dans les piscines tous les sexes furent confondus. Les femmes, d’après Juvé- nal , choisissaient l'heure de la nuit pour se baigner. « Se rend-elle aux bains pendant la nuit? Elle y fait por- ter tout son attirail : c'est comme une armée qui décampe. Son bonheur est de suer avec fracas. Le baigneur adroit frotte ses membres humides... » Balnea nocte subit; conchas et castra moveri Nocte jubet; magno gaudet sudare tumultu, Quum lassata gravi ceciderunt brachia massa, Callidus et cristæ digitos impressit aliptes, Ac summum dominæ femur exclamare coegit. (Juv. Sat. 6.) Poppée se faisait suivre dans ses voyages d'un troupeau d'anesses, et après s'être baignée dans leur lait, elle se faisait frotter tout le corps avec les huiles, les essences les plus rares. Mais laissons là tous ces raffinemens, toutes ces folies du luxe qui énervent le corps et l'âme; vivons simplement si nous voulons conserver leur énergie. J'aime la réponse de Romulus Pollio à l'empereur Auguste qui lui demandait, comment il faisait pour se porter aussi bien à un âge si avancé (il était centenaire) : {niüs mulso, extüs oleo, je bois du vin miellé, et je me frotte d'huile. Démocrite avait fait à peu près la même réponse. Quelqu'un lui demandant un jour ce qu'il fallait faire pour jouir d’une bonne santé : « Hu- mectez, lui dit-il, l'intérieur avec du miel, et le dehors avec de l'huile, » DES PLANTES USUELLES. 483 Les frictions d'huile ont été recommandées par Hérodicus, à la fois sophiste, maître de gymnase et médecin. Malgré sa constitution valétudinaire, il parvint à un grand âge par la gymnastique et par un bon régime. Hippocrate guérissait la plupart de ses malades par les frictions, par les bains, par l'hydromel et autres moyens diététiques. Il savait que les efforts de la nature tendent presque toujours au rétablisse- ment de la santé, bien que la guérison n’en soit pas constam- ment le résultat. Aussi, disait-il, la nature est le premier des médecins. ( Epidem., hb. 6, sec. 5.) Asclépiade était grand partisan des frictions. Il rempla- çait les remèdes violens des empiriques par la diététique , par le régime. Il voulait que les frictions fussent douces, que le malade respirät profondément et retint son haleine pendant qu’on le frottait. Il les faisait continuer jusqu'à ce qu'il survint une sueur salutaire. {1 recommandait dans les maladies chroniques, dans les obstructions, l'exercice sur l'eau ou dans une voiture douce, le mouvement dans un lit suspendu. Il employait les bains chauds et les frictions hui- leuses contre le tétanos et la passion iliaque. Mais ce qui plaisait surtout aux Romains, c'est qu'il leur conseillait le vin comme un remède incomparable, en leur indiquant toutefois la quantité d'eau qu'ils devaient mêler avec cette liqueur divine. Enfin Asclépiade voulait qu'on traitât les ma- lades tuto, celeriter, jucundè. Cette méthode est fort belle sans doute, mais elle est souvent impossible; elle n’est même pas toujours bonne à suivre. Au reste 1l connaissait le cœur humain, il savait qu'on doit consoler, encourager le malade pour le guérir plus vite, et qu'il faut surtout lui épargner des tourmens inutiles. Aussi fut-1l chéri, estimé, honoré des premiers citoyens de Rome. Cicéron était son ami. Celse et Galien ont également employé les frictions. Les 48% NOUVEAU TRAITÉ médecins méthodistes, surtout Cœlius Aurélianus, trai- tient la plupart des affections chroniques par le régime , par un exercice léger et par des frictions faites avec de l'huile. La diète était d'abord assez sévère; mais peu à peu le malade mangeait des légumes, des poissons délicats, des cervelles de mouton, enfin des ragoûts de bec-figues, de grives, du poulet et du pigeon. Enfin il pouvait manger du lièvre rôti ou autres viandes semblables. Le corps étant ainsi convena- blement préparé, on procédait à la métasyncrise ou restaura- tion. Le premier jour le malade jeünait. Le lendemain il se promenait, se baignait ou se frottait d'huile, et prenait le tiers de sa nourriture habituelle. On bornait son régime à des viandes rôties , assaisonnées avec des câpres, de la mou- tarde ou des olives vertes confites ; mais on lui permettait de boire une certaine quantité de vin. Deux ou trois jours après, on lui accordait un second tiers d'alimens ; puis un troisième, et enfin de la volaille. On variait ce régime suivant les cir- constances, et chaque fois qu'on y apportait quelque change- ment, on ne faisait boire que de l’eau le premier jour, et on ordonnait des frictions. Une fois ce cycle achevé, on en commençait un autre qui débutait par des purgatifs préparés avec le raifort, etc. Le malade, pour prévenir les funestes effets du vomissement, devait se livrer au repos et au sommeil. Dans les maladies aiguës, dans les inflammations, la diète était sévère. On saignait le malade, on lui frottait les membres, et sil avait une péripneumonie, on couvrait sa poitrine de linges imbibés d'huile. Après nous avoir donné ses fruits, ses huiles, l'Ohvier offre encore ses feuilles à la médecine, son bois à l'éco- DES PLANTES USUELLES. 485 nomie domestique. Les feuilles sont amères, stimulantes et fébrifuges. D'après l'analyse de M. Ferrat, elles contiennent une matière résineuse et un principe extractif en partie oxi- génable. Le bois est dur, vemé, susceptible d'un beau poli. Les anciers en faisaient des lits et des statues. La couche nuptiale d'Ulysse était soutenue par un tronc d'Olivier qu'il avait poli lui-même, et qu'il avait orné d'ivoire, d'or et d'argent. La couche entière était bordée de peaux de brillante pourpre. En rentrant dans son palais, il retrouve cette couche que n'a vu aucun mortel, il pleure d’attendrissement, et presse contre son cœur son épouse ché- rie et fidèle. (Odyss., chant 23.) OLIVIER ODORANT. OLEA FRAGRANS. Olea fragrans. VAL. Spec. 1. 43. Lam. Encyel. Bot. 4. 544. Desr. Arbr. 1. 112. Tauns. FL Jap. 18. t. 2. C’est un arbre d'une moyenne dimension , et dont le tronc se divise en rameaux étalés, opposés, glabres, à quatre angles, peu sensibles. Les feuilles sont grandes, persistantes, ovales, lancéolées , aiguës, légèrement dentelées, un peu roulées à leurs bords, d’un vert foncé en dessus , d’une teinte plus pâle en dessous, portées sur des pétioles glabres, à demi- arrondis et sillonnés. Les fleurs sont disposées en ombelles dans l’aisselle des feuilles, au nombre de six à huit , et portées sur des pédon- cules simples, filiformes. Le calice est très petit, à quatre dents obtuses, glabres et blanchâtres ; la corolle d'un blanc jaune, presque sans tube, à limbe divisé en quatre segmens ovales, obtus, concaves, un peu épais. #86 NOUVEAU TRAITÉ Cet Olivier croît au Japon et à la Chine. Ses fleurs répan- dent une odeur suave; elles servent à parfumer le thé, les liqueurs de table, les crèmes, etc. Quelques amateurs le cultivent ; mais dans nos jardins il n’a guère que cinq ou six pieds de hauteur. On le multiplie desboutures et de graines. On cultive aussi l'Olivier d'Amérique ( Olea americana), remarquable par son beau feuillage, par ses fleurs odorantes et par ses fruits d'une couleur pourpre tirant sur le bleu, DES PLANTES USUELLES. 487 JASMINÉES. JASMINEÆ. Jasmineæ. BrRowN. VENT. JASMIN. JASMINU A. Calice à cinq dents ou à cinq divisions. Corolle en tube ; limbe plane, divisé en cinq parties. Deux étamines. Un style à stigmate bilobé. Fruit capsulaire ou charnu, à deux ioges et à deux graines, quelquefois uniloculaire et monosperme par avortement. Semences revêtues d’une arille. JASMIN OFFICINAL. JASMINUM OFFICINALE. Jasminum ofjicinale. Lan. Spec. 9. Lam. Encycl. Bot. 3. 217. DC. FI. Fr. 2470. DEsr. Arbr. 123. Bot. Mag. 31. Lam. Illustr. t. 7. f. 1. C'est un fort joli arbrisseau, dont les tiges faibles, sar- menteuses, rameuses, striées, vertes, s'élèvent à la hau- teur de dix ou douze pieds et plus lorsqu'on leur donne un appui. Les feuilles sont opposées, pétiolées , persistantes, for- mées ordinairement de sept folioles ovales, oblongues, poin- tues, glabres et d'un beau vert. Les fleurs sont blanches, pédonculées, disposées à l’extrémité des rameaux en bou- 488 NOUVEAU TRAIÎTÉ quet corymbiforme , et garnies d’un calice court, à divisions capillaires. Le Jasmin official, dont les fleurs exhalent une odeur si douce, si suave, est originaire de la côte de Malabar et de quelques autres parties des Indes. On le cultive depuis fort long-temps dans nos jardins, où il se multiplie de drageons, de marcottes et d'éclats. Il fleurit pendant la belle saison. On en garnit les terrasses, et on respire le soir, sous les treil- lages, ses vapeurs embaumées. Le Jasmin à grandes fleurs (Jasminum grandiflorum, Linn.), qu'on appelle vulgairement Jasmin d'Espagne, pro- duit des fleurs également suayes, mais plus grandes, blanches intérieurement , rougeâtres ou pourprées en dehors. Il fait aussi l’ornement de nos bosquets. On le multiplie en le gref- fant sur le Jasmin commun. On fait avec ses fleurs et l'huile de ben une essence qu'on apporte des provinces méridionales, et qu'on appelle huile de Jasmin. Cette espèce est également originaire de l'Inde. Les Jasmins sont d’une faible utilité en médecine. On voit pourtant qu’on a essayé d'en faire l'application à certaines maladies. On a même recommandé les fleurs du Jasmin com- mun contre les oppressions, la dipsnée, etc. L'huile fixe, imprégnée de leurs principes aromatiques et volatils, a été employée en frictions dans quelques cas de paralysie, d'af- fections nerveuses , convulsives, etc. Nous pouvons, au reste, abandonner l'essence de Jasmin aux parfumeurs de Grasse et d'Italie, nos huiles ordinaires produiront le même effet. Croirait-on que certains Sibarytes font parfumer leurs sauces avec la fleur de Jasmin ? Son odeur est sans doute DES PLANTES USUELLES. 489 très suave; mais en dégustant un ragoût ainsi aromatisé, ne dirait-on pas qu'il sort d'un boudoir et non d'une cuisine ? C'est un raffinement ou plutôt une aberration de goût tout-à- fait asiatique. Pour moi, je préférerais l'aigue-boulide du pauvre Provençal. TROËNE. LIGUSTRUM. Calice très petit, à quatre dents. Corolle infundibuliforme ; limbe ouvert, à quatre découpures ovales. Deux étamines ; anthères droites, un peu saillantes hors du tube de la co- rolle. Ovaire arrondi ; style filiforme terminé par un stigmate bifide. TROËÈNE COMMUN. LIGUSTRUM VULGARE. Ligustrum vulgare. Tin. Spec. 10. DC. FI. Fr. 2472. Por. Encycel. Bot. 8. 119. Lapeyr. F1. Pyr. 1. 3. BALB. FI. Lyon. 1. 475. CHev. F1 Par. 3. 516. LAM. illustr. t. 7. — Ligustrum. BLacxw. Herb. t. 140. C'est un arbrisseau d'un aspect agréable, haut de six à huit pieds. Ses rameaux sont opposés, cylindriques, flexi- bles, d'une couleur cendrée, garnis de feuilles ovales, lancéolées, glabres, entières, d'un vert gai, attachées à de courts pétioles, persistantes dans les doux hivers. Les fleurs s'épanouissent au commencement de l'été ; elles sont blanches, odorantes, disposées en panicule ou en thyrse à l'extrémité des rameaux. Le calice est court, urcéolé ; la 490 NOUVEAU TRAITÉ corolle tubulée, divisée à son limbe en quatre lobes ovales. Les fruits mürissent en automne, se teignent d'un pourpre noir, et restent sur l'arbrisseau une partie de l'hiver. Cet arbuste élégant n'exige d’autres peines pour sa cul- ture que d'aller chercher de jeunes plants dans les forêts. On le propage aussi de marcottes et de graines. Il prospère dans presque tous les terrains, à l'ombre ou exposé à l'ardeur du soleil. I croit naturellement dans les haies , dans les bois, en France, en Italie, en Allemagne, etc. On en distingue deux variétés : une à feuilles plus larges, ovales, point lancéolées, très obtuses; une autre à feuilles panachées de vert, de jaune ou de blanc, plus fermes, un peu plus épaisses. Les fruits varient aussi, et l'on en voit quelquefois de blancs. On forme avec le Troëne des haies, des palissades, des bordures , auxquelles on donne différentes formes. On peut aussi le placer dans les bosquets d'automne , où 1l con- serve ses feuilles jusqu'aux fortes gelées, et ses fruits pen- dant une grande partie de l'hiver. Le Troène croissait abondamment dans la Ligurie, d’où lui vient le nom de Ligustrum eulgare. Virgile l'appelle aussi Ligustrum. Cet arbuste se recommande davantage par ses propriétés économiques que par ses vertus médicinales. Les bestiaux, surtout les vaches, les chèvres, les moutons, mangent les feuilles. Les perdrix, les grives, les merles, se nourrissent des fruits. On en retire aussi une couleur noire, et en Flandre on emploie leur suc pour colorer les vins. _ Tous les amateurs de morilles ne savent point que cet excellent champignon se plait au pied du Troëne. Qu'ils DES PLANTES USUELLES. 491 aillent se promener par un beau jour d'avril sur la lisière des bois ou dans les jeunes taillis ; qu'ils explorent avec soin les broussailles, qu'ils remuent légèrement les feuilles sèches qui couvrent la terre, 1ls sentiront les parfums de la morille, et bientôt 1ls la verront se dessiner en pyramide blonde ou noire. Surtout qu'ils ne l'arrachent point, mais qu'ils la cou- pent proprement avec un couteau, afin que la terre ne s'at- tache point à ses alvéoles. Chemin faisant, qu'ils cherchent aussi autour des jeunes frênes; la morille aime également à végéter dans leur voisinage. ( Voyez notre Histoire des Cham- pignons comestibles et vénéneux.) #92 NOUVEAU TRAITÉ FRAXINÉES. FRAXINEÆ. Fraxineæ. FRÈNE. FRAXINUS. Fleurs polygames. Dans les hermaphrodites : calice et corolle nuls. Deux étamines à anthères sessiles. Un pistil. Capsule ou samare ovale, comprimée, à deux loges, termi- née par une aile membraneuse, échancrée au sommet. Fleurs femelles semblables, si ce n’est que les étamines avortent. FRÊNE ÉLEVÉ. FRAXINUS EXCELSIOR. Fraxinus excelsior. Lin. Spec. 1509. Lam. Encycl. Bot. 2. 544. DC. FL Fr. 2465. LAPEYr. Plant. Pyr. 2. 616. CHE v. FI. Par. 3. 807. F1. Dan. t. 969. BLACKW. Herb. t. 328. C'est un grand et bel arbre qui croît naturellement dans les forêts de l’Europe, et qui fleurit en avril un peu avant le développement des feuilles. Son tronc est droit, bien propor- tionné dans sa grosseur, revêtu d'une écorce unie et d'une couleur cendrée. Les jeunes rameaux, d'une teinte verdâtre, se garnissent de feuilles opposées, ailées, composées de neuf à treize folioles ovales, lancéolées, dentelées en leurs bords, glabres, d'un vert un peu foncé en dessus. Les fleurs, d’une couleur verdâtre, naissent en grappes latérales, opposées, presque sessiles, un peu paniculées, DES PLANTES USUELLES. 493 longues d’un à deux pouces : sur certains individus elles sont mâles et toutes stériles ; sur d'autres elles sont hermaphro- dites, et formées d’un ovaire pyramidal, nu, accompagné à sa base de deux petites étamines opposées l'une à l'autre. Les fruits sont des capsules ovales, oblongues, un peu comprimées, terminées par une languette membraneuse : elles n’ont qu'une loge renfermant une semence allongée, comprimée , roussâtre, d'une saveur âcre et amère. Le Frêne élevé se plaît dans les lieux frais, un peu humides, sur le revers des montagnes, dans les vallées. On le plante autour des habitations rurales, au bord des prairies. On voit des Frènes superbes dans la vallée de Cernay. Leur feuillage un peu sombre contraste agréablement avec la pâle verdure du peuplier et du bouleau. Il y avait, en 1820, dans la forêt de Compiègne, un Frêne d'une beauté rare, d'une dimension, d'une hauteur prodigieuse. Il fai- sait l'admiration du pays, on eût dû le respecter. Un vieux bücheron qui l'avait vu croître versa des larmes au premier coup de hache qu'on lui porta. «Rien de plus beau que le Frène dans les forêts, que le pin dans les jardins, que le peuplier sur la rive d’un fleuve, que le sapin sur de hautes montagnes : mais si tu me venais voir plus souvent, aimable Lycidas, tu effacerais et le Frêne des forêts, et le pin de nos jardins. » Fraxinus in sylvis pulcherrèma, pinus in hortis, Populus in fluviis, abies in montibus altis : Sæpius at si me, Lycida formose, revisas, Fraxinus in sylvis cedat tibi, pinus in hortis. (Vire. Eclog. 7.) Le Frêne croît avec rapidité; il ne craint ni l'ombre, ni le voisinage des autres arbres. On peut en former de beaux 294 NOUVEAU TRAITÉ massifs et de superbes avenues dans les lieux humides , mais il ne faut pas le planter trop près des habitations, parce qu'il attire les cantharides. Les graines sont müres en automne : on les sème ordinairement dans cette saison en les recouvrant légèrement de terreau ; elles lèvent l'année suivante. L'écorce qui recouvre les branches et les rameaux du Frêne a une saveur àâcre mêlée d’amertume. Sa décoction noircit par le sulfate de fer. Helwig, professeur à Gripswald, dans un Mémoire publié en 1712, lui donne le nom de quin- quina d'Europe, et en recommande l'usage dans le traitement des fièvres intermittentes. Bergius, Linné, Gilibert, lui accordent également une vertu fébrifuge. Coste et Willemet, qui ont écrit sur les propriétés de plusieurs végétaux indi- gènes, citent plusieurs faits constatant l'efficacité de l'écorce de Frène contre les fièvres tierces; mais ils avouent qu'elle a échoué dans plusieurs cas de fièvres quartes, et qu'il a fallu recourir à l'écorce du Pérou pour les vaincre. On l’administre de la manière suivante. Mixture fébrifuge. Prenez : écorce de Frêne récemment pulvérisée, un ou deux gros ; infusion de fleurs de camomille ou de petite cen- taurée, cinq onces; miel blanc, une demi-cuillerée. Mêlez. On prend cette mixture fébrifuge de quatre en quatre heures pendant trois jours, hors l'accès. Ensuite on en prend deux doses seulement, pendant quatre ou cinq jours, une le matin, une autre le soir. Les feuilles du Frène jouissent d’une propriété purgative qui à été remarquée de plusieurs médecins. Tablet assure qu'elles purgent aussi bien que le séné d'Alexandrie et de Tripoli. I veut qu’on leur donne le nom de séné indigène. Le DES PLANTES USURLLES. 495 docteur Bodard en a fait l'essai en Toscane; elles ont con- stamment produit, à une dose un peu plus forte que le séné ordinaire, plusieurs évacuations sans coliques. Le docteur Gilbert dit, dans ses Démonstrations élémen- taires de Botanique, t. 11, p. 313, que ces mêmes feuilles employées intérieurement et extérieurement, sont un re- mède précieux dans la première période du scrophule. I à guéri plusieurs scrophuleux avec la décoction miellée des feuilles qu'il leur faisait boire pendant quelque temps. Ces mêmes feuilles servaient aussi à préparer des bains qui leur étaient salutaires. Cette méthode antiscrophuleuse à été par- ticulièrement recommandée par Petetin, médecin estimable de Lyon. Les semences ont une saveur âcre et piquante. Elles recè- lent un principe amer, un peu aromatique. Leur décoction augmente sensiblement le cours des urines. Gilibert s’en est servi utilement contre l’hydropisie et l'engorgement des vis- cères abdominaux. Dans plusieurs cantons, les feuilles servent à la nourriture des bestiaux pendant l'hiver. Les bœufs, les chèvres et les moutons les mangent avec avidité. Lorsqu'on veut les con- server pour cette saison , 1l faut couper les branches en au- tomne et les faire sécher à l'ombre. IL faut surtout priver les vaches laitières des feuilles fraîches ; cette nourriture donne au lait une saveur désagréable. En Angleterre, le peuple confit dans le sel et le vinaigre les fruits du Frêne cueillis avant leur maturité, et il les em- ploie comme assaisonnement culinaire. Le bois de Frène est ferme, souple, élastique, d’un blanc veiné de jaune. Les tourneurs, les ébénistes le recherchent également. On en fait des tables, des chaises, des leviers, 496 NOUVEAU TRAITÉ des instrumens de labourage. D'après Ovide et Claudien , on en faisait anciennement des piques, des lances qui servaient dans les combats. FRÊNE A FEUILLES RONDES. FRAXINUS ROTUNDIFOLIA. Fraxinus rotundifolia. LA. Encyel. Bot. 2. 