VOYAGE AUX TERRES AUSTR AL ES, A la Nouvelle Hollande , &c, Fait * h m. d c. xc t x* ' Où l’on trouve la Defcription des Mes Cana.^ ries , des îfles de Mayo &: de faint Jago, de la Baye de Tous les Saints , d:-s Forts &. de la Ville de Bahia dans le Brefii^&rc. Par G 17 T l, L A U M E D X M P TER, AVEC LE F OT AGE DE LIONEL Vy. , FER* Où Ion trouve la Defcription de ITfthtpô' de Darien dans PAmerique, &c. F.r-rirlii de Carres & Fi£tirei. Tome Qjj atrie’m'e, A R O P E M ,, Chez Jean Baptiste MAcHUEt,rue Etoupée, m. Dut, xx;h. A probation & Privilège du Roi » ■ AVERTISSEMENT D U libraire- jp^l E Voyage de Mr. Dampier ati- ft / t0'ir dt* Monde , cf ut j'ai fait tra- du ire depuis quelques annéesy a été fi bien reçu du Public y que je ne doute pas que fin Voyage à la nouvelle Hollande, qui a paru depuis 17 03.. en An- gleterre , ne trouve le meme accueil favora- ble. Les obfirvations qnil y fait à l'égard des Vents , des Marées , des Bancs de fa~ ble , & des Variations de C Aiguille > font fi exactes & fi p articulât fie s ,, que les N avtgateurs n'en peuvent recevoir qu'uns grande utilité. Ses remarques fur la nature du terroir. , les Climats , les Arbres , Us Fruits > les Plantes , les Bêtes à quatre pieds y les 0 1 fi aux y les P 01 fions , &c. Cl* fur les Habitans des P ah oh il a été\ ne Tome IV. < A VERTISSEMENT. peuvent que fatisfaire les Curieux. Aiais U petitejfe de ce P ehme eft fi éloignée de la grcjfeur des autres que je n’ai pu me ré- foudre à le publier tout feul : de forte que j’y ai joint la Relation de APr. Wafer > un de fes Compagnons de fortune , qm fut impri- mée à Londres en 1699. f‘ ofe même dire que le Public fera bien payé de fon attente » & qu’il m aura quelque obligation d’avoir uni ces deux Amis enfemble. JMr. Wafer nous donne ici un Abrégé de fes Voyages depuis 16 77. jnfques en v6 9 o , & il dé- crit avec beaucoup d’exattitude V Ifthme de /'Amérique y ou de Panama:, où U avait de - meuré plufeurs mois. L’on y trouve aufji des particularité % fort confiderables , dont il a été lui même le témoin oculaire > & qui peuvent fournir de la tablature aux. Philo - fophes. Enfin , pour rendre cette Edition Françoife plus complétée yj'y ai inféré l’ A~ vis-: que jfir. Hallei donne a tous ceux qui navigent à travers la Manche , ou le Canal ^Angleterre , & que Mr . Dampier loué beaucoup à la Page troifiéme de ce Fol urne. C’efi tout ce que j’avois à dire au Letteury il n’a\qna pourfùivre 3 & À juger par lui- même fi le corps de l’Ouvrage répond à ce peut FromiJJjicc,. L’ A U T E U R- 'Accueil favorable que le Public a fait aux pre- miers Volumes de mes ■ Voyages , me remplit d perance que malgré les objections de certains Efprits prévenus contre moi , les perfonnes defintercfifées & qui aiment à connoître le naturel des. habitans , les animaux 5 les plantes 3 le terroir , &c. de ces pars éloignez , que peu ou point d’ Européens ont agréeront en quelque ma* I 1 l à PREFACE- hiere ce Volume , que je leur de*' fiine. Je n’ignore pas que ceux qui ont fait de nouvelles découvertes devant moi 3 ont prefque toujours eu le fort d’être méprifez par les perfon- nes qui n avoient point de goût pour ces fortes de chofes, ou qui étoient prévenues contre eux. 11 leroit donc inutile , & même déraifonnàble de m’attendre à échaper la cenfure de tous 3 & à recevoir un meilleur trai- tement que celui dont des Auteurs illuflres & fort au-deifus de moi , n ont pû fe garenrir. Mais on ne m ôtera pas la latisfadion que j’ai de favoir 9 que les découvertes où j’ai été em- ployé, mentent nos recherches les plus exaéîes 3 puis qu’elles regardent Ses Ouvrages magnifiques de Dieu dans les diverfes parties de ce Mon- de fublunaire. Quelque peu de capa- cité que j’aye d’ailleurs pour me bien aquiter d’une pareille tache; du moins f is-je perfuadé que ma Relation eR fidèle, que j’ai fait quelques nouvelles PREFACE. decouvertes , & que cela peut être de quelque fecours à des perfonnes plus habiles qui viendront après moi. Les uns m ont objecté 3 que mes defcriptions étoient maigres & dé- charnées , & qu’il n’y avoit pas cet- te variété qui plaît , & qui divertit un Lecteur curieux. Je laiflè au pu- blic à juger de l’accufàtion. Mais fi j ai eu le foin de dire exa&ement les chofes telles qu’on les trouve î fi mes remarques m’ont fervi plus d’une fois ÿ & peuvent etre utiles à ceux qui voya- geront apres moi; fi enfin il y a plu- fieurs perfonnes qui préfèrent un reci& fimple & jufte de la nature & de l’é- tat des chofes , à un difcours poli & femé de fleurs de Rhétorique, je me flate qu on me pardonnera fans peine tous les défauts de mon fiile. D autres mont taxé d’avoir pillé les Journaux de quelques Voyageurs 3, & de n avoir pas écrit moi-même ce que j’ai donné au Public. Pour ce qui regarde le premier point , j’ofe aflu- P K E F A C £. rer que je n’ai rien emprunté de qui que ce foie , fans en dire le nom 3 à quelque peu de relations prés, &d’ob- fervations particulières , que j’ai eu de la bouche de certaines perfonnes qui n’ont pas voulu être nommées. D’ail- leurs , j’ai toujours diftingué ces en- droits-là de ce que je raporte de mon propre chef- Pour ce qui eft de l’au- tre point , je fuis fi éloigné de croire qu’un homme de ma Profeffion fe fait tort d’avoir fes Ecrits revus & corri- gez par des perfonnes entendues , que j’en tire vanité ; puis fur tout que les plus illuftres Ecrivains n’ont pas eu honte d’avouer la même chofe & de la reconnoitre pour un grand avantage. Enfin je fai qu’il y a des perfonnes qui n’eftiment pas mes relations , fous prétexte que je nai fait que parcourir les côtes de quelques païs inconnus 5 que mes remarques ne peuvent être ainfî que défc&ueufes, & qu’il n’eft rien de plus facile fur ce pié-là. Mais ceux qui ont quelque expérience dans ces matières j ou qui examinent PREFACE . 9 les chofes fans prétention , en juge- ront autrement , fi je ne me trompe. Du moins , fi Ion a égard à l’humeur revêche des Matelots , dans les Voya- ges de long cours 5 quand ils ne favent pas où on les mène ; à leur ignorance de la nature des vents , & du change- ment des monfonsi au peu de connoif. fance que les Officiers mêmes ont d'or- dinaire , de la variation de l'aiguille & de l’ufage qu’on fait du compas des Azimuths : fans parler des rifques où ion cft expofé dans des Mers incon- nues : h Ion a égard , dis* je , à tou- tes ces difficultcz 3 bien loin de me blâmer pour navoir pas fait de plus grandes obfervations , Ion me fçaura bon gré de celles que j’ai pu faire. Voilà tout ce que j’avois à dire 3 pour répondre aux obje&ions qu’on a faites contre mes premiers volumes ; & fans fatiguer plus long-temps mon Le&eur par des chofès de cette natu- re 5 je vais l’entretenir en peu de mots de ce qui regarde ce nouveau Tome. Afin donc qu’on pût fe former une Tome IF. £ fê PREFACE. idée jufte da cours de ce Voyage êz de la ficuation des lieux dont il y eÉ parlé ; jy ai fait inferer une Carre , de même que dans les autres Volu- mes, où l’on peut voir d’un coup d’œil la route que j’ai fuivie , par une ligne marquée de poinrs. J’y ai mis aufii les Plans & les profils de quelques en- droits particuliers , pour en rendre la defcription plus intelligible & plus utile. D’ailleurs , | avais cette fois à bord un homme qui entendoit le deffein * ce qui m’avoit manqué dans mes au- tres Voyages : De forte que je me trouve en état , pour la fausfaéhon des curieux , de leur prefenter les fi- gures des oifeaux , des bêtes , des poif- fons, & des plantes les plus remarqua- bles, dont je dis quelque chofe. A l’égard même des dernjeres , il y en a plufieurs que je n’ai pas décrites * & que je me contente de donner au Pu- blic bien gravées , parce quelles me font inconnues , & que je n’cn puis rien dire , fi ce n’cft qu’on les trouve çfans tels ou tels païs particuliers. Pouj: PREFACE. f î ks plantes en efpece, je les ai remifes entre les mains du fçavanr Dr. Vvood- vard. ] au rois pû en faire graver quan- tité d’autres j mais yn voulu me bor- ner à celles , qui different beaucoup dans la configuration de leurs princi- pales parties y de tomes Celles quon voit en Europe. J’ai a uffi divers oifeaux ëc poilfons tout défériez ; mais je ne les ai pû inferer dans ce volume par- ce que ma Relation ne s’étend pas juf- ques aux païs où on les trouve , réduit à m’équiper pour un autre Voyage 3 plutôt que je n’avois ciû3 il m’a été impoféble de la porter plus loin , qu’à mon départ des Cotes de la Nouvelle* Hollande. Mais fi Dieu me fait la grâce de revenir heureufement je promets à mes Ledteors de la continuer depuis cet endroit jufques à ce que mon Na- vire fombra fous voiles 3 proche de rifle de l’Afcenfion. Cependant pour rendre en quel- que maniéré mon récit complet , je donnerai ici un Abrégé de la fuite de ce Voyage, Nous partîmes donc des i a # î2a PREFACE. cotes de la Nouvelle- Hollande , aa commencement de Septembre , mil hx cens quatre-vingt dix-neuf , pour les raifons que j’ai alléguées pag. 157. & nous ancrâmes à la hauteur de I I- % de Timor, le quinze du mois. Le vingt- quatre nous obtînmes une peti*» îe provision d eau douce, du Couver» neur d un Fort , que les Hollandois y ont avec un Comptoir. Nous y trou- vâmes aufïï des Portugais , de qui nous fumes bien reçus. Le troiliéme Décem- bre nous arrivâmes fur la Cote de la Nouvelle- Guinée 3 oii nous eûmes de très- bonne eau , & fîmes quelque com- merce avec les Habicans d’une certab ne îfte , qu’on nomme Pulo-Sabuti. Nous courûmes enluite au Nord , & nous rangeâmes la Cote , jufques à partie la plus Orientale delà Nouvel- le Guinée. Je trouvai que c’étoit une lue, & quelle ne fe joignoit pas avec le Continent j c’eft ainfi que je l’ai re- prefentée dans ma Carte, & je lui donnai le nom de la Nouvelle- Bretagne. PREFACE. ij Il y a grande apparence que cette Me fournit quantité de bonnes mar- chandifes , & qu’on pourroit facile- ment- négocier avec les Naturels. Mais la faleté de mon VailTeau , que je n’avois pas les moyens d’tfpalmer 5 le peu d’hommes qui me revoient à bord , l’envie demefurée qu’ils témoi- gnoient pour retourner au piûcdt chez eux , & le danger qu’il y avoir de con tinuer en cet état dans une Mer -, où les Balfes & les Côtes , nous étoienc également inconnues , & qu’il falloic examiner avec beaucoup- de foin & à la longue ï tout cela , dis- je , m empê- cha de pourfuivre alors le but que je me propofois. Ainh je me flâte que le public prendra en bonne part ce que j’ai pu faire îà-dcffus pour fon fervice & qu’il n’y aura point d’obftacle que je ne tâche de furmomer 3 pour venir à bout du même deflfein > toutes les fois que l’occafion m’en fera prefentée. Nous revinmes à Timor le dix-huie Mai mille fept cens. Le vingt & un Juin nous paffâmes £ la hauteur d’une I 3 14 . PR EF ACE. partie de 1 Ille de Java , & le quatre? Juillet nous mouillâmes dans la rade de Batavia. J allai a terre , pour voir le Geneial Hoilandois , & lui deman- der la pèrmifilon d’acheter quelques vivres, dont j’avois befoinj ce qui me accordé. Après avoir réparé mon Navire , fait mes provifcns , rempli mes Barriques d’eau, & que la faifon pour retourner en Europe fut venue , fs partis de Batavia le dix-lept Oéîobre êc nous arrivâmes au Cap de Bonne- efperance le dix-neuf Décembre. Nous partîmes d’ici l’onze Janvier , mille fèpt cens un. Le trente & un de ce mois nous découvrîmes l’Ifle de fainte Heîene , & le vingt & un Février celle de l’Afcenfîon. Nous étions dans le voifinage de cette Me , lors qu’il fe ht une voye deau à mon Navire, qu’on ne pût boucher î de forte qu’il coula a fonds , & que nous eûmes beaucoup de peine à gagner la terre , où nous vé- cûmes de Chèvres & de tortues. Le vingt-lix Février nous y trouvâmes au Sud-Efl d’qne h^ute montagne, peut- P R E F A C E. ts être à demi mille du fommet 5 une Fontaine d eau douce 3 qui nous fut dun grand fecours. Je repaflfai en An- gleterre , à bord du Cantorburi 3 qui appartenoit à la Compagnie des Indes Orientales. Enfin je ne puis que rendre d éter- nelles a frions- de-graces à Dieu 3 de ce qu’il me délivra d’une maniéré fi mi- raculeufe de tant de périls 5 & s’il lui plaît de me ramener dans ma Patrie , apres avoir fini le Voyage qu’on me propofe , je ne manquerai pas de don- ner au public une Relation exa&e de tout ce que j’ai vfr de remarquable dans les differens endroits que je viens de nommer* %/tile necefjaire , donné par un Membre de la Société Royale dé Londres y a tous ceux qui naVigenf dans le Canal d'Angleterre. L’O’n a déjà obfervé depuis bien des années , que des Vaiffeaux deftinez à pafTer le Canal font tombez au Nord des Sorlingues , & ont enfilé par méprife le Canal de Brift >1 , ou la Mer de Severn où ils ont couru beau- coup de rifque » & où plu fleurs mê- me ont péri maiheureufement. Cela* vient fans doute , de ce que la varia- tion de l’aigu ilîe a changé , & de ce que la latitude du lézard & des Sor- îingueseft marquée prés de cinq lieues tropau Nord. E’on voit du moins par des obfervations inconteftables j que la pointe du Lézard y eft à quarante- neuf degrez , cinquante*cinq minutes3 fc milieu des Sorlingues étant à fqq Â\ïs de j\4r. Hatlcy. if Ûiieft , & que fa partie Méridionale cft au plus jufte à 4^. deg. 5:0. min* au lieu que dans la plupart des Garces & des livres de Navigation, on les met à 50. deg. au Nord , & dans quel- ques-unes même à 50. deg. 10. min. Ceci ne produifoit aucun mal , pen- dant que la variation continuoitàTEft comme elle étoic lors qu’on fit les Car- tes. Mais depuis l’année mil fix cens cinquante- fept , elle a fi fort tourné à l’Oikft, quelle fe trouve aujourd’hui de fept degrez & demi ou environ > de forte que tous les Vaiffeaux qui vien- nent de l’Occean pour entrer dans le Canal, & qui mettent le Cap à IfËft par la bouflole , s’éloignent au Nord & fe détournent de leu; : vè-kaoîe côür- Je deux tiers de rumb. Ce n’efi pas tout , de quatre-vingt en quatre-vingt milles qu’ils courent , ils changent leur latitude à peu prés de dix minutes , & s’ils négligent de faire leur obfervatioiî deux ou trois jours de fuite, fans rien aloiier pour cette variation , ils ne manquent pas de tomber au Nord v Avis de Mr. HaÜey. contre leur attente ; fur to u s'ils com- ptent que lest Sorlingues font à plus de jo. deg. Quelques pèrfonnes ont at- tribué ceci, au courant du Canal de laint George; dans ta fippofition que le flux porte plus au Nord que le rc— flux n’en éloigne, mais ft la variation' eft une fois eompenfée, l’on trouve que ce Courant n’eft pas fenfible, & que les Vaiflèaux qui- font route par Eft quan au Sud , durant deux Em- poulettes , & par Eft durant un autre gardent exactement leur Paralelle, Ceft pourquoi l’on recommande cet- te pratique à tous les Maîtres des Va if- féaux 3 qui ne fçavent pas faire des cpmpenfations reqaifes pour la varia- tion ; & de plus m kur confeille quand ils fcrtent de 1 Occean 5 pour entrer dans te Canal 3 de fnivre un Parallèle qui ne foit pas a plus de quarante- neuf degrez , quarante minutes au Nord * cequi les amènera tout droit au léfard. Ce n ’efî pas ici le feuî danger auquel changement de la variation expofe tes Vaiffeaux qui fe trouvent dans le 'Àvh de Mr . Halley. panai , nous en vîmes plufieurs l’Hi- ver dernier , qui après erre partis des Du nés 5 firent un t rifle naufrage fur la Côte de France & furies Cafquet- tes. Quoi que ce ne fut peut-être pas la feule cauie de leur perte , on ne fau- roit douter que ceci n’y contribuât beaucoup : Du moins , fi l’on compa- re le profil exaâ: de la Cote de Fran- ce 3 que l’on a fait en dernier lieu avec lsafpe<à de la nôtre, où l’on pourrok bien n’avoir pas apporté la même exa* êf tude> il fe trouvera que la véritable route pour aller de Beachy , ou de Dungynefis aux Cafqueies eft à vingt- fix degrez de l’Oüeft en tirant vers le Sud ; bien qu autrefois lorfque -l’aiguil- le Nard eàoit autant , quelle Nord- oücfte aujourd’huy , la route étoic à peu prés Sud OudV quart à l’OiLft , par la bouffole i & alors h toute Oüeft Si^d-Oüeft , quon appcjloit route du Canal , étoit fort bonne pour tous les Vaifleaux deftinez à paffer dans l’Oc- cean. Mais aujourd’huy tout Vaiffeau , qui fait route OüefbSud-Oüefl: dans k 2o Avis de Air. Htüley . Canal , pour G prés qu'il range la Co- te de Beachy , ne manquera pas de tomber fur les Cafquettes, ou plutôt à leur M. Il s’enfuit de-là, qu’eu é- gard à la prefente variation de l’aiguil- le, la route à i’Oüeft quart au Sud , doit être la route du Canah au lieu de Oüeft-Sud-Oiieft ; & qu’à s ’éloigner à une diftarîce raifonnable du Cap de Beachy , cette route fera éviter rifle de Vvight , & tenir à peu prés le mi- lieu entre la pointe de Portland & \ç$ Cafquettes , qui en font s peine à qua- torze lieues , & prefque fous le même Méridien, En cas que cet avis paroiffe inutile a. ceux qui ont affez d’experience & d’habileté pour Savoir befbin d’aucun fecours , qu’ils fçaçhent qu’on ne l’a pas écrit pour eux : Cependant s’il petit contribuer à garentir un feul Vaidèau du naufrage, l’Auteur sefti- mera plus que payé de la peine qu’il a prife pour le communiquer au Public. VOYA- VOYAGE D E DAM PI ER, AUX TERRES AUSTRALE Sj CHAPITRE I. Vépart de L'Auteur des Dunes. Avis qu'il donne k ceux qui paient dans le Canal . Son arrivée aux fui^ZleS' %lafll!e de San{îa Cru* dans l ift e de Tenenffe , de Ca rade 3 & des Galions typages que les ^ng.ois y coulèrent h fonds. De la Ville de Lagune , du Lu qui eft dans le Z°un & du teirain des dirons. Tse la. Ville d Oratavia & de fa Rade. Tes Vins fa autres Tenrees de Tenerifé, &c. Des Gouverneurs de Lagune $ de Santa Crux. Des vents q J ré- gnent dans ces Mers-là. De l'arrivée de l' Auteur 1 Mayo , une des Iftes du Cap Vcrd , de la Saline V tlr y a comP*ree a celle de la Tortue la Salée ! de fon commerce pour le Sel , & de la ftruélure drlîvelTn* ’ a°nr on fe fert Polir ^ charger. Te VOYAGE fenotr & de fes Villes : îfe fes Poules de @uinêé$ {& autre ‘volaille ; des "Bêtes & du Poiffon. De lie 'Tortue de Mer > qui pond fes œufs dans la fai fort pluviéufe. Des Naturels du Pais , de leur Trafic <& ‘-defeur manière de vivre- L’arrivée de T Auteur Ht ïlflÇde S, fa go. De la Ville de ce nom. Des ha- bitant du pays & dp leurs Denrées- D’ uhe efpece de fruit qïti teffemble à la Grenade & cfun autre qui on nomme Papah. La Rade de S . fago. LTfle de Fpgo* E Samedi de bon matin , Jan- flüL v^er ^9»* )e v°de des DunfeS l^'WÉlî avec un vent favorable, à bord du VaifleàudeSa Majefté, no mmé le (Chevreuil , qui étoit monté de douze pie- çes de Canon , 8c de cinquante hommes , ,ûutre les Mouiïes,&: qui avoit pour vingt mois de provifion. Nous partîmes- de con- serve avec plufieurs autres VaiiTeaux du Roi, qui alîoient à Spithead Si à Plimoüth -, 8c fur Je Midi nous arrivâmes à la hauteur de Pun~ geheff. Nous les quittâmes cette même nuit pour continuer nôtre route vers le Canal , pais le lendemain matin nous nous trouvât lues plus prés de la côte de France , que nous p’aviotis crû ) puis que le Cap la Bogue n’é- toit qu’à fix lieues de nous au Sud - Hit , îquart â l’Eft. Il y avoir plulîeurs autres Vaif- ièaux , dont lès uns étoient plus près 8c les autres plus éloignez que nous de la côte de France , & qùi lembloient tous en avoir plus kpproché qu’ils n’auroient voulu. Mon Pilote 'qui parut d’abord un peu étonné de cela , 'ne fut pas pourtant fâché de voir , qu’il n’étçit dans une erreur j qui à ce que j’aipüi eft fort,commune f Ôc fatale à quantité ■ v „ ,.A;VX Terres Austral#* $ -Ve » aifleaux. Cela vient de ce que dans l’Efti- me , on ne compte pas le changement de la variation , qui elt.furvenuë depuis qu’on a fait ics Cartes , & qui eft très confiderable*, fui- vant les obfervations du Capitaine Halleyv Te renvoie là-defius mon Leéieur à ce que cet habile homme en a publie lui-même dans une feuille volante , pour fervir de guide à tous ceux qui vont & qui viennent à travers le Ca- Çal d Angleterre. * On en peut vçir le Titre au bas de la page. Pour moi , qui connois par expérience l’utilité de cet avis , je fuis bien aife de profiter de cette occafion 9 pour aider i le répandre , autant qui] me fera pojflible. Mais fans etnbarrafler mon ieéleur d’un compte exacft du chemin que nous faifions tous les jours, ni des vents qui foufloient , m d aucune autre chofe de cette nature , juf- qu’à ce que je, vienne à des endroits plus éloi- gnez,où ce détail peut être de quelque ufiage, ïe„ dirai feulement ici que nous continuâmes notre route du Cap la Ho'gue , & que fur les cinq heures du foir nous arrivâmes à la hau- teur du Starr. Ce fur la dernïere terre que nous vîmes de nôtre lfle', & c’eft de là que nous comptâmes nôtre partance; quoi que nous aurions mieux aimé la prendre depuis la pointe du Lézard , fi le temps fombre nous eut permis de la voir. Le premier Cap que nous découvrîmes après notre /ortie du Canal fur celui de Finifterre f que nous apperçûmes le 50. Janvier , & le 8*. février nous arrivâmes à la hauteur de Lance- A 2 j.» ArS necefaîre P°ur <*ux qui navigent dans le Canal 4 Angleterre. Se vend chez S. Smith aux armes du Prince â*an$ I» m.i â hojÂWi M prix’ eft h 4 VOYAGE rota , une des Ides Canaries. Vous avez ici le profil de Tes Côres , 5c de celles d’Allegrance, une autre de ces Ides , comme elles nous pa- rurent à deux differentes diftances. Nous fimes voile vers l’Ifte de ffeneriffé,où pavois réfolu de prendre dii vin 5c del’tau de vie pour mon voyage. Le Dimanche à trois heures Sc demie de l’aprés-Midi,nous décou- vrimes cette Ide , 5c nous forçâmes des voi- les pour en approcher jufqu’à cinq heures. À- lors la pointe du Nord Eft de cette Ide étoit 4 V- lieues de nous Oiieft Sud-Qikft. Mais la diftance étoit trop grande pour fe pou voir da- ter d’y arriver avant la nuit , de forte que je |nis à la cape jufqu’au lendemain matin , irré- solu fi j 'entrerais à Santa Crux , où à Qrata- via , l’une à l’Eft 5c l’autre à l’Oiieft de cette Ide , dont lafituation eft prefque toute Nord Sc Sud , Sc qui font les meilleurs Ports qu’il y fût de l’un 5c de l’autre côté. Cependant je éhoifis Santa Crux , comme le plus affûré dans cette faifon de l'année, &■ de l’endroit le mieux fourni de cette forte de vin , que je voulois prendre pour mon voyage. Nous y mouillâ- mes donc l’Ancre le 10. Février , à 33. Braffes d’çau , un fond d’argüc noire, & à demi mille ou environ du bord , d’où je pris le Plan de la Ville que vous voyez ici. ; D’ailleurs , les Vaiffeaux doivent mouiller Ici à 50. 40. ou $p. Braffes d’eau, & tout au plus 9 un demi-mille de la Terre. S’il y en a même tin grand nombre , il faut qu’ils fe tiennent ibrt près les uns des autres. Le rivage eft éle- vé prefefue par tout , 8c même eiçarpé en di- vers endroits. Ce Havre fe trouve fi expofé à TF.ft -, que les vents qui fouflem de ce côté-là | forment de greffes bqule§, & rendent l’a- àki. JGes Canaries . T. +.P. ^ U ^llegTiMCe aJ'ï-i.Jjiezu’j ait cnvt’cn Jebymeme. - L aj-icej-ota ^parüitainsienmJme tes™, azyZ-on cmnrenjj s.u.ij’.is. j.j.js. s./je. V'l? -J>' ctJ-7’Ij £^ envzren Jeùn^n^nefte M ' JXancej^ t,^pas-eitairwL enmisn. tzms kjf.Z . Je. céûb J1îrr- rrîfliÿ Trnîiiiiifiifliia TjU f'ü* d& L ancey-otîL conûnueJ t££J-‘S- , fini-pat -éie ^MtssJSmÊtk. •8l,-afev B"twa- /TV l'Erulroitcu ^4^ -Z^//7^HoçKeh> , x AUX TërÜS AtJSTRA iîs. % bord très dangereux aux Chaloupes. En pareil cas , les Vaiffeaux , qui s’ÿ rencontrent , fqnt obligez de mettre en mer * & quelquefois mê- me de couper leurs Ancres , par ce qu’il n’y a pas moyen de les retirer. Le meilleur endroit & le moins expofe aux vagues , Où l’on puifïb aborder, eft dans une petite Anfe fablOnheu» fe , à un mile ou environ au Nord EU de la ra- de , ou il y a de bonne eâu * dont les Navires qui chargent ici fe Fourniflent , il arrive même fouvent que les Vaiffeaux , qui char- gent à Oratavia , la principale place qu’il y ait pour le commercé , envoient ici leurs Chalou- pes pour y faire aiguade* Au refte , ce dernier Havre elt plus dangereux à caufe dés vents d’Oueft , que l’autre à çaufe des vents d’Ell % & lorfque l’Oueft fouffle , tous les Vaiffeaux qui s’y trouvent , prennent le largue. Entre cette Anfe , oti l’on va faire dé Eëaü , Sc San- ta Crux , il ÿ a deux petits Forts , qui com- mandent la Rade avec le fecours de quelques Baterics difpofées le long de la côte. Santa Crux n’eft qu’une petite Ville fans murailles , gardée par deux autres Forts qui défendent âufïi Pentrée du Havre. 11 n’y a guère plus de deux cens maifonS * toutes à deux étages , mais bien folides , bâties de pierres ôc couvertes de Tuiles* Deux Couvens & une Eglife font les plus beaux Edifices qu’il y ait. Les Forts dont je viens de parler, ne pûrent pas garantir les Gallions d’Efpagne contre l’Amiral BlacKe , quoiqu’ils feretiraffent aufïi près qu’il leur fut pofîîblé fous le plus confïderable. Il y a plu- sieurs des habitans encore en vie qui fe fou- viennent de cette action , où les Anglois en- dommagèrent beaucoup la Ville , & l’on voit encore aujourd’hui les marques de leurs Boiw A 3 % Voyagé Les rCaman°n dansies murailles dé ce fart* gu oncn transportât quelque peu à tene d£ B?eft6tJn'f>r°ître “ * ,, f1 fn~*or aPfès avoir mis à l’Ancre i’allài? Païs - rU1 - Va Principale Ville du dîner i |e/eroiS de *«our a/Tez tôt pour fnn f le Pouverneur de Santa Crux • fonde fur ce qu’on m’avoit dit que cette place n etoit éloignés que de trois miles. Tout le chemin qui conduit à Lagune , e/l fur un?» Pa^Jue le/ KCZ dr01tV’ mals cela n empêché 1 i ^charettes n y montent & n’en dé- chfr?êes : il y a des cabarets difpet fez le long de la route , & nous y bûmes quel- ques verres de vin. Le terroi/d’un côté Sè vwf par<îld°K pfcrreux&/leri1e;mais nous vîmes en plu/îeurs endroits des morceaux de terre, gû H y avoir du bïten herbe° qui femt b oit etre en fort bon état s à uni diftan^è plus eloignee , il jr avoirau fes dis montagne* de petites vignes . entrecoupées en divers en? Ven de ®fânde ^tendu® detefraiù, cou- vert de rochers, qui n etoit nullement propre hui/fo/ C/ >Ure ’ & °ù il ne croi/Toit qPuedes jbui/ïons, qu on nomme Dildos : il n’étoit que fept ou huit heures du matin , lors que nous ?ewïnle& FrUXlJei/1;ns éroit beau & ferain > & le Soleil qui bnlloit dans tout forn AUX K R 1 S- ; A U B r K A L E S. V éclat , ne manqua pas de nous donner affeé de chaleur, avant que nous pufïions atteindre La- gune , où nous arrivâmes. fur les dix heures * tous en eau & fort fatiguez ; de forte que nous fûmes bien ailes de trouver une méchante ca- bane pour ÿ boire un peu de yin , &: nous ra- fraîchir. Mais nous découvrîmes bien- tôt un de nos Marchands Anglois qufréfidoit ici , qui après nous avoir régalez d'un bon dînes * nous fit voir Ta Ville. . , ,, Lagune eftuneaffez grande ville , bien rà- * malfée , & dont l’afpeét e(t fort agréable -.elle eft en partie fituée fur une montagne , 8c en partie dans un terrain uni. La plupart des mai- ions y font bâties cfe pierre & couvertes de tuiles. Quoi qu’elles ne foierit pas uniformes, elles font avec tout céla un aïfez joli effet , qui fie déplaît pas a là vue : il y a quantité cle Beaux édifices , entre lefquels on peut mettre deux Églifes Paroifîîales , deux Convents de iLeligieufes quatre Mohafteres , un Hôpital $c quelques Chapelles,outfe plufieurs maifons de Gentilshommes. Les Monafteres font ceux- de faint Auguftin , de faint Dominique, 4c faint François 8f de faint Diego. Les deux E- glifes ont des clochers affezÈauts 8c quarrez, dont le fommef s’élève, au-deffus de tous les autres bâtimëns : lés rues ne font pas réguliè- res 3 mais elles font larges pour la plupart oC qffez jolies. Vers le milieu de la ville on trouve une grande place qui eft environnée de belles rpaifons : il y a d’un côté une prifon bien forte ,■& tout auprès un aqueduc de bon- ne eau , qui' en fournit a toute la ville •, ils ont quantité de jardins , remplis coût autour d’o- ranges , de limons , 8c d’autres fruits -, 8c ils mettent au milieu les herbes potagères , les fa- mêm!eunDfleU">^ Sitehfbitans èiokit S pourmi^,"™31 ^ 5et é?arddl dl certain pourroient avoir de très-beaux iarriinc » SSf e(l fitué" P ru ne hauteur vent d’Eft ^ P alnf qU1 eft toure ouvcrte du vér.^M & qUC (?e/erre maniéré elle jouit amené pre/î^u^toû^^ d^e^ne nlJ?n«Irjere da vdle on découvre une vafte deux T1 quatre lieuës de ,onff> & de dfher£ jnS,i^ ar?eî ?ui produlc u”e rorce moinsajrrfaK^eîjd°nt a Verdure n’ètoic pas d’Ann-i ^rea^.f alors que celle de nos prairies itel Éft a“ Printems. A i’Elfte ce?! ^ plaine & fort près de la ville , il y a un lac demi SnfUrd d'ea,u douce- 11 y a environ l’eau enlft A de clreonference > mais comme aSûver on ne s>en fert pour d’oifeanv r ^etal1, /?n hiver pluiîeurs fortes fent^au“nrtr“VdgC -Ke rendent ici 5 & fournif- ient quantité de gibier auxhabitans de Lagu- Prno*iU1 ïlfe Pon nom de ce même lac *, car eh cefâSnh!iLaiUa fiSniEe un Iac ou un étang ; OüeftPi i fcejb^rnte àl’OUeft’ au Nord- Stës efoarUn'Sud-°Ueî par dehau«s monta- £lf;L r p ,S, ’ qul Comment autant fur la feît" Çft ckvée au-deflus de la nue bmîi'nî' pied d une de ccs montagnes vërVl, ë eeft/ournie d ea“> qui coule à tra- plaine dans un aqueduc bâti de pierre ^n7aï des col o mnes" : il faut avoiier , du côrfd^pca fituatl,on de cette ville, fa vue Canari 1 j.qui s étend jufqu'à la grande ou’?l v? fer ,irdi!nSj la/raîcheur des berceaux q ya, fa belle plaine, fa campagne ver- aux Terres Australes. $ Voyante , fon lac , Ton aqueduc , & la douceur de Tes brifes , elle ne peut être qu’un lejour fort agréable , fur tout pour des perfonnes qui n’ont pas des afaires , qui les appellent 4 s’é- loigner fou vent de chez eux -, car cette ifle eft prefquc toute remplies de montagnes efear- pées & raboteufes , qui obligent à monter 6c à décendre , & qui fatiguent beaucoup les Voyageurs > à moins qu’ils ne profitent de la fraîcheur du matin & du foir. Auifi n’em- ploie-t-on guère en ce pats que des mules & des ânes , foït pour y aller deffus* ou pour voi- turer les denrées. Au-delà des montagnes , du côté du Sud- Oiiefl , encore plus avant , on peut voir de la Ville & de la plaine une petite montagne pointue, qui domine fur toutes les autres-'; c’eft celle-là même qu’on appelle le Pic de Teneriffé , fi renommé par fa hauteur : mais nous le vîmes d’ici avec tant de defavantage » à caufe de la proximité où nous étions des montagnes voilï nés , qu’il nous parut peu de chofe en comparaifon de ce qu’on en dit. Le véritable vin de Malvoifie croît dans cette ifle j & on allure que c’eft le meilleur de fa forte qu’il y ait au monde. On y trouve aufïî de celui qu’on appelle proprement vin deCanarie & du Verdona. Le vin de Canarie croît fur tout à i’Oueft de Tille : Sc c’eft pour celaqu’on l’envoie d’ordinaire àOratavia,qui eft le port le plus marchand de toute l’Iüe ,'Sc où nos Faéleurs Anglois réfident avec leur Confui, parce que nous faifons un grand com- merce de ce vin- & Au relie, on me dit que cette ville eft plus grande que Lagune -, qu’il n’y a qu’une Lglife ; mais plufieurs Con- tents ; que le port n’en eft pas trop bon , ôC ÏS A VOYAGE qu’il eft même rrés- dangereux lors que le Nord Oiieft foufîe. Ces vents de Nord- Oiieft annoncent leur approche par les lames qui viennent brifer contre le bord , 5c par les nuages noirs qui fe forment du côté du Nord- Oiieft : à la vue de ces lignes les vaiffeaux lè- vent leurs ancres, ou bien ils coupent leurs ca- bles, 5c ils fe mettent en mer, où ils louvoyent jufqu a ce que le mauvais tems foi t paffé. Quelquefois même ils font obligés de faire ce manège à deux ou trois differentes reprifes , avant qu'ils puiffent avoir toute leur charge à bord : ce qui eft affez dificile en cet endroit a a. milieu de la plus belle faifon , Si ils envoient à Santa Crux , comme je l'ai déjà dit , pour avoir de l'eau douce. Le vin quon appelle Verdona , eft verd , il a du corps 5c de la force, il eft plus rude 5c plus piquant que celui de Canarie. On ne Teftime pas-tant en Europe , mais on le tranfporte dans les Indes Occiden- tales, & il fe conferve mieux dans les païs chauds *, c'eft pour cela que je touchai ici afin d'en prendre quelque provilîon pour mou voiage. Cette forte de vin fe recueille fur tout à i'Eft de l'ille on l’embarque à Santa Crux. Outre ces' vins qui fe vendent toutes les années en grande quantité aux Canaries , fur toute àiagrande Canarie, à Teneriftè 5c à Pal- ma,il y a ici-abondance de grainsjdu froment, de forge , 5c du maïz , qu'on tranfporte fou- vetit ailleurs : ils ont auffr desfeves, des poix > Ôc des coches , qui eft une forte de grain qui reffemble beaucoup au maïz , & qu’on feme1 pour engraiffer la terre. î î y a des papahs,dont Reparlerai plus au long dans la fuite , des pom* pies, des poire? 3 des prunes* des cerifes* d’ex* A TJX ^TeKR E S" A'tf >T R A L E S. .U «éellentes pêches , des abricots, des guavas, des grenades, des citrons, des oranges, deux fortes de limons, des courges , les meilleurs oignons du monde , des choux , des raves, des pocatos, ôçc. Ils ont auflî bonne provision de chevaux/ de vaches , d’ânes, de mules, de b rebis, de chè- vres, de cochons, de lapins,& quantité de bê- tes fauves. Les chevaux de fille Lancerota fonc ehimés les plus vifs, les pluslegers à lacourfe, & les plus francs que l’on puifle trouver. En- fin il y a ici quantité de volaille & de gibier , des coqs , des poules , des canafs,des pigeons, des perdrix , &c. On n’y manque pas non' plus de poiifon, de maquereaux , &e. Toutes les ides Canaries font pourvues détour ceci „ les unes plus ,1-es autres moins : mais comme belle de Lancerota eft la plus farheufe pour les chevaux , & que la grande Canarie, Palma éc Teneriffé font renommées pour les vins , la: derniere fur tout pour la meilleure Malvoilîé,* ce qui fait- que ces trois ides ont le plus cfe commerce y ainif Forteventuta eft la plus en réputationpour fa volaille domèfl:ique,& Co- rnera pour les bêtes fauves. Le gibier &' tous' les vivres font chers dans les ides'nègociantesV mais ils jjpnt en abondance ôc à grand' marche dans les- au très 3 c’eft pourquoi les vaiifeaux qui font frété? pour des volages de long cours, Ôc qui ne veulent prendre que peu de vin, fonc mieux de toucher à. ces dermefes , où ils en peuvent trouver allez , ôc à bon compté. Pour moi , ii je favois fçu avant mon arrivée , j’au- rois plutôt abordé à l’une de ces idës qua: celle de Teneriffe : mais cela doit fufire fur ce fujet. On dit, que dans cette derniere oh peur /neure douze mille hommes fous les armes. Le-4 A' (p ïi VOYAGE Gouverneur ou le Général , comme on le qu&* lifie , de toutes ces iftes fe tient à Lagune ; il s’apelle Don Pedro de Ponto -, il eft natif de cette iile , & il n’y a pas long tems qu’il étoit Préfident de Panama dans les mers du Sud il en rapporta même quelques perles de grand prix , dont il fit prefent à la Reine d’Efpagne , 8c c’eft là-deflus , à ce qu’on dit, qu’il fut élu Général des Ifles Canaries. La grande Cana-* rie l’emporte de beaucoup fur l’iile de Tene- riffé , foit en étenduë , ou en richeifes : mais ce Gentilhomme aime mieux réfidet dans la der- nière , parce que c’eft le païs de la naiflance : il a la réputation d’être une perfonne d’un mérité diftingué : il gouverne avec juftice ÔC modération , & il eft fort aimé de tout le monde. Le Gouverneur de Santa Crux, avec qui je devois dîner étoit un de fes Lieutenans , mais je m’arrêtai fi long-tems à Lagune , que je ne pûs me rendre chez lui que pour y fouper : c’eft un homme fort civil 8c difcret ; il réfide dans le principal fort tout auprès de la mer -, il a une fentinelle à fa porte , 8c un petit nombre de domeftiques pour le fervir , il me traita dans une grande fale bafle 8c obfcure, où il n’y avoir qu’une feule petite fenêtre. On y voyoit en viron deux cens moufquets pendus aux mu- railles , 8c quelques piques d’ailleurs , il n’y paroifloit ni lambris , ni tapiiferie , 8c tous les meubles confiftoient en une méchante petite table , quelques vieilles chailes , 8c deux ou trois bancs aflez longs qui fervoient de fieges. Après avoir foupê avec lui , je l’invitai à mon bord , où je me rendis dans ma chaloupe. Le lendemain matin il vint me voir,accompagnê d’un autre Gentilhomme 8c de deux valets * aux Terres Australes, if mais il fut autti-tôt attaqué du mal de mer , & réduit dans un tel état , qu’il ne put prefque ni manger ni boire , jufqu’à ce qu’on l’eut re- mis à terre. Après que mes gens fe furent un peu rafraî- chis , & que nous eûmes à bord les provisions qu’il nous faloit; je partis de Santa Crux l’a- prés midi du if. Février , & avec toute la di- ligence poiTible j parce que les vents du Nord Eft devenoient orageux , & rendoient la mer fi grofle , que le vaitteau n’étoit pas trop en fureté dans la rade même. Quoi que nous laittattîons à terre pluheurs chofes que nous avions achetées & payées, je fus bien aifed’en fortir au plutôt- On ne pouvoir pas fe hafar» der fur une chaloupe fans beaucoup de rifque , & la tourmente fut fi grande , lors que nous le- vâmes l’ancre , que le cable fe rompit. Mon delîéin étoit de patter à l’Ifle de Mayo une des Mes du Cap Verd j & je courus avec un vent gaillard de Nord-HIt en poupe,toute cette nuit & le jour fuivarat, fur le pied de io. ou n. mi- les par heure j mais il mollit alors & il devint un petit frais. Les Mes Canaries font pour leur latitude, dans l’enceinte ordinaire des vé- ritables vents reglez , ou généraux ; qui , à ce que j’ai obfervé moi- même, fouflent du Nord- Éft, en deçà de l’équateur : mais comme elles ne font pas éloignées de la côte d’Afrique , el- les fe trouvent plus expoféesau Nord , quielt le vent réglé de la côte , qu’il balie jufques au Cap Verd j & qui s’étendant au long & au lar- ge, envelope prefque tou tes les Mes Canaries, quoi qu’il y foit interrompu bien des fois par les véritables vents reglez du Nord- OUelLou par d’autres vents échars , auféjuels les Mes font fujettesj fur tout lorfqu’il y en a plufieurs de ramattees enfembie. Le Pic de Tènerifie # .. . VO Y K G:Ë qui avoit prefque toujours été couvert ds nuages pendant que nous étions à Santa Cr«x , nous pàroiflbic à cette heure tout rempli de beige , &c s’élever au-deflus des autres monta- gnes'*,'mais leur hàuteurTembioit diminuer de kfienüe, &C il paroît beaucoup pi us conlidera^ hle à ceux-qui fe trouvent à Ton Qüeft. Depuis Tçneri'fFé, noüs eûmes un Vent frais de Nord1 Nord-elb, $c de Nbrd'-elïy noùs vîmes du poiflon volant de quantité de chardon marin qui flotc'oit fur l’eau. Le 20 : Février à midi nous noüs trouvâmes à?rf; d. 4. m. de latitude; ainfi nous fflnès route par Oiielt Nbrd-Otieffc vers rifle de Mayo, dont comptions de n’être pas loin du côté de l’Eft , de à huit hêiires du ibir nous mîmes à la cape julques au jour : le Vent étbit alors Oiieft-'quart au Sud, de il con- tinua de cette maniéré toute la nuir, le temsf étoit béait, de il failbit un petit vent frais. Tous ces Agnès marquaient què nous étions proche de quelque terre, après avbireu julques ici dés btilesforcées, Le matin après le SoleiL levé , nous vîmes 1 ’ifle à 4- lieues oa environ dediftance. Mais il y avoir un brouillard’ fî épais aiydéflus , que nous n’en pûmes décou- vrir qu’une petite partie : de malgré tout cela jé reconnus qUè c’ecoit fille dé Mayo. On k peut Voir ici fous les diflerens afpeéts , où elie nous parut, lorfque nous la rangeâmes à i’Eft , auSud-Eflr& aù Sud , pour encrer dans la rade elt à fon Süd-Otiefll J’ai fair auflî'tracer le plan de fa rade. Nous n’y entrâmes. que le matin du 22. Fé- vrier , & je mouillai a l’abri de cette ifle : car c’eft une règle confiante qu’entre les deux tro- piques onhe doit jamais toucher a une ifle du* côte que le vent alifé fou fie. Nous ancrâmes^ T,daJyisyo &7V que. neuj cctv'ùrns ver-s jai aux Tfrh.es Airs 7 r a i r. s. fur les onze heures à quatorze braflès d’eau , un fond de fable pur,& la mer fort calme , à trois quarts de mile de terre , au même endroit ou j-’avois mouillé dans mon voiage autour du monde. Je trouvai ici à l’ancre le Nieuport de Londres, Vaiifeau Marchand, commandé paé Je Capitaine Barefooj , qui me falûa de trois'" coups de canon , & j’en tirai un pour lui ren- dre le falut : il vènoit de î*ayal’, une des ifies- Occidentales', & il avoir à bord du vin 5c du brandevin y il ehargeoit ici du fel pour le tranfporter à Terre-neuve , 6c dans la crainte où il étoit des Pirates , qui depuis quelques années infeftoient beaucoup les ifies du Cap verd, il fut ravi de voir paroïtre un des V'aifc* féaux du Roi; J’ai déjà parlé de l’îfie de Màÿo, 6c dé quel- ques autres de ces illes dans mon voiage au- tour du monde , Tome l. p. %6. 87. Mais j’a- jouterai ici quelques nouvelles obfervations que je fis dans ce dernier voiage. L’ifie de Mayo à fépt lieues de circonférence , ou envi- ron , elle eft prefque ronde , 8c il y a quantité de petites pointes de rocKer, qui s’avancent un mile ou plus dans la mer : elle eft au ij. degré de latitude Septentrionale, & lors qu’on nàvi- ge tout autour Sc que Ton vient afiez prés du. bord , on voit que les fiots brifent contre ces pointes : ce qu’il faut bien remarquer peur les éviter avec^foin. Je rangeai cette fois les deux -tiers de l’ifie, mais je ne vis d’aurre danger que celui qui peut venir de ces pointes, qui jfe de-" couvrent afiez par le refrein des vagues. Ce- pendant on afiùre qu a fon Mord Sc au Nord- Nord- OüeR , il y a des bafles très- dangereu- ses , qui font plus avant dans la mer : mais je ne fus pas dece côté- là, On voit deux monta* îf ' VOYAGE gnes dans cette Ifle d’une hauteur conrtdera- ble > le fommet de l’une eft aflez plat>> 8c celui -de l’autre eft pointu. D’ailleurs le terrain eft aflez uni 8c médiocrement élevé au-deflus de la mer : il y a des bayes fablonneufes tout au- tour de Tille , entre les pointes dont j’ai parlé > ôc tout le terroir paroît fort fec 8c fterile. À TOiieft de T if le , où les Vaifleaux jettent l’ancre , il y a une grande baye fablonneufe 8c un banc de fable , qui eft large de 40. pas , ou environ , 8c qui court deux ou trois miles tout le long de la côte. Entre ce banc &c les monta- gnes il y a une vafte Saline , de deux miles de long ou à peu prés,& d’un demi mile de large $ mais il y en a plus delà moitié , qui eft d’ordi- naire à fec, Le feul bout qui eft vers le Nord ne manque jamais d’eau, & le fel s’y forme de- puis le mois de Novembre jufqu’à celui de' Ai ai, gui eft ici la belle faifon de Tannée. L’eau de îa mer qui le produit, s’ouvre un partage à travers le banc de fable : ce q.ui n’arrive qu’au tems des grandes marées, & alors ceréfervoir eft plus ou moins rempli félon la hauteur des marées. S’il y a déjà du fel lorfque l’eau y en- tre , il eft d’abord dirtbut : mais deux ou trois /ours après il commence à fegrainer , 8c cela continue jufqu’à ce que toure l’eau , ou du moins la plus grande partie , foit changée en fel , ou jufqu’à ce que la ; mer en fournirte d’au- tre. On prétend d’ailleurs que cette eau ne vient que par le feul partage , qui eft au Nord du Refêrvoir ; où il eft-aufïi le plus profond.' Je me trouvai ici au tems d’une marée de la* nouvelle Lune, 8c on m’artura que l’eau n’y entroit jamais qu’ alors , mais je ne faurois en deviner la raifon. Ceux qui viennent ici pour! charger du fel , le ramaffent à mefure qu’il fs À v x T e r £ e $ A iî s f à A i é S. if graine , 8c ils en font des monceaux fur le ter- rain fec , avant que la mer retourne : ce qu’il y a de remarquable en cette faline , ceft que le fel nes’y graine que dans la belle faifon, tout au rebours de ce qui arrive aux falines des In- des Occidentales , & en particulier à celle de Tortue la Salée » dont j’ai dit quelque choie dans mon Voyage autour du Monde, Tome I. p. 6 y où le fel ne fe graine jamais que vers lé mois d’ Avril, lors que les pluyes commencent -a venir, 8c où il continué à fe former aux mois de Mai, Juin, Juillet, &c. durant la faifon hu- mide, non pas fans qu’il y ait eu d’abord quel- que bonne bourrafque de pluie : mais je lai/fe aux Philofophes à chercher la raifon de cette différence qu’il y a entre la faline de Mayo 8c celles des Indes Occidentales. Notre Nation fait ici un grand commerce pour le fel , 8c on y envoie ptefque toujours ■un vaiffeau de guerre pour fervir d’efcorte à nos barques 8c à nos vaiffeaux qui en viennent chatger : on m’a dit même qu’il y a eu des an- nées, où il n en ell pas arrivé moins de cent 5 d’ailleurs il n’en coûte rien pour la peine des pommes qui le ramaffent,& qui le tirent de la faune, on n’en paie que la voiture, qui eft mê- me à fort bon marché , parce que les habitans ont grand nombre d’ânes , qu’ils ne peuvent prefqu’employer à autre chofe qu’à porter le iel depuis la faline jufques au bord de la mer j les habitans chargent 8c conduifent eux-mê- mes leurs ânes , bien aifes de trouver cette oc- cupation , puis qu’il leur relie à peine aucun autre moien pour gagner quelque chofe. La faune n ell pas à plus d’un demi mile de l’en- droit ou l’on embarque le fel , de forte que les ânes peuvent faire ce chemin pluheurs fois è VOYAGE dans un jour *, ils ont un certain nombre de tours fixe pour, la matinée pour l'après-mi- di j au-delà defquels leurs proprietaires ne veulent point aller. Nos Matelots appellent le bâteau où l’on met d’abord le fel un frapeboat: il eft fait exprès pour cet ufage, & il y a un til- îac qui s’étend depuis la poupe jufques à un tiers de la longueur du bâteau -, là où s’élève pne efpece de tambour , non pas du fond de cale , mais de l’extrémité du tillac? à deux pieds de hauteur ou environ, qui eft bien calfa- té par tout , cela fert à empêcher lés vagues de rejaillir dans le, bâteau , lors qu’il a le Cap con- tre terre pour recevoir le fel ; car il y a d’or- dinaire ici de grofifes houles , & quand le bâ- teau eft dans cette fituation. , les vagues' qui paflenf par deiïus la poupe le rempliroiera bien- tôt /fi le tambour ne s’y oppofoit , & ne: fervoit à les faire couler dans la mer de l’un 8ç dé l’autré côté.; Pour tenir ainfi le bâteau, le cap contre terre ,, 8c la poupe à la mer , il y a deux perches plantées en dédansft’une à la tête 6c l’autre aû milieu , vis- â- vis du tambour, mais qui font d’un pied plus hautes que cette feparation -, au fomraef de chacune de ces per- ches, il y a une entaille allez grande pour recès voir une cordelle, dont l’un des bouts^eft at- taché à un poteau fur le rivage, êc l’autrç àùh grapin , ou à une ancre qui eft alTez loin dans la mer -, cette cordelle ferïàhâler le bâteau de part 8c d’autre , 8c les perches le tiennent fer- me,en forte qu’il ne fâürpit branler, fi la corde eft bien tendu e.autrement les vagues le rem* pliroienrbientôt , ou le feroient brifor contre terre emais pour l’empêcher encore mieux d’être mis en pièces par la violence des'houles, êc tenir fes membres plus ferrez les uns avec Âvx Tè'r^es A^sfRAlES. fÿ ies âutfes, il y a deux ceintrages : l’un va ers travers de {tribord à bas bord , & ees cordes 3 tors que les bancs des rameurs font pofez,atta- chent f\ ferme les cotez du bâteau aux extrê- mitez des bancs, qu’ils ne fauroient en être fe- parez qu’avec peine 5 de forte que les bancs &€ les cordes s’éntr’aident mutuellement-, celles» ci empêchent que les cotez du bâteau ne s*é-' datent en dehors , & ceux-là préviennent' qu’ils ne foient ècrafezeU dedans. On n’era- ployé d’ordinaire àrceci que deux cordes, qui’ divifent toute la longueur du bâteau » à mefu- re qu’elles croifent les cotez , en trois parties^ égales : le deuxième ceintrage edcompofé de plus de cordes , qui font placées d’une telle maniéré , qu elles empêchent les côtes & les1 planches du bâteau de s’écarter les unes des- autres pour cet effet,!! y a des trous à cettai-‘ nés distances tout le long de la quille au-de- dans du bâteau , parlefquels on paffe ces cor» des qu’on a jade k lobg-des côtes , & qu’on ÿ attache bien ferme avec des'rabans , en forte' qu’elles font une efpèce de doublage inté- rieur ; de cette maniéré , quand même il y au- xoic des clous & des cheviîlesJqui viendroienf à fauter parle choc des vagues, les cordes de ces ceintrages pouïroierit toujours tenir les membres du bâteau unis enfemble, avec l’aide1 fur tour d’une corde qui le ceinr en dehors j comme on en met à nos bârques longuesj c’eft- ainfi qu’on a foin de renforcer ces bâteaux, 8c c’cd à caufe de cela que nos Matelots les ap- pellent des bâteaux cordez; Deux hommes fufifent pour le haler d’un côté & d’autre , 8c pour y verfer le fel qu’on y apporte du rivage- dans des facs. D’abord que le bâteau eft adez' prés de terre >.un de ces hoaiiaes, qui fe tre-uô . VOYAGE debout proche du tambour, plie aufîï- tôt f çordeile autour de la perche qui eft là , & ar fete par ce moicn le bâteau avant que la me le pui/Te détourner. Lors que ces deu x hom mes ont reçu leur charge. Us liaient en mer jufqu’à ce qu’ils fdient fottisdela violence de houles, & enfuite ils déchargent leur Tel dan une autre barque , qui le tranfporte à bord dt navire. Sans le fecours d’un pareil bâceau , i n’eft pas trop fur d’aborder ici en quelqu terris que ce Toit ; car qudi que la mer Toit d'oi dinaire fort calme dans la rade, neanmoin elle bat avec violence contre le rivage * &c i feroit à propos, que tous les vaiieauX qi viennent ici euflent un de ces bâteaux cordes ou qu’ils en empruntaient un , fi on n’a pas 1 commodité de le faire, des autres navires qi S’y rencontrent, puis que les habitans n en or point eux-mêmes. Je me fuis d’autant plus i tendu fur la defcription de ces bâteaux, qu’ii peuvent être d’un grand ufage dans tous le endroits où le reflac efl dangereux ; comm par exemple en diverfes rades ouvertes d< Indes Orientales & Occidentales., où ils ft roienr fort utiles , quoi que je nV en aie j: mais vü aucun. L’i/le de Mayo efl prefque fterile par tout & le meilleur terroir n’y Vaut pas grand’ chc fe. Le banc de fable qui renferme la faline,prc duit une efpece de laine de coton, & une plan te qui rampe tout le long de la terre , & qi pouiTe des branches de même que la vigne mais dont les feuilles font ëpaifles & large Le coton croit fur de tendres arbritfeaux , d trois ou quatre pieds de hauteur, dans des coi les de la gro/Teur d’une pomme , mais dont ! figure efl: longue 5 lors quelles font mûtes j ei Aux Terres Australes. 21 les s'ouvrent par un bout , & d’abord Je coton commence à forrir, jufqu à ce qu’elles Te par- tagent peu à peu en quatre quartiers 5 cette lame peut fervir pour des oreillers, ou des couiîins J mats autrement elle n’eft pas plus e (limée que celle du grand cotonier.’ Je pris quelques-unes de ces cofles qui n’éroient pas tout-à-fait mûres , &: je les mis dans mon cof- fre; où elles s’ouvrirent au bout de deux ou trois jours , & jetterent leur coton. J’en liai d autres bien ferme avec des ataches , en forte quelles ne pouvoient pas s’ouvrir : mais peu de joi^rs après , d’abord que je venois à lâcher tant fou peu la ligature, le fruit crevoit, & le coton /prtoit avec violence par un très-petit trou, de même que la chair d’une pomme qu on fait rôtir , jufqu’à ce qu’il fut tout de- hors. Je trouvai enfuite de cette même efpece de coton à Timor, où il étoit mûr au mois de ^Novembre , mais je n’en ai point vu ailleurs dans tous mes voiages ; quoi qu'au Brezil j’en aie rencontré de deux autres fortes , dont je donnerai la defcription , lors que nous en fe- rons à cet endroit-là. Au refie, l’arbriifeau qui porte le véritable coton, croit aufîî dans cette Jile, mais non pas fur le banc deïable. J’en vis quelques-uns prés du rivage , mais ils font plantez pour la plupart vers je milieu de fifle, pu les habitans fe tiennent : leur principale manu fa élu re conlîflecn toiles de coton , quoi qu’a dire le vrai , ils n’en aient pas beaucoup de cette forte. On y trouve auffi quelques ar- bres ; maisj on n’en voir aucun du côté de la mer , d’où l’on ne fçauroit découvrir que fort peu de büiflbns difperfez çà & là fur les mon- tagnes voifines. Le terrain effc prefque par fput fablonneux , ou couvert de pierres %± VOYAGE £>lçs, fans aucun réfer voir d’eau douce, & fang’ aucune riviete pour l’humeiter : les grottes pluies delà faifon humide n’y fervent "pas dè grand’ chofe , parce quelles s’écoulent auttî vîcequ’eli^s tombent, 8c il n’y a qu’une petite fource au milieu de l’ifte , dont il fe forme un petit ruiiTeau qui coule à travers une valée en- ere les montagnes : c’eft-là où les habitans de- meurent dans trois petites villes, qui font à 6. ou 7. miles de la rade , à ce qu’on me ditj & il y en a' deux qui ont Une Egli-fc chacune avec un Curêi la principale des trois èft Pinofe,quï a deux Egiifes , faint Jean Vient enïuite, & la troittéme ell Lagoa. Les maifons qu’on y voit font fort miferables , petites & battes. On y ibâtit avec du figùier, 8c l’on m’aifura que c’eft le feul arbre qu’il y ait ici propre à éet ufage : une efpece'de canêsfauVages qu’on y trouve , leur fert de chevrons. Les1 melons deau 8c les figues font les meilleurs fruits de cette ifle. Les Jiabitansfe nourriflent d’ordinaire de calla- vances , ou pois chiches, 8c de coürgesj entre la volaille , il y a des flamingoS ; dé gros cor- îieusj&des poules de Guinée, qùeles Natu- rels de ces ijles appellent GxHenà pivtada , ou poule peinte: mais àia Jamaïque, où j’en ai vû dans les prairies 8c dans les bois, où elles fe plaifent beaucoup , on leur donrie le nom dé poules de Guinées j elles femblent être du na- turel des perdrix V' elles font plus grottes que îios poules , elles ont de longues jambes 8t courent fort vite i elle volent autti , mais non pas loiniparce qu’elles ont le corps gros 8c pe- lant , 8c que leurs ailes font coutteside même que leur queue. Du moins j’ai remarqué en ge- neral que les Oifeaux n’ont pas la queue lon- gue, s'ils ne volent beaucoup,^ qu’ils s’en fer-, Aux Terres Australe?. 2$ tenc comme d’un timon , pour tourner d’un côté Sc d’autre i ces potiles ôrit ié bec épais • fort & pèintu, & les pieds allez longs' : elles vivent de fautereiles, qui font ici en abondan- ce , ou de vers quelles attrapent en gratant la terre; leur plumage eft marqueté d’un gris clair Sc obfcur, les' taches en font fi regulieres ôc. uniformes , que la beauté de ces oilèaux femble 1 emporter fur plufeurs autres qui ont des couleurs plus vives &plus éclatantes : el- les ont le coû long SC délié, Sc la tête alfez pe- tite. Les coqs ont une efpece de crête , qui eft de la couleur d’une coquille de noix feche, & fort düre; ils ont aulïi une petite barbe rouge de chaque côrédela tête, en guife d^oüies,qui pendent en bas, mais les poules n’en Gnt point» Iis ont tant de force qu’on a de la peine à les tenir , c’eft un.très- bon manger, la chair en eft tendre & délicate , quoique les uns l’aient ex- ixaord inaire ment blanche, & les autres noire» Les Naturels du pais les prennent' àvec des chiens, Sc ils les forcent quand ils veulent; car il n’en manque pas ici. On en voit jufques à deux ou trois cens à la fois. J en mis plulîeurs dans mon bord tous en vie , qui s’y entretin- rent fort bien, quelques-uns même i’efpace de feize ou de dix-huk mois, mais alors ils com- mençoient à maigrir. Si on les prend jeunes,ils s-aprivoifenc comme nos poules. A l’égard des flamingos, j’en aidèja donné ladefcription dans le I. Vol. de mes Voiages , p. 8a. & 83; On trouve encore ici' quantité d’autres oi- feaux,des pigeons,des tourterelles, des minio- ns , qui font aulïi gros que les corneilles , de couleur grife& un bon manger,des crulîas,qui font à peu près delà même grolfeur , &: du ipême plumage } il femble qmon pouvoir les u y O y AGE mettre au rang des hiboux , puis qu’ils ne pa«s roifFent que la nuit -, on allure que leur chair efl: bonne pour les pulmoniques , mais les fains n’en mangent pas. Enfin, outre placeurs forces de petits oifeaux , il y a des rabecks qui ont le plumage gris , le côû long , de même que les jambes, $c qui ne reffemblent pas mal aux hérons. Entre les bête? à quatre pieds > il y a ici des chèvres, du Comefferie , duGuitteba3 duSerrie} & des Mangles. Du co- cotier bâtard 3 de [es noix & de fis cables. Des arbres qui portent le coton. Tes fruits du Bref/ 9 oranges y &c. Des four fops3 cashevvs & , Jenni- pahs. Des fruits particuliers quil y croit , comme font les arifahs 3 les mericafahs , les petangos 3 les petumbosy les mungarous , les mucfrshavvs , les ingvvas , les oties 3 & les mufteran de ovas. De fes dates , de fes noix médicinales 3 des mandi- bées 3&c y des racines , des herbes , &c. Des oi- fcaux fauvages 3 des Maccavvs , perroquets , &c. Du yemma , de la corneille qui vit de charognes , & de celle qui gazouille 3 de l’oifau tout- bec , du currefo 3 des tourterelles 3 & des pigeons ramiers ; du jenetie , de la poule qui g! oujfe 3 des oi féaux qui vivent d’écrev.fjès 3 des galdens 3 & des hérons noirs. Des canards , des poules d'eau & des far- ce/les. Tes autruches quil y a vers le Sud 3 & de la volaille domcfiique. Du gros bétail 3 chevaux s &c. Des léopards & des tygres. Tes ferpens ; du ferpent â fonnette ; d’une efpece de petit ferpent verd y de l’amphisb A JT-t-E . aux Terrés A v‘ s i r a i i s , 41 ■sucun fort j de forte que toutes les fois que je me ferois trouvé à terre , il au roi t été facile â mes gens de couper les cables , ou de les fi- ler jufqu’au bout , & de m’abandonner : il y fn avoir même plulîeurs qui àvoient déjà fait paroître quelque envie de retourner en Angleterre, & quelques-uns avôient dit ou- vertement qu’ils n’iroient point au-delà du Bré/Sl. Tout ceci me réduifit à changer de route y & a mettre Je Cap vers la Baye de Tous-les-Saints , où je me flarois d’avoir l’af- fîftance du Gouverneur, en cas que mon é- quipage voulut me joiier un pareil tour. Je fus meme contraint de me tenir toujours fur mes gardes , & de coucher fur le tillac , muni de bonnes armes à feu , avec ceux de mes Of- ficiers, en qui j avois de la confiance : puifque fe n aurois pas dormi trop fûrement dans ma chambre au milieu de cés mutins. Le iy de Mars nous découvrîmes la terre* du Bréfîl , & nous eûmes jufqu’ici , après avoir retrouvé les vents alifez & paffé la lï- gne,un fort beau tems &■ de petits vents frais* qui foufîoient prefque tous de l’£. K. Eft. La terre que nous vîmes éroit au Nord de Bahia *, ainfi je rangeai la côte vers le Sud. Cette côte' eft plutôt baife que haute , & il y a des bayes fablonneufes tout le long du rivage. P.eu au-delà du bord , on voit quantité d endroits couverts d’un fable fi blanc , qu’onr le prendroic pour de la neige ; & la côre * qui eft diverfîffée par des bois & des prai- ries , fait une perfpeélive fort agréable. Les arbres en général n’y font pas hauts *, mais ils font verds &: fleuris : il y a quantité de pentes maifons près du rivage, la plfù parc de ceux qui les habitent font des pê* cheurs > ils vont en mer fur des radeaux * 4i. VOYAGE qui ont un ou deux mâts avec des voiles ; il s’y met deux hommes defius , un à chaque bout , & ils s’afoeienc fur un petit banc fort bas , Iorfqu’ils pêchent -, d’ailleurs il y a deux corbeilles pendues au mât ou aux mâts, dont l’une fort à tenir leurs provifions* 8< 1 autre! le poidon qu’ils prennent. Il y en avoir plu* fleurs qui pêchoient iorfque nous pafTâmes, il en vint deux à mon bord , de qui j’ache- tai quelque poiiTon. L’après-midi nousap- perçûmes urt terrain fort remarquable , où for une petite montagne allez riante , il y avoir une Eglife dédié à la Vierge Marie. On peut voir quelques endroirs de "cette côte dans la Table III. N. 1. 1. 3. 4. f. 8c une par- tie de la montagne où l’Egliie eft iituée Ta- ble III. N. Après avoir rangé la côte jufqu’au foir , je m’en éloignai enfoite', 8c je mis à la cape juf- ques au lendemain matin; Deux heures ou environ après que nous eûmes couru au lar- ge^ nous vimes paroître un vai/Teau , qui ve- noitdela haute mer, 8c qui pa/Ta toute lai nuit à un mile de nous au-deifus du vent. Le matin nous lui parlâmes , ôc nous reconnû- mes que e’étoit un vaifîeau Portugais qui al- loit à Bah i a j’y en vdiai d’abord ma chalou- pe , & je priai le Capitaine de me donner un de fes Quartiers-maîtres , pour me conduire dans la Baye : il me répondit qu’il n’en avoir' point qui en fut'Capable : mais qu’il iroit de- vant moi pout me montrer le chemin ; 8C que s’il entroit de nuit dans le havre , il fe- roit fanal à ma confideratiom II ajouta que nous n’en étions pas éloignez , 8c que ft le Vent fraïchiffoit un peu , nous y pourrions arriver avant la nuic > mais qu’il nous feroie . aux Terres Australes. 4$ Jmpotfible d’y atteindre , s’il continuoit à être mol. Nous courûmes donc jufquesàla nuit , & alors il alluma Ton fanal que nous fui vîmes j la fonde à la main, à mefure que nous entrions. Je fis tenir tous mes gens fur Je riilac , & j’ordonnai qu’il y eut une ancre prête à lâcher en cas de befoin. L’Ebe nous étoir contraire, de forte que nous allions a A fez lentement , & il étoit autour de minuit lorfque nous mouillâmes. Le Maître du vai fléau Portugais vint auiîi.tôt à mon bord , & je le remerciai de toutes fes honnêterez. Je puis même dire qu’ici & ailleurs j’ai toujours trouvé ceux de fa nation prêts à me rendre tous les fervices qui dépendoient d’eux* L’endroit où nous donnâmes fonds étoit à deux miles ou environ du Havre, où les vaif. féaux ancrent d’ordinaire j mais la crainte où j’étois que mon équipage ne s’enfuit avec le vaifleau , fit que je me hâtai d’obtenir une licence du Gouverneur pour entrer dans le havre, & moüiller parmi leurs vaiflcaux , tout auprès d’un de leurs Forts. Le 2^. de Mars fur les dix heures du matin j’y entrai à la faveur de la marée & fous la conduire du Sur-Intendant des Lamaneurs , dont la fon- ction efl: de piloterions les Vaifîeaux du Roi de Portugal , qui viennent ici , & de prendre garde qu'ils foient bien amarrez : il nous fil mouiller vis-à-vis de la Ville, au bout exté* rieur du Havre, qui étoit alors rempli de vaiflcaux , & à iço. verges d’un petit fore f tué fur un rocher à un demi mile du rivage. Vous n’avez qu'à regarder Table III. N. p, & vous y verrez le profil du havre 6c de la Ville , tel qu’il. nous parut de l’endroit où nous étions à l’ancre. 