RE —————— — a) | D 4x QE == TRES S = . INT A4 LB. Q[| ÉOMS DSS Nes LA LU, Gr UP NV YA À ro) HE A7 AL 5] 4 LD), nt NOUVEAU TRAITÉ PLANTES USUELLES. TOME TITI. DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET, RUE DE VAUGIRARD , N° 9. NOUVEAU TRAITIÉ DES | | PLANTES USUELLES, SPÉCIALEMENT APPLIQUÉ A LA MÉDECINE DOMESTIQUE, ET AU RÉGIME ALIMENTAIRE DE L'HOMME SAIN OÙ MALADE; PAR JOSEPH ROQUES, Auteur de la PHYTOGRAPHIE MÉDICALE et de lP'HISTOIRE DES CHAMPIGNONS COMESTIBLES ET VÉNENEUX. TOME TROISIÈME. But who their virtues can declare ? who pierce with vision pure, into these secret stores of health , and life, and joy ? (Taowrsox , The Seasons. ) A PARIS, LIBRAIRIE DE P. DUFART, QUAI MALAQUAIS, N° 7; ET À SAINT-PÉTERSBOURG , CHEZ J.-F. HAUER ET C'. 1837. NOUVEAU TRAITÉ DES PLANTES USUELLES. SOLANÉES. _ SOLANEÆ. Solaneæ. Juss. VENT. MOLÈNE. VF ERBASCUM. Cac à cinq parties. Corolle en roue, ouverte, à cinq lobes un peu inégaux. Cinq étamines inégales, à filamens inclinés, presque toujours barbus. Stigmate simple. Fruit capsulaire, ovale ou globuleux, à deux valves souvent bifides, à deux loges séparées par une double cloison. Embryon droit dans l'axe du périsperme. ET. 4 ER à De LO NOUVEAU TRAITÉ MOLÈNE BOUILLON-BLANC. VERBASCUM THAPSUS. V'erbascum thapsus. Lin. Spec. 252. Lam. Encycl. Bot. 4. 215. DC. FL Fr. 2668. CHEv. FI. Par. 3. 496. F1. Dan. t. 631. BLAckw. Herb. t. 3. De sa racine pivotante, blanchâtre et fibreuse, s'élève une tige droite, cylindrique, cotonneuse , haute de deux à quatre pieds. Les feuilles sont grandes, ovales, pointues, sessiles, décurrentes sur la tige, molles, couvertes d'un duvet blanchâtre et fort épais. Les fleurs sont d'un jaune plus ou moins vif, presque sessiles, ramassées par petits paquets, disposées en un épi cylindrique et fort long. On trouve cette plante au bord des chemins, dans les champs, dans les terrains secs et sablonneux. Ses fleurs s'épanouissent dans les mois de juillet et d'août. On l'appelle vulgairement Bouillon-blanc. C'est la parure des lieux in- cultes et sauvages. On aime à voir sa chaude fourrure, sa taille haute et quelquefois gigantesque, sas belle attitude, son air de vigueur et de santé. si Les fleurs ont une odeur légèrement balsamique, une sa- veur mucilagineuse. Desséchées avec soin elles conservent un doux arome, et leur infusion théiforme est un de ces re- mèdes domestiques que nous conseillons volontiers lorsque les organes pulmonaires ou gastriques sont dans un état d'ir- ritation ou de spasme. Cette tisane un peu sédative ou cal- mante passe beaucoup mieux que les boissons trop chargées de mucilage. Les femmes délicates, les enfans, les per- if CA DES PLANTES USUELLES. 3 sonnes d’un tempérament nerveux, s’en trouvent ordinaire- ment bien. Infusion béchique. Prenez : fleurs de Bouillon-blanc bien conservées, une pincée; eau bouillante une livre; laissez infuser pendant cinq ou six minutes. On boit de temps en temps une tasse de cette infusion, qu’on édulcore avec du sucre, avec du miel ou avec un sirop agréable. En y ajoutant un peu de lait on a une espèce de looch pectoral qui calme la toux, abrège le cours des rhumes ordinaires , et donne quelquefois un sommeil tranquille lors- qu'on le prend le soir en se couchant. Cette infusion théiforme apaise également les irritations viscérales, les douleurs des intestins et de la vessie, la diar- rhée, les flux dysentériques , etc. On associe quelquefois aux fleurs de Bouillon-blanc les fleurs de mauve, de violette ou de tilleul. Mais il ne faut point abuser de toutes ces tisanes pectorales, tempérantes, adoucissantes ; les boissons aqueuses relâchent l'estomac et ruinent ses facultés. Quelques autres espèces de Molène partagent les vertus du Bouillon-blanc; ce sont la Molène phlomide ( Verbascum phlomoides, Linn.), la Molène à feuilles épaisses ( Verbascum crassifolhum, DC. ), la Molène poudreuse ( Verbascum pul- verulentum, Vill.), et la Molène blattaire ( Verbascum blat- taria, Linn.). Toutes ces plantes croissent en France dans les terrains incultes et arides, au bord des chemins. LUE Pre 4 NOUVEAU TRAITÉ COQUERET. PHYSALIS. Calice renflé, à cinq divisions. Corolle en roue, à cinq lobes. Anthères oblongues, conniventes. Stigmate obtus. Baie globuleuse, à deux loges polyspermes, renfermée dans le calice devenu vésiculeux. COQUERET ALKEKENGE. PHYSALIS ALKEKENGI. Physalis alkekengi. Lainn. Spec. 262. Lam. Encyel. Bot. 2. 100. DC. F1. Fr. 2691. Cnev. F1. Par. 3. 502. BALB. FT. Lyon. 1. 507. BLAcKW. Herb. t. 161. Cette plante a une tige rameuse, étalée, un peu rou- geâtre, haute d'environ un pied, garnie de feuilles entières, Se pointues, réunies deux à re et portées sur d'assez longs pétioles. Les fleurs sont d’un blanc jaunâtre , pédonculées, solitaires dans les aisselles des feuilles supérieures. Les calices se ren- flent, deviennent d’un rouge vif, et renferment une baie globuleuse de la même couleur. On trouve cette plante en Allemagne, en Italie, en Es- pagne, et en France. Elle croît dans les lieux ombragés et humides, dans les taillis, dans les haies, dans les vignes. Les fruits ont une saveur aigrelette ; ils sont mucilagineux, rafraichissans, diurétiques et un peu anodins. En Espagne et en Suisse, on les sert sur les tables. On les employait anciennement dans les maladies des aa? “ j DES PLANTES USUELLES. 5 voies urinaires, et particulièrement dans la néphrétique. C'est un excellent diurétique, surtout pour les vieillards. On en exprime le suc et on le donne à la dose d’une ou deux onces, qu'on étend dans une suffisante quantité d'eau sucrée. On peut faire avec ces fruits une sorte de gelée agréable et salubre pour les graveleux. Au reste, les citrons, les oranges, les fraises, les groseilles peuvent fort bien les remplacer. PIMENT. CAPSICUM. Calice à cinq divisions. Corolle en roue; tube court; limbe ouvert, plissé, à cinq lobes. Anthères s’ouvrant longitudina- lement. Baie sèche à sa maturité, ordinairement à trois loges. Embryon semi-circulaire, situé près des bords du pé- risperme. PIMENT ANNUEL. CAPSICUM ANNUUM. Capsicum annuum. Lan. Spec. 270. Poir. Eneycl. Bot. 5. 324. DC. FL Fr. 2698. Lam. Hlustr. t. 116. f. 1. BLACKW. Herb. t. 199. Cette plante, cultivée depuis long-temps en Europe, croit spontanément dans les Indes et dans l'Amérique méridionale. Elle est connue sous les noms vulgaires de Corail des jar- dins, de Poivre long, de Poivre de Guinée, Poivre d'Espagne ou de Portugal, etc. Sa tige simple, cylindrique, velue, un peu striée, ra- meuse, haute d'environ un pied, se garnit de feuilles al- ‘ternes, pétiolées, ovales, pointues , d’un vert brun. 6 NOUVEAU TRAITÉ Les fleurs sont blanchâtres, solitaires, presque axillaires, attachées à des pédoncules longs et recourbés. La corolle offre cinq découpures ouvertes en étoile. L'ovaire est rem- placé par une baie sèche, oblongue, lisse, un peu coriace, d'un rouge vif ou jaunâtre, vésiculeuse, à deux loges ren- fermant plusieurs semences comprimées , réniformes, d'une saveur àcre et piquante. Le fruit du Piment varie dans sa forme et sa couleur; il est tantôt allongé, étroit, aigu; tantôt court, très renflé, obtus et même échancré au sommet : il est jaune ou rouge, et quelquefois teint de ces deux couleurs. Toutes les parties de cette plante ont une saveur très âcre, particulièrement ses fruits, dont le plus petit fragment pro- voque des flots de salive, avec une sensation brûlante qui se répand dans l'œsophage et dans tout le canal alimentaire. Malgré leur acrimonie, les Indiens préfèrent ces fruits au poivre ordinaire, et les mangent crus. Onles confit au sucre, et on en fait des provisions pour les voyages maritimes. On les cueille aussi en vert dans leur premier développement; on les fait macérer dans le vinaigre, et on les emploie dans les sauces comme les câpres et les capucines. Les Caraïbes et les Nègres préparent avec quelques autres espèces de Piment encore plus âcres, des bouillons ou des décoctions très fortes qu'ils prennent avec plaisir. Un Euro- péen ne pourrait en avaler seulement une cuillerée sans se croire empoisonné. Les Portugais établis dans l'Inde appel- lent ces potions brülantes caldo di Pimento. Les Indiens font avec le Piment une espèce de pâte qui leur sert d'assaisonnement culinaire. IS appellent les fruits du Piment ainsi préparés beurre de cayan ou pots de poivre. Voici cette composition, qu'ils trouvent délicieuse. Ils font d'abord sécher le Piment à l'ombre, puis à un feu DES PLANTES USUELLES. 7 lent , avec de la farine ; ensuite 1ls le coupent bien menu avec des ciseaux, et à chaque once de fruit ainsi coupé, ils ajou- tent une livre de la plus fine farine, qu'ils pétrissent avec du levain, comme de la pâte. La masse étant bien levée , ils la mettent au four ; quand elle est cuite, ils la coupent par tranches, puis ils la font cuire de nouveau comme du biscuit ; enfin ils la réduisent en une poudre fine qu'ils pas- sent par un tamis. Cette poudre est admirable, disent-ils, pour assaisonner toutes les viandes; elle excite l'appétit, faci- lite la digestion , fait trouver les mets et le vin plus agréables au goût. Elle provoque même le flux menstruel, et fait couler plus librement les urines. On cultive le Piment annuel dans presque tous les jardins, et l'on en consomme une grande quantité dans nos cuisines. Nous avons peu à peu adopté les goûts des Indiens sans faire attention à la différence des tempéramens et des climats. Voyons d’abord la composition chimique du Piment. D'après l'analyse de M. Braconnot, ce fruit contient une farine féculente, une huile âcre, de la cire unie à un prin- cipe colorant, une substance gommeuse d’une nature parti- culière, une matière animalisée, du citrate de potasse, du muriate et du phosphate de potasse. (Annales de Chimie et de Physique.) M. Dulong à trouvé dans le Piment une matière résineuse cristallisable, une matière grasse concrète d’une âcreté brü- lante, à laquelle il doit sa saveur, une petite quantité d'huile volatile, une matière extractive contenant de l'azote, une matière colorée, de l’amidon, une grande quantité de bas- sorine , etc. Le Piment exerce une action très vive non seulement sur l'estomac et les intestins, mais encore sur tous nos organes; ses propriétés se rapprochent de celles du poivre, du gin- 8 NOUVEAU TRAITÉ gembre et autres stimulans exotiques. Combiné avec nos plantes aromatiques 1l pourrait remplacer, pour les usages économiques, les épices et les aromates de l'Inde. Sous le rapport médical, nous devons préférer au Piment la plupart des plantes ombellifères ou labiées qui croissent en Europe. Leurs vertus stimulantes sont plus douces et plus en har- monie avec notre constitution physique et morale ; mais les gourmands, les hommes sensuels nous écoutent ; ils veulent être excités, ils nous prient de leur conserver le Piment; ils en ont besoin pour digérer, pour mieux sentir les plaisirs de ce monde. * J'aime les noms burlesques que nos chefs de cuisine don- nent aux préparations du Piment, et au Piment lui-même. Ils l'appellent Piment enragé; et les ragoûts empreints de ses molécules irritantes, 1ls les nomment bréle-sauce, sauce-à- la-diable. Je ne saurais mieux peindre les effets du Piment. Lorsque le diable se mêle de cuisine, on peut être sûr d'avoir les entrailles corrodées. Et pourtant on voit tous les jours des hommes légers comme le vent, plus délicats, plus frêles, malgré leurs mous- taches, qu'une petite femme bien nerveuse, affronter le Kari des Indes. Ils s’avisent de singer les gloutons de la Répu- blique, les goinfres du Directoire, dont l’estomac digérait sans le savoir. Ce fameux Kari ne convient qu'aux hommes robustes , d'une complexion vigoureuse, d'une sensibilité obtuse. Si vous avez le système nerveux mobile, irritable, st vous éprouvez habituellement une constriction chaleureuse dans les viscères, si vos nuits sont troublées par des rêves pénibles, les ragoüts au Piment, les sauces relevées, épicées, vous échaufleront de plus en plus, vous donneront la fièvre, le cauchemar, et vous aurez enfin une gastro-entérite, c’est- à-dire une inflammation d'entrailles. Cette cuisine incendiaire DES PLANTES USUELLES. 9 a tué plus de monde que la peste et la poudre à canon; c'est elle qui a dépeuplé nos étangs, au point qu'on a souvent manqué de sangsues lorsque la gastrite régnait épidémique- ment en France. Voici au reste quelques préparations pour la classe gour- mande (nous écrivons un peu pour tout le monde); si elle en abuse, si elle souffre, s’il lui faut ensuite des médecins et des sangsues, ce sera sa faute, nous ne lui avons point caché le péril. Kari ordinaire. Faites sécher à l'ombre huit onces de Piment d'un beau rouge. Quand il sera sec, coupez-le par fragmens, et mettez- le dans un mortier de fonte avec ses graines et une pincée de sel; pilez-le avec un pilon de fer, en ayant soin de couvrir votre mortier d'une peau ou d'une étoile serrée pour vous garantir des émanations irritantes de la poudre. Cette poudre stimulante sert à relever le goût des alimens. On en met une petite quantité dans les sauces, dans les ra- goûts aux champignons, dans les rémolades, dans les gar- bures aux choux, dans la choucroûte, etc. Kart des Indes. Prenez : Piment séché et pulvérisé, deux onces; curcuma ou safran de l'Inde (curcuma longa) également pulvérisé, une once; cannelle de Ceylan, deux gros; muscade, un gros; passez ces divers ingrédiens dans un tamis de crin, et ajou- tez-y un gros de poivre noir et un peu de sel. Cette poudre aromatique donne du relief aux légumes, aux herbes potagères, aux viandes blanches, comme le veau, 10 NOUVEAU TRAITÉE l'agneau, le chevreau, le poulet, etc. C'est le condiment obligé de la tête de veau en tortue. On y mêle aussi de la rhubarbe ; mais nous avons supprimé hardiment cette racine, qui sent trop son fruit; nous ne croyons pas qu'on nous blâme ; le fameux Carême nous eût approuvé : nous aimons à suivre les traditions de cet artiste de bon goût. L'usage modéré, rationnel, de ces poudres excitantes, peut rendre quelques services aux malades, aux convalescens dont les forces languissent, et dont l'estomac digère difficilement. Toutelois, il n’appartient qu'aux médecins de les prescrire, parce qu'on prend fort souvent pour de la faiblesse un état de phlegmasie qui mine sourdemenit les voies digestives ou les viscères voisins. Les personnes grasses, chargées d'embonpoint et d'obésité ; les hommes paresseux, inertes, insoucians, insensibles ; les égoïstes, les célibataires dégagés de toute espèce de lien social, qui passent leur vie au lit et à la table, feront bien de se nourrir de temps en temps de ces ragoûts de l'Inde. Quelques pincées de Kari réveilleront leur mémoire, remon- teront leurs organes, et leur donneront une sorte de recru- descence vitale. Le Kari, les frictions, le massage, le pétris- sement des chairs, peuvent remplacer jusqu'à un certain point l'exercice. Mais cet homme qui couche dans l'édredon, qui ne sort que lorsque son baromètre est au beau fixe, qui se fait mettre son habit, sa cravate, sa ceinture, voudrait-il permettre à son domestique de Je frictionner? Le premier coup de brosse le ferait tressailir. Dans presque tous les ménages on ajoute du Piment aux cornichons lorsqu'on les confit au vinaigre. Cette addition les rend plus sapides, plus piquans, mais le vinaigre acquiert une acrimonie brülante. On peut y faire mariner de grosses pièces, du bœuf, du sanglier, du chevreuil, voilà tout. Gar- DES PLANTES USUELLES. ii dez-vous bien d'en assaisonner la salade ou quelque ragoût délicat. Le Piment lui-même qui à macéré dans le vinaigre et lui a abandonné une partie de ses principes actifs, a con- servé encore assez d'âcreté pour qu'on doive l’employer à petite dose. Je me rappelle d'avoir eu le palais excorié par une mauvaise sauce qu'on me donna dans un cabaret de la vallée de Dampierre. Les naturalistes et les peintres qui vont visiter ce charmant pays doivent se défier des sauces à la ravigote. «Madame! qu’avez-vous mis dans votre sauce ? « comme elle est ardentet — Un bouquet de fines herbes et « du vinaigre au poivre long que je prépare moi-même. — « Vite! une carafe d’eau fraîche, j'ai la gorge tout en feu. » PIMENT FRUTESCENT. CAPSICUM FRUTESCENS. Capsicum frutescens. Lann. Hort. Cliff. 59. Wir. Spec. 2. 1051. n. 5. Porr. Encycl. Bot. 5. 395. — Cap- sicun indicum. RuMPn. Herb. Amboin. 5. 247. t. 38. C2 Cette espèce a deux ou trois pieds de hauteur. La tige est diffuse, dichotome, rude au toucher, presque cylindrique, un peu velue, ainsi que les autres parties de la plante. Les feuilles sont ovales, lancéolées, pointues, d’un vert foncé, marquées en dessous de quelques nervures jaunâtres. Les fleurs sont axillaires, solitaires, soutenues par des pédoncules presque droits, filiformes, renflés vers le sommet à la maturité des fruits, comme dans les autres espèces. Elles ont un calice presque tronqué, à cinq petites dents très courtes; une corolle blanche ou un peu jauntre, divisée à 12 NOUVEAU TRAITÉ l'orifice du tube en cinq découpures iancéolées, aiguës, très ouvertes. Le fruit est une baie oblongue, obtuse, de la forme et de la grosseur d'une petite olive, d'un jaune roussâtre, à deux loges renfermant des semences planes, presque ovales. Ce Piment croît dans les Indes et à l’île de Ceylan. On le cultive en Italie, en Espagne, en France. Ses fruits sont encore plus âcres, plus piquans que ceux de l'espèce précé- dente. Les Indiens l'appellent nti-uchu, Poivre du soleil. Sa culture est facile ; 1l se plaît dans tous les terrains, même dans les lieux ombragés. PIMENT A PETITES BAIES. PIMENTUM BACCATUM. Pimentum baccatum. Lin. Mant. 46. Lam. Illustr. n. 2393. Porr. Encyel. Bot. 5. 326.— Capsicum minus. SLOAN. Jam. 240. t. 146. f. 1. Sa tige, striée, presque arrondie, haute de plusieurs pieds, se divise en rameaux flexueux à leurs articulations, garnis de feuilles alternes, pétiolées, presque cordiformes , aiguës, glabres, nerveuses en dessous, solitaires ou gé- minées. Les fleurs naissent ordinairement, deux à deux, un peu au-dessus de l’aisselle des feuilles, sur des pédoncules iné- aux, réunis à leur base, droits, pubescens ainsi que les pétioles. Elles ont un calice court, presque glabre, à cinq dents aiguës; une corolle d’un blanc jaunâtre, divisée à son limbe en cinq découpures obtuses. DES PLANTES USUELLES. 13 Les baies sont globuleuses, un peu ovales, petites, à peu près de la grosseur d'un pois, rouges ou d'une teinte un peu Jjaunâtre. Cette espèce, originaire des Indes, se cultive dans plu- sieurs jardins. Ses fruits se distinguent également par une saveur brûlante. On peut les confire au vinaigre, ou les faire sécher et les réduire en poudre. Le Piment à gros fruits (Capsicum grossum, Linn.), appelé vulgairement Poivre de Guinée, et la plupart des autres espèces, ont à peu près les mêmes qualités ; elles sont presque toutes usuelles chez les Indiens. MORELLE. SOLANUM. Calice à cinq divisions. Corolle en roue; tube court; limbe ouvert, plissé, à cinq lobes. Anthères oblongues, s’ouvrant au sommet par deux pores. Stigmate obtus. Baie succulente, ordinairement arrondie, à deux on plusieurs loges; péri- sperme peu sensible; embryon roulé en spirale. MORELLE MÉLONGÈNE. SOLANUM MELONGENA. Solanum melongena. Lin. Spec. 266. Lam. Encyel. Bot. 4. 294. DC. FI. Fr. 2697. Sas. Hort. Rom. 2. t. G). ÿ Cette espèce est originaire de l'Inde et de l'Ethiopie; on la cultive généralement dans tous les pays chauds. Elle à une tige herbacée, cylindrique, rameuse, haute d'environ un 44 NOUVEAU TRAITÉ pied et demi. Ses feuilles sont cotonneuses, ovales, termi- nées en pointe, quelquefois obtuses, sinuées sur les bords, d'un vert foncé, marquées de fortes nervures et soutenues par de longs pétioles. Les fleurs sont d'un bleu pourpre, quelquefois blanches, tantôt solitaires, tantôt portées sur un pédoncule commun, rameux, garni d'un duvet très épais et blanchâtre. Les ca- . lices sont garnis d’épines qui se perdent par la culture. À me- sure que le fruit mürit, les pédoncules s’inclinent et se renflent vers leur sommet. Ce fruit est une sorte de baie pendante, charnue, lisse, ronde, ovale ou oblongue, de couleur violette, quelquefois blanche ou jaunâtre. La chair est blanche ; les semences sont très nombreuses, petites, réniformes, nichées dans la pulpe, vers le centre du fruit. La Morelle mélongène, particulièrement connue sous le nom d'Aubergine, est cultivée en Italie, en Espagne et dans le midi de la France, où son fruit est servi sur toutes les tables. On sème les graines en février, mars et avril, sur cou- che ; on repique ensuite chaque plant également sur couche lorsqu'il a acquis assez de force, et on l’arrose abondamment dans le cours de l'été. Dans les pays chauds, situés entre les tropiques, la Mé- longène donne une grande quantité de fruits beaucoup plus gros que dans les climats tempérés. On en fait une grande consommation dans l'Inde et en Afrique. Les Maures les mangent cuits, assaisonnés avec du vin et du sucre. À Paris, on estime peu l’Aubergine, naturellement aqueuse et fade; mais les Provençaux et les Languedociens en font beaucoup de cas. Ce fruit n’est point vénéneux, bien qu'on l'ait dit dans DES PLANTES USUELLES. 45 quelques recueils mensuels, mais il est âcre et indigeste sil n'est point parfaitement mür. Voici comme on le prépare dans le midi de la France. Aubergines sur le gril. Vous les partagez en deux, vous les saupoudrez de sel , et, une heure après, vous les pressez afin de faire égoutter une partie de leur eau de végétation. Puis vous les faites cuire sur le gril avec de la mie de pain, du poivre, du sel, du jus de citron, et vous les arrosez d'huile d'olive. Les Provençaux parent l'Aubergine d'une farce composée de champignons, d’anchois, de lard râpé, d'huile fine, de poivre, de muscade, de sel, de fines herbes, ete. C'est le cas de dire, la sauce vaut mieux que le poisson. Nous conseillons aux personnes délicates de renoncer à ces préparations, qui ne conviennent qu'aux estomacs ro- bustes , habitués à tous les exercices de la table. On conserve les Mélongènes en les cueillant dans leur demi-grosseur. On les pèle, on les coupe en tranches, on les enfile après en avoir détaché les graines, on les plonge dans l’eau bouillante ; ensuite on les fait sécher à l'ombre, et on les garantit de l'humidité. Quand on veut les manger, on les fait revenir dans l’eau tiède et on les assaisonne con- venablement. On les conserve aussi dans le cellier ou à la cave, comme les concombres, et on les mange en salade ou cuites. On les confit aussi au vinaigre. L’Aubergine fournit une nourriture rafraïchissante ; elle a pourtant besoin d'une certaine intensité de chaleur pour acquérir une parfaite maturité ; elle est plus same, plus sapide dans le Midi que dans nos départemens du Nord. Mais, nous le répétons, quoique ce fruit appartienne à la 46 NOUVEAU TRAITÉ famille des Solanées , il n'a aucune qualité malfaisante. On doit être pleinement rassuré par la grande consommation qu'on en fait depuis long-temps dans les climats chauds et dans presque tout le midi de la France. Les Frères Proven- çaux, fameux restaurateurs de Paris, ont donné une sorte de vogue à l’Aubergine dans le temps du Directoire. On allait au Palais-Royal, manger des Aubergines et des côtelettes à la provençale. MORELLE POMME D’AMOUR. SOLANUM LYCOPERSICUM. Solanurm lycopersicum. Tann. Spec. 265. Lam. Encycl. Bot. 4. 287. DC. F1. Fr. 2696. Sass. Hort. Rom. 2. t. 62. — Zycopersicum esculenium. Du. Solan. Cette plante, originaire de l'Amérique méridionale , res- semble un peu à la pomme de terre. Sa tige est très velue, rameuse, faible, haute de deux ou trois pieds, garnie de feuilles ailées avec une impaire, à folioles découpées, gla- bres et verdâtres. Les fleurs sont jaunes ; la forme des fruits est variable , il y en a de ronds, d'ovales; les uns sont unis, les autres sillonnés à la surface, mais tous d'une couleur orangée plus ou moins vive. On cultive cette plante, dans les jardins potagers, sous le nom de Tomate où Pomme d'amour. Son fruit, gracieux et vermeil, lui a sans doute valu ce dernier nom. On distingue une variété à petit fruit, qu'on appelle petite Tomate, et qui est plus hâtive que l’autre. La culture de ces variétés est la même ; on sème la graine sur couche dans les départemens DES PLANTES USUELLES. 17 du nord et du centre, et en terre bien préparée dans ceux du midi. Lorsque le plant est assez fort, on le repique à une exposition chaude, et on l'arrose pendant les chaleurs. La Tomate ou Pomme d'amour est un aliment agréable, rafraichissant, et dont on fait un grand usage dans les pays chauds, en Italie, en Espagne, dans nos départemens du midi. Sa pulpe est abreuvée d’un suc abondant, légèrement acide, qui donne à différens mets une saveur appétissante. Elle offre un suc nutritif et salubre aux tempéramens bilieux et sanguins, aux personnes échauffées, irritées, sujettes aux congestions hémorrhoïdales, qui ont les intestins pares- seux. On mêle la Tomate aux racines, aux herbes potagères, comme la carotte, le navet, le cerfeuil, la chicorée, la lai- tue, etc., et l’on en fait des potages frais et relächans. Ces bouillons médicamenteux produisent des effets admi- rables pendant les grandes chaleurs de l'été , alors que la bile et le sang sont dans un état de turgescence. Supprimez les mets succulens, les épices de l'Inde, les boissons alcoho- liques à l’homme fougueux, emporté , maniaque; donnez-lui pendant quelques jours de l’eau de veau ou de poulet avec les plantes chicoracées et quelques Pommes d'amour, vous cal- merez ses sens, vous rafraichirez ses organes comme une pluie douce amollit le sol brûlé par des vents orageux. Galien , médecin philosophe, qu’on ne lit guère aujourd’hui, veut qu'on traite les passions par le régime alimentaire. S'il eût connu notre Tomate, il l'eût conseillée aux hommes tur- bulens, d’un caractère irascible. Ce sont les Méridionaux que notre première révolution amena à Paris qui répandirent l'usage de cet excellent fruit. Auparavant, on le voyait à peine dans nos marchés. D'abord il fut regardé comme un aliment suspect, parce qu'il appar- tient à une famille riche en poisons; mais lorsque l’on vit HILL. 2 18 NOUVEAU TRAITÉ les Provençaux sen régaler du matin au soir, on ne tarda pas à suivre leur exemple, et peu à peu on en fit des potages, des coulis, des sauces , des ragoüts de toute sorte. En Italie, on fait cuire les Tomates avec du beurre , de l'huile d'olive, des lames de jambon, du fromage de Parmé- zan, de la mie de pain, du poivre, du sel, des herbes aro- matiques et un peu de vin blanc. C'est un mets de bon goût et fort estimé. Tomates farcies à la Grimod. Après avoir ôté les pepins de vos Tomates, vous les rem- plissez de chair à saucisse assaisonnée d'ail, de persil, de ciboule et d'estragon; puis vous les faites cuire dans une tourtière, sous un four de campagne, avec de la chapelure. Vous servez cet entremets dans la tourtière même, et vous l'arrosez de jus de citron. En lisant le nom de Grimod, on pensera sans doute à M. Grimod de La Reynière, notre vieil ami, et l'on dira : Quel dommage que ce fameux gourmet soit mort! Rassurez- vous. L'auteur de l'Almanach des Gourmands est encore de ce monde, il mange, il digère, il dort dans la charmante vallée de Longpont : nous l'avons vu, il n'y a pas encore huit jours. Mais comme il est changé! Cet homme jadis plein d'esprit, d’une originalité piquante, d’une verve inta- rissable, d'une conversation sarcastique, est maintenant comme ces ombres des enfers qui fuient à l'aspect de la lu- mière. Si vous lui parlez de sa haute renommée, de son Almanach des Gourmands, de son Manuel de l Amphitryon, il vous répond à peine; il veut mourir, il invoque la mort comme la fin de ses tourmens; il saura bien devancer son heure si elle tarde trop à venir. Et pourtant il ne meurt pas, il attend. DES PLANTES USUELLES. 19 À neuf heures du matin il sonne ses domestiques ; il les gronde, il crie, il extravague, il demande son potage aux fécules , il l'avale. Bientôt la digestion commence, le travail de l'estomac réagit sur le cerveau, les idées ne sont plus les mêmes , le calme renaît , il n'est plus question de mourir. Il parle, il cause tranquillement , 1l demande des nouvelles de Paris et des vieux gourmands qui vivent encore. Lorsque la digestion est faite, 1! devient silencieux et s'endort pour quelques heures. À son réveil, les plaintes recommencent, il pleure, il gémit, il semporte, il veut mourir, il appelle la mort à grands cris. Vient l'heure du diner, il se met à table, on le sert, 1l mange copieusement de tous les plats, bien qu'il dise qu'il n'a besoin de rien, puisque sa dernière heure approche. Au dessert sa figure se ranime, ses sourcils se dressent, quelques éclairs sortent de ses yeux enfoncés dans les orbites. « Comment va M. de Cussy, cher docteur? vivra- til encore long-temps? on dit qu'il a une terrible maladie. On ne l'a pas mis à la diète sans doute, vous ne l’auriez point souflert, car il faut au moins manger pour vivre, n'est-ce pas? » Enfin on quitte la table. Le voilà dans une immense ber- gère; il croise ses jambes, appuie ses deux moignons sur ses genoux (il n'a pas de mains, il n'a qu'une sorte d'appendice qui ressemble à une patte d'oie), et continue ses interroga- tions , toujours roulant sur la gourmandise. « Les pluies ont été abondantes , il y aura beaucoup de champignons dans nos bois à l'automne ; quel dommage, docteur, que je ne puisse pas vous suivre dans vos promenades à Sainte-Geneviève ! Je u'ai plus la force de marcher. Comme nos ceps sont beaux! quel doux parfum! Vous reviendrez, n'est-ce pas? Vous nous en ferez manger, vous présiderez à leur préparation. » La digestion commence, la parole devient rare, cadencée, 20 NOUVEAU TRAITÉ peu à peu ses yeux se ferment ; il est dix heures , on le couche, et le sommeil vient le transporter dans le pays des songes. Il rève à ce qu'il mangera le lendemain. MORELLE TUBÉREUSE. SOLANUM TUBEROSUM. Solanum tuberosum. Lin. Spec. 265. Lam. Encycl. Bot. 4. 285. DC. F1. Fr. 2695. — Solanum tuberosum esculentum. ©. BAUH. Prod. 89. Cette espèce porte le nom de Pomme de terre; nous la devons à l'Amérique méridionale. On la reconnait à ses tuber- cules oblongs ou arrondis; à sa tige herbacée, cylindrique , cannelée, rameuse, un peu velue, haute d'environ deux pieds, chargée de feuilles ailées, verdâtres, composées de cinq ou septolioles de grandeur inégale, ovoïdes, pointues, entières. Les fleurs naissent au sommet des rameaux en manière de corymbe ; elles sont blanches, rougeâtres, bleues ou d’un violet clair, formées d'un calice à cinq divisions, d’une corolle en roue, à limbe évasé en cinq lobes, de cinq étamines et d'un siyle. L'ovaire est remplacé par une baie globuleuse, molle, à plusieurs loges contenant des semences menues et arrondies. Ce précieux végétal de la Caroline a été apporté du Pérou par les Espagnols, vers le milieu du seizième siècle, et plus tard en Angleterre par l'amiral Walter Raleig, d'où il s'est répandu dans le reste de l'Europe. Il a été décrit, pour la première fois, par Gaspard Bauhin. C'est par les soins de Parmentier que la culture de la Pomme de terre est devenue générale en France. D'abord dé- daignée par l’homme elle fut abandonnée aux bestiaux comme DES PLANTES USUELLES. 21 un aliment vulgaire. Maintenant on l'aime, on la recherche, on la cultive partout. Elle fait la richesse du fermier, du cul- tivateur ; le pauvre la mange cuite sous la cendre, le riche en fait préparer des mets succulens; mais ce qui double le prix de cette production du Nouveau-Monde, c’est qu'elle n’a coûté mi larmes, ni crimes à l'humanité. On distingue un assez grand nombre de variétés de Pommes de terre; elles diffèrent par la forme, la couleur, le volume et le goût plus où moins délicat. Il y en a de blanches, de jaunes, de rouges, de violettes ; elles sont rondes, longues ou plates, et ces variétés bien marquées se reproduisent indépendam- ment du sol, de la culture et de l'exposition. En faisant une heureuse application des différentes espèces de Pomme de terre, il n’y a pas de terrain qui ne puisse leur devenir propre. Voici les principales variétés : Grosse blanche, tachée de rouge. On l'appelle dans cer- tames localités, Pomme de terre à vaches, Pomme de terre rustique. La fleur est d’abord rouge, panachée, puis gris de lin. C'est la Pomme de terre la plus vigoureuse, la plus féconde, la plus commune dans nos marchés. Elle prospère dans tous les sols, mais particulièrement dans les terres sablonneuses, où ses principes alimentaires s'amé- liorent. Dans certains cantons on ne connaît guère que cette espèce, dont les avantages sont inappréciables. On la cultive en grand pour les bestiaux. Blanche longue. La fleur est blanche, petite, le feuillage foncé. Cette espèce est excellente et très productive. Les Ir- landais la cultivent particulièrement, c’est pour cela qu'on la désigne sous le nom de Blanche irlandaise. Jaune ronde, aplatie. Ses feuilles sont crépues, ses fleurs panachées. On l'a reçue de New-Vork, et on la préfère à 29 NOUVEAU TRAITÉ presque toutes les autres Pommes de terre. Sa chair est su- crée, farineuse, fine, très délicate. Rouge oblongue. Elle vient de l'Amérique septentrionale et produit beaucoup. Sa pulpe est généralement ferme, fine, d'un goût excellent et très riche en farine. Rouge longue. Elle est très répandue et ressemble beau- coup à la précédente. Sa forme est à peu près celle d’un rognon; elle est marquée intérieurement d'un cercle rouge. Sa chair est ferme, de bonne qualité, mais quelquefois un peu àcre. Rouge ronde. Cette variété a beaucoup d'analogie avec la rouge oblongue ; elle est seulement plus précoce et plus arrondie. Le goût des tubercules est à peu près le mème. Violette. On l'appelle ordinairement Violette hollandaise. Elle à été apportée, dit-on, d'Amérique en Hollande; et de là elle s'est répandue dans les autres contrées de l'Europe. La corolle et le calice sont d’une teinte violette. La surface des tubercules est parsemée de points violets et jaunâtres. Petite blanche chinoise. Les tiges sont grèles, les feuilles d'un vert clair, les fleurs bleues, les tubercules petits, irré- gulièrement arrondis, d’un goût PE et sucré. Rouge à corolle blanche. Elle est d’un produit de moitié plus End que toutes les autres espèces, rouges ou blanches, connues jusqu'à ce jour. M. Chancey l'a introduite en France en 1788. Ses tubercules sont d'une saveur exquise. Toutes les espèces ou variétés de Pommes de terre con- tiennent des principes nutritifs qui ne diffèrent que par leurs proportions. Les blanches sont en général plus précoces, plus productives ; les rouges sont moins aqueuses, plus sapides, et se gardent plus long-temps. Les jaunes ont la pulpe plus fine, plus sucrée, plus délicate; on les préfère pour les usages culinaires Chaque pays à encore ses espèces ou va- DES PLANTES USUELLES. 23 riétés de choix, qui rentrent toujours dans les précédentes. Au reste, la qualité du sol influe beaucoup sur celle des tu- bercules. La Pomme de terre cultivée dans un terrain léger, sablonneux, est en général plus sapide. On la multiplie de boutures, de marcottes et de semis : cette dernière méthode, quoique la plus longue, est préfé- rable ; on récolte les graines des meilieures variétés pour les semer l’année.suivante. A la troisième année, et quelquefois à la seconde, les nouvelles Pommes de terre sont aussi grosses et plus parfaites que celles qu'on obtient des tubercules. I! faut surtout avoir soin de renouveler de temps en temps, au moyen des semences, les espèces fatiguées ou abâtardies. On obtient plus ou moins de fécule des diverses variétés de Pomme de terre. Quelques unes donnent jusqu'au quart de leur poids d’amidon. D'après l'analyse du professeur Vau- quelin, la Pomme de terre contient de l’asparagine, de Fal- bumine végétale, du mucilage ou sirop épais, de l'acide tar- tarique, une matière fibreuse un peu nourrissante, divers sels, etc. Le sue de la Pomme de terre donne de l'albumine colorée, du citrate de chaux, de l'asparagine, une résine amère, aromatique et cristalline, en très petite quantité, du phos- phate de potasse et de chaux, de l'acide citrique et du citrate de potasse, enfin une matière animale particulière. Les seuls principes des Pommes de terre qui aient une saveur marquée, sont la résine et surtout la matière animalisée; ce sont aussi les seuls qui soient colorés. Ainsi l'arome et la saveur des Pommes de térre qui ont cuit sous la cendre, dans leur propre suc, sont dus à ces deux corps. La matière animale de la Pomme de terre jouit de propriétés remarquables. Sa saveur est analogue à celle des champignons comestibles : elle n'est point coagulée par les acides, ni par le 24 NOUVEAU TRAITÉ chlore, n1 par la noix de galle. M. Vauquelin se proposait de revenir sur cette matière, et de la désigner par un nom par- ticulier. Outre la fécule, M. Peschier a retiré de la gomme et du sucre de la Pomme de terre récente. La Pomme de terre fournit en général une nourriture douce, substantielle, facile à digérer. Presque tous les mé- decins la conseillent à la suite des maladies aiguës, ou dans le cours des aflections chroniques pour soutenir les forces sans trop les exciter. La fécule de Pommes de terre convient surtout après les inflammations gastriques, pulmonaires, utérines, etc. Tissot a vu des personnes nerveuses, irri- tables, qui ne pouvaient digérer que cette nourriture. M. le docteur Ribes, notre excellent ami, a vécu pendant plus d’une année de bouillies faites avec la Pomme de terre et autres substances féculentes. A l’aide de ce doux régime il est parvenu à détruire une phlegmasie invétérée du tube digestif, qui semblait se jouer de tous les moyens thérapeu- tiques. « Quels remèdes faites-vous, lui disait-on, pour cette maladie qui vous épuise? — Je vis depuis quelques mois de fécules, et déjà mes souffrances diminuent. » Nous Favons retrouvé en 1834, à Bagnères de Bigorre, où il était allé res- pirer l'air natal. & Eh bien, mon ami! comment allez-vous ? — Je prends de la fécule de Pommes de terre et du lait; encore un mois de séjour dans les Pyrénées, et tout ira bien. » En effet, ce traitement sévère, continué avec persévérance, a eu un plem succès. La fécule de Pommes de terre est encore l'aliment et le remède des phthisiques, des enfans tourmentés par la toux, par la coqueluche; des vieillards d’un tempérament sec ; des femmes parvenues à l’âge critique, et dont les viscères abdo- ainaux sont dans un état habituel de souffrance. On donne DES PLANTES USUELLES. 25 à ces divers malades la fécule de Pomme de terre délayée, soit dans une décoction d'orge, soit dans du lait, avec un peu de sucre. Fécule de Pommes de terre. On prend des Pommes de terre bien nettoyées et lavées ; on les râpé, on lave dans un tamis de crin la pâte râpée, l'eau entraîne l'amidon, qui se dépose dans le vase placé pour le recevoir. On lave plusieurs fois l'amidon jusqu'à ce qu'il soit parfaitement pur ; on l'étend sur des claies garnies de papier, et on le fait sécher à l'étuve. Toutes les Pommes de terre, pourvu qu’elles ne soient ni altérées, ni séchées au four, peuvent fournir la fécule. Le moment le plus favorable pour lextraire est toujours avant l'hiver, parce qu'à mesure que ces tubercules s'éloignent de l'époque de la récolte, elle se combine insensiblement avec les autres parties constituantes, diminue de quantité, et devient d'une extraction moins facile. Gelée de Pommes de terre. Prenez : fécule de Pommes de terre, une once ; eau pure, une livre; sirop de sucre, une once. Délayez la fécule dans la moitié de l’eau froide; agitez et jetez ensuite ce mélange dans l’autre moitié en état d'ébulli- tion ; donnez deux ou trois bouillons. Ajoutez le sirop de sucre, quelques grains de sel, et, si vous voulez, un peu d'eau de fleur d'orange. 26 NOUVEAU TRAITÉ bu Salep de Pommes de terre. Pour l'obtenir, il suffit de soumettre à une légère ébullition dans l’eau, une certaine quantité de Pommes de terre, qu'on coupe ensuite par tranches et qu'on fait sécher au soleil ou au four, à une douce chaleur, jusqu’à ce qu'elles aient acquis la transparence et la sécheresse de la corne. On les pile, et on a une poudre blanchâtre qui peut se conserver un temps infini sans s’altérer. Lorsqu'on veut prendre cette poudre.en guise de salep, on en met bouillir une once, pendant un quart d'heure, dans environ huit onces d'eau. On passe la décoction, on l'édulcore avec du sucre, et on l’aromatise convenablement. Cette autre espèce de gelée à laquelle on peut ajouter du lait ou du bouillon, suivant les cas, peut servir tout-à la fois d'aliment ou de remède. On la donne dans les maladies d'épui- sement et de consomption. Nous avons fait la part des malades, occupons-nous main- tenant de ceux quise portent bien. Grâce à quelques écono- mistes philanthropes, et surtout à notre vénérable Parmen- tier, la Pomme de terre n’est plus méprisée en France, et elle compte depuis bien des années parmi les alimens les plus sains. En Alsace, dans la Lorraine allemande, dans la Flandre, où l'on consomme beaucoup de Pommes de terre, on voit des vieillards et des hommes de la plus forte constitution. Les Erlandais , qui en font leur nourriture ordinaire, présentent le même phénomène ; les hommes centenaires n'y sont pas rares. La Pomme de terre n’a pas besoin de l'appareil de la bou- langerie. Faites-la cuire sous la cendre, mettez-y un grain DES PLANTES USUELLES. 27 de sel, vous aurez un aliment farineux, substantiel et d'une agréable saveur. On fait également cuire les Pommes de terre en les tenant suspendues dans une marmite, au fond de laquelle on met bouillir de l’eau. La vapeur seule suffit pour leur donner le degré de cuisson convenable. Mais voici un autre procédé qui est meilleur. On choisit des Pommes de terre à peu près de la même grosseur ; on les lave bien, ensuite on les met dans un pot ou dans une marmite avec moins d'eau froide qu'il n’en faut pour les couvrir entièrement. Si elles sont passablement grosses, il est nécessaire, dès qu'elles commencent à bouillir, d'y ajouter un peu d'eau froide, et d'en remettre de temps en temps jusqu’à ce qu'elles soient cuites. On les empêche ainsi de s'ouvrir au dehors sans être cuites intérieurement, ce qui les rend désagréables au goût et moins faciles à digérer. Pen- dant l’ébullition on y met un peu de sel; plus la cuisson est lente, mieux elle réussit. Lorsque les Pommes de terre sont cuites Gil faut environ une heure), on en jette l’eau, et on rapproche le vase du feu pour faire évaporer l'humidité. Ce procédé a l'avantage de dissoudre et d'extraire un principe âcre qui détériore le goût de la Pomme de terre lorsqu'elle est simplement cuite à la vapeur. En suivant exactement cette méthode, on trouvera que les Pommes de terre en sont meilleures, plus sapides et plus farineuses. La nature nous offre une sorte de pain sous cette forme simple et économique. C'est le pain du laboureur, de l’ouvrier des villes et des campagnes, et l'homme habitué à une alimentation plus riche s'en régale quelquefois, pour va- rier ses plaisirs. Voici un autre délassement gastronomique pour les estomacs blasés par la bonne chère. 28 NOUVEAU TRAITÉ Pommes de terre en salade. Vous coupez en rondelles les Pommes de terre cuites de la manière indiquée, et vous les assaisonnez avec du poivre, du sel, de l'huile de Provence, du vinaigre aromatique, et deux ou trois cuillerées de vin blanc. Si vous avez du vin de Sau- terne, ou du vin de l'Hermitage, tant mieux. La Pomme de terre, naturellement compacte, abesoin de cet assaisonnement liquide, qui lui donne un aspect plus agréable et un goût plus délicat. Pommes de terre à la dauphinoise. Vous faites frire des Pommes de terre jaunes coupées en rondelles; ensuite vous les faites bouillir à grand feu, pen- dant cinq minutes, dans un épais coulis convenablement assaisonné ; puis vous versez sur le plat et coulis et Pommes de terre. Voilà les préparations les plus simples. Nous ne parlons pas des Pommes de terre à la maître d'hôtel, ni des Pommes de terre frites, il n'y a pas de petit ménage qui ne con- naisse ces mets bourgeois. Les cuisiniers de profession pour- ront d'ailleurs vous offrir des Pommes de terre à la pro- vençale, à la hollandaise ou à la flamande, des Pommes de terre au beurre noir, et même des Pommes de terre à la sy- barite. Vous ne connaissez peut-être pas cette fameuse composi- tion destinée aux sybarites ; c’est une espèce de pétée assar- sonnée de sel et de sucre, et mouillée avec de la crème. Sauf le sucre, c’est l'aliment des pâtres des montagnes. Je ne pense pas que les sybarites s’en nourrissent, à moins qu'on DES PLANTES USUELLES. 29 n'y mette un peu de vanille, Je propose cette petite modifi- cation à l'inventeur. Au reste, cette espèce de purée, connue de tout le monde, est une fort bonne nourriture pour les estomacs irritables, surtout pour les convalescens, dont les entrailles ont con- servé une sorte de sensibilité à la suite des inflammations aiguës ou chroniques ; mais il ne faut pas qu'elle soit trop épaisse. N'oublions point la morue entourée de Pommes de terre. Ces tubercules corrigent, par leur mucilage, la saveur un peu âcre du poisson salé. C'est la collation du curé de cam- pagne, de la bonne religieuse, de la sœur hospitalière. Je leur conseille de ne pas y épargner le beurre, surtout s’il est frais, et d'y ajouter un peu de jus de citron. Tout cela ne vaut pas lesttruites du lac de Genève, les carpes du Rhin dont se nourrit ce dévot riche qui veut faire pénitence les jours mai- gres ; mais c’est un mets agréable lorsque la bonne sœur y a mis Ja main. c * Rosbif aux Pommes de terre. La Pomme de terre se mêle à toute sorte de viandes, et modifie agréablement leur saveur. En Angleterre, en Alle- magne, en France, ce tubercule est journellement servi avec le rosbif, le bifteck, etc. Rien n’est comparable à une magni- fique pièce de bœuf entourée de Pommes de terre bien ris- solées, d'une belle couleur d'or. Il y a là de quoi alimenter tout un collége électoral rassemblé dans une ville de province : les électeurs, comme on sait, viennent de loin, etils ont ordi- nairement un rude appétit. Mais qu'ils se gardent des opinions politiques exagérées, et s'ils sont un peu gourmands, qu'ils sachent bien que les discussions turbulentes irritent le cer- 30 NOUVEAU TRAITÉ veau et paralysent l'estomac. Pour manger avec plaisir et bien digérer, 1l faut que ces deux organes soient dans un parfait accord. Les gastronomes connaissent le pouvoir de cette har- monie; aussi le docteur Bonnafos disait souvent : « Surtout ne vous mettez pas en Colère au moment de diner. » Je ne connais rien de plus substantiel que le filet de bœuf sauté aux Pommes de terre. Comme 1l répare les forces épui- sées par le travail, par la fatigue, par la maladie, par l'abus des purgatifs, des saignées, par une diète trop sévère! C’est même un morceau délicat qu'on sert sur les meilleures tables. Mouton aux Pommes de terre. Le petit propriétaire , l'artisan laborieux, le concierge un peu aisé, se délectent le dimanche en mangeant le haricot de mouton aux Pommes de terre. Ce ragoüt, un peu vulgaire, abonde en principes nutritifs, et lorsqu'on a ménagé les épices, il restaure agréablement. Ne le méprisons pont, il a nourri, tout près du ciel, plus d’un poète, plus d'un prosa- teur, plus d'un savant, plus d’un répétiteur de collége, plus d'un homme politique. Mais, en descendant d'un étage, nous avons d'autres sentimens, la vanité prend son essor, et nous oublions, ingrats que nous sommes, le pauvre haricot de mouton. Il nous faut des ortolans, des bec-figues, des poulardes de la Bresse, des truffes du Périgord, et c'est à peine si nous permettons à la Pomme de terre de nous fournir des crèmes à l'entremets, des biscuits au dessert. Rien n'est, du reste, plus délicat que les friandises qu'on fait avec la fécule de Pommes de terre, surtout lorsque la va- nille y à laissé son délicieux parfum. Voilà la véritable am- broisie des femmes, des enfans, du sybarite même, si l'on veut. Il faut les voir par un beau jour chez nos grands pâtis- DES PLANTES USUELLES. 31 siers ; le petit four, sans cesse en action, peut à peine suffire à toutes ces jolies bouches qui s'entr'ouvrent, qui se ferment, et qui, pendant une heure, ne font que ce mouvement. Mais comment diner après toutes ces sucreries qui gâtent l'estomac et le rendent capricieux? Nous reviendrons plus tard sur ce sujet, qui intéresse l'hygiène domestique. Outre une fécule excellente et un amidon fort beau, la Pomme de terre donne une liqueur spiritueuse d'un goût agréable, ressemblant beaucoup à l'eau-de-vie de vin ; mais ayant quelque chose de plus moelleux et de plus frais. An- derson la compare à l’eau-de-vie imprégnée de l'odeur de violettes et de framboises. Conservation des Pommes de terre. On met dans un panier à claire-voie des Pommes de terre que l’on trempe dans l'eau bouillante. Au bout de quatre se- condes, on enlève le panier, on verse les Pommes de terre sur le plancher. On les expose ensuite au soleil et à un courant d'air, pour les sécher rapidement; on les garde dans une chambre très aérée, pour les préserver de toute humidité ; on les remue fréquemment, on les tient étalées sans être entassées , et on les change souvent de place. On peut aisément et presque sans frais, se procurer dans les villes une récolte abondante et sûre de Pommes de terre. Ce moyen consiste à mettre dans la cave une couche d'un pouce d'épaisseur de deux tiers de sable fin et d’un tiers de terre ordinaire, et de déposer sur cette couche des Pommes de terres saines. Leur germination s'y opère à l'époque ac- coutumée , les œilletons poussent; les nouveaux tubercules grossissent et acquièrent une saveur égale à celle des racines 32 NOUVEAU TRAITÉ recueillies dans les champs. Le docteur Tournon, de Toulouse, s'est livré en 1811 à cette culture, qui lui a parfaitement réussi. (Flore de Toulouse, 335.) En Allemagne on a obtenu les mêmes résultats. On a mis en ayril trente-deux Pommes de terre jaunes sur une pareille couche également placée à la cave; on ne les a ni enterrées, ni couvertes; elles ont germé abondamment, et en novembre suivant On en à Écueilh plus d’un quart de boisseau de fort bonne qualité. Cet essai pourrait être appliqué partout où se trouvent des souterrains qui ne sont mi trop froids, ni trop humides. La Pomme de terre n'a aucun principe délétère, bien qu'elle appartienne à un genre qui compte plusieurs poisens, tels que le Solanum nigrum , le Solanum sodomeum,, et le Solanum mammosum,; l'usage habituel qu'on en fait sur nos tables nous paraît un argument sans réplique. Pfaff, professeur de chimie à Kiel, et Vibourg, professeur à Copenhague, se sont livrés à des recherches sur l’innocuité des Pommes de terre prématurées et des Pommes de terre rouges. Ils ont obtenu les mêmes résultats. Les expériences de Parmentier, d'Emhof et de ces professeurs ayant prouvé que les parties constituantes qui dominent dans les Pommes de terre sont la fécule et le gluten, d'où résulte leur propriété nutritive, C’est d'après la quantité de fécule qu'elles contien- nent qu'il faut prononcer sur leur maturité. Pour savoir à quelle époque les Pommes de terre peuvent devenir un aliment salubre, M. Pfaif les a soumises, depuis leur premier jusqu’à leur dernier développement, à des expé- riences très exactes et difficiles, fondées en partie sur les effets qui résultent de leur usage. Ces expériences ont été faites sur des Pommes Ge terre hâtives ou d'été, et sur quatre variétés de Pommes de terre tardives ou d'hiver. DES PLANTES USUELLES. 33 D'après les conclusions de M. Pfaff, les principes consti- tutifs de ces tubercules sont les mêmes à toutes les époques de leur accroissement, et 1l n’y a de variation que dans leur qualité relative; ainsi, dans toutes les sortes, les parties so- lides, surtout la fécule, augmentent, et les parties aqueuses diminuent par les progrès de la végétation. Plus la végétation est avancée, plus aussi la fécule prédomine sur le gluten. Le mucilage est dans le même rapport que l'eau ; mais outre le mucilage, 1l s'y trouve quelque sel et un acide libre qui paraît plus abondant à la fin de la végétation. Le tannm n'existe que dans l'enveloppe de la Pomme de terre; il n’y en a point dans sa pulpe. Il est en plus grande quantité dans les Pommes de terre anticipées que dans celles d’une cueillette plus tardive. Les Pommes de terre où la fécule prédomine beaucoup sur le gluten, prennent, par la cuisson, un aspect farmeux. Celles qui, étant cuites, restent dures, contiennent beau- coup d'albumine et plus de gluten que de fécule. Quoique les jeunes Pommes de terre contiennent des prin- cipes alimentaires, elles sont moins nourrissantes et moins sapides que celles d’une parfaite maturité. MM. Pfaff et Vibourg ont mangé des Pommes de terre à toutes les époques de leur accroissement, sans jamais en avoir éprouvé des effets nuisibles, et s'il fallait, disent-ils, d'autres preuves de leur innocuité, on les trouverait dans la santé des habitans de certaines contrées, où elles sont la nourriture exclusive des paysans. Les hommes robustes peuvent faire usage, sans accident, des Pommes de terre prématurées, mais nous recommande- rons expressément aux personnes délicates d'attendre leur maturité parfaite. Ces tubercules ont alors des principes plus homogènes, et ils perdent cette odeur spéciale, cette III, 3 3% NOUVEAU TRAITÉ acrimonie qui les distinguent dans leur premier développe- ment. Gilibert a fait la remarque que les porcs qui ont beaucoup mangé de ces racines nouvelles, en sont tellement enivrés, qu'ils ne peuvent marcher de quelques heures. Nous dirons aussi que les Pommes de terre gelées, ou qui ont subi un mouvement de fermentation et de putréfaction , peuvent causer des désordres graves dans l'économie. Les bestiaux qu’on nourrit de ces tubercules gâtés deviennent hydropiques et périssent. Plusieurs enfans qui en avaient également mangé en Irlande, sont morts de gangrène. ( Voyez notre Phytographie médicale, nouv. édit., tom. 1, page 540.) La Pomme de terre est une plante précieuse pour l'éco- nomie rurale et domestique. Ses tubercules ne nourrissent pas seulement les hommes, tous les bestiaux les mangent crus ou cuits. Les bœufs destinés à la boucherie s'engrais- sent parfaitement avec des Pommes de terre qu'on leur'donne matin et soir. Le lait des vaches en devient plus épais, plus jaune et plus crèmeux. C'est une fort bonne nourriture pour les moutons, pour les porcs, pour la volaille, et même pour les chevaux. Les tiges et les feuilles servent également de fourrage. Le docteur Anton, de Goerlitz, a nourri ses vaches avec la fane de Pomme de terre, en 179%, où le trèfle avait manqué. CALEBASSIER. CRESCENTITA. Galice à deux découpures concaves, égales, caduques. Co- rolle grande, presque campanulée ; tube court, courbé; limbe à cinq découpures, inégales , dentées et ondulées. Étamines didynames. Stigmate épais, capité, échancré ou bilamelleux. DES PLANTES USUELLES. 39 Baie ovale ou obronde, semblable à une courge, à écorce dure, uniloculaire. Semences nombreuses, presque en cœur, bilo- culaires, nichées dans la pulpe. CALEBASSIER À FEUILLES LONGUES. CRESCENTIA CUJETE. Crescentia cujete. Wizrp. Spec. 3. 311. JaAcQ. Amer. 175. t. 111. Lam. Encycel. Bot. 1. 557. PERS. Synop. 2. 168. Cet arbre, à peu près de la grandeur de notre pommier, croît aux Antilles, à la nouvelle Espagne et à la Guyane. Son tronc est tortueux, recouvert d’une écorce grisâtre et raboteuse. Ses rameaux, nombreux et fort longs, s'éten- dent la plupart horizontalement, et sont garnis à chaque nœud de plusieurs feuilles oblongues , lancéolées, pointues, rétrécies insensiblement vers leur base, entières, presque sessiles, et d’un vert luisant. Les fleurs sont blanches, pédonculées et solitaires : elles naissent sur le tronc et le long des branches. A ces fleurs succèdent des fruits obronds ou ovoides, à peu près de la forme de nos calebasses. Une écorce verdâtre, très dure, presque ligneuse , recouvre une pulpe blanche, suceulente, d'une saveur légèrement acide, renfermant des semences aplaties, cordiformes , de couleur brune. ÿ Il y a plusieurs variétés de Calebassier, que l'on distingue par la forme des fruits. Les habitans des contrées où croît cet arbre regardent son fruit comme un remède excellent dans un grand nombre de maladies. Ils en retirent une liqueur semblable à la limonade, qu'ils emploient dans les fièvres : 36 . NOUVEAU TRAITÉ ardentes, bilieuses et putrides. Ils préparent avec la pulpe et du sucre un sirop tempérant et adoucissant, connu sous le nom de strop de calebasse, qui à été fort renommé dans le traitement des maladies pulmonaires. Mais ce remède, comme bien d'autres, n’a point soutenu sa réputation, et n’a procuré en France qu'un soulagement précaire. Aujourd’hui il n’en est plus question. Cependant le docteur Dasille, dans son Traité sur les Ma- ladies des climats chauds, assure que cette préparation a produit d’excellens effets dans la phthisie du poumon, lors- qu'on l’a employée avant l'apparition des symptômes graves qui annoncent l’incurabilité de la maladie. DES PLANTES USUELLES, 37 RHINANTHACÉES. RHINANTHACEÆ. Rhinanthaceæ. DC. — Rhinanthoideæ. Ver. VÉRONIQUE. VERONICA. Calice à quatre ou cinq divisions. Corolle en roue, à quatre lobes inégaux. Deux étamines à filamens terminés par des anthères oblongues ou arrondies. Un style incliné, à stig- mate simple. Capsule ovale ou en cœur renversé, plus ou moins comprimée, souvent échancrée au sommet, à deux loges et à deux valves. Semences nombreuses, arrondies, comprimées. VÉRONIQUE OFFICINALE. VERONICA OFFICINALIS. Veronica officinalis. Lann. Spec. 14. DC. F1. Fr. 2396. Porr. Encyel. Bot. 8. 593. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 8. Desv. FI. Anj. 161. CHev. F1. Par. 3. 431. Bacs. FE. Lyon. 1. 529. F1. Dan. t. 248. Buzz. Herb. t. 293. Cette plante , appelée vulgairement Thé d Europe, Véro- nique mâle, habite les coteaux arides, les forêts, les taillis, les bruyères. La tige est rameuse, diffuse, ordinairement rampante , quelquefois droite, longue de huit ou dix pouces, hérissée de poils courts, garnie de feuilles opposées, ovales, un peu 38 NOUVEAU TRAITÉ obtuses, velues, rudes, comme chagrinées, rétrécies à leur base en un court pétiole. Les fleurs sont petites, d'un bleu pâle, quelquefois blan- ches, avec des veines purpurines, disposées en grappes laté- rales et axillaires. Voilà une petite herbe qui fleurit, pendant tout l'été, dans les pâturages montueux et sur les coteaux boisés de toute la France, depuis les Pyrénées jusqu'à Paris. Si vous craignez le thé de la Chine, ce malheureux thé que plusieurs méde- cins ont frappé d'anathême , allez cueillir par un beau jour la Véronique, faites-la sécher au soleil, et conservez-la dans une boîte hermétiquement fermée. Vous pourrez ensuite préparer avec ce thé imdigène une infusion un peu äpre qui a charmé les palais allemands. Frédéric Hoffmann, médecin d'une haute réputation, dis- serta, en 1693, sur les vertus de la Véronique officinale ; sa parole grave retentit dans toute l'Allemagne, et on s'empressa de remplacer le thé de la Chine par cette herbe sauvage. (Disseriatio de infusi Veronicæ efficacia prœferenda herbæ Theœ.) Francus, autre médecin allemand, en faisait, presque à la mème époque, une panacée universelle (Polychresta herba Veronica). La toux, les suffocations, l'asthme , le catarrhe, la fièvre lente, la phthisie du poumon, la gravelle, tout cela devait disparaître sous l'influence de la Véronique, prise en infusion théiforme. On à mème dit qu’un roi de France fnt guéri de la lèpre par des fomentations préparées avec la même plante. Mais, comme le remarque judicieusement Haller, il faut se méfier de ces panégyristes, qui, de même que ceux des héros, ne mettent aucune borne à l’objet de leur enthou- siasme. En eflet, l'expérience n’a point confirmé les éloges qu'on avait prodigués à la Véronique. DES PLANTES USUELLES. 39 Son odeur est faible, sa saveur légèrement amère, un peu styptique ou astringente. Son infusion , d'une couleur jaune ou rougeâtre, noircit par la solution du sulfate de fer. Sa tein- ture spiritueuse répand une odeur un peu balsamique. Son extrait alcoholique est plus amer que son extrait aqueux. Cet aperçu chimique, présenté par Cartheuser et Hoffmann, décèle néanmoins une propriété tonique et astringente dont la médecine usuelle peut tirer part pour ranimer l’action du tube digestif, des reins, de la vessie, etc. Que la sœur hospitalière continue donc d'aller cueillir la Véronique dans les bois, dans les pâturages. Qu'elle en prépare des infusions, des tisanes pour les pauvres dont les organes ont besoin d'être doucement excités ; qu'elle y ajoute un peu de miel ou un peu de réglisse, si le malade tousse, sil crache difficilement. Un peu de repos, un peu de vin, quelques tasses de bouillon, ramèneront bientôt la santé. Cette médecime n’est point savante, mais elle suffit ordinaï- rement dans les campagnes. Lorsque des symptômes graves se déclarent, il faut que la bonne sœur réclame l'assistance d'un homme de l'art. Le médecin est aussi l'ami des pauvres, il ne se fera pas attendre. Infusion de Véronique. Prenez : feuilles et fleurs de Véronique officimale, deux gros; eau bouillante, une livre. Laissez infuser pendant quelques minutes, et ajoutez un peu de sirop ou un peu de miel. On donne cette boisson adoucissante, et faiblement aro- matique, dans les catarrhes, dans les affections chroniques de la poitrine. Lorsqu'on veut ranimer les fonctions de la peau, on y mêle quelques fleurs de camomille ou de tilleul. 4.0 NOUVEAU TRAÏTÉ Thé indigène. Prenez : feuilles de Véronique, deux onces; feuilles de mélisse, sommités fleuries d'ansérine botrys, de chaque une once. Ces plantes doivent être cueillies dans leur floraison, au moment où le soleil a entièrement dissipé la rosée du matin. On les hache bien menu; on les fait sécher à un soleil vif, en les retournant de temps en temps, et lorsque la dessic- cation est parfaite, on les enferme dans une boîte à thé. L'infusion théiforme de ce mélange d'herbes sèches est assez agréable, et on doit la préférer à celle qu'on prépare avec les feuilles de thé vert, lorsque les nerfs sont doués d'une grande susceptibilité ; mais n’y cherchez point cette astriction aromatique, ce parfum spécial qu'on aime dans le the. Au reste, notre thé indigène, édulcoré avec du sucre, favorise la sécrétion des reins, stimule légèrement les voies digestives, provoque la transpiration, et peut remplacer Île thé de la Chine ou du Japon, sinon dans les soirées, du moins au lit du malade. Les chevaux, les vaches, les moutons, broutent dans les pâturages la Véronique officinale. La plupart des Véroniques, et particulièrement les espèces suivantes, partagent ses propriétés. DES PLANTES USUELLES. Ai VÉRONIQUE PETIT-CHÊNE. VERONICA CHAMÆDRYS. Veronica chamædrys. Lin. Spec. 17. DC. FI. Fr. 2389. Porr. Encycl. Bot. 8. 525. LAPEyYR. Plant. Pyr. 1. 9. CHE. F1. Par. 3. 431. Bazs. F1. Lyon. 1. 526. DEsv. F1. Anj. 160. FI. Dan. t. 448. On reconnait aisément cette espèce de Véronique à ses poils constamment rangés sur la tige en deux lignes opposées qui descendent d'une feuille à l'autre. Sa racine, comme sarmenteuse, pousse plusieurs tiges grèles , droites, cylindriques , simples ou rameuses, hautes de huit à dix pouces, garnies de feuilles opposées, ovales, cordiformes, dentées, ridées, un peu velues à leurs deux faces. Les fleurs sont bleues, assez grandes, disposées en grappes latérales et axillaires. Les folioles du calice sont pubescentes, lancéolées et presque égales entre elles. La capsule est com- primée, plus courte que le calice, partagée à son sommet en deux lobes arrondis. : C'est une jolie petite plante qu'on trouve, au printemps, dans les prés, dans les bois, autour des haïes des villages. Ses fleurs, d'un bleu céleste, brillent dans les buissons , et attirent les regards du promeneur. Elle croît sur les sommets et dans les vallées des Pyrénées, à Bagnères, à Barèges, au Pic-du-Midi. Ses feuilles sont amères, un peu astringentes. Elles rem- placent celles de la Véronique officinale , et on en fait égale- ment une infusion théiforme. 12 NOUVEAU TRAITÉ VÉRONIQUE TEUCRIETTE. VERONICA TEUCRIUM. Veronica teucrium. Lin. Spec. 16. DC. FI. Fr. 2390. Porr. Encycl. Bot. 8. 528. CHEv. FI. Par. 3. 430. Desv. FL. Anj. 161. Lam. Illustr. 160. JAcQ. FI. Austr. 1. 160. La Véronique teucriette est assez commune, en mai et juin, au bord des bois et sur les pelouses, où elle croît en toufles. On la trouve aux environs de Paris et de Lyon. Sa tige, un peu couchée, cylindrique, simple ou rameuse, légèrement velue, d'un vert blanchâtre, longue de huit à dix pouces, porte des feuilles opposées, ovales, pointues, quel- quefois obtuses, sessiles, profondément dentées en leurs bords , d'un vert foncé en dessus, un peu velues et blanchâtres en dessous. Les fleurs sont grandes, d'une belle couleur bleue, un peu veinées de rouge, et disposées en grappes axillaires sur des pédoncules pubescens. Le calice est légèrement velu, à quatre découpures étroites, inégales. Les capsules sont un peu renflées , échancrées au sommet en deux lobes courts et arrondis. Cette plante a un peu plus d'amertume que les autres Vé- roniques, auxquelles on peut la substituer dans les pays où elle abonde. On l'a donnée avec quelque succès dans les fiè- vres intermittentes simples. Les abeilles recherchent particu- lièrement ses fleurs. DES PLANTES USUELLES. 43 VÉRONIQUE BÉCABUNGA. VERONICA BECABUNGA. Feronica becabunga. Lann. Spec. 16. DC. FIL Fr. 2394. Poir. Encycl. Bot. 8. 519. Lapeyre. Plant. Pyr. 1.8. CHEv. F1. Par. 3. 429. FI. Dan. t. 511. BLACKW. Herb. t. 48. Cette petite plante a des tiges un peu couchées à leur base, puis redressées, cylindriques, rougeâtres, rameuses, hautes d'environ un pied. Les feuilles sont opposées, un peu épaisses, ovales, arrondies, denticulées à leur contour, lisses, luisantes et d'un vert foncé. Les fleurs sont petites, d'un bleu pâle, disposées en grappes latérales et un peu lâches dans les aisselles des feuilles supérieures. Cette Véronique varie beaucoup dans les proportions de sa grandeur. Dans certaines localités elle n’a que quelques pouces de hauteur, et ailleurs elle atteint presque la hauteur d'un homme. On la trouve dans les lieux humides, au bord des fontaines et des ruisseaux, où elle fleurit vers le mois de juin. La tige et les feuilles sont tendres, succulentes, un peu âcres, d’une amertume assez prononcée. D'après M. Planche, elles contiennent un principe âcre, volatil, de l'albumine végétale et du sulfate de chaux. La plante fraîche fournit un suc amer ef antiscorbutique. Lorsque j'arrivai à Paris, les médecins prodiguaient pour ainsi dire les sucs d'herbes. Presque toutes les maladies chro- niques, surtout les dartres, le scrophule, le rachitis, l'en- 4% NOUVEAU TRAÏTÉ gorgement des viscères, étaient soumis à ce traitement exclusif. Peu à peu on a abandonné les sucs dépuratifs , les sucs antiscorbutiques, et maintenant il n’en est presque plus question. La saignée , les sangsues, les bains, les exu- toires, quelques purgatifs, voilà à peu près notre thérapeu- tique actuelle. La médecine a ses modes, ses fantaisies, ses caprices, ses doctrines, ses théories, et cela se renouvelle à peu près tous les vingt-cinq ans. Si Barthez, Pinel, Cor- visart revenaient parmi nous, comme ils se trouveraient dépaysés ! Revenons aux sucs d'herbes et au Bécabunga. Le suc exprimé de la plante fraîche est un doux antiscorbutique : on le donne seul à la dose de trois ou quatre onces, ou mêlé avec autant de petit-lait. Quelquefois aussi on y joint le suc de quelques plantes crucifères ou chicoracées. Le suc expri- mé des herbes amères, et modifié suivant les circonstances , sera toujours un remède puissant dans la plupart des mala- dies chroniques où la faiblesse domine et s'allie à un principe acrimonieux , comme on disait autrefois. Au reste, les jeunes pousses du Bécabunga, cueillies au printemps, se mangent en salade. On les fait également cuire, et on les apprète comme les épinards. Le bétail broute aussi cette plante avec avidité le long des ruis- seaux. On peut substituer au Bécabunga une autre Véronique dont la composition chimique et les propriétés sont fort ana- logues , c'est la Véronique mouron (Veronica anagallis), connue sous le nom vulgaire de petit Bécabunga. Cette espèce a une tige droite, herbacée, haute de douze à quinze pouces, garnie de feuilles opposées, lancéolées, légèrement dentées en scie , demi-amplexicaules et glabres, ainsi que le reste de la plante. Les fleurs sont d’un bleu pâle DES PLANTES USUELLES. 45 ou blanches, traversées par des veines roses. Les capsules sont ovales, non échancrées. La Véronique mouron croit dans les lieux aquatiques , au bord des marais. Elle fournit, comme le Bécabunga, un principe volatil, du sulfate de chaux et de l'albumine végé- tale. Les chèvres et les vaches la mangent. VÉRONIQUE A ÉPI. VERONICA SPICATA. Veronica spicata. Linn. Spec. 14. DC. FI. Fr. 2408. Porr. Encycl. Bot. 8. 509. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 5. CHEv. El. Par. 3. 432. FI. Dan. t. 52. Cette espèce, fort jolie, orne les pâturages et les bois par ses épis de fleurs d’un bleu tendre. La tige est un peu couchée à sa base, puis ascendante , très simple, légèrement velue. Les feuilles sont oblongues, obtuses , crénelées, d’un vert pâle, beaucoup plus petites à la partie supérieure de la tige. Les fleurs sont ordinairement bleues, quelquefois blan- ches, réunies en épi terminal, accompagnées à leur base de petites bractées lancéolées, de la longueur du calice. Les capsules sont ovales, en cœur, comprimées, un peu ciliées. Cette plante, dont la saveur est amère, légèrement styp- tique, peut remplacer la Véronique officinale. Les vaches, les moutons la broutent, et les abeilles vont butiner sur ses fleurs. La Véronique couchée ( Veronica prostrata) et la Véro- nique serpolet (Veronica serpillifolia) ont des propriétés plus douces. En les mêlant avec la petite sauge, on peut 46 NOUVEAU TRAITÉ en faire également une sorte de thé indigène, ou thé de France. La première espèce a des tiges couchées, rameuses , des feuilles pubescentes, presque linéaires, avec quelques den- telures sur les bords. La corolle est d’un bleu tirant sur le violet, à limbe divisé en quatre lobes ovales , presque obtus , inégaux. On la trouve sur les collines arides, en France, en Suisse , en Italie, etc. On distingue la Véronique serpolet à sa tige un peu cou- chée, redressée à sa partie supérieure, à ses feuilles ovales, obtuses, lécèrement crénelées, à ses fleurs en grappes ter- minales et d'un bleu tendre. Elle croît au bord des che- mins, le long des haies. C'est un très bon fourrage pour les bestiaux. EUPHRAISE. EUPHRASITA. Calice à quatre lobes. Corolle tubuleuse , à deux lèvres : lèvre supérieure ordinairement échancrée; lèvre inférieure à trois divisions égales. Étamines didynames, à anthères bilo- bées, bicornes. Stigmate en tête. Capsule ovoïde, à deux loges polyspermes. EUPHRAISE OFFICINALE. EUPHRASIA OFFICINALIS. Euphrasia officinalis. Lann. Spec. 841. Lam. Encycl. Bot. 2. 400. Illustr. t. 518. f. 1. DC. FIL. Fr. 2418. CHEV. F1. Par. 3. 436. F1. Dan. 1037. D'une racine menue, fibreuse, blanchâtre, naît une pe- tite tige, d'un vert brun ou rougeâtre, ordinairement ra- DES PLANTES USUELLES. 4/7 meuse, velue, haute à peine de cinq ou six pouces. Les feuilles sont petites, ovales, sessiles, la plupart opposées , dentelées et d’un johi vert. Les fleurs sont d'une couleur blanche, mêlée de jaune et de violet, axillaires, presque sessiles, rapprochées vers la partie supérieure des rameaux en une sorte d'épi. Les éta- mines ne sont point saillantes hors de la corolle. Cette jolie plante végète avec grâce sur la mousse, sur les pelouses, au bord des bois. On aime à la voir sur les col- lines avec ses fleurs à petites lèvres nuancées de blanc et de jaune. Son nom Euphrasia exprime la joie, le plaisir. On croit qu'elle guérit les maux d'yeux; voilà pourquoi les An- glais l'appellent eye-bright, lumière de l'œil. À propos de la vertu ophthalmique attribuée parles anciens à cette petite herbe des pelouses, un auteur moderne s’écrie : «Comment a-t-on pu conserver jusque dans les siècles de lumière des idées conçues dans les temps d’ignorance! » Pour moi je ne vois dans cette exclamation burlesque qu'une philosophie sotte et vaniteuse qui croit qu'on n'a su raisonner et expérimenter que dans les temps modernes. L'Euphraise officinale n’a qu'une odeur très faible, mais ses feuilles sont amères, un peu astringentes. Ne peut-on pas expliquer par à les bons effets produits par leur décoc- tion, dans quelques ophthalmies chroniques, accompagnées d'une sorte de relâchement ou de faiblesse locale? Certes, je recommanderai très expressément aux sœurs hospitalières des petites villes et des campagnes, qui font quelquefois la médecine des pauvres, de préférer pour les maux d'yeux les infusions , les décoctions de cette petite plante, aux collyres de nos charlatans. Il en est qui vous en offrent deux , trois et même quatre. Lisez les grandes affiches qui couvrent tous les murs de notre capitale, et peut-être aussi les murs des 48 NOUVEAU TRAITÉ villages, vous n'y verrez que des miracles , et si vous avez un peu mal aux yeux, vous n'aurez que l’embarras du choix. Lorsque la vue est faible, fatiguée par les veilles ou par le travail, le repos, le sommeil, la sobriété, la tempérance donnent d'abord du soulagement. On bassine de temps en temps les yeux avec de l’eau fraîche où l'on a jeté quelques gouttes d'eau-de-vie ou d'eau-de-Cologne : ces ablutions sont quelquefois le meilleur collyre. On peut également les laver avec une décoction de feuilles d'Euphraise, avec une infusion de fleurs de sureau ou de mélilot. Si l'ophthalmie est grave, il faut consulter un médecin, un véritable oculiste. DES PLANTES USUELLES. 49 OROBANCHÉES. OROBANCHEZÆ. Orobancheæ. VEnT. DEsv. CHev. OROBANCEIE. OROBANCHE. Calice fendu en deux parties divisées elles-mêmes en deux lobes plus ou moins profonds. Corolle tubuleuse, à deux lèvres ; tube ventru; lèvre supérieure concave, échancrée: lèvre inférieure trifide , réfléchie, inégale. Quatre étamines épineuses à leur base. Ovaire glanduleux à sa base; stigmate à deux lobes. OROBANCHE MAJEURE. OROBANCHE MAJOR. Orobanche major. Lin. Spec. 882. Lam. Encycl. Bot. 4. 621. Illustr. t. 551. f. 1. DC. FL Fr. 2452. Desv. FI. Anj. 170. CHEv. FI. Par. 3. 451° Engl. Bot. 421. — Orobanche rapum genistæ. Tuuize. FI. Par. 317. L'Orobanche majeure a une racine épaisse, tubéreuse, d'où s'élève une tige droite, cylindrique , haute d'environ deux pieds, recouverte de squammes larges, pointues et pubes- centes. Les fleurs sont grandes, renflées , velues en dehors, d'une couleur de rouille, disposées en épi termimal. La lèvre supé- LE 4 50 NOUVEAU TRAITÉ rieure de la corolle est entière, un peu courbée, l'mférieure partagée en trois lobes obtus. A la base de chaque fleur est une bractée longue, aiguë, étroite. Les étamimes sont gla- bres; Le style et l'ovaire sont chargés de poils glanduleux ; le stigmate est jaunâtre, à deux lobes échancrés. Cette plante croît dans les pâturages, dans les bruyères, au bord des bois. Ses fleurs s'épanouissent en mai, juin et juillet. On la trouve dans les Pyrénées, aux environs de Paris, de Lyon, etc. Elle adhère aux racines des légumi- neuses ligneuses, et particulièrement du genèêt à balais. OROBANCHE VULGAIRE. OROBANCHE VULGARIS. Orobanche vulgaris. Lam. Encycl. Bot. 4. 621. DC. FI. Fr. 2453. — Orobanche caryophyllacea. Smiru. Act. Soc. Linn. 4. 169. CHEv. FI. Par. 3. 452. LAPEYR. Plant. Pvyr. 1. 359. Cette espèce est souvent confondue avec la précédente. Elle en diffère par sa tige plus courte, par ses fleurs plus grandes, rougeûtres et crépues, exhalant une odeur de gé- rofle assez prononcée. La tige est pubescente, haute de huit à douze pouces, garnie de squammes oblongues, presque glabres. Les fleurs sont grandes, jaunes en dehors, pourprées en dedans. La lèvre inférieure de la corolle est divisée en trois lobes égaux et crépus. Le calice offre deux lanières larges, ovales,, bifides, atteignant presque la longueur de la bractée. Le style est glabre; les étamines sont cotonneuses à leur base. DES PLANTES USUELLES. 51 L'Orobanche vulgaire vient sur les pelouses sèches, dans les bois, au bord des petits sentiers herbeux. Elle fleurit en mai et juin. On la rencontre aux environs de Paris; elle abonde dans les Pyrénées. On mange les jeunes pousses de ces deux espèces comme les asperges. Les bestiaux les recherchent également. Plantæ pecoribus amatæ (Gmelin. ) Les lièvres, les lapins en font particulièrement leur pâture. Aussi les appelle-t-on dans quelques localités Pain de lièvre. Dans l’Anjou elles portent le nom d'Asperge sauvage. CLANDESTINE. LATHRÆA. Calice campanulé, quadrifide. Corolle tubuleuse, à deux lèvres , la supérieure concave, l'inférieure réfléchie, inégale, à trois lobes. Ovaire glanduleux à sa base; stigmate tronqué. CLANDESTINE COMMUNE. LATHRÆA CLANDESTINA. Lathræa clandestina. Tan. Spec. 843. DC. FL Fr. 2459. LAPEYR. Plant. Pyr. 1. 347. DEsv. Fi. Anj. 171. CHEv. EL. Par. 3. 7. ST. Hiz. Plant. Fr. 2. t. 95. LAM. Ilustr. t. 551. f. 1. La Clandestine offre une tige qui se divise en deux ou trois rameaux courts, épais, noueux, imbriqués d'écailles charnues, serrées et blanchâtres. Les fleurs sont d'un pourpre violet, droites, assez grandes, 52 NOUVEAU TRAITÉ portées sur des pédoncules solitaires dans les aisselles des écailles supérieures. C’est une belle plante, qui croît dans les lieux ombragés et fleurit au printemps. Elle est presque entièrement cachée dans l'herbe ou dans la mousse ; les fleurs seules sont appa- rentes, d'où lui vient sans doute le nom de Clandestine. On la trouve dans les Pyrénées , au Pic de Lhiéris, et à Puy- Cerda. Une plante qui se cache dans la terre doit nécessairement se distinguer par quelque bonne qualité. Un vieux botaniste lui en a donné une de fort rare, celle de rendre fécondes les femmes stériles. Si c'était vrai, comme on irait à la recherche de cette herbe sauvage! Eh bien! Qu’une femme privée des douceurs de la maternité aille respirer l’air des Pyrénées, qu'elle y cueille elle-même la Clandestine, qu'elle en fasse une sorte de thé, et qu'elle en prenne tous les jours une ou deux tasses ; le changement d'air, le mouvement, des impres- sions nouvelles , une fervente prière dans la chapelle voisine, la douce espérance qui charme l'esprit et le corps, tout cela viendra seconder l'effet du remède, et les vœux de notre aimable voyageuse seront peut-être satisfaits. Ce n’est point là de la médecine superstitieuse, c’est l'hygiène aidée de la médecine morale, c'est la thérapeutique du médecin philo- sophe lorsque les remèdes matériels ne lui sont d'aucun secours. j La Clandestme écailleuse ( Lathræa squammaria ) est une belle plante, à tige molle, courbée, haute de six à huit pouces, chargée de squammes membraneuses, terminée par un épi de fleurs blanches ou purpurines , ordinairement pen- dantes. Le calice est velu, en forme de cloche; la lèvre su- périeure de la corolle est en casque, entière, l'inférieure a trois lobes égaux, peu profonds. DES PLANTES USUELLES. 53 Cette espèce fleurit en mai, et vient dans les lieux hu- mides et couverts. On la trouve dans les bois des environs de Paris. On dit, sans en donner la preuve, qu'elle est efficace contre l'épilepsie. Les chèvres et les moutons la broutent, les vaches la dédaignent. 54 NOUVEAU TRAITÉ LABIÉES. LABIATÆ. Labiatæ. Tourx. Apans. Juss. SAUGE. SALV TA. Calice presque campanulé, strié, à deux lèvres : la supé- rieure à trois dents, l’inférieure bifide. Corolle tubuleuse, à deux lèvres; tube élargi, comprimé à son sommet; lèvre supérieure en voute, entière ou échancrée; lèvre inférieure à trois découpures; la moyenne plus grande et arrondie. Deux étamines à filamens arqués, portés en travers sur un pivot, libres dans toute leur longueur, cornés à leur base, munis à leur sommet d'une anthère à une loge. Un style terminé par un stigmate bifide. Semences dépourvues de pé- ricarpe, arrondies, situées dans le fond du calice persistant. SAUGE OFFICINALE. SALV 14 OFFICINALIS. Salvia ofjicinalis. Lainn. Spec. 34. Porr. Encycl. Bot. 6. 584. DC. FI. Fr. 2480. LaPeyr. Plant. Pyr. 1. 13. DEsr. Arbr. 1. 434. Lam. Illustr. t. 20. f. 1. BLACKW. Herb. t. 10. C'est un sous-arbrisseau à souche ligneuse, poussant des rameaux droits, presque quadrangulaires, velus, blanchâtres, hauts d'environ deux pieds, garnis de feuilles pétiolées, ovales, lancéolées, crénelées, chagrinées, d’un vert pâle ou DES PLANTES USUELLES. 25 d'une couleur cendrée en dessus, pubescentes et blanchâtres en dessous. Les fleurs , d’un bleu rougeâtre, naissent en verticilles au sommet des rameaux, où elles forment une sorte d’épi lâche : le calice est souvent coloré et découpé en cinq dents aiguës. Cette plante croït sur les coteaux de nos départemens du Midi. Une variété a des feuilles plas petites, plus étroites, quelquefois munies de deux oreillettes à leur base ; elle porte le nom de petite Sauge. Ces deux variétés se cultivent en plein air dans le nord de la France. On les multiplie de drageons, de boutures et de graines que l’on sème sur couche au commencement du printemps : elles demandent, en gé- néral , une terre légère, un peu sèche. On en fait des bor- dures odorantes. La Sauge officmale a une odeur forte, pénétrante, une saveur chaude, amère, aromatique. Elle contient beaucoup d'huile volatile camphrée, de couleur verte, avec une petite proportion d'acide gallique et de matière extractive. C'est une plante précieuse, salutaire, et ses vertus justi- fient en quelque sorte son étymologie. Salvia dérive de sal- eus : celui qui prend de la Sauge se porte bien. Les médecins connaissent ces vers burlesques de l’école de Salerne : Cur mortatur homo, cut Salvia crescit in horto ? Salvia cum ruta faciunt tibi pocula læta. Cultivez la Sauge dans votre petit jardin ; cette plante aro- matique ne vous empêchera pas de mourir, mais elle vous ranimera si vous êtes faible, languissant ; elle réveillera votre appétit, elle aidera votre estomac dans ses fonctions digestives, elle stimulera votre poumon vers la fin des ca- tarrhes. Dans les affections légères vous donnerez la préfé- rence à l’infusion des feuilles préparées comme le thé. 56 NOUVEAU TRAITÉ Infusion de Sauge. Prenez : feuilles de petite Sauge, une pincée; eau bouil- lante, une livre; laissez infuser pendant quelques minutes, et sucrez la liqueur convenablement. Lorsqu'on a besoin de stimuler un peu plus vivement les organes, on mêle à chaque tasse une cuillerée à bouche de vin blanc. Cette infusion se prend ordinairement le matin à jeun, ou une heure avant les repas. : La Sauge n’est pas moins utile aux vieillards dont l'appa- reil urinaire est frappé d'atonie. On ajoute alors à l'infusion des feuilles de Sauge, une pincée de baies de genièvre. Les femmes délicates qui ont besoin d'exciter légèrement l'utérus aux approches du flux menstruel, peuvent également avoir recours aux infusions de Sauge; mais il faut qu'il n'y ait ni chaleur, niirritation dans les voies intestinales. L'infusion de Sauge, édulcorée avec du miel ou avec du sirop de gomme, soulage infiniment les asthmatiques en provoquant une douce moiteur. À Enfin nous avons soumis cette plante à quelques expé- riences afin de constater son action fébrifuge : elle nous a particulièrement réussi dans le traitement des fièvres inter- mittentes simples. Vin de Sauge. Prenez : feuilles de Sauge, deux onces ; faites mfuser à une douce température dans une livre d'eau et autant de vin rouge ou blanc de bonne qualité. Après douze heures d'in- fusion, passez la liqueur. On donne deux ou trois verres de ce vin fébrifuge, une où deux heures avant le paroxysme. DES PLANTES USUELLES. 97 La Sauge à feuilles étroites, ou Sauge de Provence , est plus aromatique et plus chargée d'huile volatile. On en fait des sachets, des fumigations, des fomentations, des bains, pour stimuler le système musculaire. Voilà les vertus médicinales qu'on peut accorder à la Sauge. Quant à ses propriétés économiques , lisez quelques ouvrages modernes, vous y verrez que les Chinois raffolent de notre petite Sauge, et qu'ils la mettent bien au-dessus de leur thé. Ils la fument avec délices, et ils sont fort étonnés que nous allions leur demander le thé bohéa ou le thé vert quand nous avons la petite Sauge de Provence. Voilà une singulière naïveté de la part d'un peuple marchand. Ne se- rait-ce pas une sorte de mysüfication qu'aurait voulu nous faire quelque malin voyageur? Quant à moi, je veux bien prendre de la Sauge si je suis malade, mais qu'on me per- mette en bonne santé de préférer au thé de France le thé de la Chine ou du Japon. Ù Notre petite plante aromatique peut nous servir d'ailleurs à relever le goût de certains alimens un peu fades. Une ou deux feuilles infusées dans une sauce la rendront plus pi- quante. Dans la Provence et dans le Roussillon on en met dans presque tous les ragoûts ; et dans la Suisse allemande on enveloppe de feuilles de Sauge les viandes que l’on fait rôtir. En Italie et dans la Corse on sert les merles parés de feuilles de Sauge légèrement frites. À Vienne et dans quelques autres villes d'Allemagne on aromatise les jambons avec de la Sauge. Ce condiment est sain et même agréable lorsqu'il ne domine pas trop. Notre estomac à de ia mémoire, il se rappelle d'avoir été singulièrement ému, il y a plus de trente ans, par une certaine sauce espagnole où l’on avait prodigué le thym et la Sauge. 58 NOUVEAU TRAITÉ SAUGE SCLARÉE. SALVIA SCLARE A. Salvia sclarea. Lan. Spec. 35. Por. Encycl. Bot. 6. 605. DC. F1. Fr. 2483. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 14. Tourx. F1. Toul. 57. Desv. F1 Anj. 145. CuHev. FL Par. 3. 479. BLAckw. Herb. t. 192. Cette espèce a une racine ligneuse, chevelue, noïrâtre, d'où s'élève une tige quadrangulaire, articulée, rameuse, baute de deux ou trois pieds. Les feuilles sont opposées, pé- tolées, larges et cordiformes à leur base, pointues à leur sommet, rugueuses, velues, légèrement crénelées en leurs bords. Les fleurs sont bleuâtres , disposées en épis verticillés, à bractées concaves, dont les supérieures ont une couleur vio- lette. Les divisions du calice sont terminées par une pointe dure et acérée. La Sauge sclarée, connue vulgairement sous les noms d'Orvale, de Toute-bonne, croît en Italie, en Espagne, et dans les départemens méridionaux de la France. Elle est commune dans les vallées des Pyrénées, autour des habita- tions, le long des chemins. Cette plante exhale une odeur forte, pénétrante ; sa sa- veur est amère et aromatique. Ses propriétés sont peut-être plus actives que celles de la Sauge officinale. On l’emploie également en infusion théiforme, et on y ajoute de l'oxymel simple si lon veut exciter les fonctions de la peau. Son in- fusion vineuse, administrée par cuillerées, relève le ton de l'estomac et des intestins. Tragus recommandait cette plante aux femmes stériles comme un remède admirable, et l’on a osé se moquer de ce botaniste, à une époque où on ap- DES PLANTES USUELLES. 59 prenait au genre humain l'art de procréer les sexes à vo- lonté! C'était vers la fin du dix-huitième siècle. Les fabricans de bière substituent quelquefois au houblon la Sauge sclarée , qui donne à cette boisson une qualité eni- vrante. Les Anglais en font cependant des gâteaux, et quel- ques personnes la mangent en salade lorsqu'elle est jeune. On la cultive dans les jardins, où elle se resème d'elle- mème. SAUGE HORMIN. SALVIA HORMINUM. Salvia horminum. Lainn. Spec. 34. Porr. Encycl. Bot. 6. 591. DC. F1. Fr. 2486. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 13. — Salyia colorata. Taore. Chl. Land. 17. Cette charmante espèce croît @MMEspagne et dans les val- lées du Piémont. On la cultive dans les jardins, et on la re- connaît aisément à ses bractées nombreuses, ovales, colorées. Elle aune tige droite, ferme, quadrangulaire, pubescente, haute de deux pieds et plus, divisée en rameaux nombreux, élancés, garnis de feuilles oblongues, obtuses, crénelées, d'un beau vert, pétiolées, les supérieures sessiles. Les fleurs sont verticillées, violettes ou d’un joli pourpre: chaque verticiile est composé de cinq à six fleurs dont les calices sont réfléchis après la floraison. La Sauge hormin a également une odeur forte, un peu aromatique. Infusée dans la bière et dans le vin elle leur donne une qualité enivrante. On la cultive dans les jardins comme plante d'ornement. Toutes les Sauges sont plus ou moins amères, aromati- ques, stimulantes. La Sauge des prés (Salvia pratensis ) 60 NOUVEAU TRAITÉ répand une odeur désagréable. Les bestiaux la négligent, mais sa fleur est aimée des abeilles. Cette plante est au reste assez belle pour être accueillie dans les parterres. On la reconnaît à sa tige droite, quadran- gulaire, velue, peu rameuse, haute d'environ deux pieds; à ses feuilles ovales, ridées, crénelées, cordiformes à la base ; à ses fleurs d'un bleu violet, disposées en vertcilles sur un épi terminal. La Sauge pomifère (Salvia pomifera) abonde dans l’île de Candie. Sa tige piquée par un insecte se couvre de tumeurs dures , charnues, demi-transparentes comme de la gelée : on les appelle pommes de Sauge, et on les mange confites au sucre. MONARDE. MONARDA. Calice cylindrique, 4 à cinq dents. Corolle à deux lèvres : lèvre supérieure droite, entière, enveloppant les éta- mines ; lèvre inférieure réfléchie, plus large, à trois lobes. Deux étamines à anthères oblongues, vacillantes. Un style à stigmate bifide. MONARDE DIDYME. MONARDA DIDYMA. Monarda didyma. Lin. Spec. 2. TREW. Sel. t. 64 — Monarda purpurea. Lam. Encycel. Bot. 4. 256. Illustr. t. 19. Cette plante, d'un brillant aspect, a une tige herbacée, articulée, rameuse, tétragone, à angles aigus, fistuleuse, verdâtre, glabre ou parsemée de poils courts, haute d'environ DES PLANTES USUELLES. 61 deux pieds. Les feuilles sont grandes, pétiolées, cordiformes, lancéolées, dentées en scie, lisses et d’un beau vert. Les fleurs naissent en verticilles vers le sommet de la tige ou dans les aisselles des feuilles supérieures : ellessont grandes, d’un rouge éclatant. Le calice est tubuleux, strié, légèrement arqué , coloré de même que la corolle dont 1l égale à peine le tiers de la longueur. La Monarde didyme est originaire de l'Amérique septen- trionale. On la cultive dans les parterres, et on la multiplie d’éclats de pieds tous les deux ans à l'automne. Il faut la cou- vrir dans les grands froids. On l'appelle vulgairement Thé d'Oswego, Monarde de Pensyloanie. Ses feuilles, lorsqu'on les froisse, exhalent une odeur pénétrante et suave. Les Américains en préparent une sorte de thé qu'ils trouvent fort agréable. ROMARIN. ROSMARINUS. Calice comprimé au sommet , à deux lèvres : la supérieure entière, l'inférieure bifide. Corolle irrégulière; tube plus long quelle calice; limbe partagé en deux lèvres : l’inférieure réfléchie, à trois divisions inégales; celle du milieu fort grande et concave. Étamines saillantes; filamens subulés, arqués, dentés latéralement à leur base. Un style terminé par un stigmate simple. 62 NOUVEAU TRAITÉ ROMARIN OFFICINAL. ROSMARINUS OFFICINALIS. Rosmarinus officinalis. Lin. Spec. 33. Porr. Encycl. Bot. 6. 234. DC. FI Fr. 2479. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 13. DESF. 1. Arbr. 1. 132. Sas. Hort. Rom. 3. t. 67. BLACKW. Herb. t. 159. C'est un arbrisseau aromatique, toujours vert, haut de trois à quatre pieds, à rameaux grèles, allongés, pubescens, d'un vert grisàtre. Les feuilles sont opposées, nombreuses, étroites, sessiles, roulées à leurs bords, obtuses à leur som- met, vertes en dessus, blanchâtres: en dessous. Les fleurs, d'un bleu pâle, naissent en petites grappes courtes, presque verticillées vers la partie supérieure des rameaux. : Le Romarin croît naturellement en Espagne, en Italie, dans l'Orient, sur les montagnes de la Galilée et dans les dé- partemens méridionaux de la France. On le trouve sur les collines pierreuses de la Provence, du Languedoc etdes Pyré- nées orientales, non loin des rivages de la Méditerranée, d’où lui vient le nom de Rosmarinus, Rosée de mer. Il forme de petits buissons dans les plates-bandes de nos jardins, où ses fleurs s’épanouissent en avril et mai. On le propage de boutures, de drageons et de marcottes. Les Grecs appelaient notre Romarin Libanotis, de son odeur aromatique analogue à celle de l'encens. Nous lui don- nons aussi le nom &'Encensier. Toutes ses parties exhalent une odeur forte, diffusible, agréable : elles contiennent de l'huile volatile, de laquelle on peut retirer une assez grande DES PLANTES USUELLES. 63 quantité de camphre. La saveur des feuilles, des rameaux et des fleurs est âcre, amère, un peu balsamique. Le miel de Narbonne, les moutons du Languedoc doivent leur bon goût au Romarin. Ses feuilles servent, dans certains pays, d'assaisonnement culinaire. # C'est une des plantes les plus énergiques.de la famille des Labiées. L'eau , le vin et l’alcohol s'emparent de ses principes actifs. Son infusion théiforme stimule vivement les mem- branes digestives, provoque l'appétit, ranime les fonctions de l'estomac. On la recommande également dans les aflec- tions nerveuses asthéniques, dans la paralysie, dans la chlorose, laménorrhée, etc. Infusion théiforme de Romarin. Prenez : sommités fleuries de Romarin, une pincée; eau bouillante, une livre; faites infuser pendant quelques mi- nutes. On prend de deux en deux heures une petite tasse de cette infusion, et on y ajoute un peu de sucre ou un peu de sirop d'écorce d'orange. Ce remède domestique est utile aux vieillards, aux per- sonnes faibles, inertes, et dont le système organique a besoin d'être stimulé. On fait une sorte d'Oleo-saccharum en instillant cinq ou six gouttes d'huile essentielle de Romarin sur un morceau de sucre, qu'on mêle ensuite dans une ou deux cuillerées d'eau. C'est une potion extemporanée qui excite puissamment le système nerveux, qui réveille les sens et même les facultés mentales. On appelle Eau de la reine de Hongrie, une eau spiri- tueuse préparée avec les fleurs de Romarin. On dit que la reine qui lui a donné son nom la faisait elle-même, et qu'elle 64 NOUVEAU TRAITÉ parvint à se déhivrer de la goutte avec cette eau alcoholique, dont la composition lui avait été révélée par un ange. Ces révélations miraculeuses frappent l'imagination, réveillent la foi, l'espérance, et les remèdes en sont plus efficaces. Il faut croire peurtant que la reine de Hongrie faisait un usage modéré de cette eau spiritueuse qui excite vivement l'organisme. Elle convient davantage dans les faiblesses, dans les langueurs d'estomac que dans les maladies goutteuses bien caractérisées, et dont les symptômes s’aggravent si souvent par une médecine stimulante. Il faut, au reste, la prendre seulement à la dose d'une cuillerée à café dans un peu d’eau sucrée ou dans une infusion aromatique. Vin de Romarin composé. . Prenez : sommités de Romarin et de tanaisie, de chaque une poignée; baies de genièvre, une once et demie; vin blanc, une pinte; alcohol, trois onces. Faites digérer pen- dant quatre jours dans un vase bien clos, et filtrez la liqueur. Ce vin, à la fois stimulant et tonique, est propre à com- battre l’atonie générale, l’œdème, la paralysie, le rachitis, etc. On le prend par cuillerées, pur ou mêlé avec une petite tasse d'infusion amère. Gouttes excitantes. Prenez : alcohol de Romarin, alcohol de menthe, alcohol ammoniacé, de chaque demi-once; mêlez. La dose est de huit à quinze gouttes dans un véhicule aqueux ou yineux édulcoré avec un peu de sucre. C'est un remède héroïque lorsque les forces vitales sont languissantes. 11 convient surtout aux vieillards faibles, en- DES PLANTES USUELLES. 65 gourdis, semi-paralytiques. On le donne également aux gout- teux dont les organes digestifs sont menacés d'une métastase arthritique. On applique l’alcohol de Romarin sur les membres affai- blis, paralysés, infiltrés , afin de réveiller l’action du système musculaire ; mais non sur les parties douloureuses ou enflam- = mées. Dans l'érysipèle, cette application irritante pourrait provoquer la gangrène. On prépare avec le Romarin des bains, des parfums, des sachets aromatiques, des eaux spiritueuses, odoriférantes, etc. Il donne son arome à l'eau de Cologne, à l'eau vulnéraire, aux eaux de toilette, à la plupart des lotions cosmétiques. Les distillateurs, les parfumeurs, les empiriques, mâles et femelles, se sont emparés tour à tour du Romarin pour rajeunir, pour réveiller les vieillards et consoler les dames à leurautomne. Un seigneur russe, rassasié des plaisirs de notre capitale, fut trouver un jour M. Marie de Saint-Ursin, rédacteur de la Gazette de santé, et, en l'abordant, lui tint ce langage : « Mon- sieur le docteur, vous avez publié l’Ami des femmes; c'est un fort joi livre yje l'ai parcouru avec un vif intérêt, mais je n'y ai pont trouvé le remède que je cherche depuis long-temps. J'ai pensé que vous pourriez me l'indiquer. Je vous demande une de ces compositions agréables qui ont la vertu de rétablir les organes dans leur état normal. — C'est la pierre philoso- phale que vous me demandez là, monsieur le comte! cependant Je peux vous offrir quelques secours, quelques consolations. » M. de Saint-Ursin reste un moment pensif, puis relève digne- ment sa tête, et d'un ton d'inspiré, s’écrie : « Je l'ai trouvé ce remède admirable, il est dans un manuscrit arabe que Je possède dans ma bibliothéque. » M. D., pharmacien de la rue Richelieu, est chargé de pré- a 31. - 5) 66 NOUVEAU TRAITE parer ce cosmétique sous le nom d'Eau lustrale. Les épreuves sont faites, elles ne laissent rien à désirer, grâce à l'imagi- nation désordonnée de l'expérimentateur. Le noble étranger, ravi de cette précieuse découverte, se rend en toute hâte chez M. de Saint-Ursin, lui en demande la composition, le docteur la lui refuse. « Mais, monsieur le docteur, vos études, vos tra- à vaux, vos services méritent une récompense ; cent louis vous s semblent-ils un dédommagement convenable? » Saint-Ursin garde le silence. «Cela ne vous suffit point, je vous offre deux cents louis. — Oh! pour le coup, monsieur le comte, mon cœur se laisse amollir par cette douce pluie d'or, et le remède est à vous. » Un paralytique qu'on aurait fait marcher instantanément, un aveugle à qui on aurait rendu la lumière , eussent à peme éprouvé une joie aussi vive. Le docteur ést caressé, embrassé ; c’est un homme supérieur, d’un talent rare, 1l ne lui manque plus qu'une statue pour immortaliser son nom. O crédulité stupide ! à faiblesse humaine ! Ô perversité morale ! Flattez les vices de l'homme, encouragez ses folies, l'or ne vous man- quera pas; mais une bonne action restera peut-être sans ré- compense. De son côté, le pharmacien qui avait préparé le remède wayait point perdu son temps, et il avait offert son Eau lus- trale à ses voisins, à ses voisines du Palais-Royal. Le pro- spectus n'était pas long, il était écrit en style lapidaire : Eau lustrale pour les deux sexes. Cet admirable cosmétique raf- fermit les tissus reldchés, et rétablit leur élasticité primitive. Mais savez-vous quels étaient les ingrédiens de cette eau régé- nératrice? C'était une solution d'alun dans de l'eau de la Seine, ambrée et aromatisée avec l'esprit de Romarin. Nous parlerons plus tard de l'Eau de Ninon, qui a été le cosmétique de l'Empire, et qui a eu une grande vogue à la cour de Napo- DES PLANTES USUELLES. 67 léon. Il faut au grand monde de grandes promesses, des espé- rances, des déceptions, c’est-à-dire qu'il faut le tromper pour en être bien accueilli. Au reste, les cosmétiques qu'on nous offre maintenant ne valent pas mieux. C'est toujours la même enseigne : Eau lustrale, Eau de Ninon, Eau d’Ange, Eau du sérail, etc. , etc. BUGLE. AJUGA. Calice à cinq lobes presque égaux. Corolle tubuleuse à deux lèvres ; la supérieure très petite, à deux dents; l'infé- rieure à trois lobes; lobe moyen plus grand, échancré en cœur. BUGLE RAMPANTE. AJUGA REPTANS. Ajuga reptans. Lin. Spec. 785. Lam. Encycl. Bot, 1. 501. Illustr. t. 501. f. 2. DC. FL Fr. 2491. Desv. F1. Anj. 144. FI Dan. t. 995. De sa racine blanchâtre partent de longs rejets rampans qui la distinguent des autres espèces. Sa tige est simple, car- rée, glabre, quelquefois un peu velue, haute de six à huit pouces, garnie de feuilles opposées, ovales, cblongues, spa- tulées, bordées de quelques dents anguleuses, rétrécies en pétiole à leur base, et d'un vert foncé. Les fleurs sont bleues où rougeâtres, quelquefois blan- ches, presque sessiles, verticillées, disposées en épi termi- nal, garni de bractées, dont les supérieures sont quelquefois colorées en bleu. Cette petite plante, d'un aspect vigoureux et rustique, 68 NOUVEAU TRAITÉ abonde dans les bois, dans les pâturages, où ses fleurs d'un bleu foncé tranchent fort bien sur la verdure des pelouses. Elle est inodore, et sa saveur n'offre qu'un très faible degré d'amertume. On lui a pourtant donné le nom de petite Consoude, à cause de sa vertu vulnéraire. Gilbert dit avec raison qu'elle n'a guéri que les plaies que la nature conduit très bien à cicatrice, et que son eau distillée ne vaut pas l'eau de la fontaine. Au reste, les Etaliens mangent en salade ses jeunes pousses et ses racines. BUGLE PYRAMIDALE. AJUGA PFYRAMIDALIS. Ajuga pyramidalis. Tann. Spec. 785. Lam. Encycl. Bot. 1. 502. DC. FI. Fr. 2493. CHEv. FI. Par. 3. 475. Engl. Bot. 1270. Cette espèce se fait remarquer par son épi, qui commence presque à la base de la tige, et se prolonge en pyramide jusqu’à son sommet. Les feuilles radicales sont très grandes, ovales, obtuses, les supérieures dentées ou anguleuses. Les fleurs sont toujours bleues, à tube un peu plus long que dans la Bugle rampante : les deux dents de la lèvre supé- rieure sont obtuses ; la lèvre inférieure est beaucoup plus grande et plus velue que dans toutes les autres espèces. La Bugle pyramidale est commune dans les bois mon- tueux, dans les prés, dans les friches, où elle fleurit en juin. On à aussi vanté sa vertu astringente et vulnéraire. Tout ce qu'on peut dire en sa faveur, c'est qu’elle ne déplaît pas au bétail, et qu'elle pare les pelouses arides de ses beaux épts bleus. DES PLANTES USUELLES. 69 La Bugle de Genève (Ajuga Genevensis), remarquable par ses feuilles cotonneuses et par ses fleurs presque toujours roses, remplace quelquefois la Bugle rampante, mais sa vertu vulnéraire n’est pas mieux prouvée. Cette plante habite les lieux secs et montueux; on la trouve aux environs de Paris. | GERMANDRÉE. TEUCRIUM. Calice à cinq lobes. Lèvre supérieure de la corolle à deux découpures réfléchies ; l'inférieure trilobée; lobe moyen plus grand. Étamines saillantes, situées dans la scission de ia lèvre supérieure. GERMANDRÉE MUSQUÉE. T'EUCRIUM IV 4. Teucrium iva. Lan. Spec. 785. Lam. Encyel. Bot. 2. 698. Cav. Ec. 2. t. 120. — Ajuga iva. ScurEs. Unilab. 25. DC. EI. Fr. 2496. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 326. On rencontre cette plante aromatique dans plusieurs de nos départemens méridionaux; elle croît aussi en Portugal, dans les vallées du Piémont, et dans quelques autres parties de l'Europe australe. Ses tiges sont très basses, très velues, rameuses à leur base, diffuses, la plupart couchées sur la terre. Ses feuilles sont opposées, très rapprochées, pubescentes, allongées, étroites, terminées par deux ou trois dents, et d'un vert blanchâtre; celles du sommet de la tige sont un peu trifides. Les fleurs sont axillaires, solitaires, sessiles, rougeàtres ou teintes de pourpre; elles s'épanouissent en juillet et août. 70 NOUVEAU TRAITÉ Cette espèce, que Schréber à réunie au genre Ajuga, s'en éloigne, sinon par ses caractères botaniques, du moins par ses propriétés stimulantes. On l'appelle vulgairement Ivette musqueée. Elle répand une odeur forte, résineuse, aromatique, sur- tout dans les contrées méridionales et pendant les grandes chaleurs. Son action, à la fois excitante et tonique, réside dans une huile volatile et dans un principe-extractif amer. En Italie, elle remplace notre Teucrium chamædrys. Ses vertus médicinales sont les mêmes que celles de l'espèce suivante, GERMANDRÉE FAUX-PIN. TEUCRIUM CHAMÆPIT FS. Teucrium chamæpitys. Lann. Spec. 787. Lam. Encycl. Bot. 2. 697. ET. Dan. t. 733. — Æ{juga chamæpitys. DC. FIL Fr. 2495. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 325. CHEV. F1. Par. 3. 476. Cette Germandrée croît en Allemagne, en Angleterre, en France, etc. Elle se plaît particulièrement sur un sol aride et sablonneux. On la trouve aux environs de Paris. Ses tiges sont velues, rameuses , articulées, rougeûtres, hautes de six à huit pouces, garnies de feuilles dans toute leur longueur. Les feuilles inférieures sont longues, spatu- lées, sessiles, entières ou munies de quelques dents et d'un vert blanchâtre; les autres sont divisées jusqu'à leur moitié en trois lanières étroites et linéaires. Les fleurs sont petites, sessiles, solitaires dans les aisselles des feuilles supérieures, d’une belle couleur jaune, ponctuées DES PLANTES USUELLES. \71 de pourpre à l'orifice de la corolle. Le calice est court, un peu renflé à sa base. Les semences sont brunes et triangu- laires. Cette plante, connue également sous le nom d'Iveite, ex- hale une odeur forte, résineuse, très expansive, imitant en quelque sorte celle du pin ou du mélèze. Je sens au pied des pins l’ivette résineuse. (Casrer.) Sa saveur est amère, piquante. Elle fournit de l'huile vo- latile. Son extrait aqueux est amer, son extrait alcoholique un peu âcre. Comme l'espèce précédente, elle excite spécia- lement l'organe digestif et accroît son énergie. La chimie moderne à dédaigné ou plutôt oublié l'Tvette, l'une de nos meilleures plantes indigènes. Ses vertus médici- nales se rapprochent beaucoup de celles du Teucrium chamæ- drys. Ces deux espèces méritent à juste titre une place distin- guée parmi les végétaux amers, stimulans, stomachiques et fébrifuges. Elles ont été fort renommées pour le traitement des affections goutteuses, et l’on a cru pendant long-temps qu’elles avaient une action spécifique contre ce genre de ma- ladies; voilà pourquoi quelques vieux auteurs appellent notre Ivette Tea arthritica. Par sa qualité balsamique et résineuse, elle peut remplacer la plupart des baumes et des résines exotiques. On emploie les feuilles d'Ivette, soit récentes, soit dessé- chées. La dose est de deux à quatre gros pour une livre‘de décoction , ou d'infusion théiforme. L'infusion est préférable, parce qu’elle conserve davantage le principe aromatique de ‘ la plante. | Nous la recommandons aux goutteux qui digèrent diffieile- ment, qui éprouvent des douleurs vagues, et cette espèce de 2) NOUVEAU TRAITÉ malaise précurseur d'une attaque imminente, mais tardive et comme mdécise. Ils la prendront à jeun et convenablement sucrée. Cette imfusion, secondée de quelques pédiluves, pousse les mouvemens fluxionnaires de la goutte vers les ar ticulations, et les symptômes de dyspepsie disparaissent ou s'amendent. GERMANDRÉE PETIT-CHÊNE. TEUCRIUM CHAMÆDER }YS. Teucriun chamædrys. Lann. Spec. 790. Lam. Encycl. n Bot. 2. 