aP3H B3SH mîl)e£ttpofamîg0rk CoUege of ^î)pgîcîans; anb ê)urgeon£( Hiîjrarp î Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from Columbia University Libraries http://www.archive.org/details/nouveauxlmeOObeau NOUVEAUX ELEMENTS DE PHYSIOLOGIE HUMAINE DU MEME AUTEUR : De l'habitude en général. Thèse pour le doctorat en médecine. ln-4°. Montpellier, 1856. Anatomie générale et physiologie du système lympha- tique. Thèse de concours pour rawrègation. In-4°. Strasbourg, 1863. Nouveaux éléments d'anatomie descriptive et d'embryo- logie, par H. Beaunis et A. Bolchard. In-8''. Deuxième édi- tion. Paris, 1873. Impressions de campagne, 1870-1871. — Siège de Stras- bourg. — Campagne de la Loire. — Campagne de l'Est. (Gazette médicale de Paris, 1871-1 872.j De l'organisation du service sanitaire dans les armées en campagne. Brochure in-S". Paris, 1872. Programme d'un cours de physiologie fait à la Faculté de médecine de Strasbourg, ln-18. Paris, 1872. Note sur l'application des injections interstitielles à l'étude des fonctions des centres nerveux. In-8°. Paris, 1872, et Gazette médicale de Paris, 1872. Remarques sur un cas de transposition générale des viscères. In-8°. Paris. 1874, et Revue médicale de l'Est, 1874. La force et le mouvement. (Revue scientifique, 1874.) Les principes de la physiologie. Leçon d'ouverture du cours de physiologie. Brochure in-8°. Xancy, 187.5. NOUVEAUX ELEMENTS DE PHYSIOLOGIE HUMAINE COMPRENANT LES PRINCIPES DE LA PHYSIOLOGIE COMPARÉE ET DE LA PHYSIOLOGIE GÉXÉUALE H. BEAUNIS PROFESSECR DE PHYSIOLOGIE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE NANCY Illustré de 282 fi«;uies inlercalées dans le lexie PARIS J.-B. BAILLIÈRE ET FILS, LIBRAIRES -ÉDITEURS 10, KUB HAUTEFEUILLE, PRÈS DU BOULKVAKO SAINT -GERMAIN 187G Tous droits re'senc's. PREFACE Cet ouvrage se divise en quatre parties. Dans la première, intitulée Prolégomènes j sont traitées les questions générales qui servent d'introduction à la physiologie humaine, telles que celles de la corrélation des forces^ des caractères des êtres vivants, etc. La seconde est attribuée tout entière à la chimie physio- logique. La troisième et la plus considérable est consacrée à la physiologie de l'individu : une première section comprend la physiologie générale, physiologie cellulaire, physiologie des tissus, physiologie générale de V organisme; une seconde sec- tion comprend la physiologie spéciale, c'est-à-dire les fonc- tions de V organisme humain. Enfin, la dernière ^OiViiQivsàiQdiQlai physiologie de V espèce. Ce plan, tel que je viens de le résumer d'une façon succincte, je l'ai déjà suivi dans mes cours et mes confé- rences, soit à la Faculté de Strasbourg comme agrégé, soit à la Faculté de Nancy comme professeui* de physio- logie, et j'en ai déjà indiqué les traits principaux dans mon Programme de physiologie. Ce n'est pas cependant sans de longues hésitations que je l'ai transporté du cours au livre et que je me suis décidé à rompre avec la tradition classique, malgré l'autorité de noms tels que ceux de Bichat, Bérard, Longet, etc. Mais on ne manque pas de respect aux maîtres de la science en changeant les divisions qu'ils ont établies, quand ces II PRÉFACE. divisions sont devenues insuffisantes et incomplètes; on manquerait à la science en les conservant. Depuis l'époque à laquelle écrivait Bichat, la physio- logie s'est transformée 5 deux grandes lois, celle de la corrélation des forces et celle de V évolution des êtres vivants (transformisme)^ sont venues révolutionner les sciences phy- siques et naturelles, et opèrent aujourd'hui la même révo- lution dans la physiologie humaine ; des chapitres nouveaux se sont ajoutés aux anciens; la chimie physiologique a, accu- mulé découvertes sur découvertes ; le microscope nous a révélé toute une physiologie inconnue autrefois, ceUe de la cellule et des éléments anatomiques, etc. Ces décou- vertes, ces idées nouvelles, le physiologiste doit les ac- cepter, et il serait puéril de vouloir immobiliser la science dans un moule de convention parce que ce moule a été créé par Bichat. Les matériaux amassés dans ces dernières années sont tellement nombreux qu'il est souvent peu aisé de choisir entre des faits parfois contradictoires, d'interprétation dif- ficile, et dont la valeur scientifique dépend de la valeur même de l'observateur. La science est encombrée d'expé- riences douteuses, de faits mal étudiés, de conclusions fausses, de théories prématurées; tout le monde est im peu physiologiste aujourd'hui, et ce n'est pas chose facile que de déblayer tous ces matériaux et que de distinguer le vrai physiologiste du physiologiste de rencontre. Aussi n'ai-jepas la prétention, incompatilDle avec la nature même de ce livre, d'avoir été complet; je crois cependant n'avoir rien omis d'essentiel et avoir utihsé tous les travaux sérieux et intéressants. Quant aux autres, le lecteur ne pourra se PRÉFACE. lU plaincke s'ils ne sont même pas mentionnés. Dans les questions encore à l'étude, comme ceUe des nerfs vascu- laires, par exemple, pour n'en citer qu'une, je me suis limité à l'exposition impartiale des faits, car dans l'état actuel de nos connaissances, il est impossible de les rat- tacher à une théorie satisfaisante; ces questions douteuses sont nombreuses en physiologie ; mais le lecteur ne doit pas s'en étonner; ces imperfections sont inévitables dans une science en voie de formation. La chimie physiologique a reçu des développements en rapport avec l'extension prise par cette partie de la science. J'ai même cru devoir réunh toutes ces notions dans un chapitre spécial, pour mieux faire saish le lien étroit qui les rattache toutes ensemble. Malheureusement, malgré la multiplicité des recherches, les résultats posi- tifs sont encore peu nombreux, et si l'on entrevoit confu- sément quelques lueurs de la vérité, il nous est impos- sible de nous faire une idée nette des transformations chimiques qui se passent dans l'organisme vivant; il n"y a pas un seul principe organique qu'on puisse suivre depuis son entrée jusqu'cà sa sortie, pas un seul organe dont la chimie nous soit réellement connue. Dans ce cha- pitre, le point de vue chimique cède toujours le pas au point de vue physiologique, et les données chimiques ne sont uliUsées qu'autant qu'elles peuvent être appKquées à la physiologie. La physiologie ceUulaire, cette base fondamentale de la physiologie spéciale, a été l'objet d'une attention particu- lière, et un paragraphe distinct a été consacré à Fétude de la cellule et de ses parties constituantes. L'outillage physiologique s'est perfectionné dans ces IV PRÉFACE. derniers temps, et le nombre des appareils et des instrii- ments s'est considérablement augmenté. Il était impossible de les décrire tous; il a fallu forcément faire mi. choix; mais les plus importants ont été décrits et figurés dans le cours de l'ouvrage, et tous ceux qui ont une certaine va- leur ont été mentionnés avec l'indication bibliographique qui permettra au lecteur de recourir au travail original. Les questions générales, trop négligées aujourd'hui dans les ouvrages classiques, ont été traitées le plus brièvement possible, mais avec assez de développement pour en faire ressortir toute l'importance et en indiquer les traits princi- paux. C'est amsi que le lecteur trouvera, dans les Prolégo- mènes, des études sur la force et le mouvement, les caractères de la vie, les cUjJérences des animaux et des végétaux, Is. place de l'homme dans la nature, et que les questions de V espèce et de son origine, de Vorigine de l'homme, de Vhomme primitif, etc., sont exposées dans l'esprit des théories modernes. L'auteur n'a pas cru non plus que la physiologie dût laisser de côté, pour l'abandonner aux philosophes, la partie psychologique delà physiologie cérébrale ; pour lui, en effet, à l'exemple de l'école anglaise, la psychologie trouve dans la physiologie sa base la plus sûre et la plus solide; aussi n'a-t-il pas craint de traiter, en s'appuyant sur les données physiologiques, les questions des sensa- tions, des idées, du langage, de la conscience^ de la volonté, etc., et si les limites de ce livre lui ont interdit de s'étendre sur ces sujets, il espère en avoir assez dit pour en préciser nettement les points essentiels. J'appeherai maintenant l'attention du lecteur sur quel- ques innovations introduites dans ce livre. PRÉFACE. Y Deux sortes de caractères ont été employés. Le gros texte comprend les notions courantes indispensables; le peat texte a été réservé pour les descriptions de procédés et d'appareils, les théories, les développements, les ma- tières difTiciles ou encore peu connues, les questions géné- rales, bref, pour tout ce qui s'écarte un peu de la physio- logie ordinaire. En un mot, pour une première lecture, le débutant pourra laisser de côté tout le petit texte et se borner à étudier dans le gros texte la physiologie élé- mentaire; puis à une seconde lecture, le petit texte l'ini- tiera aux difficultés et aux parties ardues de la science. En tête de chaque chapitre, à l'imitation de ce qui se pratique dans les traités d'anatomie, un paragraphe donne, en petit texte, la description des procédés et des appareils employés pour étudier les questions traitées dans le cha- pitre. Il m'a semblé préférable de suivre cette marche, au lieu de placer, dans le courant même du texte, des des- criptions d'appareils souvent longues, fastidieuses et dif- hciles à suivre, même avec une figure. Un chapitre préliminaire intitulé : le Laboratoire de phy- siologie, fait connaître la disposition générale etl'instaUation d'un laboratoire; il m"a semblé qu'il y avait là une idée utile à emprunter à certains traités de chimie. J'aiu:ais voulu même donner à ce chapitre une extension plus grande, et dans le plan primitif le lecteur y am'ait trouvé la des- cription succincte des laboratoires principaux de la France et de l'étranger, mais les exigences matérielles de l'ouvrage n'ont pas permis de donner suite à cette idée. A la fin de ce chapitre et sous le titre de : Laboratoire de l'étudiant, j'indique comment un étudiant peut se monter, à peu de frais, un petit laboratoire de physiologie, et pour VI PRÉFACE. faciliter son travail, j'ajoute quelques planches représen- tant l'anatomie de la grenouille, l'animal le plus facile à se procurer et avec lequel on peut répéter la plupart des expériences fondamentales de la physiologie. Connaissant la facilité avec laquelle s'oublient les for- mules et les réactions des principes organiques, et l'em- barras qui en résulte pour l'étudiant quand il rencontre des termes dont il a oublié la signification, j'ai donné, dans un appendice et par ordre alphabétique, les formules, les caractères et les réactions principales de toutes les sub- stances de l'organisme; le lecteur aura donc immédiate- ment sous la main, en cas d'oubli, les renseignements qui lui font défaut, et n'aura besoin de recourir à un traité de chimie que quand il voudra se livrer à une étude plus approfondie. Un court chapitre de toxicologie physiologique résume l'action des anesthésiques, du curare et des principaux toxiques usités en physiologie. Un grand nombre de ûgures originales, dessins d'ap- pareils et d'instruments, régions anatomiques, figures schématiques, ont été gravées pour ce livre ; un certain nombre de figures ont été empruntées aux ouvrages de Cl. Bernard, Bert, Colin, Kûss, Mandl, Marey, Ch. Robin, Wundt. etc. Pour toutes les notions anatomiques que nécessite la lecture d'un traité de physiologie, je renverrai le lecteur aux Nouveaux Éléments d'anatomie humaine et cV embryologie, par Beaunis et Bouchard; 2^ édition, 1873. Septembre 1875. Beaunis. CHAPITRE PRELIMINAIRE LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE Les laboratoires sont pour le physiologiste ce que les salles d'hô- pital sont pour le médecin. Le laboratoire, dit Cl. Bernard, est la condition sine quâ non de développement de la médecine expéri- mentale; et c'est là, ajouterai-je, que se préparent les progrès de la médecine pratique. L'utihté des laboratoires n'a cependant été comprise que dans ces derniers temps, et tandis^qu'en Alle- magne il n'était pas d'Université, queUjue petite qu'elle fût, qui n'eût son Institut physiologique, en France, les Facultés de mé- decine en étaient dépourvues. Aujourd'hui, il n'en est plus tout à fait de même, mais il y a encore bien des desiderata à combler, bien des progrès à faire ('). Aussi je crois utile, avant d'aborder l'étude de la physiologie, de dire en quelques mots ce que doit être un laboratoire de physiologie. 1° Du local. Un laboratoire de physiologie devrait être, autant que possi- ble, au rez-de-chaussée, au milieu d'une cour ou d'un jardin, dans lesquels sont conservés les animaux nécessaires à l'expéri- mentation, de façon à les avoir toujours sous les yeux et à portée. Le laboratoire même doit être composé de plusieurs salles correspondant aux diverses catégories d'opérations que le phy- siologiste est dans le cas de pratiquer ; on y trouvera donc : 1° Une salle de vivisections et de dissection; elle doit être spa- cieuse, haute, aérée, très-éclairée, dallée en pierre; en un mot (') Pour ne citer qu'un exemple, il n'y a même pas de fonds spe'ciaux alloués pour les laboratoires de physiologie normale et de physiologie pathologique de la Faculté de médecine de Nancy. Il n'y eu a que pour le laboratoire de chimie physiologique. YIll LE LABORATOIRE DE t'HYSIOLOGIE. construite à peu près sur le modèle des amphithéâtres d'ana- tomie; cette salle doit représenter la partie centrale du labora- toire, la pièce dans laquelle toutes les autres s'ouvrent. 2" Une salle plus petite pour la micrographie, les expériences délicates, les appareils de précision (balances, appareils d'élec- tricité, etc.); 3° Une salle servant de laboratoire de chimie et possédant l'ins- tallation nécessaire pour tout ce qui concerne la chimie physio- logique ; 4" Une petite pièce, pouvant être transformée facilement en chambre obscure, pour certaines expériences de physi [ue physio- logique et spécialement d'optique; 0° Enfm, s'il est possible, on réservera avec avantage deux pièces servant d'ateliers de moulage et de photographie. L'installation du laboratoire, en dehors de l'outillage qui sera vu plus loin, comprend deux choses principales, le gaz et l'eau. Cette installation peut se résumer en quelques mots : du gaz et de l'eau partout, de façon à pouvoir conduire où l'on veut, à Faide do tubes de caoutchouc, le gaz et l'eau dans un point quel- conque du laboratoire. Si la pression de l'eau est suffisante, on peut, à l'aide d'une trompe de laboratoire, faire marcher un petit moteur hydraulique et on a ainsi une force motrice qu'on a bien souvent Heu d'utiliser, par exemple pour pratiquer la respiration artificielle. Si la pression d'eau est insuffisante, il faut avoir re- cours à une petite machine à vapeur. L'espace intérieur réservé aux animaux doit être dallé, en partie couvert et divisé en circonscriptions distinctes suivant la nature des animaux, auxquels, autant que possible, on doit, en outre de l'abri qui les loge, laisser un peu d'espace et une certaine liberté. La grandeur et la forme des niches et des cages seront appropriées à l'espèce d'animaux qu'elles doivent renfermer (chiens, chats, lapins, cabiais, poules, etc.). Des niches distinctes, séparées des autres, permettront d'isoler complètement les animaux après l'opération. Quelques-unes des niches et des cages auront un fond à jour qui permettra do recueillir les urines {voir page 454) Les cages pour les petits animaux (rats, souris, oiseaux, etc.), seront placées dans le laboratoire même, dans la salle des vivisec- tions. Un bassin, avec des plantes aquatiques, recevra les gre- nouilles, les poissons, les animaux aquatiques dont on peut avoir besoin, et alimentera les divers aquariums du laboratoire. LE LABOUÂTOIRE DE PHYSIOLOGIE. IX 2^ Vivisections. r CJioix de ranimai. — Ce choix se déduit de la nalure même de l'expérience et du but que se propose le physiologiste. Ici une connaissance parfaite de la structure des animaux les plus employés est indispensable à l'opérateur, et les particularités anatomiques ont la plus Grande importance, car elles permet- tent chez tel animal une opération qui serait impossible sur une autre espèce. C'est là un des points les plus délicats de la techni- que physiologique, et cette connaissance ne s'acquiert que par l'expérience et une expérience prolongée. Des renseig[iemenls nombreux sur ces particularités anatomiques se trouvent dans beaucoup de mémoires spéciaux, et en particulier dans les ou- vrages de Cl. Bernard, Ecker (Icônes physiologicsé), Krause (Ana- tomie des Kaninchens, etc.); mais il nous manque une étude sys- tématique, à ce point de vue, des principales espèces animales usitées en vivisection. 2" Contention de f animal. — La contention de l'animal peut se faire de trois façons principales différentes, qui du reste peu- vent s'associer l'une à l'autre, contention mécanique, aneslhésie, immobilisation par le curare. a. Contention mécanique. — Il suffit quelquefois, surtout pour de petits animaux et des opérations très-courtes, de les faire maintenir par un aide. Les grenouilles, les petits mammifères, etc., peuvent être piqués simplement sur un liège avec des épin- gles. Pour les lapins, les cabiais, etc., on emploie des plan- chettes, excavées dans leur milieu et percées sur leurs bords de trous, dans lesquels passent des courroies qu'on attache aux pattes de l'animal. Pour les chiens, Cl. Bernard a imaginé de grandes gouttières dont les côtés peuvent se rabattre une fois que l'ani- mal a été fixé dessus. Pour certaines opérations, on se sert d'ap- pareils spéciaux; ainsi, pour les lapins, pour les opérations sur la tète, j'emploie une boîte dans laquelle l'animal est emprisonné étroitement à l'exception de la tète qui sort à l'extérieur et est alors facilement maintenue. Pour assurer l'immobilité plus com- plète de la tôte, Czermack a imaginé un appareil particulier qui se compose de deux cadres en forme de mors et se croisant en X autour d'un axe; l'axe est introduit comme un bâillon dans la X LE LABORATOIRE UE PHYSIOLOGIE. bouche de l'animal dont la tête est saisie par les deux mors ; l'appareil est fixé à la planchelte sur laquelle est attaché l'animal, auquel tout mouvement devient impossible. Il faut toujours se rappeler que la simple contention mécani- que de l'animal réagit toujours sur sa circulation et sur sa respi- ration, et il est prudent d'attendre que l'état normal soit revenu avant de commencer l'opération. Cette précaution est surtout né- cessaire quand il s'agit d'étudier le pouls, la pression sanguine, la respiration, la température, etc. Ainsi l'immobilisation d'un animal fail baisser sa température. b. Anesthésie. — Voir pour l'action et ie mode d'emploi des divers anesthésiques, le chapitre : Toxicologie physiologique ; anesthèsiques, page 1073. c. Immobilisation 'par le curare. — Le curare ayant la propriété de paralyser les nerfs moteurs en laissant intacts les mouvements du cœur et la plupart des fonctions, CL Bernard en a profité pour s'en servir comme de moyen contentif. Chez les animaux à sang froid, comme la grenouille, le procédé est très-commode et peut être employé facilement. Chez les animaux à sang chaud, la pa- ralysie des nerfs des muscles inspirateurs arrête bientôt la res- piration et par suite les mouvements du cœur. Il faut donc chez eux pratiquer en même temps la respiration artificielle. Pour cela, on introduit dans la trachée une canule à laquelle s'adapte un soufflet avec lequel on souffle de l'air dans les poumons en imitant autant que possible le rhythme et l'ampleur des mouve^ ments respiratoires de l'animal; l'air expiré s'échappe par une ouverture latérale de la canule. Gréhant a imaginé un appareil dans lequel le soufflet est mù par un excentrique, qu'on peut raccourcir ou allonger à volonté, et qui se rattache lui-même à une roue mise en mouvement par une courroie de transmission d'un moteur quelconque. Avec cet appareil, on peut très-facile- ment entretenir la respiration artificielle pendant plusieurs heures. 3° Opération. — Le mode opératoire varie évidemment sui- vant l'opération elle-même, il n'y a là qu'cà suivre les règles ordi- naires de la médecine opératoire; le physiologiste doit être en effet doublé d'un chirurgien, et il doit connaître à fond toutes les ressources de la chirurgie pour pouvoir les employer au besoin. Aussi n'y a-t-il pas lieu de tracer ici des règles spéciales pour les vivisections; seulement le but du physiologiste étant tout autre que celui du chirurgien, la marche à suivre est un peu diffé- LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. XI rente. Le chirurgien opère vite, citô, pour arriver le plus tôt pos- sible au but même de l'opération; le cita a beaucoup moins d'importance pour le physiologiste; au contraire, il peut même avoir des inconvénients; il doit en effet saisir au passage toutes les manifestations de l'activité vitale qui se produisent sous ses yeux pendant le cours de l'opération, car toutes les circonstances • qui ne sont qu'accessoires pour le chirurgien, peuvent mettre le physiologiste sur la voie d'une exploration et quelquefois dune découverte nouvelle; il doit donc, sans perdre de vue le but même de l'opération, avoir l'œil sur tout ce qui se passe chez ranimai et dans les organes qu'il voit à nu. A" Après l'opération. — L'observation de l'animal après l'opé- ration constitue une partie délicate de la tâche du physiologiste. Dans beaucoup de cas , le phénomène observé est simple et l'observation en est facile; mais, dans d'autres cas, les phé- nomènes produits par la vivisection sont si nombreux et se succèdent avec une telle rapidité que leur observation, et par conséquent leur analyse devient d'une extrême difficulté, c'est ce qui arrive la plupart du temps dans les expériences sur les centres nerveux. Ordinairement les animaux opérés sont isolés des autres et mis à part; il y a lieu en effet de les soumettre à {\es conditions spé- ciales (soins, nourriture, observation) qui ne peuvent se faire sans cela. Quant aux soins chirurgicaux et hygiéniques qu'il faut donner aux animaux opérés, ce sont les mêmes que ceux qui sont employés journellement dans le traitement consécutif des opérations chez l'homme et il n'y a pas lieu d'y insister. b" Autopsie. — Il n'y a pas non plus de règle particulière à tracer pour l'autopsie. Seulement un principe dont il ne faut pas se départir, c'est, toutes les fois que la chose est praticable, de faire l'autopsie immédiatement après la mort. On peut ainsi observer les phénomènes qui se passent dans le corps immédia- tement après la mort, ce qu'on n'a jamais l'occasion de faire chez l'homme : on peut avoir les organes avant que toute altération cadavérique, quelque minime qu'elle soit, se soit produite; on étudie de suite ceux qui ne peuvent se conserver sans altéra- tion (globules sanguins, certains épithéliums, etc.); on met dans des liquides conservateurs ceux qui doivent être examinés plus tard; on prend note de la persistance des propriétés vi- tales dans les divers tis.sus, etc., etc. Enfin, l'autopsie doit être Be.vunis, Phys. 6. XII LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. compK'te, c'est-à-dire que le physiologiste doit s'aider de toutes les ressources du microscope et de l'analyse chimique. L'autopsie une fois faite, un antre devoir s'impose, celui de conserver tout ce qui peut présenter un intérêt physiologique ou anatomique; chaque laboratoire de physiologie doit, au bont de quelques années, posséder un véritable musée de physiologie pathologique, et au bout de quelque temps, la réunion de toutes ces pièces, dont le numéro d'ordre renvoie à l'histoire détaillée de l'observation, constituera un ensemble précieux de documents. 3 ° Microgr ap h i e . Le microscope doit être à demeure sur la tal)le du physiolo- giste. Même en mettant à part les recherches de physiologie élé- mentaire et histologique qui en demandent l'emploi continu, il n'y a pas de recherche physiologique, quelle qu'elle soit, qui ne puisse exiger, à un moment donné, l'intervention du micros- cope. Naturellement l'outillage micrographique devra être très- complet et tenu toujours au courant des progrès modernes, mais ce n'est pas ici le lieu de développer ce sujet, pour lequel je ren- voie aux traités spéciaux. 4° Chimie physiologique. Les mêmes réflexions peuvent s'apphquer à la chimie physio- logique qui a pris tant d'extension dans ces dernières années ; sans vouloir exiger du physiologiste une universalité qu'aucun homme ne peut atteindre, il faut cependant que son laboratoire soit outillé pour qu'il puisse y faire toutes les recherches possi- bles de chimie physiologique. Là encore, c'est aux ouvrages spéciaux que je renverrai le lecteur. Outre les réactifs et les pro- duits usuels, tout laboratoire de physiologie doit posséder une collection de produits de chimie physiologique et de toxicologie. 5" Appareils et instruments. Outre les appareils et les instruments spéciaux pour les vivi- sections, la micrographie et la chimie physiologique, le labora- LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. XIII toire de physiologio doit posséder un certain nombre d'appareils et d'instruments fondamentaux. Je vais les passer brièvement en revue. A. Instruments de mesure. — ["Mesure de la température. — Thermomi'tres. — Les thermomètres usités en physioloirie sont de plusieurs espèces. Les uns ne servent qu'à donner la tempé- rature des milieux ambiants, air, eau. etc., et ne présentent rien de particulier. Les autres sont destinés à prendre la température des animaux (aisselle, rectum, bouche, intérieur des cavités et des organes, etc.) et sont par conséquent analogues aux thermo- mètres à échelle fractionnée, usités en médecine; mais ils doi- vent être encore plus précis et plus sensibles. Du reste, les règles d'application sont les mêmes que dans l'emploi des thermo- mètres médicaux, mais elles doivent être observées avec bien plus de rigueur encore. Tous les laboratoires doivent posséder aussi un thermomètre étalon, vérifié, et dont on doit être sur. avec lequel on puisse de temps en temps comparer les thermomètres ordmaires. Pour l'emploi des aiguilles thermo-électriques, voir page 703. 2° Mesure de la pression atmosphérique. — Baromètre de Fortin. 3° Mesure du temps. — Métroiiom,e. — Horloge chronomé- trique. — Diapasons. A° Mesure de^ poids. — Balance de précision. — Trébuchet. — Balances Boberval (pour peser les lapins, les chats, les câ- blais, etc. — Bascule fpour peser les chiens). 5" Mesure des densités. — Densimètres. — Alcoolornètres. — Pèse-urines, etc.- 6" Mesure des longueurs. — Cathétomètre. — Compas cVépais- seur. — Pied d coulisse avec vernier, etc. B. Appareils enregistreurs. — [" Beprésentation graphique des phénomènes physiologiques. — Les phénomènes physiologi- ques peuvent toujours être représentés graphiquement. Suppo- sons, par exemple, qu'on veuille représenter ainsi la température d'un animal pendant une journée: on prend un papier quadrillé offrant une série de lignes verticales, parallèles et équidistantes (o/Y/o?inm), coupées par une série de lignes horizontales, paral- lèles (abscisses). On choisit, au bas déjà feuille, une ligne, ligne des abscisses, sur laquelle on marque successivement, en allant de gauche à droite, les heures de la journée ; chacune des heures, XIV LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. de 0 à 24, correspond à la base d'une ordonnée. L'ordonnée qui correspond au zéro constitue la ligne des ordonnées; on y marque les degrés du thermomètre en allant de has en haut, de façon que chaque degré corresponde à l'endroit où les hgnes horizontales rencontrent la ligne des ordonnées. On inscrit alors, pour chaque heure de la journée, le degré de température obtenu en plaçant le chiffre à l'intersection de l'abscisse et de l'ordonnée correspondante. Si on réunit les points ainsi obtenus par des lignes, on a une courbe continue qui représente graphi- quement la marche de la température dans les 24 heures. En général, les temps et les durées s'inscrivent sur la ligne des abscisses, les intensités sur la ligne des ordonnées. Mais tout phénomène ou toule loi à 2 variables peut toujours se repré- senter de la même façon. C'est ainsi qu'on a dressé les courbes de la population d'un pays d'année en année, de la mortalité suivant les âges, etc., etc. Avec ces graphiques, on peut avoir facilement les moyennes par un procédé mécanique, celui de Volkmann. Le papier sur lequel est inscrit le graphique doit être d'une épaisseur très-égale et très-uniforme de texture. On découpe le papier en suivant la courbe du graphique, la ligne des abscisses et les deux ordon- nées extrêmes; le poids donne le poids total du graphique, et s'il s'agit, par exemple, d'une courbe de température, le poids correspond à la totalité des degrés observés; ce poids total di- visé par le nombre de jours, donnera le poids moyen ou autre- ment dit la température moyenne par jour. 2° Enregistrement graphique direct des phénomènes physio- logiques. — Une grande partie des phénomènes physiologiques ne sont autre chose que des phénomènes de mouvement méca- nique qui peuvent toujours, par conséquent, se transmettre à un levier, soit immédiatement, soit, s'ils sont trop faibles, après avoir été amplifiés. Si on place à l'extrémité oscillante de ce levier un pinceau et qu'on mette ce pinceau en contact avec une feuille de papier, les oscillations du levier s'inscriront sur cette feuille et y traceront le graphique du mouvement. Si la feuille est im- mobile, les graphiques se superposeront, et si le mouvement se fait dans le sens vertical, le pinceau tracera une simple ligne droite verticale; mais si la feuille se déplace d'un centimètre, par exemple, par seconde, les mouvements du levier donneront non plus une ligne verticale, mais une hgne courbe et on aura un LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. XV graphique ressemblant tout à fait aux graphiques précédents, avec cette senle ditrérence que le mouvement s'est inscrit de lui- même sur la feuille. La rapidité du déplacement de la feuille in- fluera donc sur la forme de la courbe; si la vitesse est très- grande, l'étendue de la ligne des abscisses comprise entre les deux extrémités de la courbe sera très-considérable; si la vitesse est très-faible, cette étendue sera Ijcaucoup moindre. C'est ce que montrent les deux courbes suivaiiles de la contraction muscu- laire prises avec des vitesses ditïéreutes {fhj. I; A, vitesse, très- f-/g_ I. — Courbes Je la contrai lion imiSL'ulaire prises avec deux vitesses différentes. faible; B, vitesse assez grande). Pour faciliter ce mode d'enre- gistrement direct des phénomènes physiologiques, il a fallu inventer toute une série d'appareils et d'instruments spéciaux et aujourd'hui, grâce aux travaux de Marey principalement, ce mode d'expérimentation est d'un usage journalier en physiologie. Il y a trois choses à considérer dans l'enregistrement d'un mou- vement physiologique, le mouvement lui-même, la transmission du mouvement et le tracé du graphique ou l'enregistrement du mouvement. Ces trois points doivent être examinés successi- vement. ^.Mouvement.' — Du mouvement lui-même, il y a peu de chose à dire. Ces mouvements peuvent être accomplis par des gaz (respiration), des liquides (sang) ou des sohdes (mouvements musculaires), et la disposition des appareils devra être variée sui- vant la nature même du corps en mouvement. En outre de sa nature, deux choses ont une importance capitale, la vitesse et l'amplitude du mouvement: les mouvements trop rapides ou trop lents sont plus difliciles à enregistrer, on y arrive encore grâce à la perfection des appareils, mais l'amplitude du mouvement pré- XVI LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE, sente plus de difficultés: cependant ces difficultés ont été sur- montées et on enregistre des mouvements aussi imperceptibles que ceux du pouls et aussi étendus que ceux de la course. h. Transmission du mouvement. — La transmission du mou- vement jusqu'au levier écrivant peut se faire de plusieurs façons et , dans un appareil donné, il pourra y avoir successivement plusieurs modes de transmission. Cette transmission peut se faire par l'air, comme dans les sonnettes à air. C'est ce qui se fait, par exemple, dans un des appareils les plus utiles en physiologie, le tambour clu polygraphe de Marey ifig. 11). 11 consiste en une petite capsule métallique sur l'ouverture de laquelle se trouve tendue une membrane de caoutchouc qui la ferme complètement. Sur la membrane de caoutchouc est collée une petite plaque d'aluminium rattachée par une petite fourchette à un levier écrivant, de façon que tous les mouvements de soulève- ment et d'abaissement de la membrane se tra- duisent par des ascensions et des descentes correspondantes du levier agissant comme un levier du troisième genre. L'intérieur du tam- bour contient de l'air et communique avec l'extérieur par un tube sur lequel on peut adapter un tube de caoutchouc. Toutes les fois que l'air du tambour subit une augmen- tation de pression, la membrane de caout- chouc s'élève, et avec elle le levier écrivant; c'est l'inverse quand la pression diminue. Ainsi, si on met en rapport cet appareil avec la trachée d'un animal , ou chez l'homme avec une narine (voir page 43 i), les varia- tions de pression de l'air des voies aériennes \ réagissent sur la membrane du tambour et le levier baisse dans l'inspiration et monte dans l'expiration (voir, pages 434 et 435, les graphiques recueillis par ce procédé). Si on met l'air du tambour en rapport avec la branche libre d'un manomètre, d'un manomètre à mercure, par exemple, les LE LABORATOIRE DE rHYSIGLOGIE. XVH varialions de la colonne morcurielle amènent des oscillations correspondantes du levier écrivant. Knfin , au lieu d'être en- gendrées par les mouvements d'un liquide, les variations de pression de l'air du tambour peuvent se produire par les mou- vements de va-et-vient d'une pièce solide, comme dans le car- diographe de Marey (page Gi6), le spliygmoscope (page G87), le pneumograplie (page 560), etc. La transmission du mouvement peut se Mre par les liquides. C'est ce qui a lieu, par exemple, dans les manomètres à mercure employés pour mesurer la pression sanguine (page 082): dans ce cas, le levier écrivant est supporté, comme dans le kymographion de Ludwig (page 684), par une tige qui surmonte un index d'ivoire qui s'élève et s'abaisse avec le niveau du mercure, à moins qu'où ne préfère, comme on vient de le voir tout à llieure, adapter le tambour du polygraphe à la branche libre du manomètre. La transmission du mouvement par les solides peut se faire de deux façons différentes, par des leviers ou par des ressorts. Dans les appareils à levier, dont le type se trouve dans les myographes dllelmhollz (fig. 48, page 263) et de Marey (fig. 49, page 26 i), ou dans le sphygmographe du même auteur (page 667) , le levier agit ordinairement comme levier du premier genre, quelquefois comme levier du troisième genre, et dans ces cas le mouvement se trouve habituellement amplifié; aussi doit-on tou- jours, dans les graphiques, faire la part de cette amplification du mouvement,facile à calculer, dureste, d'après la longueur des deux bras de levier de la puissance et de la résistance. Celte amplifi- cation du mouvement détermine ordinairement, comme le fait remarquer Marey, une déformation du graphique dont il faut tenir compte ; c'est ainsi que, dans le sphygmographe, le levier écrivant décrit un arc de cercle au lieu de décrire un mouvement vertical. En outre, en verlu de la vitesse acquise, le levier tend à s'élever plus haut qu'il ne devrait, son mouvement d'ascension continuant encore après la cessation de l'action qui le soulevait; pour parer à cet inconvénient, il faut diminuer la masse du levier de façon à lui donner la plus grande légèreté possible, augmenter les frottements de la pointe écrivante contre le papier, t't dans certains cas employer des ressorts ou des poids comme dans le sphygmographe et le myographe de Marey. Dans les appareils à ressorts, dont le type est le kymographion de Fick {fig. 162, p. 686), la pression agit sur un ressort métal- XVIII LE LALORATOIllE DE PHYSIOLOGIE. lique comme dans les baromètres anéroïdes, et le levier écrivant se trouve rattaché plus ou moins directement à l'extrémité mo- bile du ressort. LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. XIX c. Enregistrement du mouvernent. Cet enregistrement exige un appareil écrivant et un appareil de réception. L'appareil écri- vant consiste tantôt en une pointe, une plume, un pinceau, un ressort mince, ellilé. etc., qu'on trempe dans l'encre ou dans une matière colorante et qui trace le graphique sur un papier blanc, tantôt en une pointe sèche qui trace des traits blancs sur un papier enfumé. L'essentiel est que le frottement ne soit par trop considérable entre le papier et la pointe écrivante. L'appa- reil de réception est toujours constitué par une surface animée d'une certaine vitesse. On a donné différentes formes à ces appa- reils. Ainsi on a employé des disques tournants comparables au disque rotatif de Newton, des plaques supportées par un pendule oscillant, des plaques mues par un mouvement d'horlogerie, comme dans le sphygmographe de Marey. ou des bandes de papier sans fin se déroulant comme dans les télégraphes de Morse ; c'est ce système qui est employé dans le polygraphr de Marey. Un mouvement d'horlogerie fait tourner un cylindre vertical devant lequel passe en le contournant une bande de pa- pier glacé. Cette bande est pressée contre le cylindre au moyen de deux galets d'ivoire qui sont entraînés par la rotation du cyhndre ; la feuille de papier est alors conduite comme dans un laminoir et se dévide indéûniment d'une grosse bobine sur laquelle elle était enroulée (voir : Marey, Bu Mouvement dans les fonctions de la vie, page 150). Mais le plus usité des appareils de réception est le cylindre enregistreur (fig. III). H secomposed'un cylindre dont la rotation est déterminée par un mécanisme d'horlogerie. Ce cylindre peut acquérir, en le plaçant sur des axes diflérents, des vitesses variables, et en général, dans les appareils perfectionnés, ou peut avoir ainsi trois vitesses diffé- rentes (cent tours par minute, un tour eu dix secondes, un tour en une seconde et demie). Mais ces vitesses sont rendues uni- formes et régulières, grâce à l'adjonction à l'appareil d'un régu- lateur de Foucault qui est représenté dans la figure. Le cylindre peut du reste être placé dans la position verticale ou dans la position horizontale. On fixe sur le cylindre une feuille de papier blanc enfumé sur laquelle s'écrivent les graphiques. Marey a dis- posé les appareils de façon à pouvoir recueillir sur la même feuille un grand nombre de graphiques; ainsi la figure IV repré- sente plusieurs courbes de la contraction musculaire disposées les unes à cOté des autres ou en imbrication latérale. Il suffit XX LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. pour cela de faire arriver la dernière contraction musculaire un peu après que le cylindre a accompli un tour entier et ainsi de suite. On obtient le même résultat en déplaçant un peu le cylindre ou mieux en plaçant le myographe sur un chariot {fig. 49, p. 264) qui marche dans le sens de la flèche indiquée sur la figure et roule sur un petit cheniin de fer parallèle à l'axe de rotation du cylindre. La pointe écrivante décrit alors autour du cylin- dre un pas de vis très-fin , et les gra- phiques se superposent en se rappro- chant plus ou moins suivant le degré de vitesse du chariot. On a ainsi des graphiques en imbrication verticale. Enfin, en combinant les deux espèces d'imbrications, on a Vimbricat ion obli- que qui permet de réunir un grand nombre de graphiques sur une petite surface. La mesure de la durée du mouve- ment se fait facilement puisqu'on con- naît la vitesse du cylindre et sa cir- conférence ; mais si l'on veut arriver à une grande précision, le meilleur moyen est d'enregistrer en morne temps les vibrations d'un diapason ; il suflit d'adapter à une des branches d'un dia- pason dont le nombre des vibrations est connu, un stylet écrivant et d'en- registrer ces vibrations en même temps que le mouvement qu'on veut étudier, comme on en a un exemple dans la figure 53, page 270. On connaît ainsi par le nombre de vibrations la durée exacte d'un mouvement, quelque rapide qu'il soit. Pour les durées plus lon- gues on peut employer un pendule qui bat les secondes, et qui, en rompant et en fermant tour à tour un courant de pile, produit I LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. XXI des mouvements alternatifs dans un électro-aimant muni d'une pointe écrivante. Pour fixer les grapliiques tracés sur un papier eniume, il sullit .le les plonger dans une solution de gomme laque. L'emploi des appareils enregistreurs, dont les plus importants fig. V. — Éluve avec son régulateur à m-jrcure. sont décrits et figurés dans le courant du livre, a transformé complètement la physiologie et permis d'analyser d'une façon plus /•Vg.V.