4L VÔŸA6È Bahia de Todos los Santos eft â 13. deg. dS lat. Méridionale. C’eft la plus considérable de routes les villes du Brésil 5 foit à l’égard de' la beauté de Tes bâtimens ik de fa grandeur , foie par faport à fon commerce & à fes re- venus. Elle a un Havre aSfez profond , & qui peut recevoir les plus gros vaiSfeaux : L’en- trée en eft défendue par un bon Fort qui eft bâti hors du Havre , & qu’on appelle S. An- tonio. Vous le voiez Tab. III. No. 4- tel qui nous parut l’après-midi du jour qui précéda nôtre entrée : la même nuit nous en vimes les feux qu’on y met pour guider lesVaif- fe aux, il y a d’autres Forts plus petits qui commandent le Havre -, & dont un eft pofté fur un roc dans la mer ; à demi mille ou en- viron du rivage. Tousjes vaiSfeaux qui an- crent ici , doivent paSfer tout-auprès de ce tort , & ne s’en éloigner tout-au-plus que d’un demi mile , 011 ils fe tiennent entre ce Fort & un autre , qui eft Situé fur une pointe à là partie intérieure du Havre & qu’on nom- me le Fort Hollandois , mais ils font obligea de mouiller à une moindre diftance du pre- mier tout le long de la ville. D’ailleurs, le fond eft ici de bonne tenue , 6e l’on y eft moins expofé aux vents du Sud , qui font ici très - violents , ils commencent d’ordinaire Vers le mois d’Avriî , ils fouflent avec plus de violence dans les mois de Mai, Juin, Juillet ÿ & Août. Mais l’endroit où les vaiSfeaux mouillent n’eft eXpofé à ces vents que de points du compas. Outre ces Forts , il y en a un autre qui fait face au port & qui eft fut la montagne , où là ville eft bâtie. Cette ville peut avoir autour de &oqq. maifons * dont la plupart ne f^au- aux Terris Australes. 4? soient être découvertes du Havre -, mais cel- les qui paroiflent fur le haut de la colline * font entremêlées d’une grande quantité d’ar- bres j & font une perfpedtive bien agréable » pomme on peut le conjecturer par le plan .que j’en ai mis ici, T. No. f. Il y a dans la ville douze Eglifes , Chapel- les , ou Couyens &c un Hôpital j fçavoir , la grande Eglife ou la Cathédrale & le Colege des Jefuites , qui font les principaux de ces Edifices & qu’on voit du Port : deux Eglifes Paroiffiales St. Antonio & S. Barbara j l’E? glife des Francifcains , &c celle des Domini- cains y deux Couvens de Carmes ; une Cha- pelle pour les Matelots , tout auprès du riva- ge dans un endroit où ils abordent avec leurs bâteaux, & où ils vont faire leurs prières ? aufti- tôt qu’ils font arrivez : une autre Cha- pelle pour les pauvres gens , à l’extrémité dç cette même rue , qui s’étend tout le long dû rivage ; une trôifiéme Chapelle pour les fol- dats , au bout de la ville , de alfez loin de la mer ; un Monaftere de filles , qui elt à l’extré- mité de la ville vers la campagne , de ou l’on m’a dit qu’il y avoir 70. Religieufes. Enfin, l’Hôpital eft au milieu de la ville. Un Arche- vêque y refide, & il y a un beau Palais j ce- lui du Gouverneur eft bâti de pierre, de il paroîc afiez joli du Havre -, mais il n’eft pas trop bien meublé. C’eft aufti dequoi les £f- pagnols & les Portugais ne fe mettent pas fort en peine 5 j’ai remarqué dans la plupart de leurs Plantations , qu’ils fe piquent d’a- voir de grandes maifons , de qu’ils négligent beaucoup les ameublemens ; excepté qu’il y a des tableaux dans quelques-unes. Les mai- sons 4e Ja ville ont deux 014 trois étapes > 4 Si qui elt deltinè à cet iifage. Le Sur - Intendant dont j’ai déjà, parlé , a foin dé ce ponton , Si chaque VaifTeau qui s’en fert pour prendre lera- doub j lui paie une certaine fomme. D’ail- leurs cet Officier doit fournir le feu St quelques aütres chofes dont on a befoin pour le carénage : mais les Capitaines ou les Maîtres des 'Navires louent prefque tou- jours à des Marchands de Bahta deux cables çhacun , pour amarrer leurs vaifleaux tout îè tems qu’ils demeurent ici , Si afin d’é- pargner leurs cables de chanvre *, car ceux de Bahia font faits d’un efpéce de crin , qui croît fur le fommet d’un arbre, qui ref- fegîble beaucoup au coyre noir des Indes aux Terres Australes a Orientales , Ci ce n’elt pas le même. Quoi- qu’il en loit, ces cables font forts & d’un -très- bon ufage. Les v ai fil' aux qui vont en Guinée font de petits bâcimens en comparaifon des au- tres : iis y portent ici du rum , qui efl: une qfpece de liqueur forte, du fucre, des toiles de coton de S. Jago , des coliers de verre , &c. & ils en raportent de l’or , de l’yvoire, & des efclayes j ce qui eft un retour bien avantageux. Les bâteaux qui appartiennent à cette ville , font prefque tous emploie à tranf- porter les denrées de l’Europe , qu’on re- çoit à Babia j qui eft le centre de tout le commerce du Bréfii, aux autres places qui j(bnt fur cette côte 5 d’où ils rapportent du fucre, du tabac, &c. La plupart des Ma- telots qui montent ces barques font des en- claves noirs , qui vers le temps de Noël s’occupent à Ja pêche de la baleine, ou d’un certain gros poiiTon qu’ils nomment ainfï , & qui abonde .alors fur ces côtes. Il entre jufqiies dans les ports &le$ lacs, où les Matelots le vont tuer. Du lard on ea faitdeThuile, & ies efclaves, de même que les pauvres gens fe nourrirent du maigre. Un homme quj en avoir mangé fouvent , me dit que la chair en ètoit bonne & fort faine, p ailleurs , ce ne /ont que de petites Jbale/nes $ mais il y en a une Ci grande quan- tité , & on les tue Ci facilement , qu’on ga- gne beaucoup à cette 'pêche. Ceux qufla font , font obligez d’acheter une licence du Lioi , & fai o|ii dire que cela lui vaut tren- te mile Hifdàlesrpa^an. Tous i.e§ petits .va;lîèaux qu’on emploie à faire ce trafic fut r' ’ . C x jt V a Y  G E la côte , font bâtis ici , & on y conftruit au^ fi quelques vaiiTeaux de guerre pour le fer- vice du Roi. Lorfque j’y étois, on en bâtif- foit un de 40. ou 50. pièces de canon ; & le bois de ce païs, ou il n’en manque pas , eft £out-à- fait propre pour cet ufage. Du moins l’on m’aiîura qu’il éroit très- fort, & qu’R duroit plus long - teins qu’aucun de ceux que nous avons en Europe. Pour les vaif- feaux qu’on envoie d’ici dans notre partie du monde , quelques - uns de peux que je vis étoiepr de fabrique Ângloifê. Le$ François les avpient pris fur nous pendant |a dërniere guerre, tk ils les avpient en- fuite vendus aux Portugais. Outre les Marchands qui trafiquent ic| par mer , pn y voit d’autres perfonnes a fie? riches , & quantité d’Artifans de prefque toutes les fortes , qui par leur travail StC leur induftrie vivent fort à leur aife -, fur tout lorfqu’ils ont les moiens d’acheter un pu deux efclaves noirs. Excepté même les plus miferables de la populace, il' n’y a prefquç perfonne iciquin’air des efclaves dans fa maifon. Outre les efclaves de l’un & de l’autre l'exe , que les plus riches entre- dennnent chez eux pour toute forte d’ou- yrages ferviles , ils en ont encore d’autres pour la parade , qui leur fervent à courir a côté de leurs chevaux , lorfqu’iis vont à la çâmpagne,ou aies porter dans la ville quand jls rendent vifîte à quelqu’un de leurs voi- fins. Les Gentilshommes & les Marchands font pourvus de tout ce. qu’il faut pour cette efpécede litière ; ce qui en fait la principale partie eft un aflez grand branle de toile de à la maniere'de ceux des Indes Occ|- , avx Terres Austraies. f| «dentales, mais donc la plupart font teints en bleu , avec de longues franges du même fil de l’un Si de l’autre coté. Les Negies le portent fur leurs épaules par le moien d’u- ne cane de treize ou quatorze pies de long, où !e branle eft fufpendu ; on le cou- vre d’un tapis , qui .ferr de rideaux , Si on ne fauroit voir la perforine qui s’y met , a moins qu’elle veuille fe montrer j elle peut s’y étendre tout de fon long , Si repofer la tête fur des oreillers qu’il y a pour cet éfet, ou même s’yaifeoir detfus , Si fortir les jam- bes par un des cotez du branle ; en cas que la perfonne ait envie de fe faire voir, elle ôte le rideau , Si faluë tous fes amis qu’elle rencontre en chemin : ils tirent une grande vanité de fe faluer ainfi les uns les autres dans leurs branles ; Si ils s’arrêtent quel- quefois dans les rues, où ils ont de longues conférences enfembfe : mais alors les deux porteurs qui font munis chacun d’un gros baron bien poli , au haut duquel il y a une fourchette de fer , Si au bas une poin- te , le fichent en terre , Si y appuient les deux bouts de la cane, où le branle eft fuf- pendu , jufqua ce que leurs Maîtres aienf «m leur entretien. Il n’y a prefque perfon- ne de quelque rang , fur tout aucune fem- me, qui aille en rue fans fe faire portée ainiî dans un branle. Les principaux Arci- fans qu’il y a ici , font 3- des Forgerons , des Chapeliers , des Cordonniers , des Taneurs, des Scieurs , des Charpentiers , des Tonne- liers des Tailleurs , Sic. Les Bouchers y font tort adroits à tuer les bœufs ; ils les font approcher d’une barrière , Si enfuite ils leur plantent un couteau bien pointu? G 3 M VOYAGE cans k nuque du cou d'une maniéré fi ha- bile y qu Us les renverfent d’un feul coup ; Biais ils les accommodent fort mal pro- prement. Nous étions en Carême lors que j arrivai ici , & il n’y eut point de viande expoféeen vente jufqu’à la veille de Pâque? mais alors on tua un grand nombre de bœufs dans toutes les boucheries de la ville ; on s’y rendit en foule pour en acheter, les hom- mes , les femmes tk les enfans y venoienî remplis de joie , ôc une meute de chiens afv* j ^ Çu* cette viande auroit du être deftinée , tant elle étoit maigre , fuivoit en queue. Tous les Àrtifans que je viens de nommer achètent des Nègres, à qui ils ap- prennent leurs différens métiers , & qui ieur font d’un grand fecours. Le trafic con- tinuel qu’ils ont avec Angola, & les autres places de Guinée, fait qu’ils ne manquent jamais de Noirs , foit pour travailler à leurs plantations , ou les fervir dans la ville. Ces efclaves font ici d’un ufage merveilleux * parce qu’on y fait un grand commerce par mer , & qu’on y aborde au pié d’une mon- tagne , qui eft fi efearpée , que les charrettes ne fauroient y aller ; de forte qu’on a be- soin du dos des efclaves pour tranfporter les Marchandées dans la ville , fur tout pour le petit peuple : mais les Négocians ont d’ailleurs la commodité d’une bonne grue , où il y a des poulies & des cordes , dont un des bouts monte à mefure que l’autre déf- end. La maifon où l’on a porté cette grue > ftuée fur le fommet de la montagne du côté de la mer , & il y a des planches au- dertbs du précipice qui vont en talus de- puis le haut jufques au bas j les marchands- Aux Terres Australes, fes. appuient ou coulent defTus lor/qu’on les monte ou qu’on les defcend. Ï1 y a tant d’e/claves noirs dans cette ville , qu’ilà en font le gros des habitans : chaque fa^ mille en a quelques-uns de l’un & de l’au- tre fexe, comme je l’ai déjà dit. Plufieurà des Portugais qui ne font pas mariez , en- tretiennent dé ces femmes noires pour leurs mnîrreiTes , quoiqu’ils /Cachent le danger qu’il y a d’en être empoifonnez , s’il vien- nent à leur donner quelque fujet de ja- lou/îe. Un homme de nia connoiflance qui avoir été un peu trop familier avec fa cuilïniere , en craignoit quelque tour de cette nature , lorfque j’étois ici. On peut mêhie engager facilement ces efclaves dé l’un St de l’autre fexe à commettre routé forte de méchantes aétions : St ils ne fe font point de ftrupule d’a/fa/finer un hom- me , fur tout durant la nuit , fi on les paié pour cela. On mJa/fiira d’ailleurs, de bon- ne part , qu’un vai/Teàu de guerre François avoir eu plufieurs de fes hommes tuez dé huit î c’eft ce qui m’obligea de retenir les miens à bord le plus qu’il me fut pof- fible. . k Après avoir donné ce périt détail delà ville de Bahia, il e/l jullededire un mot du païs : il y a un lac d’eau falée , de qua- rarte lieues de long , à ce qu’on me dit ; il e/l au Nord-Oikfl de la mer , St il lai/fe la ville èt le Fort Holiandois à la droite : Le païs de?s enviion e/l prefque par tout a/fez uni *, Il n’eft ni trop haut ni fort bas, il c /i arrofé de rivietes , de rui/Teaux St dé fontaines : il ne manque pas de bons ports * ni de petits golfts navigables, ni de bayeà t* V G Y G E propres à mouiller. Le terroir y eft bon c® général -, il produit naturellement de très— gros arbres de plufieurs efpéces, 8c qui peu- vent fervir à divers ufages. Les prairies y font chargées d’herbe , de plantes , Ôc d’une infinité de plus petits végétaux. Si l’on en- cultive la terre , die porte détour ce qui croît dans ces pars chauds , /avoir des ca- nes de lucre, du coton , de i’indigo , du; tabac , du mafz , des arbres fruitiers , 8c toute forte de racines bonnes à manger.- Quelques-uns des arbres qu’il y a ici , font Je Sapiera, le Yermiatico, le Come/Tene, le Guitreba, le Se^rie , trois fortes de mangles, du bois marqueté , du fuftick , trois fortes de cotons , des arbres fauvages qui portent du fruit , 8c de ceux qu’on, plante. Je dirai quelque chofe des uns 8c des autres , tant fur ie raport que m’en fit un des habitans de Balîia , que fur la connoiiîance que j’en ai- moi- mime. Pour ce qui eft des arbres de haute fu- taye , le fapiera eft de très-bon bois de charpente , 8c l’on s’en ferc à la ftru<5ture des maifons ; le vermiatico y eft aulïi em- ploie , de même qu’à faire des canots -, il eft fort droit ÿ. 8c l’on en fcie des planches de deux pieds de large: le come/Terie 8c le guitteba fervent fur rout à bâtir des vaif- feaux -, on les eftime autant ici que nous eftimons les ehefnes en Angleterre , 8c oa dit même que l’un 8c l’autre font plus durs que le chefne ; le ferrie aproche beaucoup de l’orme , 8c il fe conferve long - tems dans l’eau. On y trouve au/îi les trois for- tes de mangle , le rouge , le blanc 8c le noir x que j’ai décrits dans le I, Tome de  û x Terris Australes, si mesVoiages. L’écorce du mangle rouge y fert à taner les cuirs , Sc l’on a ici de gran- des taneries : le mangle noir & le blanc y font plus gros qu’aux Iodes Occidentales j. du premier , l’on en fait de bonnes plan- ches j & de l’autre des mâts & des' vergues pour les barques. Il croie ici des cocotiers fauvages ou bâ- tards •, mais ils ne font pas lî gros" ni il hauts que les cocotiers ordinaires"dans les Indes Orientales ou Occidentales. De même les; noix qu’ils portent, ne font pas le quart fi grofles que les franches. La coque en eft- remplie de chair , mais il n’y a ni eau ni au- cun vuide en dedans ; cette chair eft agréa- ble 6r faine, quoiqu’elle foit fort dure fous- la dent &c dificile à digerer. On eftime beaucoup ces noix pour en faire des pate- nôtres , des embouchures de pipes , & au- tres bagatelles , & il n’y a point de petite- boutique , où l’on n’en trouve une grande- quantité d’expofées en vente. Au Commet de ces cocotiers fauvages , il croît entre les branches une efpéce de crin noir, qui- reflemble à celui des chevaux , mais qui eft plus long , & que les Portugais appellent Trefabo : l’on en fait des cables qui font- d’un très-bon ufage , 6e qui ne fe pourrif- fent point , comme ceux de chanvre, quoi- qu'ils foient expofez âla pluie & au Soleil ,• Ce font les mêmes dont j’ai déjà parlé, qu’on tient ici dans les ports , qu’on loue' aux vaifleaux Européens, & qui reflemblent- aux cables de coyr«. Il y a d’ailleurs trois fortes d’arbres qui5 portent le coton. L’une eft à-peu-près la' même que celle que j’ai décrite dans mon5 G Çj î* . VOYAGE premier Tome \ mais je n’ai vû les deux autres qu ici : ces derniers font aifez gros, ex ci une hauteur raifonnable , quoiqu’ils foient petits à l’égard des autres , qui paf. fent pour les plus gros arbres de toutes les Indes Occidentales. D’un autre côté , les arbres de ces dcuxefpéces diférent entr’eux, puifque les uns ne font pas iî garnis de branches que les autres , 8c qu’ils ne pro- duisent pas leur fruit dans la mêmefaifon de 1 année. Lorfque le fruit des uns viens de meurir , 8c que leurs feuilles commen- cent a tomber , celui des autres eft encore en neur, ou du moins fort petit 8c tout verd j mais les arbres en font auftî char- gez que nos pommiers en Angleterre : ceux-ci portent du fruit, qui eft de la grof- feur du bras , 8c long de fîx pouces -, d eft mur dans les mois de Septembre 8c d'Oc- tobre , alors il s’éclate, 8c il en fort un pe- loton auiïj gros que la tête. On le cueille avant qu’il s’ouvre, afin de ne le perdre pas : U s’ouvre enfuite de lui-même , 8c Ion en tire le coton pour en remplir des oreillers 8c des traverfins : il eft fort efti- me pour cetufage , mais il ne peut guère fervir à autre choie, parce qu’il eft fi court qu on ne fauroit le filer : la couleur en eft îanee , la femence ronde 8c noire , 8c de la groiteur d un pois. Le fruit de l’autre efpe- ce de ces cotons eft mûr dans les mois de Mars ou d’Avril : il rcflèmble à une grof- £e pomme, 8c il eft fort rond ; la coque extérieure eft auflï épaiflè que le bout du doigt. Dans celle-ci il y a une peau min- ce 8c blanchâtre qui renferme la laine : q,uand le fruit dt mûr * U coque verre Âüx Terres Australes. s’ Ouvre d’elle-même en cinq parties égales & tombe à terre j de forte que le coton de- meure fufpendu par la queue dans cette bourfe fine 6c déliée. Un ou deux jours après j le coton s’enfle par la chaleur du Soleil , crève le fachec , 6c il en fort auiît gros que la tête d’un homme ; enfuite à mefure que le vent foufîe , il eft détaché peu à peu de la bourfe qui tient encore à la queue , 6c il eft difperfe dans la campa- gne , la bourfe ne tarde guère à fuivre le coton , ni la queue la bourfe. D’ailleurs , il il y a ici quelques arbrifeaux du véritable coton des Indes Occidentales > maison n’en transporte point au dehors , 6c l’on n’en falg pas beaucoup de toile. Il croît dans ce pais quantité de beatï fruit j il Y a trois ou quatre fortes de fort bonnes Oranges , mais fur tout une de dou- ces, qui font merveilleufes y des Limons 3 des Grenades , des Citrons , des Plantains 9 des Bonanos , de véritables noix de Cacao , des guavas , des prunes , ( qu’on appelle ici Muncherons ) des grapes fauvages , de la nature de celles dont j’ai parlé. Tome III. 6c des raifins ordinaires , comme ceux qui croiflènr en Europe : il y a d’ailleurs une' efpece de prunes , que nous appelions pru- nes de cochon , des pommes-flan , des four- fops , des cachews , des papahs , qu’on ap- pelle ici mamouns , des jennipahs , ou jen- ni papahs , comme on les nomme ici , des* manchinillcs 6c des mangos -, mais ces der^ niers y font forrrares , & je n’en ai vu que dans le jardin des Jefuite.s , où il y a quan- tité de beau fruit , 6c quelques arbres de1 «anelie. Ceux-ci & les mangos y ont èxk «"o VOYAGE a^jiortez^ des Indes Orientales , & ifs rêuf-- fifiTenc très bien dans ce pais j de même que les pumplemufTes , qui viennent auflï des memes Indes. Enfin les oranges aigres ÔC douces abondent ici , Se les unes &les au- tres y font de fort bon goût. Le fruit que nous apeilons four-fop eft auflï gros que la tête , de figure ovale , Se de couleur verte , fi ce n’eft qu’il devient jau- nâtre d un côté j lorfqu’il meurit. L’écorce extérieure eft aflez épaifle , fort raboteufe 3 ôc couverte de petites pointes ; le dedans eft plein d’une chair fpongieufé , où il y a quantité de femence noire , qui pour la grofiêur Se la figure approche beaucoup de celle de la citrouille ; la chair en elt fore îucculente , d'un goût agréable Se bien faine. On la mâche pour en exprimer le jus , Se enfuite on la jette. L’arbre qui por- te ce fruit a io. ou n. piés de hauteur 3 & la tige petite y les branches pouffent tout droit en haut , Se je n’en ai jamais vû qui fu fient horizontales. Les rejetions en font déliez Se fouples , de même que la queue du fruit. D’ailleurs il. croit dans les deux Indes. Le cachew eft de la grofleur de la rei- nette^ a fiez long, & plus gros près de la queue , qu’à l’autre bout , où il va en poin- te ; Lécorce en eft unie Se mince, mêlée de jaune Se de rouge- Sa femence croît à J extrémité du fruit ; elle eft de couleur d’olive , de la figure d’une fève , Se à-peu- près aufti grofle , mais elle n’eft pas tout- à-fait fi plate. L’arbre qui porte ce fruit eft aufti gros qu’un pommier ; il n’a pas beau- «sup de brandies 3 mais elles font greffes Aux Terres Australes. de-la groffeui: des guignes*, ■ ■ * j L — ” 'JMVWV y Vfii XI tL l VJlii L vers 1 autre bout ; il eft dsune couleur ver- aatre , & la graine qu’on y trouve au-de- dans eft auftï petite que la femence de moutarde , il eft d’un goût un peu piquant mais il eft agréable & fort fain, puifque les malades en peuvent manger. Le merica/âh eft un fruit exquis, & il y en a de deux fortes , l’une croît fur un petit arbre , & celle-ci pa/Te pour la meilleure ; 1 autre vient fur un arbrifleau qui re/lern- • ble a la vigne , il a quantité de feiiilles lar- ges , & on ie plante autour des berceaux pour donner de l’ombre. Ce fruit eft de la groneur d’une petite orange, rond & verd„- Lorfcju il eft mur , il devient molet, la chair en eft blanche , & û entremêlée d’une petite femence noire ÿ qu’on ne peut l’en fé parer que dans la bouche , on en fucce la chair, 8c Ion jette les graines. Il eft d’un goût pi- quant , agréable & fore fain. Le petango eft un petit fruit rouge, qui vient aufti fur un arbriiîeau , il eft de la grofleur des cerifes , mais il n eft pas (î tond j 1 un de fes cotez eft plat , & l’autre eft partagé en cinq ou fix petites mou- lures relevées en bofle : il eft d’un goût piquant , mais fort agréable. Le noyau qu on y trouve au milieu eft prefque plat » ce allez gros. r Le petumbo eft un fruit jaune , plus gros que la eerife» & qui a de même un noyau: eft doux , mais rude à la bouche. L’ar- ; vigïe q'Ui k P°rte refrembie beaucoup à [ aux Terres Australes. Le muckishaw , eft un fruit de la grof- feur des pommes fauvages , & l’arbre qui le porte eft grand. Il y a d’ailleurs de pe- tites graines au milieu de ce fruit , & il a bon goût» L’ingua eft un fruit qui reftemble aux carrouges > il a quatre pouces de long &C un de large. L’arbre qui le porte eft fort haut. L’otie eft un fruit aufli gros que les noix de Cacao. L’écofle en eft épaifte ëc dure , il y a un gros noyau en dedans , & il paiîê pour un très- bon fruit. Le mufteran-de-ova eft un fruit rond, aufti gros que les noifettes , &c qui à l’écor- ce mince ôc caflante, d’une eoukur noirâ- tre ; il a un petit noyau , couvert d’une fubftance noire &c charnue , qui eft d’un goût agréable. On mâche lecorce avec le fruit , & après en avoir fuccé la chair , on la iette avec le noyau. L’arbre qui le *4 f O Ÿ ACE gro/Tes font comme des noix, elles croisent en forme^de grapes de railïn à la cime du’ tronc de l’arbre , enrre les racines des bran- ches , de même que le fruit de tous les au- tres palmiers. Ces dates font de la même efpéce eue celles dont on fait de l’huile fur la côte de Guinée , où le païs en eit Rouvert. |’ai oiii dire aulïi qu’on en fai- foit de 1 huile à Bahia. On les mange quel- quefois rôties , mais je ne les trouvai pas à mon goût. On appelle ici pinions ce que nos mate- rots appellent noix purgatives, & l’on don- ne k nom decarrepat à ce que nous appel- ions agnus-caftus. L’un & l’autre de ces fruüts croît ici, de même que les mendibies, qui refiembJenr aux noix purgatives. On les fait rôtir dans une poêle & enfuite on les mange.- D ailleurs , il y a ici quantité de ces arbres qui portent le chou, &c d’autres fruits, dont je ne fus pas informé , ou que je n’eus pas le moien de voir , parce qup c’ètoit alors notre Printems, cefî-à-cfire l’Automne dans le Bre/îl , & que la faifon des meilleurs fruits étoit paiîee , quoiqu’il en reliât encore quelques-uns. Je vis pourtant bon nombre de baies fau vages dans les forêts , & en plate campagne , mais je ne pûs appréndre leurs noms ni leur qualité. Les fruits d# la terre y abondentaufli. Par exemple , on y trouve des pois chiches , des pommes de pinfauvage, des citrouilles, des mêlons d’eau , des mêlons mufquez & des- concombres. Pour les racines, il y a des f’otaces, des yams , des ealTav.as , &c. Les erbes potagers n’y manquent pas non- àjj'x Terres Australes1 éf plus j l’on y voit des choux , des naveaux , des oignons , des porreaux & toute forte de falade : il y a diverses drogues , comme du Saffafras , de la racine de ferpent > &c. ou- tre le bois pour la teinture &c autres uiages* . dont j’ai déjà parle , comme lent le fuftick 3 le bois marqueté , &rç* J’aportai de ce païs un bon nombre de plantes fechées, que favois miles , pour les mieux coniérver entre les feiiilles de mes livres. J’en pourrai même donner la figure à la fin de celui-ci , du moins de quelques- unes des principales qui ne font pas gâ- tées. On dit qu’il y a' ici une grande varietê; «Toifeaux fauvages ; comme des yemmas 3 des maccaws , qu’on appelle ici jackous , & qui font une efpeee de gros perroquets plus rares que les autres, des perroquets , des perruches, des flamingos, des corneilles qui yi'verît de charogne, SC d'autres qui gazoiiih' lent, des coqrecos,des cifeaux tout-bec* dont le plumage eft fort joliment bizarre , des corrofos, des tourterelles , des pigeons* des jeneties , des poules qui glouffent , des oifeaux qui vivent d’écrevifîes, & qu’on ap- pelle pour cet effet chaffeurs d’écreviffes »■ des galdens y des currecous, des canards de Mofcovie , tk des communs , des poules* d’eau, des cercelles, des corlieux , des guer- riers , des boubys, des noddys, des péli- cans , &c. Le yemma eft plus gros que le cigne , il a le plumage gris , & le bec long , épais &c pointu. On appelle ici Maciceras la corneille qui vît de charogne, & celle qui gazouille ji’uns- «9 VOYAGE } autre redèmblent à celles des Indes Oc- cîdencaîçs , que j’ai décrit dans le troiiiémc 1 orne. Le bec de la gazoüilleufe ed noir y mais la partie fuperieure en ed ronde & cro- chuê a peu près comme le bec d’un faucon % elle ed relevée en botte Si forme prefque un demi-cercle , d’ailleurs elle ed fort tran- chante d un bout à l’autre ; la partie infé- rieure ed plâtre & ferme jude avec celle d enhaut. Un Portugaisme dit ici que leurs filles de joye Negres faiforent des bruvages amoureux de ces oifeaux. Audi ne permets tenr - ils pas volontiers qu’elles en aient , pour les ramener , s’il ed podîble, de cette fuperdition. Du moins , un après-midi que je me trouvai à la campagne avec un Curé (x une autre perfonne , celui-ci tua deux corneilles, qu’il cacha d’abord, & ils me “îrf ht que c’éroir pour la raifon que je viens d alléguer. Au rede , elles ne font pas bon- ?es a manSer s niais on prétend que leur bec ed un merveilleux antidote contre lé poifom Les petits oi/eaux , que les Àngîois apa pellent tout bec , portent ce nom , parce qu en effet leur bec ed audi gros que leur corps. Je n’en vis point ici en vie ; mais on me montra les poitrines de plulîeurs qui etoient féches qu’on gardoit pour leur beaute ) le plumage eh ètoit admirablemenr bien,diverfhé de rouge, de jaune & de cou- leur d orange,; Les correfos , qu’on appelle encore ici macKeras , font de la même efpéce que ceux ÿ la baye de Campêche , dont j’ai parlé Tome troifieme. Qn trouve ici quantité de tourterelles y ÔC aux Terres Australes. qu’un feul homme en peut tuer neuf ou dix douzaines dans une matinée , lorfque le Ciel, eft couvert de brouillards , 6: qu’ris viennent manger les baies qui croiffent dans les forêts. Le jenetie eft de la gro/Teur de l’alouette , il a les jambes & les pieds jaunes, & l’on dit que c’eft un manger fort fain. Les poules glouftantes re/Temblent beau- coup aux cha/Teurs ou mangeurs d’écrevif- fes , dont fai donné la description Tome troifiéme j mais elles n’ont pas les jambes tont-à-fait fi longues y elles fe tiennent tou- jours dans des lieux humides & maréca- geux , quoiqu’elles aient le pié de la mê- me figure que les oifeaux de terre : elles glouifenr d’ardinaire comme nos poules qui ont des petits, 5c c’eft pour cela que nos Anglois les appellent des poules gloufi. fantes fil y en a quantité dans te baye de Campêche* èc ailleurs dans les Indes Oc- cidentales ,■ quoique je n’en aie rien dit dans le troifiéme Tome de mes Voyages , ou j’ai parlé de cette baye. Soit- là , ou ici * on trouve dans ces deux climats quatre fortes de ces oifeaux à longues jambes „• qui approchent beaucoup les uns des au- tres y qui font autant d’efpéces du mê- me genre /avoir les chaffeurs d’écrevifles y les poules glouffantes , & les galdens. Ge-s* rô, Voyagé trois pour la figure Ôc la couleur , reiTem- blent a nos hérons d’Anglercrre, mais ils font plus petits ; le galden efl Je plus gros dé trois, & le chafieur d’écrevifies eftle plus petir. Ceux de la quatrième efpéce font noirs , mais du refie ils ont la figure des autres > les jambes longues ôc la, queue cour- te ; ilsfon r à peu près aufi] gros que les chaf- feurs déerevifies, ÔC ils fie nourrifient de meme. Les currecôus» font des oi/eaux de ri- vière, de la grofieuf d’un gros poulet, qui ont le plqmage bleuâtre /avec les jambes & la queue courte ; ils vivent aufii dans les marais , pc ç’efif un très-hon manger: D ailleurs , je n en ai vu aucune autre part qti’ici. On dit qu’il y a ici deux fortes de cag- nards fauvages , le mofcovite , Ôc le com- mun ; ils y abondent les uns & les autres dans la faifon pluvieufe ,,de même que les poules deati ôc les cercelles , mais on n’ea voit que peu dans le tems fcc. * On voit quantité d’aiitruehes au Sud de Bahia, mais on dit quelles ne font pas ft grofies que celles d’Afrique : on en trouve fur tout dans les parties méridionales dit Bréfi! , dans ces grandes favanes qu’il y a près de la riviere de la Plate , & encore plus au Sud vers le détroit de Magellan. Pour ce qui efl de la volaille domefli- que à Bahia > outre leurs canards , ils ont deux fortes de poules , donc les unes font â peu prés de la grofièur des nôtres , mais1 les autres font beaucoup plus grofies. Cel- les-ci tardent long-tems à fe couv#r de plumes , ôc elles font prefque nues , lors A wx Terris Australes. 6f , qti’clles ont atteint à la moitié de leur grof- feur naturelle. On en fait tant de cas à Bahia , qu’on en paie au marché jufqu’à 30. ou ^6. fols de la pièce, lo'rfqu’on les y apporte de la campagne, & qu elles font fi maigres , qu’on ne faurqir les manger. A l’égard de? animaux terreftres , il y a ici des chevaux , du gros & du menu bé- tail , des chèvres , des lapins , des cochons > des leopais, des tygres, des renards, dés lin- ges , des pecarys , qui font une efpéce de cochons fauyages , qu’on appelle ici Picas f des armadillos , des alligators , des guanos , qu’on appelle ici qüïtties ; des lézards , des ierpens, des crapaux, des grenouilles, & une efpéce de créature amphibie que les Portu- gais appellent cachora de agua , Si les An- glois chiens-d’eau. On dit que les lc.opars Si les tigres de qe païs font aflez gros & fort cruels : mais ils ne viennent pas fur la côte, d’où on les a chaflez vers le cœur du païs , & l’on n’eii voir guère qu’aux extrémirez Si dans les plantations éloignées, où ils font fouvent du dégât ; il y a trois ou quatre fortes dç linges , qui different en taille Si en couleur t ceux d’une e/péce font fort gros , Si ceux d’une autre fort petits j ces "derniers font d’une laideur affreufe ? & ils Tentent beau- coup le mule. On trouve ici plufieurs fortes de ferpens , dont la plupart font très-venimeux : le fer- ment à fonnetre eft de ce nombre , de même qu’un petit ferpent verd, qui n?eli pas plus gros que lé tuyau d’une pipe , qui peut avoir 18. pouces de long , Si ^ui elt fbîj commun en ce païs. to-Nltf fb VOYAGE On y trouve au fii l’amphifbæne , ou le ferpent à deux têtes , qui eft de couleur grife , entremêlée de rayes noirâtres , ÔC dont on croit que la raorfure eft incurable. On dit qu’il eft aveugle , quoiqu’il ait deux petites taches , qui reflfemblent à des yeux , à chacune de fes têtes j mais je ne faurois déterminer s’il y voit ou non. On a dure qu’il vit comme les taupes , & qu’il eft prefque toujours enfoncé fous la terre ; d’ailleurs , il eft facile de le tuer quand on le rencontre fur fon chemin , parce qu’il fe meut lentement , & que fes yeux , s’il en a , ne font pas aÛcz bons pour appercevoit ceux qui s’approchent de lui. Au refte , il y a peu de ces créatures qui s’élancent fur un homme , d“ &c! On ; qu'on afpcllebe^'V de tonu" > «U« &Li„ bec-de- faucon , les lourdes, mie,™ ï cr °n n,e»itne »i Jes unes li uo reS* ■ Efpagnols 5c les Portugais îetetn,,^U Plûiô[ ger du marfoüiîî8 a,m-er?1.çnt ..mieux man- vertes foTenr n 5 q?01 que les tortuës *» Angldjs.1 ^^ZoSfil'ZVn^ &*&&&& üggi aux i/les Caimanes,qpouryne vivïe H™1*** chofe durant la raiSλ 1 ® nlvre d a-utre leurs œufs fe bien nerr qU e !es Pon^enc gS«SfSuS.; £ jpaflant. ' Mals cec» fou die en u?z?U^on mclk bsc 7 4 VOYAGE eft la plus recherchée de toutes fur la cote du Brefil , parce que Ton écaille, fuivant le rapport des perfonnes que j'ai fréquenté à Bahia , e.fl: la plus nette & la mieux om- bragée qu’il y air au monde. On m’en fie voir un morceau , Sc à dire la vérité je n’en ai jamais vu de fi belle. On en trouve aflesp dans quelques endroits de cette côte , n$ais elle y efî: fort chere. Outre cette Bahia de todps los Santos > il y a deux autres ports confiderables dans le Brefil , où les va i Beaux Européens tra- fiquent, 1- un eft Pernambuc &c l’autre Ria Janeira. L’on envoie autant de vaifleaux a . chacun de ces endroits qu’à Baya, & cha- cune de ces petites ilotes a deux vaifleaux de guerre , qui leur fervent de convoi. De rous les autres ports de ce païs , il n’y éh a point de plus fameux que celui de S. Paul , où l’on àmafle quantité d’or j mais j ai oui dire que les habitans-font une elpece dé bandits , qui vivent fans aucun gouverne- ment , ôC que par le moien de l’or qu ils pnx , ils attirent chez eux tout ce dont ils peuvent avoir befoin , comme des étoffés pour s’habiller , des armes , de la munition s j&ç. Là ville e£t grande & bien forte , a o® qu’on affure. CHAPITRE II. UioMr de l'Auteur , & [es affaires à Bahia. Des vents & des faifons de l'annee au meme en* droit. Son départ pour la 'Nouvelle UQltanae. Çap Salvador?, Vss vents fur la cote m aux Terres Australes. 7f fôrefil ; & des Bâffes d'Abrohlo. Des poi/fons des oifeaux ; de celui qui frife Ceau en vo- lant 3 & de la maniéré dont on aprête une ef- pece de chien marin , qu'on trouve dans ces mers. Nombre prodigieux d' oifeaux fur le corps d une baleine morte : De l'oifeau nommé Pinta- do, 3 du Petrel , 0r. D'une efpece d' oifeaux qu on rencontre lors quon eft prés du Cap de bonne Efperance. Des calculs quon fait en mer 0 des variations 3 avec une Table de toutes les variations obfervées durant ce voiage. Ren- contre à* un , vai/feau. L'Auteur double le Cap0 Des vents d'Ouefl quon trouve au-delà. D'une Tempete 3 & des figv.es qui la précéder enta .Cours de l'Auteur f u/qu à la Nouvelle Hollan- de 3 les marques qui font connaître qu'on en approche. Vn autre Abroh/o } ou banc de fable. ^Nouvelle Tempête 3 & f arrivée de l'Au- teur à un endroit de la Nouvelle Hollande s Cette partie du pats décrite 3 <& la baye des chiens -marins , ou il mouilla d'abord. D» terroir de ce quartier , des végétaux , des oi- feaux 3 &c. D une efpece particulière de Gua- nos. Des poi/fons & des coquillages qui font d une grande beauté. Des tortues ; d'un gros chien - marin } & des Serpens d'eau. L'Au- teur paffe à un autre quartier de la Tfouvel- le. Hollande. Des dauphins 3 des baleines & d'autres ^Serpens marins. D'un pafiàge ou dé- troit qu il y peut avoir ici. Des vegetables , des oifeaux & des poi/fons. L'Auteur ancre a un troifiéme endroit de la Nouvelle Hol- lande ; & il fait creufer pour avoir de l'eau qui fe trouva falée. Des habitans du pats s des grandes marées 3 dç§ vegetables 3 des ani- maux 3 &c. tfG V O Y A G i yE m’arrêtai environ un mois à Bahia i Durant le féjour que j’y fis , le Vice- Roi de Goa s?y rendit à bord d’un gros Vai fléau , qui étqit richement chargé dp (toute forte do marchandifes des Indes , qui alloit à Lifbonne. Aufli le Vice-Rqi q’avoit - il deflein que de rafraîchir fes gens , dont il ayoit perdu plufieqrs Sc pref. que tous les autres étoient fort malades > $ caufe de la longueur du voyage où ils ^voient emploié quatre mois, il vouloir faire de l’eau &c partir enfuite de cqnfer- ¥e avec les autres vaiflfeaux Portugais qui étoient deftinez pour i’Europe , & qui a- yoient ordre de fe tenir prêts à fpartir le %0 de Mai. D’ailleurs , il me pria de por- ter une de fes lettres à fon fuçcefleur , le nouveau Vice-Rpi de Goa : ce que je f^s par les mains du Capitaine Hammond , que je rencontrai vers le Cap de bonqe Efperance. La principale affaire que j’a- ¥ois à Bahia , éroit d’y prendre de l’eau , d’y rafraîchir mes gens, & de calme? les jdefordres qui s’étoient gliflez parmi eux. Tai déjà dit qu’ils avoient porté leurs murmures fi loin , qu’il n’étoit pas facije d’y remedier : mais pendant mon fejour çn cette Ville , je trouvai l’occafîon d’a- doucir un peu cette aigreur. Enfin réfolu a continuer mon voyage , je préparai tou- tes chofes avec plus d’aélivifé que jamais , avec toute la promptitude que l’aver- ÿon s que mes gens tëmpignoient pour mon dejflein , le pouvoir permettre. Ils s’étoient épcpre mis dans l’efpiit que les vents du Sud , dont il y avoir eu déjà quelques bou- gées > allaient re^ner , & qu’ils nous empe* aux Tbrb.es Australes, jf, cheroient d’avancer de ce côté - là. Les, vents commencent à changes Ici dans les mois d’Avril ôc de Septembre , ÔC les faifons de l’année , c’elt-à-dire la lèche Ôc l’humide , changent avec eux. Eu Avril les vents du Sud régnent fur cette côte , ÔC ils amènent la faiibn pïuvieufe ? accompa- gnée dé tourbillons , de tonnerre ôc d’éclairs^ En Septembre le vent d’Eft Nord-Eft: , qui eft l’autre vent alifé de cette côte , fe raie fentir -, il purifie l’air , ôc il amené le beau tems. Pour ce qui regarde le changement du vent, c’eft ce que fai déjà marqué dans mon fécond Tome, Traité des vents : mais pour le changement de la faifon qui Lac- compagne ici à Bahia avec une ii grande exactitude , c’efl une exception particulié- fe, à ce que j’ai obfervé dans tous les lieux qui font au Sud de l’Equateur entre les deux tropiques , où j’ai été moi-même , ou dont j’ai entendu parler. Du moins , dans tous ces endroits, la belle faifon commen- ce en Avril , & la pïuvieufe vers lé mqis d’OCïobre ou de Novembre , c’elt-â- dire que les faifons fe trouvent oppoféès dans fa. Latitude Méridionale ôc la Septentrio- nale , comme fe l’ai remarqué dans mort Traité des Vents , au lieu que fur la cô- te du Brelîl , la faifon humide arrive en Avril , au même tems qu’elle commencé dans les Latitudes Septentrionales , ôc la féche en Septembre. Audi lès pluÿes n’ÿ font-elles pas de fi longue durée que dans les autres païs : il y fait fi beau en Sep- tembre , que vers la fin de ce mois on y coupe déjà les canes de fucre , à ce qu’ort me dit 3 ôc je pris grand foin de m’in- 7$ VOYAGE former là-deflus. C’étoit donc fur un fa us rapport que je mis dans mon Traité des Vents j qu’au Brefil on y cueilloir les ca- nes au mois de Juiller. Ce qui fuit quel- 9,u.es VgHes après dans la même page , où rai dit qu’on n’y a point d’égard aux fai- fons pour cueillir ou planter les canes , ne fe doit entendre que de ce dernier, puis qu on ne les y coupe jamais que dans la bel- le faifon. Mais pour revenir aux vents du Sud , ils commencèrent à fonder , lors que je m’y attendons &que j’étois encore à Bahia. j’eus ©eau en avertir mon équipage , 8c lui dire q tierces vents ne régnoient que le long de la côte , 8c qu’ils ne s’étendoient pas au- delà de 40 ou yo JieuèV au large , tout ce- la ne fervit de rien \ iis en furent tous dé- concertez , 8c ils s’imaginèrent que ces vents foufloient dans toute l’étendue de la mer x depuis l'Amérique jufqu’en Afrique. Les Pilotes Portugais des vaifleaux Européens v avec qui mes Officiers s’entretenoient tous les jours- , les confirmoient dans leur pen- fée , quoi qu’ils ne fuffient pas mieux inf- truits qu’eux fur cette matière , 8c qu’ac- coutumez à retourner chez eux , les vents de Sud en poupe , jufques au paffage de la ligne , ils n’euffient aucune expérience de l’étendue ■ de ces vents. Quoi qu’il en foit , mes hommes prévenus que nous ne pourrions fortir de Bahia qu’au mois' de Septembre , ils en devinrent plus lâches à s’acquitter de leur devoir, 8c fort rétifs à préparer tputes chofes pour notre départ. Leur négligence ne fervit qu’à redoubler mes foins pour faire efpalmer le navire * V "Av X T erres Austral es. if remplir mes barriques d eau , puifque^ je n’a vois plus de bierre : il n’y a ici qu un: feul endroit où l’on fait aiguade > &c com- me la faifon feche tendoit vers fa fin, l’eaii y étoit fort baffe. D^ailleurs 3 les chalou^ pes des vaiffeaux Européens qui fe difpo- foient à partir , s’y rendoient en foule , &£ il n’étoit prefque pas poffible à mes gens d’en aprocher : de forte que j’eus ^ recours au Gouverneur , qui eut la bonté d envoie r un Officier fur les lieux , pour en écarter les autres Matelots Sc favorifer les miens , jufqu’à ce qu’ils euffent rempli mes barri- ques. L’Officier s’acquita très -bien de fon devoir , & je ne fus pas ingrat à fomégard. Je fis mettre auffi à bord neuf ou dix ton- neaux de ieft ; j’ordonnai au Boffeman de réparer les agrès y Se je demandai à nies autres Officiers , s’ils avoient befoin de quelque chofe , fur tout de poix &C de gou- dron j parce que j’en pourrois acheter ici avant que de paffer outre : ils me répon- dirent qu’ils en avoient affez ; mais il fe trouva dans la fuite que cela n’étoit pas. j’allois prefque tous les jours à terre, foit pour mes affaires , ou pour me promener à la campagne , qui n’en étoit que plus agréable , lors qu’il venoit quelque ondée de pluie -, ce qui eft affez ordinaire dans la faifon humide. Il y avoir encore divers bons fruits fur les arbres , & en particu- lier quantité d’oranges : mes gens & moi nous en munîmes pour le voyage , & elles nous furent d’un grand fecours. D’ailleurs , je fis bonne provifion de rum , ( qui eft une efpece de liqueur forte ) ôf de fucre : mais je fus bien aife d’avoir pris de la vo- , voyage gre&Vor/cfiere rv n® q?Ici f1,e éroït que mes CePen.dant Je peu de loià nouvelles P-dre dé leur avoir Sir**11 ^it!uc^u un de mes gens iudke • m,l qU!lClue chore à mon pré- Joh o'w «M un Marchand du lieu m'af- fes nqnîr 4-me teno'ent entre leurs grif- r,eu’r l m w “ Pas au P°«vo>r du Couver- ts que voient épié de fort orr-s 11 „5eZ J,? m a' les'ruës '°ou>m,rr0*C r™ m’afra®ner dans' kroismleux P SK* fis t * 4&8SK 5 SSP d" G",™“ '.VëÆtTiS Nous demeurâmes ici jufqu au 22 d’A vriF ] aurois bien fouhaité de partir 3DlA?ôr 4 ”}cs grePafatifs a voient pu fc f ar e avef plus de diligence. Mais il ny avoir olS Sî.d â eyftaexporePau cette faifon avec beaucoup d^vSlente^ aux Terres Australes, $r vite , 8c vous êtes en danger de périr. Audi' qraignois- je plus d’être defemparé dans le havre par la fureur de ces vents > qu’ils ne rne décou rageoiént de pourfuivre mon volage : bien loin de là , je fouhaitois un Vent frais du Sud , d’abord que je ferois un peu éloigné chi havre , afin de rencontrer plutôt le véritable, vent alifé. Lors donc que le 23. d’Avril fut venu , & que la mer commençoit à refouler , je me fervis d’une brife dè terre qui étoit alfez fraîche , 8c je levai f ancré de grand ma- tin -, il falut enfuite mettre a la cape jus- qu’au jour, afin d’y voir mieux à Sortir du* port. Mr Code partit avec moi, 8c il me prêta un de fes Pilotes , à qui je donnai trois rifdaîes : mais je vis bien que j’au- rois pu m’en tirer moi-même par les’ ob- servations que j’avois, faites à mon entrée »• la fonde à: la main. Il faifoit beau , & îe vent fou floit Efl: quart au Nord. A dix héu- r’es je me trouvai hors dé tout péril , 8c je renvoyai mon Pilote. A midi nous avions' le Cap Salvadore au Nord , à fix lieues de nous , & le vent tint allez long-tems en- tre l’Eft quart au Nord', 5c le Sud-Eftj ce qui nous obligea de Suivre la côte , que îious eûmes prefquè toujours en vue. Les vents de Sud' nous quittèrent dé nouveau : ils ne viennent d’abord' que par boufées , Sc ils fautent d’un point à l’autre , quel- quefois dix ou douze jours de fuite, avanr que de fe fixer 3 nous ri’avions plus que des brifes , tantôt de met 8c tantôt de ter- re , mêlées du Vent alifé qui foufle le- long de la côte, ôc qui étoit lui - même iiü- •éettanv & $ S© VOYAGE Les vents d’Eft me faifoient déjà craint dre que je ne pourrois pas franchir un ^rand banc de fable , qui eft fitué entre le 18 & le 19 degré de Latitude Méridio- nale , ôe qui depuis la terre court tout droit à l’Eft, bien avant dans la mer : il eft vrai que le tems ètoit fi beau, que je me fîâtois de pouvoir me garantir de tout danger , & que fi le vent tournoit au Sud , je pourrois prendre le large de forte que je continuai à courir terre à terre. Le 27. Avril nous apperçumes un petit brigantln fous le rivage , qui faifoit voile vers le Sud. Nous vîmes aufïi quantité de ces oifeaux > qu’on nomme des guerriers & des boubis 5 & de ces poifions qu’on appelle albicore s la beauté du tems accompagnée de petits* vents frais & de quelques calmes , me four- nit l’occafion d’examiner le courant-, &c je trouvai qu’il alloit tantôt au Nord éc tan- tôt au Sud : d’où je conclus que nous étions encore dans l’étendue des marées ; lors que fuivant mon calcul , nous fumes à la hau- teur du banc d’Abrohlo , je fondai , & l’eau vint à diminuer de quarante , à trente- trois , jufqu’à vingt-cinq brades : mais en- fuite elle augmenta peu à peu de 33 , à 3f 5 37. &c. par tout un fond de rochers de co- rail. Nous prîmes fur ce banc quantité de poiifon à la ligne , & -après l’avoir traver- se à l’endroit où il eft le plus éloigné de terre , c’efl-à-dire , où il y a le plus d’eau éc le moins de danger , il fe trouva par l’amplitude Occidentale que la Bouflble avoir Nordefté fix degrez trente huit mi- nutes. C’étoit le 27 Avril , nous étions alors à dix -Luit degrez treize minutes de aux Terres Australes. 8i Latitude Méridionale, &i trente-un minu- tes de Longitude Orientale du Cap Salva- dor. Le vingt- neuf , à dix-huit degrez 39, minutes de Latitude Méridionale , nous eû- mes de petits vents frais de l’Otieft-Nord- Qiieft , à l’Oüeft Sud - Oiieft , fort varia- bles : le 30. le vent foufîa de 1 Otieft au Sud - Sud - Eft , accompagné de coups de tonnerre Si de pluie ; Si nous vimes quel- ques dauphins Si d’autres poifïons. Depuis quatre ou cinq jours nous avions perdu la terre de vue 3 mais le vent qui avoir tour- né au Sud étoit une marque apparente y que nous étions encore trop prés du rivage pour recevoir le véritable vent alifèd’Eft : comme les vents d’Eft que nous avions eif déjà prouvoient que nous étions trop éloi- gnez de la terre pour jouir du vent réglé du Sud , qui foufle le long de la côte : D’ailleurs , la foibldfe de l’un Si l’autre de ces vents, jointe à leur inconfiance qui lès faifoit paffer du Sud Sud - Oiiefl aut Sud- Eft, & qui étoit accompagnée de ton- nerres , de pluyè Si de petits frais , fervôit à confirmer que nous étions entre l’étendue du vent réglé de la côte , qui vient du Sud , & celle du véritable alifé, qui eft toujours ki le Sud - Eft. Le 3. de Mai , lors que nous fumes à 20 degrez de Latitude Méridionale , Si à 234 milles àrOiieft du Cap Salvadore , il fe trouva fept degrez de variation. Nous ne vîmes d’autres* oifeaux que de cette efpe- ce que nos Matelots apellent Frifeurs d’eau , parce qu’ils frifenj l’eau en volant : ce font de petits oifeaux moirs , qu’on ne mange point 3 & qu’on voit dans les mers qui fois S4 . VOYAGE hors de l’an oa l’autre des deux Tropi- ques. Nous, prîmes trois petits SharKs , où chiens marins , chacun de fîx pieds quatre pouces de long , qui fervirenc à nous ré- galer. Le lendemain nous en prîmes trois autres^ de la même groffeur , & nous les trouvâmes fort bons de la maniéré dont on les accommode ; c’eft-à-dire qu après les avoir fait boiiillir on en exprime l’eau , &C enfuite on les étuve avec du vinaigre & du poivre. Il ne fe pafla rien de remarquable depuis le trois de Mai jufques au io. mais nous vî- mes de tems en tems quelque petite balei- ne., qui faifoit jaillir l’eau. Nous avions le vent à l’Eft , qui nous fervit à courir de- puis le vingt degré de Latitude Méridionale jufqu’au 2?. degré p min. & nous eûmes alors 7. degr. 3. min. de Longit. Orienta- le, depuis lë Cap Saîvadore. La variation augmentoitiprefent de plus en plus, quoi que- nous coiir.uiîlons à i’Eft : il y eut tou- jours une grande différence entre les ampli- tudes Orientales de les Occidentales ; d’or- dinaire elle étoit d’un ou de deux degrez-, ê£ quelquefois même davantage. Après avoir atteint le véritable alifé , nous avan- çâmes beaucoup vers le Sud , pour fortir de l’étendue de ce vent general & attraper un vent d’Oueft , qui put nous conduire vers- le Cap de bonne Efperance. Le 12, de Mai ; après avoir atteint le 31. deg. 10, min. de latitude , nous commençâmes à trouver le vent d’Oueft qui fraîchit toujours , Sc Bç nous abandonna qu’un peu avant que bous tournaillons vers i? Cap : il foufloic quelquefois, avefr. tant de violence,,. qu’il aüx T ff r r i s Australe s. ffÿ' tiôus éioignoic de notre route , fur tout k nuit : mais le jour nous avions le foin do carguer la grande voile. D’ailleurs , nous; pafiames auprès d’une baleine morte , où il y avoit , pour ainfi dire des millions d’oi*- féaux de mer > q.ui i’environnoient de toutes parts , auiîî loin que notre vue pouvoir por- ter : les uns étoient à fe repaître fur cette carcafle ,■ 5c les autres voltigeoient autour » où fe tenoient fur l’eau , en attendant qu’il y eut moyen-d’y aller prendre leu? curée^ Les oifeaux nous firent d’abord découvrir la baleine j & il faut avoüèr que je n’en a- vois jamais vû de ma vie un fi grand nom- bre enfemble ; il y en avoir de plufieurs efpeces , 5c ils differoient pour k grofieur 3 la figure 6c le plumage. Quelques-uns é- Coient prefqu’aufii gros que des oyes , de couleur grife , avec la poitrine blanche , de même que le bec les ailes 6c la queue. Oh y voycît dès pintados , ou oifeaux peints qui font auiîj gros que des canards , 6c mar- quetez de blanc 6c de noir y des fri(èuts d’eau , des petrels , 5 C quantité de plus gros» oifeaux. Nous en-vïmes dès uns 6c des au- tres , fur tout des pintados , depuis' que nous fûmes à deux cens lieueS ou environ de la côte, du Brefil , jufq.u’à ce que nous nous trouvâmes à peu prés à la même dif- tance de la Nouvelle Hollande : lé pinrado eft un oifeau du pais Méridional, 6c de là partie temperée de cette Zone y du moins je n’en ai jamais guère vu vers le Nord du 30 ^ degré dé Latitude Méridionale. Quoi qu’il ioit au fii gros qu’un canard , il ne pa- raît en volant que de la grofieur d’un pi- geon domdtique , il a la queue courte $4 VOYAGE Jes aîles fort longues , comme les ont la plu- oifeaux de mer; fur tout ceux qui s’éloignent beaucoup du rivage , 8c qui n’en aprochent prefque pas , iis flotent fur l’eau pour Te repofer ; mais ils font leurs œufs à terre , fi je ne me trompe il y a- trois fortes de ces oi féaux , tous de la mê- me forme 8c groffeur , 8c qui ne différent entr’eux que par le plumage. Les uns font' noirs par tout , les autres" oîit le manteau gris , avec le jabot 8c le ventre blanc ; 8C les troifiémes , qui: font les vrais pintados3 font admirablement bien moucherez de blanc & de noir. Ceux-ci ont la tête pref- que noire de même que le bout des aîles 8C de la queue : mais dans ce noir des aîles il y â des taches blanches qui paroiffent être dé 3a grandeur d’un demi-écu quand ils vo- lent , 8c c’eft alors qu’on voit mieux leurs taches ; leurs aîles font auffï bordées tout autour d’un petit' fit noir , &l’on voit fur le' milieu qui eü blanc, une tache noire, qui s?éclaircit peu à peu', 8c aproche d’un gris obficur vers le dos de l’oifeau. Le bord in- térieur des aîies , 8c Je dos même depuis ta tête jufques au bout de ta queue font émul- iez d’une nombre infini de jolies taches rondes , blanches 8c noires, de la grandeur d’un fol marqué ; le ventre , les cuiffes, les cô- rez 8c le deffous des aîles font d’un gris clair. Tous les pintados en général vont par troupes , 8c ils balayent prefque l’eau en vo- lant. Nous en tirâmes un quelque rems après , durant le calme qui furvint , 8c un chien bar- bet que nous avions nous l’aporta. Vous en voiez le profil dans la planche fuivante » Fig» i. mais ii étoit fi endommagé pas te aux Terres â ers tr a les. coup , qu’on a eu de la peine à le bien repré- senter. Le pétrel ne différé pas beaucoup de l’hi- rondelle , mais il efr plus petit , & il a la: queue plus courte. Il elt noir par tout , e*- cepté fur le croupion , où il a une tache blanche : il frife l’eau en volant de même que Phirondelle. On n’en voit guère quand il fait beaujc’eft pour cela que nos Mate- lots les appellent des oifèaux du mauvais tems , 8c lorsqu’ils volent autour des navi- res , on a fujet de craindre quelque orage ‘r fis voltigent même fous la poupe , s’il y a tempête ; 8c à mefure qu’ils fuivent la trace d’un vaiffeau , ils fe mouillent les pieds à différentes reprifes -, de forte qu’on diroit à les voir, qu’ils marchent plutôt qu’ils ne ▼oient , 8c que par allufion à faint Pierre * qui marcha fur le lac de Gennefaret , nosr Matelots leur ont donné le nom de pétrels.*. Arrivez à 35? d. 32m. de Latitude, 8c par Peftime proche du Méridien de Pille Trif- tian d’Acouha , nous vîmes quantité d’herbe marine. Nous eûmes alors autour de 2 deg. 20min. de variation Orientale, qui dimi- nua de nouveau à mefure que nous courions à l’E(t, jufqu’au voifînage du Méridien de î’Afcenfion. Nous ne trouvâmes ici que peu ou point de variation -, mais depuis cet en- droit , plus nous avançâmes à PEft , plus nô- tre variation Occidentale augmenta. Deux jours avant que je tournaife ma route vers le Cap de Bonne Efperance , j*a- vois 7 d. ^8. min. de Variation Occidentale. J’étois alors , c’eft-à-dire le 1 de Juin*, à 43 d. 27 m. de Longitude Orientale du Cap Sal- vador , ôc à 36 d. 30 m. de Latnu.dc. Le 2 du m Y 6 Y A G É même mois , je vis pafler prés de nous uiv ôifeau noir , qui avoir le bec plat 8c blan* châtre. Je robfervai avec d’autant. plus de foin , que le Pilote des Indes Orientales parle de certains oifeaux , de la groffeur d’un corbeau, qui ont le bec plat 8c blanc , 8c le plumage noir , qui né s'éloignent pas à plus de trente lieues du Gap , &c qui font une marque qu’on en eft prés. Selon mon calcul , 8c eu égard à? la Longitude que les Cartes ordinaires donnent au Cap , j’en de- vois être alors à plus de quatre-vingt-dix M eues : cela me fît fbupçonner que Toi fe au A ^ ~ rvnr A 1 mpmp f* i — que j’avois vu n’etoit pas de la même eC7 pece de ceux dont le Pilote parle , ou qu’ils voloient peut-être plus loin du rivage qu’il Se le dit, ou qifenfin j’ètois plus' prés du Cap que je ne crbyois* En i effet , je décou- vris bien- rot que je n’en étois pas à plus de vingt - cinq* ou trente lieues. Je ne fçai fî Cette méprife Vënoit de ce que les Cartes marines placent le Cap trop à l’Elt du Bre» fîl , ou de notre fupputation y mais n?s Calcuis^font fî fujets à l’erreur , foie par le gouvernement du Timonier , la ligne des minuces , les Courans, les Ëmpoulet- tes des fécondés , 8c quelquefois même par la négligence des Pilotes , que dans un voia^- ge de long cours tout cela peut caufer une différence de plufîeurs lieues. * La plupart de mes gens qui tenoien't dès Journaux , attribuèrent notre erreur aux Em- poulettes des fécondés y & il faut avouer qu,e lions n’avions pas un feul bon fable à bord , excepté ceux du demi- quart > ou de deux Beures. Nous fîmes fouvent l’épreuve de Routes nos Empoulettes des fécondés |j i Aux Terres Australes. *ous trouvâmes que celles dont nous nous étions fervis depuis le Brefil étoient aulfi co irtes que les autres , dont nous avions fait u/âge auparavant , étoient trop longues j ce qui ne pouvoit que produire de grandes er- reurs dans toutes ces differentes fupputar- lions. Il ^faut donc qu’un Maître de Navire le muniffe de fables fort exadls v qu’on pren- ne un foin tout particulier en tirant la ligné des minutes , de peur d’en filer trop par un petit vent modéré, & qu’on s’arrête auilî- tot qu il fait un vent frais ; car lors qu’uri vaiffeau court 8 , 51, ou 10 brades , une de- mi b rafle , ou même une entière , s’échape bien vice fans que l’on s’en aperçoive. Mais pour prévenir le danger , lors qu’on le croit proche de terre , le plus fur eft d’avoir l’œil au guet de bon matin , de de mettre à la cape durant la nuit, parce qu’un Capitaine * pour fi habile qu’il foit, peut fe tromper lui-* meme, fans parler des erreurs où fes gens peu- vent tomber,queIque vigilance qu’il y aporte, . Une autre choie qui m’étonna, fut la va- riation Occidentale , qui par la dernier© amplitude que f’avois prife , ne fe trouvoit ici que de 7. d. m. au lieu que la variation au Cap , d’où je n’étois pas éloigné de 30, lieues , étoit alors à plus d’onze degrez ; ce- pendant bien- tôt après , lorsque je fus à dix lieues al’Eff du Cap , fc ne trouvai que 10. ch 40 m. de variationOccidentale , quoi qu’eN le auroit dû être plus grande que par la pré-< ce dente. J avoué que rout cela m’embar- rauoic , bien que je ne cruffe pas qu’on pût prendre la variation avec la derniere exaéti- rude ; parce que le vaiffeau agité par un© groilc mer , qu’on rencontre fouyent dans g® tî VOYAGE Voiage , fait que le compas traverfe , 8c qüé d’ailleurs le navire même fe détourne un pen- de la droite route , quelque bon Timonnier qu’il y ait au gouvernail : cela pofe,iors qu’on vient à prendre un azimut, il y a prefque toûjours quelque différence entre celui qui regarde le compas , & celui qui prend la hauteur du Soleil ; 8c la moindre erreur de l’un 8c de l’autre , quand elle feroit au même egard j ne peut qu’éloigner beaucoup d’une parfaite exactitude : mais ce qui me furpric le plus, ce fut de trouver que la Variation n’augmentoit 8c ne diminuoit pas toûjours à: proportion desdegrfez de Longitude Eft ou Qtieft-, comme je croiois que cela devoir ar- river jufques à un certain nombre de degrez de Variation Orientale ou Occidentale , à tels ou à tels Méridiens particuliers. Après avoir donc remarqué dans ce voyage que læ différence de la Variation n’étoit pas pro- portionnée avec la différence delà Longitu- de , je fus ravi de trouver à mon retour en Angleterre , qu’on avoit obier vé la même chofe dans un nouveau calcul qu’on me montra -, 8c où l’on reprefentoit les differen- tes Variations qu’il y a dans la mer Atlantic ; que , de l’un 8c de l’autre côté de l’Equateur. L’on y voit que la ligne , qui ne donne aucu- ne variation dans cette mer , n’eft pas une ligne de Méridien , mais qu’elle eft fort obli- que , comme font celles qui marquent Hac- croifîement de la variation de part & d’au- tre. J’ofe même dire que le Capitaine Wal- ley , qui eft l’auteur de ce calcul , y a fait un grand pas pour rendre compte de l’irregula- fité apparente de la variation, foie qu’elle croiife ou qu’elle diminue vers la côte qui AUX T É R R E 5 A U S T R A L E S. éft au Sud-Eft de l’Amerique , Ôc pour fixer un fyfïêt»e de toutes les variations en géné- ral. Cela feroit d’un fi grand ufage pour la navigation , que cet habile homme qui joint tous les jours de nouvelles expériences à la profonde connoifiance qu’il a de toute la théorie fur ces matières , ne manquera pas , fi je ne me trompe , à nous favonfer bien-tôt d’une plus ample découverte du cours de la Variation i ce qui a été un fecret inconnu juf- ques ici. Pour moi, je me croi incapable de travailler à un pareil iyftême ; mais puis que des faits , qui augmentent l’hiltoire de la Variation , peuvent fervir à réglé r ou à con- firmer la théorie , je donnerai ici une Table de toutes les variations que j’obfervai au- delà de l’Equateur , foit en allant ou à mon retour ; & fi l’on y trouve quelques erreurs 3 on peut les corriger par les obfer varions dfs autres. Jÿï- VOYAGÉ Table des Variations. D„ M. D. M, D. M. I 699. ; Lat. . M . Longit. Variar. Mars I 4 6 i ) x 47 ^ z 47 Or. 1 1 fi 43 1 1 3 17 iAvrii 23 T 4 49 o I 6 b 7 0 1 8 i 8 M o 3 I £ 38 3° 19 oo X to 6 30 Mai X 19 XX 3 3 s 8 13 3 XQ î ; 3 40 7 0 3 X X 47 3 48 9 40 6 14 1 3 3 3 3 7 3* 7 ij 44 3 33 10 1/ 8 x 6 47 4 3 3 7 14 K, 9 xS 9 S 30 9 43 I o X9 f 7 3 ï I 41 1 1 i 9 23 7 38 i i 47 17 34 J8 i 8 43 3 40 i 8 3 4 f 4 J? 6 6 19 • •9 3/ 48 i 9 43 3 <3 X9 41 17 1 z 33 1 3 }9 l i 3 i 33 Z 0' juin | i if 3° 43 17 7 J 8 OcCtf 3 if 8 o 13 c 1 0 40 I 6 3* 7 3 6 1 t 1 6 8 3 & *7 I o 3 if 0 9 3 J J9 i i O 1 9 38 I X 3/ 1 o 0 18 X 1 33 U 3 i 3 lO . 1 3 *3 30 *y 34 15> 14 13 3* 17 3 4 17 34 8 14 33 J 9 3 4 17 3 9 14 13 19 X o 3 4 13 4 1 Zf *4 x » X X 33 34 43 4i il 13 2 f 3 f , 8 4 f 2. 8 14 3° à Oa de S. Jago. b £ du C. Salvador au Bie.f Ü, c B du C, de Bonue Efpefane^. ÂUX ’fÈ&R.ES AtySfAALES. 9$ 1 D. M. D. M. D. M. 1699. 1 Lar.M Longic. Vanac. fuin h8 J'f 40 49 33 x x JO Oc» 19 56 40 J 3 I X X X 44 JP J* ij 5* XX X I 40 fjùlU 1 JJ 3 J J* 44 19 4 j 4 3 3 31 65 X X I 6 40 6 3i 3 P 6 S 3 4 IX X® ? Ji 4 J 69 0 I X X xo J * 39 70 x I 1 3 34 1 1 31 4 72 0 1 x *9 IJ Ji 17 74 43 10 0 IJ 19 x 0 7 J x J 10 X 8 1 k* 18 I é 78 29 9 5t xj *£ 43 ' 84 19 9 11 2.4 iô x 8 8j 10 8 ? L > j 16 14 8J JX 8 40 x* XJ 3 £ Bë iï 8 xo 17 l6 4 3 B 6 16 7 0 19 z7 3,8 87 XJ 8 xo n 16 J 4 88 I 9 6 ! Août , j 2J JO 86 3 7 14 ij x 4 4i 86 x d 6 6 17 2J X 0 xx 7 f 2,0 19 3.7 3 0 7 d 14 19 JX f 41 7 7 xj 19 4 J J 1 0 6 40 27 I? 14 6 1 1 J 1 8 x 8 18 J» 6 57 6 II Sept. 6 17 1 6 9 I 8 4 3 7 Î6 9 8 J 7 x 7; 8 IJ 37 1 9 34 X XO d Ë de la Baye des Chiens marins dans la il* Hojiandf, ’oo Li 1 699. Sept. Dec. ?a.nv. Fevr. Mûrs Uvr. fiïin V O Y D. M. Lar.M. 1 ? ss 1 5 -1 2. j 1 1 j 1 o 9 1 x I r 4-5 43 î O 3 / 1 S 3 1 3 > o 19 3 3 19 44 19 31 19 4tf 19 4 S AGE D. M. Longit. D. M, Variât. 10 SS 1 47 Où, II 41 1 47 6 34e ï 1 Q«*o 6 Si 4 8 * 48/ 4 0 1 3 1 6 x 6 10 1 j 8 4/ , 18 pi 8 4f J 19 41 9 JO 0 S i 1 0 0 44b 9 0 6 4 8 xj Oc, 8 M 7 0 37 i î ° a 1 j Or. O 15 l 0 i j Oc, 3 3° I XJ 8 7 s 38 9 j8 6 10 II 6 6 xo IX XX 4 JS 14 17 7 10 16 1 6 3 x 17 4 1 .8 1 • *9 0 | 6 p to dans PiHe de Timor. /E. du C. Maba dans la N. Guinée. g E. du C. $. George dans la N. Bretagne. h Ou dudit lieu. Ou du C. Maba. k A l’ancre à la hauteur v ji? Vijfle Caun, i Qu, de la Baye de Baba Q® Aux Terres Abstraies. ?\ D. M. D. M- D. M. '1700. Lat.M Longi Variât. 17 ov 7 £> 1 z 6 m 9 OÜCi 1 + 17 I 3; 3 S l 6 S° 1 f 17 1 0 36 34 I 8 57 1 6 17 1 1 37 S 4 1 7 14 l9 18 14 4 1 40 19 39 i r 41 14 44 47 2-0 J° M 19 41 47 3 4 1 I 38 24 yo I 6 49 16 0 ï} 30 40 J l ‘4 38 2.6 3 1 J I /X J 11 40 27 3 1 SS S6 2,8 17 10 TOec. 5 0 3i SS S 7 2f 17 10 I 3i S 7 SS 17 14 3 0 1 57 S 9 3 3 17 S 7 4 3 2 3 6 l 4/ 2 4 S 0 6 3 1 IS 6 6 0 . 2 3 )-Ÿ 7 37 18 6 8 3 6 2 4 4s 8 33 4? 64 38 1 ï 13 ? 3 2 49 70 9 2 4 0 1 1 il 70 71 4/ H 19 1 3 3 1 SS 7* 3» lo 1 4 14 3 ï SS 7 3 39 lo P 1 S 3i 1 1 7 S 1 1 10 0 17 j î 1 -r j 7 P ?p 1 ,8 4*. 18 ! 33 0 J 80 3* 1 17 if 11 1 34 39 | Si J 6 41 ti 1 34 i6 1 Si 19 1 14 3 £ m Ou. de l’ifle du Prince 3 près de la 'î’ête de Java, £,70© D. M. D. M. D. M. Lat.M. Longit. Variât. M 34 2*1 «3 42 14 0 1 J 4 38 84 2 I 14 0 1 S 3 1 1 S 2 3 2 n 10 20 i 6 30 s 4 42 9 36 l? 28 46 6 8 8 i 8 *7 2 6 7 31 7 4® }9 2.6 1 1 9 9 7 30 10 © IO 49 7 9 1 1 4 1 1 2 24 6 22 z i n 14 10 J J 6 *3 2. I 48 u 17 S 3 *- 2.4 1 I 24 1 s Ji 4 56 l 6 19 SI 16 48 4 20 %7 19 lo 17 12 3 24 28 I 8 M J 18 13 4 0 i-9 •17 22 19 29 2 0 16 , I 2 J* 3 8 0 i ;p 17 i i SS 4 4t 1 1© i 8 1 1 1 i y 30 0 20 1 9 I o 22 6 3i 1 10 a i Nous fîmes i toute vers l’ifle de n Ou du païs plain & uni du Gap de Bonne Efperance. r q Qu. de S. Helerçeo Mais pour revenir de cetre digrefïîon , je continuerai à décrire la fuite de mon voiaçe. Iç vent fe tournoit alors au Sud , il faiibit * ‘ i>eau? A u x Terres Australes. 