695. DC. FI. Fr. 2504. Desr. Arb. 1. 133: Lapeyr. Plant. Pyr. 1.326. Desv. FI. Anj. 145. CHE. FI. Par. 3. 476. BLackw. Herb. t. 180. Ses racines, grèles, traçantes, produisent des tiges ra- meuses, un peu couchées à leur base, pubescentes, longues » de huit à dix pouces, garnies de feuilles ovales, pétiolées, ; fortement crénelées, d’un vert gai en dessus, d'une temte plus pâle à leur revers, un peu velues vers leur pétiole. Les fleurs sont ordinairement purpurines, quelquefois blanches, disposées deux ou trois ensemble dans les aisselles des feuilles supérieures, et soutenues par un pédoncule plus court que le calice. Cette plante croît dans les bois montagneux, sur les co- teaux pierreux et arides, en France, en Suisse, en Alle- magne , et autres contrées de l'Europe. Elle fleurit en juin et juillet. On l'appelle vulgairement petit Chéne, Chénette, Germandrée. Son feuillage ressemble en petit à celui du chène. On plante quelquefois le Chamædrys en bordure dans les parterres. DES PLANTES USUELLES. 713 C’est l'espèce de Teucrium la plus renommée. Les méde- cins de tous les âges, et, si l’on veut, le prince Teucer lui- même, lui ont reconnu des vertus puissantes. Son odeur est faiblement aromatique, mais sa saveur est chaude et amère. Elle donne à l'analyse un peu d'huile volatile et une matière extractive assez abondante. Comme plante amère, elle a été essayée Fe les fièvres intermittentes simples ou vernales, et elle les à guéries aussi bien que la plupart de nos fébrifuges indigènes : elle a même réussi dans quelques fièvres quartes ou tierces, rebelles au quinquina. Il faut la donner une heure avant l'accès fébrile, sous la forme de poudre, à la dose d'environ un gros, dans du bouil- lon ou dans du vin. La décoction aqueuse un peu concen- trée produit les mêmes effets. L'infusion vineuse est peut- être plus efficace ; il faut une poignée de Chamædrys pour une livre de véhicule. On peut ajouter à l'infusion une égale quantité de petite centaurée. Notre plante fortifie d'ailleurs l'appareil digestif, ranime, régularise ses fonctions languissantes, et cette stimulation se répète sympathiquement sur utérus, sur les reins, sur l'organe pulmonaire, sur le foie, etc. ; ce qui explique les succès qu'on à obtenus du Chamædrys dans l'aménorrhée, le catarrhe chronique du poumon et de la vessie, et même dans quelques affections hypochondriaques : bien entendu que ces maux chroniques ne dérivaient d'aucune irrifation inflammatoire, car ici les amers, les toniques, les stimu- lans, auraient certainement produit de funestes effets. Nous avons parlé succinctement des propriétés générales du Chamædrys ; nous nous étendrons davantage sur sa vertu antigoutteuse. La réputation dont elle a joui anciennement , 74 NOUVEAU TRAITÉ et qu'elle conserve encore à une époque où le scepticisme médical est dans toute sa force; la goutte, qui est une ma- ladie si répandue, si cruelle, si difficile à traiter; le vif intérêt que nous prenons à quelques uns de nos lecteurs un peu goutteux, tout nous fait un devoir de rassembler ici les moyens les plus rationnels, les plus simples , non pas de gué- rir radicalement cette maladie, mais de la modifier, de l’adou- air, de la rendre plus supportable. Nous avons plusieurs fois parlé de la goutte dans nos écrits, et nous avons la douce satisfaction d'apprendre que nos réflexions n'ont pas été inu- tiles à quelques goutteux qui les ont lues. «Continuez, m'écrivait il n'y a pas encore un mois le docteur Muller, à parler de la goutte, vous en parlez si bien! Frappez surtout à grands coups de verges ces charlatans qui nous empoisonnent avec leurs mauvaises drogues, avec leurs essences , leurs élixirs, leurs pilules, etc. Votre Phytogra- phie médicale offre aux malheureux goutteux tout ce qu'on peut leur proposer de plus salutaire, de plus raisonnable , et l’on trouve dans le livre que vous publiez maintenant sous le titre de Nouveau traité des Plantes usuelles, les conseils les plus sages, les remèdes les plus faciles. Vous ne promettez point de guérison radicale ; je la crois, comme vous, impos- sible, mais on peut être sûr d'obtenir un grand soulage- ment avec les méthodes simples et diététiques que vous re- commandez. «Sujet moi-même à la goutte depuis trente ans, j'ai dù nécessairement parcourir la plupart des traités qu'on a pu- bliés sur cette maladie, et faire beaucoup de remèdes ; mais jusqu'ici la goutte s'était montrée implacable. Ce n'est que lorsque je me suis pour ainsi dire jeté à ses pieds en ennemi vaincu, qu'elle a pris en pitié mes vives souffrances, et qu'elle a émoussé la pointe de ses traits. Disons mieux : ce n'est DES PLANTES USUELLES. 75 qu'à vos réflexions à la fois savantes, sages et philosophi- ques que je dois mon soulagement. J'ai renoncé à presque tous les remèdes , et j'ai modifié mon régime. Je fais habi- tuellement beaucoup plus d'exercice; je me promène tous les jours une, deux et quelquefois trois heures à pied, rare- ment en voiture. Je me fais frictionner les membres deux ou trois fois par semaine, et au lieu de déjeuner copieuse- ment avec des viandes et du vin, je prends tantôt un potage aux léoumes, tantôt une tasse de lait, à laquelle j'ajoute de temps en temps un peu de thé léger ou un peu de café moka. «Ce régime , que je suis depuis plus d'un an, m'a rendu la santé, La goutte me traite avec une douceur extrème; Je suis plus agile, plus fort, enfin je pourrais dire que je suis rajeuni, si l’on rajeunissait à soixante ans. » Mais savez-vous ce que c’est que la goutte? nous deman- dera-t-on. Connaissez-vous sa nature, son siége anato- mique? Est-ce une véritable phlegmasie ou une affection nerveuse? Réside-t-elle dans les tissus vivans ou bien dans les fluides qui abreuvent nos organes? Il nous serait assez difficile de répondre du moins à quelques unes de ces ques- tions, qui nous paraissent insolubles dans l'état actuel de la science, bien que chacun ait cherché à les résoudre d'après la doctrine qu'il a cru devoir embrasser. Crayonnons rapide- ment le tableau de la goutte ; les phénomènes qui la précè- dent ou qui l'accompagnent nous aideront peut-être à dévoi- ler sa nature, ses causes et son traitement. La goutte est la maladie de l'âge mr ; elle attaque parti- culièrement les paresseux, les gourmands, les libertins, les hommes doués d’un tempérament pléthorique. Les premières attaques sont presque toujours peu douloureuses et passa- 76 NOUVEAU TRAIÎTÉ oères ; mais peu à peu la goutte se fixe à quelqu'une des arti- culations des pieds ou des mains. Son invasion est précédée d'une sorte de malaise qui se fait sentir à la région précor- diale ; l'appétit diminue ou se perd entièrement, et parfois aussi il augmente d'une manière imsolite. L'abdomen est dis- tendu par des gaz ; la respiration est difficile ; le sommeil est troublé par des rêves pénibles, par des images effrayantes. On devient capricieux, susceptible, mquiet, impatient, ‘colère. On se couche, on s'endort, et bien avant le jour on est réveillé par une douleur vive, rongeante, qui se fait ordinairement sentir à l'articulation du gros orteil, avec une sorte de frissonnement qui se dissipe à mesure que la douleur augmente. Cette douleur est quelquefois si atroce, que le malade ne peut supporter la plus légère couverture, le moin- dre mouvement autour de lui. Il s’agite continuellement, et fait mille efforts pour prendre une position moins pémible ; il crie, il se lamente, il pousse de profonds soupirs, mais son anxiété ne cesse que lorsqu'une douce moiteur vient se répandre sur ses membres douloureux. Enfin il s'endort, et à son réveil la partie affectée offre une tuméfaction plus ou moins considérable, accompagnée de rougeur, et d'un sen- timent de torpeur qui rend tout mouvement impossible. Les jours suivans, la fièvre et la douleur redoublent vers le soir, et diminuent progressivement dès le grand matin. L'attaque dure dix ou quinze jours et quelquefois davantage. Elle est moins longue lorsque les douleurs ont été vives pendant les accès dont elle se compose. Ainsi cette douleur qu'on veut calmer à tout prix, abrége le cours de l'attaque. La cause morbifique est dans tout l'organisme, il faut que ses effets retentissent quelque part. Si vous les repoussez des parties extérieures, ils iront se réfugier dans les viscères, et vous périrez d’une métastase soudaine ou d'une inflam- DES PLANTES USUELLES. 77 mation violente. Lei, les faits se pressent pour prouver l'in- utilité ou le péril des méthodes sédatives, surtout des pré- parations opiacées. Quand l'attaque se forme, se développe et s'achève d’une manière facile et régulière, sans que la fluxion douloureuse et la fièvre soient assez considérables pour présenter des indications majeures, on doit suivre une méthode de traite- ment naturelle, dans laquelle les moyens diététiques et les remèdes tendent directement à favoriser les opérations salu- taires de la nature. Il faut alors, surtout au commencement de l'attaque, éviter d'exposer le corps au froid ou à lhumi- dité, et en défendre spécialement la partie où la goutte s’est fixée, en y appliquant de la flanelle, des peaux de lapin ou de cygne, etc. Pendant les premiers temps de l'attaque, on doit se borner à une alimentation végétale ; mais lorsque les douleurs s'affaibhissent, on peut se permettre une nourriture un peu plus substantielle, comme du bouillon de veau ou de poulet, du chocolat, des panades légères, et même un peu de vin vieux si l'estomac est dans un état de torpeur. Voilà les conseils que donne Barthez, notre illustre maître, dans son excellent Traité des Maladies goutteuses. Lorsque la douleur et la fièvre tranchent sur les autres symptômes, et que le goutteux est d’un tempérament plé- thorique, les évacuations du sang révulsives et dérivatives deviennent indispensables. On applique sur les parties dou- loureuses et tuméfiées des cataplasmes de graine de lin, ar- rosés d'huile d'olive, des fomentations d’eau de mauve, ou de lait coupé avec une égale quantité d'eau tiède. Enfin on a re- cours aux sangsues, aux ventouses scarifiées , si la congestion sanguine ne s'amende point. On prend en même temps quel- ques tasses d'infusion de fleurs de violette et de tilleul afin de favoriser une douce moiteur. 718 NOUVEAU TRAÎTÉ Les purgatifs ont été recommandés pendant l'attaque par des médecins célèbres ; mais Sydenham les a expressément défendus. Toutefois l'autorité de ce grand praticien ne doit point faire loi. Si les voies digestives sont farcies de mauvais sucs, si la langue est enduite d'une couche bilieuse ou mu- queuse, les doux purgatifs, comme la crème de tartre, le sulfate de magnésie, la rhubarbe, etc., enlèveront cette complication et abrégeront la durée de l'attaque. Vers la fin de juin 1836, j'eus une attaque de goutte des plus violentes, et mes souffrances furent cruelles pendant les huit premiers jours. Tous les soirs les douleurs et la fièvre redoublaient avec une vivacité extrème. Le septième jour J'avais la langue sale, limoneuse, l'abdomen distendu par des gaz et la tête embarrassée. Je ne balançai point à prendre une poudre purgative, composée de vingt grains de rhubarbe, de huit grains d'aloës et de six grains de calomel. Ce remède provoqua cinq ou six heures après plusieurs évacuations bihieuses, et dès ce moment tous les symptômes s'adoucirent au point que le neuvième jour je pus quitter mon lit. Cette année (1837), à peu près à la même époque, j'ai été brusquement atteint d'une inflammation grave à l'œil gauche, accompagnée de céphalalgie et d’un état de spasme dans toute la région précordiale. Les pédiluves, les lavemens, l'application des sangsues , ne m’avaient donné aucun soula- sement. Huit jours auparavant j'avais éprouvé quelques dou- leurs passagères aux articulations des pieds. En réfléchissant à ce premier phénomène qui avait entièrement disparu, J'ai pensé que la goutte n’était point étrangère à l'inflammation de l'œil. J'avais d'ailleurs perdu l'appétit, et j'étais devenu morose, impatient, irritable, ce qui a lieu presque toujours aux approches des attaques de goutte. DES PLANTES USUELLES. 79 Je me décide à prendre la même poudre purgative à dix heures du matin, et vers deux heures elle produit trois ou quatre garderobes considérables. Cependant mon œil est tou- jours douloureux, enflammé, et d'une sensibilité exquise au moindre contact de la lumière. Je me jette sur mon lit, et je m'endors pendant quelques heures. À mon réveil j'éprouve des élancemens dans les deux gros orteils, je peux ouvrir mon œil et fixer la lumière sans trop de difficulté. L'irrita- tion articulaire augmente peu à peu, mes pieds rougissent, se tuméfient , et je remercie la goutte d'avoir repris son siége ordinaire, lui promettant bien de ne point la troubler par aucune espèce de remède. J'ai eu pendant quatre ou cinq jours des douleurs assez vives, et je les ai supportées avec résignation , Je pourrais même dire avec une sorte de joie, car mon œil se guérissait à mesure que la goutte me rongeait les orteils. Deux jeunes confrères sont venus me voir dans les premiers Jours de ma convalescence. Je leur ai raconté ma maladie, en m'arrètant toutefois à l'invasion de la goutte, et je leur ai parlé d’un vieux médecin qui était venu m'offrir ses services. « Et quel est donc ce médecin ? quels sont les remèdes qu'il vous à donnés? — C’est la goutte, qui, après avoir attaqué mon œil, est allée se reposer sur mes orteils. » Mais je leur ai parlé en même temps de mon purgatif, qu'ils ont fort ap- prouvé. Je peux nommer ces deux jeunes médecins, ils ap- partiennent à une bonne école, et je ne crois pas qu'ils chan- gent de système tous les cinq ou six ans; ce sont MM. Fus- ter et Pouget. Au reste, les purgatifs, surtout les drastiques, comme l'élixir antiglaireux ou l'élixir de Leroy, qu'on prend habi- tuellement pour se préserver de la goutte, sont de fort mau- vais remèdes, et ici nous sommes tout-à-fait de l'avis de 80 NOUVEAU TRAITÉ Sydenham. « Je sais, dit-1l, des goutteux qu se purgent régulièrement, non seulement au printemps et à l'automne, mais encore chaque mois, et même chaque semaine, sans néanmoins qu'aucun d'eux ait jamais pu se délivrer de la goutte : bien loin de là, elle est devenue plus cruelle et plus terrible que s’ils n'avaient fait aucun remède. Les purgatifs peuvent bien, à la vérité, évacuer une certaine portion de la matière morbifique, mais comme is ne fortifient pas les di- gestions, et qu'au contraire ils les affaiblissent encore davan- tage, et achèvent d'épuiser la nature languissante, ils atta- quent seulement une des, causes de la maladie, et par conséquent sont tout-à-fait incapables de la guérir. » On peut cependant se permettre, dans les intervalles des attaques, quelques purgatifs doux et en même temps stoma- chiques, comme la rhubarbe, lorsque l'estomac est embar- rassé, faible, languissant. On doit également prévenir la constipation chez les goutteux, en leur donnant de temps en temps un peu de magnésie avec quelques grains de rhubarbe. Les meilleurs préservatifs de la goutte sont la sobriété, la tempérance, un bon régime, un exercice modéré tous les jours, à des heures réglées, soit à pied, soit à cheval, soit en voiture, suivant l’état des forces ; des vêtemens chauds, des frictions pratiquées sur toute l'habitude du corps, particuliè- rement sur les membres et sur les articulations. Une des causes les plus fréquentes de l'explosion de la goutte, c’est la colère. Ainsi on doit éviter avec soin tout ce qui peut donner lieu aux emportemens. Un avocat, sujet à la goutte, mais jouissant depuis quel- que temps d’une sanié parfaite, était assis tranquillement dans son fauteuil, lisant les nouvelles du jour. Un ami vient le voir, la conversation s'engage sur les affaires politiques : DES PLANTES USUELLES. 81 l'un soutient le ministère qui sen va, l'autre le nouveau ministère qui le remplace. La discussion s’anime, elle de- vient orageuse; le journat s'échappe des mains du goutteux; il veut’se baisser pour le ramasser, impossible. Les muscles sacro-lombaires sont saisis d’un spasme douloureux, il est comme cloué dans son fauteuil. On le porte tout d’une pièce dans son lit, où il reste pendant quinze jours, malgré les topiques de toute espèce, et l'application réitérée de bon nombre de sangsues. Nous pourrions citer deux ou trois faits à peu près semblables que nous avons recueillis dans notre pratique. Si aux approches d'une attaque de goutte on se livre à quelque passion vive, ou à quelque travail difficile qui irrite le système cérébral, on peut périr d'une apoplexie foudroyante. Les goutteux meurent souvent apoplectiques, et'on ne pense pas même à la goutte qui a provoqué la ca- tastrophe. | Ii ne faut point compter au nombre des préservatifs les moyens hasardeux qui ont quelquefois réussi à dissiper les attaques de goutte dans le temps même de leur formation. Ainsi Horstius cite un médecin qui faisait avorter la podagre, en mettant les pieds, lorsque le paroxisme était instant, dans une lessive fortement chargée de sel commun. Musgrave rapporte qu'un goutteux, en faisant de copieuses hbations de vin, éloignait son attaque de goutte lorsqu'il la sentait très prochaine. Quelquefois aussi le vin, surtout le vin du Rhin, le vin de Champagne, provoque, presse l'attaque, lorsqu'elle est lente par l'affablissement du système organique. Un vieux goutteux, intrépide buveur, était détenu dans son lit. Il souffrait à peine des pieds, mais il éprouvait une sorte de faiblesse et d'anxiété, ‘des nausées et quelques dou- leurs intestinales. Son médecin lui avait défendu le vin. Un LUE 6 82 NOUVEAU TRAITÉ ami, Joyeux compagnon de taverne, avec qui il s'était mesuré plusieurs fois, vient visiter le malade, luiordonne de mettre de côté tous les médicamens, et lui fait prendre une bou- teille de vin du Rhin. Deux heures après les pieds sont pris de vives douleurs, mais les autres symptômes se dissipent entièrement Le lendemam matin, le médecin va voir son malade, et le trouve beaucoup mieux ; celui-ci lui dit en sou- riant que le vin était le véritable remède de la goutte. Acce- dentem medicum salsè derisit æger, vinum podagræ specificum remedium jactans. Van Swieten, Comment. de Podagra. Le vin pris avec modération est nécessaire aux vieux gout- teux, surtout lorsqu'ils éprouvent une sorte de faiblesse et de langueur dans les organes digestifs. Pour combattre ce symptôme, Sydenham préférait le vin de Canarie à toute autre espèce de vin, et il en buvait de temps en temps un petit verre. Le vin de Malaga, le vin de Paxarète, et même nos vins muscats sont également bons. Quelques goutteux se trouvent fort bien de l'usage du café après les repas. Parmi les remèdes capables de ranimer et de rétablir les forces digestives chez les goutteux, on doit comprendre les substances amères, légèrement aromatiques. Le Teucrium chamædrys, le Teucrium chamæpitys, la gentiane, le trèfle d'eau, la petite centaurée, l’aristoloche ronde, ont parti- cuhèrement fixé l'attention des médecins tant anciens que modernes. La poudre du duc de Portland, qui a été fort re- nommée en Angleterre comme un remède spécifique contre la goutte, est composée de plantes amères. En voict la recette : DES PLANTES USUELLES. 83 Poudre antigoutteuse. Prenez : sommités de Teucrium chamædrys, de Teucrium chamæpitys, de petite centaurée; racines de gentiane jaune et d’aristoloche ronde, de chaque parties égales. Faites sécher ces divers ingrédiens, et réduisez-les en poudre fine. On conserve cette poudre dans une boîte her- . métiquement fermée et dans un lieu sec. On en prend un gros, tous les matins à jeun, pendant l'espace de trois mois. On peut la délayer dans du vin, dans du bouillon, dans une tasse de thé ou tout autre véhicule. Cette dose doit être réduite à deux scrupules le trimestre suivant. On continue l'usage de la même poudre pendant six mois à la dose d'un demi-gros, et l'année suivante on en prend un demi-gros tous les deux ou trois jours . L'usage prolongé de cette poudre amère est évidemment nuisible ; aussi Cullen observe que sur dix personnes qui essayèrent ce médicament en Écosse, presque toutes furent à la vérité exemptes de tout accès de goutte, mais aucune d'elles ne jouit après d’une bonne santé : elles furent surtout affectées de dyspepsie, de spasmes nerveux; et il se mani- festa chez toutes, quelque temps après, des symptômes d'hy- dropisie qui augmentèrent par degrés, sous la forme d'’ascite ou d'hydrothorax, et devinrent mortels en moins de deux ou trois ans. Cadogan a vu périr un grand nombre de goutteux qui avaient employé le même remède. Gaubius signale égale- ment ses funestes effets. Un homme de quarante ans, d'un tempérament bilieux, depuis long-temps sujet à des attaques de goutte, en fut entièrement délivré après avoir fait usage pendant dix-huit mois de la poudre du due de Portland; 84 NOUVEAU TRAÎTÉ mais il éprouva bientôt après une difficulté de respirer qui s'agerava de jour en jour, et il succomba à une maladie orga- nique du poumon. Il est certain que les amers, les toniques, les excitans, sont nuisibles aux goutteux doués d’une sensi- bilité extrême. L'abus de ces médicamens peut appeler la goutte sur l'estomac, les intestins, les poumons, etc., en provoquant un mouvement fluxionnaire sur ces organes irrités. Ces essais malheureux doivent nous faire apprécier à leur juste valeur une foule d'autres remèdes ou secrets de famille qui ont la propriété de suspendre ou d'abolir les accès de goutte, et dont la plupart sont composés de substances excitantes. Galien, Cælius Aurélianus, Aétius, Paul Æginète, avaient observé les mauvais ellets des amers sur les sujets bilieux, d'un tempérament sec, irritable. Paul Æginète dit que ces remèdes, continués pendant tout le cours de l’année pour détruire entièrement la goutte, ont soulagé beaucoup .de malades pituiteux ou phlegmatiques, mais qu'ils ont fait périr promptement les sujets d’un tempérament chaud et sec, par une métastase de la matière arthritique sur les intestins, les reins, la plèvre, le poumon, ou sur quelque autre organe principal. Verum qui calidioribus siccioribusque constarent naturis, hos in subiiam mortem præcipitaverunt, quod materia ad intestinum, aut renes, aut costas, aut pulmonem, aut prin- cipem quamdam partem, se contulerit. (Lib. 117, cap. 78.) Cependant les amers pris avec modération sont réellement utiles aux goutteux d'une constitution faible, dont l'estomac a perdu ses facultés toniques, qui sont tourmentés par une goutte vague, par des éructations, des flatuosités. Ces re- mèdes, en rétablissant les fonctions digestives, en corrobo- DES PLANTES USUELLES. 83 rant tout l'organisme , éloignent les attaques, préviennent les anomalies de la goutte et ses métastases sur les viscères. On les prend d'abord à faibles doses, qu'on élève peu à peu, et on les suspend de temps en temps pour ne pas habituer l'estomac à leur impression. Cette méthode est d'autant plus rationnelle, que, lorsque tout le système tombe dans un état de langueur, on doit rarement espérer que la goutte puisse se reporter sur les articulations sans le secours des toniques ; mais il faut savoir en diriger l'emploi suivant les indications. Toute la médecine est dans la doctrine des indi- cations. Si l'on s'écarte de cette doctrine, l'art n’est plus qu'un empirisme pur, qu'une pratique vulgaire livrée aux chances du hasard. Bosquillon a connu plusieurs vieillards qui faisaient habi- tuellement usage de la poudre arthritique amère, et qui s'en trouvaient fort bien. Le professeur Venel dit également que son grand-père, goutteux dès sa jeunesse, en a pris pendant quarante ans, dans la vue d'éloigner.ou de modérer les atta- ques de goutte, et qu'il en a reçu quelque soulagement. Nous avons souvent conseillé avec une utilité réelle, la décoction du Teucrium chamædrys dans les attaques de goutte prolongées. Cette boisson, secondée par un régime substan- tel, par des frictions pratiquées sur les membres avec des flanelles sèches ou imprégnées de vapeurs aromatiques, était quelquefois suivie d’une moiteur générale très salutaire. On peut associer au chamædrys d'autres plantes amères, comme l'ivette, la petite centaurée, la camomille romaine, etc. Boisson antiarthritique. Prenez : Teucrium chamædrys, Feucrium chamæpitys , petite centaurée , fleurs de camomille romaine, de chaque 86 NOUVEAU TRAITÉ une pincée; eau bouillante, une pinte ; ajoutez une cuillerée de miel, et laissez infuser pendant un quart d'heure. On en prend trois ou quatre tasses dans la journée. C'est la meilleure tisane des vieux goutteux. Elle excite légèrement l'organisme, surtout les voies digestives, favorise les fonctions de la peau et de l'appareil urinaire. Un régime doux, un exercice modéré, des frictions sur toute l'habitude du corps, mais surtout une vie réglée, voilà le secret d'avoir des attaques régulières, moins fréquentes, moins longues et moins douloureuses ; tandis que, avec les méthodes pertur- batrices, avec les remèdes violens, avec les purgatifs rési- neux, la matière arthritique se jette sur les organes intérieurs, y développe des inflammations vives et souvent mortelles. GERMANDRÉE MARITIME. TEUCRIUM MARUM. Teucriumn marum. Linn. Spec. 788. Lam. Encycl. Bot. 2. 693. DC. FT. Fr. 2500. DEsr. Arbr. 1. 133. DunAM. Arbr. Ed. nov. 6. 135. t. 41. — Chamædrys marum. Moenca. Meth. 384. — Marum syriacum. BLACKW. t. 47. Les lieux maritimes de l’Europe australe produisent cette espèce remarquable par sa blancheur. On la trouve particu- lièrement aux îles d'Hières, et en Espagne, dans le royaume de Valence. Elle croît aussi en Égypte et dans la Syrie. Les tiges sont droites, grêles, rameuses, cotonneuses, blan- châtres, hautes d'environ un pied, garnies de feuilles petites, ovales, pointues, entières, pétiolées, d’un vert grisätre en dessus, tomenteuses et très blanches à leur revers. DES PLANTES USUELLES. 87 Les fleurs sont axillaires, purpurines, portées sur des pédoncules courts, et tournés ordinairement du même côté; elles forment des grappes allongées et fort grèles. Le calice est'cotonneux , ainsi que la surface extérieure de la corolle. Le Teucrium maritime, connu sous le nom vulgaire d'Herbe aux chats, se fait remarquer par une odeur forte, diffusible, balsamique, et par une saveur âcre, aromatique, extrêmement amère. Ses propriétés résident principalement dans son huile volatile, qui est très âcre, et dont l'odeur se rapproche de celle du camphre. Les chats aiment singulière- ment cette plante; ils la mordent, ils la déchirent dans les jardins où on la cultive, et on est obligé de la couvrir d'une cage de verre ou d’un grillage pour la mettre à l'abri de leur atteinte. On croit qu’elle agit sur ces animaux comme un puissant aphrodisiaque. Wedelius, Cartheuser, Linné, Boerhaave, ont compris cette espèce de Germandrée au nombre des plus précieux médicamens, et lui ont attribué des effets merveilleux. Sans partager leur enthousiasme, nous conviendrons volontiers qu'elle possède à un très haut degré l’action stimulante des labiées aromatiques, qu'on peut l’employer utilement dans les faiblesses d'estomac, dans la dyspepsie, la céphalée ner- veuse, l’hystérie , l'asthme, et quelques autres affections dont l'atonie est le principal élément. On peut la prendre en substance pulvérisée à la dose de vingt à trente grains, ou en infusion théiforme à la dose de deux ou trois gros pour une livre de véhicule. L'eau, le vin et l'alcohol peuvent également extraire ses principes médi- camenteux. Comme cette plante se trouve rarement dans les officines, on peut lui substituer la petite sauge, la menthe poivrée, la camomille romaine. ss NOUVEAU TRAITÉ GERMANDRÉE AQUATIQUE. TEUCRIUM SCORDIUM. Teucriurn scordium. ILann. Spec. 790. Lam. Encyci. Bot. 2. 695. DC. FI. Fr. 2503. Lapeyr. Plant: Pvr. 1. 326. Dus. FIL. Orl. 700. Tour. FI. Toul. 159. CHEv. F1. Par. 3. 476. F1. Dan. t. 593. Cette espèce pousse des tiges très rameuses, faibles, ve- lues, couchées en partie sur la terre, hautes de huit ou dix pouces, garnies de feuilles opposées, molles, ovales, obtuses, dentées , pubescentes et d'un vert blanchâtre. Les fleurs sont blanches, bleuâtres ou purpurimes, axil- laires, en petit nombre à chaque nœud, portées sur de courts pédoncules. Le calice est tubulé, à einq divisions aiguës. La lèvre supérieure de la corolle est très petite, profondément fendue en deux dents entre lesquelles sortent quatre étamines didynamiques ; la lèvre inférieure est grande, trifide. L'ovaire est à quatre lobes; le style est subulé, à stigmate bifide. Le fruit consiste en quatre semences nues, ovoïdes, situées au fond du calice. On trouve cette plante dans les lieux humides et maréca- seux, où elle fleurit en juillet et août. Elle croit au bord des étangs à Saint-Gratien, à Bondy, à Aulnay, etc. Elle est connue sous le nom vulgaire de Scordium.. La Germandrée aquatique exhale une odeur forte, péné- trante, alliacée. Elle contient un principe résineux amer, dépositaire de son action stimulante. En vieillissant elle perd son odeur d'ail, mais elle conserve son amertume. C'était jadis une plante fort renommée pour sa vertu anit- DES PLANTES USUELLES. 89 septique, alexipharmaque , mais aujourd'hui elle est tout-à-fait, oubliée. Je metrompe, elle a donné son nom au Diascordium, et je crois qu'on ne l'a pas encore bannie de cet électuaire fameux. On a sans doute ridiculement exagéré la puissance antiputride du Scordium lorsqu'on a dit qu'il avait préservé pendant plusieurs jours de la corruption, des cadavres laissés sur un Champ de bataille où il croissait abondamment; mais la médecine moderne a tort de dédaigner cette plante pré- cieuse, lorsqu'elle emploie tous les jours des végétaux dénués de toute espèce de propriétés. Par son action stimulante et tonique elle est propre à ranimer la vie générale dans les fièvres nerveuses, typhoïdes, putrides qui règnent dans les pays insalubres et marécageux. On peut la donner en infu- sion aqueuse ou vineuse, soit seule, soit mêlée avec le quinquina. æ Infusion sûimulante et sudorifique. Prenez : Germandrée aquatique, une forte pincée; quin- quina réduit en poudre grossière, demi-once; eau bouillante, deux livres. Laissez infuser pendant une demi-heure , et passez la liqueur. On prend toutes les heures une tasse de cette boisson pour stimuler les tissus organiques, pour provoquer les sueurs , vers la fin du typhus et des fièvres putrides, lorsque la nature est languissante, que les forces sont déprimées. Il est quel- quefois utile d'y mêler quelques cuillerées de vin. On a présenté le Scordium comme un excellent remède contre la peste. Il ne faudrait pas entièrement compter sur cette plante pour vaincre une maladie aussi formidable ; elle pourrait néanmoins être fort utile dès l'invasion des premiers 90 NOUVEAU TRAITÉ symptômes en excitant les sueurs , comme semble le prouver l'observation suivante. Le baron de Busbecq revenait de Constantinople. Un Turc de sa suite fut attaqué de la peste et en mourut. Ses cama- rades se partagèrent ses dépouilles, malgré les représenta- tions du médecin de l'ambassadeur, qui leur prédisait que la peste ne tarderait pas à les atteindre. En eflet quelques jours après ils en éprouvèrent les symptômes. Laissons raconter cet événement au baron de Bushecq lui-même. «Le jour suivant de notre départ d’Andrinople, les gens de ma suite allèrent trouver mon médecin, d’un air triste et abattu, se plaignant d'un grand mal de tête, et lui demandant des remèdes. Ils sentirent bien que c'était là les premiers symptômes de la peste. Pour lors le médecin leur fit une sévère reprimande , et leur dit qu'il s'étonnait qu'ils vinssent chercher des remèdes contre un mal dont il les ayait préve- nus. Ce n'était pas cependant qu'il ne voulüt les soigner ; il était, au contraire, très inquiet comment il ferait pour les secourir. En eflet, où prendre des remèdes dans une route où les choses les plus communes souvent manquent? La Providence devint notre seul espoir : elle nous secourut eflec- tivement, et voici comment. « J'étais accoutumé, aussitôt que nous arrivions de notre route, d'aller me promener dans les environs, et de chercher ce qu'il y avait de curieux. Ce jour-là je fus assez heureux pour aller sur les bords d’un pré : j'aperçus dedans une plante qui m'était inconnue; je pris une de ses feuilles, je la sentis, elle avait l'odeur de l'ail. Je la donnai à mon médecin, lui demandant s'il la connaissait. Après lavoir examinée avec attention, il me répondit que c'était du Scordium. I leva les DES PLANTES USUELLES. 91 mains au ciel, et rendit grâces à Dieu du remède qu'il nous envoyait SI à propos. « Il en ramassa à l'instant une grande quantité, qu'il alla mettre dans un chaudron, et qu'il fit bouillir. De là il avertit nos pestiférés de prendre courage, et sans perdre un moment, il leur fit boire la décoction de cette plante, dans laquelle il mit un peu de terre de Lemnos. Ensuite 1l les fit bien chauffer, et les renvoya se coucher, leur ordonnant de ne dormir qu'après qu'ils auraient bien sué; ce qu'ils obser- vèrent exactement. On leur donna ensuite une dose de cette même drogue, qui finit enfin de les guérir. C'est ainsi que, par la grâce de Dieu, nous échappèmes à la mort qui nous semblait très proche. » (Lettres du baron de Busbecq, tom. 1, pag. 197.) Quelqu'un sourira peut-être en lisant ce fait raconté avec une ingénuité parfaite; mais la guérison des pestiférés s'ex- plique d’une manière toute naturelle. Le Scordium par son action stimulante provoqua des sueurs copieuses et en même tempsune crise salutaire. Ne voit-on pas la plupart des ma- ladies contagieuses se terminer par une crise semblable? Certes, j'aurais bien plus de confiance dans les boissons su- dorifiques que dans les purgatifs qu’on prodigue maintenant dans toutes les affections typhoïdes. Les sudorifiques donnés avec sagesse sont d'un grand secours, soit au début, soit vers la fin des fièvres typhoïdes ou pestilentielles, pourvu que les viscères soient exempts de phlogose. Les purgatifs doivent être réservés pour les complications humorales qui se développent au commencement ou pendant le cours de ces mêmes maladies. La méthode antiphlogistique, les saignées, remplaceront, au contraire, les purgatifs, les sudorifiques, lorsque la fièvre se développera avec les signes caractéris- tiques d'une irritation inflammatoire. Il faut au reste étudier 99 NOUVEAU TRAÏÎTÉ avec soin l'influence des constitutions épidémiques, comme l'ont fait Stoll et Sydenham, pour en déduire les véritables méthôdes de traitement. Les méthodes exclusives qu’on fait sonner si haut ne sont que de l’empirisme; elles n’ont pas mème le mérite de la nouveauté. | Le Scordium est encore un bon vermifuge. Son amertume et son odeur alliacée mettent promptement en fuite les vers lombricoïdes. On applique des linges imbibés de sa décoction sur les ulcères putrides, sur les parties menacées de gan- grène. On augmente son action antiseptique en y ajoutant quelques cuillerées d’alcohol camphré. Le principe alliacé du Scordium est si pénétrant qu'il in- fecte le lait des vaches. Le beurre préparé avec ce même lait a un goût détestable. GERMANDRÉE SAUGE DES BOIS. TEUCRIUM SCORODONTA. Teucrium scorodonia. Lan. Spec. 789. Lam. Encyci. Bot. 2. 695. DC. F1. Fr. 2501. Lapeyre. Plant. Pyr. t. 326. CHEV. F1. Par. 3. 477. FI. Dan. t. 485. Sa tige est droite, ferme, dure, pubescente, rameuse, tétragone, quelquefois rougeâtre, haute d'un pied ou davan- tage, suivant les lieux et l'exposition. Les feuilles sont assez grandes, pétiolées, oblongues, en forme de cœur, crénelées à leurs bords, un peu ridées, légèrement velues. Les fleurs sont d'un jaune pâle, tournées d'un seul côté, disposées en grappes un peu lâches et terminales. Les éta- mines sont purpurines. DES PLANTES USUELLES. 93 Cette plante croît dans les bois montagneux, dans les lieux incultes. On la trouve fréquemment sur les coteaux boisés des environs de Paris. On l'appelle vulgairement Germandrée sauvage, Baume sauvage, Sauge des bois. Elle a une saveur amère, un peu aromatique, et une odeur d'ail, d'où lui vient le nom de Scorodonia. Ses propriétés se rapprochent de celles du Teucrium scordium. Les vaches, les chèvres, les brebis, qui broutent cette plante donnent un lait d'un goût alliacé. GERMANDRÉE BOTRYS. TEUCRIUM BOTRYS. Teucrium botrys. Linn. Spec. 786. Law. Encycel. Bot. 2. 696. DC. F1. Fr. 2498. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 325. Tour. F1. Toul. 158. CHEv. FI. Par: 3. 477. Bazs. F1. Lyon. 1. 573. DESsv. FL Anj. 144. Los. Icon. 385. f. 2. Cette espèce a unetige herbacée, droite, haute de huit à dix pouces , très rameuse, tétragone et légèrement velue. Les feuilles sont pétiolées, pubescentes, pinnatifides, ver- dâtres, à lobes peu nombreux, découpées ou trifides. Les fleurs sont purpurines, portées sur des pédoncules courts, et disposées trois ou quatre ensemble dans chaque aisselle. Le calice devient très grand et fortement ventru à la maturité des graines. La Corte botrys croît en ee. en Italie et dans toute la France. On la trouve dans les Pyrénées, aux environs de Lyon, de Toulouse et de Paris. Elle se plaît dans les lieux arides et pierreux; ses fleurs s'épanouissent en juin et juillet. On l'appelle vulgairement Germandrée femelle. a 94 NOUVEAU TRAITÉ Elle est aromatique, stimulante et fébrifuge. On lui attri- bue les propriétés du Teucrium chamædrys ou petit chêne. GERMANDRÉE DE MONTAGNE. TEUCRIUM MONTANUM. Teucrium montanum. Lin. Spec. 781. DC. F1 Fr. 2509. DEsr. Arbr. 1. 139. CHEV. FI. Par. 3. 477. Bas. F1. Lyon. 1. 475. DEsv. FI. Anj. 145. JAcQ. FI. Austr. t. 417. Ses tiges sont grêles, ligneuses, rameuses, longues de cinq à six pouces, blanchâtres vers leur sommet, et couchées sur la terre. Ses feuilles sont opposées, étroites, lancéolées, entières, vertes en dessus, blanchâtres et tomenteuses en dessous, à bords repliés comme celles du romarin. Les fleurs sont blanches ou d’un jaune pâle, groupées en têtes aplaties à l'extrémité des tiges et des rameaux; elles paraissent en Juin et Juillet. Cette plante croît en touffes dans les pâturages secs et sur Jes pelouses. On la trouve dans les Pyrénées, dans l'Anjou, à Compiègne, à Fontainebleau, à Saint-Germain, aux environs d'Orléans, etc. Elle partage les propriétés des labiées aromatiques. On la donne en infusion et en décoction pour stimuler l'organe digestif et l'appareil urinaire. DES PLANTES USUELLES. 95 GERMANDRÉE POLIUM. TEUCRIUM POLIUM. Teucrium polium. Laxnn. Spec. 792. Lam. Encyel. Bot. 2. 699. DC. F1. Fr. 2510. DESsr. Arbr. 1. 140. LAPEYRr. Plant. Pyr. 1. 327. BARREL. t. 1082. Cette espèce se fait remarquer par ses tiges ligneuses , rameuses, cylindriques, blanchâtres, cotonneuses, ordinaï- rement unpeu couchées à leur base. Les feuilles sont oppo- sées , sessiles, oblongues, un peu obtuses, crénelées en leurs bords, d’un vert blanchâtre et cotonneuses surtout à leur revers. Les fleurs sont petites, blanches ou d'une couleur pur- purine, ramassées à l'extrémité des rameaux en têtes arron- dies ou ovales. Les calices sont recouverts d’un duvet blan- châtre. Le Teucrium polium croît sur les montagnes et dans les lieux maritimes de nos provinces méridionales. On le trouve aux environs de Perpignan, à Céret, à Arles, etc. Il fournit plusieurs variétés à feuilles plus ou moins étroites, à fleurs blanches ou d'un pourpre foncé. Il a une odeur forte, aromatique, une saveur amère. On emploie les sommités fleuries en infusion théiforme. 06 NOUVEAU TRAITÉ GERMANDRÉE A FLEURS EN TÊTE. TEUCRIUM CAPITATUM. Teucrium capitatum. Lan. Spec. 792. Lam. Encyel. Bot. 2. 700. DC. F1 Fr. 2512. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 327. DEsr. Arbr. 1. 140. CAvAN. Icon. t. 119. Cette espèce a beaucoup de ressemblance avec la German- drée polium, mais elle en diffère par sa tige plus élevée, tou- jours droite et nullement couchée à sa base. Elle offre d'ail- leurs des variétés nombreuses. La tige est grêle, cylindrique, blanchâtre, peu rameuse, haute d'environ un pied. Les feuilles sont lancéolées, plus ou moins étroites, un peu aiguës au sommet, crénelées en leurs bords, plus ou moins cotonneuses et blanchâtres. Les fleurs sont fort petites, blanches, quelquefois, rou- geâtres ou d'un violet pâle, ramassées en tête arrondie et portées sur des pédicelles distincts au sommet des tiges. Les calices sont revêtus d'un duvet blanchâtre. Cette plante croît parmi les rochers dans les provinces méridionales de la France. On la trouve à Collioure et à Bagnols. Elle est aromatique, amère, stimulante comme la plupart des espèces dont se compose le genre Teucrium. SARRIETTE. SATURETA. Calice tubulé, strié, à cinq dents presque égales. Corolle irrégulière; orifice simple, divisé en deux lèvres; la lèvre supérieure droite, presque plane, obtuse, légèrement échan- DES PLANTES USUELLES. 97 crée ; l'inférieure à trois lobes obtus, presque égaux. Quatre étamines écartées les unes des autres. Un style terminé par deux stigmates. Quatre semences nues, arrondies, renfermées au fond du calice. SARRIETTE DES JARDINS. SATUREIA HORTENSIS. Satureia hortensis. Lin. Spec. 795. DC. FIL. Fr. 2514. Por. Encycl. Bot. 6. 570. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 329. Gouax. Monsp. 273. Law. Illustr. t. 504. f. 1. BLACK w. EHerb. t. 419. Cette plante, cultivée partout, croît spontanément dans les lieux arides de l'Europe australe. Or la reconnaît à ses üges droites, rougeâtres, rameuses, pubescentes, un peu rudes au toucher, hautes de huit ou dix pouces; à ses feuilles opposées, linéaires, lancéolées, éntières et d’un vert foncé. Les fleurs sont petites, axillaires, d'un rouge pale, réunies deux à deux sur chaque pédoncule. On trouve cette espèce de Sarriette dans nos ne méridionaux, aux environs de Montpellier, de Narbonne, d'Aix; sur les rochers des Pyrénées orientales, à Prades, à Villefranche. On la cultive dans les jardins potagers pour les usages cu linaires. Sa culture est fort simple. On la sème au printemps, soit en rayons, soit en bordures ; elle se reproduit d'elle-même dans les lieux où elle a müri ses graines, et elle prospère dans tous les terrains. Cette plante se distingue par une odeur forte, aromatique, æ IT: À 938 NOUVEAU TRAITÉ assez agréable, par une saveur chaude, piquante, légèrement amère. Elle donne à l'analyse un peu d'huile volatile. On l'appelait anciennement Savourée, dont les Anglais ont fait Savory, à cause de la saveur qu'elle communique aux alimens. C'est un assaisonnement vulgaire, mais très sain pour les estomacs froids, débiles, paresseux. IL sert à relever le goût des sauces, des légumes, des pois, des lentilles, surtout des fèves de marais, qui en deviennent moins flatulentes. On met aussi de la Sarriette dans les boudins , et quelquefois on l'y prodigue de manière à oflenser le palais. Mangez rarement da boudin dans les campagnes, si vous aimez peu le poivre et la Sarriette, et n'en mangez pas même à la ville, si votre estomac est délicat, susceptible. Le boudin est l'aliment de l'homme vigoureux, qui agite ses muscles, qui digère sans le Savoir. Les Allemands aromatisent leur choucroute avec la Sar- riette pour la conserver, et les Hollandais en mettent égale- ment dans les fèves de marais, qu'ils gardent pour l'hiver. La Sarriette possède les propriétés stimulantes de la plu- part des Labiées. Ainsi on pourrait la donner en infusion théiforme pour relever le ton du conduit alimentaire; mais , sans s'appauvrir, la médecine domestique peut fort bien l'aban- donner à l’art culinaire. DES PLANTES USUELLES. 99 SARRIETTE A FLEURS EN TÊTE. SATUREIA CAPITATA. Satureia capitata. Lanx. Spec. 795. DC. FL Fr. 9514. Porr. Encyel. Bot. 6. 715. Desr. Arbr. 1. 141. F1. Atlant. 2, 9. LU s Cette espèce se fait remarquer par la disposition de ses fleurs réunies en une tête terminale. Elle s'élève en manière d’arbrisseau, sur une tige droite, grèle, rameuse, haute d'environ un pied. Les feuilles sont opposées, sessiles, étroites, relevées en carène, pointues, blanchâtres, légèrement ciliées vers la base. Les fleurs sont petites, blanches ou purpurines, réunies au sommet des rameaux, en un épi capité, garni de bractées ovales, ciliées à leurs bords , plus longues que les calices. On trouve cette plante dans les départemens méridionaux de la France, dans la Grèce, dans l'île de Crète, dans la Palestine, etc. Le professeur Desfontaines l'a rencontrée sur les collines arides et incultes de la Barbarie. On multiplie cette espèce de graines, de drageons et de boutures, et on l’abrite en hiver dans l'orangerie. Elle exhale une odeur très agréable et donne de l'huile volatile. On l'ap- pelle vulgairement Thym de Crète; c'est le thym des anciens. Pline dit que son odeur est si,pénétrante, qu’elle apaise les spasmes épileptiques. Selon Dioscoride, son infusion tue les vers, provoque l'écoulement menstruel, soulage les asthma- tiques, favorise l'expectoration. La plupart de nos Labiées produisent des effets semblables , c’est-à-dire qu’elles raniment les organes quand ils sont dans un état de langueur. 190 NOUVEAU TRAITÉ SARRIETTE THYMBRA. SATUREIA THYMBRA. Satureia thymbra. Lainw. Spec. 794. DC: FL Fr. 2515. Por. Encycl. Bot. 6. 569. Desr. Arbr. 1.141. BLACKW. Herb. t. 318. Cest un petit arbrisseau dont la tige ligneuse, grêle, presque cylindrique, se divise en rameaux nombreux, pu- bescens, garnis de feuilles opposées, ovales, entières, ponc- tuées, rudes, hérissées, particulièrement à leur face infé- rieure, de petits poils courts, roides, terminés la plupart par une pointe très acérée. Les fleurs sont disposées par verticilles globuleux, axil- laires , sur des pédoncules courts, un peu rameux. Les calices sont droits, roides, pileux, à cinq dents très aiguës, presque égales. La corolle est purpurine ou blanchâtre, deux fois plus longue que le calice. Cette plante croit en Crète, en Syrie, aux environs de Nice, etc. On la rencontre sur les collines pierreuses. Elle est aromatique, stimulante et vermifuge. On lemploie aussi comme assaisonnement. DES PLANTES USUELLES. 101 SARRIETTE DE MONTAGNE. SATUREIA MONTAN À. Satureia montana. Linn. Spec. 794. DC. FIL. Fr. 2516. Porr. Encycl. Bot. 6. 568. LAPEYR. Plant. Pyr. 1. 328. — Sage. Hort. 1. 64. Ses tiges sont dures, ligneuses, branchues, cylindriques, bautes d'environ un pied, garnies de feuilles sessiles, étroites, presque linéaires, très aiguës, entières, ponctuées à leurs deux faces et comme chagrinées. Les fleurs sont blanches, quelquefois d’une teinte purpu- rine, axillaires ; elles forment de petits corymbes opposés, pédonculés, peu garnis. Les calices sont courts, striés , roides, légèrement velus, à cmq dents écartées, presque égales. La corolle est assez grande, pubescente, profondé- ment divisée en deux lèvres, la supérieure entière, l'imfé- rieure à trois lohes. Cette plante aromatique croît en Italie, en Toscane, dans la Carniole et dans les départemens méridionaux de. la France. Elle se plaît sur les rochers, dans les lieux stériles et montagneux. On la rencontre sur les raches calcaires des Pyrénées, à Saint-Béat, à la Porte-d'Espagne et sur les sommets des deux rives de la Garonne. On la cultive, cemme la Sarriette des jardins, pour l'usage de la cuisine. On la propage par ses graines ou par les éclats de son pied. Elle supporte le froid de nos hivers, et réussit, parfaitement dans un sol un peu sec. 102 NOUVEAU TRAITÉ SARRIETTE DE SAINT-JULIEN. SATUREIA JULIANA. Satureia juliana. Lan. Spec. 793. DC. FIL Fr. 2517. Por. Encycl. Bot. 6. 567. Lam. Ilustr. t. 504. f. 2. — Sabaitia corymbosa. Moencx. Meth. 388. Ses tiges sont grèles, peu élevées, presque ligneuses , di- visées en rameaux droits, nombreux, de couleur cendrée, garnis de feuilles sessiles, très étroites, linéaires, lancéolées, aiguës, un peu rétrécies en pétiole. Les fleurs naissent , dans l’aisselle des feuilles, en paquets verticillés, ou en forme de petits corymbes opposés, très denses. Le calice est tubulé , strié, hérissé de poils très courts. La corolle est petite, légèrement purpurine ou un peu rougeâtre, à tube plus court que le calice. Cette plante croît dans l'Étrurie, sur le mont Saint-Julien, et sur les bords de la mer de Toscane. On la trouve aussi dans les lieux arides des environs de Nice. On la cultive dans quelques jardins pour son goût agréable, qui tient de celui de la Sarriette et du thym. Elle donne une huile volatile très odorante. La Sarriette de Saint-Julien devrait être accueillie dans tous les potagers. Son arome est plus fin que celui des autres espèces. Sa culture est la même. L’infusion théiforme des feuilles et des jeunes rameaux stimule JAN te les voies digestives et la tête. DES PLANTES USUELLES. 103 THYMBRE. THYMBR A. Calice comprimé, bordé extérieurement sur chaque côte d'une rangée de poils. Eèvre supérieure de la corolle bifide ; lèvre inférieure à trois lobes presque égaux. Style bifide jus- que vers son milieu. THYMBRE EN ÉPIL. TAYMBRA SPICAT'A. Thymbra spicata. Lan. Spec. 795, Por. Encycl. Bot. 7. 655. DC. FIL. Fr. 2519. Desr. Arbr. 1. 154. Lam. Illustr. t. 512. Ses tiges sont droites, ligneuses, hautes d'environ un pied, divisées en rameaux un peu rougeâtres, quadrangu- laires, hérissés de poils roides, surtout vers leur sommet. Les feuilles sont opposées , presque sessiles, linéaires, forte- ment ponctuées, cihiées vers leur base et quelquefois sur leur nervure dorsale; celles qui accompagnent les fleurs sont ciliées dans toute leur longueur. Les fleurs sont purpurines, disposées au sommet des ra- meaux en verticilles axillaires, très rapprochés, formant un épi oblong et serré. Le calice est comprimé, glanduleux, chargé de poils très courts. Ce joli arbuste croît dans le Levant , sur le mont Liban, en ltaïe et dans les montagnes du Piémont. Quelques ama- teurs le cultivent dans les jardins. On le perpétue de drageons, et on l’abrite dans la serre tempérée. Il aime les terrains secs et pierreux. Il à une saveur piquante et une odeur très aromatique. 10% NOUVEAU TRAITÉ Ses propriétés se rapprochent de celles de la sarriette et di thym. Il peut servir d'assaisonnement culinaire. Le Thymbre verticillé (Thymbra verñcillata, Linn.) en diffère peu. Ses verticilles sont plus prononcés, plus dis- tincts. Les tiges, à peine hautes d'un pied, portent des feuilles linéaires, lancéolées, ponctuées, glabres à leurs deux faces. Les feuilles qui accompagnent les fleurs sont un peu plus larges, plus aiguës, ciliées à leurs bords. Les fleurs sont d'une teinte purpurine, parfaitement verticillées dans les aisselles des feuilles supérieures. Cette espèce croît dans les contrées méridionales de l'Eu- rope. On la cultive également dans les jardins. Elle exhale une odeur aromatique, et possède les vertus excitantes des, Labiées. H YSOPE. HYSSOPUS. \ Calice légèrement strié, à cinq dents égales. Corolle à deux lèvres; la supérieure droite, obtuse, lésèrement échan- crée ; l'inférieure, à trois lobes; lobe moyen, grand, crénelé, en forme de cœur renversé. Étamines écartées, beaucoup. plus longues que la corolle. Un style à stigmate bifide. | DES PLANTES USUELLES. 105 HYSOPE OFFICINALE. HYSSOPUS OFFICINAEIS. Æyssopus officinalis. Linx. Spec. 796. Lam. Encycl. Bot. 3. 186. Illustr.t. 502. f. 1. DC. FL Fr. 2520. Lapeyre. Plant. Pyr. t. 328. Jaco. FL Austr. t. 254. BLACKW. Herb. t. 296. C’est un sous-arbrisseau qui eroît natureliement en Es- pagne, en Savoie, dans le Piémont, en Autriche et dans les départemens méridionaux de la France. Il se plaît dans les montagnes et dans les lieux stériles. De sa racine naissent des tiges grêles, nombreuses, droites, simples, dures, cassantes, peu élevées , garnies de feuilles dans toute leur longueur ; ces feuilles sont opposées, sessiles, étroites, linéaires, pointues, glabres, souvent chargées de petits points noirâtres et d’un vert foncé. Les fleurs sont d'un bleu clair, quelquefois blanches ou roses, réunies plusieurs ensemble dans les aisselles des feuilles supérieures , tournées là plupart du même côté, et disposées en manière d'épi terminal. Les calices sont striés, verdâtres, queïquefois un peu teints de violet. On cultive l'Hysope dans les jardins, où elle forme en été des toufles agréables par la réunion de ses épis d'un joli bleu. On la place ordinairement en bordure, comme la lavande, et on la multiplie par ses graines, ses drageons , ses boutures, soit au printemps, soit en automne. Elle aime le soleil et une terre un peu légère. Cette plante aromatique était en grand honneur chez les anciens peuples ; ils en aromatisaient leurs ragoûts et leurs 106 NOUVEAU TRAITÉ bains. Chez les Juifs, on s'en servait pour les purifications religieuses. Le roi poète et prophète demande, dans un de ses chants au Seigneur, à être purifié de ses fautes par des aspersions faites avec l'Hysope : Asperges me, Donune, Hyssopo et mundabor. L'Hysope a beaucoup perdu de son iURe réputation. Comme assaisonnement, elle a été bannie de la cuisine, et les grands médecins s'en servent rarement ; mais la médecine domestique, qui aime les remèdes simples, doit la conserver dans son formulaire. Cette plante a une odeur forte, aromatique , une saveur chaude, amère, un peu âcre. Elle donne un peu d’huile vola- üle, un extrait aqueux, légèrement amer, et un extrait alcoholique très âcre et très actif. Nous la reccmmandons dans l'asthme humide des vieillards, dans les affections ca- tarrhales de l'organe pulmonaire, vers la fin des rhumes, lorsqu'il faut exciter doucement les bronches. Son usage n’est pas moins convenable dans les langueurs d'estomac, dans la flatulence et dans les phiegmasies de la peau, entretenues par l'inertie des vaisseaux exhalans. Infusion anticatarrhale. Prenez : sommités d'Hysope, une pincée; eau bouillante, une livre. Laissez infuser, et ajoutez à la colature une once de miel ou deux cuillerées d’un sirop agréable. On en prend une tasse de temps en temps pour favoriser l’expectoration vers la fin des catarrhes. Lorsque le poumon a besoin d'être plus vivement excité, on ajoute à l'infusion d'Hysope de l’oxymel simple ou de l'oxymel scillitique. DES PLANTES USUELLES. 107 Bouillon pectoral du professeur Petot. Prenez : maigre de veau, six onces ; navets coupés par tranches, quatre onces. Faites cuire dans une pinte d’eau jusqu'à réduction de trois demi-setiers. En retirant le vase du feu, ajoutez une forte pincée d'Hysope. Laissez refroidir et passez. On prend ce bouillon en trois tasses : une le matin, une autre à midi et la troisième le soir. On édulcore chaque dose avec une once de sucre candi. (Clinique de Montpellier.) L'eau distillée d'Hysope est très aromatique, elle sert de base aux potions béchiques excitantes. On prépare avec l'in- fusion concentrée de la plante, et suffisante quantité de sucre, un sirop qui est un doux stimulant dans les rhumes invétérés, dans le catarrhe chronique du poumon. On le prend à la dose d'une petite cuillerée dans une tasse de tisane pectorale. NÉPETA. NEPET A. Cahice cylindrique, à cinq dents. Tube de la corolle allongé, courbé ; orifice ouvert; limbe à deux lèvres : la supérieure, droite , échancrée ; l’inférieure, à trois lobes ; les deux lobes latéraux très courts, réfléchis; le moyen plus grand, concave, crénelé. 198 NOUVEAU TRAITÉE NÉPETA CHATAIRE. NEPETA CATARIA. Nepeia cataria. Lann. Spec. 796. Lam. Eneycl. Bot. 1. 709. DC. FI. Fr. 2521. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 328: CHEV. F1 Par. 3. 473. FL Dan. t. 580. Sa tige est droite, carrée, rameuse , haute de deux à trois pieds, recouverte, ainsi que la surface inférieure des feuilles , d'un duvet blanchôtre. Les feuilles sont pétiolées, cordi- formes, dentées en scie, vertes en dessus, blanchâtres en: dessous. Les fleurs sont purpurines, quelquefois blanches , légère- ment pédonculées, verticillées, disposées en épi au sommet de la tige et des rameaux. Cette plante croît au bord des chemins et des fossés. On la trouve dans toute la France. Dans les terrains secs, elle: est peu élevée ; dans les lieux un peu humides, au bord des haies, elle se fait remarquer par sa haute taille, par sa vi- gueur et sa chaude fourrure. C’est ainsi que je l’ai observée: dans la vallée de Villiers-sur-Orge. Lorsqu'on la froisse entre les doigts, elle exhale une odeur forte, pénétrante, un peu fétide. Sa saveur est âcre et amère, Elle contient une huile essentielle jaune. C’est encore une plante injustement oubliée, car elle pos- sède les propriétés stimulantes des Labiées aromatiques. On pourrait lemployer en infusion aqueuse ou vineuse pour exciter les voies digestives et les viscères circonvoisins. C'est aux médecins des campagnes à en tirer parti. La médecine des pauvres doit se faire avec des remèdes simples et peu: coûteux. On peut d’ailleurs en préparer des bains, des lo- DES PLANTES USUELLES. 109 tions, des fumigations aromatiques dans les cantons où le thym , le romarin, la sauge, le laurier sont rares. Cette plante est très attrayante pour les chats, ce qui lui a fait donner le nom de Cataria. Ces animaux la mordent, l'arrachent, se roulent dessus avec une sorte de transport. Il est cependant singulier qu'ils ne s’attaquent qu'à celle que lon plante , et nullement à celle qui n’a point été déplacée. De là, le proverbe anglais : If you set it, the cats will eat it; JF you sow it, the cats will not know it. «Si vous la plantez, les chats la mangeront; si vous la se- mez, ils n'y toucheront pas. » Les Anglais la nomment Cat- muünt, Menthe de chat. LAVANDE. LAV ANDULA. ai Calice ovoide, strié, à cinq dents. Corolle renversée; tube cylindrique, plus long que le calice ; limbe à deux lè- vres, l’une à deux, l’autre à trois divisions, toutes à peu près égales entre elles. LAVANDE ASPIC. ZAVANDULA SPICA. Lavandula spica. Lin. Spec. 800. Lam. Encycl. Bot. 3 427. DC. FL Fr. 2526. Lapeyre. Plant. Pyr. 1. 329. Desr. Arbr. 1. 143. DuxaAM. Ed. nov. t. 42. — Lavan- dula officinalis. Virr.. FI. Dauph. 2. 363. C'est une sorte d'arbuste, haut d'environ deux pieds, dont la souche ligneuse se divise en rameaux nombreux, droits, 110 NOUVEAU TRAITÉ grèles, feuillés dans leur partie inférieure et presque nus vers leur sommet. Les feuilles sont opposées, étroites, lan- céolées , entières, d'un vert blanchâtre. Les fleurs sont d'un bleu päle, disposées en épi simple, grêle, interrompu à sa base, et terminal. Les calices sont re- vêtus d’un duvet cotonneux, bleuâtre. Cette plante croît en Espagne, en Italie et dans les lieux secs de nos provinces méridionales. Elle abonde surtout aux environs de Narbonne, et fleurit en juin et juillet. On la cultive dans les jardins , et on en fait des bordures qui produisent un joli eflet lorsqu'elle est en fleurs. On la propage de graines, de drageons et de boutures. Elle aime les terrains secs et légers. On doit couper les tiges aussitôt que la fleur est passée, c’est le moyen d'avoir des fleurs jus- qu’à l'automne. Sans cette précaution, les tiges se dessèchent et sont désagréables à la vue. La Lavande se fait remarquer par une odeur forte, diffu- sible, assez agréable, par une saveur chaude, aromatique , un peu amère. Elle possède les vertus médicinales de la plu- part des Labiées aromatiques, et elle donne à l'analyse une huile volatile camphrée , avec un principe extractif. Son action stimulante ne se borne point au système gas- trique , elle se dirige aussi sur tout l'organisme. Toutefois, les auteurs qui ont rangé cette plante parmi les remèdes cé- phaliques, nervins et emménagogues, nous ont donné une idée bien vague de ses propriétés , car les diverses altérations qui peuvent frapper le cerveau, le système nerveux, les voies utérines, n'exigent pas toujours l'usage des aromatiques et des stimulans, ainsi que nous l'avons déjà remarqué. Mais on pourra avoir recours à la Lavande, ou plutôt à son huile vo- latile , dans les cas de paralysie, de rhumatisme, d'hystérie, DES PLANTES USUELLES. 111 d'aménorrhée , si la cause matérielle de ces affections réside dans une sorte de relâchement et d’atonie. On prend les sommités fleuries, ainsi que les feuilles de Lavande, en infusion théiforme plus ou moins chargée, L'huile volatile se donne à la dose de cinq ou six gouttes, dans une ou deux cuillerées d'eau sucrée, où dans un mé- lange d'eau de menthe et d'eau de fleur d'oranger. Cette po- tion soulage dans les langueurs d'estomac, dissipe les flatuo- sités. Mais l'huile qu'on nous apporte de la Provence et du Languedoc, sous le nom d'huile d'aspic, d'huile de Lavande, est souvent sophistiquée avec l'huile de térébenthine ou de behen. On peut préparer un esprit de Lavande très agréable pour la toilette, en ajoutant à deux livres d'alcohol un gros d'huile volatile de Lavande et quelques gouttes de teinture de benjoin. | Mais gardez-vous bien de faire des lotions alcoholiques sur les parties où la goutte a fixé son siége, vous pourriez la faire rétrograder sur les viscères, sur le poumon ou le cer- veau. Si vous êtes sujet à des sueurs grasses, visqueuses, aux pieds où ailleurs, faites souvent des ablutions tièdes sur ces parties, mais ne les arrosez, ni de vinaigre aromatique, ni d'eau de Cologne, ni d'esprit de Lavande; surtout ne les saupoudrez point d'alun calciné, comme on vous le conseille dans un dictionnaire récent où l'on parle de tout, de cuisine, d'économie domestique, d'agriculture , d'hygiène , de méde- cine, etc. Ces sortes d'ouvrages où l’on veut être si savant sont très dangereux. La sueur des pieds est une sorte d'excrétion critique qui entretient la santé. En la supprimant par des applications astringentes, on peut devenir aveugle, phthisique, et mêm périr instantanément d'apoplexie. Les fastes de l'art son | 112 NOUVEAU TRAITÉ remplis de ces catastrophes. Mettez les sciences à la portée des gens du monde , vous ferez bien; mais tâchez de mesurer la portée de vos conseils lorsque vous ferez de la médecine ou de l'hygiène. La Lavande, cueillie en pleine floraison et mise en pa- quets, répand dans les armoires une odeur agréable et saine. On peut y mêler les feuilles sèches d'autres Labiées aroma- tiques, comme la mélisse, la menthe, la sauge, le romarin, la marjolaine, le serpolet, etc. LAVANDE STÆCHAS. LAVANDULA STÆCHAS. Lavandula stæchas. Lann. spec. 800. Lam. Encycl. Bot, 3. 498. DC. FI. Fr. 2597. Desr. Arbr. 1. 143. LAPEYR. Plant. Pyr. 1. 330. Dunam. Ed. nov. t. 48. C'est un arbuste très rameux, haut d'environ deux pieds. Sa tige est ligneuse , droite, divisée en rameaux grèles, té- tragones, garnis dans toute leur longueur de feuilles sessiles, étroites, linéaires, veloutées, blanchâtres, repliées en leurs bords comme celles du romarin. Les fleurs sont petites, d’un pourpre foncé, disposées au sommet des rameaux en un épi ovale, surmonté d'une touffe de feuilles assez grandes et bleuâtres. On trouve cette plante dans les lieux secs et pierreux de l'Espagne, de l'Italie et des provinces méridionales de la France. Elle croît particulièrement dans le Languedoc, dans la Provence, et, dans les Pyrénées orientales, à Collioure, au château de Villefranche, etc. DES PLANTES USUELLES. 113 On cultive ce joli arbuste dans les jardins , comme l'aspic ; ais il faut le renfermer l'hiver dans l’orangerie. Toutes ses parties répandent une odeur aromatique agréa- ble ; elles ont une saveur chaude et un peu amère. On peut également en extraire une huile volatile camphrée. La La- yvande stæchas a toutes les propriétés de la Lavande aspic, mais on lui préfère celle-ci, parce qu'elle est plus abondante et plus facile à cultiver. Le sirop de Stæchas, qu'on prépa- rait autrefois dans les pharmacies, est entièrement oublié. C'était pourtant une composition active dans laquelle entraient plusieurs autres aromates MENTHE. MENT'H À. Calice à cinq dents presque égales. Corolle un peu plus longue que le calice, à quatre lobes presque égaux; lobe supérieur échancré, un peu plus large que les autres. Éta- mines écartées les unes des autres. MENTHE POIVRÉE. MENTHA PIPERITA. Wentha piperüa. Lan. Spec. 805. Lam. Encyel. Bot. 4. 104. DC. FI. Fr. 2537. Engl. Bot. 681. Ro. Phyt. Méd. Ed. nov. 1. 327. t. 33. Ses tiges sont droites, rameuses, lésèrement velues, hautes d'environ deux pieds, garnies de feuilles pétiolées , ovales, pointues, dentées en leurs bords, d’un vert foncé en dessus, d’une teinte plus pâle et pubescentes en dessous. Les fleurs sont petites, purpurines, disposées en épis courts à l’extrémité de la tige et des rameaux. Les bractées et NII. 8 114 NOUVEAU TRAITÉ les divisions du calice sont ciliées ; les étamines sont plus courtes que la corolle. La Menthe poivrée est originaire d'Angleterre. On la cul- tive dans presque tous les jardins pour les usages écono- miques et médicinaux. On la multiplie par ses rejetons et ses racines traçantes qu'elle fournit abondamment. On les sépare du pied en automne où au commencement du prin- temps. Elle aime l'eau et une terre substantielle. On la pro- page aussi très facilement par les boutures, Les tiges, mises dans un vase avec un peu d’eau , poussent des racines en peu de jours. Cette plante exhale une odeur aromatique très expansive, camphrée; en sorte que si l’on brise le tissu des feuilies, on croit respirer du camphre. Ces mêmes feuilles, lorsqu'on les mâche, impriment à la langue et au palais une chaleur vive, bientôt suivie d’une sensation de fraicheur qui frappe les pa- rois de la bouche et persiste pendant plusieurs minutes. La Menthe poivrée fournit une assez grande quantité d'huile volatile qui contient les élémens du camphre, ainsi que Gaubius l'a observé le premier. C'est un stomachique puissant, un antispasmodique effi- cace ; il apaise les vomissemens opiniâtres, la cardialgie, les coliques nerveuses, lorsque ces accidens se lient à un état de spasme et de faiblesse. L'infusion théiforme de Menthe poivrée soulage les hypochondriaques, les femmes hysté- riques , les personnes sujettes à des flatuosités qui distendent l'estomac d'une manière douloureuse. Voilà pourquoi Mar- tial donne à la Menthe l’épithète de ruciatrix. Mais il faut bien observer que ces divers symptômes ne sont pas toujours produits par la débilité des tissus organiques; que, dans beaucoup de cas, on doit les considérer comme l'eflet im DES PLANTES USUELLES. 115 médiat d’une imitation ou d’une phlegmasie locale, et qu'alors toutes les préparations de Menthe sont évidemment nui- sibles. C'est ainsi qu'en 1832 beaucoup de cholériques ont aggravé leur état, et ont même perdu la vie, pour avoir abusé des boissons stomachiques stimulantes , comme les infusions de Menthe poivrée et de camomille romaine. Un banquier de Paris, dans la crainte de manquer de ces herbes aroma- tiques, en avait acheté pour 20 fr. Je lui recommandai de les conserver comme un remède précieux, mais de n’en faire usage qu'avec mon approbation. Il eut une cholérine, une légère diarrhée, qui se dissipa par des frictions huileuses sur le bas-ventre, par un régime doux et par une infusion de fleurs de tilleul. La Menthe favorise le flux menstruel chez les femmes nerveuses, chlorotiques, douées d’une complexion faible, délicate ; et, sous ce rapport, on a pu la comprendre au nombre des substances emménagogues. On prend alors, quel- ques jours avant l’époque périodique, une infusion théiforme de feuilles de Menthe légèrement sucrée. On a recours aux préparations actives de la Menthe dans les fièvres nerveuses ou ataxiques, accompagnées de mouve- mens spasmodiques irréguliers, et d’un état plus ou moins prononcé d'atonie universelle. Ces médicamens contribuent à dissiper les spasmes, raniment l’action affaiblie des forces vitales ; on les combine avec l’éther, le camphre, la valériane et autres excitans diffusibles ; quelquefois on les unit aux toniques permanens, dont ils accroissent l'énergie. La Menthe est le remède des vieillards , des personnes d'un tempérament froid, inerte, des enfans débiles tour- mentés par les vers. La décoction de mousse de Corse dans 416 NOUVEAU TRAÎTÉ laquelle on a fait infuser une pincée de feuilles de Menthe est un des meilleurs vermifuges pour les enfans. On peut rem- placer les feuilles par une ou deux cuillerées d'eau distillée de Menthe; la potion en devient plus agréable. L'eau de Menthe spiritueuse est un remède très énergique qu'on emploie dans les affections asthéniques graves, à la dose de deux ou trois gros et plus, dans un véhicule convenable. On prépare avec les feuilles une’eau distillée qui sert de base aux potions excitantes et toniques. L'huile essentielle ou vo- latile est très âcre ; on en donne deux, trois ou quatre gouttes sur un morceau de sucre dans les faiblesses, dans les affections soporeuses qui se manifestent chez les vieillards. L'huile volatile de Menthe sert à préparer ces pastilles par- fumées qui donnent du ton à l'estomac et de la fraîcheur à la bouche, mais qui, prises en trop grande quantité, peuvent produire la surexcitation , et même la phlogose des organes digestifs. Voici leur composition : Pastlles de Menthe poivree. Prenez : sucre très blanc, eau distillée de Menthe, de chaque deux onces. Faites cuire jusqu'à consistance d'élec- tuaire mou, dans un poëlon ayant un bec. Ajoutez ensuite: sucre grossièrement pulvérisé, quatre onces ; huile volatile de Menthe poivrée, demi-gros. On mêle l'huile volatile au sucre, qu'on incorpore rapide- ment au sucre cuit ; alors, à l’aide d’une petite baguette, on fait tomber du bec du poëlon des gouttes sur un marbre poli, ou sur un papier. Les gouttes se concrètent en hémisphères, et on les laisse sécher sur un tamis pendant quelques heures. DES PLANTES USUELLES. 117 Ces pastilles favorisent la digestion, dissipent les flatuo- sités, embaument, rafraïchissent la bouche et calment la soif en se fondant. Dans les voyages, dans les longues courses, dans les parties de chasse, dans les grandes assem- blées, dans les églises, dans les temples, où l'on n'a pas toujours de l’eau sucrée à sa disposition, on ferait très bien de se munir de quelques pastilles de Menthe. Nous croyons ce conseil d'autant plus utile, que, dans les grandes chaleurs, certaines personnes ne sauraient supporter le tourment de la soif sans éprouver des irritations, des spasmes plus ou moins vifs dans les viscères, et quelquefois des accidens plus graves. Sonnini, de retour d'un voyage à Caïenne et en d’autres contrées de la zone torride, racontait à Buffon tout ce qu'il avait souffert de la chaleur et de la soif dans ces climats brü- lans. Le Pline français lui conseilla les pastilles de Menthe, dont l'invention était alors dans sa nouveauté. Sonnini partit peu de temps après pour le Sénégal. Il y fit usage de ces pastilles, et en éprouva un effet merveilleux. Il n'eut plus autant à souffrir de cette ardeur dévorante, de cette soif inextinguible que l’eau fraîche, d’ailleurs très rare , ne satisfait pas toujours, et qui donne une transpiration pro- digieuse, affaiblit l'estomac, anéantit les forces et jette dans l'abattement. Julep de Menthe. Prenez : eau distillée de Menthe poivrée, six onces ; esprit de Menthe, sirop de Menthe, de chaque une once. Ajoutez: un oleo-saccharum fait avec six gouttes d'huile essentielle de Menthe et demi-once de sucre. On prend une cuillerée à bouche de ce julep, tous les 118 NOUVEAU TRAÎTÉ quarts d'heure, pour apaiser les spasmes de l'estomac causés par les flatuosités. De Haën le recommande comme un re- mède précieux. Potion de Menthe. Prenez : eau distillée de Menthe, quatre onces; sirop d'écorce d'orange, une once; éther sulphurique, demi-gros. Mêlez. | On donne cette potion par cuillerées plus ou moins rap- prochées pour ranimer la faiblesse et la langueur de la cir- culation. Son action stimulante la rend utile dans quelques dyspepsies. Elle convient également aux vieux goutteux tourmentés par les vents, par des douleurs vagues, par une goutte anomale. Barthez conseille l'eau de Menthe poivrée et l'éther comme des excitans efficaces, diflusibles, dans les cas de rétropulsion goutteuse. Ces excitans conviennent surtout lorsque la vie générale est affaiblie. Potion stomachique de P. Franck. Prenez : eau de Menthe poivrée, six onces; extrait de gentiane jaune, deux gros. Mêlez en triturant dans un mor- tier pour faire fondre l'extrait de gentiane. Cette mixture est un excellent stomachique recommandé par Franck, à la dose de deux ou trois cuillerées à café, qu'on mêle dans une infusion de feuilles d'oranger, de fleurs de camomille romaine, ou simplement dans un peu d'eau sucrée. On renouvelle la dose deux ou trois fois par jour, et on DES PLANTES USUELLES. 119 recouvre en même temps l’épigastre d'une flanelle imbibée de la même mixture. On emploie aussi la Menthe à l'extérieur, et on en compose des épithèmes, des sachets aromatiques , qu'on applique sur la région de l'estomac. Pour augmenter leur action, on y ajoute des feuilles d'absinthe, des fleurs de ca- momille romaine, de la poudre de cannelle qu'on arrose avec du vin, avec de l’alcohol, ete. Ces applications, que la mé- decine moderne néglige un peu trop, contribuent à dissiper l'état de faiblesse et de spasme des organes digestifs. Parlerons-nous de quelques liqueurs de table que la Menthe embaume de ses parfums? Pour les composer, il faut être distillateur habile, et le ratafia de Menthe sans distillation est une liqueur irritante, d'une saveur âcre, empyreuma- tique. La liqueur distillée de Menthe se prépare par l'infusion des feuilles dans six parties d’alcohol et une partie d’eau. On dis- üille à l'alambic, et on mêle au produit de la distillation une suffisante quantité d’eau et de sucre. On y ajoute quelquefois du zeste de citron pour modifier son arome. Cette espèce de crème de Menthe est difficile à préparer. Nous ne conseillons pas à la bonne ménagère d'y perdre son temps, son eau-de-vie et son sucre, elle n'obtiendrait qu'une liqueur médiocre. Son rataña de cerises noires ou des quatre fruits est beaucoup plus sain. Les feuilles de Menthe poivrée, séchées avec soin, servent d'assaisonnement à certaines sauces, à certains ragoüts. Dans leur état de fraicheur, on les emploie, même en Angle- terre et en ftalie, pour aromatiser les salades, les omelettes. On mêle également la Menthe à l'estragon et aux fines herbes 120 NOUVEAU TRAITÉ pour relever le goût de la laitue, du pourpier et autres plantes froides ou peu sapides. Autrefois on mettait de la Menthe dans les pâtés et dans le bœuf-à-la-mode. Mais je crois qu'on a bien fait de renoncer à cet assaisonnement de nos bons aïeux. Les pâtés de Chartres, de Strasbourg ou de Toulouse n'ont besom, ni de la Menthe gentille, ni de la Menthe frisée. Au reste, demandez plutôt à M. V., un de nos nouveaux gourmands ; sil y trouvait un goût de Menthe, je crois qu'il tomberait en syncope. Ainsi nous voilà décidément en progrès , du moins pour la cuisine, et la pauvre Menthe est reléguée dans l'officine du pharma- cien, qui en fait des sirops, des teintures, des potions, des juleps et autres compositions confortables pour les malades et les convalescens. Mais si M. V. s’oublie à table, s'il attaque jusqu’au cœur cette belle terrine de Périgueux ou de Nérac, il faudra bien qu'on lui serve une infusion de Menthe pour le sauver d’une indigestion. L'homme est essentiellement léger, imprévoyant , ingrat; il oublie, ou il dédaigne les produc- tions salutaires que la nature fait naître sous ses pas. Il ne pense qu'au plaisir du moment. MENTHE A FEUILLES RONDES. MENTHA ROTUNDIFOLTA. Mentha rotundifolia. Lan. Spec. 805. Lam. Enceycl. Bot. 4. 105. DC. FI. Fr. 2535. Engl. Bot. 446. MÉr. Nouv. Fi. Par. 1. 262. Cette espèce abonde dans les lieux humides. Elle a une tige simple, droite, carrée, velue, haute d'environ un pied, garnie de feuilles épaisses, sessiles ; ovales, arrondies , ridées, DES PLANTES USUELLES. 121 crépues, crénelées, également velues et d'un vert blan- châtre. Les épis sont interrompus, oblongs, pyramidaux, com- posés de fleurs d'une teinte rosée. On la trouve dans les prés, dans les bois marécageux, au bord des fossés. Elle fleurit en juillet et août, et porte le nom de Baume sauvage. La Menthe crépue (Mentha crispa, Linn. ) est une variété de la Menthe à feuilles rondes. Elle se fait particulièrement remarquer par ses élamines renfermées dans la corolle, par ses feuilles cordiformes, dentées en scie, et fortement cré- pues sur les bords. Ces deux variétés sont très aromatiques ; elles croissent abondamment dans les taillis des environs de Versailles, et dans la vallée de Dampierre, surtout dans le parc du château. MENTHE VERTE. MENTHA VIRIDIS. Mentha viridis. Linn. Spec. 804. SmitH. F1. Brit. 612. Lam. Encycl. Bot. 4. 103. DC. FI. Fr. 2536. LAPEyRr. Plant. Pyr. Tourw. FI. Toul. 161. CHEV. F1. Par. 3. 483. Woop. Méd. Bot. t. 170. On reconnaît cette espèce à sa tige peu rameuse, presque simple, haute d'environ un pied, rougeûtre, recouverte, vers sa partie inférieure, de poils épars ; à ses feuilles d'un vert prononcé, sessiles, glabres, ovales, lancéolées, pointues, inégalement dentées en scie. Les fleurs sont petites, rougeâtres, réunies en épis grèles, serrés et pointus. Les étamines sont un peu plus longues que la corolle. Les pédicelles sont glabres, quelquefois un peu ciliés , ainsi que les divisions du calice. 122 NOUVEAU TRAITÉ Cette plante fleurit en juin et juillet. On la trouve aux environs de Paris; elle abonde dans les lieux secs et décou- verts des Pyrénées. On la cultive dans les jardins sous le nom vulgaire de Baume vert. Elle porte aussi le nom de Menthe romane, et sert, dans quelques pays, à assaisonner les ali- mens flatueux, comme les pois, les haricots, etc. C'est une des Menthes les plus actives, les plus aromatiques. On en fait des infusions, des fomentations stimulantes. Elle rem- place la Menthe poivrée pour les usages médicinaux. MENTHE A ODEUR DE CITRON. MENTHA CITRAT'A. Mentha citrata. Wizzo. Spec. 3. 79. CHEv. EL Par. 3. 483. — Mentha odorata. SmitH. F1. Brit. 2. 615. Sa tige est droite, carrée, très rameuse , haute d'environ un pied, entièrement glabre, ou quelquefois parsemée de poils que l’on rencontre aussi sur les bords des pétioles et de la nervure médiane des feuilles : celles-ci sont ovales, aiguës, presque cordiformes à la base, dentées en scie dans les deux tiers supérieurs, d’une couleur verte, luisante ou un peu violacée sur les bords. Les fleurs forment deux à trois verticilles ; les deux der- niers sont réunis en tête, ou en un épi oblong et fort court, d'un pourpre noirâtre. La corolle est rougeâtre. Le calice, son pédoncule et les bractées sont glabres, les étamines non saillantes. Cette espèce croît au bord des rivières, et fleurit en juin et juillet. Elle exhale une odeur vive qui se rapproche de DES PLANTES USUELLES. 1923 celle du citron. C’est un aromate indigène qu'on devrait accueillir dans les jardins. Son infusion théiforme est fort agréable. MENTHE DES JARDINS. MENTHA HORTENSIS. Mentha hortensis. CHE. F1. Par. 3. 484. — Mentha hortensis ocymi odore. BAux. Pin. 227. — Mentha gentilis. Engl. Bot. t. 449. La tige est rameuse, carrée, glabre, d’abord un peu cou- chée, puis redressée. Les feuilles sont assez larges, ovales, pétiolées, glabres, vertes, grossièrement dentées sur les bords. Les fleurs sont d'une couleur purpurime, disposées par verticilles sur des pédicelles très courts, lisses, munis de bractées linéaires. Le calice, de forme tubuleuse, présente à sa surface des glandes jaunâtres, et quelques poils le iong des dents. Cette plante fleurit en juillet, et croît dans les lieux hu- mides, dans les vergers. On l'appelle vulgairement Baume des jardins, mais il faut la distinguer de l'espèce suivante, qui porte le même nom. Elle exhale une odeur aromatique, agréable, imitant celle de la mélisse ou du basilic. On la cul- tive pour son gracieux arome. Quelques amateurs s’en servent pour relever les sauces, les ragoüts ; ils la mêlent aussi aux fines herbes pour assaisonner les salades. 124 NOUVEAU TRAITÉ MENTHE GENTILLE. MENTHA GENTILIS. #| Mentha gentilis. Lin. Spec. 805. Smit. F1. Brit. 2. 621. DC. FI. Fr. 2541. LAPEyr. Plant. Pyr. 1. 332. Engl. Bot. t. 2118. FL Dan. t. 756. Cette jolie espèce a une tige droite, ferme, très rameuse, verte, quelquelois rougeûtre, glabre ou légèrement velue, haute à peu près d'un pied. Les feuilles sont pétiolées, ovales, un peu obtuses, dentées en scie, pubescentes en dessous. Les fleurs sont d’une couleur rosée, disposées en verticilles axillaires sur des pédicelles glabres; le calice est court, cam- panulé, glabre à la base, garni, vers l'extrémité, de poils ascendans , couverts de points résineux. Les étamines ne sont point saillantes. On trouve la Menthe gentille sur la lisière des bois, aux environs de Paris. Elle croît aussi dans les Pyrénées, le long des fossés. Ses fleurs s’épanouissent en juin et juillet. Elle répand une odeur forte et pénétrante ; elle est très aro- matique. MENTHE CULTIVÉE. MENTHA SATIVA. Mentha sativa. Lan. Spec. 805. Lam. Encycl. Bot. 4. 108. DC. FL Fr. 2539. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 332. M£ér. Nouv. F1. Par. 1.263. F1. Dan. t. 794. — Mentha procumbens. Tauizc. F1. Par. 288. Sa tige droite, rameuse, tétragone, pubescente, haute d'un pied et quelquefois davantage, porte des feuilles pé- tiolées, ovales, velues, dentées en scie, d’un vert sombre. DES PLANTES USUELLES. 125 Les fleurs sont petites, nombreuses, purpurines , dis- posées en verticilles axillaires vers le sommet de la tige et des rameaux. Le calice est court, velu, les étamines sont saillantes. Cette espèce croit dans les lieux humides, autour des mares des bois. On la trouve aux environs de Paris, et dans les*Pyrénées, aux environs de Bagnères de Bigorre. Elle fleurit en juillet et août. On la cultive dans les jardins ainsi que l'espèce précédente, et on les emploie l'une et l’autre pour assaisonner certains meis. Plenck, médecin allemand, fait particulièrement l'éloge de la Menthe gentille, dont l'odeur et la saveur lui plaisent infiniment. Folia vrentia hujus Menthæ saturæ herbarum odoris et saporis grañà admiscentur et craie eduntur. (Bro- matologia, p. 328.) Si vous êtes curieux de parcourir les écrits de ce gour- mand , ne vous fiez pourtant pas trop à la délicatesse de son goût : ses sauces sont parfois un peu trop tudesques ou mé- dicinales. La Faculté a bien ses friands, mais elle a aussi ses marmitons, et vous en trouveriez non seulement à Vienne et à Berlin, mais encore à Montpellier et à Paris. Il y en à également dans les salons, dans les réunions scienti- fiques, littéraires, politiques, partout; et moi qui vous parle, ne suis-je pas aussi marmiton dans les bois, surtout quand je prépare l'omelette au lard et aux fines herbes? 126 NOUVEAU TRAITÉ MENTHE POULIOT. WMENTHA PULEGIUM. * Mentha pulegium. Lanx. Spec. 807. Lam. Encycl. Bot. 4.111. DC. F1. Fr. 2543. LAPEyR. Plant. Pyr. 1. 332. Tour. F1 Toul. 162. CHEv. F1. Par. 3. 485. Desv. FL Anj. 146. BLACKw. Herb. t. 302. C’est une belle espèce qui croît abondamment dans nos dé- partemens méridionaux, et dans toute la chaîne des Pyrénées orientales. On la trouve également dans l’Anjou, aux envi- rons de Lyon et de Paris. La tige est rameuse, rougeâtre, pubescente, cylindrique, couchée à sa base, puis redressée, haute de dix à douze pouces, et quelquefois davantage. Les feuilles sont petites, ovales, légèrement dentées, glabres, soutenues par un court pétiole. Les fleurs, d'une teinte rosée ou purpurine, forment des verticilles nombreux, arrondis, qui diminuent de grosseur vers le sommet de la tige et des rameaux. Les calices et les pédoncules sont pubescens, Îes étamines saillantes. La Menthe pouliot fleurit en juillet et août. On la cultive dans les jardins, où elle forme de jolis tapis de verdure. Elle a une odeur forte, une saveur chaude, aromatique, piquante. Le Pouliot doit être abandonné à la médecine. C’est un stimulant très efficace, un remède puissant pour ranimer les forces abattues, pour exciter l'estomac, les voies utérines, le cœur, le cerveau, etc. Vous ne savez peut-être pas que les Athéniens en faisaient usage pour relever le ton de certains organes. « Croyez-vous, à seigneur Mercure, qu'après une si longue privation, 1l m'en arrive mal de mamuser avec DES PLANTES USUELLES. 127 Opora? — Point du tout, si, après cela, tu prends de l'infu- sion de Pouliot. » Voilà ce que raconte Aristophane dans sa comédie de la Paix. Nous donnons au reste ce remède pour ce qu'il vaut ; ainsi nous n'en garantissons nullement les mer- veilleux effets, malgré tout le savoir de Mercure et d'Aris- tophane , son interprète. On connaît nes principes d'hygiène, nous y renvoyons le lecteur. Une vie réglée, un bon régime lui vaudront mieux que le Pouliot des Athéniens. Revenons aux véritables malades qui doivent particulière- ment nous intéresser. Le célèbre Haller avait en grande estime le Pouliot, à cause de son action emménagogue, c'est-à-dire qu'il le recommandait pour favoriser la menstrua- tion quand elle était lente, difficile, irrégulière. Voici le remède dont il se servait. Remède emménagogue de Haller. Prenez : feuilles de Menthe pouliot, une poignée ; limaille de fer rouillée et porphyrisée, une once; vin blanc, deux livres. Laissez infuser à chaud pendant la nuit, et passez la li- queur. La malade en prendra un verre matin et soir ; et tous les jours, à son diner, elle mêlera dans la première cuillerée de soupe un grain d'aloëès. Dans les campagnes, où l'on n’a pas toujours du Pouliot sous la main, on le remplacera par la Menthe crépue, qui croit abondamment sur la lisière des bois, par la Menthe des champs ou par la Menthe aquatique. Elles sont toutes douées d'une vertu excitante, et on peut les remplacer l'une par l’autre. Au reste, ce remède de Haller est très chaud, très actif ; il faut en borner l'usage à l'espèce d'aménorrhée produite par 128 , NOUVEAU TRAITÉ une faiblesse organique spéciale. Il serait très préjudiciable, s'il y avait une irritalion vive ou des signes de pléthore. fi Toutes les espèces de Menthe sont plus ou moins aroma- tiques , plus ou moins stimulantes, et le médecin peut égale- ment employer la Menthe sauvage (Wentha syleestris, Linn.), la Menthe des champs (Mentha arvensis), la Menthe hérissée ou la Menthe aquatique (Mentha lursuta, Mentha aquatica), et même la Menthe des cerfs ( Mentha cervaria). Elles donnent toutes une grande quantité d'huile essentielle qui contient les élémens du camphre. | Les plus aromatiques peuvent remplacer la Menthe por- vrée. Lorsqu'elles sont desséchées avec soin, dans un lieu sec, à l'abri des rayons solaires, elles conservent parfaitement leur parfum. Une pincée de feuilles, qu’on fait infuser comme le thé dans deux ou trois tasses d’eau bouillante, forme une boisson légèrement excitante et antispasmodique. Cette infu- sion sucrée fait cesser le malaise, apaise les mouvemens ner- veux qui accompagnent une digestion laborieuse. L'infusion vineuse de la Menthe sauvage, de la Menthe crépue ou à feuilles rondes, peut être substituée au quin- quina pour le traitement des fièvres intermittentes simples. On la prend un peu chaude et légèrement sucrée ; on se tient dans son lit et on se couvre convenablement. Infusion fébrifage de Menthe. Prenez : feuilles et fleurs de Menthe sauyageou de Menthe crépue, une poignée; eau bouillante, une livre. Laissez in- fuser pendant un quart d'heure, et ajoutez, vers la fin de l'infusion, huit onces de vin rouge ou de vin blanc de bonne DES PLANTES USUELLES. 129 qualité, et deux onces de sucre. On en prend deux ou trois tasses aux approches du frisson. On peut préparer avec toutes les espèces de Menthe des bains, des lotions, des fumigations aromatiques, pour ra- nimer l'action musculaire, après les attaques de paralysie, de goutte, de rhumatisme, etc. GLÉCHOME. GLECHOMA. Calice cylindrique, strié, à cinq dents imégales. Corolle deux fois plus longue que le calice, à deux lèvres; la supé- rieure bifide et l'inférieure à trois lobes; lobe moyen plus grand, échancré. Anthères rapprochées deux à deux en forme de croix avant l'émission du pollen. GLÉCHOME LIERRE TERRESTRE. GLECHOMA HEDERACE A. Glechoma hederacea.Tanx. Spec. 207. DC. F1. Fr. 2545. DEsv. FI. Anj. 147. Cnev. F1. Par. 3. 471. Dus. F1. Orl. 711. Lam. Tlustr. t. 505. F1. Dan. t. 789. Sa racine fibreuse produit plusieurs tiges grèles, tétra- gones, rampantes ou couchées sur la terre, un peu ra- meuses, longues d'environ un pied, rougeâtres, légèrement velues, garnies de feuilles opposées, pétiolées, réniformes, crénelées en leurs bords et d'un vert foncé. Les fleurs sont purpurines ou d’une couleur violette, dis- posées une à trois ensemble dans les aissellesdes feuilles, III, 9 130 NOUVEAU TRAITÉ vers la partie supérieure des rameaux. Le tube de la corolle est étroit, plus long que le calice. Cette plante croît dans les lieux humides et couverts, le long des haies, sur la lisière des bois, etc. Elle fleurit en mai et juin. On l'appelle vulgairement Lierre terrestre, à cause de ses tiges rampantes, et de ses feuilles qui ressem- blent grossièrement à celles du Lierre. Les Anglais l'appel- lent aussi Ground-ivy, Lierre de terre. Le nom de Glechoma signifie, en grec, doux, agréable, de bonne odeur. Mais ce nom appliqué à notre plante manque de justesse, car elle a une odeur forte, désagréable, et une saveur amère. Le Lierre terrestre donne de l'huile volatile, un peu d’'ex- trait résineux, et un extrait aqueux plus abondant, légère- ment amer. Cest une plante fort renommée pour la guérison des catarrhes, des rhumes invétérés, de l'asthme pituiteux des vieillards, des engorgemens chroniques du bas-ventre, et même de la phthisie pulmonaire. Quelques vieux auteurs de matière médicale lui accordent encore d'autres vertus. Mais qui ne voit l'exagération de ces éloges? D'un autre côté, Cullen, qui tourne en ridicule Simon Pauli, sabandonne avec trop peu de réserve à son scepti- cisme médical, lorsqu'il regarde le Lierre terrestre comme une plante presque imerte. Plus d’une fois nous avons fait remarquer l'esprit frondeur de ce médecin anglais, jouissant d'ailleurs, parmi les savans, d’une célébrité justement ac- quise. | On emploie ordinairement le Lierre terrestre en infusion théiforme, à la dose d’une ou deux pincées pour une livre d'eau, et on ajoute à cette infusion un peu de miel ou un peu de sirop, quelquefois un peu de lait. Le suc exprimé de l'herbe fraîche se donne à la dose de deux ou trois onces, et son sirop est admimistré dans les DES PLANTES USUELLES. 131 boissons pettorales, à la dose d’une cuillerée à bouche. Ces préparations excitent doucement les bronches vers la fin des catarrhes pulmonaires et favorisent l’expectoration. Quelques médecins ont également constaté l’action fébri- fuge et anthelmintique du Lierre terrestre. Dans les lieux élevés, sur les collines, cette plante a une odeur résineuse, imitant en quelque sorte celle du houblon. Quelques brasseurs s’en servent pour la fabrication de la bière. LAMIER. LAMIUM. Calice ouvert au sommet, à cinq dents aiguës. Corolle à tube court, renflé à son orifice, et muni de chaque côté d'une petite dent réfléchie; limbe à deux lèvres, la supérieure con- cave, entière, l'inférieure échancrée en cœur, réfléchie. LAMIER BLANC. LAMIUM ALBUM. Lamium album. Lann. Spec. 809. Lam. Encycl. Bot. 3. 410. DC. EL. Fr. 2549. CHev. FI. Par. 3. 472. FL. Dan. t. 594. Engl. Bot. t. 768. Ses racines rampantes, fibreuses, poussent des tiges droites, quadrangulaires, fistuleuses, légèrement velues, purpurines à leur base, hautes d’un pied et quelquefois plus. Les feuilles sont opposées, pétiolées, cordiformes, aiguës, dentées en manière de scie, pubescentes et d'un vert gai. Les fleurs sont blanches, presque sessiles, assez grandes, disposées dans les aisselles supérieures des feuilles, en verti- cilles très garnis. La lèvre supérieure de la corolle est velue, 432 NOUVEAU TRAITÉ ainsi que les anthères, qui sont blanches et tachées de noir. Cette plante abonde dans les lieux incultes. On la ren- contre autour des villages, dans les haies et les buissons, où elle fleurit en mars et avril, Elle a un air de fraicheur et de santé qui fait plaisir à l'œil. Ses feuilles ressemblent en quelque sorte à celles de la grande ortie, mais elles ne piquent point. On l'appelle vulgairement Ortie blanche. Le Lamier blanc a une odeur désagréable. C'était autrefois le remède spécifique des fleurs ne et 1l est encore estimé de quelques médecins dont toute la science consiste à prescrire des substances astringentes dans le traitement de la leucorrhée , et autres flux de l’organe utérin. Malheureuse- ment pour l'humanité, ils ne se bornent pas toujours à l’ad- ministration de l’ortie blanche, dont l’action médicinale est maintenant contestée par les meilleurs observateurs. Le Lamier pourpré (Lamium purpureum ) est aussi un faible astringent. On le rencontre dans les lieux cultivés, et on le distingue à ses tiges rougeâtres, rameuses, à ses feuilles cor- diformes, obtuses, inégalement crénelées, rapprochées au sommet de la tige; à ses fleurs purpurines, au nombre de huit ou dix à chaque verticille. On donne ordinairement les sommités fleuries de ces deux plantes en infusion théiforme, à la dose d’une pincée pour une livre d'eau. On peut édulcorer cette boisson avec un sirop agréable. Elle amuse les malades, elle calme leur im- patience, et les empêche quelquefois de faire de plus mauvais remèdes. Les fleurs blanches se guérissent beaucoup mieux par un doux exercice, par un bon régime, que par l'usage des médicamens. On mange en Suède et dans le Nord, les feuilles Jeunes DES PLANTES USUELLES. 133 et tendres du Lamier blanc et du Lamier pourpré, et on les prépare comme les autres légumes. Les brebis broutent ces deux plantes, dont les fleurs sont également recherchées des abeilles. STACHYS. . STACHYS. _ Calice anguleux, à cinq dents aiguës. Corolle à tube court; limbe à deux lèvres, la supérieure concave, échan- crée , l’inférieure à trois lobes, les deux latéraux réfléchis. STACHYS D'ALLEMAGNE. STACHYS GERMANICA. Stachys germanica. Lan. Spec. 812. DC. FL. Fr. 2569. CHev. FI. Par. 3. 468. Desv. FL Anj. 150. Due. F1. Orl. 792. FI. Dan. 684. Cette espèce est recouverte d'un duvet cotonneux, blan- châtre, très épais, principalement sur les jeunes feuilles et sur les verticilles des fleurs. La tige est droite, ordinairement simple, ou peu rameuse, rougeâtre, haute de deux ou trois pieds. Elle porte des feuilles ovales, pointues, dentées en leurs bords, épaisses, cotonneuses , blanchâtres et comme ridées en dessous. Les fleurs sont purpurines ou d'un rouge violet, verticil- lées , disposées en épi au sommet de la tige. Les verticilles sont très serrés, revètus d'un duvet soyeux et luisant, ainsi que les feuilles florales, La lèvre supérieure de la corolle est très velue. 134 | NOUVEAU TRAITÉ Le Stachys germanique croît dans toute la France. On le rencontre dans les bois , au bord des champs et des chemins, dans les lieux secs, sur les collines arides. C'est une plante plus remarquable par sa haute taille, et par ses beaux épis de pourpre, que par ses vertus médici- nales. On lui donne quelquefois le nom d'Épi fleuri. Son odeur est forte, un peu aromatique, sa saveur légèrement amère, On se sert dans les campagnes de son infusion théi- forme pour exciter les règles et les sueurs. On la prend aussi comme diurétique. Nous réunissons ici deux autres espèces qui paraissent avoir des propriétés analogues, le Stachys des bois ( Séachys sylvatica, Linn.) et le Stachys des marais (Stachys palustris). La première espèce porte le nom vulgaire d'Ortie puante. On la reconnaît à sa tige herbacée , quadrangulaire , velue ; à ses feuilles cordiformes, pointues, dentées en scie; à ses fleurs d'un pourpre vif et foncé, réunies en verticilles au nombre de six à huit, et formant un épi lâche. Elle croît dans les haies, dans les lieux couverts. Lorsqu'on froisse cette plante entre les doigts , elle exhale une odeur forte, fétide. On la dit emménagogue et vermi- fuge. Les vaches la mangent avec avidité. On peut retirer des tiges une filasse analogue à celle du chanvre. Elle donne à la teinture une couleur jaune. Le Stachys des marais a une tige haute, droite , ordinaire- ment simple, pubescente et un peu rougeâtre. Les feuilles sont étroites, lancéolées, pointues, des en scie, semi- amplexicaules, d'un vert triste ou norrâtre. Les fleurs sont purpurines, panachées de jaune, db ou moins verticillées et disposées en épi terminal. Cette plante, appelée vulgairement Ortie morte, à cause DES PLANTES USUELLES. 1435 du vert triste de son feuillage , croît en juillet et août , le long des fossés et des ruisseaux. On la trouve aussi dans les champs humides. Elle exhale une odeur forte , désagréable. Sa racine est charnue, farineuse, alimentaire ; on la mange cuite lorsqu'elle est jeune et tendre. D’après Gesner et Linné, on peut en faire une sorte de pain. Les porcs en sont très friands. MARRUBE. MARRUBIUM. Calice cylindrique, à dix stries, à cinq ou dix dents. Co- rolle à deux lèvres ; lèvre supérieure linéaire, droite, souvent bifide ; lèvre inférieure à trois lobes ; lobe moyen plus grand, échancré. MARRUBE VULGAIRE. MARRUBIUM VPULGARE. Marrubium vulgare. Linn. Spec. 816. Lam. Encycl. Bot. 3. 771. DC. F1. Fr. 2577. CHE v. FL Par. 3. 465. Dus. FI. Orl. 727. Desv. FI. Anj. 152. F1. Dan. t. 1036. Engl. Bot. t. 410. Cette plante croît abondamment, toute l’année, dans les lieux incultes , au bord des chemins, dans les pâturages secs, au milieu des décombres. Elle s'élève à la hauteur de quinze à vingt pouces sur une tige droite, dure, rameuse, velue et cotonneuse au sommet. Les feuilles sont pétiolées, ovales, arrondies, ridées, méga- lement dentées et d’un vert blanchâtre. 136 NOUVEAU TRAITÉ Les fleurs sont blanches, petites, sessiles, ramassées en grand nombre par verticilles disposés dans les aisselles des feuilles supérieures. Elles ont un calice très velu, à dix stries, à dents sétacées, recourbées en forme d'hamecon. Ces fleurs s'épanouissent en juin et juillet. Le Marrube vulgaire se fait remarquer par une odeur forte, comme musquée, par une saveur un peu àcre, mêlée d’amer- tume. Il fournit un peu d'huile volatile et une matière extrac- tive. On l'appelle dans les officines Marrube blanc. Les anciens, Alexandre de Tralles, Celse, Cœlius Auré- lianus, faisaient beaucoup de cas de cette plante dans les maladies de l’organe pulmonaire. Quelques modernes en ont aussi recommandé l'usage dans l’asthme humide, la chlorose, l'engorgement des viscères abdominaux, et Forestus cite plu- sieurs faits qui attestent son efficacité. Son infusion vineuse, continuée pendant plusieurs mois , a dissipé des engorgemens hépatiques, et son suc, réduit en sirop avec le sucre, a guéri un ictère très opiniâtre. Cullen s'élève contre les éloges accordés au Marrube, et conteste ses propriétés médicinales, n’ayant retiré aucun avantage de son emploi. Mais ne pourrait-on pas alléguer les mêmes raisons à l'égard de quelques autres substances douées d'une grande énergie, et qu'on administre fort souvent sans aucune espèce de succès? Nous ne sommes nullement de l'avis du médecin anglais, et nous invoquons l'autorité de Fernel, du célèbre De Haën surtout, qui, par sa propre ex- périence, a confirmé les vertus du Marrube dans les engorge- mens froids du poumon. On donne ordinairement les sommités fleuries du Marrube vulgaire, soit en décoction, soit en infusion théiforme, à la dose d’une ou deux pincées pour une livre de colature, qu'on 4h DES PLANTES USUELLES. 137 adoucit avec du sucre ou du miel, et à laquelle on ajoute quelquefois une égale quantité de lait. On prend aussi le suc exprimé de l'herbe récente, à la dose de deux ou trois onces, dans du bouillon de veau ou de poulet. C’est un remède efficace dans certains cas d'hydro- pisie. Le genre Ballota renferme des plantes fétides dont les propriétés se rapprochent de celles du Marrube. La Ballotte fétide (Ballota fænñida, Linn.) se fait remar- quer par ses tiges droites, rameuses, un peu rougeâtres ; par ses feuilles ovales, cordiformes, crénelées, pubescentes, d'un vert obscur ; par ses fleurs rougeâtres, disposées en ver- ticilles gros et serrés. Cette plante, commune le long des haies, au bord des chemins, porte le nom de Marrube noir, et fleurit en été. Le bétail n’y touche point. La Ballote blanche (Ballota alba, Linn.) est une simple variété qui ne diffère que par la cou- leur de la corolle. Selon Rehmann, la Ballote laineuse (Ballota lanata) est usitée en Russie contre l'æœdème. Ces plantes fétides sont des vermifuges très actifs. AGRIPAUME. LEONURUS. Calice cylindrique à cinq angles, à cinq dents droites ou étalées. Corolle tubuleuse, à deux lèvres; tube renfermé dans le calice; lèvre supérieure velue, entière, concave ; lèvre inférieure réfléchie, à trois divisions presque égales. Anthères parsemées de points brillans. 138 NOUVEAU TRAITÉ AGRIPAUME CARDIAQUE. LEONURUS CARDIACA. Leonurus cardiaca. Lanx. Spec. 817. LAm. Encycl. Bot. 1. 55. DC. FI. Fr. 2579. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 338. Bacs. F1. Lyon. 1. 555. CHev. El. Par. 3. 464. F1. Dan. 11727: Cette plante a une tige droite, quadrangulaire, un peu rameuse, haute d'environ trois pieds et quelquefois plus. les feuilles sont pétiolées, à cinq lobes pointus et dentés dans le bas de la tige, lanceolées et trifides vers le sommet, ri- dées et d’un vert foncé ou noirâtre en dessus, les inférieures larges, presque arrondies ou palmées, à cinq lobes pointus et dentés, les supérieures trifides. Les fleurs, d’un rouge clair, mêlé de blanc, forment des verticilles assez denses dans les aisselles des feuilles. La lèvre supérieure de la corolle et les étamines sont velues. Le som- met de l'ovaire est tomenteux. L'Agripaume croît dans les lieux incultes, dans les haies, dans les décombres. On la trouve aux environs de Lyon et de Paris ; elle est commune dans les Pyrénées. Toute la plante a une odeur forte, une saveur un peu amère. On la donnait autrefois aux enfans affectés de car- dialgie, de convulsions causées par la présence des vers. Gihi- bert dit que son infusion concentrée fait couler abondam- ment les règles, et que, dans beaucoup de cas, elle a calmé les affections hystériques. Boerhaave la donnait à titre de sudorifique. Nous avons, au reste, très peu d'observations qui con- DES PLANTES USUELLES. 139 statent son efficacité réelle, ou la vertu cardiaque que son nom semble exprimer. L'odeur forte qu'elle exhale , ainsi que son amertume, la placent néanmoins à côté des Labiées sti- mulantes. La Molucelle lisse (Molucella lævis) est une Labiée aro- matique, originaire des Moluques, qu'on cultive dans les jardins. Elle a une saveur un peu âcre, et répand, surtout quand on la froisse, une odeur vive, agréable. Selon Gilibert, c’est une plante très efficace lorsqu'il faut ranimer le principe vital. On lui donne le nom de Mélisse des Moluques, et on en fait d'excellentes liqueurs de table. La Molucelle épineuse ( Molucella spinosa, Linn.) partage les propriétés stimulantes des Labiées. On la cultive égale- ment dans les jardins, ainsi que la Molucelle ligneuse (Holu- cella frutescens). CLINOPODE. CLINOPODIUM. Calice cylindrique, à deux lèvres ; lèvre supérieure à trois lobes, lèvre inférieure à deux divisions. Tube de la corolle plus long que le calice, insensiblement dilaté, lèvre supé- rieure droite, échancrée; lèvre inférieure trifide; division moyenne plus grande, échancrée. Stygmate simple. 140 NOUVEAU TRAITÉ CLINOPODE COMMUN. CLINOPODIUM VULGARE. Clinopodium vulgare. Tan: Spec. 821. Lam. Encycl. Bot. DC. FL. Fr. 2585. Cnev. FL Par. 3. 463. Lapeyre. Plant. Pyr. 1. Baze. FI. Lyon. 1. 554. DEsv. FI. Ani. 153. 338. FI. Dan. t. 930. La tige est droite, simple ou rameuse, velue, haute d’'en- viron deux pieds, et quelquefois davantage. Les feuilles sont pétiolées, ovales, légèrement dentées, velues, et plus courtes que les entre-nœuds. Les fleurs rouges, quelquefois blanches, forment une ou deux verticilles au sommet de la tige ou dans les aisselles supérieures des feuilles. Gn remarque sur leurs pédoncules plusieurs bractées sétacées formant une sorte d'nvolucre. On trouve cette plante le long des haies, dans les friches, dans les taillis des montagnes. Elle fleurit en juin et juillet. Elle s'appelle vulgairement Grand Basilic sauvage. Le nom de Clinopodium lui vient de ses fleurs en verticiiles entassés et arrondis, imitant très bien une roulette de pied de lit. La plupart des Labiées sont aromatiques, stimulantes, to- niques; le Clinopode commun est de ce nombre. Dans les pays où il abonde, on peut le substituer au Marrube, au Lierre terrestre, et le donner en décoction ou en imfusion théiforme adoucie avec du miel. DES PLANTES USUELLES. 1ai ORIGAN. ORIGANUM. + Calice inégal, variable, tantôt à deux lèvres inégales, tantôt à cinq dents. Tube de la corolle comprimé, limbe à deux lèvres, la supérieure échancrée, l'inférieure à trois lobes entiers presque égaux. Graines arrondies. ORIGAN COMMUN. ORIGANUM VULGARE. Origanum vulgare. Lin. Spec. 824. Lam. Encycl. Bot. 4. 607. DC. FI. Fr. 2586. Lapeyre. Plant. Pyr. 1. 339. Cnev. F1. Par. 3. 