546. Desr. Arbr. 1.102. Murr. Apparat. Med. 3. 542.— Fraxinus rotundiore folio. BAuH. Pin. 416. Ses rameaux sont garnis de feuilles opposées, ailées, com- posées d'environ neuf folioles, ovoïdes, arrondies , pétiolées, finement dentelées à leur contour, inégales à leur base, d’un vert foncé, presque noirâtre en dessus, d'une couleur plus claire en dessous, avec de petites vemes réticulées entre les nervures. Cet arbre croît naturellement dans la Sicile et. dans la Calabre. On l'appelle vulgairement Fréne à la manne, parce qu’en effet il produit la manne purgative. On la récolte aussi sur d'autres Frènes, et particulièrement sur l’espèce suivante. FRÊNE ORNE. FRAXINUS ORNUS. Fraxinus ornus. Lan. Spec. 1510. LAM. Encycl. Bot. 9,547. Desr. Arbr. 1. 102. FI. Græca. t. 4.—Fraxinus florifera. Scor. FI. Carn. n. 1250. DC. FL. Fr. 2466. — Ornus Europæa. Pers. Enchir. Bot. 1. 9. C’est un arbre d’une moyenne grandeur, d’un port agréable et d'un joli feuillage. Il abonde dans la Sicile et dans la Calabre. DES PLANTES USUELLES. 497 Ses branches se divisent en rameaux garnis de feuilles op- posées, ailées, composées de neuf ou onze folioles ovales, lancéolées, pointues, pétiolées, dentées en forme de scie, un peu inégales à leur base, d'un vert un peu foncé en des- sus, d'une couleur plus claire en dessous. Les fleurs sont blanches, disposées en grappes très touf- fues à l'extrémité des rameaux. Elles sont très rarement uni- sexuelles, toujours munies d'un calice extrèmement court et d'une corolle à quatre pétales. Les fruits sont étroits, obtus à leur sommet. Une variété connue sous le nom de Fréne de Montpellier ou de Fréne de Théophraste a les folioles plus étroites et les fruits plus larges à la base. Ce Frène ne croît pas seulement en Italie, on le trouve également sur les collines de l'Alsace, de la Provence, et même aux environs de Paris dans les bois de la Rochette. I fleurit en avril. On le cultive dans les bosquets printaniers pour l'élégance de ses fleurs et de son feuillage. Il donne une manne abondante dans la Calabre. On pour- rait le multiplier aisément dans nos provinces méridionales, où 1l produirait comme en Italie de la manne, dès l'âge de dix, quinze et vingt ans. Il végète avec rapidité, et son om- brage ne nuit point aux plantes cultivées autour de Jar. Les Napolitains choisissent cet arbre et quelques uns de ses con- génères pour servir de point d'appui aux énormes ceps de vignes, qui, par ce moyen, s'élèvent à vingt et trente pieds de hauteur. C'est de ces arbres que découle pendant l'été le suc miel- leux qu’on appelle manne. On en recueille aussi sur le Frène à feuilles de lentisque ( Fraxinus lentscifolia), et même sur. IX 32 498 NOUVEAU TRAITÉ le Frène vulgaire (Fraxinus excelsior) dans les climats chauds. On trouve sur d'autres arbres une excrétion mielleuse qui est de la même nature que la manne. Les feuilles du mélèze se couvrent en mai et juin de petits grains visqueux qu'on appelle dans le Dauphiné manne de Briançon. On recueille également une sorte de manne sur l'alhagi, espèce de sain- foi indigène de la Syrie et de la Perse. Constantin dit avoir vu assez souvent en Provence plusieurs espèces de saule distiller, goutte à gontte, de la manne liquéfiée par les rayons du soleil. El croit que c’est la manne liquide que Sérapion et les Arabes appellent téréniabin. Les Chaldéens et les Hébreux avaient une sorte de manne dont parlent les Livres sacrés. Mais on ne connaît ni l'ori- gine, ni la nature de cette manne dont se nourrissaient les Israélites dans le désert. Hippocrate, Aristote, Théophraste, Dioscoride, Pline, Galien, parlent aussi d'une espèce de manne ; Hippocrate l'appelle miel de cèdre. Était-ce la manne de notre mélèze, ou bien l’alhagi des Arabes (Hedysarum alhagi. Linn. }? Gutre les arbres conifères et les Frènes , on trouve encore une espèce de manne, mais en petite quantité, sur le chène, le figuier, l'érable, le châtaignier, le prumier, le noyer, etc. La manne usuelle, la manne médicinale, suinte de l'écorce du tronc et des branches du Frêne à feuilles rondes, et de l'Orne, soit naturellement, soit des incisions qu'on y pratique. On en ramasse aussi sur les feuilles. Elle se coagule et se durcit à l'air et au soleil. C’est dans le courant de juin qu’elle transsude, depuis onze heures ou midi jusqu’au soir. On va tous les jours la ramasser, lorsqu'il n’est pas tombé de pluie DES PLANTES USUELLES. 499 pendant la nuit, car dans les temps pluvieux elle se fond. On met les grumeaux dans des vases de terre , et on les ex- pose au soleil pour les faire sécher. C'est la manne de pre- mière qualité ou manne en larmes. Vers la fin de juillet, lorsque cette liqueur cesse de couler spontanément, on fait des incisions profondes dans l'écorce, et elle en sort en gros flocons pendant la chaleur du jour. Cette manne est moins blanche que la première et d'une qua- lité inférieure; on l'appelle Forzata ou forzaleta en Italie. Quelquefois, dans les mois de juin et de juillet, les paysans ajustent sur les arbres de la paille ou des inorceaux de bois sur lesquels la manne se fige en forme de stalactites. Cette manne est la plus chère, la plus recherchée. On trouve dans nos officmes plusieurs sortes de manne. La plus belle et la plus estimée est celle qui coule spontané- ment de l'écorce des Frênes, et qu'on nous apporte de la Calabre et de la Sicile. Elle est connue sous le nom de Manne en larmes. On la reconnaît à ses grains sphériques ou ova- laires à demi-cristallins, à sa couleur d'un jaune pâle, à sa saveur sucrée. Îl ne faut point la confondre avec une autre espèce de manne en larmes, qui n'est qu'une manne grasse qu'on a dépouillée de ses impuretés par la coction. Celle-ci est également très blanche , et réunie en fragmens de forme variée, mais elle a déjà perdu une partie de son action pur- gative. Le suc qu'on obtient par incision est la manne en sorte des officines ; elle est en fragmens irréguliers, un peu gros, d'une couleur jaunâtre. La manne grasse est chargée de sub- stances impures et quelquefois drastiques. On y mêle aussi du miel, de la farine, pour en augmenter le poids. La manne est soluble dans l'eau. Elle se dissout également dans l’alcohol à l’aide de la chaleur; mais par le refroidisse- 500 NOUVEAU TRAITÉ ment ce liquide dépose une matière cristalline très blanche, légère, spongieuse, que M. Thénard a appelée mannite. Ce principe est inodore et d'une saveur sucrée fort agréable ; 1l se fond promptement dans la bouche. La mannite se fond très bien dans l’eau ; elle n'est pas susceptible d’éprouver la fermentation spiritueuse. Son action purgative est nulle ou très faible. On trouve au reste la mannite dans le suc d'ognon, de melon, de carotte et de cannes. La fermentation acé- teuse paraît la développer. La manne, que nous regardons ici comme une substance médicinale, remplace, dans les lieux où on la récolte, le miel et le sucre de cannes. On la mange, on en fait des frian- dises, on la met dans la pâtisserie. Elle est sans doute plus pure que celle que nous recevons. Nous avons souvent dé- gusté plusieurs sortes de manne, et nous leur avons toujours trouvé, sans en excepter la manne en larmes, une saveur douce, fade, nauséeuse. D'ailleurs le nom de manne à quelque chose de pharmaceutique qui sonne déjà mal à l'oreille d'un gourmand; que serait-ce si la manne elle- même venait, dans un ragoüt ou dans un biscuit, chatouil- ler les houppes nerveuses de son palais ? On a toujours regardé la manne comme un médicament fort utile aux vieillards, aux enfans, aux femmes délicates qui ont besoin d’être purgées. En effet elle évacue lentement et doucement les voies gastriques. Il en faut une once pour les enfans, au moins deux onces pour les adultes. On la fait fondre ordinairement dans un peu d'eau chaude ou dans du petit-lait. Dans les constipations opiniâtres que les purgatifs résineux ne faisaient qu'aggraver en irritant le tube mtesti- nal, j'ai souvent employé la préparation suivante : DES PLANTES USUELLES. 5941 Peñt-lait laxahf. Prenez : manne en sorte, deux onces; crême de tartre ou tartrate acidule de potasse, demi-once. Faites fondre dans une livre de petit-lait chaud, en ajoutant quelques gouttes de suc de citron. On boit ce petit-lait par tasses le matin à jeun. On le donne aussi au commencement, ou pendant le cours des fièvres aiguës compliquées de congestion saburrale, lorsqu'on craint d'irriter trop vivement le tube digestif par les purgations ordinaires. La diarrhée, les flux muqueux, séreux ou sanguinolens, qui sévissent sous influence d'une épidémie de nature muqueuse ou bilieuse, réclament l'emploi de semblables évacuans. Lorsque la plénitude humorale est bien tranchée on donne une simple solution de manne et de tartre émétique. Solution de manne émétisée. Prenez : manne en sorte ou en larmes, deux onces; tartre émétique, deux grains. Faites dissoudre dans six onces d’eau chaude. On avale de quart d'heure en quart d'heure deux, trois ou quatre cuillerées à bouche de cette potion, et lorsque les évacuations commencent, on les favorise en buvant quelques tasses d’une infusion légère de thé ou de fleurs de camomille romaine. En parcourant mes notes pratiques, je vois que cette pré- paration m'a été extrêmement utile en 1809, époque à la- quelle régnait à Paris une constitution catarrhale épidémique, contre laquelle venaient échouer la méthode antiphlogistique, les saignées, les boissons gommeuses, etc. La saison avait 502 NOUVEAU TRAITÉ été constamment molle et pluvieuse. La plupart des malades éprouvaient de fréquens vomissemens, des nausées habi- tuelles, de l'inappétence, des étourdissemens avec cépha- lalgie; d'autres se plaignaient de douleurs dans les articula- tions, dans la région lombaire’ou dans les membres ; d’autres souffraient de la poitrine ou des entrailles, toussaient vive- ment ou avaient la diarrhée. Après l'application de quelques sangsues, soit sur la poi- trine, sur l'abdomen ou aux veines hémorrhoïdales, lors- qu'une irritation vive rendait les déplétions sanguines néces- saires, je me hâtais de prescrire cette solution de manne, qui faisait presque toujours vomir et produisait ensuite quelques évacuations intestinales. La maladie ainsi simplifiée, se dis- sipait bientôt par le régime et par quelques précautions hy- giéniques. Pendant cette épidémie catarrhale, j'ai combattu avec les évacuans répétés deux, trois et quatre fois, suivant les cir- constances, des rhumes opinütres, des affections utérines, des diarrhées, des rhumatismes, accompagnés de symptômes gastriques, muqueux ou bilieux. Je fus appelé chez un malade atteint d’une fièvre catarrhale avec type de tierce, offrant pendant les accès une toux vio- lente et des suffocations qui allaient jusqu'à l'évanouissement. Les crachats étaient muqueux, un peu striés de sang. C'était le treizième jour de la maladie. Le malade avait été saigné deux fois, et on lui avait appliqué sur la poitrine un bon nombre de sangsues. Son pouls était irrégulier, tremblotant, extrèmement faible ; sa langue recouverte d’une couche mu- queuse , épaisse, d’un blanc jaunâtre. J'appris qu’au début du dernier accès, il avait éprouvé une syncope qui avait duré près d'un quart d'heure. Malgré l’état de faiblesse où se trouvait le malade, je crus DES PLANTES USUELLES. 303 devoir combattre au plus tôt la cause matérielle de l'affection fébrile par un vomitif administré avec prudence. La même potion fut employée à petites doses. Elle ne tarda pas à pro- voquer plusieurs vomissemens de matières bilioso-muqueuses, d’une odeur fétide. Quelques heures après l'eflet de cette potion, on donna au malade un petit verre de vin de Malaga. Le soir il prit quinze gouttes d'éther sulphurique dans deux cuillerées d'eau de menthe sucrée. Le 15, le paroxisme devança de six heures. La toux fut moindre. Îi n’y eut point de syncope. Le frisson fut court, et la chaleur qui lui succéda modérée. Le 16, on répéta la potion de manne émétisée. Mêmes évacuations. Vin de Ma- laga. Julep éthéré le soir. Le 17, le malade prit plusieurs tasses d'infusion de camo- mille romane légèrement sucrée. L'accès fut presque nul. On donna un bouillon le soir et un autre le lendemain matin. On continua pendant quelques jours cette alimentation légère, et l'infusion de camomille. Après ce traitement, le malade entra en convalescence. Au reste, nous ne donnons point la manne émétisée comme un remède nouveau. Avant nous, Frédéric Hoffmann, Wa- gler, Tissot, Willich, etc., l'employaient habilement dans les fièvres catarrhales, muqueuses, bilieuses ; dans les flux dysentériques, dans les péripneumonies de la même nature. Les jeunes médecins pourront consulter avec fruit l'excellent traité de Ræœderer et Wagler, de Morbo mucoso, et la dis- sertation de Willich, de frequent Catarrhorum ex primis ous origine. La manne est un fort bon remède pour les vieux goutteux qui éprouvent des irritations spasmodiques , des douleurs dans les reins, dans Ja vessie, avec constipation, suppression des urines , etc. Frédéric Hoffmann nous offre à ce sujet une 504 NOUVEAU TRAÏÎTÉ observation remarquable. Un vieillard fut attaqué d’une hé- maturie, et ensuite d’une rétention d'urine accempagnée de constipation et de douleurs violentes dans la vessie. Il souf- frait depuis sept jours. Une solution aqueuse de manne lui procura quelques selles, et lui fit rendre plusieurs pintes d'urine. ( Dissert. de Manna ejusque præstantissimo in medi- ina USU. ) Sydenham, goutteux et graveleux lui-même, prenait la manne dissoute dans du petit-lait. Comme on n’a jamais tant parlé de gravelle, de calculs de la vessie que dans ces derniers temps, les gens du monde qui pourront nous lire ne seront peut-être pas fàchés de trouver 1c1 quelques règles pratiques, puisées dans une dissertation de Sydenham sur le Pissement du sang causé par la pierre. Tout cela est un peu vieux pour la génération médicale actuelle, mais le bon sens, la raison, la philosophie, ne devraient jamais vieillir. Nous tâcherons de ne pas trop gâter, dans notre traduction , le langage naïf de l'Hippocrate anglais. «On trouvera peut-être qu'il y a de l'imprudence à moi de publier des observations que je n'ai faites que sur moi- même : cependant, comme j'ai souffert pendant fort long- temps de très cruelles douleurs causées par une pierre en- gagée dans les reins, j'espère que les personnes équitables ne me blâmeront pas, si, en faveur de ceux qui sont attaqués de la même maladie, j'indique ici les remèdes qui m'ont soulagé, quelque vulgaires, quelque méprisables qu'ils puissent pa- raître. » Quelle modestie ! quelle sincérité! Comparez cela, je vous prie, aux rodomontades de quelques expérimentateurs 1 cathedr. d «Ban 1660, j'eus une attaque de goutte aux pieds, la plus violente et la plus longue que j'eusse jamais éprouvée DES PLANTES USUELLES. 505 auparavant. On était alors en été. Je fus alors obligé de garder le lit pendant plusieurs semaines. L'accès se termina par une douleur sourde que je commençai à ressentir dans le rein gauche, et quelquefois, mais plus rarement, dans le rein droit. La goutte s'étant dissipée, la douleur rénale resta. Elle augmentait par intervalles, mais elle était modérée et assez supportable, car je n'avais jamais eu une seule attaque de néphrétique, maladie toujours accompagnée d'un violent vomissement et d’une douleur aiguë qui se fait sentir le long de l'uretère, en ürant vers la vessie. «Or, quoique je n'eusse pas cette douleur n1 ce vomisse- ment, qui sont des signes d'un calcul dans les reins, j'étais fondé à croire que j'avais dans le bassinet d’un des reins une pierre, qui, étant trop volumineuse pour passer dans les uretères, ne causait pas les deux symptômes dont j'ai fait mention. Ce qui m'arriva au bout de plusieurs années me prouva que je ne m'étais pas trompé dans ma conjecture : car, pendant l'hiver de l'an 1676 , m'étant beaucoup promené après un grand dégel, je rendis aussitôt de l'urine mêlée de sang. « La même chose m'arriva ensuite toutes les fois que Je far- sais beaucoup de chemin à pied, ou que j'allais en carrosse sur le pavé, l'urine que je rendais alors était effrayante; elle parassait être du sang tout pur, mais au bout d'un peu de temps on la voyait transparente et dans son état naturel, le sang se ramassant en grumeaux au fond du vase. «Pour guérir cette maladie, je me fis saigner du bras, et après m'être purgé plusieurs fois, je pris différens remèdes rafraichissans et incrassans. J'observai un régime convenable, évitant avec soin les liqueurs acides, âcres et apénitives. Tous ces remèdes et plusieurs autres qu'il serait trop long de dé- tailler ici furent inutiles. Je pensai alors à la vertu lithontrip- 506 NOUVEAU TRAITÉ tique attribuée à la semence du Frêne, et je me dis que si la semence avait cette vertu, la manne que produit cet arbre devait l'avoir encore davantage, puisqu'elle n’est autre chose qu'une liqueur ou une gomme qui découle des feuilles, des branches et du tronc des Frènes de Calabre, et nullement un miel de l'air, ou une rosée céleste. « Voulant donc essayer l'effet de la manne, j'en fis dissoudre deux onces et demie dans deux livres de petit-lait, que je pris par verrées, avalant de temps en temps un peu de suc de limon, afin d'animer l'action de ce purgatif, qui, pour l'ordinaire, opère faiblement, et de le rendre moins désagréable à l’es- tomac. Ce remède me soulagea infiniment. «Comme cette purgation m'avait si bien réussi, je la réitérai une fois par semaine pendant plusieurs mois de suite, et je me trouvai toujours mieux chaque fois que je fus purgé. Je pouvais même soutenir les rudes cahotemens du carrosse sans en être incommodé. Enfin, je ne ressentis aucuneespèce de douleur jusqu'au printemps dernier; mais comme j'avais eu la goutte pendant presque tout l'hiver précédent, et qu'ainsi j'avais été obligé de renoncer à tout exercice, et de me tenir en repos, je fus de nouveau attaqué d’un pissement de sang. « Dans cette conjoncture, j'étais incertain si j'aurais de nou- veau recours à la purgation. Comme la matière goutteuse avait infecté, pour ainsi dire, toutes mes humeurs, je crai- enais avec raison que le purgatif le plus léger ne m'attirät un long accès de goutte : mais je m'imaginai qu'en prenant un narcotique le soir je pourrais revenir sans danger à mon pre- mier remède. «Je pris donc le matin, à jeun, deux onces et demie de manne dissoute dans deux livres de petit-lait; et le soir, à l'heure du sommeil, seize gouttes de laudanum liquide dans de la petite bière. Je réitérai de cette manière la manne et le DES PLANTES USUELLES. 