9T beau , & je courus à l’Eft pour trouver le Cap. Le 3 du mois de juin nous vîmes pa- roi tre un vaiffeauqui portoit Paviljqn An- glais , &■ fur lequel nous avions l'avantage du vent. Je forçai de voiles pour lui par- ler, & je trouvai que c'étoit TAnrelope de Londres , commandée par le Capitaine Hammond, qui alloit à la Baye de Ben- gal pour le fervice de la nouvelle .Compa- gnie des Indes Orientales. 11 y avoir plu- sieurs paflagers deifus, qui 'allaient s’éta- blir dans ce païs - là fous le Chevalier fS- douard Littleton. Je me rendis à bord , &c je fus reconnu du Chevalier & de Mr. He doivent courir quelque temps fous le mê- ine paralelle , où dans une latitude entre le 3 j le 40 d'eg. du moins , un peu ai$ §ud de l’Eft, a£n de continuer dans la rou- te des vents variables 3 & ils ne doivent pas fe hazarder trop-tôt à mettre le cap ai* Nord , de peur de s’engager dans l’éten- due du vent alife , qui les détourneroit de leur route à l’tft. Le ventfe rendit plus frais , de nous eûmes toujours en vfiel’An- telope 5 de même que la terre , jufques au Mardi 6. Juin : Nous vimes alors un nom- bre infini d’Oifeaux d,e plufieurs efpeces , nous regardâmes de tous cotez pour ^oi? s’il y auroit quelque autre baleine mor- te s mais il n’en parut aucune. La nuit precedente le Soleil s’étoit cou- ché dans un nuage fort épais qui reifem- ^loij à la terre 3 & les autres qu’on voyoit àvx Terres A us traie s. 9* au-deffiis croient colorez d’un rougeobf- cur. Le Mardi matin , lors que le Soleil approchoit de i’Horifon , les nues paroif- foient fort agréablement dorées , mais a- vec tout cela j’en craignis les confequences. Le Soleil n’étoit pas monté plus de 1. deg, qu’il entra dans un nuage épais de couleur de fumée , qui étoit paralelle avec l’Ho- rifon, & nous en vîmes fortir d’abord quan- tité de rayons obfcurs $c noirâtres. Le Ciel étoit déjà couvert de petites nuës , fort fer- rées les unes prés des autres , de la nature de celles que nous appelions folides , & qui ne menacent pas de pluye , depuis le bord de l’Horifon jufquesà 3 ou 4. deg. de hauteur , elles étoient de couleur d’or : enfuite jufques à 10 deg. ou environ , elles paroiflbient plus rouges, & fort éclatantes ; celles qui venoient après jufques à 60 ou 70 deg. de hauteur étoient plus obfcures j mais au delà elles avoient leur couleur na^ turelle. Je pris garde à tout ceci avec beau- coup de foin , parce que j’avois toujours obfervé pue de tels nuages menacent du- ne tempête prochaine. D’ailleurs , nous é- tiqns ici en hiver , & le mauvais temps ç- toit à craindre, de forte que je me prépa- rai à effiuyer une grofle bourrafque , je fis carguer nos voiles de Perroquet, & je re- commandai a mes Officiers de les mettre dedans , en cas que le vent Ce renforçât. Nous avions alors un beau frais O. N. O. ?U£ ,minuit nous eûmes une éclaircie pâ- le & blanchâtre au N O. ce qui étoit un au- trefigne que l’orage alloit commencer. £a eftet le vent fraichit tout d’un coup ; là. peil us nous ferrâmes nos yoiles de Pejrro^ E * se» VOYAGE quetj nous ferlâmes notre grande Toile » & nous courûmes avec la feule voile de Mi- faine. Vers les z. heure? du matin la vio- lence du vent redoubla , &c nous mîmes le cul au vent , qui fe renforçoit toujours : Mîûs le navire femanioit le mieux du mon- de'& fillôit à merveille. A 8 heures du ma- tin nous baiifames nôtre vergue de Mifaine de 4 ou 5 pieds , & nous courions fort vite fur tout' lors qu'un nuage noir nous pnvq- yoit quelques ondées de pluye ou de grê- lé-, p aï ce que le vent foufloit alors avec la derniere impetuofitë. Quoique ces grain? lie' fuifent pas de durée , ils fe fui voient de près les uns les autres. D?ailleurs, la mer ftoit fort greffe : mais nous allions d un cours fj rapide , vent en poupe , que les va- lues ne nous mouillèrent prefque point : li Centra qu’un peu d?eau par les fabords du Tiilac , Sc une fois même elle jetta une Seche fur l’afut d’un Canon. Le vent ne diminua de fa violence ex- traordinaire que vers la nuit du Mercredi 7 Tuin *.* Mais nous eûmes un beau trais tùfques au 16. & un petit vent jufques au Jo Dans cet efpace , nous avions couru au- tour de 6oo lieues , & le Vent avoir pref- que toujours fouflé de quelque point de l’Ouelt , c’efl-à-djre depuis l Qneft -Nord- Quefi;, jufques au Sud-quart-a 1 Quelt. Il fougoit avec plus de vehemence lors qu il croit à l’Oueft , ou entre 1 Queft & le aud- ' jQacll , mais lors qu'il tourna plus au ôud , le mauvais temps finit. J?avois déjà remar- qué autrefois , que dans ces mers aufîj-toç que le vent d’Quefit qui caufoit les tem- F|tes , rangeoit §uct ^ elles dimi- aux Terrés AüstraIès* iôi huoient , 5c que fi le vent fe tournoie à rEtt par le Sud , nous avions de petits frais plus modérez , des câlines ; 5c un beau- temps. Pour ce qui efl des vents d’Oueft: de ce côté là du Cap i leur violence ne fait pas que nous les fouhaitions moins , parce- qu’ils tious portent plus vite à l’Eft : Auffi toutes les perfonnes qui vont à cette par- tie des Indes Orientales , qui eft au Sud de l’Equateur , comme à Timor , Java & Su- matra , tous les vaiffeaux deftinez pour la Chine, 5c tous ceux qui doivent paffer le détroit de Sundy , ne foûpirent qu’après tes vents-là. D’abord qu’ils ont pafTé le Cap, rils rangent d’ordinaire le Sud , afin de trou- ver les vents d’Oueft qui ne manquent pre£ que jamais de foufler en hiver au Sud du Cap : Mais en Eté > c'*eft-à-dire toujours à l’égard de ces climats , il faut qu’ils aillent 40. deg. au Sud pour les rencontrer. Je n’avançai pas cette fois à plus de 36". deg. 40. min. de latitude, & fouvent même je fus plus au Nord , réduit à changer ma la- titude toutes les fois que les vents 5c le tems le demàhdoient : du moins dans ces Voyages de long cours , il vaut mieux ac- commoder fa route au vent qu’il fait. Mais fi en portant à l’Eft , nous étions obligez dp courir un peu au Nord ou au Sud , il n’y âuroit pas grand mal , puis qu’il ne fau- drait que cingler à z ou 3 points au-delà dii vent , lors qu’il eft Nord ou Sud > ce qui n’empêche pas feulement le vaiffeau de fai- re trop d’effort, mais abrège plus le che- min , que fi l’on fuivoit toûjours le même Rumbdevent, comme font certaines per- lonnes. E 3 toi T G Y A G Ê Le 19. Juin nous étions à 34. deg. 17. mi&ï de lac. Mer. & à 39. d. 24 min. de long. Or» du Cap j avec de petits irais & des calmes. Le vent étoit au N £. quart à l’Eft, fte continua toujours dans quelque point de l’Eft jufques au 27. Après avoir été quel- que tems au N. N. E. il vint au N. en- fuite à TO. quart au K. & continua fur le bord de l’O. c’eft-à-dire entre Je N. N* O. & le S. S. O. jufques au 4. Juillet , dans cet intervalle nous coutumes 782 mi- les. Le vent fe remit enfuite à l’Eft , & fé- lon nôtre calcul nous devions être alors dans un Méridien à iîi© lieues E. de celui du Cap. Nous jetrames la fonde par un beau temps ; mais il n’y avoit pas fond. D’ailleurs il ne fe prefenta rien de fort remarquable dans tout ce voiage , excep- té que des oifeaux nous accompagnèrent tout le long du chemin , fur tout des Pin- tados & que nous découvrions de tems en tems une Baleine. Mais à mefure que nous aprochions de la côte de la nouvelle Hol- lande, nous en voyions fouvent trois on quatre enfemble. A 90 lieues ou environ de terre nous commençâmes à voir des herbes marines 3 toutes de la même forte 3 & plus nous aprochions du rivage, plus il en paroiifoit. A 30. lieues nous vîmes quelques os de Seche , qui fîotoient fur l'eau y &c nous en rencontrâmes beaucoup plus , lors que nous fumes plus près de la côte. Le iç Juillet à 16 deg. 14. min. de lar. Mer. & à S* deg. $2 min. de long. Or du Cap de B Efperance, nous vîmes un des poilfons qu’on appelle Gars, qui fauta, qua* Âüx Terres Australes. 10$ trfe fois prés de nôtre bord, 8c qui nous parut de la grofleur d’un Marfouïn. Jifai- foit très beau ce jour-là, & la mer étoit couverte d’une efpece de fort petite mouf- fe qui reflembloit à des qeufs de poiflon ; il y avoit même quelque menu fretin qui l’accompagnoit. Le 16 nous vimes quan- tité de petits globules fur l’eau, qu’on au- roit pris pour des perles , & dont quelques- uns étoient de la grofleur des pois fecs , ils étoient fort clairs Sc tranfparens : lors qu’on les êcrafoit , il en fortoit une goûte d’eau , Sc la pellicule qui la renfermoit é- toit fi déliée, qu’on avoit quelque peine à h difcerner. Il ÿ eut auili des herbes marines qui paflerent dans nôtre voifina- ge , d’où nous conclûmes que nous ver- rions bien-tôt la terre. Le 27 nous en vi- mes flotter d’autres j mais les oileaux qui nous avoient prefque toujours accompa- gnez depuis le Brefil , nous abandonnè- rent , excepté deux ou trois Frifeurs d’eau. Le 18 nous vimes quantité d’herbes Sc de quelques baleines. Le matin du 15) nous eû- mes un rems fort couvert , des tonnerres , des éclairs & une gtofle pluye, mais il fe remit au beau dés le foir même. Ce jour- là nous vimes l’os d’une Seche , Sc quel- ques-uns de nos jeunes gens apperçûrent un poiflon, qui devoit être un Chien ma- rin , par la defcription qu’ils firent de fa tete. Je vis auifi quelques Boneras , Sc quel- ques Sauteurs , que nos Matelots appel- lent ainfi , parce qu’ils fautent beaucoup : d’ailleurs, c’e fl un poiflon long de 8 pou- ces, large Sc bien proportionné , Sc qui ne dinetoic pas trop du Rouget. E 4 > 1ü4 VOYAGE Le 3 6 Juillet , nous vimes quantité d*ô# de Seche , 8c d'herbes marines qui mar- quoient que nous n’étions pas loin de ter- re 3 tous les oifeaux que nous avions vus pendant le voyage nous abandonnèrent * & nous en vîmes à piefent d’une toute au- tre eipece , qui étoient de la groffeur des Vaneaux. Ils avoient le plumage gris, le tour des yeux noir, le bee rouge 8c poin- tu, les ailes longues ,& la queuë fourchée comme celles des Hirondelles ; 8c ils bat- taient les ailes en volarît de même que les Vaneaux. L après- midi nous rencontrâmes une efpece de marée ou de courant, qui ve- noit peut-être de quelque batrure ÿ mais nous l’avions déjà paffée avant que nous pûiîions jetter le plomb. Quoi qu’il en foit, c’étoit un nouveau fig ne que nous appro- chions de terre ; il fit beau le loir par un petit vent d’Oueft , 8c nous fondâmes à 8 heures , mais fans trouver fond. Je continuai de cingler â l’Eft, de fai- re petites voiles, 8c d’avoir toujours l’œil au guet : parce que tous les fignes que nous avions eu me perfuadoienc que nous é- îions prés de terre» Je fondai à minuit , 88 je trouvai 4^ brades d’eau , un fond de fros fable 8c de petites coquilles blanches, e fis aufïi-tot le Sud , le vent à l’Ouelt, dans la penfée que nous étions au Sud des baffes d’Abrohles , qui efi, fi je ne me trompe , le nom general pour les bancs de fable, 8c qui dans une carte que j’avois de cette côte font fituées à 2.7. deg. 38. min. de lat. 8c s’avancent autour dey lieues dans la mer. Par ma fupputation j’étois le jour precedent à 27. deg. aux Terrés AüStrales. ïo j fnin *, de force que pour éviter ces baf- fes nous avions couru à l’Eft par Je Sud, & qu’ainfi je croiois de me trouver à leur Sud > mais lors que le premier d’Aoüt on vint à jetter de nouveau le plomb à une heure du matin , on n’eut que vingt-cinq brades d’eau , un fond de roche de corail * &c il fe trouva que le banc étoir à nôtre Sud. Nous revirâmes au plus vite, & nous mî- mes le cap au Nord : ce qui nous donna bien tôt plus de profondeur , puis qu’à deux heures du matin nous eûmes 1 6 braf- fes i un fond de corail , à trois , vingt-huic brades , toujours fond de corail : à quatre nous eûmes trente brades > le fond de gros fable , avec quelques roches de corail : 8c à cinq, quarante- cinq brades, le fond de gros fable &c de coquilles. Ce fond , où il n’y avoir plus de corail , faifoit bien voir que nous avions alors padfe le banc. Je reconnus auflî par là que nous avions été à fon Nord* 6c qu’il étoit mal placé dans ma carte ma- rine-, puifque félon mon calcul n’y doit être au 17, degré de latitude, ou envjron, &c que fon bord^ extérieur , fur lequel je fondai le lendemain , eft à feize lieues du rivage# Lors qu’il fut jour, nous courûmes E. N* î. avec un beau frais , mais nous ne décou- vrîmes la terre du haut de nôtre grand mat qu’à neuf heures du matin , nous en étions encore éloignez autour de dix lieuës hous avions quarante brades d’eau , SC un fond de fable pur. Vers le midi, nous la vî- mes de nôtre tillac, à fix lieues de nous, au- tant que nous le pouvions conjecturer , St nous eûmes encore quarante brades d’eau, êi le même fond de fable# Ce jour Si H £ f itS . VOYAGE lendemain , à mefure que nous appio- chions de terre , nous en primes difïëren- tes vues , à plufieurs diftances inégales, d’où elle nous parut telle qu’on la voie ici reprefentée T able IV. No. i , 1 , 3 , 4 , f . On peut obferver auÆi une fois pour tou- tes que les latitudes marquées dans ces pro- fils j ne font pas la latitude de la terre: niais du vaiffeau lors qu’on prit ces diffé- rentes vûës. Ce matin premier Août , nous vîmes plufieurs gros oifeaux de mer qui vo- loient trois ou quatre de compagnie , SC qui reffembloient aux mâles des Oïes qu’on voit fur la côte d’Angleterre j nous vîmes aufli des Monetes de mer, blanches, qui avoient le tour des yeux noir , & la queut| fourchée. Nous ne penfîons qu’à trouver un Havre pour nous rafraîchir , après a- voir fait un fi long voiage Sc couru depuis le Brefil jufques ici autour de 114. degrez. D’ailleurs mon deffein étoit de commen- cer ici la découverte que j’avois refolu de faire dans la nouvelle Hollande & la nou- velle Guinée. Le terrain étoit bas,& pa- roiffoit uni , à mefure que nous en apro- chions de plus près , il avoir l’afpect qui cft tracé , Table IV. No. 3,4 , f , avec quelques coteaux rouges & blancs. Nous primes ces dernieres vûës , lors que nous étions à 1 6. degrez dix minutes de latitude [Méridionale , & que nous avions ^4. braffes d’eau , à quatre mille du rivage. A 16. degrez de latitude Méridionale , nous vîmes une ouverture, 8c nous vou- lûmes y entrer dans l'efperance de trou- ver un Havre : mais arrivez à fon em- boucheure * qui avoit deux lieues de lar- aüx Terres Australes. \éy ge ou environ, nous aperçûmes des rochers, ôc au delà un fond vafart y ce qui nous en fit éloigner : Nous y avions vingt brades d’eau à deux milles du rivage. Le païs nous pa- rut allez beau 5c uni "de tous cotez y mais nous n’y vîmes aucun arbre , ni buifion , ni herbe , 5c il y avoit des colines près de la mer qui ètoient efcarpées. A feize degrez de latitude Méridionale , &c à huit ou neuf lieues en mer, lors qu’on n’eft qu’à une lieue du rivage , on trouve prefque par tout qua- rante bradés d’eau , fans que cela différé plus de trois ou quatre brades. Mais le plomb de fonde amene plufieurs fortes de fable , dont l’un eft gros 5c l’autre fin , il y en a de jaune , de blan., de gris , de brun, de bleuâtre 5c de rougeâtre. Lors que je vis qu’il n’y avoit point de Havre en cet endroit , 5c que l’ancrage n’y étoit pas bon , je remis en mer le deu- xième Août au foir, parce que je craignois une tempête fur une côte où ie vent don- ne, 5c où il n’y avoit point d’abri , 5c que j’aimois mieux être en pleine Mer. Les nuages^commençoient à s’obfcurcir du cô- té de l’Quelt , le vent s’y; étoit déjà tour- né , 5c foufloit avec affez de violence prefi- que directement fur la côte , qui court ici N. N. O. 5c S. S. E. A neuf heures du foir , nous avions pris le largue : mais lé vent qui rafraîchilfoit toûjours frfobligea de ferrer la voile du grand Perroquet, 5c de ne porter que deux grandes voiles aveG cel- le de Mifaine. Le troifiéme Août à z. heu- res du matin il fe renforça beaucoup , 5c la mer devint fi groffe que je ferlai tous .mes ,voiles,ext epté la grande, Malgré tout cela. ïo8 VOYAGE le temps fut affez clair jufques à mMî f mais alors tout le Ciel fe couvrit de nüa- ges épais , Sc nous eûmes quelques grains de pluie, qui duroient un quart d’iîeure : Je remarquai de nouveau en cette occafion que le vent redoubloit avec la pluie , ÔC qu il diminuoit auiïi tôt qu’elle venoit à ceffer. Nous fondâmes plufieurs fois, mais nous ne trouvâmes point de fond jufques au quatrième Août à huit heures du loir* & nous eûmes alors foixante brades d’eau , le fond de corail. A dix heures nous eûmes jS. brades , un fond de fable fin ; & à midi ff. brades, un fond de fable fin , de couleuf pa e Sc bleuâtre. Quoi que le tems fe fut ra- douci , fe ne fis pas plus de voiles jufques au matin du cinq , que le vent fe mit S. CX Alors je courus au Nord , Sc à onze heures nous revîmes la terre, qui étoit à dix lieues de nous. Sur le midi nous étions à quinze devrez trente minutes de latitude , & l’a- près-midi de ce même jour nôtre cuifinief mourut : c’êtoit un homme d’âge,qui avoir trainé long- tems, Sc qui étoit infirme avant nôtre départ d’Angleterre. JLe fixiéme Aouft au matin nous entrâmes dans une anfe , ou je mouillai à fept braf- fes Si demi d’eau ,à deux milles du riva- fe , un^ fond de fable pur. Il fut aifez di- cile d’y entrer, parce qu’il y avoir quan- tité de bans , mais Renvoyai ma- chaloupe pour fonder à la tête du Vaifleau. L’em- fooucheure de ce détroit , que je nommai la Baye des Chiens matins , eft à dix-fepr degrez ou environ de latitude Meridionna- le, Sc fa longitude depuis le Cap de Bonne- iiperance revenoit à quatre- fept degrezj, Aux Terres Australes. io> ce qui eft 15^ lieues de moins que nos Cartes ordinaire s ne marquent , fupofe que notre calcul fut jufte , & que nos horloges ne nous trompaient point : aufli-tôt que j’eus ancré dans certe baye , dont )’ai don- né le plan Table IV. N. 6. j’envoiai ma cha- loupe à terre pour chercher de l’eau dou- ce; mais nos gens revinrent le foi r , fans en avoir trouvé. Le lendemain matin j’y allai moi- même , & je fis porter des pio- ches & des hoyaux 5 pour creufer la ter- re , avec des haches pour couper du bois* INon creufâmes inutilement à plufîeurs miles à la ronde., jufqu'à ce qu’enfin en- nuyez de chercher de l’eau , nous paffâmes le refte de la journée à couper du bois , Sc la nuit nous retournâmes à bord dis navire. Le terrain eft allez élevé , en forte qu’on peut le^voir de huit ou neuf lieues en mer î il paroît fort uni de loin ÿ mais à mefure' qu’on s’en aproche, l’on y trouve quanti- té d’éminences , qui ne font ni hautes ni cfcarpées. La côte eft prefque par tour en écore : mais dans la baye oti nous étions , elle eft baffe, & ne monte que par de- vrez vers l'intérieur du païs. Le terroir eft fablonneux prés du rivage, &c produit une efpece de gros fenotiil marin , qui porte une fleur jaune. Plus avant , il eft d’un fable rou- geâtre, qui produit quelque peu d’herbe, de plante , & d’arbriffeaux. L’herbe y croît en touffes , de la groffeur d’un boiffeau , & dif- percée çà & là , avec un mélange de brouf. faille, qui reflemblê beaucoup à celle qu’on voit dans nos plaines d’Angleterre. L’on y trouve aufti divers arbres & arbrifleaux. HO V O Y A G E mais il n’y en a point qui ait plus de dix pieds de hauteur.Quelques-uns en ont trois de circonférence , & leur tige eft de cinq ou iîx pieds jufques aux branches , qui for- ment une tête affez toufue , & qui font remplies de feuilles étroites & longues pour la plûpart : la couleur de ces feuilles étoit blanchâtre d’un côté , & verte de l’au- tre j celle de l’écorce des arbres étoit à peu près de même , c’efl-à-dire d’un verd pâle : il y avoir de ces arbres quifentoient bon, de dont le bois après en avoir ôté l’écor- ce , étoit plus rouge que le faffafras de la floride. Prefque tous les arbres 8e les ar- briffeaux croient alors fleuris , ou avoient même des bayes. Les fleurs étoient diver- sement colorées félon la différente efpece des arbres , il y en avoir de rouges > de blanches , de jaunes, &c. mais les bleues dominoknt fur tout , 8e rendoient en gé- néral une odeur fort agréable , fans i oter à quelques-unes des autres : il y avoir auf- fî de très-petites fleurs , d’une beauté 8C d’une odeur merveilleufe , 8c dont je n’a- vois jamais vû la plupart , outre quelques plantes , des herbes , êe des fleurs à longue tige. Pour les oifeaux de terre , nous ne vîmes que des aigles , & cinq ou fx fortes de pe- tits oifeaux, dont les plus gros n’excedoient pas la groffeur des alouettes. Quelques-uns n’étoient pas plus gros que des roitelets; mais ils avoient tous un chant fort aigu , 8c plein de mélodie;nous trouvâmes d’ailleurs quelques-uns de leurs nids avec les petits dedans : à l’égard des oifeaux de riviere ou de mer , il y a des canatds , qui ayokm A ü x Terres A üs thaïe s. ni petits dans cette faifon, cert:- à-dire à l’en- trée du Printems de ces climats , des cor- lieus , des galdens , des chaffeurs d’écrevif. fes , des cormorans , des mouettes , des pé- licans , St de quelques autres efpeces , dont je n’ai vu de ma vie les femblables dans aucun autre païs. L’on peut voir ici 4 figure de quatre fortes d’oifeaux qu’on trouve fur cette côte. Voy. Oyfeaax ; Fig. 2. 3 3 4 , T* Pour les animaux terreftres , nous vîmes ici une forte de lapins, qui different de ceux des Indes Occidentales , fur tout à l’égard des jambes de devant , que les pre- miers ont fort courtes , mais ils s’en fer- vent tout de même à fauter , St leur chair n’eft pas moins bonne. Nous ne vîmes d’ailleurs qu’une forte de guanos , de la même figure St groffeur des autres, dont j ai fait la description Tome premier 1 mais qui en différent en trois chofes remar- quables -.ceux-ci ont la tête plus groffe SC plus laide , ils n’ont pour toute queue , qu’un gros moignon , qui reffemble à une autre tête , quoi qu’il n’y ait point de bou- che ni des yeux. On peut compter pour une quatrième diffèience, que leurs qua- tre jambes font toutes de la même lon- gueur. On diroit auÆï par les jointures^, que ces animaux peuvent marcher égale- ment la tête la première, ou la queue; ils font marquetez de noir St de jaune com- me lescrapaux , St ils ont des écailles fur le dos, attachées à la peau, qui reffem- blent à celles des crocodiles ; ils marchent" avec beaucoup de lenteur , St lors qu’on s’aptoche d’eux > ils s’artetent tout coûts m Voyage êc fifient , fans fe mettre en peine de pren- dre la fuite. Quand on les ouvre , ils ont Une odeur fort defagréable , &c leur foie elt tacheté de noir & de^ jaune de même que leur peau. Je n’ai vu de ma vie une créature fi laide ni fi dégoûtante: quoi que j’aie dit dans mon premier Volume, que la chair des guanos ètoit fort bonne, SC que j’en aie mangé diverfes fois avec plai- lïr , de même que des ferpens , des cro- codiles , des alligators , & plufieurs autres animaux aflez hideux à la vue , il y en a mê- me peu qu’une bonne faim ne me réduifit à manger : cependant il me, femble ^que je n’auroïs pas eu le courage de goûter de Ces guanos de la Nouvelle Hollande, tant la vûë m’eri parut affreufe , &C l’odeur cho- quante. Il n’y avoit point ici des rivières* ni des lacs d’eau douce j de forte que nous ne vîmes que des poiflbns de mer, fur tout des chiens marins , dont il y avoir fi gran- de quantité , que j’appellai cette Anfe lai baye des chiens marins. Nous y trouva-* mes aufïi des limandes , des raies de plu- fieurs fortes , dont les unes reiferîïbloient au diable-de-met , des gars , des bonetas * êcc. Pour les poifions à coquille , nous y vîmes des moules # des pétoncles , des huî- tres communes & des longues , des nacres > &c. Le rivage était couvert d’un nombre infini de coquilles fort extraordinaires SC d’une grande beauté , foit pour la couleur Ou pour la figure , elles étoienf admira- blement bien tachetées de rouge , de verd , ©u de jaune, & c. & de ma vie je n’en avois YÛ de fi curieufçs : j’en pris une grande quai*. _ aux Tmres Australes. 115 îïtê . mais je les perdis prefque toutes , & il ne m’en relia qu’une petite partie des moins belles. D’ailleurs , on trouve ici des tortues vertes , qui pefent autour de 200 livres. Nous en atrapâmes deux , que le reflux de Ja mer avoit laide derrière un rocher. Tuf lequel fans doute elles n’avoient pû grim- per. Tout mon Equipage en vécut deux jours , 6c on peut dire qu’elles n’étoient pas mauvaifes. Nous prîmes quantité de chiens marins , que nos Matelots man- geoient de fort bon apetit : nous en prî- mes un entr’autres, qui avoit onze pieds de long -, l’efpace entre les deux yeux ètoit de vingt pouces, & il y en aVoit dix huit d’un coin de la bouche à l’autre *, ion elto- mac ètoit comme un Tac de cuir fort é* pais, & fl dur , qu’à peine un couteau bien afilé pût le couper y nous y trouvâ- mes la tête 6c les os d’un hippopotame 9 dont les lèvres velues étoient encore fai- nes , 6c la mâchoire ferme : j’en tirai plu- fleurs denrs , deux delquelles étoient de grofleur du pouce , 6c avoient huit pouces de long , elles étoient déliées au bout 5C un peu crochues ; mais les autres n’avoienÈ pas plus de la moitié de cette longueur ï J’eftomac du chien marin ètoit rempli d’une gelée qui feu toit fort mauvais , ce •qui ne m’empêcha pas de garder fes dents 6c fa mâchoire, 6c de doriner la chair â mon équipage * qui eut ie foin de n’eis laifler rien perdre. Nous entrâmes dans cette baye le fep£ Août , & j’y mouillai en trois diflerens endroits. Nous reliâmes au premier , qui 114 VOYAGE êtoit à rOüeft de la baye , jufques â Tori- Ëiéme. Durant eec intervale, nous cher- châmes de l’eau douce , fans en pouvoir trouver ; nous fîmes bonne provifîon de bois, 5c nous vécûmes de lapins, detor- tuës 3 de quelques oifeaüx , de chiens ma- rins 5c d’autre poiflon ; ce qui nous rafraî- chit beaucoup , 5c nous rendit, plus vigou## reux que nous n’ètions à nôtre arrivée# Mon deflein êtoit de pénétrer , plus avant dans la baye , pour prendre de l’eau douce , parce que la mienne commençoit fort à diminuer , & pour découvrir cet endroit de la côte. Du mouillage ou nous étions , Je voyois tout ouvert devant moi , 5c cela m’invita à pafTer outre. De forte qùe i’on- siéme Août vêts le midi j’avançai à petites Voiles , 5c je me tins toujours fur mes gar- des , dans la crainte de trouver quelques baffes. Nous eûmes tantôt plus , tantôf moins de fond , 5c fur les deux heures de 3’apréS-midi nous vîmes par proue la fer- re , qui fait le Sud de la baye. Vers le (oit îious rencontrâmes des bancs; ce qui m’obli- gea de diminuer mes voyes , 5c de lou- voyer toute la nuit avec deux voiles dé perroquet, toujours la fonde à la main , fans que nous enflions Jamais plus de dix brades d'eau , ni guère moins de fept. La profondeur augmentok 5c diminuoit d’une maniéré d douce > qu’en jettant cinq ou fïx fois le plomb, à peine fe troiivoit-il un pié de différence ; lors que nous eûmes 7 brades d’eau de tous cotez , nous revirâ* mes aufïï-tô't. De cette partie Méridiona- le de la baye, il nous fut impoflible de *eyoir l’endroit d’où nous étions yenus AUxTÉRRïS AûSTRALES. ïlfl î’aprés-midi : & nous trouvâmes que c’é- toit une Ifle de trois ou quatre lieues de long , comme on la voit feprefentée Table IV. No. 6. Maris je ne tâchai pas de la re- connoître de plus près , parce qu’elle nous parut fterile , & que d’ailleursle vent ne le permettoit poifrt , fans nous expofer à trop d’embarras y il y avoir auiîi de bas fonds à prefque toutes les ouvertures y de forte que je ne pouffai pas plus loin de ce côté dû Sud-Olieft , & du Sud de la baye ; mais je tournai à l’Eft , pour voir s’il y aurait quel- qne terre de ce côté- là. Le 12 au matin , nous paffâmes prés de la pointe Septen- trionale de la terre que nous venions de iaiffer , & nous fumes confirmez que c’é- toit une Ifle par l’ouverture que nous vî* mes à l’Eft , comme celle que nous avions trouvé à l’Queft. j’avançai donc dans la baye par un beau tems , un peut frais &C la mer tranquile. Nous eûmes d’abord fepï braffes d’eau , ce qui dura iong-tems, mais enfin nous n’en trouvâmes que fîx : alors nous vîmes par proue la terre , qui fait l’Eft de la baye dans le plan que j’en ai donné i il y avoit fi peu de fonds, que le vaiffeau n’en put aprocher, & qu’il ëtoit même dan- gereux de fe tenir ici : d’ailleurs , le ter-* rain écoit fi bas , que la mer devoit le cou- vrir en pleine marée , tk qu’il n’y avoit au- cune apparence d’y trouver de l’eau dou- ce, quoi qu’il y eut quelques arbres, qui reffernbloient à des mangles y de forte que je m’en éloignai cet après-midi , & que je trouvai plus de fond , à mefure que je faifois chemin. Avant la nuit , nous ancrâmes à huit brades dl’eau » vers né V 6 Y A G Ê Je milieu dè la baye, ouïe fondétoit d’un fable pur & blanc : le lendemain je levai Fancre , &: l’âprés - midi du même jour nous mouillâmes proche de deux ifl.es 6C d’un banc de corail qui font face a la baye. J’efpalmai mon vaifleau darts ce parage , 6C comme il n’y avoir plus rien à faire ici , je mis à la voile pour prendre le largue , toujours la fonde a la main : mats l’eau étoit fl bafle , qu’il n’y eut. pas mbien de pafler en mer à l’Eft de ces deux dernie- îes ifles , ni par le canal qu’elles forment % de forte qu’il falut retourner à l’entrée de l’Olieft , 6c forcir par le même endroit que j’étois venu , avec cette feule differenceque fe pafTai à l’Eft , au lieu de i’Oüeft du petit banc qui eft marqué dans la Table. Nous eûmes dans ce canal diX , douze , 5c treize brades d’eau, 8c cette profondeur augmen- ta jufqu’à ce que nous fuflionseh met. Le jour qui précéda notre fortie , j’envoiai ma chaloupe à la plus Septentrionale de eeà deux ifles , qui eli aufl! la plus petite Cependant je pris quantité de petit poiifoh à la lignes Lors que mes gens furent de re- tour, ils m’aprirent que "cette ifle ne prq>- duifoit qu’une efpeee d’herbe verte , cour- te , rude s Sc pleine de pointes $ qu’il n’y avoit ni bois , ni eau douce i 5c que la mec brifoit entre les deux ifles, ce qui eft la maroue d’un bas-fond; ils virent d’ailleurs Une grofle tortue, avec quantité de liman- des 8c de rayes , mais ils n’en péchèrent point. Le 14 Août je fortis de cette baye , dont fai dit que l’embouchure eft, au 24. degré , £inq minutes > dans le deftein de ranger te aux Terres Australes. ïij Côte au Nord-Eft , jufqu a ce que je puffe aborder commodément à quelque autre endroit de la Nouvelle Hollande. Noué vîmes à notre paflage trois ferpens d’eau ? tachetez de jaune & de brun obfcuf , qu| étoient de la groffeur du poignet, 8c a- voient autour de quatre pieds de long. Ce furent les premiers que je vis fur cette co- te , où J’onen trouve quantité de plufîeur| efpeces. Nous démarrâmes avec un vent de Nord , 8c nous avions la terre au Nord- Lit. Nous louvoyâmes fans guère avancer jufques au lendemain que le vent fe fît Sud-Sud Otieft 8c Sud : alors je courus ail Nord , à fîx ou fept lieues du rivage, 8c nous avions 40 ou 4 6 brafïès d’eau , Lia fond de fable brun , mêlé de quelques co- quilles blanches ; le if Août nous fumes au 14 deg. 41 min. de Latitude, 8c le i ilauc & â i’Qüeft auffi foiS nnj  l’E* volt s’étendre. De même' vm fe SudP°“' ne voy.oit que des ifles J • ud 3 on clevées pour paître de huit ou IwfnJ' ~CZ .'•ne US® ^ J" I v O Ÿ A 6 E lins -, St a rtez avant en largeur , puis qW nous en découvrions l’efpace de neuf Q ■j:v lieues vers le continent de la JNouvei f ffide s!i! y en a du moins de ce : côt? Quoi qu'il en fort, les groffes ma- lies "que je rencontrai quelque temps apres me firent fou bçonner qùîil y pounoit bien TvoifS une^ec.d-arcbipel , * £*£ être même un paflage par IcSuddeia Nouvelle Hollande & de^N. Guinée > j.v.0 la grande met du Sud vers ixu. J Sis alorsgà nies Officiers , qu’à mon retour i i îq Guinée je lé tenterois } s il n.y ok aucun obftacle d’ailleurs *, mais je ne vpulus point m’ÿ hafa^der ceue fois nue nous manquions d eau 9 & 11 n et<"V ^ rrfcff faS^aulune mcerruprion , avec quelques embouchums qu on pmndroit^ pour xr^:: $ peéts stable ÏV. N. 8 s 9* ï^ord^ qu’il donc quarante minut. plus ^ n eft mis dans H Oarte de iv . va l en ïSoî p'i ta «sa f&jn* |iÇn pu fa difiérence de longitude œg ^ . ,ÂVx, Terres Australe?. m baye des chiens-marins , s’accorde aflez -lüite avec mon calcul , qui revient à deux cens trenrc-deux lieues, quoi que nous dit- ferions ea latitude. Au relie , ce qui prou- ve que 4 ligne qui marque fa route , eft pla- cee trpp près du bord , c’efl que l’eau efi fi » ou du moins tant- [mpoPffib!ae Cy atC »'*' ’ *** M ét0iI Mais pour reprendre mon fujec, nous eû- mes la nuit une petite bnfe de terre, & le ,Sn eVal l>Pfre 5 Pour m’avancer en- «a ynCS r °- Z y avQlc de ^ands ca- Sî(1d75, beue de large, & quelques uns S-, i de deux ou de trois. J’envoiai ma .chaloupe devant pour /onder . avec o d e de revenir , s il n’y avoir pas de foui : mais ils en trouvèrent aifoz i de forte qu’ils chVffr' * We de ces ifles.pourylber- •c, r de d eau ; » en attendant que le navire \/n™în K‘ ^°US rui„vîmes donc la fonde à la main , & nous eûmes vingt brades de fe °d«rT !“£"’* ,d£UX ,ieu“ de la P01"- îe PJace de l ille: alors nous trouvâmes des pas ronds , gu il y avoir tantôt plus ÊC SVr°InS d eaui^gré tout cela no* hmes chemin a petites voiles, fans quitter la fonde , & toujours for nos gardes à .deux miles ou environ & à côté de la poin- te plate nous n eûmes que fept brafles; ce o-.t nmS °u1?ea de «Pus- en éloigner un p^u , mais il n y eut pas plus de fond : nous paflames outre, & tout d’un coup il ne fe Sva quatre bra/fos d’eau Vcepen filé le tiersU^paS P!^ôc à Tancre , & file le tiers d un cable, qUe nous en trou y ames fept b rafles ? tant le fonds éto;t h*g F i n4 VOYAGE, cal. Ma chaloupe vint aulïi-tôt à bord , êC les gens me dirent que Tille étpit pleine de rochers , &' qu’il n’y avoir pas grande apparence d’y trouver de l’eau. Je les en- voyai donc fonder, avec ordre ," que s ils trouvoient un Canal de huit ou di? braf- fes de fond , ils n’avqieht qu’à continuée leur route que je les fuivrois. Nous é- tions alors à quatre lieues ou' environ des rochers les plus voifins du rivage , quifor- pioient autant de petites îfles , ôt nqus ne Voyions tout autour de nous vers la mer que des ifles , dont les unes avoient cinq ou ftx lieues de long , & d’autres un mile de circuit. Les grafîdes êtoienc allez hau- tes , mais elles paroifloient arides fk cou- vertes de certains rochers , de couleur jau- nâtre j ce qui me fit defefperer d’y trouver de l’eau. Je me flâtois pourtant que fi je me donnois le loifîr de chercher , je trouverois quelque canal qui me conduiroit au - delà de routes ces ifles , & qu’alcrs nous pour- rions aborder à la Nouvelle Hollande 3 ou a quelques aiitres ifles qui nous fourmrôienp de l’eau & d’autres rafraîchiflemens : d^ail- leurs , au milieu de tant d’ifles , pc eu e- gard à la latitude où nous étions , je crôiois ■ trouver quelque forte de bon minerai , ou de l’ambre gris : mais nous n’eumes pas fait plus d’uhe lieue } .no_^e Éro .9.9" déur vint à diminuer , & qu il famt mouil- ler à fix brades > un fond de fabie pur. ' Nous étions ici à une lieue de 1 autre côté de l’ifle , bppofe à celui ou ctoit la plaine plate, dont j’ai parlé ci-deflus. J a U lai d’abord à terre avec quelques-uns de pies gensjjour chercher 4e Eeau , maisnou| . 9 À u x Ter rê s Austrâüs. lie li en trouvâmes point , il n y avoït que deux ou trois fortes de bui ffons , dont les uns qui étoient en plus grand nombre &: n avoient aucune odeur , rçfîembloient au romarim, c’eft pour cela que je donnai ce nom a 1 file. Quelques-uns des autres buif- ions ou arbrifîeaux croient chargez de fleurs jaunes & bleues. Nous ÿ vîmes aufïî deux fortes de fèves , . dont les uneS croifloienc fur un buiffon , & les autres fur une efDe- çe de vigne rampante , qui avoir les feuil- les larges &: fort êpaiffes, & dont la fleur plus grande que celles de fèves, en appro- choit beaucoup pour la figure > mais elle croît d un très- beau rouge enfoncé. Nous y vîmes quelques cormorans, des mouetes, de ehaffeurs d’écreviffes , &c. quelques pe- tits oifeaux , &c une efpece de perroquets blancs , qui alloient par grandes troupes* D ailleurs , entre le poiffon à coquille, nous y trouvâmes des pétoncles , & quantité de pentes huîtres qui croifloient fur les ro- chers, & qui étaient d’ün goût excellent. Inous vîmes paroître quelques tortues ver^ tes dans la mer, bon nombre de chiens ma. xms , & quantité de ferpens de plufieurs lortes 6c de differente grofléur. Les pierres qu il y avoir ici étoient couvertes d’une ef. • pece de rouille , & fort pelantes. Nous trou- vâmes enfin des bpifibns brûlez ; mais il n’v avoir aucun autre ligne qui marquât que cette îfie fut habitée. ^ Nous apperçûmes de la fumée fur une Jlie a trois ou quatre lieues de nous ; ce qui £mSVH„C?n,e‘aiUrer qU,il yaVoit des J^b'r tans & de 1 eau douce. Quoi qu’il en foie , |e retournai le foir à mon bord , pour con- F tx- Hê V O Y ÂGÉ Aliter avec mes Officiers , fi nous ÿ ënveïv rions, ou fi la chaloupe irôit fur quelque autre de ces Mes , où fi nous partirions pour aller chercher un meilleur ancrage , puiÿ qu’il y avoit ici' un bas fond , & que nous v étions expofez aux vents & aux marées. Tous conclurent air départ -, ôc là defius je donnai ordfe qu’on levât l’ancre^ dés la E ointe du pur , 6c qu’on profitât de là rife de terre. , . Nous mîmes donc à la voile le Vingt- trois Août , à cinq heures du matin, avec une bonne brife de terre au Sud-Sud-tfh A huit heures nous fûmes dégagez , 6c bieri nous valut , puis que fur les neuf heureS la brife de mer fe leva avec beaucoup dé violence ; elle fraîchit même dé telle ma- niéré , qu’il falut ferre? nos voiles de per- roquet , 6c ne porter que les deux pacfis. Le Ciel éuoit ferain , 6c il n’ÿ; avoit pas un feul nuage * mais la nuit precedente l’ho- rifon àvoif paru fort broiüllê, 6c fe Soleil qui étoit fort rouge à fon coucher , s’éroit levé ce matin avec la même couleur, La violence du vent continua jufqu’à midi p alors il moût , 6c il faut avouer que je n’avois prefque jamais fenti;uile brife plus forcée. Ces brifes de mer dufoient trois ou quatre jours , 6c fe levoieftt avec le So- leil : à neuf heures elles devenqient car- rabinées , 6c continuoient ainfi jufques à midi j elles diminuoient alors , 6c au So- leil couché il y avoit fi peu de vent que e’étoit plutôt un calme , jufqu’à ce que les brifes de terre vmficnt à ibufler > ce qui ne manquoit jamais à une ou deux heures du matin. Les brifes de terre foufloierit emr* Aux TÉ? RS S AüstRAÎES. î£? le. Sud-Sud OLiell , &c le .Sud-Sud-Eft , ês celles de mer entre l’Eft-Nord-Eft , &c le Nord - Nord - E(l. La nuit pendant le cal- me 5 nous pefch.ions à la ligne > ÔC nous prenions quantité de poifl’on , des fnap- pers , des brèmes , de Ceux que nos Mate- lots appellent des vieilles i &c des chiens marins. Lors qu’il y en avoir de ces der- niers , il n’en paroifïbit guère d’autres , foit qu’ils leur donnaient la Chade, ou qu’ils fudent plus goulus pour mordre à l’hameçon. Nous prîmes auffi un de ces poiffons , qu’on appelle moines , & dont oh peut voir ici la figure , F. i. Le vingt -cinq Août, nous Continuâmes à caboter la fonde à la main , pour décou- vrir quelque embouchure , &c nous eûmes autour de vingt brades d’eau , un fond de fable pur. Le vingt- Ex , à quatre lieues bu environ du rivage la profondeur dimi- nua infenfîblement depuis vingt brades juiques â quatorze. J’avançai un peu vers la terre dans le deffein de mouiller , mais il ne fe trouva tout d’un coup que cinq brades d’eau , ce qui m’obligea de me re- tirer au plus vite, tk bien- tôt après nous eûmes dix braffes un fond égal , à quatre lieues &. demi de terre, je courus EfU Nord-Eft le long de la côte , par une brife de mer fort modérée , & la nuit je pris un peu le large pour éviter les bas fonds. De- puis notre fortie de la baye des chiens ma- rins nous avions toûjours eu beau tems , 8C il ne nous quitta pas même fi- tôt. ? Le vingt - fepe nous eûmes vingt braffes d’eau toute la nuit j mais il nous fût itn- fjQfïibie de voir la terre du haut de notre F 4 ut V G Y A G Ê Une heure aPrès midi' n^in1 heures nous la décernâmes à: peine de n°tre cillac , & nous avions alors felze bratfesde fond. Le vent étoic Nord ,> ^ ^nous courûmes Lifo quart -au -Nord , ceit- a - dire a un feul rurnb de la côte ; cependant notre profondeur diminua fi c&t^üarr? heures que neuf Drafles y & bien - toc après fept. Nous en fumes li effraies* , que nous revi rames de bord au plus viré’ y mais le vent qui fe rnitau Nord-Oiieft, & à l’OHdt- Nord- «Uueit, nous fit reviref encore , & nous portâmes au Nord-Nord- Eft Alors notre profondeur augmenta, & nous eûmes tou- te la nuit depuis quinze jufqu’à vingt brafo les d eau. 3 Le vingt - Luit nous eûmes entre vingt & quarante brades, & nous étions fi éloi- gnez dé la terre, qu’elle ne parut point dé' tout le jour ; mais nous vîmes quantité de gros ferpens , 8c quelques baleines. Nous vîmes aulîl quelques boubis s 8c des bu- les, oc la nuit nous prîmes un de cés der-** mers oifeaux : il étoit different pour la couleur 8c la figure de tous ceux que fa- vois^vû jufqu’ici y il avoir le bec long 8c délié , comme tous les autres oifeaux dé cette eipece , le pié plat comme les ca- nards , la queuë plus longue , plus large cc plus fourchue que celle des hirondel- les , les aîles fort longues , le de/Tus de la tete d’un noir de charbon , de petites raies noires autour des yeux, 8c un cercle blanc allez large , qui les enformoit de Lun 8c de 1 autre côté. Le jabot , le ventre 8c le def. fous des aîles écoient blancs : mais il avoir Aüx Terres Austraies. le dos 8c le dellous des ailes d’un noir pâ- le ou de couleur de fumée. Voiez la figu- re du commun 8c de celui-ci, Fig. f. 6. On trouve de ces oifeaux dans la plûparc des lieux fituez entre les deux Tropiques , de même que dans les Indes Orientales , & fur la côte du Brefil ; ils paflent la nuit à terre, de. forte qu’ils ne vont pas à plus de^ vingt ou trente lieues en mer , à moins qu ils ne foient chalfez par quelque tem- pête j lors qu’ils viennent autour d’un vaif- feau , ils ne manquent prefque jamais de s’y percher la nuit . & ils fe Jaifi'ent pren- dre fans remuer -, ils font leurs nids fut les colines , ou les rochers voifins de la mer , comme je l’ai dit dans mon I. Vo- lume. Le trente , lors que nous étions au dix- huitième degré , ai. minutes de latitude , nous vîmes de nouveau la terre , & nous apperçûmes quantité de grofle fumée prés du rivage , à la faveur du beau rems Sc des pentes brilês qui foufîoienr , je courus vers cet endroit la. Nous moiiillâmes à quatre heures après midi à huit bradas d’eau , un fond de fable pur , â trois lieues 8c demi de terre. J’envoiai d’abord ma chaloupe pour fonder plus avant 3 8c on trouva qu’il y avoit dix brades de profondéur jufqu’â un mile de nous : mais enfuite elle diroi- nuon par degrez, jufqu’à neuf, huit, 8c fept brades , & à deux miles de nous juf- qu à fix. Nous vîmes ce foir une écliofe de Lune , mais elle approchoit de fa fin, lors que la Lupe fe découvrit nos yeux , il y avoir demi heure qu elle étoit levée , que nous la pulïions apercevoir ? ï$ô VG Y A G H tant l’horifon étoit embrumé ; & l’écTipfe finit à deux heures vingt - deux minutes > après le Soleil couché , à calculer du moins par nos Empoulettes. Elle ne fut que de quelques doigts , &c le centre de la Lune étoit alors à trente- trqis deg. 40. min. d’élé- vation. Le trente-un Août de bon matin, je me rendis à terre avec dix ou douze de mes gens pour chercher de l’eau. Nous étions armez de moufauets & de coutelas pour nous défendre en cas de befoin , nous avions pris des hoyaux & des bêches pour creufer la terre. A notre approche du ri- vage , nous vîmes trois grands hommes noirs tout nuds , qui étoient fur une baie fablonneufe vis-à-vis de nous ; mais lors que nous fûmes un peu plus avancez , ils prirent la fuite; après avoir abordé, j’en- voyai la chaloupe à quelque diftance de terre avec deux hommes , pour s’y tenir s l’ancre , Sf empêcher que les naturels du pars ne s’en laifiiTent ; cependant nous pourfuivîmes les trois Noirs , qui avoienr déjà gagné le fommet d’une petite coline , à un quart de mile de nous , & où ils s’é- toient joints à huit ou neuf autres de leurs camarades; mais quand ils nous virent à leurs trouffes , ils décampèrent au plutôt : à notre arrivée , fur la coline qu’ils^ ve- noient d’abandonner , nous découvrîmes une favane à un demi-mile de nous , où il y avoir de certaines éminences , que nous prenions de loin pour desmaifons, & qui refFembloient beaucoup à celles des hor- tentots au Cap de Bonne-Elperance , mais ce xï’éteieht que des rochers. Nous les vi- ^ aux Te r’r e s Australes, iji fîtâmes de tous cotez pour voir s’il y au- roit de l’eau -, mais il ne s’en trouva point. Nous ne vîmes d’ailleurs aucune maifon , 8c tous les naturels du païs avoient dif- paru. De retour à l’endroit où nous avions abordé, nous commençâmes à creufer la terre pour chercher de l’eau. Pendant que nous étions occupez à cet ouvrage * neuf ou dix des naturels vinrent fur une petite hauteur â quelque diftance de nous, & joi- gnirent de grands cris aux menaces qu’ils nous faifoient de la main & du gefte ; en- fin l’un d’eux s’avança vers nous , 8c les au- tres le fuivoient de loin. J’allai d’abord à fa rencontre, 8c malgré tous les lignes que je lui pûs faire de paix &c d’amitié , je ne fus pas à cinquante verges de lui, qu’il prit la fuite. Les autres à fon exemple tournè- rent le dos , &c il n’y en eût pas un feu! qui nous voulut attendre , quoi que nous ef- fay allions par deux ou trois fois de les y en- gager. L’aprés-midi je pris deux hommes avec moi , 8c je m’acheminai le long dit rivage, pour aïraper , s'il éroic poifible , uh de ces naturels , 8c fçavoir de lui où étoit leur «gau douce : il y -en avoir une douzaine aflez prés de nous , qui nous fui- virent de loin , lors qu'ils s’aperçurent que nous quittions le refte de notre compagnie : il fe trouva cependant une Dune entr’eux 8c nous, qui les empêchoic de nous voir , de forte que nous fîmes halte 8c nous ca- châmes dans un endroit recourbé qu’il y avoit^pour les furprendre , s’ils venoiedC jufqu’à nous : appuiez fur leur nombre' , ^rois ou quatre fois plus grand quç lç nç* 132 V O Y A G E tre , ils crurent de nous faifir , 8c pour ne manquer pas Jeur coup , les uns payèrent vers le rivage , & les autres occupèrent les dunes. Nous Iqavions par l’avanture du matin, qu’ils netoient pas trop vîtes à la, courfe 3 ainlî un jeune homme fort dif- pos qui étoit avec moi , n’en vit pas plu- tôt paroître quelques-uns , qu’il courut après eux , ils s’enfuirent d’abord ; mais dès qu’il les eût atteints, ils firent volte- face pour le combattre : il n’étoit armé que d’un coutelas , 8c il eût de la peine à leur réfifter , parce qu’ils étoient pîu- iîeurs & tous munis de lances de boiser J’en pourfuivis en même tems deux au- tres qui s’étoient avancez vers le rivage > mais dans la crainte que mon jeune hom- me ne fut trop expofè > je revins fur mes pas , & je trouvai qu’on le ferroit de fore prés. Aulïl - tôt que je pams , un de ces Noirs me darda une lance , qui ne me manqua de guéres. Là déifias je tirai un coup de fufil en l’air pour les épouvanter ÿ mais revenus bien-toc de cette fraieur, ils fè mirent à fecotier les bras , à crier Pouh> fonh , pouh } ôc à prelTer mon homme plus que jamais. Lors donc que je le vis en péril de fa vie , 8c qu’il y avoit auÆI du rifque pour moi , je crûs qu’il n’y avoit pas du tems à perdre j je rechargeai mon. fufil , 8c je lâchai le coup fur un de ces mi- ferabies , qui fut étendu par terre. D’abord' que les autres le virent à bas , ils difcon- tinuerent le choc , 8c mon homme profita, de Toccafîon pour me venir joindre. L& troifiême qui étoit avec nous , avoit dé- moulé fimple fpe&ateur * parce qu’il écoiî; a v x Terrés A tr s t r aie & ïff venu fans armes. Bien fâché de ce qui étoit arrivé , je m’en retournai avec mes» deux hommes -, rélblu de ne plus rien ten- ter fur les naturels du pais, qui fe retirè- rent avec leuF compagnon bieffé. Mon jeu- ne homme , qui avoir eu la joue percée d’un coup de lance , y fentit une grande douleur y & il s’imagina que lé bois de cette arme étoit empoifonné : mais je ne îe crûs pas- moi - même . & il fut bien- toc guéri. Entre ces naturels dé la Nouvelle Hol- lande , avec qui nous avions été aux pri- fes, nous en remarquâmes un le foir ôc le matin , qui par fa conduite Ion exte* rieur fembloit être leur Chef , ou leur Prince. C’étoit un jeune homme d’une taille médiocre , fort vif &c plein de cou- rage, quoi qu’il ne fut pas auüi-bien tour-» né que quelques-uns des autres : il avoir lui feul un cercle de peinture blanche, qui reflémbloit à de la chaux , autour des yeux » & une raie de la même couleur, depuis le haut du front jufques au bout du nez. Sa poitrine étoit auffr peinte de blanc , avec une partie de fes bras , je ne iài û c’étoir pour l’ornement , ou plutôt pour fe ren- dre plus terrible , à l’exemple de quelques Indiens fauvages , qui font fort guerriers , & qui fe peignent, à ce qu’on "dit, dans la même vue. Quoi qu’il en foit,ce blanc ne fervoit qu’à relever fa difformité natu- relle ; & je puis dire qu’entre la grande variété de Sauvages que j’ai vu en ma vie je n’en ai jamais trouvé de il affreux , ni de fi laids que ceux-ci. Je croi qu’ils fonr de la même race des Indiens que je ren- ff4 f Ô Y AGE contrai fur cette côte dans mon VoUgé au* tour du monde , & dont j’ai parlé Tome I» Du moins , l’endroit où je touchai alors p/eft pas à plus de quarante ou cinquante lieues au Nord - Eft de ce parage 5 8t les hommes d’ici ont à peu près de meme le regard de travers , la peau noire , les che- veux crêpez > la taille haute 8c déliée , 8cc. Mais il nous fut împolîible d’examiner s il leur manquoit auiïi tout de même deux dents de la mâchoire fupeneure. D’ailleurs » ils y font infeîtcz par la même forte de mouches. , Nous vîmes quantité d’endroits , ou ils avoient allumé du feu , & planté trois ou quatre branchés d’arbres pour le garantir de la brife de mer 3 qui durant le jour ne mar*- que jamais de foufler ici du même point * mais la bnfe de terre n’eft qu’un peut frais , qui ne les incommode pas. Nous trouvions auiîî dans rous ces gîtes de gros monceaux de coquilles de poifîbn 3 de plu- fieurs fortes : & il y a grande apparence que ces pauvres gens ne vivoierit prefque pas d’autre chofe , non plus que les In- diens , dont j’ai parlé dans mon fécond To- me , qui fe nourriùnient du petit poiflon s qu’ils prenoient dans une efpece de mane- quins , ou dans lés trous qu’il y avoir lue le fable , lors que la marée étoir bafle. Ceux d’i-ci atrapoient leur poiflbn à co- quille fur les rochers , quand la mer avoit refoulé ; 8c il pourroit bien-être qu’ils avoient des naïf s pour en pecher d au- tres 3 quoi que nous n’y en vîmes aucune. Du moins , je fçai que ces autres Indiens de la même côte mangeoient du poilfoa à, , aux .Térrîs Â Û S "t R A IÈÎ. f$f coquille , 8c cependant je n’y ai jamais vû de pareils monceaux de coquilles que' nous trouvâmes ici. D’ailleurs , ks{Iances des uns 8c des autres étoient de la même figure j mais ceux r là qui éroient dans une iile a accompagnez de leurs femmes &C de leurs enfanSj& tous en notre pouvoir, n6 s’en fervirent pas contre nous j au lieu que ceux-ci qui vivoient fur le continent , dont quelques - uns vinrent nous obferver fans aucune femme , nous les dardèrent fort bien. Je ne vis aucune maifon ni à l’un ni à iautre de ces endroits , 8c je m’imagine que ceux-ci n’en ont point du tout , puis que les Infuiaires qui avoient routes leurs familles avec eux , s’en pafl- fent. Lors que je fus de retour auprès de mes gens , je vis qu’ils avoient creufè huit où neuf pieds en terre, fans trouver de l’eau; Je me retirai donc ce foir à bord de mou navire , 8c le lendemain matin , qui étoit le premier Septembre , j’envoiaï mon Bof- feman à terre pour creufer plus avant , 8c je lui fis prendre la feine pour pêcher quel- que poiflon. Pendant que je fus à bord , j^obrervai le flot de la marée , qui eft ici d’une fl grande rapidité , qu’il erfonçoit notre bouée fous Peau 8c l’empêchoit de paroître. Il monte ici ( de même qu’a l’au- tre endroit de la N- Hollande , que j’ai dé- crit dans mon premier voiage ) jufqu’à f brades , ou environ , & court Sud-Eft quart au Sud , jufqu’au dernier Quartier ; alors il va tout droit vers le rivage, qui s’étend ici S. S. O. & N. N. E. 8c l’Lbe court Nort O: quart au Nord. Lors que les matées com* né _ V O Ÿ A G E mençoient à s’affoiblir , nous pêchions à la ligne , comme nous avions fait en divers parages de cette cote , fur laquelle nous n’aviofis trouvé jufques ipi que de fort pe- tites marées \ mais par la hauteur , la vio- lence 6C le cours de celles qu’on rencon- tre ici aux environs , il fembie que s’il y a un partage ou un détroit qui aille paC I’Eft jufqti a la grande mer du Sud , com- me je le foupconne , on devroit en trouver l’embouchure quelque parc entre cette place 6c l’iüe du Romarin. C^ioi qu’il en foit , le jour fuivanc mes hommes revinrent à bord aveé un petit baril d’eau fomache , qu’ils avoienc tirée d’un autre endroit à un demi mille du premier 5 & à un mille du rivage, mais elle n’étoit pas bonne à boire. Cependant _ nous crûmes tous qu’elle feroit allez paf- Jable pour y bouillir notre gruau , 6c qu’el- le nous aideroit à épargner le refie que nous avions^ pour notre boilfon, jufq.u’à ce qu’on en pût trouver de meilleure quel- que autre part : ainïï nous en primes le lendemain quatre barils , 6c je me fouviens que les mouches nous tourmentèrent d’u- ne terrible maniéré, lors que nous la pui- sâmes. Le Soleil , tout ardent qu’il étoit , ne nous parût pas à beaucoup près lï in- fuportable. De ces deux ou crois jours les Indiens ne fe montrèrent plus, 6c nous ne vîmes que la fumée de quelques uns de leurs ' feux à deux ou trois miles de nous. Le terrain de ce quartier relïemble beau- coup à celui de la N. Hollande , que j’ai dé- crit dans le 11. Tome de mes Voiages. Il ell bas * êc il paroit enfermé du cpté de la nier paç ' X ù x Terres Australes. 157 iitie longue chaîne de dunes, qui empêchent de voir plus avant dans le païs. Les marées font lî hautes en cet endroit , que la côte pa^- roît fort baffe au vi'f de l’eau ; mais elle elî d’une hauteur médiocre quand la mer a re- foulé , & il n’y a pas moi en d’y aborder alors avec une chaloupe , parce que Je ri- vage eA tout couvert de rochers *, mais en haute-marée on paffe deffus jufqu’à la baie fablonneufe, qui régne tout le long de cetté côte. Le terroir à y ou 600 verges de la terre elt aride 6c fablonneux , & ne porte que des arbriffeaux 6c des buiffons. Les uns étoient alors couverts de fleurs jaunes , les autres de bleues , 6c quelques-uns- de blan- ches , dont la plupart rendoient une odeur fort agréable : il y avoir un cer- tain fruit fur quelques-uns, qui reffem- bloit à des cofles de poix , chacune def- q-uçlleS’ renfermait tput - fufte. dix petits pois ? j’en ouvris plufleurs , 6c je n’ÿ eii trouvai ni plus- ni moins. D’ailleurs , on' trouve ici de cette même forte de fèves * que j’avois vu à l’ifle du Romarin ;& une’ autre efpece de petit legume, rouge 6c dur 3 qui eft aufli envdopé dsune cofle Ï6c quia uù petit germé noir de même que les fèves, je' ne fai pas quel nom on leur donne mais j’en ai vû fouvent aux Indes Orientales > où l’on s’en fère pour pefer l’or, j’ai oiii dire qu’on en fait le même ufage en Guinée , 6c eue les femmes en font aufli des braffelets : ce îé- gume croît fur un buiffon , mais il y a une autre forte de fèves , qui vient fur une efpece de vigne rampante; il y avoir quantité de tous ces fruits couverts de cofles fur les- «Urnes prés de la met y les uns .étoient verts * Sft VOTA G'i , ; -, lès autres mûrs , 8c les autres à terre ; mais if rhe fembla qu’on n’en avoir point choifi du tout : 8c peut-être qu’ils n’êtoient pas tons a manger.1 Plus avant dans le pais , autant que notre Vue pouvoir s’étendre , le terrain nous parut plus bas qu’au Voi finage de la met , fort uni de entremêlé de favanes 8c de forets : ces prairies portent une efpece d’herbe fort ru- de & déliée;, le terroir efl prefque par tout d’un plus gros dable que celui du rivage , mais' en quelques endroits il eft argileux. Dans' la grande favane où nous étions , il y avoir quantité de rochers , de cinq ou fix fiez de haut , dont le fommet êtoit rond , ik qui reflembloient à des monceaux de foin -, les uns. étoient rouges , & les autres bîstnÇsTOa ne voioic dans les forêts que de petits arbres", dont les plus gros n’avoienc pas trois” piez de circonférence -, leurs tiges étoient de douze ou 14 piez* de haut , 8c de petites branches en forrnoient la tête : il y à d’ailleurs quelques petits mangles noirs Kir les bords des criques. . On n’y trouvé que peu d’animaux terre- lires : je vis quelques lézards , 8c mes. gens virent deux ou troisbêtes , qui reflembloient à des loups afameX , SC qui n’aVoiént que la peau 8c les os , tant elles étoient maigres. Je fie fai fi ce ne feroit point la trace d’un de ces animaux que j’avois .remarqué dans mon premier Voiage à la N. Hollande , 8c dont? j’ai , parlé Tome il. D’ailleurs , nous ne vîmes ici qu’un ou deux lapins > 8c un petit ferpené tacheté. , . Pour les oifeaux déterre , il y avoir ici des tenailles j qui leifemblent tout-à-faic aux Aux Terres Atrsf ra i ii. nôtres * des faucons , des milans , Ôc quantité de Tourterelles , dodues ôc grades qui font un trés-bon manger : ri y a deux ou trois fût- tés de petits oifeaux , dont les plus gros fontf comme dès aloiiettes $ mais il n’ÿ en a pas' beaucoup ni des uns ni des autres : les of- feaux de mer font les pélicans , les boubis , les bufes , les côrlieus , les pics de mer 3 ôcc. Ôc il n’y en a guère de ceux-ci non plus. - Je îfai jafnais VÛ dans ces mers de fi grof- fes baleines que celles qu’on trouve ici : mais elles n’aprochent pas de celles qu’on voit dans les mers du Nord. Nous vîmes quantité de tortues vertes , fans en prendre aucune s parce qu’il n’y a point de canal pour elles , ôc qu’il n’y a pas rnoien de placer un filet > a caufe de la violence des marées. Nous aper- çûmes quelques chiens marins Sc des parri- cotas y &• nous primes a la ligne quelques ruches , Ôc d’un certain poifTon^que nos Ma- telots appellent des vieilles : il y avoir aufïï des huîtres communes , ôc des nacres , des3 conches, des moules , des pétoncles, &c. J’a-’ maffai quelque peu de coquilles fort extraor- dinaires, Ôc fur tout d’une efpece de moien- ne gr odeur , qui écoient toutes garnies dé raions ou de pointes. . Après avoir rangé long- te ms cette côte fans trouver de l’eau douce, m aucun endroit commode pour y clpalmer mon v ai fléau : ôc volant d’ailleurs que. nous étions au plus haut point de la faifon feche , ôc que mes' hommes devenoient fcô'rbu tiques' , je réfolus d’abandonner ce: parage , ôc nous finies voile vers Timor au commencement du mois de? Septembre. V O Y A c & Lifte de plafteurs Plantes » cueillies dans le B refil , à U N. Hollande , a Ti- mor > & h la Nouvelle Guinée . Tab. i. %. i. La fleur de coron qui (ê trouve a Baya dans le Brefil. Cette fleur est compofee de quantité de petits ■ fîla- niens, prefquê aufli déliez que les che- veux , de trois ou quatre pouces de long . & d^un rouge obfcur : mais leurs fommil îez font de couleur cendrée : au bas de la tige^îl y a cinq feuilles étroites ôc roides , de fix pouces de long. Mr Ray dans ion Supiement^ décrit une de ces fleurs, qui 3 CCÀe'C1 tofus égards , excepté que la flenne elt pour le moins deux fois plus grofle.. elle Jut envolée de Surinam , fousde &om de Montait. , !: Flg> 2’ Lafminum 'Brafilianum lit- teum , Mah Lwioma folio nervofo , petalis Crajjisi Cr>Pa *>avùnîs ’BrajMan* Bjiïdana, foins. Les feuilles en font fort ten- dres , & reflemblent pour la forme & la contexture aux feuilles qu’on voit au fommet de Bardana Major. Mais elles font tétées6111^ 1Ci tr°F E°^es & troP den- • ?