-l. tube de caoutcboi.c par lequel arrive le gaz.— 2. tube du régulateur. — :î,rarlie du réservoir en verre du réiiulateur occupée par le ga/.. - 4, partie du réservoir du r,-gnlatei.r occupée par l'air; le reste est rempW par du mercure (partie foncée). - o, tube de .aoutchouc conduisant le gaz au bec de Bunsen. - 6, prise de gaz accessoire pour éviter 1 extinction du b^ de Bunsen quand le mercure bouche l'orifice inférieur du tube 1. — ., bec de bunsen. — s, étuve. — 9, thermomètre plongé dans l'eau comprise entre les deux parois de 1 éluve. XXII LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. complète et plus rigoureuse un grand nombre de phénomènes dont la connaissance était restée très-imparfaite. G. Étuves et régulateurs. — Les étuves sont nécessaires, non-seulement pour beaucoup d'opérations de chimie pure, mais encore pour une foule d'expériences physiologiques et en particulier pour les digestions artificielles, les incubations arti- ficielles, l'action de températures variées sur les animaux, etc.; il importe surtout de pouvoir régler à volonté la température d'une étuve et de pouvoir y maintenir une température constante. On y arrive facilement à l'aide de régulateurs. La flgure V représente une étuve avec son régulateur. Quand la température de l'eau de l'étuve s'élève, l'air contenu en 4 se dilate et le niveau du mercure monte, atteint l'orifice du tube métallique \f\g. Yl, o) et rétrécit cet orifice de façon que le débit de gaz devient moins considé- rable et que par suite la tempé- rature s'abaisse; il est facile de régler ce régulateur de façon à avoir toujours une température déterminée. La figure YU repré- sente une autre espèce de régu- lateur, le régulateur Schlœsing. Dans celui-ci, le débit du gaz est réglé par une lamelle qui vient s'appliquer plus ou moins sur l'orifice du tube E, suivant qu'elle est repoussée plus ou moins par une membrane qui obture un tube situé vis-à-vis le précédent et rempli de mercure; ici c'est la dilatation même du mercure qui Pig. VI. — Régulateur par dilatation de l'air. règle le débit du gaz. D. Appareils d'électricité. — Ces appareils comprennent : r Des appareils pour produire les courants continus, c'est-à- dire les différentes espèces de piles : piles de Daniell (zinc et cuivre), de Grove (zinc et platine), de Bunsen (zinc et charbon), au bichromate, etc. La pile de Daniell est celle qui offre la plus grande constance de la force électro-motrice. Pour les expé- LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. XXIII riences peu précises, on peut employer de petites pinces ana- Fig. VII. — Régulateur de Schlœsing. Fig. VIII. — Pinoes de Pulvermacher. logues aux chaînes galvaniques de Pulvermacher (voir fig. YIII), ou de petites pinces contenant une pile portative au chlorure d'argent. 2" Des appareils pour produire les courants induits, le meilleur est certainement l'appareil à chariot de Du Bois Reymond (fig. IX), où l'interruption du courant se fait par le même mécanisme que dans l'interrupteur de Wagner. Le courant arrive par la colonne A, passe en a dans le ressort du trembleur de l'interrupteur, et quand ce ressort touche la vi§ v, va par cette vis dans la bobine primaire B ; quand il a parcouru toute la bobine, il passe dans le petit électro - aimant en fer à cheval D, et de là sort par la borne A'. Dès qne le circuit est fermé et que le courant inducteur s'établit, l'éleclro-aimant D attire la pièce de fer doux E; le trembleur s'écarte de la vis v et le courant est inter- rompu ; dès que le courant s'arrête, l'électro-aimant D n'agit XXI Y LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE, plus, la pièce E se relève par l'élasticité du ressort gui va tou- cher la vis î;, et le courant passe de nouveau. En même temps, à chaque fermeture et ouverture du courant dans la bobine pri- maire, il se produit dans la bobine secondaire B' des courants instantanés qu'on peut recueiUir à l'aide de deux bornes invisi- Fig. IX. — Appareil à chariot de Du Bois Reymond. bles dans la figure. La bobine secondaire glisse dans deux rai- nures et peut être rapprochée plus ou moins de la bobine pri- maire qu'elle peut même coiffer complètement, et plus on éloigne les deux bobines, plus on diminue l'intensité du courant induit. Enfin deux bornes I permettent de recueillir l'extra-courant. 3° Des appareils pour ouvrir et fermer le circuit ; en effet, il importe de placer les électrodes avant de fermer le circuit. Le meilleur appareil est le levier-clef de Du Bois Reymond {fig. X). Il se compose d'une tablette en caoutchouc durci, sur laquelle sont fixées deux bornes métalliques A et B. Un prisme en laiton qu'on fait basculer à l'aide d'une poignée isolante G, établit la communication entre les deux bornes quand on l'abaisse, ou l'in- terrompt quand on le relève, comme dans la figure; quand on relève la clef, le courant de la pile passe dans le circuit dérivé A I B, quand on l'abaisse, le courant passe en entier à travers le prisme en laiton, et le circuit A I B ne reçoit rien du courant, à cause de sa résistance bien plus considérable. 4° Des appareils ou commutateurs qui permettent, non-seule- I LE L.VBORATOIRE DE l'HYSIOLOGIE. XXV ment d'interrompre et de rétaljlir à volonté le courant, mais en- core d'en changer instantanément le sens. Fig. X. — Levier-clef de Du Bois Reymond. La flgure XI représente un des plus usités, le commutateur de Ruhmkorff. Sur un cylindre d'i- voire i, tournant autour d'un axe à l'aide du bouton E, sont fixées deux bandes longitudinales de cuivre qui communiquent, l'une, a, parlesup- J port m, avec le pôle positif de la Jp pile, l'autre, c, par le support m', ^ avec le pôle négatif. Sur le cylindre ^ appuient les extrémités de deux F.j. XL — Commutateur de Ruhmkorff. reSSOrtS fixéS à dCUX bOmCS OppO- sées, e et e', d'où partent les fils qui forment le circuit. Si les extrémités des ressorts tombent dans les intervalles des lames métalliques et sont en contact avec l'ivoire, le courant est inter- XXVI LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE rompu; si le ressort s appuie sur le cuivre, le courant entre par cl, va dans la lame de cuivre a, de là dans le ressort s et dans la borne e, parcourt le circuit dans le sens de la flèche, revient à la borne e\ va dans le ressort correspondant dans la lame c, et sort par w'. Pour changer le sens du courant, on fait tourner le cylindre de 180% de façon que la lame c vienne toucher le ressort s. 5° Des appareils pour graduer l'intensité des courants cons- tants, rhéostats, et pour la description desquels je renvoie aux traités de physique. G° Des électrodes dont la forme et la disposition varient suivant le but qu'on veut obtenir. Pour éviter la polarisation, on se sert habituellement d'électrodes dits impolarisables; ils sont consti- tués essentiellement par des lames de zinc amalgamé plongeant dans une solution de sulfate de zinc. On peut leur donner diverses formes; on peut placer la solution où plonge le zinc amalgamé dans un tube de verre fermé à sa partie inférieure par un bouchon d'argile plastique; on place, comme dans la figure 172, page 724, les parties dans lesquelles doit passer le courant sur des coussinets de papier à filtrer plongeant dans une solution de sulfate de zinc. Donders a figuré et décrit, dans les Archives de Pfli'iger, t. V, page 3, une forme très-commode d'électrodes im- polarisables. Les deux électrodes doivent être réunis (en main- tenant naturellement leur isolement) et doivent jouir d'une cer- taine mobilité de façon qu'on puisse leur donner la position qu'on désire; cette mobilité s'acquiert soit en les reliant à leur support par une articulation dite genou à coquille, soit, comme le fait Marey, en les rattachant à un tube de plomb qui, grâce à sa flexibilité et à son peu d'élasticité , prend et garde toutes les positions qu'on lui donne. 7° Un galvanomètre ordinaire et un galvanomètre à miroir avec sa lunette. Je renvoie pour leur description aux traités de physique. 8° Un interrupteur électrique de Marey pour obtenir les se- cousses en imbrication latérale et oblique. (Voir Marey : Du Mouvement dans les fonctions de la vie, p. 321.) 9" Des aiguilles thermo-électriques de forme et de disposition Yariabbs (voir page 7Ô3), etc. Les autres appareils spéciaux sont décrits et la plupart figurés LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. XXVll dans le courant du livre, ou décrits dans les traités de physique et de chimie, et il est inutile de les mentionner ici. Enfin le laboratoire doit posséder une bibliothèque spéciale, de façon que les recherches bibliographiques puissent être faites immédiatement et sans perte de temps. Celte bibliothèque com- prendra les traités de physiologie humaine et animale, les mé- moires et traités particuliers les plus importants, et surtout les collections des recueils de physiologie. 6° Personnel du laboratoire. Tout ce qui vient d'être mentionné peut s'acquérir facilement et de suite; il suffit de pouvoir faire les dépenses nécessaires; mais il n'en est pas de même du personnel. 11 faut du temps pour avoir un personnel exercé, et le goût des études physiologiques est encore trop nouveau en France pour qu'il ait pu se former un personnel physiologique analogue à celui qui existe pour la chimie , par exemple , ou pour la clinique. Pour un laboratoire installé comme celui qui vient d'être supposé dans les pages précé- dentes, le nombre des préparateurs devrait correspondre à peu près aux principales catégories de travaux physiologiques, et sans les parquer étroitement dans une spécialité, il devrait y avoir pour les travaux de vivisection, de micrographie, de chimie et de physique, autant de préparateurs distincts. Quant aux servants de laboratoire, leur nombre est toujours insuffisant; un seul individu ne peut évidemment suffire à tous les besoins, et dans un laboratoire bien outillé il faudrait au moins trois servants, un pour la chimie et la physique, un pour les vivisections, un pour les soins à donner aux animaux. Mais dans les laboratoires français, nous sommes bien loin de ce nombre. 7° Laboratoire de Vétudiant. Dans les Facultés de médecine, quelques étudiants seulement peuvent être admis dans les laboratoires de physiologie ; mais si ces laboratoires sont à peine suffisants dans de petites Facul- tés, comme celle de JXancy, par exemple, il en est à plus forte Beaunis, Phys. c. XXVIII LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. raison de même dans celle de Paris. Là, en effet, l'immense majo- rité des étudiants ne sait pas ce que c'est qu'un laboratoire de physiologie, et dans les écoles secondairesil en est de même, vu l'absence complète de laboratoire. On ne peut nier cependant que la physiologie ne soit aussi nécessaire au médecin que l'anato- mieet la chimie; on ne comprendrait pas l'étude de l'anatomie et de la chimie sans travaux pratiques, et n'en est-il pas de même pour la physiologie? 11 m'a semblé qu'il y avait quelque chose à faire dans cet ordre d'idées, et que dans l'impossibililé de trou- ver accès dans des laboratoires qui sont insuffisants ou n'exis- tent pas, chaque étudiant pourrait avoir chez lui et à peu de frais son laboratoire de physiologie. Ce laboratoire pourrait comprendre : r Les réactifs et les substances les plus nécessaires, eau dis- tillée, acides azotique, sulfurique, chlorhydrique, acétique, suif- hydrique, de l'ammoniaque, de la soude, de la baryte, du chlor- hydrate d'ammoniaque, de la teinture d'iode étendue, de l'iodure de potassium, de l'alcool, de l'éther, du chloroforme, du chloral, la liqueur de Barreswill, le réactif de Millon, du papier de tournesol. 2° Les appareils de chimie indispensables, une lampe à alcool avec un support, une douzaine de verres à pied, deux douzaines de tubes à essais, quelques petits ballons, quelques entonnoirs, des agitateurs, quelques tubes de verre de diamètre différent, une fiole à jet, une éprouvette graduée, quelques verres de mon- tre, trois ou quatre capsules en porcelaine de grandeur diffé- rente, quelques soucoupes en porcelaine, du papier à filtrer, des bouchons en liège et un perce-bouchons, des tubes en caout- chouc de diverses grandeurs, etc.; deux grands bocaux servant daquarium pour les grenouilles, quelques vases et bocaux pour les préparations, un pèse-urine, un bain de sable, etc. 3° Des instruments, instruments ordinaires de dissection, pin- ces, scalpels fins, ciseaux, etc.; des planchettes de liège pour fixer les grenouilles, un thermomètre ordinaire et un petit ther- momètre médical à échelle fractionnée, une seringue à injection sous-cutanée ou simplement une petite seringue en verre à bout efiilé ; la pointe s'introduit par une piqûre faite à la peau de la grenouille avec les ciseaux; — un sabUer marquant la demi- minute; une balance-trébuchet; — une pince de Pulvermacher; — une petite pile au bichromate; — un compas ; — un diapason avec une pointe écrivante. LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. XXIX A° Un appareil enregistreur constitué par un disque rotatif, comme les disques rotatifs de Newton, sur lequel on fixe un papier enfnmé. Peut-être arrivera-t-on à construire des cylindres, enregistreurs faits avec moins de précision et qui sufliraient ce- pendant pour les recherches et pourraient, à cause de leur prix, être abordables aux étudiants. 5° Un levier myographique simple, comme celui dumyographe de Marey. Ici encore, il serait désirable que les constructeurs pus- sent en fabriquer à meilleur marché. 6** Un tambour à levier du poly graphe de Marey. 7° Un microscope avec tout l'outillage nécessaire et les réac- tifs indispensables, tels qu'ils sont indiqués dans tous les traités de micrographie. Avec cette installation sommaire dont le total ne dépa.sse certaine- ment pas 500 fr., l'étudiant peut étudier pratiquement les princi- pales questions physiologiques et répéter les expériences fonda- mentales, même en se restreignant à un seul animal, la grenouille. II pourra étudier le sang, la lymphe, l'urine, la bile, la salive et les principaux liquides de l'organisme; les digestions naturelles peuvent être faites facilement dans l'estomac vivant chez la gre- nouille; on peut chez elle pratiquer des fistules gastriques, l'ex- tirpation des poumons, de la rate, la ligature du foie, etc. Les mouvements du cœur et les conditions diverses qui les influencent, les mouvements de l'intestin, de lavessie, etc., y sont d'une obser- vation facile ; les expériences fondamentales sur les muscles, les nerfs, la moelle, l'encéphale, peuvent être répétées sur elle; le microscope montrera la circulation capillaire dans la membrane interdigitale ou dans le mésentère de la grenouille ; la patte galva- noscopique permettra de déceler les courants électriques des muscles et des nerfs; enfin, le développement des œufs et des têtards de grenouille fournira un vaste champ d'observations curieuses et instructives. D'un autre côté, l'étudiant peut étudier sur lui-même ou sur ses camarades les mouvements respiratoires et un certain nombre d'autres fonctions; quelques appareils très- simples, qu'il peut fabriquer lui-même, lui permettront de répéter une partie des expériences de la vision, et l'habitueront aux observations délicates sur les sensations. Enfin, avec un bain de sable placé l'hiver dans un poêle, il pourra faire des digestidTis artificielles et étudier facilement l'action de la salive et du suc gastrique. XXX LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. Il serait à désirer qu'un constructeur intelligent prît l'initiative de fabriquer ainsi et de réunir dans une caisse portative et peu volumineuse tous les appareils indiqués ci-dessus; on aurait ainsi le laboratoire de l'étudiant. Appendice. — Anatomie de la grenouille. — C'est en vue du paragraphe précédent que je donne les six figures suivantes des- tinées à guider l'étudiant dans la connaissance de la constitution anatomique de la grenouille. Les deux premières figures, qui re- présentent le squelette de la grenouille, n'ont pas besoin de légende explicative; l'étudiant retrouvera facilement dans l'ostéo- logie de l'homme les noms des divers os du squelette ; les deux figures suivantes représentent l'appareil musculaire ; la cin- quième, empruntée à Cl. Bernard, figure le système circulatoire, la dernière représente , d'après Ecker, l'ensemble du système nerveux. Bibliographie. ^ Cl. Bernard : Infroductinn à l'étude de la médecine expérimeri' taie, 18C5, et : Leçons sur les ane.tthésiques et l asphyxie, 187.5. — Marev : Du Mou- vement dans les fonctions de la vie, 186 •<. — Eckek : Die Anatomie des Frosches, 1864. — Krause : Anatomie des Kaninchens, 18(;8. — Buktox-Saxderson : Hand- look for the physiological lahorafory, 1873. Voir aussi les traités de micrographie, de physique et de chimie médicale. LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. XXXI ^f Fig. XII, — Squdclte do grenouille; face dorsal.' FIGURE XIII. Squplette de grenouille ; face antérieure. LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. XXXllI u^y Vm. Xlil. — S.jueleile de grenouille ; face antérieur EXPLICATION DE LA FIGURE XIV. 1, droit supérieur. — 2, temporal. — 3, releveur du bulbe oculaire. — 4, sous-épineux. — 5, trapèze (angulaire de Cuvier). — 6, dépresseur de la mâchoire inférieure. — 7, deltoïde. — 8, triceps. — 9, extenseur de l'avant-bras. — 10, extenseur commun des doigts, r— II, huméro- radiul. — 12, grand dorsal. — 13, grand oblique. — 14, long du dos. — 15, petit oblique. — 16, sacro-coccygien. — 17, iléo-coccygien. — 18, faisceau cutané. — 19, grand fessier. - 20, Iriceps. — 21, biceps. — 22, demi-membraneux. — 23, psoas et iliaque. — 24, biceps. — 25, demi-tendineux. — 2i}, gastro-cnémien. — 27, péronier. — 28, tibial antérieur. — 20, couit extenseur de la jambe. — 30, tibial postérieur. — 31, fléchisseur antérieur du tarse. — 32, apo- névrose plantaire — 33, long extenseur du 5* doigt. — 34, long fléchisseur des doigts. — 35, long adducteur du l*"' doigl. — 37, transverse plantaire. LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. 1 XX \v Fig. XI^ . — A|ppar'il inusciilaiie de la grenouille; face dorïale. EXPLICATIOX DE LA FIGURE XV. 1, mylo-hyoidien. — 2, -i, 4, deltoïde. — o, triceps. — Ô,huméro-iadial. — 7, fléchisseur radial du carpe. — S, fléchisseur des doigts. — 9, sterno-radial. — 10, portion sternale du grand pectoral. — 11, portion abdominale du grand pectoral. — 12, grand oblique. — 13, foraco-huméral. — 14, grand droit de l'abdomen. — 15, grand oblique. — 16, vaste interne. — 17, grand adducteur. — 18, long adiuctfur. — 19, couturier. — 20, droit interne. — 21, court adducteur. — 22, pectine. — 2-3, grand adducteur. — 24, demi-tendineux. — 25, extenseur de la jambe. — 26, tibial antérieur. — 27, gastro-cnémien. — 28, extenseur de la jambe. — 29, tibial postérieur. — 30, péronier. — 31, fléchisseur postérieur du tarse. — 32, long exten.'eur du o« doigt. — 33,'' enseur du tarse. — 34, long adducteur du 1 ' doigt. LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. XXXVII J-Le- ;y . /^/y Fig. XV. — Appareil musculaire de la grenouille; face antérieure. EXPLICÀTrON DE LA FIGURE XVI. a, veine allanl de la veine cave an cœnr en tiaversant le péricarde, — PP, poumons. — C, cœur. — FF, foie. — VP, veine porte. — bc, veines épipioiqiies. — R, reins. — VJ, veines de Jacob.'On. — F, veine crurale. — AI, artère iliaque et crurale. — YA, veines al'dominales allant se rendre au fûii.-. — VF, veine fémorale. LE LABORATOIRE DE PHYSIOL'OGIE. XXXLX Fig. XVI. — Système vasculaire de la grenouille (Cl. Bernard). EXPLICATION DE LA FIGURE XVII. 1, nerf olfactif. — 2, nerf optique. — 3, moteur oculaire commim. — 4, pathétique. — 5, trijumeau et ganglion de Casser. — 6, moteur oculaire externe. — 7, facial , formé par la ré- union de l'anastomose du nerf tympanique avec ie rampau communiquant du pneumogastrique, io. — S, auditif. — 9, giosso-pharyngien naissant du pneumogastrique. — 10, pneumo- gastrique et son ganglion. — 11, branche ophthalmique du trijumeau. — il, nerf palatin. — 1-3, nerf maxillaire supérieur. — 14, nerf maxillaire inférieur. — 15, rameau communiquant du pneumogastrique anastomosé avec le tiijumean. — 16, nerf pour l'estomac et les intestins. — 17, branche cutanée du pneumogastrique. — IS. nerf crural. — 19, nerf iscbiaùque. — 20, premier ganglion du sympathique. — 21, dernier ganj,lion du sympathique. — 22, cordon du sympathique — I à X, nerfs lachidiens. LE LABORATOIRE DE PHYSIOLOGIE. XL! Fig. XVII. — System» nerveux de la grenouille grossi {en partie d'après Ecker). NOUVEAU ÉLÉMENTS DE PHYSIOLOGIE PREMIÈRE PARTIE • PROLÉGOMÈNES DE LA FORCE ET DU MOUVEMENT. La physiologie est la science de la yie. Qu'est-ce que la vie? Avant d'en essayer une définition, avant de tracer les caractères essentiels des corps vivants et de montrer en quoi ils diffèrent des corps bruts, il me paraît indispensable de résumer en quelques lignes les idées les plus généralement admises sur la constitution de la matière et des corps, et sur leurs manifestations. C'est de la physique pure; mais la physiologie est si étroitement liée aux sciences physico-chimiques que cette question est le préliminaire obligé d'un traité de physiologie. J'essayerai ensuite de préciser ce qu'il faut entendre par ce mot force si usité aujourd'hui et de montrer que la force n'est qu'un mode de mouvement, la physiologie une branche de la dyna- mique générale, et la vie elle-même une forme du mouvement universel. Plusieurs hypothèses ont été faites sur la constitution de la matière. La plus plausible, celle qui répond le mieux à l'état de la science, est l'hypothèse atomique. On peut la résumer ainsi: la matière se compose en dernière analyse d'atomes, c'est-à-dire de particules indivisibles, impénétrables, distantes les unes des Beaunis, Pliys. 1 2 PROLEGOMENES. autres et agissant à distance les unes sur les autres de façon à modifier leurs mouvements réciproques. Ces atomes sont de deux espèces et l'on admet deux espèces de matière : 1° la matière pondérable, dont les atomes s'attirent en raison inverse du carré de la distance (loi de l'attraction universelle de îsewton); 2° une matière impondérable ou éther, dont les atomes se repoussent suivant une loi encore inconnue. Si téther avec sa répulsion atomique n'existait pas, les atomes pondérables se trouveraient entraînés l'un vers l'autre par l'attrac- tion, et lé cosmos ne formerait plus qu'une masse cohérente où tout mouvement, autrement dit tout phénomène, serait impossible. Quelques esprits ont cependant poussé plus loin cette synthèse physique! Ainsi Secchi, dans son livre : Do l'Unité des forces physiques, cherche à exphquer tous les phénomènes matériels par l'éther et par les mouvements de ses atomes. Il n'y aurait plus dans ce cas qu'une seule espèce de.matière, la matière im- pondérable ou éther dont les mouvements expUqueraient la chaleur, la lumière, la gravitation, l'électricité, etc. D'après la théorie atomique les corps simples sont constitués de la façon suivante : chaque atome matériel est entouré par une atmosphère d'atomes d'éther de densité décroissante à mesure qu'on s'éloigne du centre; c'est à ce petit ensemble d'atomes que Redtenbacher a donné le nom de dynamides. Les corps com- posés sont formés par des agrégations de dynamides ou molé- cules, plus ou moins complexes suivant le nombre de dynamides qui entrent dans une molécule. Permanence de la matière. — Une des lois les mieux établies de la physique moderne, et c'est à Lavoisier que revient la gloire de l'avoir le premier scientifiquement démontrée, c'est celle de la permanence de la matière. Rien ne se crée, rien ne. se perd; la matière ne peut pas plus sortir de rien que rentrer dans le néant; quand elle semble disparaître, elle ne fait que se transformer, que changer d'état, que passer d'une combinaison à une autre. La chimie scientifique quantitative a été créée le jour où cette loi a été formulée, et la nier, c'est rejeter dans le vague la chimie et toutes les sciences qui en dépendent. Permanence de la force. — L'idée de force est inséparable de l'idée de matière, et, comme on le verra plus loin, nous ne les connaissons toutes deux que par le mouvement. De môme que nous avons vu la quantité de matière rester invariable, nous sommes i DE LA FORCE ET DU MOUVEMENT. 3 obligés d'admettre la permanence de la force, et c'est Helmholtz qui posa le premier ce principe corrélatif du principe posé par Lavoisier. Pas plus que la matière, le mouvement ne peut ni se créer ni s'anéantir j il ne peut que se transformer ; les recherches de Mayer, de Joule, de Hirn, l'ont démontré jusqu'à l'évidence. Quand le mouvement semble disparaître, c'est que la force vive, agissante, se transforme en force de tension, le mouvement exté- rieur apparent en mouvement moléculaire. Principe de la corrélation des forces. — Les forces vives se transforment en forces de tension, et vice versa; les forces vives se transforment les unes dans les autres ; ainsi le mouve- ment mécanique se transforme en chaleur, la chaleur en mouve- ment et ainsi de suite. Depuis longtemps on connaissait des exemples populaires de ces transformations ; on savait que le frottement produit de la chaleur ; mais on n'avait pas étudié la question scientifiquement. Mayer, d'Heilbronn, en 1842, considéra le premier la chaleur comme un mode de mouvement. Joule, en 1844, répétant dans des conditions plus précises une expérience déjà faite par Rumford, rechercha l'échaufiFement de l'eau par une roue mue par la chute d'un poids et trouva ainsi l'équivalent mécanique de la chaleur. Cet équivalent peut être évalué à 425 kilogrammètres, ou, en d'autres termes, la même force qui élève 425 kilogrammes d'eau à 1 mètre de hauteur, en une seconde, élèvera la température de 1 kilogramme d'eau de 1 degré centigrade. Les équivalents mécaniques de la lumière, de l'électricité, n'ont pu encore être évalués à cause des difficultés de l'expérimen- tation ; mais il n'y a pas de doute aujourd'hui que la lumière et l'électricité ne soient des modes de mouvement, et des exemples nombreux montrent aussi qu'elles peuvent se transformer l'une dans l'autre. C'est là ce qu'on a appelé la corrélation des forces physiques. De la force et du mouvement. — II ne faut cependant pas se méprendre sur le sens du mot force, et il y a sur ce sujet une telle confusion dans le langage scientifique que la question mérite d'être examinée de près et discutée à fond. Qu'est-ce qu'une force ? Si l'on se contente de considérer la force au point de vue des résultats qu'elle produit, la réponse est facile et pres- que invariablement la même, quelles que soient la classe d'esprits et la catégorie scientifique à laquelle on s'adresse : une force est une cause 4 PROLEGOMENES. de mouvement. Mais si Ton considère non plus l'effet, mais la nature de la force, les divergences commencent. Autant de systèmes, autant d'idées différentes, contraires même, comprises toutes sous cette étiquette banale de force. Dans le langage ordinaire ces confusions ont peu d'importance ; mais dans le langage scientifique, il n'en est plus de même : si un même mot correspond à des idées différentes, la confusion s'introduit peu à peu dans la science, et du langage elle passe rapidement dans les idées ; la forme vicie le fond. L'histoire du mot force et des idées groupées sous ce mot est, sous ce rapport, une des plus instructives. Entre la force à laquelle les spirituaiistes donnent le nom de Dieu et « la masse matérielle animée de mouve- ment » que le mathématicien appelle aussi une force, quelle distance n'y a-t-il pas ? C'est Leibnitz qui, en créant la rfj^wa/w/gwe, introduisit dans la science l'idée de force; mais, au lieu d'en faire simplement une cause de m,ouvement, il voulut aller au delà des faits et en fit quelque chose de plus. « La force, dit A. Jacques dans son Introduction aux Œuvres de « Leibnitz, est donc essentiellement simple et une, identique et inallé- « rable, spirituelle, immatérielle. Partant elle est impérissable, parce » que cela seul qui est composé peut périr naturellement par la disso- (I lution qui est la seule mort naturelle. La force ne commence donc '< que par création et ne peut finir que par annihilation, c'est-à-dire par « miracle. » Cherchons donc ce qu'il y a au fond de cette idée de force, et pour cela commençons par les forces dites physico-chimiques. Soit, par exemple, l'attraction de deux corps l'un pour l'autre. Dans ce phénomène, dit d'attraction, que trouvons-nous en l'analysant à fond ? Un mouvement et pas autre chose. Mais l'esprit humain ne s'est pas contenté de cette constatation pure et simple ; il a voulu l'étudier de plus près et. en analysant ce mouvement, il a trouvé trois choses : 1'^ un mouvement ; 2° un mobile ou corps mû ; 3° un moteur ou une cause de mouvement. Examinons de plus près ces trois choses : 1° Un mouvement. C'est là en réalité la seule chose appréciable et indiscutable ; c'est un fait de conscience ; nous ne connaissons le monde extérieur et nous-mêmes qu'à l'aide du mouvement, et cette idée de mouvement se réduit en dernière analyse à une succession de sensations, ex. : sensations musculaires, comme quand nous suivons de l'œil un oiseau qui vole; sensations cutanées tactiles, comme quand un corps touche successivement des points différents de la peau, etc. 2° Un mobile. S'il y a mouvement, quelque chose se meut; ce quelque chose, on l'appelle corps, objet matériel; mais nous ne sommes déjà plus en présence d'un fait indiscutable comme tout à l'heure ; l'intelli- gence dépasse ici la limite des faits ; la preuve en est que ce quelque DE LA FORCE ET DU MOUVEMENT. - 5 cliose qui se meut et que vous appelez matière, d'autres en feront quel- que chose d'immatériel, des points sans étendue ou des centres de 'forces sans dimensions. Bosl^oAvitch. en effet, fait consister la matière en points indivisibles et inétendus (*). et il a été suivi en cela par Ampère, Faraday. Tyudall et beaucoup d'autres physiciens. Ou voit donc que Fidée de mobile n'im- plique pas nécessairement l'idée d'une substance matérielle. Mais admettons même pour un instant la réalité de la matière en nous basant sur l'existence du mouvement. Que trouvons-nous au fond de celte idée de matière? Comment Fapprécions-nous? La propriété essentielle de la matière, celle sans laquelle la matière est inconcevable., c'est l'impénétrabilité. Qu'est-ce que c'est que cette impénétrabilité? Tas autre chose que la résistance. « La preuve dernière, dit Herbert « Spencer, que nous avons de l'existence de la matière, c'est qu'elle « est capable de résister. » Or, cette résistance de la matière lious ne pouvons l'apprécier que par Feffort que nous faisons contre cette matière, autrement dit par un mouvement musculaire et par la sensa- tion qui l'accompagne et dont nous avons la conscience. Donc là nous trouvons encore un mouvement et une sensation comme toutàFheure, et le corps mil se réduit en dernier lieu àun mouvement. Dans l'hypothèse de Boskowitch et de Faraday, la matière s'évanouit; il ne reste plus dans le monde physique que des forces impersonnelles; mais au fond le résultat n'est-il pas le même? Force ou matière, n'est-ce pas toujours du mouvement? * 3° Un moteur. Ici nous touchons au vif de la question. A tout phéno- mène l'esprit humain attribue une cause, et cette croyance basée sur une multitude d'observations est fortement implantée dans l'intelligence. Tout mouvement constaté nous fait admettre quelque chose d'antérieur au mouvement et qui l'a produit. Ce quelque chose, ce moteur, quel est-il? En réalité, et en allant au fond des choses, on trouve toujours un mouvement comme cause d'un mouvement. « Il est absurde, dit le « P. Secchi. d'admettre que le mouvement dans la matière brute puisse ft avoir d'autre origine que le mouvement lui-même. » Qu'on prenne n'importe quel phénomène de mouvement, et de proche en proche on remontera par une série de mouvements jouant tour à tour, l'un par rapport à l'autre, le rôle de cause à effet, on remontera, dis-je. à un mouvement initial an delà duquel l'esprit humain sera obligé de s'arrêter, ne trouvant plus le mouvement antérieur; ce sera, par exemple; Y attraction; mais cette attraction, qu'est-ce autre chose qu'un mouvement dont nous connaissons les lois, l'intensité, la direc- tion; seulement, nous ignorons le pourquoi de ce mouvement, nous (') « Materiam constantem punctis prorsus singularibus, iudivisibilibus (I et inexlensis... » 6 PROLEGOMENES. ignorons ce qui Ta précédé et produit, ce qui erx détermine les condi- tions, mais pourquoi- faire intervenir derrière cette attraction une force attractive dont nous ne pouvons connaître en rien la nature et même l'existence. Si le mot : force attractive, ne signifle que la constatation d'un mouvement, il est inutile et superflu; s'il signifie quelque chose de plus, quelque chose de surajouté au mouvement, il est indémontrô et indémontrable. Cette idée de force n'est, en réalité, qu'une forme d'anthropomor- phisme. -\ous ne faisons plus du vent un Borée, de la mer Neptune, du soleil Apollon, mais, sans nous en douter peut-être, nous faisons, en adoptant des forces physiques, un raisonnement du même ordre quoique moins grossier et moins enfantin. Nous soulevons une pierre; nous fai- sons pour cela un certain mouvement; ce mouvement s'accompagne d'une sensation d'efï'ort plus ou moins considérable suivant le poids de la pierre; en outre, ce mouvemen!; est précédé d'un acte intellectuel, il est volontaire; il y a ià un fait de conscience au delà duquel d'autres états de conscience, impressions, sensations, jouent bien le rôle de prédécesseurs, voire même de causes déterminantes; mais l'acte volon- taire du mouvement reste pour nous la chose essentielle, car il s'ac- compagne d'un certain effort. Nous nous sentons la cause du mouve- ment, \a force qui le produit. De là à l'idée de forces situées au dehors de nous et produisant tous les phénomènes qui nous entourent, il n'y avait qu'un pas et ce pas fut vite franchi. « L'origine de la notion de force, dit A. Jacques dans son introduction, « c'est la conscience claire, immédiate, directe, que j'ai de moi-même «comme force; l'homme, le moi, est avant tout une force, une force « libre, intelligente, éclairée, vis sui conscia, sid potens^sui motrix; « il le sait quand il agit, il le savait avant l'action et ne cessera pas do " le savoir quand a l'action aura succédé le repos. Dans cette con- « science immédiate et permanente de la force personnelle, l'esprit «humain puise l'idée de cau.se et il ne la puise que là; ailleurs, il ne « voit que des phéjiomènes, des produits, des effets; les causes et les 'ES. le premier, non, et le phénomène parait d'un tout autre ordre. Cepen- dant analysons le phénomène de plus près et voyons jusqu'où on peut aller. Jusqu'à présent il n'y a rien entre l'acte de volonté et le mouvement du bras. L'un semble précéder l'autre immédiatement. C'est ainsi, en effet, que la chose se passera pour un enfant ou un homme ignorant. Il sait qu'il a voulu un mouvement et que ce mouvement s'est produit; voilà tout. Mais qu'il mette par hasard l'autre main sur son bras au moment où ce bras exécute le mouvement, il sentira la chair durcir et se gonfler, et il en conclura que le mouvement du bras s'accompagne d'un changement dans les parties intérieures qui le composent, et s'il interroge une personne plus instruite il apprendra que, dans sou bras, il y a des muscles dont la contraction a produit le mouvement du bras. Voilà donc, interposé entre la volonfé et le mouvement du bras, un nou- vel acte dont il n'avait pas conscience, une contraction musculaire qui comble partiellement la lacune existant entre le mouvement du bras et la volonté. Il se passe donc en nous, dans la sphère de la volonté, des mouvements, même très-grossiers, dont nous n'avons pas conscience à moins d'une observation particulière. Mais ce n'est pas tout : le phy- siologiste intervient, et par des expériences précises il reconnaît qu'un organe spécial, un nerf, se rend à ces muscles, et que ce nerf transmet aux muscles une excitation sans laquelle la contraction musculaire ne se ferait pas, et que cette transmission s'accompagne de certains phé- nomènes qui indiquent un mouvement moléculaire. Voilà donc encore un mouvement, dont nous n'avions pas conscience, à ajouter à la série des mouvements déjà mentionnés, et la lacune entre l'extension du bras et la volonté se rétrécit de plus en plus. Ce nerf, d'autre part, aboutit à uu organe ou centre nerveux composé lui-même de plusieurs organes; mais, pour simplifier, admettons seulement un centre moteur; là se passe encore une modification, un mouvement moléculaire qui déter- mine la transmission dans le nerf. Nous avons donc, si nous reprenons toute la série, la succession suivante : 1° Projection de la pierre; 2° Mouvement du bras; 3° Contraction musculaire; 4° Transmission nerveuse motrice ; 5° Modification du centre nerveux moteur; "... 