507 laudanum deux fois la semaine, pendant environ un mois et demi. Ensuite je me contentai de prendre ce remède une seule fois par semaine. Enfin je supprimai le narcotique pour ne pas affaiblir l'action de la manne. Je contimuai pendant plu- sieurs mois à me purger régulièrement une fois la semaine, et toujours le même jour. La douleur que je ressentais dans le rein diminua dès la première purgation, comme dans l’autre pissement de sang dont j'avais été attaqué. «Il est vrai qu'à la seconde purgation, j'eus quelques atteintes de goutte, tantôt aux extrémités, tantôt dans les viscères ; mais le laudanum dissipa bientôt cet accident. Ensuite l’hémorrhagie cessa tout-à-fait ; et après qu'elle eut cessé, je ne laissai pas de continuer quelque temps l’usage de la manne, afin d'assurer la guérison, et de prévenir, autant qu'il m'était possible, la formation du calcul dans les reins. «Il s'ensuit de tout cela, que lorsqu'un homme sujet à la goutte est attaqué d'un pissement de sang, causé par une pierre dans les reins, on peut et on doit mettre en usage la purgation, pourvu qu'on se serve uniquement de manne, et qu'on la donne de la manière que nous avons expliquée. « Quant au régime qui me paraît convenir dans ces deux maladies, voici ce que j'observe moi-même, car je ne veux rien omettre de tout ce qui peut contribuer au soulagement des personnes qui sont sujettes aux mêmes incommodités que moi. Le matin, dès que Je suis levé, je bois une ou deux tasses de thé; ensuite je me promène en carrosse jusqu’à midi. Étant de retour chez moi, je dine, et je mange de tout ce qui me fait plaisir et qui est facile à digérer; mais je mange modérément, car c'est là l'essentiel. Aussitôt après le diner j'avale un grand verre de vin de Canarie, afin d’aider la digestion et d'éloigner la goutte des viscères. Ensuite je me promène de nouveau en carrosse, et quand mes occupations > 508 NOUVEAU TRAITÉE me le permettent, je vais à la campagne prendre le bon air jusqu'à deux ou trois milles de Londres. « Mon souper ne consiste que dans un verre de petite bière. J'en bois un autre verre dans le lit avant que de m'endormir, afn de détremper les humeurs âcres qui, séjournant dans les reins, forment la matière du calcul. « Pour ce qui est de la bière, je crois qu’on doit préférer la petite bière houblonnée à celle qui ne l’est pas, quelque douce et légère qu'elle puisse être d'ailleurs. «Le jour que je me purge je ne mange que du poulet à mon diner ; mais à la fin du repas je bois, suivant ma coutume, un verre de vin de Canarie. J'ai soin de me coucher de bonne heure, principalement en hiver. Rien n’est meilleur que cela pour rendre les digestions parfaites, et conserver tous les organes en bon état. Au contraire, rien n’est plus nuisible aux personnes âgées qui ont quelque maladie chronique que de veiller la nuit; cela affaiblit toutes les digestions, et cause un épuisement de forces auquel il n'est pas facile de re- médier. « Voici encore une autre précaution à laquelle j'ai recours pour prévenir le pissement de sang que produit le calcul des reins. Toutes les fois que je dois aller un peu loin en car- rosse dans les rues de Londres , je ne manque pas de boire auparavant un verre de petite bière, et si je m'arrête quel- que part un peu long-temps, J'en bois un autre verre avant que de revenir chez moi. Par ce moyen j'ai toujours assez bien prévenu lhémorrhagie. Quand je vais en carrosse dans des chemins non pavés, je puis faire autant de chemin qu'il me plait, sans en être du tout incommodé. «J’ajouterai ici une chose au sujet de la goutte. Depuis quelques années, sil m'arrive de commettre quelque faute à l'égard de l'hygiène, ma goutte remonte. Les signes de cet DES PLANTES USUELLES. 209 accident sont de grands maux de cœur, des envies de vomir et un peu de douleur dans le ventre. La douleur des extré- mités cesse tout à coup, et leur mouvement est plus libre qu’à l'ordinaire. Dans ce cas-là j'avale quatre pintes de posset ou petite bière, et dès que j'ai revomi toute cette boisson , je prends un petit verre de vin de Canarie où lon à mêlé dix- huit gouttes de laudanum liquide. Ensuite je me mets au lit et demeure tranquille. Cette méthode m'a quelquefois sauvé la vie. « Or, quoiqu'il ne convienne peut-être à personne, et en- core moins à un homme dont la vie ou la mort est d’une si petite conséquence, de parler si long-temps de lui-même, mon intention néanmoins, en rapportant ces particularités, a été de les rendre utiles à d’autres, dont la vie et la santé pourront être d'une plus grande importance. » La manne est encore un doux purgatif qu'on peut placer utilement vers la fin des maladies éruptives , comme la petite- vérole confluente, la rougeole, la scarlatine , etc. Les enfans la prennent avec plaisir à cause de sa saveur sucrée. Tous les bons praticiens, Sydenham à leur tête, ont recommandé les purgatifs afin de prévenir les métastases funestes qui sont si fréquentes dans ce genre de maladies. Mappuyant de l'au- torité de Sydenham et de Tissot je n'ai presque jamais né- gligé les purgatifs en pareille circonstance. J'employais ordinairement une solution de manne dans un véhicule ap- proprié. Potion purgatve pour les enfans. Prenez : séné mondé, demi-gros; manne en sorte, une once ; eau bouillante, trois onces. Faites infuser pendant un 510 NOUVEAU TRAITÉ quart d'heure, et passez la liqueur avec expression. Pendant l'action du petit purgatif donnez à l'enfant quelques tasses d'eau miellée on de thé légèrement sucré. On réitère cette solution de manne une ou deux fois, si l'enfant a mal aux yeux, s’il tousse, s’il a la poitrine irritée. Les sangsues qu’on applique en pareil cas, soit aux pau- pières, soit sur la poitrine, ne sauraient remplacer les pur- gatifs. Je me rappelle que j'ai guéri un enfant d'une toux violente et très opimitre en lui donnant le soir trois grains de calo- mel dans un peu de gelée de pomme, et le lendemain matin une once de manne fondue dans un peu d'eau. Ces petits pur- gatifs ont été répétés cinq ou six fois dans l’espace de trois semaines. Dans la journée on donnait de l'eau miellée pour boisson. Avant ce traitement, l'enfant toussait nuit et jour, il maigrissait et il avait une petite fièvre qui redoublait le soir. Cette affection de l'organe pulmonaire s'était déclarée à la suite d’une rougeole assez mal soignée. On donne assez souvent aux vieillards, aux femmes déli- cates ou enceintes qui ont des rhumes, une once de manne en larmes fondue dans au lait. Ce remède, qu'on prend ordi- nairement le soir en se couchant, calme la toux, facilite l'expectoration et tient le ventre libre. Mais 1l faut y renon- cer si l'estomac est faible, sans énergie, s’il donne la diarrhée, des flatuosités, etc. M. le docteur Barbier a vu un homme qui prenait, pour un rhume, deux onces de manne tous les soirs, ce qui lui procurait plusieurs selles le lendemain ma- tin ; ses digestions devinrent plus lentes et pénibles , il éprouva un amaigrissement sensible. Du vin d'Alicante et des toniques rétablirent l'action des organes gastriques et dissipèrent ces accidens. DES PLANTES USUELLES. 511 Mixiure contre les rhumes. Prenez : manne en larmes, deux onces; faites dissoudre dans quatre onces d'eau bouillante; passez et ajoutez à la colature : sirop d'ipécuanha, une once. On prend, de deux en deux heures, une ou deux cuillerées à bouche de cette mixture, et on boit de temps en temps une petite tasse de fleurs de violette et de tilleul légèrement sucrée. Potion purgative ordinaire. Prenez : manne en sorte, deux onces, sel de Sedlitz ou sulfate de magnésie, trois gros. Faites fondre dans quatre onces d'infusion de chicorée et de cerfeuil. On prend cette purgation le matin à jeun, et on en se- conde l'effet par un thé léger ou par du bouillon aux herbes. Purgauf antilaiteux. Prenez : séné mondé, deux gros ; faites infuser dans une tasse d’eau bouillante. Ajoutez à la colature : sel de Glauber ou sulfate de soude, deux gros; manne en larmes, deux onces ; sirop de chicorée composé, une once. Aromatisez la liqueur refroidie avec deux ou trois gouttes d'essence d'anis. Pendant l'effet du remède, on boit du bouillon préparé avec le cerfeuil et le beurre frais. Ce purgatif peut rempla- cer le petit-lait antilaiteux de Weiss. 512 NOUVEAU TRAITÉ Purgatf de Grant. Prenez : tartre soluble ou tartrate de potasse, six à huit gros; manne en larmes, deux onces, décoction de chicorée sauvage, vingt onces. Mêlez et faites fondre. On prend cette purgation tous les deux jours en quatre doses, une à sept heures du matin, et les autres à huit, à neuf et à dix heures. On boit du bouillon de veau aux herbes pendant l'effet du remède. Grant ( Traité des fièvres) recommande particulièrement ce purgatif dans les affections hypochondriaques, dans l’ato- nie du foie donnant lieu à la sécrétion imparfaite de la bile. Il le faisait continuer pendant quinze jours de suite. Nous ne voulons point multiplier ici les purgations, dont on a tant abusé autrefois; les formules que nous venons de donner peuvent suffire. La manne, un peu trop négligée au- jourd'hui, était, du reste, très nécessaire pour mitiger les potions purgatives, telles que les médecines noires, lestisanes royales, les apozèmes etc. On a élagué de ces compositions magistrales une foule d'ingrédiens qui ne servaient qu'à les rendre plus épaisses, plus nauséabondes, et l'on à bien fait. Malheureusement on a peu à peu abandonné aussi la manne, la casse, le tamarin, enfin toutes les substances purgatives. Mais il y a maintenant une sorte de réaction qui tend à les ré- habiliter ; tächons pourtant de ne pas aller trop loin, et de ne point gorger nos malades de séné ou de sel de Sedlitz, fussent-ils attaqués du typhus. Il y a trente ou quarante ans, le jour où l’on prenait mé- decine pouvait compter pour un jour néfaste, surtout si le DES PLANTES USUELLES. 513 médecin avait ordonné une tisane royale en trois ou quatre verres. Le seul aspect de ces décoctions épaisses et noïrâtres faisait horreur. Les enfans, les femmes nerveuses , les hommes délicats, frissonnaient en les voyant, et plus d’un malade fut purgé en approchant le calice amer de ses lèvres. J'étais à cette époque le médecin de madame la comtesse de G....….., femme fort aimable, mais d'une sensibilité exquise. J'avais remplacé auprès de cette dame un médecm humoriste qui la purgeait tous les mois avec des pilules d'aloès, de jalap et de rhubarbe, parce qu'elle ne pouvait avaler aucune purgation liquide. Je voulus réformer ce trai- tement, que je trouvais absurde. Elle était sujette à une con- stipation que ni les clystères, ni les bains, ni le petit-lait, m le bouillon de veau, ne pouvaient vaincre. Lorsque cette constipation se prolongeait, ce n'était plus la même femme. Elle tombait dans une mélancolie profonde, suivie de sym- ptômes hystériques, de mouvemens nerveux désordonnés, de gestes automatiques qui annonçaient une véritable mo- nomanie. Des frictions d'huile d'amandes douces, pratiquées sur la région de l'estomac et sur le bas-ventre, la soula- geaient un peu; mais le calme ne renaissait qu'après une ou deux garde-robes. Je lui propose un jour la marmelade de Tronchin. « Eh, bon Dieu ! me dit-elle, vous avez donc en médecine des con- fitures, des marmelades ! — Oui, Madame. Nous avons même des ratafias, des biscuits purgatifs; nos apothicaires sont aussi confiseurs. Mais tous ces remèdes sont composés de substances résineuses qui vous échaufferaient , vous 1rri- teraient comme vos pilules. Essayez, je vous en conjure, de la marmelade de Tronchin : c’est une agréable combinaison de manne, de casse, d'huile d'amandes douces et d’eau de ll, 33 514 NOUVEAU TRAITÉ fleur d'oranger. — De la manne et de la casse! Oh 1 je les connais, ces drogues jaunes, ces drogues noires, et d'en en- tendre parler seulement, mes pauvres entrailles se bou- leversent. » Après un moment de réflexion, elle me prie de lui en donner la recette en français, et non en latin , parce qu’elle craint les distractions d'apothicaire. J'écris lisiblement la for- mule et je la lui remets. Elle lit, en poussant de profonds soupirs, elle répète plusieurs fois : « De la manne, de la casse ! Oh! je vomirai tout cela! mon estomac est déjà ma- lade. Mais enfin, Docteur, puisque vous le voulez, je me sacrifie. » Le pharmacien Costel, alors établi près la place des Vic- toires, lui prépare la marmelade, et la lui envoie à huit heures du soir. Avant de se coucher, elle veut examiner la marmelade ; elle la regarde, elle la flaire, elle est prête à se trouver mal. Enfin elle se couche, elle dort peu, et pendant les courts instans de son sommeil , elle rêve à la marmelade. J'arrive à huit heures du matin pour reconforter la malade et l'aider à vaincre sa répugnance. «Eh bien, Victoire! com- ment va Madame ? » Elle me répond avec un malin sourire : « Votre marmelade a fait merveilles, mais la nuit à été bien orageuse. — Madame l’a-t-elle prise sans trop de façons ? — Elle ést prise et rendue. — Comment ! elle la vomie ? — Non, Monsieur, ni l'un ni l'autre ; mais Madame est parfai- tement purgée. — Qu'est-ce que tout cela veut dire? veuillez me l'expliquer. — Dès cinq heures du matin, nous étions sur pied l’une et l'autre. « Victoire ! Victoire ! me crie Ma- dame. Vite ! je sens là, dans mes entrailles, la vilaine mar- melade. » Et elle a été purgée coup sur coup quatre ou cinq fois. — Comment ! elle a eu le courage de la prendre à cinq DES PLANTES USUELLES. 515 heures du matin, toute seule, sans votre aide ! — Eh! non, Monsieur. La marmelade est encore là, personne n'y a tou- ché ; mais elle a rèvé qu'elle l'avait prise, et elle a été purgée tout de même. Au reste : vous allez voir Madame, elle vous expliquera tout cela. » «Madame, je vous fais mon compliment : vous avez été miraculeusement purgée. — Docteur! j'ai rèvé toute la nuit à votre marmelade. Je me réveillais, je m'endormais, cette horrible médecine était toujours là devant mes yeux. Enfin j'ai éprouvé avant le jour quelques coliques, et je n’ai eu que le temps d'appeler Victoire. — Madame, il faut boire du bouil- lon d'herbes, comme si vous aviez pris médecine, cela com- plétera la purgation. » A la suite de cette commotion morale, madame de G. éprouva une diarrhée qui dura plusieurs jours. Et, dès ce moment, elle n'eut plus besoin de pilules d'aloès. Un régime rafraichissant, quelques demi-bains et des lavemens de mauve suffirent pour lui tenir habituellement le ventre libre ; 1l est vrai qu’à tout cela se mêlait de temps en temps le souvenir de la marmelade. Une personne digne de foi m’a dit avoir connu une garde- malade très nerveuse, très irritable, qui éprouvait tous les effets de la purgation lorsqu'elle donnait une médecine noire à un malade. Il est des enfans très délicats qui vont à la garde- robe aussitôt qu'on leur présente une potion de manne ou de séné. Cest l'antipathie, c’est la peur qui les purge. Ne sait- on pas que les poltrons , en présence du péril, sont pris d'un subit dévoiement? Cette tradition populaire se vérifie tous les jours. Il est des personnes qui ont pour les drogues en général une telle aversion, que la moindre odeur pharmaceutique leur cause une subite diarrhée. Une jeune couturière , d'une com- 516 NOUVEAU TRAITÉ plexion délicate, d'un tempérament nerveux, ne peut entrer dans l’officine d’un apothicaire sans éprouver presque à l'in- stant une sorte de spasme des intestins, qui se termine par une ou deux garde-robes. Ce fait curieux nous a été commu- niqué par notre savant ami M. le docteur Fuster. #i DES PLANTES USUELLES. 517 APOCYNÉES. APOCYNEZÆ. Apocynee. Insee Chriortre Linx. PERVENCHE. V INC. Calice à cinq divisions. Corolle en soucoupe ; limbe plane, à cinq découpures obliques, tronquées ou obtuses ; orifice muni d'un rebord saillant. Cinq étamines renfermées dans le tube; filamens aplatis; anthères droites, conniventes. Un style ; un stigmate en tête, garni à sa base d’un rebord an- nulaire. Deux capsules allongées , s'ouvrant longitudina- lement d'un seul côté. Semences oblongues , dépourvues d'aigrettes. PERVENCHE PETITE. VINCA MINOR. € inca minor. Linn. Spec. Porr. Encycl. Bot. 5. 199. 304. DC. FI. Fr. 2786. CHev. F1. Par. 3. 514. Bazs. F1. Lyon. 1. 479. DEsv. F1. Anj. 189. Lam. Illustr. t. 172. f. 1. Engl. Bot. t. 917. C'est une jolie plante, dont les fleurs, d’un bleu céleste, embellissent, dans la belle saison, les bois, les haies, les pelouses. Ses tiges sont grèles, flexibles, couchées , ram- pantes, un peu redressées au moment de la floraison. Elles portent des feuilles ovales, pointues, pétiolées, lisses , lui- santes, d'un vert agréable. 518 NOUVEAU TRAITÉ Les fleurs sont axillaires, solitaires, pédonculées , d’un bleu pur, quelquefois blanches; elles s’épanouissent vers le mois d'avril. La petite Pervenche, cultivée dans les jardins, donne plusieurs variétés, toutes fort jolies : une à fleurs doubles, une à fleurs blanches imitant celles du jasmin, une autre à fleurs rouges et une quatrième à fleurs panachées. Ces plantes, qu'on peut varier avec goût entre elles, aiment les terres, les expositions fraiches, un peu ombragées. On les multiplie de rejetons ou de graines. «Ah ! c'est de la Pervenche! » s'écrie J.-J. Rousseau en revoyant, après trente ans, cette petite plante parmi les buissonsSon ami Du Peyrou, qui l'accompagnait, ne pou- vait assez admirer ses transports, Son ravissement , sa Joie subite. C’est que la petite Pervenche lui rappelait des souve- nirs bien doux : madame de Warens la lui avait fait con- naître aux Charmettes. ( Confessions, part. 1, liv. VI.) Voyez quand la Pervenche, en nos champs ignorée, Offre à Rousseau sa fleur si long-temps désirée! La Pervenche, grand Dieu! la Pervenche! Soudain Il la couve des yeux; il y porte la main, sd Saisit sa douce proie : avec moins de tendresse F L’amant voit, reconnaît, adore sa maîtresse. (Deux, / Homme des champs.) DES PLANTES USUELLES. 519 PERVENCHE A GRANDES FLEURS. VINCA MAJOR. V'inca major. Lann. Spec. 304. Por. Encycl. Bot: 5. 198. DC. F1 Fr. 2787. LaApEeyr. Plant. Pyr. 1. 126. Bacs. F1. Lyon. 1.478. DEsr. Arbr. 1. 197. LAM. Illust. t. 179. f. 1. DunAM. Arbr. Nouv. éd. 1. t. 14. Cette plante croît spontanément dans les lieux frais et ombragés des contrées méridionales de l'Europe. On la recon- naît à ses tiges flexibles, arrondies, pubescentes, hautes d'environ trois pieds, garnies de feuilles ovales, pétiolées, légèrement ciliées en leurs bords, cordiformes ou échancrées en cœur à leur base, et d’un beau vert. Les fleurs sont axillaires, solitaires, pédonculées, et d’un bleu vif. Le calice offre cinq divisions profondes, droites, aiguës, pubescentes, presque aussi longues que le tube de la corolle. On trouve la Pervenche à grandes fleurs dans les bois, dans les buissons de la Provence, du Languedoc, du Dau- phiné, etc. On la cultive dans les jardins, où elle se repro- duit sous des variétés à fleurs blanches et à fleurs panachées. Elle aime l'ombre des arbres , et demande à être placée dans les bosquets toujours verts. On cultive une autre belle espèce connue sous le nom de Pervenche de Madagascar ( Vinca rosea), et dont les fleurs se développent successivement pendant une grande partie de l'année. Elle se fait remarquer par ses tiges droites, purpu- rines, par ses feuilles ovales, lancéolées, d'un vert brillant ; 520 NOUVEAU TRAITÉ par ses fleurs axillaires, presque sessiles , dont la corolle offre cinq grandes découpures d’un rose foncé. Cet arbrisseau passe les hivers en pleine terre dans nos provinces méridionales : il suffit de le garantir des gelées en l'entourant d'un peu de paille. Au nord de la France il exige la serre chaude. Les deux premières espèces sont comprises dans la classe des plantes astringentes et vulnéraires. Garidel et quelques autres auteurs peu consultés aujourd'hui leur attribuaient de grandes vertus. Mais la médecine domestique a sous la main beaucoup d'autres végétaux plus utiles qui les ont fait ou- blier. La petite Pervenche, au reste, paie son tribut au fal- tranck, espèce de thé composé de plantes vulnéraires récol- tées sur les montagnes de la Suisse, de l'Allemagne, etc., et dont on fait un fréquent usage, en France et ailleurs, à la suite des contusions violentes. Il convient de dire ici que les femmes parvenues à l’âge critique abusent de ce remède vul- gaire, dont l’action stimulante échaufle singulièrement les organes , et provoque l'inflammation de la matrice. Des bains tièdes, l'application de quelques sangsues, la saignée, lors- que les viscères sont irrités et douloureux, enfin un régime convenable, voilà les moyens qu'elles doivent préférer à tous ces petits paquets d'herbes que leur offrent les empi- riques ambulans, La famille des Apocynées renferme un grand nombre de plantes suspectes, plus où moins vénéneuses, et que la mé- decme domestique ne doit jamais employer. Dans le genre Asclepias on trouve le Dompte-venin ( Ascle- pias vinceloxicum) , espèce indigène que Willemet signale DES PLANTES USUELLES. 