*£ r* Brdfiliana Qfmundœ tn\- npn ferrato fono. Cette fu.ugere eft de cette elpece , qui porte les vaifleaux de fa fe- Ru^lle tC*Ut ^ ^6S excr^m*tez de la Tab. 2. Fig. r. Rapuntium N. Hollandu , flore "ann Mwneo* hsperianthium compoie de cinq ’Atjx Ter r bs Aîtstraies. JQ parties longues 8c pointues , la forme dii vaifleau de la femence , 8c la petitefle de fesfeiiilles prouvent que cette plante éft un Rapuniium. Tab. ?.. Fig. ?.. Fucus foliis capillaceis brevif- fmis'y vejiculis 'minimes donatis. Ce beau Fa- eus eft une efpece d’Êricâ Marina , ou de Sar- ga\o ; mais fés parties font beaucoup plus dé- liées ; il a été cueilli fur la côte dé la N. Hol- lande. Tab. ?.. Fig. 3. Ricinoides îfovœ fJollandice 9 angulofo craffo folio. Cette plante approché du buiflqn , les feuilles font épaifles 8c co- tonnées, fur tout au deflous -, fon fruit efl velouté au dehors , avec le godet divifé en cinq parties , elle reflemble au Raicini frufîu patvo frücofa Curajfavica , folio ' Fhylli P. B‘ pr. Tab. i. Fig. 4. Solanum fpinofum N. Hol - landiœ Phy'ili foliis fubrotundts. Ce nouveau So- larium porte une fleur bleuâtre , comme les autres de la même efpece } fes feuilles fonç blanchâtres, épaifles, 8c cotonnées deflous 8c d< fins, longues d’iin pouce , & à peu près aufli larges *, les piquants en font fort aigus , bien ferrez les uns contre les autres , 8c d’uhç couleur d’orange obfcure, fur touç vers 1$ pointe. Tab; 3. Fig. 1. Scabiofa ( forte J N. Hol- landiee , Staiices foliis fubtus argentent La fleur qui croît fur un pié de quatre pouces 'dé long , efl enfermée dans un godet fort rude 8c jaunâtre q les feuilles n’ont pas plus d’un police de long j elles font fort étroi- tes , vertes au- deflus , blanches 8c cotonnées au- de flou s , 8c croiflent en toufe \ la fleur de çellé - ci étoit fl feefle 8c fl gâtée j qu’on Ut „ ¥ Q Y A Ç E p* a pas ofé déterminer fl c’eft une fcableufe * ou un helichryfum. Ta.b. 3. Fig. z. Alcea. N. Hol/andig foins art? gufiis' utrinque villcjîs. Les feuilles la tige de cette plante font toutes coron née s , dé même que le defldus du gôdet : la fleur jcinq feuilles fort tendres , qui font a peine auflî grandes que le godet , &: au milieu déf- quelles il y aime petite colonne toute gar- nie dë pointes émouflees \ ce qui fait voir que çettp plante eft une efpece dé mauvé. fab. 3. Fig. 3. Lç getire de cet arbrifleau. cil incertain fôc il n’a pas le moindre raport avec aucune des plantes qu’0/1 ait jamais décrites , du moins autant qu’on en peut juger par l’état où il eft. Sa /leur cfl très bel- le, de couleur rouge 3 à ce qu’il feinblc , &c compofée de cinq grandes feuilles, cotori- nées de part 8c d’autre , fur tout au dë/fous'j îe milieu de la fleur eft rempli de filamens , coténnez au bas , aufli long qüë'les feuilles , "& couronnez chacun de ion apex. Le godet eft# divifè'en çinq ' parties rondes poin- tues. Lés feuilles de la plante approchent de celles de Y^mclàncbihr L»b ; eîjes font ver- tes au-rîeflus , & fort cotônnées au-deifouS ; elles ne fe terminent pas en pointe comme, les autres -, mais il y a une entaiüure àu' fommqc. ’ Tab. 3. Fig. 4. pdmmara ex N. Hollandta , Sanaraundœ ficw/idœ ’Chyjiiï foins. Mr Rumph fut le premier" qui envoia d’Amboine deux fortes de cette plante, fous lé nom de Vaw- mara ; l’une' avoir "les feuilles étroites ‘&C longue j mais l'autre les avoir plus cour- tes &c plus larges.' Mr l?etiver parle delà jptçmicre dans fes pentyiiçs , p. 350. fous 1 veuilles à cette plante , il eft difficile de fça- voir à quel genre on doit la rapporter : les fleurs reflemblent beaucoup à celles du Co- lutea. Barba fovis folio t flore qccineo' Breynii * elles font de la même couleur écarlate , el- fes ont auffî une tache de pourpre enfoncé fur le vex.Hum , mais plus grande , 5c pren- nent toutes leur ojigine au même point à la maniéré d’un patafol : le godet eft tout cp- tonné , & fe termine par un filament qui a prefque deux pouces de long. Tab. 4. Fig. 5. CornyZj Ni lioUandia an- guftis RoriÇmaririï foliis. Cèttc plante a beau- coup de branches , 5c reÇembfe à un arbrif- feau i jfes fleurs ont une petite queue fort Courte , qui fort du milieu des feuilles : ceï- lesci reflemblent parfaitement aux feuilles du romarin , excepté qu’elles font plus peti- tes-, elle eft d’un goût bien amer , à prefent qu’elle eft feche. Tab. 4. Fig. 4. Afohoh Infulæ Timor. Cette plante eft fort fingutiere , & on ne fait fous quel genre la mettre -, fa feuille eft prefque ronde, verte au- defïus, & blanchâtre au-def- fous ; elles a diverfes fibres qui courent de- puis \’i nfertion de fa queue , vers la circonfe- ïencç V 'êc forme une efpece de bouclier , 'de même que celle de Cotylédon aquatica Sc de aux Terres Austral ïs, î4£ elles renfermoient la femence ; il y a d’ail- leurs d’autres feuilles larges , fur tout à l’ex- tremité des branches qui font dentelées : les veficules font tondes, de JagrofTeur marquée dans la F. g ire. Tab. Fig. i. Fucus ,ex Nova Guinea Fluvia - tilis Pifatîa fovis fiaibœ foliis . Les feuilles de ces plantes -varient tant, félon le different état où elles fe trouvent , qu’on ne fçauroit prefque diftinguer,cejle-ci de la precedente : elle eft parfemée en divers endroits , qui ne font pas tous exprimez dans la Figure, de ces petites feuilles courtes , ou vaifleaux de la femence qu’il y a dans l’autre : ce qui me fait croire que c’eft la même plante, cueillie en differens tems ; outre que les feuilles lar* ges de l’une & de l’autre ‘font de la même figure a tous égards. Lifle de quelques P oi J[oma F:g. ï C eft une efpçce de thon , qui ne reflemble pas mal à cdni qui eft apellé Gu, a. fe5ani1tendicSLà l’Hiftoire des Poif- fons de Mr Wiiloughby , & dont l’on y voie la Figure Tab. 3. cependant il différé un peu . fur tout a 1 egard des nageoire», du guarapu- cu , dont Pifo a donné la figure. %-2. Celui-ci aproehe du Guaperva ma- *tma Çaudata de wiHoughby Icbtbyol. Tab. 9. 23. & de Pifo : mais leurs figures ne s’accor- dent pas a tous égards. Fig. 5. Il y a deux fortes de marfoiiins : l’un rî-tre \TfeaU long,’ eft le dauphin des Grecs j & 1 autre qui la rond en forme de bouteftle,eft le Fhacena d’Ariftote , à ce qu§ la plupart des gens croient. Tome IK g Hf . VOYAGE Ffg. 4. C’eft le Guâracapema de Pifb de Marcgrave , &c le même que d’aucrfe$ appellent Dorade. L’on en trouve la figure dans Vlchtbyologie de Willoughby , Tab. ^ •pus le nûm de Velphin Tlelgis, fin du Volage aux Terres A itérâtes* voyage D E MR. WAFER, Ok l'on trouve L a description d E l'ISTME D E L'AMERIQUE 14* VOYAGE D E MR VVAFE CHAPITRE PREMIER. ges . L'accident cjm Itn arrive fur ïîfthwe , &c» ■' E fut en 1677. que je Es mon premier Voiage fur mer , à bord de la Grande Anne de Londres, commandée par le Capitaine Za- . _ , charie Browne, qui devoir aller à Bantarndans l’/Ee de Java, j’entrai au fervice du Chirurgien du vaifleau ; mais j’étois alors fi jeune 3 que mes obfervations n’aboutirent L' Jiiïtettr fait pin abrégé de [es Voya* G 3 *fô , VOYAGE ^andj» choI'e‘ . Nous ne féjournâmés guère plus d un mois à Banrara > d*oü l*oâ bous ht pa/Ter a Jambry dans l’ihe de Suma- a . u y avoir alors guerre ouverte entre les ■Maiayens de Jihor > habituez fur le pro*. mon taire de Malacca , & ceux de Jamby ; & les premiers tenoient l’embouchure de la riviefe de jamby , bloquée avec une Eoce de leurs bateaux , qu’ils appellent proës. La ville de Jamby elb à prés de cent miles de cetre embouchure -, mais à quatre ou cinq miles de la mer , il y a un petit bourg fur la xiviere 3 qui conhfëe en quinze ou vingt mations 3 bâties fur des poteaux , à la ma- mere du pais. On appelle ce port Quolla , *3111 ieinole erre plûtôt un nom appellatîf pour déhgner un port en général 5 qu’un nom propre : auili toutes les fois que nos Matelots Anglois de ces quartiers ont dé- barque quelque part , ils difent à Limita- tion des Naturels du pars , qu’ils ont été au Ouolla ; ce qui hgnihe l’endroit où l’on dé- barque 3 ôc que les Portugais appellent en leur langue Barcadero. Quoi qu’il en foit , cette guerre ht quelque obfîacle à notice commerce , & nous fûmes contraints de ïdter quatre mois à la rade } avant que nous pumons^ charger quelque poivre : d’ici nous retournâmes à Bantam , pour y prendre le relte de notre charge : mais le vaifleau fur lequel j’étois venu ht voile pour l’Angleterre fans moi ; de forte que j;e patfai fur le Bom- bay , commandé par le Capitaine White , qui en qualité de Contre-Maître avoir fuccedé au Capitaine Bennet, qui étoit mort durant le Voiage. 1 arrivai en Angleterre en 1679. tk après DE Mr WAFÊ'R. M on mois de féjour , j’entrepris un fécond Voiage à bord d’un vai fléau , commande pas le Capitaine Buicenham , qui aliôit aux In- des Occidentales, j’y et ois au fer vice dd Chirurgien ; & à notre arrivée à la Jamaï- que , il fe trouva que la faifôn du fucré o’étoic pas encore venue; de forte qu’en Attendant , le Capitaine réfolut de faire un petit voiage à la baye de Campêche , point y prendre du bois de teinture : mais je ne voulus pas être de la partie , & bien me valut , puis que le Capitaine y fut pris par les Espagnols, & amené àla ville de Mexi- que. Un certain Ruflél , qui s’y trou voie alors prifonnier , 5c qui eut le bonheur de s’enfuir , me dit qu’il y avoit va le Capi- taine Buclcenham , la Chaîne au pié , &: uns corbeille fur le dos, crier du pain dans les fues , pour un Boulanger , qüi étoit fon maître. Quoi que ce Capitaine fut Gentil- homme , & qu’il eut des amis fort riches * qui offroient urie fortune, conflderable pout fa rançon , les Efpagnoïs ne voulurent ja- mais le relâcher. J’avois un frere à la Jamaïque , qui étotî emploie fous le Chevalier Thomas Mud= diford dans la plantation que celui-ci avoit au quartier ,, qu’on appelle des Anges ; 8c le plaifir que jë me fai foi s de lé voir, étoit le principal motif qui m’a voit porté à faire ce voiage : après avoir demeuré quelque tems avec lui , il m’établit dans une mai- fon à Port -Royal , où j’exerÇai la Chi- rurgie durant quelques mois. . Je trouvai énfuite deux de nosi Armateurs , le Capi- taine Cook , 8c le Capitaine Linch , qui ailoient de Porc - Royal vers la côte de 5* ?OŸA C Ê Cartagenê , 6c qui me prirent avec eux» Inous rencontrâmes d’autres Armateurs7 iur cette côte > mais le mauvais teins nous en lepara vers l’IHe d’Or , qui eft une des Skmballosi de forte que nous fîmes route vers Baftimentos , où nous les rejoignîmes avçc plufîeurs autres , qui s’y etoient donne rendez- vous , 6c qui avoient été dnfemble a la prife de Portobel. C’efl ici ou je vis Mr Dampier pour la première îois , & j’allai avec lui dans la mer du Sud, :**Pres ,avo*r PaÙe nos forces en revue à 1 Ille d Or , 6c débarqué fur i’Ifthme , nous marchâmes par terre, nous prîmes S. Ma- *le » & nous fîmes toutes ces courfes , que Mr. Ringrofe raporte dans la IV. Partie de fon Hifloire des Boucaniers. Mr. Dampier a dit dans Tlntroduéfion de fon Voiage autour du monde i de quelle ma- niéré cette troupe fe partagea fur le chapi- rre du Capitaine Sharp. Pour moi , je fus de 1 avis de Mr Dampier , 6c du nombre de ceux qui aimèrent mieux repaffer à l’ilth- me dans des bâteaux , 6c recommencer un pénible voiage par terre, que d’obéir à un Capitaine , qui n'avoir ni bravoure ni con- duite : il a donné auiîl un détail de ce qui nous arriva dans ce retour , jufques au tems que par l’inadvertance d’un de mes camara- des , je reçus au genou une bleffure fi terri- Me, qu’aprés quelques jours de marche, je ne fus plus en état de les fuivre , 6c qu’on me laiffa fur l’Ifthme de Darien au milieu des Indiens fauvages. Cet accident m’arriva le cinquième jour de notre voiage, 8c le ç. du mois de Mai , en l’année 1681. J’étois alfis à terre tout- DE Mt W AFER. auprès d’un de nos compagnons de fortune y qui féchoit de la poudre fur une affiette d’argent j mais le feu s’y mit par fon im- prudence j me brûla tout le genou : la chair en fut emportée jufqu’à l’os , 8c ma coiffe même en fouffric beaucoup. J’y ap- pliquai d’abord les remedes que mon ha- vre-fac pût me fournir •, 8c dans la crain- te qu’on ne me laiifât derrière > je fuivis quelques jours avec affez de peine. Du- rant cet intervale , nos efclaves nous aban- donnèrent avec le Nègre qu’on m’avoit accordé pour me fervir , Si porter les mé- dicamens : il s’enfuit avec tout ce que j a- vois , 8c il ne me laifla rien pour panfer ma plaie. J’y fentis alors une vive douleur, 8i hors d’état de fatiguer plus long-tems à travers les forefts 8c les rivières , je pris con- gé de mes camarades , 8c je m’arrêtai à Da- rien le dixiéme jour de Mai. Mr Richard Gopfon , qui avoir fait fon aprentiffage de Droguifte à Londres, me fie co mpagnie : il ne manquoit ni d’efprit , ni de favoir , 8c il avoit le N. Teftament en Grec , qu’il lifoit fou vent , 8c qu’il tra- duifoit fur le champ en faveur de ceux qui éroient difpofez à l’ècouter. Un Matelot nommé Jean Hingfon , fut auffi de la par- tie ; ils étoient fi fatiguez l’un 5c l’autre » qu’ils ne pürent jamais pafler outre. On avoit réfolu , d’abord qu’on eut mis pié à tuer , de tuer tous ceux qui s’arrêteroient en chemin : mais cet ordre fut donné pour empêcher qu’aucun de nous ne s’amusât mal-à-propos fur la route, & ne tombât entre les mains des Efpagnols , qui n“au- toient pas manqué de nous mettre à la H4- VOYAGE torture pour découvrir notre marche : auiï? ne fut-il pas exécuté à la rigueur , 8c la trou- pe prit congé de nous trois de fort bonne amitié; Deux autres de nos camarades , Fulbert Sp radin 8c Guillaume Bowman , s’étoient déjà féparez de nous à la riviè- re de Congo , le lendemain après mon in- fortune. L’endroit où nous paifâmes cette riviere éroit aiTez profond,. &: le courant en érôit fi rapide , qu’il m’enttaïna plu- sieurs pas , jufques à une pointe où l’eau rejaillilfoit. Malgré tout cela , je franchis cet obitacle ; mais ces deux hommes qui venoient les derniers de tous , 8c qui vi- rent la peine que pavois eu. dans ce paca- ge& que la riviere s’enfloit toûjours , n’oierenc me fuivre , & ils aimèrent mieux relier où: ils étoient : ils me joignirent les premiers, 8c les deux autres bien-tôt après que toute la troupe fut partie pour la. mer du Nord , dont je parlerai dans la fuite * ainii nous fûmes cinq qu’on laiifa derrière à la merci des Indiens. Réduit à vivre avec ces barbares il fbmbloic que je n’avois aucun moicn de ibukger ma douleur : cependant ils entre- prirent de me guérir avec de certaines herbes, qu’ils mâchoient jufques à la con- fiance d’une pâte , 8c qu’ils étendoient une feuille de plantain pour en cou- raa blefïùre. On renouvelloit cette emplâtre tous les jours, & fa vertu fut ü grande , qu’au bout de deux ou trois fer- mâmes , il ne me relia plus à ce genou foibielfe qui me dura long -temps Ôc un engourdilfement , dont j’ai quelquefois des attaques ; mais les DE Mi- WA FER. itf Indiens ne furent pas tout-à-fait fi chari- tables à d'autres égards : il y en avoit quel- ques - uns qui nous regardoient de fort mauvais oeil , 5c qui nous jettoient des plantains verts, comme on jette des os à un chien , lors que tout tranfîs de froid. bous rampions devant eux. C’écoit-là un pauvre ragoût , dont il faloit pourtant fe contenter": mais le jeune Indien chez qui nous logions , nous en donnoit fouvent de mûrs, à l’infçû de les voifins ;_ce qui fervoit beaucoup à nous rafraîchir. Cet Indien avoit été fait prifonnier par les Ef- pagnols dans fon enfance , ôc mis au fer- vice de l’Evêque de Panama , où il aprk alTcz bien leur langue , jufqu a ce qu’il trouva l’occadon de s’échaper , 5c de re- tourner auprès de fes compatriotes. Ceja nous fut d’un grand fecoufs , 8c nous n‘eiï- mes pas de la peine à nous faire enten- dre , avec quelque teinture que nous avions de l’Efpaghol , quelques mots Indiens què nous avions atrapé dans le païs, 8c l’üfage des lignes. D’ailleurs , ce jeune homme ëtoit (ï genereux , 8c il exerça Ci bien Thof- pitalicé envers nous, que iî durant le jour' on ne nous donnoit que de médians plan- tains verts , il fe levoit la nuit pouf eh cueillir de mûrs à la fourdine ; 8c il nouà les diftribuoir. Ce n’eii pas que les autres’ eulfent de l’inclination à nous maltraiter > puis qu’ils font tous d’un naturel débonnai- re 5c franc ; mais ils avoient conçu quel- que chagrin , de ce que nos camarades eh avoient forcé quelques-uns d’emr’çux à leur fervir de guides , 6c que la faifon plu- vieufe- était alors h rude, que les Indiens ■If? V O Y AGE même ne fe fbucioienc pas beaucoup de voiager , quoi qu’ils ne fe-mettent pas fore en peine du mauvais rems , ni de la difficul- té des chemins. Après que Gopfon , Hingfon & moi eû- mes pané trois ou quatre jours de cette ma- niéré , Spratlin & Bowman nous vinrent joindre , fort fatiguez d’avoir couru fans guides entre les bois & les rivières , & fans autre nourriture qu’un peu de plantains , qu’ils avoient trouvé çà & là ; ils nous apprirent que George Gainy avoit eû le malheur de fe noyer , comme Mr. Dam- pier le raporte , Tome I. ils le virent éten- du fur le bord de la riviere , après que la marée fut baffe , avec une corde entortil- lée autour de fes reins , & fon argent at- taché au coû ; mais ils étoient fi las , qu’ils ne s’anvaferent point à le lui ôter : ils s’ar- rêtèrent avec nous une quinzaine de jours , & nous fumes traitez de la même maniéré, c’eft-à-dire , que nous n’avions pas grand’ chofe à manger , &■ que les Indiens nous regardoient de travers , parce qu’ils n’a- voient point de nouvelles de leurs amis, que nos gens avoient pris avec eux pour leur fervir de guides : malgré tout cela , ils eürent le même foin de ma bleflure , & je me trouvois déjà en état de marcher un peu , mais enfin lors qu’ils virent que leurs hommes ne revenoient pas, ils commencè- rent à perdre patience , 8c il fembloit à leur mine qu’lis tramoient de fe venger fur nous de l’injure prétendue que nos- cama- rades avoient faites aux leurs : dans ce def- fein, ils confultoient fouvent entr’eux pour favoir de quelle maniéré ils difpoferoient de DE Mr WAFER. ^ if 7 nous -, les uns opinoient à la mort\ les au- tres à nous retenir chez eux > &C d’autres en- fin à nous livrer aux Efpagnols > pour gagner leurs bonnes grâces: mais ils avoient pres- que tous une haine fi mortelle contre cette Nation, que le dernier avis fut bien-tôt a- bandonné *, Sc ils réfolurent qu’on ne nous feroit aucun mal , jufqu’à ce que le tems que leurs amis pouvoient emploier à leur retour feroit expiré : ce terme fut de dix jours, qu’ils nous venoient compter fur le bout de leurs doigts. Lors qu’il approcha de fa fin , fans qu au- cun de leurs hommes parut , ils foupçonne- rent que nos gens les avoient ou maifacrez > ou amenez avec eux : ils réfolurent de nous immoler à leur vengeance. Dans cette vûë , ils drefiferent un grand bûcher le dixié- me jour au matin , & ils nous avertirent que nous y ferions brûlez , auflî - tôt après le toucher du Soleil', car ils vouloient dif- férer notre fuplice jufqu’à cette heure - là. Mais leur Chef Lacenta , qui vint à paffer par bonheur , les détourna de cette barba- rie j & il leur propofa de nous envoier du côté du Nord , avec deux Indiens, qui pourroient aprendre des habitans de la cô- îe ce qu’étoient devenus les autres guides. La propofition fut d’abord acceptée , &c l’on choifit deux hommes pour nous conduire vers le Nord. L’un de ces Indiens avoit toûjours été notre ennemi capital mais l’autre étoit ce généreux Indien , qui fe levoit la nuit pour nous cueillir des plain- tains mûrs. Nous fûmes donc congédiez le lende- main avec notre efeorte * & nous marcha- I I ... V a Y A (? E ^4^ement trois iours de ^ > bien L/^P q.ue nos a™s n’auroient fait au- rrn^ i a leürs Puid«- Nqüs payâmes ces îvrr !i S- P^f des chemiris marécageux , tonnerres g^ffe^'PiIUleSa a„CCOI1nPaSnées de rn & d éclairs ; & il nous fikït coucher deux murs fous des arbres , oui U™"* ««aotiffoie nt' pas de Phumidik. carapasmes la treizième fur une peri- nt.f??n£ 5 *3^ *e ^endemain matin éroir UnS Pde ’ tanc Inondation JS‘anie aux environs. Cependant nous CU ^ COUCe Pirancè les d"UX premiers jours , qu une poignée de maïz Hnnn^Ue<2nOS T^^es Indiens nous avoienc donne r & cela ne fur pas plutôt coofu- 3 s en, ^tournèrent chez eux , &c nous laiflcrent a notre conduire. ^fV«°US re^arnes quatrième jour fur i- trf m°u.tagne, 8c le cinquième après que les eaux f& furent écoulées , nous pourfui- vimes notre route vers le Nord d la faveur d une petite bou fl oie que nous avions. Nô- X?rml i CGntinua jufqu’à fix heures du ioir, ot alors nous rencontrâmes’ une rivie- re , qui avoir autour de 40 piez de lar- ge , oC qui etoit bien profonde : il y avoir un arbre abatu qui la traverfoit , ce qui nous ht conjeéfurer que nos amis avoient padf pfr..[a > de forte qu’il faluc s’affeoir pour délibérer iî nous prendrions cette ro ute. Après avoir bien raifonnè fur ce point, il fut conclu que nous traverferions la ri- vière , 8c que nous chercherions le fen- t-ier que nos gens avoient fuivi. D’ailleurs i eau? qui couroic un peu au Nord en cet DE Mr WA FER. i<& endroit , nous perfuada que nous étions au- delà de cette grande chaîne de monta- gnes , qui féparent le côté Septentrional de rifthme du Méridional , ôc qu’aind nous n’étions pas trop éloignez de la mer du Nord : mais au lieu d'attribuer aux groiTes pluies qu'il avoit fait le prompt accroiflement & décroiflèment dé la ri- vière , nous jugeâmes mal à propos' que cela venoit de ia marée , S>c qu’ainlî nous étions prés de la mer. Quoi qu’il en foit , nous palfâmes la riviere fur l’arbre que la pluie avoit rendu fi gîiflânt , qu’il n’y a- voit pas moien dry marcher debout ; 5c nous eûmes beaucoup de peine à nous y traîner deflits à califourchon : il y en eût pourtant quatre de nous cinq , qui eûrenc le bonheur de gagner l’autre rive : mais Bowman , qui étoit le dernier , glifla , &C le courant l’emporta dans une minute hors de notre vüë ; de forte que nous le crûmes noyé. Pour furcroît d’afliéhon , il nous fût împoiïîble de trouver un l'entier -, parce que l’inondation avoit couvert toutes les terres de bourbe & de vaze. Réduits à cette extrémité , nous repaflames fur le même arbre , dans lé defïein de fuivre le cours de cette riviere , que nous croyions toû jours fe décharger dans la mer du Nord. Nous n’avions pas fait plus d’un quart de mille , que nous apperçfimes notre cama- rade alfi s fur le bord- de la riviere : il nous dit à notre approche , que la violence du courant 1 avoit porté-là , & qu a la faveur d’un coude que la riviere faifoir , il avoit eu le tems de fe reconnoître , &de fai/îr quelques branches qui pendoient* dans l’eau. Mo .VOYAGE par Je moien defquelles il s’étok fauvê : il avoir alors quatre cens pièces de huit fur le dos ; il etoit Tailleur de Ton métier , 8c d’u- ne complexion affez foible. Nous reliâmes ici toute la nuit ; & le lendemain , qui étoit le fïxiéme jour de ce voiage , nous continuâmes noire marche à travers des lieux remplis de canes creufes oc de ronces , bien afïbiblis manque de vi- vres : mais lors que nous étions fur le point d expirer , accablez de faim 8c de laiiitude , la Providence nous fit découvrir un arbre qu’on appelle Macaw , 8c qui porte des baies, dont nous mangeâmes avi- dement. Après en avoir en quelque ma- niéré apaifé notre faim , nous en prîmes un Pa!3u^ & nous pourfuivîmes-nôtre route jufqu a la nuit. Le lendemain à quatre heures après mi- di, nous rencontrâmes une autre riviere , qui fe joignoit avec celle que nous avions cotoye jufques ici ; 8c alors nous nous vî- mes enfermez de part 8c d’autre fur une petite montagne qui étoit à leur confluant. Celle-ci étoit auffi profonde & aufli large que la précédente, de forte que nous nefa- vions plus que devenir : il n’y avoit pas moien de les paffer à gué , ni de trouver un arbre qui fut affez long pour atteindre d une rive a l’autre , ni même d’en couper un de cette longueur , puifque nous n’a- vions pour tout inftrument qu’un grand couteau. Nous examinâmes le cours de ce dernier fleuve par la bouflble , 8c nous trouvâmes qu’il alloit au Nord : ce qui nous confirma dans notre bévûë,que nous étions à la partie Septentrionale de la gran» n DE Mr W A F ER. i6f de chaîne de montagnes. Là - deflus nous réfolûmes de faire deux radeaux pour def. cendre cette riviere , qui nous devoit con- duire , à ce que nous croyions tous , juf- qu’à la côte de la mer du Nord. Les bois nous fournifloient des canes creufes , qui étoient fort bonnes pour cet ufage i nous les coupâmes d’une fufte longueur , 8c nous err attachâmes quantité les unes- fur les autres avec des houiïines tirées d’un buiifon qui fefl'embloit à la vigne. Nous n’eûmes pas plutôt achevé nos ra- deaux , que la nuit fur vint *, de forte qu’il falut fc retirer fupune petite montagne , ou après avoir amaifé une charretée de bois , nous finies du feu , déterminez à nous met- tre le lendemain matin fur la riviere : mais peu de tems après le Soleil couché , il fe mit à pleuvoir d’une fi terrible force , qu’on au- roit dit que îe ciel 8c la terre aîlôfent fe confondre , forage étoit accompagné de fu- rieux coups de tonnerre^ , 5c les éclairs avôient une odeur de foudre fi puante , que nous en fûmes prefqu’ètouffcz. La tempête dura jufqu’à minuit , 8c alors nous fûmes- faifis de fraieur à fouie du bruit que les rivières faifoient autour de nous : l’obfcurité étoit même iî grande , que notîs ne pouvions rien découvrir que nôtre feu , à moins que les éclairs ne vinfient à luire. Dans cet inftant , nous découvrions toute la montagne, 8c nous aperçûmes bien-tôc que l’eau commençoit à nous gagner, puis qu’elle emporta notre feu en" moins d’un quarr d’heure. Chacun penfa d’abord à fau- ver fa vie , 8c à monter fur quelque arbre , pour fe garantir du déluge qui nous mena-» ïti VOYAGE çoit imais il n’y avoir ici que des coro» ïiiers d’une groffeur prodigieufe , 6c où il ne pafoilfoit aucune branche à 40. ou 50 piés de haut , de foire qu’il n’y aVoit pas moi'en d:y grimper. Pour moi , je ne fa vois de quel côté me tourner 3 tant ma conlternation étoit gran» de ; mais au milieu de ce péril , j’eus le bonheur de trouver un. grô's cotonnier qui étoit pourri de vieil! elfe , ou par quelque autre accident , 6c où il y avoir un trou à quatre piés ou environ de terre. Je m’y four- rai le mieux qu’il me fut poffifcle , & j’y* trouvai une bolfe qui me fervit de fiege 1 tapi de cette mani'efê , 6c ramaffe comme un peloton j fans pouvoir me tenir debout , ni étendre les jambes 3 j’attendis le joué avec beaucoup d’impatience. D’ailleurs , j’étois fi fatigué du voiage , que malgré la faim Sc le froid qui me talonnoient , jé m’endormis j mais mon fommeil fut bien- tôt interrompu par le bruit des gros aibres que la ravine entraînoit , 6c qui venoient heurter contre le mien avec tant de violen- ce > qu’ils le faifoient brailler. Je me trouvai alors les genoux dans l’eau , quoi qu’il y eût quatre piés depuis la ra- cine de l’arbre 3 jofqu’à i’ôuverture de ce creux, & l’eau couroit avec la même rapi- dité que celle de la rivieie. L’obfcuritè ÔC les éclairs rendôient l’inondation lï terrible, que j’en oubliai ma faim , 6c que je ne pcn - fai plus qu’à prier Dieu de me fauver la vie. Réduit dans ce trifte état 3 je vis paroître l’étoile du matin , qui releva mon courage abatu , 8c qui fut fuivie de la pointe du jour en moins d’une demi heure : auiïi - tôt la DE Mr WAFER. pfuie 8C les éclairs ceflercnt , 8C l’eau s’é- coula fi vîce , qu’il n'en relia plus au pic de mon arbre , lors que le Soleil fus levé. Je fortis d’abord de ma froide caverne 5 mais j’érois fi engourdi , r8c le terrain étok devenu fi glifiànt, que feus de la peine à me tenir debout. Malgré tout cela , je me traînai le mieux qu’il me fut polïible juf- ques à l’endroit où nous avions allumé du feu , 8c je n’y trouvai per Tonne, J’apellaï enfuite mes camarades à haute voix , &c je n’eûs pour toute répoiïfe que celle de l’E^ cho ; ce qui me remplit d’une terreur fi grande» que j’en tombai prefqut mort par terre , accablé d’ennui 8c de faim., puis qu’il y avoir déjà Tept jours que nous n’avions mangé autre choie que ces baies de Maccaw * dont j’ai parlé ci-deflus. Je reliai quelque tems fur la terre humi- de» fans eTperance de revoir mes amis , ni de jouir- d’aucune confolarion , jufqu’à ce qu’enfin j’entendis une voix autour de moi, qui me redonna la vie, fur tout lors que je vis que c’étoit Mr Hingfon. Tous les autres qui s’étoient fauvez fur de petits ar- bres , nous joignirent bien-tôt après. Nous nous embrasâmes les larmes aux yeux y ÔC nous rendîmes grâces au bon Dieu , de ce qu’il nous- avoit délivrez d’un fi grand péril. Nous cherchâmes eniuire nos= radeaux , que nous avions attachez à un arbre j mais nous les trouvâmes embourbez 8c les ca- nes remplies d’eau ^ ce qui nous furpric beaucoup , parce que nous croyions qu’el- les n’admettoienc pas même' l’air» N au’ cl- ï^4 , „ VOYAGE Jes étoient comme de grofTes vefïies en» flees. Quoi qu’il en foit , il y a grand’ ap- parence qu’il y avoir des fentes , & peut- etfe que nous y en avions fait noùs-mê- me. Par mégarde g lors que nous les joi- gnîmes enfemble g du moins les uftencilles qu’on en fabrique tiennent fort bien i eau. Ce fut donc un autre fujet de chagrin, & un nouvel obftacle à notre départ ; mais la Providence dirigea toutes chofes pour le mieux , puis que fi nous avions defcendu cette nvierév qui fe joint à celle de Cheapo Ôc court enfuite vers la baie de Panama & la mer du Sud , elle nous auroit conduit au milieu des Efpagnols nos ennemis , de qui nous ne pouvions attendre aucun quartier. Au refte, le voifînage des montagnes , & fa pente qui en eft roide , font la caufe que les nvieres s’enflent ainfi tout d’un coup après ces violentes pluies , & qu’el- les retournent de même dans leur premier état. Mais pour revenir à nos radeaux , ils ne pouvoient plus nous fervir pour defcendre ces rivières, ni les traverfer ; de forte que nous fumes bien aifes de retourner à la plantation Indienne 5 d’où nous étions par- tis. Nous reprîmes donc la route que nous; avions tenu le long de la riviere : & com- me la faim nous obligeoit a porter les yeux far touc^ce qui pouvo.it y remedier , nous découvrîmes un daim profondément en- dormi. Nous en approchâmes de fi prés que nous aurions pu nous jetter fur lui & le prendre j fi un de nos camarades n’a- ID E Mr W A F E R. voit jugé à propos de lui tirer un coup de Fufîl à bouc touchant ; mais il arriva par malheur que le plomb , qui n’étoit pas bour- ré , tomba tout jufte avant qu'il lâchât le coup : de forte que le daim n’en reçût d'au- tre mal , que celui de s’éveiller au bruit de la poudre , & de paifer la riviere à la na- ge. Nous ne fûmes pas au refte peu emba- raflez , lors qu’il nous falut quitter cette ri- vière pour chercher l’habitation des In- diens. D’ailleurs , il y avoit huit jours que nous n’avions eu pour toute nourriture que les baies du Maccaw , & la moiielle d’un au- tre arbre , apellè bibby , que nous trouvâmes fort bonne. Apres avoir bien réfléchi fur la route que nous prendrions , il fut rèfolu de fuivre la trace d’un pecary , ou d’un cochon faq- vage , dans Tefperançe qu’elle nous condui- roit à quelque allée ae plantains , ^où à quelque champ femé de potates ^ où ees animaux ont accoûtumé d’aller paître. En effet , elle nous mena jufques à une ancien- ne plantation , & à la vue d?une nouvelle. C’ell ici que la peur nous reprit , expofez d’un côté à mourir de faim , & de l’autre à efluïer la mauvaife humeur des Indiens, que nous croyions toûjours irritez contre nous. Mais ij n’y avoit point de milieu , & il fut déterminé que Fun de nous iroit à la maifon voifine , pendant que les au- tres fe tiendroient à l’écart pour en atten- dre le fuccés. J’y allai donc moi- meme , il fè trouva que c’étoit la maifon d’où nous étions partis. Les Indiens fort étonnez de me voir , commencèrent à m’interroger fur J?ien des chofes : mais la chaleur du feu , & 16# V O Y A G F 4 odeur de la viande qu’on y cuifoit , me firent tomber dans un évanoüi/Tement qui arrêta toutes leujrs questions : ils parurent Jbien emprefle.z pour me tirer de cet état, Bc d’abord que je revins à moi , ils me don- nèrent un peu à manger. Enfuire ils me demandèrent où étoient mes quatre cama- rades , 6c fur ce que je leur en dis , ils les envoyèrent chercher auifi-tôt : mais on n’en ramena que trois , parce que Gopfon avoir refté un peu plus loin. Les guides étoient à prefent de retour de la côte du Nord , &c ils fe louoient beaucoup de la maniéré civile 6c genereufe dont nos gen$ les avoient traitez -, de forte que les Indiens étoient devenus nos bons amis. Celui qui nous avoir témoigné tant de bienveillan- ce, ne s’aperçût pas plutôt que Mr Gopfon n etoit pas encore arrivé , qu’il lui apporta des vivres , 6c le conduiiît à la plantacion. En un moj: , on eut grand foin de nous à tous égards. Après avoir pafle huit jours à nous ra- fraîchir , nous reprîmes notre marche , dans le de/Tein de nous rendre à la mer du Nord le plutôt qu’il nous feroit polîîble. Depuis que nos .camarades avoient renvoyé leurs guides avec beaucoup d’honnêteté 6ç de pre- fens, comme de haches , de colliers , 6c c. les Indiens étoient plus difpofez que jamais à nous en fournir : ils nous procurèrent donc quatre jeunes hommes vigoureux pour nouj conduire jufqu a la riviere, où nous avions prouvé un arbre abatu qui la traverfoit- nous y arrivâmes dans un jour, parce qui nos guides nous fervoient de bonne amitiç |U Jieu que nçus y en avions emploie troi’ DE Mr W AFE&. rfy le premier volage. Arrivez eh cet endroit fious marchâmes environ un mile en mon- tant la riviere , & il nous falut mettre en- fuite dans un canot pour la remonter. Nos guides ramèrent vigoureufement jufqu'à la nuit , ÔC alors nous logeâmes dans une roai- fon , où ils dirent tant de bien de nos ca- marades , qui étoient allez à la mer du Nord , que le Maître du logis nous régala de fon mieux. Nous repartîmes le lende- main avec deux nouveaux rameurs , c’eft-à- dire , que nous en avions fix en tout , & que notre condition étoit alors bien differente de ia première. Quoi qu’il en folt , au bout de fept jours nous arrivâmes àlamaifon de Lacenta, qui nous avoit fauvé la vie. Ce Palais elt fitué fur une coline fort agréable , où il y a le plus joli boccage de cotonniers que j’aie vû au- cune part. La grofleur de ces arbres étoit en general de fix piés de diamètre ; ôc il y en avoir quelques-uns de huit, dé neuf, de dix , ôc même d'onze. Quatre Indiens ôc moi, qui nous tenions par la main , nous mîmes autour d’un , 3c il s’en falut plus de trois piez que nous ne puffions l’embrafTer. Il y avoit auffi une magnifique allée de plan- tains, ôc un autre boccage de petits arbres, dont l’on aurait pû former une efpece de labyrinthe , fi l’on eût emploie quelque in- dufttie. Cette coline renferme du moins cent acres de terre , ôc c’elt une peninfule de figure ovale , prefqu’environnèe par deux grandes rivières, dont l’une vient de l’Eft, ÔC l’autre de l’Olidt : i! n’y a qu’une languè ÿç terre de quarante pies de large qui lep *6% VOYAGE sépare à l’entrée de la col me t mais elles Ce joignent enfuite &c forment une grande ri- vière fort rapide. Ce petit efpace eft fi rem- pli de canes creufes , de b aidons , que* les Anglois apellent Têtes de Pape , & de poi- riers fauvages, qu’il eft îrapolïible d’en ap, procher. r Cinquante des principaux du païs de- meurent fur cette coline , fous la doraina- îion de Lacenta , qui e£i comme le Prince de toute la partie Méridionale de l’Ifthme de Danen. Les habitans du Quartier Sep- rentripnal lui rendent aulîi beaucoup de ioumidlon j niais celui du Sud eft propre- ment fon païs , 8c cette coline fait fon do- maine : il n y a ici qu’un feuî canot , qui ferc a Lacenta , & à tous les autres qui demeurent fur cette penmfule , pour pader & repaffer la rmere. r Lors que nous y fûmes arrivez , Lacenta congédia nos guides 3 & il nous dit qu’il etoit lmpoiîible de voiager vers le Nord dans cette faifon pluvieufe s qui éroit alors a fon plus haut point : mais que nous ré- itérions a vec lui , &• qu’il au roi t foi n de ©fftes ^ ^°rte C^U ^ n0US ^ut aceePcer ^*es Bien-tôc après il fe trouva une occafon qui lervit beaucoup à augmenter la bonne opinion que Lacenta Sc fe s gens avoient conçu de nous , & à m’attirer leur eftime d une façon toute particulière : il arriva donc qu’une des femmes de Lacenta de- vint malade, de qu’on ré fol ut de lui tirer du fang. Voici de quelle maniéré les In- diens s y prennent j iis font aïFeoir le ma- l^de fur une pierre qui eft "dans le fleuve; enfuit^ DE Mr WA FER. , il s’inclina devant moi , & me baifa la main. Alors tous les autres m’en- virpnnerent j les uns me baifoient la main , les autres le genou , 8c quelques-uns le pie. Je fus mis enfuite dans un hamac 8c por- té fur les épaules des Indiens', pendànt que Lacenta fit un difcours à ma louange , 8c ÎLi-il m’éleva fort au - deïfus de tous leurs ioéfeurs. On me porta de cette maniéré d’une plantation à l’autre ? 8c je vécus avec beaucoup d’écfat 8c de réputation à la fa- veur des remedes , & de ia faignée que je faifois à tous ceux qui en avoïeot befoin. jQuoi que j’euffe perdu mes onguents 8c mes emplâtres , par la fuite du Negre qui m’a- voit pris mon havrefac , il m’étoit refté dans la poche une boite d’inftrumens , Sc quelque peu de medipamens , que j’y te- nois d’ordinaire enveloppe? dans un mor- qeau 4e toillé huilée. Je pafiai de cette forte quelques mois parmi les Indiens qui m’adoroient pour iainfi dire. Quelques- uns d’entr’eux s’étoient échappez dés mains des Efpagnols , dont ils avoient été les efclaves y 8c je m’imagine que c’eft la raifon pour laquelle ils deman- doient le Batême : quoiqu’ils le fouhaitaf- fent plutôt pour avoir un npm Européen, que pour aucune connoififance qu’ils euflené du Chriflianifme. Pendant mon féjour , auprès de Lacenta , je l’accompagnai lbu vent à la chafle , où il fe plaifoit beaucoup , 8c il ne lui manquoit pas de gibier, pour le divertir. Nousallâ- jnes une fois vers le Sud- Eft , à l’entrée de la belle faifon , 8c nous courûmes juf- DE Mr WA FER. r7i 8c après nous avoir félicitez lur nôtre heu- feufe arrivée , ils nous reçûrenr chez eux. Ils s’étoient tous parez de leurs plus beaux habits : qui confident en des robes longues 8c blanches , qui vont jufques à la chevil- le , ôc font garnies de franges par le bas ; ils avoient d’ailleurs une demi-pique à la main. Mais je parlerai plus au long de tout Ceci , lors que je ferai la difcription du païs, Ôc de toutes les autres parucularirez , que j’y ai obfervées; Nous demandâmes d’abord aux Indiens* S’il devoir arriver ici quelques Vaifleaux Européens- Ils nous répondirent qu’ils n’en favoient rien, mais qu’ils s’en informeroient. Là-deflus , ils mandèrent un de leurs De- vins , qui fe mît aufïi-tôt en frais aVec fes camarades pour évoquer le diable , 8c Ra- voir de lui en quel tems il arriveroit un Vaifleau. La première chofe donc qu’on fit J7 &C quelque temps après un autre *. Que l’un de nous mourroit bien-tôt après } <3 c qu’en allant à bord de ces vaifieaux , nous per- drions un de nos fufils. Tout ceci s’accomplit au pié de la lertre : Le 10 jour au matin nous entendîmes un- coup de canon , & quelque temps après l’on en tira un autre. Nous perdimes un de nos fufils en allant à bord des vaifieaux 3 & voici de quelle maniéré : nous étions nous cinq avec trois Indiens dans un canot , qui le renverfa , lors que nous pallions fur la barre; peu s’en falut que Gopfon ne Te no- yât , nous eûmes de la peine à le tirée de l’eau ; mais il y perdit Ton fufil 3 qu’il n’avoit pas fans doute bien attaché. Nous fauvâmes les autres qui étoient amarez aux cotez inferieurs du canot 3 & c’eft ce que l’on obferve toujours dans les Indes Occi- dentales. La moindre chofe peut faire tour- ner cette machine , & l’on rilqueroit fou- vent de perdre fes armes y fi l’on n’avoit le loin de les attacher aux cotez , ou aux bancs du canot. Quoi qu’il en foit , nous gagnâmes le bord le mieux qu’il nous fut poiîible , & nous courûmes enfuite plus près de rerre , jufques à l’ille de la Sonde. Nous vimes alors un vaififeau Anglois &: une Tartane Efpagno- le, que nous reconnûmes à fa fabrique , &C que l’Anglois avoir pris depuis deux oit trois jours. Mais nous ne pouvions pas de- viner lequel de ces deux bâtimens éroit aut pouvoir de l’autre: cependant fort ennuyez: de vivre avec les Indiens fauvages , nous primes le parti de les aborder à tout hafacd, H S 17* VOYAGE Nous eûmes beaucoup de peine à y ré/otr- dre nos Rameurs, qui craignoient plus que nous d’y trouver des Espagnols , nos enne- mis communs : La raifon qu’ils en avoienc ce qui mérité d’être remarquée , c’eft que Ix réponfe de leurs démons fur ces deux vaif- ftaux , étoit pofitive à l’égard de l’Anglois & bien douteufe pour l’autre. En effet Ix Tartane étoit Efpagnole de au pouvoir des Efpagnols dans le tems que les Magiciens firent leurs fortileges , de même quelques jours après. Nous allâmes donc à bord du vaifleau An- glois avec nos Indiens , de l’on nous y re- çût avec beaucoup d’amitié. Mes quatre camarades furent auffi-tôt connus & caref- fez de tout l’équipage : Pour moi , qui é- tois peint , de tout nud , avec une fimple ceinture autour des reims , de une plaque d’or , qui me pendoit du nez fur la bou- che j fe demeurai quelque tems alfis fur le gras de mes jambes, à la manière des na- turels du pais, pour voir fi l’on me recon- nokroit. Il fe pafia plus d’une heure avant que perfonne prit garde à moi : mais en- fin un homme de l’équipage me regarda plus fixement que les autres , de il fe mit à crier tout d’un coup, Eh ! voici nôtre Boéteur. Il n’eut pas plutôt lâché ces mots qu’ils s’emprefferent tous à me féliciter fut mon heureufe arrivée auprès d’eux. Je tra- vaillai d’abord à laver ma peinture, de mal- gré tous mes foins , il s’écoula prefque un mois entier avant que j’en pûlfe venir à bout en quelque maniéré j elle étoit fi bien imprimée dans mon cuir, foit par la lon- gueur du tems ou l’ardeux du Soleil» qu’il DE Mr W A FER. 179 îi’y avoit pas moyen de l’effacer, fans que la peau fuivît. A l’égard du pauvre Gop- fon , quoi qu’il fut en vie à nôtre arrivée à bord du vaiffeau , il ne revint pas de fe$ fatigues, ni du mai qu’il avoir reçu à la culbute de nôtre Canot : il languit deux ou trois jours , 3c il mourut à l’ifle de la Sonde. C’eft ainfî qué fa mort vérifia une au- tre partie de la prédiétion des Pawavvers „ Au- près qu’il eut régalé fîx ou fept jours nos In- diens fur le vaiffeau , qu’on y en eut reçut plufîeurs autres qui alloient 3c venoient a- vec leurs femmes 3c leurs enfans , & que Lacenta lui- même nous eut vifité pendant quinze jours ou trois femaines , nous pri- mes congé de tous les Indiens , à la refer- ve de deux ou de trois , qui nous voulurent accompagner jufques à ce que nous fu- yons au-deflus du vent ,3c nous fîmes route avec la Tartane, vers les Ifles desSamba- los , qui font le plus à l’Eft * d’où nous tournâmes vers la côte de Cartagène. Mais je n’entrerai point dans le détail du refte de ce voïage , puis que Mr Dam- pier , qui étoit avec nous , l’a déjà fait d’une maniéré fort exadte. Il me fuffira d’avertir que nous croisâmes enfemble fur les côtes , , - 3c les Ifles des Indes Occidentales , en par- tie fous le Capitaine Wnclit , 3c en parue fous le Capirrine Yancky jufqu’à ce que ces deux Officiers fe quittèrent à fille de Tortuga la falée , comme Mr Dampier le rapporte dans fon Voyage Autour du Monde# T'orne i. il fe joignit au premier , 3c moi j’allai avec l’autre à l’ifle d’Ash , ou de la Vacca , où nous fumes dépouillez par les JFfcançois 3c remis à terre > mais Triltian uty H £ 1$0 VOYAGE de leurs Capitaines nous prit fur fbn bord au nombre de neuf ou dix , &c nous ame- na fort prés du petit - Guaves. Lors qu’il fut à terre , nous nous faiiîmes de fon vaif- feau , & nous retournâmes à Fille d’Ash , où nous primes Je relie de nôtre équipage. Nous nous emparâmes d’un vaifleau Fran- çois chargé de vin , &r d’un autre que le Capitaine Coock, qui étoit alors avec nous, monta pour aller à la mer du Sud , après avoir été à la Virginie, où nous arrivâmes huit ou neuf mois après Mr Dampier. Ce- lui-ci nous réjoignit , & nous fumes en- femble à la mer du Sud avec le Capitaine Coock , quoi qu’il au oublié de parler de moi en cette occalîon. Nous courûmes le tour de la terre del Fuego , & nous fûmes le long de Chili , du Pérou , Sc du Mexi- que pour nous rendre à la mer du Sud. C eft ce que Mr Dampier raporte fort au long Tome I. chap. IV. p. 7f , 76 , &c. & chap. V. VI. VII. & VIII. Il dit d’ailleurs f. 235» de quelle maniéré le Capitaine Da- vis, qui avoir fuccedé au Capitaine Cook, rompit avec le Capitaine Swan , que nous avions trouvé dans la nier du Sud , & com- ment il palfa fur le bord du dernier pour fatisfaire l’envie qu’il avoir d’aller aux In- des Orientales. Pour moi je reliai avec le Capitaine Davis ; & nous retournâmes en- femble par la même route que nous avions déjà renne. Je remarquai dans ce retour quelques particuîaritez , dont je ferai le dé- tail à ia-fn de ce livre- Cependant après avoir donné cette courte relation de mes voya- ges , depuis la première fois que Mr Dam- pier me quitta fur l’Ifthme , jufques à nô* DE Mr WA FER. rf t tre derniere feparation dans les mers du Sud , je m’en vais décrire à prefent l’Ifthme de Darien y ce qui eft le but principal que je me fuis propofé dans cet Ouvrage. CHAPITRE II. Vt jcription de l’Ifibme de l' Amérique , LA partie la plus étroite de l’ïfthme de l’Amerique , elt ce qu’on appelle pro- prement l’Ifthme de Darien , du nom fans- doute de la grande Riviere qui borne fa côte Septentrionnale à l’Eft : Car au - de- là de cette riviere le pais s’élargit tant vers l’Eft &c le Nord -Eft , de même que fur l’autre côté vers le Sud , & le Sud - Eft , qu’on ne fçauroit plus l’appeller un Ifthme. Il eft prefque tout renfermé entre le 8 5c le io degrez de Latitude Septentrionnale , & fa moindre largeur n’eft qu’autour d’un degré. Mais je ne fçaurois dire précifément jufqu’à quelle étendue à l’Oüeft il porte le nom d’Ifthme de Darien y li c eft jufqu’aux Honduras , ou Nicaragua , ou û ce n’eft pas plus loin que la riviere de Chagre,ou les Villes de Portobel & de Panama. Cette derniere place me fervira de bor- nes dans ce que je veux décrire y mais j’in- fîfterai davantage fur tout ce qui regarde le milieu de ce païs , où j’ai fait le' plus- long féjour , & qui a été , pour ainlî dire ,, le théâtre de mes avantures. Cependant, ce que je dirai de cette partie de l’Ifthme î$i V G Ÿ A G E fe poura en ^quelque maniéré appliquer â ce3}fl même au-delà de Panama. S’il me faloit fixer les limites de cette partie la plus étroite de l’ifthme» je tire- rois pour fa borne Occidentale une ligne qui paiferoit de l’embouchure de la riviè- re de Chagre , dans l’endroit où elle fe dé- gorge dans la mer du Nord , à la partie la plus prochaine de la mer du Sud , & à louelt de Panama , de forte que j’y ren- jermerois cette Ville 8c Portobel» avec les Kl vie res de Cheapo : 8c de Chagre. D’un autre coté , pour fa borne Orientale , je tracerois une ligne depuis la pointe Gara- china , ou le Sud du Golfe de S. Michels tout droit à l’Eft, jufques à la partie la plus prochaine de la grande Riviere de Darien, & fenclaverois ainfï dans l’ifthe la baye de Caret. Il eft allez borné au Nord , &C au Sud par l’une 8c l’autre de ces vaftes mers. Et lî l’on prend garde que c’eft le terrain le plus étroit qrrfies-Eepare » 8c qu’il saut faire un prodigieux circuit pour aller d un rivage à l’autre par mer » l’on avoiiera- que fa lîtuation eft fort finguliere » 8c trés- agreable. D’ailleurs 3 les côtes de ces mers ne font pas ouvertes par tout j il y a quantité de grandes iiies » difperfées çà 8c là. On voit au Nord Baftimentos , 8c cette longue fuite des Sambalos : & l’on trouve au Sud les Iiies du Roi ou des Perles , P'erica 8c plufïeurs autres- dans la Baye de Panama. Cette Baye fe forme par la courbure de I îfthme , 8c pour la grandeur dont elie eft» m ny en a peut-être pas une au monde qui toit plus agréable 8c plus commode» DE Mr WAFER. i% Le terrein de ce pais eft prefque par tour inégal , entremêle de montagnes ôc de vallées , "qui varient beaucoup pour la hau- teur , la profondeur ôc l’étendue. L’on y voit quantité de rivières , de ruifî'eaux, ÔC de fonraines qui ne larifl'ent jamais. Les unes fe déchargent dans la mer du Nord , ôc les autres dans celle du Sud : La plupart de ces fleuves prennent leur fource de cette' chaîne de hautes montagnes qui cou- rent à travers la longueur de l’iflhme , ôc. qui font en quelque maniéré paralelles au rivage. Afin même de la diftinguer- des- autres 3 je l’appellerai la chaîne princi- pale. Ces montagnes ne font pas également lar- ges par tout , ôc forment une efpece d’are de même que l’Illhme. Llles approchent plus de la mer du Nord que celle du Sud*» ôc n’en font éloignées que de 10. ou de i j* miles. De leur fommet , nous pouvions toujours voir la première de ces mers ôc la variété de fon rivage , accompagnée de la vue des ifles adjacentes , rendoient cette perfpeéiive fort agréabe ; mais je ne pus jamais découvrir la mer du Sud , d’aucun endroit de cetre chaîne. Ce n’eft pas que la vue n’y pût atteindre •, , s’il n’y avoir des obftacles entre-deux: mais quoi qu’il y ait des plaines ôc des valées fort vaftes, il y a d’ailleurs de grandes montagnes, fî cou- vertes de bois de haute futaye , que les yeux n’y fçauroient penetrer. Aufli quand on elt de Fautre côté vers la mer du Sud 5, ' ces mêmes montagnes empêchent qu’on puifle voir la chaîne principale j ôc ce fut à nôtre retour de cette mer que nous primes i«4 Voyage jes unes pour les autres , 5c qu’arrivez à ieur fommet , nous comptions de voir la mer du Nord. Au relie , quoi que ces montagnes que nous traverfames alors , nous paruf- lent plus grandes à mefure que nous avan* çions de ce côté-là; cependant elles fervi- rent à nous rendre la hauteur de la chaî- ne principale moins feniîble , que fi nous y avions grimpé à la l'ortie du plat pais. Au Nord de cette chaîne , il n’y a que peu ou point de montagnes ; 5c les hauteurs qu’on y voit , ne font que des pentes dou- ces de la chaîne même* Quoi que ce quar- tier du pais ne foit pour ainfi dire qu’une forêt épailfe , l’œil y domine par tout du haut de cette éminence , 5c l’on découvre avec plaifir le rivage du Nord > qui en eft le plus proche. La croupe de cette chaîne n’eft pas éga- lement continuée par tout ; c eft plutôt une fuite de plusieurs montagnes fèparées lés unes des autres par de grandes vallées , qui les rendent plus utiles, 5c plus habitables ^ & qui lont lî profondes , qu’elles fervent en quelques endroits de p a liage aux riviè- res. C’efl ainfî que la riviere de Chagre qui prend fa fource à quelques montagnes prés de la mer du Sud , court obliquement au Nord-Olieil , jufqu’à ce qu’elle s’ouvre un paffage dans la mer du Nord ; quoi que la chaîne des montagnes s’étende beaucoup plus avant à i’Oüefl ; 5c qu’elle aille, il je ne me trompe jufques au lac de Nicarragua. Quelques-unes des rivières qui arrofent le païs , font aifez grandes ; mais il y en a peu de navigables , parce qu’elles ont pres- que toutes des barres à leurs embouchures^ DE Mr WA FER. flfj La plupart de celles qu’on voit Fur les cô- tes de la mer du Nord , font fort petites : Là chaîne principale , d’où elles viennent , eft fi proche du rivage, que leurs eaux ne fçauroient groftîr dans un û court trajet , il eft vrai que la riviere de Darien eft fort grande ; mais fa profondeur à J’entrée ne répond pas à l'étendue de fon embouchure, quoi qu’il y ait allez de fonds au-delà. D’i^ ei à Chagre , tout le long de là côte , ce ne font à peu prés que des rui (féaux , & la riviere de la Conception , qui fort vis-à-vis de l’ifle de la Sonde une des Samballos , ne mérité pas un meilleur titre. Celle de Cha- gre , qui prend fa fource au Sud- Eft de l’ifthme * &£ cou rt une longue étendue de la cote qui va en ferpentant , eft affez con- fîderablc. En un mot , cette partie du Nord eft très-bien arrofée, fur tout par des fon- taines & de petits lui (féaux, qui coulent des montagnes voifines. Le terroir fur cette côte du Nord n’eft pas également fertile , ni uniforme : on peut dire en general qu’il eft bon * &z plein de hauteurs : mais proche delà mer il y a quel- ques marais , dont les plus grands n’ont guère plus d’un demi- mile de large. Depuis la Baye de Caret , qui eft le feul Havre, qu’on trouve dans la riviere de Da* rien, jufqu’au promontoire voifin de l’ifte d’or , le rivage de l’ifthme eft aflez fertile &c couvert de fable en quelques endroits ? mais il y en a d’autres pleins de Mangles * & û marécageux , qu’on ne fçauroit y aller fans fe mettre dans la bourbe jufques à la ceinture. Le rivage de cetre côte s’élève bientôt en colinesj Sc la chaîne principale ’K „ VOYAGE n eft qu’a ç ou 6 miles de diflanee. Té n’ai jamais été à la Baye de Caret ; mais j’ai Oui dire qu’il y a deux ou trois petits ruif- leaux d’eau douce qui s’y rendent. C’eft une petite Baye , & deux petites iïles qu’il y a devant , fervent à y former un allez boa Havre : le fonds ÿ àft d’un fable pur, fans aucun rocher. Ces ides font allez hautes ÔC garnies dê quantité d’arbres. A l’Qiieft du Cap, 8c à l’entrée de la ri- vière de Darien, il y a une autre jolie Ba- ye fablonneufe , qui renferme dans fon badin une petite ide , baffe , pleine de marais , entourée de bancs , & où le fond eft fi va- lait, qu’on n’y fçauroit mouiller. Le riva- ge de Lift h nie toué-auprés de cette Baye ÔC au-delà, ell marécageux 8c couvert de man- gles ; mais au bout de trois ou quatre mi- les , le terrain fe levé peu à~ peu jufques à la chaîne principale. Quoi que le badin de éette Baye foit fi mauvais , il y a beaucoup d’eau à fon entrée ? le fond y eft d’un fa- ble dur 8c l’encrage excellent, 8c trois ide$ qui occupent l’ouverture , rendent le Ha- vre merveilleux. La plus Orientale des trois éft la petite ide d’Or , ou il y a un beauf canal bien profond éntr’eile & la haute mer. On n’y voit que des rochers efearpez tout- autour, ce qui lui fert d’une fortification naturelle , 8c il n’y a qu’un feul endroit par où Bon y puifle aborder , qui eft une petite Baye fabloneufe au Sud , vers le Ha- vre, dotale terrein s’élève infenfîblemenr.. Elle ed d’une hauteur médiocre 8c couver- te de petits arbres ou de buidons. Le ter- roir oppofe de l’ifthme, au Sud-Ed, pa- Süic crés fertile , de couleur noirâtre , me- DE Mr WA FER. ît? je de fable , & aflez uni durant 4. ou f. miles, jufqu’à ce qu’on vienne au pie des montagnes. Ce fut ici où nous abordâmes , lors que Y allai darS la mer du Sud. avec le Capitaine Sharp: ]e fus auiïî fur fille d or & je reliai dans le Havre une quaînzaine de jours. Prés de la pointe Orientale de la Baye, qui n'eft pas d plus d’une demi- mile de fifle d’or , il y a un peut ruifleau de très-bonne eau douee. La plu* grande de cés trois mes , qui font face à la Baye > eft à l’Oüeft de 1 ifle d’or j elle eft baffe, marécageufe, & fi. cou-- verte de mangles , qu’on a de la peine a y aborder ; aufïi aucun de nous ne s avi- fa d’y mettre pié à terre. Elle eft fort près d’une des pointes de l’iftbme dont le ter- roir n’eft pas meilleur , pendant un mile ou deux de diftance vers l’Oiieft : celui qu on Voit de l’autre côté eft à - peu - prés de la même nature jufques au cul de la Baye. Cette ifle n’eft feparèe de l’ifthme qu en Baute marée , & alors même les vaifleaütf ne fauroient pafTer entre-deux. L’ifle des Pins eft une petite ifle , fituee au Nord des deux , qui forment avec eU le une efpece de triangle. Son terrein eit fort remarquable quand on vient de la hau- te mer , & if parôit divifé en deux mon- tagnes. Elle eft couverte de grands arbres,- qui font propres à route forte d’ufage , cC y a un joli petit ruiffeau d’eau douce. L on ne voit que des rochers à fon Nord , de mê- me qu’à l’endroit oppofé de l’ifthme. Ort peut aborder au Sud de cette ifle dans une Baye fablonneufe, qui eft admirable & ren- fermée entre deux pointes , qui font une i8S VOYAG E demi- lune. L’ancrage y eft d’ailleurs trés^ bon. L’on peut fingler aufîï tout autour de Çette ifle ; mais pour aller au Havre de 1 me d’Qr , il faut entrer par le bout Orien- tal des i fies d’Or , efïtré ce côté & la haute mer ; car il n’y a pas indien de paffer entre celle-ci & la grande ifle baffe. Depuis ces iiîes , 8c la pointe ba/Te , & marécageufe qui leur eft oppofée , la côte s’étend au Nord-Oueft jufques à la poin- te de Samballas, Durant les trois premiè- res lieues elle eft bordée de brifans , dont les uns font cachez fous l’eau , & les au- tres paroiflent au-deffus 5 mais une- cha- loupe n’y fauroit aborder. Ces roches dif- perlees çà 8c là , ne font pas d’une égale étendue par tout ; il y en a qui vont jufques à un mile du rivage , 8c d’autres jufques a deux. Au Nord - Olieft de ces rochers , il y a une petite Baye fablonneufe , fort jolie, où le mouillage eft bon, 6c où l’on peut aborder commodément , à ce que di- ,fenc les Armateurs. Ces baffes d’un côté» ëc quelques - unes des Samballos , dont là chaibe commence ici , de Lautre , la met- tent à l’abri des houles de îa mer , & en font un Havre fi merveilleux , que nos Ar- mateurs qui le fréquentent beaucoup , de (nême que les. autres Bayes du voifinage , rappellent le Havre déliré; Les Samballos s’étendent jufques à lâ pointe de Samballas; il y en a un nombre infini qui fe fuivent en ligne directe , 8c d’autres font fur les cotez , à des dtftances fort inégales du rivage 8c entr’elles ; quel- ques unes à un mile , d’autres à deux , oiï à deux êc demi. Leur vue , jointe aux mon* DE Mr WA FER. iBp tagnes 8c aux grandes forets qu’on voit fur la côte > quand on vient de la mer , fait une perfpeétive charmante. Il y a trop de ces if- lcs , pour ies pouvoir reprefenter toutes dans une Carte, outre qu’il y en a quelques-u- nes de fort petites. Elles femblent feparées en divers amas , 8c l’on y trouve en gene- ral de bons canaux pour aller de l’une à l’autre. La mer qui eft entre cette chaine ëc l’ifthmè eft auïïi navigable d’uh bout à l’autre -, le mouillage y eft bon par tout, dans un fond dé fable dur , 8c l’on peut aborder fans peine aux iiles , 8c à la côte» Quel vent qui foufle , un nombre coniïdè- rable de vaiffeaux peuvent toujours trou- ver des endroits propres à mouiller dans la partie intérieure de l’une ou l’autre de ces petites iiles j aufli étoit-ce le rendez- Vous le plus ordinaire des Armateurs *, fur tout l’iiie de la Sonde , ou celle de Sprin- ger , s’ils faifoient quelque fejour fur la côte } parce qu’il y a un fort bon abri pour carener, 8c que l'on y trouve en creufant, de l’eau douce , qui manque à la plupart des autres. Lé terrain de prefque toutes les Samballos eft plat , bas , fablonneux 8>c cou- vert de plufîeurs fortes d’arbres : L’on y yoit, par exemple , des Mammées , des Sapa- dillos , des Manchineels , &c. Outre le poif* ion à coquille, elles foupniiTent de quoi ra- fraîchir les Armateurs. Les plus voiiïnes de la haute mer font couvertes de rochers de ce côté-là on les appelle pour cet effet les iiles des brifans -, quoi qu’elles foient fa- blonneufes de l’autre côté , de même que les iiles qui font prés du rivage. Il y a , qui plus eft , une chaîne de ces brifans , fepa- m VOYAGE irez du corps des iftes , qui s’avancent vers la mer autour d’un demi-mile 6c s’étendent .jufques à l’iile de la Sonde , li ce n’eft pas même plus loin. Le canal qui court entre les Samballos l’ifthme., elt de deux , trois & quatre ni7- Jes de large 5 &: la côte de Pifthme eft com- pofée en partie de Bayes fablonneufes , &c en partie d’un terrain couvert de mangles , jufques à la pointe Samballas. Les monta- gnes font à peu-prés à. 6 ou y miles de dif- xance du bord ; mais vers la riviere de la Conception , qui fort à un mile ou deu^â l’Eft de l’ille de la Sondée. La cftaine prin- cipale en eft un peu plus éloignée » il y a quantité de' petits ruifleaux qui tombent dans la mer de l’un 8c Fautre côté de cet- îe riviere ; 6c dont quelques-uns fe rendent dans les Bayes fablonneufes , 6c les autres dans le terrain couvert de mangles. Ceux- ci deviennent fomaches à eau fe de l’eau fa- iée qui forme ces marécages , mais les au- tres co n fervent la douceur de leurs eaux. <^uoi qu’il y ait beaucoup dé rivières fur cet endroit de la côte , il n’y en a point Haïrez profondes pour admettre aucun na- yire ; on n’y peut aller qu’en canot , non pas même fur la riviere de la Conception j mais le mouillage eft ii bon dans le canal j qu’on n’a pas befoin d’aucun autre port. Je l’ai prefque parcouru de cous cotez , 6C j’ai mis pié à terre fur plulîeurs des ifles , pu il eft aifé d’aborder en tout temps. Il eft vrai que' les houles qui viennent brifer contre Pifthme , font fi groflés , lors que le vent de met foufle , fur tout aux endroits pù ü y 2 un canH entre les iftes , qu’or* DE Mr WAFER. \9i ifeft pas trop en feureté dans un canot : J’y ai été renverse deux fois moi-même fur des rivières : l’une en allant à terre & l’autre vers la mer. Le terrain de ce quartier , à quel- que diftance de la côte, eft agréable à voir , il s’élève infenfiblement jufques à 1 a chaioe principale , ce n’eft qu’une forêt conti- nuelle de beaux arbres de haute futaye. fa pointe Sam.balas eft un rocher allez long 3c bas , qui eft fi environné de brifans à une mile de diftance en mer , qu’il eft dan- gereux d’en approcher. D’ici jufques à Por- tobel , la côte s’étend à l’Oüeft, 5c un peu au Nord. A trois lieues où environ àl’Oüeft 'de cette pointe on trouve le Port Scrivan. La côte entre-deux eft toute pleine de ro- chers, & l’intérieur du païs eft couvert dç forêts épai fies. Le port Scrivan eft bon, lots qu’on y eft une fois à l’ancre , mais l’entrée , qui a moins de cent cinquante pas de large, eft fi bordée de rochers de part 5c d’autre , fur tout à l’Eft , qu’il eft dangereux d’y paf- fer. Il femble même qu’il n’y ait pas du fond pour recevoir les vaiffeaux de quelque grof- feur , puifqu’on n’y trouve prefque par tout que huit ou neuf piez d’eau. L’interieur dû port pénétré aflez avant dans le pats , 55 l’ancrage eft merveilleux vers le cû de fac , où il y a un fond de fable. Le terroir qui eft vis-à-vis , paroît fertile , 5c l’on y trou- ve de bonne eau douce. On peut auifi a- border facilement à l’Lft &c au Sud , où le terrain eft bas 5c ferme l’efpace de deux ou trois miles , mais à l’Oueft il y a un ma- récage couvert de mangles rouges. Ce fut à cet endroit, tout incommode qu’il efte V ! t i If m VOYAGE «:ue le Capitaine Coxon , la Sonde, & leurs .autres camarades abordèrent en l’année 1679 pour aller prendre Porrobd. Leur marche fur ainfi fort longue .& fort peniBfe , mais ils ail pierenr mieüx s’expofer à cette fatigue , que ci aborder à Baftimenros , ou a quelque au- tre lieu plus prés de la ville , a/in de n’ê- tre pas découvert par les rehtinelj.es que les tlpagnoîs tiennent toujours dans leur voi- h nage , & de les furprendre plus facilement. En effet , on ne les apperçût qu’à une lieue d,e 1 ortobel , apres qu’ils eurent marché cinq ou nx jours dans le païs. Les Efpa- gnols ne font aucun ufage de ce port Sc ri- van, & a moins qu’un Armateur , ou quel- que petit vaifléau , qui s’eff écarté de fa route , n y entre par hafard, il fe paffe bien pes années, fans qu’aucun navire y touche , - n port Scri van jiifques à l’endroit oiî Ja ville de Nombre de Dios étoit autrefois !|t y a 7 ou 8. lieues de chemin à 1 Ouelr. Le terrain qui eü: enfermé dans cet efpace eft fort inégal , entremêlé de pe- ntes montagnes qui font efearpées du côté de lâ. mer ^ & de volées 9 cjue de méchant tes pentes rivières arrofent. Ces montagnes ne font que de roc tout pur, & ne portent que de pedes arbriffeaux ; à l’égaid des va- lées , il y en quelques-unes /dont le ter- roir en bon , & d. autres marécageu/es , où l’on ne voir que des mangles/La chaine Principale paroît ici âffez" éloignée de la mer ; & les Armateurs /dont ‘je viens de parler > ne îa découvdrenr point du rivage , lorsqu’ils marchoieht vers PortobeL La vil- le de Nombre de Dios étoit bâtie au fond aune Baye, tout -auprès de la mer, dans ya DE Mr WAFER, j « un lieu , qui eft à prefen: fi rempli d’une efpece de canes fauvages , qui refiemblent beaucoup a celles, dont nos pêcheurs à la ligne fe fervent en Angleterre , qu’il nV a plus de traces^d’aucune mailbn. Cette fi- tu au on ne paroît pas avoir été fort avan- tageuse , puis que la Baye eft toute ouver- ÿ a la mer , & qu’il n’y a prefque point d abri pour les vaifteaux. C’eft aufti la rai- lon , a ce qu’on dit , qui obligea les Es- pagnols a l’abandonner ; & peut-être que 1 mtempene de l’air , qui eft fort mal fain CC<-paiS 5aS &1marécageux, en fut un arnre. Cependant il y a un petit ruilfeau d eau douce qui coule à l’Eft de cette pla- ce.