6° Volonté. Si nous examinons quel est, par rapport à la conscience, le degré de connaissable de chacun de ces actes, nous avons le résultat suivant : 1° Projection de la pierre, mouvement connu immédiatement par l'observation la plus simple; 2° Mouvement du bras, connu immédiatement par les sensations qui l'accompagnent; DE LA FORCE ET DU "MOUVEMEM. H 3" Mouvement musculaire, inconnu immédiatement, mais connu facilement par une observation grossière; 4° Transmission nerveuse; ne peut être connue qu'à l'aide d'une analyse physiologique délicate; 5° Modification du centre nerveux moteur; ne peut être connue que par une analyse plus délicate encore; C Volonté, connue immédiatement, mais pas connue comme mou- vement. II y a là quelque chose de singulier; nous trouvons en nous-mêmes quelque chose qui ne se révèle pas à nous comme mouvement, mais comme cause de mouvement. Mais continuons notre analyse et repre- nons la chose d'un autre côté. Quelqu'un me lance une pierre; elle vient frapper ma figure; j'éprouve une vive douleur au point frappé ; de colère j'en ramasse une, et je la lance à la ligure de mon adversaire. Voyons Lrièvement quelle est la succession des phénomènes et leur degré de connaissable : [° Choc de la pierre contre un point déterminé de la peau, connu immédiatement par la sensation de douleur qui l'accompagne; 2° Transmission nerveuse sensitive, mouvement moléculaire d'un nerf sensitif connu seulement par une analyse délicate; 3° Modification d'un centre nerveux sensitif connu seulement par une analyse plus délicate encore ; 4° Sensation de douleur ) séries d'actes de conscience connus immé- 5* Colère > dlatemem, mais non connus comme mou- 6° Volonté ) """lenis. 7° Modification du centre nerveux moteur, connue seulement par une analyse délicate ; 8° Transmission nerveuse motrice, idem; 9° Mouvement musculaire, connu par une analyse grossière; 10° Extension du bras I . , r^ . .. , , . ^ Connus immédiatement. 11° Projection de la pierre. . . .) Donc, dans cette série de phénomènes, entre la modification du centre nerveux sensitif (3°) et celle du centre nerveux moteur (7°) se trouve interposée une série d'actes psychiques qui ne sont pas reconnus, même par une analyse délicate, comme des phénomènes de mouvement, mais qui sont reconnus comme appartenant au moi, à ce même moi qui sent et qui veut. Mais, d'un autre côté, je remarque que les phénomènes de transmission nerveuse, qui sont incontestablement des modes de mouvement matériel, ne sont pas connus par la conscience, et qu'il faut une analyse îrès-rigoureuse et très-difficile pour les constater. J'en conclus qu'il se passe en dedans de nous, dans les centres nerveux en particulier, des phénomènes de mouvement dont nous n'avons pas con- science et qui n'en existent pourtant pas moins, et que ces phénomènes de douleur, de colère et de volonté, pourraient bien être aussi du même ordre, et n'être autre chose que des mouvements. 12 TROLÉGOMÈNES. En outre, si ces phénomènes psychiques ne sont pas un mouvement matériel, que devient le mouvement moléculaire dégagé dans le centre nerveux sensitif. et d'où vient le mouvement produit dans le centre nerveux moteur? D'après la loi de corrélation dite des forces physiques, le premier ne peut disparaître qu'en se transformant, et le second, ne pouvant être créé ex nihilo, ne peut être qu'une transformation d'un mouvement antérieur. N'y a-t-il donc pas lieu de supposer que ces phé- nomènes psychiques ne sont qu'un mode de mouvement (mode tout particulier si Ion veut) provenant de la transformation du mouvement moléculaire du centre sensitif et se transformant eu mouvement molé- culaire du centre moteur? Ce qui donne plus de poids à cette hypo- thèse, c'est que lorsque ces phénomènes sont portés à un degré très- puissant, exemple : la colère, on sent en soi quelque chose qu'on ne peut comparer qu'à un mouvement; la colère me monte à la tète, dit-on quelquefois, et ce langage n'est peut-être pas si figuré qu'il en a l'air. Enfin tous ces actes psychiques supposent des organes nerveux, organes dont l'activité n'est qu'un mode de mouvement. Quel besoin alors de surajouter à ces organes une force distincte et spéciale qui ne peut entrer en action sans eux? La liaison qui existe entre certains organes nerveux et des actes que nous ne reconnaissons comme phé- nomènes de mouvement que par une analyse très-délicate, ne nous autorise-t-elle pas à croire que la même liaison existe entre la volonté et certains centres nerveux, et qu'il n'y a là qu'un mouvement molécu- laire dont nous n'avons pas conscience. 11 est évident que la preuve absolue ne sera faite que le jour où la volonté, la mémoire, le juge- ment, etc., où tous les actes psychiques simples auront été scientiOque- ment rapportés à un centre nerveux et à un mouvement moléculaire, comme la transmission nerveuse est rapportée à un mouvement molécu- laire d'un cordon nerveux; mais jusque-là n'y a-t-il pas au moins une très-forte présomption en faveur de cette hypothèse, et la science ne marche-t-elle pas de plus en plus dans cette voie? Le reproche essentiel qu'on peut faire à l'hypothèse de la production matérielle de la pensée, c'est que certains faits ne sont pas encore prouvés, que beaucoup sont encore inexpliqués et inexplicables. C'est vrai; mais n'en est-il pas de même de l'hypothèse contraire? Et de plus, dans l'admission d'une force pensante, les difficultés, au lieu d'être résolues, augmentent. IN'ous avons vu tout à l'heure que si l'on admet cette force, cette âme pensante chez l'homme, il faut l'admettre aussi chez l'animal. Mais où cela conduit-il? Ces forces, ces âmes animales, concevables à la rigueur pour les animaux les plus rapprochés de l'espèce humaine, que . deviennent-elles chez les animaux inférieurs? Où fera-t-on finir l'auto- malismc et commencer la volonté? A quel degré s'arrêtera-t-on dans la série? Est-ce qu'un mollusque n'a pas des sensations, des mouvements volontaires, des souvenirs, des comparaisons? Que sera l'âme des polypes DE LA FORGE ET DU MOUVEMENT. 13 agrégés, Tâme des hydres que l'on coupe en deux et dont chaque moitié forme un individu différent ? l'uis cette âme animale qu'en fera-t-on ? Je ne demande plus : d'où vient-elle ? Mais que devient-elle ? Est-elle immortelle comme l'âme humaine? Que de questions auxquelles il est impossible de répondre ! Mais cette âme humaine elle-même, quelle est-elle ? On la fait créée et immortelle, c'est-à-dire qu'on lui attribue le fini dans le passé, linfini dans l'avenir. Quelle inconséquence ! Mais cette création de forces est encore plus inconcevable. Comment expliquer, dans l'hypothèse d'une création, une foule de faits physiologiques et en particulier l'hérédité ? Comment expliquer la transmission de certains caractères intellectuels qui, quelquefois, sautent plusieurs générations ? Et les faits d'aliénation mentale ? et l'habitude, etc. ? Et, si l'âme est immortelle, que peut être une âme privée de cerveau et qui n'aura, par conséquent, ni sensations, ni souvenirs, ni aucun des éléments de la pensée (') ? Laquelle choisir de ces deux hypothèses contradictoires? L'une nous paraît réunir plus de preuves en sa faveur que l'autre ; elle nous parait plus scientifique, plus progressive; mais il n'y a pas certitude absolue : c'est une affaire de croyance personnelle. En résumé, ou la pensée est un mode de mouvement, et dans ce cas la matière, sous certaines conditions, devient susceptible de sentir, de vouloir et de penser ; il y aurait alors dans la nature deux espèces de mouvements : le mouvement inconscient physico-chimique et le mou- vement qui se connaît, ou 7nouvement psychique; ou bien la matière est incapable de penser, et il y a, chez les animaux comme chez l'homme, une force distincte de la matière, personnelle et inconsciente. Mais, dans l'ensemble des actes psychiques qui appartiennent à ce qu'on appelle l'âme humaine, il n'y a pas seulement de la sensation, de la volonté, de l'intelligence; il y a autre chose, et c'est par là surtout que l'homme s'écarte des animaux plus encore que par les facultés intellectuelles : ce quelque chose, c'est ce que j'appellerai du nom de moralité, c'est-à-dire l'ensemble du caractère moral qui a pour expres- sion Uidée du devoir et la responsabilité individuelle. La question de savoir si cette moralité dépend d'organes nerveux et n'est qu'une forme perfectionnée des passions et des instincts de l'animal, ou si elle est l'attribut d'une substance supérieure, d'une force, ne peut être traitée (1) « Mais s'il en est ainsi, le doute le plus grave vient envahir l'âme et « la jeter dans un abime de mélancolique rêverie. Si le cerveau est l'organe « de l'imagination et de la mémoire, comme l'expérience semble bien l'in- « diquer; si l'âme ne peut penser sans signes et sans images, c'est-à-dire « sans cerveau, qu'advient-il le jour où la mort, venant à dissoudre non- " seulement les organes de la vie végétative, mais ceux de la vie de rela- " tion, de la sensibilité, de la volonté, de la mémoire, semble détruire ces « conditions inévitables de toute conscience et de toute pensée ? » (Paul Janet, le Cerveau et la Pensée, page 178.) 14 PROLÉGOMÈNES. dans les limites de ce livre. Qu'il me suffise de dire que, pour ma part, croyant à l'origine matérielle de la pensée, c'est à cet ensemble de qualités morales que je réserverais le nom à.'âme, exclusivement attri- buée alors à l'homme, sans méconnaître cependant les ob.jecfions sé- rieuses auxquelles cette solution peut donner lieu, et qui seraient eu grande partie les mêmes que celles énoncées précédemment, mais avec moins de force et d'autorité. En résumé, nous nous trouvons en face de deux grandes doctrines opposées : 1° La doctrine dualiste qui admet l'existence simultanée de la matière et de la force, forces personnelles ou impersonnelles ; 2^» La doctrine uniciste, ou mieux unitaire, qui n'admet qu'une seule chose : les uns des forces, les autres la maiiére ; les deux, eu réalité, se réduisent, pour nous, au mouvement. Entre le dualisme et l'unicisme, le choix ne nous parait pas douteux en ce qui concerne les phénomènes physiques et vitaux: dans les deux cas, il n'y a que du mouvement. Le doute peut exister pour les phéno- mènes psychiques, mais ils nous paraissent être aussi réductibles au mouvement chez Thomme comme chez les animaux. EnSn, pour les phénomènes moraux, pour la cause première du mouvement, la science, jusqu'à nouvel ordre, ne peut que rester dans la réserve ; c'est une affaire de croyance : l'existence de l'âme morale, l'existence de Dieu, ne sont susceptibles ni de démonstration ni de réfutation rigoureuse. Kous arrivons donc à cette conclusion que, dans les sciences phy- siques et physiologiques, l'admission de forces distinctes est inutile et ne fait qu'embarrasser le langage scientifique. Tous les phénomènes que Vesprit humain psut comprendre sont des phénoinènes de moiivemeyit, et la force ne peut être admise que pour les phénomènes qui dépassent les bornes de notre intelligence ; phénomènes de moralité dans le sens indiqué plus haut et cause première, quelle qu'elle soit, du mouvement; mais tout ce qui dépasse notre intelligence, âme et Dieu, étant en dehors de la science, ne doit pas nous occuper ici. En restant dans les limites de la science, il n'y a que du mouvement. Le mouvement, dans ses dilTérentes manifestations, physiques, vitales et (pour nous du moins) psychiques, constitue le champ com- mun de toutes les sciences ; mais il doit aussi être étudié en lui-même et dans ses caractères essentiels, indépendamment de ses différents modes. La première question qui se présente est celle du repos et du mouve- ment. Ce passage du repos au mouvement et du mouvement au repos est uue des questions qui ont occupé longtemps les philosophes, et forme encore aujourd'hui une des pierres d'achoppement de la méta- physique moderne. Voici comment l'expose Herbert Spencer : « Nous voilà encore en face de la vieille énigme du mouvement et DE LA FORCE ET DU MOUVEMENT. 15 « du repos. IN'oiis constatons tous les jours que les objets qu'on lance « avec la main ou autrement subissent un ralentissement graduel et « finalement s'arrêtent, et nous constatons aussi souvent le passage du « repos au mouvement par l'application d'une force. Mais nous trouvons a qu'il est impossible de se représenter par la pensée ces transitions. « En efFet, une violation de la loi de continuité y semble nécessairement « impliquée, et nous ne pouvons pas concevoir une violation de cette « loi. Un corps voyageant avec une vitesse donnée ne peut être ramené « à un état de repos ni changer de vitesse sans passer par toutes les «vitesses intermédiaires. A première vue, il semble que rien n'est «plus aisé que de l'imaginer passant de l'un à l'autre de ces élats « successifs. On peut penser que son mouvement diminue insensible- « ment jusqu'à devenir infinitésimal, et beaucoup mieux qu'il n'est « possible de passer par la pensée d'un mouvement infinitésimal à uu « mouvement égal à zéro. Mais c'est une erreur. Suivez autant que « vous voudrez par la pensée une vitesse qui décroît, il reste encore « quelque vitesse. Prenez la moitié et ensuite la moitié de la somme du liOS**flphic. — R. EOSKOTiTCH : Theorîa philosophiœ natiiralia reducfa, 17G3, — Mater : Die organîsche Ben-egmig in ihrcm Zu.iammenhange mit dem Stnffiiechfrel, 1845. — J. T. Joule : On fhe existence of an eqvivalent relation hetveen heat and the ordinary forms of mechanical jyoxer. Phil. Mag. XXVIII. — H. HEL>rnOLTZ : Mémoire sur la conservation de la force, 1S47; traduit par L. Pérard, 1.'-69. — HiRN : Recherches svr V équivalent mécanique de la chaleur, 186.S. — Saigey : la physique moderne, l.S(>7. — P. Secciii : V Unité des forces 2^hysiqnes; trad. par Deleschamps, 1n69. — Herbert .Spexcer : Les premiers Principes ; trad. par Gazelles, 1871. — Oximus : De la Théo-ie dynamique de la chaleur dans les sciences hiologiques, ISiiG. — Beaunis : De la Force et du Mouvement [Revue scientifique, 1874). CARACTERES GENERAUX DES CORPS VIVANTS. La première division qui se présente à l'esprit, quand on exa- mine les différents corps de la nature, c'est celle de corps bruts et de corps vivants. Nous allons passer rapidement en revue les caractères principaux des corps vivants, et cette étude nous con- duira directement à la définition même de la vie. Caractères matériels des corps vivants. — Parmi les corps simples qui entrent dans la composition des corps vivants, on trouve en première ligne l'oxygène, l'hydrogène, l'azote et le carbone ; les trois premiers sont des gaz qui n'ont pu encore être liquéfiés, indice d'une forte mobilité moléculaire; l'azote se fait remarquer par son indifférence chimique, tandis que l'oxygène fait sous ce rapport un contraste frappant avec les trois autres corps et surtout avec l'azote. Parmi les corps composés, Peau est une des substances les plus importantes des corps vivants et constitue plus des trois quarts de leur masse. Les composés ternaires et quaternaires sont essentiellement • caractérisés par leur instabilité chimique; elle est surtout pro- noncée pour les matières azotées (albuminoïdes) et parait due à Pazote qu'elles contiennent. L'azote en effet transmet aux com- posés dans lesquels il entre une instabilité particulière, comme on le voit pour les corps explosibles (poudre, nitroglycérine, etc.), qui sont tous azotés. On sait, du reste, avec quelle difliculté se conservent les substances albuminoïdes. Beaunis, Phys. 2 18 PROLEGOME>'ES. La molécule organique, surtout dans les composés quater- naires, possède une très-grande complexité. Il n'y a, pour s'en rendre compte, qu'à jeter les yeux sur les formules des albumi- noïdes. Les corps vivants contiennent une très-forte proportion de colloïdes, colloïdes que Graham appelait état dynamique de la matière, et qui se laissent traverser par l'eau, l'oxygè'ne et les cristalloïdes. Cet état colloïde n'est pas spécial, il est vrai, à la matière organique, puisqu'il se présente dans la silice et le per- oxyde de fer, par exemple, mais il faut remarquer que ces deux corps entrent précisément dans la constitution de beaucoup d'organismes vivants. La substance des corps vivants est hétérogène; qu'on prenne l'organisme le plus inférieur ou l'élément le plus petit d'un orga- nisme, on le trouvera toujours constitué par l'assemblage d'eau, de colloïdes et de cristalloïdes, assemblage fait dans certaines proportions et avec un arrangement défini. Les organismes vivants sont continuellement le siège d'une succession de décompositions et de recompositions {tourbillon vital de Cuvier). Ces décompositions et recompositions successi- ves ont pour condition une rénovation incessante des molécules de l'organisme ; une partie des molécules décomposées est rem- placée par des molécules venant de l'extérieur ; la matière brute devient matière vivante et la matière vivante devient matière brute; il y a un perpétuel échange entre l'organique et l'inorga- nique ; c'est là ce qu'on a appelé la circulation de la matière. Le mode même par lequel ces molécules nouvelles pénètrent dans l'organisme fournit encore un caractère distinctif ; tandis que, dans un cristal, par exemple, les molécules nouvelles ne font que s'appliquer sur la surface du cristal déjà formé, dans les corps vivants elles pénètrent dans l'intimité même de l'orga- nisme, entre (et non pas sur) les molécules déjà existantes; c'est ce qu'on a exprimé en disant que les corps vivants s'accrois- saient par intussusception, les corps bruts par apposition. Ici se présente une question. Les quantités relatives de matière brute et de matière vivante sont-elles invariables? Ou bien la quantité de matière vivante augmente-t-elle indéfiniment aux dépens de la matière brute ? Il est évident qu'à partir de la pre- mière apparition de la vie sur le globe, la quantité de la matière vivante s'est accrue graduellement; mais cet accroissement s'est- CARACTERES DES CORPS YIVAMS. 19 il arrêté à une certaine époque ou continue-t-il encore actuelle- ment? Dans l'état de la science, le problème me paraît insoluble. Caractères dynamiques des corps vivants. — Les êtres vivants dégagent des forces vives (chaleur, mouvement méca- nique, etc.). Ce dégagement de forces vives, continuel chez les animaux, est souvent à peine marqué chez les végétaux ; mais il n'en existe pas moins et devient très-sensible à certaines phases de leur existence (floraison, germination, etc.). Les corps bruts composés ne produisent guère de chaleur qu'au moment de leur formation ou de leur destruction. 11 y a un rapport déterminé entre la quantité de forces vives produite par un orgauisme et les mutations matérielles de cet organisme ; à une quantité donnée de mouvement correspond, par exemple, une quantité donnée de carbone oxydé. Les organismes sont des transformateurs de forces; les ani- maux transforment surtout des forces de tension en forces vives, les végétaux des forces vives en forces de tension. De même qu'il y a un échange incessant des molécules de la matière brute et des molécules de la matière vivante, de même il y a un échange perpétuel entre les forces extérieures et les forcés intérieures de l'organisme ; comme le carbone de l'acide carbonique de l'air entre dans la constitution de la graisse de la plante ou de l'animal, ainsi la lumière solaire, la chaleur, l'électricité, reparaissent dans le corps vivant sous forme de mouvement musculaire, de chaleur, d'innervation; les mouve- ments vitaux sont les corrélatifs des mouvements physico- chimiques, les forces dites vitales les équivalentes des forces physiques. Caractères morphologiques des corps vivants. — Les corps vivants sont organisés, c'est-à-dire qu'ils sont composés de parties dissemblables ou distinctes arrangées dans un certain ordre; ce caractère existe même chez les êtres unicellulaires, chez lesquels on retrouve toujours un noyau ou au moins des granulations ; c'est Yhèlérogéncitc organique, qu'il ne faut pas confondre avec l'hétérogénéité chimique mentionnée plus haut. La forme extérieure des êtres vivants offre toujours une cer- taine constance ; chaque organisme est construit sur un type morphologique dont il ne peut s'écarter que dans des limites 20 PROLÉGOMÈNES. restreintes dans le cours de son existence. Au début, cette forme- type est toujours ou presque toujours la forme sphérique; puis, peu à peu le type propre à l'organisme se caractérise et se dessine dans le cours de son développement. Cette forme sphérique se retrouve non-seulement au début de la vie d'un organisme, mais aussi dans la plupart des éléments primitifs dont se compose cet organisme. Évolution des corps vivants. — L'évolution des corps vi- vants est déterminée : ils ont un commencement, une existence, une fin ; ils parcourent des phases définies qui se succèdent ré- gulièrement et dans un certain ordre; un cristal, un composé chimique instable, pourraient peut-être, sous ce rapport, être comparés à un organisme vivant; mais ils s'en distinguent par l'absence d'usure et de réparation, par la fixité de leurs molécu- les pendant la durée de leur évolution. Les êtres vivants ont une individualité propre; ils constituent des individus indépendants ou des agrégations d'individus dont chaque membre jouit d'une certaine indépendance vis-à-vis du tout : mais ce caractère n'est pas absolu et disparaît presque dans certaines classes d'animaux et de plantes pour faire place à une solidarité intime. Tous les organismes vivants naissent d'un germe ou d'un pa- rent antérieur doué de vie, et comme corrélatif un de leurs ca- ractères essentiels est l'aptitude à reproduire des êtres plus ou moins semblables au générateur, ou, pour exprimer la même pensée sous une forme plus générale, la possibilité, pour des par- ties détachées du tout, de vivre d'une existence indépendante. Ce n'est pas ici le lieu de discuter la question si controversée de la gé- nération spontanée ; elle trouvera sa place dans un autre chapitre. Les êtres vivants forment donc une série continue et on peut remonter ainsi d'être en être jusqu'à l'apparition de la vie sur la surface du globe. Une autre conséquence de cette propriété géné- rale de reproduction, c'est que les produits possèdent des carac- tères (en plus ou moins grand nombre) semblables à ceux de leurs ascendants, soit directs, soit dans la série; c'est là ce qui constitue l'hérédité. Ces caractères héréditaires apparaissent, les uns dès la naissance de l'organisme (caractères dits à tort innés, innéité), les autres pendant le cours de l'évolution de l'organisme (hérédité proprement dite). CARACTÈRES DES CORPS VIVANTS 21 La conslitution chimique de l'être vivant varie aux diverses phases de son évolution ; il n'y a, sous ce rapport, qu'à examiner les analyses comparatives de la graine et de la plante à laquelle elle donne naissance, de l'œuf et de l'animal adulte. Cette varia- tion des principes constitutifs de l'organisme, suivant l'âge, por- tent à la fois sur la quanlilé et sur la qualité, et la plus remar- quable est la diminution progressive de la quantité d'eau du corps par l'effet de l'âge; il semble qu'à mesure que leur évolution approche de sa fin, les organismes vivants se rapprochent du monde inorganique (ligneux des plantes, incrustations calcaires des cartilages des vieillards). La production de forces vives change aussi pendant la durée de l'évolution; habituellement cette production décroît après avoir atteint son apogée (maximum d'activité vitale) ; d'autres fois elle présente des alternatives de diminution et de recrudes- cence très-remarquables dans quelques espèces; ainsi certains êtres passent par des phases successives do repos et de mouve- ment (enkystement des infusoires, métamorphoses des insectes, animaux hibernants, etc.) ; enfin, dans certains cas, elle paraît tout à fait suspendue, et les organismes vivants, comme les graines, lesrotifères desséchés, semblent en état de mort appa- rente; c'est la vilalité donnante des auteurs anglais. La forme des organismes n'est pas moins variable ; sphériques ou sphéroïdaux à l'origine, ils se modifient peu à peu jusqu'à ce qu'ils aient atteint le type morphologique qui caractérise le groupe auquel ils appartiennent; c'est ainsi que cette forme sphérique devient radiée, bilatérale, spiroïde, etc. Ce changement de forme s'accompagne de deux phénomènes corrélatifs, une augmentation de la masse de l'organisme, et un développement de son organisation. L'augmentation de m'asse ou l'accroissement a heu pendant la première période de l'évolution, pendant la période progressive; puis, à un moment donné, spécial et déterminé pour chaque groupe d'êtres, elle subit un arrêt. Les causes de cet arrêt d'ac- croissement sont assez obscures; elles doivent être cherchées surtout dans la rupture des rapports entre l'usure de l'organisme et sa réparation. Un dégagement trop grand de forces vives, une réparation insullisante sont des conditions d'arrêt de l'accroisse- ment; or il arrive forcément un moment où la réparation est insuffisante. Un exemple le fera comprendre. Soit un cube de 22 PROLÉGOMÈNES. 1 mètre de côté ; il aura une surface de 6 mètres carrés et une masse de 1 mètre cube; supposons un cube double de hauteur; il aura 24 mètres carrés de surface et 8 mètres cubes de masse; en doublant de hauteur, la masse sera 8 fois plus considérable, la surface quadruple seulement. Au lieu d'un cube prenons un organisme, les conclusions seront les mêmes ; quand l'organisme aura une hauteur double, sa masse, sur laquelle porte l'usure et doivent porter les réparations alimentaires sera 8 fois plus con- sidérable ; sa surface, par laquelle s'introduisent les matériaux de réparation, ne sera que quadruplée ; il viendra donc un moment où ces matériaux ne seront plus introduits en quantité sufïisante pour subvenir à la réparation. En d'autres termes, l'usure de l'organisme croit comme le cube et la réparation ne croît que comme le carré. Il- y a bien, en outre, une affaire d'innéité (enten- due dans le sens qui sera expliqué plus tard à propos de l'héré- dité) dont il faut tenir compte; chaque être, en efifet, suivant l'expression d'Herbert Spencer, commence son évolution biolo- gique avec un capital vilal différent. Le développement de l'organisation marche en général de pair avec l'accroissement de la masse. Il y a d'abord une diffé- rentiation morphologique qui porte primitivement sur les élé- ments cellulaires intérieurs et extérieurs ; puis peu à peu les tissus, les organes, les appareils, paraissent et se distinguent les uns des autres ; en un mot, l'organisation se perfectionne et s'achève. La mort vient enfin terminer nécessairement cette évolution vitale, et livrer l'organisme à l'action pure et simple des milieux extérieurs; maisil faut distinguer la mort de l'organisme en tant qu'individu et la mort des parties et des éléments isolés qui le constituaient. En général, dans les organismes complexes, la mort du tout et la mort des parties ne coïncident pas ; sauf dans des cas très-rares (fulguration, par exemple), la mort totale, so- matlqiie, précède la mort moléculaire ou des parties. Action des milieux. — Le milieu fournit les matériaux de la vie ; la matière brute devient matière vivante ; il fournit les mouvements indispensables aux manifestations vitales, lumière, chaleur, etc.; il modifie la forme des organismes (influence de la pesanteur sur la végétation). Le miUeu agit sur l'organisme à chaque instant de son évolu- CARACTERES DES CORPS VIVANTS. 23 tioii ; cette action du milieu est tantôt adjuvante, tantôt destruc- tive. Aussi tous les êtres vivants possèdent-ils [•àvariabilité dans certaines limites, et cette variabilité est la condition de leur exis- tence. Chaque action extérieure est suivie d'une réaction interne de l'organisme qui lui correspond exactement, et la vie n'est, en réalité, qu'une série continuelle d'adaptations des réactions inté- rieures aux actions extérieures, ou, comme le dit Herbert Spencer, des relations internes aux relations externes. En résumé, les caractères essentiels de la vie sont les suivants: 1° Complexité moléculaire, hétérogénéité et instabilité chimi- que des composés organiques ; 2° Usure et réparation incessante des matériaux organiques ; 3" Production de forces vives et, en particulier, de mouve- ment mécanique, de chaleur et d'électricité; 4" Organisation ; 5° Évolution déterminée deTorigine à la mort; 6° Origine d'un être vivant antérieur et po^^sibilité de repro- duction ; 7° Variabilité et adaptation aux milieux et aux forces extérieures. En réalité, une partie de ces caractères sont sous la dépen- dance les uns des autres; la complexité et TinstablUté chimique de la molécule organique rendent possibles l'usure et la répara- tion de l'organisme, et, d'un autre côté, le dégagement de forces vives est lié intimement à cette usure et nécessite cette répara- tion ; l'adaptation au milieu à son tour n'est autre chose qu'une production de forces vives, de réactions correspondant aux ac- tions extérieures. Les trois premiers caractères contenus déjà l'un dans l'autre se trouvent aussi impUcitement contenus dans le septième, et l'on pourra donc définir la vie, en prenant seule- ment les caractères essentiels et jusqu'à un certain point indé- pendants, de la façon suivante : La vie est révolution déterminée d'un corps organisé suscep- tible de se reproduire et de s'adapter à son milieu. Pas plus que toutes les déflnitions données auparavant, cette définition n'est à l'abri de toute objection; et cela s'explique faci- lement si l'on réfléchit qu'une distinction absolue entre les corps bruts et les corps vivants est impossible. Définitions et théories de la vie. — C'est ici le lieu de rappeler les principales déliiiitions de la vie données par les auteurs. Le lecteur 24 TROLEGOME.XES. D'aura qu'à se reporter aux caractères essentiels des êtres vivants, caractères qui ont été donnés plus haut, pour voir par quoi pèclient ces définitions. Aristote : La vie est Tenscmble des opérations de nutrition, de crois- sance et de destruction (Çojyjv §i /iyw, tï]v rpofh'j y-5t(Ttv). Lamargk : La vie, dans les parties d'un corps qui la possède, est cet état de choses qui y permet les mouvements organiques, et ces mou- vements qui constituent la vie active résultent d'une cause stimulante qui les excite. BfCHAT : La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort. RiGHERAND : La vie est une collection de phénomènes qui se succè- dent pendant un temps limité dans un corps organisé. LouDAT : La vie est Talliance temporaire du sens intime et de l'agré- gat matériel, alliance cimentée par un svooaov ou cause de mouvement dont l'essence est inconnue. Cette définition ne s'applique qu'à Thomme. BÉGLARD : La vie est l'organisation en action. DuGÈs : La vie est l'activité spéciale des corps organisés. ÏREYiRAXus : La vie est ruuiî'ormité constante des phénomèuv^s avec la diversité des influences extérieures. P. BÉRARD : La vie est la manière d'exister des êtres organisés. De Blalwille : La vie est le double mouvement interne de compo- sition et de décomposition, à la fois général et continu. Ch. Robin : La vie est la manifestation des propriétés inhérentes et spéciales à la substance organisée seulement. Et ailleurs : On donne le nom d'oi-gmiisation à cet état de dissolution et d'union com- plexe que présentent les matières demi-solides, quelquefois liquides ou solides, formées de principes immédiats d'ordres divers et pro- venant d'un être qui a eu ou a une existence séparée, [Dictiomiaire de médecine.) LiTTRÉ : La vie est l'état d'activité de la substance organisée. [Dic- tionnaire.) H. Lewes : La vie est une série de changements définis et successifs, à la fois de structure et de composition, qui se présentent chez un in- dividu sans détruire son identité. Herbert Spencer : La vie est la combinaison définie de change- ments hétérogènes, à la fois simultanés et successifs, en corrélation avec les coexistences et les successions extérieures [in correspon- dence wii/i exlernul co-existences and séquences) , ou plus brièvement : la vie est l'adaptation continuelle des relations internes aux relations externes. Kuss : La vie est tout ce que ne peuvent expliquer ni la physique ni la chimie. CARACTERES DES CORPS YIYAATS. 25 Chacune de ces déOnitions se rattaclie de près ou de loin, sciemment ou insciemment, à une des théories de la vie. Ces théories peuvent se ranger en trois groupes ; il suffira de les indiquer d'une façon générale sans entrer dans une discussion qui a déjà été faite en partie au début des prolégomènes. 