464. Engl. Bot. t. 1143. C'est vraiment une plante vulgaire, car elle croït dans toutes les parties de l'Europe. Ses racines ligneuses, obliques et traçantes poussent des tiges quadrangulaires, velues, purpurines, hautes d'environ deux pieds , rameuses vers leur partie supérieure. Les feuilles sont pétiolées, ovales, obtuses, légèrement velues, dentées en leurs bords, et d’un vert prononcé. Les fleurs sont rougeâtres, disposées en panicule arrondie au sommet des rameaux, entremèlées de bractées ovales, teintes d'un rouge violet. Les étamines sont plus longues que la coroile. Si l'Origan était plus rare, il serait accueilli dans presque tous les jardins. Mais on fait très bien de le laisser dans les bois, dans les vallées, sur les collines , qu'il parfume de ses odorantes vapeurs. Je l'observais encore, il n’y a pas long- temps, dans les vallons de Dampierre et de Cernay, admirant sa fraîche verdure, sa taille svelte et ses jolies fleurs d'un 142 NOUVEAU TRAITÉ pourpre violet, qui brillaient au milieu des ronces et des buissons. C'est dans leur terre natale qu'il faut voir les plantes. Là elles sharmonisent entre elles; elles vivent pour ainsi dire dans un état de liberté et d'indépendance, et les autres pro- ductions de la nature ajoutent encore à leurs charmes. Enlevez à l'Origan l’espèce de cemture que lui forme la ronce sauvage, faites taire le ruisseau qui murmure tout près de lui, l’har- monie cesse, et vous ne voyez plus qu'une herbe peu at- trayante. Mais notre esprit se laisse dominer par l’amour des plantes, et nous oublions les vertus de l'Origan. Si vous respirez son odeur, elle vous paraît un peur vive, agréable pourtant, et si vous dégustez son feuillage, vous lui trouvez une certaine âcreté mêlée d’amertume. Suivant le chimiste Proust, toutes les parties de la plante donnent de l'huile volatile, et du camphre insoluble dans l'acide nitrique. Le nom d'Origan dérive de deux mots grecs qui signifient montagne, joie, plaisir; plaisir des montagnes. Cette plante et ses congénères croissent principalement dans les lieux secs et élevés. Les anciens auteurs ont un peu exagéré les propriétés mé- dicinales de l'Origan, quelques modernes ont donné dans un excès contraire. On ne saurait néanmoins lui refuser Îles qualités des Labiées aromatiques, et nous recommandons volontiers son infusion théiforme pour imprimer à l'estomac une excitation douce dans certains cas de faiblesse et de flatuosités. On emploie particulièrement les sommités fleuries à la dose d’une forte pincée pour une livre d'eau édulcorée avec du sucre ou un sirop agréable. Cette même boisson est un excellent sudorifique à la suite des courbatures gagnées dans une partie de chasse ou de pêche, pourvu qu'il n'existe aucun symptôme d'inflammation viscérale. DES PLANTES USUELLES. 143 L'huile volatile isolée est très énergique ; on la prend par gouttes sur un morceau de sucre. L'Origan fait partie des ingrédiens dont on compose la plupart des eaux spiritueuses. On en fait aussi des bains aromatiques, des fumigations, des lotions stimulantes. Dans quelques cantons, on donne à l'Origan vulgaire le nom de Thym sauvage, et on l'emploie comme assaisonne- ment dans les ragoüts. Les Italiens s'en servent également pour la cuisine. Mêlé à la bière, il lui donne une saveur aro- matique, mais il la rend plus enivrante. Les abeilles vont butimer sur ses fleurs. Quelques personnes font sécher les feuilles récoltées vers le mois de juin ou de juillet, et les conservent dans des boîtes hermétiquement fermées. C'est une espèce de thé indigène qui remplace le thé de la Chine ou du Japon. Linné et Plenck en font l'éloge, et mettent peu de différence entre ce thé d'Europe et le thé exotique. Le lecteur peut en faire l'épreuve, pour moi je n'y ai Jamais songé. Scopoli rapporte dans sa Flore de la Carniole, qu'un évêque italien, grand amateur de Champignons, se garan- üssait de leurs eflets vénéneux en prenant du thé d'Origan. Ce remède nous paraît fort douteux. _ 444 NOUVEAU TRAITÉ ORIGAN MARJOLAINE. ORIGANUM MAJORAN A. Origanum majorana. Lan. Spec. 895. Lam. Encycl. Bot. 4. 608. — Majorana vulgaris. BAun. Pin. 224. — Amaracus vulgatior: Los. Icon. 448. Cette plante, originaire de la Palestine et du Portugal, est aujourd'hui cultivée dans tous les jardins pour son odeur agréable et les usages économiques. Elle pousse des tiges hautes de quinze à vingt pouces, grèles , ligneuses, presque tétragones, velues, rameuses, gar- nies de feuilles opposées, pétiolées, ovales , obtuses , entières, velues particulièrement sur les bords, et d'un vert blan- châtre. Les fleurs sont blanches ou rougeûtres, disposées à l'ex- trémité des rameaux en épis courts , serrés, pubescens. Les bractées sont purpurines à leur sommet. Le calice est divisé en deux parties. On croit que cette plante est l’Amaracus des anciens, de Virgile, de Catule, de Pline, etc. Cinge tempora floribus Suaveolentis amaract. (CAT. ën nuptias Julicæ.) La Marjolame exhale une odeur pénétrante, très gracieuse. Sa saveur est chaude et aromatique. Comme la plupart des Labiées, elle contient une matière extractive et de l'huile volatile. Suivant Proust, elle donne à l'analyse du véritable camphre. DES PLANTES USUELLES. 145 On a sans doute outré ses vertus lorsqu'on l'a présentée comme un spécifique contre l'épilepsie , les affections paraly- tiques et soporeuses, l’affaiblissement de la mémoire, etc. ; mais on doit la mettre au nombre des aromates indigènes les plus agréables : elle se recommande d’ailleurs par l’ac- tion tonique qu'elle exerce sur tout le canal alimentaire. On l'associe à quelques autres plantes odorantes pour la prépa- ration des sachets-nervins, des fumigations aromatiques et des poudres sternutatoires. On peut la prendre intérieurement en substance pulvé- risée, à la dose de vingt ou trente grains incorporés dans un peu de conserve d'angélique ou dans du miel. Mais le plus souvent on la prend en infusion théiforme; la dose est alors d’une forte pincée pour une livre d’eau bouillante qu'on sucre convenablement. La Marjolaine est accueillie dans la cuisine comme un as- saisonnement agréable pour certains alimens, et les confiseurs font des dragées fines avec ses semences. ORIGAN DICTAME. ORIGANUM DICTAMNUS. Origanum dictamnus. Lin. Spec. 823. Lam. Encycl. Bot. 4. 606. DESsF. Cat. Plant. Ed. 3. 103. — Dictam- num cretense. CAMER. Epit. 472 Icon. L'Origan dictame croît dans l’île de Crète, sur le mont Ida. C'était un vulnéraire fameux chez les anciens. Virgile nous en à laissé une description pleine de grâce : Bic Venus indigno nati concussa dolore, Dictamnum genitrix Cretæa carpit ab Idà, XIT. 10 146 NOUVEAU TRAITÉ Puberibus caulem folis, et flore comaniem Purpureo : non illa feris incognita capri . Gramina, cum tergo volucres hæsere sagitiæ. Hoc Venus, obscuro faciem circumdata nimbo, Detulit : hoc fusum labris splendentibus amnem Inficit, occultè medicans ; spargitque salubris Ambrosiæ succos, et odoriferam panaceam. (Æxew., lib. 12.) Aussitôt du héros dont la force succombe La mère en gémissant va cueillir sur l’Ida Cette herbe que le ciel à nos maux accorda; Le dictame sacré , poussant de sa racine Sa feuille cotonneuse et sa fleur purpurine : Tout ressent son pouvoir; et quand le daïm blessé Emporte au fond des bois le trait qui l’a percé, Suivant et le besoin et son instinct pour maître, Parmi cent végétaux il sait le reconnaitre. Sûre de la vertu de ce baume sacré, Vénus jette autour d'elle un nuage azuré, Dans le camp de son fils descend d’un vol rapide, Et dans l’airain du vase où tremble une eau limpide Infuse doucement l’herbe dont la vertu Doit rendre la vigueur à son fils abattu, Y joint la panacée à la feuille odorante, Et le nectar qu'aux dieux la jeune Hébé présente. Le charme est consommé : le bienfaisant vieillard De ces sucs enchantés plus puissans que son art Abreuve doucement la blessure profonde, Ignorant quel pouvoir en secret le seconde : O prodige! le mal aussitôt est dompté ; Dans ses secrets canaux le sang est arrêté , Et le trait meurtrier, sans que le fer l’arrache, De lui-même a suivi la main qui le détache ; Il tombe, et, revenu de sa triste langueur, Le héros a senti renaître sa vigueur. (Traduction de Decirze.) Cest un joli arbuste qui a des tiges rameuses, peu DES PLANTES USUELLES. 147 élevées, des feuilles arrondies, sessiles, épaisses, cotonneuses et très blanches. Les fleurs naissent en épis légèrement inclinés et inter- rompus par de larges bractées qui se teignent à l'air d'une belle couleur pourpre; elles s'épanouissent en été. L'Origan dictame est depuis long-temps cultivé dans les jardins pour ses jolies fleurs et pour son odeur expansive et suave. On le multiplie de drageons , de boutures et de graines, et on l’abrite l'hiver dans l'orangerie. Mais est-ce bien la plante de Théophraste, d'Aristote, d'Hippocrate et de Dioscoride? Notre Dictame est , au reste, très aromatique, d’une saveur amère, un peu âcre. D’après Neumann, ses feuilles four- nissent de l'huile volatile camphrée. Si nous navions pas un grand nombre de plantes labiées pour exciter l'organisme, pour ranimer les forces vitales, nous pourrions avoir recours au Diciame; mais la mélisse, les menthes, le thym, le romarin, n’ont pas moins d'énergie, ils sont d'ailleurs plus vulgaires, et peuvent fort bien le rem- placer. Au reste, si le nom un peu poétique de la plante vous séduit, si vous la cultivez dans votre jardin, faites infuser une pincée de ses sommités fleuries dans {rois ou quatre tasses d'eau bouillante, vous aurez une sorte de thé qui excitera lé- gèrement votre estomac. Si vous désirez un remède plus efficace, plus tonique, faites digérer pendant quarante-huit heures deux onces de Dictame dans une pinte de vin blanc; passez la liqueur, et sucrez-la convenablement. Vous en prendrez de temps en temps quelques cuillerées à bouche. L'Origan de Crète (Origanum Creticum, Linn.) a beau- coup de rapports avec l'Origan vulgaire. Sa tige droite, un 148 NOUVEAU TRAÎTÉ peu rameuse et rougedtre, porte des feuilles ovales, arrondies, quelquefois pointues , entières en leurs bords. Les épis sont allongés, grèles, colorés et ramassés en panicule au sommet de la plante. Les bractées sont deux fois plus longues que les calices. Cette espèce croît naturellement en Crète, dans la Pales- tine, dans le royaume de Naples, sur les montagnes de la Suisse et dans le midi de la France, aux environs de Mont- pellier. On la cultive dans quelques jardins. Elle a une odeur vive, une saveur aromatique, légèrement amère. On s’en sert pour assaisonner les salades de laitues et autres plantes potagères un peu fades. THYM. THYMUS. Calice strié, fermé par des poils, divisé en deux lèvres ; la supérieure, à trois dents; l'inférieure, à deux lobes ou à deux pointes. Corolle à deux lèvres ; la supérieure, droite, échancrée ; l’inférieure, à trois lobes; lobe moyen plus grand, entier ou échancré. THYM COMMUN. THYMUS VULGARIS. Thymus vulgaris. Linn. Spec. 825. DC. F1. Fr. 2592. Porr. Encycl. Bot. 7. 644. LaAPEYR. Plant. Pyr. 1. 340. Desr. Arbr. 1.152. BLAcKkw. Herb. t. 211. SAB8. Hort. Rom. 3. t. 68. Ce petit arbuste est très commun en Italie, en Espagne, en Grèce et dans la France méridionale. El couvre les collines des environs de Montpellier, de Narbonne, de Lagrasse , de DES PLANTES USUELLES. 149 Perpignan , et toute la chaîne orientale des Pyrénées. On le cultive dans les parterres , qu'il parfume de son odeur péné- trante et aromatique. La tige est droite, ligneuse, presque cylindrique, d'un brun rougeâtre, haute d'environ un pied. Elle se divise pres- que dès sa base en un grand nombre de rameaux opposés, grèles , légèrement velus, redressés, garnis de feuilles pe- tites, étroites, ovoïdes , à marge roulée , verdâtres en dessus, pubescentes et blanchâtres à leur face mférieure. Les fleurs, blanches ou de couleur purpurine, naissent au sommet des rameaux en épis verticillés. Les calices sont tubulés, striés, velus, divisés en deux lèvres , à cinq dents inégales, un peu ciliées. On forme avec cette plante de fort jolies bordures dans les jardins. Elle aime les terres légères et chaudes, et elle se multiplie aisément par la séparation des éclats de ses toulfes, que l’on replante au mois d'avril, et dont on favorise la reprise par des arrosemens. La médecine, l'économie domestique et la cuisine récla- ment également le Thym. Parlons d’abord des maux qu'il peut guérir ou soulager. Cet arbuste a une odeur forte, diflusible, une saveur âcre, aromatique, un peu amère. Il donne une grande quantité d'huile volatile d’une couleur jaune, d'un goût très piquant ; cette huile dépose une sub- stance cristalline analogue au camphre. Voilà bien tous les caractères qui distinguent les labiées les plus énergiques, les plus stimulantes. Le Thym pourrait donc ranimer nos or- ganes aflaiblis, exciter l'estomac, réveiller les forces diges- tives, etc.; mais on l'applique rarement aux affections internes, parce qu'on a des excitans plus agréables et mieux éprouvés, comme les sauges, les mélisses, les menthes. On se sert plus particulièrement du Thym vulgaire et du 150 NOUVEAU TRAITÉ Thym serpolet pour composer des lotions, des fumigations, des bains aromatiques. Ces remèdes extérieurs produisent quelquefois des effets merveilleux sur les enfans débiles, ra- chitiques, amaigris, atrophiés. Ils conviennent particuhiè- rement lorsque la susceptibilité des organes digestifs s’op- pose à l'usage intérieur des toniques et des excitans. On peut d'ailleurs y ajouter d'autres labiées, comme la sauge, le ro- marin, la lavande, etc. Les bains toniques sont tellement efficaces, qu'ils rendent quelquefois en peu de temps aux enfans les plus affaiblis et les plus chétifs leur première vigueur et leur gaîté naturelle. Souvent même, d'après Hu- feland , ils arrêtent la fièvre hectique. Les anciens faisaient un grand usage des bains, des fumigations, des frictions aromatiques. Ces applications, en stimulant d'une manière uniforme toute la surface de la peau, réagissent sur les or- ganes intérieurs , réveillent la vie générale. Leurs bons effets se font également sentir dans les rhumatismes chroniques qui tourmentent les vieillards, les sujets faibles et déhcats. On les conseille aux paralytiques, aux goutteux qui ont éprouvé des attaques de goutte longues , douloureuses, et dont les forces musculaires sont dans un état de torpeur. On prépare avec le Thym, le Serpolet et autres plantes aromatiques, l'eau vulnéraire , l’eau de Cologne et quelques autres eaux spiritueuses fort utiles à la médecine et à léco- nomie domestique. Chaque ménage, surtout à la campagne, doit avoir une certaine provision d’eau vulnéraire et d'eau de Cologne. En voie la préparation : DES PLANTES USUELLES. 151 Eau vulnérare spirüueuse. Prenez : sommités sèches de Thym, de serpolet, de ro- marin, de lavande, d'hysope, de mélisse, de sauge, d’ori- gan, de marjolaine , d'absinthe, de camomille romaine, de rhue, de millepertuis, de chaque une once; alcohol, trois livres. Faites macérer pendant huit ou dix jours; passez et fil- trez. On la colore, si l'on veut, en y ajoutant de la racine d'orcanette , ou de la cochenille, avec un peu d'alun. C’est un fort bon vulnéraire, qu'on applique sur les con- tusions, les luxations, les foulures, etc. On s'en sert égale- ment pour fortifier les gencives , pour nettoyer la bouche, en l'étendant dans une suffisante quantité d'eau. Eau de Cologne. Prenez : huile volatile de Thym, de romarin, de marjo- laine, de citron, de cédrat, de fleurs d'oranger et de can- nelle, de chaque un gros et demi; alcohol à trente-six degrés, quatre livres. Mèlez ; faites digérer pendant un mois, et passez au pa- pier gris. On peut remplacer l’alcohol simple par lalcohol de mélisse. L'eau de Cologne distillée est encore plus suaye. On se sert de l'eau de Cologne contre les faiblesses , les syncopes. On la fait respirer aux personnes évanouies, atteintes de suffocations. On en frictionne la région épigas- trique , les membres , l’épine dorsale, etc. On la donne aussi intérieurement à la dose d'un ou deux gros dans une petite tasse d'eau sucrée. Ces premiers secours administrés à pro- 152 NOUVEAU TRAITÉ pos, font cesser des accidens qui pourraient devenir graves et même irrémédiables. Dans quelques circonstances, la syncope se prolonge de manière, à faire croire à une mort réelle. Les fastes de l’art nous en offrent mille exemples. C'est alors que les eaux spiri- tueuses ne doivent pas être épargnées. On hit dans le Journal des Savans, année 1746, l'histoire suivante : «La femme d'un colonel anglais, nommé Roussel, était si tendrement aimée de son mari, qu'il ne pouvait se per- suader qu’elle füt morte. I la laissa dans son lit beaucoup au- delà du temps prescrit par l'usage du pays, qui est de qua- rante-huit heures ; et quand on lui représenta qu'il était temps de l’enterrer, 1l répondit qu'il brülerait la cervelle à celui qui serait assez hardi pour toucher au corps de sa femme. « Huit jours se passèrent ainsi, sans que le corps présentât le moindre signe d'altération, mais aussi sans qu'il donnât le moindre signe de vie. Quelle fut la surprise du mari, qui lui tenait une main qu'il baignait de ses larmes, lorsque, au son d'une cloche voisine , milady se réveilla comme en sur- saut, et, s’élevant sur son séant, dit : « Voilà le dernier coup de la prière, il faut partir! » Cette dame guérit parfaitement, et vécut encore long-temps. » Le docteur Odier rapporte un fait semblable arrivé aux en- virons de Genève. « Madame R. , âgée de trente ans, était sujette à des atta- ques nerveuses, dans lesquelles elle perdait complétement connaissance. Dans une de ces attaques, plus forte que les autres, ses parens appelèrent un chirurgien, qui, étant à moitié ivre , décida qu'elle était morte. On le crut; on l'enve- loppa d'un linceul , et on l'exposa sur son lit. On prit jour et heure pour les funérailles, auxquelles on invita ses parens DES PLANTES USUELLES. 153 et ses amies. Dans le nombre se trouvait une fille de son âge, qui demeurait à une ou deux lieues de là, et qui accourut aussitôt pour voir et embrasser son amie avant qu'on l'ensevelit. Elle défit le linceul, couvrit le visage et les lèvres de la défunte de baisers, et crut s’apercevoir qu'elle respirait encore. Elle redoubla ses caresses, et fit si bien, qu’elle la rappela à la vie. » L'hystérie, les affections nerveuses graves , les passions vives , la joie, la colère, la frayeur, un froid excessif, cer- tains poisons, peuvent pour ainsi dire suspendre la vie. En attendant les secours de l’art, il faut remuer, agiter le malade, le frotter d'eau de Cologne ou autre eau spiritueuse ; ces moyens simples suffisent quelquefois pour rétablir les mou- vemens du cœur. Si l'on considère qu'il n'existe point de signe infaillible de mort, excepté la putréfaction, combien de per- sonnes n’a-f-on pas enterrées vivantes ! On compose avec l'eau de Cologne et une infusion de Thym, de romarin, de sauge ou de camomille, des lotions stimulantes et résolutives, qu'on applique sur les tumeurs froides, indolentes, sur les membres affaiblis, engourdis. Mais ces lotions ne conviennent point aux tumeurs doulou- reuses ou inflammatoires, aux congestions rhumatismales ou goutteuses , à l'érysipèle dans sa période aiguë. Si vous avez abusé de vos forces intellectuelles , si vous vous êtes livré pendant la nuit à des calculs abstraits, à des questions scientifiques un peu ardues, si vous avez fait pé- niblement une ode ou une cantate pour quelque grande solennité, enfin si votre tête est vertigineuse et comme en- veloppée de brouillards, arrosez vos yeux, vos tempes, votre front surtout, avec de l’eau fraîche animée d’eau de Cologne , vous ressentirez bientôt l'effet de ces ablutions vivifiantes ; 154 NOUVEAU TRAITÉ elles ranimeront votre cerveau, débrouilleront le chaos de vos idées, mais une autre fois soyez plus sage, laissez reposer votre esprit ; la postérité y perdra peut-être quelque chose, mais vous compterez une bonne nuit de plus. Le Thym est un de nos aromates culinaires les plus usités. On le cueille quand il est en fleur, c'est-à-dire on coupe ses sommités fleuries, on les lie en paquets, on les fait sécher et on les conserve dans un sac. On s’en sert pour assaisonner un grand nombre de ragoüts , pour relever la saveur des viandes et du poisson, qui en deviennent plus faciles à digérer. Les Athéniens, qui avaient aussi leurs règles, leurs usages diététiques, prenaient du Thym broyé pour accélérer la di- gestion des alimens sucrés et visqueux, comme les figues. « Je me plais encore à voir grossir la jeune figue, à la man- ger quand elle est müre, à en savourer le bon goüût, et à m'écrier : O heureux temps ! Je bois ensuite un mélange fait avec du Thym broyé; aussi j'engraisse toujours dans cette saison, » (La Paix, comédie d’Aristophane.) Les modernes le mêlent aux alimens, et cela vaut infini- ment mieux , Car je doute que le Thym broyé, et délayé mème dans du vin de Lesbos, füt une boisson agréable. Comme tous les aromates, cette plante réveille le ton de l'estomac, fortifie les esprits animaux, comme disaient les anciens, par son odeur balsamique et pénétrante, d'où lui vient le nom de Thymus, qui signifie, en grec, courage, force. Mais _ que la bonne ménagère ne veuille point nous donner trop de courage, elle gâterait ses ragoûts. Il faut pour ainsi dire montrer le thym et le laurier à une sauce, si l'on veut qu'elle soit délicate. Oh ! je me rappelle certaines sauces espagnoles, je les ai encore sur l'estomac. Quand j'en parlais au fameux DES PLANTES USUELLES. 155 Carème, il bondissait de colère. «Il n'y a rien de pre, s'écriait-il, que les mauvais cuisiniers et les mauvais mé- decins ! » 3 Quelle nomenclature, si nous voulions seulement citer ici la plupart des ragoûts que le Thym assaisonne , depuis la sauce piquante jusqu'à la sauce au fumet de gibier, depuis l'aloyau braisé jusqu'au lièvre à la Samt-Dems ! Le Thym est partout le fidèle compagnon du laurier, 1l le suit ou il le précède dans la marinade crue ou cuite, dans le civet de lièvre ou dans la gibelote de lapin, dans le turbot au court bouillon ou dans la truite à la génoise. Mais nous renvovons le lecteur un peu friand aux écrits de nos habiles artistes. C'est à qu'il pourra voyager avec le Thym, et voir le beau rôle qu'il joue dans la cuisine française. Cependant, sil est jeune, d'un tempérament biieux, sec, ardent, il fera bien de dire adieu à la sauce au fumet de gibier. Le Thym est la fleur chérie des abeilles. Il donne à leur miel un parfum suave, un goût admirable. Les Athéniens avaient leur miel du mont Hymète; nous avons nos miels de Narbonne, de Lagrasse, de Perpignan, qui ne sont pas moins exquis. Fervet opus redolentque Thymo fragrantia mella. { Vrac. Georg.) 156 NOUVEAU TRAITÉ THYM SERPOLET. THYMUS SERPYLLUM. Thymus serpyllum. Lann. Spec. 825. DC. F1. Fr. 2589. Porr. Encycl. Bot. 7. 642. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 339. CHEv. F1. Par. 3. 462. FIL. Dan. t. 1165. — 7Thymus citratus. GATER. Mont. 108. Ses tiges sont nombreuses, difluses, dures, ligneuses à leur base, et toujours rampantes ou couchées sur la terre. Elles se divisent en rameaux grêles, rougeâtres, un peu velus, rearessés lorsqu'ils sont en fleurs, longs de quatre à huit pouces, garnis de feuilles opposées, petites, ovales, obtuses, planes, souvent traversées par un pli ou une espèce de sillon longitudinal, légèrement ciliées à la base, et parsemées sur les deux faces d’une multitude de pores résineux. Les fleurs sont purpurines, quelquefois blanches, réunies en tête aux extrémités des rameaux; leurs calices sont ordi- nairement colorés d'un pourpre presque violet. . Cette plante croît en juin, juillet et août, dans toutes les parties de la France, sur les coteaux arides, sur les pelouses des bois , au bord des champs et des petits sentiers, etc. Ëlle offre trois variétés : une à feuilles grandes, arrondies; une autre à feuilles velues ou panachées, et une autre dont les feuilles et les fleurs exhalent une odeur de citron ou de mé- lisse. Cette dernière variété est admise dans les jardins , où elle forme des toufles agréablement parfumées. Sa culture est la même que celle du Thym commun. Le Serpolet intéresse le médecin, l’économiste, l'homme friand et le promeneur un peu fatigué. Comme on aime à se reposer, après une longue course, sur une pelouse tapissée de Serpolet, ombragée de quelques ormeaux! Mais parlons DES PLANTES USUELLES. 157 d'abord de ses vertus médicinales , nous retrouverons peut- être un peu plus tard sa couche odorante. L'’arome du Serpolet est vif, mais agréable et doux. Si l’on mâche ses fleurs ou son feuillage, on leur trouve un goût piquant, avec un peu d'amertume. Leur infusion aqueuse noircit par le sulfate de fer. Gaubius a extrait du camphre de l'huile volatile du Serpolet. Voilà bien les caractères qui dis- tinguent les Labiées aromatiques. On ne pouvait guère oublier cette herbe bienfaisante qui s'offre partout à nos regards ; aussi a-t-elle eu une grande vogue. Écoutez les vieux médecins et quelques vieux bota- nistes qui faisaient aussi un peu de médecine : « Le Serpolet est une plante vraiment céphalique, qui guérit les affections nerveuses, la migraine, les maux de tête les plus rebelles , la paralysie, l'épilepsie, etc. » Paracelse préparait, par la distillation du Serpolet avec l'esprit de vin , une liqueur merveilleuse qui déliait la langue et faisait parler les muets. On voit que le professeur de Bâle aimait l'hyperbole. Mais enfin le Serpolet a-t-il quelque vertu spéciale ? Oui, sans aucun doute. C'est un stimulant assez actif dont l’impression se fait d'abord sentir sur la surface gastrique, pour se répandre bientôt après sur tout le système nerveux. Comme les autres Labiées , le Serpolet remédie à la faiblesse des organes digestifs, ranime la sensibilité générale, calme certaines aberrations nerveuses , etc. On peut même le donner, avec quelque espèce de succès, vers la fin des rhumes, des catharres pulmonaires, de la coqueluche. Dans certains villages , c'est encore aujourd'hui presque le seul remède qu'on donne aux enfans affectés de toux con- vulsive. Dans une espèce d’épidémie de coqueluche qui avait régné dans toute la vallée de Chevreuse, il y à quelque 158 NOUVEAU TRAITÉ temps, le Serpolet avait rendu, nous a-t-on dit, les plus grands services. C'était la médecine de la plupart des mères de famille. « Qui a soigné vos enfans dans cette maladie? — Moi-mème. Je leur ai donné de la tisane de Serpolet avec du miel; ils ent sué, et ils ont été promptement guéris. — C'est fort bien, Madame; mais prenez-y garde ! toutes les coqueluches ne doivent pas être traitées avec le Serpolet et autres échauffans. Il en est qui s'accompagnent d'une irrita- tion vive et d'une sorte d'inflammation qu'on apaise par des remèdes doux; ce sont les coqueluches qui règnent au prin- temps après un rigoureux hiver : la maladie qui a attaqué vos enfans s’est développée au commencement de l'automne, après un été fort chaud et très humide. La différence des sai- sons et des températures doit faire varier le traitement. Une autre fois, Madame , je vous conseille de consulter le méde- cin de Chevreuse, qui est, dit-on, un sage praticien. » Infusion théiforme de Serpole.. Prenez : sommités fleuries de Serpolet, une forte pincée ; miel blanc, deux cuillerées à bouche; eau bouillante, une livre. Laissez infuser pendant quinze ou vingt minutes. On donne une tasse de cette boisson tiède, toutes les heures, ou à des intervalles plus ou moins rapprochés, et on se tient chaudement. Elle dispose à la sueur et facilite l'ex- pectoration vers la fin des rhumes, des catarrhes pulmonaires, de la coqueluche, etc. C’est encore la boisson des vieux asthmatiques, des femmes faibles , chez lesquelles la menstruation se fait lentement et péniblement. On fait avec le Serpolet, comme avec le Thym vulgaire, des sachets, des bains aromatiques, des lotions aqueuses, DES PLANTES USUELLES. 159 alcoholiques ou vineuses, pour corroborer Île système muscu- laire. Ces applications , ainsi que nous l'avons déjà dit, rem- placent utilement, en certaines circonstances , les remèdes intérieurs. Chez les Grecs, le Serpolet était mis au rang des parfums. Cratinus dit, dans ses Onanistes : « J'ai la tête couronnée de toutes sortes de fleurs, de roses, de lis, de violettes, de menthe sauvage, de Serpolet. Théophraste parle aussi du Serpolet dans son Traité des Odeurs. Les anciens avaient, au reste, des parfums pour chaque membre ou partie du corps humain, comme on le voit par ce passage des Thoriciens d'Antiphane : « Elle se lave vrai- ment ? — Comment cela? — Les pieds et les mains dans un bassin plaqué en or, avec du parfum d'Égypte ; pour ses joues et son sen, elle en prend de Phénicie; pour ses bras, de menthe crépue, pour ses sourcils et ses yeux, de marjo- laine ; pour ses genoux et son cou, de Serpolet. » Nos parfumeurs font peu de cas du Serpolet, ils l’aban- donnent aux moutons, aux lièvres, aux lapins, qui s’en nourrissent et en deviennent plus délicats. Heureux les pro- priétaires de troupeaux, s’écriait un gastronome, qui ont dans leur voisinage des collines tapissées de Serpolet! Cette plante, que les moutons se plaisent à brouter, communique à leur chair un parfum exquis ; c’est une sorte d’assaison- nement délicat qu'elle prend pendant la vie même de l'ani- mal, et que tenterait en vain de remplacer l’art le plus raf- finé de la cuisine. Des tapis d’émeraude ont bordé les ruisseaux ; Ils couvrent les vallons, le sommet des coteaux, Etles monts odorans où la brebis charmée Goûte du serpolet la sève ranimée. 160 NOUVEAU TRAITÉ Les sucs et les esprits du nouvel aliment Lui rendent la gaîté, l’âme et le mouvement : Je la vois qui bondit sous la garde fidèle Du chien qui la rassure en grondant autour d'elle. La naïve bergère, assise au coin d’un bois, Chante, et roule un fuseau qui tourne sous ses doigts. (Samr-Lamserr, les Saisons.) Voilà de ces vers qui n’ont pas besoin d’éloges. On n'en fera point qui aient plus de charme, plus de simplicité, plus de grâce. Mais qui parle aujourd'hui de Saint-Lambert ? Le Serpolet est, comme le Thym, recherché des abeilles. Virgile veut qu'il y ait autour de la ruche un ruisseau fuyant à travers la prairie, un olivier sauvage, de la lavande, du Ser- polet et du Thym. Hcæc circum casiæ virides, et olentia latè Serpylla, et graviter spirantis copia thymbræ Floreat. ( Georg.) THYM DES CHAMPS. THYMUS ACYNOS. Thymus acynos. Lin. Spec. 826. DC. F1. Fr. 2593. Porr. Encycl. Bot. 7. 646. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 340. CHev. F1 Par. 3. 461. Desv. F1 Anj. 154. FI. Dan. t. 814. Engl. Bot. 411. Ses racines, dures, grêles, presque ligneuses , produisent des tiges anguleuses, ramifiées , longues de huit à dix pouces, droites ou un peu couchées sur la terre , légèrement velues. Les feuilles sont ovales, un peu lancéolées, rétrécies en pé- tiole à leur base, ciliées à leurs bords, entières ou munies DES PLANTES USUELLES. 161 assez souvent de deux dents de chaque côté, à leur partie su- périeure; vertes en dessus, d'une teinte plus pâle ou blan- châtre à leur revers. Les fleurs sont purpurines, tachées de blanc à leur lèvre inférieure , verticillées, réunies au nombre de cinq ou six sur des pédoncules velus. Le calice est tubulé, coloré, renflé à sa base à la maturité des graines, chargé de stries nom- breuses et saillantes. Cette espèce croît dans les lieux arides et sablonneux, dans les champs. On la trouve partout, dans les Pyrénées, aux environs de Lyon, de Paris, etc. Elle fleurit en juin et juillet. On l'appelle petit Basilic sauvage. Le Thym des champs est odorant, aromatique, légère- ment amer, stimulant comme les autres espèces. Les mou- tons, les chevaux et même les vaches le recherchent. Les fleurs sont aimées des abeilles. Le Thym des Alpes { Thymus alpinus ) jouit des mêmes propriétés. Cette espèce est charmante par ses fleurs verticil- lées, grandes, de couleur violette ou bleue. On la trouve sur les Alpes, en Suisse, en Allemagne et dans le midi de la France. On la cultive dans quelques jardins. Ses tiges sont droites, anguleuses, velues, ramifiées, gar- nies dans toute leur longueur de feuilles ovales, pointues, assez grandes, entières, ou légèrement dentées. Les fleurs sont grandes, axillaires, verticillées, portées sur des pédon- cules velus. Le calice est renflé, hérissé de poils, muni de stries saillantes. Le Thym faux origan ( Thymus tragoriganum), indigène de l'île de Crète ; le Thym poivre ({ Thymus piperelia), qu'on trouve en Espagne et sur les Alpes maritimes du Piémont ; le Thym à grosse tête (Thymus cephalotus), espèce remar- UT. 11 162 NOUVEAU TRAITÉ “quable par ses épis, dont les bractées colorées cachent entiè- rement les fleurs, sont également aromatiques. L'odeur du Thymus cephalotus est surtout fort agréable. Cette espèce croît en Espagne et en Portugal. Enfin le Thym mastichine (Thymus mastichina) répand une odeur forte, balsamique, analogue à celle du mastic. C’est un arbrisseau d'un port assez agréable, rameux, haut d'environ deux pieds, à tiges cylindriques, chargées d'un duvet très court. Les feuilles sont ovales, lancéolées, rétré- cies en pétiole à leur base, blanchâtres, soyeuses, chargées de pores glanduleux. Les fleurs sont blanches, réunies en verticilles formant un épi serré à l'extrémité des tiges et des rameaux. Les ca- lices sont couverts de poils lanugineux, d’une couleur blan- châtre. ; Cette espèce, originaire d'Espagne et des montagnes sa- blonneuses de la Barbarie, est cultivée dans les jardins pour son odeur aromatique et suave. L'infusion théiforme de ses feuilles est un agréable stimulant. THYM À GRANDE FLEUR. THYMUS GRANDIFLORUS. Thymus grandiflorus. Scop. F1. Carn. ed. 2. n. 732. DC. EL Fr. 2596. — Melissa grandifiora. Lin. Spec. 827. Lam. Encycl. Bot. 4. 77. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 341. Bot. Mag. 208. Cette espèce, très voisine du Thym calament, en diffère par ses feuilles plus amples, plus allongées, par ses pédon- cules plus courts et moins garnis. DES PLANTES USUELLES. 163 Ses tiges sont droites, herbacées, un peu rougeâtres, carrées, peu rameuses, pubescentes, hautes d'un pied ou davantage, garnies de feuilles pétiolées , ovales, allongées, un peu pointues, dentées en scie, d'un vert pâle , parsemées de quelques poils à leurs deux faces. Les fleurs sont grandes, un peu penchées, purpurines ou d'un rouge éclatant. Elles naissent en petit nombre, dans les aisselles des feuilles, sur des pédoncules rameux, munis de petites bractées linéaires. Le calice est strié, ordinairement coloré de rouge en dessus et vers les bords. La corolle est renflée à la gorge et assez semblable à celle d'un draco- céphale. Cette plante croît dans les lieux montueux et ombragés de nos départemens méridionaux. On la trouve dans le Dau- phiné, dans la Provence, dans les Pyrénées, aux environs de Montpellier et de Lyon. Elle exhale une odeur aromatique très - vive , et elle remplace dans quelques pays la mélisse officinale. Ses pro- priétés sont les mêmes que celles du Thym calament. THYM CALAMENT. THYMUS CALAMINTH A. Thymus calamintha. Scor. FI. Carn. Ed. 2. n. 733. DC. ET. Fr. 2597. Engl. Bot. 1676. — Melissa cala- miniha. Lin. Spec. 827 LaAPEyr. Plant. Pyr. 1. 341. CHEV. F1 Par. 3. 461. Buzz. Herb. t. 251. Sa tige est droite, velue, quadrangulaire, rameuse, haute d'environ deux pieds. Ses feuilles sont opposées, pé- tiolées, ovales, termimées par une pointe émoussée, den- tées en scie, pubescentes , molles, vertes, d’une teinte plus _ 164 NOUVEAU TRAITÉ pâle en dessous, perforées à la manière de celles du mille- pertuis. - Les fleurs sont grandes, purpurines ou violettes, portées sur des pédoncules très rameux, et disposés dans les aisselles supérieures en manière de grappe où de panicule allongée et terminale. Les calices sont un peu violets à leur bord; les deux dents inférieures sont velues, fines et deux fois plus longues que les supérieures. Cette espèce croît dans les bois, dans les lieux arides et montueux. On la trouve dans presque toutes les parties de la France, où elle fleurit en juillet, août et septembre. On l'appelle Mélisse calament ou Calament des montagnes. Elle exhale une odeur pénétrante, balsamique, qui se rapproche un peu de celle de la menthe sauvage, dont elle a d'ailleurs toutes les propriétés. Calaminta veut dire, en grec, belle menthe : « Tu sens la Calamenthe » , dit Aristophane. Le Calament donne de l'huile volatile. On prépare avec ses feuilles une infusion cordiale, stomachique, d’un goût fort agréable. On multiplie cette herbe aromatique par ses graines, ou plus promptement par ses racines, qu'on plante au printemps ou en automne, dans une bonne terre de jardin, en laissant entre elles un intervalle de deux pieds. Elle périt prompte- ment dans les mauvais sols. DES PLANTES USUELLES. 165 THYM NÉPÉTA. THYMUS NEPET 1. Thymus nepeta. SMITH. FI. Brit. 2. 642. DC. FL Fr. 2598. BALB. F1. Lyon. 1. 552. — Melissa nepeta. Lin. Spec. 828. Lapeyre. Plant. Pyr. 1. 341. MER. Nouv. FI. Par. 1.274, — Calamintha officinalis. BLACKW. Herb. 1167: Cette espèce ressemble beaucoup au Thym calament. Elle a des tiges herbacées, tétragones, velues, rameuses , hautes d'environ un pied et demi. Les feuilles sont petites, ovales, arrondies, légèrement dentées, molles, d’un vert blanchâtre, couvertes sur les deux faces d'un duvet extrème- ment court. Les fleurs sont petites, d'un blanc mêlé de pourpre, dis- posées en grappes axillaires, sur des pédoncules plus longs que les feuilles florales. Le calice est strié, à cinq dents à peu près égales ; une rangée circulaire de poils blanchâtres et un peu saillans en bouche l'erifice. Les anthères sont violettes. On trouve cette plante dans les bois et sur les collines pierreuses. Elle croît dans les Pyrénées , au Canigou (Lapey- rière), aux environs de Lyon {Balbis), dans les bois de Com- piègne (Mérat). Ses fleurs s'épanouissent en juillet et août. Toutes ses parties exhalent une odeur vive, analogue à celle de la menthe pouliot. On en retire une certaine quan- üté d'huile volatile. Son infusion théiforme excite agréable- ment les organes digestifs. 166 NOUVEAU TRAITÉ MÉLISSE. MELISSA. Calice évasé au sommet, à deux lèvres; la supérieure plane, à trois dents , l'inférieure à deux lobes. Corolle cylin- drique , à deux lèvres ; la supérieure voütée, échancrée; l'in- férieure à trois lobes ; lobe moyen en cœur renversé. MEÉLISSE OFFICINALE. MELISSA OFFICINALIS. Melissa officinalis. Lin. Spec. 827. Lam. Encycl. Bot. 4. 76. DC. F1. Fr. 2600. Lapeyre. Plant. Pyr. i. 341. Dus. F1. Orl. 733. Cnev. F1. Par. 3. 460. BLACKW. Herb. t. 27. SaB8. Hort. Rom. 3. t. 61. C’est une plante dont la racine horizontale pousse une tige droite, rameuse, quadrangulaire, haute d'environ deux pieds. Les feuilles sont pétiolées, ovales, un peu échancrées en cœur à la base, dentées en leurs bords, d’un vert luisant, et couvertes de poils courts. Les fleurs sont blanches, ou d'un rouge pâle, axillaires , souvent unilatérales, disposées par petits verticilles le long de la tige et des rameaux. Elles s’épanouissent en juin et juillet. La Mélisse officinale croît abondamment dans les départe- mens méridionaux de la France. Elle est rare dans le Nord; on la rencontre cependant aux environs de Paris, au bord des haies. On la cultive dans presque tous les jardins pour son odeur DES PLANTES USUELLES. 167 suave, et on la multiplie par l'éclat de ses racines, au mois de septembre, qu'on plante dans une terre meuble, chaude, bien amendée. Elle demande une exposition méridienne, mais un peu ombragée par quelques arbres. On l'appelle ordinairement Mélisse des jardins ou Citronnelle, à cause de l'odeur agréable de citron qu'elle exhale. Les Grecs et les Latins ont connu la Mélisse. Son ancien nom était Melisphylla où Meliphullon, feuille de miel, parce que son parfum plaît aux abeilles. Virgile conseille de broyer de la Mélisse, et d'en répandre dans le lieu où l'on veut attirer un essaim. ot ne Huc tu jussos asperge sapores Trita melisphy la. (GEonc.) La Mélisse a été fort renommée , non seulement pour son odeur délicieuse, mais encore pour ses admirables vertus, car elle relève les forces, ranime le courage, fait renaître la gaité. Voilà comme la jugeaient les Arabes;et le temps, qui détruit tout, n’a point effacé sa réputation. Laissons d'abord parler un poète anglais, nous verrons ensuite ce qu’en disent les médecins. « Fuyez, soucis qui troublez ma solitude, fuyez; l’aimable Mélisse vient trouver son poète : elle s’avance gaiment et couronne ma tête de ses rameaux parfumés. Chante-moi, me dit-elle, je serai ta récompense. Plante céleste! je reconnais ton souffle vivifiant ; il porte dans mon cœur la joie et la sérénité. » Îte procul, curæ , nimium miht turba sodalis , Ile ; venit vati læta Melissa suo. Lœæta venit sertisque volens me cingit odoris : Me cane, ait ; merces ipsa canentis ero. y 4168 NOUVEAU TRAITÉ Jamdudum insolito juvenescunt corda sereno : ÆAgnosco afflatum nobilis herba tuum. (Cowzey, Plant.) Nos médecins, entre autres Rivière, Forestus, Frédéric Hoffmanu, Boerhaave surtout, ont pour la Mélisse une grande estime. Ils linvoquent pour dissiper l’hypochondrie, la mélancolie, la manie, les palpitations du cœur, pour rappeler la mémoire, pour exciter les nerfs des paralytiques. Certes, la Mélisse seule guérira rarement ces affections graves, mais elle sera un utile auxiliaire lorsque la sensibilité ner- veuse aura besoin d'être doucement ranimée. La famille des Labiées offre peu de plantes aussi agréables. Elle à une odeur gracieuse, aromatique, une saveur chaude, un peu piquante, et elle donne de l'huile essentielle avec une substance extractive. Son action paraît se porter spécialement sur les nerfs; elle a donc pu calmer, pu modifier les vapeurs hystériques, les hattemens tumultueux du cœur, certaines migraines, la flatulence, la cardialgie et autres phénomènes liés à une sorte de lésion de la sensibilité. Sanè in melancho- licis, hypochondriacis , hystericis, chlorosi laborantibus, pal- püation cordis obnoxüs, quoties mala hæc a spirituum per- turbatione magis, quam a morbifica mole aggesia pendent , vix par remedium reperies ( Boerh., Chem. 2, 71.) Mais Simon Paul, botaniste médecin, lui donne bien d'autres vertus. Il suffit qu'une femme dont les règles sont en retard mette quelques feuilles de Mélisse dans sa chaus- sure pour que le flux sanguin soit promptement rétabli. Que diraient les homæopathes s'ils connaissaient ce fait merveil- leux ? que Simon Pauli faisait de lhomæopathie sans le savoir. Pour moi, je dis qu'il y a eu dans tous les temps et DES PLANTES USUELLES. 169 dans tous les pays, des hommes faibles, crédules, des char- latans et des dupes. Je conseillerais plutôt à certaines femmes très délicates et d’une sensibilité exquise, un thé de Mélisse légèrement sucré. Infusion de Mélisse. Prenez : feuilles sèches ou récentes de Mélisse, une pin- cée; eau bouillante, une livre. Laissez infuser dans une théière pendant quelques minutes , et buvez le matin à jeun, ou le soir en vous couchant, deux ou trois petites tasses de cette infusion édulcorée avec du sucre ou du sirop de ca- pillaire. Cette espèce de thé stimule légèrement le système ner- veux, les membranes digestives, et cette douce excitation se répète sympathiquement sur les voies utérines. Voilà les emménagogues qui conviennent aux femmes irritables et nerveuses. Je les ai toujours préférés aux juleps chargés de castoreum, de musc, d'assa-fætida. Cette médecine est sans doute moins savante, mais si on lui appliquait la nouvelle doctrine des nombres, notre infusion de Mélisse obtiendrait peut-être les honneurs du triomphe. Aux hommes studieux qui prolongent leurs veilles, qui souffrent des nerfs et de la tête, j'interdirais le thé, le café et autres boissons trop stimulantes, mais je leur permettrais l'infusion de Mélisse blanchie avec un peu de lait. Zückert, médecin allemand, appelle le thé de Mélisse, thé de France. Je l'ai souvent recommandé aux goutteux qui se plaignaient de langueurs d'estomac, qui avaient la tête faible, embarrassée, un peu douloureuse. C’est une des meilleures et des plus agréables boissons pendant les attaques 170 NOUVEAU TRAITÉ de goutte; elle calme limpatience du malade et produit une douce moiteur. Le thé de Mélisse, un peu sucré et acidulé avec le suc de citron , calme la soif et la sécheresse dans les affections fébriles , surtout dans les fièvres bilieuses et putrides. Il plaît singulièrement aux malades , et il produit quelque- fois des effets merveilleux. Mixture analeptique. Prenez : crème de lait, six onces ; jaunes d'œufs frais, deux ; sucre, une once; eau de Mélisse simple, eau de can- nelle , de chaque demi-once. Mêlez et triturez ces substances jusqu'à ce qu'elles forment une mixture épaisse et bien liée. On prend de temps en temps une cuillerée à bouche de cette mixture, délayée dans une petite tasse d'infusion de feuilles de Mélisse, pour réparer les forces épuisées par l'abus des plaisirs physiques. On la donne aussi aux conva- lescens à la suite des fièvres graves, aux malades affaiblis par des saignées, par des purgatifs répétés. On prépare avec les feuilles de Mélisse des infusions vi- neuses et alcoholiques qui excitent vivement et agréable- ment tout le système. On a parlé de son infusion dans le vin du Rhin, comme d'un remède spécial pour remonter les forces vitales, pour donner aux hommes fatigués et déjà vieux une sorte de vigueur juvénile. Voici ce remède renou- velé de Paracelse : DES PLANTES USUELLES. 171 Infusion vineuse de Mélisse. Prenez : feuilles de Mélisse officinale, deux onces ; vin du Rhin, deux livres. Faites infuser pendant vingt-quatre heures à une douce température. On prend de temps en temps dans la journée quelques cuillerées de ce vin; on mange des viandes rôties , du gibier, et on fait régulièrement tous les jours un doux exercice. Oui, l'exercice et un bon régime réparent mieux les forces épuisées que tous les aphrodisiaques ; mais il faut à certains hommes des remèdes spéciaux qui agissent sur leur pauvre imagination , qui leur inspirent de la confiance. Le médecin doit prendre ses malades tels qu'ils sont , 1l ne peut les changer; mais qu'il emploie du moins les remèdes les plus simples ; surtout qu'il ne néglige point les ressources infinies que lui offre l'hygiène. On trouvait jadis, et on trouve encore aujourdhui dans l'officine du pharmacien une eau distillée de Mélisse simple, une eau de Mélisse spiritueuse, et un alcohol de Mélisse composé, connu sous le nom d'Eau des Carmes. L'eau dis- tillée simple, mais bien cohobée, conserve une odeur douce, aromatique, et sert de base aux potions cordiales, anti- spasmodiques, nervines, stimulantes. On obtient l'esprit de Mélisse en faisant macérer dans de l'eau et de l’alcohol, à trente-deux degrés, des sommités de fleurs de Mélisse récoltées par un temps chaud et sec, et en les distillant au bain-marie. Si vous l'édulcorez avec du beau sirop de sucre, vous avez une liqueur de table fort agréable. Cette liqueur, ajoutée par petites cuillerées au thé de Mélisse ou au thé de la Chine, vous donnera une boisson excitante et sudorifique. Si vous y mêlez du suc d'orange ou du suc de 172 NOUVEAU TRAITÉ citron, vous aurez une sorte de punch qui vous délassera , vous réconfortera après une course pénible. Alcohol de Mélisse composé. Prenez : feuilles de Mélisse à moitié sèches, quatre onces: écorce récente de citron, noix muscade, semences de co- riandre, de chaque une once; gérofle et cannelle de Ceylan, de chaque demi-once ; esprit de vin, quatre livres. Faites digérer pendant huit jours à une chaleur douce; filtrez la liqueur, et conservez-la dans un vase hermétique- ment fermé. L'eau des Carmes, plus compliquée et plus dispendieuse, convient moins à l'économie domestique. On la disülle au bain-merie. Elle est très suave. L’alcohol de Mélisse composé est à la fois un stimulant très vif et un agréable cosmétique. C'est le remède vulgaire de l’évanouissement, de la syncope. On a sauvé la vie à plus d’un vieillard en lui faisant respirer, d'abord de l'eau des Carmes, puis en lui frictionnant avec la même liqueur la poitrine, l'épigastre , le rachis et les membres. Lorsque les symptômes de faiblesse persistent, on donne une cuillerée à café d’alcohol de Mélisse dans un peu d’eau sucrée. On combat la flatulence, la cardialgie, linertie de lesto- mac avec le même alcohol étendu dans une suffisante quan- tité d’eau, ou dans une infusion aromatique amère. Mais nous ferons remarquer ici qu'on abuse fort souvent de toutes ces eaux spiritueuses, et qu'il faut les donner avec: une grande réserve aux personnes jeunes , d'un tempérament bilieux, chaud ou sanguin. Les langueurs, les embarras , les faiblesses d'estomac, sont quelquefois l'effet d’une phlegmasie viscérale plus ou moins latente, qui s'exaspère par l'eau des DES PLANTES USUELLES. 173 Carmes, comme nous en avons acquis la preuve chez quel- ques jeunes filles languissantes et mal réglées, et chez les femmes parvenues à leur temps critique. L'application extérieure de l’alcohol de Mélisse à moins d'inconvéniens ; elle est même parfois très utile pour ranimer l'action musculaire dans les membres affaiblis et comme pa- ralysés. On ajoute assez souvent une certaine quantité d'Eau des Carmes, soit dans les bains, soit dans les ablutions pour la toilette, qu'elle parfume agréablement. Les distillateurs, les parfumeurs ont imité plus ou moins bien cette espèce d'al- cohol, mais 1l a fallu changer son nom, un peu vieux, un peu trop prosaïique, et nous avons aujourdhui l'Eau des sultanes, VEau d'ange, le Trésor du sérail, comme nous avions sous l'empire l'£au lustrale et l'Eau de Ninon. Où ces pauvres Carmes auraent-ils appris d’ailleurs les secrets de l'art cosmétique ? IL faut voyager en Asie, dans ce beau pays d'Orient, où les femmes sont toujours fraîches, toujours belles , et nos industriels ne sont point arrêtés par les diffi- cultés du voyage. Vous les verriez revenir de Saint-Cloud, ils vous diraient qu'ils arrivent d'Ispahan. Eau de Ninon. Madame R. D. L. avait inventé l'Eau de Ninon. Le nom seul de ce cosmétique devait le faire réussir, il devint bientôt célèbre. I fallait un prospectus au public, car ce bon public ne croit qu'aux prospectus bien sonores; M. de Pis en fut chargé, et 1l le fit en vers, c'est-à-dire en couplets de vau- deville. Geoffroy, Salgues et autres journalistes vantèrent l'Eau de Ninon ; des médecins fort renommés, des membres 174 NOUVEAU TRAÎTE de l'Institut en dirent du bien, la recommandèrent, et bientôt tous les boudoirs en furent remplis. Les femmes coquettes , les petits-maîtres, les vieux fous, les grands seigneurs de l'empire, l'impératrice Joséphine, le prince Cambacérès lui- mème, voulurent se baigner dans cette Eau de Ninon qui faisait des miracles, et qui avait même ennobli le langage pastoral de M. de Pis. Le prince primat avait eu la bonté de parler de moi à l'impératrice Joséphine, qui m'invita à aller voir sa riche collection de plantes de la Malmaison. Fy fus conduit par mademoiselle Pauly, une de mes clientes, que l'impératrice honorait de son amitié. Cette excellente princesse daigna m'accompagner elle-même dans cette visite, et me montra tout ce que les serres contenaient de plus précieux, puis me mena à la laiterie suisse, qui était une chose admirable. « Vous avez publié, me dit l'impératrice, un bon livre sur les Plantes usuelles, et j'ai vu, en le parcourant, qu'on a beaucoup exagéré les vertus de quelques unes. Par exemple, vous traitez assez mal les charlatans, et même le public qui les accueille parfois avec une sorte d'enthousiasme. Ainsi, vous ne croyez point à la vertu des cosmétiques, n'est-ce pas ? —J'y crois, Madame, mais faiblement.— Cependant il en est un de fort renommé, et je pense qu'il le mérite, c'est l'Eau de Ninon. — Si V. M. voulait me permettre de lui donner quelques renseignemens sur cette eau spiritueuse, peut- être sa confiance en serait quelque peu ébranlée. — Parlez, monsieur le docteur. — «Eh bien, Madame, cette Eau de Ninon n’est que de l'alcohol délayé dans de l'eau de la Seine, et faiblement aro- matisé avec l'esprit de Mélisse. Je connais la personne qui l'a inventée. Je me suis trouvé chez elle, il y a fort peu de temps, avec M. Salgues et M. Michaud, rédacteur de la Quo- DES PLANTES USUELLES,. 175 tidienne. Elle avait pensé qu'un pâté de truffes de Périgueux, offert avec grâce à des journalistes et à des médecins, pour- rait attirer quelques éloges à son cosmétique , car elle con- naissait tout l’ascendant de la gourmandise. Au dessert, elle a porté la santé de sa brillante clientelle de la cour. Le bon Michaud souriait, Salgues applaudissait, et je gardais le silence. — Mais, docteur, vous semblez dédaigner mon Eau de Ninon, cela n’est pas bien. Savez-vous que M. Pinel et M. Alibert en font le plus grand cas? J'espère que bientôt vous en direz du bien aussi. — Que peut vous faire mon faible suffrage , lorsque vous avez pour vous des littérateurs distingués et nos premiers médecins? Au reste, j'ai fait analyser l'Eau de Ninon que vous m'avez envoyée; c’est tout bonnement de l'eau de la Seine alcoholisée et faiblement aromatisée. Le petit flacon que vous vendez 6 francs ne vous revient pas à 6 sous, y compris l'étiquette, le cachet et le prospectus. Je vous conseille de profiter de votre bonne for- tune : le succès de l'Eau de Ninon ne saurait durer long- temps. Vous feriez même bien de renouveler les stances un peu trop bourgeoises de M. de Pis. «Je demande mille pardons à S. M. de ces longs détails ; J'ai voulu lui prouver que je connaissais fort bien l'Eau de Ninon. — Mais cette eau spiritueuse peut-elle nuire à la peau ? — Oui, Madame. Tous les esprits, toutes les essences la contractent, la durcissent, la rendent rugueuse. Heureu- sement que la pâte d'amande est là pour détruire en partie leurs mauvais effets. Les lotions, les bains préparés avec de la farine d'orge et de la pâte d'amande, qu'on peut d'ailleurs aromatiser de temps en temps avec un peu de tein- ture de benzoin, sont peut-être ce qu'il y a de mieux , mais ce n'est plus un secret , et le prestige cesse. — Je vous re- mercie, monsieur le docteur, de vos observations judicieuses, 176 NOUVEAU TRAÎTÉ Elles s'accordent parfaitement avec celles de M. Horeau, mon médecin. » Aujourd'hui personne ne parle de l'Eau de Ninon; elle a péri avec l'empire et les couplets de M. de Pris. Une ode de M. Victor Hugo ne pourrait pas même la relever. Mais que les amateurs de cosmétiques se consolent ; n'ont-ils pas l'eau d'Ispahan et l’eau de Jouvence pour les rafraîchir et les rajeunir ? La Mélisse est rarement admise au nombre des condimens culinaires, et je ne sais pourquoi. Son odeur de citron ne déparerait pourtant pas les mets qu’on donne aux convales- cens et aux personnes débiles, aux goutteux, aux asthmati- ques, aux paralytiques, etc. Quelques personnes mangent pourtant les feuilles en sa- lade dès qu'elles commencent à se former. C’est une fourni- ture agréable et saine. Les feuilles qu'on destine à la prépa- ration du thé doivent être cueillies avant la floraison; plus tard leur parfum n’est plus aussi suave. MÉLITTE. MELITTIS. Calice campanulé, beaucoup plus ample que la fleur, à deux lèvres, la supérieure aiguë, entière, l'mférieure plus courte, bifide. Corolle à deux lèvres, la supérieure plane, arrondie, droite, l'inférieure à trois lobes grands, inégaux, entiers ou crénelés. Anthères en croix, conniventes. a DES PLANTES USUELLES. 4177 MÉLITTE À FEUILLES DE MÉLISSE. MELITTIS MELISSOPHYLLUM. Melittis melissophyllum. Vanx. Spec. 832. Lam. Encycl. Bot. 4. 80. Illustr. t. 513. DC. FI. Fr. 2602. Caev. F1. Par. 3. 460. JAcoQ. F1. Austr. t. 26. Engl. Bot. 577. C’est une belle plante dont la tige velue , carrée, haute de quinze à vingt pouces, se couvre de feuilles ovales, obtuses, crénelées, pubescentes, veinées et d'un joli vert. Les fleurs sont grandes, axillaires, pédonculées, solitaires ou géminées, quelquefois rougeâtres, mais ordinairement blanches, avec une tache purpurine à la lèvre inférieure. La Mélitte à feuilles de mélisse croît dans presque toutes les parties de la France, depuis les Pyrénées orientales jus- qu'à Paris. On la trouve dans les lieux frais et ombragés des bois, à Versailles, à Jouy, à Meudon, à Saint-Cloud, etc. Elle est commune dans le parc de la Cour-Roland. Ses fleurs s'épanouissent en mai et juin. On la cultive dans les parterres. Elle a un air de fraicheur et de santé qui plaît à l'œil, mais elle perd à quitter ses vertes broussailles. On l'appelle Mélisse sauvage, parce qu'elle à une faible ressemblance avec la Mélisse par la forme de ses feuilles. Elle a une odeur légèrement aromatique, une saveur amère, un peu àcre. S'il faut s'en rapporter à quelques auteurs, cette jolie plante jouit d'une action spéciale sur l'organe urinaire, et son usage prévient la formation du calcul. Tournefort, dans son Histoire des Plantes des environs de Paris, indique le mode de son administration avec des détails qu'il est inutile de re- IL. 12 178 NOUVEAU TRAIÎTÉ tracer ici, puisque ce savant botaniste ne s'appuie que sur des faits extrèmement douteux. On peut, du reste, donner l'infusion théiforme de ses feuilles comme un excitant assez agréable. Les abeilles re- cherchent ses fleurs. DRACOCÉPHALE. DRACOCEPHALUM. Calice de forme variable. Corolle tubuleuse à deux lèvres ; tube insensiblement dilaté et renflé à l’orifice; lèvre supé- rieure voûtée, entière ou échancrée ; lèvre inférieure à trois lobes ; les deux latéraux courts, redressés, le moyen plus grand, allongé ou bifide. DRACOCÉPHALE DE MOLDAVIE. DRACOCEPHALUM MOLDAVICA. Dracocephalum moldavica. Lan. Spec. 830. Lam. Encycl. Bot. 2. 320. Gru8. Élément. Bot. 2.18. BLACKW. Herb. t. 551. — Melissa moldavica. CAMERr. Epit. 576. Icon. Ses tiges sont carrées , rougeâtres, rameuses, hautes d'en- viron deux pieds. Elles portent des feuilles opposées, pétio- lées, ovales, lancéolées, crénelées, d’une couleur verdâtre, ponctuées à leur face inférieure. Les fleurs sont bleues, purpurines ou blanches, verticillées aux aisselles supérieures, et disposées en épis. Elles s'épa- nouissent en juillet, durent plus de deux mois, et répandent une odeur aromatique et suave. DES PLANTES USUELLES. 179 Cette plante croît dans la Moldavie , dans la Turquie, dans la Sibérie. On la cultive dans les jardins, et on la multiplie de ses graines, qu'on sème au printemps dans une terre sub- stantielle et à une exposition chaude. On l'appelle Dracocéphale à cause de sa fleur, dont la forme bizarre a été comparée à une tête de dragon. Son odeur, sa saveur, ses vertus, se rapprochent de celles de la mélisse officinale. On prend les feuilles et les fleurs, fraîches ou desséchées , en infusion théiforme. Cette espèce de thé ré- veille agréablement l'estomac. On peut y ajouter un peu de lait. On prépare avec les fleurs un ratafia d'un parfum exquis. En voici la recette : On cueille les fleurs par un beau soleil, on les monde de leurs calices, et on les fait infuser dans de l'eau-de-vie, de manière qu’elles y baignent toujours. Au bout de deux mois, vous passez la liqueur dans une chausse en pressant le marc. Vous mesurez la liqueur, et vous y ajoutez une égale quantité d'eau-de-vie pure. Vous prenez vingt onces de sucre pour chaque pinte de liqueur ; vous le faites clarifier sur un fourneau à grand feu de char- bon, et lorsqu'il est réduit en sirop, vous versez dans la bas- sine linfusion et l'eau-de-vie. Vous laissez jeter quelques bouillons, vous retirez la bassine du feu, et lorsque la liqueur est refroidie, vous la passez dans une toile neuve et serrée. Laissez-la refroidir entièrement dans un vaisseau de faïence couvert d'un papier et d’un linge, et mettez-la en bouteilles que vous ne boucherez que le lendemain. On cultive dans les jardins une autre espèce de Dracocé- phale douée des vertus aromatiques des Labiées, c'est le Dra- cocéphale des’ Canaries ( Dracocephalum canariense). E DES 180 NOUVEAU TRAITÉ On reconnait cet arbrisseau à ses feuilles ternées, à ses leurs d’un rose pâle, disposées en verticilles très rapprochés aux sommités des branches. Il passe l'hiver dans l’orangerie, et se perpétue de boutures, de graines, de drageons. Il de- mande une terre légère. Le Dracocéphale des Canaries répand une odeur pénétrante et agréable. Il donne une huile volatile qui contient du cam- phre. Son infusion théiforme excite le ton de l'estomac, ra- nime les facultés digestives. BASILIC. OCYMUM. Lèvre supérieure du calice large, orbiculaire; lèvre infé- rieure quadrifide ; aiguë. Celle renversée, à tube court: lèvre supérieure à quatre lobes égaux ; lèvre inférieure plus longue, entière, crénelée. Quatre étamines; les deux fila- mens extérieurs munis d'un petit appendice à leur base. BASILIC COMMUN. OCYMUM BASILICUN. Ocymum basilicum. Lans. Spec. 833. Lam. Encycel. Bot. 1. 383. DC. FT. Fr. 2610. Sass. Hort. Rom. 3. t. 84. BLACKW. Herb. t. 104. Cette plante est originaire des Indes orientales et de la Chine. On la cultive dans PrÉÈqUE tous les jardins, où on peut la reconnaître aisément à l'odeur aromatique et suave qu'elle exhale. Les tiges sont rameuses, touflues, pubescentes, surtout à la partie supérieure, hautes d'environ un pied, garnies de feuilles ovales, lancéolées, planes, lisses, bordées de dente- DES PLANTES USUELLES. 181 lures peu sensibles, d'un vert foncé, soutenues par des pé- tioles plus ou moins ciliés en leurs bords. Les fleurs sont blanches ou un peu rougeâtres, disposées en grappes simples et terminales ; elles ont des bractées ellip- tiques d'un pourpre violet. Une variété porte le nom vulgaire de Basilic romain ou Basilic à large feuille. On sème le Basilic depuis le mois de février jusqu'au commencement de juillet. Lorsqu'il est replanté, il faut l’ar- roser fréquemment, et le garantir pendant quelques jours de l'impression du soleil, surtout dans les pays chauds. Cette plante est très agréable dans les jardins des provinces méri- dionales, où la verdure est assez rare. On plante les pieds à dix pouces l’un de l'autre, on les taille sur les côtés et par- dessus : alors ils poussent en même temps leurs rameaux, ils se touchent, et forment un joli tapis de verdure. Pour que le Basilic prospère, il lui faut une bonne exposition et une terre substantielle. Le Basilic commun est l'espèce qu'on cultive de préférence pour les usages économiques et médicinaux. On l'arrache avant la floraison, et on en fait des paquets qu'on met sécher à l'ombre, dans un lieu bien aéré. On l'enferme ensuite dans des boîtes, et on le pulvérise lorsqu'on veut s'en servir dans les ragoüts avec les autres épices. Toute la plante exhale une odeur agréable, imitant un peu celle du gérofle, mais plus douce. Les feuilles donnent une assez grande quantité d'huile essentielle très aromatique. Comme la plupart des Labiées, le Basilic excite l'organisme, augmente la chaleur générale. On en fait des infusions sti- mulantes, nervines, céphaliques, ete. L'huile essentielle est très énergique. Quelques gouttes instillées sur du sucre qu'on fait fondre dans deux cuillerées d'eau, Sont un remède pré- 182 NOUVEAU TRAITÉE cieux contre l'espèce de céphalalgie dont la cause se trouve liée à un état de faiblesse et de langueur des organes diges- tifs. La poudre des feuilles est un agréable stimulant des nerfs olfactifs. On la prend en guise de tabac pour rétablir l'écoulement du mucus nasal, pour exciter le cerveau. Quel- quefois on la mêle à celle d'autres substances odorantes, et on a une espèce de poudre céphalique , comme on l’appelait anciennement, dont on se sert contre la paralysie, l’'amaurose et autres affections nerveuses. Poudre céphalique. Prenez : feuilles sèches de basilic, de marjolaine et d'aso- rum ; fleurs de lavande, de bétoine et de muguet, de chaque parties égales. Mêlez et pulvérisez ces divers ingrédiens. Cette poudre sternutatoire n'a pas toutes les vertus que les anciens attribuaient à quelques poudres analogues; elle à ce- pendant produit d'heureux effets dans quelques céphalalgies opimitres, dans certaines surdités, etc. Un homme aflecté de surdité depuis environ deux ans, avait fait beaucoup de remèdes. Application de sangsues, purgatifs répétés, séton à la nuque, tout cela ne lui avait donné aucun soulagement, et sa surdité augmentait de jour en jour. Il fit usage de cette poudre céphalique, qui excita vivement la membrane pituitaire, et en cinq ou six semaines son état fut sensiblement amélioré. Trois mois après, sa sur- dité avait complétement disparu. Nous passons sous silence quelques préparations inusitées maintenant, et mème la poudre réjouissante d'un certain Ni- colas de Salerne, pour dire un mot des propriétés culinaires du Basilic. C'est à une bonne cuisine, à une alimentation DES PLANTES USUELLES. 183 convenable, et non à des poudres pharmaceutiques, qu'il faut avoir recours lorsqu'on a besoin d’un peu de gaîté. Les feuilles tendres du Basilic parfument agréablement les salades, les omelettes. Les feuilles desséchées et pulvérisées aromatisent les courts-bouillons, les sauces, les ragoüûts de toute espèce, et quelques personnes préfèrent cet assaisonne- ment aux épices de l'Inde. Le Basilic relève admirablement le goût des champignons des bois et les rend plus sains. Il vaut pourtant mieux combiner ensemble divers aromates, pourvu qu'on les sème d’une main délicate et légère. C'est dans le mélange des assaisonnemens qu'on reconnaît l’habi- leté d'un artiste. Si le poivre, le gérofle, la muscade, l'ail, l'ognon ou le Basilic tranchent d'une manière vive dans une sauce, le palais en est désagréablement ému, et cette émo- tion, propagée jusqu'à l'estomac, peut nuire aux fonctions digestives. BASILIC CRÉPU. OCYMUM BULLATUM. Ocymum bullatum. Lam. Encycel. Bot. 1. 384. DC. F1. Fr, 2611. — Ocymum basilicum. Lin. Spec. 833. Barr. t. 1072. Cette espèce se distingue du Basilic commun par la forme _et la grandeur de ses feuilles. Sa tige est droite, haute d'un pied ou davantage, à rameaux opposés, tétragones, garnis de feuilles ovales, larges, épaisses, concaves, bosselées ou crépues, pendantes, glabres et d’un gros vert. Les fleurs sont blanches, verticillées, disposées en épis serrés, d'une longueur médiocre. Les corolles sont crénelées ou frangées en leur limbe. il 184 NOUVEAU TRAITÉ . Le Basilic crépu croît naturellement dans l’Inde. On le cultive dans les jardins pour son agréable parfum. Une variété est connue sous le nom de Basilic à feuilles de laitue, une autre sous celui de Basilic à feuilles de chicorée ou Basilic frisé. Elles ont les mêmes vertus que le Basilic commun BASILIC DE CEYLAN. OCYMUM GRATISSIMUM. Ocymum gratissimum. Lam. Encycl. Bot. 1. 386. JACQ. Ic. Rar. 3, t. 495.—Ocymum zeilanicum. BurM. Zeyl. 174. t. 80. f. 1. C'est un petit arbrisseau de deux à trois pieds, dont la tige pousse des rameaux droits, velus et tétragones. Les feuilles sont opposées, pétiolées, ovales, pointues, crénelées, vertes en dessus, blanchâtres et plus ou moins cotonneuses en dessous. Les fleurs sont petites, blanchâtres, disposées en grappes terminales, munies de petites bractées en cœur, pointues, colorées et caduques. Cette espèce croît dans l'île de Ceylan et dans l'Inde. On la cultive dans les jardins. Elle demande un terrain substantiel, exposé au midi. Sous un climat un peu chaud, elle réussit parfaitement en pleine terre. Le Basilic de Ceylan a une odeur extrêmement suave. C'est l'espèce la plus agréable, la plus douce. Elle pourrait rem- placer, pour les personnes délicates , faciles à irriter, les aro- mates de l'Inde. Le petit Basilic (Ocymum minimum) est une charmante DES PLANTES USUELLES. 185 espèce, également aromatique, qu'on élève dans des pots; c’est le Basilic des appartemens. Ses feuilles sont petites, et ses rameaux tellement touflus, qu'ils forment exactement une boule de verdure. Les fleurs sont verticillées et blanches, les feuilles vertes ou violettes, suivant la variété. L'infusion théiforme de ses feuilles est un stomachique agréable et doux. Elles font également partie des fines herbes, et si vous manquez d'estragon, vous pouvez assaisonner votre salade ou votre omelette avec le petit Basilic qui parfume votre croisée. Enfin, le Basilic des moines (Ocymum monachorum) par- tage les propriétés des autres espèces. Il à une tige droite, légèrement velue, des feuilles ovales, obtuses, dentées en scie, des fleurs blanches et un peu purpurines. Les filämens des étamines n’ont point de dents; deux de ces filamens sont velus à leur base. Cette espèce fleurit en juillet et août; on la cultive dans les potagers et dans les parterres. Son odeur est très péné- trante et très agréable. Son nom semblerait annoncer que les moines avaient reconnu ses bonnes qualités, et qu'ils en par- fumaient leurs sauces. On sait combien ils étaient friands. Au reste, ce n'est point un reproche que nous leur adressons : n'est point friand qui veut. Le genre Basilic se compose d’une vingtaine d'espèces qui sont toutes plus ou moins aromatiques. Quelques unes ont même une odeur plus vive, plus pénétrante que le Basilic commun qu'on cultive particulièrement dans les jardins. Les abeilles aiment beaucoup ces plantes; on pourrait les multi- plier autour des ruches. 186 NOUVEAU TRAITÉ BRUNELLE. BRUNELLA. Calice à deux lèvres : la supérieure grande, plane, tron- quée , à trois dents ; l'inférieure à deux lobes. Corolle à deux lèvres. Filamens des étamines fourchus ou terminés par deux dents, l’une nue, l'autre anthérifère. BRUNELLE COMMUNE. BRUNELLA VULGARIS. Brunella vulgaris. MoEencx. Meth. 414. DC. F1. Fr. 2605. CHEV. FI Par. 3. 458. — Prunella vulgaris. Linn. Spec. 837. — Prunella oficinalis. BLAcKkwWw. Herb. t. 24. Sa racine menue et fibreuse pousse une tige droite, car- rée, légèrement velue, haute d'environ un pied, garnie de feuilles ovales, pétiolées, pubescentes, un peu dentées en scie et d'un vert foncé. Les fleurs sont purpurines ou bleuâtres, verticillées, dis- posées en épi serré et terminal. La lèvre supérieure du ca- lice est tronquée, à trois petites dents égales, peu appa- rentes. Cette espèce croît dans les lieux frais, dans les bois, dans les prés, sur les gazons. Elle est commune aux environs de Paris. On l'appelle Branelle ou brunette. Son odeur est faible, mais sa saveur est un peu amère et astringente. Sa décoction noircit par les sels de fer. Chomel la regarde comme un vulnéraire précieux. C'est, dit-il, un DES PLANTES USUELLES. 187 baume naturel qui arrête le sang et réunit les plaies. Jean Bauhin , autre botaniste non moins crédule, donne le suc de Brunelle aux personnes mordues par des bêtes venimeuses. Césalpin préparait avec ce même suc, l'huile rosat et le vinaigre, un {opique qu'il croyait propre à calmer les vio- lentes douleurs de tête. Mais tout cela est très vague, et ne saurait nous faire connaitre les propriétés de la Brunelle. On peut également révoquer en doute son efficacité dans les pertes de sang, la leucorrhée, les flux intestinaux, etc. La Brunelle doit être placée parmi les plantes légèrement amères, douées d'une douce astriction. Elle n'agira point avec énergie, mais elle pourra cependant être utile dans quelques affections atoniques peu graves. C'est au reste une plante que le bétail ne dédaigne point dans les pâturages, et ses fleurs sont mellifères. On attribue les mêmes propriétés à la Brunelle à grandes fleurs (Brunella grandiflora) et à la Brunelle laciniée ( Bru- nella laciniata). La première espèce vésète dans les bois secs des mon- tagnes et fleurit en juillet et août. Sa tige est velue, peu élevée, couchée à sa base; ses feuilles sont ovales, entières ou légèrement dentées, obtuses, pubescentes, portées sur de longs pétioles. Les fleurs sont bleues, pourpres ou blanches, verticillées. La corolle est renflée, trois fois plus longue que le calice. La Brunelle lacmiée se rapproche de la Brunelle com- mune, mais elle en diflère par ses feuilles plus où moins profondément découpées. Elle croît sur les pelouses, dans les lieux secs, dans les friches, dans les bois élevés. Sa tige est velue, longue de huit à dix pouces; les feuilles inférieures 188 NOUVEAU TRAITÉ sont ovales, pétiolées, entières, pubescentes ; les supérieures allongées, pinnatifides, à segmens linéaires, entiers. Les fleurs sont roses, pourpres, blanches ou bleues, sui- vant les variétés. Le calice a la lèvre supérieure large, à trois lobes courts, arrondis, surmontés d'une petite pointe. La corolle, non renflée, est deux fois plus longue que le calice. Ces deux espèces sont légèrement amères et astringentes. Elles remplacent la Brunelle commune. Dans les campagnes, on les applique en cataplasme sur les parties blessées ou contuses. TOQUE. SCUTELLARTA. Calice très court, à deux lèvres entières, la supérieure portant une écaille saillante et concave. Corolle courbée à sa base, comprimée au sommet, à deux lèvres : la supérieure munie à sa base de deux dents, l'inférieure échancrée et plus large. Un stigmate simple. TOQUE VULGAIRE. SCUTELLARIA GALERICULATA. Scutellaria galericulata. Lanx. Spec. 835. Por. Encycl. Bot. 7. 704. DC. FL Fr. 2615. CHev. FL Fr. 3. 456. FI. Dan. t. 637. BLackw. t. 516. — Cassida galericulata. Scop. F1. Carn. 2. n. 741. Tour. F1. Toul. 166. C'est une assez jolie plante par sa stature et par ses fleurs d'un bleu vif. Ses tiges sont droites, carrées, rameuses , vertes ou légèrement purpurines, hautes d'environ deux DES PLANTES USUELLES. 189 pieds. Ses feuilles sont opposées , ovales, lancéolées, un peu échancrées en cœur à leur base, dentées à leurs bords, por- tées sur des pétioles très courts. Les fleurs sont bleues ou violettes, médiocrement pédon- culées , situées dans l’aisselle des feuilles, et souvent tour- nées du même côté. La corolle est trois ou quatre fois plus longue que le calice. On trouve cette espèce dans les lieux aquatiques, dans les prés humides, dans les marais, au bord des fossés. Ses fleurs s'épanouissent en juillet et août. On l'appelle Scutel- laire, Toque, Casside, Tertianaire, Centaurée bleue. Le nom de Scutellaire dérive de Scutella, écuelle, vase. En effet, la forme de son calice ressemble très bien à une tasse avec son anse. Ce même calice renversé présente un casque avec la visière relevée, d'où lui vient le nom de Toque. On l'appelait anciennement Casside dans le même sens. Enfin on l’a nom- mée Tertianaire, parce qu'elle guérit les fièvres tierces. La Toque a une saveur amère et une odeur alliacée. Taberna Montanus, médecin et botaniste allemand, l’a appe- lée Tertanaria, à cause de sa vertu fébrifuge. Son infusion noircit par le sulfate de fer. On se sert rarement de cette plante, qui ne paraît pour- tant pas dénuée de propriétés, d'après son amertume et son odeur forte, imitant celle du scordium. Gmelin dit qu'elle égale cette dernière plante en vertus médicinales. C’est aux médecins des campagnes où elle abonde à éprouver son action fébrifuge. Son infusion relève le ton de l'estomac, excite l'appétit. Elle a calmé des vomissemens, des spasmes et autres symptômes provenant de la faiblesse des organes digestifs. Enfin on a fait l'éloge de sa vertu vernufuge. On sait que les plantes amères, surtout celles qui sentent l'ail, tuent les vers ou les mettent en fuite. 190 NOUVEAU TRAITÉ Les bestiaux touchent rarement à cette plante, à cause -de son amertume. Les vaches ou les chèvres qui la broutent donnent un lait d'un goüût désagréable. Elle ne serait point déplacée dans les jardins paysagistes. TOQUE DES ALPES. SCUTELLARIA ALPIN 4. Scutellaria alpina. Lin. Spec. 834. DC. F1 Fr. 2615. Porr. Encycl. Bot. 7. 702. Lapeyre. Plant. Pyr. 1. 342. ALLION. F1. Pedem. n. 142. t. 26. f. 3. Cette espèce se fait également remarquer par son amer- tume et son odeur alliacée. Ses tiges sont un peu couchées vers leur base, quadran- gulaires, pubescentes, longues d'environ un pied. Elles se divisent en rameaux opposés, étalés, grèles, velus, garnis de feuilles pétiolées, ovales, un peu cordiformes, vertes en dessus, d’une teinte plus pâle en dessous, pubescentes, cré- nelées à leur contour, terminées par une pointe mousse. Les feuilles inférieures sont plus larges, un peu arrondies ; les supérieures , plus étroites, plus allongées. Les fleurs sont disposées en épi terminal, garni de brac- tées ovales et entières. Les corolles sont grandes; la lèvre supérieure est velue, de couleur bleue; linférieure, blan- châtre. Cette espèce croît parmi les rochers arides. On la trouve dans les Pyrénées, sur les montagnes de la Provence, de la Bourgogne, du Dauphiné et de la Suisse. Elle est fébrifuge, et on la substitue dans quelques pays à la Toque vulgaire. DES PLANTES USUELLES. 191 FAMILLE DES LABIÉES. Souvenir d’un petit repas dans les bois de Figuières. C’est une excellente famille. Les vertus y sont héréditaires, il n’y à pas un poison. Parcourez les vallées, promenez-vous aux bords des bois, des ruisseaux, des fontaines, partout vous trouverez des toufles de menthes. Vous les reconnaîtrez à leurs gracieux épis de couleur rose, lilas ou gris de lin, mais surtout au doux parfum qu'elles exhalent ; vous ne sau- riez les toucher sans en être embaumé. Qui pourrait ne pas aimer les menthes avec leurs feuilles soyeuses, fraîches et suaves, et leurs petites fleurs, dont les lèvres semblent res- pirer le zéphyr? La nature prévoyante les a répandues par- tout pour assainir l'air et les eaux. Transportez ce conva- lescent, au teint jaune et bilieux, dans le pays des menthes, dans un vallon où serpentent des eaux pures comme le cris- tal, vous le verrez bientôt renaître. Ces petites herbes sont modestes, elles vous raniment, elles vous consolent sans bruit, sans faste; elles cachent pour ainsi dire leurs bien- faits, mais leur parfum les trahit : on les flaire, on les aime, on les caresse avec plus de plaisir que les plus brillantes fleurs. Sans doute, la menthe rappelait à M. Gaubert quelque tendre souvenir, comme la pervenche à Jean-Jacques Rous- seau. Cet excellent confrère, apercevant une touffe de men- the au bord d'une prairie , s'était également écrié : « De la menthe ! de la menthe ! » Son visage avait-d'abord pâli, puis s'était coloré d'une aimable rougeur. Cest au milieu des bois, dans les frais asiles de la nature, que le cœur de l’homme se dilate. L'aspect d'une petite plante, le parfum 192 NOUVEAU TRAIÎTÉ d’une fleur, le chant d'un petit oiseau caché dans le feuillage, font frémir notre cœur des plus doux battemens. Les sauges, la lavande, le thym, le serpolet, la marjo- laine , les mélisses, viennent se placer à côté des menthes, et nous demandent quelques éloges. Les oublier, ce serait une injustice, une ingratitude. Les laitages si parfumés des Pyrénées et du Mont-d'Or, la crème si onctueuse des Alpes, le gibier si exquis des Cé- vennes, doivent leurs précieuses qualités aux herbes odori- férantes qui peuplent ces montagnes. C'est dans le thym, le serpolet, la mélisse et autres labiées que les abeilles puisent ces sucs bienfaisans dont elles composent le miel. Celui du mont Hymette, où ces plantes abondent, était particuliè- rement estimé des Athéniens. Les vieillards mangeaient du miel pour prolonger la vie, les disciples de Pythagore pour conserver la santé. Au reste, le miel de nos provinces méri- dionales, surtout celui de Narbonne, de Lagrasse ou de Per- pignan, est aussi délicat, aussi aromatique. Si vous souffrez à la ville, si vos nerfs sont irrités, si la toux vous tourmente, si vous avez perdu le sommeil, choi- sissez un abri sur la pente douce d'une colline exposée au sud-est, ou dans un vallon tapissé de ces petits arbustes dont les parfums se mêlent au souffle des vents ; promenez- vous, le matin, au bord des taillis, observez tranquillement la nature sans faire de la science, livrez votre cœur aux déli- cieuses impressions des sites, des paysages qui s'offrent à vos regards ; suivez un régime doux, mangez de temps en temps du miel, soupez le soir, comme Galien ou Avicenne, avec du lait d’une chèvre noire que vous aurez nourrie d'herbes odorantes et balsamiques, vous ne tarderez pas à ressentir les eflets de cette nouvelle vie. Mais, en quittant la ville, tâchez d'y laisser vos passions. DES PLANTES USUELLES. 193 Nous ne ‘parlons pas de ces passions violentes, de ces sentimens haineux, cruels, qui tourmentent le méchant ; nos petites herbes ne sauraient adoucir le fiel qui le ronge, calmer la colère qui bouillonne dans ses veines... Ah ! crai- gnez la colère, cet affreux sentiment que Sénèque à peint avec une si éloquente énergie. La colère appelle la ven- geance , et la vengeance accourt avec ses serpens, son glaive et ses poisons. La colère et la vengeance réunies, voilà de quoi bouleverser tout un empire. Mais nous voudrions, avec notre régime, apaiser les folies de l’orgueil ou le délire de l'ambition, consoler dans son chagrin l'homme déchu du pouvoir. Eh ‘quoi! vous offrez du miel, du laitage, des promenades pastorales à notre génération nouvelle ! et vous pensez qu'un ministre qui aurait perdu son portefeuille irait oublier sa disgrace au bord d’un elair ruisseau, ou, dans les broussailles , sous un dôme de verdure ! Votre régime est un peu trop benin; il en rirait presque, si le sourire n'avait fui depuis long-temps de ses lèvres convulsives. La paix des champs est une sorte de cercueil pour l’homme qui a vécu dans les intrigues politiques où dans le tumulte du grand monde. Rapprochons-nous de l'homme qui vit simplement, à la ville comme à la campagne. Montrons-lui ces beaux moutons qui bondissent sur la pelouse, qui broutent le thym, le ser- polet, le romarin pour les délices de sa table. Avez-vous goûté du mouton des pays méridioraux, de la Catalogne sur- tout? Comme leur chair est délicate, parfumée ! Nous partions dès le matin, au nombre de cinq ou six amis; un jeune Catalan, la tête à moitié couverte d'un bonnet rouge, portait nos provisions. Les plus alertes allaient explorer les friches , les pâturages, pour y découvrir quelques plantes nouvelles; les autres préparaient le petit III. 13 194 NOUVEAU TRAITÉ hi repas au milieu du bois. Le gigot de mouton, suspendu à une tresse légère, tournait vis-à-vis d'un feu ardent , alimenté par des broussailles sèches. Le vin d'Espagne rafraichissait dans la fontaine voisine. Nous voilà tous assis sur un lit de mousse odorante et soyeuse, à l'ombre d’un groupe de chênes verts. Le suc de notre gigot ruisselle , non sur de la porce- laine éblouissante, mais sur un plat de terre du pays. Un léger goût d'ail lui donne du relief (l'ail du Midi est aroma- tique et sucré) ; les tranches disparaissent; encore un in- stant, et le délicieux gigot est disséqué jusqu'au périoste. La fraise vermeille, cueillie sous des toulles de gazon, voilà tout notre dessert ; elle nous offre son doux arome, notre bouche en est embaumée. La pureté de l'air, les bran- ches des arbres qui s'agitent et murmurent, les oiseaux qui chantent, l'aspect d'un paysage charmant, tout se réunit pour animer et embellir notre petit festin. Rien ne saurait troubler cette heureuse journée, pas même le canon de l’ar- mée espagnole, qui tonne non loim de nous sur la montagne. Ineffables souvenirs de mes jeunes années, vous me charmez encore, et, grâce au ciel, dans mes vieux jours, mes goûts n'ont point changé ! Les soucis de la vie veulent-ils cou- vrir ma tête de quelques nuages, la philosophie est là qui les disperse et les jette aux vents; ils ne sauraient me suivre dans un vallon émaillé de fleurs. Mon âme s'épure, se ra- nime, au bruit délicieux d'une cascatelle, ou d'un joli ruis- seau qui fuit sur des cailloux; à l'aspect d'une plante qui frémit et s'incline devant l'astre du jour. DES PLANTES USUELLES. 195 VERBÉNACÉES. VERBENACEÆ. V'erbenaceæ. Desv. Cuev. — ’erbenæ. Apaxs. — Pyrenaceæ. Ver. DC. — Vitices. Juss. VERVEINE. VERBENA. Calice à cinq dents, dont une comme tronquée. Corolle courbée en forme d’entonnoir, à cinq lobes irréguliers. Quatre étamines didynames renfermées dans le tube de la corolle; deux filamens plus longs; anthères non saillantes. Stigmate obtus. Quatre graines entourées par un tissu utriculaire, un peu charnu. VERVEINE OFFICINALE. VERBENA OFFICINALIS. Verbena ofjicinalis. Linn. Spec. 29. DC. F1. Fr. 2474. DEsr .F1. Atlant. 1. 16. Porr. Encycl. Bot. 8. 544. DESV. FL Anj. 142. Bacs. F1. Lyon. 1. 581. FI. Dan. t. 628. Engl. Bot. 767. Cette plante abonde dans toutes les contrées de l'Europe. Elle a une tige droite, quadrangulaire, dure, striée, purpu- rine, rameuse à sa partie supérieure ; des feuilles opposées , pétiolées, un peu ridées, verdâtres, profondément découpées surtout à leur base. 196 NOUVEAU TRAITÉ 4 Les fleurs sont petites, d'un bleu pâle, disposées sur des épis longs et filiformes. Le calice renferme quatre semences oblongues, fort petites, convexes et striées en dehors. La Verveine se plait dans les lieux incultes, au milieu des haies, au bord des chemins, où elle fleurit tout l'été. C'était anciennement une plante fort renommée. Son nom se rattache aux cérémonies religieuses des Grecs, des Ro- mains et des Gaulois. On la nommait en grec, Hierobatane (Herba sacra), herbe sacrée, parce qu'elle servait à purifier l'autel pour les sacrifices. Les Druides avaient pour la Ver- veine presque la même vénération que pour le gui. Les démonographes, les sorciers, les magiciens, les en- chanteurs, en composaient des breuvages, des philtres qui, en frappant l'imagination, en égarant l'esprit des personnes faibles et crédules, les rendaient imbécilles ou maniaques. Virgile a peint avec beaucoup de charme une de ces céré- monies magiques par lesquelles on voulait ramener ou punir l'amour infidèle. « Prépare l’eau du sacrifice, orne cet autel des plus fines bandelettes, brûle de la Verveine et de l’encens mâle; je vais appeler à mon secours les mystères de la magie, pour troubler les sens d’un amant perfide : rien ne manque plus à mon dessein que les paroles. Paroles puissantes, ramenez, ramenez de la ville en ces lieux l'infidèle Daphnis. » Effer aquam, et molli cirge hæc altaria vittà, Verbenasque adole pingnes et mascula thura! Conjugis est magicis sanos avertere sacris E’xperiar sensus : nihil hic nisi carmina desunt. Ducite ab urbe domum, mea carmina, ducite Daphnim. ( Eccoc. 8.) DES PLANTES USUELLES. 197 Suivant Dioscoride, on arrosait la salle du festin avec de l'eau de Verveine, et ces aspersions ranimaient la joie des convives. Mais cette plante n'a aucun arome, elle est seule- ment un peu amère. Dioscoride à oublié de dire qu'on arro- sait en même temps le palais de quelques verres de bon vin. Les pharmacologues surannés regardent la Verveine comme un puissant vulnéraire. Forestus, Dodonée, Plater, et même De Haën, font l'éloge de son application extérieure pour calmer les douleurs vives, invétérées. De Haën a guéri, avec des topiques de Verveine, une femme qui éprouvait des douleurs atroces, rebelles à d’autres remèdes. Forestus dit avoir délivré une autre femme d’une céphalalgie des plus vio- lentes en lui appliquant autour du cou un petit sac de toile rempli de Verveine contuse. Voilà le charme des amulettes renouvelé. La médecine actuelle regarde la Verveine comme une plante à peu près inerte, et elle figure à peine dans la phar- macologie moderne. Cependant le peuple des campagnes a une grande confiance dans cette herbe des champs, et le laboureur, attaqué d'une pleurésie, se fait appliquer de la Vervene par sa femme avant d'implorer les secours de l'art. Le mal cède quelquefois, grâce aux mouvemens spontanés de la nature, et alors la Verveine a tous les honneurs de la cure. Mais quelquefois aussi le mal empire, et quand vient le médecin, le pauvre laboureur est moribond. Les magiciens et les vieilles sorcières ont à peu près disparu des campagnes, cependant on voit encore rôder çà et là quel- ques personnages équivoques, qui vous apphauent de la Verveine sur les poignets et sur la région de l'estomac si vous avez la fièvre, mais il faut que vous prononciez en même 198 NOUVEAU TRAITÉ temps quelques mots sacramentels pour que le charme s’ac- complisse. La Verveine a bien d'autres vertus, sil faut en croire Chomel. Son eau distillée éclaircit la vue, fait revenir le lait aux nourrices, et sa décoction prévient l'avortement quand on y a fait bouillir des écrevisses de rivière. Nous faisons grâce à nos lecteurs de quelques autres recettes tout aussi merveil- leuses. VERVEINE A TROIS FEUILLES. VERBENA TRIPHYLLA. Verbena triphylla. Lnérit. Stirp. Nov. 1. 21. t. 11. DeEsr. Arbr. 1. 199. — Æ{loysia citrodora. ORTEGA. Dissert. — Zapamia citrodora. LAM. {Ulustr. 1. n. 253. C'est un joli arbuste, originaire du Chili, qui s'élève à la hauteur de quatre ou cinq pieds. Ses rameaux, un peu diflus, portent des feuilles ordinairement ternées, lancéolées, poin- tues , rudes, entières ou légèrement dentées , odorantes, d'un joli vert en dessus, plus pâle à leur face inférieure. Les fleurs sont petites, nombreuses, axillaires, d’un violet tendre, et disposées en panicule à la partie supérieure des rameaux. Le calice est tubulé, à quatre petites dents, la corolle à cinq lobes courts, obtus et égaux. Cette plante nous est venue du jardin de Madrid, où Dombey en avait envoyé des graines pendant son séjour au Chili. On la cultive en pleine terre, avec la précaution de l'abriter des vents du nord, etde la couvrir pendant les gelées. On la multiplie de semences, de drageons et de boutures. F1 lui faut une bonne terre, et de fréquens arrosemens en été, DES PLANTES USUELLES. 199 On a donné à cet arbuste le nom de Verveine citronelle, parce qu'il exhale une odeur suave qui se rapproche de celle du citron. On fait avec ses feuilles et ses fleurs une infusion théiforme très agréable. Cette boisson légèrement sucrée et blanchie avec du lait, remplace le thé du matin. Nous l'avons conseillée à quelques personnes délicates pour exciter légère- ment l'estomac et rétablir la transpiration. Elles s'en sont fort bien trouvées. GATILIER. VITE X. Calice court, à cinq dents. Corolle tubuleuse, à deux lèvres; tube grêle, cylindrique; limbe plane à cinq ou six lobes inégaux. Stigmate bifide Drupe mou, à quatre loges monospermes. GATILIER, COMMUN. VITEX AGNUS CASTUS. V iLex agnus castus. Lin. Spec. 890. Lam. Encycl. Bot. 2. 611. DC. F1. Fr. 2473. Lapeyr. Plant. Pvyr. 1. 360. DuHAM. Ed. Nov. 6. 115. t. 35. C'est un élégant arbrisseau, haut de dix ou douze pieds, dont le tronc se divise en rameaux quadrangulaires, faibles , plians et blanchâtres. Les feuilles sont opposées, pétiolées, digitées, composées de cinq àsept folioles lancéolées, pointues, entières ou dentées dans une variété, vertes en dessus, blan- ches et cotonneuses en dessous. Les fleurs purpurines ou violettes, quelquefois blanches , 200 NOUVEAU TRAITÉ terminent les rameaux et sont disposées en épis verticillés : le calice est court et blanchâtre ; les étamines sont saillantes hors de la corolle. On trouve cet arbrisseau dans le Languedoc, dans la Pro- vence, et dans les Pyrénées orientales, à Port-Vendre, à Arles, à Bagnols, à Bellegarde. Il se plaît dans les lieux hu- mides, au bord des ruisseaux, et fleurit en juillet et août. On le cultive pour l’ornement des jardins, et on le propage de graines, de boutures , de marcottes. On dit qu'il est ori- ginaire de la zone torride, où il supporte une chaleur de trente- six degrés. IL fut nommé Agnus castus, agneau chaste, parce qu'aux fêtes de Cérès, les Athéniens avaient coutume de coucher sur des sacs remplis de ses menues branches, pour se mortifier et chasser les idées impures. C'est sans doute ce qui a fait attri- buer à cet arbuste une propriété antiaphrodisiaque. Chomel cite un pasteur, doué d’une grande piété et d'un zèle apostolique, qui avait préparé avec les semences de V'Agnus castus, un remède infaillible pour entretenir la chas- teté et réprimer les ardeurs de Vénus. Mais il n'avait done pas dégusté ces graines, qui ont une saveur âcre et poivrée ! Le remède du bon pasteur ne valait pas mieux que celui des Athéniens. Pour faire taire certains désirs, 1l ne faut ni man- ger du poivre, ni coucher sur des branches de Vitex. Une nuit passée sur un mauvais lit allume le sang au lieu de le calmer. Les Grecs se couronnaient quelquefois d'Agnus castus , suivant ce passage d'Anacréon : « Le jovial Mégisthès porte déjà depuis dix mois une couronne « de Vitex, et il boit d’excellent vin. » On à cru que les capsules de l'Agnus castus étaient rafrai- DES PLANTES USUELLES. 201 chissantes, parce que Sérapion les appelle Poivre des moines. Mais n'est-ce pas une fausse interprétation ? Je crois plutôt qu'ils se servaient de ces graines pour assaisonner leurs ali- mens, comme nous nous servons du poivre de l'Inde. Il fut un temps où tout le monde s'occupait de ces pauvres moines. On craignait pour leur chasteté, parce qu'ils étaient un peu friands, et on voulait sans cesse les rafraîchir. La révolution y a mis bon ordre, elle leur a ôté leurs riches abbayes pour les donner à des vampires. Toutes les parties de l'Agnus castus, feuilles, fleurs et semences , sont odorantes. Les capsules contiennent de l'huile volatile. On les appelle, dans les provinces méridionales, Poivre sauvage, petit Poivre. L'infusion théiforme des feuilles et des baies fraîches stimule les organes au lieu de les rafrai- chir. Mais nous avons assez de stimulans qui valent encore mieux, et nous pouvons laisser l'Agneau chaste aux jardiniers pour qu'ils en crnent nos parterres. 202 NOUVEAU TRAITÉ ACANTHACÉES. ACANTHACEÆ. ‘ Acanthaceæ. Juss. VEenT. DC. ACANTEFIE. ACANTHUS. Calice à quatre parties inégales, presqu'en forme de lèvre. Corolle tubulée, labiée ; tube très court fermé par des poils; lèvre supérieure nulle; lèvre inférieure très grande, plane, droite, à trois lobes. Quatre étamines didynames ; anthères velues en devant. Stigmate bifide. Capsule ovale, à deux loges et à deux valves; une ou deux semences dans chaque loge. ACANTHE SANS ÉPINES. ACANTHUS MOLLIS. Acanthus mollis. Linn. Spec. 891. Lam. Encycl. Bot. 1. 23. Illustr. t. 550. f. 2. DC. FL Fr. 2461. SaBB. Hort. Rom. t. 15. Sa racine épaisse, fibreuse, horizontale, produit une tige simple, droite, ferme, haute de deux pieds, garnie, depuis le milieu jusqu'au sommet, de fleurs grandes , d'un blanc jau- nâtre, formant un bel épi terminal. Les feuilles sont amples, sinuées, pinnatifides, molles, lisses et d’un vert foncé : elles embrassent la partie inférieure de la tige qui les soutient. DES PLANTES USUELLES. 203 Cette belle plante croît spontanément dans les lieux hu- mides et ombragés de nos provinces méridionales. On la trouve aux environs de Draguignan , de Nîmes et de Mont- pellier. Elle fleurit en juillet et août. On la cultive dans les parterres, où elle se fait remarquer par ses formes gracieuses , par ses feuilles élégamment dé- coupées, par ses beaux épis de fleurs blanches ou d'un rouge clair. On la multiplie de graines et de racines, et on la couvre pendant l'hiver. Elle prospère dans tous les ter- rains. Les feuilles de cette espèce d'Acanthe ont servi de modèle à Callimaque, célèbre architecte , pour orner les chapiteaux des colonnes de l’ordre corinthien, dont 1l fut l'mventeur, Frondibus acanthi columnas corinthias, veteres arclutecti co- ronabant, quarum effigies adhuc hodiè nostris frequenter ocu- hs offerunt. (Vitruv.) L’Acanthe est connue sous le nom vulgaire de Branc- ursine. Ses feuilles et ses racines sont mucilagineuses , émollientes, comme celles des plantes malvacées. On en fait des cataplasmes, des fomentations, des bains, etc. Dioscoride, Dodonée, Chomel, et même des médecins de notre époque on présenté l'Acanthe comme un remède pré- cieux dans les irritations, dans les phlegmasies viscérales. «Son suc, dit Gilibert, est admirable dans la dysenterie, les ardeurs d'urine, le ténesme, les hémorrhoïdes , les irritations d'entrailles. On le donne aussi avec avantage dans les ma- ladies de la peau accompagnées de prurit, d’ardeur, comme les dartres. » L'Acanthe épineuse ( Acanthus spinosus) est également émolliente. Elle offre une tige simple, droite, terminée par un épi de fleurs blanches ou un peu rougeâtres, des feuilles 20% NOUVEAU TRAITÉ presque toutes radicales, larges, profondément pinnatitides , lisses , luisantes, épineuses en leurs bords et d'un vert sombre. Cette espèce croît en Italie, en Provence et en Languedoc. On la rencontre aux environs de Montpellier. Nos malvacées, beaucoup plus communes et mieux éprouvées, remplacent les Acanthes. DES PLANTES USUELLES. 205 PRIMULACÉES. PRIMULACEZÆ. Primulaceæ. Vent. DC.— Lysimachiæ. Juss. — Anagallides. Apaxs. LYSIMACHITE. LYSIMACHIA. Calice à cinq divisions profondes. Corolle en roue à cinq divisions ; cinq étamines souvent réunies par la base. Style filiforme terminé par un stigmate obtus. Capsule globuleuse, s'ouvrant au sommet en plusieurs valves. LYSIMACHIE VULGAIRE. LYSIMACHIA VULGARIS. Lysimachia vulgaris. Lann. Spec. 209. Lam. Encycl. Bot. 3. 570. DC. F1. Fr. 2344. CHE v. F1. Par. 3. 495. Dus. FI. Orl. 648. FI. Dan. t. 493. Engl. Bot. 528. C'est une jolie plante qui orne les bords des ruisseaux et des bois marécageux de l’Europe par les belles toufles que produisent ses racines traçantes. Ses tiges sont droites, cannelées, fermes, velues, hautes de deux ou trois pieds, et terminées en corymbe. Elles se garnissent de feuilles ovales, lancéolées, pointues, entières, presque sessiles, opposées deux à deux ou quatre à quatre, et d'un beau vert. LA 206 NOUVEAU TRAITÉE Les fleurs sont d'un jaune d'or, disposées en panicule au sommet de la tige sur des pédoncules pubescens. Le calice est bordé d'une ligne pourpre ; les étamines sont réunies par leur base. La Lysimachie vulgaire croît dans toutes les parties de la France. On la trouve dans les prés humides des environs d'Or- léans et de Paris. Elle fleurit en juin et juillet. On la cultive dans les jardins, et on la multiplie par ses nombreux rejetons. Elle demande à être arrosée fréquemment, à moins qu’elle ne soit plantée dans un terrain naturellement humide. Selon Linné cette plante a pris son nom de Lysimachus, roi de Sicile, qui le premier la mit en usage. Pline en attribue également la découverte au roi Lysimachus, mais il ne dit pas son pays. Les principes constituans de cette espèce de Lysimachie ne paraissent pas indiquer de grandes vertus, malgré la réputa- tion qu’on lui a faite. La tige et les feuilles sont légèrement astringentes et mucilagineuses. Les semences ont une saveur âcre. On oppose aux aphthes ou petits ulcères qui survien- nent à la bouche la décoction des feuilles miélée et acidulée avec quelques gouttes de vinaigre ou d'acide sulfurique. La plante, jeune et tendre, sert de pâture aux bestraux. La fleur plait aux abeilles et teint la laine en jaune. On assure même, qu à l'aide de la même fleur, on change des cheveux grisonnans en une blonde chevelure. Ce cosmétique ne serait pas du moins nuisible. L DES PLANTES USUELLES. 20 an LYSIMACHIE NUMMULAIRE. LYSIMACHIA NUMMULARI A. Lysimachia nummularia. Linn. Spec. 211. Law. Encycl. Bot. 3. 572. DC. F1. Fr. 2347. Dus. F1. Ori. 649. MÉr. Nouv. F1. Par. 1. 196. FI. Dan. t. 493. Engi. Bot. 528. Cette espèce offre plusieurs tiges un peu quadrangulaires, longues d'environ un pied, couchées et rampantes sur la terre, garnies de feuilles opposées , glabres, ovales, presque rondes , légèrement pétiolées. Les fleurs sont grandes, jaunes, situées vers le milieu des tiges, portées sur des pédoncules axillaires, solitaires, un - peu plus longs que les feuilles. La capsule est enveloppée et cachée par le calice. On trouve cette plante dans les prés et dans les bois hu- mides. Elle fleurit en été. On l'appelle Monnoyère ou Herbe aux écus, et en latin Nummularia, de Nummaulus, dimmutif de nummus, pièce de monnaie. Ses feuilles sont arrondies, entères et disposées régulièrement comme des pièces de monnaie que l’on aurait comptées. De là le nom vulgaire Herbe aux écus. La Lysimachie nummulaire a été renommée pour ses vertus médicinales, au point qu’elle a reçu de quelques enthou- siastes le nom ridicule d'Herbe à cent maladies, centimorbia. C'était un vulnéraire assez puissant pour arrêter les hémor- rhagies, les pertes utérines, la leucorrhée, les flux dysen- tériques , etc. Tragus recommandait aux phthisiques la décoction de la plante édulcorée avec du miel; d’autres la donnaient aux malades affectés de scorbut. 208 NOUVEAU TRAITÉ Le grand Boerhaave lui-même était grand partisan de cette herbe des bois, dont les vertus ne reposent, au reste, sur aucun fait concluant. Les bestiaux la recherchent dans les pâturages, et les pâtres la donnent aux brebis, pulvérisée et mêlée avec du sel, pour les préserver de la phthisie pulmonaire (Gattenhof, Surpes agri Heidelb.) La Lysimachie à fleurs en thyrse (Lysimachia thyrsifolia) et la Lysimachie des bois ( Lysimachia nemorum. Linn. ) sont faiblement astringentes. PRIMEVÈRE. PRIMULA. Calice tubuleux, à cinq dents. Corolle tubuleuse, à cinq lobes ; orifice libre. Cinq étamines. Stigmate simple. Capsule s'ouyrant au sommet en dix valves peu profondes. PRIMEVÈRE OFFICINALE. PRIMULA VERIS OFFICINALIS. Primula veris officinalis. Lann. Spec. 204. DC. FI. Fr. 2367. Porr. Encycl. Bot. 5. 616. CHev. F1. Par. 3. 7: FI. Dan. t. 433. Engl. Bot. 5. L'hiver a fui; déjà les champs brillent de verdure, et l'ai- mable Primevère incline sa tête humide de rosée. Transpor- tons-nous par la pensée dans les vallons où nous aimions à cueillir cette fleur printanière, et rêvons un instant à notre enfance, âge si heureux, mais trop rapidement écoulé, que remplissaient les jeux folâtres et les innocens désirs ! DES PLANTES USUELLES. 209 Cette jolie plante orne les prairies humides , les bords des ruisseaux, les lieux ombragés. Sa racine, composée d'un faisceau de fibres presque simples, pousse des feuilles ovales, dentées , ondulées, ridées, pubescentes , rétrécies en pétiole et d'un vert pâle. Du milieu de ces feuilles s'élèvent une ou deux tiges nues, droites, striées, cylindriques, revêtues d’un duvet léger, hautes de six à huit pouces, terminées par une ombelle de fleurs odorantes , pédicellées, pendantes, d'un jaune pâle, avec des taches plus foncées. Le calice est tubulé, à cinq dents courtes et obtuses ; Le limbe de la corolle est concave, un peu plus long que le calice. On lui a donné le nom de Primevère (Primula veris), parce qu'elle annonce le printemps ; ce n’est pourtant pas la fleur la plus hâtive. On la nomme aussi Coucou des prés, parce que le coucou se fait entendre lorsque ses fleurs s'épa- nouissent. - D'après l'assertion de Mathiole, de Ray, de Bartholin, de Chomel, de Lieutaud , etc, la Primevère serait douée d'émi- nentes vertus. Elle dissipe l'agitation des nerfs, elle apaise les douleurs, surtout la céphalalgie , elle ramène le sommeil, rend les nuits plus calmes, etc. Quelles sont ses qualités physiques? La racine ‘est épaisse, fibreuse, rougeâtre, légèrement aromatique; les fleurs ré- pandent une Heu douce et suave. Certes, elle doit offrir une bien faible ressource dans le traitement des névralgies graves, quand l'observation révèle chaque jour l'impuissance des remèdes les plus héroïques; mais c'est un doux excitant qu'il ne faut point dédaigner dans les affections légères du système nerveux. La plupart des maux de nerfs se guérissent par une sage diététique. Réformez le régime du malade sil TE, 14 210 NOUVEAU TRAITÉ est mauvais , et donnez-lui quelques tasses d'infusion de Pri- mevère, édulcorée avec un sirop agréable. Cette plante nous offre dans nos promenades ses fleurs aromatiques ; cueillons-les pour les faire sécher à l'ombre, et conservons-les dans une boîte hermétiquement fermée. Si nous souffrons des nerfs ou de la tête, nous prendrons du thé de Primevère, nous dinerons légèrement, nous ferons un peu d'exercice , et cette médecine simple nous épargnera peut- être des remèdes plus sérieux. On faisait autrefois une conserve de Primevère pour les paralytiques, pour les femmes vaporeuses; mais je vois, en lisant nos Flores les plus récentes, qu'on a eflacé la vertu antispasmodique de la Primevère : on nous permet pourtant de l’employer dans les rhumes, dans les affections catarrhales légères. Ce remède me sourit assez pour en faire usage à mon premier rhume. Je ferai infuser une pincée de fleurs dans une livre d'eau bouillante, et je prendrai cette espèce de thé, matin et soir, édulcoré avec du sucre ou du sirop de capillaire. C'est ainsi qu'il faut traiter les rhumes que ramè- nent les frimas ; si vous les négligez , il vous faudra plusieurs livres de pâte pectorale pour les guérir. On peut manger les jeunes tiges et les feuilles de la Prime- vère en salade, ou cuites comme les herbes potagères. C'est un mets fort usité dans les campagnes, en Angleterre et en Russie. La fleur, infusée dans le vin, lui communique un bouquet qui flatte le goût; et la racine, dont l'odeur aroma- tique approche de celle du gérofle, parfume agréablement la bière. Les Anglais appellent la Primevère Cowslip, lèvre de vache, parce que les vaches ont beaucoup de goût pour cette plante. DES PLANTES USUELLES. 211 PRIMEVÈRE A GRANDES FLEURS. PRIMULA GRANDIFLORA Primula grandiflora. Por. Encycl. Bot. 5. 618. DC. F1. Fr. 2365. CHEV. FI. Par. 3. 426. DEsv. FI. Anj. 141. — Primula veris acaulis. Linn. Spec. 204. FI. Dan. 194. Du milieu d'une toufle de feuilles oblongues , rétrécies en pétiole, ridées, dentées, légèrement velues sur les nervures principales, naissent plusieurs pédicelles grêles, pubescens, plus courts que les feuilles, terminés chacun par une grande fleur d'un jaune pâle, dont le calice est ventru, très velu, à dents linéaires, profondes; la corolle à cinq lobes planes, échancrés en cœur à leur sommet. Cette espèce croît particulièrement dans les bois et Îles eux couverts. Elle fleurit en mars et avril, et répand une odeur suave. Ses propriétés sont les mêmes que celles de la Primevère officmale. On les cultive l’une et l'autre dans les parterres du prin- temps. On les multiplie par le semis, et on est presque sûr d'obtenir de jolies variétés nouvelles si la graine a été choisie avec som. Si l'on ne cherche pas à conquérir de nouvelles variétés, il est plus simple, plus prompt et plus facile de les multiplier par les éclats des souches, séparés aussitôt que la fleur est passée. Il leur faut une terre substantielle et un peu légère. 212 NOUVEAU TRAITÉ MOURON. ANAGALLIS. Calice à cinq lobes. Corolle en roue, à cinq divisions. Cinq étamines à filamens barbus. Un style ; un stigmate sim- ple. Capsule globuleuse, s’ouvrant en travers comme une boîte à savonnette. MOURON A FLEURS ROUGES. ANAGALLIS PHOENICA. Anagallis phænica. LaAM. Encycl. Bot. 4. 335. Illustr. t. 101. DC. F1. Fr. 2340. CHEV. F1. Par. 3. 493. — Anagallis arvensis. Linn.Spec. 211. MER. Nouv. F1. Par. 198. Engl. Bot. 529. Cette petite plante vient communément en toulles épaisses dans les lieux cultivés. Sa tige, couchée à sa base, puis redressée au sommet, se divise en rameaux nombreux, longs de six à dix pouces, garnis de feuilles ovales, un peu obtuses, sessiles, entières, opposées ou parfois ternées. Les fleurs sont rouges, axillaires, soutenues par des pé- doncules plus longs que les feuilles; les dents du calice sont aiguës , membraneuses à la base; les lobes de la corolle crénelés au sommet. Elles s'ouvrent quand il fait beau, elles se ferment lorsque le temps est à la pluie. Aussi les Anglais appellent cette plante le Baromètre ou le Miroir du temps. L'Anagallis a été célèbre dans l'antiquité. Il passait pour exciter la gaîté en fondant les obstructions du foie, qui cau- sent la tristesse. Son nom dérive d’un mot grec, qui signifie DES PLANTES USUELLES. 