^ L embouchure du Havre eft fort lar- ge ; 8c quoi qu’il y ait deux ou trois pe- ntes iftcs ou rochers, qui le couvrent, on n y etoit pas trop en feu reté. Ai nfi les El- pagools firent très - bien d’abandonner ce polie , pour s’aller établir à Portobel , où le Havre eft merveilleux & facile à dèfcn- dre , quoi que l’air y foit aufti mauvais . A ml le ou deux à l’Oüeft de ces pe- tites mes , qui font à l’embouchure de la Baye de Nombre de Dios, & à un demi- mile ou plus du rivage , on voit les iiles nommées Baftimentos , dont l’une s’élè- ve en pointe , la plupart des autres font d une bonne hauteur , 8c toutes en general font couvertes de bois. Il y a une fource de très -bonne eau fur une de ces ifies , dont une partie confifte en une Baye fablon- neufe , ou il eft facile d’aborder & l’an- crage y eft bon. Je fus à terre fur celle- ci , 8c nous louvoyâmes entre les autres . qui forment toutes enfemble un excellent Tome IV . X H’ •! |h ï^4 VOYAGE porc jufques à Pifthme. Le fonds y eft de bonne tenue , & l’on y peut paifer commo- dément avec le vent de Mer entre la plus Orientale de toutes & celle qui lui elt op- pofee , &c en fortir par le même chemin avec le vent de terre : D’ailleurs , c?eft ici le pacage principal. Un peu plus à POiieft , avant que d’arriver à Porcobel , il*y a deux petites i fies plates , fans eau & fans forefts. Elles font aflez prés l’une de l’autre & je def- çendis fur l’une des deux. Leur terrain eit iablonneux , &c du côté de la mer elles font environnées de batture *, elles font fi prés de rifthme j qu’il n’y a qu’un canal fort étroit qui les en fepare , Ôc où les vaiifeaux ne fauroient aller. Après avoir paife une chaîne de brifans qui s’étendent vers Baftimentos depuis la baye de Nombre de Dios , le rivage de l’iilh- jne ne confilte prcfque par tout qu’en bayes fablonneufes. Au-delà de Ballimentos , 8c jufques à Portobei , la côte eflc en general pleine de rochers- Dans l’interieur du païs l’on ne voit que de hautes montagnes ef- qarpées , dont le terroir eft pourtant bon , où il y a de grandes forêts , excepté dans les endroits que les Indiens Efpagnols , tri- butaires de Portobei , où ils vont à l’Egii- fe , ont défriché pour y faire des planta- tions. Ce font ici les premières qu’on trou- ve fur cette côte fous le gouvernement Es- pagnol , & l’on ne voit enfuite jufques à Portobei & même au-delà , que des maifons feules difperfees d’un côté & d’autre , ou de petits villages. L’on tient d’ailleurs quel- ques fcntinelles vers la mer pour la fureté de la Ville. Dans tout le relie du Nord de i*Tni DE Mr WAFEP.. m I Hthme, que ) ai décrit jufques ici, les Lf. pagnols n avoienc ni autorité fur les Indiens m commerce avec eux lors que j’y étois , quoi que les derniers habitaient par tout le ontinent , mais une perfonne m’a dit de* fa douceur EfpaSüois Ies onc SaSnez par m£?/t0bp1refl ïn ,Havre vafte & fort com. veïiïeùx &*Je IPoulJ*aSe Y font mer- GalinnI U-frl emboucbute en elt étroite, ies Perô?, d £rPaS"e y c,larSent les trefors du terïe II °” X coniJl,lt de Panama par terre. II y a un .bon Fort Fur la droite, 5c dpnrP ‘?te'f?rrne.àla Rauche, qui en dépen- dent 1 entree. La ville e/t fïtuée au fond du Havre en manière rie croiPant , fur le milieu duquel & tout auprès de la mer il y a un autre petit Fort aPez bas , qui ed environ- ne de maifons du côté delà place. A fon Oiieft ~ * CepC elnquante ou environ du ri- 5 1 °" en voit un autre aPez grand 5c n aïs ro fUr Uj1S Petite él™ncnce , mais il e i commande par une montagne voifine , dont le Chevalier Henri San fe fcrvit pour le prendre. Il y peut avoir dans tous ces Forts i ou ;oo foldars Efoa- Rnols en garnifon. La ville elt étroite P& 11 y.a deux rués principales , ou- tre celles qui croifent , avec une petite pla ce darmes au milieu , qui e(t environnée daPez jolies maifons. Les autres ne font pas laides , non plus que les Eghfes , 5c tous oZntT™ f°nt a ^ manière dTf! £££ 1 centre nirra,1&S ,?* 0uvra«« ^ l’Ffl- li » • Jon trouve à ma iveSc nneCl‘emm q'“ cond«“ à Pana- ma, avec une longue ecurte , qui s’étend I Z VOYAGE au Nord 8c au Sud de Portobel, donc elfe n’eft pas feparée. D’ailleurs , le paffage le plus court feroit au Sud de la ville , mais les montagnes qu’il y a de ce côté- là, s’y pppofenc J 8c font un obftacle infurmonta- ble. Quoi qu’il en foit , cette écurie elt de- îlinée pour les mules du Roi qui vont d’icj. à Panama. La maifon du Gouverneur^ elt tout -auprès du grand - Fore , fur la même éminence, 8c à l’Oieft de la Ville. Entre la place d’armes 8c cette maifon , il y a un pé- rit ruifleau, fur lequel on a bâti un pont j '3c à l’Eft , proche de l’écurie , il y en^ a un autre d’eau douce. J’ai déjà dit que l’air y elt mauvais. Audi le terrain y efi-il bas 8c marécageux à l’Éfl , 8c lors que la mer fe retire , on voit fur le rivage une bourbe noire 8c puante, qui ne peut qu’exhaier de pernicieufes vapeurs dans un climat auiïi chaud que celui-ci. Au Sud 8c au Nord le terrain s’élève infenfblement jufques au fom met des montagnes , qui font en par- tie couvertes de bois, 8c en partie de fa- yanes , mais il n’y a pas beaucoup d’arbres fruitiers, ni de plantations près de la ville, j’ai eu cette relation de divers Armateurs qui revenoient de Portobel , où je n’ai pas çté moi-même. Pour la côte qui eft plus avant à rOued , jufques à l'embouchure de la riviere de Cha- ire , je ne l’ai vue qu’en mer : ainfi je n’en puis dire autre chofe , fi ce n’eit qu’il y a des montagnes en certains endroits , 8c qu’en d’autres elle eft fort marécageufe. D’ail- leurs diverfes perfonnes m’ont dit qu’il n’y a point de communication entre Porccbel 'éç l’embouchure de cette riviere. r D E Mr W A F ER. i97 s Quoi qu’il en Toit , je fus encore plus à l’Oùeft , avant que de traverfer l’Ifthme avec le Capitaine Sharph : nous rangeâmes la côte fort loin & nous carénâmes à Boc- ca Toro *, tk à Bocca Drago : mais céci eft hors des bornes que je me fuis prefc rites. Après avoir donc examiné la côte Septen- trionale de l’ifthmc , je ne tracerai qu’un loger crayon de celle du Sud ; parce que Mr Dampier en a déjà fait quelque deferi- ption dans ion Voyage autour du monde. Je commence par la pointe Garachina i /ïtuèe à rOiielt de la riviere de Sambo , & qui eft a fiez haute ; mais au delà , vers la riviere, le terrain eft bas , marécageux 8c couvert de mangles, de même , que tou- tes les autres potntes jufques au Cap Saine Lorenzo. Je n’a i^ pas vu la riviere de Sambo, mais on dit qu’elle efl allez grande. Son embou- chure s étend vers le Nord , 5c la côte tour- ne enfui te au Nord -Efl: jufques au Golfe de S. Michel. Ce Golfe eft produit par le dégorgement de pluiieurs rivières, dont les principales font celles de S. Marie , ôc de Congo1, quoi qu’il y en ait d’autres fore coniî de tables. L’on en voit une au Sud dé S. Marie , qu’on nomme la riviere d’Or , où l’on trouve quantité de poudre de c& riche métal ; & où les Efpagnols de Pana- ma &de S. Marie envoyent leurs efclaves pour l’amalfer. La riviere qui vient après celle d’Or eft la riviere de S. Marie , qu’on appelle ain- n du nom de la Ville , lîtuée fur le côté Méridional de ce Fleuve. Nous vinmeS tout le long de cette riviere, lors que nous 1 3 V il Il J Iti II U 1 [ ■ 'il 198 ^ VOYAGE entrâmes pour Ja première fois dans les mers du Sud avec le Capitaine Sharp , & nous la parcourûmes depuis Ja Baye , qui eft auprès de l’iJlc d’Or , où il n’y ’avom que 200 Soldats Efpagnols en garni Ton • Zll fX ,P^n’é^ pss exrfém^ement les FU 1 n ^ aVOK point de murail- Ie*» le ,F°rj:t meme n étoit de/fendu que par des paliffades. C'eft une Ville qüeqies Efpagnols ae Panama ont nouvellement bane, pour y tenir garmfon & leurs maga- nns , & fervir de quartiers de rafraichiflV»- HviVr rd?VeS qL1’jls fonc travailler à la Jll ? °r‘ Le pals bas & couvert de rrés ,Llari IOUt k vojfina§ei & l’air- y eft tr es- mal-fai n; ce qui peut venir de la vafe puante des nvieres. Mais le petit village de Scuchadero, fitué fur le côté droit de "la nviere de S. Marie, tout-auprés de fon em- bouchure, eft bâti fur une éminence, vis- a-vis du Golfe de S. Michel , & H Uçcdz les brifes de Ja mer : de forte que l’air y eft aifez bon, & qu’il fert à rafraîchir ceux qui travaillent aux mines. Il y a d’ailleurs un petit ruideau de très- bonne eau douce au lieu que celle des rivières eft fomache Oien avant dans le païs. La rivière de .Congo fe décharge dans le oL°renzo <3U1 eft au Nord de ce Coite j & cette rivière eft formée de quan- tité de petits ru idéaux , qui tombent des montagnes voidnes & fe joignent enfemble. Son embouchure eft bourbeufe, & il n’y a prefque point d’eau en badé marée qu’au mi- lieu de fon lit ; de forte que les vaideaux n’y jauroient mouiller. Mais plus avant > elle DE Mr WA FER. m èft aflfez profonde, & fi lés vaiileaux y en- troient en pleine marée , ils y pourroienc trouver un fort bon Havre; Le Golfe ren- ferme pluiieurs iiles , & l’ancrage y çlt bon en differens endroits dans un fond vafart. Ces ifles , fur tout celles qui font vers l’embou- chure, en rendent l’abri merveilleux*, 8c le Golfe eft aifez vafte pour contenir grand nombre de vaiileaux. On ne voit de toutes parts fur les cotez que des mangies , qui croiffent dans un terrain humide, 8c maré- cageux. _ „ Au Nord de ce Golfe il y a une petite crique , où nous abordâmes à nôtre retour de ces mers *, 8c l’efpace qui eft entre-deux eft en partie couvert de mangies 8c en par- tie de bayes fablonneufes. Depuis cet en- droit , le rivage s’étend plus loin au Nord , mais il fe recourbe enfuite tout doucement à rOLieft. Le mélange du terrain eft ici à peu-prés le même que celui dont je viens de parler, jufques à la riviere de Cheapo : & il y a des bancs de fable en pluiieurs endroits , qui s’avançent un mile ou un de- mi mile en mer. L’on voit auili paroitrç de petites montagnes à cinq ou iix miles du rivage . 8c tdut le païs eft couvert de forêts. 11 n’y a qu’une feule riviere un peu coniîderable entre Congo 8c Cheapo , quoi qu’il y ait pluiieurs criques : mais dans la belle faifon , l’on ne trouve point d’eau douce fur cette côte , du moins que je fça- che : Du refte , il n’en manque pas dans la faifon pluvieufe , 8c s’il n’en couloir pas des montagnes pour former des Etangs , les ar- bres feuls en fourniroient ailéz. Cheapo eft une grande riviere , dont l’en- 1 4 1 200 t voyage îabJe n£ife prend Eon C * Caïfe des bancs & ^ t &cc autour'de c«te Hviere' ’namere ^ y a des forêts à t>co.rlv“re ’ Pu's <îu,e s *> ceeSder1nSrfôtéLaàVil,,e fi C$£P?eft fui Æb/ifte que paT;ënWnUla?e eile ne - où l-oo noufrit du g^s "bétail*5 PatUragCS pa?toutar“Svaqdreefte ne fonr P** “"‘es Ses valppç oJ y J de P,etires montagnes & «es vajçcs avec d’agreablcs forêts ■ & c’fiiï rivicr^de* Chaw 6 ces .™ntagnes que il mer du NnÏÏ 9uiPe dégorge dans la d'ici àrOfcft ^ PievdentrdUere • £ile C°Uft village fem ni i ’j.fr- n C de CrUZeS > Petit ÙV&Zl par-terrc ,/ufques à Portobef. Pavanes, de bois" V,? iUfilentremê1é de de Peu d-etentl’, furies Tan^lf5 piusnàrroa"ftleif de Cheapo & Iok dPeaSlad£n?erand/ *”* 53^3* ’P3" ’ ^couverte1 en buiflons L’ancienne^P dU nVagê de perirs a- ancienne Panama qui étoit an tre/ois une grande ville , étoit fituée fer là DE Mr W AFJER. .20! plus Occidentale de ces rivières *, mais iî n’en refte plus rien aujourd'hui que le dé- bris & quelques maifons habitées par de pauvres gens. Le port n’en étoit pas bon 5 auffi les Efpagnoîs , qui penfoient à l’aban- donner avant que le Chevalier Henri Mor- gan la brûlât , ne balancèrent plus après cet incendie , Sc au lieu de la relever , ils en1 bâtirent un autre à l’Otteft. La riviere de l’ancienne Panama , qui peut recevoir de petites barques coule entre - deux , mais plus près de la nouvelle que de l’ancienne Ville. Le principal avantage dont la nouvelle' Panama jouît au deflus de l’ancienne , con- fiftc en fa rade , qui eft auiîi bonne qu’uri Havre pour de petits vailfeaux. Elle en eft redevable aux trois liles de Perica , qui la cou- vrent & qui le fuivent dans une ligne pa- ralelle au rivage. L’on peut mouiller Pure- ment à une bonne diitance de la ville j com- me font la plupart des vaftfeaux , parce qu’entre cette place e les évi- ter facilement. Les têtes de ces arbres font pour la plupart fort groifes , Se je m’ima- gine que leur ombre Se les feuilles qui eu tombent , empêchent que rien vienne au deflous , quoique le terroir foit exquis ; du . xncuns dans les favanes qu dans les endroits. DE Mr WA FER. 20^ que l’on cultive' pour y faire des planta- tions ; il y naît une infinité de plantes SC de végétaux. Mais fur le rivage dé la mer , où le terrain eft prefque par tout maréca- geux Sc inondé , fur tout vers l’embouchu-4 re des rivières , les arbres y font petits SC raboteux , tels que font les mangles , Sc il y croît des ronces , des épines , des cannes creufes, Sec. Ils n’y font point difpofez en échiquier comme dans les bocages Sc ils font ù ferrez les uns auprès des autres, qu’il eil bien difîcile de paffer à travers. La température de l’air eft ici la même a peu près que dans les autres lieux de la Zo- ne torride , qui fe trouvent à cette lati-* tude , quoi que l’humidité l’emporte de beau- coup. La faifon piuvieufe commence dans les mois d’Avril ou de May, Se les pluies font très-violentes durant les mois de juin 3 Juillet & Août. Mais en ce temps-là même n le Soleil vient à percer un nuage , il fait une chaleur étouffante , parce qu’alors les brifes qui fervent à rafraîchir l’air , ne fon- dent pas d’ordinaire. Vers le mois de Se- ptembre , les pluies commencent à diminuer ï mais elles ne dniifent gueres qu’en Novem- bre ou Décembre , Sc quelquefois même en Janvier ; de forte que ce paï's eft fort numide , 8c que les pluies durent huit ou neuf mois de l'année. Elles viennent à peu- prés comme nos ondées du mois d’Avril , & il n’y en a d’abord qu’une dans un jour. Enfuite , cela va jufques à deux ou trois par jour , Sc enfin à une toutes les heures. Ces ondées font le plus fouvent accompa- gnées d’éclairs Sc de furieux coups de ton- nerre , Sc l’air eft infeété d’une odeur de sod* VOYAGE foulphre s capable d’ôter la refpiration , füf tout au milieu des bois. Après ce temps variable , il y a de groifes pluies cinq ou fix femaines de fuite , qui durent quelque- fois nuit 8c jour , fans tonnerre ni éclairs, filais au plus fort de cette faifon pluvieufe 3 1 on voit de beaux jours qui ne font inter- rompus que par quelques tourbillons , ou des ondées accompagnées de tonnerres. Celles-ci caufent d’ordinaire un gros vent qui rafraichit l’air , 8c qui fecoue fi bien les arbres de cette vafte forêt , que l’eau qui en^degoute, elï autfi incommode que la pluie même. Lors que fondée a paffé , vous en- tendez durant un long efpace de chemin les grenoiiilles & les crapaux qui coaifent , les moucherons qui bourdonnent , les fer- pens qui fifîent , 8c le bruit confus 8c defa- greable de plufieurs autres créatures , dont quelques-unes barbotent comme les Oyes. Les moucherons infeélent fur tout les en- droits bas 8c marécageux , où il y a des mangles, tout auprès des rivières ou de la mer : Cependant ce païs n’en eft pas fi tour- menté qu’en divers climats chauds. Les pluies qui tombent fur les arbres, caufent un bruit fourd , 8c leurs inondations les en- traînent fouvent , comme je l’ai remarqué dans la relation du Voyage que je fis par terre. Il y a même de ces arbres , qui ren- verfez les uns fur les autres forment une digue & bouchent le partage. des rivières , jufqu’à ce qu’une autre ravine les écarte 8c les remette à flot. Quelquefois aufli , les torrens inondent de grandes pleines , qui patoiflent alors comme des lacs. Le cems DE Mr WAFER. 107 le plus frais de l’année eft ici vers nôtre Noël , lors que la belle faifon commence à venir. CHAPITRE III. Des Arbres , des Fruits 3 &c.- que l'on trouva dans l’Iflhme de 1 \Amerique* IL y a dans ce païs une infinité d’arbres qui nous font inconnus en Europe , tant à l’égard des arbres fruitiers que des autres. Le Cotonnier eft le plus gros de tous , 8c l’on en trouve quantité dans la plupart des endroits de l’Ifthme \ mais je ne fâche pas d’en avoir vû fur les Samballos, ou fut aucune autre des Iiles voifines. Cet arbre porte un fruit de la grôffeur d’une Noix mufcade , plein d’une laine courte qui en fort quand il eft mûr , 8c dont on ne fait pas grand cas. Le principal ufage auquel on deftine les Cotonniers , c’eft d’en faire des canots 8c des pirogues celles-ci diffe- rent des autres , à peu prés comme nos pe- tites Berges différent des Bachots. Les In- diens les creufent par le moyen du feu , mais les Efpagnols les taillent avec le cifeau d’ailleurs , le bois eft plus tendre que ce- lui du Saule y 8c il eft facile à être mis en oeuvre. Les Cedres de ce païs font d’une hauteur 8c d’une grofîeur confîderable , il y en a de très-beaux fur le continent ; mais je ne me fouviens pas d’en avoir vu dans les If- Jes. Ils croiffent vers l’une 8c l’autre des côtes maritimes : fur tout vers celle du Nord» irtg . VOYAGÉ Le bois en eft fort rouge , odoriferent 56 ® une jolie contexture. Mais on n’en fait un meilleur ufage que des Cotonniers y oc ils ne fervent que pour des canots ou des pirogues. Lors même que les Indiens veu^ lent faire un canot , il y a tant de Cèdres , qu ils ne fe donnent pas la peine d’en aller chercher un , pour fi beau qu’il foit,à-cene pas de la rivière , où ils ont de fié in de le lancer , parce qu’ils en trouvent afTez fur ion bord. Il y a fur le continent plùfieurs fortes de Palmiers , entre lefquels on peut ranger le Macaw , qui croit en abondance dans les en- droits humides & marécageux. Il ne me fouvient poirrrant pas d’en avoir vû aucune autre part qu’au Sud de l’Ifthme, où le terrain clt en general de cette nature-là. Cet arbre îi’elt pas fort haut , fa tige peut avoir dix ou douze pies , elle eft droite, &c garnie d’anneaux épais a certaine diftance les üns; des autres , qui font tous couverts de longs piquans. Le cœur eft rempli de moùelle , qui occupe plus de la moitié du diamètre du tronc, de même que le Sureau. La tige eft toute nue jufques vers le fommet , fes feuilles ou fes branches font de douze ou de quatorze piez de long, d’un pié & demi de large^, 8c s’étreçifTent peu à peu vers le bout. La côte de cette feuille eft toute garnie de piquans à l’endroit extérieur ; &c la feuille même eft dentelée aux exrrémitez & de l’é- paiifeur de la main, à l’endroit le plus lar- ge. Le fruit , qui eft de la grolfeur d’une petite poire , croît entre les racines des feuilles , en forme de grappe de raifin , où il y a plufieurs vingtaines de dattes enfém- Âüx Terres Australes. 209 ble. Elles approchent de la figure ovale , 8c font jaunes ou rouges quand elles font mû- res. La chair en eft alors coriace 8c vifqueufe d’un goût âpre , mais qui n’df pas defa- greable , 8c il y a un noyau dans le milieu. On mord fur cette fubltance charnue qu’on fie pare du noyau , 8c après l’avojr mâchée 5 on jette la partie coriace qui relie dans la bouche. Les Indiens coupent fouvent l’ar- bre pour en avoir le fruit ; mais il y en a> qui font afiez bas 8c déliez pour les pou- voir courber , 8c en cueillir les dates. Le bois de cet arbre dl fort dut', noir , pefant3 & d’un grand ufage. On peut le fendre fans peine, les Indiens remploient à bien des chofes : ils en font de petites planches ou des chevrons qui fervent à la ffruélure de leurs maifons. Les hommes en fonc auifi la pointe dé leurs fléchés, & les femmes en fabriquent des navettes pour faire leurs toiles de coton , &c. L’arbre appellé Bibby * à caufe de la li- queur qui en découlé, 8c que nos Ànglois appellent Bibby , croît de même fur le con- tinent. Sa tige e(t droite 8c déliée , de la grof. leur de la cuiffie 8c haute de 60 ou 70 pi és 3 fans feuilles ni branches jufques au fommet > 8c garnie de piquans. Le fruit vient autour de la racine des branches , en formé de guir- landes. La motielle court tout le long du tronc en petite quantité 5 le bois effi fore dur 8c aufîl noir que de l’ancre. Les Indiens ne le coupent pas, mais ils le brûlent pour en avoir le fruit, qui efl blanchâtre, hui- leux & de la grofieur à peu prés d’une noix mufeade. Ils le pilent dans des mortiers , ou des auges ; enfuite ils le font bouillir , 8c le paflenc à travers de quelque linge i 8c il o VOYAGÉ â mefure que cette liqueur fe refroidit , ils écumenr de la fuperficie une huile fort clai- re , & d’une grande amertume : ils s’en fer- vent pour s’oindre , & la mêler avec les couleurs dont ils fe peignent le corp:. Quand l’arbre cil jeune, ils le percent , èc ils met- tent une feuille dans le trou -, d’où le Bib- by coule en abondance. Ceft une liqueur qui approche du petit lait , d’un goûc pi- quant & agréable j & les Indiens la' boivent après l’avoir gardée un ou deux jours. Il y a des Cocotiers dans les illes , 8c non pas fur l’ifthme , du moins qu’il m’en fouvienne-, mais on ne trouve point des ar- bres de Cacao dans aucun de ces endroits. L’on voit un arbre fur le continent, qui porte un fruit femblable à la cerife , mais qui eft plein de noyaux 8c toujours dur. L’on trouve aufïî fur le continent quan- tité de Plantains. La tige de cet arbre eft couverte de feuilles ou d’enveloppes , qui pouffent les unes dans les autres jufques au fommet , où vfent le fruit d’une figure ob- îongue. Ces feuilles, qui font fort longues & larges , s’écartent du tronc 8c forment une efpeee de panache tout autour. Elles ne s’abatardiflent jamais , & fi dans la fai- fon pluvieufe les rivières les entraînent fur quelque autre terrain , elles y prennent ra- cine. Les Indiens les plantent en filions ou en hayes , fans aucun appui j 8c l’on en voit des bocages fort agréables 5 ils coupent les arbres pour en avoir le fruit , & comme ils font verds & fpongieux , il eft facile de les abbatre d’un feul coup de hache. Les Bonanos croiffent aufïî en abondan- ce fur l’ifthme. C’eft une forte de Plantain DE Mr W A FER. t\i donc le fruit eft coure , gros , doux Sc fari- neux. On le trouve meilleur cru , Sc le plan- tain lors qu’il eft bouilli. 11 y a quantité de Mammees fur les ih les. Le tronc de cet arbre eft uni , droit , Sc de 6 o piez de haut , ou même davanta- ge. Le fruit en eft fain Sc délicieux, de la figure à peu prés d’une poire de livre : mais beaucoup plus gros, & il a un ou deux pe- tits noyaux. Le Mammee- Sappota différé un peu eut precedent-, le fruit en eft plus petit & plus ferme , Sc d’une très-belle couleur quand il eft parvenu à fa maturité. On n’en trouve guère de celui-ci fur les liles , Sc il n’y en a fur l’ifthme ni de l’un ni de l’autre. Les Sapadillos ne viennent pas non plus fur le continent, quoi qu’il y en ait quan- tité fur les ifles; Cet arbre n’eft pas fi haut que les deux derniers dont je viens de par- ler *, il n’a point de branches jufques an fommet , où il forme une tête comme cel- le d’un Chêne. Son fruit eft d’un goût fort agréable , de la grofleur d’une Poire de Ber- gamote , Sc couvert d’une . peau qui appro- che de celle de la Pomme Reinette, On trouve fur l’ifthme ce fruit délicieux que nous appelions Pomme de Pin , qui ne redemble pas mal à un Artichau , Sc qui eft au/fi grofte que la tête ; il vient en forr me d’une couronne au bout d’une tige qui eft de la groifeur du bras , Sc longue d’un pié Sc demi ; il pefe d’ordinaire Ex livres, Sc il eft environné de feuilles courtes , gar- nies de piquants comme un artichau. On n’arrache pas ces feuilles pour venir au fruit , qui eft fans pépins Sc fans noyau 9 iii VOYAGÉ mais on les pèle j il efi: fort fuccuîent, & quelques personnes trouvent qu’il a tous les goûts enfemble des fruits les plus délicieux que 1 on puifie s’imaginer. 11 mûrit dans toutes les faifbns de l’année , &: pour cet Onet l’on en éleve de jeunes plans. Les feuil- ies ce cette plante font larges , à peu prés de la longueur d’un pié , Ôc fortent de la racine. , Le Poirier piquant croît auiîî fur l’ifthme > c e/t un arbrifieau qui a quatre piez ou en- de -hauteur , dont les feuilles font é- paiifes 3 Ôc qui efl rempli par tout de pi-* quans. Ce qu’on appelle la Poire vient à 1 extrémité de 1a feuille , 3c c'eiï un bon xruit, dont les Indiens mangent beaucoup. L on trouve fur le continent ce que nous appelions Têtes de Pape ^ e’eft un buiiîbt'i qui a la figure d’une Taupinière, & qui efl garni d’éperons de la longueur d’un pan aigus, durs, épais & noirs à la pointe. II eit dificile d’en approcher fans en avoir les piez & les jambes piquées. Il y a des Canes de lucre dans l’iflhme y rnais tout l’ufage que les Indiens en font > c eit de les mâcher, & d’en fuccer la ïîiouelle. L’on voit dans les iiles un arbre appellé Manehineh Son fruit qui porte le nom de pomme de Manchinel , a une odeur agréa- ble &c l’apparence d’une jolie petite pom- me 5 mais c’efl un vrai pojfon , & fi Ibn vient à manger de la chair de quelque animal qui s’en foit nourri , l’on elfc empoifonne a coup fur , quoi-que peut- etre l’on en puifle revenir. Cet arbre croit dans les prairies j il efl bas , il DE Mc WA FER. . 21$ a le tronc gros &c la tête bien toufue. j’ai ouï dire que Ton bois qui ell fort joliment marbré , fert à de beaux ouvrages de fcul- pture &c de marqueterie. Mais il y a du danger à le couper , puis que les éclats qui en fautent , font venir des yeiïies à tous les endroits du corps qu’ils touchent ; il me forment même que dans une des Sambal- los, un François de nos camarades fe mit fous un de ces arbres pour fe rafraichir , &C que la pluie qui lui découla fur la tête , 5 C fur la poitrine lui fit venir des ampoules par tout le corps , comme fi on lui eût ap- pliqué des mouches cantarides. On eut de la peine à le fauver ; & après fa guerifon ? il lui relia des cicatrices , comme à ceux qui ont eu la petire yerole. Le Maho , qui croît ici , eft à peu prés de la grofieur du Frêne, il y en a de com- muns qui font plus petits , &C qui viennent dans les endroits marécageux, fur le bord des rivières , ou proche de la mer. L’écor- ce de cec arbre fe déchire comme de la toile pourrie ; fi L’on en prend un morceau par le bas, on la peut découdre jufques au fommet : les fils en font déliez §£ très-forts. L’on en fait des cordes qui fervent de ca- bles , & d’agrêts pour les petits vaifieaux. Les Indiens s’y prennent de cette maniéré : ils partagent l’écorce en plufieurs grandes pièces , d’où ils tirent des éguilletes^ plus ou moins grofles , comme il leur plaît : ils battent celle-ci , & après les avoir netto- yées , ils les tordent , en les roulant avec la paume de la main fur la cuifle ou le genou comme nos Cordonniers tordent leur li- jgneul , mais ils le fonp beaucoup plus vc l’autre couleur de pourpre. La Cafïave ne refTemble pas mal au pa- nais : il y en a de jdoucesf & de venimeufeSo Les premières fe mangent rôties ,8c l’on fait du pain des autres ; après en avoir exprimé je jus ? qui eft un poiipn. Voici de quelle maniéré les Indiens s’y prennent j lors que cette r.aeine elt "lèche ? ils la râpent ? 8>c la feduîfent en poudre j énfuite 3 iis mettent une pierre plate fur le feu » & quand elle efô bipn jçbaude , jls y yerfent 4e cette fariné . , ÔEMrWAFEît in petit-a-petit, jufqu a ce qu’il s’en forme un gateau dont le deffous devient dur Si brun -, mais le de/Tus eft inégal & blanc , comme nos Oatcakes : D’ailleurs, ils les pendent aux murailles de leurs maifons ou fur les bayes , ou ils fechent & deviennent rigolez» Un s en fert beaucoup au lieu de pain à la Jamaïque , Si dans les1 autres Ifles des Indes Occidentales. Ces indiens ont du tabac qui croît chez eux ; mais il n’eft pas fi fort que celui de Ja Virginie , foit parce qu’ils ne le trans- plantent point, ou qu’ils ne le favent pas Cultiver. Lors qu’il eft fec & purifié ils le dépouillent de Ces côtes j enfuite ils en met- tent deux ou trois feuilles enfemble , qu’ils roulent en long-, mais ils lai/Tent un petit vuide au milieu ; après quoi , ils en rou- lent d autres par- de/Tus , qu’ils ferrent da- vantage , jufqu’à ce qu’ils en ayent fait utt rouleau de la gro/Teur du poignet , Si de deux ou trois piez de long. Quand ils fe trouvent en compagnie , & qu’lis veulent ruiner, un jeune garçon merle feu au bout , unde ces rouleaux , qu’il réduit prefqn’en charbon, & ri mouille la partie qui eft au deifus de cet endroit, afin que le refte ne brûle pas trop vite. Cela fait , il embouche Ce bouc-la , Si il foufle la fumée fur le nez de chacun , quand ils /croient au nombre SSuerXÙS de, troIS cen*- Alors les Indiens a/îis fur des bancs a la maniéré du pais* tiennent leurs mains autour du nez , ôc en fontuneefpcee.de tuyau pour recevoir ce S* : lls 1 avalient à longs traits , 8d ils le tirent aVec tant de force , qu’on dÎM K 3 £ C‘‘Jl une efîeçe de Gttenu « l'An&loifa 2,22 VOYAGE lou a les voir qu’ils s’eftirnent heureux dans cette îituation , de que cet exercice les ra* Kaichit beaucoup. CHAPITRE IV. T>es bstes h quatre pie\3 & des reptiles. IL n’y a pas grande variété de bêtes dans ce païsj mais le terroir en elt fi fertile, que fi l’on venoit à défricher une bonne partie des bois qu’on trouve, il produi- sit fans doute d’exoellent pâturage , pou? l’entretient du gros bétail, des Cochons, de des autres animaux qu’on amene de l’Eu- rope dans ces climats. L’on voit pourtant ici une efpece de Cochon, qu’on appelle Peccary j &qui ne différé pas trop des Cochons de la Virgin nie. Il eit noir , il a de petites jambes cour- tes , de avec tout cela , il marche afifez vite. Mais ce qu’il y a d’étrange , c’eft qu’il a le nombril fur le dos , de que fi on ne le cou- pe pas trois ou quatre heures au plus tard après qu’il efl tué, fa chair en efl fi gâtée , qu’on ne fauroit la manger , & qu’il la rend d’une puanteur infuppor table. Autrement , elle fe confervebien fraîche plufieurs jours de fuite, de c’elt une viande fort faine , de bon goût de nourriffanre. Les Indiens la fument lors qu’ils la veulent garder long- temps, de je décrirai ailleurs la manière dont ils s’y prennent. Ces animaux s’attroupent d’ordinaire , de ils vont ainfi par tout le païs , les Indiens les courent avec leurs ehiens , de après les avoir réduits aux abois. ÜE Mr WA FER. 223 sis ies dardent avec leurs lances, ou ils les percent à coups de flèches , fuivànt que l’oc- cafion fe prefente. Le Warrce eft une autre efpece de Co- chon fiauvage qu’on a ici, & qui eft un fore bon manger : il a de petites oreilles , mais de grofles deftenfes , 8c il eft couvert pat tout le corps d’une foye longue , épaifle 8c bien forte4 C’eft un animal furieux , qui fe bat contre le Peccary , ou toute autre bê- te qu’il trouve fur fon chemin. Les Indiens le courent de la même maniéré que l’autre , 8c ils en accommodent la chair tout de mê- me , excepté qu’ils ne font pas obligez à la même précaution à l’égard du nombril: ce qui eft particulier au Peccary. Ils ont auili quantité de Cerfs , qui ref- femblent beaucoup aux nôtres j mais ils n’en ruent jamais , 8c ne veulent pas même goû- ter de leur chair , quoiqu’elle foit fort bon- ne. Je ne fçai fl c’eft par fuperftmon , ou par quelque autre motif qu’ils s’en abftien- jient ; mais nous n’étions pas fi fcrupuleux * ê>c 1 ors qu’ils nous en voyoient manger quelquefois , ils ne refufoient pas feulement de fie joindre avec nous , ils témoignoienc d’ailleurs quelque chagrin de nous* voir fai- re. Malgré rout cela ils ornent leurs mai- fons de têtes que les Cerfs portent : mais je n'y ai jamais vû aucune tête ni aucune peau, d’où l’on peut conjecturer qu’ils les tuent ; enfin ces animaux font trop légers a la courfe pour le Waree , 8c il femble même qu’ils pourroient fe defïèndre contre lui. Les Chiens qu’on a ici font petits , 8c mal faits , ils ont le poil rude 8c long , K 1 V L£ **4 T O Y A G f comme nos chiens métis :ils ne fervent qu’a iaire lever le gibier pat leur aboi avcr- ur ies Cha/Teurs de fe tenir prêts àr tirer feurs ficehes : ifs courent de' cet ré maniéré oepms Je matin -jufquesà la nu-it ; mais de 2 ou 300 bêtes fauves qu’ils lanceront dans* sn jour , à peine en- feront-ils prendre plus de creux ou trois. Encore ne les forcent- ils point, & ils ne fervent qu’à les pouffer vers quelque Baye y où iis les tiennent aiîiegéea jfufqu a ce^que les Cbaffeurs y puiïfent arri- ver : il n’y a nui doute que de bons gros' Chiens ne fe tkaiîent beaucoup mieux* d’af- fairûyôc que les Indiens ne fuflent Bien-aife# qu on leur en amenât de cette forte: mais5 alors il faudroit les tenir à l’attache , pui£. qu autrement ils couroient grand rifque de rendre fàuvages dans ce pars. L on trouve ici des Lapins aufïî gros que nos Lievres : mais je ne faehe pas qu’il y aie' ©e ces derniers animaux. Ces Lapins ont les* oreilles courtes, & les ongles longs ; mais ils n ont point de queue- Ils nichent dans les racines des atbres ; ians faire aucun trou^ Les Indiens vont à la chaife de ce gibier,- qui n’eft pas fort abondant ici. La chair eff d ailleurs très bonne , 8c plus fucculanto que celle des nôtres. Il y a de grands troupeaux de Singes,? dont quelques-uns font blancs ,8c la plu- part noirs ; les unsonr de la barbe , les au- tres n’en ont point r ils font d une taille médiocre, mais fort gras dans la belle fai- fon , lors que les fruits font mûrs : la chair en eft exquife, 8c nous en mangions beau- coup. Les Indiens fe faifoient d’abord quel-- que peine d’en goûter 3 mais lors qu’ü^ frE Mr WAFER'. îzf Siôus en virent manger de lï bon appetic > ils fuivirenr bien-rôt nôtre exemple. Dans la faifon pluvieufe ces animaux ont Quan- tité de vers dans les entrailles. J’en tirai iine fois ma pleine main du corps d’un4 que nous ouvrîmes , & il y en avoir de 7 ou 8 piez de long. Ces linges font foré" drôles ; ils faifoient mille poltures grotes- ques , lors que nous traversons les bois y ils fautoient d’une branche à l’autre } avec- leurs petits fur le dûs : îlsr fai Soient des gri- maces contre nous , craquetoienr des dentsy & chcrchoierit l’oecafion dé piller fur nous» Quand ils veulent palier du forflmet d’un arbre à un autre, dont les branches font trop éloignées pôur y pouvoir atteindre d un faut , ils? s’arrachent à la queue lés uns des autres > ôc ils fe brandillent amli , juf- qu a ce que le dernier attrape un branche- de l’arbre voilin , & tire tout le relie après' lui. Il’on rie voit dans' ce païs ni fioéufs rii Chevâuy, ni Anes , ni Brebis, ni Chè- vres-,ni aucune de ces autres bêtes que flous avons en Europe , foi c pour la nourriruréy Ou le fervice. Mais on f eft empeftè de Rats & de Souris, la plupart de couleur gri- fe , de forte que lî l’on envoyoit des Chats aux Indiens pour' les en délivrer': on ne leur feroit pas moins dé plailîr , que de leur procurer de bons Chiens pour la chalfe» Quand je partis de l’ilïhme , deux Indiens qui vinrent fur nôtre bord aux Sambalios 3 croiferent avec nous vers les ihes des per- les , ( que les Boucaniéts appellent illesdu: blé ) & vers Cartagene. Eor$ qu’ils furent à s’en retourner, ci tu vont àleus .& 6 V ‘ un 1 ! i h. 21* f VOYAGE chafïe après une ondée de pluye , parce «fü’alors elles fortent de leurs trous, où elles fe tiennent comme les Lapins, & quelles creufent avec leurs piez. Quand elles font en marche, elles vont tout droit, & fran- chisent tout ce qui fe prefente fur leur chemin, fans jamais tourner le dos : elles portent leurs bras un peu élevez pour leur servir de défenfe , &c l’on peut compter qu’elles ferrent bien ferme tout ce qu’el- les faillirent. Les habitans de quelques-unes de ces ifles les mettent trois ou quatre fours dans un champ femé de Potates , oùs elles s’engraiffent : & l’on dit qu 'alors elles- font beaucoup meilleures. Les Alligators 6c~îes Guanos font aufîi de trés-bon goût, fur tout la queue de l’Al- ligator, & j’en ai mangé en divers endroits des Indes Occidentales : mais autant qu’il peur m’en fouvenir , je n’en vis point fur- î’ifthme ni des uns ni des autres. Le Gua- sio eft excellent , & on le préfère à un& Tolaille ou à un Poulet , foit qu’on le rô- tiffe ou qu’on en fade du bouillon. Ses •neufs font aufti d’une grande bonté j mais ceux de l’Alligator fentent trop le mufc. Il y a quantité de Lézards verds & mar- quetez de rouge fur L’ifthme ; mais ceux; qu’on trouve dans les endroits humides dans les bois taillis font d’une couleur plus fombre ôc noirâtres : ils ne font pas gros m les uns , ni les autres ; suffi- bien que les oeufs, 8c nous n’avons pas , D E Mr # A F E R. oé tfiêilleure Volaille en Angleterre : Elle tfl même plus grade que la nôtre ; parce que les Indiens lui donnent quantité de riiets , qui engraiffe beaucoup. Ce fônt-là tous les Qifeaux de terre qiie je remarquai fur l’ifthme , quoi qu’il y en ait pluiieurs autres petits , c’une grande beauté , qui chantent merVeilleufement bien 3 & dont je ne pris point une exaéle eOnnoi/Tancev Pour les Oifêaux de mer, l’on eri trouve tme infîniré le long de la côte , fur tour i celle du Nord , vers les Sarhballos , & les autres ifles. Mais il n’y eri a que fort- peu en’ cciriparaifori fur la côte Méridionale de PilUime , foit que cela- vienne de ce que la- Baye de Panama n’eft pas à beaucôiip prés fl jâoifTorineufe que la code autour des Sam- ballosjOü de quelque autre caufe. Par exem- ple , entre ces derriieres ifles , & tout le long dé la côte des Indes Occidentales* on voit bon nombre de Pélicans , & je ne fçache pas d’en avoir jamais vû aucun dansr les mers du Sud. Le Pélican'1 efi: uri Oifeaiî d’une borine gr Odeur , qui a le bec grand , les jambes’ courtes comme l’Oye , & le cou long qu’il tient' droit , de même que le Cigne. Sort plumage efï d’un gris obfcur y il a le pie plat, 8c une poche fous la gorge > qui eft- auffi groffe que les deux poings /lors qu’elle' efl pleine. La fübflrarice de cette poche efà une membrane déliée , d’un beau gris cen- dré. Les Matelots ruent les Pélicans , pour avoir cette poche, où ils mettent leur ta-* elle en peut contenir une livre, lors* a?4 V O Y A é È quelle efl: feche, & qu’on lui a donné te figure d’une bourfe , par le moyen d’une baie qu’on y met au fond* Cet Oifeau vo- Je bas & péiamment j il ne vit que de poif- fon , de l’on ne trouve autre chofe dans fon gefier & fa poche * qui femble être defti- née à lui fervif de magafin. Je n’ai jamais vu perfonnequi mangeât de vieux Pélicans i mais on dit que les jeunes font aflez bons $ pour moi, je n’ai jamais goûté des uns ni des autres. Il y a des Cormorans entre les Sambal- Ios. Pour la figure de la grofieur , ils reflem- blent aux Canards , ou même ils font plus petits. Leur plumage eft noir par tout , ex- cepté fur le jabot , qui eft blanc. Quoi qu’ils ayenr le piè plat , comme les autres Oifeaux de riviere * ils fe perchent fur les arbrçs de les büiflons. La chair en eft fi dure de fi mauvaife , qu’il n’y a perfonne qui en mary ge , du moins que je fache; On trouve fur cette côte bon nombre de Mouettes & de Pies de mer qui ne font pas tout-à-fait fi groffes que les nôtres \ mais qui du telle leur reflemblent beaucoup. On les mange communément , & la chair en eft aflez bonne , quoi qu’elle fente le poif- fon-, de même que la plüpart^des Oifeaux de mer. Pour corriger ce goût, lors qu’il nous arrivoit d’en tuer quelques-uns auprès du rivage , fut-ce des Mouettes , des Pies de mer," des Boubies , ou tels autres Oifeaux de cette efpéce , nous fâifions un trou dans le fable chaud , de nous les y enterrions neuf ou dix heures de fuite avec leurs plu- mes i de fans les éventrer. La chair en éroit DE Mr WAFER. aîors beaucoup plus tendre, &c n’avoit pa$ fi mauvais goût. . L on voit fur l’ifthme des Chauve- /bu- ns , qui /ont au /fi groffies que des Pigeons & donc les ailes font longues & larges à proportion de leur corps. Les gri fesqu 'el- les^ ont à la jointure des ailes , leur fervent à s accrocher par tout. Hiles hantent d’ordi- naire les vieux batimens , *& les plantations deferres. Outre les Moucherons , dont j’ai déjà parlé , il y a en divers endroits de l’ifthme des Guêpes , des Cerfs- volans , 5c plu/îeurs autres fortes de Mouches, fur tout de cel- les qui luifent la nuit , comme nos vers lui— fans. Lors qu il y en a quantité dans un bois taillis, il femble quon voit briller autant d’éteincelles de feu. L’on y trouve au/îl des Abeilles , & par confequent du miel & de la cire : il y en a de deux fortes •, les unes courtes & ra- ma/Iees , & d une couleur qui tourne vers Je rouge ; les autres longues , déliées &r noi- râtres. Elles font leurs ruches fur le fom- met , ou dans les creux des arbres. Les In- diens y efcaladent , & ils fourrent leurs bras dans la ruche , pour en tirer les raïons de miel , fans être piquez par les Abeilles* quoi qu’ils en ayentles bras tout couverts. J en ai eu moi- même plu fieu rs à la fois fuc le corps , fans en recevoir aucune piqueu- re /, ce qui me faifoit croire qu’elles n’a- voient point d’éguillon : mais je ne l’ai pas examiné. D’ailleurs , fi les arbres font trop hauts & difficiles à grimper, les In- diens y mettent le feu^ & ils les renverfens de cette manière , pour atceindte au miel , * i%é . Voyagé qu’ils détrempent avec de l’eau , 8c qu’ïîâ boi vent. Pour la cire, je n’ai pas remarqué qu’ils en fiffent aucun ufâge ; mais iis ont une efpece de bois leger qu’ils allument 8c qui leur fert ,de chandelle. Il y a des Fourmis ailées , qui font aufïi grolfcs 8c longues , que celles qui n'ont que les pieds. Elles élevent la terre fur leurs" trous de même que les nôtres ; elles piquent 8c font fort incommodes, fur tout lors qu’el- les enrrent dans les maifôns *, ce qui leur ar- rive fou vent : l’on en voit une quantité pro- digieufe fur les Samballos , êc les autres if- les du voidnage , aufïi-bierique furl’ifthme»? 8c il efï impofïïble de dormir en repos dans aucun endroit oü il en a. Les Indiens ne fe Cafardent pas non plus d’attacher leurs branles aùx arbres qui font auprès des four- fnilieres ; car ces petits animaux ne man- queraient pas d’y efcalader 8c de les in», quieter toute la nuit. G H A P ITRE V I. T>iï Poiffon de mer y & d*eau douce . J’Ai déjà infînué que la cote de la mer dur Nord abonde en poiffon , 8c qu’il y en a? de plu fiéurs efpeCes. Voici une lifte de ceux que j’ai vü moi-même. Le Tarpon eft up gros poiffon , qui a la éhair ferme & qu’on" mangé par rouelles, de même que le Saumon , ou la Molue fraichè : il y en a qui pèfent jufques à fO; OU 60 livret, 8c même au-delà. Il me fou- Vient qu’en croifant vers la côte de Garta» DE Mr WA FER. gene, dix que nous étions fîmes un dîner d’un feul de ces Tarpons , outre une bon- ne quantité d’huile que nous tirâmes de la graille. ‘ ' s ■' L’on trouve auffi dans ces mers une ef- féce de Chiens Marins que nous appelions harfcs *, mais ils ne font pas fi communs entré le Samballos , que fur les autres côtes des Indes Occidentales, Il y a un autre poiflon qui reifemble au Shark s mais qui eli beaucoup plus petit &C de meilleur goût , il a même le mule au plus long & plus étroit avec une feule rangée de dents. C’eft celui- ci que nos Matelots apf pellent .Chien Marin. Le Cayalli fie' trouve auxour des Sambal- los. Ceit un petit poiflon fort joli , vif; long ôc délié > à peu prés de la grofleur du Maquereau , &c qui a l’œil gros" & brillant. Sa chair eft très- bonne , fucculante3& de Jbon go fit. Lon y rencontre aufTi une forte de poiflon plat , qui n’eft pas mauvais,, &: que nos Ma- relots appellent Old-.wife , c’elt - à - dire vieille femme. Les Paracoods n’y manquent pas nos plus. C’eft un poiflon rpnd , de la grofleiic d’un bon Brochet 5 mais beaucoup pdus long d ordinaire , la chair en elt rrés-bonne ; fur £out de ceux que l’on pêche ici. Mais il y a quelques bancs en mer , 034 l’on n’en trou- ve que de venimeux. Je ne faurois déter- miner , fi cela vient de" la nourriture qu’ils y ont , ou de quelque autre caufe. Quoi qu’il en foit , j’ai connu diverfes per- sonnes qui en ont été empoifonnées , ju£ ^ues à perdre leurs cheveux & leurs onglet ? *3$ t VOY AGE & d’autres en font morts. On dit que l8a« rête de ce poiflon feçhée , réduite en pou- dre 8c prife dans quelque liqueur que ce foit , efl un antidote contre le venin de fa chair. Je ne répons pas du fuccez du remedej mais plufieurs m’ont dit qu’ils s’en étaient fervis en pareil cas , 8c qu’ils n’en avoient eu d’autre mal qu’une foibleffe , &unen- gourdilfernent de tous leurs membres qui leur avoir duré quelque temps , il y a des perfonnes qui prétendent diflinguer le Pa- racood venimeux du fain , par le foye qu’on lui arrache , aulïi-tôt qu’on l’a pris & qu’on goûte, S^il eâ doux , on peut manger le poiiFon fans aucun rifqne} mais s’il efl a- mer , ou qu’il pique la langue , comme le poivre ? le poiffon ne vaut rien , & on le jette. L’on voit aulîî fur la côte de la mer du îSIord des poilîbns que nos Matelots apr pellent des Gars , dont quelques-uns ont prefque deux pieds de long : ils ont un os fur le mufeau , qui efl: fort" pointu au bout, &c qui peut avoir le tiers de là longueur de tour leur corps : ils frifent feau avec autant de rapidité qu’une Hirondelle , 8c ils s’é- lancent de cette maniéré à diverfes reprifes, jufqu’à 30. ou 40. fois de fuite, j’ai même ouï dire qu’ils fe dardent avec tant' de for- ce, qu’ils engagent queîquefoisleur mufeau dans les cotez d’un canot , 8c un homme qui nage dans les endroits où il y a de ces poiï- fons , court rifque d’en être percé. Leur arête efl: biuâtre , 8c d’une couleur qui tire vers le Saphir. La chair pn eft d’ailléurs trê^ feonne. Les S.cuîpinjs , qu’on trouve ioi ? ont §%? DE Mr WAFE'R. tour d un pied de long, 8c leur peau eft cou- verte de piquans. On les écorche pour les cuire , & c eft un forr bon manger. Outre ces poi/Tons , il y en a quantité 5 autres ^ans la fmer du Nord , tels font les hting-rais , ou les rayés piquantes ; le Pa- rot - fish , pu le poiffon - Perroquet , les Snouks, les Congres 8c plufieurs autres Tans douce que je n ai jamais vu , 8c dont je n’ai pas entendu parler. Pour ce qui eft du poifTon à coquille , il J a «^infime de Conques tout le long des Samballos ; leurs coquilles font fore &?ont Cn Hgne fPÎrale » comme celle de 1 Lfcargot ; 1 orifice en ell plat , 8c bien large , a proportion de leur grotfeur. Le dedans refiemble à la nacre de perle; mais le dehors eft inégal & raboteux. Le poifion efl: gluant, fur tout la partie exte- neure, qu il faut auiïi bien nettoyer avant danTlaacoqume dlü codacè* qViL&c ro"forfdeüc^tendHr : al0rSC'C comme le favent tous ceux qui ont été dans les Indes Occidentales , où il y a des Mef- tirs , des Mulattos, &c. de pluiïeurs degrez entre le blanc & le noir , ielon la couleur du^Pere & de laMere. Gela peut aller juA Î)E Mr WAFER. ? U 7 avec un pinceau de bois » dont l’un des bouts eft mâché , Sc par ce moien rendu Toupie comme une brode. Cette peinture peut tenir quelques femaines , & on la re- nouvelle de tems en tems. C’eft ainfi qu’on me peignit moi- même. Mais les plus experts dans cet art font des figures plus délicates &l ils les impri- ment de cette maniéré. Us rracent d’abord avec leur pinceau une ébauche de la figure qu’ils veulent peindre j enfüite ils la pi- quent par tout avec une épine, jufqu’à ce que le lâng en forte i après ils frottent l’en- droit avec la main , teinte de la couleur qui leur plaît 5 3c alors cette peinture eft inéfa- çable. Mais de quarante à peine y en a-t’il un parmi eux , qui foit ainfî peint. Un de mes Compagnons de voyage nom- mé Bullman , me pria de lui ôter une de ces figures , que les Nègres lui avoient im- prime fur la joue-, mais après l’avoir bien Icarifié 3c lui avoir enlevé une bonne par- tie du cuir, il me fut impofîîble d’en venir entièrement à bout. Lors que les hommes vont à la guerre , ils fe peignent tout le vi~ fage de rouge , 8c ils fe couvrent les épaules* la poitrine , 3c le refte du corps de grandes taches noires , jaunes, ou de telle autre cou- leur qui leur vient en fantaifie -, mais la nuir* avant que de fe coucherais ne manquent pas de fe laver dans les rivières pour emporter tout ce plâtre. Us vont d'ordinaire tout-nuds ; mais les femmes ont une efpece de tablier fait de rofle de Coton , qu’elles attachent par der- rière avec un bourde fil , &qui leur pend jufqu’au gçnou , ou même jufques à lâche* L 4 *4§ VOYAGE ville, fi elles en peuvent trouver un ftîor- ceau de cette longueur. Elles attrapent quel- quefois de vieüies hardes par des trocs qu elles font avec les Indiens fournis aux -fcfpagnoJs , & alors eiles s’en parent avec beaucoup de faite. Mr Dampier rapporte qu il gagna un Indien bourru & en obtint ce qu j! lui de na an doit , par un prefenr qu’il ht a fa femme d’une jupe , couleur de bleu eelehe. En un mot , il n’y a rien qui faf- fe plus de plaifir aux femmes que de leur donner cies nabits , fur tout d’une cou- leur gale. Les hommes n’ont pas le moindre hail- lon fur le corps pour couvrir leur nudité» quoique la plupart des autres Indiens aient tous quelque cho/e. Mais ceux-ci ont un petit vaiffeau d’or ou d’argent, félon leurs moiens , ou un morceau de feuille de plan- tain , qui eft de figure conique , & qui ref- fèmble à un éteignoir. Ils font entrer leur Pénis avec force dans fon enveloppe , &c ils le couvrent enfuite avec cet efpece d’en- tonnoir , qu’ils attachent ferme avec un cordon autour de leurs reins. Pour le Scro- tum il eft expofé à la vue de tout le mon- de , & ils n’ont pas à cet égard la même pudeur qu’ils ont pour le Pénis , qu’ils ne montrent jamais à découvert. S’il arrive même par quelque accident qu’il vienne à paraître , les autres en dérournent les yeux \ ôc lors qu’ils ont befoin de faire de l’eau ils fe tirent à quartier , ils fe tapiflent , ô- tent l’entonnoir d’une main , & d’abord qu’ils ont fait, ils le remettent au plus vi- te. Les hommes & les femmes vont tou- jours à la felle dans les rivières , & ils ont DË Mr WAFER. *49 beaucoup de pudeur fur ce chapitre. En ge- neral les uns 5c les autres ont de la modeA tie > 5c ils ont de la propreté. Cependant les hommes ne méprifent pas tqut-à-fait les habits -, & lors que nous don- nions une vielle chemife à quelqu’un d’en- tr’eux , ils ne manquoient pas de s’en cou- vrir ,■ 5c de trotter enfuite avec plus d’em- phafe qu’à l'ordinaire. D'ailleurs , ils ont uneefpece de robe longue faite de toile de coton qui eft de !a figuré des Soqoetilles de nos Charticrs , 8c qui leur pend jufques aux talons , avec une frange du même fil , d’en- viron un pin de hauteur , 8c des manches ouvertes, larges * &c qui ne vont qu’à la moitié du bras. Ces robes font ou blanches , ou d’un noir de fuye, Seils les mettent par déifias la tête 5 mais ils ne s’en fervent que pour des occafions extraordinaires , lors qu'il s’agit par exemple , d’accompagnec leur Roi ou leur Chef à une Fête, ou à des Noces , ou de fe trouver au Confetl 5c en pareilles rencontres , ils ne vont pas ats lieu du rendez vous avec ces robes fur le dos f mais les femmes les portent après eux dans des panniers avec Leurs autres orne- merrs -, Sc lors qu’ils font arrivez au lieu de l’aiFemblée , ils s’ajuftent le mieux qu’ils peuvent. Quelquefois ils k promenenr dans cet équipage autour de La plantation, ou de Tendroic où ils fe rendent ; 5c je vis ua jour Lacenta qui marc boit accompagné de 2 ou 50 O hommes équipez de cette ma- niéré , 5c qu’il fembîoit pafler en revue. J© pris garde même que ceux qui avoient les robes noirâtres1 alloient devant lui , 5c q; i© ies blanches Envoient -yîes uns 5c les autres lr $ VOYAGE armez de lances qui étoient de la couleur de leurs robes. Outre le rouge , dont les hommes fe tei- gnent le vifage lors qu’ils vont à la guerre, ils portent toûjours une petite lame d’orfé- verie qui leur couvre la bouche. La plupart en ont d’argent, & il n’y a que les princi- paux qui en aient d’or. Elle eft de figure ovale, 8c de la longueur de la bouche. II y a une ouverture en forme de croiffant , dont les pointes ferrent l’entre-deux des narines , d’où elle eft fufpendue 8c tombe fur la lèvre inferieure. Elle peut avoir l’épaifTeur d’une Guinée au milieu j mais elle eft plus mince vers les extrémitez. Ils fe parent d’une lame de cette grandeur lors qu’ils vont à quelque Feftin , ou au Confeil -, mais à l’ordinaire , ou dans une longue marche , ou à la chafîe , ils en portent une beaucoup plus petite , 8c qui ne leur couvre pas les lèvres, quoi qu’el- le foit de la même figure. J’en portois une d’or de cette efpece, lors que j’étois avec eux. Au lieu de cette lame , les femmes por- tent un anneau rond, qui paffe à-travers l’entre-deux des narines , 8c qui différé pour la grandeur 8c le métal , félon le rang qu’el- les tiennent 8c les occafions. Les plus gros font de la groffeur du tuyau d’une plume d’Oie, 8c il arrive fouvent qu’à la longue Sc par leurs poids , ils font defcendre l’en- tre-deux des narines jufques à la bouche 5 fur tout aux vieilles femmes. Lors que les hommes 8c les femmes fe trouvent à quelque repas folenel , ils ôtent ces lames 8c ces anneaux, jufqu’àce qu’ils aient achevé de manger j enfuice ils les se- DE Mr WAFER. mettent, après les avoir frottez &t rendus bien luifans. Mais à l’ordinaire , quand ils mangent ou boivent , ils fe contentent d’é- lever avec la main gauche les petites lames ou les anneaux qu’ils portent alors , ( & les anneaux des femmes ne font jamais fi pe- tits qu’ils ne tombent fur les lèvres ) pen- dant qu’ils fe fervent de la main droite pour mettre le morceau ou la coupe à la bouche* Je remarquerai d’ailleurs en paflant qu’ils emploient toujours la main droite dans tout ce qu’ils font , & que je n’ai point vû de gauchers parmi eux. D’un autre côté, ces anneaux êr ces lames ne les empêchent pas beaucoup de parler , quoi qu’ils leur battent fur les lèvres. En certaines occasions extraordinaires le Chef ou je Roi , & quelques-uns des plus confderables du païs , portent à chaque oreille deux grofles pièces d’or attachées à lin anneau , & dont l’une vient fur la poi- trine & l’autre eit fufpenduë derrière l’é- paule. Elles ont à peu- prés un pan de long , l’a forme d’un cœur , qui a la pointe en bas , ÔC une lame érroire à la partie fuperiçure , de trois ou quatre pouces de longueur, où il y a un trou , à travers lequel on fait pailèr l’anneau. Ces pendans à force d’être portez j allongent les oreilles , & y font de gros trous. Je vis un jour Lacenta, dans un grand Confeil avec un Diadème d’or autour de la tête , de huit ou neuf pouces de large , dentelé au-defïus comme unefeie , & dou- blé en dedans d’un refe au de petites canes. Tous les hommes armez qui étoient avec lui, avoient un bandeau de la même fgu- L 5 âçi VOYAGE re , qui reifembloit à un pannier, fait dit canes bien travaillées 8c fort joliment pein. tes , la plûpart de rouge j 8c qui fans être couvert d’une i’ame d’or , étoit environné de longues plumes bigarrées de divers oi- feaux : mais Lacenta n’avoit point de ces plumes à fon Diadème. Outre ces ornemens particuliers , il y en a d’autres qui font de tous les âges , de tous les fexes 8c de toutes les conditions *, je veux dire des colliers compofez de dents , de coquilles > de grains de verre, ou d’au- tres chofes de cette nature , 8c qui leur pendent jufques au creux de l’eftomac. Les. fremiers font ajuftez avec beaucoup d’arr. ’on en met plufieurs enfemble, & les dénis- qui font en forme de fcie , s’enchaifent fi bien les uns avec les autres , qu’on les pren- droit pour une feule maffe d’os commuée^ 11 n’y avoir que Lacenta , 8c un petit nom- bre des principaux qui s’ornaflent de ces colliers en certaines occafions extraordinai- res, & ils les plaçoient toujours au-de/Tus des autres. Je ne fçai pour quel fujer mes camarades 8c moi , croyions que e’étoient des dents de Tigre ; puis que je n’y avois jamais vû aucun de ces animaux •• J 'ai pour- tant ouï dire qu’il y en a fur l’ilthme , 8c quelques-uns de mes compagnons de fortu- ne m’afiurerent qu’ils yen avoient tué un. Lors même que j’y paifai avec le Capitai- ne Sharp , quelques hommes de l’équipa- ge nous raportetent qu’ils en avoient vû un d’afîez proche , qui les avoit regardé fixe- ment. L’on m’a dit auiïi qu’a la baye de Campeche , il s’en trouve une ibite de pe- tits qui font bien furieux* DE Mr WA FER. iÇç Pour revenir aux colliers , les autres per- sonnes, hommes Sc femmes, n’en portent point avec des dents , excepté qu’ils en fourrent quelques-unes çà & là entre le ref- ce de leurs babioles. Une feule perfonne en a quelquefois 3 ou 400 autour du cou » les uns de grain de verre, les autres de- coquilles, &c. difpolez en Sept , ou huit rangs , dont chacun fait une efpece de cor- de, les uns plus hauts, & les autres plus bas j quoiqu’ils n’y obfervent guère de ci- metrie ; fur tout les femmes- qui portent les leurs prefque en un monceau. Tous les colifichets qui leur tombent fous la main , trouvent leur place dans ces colliers, de plus ils font pefans , plus on les eftime. IL faut qu’une femme foit bien pauvre , fi elle n’en a pas le poids de quinze ou vingt li~ vres fur le cou : quelques-unes en portent jnfqua trente livres ou même davantage» Tes hommes en ont prefque le double , fui- vant que leurs forces & leurs rkhelfes le permettent. Lors qu’ris demeurent à la maifbn , ôC qu’ils vont à la chafie , ou à la guerre, ils ne portent point de ces colliers ; mais ils s’en équipent , quand il s’agir de paroître en cérémonie, àunFeftin, à des Noces, ou à quelque autre alfemblée publique. Dans ces occafions , les femmes fuivenr les hommes jufques au lieu du rendez-vous & leur porrent ces Colliers avec tour leur autre attirail dans des panniers ; c’eft- à!