1° Théorie animiste. — Dans l'animisme pur de Stahl et de quelques modernes, l'âme (vovç) agit sur le corps sans intermédiaire pour diriger toutes les actions vitales. Mais la plupart des auteurs modernes, recu- lant devant les conséquences d'un pareil système, ont admis un ani- misme mitigé dans lequel l'àme n'agit que sur une certaine catégorie de phénomènes nerveux, le reste des actes vitaux étant réductible à des actes physico-chimiques ou soumis à une force vitale. La part de l'âme dans les actes vitaux est du reste plus ou moins réduite suivant les opinions individuelles. Les végétaux et les animaux inférieurs ne peuvent évidemment trouver place dans cette théorie et rentrent alors soit dans la théorie vitaliste, soit dans la théorie mécanique. Pour les animaux supérieurs, la plupart des animistes regardent la question comme trop embarrassante, car ils évitent de se prononcer catégori- quement. 2" Théorie vitaliste. — Entre l'âme et le corps se trouve une force vitale qui sert d'intermédiaire et dirige les actes vitaux (délînilion de Lordat). Cette force vitale existe seule chez les animaux et les végé- taux. Les vitalisles ne se prononcent pas sur l'essence et la nature de cette force vitale. Le vitalisme de Burthez est un vitalisme mitigé ; Bar- tliez admet des forces vitales, mais provisoirement. Le prétendu vita- lisme de Bichat n'est qu'une forme de mécanisme. 3° Théorie mécanique. — D'après cette théorie, les actes vitaux se font d'après les mêmes lois que les actes physico-chimiques; cène sont aussi que des modes de mouvement, plus complexes seulement et plus difficiles à interpréter. Dans la théorie mécanique, on peut distin- guer deux opinions bien différentes : 1° le mécanisme préétabli (har- monie préétablie de Leibnitz), dans lequel l'organisme est considéré comme un mécanisme créé et agencé par une intelligence suprême et marchant en vertu d'une impulsion première, 2" le mécanisme acci- dentel ou évolutionnel, dans lequel les actes vitaux sont sous la dépen- dance immédiate ou éloignée des milieux et des actions extérieures ; c'est la vraie théorie moderne ; la vie n'est qu'un mode de mouvement, toujours provoqué, jamais spontané, et la science de la vie n'est qu'un chapitre de la dynamique générale. fllibliographie. — Stahl : Opéra; spécialement : Theoria medica vera, 1777. — J. Bakthez : Nouveaux Eléments de la science de l'Homme, 1S06. — X. Bichat : Recherches physiologiques stir la vie el la mort, ISUO. Anato mie générale, ISOl. — F. TiEDEMANx : Physiologie de l'Homme; trad. par Jolkuan, lt<3l. — Lordat : Ebauche du plan d'un traité complet de physiologie humaine, lb41. — Hehberi Spencer : Principles o/biology, lSG4-lSii7. 26 PROLEGOME^'ES. CARACTERES DISTINCTIFS DES VEGETAUX ET DES ANIMAUX. La vie se manifeste sous deux formes principales: la plante, l'animal. Cependant la limite entre les deux formes n'est pas si tranchée qu'on le croyait généralement, et lorsqu'on descend aux degrés inférieurs de la série, on rencontre des êtres dont les ma- nifestations vitales laissent l'esprit dans l'indécision et rappellent aussi bien la plante que l'animal. Aussi beaucoup de naturalistes ont-ils admis un règne, non pas intermédiaire, mais inférieur, sorte de souche commune d'où, par une bifurcation, seraient nés les deux embranchements {proto:^oaires , protistes d'Hseckel). Mais, ces réserves faites, des différences notables n'en existent pas moins entre le règne végétal et le règne animal ; c'est ce que fait ressortir facilement une comparaison rapide des deux règnes. La plante possède les mômes éléments chimiques fondamen- taux que l'animal: oxygène, hydrogène, carbone, azote; seule- ment le carbone y domine. Elle est plus riche en substances non azotées (hydrocarbonés, amidon, cellulose). La proportion des sels minéraux varie aussi dans les deux règnes; les alcalis sont en plus grande proportion dans les plantes, les phosphates chez l'animal. Mais ce qui caractérise chimiquement la plante, c'est la présence d'une , matière colorante, la chlorophylle, principe qui joue un rôle essentiel dans la vie de la plante; il n'y a pourtant pas là un caractère absolu ; car toute une classe de plantes, les champignons, est dépourvue de chlorophylle, et on en trouve chez certains animaux, tels sont l'hydre verte et X'euglena viridis. La plante a plus de stabilité chimique que l'animal, et les mu- tations matérielles y sont moins actives. Ces mutations sont de deux ordres: assimilation d'une part, désassimilation de l'autre. Par Y assimilation, l'organisme emploie et utilise pour sa pro- pre substance les matériaux qui lui viennent du dehors. Pour la plante, ces matériaux qu'elle emprunte à l'air et au sol sont l'eau, l'acide carbonique et l'ammoniaque ; c'est avec ces maté- riaux qu'elle forme l'amidon, la graisse et l'albumine de ses tissus ; cette assimilation ne se fait que dans les parties vertes, à chlorophylle et sous l'influence de la lumière, et l'effet ultime est une réduction et une élimination d'oxygène. C'est ce processus qui a été appelé improprement respiration végétale. Chez l'ani- f LES VEGETAUX ET LES ANIMAUX 27 mal l'assimilation est beaucoup moins complexe, puisqu'il utilise des matériaux (albuminoïdes, graisse, amidon) déjà transformés par la plante et qui n'ont guère plus à subir qu'un simple vire- ment physiologique plutôt qu'une préparation réelle ('). La désassimilation au contraire, liée au dégagement de forces vives, est une usure des matériaux de l'organisme, dont les deux termes extrêmes sont,, d'une part, une introduction d'oxygène, et d'autre part une élimination d'acide carbonique, de vapeur d'eau et de substances de déchet ; c'est ce qui constitue la respiration (introduction d'oxygène et élimination d'acide carbonique) et l'excrétion. Ce processas, inverse du processus d'assimilation, se présente avec bien plus d'intensité chez l'animal, mais il n'en existe pas moins chez la plante ; ainsi toutes les parties, vertes ou non du végétal, absorbent de l'oxygène et éliminent de l'acide carbonique aussi bien à la lumière qu'à l'obscurité, c\,\ii respira- tion végétale est identique à la respiration animale; mais dans les végétaux, la respiration (introduction d'oxygène et élimina- tion d'acide carbonique) est inférieure à l'assimilation (introduc- tion d'acide carbonique et dégagement d'oxygène), de sorte que l'effet total est une absorption d'acide carbonique et un dégage- ment d'oxygène, et, à ce point de vue, on peut dire qu'il y a antagonisme entre la plante et l'animal. En effet: La plante absorbe de l'eau, de l'acide carbonique et de l'am- moniaque ; — élimine de l'oxygène ; — épure l'air, appauvrit le sol ; — est un appareil de réduction. Vanimal absorbe de l'oxygène ; — élimine de l'eau, de l'acide carbonique et de l'am- moniaque (urée) ; — vicie l'air, enrichit le sol ; — est un appareil d'oxydation. Les principes nécessaires à la vie de la plante (eau, acide car- bonique, ammoniaque) sont précisément ceux que l'animal éli- mine comme dernier terme de la désassimilation,*et il y a donc entre le sol et l'air, la plante et l'animal, une corrélation et une solidarité intimes qui se traduisent par des échanges continuels, (') Les plantes sans chlorophylle, comme les champignons, sont en général parasites et assimilent comme des animaux. 28 PROLEGOME^'ES. par une véritable circulation matérielle. C'est cette action com- binée de la plante et de l'animal qui mamtient la constance delà quantité d'acide carbonique de l'air. La vie végétale et la vie animale sont fonctions l'une de l'autre. La proportion relative de matière végétale et de matière ani- male reste-t-elle constante ? A l'origine, il n'en a pas été ainsi; à l'époque où l'atmosphère terrestre était surchargée d'acide car- bonique, la vie végétale était seule possible ; puis, quand la vie animale a fait son apparition, les deux quantités ont, la première décru, la deuxième augmenté, jusqu'à un moment où les deux quantités sont probablement devenues stationnaires, de façon à amener l'équilibre qui existe aujourd'hui, équilibre qui, du reste, peut être troublé à chaque instant et dont il est diflicile d'aflirmer le maintien. Le dégagement de forces vives est beaucoup moins intense dans la plante que dans l'animal et ne se laisse constater chez la première qu'à certaines phases de son existence (chaleur dans la germination et dans la floraison) et dans certains cas spéciaux (mouvements de la sensitive, par exemple). Les plantes transfor- ment plutôt des forces vives (chaleur et lumière solaire) en forces de tension, les animaux des forces de tension en forces vives. L'organisation végétale est moins compliquée, la division du travail physiologique y est poussée moins loin que chez l'animal; cependant, là encore il n'y a qu'une différence de degré, et l'or- ganisation des animaux inférieurs ne dépasse guère celle de cer- taines plantes. La symétrie sphérique ou bilatérale existe aussi bien chez la plante que chez l'animal ; mais la forme générale de l'organisme emprunte chez la première aux conditions habi- tuelles de son existence un caractère particulier. La plante est ordinairement fixée au sol et cette fixation lui imprime une forme qui se retrouve jusqu'à un certain point chez les animaux qui se trouvent dans les mêmes conditions (polypiers). Chez l'animal, un facteur, sinon nouveau, du moms essentiel, le mouvement locomoteur apparaît, et ce mouvement détermine la distinction de l'organisme en partie antérieure et partie posté- rieure (avant et arrière), partie dorsale et partie ventrale, et donne à chacune de ces parties un caractère morphologique spécial en rapport avec leur mode de fonctionnement. D'une manière générale, l'évolution de la plante est moins LES VEGETAUX ET LES A.XIMALX. 29 bien définie que colle de l'animal; l'individualisation y est plus rare et la formation de colonies ou d'agrégats d'individus {poly- zo'ismc) beaucoup plus fréquente que chez l'animal, où elle est l'exception. L'accroissement de la plante en particulier est, sinon indéfini, du moins ne présente pas cet arrêt qui survient chez l'animal à une période donnée de son existence ; la plante s'ac- croît presque continuellement jusqu'à sa mort; il n'y a pas chez elle, en effet, cette usure et ce dégagement de forces vives qui sont si prononcés chez l'animal et sont, comme on l'a vu plus haut, les causes principales de cet arrêt dans l'accroissement qui se produit chez ce dernier. La plante trouve à peu près partout les matériaux de son exis- tence, eau, acide carbonique et ammoniaque ; l'animal, au con- traire, netrouve pas partout ses aliments: il doit les chercher, et tandis que la première est forcée de subir le milieu où les circonstances l'ont jetée et de s'y adapter ou de périr, le second peut changer de milieu; aussi la variabilité des végétaux est-elle plus considérable que celle des animaux, et ceux-ci présentent-ils beaucoup plus d'indépendance vis-à-vis des milieux extérieurs. Les principaux caractères distinctifs de la plante et de l'animal peuvent être résumés de la façon suivante : Plaxte. PréseDce de la chlorophylle. Prédominance de l'assimilation sur la dèsassimilation. Absorption d'eau, d'acide carbo- nique et d'ammoniaque. Élimination d'oxygène. Dégagement très-faible de forces vives imouveraent et chalcun. Transformation de forces vives en forces de tension. Pas de locomotion. Pas de sensibilité. Organisation moins compliquée. Tendance au polyzoïsme. Accroissement presque indéfini. YariabiUté plus grande. AXIMAL. Absence de la chlorophylle. Prédominance de la desassimila- tion sur l'assimilation. Absorption d'oxygène. Élimination d'eau, d'acide carbo- nique et d'ammoniaque (urée). Dégagement intense de forces vives I mouvement, chaleur, in- nervation i. Transformation de forces de ten- sion en forces vives. Locomotion volontsRre. Sensibilité. Organisation plus complexe. Tendance à l'individualisation. Accroissement s'arrêtant à un moment donné. YariabiUté plus faible. 30 PROLEGOMENES. Mois, comme on Ta vu déjà, aucun de ces caractères n'est absolu; ni l'absence de chlorophylle, ni le mouvement, ni la sensibilité, ni la digestion, ni la respiration, ne fournissent de caractère tranché, et il n'y a pas, à vrai dire, de critérium réel de l'animalité. Résultats de la comparaison de la plante et de l'animal. — La plante trouve les matériaux de son accroissement dans lair et dans le sol, c"est-à-dire à peu près partout; il n'y a donc pas pour elle nécessité de déplacement. L'animal ne les trouve pas partout; il doit donc se déplacer, c'est-à-dire se mouvoir, et ce mouvement, qui n'est qu'un dégagement de forces vives, est lié à une oxydation; cette oxydation ne peut se faire que par l'usure de la substance même de l'organisme animal, et cette usure amène à chaque instant la nécessité d'une réparation or- ganique et le besoin de rechercher des aliments appropriés; l'animal sent ses besoins et cherche à les satisfaire, et il exécute en vue de leur satisfaction des mouvements combinés et volon- taires ; il sent, il sait et il veut. Le nombre des actes vitaux de l'animal sera donc beaucoup plus considérable que celui des actes vitaux de la plante. A chacune des actions vitales de l'animal correspond une fonc- tion : locomotion, digestion, respiration, etc. Chez les animaux supérieurs, chaque fonction a pour instruments des organes ou des appareils déterminés; mais chez les êtres inférieurs, il n'en est plus de même; c'est la même substance qui se contracte, sent, digère, excrète, se reproduit; puis, à mesure qu'on s'élève dans la série animale, la spécialisation se fait et la masse vivante se seg- mente et se différencie en parties afférentes à chaque fonction; c'est la division du travail en physiologie, suivant l'expression de Milne-Edwards. Cette division du travail physiologique a les mêmes avantages que dans l'industrie; en se localisant et se spécialisant, la fonc- tion se précise et se perfectionne ; mais en même temps chaque organe, chaque partie de l'organisme devient indispensable à la vie du tout qui périt quand cette partie se trouve profondément atteinte. Mais, même chez les animaux supérieurs, tous les actes vitaux ne se localisent pas dans des organes et dans des appareils déter- minés; à côté des fonctions spéciales, comme la digestion, la cir- culation, l'innervation, il en est d'autres, plus générales, qui ont LES VEGETAUX ET LES AMMAIX. 31 pour siège toutes les parties, tous les éléments de l'org-anisme; tels sont raccroissement, la nutrition, la production de chaleur. Ces actes, essentiels cala vie, ne méritent pas le nom de fonctions, qui doit être réservé aux actes combinés et coordonnés pour un but déterminé, comme la digestion. Spécialisation et perfectionnement successif des or- ganismes. — Si l'on examine la série animale depuis les êtres les plus simples jusqu'aux êtres les plus complexes, on voit l'or- ganisation se perfectionner peu à peu par transitions presque insensibles. Tout à fait en bas, en prenant d'abord les organismes unicel- lulaires, on trouve des êtres complètement homogènes [monères d'HcTckel) et constitués par une simple masse de protoplasma; à un degré plus élevé, la couche la plus extérieure, la sm^face limi- tante de cet organisme rudimentaire acquiert une consistance plus grande que celle de la masse intérieure; bientôt certaines parties se diiférencient pour servir à une fonction déterminée; telle est l'apparition d'organes locomoteurs, soit temporaires (pseiidopodies) des radiolaires, soit permanents (cils vibratiles des infusoires ciliés); telle est celle des organes reproducteurs, noyau et nucléole, chez les infusoires. Dans les animaux multicellulaires, cette spécialisation se con- tinue. La spéciahsation ne porte d'abord que sur les éléments cellulaires; puis elle s'étend plus loin; de véritables organes apparaissent, cavité digestive, muscles, et ces organes eux-mêmes finissent par se grouper en appareils correspondant aux princi- pales fonctions. Si nous prenons le degré supérieur de spécialisation fonction- nelle tel qu'il se présente chez l'homme, par exemple, nous pou- vons concevoir l'organisme de la façon suivante, en le réduisant schématiquement à sa plus simple expression {fig. 1, page 32). Il est constitué par : l*' Des organes profonds, organes de mouvement ou muscles (Aô'- 1) (Oi Gt organes nerveux (2); 2° Des organes superficiels qui isolent l'organisme du milieu extérieur, surfaces épithéliales, qui se divisent en : a, surfaces d'introduction (5) pour l'oxygène et les matériaux nutritifs, et : è, surfaces d'élimination (6) des déchets; 3° Des agents, sang et globules sanguins (4), qui portent l'oxy- 32 PROLEGOMENES. gène et les matériaux nulritifs des surfaces d'introduction aux organes profonds et portent les matériaux de déchet de ces organes profonds aux surfaces d'élimination; 4° Un organe reproducteur, mâle ou femelle (3); 5° Une masse de remplissage et de soutien, substance con- nective (7). Cette spécialisation d'organes et de fonctions peut se suivre non-seulement dans la série animale, mais aussi dans l'évolution S Fig. 1. — Schéma de rorganisme. (Voir page 31.) même d'un organisme. Qu'on prenne, par exemple, l'homme tout à fait à sa naissance; on le verra d'abord constitué par une seule cellule, un ovule; il représente à cette première phase de son existence un animal unicellulaire; puis cette cellule se segmente et se multiphe en plusieurs cellules : il devient agrégat pluricel- lulaire; toutes les cellules qui composent l'embryon à cette période sont identiques, et l'œuf segmenté ressemble à un rhizo- Fig. 1. — A, surfi'ES. Caractères communs. — Is on- seulement l'organisation des singes anthropomorphes est construite sur le plan général de l'organisation humaine, mais les ressemblances se continuent jusque dans les plus petits détails; aussi pour ne pas tomber dans une énumération inutile, je me contenterai de rappeler, parmi les caractères communs, ceux seulement dont sont dépourvus les singes inférieurs. La colonne vertébrale du gorille et du chimpanzé possède le même nombre de vertèbres que celle de l'homme ; on a admis, il est vrai, chez le gorille, treize vertèbres dorsales; mais, en réalité, la vertèbre comptée comme treizième dorsale est simple- ment la première lombaire dont l'apophyse costiforme s'est déta- chée de façon à former une côte surnuméraire, anomalie qui n'est pas très-rare chez l'homme. Le bassin, quoique plus étroit et plus allongé, a la forme générale du bassin humain, tandis que chez les autres singes, il se rapproche du bassin des quadrupèdes. La torsion de fhumérus est, comme chez l'homme, de 180 degrés, et l'olécrane est aplati d'avant en arrière, au lieu de l'être trans- versalement, comme chez tous les autres mammifères (Martins). La ressemblance se retrouve encore dans le squelette de la main et du pied, malgré le nom si mal justifié de quadrumanes donné aux singes par BufTon et Cuvier, et Huxley a prouvé, d'une façon irréfutable, qu'en réalité les singes sont, comme nous, bipèdes et bimanes. Le cerveau de l'homme et des anthropomorphes présente les quatre caractères suivants qui n'existent que chez eux et font défaut chez tous les autres mammifères : 1° lobe olfactif rudi- mentaire ; 2° lobe postérieur recouvrant complètement le cervelet; 3" existence d'une scissure de Sylvius bien dessinée; 4" présence d'une corne postérieure dans le ventricule latéral. Le système musculaire, sauf une ou deux exceptions qui seront mentionnées plus loin, offre la même disposition dans les deux groupes, et ce qu'il y a de significatif, c'est qu'un muscle, le muscle acromio-basilaire, qui existe chez la plupart des singes non anthropomorphes, manque chez le gorille comme chez l'homme. Les callosités des fesses manquent chez les anthropomorphes; les ongles ont la forme de l'ongle humain; les organes des sens ont la même structure. Il en est de même des organes contenus dans les deux cavités L'HOMME DANS LA NATUIII-. 35 ZJ 36 PROLEGOMENES. splaiichniques; l'appendice vermiculaire, qui manque chez les autres singes, existe chez les anthropomorphes ; le foie, nouveau trait de séparation, est construit sur le type humain, les poumons aussi, et le lobe azygos impair, qui existe chez les singes infé- rieurs, manque chez eux comme chez l'homme. La station est bipède {fig. 2) et l'attitude du corps, légèrement obUque, se rapproche plus de la verticale que de l'horizontale, tandis que chez les autres singes l'altitude est franchement hori- zontale; les anthropomorphes sont des bipèdes imparfaits, mais ce sont des bipèdes. Dans la marche ils ne se servent de leurs membres antérieurs qu^accessoirement et pour se soutenir; ils n'appuient jamais sur la paume de la main, mais toujours sur la face dorsale des doigts légèrement fléchis, seul exemple dans les vertébrés; la face palmaire de la main, comme le dit Broca, ne devient jamais plantaire. Les mouvements des membres supé- rieurs sont analogues aux mouvements des bras de l'homme, et l'excursion de la supination, qui, chez les autres singes, n'est que d'un angle droit, est chez eux de 180 degrés. La ressemblance des singes anthropomorphes avec l'homme est surtout marquée dans le jeune âge; un fœtus' de singe res- semble à s'y méprendre, sauf la taille, à un fœtus humain. Après la naissance, non-seulement les jeunes chimpanzés et les jeunes orangs sont plus doux, plus caressants, plus intelligents, mais encore leur squelette, et en particulier leur crâne présente les caractères du crâne humain; puis peu à peu, avec la puberté, les caractères bestiaux, tant physiques que psychiques, se dessinent de plus en plus et finissent par prédominer. La même remarque a été faite pour les diverses races humaines : le négrillon, par exemple, est vif, intelligent, et apprend aussi facilement qu'un enfant européen; mais, à la puberté, il se fait un changement notable, de sorte que la différence entre un nègre et un blanc adultes est bien plus grande qu'entre deux enfants de ces deux races. Caractères distinctifs. — La capacité du crâne est plus faible chez les singes anthropomorphes que chez l'homme : le plus faible chiffre observé chez l'homme par Morton a été de 970 centimètres cubes; le plus grand chiffre trouvé chez le gorille est de 539 centimètres cubes; il y a donc entre les deux une dif- férence de 431 centimètres cubes; mais cette différence perd de son importance si on considère qu'on a trouvé des' crânes L'HOMME DA>'S LA NATURE. 37 humains d'une capacité de 1,781 centimètres cubes; il peut donc y avoir entre des crânes luimains des différences de 811 centi- mètres cubes, bien supérieures, par conséquent, à la différence de 431 centimètres cubes qui existe entre l'homme et le gorille. Le trou occipital (fig. 3, cl) est situé chez le gorille dans le tiers ATJSTHAIilATQ. CHRYS O THHIX. GOHILIiA- Fig. 3. — Crânes comparés d'Australien, de clirysothrix et de gorille, d'après Huxley. postérieur de la base du crâne; les os de la face, spécialement les os maxillaires, prédominent sur le crâne proprement dit (sauf cependant chez le chrysothrix qui n'appartient pas au groupe des anthropomorphes); les arcades sourcihères sont épaisses, sail- lantes et recouvrent le rebord orbitaire. L'angle facial de Cam- per, de 70 à 80 degrés chez l'homme, descend à i0,35 et 30 degrés Fig. 3. — Pour montrer le rapport de la face au crâne, dans les trois figures la cavité crâ- nienne a la même longueur. La ligne b donne le plan de la t«-nie du cervelnt qu: sépare le i;er- veau du cervelet. La ligne d représente l'axe du trou occipital. La lijrne c, perpendiculaire à b, indique de quelle quantité le cerveau déborde le cervelet. L'espace occupé par le cervelet dans la cavité ciànicnne est indiqué en noir. 38 PR0LÉG9MÈ>ES. chez les anthropomorphes, sauf clans le jeune âge où il peut atteindre 60 degrés; dans le chrysothrix il monte à 65 ou 66 degrés. L'angle alvéolo-condylien ('), très-voisin de 0 degré chez l'homme, est de plus de 19 degrés en moyenne chez le gorille. Quant à l'angle de Daubenton ("-), il est trop variable pour fournir un caractère distinctif. (Broca.) On a voulu faire de l'absence de l'os intermaxillaire une carac- téristique de l'homme; mais il est bien prouvé aujourd'hui, par les recherches de Goethe et de Vicq-d'Azyr, confirmées par les observations modernes, que cet os intermaxillaire existe aussi chez lui; seulement sa soudure est plus précoce. L'ordre de soudure des sutures crâniennes présente aussi quelcpies différences : chez l'homme, les sutures de la base du crâne se ferment avant les sutures de la voûte, spécialement la suture frontale; ce serait le contraire chez les singes anthropo- morphes; la suture frontale se fermerait très-vite, arrêtant ainsi le développement du cerveau, et les sutures de la base, restant plus longtemps ouvertes, permettraient le développement prédo- minant de la face. La dentition offre aussi quelques faits à signaler. Les canines sont saillantes, en forme de défenses, et se placent dans un inter- valle {barre ou diastèmé) de l'arcade dentaire opposée. L'érup- tion des dents persistantes ne se ferait pas non plus dans le môme ordre que chez l'homme; chez le gorille, les canines paraissent après la deuxième et la troisième molaire, tandis que chez l'homme elles paraissent avant; mais ce caractère est loin d'être constant. Les circonvolutions cérébrales sont moins développées chez les anthropomorphes. D'après Bischoff, la disposition des phs encéphaliques ne serait pas la même chez l'orang et chez l'homme, et pour retrouver l'analogie il faudrait comparer le cerveau de l'orang au cerveau d'un fœtus humain de la seconde moitié du huitième mois. En outre, le bec de l'encéphale, sailhe du lobe antérieur qui correspond à la fossette olfactive, existerait chez les anthropomorphes et ferait défaut chez l'homme. Le cer- (') L'angle alvéolo-condylien est compris entre le plan alve'olo-condylien et le plan de'termine' par les deux axes orbitaires. (-) L'angle de Daubenton ou angle occipital est constitue' par deux plans : 1° le plan du trou occipital; 2» un plan qui passe par le bord poste'rieur du tour occipital et le bord inférieur de l'orbite. L'HOMME D.VXS LA NATURE. 39 veau des microcéphales, qui présente aussi ce bec de l'encéphale, ressemble beaucoup au cerveau des singes. En résumé, ces carac- ' tères distinctifs se réduisent à très-peu de chose et ne justifient pas la dénomination d'archencéphales admise par Owen pour le premier groupe des primates et la séparation de ce groupe d'avec les autres mammifères dans sa classification ('). La main ressemble à la main humaine; le pouce est seulement plus petit, sui'tout chez lorang où il présente cette singularité d'être dépourvu d'ongle; le carpe de l'orang possède aussi un os surnuméraire, mais la main du gorille est tout à fait l'ana- logue de la main de l'homme et s'en rapproche beaucoup plus que de celle de l'orang. Les plis de flexion de la paume ont une disposition trop variable pour qu'on puisse en tirer quelques conclusions. Même ressemblance pour le pied, avec celte seule différence que l'articulation du gros orteil est plus lâche et que le premier métatarsien, au lieu de s'articuler avec la face antérieure du pre- mier cunéiforme comme chez l'homme, s'articule avec la partie interne de cet os, ce qui permet un certain degré d'écartement, mais non un véritable mouvement d'opposition du gros orteil. Pour le système musculaire, il y a à signaler chez tous les anthropomorphes un muscle qui fait défaut chez l'homme, sauf dans les cas d'anomalie : c'est un faisceau qui part du tendon du grand dorsal et se rend à l'épitrochlée. En outre, le muscle flé- chisseur propre du pouce est atrophié chez le gorille et le chim- panzé, et manque tout à fait chez l'orang et le gibbon. Le long fléchisseur du gros orteil manque aussi chez l'orang, mais il existe chez le gorille et le chimpanzé. Le gorille, le chimpanzé et l'orang possèdent des sacs laryn- giens qui renforcent la voix; mais ce qui atténue la valeur de ce caractère, c'est qu'ils s'implantent sur les ventricules de Mor- gagni dont ils sont des diverticules et qui existent aussi chez l'homme; c'est qu'ils ne se produisent qu'après la naissance, sous l'influence des efforts vocaux, et qu'enfin ils manquent chez le gibbon. (*) Owen partage les mammifères en quatre classes : i" les archeticé- phales, qui comprennent le seul genre homme; 2" les Çfyrencéphales, dont le cerveau est recouvert de circonvolutions; 3" les lisseticépha/es, dont le cerveau est lisse; 4° les h/encéphales, dont les deux hémisphères ne sont pas réunis par un corps calleux. 40 PI10LEG0ME>'ES. Les organes génitaux offrent quelques différences plus mar- quées. L'os de la verge existe chez tous les anthropomorijhes. Le pénis de l'orang s'éloigne le moins du type humain; le gland est bien cylindrique, il est vrai, au lieu d'être conique, mais il est entouré à sa base d'un petit prépuce pourvu d'un frein (Duvernoy). Le clitoris est plus volumineux que dans l'espèce humaine. Enfin, pour terminer, les proportions des membres supérieurs et inférieurs sont différentes. Voici, d'après Huxley, les longueurs relatives du bras, de la jambe, de la main et du pied, eu égard à la longueur de la colonne vertébrale supposée égale à 100 (comparez à ce sujet la figure 2) : Européen. Boschisman. Gorille. Ch mpanzé. Orang Colonne vertébrale. . 100 100 100 100 100 Bras. . . 80 . 117 78 110 ■ 115 96 96 90 122 Jambe. 89 Main. . 2G 26 36 43 48 Pied. . . 35 32 41 39 52 Quels sont donc, en résumé, ces caractères distinctifs ? Capacité crânienne plus faible; recul du trou occipital; angle facial plus petit; précocité de la suture frontale et retard des sutures de •la base; développement des canines; brièveté du pouce; articu- lation plus lâche du gros orteil; bec de l'encéphale; un muscle de plus et un muscle atrophié; sacs laryngiens; os de la verge; volume du clitoris; différence de proportion des membres. Mais dans tous ces caractères, y en a-t-il un seul qui ait effectivement une importance capitale? Pour résoudre la question, il suffira de mettre en regard les caractères, bien autrement importants, qui distinguent les singes inférieurs des singes anthropomorphes. Crâne plus éloigné du crâne des singes anthropomorphes que celui-ci ne l'est du crâne humain (sauf pour le chrysothrix) ; for- mule dentaire différente; 24 dents de lait au heu de 20; 36 dents permanentes au lieu de 32; squelette constitué pour la station horizontale et la marche quadrupède; main appuyant par sa face palmaire dans la marche; absence des quatre caractères céré- braux indiqués plus haut; absence d'appendice vermiculaire; foie et poumon construits sur un tout autre type; présence du lobe pulmonaire azygos. L'HOMME DANS LA NATURE. 41 Cette énumération ne prouve-t-elle pas qu'il y a plus de dis- tance, au point de vue de l'organisation, entre les singes inférieurs et les anthropomorphes qu'entre ceux-ci et l'homme, et quelque organe, quelque partie qu'on prenne, on arrivera toujours au même résultat. Reste l'inteUigence. Il y a là une question d'un tout autre ordre. Personne ne nie la supériorité d'intelligence de l'homme sur le singe; mais dans une classification d'histoire naturelle l'intelligence ne peut entrer en ligne de compte et ne doit pas intervenir comme caractère distinctif essentiel. Ce serait boule- verser toute classification et introduire le chaos dans la science; le temps n'est pas venu encore où la classification organique et physiologique pourra faire place à une classification psycholo- gique. Il n'y a donc pas, au point de vue anatomique et physiolo- gique, de ligne de démarcation tranchée entre l'homme et les singes anthropomorphes; quant à savoir si cette ligne de démar- cation doit être cherchée dans les fonctions psychiques, c'est une question qui a déjà été traitée plus haut et qui reviendra à propos des fonctions cérébrales. L'homme continue donc, en la terminant, la série ininterrom- pue des êtres qui s'élève peu à peu des organismes inférieurs jusqu'à lui; il ne peut, par conséquent, être isolé du reste des êtres vivants, et les phénomènes de la vie, pour être étudiés avec fruit, doivent être étudiés, non pas chez un seul, mais compara- tivement chez tous. Les fonctions ne s'exécutent pas autrement chez l'animal et chez l'homme, et les différences qu'elles pré- sentent s'exphquent par des différences d'organisation; mais au fond les actes vitaux essentiels sont les mêmes. Ainsi la marche de l'homme diffère de la marche de tel ou tel animal, mais la contraction musculaire se fait chez tous de la même façon et d'après les mêmes lois. Il y a même souvent avantage, pour con- naître les fonctions de l'homme, à s'adresser, non pas aux êtres les plus voisins de lui dans la série, mais au contraire aux êtres les plus éloignés, aux organismes inférieurs, chez lesquels les actes vitaux sont moins com|)lexes, plus facilement observables, et peuvent aussi, grâce au microscope, être constatés directement. Mais l'observation seule ne suffit pas en physiologie. De même que les chimistes placent les corps qu'ils veulent étudier dans certaines conditions, de façon- à reproduire des réactions déjà 42 PROLEGOMENES. observées ou à en produire de nouvelles, le physiologiste cherche à déterminer dans quelles conditions, sous quelles influences se produit tel ou tel acte vital, et pour cela il reproduit les conditions, il fait agir les influences qu'il suppose pouvoir déterminer cet acte ou en faire varier le caractère; en un mot, il expérimente. C'est à l'expérimentation que la physiologie est redevable des progrès immenses quelle a faits dans ces dernières années, et quels que soient les reproches faits à certaines méthodes d'expé- rimentation et en particulier aux vivisections, il y a là une néces- sité qui s'impose aujourd'hui, comme le massacre des animaux de boucherie est un résultat nécessaire de l'aUmentation humaine. Les vivisections sont aussi indispensables aux progrès de la phy- siologie que les autopsies aux progrès de la médecine. On peut proscrire et attaquer l'abus, mais on doit en permettre l'usage, sinon toute recherche scientifique deviendrait impossible. Bibliographie. — Huxley : La place de l'homme dans la nature; traduit par Dallt, IS'iS. — Broca : L'ordre des primates (Bulletins de la Société d'anthro- pologie, lSiJ9.) — Cl. Bernard : Introd,uction à l'étude de la médecine expérimen- tale, l8o5. DEUXIEME PARTIE CHIMIE PHYSIOLOGIQUE GIUPITRE PREMIER PRIÎVCIPES CONSTITUANTS DU CORPS HliUlN 1. — CORPS SIMPLES. ,, Syva.- Poids -r, , r\oms. V, , . . Présence, boles. atomique. Hydrogène.. H. 1,00 Se rencontre dans tous les tissus et tous les liquides. Carbone.... G. 12,00 Tous les tissus et tous les liquides. Azote Az. 14,00 Dans une grande partie des tissus; en solution dans les liquides de l'organisme. Oxygène.... 0. 16,00 Dans tous les tissus; en solution dans les li- quides de Torganisme. Soufre S. 32,00 Substances albuminoïdes; sang; suc des tissus; sécrétions. Phosphore... Ph. 31,00 Sang; substance nerveuse; os; dents; liquides de Torganisme. Fluor FI. 19,00 Os; dents; sang (traces). Chlore Cl. 35,46 Tous les tissus; tous les liquides animaux. Silicium.... Si. 28,00 Cheveux; sang; bile; urine (traces); épidémie; salive; os. Sodium Na. 23,00 Sang; toutes les sécrétions; suc des tissus. Potassium... K. 39,00 Muscles ; globules rouges; substance nerveuse; sécrétions. . Calcium .... Ca. 40,00 Organes, surtout os et dents; liquides de l'or- ganisme. Magnésium.. Mg. 24,00 Accompagne le calcium. Lithium Li. 7,0^ Muscles; sflng; lait (traces, par l'analyse spec- trale). Fer Fe. 56,00 Matière colorante du sang; bile; urine; chyle; lymphe; sueur; lait. Manganèse.. Mn. 55,00 Accompagne le fer. Cuivre Cu. 63,40 Foie et bile (?). Plomb Pb. 207,00 Accompagne le cuivre (.»). 44 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. De ces éléments, les plus importants sont l'hydrogène, le car- bone, l'azote, Toxygène, le soufre, le phosphore, le chlore, le sodium, le pota*?sium, le calcium et le fer. Les proportions rela- tives de ces divers principes dans le corps humain n'ont pas encore été déterminées exactement; il n'existe pas d'analyse quantitative d'un organisme animal comme il en a été fait pour les plantes. 2. — CORPS COMPOSÉS. f 1° CORPS COMPOSÉS I>'ORGANIQUES. a. — Eau. L'eau forme environ les deux tiers du poids du corps; un homme du poids de 75 kilos contient 52 kilogrammes d'eau. Sa quantité varie, du reste, suivant les organes. Le tableau suivant^ emprunté en partie à Gorup-Besanez, donne la quantité d'eau (pour 1,000) contenue dans les principaux organes et liquides du corps humain : Organes. Eau. Email 2 Ivoire 100 Os 220 Graisse 299 Tissu élastique . . . 496 Cartilages 550 Foie 693 Moelle 697 Peau 720 Cerveau 750 Muscles 757 Rate 758 Thymus 770 Tissu connectif . . . 796 Reins 827 Corps vitré 987 Parties solides. 998 900 780 701 504 450 317 303 280 250 * 243 242 230 204 173 13 T . .j T7 Parties Liquides. Eau. g^lides. Sang 791 209 Bile 864 136 Lait 891 109 Plasma sanguin. . . 