521 comme un doux vomitif, mais dont la racine fraîche excite de violens vomissemens. Le genre Apocynum, le genre Cynanchum et le genre Nerium nous offrent plutôt des poisons que des remèdes. Le Laurier-rose ( Nerium oleander ) est surtout très âcre et très vénéneux. Voyez notre Phytographie médicale, tom. 11, pag. 63, où nous avons rapporté divers empoisonnemens produits par les Apocynées. Voyez aussi le même ouvrage pour les Strychnées, famille voisme qui renferme de violens poisons, mais en même temps des remèdes héroïques. 522 NOUVEAU TRAITÉ GENTIANÉES. GENTIANEZÆ. Gentianeæ. Juss. VENT. GENTIANE. GENTIANA. Calice ordinairement à cinq lobes. Corolle persistante, en roue, en cloche ou en entonnoir; limbe à quatre ou cinq divi- sions obtuses ou aiguës, entières ou ciliées, plus ou moins ouvertes. Quatre ou cinq étamines insérées sur le tube de la corolle. Style bifide. Capsules à une loge , à deux valves. GENTIANE JAUNE. GENTIANA LUTEA. Gentiana lutea. Lin. Spec. 329. Lam. Encycl. Bot. 2. 635. DC. FL Fr. 2761. LApEyr. Plant. Pyr. 1. 132. Bazs. F1 Lyon. 1. 482. Rod. Phyt. méd. Nouv. éd. DENON ET TR » Sa racine, épaisse, allongée, jaunâtre, pousse une tige droite, simple, cylindrique, haute de trois à quatre pieds, garnie de feuilles ovales, lancéolées, embrassantes, d’un vert pâle, à plusieurs nervures longitudinales. Les fleurs sont nombreuses, verticillées autour de la tige dans les aisselles des feuilles supérieures. Elles ont un calice membraneux, déjeté d’un seul côté; une corolle jaune, en forme de roue, profondément découpée en lanières étroites , terminées en pointe. DES PLANTES USUELLES. 223 C’est une des plus belles plantes des Alpes et des Pyrénées. On la trouve aussi dans les pâturages montueux des Vosges et de l'Auvergne ; aux environs de Lyon, dans les prairies du mont Pilat et de Tarare. On l'appelle grande Gentiane. Sa racine recèle des vertus énergiques. Elle est épaisse, fort longue, marquée par des rides annulaires très rapprochées, brune à sa surface, jaunâtre intérieurement, d'une texture spongieuse, d’une saveur extrêmement amère. D’après l’ana- lyse de MM. Henri et Caventou, elle contient un principe amer cristallin qui doit être rangé parmi les principes Immé- diats des végétaux. Ce principe, désigné par ces chimistes sous le nom de gentianuin, est d’une belle couleur jaune, sans odeur, d'une amertume de Gentiane très prononcée. Il se dissout dans l'éther et l’alcohol, et se sépare par l’évapora- tion spontanée, sous la forme de petites aiguilles cristallines jaunes. L'eau bouillante en dissout une certaine quantité, l'eau froide beaucoup moins , cependant elle devient très amère. M. Planche a reconnu dans l'eau distillée de cette racine un principe volatil qui agit fortement sur le cerveau. La Gentiane jaune est depuis long-temps fort renommée pour ses vertus médicinales. Elle occupe le premier rang parmi nos plantes amères, toniques et fébrifuges. La méde- cine domestique emploie particulièrement l'infusion aqueuse ou vineuse de sa racine, pour donner plus d'énergie au sys- tème organique, pour ranimer les fonctions digestives. Il y a environ quarante ans, c'était le remède de prédi- lection des Browniens, qui poursuivaient dans toutes les ma- ladies une cause unique, exclusive, le relâchement ou l’atonie des tissus. Les enfans rachitiques ou scrophuleux , les jeunes filles chlorotiques, les goutteux de tous les âges, prenaient 52% NOUVEAU TRAITÉ du vin de Gentiane, de la teinture de Gentiane : quelques uns s’en trouvaient bien; chez d’autres le mal s'aggravait , se compliquait, et 1l fallait changer complétement de méthode. L'abus des amers et des toniques frappait tous les yeux, on se jeta dans un système tout-à-fait contraire. Les bons observateurs, les médecins restés fidèles à un sage éclectisme, emploient tour à tour les toniques ou les relàächans suivant les causes matérielles des maladies. Ils prescrivent la Gentiane aux enfans scrophuleux, rachitiques, dont le système est dans un véritable état de relâchement et de faiblesse ; mais ils se gardent bien de donner l'élixir amer de Peyrilhe aux enfans irritables, nerveux, en proie à une surexcitation intérieure, à une chaleur fébrile. Il en est de même des filles chlorotiques qui éprouvent des irritations dou- loureuses, soit dans les voies utérines, soit dans les organes digestifs. En pareil cas, l'usage de la Gentiane, des amers, des toniques, des stimulans, peut donner lieu à des inflam- mations mortelles. Les vieux goutteux, d’une constitution faible, qui digèrent avec lenteur, qui sont tourmentés par une goutte vague, par des flatuosités incommodes, sont vraiment soulagés par les préparations de Gentiane, surtout par sa teinture vineuse. Mais il ne faut pas dire, avec Haller, que la Gentiane est le plus grand, le plus précieux remède dans le traitement de la goutte. Cette assertion est vague et manque de justesse, puisque l'affection goutteuse, comme l'observe très bien le célèbre Barthez, est souvent accompagnée d’une irritation excessive qui contr'indique l'usage des amers et des toniques. La Gentiane ne peut être salutaire qu'aux goutteux dont le système organique est dans un état de langueur manifeste. Avant la découverte du quinquina, la Gentiane rempla- çait cette écorce exotique, et nous la regardons encore DES PLANTES USUELLES. 229 comme un de nos meilleurs fébrifuges indigènes. On peut la substituer au quinquina dans les fièvres intermittentes dont l'invasion n’est marquée par aucun symptôme grave. On donne la racine de Gentiane en poudre , à la dose de quinze, vingt ou trente grains; en extrait, à la dose de . quinze ou vingt grains. L'eau, le vin, l'alcohol, s'emparent de ses principes actifs. Elixir antiscrophuleux de Peyrilhe. Prenez : eau-de-vie ordinaire, trente onces; racine de Gentiane pulvérisée, une once; carbonate de potasse con- cret, demi-once. Faites digérer dans un vaisseau ou matras particulier, pendant cinq ou six jours, et décantez la liqueur. Cet élixir à été pendant assez long-temps le remède des enfans scrophuleux et rachitiques. On le donne, à la dose d'une cuillerée à café, trois fois par jour. Vin de Gentiane. Prenez : racine de Gentiane, deux onces ; sommités d’ab- sinthe, une once ; écorce d'orange, demi-once; vin blanc de France, deux livres; alcohol, quatre onces. Faites macérer pendant quatre jours, et filtrez la liqueur. On donne de temps en temps une ou deux cuillerées de ce vin pour combattre la diathèse muqueuse, si favorable au développement des vers ; pour ranimer l'énergie vitale dans les aflections strumeuses , scorbutiques, rhumatismales , goutteuses, etc. Il n'est pas moins utile, pour hâter la con- valescence, à la suite des fièvres gastriques, muqueuses, putrides, adynamiques. Il ranime les forces abattues par les saignées immodérées. NOUVEAU TRAITÉ Qt LO mr] Mixture tonique de Vogler. Prenez : eau de menthe, quatre onces; extrait de Gen- tiare, deux gros ; cachou et gomme arabique , de chaque deux scrupules ; racine d Midi opiaru pur, de chaque deux grains. Mêlez exactement. On donne cette mixture pour modérer la diarrhée, les flux dysentériques entretenus par la faiblesse des intestins. La dose est d’une cuillerée à bouche, toutes les deux ou trois heures. Électuaire tonique et fébrifuge. Prenez : racme de Gentiane, fleurs de camomille romaine réduites en poudre, de chaque une once ; limaille de fer por- phyrisée, deux gros ; miel blanc, suffisante quantité pour former un électuaire. On en donne un gros toutes les quatre heures dans une petite tasse d'infusion de camomille ou de petite centaurée. Cet électuaire est très utile dans les fièvres intermittentes automnales revêtues d'un caractère asthénique ; dans la leu- corrhée , l'aménorrhée, la chlorose avec faiblesse des organes assimilateurs. La racine de Gentiane fournit, par la fermentation et la distillation une eau-de-vie, dont les habitans des Alpes et du Valais font un usage habituel. Cette boisson convient à la plupart de ees montagnards, qui se nourrissent d'alimens grossiers et indigestes. Toutes les Gentianes ont une grande analogie de proprié- tés. La plupart de ces plantes sont employées dans les diffé- DES PLANTES USUELLES. 527 rens pays où elles croissent, comme toniques, stomachiques et fébrifuges. Dans les Alpes, en Allemagne, en Norwège, on se sert de la Gentiane purpurine (Gentiana purpurea, Linn.). La Gentiane amarelle (Gentiana amarella), la Gentiane Croisette (Gentiana cruciata), la Gentiane champêtre (Gen- tiana campestris), la Gentiane à courte tige ( Gentiana acan- lis), etc., ont à peu près les mêmes vertus. CHIRONIE. CHIRONT 4. Calice à cinq divisions plus ou moins profondes. Corolle en entonnoir ; tube de la longueur du calice; limbe ouvert, à cinq lobes. Cinq étamines à anthères roulées en spirale après la fécondation. Un style; un stigmate. Capsule à deux loges formées par les bords rentrans des valves. CHIRONIE CENTAURÉE. CHIRONIA CENTAURIUM. Chironia centaurium. Smira. F1. Brit. 1. 257. DC. F1. Fr. 2780. Woopw. Med. Bot. t. 157. F1. Dan. t. 617. — Erythræa centaurium. Pers. Enchir. 1.283. Bars. FT. Lyon. 1. 485. Cnev. F1. Par. 3. 512. Desv. F1. Ani. 185. — Gentiana centaurium. Lanx. Spec. 332. Les bois, les prairies, les terres sablonneuses, produisent abondamment cette petite plante qu'on nomme vulgairement petite Centaurée. De sa racine blanchâtre et ligneuse s’élan- cent plusieurs tiges grêles, lisses, hautes de quinze à dix-huit 528 NOUVEAU TRAITÉ pouces , où l'on voit quelques feuilles opposées, ovales, lan- céolées , marquées de trois nervures. Les fleurs sont sessiles , d’une odeur douce, d’une couleur rosée ou purpurime, et disposées en petits bouquets à l’ex- trémité des rameaux. Tout le monde connaît la petite Centaurée et sa vertu fébrifuge. On emploie ordinairement les sommités fleuries ù qui ont beaucoup d'amertume ; mais la racine et les feuilles sont encore plus amères. Cette plante possède toutes les pro- priétés des gentianes. Elle ranime l’action affaiblie de l'appa- reil digestif, dissipe les fièvres printanières , les fièvres in- termittentes simples. On la donne aussi dans quelques fièvres automnales rebelles au quinquina. Mais lorsque les accès fébriles s'accompagnent de quelques phénomènes graves ou insolites, il faut oublier notre plante indigène et avoir promp- tement recours aux préparations de quinquina. On donne les tiges fleuries avec la racine en infusion aqueuse ou vineuse. La dose est à peu près d'une poignée pour vingt onces de véhicule. Infusion vineuse de petite Centaurée. Prenez : petite Centaurée, deux onces; baies de gemièvre, demi-once; vin blanc, deux livres. Faites digérer à froid pendant quatre ou cinq jours. On prend quelques cuillerées de ce vin amer pour dissiper la flatulence , pour relever le ton de l'organe digestif. Infusion fébrifuge. Prenez : petite Centaurée, camomille romaine, de chaque une once. Faites infuser dans une livre d’eau bouillante. On DES PLANTES USUELLES. 529 donne un verre de cette infusion toutes les quatre heures, en ajoutant à chaque tasse trente ou quarante gouttes d’éther sulfurique. Nous avons eu à nous louer de ce remède fébrifuge, à une époque (1795) où quelques pharmacies des armées étaient dépourvues de bon quinquina. Il nous à été fort utile à l'hôpital militaire de Perpignan où régnaient alors des fièvres tierces rebelles. Nous le donnions quelquefois une heure avant l'invasion de la fièvre , en augmentant un peu la dose de l'éther. Un plante.également amère, tonique et fébrifuge appar- tient à la famille des Gentianées, c'est le Ménianthe trifolié (Mentanthes trifoliata). On l'appelle vulgairement Trèfle d'eau. 1 habite les lieux aquatiques et marécageux de l’'Eu- rope. On le trouve aux environs de Paris et de Lyon. Sa tige cylindrique, un peu rampante, se termine par un épi de fleurs blanches, nuancées de rose. Les feuilles sont radicales, peu nombreuses, soutenues par de longs pé- tioles, et composées de trois folioles ovoides, d'un beau ver. Le Trèfle d'eau n'a point dodeur, mais il est d'une grande amertume. Îl contient une matière féculente, une résine verte, un extractif amer azoté, de l'acide malique, de l'acétate de potasse, etc. Tous les auteurs de matière médicale parlent des vertus précieuses de cette plante, et pourtant elle est presque abandonnée. Comme les Gentianes, elle est utile dans les fièvres intermittentes, dans les affections scorbutiques, le scrophule, le rachitis, la goutte, le rhumatisme chro- nique. ÉE- 34 530 NOUVEAU TRAITÉ On prescrit la racine fraîche en infusion aqueuse , à la dose d’une once pour une livre de colature. On mêle le suc des feuilles avec celui des plantes crucifères, telles que le cresson et le cochléaria. On cultive le Trèfle d'eau dans quelques pays pour les usages économiques, On s’en sert en Angleterre pour prépa- rer la bière commune et pour remplacer le houblon. DES PLANTES USUELLES. 531 BIGNONÉES. BIGNONEZÆ. Pignonee. VENT. — Pignonme. Juss. SÉSAME. SESAMUM. Calice persistant, à cinq divisions inégales, droites, lan- céolées; la division supérieure plus courte. Corolle presque campanulée ; limbe ouvert , renflé, un peu courbé, divisé en cinq lobes inégaux; le lobe inférieur plus long. Quatre éta- mines didynames ; rudiment d’une cinquième étamine. Stig- mate divisé en deux lames parallèles. Capsule allongée , presque tétragone, à quatre sillons, à quatre loges; chaque loge partagée par la saillie de l'angle rentrant du sillon. SÉSAME D'ORIENT. SESAMUM ORIENTALE. Sesamum orientale. Linn. Spec. 883. Porr. Encycl. Bot. 72 1dé. GoERTN. Fruct. t. 110. Lam. Illustr. t. 528. Cette plante, originaire des Indes, croit à l’île de Ceylan et au Malabar. On la cultive en Syrie, en Égypte et dans plu- sieurs contrées de l'Orient. Elle a des tiges droites, herbacées, presque cylindriques, velues, hautes de deux ou trois pieds, garnies de feuilles ovales, oblongues, pointues, pétiolées, entières ou légère- 532 NOUVEAU TRAITÉ ment dentées et ciliées à leurs bords, d’un beau vert en des- sus, d’un vert plus pâle en dessous. Les fleurs sont pédonculées, solitaires dans l'aisselle des feuilles, blanches ou un peu rosées. Le calice est pubescent, divisé à son orifice en cinq découpures lancéolées , aIgUËs , la supérieure un peu plus courte. Les capsules sontoblongues, un peu comprimées , creusées de quatre sillons, à quatre loges renfermant des semences nombreuses. Le Sésame est très renommé parmi les peuples de l'Orient, qui retirent de ses semences une huile presque aussi bonne que celle de l'olive. Les Babyloniens, au rapport d'Hérodote, ne se servaient que de l'huile qu'ils exprimaient du Sésame. Pline dit qu'elle est également bonne à manger et à brüler. Les Ésyptiens emploient fréquemment cette huile dans leurs préparations culinaires. Ils tirent mème parti du marc qu'ils appellent tahiné et ils en font une espèce de ragoût avec du miel et du jus de citron. Ils mangent les semences cuites dans du lait, et ils en font des galettes avec du beurre ou de l'huile. Cet aliment est nourrissant, d'un goût agréable ; on l'ordonne aux convalescens. On met aussi des graines de Sésame dans le pain pour le rendre plus savoureux. D'après Sonmini , les femmes égyptiennes estiment singu- lièrement le Sésame. Elles prétendent que les alimens pré- parés avec ses graines leur donnent de l'embonpoint, et augmentent la quantité du lait, quand elles deviennent mères. L'huile est le meilleur cosmétique pour nettoyer la peau, pour lui donner de la fraîcheur et de l'éclat, pour entretenir la beauté des cheveux. (Sonnini, Voyage en Égypte, tom. mx, pag. 225.) Une autre espèce, le Sésame de l’inde (Sesamum indi- cum, Linn.), est cultivée en Afrique et en Amérique. On retire également de ses graines une huile employée aux DES PLANTES USUELLES. 233 mêmes usages que la précédente. Miller parle aussi d'une espèce de Sésame (Sesamum trifoliatum) qu’on cultive dans toutes les contrées de l'Orient, ainsi qu'en Afrique, comme une plante légumineuse. Elle a été depuis peu transportée dans la Caroline par les nègres africains, où elle a très bien réussi. Ses graines fournissent une huile qui se conserve pendant plusieurs années, et qui remplace fort bien l'huile d'olive. On cultive cette IAE en Angleterre dans les jar- dins botaniques. 534 NOUVEAU TRAITÉ CONVOLVULACÉES. CONVFOLVFULACEZÆ. Convolvulaceæ. Juss. LISERON. CONFOLVULUS. Calice à cinq divisions. Corolle campanulée; limbe entier présentant cinq angles et cinq plis. Cinq étamines inégales ; filamens rapprochés. Un style à stigmate bifide. Capsule à deux, trois ou quatre loges, renfermant Chacune une ou deux graines. LISERON BATATE. CONVOLVULUS BATATAS. Corwolvulus batatas. Mizs. Dict. n.7. Mic. Flor. Boreal. Amer.1.138.—Convolçulus radice asculenta. CATESB. FI. Carol. t. 60. — /pomæa batatas. Por. Encycl. Bot. 6. 14. Cest une plante rampante, herbacée, dont les racines tu- béreuses et charnues poussent des tiges purpurines, glabres ou velues selon les variétés. Les feuilles sont alternes, larges, ovales, aiguës, cordiformes à leur base, munies de deux oreillettes courtes ou lancéolées , ordinairement hastées ou divisées en trois lobes simples ou anguleux , supportées par des pétioles glabres ou pubescens. DES PLANTES USUELLES. 239 Les fleurs sont axillaires , pédonculées , fasciculées ou ras- semblées en ombelle. La corolle est blanchâtre en dehors, d’une couleur purpurine en dedans, grande, campanulée. La capsule est un peu ovale et à trois lab Ce Liseron, connu sous le nom ulenite de Patate, croît spontanément dans les deux Indes. On le cultive dans toute l'Amérique méridionale, au Mexique et à Saint-Domingue, pour ses racines, qui sont grosses , féculentes , et d’une saveur délicate. La Patate réussit fort bien dans nos départemens méri- dionaux, mais sa culture est difficile vers le Nord. « En avril, on découpe les racines par tronçons d'environ douze à quinze lignes de longueur; on les plante à deux pouces de profondeur, et à six pouces de distance, sur couche et sous cloche ou châssis, le tout disposé comme pour repi- quer des melons. «Aussitôt que les jeunes plants sont parvenus à huit ou dix pouces de hauteur, on en supprime les feuilles jusqu'à celles du sommet. On les repique de suite en quinconce à huit ou neuf pouces de distance, et en ligne sur une couche sourde, dont le lit de terre a un bon pied d'épaisseur ; ou sur des buttes d'un pied de hauteur, sous lesquelles on a placé du fumier comme pour les melons de la pleine terre. On entoure ces buttes de fumier chaud } jusqu à ce que la chaleur soit con- stante; enfin on repique en mai dans une plate-bande large de trois à quatre pieds. La terre doit être légère, profonde, bien amendée en terreau végétal. « En repiquant chaque plante, 1l faut avoir soin de con- tourner un peu en spirale la tige, qui ne doit dépasser la superficie de la terre que par les deux ou trois feuilles laissées à son extrémité. « Après ces repiquages, il ne s'agit plus que de les préser- 536 NOUVEAU TRAITÉ ver des froids tardifs, au moyen de cloches, paillassons, etc. Du reste, soins ordinaires , et beaucoup d’eau dans les séche- resses. | « On récolte avec l'attention de ne pas blesser les racines en les soulevant. Toute blessure les gâte; les froids les pu- tréfient : dans ce cas, elles sentent la rose; il faut se hâter de les consommer. «On réserve les plus belles racines pour la reproduction. On les conserve en caisse par lits et par couches de sable fin et sec; le tout placé dans un lieu ni froid, ni chaud, ni hu- mide. » (Pyrolle, l’Horticulteur français, pag. 282.) On cultive trois variétés de Patate aux îles de France et de la Réunion : la petite Patate de Madagascar, qui est sucrée et très farineuse; la grosse Patate, originaire de la Chine, qui vient en deux mois lorsqu'on la plante au mois de mars, mais qui est moins sucrée; et la Patate jaune, préférée aux deux autres. On les sert sur toutes les tables des Euro- péens et des Créoles dans ces deux îles, cuites à l’eau ou au four, ou coupées par tranches minces et frites. On les mange également avec les viandes, avec le poisson ; on en fait des purées ou des mets de dessert. Les Portugais, un peu friands, les assaisonnent avec du vin, de l’eau de roses et du sucre. Portugalli radices cum vino, aqua rosarum, et saccharo præparant, ad opus ve-" nereum excitandum et acuendum. Zuckert, Mat. aliment. L'introduction de la Patate dans nos cultures, du moins aux environs de Paris, se fait très lentement, et il n'y a guère que quelques amateurs qui s’en occupent ; c’est pourtant une racine d'un goût fin et délicat, surtout cuite à la vapeur et sautée dans du beurre fin. On en fait aussi d’excellens bet-. guets. DES PLANTES USUELLES. 