- dire , qu’une femme en porte deux , un à cha- que bout d’un bâton qu’elle mec foc l’épaug. le. Ils ne font pas plutôt arrivez au lieu, marqué > qu’ils fe parent de tous ces- orne- M4 VOYAGE mens , Sc Ce promènent d’un côté Sc d’aü* tre : quelquefois même ils danfent avec cet équipage , & ne fe donnent point de relâ- che , qu’ils ne foient tous trempez de fueur. Lors qu’ils prennent leurs repas , ils ôtent ces colliers , & ils les remettent enfuite. Les enfans en portent quelques-uns alfez petits , Sc ceux qui font à la mammelle en ont un ou deux grains de verre : outre ces colliers, les femmes portent auifi quelque- fois des bracelets compofez d’un petit nom- bre de ces mêmes grains , 6c qui font plu- sieurs tours. Lors que les hommes, 6c les femmes s’ajuftent avec toutes ces galante- ries , 6c qu’lis fe peignent le cuir , ils n’ont pas tant méchante mine» La plûpart des maifons où ils habitent , font difperfées çà 6c là , fur tout dans les nouvelles plantations , 6c toûjours ftuées au bord d’une riviere : il y en a pourtant en quelques endroits plusieurs enfemble,qui peuvent former un Bourg, ou une Ville, quoiqu’elles ne foient pas rangées de fuite , m vis-à-vis les unes des autres pour faire des rues : il en elt à«peu-pres de ces mai- fons , comme de certains Villages qu’il y a chez nous dans le païs des forêts , & ail- leurs : ils ont leurs plantations dans le voi- fi nage , à differentes di dances , &C il y a tou- jours une place de réferve pour y bâtir le maga/în commun : ils ne changent pas fou- vent de demeure, à moins qu’ils ne crai- gnent l’a proche des Efpagnols , ou que la graüfe de leurs terres , qu’lis ne cultivent jamais , ne foit èpuifee. Ils ne jettent aucun fondement pour bâ- tir , & ils fe contentent de fair^ des trous DE Mr WAFER. à deux ou trois piez de diftance les uns des autres , où ils fichent des petits pieux d’une égale hauteur , & de 7 , ou 8 piez de long. L’entre-deux eft rempli de bâtons , qu’on enduit de terre } di cela fait les mu- railles. On éleve enfuite le toit en talus fur de petits chevrons , & on le couvre avec des feuilles de Palmier. Tout ce bâtimenc eft fort irréguiier , il peut avoir 1 4 ou if piez de long,& il eft large à proportion. Il n’y a point de cheminée j de forte qu’on alume le feu au milieu de la place, & que la fumée fort par un trou qui eft fur le toit, ou à travers lescrevafies qu’il y a. Ce n’eft pas tant une maifon partagée en chambres » qu’un amas de cabanes jointes enfemble : il n’y a ni étages ni portes, ni armoires , Sc les fieges ne font que des troncs de bois. Tous ceux de la famille ont un branle cha- cun , ils les fufpendent d’un bout à l’autre de ces cabanes. Les habitans d’un Village, où plufieurs maifons voifines ont un magafin ou un Fort en commun *, qui eft d’ordinaire de 120 ou de 130 piez de long , & de 2 ç de large : la muraille peut avoir 9 ou 10 piez de haut , &: autour de 20 jufques au faîte : le toic eft couvert de feuilles comme celui des autres maifons. Les matériaux & la ftrutftu- reen font aufti à peu prés les mêmes ; ex- cepté qu’il n’y a nulle feparation. Toutes les faces de ces magafins font remplies de trous , de la grofleur du poing , difperfez de tous cotez fans aucun ordre , & dont la figure eft irreguliere. C’eft par ces trous qu’ils découvrent un ennemi qui aproche , ôi qu’ils tirent leurs flèches 3 mais ils ne VOYAGE fçavent ce que. c’elt que de fe prendre eri flanc : ils bâtiflênt toujours ces maifons fur un terrain uni, au pied d’une colline , &C ils arrachent les arbres & les buiflons tout autour à la portée d’une flèche: il y aune ouverture à chaque extrémité , qu’ils barri- cadent avec une efpece de porte faite de bois de Macavy & de Canes partagée en deux liées enfemble avec une forte d'o- ser* Cette porte peut avoir un pié depaif- feur : ils la tiennent prête pour en fermer ces ouvertures , & empêcher les ennemis d y entrer 5. d’ailleurs , il y a deux ou trois pieux enfoncez en terre pour la foûtenir. Ce mai que je vois à ces Forts , c’eft qu’on y peut mettre aifèment le feu j Sc les Efpa- gnols en viennent à bout par le moien des flèches qui tirent fur le toit , & dont le fer elfc rougi : il y a d’ordinaire une famille qui loge dans ce raagafin , pour le garder , & le tenir propre. En effet, on y remarque une grande propreté , de même que dans les- maifons des particuliers. Ces Forts leurfer- vent aufli pour y tenir Confêil , & leurs au- tres aflêmblées generales. Ils ne cultivent des- Plan rains , &c ne Ce- rnent du Maiz , &cc. autour de leurs habi- tations, qu’autanc qu’il leur en faut pour le befoin. Le pars cft fl couvert de forêts, que la première chofe qu’ils font pour dé- fricher la terre , c’efl: de couper les arbres , qu’lis laiffent quelquefois fur la place trois ou quatre années de fuite , jiifqu’à ce qu’ils y mettent le feu. Cependant ils fement du Maiz entre les arbres- ainfl abatus , dont les racines ^fe pourriffent à la longue, parce- qu'fls n’ont point d’inftr urnens pour lésas- DE Mr WAFER. îî7 lâcher. Apres que la place eft bien nettes ils y font auÆi des creux afl'ez irréguliers , & à des diftances inégales , dans chacun oéiqueis ils font un trou avec les doigts » outils jettent deux ou trois grains de Maiz qu il couvrent enfuite de terre j de même qu on plante les Fèves dans nos jardins. On feme ici vers le mois d’Avril , 8c la récolté fe fait en Septembre, ou en Oélo- t>re : ils arrachent les épies avec la main , tomme on le pratique ailleurs. Quoique je ie fufie pas ici au rems de la moifïon , e vis dans leurs cabanes le Maiz de la re- :olte qui avoit précédé. Au lieu de le bat- te , ils Je frient entre les mains : ils n’en ont ni pain , ni gâteaux ; mais après avoir oti le grain , ils le moulent entre deux certes , à peu-prés comme on fait le Cho- holare , 8c ils fe fervent de la farine en uufieurs chofes. Par exemple, ils la détrém- >ent dans une calebace avec de l’eau , 8c ils joivent cette liqueur. En voyage, quand ;S n ont pas le loifir de faire d’autres provi- ons , pelle- ci leur e£t d’un grand fecoursa ls appellent ce mélange Chicha , qui figni- e au Maiz , fi je ne me trompe. Ils! font aufïi une autre liqueur avec le 'laiZ , qu’ils appellent Chichah-C.opah j C le dernier de ces deux mots fignifie boif. 3n. Lors qu’il s’agit de cclebrer une Fête u un mariage, ils infufenc 20 ou 50 boif- tauxde Maiz dans une auge pleine d’eau, ifqu a ce qu’elle foit imprégnée du grain , c qu elle commence à s’aigrir. Alors quel- ues vieilles femmes, qui n’ont guère autre noie a faire , mâchent des grains de Mai;s u elles mettent dans des Calebaces, 8c i # VOYAGE quand elles croient d’en avoir aflez > eîleS verfent ce mélangé de Salive St de Maiz dans l’auge , après en avoir tiré le grain qu’on y avoir infufe. Certe efpece de bouil- lie ferc de levain j St donne aufli-tôt une petite fermentation à toute la liqueur , quand elle ne fermente plus - on la tire au fin dans une autre auge , St enfuite elle eft bonne à boire*. Elle a le goût de la petite biere qui eft aigre , St avec tout cela elle entête Beaucoup : iis en boivent à longs tra;ts , St ils en font fort avides, quoi quel* le leur donne quantité de raports. C’eft leur bqiflon délicieufe St pour la regale car pour l’ordinaire ils ne boivent que de l’eau toute pure ou cm Miilaw. Ü y â deux fortes de Miflaw , dont l’uti fe fait avec des Plantains frais, 8t Lautre avec de fecs : ils ronflent les premiers dans leur cofle ; St après l’avoir ôtée , ils mettent là chair dans une calebace pleine d’eau où ils la délaient avec les mains, St enfuite, ils boivent cette liqueur. L’autre forte de Miflaw fe fait avec des gâteaux de Plantains fecs ; lors que ce fruit eft cueilli mûr, il' ne fe garde pas * St il fe pourrit bien tôt, s’il reftedans la cofle. Pour prévenir cela, on fait une pâte dè la chair , St on la féche. à petit feu fur une efpece de grille faite de bâtons. L’on en coupe un morceau quand on veut faire du Miflaw, St oh le détrempe de la même maniéré. Les naturels du pais s’en muniflent toûjours lors qu’ils vont en voyage j fur tout dans les endroits où ils n’efperent pas de trouver des Plantains murs, quoi qu’ils les. aiment mieux fecs * ils en font auiîl bouillir de verds ou à moi-» DH Mr W A F ER. i^9 tié mûrs , ils les màngent avec la viande au lieu de pain : ils fe fervent de même des Yams , & des Forâtes , & de la racine de Caflave , qu’ils rôtiflênt quelquefois : il ne leur manque jamais une bonne quantité de l’une ou l’autre de ces chofes dans leurs plantations , fur tout dans celles qui font Cultivées depuis long-tems. D’ailleurs , on n’y voit ni herbage , ni falade , & je ne me fuis jamais apperçCi qu’ils mangeaffent aucune forte d’herbe. Mais ils n’oublient pas d’y planter du poivre qu’ils aiment beaucoup, ni d’y avoir quan- té de Pommes de Pin , dont ils mangent tous les jours. Les hommes défrichent d’abord les plan- tations , & les mettent en bon état , les femmes enfuite ont tout le foin de la cul- ture. Ce font elles qui bêchent la terre, qui plantent, qui fement Si qui cueillent le Maiz, les Yams, &c. 11 n’y a que la coupe des arbres , & de tels autres ou- vrages au-deifus de leurs forces qui re- gardent les hommes. Elles ont la condui- te de tout le ménage , & l’on peut dire quelles font les fervantes de la famille 5 fur tout les vieilles femmes , qui s’occu- pent à faire la cuifine , à laver , Sc à tout ce qui eft de leur portée. Elles fui- vent au/îî leurs maris en campagne , &c font pour eux tout ce qu’il y a de plus fertile. En un mot , il ne s’en faut guère qu’elles ne foient leurs chevaux de char- ge ; puis qu’elles portent tout l’attirail de la maifon , les uflenciles , les vivres , &c. Quand ils arrivent aü lieu , oti iis doivent paifer la nuit , ia femme prépare le foupé ê les hommes retournent au lieu ou fe doivent célébrer les Noces, & l’Epoux leur prefente a chacun une calebace de li- queur forte , 8c les conduit à travers la mai- fon dans une grande Cour. Les femmes qui viennent apres -, reçoivent auffi une calebâce de liqueur , 8c fe fendent au même endroit Les petits garçons fuivent5& enfin les pel rites filles , qui vont joindre la compagnie « apres avoir bü à la porte. r ■ Les Peres des nouveaux mariez viennent enfuite. L un mène fon fils , 8c l’autre fa ? Ie- Lce Pr€mier fait un difcours à l’affem- biee, & il na pas plutôt fini qu’il fe met a danfer , 8c a faire des pohures grotefi» ques, jLifqu a ce qu’il ipre tout en fueur II fe met enfuite à genoux > & il donne fon fils a la fiancée ; dont Je Pere s qui eft auffi a genoux , ia tient par la main , après avoir danfe a fon tour , jufqu a n’en pouvoir plus. A1°rs les jeunes mariez fe prennent par I* main , & l’epoux rend l’époufe à fon Pe! jç : c etc auiji que b. .cérémonie finit Jmé' iv 9 VOYAGE Tous les hommes munis de leurs hache$ pouffent d'abord des cris de rejouïffançe , 8c courent au quartier d’un bois , qu’on a déjà marqué pour fervir de plantation au ç jeunes mariez. Là , ils abattent les arbres 6t défrichent la terre avec^toqte la vigueur poflible : ils employent fept ou huit jours à cet ouvrage , 8c à niefure qu’ils défrichent, les femmes &C les filles femént du Maiz , ou de toute autre chpfe que la faifon four- nit. Enfin, ils bâtiffènç une maifon pour les Bouveaux mariez. Au bout de la femaine , 8c lors que les jeunes mariez font établis dans leur nou- velle demeure , la compagnie fe divertit à boire du Chica-Copah , dont on a déjà fait bonne provision , 8c à manger à ven- tre déboutonné. Après que le repas eft fini , les hommes s?en donnent au coeur joye a- vec la boifïon : mais avant que de com- mencer , l’Epoux fe faifit de toutes les ar- mes s 8c il les attache à la poutre qui fou- tient le toit de la maifon, ou perfonne ne peut les prendre que lui ièul. Cela fe fait pour prévenir les fuites des querelles , ou ils s’engagent fbuvent lors qu ils ont bu? Ils continuent à boire nuit &c jour , jufquà ce qu’il n’y ait plus de liqueur , 8c cela du- re trois ou quatre jours. Quelques-uns tien- nent bon , pendant que les autres fe faou- lent & s’endorment. Aufïi-tôt que la bou- lon eft finie ,& qu’ils ont tous repris leur fens froid, chacun retourne chez foi. Ils fe régalent en d’autres occafions -, paç exemple aptes avoir tenu un grand Confeil , pu à la fortie de quelque autre affemblée , Qu’ils font même quelquefois dans la feulç DEMrWAFER ,r. JF ,?e k divertir. Les hommes boive/c doid.naire a la famé les uns des autres & apres avoir dit quelque mot, ,1s avancem la coupe vers la perionne à qui ils boivent Ils n accordent jamais cet honneur à leurs femmes; bien loin de-là , celles-ci fe rien SS"**»',. & ,es fervent pendant qu'ils mangent , elles prennent la coupe de celui qui a bu/ en jettent les r elles à terre U rincent bien , Sc la donnent pleine à ^un autre. Soir à un Fertin , ou à ia maifon Jes femmes fervent toujours leurs maris ! table jufques à la fln du repas ; cnAite elîcî -vont manger les unes avec les autres oii chacune en particulier. * oa Lors que les hommes font chez eux iU Jie sembaraflent pas beaucoup d’aucune af faire mais pour n’être pas tou J fait ot iî fs , ils s occupent fou vent à trefler des cou pes j des corbeilles &■ des fiers -s n. i ” Jeurs flèches &c leurs îanSs . de pointes, & à de tels autres ouvrage" Les hommes font au fl] une forte de fl u- te , de pluffeurs petites canes creufes, & quelquefois meme d’un feul tuyau : il Va des trous, & ,ls y fouflen t avec violence tns diftinguer les Notes : ce qui forme ua hruit, qu, approche du cri des enfin™ ils je piailenr beaucoup à cet exercice <%r ile jouent de la flûte en differentes occ.i lions - P3,1- f^empîe , leurs Pawawers ou leurs Dp 9 vins en , choient lors qu’ils faifo ïnc leu« fornleges. En. un mot , ,1 n'elt rien donc les Ws tour: M t ^ VQY4GE Ils murmurent tour de même, lors qu’ils danfent une efpéce de branlé , ou il ny à que des hommes, 30 ou 40 enfemble , qui ferment un cercle : ils éreiidenc leurs marné & les appuyënt fur les' épaules les uns des autres. Enfuite ils fe meuvent tout douce- ment & de côté , & à meiure qu’ils avan- cent dans le même cercle ,' ils fecouenc tou- tes le? jointures de leurs corps d’une ma- piere fort grotéfqu'e. Ils jouent fouvent de la flûte , 8c battent Je tambour lors même qu’ils font occu- pez à quelque ouvragé i mais ils ne dan- fent guéte j à moins que ce ne" foit dans partie de plâifir. Après qu’ils ont danfé quelque tems , celui' de là compagnie qui Veut fe détache du cercle & fe met à fai- re des gambades 8c des pôftures ; il jette fa lance en l’air 8c 'la rat râpe -, il' fe plie le dos vers la terre & faute en avant : en un mot , il fait plu fieu rs autres tours comme ceux de nos Sauteurs, mais avec plus d’ac- tivité qüe d’adrefle. Lors que celui-ci eft bien las , un autre , où même deux ou trois à la fois viennent prendre fa place , 8c jouënt le même rôle. Aufli-tôt que le Bal eft fini, -ils Vont fe jepter dans le rivière tout trempez dé fueur -, ils s’y lavent bien, & à la fortie de l’eau , ils paflent la main fur leur? cheveux 8c par tout le corps pour la faire tomber. Un qe ces Bals , fi faflëm- biéë fe prouve nômbréufe , dure pour le îhoins cinq ou fix heures , 8c quelquefois anême un jour entier: ils ne font guère cé rhanége qu’aprés s’étre un peu divertis à boire : mais ils ne Aànfent point lors qu’ils ont bû copieufemeot, La danfe > la chalTe ? ,.t , DE Kir WAFER. ii§ êc à tirer au blanc font leurs plaifirs capi- {aux. Les hommes 3c les petits garçons ti- rent à tout ce qui prefente à leurs yeux , quand ce ne feroit que pour s’exercer 8c faire voir leur adrefle. Les , femrrfes ont auflî leurs danfes, 3C leurs Parties de plaiiîr , après que leurs ma- ris fe font bien divertis eux - mêmes. J’ai déjà remarqué quelles ne fe régalent point avec les hommes , 3c qu’elles ne font pas de leurs jeux : mais cèla n’empêche pas qu’elles ne boivent entr’elles jufques à fe faouler. D’ailleurs elles ont grand foin de leurs maris quand ils font yvres. D’abord qu’une femme voit que fon mari n’en peut plus , elle fe fait aider par une ou deux femmes pour le mettre dans fon branle j & pendant qu’il y ronfle & cuve fa liqueur, elles lui jettent de l’eau fur le corps pour iè raifraichir -, lui lavent les mains , les piez , & le vifage *, lui paflent la main par toué pour en faire tomber l’eau qui sert échau- fée, 3c l’arrofent à nouveaux frais. J’ai vu de cette maniéré dix ou douze hommes couchez dans leurs branles après un régal , Sc les femmes autour d’eux pour en avoir foin. Les homfries ne fortent jamais de leur maifon pour là moindre chofe , quand ce ne ferôit que pour aller faire de l’eau, fans prendre quelqu’une de leurs armes , foie 1 arc Sc la fléché , leur lance , la hache , ou lé couteau long. Leurs plus frequentes ex- péditions en tems de paix , fe bornent à la charte. ils y vont pour fe munit de gibier ÿ lors qu ils en manquent chez eux. Ils fe joi- gnent quelquefois une ou deux familles en- M 3 276 _ Voyage ble i mais ils font fouvent de grandes par- *VS c^aiîe , où il y a beaucoup de mon- ce. Il Te tient guère d’afTembleés publi- ques 3 8c l’on ne célébré peu de Feftms , ou 1 on ne conclue une partie de chalTe a- vant que de fe quitter. On fixe le rems 8C le lieu du rendez-vous , & chacun e(l obli- ge de s’y trouver avec tout ce qui lui eft iiecefTaife. Une de ces chafTes dure quelquefois trois' ou quatre jours. Il y en a même où ils em- ploient jufqu’à dix , douze, quinze & dix- huits jours , fuivant le gibier qu’ils rencon- trent, 8c la route qu’ils prennent. Ils vont quelquefois jufques à la frontière * pour trafiquer avec leurs voifîns , & ils chaffent en allant , 8c à leur retour , ils n’examinent point les faifons de l’année , pour fçavoir s’il y a du gibier ou non j mais en rout tems ils font ces parties de chafie. Tous ceux de la compagnie fe muniffent d’un, ou deux chiens pour battre le pars , 8c les femmes s’y trouvent aufîi - bien que les hommes. Lors que j’y allois avec eux , ils me donnoientune jeune femme pour me fer- vir,<3t porter mes provifîons dans un pannier,- C’ell l’ufage que l’on fait ici des fem- mespelles portent dans leurs corbeilles des Plantains , des Bonanos * des Yams , des Potates , 8c^ des racines de Cailave , tout cela bien rôti j mais l’on trouve dans les bois 8c les plantations ruinées , des Plan- tains verds , qu’on apprête fur les lieux avec ces ^racines ; de forte que fi Ton doit pafTet par" ces endroits-là , on fe charge de moins de provifîons. Elles prennent aufîi un peu de farine de Maiz , 8c quelques Plantains Î)E Mr WAFER. 271 ifriûrs tout crus, pour en faire du Miflaw* Leurs provifions ne confident pas en autre chofe. Chaque femme porte une calebacej 8c il y a un ou deux pots de terre qui fer«* Vent à cuire lés viandes pour toute la com- pagnie. Les hommes portent leurs arcs , 8C leurs flèches, leurs lances, une petite ha- che, 8c un couteau long. Ils vont tous nuds piez , 8c fouvent ils attrapent des égrati- gnures dans les bois où ils paflent \ mais ils ne s’en mettent pas fort en peine. Us tuent des Pécaris , des Warris, des Quams 3 des Chicaly - Chicalis , des Corrofous , 8C toute autre bête ou oifeau qu’ils rencon- trent , excepté les Singes 8c les bêtes fau- ves. Us mangent d’abord la Volaille , 8c tout ce qui ne fe peut pas conferver faci- lement. Us s’arrêtent la nuit par tout ou ils fe trouvent au Soleil couché 3 pourvu è]ue ce foit près d’une rivière ou d’un ruif- feau , 8c fur le penchant d’une montagne» Ils attachent leurs branles à deux arbres ; ils fe couvrent d’une feuille de Plantain 3 pour fe garantir contre la pluye 8c le ventj & ils allument un feu qui dure toute la huit* Us ne continuent jamais leur chafle après le Soleil couché , 8c ne la recom- hvencent qu’aprés qu’il eft levé. Les bêtes qu’ils pourfuivent le plus, font le Pecary , oc le Warry , qui ne vont pas fort vite à la courfe, 8c qui vont par troupeaux de deux 8c trois cens à la fois : de forte que fl les Indiens les furprennent , ils en tuent d’ofdinaire quelqu’un à la boule vue, Mais fi cela n’ar- rive point , ils courent fouvent un jour en- tier fans en attraper un feul * ou bien ils en atteignent fl peu , par rapport au grand M 4 i VOYAGÉ nombre qu’ils en lancent, que le fuccêz fit répond^ pas à la fatigue. J’en ai vu lancer moi- même prés de mille dans un jour fe- parez en differentes troupes, Si nous n’en tuâmes que deux. Ces annimaux s’enfuient quelquefois avec les flèches dans le corps', mais s’il y en a quelqu’un qui font las , il s’arrête à une Baye , où les chiens l’envia îonnent de tous cotez , fans ©fer en venir aux prifes : ils ne font que le harceler Si lui mordre les fef Tes, jufqu’a ce qu’il s voient leurs maîtres derrière un arbre prêts à lâ- cher leur coup , alors ils fe retirent pouf éviter la flèche. Auffi- rôt qu’un Indien a percé un Warry ou un Pecary , il y court ôc lui darde fa lance, en fuite il Vé ventre , en coupe les boiaux , Si le coupe en deux par le travers. Cela fait, il prend un mor- ceau de bois Si le taille en pointe aux deux bouts , à chacun defquels il fiche une piè- ce de fa bête, Si la porte ainfi furlepauls à f endroit du rendez-vous que l’on a don- né aux femmes. La nuit même qu’on a pris une de ces bêtes , l’on en fume la chair à la maniéré du païs , Sc on la porte à la maifon. D’ailleurs , foit quadrupède , ou oifeatl qu’ils prennent , ils le percent à coups de lances ou de flèches , pour en faire for- tir le fang,. On le coupe enfuite en quar-* tiers , après lui avoir ôtè la tête ; mais fl c’eft un Pecary , on l’échaude , Si fi c’eft un Warri^on l’écorehe. Il y â de certains oifeaux qu’ils ne font que plumer , Si il y en a d’autres qu’ils pèlent, non pas tous entiers , mais après les avoir déchiquetez par morceaux pour leur fervir en voyage* < DE Mr WA FER, 275,' Comme ils ont trés-peu de fel , lors qu’ils Veulent garder quelque temps le gibier s ils plantent quatre piez fourchus à "8 ou 9 piez de diftance les uns des autres , fur lef- q^uels ils poient deux bâtons de cette mê- me longueur , qui fe trouvent ainfi para- lelles & à un pié de terre. C’elt ce qu’on appelle un Barbecue , & c’eft là-deflus quils rangent les quartiers des bêtes ou des ôifeaux , avec un petit feu de charbon de bois au-deffous , ils tournent ces pièces de tems en tems, & ils renouvellent ce. petit feu trois ou quatre jours de fuite , ou peut- etre meme une iemaine entière , juiq.u a ce qu elles ioient devenues auiîî féches ^qu’un morceau de bois , ou que nôtre Bœuf fu- mé. S ils tuent par hazard quantité d’oi- ieaux j de Pécaris , ou d’autres bêtes , ils les fument bien à la campagne , & ils les portent ainfi à la maifon. S’il il y en a mê- me trop pour la charge des femmes , les hommes leur aident à les porter. Cette chair préparée de la forte fe peut confér- er long-rems ; mais d’abord que la pro- Vilkm approche de la fin , ils retournent à la Chaiie. Ils font aulTi un Barbecue au lo- gis, où ils entalfenr ces morceaux fecs les uns fur les autres , 3c fouvent ils y mettent un peu de cendres chaudes au - deflous 5 pour les empêcher de fe moifïr , dans ce pais humide. Ils coupent d’ailleurs de ces pièces à mefure qu’ils en ont befoin. Toutes les fois qu’ils veulent manger de cette chair fumée > ou de la viande fraiche „ ils la coupent par petits morceaux, 3c la mettent ainfi dans leur pot de terre, avec quelques racines, des Plantains verds , ou des M s *74 VOYAGE Bonanos , ÔC une bonne quantité de poivre ; ils étuvent tout cela enfembie à un petit feu , 8c ils ne foufrent jamais qu’il bouille. Après avoir mis le pot de grand matin 3 ils le couvrent fort julte , Ôc ils ne le retirent qu’au bout de fept ou huit heures 3 lors que tout eft réduit en pâte. Ceci leur fert pour le feul repas réglé , qu’ils font chaque jour iur le midi ; mais du relie 3 ils mangent des Plantains 3 Ôc des Bonanos tout le jour. Ils verfent l’étuvée dans un grand plat de ter- re, ou une calebace , qu’ils mettent fur le gros bloc qui leur fert de table , ôc ils s’af- feyent autour fur de, petits blocs. Mais lors- qu’il y a quelque Fellin , & que la com- pagnie eft nombreufe 3 ils font un Barbe- cue de io j iî 3 ou zo piez de long , ou même d’avantage, & d’une largeur propor- tionnée j & ils y mettent de/îus trois ou quatre feuilles de Plantain qui fervent de nape. Chacun a fa calebace pleine d’eau à terre , ôc à fa main droite. Ils fourrent les deux premiers doigts ôc le pouce dans le plat, pour s’en fervir en guife de cueiller à prendre la viande y ôc ils les trempent à à chaque morceau dans une calebace qui eft à leur côté. Je ne fçai point fi c’eft pour les nettoyer ou les rafraîchir y mais il eft certain qu’ils^ mangent leur ragoût fort chaud , de même qu’exceftivement poivrée Us ne mangent aucune racine en cette oc- cafion , qui leur tienne lieu de pain y mais s’ils ont un grain de fel, après avoir avalé trois ou quatre morceaux de viande , ils le paflent fur la langue , pour en relever le goût , ôc c’eft ce qu’ils réitèrent à diverfes ïeprifes. I DE Ut WAEER. 27* Lors que les Indiens voyagent , ils fe con- duifenc par le cours du Soleil, ou en fon abfence , par un point fixe vers lequel ils tendent , de ils remarquent d’ailleurs , de quel côté les branches des arbres plient, pour fçavoir où eft le vent. Mais iî cette voye leur eft inutile , ils font des entail- leures dans l’écorce des arbre?, & l’endroit où elle fe trouve la plus épaifte , marque toujours le Sud. Ils prennent leur route à travers les bois , les marécages , les riviè- res , Sc même à travers les lieux , où il n’y a ni traffe ni fentier. Auiïi font- ils fouvent réduits à fe détourner du droit ^chemin , après l’avoir tenu pluiîeurs jours de fuite, & s’être fait paifage à travers les bois tail- lis , qu’ils abattent avec leurs grands cou- teaux , fur tout s’il y a des canes creufes , puis qu’il eft impoftible d’y penetrer fans cela. Les hommes , les femmes Sc les enfans partent les rivières à la nage, Sc ils n’ont pas befoin d’employer des arbres , comme nous Lavions pratiqué nous mêmes. Ce n’eft pas qu’ils ne fe mettent dans leurs canots, ou fur leurs radeaux faits de bois léger, lors qu’ils décendent une riviere. Si quelqu'un leur demande le chemin pour aller quelque part, ce qui nous arri- va pluiîeurs fois en partant & repartant Tifthme , ils ont accoutumé de le lui mon- trer avec le doigt j mais lors qu’il s’agit de fçavoir le tems qu’il faut pour y arri- ver , ils vous l’indiquent avec le doigt y tourné vers quelque partie de l’arc que le Soleil décrit dans leur Hemifphere : SC fuivant qu’ils montrent plus haut ou plus bas , font ài’Eft ou à l’Oueft du Méridien , M 6 17 & , VOYAGE ils dè/îgnent le matin ou l’après-midi du jour j auquel on peut efperer de fe rendre à la riviere , aux plantations , ou à tout autre lieu que l’on cherche. Ainfi le point , qui eft à une égale diftance de l’Horifon Oriental & du Méridien, fîgnifie neuf heu- res du matin i les quatre fixiémes de l’arc diurne du Soleil au Sud-Oiieft veulent di- re quatre heures de l’après-midi , &c. Si le tems qu’ils ont defiein de marquer n’eft pas d’heures , mais de jours , ils .tournent le vifage vers le Sud , tk ils décrivent avec la main l’arc que le cours diurne du Soleil faitdel’Eftâ l’Olieftj en fuite ils appuyent la tête fur cette main , ils ferment les yeux , & font fembant de dormir. Ils repetent le même arc, & renouvellent la même pof. ture autant de fois qu’il y a de journées du lieu où l’on eft à celui où l’on veut aller» Je ne remarquai point qu’il y eut par- mi ces Indiens aucune diftin&ion de fe- maines , ni de jours particuliers *, ils ne di- vifent pas ceux-ci non plus en heures , ni en d’autres portions , excepté celles qu’ils montrent avec le doigt fur l’arc diurne du Soleil. Quand ils emploient ce fgne, ou quelque autre que ce foit , ils parlent en même temps, & ils expriment leur pen fée dans leur propre langue , quoi qu’ils s’ad- dreftent à des Européens qui ne les enten- dent pas. Ils ne comptent le tems pafte que par les révolutions de la Lune ; du moins lors que Lacenta m’entrenoit du ravage que les Efpagnols avoient fait à rOiieft , il me difoit que depuis ce mal- heut , il étoit écoulé grand nombre de Lunes» DE Mr WAf'EFL ifj La maniéré , dont ils calculent , fe fait par des unirez , des dixaines tk des ving- taines, jufques à cent i mais je ne m’aper- çus point qu’ils comptaient au-delà de ce dernier nombre. Pour en exprimer un plus grand , ils prennent une trefle de leurs che- veux j grofle ou petite , à proportion dit nombre qu’ils veulent déligner , & la fe- couent avec la main. Mais s’il s’agit d’en marquer un qui eft innombrable , ils pren- nent tous les cheveux d’un des cotez de là tête & les fecouënt tout de même. Lors que nous allâmes à la mer du Sud fous les ordres du Capitaine Sharp , nous étions perfonnes , outre plufieurs In- diens de l’ifthme qui nous accompagnè- rent dans cette marche. Ils avoient grande envie de favoir le nombre que nous étions de forte que pour en venir à bout , l’un d’eux s’alïit auprès d’un fentier qu’il nous faloit^ tenir , avec un monceau de Maiz à fon côté , dont il metroit un grain dans fa corbeille pour chacun de nous qui palîoit devant lui. Il en avoit dé/a compté une bon- ne partie , lors qu’un de nos hommes ren- verfa exprès fon pannier , & interrompis ainli Ion calcul. Je m aperçus que cette ac- tion leur déplaifoit : malgré tout cela , un autre de leur compagnie prit les devans y fe cacha dans le bois , & à une petite diftan- ce du fentier étroit, où nous devions pafler un à un , il fe mit à nous compter avec des grains de Màiz. Ce dénombrement fait , ils fe trouvèrent bien embaraflez , pour en ve- nir à Ja fuputation : du moins deux ou trois jours après , lors que nous fumes parmi les Indiens du Sud nous en vîmes vingt ou i1% VOYAGÉ trente de plus gravés qui s’attroupèrent pour fuputer les grains qui étoient dans le pan- nier ; ils les mirent d’abord fur une feuille de plantain, & il y en eut plufteurs qui tâ- chèrent de les compter un à un. Mais lors que venus fans douce au bout de leur cal- cul , ils parurent s’échauffer ôc di/puter for- tement là-delfus, un de la compagnie fe leva, choifit une treffe de fe s cheveux, ôc la fecoua , pour dire félon toutes les appa- rences , que le nombre ètoit grand Ôc in- connu. Quoi qu’il en foit , il termina par ce moyen leur difpute , ôc l’un d’eux nous fuivit , pour nous demander en méchant Efpagnol , quel nombre nous étions. Les nombres cardinaux , un , deux , trois * Sec. portent chez eux les noms fuivansv 1. Ç on] un go* 2. Poquab. 3. Pauquah . 4. Paktquab* f. Etenah . ' * à. Indricah. 7. Coogolab 4 5. Pau^opâh. 9- Pak_ckopnb,‘ 10. Anivego, 11. Anivego Conjugal* 32. Anivego Poquab. ï?. Anivego Pauquah , 2o. Toola Boguab . &c. 40. Toola Gùannah ) .&c* Au deffous de 10 ils nomment facile»* tnent le nombre particulier dont il s’agit, fans aucune autre ceremonie. Mais lors qu’ils DE Mr WA F EK. nomment Anivego , ou io , ils joignent leurs mains ouvertes enfemble. Pour dire n , iz , 13 , jufques à 10. Ils prononcent .Anivego , 8c joignent d’abord les mains 3 enfuite ils les feparent , 8c touchent les doigts de la main gauche, un par un , avec le" premier de la droite , & ils difent Aniwgo Curfugog An'-vego Voquah Anivego Pauquab , &:c. jufques au nombre qu’ils veulent exprimer , s’il eft au defious de 20. Lors qu’ils prononcent Toola Boguah , c’eft- à-dire 20 , ils joignent les mains deux fois , une pour chaque 10. Pour 21, ils difent Toola boguah Conjugo 1 pour 22 , Toola boguah Voquah , 8c c. Pour exprimer 30 , ils joignent trois fois les mains , & difent Toola boguah Anivego , c’eft-à-dire vingt & dix 3 pour 31, Toola boguah Anivego Conjugo, c’eft-à-dire vingt 8c onze , 8c ainfi de fuire jufques à 40. Ve- nons à ce nombre, ils joignent quatre fois les mains, 8c difent Toola." Quannah y 41. Toola guannab Conjugo , 8cc. {O. Toola guannah Ani- iego, c’eft-à-dire , quarante & dix y çi, Too- la guannah Aniv ego Conjugo, c’eft-à- dire quaran- te 8c onze, &c. Je ne fai pas les noms des autres dixaines jufques à 100 -, de il y en a; peu d’entr’eux qui fâchent compter fî loin, J’avois grande envie d’apprendre leurs nom- bres, &: cet exercice me fervoit de paffe- tems 3 ils étoient ravis de me voir eferimer à cela , 8c ils s’en divertiflbient beaucoup. Mais il n’y en avoir guère qui puflent me conduire au-delà des nombres que je viens de marquer , ni me corriger lors que je ve- nois à me tromper dans ma répétition.— Cette maniéré de compter d’une ving- taine à l’autre eft la même que celle de nos iîà VOYAGÉ Ancêtres , & approche beaucoup de celle des Montagnards d’Eeoffe ôc d’Irlande ; puis que £ les Indiens, pour dire 51 , 32 , &c. difent vingt & onze , vingt & douze , &c. ceux-là , pour exprimer les mêmes nombres , difent au contraire onze & vingt , douze & vingt, &c. &c ne font ainfî qu’une tranfpolîtion des mots. Dans ma jeuneffe , j’entendois fort bien l’Irlandois , tel qu’on le parle au Nord de l’Irlande , par exemple à Navan fur la Borne, & autour de la Ville deVir- gini fur le Loug Rammer dans la Baron- nie de Caftie Raghen , dans la Province de Cavan ; de même que dans les hauts païs d’Ecofle , que jTai parcourus en divers en- droits. Peut-être que les perfonnes curieu- fes ne feront pas fâchées que je me fer- Ve ici de la connoifTance que j’ai de cette langue , pour leur donner une table de la maniéré de compter de ces deux Na- tions , je veux dire des Irlandois , &c des Montagnards d’Ecoffe i mais il faut les avertir que dans l’écriture de ces mots , je fui vrai plutôt la prononciation que l’oftho^ graphe. I. ÜeciYu 1. DS. 3j. Troee. 4. Caher a T- tooig. 6. Shae. 7. Shauchts 5. Oacht. 9. Nnye . IÔ. Deb. n. timegg* DE^&lr WAÊÉR, ih 11. Daeegg, 13* Treedeegg . *4» Cahtrdcegg » If* Cooigdeegg. • Shaedeegg. *7* Scbautdeeggi î8. Oachîdeegg . If?. Nnyedeegg. 10. F eh. lu #>,77? aùgusftkc. a d. ufi & Vingt, & par abréviation yanftb.- 11. Dûs augus fèh. l^'Trce augus feh , 30. 7) ch augus fth. 31* Hcanegg augus fth. 11. Dasfgg augus fth 3 40. r^r. 41* #f<7« aùgùs th’ yôÿightj 4 2* D<2 th* y oyight , ebv.’ Dtb augus th’ y uyight. P- Bcdnegg augus th’ y oyight. fi. Daeegg augus th' y oyight , ^O. 7Vee /' ,0°* Cùoig-fehlhy ou 200. Qychcad < iooo. Meeiahi ïôôoooo. Meelioorii U connoïflanée qüe j avois de l’Irlancfois m etoit de quelque fecours pour apprendre le langage de Darien. Quoi qu’il n’y ait aucun raport entre les mots de l’une &C de 1 autre langue , il y en a quelqu’un dans lai ili ..Voyage prononciation , que j’imitois auïïl facile- ment. Toutes deux Te prononcent beaucoup du goïïer , avec de frequentes afpirées, 8c â peu prés le même ton aigu. J’etois fans Ceflé à demander aux Indiens , comment ils appelaient ceci 8c cela -, & lè Prince Lacen- ta j qui fçavoit quelques mots d’Efpagnol * s’entretenoit toüjours avec moi -, de forte que dans un mois de tems , j’apris une bon- ne partie de leur langue •, mais je n’en ai retenu qu’un peur nombre de mots , ou de phrafes , dont je donnerai ici une lilte. Tauchah , Pere. Naunab Mere. Teonah , Femme; Reopah , Frere. ' R'idama. foqwb Roopoh 2 Comment vous por- tez-vous Frere î jtieenah , petite Fille* Nee 3 la Lune. Cbàiinah , aller*. tbannab V’veemaxa.b 3 fe bâter , courir. Shénntirung , quelque chofe de gros , ou dé grand. Èecbah ,• laid. Paeecha 3 fi ! que cela éft vilain 1 Èecbah Ma/ooquah , ( c’eft une interje&iotï qui marque un grand dégoût pour quel- que chofe. totebah 3 dormif. Caüpsh , un branle. eoccbab , càupah ? Voulez-vous aller dormir dans le branle ? P a poonab ectah caupab ? Femme 5 avez-vous*' pris le branle ? *t>oolab i de l’eau. DE Mr WA FER. rfj, *Doolah Cophah? Voulez-vous boire de l’eau * Ch ca Copah, BoifTon de Maiz. AJ amaubah , beau; Cah 3 du poivre. Aupah eenach ? Comment appeliez- vous ceci ? CHAPITRE VIII. Ch douleur yrpnnd la Relation de Jbn Voyage j quil avoit interror/ipué. A Prés avoir ainfï parcouru l’illlime, <5 C y avoir fait les obfervations qui me ^onIi venues dans l’efprit, je vais reprendre Je fil de mon Voyage , que j’avois inter- rompu à Realeja fur la côte du Mexique. Ce fut en cet endroit que Mr Dampier 8c rnoi nous féparâmes y après avoir été pouf la deuxième fois enfembie dans la mer du iud,_Le Capitaine Swan , qui montoit le Vailfeau , nommé le jeune Gigne devoir navjger à fOLiell , 8c Mr Dampier fe mit fur fon bord. Pour moi , je reliai avec le Capitaine Davis, qui vouloir retourner au 5ud , & qui montoit le plailîr du Garçon. Nous J ai flamcs donc le Capitaine S'wan- âvec Mt Dampier dans le Port de Realeja , éx nous en partîmes le 27 Août i<3TSç. avec troisautres Vailîeauxdé conferve. M aïs nous* ne fumes pas plutôt en mer , que nos équi- pages tombèrent malades , & qu’il nousYa- lut entrer dans le Golfe d’Amapalla. Nous y reliâmes plulîeurs femaines à une petite lue , où nous bâtîmes des hutes pour nos malades , dont il y avoir alors plus de cent trente fur nos quatre petits Vaiffeàux , acta- i$4 VOYAGE, quez d’une fièvre maligne , qui en fit mou- rir beaucoup. Cependant quoi que je les vi- fitafle tous les jours , grâces à Dieu , je n’en contrariai pas la moindre infection. D’ail- leurs s je n’ai pas defléirï de parler de tous les endroits que nous vimes, ni de tout çe qui nous arriva , puifque je n’en tenois point de Journal i mais je raporterai en peu de mots ce qui me frappa le plus & qui me parut digne de quelque remarque. Lors que nous fumes ici à l’ancre , les provifions commencèrent à nous manquer j cela nous obliga d’aller à une Ferme de Boeufs , qui étoit au Sud dè la baye fur le Continent, Sr à trois miles ou environ de l’endroit où l’on aborde. Dans ce chemin , il nous faïut traverfer une riviere , qui cou- loit dans une grande Prairie , & dont l’eau étdit fi chaude que nous eûmes de la pei- ne à y entfer. Elle fortoit du creux d’uns montagne , où il n’ÿ aVoit point de Vol- can, quoi qu’il y en ait plufieurs fur cette côte. J’eus la euriofité d’y marcher vers \â fourcé, auùi long-rems que le jour parut £ l’eau ecf étoit claire & bafife : mais les va- peurs fous la montagne en étoient fi épaifa fes, quelles reflembloient à celles qui s’ex- halent d’un pot qui bout ; &quemesche-i veux en étoient tout trempez. Ces vapeurs èn de Ça de la montagne couvroient la ri- vière durant un long efpace de chemin. Plufieurs de nos gens qui àvdient la gale , s’y baignèrent, & ils en furent bien-tôt gué- ris 5 de forte qu’on de manqua pas d’en at- tribuer la caufe à la qualité fulphureufe &Ô à la Vertu de cet eau. Quoi qu’il en foit * l’on trouve ici «grand nombre de Loups i DE Mr WAFER. x$s qoi /ont les plus hardis que j’aye vus de jna vie j ils venoient iî prés de nous qu’ils croient fur ie point de nous enlever la chair que nous portions j qui plus eft , nous h olions pas leur tirer de/lus, dans la crain- te que le bruit de nos jfufils n’en amenât: d autres à leur fecouts. Après que nos malades furent aflez bien rétablis > nous mîmes le cap âu i'ud , & nous arrivâmes à l’Ifle de Cocos , qui elt à t de- vrez ^ minutes de latitude Septentrionale. On 1 appelle ainfi à cauie des fvloix de Coco , dont elle abondé. Ce n’elt qu’une petite l/le > mais fort agréable : il y a une mon- tagne efearpée qui traverfe le milieu , au- tour de laquelle on voit une plaine qui Retend vers la mer. Cette plaine ou valèe3 furtout à 1 endroit où l’on aborde, eft cou- yerte de Cocotiers qui ileuriflent ici a mer- veille , acâufe de la bonté du terroir. Il en croit auiîi fur les bords de la montagne, 8ç I on en découvre divers petits bocages qui font plaiiîr à la vue. Mais ce qui contri- bue le plus à l’âgrémenr de cette Me , c’eft la quantité de fources de bonne eau claire qu il y a fur le fommet de la montagne , qc qui font ramages dans un grand baiïin profond , qui en occupe tout le deifus : l’eau qui en regorge , & qui découle par plu- sieurs endroits , forme autant de petits ruif- leaux j ailleurs , où les -pochers avancent fur la plaine , Sc ne font pas tout-à-fait perpen- diculaires, on voir des cataractes qui forment une eipece d arcade : tout cela joint à la beau- te de la perfpedive , à la vue des Cocotiers , |r a la fraîcheur de l’air qu’on y refpirç > pç %U VOYAGE 'peut que rendre un rel iejour délicieux , 52 facisfaire plus d’un fens à la fois. AuïU nos Matelots fs piaifoient-ils beau- coup à goûter les ag'rémens de cette IfLe : où ils remplirent toutes leurs barriques de cette bonne eau douce , qui décoiiloit de la montagne , & formoic un petit rui/Teau dans la plaine. Nôtre Navire etoit vis-à-vis de l’embouchure de ce ruiffeau , dans un en- droit où le mouillage étoit merveilleux ; 8c je ne croi pas d'avoir jamais trouvé de fi- tuation plus commode que celle-ci pour fai- re aiguade. Nous n’y épargnions pas les Noix de Co- co , dont nous mangeâmes grande quantité, 5c en prîmes plulîeurs centaines à bord. Tous les jours quelques-uns de nos gens alloient à terre: 8c une fois entr’autres, difpofez à fe bien divertir , ils abatirent grand nom- bre de Cocotiers : après en avoir cueilli 8c ouvert le fruit , ils en tirèrent So pots 011 environ de lait. Ils fe mirent enfuite à boi- re à la fan té du Roi , de la Reine , 8cc. Ils burent prodigieufement } 8c quoi que cette boiffon ne les eoÿvrât pas, leur fang en fut fi glacé 8c leurs nerfs lî engourdis , qu’ils ne pouvoient ni marcher , ni fe tenir debout : ils n’auroient pu mçme retourner à bord du Vaifleau , fi ceux de leurs camaradès , qui n’écoient pas de la fête, ne les eulfent ai- dez : 8c ils ne revinrent de cet état qu’au bout de quatre ou cinq jours. Enfin , nous partîmes de cet Ifle, 8c a- prés avoir couru quelque rems au Sud , nous découvrîmes les ÏJfles de .Gallapagos 9 fituées fous la Ligne. Nous trouvâmes fur une de ces Ifles quantité de grofles Tortues de ter- Les I iîLE,S de Ga L LA PAGOS Decouvertes par le Cap. Jean Eaton ' 1 7V/:,/ DE Mr WAFER. 287 :e , que nous appelions Hecatee , & il n’y ivoit de l’eau que dans tin feul endroit 014 l’obfervai que ces animaux alloient boire , quoiqu’ils n’y entraient jamais. Ce fut ici 3Ù nous mîmes nôtre VaiiTcau à la carène *. quantité de Tourterelles & d’autres oifeaux s’y rendoient en fouie > pour boire , ils fes- toient même fi familiers , qu’ils fe perchoient d’abord fur nous , êc tout nôtre équipage en vécut plufieurs jours de fuite j mais bien- tôt après } ils devinrent fi craintifs , que nous n’en pouvions tuer aucun qu’à coup de fù- fil. Les Guanos n’y manquent pas non plus? ils y font fort bons. Il y croît un petit arbre , qui reflemble au Poirier , mais qui efl plus gros , tout couvert de gomme, dont l’odeur eft trés-agreablé. Au reïte , nous re- primes fur uhe de ces Ifles $00 petits facs de farine , que nous y avions laiflè aupara- vant fur les rochers , & dont les Tourterel- les avoient mangé une bonne partie. A notre départ de Gallapagos, nous allâ- mes croifer fur diverfes Ifies prés de la côte du Pérou ; mais fans m’arrêter à un detail qui pourroit ennuyer mon Leéteur , je dirai feulement que nous combatîmes à Guavra, Guacha , & à Pifca , que le choc fut rude à. ces deux dernieres Places , & que nous les emportâmes. Le feul Capitaine Kpight étoic alors avec nous j car les deux autres Vaif- feaux avec lefquéls nous étions partis d’A- mapalla , nous ^voient quittez à fille de Cocos. Nous étions à Pifca dans le mois de Juillet id8d. & le Capitaine Knigfit fut avec nous prefque toute cette année. Nous touchâmes enfemble à l’Ifie Gorgo- jnia 9 où il nous fallut efpalmer nos yaif- #8 t VOYAGE îeaux. J’y remarquai divers Singes , quive- noient cueillir des Huîtres , lors que la marée étoit baffe , & qui'ies ouvroient de cette ma- niéré. Ils en prenoient une , qu’ils mettoicnc fur une pierre , &■ avec une autre pierre iis la frapoient , jufqu’à cè qu'ils euffent rompu i’écaille en morceaux i en.ftii.te ils avaloient le poilfon. ‘ " Nous fûmes auffi à la Nafica , qui eft un petit Port à if dègrez de Latitude Méri- dionale. Il y croît d’excellent vin , qui eft fort, de meme qu’à Pifca , & en d’autres iieux de cette côte , & qui approche beau- coup du goût de celui de Madère. Gr/lxn- Voya à ce Havre dé tous les quartiers du Pais, & on l’embarque ici pour le tranf- porter à Lima , Panama , oii ailleurs. Il y ïefte quelquefois des années entières , en- fermé dans des Jarres , qui peuvent conte- nir environ 5 1 pots chacune. On ne les met point à couvert -, mais on les place le long *de la baye , ehtfe les rochers, avec la mar- que des Marchands à qui elles appartien- nent, & où elles font expofées à toutes les ardeurs du Soleil. Nous en finies bonne provifion dans cette rencontre. 1 ; Nous allâmes enfuite àCoquimbo , qui eft une grande Ville à 19 deg. ou environ de Jatit. Méridien. & où l’on voit neufEgli- fes. Nous mimes pie à terre fur le rivage fa- blonneux d’uhe grande Baye , où il y 'avoir une petite riviere qui alloit fe dégorger dans la Mer à trois miles aü-deflous de la Ville. Plus avant dans le pais , les £fpa- gnolsy rrouvent de l’or : auffi le fable qu’elle roule eft- il rempli de petites particules de ce pchç {Détail , de même que toute la Baye j DE Mr W AF ER. a% lors que nous y marchions, nos habits .croient couverts .de cette poudre, qui eft fi üne & fi menue, que ce feroit un ouvrage infini de la vouloir ramafler. La même choie nous arriva dans quelques autres lieux de Cote , &c par tout où quelqu’une de ces Rivières , qui charrient de i’or, parte à travers des Bayes fablonneufies pour ie ren- dre a la Mer ; le fiable en eft en quelque ma- niéré doré j Mais les grains qui méritent a etre cueillis .fie trouvent plus près de la fiource, ou . vers les Montagnes d’où ees Ri- vières découlent : & il n’y a que cette pou- tire volatile qui fioit entraînée fi loin P Nous nous rendîmes après à rifle guide , avec deux Jarres fur le dosj Sc qu’étant à la riviere , elles s’y enfoncent jufqu’à ce que les Jarres foient pleines^ Sc qu’enfuite elles retoupent chez leurs Maîtres, ljsajoû- toient que ces animaux ne veulent point travailler d’abord que le jour a difparu , Sç qu’on ne fçauroit les y contraindre par la force. En effet , nous les trouvions alors bien rétifs : Sc dés qu’ils ètoient couchez , on savoir beau les battre , il n’y avoir pas mo- yen de les faire lever ? ils pouffaient un cri , ou un foupir , quoi qu’ils n’euflent pas far tiguë de tout le jour i Sc voilà tout ce qu’on gagnoit fur eux. . , , Nous courûmes enfuite de Mocha vers le Continent , Sc nous cabotâmes le long dç la côte du Chili , où nous envoyions fou- vent nos Canots , jufqu à ce que nous fû- mes à la hauteur de Copayapo , c’eità-di- re à 16. desr. ou environ de latitude Meri-, dionale. Nous abordâmes ici , pour cher- cher la riviere qui porte le même nom , parce que l’eau nous manquqit. Nous neu- ves pas plutôt mis pied à terre, que^ nous grimpâmes fur une montagne , dans 1 efpe- ranee que nous découvririons de là cettç Riviere j mais bien-loin de la voir parojjtre $ DE Mr WA FER. 293 fous vîmes une aurre montagne efearpée , ôc fort haute , où il nous falut efcalader , de une troifiéme après celle-ci : de forte que nous n’avions pas atteint le fommet de la derniere , lors que preffé par la foif , je rombai de foib efle : dans cette extrémité , j’eus recours à mon urine , qui me rafraî- chit un peu , de j’arrivai enfin au fommet de cette troifîéme montagne , où nous nous repofâmes à l’ombre d’un gros rocher. L’en- droit où nous étions afîîs êtoit couvert de fable de de coquillage de diverfes figures ; quoi qu’il n’y eût aucun poiffon à coquille fur tout le rivage de cette côte , ce qui re- doubloit mon admiration. J’ai abordé moi- même en différentes places , fans avoir ja- mais pu en trouver un feul. Après donc nous être delaffez à cet abri , qui étoit à 8. rn il les de la mer, autant que nous le pou- vions conjecturer , de du moins à un mille a'u-deffus de fon niveau , à mefurer perpen- diculairement , nous regardâmes de tous co- tez pour voir fi nous découvririons la ri- vière, mais nous eûmes le chagrin de n’en voir aucune. Tout ce terrain , de le haut , de le Bas eft couvert de fable de de coquil- les , dont la plupart font dentelées. Il y en a quantité de cette efpece en certains en- droits , fur tout au pié des rochers , d’où il femble que le vènt les détache de les pouf- fe en bas : du moins j’en vis de la même forte , qui étoient incorporées avec le roc. Les Espagnols nous apprirent de plus, qu’à une certaine faifon de l’année, le Soleil fondoit la neige qui ell fur le fommet des montagnes qu’on trouve dans l'interieur du païs 3 que cela faifoit déborder la rivie- N 3 VOYAGE re que nous cherchions. Mais il pourroit bien être auiïï que les pluies qui tombent lue ces montagnes écartées , contribuent à ce débordement. Quoi qu’il en foit , je n>i jamais vu pleuvoir fur la côte du Chi- li & du Pérou } mais ces montagnes recu- lées dans le pais nous ont paru /cuvent cou- vertes de nuages , lors que nous courions terre à terre : il arriva même une fois que5 d’Arica , où nous étions , il nous fut impôt- lîble d’en découvrir le fotnmet , à caufe des nuages qui les enveiopoient ; quoi que nous ie pallions facilement difeerner une autre fois -, parce fans doute que les pluies avoient ceffé à la montagne. Pour ce qui elt d’Ari- ca 8c de la côte voifne , de vieux Efpa- gnols habitans de cette j Place nous allure- rent qu’il n’y pleuvoir jamais. D’ailleurs , j’ai été à la riviere d’Ylo dans une certaine faifon de l’année , fans y trouver prefque une goure d’eau , quoi que dans une autre faifon il y en eût beaueou-p : avec tout eehr,- j’ai toujours ouï dire aux Efpagnols mêmes qu’il ne pleuvoir point fur cetre côte, mais bien avant dans le pars ; 8c qu’ils avoient en échange de fort grandes rofees. La côte eft feciie & fterile à Copayapo , & cette fechereife continue tout le long du Chili , 8c du Pérou j l’on n'y voit que des fables , & des rochers arides , fans arbres , fans au- cune herbe , 8c fans verdure , excepté dans quelque valon qu’on trouve de terns en tems^ Nous n’y aperçûmes aucune forte d’oifeaux , ni de^ bêtes, ni la moindre créature vivan- te : l’on n’y voïoit pas même la trace des hommes , qui fe tenoient renfermez dans quelque méchant bourg ou village , ou dans DE Mr VŸ A F ER. 1% quelque miferable porc auprès d’une riviè- re , dont l’eau effc iî baffe qu’une chaloupe n’y fçauroit entrer qu’en pleine marée. En un mot j l’eau y manque prefque par tout 3 & l’on n’y trouve rien pour les commodi- té z de la vie. Nous fumes donc obligez de remettre en mer à Copayapo , fans y avoir pu rempjir nos barriques , & nous fuivîmes la côte jufques à une Viile du Pérou,, nommée A» rica, qui eft fort joliment lituée à l’endroit où la côté fe recourbe , entre le 18 & le 15? deg. de latitude Méridionale. ^ C’ell ici où vient l’argent du Potofi , & où on l’embar- que pour" le tranfporter à Panama. Le Ha- vre y eft affez bon , & fa rade eft formée par une petite Ifle qu’li y a devant , & qui fert à rompre les vagues de la mer , qui eft ici fort groffe Ôc qui roule fans difconti- nuer fur le rivage : quoi qu’elle foit aufïi unie à la furface que les eaux d’une riviè- re , parce que le vent n’y foufle prelque ja- mais. Les vagues y brifent avec tant de vio- lence contre la côte , qui eft fort élevée par tout , quoi que bien au-detfbus des monta- gnes qui font dans l’intérieur du païs , qu’on ne fçauroit prefque y aborder qu’à la Ville d’Arica. C’eft icf où paffe une petite riviè- re , qui fe décharge dans la mer à travers quantité de roches raboteufes , où les va- gues donnent & rendent fon eau falèe : de 'forte qu’il nous fut impofïible d’y fai- re aiguade. Cependant nous rançonnâmes la Ville , où l’on ne nous fît que peu ou point de refîftance ; 8c nous y attrapâmes quelques Cochons , de la Volaille , du Su- cre ôc du Vin. Ce fut ici, où nous vîmes f v O Y a G E bonne provifion de Quma-Quina, comme aviaJrdr ]* djt*- avoIS été ane autrefois ^nrcIe CaPlta*ne £harP > & TOUS eûmes alors un combat fi rude à fomcnir, que nous y perdîmes plufieurs de nos gens ; tous nos Chirurgiens y demeureront , excepté -Cul , qu on avoir laiffé pour garder les D’Arica nous pouffâmes un peu plus loin fous le vent , ■& nous finies de l’eau à la ri- vière d'YIo. Nous trouvâmes dans ce quar- tier de l huile d’Olive, des Firmes , du Su- cre , & divers fruits , qui eroiffent ici ert grande quantité. Il a d’ailleurs un mou- lin ou 1 on fait 1 Huile , Si deux ou trois Su- creriers. Les Oranges douces y font excellen- tes. C’eft le plus beau vallon eue j’aie vü fûr toute la côte du Pérou ; il cft trés-fertile , oi rempli d une infinité de végétaux : quoi qu il ne foie humeété que par les rofées qui tombent toutes les nuits, Si par le moïen des canaux qu on coupe de la péri te riviè- re d’YIo, que les Naturels du pairs eondui- fent çà &c là dans leurs champs. Toutes les vallées du Pérou & du Chili , font d’aurant plus agréables , que les montagnes qui les environnent font fteriles Si afreofes. On peut dire que celles ci fervent de Juftrê aux autres , puis qu’on n!y voit que du fable , ou des rocs aufîï noirs que du charbon é- teint ou du fer. Ce n croit pas l’eau feule qui nous manquoit à mefute que nous courions le long de cette côte , les vivres devenoient quelquefois bien rares. Un jour entraurres çous fumes fi preffez par la faim , que Mr Smalbones , nn de nos Camarades , mangea DE Mr WA FER. 2 $7 des Cancres tk des herbes marines toutes crues, & que le refte de l’équipage, qui ne s’accommodoir pas de ce ragoût., Te jetia fur une Haridelle qui paitf'oit au piè de la montagne. Nous- depeçâmes d’abord ce pau- vre Cheval-, 8c après*- avoir fait un feu de joncs marins, nous y mîmes les pièces def- fus; mais à peine avoient-elles Cnci la cha- leur, que nous les dévorâmes, fans en Jaif- fer^un morceau , pas même les entrailles qu’on emporta fur nôtre bord. je ne m’arrêterai pas à faire un détail exaél de tout ce qui nous arriva pendant que nous rangeâmes cette côte avec le Ca- pitaine Davis ; mais je ne fçaurois omettre deux particularitez : l’une êlt , que nous abordâmes à Vernejo , qui dt au 10 degré de latitude Méridionale. Trente hommes de l’équipage, du nombre defquels j’étois , mirent ici pied à rerre , pour chercher de l’eau , & route forte de ra fraie hdfemens , donc nous avions befoin. Nous marchâmes près de quatre milles fur une baye fablon- neufe qui ètoir couverte de cadavres d’hom- mes, de femmes & d’enfans : il y en a- voit une fi grande quantité , qu’on auroit pu y aller de fus Tefpace d’un demi mile , fans toucher^ la rerre. IJ fembloir du pre- mier coup d’œil , que ces corps n’avoient Pas5 été-là plus de huit jours ; mais lors qu’on venoit à les manier, on les trouvoit auffi fecs &: aufifi légers qu’une éponge , ou qu’un morceau de liège. Enfin, nous aper- çûmes de la fumée , de après nous être ache- minez de ce côté-là , nous rencontrâmes un vieux Indien Efpagnol , qui alloit chercher de l’herbe feche le long du rivage , pour 25>$ VOYAGE cuire du poilTon, que Tes Camarades, quî n’étoient qu’à une petite diltance avec leur bâteau de Pêcheur-, avoient pris. Nous lut fîmes diverfes queltions à l’égard du lieu , 8c de ces corps que nous voyions étendus fur la place. Il nous répondit , que du rems de Tes ancêtres , le même terroir qui ne produifoit rien aujourd’hui , étoit alors rem- pli de verdure, fertile 8c bien cultivé : que les habitans deda Ville de Vvormia étoienr fi nombreux , qu’ils pouvoient fe donner un poiiTon de l’un à l’autre , zo lieues de fui- te depuis la mer , jufqu’à ce qu’il fût entre les mains de l’Ynca ou du Roi : que la ri- vière étoit profonde 8c rapide : 8c qu’à l’é- gard des corps que nous avions vu , c’è- toient les cadavres des Indiens de cette Vil- le , qui alïiegez par les Efpagnols aimèrent mieux s’enterrer tous en vie dans le fable , que d’être à la merci de leurs ennemis. L’on voit encore auprès des hommes leurs arcs rompus -, 8c auprès des femmes leurs rouets 8c leurs quenouilles garnies de laine de co- ton. J’avois réfolu de tranfporrer en An- gleterre le corps d’un petit garçon de neuf ou dix ans : mais nos Matelots entêtez que la Boufîole n’iroit jamais bien , pendanr qu’il y auroit un cadavre à bord , le jette- rent dans la mer > à mon grand regret. Le terrain de ce quartier ne confite qu’en collines 8c en vallées fablonneufes. Il n’y pleut pas non plus que dans tout le relie de cette partie du Pérou : mais il y a des ro- fées j 8c nous y vîmes le lit d’une petite ri- vière , qui étoit alors à fec. L’autre particularité que j’ai promife , efl que nous touchâmes dans le voiiinage de DE Mr WA FER. 2^ Santa, qui eft une pente Ville d 8 devrez 40 minutes de latitude Méridionale » "&c à 3 miles ou environ de la mer. Je fus du nombre de ceux qui mirent pied'à terre , pour aller à cette place , 8c du haut de la colline qu’il nous falut palier, nous vîmes dans la vallée qu’il y avoir entre nous 8c Santa , trois petits Navirfes fort délabrez , du port de 60 ou 100 tonneaux chacun. Surpris à la vûe de ce fpeétacie, nous ne pouvions nous imaginer, par quel accident ils étoient venus là : mais à nôtre appro- che de la Ville , nous aperçûmes un ‘Indien , que nous appelâmes , 8c qui vint aulîi-tôc nous joindre. Nous lui fîmes diverfes que-^ liions , 8c nous lui demandâmes entr’aurres chofes d’où venoient ces navires qui éroient dans la vallée. Il nous répondit qu’il y avoir neuf ans ou environ , que ces trois vaiffeaux étoient à l’ancre dans la baye, qui e(t tou- te ouverte, 8c qui peut avoir ç ou 6 lieues d’une pointe à l’autre ; qu’un tremblement de terre furvinr , qui pouffa la mer bien a- vant dans le païs ; que fes vagues s’élevè- rent avec tant de violence 8c à une telle hauteur , qu’elle porta ces navires au defîus de la Ville , qui étoit alors iîtuèe fur la montagne , que nous avions palfé , 8c les enfonça au même endroit où ils font au- jourd’hui ; qu’elle Et un dégât confîderable le long de la côte , 8c qu’au bout de 24. heures ^clle rentra dans fes bornes. Lors que nous fûmes arrivez à la Ville, le Prêtre de la Paroiffe, 8c plufîeurs autres des habitans nous confirmèrent la même chofe. Npus perdîmes ainfî beaucoup de tems à courir d’un côté 8i d’autre , tantôt en mer , N <> 3©o VOYAGE ( 6c tantôt à terre ; jafqu’à ce qu’enfn , après avoir vifité bien des lieux 6c des parages , nous nous retrouvâmes aux Iües de Galla- pagos , Tous la ligne. Ce fut ici que nous rèfolumes de fortir au plutôt de ces mers. Nous mîmes donc le cap au Sud , dans le deflèin de ne toucher aucune part , que nous ne fuiïions arrivez à l’Ifle de Jean Fernando. Lors que nous fumes à iz deg. 30.. minutes de latitude Méridionale , 6c à 150 lieues ou environ du Continent de l’A- merique, nous fentîmes un terrible choc fur les quatre heures du matin : nos équi- pages du Vaifleau ôc de la Barque en furent fi allarmez , qu’ils ne fçavoient où ils en étoient , 6c que chacun ne penfa qu a fe préparer à la mort. Il faut avouer que le coup fut û prompt 6c fi violent, que nous ne doutions point que le Vai d'eau n’eût touché fur quelque roc : mais lors que re- venus un peu de nôtre furptife nous jettâ- mes la fonde , il ne fe trouva point de fonds : âinfî nous conclûmes que ce devoit être un îrembkment de terre. La fecouife même fut i\ rude , que nos canons fauterent dans leurs afuts, 6c queplufîeurs de nos Matelots fu- rent jettez hors de leurs branles. Le Capi- taine Davis, qui avoir la tête appuyée fuc un canon , fut jette hors de fa cabane. La mer, qui paroît ordinairement verte, de- vint alors blanchâtre j 6c l’eau que nous en puifâmes pour le fervice du Navire , étoit un peu chargée de fable. Cela t ous fit d a- bord penfçr qu’il y avoir quelque bancj mais après que nous eûmes fondé, nous vî- mes bien que tout ceci venoit d une autre caufe. En effet 3 nous aprimçs dans fa fuite5 DE Mr W A FER- P< c.u’à cette heure-là même il y avoit eu un.' tremblement de terre à Callao , qui eL Je grand chemin qui conduit à Lima > que le reflux de ia mer s’étoit fi éloigné du riva- ge, que tout d’un coup on n’y avoir point vu d’eau -, & qu’aprés avoir difparu affez- long-temps , les flots étoient retournez avec tant de furie, qu’ils âvoienf inondé la Vil- le & la Fortereflé de Callao , quoi que fituées fur une montagne i tranfporté les vaifleauX qui étoient à cette rade , à une lieue plus loin dans le païs , noïè les hommes les bêtes durant l’efpace de ço lieues le long de' la côte, &T qu’enfin ils avoient fait du ra- vage à Lima , quoi qu’elle foit à fix' milles de la mer. Il femble que ce tremblement de terre fut de la même nature que celui donc nous avions vu les marques à Sa nta. Revenus de nôtre fraïeur , nous continuâ- mes à courir au Sud,3& nous fîmes route Sud quart-à-l’Efl: , & Sud-tft , jufqu’à ce que nous eûmes atteint 27 deg. 20 min. de latitude Méridionale. Nous aperçûmes alors à deux heures avant le jour une petite . rifle baffe & fablonneufe , & nous entendîmes vis-à-vis de la Proue de nôtre vaifleau un gros bruit , comme celui d’une mer qui bri- fe contre le rivage. Là-deflus, les^ Matelots qui craignoient de donner à la côte, priè- rent le Capitaine de tourner le bord èc de s’éloigner de terre jufqu a ce que le jour pa- rût , a quoi le Capitaine confentit. De for- te que nous nous en écartâmes jufques au jour , & alors nous amenâmes de nouveau la terre, qui fe trouva une petite Ifle pla- te , fans être environnée d’aucuns rochers. Nous pouffâmes jufques à un quart de mil- p2- t O Y A G E le du rivage , Ôc nous le vîmes fort diftin- etemenr , parce qu’il n’y avoir pas la moin- dre brume. A n lieues ou environ à l’Oüeft , nous aperçûmes une groffe rerre , que nous primes pour des ifles , à caufe des répara- tions quü y avoir. D’ailleurs, il nous fem- , a quelle s etendoit rç ou i G lieues en long, ôc de grandes troupes d’oiieaux ve- noient de ce côté-là. J’avois bonne envie avec plulieurs autres de l’équipage d’aller voir cette terre ; mais le Capitaine ne vou- lut pas nous le permettre. Quoi qu’il en '°PLî/iette Pec^e iflc Te trouve çoo lieues a 1 hit de Copayapo , Ôc à doo des Galla- pagos, qui font Tous la ligne. ^De retour à l’Ü le de Jean Fernando s vers la fin de Tannée i6Îy. ' nous y efpal- naames nôtre VaiiFeau, ôc après avoir aban- donne la Barque , nous fîmes route vers le Continent , dans le de/Tein d’aller à Mo- cna, pour y prendre quelques moutons, ôC faire enfuite le tour de la terre del Fuego. Mais lors que nous fumes arrivez à cette ille, nous n’y trouvâmes rien-, les Efpa- gnols y avoient détruit ou enlevé les mou- tons, les chevaux, ôc tout ce qui pouvoir fervir aux commoditez de la vie. Nous par- lâmes donc à l’ifle de S. Marie cjui eft au 37. deg. de latitude Méridionale , dans l’ef- perance d'y trouver de bonnes provifîons ; mais elle étoit réduite dans le même état que la préçedente ; de forte qu’il nous fa- lut contenter de farine , du maïz , de la chair falée des Tortues de terre, ô£ de do. jarres de leur graille fondue , que nous a- vions pris aux Gailapagos. D’ailleurs , les Efpagnols avoient mis des Chiens fur i’iile DE Mr WA FER. *oÿ de Jean Fernando, pour y détruire les Chè- vres 8>C nous ôter ainfî les moyens de fub- ffter : mais ne doutant point que l’ifle de Mocha ne nous fournit a/Tez de Moutons pour avituailler nôtre Vaiffeau , nous ne tuâmes des Chèvres que ce qu’il nous en faloit pour l’ufage prefent. Trois ou quatre de nos Compagnons de fortune , chagrins d’avoir perdu tout ce qu’ils avoient au jeu , 8c de fortir de ces mers aufïi pauvres qu’ils y étoient venus * fe déterminèrent à refter fur l’ifle de jean Fernando, dans l’efperance qu’il y viendroic quelques autres Armateurs. Nous leur don- nâmes un petit canot*, une marmite, des haches , de grands couteaux , du maiz , 8c les provifîons , dont ils avoient le plus de befoin. J’ai apris dans la fuite qu’ils avoient planté de ce maiz , apprivoifé quelques Chè- vres , &c vécu de poiffon & d’oifeaux. Il y en a une efpece de ces .derniers , qui font gris , à peu prés de la groffeur d’un petit Poulet , 8c qui font des trous en terre com- me les Lapins : ils s’y logent la nuir , 8c le jour ils vont à la pêche *. c’eit aufli un oifeau de riviere , dont la chair fent un peu le poiffon quoi qu’elle ait bon goût , après avoir été enterrée, j’ai ouï dire de plus , que ces hommes fe mirent à-bord d’un Ar- mateur qui vint toucher là , une ou deux années après-, & c qu’il y en a un d’eux qui eft arrivé depuis en Angleterre. Nous fîmes donc route pour doubler la terre del Fuego -, 8c nous efïuyâmes une fu- rieufe tempête trois femaines, ou environ avant que nous fufîîons arrivez à la hau- teur du Cap Horn. Nous ne vîmes point ce VOYAGE ce Cap; parce que nous en étions trop au »/i -5 £ ^ft-à-dire à 61 deg. min. dé latir. Méridionale , 8c nos Matelots peu habiles ne içavoienr ou tourner leur courfe. Nous é- tions alors ici au cœur de l’Eté 3 car je me fouviens que la tempête venoit de finir le jour de Nocl 1687. Après être fortis- de .la- mer du Sud , nous courûmes au Nord , 8c nous rencontrâmes plufieurs montagnes de glace, que nous prunes d’abord pour des lues. Quelques-unes paroifioient avoir une lieue ou deux de long. & d’autres un de- mi mile. Nous les rangeâmes plufieurs jours de fuite vent arriéré 3 8c la plus grofiè de toutes nous parut être de 4 ou foo piez de haut. Après avoir jetté la fonde dans leur voifinage , if ne s’y trouva point de fonds 3 de forte qu’on a lieu de conjecturer qu’el- les étoient à flot 3 & peut-être même auf- fi profondes fous l’eau qu’élevées au-deffus de fa fuperficie. Nous ne vîmes point de ces montagnes de glace , lors que je paflai dans la mer du Sud avec M-r Dampier 3 8c je n’ai pas même ouï dir^que le_ Capitai- ne Sharp en rencontrât aucune à fon retour de cette mer-là. Quoi qu’il en foit, nous ^s, difcefnions de nuit fi diflindtemenr , qu’il nous éroit facile de les éviter : mais il y en avoir d’autres cachées fous l’eau , qui fecouoient quelquefois nôtre bord, fans nous faire pourtant aucune perte confidera- ble. D’ailleurs , les bouffées de vent qui paf- fofent fur ces mohtagnes de glace , étoient fi froides 8c fi fenfibles , que nos gens qui for-, toient d’un païs fort chaud , pouvoient fe tenir à peine fur le tillac- Dans tout nôtre paffage autour de la DE Mr WA FER. ?é>' terre dcl Fucgo , & durant trois femaines de Fuite que nous courûmes au Sud du Cap Horn , Je rems fut fi orageux , le Soleil Je trouva fi obfcurci , 6c les Etoiles furent fi couvertes par les nuages , qu’il nous fut impofïîble de prendre'nône latitude : Mais félon nôtre calcul , nous fûmes bien prés du 6} degré de latitude Méridionale , c’tfl-à- dire plus avant au Sud qu’aucun Européen s ou peut-être qifaucun homme ait jamais été. Lors que nous vîmes au 6z degré 30. minutes de latitude , nous réfolumes de re- mettre le cap au Nord, vers l’Océan AN Jantique & la mer d’Ethiopie : nous cume9 bien-tôt fait la manœuvre neceffaire pouf courir E. N. E. & par E. quart au N. 6c nous iuivimes long-tems ces Rumbs. D’ail- leurs , nous avions compté que dans nôtre paflage l’aiguille Nordouefloit de trois poin- tes de compas : mais lors que nous pûmes1 faire une bonne ûbférvacion , il fe trouva3 qu’elle Nordefloit , 6c que nous avions cou- ru Eft quart au Sud. Il nous falot ainfî di- riger nôtre courfe N. N. E. 6c N. E. quart au N. Quand nous fumes. donc arrivez dans la1 latitude de^ la riviere de la Place , où nous' avions deflêin d’entrer , nous comptâmes que nous n’étions pas à plus de ico. lieues- de terre , 6c nous fîmes route tout droit vers le rivage, dans l’efperance que nous le trouverions au bout de ce chemin. Mais nous en étions alors à çôo lieues i de forte qu’aprés en avoir fait quelque centaine à l’OLidl dans la même latitude, fans décou- vrir Ta terre , nos gens commencèrent à per- dre courage , dans la crainte que nous fuk _ VOYAGE. vions toujours une faufle route , Sc que nous péririons en mer , faute de vivres , dont nous avions peu , 8c d’eau qui étoit encore plus rare. Dans cette extrémité , il iurvinc une grotte pluye , qui dura un jour entier , 8c dont nous remplîmes plufïeurs de nos bar- riques. Cela nous fut d’un grand fecours , & fer vit d’abord à relever le cùebr abatu de nôtre équipage. Mais après avoir couru 450 lianes, fans amener la terre, nos gens s’al- larmerent de nouveau, & peu s en falut que nous n’en vinifions aux mains les uns avec les autres. La plûpart fouhaitcient qu’on changeât déroute, dans la penfée que cel- le que nous fuivions étoic fautte : mais le Capitaine Davis , 8c le Pilote Knott , les prièrent au nom de Dieu d’attendre encore deux jours. On y confentic , quoi qu’il n’y eût qu’un petit vent foible ; & dans cet in- tervalle, une boufée de l'Oueft nous ame- na une troupe de Sauterelles & d’autres în^' feéles ; ce qui nous perfuada que nous n’é- tions pas éloignez de terre. Si par bonheur ceci n’étoir pas -arrivé, nous aurions infail- liblement changé de route , puis qu’une bon- ne partie de l’équipage le vouloit à toute force, 8c qu’ils étoient même aflez igno- rans pour croire que nous étions encore dans la mer du Sud, 8c en ce cas-là, nous ne pouvions manquer de périr en mer. A fuivre la direction de cette boufée de l’Oueft , qui avoir amené les Sauterelles , 8c à fixer par la Bouflbie le trait de venc d’où elles venoient, la terre que nous dé- couvrîmes étoit un peu au Nord de l’em- boucheure de ia riviere de la Plate. Nous- abordâmes donc ici pour faire de l’eau 8c DE Mr W AF ER. 307 des vivres , dont ce païs abonde. Dans cet- te vue, nos gens armez de leurs fufïis n’eu- rent pas plutôt apperçû un troupeau de Marfouïns fur une pointe de terre , qu’iis; prirent la refolution de les attaquer. Pour en venir plus facilement à1 bout , quelques- uns d’eux leur coupèrent le chemin qui' eonduifoit à la montagne, pendant que les autres en dévoient faire un grand carnage avec leurs coutelas'. Mais à mefure que ceux- ci s’aprochoienf , les Marfouïns fe retiroient vers la mer , contre l’atente de nos Mate- lots, qui les avoient pris pour, des Cochons ordinaires. Quand les Marfouïns eurent ga- gné le rivage , ils fe mirent à contempler nos hommes , & lors qu’on étoit fur le point de leur donner déifias, tout le trou- peau s?