901 99 Chyle 928 72 Lymphe 958 42 Sérosité 959 41 Suc gastrique . . . 973 27 Suc intestinal . . . 975 25 Larmes. ..... 982 18 Humeur aqueuse . . 986 14 Liquide cérébro-spi- nal 988 12 Salive 995 5 Sueur 995 5 PRINCIPES CONSTITUANTS DU CORPS HUMAIN. 40 b. — Acides inorganiques. A. chlorhydrique . HCl . En combinaison avec la soude à peu prùs par- tout. Libre dans le suc gastrique (voir Suc gastrique). — Fluorhydrique. HFl . Os et dents. — Plîosphorique . PH-0* Os et dents; tous les liquides animaux. — Sulfurique . . SH-O^ Sang; suc des tissus et sécrétions. — Silicique . . . SiO- Cheveux; épiderrae; os; sang; salive; bile; urine (traces). c. — Bases inorganiques. Soude , . . Potasse . . Ammoniaque Chaux . . . Magnésie. . NaO. KO . AzH^ CaO. MgO. Sang; bile; urine; suc pancréatique; sécrétions. Muscles; globules rouges; substance nerveuse; lait et la plupart des sécrétions. Sang et urine (traces). Organes, surtout os et dents; liquides animaux. Accompagne la chaux. d. — Sels. Chlorure de sodium. . NaCl Chlorure de potassium. KCl Chlorure d'ammonium. AzH^Cl Phosphate de sodium Fluorure de calcium. . CaFl ( PhNa^O^ . PhNa-IIO^ l PhNaH-0^ f PhK^^O- Phosphate de potassium | PhK-HO'* ( PhKH-0^ ( PhCa^O* Phosphate de calcium. ] PhCa"-HO^ ( PhCaH-0^ Tous les tissus et tous les liquides. Globules du sang; muscles; subs- tance nerveuse; sécrétions. En petite quantité dans le suc gas- trique, Furine, la salive (pas cons- tant). Os; dents; sang.* Tous les tissus et les liquides, sur- tout Furine et la bile. Accompagne le phosphate de soude; existe surtout dans les globules rouges. Tous les tissus et liquides, surtout os et dents. 46 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Phosphate de magné- < PhMg-^0'* sium ' PhMg-HO^ Sulfate de sodium SO^>'a- Sulfate de potassium. . SO^K Hyposulfite de sodium. S'O^Xa Hyposulfite de potas- sium S-G^K / Tous les tissus et liquides (traces), ) surtout muscles et thymus. La plupart des tissus et des liquides (sauf le lait, la bile et le suc gas- trique). La plupart des tissus et des liquides (sauf le lait, la bile et le suc gas- trique). Urine (chatseï chiens 5 Schmiedeberg). Urine (chats et chiens ; Schmiedeberg). Le plus important de ces sels est le chlorure de sodium. Le corps humain en contient environ 200 grammes. Le tableau sui- vant donne, d'après Lehmann, la quantité p. 100 de chlorure de sodium dans les principaux liquides de l'organisme : Sang 0,421 Lymphe 0,412 ciiyle 0,531 Bile 0,364 Urine 0,332 "/o Salive 0,153 Suc gastrique (chien). . 0,126 Lait (femme) 0,087 , 2° COMPOSÉS ORGANIQUES. a. — Composés organiques non azotés. I. — ACIDES ORGANIQUES. A. carbonique . . co- . Sang et la plupart des liquides (absorbé à rétat de gazi; os et dents. — formique . . . CH-O- . Rate ; muscles ; pancréas ; thymus ; sueur; sang; urine. — acétique . . . C-H^O- . . Rate: muscles. — propionique . . C-^H«0- . , Sueur: bile. — butyrique . . . C^H^O- . . Rate; muscles; sueur; urine; sang; contenu de Testomac et des intes- tins; excréments. — caproïque . . . C«H'-0- . . Sueur. — caprylique. . . C-^H'^O-. . Sueur. — caprique . . . C'«H-«0-. . Sueur. — palmitique. . . G'«IP-0-. . Graiise; sérum du sang. PRINCIPES CO>'STITUA-\TS DU CORPS HUMAIN. 47 A. stéarique . . — oléique. . — lactique. . — paralactique -r- oxalique . — succinique. — taurylique. — damalurique — cholalique. — choloïdique — phosphoglycéri- que . . . . C^H*^0^ . C^H^O^ . C-H-0' . C^H«0'' . C-HH) . C'H'-O- . C-''H^oO\ C-'H^^O'*, C^H^PhO'^ Graisse; sérum du sang. Graisse; chyle. Suc des glandes: urine; lait; sueur; suc gastrique (?). Suc musculaire. Urine (sédiments; à l'état d'oxalate de chaux). Rate; thymus; thyroïde; sang; salive; urine (traces). Urine, surtout do vache et de cheval (Stsedeler). Urine, surtout de vache et de cheval (Stcedeler). Contenu de l'intestin grêle; excréments. Excréments. iSubstance nerveuse^ muscles ; sang ; I urine; transsudats. II. — GLYCOGÈNES ET SUCRES. „ ^ , , , (Foie: muscles; peau et chorion de rem- Substance g VCO- r^Rrrinn- ' i i v i j i i u /tt &. i C^H'^0'. . '. hrvon; globules de la Ivmphe Hoppe- gene \ c \ ^ . i \ ir ® ' ' Seyler). Glycose C^H'-O'^ . Foie; sang; chyle; lymphe. Sucre musculaire . (?) Muscles. Inosite C®H'"-0''+2H-0 Muscles; foie; rate; poumons: reins; cerveau; capsules surrénales. Sucre de lait. . . C'-H-O^'+H-OLait. III. — GRAISSES. Stéarine C^'H»'«0« ] ^ . ,• ' , ,■ -, Palmitine .... C^»H*«0« ' ^''^'^^'-'^ ^'^'^"^^ ^^"^ ^^^ liquides, sauf Oléine QÔ7JJ1Û406 ^ lu'' ine. La quantité de graisse du corps peut être évaluée à 2 kilo- grammes euTiron (à trente ans). Elle se répartit ainsi : Cartilage Os. . . Cristallin Foie . . Muscles. 1.3 »'o Cheveux 4,-2»;o 1.4 Cerveau 8,0 2,0 Moelle épinière 23.6 2,4 Tissu graisseux 82,7 3,3 Moelle des os 9G,0 48 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. IV. — ALCOOLS ET AUTRES CORPS. Alcool. . . Glycérine . Phénol. . . Cholestérine Excrétine . Dyslisine . C-H«0. . . C'^H^'O^ . . C«H«0 . . C^«H''*04-H-0 C^-°H3«0(?). . G-''H"03 . . Urine (Béchamp). Graisses. Urine (Hoppe-Seyler). Substance nerveuse; tous les liquides. Excréments. Excréments. sang; presque b. — Composés organiques azotés. L — ACIDES. A. oxalurique. . . — urique . . . . — hippurique. . . — inosique . . . — cryptophanique. — g'iycocholique. . — taurocholique. . — sulfocyanhydri- que . . . . G'HUz^O^. . C='H"Az03 . . G'°H'^Az^O". G'OH'»Az-0'o. G"H"AzO« . G"H"AzSO\ GAzHS . . Urine (Schunk et Neubauer). Foie; rate; poumons; pancréas; cev- veau; sang; urine. Urine des herbivores. Suc musculaire. Urine. Elle; urine (traces; Dragendorff). Bile; urine (traces; Dragendorff). Salive parotidienne. II. — BASES, AMIDES ET CORPS NEUTRES. Urée GH^Vz-0 . Gréatinine. . . . C'H^Az^O . Sarcine G'H^\z''0 . Guanine C'H^Vz^O . Gréatine G'^H^Vz^O-. Xanthine .... G'H'Az''0-. Leucine G«H•3Az0^ Urine; sang; transsudats; lymphe; foie; sueur. Urine. Muscles; rate; foie; capsules surré- nales. Pancréas; foie. Muscles; substance nerveuse; sang; transsudats. Urine; foie; rate; pancréas; thymus; cerveau ; muscles. Pancréas ; rate ; thymus ; thyroïde ; glandes salivaires; foie; reins; cap- sules surrénales ; substance ner- veuse; glandes lymphatiques. l'RLXCIl^ES CONSTITUANTS DU CORPS HUMAIN. 49 Allantoïne .... C'H'^Az'O^ Tyrosine C^H"AzO^ Cérébrine .... C'H^^VzO^ Diamide lactylique. C^H\\z-0 Niiphtylamine. . . C'^fl^Az IndoK C«H^\z Triméthylamine . . C'H'Az Stercorine. . . Sub«itaiiees sulfurées. Cystine .... Taurine, Substances phosphorées. Lécithine . . . (?) C^HîAzSO- . C-H"AzSO^ . C^^H^^AzPhO^ Urine; eau de l'amnios. Rate; pancréas. Substance nerveuse. Urine (BaumstarJi). Excréments. Excréments. Urines normales (Qessaignes; (jau- thier). Sang (Boudet) ; excréments (Flint). Urine ^quelquefois); sueur (quelque- fois). .Muscles: poumons. Presque tous les liquides; substance nerveuse; sperme. Protagon. ... . C"«H-^'Az^PhO"(?) Presque tous les liquides; substance nerveuse; sperme. Carbonate de sodium. . . Carbonate de potass'ium . . Carbonate de calcium . . Carbonate de magnésium . Hippurate de sodium. . . Hippurate de calcium . . Urate de sodium . . . . Urate de potassium . . . Oxalate de calcium. . . . (jlycocholate de sodium. . Taurocholate de sodium. . Su'focyanure de potassium. BeauxNis, Phvs. III. — SEL s. CO^Xa- . . Sang et urine des herbivores et omnivores. CO^K . . Sang et urine des herbivores et omnïTores. CO'Ca . . Os; dents; otolithes; urine d'her- bivores. CO^Mg . . Urine dherbivores. C»H\\aAzO^ Urine d'herbivores; urine d'hom- me (traces). C^H^CaAzO^ Urine d'herbivores; urine d'hom- me (traces). C'HWaAz'O Urine; sang: rate; foie; pan- créas; poumons; cerveau. C'H^KAz'O' Urine; sang; rate; foie; pan- créas; poumons; cerveau. C-HCaO' . Urine sédiments). C-'^H'-NaAzO^ Cile. C-'^H''\\aAzSO^ Bile. CyKS- . . Salive. , ^0 CHIMIE l'IIYSIOLOGIQUE. IV. — MATIÈRES COLORANTES. Hématine C^«H"'-Az«-Fe30'*'(?rSang. Bilirubine CI'^H'^Az-O^ . Bik. Eiliverdine C'«H-«Az-0'. . Bile. Urobiline . C^-H''<'Az*0'. . Urine; excréments. Indican G-^H^'AzO''. . Urine; sueur. Lutéine (?) Vitellus; corps jaunes; ma- tière colorante jaune de la graisse et du sérum (?j. Mélarine (?)' l'igment. V. — SUBSTANCES ALBUMINOIDES. Albumine du sérum . . . Sang: lymphe; chyle; sérosité; suc musculaire; colostrum. Albumine de Tœuf. Vitelline Yitellus; cristallin. Myosine Suc musculaire; protoplasma. Fibrinogène Plasma sanguin et lymphatique; sérosités. Paraglobuline Sérum; plasma; globules sanguins; lymphe; chyle; sérosité (quelquefois); cristallin. Fibrine Sang ; lymphe ; chyle. Caséine Lait: jaune de l'œuf; sérum; chyle; suc mus- culaire. Syntonine Tissu musculaire. Substance amyloïde . . . Cerveau ; moelle. Peptones ....... Contenu de Testomac et de Tintestin; produit de la digestion des albuminoïdes. Hémoglobine Globules rouges; muscles (?). Mucine Certaines sécrétions. Kératine Épithélium; épiderme; ongles; cheveux. CoUagène et glutine . . .Os ; tissu connectif. Chondrigène et chondrine. Cartilages. Les matières alLuminoïdes se répartissent ainsi dans les diffé- rents liquides et tissus de l'organisme (Gorup-Besanez) : Liquides. . ..ArF^^'l- Tissus. , nA.f °"V ^ 1,000 parties. l,00u parties. Liquide cérébro-spinal. 0.9 Moelle 74,9 Humeur aqueuse . . . 1,4 Cerveau 86,3 PRLXCirES CO.XSTITl'AATS DU COPa'S HIMALX. 51 Liquides {suite). i^oQO finies. tissus (suite). j^ooo'paTties. Eaux de Tamnios. . . 7,0 Foie 117,4 Suc intestinal .... 9.5 Thymus (veau) r2-2.0 Sérosité péricardique. . 23.6 OEuf de poule 134,3 Lymphe 24,0 Muscles 101,8 Suc pancréatique. . . 33,3 Tunique arférielle moyenne. 273,3 Synovie 39,1 Cristallin 383,0 Lait 39,4 Chyle 40,9 Sang 195,6 VI. — FERME>"T'S. Ces ferments se présentent dans presque tous les sucs digestifs, salive ferment salivairei, suc gastrique ipepsinei, etc. APPENDICE. — CARACTÈRES ET RÉACTIONS DES PRINCIPALES SUR- STANCES ORGANIQUES CONSTITUANTES DU CORPS HUMAIN. Acide acétique. — C"-H*0-. Cristaux transparents.feuilletes.se changeant à 17" C. en un fluide incolore, d'une odeur piquante caractéristique et d'une saveur très-acide ; volatil sans résidu. Ne précipite pas par le perchlorure de fer; raais si on sature l'acide par l'ammoniaque, la liqueur devient rouge foncé (acétate de fer). Précipité blanc cristallin par le protonilrate de mercure. Acide benzoïque. — C'H'^0-. Aiguilles soyeuses, fusibles à 120°. se volatilisant à 150°; peu soluble dans l'eau froide; soluble daus ralcool et l'éther. (Sa présence dans les urines normales est dou- teuse.) Acides l)iliaires. — Ils sont au nombre de deux : acides glycoclio- lique et taurocholique. (Voir ces noms.) Reaction de Pettenkofer. — Ajouter au liquide quelques goutt'es d'une solution au '/^ de sucre de canne et quelques gouttes d'acide sulfurique concentré en maintenant la température à -h 70'' en- viron; il se produit une coloration rouge-cerise, puis pourpre. La présence de substances albuminoïdes empêche la réaction. R. de Bogomoloff. — Évaporer à siccité la solution alcoolique des acides biliaires; étaler le résidu le plus possible et le mouiller avec une à trois gouttes d'acide sulfurique concentré, puis ajouter une goutte d'alcool; il se produit des zones de coloration jaunes, orangées, rouges, violettes et indigo, en allant du centre à la péri- phérie. Cette réaction serait plus sensible que la précédente. 52 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. R. de Slrassburg. — Tremper un morceau de papier à filtrer dans le liquide (urine, par ex.) mélang-é d'abord de sucre de canne; le laisser sécher; faire tomber dessus une goutte d'acide sulfu- rique concentré pur qu'on laisse couler; après V4 de minute, à la lumière transmise, on a une belle coloration violette. Les sels alcalins des acides biliaires, tels qu'on les trouve dans la bile, dissolvent la cholestérine; ils détruisent les globules san- guins et ont la propriété de dissoudre et d'émulsionner les graisses. Acide butyrique. — C^H'O"-. Liquideincolore, d'odeur vinaigrée (de beurre rance, quand il est impur); soluble dans l'eau, l'alcool et l'étber; volatil à IGO". 11 précipite de ses solutions concentrées par le chlorure de calcium en g-outtes huileuses. Chauffé avec de l'alcool et de l'acide sulfurique, il donne dubutyrate d"éthyle (odeur de fraise). Acide capriqiie. — G'°H"-*'0"-. Solide, d'odeur de sueur; fusible à + 70° ; un peu soluble dans l'eau ; miscible à l'alcool et à l'éther en toutes proportions; le caprate de baryte est à peu près insoluble dans l'eau froide. Acide caproïque. — C^H'-O"-.^ Liquide incolore, huileux, d'odeur de sueur; volatil à 202°; presque insoluble dans l'eau; miscible à l'al- cool et à lether en toutes proportions; le caproate de baryte se dissout dans 12 parties d'eau froide. Acide capryBiciwe. — C'~H''^0"-. Liquide onctueux, d'odeur de sueur; cristallise à+ 12°; insoluble dans l'eau ; miscible à Talcool et à l'éther en toutes proportions; le caprylate de baryte est so- luble dans 125 parties d'eau froide. Acide carboliqiie. — Voir: Phénol. Acide cérébrifiiie. — Voir: Cérébrine. Acide cEiolalîqiie. — G-^H^^G'. Amorphe ou cristallise en prismes- quadrangulaires (solution éthérée) ou en octaèdres ou tétraèdres (solution alcoolique). Chauffé à 190° à 200°, il se décompose eu dyslysine et en eau : G-'H-^O^ = C-'H^^O^ + 2H-0. Acide clioléiqiie. — Voir: Acide taurocholique. Acide clfioliqiie. — Voir : kcide glycocholique. Acide clioloïdifiiie. — G"-''H"''0'. Serait un mélange d'acide chola- lique, de dyslysine et d'acides biliaires. (Hoppe-Seyler.) Acide cryplopliaiiiqiie. — G'^'H'^Vz-0"\ Acide faible, transpa- rent, peu coloré, auquel Tudichum attribue l'acidité des urines. Aci«le damalurlque. — G'H'"-0"-. Liquide huileux, plus dense que l'eau; insoluble dans ce liquide. (Sicedeler.) Acide excréloléîqtie, — Substance granuleuse, de couleur olive, d'odeur de fécule; fond de 25° à 2G"; insoluble dans l'eau; soluble dans l'alcool chaud et l'éther; se dépose quand on abandonne au- dessous de 0° une solution alcoolique d'excrétine. Acide foriuiqtie. — CH-0-. Liquide incolore, d'odeur forte et PRINCIPES CONSTITUANTS DU CORPS HUMAIN. 53 piquante; volatil à 100°, sans résidu ; ne précipite pas par le nitrate de mercure ; chauiïé avec de l'acide sulfurique concentré, il se décompose en eau et en oxyde de carbone : CH-0- = CO + H-0. Acide glycoclioliqiie. — C^H'^AzO''. Longues aiguilles minces, incolores, de saveur sucrée., presque insolubles dans l'eau froide et dans l'éllier, solubles dans l'eau chaude et l'alcool, et dans les solutions alcalines; dévie à droite la lumière polarisée. Par la baryte, il se décompose en acide cholalique et glycocolle : C-'^H'-^AzO'' + H-0--C-'ir"0"^ + C-HUzO"-. Par l'ébullition avec les acides sulfurique et nitrique étendus, il se décompose en acide clioloïdique cl glyco- colle: C-'''E''^XzO'''— C-^H''*0'* 4- C"-HUz0-. 11 forme avec la soude un sel qui cristallise en aiguilles facilement recounaissables. Fig. 4. — Acide hippurique. Acide hippiariqiie. — C"IPAz0\ Gros cristaux, blancs, dnrs, pris- matiques ifig. 4), à 4 pans. Inodore, d'un goût faiblement amer ; 5i CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. soluble dans Teau et l'alcool, surtout chaud; à peu près insoluble dans l'étlier. Par raction des acides, il se dédouble en acide ben- zoïque et glycocolle : C^H^AzO^ + H-0 = C'H«0- + C-H^AzO-. On l'obtient par synthèse avec le chlorure de benzoïle et la glycocolle zincique : C'H'ClO + G-H^ZnAzO- = C^'H^\zO^ -h ZnCl. (Dessaignes.) Réactif de Luc/ce. — Évaporer la substance à examiner avec un excès d'acide nitrique et chauffer le résidu ; il se dégage une odeur d'amandes amères ; cette réaction lui est commune avec lacide benzoïque Acide înosiqiie. — C'H'^Az^O" (?). Liquide sirupeux, acide, d'odeur de bouillon; soluble dans Peau; solidifié par Palcool. Ses sels sont cristallisables, solubles dans Peau (sauf les sels métalli- ques), insolubles dans Palcool et Péther. Acide lactique. — C^H*^0\ Liquide sirupeux, incolore, inodore, de saveur fortement acide; soluble dans Peau, Palcool et Péther. ChaufTé avec du carbonate de chaux ou de zinc, il donne des lactates de chaux et de zinc reconnaissables à leurs cristaux: cristaux prismaliques à 4 pans, avec facettes sur les angles (zinc); sphérulcs composées d'aiguilles très-fines (chaux). Acide marg^arique. — Mélange d'acide palmitique et d'acide stéarique. Acide oléiqiae. — C'H^'O-. Liquide huileux, jaunâtre, inodore, insi- pide, insoluble dans l'eau, soluble dans Palcool, Péther et le chlo- roforme ; fond à -f- 1 4° ; à 4- 4'' se prend en masse cristalline. L'oléate de plomb est soluble dans Péther (caractère distinctif des oléates et des stéarates^. Acide oxalique. — C-H-0'. Cristaux blancs, de saveur aigre, so- lubles dans l'eau. Décomposé par l'acide sulfurique en acide car- bonique et en oxyde de carbone : C-H-0* = CO- H-CO -f-H-O. L'oxa- late de chaux cristallise en octaèdres téfragones et qui rappellent par leur forme une enveloppe de lettre {fig. 5, page 55). L'acide oxalique peut être formé par Poxydation incomplète de Pallantoïne et de Pacide unique. Acide oxaltiriqiie. — C'H'Az-0'. Cristaux fins en masse pulvéru- lente. L'oxalurate d'ammoniaque est peu soluble dans Peau froide, soluble dans Peau chaude; le nitrate d'argent en précipite des aiguilles soyeuses d'oxalurate d'argent, solubles dans Peau chaude et dans l'ammoniaque. Acide palmitique. — C'*=H^-0"-. En masses cristallines, inodore, insipide; fusible à -t- 62°; insoluble dans Peau, soluble dans Pal- cool; très-soluble dans Palcool bouillant, Péther et le chloroforme. Acide paralactique. — C^H'^O'. Isomère de Pacide lactique. H s'en distingue par la solubilité de ses sels qui contiennent m-oins d'eau de cristallisation; le paralactate de chaux est moins soluble que le lactate ; le paralactate de zinc, par contre, est plus soluble. PRn'CIPES CONSTITUANTS DU CORPS IIU.MAIX. 00 Acide pliénique. — Voir : Phénol. Acide pliOfspliog:lycérifiue. — G^IPPhO«. Liquide sirupeux, se décompose facilement par la chaleur en glycérine et acide plios- Fig. 5. — Oxalale de chaux. (Voir page 54.) phorique. Ses sels de baryte et de chaux sont solubles dans Tcau froide, insolubles dans lalcool absolu. Acide piieuBiiique. — Mélange d'acide lactique et de taurine. Aeifle propioiticiiie. — Cil ''G'-. Liquide incolore, d'une odeur analogue à l'acide acétique ; volatil à I4"2° ; soluble dans l'eau, dont le chlorure de calcium le précipite en gouttes huileuses. Traité par l'alcool et l'acide siilfurique, il dégage une odeur de fruit, due au propionate d'éthyle. Le propionate de sodium est bien plus soluble que l'acétate. .-ûcide sarcoflactfciue. — Voir: Acide paralactique. Acide stéarifiue. — C'^H^'^O-. En masse cristalline, blanche, ino- dore, insipide; fusible à G9'',2, insoluble dans l'eau, moins soluble dans l'alcool que l'acide palmitique, soluble dans l'alcool bouillant, l'élher et le chloroforme. Le stéarate de plomb est insoluble dans l'éther. Acide fiiuccinîque* — C''H''0''. Cristallise en aiguilles à 6 pans on en tables hexagonales. Incolore; volatil à 120° avec production de A-'apcurs sutl'ocantes de saveur et d'odeur spéciales; fond à 180*; soluble dans 23 parties d'eau froide, plus soluble dans l'eau chaude; soluble dans l'alcool ; presque insoluble dans Péther. En présence des sels d'.urane, sa solution aqueuse, exposée aux rayons solaires, se décompose en acide propionique et acide carbonique. Acide siiiirocyaiihydrique. — CÂzHS. Les sulfocyanurcs alca- lins sont très-solubles dans l'eau et dans l'alcool. Ils donnent avec le perchlorure de fer une coloration rouge caractéristique, mais seulement dans les solutions acides. 56 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. R. de Bdttfjer. — Il bleuit un papier imprégné de teinture de gayac, puis trempé après dessiccation dans une solution de sulfate de cuivre au ^/looo- Acide tauroeliolîqtic.— C-''H''AzSO'. Poudre blanche, amorphe, très-amère. soluble dans Peau et l'alcool, insoluble dans l'élher. Par Peau de baryte et la chaleur, il se dédouble en acide cholalique et taurine :C-«H'^AzSO" + H-0=:C-^H««0' + C-H^VzSO\ Par les acides il se décompose en acide choloïdique et taurine: C-*=H'UzSO^ = C-''H3«0'''-4-C-H"AzS0\ Les taurocholates alcalins sont neutres, d'une saveur sucrée, puis amère, solnblcs dans l'eau et dans Palcool. Acifle taurylique. — C'H'O. Isomère de l'alcool benzilique. Se distingue du phénol par son puis haut point d'ébullition et parce qu'il se solidifie en masse cristalline par l'acide sulfurique con- centré. (Stœdelcr.) Aoirte iirîquo. — C'H''Az'*0\ Poudre cristalline; incolore quand il est pur, mais ordinairement coloré en jaune ou en brun. Cristaux microscopiques; tables rhomboédriques, prismes à 4 pans ou lames à 6 côtés [fig. G). Insipide, jnodorc; très-peu soluble dans Peau; insoluble dans l'alcool et dans Péther. l'ig. 6. — Acide uiiqne précipité par l'acide acétique. Transformations de l'acide vrique. — Par l'eau bromée il se transforme en urée et alloxane : G'H'*Az'0^ + Br- H- 2H-0 = CH'Az-O H- C'H-Az-0' -f- 2HBr lE. Hardyi; l'alloxane donne par Poxydation de Purée et de Pacide carbonique : G^H-Az-O' -f- 20 -+- H-0 = CH'Az-O -f- 3C0-. Bouilli avec de Peau et de l'oxyde de plomb, Pacide uriqiie donne de Pallantoïne et de l'acide carbonique : C^H-Az-'O^ -h H-0 + 0 = G*H«Az^0'^ ■\- C0-. Dans de certaines conditions d'oxydation, il donne de Pacide oxalurique, C^H^\.z-0''. L'ozone le transforme directement en urée, acide carbonique et ammoniaque. (Gorup-Besanez.i Les urates sont en général acides et peu solubles. Les acides PRINCIPES COXSTITI'A.NTS DU CORPS HUMALV. 57 acétique et chlorhyJrique en précipitent l'acide urique sous forme cristalline. L'y. rate acide de soude se trouve, dans les sédiments urinaires, en poudre amorphe et en petites sphères recouvertes de prismes aiguillés. Vurate acide d'ammoniaque est en poudre amorphe, fon- cée, grenue. L'urate acide de chaux constitue une poudre blanche, amorphe, difficilement soluble dans Teau. Reactions de V acide urique. — T Mettre un peu de la substance à examiner dans un verre de montre, ajouter deux gouttes dacide nitrique, chauffer et évaporer à siccilé. Si la substance est de l'acide urique, elle se dissout dans l'acide nitrique et donne par l'évapo- ration un résidu jaune, puis rouge, qui devient rouge-pourpre si on y ajoute une goutte d'ammoniaque caustique, et bleu violet si on ajoute de la soude ou de la potasse. 2' Dissoudre la substance à examiner dans un peu de solution de soude, et ûltrer; ajouter au liquide du chlorhydrate d'ammo- niaque en excès ; il se fait un précipité durate" d'ammoniaque qui. par l'addition d'acide chlorhydrique, laisse déposer des cristaux d'acide urique. 3^ Examen microscopique des cristaux. Albuminale basiqne. — Desséché, se gonfle dans l'eau sans se dissoudre: mais se dissout dans l'acide acétique et les solu- tions alcalines. Précipité en flocons, il se dissout dans l'eau légè- rement alcaline et donne les réactions delà caséine du lait. Sa solu- tion précipite par l'acide carbonique et ne précipite pas par l'alcool. L'acide chlorhydrique étendu le transforme en syntonine. Il est probablement identique à la caséine. Albumine acide. — Voir: Syntonine. Albumine de l'ceuf. — Mêmes caractères que l'albumine du sérum ; mais se dissout à peine dans l'acide nitrique concentré ; dyalisée, elle ne précipite pas par 1 éther. Albumine du sérum. — Desséchée, substance jaune clair, transparente, vitreuse, soluble dans l'eau ; la solution est un peu visqueuse, opalescente et légèrement fluorescente. A 70", la cha- leur la coagule; à moins que la solution ne soit très-alcaline. Dans cette coagulation, il reste toujours dissoute une petite quantité d'albuminate alcalin, et le liquide même devient alcalin. D'après Ma- thieu et Urbain, l'acide carbonique dissous dans l'albumine se com- bine avec elle sous Tinfluence de la chaleur et serait la cause de la coagulation. Les solutions d'albumine, privées d'acide carbonique par le vide, deviendraient incongulablcs. L'alcool la précipite de ses solutions; les acides carbonique, acétique, tartrique, phospho- rique, les acides étendus, ne la précipitent pas; les acides con- centrés la précipitent, spécialement les acides azotique, métaphos- phorique, picrique, le phénol et le tannin. Les alcalis la transforment 58 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. en albuminate basique. Elle se dissout dans l'acide nitrique con- centré. La plupart des sels métalliques la précipitent. En la privant de tous ses sels par le dyaliseur, elle ne précipite plus par la cha- leur et par l'alcool (Aronstein), mais elle précipite par l'étlier. Privée de ses sels volatils, et spécialement du carbonate d'am- moniaque, par le vide absolu, elle se transforme en une substance identique aux substances fibrinogène et fibrino-plastique. Main- tenue plusieurs jours dans le vide à des températures de 40" à 60*^, elle abandonne des quantités considérables de gaz consistant sur- tout en acide carbonique, hydrogène, et une petite quantité d"azote. (^Gréhant ; fermentation butyrique ?) Elle dévie à gauche la lumière polarisée. Albciniiiioïdes» (mafières). — Caractères généi-aux des ma- tières albuminoides. — Elles contiennent toutes de l'azote et du soufre; leur constitution chimique oscille autour de la moyenne suivante: G^^H'Az"'0--S' p. 100. Amorphes; solubilité dans l'eau et les acides variable; ordinairement solublcs dans les alcalis ; inso- lubles presque foutes dans Falcool ; insolubles dans Péther. Les solutions aqueuses sont neutres. Elles sont fixes ; elles brûlent avec une odeur de corne brûlée en dégageant des produits ammoniacaux et laissent un résidu de cendres qui consiste surtout en phos- phate de chaux. Abandonnées à elles-mêmes, elles se décompo- sent très-facilement. Calcinées avec la potasse ou bouillies avec l'acide sulfurique, elles faurnissent de la leucine et de la tyrosine. L'acide azotique concentré, à chaud, les transforme en un' corps jaune, acide xanthoprotéique. Traitées par les acides, les alcalis, ou par la décomposition putride, elles donnent les produits de dé- composition suivants: acides gras volatils, acides oxalique, acétique, formique, valérianique, fnmarique, asparagique, Jeucine, tyrosine, ammoniaque, etc.; parles oxydants, acides formique, acétique, pro- pionique, butyrique, valérique, caprique, benzoïque, les aldéhydes de ces acides, bases organiques volatiles, acétonitrile. valéronitrile et propionitrile. Elles dévient à gauche la lumière polarisée. Elles sont précipitées de leurs solutions par un excès d'acides minéraux forts, par Pacide acétique ou chlorhydrique et le ferro- cyanure de potassium, l'acétate basique de plomb, le bichlorure de mercure, le tannin, le carbonate de potasse en poudre. Réactions des matières albuminoides. — 1° Chauffer le liquide et ajouter de l'acide- nitrique jusqu'à réaction fortement acide; il se fait un précipité qui ne change pas par l'addition d'acide 2° Ajouter de Pacide acétique jusqu'à réaction fortement acide, mélanger avec un volume égal d'une solution concentrée de sulfate de soude et chauffer jusqu'à l'ébullilion; les albuminoides sont précipités. PRINCIPES CONSTITUANTS DU CORPS HUMAIN. 59 Quand les quantités de substances albuminoïdes sont très-faibles, on peut employer les réactions suivantes : l'' jR. de Piotrowski. — Le liquide se colore en violet si on le cliaufle avec une solution de soude ou de potasse avec addition de une ou deux gouttes de sulfate de cuivre. 2° En cliauffant avec l'acide nitrique concentré, le liquide prend une couleur jaune, qui passe au rouge-orange par l'action des alcalis {R. xanthoprotéiqué). 3° R. de MilloH. — On prépare le réactif de MlIIon en dissolvant à froid 1 de mercure dans son poids d'acide azotique concentré ; on achève la solution en chauffant légèrement; on ajoute 2 volumes d'eau distillée et on décante. Ce réactif doiuie avec les liquides albu- mineux une coloration rouge, plus prononcée si on chauffe jusqu'à 60° ou 70°. Classification des matières albuminoïdes : Albumine de l'œvf. l'a. Coagulahles par la chaleur . . . .'Albumine du \ I sérum. 1° Albumines soin-) [Paralbumine. blés dans Teau.u jncoagulables par la chaleur . . . Peptones. \c. Décomposée par la chaleur .... Hémoglobine. VitelUne. fa. Soluhles dans le chlorure de ?>oàmm) Mijosine. étendu iFibrinogène. [Paraglobuline. 2° Albumines inso-! (Fibrine. lubies dans reau.\ /aa. Insolubles dansL4/6j/m/«e coa- l les acides éten-^ gulée. Insolubles dansl ^"S \Substance le chlorure dei l <^mloide. sodium étendu. .,, ^ ? n j r> \bb. boîubles dans Caserne. Tacide chlorhy-^ Protéine. drique .... [sijnlonine. l Substance chondrigène et chondrine. 0° Dérivés des m?L-\substance collagène et gélatine. tières a]bum]no\-.Mucine. des jh'ératine. ^Éiastine. 4° Ferments solu-/ ^ Kl : Pepsine, ferment salivaire, etc. 60 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Albuniinose. — Voir: Peptones. Alcaploiie. — Corps nmorplie, jaune pâle, analogue à la glucose, soluble dans l'eau et dans ralcool ; réduit l'oxyde de cuivre; chauffé avec la cLaux sodée, dégage de l'ammoniaque. Alcool. — C-H^O. Pour déceler des traces d'alcool dans un liquide, on le distille ; le produit est condensé dans un récipient refroidi et redistillé avec du carbonate de potasse sec. On fait alors avec qifei- ques gouttes de produit les essais suivants : 1° On a une coloration verte par le bichromate de potasse et l'acide sulfurique. 2° On promène sur les parois du ballon condensateur 1 à 3 cen- timètres cubes d'acide sulfurique concentré et 2 à 3 gouttes d'acide butyrique ; il se dégage une odeur de fraise (bulyrate d'élhyle). Allantoïne. — G'H*^Az^O^ Petits cristaux transparents, prismati- ques, inodores, insipides; neutre; soluble dans l'eau froide (IGOpar- ties); insoluble dans l'alcool froid et l'éther; soluble dans l'eau et dans Palcool bouillants et dans les carbonates alcalins. La solution ammoniacale de nitrate d'argent en précipite des flocons blancs (Combinaison d'oxyde d'argent et d'allantoïnei qui se transforment en grains par le repos; l'argent se réduit si on chauffe ce précipité à 100°. L'ozone transforme les solutions alcalines d'allantoïne en urée et acide urique. Sous l'influence des alcalis, l'allantoïne se dé- double en acide oxalique et ammoniaque: G^H^Az^O-^ + 5H-0 = 2G-H-0* H- 4AzH\ Chauffée avec l'eau acidulée, elle se transforme en uréectacideallanturique:G'H«Az'0^+H-0= CH^Az-O + C^H'Az-O^; l'acide allanlurique lui-même, en s'oxydant. donne de l'acide oxa- lique et de l'urée: C^HUz-O^-h H-0 + 0 = C-H-0' -{- CHUz-0. Ammoiiiaque. — AzH^ Ses sels donnent avec le réactif de Nessier un précipité brun ou une coloration jaune. Le réactif de ^'essler se prépare de la façon suivante: On dissout 2 grammes d'iodure de potassium dans 50 centimètres cubes d'eau et on ajoute du biodure mcrcurique jusqu'à ce qu'il ne s'en dissolve plus; on laisse refroidir; on étend de 20 centimètres cubes d'eau; on mé- lange 2 parties de cette solution à 3 parties d'une solution concen- trée de potasse et on Gltre. Amyloïflc (oiatière). — C'^'^H'Az'^O-'S (?i. Amorphe, insoluble dans l'eau, l'alcool et l'éther. La teinture d'iode la colore en ronge- brun foncé, ce qui la rapproche de la matière glycogène; mais elle s'en distingue parce qu'avec l'acide sulfurique et la chaleur, elle ne donne jamais de glucose. Par l'acide sulfurique concentré et l'iode elle donne une coloration violette. Elle appartient aux sub- stances albuminoïdes et ne doit pas être confondue avec les cor- puscules amyloïdes de la substance nerveuse qui sont analogues à l'amidon et bleuissent par 1 iode. Bilifiisciiic. — C'«H-V.z-0'' Poudre brune, presque noire, brillante. l'RIXGIPES COXSTITUA.XTS DU COUPS HUMAl.V. 61 à peine soluble dans Teau, Télher et le chloroforme; soluble dans ralcool avec une coloration brnne ; soluble dans les alcalis avec une coloration brun-roug-e. Sa solution alcaline est jorécipitée en briai par les acides. Biliprasinc. — C^H-'-Âz-O''. Poudre verl foncé ; presque noire, bril- lante; insoluble dans l'eau, Téther, le chloroforme; soluble dans L'alcool avec une coloration verte qui devient brune par l'addition d'alcalis. Sa solution dans les alcalis est précipitée en vert par les acides. Elle se comporte avec l'acide azotique comme les autres ma- tières colorantes de la bile (sauf la coloration verte). Bilirubine. — G'^H'^iz-O'. En poudre amorphe, orangée, ou en cris- taux prismatiques, ou en tables rhomboédriques. Insoluble dans l'eau; très-peu soluble dans l'éther; un peu plus soluble dans 1 al- cool; très-soluble dans le sulfure de carbone, le chloroforme, la benzine ; ses solutions sont jaune d'or. Pi. Maly l'a transformée artificiellement en urobiline. R. de Gmelin. — L'acide azotique pur, renfermant des traces d'acide rutilant, ajouté avec ménagement, produit une succession de teintes dans l'ordre suivant : verte, bleue, violette, rouge et jaune; la teinte verte doit toujours se produire. Bili verdi ne. — G'^H-'^Az-O'^ i?). Poudre amorphe, vert foncé, ou ta- bles rhomboïdales vertes. Insoluble dans l'eau, l'éther et le chlo- roforme; soluble dans l'alcool avec une coloration vert bleuâtre; soluble dans les alcalis avec une teinte verte ; les acides précipitent de la solution des flocons verts. Elle donne la réaction de Gmehn. Butaianine. — G'Il"AzO-. Homologue de la leucine et de laglyco- coUe. Gristallise en prismes incolores peu solubles dans l'eau et l'alcool. Trouvée par Gorup-Besanez dans la rate elle pancréas du veau. Cariiine. — C'H^Vz''0\ Grains cristallins, crayeux, peu solubles dans l'eau froide, insolubles dans l'alcool et l'élher. Saveur d'abord insi- gnifiante, puis amère. Par l'eau bromée elle se transforme en sarcine. Théoriquement, elle peut être considérée comme constituée par la sarcine et l'acide acétique : G'H'Az^O^ = C'H'Az = 0-t-G-H'0-. Elle a été retirée par Weidel de l'extrait de viande. Caséine. — Insoluble dans l'eau; soluble dans l'eau légèrement alcalinisée ; sa solution n'est pas coagulée par la chaleur; soluble dans Pacide chlorhydrique très-étendu ; moins dans l'acide acétique étendu. Ses solulions sont précipitées par l'alcool, le sulfate de ma- gnési4m, Ip chlorure de calcium, les sels métalliques. Par une ébul- lition prolong-ée avec Peau, elle donne de l'acide lactique et de la créatinine. (Meissner.) Céréiirine. — C'H^'AzO^ i?). Poudre blanche, hygroscopiquc, qui brunit quand on la chaufTe à 80°; se gonfle dans l'eau; insoluble dans l'alcool et réilier; soluble dans l'alcool bouillant. Xc se dé- 62 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. compose que très-lentement et incomplètement par la coction avec l'eau de baryte icaractère distlnctif d'avec la lécithinë). Cérébrofe de Couerbe. Paraît être du protagon. Cliolestérine. — G'-'^H'''*0 4-H-O. Cristallise en tables minces, rliom- boédriques, nacrées, à bords souvent irrégulièrement èchancrés. IN'eutre, insipide, inodore; fond à 135°; insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool bouillant, l'éther et le chloroforme, non saponifîable par la potasse. Elle se colore en rouge par l'acide sulfarique et en bleu ou en violet par l'iode additionné d'acide sulfurique con- centré. Réactif. — Dissoudre dans le chloroforme ; ajouter un égal vo- lume d'acide sulfurique concentré et agiter; le liquide prend une couleur rouge-sang, puis rouge-cerise pourpre qui persiste plu- sieurs jours. Cbolétéline. — Produit ultime d'oxydation de la bilirubine. Proba- blement identique à l'urobiline. Clioliiie. — C^H'\\zO-. Produit de décomposition des acides biliaires. Identique à la neurinc. €hoiiclrig:ène (substauce). — C''^»H«^«Az''*'5S»"'0-'*''' "/o. Sub- stance fondamentale des cartilages ; se gonfle dans l'eau ; par l'ébul- lition dans Teau se transforme en chondrine. ClioïKlriue. — Même composition que la substance chondrigène. Soluble dans l'eau chaude ; se prend en gelée par le refroidisse- ment; insoluble dans l'alcool et dans l'éther. Ses solutions préci- pitent par Talcool; elles précipitent aussi par les acides minéraux, l'acide acétique, l'alun, le perchlorure de fer, l'acétate de plomb, l'azotate d'argent; le précipité est soluble dans un excès de réactif. Le précipité par l'acide acétique est redissous par les sels alcalins, ce qui distingue la chondrine des matières albuminoïdes. L'acide chlorhydrique à chaud, le suc gastrique la décomposent en chon- droglycose et une matière albuminoïde. Elle contient moins d'azote que les matières albuminoïdes et les substances collagènes. Cliooclroglycose. — Produit de décomposition de la chondrine parrébullition avec l'acide chlorhydrique et la digestion par le suc gastrique. >'e cristallise pas; soluble dans l'eau et l'alcool; fer- mente facilement ; réduit l'oxyde de cuivre. €ollag:ène (s>ulistauce). — Substance fondamentale des os et du tissu connectif. Elle est ramollie par l'eau froide, mais ne s'y gonfle pas. L'ébullition la transforme en gélatine. Elle se gonfle à froid dans les acides étendus. Elle est plus pauvre en carbone et plus riche en azote que les matières albuminoïdcfs. Colloïdine. — C'H'^AzO^ (Gauthier). Se trouve dans les kystes de l'ovaire. Se dislingue de la tyrosine, C«H"Az0^ par 2H-0 -f- 0. Elle s'en rapproche par quelques-unes de ses réaclions. Colorante de la toile (matière). — voir: Bilirubine. • PRINCIPES CO.NSTITL'ANTS DU CORPS IIL'MALX. G3 Colorante de l'urine (matière). — Voir : Vrobiline. Créatine. — C'H'Wz^O-. Prismes rhomboédriqucs, durs, incolores, de saveur amère, forte; soluble dans l'eau, presque insoluble dans l'alcool, insoluble dans l'éther ; neutre. Chauffée avec l'acide clilor- hydrique étendu, elle se transforme en créatinine : C*HUz''0- = C'H'Az^OH-H"-0, Par l'ébullition avec la baryte , elle se transforme en urée et en sarcosine : C'H^Vz^O- + H-0 = GH'Az-0 + C'li"AzO-. Par son oxydation, elle donne des acides oxalique et carbonique et de la méthyluraraine: C-lFAz\ Créatinine. — C'H'Az'O. Prismes incolores, brillants, de saveur fortement alcaline; soluble dans l'eau et l'alcool, très-peu soluble dans l'éther; très-alcaline. Oxydée, elle donne de la méthylura- mine: C"-irAz\ Si on ajoute à sa solution une solution concentrée non acide de chlorure de zinc, il se produit un précipité finement grenu ou bien en groupes d'aiguilles ou de prismes > chlorure double de zinc et de créatininei; ce chlorure, traité par le sulfure d'am- monium, reproduit la créatine en prenant uu équivalent d'eau : C^H'Az>0+H-0 = C'H^Az'O-. Cystine. — C^H^\zSO-. Cristallise en lames rhomboédriqucs ou hexa- gonales incolores. Insoluble dans l'eau, l'alcool et l'éther, soluble dans l'ammoniaque i caractère distinctif d'avec l'acide urique^, les acides minéraux et l'acide oxalique. Chauffée avec un peu de soude sur une lame d'argent, elle donne une tache brune de sulfure d'ar- gent. Chauffée à l'ébullition avec un mélange d'acétate de plomb et de potasse, elle donne une- coloration brune de sulfure de plomb; la solution doit être exempte de matières albuminoïdes et mucila- gineuses contenant du soufre. Dextrine. — C*^H'"0\ Poudre amorphe, transparente, soluble dans l'eau et l'alcool faible, insoluble dans l'alcool absolu et dans l'éther. Sa solution ne précipite pas par l'acétate de plomb. Elle donne une coloration rose avec la teinture d'iode. L'acide suifurique la trans- forme en glucose. Elle dévie à droite la lumière polarisée. Dianiifle lactylique. — C'H'Az-0 (Baumsiarki. Cristaux peu solu- bles; sa solution aqueuse précipite par le sulfate mercurique; il donne des sels solnbles avec les acides. Par l'acide nitreux. il donne de l'acide paralactique. Il parait être un dérivé de l'acide para- lactique. Dyslysine. — C'-'Il^'^O^ Masse amorphe, presque incolore; insoluble dans l'eau et l'alcool; très-peu soluble dans l'éther; soluble dans l'acide cholalique et les cholalates. Produit de décomposition de l'acide cholalique ivoir cet acide . Par rébullition avec une solution alcoolique de potasse, elle reproduit l'acide cholalique : C-*H^''0^ + 2H"-0 = C-''H''00\ Dyspeptone. — Voir : digestion stomacale. 