213 je ris. Pline dit que l'Anagallis excite l'enjouement. Dios- coride dit aussi qu'il est bon contre les maladies du foie. Mais tout cela est bien peu de chose en comparaison des éloges qu'on a prodigués plus tard à cette petite herbe des champs. Chomel nous raconte, avec une naïveté sans pareille, comment elle a calmé des maniaques , des épileptiques , des phrénétiques. Si vous êtes hypochondre, prenez de la tisane de Mouron ; si vous avez des attaques d'épilepsie, buvez de la teinture alcoholique des fleurs. Le vin dans lequel vous aurez fait bouillir du Mouron vous délivrera de la peste; mais il faut que vous vous teniez chaudement dans votre lit. Le suc de Mouron vous guérira de l'hydropisie, et si vous êtes phthisique, vous ferez usage de son eau distillée, mêlée avec une égale quantité de lait de vache. C'est le botaniste Rey qui vous offre ce mélange comme un remède éprouvé. Enfin Simon Pauli vous conseille le Mouron bouilli dans l'urine comme un excellent cataplasme que vous appliquerez sur les pieds si vous devenez podagre. Quels sont donc les principes de cette herbe dont les vertus sont si puissantes ? Elle n’a point d’odeur ; si vous la mâchez, vous lui trouvez d'abord un goût oléracé, ensuite amer, avec un peu d'acrimonie. Le suc des feuilles est surtout d'une amertume prononcée, et M. Grognier, professeur vétérinaire , a éprouvé son action vénéneuse sur les chevaux. Le Mouron les fait périr en stupéfiant le système nerveux, et en attaquant la membrane muqueuse de l'estomac, où l'on trouve des traces d'inflam- mation. Les principaux phénomènes produits par cette plante sont un flux abondant d'urine, avec des mouvemens convulsifs des muscles de la gorge et du train postérieur. L'extrait de la plante est également délétère pour les chiens. 24% NOUVEAU TRAITÉ Tous ces animaux ont présenté des traces d'inflammation dans la membrane muqueuse digestive. On voit, d'après cela, que l'Anagallis n’est point une pro- duction aussi inerte qu'on aurait pu le croire, et que la méde- cine domestique pourrait se compromettre si, d'après les éloges de quelques auteurs surannés, elle s’avisait de le donner à des doses un peu fortes pour combattre lhydropisie ou autre affection morbide. Quelques observations récentes sembleraient témoigner des bons eflets du Mouron dans l’hydrophobie. Six vaches avaient été mordues par un chien enragé, au château de Lissieu, près de Lyon ; l'École vétérinaire de cette ville les préserva de l'invasion de la rage au moyen de l'Anagallis. On exposa pendant deux jours sept chiens à la fureur d’un chien enragé; ce chien les mord, ils enragent, et on les laisse périr sans secours ; mais celui qui les avait mordus est guéri par la décoction de cette plante. L'auteur de ces obser- vations ajoute qu'il pourrait rapporter beaucoup d'autres faits de ce genre , que plusieurs personnes, mordues par des chiens enragés, ont également éprouvé les plus heureux effets du même traitement. N'oublions pas de dire qu'on ajoutait à une pinte d'infusion d'Anagallis deux gros d'alcali volatil. Au reste, quelques faits isolés ne suffisent point pour garantir l'efficacité d'un pareil remède, et surtout pour fare négliger la cautérisation. Lorsque la morsure est récente, c'est presque le seul moyen sur lequel on puisse fonder quel- que espérance de succès. Une chose digne de remarque, c'est que l'Anagallis, qui est délétère pour les chevaux et pour les chiens bien portans, opère une action différente sur les vaches, les chiens et autres animaux enragés. C'est DES PLANTES USUELLES. 215 bien là une nouvelle preuve que l'état pathologique modifie singulièrement l'effet des poisons. (Voyez notre Phytogra- phie médicale, nouv. éd., tom. 1, pag. 317.) Il faut bien distinguer l'Anagallis des champs, ou Mouron . rouge, d'une autre petite plante qu'on nomme vulgairement Mouron des petits oiseaux, et qui est une espèce de Morgeline (Alsine media, Linn.). La Morgeline se trouve également dans les terres cultivées; elle a des fleurs blanches compo- sées de cinq pétales bifides : on la donne aux serins, aux chardonnerets , etc. , tandis que le véritable Mouron est un poison pour ces oiseaux. Ces deux plantes ont été confon- dues dans un nouveau Dictionnaire d'Économie domesti- que, etc. « On donne l’Anagallis arvensis aux oiseaux, on le mange aussi en salade ; il porte une odeur légèrement aroma- tique , et sa saveur douce approche beaucoup de celle de la mâche. Cette plante est un très bon vulnéraire. On la connaît encore sous le nom de Morgeline. » Vous pouvez, si cela vous plaît, disputer aux oiseaux la petite Morgeline, herbe fade et fort innocente ; mais gar- dez-vous bien de manger notre Mouron en salade, vous pour- riez en être gravement incommodé. Grâce à la multiplicité des dictionnaires , on écrit assez légèrement sur les propriétés et les usages des végétaux. On voit mème des gens qui n'ont observé les champignons que dans les bois de Saint-Cloud, ou dans les caves, proclamer hardiment leurs qualités alimentaires ou nuisibles. Faut-il s'étonner que les accidens se renouvellent chaque année d'une manière effrayante : ? ! Aprés avoir terminé cet ouvrage, nous allons nous occuper d’une nouvelle édition de notre Traité des Champignons comestibles el véne- 216 NOUVEAU TRAITÉ MOURON BLEU. ANAGALLIS CÆRULE A. Anagallis cærulea. LAM. Encycl. Bot. 4. 336. DC. F1. Fr. 2339. CHev. F1. Par. 3. 493. — {nagallis arven- sis. Lin. Spec. 211. FI. Dan. 88. Engl. Bot. 18923. A On reconnaît cette espèce à ses tiges faibles, rameuses, quadrangulaires , un peu couchées ; à ses feuilles ovales pointues, lisses, glabres , sessiles, un peu glauques, oppo- sées ou ternées ; à ses fleurs d’une belle couleur bleue, quel- quefois blanches. Les divisions de la corolle sont un peu dentées à leur sommet. Le Mouron bleu croît dans les bois, dans les champs, dans les lieux cultivés. Il fleurit pendant toute la belle saison. Ses propriétés sont les mêmes que celles du Mouron rouge. Ces deux espèces ou variétés ne diffèrent que par la teinte des fleurs. SAMOLE. SAMOLUS. Calice persistant, adhérent à sa base, à cimq lobes courts. Corolle en soucoupe, à cinq divisions, munie de cinq écailles à l'entrée du tube. Cinq étamines. Un style; un stigmate. Capsule à une loge, s’ouvrant en cinq valves au sommet. neux, la première ayant été promptement épuisée. Nous redoublerons d'efforts et de zèle pour rendre ce nouveau travail tout.à-fait populaire. DES PLANTES USUELLES. 217 SAMOLE DE VALERAND. SAMOLUS VALERANDI. … Samolus valerandi. Lan. Spec. 243. DC. F1. Fr. 2381. Por. Encyel. Bot. 6. 486. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 111. CHEV. FL Par. 3. 428. BaLs. FI. Lyon. 1. 589. Lam. Hlustr. t. 101. F1. Dan. t. 198. C'est une plante herbacée qui offre une tige droite, cylin- drique, glabre, verdâtre, peu rameuse, haute de huit à douze pouces. Les feuilles sont ovales, obtuses, lisses, spatulées ou presque rondes : les radicales beaucoup plus grandes et rétrécies en pétiole forment une sorte de rosette sur la terre ; les supérieures sont sessiles. Les fleurs sont blanches, disposées en grappes droites, allongées et terminales; les pédoncules simples, presque articulés vers leur milieu et munis d’une écaille. La corolle est en soucoupe, à cinq divisions ovales et obtuses. La cap- sule est globuleuse, recouverte par le calice; elle renferme un grand nombre de graines fines, anguleuses et noirâtres. Le Samole de Valerand croît dans presque toute la France. Il aime les lieux aquatiques, où ii fleurit en juin et juillet. On le trouve dans les Pyrénées aux bords des fontaines et des ruisseaux. Lapeyrouse l'a cueilli sur les rochers humides de Barèges. Il vient dans l'Anjou, aux environs de Lyon et de Paris. M. Poiret l'a observé en Barbarie. Cette plante était très anciennement connue des Celtes. Son nom, Samolus, exprime, en leur langue, l'usage qu'ils en faisaient : san, salutaire ; mos, porc. Pline dit que le Sa- molus passait parmi les Gaulois pour un bon remède contre 218 NOUVEAU TRAITÉ les maladies des porcs. Ils le cueiïllaient avec des cérémonies bizarres et superstitieuses. Son nom spécifique vient de Dourez Valerand, botaniste du seizième siècle, mentionné par J. Bauhin. On l'appelle vulgairement Mouron d’eau. Les feuilles sont un peu amères, apéritives , antiscorbutiques. On les mange assaisonnées d'huile et de vinaigre comme la salade de cresson et de pourpier. Les vaches, les chèvres et les moutons les mangent également. DES PLANTES USUELLES. 219 PLANTAGINÉES. PLANTAGINEZÆ. Plantagineæ. Juss. Vexr. DC. PLANTAIN. PLANT AGO. Fleurs hermaphrodites. Calice très court, à quatre divi- sions. Corolle quadrifide, à limbe réfléchi. Quatre étamimes à filamens capillaires. Un style terminé par un stigmate simple. Capsule à deux ou quatre loges, s'ouvrant transversalement. PLANTAIN A GRANDES FEUILLES. PLANTAGO MAJOR. Plantago major. Lanx. Spec. 163. Porr. Encycl. Bot. 5. 368. DC. FL Fr. 2296. Bacs. F1. Lyon. 1. 593. DESv. F1. Anj. 138. FI. Dan. t. 461. Engl. Bot. t. 1558. Cette plante croît en tous lieux. On la trouve dans les champs, dans les prairies, sur les pelouses arides, au bord des chemins. Les feuilles sont radicales, grandes, ovales, rétrécies en “pétiole, d'un vert assez foncé, marquées de cinq à sept ner- vures saillantes, souvent simuées sur les bords , revêtues d’un duvet fort doux. Du milieu de ces feuilles, disposées cireulairement et cou- chées à terre, s'élèvent des hampes cylindriques, striées, 1é- 290 NOUVEAU TRAÎTÉ gèrement velues, hautes de huit à douze pouces, terminées par un épi droit, cylindrique, composé d'un grand nombre de leurs blanchâtres, serrées les unes contre les autres, excepté à la base où elles sont distantes. Les filamens des étamines sont violets, les anthères blanches. Cette espèce fleurit dans nos campagnes pendant une grande partie de l'été. J'aime à la voir, par un beau jour, lorsqu'elle balance sur la pelouse son gracieux épi nuancé de‘ vert, de blanc et de rose. C'est un plumet charmant. On l'ap- pelle vulgairement Grand Plantain, Plantain des oiseaux , Plantain à bouquet. Le bétail mange les feuilles vertes ou sèches, et les se- mences servent de nourriture à plusieurs espèces d'oiseaux. On peut manger les jeunes feuilles dans les potages comme celles des plantes oléracées. PLANTAIN MOYEN. PLANTAGO MEDIA. Plantago media. Tanw. Spec. 163. Porr. Encyel. Bot. 5. 371. DC. F1. Fr. 2298. CHE v. F1. Par. 3. 418. FI. Dan. t. 581. Engl. Bot. t. 1459. Cette espèce a le port du grand Plantain, mais elle en dif- fère par sa racine vivace et sa capsule à deux loges seule- ment. Les feuilles sont toutes radicales, étalées en rosette, ovales, entières, un peu lancéolées, pubescentes, comme lanugi- neuses à leurs deux faces, rétrécies en pétiole court, canali- culé, marquées de cinq nervures. Les hampes sont légèrement velues, cylindriques , rare- ment anguleuses, à peine hautes d’un pied; elles se termment par un épi ovoïde, allongé. La corolle est blanche, à quatre DES PLANTES USUELLES, 294 segmens ouverts, lancéolés, un peu aigus. Les étamines sont roses. Ce Plantain est très commun dans les lieux secs, au bord des chemins. Il fleurit en été dans toute la France. Les bes- tiaux le mangent volontiers quand il est frais. PLANTAIN LANCÉOLÉ. PLANTAGO LANCEOLATA. Plantago lanceolata. Linn. Spec. 164. Porr. Encycl. Bot. 5.372. DC. F1. Fr. 2299. DEsv. FI. Anj. 137. CHE v. F1. Par. 3. 419. FI. Dan. t. 437. Engl. Bot. t. 507. De sa racine épaisse, presque ligneuse, naissent plusieurs tiges anguleuses, droites , hérissées de longs poils, hautes de dix à douze pouces. Les feuilles sont allongées, étroites, aiguës, souvent velues à la base, à cinq nervures, à petites dents écartées et obtuses. Les fleurs sont réunies en un épi ovale, serré, de couleur brune. Le tube de la corolle s’épanouit, à son orifice, en quatre découpures ovales, obtuses, d’un blanc terne. Les éta- mines sont blanches. La capsule est à deux loges mono- spermées. Cette espèce varie dans la largeur de ses feuilles. On la rencontre tout l'été dans les prés secs, sur les pelouses , au bord des chemins. Les jeunes feuilles sont alimentaires; on peut les manger cuites comme les herbes oléracées. Selon Schreber, c’est un aliment très sain pour le bétail. Ces trois espèces de Plantain ont été élevées au rang des 299 NOUVEAU TRAITÉ plantes médicinales, et on les emploie tour à tour suivant les pays où elles croissent. Les uns préfèrent pourtant le grand Plantain, d'autres aiment mieux le Plantain moyen, d'autres le Plantain à feuilles lancéolées. Au reste, tous les trois se font remarquer par une saveur légèrement amère et subas- tringente. Leurs racmes desséchées, surtout celle du grand Planta, ont une couleur rosée. Lorsqu'on les mâche, elles colorent la salive; leur goût est d'abord un peu austère, puis douceâtre. L'extrait préparé avec le suc épaissi de la plante entière a une saveur très acerbe. Le grand Plantain est une plante célèbre dans l'antiquité. Dioscoride, Galien, Celse, Pline, l’ont recommandé comme un remède efficace contre les flux sanguins et muqueux, les ulcérations, la phthisie, etc. Celse veut que les phthisiques mangent du Plantain, et qu'ils boivent son suc. Pline leur conseille également le suc et la décoction de la plante. Thé- mison, chef de l'École méthodique, regardait le Plantain comme un remède universel, et 1l écrivit un livre particulier sur ses vertus. Il l'employait sans doute pour resserrer les tis- sus relàchés, car le strictum et le laxum étaient le grand pi- vot de son système. Les auteurs modernes n'ont pas moins estimé le Plantain, et si vous parcourez les écrits de quelques pharmacologues , vous verrez que cette plante a fait des merveilles dans une foule de maladies. Les flux intestinaux, la leucorrhée, les Hèvres intermittentes, les plaies, les ulcères, les hémor- rhoïdes, l'ophthalmie, tout cela se guérit ou s’amende par le Plantain. Voilà de l’enthousiasme médical du temps de Ri- vière, de Fernel, de Wédélius, de Triller, de Chomel, etc. L'enthousiasme sied peu aux médecins, le doute philoso- phique servirait mieux la science et l'humanité. DES PLANTES USUELLES. 223 Cependant les Plantains ne sont point des végétaux inertes ; ils sont doués d’une vertu légèrement astringente qui les rend utiles vers la fin des flux sanguins ou muqueux , lorsque les symptômes dirnitation sont affaiblis. Mais ces herbes de nos campagnes sont trop vulgaires, trop modestes ; parlez-moi du Rathania qui vient de loin, et qui réprime instantanément le cours de ventre, la dysenterie, les pertes de sang, etc. Nous ne blämons pas l'usage des astringens actifs, lorsqu'il est commandé par une atonie organique rebelle, mais nous sou- tenons qu'on abuse aujourd'hui du Rathania, parce que c'est un remède nouveau, et que dans une foule de circonstances le Plantain serait infiniment plus utile. N’avons-nous pas vu prescrire des bains de Rathania pour une dartre qui couvrait toute la surface du corps, et cela parce que le malade éprou- vait des démangeaisons cruelles! Mais c'était sans doute quelque empirique qui avait ordonné ces bains ? point du tout. C'étaient des professeurs qui faisaient de l'empirisme sans le savoir. La plupart des maladies de la peau sont des mouve- mens critiques qu'il faut souvent respecter. On les guérit beaucoup mieux par la patience, par un régime doux, par des bains, des boissons tempérantes et légèrement diaphoré- tiques, que par des remèdes énergiques. Les bains de subli- mé corrosif avaient succédé aux bains de Rathania! Nous ne disons pas ce qu'est devenu le malade. Le Plantain a quelquefois guéri des fièvres tierces ver- nales. On donne le suc exprimé de la plante fraîche, à la dose de deux, trois ou quatre onces, au commencement de l'accès. La décoction concentrée des feuilles a également réussi. Les amers, les astringens sont tous plus ou moins fébrifuges. L'extrait épaissi de la plante serait sans doute plus efficace. N'oublions pas l'eau distiliée de Plantain, remède popu- 294 NOUVEAU TRAITÉ laire pour les maux d'yeux. L'eau de rivière ou de fontaine est tout aussi salutaire. Mais si l’on y ajoute un peu d'eau de roses et quelques grains de sulfate de zinc, on a un collyre qui n'est pas sans vertu vers là fin de l’ophthalmie ; et cè remède simple, que tout le monde peut préparer, vaut bien autant que les collyres les plus vantés. ( Voyez l’article Rose, famille des Rosacées, et l'article Wélilot , famille des Légumineuses.) Au reste, si l’eau distillée de Plantain est sans action, il n'eu est pas de même de la décoction des feuilles, filtrée ; elle dissipe les rougeurs des yeux, lorsqu'ils ne sont pas trop en- flammés. Liqueur antiophthalmique. Prenez : miel de Narbonne, une once; décoction de Plan- tain et de feuilles de roses filtrée, une livre. Mêlez et faites fondre exactement le miel. On bassine souvent les yeux avec cette liqueur, dans la- quelle on trempe aussi des compresses dont on les recouvre, et que l'on humecte de temps en temps. Parlerons-nous de la vertu cosmétique de l'eau de Plan- tam? dirons-nous qu’elle est employée par certaines dames pour réparer les outrages du temps? Mais c'en est assez : n'ôtons point à ce sexe charmant et crédule, la douce espé- rance de pouvoir fixer encore des attraits qui s’envolent, et dont la perte serait bien plus amère s'il ne lui restait cette grâce si touchante, si supérieure au prestige de la beauté. DES PLANTES USUELLES. 19 19 EL PLANTAIN DÉCOUPE. PLANTAGO CORONOPUS. Plantago coronopus. Lan. Spec. 166. Porr. Encyel. Bot. 5. 385. DC. FI. Fr. 2316. Bacs. FI. Lyon. 1. 597. LaPpEeyr. Plant. Pyr. 1. 79. CHev. F1. Par. 3. 419. F1]. Dan. t. 272. Engl. Bot. {. 892. Sa racine fusiforme pousse un grand nombre de feuilles allongées, linéaires, pinnatifides , étalées en rosette, hérissées de quelques poils épars, rétrécies à la base en un pétiole plane, élargi à son insertion au bas des tiges. Ces tiges ou hampes sont cylindriques , velues , terminées par un épi grêle, d'un vert blanchâtre. Les anthères sont surmontées d'une membrane lancéolée. La capsule est à quatre loges monospermes. On trouve ce Plantain dans les lieux secs, sur les pelouses, au bord des chemins. Il croît dans toutes les parties de la France, depuis les Pyrénées jusqu'à Paris. Ses fleurs s’épa- nouissent en été. On l'appelle Coronopus, pied de corneille, de sa feuille profondément découpée, qu'on a comparée à une pate de cor- nelle. On lui donne aussi le nom de Corne de cerf. Ce plantain possède les propriétés des espèces précédentes. On le cultive pour le manger en salade. Ses feuilles devien- nent plus délicates par la culture; elles sont antiscorbutiques. On sème la graine, à la volée, en mars. Il lui faut une terre légère, bien amendée, et des arrosemens multipliés, surtout dans les sécheresses. ALT. 15 296 NOUVEAU TRAITÉ Les bestiaux en font leur pâture. Les feuilles plaisent par- ticulièrement aux chèvres et aux moutons. PLANTAIN DES SABLES. PLANTAGO ARENARIA. Plantago arenaria. WAxDpsTt. Hung. t. 51. Porr. Encycl. Bot. 5. 392. DC. FT. Fr. 2315. CHev. FI. Par. 3. 419. — Plantago psyllium. BuzL. Herb. t. 363. — Psyl- lium annuurn. Tauizz. F1. Par. 81. Cette espèce est tout hérissée de poils blancs. un peu vis- queux. Sa racine, pivotante et ligneuse, pousse plusieurs tiges droites, très rameuses , hautes d'environ un pied. Les feuilles sont opposées, étroites, linéaires, pointues, entières, blanchâtres, à trois nervures, velues particulièrement à la base. Les fleurs sont blanches, réunies au sommet des tiges et à l’aisselle des feuilles, sur des pédoncules redressés à peu près de la longueur des feuilles, terminées par un épi ovoïde, serré, entouré d'un involucre foliacé dû au développement des bractées inférieures. La capsule est à deux loges mono- spermes. Les graines sont oblongues, noires, luisantes, sem- blables à de petites puces, ce qui a fait donner à la plante le nom de Psyllium par quelques botanistes. Ce Plantain abonde dans les terrains stériles et sablonneux. Il fleunit en juin et juillet. | Le Plantain pucier, le vrai Psyllium (Plantago psyllium , Linn.), lui ressemble tellement, qu'on a souvent confondu ces deux espèces. Selon M. Mérat, le vrai Psyllium est rameux DES PLANTES USUELLES. 227 seulement à sa partie inférieure et n’est point visqueux. Les feuilles sont plus étroites, les bractées calicinales ne dé- passent pas la longueur du calice, et les semences sont con- caves. Cette espèce croît dans les contrées méridionales de l'Europe. On la trouve aux Pyrénées orientales, dans les ter- rains secs et chauds, dans les récoltes. Ses feuilles sont très amères. M. Poiret en fait une espèce distincte, mais elle à tant de rapports avec le Plantago arenarta, qu'il est difficile de prononcer sur la synonymie de Linné. Il se pourrait encore, dit-il, que ces deux espèces ne fussent réellement que la même, d'un aspect un peu différent, selon son lieu natal. Lapeyrouse en fait deux espèces différentes. A Le Plantain des chiens ( Plantago cinops, Linn.) croît dans les lieux incultes du midi de la France. Il est assez commun dans les Pyrénées orientales, parmi les pierres mouvantes et sur les rochers, dans les sables, le long des torrens et des rivières. [l a beaucoup de ressemblance avec le Plantago psyllium. Cette espèce à des tiges presque ligneuses, couchées à leur base, rougeâtres, tortueuses, articulées, pubescentes, hautes de huit à dix pouces. Les feuilles sont opposées, très étroites, aiguës, entières , ciliées vers leur base. De l'aisselle des feuilles sortent des pédicelles cylindriques, hispides vers le sommet, un peu plus longs que les feuilles , terminés par un épi de fleurs blanches, ovales, simples ou multiples. Les bractées sont pubescentes , un peu foliacées ; les inférieures se prolongent quelquefois de manière à former une espèce d'involucre en dessous des fleurs. La capsule est ovale , à deux loges s'ouvrant transversalement, où sont 298 NOUVEAU TRAITÉ renfermées une ou deux semences brunes, allongées, con- cayes. Ces trois espèces de Plantain ont des semences très muci- lagmeuses, sans odeur m saveur bien marquée ; cependant si on les fait bouillir dans l'eau, elles acquièrent un goût assez âcre pour que les anciens les aient crues délétères, ce qui est contraire à l'expérience. Les Égyptiens, selon Prosper Alpin, préparent avec le mucilage du Plantago psyllium, l'eau d'orge et le sucre, une boisson très adoucissante dans les fièvres bilieuses, dans les inflammations pulmonaires, dans les flux dysentériques , efc. Cette espèce d'émulsion n'est pas moins utile pour calmer les irritations des reins et de la vessie. Le mucilage des Plan- tams suffisamiäent délayé calme aussi l'inflammation des yeux. Mais nos plantes malvacées, qui croissent sous nos pas, sont tout aussi adoucissantes ; elles ont fait oublier les graines des Plantains. L'industrie manufacturière s'en sert pour gom- mer les mousselines. DES PLANTES USUELLES. 2929 NYCTAGINÉES. NYCTAGINEZÆ. Nryctagineæ. Juss. Vexr. DC. BELLE DE NUIT. NYCT'4G0. Inyolucre d'une seule pièce, en forme de cloche ; périgone en forme d'entonnoir ; limbe évasé, à cmq angles, à cinq lobes. Cinq étamines msérées sur un disque globuleux, écail- leux, entier. Un style à stigmate simple. Semence globu- leuse recouverte par la base épaissie et coriace du périgone. BELLE DE NUIT FAUX JALAP. NYCTAGO JALAPPA. Nyctago jalappa. Lin. Spec. 252. Porr. Encyel. Bot. 4. 481. LAM. Ilustr. t. 105. Bot. Mag. 371. Cette plante a une racine épaisse, charnue, pivotante, d'où s'élève une tige ferme, noueuse, rameuse, d'un vert tendre, haute d'environ deux pieds, garnie de feuilles glabres, molles, ovales, cordiformes, terminées en pointe, un peu glutineuses, légèrement ciliées à leur circonférence, d’un beau vert, soutenues par des pétioles courts et comprimés. Les fleurs naissent au sommet des rameaux, réunies en tête ou en forme de corymbe : elles varient singulièrement dans leurs couleurs et sur le même pied. I n'est pas rare d'en 230 NOUVEAU TRAITÉ voir de rouges, de blanches, de jaunes : d'autres sont pana- chées de rouge et de blanc, d’autres de jaune et de rouge. On l'appelle Merveille du Pérou. En effet, elle est fort belle, et son odeur très suaye. On cultive cette plante améri- caine dans nos parterres, en la semant en place aussitôt qu'on ne craint plus les gelées tardives : elle reprend facile- ment à la transplantation. La tige principale jette beaucoup de rameaux, et ces rameaux poussent de manière à former une tête large, arrondie et chargée de fleurs. Elle prospère dans tous les terrains et à toutes les expositions, il faut seule- ment l’arroser pendant la sécheresse. On lui donne aussi le nom de Belle de nuit, parce qu'elle craint la lumière, et qu'elle se ferme dès qu'elle en a senti l'influence. Mais lorsque le sommeil gagne les autres plantes, celle-ci s’'évaille, se développe doucement à mesure que baisse le crépuscule, ouvre ses brillantes corolles en exhalant un doux parfum. Mais chacune le soir voile son front vermeil, Se retire à son heure, et cède au doux sommeil. Si l’on voit quelques fleurs d’origine étrangère Éviter parmi nous l’éclat de la lumière, Et comme les beautés qui régnaient à la cour, Veiller pendant la nuit, dormir pendant le jour, C’est au’aux lieux où l’Europe a ravi leur enfance Naïît le jour, quand la nuit vers nos climats s’avance ; C’est que de leur patrie elles suivent les lois, S’ouvrent à la même heure ainsi qu'au même mois. (GasreL, les Plantes.) Après avoir orné nos parterres, la Belle de nuit nous offre sa racine comme un doux purgatif qui peut remplacer le jalap du Mexique, espèce de liseron avec lequel elle a été long- temps confondue. DES PLANTES USUELLES. 231 La racine de la Belle de nuit est oblongue, épaisse, brune au dehors, grise ou blanchâtre intérieurement. Son odeur est un peu nauséeuse, sa saveur àcre et piquante. Elle donne à l’analyse de la gomme et un peu de résme. Celle qu’on cultive dans le Nord purge faiblement, mais celle du Midi égale presque le jalap. Coste et Willemet ont obtenu de quatre onces de racine de Belle de nuit, cueillie au mois d'octobre, médiocrement séchée, sept gros d'extrait aqueux. Deux onces de la même racine traitée à l'esprit de vin ont fourni près de trois gros d'extrait résineux. L’extrait aqueux, donné à la dose d’un scrupule à des per- sonnes d’une constitution médiocre, les a purgées deux fois sans colique et sans douleur. Coste a obtenu cinq à six évacuations avec quarante grains du même extrait. Ce médicament, porté jusqu’à la dose de soixante grains, a produit dix à douze selles sans fatiguer le malade. L’extrait résineux est très actif, moins pourtant que la résine de jalap. Au reste, il vaut mieux administrer la racine en poudre long-temps triturée avec du sucre. Sous cette forme, elle offre un purgatif efficace, si la plante a été cultivée sous un climat un peu chaud. Gilibert a observé que cette racine purgeait fort bien à Lyon , tandis qu'en Lithuanie, elle purgeait fort peu. Peyrilhe lui donne le nom de Jalap indigène. Poudre purgative de Belle de nut. Prenez : racine de Belle de nuit récemment pulvérisée, depuis trente grains jusqu’à un gros; sucre blanc, demi-once. Mèlez et triturez exactement dans un mortier. On prend cette poudre, le matin à jeun, dans une tasse LS 232 NOUVEAU TRAITÉ d'émulsion ou de thé léger. Elle convient aux personnes déli- cates et aux enfans qui ont besoin d'être purgés. C’est un très bon vermifuge. On peut encore faire bouillir un ou deux gros de racine grossièrement pulvérisée dans une tasse de bouillon de veau ou de poulet. Ce bouillon purgatif agira avec plus de douceur que le jalap, qui produit parfois une irritation vive dans les en-. trailles. On devrait chercher à naturaliser la Belle de nuit dans nos climats par sa culture en grand, qui nous dispenserait de faire venir le liseron jalap du Mexique. BELLE DE NUIT DICHOTOME. MIRABILIS DICHOTOMA. Mirabilis dichotoma. Wiro. Spec. 2. 299. Porr. Encycl. Bot. 4. 482. — Ædmirabilis jasmini rosa. Crus. Hist. 2. 90. Cette espèce offre des tiges noueuses, à rameaux dicho- tomes, étalés et toufflus. Les feuilles sont plus petites que celles de la Belle de nuit ordinaire, mais parfaitement sem- blables. Les fleurs, également plus petites, ne forment point une tête ou un corymbe; elles sont d'un rouge pourpre, sessiles, réunies au nombre de deux ou trois dans la même aisselle. Elles s'épanouissent bien plus tôt que les autres, ce qui leur a fait donner le nom de Fleurs de quatre heures, parce qu'en effet c’est à cet instant du jour qu’elles commencent à s'ou- vrir. DES PLANTES USUELLES. ji 233 Cette plante, originaire du Mexique, est également cultivée dans nos jardins pour ses Jolies fleurs, qui répandent toute la nuit un parfum suave. On lui a reconnu les propriétés de l'espèce précédente. Ber- gius, qui l'a éprouvée, dit qu'elle purge fort bien, à la dose d'un gros. BELLE DE NUIT A LONGUES FLEURS. NYCTAGO LONGIFLORA. Nyctago longiflora. Lin. Spec. 252. Porr. Encycl. Bot. 4. 483. Piroz. Hort. Fr. 507. Smirx. Exot. Bot. t. 93. Ses tiges se divisent en rameaux très longs, fragiles, gar- nis de feuilles en cœur, un peu velues, d’un beau vert des deux côtés, glutineuses, molles, odorantes, légèrement ci- liées sur les bords, ainsi que les pétioles. Les fleurs sont blanches, sessiles, pubescentes à la base, réunies plusieurs ensemble à l'extrémité des rameaux, et re- marquables par la longueur extrême de leur tube. Les éta- mines et les pistils sont de couleur pourpre, les anthères jaunes. Cette espèce vient des hautes montagnes du Mexique. On la cultive dans les jardins sous le nom de Belle de nuit du Pérou. Ses fleurs s'ouvrent à l'entrée de la nuit, et répan- dent un doux parfum. Sa culture est la même que celle de la Belle de nuit ordinaire; mais ses tiges, plus faibles, ont be- soin d'appui. La racine présente les mêmes caractères et les mêmes pro- 234 dé NOUVEAU TRAITÉ priétés. Elle purge comme celles des autres espèces pourvu que la plante soit cultivée dans le Midi. Ces trois espèces supportent fort bien la température de notre climat. Elles forment des massifs fort agréables dans les parterres , lorsqu'on sait les mélanger avec goût. DES PLANTES USUELLES. 235 AMARANTHACÉES. AMARANTHACEZÆ. Amaranthaceæ. Juss. VENT. DC. AMARANTHE. AMARANTHUS. Fleurs monoïques , à trois ou cinq foholes. Fleurs mâles : trois ou cinq étamines distinctes. Fleurs femelles : trois styles à stigmate simple. Capsule monosperme , surmontée de trois pointes, s'ouvrant transversalement. AMARANTHE BLETTE. AMARANTHUS BLITUM. Amaranthus blitum. Lann. Spec. 1405. Lam. Eneycl. Bot. 1. 117. DC. F1. Fr. 2989. Caev. FL Par. 3. 403. DEsv. FI. Anj. 134. CAmEr. Epit. 236. Icon. Engl. Bot. 2212. Sa tige, haute d'environ un pied, se divise dès sa base en rameaux glabres, étalés, diffus et presque couchés. Les feuilles sont pétiolées, ovales, obtuses, échancrées ou bi- fides au sommet, et d'un vert blanchâtre, avec quelques ner- vures en dessous. Les fleurs, d’une teinte verdâtre, sont, les unes, agglo- mérées à l’aisselle des feuilles, le long de la tige; les autres 236 NOUVEAU TRAITÉ la terminent en formant une grappe cylindrique, longue de deux ou trois pouces. On trouve cette plante dans les champs, dans les décom- bres, au bas des murs dans les rues des villages. L’Amaranthe blette est succulente, mucilagineuse , d'un goût fade, herbacée. On la mange cuite, comme les épmards et autres plantes oléracées. AMARANTHE OLÉRACÉE. AMARANTHUS OLERACEUS. Amaranthus oleraceus. WiLLDp. Amaranth. 17. t. 5. -f. 9. Lam. Encycl. Bot. 1. 116. — Blitum album majus. Baux. Pin. 118. Cette plante a une tige épaisse, haute de quatre ou cinq pieds, garnie de feuilles d'un vert pâle, comme celles de la poirée. Les feuilles inférieures sont ovales, bouillonnées , très obtuses, échancrées; les autres se terminent par une pointe émoussée et fort courte. Les fleurs sont verdâtres, disposées au sommet de la tige, ainsi que dans les aisselles supérieures, en plusieurs épis un peu grèles. Cette espèce d'Amaranthe est originaire des Indes. On la cultive dans les jardins potagers pour la cuisine, et on la mange apprètée comme la Blette. Dans l'Inde, on se nourrit de l'Amaranthus fariniferus de Roxburg, et de quelques autres espèces. Dans la Virginie , on mange l'Amaranthe livide (Amaranthus lividus, Linn.). DES PLANTES USUELLES. 237 AMARANTHE A LONGS ÉPIS. AMARANTHUS CAUDATUS. Amaranthus caudatus. Wirrp. Amaranth. 36. LAm. Encycl. Bot. t. 118. Prror. Hort. Fr. 505. Amaranthus maximus. BAUH. Pin. 120. Sa tige, ferme, rameuse, haute de deux à quatre pieds, se couvre de feuilles ovales, oblongues, pétiolées, glabres, vertes, marquées en dessous d’un grand nombre de nervures blanches. Les fleurs sont terminales, et forment par leur disposition des grappes cylindriques, pendantes, fort longues et d’une couleur pourprée. Cette belle plante est originaire du Pérou et de l'Asie. On la cultive dans les parterres, où elle produit un effet assez pittoresque par ses longues grappes d’un rouge cramoisi. Sa culture n'est point difficile; elle se sème d'elle-même, comme le chiendent. Ses petites graines, luisantes et couleur de chair, lèvent et fourmillent bientôt autour de la plante qui les a produites. Ses feuilles sont succulentes, mais peu sapides ; on peut cependant les manger cuites, comme celles des autres Ama- ranthes. La Célosie à crête ( Celosia cristata, Linn.) est une beile plante qui vient de l'Asie , et qui fait l’ornement de nos jar- dins par sa tige élevée, rameuse : par ses feuilles ovales , terminées en pointe, d’un vert tendre: par ses fleurs nom- 238 NOUVEAU TRAITÉ breuses, disposées en forme de panache et d'une couleur purpurine. On la sème sur couche au mois de mars ou d'avril, pour la transplanter en terre franche, légère, bien amendée. Il lui faut une bonne exposition et beaucoup d’eau pendant les sécheresses. On en distingue une variété fort belle, dont les fleurs sont jaunes ou mordorées. Cette plante, qu'on appelle vulgairement Créte de coq, Passe-velours, figurait autrefois dans le catalogue des espèces usuelles. On vantait ses bons eflets contre le crachement de sang, les pertes utérines , etc. Chomel fait également l'éloge de l'Amaranthe pourpre (Celosia margaritacea, Linn.), surtout de ses semences, pour arrêter toutes sortes de cours de ventre. « J'en ar, dit- il, souvent fait l'expérience. » Sans doute il n'avait point tenu compte des insuccès. Ces deux plantes sont aujourd’hui tout-à-fait oubliées des médecins. DES PLANTES USUELLES. 239 CHÉNOPODÉES. CHENOPODEZÆ. Chenopodeæ. VenrT. DC. Atripliceæ. Juss. PHYTOLACQUE. PHYTOLACCA. Périgone à cinq divisions concaves, presque rondes , ou- vertes, réfléchies en dedans à leur sommet. Huit à vingt éta- mines; filamens terminés par des anthères arrondies et latérales. Ovaire strié ; huit à dix styles. Baie orbiculaire, creusée de huit à dix sillons, et divisée en autant de loges monospermes. PHYTOLACQUE A DIX ÉTAMINES. PHYTOLACCA DECANDRA. Phyiolacca decandra. Lin. Spec. 631. Porr. Encycl. Bot. 5. 306. DC. F1. Fr. 2237. Bot. Mag. 931. Ro. Phyt. Méd. Nouv. Éd. 105. t. 29. Cette belle plante, originaire de l'Amérique septentrio- nale, croît aujourd'hui naturellement en Espagne, en Por- tugal., en Italie, en Suisse et en France. Elle à une racine fusiforme, épaisse, charnue, succu- lente, ramifiée quand elle est vieille, d'une coulew brune en dehors, blanche intérieurement. Il s'en élève plusieurs tiges herbacées , striées, hautes de cinq ou six pieds, vertes 240 NOUVEAU TRAITÉ ou rougeâtres, garnies de feuilles et de fleurs pendant huit mois de l’année. Les feuilles sont grandes, molles , ovales, lancéolées, entières, un peu ondulées en leurs bords et ter- minées par une pointe calleuse. Les fleurs forment des grappes simples, pédonculées, opposées aux feuilles. Elles sont d'un blanc jaunâtre ou d’une couleur pourpre, à dix étamines et à dix styles. Les fruits consistent en des baies d'un noir bleuâtre, sillonnées, à dix ou douze loges renfermant des semences hémisphé- riques. On connaît cette plante herbacée sous le nom vulgaire de Raisin d'Amérique. Elle est si multipliée dans le Piémont, dans les Pyrénées , dans les Landes et quelques autres de nos départemens méridionaux, qu'on peut la regarder comme indigène. On la cultive dans les jardins, où elle brave les rigueurs de l'hiver. Elle se fait remarquer par la beauté de son feuillage et par ses grappes de fruits d’un pourpre vif. Toute la plante est imprégnée d’un principe irritant , à peine sensible lorsqu'elle est jeune, mais qui devient très vénéneux lorsqu'elle a acquis son entier développement. D'après le témoignage de Kalm et de Colden, le suc des feuilles et de la racine a produit de bons effets dans quelques cas de cancer ulcéré. Suivant quelques naturalistes voyageurs, les jeunes pousses n'ont presque point d'àâcreté ; on les mange cuites, en guise d'asperges, à la Jamaïque et dans l'Amérique septentrionale. Comme le suc des fruits est d’un très beau pourpre, on dit qu'en Portugal et dans les provinces méridionales on s’en sert pour colorer les vins. D'après les expériences de Sproegel, le suc exprimé de la plante adulte, pris à la dose d’une cuillerée, purge avec violence : le suc des fruits à les mêmes propriétés. Le doc- DES PLANTES USUELLES. 241 teur Larber, de Bassano, a également constaté l'action délétère de la Phytolacque ; mais c'est la racine qui est la partie la plus vénéneuse, surtout lorsqu'elle compte plusieurs années. Il est d'autant plus essentiel de signaler cette plante aux habitans des campagnes, que les accidens commencent à se multiplier en Italie, où elle abonde aux bords des champs et des jardins. Nous avons rapporté dans un autre ouvrage plusieurs cas d'empoisonnement recueillis par le docteur Larber. ( Voyez notre Phytographie médicale, nouv. édit. , tom. 1, pag. 307.) Voilà une plante dont il faut se défier, bien qu'elle passe généralement pour alimentaire. La racine plaît surtout aux petits enfans par sa saveur piquante; mais les principes dé- létères s'y concentrent à mesure que la plante vieillit. CAMPHRÉE. CAMPHOROSMA. Périgone en godet, à quatre divisions, dont deux alternes plus grandes. Quatre étamines saillantes. Style bifide. Cap- sule monosperme recouverte par le périgone. Fr CAMPHRÉE DE'MONTPELLIER. CAMPHOROSMA MONSPELLIACA. Camphorosma monspelliaca. LiNN. Spec. 178. DC. FI. Fr. 2279. Desr. Arbr. 1. 81. Lam. Illustr. t. 86.—Cam- phoraia hirsuta. BAuH. Pin. 486. C'est un petit arbrisseau très rameux, qui a presque l'as- pect d'une bruyère ou d'une soude. Sa racine, allongée , ligneuse, de couleur brune, pousse plusieurs tiges coton- LL. 16 249 NOUVEAU TRAITÉ ueuses, blanchâtres, étalées, hautes d'environ un pied et demi, garnies de feuilles petites, étroites, linéaires, per- sistantes, verdâtres, fasciculées, et d’une odeur aroma- tique. Les fleurs sont très petites, d’un vert blanchâtre, pu- bescentes en dehors, disposées par paquets axillaires le long des rameaux : elles s’épanouissent en été. Les terrains sablonneux de l'Espagne , du Languedoc et de la Provence produisent abondamment cette plante. On la trouve aux environs de Montpellier. Toutes ses parties exhalent une odeur de camphre, d'où lui vient le nom de Camphorosma. On la perpétue de boutures et de marcottes. Dans le nord de la France, il faut l'abriter dans l’orangerie. La Camphrée de Montpellier n’a été connue comme plante usuelle ou médicinale que dans le seizième siècle. Lobel en a le premier fait mention. Burlet, médecin de Paris, en a parlé long-temps après dans les Mémoires de l’Académie des Sciences. Sa saveur chaude, un peu âcre, son odeur aroma- tique, qui se rapproche de celle du camphre, l'huile essen- tielle dont elle est imprégnée, annoncent de grandes vertus, et pourtant elle est dédaignée de nos pharmacologues. L'infusion vineuse de la plante a été utile dans l'hydro- pisie, dans les affections catarrhales du poumon et dans l'asthme humide. On a également constaté son action em- ménagogue. Son infusion aqueuse est plus douce ; on peut la donner pour exciter légèrement les voies digestives et l'ap- pareil urinaire. DES PLANTES USUELLES. 243 Infusion de feuilles de Camphree. Prenez : feuilles de Camphrée de Montpellier, deux ou trois gros; eau bouillante, une livre. Laissez infuser pen- dant dix ou quinze minutes. On prend cette infusion théiforme par petites tasses, avec un peu de sucre ou un peu de miel de Narbonne. Lorsqu'on veut exciter plus particulièrement le système pulmonaire, on y ajoute de l'oxymel scillitique. Cette plante précieuse abonde sur nos plages maritimes du Midi, et on peut la multiplier à volonté. On devrait la préférer à plusieurs médicamens exotiques plus dispendieux et peut-être moins efficaces. SALICORNE. SALICORNTA. Périgone entier, ventru , tétragone. Une à deux étamines. Un style à deux stigmates. Une semence recouverte par le périgone renflé. SALICORNE HERBACÉE. SALICORNIA HERBACEA. Salicornia herbacea. Lin. Spec. 5. Porr. Encycl. Bot. 6. 459. DC. F1. Fr. 2276. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. FT. Dan. t. 803. Salicornia Europæa. Gou. Hort. Monsp. 2 Sa tige est herbacée, charnue, haute de dix Srdlnre pouces, verte dans toute sa longueur, divisée en rameaux opposés, articulés, un peu comprimés au sommet. 944 NOUVEAU TRAITÉ Les fleurs naissent à l’aisselle des articulations supérieures. Elles sont petites, sessiles, serrées, réunies au nombre de trois ; le calice, presque membraneux, lésèrement tétragone, renferme une et très souvent deux étamines. Le style est court, le stigmate un peu bifide. Cette plante croît sur toutes les côtes de l'Océan et de la Méditerranée. M. Decandolle l’a trouvée en abondance dans les marais salés de Lorraine, entre Dieuze et Moyenvic ; Lapeyrouse l'a observée à Bayonne et dans les Pyrénées orientales, le long de la côte. Elle a un goût salé, un peu piquant. Ses rameaux, tendres et charnus, se mangent en salade dans tous les pays mari- times. On les confit au sel et au vinaigre, comme les cor- nichons. C'est un assaisonnément antiscorbutique et de bon goût. Les troupeaux recherchent avec avidité cette espèce de Salicorne. On l'appelle Passepierre dans la Lorraine; mais il ne faut point la confondre avec une autre plante, le Crithmum maritimum , qu’on nomme également Passepierre, et qui appartient à la famille des Ombellifères. SALICORNE LIGNEUSE. SALICORNIA FRUTICOS A. Salicornia fruticosa. Linn. Spec. b..DC. FL Fr. 2277. Por. Encycl. Bot. 6. 458. DEsr: Arbr. 1. 86. Lam. Hllustr. t. 4. £. 2. Cette espèce a de grands rapports avec la précédente ; mais Sa tige est ligneuse, grise et beaucoup plus élevée. Elle se divise en rameaux cylindriques, charnus, droits, DES PLANTES USUELLES. 117225 composés d'un grand nombre d'articulations courtes, très serrées, échancrées au sommet. Les fleurs sont disposées dans les articulations supérieures, où elles forment par leur réunion un épi droit, cylindrique et terminal. Le calice renferme une ou deux étamines. Le style est allongé, saillant hors du calice. La Salicorne ligneuse croît dans le sable, sur les côtes maritimes de l’Europe australe. Elle est également antiscor- butique, et on mange ses jeunes rameaux en salade ou con- fits au vinaigre. Les Salicornes donnent en outre, par l’incinération, une substance saline, connue sous le nom de soude. SOUDE. SALSOLA. Périgone à cinq divisions profondes. Cinq étamines. Ovaire globuleux, surmonté de deux ou trois styles courts. Une se- mence roulée en spirale sur elle-même, recouverte par le périgone persistant. SOUDE COMMUNE. SALSOLA SOD A. Salsola soda. Lin. Spec. 323. DC. F1. Fr. 2273. Pour. Encycl. Bot. 7. 285. JAco. Hort. Vinp. t. 68. — Kali Majus. BAUH. Pin. 289. Sa tige, glabre, cylindrique, un peu rougeâtre, haute d'un pied et plus, se divise en rameaux étalés , garnis de feuilles sessiles , alternes , charnues, étroites, linéaires, lon- gues de deux à trois pouces. Les fleurs sont d'un blanc terne, solitaires dans les ais- 246 NOUVEAU TRAITÉ selles des feuilles supérieures. Le calice est à cinq décou- pures profondes , concaves, obtuses, persistantes. Les fruits, un peu arrondis, renferment une seule graine noirâtre, roulée en spirale. Cette plante croît dans les lieux sablonneux, sur les ri- vages de l'Océan et de la Méditerranée ; elle fleurit en été. Ses feuilles sont charnues, succulentes, d'un goût un peu salé, mais point désagréable. On les mange en compote ou confites au vinaigre. Les moutons en sont très avides. La Soude kali ( Salsola kali, Linn.) et quelques autres espèces servent aussi d'aliment dans les pays maritimes. Elles devraient faire partie du régime antiscorbutique. On peut les confire au vmaigre et les conserver pour l'hiver. Les Soudes végètent sur les rivages de la mer et dans les marais salans. Ainsi que les salicornes, elles donnent par la combustion un sel connu sous le nom de barille ou de soude. On les fauche, on les laisse sécher aux deux tiers, puis on les amoncelle sur des fosses creusées dans la terre , et on y met le feu : le sel se dégage ei se réunit au fond des fosses. | On cultive les Soudes en grand pour les arts et les manu- factures. On les mulüplie de drageons , de boutures et de se- mences. Ces plantes, au reste, ne donnent presque plus de soude lorsqu'elles sont cultivées lom de la mer. On à accueilli dans les potagers deux plantes de l'Inde qui portent le nom de Baselle rouge et de Baselle blanche (Ba- sella rubra, Basella alba, Liun.). On les appelle aussi Épi- nards d Amérique, parce qu'on mange leurs feuilles cuites et apprêtées comme nos épinards. Elles ont des tiges volubiles, rouges ou blanches, garnies de feuilles alternes, ovales, charnues , rouges ou verdâtres. DES PLANTES USUELLES. 247 On les sème, au printemps, sur couche, et on les repique en pleine terre, à une bonne exposition. On en récolte les feuilles comme celles des épinards. Les graines mürissent très bien, et les fruits donnent un suc d'un pourpre superbe. On cultive au Malabar la Baselle à feuilles en cœur (Ba- sella cordifolia, Lam.). Cette espèce est charnue, succu- lente, d’une saveur qui se rapproche de celle de la poirée. On mange ses feuilles cuites et mêlées avec d'autres plantes potagères. Enfin les racines de la Baselle tubéreuse (Basella tube- rosa, Bonpl.) sont usuelles près de Popayan. On dit même que cette nourriture rend les femmes très fécondes. CHÉNOPODE. CHENOPODIUM. Périgone à cinq divisions. Cinq étamines. Un style bifide; deux ou trois stigmates. Une graine ovoïde, enveloppée par le périgone, formant cinq angles. CHÉNOPODE BOTRYS. CHENOPODIUM BOTRFS. Chenopodium botrys. Laxnn. Spec. 320. Lam. Encycl. Bot. 1. 194. DC. FL. Fr. 2262. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 129. Tour. FI. Toul. 98. BLAcKkwW. Herb. t. 314. Cette espèce, un peu visqueuse dans toutes ses parties, à une tige droite, rameuse, velue, haute d'environ un pied. Ses feuilles sont pétiolées, pubescentes, verdâtres des 248 NOUVEAU TRAITÉ deux côtés, oblongues, sinuées, semi-pinnatifides, à lobes émoussés et anguleux. Les fleurs sont très petites, disposées en grappes maine. à la partie supérieure des rameaux. Le Chénepode botrys habite les lieux sablonneux des pro- vinces méridionales, où ses fleurs s'épanouissent vers le mois de juillet. On le trouve, dans les terres incultes, aux envi- rons de Perpignan et de Toulouse. On a donné aux plantes de ce genre le nom de Chenopodium (Patte d'oie), parce que leurs feuilles, larges et anguleuses, ont quelque ressem- blance avec la patte palmée de l'oie. Il se fait remarquer par une odeur forte, balsamique, par une saveur chaude, un peu amère. D'après Cartheuser, il contient une petite quantité d'huile volatile. On donnait autrefois son infusion théiforme aux asthmatiques, aux ma- lades affectés d'une sorte de toux catarrhale, etc. Aujour- d'hui cette plante est presque entièrement oubliée des méde- cins. Murray et Peyrilhe se plaignent avec raison de cet oubli. L'infusion de ses feuilles est un assez vif stimulant qu'on peut donner aux femmes dont les fonctions utérines sont irréoulières par une sorte de faiblesse organique. Cette même boisson, un peu sucrée, réveillera également les forces languissantes de l'estomac. On la recommande aux hypochon- Eur res tourmentés par les vents. Le docteur Bodard et autres économistes ont voulu rem- placer le thé de la Chine par le Botrys. Il ny à aucune analogie de goût entre ces deux productions végétales. L'es- pèce suivante serait plus propre à cette substitution. On assure que l'odeur pénétrante du Chenopodium botrys met en fuite les teignes. | DES PLANTES USUELLES. 249 CHÉNOPODE AMBROISIE. CHENOPODIUM AMBROSIOIDES. Chenopodiun ambrosioides. Lin. Spec. 320. Lam. Encycl. Bot. 1. 195. DC. FL Fr. 2263. Lapeyre. Plant. Pyr. 1. 129. Tour. F1. Toul. 99. REGN. Bot. t. 75. Sa racine, oblongue et fibreuse, pousse une tige droite, cannelée, rameuse, haute d’un à deux pieds, garnie de feuilles lancéolées , amincies aux deux extrémités, verdâtres, dentées dans leur moitié supérieure. Les fleurs sont d’une couleur herbacée, disposées par pa- * quets sessiles à l’aisselle de toutes les feuilles des rameaux et du sommet de la tige. Cette plante, qu’on dit originaire du Mexique, se trouve, soit mdigène , soit naturalisée, en Portugal, en Espagne et en France. Lapeyrouse l’a observée à Perpignan, sur les murs ; aux bains d'Ussat, et à Toulouse, dans les prés, le long de la Garonne. On peut la multiplier à volonté dans les jardins , où elle se sème d'elle-même. Son agréable parfum lui a velu le nom de Thé du Mexi- que, d'Ambroisie du Mexique. Quelques amateurs préfèrent son infusion au thé de la Chine. Elle est fort agréable, et ré- veille doucement la sensibilité nerveuse. Ses propriétés sont les mêmes que celles du Chenopodium botrys. Une autre espèce porte le nom de Chénopode anthelmmn- tique ( Chenopodium anthelminticum, Linn.). On la cultive dans quelques jardins pour ses propriétés vermifuges. Elle 250 NOUVEAU TRAITÉ répand une odeur forte, très aromatique. Gilibert assure que la poudre de ses feuilles est un excellent remède contre les vers. On retrouve la mème vertu anthelmintique dans une espèce très commune dans les lieux incultes, dans les décom- bres, au bord des chemins. On l'appelle Chénopode fétide (Chenopodium vulvaria). Ses tiges sont rameuses, rampantes, garnies de feuilles pétiolées, ovales, rhomboïdales, couvertes d'une poussière farimeuse qui leur donne un aspect blanchâtre et un peu glau- que. Les fleurs forment de petites grappes courtes au sommet des rameaux et à l’aisselle des feuilles. Le Chénopode fétide contient de l'albumine, de l'osma- zome, une résine aromatique, une matière amère soluble à l'eau et à l'alcohol, du sous-carbonate d'ammoniaque libre et du nitre. Jadis fort renommé comme antispasmodique , emménagogue et vermifuge, il est maintenant tout-à-fait abandonné. On peut, au reste, le remplacer aisément par d'autres plantes indigènes d'une odeur moins désagréable. CHÉNOPODE BON HENRL. CHENOPODIUM BONUS HENRICUS. Chenopodium bonus Henricus. Linn. Spec. 318. Lam. Encycl. Bot. 1. 293. DC. FL Fr. 2255. Lam. [llustr. t. 181. f. 1. F1. Dan. t. 579. Sa tige est droite, cannelée, rameuse, glabre, un peu farineuse, comme pulvérulente. Ses feuilles sont pétiolées , triangulaires, en fer de flèche, un peu ondulées, d'un gros vert en dessus, farineuses en dessous comme la tige. DES PLANTES USUELLES. 251 Les fleurs , quelquefois dioiques, forment une sorte de grappe droite, nue et pyramidale. Cette plante fleurit en été, et se trouve communément dans les lieux incultes, au bord des chemins. On l'appelle Épinard sauvage, Toute bonne, bon Henri. Dans les campagnes , on mange les feuilles comme les épi- nards, et les jeunes pousses en guise d'asperges. C'est une nourriture peu substantielle, mais relächante. Elle convient aux personnes constipées. Le suc de la plante, donné à la dose de quatre onces, purge comme la manne. Les feuilles, contuses et réduites en une sorte de liniment avec du beurre frais, apaisent, dit-on, les douleurs hémor- rhoïdales et goutteuses. Ce remède n’est point dangereux, on peut en essayer. Le Chénopode blanc ( Chenopodium album, Linn.) est aussi alimentaire. On le mange dans les bouillons , dans les potages, comme l'arroche des jardins. La tige, haute d’un à deux pieds, porte des feuilles ovoides, rhomboïdales, ob- tuses, d'un vert terne, dentées irrégulièrement, entières à leur bord inférieur. Les fleurs sont disposées en grappes courtes , ramassées ; les graines comprimées, de forme ovoïde. Cette espèce croit abondamment dans les lieux cultivés, dans les champs, au bord des chemins. On applique égale- ment la pulpe de ses feuilles sur les membres goutteux. Les vaches, les chèvres, les moutons, broutent volontiers le Chénopode blanc. Les paysans de la Lombardie mangent le Chénopode vert (Chenopodium viride, Linn.) avec le fromage. On voit que chaque pays à ses ragoûts. Les bestiaux le recherchent également. 252 NOUVEAU TRAITÉ Le Chénopode quinoa (Chenopodium quinoa, Humb. et Bonpl.) sert à la nourriture de l'homme au Pérou et au Chili. Dombey dit qu'on le mange sous le nom de Quinoa ou petit Riz du Pérou. ARROCHE. ATRIPLEX. Fleurs polygames. Fleurs hermaphrodites : périgone à cinq divisions, Cinq étamines. Style bifide. Une graine comprimée. Fleurs femelles : périgone à deux divisions appliquées l’une contre l’autre, grandissant après la floraison. Style et se- mence comme dans la fleur hermaphrodite. ARROCHE DES JARDINS. ATRIPLEX HORTENSIS. Airiplex hortensis. Linx. Spec. 1493. Lam. Encycl. Bot. 1. 276. DC. FL Fr.\2954. — AÆtriplex. BLACKW. Hort. t. 99, C’est une plante vulgaire qu'on cultive dans tous les Jar- dins potagers, et qui est, dit-on, originaire de l'Asie. Elle a une tige herbacé, droitee, rameuse, glabre, striée, haute de trois à quatre pieds. Les feuilles sont alternes, pétiolées, molles, lisses, oblongues, presque triangulaires, d'un vert pâle ou jaunâtre, un peu farineuses dans leur jeunesse. Les fleurs, nombreuses, petites et verdätres, forment des épis imterrompus au sommet de la plante. Les semences sont comprimées, renfermées entre deux valves arrondies, mem- braneuses, comme réticulées. DES PLANTES USUELLES, 2353 Les jardiniers appellent cette espèce d'Arroche Belle-dame, Bonne-dame, Follette. On en distingue une variété dont les tiges et les feuilles sont purpurines; mais la première est préférée pour l'usage culinaire. Tous les terrains cultivés conviennent à la Belle-dame ; elle y végète vigoureusement. On la sème ordinairement en mars et avril, par rayons ou à la volée, et à toute expo- sition. Cette plante potagère a une saveur fade, herbacée. Elle est peu nutritive, mais elle rafraîchit, tempère, relâche les membranes digestives échauflées, irritées. On la donne, mêlée avec l’oseaille, dont elle corrige le goüût trop acide, aux tem- péramens chauds, biieux ou sanguins. La cuisinière ne doit jamais oublier la Belle-dame dans la soupe aux herbes si son maître est mélancolique, emporté, s'il va difficilement à la garde-robe. La Belle-dame, la taitue, la porrée, l’oseille et le jarret de veau, voilà de quoi faire de l'excellent bouillon. En le continuant trois ou quatre jours, on sera dispensé de prendre médecine. Ce bouillon est égale- ment utile à ceux qui urinent difficilement, qui souffrent des reins et de la vessie. Les graines de la Belle-dame ne sont point émollientes comme les feuilles, car on dit quelles purgent vivement et font vomir. Mathiole cite un apothicaire qui en donnait en- viron un gros aux paysans pour les purger. Ces graines les purgeaient vigoureusement, mais avec beaucoup de douleur et de fatigue. Gilibert a voulu en faire l'épreuve sur lui-même. Un gros n'a produit ni purgation, n1 nausées, ni flatuosités. Le même jour il a dogblé la dose des graines, sans en éprouver le moindre effet. Ainsi, quand on a nié l'action purgative et émétique des semences de l'Arroche des jardins, on a eu rai- 254 NOUVEAU TRAITÉ son; cependant il pourrait arriver que quelqu'un fût bien purgé après avoir pris des semences vieilles ou rances. Si l’homme mange cette plante comme la poirée et les épi- nards, s’il en fait des potages rafraîchissans , elle ne plaît pas moins aux bestiaux. Elle pourrait même, par la rapidité de sa croissance, être d'une grande ressource dans les campa- gnes, aux époques où manquent assez souvent les fourrages ordinaires. ARROCHE HALIME. ZTRIPLEX HALIMUS. Atriplex halimus. Lann. Spec. 1492. Lam. Encycl. Bot. 1. 274. DC. FL Fr. 2244. DEsr. Arbr. 1. 85. LaAPpryr. Plant. Pyr. 2. 614. DuxAM. Ârbr. 1. 85. t. 32. C'est un assez joli arbrisseau qui s'élève à la hauteur de cinq ou six pieds, et qui se distingue par la couleur glauque et argentée de son feuillage. Ses rameaux sont grèles, nombreux, touffus, garnis de feuilles alternes, pétiolées, rhomboïdales ou deltoides, un peu charnues , d’une teinte argentée, et persistantes pendant l'hiver. Les fleurs, d’une couleur jaunâtre, naissent en petites srappes nues et terminales. Il croît naturellement dans les lieux maritimes et sablon- neux, en Espagne, en Portugal, en Italie et en France. On le trouve dans les Pyrénées orientales, à Collioure. On propage cet arbrisseau de drageons, de boutures et de semences. Il aime les terrains légers, sablonneux, exposés au midi. Comme il est très touflu, on peut en former des haies. Ses feuilles sont alimentaires ; on les confit dans la sau- mure pour les manger en salade. DES PLANTES USUELLES. 20: Qt 2 ARROCHE POURPIER. ATRIPLEX PORTULACOIDES. Atriplex portulacoides. Lan. Spec. 1493. Lam. Encycl. Bot. 1. 274. DC. F1. Fr. 2245. Desr. Arbr. 1. 85. — Portulaca marina. Dobon. Pempt. 771. Icon. C'est un sous-arbrisseau diffus, haut d'environ un pied et demi, dont la tige se divise, presque à sa base, en rameaux grèles, faibles, feuillés et blanchâtres. Les feuilles sont d'une consistance charnue, opposées, ovales, lancéolées, obtuses, d'une couleur glauque ou argentée. Les fleurs sont termi- nales, disposées en épis grêles et rameux. Cette espèce d'Arroche croit également sur les bords de la mer. On la trouve aux environs du Havre, de Nantes, de La Rochelle, de Montpellier, etc. On la cultive dans les jardins. On mange ses jeunes pousses et ses feuilles en salade comme le pourpier; elles excitent l'appétit par leur goùt pi- quant, un peu salé. On les confit également dans le vinaigre comme les câpres et les capucines. Cette espèce d’assaisonne- ment plait beaucoup aux Anglais et aux Hollandais. 256 NOUVEAU TRAITÉ ARROCHE DES RIVAGES. ATRIPLEX LITTORALIS. Atriplex littoralis. Linn. Spec. 1494. Lam. Encycl. Bot. 1. 275. DC. F1. Fr. 2253. Lapeyre. Plant. Pyr. 2. 615. Mér. Nouv. FI. Par. 162. GMEL. Siber. t. 14. f. 2. Sa tige est droite, striée, très rameuse , haute d'un à deux pieds, garnie de feuilles alternes, étroites, linéaires, presque sessiles, d'un vert clair, entières, ou pourvues de quelques dents peu prononcées. Les fleurs, petites, jaunâtres ou d'un blanc sale, forment des épis fort grêles au sommet de la tige et des rameaux. Les valves séminales sont ovales, aiguës, inégalement sinuées sur les bords, rugueuses à la surface extérieure. Cette plante croît naturellement aux bords de la mer, ou non loin des côtes. Elle végète aussi dans l'intérieur des terres. Willemet l’a observée dans les marais de Dieuze et de Château-Salins ; Lapeyrouse, à Foo, sur les bords de la Ga- ronne; Dubois, dans les champs de Cassines, près d'Orléans ; Vaillant, Mérat et Chevallier, aux environs de Paris. Ses feuilles et ses jeunes pousses sont également alimen- taires. On les confit dans la saumure ou dans le vinaigre. Dans quelques provinces on les mange en salade sous le nom de Pourpier marin. L’Arroche de Hermann ( Atriplex Hermanni), décrite par Willemet, a les mêmes propriétés. Jeune, on la mange en potage, ou cuite comme les épinards. Cette belle plante se reproduit de graines, sans culture. DES PLANTES USUELLES. 25 a | BLETTE. BLITUM. Périgone à trois divisions. Une étamine. Deux styles. Fruit monosperme, arrondi, recouvert par le périgone qui devient succulent comme une baie. BLETTE EN TÊTE. BLITUM CAPITATUM. Blitum capitatum. ann. Spec. 7. Lam. Encycl. Bot. 1. 431. DC. F1. Fr. 2939. Port. et Turpe. F1. Par. t. 3. Bot. Mag. 276. Sa tige est droite, herbacée, glabre, un peu rameuse, haute d'environ un pied. Ses feuilles sont alternes, pétiolées, triangulaires, dentées en leurs bords, lisses, vertes, à peu près semblables à celles des épinards. Les fleurs sont axillaires, d’un blanc verdâtre, peu appa- rentes, agglomérées en tête arrondie. Le périgone devient rouge et pulpeux en mürissant, ce qui lui donne l'apparence de la fraise. Cette plante, originaire du Tyrol, se trouve en France, dans les lieux humides et cultivés, surtout dans le voisinage des jardins. Elle croît également en Suisse. On la cultive dans les ‘potagers sous le nom d’Épinard-fraise. Son fruit ressemble en eflet à la fraise, mais il s’en faut bien qu'il en ait le goùt et le parfum. Les feuilles sont émollientes, rafraîchissantes ; on les mange comme celles des épinards et des arroches. I. 17 258 NOUVEAU TRAÎTÉ Les feuilles de la Blette eftilée (Blitum virgatum. Linn.) sont également alimentaires. Cette espèce croit dans les mêmes lieux. On la reconnait à ses tiges hautes de huit à dix pouces, anguleuses, rameuses, feuillées dans toute leur lon- sueur, hautes de huit à douze pouces; à ses feuilles alternes, lisses, lancéolées, un peu triangulaires, pendantes, irrégu- lièrement dentées ; à ses fleurs axillaires, pelotonnées, vertes, puis pulpeuses et d'un rouge foncé comme les mûres. BETTE. BETA. Périgone à cinq divisions, uu peu adhérent à l'ovaire par sa base. Cinq étamines. Deux styles. Fruit réntforme, recou- vert par le périgone qui s'endurcit et simule une capsule. BETTE COMMUNE. BETA VULGARIS. Beta vulgaris. Lin. Spec. 322. Lam. Encycl. Bot. 1. 412. DC. F1. Fr. 2241. BAz8. FI. Lyon. 1. 603. CHE. FIL. Par. 2. 378. BLackW. Herb. t. 235. Cette plante est cultivée dans les jardins potagers et dans les champs. On en distingue deux variétés principales : la Betterave; dont la racine est épaisse, charnue, rouge, jaune ou blanche; et la Poirée, quia une racine dure et cylindrique. La tige est anguleuse, rameuse, glabre, haute de deux ou trois pieds. Les feuilles sont grandes, ovales, échancrées en cœur à la base, molles, succulentes, plissées sur les bords, d'un vert blanchôtre, ou rouges suivant les variétés. Les fleurs sont petites, sessiles, d’une couleur herbacée, ramassées trois ou cinq ensemble dans les aisselles des DES PLANTES USUELLES. 259 feuilles supérieures, où elles forment des épis grêles et peu serrés. La variété cultivée sous le nom de Poirée croît naturelle- ment dans l'Europe australe, sur les bords de la mer. Ses feuilles sont blanches, d'un vert très pâle ou rouges. On n’em- ploie guère dans les cuisines que la petite Poirée verte ou la petite Poirée blonde, dont on mange les feuilles, soit seules, soit mêlées à d'autres herbes potagères. La culture de la Poirée est facile. On la sème en bordures, en planches, par rayons ou à la volée, soit à demeure, et alors on éclarcit les plants, soit pour être repiquée lorsque les plants ont acquis assez de force. On sarcle, on arrose au besoin, et on coupe souvent les feuilles pour en faire pousser de plus tendres et de plus succulentes. On peut semer la Poirée depuis le mois de mars jusqu'au mois d'août. Ce dernier semis rapporte abondamment au printemps suivant, mais il faut le couvrir pendant les gelées. On distingue une sous-variété, appelée Poirée à cardes, dont les côtes plus tendres et plus fortes se cuisent à l’eau salée et se mangent comme les asperges, les cardons, le cé- leri. On a également obtenu par la culture des Poirées à cardes rouges et jaunes, d'une teinte très vive, à côtes trans- parentes, mais moins fines que la première sous-variété. On sème la Poirée à cardes pour les deux saisons, c’est-à-dire en mars et vers la fin de juillet, dans une terre profonde, chaude et substantielle. On la repique à huit pouces de dis- tance en tout sens, et on la couvre avec de la terre sèche pen- dant les gelées, comme les artichauts. La Poirée et ses variétés ont une saveur douce, aqueuse. La médecine domestique les mêle avec quelques autres plantes oléracées, pour en faire des bowillons tempérans et laxatifs. Ces bouillons, où l'on a fait cuire du veau ou du 260 NOUVEAU TRAITÉ poulet, offrent une alimentation légère, remédient à la con- stipation, calment les ardeurs d'urine, favorisent les fonc- tions des reins. Ils sont salutaires aux graveleux, aux hypo- chondriaques , aux personnes habituellement constipées , échauffées. L'art culinaire ne dédaigne point cette herbe un peu vul- gaire de nos jardins; il sait la mettre à profit en mêlant ses feuilles avec l’oseille dont elles modifient la saveur acide. Chez les Romains , la Bette ou Poirée n'était pourtant pas regardée comme un aliment délicat. Elle servait souvent aux forgerons à qui la chaleur du feu resserrait le ventre. Comme elle a un goût assez fade, Martial, qui fait quelquefois le friand, conseille de l'assaisonner avec du vin et du poivre. Ut sapiant fatuæ fabrorum prandia betæ, O quam sæpe petat vina, piperque cocus ! ( Ericr., lib. 13.) La variété qu'on appelle Betterave a plusieurs sous-variétés qui diffèrent par la couleur de la racine. La première est la grosse Betterave rouge généralement cultivée. Toute la plante a une couleur vineuse; sa racme, imprégnée d’un suc couleur de sang, devient, suivant le sol, d'une grosseur considérable. Aux environs de Saint-Omer, M. Defrance de Tilques a obtenu une Betterave pesant vingt- deux livres et demie. En 1836, on a récolté, à Bergues, une Betterave encore plus volumineuse. Celle-c1 pesait trente- quatre livres deux onces. La seconde est la petite Betterave rouge, ou Betterave de Castelnaudary. Elle ne diffère de la précédente que par la petitesse de ses feuilles et de ses racines. Les feuilles sont DES PLANTES USUELLES. 261 moins allongées, moins grandes, moins foncées en couleur ; sa racine est un peu moins arrondie, plus délicate et d'un goût qui tient de celui de la noisette. La troisième est la Betterave jaune. La racine, la côte des feuilles, et leurs nervures sont jaunes en dedans et en dehors ; mais la feuille est d’un beau vert et très délicate. La racine est quelquefois irrégulièrement fouettée de rouge intérieure- ment. Il faut la manger de bonne heure si l'on veut qu'elle ne perde rien de sa qualité. Elle est beaucoup plus sucrée que la rouge. La Betteraye blanche est une autre sous-variété fort infé- rieure aux précédentes. Elle a un goût plus fade, plus aqueux. Enfin on distingue encore la Betterave champêtre ou Ra- cime d’abondance , Racine de disette. Les Anglais la nomment Turlips. C'est une simple variété de la Betterave cultivée en Allemagne, et que M. l'abbé Commerell a fait connaître en France. Elle diffère peu de la Betterave potagère. Ses racines servent de nourriture aux bestiaux pendant l'hiver. On mange ses feuilles comme les épinards. On sème la Betterave pendant tout le mois de mars dans les départemens du midi, au commencement d'avril dans l'in- iérieur, et à la fin dans les provinces septentrionales et les pays élevés. Le point capital, est de semer quand on ne craint plus les gelées. Cette plante craint le froid. Elle demande une terre profonde, légère, chaude, sans sécheresse. On sème la graine à la volée, ou en rayons séparés d’un pied six pouces les uns des autres. Lorsque les jeunes plantes ont poussé cinq ou six feuilles, on les éclaircit, mais à des reprises diflé- rentes, afin de pouvoir regarnir les vides , si par quelque ac- cident des pieds viennent à mourir. La récolte se fait vers le commencement de novembre. 262 NOUVEAU TRAITÉ On coupe les feuilles pour les bestiaux ; on lave les Betteraves, on les essuie, et on les laisse deux ou trois jours exposées à l'action du soleil. On les porte ensuite dans la serre ou dans un lieu sec et à l'abri des gelées, et on les amoncelle les unes sur les aufres. l Les feuilles de la Betterave ont peu de sapidité; cependant, lorsqu'elles sont jeunes et tendres, on peut les manger en guise d'épinards. On mange également en salade les jeunes pousses que les racines jettent en hiver, dans la cave ou la serre. La racine contient un principe mucilagineux et sucré qui la rend nourrissante. On la fait cuire à l’eau , au four ou sous la cendre. C’est un aliment sain, convenable surtout aux tempéramens chauds, irritables. On la mange comme hors-d'œuvre, confite avec du sel et du vinaigre, ou en salade, avec la mache, surtout avec le céleri qui la parfume agréablement. Quelques amateurs, et je suis du nombre, aiment avec la chicorée étiolée, qu’on appelle Barbe de capucin. L’amertume de la chicorée relève le goût un peu fade de la Betterave, et celle-ci, à son tour, adoucit légèrement la chicorée. Cette salade, habilement assaisonnée, rafraichit, ranime l'estomac, et lui porte secours s'il s'est un peu oublié, mais il faut en manger modérément, et boire par-dessus un petit coup de bon vin. Les campagnards préparent avec la Betterave et le lait un mets qui ne déplairait peut-être pas à la ville. On coupe en rondelles une ou deux Betteraves cuites au four où sous la cendre; on les fait mijoter avee du beurre, on les assaisonne de poivre, de sel et de fines herbes, on ajoute une petite pincée de farine, on les saute, et on les mouille avec de la crème ou du lait chaud. Nous lisons dans plusieurs Manuels ou Recueils écono- DES PLANTES USUELLES. 263 miques, qu'on obtient d'excellent café en mêlant à du café Mar- tinique de la racine de Betterave en poudre. Voici cette mé- thode. Café de Betterave. On coupe par petits morceaux des Betteraves jaunes; on les fait sécher au feu avec l'attention de ne pas trop les rôtir, et on les pulvérise sur-le-champ; froides, on aurait de la peine à les réduire en poudre. On mêle cette poudre avec une égale quantité ou un tiers de café Martinique, et on en fait une décoction qui exige beaucoup moins de sucre que le café ordinaire. Le lecteur connaît men opinion sur tous ces cafés écono- miques, et j'ai peut-être trop cherché à influencer la sienne : je ne serais pas fàché quil essayât de ce café de Betterave, que M. Vinnen de Coblentz nous donne comme une boisson d'un très bon goût, et comparable au vrai café. Mais sil n'y a point de café dans la Betterave, il y a du sucre , et grâce aux expériences du célèbre chimiste Margraff et de M. Achard, nous n'avons pas besoin de cultiver la canne à sucre dans nos provinces méridionales, notre sucre indi- gène vaut celui des Colonies. La Betterave contient quatre- vingt-dix-huit pour cent de son poids de jus. M. Clément a obtenu ce poids, uniquement en usant une Betterave sur une meule à repasser les couteaux. La Betterave n'occupe le sol que six mois, pendant que la canne à sucre l’occupe quinze et vingt. Quarante mille hectares en Betteraves pourraient donner un produit annuel de soixante milliers de kilogrammes de sucre. Nous parlerons des propriétés économiques et mé- dicinales de cette précieuse substance à la famille des Gra- iminees. 264 NOUVEAU TRAITÉ Indépendamment du sucre, la racine de Betterave qu'on a fait fermenter donne de l’alcohol à la distillation. En Li- thuanie, on réduit la pulpe de Betterave à l’état de fermen- tation acéteuse, Cette pulpe, convenablement acommodée, est très agréable au goût. On la regarde comme un préservatif des fièvres putrides et des affections scorbutiques. Enfin, la Betterave fournit une nourriture très saine à tous les bes- tiaux, surtout aux vaches, dont elle rend le lait plus abon- dant et plus crémeux. ÉPINARD. SPINACIA. Fleurs dioïques. Fleurs mâles : périgone à cinq divisions. Cinq étamines. Fleurs femelles : périgone à deux, trois ou quatre divisions. Quatre styles. Fruit monosperme, recouvert par le périgone qui persiste et grandit après la floraison. ÉPINARD CORNU. SPINACIA SPINOSA. Spinacia spinosa. MoEënc. Meth. 318. DC. F1. Fr. 2949. CHEv. F1. Par. 2. 378. — Spinacia oleracea. Lin. Spec. 1456. Lam. Encycl. Bot. 2. 377. Iliustr. t. 814. Tout le monde connaît cette plante, qu'on dit originaire des climats tempérés de l'Asie, et qu'on cultive depuis plu- sieurs siècles dans tous les jardins potagers. On en distingue deux espèces ou variétés, une à fruits épineux, une autre à fruits sans épines ou sans cornes. L'Épinard cornu offre une tige droite, rameuse, glabre, cannelée, blanchâtre, haute d’un à deux pieds. Les feuilles DES PLANTES USUELLES. 265 sont pétiolées, molles, glabres, d'un beau vert, taillées en fer de flèche, et souvent incisées vers la base. Les fleurs sont excessivement petites, nombreuses, ver-- dâtres, agglomérées dans les aisselles des feuilles supérieures ; le périgone persiste autour de la graine, et se prolonge en deux, trois ou quatre cornes aiguës et divergentes. Il est probable que cette espèce a été la première connue. On lui a donné le nom de Spinacia (spina, épine), des rudes épines dont la semence est armée. On a acquis, par la culture, une variété à graines piquantes et à très larges feuilles. Cette variété, plus succulente que l'Épinard commun, supporte fa- cilement l'hiver. ÉPINARD INERME. SPINACIA INERMIS. Spinacia inermis. MoEencx. Meth. 318. DC. F1. Fr. 2243. CHEV. FL Fr. 2. 379. — Spinacia oleracea. Lan. Spec. 1456. Lam. Encycl. Bot. 2. 377. Moris. Hist. 2. Secn5 11302179. Cette espèce diffère de la précédente par ses feuilles plus grandes, plus épaisses, et surtout par ses fruits ovoides en- tièrement dépourvus de cornes, disposés par paquets axil- laires , tantôt sessiles, tantôt pédicellés. On la cultive sous le nom de Gros Épinards, Épinards de Hollande. Elle se reproduit constamment de graine sans mélange, et supporte moins bien le froid que l'Épinard cornu. Les Épinards se propagent de graines qu'on sème sur une planche bien amendée et bien labourée, en rayons espacés de six pouces, au midi à l'automne et au premier printemps, à l'ombre et au nord dans les mois les plus chauds. Ils aiment 266 NOUVEAU TRAITÉ beaucoup l'eau; 1l faut donc ne pas l’épargner, si la saison la refuse ; les feuilles en seront plus tendres et cuiront mieux. Cette plante, inconnue aux anciens , et dont les botanistes modernes ignoraient la station, à été trouvée dans la Tar- tarie avec l'estragon et l'arroche des jardins, où ces espèces croissent spontanément. ( Linn. Amæn. acad. dissert. Culina mulata. Les Épinards ne vont guère chez le pharmacien , leur place est dans la cuisine, C'est la première nourriture que les mé- decins accordent aux convalescens après les inflammations abdominales, parce qu’elle est légère et aqueuse, parce qu'elle humecte, rafraichit, relâche les tissus gastriques, et glisse pour ainsi dire sur les intestins. Lorsque les chaleurs de l'été ont été excessives, les per- sonnes d'un tempérament sec, bilieux, ardent ou mélan- colique, éprouvent à l'automne des chaleurs d'entrailles, une constipation rebelle qu'elles cherchent à vaincre par des pur- gatifs répétés, par les pilules d'Anderson, par les grains de santé et autres remèdes prônés par les charlatans; mais bientôt leurs souffrances augmentent, l'estomac et les intes- tins s'irritent, et le médecin le plus habile peut à peine les sauver de la gastro-entérite. C'est ici que les Épinards triomphent. Si la constipation vous tourmente, si vous avez lesentrailles irritées, la tète cha- leureuse, mangez des Épiaards simplement préparés au beurre frais, prenez des lavemens aux Épinards, appliquez tous les soirs, sur le ventre, un large cataplasme d'Épinards arrosés d'huile d'olive, jose vous promettre que vous ne tarderez pas à ressentir les heureux effets de cette médecine domestique. Voilà le traitement que je prescrivis, 1l v a bien des années, DES PLANTES USUELLES. 267 au général autrichien Mack, qui s'était réfugié à Paris après avoir été vaincu sans combat par Bonaparte. Les grains de santé du doctear Frank (ce n’est point le célèbre médecin de Vienne, il était trop bien élevé pour se faire charlatan) avaient alors une grande vogue ; le général Mack crut pouvoir se délivrer d'une constipation opinitre avec cette préparation aloétique, mais son mal empira; il souffrait horriblement de la tête, de l'estomac, des intestins. Je fus prié d’aller voir ce malheureux constipé. « Monsieur le général, lui dis-je, il faut réformer votre régime. Plus de consommés , plus de gibier, plus de côtelettes. Vous vivrez pendant quelques jours de potages aux herbes, vous man- gerez des Épinards au beurre, et vous prendrez, matin et soir, un lavement d'Épinards. — Mais qui me donnera ces lavemens d'Épinards ? Je ne veux point de femme, il me faut un apothicaire. — Vous aurez un apothicaire, du moins je le crois. M. Dufilho, pharmacien, demeure vis-à-vis votre hôtel, il vous enverra un de ses élèves. Je vais moi-même l'en prier ; il est mon ami, il ne me refusera pas. » Le premier élève fait un geste de dédaim, relève dignement sa tête, et me répond qu'il n'est pas fait pour donner des lavemens, qu'il n’en don- nerait pas même à l'Empereur. Un autre élève refuse encore. Mais un petit adolescent, au regard doux et fin, nouvelle- ment arrivé de la Normandie, accepte cette mission tant ridiculisée par Molière, prépare le lavement d'Épinards, et va le donner au général, qui est ravi de l'intelligence et de la prestesse du jeune clystorel. « Monsieur ! lui dit-il, c'est à merveille. Voilà un Napoléon, revenez demain matin à huit heures avec un autre lavement. » Le petit Normand montre en arrivant la pièce d'or à ses camarades, qui gardent le silence, mais qui font bientôt éclater leur jalousie, quand ils apprennent que cette bonne Le E 268 NOUVEAU TRAITÉ fortune doit durer pendant quelques jours. En effet, le jeune pharmacien reçut 400 francs pour avoir donné vingt lave- mens d'Épinards au général Mack. Ce général ne fit pas d’autres remèdes, et en huit ou dix jours il fut entièrement guéri. Il s'était trouvé dans la même position à Ulm; il avait pris plusieurs médecines noires , et son mal s'était prolongé pendant six semaines. Un gourmand d'une stature athlétique, d’une forte consti- tution, éprouvait, à la suite de plusieurs excès de table, une diarrhée périodique accompagnée d’étouffemens et d’une grande difficulté dans l'émission des urines. Il avait perdu le sommeil, 1l pouvait à peine respirer lorsqu'il montait un escalier ou qu'il pressait un peu le pas. Il fut mis pendant huit ou dix jours au régime des Épinards. Il but de l'eau d'Épinards légèrement sucrée ; il prit tous les jours deux petits potages préparés avec des Épinards, de la laitue et du cerfeuil, et il mangea quelques cuillerées d'Épinards au beurre. Ce régime suffit pour rétablir le cours des urines, pour dissiper la diarrhée et les étouflemens. Les Épinards, comme on vient de le voir, remédient à la constipation, et guérissent aussi la diarrhée, lorsque ces deux affections maladives tiennent à un état d'échauflement ou d'irritation du système gastrique. Nous recommanderons aussi les Épinards aux tempéra- mens sanguins, aux hémorrhoïdaires, aux hypochondria- ques; aux personnes sujettes aux inflammations intérieures, aux phlegmasies de la peau , à la couperose, aux dartres, etc. Tous ces gens-là doivent user modérément des substances stimulantes , fortement azotées, et avoir soin de les corriger avec les herbes potagères, comme les Épinards, la laitue, l’oseille, etc. Nous connaissons un médecin de Paris, praticien estt- DES PLANTES USUELLES, 269% mable, mais gourmand s'il en füt, et à qui vous ne devez jamais parler d'alimentation végétale. [1 lui faut, à déjeuner, cinq ou six côtelettes, ou un gigot de mouton, et une bou- teille de vin blanc. Quand il vient de quitter la table, il marche la tête haute, il se balance, il sourit, on voit qu'il est heureux. Il est blond, d'un tempérament sanguin ; il a les lèvres, les pommettes et les paupières d'un rouge cramoisi. Il est sujet à des inflammations pectorales, à des battemens tumultueux du cœur. Des saignées répétées le soulagent (il se saigne joe mais le calme dure peu, par la conti- nuation de son régime trop succulent. Je le rencontrai un Jour, il était pâle et défait; il venait d'essuyer une violente pleurésie qui avait exigé des saignées copieuses. « Vos saignées , lui dis-je , vous seront fatales. — Eh ! que feriez-vous à ma place? — Je changerais de régime, et Jadopterais celui de Pythagore. Vivez pendant deux ou trois mois d'Épinards, de laitue, de chicorée, de potages mai- gres; délayez votre vin, livrez-vous à un exercice modéré, vous laisserez reposer votre lancette. — Mauvais régime ! ré- gime d’anachorète ! Quelques années de moins et point de privations, on n'est heureux qu'à table. » Les hommes emportés, irascibles, violens, impatiens , hargneux, d'un caractère difficile, doivent admettre dans leur régime alimentaire les plantes oléracées d’une nature douce, relächante, le laitage, les fruits succulens, sucrés ou légèrement acides. On ne saurait croire combien le régime influe sur nos passions, nos penchans, notre caractère. Quel- ques cuillerées d'Épinards vous rendent plus bienveillant, plus doux, plus aimable; vous caressez vos amis, vos en: fans, votre femme; la paix, le bon accord règnent chez vous. La veille vous aviez mangé du gibier, vous aviez bu du vin de Madère, vous aviez pris du café , du rhum ou de l’eau- 270 NOUVEAU TRAITÉ de-vie, votre ax était sombre, menaçant, un seul mot eût réveillé votre colère. Vous faites des Épinards, nous dira quelqu'un, une véri- table panacée, et, à vous entendre, il faudrait, pour bien se porter, que tout le monde vécüt de cette herbe insipide et aqueuse. Non certes, nous ne voulons pas que tout le monde vive d'Épinards. Il est des tempéramens, des estomacs , aux- quels cette plante oléracée ne convient nullement. Lorsque l'estomac est faible, les Épinards causent des flatuosités , des nausées et quelquefois une véritable indigestion. Nous avons vu des convalescens qui digéraient à merveille un œuf frais, une côtelette de mouton, et à qui les Épinards don- naient la diarrhée, surtout lorsqu'ils étaient préparés au maigre. Il est des personnes qui les digèrent beaucoup mieux quand ils sont apprètés avec du jus de viande, et un peu re- levés avec de la noix muscade. D'autres, au contraire, les préfèrent simplement préparés au beurre; d'autres veulent qu'on y ajoute du lait et du sucre. Chaque estomac a ses goûts et ses antipathies, il faut y avoir égard, et ne point dire, comme ce bon chanoine de Reims qui les aimait beaucoup et les conseillait à tout le monde : les Épinards sont le balai de l'estomac, aphorisme banal qui a causé plus d'une imdiges- tion. Sans doute le tube alimentaire se trouve alors balayé, mais comptez-vous pour rien le trouble organique qu'excite un aliment indigeste ? On les a également conseillés aux vieillards, aux femmes nerveuses, aux enfans délicats. S'ils éprouvent de la consti- pation, s'ils sont échauflés, les Épinards leur seront salu- taires; mais comme ils sont peu nutritifs, 1l faut y joindre des viandes blanches, quelques fécules et un peu de bon vin. DES PLANTES USUELLES. 271 Mais en voilà assez pour les malades, les valétudinaires, les hypochondres, enfin pour cette nombreuse classe d'indi- vidus dont les entrailles chaleureuses et rebelles ont besoin d'être tempérées, adoucies par quelques cuillerées d'Épi- nards. Causons un instant avec ces hommes privilégiés qui vivent sans apothicaire, sans médecin, et dont le plus grand plaisir est de se mettre à table deux ou trois fois par jour. Comment faut-il donc manger les Épinards? Consultez votre goût, c'est votre meilleur guide. DE 1 YOus faites beaucoup d'exercice, si vous courez après les geës d'affaires, les avocats, les huissiers, faites nourrir vos Épi- nards de bon bouillon, et lorsqu'on vous les servira, arrosez- les vous-même avec du jus de gigot, de rosbif ou de volaille. Le suc rouge d’un gigot de mouton des Ardennes ou de Pré- salé s’harmonise à merveille avec la teinte verdoyante des Épinards, c’est presque un arc-en-ciel pour les yeux d’un gourmand. Surtout qu'on les assaisonne artistement, et qu'on n'oublie point la noix muscade, c'est le condiment obligé des Épinards; ils sont alors plus sapides, plus délicats, et on les digère mieux. Voyez ce curé de campagne, ce Abe pasteur, qui vient de l'extrémité de sa paroisse, où l'avait appelé quelque bonne action; comme il se délecte, comme il répare ses forces avec deux ou trois côtelettes de mouton mollement assises sur un petit plat d'Épinards! La gouvernante, qui sait les bonnes traditions, n’a point oublié les quatre épices ; mais elle a eu la main légère, pour ne pas échaufler M. le curé. À propos de quatre épices, il faut les tenir dans une boîte bien close, et les renouveler de temps en temps : ce mélange s'altère à la longue et gâte les ragoûts. 279 NOUVEAU TRAÎTÉ Epinards au gras. On fait blanchir les Épinards, on les exprime, on les hache , on les met dans une casserole avec du beurre frais, du poivre, du sel et un peu de muscade râpée. On les nour- rit de bon bouillon, de consommé, et on y ajoute du jus de rôti ou de la graisse de volaille ; puis on les sert entourés de croûtons frits dans le beurre. Les Épinards au maigre se préparent simplement avec du beurre, du poivre , du sel et de la muscade. Quelquefois on les mouille avec de la crème, et on y ajoute un peu de sucre. Certains cuisimiers les aromatisent avec de l'écorce de citron, des macarons pilés, de l’eau de fleur d'oranger, etc. Mais toutes ces superfluités gätent les Épinards. C’est une sorte de redondance culinaire que l'hygiène réprouve. Épinards à l'Anglaise. Vous choisissez de jeunes Épinards, vous les faites blan- chir, puis vous les submergez dans de l’eau bouillante où vous avez jeté une poignée de sel. Lorsqu'ils sont cuits, c'est-à-dire lorsqu'ils fléchissent sous les doigts, vous les retirez, vous les égouttez et vous les passez dans de l’eau fraiche. Vous les égouttez encore, vous les pressez, vous les hachez, et vous les mettez dans une casserole avec du sel, du gros poivre et de la muscade. Lorsqu'ils sont bien chauds, vous les retirez du feu, et vous y mêlez un bon morceau de beurre fin. On fait encore avec les Épinards des crèmes, des nissoles, des tourtes, etc. Nous abandonnons volontiers aux chefs DES PLANTES USUELLES. 273 d'office ces métamorphoses romantiques où les Épinards ont perdu leur physionomie. Mais, pour dédommager le lecteur, nous voulons lui donner un plat qui faisait le bonheur et la joie d’un illustre gourmand. Jambon à la Cussy. Vous faites dessaler un jambon de Madrid, que vous avez paré, désossé, et dont vous avez enlevé la couenne. Puis vous le faites mariner pendant vingt-quatre heures dans un vase de terre, avec du thym, du laurier, de F'estragon, de l'ail de Provence et une bouteille de vin de Xérès. Vous le couvrez de plusieurs doubles de papier bien enduits de beurre, et vous l’embrochez. Environ une heure avant la cuisson en- tière , vous le dépouillez de son enveloppe, et vous l’arrosez constamment avec la marinade. Lorsque le jambon est cuit, vous le servez tout fumant sur un plat d'Épinards préparés avec le beurre le plus fin, et aromatisés avec un peu de muscade. | S1 vous n'avez point de jambon de Madrid ou de l'Estra- madure, vous pourrez le remplacer par un jambon de Bayonne. Ce sont les jambons les plus délicats. Le campagnard un peu friand qui voudra connaître le goût du jambon rôti, se dispensera d’en faire venir de Madrid ou de Bayonne. Le jambon fumé avec soin au foyer domestique sera substitué au jambon étranger, et le vin blanc du pays remplacera le vin d'Espagne. Quant aux Épinards, il ira les cueillir lui-même dans son jardin , et il choisira les plus ten- dres et les plus frais. Le jambon s'allie à merveille avec les Épinards, qui émous- sent, modifient sa saveur un peu trop stimulante. Ce mélange HIT. 18 274 NOUVEAU TRAITÉ est plus sain, plus rationnel que les sauces espagnoles avec lesquelles les cuisiniers servent ordinairement le jambon. . «C'est le moment de faire tonner le Champagne ! s’écriait M. de Cussy. Ce vin gazeux caresse agréablement les papilles du palais après le jambon. Qu'en dites-vous, mon cher phyto- graphe? Nous avons d’ailleurs ici du vieux Médoc pour les amateurs un peu graves. » Nous venons de perdre M. de Cussy, cet homme aimable, poh, spirituel, dont tous les traits respiraient la douceur et la bienveillance. Depuis quelques jours il n’est bruit dans les salons, dans les journaux, partout, que de son amour pour la friandise. Oui, sans doute, il aimait les plaisirs de la table, mais en gastronome de bonne maison, et non pas à la ma- nière de ces polyphages dont toutes les affections, tous les sentimens résident au fond de l'estomac. Nous l'avons vu éprouver autant et plus de plaisir à manger un merlan sur le plat, ou une omelette à l'estragon , qu'à savourer des orto- lans ou une aile de bartavelle. En quittant notre modeste foyer, il nous disait un jour : «Je n'ai jamais fait de meilleur repas en ma vie. » Îl avait mangé des champignons des bois et bu du vin de Champagne. Il est vrai qu'il se montrait sé- vère pour tous ces parvenus qui croyaient le séduire en couvrant leurs tables de toute sorte de mets, vrai chaos culinaire digne des temps barbares. M. de Cussy fut l'ami de Corvisart, et l’un des serviteurs les plus dévoués, les plus fidèles de Napoléon. Affligé depuis plus d’un an d’une maladie cruelle, affreuse, indomptable, il l'a supportée avec une philosophie, avec une patience surhumaine. Les médecins les plus renommés DES PLANTES USUELLES. £ 10 75 lui ont prêté leur assistance ; mais l'opiniâtreté du mal a peu à peu multiphié les consultans, et il a fallu subir toutes les tentatives de l’art. Pommades, linimens, frictions, bains de toute espèce, que n’a-t-on pas mis en œuvre pour nettoyer la peau vers laquelle la nature prévoyante portait sans cesse ses mouvemens, pour garantir les organes mtérieurs ! Nous avons vu quelquefois M. de Cussy, non comme mé- decin, mais comme son ami de vingt ans, et nous lui disions, il y a environ six mois: « Du courage! vous méritez de guérir par votre admirable patience, et vous guérirez. Vous avez la tête, la poitrine, l'estomac parfaitement libres, vous n'avez besoin que d’une alimentation douce , mais assez substantielle pour conserver vos forces, et donner le temps à la nature de compléter la crise qu'elle a commencée sur la peau : les remèdes énergiques ne pourraient que la distraire de son travail, et déplacer le siége de la maladie. Buvez force petit-lait, baignez-vous souvent dans de l’eau de son, faites-vous oindre la peau avec de l'huile de Provence, et plus tard, si c'est nécessaire, vous irez prendre les eaux des Pyrénées. » Ce langage simple, et conforme, du moins je le crois, à la médecine hippocratique, n’a pas été compris. Les médecins se sont succédé, les avis n’ont pas toujours été unanimes, et les plus habiles (car il y avait des hommes qui se sont livrés spécialement à l'étude des maladies de la peau) ont dü faire place à de nouveaux consultans. On s'est livré à des pratiques aventureuses, et notre infortuné gastronome aurait pu dire, comme l’empereur Adrien : « Hélas ! j'ai eu trop de médecins. » 976 NOUVEAU TRAITÉ POLYGONÉES. POLFYGONEZÆ. Polygoneæ. Juss. Ver. DC. POLYGONE. POLYGONUM. Périgone persistant, à quatre ou cinq divisions. Cinq à neuf étamines. Un ovaire à deux ou trois styles terminés par des stigmates simples. Fruit monosperme, nu, ovoïde ou triangulaire. POLYGONE BISTORTE. POLYGONUM BISTORT A. Polygonum bistorta. Tan. Spec. 517. Poir. Encycl. Bot. 6. 135. DC. F1. Fr. 2203. Lapeyre. Plant. Pvyr. 1. 215. CHEv. FL Par. 2. 389. FI. Dan. t. 491. De sa racine, épaisse, fibreuse, comme tordue , s'élèvent plusieurs tiges simples, glabres, hautes d'environ un pied et quelquefois davantage. Les feuilles inférieures sont grandes, ovales, lancéolées, pétiolées, lisses, d'un vert gai en dessus, glauques à leur revers ; les feuilles supérieures sont embras- santes et beaucoup plus étroites. Les fleurs, d'une teinte purpurine ou rosée, forment à l'extrémité des tiges un épi ovoide, barbu, imbriqué d'écailles luisantes. Elles ont huit étamines et trois stigmates. Les graines sont triangulaires. DES PLANTES USUELLES. OT Cette plante croît en Allemagne, en Suisse et en France, dans les pâturages des montagnes; elle fleurit en juin et juillet. On l'appelle vulgairement Bistorte, grande Bistorte, de sa racine contournée, deux fois tordue. Les Anglais l'ap- pellent Snake-weed, herbe de serpent. Elle a une racine ligneuse, cassante, fibreuse, géniculée ou plusieurs fois repliée sur elle-même, brune en dehors, rougeâtre intérieurement et imodore. Sa saveur acerbe, styp- tique, décèle un principe fortement astringent ; elle contient une grande proportion de tannin, de l'acide gallique, de l'amidon, et, d'après Schéele , de l’oxide oxalique. L'eau, le vin et l'alcohol s'emparent de ses principes actifs. La Bistorte est une de ces plantes énergiques que les mé- decins ont tort de négliger. Je demandais un jour à M. Lescot, excellent pharmacien de Paris, s’il vendait souvent de la racine de Bistorte : « Une fois par an peut-être, me répon- dit-il. — Et de la racine du Krameria triandra ou Rathania? — Fort souvent; c'est un remède à la mode, il vient de loin. » Ce sont deux racines très astringentes : la première est indigène , elle abonde sur nos montagnes; l’autre nous arrive du Pérou et du Mexique. Nous voudrions qu on donnât la préférence à la Bistorte. C'est un fort bon remède toutes les fois qu'il s'agit de res- serrer, de corroborer les tissus organiques. On peut y avoir recours pour réprimer l'incontinence d'urine, les pertes de sang rebelles, et autres évacuations excessives provenant d'un principe de faiblesse et d'atonie. Mais il est des écoule- mens qu'il ne faut pas trop se hâter de supprimer, sans avoir préparé une autre voie d'évacuation. Baillou, Barthez, et plus récemment M. le professeur Lordat, se sont élevés avec force contre l'abus qu’on fait des astringens pour arrêter 278 NOUVEAU TRAITÉ des flux sanguins ou muqueux. L'humanité ne peut que gémir, lorsqu'une foule d'hommes ignorans et obscurs an- noncent de prétendus spécifiques pour la guérison des fleurs blanches. Cette maladie tient à des causes extrèmement variées, et son traitement exige de la part du médecin autant de prudence que de talent, puisque sa prompte sup- pression peut déterminer l'hydropisie, l'ulcération de la ma- trice, le cancer, et surtout la phthisie pulmonaire. Le docteur Blatin a réuni, dans un excellent Traité sur le Catarrhe de l'utérus, des observations nombreuses qui attes- tent les mauvais effets des substances astringentes dans le traitement des écoulemens habituels. Ce travail est du plus haut intérêt. Les divers élémens du catarrhe y sont analysés avec une extrème justesse, et l’observation clinique vient toujours à l'appui des méthodes de traitement. On doit donc borner l'usage de la Bistorte aux évacuations entretenues par une débilité organique spéciale. On la donne en poudre, depuis vingt grains jusqu'à un gros, qu'on incor- pore dans du miel ou dans de la conserve de roses rouges. La décoction concentrée est également fort active. Décoction de Bistorte. Prenez : racine de Bistorte pulvérisée, depuis quatre gros jusqu'à une once ; faites bouillir dans une livre d'eau pendant dix ou quinze minutes. Laissez refroidir la décoc- tion, et ajoutez à la colature : teinture de cannelle, deux gros ; sirop de coing ou d'écorce d'orange, une once. On en prend une petite tasse toutes les deux ou trois heures. La racine de Bistorte jouit d'une action fébrifuge qui a été constatée par Cullen. Ce médecin en donnait par jour jusqu à trois gros, qu'il mêlait souvent avec la poudre de gentiane. DES PLANTES USUELLES. 279 On à également guéri des fièvres intermittentes en associant la Bistorte au calamus aromaticus. Les astringens combinés avec les amers, et surtout avec les aromatiques, sont d’excel - lens fébrifuges. Les jeunes racines sont peu âpres, elles donnent au prin- temps une farine nutritive. Dans la Sibérie, les paysans les font cuire plusieurs fois dans l’eau ; elles se dépouillent ainsi de leur principe acerbe, et elles offrent un aliment qui n’est pas trop désagréable. Au Kamtschatka, on mange la racine récente avec le caviar. Dans les années de disette, on a mêlé, en Suède et ailleurs, la poudre de la racine de Bistorte avec la farine des céréales. La semence peut être employée à la nourriture des oiseaux de basse-cour. Tous les bestiaux broutent les feuilles dans les pâturages des montagnes; les chevaux seuls les dédai- gnent. La racine sert au tannage et à la teinture. POLYGONE VIVIPARE. POLYGONUM VIFIPARUM. Polygonum viviparum. Linx. Spec. 511. Porr. Encycl. Bot. 6. 135. DC. FI. Fr. 2204. Lapevr. Plant. Pvyr. 1. 215. DAN. t. 13. — Bistorta minor. Clus. hist. 69. Cette espèce, beaucoup plus petite que la précédente, a des racines dures, fibreuses, d'où s'élèvent plusieurs tiges simples, feuillées, hautes de six à huit pouces. Les feuilles inférieures sont pétiolées, étroites, lancéolées, pointues, glabres, marquées de stries ou de nervures disposées en leurs bords, et qui les font paraître comme denticulées. Les feuilles supérieures sont linéaires et sessiles. 280 NOUVEAU TRAITÉ Les fleurs sont blanches, réunies en un épi grêle, lâche à l'extrémité des tiges; celles du bas de l'épi portent souvent de petites bulbes noirâtres qui reproduisent la plante, d'où lui vient le nom spécifique de Vivipare. Le Polygone vivipare croît dans nos départemens méridio- naux. On le trouve dans les hauts pâturages du Dauphiné, de la Provence, du Puy-de-Dôme, des Pyrénées, etc. On l'appelle petite Bistorte des Alpes. Quelques pauvres montagnards font une espèce de pain avec les racines desséchées et réduites en farine. Ce même pain forme, avec la chair des bêtes fauves, presque l'unique nourriture des Samojèdes et des Tartares. POLYGONE AMPHIBIE. POLYGONUM AMPHIBIUM. Polygonum amphibium. Lan. Spec. 517. Por. Encyel. Bot. 6. 135. DC. FI. Fr. 2205. Bacs. FL. Lyon. 1. 613. CHev. FI. Par. 2. 387. FI. Dan. t. 282. Engl. Bot. 436. Cette plante varie suivant les lieux où elle croît. Ses tiges sont longues, articulées, cannelées, glabres, rougeä- tres, flottantes dans l’eau, rampantes dans la vase, redres- sées dans les lieux plus secs, dans les prés, au bord des eaux. Les feuilles sont alternes, ovales, lancéolées, un peu | aiguës, pétiolées, glabres dans la variété aquatique, munies de quelques poils rudes dans la variété terrestre. Les stipules sont nues, membraneuses, obtuses. Les fleurs sont d’un beau rouge, disposées en épis serrés , cylindriques, à bractées écailleuses, bordées de rose. Les éta- DES PLANTES USUELLES. 281 mines sont ordinairement au nombre de cinq; l'ovaire porte deux stigmates. Le Polygone amphibie abonde dans les lieux aquatiques, dans les fossés, les étangs, les rivières. On le trouve aussi dans les prés humides, au bord des ruisseaux. Ses fleurs s'épanouis- sent en juillet. Sa racine est articulée, fibreuse, rampante, assez tendre au printemps, un peu ligneuse en automne, revêtue d'une écorce brune, blanchâtre dans sa substance intérieure, d’une saveur presque fade. Elle fournit un extrait aqueux d'un beau rouge foncé, d'une saveur douce, et un extrait alcoholique un peu àcre. MM. Coste et Willemet ont vivement recommandé cette racine dans le traitement des dertres et autres maladies de la peau d’une nature rebelle. Ils ont donné son extrait aqueux, à la dose de vingt à trente grains matin et soir, et sa décoc- tion concentrée à la dose de six onces, trois fois par jour. S'il faut en croire les mêmes auteurs, on peut remplacer avec sécurité et avantage la salsepareille par cette plante in- digène qui a des propriétés identiques. Ces promesses deman- deraient à être confirmées par une suite d'observations exactes. Au reste, on a beaucoup trop exalté les vertus de la salsepareille. Nous avons aujourd'hui l'essence concentrée de salsepareille, le vin de salsepareille; et ceux qui les ven- dent, nous assurent que ces remèdes guérissent les maladies les plus hideuses. Lecteur! n’en croyez rien. Notre bardane, notre saponaire, valent beaucoup mieux, et elles croissent Sous nos pas. Presque tous les bestiaux mangent cette plante. Les mou- tons, les chèvres, les chevaux, les porcs la recherchent, mas les vaches la rejettent. 282 NOUVEAU TRAÎTÉ POLYGONE POIVRE-D'EAU. POLY GONUM HYDROPIPER. Polygonum hy dropiper. Lin. Spec. 517. Poir. Encyel. Bot. 6. 138. DC. FL. Fr. 2206. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 215, DEsv. FI. Anj. 129, Cnev. F1. Par. 2. 387. BuLL. Herb. t. 127. Engl. Bot. 989. Cette espèce de Polygone, connue sous les noms vulgaires de Curage, Poivre-d’eau, Persicaire brélante, croît abondam- ment dans les lieux humides et marécageux, dans les fossés, au bord des ruisseaux. On la trouve depuis les Pyrénées jus- qu'à Paris. De sa racine grêle, fibreuse, blanchâtre, naissent plusieurs tiges cylindriques, glabres, articulées, rameuses, rougeâtres, un peu couchées, quelquefois tout-à-fait droites, longues à peu près d'un pied et demi. Les feuilles sont alternes, lan- céolées, pointues, glabres, d'un vert pâle, portées sur de courts pétioles, pourvues de stipules tronquées, ciliées, marquées de nervures. Les fleurs, de couleur purpurme, disposées sur des épis ovales, axillaires, à bractées écailleuses , offrent un périgone à quatre divisions (trois divisions du Petit-Thouars), courtes, colorées, six étamines et un style bifide. Les semences sont comprimées, un peu triangulaires, luisantes et noirâtres. La dessiccation dissipe en grande partie la saveur âcre que manifeste cette plante dans son état de fraicheur. Son suc nouvellement exprimé est très énergique. On s'en est servi avec quelque succès dans l’anasarque, à la dose de deux onces, dans deux livres de petit-lait ou d’une infusion amère. La DES PLANTES USUELLES. 283 dose de ce mélange est d'une tasse de deux en deux heures. La décoction a également dissipé certaines hydropisies. La plante fraiche, pilée et appliquée sur la peau, la rubéfie. On a quelquefois employé ce topique pour rappeler la goutte aux articulations des pieds. On pourrait s'en servir pour ra- nimer les vieux ulcères et en favoriser la cicatrice. If parait au reste qu'on a abandonné le Poivre-d'eau à la médecine vé- térinaire. On dit que sa racine , réduite en poudre et mêlée avec du miel, délivre les moutons d’une espèce de ver qui leur est funeste. On leur donne de temps en temps un demi-gros de cette espèce d’électuaire. Les bestiaux ne touchent point à cette plante. Sa racme teint en jaune , et sa semence peut servir d'épice. POLYGONE PERSICAIRE. POLFYFGONUM PERSICARIA. Polygonum persicaria. Linn. Spec. 518. Porr. Encyel. Bot. 6. 140. DC. F1. Fr. 2208. Baze. FI. Lyon. 1. 614. Desv. F1. Anj. 128. F1. Dan. t. 702. Engi. Bot. 756. Sa racine, fibreuse et blanchâtre, produit des tiges cylin- driques , articulées, feuillées, un peu couchées à la base, puis redressées, hautes d’un pied et quelquefois davantage. Les feuilles sont ovales, lancéolées, glabres en dessus, pubes- centes en dessous et à leurs bords, à stipules vaginales, lége- rement cihiées. Les fleurs, purpurines ou blanches, sont disposées en épis courts, serrés et obtus à l’extrémité des rameaux. Le péri- gone est ordinairement à cinq divisions ; il renferme six éta- 284 NOUVEAU TRAITÉ mines et deux pistils. Les semences sont petites, pointues, triangulaires et de couleur brune. On trouve assez fréquemment cette plante dans les lieux humides, aux bords des fossés et des chemins, où elle fleurit en juillet. On l'appelle vulgairement Persicaire, Persicaire com- mune , Persicaire douce , pour la distinguer du poivre-d'eau, qui à une saveur brülante. En effet, elle est beaucoup plus douce. Cette plante a joui de quelque réputation comme astrin- gente, vulnéraire, diurétique, antiscorbutique, etc. Les an- ciens l’appliquaient sur les tumeurs pour les résoudre, sur les plaies pour les cicatriser. Van Helmontet quelques autres médecins à la tête chaude, lui attribuaient une vertu magné- tique. C'était une plante merveilleuse qui changeaït la nature des maladies, qui guérissait les plaies par enchantement : elle pouvait même briser les calculs de la vessie. On faisait alors des miracles avec une petite herbe cueillie le long des ruisseaux, comme les somnambules en font au- Jourd'hui sous les yeux de quelques savans. Ils vous disent, les yeux fermés, la couleur de votre visage, de vos cheveux; ils savent les maladies qui vous afiligent et celles que vous aurez plus tard, et ils vous indiquent aussi les herbes qui doivent les guérir. Le magnétisme est encore à l'ordre du jour, mais les académiciens ne sont point d'accord. Attendons. Notre petite Persicaire teint en jaune; les chevaux, les chèvres et les moutons la trouvent de leur goût. DES PLANTES USUELLES,. 28 G! POLYGONE DES PETITS OISEAUX. POLYGONUM AVICULARE. Polygonum aviculare. Linx. Spec. 519. Vice. FL Dauph. 3. 522. Porr. Encycl. Bot. 6. 145. DC. FI. Fr. 2213. CHev. F1. Par. 3. 390. F1. Dan. t. 803. Engl. Bot; 1252. Rien de plus vulgaire que cette espèce, dont la racine, grèle et fibreuse, pousse des tiges vertes, herbacées, glabres, articulées, rameuses, étalées et couchées sur la terre, longues de huit à dix pouces et plus. Les feuilles sont lancéolées, plus ou moins étroites, entières, un peu ondulées sur les bords, d'un vert glauque, et presque sessiles. Les stipules sont blanches, transparentes, un peu déchirées au sommet. Les fleurs, plus ou moins nombreuses, blanches, mêlées de vert et de rouge, naissent par groupes à l’aisselle des feuilles. Le périgone, à cinq divisions ovales, renferme huit éta- mines et trois stigmates. Les semences sont triangulaires et luisantes. Cette plante abonde dans les champs, dans les lieux in- cultes, le long des chemins. Elle fleurit pendant tout l'été. On l'appelle Traînasse, Centinode, Renouce. Ses tiges trai- nantes s'entrelacent à l'infini sur la surface de la terre et for- ment beaucoup de rœuds. Les Anglais la nomment Ænot- grass , herbe de nœuds. On a rayé le Polygone des petits oiseaux, de la liste des plantes médicmales. C'est un faible astringent qu'on employait jadis pour réprimer les flux sanguins et muqueux; le grand Boërhaave y avait confiance, ainsi que Van Swieten, son habile 286 NOUVEAU TRAITÉ commentateur. On ose à peine n'être point de l'avis de ces hommes célèbres. Les graines diffèrent beaucoup des autres parties de la plante. M. De Candolle dit qu'elles sont fortement émétiques. Elles ne le sont pas pour les petits oiseaux, qui en font leurs délices. Suivant Gunner, elles sont très nourrissantes , cuites avec du lait. Les pauvres mangent également les racines et en font une sorte de pain. POLYGONE SARRASIN. POLYGONUM FAGOPYRUM. Polygonum fagopyrum. Lanx. Spec. 522. Porr. Encycl. Bot. 6. 