élança dans la mer, au grand éton- nement de nos Chafleurs , qui furent bien mortifiez d’avoir manqué leur coup.- Mais une autrefois ils en tirèrent deux qu’ils por- fefenf à bord- , St dont fa chair a voit le' goût de celle du Cochon de terre , à un pe- tit goût de PoifTon près. Ces animaux ne font pas éloignez de la figure du Cochon ; ils ont la foie courte , mais plus rude que celle des Chiens marins , Sc les piez , qui leur fervent aufiTi à nager , faits de même , Sc de couleur noire. Le pars eitici bien arrofé , & l’on y voit de tous cotez des troupeau# de gros bétail , des Daims ■& des Autruches 3 quoique d’ailleurs il n’y aie point d’habi- tans. Nous vîmes grand nombre de ces Au- truches , $c nous trouvâmes quantité de leurs œufs fur le fable , où ces oifeaux les pondent 3 fans en prendre , à ce qu’on dit jofü VOYAGE aucun autre foin. Le Soleil les fait édorre Tp,-, petits fuivent la première créature Pvt1 ? 5 ®uflî rôt qu’ils font hors de J,œuf J ai ete fuivi moi-même quelquefois dc plufiÈurs de ces jeunes Autruches , qui iont :ror t fmpies & innocentes. Les vieil- i *2 d’une ?r°flcur extraordinaire , «X la cuiiie d une que je mefurai , n’etoiC guere moins greffe .que la mienne. Nous' en prîmes des unes 6e des autres à bord , f* nPLIS eù mangeâmes quelques unes : mais la cnair des vieilles étoit de fort mauvais goût. Il y a des perfonnes qui croient qu’el- ics mangent du fet ; & il e(i vrai qu’elles' avalent des clous, des pierres, 8c tout ce qu on leur jerte, niais tout cela palîe à tra- vers Je corps , & leur fert à la digeftion& non pas de nourriture -, de même que les petits cari fous que certains oifeaux avalent oc qui leur fervent , pour ainfi dire , de meules dans le geiîer , pour y moudre 8c broyer les viandes. Après avoir remis en mer, 8: rangé la cote du Brefil , nous fines route vers les Lies Cannes. Ce fut ici où nous trouvâmes Mr Ldwin carter , qui montort un petit vaif- leau des Barbados. je me joignis à lui avec quelques autres de mes compagnons de for- tune , 8c il nous apprit que le Roi Jacques âvoit publie une Ammftie en faveur des Boucanniers. Nous paffâmes donc fur fon bord jufques à la riviere de la Warte , 88 nous arrivâmes à la Ville de Philadelphie en I enfilvanie dans le mois de Mai id88. je demeurai ici quelque tems ; au bout: duquel le Capitaine Davis , Jean Hingfon , ec moi deeeodisnps la riviere de ia Vvarre D E Mr W A F E R. jufques à la crique d’Apekunnumi. Nous fi- ^nes enfuite charier nos cofres , 5 c tout ce que nous avions , ;à travers une petite langue de terre, jufques à la rivicre de Bohemia, qui conduit par la grande baye de Chtfa- pcech à la pointe de Confolation dans la j.iviere jaques en Virginie, je comptois de m’établir ici : fnjtis après Un fejour de deux années ou environ , il me furvint quelques embarras qui m’obligerent de retourner en' Angleterre , où j’arrivai en 1690. Peu de jours apres mon retour je rencon- trai le Capitaine de la Tartane Espagnole , que j’avois vue d l’Ille de la Fonde, il parloir très-bien Ang fois. Il me dit que le Capitaine qui lavoir pris l’avoit amené à Londres, oii il attendoit que fa famille , qui ëtoir une des plus considérables de Lima , Capitale du Pé- rou } lui envoiât dsquoi fe racheter. Comme j’avois contrarié avec lui une amitié parti- culière d l’Ille de la Sonde , où je l’avois gue- fi d’une bleflure très-dangereufe , nous fumes bien-aife de nous revoir. Nous nous entretî- ntes de nos Volages , & s’il parut prendre quelque plaifir à m’entendre , j’en eus bien davantage à l’écouter. 11 me conta comment il avoir fait naufrage au Port de la Caldera , & me fit une description de la nouvelle Ef- pagne. Je trouvai les choies qu’il me dit (j. curieufes & en même tems fi inltruélives , que je le priai dë me les donner par écrit. Il pe voulut pas me reifa fer cette facisfuction > il les mit par ordre & eh compofa'un petit ouvrage qu’il m’envoia. je croi que le pu- blic ne me fauta pas mauvais gré de lui en faire part. f O Y AGE Sl° JE ibrtis de la Ville des Rois , autrement de Lima , en ,1578. pour me rendre à Cal- lao & m’y embarquer fur une Fregatèque je devois commander. Elle étoit chargée de Fa- rine , de F ruits , d’un grand nombre de Caif- fes , de de Confitures > feches & liquides, pour Panama , où nous arrivâmes fort heureufe- roent le fixiéme Mai » deux jours avant la Pentecôte. Delà voulant aller prendre d’au- tres marchandées à la Caldera , Port fituê dans la Province de Cofta-rica , Evêché de -Nicaragua, j’en pris la route avec divers paf- fagers que j’avois fur mon Bord. Nous mî- mes à la voile le dixiéme Mai , &c croyant ar- river à l’ordinaire en moins de neuf jours à ( la Caldera , nous nous trouvâmes au bout de quinze obligez de jetter l’ancre à l'embou- chure de la rivière de Manglarés , quidécend de Chiriqui , haute montagne fameufe par fies raines d’or. Là je décends avec quelques perfonnes de l’équipage pour aller aux pro- filions , qui commençoienr à nous manquer. Tout le monde convenoit, vu l’endroit où nous étions, qu’il fuffifoit d’en prendre pour huit jours , mais à tout événement j’en pris fur mon compte pour un mois ; 6c ces provi- fions confiftoient en Veaux , Cochons , Vo- laille , en quelques Fruits du Païs,& en Maïz. Nous étant remis en Mer , nous fûmes ex? trémement battus des flots durant les huit jours que nous avions compté devoir nous fuffire pour arriver au Port où nous voulions nous rendre-, 6c le neuvième fur les quatre heures du foir nous fumes aflâillis d’une fu- rieufe bourafque-, 6c fans pouvoir nous er? défendre , l’orage 3c la marée nous poufle- DE Mr Vv A F E R. m jenr fur une Côte fi remplie d’écueils , que il nous eu .liions été jettez une portée de mou S- quet plus avant, le Vaifieau fe feroit indu- bitablement brife en mille piec.es , & nous aurions tous péri , parce qu’il n’y avoir au- cune plage fur cette côte qui é.toit toute es- carpée de rochers. Pour nous délivrer d’un danger fi preflant , nous jettâmes au plûtôt la Chaloupe en Mer , & tachâmes de remor- quer en pleine Mer la Fregate à l’aide de lu le i t j Rameurs des plus vigoureux. Nous y travail- lâmes avec tant de concert & de diligence , que nous en vinmes enfin à bout. Mais com- me, touyce que nous avions Souffert pendant la tempête, & l’effort que nous avions fait pour nous^tirer de ce dernier péril , nous avoit fort fatiguez , nous tombâmes dans une f grande nonchalance , que vers le minuit , fans Savoir comment , le Vaiifeau,par la mau- vaise garde qu’on y fai Soit , pafia parmi des écueils , 8>c porra Sur fun d’entr’eux en glifi» fanr avèc^tant d’impetuofitç , que tous les Sa- bus du côté gauche en furent brifez. Au bruit que nous en ouïmes , nous nous crûmes perdus ; nous imaginant avec afiez de raifon que la quille avo:t touché , mais nous ne pûmes nous en éclaircir fur le champ parce qu’il fai Soit une ôbfcurité à ne pouvoir rien diScerner. C’efl pourquoi nous paffâmes le refte de la nuit dans une étrange inquiétu- de , quoique l’orage Se fût difîîpé. Heurenfe- ment le jour étant venu , nous connûmes que nous avions eu plus de peur que de mal ; Sc le vent nous ayanr paru favorable , je fis re- haufier les voiles. Neanmoins nous n’en jouî- mes pas long- rems , car dans les quatre jours /uivans il changea plus defixfois. Enfin après pli V -O Y A G £ avoir bien tournoyé de côté & d’autre , nouj nous retrouvâmes à l’embouchure de la mê- me Riviere que l’autre fois. Tous les padagers n’en fuient pas fi fâchez qu’ils l’auroient été dans une autre conjon- cture, parce que les vivres leur aiant man- qué, il y avoir déjà trois jours qu’ils ne fe nournfïoient quede la petite part que je leur faifois de mes provisions. Il falut donc met- tre pied à terre une fécondé fois. De peur de retomber dans le même inconvénient , ils fe 'munirent pour quinze jours de la même ef- pece de vivres, &c apportèrent auifi plufieürs fruits de Plaranes qui font délicieux quand ilsTont meurs , &c veits , étant cuits fous la cendre chaude, ils fervent de pain dans la- neceiîité &c ne font pas d’un mauvais goûrP Pour moi je pris encore des provisions pour un mois s aimant mieux en avoir de relie que de m’expofer à en manquer. Nous remîmes donc à la voile , de nous ar- rivâmes à la pointe du Cap de JBorica j mais nous n’en fûmes pas plus avancez , car il fur- vint un calme qui nous retint vingt- deux joursencec endroit. Il duroit depuis l’aubç du jour jufqu’au coucher du Soleil , de alors un petit Zephir s’élevant , nous faifoit navi- _ger pendant toute la nuit avec un tems aifez favorable j mais les Courans contraires qui régnent fur ces Côtes nous faifoient plus re- culer en une heure que nous n’avions avancé 'en fix*, de forte que lî-tôc que le jour com- înençoit a paroître , l’homme qui veilloit à la huné s’ècrioit avec de grandes demonftra- tions de joie , Terré 1 erre -, mais le jour de- venant plus clair, chacun recon'nôiffoit que cette terre étale la pointe de Borica, d’oij nous , . DE Mr WAFER ,t, nous étions partis à l’entrée de k nuit , ce alu flous mettoit au defefooir qul me nous ne pouvions ÇetMdkr ïce maîhe°uT" flous tachions de nous en mnC^i u *' occupant à divetÆ^ ffia? sksssssiê Zfc n°Zin/TZktZ%m ,a~'c empêcher d’en rîre^Comme £^“*£7 '“f confirmez pendant un fi |on" cak re une troiS^dtoenwf t'ètois d'kvfs 6'" fance de ceder à leur fenti Tient mpUi" mes donc , & allâmes ?enonvIii°US revirâ- mmzÈÊéw nous arrivâmes en huit jours T n Mer* a la vûë de Hile* du Ca in n a‘ ' \ VJgatI on lots dirent qu’eh drW ; ^ ou les Mare- drions au Port tant defiré de^CaîfT^M6"" comme les hommes font faic^i f MaIS dans leurs jugemens il a“!JecsaPe tromper qui éroitclair&^n h 1V* W le tenis Le Soleil v iqui nous frappant d’horreur » ne laifloit pas de nous aider en quelque forte , parce que les éclairs , qui nous environnoient de toutes parts, nous éclairoient à faire nôtre manœu- vre i mais cette manœuvre ne nous fervant pas beaucoup, nous prîmes le parti de Jaif- iêr voguer au gré du ventôc des eaux notre miferable bâtiment , fans nous fatiguer d’un travail inutile. L’orage cefla , & le jour -vint s mais comme il étoit encore trouble & que la même nuée nous couvroit tou- iours, nous ne pouvions nous promettre du beau tems. Le Pilote voulut tacher de dé- couvrir à qu’elle hauteur nous^ étions , maïs quelques obfer varions qu il pût faire , fui- vant les réglés de fon Art , il ne connut îien, pas même par cou je<2ure. Je le fis ap- peller dans ma chambre &c lui demandai fi Sous ne ferions pas mieux de chercher fur h côte quelque lieu fur , & qui fut a cou- vert du vent & de la marée, pour nous y retirer jufques au retour du beau tems, plu- rôt que de nous opmiâtrer a errer ainfi a l’avanture , dans l’incertitude & le danger d’un orage , qui pourroit enfin caufer notre perrei Le pauvre homme, les larmes aux yeux ne pur me répondre autre chofe, fi ce n’ed que fes pechez etoient fans doute la çaufe du mauvais fuccés de notre volage , & qu’il ne fa voit que faire , .parce ^ que. es Matelots ne youloient plus lui obéit. Je les |s appel 1er , & les ayant queftionnez , lis répondirent tous qu’ils croyoïent etre i fore proche de Caldera , comme on le pôurroïc „ D E Mr W A F F R tecortnoitre dés que le Ciel • *If D,ans cette efperance coin/ dec?uvriro^. de côté & d’autre fur’la mém/î.' de croifc1: wnt Cinq jours ; le &ji,™ „hauteur du- qu’on le pouvoir fouhaim r,ôq ui parut tel Je Pilote obfcrva le SoleiJ & ^ Rnff/f Cnité alïura que nous étions fatiffaure â Jf? ? ’ ^ du porc, &C que bien fAr £ a d.],x ^eues rions la terre? Nous donn^°US découvfi- toutes les voiles • neanmnP ames auiîî ' tôt mes jufqu’à la mîic "ans rLn°US nav]Sua- lendemain matin il periîfl-a pperce^°jr- Le {cnciment jufqu’à rnidi f afrn ?-e dans fon fautes montagnes qi’il^fi, Rouvrit de heures à pouvoir ÆnoPre deUX les avoir bien observées il * aPres coup de trouble &d’a'tera5riond SVe5 faeau~ les Montagnes de Chiriqu eCOienc mous avaient encore rejettez * COurans gr.n q“f'^Ve d-’ rent certe déplaifante nouv’dle IJs 4 Srappri- imprccatlons contre le Pilote^ J'rem des & nous eûmes aflez de peine&d rai"6 T' » Çolere. Je leur ptopofar encore , i? C'r Jeur a Panama . où nous nj,„“ d retourner en cinq jours ; mais les JS nous«ndre Plufpart avoient des CliareeT oTdé^fl” C U importantes dans ia pmi^*£“r„e4afi?,t« reprelenterem qu’il ne folio, V ^'Jtrica , ter , que n„usS,’avions l°i £* fe rebu- quatte ou cinq jours en «r • repofcr malgré la quantité de mo htl°Ki SUI * trouvent , ne lauïbit pas Tàlr. 0ns ^U1 s’y qu enfuite nous poumons conM’aa >!c > & navigation avec plus de bnrU C ° nôtrc ug V O Y A G E ■ plus effronté que jamais , jura quil arrive-* roit au Port de la Caldera avant qu il fut cinq jours, ou qu’il y btuleroir tous fes li- vres. il fallut donc fe rendre a cela > & nous allâmes nous repofer à Chiriqui pour la qua- trième fois. Nous y demeurâmes fix jours , oendant lefquels nous nous rafraîchîmes , c~ mangeâmes force Oranges , tant aigres que douces , que nous trouvâmes fur la cote de la montagne. Puis nous étant encore munis de vivres , nous mîmes à la voile , comptant déjà quatre-vingt un jour depuis notre dé- part de Panama. : F Le lendemain il s'éleva qn vent fî guai , cu’avec une partie des voiles feulement , pou s crûmes avoir fair une des plus grandes fournées de toute nôtre navigation *, mais le our d'après , le Ciel fe couvrit , le yent. cef- fa & le plaifîr que nous avion? reffentl d’alleu fi vîte fut bien diminué » quand nous bous apperçumes au bout de douze jours que nous n’avions pas fait beaucoup de chemin., parce que les courans contraires nous fai- foient prefqu autant reculer la nuit que nous tvfons avancé le jour. Cependant les provi- sions fe confumetent , & nous n étions plus à Chiriqui pour en prendre de nouvelles.. En- £n la neceffité vint a un point , que n ayan plus pour repaître qu'un peu de maiz , qui Lait relié dans l’auge aux cochons , & que ces vilains animaux , avoient remplie- de jfiante & d’ordures : ce defagreabie maiz fut partagé entre nous à poruons égalés , Sc : cela étant c on fumé , il falut compofer une capi- lotade des membres coriaces d un vieux Bar- bet, qui avoir fait jufques la mes dehces; Tout l'équipage fe jetta avec avidité fur DE Mr WA FER. %\ y ëette mauvaife galimafrée , 8c chacun n’en eut pas fa fuffiiancé, Le jour furvanron pré- para un nouveau repas d’un cuir de Taureau qui avoit fem de couche à mon chien, ôC qui pru fa mort étoit devenu un meuble inu- tile. On le fit bouillir iong-tems à gros bouil- lons, jufqu’a ce qu’il fut converti en une e(- çece de colle noirâtre qui ne prêvenoit pas fort les yeux en faveur du goût. Mais bien loin d’en être dégoûtez , nôtre faim étoit devenue fi dévorante , que nous en mangeâ- mes ave.c autant d’appetit , que fi c’eût été de la gelée formée du fuc fubftanciel des viandes les plus exquifes. Ce même jour un matelot Negre ouvrit fou coffre , & de deux platanes qu’il avoit ferrez , il en mangea un , pelure , coque 8c tout , 8c vint en grand fe- cret me prefenter l’autre , me priant dé lui en donner feulement la coque, & fi-tôt qu’il l’eut il la dévora avidement, de crainte que quelqu’un ne furvint pour la lui arracher. Pour du vin , l’équipage en étoit fuffifam- mént pourvû , 8c l’ufage immodéré qu’on en avoir fait , n’avoit pas peu contribué au mauvais Gouvernement de la Fregate. Vo- yant que les principaux Matelots , 8c fur tout le Pilote ne favoient plus que faire, 8C que tant de fautes avérées à leur dam leur avoient bien fait perdre de ces airs d’affu- rance par lefquels iis avoient prétendu m’im* pofer fur leur capacité, je les pris en parti- culier : je les confolai 8c encourageai dans les termes les plus affeélueux que je pûs choi- fir : je n’eus pas de peine à les porter cette fois là à chercher la terre de tous les cotez qu’ils croiroient la trouver, & ils y étoient déterminez ; de forte que fi nous aidions, O iij 3iS VOYAGE rencontré des terres peuplées de Sauvage» Indiens, qui font ennemis irréconciliables de toute la nation Efpagnole , nous y ferions décendus avec joye pour nous tirer de la cruelle extrémité où nous nous trouvions. Quelques- uns d'entre nous veillèrent- toute Ja nuit pour ob/erver s’ils ne découvri- roient point quelque montagne qui nous in- diquât nôtre route. A la pointe du jour , par un bonheur inefperé , on nous cria de la hune. Voile, Voile ! Cette voix répan-* dit une fi grande joie dans tout l’équipage que fans fonger à rendre à Dieu les grâces que nous lui devions , nous nous mîmes tous à crier avec confufion : Arrive , arrive , h au fie les voiles , abaifle celle-ci , monte vice. Enfin après nous être fait d*un Navi- re à 1 autre tous les lignes qu’on a coutume de fc faire quand on ie veut joindre, nous vînmes à nous aborder. Le Capitaine du Va i fléau, qui étoit un Mexikain de nia con- noifiance, n’eut pas plutôt fçû que je com- mandons la Frégate , qu’il fit jetter l’efquif en Mer pour me venir offrir fes fervices. f\prés les premiers complimens r il m’apprit que nous étions auprès de l’iile du Cagno , êc nous convînmes d’y relâcher enfemble pour nous y repofer* Dés que Don Louïs de Legnarès i ( Ainfi Te nommoit le Capitaine Mexucain ) fut infor- mé de la preffante neceflité où nous étions , il fit porter aufli- tôt dans la Fregate de la volaille , du pain , des fruits , St autres ra- fraichiflemens capables de rétablir nos for- ées épuifées & de nous faire perdre le mau- vais goût du vieux barbet St de fa couche. Nous décendïmes enfin dans i’ifie , où nous DE Mr W A F ER. dinâmès fous le- frais ombrage de quelques Platanes, fîtuez fur les bords d’un agréable' riiideau , qui fe dechargeoit à quelques cent pas de là dans la Mer. Le bâtiment de Do» Louïs n’étant chargé que de vivres , de fruits &c d’autres provifîons qu’ils allouent vendre à Panama ; les pafîûgers de la Fregate' & mes Matelots , eurent de quoi choifir pour leur argent. Ils en prirent Feulement: pour quatre jours , Fur l’aiFeu rance qu’ils Fd donnèrent à eux-mêmes qu’en deutf ou trois ils arriveraient à la Caldera'; mais peut moi je fus pourvu gratuitement par Dorï Louis de toute Forte de volatile , de Fruits , biieuits , conFerves , chocolat , & d’autres choFes de régale ; ôd quelques indances que je P u de Faire pour les lui payer , jamais il b y voulut confentir , en me difant , que quelque jour je pourrais bien- lui rendre la pareille. Nous demeurâmes le refte du jour dans • cette l/le délicieufe, où nous eûmes bien dtl plamr , & à l’entrée dé la nuit chacun ren^ tra dans ion V aideau à la referve de Don Louis, qui voulut palFer la nuit dans le mien. Il me divertit infiniment , par la douceur de Fa voix qu’il Favoir conduire avec beau- coup de merhode & d’agréement , & par r enjouement de Fa converFation. Comme m°US i1r Pouv*om Pas toüjours être enfem- ble, il fallut nous Feparer le lendemain. Ce que nous fîmes Fur les dix heures du matin * apres bien des embraifades, & mille protefia- tions de Fervice. Chaque Vaideau ayant repris Fa route , Je rmen navigua avec tant de bonheur , que le four Fuivant Fur les fépt heures du foie O îv 3“ VOYAGE nous apperçumes ce Port tant defré oui iUnrseveu^'rl0itn?-dCV,0ir le Mar- chand Génois qui étoit begue 8c qui ne pat- DE Mr WAËË-R. 32 1 loit pas bon Efpagnol , au lieu de dire , AI- Norouefté , comité le Pilote , dit en bs~ gaiant, Al-Nornorouefte , qui efi: un autre vent; le Timonier entendant cette voix 5c " * -‘—~** *~«* viivvuutuu veut vuiA ^ la croyant de Ton Maître , prit fans hefiter le chemin du NornoroueA : ce qui l'éloi- gnant du Port , l’approchait de fa côte. Pendant ce tems-là , comme la nuit étoic venue, les pa{Tagers.&: moi nous dormions fans nous appercevoir de cette méprife. Neanmoins fur les deux heures après mmuic m’étant réveillé: en furfaut au bruic des va- gues qui frspoient avec impctuoflté contre les rochers de la côte* je m’écriai tout fur- pris : Qu’effrce donc ceci , Seigneur Pilote ? Entrons-nous déjà dans le Port"? A cet aver- rifîement deux ou trois fois, reïçeré , le Pi- lote fortit de fa vineufe letargie , &c s’étanc levé de deifus fa chaife pour s’en éclaircir , vit avec épouvence la Fregace fi mal con- duite ôc prête à heurter contre un roc qu’on avoir eu delà peine à difeerner jufques-là à eaufe de l’aifreufe obfçurité que répandok aux environs l’ombre d’une haute monta- gne couverte d’arbres. H, cria auili tôt aux Matelots : tourne arriéré ; mais il n’etoit plus tems , & l’infortuné Batiment pouifé avec violence par le vent & la marée heur- ta prefque dans le moment contre l’ècueil drune telle force, qu’un des cotez du Vaif- feau en fut fracaifé ; une montagne de flots qui venoit de fe brifer contre le rocher , s’é- levant au retour du côté de la Fregate , en- tra dans la ghambte de poupe par les ouver- tures des cotez , 5c l’inonda route entière. Alors ce ne fût dans tout le Vaiifeau que dameuts effroyables & que defolation. les 0 v il %ti . VOYAGE lamentations fuccederent aux cris de joie St d’emportement que les fumées bachiques leur faifoiént pouffer quelques momens au- paravant. Rien ne pût égaler le trouble SC la confufion qui regnoient par tout : quel- ques-uns réveillez en furfaut crioient com- me les autres , quoi qu’à demi endormis 3c fans favoir encore pourquoi. Le bruit, l’ob- fcurité , les hurlemens , tout augmentoir l’effroi. Ce qu’il y avoir de plus déplorable e’eli: que nous voyions bien tous que nous étions perdus , 3c que nul ne pouvoit dire par quel étrange revers prêt à entrer dans le port , nous étions engloutis par les eaux , 3c moi- même je n’en fa vois pas plus que les autres^ Dans une fi grande confternation , les uns à genoux fur le tillac pouffoient des vœux au Ciel pour leurfalut*, d’autres les mains join- tes demandoient à Dieu , mifericorde. D’au- tres difoient à haute voix leurs pechez les plus fecrets. Pour moi , parmi ces gemiffe- mens , je confervai le fang froid que Dieu m’a donné , Se que j’ai le bonheur de ne ja- mais perdre en quelque péril que je me trou- ve, & voyant qu’ils alloient tous périr faute de prendre le feul parti qui leur convenoic dans l’extrémité où nous étions, j’encoura- geai ces malheureux à travailler utilement 3C diligemment à fe fauver. Je leur perfuadai d’aSord découper les mâts , & de nous faifr de toutes les planches , poutres 3c autres cho- fes qui pouvoient nous foutenir fur l’eau , 3c nous aider à gagner en nageant quelque lieu du rivage qui fut propre à aborder. J’ordon- nai enfùice qu’on jettât dans la Mer tout ce qui par fà pefanteur pouvoit faire fubmerger trop promptement le Vaiffeau ; de par ce mo~ DE Mr WA FER. 515 yyetl , auÆT-bien que par celui des pompes , je" retardai le naufrage jufqu’aux premiers raions de l’Aurore. Mais ce qui nous fervit plus que tout le relie, fut le confeil que je leur don- nai de prendre a deux une longue & menue corde , qu’ils tenoient chacun par Un bout. Get expédient fauva la vie à plufïèurs; car lors que la Fregate ouverte de tous côjrez , eue coulé bas malgré le fecours dés pompes , tour le monde fe voyant obligé deYe jètter à la nage fur les planches ou rouleaux de bois , dont il plk fe faifir pour eflTaier dé gagner la terre , il arrivoit que le premier qui y abor- doit , tiroir après lui fur le rivage fon Com- pagnon qui tenoit l’autre bout de fa corde , & qui fort fouvent étroit fur le point de fe noyer. Je tirai de cetce maniéré le Pilote, quoiqu’il ne le méritât point. Nous échapr- mes prefque tous de ce danger, à la referve de cinq ou fîx qui furent pouffez avec violence par des coups de Mer , qui périrent rmfe- rablement en donnant de la tête contre les écueils , & contre le Vailfeau même. Quelques heures après le naufrage la ma- rée s’étant retirée , laiffa la Fregate prefque à fec; de forte qu’il nous fut aife d’gn retirer tout ce qu’il y avoit dedans , & de le tranfpor- ter à terre. Il n’y eut prefque rien de perdu , puifque nous recueillîmes même la plus gran- de patrie des chofes que j’avois fait jetter à l’eau. Nous rendîmes grâces à Dieu de nouS; avoir confetvè la vie , aprés-quoi nous brûlâ- mes le. bâtiment pour en tirer le fer, que nous amaifâmes en un endroit de la côte , avec cou*, tes les hardes, fous des arbres feuillus que nous avions choifîs pour nous y mettre à couvert de 1 ardeur du Soleil. Comme nous- © vj. 3*4. VOYAGE n’avions pourtant pas de/Tein d’y demeures long-tems , j’exhortai mes camarades à choi- sir quelqu’un de la compagnie pour les gou- verner, en leur représentant qu’autremenc ce ne feroic que defordre 8c que confufion. 31s me prièrent tous d’une commune voix 8C avec de grandes inflances, de vouloir bien prendre ce foin , ce que j’acceptai j 8c pour commencer, à exercer les droits de cette fouveraineté , je fis trois détachçmens > l’un pour aller chercher de l’eau dont nous avions- un preflant befoin , l’autre pour ^aller à la provision j car celles du Vaifleau ayant été mouillées , ne pouvoient plus nous Servir *• &c le troifiéme pour reconnoître le Pais 8C voir fi l’on ne découvriroit point quelque habitation , parce que le Pilote afiiiroit que nous étions à trois ou quatre lieues de la Caldera. Le premier détachement ne fur pa.s long-tems à revenir , 8c il apporta de très-bonne eau qu’il avoir trouvée prés de U. Le fécond revint quelques rnomens apré» chargé de fruits fauvages d’afîèz mauvais goût, avec des œufs de'Tortue , 8c dit qu’il avoit vu un Porc-épi 8c des crotes de pou- les de Nicaragua, qui font ce qu’on appelle en France des poules d’Indes. Satisfait de cette découverte y je renvoyai: chercher une plus grande provifion d’eau 8c d’Oeufs de tortue. Il y avoit une fi prodigieufe quan- tité de ces oeufs fur cette côte , que dans ehaque creux qui & rencontroit fur les fa- bles de cette plage, on y en trouvoit jul- quesàdeux ou tr ois cens. Nous en Rangeâmes avec beaucoup d’appetit, quoiqu’ils eufient* une certaine odeur de marécage qui blefibiî l’odoxat 8c le goût. Nous paàames le cefts . DE Mr VvAFE R. 5ir de la Journée a nous fabriquer de petites lo- £es ou feuillees avec des branches de Palmier. Comme le Soleil fe couchoit , nous vîmes re- ir?l/îéim€ décachement , ce qui nous réjouit d abord > comptant qu’il auroit fans doute découvert quelqu’habitation ; mais il rencontré un fort giand fleuve fi profond , fi rapide & fi plein de Crocodiles , qu il lui avoir été impofiïble de le traverfer. Je les blâmai de s’en être reve- nus-pour cet obftacle, qui ne devoir pas les ar- reter , puifqu en coupant du bois ils pouvoient en former un radeau fur lequel il n’auroit tenu qu a eux de pafler le Fleuve. De peur de quel- que nouvelle betife de leur part , je réfolus d aller moi me me avec eux le jour fuivant. ^ Le lendemain donc , apres avoir laitfe à wn homme delà compagnie le foin de con- qul r^01ei?t’ ie quittai en les avertiflant que s ils n avoient pas de mes nouvelles dans huit jours , l!.f pourront aTors laifler les hardes & marcher fur mes traces en cherchant fortune, pourvu qu’ils ne s éloigna fient pas de la côce. * Voici en iG Partis : J avols un haut de chaufie de latin pique, plus ample que les ®Els,f lfs Portent d’ordinaire, une rie anche. gaLn,e de den'dies d'or de Naples , avec les boutons & boutonnie- res de meme, 8c par deflus une cafaque de velours gris de perle à manches pendantes , un Chapeau de cahot blanc »deux piftolerâ oc deux baïonnettes à ma ceinture , & cent OnrÜrLeS U”C IP°*?tre C,al^ ™ bourfe. Outre cela je portois à la main mon épée 8c t ÿnbükmm du Oins de yulité du tmn* 3i te, efperant , feivanc l’opinion du Pilote , gagner le port de la Caldera. Ayant fabriqué iin radeau le mieux qu’il nous fut poflible avec nos haches , nôtre bois ôt nos cordes , nous nous hafardâmes à nous abandonner dcfliis au courant du Fleuve qui étoit très- rapide. On y avoir fait une efpece de bancs de joncs pour moi qui y entrai le premier , apiès avoir pris mon -harquebufe dés- mains> DE Mr W A F E R. 327 de celui qui la portoit. Le Pilote fe mit à Dm des bouts, Sc un vigoureux Matelot de l’autre , avec chacun une longue perche Sc deux rames pour le conduire. Comme nous ri y pouvions tous entrer fans l’enfoncer fous 1 eau par nôtre pefanteur , nous nous parta- geâmes ^ une partie relia fur le bord du Fleu- ve , Sc l’on attacha feulement au radeau une longue corde, afin que ceux qui demeure- roient , le puflent retirer lorfque les pre- miers feroient palfez. Cela étant fait , nous reprimes les cordes dont nous jugeâmes pou- voir encore avoir befoin , Sc je fis jetter à l’eau les bois du radeau pour ôter à la Com- pagnie toute efperance de retourner fur fes pas jufqu’à ce que nous euiîlons trouvé quel- que habiration , & reconnu fi nous étions en terre ferme ou dans une I fie. Nous mar- châmes encore environ fix lieues , au bout defquelles nous pafiames un autre Fleuve, de la même maniéré que le précèdent ; Sc comme le Soleil fe couchoit , nous arrivâ- mes à une plage aifez étendue, où nous fi- nies alte tous bien fatiguez -, mais moi par- ticulièrement, parce qu’ayant paifé par des^ endroits fort humides Sc marécageux , mes fouliers s’étoient mouillez de telle for- te, que le cuir s’en ètoit étendu-, d’ailleurs le fable y entrant de tous cotez m’incom- modoit beaucoup. Mes fouliers me caufant donc plus d’embarras qu’ils ne m’étoienc commodes , je les quittai. Comme nous, cherchions de l’œil un tcrrein plus élevé que les autres pour nous y repofer &ypaf- fer la nuit , nous entendîmes quelque bruit prés d’un vieux arbre fec dont le tronc étoic creux de caducité. Nous en étans approche». 528 VOYAGE pour en découvrir la caufe , nous en fîmes forcir une efpece de gros léfard que les Ha- bitansdu pars nomment Yguana. C’clt bien le plus laid animal que la nature air formé \ mais en récompenfè la chair en eft fort de- iicare. Elle approche fort du goût d’une- Poularde. Le Pilote le frapa de fà hache 8c le fendit en deux. Nous avions bien befoin de faire une fî bonne rencontre pour reparer nos forces qu’uné longue 8c pénible marche 8c le defaut de nourriture avoient déjà pres- que épuifées. Il ne nous en fallut pas davan- tage pour notre fouper , & pour un bon fou- per ; car ce lézard avoit trois quarts d’aune de long. L’ayant fait rôtir fur les charbons , nous le mangeâmes , 8c après ce repas , nous nous endormîmes. Nous nous remîmes en chemin au point du jour. Sur les dix heures- il nous fallut monter une montagne fort pénible, & percer enfuite un bois des plus- épais rempli d'épines &c de ronces , afin d'é- viter un Cap qui nous auroit obligé de faire un grand détour. Ce fut là que "j’eus beau- coup if fouitrir. A force de marcher j’avots ufe la le me de de mes bas , 8c mes pieds nuds r/étant pas accoutumez à un chemin fi rude , furent en peu de tems pleins d eftafilades 8c d’écorchures. Ce fut encore pis, lorsqu’au forfir de ce bois nous eûmes gagné le bord de la m;r ", le fable de la plage échauffé par l'ardeur du Soleil , me fit venir fous la plan- te des pieds des ampoules audi grades que des œufs de pigeon i «3c ces ampoules venant à fe crever, 8c le fable y entrant jufqu’à la chair vive, y caufoit une cuiffbn doulou- reufe. Le mal que j’en foudrois , fit pitié à tous mes compagnons , qui m’obliger ent i , „ D E Mr WA FER. 215? rn arrêter fous une feuillée qu’ils firent fur le bord d’un ru i fléau , & fous laquelle nous nous nnmes à couvert ; car le Soleil étoiï bien ardent. Pendant qu’une partie s’y re- polo ît 3 l’autre alla dénicher atfez prés de la dans les creux des rochers que la mer batoit , un grand nombre d’une efpece de limaçons de ruer que les gens du païs ap- pdleqc Burgados , de dont ils mangent allez communément. 11 ne fac plus question que de les faire cuire. Nous aurions fort fou- hàicé de les manger bouillis ; mais nous n avions pas de Vailfeau où nous les puflîons mettre , de il fallut nous contenter de les rame rôtir fur les charbons. Nous en man- geantes avec appétit , de après le dîner, la neceiiue d avancer chemin nous obligea de nous remettre en marche. Je m’y dïfbofai maigre mes ampoules ; on m’envelopa les pieds le mieux qu’il fut poflible de linges déchirez de de vieux haillons , de l’on ms ne une efpece de chauflure comme on en voit aux Pauvres mendians. Cela me mena füfqu au coucher du Soleil que nous arrivâ- mes furies bords d’un étang , où nous fumes harcelez par une fi grande quantité de cou- > <3ue quelque las que nous nous fen- ti fiions , nous n’y pûmes tenir , 8c que nous rumes obligez pour les fuir , de marcher juiques a dix heures de la nuit. Nous la paf- fames avec beaucoup d’inquietude , de d’au- tant plus de crainte de nous voir alfaillir par une troupe d’indiens Sauvages , que nous avions apperçù une lumière à travers les arbres d’un bois voilîn j mais nous n’en eûmes que la peur. Le lendemain continuant nôtre route 9 $6 VOYAGE nous rencontrâmes un ruiffeau aux borcfs duquel nous trouvâmes du feu allumé , 8Z un grand nombre de coquilles de Platanes autour ÿ ce qui nous fît croire d’abord qu’il dévoie y avoir là auprès quelques - uns des arbres qui portent ce fruit ) mats nous en cherchâmes vainement aux environs , d’où nous -conjecturâmes que les perfonnes qui en avoient mangé en cet endroit, les y a- voient a portez d’ailleurs. Sur le midi nous arrivâmes à un grand Fleuve , tout bordé de grands arbres de haute futaye qui for- rnoient un fort bel ombrage. Comme la faim nous preffoit , nous y jettâmes l’hame- Çon , & pêchâmes trois poiflbns d’une rai- sonnable grandeur , que nous fîmes rôtir. Nous paffâmes ce Fleuve far un radeau à la -maniéré ordinaire, 8c pourfuivimes nôtre chemin jufqu’à un autre plus grand encore, aux bords duquel nous paflames la: nuit 8c dormîmes -, itn d’entre-nous faifant la fen- tinelle pour n’être pas furpris des Indiens* Le- jour venu , nous vîmes autour de nous un grand nombre de Palmiers, dont nous coupâmes quelques bourgeons pour en man- ger le cœur qui eft tendre , mais infîpide SC fade , & approchant du goût de la cire de bougie. Un peu plus loin nous trouvâmes une efpece de fruit de la couleur de la Meure & de la groffeur d’un abricot. Les habitans le nomment Ycacos. 11 eft aigre-doux, 8c du refte d’un goût trés-agreable. Nous nous en accommodâmes mieux que des bourgeons de Palmier. Nous regagnâmes enfuite le bord de la Mer , apres avoir traverfé un bois & une montagne. Nous apperçümes fur la. plage un grand nombre de Crabes ou , p E Mr W A F E R. ** ecrevi/Tes de Mer. Nous fîmes d’abord n-o tre compte d’en faire un bon repas ; mais nous comptions fans nôtre hôte ; &' les gaillards avec leurs pattes crochues écoient h bons coureurs , que les plus alertes de nos gens les pourfuivirent plus dune demie neure fans en pouvoir attraper que quatre. Mais en recompenfe ayant remarqué un grand nombre de Pape-gais fur quelques ar- bies voifîns^, j’eus recours à mon harque- sule qui julqu’alors nous avoir été inutile ; oc ) en tuai fîx qui nous furent d’une gran- de rei ource. C’elt une efpece de Perroquer , dont la chair , quoique dure 8c noire , ne • fle Pas d etre délicate ; & quand ils font jeunes 8c par confequent plus tendres , c’eft un manger de Roi. Nous nous remîmes en chemin & allâmes paffer la nuit prés d’un t-ap , ou nous trouvâmes en abondance de ces fruits que j’ai nommé Icacos. Nous mangeâmes crus les plus meurs, 8c fîmes rôtir les autres. A la pointe d a jour , nous commençâmes notre cinquième journée. Nous pahames deux rivières fur des radeaux, fans avoir rencontre aucune choie d manger , jufqu’à üx heures du foir que je tuai un Pan. Il étoit venu fe pofer pour fon malheur fur le haut d un arbre, au pied duquel je m’étois aflîs pour me repofer. Nous en fîmes un régal & mangeâmes comme le mets le plus friant que nous euffions eu jufqu’alors. Le lende- main nous arrivâmes fur le midi à une Ca- , ne deferte ou nous trouvâmes une grande quantité de Platanes meurs. Nous en man- geâmes la moitié , 8c nous nous chargeâmes 1 autre en cas de, befoin 3 non fans craintè’ 3$i VOYAGE d’être furpris en cet exercice ou pourfuiyi$ après le coup par le Maître de la Cabane &c toute fa fequelle. Mais nous fumes affez heureux pour ne voir perfonne. Nous con- tinuâmes de marcher jufqtfà la nuit que nous paffames au bord d’un fleuve , après avoir fait notre fouper des platanes que nous avions volez. Quoique nous en euf- fions mangé beaucoup durant le jour , Sc que ce foie un aliment fort pernicieux , à caufe de fon exceflîve foideur, aucun de nous n’en fut incommodé. Le jour fuivant , quatre perfonnes de nôtre compagnie allèrent à deux lieues de-* là fur une montagne y chercher du bois à radeau pour piaffer le fleuve , 5c me 1 aillè- rent accompagné d’un feul homme, je ne. Ïouvois prefque plus me tenir fur mes pieds. 1 fallut pourtant me lever un moment a- prés leur départ , &c l’occafion le meritoic bien , puifque c’étoit pour tirer fur une bande de Ramiers qui vinrent le percher fur un arbre à cinquante pac> de moi. je me traînai prefque à quatre pattes jufques fous l’arbre avec autant de laffitude que de crain- te de les effaroucher. Le ciel bénit ma peine , car j’en tuai dix- huit d’un feul coup avec de la cendre de plomb -, de forte que mes ca- marades à leur retour trouvèrent un banquet à quoi ils ne s’atrendoient pas. La joie qu’ils en eurent étoit fi grande , qu’ils ne s’ap- percevoienr prefque point que le vin leur manquoit pour faire chere entière. Les dates qu’ils avoient apportées du bois , fervirenr de pain. Après un fi bon repas nous recom- mençâmes à marcher, je repris courage 8c fuivis les autres autant que mes forces me DE Mr WAFER. 335 le pûrent permettre ; mais au bout de deux heures de chemin ne pouvant plus me tenir fur mes pieds malades , je priai mes com- pagnons de continuer leur voyage Tans moi ? 8c de me laiffer en cet endroit, en leur re- f>refentant, qu'il n’étoit pas jufte que pour l’intérêt d’un feul les autres s’expofaffent à fe perdre : que je les fuivrois le mieux que je pourrais auffi-tôt que mes pieds feroient guéris; que, s’ils renconrroient quelques ha- bitations d’Efpagnoîs , je les conjurois de me revenir trouver ; mais que fi le païs étoit defier t, ils priffent le parti qu’ils jugeroienc le meilleur , 8c que fur toute choie je leur recommandois de demeurer toujours bien unis. Il n’eft pas concevable combien cette petite troupe parut touchée de ces paroles, ils ne purent retenir leurs larmes , 8c ils s’oppoferent tous à la rèfolution que je té- moignois vouloir prendre. Ils me jurèrent qu’ils ne m'abandonneraient point , duficnt- ils mettre leur vie en péril , 8c ils s’offrirent à me porter fur leurs épaules. J’en rejettai la propofition , comme une çhofe trop pé- nible êc qui les retarderoit trop , ajoutant que le tçms leur étoit cher , 8c qu’ils dé- voient pourfuivre avec diligence leur def- fein , qui étoit de fie rendre au porc de là. Caldera ; mais quelque choie que je leur pus dire, ils n’en voulurent point démordre , 8c je fus obligé de me laifiér porter. Ce qu’ils firent tous, en fe relayant l’un l’autre fuccefîïvement , jufqu’à fept heures du foir. Alors ils s’arrêtèrent autant pour fe repofer que pour manger , car ils avoient befoin de ces deux chofes , 8c encore plus de fe rafraî- chir. Pour fubvenir à l’une de ces necefîkez 3U t V O Y A G E .ayant trouvé par bonheur de ces mêmes li- maçons de Roche que j’ai appeliez Burga- dos, nous les fîmes rôtir fur les charbons ; mais ce n’étoit pas contentement ; car la fa- tigue du chemin 8c lardeur extrême du So- leil que nous avions foufferte pendant tou-» te la journée, nous avoir furieufement alté- rez i nous avions le gofîer tout enflammé , 8c nous manquions d’eau douce pour étein- dre un fi grand feu j heureufement ayant pouffé nôtre marche une lieue plus avant , nous rencontrâmes un des plus délicieux fleuves qu’on puiffe voir. Le rivage en étoit bordé de part 8c d’autre de hauts Platanes tout chargez de fruits , 8c dont les branches le croifanc au-deffus de l’eau , formol ent tant que la vue fe pouvoir étendre une ef- pece d’allée en berceau , la plus agréable du monde. Nous rendîmes grâces à Dieu d’une lï bonne rencontre -, nous apaisâmes nôtre jfoif avec avidité , 8c nôtre joie fut encore augmentée , lors que le Pilote , après s’être Orienté, nous dit : Qu’il reconnoiffoit le lieu , 8c que çetre belle riviere que nous ad- mirons , étoit celle de faint Antoine. Il nous affûta de plus qu’a quatre lieues de là, étoit une riche Ferme abondante en troupeaux 8c .qui appartenoit à Alonze Macoteia , Bour- geois de la ville d’Efparza , dans la Province de Colla - rica. Un homme de la compa- gnie en fut fî transporté , qu’il tira fe s ta- blettes pour marquer une fî heureufe jour- née. Le fruit de ces grands arbres , dont nous ne pouvions nous lafler d’admirer le beau feuillage, nous fervit de Couper ce foir la i 8c pour le diverfîfîer , nous en mangeâ- mes de crus, de rôtis, 8c de cuits fous la DE Mr WA FER. cendre. Nous partantes enfuite le fleuve fur un radeau , & la nuit êcanc venue , uous nous endormîmes avec plus de tranquillité que les nuits precedentes. Le lendemain , trois de nos hommes fu- rent détachez pour aller à la ferme de Ma- cotela, & moi je reliai avec les deux autres tout ce jour -là & le fuivant ; nous nour- ri flanc d’écrevifles que nous péchions dans la Riviere. J’avois pour Compagnons le Marchand Génois , dont j’ai parlé, & un Religieux de la Merci. Ce dernier , pen- dant que nous dormions l’autre & moi la nuit du fécond jour , étoit chargé de faire la garde , afin de nous précautionner contre les furprifes -, mais la fentinelle plus accoû- tumé aux fonctions claullrales qu’aux mili- taires^, s’endormir aufli-bien que nous , jufqu’à ce qu’environ fur les onze heures je me réveillai en furfaut au bruit d’une voix qui me feinbloit avoir prononcé mon nom. J’appellai la fentinelle pour m’en éclaircir ; mais la fentinelle ne répondant non plus qu’une douche, je me levai fyr mon feant , en même-tçms je m’entendis appeller di- ftindement, quoique d’aflez loin, je réveil- lai le marchand Génois , 6c le Religieux , & un moment après , nous vîmes paroître fur la riviere un grand radeau fur lequel il y av°R plus de vingt perfonnes. Ils étoient conduits par Don Domingo de Chavarria , Navarrois , Curé de la ville d’Efparfa. Nos trois hommes , qui s’étoient détachez pour aller à la ferme de Macotéla , l’y avoient rencontré & lui avoient dit dans quel état nous étions fur le bord du fleuve de St. An- toine , où nous attendions ieur retout j Ôc - %%G /VOYAGE le bon Curé , pouffé par un mouvement de Charité, venoic au-devant de nous avec des rafraichiflémens , pour rétablir nos forces perdues. Il setoit fait enfeigner l’endroit où nous pouvions être, & il étoit parti fur le champ avec tous fes domefhques , quel- ques-uns de fes amis , & toutes les provifïons qu'il avoit pu ramafler. Aiant fçù qui il étoit & le deflein qui l’amenoit , je courus i'em- brafTer dés qu'il fut à terre , en lui faifant force complimens , que la joie où j’étois rendoit très - finceres. Celle du Marchand & du Religieux de fe voir affranchis du péril de la faim •& de la furprife des Sau- vages Indiens , n’étoit pas moindre que la mienne, & Don Domingo & fa compagnie n’en avoient pas moins que nous de nous avoir rencontrez. Ain fi tout le monde étoit content; mais comme il, étoit heure indue pour tenir plus long - teins converfation en cet endroit , nous pafiames tous la riviere fur le radeau ; & lors que nous fûmes de l’autre côté, chacun monta à cheval, hors moi , qui pour le foulagement de mes pieds &■ de mes autres membres fatiguez , fus juché dans un de ces lits penfiles ou fuf- pendus, qui font fi fort en ufage dans tous ces païs Occidentaux. Six Indiens de relais -, gens des plus robuftes , me portoicnt al- ternativement à deux fur leurs épaules , mieux que n’auroient pu faire les meilleurs mulets du païs. Nous arrivâmes en cet é- quipage un peu avant le jour à la ferme de Macotela , où nous nous repofames quel- que tems. Enfuite nous étant remis en che- min , nous nous rendîmes à fcfparza , ville srés-petiie. 11 n’y à qu’une feule ParaiiTe ôc ceux * ~ DE Mr WAFER heureux jean de nfeï ,du B.en- iieurenx jean de I)feu if *• B n! f«* Oon Do™^oJdefU4Pa°" r ;a »?•!- os trois Comolfn„ft„ ” ',J' ou Ie trouvai nos tro TrS° * Cl«var,ia, où c prts les devais Com^ons qui ^orenc nerJfS^; &uîed^,V7er U" «»- Cofta-rica pour HnnnW C de- a • Vince de vécà£rPar2aP,à DonTuan^eVf “°n arri' verneur & Capitaine General^ S|i‘nas ’ Gou- Vln« . & Chevalier de ?te>- traya. Je Je connoi/î'ois pour r ^aja“ Lima , où pavois conrraftéav^r j 1V°lr Vu * tJe particulière. Le Courier £ 1 UnF arni~ ^nce , que vin^t- quatre ^ tant de dili- Part je vis entrer D îuflnhS C5aprM fon de- Après Jes premiers J comnlî°S ma -chainbre- conrai ce oui ,ÎOLK - !-mens Ie lui ra- vetneur , à nîa pr7ere firof6 ’ & “ Gou- pour aller quérir m^V Partlr une Frelate de naufrage, qui fe ,Pau.vres Compagnons dr fi longes Snrfc ïT la(!if d’«ten- donnai peux qui la c JniI"/ormacIons qu’on tout & dulier^ai“nÆ‘f°lent,> dolahau- its s> tranfporterene £ es "cuver, deux jours après, raporrnnr ’ f revinrent rencontré pérfonne PQn A T*1/ " avoienc n avoient pas fait afcz Âr? füaaa ^U’J,S gnes qu’on leur avoir L! ?tremion au* iî- noirre le lieu ; caell vnnr ^rquez Pour recôn- Salinas y envoya de ordre à l’équipage d e * avec faire leur poffibïe nn.,rf' a terre & de les certaines de mes eamP°4Cer ^es ^ouvel- y, étant arrivez dé« “dTr/nr F^conJs ny voyant rien, le rin? fur apia£e> & Torre ip, Capitaine dCacha les P fA VOYAGE S us alertes de les Matelots , pour aller en Euête aux environs. Ils firent un circuit de plus de deux lieues fans rien rencontrer , 5$c voyant qu’ils y perdoient leurs peines , Vis retournèrent faire leur raport. Comme ils étoient prêts à remonter dans leur iiar- -cue , l’un d’entr’eux aperçût fur la greve un Srand amas de feiiilles , qui paroiffpit n a- voir pas été mis là fans deflein j il s avifa de les aller ranger adroite & à gauche avec le oied , ôc trouvant deffous des hardes , de îa ferraille , des coffres , des balots , cette découverte le furprit -, fes camarades 5c lui pe pouvoienc comprendre pourquoi on les avoir ainfi abandonnez : & ne fâchant rien de meilleur à faire , ils les embarquèrent Sans leur Vaiffeau, & vinrent rendre coin- nte de leur commifTion. Chacun crut a El- parfa , & nnoi à la fin comme les autres j oue nos camarades av oient ete iurpas par les Sauvages qui les avoient menez a leurs iiàbi tac ions , & je defefperois de les revoir Lmais. Quatre jours après , le Gouverneur Langeant avec moi chez le Cure , il arriva à la porte du logis un Cavalier qui couroïc à toute bride , & qui raporta plein d effroi -Wii avoir vu marcher entre le bois & a mer une puifianre Arm.ee d Anglois. On le fiz entrer fur le champ dans la maifon du Cure èc il nous affura la meme chofe. Sa ftaieur persuadant encoie plus que fes pa- roles , chacun. auffiKÔr fe je va ; ,oa courut former l’allarme par tout avec affez de cha- grin -, car tout ce qu’il y avoir de gens dans la Ville croient trop mal armez pour faire une vigoureufe refiftance , ôc encore moins bien difeipiinez. Le Gouverneur monta a i D E Mr. W A F E R !M cheval , &• tout incommodé oie j’étoisl? e «ni pour lui aider à ranger ks TJï f e bruit , Je tumulte , le defardr* o ^ a chaque inllant. Il venoir j-c -i 1^°5C peine “mis'i^usfeit d“^®”es >s fj la campagne , que nous vîmes LorocS daWeP%Til-“7P^t cette6 formi! i^TSssm £.r & fe;?£SS« 'i: «•* ■ 4?îa*sa s;r J eus une joie extrême de vnir 3 caule » pagnons éc-hapez du péril que i*avoi«S C°™~ HT^^sskS» ^^exr^^'sf i e^«- ?Prés avoir reçu tous es lenJfns SUI*s , imaginables du charitable nnsritra,rcm'“ & de D. Juande Sal in« %D', Dom,nS° « veMe-E^ir, T, Ü Net 3 avois h en de impatience düS",*^ P i; VOYAGE Royaume û riche , fi fertile & fi étendu. Les Peuples en font à peu prés les mêmes que ceux du Pérou , en ce qui concerne leurs coutumes. Ils ont le même teint & la mê- me forme de corps. Le climat en eft pres- que égal , quoique le Pérou foie plus fous la ligne, .& le terroir d’une pareille ferti- lité ; avec cette différence, que la nouvel- le Efpagne nell pas fi remplie de monta- ges , & que les habirans en font plus fo* ciables , à caufe du grand commerce qu’ils Jt»nt avec les Efpagnols naturels. Leur Reli- gion & leurs Loix politiques etoienc peu différentes , & voici quelles ceremonies ils employoient anciennement , en l’un & i au- tre de ces Royaumes , pour i’inftallatioa de leurs Rois. Ils les élevoient fur une ef, pece de brancard d’or , paré de plumes de diverfes couleurs , & delà forme a peu près de ceux où l'on porte les chaffes & Reli- ques de nos Saints. Là , tous leurs Sujets accouroient en foule leur baifer les pieds , & leur offroient en. hommage de 1 or , de l’argent , des plumes , marchandifes , étof- fés; animaux , vifs ou morts, des fruits , des grains, &c. chacup félon fes moyens : aprés-quoi ils les obligeoient a jurer , qu ils h’oprimeroient jamais leurs Peuples , mais qu’ils leur adminiftreroient la juftice avec ^éle &c intégrité qu’ils féroient courageux dans la guerre qu’ils obligeraient le -Soleil à leur continuer fon cours & fa lumière , qu’ils forceroient les nuées à pleuvoir dans leurs befoins , la terre à fructifier , les Fon- taines & les rivières à faire couler leurs eaux les animaux à fe multiplier par la génération j & en cela ceux du Pérou etoicnp D E Mr W A EÉ P iM ÇuPer{t/rieux 9ue les Mexicains ? £ ^ue !$,s *ncas *eurs Rois, avoient côn- t 5 Un- Temple au Solel1 > dans ™e du A.ff - ltaca* Ces deux riches Royaumes difîercent ou different en cinq choies te- nue lï*™” : u1 Premiere } c’eil que quoi-- pnfrJin Nouvellc-E/pagne" produite dans les entrailles de fes montagnes , tous les mêmes métaux que le Pérou , il ne s’en tire point de vif-argent eomme en l’autre, & il fàlloic qu on y en apportât d’Efpagne ou d’Alix magne, pour quon put travailler à Tes mi- ; seconde différence , e’ert que dans le Mexique les Rois fc faifoienc par élection qu aii contraire dans le Pérou ils parvenoienc au 1 rone^ par droit de fuceeiïion. La troi- iieme , cdt que leurs langues avoient Cl peu de rcffemblance entr’elles, tant la ge- nerale que les particulières , qu’il ne s'v rencontroit pas un feul terme qui eût dit rapport avec un autre. La quatrième efl: * quau Mexique leurs Chroniques, Tradi- tions 8c Antiquitez , Ce confervent 8c fe ma- mreftent par des Peintures , 8c dans le Pé- rou par des Quipos. Enfin la derniere, c’efl que le vin , dont ils font ufage au Pérou & qu ils appellent Chicha , le tire du Maïs ÿ qui efr une efpece de bled femblablc à celui de Turquie ; & dans la Nouvelle Efpagne ils le nomment Pulque , & le tirent d’un arbre nomme Maguey. Frnfrmteïme d*e ^ofla;rica > qui en fe1 * TC !,chc,> fembleroit don- _ Srandc xdee de la Province qui porre ce nom ; mais la vérité eft qu’il lui ?erîni?°nne Par yfonie^ Parce que c’eft un terroir pauvre & peu fertile, quoi qu’a- P iij 34* V O Y A G E bondant e» gros 6c menu bétail. Elle eh du Diocéfe de Nicaragua^ fa Capitale ch Car- thage elle a fur la mer du Sud le Porc de la Caldera , 5c elle en a d’autres fur celle du Nord. C’eh un Gouvernement 6c une Capitainerie Generale , à caufe que par fa fituation elle eh expofée aux inhibes des jFilbultierS des Mes. La Province de Nicaragua la fuir ; c’eh un Evêché 6e un Gouvernement. La terre en eh fertiles l’air trés-fain, ôt le païfage le plus agréable du monde, parce qu’il of- fre à la vue des plaines , des ruifieaux , des bofquets , dont les arbres s’élèvent dans les nues j 6c il s’y en trouve d’une fi prodigieu- fe groficur , que douze hommes fe tenant par la main les peuvent à peine embra/Ter. 11 y a dans cette Province un grand nom- bre de Villages, de Bourgs , 6c de Villes,, donc les principales font : Leon , Grenade , Segovie 6c Nicaragua. A cinq milles de cet- îe demie re eh une très belle Me fur le lac, dont j’ai parlé elle eh fertile en Cacao , Ouatte, Teinture d’écarlate, 6c en Fruits d’un goût délicieux. Ses Ports fur la mer du Sud, font ceux de Nicoya, de Rcalexo 3c de Mafoya , 6c cette célébré habitation des Indiens du païs , qu’on appelle le vieux Bourg , eh fi grande 6c fi peuplée , qu’on y compte vingt mille perfonnes , & l’on y voit dans le Convent des Religieux de faint Fran- çois , une image de Notre-Dame, qui par ces miracles frequens 6c averez , le rend en- core plus célébré que le nombre de fes ha- bitans. Dans toute cette Province on y re- cueille en abondance du fucre , de la tein- ture d’écarlate > gomme, poix raifine, du D E Mr. W A F E R. 34s goudron j du bois pour les Navires , du f hanvre , du lm , 5c du meilleur Cacao de toutes les Indes ; mais il ne fort gueres du- pais à caufe que ce fruit eft le principal in-» gredient qui entre dans la.compofiuon du chocolat , dont ils y font un ufage exceftjf. C’eft entre les rochers de fes côtes qu’oïi pêche ce petit poiflon à écaille fi renommé , oui travaille la pourpre dont on teint une fi grande quantité de toiles de foie, de co-- ton S: de fil-, 5c cette teinture ne perd ja- mais fa couleur , quoique vous la laviez; dans la leftive la plus forte. Après la Province de Nicaragua , eft celle' de Tegufigalpa , où il y a de riches mines d’argent : Honduras vient enfuite; c’eft uti Evêché , un Gouvernement & une Capi- tainerie generale. Cette Province eft fituée entre Nicaragua, & le Ÿucatan. C’eft un- terroir fertile Sc pourvu de toutes les cho- fes necefiaires pour la vie , 5c fur tout dé miel 5c de cire j fon Port le plus considé- rable eft Truxillo , fur la mer du Nord, Vous trouvez après cela trois Gouverne- mens, qui font : San Salvador ou ôai u Sau- veur, la Trinité , 5c Saint Antoine de Su-^ chitepeques , lieux trés-aboftdans en Cacao , Cochenille , Paftel , graine d’Ecarlate , 5c en Coton. L’on arrive enfuite dans l’Audience de Guatimala ^ c’eft un Gouvernement 5c une Capitainerie generale fort confiderable , car elle eft fans aucune dépendance du Vice- Roi de la Nouvelle Efpagne. Ce Gouverne-» ment en a fous lui quatre autres , qui font tout autant de Provinces. La Capitale en eft faine Jaques, ville fituée dans la vallée de P ii i * 44 VOYAGE ancnoi , entre deux montagnes, appelles* dans le pais Voleanés , dont l’une jette de leau , & 1 autre du feu. La première fe nomme Almolonca; elle a quatre lieues de iiauteur & dix- huit de tour. La ville de faine Jacques avoir nom autrefois , Zacualpa , ÔC elt appellee prefenrement la vieille Ville , celt un fejour délicieux ; elle abonde en toute forte de fruits *, mais elle eft f nette a des tremblemens à caufe de la proximité des deux Volcans, dont je viens de parler. 11 7 a Audience , Evêché , Univerfité , & £S ^UtreS tribunaux qui font établis Capitales des plus grands Royau- * a Convens de Religieux men- dians , & trois de Religieufes. Peu de Villes font plus peuplées > lesHabitans y font trés- polis * & fur tout la noblefle, qui y elt fort nombreuse , s’y diftingue avec beaucoup d’ê*. ciar. Ils y font des plus experts en fait de eouFfes de Taureaux , & trés-excellens hom- mes de One val , quoi qu’ils portent prefque tous les jambes'à la genette „D,ella °P v^nt à Chiapa : C’eft une Pre- J°ie *ia e * qq,’00 appelle dans le païs Al- cadia Mayor. On y voit les mêmes fruits qu a fa mr Jacques de Guatimala & en quan- tité ; fa Ville capitale eft Chiapa , ville Roiale , c eft- a-dire , où il y a des Tribu- naux Roiaux , en quoi elle diffère de Chia- ^mhens , où il n’y en a point , quoi- quelle foit tres-grande. Cette detniere eft à dix lieues de celle des Efpagnols , & eft fîtuee fur un fleuve navigable aux bords duquel fe rencontre des couleuvres de tren- te deux pieds de longueur , comme celles de Portobelo, „ p E Mr. W A F Ë K. A coté de la Province de Chiapa vers la fher du Nord , eft celle de Tabafco , qui clt de la même fertiîi é que les autres, qui raporte les mêmes fruits , ôc où les mêmes denrées fe débitent j mais fan Porc , pour . etre trop bon , lui devient dangereux , parce qu'en toute faifon il offre un fur abord aux ennemis de la Nation. Plus avant eft le Yucatan, Evêché , Gou- vernement, & Capitainerie Generale. Me- fida en eft la Capitale. Cette Province eft: moins connue par ce' nom , que celui de Campêche , port dangereux à la vérité , f rempli de bancs & d’écueils , qu’on eft o- bligé de mouiller à quatre lieues avant en mer , mais fameux par fon bois qui eft iï necelfaire aux belles teintures. Le Yucatan eft des plus abondans en cire, coton, pa- ftel , 8c autres marchandifes ,-dont on fait trafic par_ toute l’Amérique. Tabafco 8c le Yucatan font, comme je l’ai dit, à côté de Chiapa y mais en droite ligne, après cette dernier? Province, eft celle de TeC il en p allé beaucoup au Pérou , & même en Efpague. Mais ce qui dt allez particu- lier, c’cft qu’il n’y a que les Religieufes de Sainte Catherine, établies dans Antequera , qui en fâchent la compofition. Les Reli- gieufes du Convent de ia Conception , ni celles des autres Monalteres de la Ville n’ont jamais pu y parvenir. De Guaxaca on entre dans le Theguacan , où l’on rencontre Tepeaca , Tlaxcala, Atrif- co , & quelques autres Villes, toutes gran- des SC bien peuplées , & aux environs def- quelles on fbiitlle des mines d’argent. La Puebla de los Angelei vient enfuitc *, c’eŒ un Evêché de fomnte & dix mille écus , la plus grande Ville de toute te Nouvelle Ef- pagne après Mexique-, elle eit à cinq lieues de Tlaxcala, fa Métropole, qui cft une a- greable Ville pour le fejour •, mais pas û grande * ni à beaucoup prés fi riche que ià?. DE M r A E v ï?; confeferâbl'e P^la’un nomE éd?fic« M,i«d5 Puperbes Eglifts & dauttes. j« W» 'de'Us^n ‘y d r"eJe ”r^“a&dî^,^uE‘' de ro,e & d’or /emblables à celles d’Eur^V SmeslTf ft ., "«''aillent les meilleurs arnKS de toute 1 Amérique. A vingt lieuëc * a quatre- vingt lieues de l’autre lr^ * lieues dT>er dU Iücl •’ AcapuJco. A huit »®ÆWKf»É«îê monument que V Æ„“ cmiofité*’ C rnonde les va voit'iHur En buvant le chemin vers le Couch-mr co fs c4PptrM/choa^ ■ mines dl’ Gouverne™ent fécond en riche» cl argent autant qu’aucun autre de î®. F vi! Û* V O Y A G E Nouvelle Efpagne. Jé vais raporter un fair qui donnera une idée julte de fa richelfe : En l’année mil fix cens foixante-un, il y avoir dans Sacatecas un Cavalier , nommé Barthe- lemi de Lagunas , lequel pour avoir fait la découverte de certaines mines , qu’il appella Las benitillas , s’étoit tellement enrichi , que au lieu qu’il ne fubfiftoit auparavant que de ce qu’il pouvoir grapiller dans les maifons du |eu j à force de faire le complaifant & l’ofïi- cieux auprès de ceux que la fortune du dé, &: des cartes favorifoit. Il commença par donner plus de quinze cens mille écus de prefent à ceux qui l’avoient affilié dans fa ne- celïité : enfuite il acheta la mailbn , fous le porche de laquelle , avec la permillion fpe- ciale du Portier, il avoit coutume de palfer les nuits enveloppé de fon feul manteau. Il la fit même rebâtir de pierres de taille , mêlée avec la brique > en quoi il dépenfa deux cens mille écus. I! n’en demeura pas là : il fit bâtir à fes dépens i’E'glife de faint Dominique, à qui il avoit une finguliere dévotion , & cette œuvre de pieté lui coûta encore autant. J’ai ouï dire à Don Jofeph de Sanabria , Gentil- homme du Pérou , qu’étant à Sacatecas dans, la Maifon du Grand - Prévôt de la Ville * nommé Don Juan Hurtado de Mendoza de l’Ordre de faint Jacques , ce Barrheiemi de Lagunas lui vint un jour rendre vifite, & que ayant extrêmement loiié un chapeau de vi- gogne qu’on avoit envoyé du Pérou , à Dan Jofeph j celui-ci le lui offrit. L’autre l’accepta avec force remercie mens , lui di- fant qu’il lui en rendroit deux de Caftor en. échange. Après la. vifite , Don Jofeph lui en- voya le Yigogne , avec deux fort beaux Pi- D E Mr. W A F E R. ;4? ftolets d’arçon, richement & induftrieufc- ment travaillez 8c le Mexicain , pour ne pas demeurer en refte de generortté , lui eir- vo U une Aiguiere d’or , avec la Tarte de même métail , ce qui pouvoir valoir mille ducats , & outre cela deux Fontaines de vermeil doré , du poids d'environ douze marcs , dans chacune defquddcs il y avoit cinq cens écus en patagons , & par defliis deux Chapeaux de caftor, comme il le lui avoit promis. C’eit aimï que les richefles mettent quelquefois en fon jour le courage d’un homme genereux , qui peut - être fans elles feroit refté dans une honteufe obfcu- rite. D^n Jofeph de Sanabria lui demandant un jour pat curiortté combien il a voit de re- venu î Le Mexicain lui répondit, qu’il n’é- toit pas fort expert en fait de calcul ; mais que fans compter les dépenfes extraordi- naires de fa mai fon 8c celles de dehors , qui étoient plus grandes , ni deux cens écus qu’il donnoit d’Aumône aux pauvres en menue monnoie tous les Samedis , &c deux cens autres à divers Convens de la Ville , il donnoit mille écus chaque femaine pour les journées des Ouvriers qui travailloienc à ibï mines , 8c mille autres à fon Maître- d’Hôtel , pour la dépcnfe ordinaire de fa maifon. Après Sacatecas , eft la nouvelle Biicaie. C’eft un Evêphé 8c une Capitainerie gene- rale , dont la Capitale cft Darango. Le païs eft pauvre , à caufe de l’exceffive abon- dance de bétail 8c de grains , qui donne oc- casion à Tes Habitans d’être oirtfs mais on y voit des mines d’argent fituécs dans ua- cantoa , appelle £1 Parral, à G-uancamé* $0 VOYAGE trnnvTl* dans dautfes endroits ; ort y flînr \r m dc?JnIncs d’or fouille à- inror^ fqUeS : 3 dPU2e lieuës du ParraI- 11 Y a encore des mines de plomb à Sainte Barbe/ la Prn^nC/ 5nCr/€ / nouvclle Bifcaie, font ni/ ni? ? Clnaloa & l’Üfc de Caîifor- de fa f-’ot fèparées que par un bras on nêrhJ ? Sud,’ ^ fur la côre defquelleÿ DeuPor^ de/ Pîr es cn abondance -, mai& ûarf»7°r°^eS' Ponc dcs Gouvernemens fe- Fvfinnf TH* qu* reconnoiflent le même D,r|!re‘ Apresces mines, dont je viens de oui «/j.’'Pn dans le nouveau Mexique, qui elt éloigné de cinq cens lieues de la ville men^e/lq/ie‘-C dl un Evêcbê > Gbuverne- ^ ^enerâiei la Capitale- ri/ P PFoî de.la nouvelle Mararo. Dans v-a~ntr>îe- Prod3^eufe que contient ce nou- v.aa Roiaume , il y a dix-huit Provinces, f'ii ujZ°LC1 fô noms : Los »• Pires , Xacona , GauLbeo, Theguas, Queris , Pecos, He- ?? ; ^ LSaIlnas> Thaxique , Thanos , ,, ibola » Acoma, Moqui , & les gpt Villes , Pieu ries , Thoas , Marfos &c H n ma nas. CVft un terroir froid & fîtué au irente-feprtéme degré & demi de latitude septentrionale j mais fertile & abondant , particulièrement en toutes efpeces de bétail , gros oc petit, & en coton , dont on y fait une infinité de toiles , de tapifferies , ôc meme de tapis. B eft peuplé des Indiens , qui y refirent de maladie & de laflirud> , lorfque le premier Mortegfuma forcir de 1 npguajo’, fa Patrie , pour aller conquérir }f. Koiaume du Mexique , & de cela font toi non- feulement les Traditions du pars y mais auili le nom de la province , quTls D E Mr. W A F E R apellent Theguas , de celui de leur* Patrie » dont ils étoienr Forcis en armes, & même la langue , que parlent encore à preftnt ceux du fauxbourg Paint Michel de la ville Sainte- Foi , qui conftamment étoit la natu- relle de Mortegfuma, & qu’il rendit gene- rale de Ton te ms dans toute l’étendue de Ion Empire. Ces Peuples rranfplantez s’ar- rêtèrent & s’établirent fur les bords du grand Fleuve, qu’on appelle du Nord, ou autre- ment, Rio bravo , à caufe de l’abondance & de la rapidité de fes eaux. Il eft navigable & a de largeur dans les moindres endroits , une portée de moufquet pour le moins, &: quelquefois plus d’un quart de lieue. 