537 La verdure qui surmonte cette racme donne un mets plus dé- licat encore. Épluchée soigneusement et cuite dans du beurre frais, elle se réduit en purée comme l’épinard ; on la mouille avec de la crème, on l’assaisonne de sucre, et on la sert, soit avec des croûtes frites, soit avec des tranches de Patates sautées dans le beurre. Cette verdure peut aussi se préparer _ au jus de viande. Une autre espèce de Liseron fournit aux Japonais un ali- ment très savoureux, c'est le Convoleulus edulis de Thunberg. Ses racines sont tuberculeuses, charnues, grosses et fécu- lentes. Ce Liseron croît abondamment sur les montagnes de Na- gasaki, où 1l fut apporté par les Portugais. Le genre Liseron nous donne des purgatifs énergiques, que les gens du monde ne sauraient manier sans péril : nous voulons parler du jalap, de la scammonée, du turbith, etc. C'est avec ces substances résineuses que les charlatans de toutes les époques et de tous les pays ont préparé leurs bols, leurs pilules, leurs sirops, leurs élixirs, leurs es- sences, etc. Il n'y pas bien long-temps que le remède purgatif de Leroy faisait fureur en France ; tout le monde voulait être purgé, guéri Ou tué par cet élixir délétère. Il a fallu mille cata- strophes pour corriger le bon public, ce public si crédule, si imbécile, si niais lorsqu'on lui promet des miracles. Il avait quitté la manne, l’eau de Sedlitz, la rhubarbe, qui le pur- geaient doucement et sans trouble, pour des préparations violentes qui le faisaient expirer au milieu des douleurs et des convulsions. Le fameux Leroy a eu des séides qui se seraient battus en duel pour soutenir l'honneur et la renommée de 538 NOUVEAU TRAITÉ son vomi-purgahf. Et, chose déplorable! on a vu des chefs d'ateliers, des colonels , imposer ce remède à leurs ouvriers, à leurs soldats malades. C'est encore là un genre de folie, une passion singulière dont nous avons oublié de parler dans notre Introduction. Nous renvoyons pour l'histoire du jalap, de la scam- monée, etc., à notre Phytographie médicale. On trouvera dans ce livre des détails curieux et instructifs sur les drogues des charlatans et sur leurs funestes effets. Nous nous conten- terons de reproduire ici les réflexions suivantes. « Tous ces remèdes seront toujours, dans les mains des ignorans et des empiriques, un instrument de dommage. Les gens du monde ne doivent jamais y avoir recours sans avoir pris l'avis d'un médecin éclairé. Je les regarde comme de véri- tables poisons qui agissent avec une extrême violence, ou qui minent sourdement les entrailles. Pour quelques succès, sans doute très rares, sur combien de maux l'humanité n’a-t-elle point à gémir ! On trouve dans la Revue médicale, et dans la Gazette de santé, rédigée par mon excellent ami le docteur Miquel, des faits qui constatent jusqu'à la dernière évidence l'activité délétère de ces purgatifs drastiques. « Cornachini, médecin italien, et Ailhaud, médecin pro- vençal, avaient leurs poudres purgatives. La réputation de ces poudres s'étant usée peu à peu, de nouveaux industriels sont venus nous offrir à peu près les mêmes remèdes sous des noms différens. Les uns y ont joint l'émétique, les autres la gomme-eutte, afin d'en augmenter la force. On connaît notre opinion sur le remède de Leroy ; nous en avons assez dit sur cette mauvaise drogue qui a enfanté l'éixir antiglareux et le toni-purgatif. « L'élixir antiglaireux n’est pas moins nuisible : c’est un composé de substances drastiques et d’alcohel. On le distribue DES PLANTES USUELLES. 539 dans les villages, dans les hameaux, où les violens purgatifs sont encore plus pernicieux que dans les grandes villes, parce que la plupart des habitans des campagnes, livrés à de rudes travaux qui les exténuent, usant d'un régime alimentaire peu substantiel wreçoivent un plus grand dommage de l'emploi des drastiques. «Le toni-purgatif a paru presque en même temps ; il faisait aussi son tour de France; il ravageait nos bourgs, nos vil- lages ; mais sa fortune baisse depuis que son inventeur n'est plus là pour le faire prospérer. Un remède toni-purgatif ! C'est pourtant avec un nom faux, ridicule et barbare qu'on attire ces pauvres malades, qui sont bien aises d'être à la fois purgés et fortifiés. Toutes ces antithèses médicales ne sauraient faire naître le moindre doute dans leur esprit : une annonce em- phatique leur à garanti les effets du remède! «Tous les médecins qui ont étudié et observé l’action physiologique de ces drogues, ne peuvent que les ranger » parmi les poisons. Quelques succès ne prouvent rien; les drastiques, administrés sans choix ni méthode, produiront presque toujours les plus funestes effets. Cependant on dis- tribue au public des bouteilles entières de ces élixirs dont quelques cuillerées suffisent pour tuer un malade. On a vu une infinité de malheureux qui, dès les premières doses, ont été pris d'une gastro-entérite mortelle; d'autres, réduits à vivre d'un peu de bouillon et de lait, ont traîné une vie lan- guissante pendant plusieurs années; d'autres ont conservé dans le système nerveux une susceptibilité telle, que le plus léger mouvement , la moindre intempérie de l'air leur causent des douleurs, des spasmes et un malaise universel. «Certes, la médecine et la pharmacie, professions si ho- norables et si utiles, qui exigent de longues études et de grands sacrifices, ne sauraient plus long-temps résister aux 540 NOUVEAU TRAITÉ empiétemens du charlatanisme, et elles sont menacées d'une ruine prochaine, si quelque loi tutélaire ne vient bientôt à leur secours. On se plaint de l'insuffisance des hôpitaux ; des personnes riches et charitables créent de nouveaux refuges pour les ouvriers malades ; mais que l'autorité proscrive toutes ces drogues qui ruinent la santé des classes laborieuses et les réduisent à l’état de misère, il y aura souvent des places vides dans les hospices. » (Phytographie médicale, nouvelle édi- tion, tom. 11, pag. 4-29.) DES PLANTES USUELLES. 541 _ BORRAGINÉES. BORRAGINEÆ. La pi. Borragineæ. Juss. — Asperifoliæ. Lixx. CERINTHE. CERINTHE. Calice à,cinq parties. Corolle tubuleuse, à cinq dents, nue à son ce. Cinq étamines ; anthères droites, cachées dans le tube de la corolle ou à peine saillantes. Stigmate sim- ple. Fruit composé de deux noix osseuses, à deux loges et à deux graines. CERINTHE A FLEURS OBTUSES. CERINTHE MAJOR. Cerinthe major. Lanx. Spec. 195. Lam. Encycl. Bot. 4. 67. — Cerinthe aspera. Ro. Cat. 1. 33. DC. F1. Fr. 2701. LAPEYR. Plant. Pyr. 1. 88. A Ses tiges sont herbacées, succulentes, droites, cylindri- ques, rameuses, hautes d'environ un pied et demi. Ses feuilles sont larges, un peu allongées, obtuses, d’un vert bleuâtre, un peu ciliées sur les bords, parsemées de petites aspérités blanches, plus ou moins apparentes, qui se prolon- gent en poils rudes et presque épineux. Les fleurs naissent au sommet de da plante, en épis courts ; la corolle est jaune, souvent purpurine vers le mi- lieu, à cinq dents courtes, obtuses et réfléchies. 542 NOUVEAU TRAÏÎTÉ Cette plante croît en Suisse, en Autriche et dans nos pro- vinces méridionales. On la trouve dans les Pyrénées, dans. la Provence , dans le Languedoc, aux environs de Montpel- lier, de Pézenas, etc. à On la cultive dans quelques jardins pour son feuillage, d’une belle couleur glauque. Elle est rafraïchissante comme la plupart des Borraginées: Son suc donne du nitrate de po- tasse. On l'appelle Mélinet, c'est-à-dire fleur de miel, fleur qui attire les abeilles. Le nom de Cerinthe à à peu près le même sens ; il dérive de deux mots grecs qui signifient fleur de cire. HÉLIOTROPE. ZÆ£LIOTROPIUM. Calice tubuleux, à cimgq dents. Corolle en forme de sou- coupe, à cinq lobes entremêlés de cinq petites dents; gorge nue. Stigmate échancré. Noix quelquefois recouvertes d'une écorce. HÉLIOTROPE D'EUROPE. HELIOTROPIUM EUROPÆUM. Heliotropium europæum. Linn.Spec. 187. Lam.Encycl. Bot. 3. 93. DC. F1. Fr. 2705. Cuev. F1 Par. 3. 489. JACQ. F1. Austr. t. 207. Sa tige est droite, herbacée, un peu velue, rameuse, haute de huit à dix pouces. Elle porte des feuilles alternes, pétiolées, ovales, obtuses, entières, un peu ridées, pubes- centes ou cotonneuses, et dut vert blanchâtre. DES PLANTES USUELLES. 543 Les fleurs sont blanches, petites, nombreuses, disposées en épis géminés au sommet des rameaux. On trouve cette petite plante, en été, dans les terrains secs, sablonneux, aux bords des champs et des chemins. On l'ap- pelle vulgairement Tournesol, parce que sa fleur se tourne toujours du côté du soleil. Son nom latm, Heliotropium , dérive de deux mots grecs qui ont la même signification. On donne aussi à cet Héliotrope le nom d'Herbe aux verrues, sans doute à cause de la forme de ses graines, car son suc, qui n’a rien de corrosif, est incapable de détruire les ver- rues. Je me trompe; un auteur dit qu'il les fait tomber en les ramollissant. Un autre vante l'efficacité des feuilles ré- duites en pulpe molle, et appliquées sur les ulcères scro- phuleux. Au reste, sa fleur est aromatique dans certains temps; elle répand alors une odeur suave,, analogue à celle de l'Hé- liotrope du Pérou, charmant arbrisseau qu'on cultive dans tous les parterres. L'Héliotrope du Pérou ( Heliotropium peruvianum) se fat remarquer par ses rameaux cylindriques, velus; par ses feuilles éparses, ovales, ridées, pubescentes , d’un vert brun en dessus, d'un vert blanchâtre en dessous; et surtout par ses fleurs d'un brun violet, exhalant une odeur exquise de vanille. Nous devons cet intéressant arbuste à Joseph de Jussieu , qui enenvoya des graines du Pérou au Jardin des Plantes de Paris, vers le milieu du dernier siècle. On le propage de boutures, de drageons, de marcottes et de graines, que l’on sème sur couche au printemps. On le cultive en pleme terre dans le midi de la France. Il faut le planter dans du terreau, qu'on renouvelle tous les ans, et l’arroser fréquemment pen- dant l'été. 544 NOUVEAU TRAITÉ Les parfumeurs se sont emparés des fleurs de l'Héliotrope pour donner à leurs pommades une odeur pénétrante et suave. Gilibert reproche aux médecins de négliger ces fleurs, qui pourraient, dit-il, entrer dans les potions cordiales , et qui auraient plus d'énergie qu'une foule d'autres plantes dont ils se servent journellement. VIPÉRINE. ECHIUM. Calice persistant, à six divisions. Corolle en forme de tube; limbe droit, insensiblement évasé, fendu obliquement en cinq lobes inégaux. Cinq étamines distinctes. Stigmate bi- fide, très velu. Quatre graines, nues, renfermées dans le ca- lice durci. VIPÉRINE COMMUNE. £ECHIUM VULGARE. Echium vulgare. Linn. Spec. 200. DC. F1. Fr. 2707. Porr. Encycl. Bot. 8. 667. Caev. F1. Par. 3. 490. Lam. Ulustr. t. 94. f. 1. F1. Dan. t. 445. Cette plante, d'un aspect agréable quand elle est en fleurs, abonde dans les champs, dans les bois, au bord des chemins. Sa tige est dure, cylindrique, ramifiée, hispide, tubercu- leuse , d'un brun rougeâtre, haute d'environ deux pieds. Ses feuilles sont longues, un peu étroites, rudes, velues : les inférieures sont courbées sur la terre et disposées en rosette , les supérieures épaisses et lancéolées. Les fleurs, d’une belle couleur bleue, forment des épis latéraux, et présentent un calice hérissé de poils, à cinq divisions aiguës , une corolle campanulée, à cinq lobes , mé- DES PLANTES USUELLES. 545 gaux et tronqués obliquement au sommet, cinq étamines saillantes , et un style à stigmate bifide. On a donné à cette plante, un peu sauvage, le nom de Vipérine, d'Heïbe aux vipères ; mais rien ne justifie cette dénomination. Nous pourrions bien lui contester aussi sa vertu dépurative , mais qu’il nous suffise de la montrer à nos lecteurs comme une succédanée de la bourrache et de la bu- glose. Elle contient d’ailleurs beaucoup de nitre. On la donne en infusion théiforme dans les affections légères du poumon et de la vessie. Parmi les autres espèces indigènes de la France méridio- nale, les plus remarquables sont la Vipérine des Pyrénées (Echium pyrenaicum , Linn.), dont la corolle est d’un pour-- pre clair, hérissée de poils extérieurement, deux fois plus grande que le calice; la Vipérine violette (Echium viola- ceum), qui à les feuilles oblongues , semi-embrassantes, la corolle d’un rouge violet, les étamimes pourpres, le style velu ; enfin la Vipérine à feuilles de plantain (Echium plan- tagineum ), dont les tiges sont très velues, les feuilles ovales, les fleurs grandes et d'un bleu violet. Toutes ces espèces croissent dans les lieux incultes, dans les terrains secs, au bord des bois, le long des routes, où elles attirent les regards du voyageur fatigué. Elles figureraient fort bien dans les parcs, dans les jardins paysagistes. On devrait surtout accueillir dans les bosquets d'été la Vipérine vulgaire, remarquable par ses formes agrestes, par la fierté de son port et par ses beaux épis d'azur. Elle ornerait éga- lement les ruines, les rochers, les lieux sauvages et pit- toresques. al 09 CA 546 NOUVEAU TRAÏÎTÉ Promenade à Meudon. M. L. M., homme du monde, riche, aimable, jeune, mais un peu amolli par le luxe, par toutes les douceurs d'une vie sensuelle, me disait un soir, en respirant le frais dans son petit jardin de Paris : «Docteur! j'aime peu la cam- pagne, surtout vos herborisations au milieu des ronces et des broussailles ; cependant vous en parlez de manière à me faire désirer de vous suivre un jour dans vos promenades agrestes. » Pour ne pas trop fatiguer ce véritable Parisien , je le con- duisis à Meudon. Nous étions à dix heures du matin sur le plateau de Bellevue. M. L. M. admirait le cours paisible et majestueux de la Seine, et les beaux édifices qui ornent ses rives. L'air frais de la campagne, l'aspect de la verdure, avaient ramené son esprit à des idées plus simples, et déjà ce n'était plus le mème homme. «Qu'ils sont heureux, me disait-il, ceux qui se livrent aux études de la nature ! Ils res- pirent sans cesse les parfums des bois, leur âme, toujours calme, est remplie de sentimens tendres et doux. — Mais, lui répliquai-je, auriez-vous assez de courage et de patience pour gravir les monts, pour vous enfoncer dans la profon- deur des forêts, pour supporter la faim, la soif , les fatigues de toute espèce? Voilà des inconvéniens auxquels vous ne songiez point. On n’a pas toujours les ombrages de Meudon, ses fraîches pelouses, ses promenades charmantes , ses ro- mantiques taillis, témoins discrets de tant de sentimens di- vers. Encore faut-il pour arriver ici respirer l'air épais et embrasé qui vous suffoque, depuis Sèvres jusqu'au milieu de la colline. » DES PLANTES USUELLES. 547 Pendant cette conversation semi-philosophique, le soleil se couvrait de nuages ; des éclairs partaient de plusieurs points de l'horizon. L'orage se préparait dans le lointain, nous pouvions être noyés dans des torrens de pluie, ou tués par la foudre. Tout cela se lisait dans les traits de notre jeune Sybarite. Il pälit, il se trouble, 1l s'mquiète. J'ai beau lui faire observer que ces nuages sont bien loin de nous, rien ne saurait dissiper ses craintes, et quelques coups de tonnerre ont suffi pour le guérir de son amour pour les études natu- relles. Il regrette son cabinet, ses tableaux précieux, ses belles gravures, son parterre semé de roses, ses allées sa- blées, ses promenades autour de la statue, son billard et son trictrac. Depuis plusieurs jours, la terre, les bois, les buissons, demandaient quelques ondées. Le ciel compatissant se voile au-dessus de nos têtes comme d'une gaze transparente, à travers laquelle une douce pluie tombe à l'instant. Elle brille en perles diaphanes sur les feuilles des arbres et dans les calices des fleurs. Son bruissement dans la verdure des chènes et des châtaigniers charme mon oreille. Peu à peu l'orage s'apaise, les arbres relèvent leur cime touffue, et M. L. M. reprend son amour pour l'histoire naturelle, mais une autre fois, avant de partir, il consultera son ba- romètre. «Parcourons ces beaux taillis, s'écrie-t-il : je ne man- querai ni de courage, ni de patience, je suis prêt à vous suivre. Mais dites-moi d'abord quelle est cette plante qui porte un panache blanc et rose, qui a des feuilles tachetées de vert et de brun comme la robe de la couleuvre. Comme elle est jolie ! quel doux parfum ! — C'est l’orchis maculé. Une plante du même genre, originaire de l'Orient, nous fournit une matière féculente , connue sous le nom de Salep 548 NOUVEAU TRAÎTÉ de Perse; c'est l'aliment des hommes épuisés par la maladie, par le travail ou par l'abus des plaisirs. — « Et toutes ces petites herbes qui s'élèvent à peine au- dessus de la mousse, elles sont bien faibles, bien chétives ! et ces plantes velues, hérissées, sans éclat, sans agrément! Ah!je ne vois pas ici ces beaux échantillons peints par nos habiles artistes, c'est la nature rude et sauvage. — Oui, mais cest la nature. La simplicité vaut mieux que cette pompe qui la rend quelquefois méconnaissable. Examinez, au reste, cette jolie miniature que vous ne voyez jamais dans vos jardins ; observez ses ailes de rose, semblables à celles d'un papillon; le pinceau le plus délicat ne saurait rendre toute sa grâce, c'est le polygala vulgaire. — «Oh! en voici une dont l'aspect est singulier : c’est comme un buisson épineux. Comment la nomme-t-on? — N'y touchez pas, je vous prie; elle ne vous connaït point : les piquans qui hérissent sa tige blesseraient vos doigts déli- cats. Elle est comme ces caractères revèches qu'il faut savoir prendre adroitement. Mais dites-moi, s'il vous plaît, com- ment trouvez-vous ce magnifique épi qui occupe la moitié de la tige? examinez la disposition et la nuance des fleurs , la teinte pourprée des étamines, qui brillent comme de petits rubis enchâssés dans un beau saphir. Ne méprisez point cette plante sauvage; elle s’apprivoise, elle vous sourit déjà, elle entr'ouvre ses lèvres charmantes. Le nom qu'elle porte n'est pourtant pas aimable ; on l'appelle Vipérine, Herbe aux vipères. » Nous quittons les bois de Bellevue pour aller visiter le val- lon de Fleury. Notre esprit délicieusement ému s'attache à tous les objets de la nature. Nous admirons les insectes, les papillons avec leurs vêtemens d'azur, avec leurs écharpes de pierreries. La scabieuse nous charme par ses teintes douces et DES PLANTES USUELLES. 