152. DC. FL. Fr. 2216. Kworr. Del. 2. t. f. Engl. Bot. 1044. Sa tige droite, striée, rameuse, verte ou rougeätre, s'é- lève à environ deux pieds de hauteur. Elle est garnie de feuilles alternes, pétiolées, échancrées à la base en forme de flèche, pointues au sommet, d'un vert glauque : les feuilles supé- rieures sont sessiles où embrassantes. Les fleurs sont mélangées de vert, de blanc et de rouge, disposées par bouquets touffus au sommet des tiges et des rameaux, garnies de bractées blanchâtres et membraneuses. Le périgone renferme huit étamines et autant de glandes jaunâtres , situées à la base des filamens. Les semences sont brunes et triangulaires. Cette plante, originaire d'Asie, futtransportée en Afrique, et introduite en Europe par les Maures ou Sarrasins d'Es- pagne, dont on lui à conservé le nom. L'agriculture en a fait DES PLANTES USUELLES. 287 la conquête vers la fin du quinzième siècle. On la cultive dans les champs sous les noms de Blé noir, de Blé sarrasin. On peut semer le Sarrasin dans tous les sols; cependant il réussit mieux dans les terres légères, aux expositions à l'abri des vents du nord ou du nord-est. Il se développe et mürit assez vite pour fournir, dans une année favorable, deux récoltes sur le même sol. Il offre aux animaux un fourrage vert très sain, aux hom- mes une farine nourrissante et d'une digestion facile. Cette farme est d'un grand secours dans les pays pauvres et de pe- tite culture, quoïqu'elle soit peu propre à la panification. Les semences sont triangulaires et d’une couleur noirâtre ; leur écorce friable, amère, couvre une farine très blanche qui n'y est pas adhérente, et qu'il importe d'en séparer entiè- rement pour ne pas altérer sa saveur et sa couieur. Dans quelques pays, on en fait une sorte de pain qui est indigeste et d'un goût désagréable. Il n’en est pas de même des gâteaux et de la bouillie qu'on prépare avec la farine récente et bien conservée. La bouillie se mange chaude ou froide, frite ou grillée; on la coupe par tranches, et on la met à la poêle comme le poisson. Dans certains cantons, la bouillie et la galette de Sarrasin, préparées avec le lait ou le cidre, sont la principale nourriture des habitans. Les enfans ne mangent pas autre chose. Mais les malheureux qui se trouvent réduits à vivre de farine de Sarrasin simplement détrempée avec de l'eau, ont le teint blafard, livide, et tombent dans un état de langueur. Le pain qu'ils font avec la mème farine ne vaut pas mieux; c'est une masse Insipide, indigeste, sans liaison, qui émousse leur in- telligence et les abrutit. Dans les pays où la classe imdigente vit presque uniquement de Blé sarrasin, ou d’autres alimens grossiers, on remarque, dit Cabanis, chez cette classe tout 288 NOUVEAU TFRAITÉ entière, un défaut d'intelligence presque absolu, une lenteur singulière dans les déterminations et les mouvemens. Les hommes y sont d'autant plus stupides et plus inertes, qu'ils vivent plus exclusivement de cette alimentation. (Rapports du physique et du moral de l’homme.) Il faut donc, dans les localités où l'on s’obstine à cultiver le Sarrasin pour la nourriture de l'homme, se borner à l'employer en bouillie avec du lait fraîchement trait, et en- core mieux, avec du lait écrèmé, qui la rend plus légère, plus digestible. Bouillie de Sarrasin. On prend de la farine fraichement moulue, on la délaie en bouillie claire dans de l'eau ou du lait écrèmé ; on la met sur le feu, et on la remue avec une cuiller de bois jusqu'à ce que le bouillon soit établi; on laisse cuire pendant une heure ou davantage, suivant la quantité. Pour la rendre plus sapide, on peut y ajouter des œufs bien battus, du sucre et quelques gouttes d'eau de fleur d'oranger. Quand la bouillie est froide , on en fait une sorte de fri- ture. On la coupe par tranches, on la met frire dans du beurre ou de l'huile, et on la saupoudre de sucre. En Normandie, en Bretagne, au Mans, à La Flèche, à Angers, on en fait des crèpes légères et fort délicates. Nous en avons mangé d'excellentes au château d'Hellenvilliers , chez madame la comtesse d'Érard. En Allemagne, on réduit le Sarrasin en gruau, et l'on en prépare des potages comme ceux de l'orge mondé. On fait aussi avec cette graine, après une trituration assez Impar- faite, différens mets assez estimés dans la cuisine allemande. On la mange en bouillie avec du lait, avec du jus de viandes. DES PLANTES USUELLES. 289 Suivant Plenck, c'est un mets excellent. Semina excorticata cum lacte vel jure carrium in pultem cocta præstans constituant ferculum. (Bromatologia, pag. 42.) Brillat-Savarin avait été indisposé pendant plusieurs Jours. Un ami fut le voir à dix heures du matin, et le trouva dans une attitude tout-à-fait gastronomique ; il dépecait une su- perbe poularde du Mans. « Quel régime, lui dit-il, pour un malade ! — Je vis d'orge et de Sarrasin, lui répliqua le gourmand. Cette poularde en a vécu pendant deux mois, et elle me fait vivre à son tour. Point de façons, faites comme moi, mettez-vous à table, et commençons gaîment la Jour- née, ce soir nous nous en porterons mieux ; voici du vin de l'Hermitage, qui vaut bien la tisane des médecins. O mon ami ! quel présent nous ont fait les Maures en nous envoyant le Sarrasin ! c'est sa graine qui rend la poularde si blanche, si délicate, si exquise. » La poularde entièrement dépecée, les deux amis gardèrent un religieux silence , ils ne parlèrent que lorsque les deux ailes, les blancs, l’entre-cuisse et le sot l'y laisse eurent entièrement disparu. On assure que lorsque Brillat-Savarin parcourait la cam- pagne, et qu'il rencontrait un champ semé de Blé sarrasin, il ne pouvait se lasser d'admirer cette herbe bienfaisante qui embaume l'air lorsqu'elle est en fleurs. Ce parfum le jetait dans un sorte d'extase et d'hallucination ; il croyait humer la vapeur de la poularde du Mans. C'est avec la farme de Sarrasin, détrempée dans du lait, qu'on nourrit la volaille qu'on veut engraisser dans le dépar- tement de Maine-et-Loire. On en fait des boulettes de la grosseur d'une olive , et on en donne à chaque poularde cinq, six, huit et plus, trois fois par jour. On les tient proprement dans une mue ou dans un lieu un peu sombre. Trois semaines LTÉE 19 290 NOUVEAU TRAITÉ suffisent à un engrais bien conduit. Les poulardes du Mans sont très renommées, non seulement à Paris, mais dans toute l'Europe. Eh bien ! les plus délicates s'élèvent aux en- virons de La Flèche. A la vérité, la distance n'est pas grande d'un lieu à l'autre, puisque c'est le même dépar- tement, mais encore faut-il que justice soit rendue à tout le monde. Les campagnards de La Flèche nous sauraient mau- vais gré de les avoir oubliés. Il n’y a pas encore trente ans que deux gourmands se sont battus à coups de plume, l'un pour soutenir la renommée des poulardes du Mans, l'autre celle des poulardes de La Flèche. Mais le procès n’est point terminé, et adhuc sub judice lis est. On nourrit aussi de Sarrasin les poules pondeuses. C'est un agréable stimulant qui multiphe les œufs dans la ferme. Le dindonneau s'engraisse également avec le Sarrasin. On lui donne d'abord des orties hachées avec du son, puis des pommes de terre écrasées avec de la farine de Sarrasin, et enfin des boulettes de farine de Sarrasin et d'orge. L'homme difficile , le petit-maître qui a fait fortune, mé- prise le dindonneau comme un mets vulgaire : laissons les poulets à la reine à ce sybarite improvisé, et mangeons le dindonneau engraissé de lait, d'orge et de Sarrasin; la chair en est fine, tendre, nourrissante et d’une agréable douceur. Tâchons surtout de le manger en bonne compagnie. Chapon doré! succulente perdrix! Dindonneau tendre, au brillant coloris, Mets enchanteurs, que l’odorat dévore! Vous manger seul a sans doute son prix; Mangés à deux, vous valez mieux encore. (MiLLevoye.) Mais prenez garde aux dindonneaux des environs de Paris ! DES PLANTES USUELLES. 291 ils ont fort souvent une amertume qui révolte un palais délicat, parce qu'on les nourrit de tourteaux, de marrons d'Inde, de végétaux âcres. Il y à un bon moyen de s'assurer si le din- donneau est amer, c'est d'insérer l'index dans un certain orifice et de le savourer. M. Grimod de La Reynière vous dira que cette épreuve est infaillible. Les perdreaux rouges nous viennent aussi de ce bon dé- partement de Maine-et-Loire. Après s'être nourris de fro- ment , d'orge et d'avoine dans les champs, de raisins dans les vignes, ils achèvent de s'engraisser avec le Sarrasin, qui ne se récolte guère que vers la fin d'octobre ou au commencement de novembre. Ainsi c'est encore à la plante des Maures que l’homme friand doit cette nouvelle jouissance. Les braconniers du Mans et de La Flèche lui réservent leurs perdreaux, pres- que aussi délicats que les bartavelles des Cévennes. Les cour- riers des postes les lui apportent pendant tout l’hiver. Ces messagers gastronomiques étaient fort caressés de M. de Cus- sy; il les connaissait presque tous, et il vous disait : « Voulez- vous de l'excellent beurre de Bretagne, des perdreaux du Mans? adressez-vous à M. Leloir; c’est un homme intelli- gent, probe, fidèle, 1l ne vous trompera point; il a été cour- rier de l'Empereur. » Quelle ville que Paris! comme tout y abonde! c'est que l'argent y abonde aussi, et qu'il n’y a rien de si attractif, de si magnétique que l'argent. La province nous envoie ses per- dreaux, ses poulardes , ses dindons, tout ce qu’elle a de plus rare ; Paris à son tour envoie à la province des inspecteurs, des administrateurs habiles, des chanteurs et des danseurs. 299 NOUVEAU TRAITÉ POLYGONE DE TARTARIE. POLYGONUM TARTARICUM. Polygonum tartaricum. Vann. Spec. 521. Porr. Encycl. Bot. 6. 153.—Polygonum floribus octandris. Tricynis Sibir. 3. 64. t. 13. f. 1. Cette espèce diffère de la précédente par ses fleurs en épis lâches, et par ses graines, dont les angles sont dentés. Sa tige est droite, creuse, cylindrique, glabre, rameuse, striée ; ses feuilles sont pétiolées, échancrées en cœur à la base, aiguës au sommet, glabres, vertes à leurs deux faces, à sti- pules courtes, fendues latéralement. Les fleurs sont axillaires, verdâtres, pédonculées, dispo- sées en petites panicules. Les semences sont grosses, trian- gulaires, noirâtres, à angles saillans et dentés. Un missionnaire du Bas-Maine apporta cette plante de la Sibérie. Elle convient surtout au nord de la France; elle est plus robuste que le Sarrasin commun, et elle est beaucoup plus féconde. On la cultive dans plusieurs de nos départe- mens; ses graines ont la même saveur et les mêmes qua- lités. Réduites en gruau, et cuites avec du beurre, elles sont très nourrissantes et d’une digestion facile. Les habitans de la Sibérie septentrionale et de la Russie font, avec la farine de ces mêmes graines, du pain, des gâteaux, de la bouil- he, etc. Une troisième espèce de Sarrasin mérite aussi d'être cul- tivée, c'est le Polygone échancré (Polygonum emarginatum, Roth.) ; elle est précoce et produit abondamment. On l'a recueillie sur les confins de la Chine, en Sibérie. DES PLANTES USUELLES. 293 Le Polygone liseron (Polygonum convoleulus , Linn.) et le Polygone des buissons (Polygonum dumetorum ) donnent des semences nutritives comme celles du Sarrasin. Le pre- mier est commun dans les champs, et porte le nom de Vrillée bâtarde. Sa tige est grimpante, anguleuse, garnie de feuilles un peu cordiformes, en fer de flèche, vertes, sou- vent rougeâtres. Les fleurs sont blanchâtres, disposées en panicule penchée, interrompue. La graine est pendante, anguleuse , exactement recouverte par le périgone. On trouve cette espèce dans les champs et dans les bois sa- blonneux. Le Polygone des buissons est plus élevé, et s’entortille également autour des plantes voisines. Ses feuilles sont pé- tiolées, triangulaires ; ses fleurs ramassées en petits bou- quets, les unes axillaires, les autres disposées en épis lâches ou en grappes terminales. Les graines sont anguleuses, creusées sur chacune de leurs faces. On l'appelle grande Vrillée bâtarde. Ces deux espèces, outre leurs semences alimentaires, peuvent fournir un très bon fourrage ; il est surprenant qu’on ne se soit pas occupé de leur culture , elles viennent dans les plus mauvais terrains. RUMEX. RUMEX. Périgone à six divisions; les trois intérieures plus grandes, rapprochées et persistantes. Six étamines. Trois styles por- tant chacun plusieurs stigmates. Fruit monosperme , trian- gulaire. 29% NOUVEAU TRAITÉ RUMEX PATIENCE. RUMEX PATIENTIA. Rumex patientia. Lanx. Spec. 476. Porr. Encycl. Bot. 5. 59. DC. F1. Fr. 2219. M£r. Nouv. F1. Par. 1. 156. BLAcKw. Herb. t. 489. Cette plante habite particulièrement les prairies, les bois humides, les bords des ruisseaux. On la cultive pour les usages médicinaux et économiques. Sa racine, épaisse et fibreuse, pousse une tige cannelée, cylindrique, rameuse vers la partie inférieure, haute d'en- viron deux pieds, et quelquefois beaucoup plus. Les feuilles radicales sont pétiolées, larges, oblongues, cordiformes, un peu ondulées sur les bords; les supérieures plus étroites , lancéolées. Les fleurs sont petites, nombreuses , verdâtres , disposées en épis à l'extrémité de la tige et des rameaux. Les valves du périgone sont entières, et l’une d'elles porte un tubercule à sa base. Ce Rumex est cultivé dans les jardins comme plante usuélle et médicinale. On l'appelle ordmairement Patience; ce nom spécifique exprime la lenteur de ses effets sur nos organes. Sa racine est épaisse, longue, fusiforme, fibreuse, brune en dehors, jaunâtre intérieurement, imodore, d’une saveur acerbe, un peu amère. Elle fournit une matière extractive, du mucilage, du soufre et du tannin. Les feuilles ont une sa- veur acide. Voilà une plante qui a été fort renommée dans le traite- ment des affections morbifiques de la peau. Les médecins la DES PLANTES USUELLES. 295 négligent aujourd'hui, il leur faut des remèdes plus expédi- tifs, plus énergiques, des pommades irritantes, des bains mercuriels. Parlez-leur de la tisane de Patience ou du suc exprimé de la plante fraiche, ils se moqueront de vous et de votre Patience. Pour moi, je crois qu'il faut guérir les ma- ladies de la peau lentement, très lentement, surtout chez les personnes délicates, qui toussent habituellement , qui sont sujettes aux rhumes, aux catarrhes pulmonaires ou autres irritations intérieures. Donnez à ces malades de la tisane de Patience miellée ; qu'elles se baignent dans une eau émolliente, qu’elles suivent un régime doux, ce traitement leur sera plus salutaire qu’une méthode plus savante ou plus active; vous l'appellerez comme vous voudrez. Les feuilles fournissent un suc d'une saveur acide mêlée d'un peu d'astriction, on peut l’associer à celui de quelques plantes crucifères pour combattre la cachexie scorbutique. La racine sollicite légèrement les évacuations alvines. Mais il faut la donner fraiche et en décoction concentrée. Tisane de Patience. Prenez: racime fraîche de Patience, deux onces; faites bouil- lir pendant environ un quart d'heure dans deux livres d'eau, en ajoutant vers la fin de la coction deux cuillerées de miel. Cette boisson tient le ventre libre. Elle convient parfaite- ment à ceux qui ont des boutons sur la peau, qui éprouvent des démangeaisons habituelles, et qui vont difficilement à la garderobe. Les dartreux en sont presque toujours soulagés. Le suc exprimé de la racine purge à la dose de deux onces aussi bien que la manne. La pulpe de la racine mêlée avec le soufre forme une espèce d'onguent ou de pommade avec laquelle on frotte les 296 NOUVEAU TRAITÉ galeux dans quelques campagnes. Ce remède populaire n’est point à dédaigner. On fait des potages antiscorbutiques et dépuratifs avec les feuilles de Patience qu'on mêle avec l’oseille et la carotte. Dans quelques pays on mange les jeunes feuilles cueillies au printemps, sous le nom d’Épinards immortels. Ea Allemagne on fait blanchir légèrement les feuilles dans l’eau bouillante, puis on les fait frire avec du beurre, et on y ajoute un peu de farine ,. du sucre et du lait écrèmé ou des jaunes d'œufs. Selon Plenck, ce mets est excellent. Folia sic condita sapi- dum exhibent cibum. RUMEX CREÉPU. RUMEX CRISPUS. Rumex crispus. Lanw. Spec. 476. Porr. Encycl. Bot. 5. 60. DC. F1. Fr. CHEv. FI. Par. 2. 393. Desv. FIL. Anj. 130. Bazs. F1. Lyon. 1. 619. Curt. Fr. Lond. t. 104. On reconnait aisément cette espèce à ses feuilles étroites, très ondulées et comme frisées à leurs bords. La tige est droite, cannelée, un peu rameuse, haute de deux à trois pieds. Les feuilles sont alternes , pétiolées, glabres, étroites, lancéolées, aiguës, ondulées, crépues , un peu déchiquetées sur les bords. Les fleurs, disposées en verticilles, forment vers le sommet de la tige un épi rameux et feuillé. Les valves qui couvrent les graines sont arrondies, entières, et munies d'un tuber- cule rouge et globuleux. Cette espèce de Rumex croît ordinairement le long des chemies, dans les prairies, dans les fossés, dans les terrains humides. Elle est assez commune aux environs de Paris. On lui donne le nom de Parelle ou Patience frisée. DES PLANTES USUELLES. 297 Elle partage les propriétés de la Patience commune ou cultivée. Sa racine est légèrement amère, ses feuilles sont acides et contiennent de l’oxalate acidule de potasse. Cette plante est souvent substituée au Rumex patientia. On fait avec sa pulpe, mêlée avec du beurre, une pommade anti- psorique. Ses feuilles ont une saveur un peu acide; on les mange cuites comme l'oseille dans quelques campagnes. RUMEX SANGUIN.. RUMEX SANGUINEUS. Rumex sanguineus. Lin. Spec. 476. Porr. Encycl. Bot. 5. 59. DC. F1. Fr. 2224. CHE. F1. Par. 2. 394. — BLackw. Herb. t. 492. — ZLapathum folio acuto, ru- bente. BAuH. Pin. 115. Sa tige est droite, d'un rouge noirâtre, striée, un peu rameuse à sa partie supérieure, haute d'un pied et quelque- fois plus. Ses feuilles sont alternes, lancéolées, aiguës, presque cordiformes à la base, remarquables par la couleur de sang de leurs nervures et de leurs pétioles. Les fleurs sont petites, disposées par verticilles en épis grèles, axillaires et terminaux; leurs valves sont obtuses, entières; l'une d'elles est munie d’un petit tubercule d'un rouge brun. | Cette espèce, appelée vulgairement Sang-Dragon, Patience rouge, Oseille rouge, croît dans plusieurs parties de la France et de l'Allemagne, aux bords des prairies, des fossés, des ruisseaux. On la croit originaire de la Virginie. Elle est cultivée dans les jardins comme plante usuelle. On sème ses graines en automne dans une terre substantielle. La racine et le suc des feuilles purgent légèrement. Elles ont d'ailleurs toutes les qualités des espèces congénères. 298 NOUVEAU TRAITÉ On mêle quelquefois ses jeunes feuilles avec l'oseille, les épinards et autres herbes laxatives. On cultive aussi dans quelques jardins le Rumex élégant (Rumex pulcher, Linn.), remarquable par le limbe des feuilles découpé en forme de violon. Sa tige est très rameuse, droite, striée, haute de dix à quinze pouces. Les feuilles radicales sont ovales, obtuses, échancrées de chaque côté; celles de la tige sont entières , lancéolées et pointues. Les fleurs sont petites, d'un vert blanchâtre, disposées par verticilles assez rapprochés. Les valves du périgone sont entières; l'une d'elles porte un tubercule saillant à sa base. Cette plante fleurit en juin et juillet. On la trouve le long des haies, aux bords des champs et des chemins, aux envi- rons de Montpellier, de Lyon, d'Orléans, de Paris, etc. Elle croit au bois de Boulogne. (Mérat). On l'appelle ordinairement Patience violon. Les Anglais la nomment aussi fiddle-dock. Elle possède les vertus des autres Rumex. Dans les provinces méridionales on la mange comme l'oseille. RUMEX AQUATIQUE. RAUMEX AQUATICUS. Rumex aquaticus. Ian. Spec. 479. Por. Encycl. Bot. 5.64.:DC. FI. Fr. 2221. CHEv FL Par. 2. 392. Desv. FI. Anj. 130. BLackw. Herb. t. 490. — LZapa- thum aquaticum. BAuH. Pin. 116. Cette espèce a une haute stature; elle s'élève le long des étangs jusqu'à six pieds. Sa racine épaisse, jaunâtre , pousse une tige droite, cannelée, rameuse, garnie de feuilles al- DES PLANTES USUELLES. 299 ternes, très amples, lancéolées, pétiolées, glabres et d'un gros vert. Les feuilles caulinaires sont plus étroites et fine- ment crépues sur les bords. Les fleurs forment une ample panicule au sommet de la tige et des rameaux. Les valves du périgone offrent chacune un tubercule coloré. On trouve cette plante dans les lieux humides, aux bords des étangs et des rivières, où elle fleurit en juillet et août. Sa taille élevée, son air de vigueur font plaisir à voir au mi- lieu des roseaux, ou bien à côté de la salicaire et de l'eupa- toire d'Avicenne. Nulle part elle n’est plus belle qu'aux étangs de Vaux ou de Cernay : on dirait que c'est là sa patrie. Sa racine est épaisse, fibreuse, brune à sa surface, jaune intérieurement, d'une saveur amère et acerbe. Son extrait contient du soufre , de l'oxalate de chaux et de l'albumine végétale. Les feuilles sont légèrement acides. Cette espèce de Rumex s'appelle vulgairement Parelle des marais, Patience aquatique, Herbe britannique. On s'en sert rarement en France; mais, dans le Nord et en Angleterre, on en fait le plus grand cas. L'infusion vineuse de sa racine est un excellent antiscorbutique. Décoction de Patience aquatique. Prenez : racine fraiche de Patience aquatique, une once ; eau de fontaine ou de rivière, une livre. Faites bouillir pen- dant dix ou douze minutes; laissez refroidir, et ajoutez à la colature une once de miel. Cette boisson, prise par tasses, le matin , à midi et le soir, a produit de bons eflets dans les maladies de la peau, dans 300 NOUVEAU TRAITÉ les affections goutteuses et rhumatismales chroniques. Elle tient le ventre libre. On applique la pulpe de la racine fraîche sur les vieux ulcères. Mêlée avec du soufre, elle guérit parfaitement la gale. Les paysans galeux s'en servent même sans soufre; ils en font une espèce de pommade avec du beurre. RUMEX DES ALPES. RUMEX ALPINUS. Rumezx alpinus. Lin. Spec. 490. Porr. Encycl. Bot. 5. 67. DC. F1. Fr. 2220. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 199. BLACKW. t. 262. — Lapathum rotundifolium. CLus. Hist. 2. 69. Sa racine allongée, brunâtre, jaune intérieurement, pousse une tige épaisse, striée, rameuse, haute de trois à quatre pieds, garnie à sa base de feuilles grandes , soutenues par de longs pétioles, ovales, arrondies, obtuses, souvent ondulées: les feuilles caulinaires sont plus étroites, plus aiguës. Les fleurs sont verdâtres, disposées en grappe serrée, un peu rameuse, Les valves du périgone sont entières , et deux d’entre elles au moins sont tuberculeuses à leur base. Cette plante croît dans les départemens méridionaux de la France, dans les Pyrénées, dans les Alpes. Elle est commune dans les pâturages élevés de la vallée d’Eynes, de la vallée d'Ossau (Lapeyrouse). On l'appelle Rhubarbe des moines, Rhapontic commun. Sa racine est fort grosse, allongée, brune en dehors , jaune et veinée de pourpre intérieurement; d’une saveur amère et visqueuse qui se rapproche de celle de la rhubarbe. Lors- qu'elle est fraîche, elle purge comme la rhubarbe rhapontic , mais elle devient un peu astringente par la dessiccation. DES PLANTES USUELLES. 301 Dans les contrées où elle croît spontanément, elle est d’un usage familier parmi les habitans des campagnes; ils mangent ses feuilles et ses jeunes pousses, et ils font de la tisane avec ses racines. On a tort de négliger cette excellente plante, qui peut remplacer la vraie rhubarbe pour les usages médicinaux, pourvu qu'on la donne à des doses un peu plus fortes. On prépare sa décoction de la manière suivante : Prenez : racine de Rumex des Alpes, une ou deux onces ; faites bouillir dans une ou deux livres d’eau jusqu'à réduction d'un tiers. On prend cette espèce de tisane par tasses, et on augmente son action en y ajoutant un peu de sulfate de soude cu de magnésie. Ce remède domestique a été salutaire dans les affections muqueuses de l'organe digestif, les obstructions viscérales avec atomie, les maladies chroniques de la peau, etc. Cette plante sert d’aliment dans les Alpes. On y mange les pétioles des feuilles dans les potages et dans les ragoüts. Sa racine sert à la temture. RUMEX A FEUILLES AIGUES. RUMEX ACUTUS. Rumex acutus. Lin. Spec. 478. Porr. Encycl. Bot. 5. 82. DC. FI. Fr. 2226. CHEv. FI. Par. 2. 394. BLACKW. t. 491. Cette plante croît dans toutes les contrées de l'Europe. On la trouve dans les terrains humides , dans les prairies, dans les fossés. De sa racine pivotante, presque simple, s'élève une tige cannelée, cylindrique, rameuse à sa partie supé- 302 NOUVEAU TRAÎTÉ supérieure, haute d'environ deux pieds, garnie de feuilles pétiolées, lancéolées , terminées en pointe aiguë et d'un vert clair. Les fleurs naissent en vertiailles le long des rameaux supé- rieurs. Elles sont pendantes, d’une couleur verdâtre ; les valves du périgone sont dentées sur les bords, tuberculeuses à la base. Le Rumex à feuilles aiguës est fort commun en France ; il abonde autour des villages, dans les décombres, au bord des chemins un peu humides. Il contient du soufre, et possède les vertus dépuratives des autres Patiences. Cette espèce est partout d'un usage populaire ; elle rem- place fort souvent la Patience cultivée dans les jardins dont elle a toutes les propriétés. Tissot lui donne même la préférence pour rétablir les digestions, pour faire couler la bile , lorsque les maux de nerfs se lient avec l’inertie et la fai- blesse du système hépatique. S'il y a un remède qui convienne généralement dans cet état maladif, c’est, dit-il, la décoction de la racine de Lampée ou Patience (Lapathum acutum), prise dans la saison où elle a le plus d'efficacité, c’est-à-dire depuis le milieu de mars jusqu'au mois de jum; tonique, laxative, apéritive, elle purge doucement, elle fait très bien couler la bile, elle donne de l'appétit, aide les digestions et rétablit la transpiration. (Traité des maladies des nerfs.) Le Rumex à feuilles obtuses { Rumex obtusifolius. Linn.) a beaucoup de ressemblance avec l'espèce précédente; la différence consiste dans la forme des feuilles, qui sont un peu moins aiguës au sommet et un peu plus échancrées à la base. Plusieurs botanistes la regardent comme une simple variété. Elle possède d'ailleurs les mêmes propriétés, et croît éga- lement dans les lieux stériles et humides. Presque toutes les Patiences ont une action tonique et DES PLANTES USUELLES. 303 légèrement purgative, qui les rapproche des rhubarbes, dont nous allons bientôt nous occuper. Ces plantes indi- gènes, qui foisonnent partout et qu'on a oubliées, devraient fixer l'attention des médecins des campagnes. Il faut enfin nous affranchir des remèdes étrangers, surtout pour la mé- decine des pauvres. Toutes les espèces de Rumex qui croissent en Islande y servent à la nourriture des hommes. On mange seulement les jeunes pousses et les feuilles tendres ou vernales. RUMEX OSEILLE. RUMEX ACETOS14. Rumex acetosa. Lainn. Spec. 481. Porr. Encycel. Bot. 5. 68. DC. F1. Fr. 2231. Bas. F1. Lyon. 1. 622. LAPEyR. Plant. Pyr. 1. 200. Cnev. FI. Par. 2. 396. — Æcetosa pratensis. BAUH. 14. BLACKW. Herb. t. 230. Cette espèce, généralement cultivée en Europe, a une racine fibreuse, rampante, jaunâtre, d'où s'élèvent une ou plusieurs tiges arrondies, striées, peu rameuses, longues d'environ un pied et demi. Les feuilles sont alternes, peu nombreuses, lisses, ovales, sagittées et d’un vert luisant; les inférieures attachées à de longs pétioles , les supérieures ses- siles ou amplexicaules. Les fleurs forment des épis rameux, disposés en une pani- cule un peu serrée; elles sont rougeâtres, quelquefois blan- ches, et toujours dioïques. Cette plante croît dans les prés et dans les bois. Elle varie selon son lieu natal. Tantôt ses feuilles sont très amples, aiguës ; tantôt elles sont petites, obtuses, et même presque rondes, simples ou crépues à leur circonférence. On l'appelle 304 NOUVEAU TRAITÉ vulgairement Oseille, Osalle commune, et dans quelques cantons, Surelle ou Vinette. On la cultive dans tous les jardins potagers, où elle se multiplie par l'éclat de ses racines, au printemps et à l’au- tomne, ou par ses graines qu'on sème depuis le mois d'avril jusqu'au mois d'août. La graine se recueille au mois de juillet ; on voit qu'elle est müre quand le calice est d'un rouge brun. L'Oseille demande une terre meuble, bien pré- parée, de fréquens arrosemens, et de petits labours. On la plante au midi pour en obtenir de bonne heure, et au nord, pour l'avoir plus fraîche et moins acide pendant l'été. Sa culture a produit plusieurs variétés, savoir : l'Oseille de Belleville et de Hollande, à larges feuilles, bordées de rouge lorsqu'elles commencent à pousser au printemps; l'Oseille à petites feuilles ou Oseille ronde, d'une saveur agréablement acide; et l'Oseille vierge, dont les feuilles sont très larges et blondes, et qui ne se multiplie que par pieds éclatés. L'Oseille fournit à l'analyse de l'acide oxalique et tartarique, du mucilage et de la fécule. C'est une des herbes les plus agréa- bles de nos jardins; elle se recommande par ses qualités médi- cinales et économiques , elle est rafraïchissante et légèrement nutritive. Voyons d'abord quels sont ses droits à la confiance des médecins et des malades, nous parlerons ensuite des ser- vices qu'elle rend à la classe un peu gourmande, c'est-à-dire aux gens qui se portent bien. Les médecins de l'antiquité ont connu l’Oseille, ils la don- naient pour rafraîchir le sang, pour apaiser la chaleur des entrailles. Les modernes la recommandent également aux malades atteints de fièvres inflammatoires , bilieuses , pu- trides. Une poignée d'Oseille bouillie dans deux livres d'eau, DES PLANTES USUELLES. 305 avec un peu de beurre et quelques grains de sel, vous offre une boisson agréablement acidulée, humectante, réfrigé- rante, dans la première période des maladies aiguës, sur- tout des fièvres bilieuses , si vous éprouvez une chaleur vive, une soifardente. Dans la dernière période ou dans le cours de ces mêmes fièvres, les bouillons préparés avec l'Oseille, la laitue, les épinards, le cerfeuil, vous tiendront le ventre libre, si vous êtes constipé, resserré, et vous épargneront les tisanes purgatives, rauséabondes de nos dispensaires. Ces mêmes bouillons feront couler plus facilement vos urines, et secon- deront les mouvemens de la nature, si elle les dirige vers les reins et la vessie, car elle prend assez souvent cette voie pour opérer une crise salutaire. Voilà ce que vous offre la méde- cine domestique dans sa simplicité, dans sa naïveté. Voulez- vous des méthodes plus riches, plus pompeuses, vous les trouverez dans nos codes pharmaceutiques ; mais gardez-vous bien de les appliquer vous-même, réclamez plutôt les con- seils d'un médecin habile. Desbois de Rochefort a parlé avec une sorte d’enthou- siasme des vertus de l'Oseille. Selon lui, les fièvres inter- mittentes qui ont résisté aux amers et au quinquina, cèdent, comme par enchantement, à l'usage de cette plante, surtout s'il existe des symptômes scorbutiques. Elle n’est pas moins efficace. dans les obstructions abdominales et vers la fin des maladies putrides , lorsqu'il se manifeste une espèce de fièvre lente, avec engorgement des gencives. S'il y a un peu d'exa- gération dans ces éloges, il faut du moins avouer que le suc d'Oscille, mêlé avec celui de quelques plantes crucifères, offre un remède efficace contre la cachexie scorbutique ef quelques phlegmasies cutanées. Le suc d'Oseille miêké avec le petit-lait a quelquefois dompté des hydropisies rebelles aux plus puissans hydragogues. JT, À 20 306 NOUVEAU TRAITÉ Petit-lait au suc d'Oseille. Prenez : suc exprimé des feuilles d'Oseille, six onces; petit-lait clarifié, douze onces; mêlez pour quatre doses à prendre dans le courant de la journée. On fait en même temps des frictions sur l’abdomen avec de l'huile d'olive. Il faut pratiquer ces frictions matin et soir, et les prolonger pendant quinze ou vingt minutes. Cette méthode, extrèmement simple, nous a réussi dans plusieurs cas fort graves. Les urines, qui étaient rares aupa- ravant, ont coulé avec une grande abondance. Le petit-lait à l'Oseille est également salutaire aux scorbu- tiques , aux dartreux qui éprouvent des mouvemens fébriles, une soif vive, une chaleur âcre, mordicante, soit à la peau, soit dans les entrailles. A ceux qui sont pâles, froids, inertes, il faut des amers , des dépuratifs, des antiscorbutiques chauds. Panade à l’'Osalle. Prenez : pain de froment rassis et coupé par petits mor- ceaux, une livre; eau de fontaine ou de rivière, trois livres; faites bouillir à petit feu, pendant environ une heure, avec une poignée d'Oseille, une laitue et une pincée de cerfeuil ; ajoutez vers la fin un peu de beurre frais et quelques grains de sel; passez ensuite la panade par un tamis de crin. On donne cette espèce de panade acidulée vers la fin des fièvres putrides et bilieuses pour soutenir les forces abattues. Elle est assez généralement du goût du malade, à qui les bouillons de viande répugnent. Elle remplace à propos les crèmes d'orge, de riz, et autres alimens. dont son estomac est bientôt fatigué. DES PLANTES USUELLES. 307 Il faut avoir quelque déférence pour les malades gâtés par la fortune, par les honneurs, par des habitudes mondaines, et surtout leur épargner le dégoût de certains alimens, de certains remèdes. Cette attention les satisfait, et elle n’est pas inutile au médecin. La médecme d'hôpital, que certains praticiens transportent partout, est bonne sans doute, mais elle est quelquefois peu philosophique. Les jeunes méde- cins doivent y prendre garde; quant aux vieux, ils ne se cor- rigeront point, ils se croient infaillibles. L'Oseille, les herbes acides , rafraichissantes, légèrement nutritives, sont très salutaires aux tempéramens sanguins, bi- lieux, secs, ardens. On les mêle avec le poulet, le veau et autres viandes blanches. C’est un régime délicieux. Donnez à cet homme dont le tissu cellulaire est épanoui par la graisse, qui dort beaucoup, qui pense peu, qui marche difficilement, et à qui il faudrait pour ainsi dire porter l'ab- domen pour l'alléger; donnez-lui des potages maigres à l'Oseille , un peu épicés, un peu salés; ôtez-lui les matières féculentes, les mets trop substantiels; frictionnez, brossez, pétrissez ses muscles, vous l'aurez bientôt réduit à des pro- portions plus convenables. Il marchera , il respirera, il pen- sera , et 1l vous devra une nouvelle vie. Quittons un instant les malades, et passons à un régime plus confortable; nous verrons que l'Oseille se mêle partout agréablement, et qu'elle nous fait mieux goûter les plaisirs de la table. Elle est admise dans tous les potages, surtout dans les soupes printanières ; et si quelques légumes sont trop fades, d'autres trop sucrés, elle est là pour les corriger, ou pour animer leur saveur. Certes, votre julienne serait man- quée , si l'on y avait oublié l'Oseille. Après les huîtres, rien n’est bon comme un potage où do- 308 NOUVEAU TRAITÉ mine cette herbe fraiche. Quel est le barbare, l'ignorant qui a pu offrir une soupe au lait après les huîtres? Qu'un médecin donne des huîtres et puis du lait sucré à un poitrinaire, à la bonne heure ; mais si vous avez quelques agréables convives, et surtout un bon diner, ne leur servez point une soupe au lait, ce serait une perfidie. L'estomac n’a nul besoin de ce plat de douceur pour digérer les huîtres; vous émoussez sa verve, au contraire, vous lui Ôtez l'aiguillon de la faim, tandis que, après quelques cuillerées de bouillon d'Oseille, il est plus aguerri, mieux disposé au combat. Lecteur! j'avoue mon insuffisance en fait de gastronomie, je ne suis point gour- mand, je vous offre seulement ici les traditions de quelques habiles maîtres. Horace, qui était né poète et friand, vous dit au reste que les moules, les huîtres communes, la petite Oseille et le vin blanc de CÔ vous seront favorables, si vous avez le ventre serré. Essayez de ce petit régime la veille d'un grand repas; mais, au lieu de vin de Cô, qui est perdu pour nous, vous boirez de la tisane de Champagne. . Si dura morabitur alvus, Mytilus et viles pellent obstantia conchæ, Et lapathi brevis herba, sed albo non sine Coo. (Sat. sv, lib. 2.) * Purée d'Osaille. Vous pouvez faire de la purée d'Oseille grasse, c’est-à-dire un plat moelleux, appétissant et de bon goût, en mouillant votre purée avec du velouté ou du consommé; vous y ajou- terez des champignons hachés et des échalotes pour les ama- teurs. Pour les jours d'abstinence, vous aurez une purée d'Oseille DES PLANTES USUELLES. 309 maigre , assaisonnée simplement de beurre fin, et modéré- ment épicée. Mais si votre estomac se révolte, s'il a besoin d'être soutenu, vous y mettrez un peu de fécule, des jaunes d'œufs et de la crème. C'est le régime des dévots un peu épuisés par le carème. Si ce plat ne suffit point, on peut leur offrir une alose mollement couchée sur la purée d'Gseille. Alose à la purée d'Osalle. Vous choisissez une alose grasse et bien fraîche, c'est-à- dire pêchée dans l’eau douce (celles qu'on prend dans la mer sont sèches, dures, peu succulentes). Vous la videz, vous l'écaillez et vous la faites mariner dans de l'huile d'Aix, avec du sel fin et quelques fines herbes. Vous la mettez sur le gril, vous l'arrosez de sa marinade, vous la retournez , et vous la servez sur une purée d'Oseille bien chaude, bien nourrie et assaisonnée de noix muscade. L’alose servie avec de l'Oseille est un mets déhicat, nour- rissant et facile à digérer. Les gourmands érudits aiment à s'en régaler au printemps. Ils savent que l'Oseille est alors fraîche, tendre, d'une acidité agréable, et que l'alose a quitté depuis quelque temps la mer pour aller s’engraisser dans les rivières. Le thon frais, qu'on mange à Marseille, à Montpellier et sur les rivages de la Méditerranée, se sert ordinairement sur un lit d'Oseille. Tous les médecins qui ont fait leurs études à Montpellier regrettent ce plat délicieux. Le veau, l’agneau, le chevreau, les filets de volaille, toutes les viandes blanches sont plus saines, plus appétis- santes lorsque l'Oseille vient leur donner sa saveur incisive. Nous ne parlons pas de la noix de veau piquée, des ris de veau 310 NOUVEAU TRAIÎTÉ à l'Oseille, ce sont des plats classiques qui ont traversé les siècles, et qu'on aime, qu'on estime partout, en province comme à Paris. Aucune révolution n'a pu, jusqu'à présent, détrôner le fricandeau à l'Oseille. Enfin il n'y a pas jusqu'aux œufs durs qu’elle ne vous fasse digérer. Cependant si votre estomac est un peu débile, si vous êtes nonchalant, peu disposé à faire de l'exercice, pre- nez seulement une ou deux cuillerées de purée d’Oseille bien assaisonnée , bien cuite, et laissez les œufs durs à cet homme vigoureux et alerte qui les aura digérés avant qu'on serve le dessert. Mais arrêtons-nous 1c1; les médecins chimistes nous écou- tent, et nous menacent de la pierre si nous mangeons de l'Oseille. Un noble campagnard, très bilieux, à qui l'Oseille faisait du bien, fut tellement effrayé en lisant un fait recueilli par M. Magendie, qu'il fit arracher sur-le-champ toute l'Oseille de son jardin. On avait beau lui dire qu'il avait eu tort de supprimer l'Oseille qui lui rafraïchissait les entrailles, il ré- sistait à toutes les remontrances, et le veau, et l'omelette, et Ja farce n'avaient plus la même saveur; il avait même ré- formé les épices, et sa cuisine était si fade que le curé de sa paroisse avait déserté sa table. IL fallut qu'un livre spécial vint lui apprendre que l'Oseille n’était nuisible qu'à certains individus, à certains tempéramens. L'Essa de M. Ségalas , sur la gravelle et la pierre, venait de paraître ; il le médita et il vit que l'Oseille pouvait en effet fayoriser la formation des calculs d’oxalate de chaux, mais que ces calculs étaient fort rares, et que dans beaucoup d'autres cas il fallait également se priver de bœuf, de mouton, de che- vreuil, de perdreaux, de bécasses et autres bonnes choses, pour ne pas s'exposer à des graviers d’une autre nature. Îl DES PLANTES USUELLES. 311 regrettait l'Oseille qui lui donnait de l'appétit, qui le rani- mait, et dont il n'avait jamais eu à se plaindre. Lorsqu'il vi- sitait son jardin, ses yeux s'humectaient de larmes à l'aspect de ces bordures tristes que n'embellissait plus l’Oseille fraiche et verdoyante. Flottant entre l'espérance et la crainte, il voulut relire l'ouvrage de M. Ségalas ; 1l parcourut attentive- ment le groupe des symptômes qui annoncent la gravelle, et il resta convaincu qu'il n'avait jamais rien éprouvé qui püt lui faire craindre cette maladie. Le bon curé est instruit de la conversion de son paroissien, 1l accourt tout haletant, il le félicite, 11 l'embrasse , il s'écrie : Dieu soit loué! nous man- gerons encore de l'Oseille au château. C'était un samedi; le fricandeau à l'Oseille est commandé pour le lendemain; le pasteur fournira de l'Oseille bien tendre, bien fraiche, car 1l la cultive, et on se réunira en famille après complies. En mème temps on ordonne au jardinier de disposer les bordures et d'y planter de la nouvelle Oseille. Pour faire preuve d'impartialité, nous consignerons cepen- dantici deux faits qui doivent faire craindre l'abus de l'Osaille, du moins pour certains individus. M. Magendie rapporte l’observation suivante. Un homme de cabinet avait reconnu que l'Oseille le rafrai- chissait parfaitement. Épris d'une belle passion pour cette herbe potagère, il déjeunait depuis quelque temps avec un potage à lOseille, lorsqu'il s'aperçut qu'il rendait des gra- viers. Il consulta, on analysa ses urines, elles contenaient de l'acide oxalique, et les petits calculs étaient exclusivement formés d’oxalate de chaux. Il cessa les potages à l'Osalle, et les fonctions des reins revinrent à l'état normal. « Dans les cas de graviers d’oxalate de chaux, il faut, dit M. le docteur Ségalas , éviter l'Oseille et tous les alimens qui contiennent de l'acide oxalique, comme les pois chiches. J'ai 312 NOUVEAU TRAITE détruit, 1l y a trois ans, par le broiement, chez un receveur des douanes, un calcul d’oxalate de chaux qui s'était formé évidemment, et en un temps très court, sous l'influence d'une alimentation où l'Oseille dominait habituellement. » (Ségalas, Essai sur la gravelle et la pierre, page 55.) L'Oseille convient peu aux personnes qui toussent, qui ont là poitrine plus ou moins irritée; mais si on la mêle avec la laitue, la poirée, la belle-dame, le cerfeuil, elle offre une nourriture légère , relâchante, qui rafraîchit les organes, et qui soulage même les poitrinaires d’un tempérament chaud, bilieux, que la fièvre hectique dévore. Dans les petits ménages on devrait toujours avoir une cer- taine provision de ces herbes confites. En hiver elles sont rares, et les riches peuvent seuls s'en procurer. Oseille confile. On cueille l'Oseille vers la fin de septembre, on l'épluche avec soin, on la hache et on la met dans un chaudron sur le feu avec un morceau de beurre et la quantité de sel jugée né- cessaire. On la fait cuire à un grand feu que l'on modère vers la fin, en remuant sans cesse avec une spatule, afin qu'elle ne s'attache point au vase; et quand elle est suffisamment cuite, on la laisse refroidir à moitié, et on la met dans des pots de grès que l’on recouvre d’un parchemin ou d'une vessie mouillée et bien tendue. Herbes mélées et confites. Vous cueillez de l'Oseille, de la petite laitue, de la poirée, de la belle-dame, du cerfeuil, du pourpier et de la ciboule. La proportion de l'Oseille doit être d'environ deux tiers. Vous DES PLANTES USUELLES. 313 hachez vos herbes et vous les faites cuire à petit feu, avec un bon morceau de beurre et une suffisante quantité de sel. Vos herbes refroidies, vous les mettez dans des pots de grès, et vous les recouvrez d'une couche de beurre fondu. Voici un autre procédé. Lorsque vos herbes sont cuites, vous les laissez refroidir dans des vases de faïence, vous les mettez ensuite dans des bouteilles à grande embouchure que vous bouchez soigneusement. Vous faites bouillir au bain- marie pendant un quart d'heure seulement, et vos herbes se conservent aussi fraiches que si elles sortaient du jardin. RUMEX PETITE - OSEILLE. RUMEX ACETOSELLA. Rumex acetosella. Lin. Spec. 481. Porr. Encycl. Bot. 5. 69. DC. 2223. Cuev. FIL Par. 2. 396. Desv. F1. Anj. 130. Lapeyr. Plant. Pyr. 1. 200. FI. Dan. t. 1161. — Acetosa hastata. MoEncH. Meth. 357. — BLACKW. Herb. t. 307. Sa racine, ligneuse, horizontale, de couleur brune, pousse plusieurs tiges extrèmement grêles, peu rameuses, hautes de huit à dix pouces. Les feuilles varient beaucoup dans la forme: elles sont tantôt ovales, lancéolées, hastées, tantôt fort longues, un peu anguleuses à la base, et quelque- fois linéaires, presque capillaires. Les fleurs sont très petites, d'une couleur rougeâtre, dis- posées tantôt en épis courts et serrés, tantôt en épis lâches et presque filiformes ; leurs valves sont ovales et entières. Cette plante, qu'on appelle petite Oseille, Osalle sau- eage, foisonne au bord des champs, dans les terrains sablon- 31% NOUVEAU TRAITÉ neux, dans les bois, dans les pâturages, aux environs de Lyon, de Paris, etc. Elle est également vulgaire dans les prés, dans les champs pierreux des Pyrénées. En Lithuanie, les champs en sont couverts, la plante devient rouge en au- tomne , alors les terres en jachère sont toutes teintes de cette couleur. La petite Oseille est fortement acide ; elle contient de l'oxa- late acidule de potasse et de chaux. Ses propriétés sont les mêmes que celles de l'Oseille commune. L'infusion des feuilles, ou leur suc délayé dans de l'eau sucrée, donnent une boisson très rafraichissante, propre à tempérer la cha- leur fébrile. Dans les pays où cette herbe sauvage abonde, elle peut remplacer les citrons, du moins pour les ouvriers, pour les indigens. Mèlée avec les plantes oléracées aqueuses, un peu fades, elle relève agréablement leur saveur dans les potages, dans les ragoûts et autres mets campagnards. Les bestiaux, sur- tout les moutons, la recherchent et la broutent avec avidité , aussi l'appelle-t-on dans quelques provinces Vinette de brebis. RUMEX A ÉCUSSONS. RUMEX SCUTATUS. Rumex scutatus. Linx. Spec. 430. Porr. Encyel. Bot. 5. 66. DC. FI. Fr. 2234. Mér. Nouv. F1. Par. 159. LAPEYR. Plant. Pyr. 1. 199. — _Z{cetosa romana. BLACKW. t, 306. — Æcetosa rotundifotia hortensis. BAuK. Pm. 114. Sa racine, vivace, presque ligneuse, produit des tiges striées, arrondies, herbacées, diffuses, couchées ou en par- tie redressées. Les feuilles sont alternes, charnues, molles , DES PLANTES USUELLES. 315 cordiformes, hastées , obtuses, quelquefois pointues , longue- ment pétiolées et d’un vert glauque. Les fleurs sont hermaphrodites, peu nombreuses, ver- dâtres, disposées en verticilles à l'extrémité des rameaux, sur des pédoncules capillaires ; les valves séminales sont entières et arrondies. | Cette plante, appelée vulgairement Osalle ronde, croît en Allemagne, en Suisse, dans les montagnes de nos pro- vinces méridionales et aux environs de Paris. On la trouve dans les Pyrénées, parmi les rochers brisés, à Mont-Louis, à Barèges, à Bagnères de Luchon. M. Poiret l'a rencontrée en Barbarie. On la cultive dans les jardins comme l'Oseille commune, dont elle partage les propriétés chimiques, médicinales et culinaires. Sa saveur est agréablement acide. On cultive également le Rumex à deux styles (Rumex di- gynus. Linn.), autre espèce d'Oseille qui croît dans les mon- tagnes des Alpes et des Pyrénées, et dont les feuilles sont ar- rondies, réniformes, un peu échancrées en cœur et d'un vert tendre. Les fleurs sont disposées en épis le long des tiges; les fruits, d’une couleur rougeâtre avant leur maturité, deviennent ensuite bruns. Cette espèce de Rumex a une saveur acide comme celle de l'Oseille ordinaire. On peut l'employer aux mêmes usages. RHUBARBE. RHEUM. Périgone persistant, rétréci à sa base; limbe à six divi- sions alternativement plus grandes ou plus petites. Neuf étamines ; anthères oblongues, obtuses. Un ovaire portant trois stigmates plumeux, réfléchis. Capsule triangulaire, aiguë, membraneuse sur les angles. 316 NOUVEAU TRAITÉ RHUBARBE PALMÉE. RHEUM PALMATUM. Rheurm palmatum. Lin. Spec. 531. Plant. Rar. Hort. UpPsar. Fasc. 1. p. 7. t. 4. Porr. Encycl. Bot. 6. 193. BLAcKkwW. Herb. t. 600. f. à, b. Mizz.. Hlustr. Icon. Cette espèce a une racine vivace, volumineuse, d'un beau jaune, divisée en ramifications. Ses tiges sont droites, can- nelées, cylindriques, hautes de trois à quatre pieds, garnies à leur base de feuilles très amples, pétiolées, palmées, aiguës, vertes en dessus, blanchâtres et pubescentes en dessous. | Les fleurs sont nombreuses, d'un blanc jaunâtre, dispo- sées en panicule au sommet des tiges. Elles produisent des semences triangulaires , membraneuses , striées, un peu échancrées, brunes, quelquefois d’une teinte rougeûtre assez vive. On cultive dans les jardins cette belle plante, originaire de la Chine, où elle croît spontanément le long de la grande muraille. Les racines qu’elle fournit, et que nous recevons par la yoie du commerce, sont épaisses, divisées en fragmens de différentes grosseurs, d'un jaune safran au-dehors, d'une couleur rougeâtre et comme marbrée intérieurement, d'une odeur un peu nauséabonde, d'une saveur amère et acerbe. Ces racines portent le nom de Rhubarbe officinale ou Rhu- barbe de la Clüne. Analysée par M. Henry, la Rhubarbe de la Chine a offert un principe colorant jaune, analogue au iannin, amer, âpre, insoluble dans l'eau froide, soluble dans l'eau boul- DES PLANTES USUELLES. 317 lante, dans l’alcohol et dans l'éther ; une huile fixe, douce, soluble dans l'éther et dans l’alcohol; de la gomme, une ma- tière amylacée, du ligneux, du surmalate et de l’oxalate de chaux, enfin un peu de sulfate calcaire et un peu de sel à base de potasse. La Rhubarbe indigène , c'est-à-dire celle qui provient de la plante cultivée dans nos jardins, content du tannin en plus grande quantité, beaucoup d'amidon et peu d'oxalate de chaux. ( Bulletin de Pharm., tome vi.) Les qualités de la Rhubarbe dépendent beaucoup de son mode de dessiccation. Si on la fait sécher au four, ou à une chaleur vive, elle perd son principe aromatique, et son action s’affaiblit. Les Chimois cueillent cette racine au prin- temps ou en automne, la nettoient et la coupent en mor- ceaux, qu'ils étendent sur de longues tables, et qu'ils retournent trois ou quatre fois par jour. Lorsque ces frag- mens ont pris une sorte de consistance, ils les percent de part en part, les enfilent et les exposent au vent pour en achever la dessiccation. On dit que la meilleure Rhubarbe croît naturellement sur les montagnes, entre des rochers, dans cette partie de la Tartarie qui est soumise à la domination chinoise, et habitée par les Tanguts ou Tongouzes. On préfère les vieilles racines, que l'on reconnait à leurs tiges larges et épaisses. Les Ton- gouzes commencent à les tirer de terre au printemps. L'ex- portation de celles de la première qualité est défendue, mais on en obtient par un moyen plus puissant que les défenses; on gagne par des présens les préposés, et ceux-ci en laissent mêler dans les sacs avec les racines mférieures. Cette précieuse racine, que le vulgaire emploie si sou- vent comme un remède stomachique , ne convient port dans 318 NOUVEAU TRAITÉ toutes les maladies qui affectent l'organe digestif, et l'on doit surtout en interdire l’usage aux personnes qui sont tourmen- tées par une chaleur vive ou par un éréthisme habituel des entrailles ; la plus petite dose peut leur devenir funeste, ou du moins aggraver leur état maladif, comme on le verra bientôt. Les substances douces, tempérantes, sédatives, sont alors les véritables stomachiques. Ce fait de pratique prouve combien était vague et arbitraire le sens qu’on atta- chait aux anciennes dénominations. Mais la Rhubarbe agira d'une manière admirable si le canal alimentaire est frappé d'atonie ; si l’on éprouve des lan- gueurs d'estomac, des flatuosités, de linappétence ; si la langue est muqueuse ; si la pression de l'épigastre et de l'ab- domen se fait sans irritation, sans douleur. Sydenham combattait avec la Rhubarbe les altérations du système lymphatique, qu'on observe chez les enfans doués d’une constitution débile, et principalement le carreau avec fièvre lente. Voici la préparation dont il se servait habi- tuellement. Bière stomachique de Sydenham. Prenez : Rhubarbe choisie et coupée par tranches, deux gros ; petite bière, deux livres. Laissez infuser dans une bou- teille ou dans tout autre vase bien fermé. Vous donnez à l'enfant de petites doses de cette infusion, soit le jour, soit la nuit, à ses repas ou hors de ses repas. Lorsque la boisson est épuisée, vous versez de la nouvelle bière sur la même Rhubarbe. L'espèce de fièvre lente dont parle Sydenham jetait les en- fans dans un état de langueur, leur ôtait l'appétit et leur ceusait un amaigrissement universel. Il fait observer en DES PLANTES USUELLES. 319 même temps que cette fièvre était accompagnée de peu de chaleur. Cette observation était nécessaire, car il faudrait bien se garder de donner de la bière et de la Rhubarbe lorsque les enfans éprouvent une 1rritation vive, une chaleur âcre, signes presque certains de quelque phlegmasie viscérale qui de- maude des remèdes tempérans, adoucissans. C'est ici que triomphent les méthodes du professeur Broussais. L'observation a également constaté les heureux effets de la Rhubarbe dans la chlorose, la menstruation difficile, la leu- corrhée et quelques autres maladies du sexe, qui se lient si souvent avec l'atonie des voies digestives. On la donne alors infusée dans du vin blanc, ou bien sous la forme de poudre mêlée avec quelques grains d’aloës. ‘ Vin de Rhubarbe. Prenez : Rhubarbe concassée, demi-once: cannelle de Ceylan, un gros ; vin blanc, une livre ; faites macérer pen- dant huit jours, et ajoutez à la colature deux onces de sucre blanc. C'est un doux et agréable stimulant qu'on donne par cuil- lerées aux filles chlorotiques, faibles, languissantes. Il ra- nime les fonctions digestives et utérines. Poudre digestive de Klein. Prenez : Rhubarbe en poudre, écorce d'orange également pulvérisée, de chaque un gros; tartrate de potasse, deux gros ; huile de cajeput , un scrupule ; mêlez exactement, et partagez cette poudre en vingt-quatre doses égales. On prend tous les jours deux ou'trois de ces doses dans 320 NOUVEAU TRAITÉ une tasse d'eau sucrée. Klein appelle cette composition Sola- men hypochondriacorum. Baldinger, qui l'employait souvent, en fait un grand éloge. Les malades sont quelquefois légère- ment purgés par cette poudre digestive. Nous l'avons donnée avec fruit à quelques vieux goutteux dont les digestions étaient irrégulières, dépravées. Combinée avec la magnésie, la Rhubarbe dissipe les ‘aigreurs et tient le ventre libre. On mêle deux gros de ma- gnésie avec vingt grains de Rhubarbe, et l'on donne, trois ou quatre fois par jour, depuis cinq jusqu'à dix et quinze grains de cette poudre aux enfans , aux HS CS faibles et délicates. Su on élève les doses de fa Rhubarbe, sa vertu tonique est effacée par son effet purgatif; c'est même presque tou- jours pour tenir le ventre libre que la médecme domestique emploie cette racine. Ceux à qui les lavemens répugnent sont bien aises de les remplacer par quelques prises de Rhu- barbe. Le concierge, le petit rentier, le vieux serviteur en retraite, ne connaissent que la Rhubarbe quand ils sont constipés, et tous les pharmaciens en ont constamment de petits paquets tout prêts, quils vendent 2 sous chacun. ‘ Il y à quatre ou cinq grains du Rhubarbe par paquet. Le remède est-il inefficace, ce qui arrive fort souvent, on double, on triple la dose, sans se douter que quinze grains de Rhubarbe, quon mêle ordinairement dans la première cuillerée de soupe, peuvent troubler la digestion et provoquer en certaines circonstances de graves accidens. Madame Lallement, une de nos anciennes et bonnes clientes, sujette à la constipation, et en même temps douée d'un tempérament nerveux, prit un jour, en se mettant à table, quatre grains de Rhubarbe seulement. Elle mangea peu, elle est fort sobre’ Vers minuit, elle fut réveillée par DES PLANTES USUELLES. 321 quelques coliques, et, dans l’espace de deux ou trois heures, elle fut purgée quinze ou vingt fois. Plusieurs {asses d'infu- sion de fleurs de tilleul calmèrent peu à peu cette irritation gastrique, mais le lendemain la malade était comme anéantie. On a pourtant dit, et c'est un médecin distingué, que la Rhubarbe, mêlée avec les alimens, ne pouvait nuire à leur digestion ; C'est une erreur que l'expérience démontre, et nous pourrions citer plusieurs faits semblables qui la ren- draient encore plus évidente. La médecine humorale a singulièrement abusé de la Rhubarbe dans quelques dysenteries épidémiques. Cette sub- stance a pu certainement rendre quelques services vers la fin de la maladie, pour débarrasser le conduit intestinal et le corroborer ensuite par son action tonique secondaire ; mais, dans la première période, c'est-à-dire lorsque les membranes digestives sont dans un état de spasme et d'irri- tation vive, la Rhubarbe est un vrai poison. C'est dans les fièvres muqueuses ou catarrhales que notre Rhubarbe peut être placée avec avantage, surtout lorsqu'elles sont compliquées d'une sorte de diathèse vermineuse. On sait combien la présence des vers aggrave ces fièvres en fai- sant éclater des phénomènes insolites, des mouvemens ner- veux, qui changent pour ainsi dire leurs traits, leur physio- nomie : dans ces complications graves , la Rhubarbe , mêlée avec le calomel, expulse les vers, débarrasse en même temps le tube intestinal des matières qui les enveloppent, imprime à la maladie une marche plus régulière, et contribue puis- samment à Sa guérison. JAI, 21 322 NOUVEAU TRAIÎTÉ Poudre de Rhubarbe vermifuge. Prenez : Rhubarbe en poudre, un gros; calomel ou mer- cure doux, vingt-quatre grains; mêlez pour une poudre à partager en douze prises. On donne une de ces prises toutes les heures, ou à des intervalles plus ou moins rapprochés, dans une petite tasse de thé ou d'infusion de camomille romaine. On peut aussi réduire cette poudre en douze bols, qu'on prend de la même manière. Lorsqu'on se propose de stimuler simplement l'organe di- gestif, on donne quatre, six, huit ou dix grains de Rhu- barbe pulvérisée ; mais il en faut trente ou quarante grains , et quelquefois un gros, pour purger les tempéramens un peu robustes. L’extrait aqueux provoque faiblement les éva- euations ; on l’administre plutôt comme tonique, à la dose de quinze ou vingt grains, qu'on peut délayer dans un peu de vin vieux ou dans une eau aromatique, comme celle de menthe ou de cannelle. La Rhubarbe est quelquefois employée comme auxiliaire dans les potions purgatives, et alors on l'associe avec la manne , avec le sulfate de magnésie ou le sulfate de soude. Sa teinture alcoholique est d'un usage moins fréquent que ses autres préparations ; on la donne à la dose d'un à deux gros, pour fortifier l'organe digestif et dissiper les flatuosités. Le sirop de chicorée composé tient ses vertus de la Rhubarbe, et constitue un doux purgatif, qu’on prescrit aux enfans, à la dose d’une ou deux cuillerées à bouche. La préparation sui- vante produit d'heureux effets dans l’engorgement mésenté- rique des enfans, causé par une faiblesse spéciale. DES PLANTES USUELLES. 393 Sirop de Rhubarbe. Prenez : racine de Rhubarbe palmée, trois onces; écorce d'orange, trois gros; carbonate de potasse liquide, deux gros. Faites digérer pendant douze heures dans deux livres d’eau bouillante, et ajoutez à la colature la quantité de sucre nécessaire pour obtenir un sirop, dont on donne une cuille- rée deux ou trois fois par jour, suivant l’âge de l'enfant. On pratique en même temps des frictions sur le bas-ventre avec le liniment volatil, et on prescrit un régime tonique. La Rhubarbe est, souvent mêlée à des purgatfs plus éner- giques , comme l'aloès, le jalap, la scammonée, etc., et lon forme avec ces divers ingrédiens des teintures , des élirs, des bols, des pilules, etc., dont les dénominations emphatiques séduisent fort souvent l'hypochondre, le ma- niaque, le malade imaginaire, enfin cette classe nombreuse qui ne peut vivre et digérer sans médecins , surtout sans re- mèdes. C'est pour ces malheureux malades qu'on a inventé l'élixir viscéral, les bols stomachiques, les pilules digestives, les grains de vie, les grains de santé, etc. La plupart de ces remèdes ont un effet assez prompt ; l'hypochondriaque con- stipé va plus facilement à la garde-robe, 1l est un peu sou- lagé, et il crie au miracle. Une pilule a d'abord suffi, mais ensuite il en a fallu deux, trois et quatre pour vaincre la con- stipation. Combien de malades ont péri victimes de ces re- mèdes inventés par le charlatanisme ! Tissot parle d'une dame à laquelle des pilules, composées de Rhubarbe et d’aloès, laissèrent un tremblement, qu’elle conserva toute sa vie. Une autre dame eut, après de petites doses de Rhubarbe, des évacuations considérables, des dou- leurs vives, qui ébranlèrent tout le système nerveux , au 32% NOUVEAU TRAITÉ point qu'elle ne pouvait, qu'avec une sorte de peine, voir, entendre , goûter, sentir et toucher. De Haën, Stahl, Boerhaave, Lorry, etc., ont rapporté des faits semblables. Tous les purgatifs sont de mauvais remèdes lorsque les nerfs sont dans un état d'irritation et de spasme, ou que les viscères abdominaux sont atteints d’une phlegmasie plus ou moins latente, ce qui a souvent lieu chez les hypochondres. Les médecins séercoraires (qu'on me passe cette expression, elle ne se trouve point dans le nouveau Dictionnaire de l’Aca- démie française) ont fait un mal incroyable à l'humanité. Mais il ne faudrait pourtant pomt rayer du dispensaire domestique cette classe de médicamens, fort utiles lorsqu'on sait les donner à propos. La Rhubarbe est surtout un pur- gatif très convenable pour remédier à l'inertie, à la paresse di tube intestinal, et tous les médecins savent combien la santé générale dépend de la régularité de ses fonctions. La sympathie du système gastrique avec les autres organes est telle, que Berdeu voulait qu'on cherchât la source de pres- que toutes les maladies dans l'étendue du domaine de l'es- tomac. C'est ainsi que les purgatifs font cesser une foule de symptômes plus ou moins pénibles, plus ou moins graves, et quelquefois les phénomènes les plus singuliers, les plus étranges , comme les douleurs dans les membres, la fatigue dans la région lombaire , l'embarras de la tête, la migrame, les vertiges, les étourdissemens, les suffocations, les palpi- tations, les mouvemens tumultueux du cœur imitant l’ané- vrisme, l'insomnie , les inquiétudes, la frayeur, la tristesse, la mélancolie, la crainte, la pusillanimité, etc. On à vu des hommes d’une humeur enjouée, d’un carac- tère doux et facile, devenir tout à coup moroses, hargneux , frondeurs, querelleurs, satiriques, méchans, malveillans; DES PLANTES USUELLES. 325 et pourquoi? parce que le bas-ventre n'avait point rempli ses fonctions habituelles. Nous avons parlé, dans notre Phy- tographie médicale, d'un homme valétudinaire qui se livrait aux emportemens les plus violens et à mille extravagances , qui criait, grondait, frappait à tort et à travers, et qui aurait peut-être attenté à sa vie si l'on n'eüt ramené peu à peu sa raison égarée, par tous les moyens de douceur imaginables : cet état de perversion morale était provoqué et entretenu par une constipation habituelle. Nous lui conseillâmes l'usage de quelques pilules purgatives, et en même temps un ré- gime doux, presque végétal. Grâce à ces pilules et au chan- gement de régime, son humeur et son caractère ne furent plus reconnaissables. Abordez un ministre ou un grand fonctionnaire de l'état lorsque ses entrailles sont encombrées de mauvais sucs, lorsque son teint jaune et terreux annonce l'embarras des canaux biliaires, votre cause, qu'il eût embrassée quelques jours auparavant, est à jamais perdue : mais si, mieux inspiré, vous attendez que son médecin lui ait fait prendre un lavement et quelques grains de Rhubarbe de la Chme, vous en serez plus favorablement accueilli. L'homme , qui marche si fièrement à la tête des animaux, est bien peu de chose, puisque le momdre dérangement dans ses fonctions corporelles peut changer toutes ses facultés morales. Pilules gourmandes ou Pilules ante cibum. Prenez : Rhubarbe en poudre, un gros; aloès, demi- gros; extrait de chicorée, deux gros; huile de fenouil, quatre gouttes ; sirop d'écorce d'orange, suffisante quantité pour former des pilules de cinq grains chacune. On prend deux ou trois de ces pilules une heure avant le 326 NOUVEAU TRAITÉ principal repas; elles excitent légèrement le ton de l'estomac, aiguisent l'appétit et facilitent la digestion. Que le lecteur un peu grave nous pardonne si nous avons conservé la dénomination vulgaire de pilules gourmandes. Celles qui portaient autrefois ce nom étaient plus énergiques, nous avons cru devoir les modifier en faveur des gourmands qui pourront nous lire, en leur faisant observer néanmoins que tous ces prétendus remèdes digestifs qu'ils prennent ante cibum leur sont ordinairement plus nuisibles qu'utiles. Si vous provoquez l'estomac, si vous le poussez à une sorte de déréglement et d'intempérance, il ne peut que succomber au milieu d'un travail au-dessus de ses forces. RHUBARBE ONDULÉE. RHEUM UNDULATUM. Rheum undulatum. Lan. Spec. 531. AMOEN. Acad. 3. 212. t. 4. Porr. Encycl. Bot. 6. 193. Murr. Appar. Med. 4, 356. Ses racines sont arrondies , très épaisses, ramifiées , brunes en dehors, d'un jaune foncé intérieurement. Elles produisent des tiges sillonnées, anguleuses, d’un vert jau- nâtre, glabres, hautes de deux ou trois pieds, garnies à leur base de fortes touffes de feuilles larges , ovales, pétio- lées, entières, cordiformes, ondulées ou presque crépues en leurs bords et d'un beau vert. Les feuilles caulinaires sont très écartées, petites, presque sessiles. Les fleurs, d'un blanc jaunâtre et pédiculées , forment des panicules étroites, serrées, à l'extrémité des tiges et dans l'aisselle des feuilles supérieures. Les semences sont trian- DES PLANTES USUELLES. 327 gulaires , noirâtres , munies à chaque angle d'une aile mem- braneuse , arrondie et entière. Cette plante croît dans la Sibérie et dans les environs de Moscow. On l'appelle ordinairement Rhubarbe de Sibérie, Rhubarbe de Moscovie. On la cultive, comme la Rhubarbe palmée, dans une terre franche , profonde et à bonne exposition. On la sème en place, à large distance, et dans un creux que l'on rap- proche plus tard. On la couvre pendant les gelées. Sa culture réussit fort bien dans le climat de Paris. La Rhubarbe ondulée possède les propriétés de la Rhu- barbe de la Chine ; ses principes chimiques sont les mêmes ; elle contient seulement un peu moins d'oxalate de chaux. En Russie, on mange ses jeunes pousses comme nous mangeons le chou brocolis. Les Anglais font , avec les côtes des feuilles , des tartes qu'ils trouvent très savoureuses. RHUBARBE COMPACTE. RHEUM COMPACTUM. Rheum compactum. Lan. Spec. 531. Por. Eneyel. Bot. 6. 194. Mizzer. Dict. n. 3. t. 218. Sa racine est très épaisse, ramifiée, brune en dehors, d'une belle couleur jaune intérieurement. Elle pousse des tiges hautes de quatre à six pieds, d'un vert pâle, cannelées, rameuses, glabres, garnies de feuilles d'un vert luisant, ovales, grandes, pétiolées , compactes, cordiformes, sinuées, ou à lobes arrondis, peu profonds, cartilagmeux et den- ticulés 328 NOUVEAU TRAITÉ Les fleurs sont petites , d’un blanc jaunâtre , disposées en panicule, dont les ramifications forment presque autant de petites grappes étroites et pendantes. Elles produisent des semences triangulaires, noirâtres, garnies à leur base d'une membrane en forme d'aile. Cette plante est indigène de la Tartarie et de la Chine. On la cultive en France, où elle prospère parfaitement. Ses vertus se rapprochent de celles de la Rhubarbe ondulée et de la Rhubarbe de la Chine. Elle se trouve souvent mêlée avec les autres Rhubarbes qui nous viennent des pays étrangers. RHUBARBE RHAPONTIC. RHEUM RHAPONTICUM. Rheum rhaponticum. Lans. Spec. 531. Air. Hort. Kew. 2. 41. Porr. Encycl. Bot. 6. 192. Kworr. Del. 2. t. R. Cette espèce a une racine charnue , grosse, rameuse, un peu rougeñtre en dehors, safranée intérieurement, d’où s'élèvent des tiges fortes, cannelées, jaunâtres ou purpu- rines, garnies, surtout à leur base, de feuilles larges, ovales, cordiformes, sinuées à leurs bords, obtuses à leur sommet, d'un vert foncé, glabres en dessus, pubescentes en dessous, portées sur des pétioles épais , cylindriques , sil- lonnés à leur face supérieure. Les fleurs, d'un blanc jaunâtre, forment des panicules touflues , axillaires et terminales. Elles donnent des semences - brunes, triangulaires , garnies sur les angles d'une aile membraneuse. La Rhubarbe rhapontic croît dans la Thrace, le long du Bosphore, et dans la Sibérie. On l'appelle vulgairement DES PLANTES USUELLES. 329 Rhubarbe pontique, Rhubarbe anglaise. Elle a été confondue par quelques auteurs de matière médicale avec le Rumex des Alpes. Sa racine est un peu visqueuse, moins amère que la vraie Rhubarbe, à laquelle on la substitue quelquefois. Elle purge aussi, mais plus faiblement ; il faut en doubler les doses. On cultive aisément cette plante dans nos jardins, où elle brave les froids rigoureux. L'infusion de ses racines, sé- chées à une douce température, est un excellent stoma- chique, qu'on prend à jeun, ou une heure avant les repas. On mange les pétioles comme les cardes, et les feuilies comme les épinards. Suivant Pallas, on en fait des bouillons antiscorbutiques. La Rhubarbe hybride partage, dit-on, les propriétés de ses congénères ; mais on la trouve rarement dans nos offi- cines. Cette espèce croît dans les contrées septentrionales de l'Asie. On s'est vivement occupé pendant nos guerres maritimes de la culture des Rhubarbes, mais depuis quelques années cet élan patriotique s'est un peu affaibli. Ces plantes réus- sissent très bien en France, où elles se sont pour ainsi dire naturalisées ; 1l ne s'agirait que de les soumettre à une plus grande culture. On les sème au printemps, dans une terre grasse et légère. Au printemps suivant, on les transplante , à trois pieds de distance , dans un terrain semblable, labouré à deux pieds de profondeur, et on rejette les radicules laté- rales, afin que la racine ne se bifurque point. On arrose de temps en temps la plantation. La première année, on n'obtient guère que de larges feuilles. La troisième année, plusieurs pieds poussent des tiges avec des fleurs, et don- nent de la graine ; mais c’est la quatrième et la cinquième 330 NOUVEAU TRAITÉ année que la Rhubarbe fleurit plus généralement. L'automne de la sixième année est l’époque à laquelle on récolte les racines. On nettoie ces racines avec un linge, on les coupe par fragmens, on les enfile, et on les suspend dans un lieu sec et bien aéré jusqu'à ce qu'elles se rident, et qu’elles aient acquis la teinte marbrée que l’on remarque dans la Rhubarbe étrangère. Selon M. Deslongchamps, quelques cultures assez consi- dérables, entreprises dans différens cantons de l'ancienne Bretagne, ont fourni au commerce des produits qui peuvent soutenir la concurrence avec la Rhubarbe qui nous vient de la Sibérie ou de la Chine. I! a cultivé lui-même, dans son jardin, la Rhubarbe ondulée, dont il a fait sécher avec som les racines, et il a employé cette Rhubarbe indigène avec autant de succès que celle du commerce. Il observe pourtant qu'il fallait en augmenter la dose d'un quart ou d'un tiers. On devrait surtout propager la culture de la Rhubarbe on- dulée, qui réussit mieux que celle de la Rhubarbe palmée ou de la Chine. On a remarqué que la Rhubarbe cultivée en Europe, à une exposition favorable et desséchée avec soin, purgeait quelquefois mieux que les Rhubarbes exotiques, qui, avant de nous arriver, ont souvent servi à teindre les soies en jaune ; car la Rhubarbe a la propriété de leur donner une belle couleur d'or, mais qu’on n’a pu encore bien fixer. DES PLANTES USUELLES. 331 RHUBARBE RIBES. AXHFUM RIBES. Rheum ribes. Lanw. Spec. 372. Arr. Hort. Kew. 2. 49. Por. Encycl. Bot. 6. 193. PrRoL. Hort. Fr. 255. Desr. Ann. Mus. 2. t. 49. — Ribes Arabum. BAUH. Pin. 455. Cette espèce se fait remarquer par la beauté de ses formes, par la grandeur de ses feuilles, et par ses graines revêtues d'une pulpe succulente et rougeûtre. Ses racines, épaisses, charnues, profondément enfoncées dans la terre, poussent des tiges fortes, striées, peu rameuses, garnies à leur base de feuilles très amples, étalées, bouillon- nées, ondulées et frisées sur les bords, pubescentes en des- sous. Les fleurs, disposées en panicule , produisent des semences triangulaires, membraneuses, couvertes d’une chair succu- lente, d'un rouge foncé, d'une saveur styptique. Cette belle plante croît naturellement sur le mont Liban, sur le Carmel et dans la Perse; c’est le véritable Ribes des Arabes. Elle contient un suc acide, agréable, et sert de nourriture dans tout le Levant. On a comparé son goût à celui du fruit de notre groseillier, et les botanistes ont donné à ce dernier arbuste le nom de Rüibes. Quelques amateurs la cultivent pour ses belles formes et pour ses qualités alimen- taires. Ses feuilles, agréablement ondulées , ont près de deux pieds de diamètre et un pied de longueur. On la sème en pots, sur couche et sous châssis, on la repique de même, et la troi- sième année on la met en pleine terre et à bonne exposition. Ses racines, peu résineuses , contiennent une grande quan- tité de gomme. Elles purgent néanmoins les Persans, d'après le témoignage de Brun. 332 NOUVEAU TRAITÉ Les côtes des feuilles offrent une nourriture saine et rafrai- chissante. Elles sont d'une grande ressource pour les cara- vanes de l'Asie. Voilà une plante potagère digne de fixer l'attention des horticulteurs et des économistes. DES PLANTES USUELLES. 333 LAURINÉES. LAURINEZÆ. Laurineæ. Juss. Vent. DC. LAURIER. LAURUS. Fleurs hermaphrodites ou dioïques. Périgone à quatre, cinq ou six divisions égales et plus ou moins profondes. Six à douze étamines disposées sur deux rangs ; les extérieures fertiles, les intérieures alternativement fertiles et stériles. Un ovaire surmonté d'un style simple. Un drupe renfermant une noix MOnOsperme. LAURIER D'APOLLON. ZLAURUS NOBILIS. Laurus nobilis. Lixn. Spec. 529. Lam. Encycl. Bot. 3. 447. DC. FI. Fr. 2202. DEsr. Arbr. 1. 65. DuHAM. Arbr. Ed. Nov. 2. t. 32. BLackwW. t. 175. — Laurus culgaris. BAUH. Pin. 460. C'est un arbre toujours vert, d'une très belle forme, et dont la tige s'élève à la hauteur de quinze à trente pieds et plus, suivant le climat. Ses rameaux sont droits, flexibles, glabres, garnis de feuilles alternes, pétiolées, oblongues, lancéolées, fermes, lisses, ondulées sur les bords, persis- tantes, d’un vert luisant, plus ou moins foncé. Les fleurs dioïques sont petites, d'un blanc jaunâtre, dis- posées plusieurs ensemble dans les aisselles des feuilles , 334 NOUVEAU TRAITÉ sur de très courts pédoncules. Aux fleurs femelles succè- dent des drupes ovales, d’un bleu noirâtre à leur maturité. Il croît naturellement en Italie, en Espagne, en Grèce et sur les montagnes d'Alger. Il abonde aux bords des fleuves de la Thessalie, il embellit les rivages de l'Eurotas, on le trouve également dans la plaine de Mantinée. Il est maintenant naturalisé dans plusieurs départemens du midi de la France, et on le cultive en pleine terre dans les jardins du Nord, mais il craint les frimas; on voit que ce n'est pas là sa patrie. Il se plaît dans les terrains un peu secs , à l’abri des vents du nord. On le multiplie de graines ou de rejetons, et on le serre en orangerie pendant l'hiver. Le Laurier a été célèbre dans l'antiquité. Il était consa- cré à Apollon, dieu de la médecine et des beaux-arts. Il servait à couronner les héros et les poètes. Sublime ascendant de la gloire sur des cœurs nobles et généreux! une branche de Laurier suffisait pour enflammer la valeur et le génie; et les Romains, arbitres suprèmes de l'univers, ne connaissaient pas de plus belle récompense! On le plantait aux portes et autour des palais des Césars et des pontifes : Gratissima domibus janitrix Cæsarum ponti- ficumque, quæ sola domos exornat et ante limina excubat. (Plin. 4b. xv, cap. 30.) De tous les arbres qui sont plantés par la main des hommes, ou placés dans nos maisons, dit encore Pline, c'est le seul que la foudre ne frappe jamais. Lorsqu'il tonnait, Tibère avait grand soin de mettre une cou- ronne de Laurier sur sa tête. On voit, sur la montagne de Pausilippe, des ruines qu'un Laurier ombrage de ses rameaux toujours verts; c'est le tom- beau de Virgile. En plusieurs universités, les médecins sont couronnés de Laurier avec ses baies, et c'est probablement de cet usage DES PLANTES USUELLES. 335 qu'est venu le nom de bachelier, Baccæ-lauri. A Salerne, on les appelait même Docteurs lauréats. Le Laurier noble, le Laurier d'Apollon, n'est guère connu maintenant que sous le nom de Laurier sauce, et si vous vi- sitez les magasins de comestibles vous y verrez les jambons de Bayonne et de Westphalie couronnés de Laurier. Il y a loin de ces couronnes à celles de Miltiade ou de Sophocle. Mais dérobons-nous à ces vieux souvenirs, et voyons quelles sont les vertus du Laurier. Toutes ses parties sont odorantes. Les feuilles ont une saveur âcre mêlée d'un peu d'amertume. Les baies manifestent une saveur analogue, et donnent de l'huile volatile et de l’huile fixe. La médecine ancienne avait une grande confiance dans le Laurier; elle s’en servait pour ranimer, pour corroborer les organes, et surtout pour les préserver de la contagion dans les fièvres graves. La médecine superstitieuse lui attribuait des vertus plus puissantes encore; elle prétendait chasser les démons et se garantir de toute sorte de maléfices avec quelques fumigations de Laurier. La médecine moderne, qui craint peu les démons, a presque abandonné les pro- duits de cet arbre aromatique aux cuisiniers, aux parfu- meurs. Et cependant le Laurier est un de nos bons stimulans. Vous pouvez faire, soit avec ses feuilles, soit avec ses fruits, des infusions théiformes qui exciteront le tube digestif et les organes environnans, qui ranimeront la vie générale, qui donneront au sang plus d'activité. L'huile volatile que four- nissent les baies a des vertus encore plus énergiques. L'huile fixe jouit d'une propriété calmante et résolutive. Pour l'extraire on prend une certaine quantité de baies ; on les pile, on les fait bouillir avec de l'eau, et on les exprime à travers un linge. Îl surnage une huile verdâtre , odorante, 336 NOUVEAU TRAITÉ qui a presque la consistance du beurre; on la ramasse et on la conserve dans une petite cruche. On mêle cette huile au camphre , à l'alcohol, et on en fait des linimens pour résoudre les tumeurs, pour combattre la faiblesse musculaire. Les feuilles répandent une odeur suave lorsqu'on les brüle. Elles servent à préparer des fumigations qui calment les dou- leurs goutteuses on rhumatismales. Enfin le Laurier, comme nous l’avons déjà dit, est des- cendu dans nos cuisines, où il aromatise les sauces et les ra- gouts, surtout la marinade qui ne saurait s'en passer. Le Laurier et le Thym sont presque inséparables ; ils s’allient pour relever le goût de certaines viandes, du poisson, des légumes, etc. Cette espèce de condiment, pourvu qu'on ne le prodigue point, réveille doucement l'estomac et l’aide dans son labeur. LAURIER CANNELLIER. LAURUS CINNAMOMUM. Laurus cinnamomum. Lanw. Spec. 528. LAm. Encyel. Bot. 3. 441. Bot. Mag. 2028. BLACKW. Herb, t. 354. C'est un arbre d’une hauteur et d’une grosseur médiocres. Son tronc est recouvert d'une écorce d'un roux grisätre; le bois en est doux, léger, poreux, et assez semblabie à l'osier. Les feuilles naissent deux à deux sur les jeunes rameaux ; elles sont ovales, lisses, pétiolées, odorantes, terminées en pointe. On remarque trois nervures longitudinales qui par- tent de la base même de chaque feuille, et disparaissent avant d'avoir atteint son sommet : entre ces nervures rampent des DES PLANTES USUELLES. 397 veines nombreuses et transverses. Lorsque les feuilles com- mencent à se montrer, elles sont d’une couleur écarlate ; mais en peu de temps elles deviennent d'un vert luisant en dessus, plus clair en dessous. Les fleurs répandent au loin une odeur délicieuse : elles sont petites, nombreuses , blanches, disposées en panicule à l'extrémité des rameaux. Le fruit consiste en une petite baie de forme ovale, et d’une couleur bleuâtre dans sa maturité. Le Laurier cannellier croît naturellement dans l'île de Ceylan, sur la côte de Malabar, et autres parties des Indes orientales : on le cultive à Cayenne, à l'île de France, et dans les Antilles. L'écorce intérieure de cet arbre constitue la cannelle qu'on trouve dans le commerce, sous la forme de petits tuyaux plus ou moins longs. La plus fine est celle qui porte le nom de cannelle de Ceylan; elle est mince, roulée en petits cylindres fragiles et d’une couleur rousse. Les insulaires chargés de recueillir cette écorce dans les forêts, distinguent plusieurs espèces de Cannelliers par leurs feuilles, bien qu'ils soient parfaitement semblables par le port. Ils procèdent au dé- pouillement de ces arbres à deux époques différentes de l'an- née. La grande récolte se fait du mois d'avril au mois d'août, la petite vers la fin de l'automne. On choisit pour cette opé- ration les rameaux de trois ans. Après avoir détaché l'écorce à l'aide d’un instrument convenable, on la fait sécher au so- Jeil : la chaleur ayant bientôt absorbé toute l'humidité, elle se roule sur elle-même en forme de tuyaux. La meilleure cannelle est celle qui se roule le plus facile- ment ; elle ne doit pas être plus épaisse que du papier qui a un peu de corps. Elle est d'un jaune clair, et le goût doit en être assez doux pour qu'elle n’occasionne aucune cuisson dans la bouche. L'écorce d'une qualité inférieure est plus LIL. 22 338 NOUVEAU TRAÎTÉ épaisse et d'une couleur plus foncée; elle brüle le palais lors- qu’on la mâche, et laisse un arrière-goût désagréable. Ontrouve dans le commerce plusieurs espèces ou variétés de ces écorces. Il faut préférer celle qui est mince, rousse, roulée en petits cylindres, d’une texture fragile, d’une odeur pénétrante, agréable, d’une saveur aromatique, légèrement sucrée. Plusieurs chimistes ont analysé ces écorces. Elles donnent une buile volatile d'une chaleur brülante. L'eau distillée laisse déposer, par le refroidissement, des cristaux d'acide benzoïque. ( Fourcroy.) Elles contiennent en outre beaucoup de tannin combiné à une matière végéto-animale (un acide rendant cette combinaison soluble dans l'eau), du mucilage et une matière colorante. (Vauquelin.) On y trouve aussi de la fécule, selon M. Planche. La cannelle ou cinnamome est l’aromate célèbre des Livres sacrés. Moïse, par l'ordre du Seigneur, en composait des par- fums pour le tabernacle, et pour les enfans d'Israël qui se destinaient aux fonctions du sacerdoce. (Exod. cap. 30.) Le temps n'a point détruit la célébrité de cette production étran- gère; on la recherche encore aujourd’hui pour la suavité de son parfum et pour ses vertus cordiales ou excitantes. En effet, quelques grains de cannelle réchauffent l’esto- imac, raniment à l'instant ses facultés affaiblies. Si on la donne à des doses un peu élevées, son impression ne se borne point à la surface de l'appareil digestif, mais elle pénètre au sein de l’économie, stimule tous les tissus organiques, et produit les phénomènes d’une excitation générale. Il n'existe point de remède stimulant plus agréable que la cannelle. On y à recours pour remédier à l’état d'asthénie qui se développe dans le cours avancé des fièvres typhoïdes. On donne sa DES PLANTES USUELLES. 339 poudre dans du bouillon, dans du vin vieux; on mêle son eau distillée, son infusion aqueuse, sa teinture alcoholique dans les potions excitantes; on augmente graduellement les doses, et on les répète à de courts imtervalles. Un pouls faible, lent, déprimé, des hémorrhagies passives, des éva- cuations séreuses, putrides, des éruptions d'une nature per- nicieuse, en un mot, la prostration directe des forces vitales indiquent l'emploi de la cannelle. Les partisans de la doctrine de Brown ont sans doute fait un déplorable usage de cette écorce stimulante, puisqu'ils l’appliquaient à presque toutesles maladies; mais leurs erreurs ne sauraient détruire les faits nombreux qui constatent ses effets salutaires dans la chlorose, l'aménorrhée, les fleurs blanches et autres affections chroniques liées à une sorte de débilité spéciale. Pour opérer une médication plus énergique et plus durable, on combine la cannelle avec les amers, avec les toniques, surtout avec le quinquina et le fer. Ce mélange est précieux pour dompter l'atonie rebelle , l’état d'inertie et de langueur qu'on observe chez les sujets d'une constitution molle et lymphatique. Nous avons traité assez longuement des propriétés géné- rales de la cannelle dans un autre ouvrage ( Phytographie mé- dicale); nous ne pouvons qu'y renvoyer le lecteur; nous cite- rons seulement ici les réflexions que nous avons faites sur les effets aphrodisiaques qu'on attribue à cette écorce. « On regarde la cannelle comme un excitant aphrodisiaque, et les hommes épuisés par toutes sortes de jouissances en font souvent usage pour réveiller dans leurs organes flétris les dernières étincelles du désir: On: la voit figurer dans les po- tions, dans les élixirs, dans les poudres, dans certaines pas- tilles, et une foule dé’compositions toniques qui remplissent rarement l'attente dés vieux libertins. Lorsqu'on a long-temps 340 NOUVEAU TRAITÉ abusé des plaisirs, les organes languissent dans une sorte d'impuissance que rien ne saurait vaincre. D'ailleurs, l'usage répété de la cannelle, et autres stimulans, énerve les forces de l'estomac, émousse la sensibilité générale, et achève d’user des corps radicalement affaiblis. « Toutefois, une hygiène philosophique ne blâme point l'usage modéré de cet aromate lorsqu'il s’agit de porter re- mède à un état d'atonie, à un relàächement momentané pro- duit par des causes légères. La cannelle, prise alors avec ré- serve, excite dans les voies digestives une commotion à la fois rapide et douce, qui se transmet par voie d'absorption et de sympathie sur plusieurs systèmes d'organes, les excite, les réchauffe agréablement, et les dispose à exécuter les actes de la vie d’une manière plus prompte et plus facile. » (Phytographie médicale ; nouv. éd. t. 1, p. 294.) Pastülles de Cannelle. Prenez : cannelle de Ceylan, demi-once; safran oriental, deux gros; gingembre et vanille, de chaque, un gros; sucre et mucilage, quantité suffisante pour former des pastilles ou tablettes de quinze ou vingt grains. On en prend une ou deux de temps en temps. Elles pro- duisent une excitation assez vive, sans avoir l'inconvénient de certaines préparations irritantes où l’on fait entrer des sub- stances délétères. L'eau distillée de cannelle a une saveur aromatique fort agréable. Elle sert de base aux potions excitantes, aux ju- leps cordiaux. L'eau, le vin et l’alcohol s'emparent des prin- cipes actifs de la cannelle. Sa teinture spiritueuse est un très bon stimulant qu'on. peut prendre à la dose d'environ un gros «dans un: peu:de vin où dans une tasse d'eau sucrée. Le sirop DES PLANTES USUELLES. 341 de cannelle jouit d'une propriété excitante plus douce. On le donne par petites cuillerées aux vieillards asthmatiques, af- fectés de catarrhe pulmonaire, d'incontinence d'urine et autres affections où domine la faiblesse. Potion excitante. Prenez : eau de cannelle, eau de fleurs d'oranger, de chaque deux onces; sirop de cannelle, une once et demie. Mêlez pour une potion à prendre par cuillerées, d'heure en heure, ou à des intervalles plus éloignés. Cette espèce de juiep relève doucement les forces, favo- rise l’expectoration vers la fin des rhumes et des catarrhes bronchiques qui affectent les vieillards, les enfans, les per- sonnes d'une complexion faible et délicate. La cannelle vient se placer naturellement dans le régime alimentaire propre à la convalescence. Elle est d'un puissant secours à la suite des maladies qui ont profondément énervé toute l’économie. On l’emploie pour réparer l’affaiblissement produit par des évacuations immodérées , des saignées ex- cessives et une diète rigoureuse. Mèlée avec les alimens, elle ranime le ton de l'estomac, développe ses facultés digestives, dissipe les flatuosités, et prévient cet état de langueur et de cachexie qui entrave la marche de la convalescence. La can- nelle est surtout fort utile dans les climats chauds, où il faut réparer, par une excitation intérieure, la distraction habi- tuelle des forces, qui se portent sans cesse du centre à la pé- riphérie du corps, Dans ces pays les substances aromatiques servent à soutenir le ton de la fibre, affaibli par des transpi- rations abondantes et continuelles. On la mêle, à petites doses, aux matières féculentes , au 342 NOUVEAU TRAITÉ chocolat, au riz, aux œufs frais et autres alimens répara- teurs. Le riz au lait se digère infiniment mieux lorsqu'il est relevé par quelques grains de cannelle. Il en est de même du chocolat, que certains estomacs ne sauraient supporter si la cannelle et la vanille ne lui ont donné leur parfum. Dans une convalescence fort longue et traversée par des commotions morales qui avaient presque anéanti un malade, nous avions tenté toutes sortes d'alimens. Potages, chocolat, crêmes d'orge et de riz, fécule de pomme de terre , tout cela passait avec une difficulté extrême, et les forces ne reve- naient point. Des rôties de pain de froment trempées dans du vin de Bordeaux, saupoudrées de sucre et de cannelle, vin- rent enfin ranimer notre malheureux malade. Pendant quinze ou vingt jours il ne prit aucun autre aliment. Après l’heureux effet de ces rôties, son estomac commença à digérer d’autres substances nutritives, et la guérison marcha rapidement. Nous ne parlons point des liqueurs de table, des crèmes, des essences, des ratafas que les distillateurs préparent avec la cannelle; nous n'avons que trop de ces compositions exci- tantes. Au reste, la cannelle donne ses molécules stimulantes et parfumées à l'alkermès italien, à la crème des Barbades et autres liqueurs agréables qu'on boit ordinairement après le dessert. Il faut y renoncer absolument quand on est d'un tempérament sec, bilieux, irritable, et n’en prendre que mo- dérément quand on se porte bien. DES PLANTES USUELLES. 343 LAURIER CASSE. LAURUS CASSIA. Laurus cassia. Linn. Spec. 528. Lam. Encycl. Bot. 3. 444. — Cassia lignea. BLACKW. Herb. t. 394. Gette espèce, regardée par Thunberg comme une variété du Cannellier, forme un arbre d'environ vingt-cinq pieds de hauteur, et toujours vert. Ses rameaux, grèêles et rougeûtres, portent des feuilles pétiolées, lancéolées , aiguës, glabres, munies de trois nervures longitudinales. Les fleurs sont petites, blanchâtres, pédonculées, dispo- sées , vers le sommet des rameaux, en petites panicules lâches et latérales. Ce Laurier croît naturellement sur la côte de Malabar, dans l'Inde, à la Cochinchine, dans les îles de Sumatra et de Java. L’écorce des rameaux fournit ane sorte de cannelle moins aromatique, moins fine, moins estimée que la précédente : lorsqu'on la mâche, elle a une saveur plus mucilagineuse. Le Laurier benjoin (Laurus benzoin, Linn.) ne donne point le vrai benjoin , mais il a des propriétés stimulantes, et il a servi d'épices aux États-Unis pendant la guerre de l'indépendance. L'écorce du Laurier culilaban (Laurus culi- laban) est également employée comme épicerie aux Indes orientales. Toutes les espèces de Laurier sont plus ou moins aromatiques. 344 NOUVEAU TRAITÉ LAURIER PERSÉE. LAURUS PERSEA. Laurus persea. JAcQ. Obs. 1. 37. Lam. Encycl. Bot. 3. 449. SLOAN. Hist. 2. t. 222. f. 9. — Persea. CLius. Hist. 1. 2. Icon. « Cest un arbre fruitier de l'Amérique, dont la hauteur égale celle des porriers les plus élevés de l'Europe. Son tronc, “recouvert d'une écorce grisâtre, porte une cime ample et d'un bel aspect. Les feuilles sont alternes, éparses, ovales, un peu pointues, pétiolées, d'un joli vert en dessus, blan- châtres à leur revers et garnies de nervures obliques. Les fleurs sont petites, nombreuses, d’un blanc tirant sur le jaune, disposées en panicule cerymbiforme et terminale : elles exhalent une odeur extrêmement suave. Le périgone est un peu velouté , presque cotonneux , à six divisions pro- fondes. Les étamines, au nombre de six, ont les filamens veloutés comme le périgone. Le fruit est un drupe pyriforme, verdâtre, pourpre ou quelquefois violet dans sa maturité ; sa chair est d'un jaune pâle, et ressemble, au premier aspect, à du beurre ou à de la gelée ; elle a une saveur particulière qu'on ne peut com- parer à celle d'aucun fruit de l'Europe, mais qui est fort agréable. Les Espagnols donnent à ce fruit le nom de Pera d'Avocato. Cette espèce de Laurier croît naturellement daus l'Amé- rique méridionale. On l'appelle vulgairement Avocater, parce que son nom américain, Aguacale, a une grossière ressemblance avec le mot avocat. Théophraste a désigné sous le nom de Persea un arbre d'Égypte; la description qu'il en donne convient parfaitement à l'arbre auquel Clusius DES PLANTES USUELLES. 345 l'a appliqué. Selon Pline, ce fut le roi Persée qui le cultiva le premier à Memphis. On cultive l'Avocatier dans toutes les Antilles, à Caïenne et à l'Ile-de-France. Le père Labat, dans l'Histoire de ses voyages aux Antilles, rapporte que le fruit de l'Avocatier est un excellent remède qu'on emploie généralement contre les flux dysentériques. Il attribue aux rameaux encore tendres une vertu vulné- raire ; on les prend en infusion, à la suite des coups et des chutes violentes. Ces rameaux ont bien encore d’autres pro- priétés; mais le père Labat est un voyageur trop crédule, du moins en fait de médecine. D'après Jacquin, on sert journellement le fruit de ce Laurier sur les meilleures tables. On le mange ordinairement avec le bowilli, comme le melon, coupé par tranches et assaisonné d’un peu de sel. Il fait non seulement les délices des hommes, mais 1] sert encore de nourriture à la plu- part des animaux. Les poules, les vaches, les chiens, les chats l'aiment également. LAURIER SASSAFRAS. LAURUS SASSAFRAS. Laurus sassafras. Tan. Spec. 530. Lam. Encycl, Bot. 3. 454. Micx. Amer. 1. 244. Desr. Arbr. 1. 66. — Sassa- fras. BLAcKW. Herb. 267. CATESB. Car. 1. t. 65. Cette espèce abonde dans plusieurs contrées de l'Amé- rique septentrionale. Elle est remarquable par sa belle forme et par son élégant feuillage. Sa tige, plus ou moins élevée, se divise en rameaux nombreux, cylindriques , verdâtres , ornés de feuilles à trois lobes, alternes, pétiolées, d'un à À, 346 NOUVEAU TRAITÉ vert foncé en dessus, d’une teinte glauque ou blanchâtre à leur face inférieure. Les fleurs sont petites, pédonculées, disposées en grappes et d'un blanc jaunâtre. Le périgone est à cinq divisions pro- ondes, légèrement concaves, s’ouvrant en étoile. Les baies se teignent d'une couleur bleue en mürissant. Le Laurier sassafras est cultivé en France dans quelques jardins ; mais 1l donne rarement des fruits. On le multiplie de drageons, de marcottes et de graines qui nous viennent de l'Amérique septentrionale, et qui ne lèvent souvent que la seconde année, quelquefois plus tard. IL se plaît dans une terre de bruyère un peu fraiche, à une exposition ombragée. Son bois, qui nous vient de la Floride, porte le nom de Sassafras. Il est en morceaux longs, spongieux , légers, d'un blanc rougeâtre , d’une odeur pénétrante , analogue à celle du fenouil, d'une saveur chaude, un peu âcre. On en retire un principe gommo-résineux et une huile volatile très odorante. Les principes du Sassafras annoncent des propriétés actes, et l'observation a particulièrement constaté son action spéciale sur les vaisseaux exhalans de la peau. Onen fait un heureux emploi dans les affections catarrhales, gout- teuses et rhumatismales, mais seulement lorsqu'on a besoin de stimuler le système , ce qui arrive fréquemment sous l'in- fluence d'une constitution atmosphérique très humide. On en fait également usage dans le traitement des mala dies syphilitiques, en l’associant assez ordinairement au gayac et à la salsepareille. Le professeur Hufeland a particulièrement recommandé le Sassafras dans le traitement du scrophule. « On a tort, dit-il, de négliger les substances aromatiques dans la maladie scro- DES PLANTES USUELLES. 347 phuleuse, car l'expérience a prouvé qu'il n’est pas de moyens plus recommandables ; mais le Sassafras mérite la préférence sur toutes les substances de la même classe. » Comme il entre dans sa composition un principe astrin- gent et une huile volatile, il est à la fois tonique et stimulant. C'est à cette double propriété qu'il doit la faculté d’exciter et de fortifier le tube digestif, de relever le ton général de la constitution, et notamment celle des reins et de la peau. En ranimant les forces vitales, il tire l'économie de l’état de stupeur où elle était plongée ; 1l condense la fibre, dont le relâchement forme un des principes essentiels de la diathèse scrophuleuse ; il active la circulation, augmente la chaleur générale ; en un mot, il excite tous les organes, et partieu- lièrement le système lymphatique et les glandes. Sous tous ces rapports, le Sassafras est un des moyens fondamen- taux du traitement, pourvu toutefois que l'usage en soit soutenu. Mais cette substance est nuisible aux individus d'un tem- pérament sec, irritable; lorsque le système sanguin est excité, qu'il y a menace d'inflammation , et dans le cas de fièvre lente, ou d'un état colliquatif. D'après Hufeland , la meilleure manière d'administrer le Sassafras est de le faire infuser à chaud, et de donner l’infu- sion froide. L'ébullition a l'inconvénient de le priver de ses principes aromatiques, auxquels il doit la plus grande partie de ses propriétés. Infusion antiscrophuleuse. Prenez : bois de :Sassafras, quatre onces ; racine de ré- glise et de garance, de chaque demi-once. Prenez une once 348 NOUVEAU TRAITÉ de ces substances réunies et coupées par morceaux, et faites infuser dans une livre d’eau chaude. : Le malade boira la moitié de cette infusion le matin , et l'autre le soir. Elle n’a rien de désagréable, et les enfans la prennent volontiers dans du lait, avec un peu de suere. Infusion de Sassafras. Prenez : Sassafras, coupé par tranches minces, une once; eau bouillante, une livre : laissez infuser à la manière du thé ; ajoutez du sucre et un peu de vin, et prenez cette bois- son un peu chaude. Elle est agréable au goût, elle excite la transpiration et dissipe les fluxions catarrhales. Les vieux goutteux en sont quelquefois fort soulagés. C'est dans le bois le plus près de la racine, et dans celui de la racine même, qu’on a observé les propriétés du Sassa- fras au degré le plus éminent. On croit même que l'écorce de la racine a encore plus d'énergie ; elle fournit une grande quantité d'huile aromatique. Cette écorce, mêlée à quelque substance amère, devient un fort bon fébrifuge. Les fleurs du Laurier sassafras sont légèrement aroma- tiques. Dans les Antilles, on les prend infusées comme du thé. DES PLANTES USUELLES. 349 MYRISTICÉES. MYRISTICEÆ. Myrisüiceæ. Browx. DC. MUSCADIER. MY RISTICA. Fleurs dioiques. Fleurs mâles : six à douze étamines réu- nies en un faisceau; anthères droites, conniventes, à deux loges. Fleurs femelles : un ovaire libre, dépourvu de style et terminé par deux stigmates. Baie drupacée, pyriforme, mo- nosperme; semence grande, solide, parsemée à l'intérieur de veines différemment colorées, recouverte extérieurement d'une arille, ou membrane multifide, à découpures linéaires, flexueuses, rameuses. MUSCADIER AROMATIQUE. MYRISTICA AROMATICA. Myristica aromatica. LaAM. Encycl. Bot. 4. 385. — My- ristica officinalis. Linn. Suppl. 265. Hook. Exot. F1. 155. — Nux myristica. RuMPpx. Herb. Amb. 2. 14. t. 4. — Nux moschata. BLAcKW. Herb. t. 353. C'est un arbre remarquable par la beauté de son feuillage, qui lui donne l'aspect de nos orangers lorsqu'ils viennent de se couvrir de feuilles nouvelles. Son tronc, revêtu d’une écorce rougeâtre, s'élève à la hauteur d'environ trente pieds. 350 NOUVEAU TRAITÉ Ses branches se divisent en rameaux nombreux, grèles, ornés de feuilles ovales, lisses, pétiolées, parsemées de nervures et d'un beau vert. Les fleurs sont petites, jaunâtres, pendantes, axillaires, disposées en petits corymbes le long des rameaux. Les mâles ont un calice coloré, en grelot, à trois segmens ovales, et douze étamines réunies par leurs filamens. Les femelles offrent un semblable calice et un ovaire à deux stigmates sessiles. Le fruit est une espèce de drupe arrondi ou pyriforme, d'abord d'une couleur verte, eusuite d'un gris rougeâtre. Au moment de sa maturité, le brou ou le parenchyme s'ouvre spontanément et offre un noyau que recouvre une membrane molle, épaisse, d'un rouge de carmin. Cette mem- brane ou arille, improprement appelée Fleur de Muscade, est généralement connue sous le nom de Macis. Le noyau renferme une amande ovale, solide, d’une couleur cendrée à l'extérieur, blanche intérieurement, et traversée de veines différemment colorées. Cette amande, d’une odeur suave, pénétrante, d'une saveur chaude, un peu amère, porte le nom de Muscade. Le Muscadier aromatique croit naturellement dans les îles Moluques, et surtout dans les îles d’Amboine et de Banda. On le cultive à la Guyane, aux îles de France et de Bourbon. On lui a donné le nom de Afyristica, non que l'odeur de son fruit ressemble à celle de la myrrhe, mais pour exprimer l'excellence de son parfum. C'est dans le même sens que nous avons appelé ce fruit Muscade; on sait que le musc était autrefois l’aromate le plus recherché. Les Arabes, Avicenne, Sérapion, ont connu les premiers la Muscade ou Jansiban, noix de Banda. C'est le Moscho- carton des Grecs modernes. La noix Muscade donne de la fécule, de la gomme, une DES PLANTES USUELLES. 351 petite quantité d'huile essentielle très odorante et très active, et une huile fixe d'une couleur jaune-rougeâtre, qu’on appelle vulgairement beurre de Muscade. L'enveloppe de la graine offre ce même mélange de deux huiles, mais l'huile volatile s'y trouve dans une plus grande proportion. Les médecins emploient rarement la noix Muscade. On l'a conservée pourtant dans quelques préparations officinales d’une vertu puissante. Cet agréable aromate exerce sur le tube digestif une action vive qui se propage rapidement au cerveau et à tout le système organique. Anfusion de noix Muscade. Prenez : noix Muscade émincée, vingt à trente grains ; feuilles de mélisse, une pincée ; eau bouillante, environ trois tasses. Faites une infusion théiforme, et sucrez-la convena- blement. On prend cette infusion le matin à jeun pour ranimer les forces digestives, pour exciter l'appétit languissant , pour proyoquer une douce moiteur après un refroidissement subit. L'infusion vineuse est beaucoup plus énergique; on la prend par cuillerées. Elle modère les diarrhées qui affectent les sujets faibles, inertes, d'un tempérament lymphatique. L'art culinaire s’est particulièrement emparé de la noix Muscade, et il est peu de ragoüts, peu de mets qu'elle ne parfume. Elle est plus gracieuse, plus suave que le gérofle, plus douce que le poivre. C'est elle qui fait digérer les épi- nards aux estomacs paresseux, qui donne du relief aux œufs brouillés, aux champignons, aux racines potagères, aux grandes et petites sauces. Qui ne connaît la quadruple alliance des épices de l'Inde, où la Muscade joue le premier rôle? 352 NOUVEAU TRAITÉ Supprimez la Muscade, ce condiment perdra la moitié de son prix. La Muscade mêlée aux alimens les rend plus agréables, plus sapides, plus faciles à digérer, provoque l'appétit, réveille l'appareil gastrique, et lui imprime uue sorte d'activité qui se communique peu à peu à toutes les fonctions de la vie. Mais si vous prodiguez les aromates de l'Inde, si vous en faites un usage inconsidéré, ils irriteront votre estomac, vos intestins, les disposeront aux inflammations chroniques, ‘ attaqueront peu à peu votre cerveau, perverüront votre sensibilité, et vous rendront hypochendre, maniaque ou im- bécille. Le macis a une odeur encore plus suave. Il donne aux mets et aux liqueurs de table une saveur vive qui excite agréa- blement les papilles du palais; mais 1l stimule, il échauffe davantage que la noix Muscade. On confit les noix Muscades dans f’Inde comme nous con- fisons les noix. On les cueille lorsqu'elles sont presque müres, c'est-à-dire avant qu’elles s'ouvrent. On les fait bouillir dans de l’eau pour les dépouiller de leur âcreté. Ensuite on les fait cuire avec du sucre et un peu de chaux, ce qui les rend plus fermes ; on les met dans un sirop épais, et on les con- serve dans un pot de terre bien clos. On les mange au des- sert, et on boit du thé par-dessus. Etmuller observe que l'abus de la Muscade confite a produit la paralysie , la mutité et une sorte d'affection soporeuse. DES PLANTES USUELLES. 353 ÉLÉAGNÉES. ELÆAGNEZÆ. Elæagneæ. BRowN. VENT. DC. CHALEF. ELÆAGNUS. Périgone campanulé, à quatre lobes, coloré intérieure- ment, revêtu d'écailles en dehors. Quatre étamimes presque sessiles , placées entre les divisions du périgone. Fruit dru- pacé, contenant un noyau monosperme. CHALEF A FEUILLES ÉTROITES. ELÆAGNUS ANGUSTIFOLIA. FElæagnus angustifolia. Lan. Spec. 176. DC. FI. Fr. 2189-#DESF.) Arbr. 1 35. Am Illustr. 7. 