6i CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Élaslieine. — C''4F"'Az'«'0-»S °/o (?). Jaune, insoluble dans l'eau, l'ammoniaque, l'acide acétique, Talcool. Les solutions concentrées de potasse la dissolvent en la décomposant : la solution n'est pas précipitée par les acides; la solution neutralisée précipite par le tannin. Klastiiie. — Voir : Élasticine. Épiclermose. — Insoluble dans l'eau, l'alcool et Tétlier; se gonfle dans l'eau et surtout dans l'acide acétique; l'acide acétique con- centré la dissout à chaud. GhaufTée avec de l'acide sulfurique étendu, elle donne de la leucine et de la tyrosine. Excréfime. — G "'^H'^^SO- (Marcel). — G-^H^'^Oi P. Hinterbergen. Cristal- lise en aiguilles blanches soyeuses ; insoluble dans l'eau ; soluble à chaud dans l'alcool et dans Télher; neutre. Ferment diaislaiique. — Constaté par V. Wittich dans le foie, la bile, les glandes salivaires, le pancréas, la muqueuse de l'esto- mac et du duodénum, le sérum sanguin, les reins, le cerveau. H transforme l'amidon en glucose ; n'est pas modifié par la chaleur entre 60«> et 80°; très-ditïusible; décompose l'eau oxygénée. Fernieikt inversîf. — Existe dans le suc intestinal (CL Bernard). Transforme le saccharose en sucre yiterverti, c'est-à-dire en un mélange de glucose et de lévulose qui réduit la liqueur de Bar- reswilL Feriueiit pepticiiie. — Existerait dans le suc gastrique (0. Ham- marsten). Transforme le sucre de lait en acide lactique. Ferment dn sang-» — Déterminerait la coagulation de la fibrine. (A. Schmidt.) Ferments solubleis. — Existent dans la salive, le suc gastrique, le suc pancréatique, etc. Précipitent par l'alcool; le précipité est soluble dans l'eau et dans la glycérine. Fibrine. — Filaments blancs, amorphes ; insoluble dans Peau, Pal- cool et les acides minéraux; se gonfle dans les acides étendus et dans les sels alcalins ; soluble dans les acides étendus (acides acé- tique, lactique, phosphoriquei, la potasse, les sels alcalins, le chlo- rure de sodium au */,o. Le ferrocyanure de potassium la précipite de ses solutions acides. Pacide acétique de ses solutions alcalines. La fibrine décompose Peau oxygénée en en dégageant Poxygéne et sans paraître subir de modifications (Thénard). Avec Peau oxygénée additionnée de quelques gouttes de teinture de gayac, elle donne une coloration bleue. iSchœnbein.) En soumettant à la dyalise la fibrine salée (solution dans le chlo- rure de sodium au '/loi, on obtient une solution qui ressemble tout à fait à une solution d'albumine, sauf qu'elle ne précipite pas par le sulfate de cuivre et le chlorure d'argent; on y retrouve en outre une deuxième substance incoagulable par la chaleur et qui donne des cendres riches en phosphate de chaux et de magnésie (Gau- l'RIXClPES CO.XSTITI'AMS DU COUTS HTMAIN. Gô tliieri. Eiclnvald a obtenu la ûbrinc à l'état solublc; elle conserve du reste toutes ses propriétés. Filirinogiènc (»iil>stan€e). — Solublc dans l'eau ; par l'acide car- bonique donne un précipité poisseux qui se forme difllcilement; précipite par un mélange de 3 parties d'alcool et de I partie d'éther; précipite par le sulfate de cuivre ; le précipité est insoluble dans un excès de réactif. Fibrinoplasiique (sabs»lance>. — Soluble dans l'eau aérée (Kiïline; non, d'après EichwalJ' ; précipite en flocons par l'acide carbonique; ne précipite pas par l'alcool. Elle précipite par les acides minéraux; le précipité est insoluble dans un excès de réac- tif; par les sels minéraux, le précipité est soluble dans un excès de réactif. Si on ajoute de la substance fibrinopiastique à une solution salée de fibrinogène, il se produit de la fibrine. (A. Scbmidt.» Ciélatine. — Blanc jaunâtre ; se gonfle dans l'eau froide; soluble dans l'eau bouillante et se prend en gelée par le refroidissement; soluble à froid dans les acides et les alcalis. Les solutions de géla- tine sont précipitées par le tannin et le bicblorure de mercure; elles ne précipitent pas par les acides minéraux, les bases, î acide acétique et le ferrocyanure de potassium. Elle dévie à gauche la lumière polarisée. Globiiliiie. — Matière albuminoïde insoluble dans l'eau, soluble dans une solution étendue de chlorure de sodium; sa solution coa- gule par la chaleur; elle est transformée en syntonine par l'acide chlorhydrique étendu. D'après Hoppe-Seyler, elle comprend la vitel- line, la myosine. la substance fibrinogène et la substance fibrino- piastique. Gliico«e. — Voir : Glycose. Gliiliiie. — Voir: Gélatine. C-lyeérin^. — CH'^O'. Liquide huileux, incolore, inodore, sucré; soluble dans l'eau et l'alcool, insoluble dans lélher. ChaiilTé dans un tube avec l'acide phosphorique anhydre ou avec le sulfate acide de potassium, il dégage l'odeur caraclérislique de racroléiue,C'H'(). Ses combinaisons avec les acides constituent les glycérides. Les graisses sont des combinaisons de la glycérine avec les acides gras. Ses solutions étendues, en contact avec la levure de bière, se dé- composent de 20° à 30° et donnent lieu à la formation d'acide pro- pionique. Glycine. — Voir: Glycocolle. Gl^'cocolle. — C"-H\VzO-. Cristaux durs, incolores, de forme rhom- boèdrique ou prismatique quadrangulairé, de saveur sucrée; fusible à 170°; soluble dans l'eau froide; insoluble dans l'alcool froid et Téther. Ses solutions ont une réaction acide. Une solution bouillante de glycocolle donne, avec 1 hydrate d'oxyde de cuivre, une solution bleue qui abandonne par le refroidissement des aiguilles cristallines Be.vlnis. Plus. 5 66 ■ CHIMIE l'HYSIOLOGKJ LE. bleu foncé. Évaporée avec de l'acide clilorliydrique. elle donne un composé crislallin, très-soluble dani l'eau et l'alcool. Par la chaleur, la glycocolle se décompose en méthylamine et acide carbonique : C-H^ÀzO- = CH^Vz + C0-. €Jlyco£fèiie («Hl>«fancei. — C^Hk'O'. Araorplic, incolore, inodore ; soluble dans l'eau avec opalescence; insoluble dans l'alcool et dans l'éther. Chauiïée avec l'acide clilorliydrique étendu, elle se trans- forme en dextrine, C^H'"0\*puis en glycose, C^H'-O^ Elle est colo- rée en violet par l'iode. Elle dissout l'hydrafe d'oxyde de cuivre sans le réduire par la chaleur. Elle dévie à droite la lumière pola- risée, ftlycose. — C'^H'-O^ Amorphe ou cristallisée ; incolore, de saveur sucrée, l'eu soluble dans l'eau; soluble dans l'alcool; insoluble dans l'éther. Avec la levure de bière, elle subit la fermentation alcoolique et produit de l'alcool et de l'acide carbonique : G*^H'-0^ = 2G"-H"^0 -1-2C0-. Réactions j)rincipales de liquide à examiner doit être d'abord complètement débarrassé de substances albuminoïdes) : 1° jR. de Barresii^ll. — Pour préparer la liqueur de Barreswill, on dissout 34§'",65 de sulfate de cuivre dans 1 GO grammes d'eau, on dissout d'autre part 173 grammes de tartrate double de potasse et de soude dans 650 centimètres cubes d'une solution de soude de densité de 1,12; le mélange est versé dans un vase jaugé à un litre, et on ajoute de l'eau pour compléter le volume d'un litre. La glycose réduit à chaud la liqueur de Barreswill et donne un préci- pité rouge d'oxyde cuivreux; le précipité ne se produit que dans un milieu alcalin, la présence de matières colorantes entrave la réaction et nécessite quelquefois la décoloration préalable par le noir animal. On ne doit pas chauffer au delà de 70". 2" R. de Moore. — Ajouter au liquide une solution de potasse ou de soude caustique, jusqu'à réaction fortement alcaline et cliauf- fer jusqu'à ébullition; s'il contient de la glycose, lé liquide se co- lore en jaune, puis en brun-rouge, puis en brun foncé ou en noir. 3° Fei-mentation avec la levure de bière. 4° Examen microscopique des cristaux de glycose et de la com- binaison de glycose et de chlorure de sodium dames rhomboé- driques et pyramides cristallines à 4 et G pans). 5" Examen au polarimètre ou au polarisirobomètre. Graissest. — G'«'^ll'i>9i0"'^^°/o. Solides ou liquides à la température ordinaire; incolores; mais ordinairement colorées dans le corps hu- main par des matières colorantes dutéine?) qu'elles dissolvent faci- lement; insipides; neutres; insolubles dans l'eau et l'alcool froid; solubles dans l'alcool bouillant, l'éther, le chloroforme, les huiles volatiles, les solutions d'albumine et de gélatine, les acides biliaires. Sans action sur la lumière polarisée. Elles sont décomposées par la PRLXCirES CO-NSTITI'AXTS DU COIII'S IIUMALV. G7 chaleur en acides gras et acroléiue, C^H'O, reconnaissable à son odeur. iVoir : Stéarine, Palmiline. O/c'ine \ Ciuanine. — C'H'Az'O. l'oudrc amorphe, blanche, insipide, inodoie; insoluble dans l'eau, l'alcool, l'élher et l'ammoniaque. Elle forme des combinaisons salines cristaliisablcs, chlorhydrate et nitrate de guanine. Si on l'évaporé sur une lame de platine avec de Tacide nitrique fumant, on a un résidu jaune qui se colore en rouge par la soude,, et par la chaleur prend une coloration pourpre. La guanine, sous linlluence de l'acide nitrique, se transforme en xauthine, C'H^Az'O-. Par l'oxydation elle donne de la xanthine^de lacide parabaninique, de l'acide oxaluriquc et de l'urée. Hématine. — C^^Il'LVz'feO' (Hoppe-Seyieri. Poudre brun rougeàtre. d'aspect métallique; incristallisable; insoluble dans l'eau, l'alcool et le chloroforme; solublc dans Talcool acidulé et les alcalis. Par l'action de lacide sulfurique concentré, elle donne deux corps pri- vés de fer, l'hématoporphyrinc et rbématoline (Hoppe-Seyler). Elle forme avec Tàcidc chlorhydrique une combinaison'?', hémine de Tcichmann, qui cristallise en lames rhomboédriqucs brun foncé ifig. 7i, insolubles dans l'eau, à peine solubles dans Talcool chaud Fig. ~. — C!i;tau5 d'iiémine, cl l'élher. solubles dans la potasse. Pour voir ces cristaux, il sutf.t d'abandonner à ré\aporation spontanée, sur une lame de verre, quelques gouttes dcau rougies par le sang; on reprend le résidu par l'acide acétique cristallisable et on évapore à feu doux après avoir recouvert le tout dune lame de verre. Caractères spectroscopiques. — Les solutions alcalines, en cou- ches épaisses, paraissent rouges à la lumière transmise, vert-olive en couches minces; les solutions acides sont brunes. En solution alcaline étendue, elle donne une large bande d'absorption entre C et D ^fig. 8, ivi; traitée par les agents réducteurs, comme le sulfure d'ammonium, elle donne une bande d'absorption nette entre D et E et une plus pâle entre £ et b. Sa solution alcoolique acide donne une bande entre G et D et une plus large et plus pâle entre D et F. Il4^nia1ocri$ttallînc> — Voir: Hémoglobine. lli^uiato'ïdiiie. — Cristaux rouges, durs, se produisant dans les extravasations sanguines. Voir : Biliruiine.^ 68 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Hématoïiic. — Cristaux bruns, aiguillés, souvent réunis en étoiles, solublcs dans Facide sulfuriqne et la potasse; dépourvue de fer; extraite du sang traité par le chlore, puis par Télhylétlicr; présente quatre bandes d'absorption spectrale. iPreyer.i Hématoliiie. — xMatiére dépourvue de fer. produite par l'action de l'acide sulfurique concentré sur la potasse 'Hoppe-Seylen ; inso- luble dans l'acide sulfurique et la potasse. Ilématoporpliyriiie, — Matière dépourvue de fer, obtenue par Faction de l'acide sulfurique concentré sur riiématine iHoppe-Sey- 1er ■; identique à rhénialo'ïne de Preyer. Uéinine* — Voir : Hématine. Ilénioglobiiie.— Formule empirique :C*'°°H3«°Az'^'FeS30' "(Preyer). Cristaux microscopiques rouges; losanges et prismes à 4 pans; soluble dans Feau en lui donnant une coloration rouge-sang; la chaleur, la présence des alcalis, augmentent sa solubilité; ses so- hitions se troublent entre 70° et 80° ; elle est décomposée par tous les agents qui modifient les substances albuînino'ïdes ; ses produits de décomposition sont : de Fhématine, une matière albuminoïde coagulablc iglobuline?i; des acides formique, butyrique et autres acides gras volatils. L'hémoglobine forme avec Foxygène une combinaison , Voxyhé- moglohine; 1 gramme d'hémoglobine desséchée absorbe en moyenne 1 centimètre cube d'oxygène; cet oxygène peut en être chassé par Je vide, la chaleur, les agents réducteurs ^hémoglobine réduite]', Foxyhémoglobine cristallise plus facilement que l'hémoglobine ré- duite. L'oxygène paraît être ozonisé par l'hémoglobine au moment de sa fixation ; si on place une goutte de solution concentrée d'hémoglo- bine sur du papier imprégné de teinture de gayac, la tache rouge s'entoure d'une auréole bleuâtre. Si on mélange de Fessence de térébenthine récemment distillée et agitée à l'air avec de la tein- ture de gayac, celle-ci conserve sa teinte jaunâtre; si on ajoute au mélange un peu d'oxyhémoglobine (Ou des globules rouges), on voit apparaître la coloration indigo caractéristique de l'ozone; la quinine empêche cette action. L'eau oxygénée décolore très-rapi- dement l'hémoglobine. L'oxyde de carbone chasse Foxygène de sa combinaison avec Fhémoglobine et prend sa place volume à volume \hémoglohine oxijcarbonique)^ en la rendant incapable de se combiner de nou- veau avec l'oxygène (Cl. Bernard). L'hémoglobine oxycarbonique a la même forme cristalline que Foxyhémoglobine; elle est plus stable, et n'est plus modifiée par les agents réducteurs. L'hémoglobine se combine encore avec le bioxyde d'azote, l'acétylène, l'acide cyanhy- drique. Caractères spectroscopiques. — Une solulion d'oxyhémoglobine PRliVCIPES CONSTITUANTS DU COUPS IIUMAI.X, C9 (1 gramme pour 1 litre sous 1 centimètre d'épaisseur) donne deux bandes d'absorption entre D et E ^firj. 8, id; la plus rapprochée de D est étroite, nettement limitée; la seconde, plus rapprochée de E, est plus large et à bords moins nets. Sous Tintluence des agents réduc- teurs isulfure d'ammoniumi, ces deux bandes disparaissent et sont remplacées par une seule bande ^fig. 8, iir, bande de Stockes, large, lî) 20 ^0 GO E 70 80 x\ \L m i; C E r ir Fig. 8. — Spectres d'absorption de Ihémoglobine et de i'hématine. à bords mal limités, et qui occupe l'intervalle des deux précédentes. L'hémoglobine oxycarbonique donne deux bandes comme l'oxyhé- moglobine, mais elles ne disparaissent pas par les agents réducteurs. La cristallisation de l'hémoglobine ne se fait pas avec la môme Fig. 8. — I, spectre folaite montrant la position des raies de Frauenliofer dans la première moitié du sf.ectie (jusqu'au bleu). — II. raies de roxyliêmoglobiiie. — 111. ia:es de 1 Lémo- globiiie réduite. — IV, raies de I'hématine en solution alcaline. 70 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. facililé chez les diverses espèces animales ; on peut les classer ainsi sous ce rapport : 1° cristallisation très-difficile : veau, porc, pig'eon, grenouille; 2° cristallisation difTicile : homme, singe^ lapin, mouton ; 3° cristallisation facile : chat, chien, souris, cheval; 4^ cristallisation très-facile : rat, cabiai. Il y a aussi des différences dans la forme même et dans la solubilité de ces divers cristaux (voir : W. Preyer, Die Blui/iff/stallel Hydi'obilîrBiMiîe de Maly. — Voir : Vrobiline. Hyi>oxaii(Iiine.— C'H''Az''0. Cristaux microscopiques composés de très-fines aiguilles incolores; peu soluble dans Peau; insoluble dans Palcool et dans Péthcr. L'acide nitrique concentré la trans- forme en xanthine C^H'*Az^O-. Elle donne des combinaisons cristal- lisabîes. azotate et chlorhydrate d'hypoxanthine; ce dernier sel est plus soluble que le chlorhydrate de xanthine^ Indican. — G■-''H■''AzO'^ Liquide sirupeux, brun clair, de saveur amère et nauséeuse, soluble dans Peau, Palcool et Péther. Avec les liquides alcalins, il donne la réaction de la glycose. La chaleur le décompose en indicanine et en indiglucine : C-^'H^'AzO'' + H-O = C-''H-'AzO'- + G'=H"'0«. Par l'acide chlorhydrique concentré, \\ se décompose en indigo et en indiglucine : C-^H^'AzO'" + 2H'0 = C**H'Az0 4-3C"H"'0'^; Pindigo. à son tour, donne en s'hydratant, de la leucine et de l'acide formique : C'^HWzO + 5H-0 = G^H'^AzO- + CH-0- -h CO"-. L'indiglucine a un goût sucré et réduit l'oxyde de cuivre, mais ne donne pas la fermentation alcoolique. Indol. — C'H'Az. Corps blanc, d'une odeur rappelant celle des ex- créments; fusible à 52"; soluble dans Peau bouillante, Palcool et Péther. Base très-faible. Inosite. — C^H'-O^H-ÎH-O. Gros cristaux incolores, solubles dans Peau, insolubles dans Palcool et Péther; saveur sucrée; dissout Phydrate d oxyde de cuivre sans le réduire par la chaleur. R. de Schérer. — Évaporer le liquide avec de l'acide nitrique sur une lame de platine, presque jusqu'à siccité; reprendre le résidu par l'ammoniaque et une goutte de solution de chlorure de calcium et évaporer doucement jusqu'à siccité; on a une coloration rosée. Kératine. — Voir: Épîdermose. I..actoprotéine. — Substance albuminoïde qui ne précipite ni par les acides, ni par la chaleur, ni par le bichlorure de mercure, mais seulement par le nitrate acide de mercure azoteux. (Existerait dans le lait [Millon et Commaille]; douteux.) liactose. — C'-H--0''' 4-H-O. Cristaux durs, incolores, brillants, de saveur faiblement sucrée, solubles dans Peau, insolubles dans Pal- cool et dans Péther; il réduit Poxyde de cuivre comme la glucose. Il donne avec la levure de bière une fermentation alcoolique incom- plète. Avec la craie et le fromage, il donne la fermentation lactique. Il dévie à droite la lumière polarisée. l'IUXCU'ES CONSTITUANTS DU COUPS HUMAIN, 71 Lécilbiiie. — C'''ll'"'Az['liO'\ Masse cristalline, incolore, soliible dans l'alcool, surtout chaud; soluble dans Uéther, le cJiloi'oforiiie, le sul- fure de carbone, le benzol, les builes grasses. Dans Ueau.. elle se gonfle comme de l'empois et donne des gouttelettes irrégulières {myéline). Chaufl'ée avec Ueau de baryte, elle se décompose en acide phosplioglycérique, ncurine et stéarate de baryte. I^eucine. — CH'^VzO'-. Cristaux très-fins, blanc brillant, souvent réu- nis en sphères ou masses arrondies, réfringentes ifuj. 9, «i. Insi- pide, inodore ; soluble dans l'eau et un peu dans Ualcool, insoluble dans Uéther; neutre. Par l'oxydation, par le permanganate de po- tasse alcalin , elle se réduit en acides oxalique, valériquc, carbo- nique et ammoniaque. R. de Schérer. — Évaporer une petite portion avec de l'acide nitrique sur une lame de platine; il reste un résidu incolore presque invisible qui, chaufTé avec quelques gouttes de solution de soude, se colore en jaune ou en jaune-brun et se rassemble ensuite en une goutte huileuse qui roule sur le platine. Fig. 9. — Cristaux de leucine et de tyrosinc. liiiK^iiie. — Cristaux rouges, microscopiques, insolubles dans Ueau, solublcs dans l'alcool, Uéther, le chloroforme, le benzol, les huiles grasses; avec l'acide nitrique elle devient verte, bleue, jaune, puis incolore. Identique à la matière colorante jaune de beaucoup de plantes. Identique à Uhématoïdine (?). Hargarine. — Mélange de stéarine et de palmitine. llélaiiiiie. — Granulations amorphes, noires, insolubles dans Ueau, Ualcool et les acides. Azotée, ne contient pas de fer. llétagloliiiliiie. — Voir: Fibrinogène. Uétapepf one. — Voir : Digestion stomacale. Fig. 9. — a, cristaux de leiicine. - d, phosphate amniouiaco-inugnésien. ft, cristaux de tyrosine. — c, corps gras cristaUisés. 72 CHIMIE rHYSIOLOGinUE. llétbémosrlobino. — Produit de décomposition intermédiaire de l'hémoglobine avant d'arriver à Thémaline. Bande d'absorption spec- trale entre C et D. llucine. — G^'''^H'^''Az**'''0'*^'^ (Eichwaldi. Se gonfle dans l'eau sans s'y dissoudre; sa solution précipite par l'alcool, par les acides étendus ipr. soluble dans un excès de réactifi, par l'acide acétique ipr. in- soluble dans les sels alcalinsi; elle ne coagule pas par la clialeur. Les solutions neutres ou alcalines de mucine ne sont pas précipi- tées par le sulfate de cuivre, le bichlorure de mercure, le nitrate d'argent, le perclilorure de fer, etc. Par Tébullition avec les acides, elle donne de l'albumine acide et du sucre de raisin. lEicliwald.i Myéline. — Voir : Lécithine Myo«ine. — Soluble dans les solutions alcalines, spécialement le chlorure de sodium; transformée par les acides étendus en synfo- nine; sa solution saline coagule par la chaleur, comme l'albumine. L'alcool la précipite. !\apbtylaiiiiiie. — G"^H-''Az. Aiguilles incolores, d'odeurdésagréable, de saveur amère; soluble dans Peau, l'alcool et l'éther. Xeurine. — C^H''A/0-. Produit de dédoublement de la lécithine et du prolagon, sous l'influence des acides et des buses. Identique à la choline. IVévriiie, — Voir : Neurine. I\iicIéiiio. — Substance du noyau des cellules de pus; très-rappro- chée de la mucine et de la matière amyloïde. (Miescher. i Oléine. — C''H"'^0'' ou C^H^ (C'^H^^Oi-'O^ Liquide à la température or- dinaire; incolore; facilement oxydable à l'air et se colore en jaune; soluble dans Palcool absolu ; dissout la palmitine et la stéarine. Représente la masse principale de la graisse du corps. Osséine. — Voir: Collagène \substance\. OxyliénioglolJine. — Voir: Hémoglobine. Palmiline. — C'''H-"^0'= ou G>H^ C'^H-^'Oi^O^ Cristallise en flnes ai- guilles, souvent radiées autour d'un centre ^fig. 9, c, page 71 1; so- luble dans l'alcool bouillant et l'éther. Point de fusion frès-variable, de 46° a 63°. Panci'éatine. — Voir : Suc pancréatique. Para;i;lol)nline. — Voir: Flbrinoplaslique ^substance). Paralliuoiine. — Se distinguerait de l'albumine du sérum par deux caractères : le précipité obtenu par l'alcool est soluble dans l'eau; elle se coagule incomplètement par la chaleur. (Scliérer.i Parapeptone. — Identique à la syntonine. Pepsine, ■ — Voir: Suc gastrique. PepSones. — Se distinguent des autres substances albuminoïdcs par les caractères suivants : elles sont solubles dans Peau, inso- lubles dans l'alcool absolu et dans léllier. mais l'alcool les préci- pite difficilement de leur solution aqueuse; la chaleur ne les coa- PRLXCU'ES CONSTITUANTS DU COUPS HUMAIN. 73 gulc pas; elles ne sont précipitées ni par les acides, ni par les alcalis, mais elles sont précipitées par le biclilornre de mercure ou l'acétate de plomb, on Uammoniaqne; le ferrocyannre de potassinni précipite les solutions acétiques. Elles sont très-diffusibles. Elles dévient à ganclie le plan de polarisation. Pbéfiol. — C'H'O. Cristaux prismatiques incolores, d'une odeur péné- trante caracléristique et dune saveur brûlante, fusibles à+ 37*>.5 ; bout à 182°; peu soluble dans l'eau, soluble dans Talcool et l'élbcr. R. de Landolt. — Traiter 500 centimètres cubes du liquide à exa- miner (urine, par exemple) par l'eau bromée; il se fait nn précipité floconneux blanc jaunâtre qui, recueilli et traité par ramalgame de sodium, donne l'odeur caractéristique d'acide phénique. R. de Salliowski. — Ajouter au liquide un quart d'animoniaque, puis quelques gouttes de solution de chlorure de calcium ^l : 20i, et chaulfer doucement; le liquide prend une belle couleur bleue qui passe au rouge par l'acidification. Plasminc de Denis. — Masse molle, blanche, amorphe, précipitée du plasma sanguin par l'addition de sel marin ; se dédoublerait dans la coagulation en fiù?nne concrète ou fibrine ordinaire et fibrine soluble qui reste dissoute dans le plasma salé. Protas;oii. — Substance neutre, insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool bouillant et dans les graisses, insoluble dans Téther, Chauffé avec l'eau de baryte, il donne, entre autres produits, de la glycose, de l'acide phosphoglycérique et un corps presque identique à la neurine, mais qui en diffère par H-0 en moins et a pour formule : C'H'^VzO (Baeyeri ; ce corps reproduit la neurine par la simple action de l'eau sur ses sels (Wurtzi. Pour Hoppe-Seyler, c'est un mélange de lécithine et de cérébrine; Baeyer le considère comme un glucoside. Protéine. — Voir: Albuminate basique. Ptyaliiie. — Voir : Salive. Pyiiie. — Substance trouvée dans le pus et analogue à lamucine. Pareille. — Voir : Unpoxanthine. Siarcoisiiio. — C 'H'AzO-. Homologue supérieur de la glycocolle ou méthylglycocolle. Se forme en traitant à chaud la créaline par l'eau de baryte ivoir: Créatine^. Cristallise en colonnes rhomboé-r driqucs incolores, très-solubles dans l'eau, peu solubles dans l'al- cool, insolubles dans l'éther. serine de Denis. — Voir: Albumine du sérum. Lii serine pure do Denis est la substance fibrinoplastique. La serine ne doit pas èlre confondue avec la serine de la soie, CMl'AzO'. S»éroliiie de Boudet. — Mélange de cholestérine et de lécithine. Kértiuic'a»iéiiie. — Voir : Caséine. Sipernialiiio. — Probablement identique à la mucine. Ses solutions ne précipitent pas par la chaleur; le précipité par l'acide acétique estioluble dans un excès de réactif. iVoir: Liquide spermatïque.) 74 CHÎMIE PHYSIOLOGIQUE. Stéarine, C''H"00'^ ou CH^C'-^H^^Oi^O^. Moins soluble que losautres graisses dans l'alcool bouillant et dans Tétlier; cristallise en tables rectang-ulaires , plus rarement en prismes rhomboédriques. Point de fusion vers 60". Sfercoriaie. — Identique à la séroline. Sucres. — Voir: Aicaptone, Chondroglijcose, Glycose, Inosite, Lactose, Sacre viusculaire. îSBicre «Bc géBaiiiic. — Voir : GîycocoUe. SiEcre «le laît. — Voir: Lactose. Saccrc ïMcasealaire. — Cristaux peu nets, solubles dans Teau, moins solubles dans l'alcool que la glycose ; réduit l'oxyde de cuivre en solution alcaline. Dévie à droite la lumière polarisée, SBBcre «3e rasslEî. — Voir: G'ajcose. Sailfoc'yiaaieare «Se poSa^ïstiaiau. — Voir: Acide s^djocyanliydrique. SyastoifiiRse. — Elle se distingue de l'albumine basique parce que sa solution dans les alcalis étendus et dans les carbonates alca- lins est précipitée par la neutralisation «même en présence des phosphates alcalins). Elle a deux autres l'éactions principales : 1° sa solution dans l'eau de chaux est coagulée en partie par la chaleur; 2° la même solution précipilc à chaud par le chlorure de calcium, le* sulfate de magnésie et le chlorure de sodium. TaiariflBe. — C-H'AzSO^ Cristaux prismatiques, incolores, solubles dans l'eau, surtout chaude, insolubles dans l'alcool absolu et dans l'éther, solubles dans l'esprit de vin chaud; neutre; elle ne préci- pite pas par l'azotate de baryum. 'fi'rîi>eEiytaiiiBiBe. — C'^'H^'Az. Isomère avec la propylamine; très- soluble dans Tcau. TrioîéflBïe. — Voir: Oléine. TrlpaSBBaîeîaae. — Voir : Palmîtine. TrisléariBîe. — Voir: Stéarine. Tyrosiiie. — C^II"Az0\ Cristallise en aiguilles microscopiques soyeuses, incolores '.%. 9, b. page 71 1: insipide, inodore ; peu soluble dans feau froide ; insoluble dans Talcool et dans l'éther. Brûle en donnant l'odeur de corne brûlée. Par l'oxydation, par le bichromate de potasse et l'acide sulfurique, elle donne de l'essence d'amandes amères, de l'acide cyanhydrique, de l'acide benzoïque, formique, acétique, carbonique. R. de Piria. — ChaufTcr la substance avec quelques gouttes d'acide sulfurique concentré dans un verre de montre ; quand la solution est refroidie, on y ajoute un peu d'eau et de carbonate de chaux, tant qu'il y a une effervescence; on filtre, on évapore à un petit volume et on ajoute deux gouttes de solution neuire de chlo- rure de fer. S'il y a de la lyrosine, on a une coloration violette. R.d' Hoffmann. — .Mettre la substance dans un verre avec un peu d'eair; ajouter quelques gouttes d'une solution neutre d'azotate de PRn'CIPES CONSTITUANTS DU CORPS IIUMAI.X. 75 Fig. 10. — Ui mercure ; chauffer et maintenir quelque temps à Uèbullition ; il se produit une coloration rose et un précipité rouge. Urée» — CU'Az-O. Cristaux prismatiques, allongés, à quatre côtés, ter- minés par une ou deux surfaces obliques {firj. lOi. Inodore, de sa- veur fraîche et amère; soluble dans Peau et Palcool; insoluble dans Pélher. Elle n'est pas précipitée par l'acétate ni le sous-acétate de plomb; elle précipite pnr l'azotate mercurique. Le réactif de Millon, Peau chlorée, Pliypo- chlorite et l'hypobromite de sodium la dé- composent en azote et acide carbonique. Elle est facilement décomposable en acide carbo- nique et ammoniaque i chaleur, fermentation de Purine, acides, etc.»; en effet, elle représente du carbonate d'ammonium, moins deux molé- cules d'eau. L'acide azotique précipite Purée en cristaux octaédriques et en tables losangiques et hexagonales d'azotate d'urée ; Pacide oxalique donne des cristaux lamelleux ou prisma- tiques d'oxalate d'urée, Urolïiline. — C^"-H^°Az*0'. Croûtes jaunes, amorphes, solubles dans Peau et dans Pélher, peu solubles dans Palcool. Fluorescente; pro- duit l'absorption spectrale entre b et F. Elle ne donne pas la réac- tion de Gmelin iJafféi. Identique à Phydrobilirubine de Maly. UrocBironio. — Identique à Purobiline. iTudichnm.i Urog'laucine. — C'H'AzO. Identique à l'indigo. Dérivé de Pindican. Poudre bleue formée d'aiguilles microscopiques insolubles dans Peau, peu solubles dans Palcool, solubles dans Pacide sulfurique, (Méhu.) Urrliodine. — Isomère de Puroglaucinc. Dérivé de Pindican. Pres- {/ue noire; rouge en couches minces; insoluble dans Peau ; soluble dans Palcool, Pélher, le chloroforme, Peau ammoniacale, Pacide sul- furique. iMéhu.) l^'iteSliiK^. — Se distingue de la myosine parce que Peau la préci- pite plus facilement de ses solutions salines; elle ne précipite pas par l'introduction de fragments de chlorure de sodium dans sa solu- tion saline. Elle est transformée aussi en syntouine par Pacide chlor- hydrique étendu. Xaiitliine.— C^H''Az'0-. Poudre amorphe, blanc jaunâtre, ou lamelles cristallines; très-peu soluble dans Peau, insoluble dans Palcool et dans Pélher, soluble dans l'ammoniaque caustique. Chauff( e avec Pacide nitrique, elle donne un résidu jaune, qui. par la soude, se colore en rouge et devient pourpre par la chaleur. Elle forme des sels crisfallisables, chlorhydrate et nitrate de xanthine ; le chlorhy- drate est peu soluble. 76 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Zoaiii;^'liiie. — Voir: Glycogène {matière). Ilibliosrn|iliie. — Dexis : Nouvelles Études sur les substances alhv.minoïcles, ].sr)(j. (Ses premiers travaux datent de IJSo.S.l — E. Eichwald jun. : Beitrcige zur Chemie der geivelbildenden Subslanzen, 1873. — W. Prêter : Die Blutkr y stalle, 1871. CHAPITRE DEUXIÈME GAZ DU CORPS HLMA1.\. Les gaz du corps humain consistent en oxygène, azote, acide carbonique, hydrogène, hydrogène carboné et hydrogène sul- furé. Ces gaz se présentent sous deux états, soit à l'état libre dans certaines cavités du corps (voies aériennes et voies digesti- ves), soit à l'état de dissolution dans les liquides de l'organisme. 1. — GAZ LIBRES. Voxygène se rencontre dans les voies pulmonaires et dans le tube intestinal. L'oxygène des poumons provient 'directement de l'air atmosphérique inspiré; celui du tube intestinal paraît pro- venir exclusivement de l'air ingéré avec les aliments et les bois- sons ; il s'y trouve toujours en très-petite quantité. L'azote existe dans les poumons (ît dans le tube digestif et, comme l'oxygène, provient de l'air atmosphérique inspiré ou dégluti. Ghevreul, chez un supplicié, a trouvé, pour 100 volumes de gaz, 71,45 volumes d'azote dans l'estomac ; 20,8 — 8,85 — 66,60 dans l'intestin grêle; 67,50 dans le cœcum , 51,03 — 18,40 dans le côlon ; 45,96 dans le rectum. Le gros intestin en contient ordinairement plus que l'intestin grêle, ce qui semble indiquer qu'une partie au moins de l'azote provient d'une autre source que l'air atmosphérique ingéré. E. Ruge l'a trouvé augmenté dans le gros intestin après l'ahmentation par la viande. hliijdrogène a été trouvé en très-petite quantité dans l'air ex- piré ; mais il se rencontre surtout dans le tube intestinal. Ghe- vreul donne les chiffres suivants: estomac, 3,55 p. 100; intestin grêle, 5,4 à 11,6; gros intestin, 7,5. Sa présence dans l'estomac n'a pu être constatée par d'autres chimistes. Sa proportion dans le gros intestin augmente par le régime lacté ; elle est au mini- mum après l'ingestion de viande. Pettenkofer l'a trouvé dans les produits gazeux de la perspiration cutanée. L hydrogène paraît être un produit de décomposition chimique et est dû p^robable- GAZ DU CvORPS IIUMAI.V. 77 ment à une fermentation Liityrique du contenu de l'intestin : de l'intestin, il passe dans le sang et de là dans les produits de la respiration et de la perspiration cutanée. L'acide carbonique existe à l'état libre dans les poumons et dans le tube digestif. Voici les cbiffres de Chcvroul : estomac, 14 p. 100; intestin grêle, 24,39 — 40,00 — 25,00 : gros intestin, 43,50 — 70,00; cœcum, 12,50; rectum, 42,86. Sa proportion augmente dans le gros intestin. Pour les poumons, il provient presque en totalité des décompositions chimiques qui se passent dans le sang et les tissus. Pour les cavités intestinales, il en vient aussi de cette source; mais la plus grande quantité est due sans doute aux décompositions du contenu du tube intestinal. La pro- portion d'acide carbonique dans l'air normal est trop insignifiante pour qu'il y ait lieu d'en tenir compte. Vhydrogè7ie carboné se trouve dans le gros intestin, qui en contient 5,5 à 11,2 p. 100. Il augmente par l'ingestion de légumi- neuses et tombe au minimum par l'alimentation lactée. 11 pro- vient probablement de la décomposition des matières contenues dans l'intestin. Régnault en a constaté des traces dans l'air expiré. Vhydrogcne sulfuré se rencontre en faible cfuantité dans l'in- testin, surtout par le régime animal (Planer). Il est dû proba- blement à la décomposition de matières contenant du soufré, substances albuminoïdes ou leurs dérivés sulfurés, produits sul- furés de la bile. Régnault en a trouvé aussi des traces dans l'air expiré; mais il venait sans doute delà décomposition de par- celles alimentaires restées dans la cavité buccale. 2. — GAZ DISSOUS. L'oxygène se montre à l'état de dissolution dans tous les liqui- des de l'organisme, presque sans exception; mais, sauf dans le sang, il ne s'y montre qu'en proportions très-minimes. (Voir les tableaux ci-dessous. j Dans le sang même, l'oxygène se trouve sous deux états: 1" en combinaison lâche avec l'hémoglobine et probablement à l'état d'ozone (voir : Hémoglobine et Sang) ; 2'' une très-petile portion se trouve en solution dans le plasma ; c'est cette portion seule de l'oxygène qui est soumise à la loi d'absorp- tion des gaz de Dalton ; la capacité d'absorption du sérum pour l'oxygène est à peu près la même que celle de l'eau distillée. L'oxygène du sang provient de l'air atmosphérique. 