549 mélancoliques; le petit liseron, par ses corolles de rose plissées avec une grâce infinie. Sur le penchant de la col- line, le bouleau abandonne aux brises son riant feuillage ; la dent de lion tapisse la pelouse, où brillent confondus l'or et l'émeraude. Nous voici dans le vallon. Quelle douce fraîcheur on y respire! Oh! les charmans bocages! oh! les jolies plantes ! Nous cueillons le stachys germanique, revêtu d'une fine et blanche fourrure, entr'ouvrant ses lèvres purpurines; et l’odorant serpolet, dont chaque fleur est une miniature, et l’origan vulgaire, qui s’élance du milieu des ronces pour nous montrer sa tête ronde, brune et rose, et le suave chèvrefeuille, qui enlace les buissons et parfume l'air de ses guirlandes vermeilles. Un doux murmure se fait entendre, je l'écoute avec ra- vissement. « Asseyons-nous un instant sur cette mousse soyeuse. Voyez-vous ce petit ruisseau dont les flots argentins semblent glisser sur les herbes de la prairie, et ces verts cressons, et ces menthes balsamiques qui tapissent ses bords, qui distillent leurs sucs bienfaisans pour nous ranimer, pour nous réjouir ! Admirez la grandeur, l'inépuisable bonté de la Providence, qui a semé partout des plantes salutaires pour les besoins, pour les délices de l’homme. — Vous me faites aimer l'étude des plantes. C'est l'étude du sage, c’est la ré- création de l'esprit, c'est le repos et le charme du cœur. — Je suis ravi de votre zèle, mais je dois ménager vos forces. Gagnons la chaumière du garde, nous trouverons là de quoi nous ravitailler. Le botaniste n'a pas besoin d’une chère déli- cate, l'exercice assaisonne ses alimens. Voici notre menu d'aujourd'hui : Nous aurons une soupe aux herbes , une cô- telette, une omelette au lard, et du vin de Mâcon récolté sur le coteau de Saint-Cloud. » 550 NOUVEAU TRAITÉ GREMIL. LITHOSPERMUM. Calice à cinq parties. Corolle en entonnoir; gorge nue; limbe à cinq lobes. Cinq étamines. Stigmate bifurqué. Noix tantôt lisses et osseuses, tantôt un peu ridées. GREMIL OFFICINAL. LITHOSPERMUM OFFICINALE. Lithospermum officinale. Linn. Spec. 189. DC. F1. Fr. 2712. CHEV. FI. Par. 3. 490. Desv. FI. Anj. 178. F1. Dan. 1084. Engl. Bot. t. 134. Ses tiges sont droites, cylindriques, rudes, rameuses, hautes d'environ deux pieds. Elles portent des feuilles al- ternes, sessiles, lancéolées , entières, d'un vert obscur. Les fleurs naissent le long et vers l'extrémité des rameaux. Elles sont d'un blanc verdâtre, soutenues par des pédoncules courts et axillaires. Les semences sont ovales, blanches, lisses et luisantes, à peu près semblables à de petites perles. Cette plante est commune, en été , dans les bois, dans les champs, dans les pâturages, au bord des chemins. On la nomme vulgairement Herbe aux perles. Les semences du Gremil official sont la seule partie de la plante à laquelle on ait attaché quelque prix. Elles sont ino- dores, un peu mucilagineuses, d’une saveur visqueuse et douceâtre. On leur attribuait anciennement de grandes ver- tus ; et d'après l’autorité de Dioscoride, on s’en servait pour dissoudre les calculs des reins et de la vessie. Geoffroy nous DES PLANTES USUELLES. 551 dit également que, par leur action détersive et diurétique, elles sont très propres à débarrasser les reins et à prévenir la formation du calcul. Mais des auteurs plus modernes ont considéré les semences du Gremil comme inertes et super- flues. Certes, ce n'est point un remède puissant; on peut néanmoins l'employer dans le catarrhe aigu de l'appareil uri- naire, où il produira tous les effets des substances mucila- gineuses. Il ne faut point dédaigner les herbes salutaires qui erois- sent sous nos pas. Les vieillards graveleux qui habitent les champs, et qui éprouvent des irritations dans les voies uri- naires, recevront quelque soulagement de l'émulsion sui- vante. Emulsion diurétique. Prenez : semences de Gremil, dures et d’une couleur ar- sentée, demi-once, sucre blanc, une once. Triturez dans un mortier en y versant peu à peu une livre d'infusion de fleurs de mauve. On ajoute quelquefois à cette liqueur émul- sive dix ou douze grains de nitrate de potasse. GREMIL DES TEINTURIERS. LITHOSPERMUM TINCTORIUM. Lithospermum tinctorium. Lanx. Spec. 132. DC. FL Fr. 2716. Bars. F1. Lyon. 1. 492. — Æ{nchusa tinctoria. Lam. Encyel. Bot. 1. 503. Sa racine longue, tortueuse, d'un rouge brun à l'exté- rieur, produit plusieurs tiges bifurquées, hérissées de poils 552 NOUVEAU TRAITÉ fins et serrés, longues de huit à dix pouces. Les feuilles sont étroites, lancéolées, velues et d'un vert blanchâtre. Les fleurs sont terminales ; elles ont un calice à cinq lanières profondes et linéaires, une corolle violette en forme d’enton- noir, à cinq divisions arrondies, et cinq étamines cachées dans le tube de la corolle. La graine est bossue, mais non sillonnée. Ce Gremil, connu sous le nom d’Orcanette, croît dans les terrains arides et sablonneux des provinces méridionales. Il fleurit en mai et juin. Sa racine est apéritive et un peu as- tringente. Elle contient de l'oxalate acide de chaux, et elle teint en rouge de laque les corps gras. Cette racine nous vient du midi de la France. Les phar- maciens s’en servent pour donner une couleur rose à leurs pommades et autres préparations. Les distillateurs, les con- fiseurs , les cuisiniers ou chefs d'office l'emploient également pour colorer des liqueurs de table, des sucreries, des crèmes et autres friandises. Le Gremil des champs (Lihospermum arvense), espèce moins élevée et très commune dans les lieux cultivés , a une racine qui teint également en rouge. Ses fleurs sont recher- chées des abeilles. PULMONAIRE. PULMONARTA. Calice à cinq angles, à cinq divisions. Corolle en enton- noir, à cinq lobes peu étalés, à gorge nue. Cinq étamines insérées vers le tube de la corolle; anthères droites et conni- ventes. Stigmate échancré. Semences arrondies placées dans le fond du calice. CL Qt ©9 DES PLANTES USUELLES. PULMONAIRE OFFICINALE. PULMONARIA OFFICINALIS. Pulmonaria officinalis. Lin. Spec. 194. Porr. Encycl. Bot. 5. 734. DC. F1. Fr. 2719. Desr. FI. Anj. 179. Lam. Illustr. t. 93. — Pulmonaria vulgaris. MÉRAT. F1. Par. 2. 164. Cette plante est assez commune dans les bois et dans les prairies, où ses fleurs s’épanouissent aux premiers jours du printemps. Sa racine blanchâtre et fibreuse pousse des tiges velues , un peu anguleuses, médiocrement élevées, garnies de feuilles rudes, hérissées de poils courts, marquées de taches blanchâtres, traversées par une nervure simple. Les feuilles radicales sont larges, ovales, un peu cordiformes à leur base, décurrentes sur leurs pétioles : les feuilles supé- rieures sont amplexicaules, sessiles et un peu allongées. Les fleurs sont purpurines , violettes ou bleues, disposées au sommet de la tige en manière de panicule. Elles ont un calice hérissé de petits tubercules rudes, divisé en cmgq dents aiguës; une corolle infundibuliforme, à cinq lobes assez grands, presque ouverts. 554 NOUVEAU TRAITÉ PULMONAIRE A FEUILLES ÉTROITES. PULMONARIA ANGUSTIFOLTA. Pulmonaria angustifolia. Lan. Spec. 194. Porr. Encyci. Bot. 5. 735. DC. FI. Fr. 2720. CHE v. F1 Par. 3. 491. FI. Dan. t. 483. Cette espèce diffère peu de la précédente. Ses tiges, ordi- nairement plus élevées, sont garnies de feuilles étroites, lan- céolées , maculées, moins rudes. Les fleurs sont rougeâtres, nuancées de bleu, quelquefois blanches, disposées en un bouquet lâche au sommet de la tige. La Pulmonaire à feuilles étroites, que plusieurs botanistes regardent comme une variété de la Pulmonaire officinale, abonde dans les bois des montagnes. On cultive dans les jardins la Pulmonaire de Virginie (Pulmonaria eirginica), dont les tiges simples portent des feuilles alternes, ovales, en fer de lance, vertes et munies d'une nervure fine. Les feuilles inférieures sont attachées à de longs pétioles, tandis que les supérieures sont presque sessiles. Les fleurs, de couleur violette, terminent la tige en forme de bouquet : elles offrent un calice à cinq divisions A profondes et une corolle campaniforme, à cinq lobes ar- ronds. La Pulmonaire de Virginie fleurit au printemps, et pro- spère dans les lieux un peu ombragés. On propage cette jolie plante, en automne, par l'éclat de ses racines. On a également accueilli dans les parterres une autre espèce de Pulmonaire originaire de la Sibérie ( Pulmonaria Sibirica ), dont les fleurs bleues ou violettes et disposées en DES PLANTES USUELLES. 555 grappes, produisent un charmant eflet. Sa culture est la même. Le nom de Pulmonaire que porte ce genre de plantes dé- rive des propriétés qu'on a attribuées à quelques espèces. La Pulmonaire officinale et la Pulmonaire à feuilles étroites figurent seulement parmi les plantes médicinales, encore sont-elles rarement employées. Leur suc est pourtant muci- lagineux, légèrement astringent; 1l contient du nitrate de potasse. Ces herbes sont incapables de guérir les affections pulmo- naires graves, surtout la phthisie, mais elles servent à pré- parer des boissons tempérantes, des bouillons rafraichissans et pectoraux, dont on a reconnu l'utilité dans les maladies aiguës de la poitrine. La pleurésie, la péripneumonie, le catarrhe pulmonaire qui attaquent un sujet vigoureux, d'un tempérament sangum, exigent des saignées plus ou moins abondantes, mais cette indication majeure une fois remplie, je ne craindrais pas de restreindre le traitement à une décoc- tion de feuilles de Pulmonaire légèrement miellée, et à des fomentations émollientes pratiquées sur les parties malades. C'est la médecine expectante d'Hippocrate. Ce grand méde- ein ne prescrivait fort souvent dans les premiers jours que des lotions d'eau chaude, et dans le temps de la crise des fumigations et des onctions d'huile. Boisson tempérante. Prenez : feuilles fraîches de Pulmonaire, une forte pincée; eau pure, une pinte. Faites bouillir pendant un quart d'heure, et ajoutez vers la fin, miel blanc, une ou deux cuillerées. On donne cette boisson pendant la période aiguë des affec- tions pectorales, et on remplace quelquefois le miel par le 556 NOUVEAU TRAITÉ sirop d'orgeat. Si les urines coulent difficilement on y ajoute quelques grains de nitrate de potasse. Bouillon pectoral. Prenez la moitié d'un poulet maigre ou trois ou quatre onces de maigre de veau, et une pinte d'eau de rivière. Faites bouillir jusqu'à réduction de trois demi-setiers. Un quart d'heure avant de retirer le vase du feu : ajoutez, feuilles de Pulmonaire, une forte pincée. Passez, et faites fondre dans la colature, sucre candi, trois onces. On prend ce bouillon en quatre tasses tièdes, deux le matin et deux le soir. Il calme ou il diminue la toux sèche, les irritations spasmodiques de la poitrine. ORCANETTE. ONOSIMT 4. Calice à cinq parties ne dépassant pas le milieu de sa lon- gueur. Corolle tubuleuse, à cinq lobes courts, droits. Stig- mate simple. Noix osseuses, très luisantes. ORCANETTE VIPÉRINE. ONOSMA ECHIOIDES. Onosma echioides. Lann. Spec. 196. DC. FI Fr. 2721. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 89. Bacs. F1. Lyon. 1. 493. JAGQ. FI. Austr. t. 295. Lam. Illustr. t. 93. Sa tige est droite, cylindrique, ordinairement simple, quelquefois branchue, jaunâtre, hérissée de poils. Ses feuilles sont longues, étroites, lancéolées , également hispides. DES PLANTES USUELLES. 557 Les fleurs sont d'un jaune clair, terminales, disposées en épis imclinés ou un peu contournés en queue de scorpion. La corolle est formée d'un tube fort long, renflé au sommet; le calice est divisé presque à sa base. Cette belle plante croît dans les lieux arides des provinces méridionales. Elle est commune dans les Pyrénées orien- . tales, sur les rochers de Custoja ( Lapeyrouse). On la trouve aussi sur les coteaux du Rhône aux environs de Lyon (Balbis). La racine fournit une belle couleur rouge, mais peu so- lide. Elle remplace la racine du gremil des teinturiers. Les feuilles sont un peu mucilagineuses, et contiennent du nitre comme celles de la plupart des borraginées. CONSOUDE. SYMPHITUM. Calice à cinq parties. Corolle campanulée, ventrue, tubu- leuse à la base, à cinq lobes courts, droits et presque fermés; écailles oblongues, subulées, conniventes. Cinq étamines. Un stigmate simple. CONSOUDE OFFICINALE. SYMPHITUM OFFICINALE. Syrmnphitum officinale. Lann. Spec. 195. DC. FI. Fr. 27929. DEsv. FI. Anj. 180. Tour. FI. Toul. 89. CHEv. FT. Par. 3. 494. FI. Dan. t. 664. Lam. Illustr. t. 93. Les prairies humides de l'Europe nous offrent la Consoude officinale, dont la racine épaisse et cylindrique pousse des tiges droites, rameuses , velues , hautes d'environ deux pieds. 558 NOUVEAU TRAITÉ Les feuilles sont grandes, ovales, lancéolées, rudes, d'un vert foncé, rétrécies en pétiole et un peu décurrentes. Lesfleurs, d'un blanc jaunâtre ou d'une teinte purpurine, sont disposées au sommet de la tige et des rameaux, en grappes courtes, bifides, un peu roulées avant leur parfait développement. C'est une plante fort utile qu'on trouve aux bords des ruisseaux et des fossés, dans les prés et dans les bois hu- mides. On l'appelle vulgairement grande Consoude (c’est-à- dire qui soude, qui réunit), parce qu'elle a long-temps passé pour un vulnéraire merveilleux. Le nom de Symphitum, dé- rivé du grec, exprime la même chose. On emploie particulièrement la racine, qui est fibreuse, cylindrique, charnue, médiocrement épaisse, brune en de- hors, blanchâtre intérieurement, visqueuse , gluante, ino- dore , d'une saveur fade. Elle fournit du mucilage, de l'acide gallique, etc. Peu de plantes ont eu autant de vogue que la grande Con- soude. C'était, 1] y a vingt-cinq ou trente ans, le remède de lhémoptysie, des pertes de sang rebelles, de l'incontinence d'urine, du catarrhe de la matrice, etc. Elle peut, en eflet, convenir dans quelqu'une de ces maladies, par sa propriété astringente et mucilagineuse ; mais, comme nous l'avons déjà remarque, les causes morbifiques sont extrèmement variées, et ce n'est que d'après leur connaissance exacte et précise, qu'on peut établir un traitement méthodique. La médecine qui n'a pour base que les symptômes des maladies, est une méde- cine vulgaire, insuffisante, et souvent nuisible. Ainsi le cra- chement de sang, qu’on cherche à réprimer par l'usage de la grande Consoude et autres végétaux astringens, exige très souvent une méthode douce et relächante, qui puisse faire cesser l'état de constriction et de spasme des vaisseaux du DES PLANTES USUELLES. 559 poumon , surtout si l'hémorrhagie à lieu chez un sujet plé- thorique et en même temps irritable. Dans ce cas, les sai- gnées, les pédiluves, le petit-lait nitré, un régime sévère, un silence absolu, constituent la véritable méthode curative. ( Voyez l'ouvrage classique de M. le professeur Lordat sur les Hémorrhagies.) Mais si l’hémorrhagie persiste, on peut sans inconvénient avoir recours à la grande Consoude. La décoction de sa racme avec le sirop de gomme arabique et le suc de citron m'a sou- vent réussi dans le crachement de sang des vieillards et des personnes délicates. Un jeune homme d’une faible complexion fut pris d'un crachement de sang, après avoir fait usage de la liqueur de Van Swieten. Deux petites saignées modérèrent l'hémop- tysie, mais les crachats étaient toujours sanguinolens. Une décoction de grande Consoude édulcorée avec le sirop de gomme arabique calma en peu de jours l'hémorrhagie. J'ai soigné pendant huit ou dix ans un vieillard sujet au catarrhe pulmonaire et au crachement de sang. Il a toujours été soulagé , soit par le sirop de grande Consoude, soit par une tisane faite avec la racine de la même plante. Il était tel- lement habitué aux bons eflets de ces remèdes simples, qu'aussitôt que ses crachats devenaient sanguinolens, il réclamait avec une sorte d'impatience son sirop et sa tisane de Consoude. Tisane de grande Consoude. Prenez : racine de grande Consoude, une once. Faites bouillir dans une livre et demie d’eau jusqu’à réduction d'un tiers. Ajoutez à la colature : deux onces de sirop de gomme arabique et une cuillerée de jus de citron. 560 NOUVEAU TRAITÉ Cette tisane, dont on prend une tasse de deux en deux heures, modère le crachement de sang, les flux dysentériques, les pertes utérines , etc. Bouillon astringent d Astruc. Prenez : racine de grande Consoude , de tormentille, de birtorte, de chaque demi-once. Faites cuire dans une pinte et demie d'un léger bouillon de poulet. On consomme cette boisson dans le courant du jour, et on ajoute à chaque tasse froide un peu de sirop de coing. C'est un doux astringent qu'on oppose avec succès aux pertes rouges de la matrice qui ne sont pas absolument atoniques. On devrait faire un plus fréquent usage des bouillons mé- dicinaux , surtout pour les maladies chroniques. C'est une médecine naturelle, facile et agréable. BUGLOSE. ANCHUSA. Calice à cinq lobes, plus ou moins profonds. Corolle infun- dibuliforme ; tube cylindrique, droit, de la longueur du ca- lice ; limbe plus ou moins ouvert, à cinq lobes obtus; écailles ovales, saïllantes , rapprochées. Stigmate échancré., Capsules gibbeuses, creusées à leur base. BUGLOSE D'ITALIE. ZA4NCHUSA ITALICA. Anchusa Italica. Wazzp. Spec. 1. 756. DC. FI. Fr. 2729. CHEv. FI. Par. 3. 493. — Ænchusa ofjicinalis. Gou. Hort. 81. Lam. Encycl. Bot. 1. 502. Cette espèce, fort commune dans toute la France, à une racine cylindrique , brune en dehors, blanche intérieure- DES PLANTES USUELLES. 561 ment, d'où s'élève une tige droite, haute d'un pied et quel- quefois plus, hérissée , ainsi que les feuilles et les calices, de poils roides et blanchâtres. Les feuilles radicales, et celles de la partie inférieure de la tige, sont étroites, lancéolées, rétrécies en pétiole à leur base; les feuilles supérieures sont lancéolées, sessiles , presque amplexicaules. Les fleurs sont bleues ou violettes, quelquefois blanches, disposées en grappes serrées, unilatérales, courbées en queue de scorpion. Les écailles de la corolle sont très velues et sem- blables à de petits pinceaux. Cette plante fleurit en juin et juillet. On la trouve dans les lieux secs, dans les décombres, au bord des champs et des chemins. On l'appelle vulgairement Buglose, Langue de bœuf, Fausse bourrache. BUGLOSE TOUJOURS VERTE. ANCHUSA SEMPERVIRENS. Anchusa sempervirens. Linn. Spec. 192. Lam. Encycl. Bot. 1. 504. DC. FL. Fr. 2733.— Buglossum semper- virens. ALL. FI. Ped. n. 166. On reconnait cette espèce à la largeur de ses feuilles, res- semblant en quelque sorte à celles du plantain. Sa racine, épaisse, oblongue et fibreuse, pousse des tiges hautes d'un pied et demi ou deux pieds, presque simples, hérissées de poils. Les feuilles sont alternes, ovales, pointues, pétiolées, velues, un peu sinueuses sur les bords, d’un vert blanchâtre en dessous, particulièrement sur les nervures. Les fleurs sont bleues, disposées en petits épis serrés. Le calice est à cinq divisions profondes, ovales, hispides ; le tube IT. 36 562 NOUVEAU TRAITÉ de la corolle est court, fermé au sommet par cmq écailles droites, presque glabres. La Buglose toujours verte croît naturellement en Espa- gne, dans le Piémont, en France, etc. On la cultive au Jar- din du Roi. Ces deux espèces jouissent des mèmes propriétés. Elles ont une saveur herbacée et sub-acide. Leurs racines sont mu- cilagineuses et nutritives. Le suc des Bugloses contient du nitrate de potasse ; c'est un doux apéritif qu'on peut administrer, avec l'eau d'orge ou le petit-lait, dans les affections catarrhales de la vessie accom- pagnées de spasme et d'irritation vive. Dans le Nord, on mange les feuilles jeunes et tendres de la Buglose officinale (Anchusa officinalis, Linn.). On les fait cuire dans du bouillon comme les choux. Les fleurs ne sont point cordiales, comme on le disait autrefois, mais elles sont mucilagineuses. RAPETTE. ASPERUGO. Calice à cinq découpures inégales, dentées. Corolle infan- dibuliforme ; tube court ; limbe à cinq lobes arrondis ; écailles convexes, rapprochées. Cinq étamines à filamens très courts, insérés sur la corolle. Stigmate simple. Noix recouvertes par le calice, plié en deux et comprimé. DES PLANTES USUELLES. 263 RAPETTE COUCHÉE. ASPERUGO PROCUMBENS. Asperugo procumbens. Lin. Spec. 198. DC. FL Fr. 2735. Giri8. Élém. Bot. 1. 406. Porr. Encyel. Bot. 6. 69. FL Dan. t. 552. Lam. Illustr. t. 75. — Æsperugo culoaris. CHEV. FI. Par. 3. 