73 £ 1. Dunam. Arbr. Ed. nov. 2. t. 26. — Ælæagnus argen- ieus. MoENcx. Meth. 628. C'est un grand arbrisseau dont le feuillage argenté et co- tonneux produit un effet agréable par son contraste avec la verdure des autres plantes. Ses feuilles sont alternes , ovales ou oblongues, molles, blanches, surtout à leur revers, por- tées sur de courts pétioles. Les fleurs naissent deux à trois ensemble , à l’aisselle des feuilles, et répandent un parfum suave; elles sont presque . sessiles , revêtues en dehors d'écailles argentées, jaunes inté- rieurement. Les fruits qui leur succèdent ont à peu près la forme d’une olive. IL. 23 354 NOUVEAU TRAITÉ Le Chalef à feuilles étroites croît naturellement dans la Bohème, en Espagne, en Piémont, dans le Levant et au midi de la France. On l'appelle valgairement Olivier de Bo- héme. On cultive ce charmant arbrisseau pour l'ornement des bosquets , et on le place ordinairement dans les massifs, où ses fleurs odorantes s'épanouissent au commencement de l'été. On le propage facilement de marcottes, de boutures et de graines. Il lui faut une terre légère, un peu sablonneuse, et une bonne exposition. Les feuilles et les rameaux de l'Olivier de Bohème ont une saveur âcre mêlée d’amertume. Leur décoction est vermifuge et sudorifique. On prépare avec les fleurs, l'eau-de-vie et le sucre, uue liqueur aromatique et cordiale qu'on a quelque- fois employée contre les fièvres putrides et pestilentielles. Les Tures et les Persans mangent les fruits. # HIPPOPHAË. HIPPOPHAE. Fleurs dioiques. Fleurs mâles : périgone à deux divisions profondes. Quatre étamines ; anthères oblongues, presque sessiles. Fleurs femelles : périgone tubulé, bifide. Un style surmonté d'un stigmate épais. Baie globuleuse , à une loge, à une graine. DES PLANTES USUELLES. 39 14 HIPPOPHAE RHAMNOIDE. HIPPOPHAE RHAMNOIDÉS. Hippophae rhamnoides. Lin. Spec. 1452. Lam. F1. Par. 2188. Desr. Arbr. 1. 33. LAM. Illustr. t. 808. FI. Dan. t. 265. DunAM. Ed. nov. 6. t. 80. Les terrains humides et sablonneux produisent cet arbris- seau dont la tige, ordmairement tortueuse, se divise en ra- meaux nombreux, flexibles , très épineux, garnis de feuilles oblongues, étroites, lancéolées, presque sessiles, d’un vert grisâtre en dessus, blanchâtres et parsemées d'écailles rousses et rayonnantes à leur revers. Les fleurs se développent un peu avant les feuilles, ou presque en même temps : elles sont petites, d’une teinte ver- dâtre, disposées plusieurs ensemble, le long des rameaux, entre les fewillesnaissantes. Les fruits mürissent en automne ; ils sont globuleux ou ovoides, d'un jaune orangé ou rous- sâtre, de la grosseur d'un pois. Cet arbrisseau croît dans les Alpes, le long des fleuves, des torrens, et dans les sables des rivages de la Méditerranée. I fleurit au printemps. On l'appelle Argoussier. On le plante dans les bosquets, où son feuillage grisâtre _ tranche sur la verdure des autres arbres. On le multiplie de graines et de rejetons. L'écorce des rameaux est un peu amère et astringente. Les baies sont légèrement acides ; elles servent à assaisonner les alimens dans les pays méridionaux et en Suède. Les pè- cheurs qui habitent le golfe de Bothnie en font une espèce de rob qu'ils mêlent avec le poisson frais. 356 NOUVEAU TRAITÉ On cultive également dans nos jardins une autre espèce d'Hippophæé, originaire du Canada (Hippophae Canadensis). C'est un joli arbrisseau dont les jeunes rameaux se cou- vrent d’un duvet couleur de rouille. Les feuilles sont d’un vert argenté en dessus, blanches et cotonneuses en dessous. Les fleurs naissent, en été, en petites grappes simples, droites , situées entre les premières feuilles, et une fois plus longues qu'elles. Les fruits mürissent dans le courant de l'automne. Il vient dans les mêmes terrains que celui d'Europe, et on le multiplie également de rejetons ou de semences. DES PLANTES USUELLES. 357 ARISTOLOCHES. ZRISTOLOCHIÆ. Aristolochiæ. Juss. DC. — Asaroideæ. Nrxvrr. ARISTOLOCHE. ARISTOLOCHTIA. Périgone tubuleux, ventru à sa base, dilaté vers le som- met et prolongé en forme de languette. Six anthères presque sessiles, placées sous le stigmate. Style très court; stigmate à six divisions. Capsule ovale, à six angles, à six loges, ren- fermant plusieurs graines. ARISTOLOCHE RONDE. ARISTOLOCHTA ROTUNDA. Aristolochia rotunda. Tan. Spec. 1364. Lam. Encyel. Bot. 1. 257. DC. FI. Fr. 2179. Tourn. F1. Toul. 223% LapEyr. Plant. Pyr. 2. 555. BLACKW. Herb. t. 256. Sa racine, tubéreuse, charnue, arrondie, produit plu- sieurs tiges faibles, anguleuses, hautes d'environ un pied, garnies de feuilles presque sessiles, échancrées en cœur à la base, un peu obtuses au sommet et d'un vert foncé. Les fleurs sont axillaires, solitaires, fort grandes ; le tube est d’un jaune pâle, et la languette d’un pourpre noirâtre. Cette espèce croit naturellement en Italie, en Espagne, et dans les vignes , dans les champs des provinces méridio- 358 NOUVEAU TRAITÉ nales de la France. On la trouve dans la Provence, dans le Languedoc, dans le Roussillon, etc. La racme récente a une odeur forte, une saveur âcre, amère, un peu nauséeuse, qui annonce des vertus puis- santes, surtout lorsqu'elle a été récoltée dans les pays méri- dionaux. Elle contient une substance 2ommo-résimeuse d’une saveur amère, un peu âpre, et un principe volatil. On a sans doute exagéré son action emménagogue ; cepen- dant quelques médecins s'en servent encore dans le Midi pour ranimer les fonctions utérines ; et dans quelques localités cette racine est un remède populaire pour exciter les mens- trues ou les lochies supprimées. On la prend en infusion dans de l'eau ou dans du vin. L'infusion vineuse, beaucoup plus efficace, fortifie l'estomac et régularise les digestions chez les filles chlorotiques d'une complexion faible, d'un tempéra- ment lymphatique. Depuis Galien jusqu'à nos jours, l'Aristoloche a été fort renommée pour guérir la goutte. Les uns l'ont. employée seule, les autres l’ont mêlée avec la gentiane et le teucrium chamædrys, et en ont composé des poudres antigoutteuses, comme la poudre du duc de Portland ou celle du Codex de Paris. Galien, Alexandre de Tralles, Aëtius, Paul Æginète, avaient des remèdes à peu près semblables. Cette combinai- son de substances amères est certainement utile aux gout- teux d'un tempérament phlegmatique, d’une constitution faible, qui ont des douleurs vagues, qui digèrent lentement et difficilement, mais elle ne convient point aux goutteux d'une constitution sèche, irritable. ( Voyez ce que nous avons dit sur l'usage prolongé des amers et sur leurs funestes effets, p. 83-85.) DES PLANTES USUELLES. 359 Infusion d’Aristoloche ronde. Prenez : racine d'Aristoloche ronde séchée avec soin et grossièrement pilée, une once; faites infuser pendant une demi-heure dans une livre d’eau bouillante; ajoutez, vers la fin, une bonne cuillerée de miel blanc. Cette infusion, prise par tasses, favorise la menstruation, et fait couler plus librement les urines. Elle soulage les vieux soutteux et les asthmatiques. Teinture alcoholique d’Aristoloche. Prenez : racme d'Aristoloche, trois onces ; esprit de ge- nièvre, une livre; faites digérer pendant vingt-quatre heures, et filtrez la liqueur. C'est un remède antigoutteux, une sorte d'arcane inventé par un évêque, goutteux lui-même sans doute, et qui en avait reçu quelque soulagement. Il faut en prendre tous les matins trois cuillerées à bouche pendant l'espace de deux mois. On le continue ensuite, plus ou moins long-temps, à plus faible dose. (Murray, Appar. méd. t. 1, p. 508.) Cette teinture est très énergique. On pourrait la modifier en la délayant dans une décoction légère de teucrium cha- mædrys. Elle ne convient pas seulement à la goutte ou au rhumatisme d'un caractère chronique; elle peut encore être utile dans quelques autres maladies accompagnées du relà- chement des solides. Elle est stomachique, diurétique et même fébrifuge. On donne aussi l’Aristoloche sous la forme de poudre, dé- layée dans du vin vieux, à la dose de quinze, vingt et trente grains; et son extrait résineux à la dose de dix à quinze grains seulement, pour stimuler les issus organiques. 360 NOUVEAU TRAITÉ ARISTOLOCHE LONGUE. ARISTOLOCHIA LONGA. Aristolochia longa. Lin. Spec. 1364. Lam. Encyci. Bot. 1. 258. DC. FL. Fr. 2180. Lapeyr. Plant. Pyr. 2. 555. CLus. Hist. 2. 70. Icon. Cette espèce a beaucoup de rapports avec l’Aristoloche ronde. Sa racine, allongée, presque cylindrique, pousse des tiges grèles, anguleuses, très faibles, longues de deux pieds. Les feuilles sont alternes, pétiolées, molles, cordiformes, obtuses, souvent échancrées au sommet. Les fleurs sont axillaires, solitaires, plus longues que les feuilles, et d'un vert blanchâtre. Les capsules qui leur suc- . cèdent ont la forme d’une petite poire. L’Aristoloche longue croit dans les champs, dans les vi- gnes , dans les haies des provinces méridionales. Elle abonde dans les Pyrénées, dans le royaume de Naples, dans la Tos- cane et dans les États romains. Sa racine, amère, âcre et d’une odeur forte, partage les propriétés stimulantes et toniques de la racine de l'Aristo- loche ronde : quelques médecins lui donnent même la préfé- rence. Hippocrate regardait cette racine comme un emména- gogue puissant. (De Natura muliebri. ) Sa décoction miellée est utile aux asthmatiques. DES PLANTES USUELLES. 361 ARISTOLOCHE CRÉNELÉE. ARISTOLOCHIA PISTOLOCHIA. Aristolochia pistolochia. Lan. Spec. 1364. Lam. Encycl. Bot. 1. 257. DC. F1. Fr. 2181. LAPEyR. Plant. Pyr. 2. 555. Moris. s. 12. t. 17. f. 12. Ses racines, nombreuses, cylindriques, disposées en fais- ceau, poussent plusieurs tiges grèles, faibles, anguleuses, feuillées, légèrement velues dans leur partie supérieure, longues de huit à dix pouces. Les feuilles sont petites, pé- tiolées, cordiformes, crénelées en leurs bords , veinées, réti- culées et d’un vert très pâle. Les fleurs sont axillaires, solitaires, pédonculées, jaunâtres en leur tube, d'un pourpre noirâtre en leur languette. L'Aristoloche crénelée croît naturellement en Espagne, en Italie, en Suisse et en France. On la trouve dans la Pro- vence, dans le Languedoc et dans plusieurs cantons des Pyrénées orientales. On lui accorde les vertus toniques des espèces précé- dentes. Il en est de même de l’Aristoloche clématite ( Aristo- lochia clemañtis), qui croît presque partout, dans les lieux pierreux et incultes, dans les décombres, les haïes, les vi- gnes, etc. Sa racine est également amère, et dans quelques pays on la préfère même à celle des autres espèces. Nous croyons que les racines des Aristoloches indigènes, . desséchées convenablement, surtout récoltées dans nos pro- vinces méridionales, pourraient remplacer utilement les ra- cines de l’Aristoloche serpentaire qui nous viennent de la Virginie. ( Voyez l’histoire de cette plante énergique dans notre Phytographie médicale, nouv. éd. t. 1, p. 234.) 362 NOUVEAU TRAITÉ CYTINET. CYTINUS. Fleurs monoïques. Périgone tubuleux, campanulé, co- Joré, persistant, à quatre lobes. Fleurs mâles : huit à douze étamines; anthères sessiles attachées à l'ovaire qui avorte. Fleurs femelles : style cylindrique; stigmate étoilé, à huit lobes obtus. Baie coriace, à huit loges contenant plusieurs petites graines arrondies. CYTINET PARASITE. CYTINUS HYPOCISTIS. Cytinus hypocistis. Lann. Syst. Veget. 688. DC. FL Fr. 2184. Lam. Illustr. t. 738. — Æsarum hypocistis. Lin. Spec. 633. Sa tige est épaisse, succulente, rougeâtre ou jaunâtre , haute de trois ou quatre pouces, garnie de petites feuilles ou d'écailles charnues, ovales, imbriquées, plus nombreuses vers le sommet. Les fleurs sont petites, presque sessiles, d'un jaune rou- geàtre, disposées, à l'extrémité de la tige, au nombre de cinq à dix. Elles répandent une odeur agréable, analogue à celle du muguet. Cette plante vit en parasite sur les racines de diverses espèces de cistes, tels que le ciste de Montpellier, le ciste ladaniière, etc. On la trouve en Provence et en Languedoc ; elle fleurit au printemps. On la trouve également en Espa- one, en Portugal, en Italie, en Grèce et dans l’Asie-Mi- neure. DES PLANTES USUELLES. 363 Ses fruits ont une saveur acide et astringente. Dans les provinces méridionales , dans le Languedoc, dans la Pro- vence, on pile les fruits récens, on en exprime le suc, on le fait ensuite épaissir et sécher au soleil jusqu’à ce qu'il ait ac- quis la consistance d'extrait solide. Il est d’un brun noirâtre, d’un aspect brillant, d'une saveur acide et acerbe. On donne à cette espèce d'extrait le nom d'Hypociste. M. Pelletier a retiré de l’Hypociste une matière inscluble charbonnée ; une matière colorante soluble dans l’eau, ne précipitant pas la gélatine; de l'acide gallique; une matière colorante soluble dans l’alcohol, ne précipitant pas la géla- tine ; d’autres substances solubles dars l'eau et dans l’alcohol, précipitant la gélatine ou du tannin; et une combinaison d'acide gallique avec une matière colorante. L'Hypociste jouit d’une propriété astringente très pronon- cée. Théophraste, Dioscoride, Paul Æginète et autres au- teurs grecs, l'ont connu. On s’en servait anciennement pour arrêter ou pour modé- rer les flux sanguins ou séreux devenus excessifs. Il n’en est plus question aujourd'hui dans nos dispensaires. Il remplace- rait néanmoins le rathania, qui vient de fort loin et qui coûte fort cher, comme il pourrait être remplacé lui-même par la bistorte et la tormentille, qui croissent partout. Quoi qu'il en soit, l'Hypociste est un remède énergique, lorsqu'il s'agit de relever le ton des membranes trop relâchées. 364 NOUVEAU TRAITÉ EUPHORBIACÉES. EUPHORBIACEÆ. Euphorbiaceæ. DC. Tithymaloideæ. Ver. EUPHORBE. EUPHORBT A. Fleurs monoïques renfermées dans le même involucre. Fleurs mâles, au nombre de huit ou quinze; périgone com- posé de lanières fines, laciniées sur les côtés; une étamine à filet articulé, à anthère didyme. Fleur femelle, solitaire, centrale, entourée de plusieurs mâles; involucre commun (calice, Linn.), régulier ou irrégulier, à quatre ou cinq di- visions entières ou déchiquetées, droites ou réfléchies, dont les appendices extérieurs (pétales, Linn.) sont charnus, glanduleux , et pétaloïdes ; ovaire arrondi, trigone, surmonté de trois styles bifides. EUPHORBE DE GÉRARD. EUPHORPBIA GERARDIANA. Euphorbia gerardiana. JAcQ. FI. Austr. 5. t. 436. DC. FL Fr. 2160. Lois. Recherch. Plant. 10. MÉR. Nouv. EL. Par. 1. 173. — ÆEuphorbia linariæfolia.. Law. Encycl. Bot. 2. 437. Cette espèce d'Euphorbe a quelque ressemblance avec la linaire, par son feuillage. Sa racine, vivace, de couleur brune, pousse plusieurs tiges droites, simples, glabres, hautes DES PLANTES USUELLES, 365 d'environ un pied. Les feuilles sont alternes, glauques , lan- céolées, linéaires, très pointues. Les fleurs forment au sommet de la tige une ombelle de douze à vingt rayons deux fois bifides ; les folioles qu’on ob- serve sous chaque bifurcation sont presque en cœur, obtuses, avec une petite pointe fort remarquable. Les divisions exté- rieures de l'involucre sont entières, d’une couleur jaunâtre. Les capsules sont glabres et lisses. On trouve l'Euphorbe de Gérard dans les lieux stériles, sablonneux, où elle fleurit en mai et juin ; elle est commune aux environs de Paris, à Saint-Maur, à Saint-Germain, à Fontainebleau, etc. Elle croît également en Allemagne, en Autriche, en Italie. Ses racines, desséchées avec som, font vomir à la dose d’un scrupule; mais quelquefois aussi elles produisent des selles abondantes avec des tranchées. M. le docteur Deslongchamps a particulièrement indiqué cette espèce comme succédanée de l'ipécacuanha, qu'elle rem- place parfaitement, dit-il, à la dose de quinze à vingt-quatre grains. Ayant pris lui-même cette espèce d'ipécacuanha indi- gène, dans un embarras gastrique qu'il éprouva dans les pre- miers Jours du mois de juin, en 1808, il eut trois vomisse- mens faciles et copieux, suivis de quatre évacuations alvines sans coliques. Au bout de vingt-quatre heures il était com- plétement guéri. 366 NOUVEAU TRAITÉE EUPHORBE CYPARISSE. EUPHORBIA CYPARISSIAS. Euphorbia cyparissias. Lin. Spec. 661. Lam. Encycl. Bot. 2. 438. DC. FI. Fr. 2158. CHev. F1. Par. 2. 409. Lors. Recherch. Plant. 11. JAcQ. FI. Austr. 5. 435. Ro. Phyt. Méd. Ed. Nov. 3. 317. t. 137. Cette espèce se distingue par le grand nombre et la ténuité de ses feuilles. La tige est droite, haute de huit à dix pouces, simple à sa base, divisée, vers sa partie supérieure, en plu- sieurs rameaux étalés, garnis de feuilles lisses, lancéolées, très étroites, semblables à celles du cyprès. Au milieu de ces rameaux est placée une ombelle compo- sée de dix à quinze rayons dichotomes. Les folioles des bifur- cations sont d'un vert jaunâtre, arrondies, un peu cordi- formes. L'involucre des fleurs offre des disques glanduleux , jaunes, petits, échancrés au sommet en forme de croissant. Les capsules sont glabres, légèrement chagrinées sur les angles. L'Euphorbe cyparisse abonde dans les pâturages, dans les lieux arides et sablonneux, aux bords des champs et des chemins. Haut de huit à dix pouces, il s'élève quelquefois jusqu’à deux pieds et plus, lorsque le sol et l'exposition lui conviennent. Il est chétif au bois de Boulogne, il est très élevé et plein de vigueur dans les vallées de Jouy, de Buc et de Chevreuse, où nous l'avons souvent observé. Cette espèce est empreinte d'un suc laiteux très irritant et très résineux. Ce suc est un poison pour les animaux et pour l'homme. Aussi M. Deslongchamps , qui a présenté sa racine DES PLANTES USUELLES. 367 . comme pouvant remplacer l'ipécacuanha, recommande-t-il de ne point dépasser la dose de dix-huit grains. Nous croyons, nous, que c'est un remède dangereux, surtout pour les ma- lades d'une complexion délicate. EUPHORBE DES BOIS. EUPHORBIA SYLV ATICA. Euphorbia sylvatica. Linx. Spee. 663. DC. FI. Fr. 2163. Lois. Recherch. Plant. 11. MÉRr. Nouv. EI. Par. 1. 175. Ro. Phyt. Méd. Ed. Nov. 3. 320. t. 139. De sa racine, brune, pivotante, s'élève une tige cylin- drique, légèrement velue, souvent rougeâtre à sa base, haute d'environ deux pieds. Les feuilles sont éparses, lan- céolées, pubescentes et d’un vert sombre ; les inférieures très allongées, ramassées en forme de rosette large et bien garnie; les supérieures obtuses et plus petites. L'ombelle est terminale, composée de cinq rayons bifides ; chaque fleur est accompagnée, à sa base, de deux bractées réunies en une seule, dont la forme est orbiculaire, échan- crée de chaque côté, et traversée par le pédoncule. Les di- visions extérieures de l'involucre sont jaunâtres, semilunaires, à deux cornes pointues. Les capsules sont glabres, les se- mences lisses, grises, oyoïdes: Cette plante croît abondamment dans les bois des environs de Paris. Klle exhale une odeur fétide , nauséabonde et viru- lente, surtout lorsqu'elle est frappée par les rayons du soleil. Le suc qui s échappe des tiges qu'on a brisées est très àcre. Lorsqu'on le goûte, on ne ressent d'abord aucune sensation 368 NOUVEAU TRAÏTÉ douloureuse, mais bientôt après une chaleur brûlante se ré- pand sur la langue, sur les parois de la bouche, et jusque dans la gorge. Cette irritation inflammatoire se prolonge quelquefois pendant plusieurs heures. On l'apaise en se gar- garisant avec de l'eau fraiche ou avec du lait. M. Deslongchamps a proposé la racine desséchée et ré- duite en poudre comme succédanée de l’ipécacuanha; mais les propriétés de ces deux substances ne sauraient être com- parées. L'ipécacuanha est un vomitif fidèle, peu irritant; Ja racine de l'Euphorbe des bois ne fait pas toujours vomir, et elle purge quelquefois très vivement à la dose de quinze grains. L’Euphorbe lathyris (Euphorbia lathyris. Linn.) est en- core une plante dont les habitans des campagnes emploient les capsules pour se purger. On appelle vulgairement cette espèce Épurge, Catapuce. On à vu plusieurs malades tom- ber dans une faiblesse excessive, où succomber à une in- flammation violente des intestins, après avoir avalé seulement cinq ou six capsules. Les charlatans ont quelquefois guéri des fièvres intermittentes, des maladies de la peau, des hy- dropisies rebelles, en administrant pendant plusieurs jours de suite un certam nombre de semences; mais cette heureuse audace, qui leur a fait ensuite prodiguer le même remède, a été funeste à un grand nombre de malades. Presque toutes les espèces d'Euphorbe irritent violemment le tube digestif; on a pu les donner dans quelques circon- stances pour réveiller la vitalité engourdie de tout le sys- tème, pour débarrasser l'estomac et les intestins de quelque congestion bilieuse ou muqueuse , etc.; mais notre art, moins confiant dans tous ces remèdes énergiques, en est devenu beaucoup plus avare; on sait qu'ils agissent comme de véri- tables poisons dans toutes les affections gastriques ou abdo- DES PLANTES USUELLES. 369 minales accompagnées de quelque phlogose latente. (Voyez notre Phytographie médicale, t. xx, p. 307, où nous avons décrit avec soin les mauvais effets produits par les Euphorbes.) MERCURIALE. MERCURTALIS. Fleurs dioïiques, rarement monoïques. Périgone à trois folioles. Fleurs mâles : neuf à douze étamines distinctes. Fleurs femelles : un ovaire à deux lobes , à deux sillons, sur- monté de deux styles bifurqués. Capsule à deux loges mo- nospermes. MERCURIALE ANNUELLE. MERCURIALIS ANNUA. Mercurialis annua. Lin. Spec. 1465. Lam. Encycl. Bot. 4. 118. CHEv. FI. Par. 2. 406. FI. Dan. t. 400. — BLackw. Herb. t. 162. Sa racine est fibreuse, blanchâtre, annuelle. Elle pousse une tige droite, un peu quadrangulaire, glabre, rameuse, haute d'environ un pied. Les feuilles sont ovales, lancéolées, pointues, glabres, dentées sur les bords, et d’un vert clair. Les individus mâles ont les fleurs agglomérées en épis axillaires, allongés, interrompus, contenant neuf à quinze étamines. Dans les individus femelles, les fleurs sont presque géminées et sessiles ; elles produisent des capsules velues, à deux loges. Cette plante est fort commune dans les lieux cultivés, dans les jardins. Elle fleurit pendant tout l'été. II. 2 370 NOUVEAU TRAITÉE Lorsqu'on la froisse entre les doigts, elle répand une odeur un peu nauséabonde ; sa saveur est salée, désagréable. Ces deux qualités l'ont fait suspecter au point qu'on l’a crue vénéneuse comme l'espèce congénère, la Mercuriale vivace (Mercurialis perennis) ; mais on doit être rassuré, puisque, de temps immémorial, on l'emploie comme herbe émolliente, laxative. D'ailleurs nous savons que les anciens la mangeaïent cuite, comme nous mangeons les épinards. IL faut pourtant que son suc contienne un principe acri- monieux combiné avec son mucilage, puisqu'il purge assez ordinairement, ce qui a fait donner à la plante le nom signi- ficatif de Foirole. Une femme en couches est-elle constipée, la sage-femme , la garde-malade sont 1à pour lui donner des lavemens de Mercuriale; elles savent bien qu'ils produiront leur effet. Elles préparent ces lavemens en faisant bouillir dans une pinte d’eau une poignée de Mercuriale fraîchement cueillie. Elles en font également des cataplasmes qu'elles appliquent sur le bas-ventre après les avoir arrosés d'huile d'olive. Le miel mercurial, qu'on prépare avec le suc exprimé de la plante fraîche et le miel commun, sollicite doucement les évacuations alvines. On le prescrit journellement dans les clystères, à la dose d'environ deux onces. C’est le remède obligé de la mère qui ne nourrit point son enfant. En effet, ces lavemens tiennent le ventre libre, et contribuent à dé- gorger les sems. Nous avons plusieurs fois observé leurs bons effets, et nous avons complimenté la garde-malade qui les avait conseillés. II est vrai que, pour rendre le miel mercurial plus efficace, le pharmacien y ajoute assez souvent un peu de séné. Dans quelques pays, on à conservé l’usage culinaire que faisaient les anciens de la Mercuriale annuelle; on la fait DES PLANBES USUELLES. 371 cuire avec d'autres herbes oléracées, et on la mange en guise d'épinards. Si vous voulez essayer de .cette plante potagère, tâchez de ne pas la confondre avec la Mercuriale vivace (Mer- curialis perennis, Linn.), qui est vraiment vénéneuse. Celle-ci est entièrement couverte de poils courts et serrés, qui la ren- dent un peu rude au toucher. Ses capsules sont également rudes et velues. On la trouve ordinairement dans les bois et dans les haies. L'espèce d'empoisonnement qu'elle produit est marqué par l’assoupissement, la céphalalgie, des anxiétés, des vomisse- mens, des convulsions. Les remèdes les plus efficaces sont les vomitifs administrés promptement. JATROPHIE. JATROPHA. Fleurs monoïques. Fleurs mâles : périgone à cinq parties, tantôt simple, tantôt double. Dix étamines ; filamens soudés à leur partie inférieure. Fleurs femelles : ovaire arrondi, creusé de trois sillons, à trois styles bifurqués. Capsule à trois coques bivalves , à trois loges monospermes. JATROPHE MANIOC. JATROPHA MANIHOT. Jairopha manihot. Linx. Spec. 5. Lam. Encycl. Bot. 4. 10. Mrez. Dict. n. 1.— Manihot Indorum. Pruc. Alm. 241. Phyt. t. 205. C'est un arbrisseau peu élevé, remarquable par sa racine tubéreuse, charnue, remplie d'un suc laiteux très délétère. Sa tige se divise en rameaux fragiles, garnis de feuilles al- 372 NOUVEAU TRAITÉ ternes, composées de trois à sept lobes lancéolés, pointus , longs de cmgq à six pouces, d'un vert glauque en dessous. Les fleurs, d'une couleur rougeâtre, ou d'un jaune pâle, naissent en grappes lâches aux aisselles des feuilles ou dans les bifurcations des rameaux. Les mâles ont dix étamines , les femelles donnent des fruits presque sphériques, anguleux, à trois coques, renfermant chacune une semence luisante, d'un gris blanchâtre. L'Amérique, l'Asie et l'Afrique produisent le Jatropha Manihot, ou le Manioc, comme on l'appelle vulgairement. Sa racine est imprégnée d'un suc laiteux qui empoisonne l’homme et les animaux; mais dépouillée de ce suc par l’ex- pression et la torréfaction, elle devient une substance fécu- lente très saine et très nutritive :. Avec cette fécule on prépare en Amérique la, cassave et la 1 Il résulte de plusieurs expériences tentées à Surinam par le docteur Fermin, que le suc laiteux des racines de Manioc , donné à la dose d’une once et demie, fait périr en vingt-quatre heures les chiens et les chats, après avoir provoqué des envies de vomir, des mouyemens convulsifs, la salivation et des évacuations abondantes. Ce poison ne produit point de phlogose apparente dans les tuniques digestives ; il paraît agir sur le sys- tème nerveux par un principe volatil et délétére. En distillant le suc de Manioc on obtient un esprit d’une odeur insup- portable , qui tue à très petite dose. Un nègre empoisonneur en prit seu- lement trente-cinq gouttes; un instant après il poussa des hurlemens affreux , fut agité de convulsions violentes, et expira au bout de six mi- putes. L'autopsie ne fit découvrir aucune trace d’inflammation ; l'estomac était seulement rétréeci de moitié. Le Jatropha cureas et le Jatropha multifide sont également vénéneux. La famille des Euphorbiacées est féconde en poisons. A cette famille appartiennent Je Croton tiglium , le Sapium des oiseleurs (S'apium aucu- parium), l'Agalloche d’Amboine ( £Excæcaria agallocha ), et l’horrible Mancenillier, (Æippomane mancenilla). ( Voyez notre Phytographie médicale, ou Histoire des Poisons tirés du règne végétal, tome ur. pag. 334.) DES PLANTES USUELLES. 373 farine de Manioc. La cassave est une sorte de galette fort mince, de couleur dorée et de forme ronde. Plus elle est mince, plus elle est délicate, croquante et savoureuse; elle fait les délices des dames créoles, qui la préfèrent au pain de froment. On fait également avec la cassave une espèce de pain d’un très bon goût, jaune en dehors, d’un blanc de neige in- térieurement. Il nourrit fort bien, et se conserve sept à huit mois lorsqu'on a soin de le tenir dans un endroit sec. La farine de Manioc porte, dans plusieurs lieux de l'Amérique, le nom de Couac ou Couaque. Une provision de dix livres suffit, dit-on, à un voyageur d'un solide appétit, pour vivre pendant quinze jours. On humecte assez souvent la farine de Manioc, ainsi que la cassave, soit avec de l'eau, soit avec du bouillon. Ces substances renflent considérablement, et donnent une si excellente nourriture, que ceux qui y sont accoutumés la préfèrent à toute autre. On appelle cipipa la fécule la plus ténue que fournit le Manioc, c'est-à-dire celle qui est entraînée avec le suc des racines lorsqu'on les presse. Il est très fin, d'un très beau blanc , et craque sous les doigts à peu près comme l’amidon. Pour l'obtenir, 1l ne s’agit que de décanter le suc après l'avoir laissé reposer quelque temps, et de laver à plusieurs eaux la matière féculente qui en occupe le fond. On en fait des échau- dés, des massepains en y mêlant du sucre. On prépare égale- ment, avec le ciipa mouillé, pétri et convenablement salé, des galettes très minces qu'on fait cuire au four, et qu'on enveloppe de feuilles de bananier ou de balisier ; ces galettes sont d'un goût très délicat et blanches comme la neige. Le tapioca n'est autre chose que la fécule de Manioc séchée sur des plaques de fonte. Par l’action du feu, cette fécule se pelotonne et affecte des formes bizarrement irrégulières. On 374 NOUVEAU TRAITÉ le prépare encore en faisant infuser dans l’eau froide la racine fraîche du Manioc coupée par tranches. On fait ensuite sécher ces tranches au soleil, et on les réduit en farine, laquelle se forme en masses visqueuses irrégulières, qu'on laisse sécher jusqu’à ce qu'elles deviennent dures : on les casse alors en petits morceaux. Cette matière féculente que nous envoie l'Amérique est très recherchée pour son goût délicat et pour sa qualité nour- rissante. Les estomacs irritables, les convalescens réduits aux potages, les pauvres vieillards dont la bouche est aux trois quarts désarmée, aiment particulièrement le tapioca. Mais on croit, et nous croyons également, qu'une grande partie du tapioca que fournit le commerce se fabrique dans les environs de Paris, avec la fécule de pommes de terre con- venablement préparée. Les malades n’y perdent rien sous le rapport diététique, car la fécule de pommes de terre est aussi délicate, tout aussi nourrissante que le tapioca; mais du côté de la bourse il n’en est pas de même : la fécule de pommes de terre vaut huit ou dix sous la livre, et le tapioca coûte au moins trois francs. Nous conseillons aux petits ménages, aux gens sans façon, de se contenter de notre fécule indigène ; c'est un des meilleurs alimens, après les maladies aiguës, après les inflammations vives de l'appareil digestif, ou dans le cours des affections chroniques qui exigent un régime doux. Les riches ont le droit d'être plus difficiles, ils sont un peu gâtés, il leur faut des substances étrangères, ou du moins des noms étrangers, ils continueront à prendre du tapioca : le haut prix des choses ajoute fort souvent à leurs qualités et à leurs vertus. Nous avions pour client un honnête banquier, qui ne digé- rait bien que le tapioca ou le salep de Perse. On voulut l'éprouver, et on lui dit un jour que son cuisinier, par mé- DES PLANTES USUELLES. 319 garde , avait fait son potage avec de la fécule de pommes de terre ; il ne le prit point avec le même plaisir, il dina fort mal , il eut des flatuosités, et sa digestion fut difficile. C'était du véritable tapioca. Je vous défie de faire de la médecine d'hôpital avec de pareils malades. Au reste, on trouve dans nos bons magasins de Paris du véritable tapioca, avec lequel on peut faire non seulement d'excellens potages, mais encore des gâteaux, des friandises de toute espèce. Tout le monde connaît le chocolat béchique au tapioca, de M. Gallais. Oh ! je suis bien sûr que cet ha- bile chocolatier fait venir son tapioca d'Amérique. 376 NOUVEAU TRAITÉ CUCURBITACÉES. CUCURBITACEÆ. D nrhoacer: Lin. Juss. VENT. DC. CONCOMBRE. CUCUMIS. Fleurs monoïques. Calice à cinq dents sétacées. Corolle en cloche, plissée, à cinq divisions. Fleurs mâles : cinq an- thères soudées et portées sur trois filets. Fleurs femelles : un style; trois stigmates épais et fourchus. Baie à trois loges ; graines à bords aigus, nichées dans des cellules pul- peuses. CONCOMBRE CULTIVE. CUCUMIS SATIV US. Cucumis sativus. Lann. Spec. 1437. Lam. Encycl. Bot. 2. 72. DC. FIL Fr. 2825. — BLackw. Herb. t. 4. Sags. Hort. Rom. 1. t. 63. Cette plante, originaire de l'Asie, est cultivée avec soin dans tous les jardins potagers. On la reconnaît à ses tiges rampantes, sarmenteuses, rudes, hérissées de poils, lon- gues de plusieurs pieds; à ses feuilles alternes, pétiolées , grandes , arrondies, profondément découpées. Les fleurs sont d'un jaune pâle, axillaires, accompagnées de longues vrilles, au moyen desquelles la plante s'attache quel- quefois aux corps environnans qui peuvent lui servir d'appui. Aux fleurs femelles succèdent des fruits oblongs, presque cy- DES PLANTES USUELLES. 377 lindriques, obtus à leurs extrémités, anguleux, verts, blancs ou jaunâtres, et recouverts d'une peau mince , souvent ver- ruqueuse : la chair en est ferme, blanche, succulente. Les semences sont nombreuses, ovoïdes, lisses et comprimées. On distingue plusieurs variétés de Concombres, savoir : le Concombre blanc, très estimé à Paris; le jaune, le vert allongé et le petit vert ou Concombre cornichon. Cette plante demande un sol meuble et bien foncé; on la sème sur couche ou en pleine terre, en avril, mai et juin. Les anciens ont connu le Concombre. Diphile de Siphne dit qu'on le digère difficilement, qu'il rafraichit beaucoup et qu'il est contraire aux plaisirs de l'amour. Selon Dioclès, les plus beaux Concombres viennent dans le territoire d'An- tioche. Euthydème, dans son Traité des Plantes légumi- neuses, parle d’une espèce particulière de Concombre, qu'il nomme Dracuntias ou Serpentin ; c'est le Cucumis flexuosus de Linné, ou Cucumis flexuosus anguinus de Lobel, que nous appelons Concombre serpent, parce que ses fruits se re- plient sur eux-mêmes d’une manière remarquable. Virgile parle également du Concombre dans ses Géor- giques , et1l paraît que les Romains le cultivaient pour l'usage de la table. «Si je n'étais presque à la fin de ma course, si déjà Je ne pliais les voiles , impatient d'arriver au port, je peindrais la chicorée se ranimant sous l’arrosoir, et le persil embellis- sant de sa verdure le bord d’un ruisseau , et le Concombre au ventre creux , qui se tord en grossissant dans l'herbe, où il rampe. | Quoque modo potis gauderent intyba rivis, Et virides apio ripæ , tortusque per herbam Cresceret in ventrem Cucumis. (Georg. lib. 4.) ns, fu, 378 NOUVEAU TRAITÉ Le tortueux Concombre arrondirait ses flancs ; Du persil toujours vert, des pâles chicorées Ma muse abreuverait les tiges altérées. (Deziczx.) Galien tenait les Concombres pour indigestes, et il ne voulait pas qu'on en mangeât. Pline partage l'opinion du médecin de Pergame, et dit que les Concombres restent dans l'estomac jusqu’au lendemain sans se digérer : Vivunt in stomacho in alterum diem, nec perfici queunt. On voit que Galien et Pline n'aimaient point les Concombres, ou qu'ils s'en étaient mal trouvés. Mais il y a un nombre infini de per- sonnes qui les aiment , qui les digèrent à merveille , surtout lorsqu'ils sont convenablement assaisonnés. Voici les qualités et les inconvéniens du Concombre. Sa pulpe contient, selon M. Planche, beaucoup de matière végéto-animale. Elle est aqueuse, rafraichissante , mais peu nutritive. On la mange crue ou cuite et apprètée de diflé- rentes manières. Comme elle est naturellement fade, elle a besoin d'être un peu relevée par l’assaisonnement. On con- seille le Concombre aux tempéramens bilieux et sanguins ; il calme la soif, il rafraichit les entrailles, il est laxatif et diurétique ; mais c'est un mauvais aliment pour les estomacs fables, inertes, délicats, pour les fppéramen lympha- tiques , pour les vieillards. Les amateurs de Concombres les mangent en potage , à la maître-d'hôtel, à la crème, farcis, marinés, en salade, etc. Les friands préfèrent à nos Concombres une espèce parti- culière qui vient de Barbarie, et qu'on-cultive dans quelques jardins. Ce Concombre a la chair blanche , ferme, parfumée ; on en fait des potages, des ragoüts, des crèmes, des entre- mets d'une saveur exquise. à DES PLANTES USUELLES. 379 Concombres farcis. Si vous n'avez point de Concombres de Barbarie, vous prenez deux ou trois Concombres ordinaires ; vous les parez, vous les videz, et vous les remplissez d'une farce composée de blancs de volaille, de jambon , de truffes et de fines herbes. Vous les faites cuire à petit feu, vous les arrosez de bon bouillon , et, lorsqu'ils sont cuits, vous les servez avec une sauce espagnole réduite , ou avec un coulis de veau et de jambon. Il faut que la cuisson soit lente, afin que les sucs divers qui entrent dans cette composition se marient parfaitement. Les jours maigres, vous pourrez remplir vos Concombres d’une farce de poisson, de champignons et de laitances. Concombres marines. On coupe par tranches minces des Concombres bien éplu- chés, et on les fait mariner dans un vase, pendant quel- ques heures, avec du vinaigre, du sel et du poivre. Avant de les servir, en les met dans une serviette pour exprimer le vinaigre et l'eau qu'ils ont rendus, puis on les dispose dans un compotier, et on les assaisonne d'huile, de vinaigre et de gros poivre. Ces Concombres se servent pour salade ou hors- d'œuvre, depuis Saint-Pétersbourg jusqu'à Paris. Les Russes ne sauraient manger le bœuf sans Concombres. | Lorsqu'on veut conserver les Concombres pour l'hiver, on les coupe par morceaux, on les jette dans l’eau bouillante, on les laisse égoutter, et on les met dans des pots de grès, avec du sel. Au bout de vingt-quatre heures, on jette la sau- mure, et on la remplace; on ajoute du vinaigre, et on couvre 380 NOUVEAU TRAITÉ les pots avec du beurre. Quand on veut se servir des Concom- bres, on les lave. Dans le Nord, on consomme une grande quantité de Con- combres. Les Polonais en mangent presque à chaque repas avec Je bouilli. Ils remplissent un tonneau de Concombres encore verdâtres, et après y avoir mis une eau très salée, ils noient le tonneau dans un étang pendant trois mois. En Lithuanie, tout le monde fait usage de ces Concombres ; l'eau qu'on en exprime est agréable, point salée, et calme. admirablement la soif. Cornichons ou Concombres confits. Le Concombre vert est celui que l’on confit de préférence. Ordinairement on choisit les Concombres très petits : mais, plus forts, ils ont beaucoup plus de saveur, prennent beau- coup plus de consistance, et sont d'un meilleur usage dans les ragoüts. Il y a plusieurs manières de les confire; voici la meil- leure et la plus simple : On essuie les Cornichons avec un linge rude, on les plonge dans du vinaigre blanc bouillant, ou plutôt on verse le vinaigre bouillant sur les Cornichons. Au bout de huit à dix jours, on retire les Cornichons pour les remettre dans ce même vinaigre, qu'on fait rebouillir et refroidir. Mais il vaut mieux se servir de nouveau vinaigre, également bouilli et refroidi. En effet, les Cornichons, don- . nant une partie de leur eau au premier vinaigre , ne peu- vent que l’affaiblir. On ajoute à ce second vinaigre une once de sel par pinte, et, si on veut parfumer les Cornichons, on y met de l'estragon, de la passe-pierre , quelques clous de gérofle et même un peu d'ail. DES PLANTES USUELLES. 384 Quelques personnes y ajoutent du poivre long ou piment enragé, qu'ils mêlent ensuite dans les ragoûts avec les Cor- nichons. Mais c’est un détestable assaisonnement qui ne con- vient qu'à un palais calleux, usé. Par cette addition, peu ra- tionnelle, le vinaigre acquiert une sorte d'acrimonie qui donne aux sauces une saveur brûlante. Nous conseillons à la bonne ménagère de laisser le poivre long au braconnier Let au cabaretier de village. On n’emploie pas seulement pour faire les Cornichons le Concombre vert, mais encore le Concombre serpentin (Cu- cumis fleæuosus) et les jeunes melons qu'on retire des cou- ches. Le Concombre de Barbarie, beaucoup plus rare, donne des Cornichons superfins qui servent à faire une verte parure aux poissons. Ne faites point vos Cornichons dans des vases de cuivre ou de terre vernissée, car le vinaigre dissout toujours une certaine quantité de cuivre des premiers, ou de plomb qui entre dans l'enveloppe des seconds. Dans l'un et l’autre cas, l'usage des Cornichons ainsi préparés peut avoir des incon- véniens graves. Les Cornichons plaisent singulièrement à la classe gour- mande, parce que leur qualité incisive réveille non seule- ment les papilles du palais, mais encore toutes les facultés de l'appareil digestif. On savoure ainsi beaucoup mieux les mets qui se succèdent, et on multiplie ses jouissances. Mais il faut laisser cet heureux passe-temps au gourmand de pro- fession ; pour lui, manger, boire, digérer, c'est vivre, il ne comprend pas la vie autrement. Les hors-d'œuvre qu'il voit sur la table, les Cornichons, les sardines, la moutarde, le piment, sont pour lui le prélude du bonheur suprême, et si son cœur est muet, son estomac bondit d'impatience : c'est le viscère créé par Van Helmont, il flaire , il goûte ; 1l 382 NOUVEAU TRAITÉ frémit, il murmure, il gronde, il aboie ; Horace avait dit avant lui : Latrat stomachus. | Il faudra donc manger le bouilli réchauffé sans Corni- chons ! Et la côtelette de porc frais ? vous voulez que l’ou- vrier, le laboureur, le maître d'école du village, la mangent sans cette piquante verdure ! Point du tout. C'est l'abus des Cornichons et autres substances stimulantes que nous blä- mons, et non leur usage raisonnable. Mèlez un petit Corni# chon à votre gigot ou à votre bouilli de la veille, vous lui donnez du relief, et c'est presque un plat nouveau que votre estomac reçoit avec plaisir, avec reconnaissance , surtout si vous avez fait un peu d'exercice. Pour dédommager le campagnard du gigot de mouton et du bœuf raccommodés, voici un petit plat que nous lui pro- posons; il est délicieux et très nourrissant, nous pouvons en parler par expérience : Vous faites une purée de champignons, à laquelle vous ajoutez un ou deux Cornichons râpés , poivre, sel et un tant soit peu de muscade. D'autre part, vous prenez une douzaine d'œufs ; vous les mettez sur le feu dans une casserole, avec un bon morceau de beurre; vous les tournez, et vous y mêlez votre purée. Nous dirons peu de chose d’une sorte de cosmétique que préparent les parfumeurs avec la pulpe de Concombre et l'axonge. Les dames jalouses d'entretenir la souplesse et la douceur de la peau se servent assez souvent de cette pom- made ; mais, comme tous les corps graisseux, elle devient rance assez promptement, et alors elle produit un effet op- posé. La pâte d'amande vaut beaucoup mieux. Les graines de Concombre sont une des quatre semences froides majeures ; elles sont mucilagmeuses, et vous pouvez DES PLANTES USUELLES. 383 en faire des émulsions tempérantes , adoucissantes , si vous éprouvez de la chaleur, de lirritation dans les entrailles , dans les reins, dans la vessie, etc. On extrait le mucilage des semences par la trituration, et on le mêle avec une suffisante quantité d'eau d'orge ou de petit-lait. On édulcore cette émulsion avec du sucre, et on l'aromatise avec quelques gouttes d'eau de fleurs d'oranger. On en prend quatre, cinq ou six tasses, et même plus, en vingt-quatre heures. Cest un fort bon remède contre la néphrétique. CONCOMBRE SERPENT. CUCUMIS FLEXUOSUS. Cucurmis flexuosus. Lin. — Cucumis anguinus fleæuosus. Los. Ic. 639. Donon. Pempt. 662. Ses tiges sont grêles, velues, rampantes ; ses feuilles pé- tiolées, un peu lobées, anguleuses, presque semblables à celles du Concombre commun, mais un peu moins larges. Les fleurs sont jaunes, petites, axillaires : les femelles donnent des fruits très allongés, cylindriques, sillonnés dans leur longueur, courbés et repliés sur eux-mêmes, à la manière des serpens. Ce Concombre est originaire de l'Orient ; on le cultive dans quelques jardins. Ses fruits sont blanchâtres ou d'un jaune pâle, plus sucrés, plus parfumés que les Concombres ordinaires ; leur configuration leur a fait donner le nom de Serpentins. On les mange crus ou cuits, et préparés de plu- sieurs manières ; on en fait aussi d'excellens Cornichons. 384 NOUVEAU TRAITÉ CONCOMBRE D'ÉGYPTE. CUCUMIS CHATE. Cucumis chate. Lin. Forsk. Ægypt. 168. n. 53. — Chate. Are. Ægypt. 54. et 198. t. 40. Toute cette plante est velue, presque cotonneuse. Ses tiges sont rameuses , coudées en zig-zag, couchées sur la terre, garnies de feuilles pétiolées, arrondies, anguleuses, denticulées, molles, très velues, surtout dans ei Jeunesse, et d'un vert blanchâtre. Les fleurs sont petites, axillaires, jaunes , soutenues par des pédoncules fort courts. Les calices et les ovaires sont tout hérissés de poils mous. Les fruits sont en forme de fuseau , renflés dans leur milieu, rétrécis et presque pointus à chaque extrémité, et couverts de poils blancs. On cultive dans quelques jardins potagers ce Concombre, originaire de l'Égypte et de l'Arabie. Ses fruits se mangent crus ou cuits. Les Égyptiens en font un fréquent usage, selon Prosper Alpin et Forskahl. Ils préparent, avec la pulpe de ce Concombre et un peu de sucre , une liqueur rafraîchis- sante et d'un goût fort agréable. Dans la Perse et dans le Levant, on mange le Concombre dudaim (Cucumis dudaim, Linn.), dont les fruits, à peu près de la grosseur d'une orange, sont panachés de jaune et de vert. La pulpe en est aussi délicate, aussi parfumée que celle de nos meilleurs melons. Le Concombre des prophètes (Cucumis prophetarum), dont l'Écriture-Sainte fait mention (Genés., cap. 30.), sert d’aliment aux Arabes. Enfin, le Cucumis conomon (Thouin) se mange au Japon, et le Cucumis anguria (Linn.) en Amérique. Nous ne par- DES PLANTES USUELLES. 385 lons point du Concombre coloquinte (Cucumis colocynthis) qui est un purgatif violent et dangereux. » CONCOMBRE MELON. CUCUMIS MELO. Cucumis melo. Tan. Spec. 1436. Lam. Encycl. Bot. 2, 79. DC. F1. Fr. 2824. BLAcKw. Herb. t. 329. Sape. Hort. Rom. 1. t. 65. Le Melon est originaire de la Tartarie méridionale. Il offre un grand nombre de variétés, toutes cultivées dans les jardins , et plus ou moins estimées. Ses tiges sont rameuses , sarmenteuses, très longues, hé- rissées, couchées sur la terre, garnies de vrilles simples et de feuilles obrondes, anguleuses, d’un vert foncé. Les fleurs sont jaunes, axillaires, disposées en petit nombre sur des pé- dicelles courts. | Le fruit est plus ou moins volumineux, d’une forme ronde ou ovale, à écorce lisse ou tuberculeuse, verte, jaune ou blanchâtre. La pulpe est très aqueuse, odorante, plus ou moins sucrée. Les semences sont étroites, planes, compri- mées , flavescentes. Le Melon est un des meilleurs fruits du jardin potager; mais 1l est plus ou moins délicat, plus ou moins parfumé, suivant les variétés, qui sont fort nombreuses , suivant la culture, la saison et le climat. Il est très sujet à varier, par la fécondation des poussières des sous-variétés ou individus voisins. Ainsi on ne saurait trop éloigner les variétés aux- quelles on tient, si l'on veut les conserver dans leur pureté originelle. Ce qui contribue surtout à dépraver les Melons, c'est le voisinage des courges , des citrouilles, des concom- bres, fruits du même genre que le Melon, et qui ne man- HIT. 29 386 NOUVEAU TRAITÉ quent pas de l'altérer, à cause des affinités qui existent entre leurs fleurs respectives. Nos cultivateurs distinguent comme espèces jardinières les variétés suivantes : Melon maraicher où brodé, ordinairement rond , moyen, couvert de rides, plus ou moins sucré, à chair rouge, épaisse et très juteuse. Melon sucrin de Tours, ordinairement gros, plus ou moins arrondi, également brodé et très'sucré. Melon des Carmes, chair délicieuse. Cette variété a donné, en 1822, sur le même pied, deux fruits de trente à trente- deux livres, au Jardin des Plantes. Melon ananas. Sa forme est à peu près globuleuse, sa chair succulente et parfumée. Melon de Coulommiers et Melon de Honfleur. F ruits éga- lement bons, et quelquefois d'un volume énorme. Melon sucrin, à chair blanche. Excellente espèce, qui vient parfaitement en pleine terre. Melon de Malte, Melon de Candie. Espèce très estimée, à chair fondante , d'une saveur délicate, aromatique. Melon cantaloup ou Melon d'Arménie. Espèce à côtes sail- Jantes, recouverte de verrues, de gales et d’excroissances. Chair vive, d’un parfum suave et délicat. Ce Melon vient de YArménie. Cultivé d'abord aux environs de Rome, à Canta- lupi, maison de plaisance des papes, il y prit son nom et y fonda cette réputation qui depuis l'a fait rechercher de toute l'Europe. Charles VIIL nous l'apporta d'Italie; maisal n'a été bien apprécié que dans le siècle dernier, époque à laquelle il passa en Angleterre, et fut surtout cultivé de préférence dans les pays septentrionaux. Cette espèce, fécondée par d’autres variétés, a donné des DES PLANTES USUELLES. 387 métis moins fins, plus ou moins gros, plus ou moins sucrés et plus ou moins précoces. Né dans les climats chauds, le Melon a besoin, pour pro- spérer dans le Nord, qu'on lui procure, au moyen des ter- reaux , des châssis et des couches, une chaleur qui se rap- proche de celle du pays où 1l prit naissance. La plupart de ses variétés ou sous-variétés veulent être élevées sur des couches larges et épaisses, faites du fumier le plus chaud, mêlé d'un vingtième de tan, et couvertes d’un lit de terreau consommé. On cultive cependant avec succès les Melons sucrins de Tours, le Melon de Coulom- miers , et plusieurs autres , en pleine terre, pourvu qu'on les place à l'exposition la plus chaude du jardin, et qu’on mette au pied de chaque Melon , déjà élevé dans des pots sur couche, du terreau autour de ses races. Les Melons culti- vés ainsi ne donnent qu'à l'automne ; mais leurs fruits sont gros et de bon goût, à moins que l'année ne soit très humide. Les Melons hâtifs se sèment en mars sur couche, et s’é- lèvent ordinairement sous châssis. Les Cantaloups et les Melons de pleine terre se sèment en avril sur couche, et se replantent en mai. Lorsque les Melons ont acquis trois ou quatre pouces de hauteur, on coupe l'extrémité de la tige ; ensuite on retranche les bras surabondans, et on raccourcit les autres lorsqu'ils s’'allongent trop sur les voisins. Les fruits étant gros comme des noix, on en laisse trois ou quatre sur chaque pied, et l'on garde de préférence les plus allongés. On sarcle régulière- ment, et on n'arrose que dans les grandes sécheresses. Il ne faut jamais trop d'eau, il vaut mieux arroser plus souvent. On ôte tout-à-fait les cloches quand la chaleur est constante : on les ôte momentanément plus tôt quand il tombe une pluie douce ou chaude. 388 NOUVEAU TRAITÉ Aux approches de la maturité, on place les fruits sur une ardoise ou sur une tuile pour empêcher qu'ils ne prennent une odeur de couche. Le Melon était connu des Grecs sous le nom de Pepona. Ils l'appelaient aussi Melopepona (Pepona de miel), à cause de la douceur infinie qu'ils lui trouvaient. On sait que le miel était pour eux un aliment exquis. Rien n’est comparable à ce fruit asiatique , disait un jour un amateur de Melons. Honneur au pays qui l'a vu naître et qui nous en a fait présent! Son parfum, sa saveur si fraiche, sa chair rouge et vermeille comme les teintes du couchant, tout est agréabie et suave dans le Melon. En effet, c'est un des fruits les plus délicieux de l'été. Sa chair est une agrégation de petites vessies pleines d'une sérosité sucrée et aromatique ; elle calme la soif, elle rafrai- chit singulièrement les organes échauflés, irrités par une température brülante. Son suc, convenablement délayé, est un remède agréable contre les fièvres inflammatoires. Nous avons vu, il y a environ quarante ans, un médecin de nos hôpitaux militaires faire sucer plusieurs tranches de Melon à des soldats brûlés par la fièvre : ce nouveau moyen, qui avait d'abord étonné quelques confrères, fut bientôt accueilli par la plupart des médecins employés soit à Perpignan, soit aux avant-postes de l’armée, et fit beaucoup de bien à nos soldats affectés d'une sorte de fièvre ardente. Nous suivimes cet exemple, et nous eùmes lieu de nous en féliciter. Mais plus tard, en automne, le Melon ne fut plus aussi salutaire. En 1832, alors que le choléra régnait épidémiquement à Paris et dans les lieux environnans, les Melons étaient généralement proscrits, et personne n’en voulait dans les marchés. Je fus alors, vers le mois de juin, passer plusieurs jours au château de la Cour-Roland, près Versailles. Les DES PLANTES USUELLES. 389 Melons pourrissaient dans le potager du château. Il faisait une chaleur horrible, on était brûlé par la soif; mais qui eût osé se permettre une tranche de Melon pour se rafraîchir? En arrivant, je fais mettre à la glace un Cantaloup superbe et d’an parfum exquis. Après le potage, j'en mange une belle tranche saupoudrée de sel, et je bois par-dessus un verre de vin de Bordeaux. Je dine au reste modérément. Le lendemain et les jours suivans, je continuai le même régime, et je m'en trouvai à merveille. Les autres convives, et M. de Germon- ville lui-même, notre honorable amphitryon, m'imitèrent et n’eurent pas à s’en repentir, car ils étaient tous mieux por- tans. On buvait à la glace, on évitait les alimens indigestes, et le repas se terminait par une tasse de café moka artiste- ment préparé. Voilà le régime que j'avais prescrit. Personne ne fut atteint du choléra au château de la Cour-Roland; il est vrai que j'en avais banni la peur. L'usage modéré du Melon apaise la chaleur et la fièvre des phthisiques. Une femme fut guérie de la phthisie pul- monaire en mangeant une grande quantité de Melons. (Mur- ray, Apparat. med. 1. 579.) M. le docteur Ségalas, qui est une autorité puissante pour les graveleux, leur conseille ce fruit doué d’une action spé- ciale sur les reins et la vessie. Les sujets d’un tempérament chaud, bilioso-sanguin, tourmentés par la constipation ou par les hémorrhoïdes, sont également soulagés par le Melon, qui les rafraichit, les tempère, les relâche. Les habitans des pays chauds, où les Melons sont excel- lens, trouvent dans leur usage journalier une grande res- source contre l'influence du climat. Dans la Provence, dans le Languedoc, dans le Roussillon, on en mange presque à tous les repas. On les fait rafraichir, en les faisant tremper tout entiers dans l’eau de puits, ou en les couvrant de glace. 390 NOUVEAU TRAÎTÉ Les peuples de l'Asie, surtout les Perses, se nourrissent aussi de Melons, et ils en sont rarement incommodés. Le Melon, parvenu à un degré de maturité convenable, bien sucré, bien parfumé, enfin un bon Melon, fournit un aliment délicieux , très rafraïchissant, mais en même temps son abus affaiblit les facultés digestives, provoque la fièvre, la diarrhée, la dysenterie et même le choléra. Tout cela est prouvé par des faits recueillis dans divers climats. Gilibert a vu périr un grand personnage pour avoir mangé un Melon à la glace. M. Hocquart, éditeur de notre Histoire des Cham- pignons, fut pris d’un violent choléra-morbus causé par deux tranches de Melon. Une mixture opiacée lui sauva la vie. Le Melon est surtout nuisible aux vieillards, aux personnes délicates ou douées d’un tempérament froid, lymphatique. Il faut toujours saler un peu le Melon, on le digère mieux. Quelques personnes le mangent avec du sucre, d'autres y ajoutent un peu de poivre ou un peu de cannelle ; mais je ne conçois pas qu'on puisse y mettre du tabac d'Espagne. Plenck et De Haën parleni de cet assaisonnement diabolique. Au reste, l'instinct doit servir de guide pour le choix de ces condi- mens. Faut-il boire de l'eau ou du vin après le Melon? Si vous avez l'estomac un peu froid, le vin, par sa douce chaleur, le remontera, le ranimera, et la digestion du Melon se fera sans trouble. Si vous êtes jeune, vigoureux, si vous aimez le Melon, vous boirez ce qui vous fera plaisir. Surtout que le vin soit vieux, et point de nature acide : votre estomac en serait bouleversé ; 1l vaudrait mieux boire de l’eau. On peut faire avec le Melon de fort bons potages, soit au beurre, soit à la crème. En Italie, on fait une excellente confiture avec les côtes du Cantaloup. La confiture sèche de Melon, qu’on prépare à Béziers et autres villes du Languedoc, est également fort renommée. DES PLANTES USUELLES. 391 Les cornichons qu'on fait avec les très jeunes Melons sont excellens. On confit aussi au vinaigre et au sucre la chair de ce fruit dépouillé de son écorce. On la pique de cannelle et de clous de gérofle, et on en fait une sorte de compote qu’on mange avec le bouilli dans les pays chauds. Elle peut se conserver plusieurs années. Les semences du Melon contiennent un mucilage abon- dant ; on les associe aux autres semences froides, et on en fait une sorte d'émulsion qui apaise la strangurie, les dou- leurs néphrétiques, l’ardeur d'urine , etc. On retire aussi des mêmes graines une huile douce , légèrement anodine. COURGE. CUCURDBITA. Fleurs monoïques. Calice à cinq dents sétacées. Corolle en cloche, à cinq divisions. Fleurs mâles : cinq anthères soudées, portées sur trois filets. Fleurs femelles : un style court, à trois stigmates dilatés. Baie charnue; graines nom- breuses, renflées sur les bords, et nichées dans des cellules non pulpeuses. COURGE CALEBASSE. CUCURBITA LAGENARIA. Cucurbita lagenaria. Lann. Spec. 1434. DC. FI. Fr. 28926. BLACKW. Herb. t. 522. «&, b. Cette plante se distingue facilement des autres espèces à sa feuille presque ronde, molle, lanugineuse, munie de deux petites glandes coniques près de l'insertion de son pétiole. Les 392 NOUVEAU TRAITÉ tiges sont fort longues, rudes au toucher, rampantes sur la terre, ou grimpantes sur l'appui qu’on leur donne. Les feuilles sont pétiolées, alternes, arrondies, d'un vert pâle, légèrement gluantes et odorantes. Les fleurs sont blanches, fort évasées, presque en étoile ou en roue, réunies plusieurs ensemble, jamais solitaires dans les aisselles des feuilles. Les fruits sont jaunâtres et recouverts d'une écorce li- gneuse; ils varient de forme et de grosseur. La première variété, nommée Gourde des pèlerins, a le fruit évasé à l’extré- mité et resserré du côté de la queue en forme de goulot de bouteille ; la seconde, qu’on appelle Gourde ou Calebasse, a le fruit renflé, non étranglé par le pédoncule; la troisième, connue sous le nom de Courge longue où Courge trompette, se dis- tingue par son fruit en forme de faulx ou de croissant. La Courge calebasse est originaire de l'Inde. On la cultive dans les jardins, surtout dans nos départemens méridionaux. Le parenchyme du fruit est blanc, d’une amertume assez prononcée. Cependant on le mange cuit et assaisonné de vi- naigre. C'est la nourriture du peuple en Egypte. Les semences sont mucilagineuses et rafraichissantes ; on peut en faire des émulsions. Lorsque le fruit est sec, on le vide. C'est la bouteille du voyageur ou la gourde du pèlerin. DES PLANTES USUELLES. 393 COURGE POTIRON. CUCURBITA MAXIMA. Cucurbita maxima. Duc. Encyel. Bot. 2. 151. DC. F1. Fr. 2827. Tour. Inst. p. 106, n. 2. t. 34. Le Potiron se fait remarquer par ses feuilles très amples, en forme de cœur arrondi, dont le limbe se soutient dans une position horizontale. Ses tiges sont rudes, velues, cannelées et garnies de villes. Les fleurs sont jaunes, grandes, campa- niformes , à limbe très rabattu. Le fruit est très volumineux, d'une forme sphérique, à côtes régulières et à renfoncemens considérables aux deux extrémités ; l'écorce qui le recouvre est lisse, dure, verte, blanche ou jaune. La chair est ferme, jaunâtre et pleine de jus. Les semences sont oblongues, planes, d'une couleur flavescente, garnies d’un rebord saillant. C'est la grosse Courge ou le vrai Potiron des jardiniers. On ignore sa patrie, mais sa culture est presque universelle. On en voit d'une grosseur monstrueuse. La pulpe est d’un blanc jaune, quelquefois d'un jaune très vif, aqueuse, mucilagi- neuse, douce, un peu sucrée. Plus elle est jaune ou rou- geàtre, plus elle a de parfum. | Cette espèce de Courge est à la fois médicinale et écono- mique. Le médecin, le cuisinier, la bonne ménagère s’en servent également. Dans les pays méridionaux, l'eau de Courge, c'est-à-dire la décoction de sa pulpe avec expression, remplace l’eau de poulet, l'eau de veau, le petit-lait. Cette boisson est rafraichissante et laxative ; elle remédie à la con- stipation, éteint la soif, apaise la chaleur et l'irritation des 394 NOUVEAU TRAITÉ viscères. Les hémorrhoïdaires, souvent constipés, reçoivent un grand soulagement de l’eau de Courge. On en fait bouillir une tranche émincée dans une pinte d'eau; on passe la décoc- tion et on la sucre légèrement. Nous recommandons cette même tisane à ceux qui ont les reins échauflés, douloureux, qui urinent avec difficulté. A la campagne, et même à la ville, on fait d'excellens potages avec le Potiron ; le pâtre s’en régale comme le labou- reur et le curé de village. Soupe au Potiron. Vous coupez votre Potiron en petits morceaux, que vous faites cuire dans un pot d’eau froide avec du sel et du beurre. Lorsque le Potiron est euit, vous l'égouttez, vous le passez à l'étamine, vous le versez sur des tranches de pain, et vous ajoutez une pinte de lait bouillant, avec une suffisante quantité de sucre. Le riz au lait, où vous avez ajouté de la pulpe bien cuite de Potiron, du sucre et une ou deux amandes amères, ou une feuille de laurier-cerise, constitue un potage très nourris- sant et de fort bon goût. Il restaure parfaitement après un pénible labeur, après une longue course, après les fatigues de la chasse. Purée de Potron. On hache le Potiron, et on le fait réduire en bouillie dans de l’eau et du sel. On jette l'eau et on met la purée dans la casserole avec du beurre et une cuillerée de fécule de pomme de terre. Lorsque le beurre est fondu, on ajoute du sucre, DES PLANTES USUELLES. 395 des jaunes d'œufs et de la crème; ensuite on verse le tout sur le plat au milieu de croûtons frits. Dans certains pays, on fait confire les Potirons comme les choux. Après avoir ôté tous les pépins et nettoyé l'intérieur, ou coupe la chair par tranches minces, et on les met dans des vases par couches pressées et saupoudrées de sel. Les Potirons, les Courges, ne sont pas seulement ali- mentaires pour les hommes, les bestiaux les recherchent également ; c’est pour eux une bonne nourriture d'hiver, surtout pour les vaches, dont elle entretient le lait dans cette saison. Les semences des Courges fournissent une huile fixe par expression, et un principe muqueux. On leur accorde, avec raison, une vertu réfrigérante , et on les emploie dans le traitement des phlegmasies du système urinaire, des affec- tions spasmodiques des organes génitaux , des hémorrhagies actives, etc. On les prend sous la forme émulsive, et on les mêle ordi- nairement avec les autres semences froides ou avec les amandes douces, en rejetant celles qui ne sont point récentes. La dose est d'environ une once pour une pinte d’émualsion. Après les avoir dénudées de leur écorce, on les pile dans un mortier de marbre, en y mêlant peu à peu une suffisante quantité d'eau. On passe avec expression cette liqueur laï- teuse, et on y ajoute du sucre, avec quelques gouttes d'eau de fleurs d'oranger. Lorsqu'on veut rendre cette émulsion plus calmante, on y mêle demi-once de sirop de pavot blanc. Il faut observer qu'elle se conserve très peu de temps, et qu'elle s'altère par le contact de l'air chaud. 396 NOUVEAU TRAITÉ COURGE PÉPON. CUCURBITA PEPO. Cucurbita pepo. Lin. Spec. 1435. Ducx. Encycl. Bot. 2. 151. DC. FI. Fr. 2898. Cette espèce, dont les variétés sont nombreuses, a, comme le Potiron, des fleurs en cloche, de couleur jaune ; mais la corolle est rétrécie à la base comme un entonnoir, et le limbe n’est point réfléchi ou rabattu en dehors. Les fruits sont ordinairement oblongs et dénués de côtes. Parmi ses variétés, on distimgue particulièrement la Me- lonnée ou Citrouille musquée (Cucurbita moschata). Ses feuilles, douces au toucher, sont couvertes d’un duvet serré, comme celles de la Calebasse. Ses fruits sont compri- més ou sphériques, ovales, cylindriques, en pilon ou en massue, d'un vert plus ou moins foncé en dehors, jaunes ou d'un rouge orangé en dedans. La chair est ferme, très fine, d'une saveur agréable et musquée. Les Italiens et les Provençaux sont très friands de cette espèce de Courge. Au nord de la France, elle ne réussit qu'avec le secours des couches chaudes, et demande des Soins. Les Courges de la même race, comme les Giraumons, les Pastissons, la Cougourdette, etc. , ont toutes des pro- priétés alimentaires ; mais elles sont moins délicates que la Melonnée. On les cultive dans nos jardins. DES PLANTES USUELLES. 397 COURGE PASTÈQUE. CUCURBITA ANGURIA. Cucurbita anguria. Duc. Encyel. Bot. 2. 158. DC. F1. Fr. 2829. — Cucurbita citrullus. Lann. Spec. 1435. Frescx. Hist. 700. Icon. Cette espèce, cultivée dans les pays méridionaux , se dis- tingue des autres Courges par ses feuilles, d'un vert foncé, laciniées ou profondément découpées , placées dans une di- rection verticale, et d’une consistance ferme , presque cas- sante. Son fruit est constamment orbiculaire, à peau mince, lisse, mouchetée de taches étoilées. La chair est d’un beau rouge où blanche, très fondante, d'un goût sucré et d’une grande fraîcheur. La Courge pastèque offre plusieurs variétés qui diffèrent par la consistance et la couleur de la chair. On donne, en Provence, le nom de Pastèque aux variétés dont le fruit, plus ferme, ne se mange que confit avec du vin doux ou cuit en raisiné; celles dont la chair est très fondante portent le nom de Melon d’eau. Cette plante craint le froid dans le nord de la France. On la sème sous cloche et sur couche. Dans les pays méridio- naux, on la cultive en pleine terre; et ce n'est que là qu’elle mürit parfaitement. Son fruit est d'une saveur exquise dans le Languedoc, dans la Provence, en Égypte , en Ara- bie, etc. La pulpe est très aqueuse, mucilagineuse, douce, sucrée, fraiche, presque glacée. Elle se fond dans la bouche et la remplit d'une eau délicieuse. La Pastèque est d'une grande ressource dans les climats 398 NOUVEAU TRAITÉ chauds, où l’on périrait de chaleur et de soif sans le secours des fruits. Elle est abondante et très grosse en Égypte. Pros- per Alpin a vu dans ce pays des Pastèques tellement volu- mineuses, qu'une seule faisait la charge d'un homme, et trois ou quatre celle d'un chameau. Malheureusement on abuse partout des dons de la nature. Ceux qui arrivent dans les pays chauds veulent absolument se rafraîchir, et mangent des Pastèques jusqu'à l'excès, sans se douter qu'ils s'exposent à des coliques violentes, à la dysenterie , à des accidens cho- lériques. Le baron Desgenettes rapporte, dans son Histoire médi- cale de l'armée d'Orient, que les Pastèques furent nuisibles à beaucoup de soldats qui s’en étaient gorgés, mais qu'elles nourrirent et sauvèrent l'armée. On mange ordinairement crues, et assaisonnées comme les Melons, les Pastèques dont la chair est fondante ; on ré- serve pour faire du raisiné et des confitures celles dont le parenchyme est plus serré, plus ferme. PAPAYER. PAPAY 4, Fleurs dioiques. — Fleurs mâles : calice très petit, à einq dents. Corolle infundibuliforme ; limbe à cinq lobes lan- céolés, linéaires. Dix étamines insérées à l’orifice de la co- rolle ; filamens alternes deux fois plus courts ; anthères oblongues, droites. Fleurs femelles : corolle à cinq divisions profondes. Ovaire libre, ovale ; cinq styles courts ; stigmates dilatés , comprimés, frangés. Baie pyriforme ou ovoïde, creusée de cinq sillons, charnue, uniloculaire, poly- sperme. DES PLANTES USUELLES, 399 PAPAYER COMMUN. “ PAPAYA VULGARIS. Papaya vulgaris. DC. Encyel. Bot. 5. 2. — Carica papaya. Lin. Spec. 1232. TREW. Sel. t. 7. Rumpx. Amboin. 1. t. 50 et 51. RHEED. Mal. 21. t. 15. f. 2. Ce bel arbre a l'aspect d'un palmier. Son tronc, revêtu d'une écorce épaisse, molle, verdâtre , haut d'environ vingt pieds, s'élève dans une direction droite , et ne présente dans toute son étendue aucune apparence de divisions ou de ra- meaux. Les feuilles, situées à son sommet, sont ramassées , alternes, digitées ou plus souvent palmées, d'un vert plus clair en dessus qu'en dessous, portées sur de longs pétioles, et munies de petites écailles dans les points où se rencontrent leurs nervures. Les fleurs, de couleur blanche , naissent dans les aisselles des feuilles, et répandent une odeur suave. Les femelles sont portées sur des pédoncules simples, courts et pendans: elles donnent des fruits ovales, sillonnés, à peu près de la grosseur des concombres, recouverts d'une écorce mince, jaunâtre à leur,maturité. Ces fruits renferment des graines brunes ou noirâtres, oblongues , ridées et bosselées. Trew et Commerson ont observé des fleurs hermaphrodites sur les individus mâles et femelles du Papaya. Le Papayer croît naturellement dans les deux Indes et aux Antilles, où il fleurit et porte des fruits toute l’année. Il est remarquable par la rapidité de son accroissement ; il attemmt en six mois la hauteur d'un homme. s 400 NOUVEAU TRAITÉ Son fruit porte le nom de Papaya ; il a une chair jaune, épaisse, ferme, succulente, d’une saveur douce, agréable, d'une odeur aromatique. On le mange cru ou cuit aux A8- tilles et aux Moluques. On l’assaisonne de sucre et de vi- naigre. On cultive cet arbre dans nos serres, et on le propage de semences sans de grandes difficultés; mais ses fruits, si délicieux dans l'Inde, ont un goût détestable dans notre climat. DES PLANTES USUELLES. n01 PASSIFLORÉES. PASSIFLOREÆ. Passifloreæ. Juss. Desr. GRENADILLE. PASSTFLORA. Calice ouvert, coloré, à dix divisions; les cinq internes pétaloïdes, quelquelois nulles. Une couronne intérieure atta- chée à la base du calice, colorée , frangée à son bord ou composée d'un grand nombre de filamens. Cinq étamines ; filets réunis inférieurement autour du style; anthères allon- gées, vacillantes. Trois styles en massue, surmontés d'un stigmate en tête. Baie charnue, unilocalaire , polysperme. GRENADILLE BLEUE. PASSIFLORA CÆRULE À. Passiflora cærulea. Lin. Spec. 1360. Lam. Encycl. Bot. 3. 41. Desr. Arbr. 2: 407. Pyror. Hort. Fr. 749. CAvan. Dissert. t. 245. Cette espèce, remarquable par son feuillage, par ses grandes et belles fleurs, a des tiges sarmenteuses, flexibles, qui s'élèvent à plus de vmgt pieds de hauteur lorsqu'on leur fournit un soutien. Les feuilles sont d’un vert foncé, pé- tiolées, palmées, à digitations ovales, obtuses à leur sommet. | IH. 26 402 NOUVEAU TRAITÉ Les fleurs sont larges, solitaires , axillaires, d’un aspect superbe. La couronne est frangée, bleue en dehors, pur- purine au centre ou à sa base ,et bordée de blanc dans sa partie moyenne. Elles ne durent qu'un jour, mais elles se succèdent depuis les premiers jours de juillet jusqu'aux froids de l’automne. Le fruit est ovoïde, de la grosseur d'un abricot, d'un jaune rougeâtre lorsqu'il est parvenu à sa maturité. Il est pulpeux, acidule, rafraichissant et très agréable au goût. On cultive dans les jardins cette belle espèce , originaire du Brésil. On la propage de drageons, de boutures et de graines. [l faut la planter à une exposition chaude, abritée des vents du nord, et la couvrir de paillassons lorsque l'hiver est rigoureux. Elle pare de ses belles fleurs les tonnelles , les treillages et les terrasses . GRENADILLE A FEUILLES DE LAURIER. PASSIFLORA LAURIFOLTA. Passiflora laurifolia. Lin. Amoœæn. Acad. 1. 220. f. 6. Lam. Encycl. Bot. 3. 34. Jaco. Hort. Vind. t. 162. CAvaAN. Dissert. t. 284. La Grenadille à feuilles de laurier grimpe jusqu’au som- met des grands arbres en s’y attachant par ses vrilles, et se répand de tout côté sur leur cime. Les jeunes rameaux sont cylindriques , herbacés , garnis de feuilles ovales, oblongues, un peu pointues, lisses, d’un vert agréable, soutenues par un pétiole court, glanduleux à son sommet. Les fleurs sont axillaires , solitaires, nuancées de blanc, de pourpre et de violet, odorantes et d’un aspect agréable. DES PLANTES USUELLES. 403 Les fruits sont jaunes à leur maturité, à peu près de la grosseur et de là forme d'un citron ; ils répandent une odeur suaye, et contiennent , sous une peau molle, épaisse, une chair aqueuse, blanche, très savoureuse, légèrement acide. Les Français les appellent pommes de liane, et les An- glais honey-suckles. Cette espèce croît naturellement à Surinam, à Cayenne et dans toute la Martinique. On la cultive au Jardin du Roi. GRENADILLE POMIFÈRE. PASSIFLORA MALIFORMIS. Passiflora maliformis. Lin. Amœn. Acad. 1. 220. f. 5. Lam. Encycl. Bot. 3. 33. PiRoL. Hort. Fr. 813. JacoQ. : Hort. Schven. t. 180. Ses grandes feuilles et la dépression du sommet de son fruit, qui lui donne l'aspect d'une pomme, distinguent prin- cipalement cette espèce de Grenadille. Elle croît naturel- lement en Amérique, dans les îles de la Dominique et de la Tortue. Sa tige, grimpante, herbacée, triangulaire, s'élève à la hauteur de quinze ou vingt pieds en s’attachant aux haies et aux arbrisseaux par le moyen de ses vrilles. Ses feuilles sont oblongues, cordiformes, pointues, entières, glabres, attachées à un pétiole glanduleux. Les pédoncules , axillaires et solitaires, portent chacun une belle fleur, ayant à sa base une collerette ample, com- posée de trois folioles ovales, pointues, rougeâtres, et vel- nées d'un rouge plus vif. 40% NOUVEAU TRAITÉ Le fruit est globuleux , légèrement déprimé à son sommet, de la forme et presque de la grosseur d'une pomme, d'une couleur jaune à sa maturité. Il renferme une pulpe douce, d'une saveur agréable. En Amérique, on le sert sur les tables. Grenadille écarlate (Passiflora coccinea, Lam.). Cette espèce, dont les fleurs sont d'un rouge éclatant, croît à la Guiane, où elle donne des baies jaunes, remplies d'une pulpe sélatineuse , douce et bonne à manger. Grenadille à feuilles de tilleul (Passiflora üliæfolia, Linn.). Cette Grenadille a une couronne d’un rouge cramoisi, avec un cercle blanc fort remarquable. Elle croît au Pérou, aux environs de Lima. Ses fruits sont d’une forme globuleuse, assez gros, panachés de rouge et de jaune , et d’un fort bon goût. Grenadille quadrangulaire (Passiflora quadrangularis, Linn.). Cette belle espèce, dont les tiges sont quadrangu- laires, a une couronne à filamens agréablement mouchetés de violet et de blanc. Ses fruits, ovoides, fort gros, d'un vert jaunâtre, donnent une pulpe aqueuse, douce, odorante, d'une saveur agréable. On les sert sur les tables à l'Ile-de- France, où ils sont fort estimés. On cultive cette Grenadille dans les jardins de botanique. Grenadille incarnate (Passiflora incarnata, Linn.). C'est l'espèce la plus anciennement connue. Elle a des tiges grèles, grimpantes , des feuilles trilobées , de grandes et belles fleurs blanches, panachées de noir, de violet et de pourpre. Les fruits sont ronds, de la grosseur d'une pomme ordinaire, d'une couleur d'orange pâle lorsqu'ils sont mürs. Ils contiennent une pulpe d'une saveur douce. Cette Grenadille croît au Pérou , au Brésil et dans la Vir- DES PLANTES USUELLES. 105 ginie. On la cultive dans quelques jardins , et on la multiplie de semis et de marcottes. Les fruits de presque toutes les .Grenadilles sont agréa- bles à manger ; mais, dans nos climats, ils n’ont jamais la saveur et le parfum qui les distinguent dans leur pays natal. Les Grenadilles (petites grenades ) ont été ainsi nom- mées parce que leurs fruits ont quelque ressemblance avec la pomme de Grenade. Le nom de Passiflora vient du mot patior, je souffre, et du mot flos, floris, fleur. On avait cru reconnaître dans la Grenadille incarnate (Passiflora incar- nata), la première qui ait été vue en Europe, quelque ana- logie avec les instrumens qui servirent à la passion de Jésus- Christ. Ainsi, par exemple, les feuilles, qui sont terminées par trois pointes, représentaient la lance, les vrilles le fouet, les trois styles les clous, et les filamens du calice, tachés d'un rouge de sang et disposés cireulairement, étaient l'emblème de la couronne d'épines. 406 NOUVEAU TRAITÉ URTICÉES. URTICEÆ. Urticeæ. Juss. Venr. DC. ORTIE. URTICA. Fleurs monoïques, quelquefois dioiques. Fleurs mâles dis- posées en grappes; périgone à quatre divisions; quatre éta- mines. Fleurs femelles disposées en grappes ou en tête sphé- rique ; périgone à deux folioles. Un ovaire ; un stigmate velu. Fruit monosperme. ORTIE DIOIQUE. URTICA DIOICA. Urtica dioica. Lanw. Spec. 1396. Lam. Encycl. Bot. 4. 637. Illustr. t. 761. f. 1. DC. F1. Fr. 2132. Bars. F1. Lyon. 1. 644. CHev. FI. Par. 2. 371. FL Dan. t. 739. — Urtica urens maxima. Baux. Pin. 232. L'Ortie dioique croît dans tous les pays. On la trouve dans les masures, au milieu des ruines, dans les haies, au bord des chemins , etc. Ses tiges sont quadrangulaires, pubescentes, hautes de deux ou trois pieds, divisées en rameaux opposés, garnis de feuilles pétiolées, cordiformes, aiguës, d’un vert sombre, dentées en forme de scie, hérissées ainsi que le pétiole de poils épars, moins piquans que ceux de l'Ortie brülante. Les fleurs sont verdâtres , disposées dans les aisselles des DES PLANTES USUELLES. 407 feuilles en grappes géminées , pendantes et velues : les mâles naissent ordinairement sur des pieds séparés, quelquefois sur le même. Lorsqu'on 1rrite les étamines, elles se meuvent rapidement , et les anthères lancent en forme de fusée leur poussière séminale. Cette espèce porte le nom de grande Ortie. Dans les lieux qui favorisent sa végétation , elle s'élève à la hauteur de cinq ou six pieds. Elle est à la fois médicinale, alimentaire et économique. Lorsqu'on mâche la tige ou les feuilles , on leur trouve un goût fade, oléracé, faiblement styptique. Elles contiennent un peu de nitrate de potasse. La racine est légèrement amère. On faisait autrefois, avec la plante fraiche , des bouillons dé- puratifs, des tisanes diurétiques : on dit même qu'on a guéri, avec le suc des feuilles, des phthisies peu avancées, les fleurs blanches, les pertes de sang, la gravelle, la goutte, etc. Nous avons lu çà et là quelques faits tronqués qui ne sau- raient satisfaire un observateur judicieux. ( Voyez Murray, Apparat. méd. 4, 592.) Il n'en est pas de même de l'usage extérieur de l'Ortie dioique et de quelques autres espèces, de l'Ortie brülante surtout. C'est un moyen héroïque dont les anciens tiraient un grand parti. Si on examine à la loupe les poils épineux des Orties, on voit qu'ils sont creux dans l'intérieur, et percés au sommet. A la base de chaque poil se trouve une vésicule remplie d'une liqueur caustique; c’est la même organi- sation que celle de l'aiguillon des guêpes et des dents des vipères. Lorsque l'épine pénètre dans la peau, la vessie com- primée lance la liqueur le long du tuyau : elle s'introduit ainsi dans la piqüre, et cause cette sensation brülante qu'on n'éprouve point lorsqu'on se pique avec des Orties sèches. Celse recommande l'application de l'Ortie fraiche sur les 408 NOUVEAU TRAITÉ membres paralysés. Arétée avait recours au même moyen pour dissiper la léthargie. Ce procédé , connu chez les anciens sous le nom d'urticatio, consiste à frapper la partie malade avec une poignée d'Orties. On renouvelle plusieurs fois cette espèce de flagellation ; la peau s'irrite, se rubéfie, et se couvre de pustules pleines de sérosité. L'urtication est maintenant remplacée par les vésicatoires, les sinapismes , les linimens cantharidés , ammoniacés , etc., parce qu'on n'a pas toujours des Orties sous la main, et que d’ailleurs beaucoup de malades refuseraient de se soumettre à un procédé qui a plutôt l'air d’une correction que d'un re- mède. Voici pourtant un fait qui prouve l'excellence de l’ur- tication. «Cest un moyen cruel, barbare, me disait un jour la femme d'un général; je suis bien sûre que mon mari ne voudra jamais s’y soumettre. » M. le général Gougeon arrive, je lui propose l'urtication, il l'accepte sans hésiter. Il avait le bras gauche et toute l'épaule dans un état de rigidité et de stupeur, à la suite de plusieurs attaques de rhumatisme. Les bains d'Aix-la-Chapelle, des vésicatoires, des linimens , des frictions de toute espèce n'avaient produit qu'un soulagement éphémère. Nous étions alors au mois de juin. Le général ha- bitait, tout près de Paris, une campagne où l'Ortie était abon- dante. Son valet de chambre lui applique l'urtication trois ou quatre fois en deux jours. La peau se couvre d’une érup- tion pustuleuse, et peu de jours après le malade remue déjà son bras avec plus d'aisance. On continue le remède, on le suspend lorsque l'inflammation est trop vive, et en moins de six semaines les mouvemens du bras sont presqu'entièrement rétablis. u 14h Nous pourrions citer d'autres faits tout aussi concluans en faveur de lurtication. C'est un remède domestique DES PLANTES USUELLES. 409 qu'on trouve partout, du moins pendant l'été, et qu'on a tort de négliger dans les campagnes. Le célèbre Barthez le con- seille pour remédier à l'atonie musculaire produite par des attaques de goutte prolongées. On pourrait encore employer l'urtication pour rappeler à la peau des éruptions critiques, des dartres répercutées par des pommades astringentes. Nous passons sous silence l'effet irritant ou aphrodisiaque (languentis veneris incitamentum) produit par les Orties; nous abandonnons ce moyen mécanique aux libertins, aux hommes tout-à-fait corrompus, aux vieillards maniaques ou imbéciles. Les personnes un peu raisonnables puiseront de nouvelles forces dans une vie plus régulière et dans un bon régime. Lorsque l'Ortie est jeune et tendre, elle sert d'aliment à l'homme. Les anciens Grecs la mangeaïent au printemps, un peu avant l’arrivée de l’hirondelle. « Tu faisais comme pour les Orties : tu recueillis avant l’arrivée de l'hirondelle.» (Les Chevaliers, comédie d’Aristophane. ) Dans les pays du Nord, et même en France, on mange, dans les premiers jours du printemps, les feuilles d'Ortie cuites dans la soupe, comme les autres herbes potagères. On les prépare aussi comme les choux et les épmards. J'ai mangé plusieurs fois à la campagne les jeunes pousses de l'Ortie brülante, assaisonnées avec du jus de viande ou avec du beurre, et ce mets rustique m'a paru aussi agréable que les épinards ou la laitue. Le dindonneau ne fait pas tant de façons, il suffit de hacher les feuilles d'Ortie pour qu'il les avale avec prestesse; c'est la nourriture de son enfance, elle le ranime et le rend vigou- reux. Plus tard, on les mêle avec du son, avec de la farine d'orge, avec des œufs durs, et cette espèce de pâtée l'en- eraisse. Les poules pondeuses multiplient leurs œufs lorsque vous leur jetez de temps en temps des Orties hachées. 410 NOUVEAU TRAITÉ On donne l'Ortie comme fourrage aux vaches, mais on laisse un peu faner l'herbe avant de la leur présenter. Cette nourriture influe sur la qualité du lait et du beurre : l’un est plus riche, plus épais, et l’autre plus agréable, plus sapide. Les tiges fournissent une espèce de filasse avec laquelle on peut faire de la toile comme avec le chanvre. On voyait, il y a quelque temps, au cabinet d'histoire naturelle du château de Chantilly, un petit sac de toile faite avec la filasse obtenue de la grande Ortie. Les semences fournissent de l'huile par expression. ORTIE BRULANTE. URTICA URENS. Urtica urens. Lann. Spec. 1396. Lam. Encycl. Bot. 4. 637. DC. FI. Fr. 2133. CHE v. FI. Par. 2. 371. FI. Dan. (739. Cette espèce, beaucoup moins élevée que la précédente , abonde dans les lieux cultivés, le long des murs, dans les décombres. Sa tige est droite, quadrangulaire, rameuse, haute de quinze à vingt pouces, garnie d'aiguillons. Ses feuilles sont opposées, pétiolées , ovales , fortement dentées, d'un vert sombre, parsemées, comme la tige, de poils très fins et dont la piqüre est brülante. Les fleurs, d'une teinte herbacée, naissent en grappes axillaires , oblongues, serrées, presque sessiles, composées de fleurs mâles et de fleurs femelles sur le même individu. Les fruits sont ovoides, comprimés, luisans et d'un jaune pâle. L'Ortie brûlante s'appelle vulgairement petite Ortie, Ortie grièche. Ses qualités, ses vertus médicinales , sont les mêmes que celles de l'Ortie dioïque, et l’une peut suppléer l'autre. DES PLANTES USUELLES. 411 Lange prétend que l’infusion des feuilles de la petite Ortie excite les sueurs, provoque le cours des urines. Cette même infusion, blanchie avec du lait, soulage les phthisiques ; on la prépare ordinairement avec les feuilles sèches. On a recommandé comme un fort bon fébrifuge l'infusion des graines et des fleurs dans du vin blanc. Ce remède simple est encore un excellent préservatif contre l'air malfaisant des habitations marécageuses. Ces mêmes graines, mêlées avec l’avoine, sont très saines pour les chevaux. Elles les raniment, les engraissent et rendent leur peau plus brillante. Ce mélange est fort usité dans le Nord, surtout en Danemarck. Enfin on trouve dans les jeunes feuilles de la petite Ortie une ressource contre la faim. On les mange cuites et assai- sonnées avec un peu de graisse; c'est l’'épinard du malheu- reux. Ainsi cette herbe, qu'on fuit, qu'on craint, qu'on déteste, est pourtant utile à l'économie domestique : on peut la comparer au bourru bienfaisant. Mais faites comme les Athéniens, cueillez-la un peu avant l'arrivée de l'hiron- delle; plus tard elle vous ferait sentir sa mauvaise humeur. ORTIE À GLOBULES. URTICA PILULIFERA. Urtica pilulifera. Linn. Spec. 194. Lam. Encycl. Bot. 4. 636. Illustr. t. 761. f. 2. DC. FL Fr. 2134. LAPEYR. Plant. Pyr. 2. 578. MÉr. Nouv. F1. Par. 1. 146. — Ur- tica romana. Los. Icon. 522. Sa tige est droite, ronde, simple au peu rameuse, haute de deux ou trois pieds , hérissée de poils rudes et piquans. Ses feuilles sont opposées, ovales, pointues, profondément 142 NOUVEAU TRAITÉ dentées, et couvertes de poils semblables à ceux de la tige. Les fleurs sont axillaires , d’un vert blanchâtre , disposées en chatons globuleux, ordinairement géminés, pédonculés, dont l’un est mâle et l’autre femelle. Les fruits sont ovales, comprimés et luisans. Cette espèce, appelée vulgairement Orüe romaine, croît dans tous les pays de l'Europe. On la voit dans les prairies, dans les haies , dans les champs , dans les jardins. Elle abonde dans les provinces méridionales de la France. Ses fleurs s'épanouissent en juin et juillet. L'Ortie romaine peut remplacer les espèces précédentes , dont elle partage les propriétés. L'infusion des semences, adoucie avec du miel, soulage, dit-on, les asthmatiques, calme les toux rebelles. On se sert de cette même plante à l'extérieur, pour rani- mer l’action vitale affaiblie chez les paralytiques, chez les vieux goutteux , etc. Âu reste, la plupart des Orties sont stimulantes ou brûlantes, comme l’exprime le nom géné- rique, Urtica, composé de deux mots latins, urere, brüler ; tactus, le toucher : c'est-à-dire plante qui brûle quand on y touche. L'Ortie stimulante (Urtica stimulans) est une espèce étrangère qui s'élève en arbrisseau , et qui est parsemée d'aiguillons beaucoup plus forts que ceux des autres Orties. Les habitans de Java s’en servent pour fouetter, pour stimu- ler leurs bœufs. Les Hollandais de Batavia nomment, dans le même sens, cette plante, Buffet-blad, aiguille de bœuf. DES PLANTES USUELLES. 413 PARIÉTAIRE. PARIETARIA. Fleurs polygames , réunies dans un involucre à plusieurs divisions, au nombre de quatre à cinq, dont une femelle et les autres hermaphrodites. Fleurs hermaphrodites : périgone à quatre divisions. Quatre étamines à filamens élastiques ; anthères didymes. Un ovaire ; un style; un stigmate. Fruit monosperme, recouvert par le périgone , allongé et connivent à son sommet. PARIÉTAIRE OFFICINALE. PARIETARIA OFFICINALIS. Parietaria officinalis. Lann. Spec. 1492. Porr. Encyel. Bot. 5. 14. DC. FL. Fr. 2135. Lapeyre. Plant Pyr. 2. 613. CHEV. FL Par. 2. 373. FI. Dan. t. 531. Sa tige est rameuse, cylindrique, rougeûtre, légèrement velue, feuillée dans toute sa longueur, longue de quinze à vingt pouces. Les feuilles sont alternes, pétiolées, ovales, rudes , d'un vert foncé et luisant à leur face supérieure, pubescentes et d'une teinte plus pâle à leur revers. Les fleurs sont petites, d'une couleur herbacée, ramassées par pelotons presque sessiles dans les aisselles des feuilles ; les unes sont femelles , les autres hermaphrodites. Cette plante abonde dans les fentes et au pied des vieux murs, dans les décombres, le long des haies, etc. Elle fleurit pendant une partie de l'été, et porte le nom vulgaire de Casse-pierre ou Perce-muraille. 414 NOUVEAU TRAITÉE La Pariétaire officinale est inodore, aqueuse, insipide, un peu mucilagineuse. Elle contient une grande quantité de nitrate de potasse, et donne une matière végéto-animale qui s'élève avec l’eau distillée. | Quelques pharmacologues contestent ses vertus médici- nales, parce qu'elle n’a ni odeur, ni saveur. Ils disent en- core qu'il ne faut pas beaucoup compter sur la quantité minime de sel de nitre qu'elle laisse dans les tisanes. Cullen refuse également de l'admettre parmi les herbes émollientes, parce qu'elle ne contient aucun principe muci- lagineux. Mais l'opinion d’un assez grand nombre de praticiens ha- biles est plus favorable à la Pariétaire. Sa décoction est un diurétique fort doux qu’on applique aux affections des voies urinaires accompagnées de spasme et d'irritation vive. M. le docteur Ségalas la recommande journellement contre la dy- surie, la colique néphrétique, la gravelle , etc. Les vieillards qui urinent avec difficulté sont presque toujours soulagés par la tisane de Pariétaire. On la conseille aussi dans les phlegmasies pulmonaires et gastriques. Tisane de Pariétaire. Prenez : feuilles fraiches de Pariétaire, une poignée ; faites bouillir pendant à peu près dix minutes, et ajoutez à la colature deux onces de miel blanc ou de sirop de gomme. On en prend une tasse d'heure en heure, et on couvre les parties irritées, douloureuses, de cataplasmes préparés avec la même plante , et arrosés d'huile d'olive. On fait également usage du suc exprimé des feuilles et des DES PLANTES USUELLES. 415 tiges de la Paritaire , à la dose de deux ou trois onces, qu'on mêle avec deux ou trois fois autant de petit-lait clarifié. L'eau qu’on obtient par la distillation de la Pariétaire nous paraît absolument dénuée de propriétés, quoique certains médecins la prescrivent dans les potions diurétiques, à la dose de trois ou quatre onces. HOUBLON. HUMULUS. Fleurs dioïques. Fleurs mâles disposées en grappes ra- meuses , axillaires ; périgone à cinq divisions. Cinq étamines à filets courts; anthères oblongues. Fleurs femelles dépour- vues de périgone ; écaille roulée à sa base et comme tubu- leuse. Un ovaire; deux styles. Fruit monosperme, indé- hiscent. HOUBLON GRIMPANT. AUMULUS LUPULUS. Humulus lupulus. Lin. Spec. 1457. DC. F1. Fr. 2131. LAPEYR. Plant. Pyr. 2. 606. CHev. F1 Par. 2. 374. Bas. F1. Lyon. 1. 644. BLACKwW. Herb. t. 356. &, b. Toutes les parties de l'Europe produisent cette plante sarmenteuse, dont les tiges grèles, striées, rudes, velues, purpurines , fort longues et grimpantes, s’attachent étroite- ment aux supports qu'elles rencontrent. Les feuilles sont larges, pétiolées, échancrées en cœur à leur base , ordinai- rement découpées jusqu'à moitié en trois ou cinq lobes, et légèrement dentées. Les fleurs femelles sont ramassées, et forment des es- pèces de cônes écailleux, portés sur des pédoncules axillaires 416 NOUVEAU TRAITÉ et opposés; les fleurs mâles , placées sur d'autres individus , forment de petites grappes d'un joli aspect par la couleur dorée et brillante des étamines. On rencontre le Houblon dans les lieux ombragés et in- cultes, au bord des bois, dans les buissons. Il croît natu- rellement dans les Pyrénées, aux environs de Lyon et de Paris. ; | Cette plante est cultivée avec beaucoup de soin en Angle- terre, en Allemagne, en Belgique, en Flandre, etc. Ses cônes , écailleux , recueillis à la fin de l'été, et desséchés au four, entrent dans la composition de la bière, et empè- chent la décoction d'orge germée de passer à la fermentation acide. | Le Houblon a des propriétés alimentaires, économiques et médicinales. Voyons d'abord l'usage qu’en fait la méde- cime. Les cônes sont la partie la plus usuelle. Ils se font remarquer par une amertume vive, par une odeur forte, pénétrante , comme alliacée. On voit sur la graine et sur l'écaille calicmale qui lui sert d'enveloppe de petits grains brillans, jaunâtres et très résineux, qu'on a nommés lupu- line. Ces petits grains, lorsqu'ils sont séparés, forment une sorte de poussière dont M. Planche a retiré les sept huitièmes de résine pure. Les propriétés actives du Houblon résident dans cette poussière jaune, composée d'huile volatile, de résine et d’un principe amer. D'après M. Roches ( Dissert. de Humuli lupul viribus me- dicis), les pousses du Houblon donnent à l'eau une teinte rosée, contiennent une résine amère, une huile volatile, un extrait mucilagineux, nauséabond, de l'acide gallique, du nitrate et du muriate de potasse. L'eau, le vin et l'alcohol s'emparent des matériaux actifs du Houblon. On en prépare des infusions, des décoctions, DES PLANTES USUELLES. 417 des teintures, et un extrait amer légèrement aromatique. La teinture alcoholique est d'un usage fréquent en Angleterre et en Hollande. Toutes ces préparations sont plus où moins toniques, plus ou moins excitantes. IL y a environ trente ans que le Houblon et la gentiane se disputaient les suffrages des méde- cins, car or ne voyait alors dans presque toute l'Europe que des affections asthéniques, comme les appelaient les soli- distes de l’école de Brown. À Paris, la plupart des enfans rachitiques ou scrophuleux subissaient le Houblon ou la gentiane, et quelques praticiens réunissaient les deux sub- stances , qu'ils faisaient macérer dans le vin ou dans l'alcohol. Les enfans inertes, pâles, bouffis, d’un tempérament faible, lymphatique, en recevaient un soulagement plus ou moins marqué ; mais les petits malades , d'une constitution sèche, nerveuse , irritable, sujets à des mouvemens fébriles, tom- baient bientôt dans le marasme, et périssaient de quelque inflammation viscérale si l’on ne se hâtait de renoncer à cette méthode absurde, renforcée d'un régime succulent, de l'usage du vin pur, du gibier, du mouton et autres alimens azotés. Nous avons soulagé plusieurs de ces enfans houblonnés en leur donnant, pendant cinq ou six semaines, pour toute nourriture et tout médicament quelques racines tendres, sim- plement préparées au beurre, du lait d’ânesse et de l’eau d'orge légèrement sucrée... | Au reste, le Houblon , la gentiane, les toniques , étaient presque abandonnés il y a quinze ans ; les médecms hirudi- naires n'en voulaient plus, parce que des hommes impru- dens en avaient abusé. On y revient aujourdhui, mais bien doucement ; la réputation du Houblon est pour ainsi dire usée. Il faut de temps en temps à notre art de nouveaux re- Le 27 418 NOUVEAU TRAITÉ mèdes. Oh ! ceux-là on les accueille avec une chaleur ex- trême, on multiplie les expériences, et le monde médical en retentit. La médecine domestique doit conserver le Houblon dans son modeste formulaire ; c'est un tonique amer, un excitant modéré, un remède simple, peu coûteux, qui ranime les organes affaiblis , qui réveille l’action de l'estomac, rend les digestions plus faciles, plus régulières. Il n’a pas une action spéciale sur le rachitis, sur le scrophule, comme on le croyait. et comme on le croit peut-être encore, mais 1l remédie à l'état de faiblesse qui complique ces maladies et les aggrave. Hufeland, Baumes et autres praticiens célèbres le conseillent aux enfans scrophuleux dont tout le système est énervé, lan- guissant. M. Baudelocque, qui l'avait d'abord employé avee peu.de profit, a reconnu ensuite son efficacité contre le scra- phule. Infasion de Houblon. Prenez : cônes de Houblon desséchés et bien conservés , une once ; eau bouillante, une livre. Faites infuser pen- dant une heure, et ajoutez quatre ou cmq onces de vin vieux. Cette espèce de tisane, légèrement amère, sert de boisson à l'enfant pendant ses repas. Il faut qu'un air pur, une habi- tation salubre, un exercice modéré, une nourriture simple, mais substantielle, secondent l'effet du remède. Il n'y a pas de guérison possible sans le concours des moyens diété- tiques. DES PLANTES USUELLES, 119 Boisson antiscrophuleuse. Prenez : sommités fleuries de Houblon , une forte pincée; racine de garence, deux à quatre gros. Faites bouillir, avec deux ou trois feuilles de noyer, dans trois demi-setiers d’eau jusqu'à réduction de chopine. Ajoutez à la colature refroidie, teinture de mars tartarisée, une cuillerée à café. On prend cette boisson, tous les jours, en quatre verres, deux le matin et deux le soir. Séjour à la campagne. Exercice en plein air, poussé jusqu'à la fatigue. Nourritures animales, tirées des viandes les plus animalisées. Aux repas , un peu de vin vieux ou de bière forte et très mousseuse. On joint à ce traitement et à ce régime l'usage des bains entiers, animés avec le sulfure de potasse. «J'ai guéri un grand nombre d'enfans atteints de scrophules et de rachitis invétérés, par ces seuls moyens thérapeutiques , employés à la campagne pendant toute la belle saison, c’est-à-dire pendant cinq ou six mois. » (Sainte-Marie, Nouveau Formulaire médical , page 119.) Les enfans scrophuleux ou rachitiques dont parle cet estimable praticien étaient sans doute faibles, languissans , d’une constitution lymphatique et plus ou moins détériorée ; on conçoit alors les succès d'un pareil traitement. Tainture de Houblon. Prenez : cônes de Houblon pulvérisés, une once; alcohol rectifié, huit onces. Faites digérer pendant huit jours, et passez la liqueur. On prend cette teinture à la dose de trente ou quarante gouttes, dans une petite tasse d'infusion amère. Elle a guéri, 420 NOUVEAU TRAITÉ suivant le docteur Maton , des rhumatismes articulaires invé- térés. L’extrait de Houblon , administré à la dose de dix à quinze grains, n’a pas été moins salutaire. D'après les expériences du docteur Roches , le Houblon pulvérisé agit comme sédatif, à la dose de trois à six grains, dans les affections rhumatismales et pulmonaires. Les tiges et les racines du Houblon sont légèrement amères, balsamiques et diurétiques ; elles peuvent suppléer la salsepareille, d'après le témoignage de Coste, Willemet, Gilbert et Bodard. On les prend en décoction, comme un remède auxiliaire, dans le traitement des maladies syphili- tiques, rhumatismales et cutanées. Le Houblon est mis au rang des plantes économiques les plus utiles, et tout le monde sait qu'il communique à la bière une agréable et salutaire amertume. Sans le Houblon, cette liqueur fermentée serait fade et deviendrait prompte- ment acide. Le Houblon, froid rival de l’arbuste bachique, Entretient des cafés le babil politique. (Deuizze, les Trois Règnes.) Partout on recherche la bière légèrement houblonnée. C'est la boisson de l’homme sanguin , de Fhémorrhoïdaire , du graveleux, que l'usage du vin irrite. Dans le Nord, en Belgique, en Angleterre, on y remplace le vin par plusieurs sortes de bière. Nous reparlerons de cette boisson à la famille des graminées. Enfin, les nouvelles pousses du Houblon sont alimentaires. On les mange, au printemps, comme les asperges; on les fait cuire, et on les sert, soit à la sauce blanche, soit à l'huile. Dans toute la Flandre, c’est un mets fort estimé. DES PLANTES USUELLES. 421 ARTOCARPÉES. ARTOCARPEÆ. Artocarpeæ. DC. FIGUTIER. FICUS. Fleurs monoïques renfermées en grand nombre dans un réceptacle commun, charnu, ombiliqué au sommet, creux à l'intérieur. Fleurs mâles : périgone à tois lobes , trois éta- mines. Fleurs femelles : périgone à cinq parties ; un ovaire surmonté d'un style à deux stigmates. Drupe ou utricule monosperme enchâssé dans la pulpe du réceptacle. FIGÜIER COMMUN. FICUS CARICA. Ficus carica. Lan. Spec. 1513. Lam. Encycl. Bot. 2. 489. DC. F1. Fr. 2128. Lapeyr. Plant. Pvyr. 2. 617. Dunam. Arbr. Ed. Nov. 4. 198. t. 53-59. C’est un arbre qui prend une belle forme, et s'élève à la hauteur de vingt à vingt-cinq pieds dans les pays méridio- naux. Ses rameaux, lisses, unis, imprégnés d'un suc lai- teux, se garnissent de feuilles alternes, pétiolées , rudes , palmées, d’un vert foncé en dessus, plus pâles et puhescentes en dessous. Les fleurs sont réunies dans des réceptacles pyri- formes qui deviennent charnus et sucrés. Le Figuier croît en Asie, en Afrique, en Xtalie, en Espa- gne et’ dans les départemens méridionaux de la France. On 422 NOUVEAU TRAÎTÉ le trouve dans les lieux secs et pierreux de la Provence, dans les fentes des rochers des Pyrénées orientales. Cultivé depuis long-temps , 11 a produit de nombreuses variétés de figues, qui différent quant à la grosseur, à la forme, à la couleur et à l’époque où elles mürissent. Il y en a de blanches, de rouges, de violettes, de jaunes , de blondes , etc. Les anciens en distinguaient aussi un très grand nombre. La petite figue, que les Provençaux nomment marseillaise, est une des meilleures que l’on connaisse; elle est blanchâtre en dehors , rouge en dedans et d'un parfum exquis. On cultive jusqu'aux environs de Paris, surtout à Argen- teuil, la Figue blanche de forme ronde, et une autre variété plus allongée ; c'est la Figue la plus féconde et la plus suc- culente. La Figue violette, un peu plus tardive, mais d'un goût agréable, y prospère également. Les Figuiers viennent assez généralement dans toutes les terres ; cependant ils réussissent mieux et donnent des fruits plus sapides dans un sol léger et de bonne qualité. On les plante près des murs, préférablement dans les angles, entre le levant et le midi. Leur culture exige peu de soins, il suffit de donner quelques labours à la terre où 1ls végètent. Tous les peuples ont aimé les Figues. Les Grecs, les Romains les estimaient encore bien plus que nous. Hérodote, Théophraste, Pline, Galien, Plutarque en ont fait l'éloge. On appelait Platon mangeur de Figues. Démocrite les aimait également. Un jour, ayant mangé une Figue qui avait le goût du miel, il demanda à sa servante où elle l'avait achetée; elle lui nomma un certain verger où on l'avait cueillie. Le philo- sophe se levant aussitôt de table, lui ordonna de le mener promptement dans ce verger. Sa servante, étonnée de cet empressement, lui en demande le sujet; c’est, lui dit-il, qu'ayant vu ce lieu , je ferai en sorte de trouver, par ma Science DES PLANTES USUELLES. 423 et par mes raisonnemens , la cause de la douceur de cette Figue. « Là, là, monsieur, lui répond la bonne femme en riant, demeurez ici en repos, il n’est pas nécessaire que vous alliez si loin, je vais moi-même. vous apprendre pourquoi cette Figue est si douce : c’est que je l'avais mise, sans y penser, dans un vase où il y avait du miel. — Ah! que tu me fiches, lui répartit Démocrite, de me dire cela! Cepen- dant, quoi qu’il en soit, je ne renonce pas à mon dessein , et je vais chercher la cause de cette douceur, comme si elle venait de la Figue même. » Athénée, dans le Banquet des Savans, fait dire à un cer- tain Magnus : « Non, je ne le céderai à personne lorsqu'il s'agira de parler des Figues. Messieurs, c'est la Figue qui a introduit parmi les hommes une manière de vivre moins gros- sière ; ce qui est prouvé par le lieu de l’Attique qu'on appelle Figuier sacré. I y a diverses espèces de Figues. La première est la Figue attique, dont Antiphane fait mention dans ses Homonymes. Dans cet heureux pays, dit-il, nous avons des choses qui l’emportent sur ce que produit toute la terre, du miel, des Figues, oui, certes, des Figues en abondance. » Il cite encore avec éloge les Figues de Rhodes, de Paros, de Caune, ville de Carie. On estimait également différentes espèces de Figues des environs de Rome : les Figues livien- ues, celles de Chio, de Chalcide, d'Afrique, etc. Les Romains faisaient surtout beaucoup de cas des Figues de Carthage. Caton le savait bien. Un jour 1l apporta une Figue hâtive d'Afrique, et la montrant aux sénateurs : «Ré- pondez, leur dit-il ; depuis quand cette Figue vous paraït-elle cueillie? » Tous s’accordèrent à dire qu'elle était très fraiche. «Eh bien! reprit-il, sachez qu'il y a trois jours elle était encore sur l'arbre à Carthage : tant nous avons l'ennemi près de nos murs! » À l'instant fut décrétée la troisième guerre 424 NOUVEAU TRAITÉ punique. « Ainsi, dit Pline, ce que ne peuvent ni rébie, ni Trasimène, ni Cannes, le tombeau du nom romain, ni le camp des Carthaginois retranché à trois milles de nos murs, et Annibal lui-même poussant ses escadrons jusqu’à la porte Colline, une seule Figue l'opère. Un fruit montré par Caton a prouvé que Carthage est trop près de Rome. Quod non Trebia, aut Trasymenus, non Cannæ busto insignes Roman nomins perficere potuere; non castra punica ad ter- uum lapidem vallata, portæque Collinæ adequitans ipse An- mbal. Tanto propius Carthaginem pomo Cato admovit. » (Plin. Hist. nat. Nb. 15.) Nos Figues du Midi valent bien, je crois, celles de l'Ar- chipel et de Carthage. Les petites Figues blanches de Mar- seille ont surtout un parfum, une douceur admirables. Dans le Languedoc, ce fruit est également très sucré, très savou- reux. La Figue violette ou d'un rouge brun y devient fort belle et fort grosse. Trois de ces Figues récoltées aux environs de Toulouse, 1l y a quelques années, pesaient une livre. Celles qui croissent sur les rives du Tarn, à une bonne exposition, sont excellentes. Les Figues de Laroque et de Lincou pour- raient être comparées à celles de Marseille. J'ai pu renou- veler dans ce pays, en 1834, les plaisirs de mon enfance, et j'aurais vécu volontiers de Figues. Elles étaient si par- fumées, si délicieuses ! Il faut les voir sur l'arbre lorsqu'elles s’entr'ouvrent, et qu'elles font briller ces gouttes cristallmes qui attestentune maturité parfaite. Qui ne voudrait les cuerllir et les savourer à l'instant ? La Figue est très nourrissante par le sucre et le mucilage qu'elle contient. Dans les contrées méridionales , on y vit de Figues et de pain pendant une partie de la belle saison. C'était aussi la nourriture des anciens. Caton, réglant les vivres qu'il DES PLANTES USYELLES. 