78 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. La faible quàalité d'oxygène de la lymphe et des sécrétions provient probablement de l'oxygène du sérum sanguin qui entre dans la composition de ces liquides et a transsudé à travers la paroi des capillaires. Vazoîe se rencontre en très-petite proportion dans tous les liquides et probablement à l'état de dissolution simple. Dans le sang, il paraît être contenu dans le sérum, et provient de l'azote de l'air atmosphérique absorbé dans la respiration. Le coelîi- cient d'absorption du sang pour l'azote est plus élevé que celui de l'eau. Vacide carbonique existe dans tous les liquides de l'organisme en très-forteproportion, en moyenne 90 p. 100 environ du volume total des gaz. Dans le sang, presque tout l'acide carbonique se trouve dans le sérum : mais la question de savoir dans quel état il s'y trouve est loin d'être tranchée complètement. On admet en général qu'une partie de l'acide carbonique se trouve à l'état libre et l'autre en combinaison avec les carbonates et les phos- phates du sérum, et on regarde comme acide carbonique libre celui qui s'extrait par le vide seul (voir : analyse des gaz du sang), et acide carbonique combiné celui qui s'extrait par l'addition d'acides (acide tartrique, par exemple). Mais Preyer et Pflûger ont montré que tout l'acide carbonique pouvait être extrait par le vide seul, en prenant la pi'écaution d'absorber la vapeur d'eau et de faire le vide à sec: l'opération ne réussit qu'avec le sang contenant des globules rouges et non avec le sérum seul ; l'addition de globules rouges au sérum produit le même effet que l'addition d'un acide, c'est-à-dire un nouveau dégagement d'acide carbonique. (Preyer.) En résumé, l'acide carbonique du plasma parait contenu sous deux états : 1° A l'état de combinaison avec les carbonates et les phos- phates, comme carbonate et bicarbonate de sodium (Sertoli, sur- tout dans le sang des herbivores), et comme phospho-carbonate de sodium (Fernet) ; cette portion formerait les 15 p. 100 environ du volume total de l'acide carbonique du séjrum (Zuntz); 2° Libre et en dissolution dans le sérum ; il suit alors la loi d'absorption des gaz. L'alcalinité du sang n'a, du reste, rien qui s'oppose à la présence d'acide carbonique librg dans le sang. Les globules rouges contiendraient aussi, d'après A. Schmidt, une petite quantité d'acide carbonique, qui*pourrait diminuer, GAZ Di: COUPS HUMAIN. 79 mais sans jamais complètement disparaître sons finfliience de l'absorption d'oxygène. L'acide carbonique du sang est un des produits ultimes des transformations (oxydations et dédoublements) qui se passent dans l'organisme (sang et tissus). Celui des autres liquides a la même origine. E. Ptltiger a fait la remarque que les liquides alcalins sont en général plus riches en acide carbonique que les liquides neutres ou acides. L'hycbvgèiie n'a été rencontré que dans un liquide patholo- gique, le pus. On a signalé sa présence dans le sang veineux; il proviendrait, dan^ ce cas, de l'hydrogène de l'inteslin, absorbé par le sang pour être éliminé par les poumons et par la peau. Les deux tableaux suivants donnent les quantités de gaz con- tenues daus les principaux liquides, le premier par rapport à 100 centimètres cubes de licfuide, le second par rapport à 100 centi- mètres cubes de ûaz : TABLEAU l. — Quantité de gaz, en centimètres cubes, contenue dans 100 centimètres cubes de liquide. • Sang arté- Sang Tei- Sérum arté- L.Tmphe Sérosité d'ascite. Lait. Bile de Bile de SalJTe de Urine. Sac moscu- Alhu- mine de' riel. neni. riel. 10,00 cliien. (1) cliien. (2) 73,81 chien. laire. l'œuf. 0-... 50 60 50,00 46,90 142,00 7,36 74,93 18,09 15,40 66,76 z . . . . Q 2 2,00 1,G7 21,10 1,05 0,78 0,.52 0,92 1,21 4,90 3,77 20 10 1,47 0,13 , 0,14 0,11 0,00 0,26 0,6.i 0,10 0,09 2,31 otal. . 72 72 53,47 48,70 163,24 11,16 8,14 74,59 76,.50 19,40 20,3;' 72,84 Pus. 75,28 2,5J 5,16 82,94 TABLEAU IL — Quantité de gaz, en centimètres cubes, contenue dans 100 centimètres cubes de gaz. 69,46 83,35 94,54 96,30 87,00 89,51 90,33 93,95 97,93 93,20 74,30 91,66 2,77 2,77 3,15 3,43 12,92 9,42 9,67 0,70 1,20 «,23 25,20 5,17 27,77 13,88 2,31 0,27 0,08 1,07 0,00 0,35 0,87 0,57 0,50 3,17 [I) Cliien soumis à une alimentation animale. — (2) Cliien sotimis à une alimentation vcgt'tale. 90,7; 3,01 6,22 80 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Ces analyses sont empruntées à Mathieu et Urbain (albumine, pus), E. PHuger (lait, bile, salive, urine), Hammersten (lymphe). Planer (sérosité). Tous les chiffres, pour les rendre comparables, ont été réduits à 0" et à 0,7G de pression. Pour les chiffres des gaz du sang, voir Sang. Ces tableaux ne sont donnés que sous toutes réserves; les analyses de ces différents liquides sont en- core trop peu nombreuses pour qu'on puisse en tirer des con- clusions positives. Bibliographie. — Ferxet : Du Rôle des principes élémentaires du sang dans l'absorption ouïe dégagement des gaz, 1858. — Pflûgkr : Die Kohlensœure des Blutes, 186J-. — Mathieu et Urbain : Des Gaz du sang (Arçh. de Phys., 1871-1872). CHAPITRE TROISIEME. LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. Le sang forme le premier et le plus important des liquides du corps humain ; au sang se rattachent la lymphe et le chyle, qui ne sont que des dérivés du sang, avec addition, la première, de priocipes provenant des tissus , le second, de principes absorba dans la digestion. Un second groupe comprend les sérosités et transsudations, liquides exsudés à travers les parois des capillaires dans les cavités du corps et très-analogues comme composition au sérum du sang et de la lymphe. Les liquides qui viennent en- suite constituent les sécrétions et excrétions et on peut les clas- ser, au point de vue de la chimie physiologique, en : 1° sécrétions où dominent les sels et les matières extractives: urine, sueur, larmes, bile; 2° sécrétions où dominent les matières grasses: lait et matières sébacées et cérumineuses ; 3° sécrétions albumineu- ses, très-riches en matières albuminoïdes: mucus, sperme, syno- vie ; 4° sécrétions contenant des substances albuminoïdes parti- culières ou ferments solubles ; ce groupe comprend les sécrétions dites digestives: salive, suc gastrique, suc pancréatique, suc en- térique. L'étude de ces divers liquides ne sera faite ici qu'au point de vue de la composition et des caractères chimiques ; tout ce qui concerne le mécanisme des sécrétions et leur rôle physiologique sera renvoyé soit au chapitre des sécrétions, soit à celui de la LIQUIDES DL' COUPS HUMAIN. 11 digestion ou des autres fonctions spéciales. L'étude du sang, au contraire, sera faite immédiatement d'une façon complète, a cause de son importance physiologique et de son intervention pour ainsi dii-e continuelle dans tous les actes vitaux de l'orga- nisme. Article premier. — Saxg^ Lymphe et Chyle. Le sang n'est pas seulement un liquide: il contient des élé- ments anatomiques, des globules, et peut, à ce point de vue, être considéré comme un tissu dont la substance intercellulaire serait à l'état liquide. Le sang est contenu dans des conduits ou vaisseaux qui for- ment un système continu, un circuit, de façon qu'une molécule sanguine prise en un point du système vasculaire, revient à ce point après avoir accompli son trajet comme dans un canal cir- culaire ifig. 11). Sans entrer ici dans des détails qui seront don- nés plus tard, l'appareil circulatoire est constitué par plusieurs ordres de canaux, A^^V \ l B ^%-A ^t le sang doit traverser dans son trajet ^^1I~^^W "-^ _^ circulaire deux systèmes de vaisseaux capillaires, les capillaires du poumon et les capillaires des autres organes l'capil- ~j<_ laires généraux). Si, dans le schéma de la figure 12, Fig. 1 1.- Schéma de l'organisme, pjjgg §2, nOUS SUlVOUS IC COUrS dU SaUg nous voyons que, parlant, par exemple, des capillaires gé- néraux (4), il passe dans les veines (5), arrive au cœur droit (6, 7) et est conduit par l'artère pulmonaire (8) aux capillaires des poumons (9) ; de là il passe dans les veines pulmonaires (10), le cœur gauche (1, 2) et l'aorte (3) par les branches de laquelle il revient à son point de départ. Dans les capillaires, sous des causes qui seront étudiées plus loin, une partie du liquide sanguin transsude à travers les parois de ces canaux, et le sang se divise là en deux courants : I" un courant direct qui passe par les veines et reste dans le circuit Fig. II. — AA, globules épithèliaux. — B, globules nerveux. — C, circuit vasculaire. Beaunis, Phvs. 6 82 CHIMIE l'HYSIOLOGIOUE. vasculaire; 2"* un courant indirect ou dérivé qui traverse les pa- rois des capillaires et se déverse dans des espaces, espaces lym- phatiques (11, 12); là, il est repris, sous le nom de lymphe^ par Fig. i-. — Schéma de rapparcil vasculaire. (Voir page SI.) des vaisseaux particuliers, vaisseaux lymphatiques, qui se ren- dent (13) dans les veines avant leur abouchement dans le cœur droit. La lymphe représente donc une sorte de filtration du sang, et les lymphatiques un véritable appareil de drainage pour le liquide sanguin. La lymphe qui revient des capillaires de l'intes- tin, chargée d'une partie des principes absorbés dans la diges- tion, présente des caractères particuliers et a reçu le nom de Fig. 12. — 1, oreillette gauche. — 2, veiilriciile gauche. — 3, aorte. — 4, capillaires généraux. — 5, veines. — 6, oreillette droite. — 7, ventricule droit. — 8, artère pulmonaire. — 9, capillaires pulmonaires. — 10, veines pulmonaires. — H, 12, espaces lymphatiques. — 13, abouchenienl des lymphatiques. LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. 83 chyle. Nous avons donc à étudier successivement le sang, la lymphe et le cliyle. 1. — SANG. Préparation. — On se procure facilement du sang par des s.-iignèes pratiquées, soit sur l'homme (veines», soit sur des animaux (artères et veines). Le sang se coagulant très-vite après sa sortie des vaisseaux, il faut, pour en isoler mécaniquement les diverses parties constituantes, prendre certaines précautions. On peut séparer la partie liquide (plasma) des globules de la façon suivante : Si on laisse tomber sur un filtre à pores assez tins et contenant de l'eau sucrée, du sang de grenouille, les globules restent sur le liltre et il passe seulement un liquide presque incolore, mélange d'eau sucrée et de plasma sanguin (Millier). — On peut, sans aucune addition, obtenir le même résultat en choisissant des animaux dont le sang se coagule très-lentement. Si on reçoit du sang de cheval dans une éprouvette maintenue dans un mélange réfrigérant, le sang ne se coagule pas et se partage au bout d'un certain temps en trois parties: une couche inférieure, opaque, rouge foncé, constituée par les globules rouges et qui occupe un peu plus de moitié de la hauteur totale; une couche moyenne, blanc grisâtre, de 1;20« environ d'épaisseur, formée par les globules blancs, et une couche supérieure, liquide, transparente, constituée par du plasma pur (Kiihne). — R. Pri- bram et, d'après A. Gauthier, Salet et Daremberg ont utihsé la force centrifuge pour séparer le plasma des globules; le sang est recueilli dans une éprouvette étroite entourée de glace, à laquelle une machine imprime un très-vif mouvement de rotation horizontale; le plasma se sépare des globules en quelques minutes, Anatomiquement, le sang est un liquide tenant en suspension des globules ou un tissu de globules avec une substance inter- cellulaire liquide. Physiologiquement. il est l'intermédiaire entre les tissus superticiels (épithéliaux) et l'extérieur dune part, et les tissus profonds de l'autre [fig. 11, page 81); il reçoit dans son sein les matériaux de nutrition et les matériaux de déchet et porte les premiers des tissus superficiels aux tissus profonds, les seconds des tissus profonds aux tissus superOciels. Le sang est un liquide alcalin, d'une couleur rouge qui varie du rouge vermeil au rouge foncé, d'une odeur spéciale, d'une saveur salée, fade et nauséeuse ; il se coagule plus ou moius rapidement après sa sortie des vaisseaux ; son poids spécifique est de 1,045 à 1,075. 84 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Le sang est constitué par les parties suivantes : 1" Parties solides ou globules } |!°[^;;|^^ ™"f''; ; ; ; ; ; ) _ „, . ,. > caiiioi - l fibrine ou partie coagu- ' 2° Partie liquide ou plasma j lable ( sérum. S"* Gaz du sang. 1. GLOBULES, 1° Globules rouges. Numération des globules rouges. — 1° Procédé de Vierordt. — On étend une petite quantité de sang- d'un volume déterminé d'eau sucrée; on fait passer une petite quantité de ce mélang-e dans un tube capillaire dont on connaît exactement le calibre; on mesure sous le microscope la longueur de la colonne sanguine, ce qui donne le volume du sang; on étend ce sang sur un verre porte-objet dans une solution de gomme qui'en séchant conserve les globules, et on n'a plus qu'à les compter à l'aide d'un micromètre quadrillé. — 2" Procédé de Malassez. — On fait d'abord un mélange parfaitement titré de sang et de sérum artificiel, soit dans une éprouvette, soit avec le méla?igeur'Potai7i. Le sérum artificiel se compose de 1 volume d'une solution de gomme arabique, de densité de 1,020 au pèse-urine, et de 3 volumes d'une solution à parties égales de sulfate de sodium et de chlorure de sodium de même densité. — Le mélangeur-Potain représente une sorte de pipette à tube capillaire ; dans l'ampoule de la- pipette se trouve à l'état de libellé une petite boule de verre; un tube de caoutchouc s'adapte à la partie de la pipette supérieure à l'ampoule; l'autre extrémité du tube est graduée et effilée en pointe et a, entre les deux traits extrêmes de la graduation, une capacité de 1 centième de la capacité totale de l'ampoule. Pour faire un mélange au 1/100% on aspire par le tube en caoutchouc une colonne de sang égale à la longueur de la partie graduée et on aspire ensuite du sérum artificiel de façon à remplir l'ampoule; on agite le tout, et la petite boule contenue dans l'ampoule mélange entièrement le sang et le sérum. Ce mélange est alors introduit dans un tube fin en verre (capillaire artificiel), calibré et cubé, qu'on place sous le micros- cope et dont on compte les globules sur un micromètre quadrillé. (Arch. de Phys., 1874.) Les globules rouges, ou hématies ifig. 13, page 85), sont de petits corpuscules de 0""",007 de diamètre sur 0'"'",0019 d'é- LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. 85 paisseur; ils ont la forme cl une lentille biconcave, de façon que, vus de face, ils représentent un disque circulaire avec une dé- ;^ot 'vi) ^^t%fl Fig, 13. — Globules du sang. (Voir page 84.) pression centrale, et de profil un bâtonnet un peu renflé à ses deux extrémités. Leur couleur est jaunâtre clair, et ce n'est qu'en grande masse qu'ils ont une coloration rouge. Ils sont très-mous, élastiques et, après avoir été comprimés ou étirés, reprennent immédiatement leur forme primitive; cette élasticité leur permet de se modifier suivant les obstacles qu'ils rencon- trent et de traverser des capillaires plus fins que leur diamètre. Une particularité singulière encore mal expliquée est la pro- priété qu'ils ont de s'empiler les uns à côté des autres comme des piles de monnaie (fig. 13, a). Leur volume, de 0,000,000,68 de millimètre cube (Welcker), a une assez grande fixité pour une même espèce animale. Leur nombre est considérable; Vierordt l'évalue à 5 millions par millimètre cube; Hoppe-Seyier a trouvé par son procédé 326 parties de globules pour 1,000 parties en poids de sang de cbe- val. D'après Welcker, la totalité des globules rouges contenus dans le sang représente une surface de 2,816 mètres carrés (sur- face oxydable du sang). Leur densité, 1,105, est plus considéra- ble que celle du plasma ; aussi, si on laisse le sang reposer en retardant la coagulation de la fibrine, tombent-ils au fond de l'éprouvette. Les globules sont constitués par une masse demi-solide, ho- mogène, dépourvue de membrane d'enveloppe et de noyau; ce dernier se rencontre cependant dans la vie embryonnaire et chez les vertébrés inférieurs. L'existence d'une membrane d'enveloppe a été longtemps admise et l'est encore aujourd'hui par quelques I-'ig. 13 ■ — a, globules empilés en colonnes. — h, c, globules vus de face. 86 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE.' histologistes. Briicke distingue dans le globule une masse po- reuse, sorte de charpente molle, transparente, ou Yoïkoïde, et une substance vivante, contractile, colorée, le zooïde. Béchamp et Estor les considèrent comme des agrégations de microzymas (voir : Fermentations). Les globules rouges sont circulaires chez tous les mammifères, sauf les caméliens; ils sont elliptiques chez les caméliens, les oiseaux, les amphibies {fig. 14), les reptiles et la plupart des poissons; ils sont circulaires chez les cyclostomes. Leur grandeur est très-variable pour les ditTérentes espèces; les plus considérables se rencontrent chez les amphibies; ceux du protée ont V12 d.^ millimètre. Composition du globule sanguin. — p,^. i4. _Giobuiosdasa„g Le globule sanguin se compose de deux de grenouille, parties, le stroma, ou masse globulaire, et la matière colorante ou hémoglobine. Procédés de séparation du stroma et de la matière colorante. — 1*' Isolement du stroma. — Pour isoler le sîroma de lamalrère colorante, on peut employer divers procédés; la réfrigération, Féleclricité font passer dans le plasma la matière colorante des globules. Si on laisse tomber goutte à goutte du sang déGbriné (surtout de cabiai) dans une capsule placée dans un mélange réfrigérant et qu'on chaufTe en- suite rapidement à -\-W, le sérum se colore et les globules restent à peu prés incolores (Rollet). — 2° Extraction de l'hémoglobine. Procédé de Preyer. On prend du sang de cheval ou de chien qu'on laisse se coa- guler; on décante le sérum; on lave le caillot à l'eau glacée et on le fait congeler; on le triture sur un filtre avec de l'eau glacée jusqu'à ce que l'eau de lavage ne précipite plus que faiblement par le bichlorure de mercure; puis on dissout le globule dans Peau tiède (10°). Le liquide filtré est recueilli, additionné d'une quantité convenable d'alcool et abandonné dans un mélange réfrigérant; il se dépose des cristaux qu''on lave avec de Peau glacée alcoolisée et qu'on purifie par une recristalli- sation. (Pour les détails et pour les autres procédés de préparation, voiries Traités de chimie spéciale et surtout le Manuel de chimie pra- tique de E. Kitter, et le mémoire de W. Preyer : Die Blutkr y stalle.) Le stroma globulaire (globuline de Denis), obtenu par le pro- cédé de Uollet, a conservé la forme et la plupart des propriétés des globules rouges ; mais les globules ainsi décolorés sont de- LIQUIDES DU CORPS HUMAI.X. 87 venus moins lourds et ne tombent plus au fond du liquide. Ce stroma est insoluble dans le sérum, l'eau disliUije, les solutions salines étendues, l'eau sucrée; au-dessus de GO", il se dissout en se divisant d'abord en gouttelettes. Chimiquement, ce stroma se compose de deux substances, de paraglobuline et de protagon (voir à l'appendice), substance azotée et phosphorée qui en cons- titue la plus grande masse; en outre, ce stroma contient des sels, et particulièrement des sels de potasse, et un peu de chaux et de magnésie. La matière colorajite ou lirmof/Iolnne imprègne la masse du stroma; elle est unie ou phitôt combinée à une certaine quantité d'oxygène et forme l'oxyhémoglobine. Les caractères de l'hémo- globine et de l'oxyhémoglobine ont été donnés page 68. Influence de divers agents sur les globules rouges. — Après leur sortie des vaisseaux, les globules rouges s'altèrent très- rapidement et prennent des formes singulières; ils se dentèlent sur leurs bords (aspect crénelé) et présentent des prolongements fibformesou arrondis (voir /îiy. 15, Z', s, t, r,p, page 88). L'eau et les solutions salines étendues leur donnent une forme sphérique et les décolorent en leur enlevant l'hémoglobine; les solutions con- centrées, au contraire, les réduisent et les ratatinent. L'oxygène, le froid, la quinine, l'alcool, l'acide cyanhydrique, augmentent leurs dimensions ; l'acide carbonique, la chaleur, la morphine, produi- sent l'effet inverse (W. Manasséin). Le tannin, l'alcool, en coagu- lent la paraglobuline; les acides, les acides biliaires, le sérum dune espèce animale éloignée, dissolvent les globules. L'électricité les détruit et fait passer la matière colorante dans le sérum. Une température de -+- b2'' produit des altérations très- curieuses : ils se liquéfient en se divisant d'abord en gouttelettes et en présentant des prolongements variqueux. Ils sont plus nom- breux chez l'homme que chez la femme et paraissent diminuer par les progrès de l'âge. Genèse et évolution des globules rouges. — Il y a encore une grande obscurité sur cette question. Chez l'embryon, les premiers globules qui paraissent se déta- chent des parois du cœur (observation personnelle). En exami- nant un embryon de brochet, à l'époque où le cœur bat ou plutôt exécute une sorte d'ondulation, et avant que la circulation ne soit 88 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Otal)]ie, j'ai constaté les faits suivants : le cœur est à ce moment constitué par des cellules polygonales très-régulières ; à deux reprises, j'ai vu très-distinctement une de ces cellules, plus ré- fringente que les autres, se détacher peu à peu des parois du cœur, devenir libre et passer alors, comme globule sanguin, dans la cavité cardiaque où elle se charge de matière colorante. Robin et la plupart des auteurs les font provenir directement des cellu- les du feuillet moyen du blastoderme. La multiplication des glo- bules rouges se fait par scission des globules primitifs, scission qui porte d'abord sur le noyau {fig. 15, i) et consécutivement sur Fig. 15. — Globules du sang ar Wurtz. de la lymphe et du chyle d'un taureau vivant en pleine digestion et d'une vache vivante : TAUREAU. VACHE. Lymphe. Chyle. Lymphe. Chyle. Eau 938,97 929,71 955,38 951,24 Fibrine 2,05 1,96 2,20 2.82 Albumine 50.90 59,64 34,76 38,84 Graisse 0,42 . 2,55 0,24 0,72 Sels. 7,63 6,12 7,41 6,36 La comparaison de la lymphe et du sang donne des résultats instructifs; comme l'indique le tableau suivant, en passant à 112 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. travers la membrane des capillaires sanguins, le plasma du sang perd environ la moitié de son albumine et les deux tiers de sa fibrine; les autres principes et en particulier les sels passent à peu près en même proportion : Pour 1,000 parties. Plasma Plasma Plasma • sanguin, lymphatique, du chyle. Eau 901,50 957,61 958,50 Fibrine 8,06 2,18 1,27 Albumine 81,92 32,02 30,85 Sels 8,51 7,36 7,55 Chlorure de sodium 5,546 5,65 5,95 Soude 1,532 1^30 1,17 Variations de la' lymphe. — La lymphe n'a pas la même composition dans les divers points du système lymphatique. Avant les gangUons lymphatiques, ]a lymphe est très-pauvre en globules et en fibrine; dans le canal thoracique, elle contient un assez grand nombre de globules rouges, probablement par reflux sanguin. La quantité de graisse est surtout très-variable; elle peut monter jusqu'à 30 et plus pour 1,000. 3. — CHYLE. Procédés. — Pour voir les cliylifères gorgés de chyle, il suffit d'ouvrir un anioial en pleine digestion et d'examiner le mésentère; les chylifères apparaissent sous forme de traînées blanches. (Découverte des chylifères, par Gaspard Aselli, en 1622.1 — Procédé de Colin {fig. 18, page 113). On introduit une canule dans un des gros chylifères qui accompagnent l'artère mésentérique du bœuf. — Ouvrir le réservoir de Pecquef sur un animal en pleine digestion. Hors l'état de digestion, le liquide des chylifères est tout à fait identique à la lymphe; ce n'est que pendant la digestion qu'il se présente sous un aspect particulier. C'est un liquide fai- blement alcalin, laiteux ou opalin, coloré quelquefois d'une légère teinte jaunâtre ou jaune verdàtre, d'une consistance va- riable, mais ordinairement fluide et d'un poids spécifique de 1,020 environ. Son odeur et sa saveur sont les mêmes que celles de la lymphe. Gomme elle, il se coagule après sa sortie des LIOUIDES ru CORPS HL'MALX. 113 vaisseaux, et son caillot est mou, gélatineux, peu rétractile: on a remarqué que la coagulation se fait plus vite et est plus complète quand on prend le cliyle sur l'animal vivant que quand on le recueille après la mort; la substance fibrinogène parait se dé- truire très-vite. Fig. 18. — a, a, chylifère. — h, n.éspiiière. — c, d, e, intestin. Une canule d'arpent est fixée dans le chyliière et prolougée par un li bo de caou'.choue; le chyle est recueilli dans une capsule. • Blaunis. PIlVS. 8 lli CHDIIE PHYSIOLOGIQUE. Le chyle contient les mêmes éléments anatomiqiies que la lymphe, et de plus, d'innombrables granulations moléculaires excessivement fines, qui ne sont autre chose que des granula- tions graisseuses entourées d'une membrane albuminoïde. La quantité de chyle ne peut guère être évaluée d'une façon précise. On a bien cherché à la déterminer par la quantité de graisse absorbée dans l'intestin, en admettant que toute la graisse absorbée passait dans les chylifères; la proportion de graisse dans le chyle est de 3 p. 100 environ ; la quantité de graisse ingérée dans l'alimentation est d'à peu près 90 grammes par jour; la quantité de chyle produite en 24 heures serait de 3 kilogrammes (Yierordtj; ces données sont trop incertaines pour y attacher grande importance. La composition chimique du chyle se rapproche beaucoup de celle de la lymphe (voir: Analyse de la lymphe); seulement il est plus riche en matières sohdes (') et surtout en graisses, qui varient du reste suivant l'alimentation : outre des graisses neutres, on y rencontre de petites quantités de savons. L'existence de traces de peptones, annoncée par Ktlhne. n'a pas été confirmée par les autres observateurs. Parmi les matières organiques, la présence delà glycose a donné lieu à de nombreuses discussions; suivant les uns, elle y existerait toujours, quel que soit le mode d'alimentation: suivant d'autres, elle ne se rencontrerait que dans le cas d'alimentation féculente et sa proportion serait exac- tement en rapport avec la quantité de cette alimentation. L'urée n'a été trouvée que dans le chyle du canal thoracique. Owen Rees donne les chiffres suivants pour le chyle pris dans le canal thoracique d'un décapité : Eau 90,48 7o Extrait alcooliqufi . . . 0,52 °/o Albumine et fibrine . . 7,08 Graisse 0,92 Extrait aqueux .... 0,56 Sels 0,44 • Les variations de composition du chyle ont été peu étudiées et leur étude a donné des résultats contradictoires. Chez l'animal à jeun, Tiedemann et Gmelin l'ont trouvé plus pauvre en eau, plus riche en parties solides, fibrine, albuminoïdes et globules. Ce qu'il y a de certain, c'est que la proportion de graisse du chyle augmente par l'alimentation. (') C. Schmidt est pourtant arrive' à un re'sultat diffe'rent. J LIQUIDES DU CORPS HUM.UN. 115 Bibliographie de la lymphe et du ehyle. — Bonssox : De la Lymphe, l<5i5.__II. >,A.S!>K : article Lymphe, dans ÉanducerterbucU der Physiologie. — GrBLF.R et QrÉvKxxE : Gaz. médicale de Paris, 1854. — Bf.auxis : Anatomie géné- rale et Physiologie du système lymphatique, 1863. — CoLix : Traité de physiologie comparée, 1873. Article deuxième. — Sérosités et Traxssudations. Les sérosités et les tr ans su dations séreuses proviennent du plasma sanguin exsudé à travers les parois des vaisseaux et plus ou moins modiûé à la traversée des membranes connectives et surtout épithéiiales. Ces sérosités doivent donc être rapprochées du plasma lymphatique et ont en elTet une composition à peu près identique, sauf les proportions relatives de certains principes et surtout des substances albuminoïdes qui, comme toutes les subs- tances colloïdes, sont très-peu difiFusibles. Ce sont des liquides jaune ambré, souvent fluorescents, un peu visqueux, alcahns comme le plasma sanguin. La coagulation spontanée se montre quelquefois dans les transsudations séreuses (ainsi dans la séro- sité péricardique), mais elle est toujours plus lente que pour le sang, à cause de la pauvreté de ces liquides en paraglobuline; ils se coagulent cependant toujours si on ajouleun peu de para- ■globuliue. Les sérosités contiennent toujours quelques globules blancs, identiques à ceux de la lymphe. Les substances albuminoïdes des sérosités consistent en albu- mine ordinaire (albumine du sérum et albuminate de potasse), substance fibrinogène et des traces de paraglobuline. On y relrouve les matières extractives (urée, créatine, créatinine, acide urique, leucine, tyrosine,) la graisse, la cholestérine, les sels mi- néranx qu'on rencontre dans le plasma sanguin. On y trouve en outre des gaz en dissolution, surtout de l'acide carbonique. Quelques-uns de ces liquides olîrent des caractères particuliers. La sérosité cfu péricarde contient le plus de hbrine et se coagule le plus facilement. Le liquide cérébro-spinal, au contraire, est in- coagulable; son albumine est très-analogue à la caséine: on y trouve uue matière ressemblant à l'alcaptone, de la glycose (Cl. Bernard), et une assez forte proportion de phosphates et de sels de potasse. Le liquide allanlo'idien renferme de l'allantoïne, une albumine de nature spéciale, des laclates alcalins, du chlo- rure de sodium, des phosphates et de la glycose (chez les herbi- vores). Le liquide amniotique contient de l'albumine, de l'uree tl6 CaiMIE PHYSIOLOGIQUE. du sucre de lait, de l'acide lactique (?), de la giycose, qui dispa- raît quand le sucre apparaît dans le foie (Cl. Bernard), et des sels (clilorure de sodium, carbonates alcalins et traces de phos- phates et de sulfates). Voici, comme spécimen de composition des sérosités, la moyenne de deux analyses de Gorup-Besanez de la sérosité péri- cardique de deux suppUciés : Eau 958,98 Albumine 23,15 Fibrine 0,81 Matières extractives. . . . 10,45 Sels 7,00 Article troisième. — Sécrétions salines ET extractives. 1. — URINE. L'urine est sécrétée par les reins; à l'état normal, c'est un liquide clair, transparent, de couleur jaune pâle ou jaune ambré, d'une odeur caractéristique, d'une saveur amère et un peu salée.* Sa densité est de 1,005 à 1,030; sa réaction est acide. Sa quan- tité, très-variable du reste, est d'environ 1,275 centimètres cubes par jour en moyenne, soit 0,40 centimètres cubes par kilo- gramme de poids du corps. Elle ne contient pas d'éléments ana- tomiques, sauf accidentellement quelques lamelles épithéliales provenant des voies urinaires. Caractères chimiques de l'urine. — L'urine possède en moyenne, pour 1,000* parties, 960 parties d'eau et .40 parlies de principes solides en dissolution dans l'eau. Ces principes solides peuvent être divisés en quatre groupes; ce sont : l"* des princi- pes azotés qui proviennent de la désassimilation des substances albuminoïdes ou de leurs dérivés; 2° des principes non azotés; 3° des matières colorantes; 4'' des sels minéraux. Elle ne contient pas d'albumine. Enfin , des gaz sont tenus en dissolution dans l'urine. r Les principes azotés, qui constituent la partie la plus im- portante de l'urine tant au point de vue chimique qu'au point de LIQUIDES DU COUPS HU.AIAIN. 117 vue physiologique, sont, en première ligne, lurée, puis l'acide urique, Vacide hippurique, la créatinine. la créatine (qui cepen- dant, d'après Heintz, n'existerait pas dans l'urine fraîche), et dans certains cas l'allantoïne, 11 y a environ 25 parties pour 1,000 de principes azotés dans l'urine, et l'urée, à elle seule, en forme la presque totalité, 24 sur 25. On y a signalé encore, mais en quan- tités inappréciables, la présence d'autres corps azotés qu'il suf- fira de mentionner: xanlliine, hypoxanthine, acide cryptophanique (auquel W. Tudichum attribue l'acidité de l'urinej, triméthyla- mine, diamide lactyjique de Baumstark, et des traces d'acides binaires (Dragendorffj. 2° Les principes non azotés se trouvent en bien plus faible proportion dans l'urine. Ce sont l'acide oxalique (à l'état d'oxa- late de chaux) et la glycose qui, d'après les recherches récentes de Brïicke et Bence Jones, existerait à l'état normal dans l'urine, quelle que soit l'ahmentation. L'urine contient encore des traces d'acides gras (acétique, butyrique, propionique, etc.), du phénol (Hoppe-Seyler), de l'alcool (Béchamp), des acides succinique, tau- rylique, damalurique, etc. 3° Les matières colorantes de l'urine sont encore peu connues. Ce sont Tindican et Vurobiline. Par la concentration spontanée de l'urine, l'indican se décompose en donnant naissance à une série de produits, qui consistent en matières colorantes jaunes (indicanine) et rouges (indirubine), indiglucine, leucine et acides gras. On peut rencontrer encore accessoirement dans l'urine normale de l'uroglaucine et de l'indirubine ('voir, pour les carac- tères de ces matières colorantes, l'ajipendice page 51). 4° Les substances inorganiques sont dans la proportion de 15 grammes environ par litre, décomposés de la façon suivante: chlorure de sodium, 10 à 11 grammes; acide phosphorique, 2 grammes à 2^'',3 ; acide sulfurique, 1-^3 ; plus 1 à 2 grammes d'autres principes, potasse, chaux, magnésie; des carbonates, en quantité très-variable; des traces de fer et de silice; des azotates, d'après Schœnbein. La présence de l'ammoniaque, niée par Pasteur et Van Tieghem, est affirmée par Boussingault, Neubauer, Heintz; d'après Tidy et Woordmann, la quantité d'ammoniaque excrétée par jour serait de 10 centigrammes. Babuteau admet l'existence dans l'urine de bromures alcalins. Les phosphates terreux sont tenus en dissolution, grâce à l'acidité de l'urine. 5° Gaz de rurine. — L'urine contient environ 1 i volumes de CUniIE PHYSIOLOGiriUE. n gaz pour 1 00 : ces gaz sont surtout de l'acide carbonique (13p. 100), une petite quantité d'azote il p. 100) et des traces d'oxygène. Le coeflicient d'absorption de lurine pour ces gaz est à peu près le mémo que celui de l'eau. La réaction acide de l'urine est due principalement à l'acide urique et au pbosphate de soude; elle correspond à l^'',5 de soude. Les dépôts qui se forment dans l'urine ou sédiments urinaires sont plutôt du ressort de la pathologie; ils consistent principale- ment en acide urique, urates de soude et d'ammoniaque, oxalate de chaux et phosphate ammoniaco-magnésien. Analyse de l'urine. — L'analyse de Turine comprend les opérations suivantes : 1° On essaye la réaction de Turine; on détermine le degré d'acidité à l'aide d'une liqueur titrée de soude. 2" On dose les matières inorganiques en évaporant une quantité donnée d'urine et en incinérant le résidu avec précaution. 3" Les matières organiques sont dosées par la diiTérence de poids du résidu de l'évaporation simple et du résidu de l'incinération. 4o On dose les divers principes minéraux par les mélhodes ordi- naires. 5° Dosage de l'urée. — a) Procédé de Liebig. On emploie une liqueur titrée d'azotate mercurique; on reconnaît que toute l'urée est précipi- tée quand l'addition du réactif indicateur, carbonate de sodium, produit nne coloration jaune. — b) Pr. de Leconite. On décompose l'urée par riiypochlorite de sodium en acide carbonique et azote, et on mesure l'azote produit. — o Pr. d'Yvon. Le principe est le même, mais on emploie riiypobromitc de sodium. Esbacli a simplifié ce procédé et l'a rendu plus pratique. [Bull, de thérapeulicjue, 1874.) — d) Pr. de Millon. On décompose l'urée par l'acide azoteux en acide carbonique et azote, et on mesure l'acide carbonique; Gréhant se sert de la pompe à mercure pour recueillir les gaz. — e) Pr. de Bunsen. On transforme l'urée en car- bonate d'ammonium en la chauffant dans un tube scellé, et on dose le carbonate à l'élal de carbonate de baryum. C)" Dosage de l'acide urique. — On précipite l'acide urique par Pacide chloihydrique et on pèse le précipité obtenu. T' La créatinine est dosée par la précipitation parle chlorure de zinc. 8" Les autres matières non dosées (sels ammoniacaux, acide libre, ma- tières colorantes, etc.) sont dosées par différence. 9'' On dose l'azole des matières azotées en calcinant l'urine avec de la chaux sodée; l'azote se dégage à l'état d'ammoniaque, qu'on dose par le procédé volumétrique avec l'acide sulfurique titré. Ce procédé parait peu exact; le chiffre d'azote obtenu est trop faible. J En Pour 1,000 parties 24 heures. d'urine. 1^500,00 1,000,00 1 "^,440,00 900,00 G0,00 40,00 35,00 23,30 0,75 0.50 10,50 11,00 3.50 2.30 2,00 1,30 1,20 0,80 0,G5 0,40 3,00 2,00 LIQUIDES I)C CORl'S HUM A IX. 119 Composition de l'urine. — Le tableau suivant donne, d'après ,1. Yogcljla composition de riiniie en vingt-quatre heures (première colonne), et pour 1,000 parties en poids d'urine (deuxième colonne) : Quantité d'urine . . Eau Parties solides. . . Urée Acide urique . . . Chlorure de sodium. Acide phosphorique. Acide sulfurique . . Phosphates terreux. Ammoniaque . . . Acide libre . . . . Variations de composition de V urine. 