495. Cette plante pousse de ses racines un grand nombre de tiges rameuses , étendues sur la terre, faibles, anguleuses, hérissées de poils rudes. Les feuilles sont ovales, oblongues, entières, obtuses, presque sessiles, rétrécies en pétiole à leur base, très rudes, velues, ordinairement géminées et en _verticilles au bas de la tige, quelquefois alternes dans la par- tie supérieure. Les fleurs sont petites, de couleur violette, quelquefois blanches, axillaires, disposées par petits groupes. Les calices se développent et s’accroissent considérablement à la matu- rité des semences ; ils sont fortement comprimés, à cinq divisions irrégulières, garnies à leurs bords de dents iné- gales. La Rapette couchée fleurit en juin et juillet. Elle croît dans les champs, au bord des chemins, dans les buissons voisins des villages. On la trouve dans les charmilles, le long de la route de Saint-Cloud. On la nomme Rapette, Petite Räpe, de l'extrème rudesse de ses feuilles. On'attribue à cette plante les mêmes propriétés qu'à la bourrache Dans quelques contrées de l'Italie, on mange les jeunes feuilles comme les épinards et autres herbes potagères. C'est la nourriture du pauvre villageois 564 NOUVEAU TRAITE CYNOGLOSSE. CYNOGLOSSUM. ês Calice à cinq parties. Corolle infundibuliforme ; tube court; limbe à cinq lobes obtus; écailles convexes, rap- . prochées. Cinq étamines à filamens très courts, attachés à l'entrée du tube de la corolle. Stigmate échancré. Noix dé- primées , attachées latéralement au style. CYNOGLOSSE OFFICINALE. CYNOGLOSSUM OFFICINALE. . Cynoglossum officinale. Linn. Spec. 192. Lam. Encycl. Bot. 2. 237. DC. F1. Fr. 2736. CHEY. F1 Par. 3. 491. Bacs. F1. Lyon. 1. 498. Desv. F1. Anj. 182. FI. Dan. t. 1147. BLACKW. Herb. t. 249. Sa racine est pivotante, d’un rouge noirâtre en dehors, blanche intérieurement. Elle pousse une tige droite, velue, rameuse, haute d'environ deux pieds, garnie de feuilles ovales, lancéolées, sessiles, ondulées, molles, pubescentes, douces au toucher, et d'un vert blanchâtre. Les fleurs sont petites, purpurines, blanches dans une va- riété, portées sur de courts pédoncules, disposées à l’extré- mité de la tige et des rameaux, en grappes lâches et tournées du même côté. Les graines sont hérissées de dents nom- breuses. DEL Cette plante est comme enveloppée dans toutes ses parties d'un réseau de duvet, qui lui donne un air velouté. Elle habite les lieux incultes, les bois sablonneux. On l'appelle DES PLANTES USUELLES. 565 Cynoglosse ou Langue de chien, de sa feuille longue , ovale, très douce au toucher comme celle du chien. Dans son état de fraicheur la Cynoglosse répand une odeur forte, un peu fétide. Elle a une saveur fade, nauséeuse. La racine contient un principe mucilagineux. Toutes les parties de la plante sont un peu narcotiques. En triturant une grande quantité de Cynoglosse, Gilbert a éprouvé un peu de céphalalgie, des étourdissemens et des nausées. Cependant le suc des feuilles donné à un chien, à la dose de deux onces, n'a produit aucun effet remarquable. Quelques auteurs ont certainement exagéré l’action nar- cotique et sédative de la Cynoglosse, on ne saurait néanmoins lui refuser une vertu légèrement anodine; Barthez, excel- lent observateur, ne la lui conteste point. Les animaux, assez bien guidés par leur instinct, n’y touchent point, la chèvre seule la broute au bord des champs. Les feuilles pilées et appliquées en cataplasme sur les brûlures, calment promptement la douleur. La pharmacie nous fournit un excellent médicament connu sous le nom de pilules de Cynoglosse. Ces pilules sont fort usitées et méritent leur réputation; mais ce n’est point de la plante même qu'elles empruntent leurs vertus, elles les doi- vent particulièrement à l’opium, au castoreum, au'safran, et aux semences de jusquiame. Pilules de Cynoglosse. Prenez : poudre de racine de Cynoglosse et de semences de jusquiame blanche, extrait d'opium vineux, de chaque quatre gros ; poudre de myrrhe, six gros; poudre d’oliban, quatre gros; de safran et de castoreum, de chaque un gros et demi ; sirop d'opium, quantité suffisante. 566 NOUVEAU TRAITÉ Mêlez toutes ces substances, et réduisez-les en masse pilu laire avec le sirop d'opium. On prescrit ces pilules, depuis deux grains jusqu'à six. Cette dernière dose équivaut à peu près à un grain d'opium. Elles produisent d'heureux effets dans les cours de ventre rebelles, dans l'asthme spasmodique, dans le catharre du pou- mon et la phthisie tuberculeuse, lorsque la toux, irritant les organes de la respiration par des secousses fréquentes, éloigne les douceurs du sommeil. Bols de Murray contre la toux. Prenez : masse pilulaire de Cynoglosse, quatre grains ; nitre purifié, douze grains; conserve de roses rouges, deux scrupules. Mêlez et incorporez exactement pour former deux bols, que l'on prend tous les soirs en mettant deux ou trois heures d'intervalle entre les bols. On boit immédiatement He une tasse de lait ou d'orgeat. Murray, encore élève en médecine, fit un heureux essai de ces bols sur son père, à qui une toux violente et opiniâtre avait depuis long-temps ravi le sommeil. Massa hac cum nitro, versus noctem data, olim optimo patrum nocturnam quie- tem, crebris pectoris a tussi concussionibus diu turbatam, tro: medicus feliciter restitui. (Murray, Apparat. medic., tom. 11,9 pag. 133.) DES PLANTES USUELLES. 567 CYNOGLOSSE DE L’APENNIN. CYNOGLOSSUM APENNINUM. Cynoglossum apenninum. Lan. Spec. 134. Lam. Encycl. Bot. 2. 236. DC. F1. Fr. 2740. Grzi8. Élément. Bot. 1. 491. — Cynoglossum montanum maximum. Tour. 139. C'est une fort belle espèce qui se rapproche de la Cyno- glosse officinale par les poils fins et blanchâtres dont elle est revètue. La tige est droite, épaisse , haute de deux pieds, entière- ment couverte de feuilles molles, pubescentes et d'un vert blanchâtre : les radicales sont très grandes, pétiolées, ovales, semblables à celles du grand plantain, les caulinaires éparses, longues, étroites, lancéolées et sessiles. Les fleurs sont d'abord d’un rouge pâle, puis bleuâtres, disposées au sommet de la tige en un gros bouquet serré, imitant une massue. Le calice est chargé de poils blancs, longs et doux. Les étamines sont saillantes, les anthères de couleur jaune. Cette plante croît spontanément sur les montagnes alpines et sous-alpmes. On la trouve aux environs de Montpellier, à la source du Lez (Gouan) 568 NOUVEAU TRAITÉ CYNOGLOSSE OMBILIQUÉE. CYNOGLOSSUM OMPHALODES. Cynoglossumomphalodes. Lin. Spec. 193. LAm. Encycl. Bot. 2. 239. DC. F1. Fr. 2781. Buzz. Herb. t. 309. C'est encore une très jolie espèce dont les fleurs, d'un bleu vif, s’épanouissent dès les premiers beaux jours. Sa racine fibreuse et traçante pousse plusieurs feuilles pétiolées, échancrées en cœur, vertes, molles, presque gla- bres, à nervures obliques; les feuilles supérieures sont ovales, portées sur des pétioles beaucoup plus courts. Les fleurs sont bleues, rayées de blanc à l'intérieur. Le limbe de la corolle est évasé ; les capsules ne sont pas hérissées de pointes. Cette petite plante croît dans le Portugal et dans le Pié- mont. Elle est cultivée dans plusieurs jardins sous le nom de petite Bourrache. Ces deux espèces de Cynoglosse ont une saveur mucilagi- neuse mêlée d’un peu d'âäpreté. On croit qu'elles sont légè- rement sédatives comme la Cynoglosse officinale. On accorde la même vertu à la Cynoglosse à feuilles de giroflée ( Cy- noglossum cheirifolium). Celle-ci a une couleur blanchâtre et comme argentée qui lui donne un aspect agréable. Elle croit naturellement en Espagne, et dans les lieux stériles de la Provence. DES PLANTES USUELLES. 569 BOURRACHE. BORRAGO. Calice à cinq parties. Corolle en roue, à cmgq lobes planes, égaux, écailles obtuses échancrées. Stigmate simple. Graines ridées , couvertes par le calice. BOURRACHE OFFICINALE. BORRAGO OFFICINALIS. Borrago officinalis. Lin. Spec. 197. LAM. Encycl. Bot. 1. 455. DC. FL Fr. 2743. Desv. FI. Anj. 181. CHE. FT. Par. 3. 495. Bazs. FI. Lyon. 1. 500. BLACKW. t. 36. On reconnait la Bourrache à ses toufles hérissées de poils serrés, longs et piquans. Sa racine est tendre, fibreuse et blanchâtre; sa tige rameuse, cylindrique, peu élevée, suc- culente, couverte de poils rudes. Ses feuilles sont alternes, larges, ovales, hispides, ridées et d'un vert foncé : les feuilles inférieures sont pétiolées, couchées sur la terre; les supérieures plus étroites et sessiles. Les fleurs, d’une belle couleur bleue, naissent sur de longs pédoncules, au sommet de la tige et des rameaux, et forment comme une espèce d'étoile. La couleur varie, elle est quelquefois blanche ou rosée. | La Bourrache abonde dans tous les jardins, dans tous les lieux cultivés, où elle se multiplie d'elle-même. Cest la plante la plus usitée, la plus vulgaire, de la famille à laquelle elle à 570. © NOUVEAU TRAITÉ donné son nom. Comme la plupart des Borraginées , elle fournit un suc mucilagineux et du nitrate de potasse. On a trop vanté et trop dédaigné ses vertus médicinales. Nous conViendrons sans peine qu’elle est d'un faible secours lorsqu'il faut stimuler vivement le système organique, rani- mer la nature paresseuse ; mais nous la recommanderons volontiers dans la période aiguë de la rougeole, de la scarla- tine, de la petite-vérole, des fièvres inflammatoires, etc. On prépare alors avec les feuilles de la Bourrache des boissons, des tisanes qui tempèrent la chaleur fébrile, humectent les tissus irrités, excitent légèrement les fonctions de la peau, facilitent le cours des urines. Gilbert assure que le suc de Bourrache et son sirop ont été fort utiles en 1785, pour le traitement des péripneumo- nies inflammatoires qui ont été très communes à Lyon. Nous connaissons plusieurs médecins qui emploient journellement la Bourrache dans leur pratique , surtout à la campagne, et qui s’en trouvent bien. Les tisanes de Bourrache appartiennent à la méthode qu'on appelle tempérante, antiphlogistique : après les éva- cuations sanguines que l’état inflammatoire rend indispen- sables, peut-être vaudrait-il mieux s’en tenir à ce genre de remèdes simples, que de faire une médecine plus compliquée, plus riche, plus savante. Les anciens croyaient que la Bourrache pouvait tempérer l'atrabile, dissiper la mélancolie de certains hypochondriaques L tourmentés par des spectres et des fantômes : on s’est mequé des anciens. Mais est-ce avec raison? Connaissons-nous les autres moyens qu'ils employaient en même temps? Qu'on purge doucement ces malades, qu'on leur applique quelques sangsues à la marge de l'anus, s'ils éprouvent des congestions hémorrhoïdales ; qu'on leur prescrive un doux exercice, une DES PLANTES USUELLES. # 571 alimentation simple, tempérante , et qu'on ieur donne tous les matins quelques verres d’une décoction de Bourrache édulcorée avec du miel, ce traitement aura peut-être du suc- cès, et l'on sera plus indulgent pour les anciens. Ils n'avaient pas tous nos médicamens, mais ils avaient bien autant de philosophie que nous. Tisane de Bourrache. Prenez : feuilles fraîches de Bourrache , une forte pincée. Faites bouillir légèrement dans une pinte d’eau , et ajoutez ensuite une bonne cuillerée de miel blanc avec deux ou trois tranches de citron, Cette tisane tempère, humecte, rafraïchit les organes, fait couler plus librement les urines. On la prend par tasses de deux en deux heures. On peut la remplacer par le suc de la plante convenablement délayé. Suc de Bourrache. Prenez : feuilles fraîches de Bourrache, quantité suffisante pour en exprimer quatre onces de suc. Mêlez ce suc avec trois ou quatre tasses de petit-lait ou d'eau de veau, et ajoutez vingt grains de nitrate de potasse. C'est une excellente boisson lorsque les reins et la vessie sont dans un état de spasme ou d'irritation, et que les urines coulent difficilement. On en boït une tasse d'heure en heure, on prend en mème temps quelques demi-bains, et on se fait frotter les reins et le bas-ventre avec de l'huile d'olive tiède Nous ne saurions assez recommander ce petit traitement. 72 NOUVEAU TRAITÉ CT LA Bouillon adoucissant et pectoral de Sainte-Marie. Prenez : escargots de vigne, vingt-quatre. Après les avoir trés de leurs coquilles, faites-les dégorger d'abord dans l'eau bouillante, et ensuite cuire dans une pinte et demie d'eau jusqu'à réduction d’une pinte. Un quart d'heure avant de retirer le vase du feu, ajoutez une poignée de feuilles fraiches de Bourrache. On prend ce bouillon tiède en quatre tasses, et l'on ajoute à chaque dose une cuillerée à bouche de sirop de choux rouges. Il est fort utile dans les catarrhes avec toux sèche et grande irritation de la poitrine, au début de la phthisie pulmonaire tuberculeuse, etc. On doit le continuer pendant quelque temps. Bouillon d'écrevisses d'Astruc. Prenez la moitié d’un jeune poulet nettoyé et écorché ; faites-le cuire avec cinq ou six écrevisses de rivière bien écrasées, dans une pinte et demie d'eau jusqu'à réduction d'une pinte; ajoutez, vers la fin de l’ébullition, feuilles fraiches de Bourrache, une poignée; cerfeuil, une pincée. Retirez du feu, laissez refroidir et passez. On prend ce bouillon tous les jours en cinq ou six tasses. Astruc le recommande contre les phlegmasies cutanées, les acides des premières voies, etc. Dans le Nord, on mange les jeunes feuilles de la Bour- rache cuites dans du bouillon. On les confit également au vinaigre comme les cornichons, et on s’en sert pour assai- sonner les viandes. A la campagne, on mêle les fleurs de la Bourrache avec celles de la capucine, pour en orner les sa- # DES PLANTES USUELLES. 573 lades. Ce mélange de riches couleurs fait plaisir à la vue, et réveille quelquefois l'appétit qui s'endort. Toutes nos borraginées indigènes possèdent des vertus analogues. Elles sont plus ou moins mucilagineuses, et elles contiennent une plus ou moins grande quantité de nitre. MYOSOTE. MYOSOTIS. Calice à cinq lobes. Corolle hypocratériforme ; tube court; limbe plane, à cinq lobes échancrés au sommet ; écailles con- vexes, conniventes. Cinq étamines. Un style, un stigmate simple. Noix lisses ou bordées sur les angles d'appendices dentés. MYOSOTE ANNUELLE. MYOSOTIS ANNUA. Myosotis annua. Moencu. Hass. n. 153. DC. F1. Fr. 2724. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 84. CHEv. FL Par. 8. 492. — Myosotis collina. Enr. Herb. 31. Mér. Nouv. FI. Par. 209. — Myosotis arvensis. Lam. Encycel. Bot. 399. Buzz. Herb. t. 355. — AMyosotis scorpioides. Linn. Spec. 188. Sa racine annuelle, petite, fibreuse, presque horizontale, pousse une fige droite, grêle, rameuse, diffuse, étalée, haute d'environ six pouces, hérissée ainsi que les feuilles et les calices, de poils blancs, un peu mous. Les feuilles sont ovales, oblongues, lancéolées, rétrécies à la base, rudes au toucher, sessiles et alternes. De l’aisselle des feuilles sortent des rameaux presque fili- formes, sur lesquels les fleurs sont disposées en épi simple. 574 NOUVEAU TRAITÉ LS Quelquefois les rameaux se divisent, et alors les fleurs forment un épi paniculé, roulé au sommet en queue de scorpion. La corolle est prtite, ouverte, d'un beau bleu, tachée de jaune dans le centre. Le calice est très velu, presque divisé jusqu’à sa base. Les graines sont lisses, non dentelées sur les bords. Cette plante croît dans les lieux arides et sablonneux, sur les collines sèches, où elle s'élève peu. Dans les champs, dans les lieux couverts, elle a jusqu'à deux’ pieds de hauteur. On la rencontre dans les bois des environs de Paris, où elle fleurit en avril, mai et juin. Elle est mucilagineuse, et contient du nitrate de potasse. On mange la variété qui vient dans les champs, comme quelques autres borraginées. Dans les campagnes on applique les feuilles contuses sur les parties enflammées, particulière- ment sur les yeux. D'après Gmelin, c'est une plante dépura- tive dont on fait un fréquent usage en Russie. Elle fournit aux chèvres un fort bon aliment. Une autre variété (Myosotis versicolor. Mér.) se fait remar- quer par ses fleurs, les unes bleues, les autres jaunes. On la rencontre fréquemment, en été, dans les bois secs. Elle croît au bois de Boulogne. Quelques personnes nomment cette petite plante Pensez à mot; Ne n'oubliez pas. On la cultive comme ornement. (Mérat. Noue. FI. Par.) Toutes les espèces ou variétés appartenant au genre Myosotis fournissent du nitrate de potasse. Elles sont un peu mucilagineuses et rafraîchissantes. DES PLANTES USUELLES. 27 (3) | MYOSOTE À FRUITS DE BARDANE, MYOSOTIS LAPPULA. Myosotis lappula. Lin. Spec. 189. Lam. Encyel. Bot. 4. 400. Illustr.’t. 91. DC. FI. Fr. 2727. LAPEyr. Plant. Pyr. 1. 89. FI. Dan. t. 692. — Cynoglossum lappula. Scop. F1. Carn. n. 192. Mér. Nouv. FI. Par. 1. 211. Sa tige est droite, herbacée, cylindrique, hérissée de poils blancs, haute d'environ un pied, divisée à sa partie supérieure en rameaux nombreux, grêles et divergens. Les feuilles sont alternes , sessiles, lancéolées , entières, velues, très rudes au toucher. Les fleurs sont petites, terminales, presque sessiles, d'un bleu pâle, disposées sur des épis lâches, paniculés et feuillés. Les fruits sont dentés, couverts d'épines dont le sommet est armé de deux pointes réfléchies. Cette plante fleurit en été, et vient communément au milieu des décombres, sur les vieux murs, dans les lieux incultes et stériles. On la trouve dans les bois sablonneux des environs de Paris. La Myosote à fruits de bardane est réfrigérante et légère- ment anodine. On prépare avec la décoction de ses feuilles des gargarismes utiles dans les maux de gorge. Cette espèce se rapproche par ses caractères botaniques du genre cyno- glosse. . 576 NOUVEAU TRAITÉ LYCOPSIDE. LYCOPSIS. Calice renflé, quinquéfide. Corolle infundibuliforme ; tube tors, plus long que le calice; limbe court, à deux lobes; écailles convexes, conniventes. Stigmate bifide. LYCOPSIDE DES CHAMPS. LYCOPSIS ARVENSIS. Lycopsis arvensis. Linn. Spec. 199. DC. FI. Fr. 2734. LapEyr. Plant. Pyr. 1. 89. DEsv. FI. Anj. 179. CHEv. F1. Par. 3. 494. Lam. Iustr. t. 92. FIL Dan. t. 435. Engl. Bot. t. 938. Cette plante est tout hérissée de poils blanchâtres qui la rendent fort rude au toucher. Sa racine pivotante pousse une tige droite, anguleuse, rameuse, haute d'un à deux pieds. Les feuilles sont alternes, sessiles, un peu embrassantes, allongées, étroites, entières, ondulées, ou quelquefois légè- rement sinuées , chagrinées, extrèmement hispides , tubercu- leuses. Les fleurs sont unilatérales et disposées en épis au sommet des rameaux. Le calice offre cinq découpures lancéolées ; le limbe de la corolle est bleu ou rougeâtre, mais le tube et ses écailles sont ordinairement blancs. Les anthères sont petites, noires et placées dans la courbure du tube. Le style est sur- monté d’un stigmate bifide. On trouve cette plante au bord des bois et des chemins, dans les terrains secs et pierreux, au milieu des moissons. DES PLANTES USUELLES. 377 Elle est très commune au bord des champs dans tout le Rous- sillon, aux environs de Toulouse et de Paris. Ses fleurs s épa- nouissent en mai et Juin. Le nom de Lycopsis (figure de loup) lui vient de sa fleur bleue et arrondie , que l’on a comparée aux yeux du loup: on sait qu'ils sont bleus. Ce Lycopsis possède les propriétés de la buglose et de la bourrache; il peut fort bien les remplacer pour les usages médicinaux. Les bestiaux, surtout les moutons, le broutent volontiers , et les abeilles recherchent ses fleurs. On accorde les mêmes vertus au Lycopsis vésiculaire (Lycopsis vesicaria. Linn. ). On reconnaît aisément cette espèce à ses corolles bleues ou purpurines, à ses calices renflés, vésiculaires, anguleux après la floraison. La tige est herbacée, anguleuse, rameuse, presque dicho- tome , longue d'environ un pied, droite d'abord, ensuite cou- chée lorsque les fruits approchent de leur maturité. Les feuilles sont alternes, un peu amplexicaules, étroites , lan- céolées, pointues, entières , irrégulièrement dentées, vertes, hispides. Les fleurs sont unilatérales, bleues ou rougeâtres, dispo- sées en épis terminaux sur de courts pédoncules. Le calice est ovale, vésiculeux, hispide, à dix angles, partagé à sa partie supérieure en cinq dents aiguës. La corolle est étroite, plus longue que le calice, peu évasée, découpée au sommet en cinq lobes courts et obtus. Les anthères sont oblongues, noirâtres, rangées circulairement autour des parois du tube, immédiatement au-dessous des écailles qui en ferment l'entrée. Cette plante, cultivée au Jardin du Roi, croitnaturellement dans les pays méridionaux. On la trouve dans le Bas-Rous- II. 37 578 NOUVEAU TRAITÉ sillon. Son suc contient du nitrate de potasse comme celui du Lycopsis brun (Lycopsis pulla. Linn.), espèce qui croît dans les Pyrénées, en Allemagne et en Lithuanie, aux bords des champs et des chemins. SÉBESTIER. CORDIA. Calice presque tubulé, persistant, à cinq divisions. Co- rolle infundibuliforme ; tube de la longueur du calice; limbe campanulé, à cinq, quelquefois à six ou huit découpures ouvertes, un peu obtuses. Cinq étamines, rarement quatre ou huit, attachées vers le milieu du tube de la corolle. Style bifide, à découpures fourchues, terminées par des stigmates obtus. Drupe globuleux ou ovale; noyau sillonné, à quatre loges , dont deux ou trois avortent quelquefois. SÉBESTIER DOMESTIQUE. CORDIA MIXA. Cordia mixa. Lann. Spec. 273. MAT. Med. 67. Porr. Encyel. Bot. 7. 