425 fallait donner aux ouvriers de la ferme, prescrivait d’en ré- duire la quantité lorsque les Figues étaient mûres. Les gour- mands de Rome les aimaient avec passion ; on dit qu'Albinus en engloutit cinq cents dans une matinée. La récolte des Figues que l'on veut conserver se fait en automne. On les met sur des claies, et on les fait sécher au soleil. Les paysans de l'Archipel mangent les Figues sèches avec du pain d'orge; c’est leur nourriture ordinaire. A Rome, elles tenaient lieu de pain et de bônne chère. Les Athéniens les recherchaient également. Il n'y a rien de si doux que les Figues sèches, dit Aristophane. D'après Hermippus, les Figues sèches de Rhodes procu- rent des songes agréables. En hiver, les Figues sèches de Marseille viennent se réunir aux raisins secs de Malaga pour orner nos desserts. Il nous en vient aussi de la Catalogne et de Smyrne. On fait, avec les Figues sèches bien sucrées, bien conservées, une boisson adoucissante , mucilagineuse, qui apaise les irritations de la gorge, de la poitrine et des intestins. Les Figues fournissent, par la fermentation, une sorte de liqueur vineuse que les Romains appelaient Sycita. Pline donne la manière de la composer. Les animaux ne sont pas moins friands des Figues que l’homme. Dans les pays où elles abondent, on les donne à la volaille, et surtout aux oies, pour les engraisser. On en fait une sorte de pâtée en y mêlant du lait et de la farine d'orge ou de maïs. En peu de temps elles acquièrent une graisse très fine, et leur foie est délicieux. Au reste, on ne fait en cela que suivre la tradition des Romains, ou plutôt du consul Metellus, qui leur avait appris l'art de se procurer des foies d'oie délicats, en nourrissant cet oiseau de basse-cour avec des Figues et du lait. 426 NOUVEAU TRAITÉ Pinguibus et ficis pastum jecur anseris albi. (Hor. Sat. vin, lib. 2.) Les grives, les becfigues, les ortolans et autres oiseaux aiment aussi les Figues, qui les engraissent, et donnent à leur chair une saveur exquise. On les sert sur les meilleures tables. Le becfigue est gras et d’un goût parfait en automne. Aulu-Gelle dit qu'aucun autre oiseau que le becfigue ne se mangeait en entier. Mar veut qu'on le poivre. Du temps de Tibère, il était fort recherché à Rome. Suétone rapporte que cet empereur donna quatre cent mille sesterces à Ase- lius Sabinus pour avoir composé un dialogue où le champi- gnon, le becfigue, l'huître et la grive se disputaient la pré- éminence culinaire. Le Figuier sycomore ( Ficus sycomorus, Lam.) donne des Figues beaucoup moins agréables au goût que celles de nos Figuiers. Le peuple seul s’en nourrit en Égypte. Le Figuier des Indes ( Ficus indica, Lam.) produit également des Figues douceâtres qui ne sont guère recherchées que des oiseaux. On croit que cet arbre est le vrai Figuier des Indes des anciens. Il est toujours vert, et il vit pendant plusieurs siècles. MURIER. MORUS. Fleurs monoïques. Fleurs mâles en chatons ovoides, pen- dans ; périgone à quatre divisions; quatre étamines; anthères courtes, à deux loges. Fleurs femelles en chatons arrondis ; périgone à quatre divisions, ovaire libre surmonté de deux stigmates. Baies placées sur un réceptacle commun. LL DES PLANTES USUELLES. 492 MURIER NOIR. MORUS NIGRA. Morus nigra. Lann. Spec. 1398. Lam. Encyel. Bot. 4. 377. DC. F1. Fr. 2199. DESsr. Arbr. 2. 416. DuHAM. Arbr. Ed. Nov. 4. 90. t 22. Porr. et Turp. Fruits. t. 20. Cet ab d'une hauteur moyenne; a le tronc fort gros, revêtu d’une écorce rude et grisâtre. Ses branches longues, très ouvertes, entrelacées, forment une sorte de tête. Ses feuilles sont alternes, ovales, cordiformes, dentées en leurs bords, d’un vert lisant. Les fleurs sont d’un jaune verdâtre, disposées en chatons axillaires, pédonculés. Les femelles donnent des fruits ovales, pulpeux, d’un pourpre noirâtre à leur maturité. On croit que cet arbre est originaire de la Perse, d’où il a été transporté en Grèce, et de là dans toute l'Europe méri- dionale. On le cultive aujourd’hui jusque dans nos provinces du Nord pour l'excellence de son fruit. Le Mürier noir était connu des anciens. Théophraste, Dioscoride, Pline, Athénée, Virgile, Horace, Ovide, en ont fait mention. On connaît les vers charmans d'Ovide sur la triste fin de Pyrame. Ce beau jeune homme tombe mort au pied d’un Mürier : les fruits de l'arbre, arrosés de son sang, perdent leur blancheur ; les racines, qui viennent d'en être humectées, rougissent la mûre suspendue aux branches. Arborei fetus, aspergine cædis, in atram Vertuntur faciem, madefactaque sanguine radix Purpureo tingit pendentia mora colore. (Metamorph., b. 4.) Les fruits de cette espèce de Mürier ont une saveur douce, 128 NOUVEAU TRAITÉ sucrée, légèrement acide. Ils sont peu nourrissans, mais ils rafraîchissent Le sang, ils calment la soif pendant les chaleurs brûlantes de l'été. Écrasés et délayés dans de l'eau, ils offrent une boisson fort agréable. En y ajoutant une suffisante quan- tité de sucre on obtient le sirop de müres dont l'usage est populaire contre les maux de gorge. On en fait également un rob ou une conserve dont les propriétés sont les mêmes. Les Romains mangeaient les mûres à la fiffdes repas. « Veux-tu te bien porter pendant tout l'été? mange après le dîner des müres cueillies au lever du soleil. » LC ANR RENE Ille salubres Æ,states peraget, qui nigris prandia moris Finiet, ante gravem que legerit arbore solem. (Hor. Sat., lib. 2.) Le conseil que donne Horace de cueillir ce fruit au lever du soleil est bon à suivre, parce que les araignées et autres insectes courent dessus pendant le jour, le piquent, s’en nourrissent et y déposent leurs œufs. Mais le laboureur, le moissonneur, les ouvriers de la ferme, brülés par l’ardeur du soleil, épuisés de fatigue, ne pensent guère aux araignées; ils se délectent à l'ombre hospitalière du Mürier, et mangent ses fruits sans crainte. Des mûres et un morceau de pain, voilà un repas bien frugal ! Eh bien! ces pauvres gens sont satisfaits. Ils ont pris un peu de repos, ils se sont rafraîchis, ils bénissent la Providence. Le Mürier noir est un arbre robuste et de longue durée; il refuse peu de sites, peu de terrains. On devrait le placer à de petites distances sur nos routes, son fruit servirait à désaltérer le voyageur fatigué. Je voudrais voir aussi ce bel arbre deyant chaque maison de village, dans toutes les basse- DES PLANTES USUELLES. 429 cours, dans tous les jardins, dans tous les vergers. Mis en espaliers il donne des fruits superbes; on en fait des confi- tures , des ratafias, du vin, du vinaigre, etc. Les cabaretiers s'en servent pour adoucir et colorer le vin rouge. On le propage par les boutures et la greffe ; mais il vient encore plus beau de semences. $es feuilles larges, un peu âpres, servent de nourriture au ver à soie, où commencent du moins l'éducation de ce précieux insecte. L'écorce de sa racine est âcre, amère et vermifuge, d'après le témoignage de Celse et de Dioscoride. Quelques modernes ont confirmé cette ancienne observation. Voilà un remède simple et facile dans les lieux où croît le Mürier noir. On pourrait donner cette écorce en poudre ou en décoction. MUÜRIER ROUGE. MORUS RUBRA. Morus rubra. Wizip. Spec. 4. 369. Desr. Arbr. 2. 416. Porr. et Turpr. Fruits. t. 69. Le Mürier rouge est beaucoup plus élevé et plus fort que le Mürier noir. Sa tête vaste donne beaucoup d'ombrage. Ses feuilles sont grandes, nombreuses, ridées, ovales, cor- diformes, entières ou lobées, dentées en leurs bords, vertes en dessus, velues et blanchâtres en dessous dans leur jeu- nesse. Les fleurs sont dioïques et quelquefois monoïques. Le fruit , d’une forme allongée, cylindrique, prend une couleur rouge foncée lorsqu'il est mür. Ce bel arbre, originaire de la Virginie, ne craint point les rigueurs de l'hiver. Il mérite d'être répandu dans les parcs, dans les bosquets, dans les jardins, pour son frais #30 NOUVEAU TRAITÉ feuillage et pour la saveur agréable de son fruit. On peut le propager de graines, de drageons et de boutures. Il re- prend facilement de greffes sur le Mürier blanc et sur le Mürier noir. Son fruit a un goût plus sucré et plus agréable que celui du Mürier noir. Ses feuilles sont un peu dures; cependant les vers à soie les mangent. MURIER BLANC. ” MORUS ALB1A. Morus alba. Linx. Spec. 1398. Lam. Encycl. Bot. 4. 373. DC. F1. Fr. 2130. Desr. Arbr. 2. 416. GoErTN. Fruct. 2. 199. t. 126. f. 6. Le Mürier blanc, ainsi nommé à cause de la couleur de son fruit, ressemble beaucoup par son port au Mürier noir. Son tronc, médiocrement élevé, droit, recouvert d’une écorce rude, épaisse et gercée, se divise en branches éparses, garmies de feuilles pétiolées, un peu en cœur, minces, lisses, dentées, d'un vert luisant, quelquefois découpées en lobes profonds et irréguliers. Les fleurs naissent dans les aisselles des feuilles, réunies en tête ou en grappes courtes. Les fruits sont petits, sphé- riques, blanchâtres ou légèrement rougeûtres. Cet arbre précieux nous vient de la Chine. Ce sont les Chinois qui l'ont cultivé les premiers pour la nourriture des vers à soie. L'arbre et l'insecte passèrent de la Chine dans l'Inde, ensuite en Perse, et de là à Constantinople, d'où ils se répandirent dans la Grèce, en Sicile et en Italie. Ce fut sous le règne de Charles VIT, que quelques pieds de Mürier furent transportés en France. On a commencé à cultiver le Mürier sous Charles IX, mais sa culture a été DES PLANTES USUELLES. 431 particulièrement encouragée par Henri IV. « Les ordres du Roi, dit Olivier de Serres, furent exécutés avec une telle activité que, dans le courant de l’année 1601, on conduisit quinze à vingt mille pieds de Mürier à Paris, qui furent plantés dans le jardin des Tuileries. » Henri IV chargea, en outre, les députés généraux du commerce d'aviser aux moyens les plus prompts et les plus faciles de fournir abon- damment le royaume de Mürier blanc. En 1602 il passa un contrat avec des marchands pour qu'ils en procurassent aux généralités de Tours, d'Orléans, de Lyon et de Paris. « Et pour accélérer cette entreprise, ajoute Olivier de Serres, et faire connaître la facilité de cette manufacture, le Roi fit construire exprès une grande maison au bout de son jardin des Tuileries , accommodée de toutes les choses nécessaires, tant pour la nourriture des vers que pour les premiers ou- vrages de soie. » Aujourd'hui le Mürier blanc est naturalisé non seulement dans nos provinces du Midi et du Nord, mais encore en Hongrie, en Prusse, en Suède, etc. On le multiplie de semences, de greffes, de marcottes et de boutures. Les meilleures graines viennent du Piémont, du Languedoc et d'Italie. On les sème en automne ou au printemps. Plantés en buissons et formant une espèce de prairie, ils produisent dès la seconde année une récolte assez abondante de feuilles tendres. On en fait également de jolies haies, des palissades le long des murs. Le Mürier blanc nous intéresse sous plusieurs rapports économiques. Ses feuilles servent d'aliment au ver à soie au- quel nous devons la matière des plus belles étoffes. On les donne aussi aux moutons, et cette nourriture contribue beaucoup à la beauté et à la finesse des laines d'Espagne. On ramasse les feuilles qui tombent et on les fait sécher 432 NOUVEAU TRAITÉ pour les troupeaux. Cest pour eux une excellente nourri- ture d'hiver. Ses fruits sont mucilagineux, sucrés, d'un goût un peu fade: On en fait un sirop rafraichissant. En Allemagne on les fait sécher, et on les mange comme les raisins secs. On donne les müres à la volaille, et on a remarqué que cette nourriture les engraissait promptement. Les oiseaux n’en sont pas moins friands. Les merles les mangent sur- tout avec avidité; ces fruits leur donnent une graisse fine et délicate. On cultive encore dans les jardins un Mürier, connu sous le nom de Mürier d'Italie ( Morus italica. ) I ressemble telle- ment au Mürier blanc qu'on peut à peine les distinguer; mais on le reconnaît facilement au bois, dont la surface se teint encore dans le temps de la sève, et à son fruit qui de- vient noir à l'époque de la maturité. Cette espèce est originaire du nord de l'Asie. Ses fruits sont à peu près gros comme ceux du Mürier blanc, et d'un goût assez agréable. Les vers à soie mangent ses feuilles. JAQUIER. ARTOCARPUS. Fleurs monoïques. Chatons mâles et femelles portés sur le même individu , renfermés chacun séparément, dans leur jeunesse, entre deux écailles caduques. Fleurs mâles : cha- ton épais, couvert de fleurs nombreuses, sessiles. Calice bivalve. Une étamine fort courte. Fleurs femelles : chaton épais, en massue, couvert de fleurs sessiles, très serrées. Ovaire allongé, prismatique, hexagone, presque charnu. Ovaire situé au fond du calice ; style filiforme, terminé par DES PLANTES USUELLES. 433 un ou deux stigmates. Semences enfoncées dans une massue charnue, et formant par leur réunion une baie arrondie, raboteuse. JAQUIER DÉCOUPÉ. 4RTOCARPUS INCISA. Artocarpus incisa. LAM. Encyel. Bot. 3. 207. Lan. F1. Suppl. 411. — Ærtocarpus. ForsT. Gen. 101. t. 51. — Soccus granosus. RaumPx. Amb. t. 33. — Ze Rima ou Fruit à pain. Sox. Voy. à la Nouv. Guinée. t. 57-60. Cet arbre s'élève à la hauteur de quarante pieds et plus. Son tronc grisâtre, parsemé de tubercules, soutient une cime ample, arrondie, composée de branches rameuses, dont les inférieures, plus longues que les autres, s'étendent presque horizontalement de tous les côtés, à la distance de dix ou douze pieds au-dessus du sol qu'elles ombragent. Les ra- meaux sont terminés par un bourgeon pointu, formé de deux grandes écailles ou stipules caduques qui renferment les feuilles ou les chatons, et qui forment par leur chute des cicatrices ou impressions circulaires sur les rameaux, Les feuilles sont alternes, d'un beau vert, fort grandes, ovales, entières ou découpées en lobes. Les chatons sont axillaires ou terminaux. Le fruit est rond, très volumineux, verdâtre, recouvert d'une écorce épaisse, contenant une pulpe blanche, fari- neuse, qui devient ensuite jaunâtre, succulente ou d’une consistance gélatineuse. Les îles de la mer du Sud, les Moluques produisent le Jaquier, un des arbres les plus utiles que l’on connaisse. Son fruit, presque aussi gros que la tête, sert à la nourriture des ITE. 28 434 NOUVEAU TRAITE habitans de Batavia, des Moluques et des autres pays où il croît. Les Indiens l'appellent Rimu ou Rima. On le fait cuire au four, ou bien on le ooupe par tranches qu'on fait griller sur les charbons ardens. C’est un aliment très sam, très nutritif et d’une saveur douce, agréable, imitant celle du pain frais où du topinambour. Tous les voyageurs ont ap- «pelé arbre à pain cette admirable production de la nature. Les botamistes lui ont donné le nom d’Artocarpus, formé de deux mots grecs qui signifient pain, fruit. Les noyaux ou les semences du fruit sont alimentaires ; les Indiens les font rôtir ou cuire dans l’eau comme les chà- taignes. Parmi les variétés de cet arbre, il en est une dont les fruits ne contiennent point de semences ; les babitans d'Otaïti et des iles voisines lui ont donné la préférence sur toutes les autres, et ils la multiplient de boutures. Ces insulaires font leur principale nourriture des fruits du Jaquier. Une autre espèce de Jaquier (Artocarpus heterophylla. Lam. ) donne des fruits d’une grosseur monstrueuse; 1l y en a qui pèsent jusqu'à cent livres. Rhumphe dit que ce fruit est quelquefois si pesant qu'un homme peut à peine le sou- lever. On mange ce fruit ainsi que les noyaux qu’il contient. Les fruits du Jaquier des Indes (Artocarpus indica. Lam. Artocarpus integrifolia. Linn.) donne des fruits également volumineux, et dont la chair a une saveur douce, agréable, selon Rheede. On mange les graines rôties comme les chà- taignes. DES PLANTES USUELLES. 435 PIPÉRACÉES. PIPERACEÆ. Piperaceæ. DC. Huus. Bowpz. et Kuwru. POIVRIER. PIPER. Spadice cylindrique, en forme de chaton, couvert de fleurs nombreuses et serrées. Écailles extérieures petites, uniflores. Deux anthères opposées, arrondies, situées à la base de l'ovaire. Trois stigmates sétacés, hispides. Baie globuleuse, charnue, monosperme. POIVRIER NOIR. PIPER NIGRUM. Piper nigrum. Lin. Spec. 40. KERN. Gen. Plant. v. 10. Icon. Roo. Phyt. Méd. Nouv. Éd. 3. 376. t. 147. — Piper aromaticum. Porr. Encycel. Bot. 5. 458. Lam. Illustr. t. 23. | C'est un arbuste dont la racine fibreuse, noirâtre , pousse des tiges souples, sarmenteuses, grimpantes sur les arbres voisins, ou rampantes lorsqu'elles ne trouvent point d'appui, dichotomes et entrecoupées de quelques nœuds. Les feuilles sont alternes, ovales, un peu allongées, glabres, épaisses, marquées de sept nervures, et d'un vert foncé. Les fleurs naissent en grappes simples, terminales ou opposées aux feuilles. Les fruits sont petits, globuleux, d'abord verdâtres, puis rouges dans leur maturité. Ils ne deviennent noirs qu’en se desséchant. 436 NOUVEAU TRAITÉ Le Poivrier croît dans les Indes orientales, à Java, à Su- matra , au Malabar, à l'Ile de France; il est maintenant na- turalisé à Cayenne. Lorsqu'on a récolté les fruits, on les expose au soleil pendant plusieurs jours ; ils deviennent alors noirs et ridés, et portent le nom de poivre noir. Celui-ci prend le nom de poivre blanc lorsqu'il est dépouillé de son tégument extérieur par la macération dans de l'eau salée. Le poivre a une odeur aromatique, une saveur chaude, piquante, qu'il doit à la présence d'une huile volatile. Ap- pliqué sur la langue il y produit sur-le-champ une chaleur âcre suivie d'une abondante excrétion de sdlive. Louis Frank, le docteur Green de Liverpool, le professeur Meli de Milan, et le chimiste danois OErstaedt, se sont occupés de l'analyse du poivre. Ce dernier a cru reconnaître dans le poivre noir un nouvel alcali auquel il a donné le nom de piperin. Cette substance, analysée depuis par M. Pelletier, n'est point un alcali, mais une matière cristalline d'une na- ture particulière. D’après l'examen chimique de MM. Pelletier et Pontet, le poivre contient une matière cristalline particulière appelée piperin, une hüile concrète très âcre, une huile volatile bal- samique, une matière gommeuse colorée, un principe ex- tractif, de l'acide malique, de l'acide tartarique, de l’ami- don, ete. On à quelquefois guéri des fièvres intermittentes en don- nant avant le frisson dix ou douze grains de poivre légère- ment broyés et délayés dans du vin ou dans un peu d’eau-de- vie. Ce remède populaire est un véritable poison , lorsque la fièvre dépend d'une irritation inflammatoire des organes gas- tiques. Mais, administré à des doses convenables, il a guéri, aussi bien.que beaucoup d’autres fébrifuges, les fièvres in- DES PLANTES USUELLES. 437 termittentes simples dépouillées de toute espèce d'irritation gastro-intestinale. 11 à été recommandé anciennement par Celse, Alexandre de Tralles, Paul d'Égine, etc. D'après un grand nombre de faits A oaeillis à Milan, à Ravenne, à Œurin, et en France, le piperin, administré à petites doses, est un excellent fébrifuge. Mais le sulfate de quinine est là pour faire bientôt oublier toutes les sub- stances aromatiques, amères, âcres, stmulantes , etc. Au reste le poivre a bien son prix, et sil paraît rarement dans l'officine du pharmacien, il règne presque en maître dans la cuisine. Sans poivre que deviendrait aujourd'hui l'art culi- naire? Lorsqu'on en use avec modération , il corrige par sa qualité stimulante les alimens fades ou visqueux, réveille les facultés digestives, et donne aux tempéramens inertes un sentiment de force et d’alacrité, comme toutes les épices de l'Inde. Du temps de Pline, les Romains en faisaient une grande consommation dans les ragoüts. Toutefois cet illustre natu- raliste, qui ne savait pas être gourmand, n'approuvait pomt son usage. « Le poivre, dit-il, n’a que de l'amertume; quel est celui qui le premier s’avisa d'en goûter ? était-ce pour s'aiguiser l'appétit? il suffisait d'attendre. » Voilà de la phi- losophie outrée. L'homme sage use de toutes les produc- tions naturelles qui peuvent lui rendre la vie plus agréable; c'est une sorte de compensation pour les peines qu'il trouve sur son passage. Le poivre est un puissant stomachique pour ceux qui mangent beaucoup de viandes et qui font peu d'exercice; pour les tempéramens froids, phlegmatiques, pour les per- sonnes chargées de graisse et d'obésité. C'est pour tous ces gens-là que les cuisiniers ont inventé la poivrade, sauce sti- 438 NOUVEAU TRAITÉ mulante, d'une renommée impérissable, et le saupiquet (Acri gustu mordens), espèce de ragoût qui provoque l'ap- péüt, irrite l'estomac, titille ses membranes paresseuses. Mais si vous avez les entrailles délicates, habituellement échauffées, si la couperose illumine votre visage, si vous êtes d'un tempérament nerveux, d’un caractère irascible, craignez la poivrade et le saupiquet. Craignez aussi les quatre épices qu'on prodigue chez les restaurateurs et sur les tables vul- gaires pour exciter la faim et la soif. | Il ne faut pourtant pas être trop sévère pour les épices, surtout pour le poivre. Supprimez ces ingrédiens, vous ne pourrez plus digérer les saucisses , les mortadelles, les bou- dins, les champignons, et une foule de mets qui faisaient la Joie de nos pères. J'estime que l'homme ne saurait re- noncer sans péril à ses vieilles habitudes. Oui, il nous faut du poivre et du sel pour digérer ; il nous faut aussi de temps en temps du gérofle, de la muscade, de la cannelle. Ces aimables condimens nous réveillent, nous récréent, et nous font quelquefois oublier les sollicitudes de la vie. Ne criti- quons point le Russe qui mange son caviar assaisonné de poivre; il en a besoin au milieu des glaces et des frimas qui l'engourdissent; mais laissons aux gourmands de profession les sauces fortement poivrées, épicées , le kari de l'Inde, et toutes ces compositions brülantes ( Gulæ irritamenta ) qu'ils invoquent pour doubler, tripler leur appétit. DES PLANTES USUEZLLES. 439 POIVRE LONG. PIPER LONGUM. Piper longum. Lin. Spec. 41. Lam. Encycl. Bot. 5. 461. Raumex. Herb. Amb. 5. 333. t. 116. f. 2. — BLAcKw. t. 356. Cette espèce croît spontanément à Amboine, à Java, au Bengale , et autres régions des Indes orientales. Ses tiges pubescentes, articulées , sarmenteuses , portent des feuilles alternes, ovales, pointues, cordiformes à leur base, d'un vert foncé, garnies de nervures saillantes ; les pétioles sont d'une longueur très inégale et légèrement velus. Les fleurs sont petites, serrées, réunies en chatons axil- laires , longs de deux ou trois pouces. Les fruits sont cannelés, cylindriques, comme chagrinés ou tuberculeux, et divisés intérieurement en plusieurs cel- lules membraneuses. Les semences sont arrondies, menues, brunes en dehors, blanchâtres intérieurement, d'une saveur âcre, brûlante. Ce Poivre jouit des propriétés stimulantes et aromatiques du Poivre noir. Les Indiens s’en servent pour assaisonner leurs alimens, pour donner du ton à l’estomac. Lorsqu'il est encore vert ils le font confire dans la saumure ou dans le vinaigre. Ils en retirent aussi de l'alcohol après l'avoir mis dans quelque liqueur fermentescible. 44.0 NOUVEAU TRAITÉ POIVRE BÉTEL. PIPER BETLE. Piper beile. Lin. Syst. Plant. 1. 75. Lam. Encycl. Bot. 5. 459. Moris. Hist. 3. 603. Burm. Zeyl. 193. t. 82. f. 2. — BPetela-codi. RHEeED. Malab. 7. 99. t. 15. Le Poivre bétel offre des tiges flexibles, anguleuses, lisses, striées, garnies de feuilles alternes, assez grandes, ovales, pointues, obliques à leur base, entières, lisses, mar- quées de sept nervures, et soutenues par des pétioles cana- liculés. Les fleurs sont pédonculées, pendantes, réunies sur un épi court, cylindrique, étroit, long d'environ un pouce. Cette plante croît dans les Indes orientales, principale- ment sur les bords de la mer. Ses feuilles sont amères , aromatiques. Les Indiens les mâ- chent continuellement pour se parfumer la bouche, après les avoir mêlées avec la noix d'arèque. Cette espèce de mas- ticatoire fort âcre, qui plait surtout aux femmes, irrite, en- flamme les gencives, et fait tomber les dents. L'infusion de ces mêmes feuilles est excitante, aphrodisiaque. On s'en sert pour ranimer les forces épuisées par les plaisirs et la chaleur du climat. DES PLANTES USUELLES. 441 POIVRIER À LONGUES FEUILLES. PIPER LONGIFOLIUM. Piper longifolium. Rurz. et PA. F1. Peruv. 1.38. t. 57. f. 4. Porr. Encycl. Bot. 5. 468. Cet arbrisseau croît dans les grandes forêts du Pérou. Ses tiges, hautes d'environ douze pieds, se couvrent de feuilles longues, très étroites, lancéolées, cordiformes, ridées, iné- gales à leur base, d’un vert foncé en dessus, pubescentes et d'un vert pâle en dessous. Les épis sont grèles, cylindriques, de la longueur des feuilles. Les stigmates sont hispides, les jeunes rameaux pubescens et ponctués. Cette espèce de Poivrier porte au Pérou le nom vulgaire de Mohomo. I donne des fruits qui ont la même saveur que le poivre ordinaire, et qui peuvent le remplacer. Toutes les espèces de Poivrier ont des propriétés plus ou moins chaudes, plus ou moins stimulantes. Le Poivrier pé- diculé ou cubèbe (Piper cubeba) qui croît à Java et à l'Ile- de-France, donne des fruits globuleux, pédiculés, d'une sa- veur très âcre. Les Indiens les font macérer dans du vin, et prennent cette infusion à titre de remède stomachique. Les médecins anglais ont introduit l'usage de ces fruits dans le traitement de la blennorrhagie, et quelques Français ont suivi leur exemple. Le poivre cubèbe a eu quelque suc- cès ; mais comme 1l faut le donner à forte dose, il a pro- duit dans plusieurs circonstances des irritations d'entrailles #42 NOUVEAU TRAIÎTÉ fort graves. Le baume de Copahu est beaucoup plus salu- taire. Le Poivrier à feuilles de plantain (Piper plantagineum. Lam. ) appelé à Saint-Domingue Plantain, produit des cha- tons bruns dont on fait en Amérique et aux Indes orien- tales des infusions stimulantes. … Le Poivrier carpunya (Piper carpunya. Ruiz. ) a des fleurs d'un parfum agréable, avec lesquelles on prépare une sorte de thé qui facilite la digestion. Le Poivrier dichotome (Piper dichotomum. Ruiz.) a des feuilles aromatiques dont on fait également un thé fort agréable. Cette espèce croît au Pérou dans les forêts de Chincao. Le Poivrier anisé (Piper anisatum), décrit par MM. de Humboldt, Bonpland et Kunth, se fait également remar- quer par une saveur chaude, par une odeur aromatique. Ses feuilles et ses baies ont le goût et le parfum de l'anis. On l'appelle Anicilo à l'Orénoque où il croît. Enfin plusieurs nations sauvages du Pérou, des îles de la mer du Sud, etc., font avec quelques autres espèces des boissons âcres et enivrantes. DES PLANTES USUELLES. 443 AMENTACÉES. AMENTACEZÆ. Amentaceæ. Juss. Vent. DC. ORME. ULMUS. Fleurs hermaphrodites. Périgone campanulé, à quatre ou cinq divisions ; trois à huit étamines. Ovaire comprimé ; deux styles. Capsule presque orbiculaire, membraneuse, renflée au milieu , monosperme. ORME DES CHAMPS. ULMUS CAMPESTRIS. Ulmus campestris. Lan. Spec. 327. Lam. Encycl. Bot. 4. 609. Illustr. t. 185. DC. FL Fr. 2126. Bax,s. FI. Lyon. 1. 668. CHEv. FI. Par. 2. 368. FIL. Dan. 632. Engl. Bot. 1886. C’est un arbre élevé qu’on plante le long des routes, dans les villages , sur les promenades publiques. Il offre un tronc droit, recouvert d'une écorce épaisse, grise, brune ou rou- getre, souvent crevassée. Ses rameaux nombreux , étalés, se couvrent de feuilles alternes, ovales, pointues, rudes , doublement dentées sur les bords, vertes en dessus, blan- châtres en dessous, plus étroites et plus courtes d'un côté que de l’autre, portées sur un pétiole légèrement velu. Les fleurs sont petites, sessiles, d’une couleur rougeûtre, réunies en bouquets serrés le long des rameaux : elles s'épa- CU NOUVEAU TRAITÉ nouissent au printemps avant le développement des feuilles. Les fruits sont ovales ou orbiculaires, comprimés, membra- neux, échancrés au sommet, entièrement glabres, à une seule semence. L'Orme des champs est plus recommandable par ses qua- lités économiques que par ses vertus médicinales ; c’est du moins l'opinion des médecins, car il est à peu près rayé de nos formulaires. Cependant les éloges ne lui ont pas man- qué, il y a quarante ou cinquante ans. C'était le remède à la mode dans toute la France. On traitait les dartres , le crache- ment de sang, les pertes utérines, le rhumatisme, le scor- but, etc., avec l'ormeau de nos villages, de nos champs, ou plutôt avec l'Orme pyramidal; c'est ainsi que l’appelait le docteur Banau, qui s'était chargé de nous faire connaître ses propriétés médicinales dans une dissertation particulière. Galien avait déjà parlé de la vertu vulnéraire de l'Orme, Haller de son action diurétique et antiscorbutique. Lysons, médecin anglais, est venu ensuite nous dire qu'il avait guéri avec l'écorce des jeunes rameaux, récoltée au printemps, des affections cutanées qui simulaient la lèpre. Lettsom, autre médecin anglais, a dompté avec le même remède une affection hideuse qui couvrait toute la surface du corps d'un vieillard, et qui avait résisté aux préparations antimo- niales et mercurielles, à la salsepareille, à divers topi- ques, etc. Banau a obtenu encore plus de succès de l'Orme pyramidal, puisqu'il se vante d'avoir guéri avec son écorce non seulement des dartres rebelles, des ulcérations anciennes et sordides, mais encore le scrophule, les fleurs blanches, les vieux rhumatismes, etc. « Tous nos malades, dit Gilibert, voulaient être guéris avec lOrme pyramidal, nous demandaient sans cesse des üsanes d'Orme pyramidal. Les médecins raisonnables ne DES PLANTES USUELLES. 445 voyant aucun danger à laisser prendre ce remède, se sont contentés d'en étudier les effets sans prévention; leur con- clusion, d'après une foule d'observations, c’est que l'écorce d'Orme, à la fois mucilagineuse, âpre et amère , est un puis- sant adjuvant dans plusieurs maladies cutanées. Nous avons vu guérir par ce seul remède plusieurs dartres, calmer des coliques avec diarrhée, tempérer les ardeurs d'urine, les té- nesmes. » ( Démonstrations élémentaires de Botanique, t. xx, p. 422.) | À ces témoignages favorables à FOrme des champs nous pouvons joindre celui d'un homme célèbre. Le docteur Swediaur a recommandé la décoction de l'écorce d'Orme contre les maladies cutanées d'origine syphilitique. | Décoction d'Orme. Prenez : écorce intérieure des branches d'ormeau , quatre onces; faites bouillir dans quatre livres d'eau jusqu'à rédue- tion de moitié; passez et ajoutez à la colature deux onces de sirop de salsepareïlle. On prend cette boisson par tasses en vingt-quatre heures. On bassine matin et soir avec la même décoction les parties ulcérées ou affectées de dartres, on prend de temps en temps quelques doux purgatifs, et on seconde ce traitement par un régime doux. On croit que l'Orme est originaire des campagnes de Rome. Les anciens le cultivaient avec beaucoup de soin. On le multiplie de graines, de drageons et de grefles. Il est d'une fécondité merveilleuse, et 1l vient dans presque tous les terrains. Mais on l’a peut-être un peu trop prodigué dans les plantations des grandes routes, surtout aux environs de Paris, où l'or ne voit que des Ormes, toujours des Ormes. 46 : NOUVEAU TRAITÉ Il est mieux placé aux bords des prairies et des étangs, dans les terrains dont la pente est trop rapide, parce qu'il main- tient le sol par ses racines traçantes. Son ombrage est aussi sain pour les animaux que pour l’homme. Ses feuilles en- graissent le bétail; les moutons, les chèvres, les agneaux les broutent avec avidité. Quelques villageois les mangent cuites et préparées comme les choux, les épinards. Son bois, dont l'utilité est généralement connue , sert dans la marine, le charronnage, la menuiserie. Il se conserve long-temps dans l’eau et dans les terres humides. Il est excel- lent pour le chauffage, il donne un bon charbon, et des cendres riches en potasse. On voit près de Marly un Orme d'une grosseur extraordinaire , on estime qu'il pourrait four- nir au moins cinquante voies de bois. MICOCOULIER. CELTIS. Fleurs hermaphrodites ou polygames. Périgone à cinq di- visions. Cinq étamines ; anthères presque sessiles. Deux stigmates divergens. Drupe sphérique renfermant un noyau osseux , Mmonosperme. MICOCOULIER DU MIDI. CELTIS AUSTRALIS. Celtis australis. Lin. Spec. 1478. DC. F1. Fr. 2125. Bazs. Fi. Lyon. 1. 667. DEsr. Arbr. 2. 448. Lam. Illustr. t. 844. f. 1. C'est un arbre assez élevé, d’un très beau port, et dont le tronc est recouvert d'une écorce unie, grisâtre. Ses rameaux DES PLANTES USUELLES. 447 nombreux, allongés, flexibles, pubescens, sont garnis de feuilles alternes, pétiolées , ovales, terminées par une pointe oblique, d’un vert foncé, accompagnées de stipules linéaires. Les fleurs sont petites, verdâtres, placées en petit nombre à l’aisselle de chaque feuille, les unes mâles, les autres her- maphrodites. Le fruit est noïrâtre , gros comme une petite cerise. Cet arbre croît en Italie, en Espagne, sur les côtes sep- tentrionales de l'Afrique, et dans le midi de la France. Les Provençaux l'appellent Fabrecoulier, Fabreguier. On le trouve aux environs de Lyon, sur les rochers de Saint-Benoît et de Pierre-Scize (Balbis). On le cultive en grand dans le département du Gard, et dans le département des Pyrénées orientales. ù On le multiplie de grefle, de drageons enracinés et de graines. [l fait l’ornement des bosquets, et il donne de petits fruits noirs d'un goût sucré lorsqu'ils sont parfaitement mürs. Les enfans et les oiseaux les mangent. Les moutons et les chèvres se nourrissent des feuilles. Scopoli a obtenu de l'amande triturée du fruit une huile à peu près semblable à celle de l'olive. Le bois est recherché par les ébénistes. Le Micocoulier du Midi vit des siècles. Les Provençaux disent que le roi René rendait ses édits sous l’ombrage d'un Micocoulier. On en voit un d'une grosseur extraordinaire à Aix sur la place des Prêcheurs. SAULE. SALIX. Fleurs dioïques , rarement hermaphrodites , disposées en chatons ovoides ou cylindriques; écailles uniflores, imbri- quées, portant à leur base un corpuscule glanduleux qui 448 NOUVEAU TRAITÉ entoure les organes générateurs. Fleurs mâles : une à cinq étamines , ordinairement deux. Fleurs femelles : un ovaire simple ; un style à deux stigmates. Capsule bivalve, poly- sperme, à une loge. Graines très petites, garnies d'une aigrette. SAULE BLANC. SALIX ALBA. Salix alba. Lanx. Spec. 1449. Poir. Encycl. Bot. 6. 659. DC. FL Fr. 2071. Desr. Arbr. 2. 459. Mér. Nouv. FI. Par. 1. 617. Horru. Sal. t. 7. f, 1. Dunxam. Ed. No. 3. t, 29. Cette espèce, généralement cultivée, croît dans les forêts de l'Europe, et forme un assez bel arbre, qui s'élève à la hauteur de trente à quarante pieds. Son tronc, revêtu d'une écorce grisâtre et ridée, se divise en rameaux nombreux, lisses , élancés, verdâtres, légèrement velus vers leur som-- met. Les feuilles sont oblongues, lancéolées, aiguës, dentées en scie sur les bords, blanchâtres et soyeuses principalement en dessous, comme argentées dans leur jeunesse. Les chatons mâles sont épars, cylindriques, pubescens, feuillés et pédonculés. Les écailles calicinales contiennent deux étamines, à filamens jaunâtres, terminés par des anthères arrondies. Les fleurs femelles offrent un style bifide, à quatre stigmates obtus. Les capsules sont ovales, ventrues à leur base, à peine pédicellées, à une loge, à deux valves, à se- mences entourées d'une aigrette luisante. Le Saule blanc croît dans les prairies humides, au bord des ruisseaux, dans les bois. Il fleurit en avril. C’est lui qui nous annonce les premiers beaux jours. C’est un arbre aussi recommandable par ses vertus médi- DES PLANTES USUELLES. 449 cinales que par ses qualités économiques. L'écorce moyenne de ses rameaux nous offre un puissant fébrifuge. Elle con- tient du tannin et une substance nouvelle , connue sous le nom de salicine. Cette substance a été découverte, en 1829, par M. Leroux. Presque à la même époque, M. Brugnatelli en Italie, M. Bucher en Allemagne, proclamaient l'action fébrifuge d’un extrait amer qu'ils avaient obtenu du Saule, et qu'ils désignaient également sous le nom de salicine. À Paris, dans nos départemens, et dans presque toute l'Europe, la salicine a guéri un grand nombre de fièvres intermittentes, et elle avait fait oublier un moment le sul- fate de quinine. Dans les hôpitaux, on administrait la sali- cine; ses succès n'étaient point douteux. Eh bien! il n’a fallu qu'un ou deux ans pour la faire oublier; 1 n’en est plus question. Si le Pérou nous avait envoyé la salicine, nous l’aurions estimée bien davantage ; mais les arbres qui la fournissent sont trop vulgaires, ils peuplent nos prairies, nos vallées; ils ne sont bons que pour faire des liens, des paniers , des corbeilles. Au reste, que les médecins des cam- pagnes , que les amis des pauvres ne renoncent point à la sali- cine, qu'ils emploient même l'écorce pulyérisée des Saules, c'est, après le quinquina, le meilleur de nos fébrifuges. Pour que la salicine déploie toute sa vertu, il faut la don- ner à des doses beaucoup plus fortes que le sulfate de qui- nine. On commence par quinze ou vingt grains le premier jour, et on élève ensuite les doses jusqu'à trente, quarante et même cinquante grains. Lorsque la fièvre est dissipée, on continue le remède pendant quelques jours, afin de prévenir les rechutes. III, 459 NOUVEAU TRAITÉ SAULE A FEUILLES D'AMANDIER. SALIX AMYGDALINA. Salix ämyadalina. Lin. Spec. 443. Porr. Encyel. Bot. 6. 664. DC. F1. Fr. 2075. LaAPpeyr. Plant. Pyr. 2. 595. Cette espèce présente une tige droite, d'une hauteur médiocre, garnie de rameaux alternes, très flexibles, glabres, revèêtus d'une écorce brune ou purpurine, quelquefois ver- dâtre. Les feuilles sont pétiolées, lancéolées, glabres à leurs deux faces, dentées en leurs bords, d’un vert luisant, pres- que semblables à celles de l'amandier : celles de l'extrémité des rameaux ont à la base de leur pétiole deux oreillettes ou stipules embrassantes, dentées et en forme de trapèze. Les fleurs sont dioiques, à deux étamimes. Les capsules sont rousses et portent quelques poils courts. Le Saule à feuilles d'amandier croît dans les provinces méridionales, au bord des rivières. On le trouve aussi dans les bois humides. D’après l'observation de Kortum et de Günz, l'écorce de ses rameaux est éminemment fébrifuge. On la récolte au printemps, sur les rameaux de deux ans ou de trois ans, on la fait sécher avec soin, on la conserve dans un lieu sec , et on ne la réduit en poudre qu'au moment d'en faire usage. Il offre dans ses feuilles une fort bonne nourritu reaux bestiaux. Ses rameaux flexibles sont propres à faire des pa- mers et plusieurs autres ouvrages de vannerie. DES PLANTES USUELLES. 451 SAULE A CINQ ÉTAMINES. SALIX PENTANDRA. Salix pentandra. ann. Spec. 1442. DC. FI. Fr. 2079. Porr. Encycel. Bot. 6. 642. LapEyr. Plant. Pyr. 2. 595. CHEv. F1. Par. 2. 358. FI. Dan. t. 943. Cest un grand arbrisseau, connu sous le nom de Saule odorant où Saule à feuilles de laurier, et dont les jeunes pousses sont visqueuses, ainsi que les feuilles. a tige, haute de huit à dix pieds, se divise en rameaux touffus, alternes, fragiles , lisses, d'une couleur jaunâtre ou purpurine. Les feuilles sont ovales, pointues, luisantes , bordées de dents glanduleuses , assez rapprochées : leur pétiole est court, or- dinairement dépourvu de stipules. Les chatons naissent après les feuilles ; ils sont jaunâtres, cylindriques : dans les mâles, chaque écaille porte cinq éta- mines, quelquefois sept ; dans les femelles , les capsules sont glabres , un peu visqueuses, ovales à leur base, terminées par un bec allongé et comprimé. Ce Saule croît le long des ruisseaux, dans les montagnes des Pyrénées, des Alpes, de l'Auvergne, etc. On le trouve également aux environs de Paris, sur les bords des rivières et dans les bois humides , à Palaiseau , à Marcoussis (Cheval- lier). Il fleurit en avril. Le menu bétail broute avidement ses feuilles, et les abeilles recherchent ses fleurs. D'après Hartmann, son écorce est plus balsamique que celle des autres espèces. .Cullen l'a particulièrement employée contre les fièvres intermittentes ; mais ses expériences con- trastent avec celles de Bergius , qui assure n’en avoir obtenu 452 NOUVEAU TRAITÉ aucun bon effet. Ego hunc corticem intermittentibus iterum iterumque exhibui, sed irrito conatu. (Mat. med. , p. 839.) Les feuilles fournissent une teinture jaune, et l'aigrette des semences est substituée au coton dans quelques contrées du Nord. SAULE FRAGILE. SALIX FRAGILIS. Salix fragilis. Linn. Spec. 1443. FL Lapp. ft. 8. f. B. Horrm. Sal. n. 15. t. 31. DC. FL. Fr. 2080. Porr. Eneyel. Bot. 6. 646. Lapeyr. Plant. Pyr. 2. 596. Baze. FI. Lyon. 1. 653. MÉR. Nouv. FI. Par. 1. 618. C'est un arbre à peu près aussi haut que le Saule blanc. Son tronc se divise en branches étalées , touflues, à rameaux allongés, nombreux , de couleur brune ou un peu rougeûtre, d'une fragilité extrème aux bifurcations. Les feuilles sont roulées en dedans, soyeuses à leur naissance, puis ovales, lancéolées, aiguës, dentées en scie, glabres et d'un vert luisant à leurs deux faces : leurs pétioles sont courts et glan- duleux. Les fleurs naissent en chatons cylindriques , allongés, sur des pédoncules presque glabres, munis de deux ou trois folioles caduques. Les étamines sont au nombre de deux, ou rarement trois. Les capsules sont oyoïdes, glabres, pé- dicellées. Le Saule fragile fleurit en avril et mai. Il croît aux bords des prairies, des rivières , des ruisseaux, dans le Jura, dans les Alpes du Dauphiné, aux environs de Lyon, de Tou- louse, de Paris, etc. On le trouve au bord des eaux, à l'étang de Moret (Mérat). DES PLANTES USUELLES. 153 Les fleurs attirent les abeilles. Les vaches les mangent, ainsi que les feuilles. On peut le cultiver comme un arbre d'ornement dans les jardins paysagistes, le planter en bor- dure le long des rivières et des pièces d'eau, ou bien en mas- sifs dans les lieux humides, pour y former des points de vue. Meyer, Günz, Coste, Willemet, Gerhard, et plusieurs autres praticiens, ont constaté la vertu fébrifuge du Saule fragile. Son écorce est propre au tannage, et ses racines four- nissent une couleur pourpre. SAULE MARCEAU. SALIX CAPRÆA. Salix capræa. Linx. Spec. 1448. Poir. Encycl. Bot. 6. 656. DC. F1. Fr. 2084. Lapeyr. Plant. Pyr. 2. 603. CHE v. FI. Par. 2. 362. F1. Dan. t. 245. Cest un arbre qui végète rapidement sur les coteaux arides. I remplace dans les futaies abattues le bois qui en sort, par le semis naturel de ses chatons que le vent ou les oiseaux y apportent. Son tronc est droit, grisâtre, gercé; ses rameaux sont nombreux, élancés, un peu cassans, d'un vert jaunâtre, garnis de feuilles ovales, elliptiques, créne- lées, ridées, ondulées, d'un vert foncé à leur face RAenre, blanchâtres et cotonneuses en dessous. Les chatons mâles sont ovoïides , épais, portés sur un court pédicelle garni d'écailles velues. Les chatons femelles sont plus longs, moins serrés ; les capsules sont pubescentes, lancéolées , les semences environnées d'une aigrette touflue et soyeuse. Le Saule marceau fleurit au printemps , et croît presque partout, dans les bois humides, comme sur les collines sè- 45% NOUVEAU TRAITÉ ches et pierreuses. Ses fleurs mâles sont aimées des abeilles ; elles exhalent une odeur suave aux approches de la-pluie. Les feuilles sont recherchées par les chèvres, les vaches, les mou- tons et les chevaux. L'écorce des branches et des rameaux est astringente, amère et fébrifuge. Quelques médecins la préfèrent à celle des autres espèces. Où lui à donné le nom de capræa, parce que les chèvres, qui aiment en général les Saules, recherchent particulière- ment cette espèce. Virgile fait dire à l'infortuné Mélibée : « Allez, mes chèvres, autrefois plus heureuses ; votre bon- heur est passé : je ne vous verrai plus du fond d’une grotte, nonchalamment étendu sur le gazon, gravir dans le lointain jusqu'au sommet escarpé d’une roche hérissée de brous- sailles; vous ne m’entendrez plus chanter ; vous n'irez plus sous ma conduite goûter le Saule amer et le cytise : Ite, meæ, quondam felix pecus, ite, capellæ : Non ego vos posthac, viridi projectus in antro, Dumosa pendere procul de rupe videbo ; Carmina nulla canam ; non, me pascente, capellæ, Florentem cytisum et Salices carpetis amaras. (E'clog. 1.) Tous les écoliers savent par cœur cette première églogue, où règne une mélancolie douce, naturelle, pleine de charmes ; où l’âme de Virgile s'épanche tout entière. Croirait-on qu'il se trouve des barbares, des hommes assez mal organisés, pour oser tourner en ridicule cette sensibilité si exquise, si suave ? Le groupe entier des Saules partage les vertus des es- pèces que nous venons de décrire. Voici les plus remar- quables : DES PLANTES USUELLES. 455 Saule jaune (Salix vitellina, Linn.). Cette espèce, connue sous le nom d’Osier, abonde en Europe, dans les terrains humides, dans les fossés, au bord des rivières. On la recon- naît à ses rameaux grêles, très souples, revêtus d’une écorce jaune, purpurescente ; à ses feuilles étroites , ovales, presque elliptiques , aiguës, vertes en dessus, blanchâtres et soyeuses en dessous , à dentelures brunes et glanduleuses. Les pétioles sont courts, comprimés, canaliculés, pubescens, dépourvus de stipules. Les chatons sont allongés, peu four- nis, légèrement velus. Tout le monde connaît les usages économiques de l'Osier. L'écorce de ses rameaux est amère et fébrifuge. Saule à une étamine (Salix monandra, Hoffm.). C'est un arbrisseau très commun, peu élevé, qui fleurit en mars et avril au bord des rivières, et qui offre des rameaux grêles, souples, d'une couleur olivâtre, d’un pourpre très vif dans une variété. Les feuilles sont ovales, lancéolées ou presque linéaires, élargies et dentées en scie à leur partie supérieure, rétrécies et entières à leur partie inférieure, glabres en dessus, d'un vert glauque en dessous , quelquefois revêtues d'un duvet fugace. Les fleurs sont dioïiques, disposées en chatons mâles sur des pieds séparés. Les capsules sont ovales, soyeuses, comprimées, à deux valves, à une seule loge, renfer- mant une semence brune, entourée à sa base d’une aigrette courte. Saule à trois étamines (Salix triandra, Linn.). Cette espèce croît en France, en Suisse, en Allemagne, au bord des ri- vières et des fossés aquatiques, où elle s'élève à huit ou dix et quelquefois jusqu’à trente pieds de hauteur. Ses rameaux sont anguleux, droits, souples, fragiles, d’un rouge vif ou d'un jaune brun, garnis de feuilles pétiolées, fermes, ovales ou 456 NOUVEAU TRAITÉE elliptiques, lancéolées, aiguës, dentées en scie, d'un vert luisant en dessus, d'une teinte glauque à leur revers. Les chatons mâles renferment ordinairement trois éta- mines, à filamens velus, terminés par des anthères d'un jaune orange ; les chatons femelles, des capsules ovales, un peu comprimées, glabres, munies d’un court pédicelle. Cette espèce fournit, dans son écorce, un fébrifuge effi- cace. Sa décoction noircit par le sulfate de fer. Saule de Babylone (Salix babylonica, Lin. ). Accueilli, aimé, admiré dans tous les lieux solitaires, il paie aussi son tribut à l'art de guérir. Ses rameaux sont également fé- brifuges. Cette espèce, connue sous le nom de Saule pleureur, paraît originaire de l'Asie. Le psalmiste David en parle dans le psaume Super flumina Babylonis. Rien n’est plus pittoresque que ses longues branches, d'où pendent jusqu'à terre des rameaux déliés, flexibles, dont l’image se reproduit dans Le cristal d'un ruisseau voisin. Comme son attitude modeste, sa pâle et douce verdure contrastent avec le noir sapin qui élance fièrement sa cime jusqu'aux nuages ! Le Saule pleu- reur embellit les rochers, les grottes factices: ses pyramides renversées ombragent les tombeaux, et leur prêtent je ne sais quel charme dont on ne peut se défendre. C’est au pied d’un Saule que Pope allait pleurer sa mère. Approchez, contemplez ce monument pieux, Où pleurait en silence un fils religieux : Là repose sa mère; et des touffes plus sombres Sur ce saint mausolée ont redoublé leurs ombres; Là, du Parnasse anglais le chantre favori Se fit porter mourant sur son bosquet chéri ; Et son œil que déjà couvrait l’ombre éternelle Vint saluer encor la tombe maternelle. DES PLANTES USUELLES. 457 Salut, Saule fameux que ses mains ont planté! Hélas ! tes vieux rameaux, dans leur caducité, En vain sur leurs appuis reposent leur vieillesse ; Un jour tu périras ; ses vers vivront sans cesse. (Deus, les Jardins.) Les Saules ouvrent les ravissantes scènes du printemps. Sous.leur ombrage frais et salubre, l’homme et les animaux se délectent dans les grandes chaleurs. Leur feuillage doux et tendre s’harmonise avec la verdure plus vive des arbres et des arbustes qui les avoisinent. Ils embellissent les bords des fleuves, des fontaines, des ruisseaux; leurs émanations bal- samiques assainissent l'air des marécages. Les anciens avaient une telle estime pour les Saules, qu'ils les plaçaient au troi- sième rang des arbres utiles à l'économie rurale. Les osiers dorés, les osiers rouges, les osiers verts et noirs offrent des ressources infinies aux jardiniers, aux vignerons, aux Van- mers. Les agneaux, les chevreaux, les moutons, les chèvres se nourrissent des jeunes rameaux et des feuilles de toutes les espèces de Saule. Dans les pays où les prairies sont rares, on plante des Saules, et leurs rameaux desséchés composent, pendant l'hiver, le fourrage des étables. C'est ainsi que l'in- dustrie intelligente sait deviner les bienfaits de la nature, et la représente féconde là où elle paraît stérile au vulgaire. Les feuilles des Saules distillent une sorte de manne que l'abeille , affaiblie par un long hiver, va savourer en attendant que les champs, les jardins et les prés lui fournissent une nourriture plus abondante. Aussi Virgile ne manque point de recommander la plantation des Saules dans le voisinage des ruches. Il ne faut pas juger des Saules par ceux que nous voyons rabougris, massacrés autour de nos habitations rurales. Voyez-les sur les rives du Danube, où ils s’élancent jusqu'à 458 NOUVEAU TRAITE perte de vue dans les airs, pour montrer le rang que la uature leur assigne parmi les arbres nautiques qui décorent la terre. Dans le département du Bas-Rhin, les Saules blancs s'élèvent Jusqu'à soixante-dix pieds de hauteur. Mélés avec d’autres végétaux, 1ls diversifient agréablement la physionomie des plantations. Lorsque j'ai parcouru la vallée de Chevreuse, visité le beau parc de Dampierre, c'est sous un groupe de Saules blancs, aux bords de l'Vvette, que je donne un peu de repos à mes membres fatigués. Les Saules y sont très touflus, d'une belle taille, et les prairies magnifiques. C'est là que, dans mes rêveries scientifiques, je me dis : Pourquoi la médecine dogmatique, la médecine savante, a-t-elle oublié les Saules, qui nous donnent, dans la salicine, un excellent fébrifuge ? Pourquoi n’en parle-t-on plus dans les journaux de médecine? Feu Antome Miquel, notre excellent ami, et rédacteur de la Gazette de santé, M. le pro- fesseur Andral, M. Bally, M. Jadioux, M. Olivier, M. Le- noble, de Versailles, etc., etc., ont pourtant reconnu, pro- clamé l'efficacité de ce remède, et les essais tentés en Italie, en Allemagne, ne sont pas moins satisfaisans ! Tout cela ne dit rien, la salicine a passé comme les bagatelles, comme les caprices de la mode. Si les pharmaciens-chimistes ne pré- parent plus de salicine, la médecine usuelle ou domestique saura s'en passer, elle la remplacera par l'écorce pulvérisée de plusieurs espèces de Saules, et particulièrement par celle du Saule blanc, qui est le plus commun. Cette écorce a une grande amertume mêlée à une saveur lécèrement aromatique. Elle contient du tannin et un prin- cipe extractif amer un peu acerbe. Son infusion aqueuse est jaunâtre, et noircit par l'addition du sulfate de fer. En DES PLANTES USUELLES. 459 évaporant la décoction d'écorce de Saule, M. Bouillon-La- grange a obtenu un extrait sec, brillant, rougeâtre, d’une saveur très amère et acerbe, ayant beaucoup de ressem- blance avec le sel de Lagaraye, excepté qu'il n'attire pas l'humidité de l'air. L’alcohol s'empare aussi des principes de cette écorce ; l’eau trouble la teinture qu'il fournit. L’évapo- ration laisse une substance jaune, brillante, d'une saveur amère, qui, à une douce température, se fond en répandant üne odeur aromatique. Reuss a cherché en vain dans cette écorce les principes qu'il avait trouvés dans le quinquina, mais il y a démontré l'existence du tannin. Voilà des principes qui parlent en faveur de l'écorce de Saule, et qui sont les élémens d'où l'on a extrait la salicine. Parmi les médecins qui ont reconnu l’action fébrifuge des Saules, nous citerons encore Edmond Stone, Gilbert, Necker, Desessartz, Mounier, Bertrand, Bodard. Qu'on nous permette de nous inscrire aussi sur cette honorable liste. On peut donner l'écorce de Saule, sous la forme de poudre, en décoction et en extrait. Voici le mode que nous avons sou- vent employé pour combattre les fièvres intermittentes. Électuaire fébrifuge. Prenez : écorce de Saule finement pulvérisée, une once ; racine de gentiane jaune, demi-once; miel blanc, quantité suffisante pour former un électuaire que vous diviserez en dix ou douze prises égales, et que vous donnerez de quatre en quatre heures, ou à des intervalles plus ou moins rapprochés, ayant l'invasion de la fièvre. Cet électuaire nous a parfaitement réussi, surtout dans les fièvres intermittentes vernales, et même dans plusieurs cas où l'écorce du Pérou avait été administrée sans aucun 460 NOUVEAU TRAITÉ succès. Dans quelques autres circonstances, où le Saule avait seulement diminué la fièvre sans dissiper les paroxysmes, nous y avons mêlé utilement un tiers de quinquina. On prépare la décoction en faisant bouillir deux onces d'écorce de Saule dans une livre et demie pour une livre de colature. On la prend par tasses dans l'intervalle des accès. Pendant nos dernières guerres maritimes, des médecins, animés d'un esprit de patriotisme, ont essayé de remplacer le quinquina par quelques uns de nos produits indigènes. Les uns nous ont offert des fébrifuges déjà connus, les gentianes, les camomilles, les absinthes, les centaurées, les Saules, etc. D'autres, mécontens de tous ces végétaux, ont fouillé dans un autre règne; ils y ont trouvé l'arsenic. Et des praticiens , d'ailleurs fort estimables, n’ont pas craint d'employer cette substance homicide! L’arséniate de potasse a guéri plusieurs fois la fièvre intermittente, mais il a fort souvent produit dans les entrailles des altérations graves et même mortelles. C’est particulièrement dans les hôpitaux qu'on avait essayé ce remède. La plupart de nos plantes amères , et particulièrement les Saules, dissipent les fièvres intermittentes simples ou peu graves; mais qui oserait combattre un accès pernicieux avec d'aussi faibles armes? Nous ne voudrions pas même de la salicine, la meilleure substance qu'on ait pu substituer jusqu 11 à LL oorcs du Pérou. En pareil cas, le sulfate de qui- nine est le remède. par excellence. Les Saules ne jouissent pas seulement d'une propriété fébrifuge ; ils peuvent encore, par leurs principes amers , balsamiques et astringéns, remédier à plusieurs maladies produites par des causes débilitantes. Ainsi on peut employer la décoction, l'infusion aqueuse ou vineuse de l'écorce dans DES PLANTES USUELLES. 461 quelques cas de leucorrhée , de scrophules, de goutte invé- térée , de scorbut, et autres affections où dominent le relä- chement et l'inertie des tissus organiques. Les jeunes feuilles sont amères et balsamiques ; les feuilles adultes ont une qualité plus astringente, et peuvent même, dans certains cas, remplacer l'écorce. Les chatons répandent une odeur aromatique assez agréable; on les prend er mfu- sion théiforme, comme les fleurs de tilleul. On prépare avec les feuilles et l'écorce des décoctions astringentes et toniques, qu'on emploie sous la forme de bains, de fomentations, d'injections, dans les cas de rachi- üs, de rhumatisme invétéré , de paralysie, d'ulcérations sordides , gangréneuses, etc. PEUPLIER. POPULUS. Fleurs dioiques. Fleurs mâles disposées en chatons cylin- driques, pendans, accompagnées chacune d’une écaille ca- duque dentée ou lacérée au sommet ; huit à trente étamines sortant d’un petit godet tronqué obliquement. Fleurs fe- melles en chatons, comme les mâles. Un ovaire; quatre sugmates. Capsule bivalve, biloculaire, polysperme; graines chargées d’une houppe soyeuse. 462 NOCGVEAU TRAITÉ PEUPLIER NOIR. POPULUS NIGRA. Populus nigra. Lanx. Spec. 1464. Por. Encyel. Bot. 5. 234. DC. F1. Fr. 2103. Desr. Arbr. 2. 465.—BLAGKW. Herb. t. 248. Cet arbre se plaît dans les terrains humides , dans les val- lées, dans les prairies et sur les bords des fleuves, où il par- vient à une belle hauteur. Son tronc s'élève rapidement, et se divise en rameaux étalés , diffus, recouverts d’une écorce Jaunâtre, ridée, garnis de feuilles alternes, pétiolées, del- toïdes , pointues, dentées en leurs bords et d'un vert luisant. Les jeunes feuilles sont roulées sur elles-mêmes, et recou- vertes, ainsi que les bourgeons, d’une matière odorante et visqueuse. Les chatons mâles sont grêles, allongés, et chaque fleur contient ordinairement seize à vingt-deux étamines, dont les anthères sont teintes de pourpre. Les chatons femelles, plus longs, plus grêles, ont des fleurs éparses, pédicellées. Les capsules sont ovales ou presque rondes, à deux loges, rem- plies de semences aigrettées. Le Peuplier noir fleurit vers la fin de l'hiver ou au com- mencement du printemps. Il.est très répandu en France, et tient, par sa haute stature, un des premiers rangs parmi les arbres aquatiques. On le perpétue de rejetons et de boutures. Ses bourgeons et ses jeunes feuilles fournissent , au prin- temps, une matière grasse, résineuse, aromatique, à la- quelle on attribue les propriétés de la térébenthine et des baumes. Peyrilhe recommande leur infusion dans du vin, comme un excellent sudorifique, et Weismann, leur tein- DES PLANTES USUELLES. 463 ture alcoholique contre le scorbut et le catarrhe pulmonaire. L'onguent appelépopuleum, qu'on emploie vulgairement pour calmer les douleurs hémorrhoïdales, est préparé avec ces mêmes bourgéons. On le rendplus efficace en ÿ mêlant quel- ques gouttes de laudanum et un peu d'huile d'amandes douces. Si on pile les bourgeons après les avoir fait macérer dans l'eau bouillante, on en retire, en les exprimant, une ma- tière grasse qui brûle comme la cire, et qui répand une odeur agréable. Les jeunes rameaux et les feuilles fournissent une excellente nourriture au bétail. Les moutons mangent l'écorce pulvérisée du tronc et des branches ; et les habitans du Kamtschatka en font une sorte de pain, dont ils se nour- rissent. On fabrique des tissus et du papier avec le duvet des graines. Le Peuplier blanc (Populus alba, Linn.), qui forme de si belles avenues , offre également dans ses bourgeons un suc visqueux, balsamique, qu'on peut employer aux mêmes usages. Les chevaux, les chèvres, les moutons ét même le gibier mangent ses feuilles. L’aigrette molle et soyeuse des semences est un tendre duvet dont les oiseaux garnissent l'm- térieur de leurs nids. Le Peuplier tremble (Populus tremula, Linn.), dont le feuillage bruyant et mobile anime les lieux qu'il ombrage, donne des bourgeons résineux et odorans comme ceux du Peuplier noir. Le menu bétail mange les feuilles; les che- vreuils et les daims broutent les jeunes branches. Au printemps, les feuilles du Peuplier d'Italie et du Peu- plier noir sont souvent enduites d'un suc visqueux très abon- dant. C'est une sorte de manne qui tombe quelquefois sur la terre en grande quantité. 464 NOUVEAU TRAITÉ PEUPLIER BAUMIER. POPULUS BALSAMIFERA. Populus balsamifera. Lin. Syst. Veget. 745. Porr. Encycl. Bot. 5. 237. Desr. Arbr. 2. 466. PALLASs. FI. Ross. 1. 76. t. 41. DunAm. Ed. Nov. 2. t. 50. Son tronc, peu élevé, droit, recouvert d'une écorce gri- sâtre, se divise en branches courtes, épaisses, un peu res- serrées en tête. Les rameaux sont lisses, jaunâtres, souvent brurs ou presque noirs, luisans, garnis de feuilles pétiolées, coriaces , ovales , lancéolées , arrondies à leur base, rétré- cies à leur sommet, inégalement dentées en leurs bords, d'un vert foncé en dessus, blanchâtres et venées en réseau à leur face inférieure : les pétioles, sont courts, roides, très peu comprimés latéralement. Les chatons mâles ressemblent à ceux du Peuplier noir ; le nombre des étamines varie de dix-huit à vingt-deux et quel- quefois davantage. Les chatons femelles ont des fleurs assez rapprochées, pédicellées, auxquelles succèdent des capsules ovales, entourées à leur base d'un petit tube urcéolé, per- sistant. Le Peuplier baumier croît naturellement dans la Caroline, au bord des rivières, où 1l s'élève à une grande hauteur. On le trouve également en Sibérie. On le cultive en France, et on le multiplie de marcottes et de boutures. Il aime les lieux humides et une exposition chaude. Ses feuilles se développent dès la fin de février. Ses bourgeons sont fort gros, et remplis d’un suc résineux, bal- samique, qu'on respire avec plaisir avec l'air frais du prin- DES PLANTES USUELLES. 465 temps. D'après le témoignage de Gilibert, cette matière résineuse a toutes les vertus que l'expérience a démontrées dans les baumes les plus recherchés. Aussi devrait-on cul- tiver plus généralement cette espèce de Peuplier aux bords des pièces d’eau , des étangs, des rivières. Les coqs de bruyère se nourrissent, en Sibérie, de ses bourgeons. Cette nourriture les engraisse et parfume agréa- blement leur chair. Le Peuplier noir du Canada (Populus monilifera, Aiton.), dont les fruits pendent en longs chapelets , est un bel arbre qui, par son port, sa grandeur et la beauté de son feuillage, mérite d'être accueilli dans nos plantations rurales, dans les avenues des bois, dans les parcs. Lorsqu'il entre en sève, ses bourgeons se gonflent et répandent au loin une odeur balsamique. Le Peuplier de la Caroline (Populus angulata) est un des plus somptueux arbres que l’on puisse cultiver. Ses feuilles , épaisses , glacées, sonores et partagées par une nervure de corail, ont jusqu à dix pouces de longueur, sur huit ou neuf de largeur; la verdure en est vive, brillante et durable; elles se conservent en tombant, et ne tombent qu'à la mi- décembre. | « L’accroissement de ce Peuplier, dit Daubenton, est un phénomène digne de la plus avide préférence : c'est de tous les arbres qui viennent dans tous les climats tempérés de l'Europe celui qui croît le plus promptement. Il s'élève et grossit avec une vitesse surprenante : de jeunes plants d’un demi-pied de haut, plantés dans une terre meuble et fraiche, ont pris dans deux ans quinze pieds de hauteur, sur huit à neuf pouces de circonférence, ayant des têtes de huit à dix pieds de diamètre, garnis de six, sept et huit branches de JIL. 30 466 NOUVEAU TRAITÉ cinq, sept jusqu à neuf pieds de longueur. Cet arbre peut être regardé comme un prodige de végétation. » | Le Peuplier (Populus) est l'arbre du peuple. Dans l'an- cienne Rome, les lieux publics en étaient décorés. Il en est de même aujourd'hui dans toute FTtalie. Les anciens con- naissaient le Peuplier noir, le Peuplier blanc et le Tremble. Ils cultivaient les deux premiers dans les champs pour servir d'appui à la vigne : Popul viibus placent et cæcuba educunt. (Plin. lib. 16, cap. 37.) Les poètes, Homère, Virgile, Horace, etc. , ont chanté le Peuplier. On sait qu'il était consacré à Hercule : Populus Alcidæ gratissima (Virg. ecl. 7.). La Mythologie nous dit que ce héros l'avait apporté des bords de l’Achéron, et qu'il revint des enfers le front couronné de Peuplier blanc. Horace aimait à se reposer sous l'ombrage du Peuplier. C'est là, au murmure d'un clair ruisseau , le front couronné de roses, qu'il oubliait le bruit du monde et savourait le Falerne. Qua pinus ingens, albaque Populus Umbram hospitalem consociare amant Ramis, et obliquo laborat Lympha fugax trepidare rivo ; Huc vina, et unguenta, et nimium brevis Flores amænos ferre jube rosæ ; Dum res, et ætas, et sororum Fila trium patiuntur atra. (Hor. lib. 2. od. 3.) Tu connais ce bocage, asile du repos, D'où fuit avec regret une onde transparente ; Où le blanc Peuplier, le pin aux noirs rameaux, Aiïiment à marier leur ombre bienfaisante; Fais porter des parfums dans ces lieux enchanteurs ; Que la fleur trop fragile en festons les décore ; DES PLANTES USUELLES. 467 Là savoure un vin frais, quand les fatales sœurs, Ta jeunesse, tes biens le permettent encore *. (Monriexy.) MYRICA. MY RICA. Fleurs dioïques. Chatons ovoïdes; écailles en forme de croissant. Fleurs mâles : quatre étamines, rarement six ; anthères à quatre valves. Fleurs femelles : un ovaire; deux styles. Drupe uniloculaire, monosperme. MYRICA GALÉ. MYRICA GALE. Myrica gale. Linn. Spec. 1453. Lam. Encycl. Bot. 2. 592. DC. FL Fr. 2105. DEsr. Arbr. 2. 472. PyroL. Hort. Fr. 617. Lapeyr. Plant. Pyr. 2. 605. Mér. F1. Par. 1. 625. FI. Dan. t. 327. Dunam. Ed. Nov. t. 57. C'est un petit arbrisseau dont la tige rameuse, lisse, rous- sâtre, haute d'environ trois pieds, se couvre de feuilles al- ternes, oblongues, d’un vert brun, étroites à leur base, dentées, larges et arrondies à leur extrémité supérieure, parsemées de points résineux et jaunâtres. Les chatons mâles ont des écailles lisses, un peu luisantes, d'un rouge brun, blanchâtres sur les bords. Les chatons fe- melles donnent des fruits ovoides , un peu charnus et d'une odeur pénétrante. On trouve cetarbuste dans les lieux incultes et marécageux " Nous avons parcouru avec un vif intérêt la traduction des Odes d’Horace que M. Montigny vient de publier ; elle nous a paru élégante, harmonieuse, et surtout fidèle. 468 NOUVEAU TRAITÉ de l'Europe septentrionale. Il croît en Hollande, en Belgique, en Angleterre, en France, etc. I est si abondant à Chantilly et dans la forêt de Saint-Léger que les paysans en chauffent leurs fours. On lui donne le nom de Piment royal. On le cultive dans les jardins, où ses rameaux nombreux s'arrondissent en larges buissons. On le multiplie par les graines, les marcottes, et par le petit nombre de rejetons qu'il pousse. Toutes ses parties sont aromatiques. Les fleurs et les feuilles sont parsemées de points résineux, brillans, balsa- miques, d'un jaune doré, d'une saveur amère. Les médecins ont rarement recours à cette plante à la- quelle Peyrilhe suppose de grandes vertus. Mais , comme le dit fort bien ce savant professeur, il n’y a que ‘des observations précises qui puissent en diriger l'emploi. On avait cru que le thé provenait du Piment royal, et un auteur anglais avait longuement disserté pour appuyer cette erreur qui s'est complétement évanouie par l'introduction du véritable thé en Europe. Les feuilles du Piment royal, in- fusées dans l'eau bouillante, offrent pourtant une boisson aromatique assez agréable; mais 1l faut que cette mfuston soit légère. Dans le Nord, surtout en Suède, le Galé remplace quel- quefois le houblon dans la fabrication de la bière; mais on assure que cette boisson devient alors très enivrante et qu’elle cause la céphalalgie. Ses feuilles écartent les insectes qui rongent les étofles, et parfument les appartemens. Comme ceux des autres espèces, les fruits donnent par la décoction dans l'eau une sorte de cire dont on pourrait faire des bougies. DES PLANTES USUELLES. 469 MYRICA CIRIER. MYRICA CERIFERA. Myrica cerifera. Lainn. Spec. 1455. Lam. Encycl. Bot. 2. 592. Desr. Arbr. 2. 472. Pyroz. Hort. Fr. 617. — CaTesBy. Carol. 1. t. 69. Cet arbrisseau toujours vert s'élève à huit ou dix pieds de hauteur sur une tige rameuse, recouverte d'une écorce grisätre. Les rameaux sont un peu velus, cylindriques , roussâtres, garnis de feuilles alternes, lancéolées, pointues, dentées en scie vers le bout, entières et rétrécies vers la base, parsemées d’une multitude de points jaunes et rési- neux. Les chatons sont axillaires, courts, sessiles ; les fruits globuleux, de la grosseur d'un pois, couverts d’une poudre visqueuse, blanche , grenue, qui leur donne l'aspect de cer- taines dragées que vendent les confiseurs. Ces baies sont ramassées sur de petites grappes latérales. Les lieux humides et marécageux de la Louisiane produi- sent cet arbrisseau. On l'appelle Cirier de la Louisiane, Arbre à la cire. Cette espèce est difficile à élever dans notre climat du Nord. On la multiplie de semis, de rejetons et de marcottes. Elle demande une terre de bruyère un peu humide, et un abri pendant l'hiver. À70 NOUVEAU TRAITÉ MYRICÀ DE PENNSYLVANIE. MYRICA PENSYLV ANICA. Myrica pensylvanica. Lam. Encycel. Bot 2. 592. Desr. Arbr. 2. 472. Pyror. Hort. Fr. 617. DuxaAm. Arbr. Ed. Nov. 2. t. 55. — CATESBY. Car. 1. t. 13. — Myrica caroliniensis. WizLp. Spec. 4. 746. Cette espèce s'élève beaucoup moins que la précédente ; elle n’a guère que quatre pieds de hauteur. Ses feuilles sont plus larges, plus molles, moins dentées, moins pointues; les plus jeunes ont les bords roulés en dessous. Les baies sont un peu plus grosses. Elle s’est parfaitement acclimatée en France, où elle végète avec vigueur, et résiste aux froids les plus rigoureux. Les marécages , les bords humides et sablonneux de la mer favo- risent sa végétation. Ces arbrisseaux sont fort intéressans sous les rapports éco- nomiques. Leurs fruits donnent une sorte de cire verte dont on peut faire des bougies. Un seul arbrisseau bien fertile peut fournir jusqu'à sept livres de baies, qui rendent près de deux livres de cire. Les habitans du nord de l'Amérique recueillent en au- tomne les fruits des Cariers ; ils les font bouillir dans l’eau, et ils ramassent la cire qui surnage. Pour l'avoir plus pure ils la font bouillir une seconde fois. La première cire est jaune, mais dans les dernières ébullitions elle a une couleur verte. On en fait des bougies qui parfument les appartemens, et dont la lumière est vive et claire : elles ne donnent point de fumée quand on les éteint. DES PLANTES USUELLES. 471 Le Cirier de Pensylvanie se perpétue de graines et de drageons : cette dernière méthode est la plus prompte. Il récrée la vue par le vert animé de son feuillage, dont l'hiver même ne le dépouille point; il flatte l'odorat, et purifie par ses émanations balsamiques l'air insalubre des marais au mi- lieu desquels il végète. M. Tollard pense qu'on pourrait le cultiver dans les ter- rains secs. Dans une partie de sa pépinière fort sèche et exposée à toute l’ardeur du soleil, il a fourni en pleine terre des semences en grande quantité, et une végétation assez belle. BOULEAU. BETULA. Fleurs monoïques. Fleurs mâles : chatons cylindriques, pendans ; chaque fleur composée de quatre écailles portées sur un pédicelle commun, dont une extérieure terminale, attachée par le centre en forme de bouclier; les trois inté- rieures membraneuses, concaves, plus petites. Environ douze étamines adhérentes au pédicelle; anthères à une loge, s'ou- vrant par un sillon longitudinal. Fleurs femelles disposées en chatons grêles. Écailles ovales, imbriquées; deux ou trois fleurs sous chacune. Ovaire comprimé; deux styles persis- tans. Capsule entourée d'un rebord membraneux, à une loge monosperme. 472 NOUVEAU TRAÎTÉ BOULEAU BLANC. BETULA ALBA. Betula alba. Lann. Spec. 1393. LAM. Encycl. Bot. 1. 453. DC. FL Fr. 2106. DEsr. Arbr. 2. 476, Caev. F1. Par. 2. 348. —BLACcKW. Herb. t. 240. Suivant le climat ou le terrain le Bouleau blanc s’élance à la hauteur de cinquante à soixante pieds, ou bien 1l ne forme qu un arbrisseau. Son tronc, revêtu d'une écorce d’un blanc de neige, se divise en nombreux rameaux, étalés, pendans, flexibles, d'un brun rougeâtre, garnis de feuilles alternes, pétiolées, oyales , terminées en pointe, dentées enscie, d'un joli vert en dessus, un peu blanchâtres en dessous. Les chatons mâles sont géminés, terminaux ; les chatons femelles sont pédonculés, solitaires, latéraux, à écailles en forme de trèfle. Cet arbre croît dans toute sorte de terrains, dans les ma- récages, sur les montagnes, sur les coteaux arides, sablon- neux, et jusque dans la fente des rochers. C'est lui qui ter- mine les limites de la végétation sur les montagnes; mais il y est chétif et rabougri. Il supporte les froids les plus rigou- reux, et on le trouve jusque dans les contrées glacées de la Norwège, de l'Islande, du Groënland. Il faut voir le Bouleau sur la pente douce des collines ; son feuillage riant et léger, la couleur argentée de sa tige, l'abandon et la grâce de ses rameaux, tout vous plaït dans cet arbre charmant qui vous annonce le retour de la belle sai- son. Il donne une sève abondante et sucrée qui désaltère le voyageur et dont on fait, par la fermentation, une liqueur vineuse fort agréable. Dans le Nord on emploie plusieurs méthodes pour obtenir DES PLANTES USUELLES. 473 la sève du Bouleau. On incise verticalement le tronc ou bien on coupe l'extrémité des branches, et on laisse couler la liqueur dans des vases destinés à la recevoir. Cette opération se pratique au commencement du printemps, avant la nais- sance des feuilles, et l'arbre donne d'autant plus de sève que l'hiver a été plus rigoureux. Lorsqu'on a rassemblé une grande quantité de sève, on en fait du vin en y ajoutant du miel, des raisins secs et quelques aromates. On laisse fer- menter ce mélange, dans un tonneau bien fermé, pendant trois ou quatre semaines. Alors on soutire la liqueur et on la met dans des bouteilles. Cette liqueur est pétillante, apéri- tive, sucrée, légèrement acide ; c’est presque du vin de Cham- pagne, disent certains voyageurs : Vini campanici instar spu- mersit. On s’en régale dans les pays du Nord pendant les chaleurs de l'été. Dans nos forêts, le bucheron, le pâtre, recherchent éga- lement la sève du Bouleau pour étancher la soif. On croit que cette liqueur a üne action spéciale sur les reins et sur la vessie. On la donne aux malades affectés de gravelle, à la dose de trois ou quatre onces matin et soir. On se sert éga- lement de la décoction des jeunes rameaux pour remplir des indications analogues. C'était le remède de Van Helmont. Le suc du Bouleau blanc ne saurait dissoudre la pierre ; sa vertu lithontriptique est imaginaire; aussi a-f-1l été aban- donné malgré les éloges de Van Helmont, et ensuite de Boyle, médecin anglais. On pourrait néanmoins y avoir recours, non pour dissoudre le calcul, mais pour prévenir sa formation, ainsi que les récidives, et pour calmer les douleurs néphré- tiques. On a dû lui reconnaître quelque vertu contre les alfec- tions de ce genre, puisqu'on a donné à l'arbre qui le fournit le nom de Bois néphrétique d'Europe. Il faut examiner avec soin, et non mépriser les vieilles traditions. 47% NOUVEAU TRAITÉE Les feuilles récentes sont aromatiques et un peu amères. On s’en sert en infusion théiforme contre les maladies de la peau et même contre la goutte. Les paysans qui éprouvent des douleurs rhumatismales se couchent dans un lit bien bas- siné et rempli de feuilles de Bouleau. Ils suent abondamment et ils sont soulagés. Un voyageur assure que les habitans du Kamtschatka mangent l'écorce du Bouleau coupée par petits fragmens et mêlée avec des œufs de poisson. En Norwège, les feuilles en- core tendres servent à nourrir les troupeaux : on en fait des provisions pour l'hiver, et dans plusieurs autres pays du Nord on en nourrit la volaille. Les Finlandais prennent ces mêmes feuilles infusées comme le thé. Les chatons fournissent une espèce de cire. En Suède on prépare avec la sève du Bouleau un sirop qui peut remplacer le sucre pour plusieurs usages domestiques. C'est comme le sirop d'érable des Américains. Le Bouleau n’est pas seulement un arbre économique, il embellit encore les paysages, et sa douce verdure contraste agréablement avec le sombre feuillage des sapins. Lorsque le roi de Prusse a voulu créer son paradis terrestre de Bielfelt, il a réuni tous les genres d'arbres, et fait planter un superbe quinconce de Bouleaux, afin de varier les scènes brillantes de ces charmans bocages. AULNE. ALNUS. Fleurs monoïques. Fleurs mâles : chatons allongés, pen- dans, cylindriques, écailleux. Quatre écailles , dont une plus grande sur le même pédicelle. Quatre étamines sortant d'un godet à quatre lobes. Fleurs femelles : chatens ovoïdes, à DES PLANTES USUELLES. 475 pédicelles rameux; écailles obtuses, cunéiformes, quadri- fides ; fleurs deux à deux sous chaque écaille. Deux styles. Péricarpe coriace, à deux loges monospermes. AULNE COMMUN. ALNUS GLUTINOSA. Alnus glutinosa. GoERTN. Fruct. 2. 54. t. 90. f. 2. DC. F1. Fr. 2109. Desr. Arbr. 2. 488. — Alnus communis. Dunam. Ed. Nov. 2. t. 64. — Betula alnus. Lainn. Spec. 1394. LAM. Encycl. Bot. 1. 454. Cet arbre s'élève à quarante ou cinquante pieds de hau- teur. Son tronc est droit, revêtu d’une écorce gercée, d'un brun olivâtre. Les rameaux portent des feuilles ovales, ob- tuses, comme tronquées au sommet, crénelées sur les bords, visqueuses, enduites d'une sorte de vernis et d'un vert sombre : elles ont un court pétiole et présentent en dessous, à l'angle de leurs principales nervures, des touffes de poils lanugineux. Les fleurs naissent avant les feuilles ; les chatons males sont cylindriques, pendans; les chatons femelles courts, serrés, droits et rougeâtres. Les fruits persistent d’une année à l’autre. L’Aulne se plaît dans les terrains frais et humides, au bord des rivières, dans les marécages. Me Crassisque paludibus Alni Nascuntur. ( Vire. Georg.) On le trouve depuis la Laponie jusque sur les côtes sep- tentrionales de l'Afrique, où le professeur Desfontaines l'a 476 NOUVEAU TRAITÉE observé. Il croit au nord et au midi de la France où on lui donne le nom de Vergne. Cet arbre intéresse particulièrement l'économie rurale et domestique; cependant il nous offre un remède fébrifuge dans l'écorce intérieure de ses rameaux. Cette écorce est lé- gèrement amère et contient du tannin comme celle de la plupart des Amentacées. On l’emploie aussi en décoction, ainsi que les feuilles, pour déterger les vieux ulcères. D'après l'observation de Murray, les feuilles récentes ap- pliquées sur les seins dissipent le lait des nouvelles accou- chées. On les expose préalablement à la chaleur du feu, et on renouvelle ce topique deux ou trois fois par jour. Alni folia recentia præstantissima sunt, expertus loquor, ad lac puerperarum, lactationem respuentium, dissipandum; dum postquam concisa super 1gnem in disco incaluerunt, et insuda- runt, bis vel pluries de die, calide applicantur. (Apparat: med. t. 1, p. 121). Dans les premiers jours on peut mêler à ce topique des feuilles de cerfeuil ou de persil. L'observation de Murray a été confirmée par Kramer et beaucoup d'autres médecins. Nous n’avons pas éprouvé les feuilles d'Aulne, mais nous avons plusieurs fois employé le cerfeuil avec un succès remarquable. Tous ces remèdes faciles appartiennent au formulaire domestique. L’Aulne se ressent de la fraicheur des lieux qu'il habite; il croît avec tant de rapidité qu'on peut le couper tous les cinq ou six ans. Son feuillage brillant et agréablement glacé devrait le faire accueillir dans les bosquets humides. I figure à merveille aux bords des fleuves, des lacs, des étangs. On en voit en Flandre dont le tronc a jusqu'à soixante piéds d'élévation. Son bois se conserve dans l’eau pendant des siècles sans s’altérer. On en fait des pilotis en Hollande, à Venise et ail- DES PLANTES USUELLES. 477 leurs. Fraichement coupé, 1l a une teinte rougeâtre qui s'éclaircit et s’efface en peu de temps. Lorsqu'il est sec il prend une couleur d'un rose très pâle tirant sur le jaune. Il a le grain fin, homogène, et 1l conserve parfaitement la couleur d'ébène qu'on lui donne. Les tourneurs, les sabo- tiers, le recherchent. J'ai porté dans mon enfance des sabots d'Aulne ou de Vergne noircis à la fumée d'un feu de paille. Le bois des racines est agréablement veiné et propre à des ouvrages d'ébénisterie. Il brûle rapidement et donne une flamme claire. Les pâtis- siers, les boulangers, les verriers le préfèrent à tout autre bois pour chauffer leurs fours. L'écorce sert au tannage et à la témture. Macérée pendant quelque temps avec de la li- maille de fer, elle donne une couleur noire dont les teintu- riers , les chapeliers se servent, et avec laquelle on fait de l'encre à écrire. On retire aussi des bourgeons une couleur cannelle. On propage l’Auine de semences, de drageons, de bou- tures et de greffes. On sème les graines au printemps sur une terre légère mêlée de sable, et on les recouvre peu. Les laillis d’Aulnes sont d'un bon produit; ces arbres croissent très promptement, et on peut les mettre en coupes réglées. On les plante en massif dans les lieux humides, où ils offrent des perspectives très agréables. On devrait les multiplier dans les marais fangeux, qu'ils dessèchent et assaimissent. L’Aulne ombrage la fontaine du cerf, du chevreuil et du sanglier. Les anciens ont parlé de l'Aulne et ont connu ses usages économiques. Pline dit que les pilotis d'Aulne sont d’une éternelle durée, et qu'ils peuvent supporter des poids énor- mes. On le plantait le long desrivières pour les contenir dans leurs lits. Contra erumpentium amnium impetus riparum mure 478 NOUVEAU TRAITÉ in tutelà ruris excubant, in aqud satæ cæsæque densius innu- mero hœrede prosunt. (Plin. hb. 16, cap. 37.) Virgile dit que l’'Aulne déploie au printemps sa verdure nouvelle. CA 2 Vere novo viridis se subjicit Alnus. (Eclog. 10.) Vois l'Aulne voguer sur le P6, et parcourir légèrement la surface de l'onde rapide. Nec non et torrentem undamn levis innatat Alnus Missa Pado.. (Georg. lib. 2.) HÊTRE. FAGUS. Fleurs monoïques. Fleurs mâles : chatons pendans, glo- buleux, portés sur de longs pédoncules; périgone à six lobes ; huit étamines à filament long et délié. Fleurs femelles réunies au nombre de deux dans un involucre à quatre lobes, hérissé d'épines molles. Périgone adné à l'ovaire, à six divisions. Un style divisé en trois stigmates. Ovaire à trois loges, dont deux avortent. Le fruit est une noix lisse, trian- gulaire, à une loge, renfermant une ou deux graines angu- leuses. DES PLANTES USUELLES. 479 HÊTRE DES FORÊTS. FAGUS SYLF ATICA. Fagus sylvatica. Linn. Spec. 1418. Lam. Encycl. Bot. 3. 125. DC. FI Fr. 2113. DEsr. Arbr. 2. 496. Engl. Bot. 1846. GoErTN. Fruct. 1. 182. t. 37. f. 2. C'est un de nos plus beaux arbres forestiers. Dans un sol qui lui convient, il acquiert une grosseur considérable, et s'élève jusqu'à cent pieds de hauteur. Son tronc est droit, bien proportionné dans toute sa longueur, revêtu d'une écorce grise, parfaitement unie, couronné par une vaste cime. Ses rameaux, un peu pendans, se garnissent de feuilles ovales, dentelées sur les bords, d’un vert luisant et comme glacé en dessus, couvertes en dessous d'un duvet argentin. Ces feuilles deviennent ordinairement d'un rouge vif à l’au- tomne, et sont purpurines dès leur naissance dans une variété qu'on cultive dans les jardins sous le nom de Hétre pourpre. Les fruits, connus sous le nom de faînes, renferment une amande huileuse. Le Hêtre habite les climats tempérés de l'Europe; on ne le trouve ni dans les contrées glacées du Nord, ni dans les pays très chauds. Il se plaît sur la base des montagnes, sur les coteaux, et fleurit au printemps. De son amande on ex- prime une huile douce, fine, d’un goût fort agréable. L'écorce intérieure de ses rameaux est amère, astringente et fébrifuge. Gilbert dit qu'on l’a employée avec succès contre les fièvres intermittentes. La sève obtenue par des incisions pratiquées sur les branches, donne de l’acétate d'alumine et de chaux, de l'acide gallique, etc. C'est sous les rapports de l'économie rurale ou domestique #80 NOUVEAU TRAÎTÉ qu'il faut considérer le Hêtre. Il vit plusieurs siècles, et il pourrait enrichir les campagnes où 1l croît abondamment. Mais on n'a guère remarqué que l'onctuosité de son bois, la pureté de sa flamme, la chaleur ardente qu'il procure; et cette aveugle préférence donnée à son état de mort a partout accéléré sa destruction. Nos pères, qui se délassaient sous le frais ombrage de sa robe brillante, savaient mieux l’apprécier : ils se nourris- saient de son fruit huileux, agréable, surtout de celui qui donne la faine la plus rouge, la plus allongée. Cette espèce d'amande à un goût qui se rapproche de celui de la noisette. On la mange grillée comme la châtaigne. Puinh assure que les faînes ont une action narcotique. Si l'on en mange une certaine quantité, on éprouve des maux de tête, on tombe dans une sorte de tristesse et de torpeur ; on court même le risque de devenir hydrophobe. II est vrai que cet auteur ne cite aucun fait à l'appui d'un assertion aussi étrange. Murray a répété tout cela dans son Apparatus medi- caminum sur la foi de Jean Bauhin, de Simon Pauli, Schimie- del, etc., mais également sans preuves. Nous croyons, nous, que ces amandes ne conviennent point aux estomacs foibles , délicats, qu'elles peuvent exciter des flatuosités, mais non les symptômes fâcheux, les accidens dont parle Punh. On exprime des faînes une huile douce, fine, d'une sa- veur agréable. Il faut les cueillir à mesure qu'elles tombent, les porter dans un lieu exposé.à un grand courant d'air;ret ne point trop les ammonceler, afin qu'elles sèchent pluswite. Après la dessiccation convenable des amandes, os les nettoie avec soin, et on choisit un jour passablement chaud pour les moudre ; car plus il fait froid, moins le fruit donne de l'huile : leur mouture et pression ne diffèrent entrien de celles de la HOIX. DES PLANTES USUELLES, 481 L'huile de faîne , lorsqu'elle est fraîche, a une saveur désagréable; mais elle se perfectionne en vieillissant, surtout si on la renferme dans des cruches de terre, et si l’on a soin de la tirer à clair six semaines après qu’elle est faite, et de répéter la même opération an bout d'une année. Cette huile bien préparée est, après celle de l'olive, la meilleure que l’on connaisse. Elle a même sur l'huile d'olive un grand avan- tage, celui de se conserver dix ans et plus. Les premières années, au lieu d’éprouver de l’altération, elle acquiert une qualité plus douce, plus délicate. Elle peut remplacer toutes les huiles pour la plupart des préparations culinaires, surtout pour la friture. Les épiciers la vendent fort souvent dans les départemens septentrionaux pour de l'huile d'olive. Le Hêtre abonde dans presque toutes les parties de la France, et il produit ordinairement une prodigieuse quantité de faines. Dans une seule année, les forêts d'Eu et de Crécy ont donné plus d’un million de sacs de ces fruits. En 1779, une portion des faînes récoltées dans la forêt de Compiègne a fourni plus d'huile qu'il n'en faudrait aux habitans du pays pour un demi-siècle. Que serait-ce si tout ce qui tombe ou ce quon recueille de faînes en France était converti en huile ? Le Hêtre pourrait encore s'améliorer par la culture et par la grefle, Il vient facilement dans tous les terrains, sur les montagnes, les coteaux, dans les vallées et les plaines : on peut par conséquent le multiplier à l'infini. On le sème en place au printemps ou en automne, après avoir labouré et disposé le terrain. On a observé qu'il souffre difficilement la transplantation. Les quadrupèdes, les bêtes fauves, presque tous les ani- maux domestiques, les porcs surtout, sont très friands des lt. 31 482 NOUVEAU TRAITÉ faînes. Ces amandes engraissent très bien la volaille. On les conserve dans un lieu sec, bien aéré, et à l'ombre. Les marcs de l'huile formés en gâteaux engraissent aussi en peu de temps les bœufs, les vaches , etc. Enfin les moutons mangent volontiers les feuilles du Hêtre. La qualité de son bois dépend beaucoup du sol et de l'ex- position où il végète. Il est excellent pour le chauffage, il donne un feu vif et clair, mais il brûle promptement. C'est le combustible de celui qui n'aime pas à souffler le feu. On en fabrique des rames, des bateaux, des brancards, des af- fûts de canon, des tables de cuisine, des pelles , des caisses, des sabots et des quilles. On ne saurait croire jusqu'à quel point s'étend la consommation des sabots faits avec le seul bois de Hètre. C’est la chaussure du montagnard, de l’ou- vrier des campagnes, du fermier, du laboureur, et même du propriétaire aisé qui craint les rhumes, et qui veut se pré- server du froid humide qui les donne. On a beau critiquer cette espèce de chaussure de paysan; elle est très saine, et je l'aime beaucoup à la campagne. Le Hètre était connu des anciens. Dans les premiers temps de la république romaine on en faisait des coupes; plus tard il fallut aux maîtres du monde, pour savourer dignement le Falerne, des coupes d'or, enrichies de perles et de diamans. Dans Virgile, le berger Ménalque offre pour . une gageure deux coupes en bois de Hêtre, chef-d'œuvre du sculpteur Alcimédon , où le ciseau de cet artiste divin a représenté un cep de vigne qui court mollement tout au- tour, avec des grappes jetées ça et là, et entrelacées d'un lierre. Insanire libet quoniam tibi, pocula ponam Fagina, cœlatum divini opus Alcimedontis, DES PLANTES USUELLES. 483 Lenta quibus torno facili superaddita vitis , Diffusos hedera vestit pallente corymbos. (Eclog. 3.) Pline a fort bien désigné le Hêtre. Son gland, dit-il, qui ressemble à un noyau, est recouvert d’une peau triangulaire. Son feuillage est léger, mince, et semblable à celui du peu- plier. Les mulots, les loirs, les grives en mangent la graine avec avidité. Fagi glans, nucleis sinils , triangula cute inclu- ditur ; folium tenue ac levissimum populo simile.…. Fagi glans muribus grañissima, glires quoque saginat, expetitur et turdis. (Plin. lib. 16, cap. 6.) CHATAIGNIER. CASTANE A. Fleurs polygames. Fleurs mâles : chatons cylindriques, très longs, composés de fleurs agglomérées ça et là; périgone à six divisions profondes, renfermant cinq à vingt étamines. Fleurs hermaphrodites réunies au nombre de deux à trois dans un involucre à quatre lobes, hérissé d’épines rameuses. Périgone adhérent, à cinq ou six lobes, renfermant un duvet roide dans lequel sont cachées douze étamines rouges et avortées. Six styles cartilagineux. Fruit uniloculaire, ren- fermant une à deux graines ridées, farineuses. 484 NOUVEAU TRAITÉ CHATAIGNIER ORDINAIRE. CASTANEA VULGARIS. Castanea vulgaris. Lam. Encycel. Bot. 1. 708. DC. F1. Fr. 2114. — Castanea vesca. GOERTN. Fruct. 1. 181. t. 37. f. 1. Desr. Arbr. 2. 500. — Fagus castanea. Linn. Spec. 1416. C'est un arbre d'un port majestueux et d'un très beau feuillage. Ses rameaux longs , étalés, recouverts d’une écorce unie et grisâtre, se garnissent de feuilles grandes, oblongues, pointues , glabres, dentelées sur les bords, portées sur de courts pétioles, et d'un vert luisant à leur face supérieure. Les chatons des fleurs mâles , un peu roides, longs de six à neuf pouces, et d’une odeur pénétrante, portent à leur base les réceptacles pédicellés des fleurs femelles. Le Châtaignier croit en France sur le penchant des col- lines et des montagnes. Il couvrait autrefois les terres occi- dentales de l'Europe; les plus belles charpentes de nos vieux bâtimens attestent partout son ancienne abondance. Par sa belle stature et par son utilité générale , 1l mérite d'être mis au premier rang des arbres forestiers. Son histoire se trouve sur les flancs du mont Etna , dans ce fameux Châtaignier ap- pelé le Cavalier, qui a cent pieds de circonférence, et qui existe depuis plusieurs siècles: Son tronc, que le temps a creusé, a souvent servi de retraite au berger et à son trou- peau. Nous n'avons en Europe qu’une seule espèce de Chätai- gnier, d'où sont sorties un grand nombre de variétés que l’on doit au sol, au climat et à la culture. Les Marronniers ne DES PLANTES USUELLES. 485 diffèrent de l'espèce sauvage que par la grosseur, la rondeur et la qualité du fruit. Il se plait particulièrement sur les co- teaux et sur la base des montagnes, dans les terres sablon- neuses exposées à l’est. On perpétue par la greffe en écusson les bonnes variétés. Par ce procédé elles donnent des fruits plus gros et plus sa- voureux. C’est ainsi que les Châtaigniers sauvages du Dau- phiné et du Lyonnais répandent aujourdhui ces beaux marrons de Lyon, renommés dans presque toutes les parties du monde. Que serait-ce si nos nouvelles forêts en étaient peuplées? Avec la pomme de terre et la châtaigne on n'aurait plus à craindre la disette. Honneur à tous les agronomes, à tous les économistes qui propageront la culture du Châtai- gnier ! Honneur au gouvernement qui encouragera , secon- dera leurs efforts *! Les Vosges, le Jura, le Limousin, le Périgord, l'Au- vergne, le Poitou , la Saintonge, le Maine, le Haut-Langue- doc, les Pyrénées, etc., produisent d'excellentes châtaignes. On vante surtout les marrons du canton de Luc en Provence. Pour conserver les châtaignes il faut les mettre dans un ‘ I y avait à Dicuze, département de la Meurthe, dit M. Rauch, un ancien directeur de la Saline, qui s'appelait Étienne Foblant. Cet homme de bien, qui était le consolateur et l’appui du pauvre, voyant que le Châtaignier, que l’on ne connaissait plus dans le pays, pouvait augmenter les moyens de subsistance , en fit venir à grands frais, en distribua et planta lui-même un grand nombre. Tous réussirent parfaitement. Mais les passions et les haines étant alors en effervescence, on détruisit la plus grande partie de ces arbres. Ceux qui furent épargnés sont en pleine prospérité , donnent beaucoup de fruits, et prouvent que partout l’utile Chètaignier peut fructifier..…. La tombe de cet homme généreux réclame l’ombrage d’un arbre qu'il a le premier propagé dans le pays. (/armonie hydro-végétale, {. 1, p. 147.) 486 NOUVEAU TRAÏTÉ lieu sec, ne pas les entasser, et les remuer de temps en temps. On peut aussi les garder dans du sable bien desséché. Par- mentier conseille de les placer sur des claies et de les exposer au soleil. Il assure que c’est un excellent moyen de les con- server long-temps. Si l'on veut les manger fraîches toute l’année, il suffit de les faire bouillir quinze à vingt minutes, de les faire sécher au four après que le pain en a été tiré, et de les mettre ensuite dans une chambre bien sèche. Les habitans des Cévennes les font sécher au feu sur des claies. La châtaigne parfaitement desséchée peut se conserver non seulement pendant tout l'hiver, mais encore d'une année à l'autre, sans rien perdre de sa bonne qualité. C'est un fruit excellent, qui contient, outre une fécule abondante , du vrai sucre cristallisable , et un principe tonique. Les habitans des Cévennes et de plusieurs autres cantons de France, ceux de la côte de Gènes et des Apennins s’en nourrissent presque toute l'année. Et tous ces gens-là sont pleins de vigueur, de force et de santé. Les marrons sont servis sur les tables les plus délicates. On les mange grillés ou cuits sous la cendre, ou bouillis dans l'eau salée, avec du fenouil, avec des feuilles de céleri, de laurier, de sauge ou de thym, suivant les goûts. O temps heureux de mon enfance! O fête sacrée de Noël! O délicieux réveillon de nos pères ! Avec quel charme j'en- tendais les marrons rouler sur le plancher pendant les contes de la veillée! Ah! c’est bien là, comme dit Oberman, un bruit de la jeunesse. Oui, je crois encore les entendre éclater sous la cendre au foyer paternel. Et ces castagnous cuits dans du lait, dont je me régalais à la campagne ayec quelques jeunes amis ! Est-il rien de comparable à cette bouillie su- crée, savoureuse, nourrissante? Je vois aussi le pâtre, cet homme simple et rustique, à la tête de son troupeau avec DES PLANTES USUELLES. 487T son chien fidèle. Il presse la mamelle de sa chèvre; son vase est plein d'un lait parfumé, il chauffe déjà entre deux pierres à un feu pétillant, et le marron fraichement cueilli y mêle son doux mucilage. Encore quelques instans et le castagnat est tout prêt. Voilà le plaisir des montagnes. Et ce pâtre, que l’homme du monde méprise, laisse couler paisiblement ses jours; il attend sans inquiétude, sans crainte, les ordres de la Providence. Dans les montagnes d'Italie, où les marrons abondent, on en fait une sorte de polenta ou de castagnaccio, aliment très sain, agréable au goût et facile à digérer. C'est le pain quotidien des habitans du Montamiata. Les paysans, les ou- vriers, qui s'en nourrissent particulièrement, sont forts, ro- bustes et capables de résister aux plus rudes travaux. Polenta de Marrons. C’est une bouillie de farine de châtaigne faite sur un feu clair dans une chaudière. Lorsqu'elle a suffisamment bouilli, on la retire du feu, on décante l'eau qui surnage, et on pétrit la farine avec l'eau qui reste, en la remuant avec un gros bâton. On la réunit en forme de pain avec une spatule de bois; on remet le chaudron sur le feu pour un instant, après quoi on renverse la polenta snr une nappe étendue sur une table, et qu'on a saupoudrée de la même farine, pour qu'elle ne s'y attache pas. Lorsqu'on veut en faire la distri- bution on la coupe en tranches avec un fil. Le castagnaccio est une sorte de bouillie épaisse, faite avec de la farine de châtaigne délayée à l’eau avec des pignons et des raisins secs. On verse le tout dans une tourtière, on étend une légère couche d'huile fine par-dessus, et on la met au four. Quand on l'en retire, le castagnaccio ressemble aw 488 . NOUVEAU TRAITÉ flan à la frangipane à l'extérieur ; l'intérieur a la couleur du chocolat. Chocolat de Châtaignes, de Lieutaud. Choisissez de gros marrons dépouillés de leur écorce et de leur pellicule. Faites-les bouillir dans huit onces de lait. Après avoir passé la pulpe, vous la remettez sur le feu, et vous la faites bouillir avec suffisante quantité de lait et de sucre, en y ajoutant un peu de cannelle. Vous agitez ensuite cette espèce de bouillie dans la chocolatière pour la rendre mousseuse. Lieutaud donnait ce chocolat de châtaignes aux convales- cens, aux personnes délicates et affaiblies. Le docteur Bodard fait un grand éloge d’une sorte de cho- colat analeptique préparé avec six onces de marrons dessé- chés, torréfiés et finement pulvérisés, six onces de cacao, et quatre onces de sucre. On l'aromatise avec un peu de vanille ou de cannelle. Ce chocolat est infiniment plus léger que le chocolat com- posé de cacao pur, à raison de la matière huileuse qui sur- abonde dans ce dernier. Nous osons assurer, dit M. Bodard, que s'il est une espèce de chocolat qu'on doive appeler chocolat de santé, chocolat des convalescens, chocolat analeptique, c'est celui qui contient le moins de beurre de cacao, celui qui est combiné avec un aromate doux, et avec une substance nourrissante et légère, telle que la fécule de marron préparée avec soin. Il se fait à Genève une grande consommation de châtaignes. Les coteaux de Chambéry approvisionnent ses marchés tout l'hiver. Les dames aiment surtout cet aliment qui entretient leur fraicheur et leur embonpoint. Elles déjeunent avec du DES PLANTES USUELLES. 489 café à la crème et des œufs frais, elles dinent convenable- ment, et quelques heures après elles goûtent avec du café au lait, dans lequel elles mêlent des marrons bouillis, épluchés et réduits en pâte. On voit qu'elles peuvent attendre patiem- ment l'heure de la cène. Marrons à l’espagnole. Vous prenez cinquante beaux marrons dépouillés de leur double enveloppe; vous les mettez dans une casserole avec un bon morceau de beurre frais, quatre cuillerées de sauce espagnole, deux verres de consommé, une feuille de laurier et un tant soit peu de muscade râpée. Vous faites bouillir les marrons pendant une demi-heure; ensuite vous les retirez de leur sauce, pour les mettre dans une autre casserole. Vous laissez réduire la sauce, et vous la passez à l'étamine sur les marrons : au moment de servir, vous les dressez sur le plat avec la sauce. Le marron est aujourdhui un aliment à la mode. Si vous entrez dans nos grands magasins, vous y trouverez de la fécule de marrons, avec laquelle vous pourrez préparer des flans , des crèmes , des soufflés, des gâteaux, de la ga- lette, etc. Parée de Marrons. Si vous craignez que le marchand ne vous donne par mé- garde de la farine de pommes de terre, ou toute autre fécule, au lieu de celle de châtaignes, vous n’avez qu’à prendre des marrons tels que la nature les produit, vous en ferez une sorte de purée avec du consommé, et si elle est trop épaisse, vous la mouillerez avec un peu de crème. Au moment 490 NOUVEAU TRAITÉ de la servir, n'oubliez pas d'y ajouter un bon morceau de beurre fin. C'est une nourriture douce, restaurante, et d’une digestion facile pour les hommes épuisés par de longues maladies, par le travail du cabinet, par les veilles, par l'abus des plaisirs du monde. Potage aux Marrons. Vous pouvez encore préparer des garbures, d’excellens potages avec les marrons, en les faisant cuire dans un con- sommé, avec des carottes, des ognons, un peu de gérofle, un peu de poivre et une feuille de laurier. Vous choisissez des marrons de Limoges, ils sont meilleurs pour le potage que ceux du Lyonnais ou de la Drôme. C'est une garbure sans façon. Mais si vous êtes un tant soit peu gourmand, si vous la voulez plus corsée, plus sub- stantielle, plus savoureuse, vous mettrez au fond de votre casserole des tranches de veau, des bardes de lard, deux feuilles de laurier, trois clous de gérofle, des carottes, des ognons et quelques branches de céleri. Vous recouvrirez de bardes de lard vos marrons assaisonnés de poivre, vous les mouillerez avec du bouillon, et vous les laisserez mijoter environ une heure. Quand ils seront cuits, vous les égoutterez, vous les couperez en deux, et vous mettrez dans votre plat un lit de pain, un lit de marrons, jusqu'à ce que votre plat soit au comble. Vous formerez plusieurs cordons de marrons sur votre garbure , vous passerez le bouillon dans lequel ils ont cuit, vous arroserez la garbure , et la laisserez bouillir jusqu'à ce qu'elle soit gratinée. Vous servirez en mème temps un pot de bouillon. Les cuisiniers de profession, les véritables artistes, ap- DES PLANTES USUELLES. 491 pellent cette espèce de potage garbure à la Polignac. Mangez … peu de cette garbure, si elle est accompagnée de petits plats, de quelques mets fins, votre estomac les savourera mieux. Un potage bien fait est sans doute une chose excellente, mais les hommes d'une haute friandise en font peu de cas. Les voilà en route, dans un chemin de fleurs ; ils veulent les flairer une à une, et jouir jusqu à la fin du voyage. Prenez garde! toutes les fleurs ne sont point salutaires, il s'y mêle quel- quefois de dangereux poisons. Laissons un moment la classe gourmande, et revenons à ceux qui mangent pour vivre, pour réparer les pertes conti- nuelles du corps. Oh! ceux-là ne sont point difficiles, et ils dineront à merveille avec un plat de marrons et de choux. C'est une sorte de régal pour les Allemands, les Alsaciens , les Limousins, les Auvergnats. Donnez-leur des choux, des marrons et du lard, ils vous abandonneront les becfigues, les ortolans et les bécasses. J'ai mangé plusieurs fois chez un banquier prussien des choux de Bruxelles cuits avec des mar- rons ; je ne sais si vous trouveriez de votre goût ce mélange un peu tudesque ; pour moi, qui suis passablement rustique, j'en ai conservé un agréable souvenir. Voyez-vous ces nombreux convives groupés autour d'une table ronde? Ils célèbrent la Saint-Antoine; c’est la fête du chef de la maison. Quel est cet oiseau tout fumant dont les membres tombent sous le couteau fraîchement repassé? Pour- riez-vous compter toutes les truffes jaunes qui s'échappent de ses vastes flancs? Ces truffes ne viennent point du Périgord, ce sont des marrons de Lyon. Cet oiseau est une grosse dinde engraissée dans la ferme avec des châtaignes communes et de la farine d'orge. Comme tout le monde est à l’œuvre ! Quelle gaité franche ! quel contentement! L'air frais de la campagne, #92 NOUVEAU TRAITÉ le travail des champs , ont doublé, triplé la puissance diges- tive. Encore quelques minutes, et tous les marrons, et toute la farce auront disparu, et vous ne verréz que la carcasse de la dinde. Enfin un énorme plat de riz au lait vient termmer le repas solennel. Le Mâcon coule à plein verre, on trinque, on rit, on chante, on s'embrasse à la ronde. Eh quoi! vous tremblez pour les suites de cette bruyante fête ! Ne craignez rien, tous ces estomacs sont à l'abri de l'imdigestion, et la gaîté va leur donner une nouvelle énergie. On farcit encore l’oie, le canard, et même la poularde avec des châtaignes. Ces fruits s’imprègnent de leur graisse et en sont plus délicats. Un joyeux économiste vante beaucoup la poularde bourrée de marrons. C’est, dit-il, le cibus Deorum. Je lui abandonne l'oie volontiers, mais je demande grâce pour la poularde, surtout si elle est fine, si elle vient de La Flèche où du pays de Caux. La châtaigne ne la parfume pas comme la truffe; elle lui enlève son suc, et ce n'est plus qu'une volaille ordinaire des environs de Paris. La bonne châtaigne passe de la table de l'homme à la basse-cour. Tous les bestiaux la recherchent; elle engraisse les chevaux, les vaches, les chèvres, les pores et la volaille. C'est la châtaigne qui donne aux jambons de Bayonne cette saveur douce et fine qui les distingue des jambons du Nord. La poularde et la dinde, nourries avec des marrons, ont une chair délicate qui fait les délices du gourmand. Dans une de mes herborisations à Morfontame, M. Levas- seur, riche et honnète fermier de ce pays, m'a offert une dinde engraissée dans sa basse-cour avec des châtaignes. Elle était exquise, d'un goût parfait. L’amphitryon regrettait pourtant de n'avoir pu la farcir de ces mêmes fruits. J'eus beaucoup de peine à le convaincre que cette farce de marrons aurait altéré la finesse de sa dmde. DES PLANTES USUELLES. 493 Les bêtes fauves , le sanglier, le chevreuil, le cerf, recher- chent également les châtaignes sauvages des forêts. Dans les pays où le gland et la châtaigne abondent, le sanglier a une saveur délicieuse. Les anciens connaissaient plusieurs espèces ou variétés de châtaignes. Philotime observe, dans son Traité des Ali- mens, que les châtaignes plates de Sardes, en Lydie, se di- gèrent difficilement lorsqu'elles sont crues. Dioclès dit qu'elles sont venteuses, et qu'il faut les faire griller. Pline (lib. 15, cap. 23) donne à cette espèce de châtaigne le nom de Sar- dianus balanus. Virgile appelle les châtaignes Castaneæ hirsutæ. Les gené- vriers et les Châtaigniers nous offrent leur dépouille. Stant et junipert et castaneæ hirsutæ. (Eclog. 7.) Je choisirai moi-même, dit Corydon au bel Alexis, ces fruits blancs que couvre un léger duvet : je n'oublierat point les châtaignes que mon Amaryllis aimait tant. Ipse ego cana legam tenera lanugine male, Castaneasque nuces , mea quas Amary lis amabat. (Eclog. 2.) La culture du Châtaignier est trop négligée en France. La destruction des Châtaigneraies et d'un grand nombre de nos forêts n’est pas une des moindres causes des changemens que nous éprouvons dans la température. M. Tollard fait observer avec raison que cette partie de l'économie mérite une atten- tion sérieuse, puisque le bois devient rare et très cher en France. La dégradation des forêts était déjà ancienne, mais notre première révolution y a mis le comble. Il est bien temps 49% NOUVEAU TRAITÉ de semer et de planter des arbres. Le Châtaignier est un de ceux dont on doit spécialement encourager la propagation. Une foule de collines nues, de landes et de terrains incultes peuvent être consacrés à ce genre de culture, et offrir mille ressources aux habitans des campagnes ainsi qu'aux pro- priétaires. CHATAIGNIER NAIN. CASTANEA PUMILA. Castanea pumila. LAM. Eneycl. Bot. 709. DEsr. Arbr. 2, 500.— Fagus pumila. Lin. Spec. 1416.—CATESBY. Carol. 1.1. 