11 s’y pêche de très - beaux poiftbns , comme des Truites , Congres, Alofes , Dorades , & autres. Ce qu’il faut particulièrement re- marquer au fujet de ce Fleuve , c’cft que prefque toutes les cartes font venir fa fource d un grand lac y mais c’eft une opinion fauf- fe, puifqu’il ne fe trouve point d’étang , ni de lac à plus de trois cens lieues de lui ; le lieu où il prend naiifance eft une des plus hautes montagnes & des plus inacccft blés qui foient dans le nouveau monde , à fx vingt lieues au-delà du Bourg de Los T&hos * vers le Nord. On ne fauroit monter à che- val cette montagne, tant elle eft efearpee & de 1 autre côté eft le Teguajo, d’où for- cit , amfi que je l’ai dit, le premier Mor- tegfuma , lorfqu’il entreprit la conquête dm Mexique. Il décend un grand nombre de- tuifleaux des montagnes circonvoifines. Ces ruÙTeaux joints à la fonte des neiges , quel- ques lieues avant que d’arriver au Bourg: de Los Tahosj forment tous enfemble cr %fi VOYAGE Fleuve fameux , lequel acrû de toutes îeuts eaux, coule un tems entre ces Monts com- me un canal ; mais fi profond 5c fi étroit y qu’il n’a pas alors une aulne de large , 5c l’on entend à peine le bruit de fon courant : Mais venanc enfuite à s’étendre dans une des plus belles 5c des plus étendues plaines qui fe puifient voir , après qu’il a pafle le Bourg que j’ai nommé , il fo mêle avec cinq ou fix rivières confiderables qui partent à Picuries * à Zama , Sainte - Foi , & autres lieux , ce qui l’augmente de telle forte , quon le voit s’enfler au Printems , 5c comme un fécond Nil , inonder 5c fertiîifer routés les campa- gnes des environs. Après qu’il a continué fon cours fort long-tems vers le Midi , ii tourne enfin à l’Orient , 5c par ce détour perdant fon nom de fleuve du Nord , il ac- quiert celui de Rio - bravo , ou du grand fleuve ; il entre de là dans la Province des Patarabuyes , où il fe joint au fleuve falé , qui efl: très - large , 5c qu’il honore de fon nom. Paflant enfuite au milieu du nouveau Royaume de Leon , à prés de trente lieues des mines de Quavila , il entraîne avec lui les Rivières de Nombre de Dios , de la Floride,, de faint Pierre Sc de Las Conchas , 8c tous enfemble , fous le célébré nom de Rio-bravo, vont fe décharger dans le Gol- fe de Mexique , par une embouchure qui a plus de crois lieues de large, même avant que d’arriver à la Guafteca. Quelques autres Géographes , prenant tout lecontrepied , marquent fon embouchure de Fautre côté, dans la Mer- Rouge de Cali- fornie i ce qui elt contraire à ce qu’en a seaiatqué pat lui -même Don’ André de r. de Mr. W A F E R ïugueroa de la Province de Pecuries , & ouc ce qu i! s’en eft fàic rapporter par les écHtarr5- CS GenuUto^eTpoïr Ve” Doul êtlI. ,n Ste-da.'!anta8e* auiI>- t’ien que rSr,rfOIt d autor'i<:r «rte venté , SC cour le r tous ceux qu’il appartiendrait, fonm le ^^Ce de Sa,Maic'(ic Catholique , de faire col,!?'''1 C" ccns <°'*ante.deux afin d^no ? ‘ e ? fcsdePens vingt barques , vnri PU r'iadChe;e~r âVec e"cs de d^ou! d’ÉrpLnt P foilm«treàla Couronne établir iC ïe(te,de ces Indiens qui s croient ouïs d/Urr a X!ri *ce flcuve- Mais le Mar- éroir d! Ladrada> Comte de Bagnos , qui s’oDof °'rS ^lce'^°* de Nouyellè Efpagne , s opofa a cette entrepnfe , alléguant que fans une perniilîîon fpeciale du Roi , il „e pou- t pas donner les mains à cette expédition, ^‘gneur étoit occupé de plus grands mr ,ndanS Cf temf: a* 11 avoIC à Annoncer , par une conduite aelicace , les traverfes que fes ennemis lui fufcitoient. C’eit ce qui 1 empeena de fournir à Don André les mu- &dsbouch“> neceffaires pour le fucces d une entrepnfe fî importan- te, &: fans lefquel les Don André, & les gens fc jero^ienc imprudemment expofez à devenir les Viftimes des Peuples qu’ils vou- loienc fubjuguer. Les neceiïitez du dedans etanc préférables à celles du dehors , le L-omte de Bagnos fs crût obligé de courir au plus prefle, & il ne pouvoit alors faire autrement , puifqu’il lui falloic fonger a- vanc toutes chofes, à diflîper l’orage qu’a- voient excite , dans toute l’étendue de Ion Gouvernement , les emporcemens dé fes VA ' V O Ÿ A G È deux fils Don Pedro Sc Don Gafpard de Ley- va. Ces jeunes Seigneurs , fiers" du pouvoir de leur pere , & ne Ecrivant que l’impetuotice d’un fang bouillant , exerçoient dans Me- xique, une efpece de Duumvirat , par des excès que les méeonrens qualifioicftt de cri- mes & de cruautez intolérables. En effet , ils en firent tant , que les plaintes des Peu- ples, & fur tout de perfonnes de dilhnétion y portées à la Cour, y mirent le Vice Roi en ii mauvaife pofture , qu’il fut dépofi'edé de ion emploi , Ôc en attendant l’arrivée du Marquis de Maniera, qui fat nommé pour lui fucceder , l’adininifiration des affaires fe donna par intérim à Don Diego Oforio de f fcôbar Yilamas , Evêque de là Puebia , qui par l’averfion qu’il avoit toujours eue pour le Comre de Bagnos , avoir plus contribué' que perfonne à le Due dépofer. Les cho- ie neanmoins n en allèrent guere mieux par ce changement , Don Diego ne fe fit pas plus aimer que le Comte * mais je m’aper- çois que je fors des bornes que je me fuis prefcrites. Dans la Nouvelle Efpagne , 8c toutes les 1 rovinces qui font comprifes fous ce nom , il y a plus de quarante mille Eglifes , qua- tre-vingt cinq Villes confiderables , cinquan- te huit petites , Sc un nombre infini de Bourgs jk de Villages. On y compte trois Archcvêchez , qui font. S. Domingue, Pri- matie des Indes , 8c dont le revenu eft de dix mille patagons : Mexique , qui en vaut trente mille, 8c Manilha fix mille. II y & quinze Evêchez : La Puebia , appel lée Tîa- xala, de foixante 8c dix mille écus de re- venu > Oaxaca de douze, Chiapa de dix * -AmEJU. o)qT7JS B.akb)a\i hpc ( 'j JBiledu, Nun g ÜAjrabi ,ucomx ÏEqtnnochaïi J’ 5ujma(rîi> Xrumee O Sj-viijjptjurtbh IBaJtzcv d&Todos le j- ifcaitoj H OLLANBE Jiaye, de* C/izenJ iïlarau ■ DE Mr. W A F E R. (juaciniaïa de treize» Honduras de cinq > Nicaragua de huit , Michoacan de trente- cinq , Xaljfco de quinze , Durango de huit s le nouveau Mexique d’autant , la Havana ,= dans rifle de Cube , de dix; Puerto - rico ÿ Sibu , Cagayan » 8c Camarines , chacun de trois mille. Il y a de plus dans ce Royaume une In- quifîcion generale établie à Mexique , outre les particulières, qui font répandues dans toutes les Villes , grandes ou médiocres ÿ cinq Univerfitez Roiales , où il y a des Com- pagnies de toutes les Facultez , des Sciences 8c des Arts , fans compter plufîeurs Colleges particuliers. On y voit les mêmes' Tribu- naux 8c Magistratures que dans le Pérou *■ toute la différence qui s’y rencontre, c*eft que les apointemens des Magiftrats 8c au- tres Officiers de juftice font plus forts dans ce dernier que dans le Mexique : On y com- pte cinq Audiences , celle de Mexique , celle de Guatimala , celle de Guadalacara, celle de Gint Domingue 8c celle de Manille : les Gouverneurs 8c Capitaines Generaux en font les Prefïdens > 8c par leur mort , où en leur abiênce , le plus ancien des Confeillers. Il y a un grand nombre d’Officiers, qui ne font nommez que par le Roi, comme cer- tains Gouverneurs , Grands Prévôts, Gene- raux de Flotes , ou Amiraux , Colonels, Gou- verneurs de Fortereffe y mais le Vice- Roi ne laiffe pas d’y pourvoir par intérim , lorfque les places deviennent vacantes. Voici quels ils font. Le Gouverneur 8c Capitaine Gene- ral de Guatimala* , des Philippines, d’Yu- * Les Villes après Usuelles il y a des étoiles , font cil- its dans le terroir deff telles il y a des mines d'argent. MS VOYAGÉ Meïïa’ue6 lT,UVeJle Bl^e > du nouvel Mexique, de Honduras, de San Domingo , & celt/di titre de Capitaine GeneralIT Wnufto ■ r>i^1Cafa^aî5 d£i deNueva-Vera- FnrrprUr^^h?* es Gouvernears des deux rortereiîes de la nouvelle E fpa£rre de San fet HVa> & d’Acapuleo^des6 croîs qui font a la Havana : fa v oi r , ceux du Morro „ d» M,nil h*’ U du/ieux F°rc, & des trois d. Manilha. Il y a douze grandes Prevôcez , au/quelles le Roi feu] nomme : lavoir Me- Xtque , Sacatecas , * Metepeque, Las Amil- pas , iacuba Chuatepeques , Chiapa , Ta- «tveranCrauVzv°r’ " Il y a quatorze Villes , oùl’on a établi des Cailles- Royales , ou Treibreries , ce font* Mexique, Sacatecas,* Vera-Cruz , Yucatan , Guadalacara, Guatimala, Chiapa , Duran- go. Saint Louis, Tafco, Manilha,San Do- mingo, Havana, &c Puerto-nco , fans parler de plufieurs moindres, où il y a un Trefo- rier particulier , qui rend compte aux Tré- soriers generaux des quatorze Villes que je viens de nommer, le/quels ont Jurifdi&ion iur eux, & par ce moyen grande occafion d enrichir leurs parens,amis 8c domeftiques, fr de miner les perfonnes les plus confidera- mes quand ils les prennent en averlion. Les Villes où le Vice-roi établir des Grands Prevors & Chefs de Jultice & de Police , de la propre autorité, ôc fans que la Cour s’eri mele, font au nombre de cent trente-cinq : î?. Tc‘ noms : La Haute- Ville de faint üdefonfe , Xigayan , Mexapa , Tlapa , Tla*. DE Mr. W A F E R. «7 çala , ou la Puebla de Los Angeles , Michoa- can * j San Luis * , Tafco * , Xiquilpa la gran- de j Chilchota , TranlicaroJ& Pintzardaio, Çolîina, Sayula , Cbameda, Motincs , Amu- la , Zamora , Xacona , Aguatla , Miaguatlan , Tinguindin,Salaya, Saint-Michel, & faine Philippe , Guanaquato * , Cinaloa , Meltit- lan , Quereraro , Alaraillo * , Sombrerece * , Chokila , Chalco , Suchimilco , Atrifco, Guafcofingo , Zapotlan , Sacatula, Tutepec , Tequantepcc , Tepeaca, Teguacan , Tulan- fing,o , Chichicapa , Oa^aca , Xilotepeque , Panuco, Irampico, la ville de Los Vallès a Villa rica , & l’ancienne Vera-Cruz , Xalapa , Mexicalfîngo, i acubaya , Coancnavac , Teu- titlan , Acatlan j Serrogordo, El Saltillo > Aqualulcos , Sultepee*, Tlafalalou , Yfte pec , izucar, Yapctlan, Guafulco , Titzla > Chanda de l,a Sai,Tecela * Itmigi.nlpa , Xi- guilpa , la ville de los Lagos , celle de Leon » Fachuca * , Toconicapa * , Guadalcazar * > Xiqu.ipila , Teutila s Orifaha , Xalofingo, Pa- pancla , Quantitlan de los Jarros , Tefeuco , San Juan de los Llanos , faint Jacques de Tecaliautlan, faine Antoine , Guatifco, TuU pa, Petaltepec, Zapocitlan, Cuiguacan, Xa- ibitremendo , Yurirapundaro , Topila , Teu- lîcalco , Marabatio , Taximaroa , Guaufacal- co3 Xitotepec*, Zumpango * , Guauchinan- fo * , Simatlan , Xiquipilco , Otumba , faint 'hriftophe , Chacaluta , Compuala * , Y au- tidan , La Mifteca , Teutitlan du chemin » Tepalorflan , Culiacan , Sapotecas , Petat- lan , Compoftela , Quataguelpa, Cofamalua- pa , S C les autres dont je ne puis me fouvenir. Outre toutes ces Villes il y en a fix autres , où le Gouverneur Capitaine general nom- VOYAGE me feul les Magiftrats 6c les autres Officiers , qui font : El Patral , Sonora , Indehen , -Guancame, Saint Jacques 6c Sainte Barbe; & dans toutes celles-là , c’eft-à dire, dans leur territoire-, il y a de riches mines d'or & i d’argent. Au Gouvernement de chaque Province de la nouvelle Efpagne , on employé d’ordinai- ïe un Noble, fiiivant fa naiflànce 6c le rang qu’il tient dans le monde ; parce que tous les Gouvernemens ne font pas d’égale impor- tance, ni de pareil revenu, Il y en a de li lucratifs , qu’én moins de deux ans ils ra- portetit deux cms mille écus à celui qui a été allez heureux pour les obtenir. Il en efl: de cent mille, de cinquante mille , de quaran- te , de trente, de vingt , de dix , de fix , &C d’autres fi médiocres qu’ils ne vont pas juf- qu’à quatre mille , & dans quelques-uns de ces derniers s’entretiennent quelquefois des gens de mérité , qui n’ayant ni rentes ni fonds , y demeurent pour lu b lifter , 6c fou- vent par leurs épargnes 6c par les petits pro- fits cafiiels'qiie leur emploi leur procure, ils fc mettent peu à peu en équipage , Ôc en état d’afpirer à des Gouvernemens plus confi Je- tables. Ce Royaume h’elt pas moins abon- dant que le Pérou en chofes necefiaires à la vie , à l’exception du vin , qui ne fe fait que dans le Parral , encore ertr-il mauvais 6c en petite quantité ; mais on y en-porte d’Efpa- gne 6c du Pérou. Il manque auffi d’huile. Il y a environ quarante ans qu’on commença d’y planter des Oliviers : ils raporrent peu ; mais le fruit en eft bon. Pour ce qui eft des mines , il s’y en trouve un grand nombre , 6c de fort riches ; mais parce que le païs , com- ,t.DE Mr. W A F E R. 30 me j’ai dit , manque de vif-argent , qui ne s’y porte que d’Allemagne de d’Efpagne , el- les ne font pas d’un .auffi grand raport que celles du Pérou. Si Sa Majefté permettoit qu’on y en apportât de ce dernier Roiaume , elle épargnerott bien de la dépenfe, & reti- rerait un plus grand profit; mais pour des raifons qu’il n’eft pas permis de penetrer , tout le vif-argent qui vient du Pérou ejft arrê- té avant qu’il arrive au Mexique , Se connf- qué comme marchandée de contrebande. En vertu d’une fomme de huit mille ducats , que ia contradiction de Seville paye chaque an- née au Roi , elle a fermé la correfpondance des Porrs du Pérou avec ceux de la Nouvelle Efpagne. Ce qui fait perdre à Sa Majeftè plus de trois cens mille Ducats de droits quelle en retircroit , fi elle y laifîbit la liberté du com- merce. Ces Roiaumes voéinf, qui s’inconv modent aujourd’hui tous deux , s’aideroicnt mutuellement des marchandées qui man- quent dans l’un de abondent dans l'autre. La Nouvelle Efpagne eftun terroir fertile & riche , non - feulement par les grains de autres fruits qu’y produit l’art de le travail, des Peuples ; mais encore par ceux que la ter- re y produit fans être cultivée , comme l’é- carlate ou Cochenille , l’Agnil ou Paflel , le bois de Campêche , le Mollé, de le Cacao. La Cochenilje eff une efpece de petite arai- gnée blanchâtre qui naît fur certains figuiers d’une efpece particulière : Ces figuiers font de petits arbres fort bas de tige ; mais dont les feuilles font en grand nombre . de d’une prodigieufe grandeur. Perfonne n’ignore l’e- ltime de l’ufage qu’on fait de la couleur d'é- carlate dans tous les Royaumes de l’Europe \ VOYAGE cependant c eft de cette petite araignée feule- ment quelle fe tire. Le Paftel fe fait d'une herbe, femblable a du chanvre, elle eft ex- cellente pour les belles teintures bleues 4 8c chacun fait que les Teinturiers ,' atiffu- bien que les Peintres , ne peuvent s’en paffer. Le bois de Ca rnpeche eft ii renommé dans l’Eu- rope , que c eft une des principales marchan- dées dont fe. chargent les -navires qui font .^°mn]eTcie d un monde à l’autre , & l’in- dultrie des hommes l’a trouvé propre à tein- dre vingt- deux couleurs differentes. Le Mol- le eft un grand arbre feuillu , dont la feuille verte teint en-jaune; fes petites branches ap_ pliquees entre la tête & le chapeau , paffent » félon la commune opinion , pour un refrige- ratif , 8c prefervenc des ardeurs du Soleil La gomme blanche qui en coule eft un baul me qui guérit toute force' d’ulceres &debîcf- iures; fon tronc ferc pour du bois de cha- ronnage; Ton fruit, qui font de petites <*ra_ Pes approchantes de nos groifelJes rouges , pour ia grofleur, la forme 8c la couleur, eft de bon goût 8c d’une odeur agréable , quoi qu un peu forte ; & l’on en tire une efpece de vin fort doux qui ennivre. Le Cacao eft un arbre de moyenne hauteur, qui ne fe trou- vent] eres qu’à l’ombre, &C fe couvre prefcjue toujours de quelqu’autre arbre plus élevé , pour fe garantir des ardeurs du Soleil ; il produit depuis la furface de la terre jufqu’à fes plus hautes branches une efpece de coco grenu , de la forme d’un grand concombre 9 d un gris brun, lequel étant ouverr , laiffe voir àu dedans environ cent grains , plus ou moins , couverts chacun d’une petite écorce cotonneufe de trés-bon goût, & pleine de fuc ç T De Mr WAFFR foc. Lors qu’on a mangé cette ^ trouvez dedans un g m,n rou" £C°rce - ''«us ne autre ecorce plusmnc°^’c°an" d'u‘ *Re fait! qu'elle renfermé?! ^Ue.noire’ pcllele Cacao : lufa^ Jn îa ' ce cîu on âP~ wun dans toute Vtuio Jl ft0a PfHënt com_ quelques années celui d£oVé depuis emporte fur lui , fur tout en ^ Frremble ^voir gleterre & en Hollande cl > ïn An~ monnoye dans Je comméré grain fcrt de foixante pour Pepc 3 en donne publics , on en acheté lî* $ ks Marchez de cmfine &de £££ uftenefle, aufltafaire l'aumône aux pautrl^î S cn kn l a moulu & qu’il elt réduii en ^Lors qu-on une elpcce de poniade m ^a5e» il s'en apelle pcmade de Cacao; elle elt^ ’ quon fort agtcable ; elle feu uni i 1 d une °deur fortes de maladies , & qucq‘ tlu Cnpluiicuts queiu avec fuccès fut les falS'Uns 1 “PPÜ- ment fanes. Il y cn a de Pe ^ nouvdJe- de gros ; mais & bonté pet"> de moyen & la grofleut ni en fa couleur -ma, po,nt cn lence de fon goût qul provn , e,n J’ex«I- du terrer. Le^ meiïleu? de toL fi3 ‘luaJ“é Nicaragua, & emiiite celui de r Celul de qui elt prcfque le même climat G„ua'lmala . lui de Varacoa , dans n<7~ ,at > Pudque ce- dermerelt le pi,,* Tou* Cuba . & ce celui de Paint Dondn^ue ^ C?»Ux“ia c’eft excellent polir fon idc ■ r ,qni .c{i mcnu & qui elt plus gro?%ft£Celuldc Caracas , toutes les Indes. 11 y en f ™?fns elhme de roU; ma,silnectoi[dUe da,r !edrnS ,e P* il f elt fort 'gros & excellent’ r GuyacNJ ' > Port pas du Royaume; mï*' n"* qu'jl *c veut tran/porter ailleurs fl r? qu’on R Tomt ir. > change degeûc VOYAGE Jn payant la mer & Te moifit. C eft ce qui Fait que plufieurs perfonnes le recherchent avec plus d’empreflement que les autres , parce qu’il fait plus de moufle & d’écume que ce- lui,du Mexique , & il y a bien des gens qui n’aiment du Chocolat que 1 écume j & n en poudroient pas boire s’il n’écoit fort moufle. Le Maguei eft une plante de la forme de i’Artichaud ; il croît dans les champs , & il y croît fans culture ; mais femblable à la vi- gne, il n’a jamais tant de force & de qualité que quand il eft cultivé. Ses feuil es font beaucoup plus grandes que celles de 1 Arrhi- chaud. Il y en a d’une aulne de longueur , 8C qui font larges à proportion; mais commu- nément elles oqt trois quarts de long. Elle eft très-large par en bas , Sc va en diminuant j u {qu’au haut , où s’élève une efpece de tu- yau de la grofleur & de la forme d’une plu- me à écrire & qui aboutit en épine. Cette feuille eft èpaifle de deux doigts, & a une écorce allez dure qui peut fervir de papier dans un befoin , de même que fon tuyau taillé avec un canif peut fervir de plume. Le corps de la fe.üdle, qui eft deflous cette ecor- qe , étant cuit au tour , a tout ie meme goût que des pâtes de coin -, lors quelle eft verte , 2 en fort un Tue qui eft merveilleux pour les bleflurcs & pour ranimer la vigueur des che- vaux recrus de fatigue ; & quand elle elt fe- che , elle fert de tuile pour couvrir les mai- fons. Lors qu’on la lave , ou quelle demeu- re quelque temps dans l’eâu , elle s amolit de telle forte qu’on, en file du fi! trés-fin, dont on tau toutes fortes de toiles & de cordages , fuivaat la erofleur dont on le tire. La tige , d’où {brtent ces feuilles, eft gtoile comme la d une nature peu fuiette i! 2 ’ mals pour cette raVon on"'en lr??mpre\& toits. On en fait aurïî /ert 3 C0uvrir les quo, ,1 eft ^,3ïï?EK5L* &*»» . à que Ies Habitans dupais tirenrCjeveinEeP’3nte b°,c. Voici de quelle marner? Ik iV? °n Y pente ouverture, laXn^I yf°Rtune profonde, puifquWva^Æ ^ tronc , à 1 endroit n ) il. I fq au ,cœur du rent , Sc de cette ouverture couleun/ii qu ils recueillent quatre foie u • e loueur en tirent le poids de deux livr1 J?Ur’ H lls dontlls6 s'enivrent”!! & feu ts incommoda? e‘Lf°I _bon Rour Pl«- fommequi fe paye aux Gardien pareille ** fon? conriSœ Qij S E Ut W A FER. tfc Elpagnols > Criolles & Indiens en font ufa- ge. Ce vin, pour la couleur St la faveur , eff peu different de celui qui croit en Allema- gne fur ies bords du Rhin, St on ne le croit pas moins bon que le dernier , pour ceux qui font fujets a la gravelle. Les cannes de lucre font fort communes dans le païs ; Si il s’ÿ trouve aufïï un grand nombre d’eaux chau- des St minérales. Dans le bourg de Guada- lupe on en voit une très-froide", qui guérit de la fièvre lors qu’on en boit, St qui ne fore jamais de fon lit , quoiqu’elle bouillonne continuellement plus haut que lès bords, ce qui eft regardé comme une merveille. II fe nourrir beaucoup-de bétail dans tou- te la Nouvelle- Efpagne , à caufe de la bonté 8c de l’étendue des pâturages. Il y a des Par- ticuliers qui font très- riches en cette nature de bien , comme Don Geronimo Magdaleno* de Andrade , Chevalier de l’Ordre de faine Jacques , qui forçant de Mexique pour aller à fes Domaines de Guarachi , fituez dans les Provinces de Xiquilpa & de Michoacan 3 éloignées de quatre- vingt Ijeues de cette Ca- pitale , pendant tout fon voyage ne décou-* che point de défias fes terres mais c’elt peu de chofe encore , en comparaifon de D. Pru- dencio de Armentia, qui marche fans dif- conrinuat ion fur les fîennes , l’efpace de deux cens lieues , depuis Mexique jufqu’à Duran- go > St l’abondance de fes haras eft fi prodi- gieufe , que pour ne pas confumer fes pâtu- rages , il eft obligé de faire précipiter coures les années pins de quatre mille Chevaux >- Cavales ou Poulains. Cet homme peur fe vanter d’être le plus riche particulier de toute la Nouvelle Efpagne. Q, ü) J*ff. V O Y AGE Linfigne & célébré ville de Mexique fus xondee par Mortegfuma premier, quil’em- bellu de fuperbes édifices durant" tout le cours de Ton régne , 5c l’augmenta jufqu a la grandeur de deux fois comme Seville d’An- daloufie. Elle elt bâtie fur un terre- pl a in , û- îué aux bords d’un lac , qui par fa vaite éten- due forme une e/pece de mer , 5c entouré des autres cotez de quatre autres plus petits , qui ne font feparez les uns des autres que par de larges chauffées , pavées & revêtues de pierre de taille. Fernand Cortez , qui fut depuis Chevalier de l’Ordre de feint jaques» Marquis del Valle, 5c Viceroi de lamouvelle E/pagne , en Et la conquête avec mille Efpa- gnols , & deux cens mille Indiens , Habitans des Provinces de^Tlaxcala & de Tefcuca , ÔC qui étoienc fujets de Rois ennemis du der- nier Mortegfuma. H attaqua cet Empereur avec cette groffe armée, 5c livra la première bataille , qu’on appella celle de la nuit trille , & où refterent/ur la place trente mille Me- xicains d’un côté, & de l’autre quatre cens cinquante Efpagnols , avec quatre mille In- diens de leur parti. Cortez lui-même en for- tit blcffe 8c fe retira à Tacuba , diilant de deux lieues de Mexique , quoi qu’à vrai dire ce nG t3u’une habitation continuée de Fun à l’autre par le grand nombre de mai- fons qui fe fui -vent le long d’une des chauf- fées dont je viens de parier. Cette chauffée eft large d’environ trois toifes, 8c tout de niveau c’efl à dire égale 8c droite dans tou- te fon étendue. Elle eft traverfee d’efpace en efpace par un grand nombre de ponts fous lefquels paffent plulîeurs canaux qui fe ren- dent d’un lac dans un autre, 5c ce fut à l’en» * DE Mr fa AF ER. droit d’un de ces ponts que les Mexicains avoient coupé, qu’un nommé Àîvarande fit cette étonnante aclion qui l’a fendu fi célé- bré dans les Indes , de fauter le canal en ap- puyant au fonds le bout de fa pique , quoi qu’il eut vingt piez de large en cet endroit , &! que cet Ëfpagnol fut bieffié 8c fatigué du5 combat 8c du poids de fes armes. Pour en confervcr la mémoire , l’on a toujours ap- pelle depuis 8c l’on appelle encore aujour- d’hui ce Pont , le pont du faut d’Alvarade. Le fuccès de la fécondé bataille fut encore plus avantageux pour Cortez , puifqu’il cail- la la prife de Mexique , 6c qu’il n’y eut que cinquante Efpagnols de tuez, avec dix mil- le de leurs Indiens, 8c les Auteurs qui en ont écrit , conviennent tous que les Mexicains y perdirent plus de cent mille hommes. Ce que j’en ai ouï dire aux gens du païs , fui- Vaut la communie tradition , 8c ce que j’en ai vû moi-même dans les tableaux qui re- prefentent cette infigne Victoire, c’eit que le canal qui coule entre fainte Anne, 8c fainf Jacques de TJatilulco , Lun des Fauxbourgs de Mexique , fervit ce jour-là de Pont aux Efpagnols pour entrer dans la Ville , par le grand nombre de corps morts dont il étoie comblé, 8c fur lefquels pafifa la Cavalerie aufîl-bien que l’Infanterie. Ce qu’ils n’au- roient jamais pu faire autrement. Car on n 'avoir point encore trouvé alors , comme on a fait depuis , des moyens promis & fa- ciles de faire paffier les plus grands fleuves aux armées les plus nombreufês. Beaucoup de gens murmurèrent en ce temps-là contre Fernand Cortez , 8c quoique ce genereux Capitaine , inftruit des mauvais offices que Q. iv . . voyage Ion- lui rendoit , s’éforçât par grandeur d’a- ? d,e fervir ceuï fl11* l’offen- Jfoîenc , au lieu de s en venger, comme il en avoir le pouvoir , on ne iaiffa pas d’entre- prendre de le noircir à la Cour & de lui im- puter plufîeurs crimes; mais faut- il s ert éton- ner . Quand elt-ce que le courage & la ver- tu ont manqué d envieux ? Et ne fuffit-il pas pour en avoir de s’élever au-deflus dej; autres par un mente diftingué? Le plan de cette Babilone Indienne eft uni. Lue a trois lieues de longueur , à prendre depuis Guadalupe jufqu’à Saint Antoine, 8c prefque autant de large depuis l’Arfenal ÔC 1 Hôpital de famc Lazare , jufqu a Tacuba, Les rues lêmblent être tirées au cordeau, tant elles font droites , 8c elles font fi larges que fix carroffes de front y peuvent palier ians embarras. Quelques-unes font divifées en trois parties égales , dont celle du milieu eit le lit d un des cinq canaux qui fortent d un des lacs, 8c qui arrofent par plulîeurs détours cette grande Ville dans fes differens quartiers. C’eft par le moyen de tous ces ca- naux que fes Habirans fe fournirent en abon- dance de tous les vivres , munitions , mar- ehandifes & denrées neceflaires pour l’éta- blilfement d’un grand Commerce , les voi- turant 8c tranfportant dans des canots d’un lieu à l’autre , & chaque jour de la Semaine a fes differentes marchandises ; mais le Sa- medi fe fait diftinguer de tous les autres j car on y voit arriver de tous cotez un Printemps portatif, fi j’ofe me fer vit de cette expref- •fion , c’eft-à-dire , une flore de fruits & de fleiirs , qui ne font ce jour-là de tout Mexi- que qu’un Jardin continu. La grande Place DE Mr WA FER. f eft'cfil te fi grande étendue , que le peuple en peut à peine remplir la troifiéme partie les jours deftinez pour les courfes de rau- reaux ÔC jeux de cannes. La grande Fglife bâtie de pierre de taille y mêlée avec labri- que , Scde la forme que je dirai en ion lieu , borne le milieu d’une de les faces du côté dix Septentrion , & à l’oppofite de celui du Mi- di font la Mai-Ion de Ville, celle du Juge de Police, 8c celle des Greniers publics avec la prifon. A chacune de ces rnaifons ell un grand portail de pierre de taille , foücenu de deux piliers de même matière , 8c tout d’une piece. Enfuite font plufieurs grandes bouti- ques 8c magafms de riches Marchands de draps. Du côté du Couchant on voit une grande quantité de maifons-, comme celles dont je viens de parler. Elles font à des par- ticuliers , mais ce font les plus- riches 8c les plus con iî de râbles gens du Royaume. Elles tiennent prefque toure cecte face , 8c après elle , font cinq ou fix grands maga-fins de ri- ches étofes d’or travaillées en Europe. Du côté du Soleil levant , font le Palais du Vice- roi, l’Audience Royalle , l’Univerfité-, 8c le College des Religieux de faint Dominique , avec la maifon de l’ïnquifîtion ou Saint Offi- ce attenant , 8c dans des encognures ell la maifon de la Monnoye , de laquelle on peut dire par excellence , qu’il ne s’y fit jamais rien de faux. Le Palais du Vicerci fut bâti par Fernand Cortez -, tous ceux qui l’ont vu demeurent- d’accord qu’il elt plus grand 8c plus magni- fique que celui de Sa Majelté à Madrid'; la Co ir en eft fort fpacieufe 8c route ornée de ïiches balcons de fer , de même que la Pla« 370 VOYAGE ce, & il y a dans le milieu un cheval de bron- ze pofé far un large pié d’eftail 8c fore bien travaillé; Les cinq Rues par où Ion entre dans la grande place font toutes larges 8C bien pavées , un carofle à fix chevaux y peut tourner fans peine. Sur le Portail de la prin- cipale Eglife eft une efpece de petite tour » où le Duc d’ Alburkerque fit pof-r un fanal de criftal , dans lequel on allume tous les jours à l’entrée de la nuit un flambeau de cire blanche pour la commodité de ceux qui pafl- fent par la place à des heures indues , 8c il y a un fond établi pour fon entretien. Au milieu de la place eft un très-beau pilier de marbre , fur lequel eft élevé un Aigle de bronze , que chacun admire pour la beauté de fon travail , 8c l’on voit à l’entour quatre rangs de petites boutiques de bois fort pro- pre , où fe débité en abondance tout ce qui fe peut vendre de curieux en foie , or , lin- ge , dentelles, rubans, coefures > gazes , 8c autres marchandifes. En fortant de la place par le côté oppofé à la grande Eglife , on entre dans la rue des Orfèvres , qui eft extrêmement longue 8c ri- che , 8c de là dans une grande aulnaïe , dont les arbres fontexceflivement hauts 8c difpo- fez à plufieurs rangs en forme d’échiquier ; & au milieu eft une très-belle fontaine d’une eau vive 8c pure. C’eft un lieu délicieux- Il y a dans Mexique deux très fpacieux 8c très-beaux amphithéâtres deftinez pour les fpeétacles 8c Comédies -, l’un prés l’hôpitai de Saint Jean , 8c l’autre dans la rue de S* Auguftijs, Dans l’endroit où eft à prefent la Maifon Prifefle de la Compagnie de Jefus » étou autrefois le Palais du dernier Morteg- DE Mr WA F ER. . m fuma ; 8c pour n’en pas perdre entièrement le fouvenir , on y conferve encore un mor- ceau de l’ancien édifice avec la fenêtre, où cet Empereur fut rué d’un coup de pierre jettée au hafard , 8c qui le frapa au front dans l’inftant qu’il s’y mettoic pour voir de là le combat. Cette fenêtre peut avoir fix piés de hauteur -, elle eft en arc , & foûtenue d’un pilier de marbre blanc. Cette infigne Capitale de la Nouvelle-Efpagne eft toute remplie d’illuftre Noblefie , de gens confi- derablesyqui par leur naifiance , leur m - rite , 8c par leurs fervices , fe diftinguent des autres. Les principaux de ceux-là font ; Don Fernando Altamirono, Comte de faim Jac- ques de Calimayal , 8c Sénéchal des Philip- pines : Don Garcie de Valdez Olbrio , Che- valier de l’Ordre de faint Jacques, Comte de Pegnaïva 8c Vicomte de faint Michel > Don Nicolas de Bivero Peredo , Comte d’Oriza- ba -, 8c outre cela il demeure dans Mexique plus de cent Chevaliers de difFerens Or- dres militaires , non feulement de Cafliile , comme faint Jacques, Calatrava: 8c Alcanta* ra -, mais aufti de ceux de faint Jean, de Mon- tera , de Chrift, 8c Davis. On comptoir en cette grande Ville quatre mille caro/fes, dix- fepc Convens de Religieufes , un College pour elever la jeunefl'e , avec une prodigieu- fe quantité de grandes 8c fomptueufes E rr]j_ les , routes bâties de pierre de taille Sc* dç brique v j’en nommerois bien quatre-vingt neuf , fi je ne craignois d’ennuyer le Lefteur fans parler de celles des Religieux mendians qui font moins fuperbes; mais fort propres, La beaute des Maifons eft incomparable » une pour 1 etendue que pour fa matière y <1 n 47* VOYAGE 1 agréable figure & la commode difpofition des apartemens j les plus hautes n’ont pas plus de trois étages , 8c toutes les murailles font incruftées par dehors de petits cailloux de diverles couleurs , 8c taillez les uns en cœurs , d autres en foléils , en étoiles , en roues , en fleurs de toutes les efpeces , 8c au- tres figures, dont la variété infinie eft trés- agreable à la vue. Les portes en font fort grandes Sc fort hautes ; on y voit des bal- cons de ferrurerie prefque à toutes les fenê- tres , & ces balcons font quelquefois d’une telle étendue , qu’ils tiennent toute la face du logis. Ils font ornez en tout temps d’un grand nombre de caifles d’Orangers , & pots de fleurs de toutes fortes ; car il s’y en voie toute l’année, & le climat y efl fi doux 8c fl temperê, que la chaleur n’y devient jamais incommode, ni les rigueurs du froid n’y obligent en aucun temps d’y allu mer du feu. On peut dire fans s’écarter de la vérité, qu’on- y jouit d’un Printemps perpétuel. L’eau y efl pure & faine ; elle y vient d’un village apel- ïé Sainte - Foi , à trois lieues de Mexique , parle moyen d’un grand Aqueduc , loûtenu de trois cens foixante-cinq arcades de pierre de taille, 8c qui pafle au travers d’un des lacs , dont la Ville efl entourée *, ce qui for- me une très-belle perfpeélive. Il y a dans Mexique cinq Faroifles d’Efpa- gnols , 8c douze d’indiens, douze mille bourgeois Efpagnols qui y font établis avec leurs Familles , fans parler d’environ vingt mille autres qui n’y font que pour un temps,, 8c trente mille Efpagnolles qui y font routes generalement belles 8c d’une magnificence à. Surprendre : car il n’y a pas une Femme de DE Mr W A FER. m commun qui ne porte des étofes d’or. On y compte quatre-vingt^ mille Indiens bour- geois , outre les pafîagers qui font en plus grand nombre , 8c plus de cent mille Efcla- ves , tant blancs que noir-s de l’un 8c de l’au- tre fexe , ce qui fait plus de quatre cens mil- le âmes , fans compter les enfans. Le Li- cencie , Pedro Ordognez de Cevalios , dans Ion Livre du Voyage autour du Monde, af- lure dans la page deux cens quarante - un , qu il y a voit de fon temps à Mexique deux cens mille Indiens , 8c un plus grand nombre d Indiennes , vingt mille noirs 8c plus de dTfpagnolTes"16 EfpaSn°'S & plus Enfin cette belle Ville eft abondamment fournie des plus riches marchandifes , d’e- tofes d or 8c de foie , de velours , de fatin ,, tant pleins & unis , que brodez au métier ,, de damas , tafetas , écharpes , draps de lai- ne , en un mot de tout ce qu’on peut fouhai- ter pour la parure , 8c dont on fe fert dans les autres pais pour entretenir le lu xe. Joi- gnez à cela toutes les chofes qui viennent d Europe, par le moyen de deux Galions d tfpagne qui y arrivent regulierement cha- que année , avec une efpece de Fregate lege- te , qu’on apelle /Æ Patache du Roi , 8c piusde quatre-vingt Vaifîèaux marchands , qui îa fournirent en abondance de tout ce qui fe voit de plus précieux dans cette Partie du monde. Ce n’eft pas rout encore: Une autre ilote partie des Philippines lui apporte de 1 autre cote par la mer du Sud , tout ce qu’on dtime de plus rare dans la Chine, ,1e Japon, la 1 erfe 8c dans les Indes , qu’on nomme en Europe Orientales 8c que ceux du m VOYAGE Nouveau- Monde appellent d’Occident. Les Mexicains ont la taille belle , le vifa- ge agréable , la naturel doux } ils font doci- les > très-bons Catholiques Sc prefque tous riches , parce qu’ils s’apliquent extrêmement a trafiquer d’une Province dans l’autre. Il y en à plufieurs parmi eux pour qui l’on à la meme confideration & les mêmes égards que pour les Efpagnoîs naturels. Il n’eft refté perfonne à Mexique du fangde Mortegfuma que Don Diego Cano Mortegfuma , Èheva- lier de l’Ordre de faint Jacques , fon fils Don Juan , & fes deux neveux Don Diego , Sc Dona Leonor , enfansde Don Antoine Mor- tegfuma. Ils joüi/îent tous de penfions adi- gnées fur la caille Royale , Sc quoique ces penfions fo-ient modiques, par raportaü fang illuftre dont iis font fortis , elles ne laiflent pas de les faire fubfifter avec honneur. C’efi: une Tradition dans le pais , qu’il y a eu autrefois des Geans à Tefcuco , petite Ville limée à cinq lieues de Mexique. J’y ai vu , du temps du Duc d’Aiburquerque , des oilêmens & des dents d’une grandeur prodi- gieufe; entr’autres une dent de trois doigts de large 6c de quatre de long. Le Viceroffit faire fur elle une confûltation Anatomique par les plus habiles Philofophes , Médecins 6c Chirurgiens déroute là Nouvelle Efpagne. Ils raparterenr tous d’un commun avis , que fuivanr la grandeur de la dent , la tête devoir avoir à proportion une aulne & demi de lar- ge. Ce qui par oit fabuleux à raconter , SC neanmoins il ne falloic pas qu’elle fat plus petite pour y pouvoir placer les feize dents dont chaque mâchoire doit être garnie. Le Duc fit faire deux Portraits de cette énorme D E Mr. W A F E R. m tcte , fuivant les proportions marquées par les Anatonufles; il en envoya un au Roi, & garda l’autre chez lui par curiofîté. On a auiîi trouvé en divers temps au Pé- rou , des oiTemens de Géant , dans i’Ifle ap- pellée Sainte Helene. Pluiïeurs Auteurs en ont écrit; les uns ont Amplement raporté la choie , & les autres l’ont traitée en Phifî- eiens. Pendant que le Comte de Chinchon y etoit Viceroi , on lui amena à Lima un Géant, jeune homme âgé de vingt-quatre ans , Meflice ou Criolle de la ville de Gua- rnanga , 8c nommé Juannico , c’eft- à-dire, Jeannor. Je l’ai vu , & je puis affûter qu’il eroit plus haut d’une coudée qu’Arnao Se- garra , qui étoit le plus grand homme de toute la Ville , &r qui paffoit fous Ton bras etendu fans le toucher. Il mourut dans l’Hô- pital de iàint André , dans un lit qu’on avoit ete obligé de lui faire faire exprès. Apres fa mort les gens de l’Hôpital gagnoient de l’ar- gent a montrer feulement un de fes fouliers tant on le trouvoit hors de la mefure or- dinaire. Ce Jeannot éroit affurémenc très- grand ; mais non pas de la hauteur demefu- ree des Geans , qu on croit avoir été autre- fois dans le pais; & qui félon qu’il paroît par leurs oiTemens, paffe toure exagération. Il y a encore pluiïeurs autres chofes trés- remarquables dans la Nouvelle- f fpagne , trés-fîngulieres , comme les deux volcans de Guatimala. J’ai déjà marqué la prodigieufe hauteur & la valte circonférence de celui qui ne jette que de l’eau. Loutre vomit fans celle des tourbillons de fiâmes jufqu’à la hau- teur d une pique. On les apperçoit de loin , ** la fumée qui les furmonte femble avoir de 9T6 . .VOYAGE la continuité avec les nues , tant elle s’élève dans les aies \ de quarc d’heure en quart d’heure , plus ou moins , il part de cette effrayante fournaife un bruit pareil à celui d’une coulevrine -, ce qui caufe des étonne- mens , &c même quelque forte d’épouvente à ceux qui n’y font pas accoutumez, Le grand lac de Nicaragua a , comme je Fai dit, quatre-vingt lieues de etreuie *, les Vaiffeaux y peuvent naviguer commodé- ment -, mais ce qu’il y a de merveilleux c’eft qu’étant par tout d’une eau très- douce ôs bonne à boire, il ne laiffe pas d'avoir fon flus Sc reflus comme la Mer. CJne chofe encore qui eft affez extraordinaire , c’eft que dans la grande Me qui fe voit au milieu , & où j’ai dit ci-deffus qu’il y avoir un û grand nombre de fruits délicieux de toutes les ef- peces, eft un volcan de feu qui jette des fiâmes en quantité &c prefque autant que ce- lui de Guatimala. Ainii i on peut dire qu’el- les forcent en quelque manière du fein des eaux, puifque ce volcan eft tout environné de celles du lac. Il y en a un autre à Coiima qui jette des cendres de temps en temps avec une épaiffe fumée , Sc ces cendres font pouf- fées /i loin qu’elles font du tort aux biens de la terre à plus de trente lieues aux environs. La Nouvelle Efpagne voit couler fur fes terres un grand nombre de fleuves naviguav blés; les plus considérables font ceux de Grikhalva, de la Chulureca , d’Alvarade , de la Vera-Cruz , de Guafaqualco , de la larca, de Panuco, de Conchos , & celui dont j’ai déjà fait mention x le grand fleuve du Nord. Les arbres y font d’une toççut §C d’une DEMtWAFÊR. grofleiu furprenante j mais ceux de la Fo- lf^.^PaiXaî?n /lCuée à un &rancl cJLlar,: de iieue de la Ville qui porte ce nom , paffent de beaucoup tous ceux qu on voudroit faire entrer en comparai fon avec eux. Iis font ex- trêmement toufus & toujours Verds, la fleur en elt rouge comme de couleur de feu, le bois en eft rrés-leger & facile à travailler. La nature ouïe temps en acreufé le tronc à quelques-uns , 8c lors qu’on coupe ceux-là par le pied , ce tronc creux forme une efpece de pavillon , fous la concavité duquel peu- vent k tenir vingt hommes armez de lances et d ecus. Dans 1 année mil flx cens cinquan- te-quatre,Dom Juan de Tabora , jeune Gen- tilhomme, qui croit Grand- Prévôt de la Ville de ce nom , & fils d’un Tabora , qui avoit ete Gouverneur des Philippines, don- na un grand repas fous un femblable pavillon a Dom Juan Lazo delà Vega, Evêque de G u an mal a , & a plufleurs autres Seigneurs ôt Chanoines de Guatimala , qui accompa- gnoient 1 Eve que. Il y avoir deffous une ta- ble ou s aiîirent dans des fauteuils douze per fon nés fer vies par autant de valets, & deux buffets garnis de toutes fortes de vafes d argenterie & autres commoditez pour une pareille fete. On peur concevoir par là quel- le eft la gr odeur de ces fortes d’arbres. Depuis Guatimala jufqu’à Teguantepe- que , il s obferve un ordre admirable, éta- bli pour la commodité des gens de conflde- rationqu! voyagent. Les Officiers Royaux, es Chevaliers des Ordres militaires . & tous les Eccleflaihques , tant feculiers que régu- liers , font pourvus , par les communes des lieux ou ils palpent , de toutes bêtes de mon- 3 7* VOYAGE tu re & de charge , dont ils peuvent avoir bê- loin, fuivant leur qualité , de valets même pour les fervir , de vivres & de fafrafchîfTe- rnens en abondance; & le tout, fans qu’il leur en coûté tien que ce qu’ils veulent bien donner de gratification aux Muletiers Sc à ceux qui conduifent les radeaux fur les riviè- res qu’il faut pafler. Voici comme la choie fê pratique. La première journée voüsprefçn- tez au Gouverneur de la Province, ou de puar*,maia ’ oa de Teguantepeque , fuivant le coté d où vous venez , le Mandement que vous avez obtenu de l’Audience Royale, ou du Gouverneur de la Province, que vous venez de quitter , 3c aufîi tôt en execution de 1 ordre vous êtes logez dans des tnaifons deitinees feulement à ces u figes , bien meù- bleeS j 3c pourvues de toutes les chofes ne- ceflaires aux Voyageurs. On prend foin de vos valets & de vos chevaux , fans que vous foyez chargé du moindre embarras; on vous- donne diï Chocolat & enfuire à fouper avec beaucoup de propreté. Ils s’informent de vous a q uelle heure vous voulez partir le len- demain ; de combien de chevaux , de mules ce de valets vous avez befoin , 8c fur le champ ils envoyent au Bourg fuivant une efpece de Courier y porter vôtre Mande- ment , 3c donner avis de tout ce qu’il vous faut. Ainfï de l’un à l’autre jufqua ce que vous foyez forci de l’Audience de Guatimala pour entrer en celle de Mexique , 3c avant que de partir de chaque lieu , on vous pre- lente un Livre de compte , ou un de vos va- lets écrit par vôtre ordre : La Commune de se "Bourg a dépenfè peur la réception de Monfieur i(l > la femme de .... . ce . . . jour du moi$ DE Mr. WA FER. »-> de.... de cette prcfente année...,. Il ligne enfuite, &c Je feing feul fuffit pour la dé- charge de la Commune. Tout cela s’exécute avec le plus grand ordre, & la plus exacte fi- delité du monde. Grandeur j certes , digne d’être admirée, & qui peut fervir detë- meugnage de k richeile & de la fertilité de cette Province. Teguantcpeque pft une grande Ville , éga- lement peuplee d’Efpagnols &c d’indiens 5 mais ils y ont leurs quartiers feparez. Il s’y tient deux fois le jour un très-grand marché de toutes les Marchandiies du païs , & prin- cipalement de fruits & de marées-, il com- mence depuis dix heures du matin jufqu’à une heure après midi , ÔC depuis fix jufqu’à neuf heures du foir , 8c il s’y trouve ordi- nairement deux à trois mille perfonnes. Ce climat effc le plus fécond de toute la Nouvel- le Efpagne en beaux vifage ; car les Femmes- de cette Ville y pafient communément pour les plus belles du Mexique. Il s’y fait un grand trafic de chemifes , & on les teint de toutes fortes de couleurs , fuivant la cou- tume du païs. On voit , auprès de Mexique , à Mexical- fingo , un êrang d’une vafte étendue , Sc fur lequel on voit un grand nombre de maifons & de jardins fîotans ; ce qui caufe un excès d’admiration à ceux qui les voyent pour la première fois. Voici de quelle maniéré les Indiens les fabriquent. Ils étendent fur trois ou quatre grofies cordes une infinité d’ofiers les uns fur les autres , de la longueur de foi- xance pieds en quarré , & d’un demi pié de hauteur. Ils attachent enfuite les bouts de ces cordes aux aulnes , faules , .& autres as- fio VOYAGE fores , qui font fur les bords de 1 étang , pou® affûter davantage le fondement de la machi- ne , ils couvrent ces oziers de gafons , fux lefquels ils répandent de la terre & du fu- mier par deffus pourl ’engraiiTer. Après quoi ils y fçment toutes fortes» de fleurs & de lé- gumes qu’ils vont vendre à la ville de Mexi- calfngo. De toutes ces differentes matières jointes enfembie il fe fait un compofe ciuï devient avec le temps une maffe épaifle & fo^ lide far laquelle ils bâtiflent de petites mai-' 4 fon s qui füffifent pour les loger eux & leurs familles , & dans la plûparc defquelles il y a des poulaillers 8c d’autres endroits pour y élever des pigeons* Il arrive quelquefois que le maître d’une de ces petites Mes dotantes 3 aUanc à la Ville , dans fon canot , avec fa femme & fes enfans , pour y vendre fes den- rées , ne trouve plus à Ion retour fon habi- tation au même lieu où il l’a voit laiffée * parce que les cordages qui l’arrêtoient ve- nant à s’ufer par le temps ê£ à fe pourrir par l’humidité , fe rompent enfin 8c l’abandon- nent au gré du vent &c du courant. Alors le Jardinier demande à fes voifins i s’ils n’ont point vû par halard paffer fon Me de leur cô- té , 8c fur leur raport l’ayant fuivie comme à la pifte ^ ils la remorquent avec des cordes dans le même endroit d’où elle étoit partie > ce qu’ils font à l’aide de leurs amis qui les afli ftent en ce befoin à la charge d’autant» Je finis ce petit Ouvrage par une obferva- tion que j’ai oublié de faire , lors que j’ai parlé des Gouvernemens & des autres em- plois. Il faut favoix que dans le Mexique ainfi que dans tous les autres Etats de i a Couronne d’Efpagne 3 c’eft un ufage établi DE Mr WA FER. ^81 que tous les Gouverneurs &c les Juges , tant grands que petits, tant Souverains que fu- jhalternes , font obligez de relier dans le lieu de leur Jurifdiétion un certain temps , après que celui de leur emploi elt fini , pour ré- pondre aux accufations de tous ceux qui voudront fe plaindre de leur administration. Il s’en dreffe des informations qui font faites par- devant des Juges nommez fpecialf mène 5our cet effet. Ces juges , qu’on appelle uges de refidence, envoyent ces informa- tions à la Cour, qui ftatue des peines ou des récompenfes , fuivant la nature du ra- port. Cet ufage fe nomme communément la refidence , Loi certes très- prudemment é- tablie de qui produiroit des biens infinis, fi elle étoit auffi exactement & finceremènt executée , qu’elle a été judicieufement pref- crite ; Mais les abus prefque infinis qui fe font gl liiez dans l’execution par la facilité que les Juges commis à cet examen ont à ie laiffer corrompre , en rendent l’effet entiè- rement inutile pour le bien des Peuples &Ç pour l’honneur du Gouvernement. table DES MATIERES. Contenues dans le V oyage de Datupien » depuis pag. i. iufynes à 146. & dans celui de^ Wafer , depuis page 14?» Jnfyues À cent qttatre-vingt-w. A ®EI1Les J qu’on trouve fur Hf- thme , pa(r> 2, j | Adreffe des Indiens à tirer de l’arc, 1 6r. Adultéré puni avec rigueur chez les In- diens de l’îfthme , 164. Il air eft mauvais à Portobel , 1.93. Il eft un peu meilleur à Panama. J9 ^ Allegrance , une des IflesCanaries , avec le pro- fil de fes côtes. 4> Alligators. zi%. Amapal.a. (Golfe ds zgj# Amphiftune , ou le Serpent à deux têtes. 7 o. Amplitude , la différence qui fe trouve entre P Occidentale & l’Orientale , g4. Anneaux , que les femmes portent à l’entre- deux des narines , Zjo. 4 ■ t fr ' DES MATIERES. "Anguilla , une des ifles Caribcs , & de Tes écrev vidés , Animaux qui fe trouvent fur l’Ifthrne. Araignées , qui ne font pas venimeufes. Arbres de la Nouvelle-Hollande. Arbres , & fruits. Arbrijfeaux & buiffons de la N. Hollande. Arica , Ville fur la côte du Pérou. Anfah , forte de fruit. Armateurs , ( Les ) avec qui étoit Mr. Wafer , prennent la refolution de tuer tous ceux de leur Troupe qui n’auroient pas la force de fuivre le gros , ijj. Ils en laiffent quatre fur l’Ifthme avec l’Auteur , iy4. Ils fe retirent de l’Ifthme , &.vont croifer fur la Côte des Indes Occidenta- les, 279. Ils croifent enfuite fur la côte du Pérou. ig_ Ash , Ifle. Ou de la Vacca. 17$ a Autruches. 307 , 1x7, Z Z 1. z z 6. 140. 107. 1 40. *9 6. 61. Bahia , de Todos Ios Santosdans le BreJfïI , 41. &c. Du Sucre que l’on y fait & de fon Commer- ce , 49. Des Vaiffeaux que l’on y bâtit , & du bois qu’on employé à cet ufage , yi. De f0n terroir & de ce qu’il y croît, ;6,&c. Des vents & des faifons , 77. Du tems auquel on y coupe les canes de Sucre , 78. Differentes vues de la côte. "Baleine morte. Plufîeurs oifeaux autour de fa carcafte. g ^ Baleines , de quelle maniéré on les pèche au Bré- sil & l’ufage qu on en fait. y j , yi. Baleines de la N. Hollande. 118. BamborSf ou Bambous, ou Canes- creufes. îzi. Bantam , 149. Barcadero , ou lieu où l’on débarque, jyp, T A B L E. UBaftimentos , Me. T ^ } g i Baye des Chiens marins , dans la Nouvelle- Hol- lande. Bénards , qu’on trouve dans les moutons dé Mo- cha. Bibby, efpece d’arbre , des Bayes qu’il porte3 & de 1 huile qu on en, tire. i6f,zo9> i1Q . BlaJle> A.™iral Anglois brûla les Gallions prés de Teneriffe , r g Boeca Drago , & Bocca Toro , l9 * Bois de charpente du Brefil eft d’un meilleur ufaee que celui de l'Europe, ^ Bois léger & blanc , 2 1 6 . & rouge , x \ - * Boijfons des Indiens, Bonamos , efpece d’arbre i & de Ton fruit. 2.IO*. Bowtnan , ( Guillaume ) court grand rif uê de fe noyer. 2 ^ &c Brunies , où les Gentilshommes fe font porter à Bahia, dans le Brefil. t Brefil , vue de fa Côte , Fay. Bahia. 4/ Bretagne , < Nouvelle j Ifie bien peuplée & dé- couverte par Da pier. Voye^fa Préface. Bukenbam , ( le Capitaine ) eft pris & maltraité x> Ç-31’ ifsrErPaënoJs* i/i, *c. Bufe , Oifeau. Il8 C Cables , faits d’une efpece de crin qu’on trouve fur certains arbres du Brefil. m Cachevv , fruit. 6o ’ ^ Cadavres humains , trouvez en quantité fur une B*ye> 308. Calebaces , de l’Arbre qui les porte. 314. Callavanches , ou poix-cich.es dans rifle de Ma- y° > n, Çanal d Angleterre , aveç quelle précaution l’on doit y palier , ^ Canari, s fines * cZ:°~ & <“ Co £ Canelle bâtarde , z*9' Canes de Sucre, Z17 •' CdretsB<>"°e"£rp,ranCe- 6 ^r dedffiren/e1,,- Caret ( Baye de ) „7 ’ 9 8* Carrougues, ï8t,iSy Cartagéne , Cajfave , racine qui fert de pain , Cavaily , force de poiffon de Mer. Ca dres , qu’on trouve fur 1 Ifthme , f,e'fs ’ 11 y en. a quantité fur I’Ifthmç, Chagre , nviere. ,o, lS, TO r^fi ( ?*ra?S * 1 q“e ks In*e"s'font * ’ 270' ChM, -fort eftunez par [es Indiens , 226 4: Chepel.o , lfle, ’ l8>> lr0- r ics Intliens £rpasno,s o“ 4 des Indiens , de l'an ,& de l’autre Se£ Chie aly-Chic al i , oifeatt. ** * 244- arien ( Riviere de ) 18 2,183-. pâtes du Brefil , - 6 3. Dendies , efpece de dates du BreÆl. Ibid, pevins , de quelle maniéré ils évoluent le Dia- ble , 178. Piademes d’or , &c. 231. pivertijfemens des Indiens , %6 6, E Ec re vie es de Terre, 227 , & de Mer , 23 9. "Education des Garçons , 261. Êffagnols ( tes ) détruifent Mocha , &c. 302. 2? 4 1 m , Wafer qu’on trouve fur l’Ifthme , z-8 8 , &c> G- a 1 n y , C George ) fe noyé. G allons Efpagnoîs. Voy. Blake. G.allapagos , Ifles. 2 S 6. G aliéna Pmtada , ou poule de Guinée. 11, &c's Garrachina ( la Pointe ) 181 , 193 , i9j. Gerret Dennis , Ifle. Bref. Globules , qui nageoient fur l’eau , comme de pe- tites perles. Gopfon ( Richard ) Gorgoma , Ifle. Guacha , Place fur la côte du Pérou , Guanos., de la N Hollande, &c. Guatimala ( Gouvernement de ) Gu ivra , Piace fur la côte du Pérou , Guinée ( Nouvelle ) H Habits , & otnemens des principaux Indiens , 17 S > ifi , 2^-2, des hommes du commun & des femmes , 2.49 , ayo, &c. Herbes qui dotent ftir l’eau & qui marquent qu’on n’eft pas loin de terre , 14, 8;, ioz. Herbe de foye , ZIja Hollande ( Nouvelle ) Defcription de fes côtes , 1 Huile d'olive qu’on fait fur la côté du Pérou , 1 9 6. I J A g o ( Saint ) Ifle 8t Ville. 27 , &c. De fes Ha- wtans , 29. De ee qu'elle produit, 30. &c De les anlmaux , 33 , &c. Sa rade eft fort mauvaife , 34- Sa vue, ibiiL Jamaïque,. 3f x< Jamby , dans I’ifle de Sumatra. ry0> Jenetie , Oifeau. &f. Jeniphah , ou Jenipapah , fruit. £ r, Mor , xj 0r Indiens f Les ) de l’Ifthme entreprennent de guefir M. Wafer ,1^4. Iis en agiflent mal avec lui & fes camarades, iyy, &c. -Ils prennent la réfolution de le faire mourir , 1^7. Ils le reçoivent de nou- veau fort humainement , 1 6 6. Ils confultent leurs devins , 17 j. De leur taille, des traits de leur vi- fage, &c. 243. Lis fe coupent les cheveux , a - pr-és avoir tué quelqu’un de leurs ennemis , ibid . Il y en a qui ont la couleur d’un blanc de lait , &c. 144. Us fe peignent tout ..le corps ,246. De quelle maniéré les hommes & les femmes f& farent, 2.48, 2.49, Sic. Leurs maifons, 234. &c. ■eurs Plantations , & de quelle maniéré ils les* cultivent , z\ 6 , &c. Occupations de leurs fem- mes. 2.46', 2 y 9 ,260. On les lave après qu’elles font accouchées , 261.. Education des enfans,i^l^. &c, 262. Occupations des hommes , ibid. z6j. &c. Les châtirnens qu’ils exercent , 264. Leurs Mariages & leurs Feftins , 2 6 ç , 266. De quel- le maniéré ils voyagent , 27 ç , &c. Leur manié- ré de compter , ibid. 27 6, &c. De la prononcia- tion- de leur Langue , 28 a, De leurs bonnes qua,~- DES MATIERE £ Jîtez. iç4,-i 66 , iéo , 161, 213 , 2^0 , Sec. fi* prennent quelquefois trop de boiflbn , i£6. In- 250. 6 }' l6l , &C. 2 0f* 2. 1 6. IJ2 , l8<îr I87, diens Efpagnols. Ingu a , fruit , Inondations & grofles pluies, L'tnfeiïe Soldat , //e d’Or. IJle des Pins , X07. Ifles de l’un & l’autre côté de l’îfthme ,182. 188. IJles , ou Montagnes de glaces , 3 o 4 , &c des Perles, xS 2. , 203.’ Ifihme de Darien , fa largeur, &c 18 x , &c. Sou terrain entremêlé de montagnes. 183 , &ç. Riviè- res qui l’arrofenr, 184. Sic. Defcripcion de la cô- te du Nord, 1 8 5 , Sic. De celle du Sud, 19 6. &c. de fon terroir , zoz. Forêts épaiffes, 18 z. 103 * la température de l’air , 20 j Inondations , 161] &c. z o j. Arbres & fruits, 207, &c; Bêtes & reptiles, zzz. &c. Oifeaux & infe&es vol&ns. zzjj , Sic. des Naturels du pars, z4i , B ac enta P rincé Indien fauve la vie à Mr. Wafeir & à fes camarades, ij7. Son PaJais , 167. Il re- tient 1 Auteur , &c. 168. Les marques de refpeéV & d’amitié qu’il lui donne , 170,171. II lui per- met de fe retirer., 173. Il avoir fept femmes. 2 64. Lagune , ville de Tenerïffe , 7> Lames d’or ou d’argent, dont les Indiens fe cou- , vrent la bouche , Éancerota , une des Iilcs Canaries , Lapins de la Nouvelle- Hollande , Lapins auflj, gros que nos Liéyres , La^jttia , Leon , Lefards verds & marquetez de roug©> hmpip f Poiffon à coquille 2 5. T A IZorenzjt ( Cap S. ) BLE M Mac a-w , forte d’arbre , Macarv , forte d’oifeau , Mackera , efpece de Corneille , Maho , efpece d’atbre , Maifons des Indiens difperfées çà & là *9** 160 i loi. 1 3 !<• 6S. 11}. 2-Ç4- Mai z , ( Farina & boiftbn de) 2/7,1 6 6. Malacca ( Promontoire de ) if o. Malvoifie ( vin de ) qui croît dans l’Ifle de Te- neriffe , 9. Mammée , arbre , dont le fruit eft délicieux , 211. Mammée-Sapota , Ibid. Manchinel , arbre, dont le fruit eft un vrai poi- fon, m. M angles rouges & autres » 1 99, 118. Marie ( Sainte ) 1 j 1 , 198, Marfouins , 306. Mayo , une des Ifles du Gap-verd, iç. &c. De la maniéré dont on y fait le fel. 1 6 , Scc. De fon ter- roir & de ce quelle produit. 10 > Sec. De fès habitans , 2/. Mendibie , efpece de fruit, 64- Mericafah t Fruit. 6 2. Michel ( Golfe de faint ) 171 , 181 , 203. Miniota , oifeau , 13* Mijlau boiffon faite avec de l’eau Sc des plain- tains , Mocha , Me. Modefiie des Indiens Moine , forte de Poiflon , Montagnes fort hautes , &c. Moskitos , ou Moucherons s. Mouches iuifantes , Mouettes , Muchishavp; efpece de mm Mun^aron y 138.. 289. 247 , 1/3, 127.. 373, 184, 18 ç. 20 6. »34» ibid* T) E S M'ATÏES, E S\ Bufteran-de-ova } fruit. Midi N £a Nasc a , où il croît d’excellent vin y z 8 8 » ***** ’ Z C l' Nicaragua ( Lac de J i8r. de Coco. Leur petit lait , bu en trop grande quantité engourdit les nerfs & glace le fang. z 8 c. Noix purgatives ou Pinions , 6 4. Nombre-de-Dios , 15,j, Nord-Oueft ( Vents de ) les lignes qui les precedent à l’Mede Teneriffe , & ^ ^ O OecüpATio^s des hommes & des femmes, ,fuf l lfthme , lf}:j r/4 > Zf6' Oijeau 3 qu on appelle Tout-bet , 6 6. Oifeaux de la Nouvelle- Hollande ,• ii0) 11. Oifeaux (\\xon trouve fur l’Ifthme, -131, 2.3 ji' Ondées de pluies accompagnées d’éclairs & de ton- ner*je *' 161 , io 'fi- Or, de quelle maniéré les Élpagnoîs l’amaffent. 17 1 , &Ci Oranges douces fur la côte du Pérou , 2 .96-. Oratavia , Port de l'ifle de Teneriffe , 4 , 9i O tic , fruit , A ... F ‘h PachiqVe, Chepelio 3 Perica > Me des perles , &c. renfermées dans la Baye de Panama , 203. Panama ( Baye de ) & ville 218 , ioe Papah , fruit , Paracood , forte de poiffon , a j7 , 140,. Parrot-fish , ou le Poiffon-perroquet , 239,. Pajfage , qu’on pourroic trouver au Sud de la Notîr vejle-HolIande & de la Nouvelle-Giuinée , pour fntxer dans lagrande mer du Sud 3 T A B t E Pavvavers , ou Devins , 175?. Pecary , efpece de cochon , 222. Pêche des Indiens , 24O. Peignes , dont les Indiens fe fervent , 2-4 i- Pélican , 235* Pendans d’oreille,- 2>I» Penfilvanie , 208. Pernambuc : l’air y eft plus fain que dans les autres Places, vers le Sud. 35) , &c. Perroquets , & Perruches , 231. Petango , fruit ,- 61. Pétoncles , 239‘ Pétrel -, oifeau , &c. Pétumbo , Fruit, 62. Pies de mer , 234* P inions , ou noix purgatives y 64. Pintado } oifeau , §3 > 84. Pif ta , 287. Pivverts , 232. Plantains , . 210. Plantations des Indiens , & de quelle maniéré' ils les cultivent , Plantes trouvées au Brefil , à la Nouvelle- Hol- lande , à Timor , & dans la Nouvelle- Guinée. Voyez Tab. I , i ,j , 4 , S » d’f* I40. Poirier , piquant ou fauvage , it> 8 , 212- Poivre , de deux lortes. 215). Pommejlan , ( Fruit ) 34* Powwf de Pin , fruit qui reffemble à un Arti-< chaud , 2 1 r. Poijfon volant entre les Canaries & les Ifles du Cap-- verd , 14. Poiffons de mer fur la cpce de la N. Hollande, 136", Fo/jfons de la grolfeur du Thon, 14c. Portons , qu’on trouve autour de la, Côte de Tlfthme , 238. P art -Royal t, 3$ lî ! £> É Tortàbel , S M A T I ERES. , isi. 43; li 8 . 67. 15 6= 119 Portugais , fort civils envers M. Damp’rer. Posâtes , qui glouffent au Rie fil Punta-Mala , et Qji a iæ , oifeau' , Qurna-Quina , l’arbre d’où Ion tire cette écorce ■ efr une efpece de Mangle , 1 j g, Quolla , ou lieu où l’on débarque R R a b e c' , Oifeau. Ragoûts des Indiens, & de quelle maniéré ils font la cuifine,' 17^ Raies piquantes , 239. Rats-ôç fouris dont on eft empefté fur l’Ifthme. 11;. Reaieja , Rémora , poiflon. Rio grande ,■ Rivière d or , 1?î } R-iviere , dont l’eau eft fort chaude. Romarin ( Ifle de ) dans la Nouvelle- Hollande , 13 6 /<« plante qui rejfembie au Romarin. Tab. IV. N- 3. S Saigne’e , mauiere dont les Indiens la font , 169, Saifon pluvieufe , &c. 10(5". ■ S/imb ailes , Me. iÜijigj, &c[,. 102. ibid .• 203. 288. »4- Sambo , Riviere Samb'allas , Pointe. Santa^Cruz , ville de Tenerilfe , &c Sapadillos , efpece d’arbre fruitier ,, Savanes , Sauteur , pôillbn. S cri van, , Port» Scuchadero , Sculpins , Poiffons. I^7< » 190. 4, X- 2x1. 200. 103. 191. 198^ 138. A ' ‘ ^ j O » * de la maniéré dont on le fait à I’Ifle de Mayo y T K B t É ï &Tur l’Ifthme de Darien , 24Y. Serpent d’eau du BreJrL yr, &c. De la Nouvelle- Hollande , n y , iio. Serpens , né; , 2.14, 2-88., Snouks , poiffon. zjp ( Ifle de ) ' ryy , 189 3 Sic Sour-fop , fruit:. go. Springer ( Ifle de ) 18-9. Sucre , de quelle, maniéré on le rafîne au Brefil , 49 > &c. $«mî & Sucreries , T Tabac qu’on a fur- l’Ifthme , & de quelle maniéré on le roule pour le fUmer , 22.1. Tamarins , 217 . Tarpon-, gros Poiflqn. 2?6> T a fman ( Carte de ) corrigée', 122. Tempêtes , ;0^„ Teneriffe, 4. De fes vins , des fruits de la terre & des animaux , cj, jo. Terra del Fuego, 289. nouvellement découverte , & que M. Dam- pier a nommé terre de Davis , 502. T étroit ïec & fterile à Copayapo^ 23,4- X8 , 2Ï2* Tigres , 2j 2. de coton que les Indiennes ourdifTent , 2^2. Tortues qui pondent leurs œufs dans la faifon hu* mide , Scc. 2^ j 1Ü6- Pourquoi les Efpagnols & les Portugais n’en mangent pas. 73. Tourterelles du Brefil , 6$, Tremblement de terre fenti en mer , vaifleauxtranf- portez fort loin du rivage , 2957 , 300. V ÜKaiseeaü de Dampier coulé à fonds ,= Pre'f Vaijfeau de 50. pièces de canon,. bâti au Brefîl. 52. 200. . 37- 9-97, *57. 2 88, 264. 2J2. DES M A 'T I E R E S de l’aiguille , «endroit où elle augmenté en courant a 1 Eft , 8rt L’endroit où elle diminue , * hJR? f mCme fOUte> 8<- So" incertitude, & la difficultequ il y a de I’.obferver. 89 , 90. ^Variations observées dans ce Voyage Venta de Crusses , petit Village , > &C° Vents incertains prés de la ]i Rlviere > 2d