40. — Cordia officinalis. LA. Ilustr. t. 96. f. 3. — Sebestena domestica. Comme. Hort. Amstel. 1. 139. t. 72. BLAcKW. Herb. t. 398. C'est un arbre exotique d'une grandeur médiocre. Son tronc, revêtu d'une écorce raboteuse, se divise en rameaux lisses, d’une couleur cendrée, un peu purpurine, garnis de feuilles alternes, pétiolées, grandes, arrondies, rudes au toucher, festonnées à leur bord supérieur, d'un vert foncé en dessus, d'une teinte plus pâle à leur face inférieure. DES PLANTES USUELLES. 579 Les fleurs sont blanches, d'une odeur agréable, disposées en corymbes latéraux. Elles ont un calice cylindrique, à cinq divisions aiguës; une corolle à cmq ou six découpures ou- vertes, un peu réfléchies. Les fruits sont des drupes ovales, pointus, noirâtres, ren- fermant un noyau profondément sillonné qu'entoure une pulpe visqueuse. Cet arbre croît naturellement dans les Indes, au Malabar et en Égypte. Ses fruits contiennent un principe mucoso- sucré, analogue à celui des jujubes. On vante leurs proprié- tés dans les rhumes opiniâtres, la toux, l'enrouement; et on les associe, dans la composition des tisanes pectorales, aux jujubes, à la réglisse, à l'orge mondé, au chiendent , etc. Quelquefois aussi on les mêle avec la manne et la casse pour exciter de légères évacuations. Les figues de Provence contiennent les mêmes principes, et peuvent très bien remplacer ces fruits exotiques, qui d’ail- leurs sont souvent moisis ou altérés par des insectes. Les Indiens mangent les fruits du Sébestier, après les avoir fait macérer dans le sel et le vinaigre. FIN DU TOME SECOND. FAQ LAN PE Duc et EtPioIt TABLE DES MATIÈRES DU SECOND VOLUME. DAVADÉES VDRFADEÆ)) TC ce Page 1 Potentille argentine. Potentilla anserina............ 2 Potentille dorée. Potentilla aurea.........,....... à Potentille rampante. Potentilla reptans........... a} V4 Potentille printanière. Potentilla verna............. 6 Potentille argentée. Potentilla argentea....... A third. Tormentille droite. Tormentilla erecta.............. 7 Tormentille couchée. Tormentilla reptans........... 11 Fraisier des bois. Fragaria vesca......,...,....... 12 Benoïte commune. Geum urbanum................ 26 Benoiïte des ruisseaux. Geum rivale. ............... 32 Benoïte des montagnes. Geum montanum........... 35 Dryade à huit pétales. Dryas octopetala..........,.. 36 Ronce framboisière. Rubus idæus................, 37 Ronce commune. Rubus fruticosus................ 41 Ronce à fruit bleu, Rubus cæsius.................. 43 Ronce faux-müûürier. Rubus chamæmorus, ........... tbid. 44 Ronce du Nord. Rubus arctieus.......,..,........ 582 TABLE DES MATIÈRES. SPIRÉACÉES. SPIREACEÆ................ Page 45 Spirée ulmaire. Spiræa ulmaria........... PQ D ibid. Spirée filipendule. Spiræa filipendula. .....,....... 49 Spirée barbe de chèvre. Spiræa aruncus.....,,..... »1 Spirée du Kamtschatka. Spiræa Camtschatica....... 52 Spirée à feuilles lisses. Spiræa lævigata............ 53 Spirée à feuilles de saule. Spiræa salicifolia........ tbid. AMYGDALÉES. AMYGDALEÆ.................. 55 Amandier commun. ÆAmygdalus communis. ...... SANTO Pécher commun. Persien/vdlaars.. 0. ..#1/.. 400€ 712) Abricotier commun. Ærmeniaca vulgaris. ........... 78 Poumrenépinenxs Mr220S Speo AN. 10 100 SAN 81 Prunier domestique. Prunus domestica............. 88 Cerisier commun. Cerasus vulgaris... .........,.., 83 Cerisier des oiseaux. Cerasns apium..........,.... 95 Cerisier mahaleb. Cerasus mahaleb.....,.......,.. 102 Cerisier laurier-cerise. Cerasus lauro-cerasus. ......, cbid LÉGUMINEUSES. LEGUMINOSÆ.............,. 104 Acacia d'Égypte. Mimosarulonen. TIENNE ibid. Acacia du Sénégal. Mimosa senegalensis............ 105 Acacia cachou. Mimosa catechu........... LUE BU 110 Caroubier à longues gousses. Ceratonia siliqua....... 113 Tamarinier des Indes. Tamarindus indica......,...4 115 Casse ordinaire. Cassia fistula...........44. 117 Sophora du Japon. Sophora Japonica. .......4.... 120 Lupin blanc. Lupinus albus 19. M ot. 400 0m 122 TABLE DES MATIÈRES. 583 Ononis des champs. Ononis arvensis,......... Page 124 Arachide à quatre feuilles. Arachis hypogæa......,.. 125 Mélilot officinal. Melilotus officinalis. ....,,,,...... 127 Méllotblene Mellottscæerulea ME E CE CEENERPRE 128 Trèfle des Alpes. Trifolium alpinum............... ibid. Trigonelle fénu-grec. Trigonella fœnum græcum. ..... 129 Lotier tétragone. Lotus tetragonolobus.............. 130 Lotier comestible. Lotus edulis.........,..... 2.1 131 Haricot commun. Phaseolus vulgaris... ............ ibid. Robinier faux acacia. Robinia pseudo-acacia........ 141 Robinier caragane. Robinia caragana............... 143 Baguenaudier arborescent. Colutea arborescens....... 144 Astragale de Crète. Astragalus creticus. ............ 145 Astragale gommier. Astragalus gummifer........... 146 Astragale de Béotie. Astragalus bœticus. ........... 147 Réglisse glabre, Glycyrrhiza glabra................ tbid. Réglisse hérissée. Glycyrrhiza echinata............. 148 Galéga officinal. Galega officinalis. ............... 150 Gesse tubéreuse. Lathyrus tuberosus............... 152 Pais colüve PLATS ATOUT RM REVERS 153 Orobe tubéreux. Orobus tuberosus..............,.. 157 Péve commime F4 La vue ar se NOEEONRNEPRERS 158 Ers lentille Er 4m TenSs RME ET ER RIRES 160 Ciche tête de bélier. Cicer artetinum............... 164 Sainfoin des Maures. Hedysarum alhagi. ........... 166 Sainfoin commun. Æedysarum onobrychis EL 0 167 TÉRÉBINTHACÉES. THEREBINTHACEÆ....... 170 Pistachier commun, Puistacia vera. ......,.......... tbid. 584 TABLE DES MATIÈRES. Pistachier térébinthe. Péstacia terebinthus. :.... Page 172 Pistachier lentisque. Péstacia lentiscus. ............ 174 Mangier commun. Monoÿenabndice is. | 12 007 0 175 JUGLANDÉES JUGLANDEÆ ON. 0 176 Noyer cultivé. Juglans RIT AN LUNA ARR LL CPP ANE cbid. Noyer pacanier. Juglans op ornus ec PRE AS 177. Noyer noir. Juglans nigra SE RUE AN BONE nn OL EP A 179 Noyer cendre. Juslans cmerea ti. eeLL EL SATA 180 RHAMNOÏDÉES. RHAMNOIDEÆ................ 182 Jujubier commun. Zyziphus vulgaris. ............. tbid. Jujubier des Lotophages. Ziphus os ER TOR SE 183 Cassine thé des Apalaches. Cassine peragua......... 185 OMBELLIFÈRES. UMBELLIFERÆ .............. 186 Boucage anis. Pimpinella COUT OL NS EN TUE STATE ibid. Poucage saxifrage. Pimpinella saxifraga............ 189 Boucage à grandes feuilles. Pimpinella HOTSOP OS NRC 190 Égopode des goutteux. Ægopodium podagraria....... 191 Séséli car vi BEI Car TRE OR LR NU QU 192 Séséli tortueux. Seseli tortuosum.................. 194 Impératoire officinale. Inperatoria ostruthium........ 195 Ache des marais. Apruwniernaneolens LEE ERIC 197 Ache persil. Apiun peiroselinum VEN EREREEN EN 201 Aneth fenouil. Ænethum VCSLIQUDITS PSE 00 AMOR 204 Aneth odorant. Anethum DTA COINS Tel M EN AUTEIIE 205 Maceron commun, S myrnium olusatrum... “HAL ARIr 206 Panais cultivé. Pastinaca sativa........1....,.... 208 TABLE DES MATIÈRES. Panais opoponax. Pastinaca opoponaz......... Page Cerfeuil cultivé. Chærophyllum sativum.......... ke Cerfeuil musqué. Chærophyllum odoratum........ À Scandix peigne de Vénus. Scandix pecten-venerts ..... Coriandre cultivée. Coriandrum sativum............ Cumin officinal. Cumuinum cyminum............... Bérle chétvis SEAT STSGT UT ee Ie AE EI) EE Berle amome. Szum amomum...... URL à | Angélique archangélique. Angelica archangelica, ..:.. Livèche officinale. Ligusticum levisticum.. .......... Berce branc-ursine. Heracleum sphondylium......... Berce de Sibérie. Heracleum Stbiricums M NME } Laser à feuilles larges. ZLaserpitium latifolium. ....... Laser des montagnes. Laser siler........ Pope À Peucédane officinal. Peucedanum officinale.......... Athamante de Crète. Anthamanta cretensis.....,.... Athamante libanotis. Æthamanta libanotis, ......... Athamante méum. ÆAthamanta meum........ FAN Athamante oréoseline. ÆAthamanta oreoselinum. . ..... Athamante des cerfs. Athamanta cervaria. .......... Sélin des marais. Selinum palustre................ Crithme maritime, Crithmum maritimum. . ..... LR Bunium noix de terre. Bunium bulbocastanum. . ..... Carotte commune. Daucus carotta....... MES Tordyle officinal. Tordylium officinale ............. Tordyle de la Pouille. Tordylium apulum..,........ ï Sanicle d'Europe. Sanicula Europæa.....,......... Panicaut des champs. Eryngium campestre.. ......... Panicaut maritime. Æryngium maritimum. ..,....... 586 TABLE DES MATIÈRES. ABALI CES AR AD TACENR EN. ANS Page 249 Aralie hispide. Aralia hispida. . ...... At PER ER 1bid. Arelie à grappe. Aro TACENTES LEE NE. 0 BRENT 950 ÂAralie épineuse. Aralia spinosa. ................., ibid. Gin-seng. Panax quinquefolium.............,... 951 CAPRIFOLIACÉES. CAPRIFOLIACEÆ........... 253 Linnée boréale. Linnæa borealis”. . ,. .............%, ibid. Sureau noir.WSambucusiniera. sas à. Loldaedis sut 954 Gornomller male MCorr us masi. NL NOR STE 256 Chèvrefeuille des bois, Lonicera periclymenum.. ...... 258 Chèvrefeuille des jardins. ZLonicera caprifolium. . ..... 259 LOPRANTHÉES. LORANTHEÆ AN... RE 262 Gui à fruits blancs. Z/scum album...........:..... ibid. RUPIACÉES. PUB TA GRR NAT Ne te ANR 265 Aspérule odorante. Asperula OHOTAL AS EN NET ARE TN zbid. Aspérule à l’esquinancie. Asperula cynanchica....... 266 Caille-lait jaune. Galium verum.................. 267 Caille-lait blanc. Galium mollugo....,.......,.... 9268 Garance des teinturiers. Rubia tinctorum........... 269 Cafier d'Arabie. Coffea APADICE AN URL ee E EE 271 VALÉRIANÉES. Z ALERIANEÆ................. 278 Valériane officinale. ’aleriana officinalis. ........., ibid. Valériane phu. Valeriana phu......... a 279 . Valériane nard celtique, f’aleriana celtica. ......... ibid. TABLE DES MATIÈRES. 587 Valériane des Pyrénées. Waleriana pyrenaica. .….. Page 280 Mache cultivée. J’alerianella olitoria...........,... 282 DIPSAGÉEST PSACEZE ENT CURSEUR 984 Cardère à foulon. Dipsacus fullonum............... tbid. Scabieuse des champs. Seabiosa arvensis............ 286 Scabieuse succise. S'eabiosa succisa. ........,:..... zbid. Scabieuse des bois. Scubiosa sylvatica. .....,....... 287 COMPOSÉES COMPOSITE MR EN MINE ESC 289 Chicorée sauvage. Cichorium intybus............... tbid. Lampsane commune. Lampsana communis.......... 296 atue cultivée Dactucaisalit a RIRE TIREUR 297 Laitron oléracé. S'onchus OJeraceus................ 303 Éperviére piloselle. Hieracium pulosella CREER 304 Pissenlit dent-de-lion. Taraxacum dens leonis....... 306 Helminthie vipérine. Helminihia echioides. ...,....., 310 Porcelle tachée. Æypochæris maculaia.............. 311 Scorzonère d'Espagne. S'corzonera hispanica......... 312 Scorzonère humble. Scorzonera humilis. ............ 314 Scorzonère tubéreuse. Scorzonera tuberosa.......... 315 Salsifis des prés. Tragopogon pratense.............. 316 Salsifis à feuilles de poireau. Tragopogonr porrifolium.. 317 Scolyme d’Espagne, Scolymus Hispanicus.......... 318 Bardane à têtes cotonneuses. Lappa tomentosa. ....... 319 Chardon marie. Carduus marianus................ 321 Chardon des marais. Carduus palusiris........,... 322 Chardon ériophore. Carduus eriophorus. ........... tbid. y Artichaut commun. Cynara COUP TITUS NA en es eat 393 588 TABLE DES MATIÈRES. Artichaut sans tige. Cynara acaulis.....,...... Page 325 Artichaut cardon. Cynara cardunculus. ............ 326 Carline vulgaire. Carlina vulgaris... .............. 328 Carline à feuilles d’acanthe. Carlina acanthifolia. .... 329 Onopordon acanthin. Onopordum acanthium. . ....... 330 Cirse oléracé. Cirsium oleraceum.................. thid. Dérturee étoilée. Centaurea colcitrapa. LS 231 Eupatoire à feuilles de chanvre. £ upatorium cannabinum. 332 Gnaphale divique. Gnraphalium dioicum............ 339 Verge d’or commune. Solidago virga aurea.......... 337 Inule officinale. /nula helenium................... 339 Inule dysentérique. Inula dysenterica. ............. 342 Tnuleodorante. Znula odorata 2 MT 343 Tussilage commun. Tussilago farfara........,..... tbid. Tussilage pétasite. Tussilago petasites.............. 348 Tussilage odorant. Tussilago fragrans.............. 349 Souci des champs. Calendula arvensis........... 1900 Souci des jardins. Calendula officinalis,............ 351 Senecon commun. Senecio vulgaris ............,... 352 Senecçon jacobée. S'enecio jacobea.................. 393 Senecon blanc. Senecio incanus................... 354 Paquerette vivace. Bellis perennis......... RATE 355 Pyrèthre matricaire, Pyrethrum parthenium......... 359 Matricaire camomille. Matricaria chamomilla.. ...... 362 Matricaire odorante. Matricaria suaveolens. ......... 364 Tanaisie commune. Tanacetum vulgare............. 365 Balsamite commune. Balsamita major. ............. 368 Balsamite annuelle. Balsamita annua. ............. 369 TABLE DES MATIÈRES. 589 Armoise aurone. Artemisia abrotanum.......... Page 374 Armoise absinthe. Artemisia absinthium.......,.... 375 Armoise des glaciers. Artemisia glacialis...,....... 37 . Armoise des rochers. Artemisia rupestris.......,.... tbid. Santoline faux-cyprès. Santolina chamæcyparyssus . AS Camomille des champs. ÆAnthemis arvensis.......... 380 Camomille noble. Anthemis nobilis................ 381 Camomille cotule. Anthemis cotula................ 382 Camomille pyrèthre. Anthemis pyrethrum........... 387 Achillée millefeuille. Achillea millefolium........... 388 Achillée noble. Achillea nobilis. ................. 391 Achillée musquée. Achillea moschata.......,...... 392 Achillée noire. ÆAchillea atrata................... 393 Achillée sternutatoire. Achillea ptarmica........... 395 Achillée visqueuse. Achillea ageratum............. 397 Spilanthe oléracé. Spilanthus oleracea.............. 398 Hélianthe tubéreux. Helianthus tuberosus........... 409 Hélianthe à grandes fleurs. Helianthus annuus. ...... 404 CAMPANULACÉES. CAMPANULACEÆ.......... 406 Campanule raiponce. Campanula rapunculus........ third. Gampanule à feuilles de pêcher. Campanula persicifolia. 408 Campanule gantelée. Campanula trachelium. ........ 409 Campanule fausse raiponce. Campanula rapunculoides. 409 Campanule miroir de Vénus. Campanula speculum. . . . 410 Raïponce en épi. Phyteuma spicata............... ibid. VACCINIÉES VÆACCINIEZ LR OR. : 412 Airelle myrtille. Ÿaccinium myrtillus...,.,,....... ibid. 590 TABLE DES MATIÈRES. Airelle des marais. Waccinium uliginosum. ..... Page 415 Airelle rouge. 77 accinium vilis-idæeR, . .... arrete SEE _ 416 Airelle canneberge. Faccinium oxycoccos. ......:... 417 ÉRICINBESÉ FAICINEE CR NOR TE 419 Bruyère commune. Ernicadalennst..- JS as... 2 ibid. Bruyère pourprée. Erica Purpurascense. LEE. PE. 490 Bruyère berbacée. Erica herbacea................. ibid. Arbousier busserole. Ærbutus uva urst.............. 499 Arbousier des Alpes. Arbutus Wnine bee 0e 495 Arbousier des Pyrénées. Achutus ureio Pi: [7 AL LT 496 Pyrole à feuilles rondes. Pyrola rotundifolia. ........ 428 Pyrole ombellée. Pyrola umbellata................ 429 SAPOLÉES: S'APOTEAN MN... 0e 29 430 Sapotillier commun. ACRFAS,SODOLE à, ere eee eee ibid Sapotillier marmelade. ÆAchras mammosa........... 431 ÉPÉNACÉESTEPENACEZE VON un 22 0 4 al 433 Aliboufer officinal. Styrax officinale............... zbid. Aliboufier benjoin. Styrar benzoin.. ........... de. 9 Plaqueminier bois d’ébène. Dicspyros ebenus........ 439 Plaqueminier de Virginie. Diospyros Virginiana..... 1bie. Plaqueminier faux-lotier. Diospyros lotus. ....... ... 440 OLÉINÉES. OLEINEÆ............. jun PE - : 441 Olivier d'Europe. Olea Europa... CCR tbid. Olivier odorant. Olea rapranse RTC 485 JASMINÉES. JASMINEÆ c'ets ts ps 2 à vise eee cle tn vite rer Jasmin offcinal. Zasminum officinale ............. tbid. (2 TABLE DES MATIÈRES. . 591 Jasmin à grandes fleurs. Jasminum grandiflorum. Page 488 Troène commun. Ligustrum vulgare.............. - 489 FRAXINÉES PRAXINE Æ SOON AS 499 Frêne élevé. Frazxinus excelsior..... ............ tbi@. Fréne à feuilles rondes. Frazinus rotundifolia....... 496 Frêne orne. Fraxinus ornus..:,...... ds 7: LOC. ibid. à APOCYNÉES. APOCINEZÆ...."...: Bt. LEE 517 Pervenche petite Mfenca minor "7. OIL CURE ibid. Pervenche à grandes fleurs. Ÿ’inca mayor........... ; 519 = GENTIANÉES. GENTIANE ZEN. . QE ... 522 Gentiane jaune. Gentiana lutea..........,........ thid. Gentiare purpurine. Gentiana purpurea............ 527 Chironie centaurée. Chtronia centaurium............ third. Ménianthe trifolié. Mentanthes trifoliata........... 529 BIGNONÉES. BIGNONEÆ: ... "11.100 531 Sésame d'Orient. Sesamum orientale. .............. ibid. Sésame de l’Inde. Sesamum indicum..........,.... 532 CONVOLVULACÉES. CONFOLVULACEÆ...."... 534 Liseron batate. Convolvulus batatas................ thid Liseron comestible. Convolvulus edulis............. 537 BORRAGINÉES. BORRAGINEÆ....... mn M 541 GCerinthe à fleurs obtuses. Cerinthe Major: À) PTE. cbr Héhotrope d'Europe. Heliotropium Europœum SERA TER 549 Héliotrope du Pérou. Heliotropium peruvianum....... 243 Vipérine commune. ÆEchium PUTIRT RE 23 DOM UE 544 592 TABLE DES MATIÈRES. Vipérine des Pyrénées. Echium pyrenaicum. . . Page 545 Vipérine violette. Echium violaceum. .............. ibid. Gremil oflicinal. Zithospermum officinale.......,.... 550 Gremil des teinturiers. Lithospermum tinctorium. . . . 5951 Pulmonaire officinale. Pulmonaria officinalis...... 4098 Pulmonaire à feuilles étroites. Pulmonaria angustifola. 554 Pulmonaire de Virginie. Pulmonaria DERAURICA eee. à « « ibid. Orcanette vipérine. Onosma echioides.............. 556 Consoude officinale. Symphitum officinale........... 557 Buglose d'Italie. Anchusa italica. .. ............... 560 Buglose toujours verte. Anchusa sempervirens. ....... b61 Rapette couchée. Asperugo procumbens....,........ b63 Cyngolosse officinale. Cynoglossum officinale. ....... 564 Cynoglosse de l’Apennin. Cynoglossum apenninum, . . . 567 Cynoglosse ombiliquée. Cynoglossum omphalodes..... 568 Cynoglosse à feuilles de giroflée. Cynoglossum cheirifol. ibid. Bourrache officinale. Borrago officinalis, ........... . b69 Myosote annuelle. Myosotis annua................ 573 Myosote de couleur variée. Myosotis versicolor... ….. 574 Myosote à fruits de bardane. Myosotis lappula....... b75 Lycopsis des champs. Lycopsis arvensis.......... + 976 Lycopsis vésiculaire. Lycopsis vesicaria............. 577 Lycopsis brun. Zycopsis pulla.................... 578 Sébestier domestique. Cordia mixa................ tbid. FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. // ol UUA { VAR AN 4! Th HAT AUX 4 ANNE | 3 5185 00021 5747 TRS © € = 7 0 RE OS CEE + 4 pa et à à bob 4 De ae Let V8 à - : * A rl: oi à +4 re à. % à LT LL RL vf, À ui LL . Le 6 à og 0e à À CE LR, LE men ne 7 À tu. hs. he LT fo , à Le UM 2064 Ms M age Ten 3 ne RINURSELS. Dour Dre. da à LIN von 2 LR ER + EL