9. Cette espèce forme un arbrisseau rameux, irrégulier, et qui ne s'élève ordinairement qu'à huit ou dix pieds de hau- teur dans son pays natal. Ses feuilles ressemblent beaucoup à celles de notre Châtaignier ; elles sont ovales, lancéolées, lisses et très glabres en dessus, légèrement cotonneuses et blanchâtres en dessous, bordées de dents obtuses. Les fruits sont des capsules ovales, coniques, hérissées d'épines, s’ouvrant par deux valves, et ne renfermant qu'une seule amande. Ce Châtaignier, originaire de l'Amérique septentrionale, se nomme vulgairement Chincapin. Il donne des châtaignes très petites, mais d'une saveur fine et sucrée. On le cultive dans quelques jardins. Il se plaît à l'ombre et dans le terreau de bruyère. Comme il est très rustique, sa culture réussirait parfaitement dans les départemens du Nord. DES PLANTES USUELLES. 495 CHÈNE. QUERCUS. Fleurs monoïques. Fleurs mâles : chatons läches et pen- dans ; périgone découpé; cinq à dix étamines. Fleurs fe- melles : involucre composé d'écailles inbriquées, réunies en une cupule hémisphérique et coriace. Périgone adhérent à l'ovaire, à six lobes. Ovaire à trois loges ; un style renflé à sa base, très court; trois stigmates réfléchis. Noix (gland) ovoïde, lisse, uniloculaire, monosperme, entourée à sa base par la cupule. CHÈNE A GRAPPES. QUERCUS RACE MOS A. Quercus racemosa. Lam. Encyel. Bot. 1. 715. DC. F1. Fr. 2116. — Quercus pedunculaia. HoFrrM. Ger. 2. 254. — Quercus robur. Lin. Spec. 1414. LAPEYR. Plant. Pyr. 2. 581. Dunam. Ed. Nov. 7. 176. t. 52. C’est un des plus beaux arbres de nos forêts. Il se fait re- marquer par sa haute tige, par ses formes robustes, par sa cime ample et majestueuse. Son tronc est revêtu d'une écorce épaisse, raboteuse, brune à l'extérieur, rougeâtre intérieurement. Ses feuilles sont presque sessiles, oblongues, sinueuses, d'un vert foncé, plus larges au sommet quà la base , découpées en lobes obtus et un peu irréguliers. Les glands sont portés sur un long pédoncule, disposés en épi lâche et peu garni. La cupule est courte, grise, com- posée d'écailles. Le Chène à grappes se nomme vulgairement Roure ou Rouvre. Il abonde dans toutes les forêts de l'Europe. Son 496 NOUVEAU TRAITÉ bois, ferme, liant, élastique, se conserve pendant des siè- cles, et il acquiert avec les années une dureté presque égale à celle du fer. On le confond assez souvent avec le Chène sessile (Quercus sessiliflora), sous le nom de Roure, de Gra- velin, et plusieurs botanistes regardent même ces deux arbres comme deux simples variétés. Cet arbre majestueux a reçu les hommages de la plus haute antiquité. Les Grecs et les Romains l'avaient consacré à Jupiter; 1l était gardé et habité par les Dryades et les Hama- dryades. On lui avait attribué le pouvoir de rendre des ora- cles , et les couronnes que les Romains décernaient à celui qui avait sauvé la vie à un citoyen étaient de feuilles de Chène. Il nourrissait le gui sacré de nos pères ; 1l fut vénéré des Druides, chanté par les Bardes, et ensuite mutilé par leurs descendans. | Le Chêne tient le premier rang parmi les arbres écono- miques. Son bois fournit à nos constructions des matériaux durables , à nos foyers un excellent combustible. Son écorce donne le tan, si utile aux arts industriels, et ses glands en- graissent le porc, cet animal glouton, immonde, comme on l'appelle , et qui pourtant nourrit l'ingrat qui le calomnie, surtout l’homme laborieux, et fait les délices du gourmand. Le gland nourrissait même nos ancêtres ; mais nos palais délicats repoussent cet aliment un peu acerbe. Par la tor- réfaction et par des lavages répétés, on parvient pourtant à enlever son principe amer, et alors ce fruit devient doux et nutritif. Nos pères lui faisaient sans doute subir quelque préparation analogue, ou peut-être se nourrissaient-ils de quelques espèces de Chênes à glands doux, qu'on retrouve encore dans nos forêts. DES PLANTES USUELLES. 497 CHÊNE CERRIS. QUERCUS CERRIS. Quercus cerris. Lan. Spec. 1415. DC. FIL Fr, 2118. Desr. Arbr. 2. 509. — Quercus crinita. Lam. Encyel. Bot. 1. 718. Ce Chêne a le tronc ordinairement tortueux , contourné. Ses feuilles sont allongées, d'un vert luisant en dessus, blanchâtres et légèrement pubescentes en dessous, découpées profondément sur les côtés en lobes un peu écartés, aigus, entiers ou anguleux au sommet. Les pétioles sont accompa- gnés de stipules lâches, grêles, en forme d'alène. Les glands sont petits, sessiles, renfermés à moitié dans une cupule hérissée de filamens velus. Le Chène cerris croît dans les terrains pierreux et arides. On le trouve en Autriche, en Piémont et en France. Son fruit, grillé ou bouilli, a presque le goût de la châtaigne. On appelle une de ses variétés Chène crinite ( Quercus crinita), parce que la cupule de ses glands porte de longues soies velues. Le Chène de Bourgogne diffère de ces deux variétés par le tronc, plus droit, plus élevé; par ses feuilles , couvertes de soies blanches en dessous et pointillées en dessus ; par ses fruits, un peu pédonculés et rapprochés, au nombre de deux ou trois. Le Chène tauzin ou Chène angoumois { Quercus tauzu, Desf.) a beaucoup de rapport avec le Chène cerris; mais il en diffère par ses feuilles, hérissées en dessus, très coton- neuses en dessous; par ses glands, portés sur des pédon- cules axillaires, et par la cupule, qui n'est point hérissée IT, 32 498 NOUVEAU TRAITÉE comme celle du Cerris. L'écorce est employée au tannage, et les glands engraissent parfaitement les pores. Le professeur Desfontaines a réuni au Chêne tauzin le Chène des Pyrénées (Quercus pyrenaica, Wild. — Quercus stolonifera, Lapeyr. Fl. Pyr. t. 191.). Mais Lapeyrouse le regarde comme une espèce distincte, dont il serait avan- tageux d'étendre la culture. Il a des racmes traçantes qui poussent au loin des rejetons; des feuilles pétiolées, oblon- gues, sinuées, presque pinnatifides, couvertes en dessous de poils fasciculés. Il abonde dans les Basses-Pyrénées, de- puis Pau jusqu'à Bayonne, où il forme des bois entiers, mais principalement dans le pays basque, où 1l ést connu sous le nom d’Afmenza. Il croît sur le flanc et au pied des montagnes, et se pro- page avec une force et une rapidité incroyables, lorsqu'il rencontre un terrain frais et exposé au soleil. Son écorce est très épaisse, noire et gercée. On la préfère à toute autre pour le tannage. Il porte des galles grosses comme des noix, elliptiques, élégamment couronnées par une rangée circu- laire de dents proéminentes. Son bois est dur, noueux, excellent pour le chauffage, et son gland est également recherché pour la nourriture des pores. CHÊNE LIÉGE. QUERCUS SUBER. Quercus suber. Lan. Spec. 1413. Lam. Encycl. Bot. 723. DC. F1 Fr. 21922. Desr. Arbr. 2. 506. LAPEYR. Plant. Pyr. 2. 584. Duxam. Arbr. Ed. Nov. 7. 159. f. 45. Le Chêne liége ne s'élève guère qu'à la hauteur de vingt à trente pieds. Son tronc, quelquefois d'une grosseur consi- DES PLANTES USUEZLLES. 499 dérable, est revêtu d'une écorce épaisse, crevassée, spon-- gieuse, grisâtre, qui se détache d'elle-même et se renouvelle tous les dix à douze ans. Ses rameaux portent des feuilles assez grandes, ovales, coriaces, légèrement dentées, d’un vert foncé en dessus, plus pâles et cotonneuses en dessous. Les glands sont ovoides, portés sur de courts pédon- cules, et renfermés aux deux tiers dans une cupule conoïque, revêtue d'écailles tuberculeuses. Cet arbre conserve les feuilles toute l’année, croît sur les côtes de Barbarie, en Portugal, en Espagne, dans la Proven- ce, dans les Pyrénées orientales. Il se plaît dans les terrains secs et montueux. Il forme de grands bois autour du Boulou, de Céret , d'Arles, de Belle-Garde, etc. L’écorce des jeunes rameaux contient du tannin. On l'em- ployait autrefois pour réprimer les flux sanguins ou mu- queux. Nous ne parlons point du liége qu'on obtient du tronc de l'arbre parvenu à l’âge de vingt-cinq à trente ans; tout le monde connaît ses usages économiques. Les glands ont une saveur beaucoup moins âpre que ceux du Chène ordinaire. Dans les années de disette, ils ont servi d'aliment à la classe indigente. En Espagne, quelques per- sonnes les mangent après les avoir fait griller. Les porcs s’en nourrissent, ainsi que les bêtes fauves et divers oiseaux. On se plaint, avec raison, de ce que la culture du liége est trop négligée. Il est à craindre que cet arbre si utile ne disparaisse du sol de la France. 500 NOUVEAU TRAIÎTÉ CHÈNE YEUSE. QUERCUS ILEX. Quercus ilex. Lin. Spec. 1412. Lam. Encycl. Bot. 1, 722. DC. FL Fr. 2121. Desr. Arbr. 2. 506. LAPEYR. Plant. Pyr. 2. 583. — BLackw. Herb. t. 186. Ce Chène , qu'on appelle vulgairement Chéne vert, s'élève à une hauteur médiocre. Son tronc est revêtu d'une écorce brune, mince, légèrement gercée. Les feuilles sont dures, persistantes, blanches et cotonneuses en dessous, surtout dans leur jeunesse ; leur forme est très variable ; elles sont ovales ou arrondies, quelquefois aiguës , entières ou bordées de dents épineuses, et toujours pétiolées. Les glands sont pé- donculés, allongés et obtus. Le Chêne vert croît spontanément en Syrie, en Afrique, en Italie, en Espagne et dans les provinces méridionales de la France. On le trouve dans toutes les parties chaudes des Pyrénées orientales. Il se plaît dans les terrains secs, sablon- neux, aérés et exposés au nord. Son accroissement est très lent, mais il vit plusieurs siècles. Il donne, en Barbarie, un gland doux, agréable et nourrissant. On en fait une espèce de pain. Le Chêne alzina ( Quercus alzina, Lapeyr.) est un vrai Chène vert qui croît dans la Catalogne et dans la vallée d'Andorre. Il ne diffère de lVeuse que par ses glands acumi- nés, renfermés à moitié dans la cupule. C'est l’Alzina dolce des Catalans. On mange le fruit bouilli ou rôti, et on le mêle avec le pain. Malgré cette qualité précieuse, Lapeyrouse est loin de regarder l'Alzina comme une espèce distincte. Il à souvent mangé des glands des Jlex, et il en a trouvé de très DES PLANTES USUELLES. 01 doux et de très acerbes sur le même arbre. Les glands sont d'autant plus doux, que les arbres croissent à une exposition plus chaude; en sorte qu'à mesure qu'on s'enfonce dans la Catalogne, ils deviennent progressivement plus doux. La culture doit encore perfectionner ce fruit. Le gland du Chêne alzina a le goût des noisettes. L'écorce de l’Veuse sert à tanner les cuirs. Son bois est très serré et d’une longue durée ; on en fait des planches, des essieus, des leviers , des solives, etc. Le Chêne vert était connu des Romains. Pline dit qu'il y en avait un sur le Vatican, qui était plus ancien que la ville de Rome : Vetustior autem Urbe in Vaticano est ylex in qua talus œras lüteris Etruscis religione arborem jam tum dig- nam fuisse significat (Lab. 16, cap. 44.). Il parle aussi d'une Veuse que l’on voyait de son temps près de Tusculum, dans le voismage d'un bois consacré à Diane, et dont le tronc avait trente-cinq pieas de contour. Le Chène ballote (Quercus ballota, Desf.) croît en Espa- gne, en Portugal et dans les états d'Alger et de Maroc. Ses glands sont doux, sucrés et très nourrissans. On les mange crus ou grillés comme les châtaignes. Les habitans de l'Atlas s'en nourrissent une partie de l'année. On les vend sur les marchés de Tunis et d'Alger. On les mange également en Espagne et en Portugal. IT serait facile d’acclimater et de multiplier en France cet arbre intéressant. Il réussirait sur les montagnes de nes pro- vinces méridionales, dont la température approche de celle des lieux où il croît naturellement. Le Chène grec (Quercus esculus, Linn.), originaire d'Ita- lie et de la Dalmatie, est un petit arbre que l'on cultive dans quelques jardins. 11 a de la ressemblance avec le Chêne rou- 502 NOUVEAU TRAITÉ vre ; ses feuilles sont profondément découpées, ovales, allon- gées, élargies au sommet, d'un vert sombre en dessus, d’une couleur cendrée à leur revers. Ses glands sont doux ; on les mange rôtis ou bouillis. Propriétés médicinales et économiques du Chéne. Toutes les espèces de Chènes ont des propriétés analogues. Leurs différentes parties sont plus ou moins acerbes et as- tringentes. Les anciens employaient la décoction des feuilles et des cupules du gland pour réprimer les hémorrhagies, les fleurs blanches, les flux dysentériques, etc. Ce remède devait sans doute provoquer de graves accidens lorsque les organes étaient dans un état d'irritation et de spasme. Les astringens, les styptiques, les amers, sont des armes très difficiles à ma- nier ; la médecine domestique doit s’en servir avec circonspec- tion. L’écorce des branches contient beaucoup de tannin; elle a guéri quelques fièvres intermittentes, et, pendant nos dernières guerres maritimes , on a voulu la substituer au quinquina. Alphonse Leroy en composait avec quelques au- tres amers son quirquina français; mais ce remède , comme beaucoup d’autres fébrifuges, ne dura pas même jusqu'à la fin de la guerre. Les saules, les gentianes, les centaurées, les camomilles, sont nos meilleurs fébrifuges, lorsque la gravité des symptômes ne réclame point l'écorce du Pérou ou ses préparations alcalines. On doit réserver l'écorce de Chène pour les usages exté- rieurs. Elle agit alors avec énergie, et elle peut remplacer le quinquina dans beaucoup de circonstances. Cette écorce, pulvérisée et mêlée avec le muriate d’'ammoniaque, est un puissant remède contre le sphacèle. On l’applique égale- ment, mais sans addition de sel ammoniac, sur les hernies DES PLANTES USUELLES. 503 naissantes. Ce topique convient surtout aux hernies des enfans. Les glands du Chène ordinaire de nos forêts (Quercus robur, Linn.) ont depuis .quelque temps fixé l'attention des médecins et des économistes. M, Marx, médecin de Berlin, dit avoir guéri, avec ce remède fort simple, une foule d'en- fans affectés du carreau. On cueille les glands bien mûrs , on les dépouille de leurs enveloppes, on les coupe en quatre parties, on les torréfie légèrement, on les réduit en poudre, et on en fait une infusion dans l’eau, qu'on prend en guise de café. On y ajoute du sucre, et quelquefois un peu de Cacao. M. Hufeland a confirmé, par sa pratique particulière, l'efficacité de cette préparation. «Le café des glands, dit-il, est moins stimulant que le quinquina. Dans ces fruits, les principes astringens se trouvent unis à un principe oléa- gineux, qui tempère ce qu'ils pourraient avoir de trop irri- tant. C'est un excellent stomachique, dont les effets ne se bornent pas seulement à relever le ton des organes digestifs et du reste de la constitution ; 1l agit encore comme un très bon résolutif dans tous les cas d'obstructions mésentériques entretenues par la débilité. À toutes ces propriétés, le café de glands joint celle d'être nourrissant, comme le prouve l’embonpoint qui se développe chez les personnes qui en font usage. « Remercions Marx, ajoute le vétéran de la médecine alle- mande, de ce nouveau remède. Que d’enfans affectés du carreau n'a-f-1l par sauvés 1 L'infusion des glands est un de mes remèdes favoris contre l’atrophie mésentérique, le ra- chitis commençant, les engorgemens glanduleux , l’asthme et la toux. Continué pendant long-temps, c’est un des plus 50% NOUVEAU TRAITÉ puissans moyens que nous ayons pour détruire la disposition: scrophuleuse jusque dans ses racines les plus profondes. Je l'ai fait prendre plusieurs fois pendant six mois de suite avec un succès si complet, que je suis parvenu, sans autre se- cours, à dissiper les obstructions mésentériques du plus mau- vais caractère. » (Hufeland, Traité de la Maladie scrophu- leuse, traduit par M. le doctear Bousquet.) Quelques économistes ont voulu remplacer le café des îles par les glands torréfiés, mais ce café médicinal a trouvé peu d'amateurs. I lui a manqué l'huile volatile et cet arome divin que possède la fève d'Arabie ou de Bourbon. Toutefois, les glands, dépouillés de leurs principes acerbes, offrent un aliment sain, économique et nourrissant. M. le docteur Mottet a reconnu que le gland de nos forêts contient du tannin, de l'acide gallique, un peu de matière résineuse, de l'extractif amer, une très petite quantité d'huile grasse, du mucilage et de la fécule amilacée en grande proportion. Il a obtenu, par des procédés simples et peu dispendieux, une fécule dégagée des autres matériaux auxquels elle était unie. La torréfaction, les layvages à froid, ont été employés tour à tour. Les glands sur lesquels il a opéré étaient récens, parfai- tement mürs, bien pleins, nus et intacts, non germés. L'écorce se détachait facilement de l'amande. : Torréfaction. Pourvus de leur enveloppe "que lon doit avoir soin de fendre légèrement sur l'un de ses côtés, pour éviter l’explosion que la vaporisation de leur eau'pourraït pro- duire , et grillés, soit dans une poêle à rôtir les marrons, soit dans un brüloir cylindrique et fermé, semblable à ceux dont on se sert ordinairement pour la torréfaction des grains DES PLANTES USUELLES. 505 du cacao et du café, les glands exhalent une odeur agréable, non pas analogue à celle du café, mais à celle du cacao tor- réfié. Ils laissent suinter une petite quantité d'huile grasse, incolore, inodore, peu sapide, et deviennent de suite bons à manger, car ils ne conservent qu'une légère astringence, que l’on peut comparer à celle de la châtaigne crue. Décoction. Pour cette préparation et les suivantes, 1l ne faut pas se servir de vases ou autres ustensiles de cuivre ou de fer qui ne seraient pas étamés. La décoction des glands a donné des résultats plus satisfaisans encore. Dépouillés de leur enveloppe, puis bien lavés à l'eau froide , ils ont été soumis à une ébullition prolongée jusqu'à leur ramollissement complet dans de l'eau aiguisée par le sel de cuisine, en quantité proportionnée à celle des grains em- ployés, ce qu'on peut évaluer à peu près ainsi : glands sans enveloppe, une livre; sel, quatre onces ; eau commune, six livres. L'eau a pris une teinte rougeâtre, et, immédia- tement après l'opération, les glands étaient agréablement comestibles, presque dépourvus de toute saveur pro- noncée. Cependant, comme ils étaient assez colorés, et que quel- ques uns retenaient encore un peu d'amertume, on à fait suivre cette première opération de plusieurs lavages succes- sifs à l’eau chaude. On peut à volonté ou les employer de suite, soit en les saupoudrant d'un peu de sel blanc, soit en les apprè- tant de la même manière que les graines légumineuses (pois, haricots, fèves) , auprès desquelles 1ls peuvent occuper une place honorable, ou bien les faire sécher, et les conserver d'une année à l'autre. Lorsqu'ils sont secs, il suffit, pour les employer, de les traiter comme les légumes secs, c'est-à-dire de les faire trem- per durant vingt-quatre heures dans une suffisante quantité 506 NOUVEAU TRAITE d’eau froide; puis, lorsqu'ils sont gonflés et ramollis , de les égoutter avec soin. M. Mottet en a mangé avec plaisir ; mais 1l convient que leur digestion a été un peu laborieuse, inconvénient qui n’en serait peut-être pas un pour des estomacs plus robustes que le sien. Palvérisation. Préparés ainsi par l'eau salée, ces mêmes glands, séchés et devenus cassans, ont été réduits en pou- dre. Cette espèce de farine, délayée et cuite dans du lait, et convenablement assaisonnée, soit avec le sucre, soit avec le sel blanc, donne une bouillie de très facile digestion, fort agréable à manger et sans aucun arrière-goût. La propor- tion est de trois cuillerées à bouche pour un demi-setier de lait. Extraction de la fécule. La fécule du fruit du Chène n’exige pas, pour être obtenue de suite, pure et agréable, des procédés plus compliqués. Pour l'extraire, on dépouille le gland de toute enveloppe, et on le fait tremper pendant vingt-quatre heures dans une suffisante quantité d'eau froide ; puis on le réduit en pâte en l’écrasant dans un mortier avec un pilon de bois. On dispose cette pâte dans une terrine de grès, et on la délaie dans une grande quantité d'eau froide. On l’abandonne à l'air libre durant l’espace de cinq jours, sous l'influence d’une température de quinze degrés, au ther- momètre de Réaumur, afin de provoquer le mouvement de fermentation propre à la destruction du mucilage et à la séparation de la fécule. Le liquide qui surrage commençant à devenir mousseux et à prendre une saveur acidule "on le transvase avec soin, et on pétrit dans une eau nouvelle la matière qui occupe le fond du vase. Par ce procédé bien simple, et d’ailleurs généralement adopté pour l'extraction de toutes les fécules possibles, on DES PLANTES USUELLES. 507 obtient une matière amilacée d’un jaune grisâtre, d'un goût fade, visqueux et peu prononcé d'abord , mais qui (sans avoir été soumise à aucun lavage consécutif à son extraction, pour ainsi dire toute brute encore), séchée et cuite dans du lait sucré, se rapproche du chocolat par sa consistance, sa cou- leur, son odeur et sa saveur. La proportion est d'une cuillerée à bouche de fécule pour un demi-setier de lait. On voit, d'après ces expériences pleines d'intérêt, que le gland pourrait être d’une grande ressource dans les campa- gnes par un temps de disette. Au moyen de quelques pré- parations faciles , il offrirait mème une nourriture saine et substantielle. | L'histoire nous apprend que beaucoup de nations s'en nourrissaient anciennement. « Il est certain, dit Pline, que le gland est encore aujourd'hui la richesse de beaucoup de nations, qui même jouissent de la paix. Dans les temps de disette, on le réduit en farine après l'avoir séché, et l’on en fait une pâte qui tient lieu de pain. A présent encore, dans les Espagnes, le gland paraît sur les tables au second service. Rôti sous la cendre, il est plus doux. La loi des douze tables permet de ramasser le gland sur un fonds étranger. » Glan- des opes esse nunc quoque multarum genfium, etlam pace gaudentium, constat. Nec non et inopid frugum, arefactis moltur farina, spissaturque in paris usum, quin et hodieque per Hispanias , secundis mensis glans inseritar. Dulcior eadem in cinere tosta. Cautum est præterea lege XIT tabularum ut glandem in alienum fundum procidentem liceret colligere. (Lib. 16.) | Galien rapporte que , durant une longue famine, les habi- tans de son pays vécurent de giands. En 1709, les pauvres firent du pain avec la farine du gland de nos forêts. Quoique 508 NOUVEAU TRAITÉ ce pain fût très désagréable au goût, il s'en fit une grande consommation dans plusieurs provinces de France. Il serait facile de propager dans plusieurs de nos dépar- temens le Chêne à glands doux, qu'on pourrait encore per- fectionner par une culture imtelligente. Ces fruits nourris- sans viendraient alors se joindre à la châtaigne et à la pomme de terre pour écarter la faim des campagnes qui manqueraient de céréales. | Les glands doux remplaceraïent les glands acerbes de nos forêts pour la nourriture du porc, dont la chair deviendrait encore plus délicate. La table du porc est dans les bois ; c’est pour lui que la nature a semé le gland. Demandez à ce gourmand cosmopolite qui a parcouru l'Allemagne , la Belgique, la France et l'Espagne pour le plaisir de son estomac, demandez-lui quelle est la meilleure nourriture du porc; il vous répondra que cest le gland, surtout le gland doux d'Espagne. 11 vous dira que c’est le gland qui a fait la renommée des jambons de Mayence, des jambons de la Westphalie et de la Belgique. Mais 1l vous parlera longuement des jambons de Bayonne et de l'Estra- madure , et, si vous avez le temps de l'écouter, il prendra le porc à son enfance. Il vous montrera la truie flairant, ca- ressant les petits qu’elle vient de mettre au monde, se cou- chant près d'eux, et leur donnant ses mamelles gonflées de lait. Vous saurez quand il faudra châtrer le petit cochon, quels sont les alimens les plus convenables à sa jeunesse. Il vous tracera les règles de son éducation, de son régime dié- tétique ; il vous recommandera surtout de le rendre heureux, de le panser, de le soigner, de le caresser, enfin de le tenir dans un état constant de propreté qui lui donne un sommeil paisible. Une nourriture abondante, composée de farine DES PLANTES USUELLES. 209 d'orge, de glands, de châtaignes, peu d'exercice, le con- tentement et le sommeil, engraissent promptement le porc. Vivez à peu près de même, mangez des fécules, de la viande, de la brioche, dormez long-temps, vous aurez le même destin; la seule différence , c’est que vous mourrez de mort naturelle quand vous serez gras, au lieu que le pauvre porc sera impitoyablement égorgé. Après cette digression un peu singulière, il vous dira : Comparez les jambons des Basses-Pyrénées, ces jambons si doux, si agréables, si délicats, avec vos jambons de l'Oise, de la Seine, de la Marne, etc. ; les premiers se fondent dans la bouche et la parfument, les autres sont ordinairement durs, filandreux, âcres, indigestes. Et que serait-ce si vous goûtiez du jambon d'Espagne? Oui, les jambons les plus exquis, les premiers jambons du monde se inangent à Madrid ; ils viennent de l'Estramadure, où le porc est nourri avec du gland doux. Vous en trouverez peut-être à Paris, chez quel- que marchand, mais prenez garde qu'on ne vous donne en place des jambons de la Provence. On dit pourtant que cer- tas ministres fugrtifs en ont apporté à Paris quelques caisses : oh! ceux-là sont réservés pour nos hommes d'état un peu gour- mands. Que n'allez-vous faire un petit voyage en Espagne? C'est un pays si agréable à parcourir! On s'y bat, on s'y égorge, Je ne sais pour quelle constitution. Si vous partez, soyez sage, oubliez ce qu'on fait et même ce qu'on dit en France, et ne soyez que gastronome, c’est un beau caractère qui vous servira d'égide au milieu de toutes ces hordes belli- gérantes. Vous avez une mission importante à remplir, mais elle est toute pacifique ; vous voulez savoir si les jambons de l'Estramadure sont les premiers jambons des deux hémi- sphères ; l'académie des gourmands vous a chargé d'aller faire des expériences sur les lieux mêmes, et de lui en présenter 510 NOUVEAU TRAITÉ un rapport fidèle et détaillé. Les combattans respecteront le député d'un corps aussi illustre, ils ouvriront leurs rangs, et vous arriverez à Madrid sain et sauf. Nous avons dit un mot des jambons de la Provence. Certes, nous n'avons pas voulu les déprécier, car ils sont très savou- reux, et ils égalent presque ceux de Bayonne. Dans tous les pays de forêts, dans les Vosges, dans la Lorraine, à Nancy, à Saint-Mihiel , à Metz, à Strasbourg, etc., on a d’excellens jambons, et l’on pourrait en avoir partout, si le porc était soigné et nourri convenablement. Les anciens, et surtout les Romains, estimaient parti- culièrement et savaient engraisser le pore, que Tacite a pour- tant traité d'animal ignavum; mais Varron n'était point de son avis; il pensait que le cochon nous a été donné par la nature pour faire bonne chère : Suillum pecus donatum natura dicunt ad epulandum. Juvénal s'exprime à peu près de même. Le porc, dit-il, est né pour les festins : Animal propter con- vivia natum. Les jambons succulens étaient réservés pour la classe riche et gourmande, pour les avocats qui allaient à l'audience dans un char. Mais les pauvres petits avocats n'avaient pour tout salaire que des jambons desséchés. « Allons, crie, mal- heureux; brise tes poumons. Quel sera le prix de tes gla- pissemens? un jambon desséché, quelques poissons bour- beux, de vieux ognons dont les Africains gratifient leurs esclaves. » Quod vocis pretium ? siccus petasunculus , et vas Pelamidum ; aut veteres, Afrorum epimenta, bulbi. (Sat. 7.) Allons, malheureux, parle, échauffe-toi, fulmine ; Que des cris déchirans te brisent la poitrine, DES PLANTES USUELLES. oi Pour voir, à ton retour, un futile laurier Orner de ta maison le rapide escalier. Que va t’offrir l’ingrat qui te doit d’être libre ? Cinq bouteilles d’un vin arrivé par le Tibre, De vieux ognons d'Égypte, un jambon desséché, Ou quelque vil poisson dans la bourbe pêché. ( Traduction de L. V. Raour..) Les cochons de lait étaient aussi fort recherchés. Horace les aimait, et il en régalait ses amis les jours de fête. Les disciples d'Apicius faisaient venir des jambons d'Espagne. Ils trouvaient cmquante saveurs à la chair du porc; ils esti- maient particulièrement le ventre, les rognons, les lombes, et surtout la vulve de la truie : vulea ml dulcius ampla. Dans leur rage de gourmandise, ils faisaient souffrir à ces animaux toute sorte de tortures. Ils tuaient les porcs avec des broches rougies au feu, afin que le sang s'épanchât dans la chair et la rendit plus délicate. Ils avaient des sangliers qui pesaient un millier, apri müilliaru. On préférait ceux d'Ombrie, et on les servait entiers sur la table: leurs lombes étaient la partie la plus savoureuse. On appelait porcus trojanus un cochon entier farci d'autres animaux, comme le cheval de Troie renfermait des guerriers dans son ventre. Les Grecs faisaient beaucoup de cas des jambons de Syra- cuse. Îls mangeaient, comme les Romains, le porc farci et rôti. [ls le remplissaient de grives, de volailles, de tranches de vulve , de jaunes d'œufs et de hachis de viandes assaisonnées de poivre. Ce porc, dit un gourmand dans Athénée, fondait sous la dent. À ces traits de gloutonnerie antique, notre front rougit presque, et nous éprouvons une sorte d'embarras en les met- tant sous les yeux du lecteur. Mais, dans un ouvrage comme le nôtre, on ne doit point négliger les mauvaises traditions 512 NOUVEAU TRAITÉ gastronomiques, elles nous font rechercher davantage les douceurs d'une vie simple et réglée, et nous inspirent l'amour de la tempérance. Les temps modernes nous offrent, au reste, des exemples de gourmandise non moins révoltans, et tous les jours les excès de la table font des victimes. Un gastrophile, que la nature avait doué d'un appétit grandiose, et d'une force d'Hercule, disait assez souvent : je voudrais mourir à table les armes à la main. Il y est mort. Portrait de Gastrophile. Il fait quatre repas, il boit largement, il digère , il pense peu, il dort. Toutes ses facultés sont dans son estomac. Digérer pour vivre, vivre pour digérer, voilà toutes ses occupations, tous ses travaux, tous ses goûts, 1l ne conçoit pas qu'on puisse en avoir d'autres; il irait au concert, au spectacle, s'il y trouvait son couvert mis, et surtout si l'on y faisait bonne chère. Voici Gastrophile. Remarquez sa carrure , son teint fleuri, son menton tombant par étages, ses lèvres épaisses, ver- meilles, sa bouche entr'ouverte, comme si elle voulait humer les vapeurs d'un ragoût; voyez son ventre d'une rotondité classique. Il s’avance. Sa démarche est majestueuse, caden- cée; son œil est humide de plaisir; 1l sourit, il fredonne une chanson nouvelle; il va diner. La nature lui a fait un gaster invincible ; les substances les plus solides ne sont qu'un jeu pour sa puissance digestive. On lui donne, pour l’amuser, la noix de six côtelettes, deux filets de chevreuil et un salmis de perdreaux. Îl s’indigne d’un combat trop inégal, 1l veut se mesurer avec des morceaux plus dignes de lui. Enfin on lui DES PLANTES USUELLES. 213 sert un jambon de Bayonne, imprégné de vin de Madère. Il rassemble ses forces, 1l lutte corps à corps avec cette magni- fique pièce ; il l'attaque au cœur et dans ses parties les plus sayoureuses , 1l la réduit à quelques débris. Le combat a été rude, mais la victoire n'a pas été un moment indécise. Pourtant Gastrophile fait une pause, il sue, il pâlit pour la première fois à table. Il demande un gâteau flamand et un fromage à la glace. Eh bien ! cet athlète, vainqueur pendant quarante ans dans la salle à manger, est tombé sous la table, comme un vaste chêne, déraciné par l'ouragan , tombe dans la forêt. Il y a loin des repas d’Apiaius et de Gastrophile au petit festin offert à Jupiter et à Mercure par Philémon et Baucis. Ils leur avaient pourtant donné un morceau de jambon, etsans doute le porc qui l'avait fourni avait mangé du gland. Laissons raconter par Ovide lui-même les apprêts de ce rustique repas. Ce sera une halte agréable pour notre lecteur, un peu fatigué de riche gastronomie. at Baucis épluche les légumes que son mari vient de cueillir dans son petit jardin, et les sépare avec som des mauvaises herbes. Le vieux Philémon détache avec une fourche le dos d'un pourceau pendu à une poutre de sa cabane, et noirei par la fumée. Il coupe un morceau de ce lard con- servé depuis long-temps, et le jette dans l’eau bouillante... Au milieu de la cabane était un lit garni de foin et de feuilles, il était de bois de saule ainsi que ses colonnes. Il le couvre d'un tapis dont il ne se servait que les jours de fête; mais ce tapis était vieux, grossier et digne du lit qu'on en -voulait parer. Les dieux s’y placèrent. IUT. 33 514% NOUVEAU TRAITÉ Baucis, retroussant sa robe, prépare le couvert d'une main tremblante. Le troisième pied de la table n'était pas de la lon- gueur des autres ; une brique le rendit égal et l’assura. Baucis en égala les appuis chancelans Du débris d’un vieux vase, autre injure des ans. (La Foxraine.) Elle l’essuie, la frotte d'herbes odoriférantes, et sert des olives conservées dans du vin, de la chicorée, des raves, du fromage blanc et des œufs cuits sous la cendre. Tous ces mets sont dans des plats de terre. Ils apportent ensuite un vase pareillement d'argile, et des tasses de hêtre, dont le dedans est propre et bien ciré. Aussitôt après Baucis sert le potage qu'elle tire du feu. Le vin qu'ils présentent ne date pas de long-temps. Le premier service éloigné fit place au dessert. Il était composé de noix, de figues sèches, de dattes, de prunes, de pommes qu'ils tenaient dans des paniers, et deraisins nou- vellement cueillis. Un plat de miel blanc était au milieu. Leur contentement l'emportait sur tout; car le bon cœur du pauvre fait le prix de ce qu'il donne. Cependant ils s’aperçoivent que le vin, loin de diminuer dans le vase, augmente toutes les fois qu'on en puise. Étonnés de ce prodige, Baucis et son timide époux , les mains jointes, se mettent à prier, et demandent pardon à leurs hôtes de leur avoir présenté des mets si grossiers avec si peu d'apprêt. UPPER - : Super omnia vultus Accessere boni : nec iners pauperque volontas. Inierea, quoties haustum, cratera repleri Sponte sua, per seque vident succrescere vina : Ationiti novitate pavent , manibusque Supinis Corcipiunt Baucisque preces timidusque Philemon. (Ov. Met. lib. 8.) DES PLANTES USUELLES. 515 C'est la peinture simple et naïve des premiers âges ; Ovide, à qui l’on reproche de n'être qu'un poète ingénieux, y a ré- pandu beaucoup de charme. NOISETIER. CORYLUS. Fleurs monoïques. Fleurs mâles : chatons cylindriques, pendans, écailles imbriquées , velues, à trois lobes; le lobe moyen plus grand, recouvrant les deux autres. Huit éta- mines attachées à la base de chaque écaille ; anthères à une loge. Fleurs femelles réunies en petits paquets dans un bourgeon écailleux. Deux styles. Un involucre coriace per- sistant, lacéré au sommet, enveloppant une noix lisse, oyoiïde , tronquée à sa base, monosperme, à coque ligneuse. NOISETIER COMMUN. CORYLUS AVELLANA. Corylus avellana. Lan. Spec. 1417. Lam. Encycl. Bot. 4. 496. Tlustr. t. 780. DC. FIL Fr. 2115. Desr. Arbr. 2. 538. CHEV. F1. Par. 2. 350. Engl. Bot. 723. C'est un arbrisseau d'une taille moyenne, dont la tige droite, tachetée, se divise en rameaux flexibles, garnis de feuilles alternes, pétiolées, arrondies, cordiformes , dentées sur les bords, terminées par une espèce de languette, d'un beau vert en dessus, blanchâtres et pubescentes en des- sous, accompagnées de stipules ovales, obtuses. Les chatons mâles naissent trois à quatre ensemble sur un pédoncule rameux, et s’'épanouissent à la fin de l'hiver. Les fleurs femelles viennent par groupes de cinq ou six et pro- 516 NOUVEAU TRAITÉ duisent des noix ovoïdes , tronquées à leur base, à coque ligneuse, lisse, flavescente, renfermant une amande ferme et arrondie. Le Noisetier ou Coudrier croît abondamment dans les haies, dans les bois, au bord des taillis, au nord comme au midi de la France. Dans l’état sauvage il donne des noisettes petites, blanches, d’une saveur douce, agréable. Parmi les variétés cultivées on distingue le Noisetier franc à gros fruits, recouverts d'une pellicule blanche, et le Noisetier à fruits rouges. On multiplie les Noisetiers de graines, de drageons et de boutures. Ils sont peu délicats sur la nature des terrains; ils viennent mieux cependant sur un sol léger et frais. On les plante en espalier ou en buisson; leur beau feuillage sied bien dans les bosquets, dans les allées ombragées. Le Coudrier est plus utile à l’économie domestique qu'à la médecine; cependant les noisettes donnent une huile douce, agréable, anodine, légèrement odorante, qui peut remplacer l'huile d'amandes douces. Les racines de l'arbris- seau contiennent dans leur écorce un principe astringent, faiblement fébrifuge. Les noisettes récentes et bien müres sont nutritives, agréables à manger, mais un peu indigestes pour un esto- mac faible et délicat. C’est l'aliment du pâtre, du bücheron, des enfans du hameau, et des écoliers en vacances. Il faut les voir le dimanche, au milieu des haies, au bord de la forêt. Comme ils se délectent en mangeant des noisettes avec du pain bis! Ils ne craignent point l'indigestion. La jeune paysane, au corset cramoisi, se met aussi en quête en sor- tant de la messe , et les pauvres Coudriers sont bientôt dé- pouillés , brisés, mutilés par cette petite horde de sauvages affamés. Qui, je crois encore entendre le craquement des DES PLANTES USUELLES. 517 branches dans la forêt d'Ermenonville, ou dans la vallée de Dampierre. Le plus petit arbuste, cruellement, inutilement brisé, me fait tressaillir. La grosse aveline qu'on obtient par la culture paraît au dessert sur les meilleures tables ; elle accompagne ordinaire- ment les amandes à coque tendre, les raisins de Malaga et les figues de la Provence. Les confiseurs les recouvrent de sucre , et en font d'agréables dragées. Les Chinois expriment de l’'amande du Noisetier une huile douce qu'ils mêlent à leur infusion de thé. En Europe on se servirait de cette boisson huileuse pour arrêter les ra- vages de certains poisons. On voit que chaque pays a ses goûts et ses besoins particuliers. La nature l'a voulu ainsi. Les meilleures avelines viennent de Naples et de Constan- tinople. Le nom d’aveline (avellana) qu'on donne à ce fruit, lui vient du territoire de la ville d'Abella ou Avella, dans la Campanie, aujourdhui Avellano. Ce pays est encore re- nommé pour les bonnes noisettes ou avelines. On les appe- lait aussi petites noix de Préneste. Athénée donne à ce fruit le nom de Karia. Les Romains connaissaient anciennement les noisettes et en faisaient beaucoup de cas. Le Noisetier, d'après Virgile, croissait au bord des bois, sous l'ombrage de l’orme. « As- seyons-nous ici entre ces ormes mêlés de Coudriers. » Hic corylis mixtas inter considimus ulmos. (Eclog. 5.) Phyllis aime le Coudrier; et tant qu'elle l’aimera, le Cou- drier ne le cédera ni au myrte, ni au laurier. Phyllis amat corylos ; illas dum Phyllis amabrt, Nec myrius vincet corylos, nec laurea Phæbr. ( Eclog. 7) 518 NOUVEAU TRAITÉ Le Coudrier est propre à plusieurs usages économiques. Son bois est recherché par les ébénistes et par les vaniers: il fournit des tasses, des étuis, de petits cerceaux, des claies, etc. Il végète rapidement dans les taillis, et il abrite un oiseau célèbre par l'excellence de sa chair, la gélinotte ( Tetrao bo- nasia, Linn.); ce qui a fait donner à cet oiseau le nom de gélinotte des Coudriers. Les chasseurs friands qui ont étudié les habitudes de la gélinotte, et qui l'ont tuée ensuite pour le plaisir de leur estomac, disent qu'elle aime la solitude et la rèverie, qu'elle se plaït dans l'épaisseur et le silence des bois; qu'on la trouve ordinairement sur la mousse au pied du Noisetier où elle béquette les fruits qui tombent de l’ar- brisseau ; que sa chair est exquise, et qu'elle a quatre cou- leurs différentes. Albert-le-Grand n’en compte que deux. Les Hongrois l'appellent l'oiseau de César, c'est-à-dire morceau de roi. En Allemagne la gélinotte est le seul gibier qu'il soit permis de servir deux fois de suite sur la table des princes. On la trouve en France, dans le Nord et jusqu'en Sibérie. Les Russes que la civilisation a rendus fort aimables et très friands l'ont en grande estime. Cet oiseau était rare et d’un baut prix à Rome. On l'y apportait dans des cages , au rap- port de Varron. Les Romains en recevaient aussi de la Lydie et de l'Égypte. DES PLANTES USU£SLLES. 519 NOISETIER DE BYSANCE. CORYLUS COLURNA. Corylus colurna. Lann. Spec. 1427. Lam. Encycl. Bot. 4. 496. Desr Arbr.2. 539. — Ævellana peregrina hu- milis. BAuH. Pin. 418. — Avellana pumila bysantina. Czus. Hist. 1. 11. Ce Noisetier est beaucoup plus grand, plus fort que le Noisetier commun. C’est même, dit le professeur Desfon- taines, un bel arbre, dont le bois peut être employé dans les constructions. Les feuilles sont ovales , arrondies, crénelées, velues en dessous, ainsi que sur leurs pétioles. Celles qui naissent à l'extrémité des branches sont assez généralement plus grandes que les autres. Elles ont à leur base des sti- pules linéaires, aiguës et caduques. L'involucre est grand, profondément découpé sur les bords ; il enveloppe entièrement le fruit qui est rond et fort gros. Cet arbre croît naturellement dans les environs de Con- stantinople. On le cultive depuis long-temps dans Les jardins, où il s'est parfaitement acelimaté. L'Écluse le cultiva le premier. Il lui fut envoyé de Constantmople en 1582. Les fruits que donne le Noisetier de Bysance sont gros, d'une saveur douce, agréable, et se conservent plus long- temps que les autres noisettes. L'Amérique septentrionale produit le Noisetier cornu (Corylus rostrata, Willd.), ainsi nommé à cause de l'enve- loppe de la noix, qui se prolonge en forme de corne. Crest 520 NOUVEAU TRAITÉ un petit arbrisseau qui réussit bien dans nos climats, et donne des fruits bons à manger. Il croît dans le Canada. Une autre espèce désignée par Walther et Michaux sous le nom de Noisetier d'Amérique ( Corylus americana) pour- rait également être cultivée avec succès dans nos jardins. Il donne dans son pays natal de fort bonnes noisettes. CHARME. CARPINUS. Fleurs monoïques. Fleurs mâles disposées en chatons al- longés, pendans. Écailles concaves, aiguës, ciliées. Huit à quinze étamines fort courtes ; anthères velues à leur sommet. Fleurs femelles, en chatons raboteux, lâches. Écailles pé- diculées, parsemées de veines en forme de réseau. Deux styles filiformes ; stigmates simples. Noix ovoide, luisante, uniloculaire, monosperme. CHARME COMMUN. CARPINUS BE TULUS. Carpinus betulus. Linn. Spec. 1416. Lam. Encycl. Bot. 1. 707. Illustr. t. 780. DC. FI. Fr. 2112. LAPEYR. Plant. Pyr. 2. 586. Desr. Arbr. 2. 493. MÉr. Nouv. Par. 611. Engl. Bot. 2032. Dunam. Arbr. Ed. Nov. 2. t. 58. C’est un arbre d’une hauteur moyenne, dont le tronc est revêtu d'une écorce unie, grisâtre , tachée de blanc. Ses ra- meaux portent des feuilles pétiolées , glabres, ovales, échan- crées à la base, nerveuses , ridées, comme plissées, double- ment dentées , et d'un vert luisant. Les Chatons femelles ‘sont lâches, composés d'écailles planes , coriaces et à trois lobes. DES PLANTES USUELLES. 521 Le Charme commun croît dans nos forêts où 1l se repro- duit par ses semences. On le cultive dans les parcs, dans les bosquets, et on le propage de graines et de boutures. Il vient dans presque tous les terrains, pourvu qu'ils aient de la profondeur. Lorsqu'on le plante dans un sol substantiel, sa croissance est rapide , et il s'élève jusqu'à la hauteur de cin- quante pieds. On sème les graines en automne, à l'ombre et au frais, aussitôt qu'elles ont été cueillies. Les unes lèvent au printemps, les autres l'année suivante. La médecine domestique demande rarement des secours à cet arbre; cependant sa racine, ses feuilles, et l'écorce de ses rameaux ont une propriété tonique et astringente. Son feuillage est précoce, léger et d’une agréable verdure. IL souffre le ciseau , et l’on en fait des haies, des palissades, des portiques. Qui ne connaît ces riantes charmilles, ces berceaux frais et mystérieux où l’homme des champs va quelquefois rêver le bonheur, au doux murmure des brises, au chant matinal des petits oiseaux? Son bois est blanc, dur, d'un grain uni, fin et serré. Le tourneur, le charron, le menuisier le recherchent; il brûle lentement, mais 1l donne une chaleur vive, une braise ar- dente. Quand on l’entaille au printemps, il suite de la plaie une grande quantité d'eau. Quelquefois on voit sortir des gerçures de l'écorce, sous la forme de filamens, une substance gommeuse, rougeâtre, soluble dans l'esprit de vin, et analogue à la lacque. Le liber donne une teinture jaune. Enfin tout plaît dans cet arbre; aussi dit-on familière- ment : QÏl se porte comme un Charme; 1 va comme un Charme; il brûle comme un Charme; il pousse comme un Charme. » Cr ko [Na NOUVEAU TRAITÉ # CHARME HOUBLON. CARPINUS OSTRY A. Carpinus ostrya. DEsr. Arbr. 2. 493. Lam. Encycl. Bot. 1. 709. Dunam. Arbr. Ed. Nov. t. 59. — Ostrya vul- garis. Wirro. Spec. 4. 468. Pers. Synop. Plant. 2. 573, — Ostrya italica carpinifolia. Mic. Gen. 293. t. 104, f. 1,2. C'est un arbre élégant qui a l'aspect du Charme ordinaire et à peu près sa hauteur, mais qui en diffère beaucoup par la fructification. Ses rameaux se couvrent de feuilles ovales, pointues, ridées , parsemées de nervures obliques, inégale- ment dentées, d'un vert agréable, portées sur des pétioles courts et pubescens. Les chatons mâles sont allongés, pendans et fasciculés. Les chatons femelles sont composés d'écailles enflées, fer- mées de toute part, velues à leur base, renfermant un fruit à deux loges. Le Charme houblon , ainsi nommé à cause de ses chatons femelles qui ressemblent en quelque sorte à ceux du hou- blon, croît naturellement en Italie. On le plante dans les bosquets, où il se fait remarquer par son joli feuillage. Son bois est uni, serré, d'une solidité extrême; aussi l’appelle- t-on Charme bois dur. Son écorce est un peu âpre et astrin- gente. Le Charme d'Orient (Carpinus orientalis), introduit en France par Tournefort, a des feuilles minces, légères, un peu plissées ; son tronc est noueux, et son bois très dur. On peut l'employer à divers usages économiques. Le Charme de Virginie (Carpinus americana) se fait DES PLANTES USUELLES. 023 remarquer par ses feuilles lisses, ovales, allongées, poin- tues, et par ses chatons grêles. Son bois est également so- lide et peut être employé aux mêmes usages que celui du Charme commun. Ces arbres utiles ne craignent point les froids rigoureux de nos climats. Ils mériteraient d'être plantés non seulement dans nos bosquets et dans nos parcs, mais encore dans nos forêts. Tous les terrains, toutes les expositions leur convien- nent. Leur culture est la même que celle du Charme ordi- naire. LIQUIDAMBAR. LIQUIDAMB AR. Fleurs monoïques. Fleurs mâles réunies en un chaton conique accompagné d'un involucre caduc, à quatre feuilles. Étamines nombreuses, très serrées ; anthères didymes. Fleurs femelles rapprochées en un chaton globuleux, également accompagné d'un involucre à quatre feuilles. Périgone en godet, glanduleux à son limbe. Deux capsules polyspermes , | à une loge. LIQUIDAMBAR D'AMÉRIQUE. LIQUIDAMBAR STYRACIFLUA. Liquidambar styraciflua. Lin. Syst. Veg. 718. Hort. Kew. 3. 365. Lam. Encycl. Bot. 3. 533. Desr. Arbr. 2. 541. Dunam. Arbr. Ed. Nov. 2. t. 20. —BLAckw. Herb. t. 485. Son tronc droit, élevé, porte une cime pyramidale. garnie d'un beau feuillage, imitant celui de lérable. Ses ra- meaux sont garnis de feuilles larges, pétiolées, palmées 524 NOUVEAU TRAITÉ vertes, un peu visqueuses, couvertes de poils roussâtres sur leurs nervures, à cinq lobes allongés, pointus, divergens, finement dentés dans leur contour. Ces feuilles, qui ne tom- bent qu’à la fin de l'automne, exhalent une forte odeur de bitume quand on les froisse, | Les fleurs sont disposées sur des grappes terminales, un peu plus courtes que les feuilles. Les fruits sont hérissés de pointes molles. Ce bel arbre croît naturellement dans les bois de la Vir- ginie, du Maryland, de la Pensylvanie. On le trouve aussi dans la Louisiane et dans la Caroline, où il donne une espèce de baume ou résine liquide qui porte le nom de Liquidambour. Ce suc découle des fentes de l'écorce ou des incisions qu'on y a pratiquées. On l’obtient aussi en faisant bouillir des portions de branches et des morceaux d'écorce. La résine qui en sort surnage à la surface de l'eau. Le Liquidambar qui suinte spontanément de l'écorce des rameaux ou des plaies qu’on y a faites est transparent, jau- nâtre, d'une odeur suave de benjoin, d'une saveur aroma- tique, mais un peu âcre. On le trouve rarement dans le commerce. Ce suc résineux jouit de la propriété stimulante des baumes et des résines. On en extrait une huile dont l'odeur est encore plus agréable. On le cultive dans les jardins comme un arbre d'orne- ment, et on le multiplie de drageons enracinés. Il vient fort bien en pleine terre dans nos climats, en l’abritant du froid dans sa jeunesse. Il aime les terrains légers et un peu hu- mides. SL © CA DES PLANTES USUELLES. LIQUIDAMBAR DÜ LEVANT. LIQUIDAMBAR ORIENTALIS. Liquidambar orientalis. LAm. Encycl. Bot. 3. 533. — Liquidambar imberbe. Desr. Arbr. 2. 541. Hort. Kew. 3. 365. Cet arbre se distingue du Liquidambar d'Amérique par ses feuilles moins grandes, à lobes plus courts et d'un vert glacé. Les jeunes rameaux ont l'écorce lisse et rougeñtre. Les feuilles sont alternes, pétiolées , palmées, glabres à leurs deux faces, à lobes obtus et dentelés. Les fruits sont plus petits, moins hérissés de pointes que ceux de l’espèce pré- cédente. Ce Liquidambar, originaire du Levant, est cultivé pour la décoration des bosquets, où il conserve long-temps son feuillage. On le propage de graines et de marcottes sur un sol un peu humide. Il produit un bel effet dans les planta- tions, mais il y est encore rare. Sa nature rustique le ferait prospérer partout. Cet arbre a été introduit en France par Peissonnel. Il croît abondamment à Smyrne, où il forme d'assez gros arbres. Ses feuilles exhalent une forte odeur de bitume lorsqu'on les presse avec les doigts. Quelques naturalistes pensent que cet arbre donne, dans le Levant, le storax calamite , résine odorante, sèche, qu’on nous envoie dans des feuilles de ro- seau. D’autres prétendent que cette substance découle par incision du styrax aliboufier (Styrax officinale, Linn.). Voyez la famille des Ébénactes où nous avons parlé du storax calamite. 526 NOUVEAU TRAITÉ Le Comptonia à feuilles d'asplénium (Comptonia asplenü- folia, Ait. — Liquidambar asplenufolium, Linn. ) ne forme qu'un arbuste de deux ou trois pieds, touffu et d’un beau feuillage. Ses rameaux sont velus, recouverts d’une écorce brune, un peu rougeâtre, garnis de feuilles alternes, oblon- gues, presque linéaires, agréablement ponctuées, découpées en lobes à peu près comme la doradille ou Asplenium ce- terach. Ce joli arbrisseau croît dans les lieux frais et ombragés de l'Amérique septentrionale. On le cultive dans les bosquets où il fleurit au printemps, et on le propage de semences, de rejetons et de marcottes. Il demande une terre de bruyère ombragée et humide. Comme celle de plusieurs Amentacées, son écorce est amère, tonique et astringente. On s’en sert aux États-Unis pour resserrer le tube intestinal. PLATANE. PLATANUS. Fleurs monoïques, disposées en chatons globuleux, les uns mâles, les autres femelles. Fleurs mâles : étamines nombreuses etécailles linéaires entremêlées ; anthères oblon- gues, tétragones, adnées aux filamens épaissis à leur som- met. Fleurs femelles : plusieurs ovaires, entourés d’écailles courtes et pubescentes, surmontés chacun d'un style persis- tant; stigmate recourbé. Graines en massue, hérissées de soles et terminées en pointe. DES PLANTES USUELLES. 927 PLATANE D'ORIENT. PLATANUS ORIENTALIS. Platanus orientalis. Wizo. Spec. 4. 473. Poir. Encycl. Bot. 5. 437. DEsr. Arbr. 2. 545. Dunam. Arbr. 2. t. 33. Lam. [llustr. t. 783. C'est un arbre magnifique, très élevé, dont le tronc se couronne d'une tête vaste, régulière et touflue. Son écorce est lisse, grisâtre ou cendrée, nuancée de jaune. Elle s’ex- fohe, et tombe par plaques tous les ans, pendant l'été; celle des jeunes branches est brune, un peu purpurine. Les feuilles sont alternes, grandes, épaisses, d’un beau vert, pubescentes en dessous, divisées en lobes profonds, à dente- lures aiguës sur les bords, traversées par des nervures sail- lantes, jaunâtres, soutenues par des pétioles presque cylin- driques, entourés à leur point d'insertion sur les rameaux d'une gaîne écailleuse et caduque. Les fleurs sont pendantes, réunies en globules sessiles et distincts le long d’un filet qui naît de l’extrémité des bran- ches. Elles paraissent au printemps et les fruits sont mùrs en automne. Ce beau Platane croît naturellement dans les pays incultes de l'Asie, de la Tauride, de la Macédoine, dans les îles de Lemnos et de Crète. On le perpétue de graines, de dra- geons et de boutures; il aime un terrain frais, et il supporte le froid de nos hivers. On le plante sur les promenades pu- bliques, dans les jardins, dans les pares, où 1l forme de beaux massifs, de brillantes avenues. Il ombrage les vallons, les plaines, et il prospère également sur les hauteurs, sur 528 NOUVEAU TRAITÉ les coteaux. Sa végétation est rapide; en peu d'années il élance fièrement sa tige, et son vaste feuillage vous sert d'abri contre le soleil d'été. La médecine demande rarement des remèdes au Platane, et cependant 1l lui offre son écorce et ses feuilles pour guérir la fièvre, pour panser les blessures. Plusieurs contrées lui doivent la conservation de leurs habitans. Dans l'Orient, il corrige, 1l épure l’air des marécages par l'odeur douce et balsamique qu'il exhale. Les Persans étaient décimés par des maladies pestilentielles causées par les émanations des rizières; ils semèrent partout le Platane, et il y en eut bientôt dans les campagnes, dans les jardins et jusque dans les rues d'Ispahan. La peste cessa ses ravages. Le Platane d'Orient est bien digne des éloges que lui ont prodigué les poètes, les historiens, les voyageurs, les natu- ralistes. La sagesse elle-même, par la bouche de Salomon, a célébré ces arbres majestueux qui s'élevaient dans les vallées du Liban, et voyaient couler sous leurs vastes et frais om- brages ces ruisseaux, ces torrens, dont les poètes sacrés ont immortalisé les noms, tandis que de grands fleuves coulent sans gloire dans les contrées que l'ignorance ou linsensibi- lité couvrent de leurs nuages. Rien de grand, rien d'imposant qu'on n’ait comparé au Platane, dans ces temps où la poésie, vive et fière, noble et simple, libre encore de nos conven- tions, s’élançait pleine de sève, et présentait, avec. les couleurs de la nature, le magnifique tableau dont sans cesse elle frappe nos yeux. Les Grecs, dit le baron Tschoudy, ont cultivé cet arbre avec les plus grands soins. Les jardins d'Épicure étaient dé- corés de Platanes; c'était sous lé dôme de leurs feuillages qu’il donnait ces leçons d’une sagesse aimable qu’on a depuis calomniée. Tous les fameux portiques où s’enseignaient les DES PLANTES USUELLES. 229 sciences et les mœurs, étaient précédées de grandes allées de ces beaux arbres : alors les avenues de la philosophie étaient riantes; on ne la voyait point sédentaire et renfro- gnée, creuser dans le vide au fond d'un cabinet poudreux. Des quinconces de Platanes environnatent le Lycée : c’est là qu'Aristote, au milieu de la foule de ses disciples, jetait sur la nature ce coup d'œil vaste qui nous a appris à la bien voir ; et s’il était permis de croire à la préexistence des âmes, on pourrait imaginer que celles des Linné, des Buflon , pla- naient dès lors sous ces ombrages, et y recueillaient les germes de leurs ouvrages immortels. Le Platane est, après le cèdre du Liban, un des arbres les plus célèbres de l'antiquité. Pline dit qu'il fut apporté de l'Asie dans l’île de Diomède, pour orner le tombeau de ce guerrier ; qu'il fut ensuite transporté en Sicile et en Italie, vers le temps de la prise de Rome par les Gaulois, et que Denis l'Ancien le fit planter à Reggio autour de son palais. Le même naturaliste nous a conservé l’histoire d’un fameux Platane de Lycie, dont le tronc avait été creusé par letemps, et qui attirait tous les regards par sa prodigieuse grosseur. Cet arbre était planté auprès d'une source dont la frai- cheur ajoutait aux charmes de son ombrage. El offrait pour asile au voyageur une grotte de quatre-vingt-un pieds creusée dans le tronc. Sa cime ressemblait à une petite forêt; ses vastes rameaux couvraient la campagne d'une ombre im- mense. Afin que rien ne manquât à l'illusion, tout l'inté- rieur était garni d'un rang de pierres ponces, revêtues de mousse. Mucien, trois fois consul, et lieutenant en Lycie, mangea dans cette grotte avec dix-huit personnes, et il y passa la nuit sur des lits formés des feuilles de l'arbre ,à l'abri de tous les vents, prêtant l'oreille au bruit de la pluie qui traversait le feuillage. L'éclat des marbres, la variété des 11. 34 530 NOUVEAU TRAITÉ peintures et la dorure des lambris auraient été pour lui un spectacle moins agréable. _ Caligula vit aussi, près de Velitres, un Platane qui excita son admiration. Les branches formaient un plancher, avec des bancs très larges disposés tout alentour. 1l dina, au plus épais du feuillage, dans cette salle qui contenait quinze con- vives et les gens nécessaires pour le service. IL appela ce repas le festin du nid. Maîtres des riches provinces de l'Asie, les Romains multi- phèrent le Platane dans les campagnes, pour assainir et om- brager leurs maisons de plaisance. Ils avaient une telle pré- dilection pour cet arbre qu'ils l'arrosaient de vin , prétendant le faire croître plus vite par ces lustrations. « On à donné tant de prix aux Platanes, dit Pline, qu'aujourd'hui nous les arrosons avee du vin pur. On a reconnu que cette liqueur fait beaucoup de bien aux racines, et nous avons instruit les arbres mêmes à s’'abreuver de vin. » Tantümque posteà ho - noris increpit, ut mero infuso enutriantur : compertum td masunè prodesse radicibus : docuimusque eliam arbores vina potare. (Lib. 12.) Virgile n’a pas oublié le Platane dans le jardin de son vieil- lard Cilicien ; il connaissait le charme de son ombrage. Cet heureux vieillard avait transplanté en allées régulières, des ormes déjà vieux, des poiriers durcis par les ans, des pru- mers sans épines , portant déjà des fruits, et des Platanes qui couvraient déjà de leur ombre hospitalière les buveurs altérés. Ille etiam seras in versum distulit ulmos , Eduramque pyrum, et spinos jam pruna ferentes, Jamque ministrantem platanum potantibus umbras. ( Georg. Hh. 4.) DES PLANTES USUELLES, 531 11 savait aligner pour le plaisir des yeux Des poiriers déjà forts, des ormes déjà vieux, Et des pruniers greffés, et des Platanes sombres, Qui déjà recevaient le buveur sous leurs ombres. ( Deuizce.) Le bois de Platane n'est pas très dur, mais 1l à un tissu En , agréablement parsemé d'une multitude de petites veines en réseau. Les ébénistes en font de fort jolis ouvrages. Belon assure que de son temps le Platane n'était pas cultivé en France, quoiqu'il füt très commun en Italie. II dit que les habitans du mont Athos creusent les troncs des gros Pla- tanes pour en faire des barques d’une seule pièce avec les- quelles 1ls voguent sur les rivières et sur la mer. PLATANE D'OCCIDENT. PLATANUS OCCIDENTALIS. Platanus occidentalis. WitL». Spec. 4. 474. Porr. Encycl. Bot. 5. 436. Desr. Arbr. 2. 545. Micu. Arbr.3. t. 3. — CATESBY. Car. 1. t. 56. Ce Platane est encore plus beau, plus majestueux que celui d'Orient. Sa tige est droite, unie, bien proportionnée ; ses feuilles sont agréablement découpées, larges d'environ dix-huit pouces, et de la plus riante verdure. Il ombrage les fleuves et les lacs de la Virginie, du Ca- nada, de la Louisiane. On le cultive avec un plein succès dans nos climats. Il aime la fraîcheur des vallons ; c’est là qu'il déploie ses magnifiques formes, que sa stature devient imposante. Ses feuilles sourient déjà au soleil d'avril, et elles charment les regards jusqu'à la fin de novembre. Sa cime est 532 NOUVEAU TRAITÉ si touflue , si épaisse, qu'elle cache le ciel au voyageur qui vient jouir de son ombre. Buffon a cultivé le Platane d'Occident. On voyait dans sa terre de Monthard une superbe allée de Platanes ; c’est là que ce grand homme allait méditer sur les merveilles de la nature ; on nous assure qu'elle fut mutilée par la Bande notre. Les forêts, les parcs, les monumens, les châteaux, les églises, les presbytères, tout fut détruit, ravagé par cette horde de barbares. Ah! que Dieu nous préserve de leurs descendans ! Le Platane d'Occident se reproduit sous plusieurs variétés par les semences. La variété à feuilles peu découpées est la plus belle. Ses rameaux nombreux offrent un feuillage riche, animé, d'un vert incomparable. On plante ces arbres dans les parcs, au bord des étangs, dans le voismage des marais , qu'ils purifient par leurs principes balsamiques. Ils prospèrent dans les vallées, dans les plaines et sur le pen- chant des collines. | «Nos hôpitaux, placés au milieu des villes, et souvent dans les quarüers les plus populeux, les plus msalubres, devraient occuper un vaste terrain entouré d'arbres résineux, embelli d’une avenue de Platanes, de tilleuls, de peupliers, où les convalescens iraient respirer leurs suaves exhalaisons. Ces arbres odoriférans ne seraient pas moins utiles dans les lieux où nous avons des bains publics, des sources d'eaux minérales. Les malades qui s'y rendent de toutes les contrées trouveraient , au milieu de cette balsamique atmosphère , un remède peut-être plus efficace que les eaux. Les bains de Salut, à Bagnères-de-Bigorre , sont un modèle en ce genre: des allées magnifiques, plantées d'arbres divers qui entre- lacent leurs branches et confondent leurs douces odeurs , des ruisseaux limpides, qui murmurent sous leur ombrage, don- nent à ce lieu un charme puissant. Je me rappelle encore DES PLANTES USUELLES. 533 avec délice les heures que j'ai passées dans ces frais bocages. Ah! qu'on ne dédaigne point cette grande pharmacopée aérienne où les vieillards , les convalescens, viendraient res- pirer la santé! « Honneur à l'admimistration qui entreprendra ou secon- dera cette œuvre de bienfaisance! Faisons fleurir les arts, élevons des obélisques, mais faisons aussi quelque chose pour les pauvres, pour le vieillard qui a usé ses organes par le travail. Abrégeons surtout les souffrances de l’ouvrier qui fait vivre une nombreuse famille. Que les hôpitaux, que les établissemens publics, soient isolés, au milieu d'un air pur et salubre ; c'est là seulement que la médecine peut avoir de grands succès, et guérir en peu de jours des maladies qui se prolongent et deviennent souvent mortelles dans des cloaques. « Les anciens, dont on ne saurait méconnaître lhabileté et la philosophie, envoyaient leurs poitrinaires dans l’île de Crète, qui était alors couverte d’arbres résineux. Là, sans autre remède que l'air embaumé qu'ils respiraient à grands flots, ils trouvaient souvent la guérison, et retournaient dans leur patrie avec une santé florissante. « La diète lactée, le lait d'ânesse, le lait de chèvre, la sai- gnée, les exutoires, les calmans, vous avez tout épuisé pour guérir ce malade qui se consume, qui tombe dans le marasme ; vous n'avez plus que quelques paroles consolantes et l'opium; je me trompe, vous avez encore le changement de lieu. Eh bien! qu'il parte, il en est peut-être encore temps; qu'il quitte sa chambre où l'air est saturé de ses sueurs , de ses crachats , de toutes ses excrétions. Qu'il aille habiter une petite maison bien propre, bien aérée, située à mi-côte, dans un vallon arrosé par une petite rivière, om- bragé de Platanes, de saules, de tilleuls de peupliers, d'arbres verts. Que là, sous la direction de son médecin , il suive un 534 NOUVEAU TRAITÉ régime approprié à son mal, qu'il se livre aux douceurs de l'espérance , qu'il se promène dans la vallée, si son état le permet, que la journée soit remplie par de petits soins , par des jeux amusans, par des lectures agréables. Surtout que le malade ne soit jamais seul ; qu'on lui parle sans cesse de la beauté , de la salubrité du lieu qu’il habite, de sa guérison prochaine ; enfin qu'on éloigne par tous les moyens imagi- nables l'ennui, la crainte, l'inquiétude , tous ces sentimens pénibles qui dévorent l'existence, et si le mal n’est pas mcu- rable, l'air balsamique de la vallée et le régime lui rendront la santé. « Combien d'autres maux ne pourrait-on pas guérir ou soulager par le séjour à la campagne! Les maladies ner- veuses, l’hypochondrie, l'hystérie, la mélancolie, toutes ces irritations qui prennent leur source dans les peines ou dans le trouble de l’âme , s'adoucissent par la variété des objets qui charment la vue. Des sites pittoresques , la beauté du ciel, la fraîcheur des ombrages, la pureté de l'air, tout cela ré- pand dans l'esprit un calme qu'on ne saurait trouver à la ville. » ( Phytographie médicale, nouvelle édition, tome nr, page 452.) Vers la fin de février 1814, je fus consulté par Louis Bonaparte, ancien roi de Hollande, attemt depuis plusieurs années d’une maladie nerveuse qui avait été exaspérée par les traitemens les plus absurdes. Lorsque j'eus l'honneur de le voir, je le trouvai plongé dans une profonde mélancolie. Il était d’une faiblesse et d’une maigreur extrêmes ; il marchait avec peine, et il avait presque perdu le mouvement des membres, supérieurs. Sans exagération , il avait pris un bois- seau de pilules de toute espèce. Il avait des consultations de Paris, de Montpellier, de Vienne et de Berlin, Cet excellent DES PLANTES USUELLES. 535 prince avait une si grande confiance dans les remèdes qu'ilne cessait d'en prendre. Il dictait chaque jour à son secrétaire une sorte de bulletin qui renfermait des observations sur l'état de sa santé et sur l'effet des médicamens dont i! faisait usage. Il me pria d'examiner avec soin ces bulletins, ainsi que les différentes consultations qui l'avaient guidé dans son traitement. Le dirai-je? je fus effrayé de la seule nomencla- ture des pilules, des électuaires, des tisanes, des bains , des linimens, que l’art avait prodigués. Enfin je fus chargé de faire l'analyse de toutes ces consultations, et de proposer à mon tour les moyens que je jugerais les plus convenables à l'état du malade. Je passai huit jours à lire, à compulser, à analyser cette espèce de pharmacologie, et je terminai mon travail par ces lignes. : « Les princes ne sauraient être traités comme de simples particuliers, il leur faut une médecine de luxe; les remèdes les plus rares, les plus chers, les plus compliqués, sont les meilleurs; mais l'expérience ne tarde pas à leur apprendre qu'il en est des remèdes comme des alimens, qu'il faut user des uns et des autres avec modération. Ainsi, Je pense qu'outre la maladie principale, il y a maintenant le mal des remèdes. Les cesser complétement, voilà mon premier con- seil. C'est dans le régime diététique , dans un air vif et pur, qu'il faut ensuite chercher les moyens de guérison. Du lait de vache ou de chèvre qu'on nourrira d'herbages frais ; des potages succulens, des viandes blanches, des légumes, quel- ques fruits bien mûrs, plus tard des substances animales un peu azotées ; un séjour de plusieurs mois sur le versant d'une colline exposée au sud-est, des frictions aromatiques sur la peau, un doux exercice, trève aux méditations graves et abstraites, lectures agréables, amusantes , philosophiques, puisées dans Plutarque, Lucien, Cicéron, Horace, Mon- 536 NOUVEAU TRAITÉ taigne, Molière, etc.; voilà le traitement qui me parait le plus raisonnable. » * J'avais à peine expédié mon petit travail au prince, que je vis arriver son secrétaire avec une invitation d'aller prendre le soir même une tasse de thé à son hôtel. « Monsieur le docteur, le Roi est enchanté de votre consultation ; il veut causer longuement avec vous : venez ce soir à huit heures. Les événemens se pressent, nous serons peut-être bientôt forcés de quitter Paris... Oh! si le sort favorisait nos armes , si notre cause pouvait triompher, le prince ne vou- drait avoir d'autre médecin que vous. » _ Les Bourbons rentrèrent en France, toute la famille Bona- parte fut dispersée; mais j'appris plus tard que le prince Louis avait scrupuleusement suivi mes conseils, et que sa santé s'était beaucoup améliorée. Il vit encore en ce mo- ment, et J'ai la douce satisfaction de croire que j'ai contribué à prolonger ses jours. Jetons un dernier regard sur les Amentacées, sur cette famille si utile à l'économie rurale et domestique, et qu'on ne saurait trop multiplier dans nos campagnes afin de réta- blir l'harmonie des élémens et des saisons. Ces rideaux de verdure ont été froidement anéantis dans plusieurs de nos dé- partemens , où l’on trouve à peine çà et là quelques vieux chènes , quelques chétifs ormeaux. Les fontaines n’y sont pas même abritées contre l'ardeur du soleil; ces gracieuses Naïades attendent le Platane pour verser des eaux plus frai- ches , plus pures, plus fécondes. C'est là que le vieillard et le malade iraient respirer la santé sous un dôme de verdure ; c’est là que le voyageur exténué de fatigue, dévoré par la DES PLANTES USUELLES. 537 soif, trouverait un doux repos, et bénirait la main géné- reuse qui lui aurait donné , sous une ombre hospitalière, une eau limpide et salubre. | Combien de fois nous avons gémi sur l'état déplorable des sources et des fontaines dans les campagnes ! Pendant les grandes sécheresses, on n’y trouve pas une goutte d'eau pour se désaltérer. Le laboureur, l'homme de peine, les ani- maux languissent et succombent dans les tourmens de la soif. Îl faut qu'ils se traînent jusqu'au vallon pour ranimer un peu leurs forces défaillantes. La belle vallée de Montmo- rency, où l’on voyait autrefois de nombreuses sources, n'offre plus que quelques filets d’eau depuis qu'on a déboisé les col- lines. Le défrichement des terres, la dévastation des forêts , ont diminué partout le nombre des sources, des ruisseaux, des étangs , des moulins , etc. En détruisant les vieux bois, vous rompez l'harmonie des météores, des élémens et de tous les êtres créés pour em- bellir votre vie. Demandez à l'oiseleur si la grive, le rouge- gorge , la bécasse, l’ortolan, le délicieux becfigue, abondent comme dans le temps passé ; au pêcheur, si les ruisseaux , les étangs et les fleuves sont encore peuplés comme 1l y a quarante ans ; au vieux laboureur, si le nombre des porcs, dont la chair savoureuse formait la plus grande ressource des campagnes, grâce à nos vieux chênes, est encore le même? Ils vous répondront que le déboisement de nos montagnes a détruit tout ce qui pouvait faire la félicité de l'homme. Il faudrait donc régénérer nos coteaux par des forêts nou- velles:; cette replantation serait un bienfait inappréciable. Les bois ainsi multipliés sur les. hauteurs rengraient les pluies plus douces, plus régulières, plus abondantes ; ils attireraient aussi dans la saison des frimas et des glaces 538 NOUVEAU TRAÎTÉ une plus grande masse de neiges pour en revêtir la terre, et protéger contre les gelées les graines et les plantes que l’homme ou la nature lui auraient confiées. Sans le bien- fait des neiges qui couvrent pendant six et huit mois de l'année les terres du Nord, ces pays seraient voués à une éternelle stérilité. Plantez des chênes, des hèêtres, des châtaigniers, sur les coteaux; bordez les étangs de Platanes, de peupliers, de saules ; que l’aulne couvre vos marais, et que le bouleau agite sur le tertre voisin son élégant feuillage. Mais n'ou- bliez pas le charme; il bordera agréablement vos bois, et vous sourira aux premiers beaux jours. C'est au pied du charme, ou dans son voisinage, que la brune morille s'élève en pyramide au retour de l’hirondelle. Sous les broussailles déjà verdoyantes, la violette et la primevère marient leurs suaves parfums; ma fille Valentine, la joie de mes vieux ans, s'empresse de les cueillir pour m'en faire un bouquet. Moi, je soulève doucement les feuilles sèches de l'automne où la morille cache ses trésors ; je la cherche d'un œil avide, je l'aperçois, je l'approche; elle me livre ses alvéoles encore humides de la rosée de la nuit. La charmille retentit des accens cadencés du rossignol, et les feuilles naïssantes fré- missent sous l'aile du zéphyr. Oh! la délicieuse matinée! Et l’orme du hameau! pourrais-je l'oublier? Oh! qui me rendra cet orme gigantesque qui couvrait la place de ma petite ville de son vaste ombrage? Je n’entends plus ces mil- liers d'oiseaux réunis sur ses branches, et saluant l’aurore de leurs chants redoublés. Qui me rendra ces bois touffus que je parcourais pendant les vacances ; ces fraîches prairies, où plus tard je contemplais les formes élégantes d'une fleur, les couleurs et l'armure d'un insecte ? Qui me rendra ces dé- licieuses soirées où j'écoutais avec attendrissement les sou- DES PLANTES USUELLES. 539 pirs du ramier, où je lisais quelques brillantes pages d'un poëme composé pendant nos mauvais jours par un homme dont on connait à peine le nom ‘. Oui, je me crois encore là-bas, dans ce petit vallon éclairé par les rayons mourans du soleil , au milieu d’un groupe de châtaigniers de la plus belle verdure; mon cœur est profondément ému, je viens de par- courir le septième chant. En voici quelques passages qui ne déplairont peut-être pas à nos lecteurs. « Dans mes jeunes années j'aimais à m'enfoncer dans la profondeur des bois, et je me disais avec enthousiasme : 1ci je suis libre. Je goûtais un plaisir bien pur, mais je ne savais pourquoi mes yeux se remplissaient de larmes. C'est le sou- venir de cette première patrie qui nous fait soupirer après le retour du printemps, après le soir d’un beau jour, lorsque la nature silencieuse est prête à s’envelopper du voile de la nuit... Ineffables regrets, vous agissez avec force sur le cœur des hommes sensibles! Tous arrêtent involontairement leurs regards sur un oiseau , sur une fleur. Dans le sein des cités populeuses, au milieu du tourbillon des affaires et des plaisirs , ils aiment à placer auprès d'eux quelques échantil- lons des beautés de la nature, ou du moins leurs images. Tous soupirent après l'instant où ils pourront vivre et mourir dans une paisible retraite. | « Horribles catastrophes qui avez ébranlé les empires, et fait des nations le jouet de quelques ambitieux , combien de ces riantes perspectives vous avez effacées ! Que de projets de bonheur vous avez détruits ! Combien d'hommes vous arra- ‘ Cette espèce de poëme, inspiré par des sentimens honnêtes, offre Ie germe d’un beau talent, et si le goût n’y est pas toujours respecté, on x trouve çà et là des peintures pleines de verve ct de poésie. 540 NOUVEAU TRAITÉ châtes dans leur vieillesse au doux repos, pour les rejeter sur une mer orageuse | | « Un jour, après une pluie délicieuse du printemps, au moment où la vive fauvette rompait la première le silence qui succède à l'orage, moment plein de charmes, où l'hu- mide chaleur qui remplit l'atmosphère semble agir sur nous et développer notre existence, je quittai ma retraite pour errer dans les campagnes; j'écoutais les derniers chants des oiseaux : je m'enfonçai dans la forêt au moment où la nuit étendait son voile sombre. Un auguste silence ré- gnait sur la nature; les ondes rembrunies du ruisseau cou- laient sans murmure, moins pressées par les zéphyrs endor- mis sous le feuillage : les éclats de la voix touchante de Phi- lomèle, la seule de tous les chantres des bois dont les accens aillent au cœur, plongèrent mon âme dans un délicieux ra- vissement. Je marchais lentement, et j'arrivai près d’un mo- nument élevé par l'amitié à la vertu persécutée. La lune, qui par intervalle décorait le paysage de ses magiques clartés, me permit de lire des inscriptions tracées par la main de la douleur. J'entendis autour de moi de légers frémissemens, comme de faibles et fugitifs soupirs. Une religieuse terreur m'éloignait de ces imposantes solitudes, lorsque les derniers sons d’une voix céleste vinrent me frapper d'étonnement et d'admiration. Un doux, mais irrésistible attrait m'entraînait vers les lieux d'où partaient ces sons; j'entendis plus claire- ment les accens d'une jeune femme qui luttait avec Philo- mèle, et l’obligeait à développer toute l'étendue de sa voix pour soutenir l'honneur d’un combat qui devait lui coûter la vie. Je fermai les paupières, afin qu'aucun objet ne püt me distraire : toute mon âme était dans l'organe qui recevait les sons. La bouche entrouverte , je respirais le plaisir avec l'air ébranlé par les vibrations de sa voix ravissante, et Je DES PLANTES USUELLES. 541 pus alors me faire une idée de la puissance de la mé- lodie. «La musique n’a pas un corps dontla poésie puisse esquisser les traits; c'est un être éthéré, aériforme. Fugitive comme l'écho, elle parcourt l’espace sur les ailes des zéphyrs qui, ravis de ses charmes, l'enlèvent et la promènent avec eux dans les airs. Elle est la voix de l’âme, l’organe de l'imagi- nation et du génie. Elle soutient le cœur des poètes et des héros, à ce degré sublime d'enthousiasme qui donne à leurs discours, à leurs actions, cette énergie, cette grandeur, qui les élève au-dessus des autres hommes. Ses modulations font frémir tous les nerfs d'un être sensible, et les animaux mêmes chérissent son empire. Souvent elle attendrit par la molle inflexion de sa voix un tyran, jusqu'alors implacable, et porte aux accès d'une atroce fureur des hommes nés pour aimer. Elle peut, imprimant aux mortels des mouvemens cadencés, les faire passer de la gaité pétulante aux contor- sions d'un frénétique délire , ou communiquant à leurs âmes attendries des affections mélancoliques, les rendre immo- biles de douleur, et leur faire verser des larmes. Que celui qui méconnait son empire est à plaindre ! Il n'a que la moitié de l'existence. «Souvent, aidée de son aimable sœur, la danse, dont elle dirige les pas, elle soutient le vieillard qui préside les siècles ; toutes deux le soulèvent, et communiquent à ses membres affaiblis un mouvement plus rapide, elles lui font abréger l'éternité. Souvent aussi, furieuse, exaltée, elle pousse des insensés sur un champ de carnage, à travers une grêle meur- trière, pour aller plonger un fer homicide dans le sein de leurs semblables. Mais aux temps fortunés de l'âge d'or, elle exerçait un plus doux empire sur les mortels épris de ses 542 NOUVEAU TRAITÉ charmes, ivres de la volupté dont elle les pénétrait. Elle réu- nissait autour d'elle ces heureux habitans de l'Éden, présidait à leurs yeux, écartait le dégoût et l'ennui, imprimait à leurs àmes autant de plaisirs qu'elles en pouvaient goûter. Plusieurs siècles de bonheur s'écoulèrent ainsi pour l’hu- manité : l’histoire ne nous en à pas conservé le tableau; mais heureux et mille fois heureux les peuples qui ne laissèrent dans le passé aucune trace de leur existence ; dont les annales ne présentent aucun de ces faits appelés héroïques qui coù- tent tant de sang ; dont les générations n’enfantèrent aucun de ces illustres conquérans qui dépensèrent un si grand nombre d'hommes pour acheter la gloire! Heureux et mille fois heureux les peuples qui naquirent et moururent sous l'empire de Titus ignorés! Heureuses et mille fois heureuses les nations qui n'obtinrent pas le nom de grandes, parce qu'elles étaient élevées sur-des rumes. » « Cruel athéisme! fils de la vanité! toi qui n'offres rien à l'imagination mi au malheur ; toi qui, détruisant les opinions religieuses, délvras les scélérats de toute crainte, et formas dans le sein des nations une secte d'égoistes méprisant les hommes, qu'ils croient nés pour être les victimes du plus adroit ou du plus fort, et blasméphant les dieux dont ils nient l'existence, je te vois sourire de.dédain à ces peintures du bonheur de l’âge d'or, faible image de l'éternelle félicité. Ah! si c'est une illusion, laisse-la cette douce illusion aux malheureux... Eh quoit Pour tromper leurs remords, tu prêches lâchement tes maximes à la table somptueuse de ceux qui se sont enrichis de la dépouille des peuples! Va plutôt dans ces réduits où l'humanité croupit dans la fange ; dans ces lieux où les principes de la vie se dissolvent, et forment des plaies hideuses , où les infirmités, la douleur et DES PLANTES USUELLES. 543 la faim fatiguent la vieillesse avant de la livrer au tombeau, où les vivans dorment à côté des morts! Va dans ces cours infectes, images du Ténare, où des spectres animés que le monde ingrat a rejetés de son sein , errent sans motif et sans but en attendant la mort qui les à réunis dans ces cloaques, afin de les frapper à loisir; comme Îles rois qui rassemblaient dans des parcs un grand nombre d'animaux pour les égorger sans fatigue : c'est là, c'est à ces hommes dénués de tout, et qui ne tiennent plus à la vie que parce que la mort ne veut pas les frapper, qu'il faut prêcher tes froides maximes. Et si tu parviens à leur enlever l'espoir d'un état meilleur, que la mort renverse du même coup toute l'humanité! A quoi bon les hommes parcourraient-ils plus long-temps une route qui les mène de la douleur au néant? Mais, cruel athéisme, demande à l’homme sensible ce qu'il préfère, ou des opinions religieuses qui lui montrent l'ombre d’un ami voltigeant à ses côtés, vivant avec lui, écoutant toutes ses paroles, témoin attentif de toutes ses actions, ou de tes désespérantes doctrines qui lui disent : « Après la mort il ne te reste rien de cet ami... Seulement une matière inerte : les fluides qui l’animaient sont épars dans l'espace. » « Quel désordre règne dans mes tableaux! Hélas! les plus iristes idées s'emparent de mon âme, et lorsque mon imagi- nation veut atteindre aux portes de l'Eden, elle retombe sur la fange eusanglantée. Né dans un siècle abandonné par les destins au génie du mal, dans un siècle terminé par ces affreuses catastrophes qui déciment les nations, j'atteignis l'âge où le cœur est doué d'une sensibilité exquise, l'âme avide de sensations , l'esprit ébloui par les illusions du bon- heur, au moment où la tyrannie étendait un bras de fer sur ma patrie; il me fallut créer en idée un autre monde; trop souvent linfortune fut ma muse, et je mis à profit ma dou- 544 NOUVEAU TRAÎTÉ leur. Semblable à l'alouette qui ne s'élève jamais plus haut dans les airs que lorsqu'elle est poursuivie par le chasseur, mon âme ne se détacha jamais plus aisément de la terre, que lorsqu'elle y fut poursuivie par la terreur. «O mon imagination! je veux, malgré tes écarts, m’arrèter encore quelques instans parmi les heureux habitans de l'Eden. L'homme sensible qui goûte les inexprimables dou- ceurs de la bienfaisance... Quel bruit affreux ! quel tu- multe! le sombre bourdonnement des instrumens guerriers me réveille d'un songe enchanteur! Des cris lugubres : aux armes! aux armes! frappent mon âme de terreur! Les foudres de la mort roulent avec fracas! La foule fuit épou- vantée!.… Où vont-ils ces bataillons? le bruit de leurs pas mesurés, leur morne silence, leurs yeux menaçans, leur attitude sévère, la pâleur de leurs visages , font frémir !.… Où vont-ils? — Donner et recevoir la mort ! — Quels sont leurs ennemis? L’airain tonne , et c’est au sein d’une ville populeuse ! Ciel ! que de victimes ! Les clameurs redoublent : aux armes ! aux armes ! les uns fuient couverts de sang; d'autres furieux, intrépides , volent au champ du carnage! Et ce sont des Français qui versent le sang des Français !.… « Mortels infortunés, c’est donc au milieu de vous, et d'après vos fureurs , que je dois peindre les enfers qui vont occuper mes pinceaux. » (L'Univers, Poëême en douze chants.) Les anciens, qui savaient apprécier l'importance des bois, en ayaient confié la garde à des nymphes tutélaires, et c'était un crime d'y porter la hache avant que les ministres du culte eussent déclaré que ces divinités les avaient abandonnés. On connaît la métamorphose ou plutôt l'apologue d'O- vide, où l'impie Érésichton abat le chêne consacré à Cérès, ce beau chêne qui avait quinze coudées de tour, et qui for- DES PLANTES USUELLES. 245 mait à lui seul une forêt. Érisichton commande à ses esclaves de le couper, et les voyant balancer, le téméraire s'empare de la hache de l’un d'eux : Que m'importe qu'il soit à Cérès! s'écrie-t-1l ; füt-1l la déesse elle-même, 1l va toucher la terre de sa tête touffue. Pendant qu'il mesure les coups qu'il veut lui porter, le chène tremble et pousse un gémissement; ses feuilles et ses glands commencent à se couvrir d'une päleur qui s'étend le long de ses branches. Aussitôt que la cognée eut fait une blessure au tronc, le sang coula de l'écorce ou- verte, comme de la tête d'un taureau qui tombe immolé de- vant les autels..…. Une voix en sort et fait entendre ces mots : Je suis une nymphe chère à Cérès, et cachée sous ce bois. Je t'annonce en mourant que ton châtiment est proche, et cest ce qui me console de mon trépas.….. La famine envoyée par Cérès s'empare d'Érésichton ; elle l'embrasse, souffle dans sa bouche, pénètre dans son gosier, dans son corps, dans son cœur, et répand la faim dans ses veines. Il agite vainement sa bouche, et fatigue ses dents sur ses dents. Son gosier trompé travaille à avaler des mets qui n'existent point, et ne reçoit que de l'air à leur place. Dès qu'il se réveille, il est horriblement tourmenté par la faim ; elle règne dans son gosier aride, et dans ses entrailles insatiables : Oraque vana movet, dentemque in dente fatigat, E xerceique cibo delusum guttur inani ; Proque epulis tenues nec quicquam devorat auras. Ut verd est expulsa quies, furit ardor edendi, Perque avidas fauces immensaque viscera regnat. (Metam., lib. vu.) Parcourons maintenant l’humble colline où un vieux chêne recevait jadis les hommages de tout un canton. Savez-vous JL, 35 546 NOUVEAU TRAITÉ pourquoi? Il recélait dans une niche, pratiquée sur son tronc par la piété de nos ancêtres , l'image de la Vierge ou celle d'un esprit tutélaire. Voyez cette pauvre femme, les mains jointes, les yeux fixés sur l’image protectrice, deman- der la conservation d'un époux qui épuise ses forces pour nourrir sa nombreuse famille... Voyez ces petits enfans, couverts de haillons, tombant à genoux sur leurs petits fagots ramassés avec peine, priant Dieu de rendre la santé à leur bonne mère, malade de froid, d'inquiétude et de misère. Dans ce temps de piété antique et de bonnes tradi- tions, le chasseur lui-même, acharné après sa proie, s’arrê- tait devant ce vénérable chêne, fléchissait le genou, et ne poursuivait sa course qu'après avoir fait sa prière. Ah! que la piété est éloquente, quand elle n’a pour témoins que Dieu et le vaste silence des bois! Que sont devenus tous ces vieux chênes, source de con- solations pour le malheur et la vertu? Des hommes impies, excités par de mauvaises passions, les ont mutilés, ont en- levé leurs saintes images. Ils ont voulu détruire la foi de nos pères, Ôter toute espérance à leurs enfans, désenchanter l'avenir. Aveugle et perverse tentative ! ces ruines solitaires, plus illustres que les temples somptueux de nos villes, ont pris une empreinte plus vénérable et plus sacrée. Là où se trouve encore une humble chapelle, au milieu des bois, l'espérance et la piété s'y élancent de toutes les distances. Elle devient le refuge des malheureux de tout le pays. Les uns viennent pour remplir le vœu d’une neu- vaine; les autres y arrivent avec un ministre modeste, pour assistér à une sainte messe. Dans les circonstances périlleuses, on recherche ces temples couverts de hierre, ombragés de vieux chênes, parce que c’est au milieu des bois, loin du bruit des passions humaines, que s'exerce DES PLANTES USUELLES. 547 avec le plus de force cette puissance morale qui guide et console le malheur. C’est dans les montagnes, sous des voûtes de verdure, que les Bardes, contemplant les merveilles de la création, accom- pagnaient de leurs harpes sonores ces hymnes simples, su- blimes, que n'ont pu égaler nos poètes modernes. Alors les rochers , les cavernes, les feuillages, les brises, les échos, étaient sensibles et éloquens ; ils répétaient en chœur ces chants religieux qui s'élevaient jusqu'au séjour des im- mortels. FIN DU TOME TROISIÈME. TABLE DES MATIÈRES DU TROISIÈME VOLUME. SOLANÉES SDLANEZÆ SAUT LU... 7 URR Page Molène bouillon-blanc. Z/erbascum thapsus NE DA Molène phlomide. 7/erbascum phlomides Le PE A A ERP Molène à feuilles épaisses. 7’erbascum crassifolium.. . t Molène poudreuse. V’erbascnm pulverulentum. ....... ] Molène blattaire. Zerbascum blattaria............. i Coqueret alkekenge. Physalis alkekengt............ Piment annuel. Capsicum annuum................ Piment frutescent. Capsicum frutescens.. ........... Piment à petites baies. Pimentum baccatum.......... Piment à gros fruits. Capsicum grossum............ Morelle mélongène. Solanum melongena.....,...... ] Morelle pomme d’amour. Solanum lycopersicum . .... Morelle tubéreuse. Solanum tuberosum........,.... Véronique officinale. ’eronica officinalis............ j Véronique petit-chéne. Veronica chamædrys......... Véronique teucriette. Veronica teucrium. ........... Véronique bécabunga. Weronica becabunga......... TABLE DES MATIÈRES. 549 Véronique mouron. Veronica anagallis...,..... Page 44 Véronique à épi. Veronica spicata.......,.....,... 45 Véronique couchée. Veronica prostrata.. ........,.. thid. Véronique serpolet. Veronica serpillifolia........... ibid. Eupbraise oficinale. Euphrasia officinalis. ......... 46 OROBANCHÉES. OROBANCHEÆ................ 49 Orobanche majeure. Orobanche major ........,.... thid. Orobanche vulgaire. Orobanche vulgaris. ........... 50 Clandestine commune. Lathræa clandestina......... DL Clandestine écailleuse. Lathræa squammaria.. ....... 52 LABIÉES.LABIARÆN 29. ©... Ut 54 Sauge offcinale. Salyia officinalis.. ............... ibid. Sauge sclarée.) Sala sclarea XLR SE 58 Sauge hormin. Salyia horminum.............,..,. 59 Sauge des prés. Salvia pratensis................. tbid. Sauge pomifère. Salvia pomifera. ................. 60 Monarde didyme, Monarda didyma. ............... tbid. Romarin officinal. Rosmarinus officunalis........... 62 Bugle rampante. Ajuga reptans.................., 67 Bugle pyramidale. Bugla pyramidalis.............. 68 Bugle de Genève. ÆAjuga Genevensis.......,...,... 69 Germandrée musquée. Teucrium iva. ......,....,.. ibid. Germandrée faux-pin. Teucrium chamæpitys.. ...... 70 Germandrée petit-chène. Teucrium chamædrys.. ..... 72 Germandrée maritime. Teucrium marum........,... 86 Germandrée aquatique. Teucrium scordium. . . ....... 88 Germandrée sauge des bois. Teucrium scorodonia. ..., 99 550 TABLE DES MATIÈRES. Germandrée botrys. Teucrium botrys.. ....... .. Page 93 Germandrée de montagne. Teucrium montanum...... 94 Germandrée polium. Teucrium polium.............. 95 Germandrée à fleurs en tête. Teucrium capitatum. . .. 96 Sarriette des jardins. Satureia hortensis............. 97 Sarriette à fleurs en tête. Satureia capitata.......... 99 Sarriette thymbre. Satureia thymbra............... 100 Sarriette de montagne. Satureia montana............ 101 Sarriette de Saint-Julien. Satureta Juliana.......... 102 Thymbre en épi. Thymbra spicata...........,..... 103 Thymbre verticillé. Thymbra werticillata........... 104 Hysope officinale. Hyssopus officinalis. ............ 105 Népéta chataire. INepeta cataria........:........ 108 Lavande aspic. Lapandula spica.................. 109 Lavande stæchas. Lavandula stæchas.............. 112 Menthe poivrée, Mentha piperita................. 113 Menthe à feuilles rondes. Mentha rotundifolia., ...... 120 Menthe verte. Mentha viridis.........,........... 121 Menthe à odeur de citron. Mentha citrata........... 122 Menthe des jardins. Mentha hortensis.............. 193 Menthe gentille, Mentha gentilis.................. 124 Menthe eultivée. Mentha sativa................... thid. Menthe pouliot. Mentha pulegium................. 126 Menthe sauvage. Mentha sylvestris................ 128 Menthe des champs. Mentha arvensis.............. tbid. Menthe aquatique. Mentha aquatica............... ibid. Menthe des cerfs. Mentha cervaria.....,........... ibid. Gléchome lierre terrestre. Glechoma hederacea....... 129 Lamier blanc. Zamium album..,.,...........,.., 131 TABLE DES MATIÈRES. FE | Lamier pourpré. Zamium purpureum........... Page 132 Stachys d'Allemagne. Stachys germanica........... 133 Stachys des bois. Stachys sylvatica.............,.. 134 Stachys des marais. Séachys palustris.............. thid. Marrube vulgaire. Marrubium vulgare............. 135 Ballote fétide. Ballota fætida..................... 137 Ballote blanche. Ballota alba............,......, ibid. Agripaume cardiaque. Leonurus cardiaca........... 138 Molucelle lisse. Molucella lævis.................. 139 Molucelle épineuse. Molucella spinosa............. tbid, Molucelle ligneuse. Molucella frutescens. ........... thid. Clinopode commun. Clinopodium vulgare...,....... 140 Origan commun. Origanum vulgare................ 141 Origan marjolaine. Origanum majorana........,... 144 Origan dictame. Origanum dictamnus. ............. 145 Origan de Crète. Origanum Creticum............... 147 Thym commun. Thymus vulgaris. ................ 148 Thym serpolet. Thymus serpyllum................ 156 Thym des champs. Thymus acynos................ 160 Thym des Alpes. Thymus alpinus................ 161 Thym faux origan. Thymus tragoriganum........ . thid. Thym à grosse tête. Thymus cephalotus. ........... tbid. Thym mastichine. Thymus mastichina............. 162 Thym à grande fleur. Thymus grandiflorus.......... tbid. Thym calament. Thymus calamintha.............. 163 Thym népéta. Thymus nepeta.......... 4... 165 Mélisse officinale, Melissa officinalis. .............. 166 Mélitte à feuilles de mélisse. Melittis melissophyllum.. 177 Dracocéphale de Moldavie. Dracocephalum Moldavica. 178 552 TABLE DES MATIÈRES. Dracocéphale des Canaries. Dracocephalum canariense. 179 Basilic commun. Ocymum basilicum............... 180. Basilic crépu. Ocymum bullatum....,............ 183 Basilic de Ceylan. Ocymum gratissimum. ........... 184 Petit Basilic. Ocymunminemanmn 0... MIOUTT AT ibid. Basilic des moines. Ocymum monachorum........... 185 Brunelle commune. Brunella DULDATTS) UE SAINTE AMEN 186 Brunelle à grandes fleurs. Brunella grandiflora...... 187 Brunelle laciniée. Brunella laciniata............... ibid. Toque vulgaire. Scutellaria galericulata............ 188 Toque des Alpes. Scutellaria Alpina. ............. 190 VERBÉNACÉES. F ERBENACEÆ................ 195 Verveine officinale. 7erbena officinalis. ............ tbid. Verveine à trois feuilles. #erbena triphylla......... 198 Gatilier commun. V’itex agnus castus, ............. 199 ACANTHACÉES. ACANTHACEÆ................ 202 Acanthe sans épines. Acanthus mollis.........,.... ibid. Acanthe épineuse. Acanthus spinosus. ............. 203 PRIMULACÉES. PRIMULACEÆ................. 205 Lysimachie vulgaire. Lysimachia vulgaris. ......,.. ibid. Lysimachie nummulaire. Lysimachia nummularia,... 207 Primevère oflicinale. Primula veris officinalis... ..... 208 Primevère à grandes fleurs. Primula grandiflora.. . ... 211 Mouron à fleurs rouges. Anagallis phænica........ 212 Mouron bleu. Anagallis cærulea............,,.... 216 Samole de Valerand. Samolus Falerandi..... PSAONM OT TABLE DES MATIÈRES. 553 PLANTAGINÉES. PLANTAGINEÆ.......... Page 219 Plantain à grandes feuilles. Plantago major. ........ ibid. Plantain moyen. Plantago ORIENTAL 290 Plantain lancéolé. Plantago lanceolata. ........... 291 Plantain découpé. Plantago coronopus............. 295 Plantain des sables. Plantago arenaria............. 296 Plantain des chiens. Plantago cynops.............. 277. Plantain pucier. Plantago psyllium............... zbid. NYCTAGINÉES. NYCTAGINEÆ................. 299 Belle de nuit faux jalap. NVyctago jalappa........... ibid. Belle de nuit dichotome. Vyctago dichotoma. ....... 239 Belle de nuit à longues fleurs. Vyctago longiflora..... 233 AMARANTHACÉES. AMARANTHACEÆ.......... 235 Amaranthe blette. ÆAmaranthus blitum............, ibid. Amaranthe oléracée. Amaranthus oleraceus......... 236 Amaranthe à longs épis. Amaranthus caudatus....... 937 Célosie à crête. Celosia cristata.................. ibid. À Célosie pourpre. Celosia MODO UTAACER S SAN. Nec 238 CHÉNOPODÉES. CHENOPODEÆ................ 239 Phytolacque à dix étamines. Phytolacca decandra..... ibid. Camphrée de Montpellier. Camphorosma Monspeliaca. 241 Salicorne herbacée. Salicornia herbacea. ........... 9243 Salicorne ligneuse. Salicornia fruticosa............. 244 Soude commune. Salsola soda................... 245 Soude kal SG SO A RRQ NRC EEE 246 554 TABLE DES MATIÈRES. Baselle blanche. Basella alba.........,..... Page 246 Baselle à feuilles en cœur. Basella cordifolia........ 247 Baselle tubéreuse. Basella tuberosa............... ibid. Chénopode botrys. Chenopodium botrys............ ibid. Chénopode ambroisie. Chenopodium ambrosioides..... 249 Chénopode anthelmintique.Chenopodium anthelminticum. ibid. Chénopode fétide. Chenopodium vulvaria........... 250 Chénopode bon Henri. Chenopodium bonus Henricus. . ibid. Chénopode blanc. Chenopodium album............. 251 Chénopode vert. Chenopodium wiride.............. tbid. Chénopode quinoa. Chenopodium quinoa............ 252 Arroche des jardins. Atriplex hortensis........ M third. Arroche halime. Atriplex halimus. ......... SR à 254 Arroche pourpier. Atriplex portulacoides........... 255 Arroche des rivages. Atriplex littoralis. ............ 256 Arroche de Hermann. Atriplex Hermanni........... tbid. Blette en tête. Blitum capitatum.................. 257 Bette commune. Beta vulgaris. ........... LE Au 258 Delterave rouBe:.. + 4 pl ee QE EE ER 260 Péfteravetblanches : 112.1 0 ci (CN ONE 261 Épinard cornu. Spinacia spinosa................. 264 Épinard inerme. LS DIAUCIA ENCTIUS 0e Ne RER 265 POLYGONÉES. POLYGONEÆ................... 276 Polygone bistorte. Polygonum bistorta..........,.. tbid. Polygone vivipare. Polygonum viviparum........... 279 Polygone amphibie. Polygonum amplhibium......... 280 Polygone poivre-d’eau. Polygonum hydropiper....... 282 Polygone persicaire. Polygonum persicaria. ....,.... 283 TABLE DES MATIÈRES. 555 Polygone des petits oiseaux. Polygonum aviculare. Page 985 Polygone sarrasin. Polygonum fagopirum.,......... 286 Polygone de Tartarie. Polygonum Tartaricum.. ...... 292 Polygone échancré. Polygonum emarginatum..,..... tbid. Polygone liseron. Polygonum convolvulus........... 293 Polygone des buissons. Polygonum dumetorum. ...... ibid. Rumex patience. Rumex patientia................. 294 Rumex erépu AT TIeENCrIs pus). EN AR) Lt NUE 296 Rumex sanguin. Rumex sanguineus......,........ 297 Rumex élégant. Rumex pulcher.........,........ 298 Rumex aquatique. Rumezx aquaticus............... thid. Rumex des Alpes. Rumex Alpinus................ 300 Rumex à feuilles aiguës. Rumer acutus............. 301 Rumex à feuilles obtuses. Rumex obtusifolius....... 302 Rumex oseille. Rumex acetosa...........,......, 303 Rumex petite-oseille. Rumex acetosella............ 313 Rumex à écussons. Rumezx scutatus .............,.. 314 Rumex à deux styles. Rumex digynus. ............ 315 Rhubarbe palmée. Rheum palmatum .............. 316 Rhubarbe ondulée. Rheum undulatum.............. 326 Rhubarbe compacte. Rheum compactum............ -327 Rhubarbe rhapontic. Rheum rhaponticum........... 328 Rhubarbe hybride. Rheum hybridum............... 329 Rhubarbe ribes. Rheum ribes..................... 331 DAURINÉESY LAURENE "PU NNENNNIAENNANANN 333 Laurier d’Apollon. Laurus nobilis................. tbid. Laurier cannellier. Laurus cinnamomum. .......... 336 Laurier casse Lauruisicassta EN NE OO EEE 343 556 TABLE DES MATIÈRES. Laurier benjoin. Laurus benzoin.............. Page 343 Laurier culilaban. Laurus culilaban.............. ibid. Laurier Persée Daurus)pensen: \. |. UE ARS IDEE 344 Laurier sassafras. Laurus sassafras............... 345 MYRISTICÉES. MYRISTICEÆ. ........... ..... 349 Muscadier aromatique. Myristica aromatica. . ....... ibid. ÉLÉAGNÉES. ELÆAGNEÆ..................... 353 Chalef à feuilles étroites. Ælæagnus angustifolia..... ibid. Hippophaé rhamnoïde. Hippophae rhamnoides....... 39) ARISTOLOCHES. A4RISTOLOCHIÆ. ........... 7. 357 Anristoloche ronde. Æréstolochia rotunda............ ibid. Aristoloche longue. ZAristolochia) lon PE ER ERTREENE 300 Aristoloche crénelée. Aristolochia pistolochia. ....... 361 Aristoloche clématite. Æristolochia clematitis.. ....... ibid. Cytinet parasite. Cytinus hypocistis...,............ 362 EUPHORBIACÉES. EUPHORBIACEÆ... ......... 364 Euphorbe de Gérard. Euphorbia Gerardiana........ ibid. Euphorbe cyparisse. Euphorbia cyparissias.......... 366 Euphorbe des bois. Euphorbia sylvatica............. 3067 Euphorbe lathyris. Euphorbia lathyris.............. 368 Mercuriale annuelle. Mercurialis annua,........... 369 Jatrophe manioc. Jatropha manthot ee Pie 371 CUCURBITACÉES. CUCURBITACEÆ. ,.......... 376 Concombre cultivé. Cucumis sativus............... ibid. Concombre serpent. Cucumis flexuosus. ...,........ 383 TABLE DES MATIÈRES. Er Concombre d'Égypte. Cucumis chate. ......... Page 384 Concombre dudaim. Cucunis dudaim............. tbid. Concombre des prophètes. Cucumis prophetarum . . tbid. Concombre conomon. Cucumis conomon............ ibid. Concombre melon. Cucumis melo................. 389 Courge calebasse. Cucurbita lagenaria.............. 391 Courge potiron. Cucurbita maxima.........,...... 393 Courge pépon. Cucurbita pepo..................2. 396 Courge pastèque. Cucurbita anguria............... 397 Papayer commun. Papaya vulgaris............... 399 PASSIFLORÉES. PASSIFLOREÆ................ 401 Grenadille bleue. Passiflora cærulea.........,...... tbid. Grenadille à feuilles de laurier. Passiflora laurifolia.. 402 Grenadille pommifère. Passiflora maliformis........ 403 Grenadille écarlate. Passiflora coccinea............ 404 Grenadille à feuilles de tilleul. Passiflora tiliæfolia. .. ibid. Grenadille quadrangulaire. Passiflora quadrangularis . ibid. Grenadille incarnate. Passiflora incarnata.......... ibid. URFICÉES. (URTICE Æ M UE Lino acte 406 Qrüerdioïque \Urteca dioice AMP PART NET AN ibid. Ortie bralantes Urticaiurens 3 NN AN ONAEN 410 Ortie à globules. Urtica BUUULLIER A NICE REC ERRENE 411 Ortie stimulante. Urtica stimulans.....,.......... 412 Pariétaire officinale. Parietaria officinalis. .......... 413 Houblon grimpant. Humulus lupulus.............. 415 558 . TABLE DES MATIÈRES. ARTOCARPÉES. ARTOCARPEÆ............. Page 491 Fipuier commun ÆFrcus canten......,. "RL 0 tbid. Figuier sycomore. Ficus sycomorus........,....... 426 Maüriernoir. Morus mon eo. Ur CRUE RUN 497 Müûrier rouge. Morus rubra.\,................. 429 Mürier blanc. Murusialba BE. 60 2 RENE 430 Jacquier découpé. Artocarpus incisa............... 433 Jacquier hétérophylle. Artocarpus heterophylla.. .. . .. 434 Jacquier des Indes. ÆArtocarpus indica.............. ibid. PIPÉRACÉES. PIPERACEZÆ, (D. NRC ARe 435 Poivrier non PLPErNTLomEn ele... RDC EX tbid. Poivrier long. Piper lonoum "teen Re Se 439 Poiymer belel: Prper Detle it eee Le 440 Poivrier à longues feuilles. Piper longifolium. ....... 441 Poivrier pédiculé. Piper cubeba................... ibid. Poivrier à feuilles de plantain. Piper plantagineum.... 442 Poivrier carpunya. Piper carpunya................ third. Poivrier dichotome. Piper dichotomum. ............ tbid. Poivrier anisé. Piper amsatum. .................. ibid. AMENTACÉES. AMENTACEÆ.................. 443 Orme des champs. Ulmus campestris...,........... ibid. Micocoulier du Midi. Celtis australis.......,...... 446 Saule blanc. Satrc 21m) RE Un QE ta 448 Saule à feuilles d’amandier. Salix amygdalina....... 450 Saule à cinq étamines. Salix pentandra............. 451 Baule rale Sur fraclrs 0, leur LR enUnE 452 TABLE DES MATIÈRES. 559 Saulekmarceau. «Salt capr&a. 23. .12241.).101008 Page 453 Saule à une étamine. Salix monandra......,....... 455 Saule à trois étamines. Salix triandra............., tbid. Saule de Babylone. Salix Babylonica.............. 456 Peuplier noir., Populus\niens 40000 A0 ne 462 Peuplier blanc. Populus alba.............. AMEL 463 Peuplier tremble. Populus tremula................ bid. Peuplier baumier. Populus balsamifera............ 464 Peuplier noir du Canada. Populus monilifera........ 465 Peuplier de la Caroline. Populus angulata......... tbid. Mynicaiealé M yricataales it Ar PET RNUe 467 Mynicalemer \Myrica)ceruienge 0). ele PIN 469 Myrica de Pensylvanie. Myrica Pensylvanica........ 470 Bouleau blanc. Betula alba..............1.,.... 479 Aulne commun. A/nus glutinosa................., 475 Hêtre des forêts. Fagus sylvatica.............,..... 479 Châtaignier ordinaire. Castanea vulgaris... ......... 484 Châtaignier nain. Castanea pumila................ 494 Chêne à grappes. Quercus racemosa..............., 495 Chène sessile. Quercus sessiliflora. : .ù .. M ........ 496 Chêne cerris. || Quercrss cena see AIO enr 497 Chéne de Boursogne, 0) 0 et Arr ibid. Chêne tauzin. Quercus tauza..........,.. RU. ie tbid. Chène des Pyrénées. Quercus Pyrenaica........... 498 Chêne stolonifère. Quercus stolonifera.............. tbid. Chène liése NOkercus \subena a Ni EN third. Chénelyeuse. | Ouercus ileg\i) Ia RENNES Ent M 500 Chène alzama MOuercusialana NN ibid. Chêne ballote. Quercus \ballota ee RE RME OUT 60 TABLE DES MATIÈRES. Chêne grec. Quercus esculus.......... HS TERES Page 501 Noisetier commun. Corylus avellana............ 4 515 Noisetier de Bysance. Corylus colurna. ......... 22. 519 Noisetier cornu. Corylus rostrata........,....2..1 tbid. Noisetier d'Amérique. Corylus Americana........... 520 Charme commun. Carpinus betulus........ ....... tbid. Charme houblon. Carpinus ostrya................. 522 Charme d'Orient. Carpinus ortentalis.............. ibid. Charme de Virginie. Corpinus americana........... tbid. Liquidambar d'Amérique. Liquidambar styraciflua.... 523 Liquidambar du Levant. Liquidambar orientalis.. .... 525 Comptonia à feuilles d’asplénium. Comptonia asplenu- DÉCLIN AN ANIME AM RER Sr ARE PEER AE RS UE 526 Platane d'Orient. Platanus orientalis.. ........... uw 027 Platane d'Occident. Platanus occidentalis. .......... 531 FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. Au (VA) New York Botanical Garden en NE Ob Joseph/Nouveau traite des plante NS N S STRESS NS S RSR NS Ÿ à SSSR à KR Ÿ à De N NS RSNSSN NS S S S SS SNSSS à RSS à S * À SSSS SN RSS NS SSSSS N SSSKESS N S SSSSS NS SSSS SSS SS NS NS À ù SSSSS KE RSS LS