1" Variations spontanées. — a) Variations de V urine dans la vessie. — Quoique Uabsorption parla muqueuse vésicale ait été niée par quelques auteurs (Kûss, Susiui), Uurine parait se con- centrer par son séjour dans la vessie; mais la résorption ne porte pas seulement sur l'eau; d'après Kaupp, elle porterait aussi sur les différents principes fixes (urée, sels), quoique en plus faible proportion. — b) Altérations spontanées à l'air. — L'urine se fonce après son émission; ce changement de coloration paraît dû à une absorption d'oxygène (Pasteur) et à une oxydation de la matière colorante. Puis Uurine se recouvre peu à peu d'une pelli- cule blanchâtre et acquiert une réaction acide plus prononcée [fermentation urinaire acide\ en même temps que se déposent des cristaux jaune rougeàtre d'acide urique et durâtes; d'après •Schérer, il y aurait formation d'acide lactique par dédoublement de la matière colorante sous l'inlluence d'un ferment mycoder- mique analogue au M. cerevisiœ (levure de bière). Plus lard la fermentation ammoniacale s'(,Hablit sous l'influence d'un fer- ment spécial, constitué par une torulacée dont les globules ont 0""n^0015 de diamètre. (Van ïieghem); l'urée se transforme en carbonate d'ammoniaque; l'urine devient alcaline, plus pâle, prend une odeur ammioniacale, et il se dépose en même temps des 120 CHIMIE PHYSIOLOGIOrE;. phosphates et oxalates terreux, de lïirate d'ammoniaque et ûu phospliate ammoniaco-magnésien {fig. 19j. Fig, 19. — Phosphate ammoniaco-magnésien. 2° Variations des divers principes de l'urine. — a) Urée. La quantité d'urée excrétée diminue de l"eiifance à la vieillesse; ainsi, pour 1 kilogramme de poids du corps, on trouve en vingt- quatre heures les chitîres suivants (Uhle) : Enfant de 3 à 6 ans I"'",00 — de 8 à 11 ans 0-'",S — de 13 à IG ans 0?'',4 à 0-\G Adulte 0°^5 L'homme en sécréterait plus que la femme. L'urée augmente par un régime azoté, diminue par une alimentation végétale; mais elle ne tombe jamais à 0, et on en retrouve encore dans les urines après vingt jours d'inanition. C'est probablement à l'in- fluence de l'alimentation qu'il faut rapporter les variations jour- nalières de l'urée; le minimum se renconti-e pendant la nuit, le maximum cinq heures après le repas. L'exercice musculaire, le travail cérébral augmentent la propoition d'urée; le môme effet est produit par l'ingestion d'eau, de chlorure de sodium, de substances azotées (urée, acide urique, glycocolle, guanine, etc.). Elle diminuerait au contraire par l'usage de l'essence de térében- thine, de l'éther, de la digitale, de l'acide arsénieux, du tabac. Le thé et le café seraient sans actign (Hammond) ('). — b) Acide urique. L'âge et le sexe paraissent avoir peu d'influence sur la (') Cependant E. Boux a constate' récemment une augmentation cVure'e par l'usage du café'. LIQUIDES DU COUPS HUMAIN. 121 sécrétion de l'acide urique; cependant la proportion en serait plus forte chez les enfants à la mamelle. L'alimentation, au contraire, a une influence marquée; la proportion d'acide urique peut monter à 1 gramme et Isr^S par jour par une nourriture animale et tomber à 0^'',30 par une alimentation végétale. On observe aussi des variations journalières correspondantes; après le repas, sa quantité augmente rapidement, puis baisse et atteint un chiffre qui reste constant jusqu'au repas suivant. Il manque dans l'urine des herbivores où il est remplacé par l'acide hippu- rique. L'influence de l'exercice musculaire et d'autres conditions fonctionnelles est encore incertaine. Le sulfate de quinine, à fortes doses, diminue la proportion d'acide urique (Ranke). — c) Acide hippurique. Il existe dans les urines des herbivores et apparaît chez l'homme après l'ingestion de certaines substances, acide benzoïque, acide quinique, acide cinnamique, essence d'amandes amères ou de certaines matières alimentaires, prunes, baies de myrtille, lait, etc. Le foin, le son, la paille, la substance cuticulaire (Meissner;, augmentent sa quantité chez les herbivores. — d; L'acide oxalique augmente par l'alimentation végétale, surtout par l'usage de certains aliments, tels que l'oseille, les épinards, les tomates, etc. — e) Eau. La proportion d'eau et en même tqmps la quantité d'urine éliminée s'accroissent par l'in- gestion des boissons; cet accroissement se montre au bout de deux heures. Le chlorure de sodium et les aliments salés aug- mentent aussi la quantité d'eau. — f) Principes minéraux. Le chlorure de sodium présente deux maxima, l'un dans la matinée, Uautre -dans Uaprès-midi; par l'inanition, il peut tomber à 2 à 3 grammes en vingt-quatre heures, maisne disparaît jamais complètement; il augmente par l'ingestion des boissons ainsi que par l'exercice musculaire et le travail cérébral. Le maximum des sulfates se rencontre dans l'après-midi, après le repas; leur quantité s'accroît par l'alimentation animale, l'exercice muscu- laire; elle diminue par une nourriture végétale et pendant la grossesse. Les phosphates présentent des variations journalières parallèles à celles de l'urée; ils augmentent par le régime azoté, l'exercice musculaire, le travail de tète (■?^, le sommeil (?); on ob- .serve une diminution par l'alimentation végétale, ainsi quq. chez les femmes enceintes et les enfants à l'époque de la croissance. 3° Variations de Vurine suivant les divers états de Vorga- nisme. — a) Age. A poids égal, l'enfant sécrète beaucoup plus 122 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. , durine, surtout d'urée et de sels, que l'adulte. Le tableau suivant donne, en grammes, les quantités d'urine et principes consti- tuants chez l'enfant et chez l'adulte (Moslerj : En Pour 1 kilogramme 24 heures. de poids du corps. Enfant. Adulte. Enfant. Adulte. Quantité d^urine 1,526,0 1,87-5,0 TsToo 4o7oO ^^^^ 18,8 3G,2 0^95 0,75 Chlorure de sodium 8, G 15,6 0,44 0 32 Acide sulfurique 1,0 2,6 0^06 0^05 Acide phosphorique 3,0 4,9 0,16 0,08 Chez le vieillard, la quantité d'urine et surtout de principes solides diminue; d'après V. Bibra, les matières extractives aug- menteraient notablement. — b) Sexe. Chez la femme, la quantité d'acide, ainsi que la proportion des matières solides (urée et sels), est plus faible que chez l'homme. 4° Variations fonctionnelles.— a) Alimentation. Les boissons augmentent non-seulement la quantité d'eau de l'urine, mais aussi la quantité des sels, sans augmenter dans la même propor- tion le chiffre de l'urée et de l'acide urique, d'où diminution rela- tive de ces deux principes. Une ahmeatation animale rend l'urine acide, et augmente la quantité d'urée, d'acide urique, de .sulfates, de phosphates et de chlorures; l'ahmentation végétale rend Turine alcahne (urine des herbivores); sous son influence, on constate un accroissement de l'acide hippurique, de l'acide oxalique, des carbonates, de la potasse, de la soude et de la glycose (alimenta- tion féculente). L'inanition rend l'urine des herMvores acide, et l'acide hippurique y est remplacé par l'acide urique. — b) Diges- tion. L'urine émise trois heures environ après le repas (urine de la digestion ou du chyle) est dense, colorée, moins abondante, et elle présente déjà les variations de quantité des divers prin- cipes, suivant la nature de l'alimentation, variations qui ont été étudiées plus haut — c) Sueur. Il y a une sorte de balancement entre la sécrétion de la sueur et la sécrétion urinaire : quand l'une augmente, l'autre diminue; mais ce balancement ne s'exerce que dans des limites assez restreintes et porte surtout sur la quan- tité d'^au. — d) i: exercice musculaire accroît la proportion d'urée dans l'urine, et, ce qui est plus douteux, diminuerait la pro- portion d'acide urique; le chlorure de sodium, les sulfates, les phosphates, éprouveraient aussi une augmentation.— e) L'influence LIQUIDES DU CORPS IIIMAIN. 123 de ïactivité cérébrale est encore trop peu précisée pour qu'on puisse y attacher beaucoup d'importance-, d'après Byasson, elle se traduirait par une augmentation d'urée, de clilorure de sodium et de phosphates, et par une diminution d'acide urique. — f) La pression sanguine a une action directe sur la quantité d'urine; c'est parce mécanisme que l'ingestion des boissons (augmentation de la pression sanguine générale) et la constriction de la veine ré- nale (augmentation de la pression locale) produisent une hyper- sécrétion d'urine. — g) Sommeil. L'urine rendue le matin est plus dense, plus colorée, plus acide; l'eau, l'urée, le chlorure de so- dium, les sulfates, sont diminués; les phosphates seuls et peut-être l'acide urique sont augmentés (Kaupp). — h) Grossesse. L'urine est moins dense, plus aqueuse, moins acide, et subit plus facile- ment la fermentation ammoniacale; l'urée et le phosphate de chaux ne paraissent pas diminués; elle contient quelquefois un peu d'al- bumine. La kycstéine, qu'on regardait autrefois comme un principe albuminoïde spécial à l'urine des femmes enceintes, n'est qu'une pellicule irisée constituée par des cristaux de phosphate ammo- niaco-magnésien mélangés à des champignons microscopiques. 5° Variations dues aux causes extérieures. — a) Variations journalières. Les variations journalières de l'urine dépendent en partie des repas; cependant, même dans l'inanition, on a observé un maximum et un minimum qui coïncident à peu près exac- tement avec ceux observés chez l'homme dans le premier cas. Voici, d'après Weigelin, les chiffres donnés pour les quantités d'urine, d'urée et de chlorure de sodium aux différentes heures de la journée (moyenne de six jours) : Quantité t- >„ Chlorure ^ ^ „ HECRES. l'urine. ^'^^- de sodium. observations. 58 c. cub. 2,G11S'' 0,165sr >'uit, 57 min. 2,535 min. 0,1 GO min. G8 2,741 0,2G0 94 2,989 0,378 7^. Levcrctdéjeunor. 110 3,133 0^492 188 3,G50 0,741 21G 3,97G 0,775max. i2\i'o. Dîner. 298 max. 4,348 max. 0,691 150 3,370 0,490 112 3,046 0,341 Nuit. 110 3,568 0,358 S»». Souper. 10 à 12 ^ 72 2,792 - 0,246 11''. Coucher. Jour 124 CHIMIE PHYSIOLOGIOUE. L'acide urigue présenterait deux maxima, l'un de sept à huit heures du matin, l'autre de une à cinq heures de l'après-midi (Schweigi. Les sulfates atteindraient leur maximum six heures après le repas; les phosphates font une exception remarquable : leur maximum tombe vers le soir, entre septet onze heures iMos- 1er). — bi Température. L'élévation de la température extérieure diminue la quantité d'urine, qui devient plus concentrée: les quantités d'urée, de chlorure de sodium et des autres principes subissent aussi une diminution, à l'exception des phosphates et des sulfates. — c) Passage de substances dans Vurine. La plupart des substances minérales se retrouvent dans l'urine dans le même état ; cependant il n'en est pas toujours ainsi; l'iode libre s'y retrouve à l'état d'iodure; le sulfate de potassium ta l'état de sulfate de potasse; le cyanure rouge à l'état de ferrocyanure jaune de potassium. Parmi les matières organiques, celles qui sont facilement oxydables ne passent dans l'urine qu'après avoir été décomposées; ainsi les sels neutres organiques à base alca- line apparaissent dans l'urine sous forme de carbonates alcalins; l'acide tannique donne de l'acide gallique; l'acide benzoïque, l'essence d'amandes amères, donnent de l'acide hippurique, etc. (Wœhleri. La plupart des matières colorantes et odorantes passent dans les urines, sauf le tournesol, le carmin et la chlorophylle; le musc et le camphre n'y passent pas non plus, i Voir, pour plus de détails, les traités de thérapeutique et de toxicologie.) 6° Physiologie comparée. — a) L'urine des herbivores est trouble, jaunâtre, très-alcaline; elle contient de l'acide hippu- rique, des carbonates alcalins et terreux, très-peu de phosphates et pas d'acide urique ordinairement. L'inanition la rend acide; il en est de même pendant la période de l'allaitement. — b) L'urine des carnivores est acide et ressemble à l'urine humaine. — c) L'urine du chien est très-fortement acide et contient un acide particulier, acide cyanurénique qui précipite avec l'acide urique par l'acide chlorhydrique. L'acide azotique y produit souvent une coloration analogue à la réaction de Gmelin: cependant elle n'est pas due à la présence de la bile. — d) L'urine du lapin a les caractères de l'urine des herbivores; elle se trouble par l'ébullition et contient quelquefois une substance qui réduit la liqueur de Barreswill. — c) L'urine du cheval est trouble, très- alcaline et se fonce rapidement à l'air: par la concentration, elle abandonne des cristaux d'hippurate de chaux. — f) L'urine des LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. 125 oiseaux et des reptiles est blanchâtre et consiste surtout en acide urique et urales. Rôle physiologique de l'urine. — L'urine est uniquement un produit d'excrétion; la sécrétion urinaire est la voie princi- pale d'élimination des principes de désassimilation des substances azotées, et une des voies principales d'élimination de l'eau et des substances minérales introduites dans l'organisme. Elle 'a, par suite, un rôle essentiel dans le maintien de la composition du sang et de la lymphe. Bibliographie. — A. Becquerel : Séméiotique des urines, 1841. — Beale : De l'Urine ; trad. par Ollivier et G. Bergerox, 18tj5. — C. Neubaler et Vogel : De V Urine ; trad. par Gauthier, 1870. — Goluixg Bird : £>e V Urine et des Dépôts nrinaires ; traduit par O'Rorke, 1801. 2. — SUEUR. Manière de recueillir la sueur. — On place le sujet, jusqu'au cou, dans une étuve à fond métallique et ou recueille la sueur qui découle du corps (Favre). Pour avoir la sueur de telle ou telle partie du corps, d'un membre, par exemple, on entoure ce membre d'un manchon de verre ou de caoutchouc dont les bords s'adaptent parfaitement à la peau (Anselmino). La sueur est sécrétée par les glandes sudoripares. C'est un liquide transparent, incolore, d'une odeur caractéristique, variable suivant les divers points de la peau, d'une saveur salée. Sa den- sité est de 1,004. Sa réaction est acide. Sa quantité est très- variable; la moyenne est de 700 à 900 grammes par jour ;,mais, sous des influences diverses, elle monte facilement à 1,500 et même 2,000 grammes, et en forçant la sécrétion (étuve et bois- sons abondantes), on peut obtenir des chifTres dix fois plus consi- dérables. La sueur ne contient pas d'éléments anatomiques, mais seulement des lamelles épidermiques détachées de la peau. Caractères chimiques. — La sueur possède en moyenne 10 p. 1,000 de parties solides, dont la moitié est constituée par des principes minéraux où dominent les chlorures alcalins. Les substances azotées de la sueur sont formées presque exclusi- vement par l'urée; sa quantité pour 1,000 parties de sueur serait de 0,044 d'après Favre, de 1,55 d'après Funke. L'ammoniaque 126 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. trouvée dans la sueur paraît proyenir de la décomposition des matières azotées. Quant à l'acide su dorique admis par Favre, son existence est encore douteuse. Les principes non azotés consistent en acides gras volatils (formique, acétique, butyrique, propionique, caproïque, etc.) qui donnent à la sueur, surtout dans certaines régions, une odeur caractéristique; on y trouve en outre de l'acide lactique (?), de la cholestérine et des graisses neutres qui pro- viennent en partie des glandes sébacées. On y a signalé la pré- sence de matières colorantes indéterminées. Les substances mi- nérales sont, en première ligne, le chlorure de sodium, puis le chlorure de potassium, des phosphates et des sulfates alcalins, des phosphates terreux et des traces de fer. La sueur contient en outre de lacide carbonique libre. Le tableau suivant donne les analyses de la sueur par Favre, Schotlin et Funke : Pour 1,000 parties. favre. Eau 995,573 Matières solides 4,427 Épithélium — Graisse 0,013 — • — Lactates 0,317 — — Sudorates 1,562 . — — Matières extractives. . 0,005 11,30 — Urée 0,044 — 1,5.: Chlorure de sodium 2,230 3.60 — Chlorure de potassium 0,024 — — Phosphate de soude Traces./ Sulfates alcalins 0,011 ) Phosphates terreux Traces. 0,39 — Sels en général — 7,00 4,36 SCHOTTIX. FUSKE. 977,40 988,40 22,60 11,60 4,20 2,49 1,31 On voit, en comparant ces analyses à celle de l'urine, qu'il .y a une assez grande différence de composition, quantitativement surtout, entre la sueur et l'urine. "Variations de la sueur. — a) Variations locales. La sueur de certaines régions a une odeur spéciale, caractéristique (ais- selle, pieds); elle devient aussi plus facilement alcahne, mais fraîche, elle est toujours acide. La sueur des pieds contient plus de principes fixes et de potasse spécialement que celle des bras. — LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. 127 b) Lu durée de la sécrétion a de l'infliieDce sur la composition de la sueur. Les premières parties sont plus riches en acides gras, les dernières en sels minéraux et même, au bout d'un certain temps, d'après Favre, la sueur deviendrait alcaline. La quantité d'urée augmente, mais pas proportionnellement, avec la quantité de sueur. La sueur est, du reste, d'autant plus concentrée que la quantité de la sécrétion est moins considérable. — c) Variations fonctionnelles. L'alimentation et surtout une nourriture animale augmentent la sécrétion sudorale ; les boissons, principalement les boissons chaudes et alcooliques, ont un effet encore plus marqué. On a signalé plus haut les rapports de la .sueur avec la sécrétion urinaire. Tout ce qui active la circulation, spécialement la circu- lation cutanée, tout ce qui détermine un appel de sang à la peau (bains chauds, vêtements épais et mauvais conducteurs du calo- rique, frictions, etc.) provoque une abondante transpiration. 11 en est de même de l'exercice musculaire. Les affections psychiques, crainte, honte, douleur, etc., ont aussi une influence bien connue sur la production de la sueur et surtout des sueurs locales. — d) Variations par causes extérieures. Une température élevée de l'air atmosphérique, son état d'agitation qui renouvelle les couches en contact avec la peau, sa sécheresse, favorisent la sécrétion de la sueur en amenant une évaporation plus rapide. — e) Passage de substances dans la sueur. L'iode, l'iodure de potassium, les acides arsénieux et arsénique, l'alcool, le sulfate de quinine, les acides benzoïque (en partie transformé en acide hippurique), succiniqne, tartrique, se retrouvent dans la sueur; certaines matières odorantes, l'ail, par exemple, s'éUminent en "partie par la sueur. Rôle physiologique de la sueur. —La sueur est en pre- mière ligne un liquide d'excrétion, et quoique la quantité de ses principes soUdes soit très-faible, ce rôle de sécrétion éli- minatrice paraît cependant avoir une certaine importance, sans qu'on puisse en déterminer la signification d'une façon précise. En outre, la sueur a, par son évaporation, une influence très- grande sur la régularisation de la température du corps (voir : Chaleur animale). Rihliographie. — Favke : Recherches sur la comjpositioji deloàueitr chez Vhomme, (Arch. géu. de méd., Ib-JJ.) 128 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. 3. — LARMES. Les larmes sont sécrétées par ia glande lacrymale. Elles cons- tituent un liquide incolore, d'une saveur salée, de réaction alca- line. Elles contiennent environ 10 p. 1,000 de principes solides, qui consistent en un peu de mucus ou d'albumine [dacryoline]^ précipitable par la chaleur, des traces de graisse et des sels mi- néraux. Ces derniers sont presque exclusivement formés par du chlorure de sodium et par une très-petite proportion de phos- phates alcalins et terreux. L'analyse suivante donne , d'après Lerch, la composition des larmes : Eau , 982,00 Albumine et traces de mucus 5,00 Chlorure de sodium 13,00 Autres sels minéraux 0,20 1,000,20 4. — BILE. Procédés pour recueillir la bile. — La bile peut être recueillie dans la vésicule biliaire après la mort de l'homme (suppliciés) ou de Tanimal. Mais pour avoir la bile tout à fait pure, il faut la recueillir pendant la vie, immédiatement après sa sortie du canal hépatique et sans lui laisser le temps de séjourner dans la vésicule. C'est dans ce but qu'où pratique des fistules biliaires arlificielles (Schwann). — Procédés opératoires. 1° Chez le chien. — L'animal doit être à jeun; on incise l'abdomen; on place deux ligatures sur le canal cholédoque, l'une après son abouche- ment avec le canal cystique, l'autre près de l'intestin, et l'on incise la partie intermédiaire pour éviter le rétablissement du canal. On fixe ensuite le fond de la vésicule biliaire à la paroi- abdominale, afin que les adhérences s'établissent; on incise alors le fond de la vésicule et on place une canule pour recueillir la bile qui s'écoule. Les chiens peu- vent survivre très-longtemps à l'opération. Le procédé est à peu près le même chez le chat, le lapin, le cabiai, le porc, le mouton, etc.; mais ces animaux survivent plus difficilement; les cabiais meurent en général au bout de vingt-quatre heures. — 2" Chez le cheval, qui n'a pas de vé- sicule biliaire, il faut placer directement la canule dans le canal cholé- doque ou dans le canal hépatique (Colin). Du reste, on- peut aussi, chez les autres animaux, placer la canule dans le canal cholédoque au lieu de la placer dans la vésicule biliaire incisée. — 3" Fistules amphiboles du canal cholédoque. — On fait une fislule duodénale et on passe par le duodénum, dans le canal cholédoque, une canule pourvue de deux ou- vertures, une ouverture terminale qui déverse la bile à l'extérieur et LIOCIDES DU CORPS HUMALX. 1-29 une ouverture latérale qui donne dans le duodénum; suivant que Ton bouche Tune ou l'autre des ouvertures, la bile se rend à l'extérieur ou se jette dans le duodénum (SchifT). — 4'^ Chez Vhomme, on a pu recueil- lir de la bile, sur le vivant, dans des cas de fistule des conduits bi- liaires ou de la vésicule. La bile est sécrétée par le foie. La bile fraîche est un liq[uide jaune rougeàtre chez l'homme et les carnivores . vert chez les herbivores, d'une saveur amère avec un arrière-goût fade et douceâtre; d'une odeur spéciale. Sa densité est de 1,026 à 1,030. Sa réaction est neutre. Dans la vésicule, elle se concentre et se fonce en passant au vert et devient filante, de fluide qu'elle était auparavant; elle contient alors du mucus de la vésicule biliaire et des cellules épithéhales; sa réaction est faiblement alcaline chez les herbivores, acide chez les carnivores iCl. Bernard . Elle se dissout presque en entier dans l'eau, en donnant une hqueur mousseuse. A l'air sa couleur verte se prononce de plus en plus. Dissoute dans l'acide sulfurique concentré, elle présente une forte fluorescence : elle est rouge foncé à la lumière transmise, verte à la lumière réfléchie. La quantité de bile sécrétée en vingt-quatre heures est plus considérable chez les herbivores que chez les carnivores: tandis que le chien n'en sécrète que le cinquantième de son poids, le lapin en sécrète le huitième, le cabiai encore plus. Cette quan- tité s'apprécie par l'écoulement qui se produit chez les animaux porteurs de fistules biliaires; mais, s'il est possible d'avoir ainsi avec assez d'exactitude les proportions relatives de bile sécrétée chez les différents animaux, il est impossible d'en avoir la quan- tité absolue. En effet, Schiff a montré que la résorption de la bile dans l'intestin augmente la sécrétion et que la quantité de bile sécrétée diminue chez les animaux porteurs de fistule biliaire. Ces réserves faites, on peut évaluer la quantité de bile pro- duite en vingt-quatre heures, chez l'homme, à un kilogramme environ. On a, pour les différents animaux, les chiffres suivants en vingt-quatre heures, par kilogramme du poids du corps : Homme. . . 14 grammes. Chat. . . . 14 — Chien . . . -:0 à 60 — Veau. . . . 25 — Lapin . . . .132 — Cabiai . . . . 175 — Beauxis, Phys. 130 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Composition chimique de la bile. — La bile possède en moyenne, pour 1,000 parties, 862 parties d'eau et 138 de prin- cipes solides qui consistent surtout en acides biliaires (82 p. 1,000), cholestérine (26 p. 1,000), matière colorante (22 p. 1,000) et sels (8 p. 1,000). La bile renferme en outre des gaz. 1° Acides biliaires. — Si on évapore la bile, il reste un résidu solide, soluble dans l'alcool absolu, et donnant par l'éther un précipité résineux (résine biliaire) qui cristallise peu à peu. Pour avoir ces cristaux tout à fait purs (bile cristallisée), on évapore la bile au quart de son volume, on ajoute un excès de charbon animal qui enlève la matière colorante; on dessèche cette bouil- lie noire à 100°, et on la traite par l'alcool absolu. L'éther donne alors un précipité cristallisé d'aiguilles soyeuses, très-soluble dans l'eau et d'une saveur fortement amère; chauffée faiblement avec l'acide sulfurique concentré, cette bile cristaUisée devient résineuse et se dissout en donnant un liquide fluorescent jaune et vert. Elle présente la réaction de Pettenkofer. Les solutions de bile cristallisée précipitent par l'acétate de plomb neutre et l'acétate de plomb i)asique; ces précipités sont les sels de plomb des acides biliaires. Les deux acides biliaires sont l'acide glycocholique et l'acide taurocholique, tous deux azotés; ils sont unis à la soude. L'acide glycocholique se rencontre en très-petite quantité dans la bile humaine et manque tout à fait dans celle des carnivores; il est très-abondant, au contraire, dans ceUe des herbivores. On l'obtient en précipitant une solution aqueuse de bile cristallisée par l'acide sulfurique étendu. L'acide taurocholique contient du soufre; il se trouve surtout dans la bile des carnivores et constitue la plus grande partie des acides biliaires chez l'homme. A Tétat frais, la bile ne contient aucun des dérivés de ces deux acides (acide cholahque, glyco- colle, taurine). On a constaté dans la bile la présence d'autres matières azotées, mais en très-faible quantité : lécithine, neurine, urée (bile de bœuf); d'après Gyon, l'urée se formerait dans le sang auquel on fait traverser artificiellement le foie. 2° Matières colorantes. — Les matières colorantes de la bile fraîche sont la bilirubine et la biliverdine. La bilirubine s'extrait de la bile fraîche un peu acidulée en l'agitant avec du chloro- forme ; le hquide inférieur se colore en jaune, tandis que le LIQUIDES DU CORPS IIUMAI.X. 13t liquide supérieur devient pâle; par l'évaporationdu chloroforme, la Diliruhinc reste et on la purifie en la traitant par l'alcool, puis par le chloroforme, et la précipitant de nouveau par l'alcool. La biliruhine se sépare quelquefois de la Lile par Uévaporation spontanée , et donne de petits cristaux incomplets qu'on peut retrouver dans les cellules hépatiques dans les cas d'ictère. La biliverdine se prépare avec la Lile verte exposée un certain temps à l'air: l'acide chlorhydrique en précipite des flocons verts, amorphes, insolubles dans Ueau, solubles dans l'alcool: par Uéva- poration , Ualcool laisse un résidu vert foncé, amorphe, qui se dissout dans l'acide acétique glacial et qui, évaporé, donne des cristaux de biliverdine. La bile fraîche ne contient que ces deux matières colorantes: mais après la mort, elle s'altère et renferme alors de la bili- prasine. La bilirubine et la biliverdine, étant insolubles dans l'eau, sont maintenues en dissolution dans la bile par les alcalis et les acides biliaires: l'acidification de la bile ne les précipite pas. Elles donnent la réaction de Gmelin. 3" La choîestériîie s'extrait de la bile en évaporant la solution alcoolique de bile cristallisée dont l'éther a précipité les acides biliaires; elle reste sous forme d'une masse cristalhne qu'il n'y a plus qu'à purifier par des traitements successifs. La bile renferme aussi quelques corps gras (palmitine et oléine) et des savons (palmitates et oléates alcalins), 4" Substances inorganiques. — Les substances minérales con- tenues dans la bile sont des chlorures de sodium et de potassium, des phosphates de soude, de chaux et de magnésie, du carbo- nate de soude, de l'oxyde de fer et de manganèse, des traces de silice et de cuivre. Les sulfates des cendres proviennent de Uacide taurocholique. 5° Gaz de la bile. — La bile renferme une assez forte propor- tion d'acide carbonique dissous et des traces d'oxygène et d'azote (E. Pfliiger). D'après Logoljubow, les chiffres obtenus seraient très-variables, surtout pour la bile récente. Analyse de la bile. — Elle se conduit de la façon suivante : 1'^ On filtre la bile et on détermine sa densité. 2" On dose les parties solides par Uévaporation à + 105" d'un poids déterminé de bile. La diCfércnce donne le poids de Ueau. 132 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. 3° On dose les matières minéraies en calcinant le résidu de l'évapo- ratlon, La différence donne le poids des matières organiques. 4" On dose les acides biliaires en évaporant une certaine quantité de bile; le résidu est repris par l'alcool très-fort, évaporé au quart et pré- cipité par réilier; le précipité est desséché et pesé. 5'' L'acide tanrocliolique est dosé par la quantité de soufre qu'il contient. La ditférence entre le poids de taurocholaîe et le poids des deux sels donne le poids du glycocolatc. 6° Pour doser la graisse et la cholestérine, on évapore à siccité la solution étliérée; on dissout les sels par des lavages à l'eau, et on pèse le résidu desséché. 7° Pour doser séparément la cholestérine, on fait bouiUir l'extrait élliéré avec une solution alcoolique de soude, qui s'empare des corps gras; on chasse l'excès d'alcool par rébullition, et on reprend par l'éther; l'évaporation donne le poids de la cholestérine. La différence des deux poids donne le poids des matières grasses. (Voir, pour plus de détails : Ritter, Manuel de chimie jyraiique.) Le tableau suivant représente la moyenne de plusieurs ana- lyses de bile humaine, par Frerichs et Gorup-Besanez : Eau 862 p. 1,000 Parties solides 138 — Sels d'acides biliaires 82 — Matière colorante 22 • — Cholestérine 26 — Sels minéraux 8 — D'après Flint, la quantité de cholestérine serait seulement de 16 p. 1,000. Les cendres de la bile de la vésicnle, chez le bœuf, ont donné les chiffres suivants, pour 100 parties : Soude 36,73 p. 100 Chlorure de sodium 27,70 — Acide carbonique 11,26 — Acide phosphorique 10,45 — Acide sulfurique 6,39 — Potasse 4,80 — Chaux 1,43 _ Magnésie 0,53 — , Silice 0,36 — Oxyde de fer 0,23 — Oxyde de manganèse 0,12 — LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. 133 La richesse de la bile en soufre est très-variable et dépend de la quantité d'acide taurocholique qu'elle contient; tandis que la bile d'oie et de chien en renferme jusqu'à G p. 100, la bile de porc n'en renferme que 0,33 p. 100; la bile humaine est très- riche en soufre. Variations de composition de la hile. 1° Variations de la bile suivant les divers états de V organisme. — Age et sexe. La bile des hommes adultes paraît plus riche en acides biliaires et en matière colorante que celle des femmes et des enfants, plus pauvre en eau et en matières grasses. 2° Variations fonctionnelles. — a) Digestion. La sécrétion biUaire est continue, mais elle augmente à certains moments qui correspondent aux diverses phases de la digestion. Sous ce rapport, il faut distinguer les animaux chez lesquels l'estomac n'est plein que temporairement et ceux, comme le lapin, le cabiai, chez les- quels il est continuellement rempli d'aliments. Chez ces derniers, les variations de la sécrétion biliaire sont peu marquées; chez les autres au contraire, et l'homme est dans ce cas, la sécrétion augmente peu de temps après l'ingestion des aliments, puis atteint son maximum plusieurs heures (quatre à huit) après le repas, plus tard même (treize à dix-sept heures) si le repas a été très-abondant. Les physiologistes sont loin d'être d'ac- cord*sur le moment de ce maximum; Ktïhne en admet deux, l'un de suite après l'ingestion des aliments, l'autre quelques heures après; le premier maximum serait dû à l'eau ingérée, à l'activité de la circulation, à la pression de l'estomac sur le foiei le deuxième serait dû à l'alimentation. La quantité totale de bile est sous la dépendance de la nourriture; elle est la plus grande possible pour une nourriture mixte de viande et de graisse, la plus faible au contraire pour un régime exclusivement Carni- vore. Un excès de graisse dans les aliments la diminuerait nota- blement; d'autres auteurs ont au contraire constaté une augmen- tation par Uusage de la graisse. Celte influence de l'alimentation se fait sentir encore vingt-quatre heures après le repas. Toutes choses égales d'ailleurs, la quantité de bile diminue quand l'ali- mentation diminue, sans cependant que la diminution débile soit proportionnelle à celle de la nourriture. — b) Circulation. Toule modification de pression sanguine dans les capillaires du foie 134 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. amène des modifications correspondantes dans la sécrétion biliaire.' Elle augmente par l'injection de sang dans les veines; elle diminue par la saignée, la compression de l'aorte. L'influence des deux vaisseaux qui se rendent au foie, veine porte et artère hépatique, est plus difficile à préciser. Oré a vu la sécrétion biliaire continuer après l'oblitération de la veine porte; mais le procédé d'oblitération est assez lent et la circulation collatérale a le temps de s'établir. Moos l'a vue aussi continuer; mais la bile était plus épaisse et moins aqueuse qu'auparavant. L'oblitération rapide de la veine porte produit au contraire un arrêt de la sécrétion biliaire (Scliiff), et la mort arrive dans ce cas très-rapi- dement avec des symptômes d'assoupissement et de coma. Les mômes contradictions existent pour l'artère hépatique. Kottmeier a constaté chez des lapins l'arrêt de la sécrétion par la ligature de l'artère; par contre, Schiff, sur des chats, l'a vue continuer sans diminution de quantité, malgré l'interruption de la circula- tion artérielle par la ligature (ki tronc cœliaque et de la diaphrag- matique inférieure. 11 est probable que les deux sangs y prennent part; car la sécrétion biliaire continue sur un foie de lapin qu'on vient de tuer et dans lequel on fait passer un courant de sang défibriné (Ludwig et Schmulewitsch). 11 est vrai que, dans cette expérience, la bile sécrétée pourrait provenir simplement de la bile qui restait dans les canalicules et qui aurait été chassée par la pression du liquide injecté. — c) Innervation. On sait peu de chose de l'influence de l'innervation sur la sécrétion biliaire. La section des nerfs pneumogastriques au cou la diminue (Heiden- hain), probablement par action indirecte (stase sanguine par suite du changement d'activité du cœur ou des modiflcations de la res- piration). Au-dessous du diaphragme, leur section ou leur excita- tion reste sans effet. Pfluger a vu la sécrétion biUaire continuer après la section de tous les nerfs du foie. 3° Passage de substances dans la bile. — Le plomb, l'arsenic, l'antimoine, le cuivre, l'iodure de potassium, se retrouvent dans la bile; le calomel, l'acide benzoïque, la quinine, n'y passent pas. Le sucre de raisin et le sucre de canne injectés dans le sang passent dans la bile; une injection d'eau, qui rend les urines albumineuses, fait paraître aussi l'albumine dans la bile. 4° Physiologie comparée. — La bile de chien ne renferme guère que du taurocholate de soude avec les autres principes ordinaires. La bile, de bœi(f contient les deux acides biliaires. LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. 135 Celle de porc renferme deux acides biliaires distincts, acides hyoglycocholique et hyotaurocholique en plus faible quantité; ils ont du reste beaucoup d'analogie avec les acides biliaires ordi- naires. La bile d'oie contient un acide particulier, acide chéno- taurocholique. La bile de poisson renferme surtout du tauro- cholate de potasse et très-peu de taurocholate de soude et de glycocholate. La bile de serpent ne contient que du taurocholate de soude. 5° Changements de la bile dans Vintestin. — La bile, une fois déversée dans l'intestin, y conserve ses propriétés dans toute l'étendue de l'intestin grêle, et les réactifs appropriés en décèlent les principales substances ; mais à partir du gros intestin, elle se décompose; les acides biliaires se transforment en acide chola- lique, glycocoUe, taurine et dyslisine; l'acide glycocholique, plus difficilement décomposable, se retrouve encore dans les excré- ments des herbivores, tandis que chez les carnivores, dont la bile ne renferme guère que des taurocholates, on ne trouve que de l'acide cholalique et de la taurine. La matière colorante se trans- forme en urobiline (De Maly ) et, résorbée à mesure, va constituer la matière colorante de l'urine. Rôle physiologique de la bile. — Le rôle de la bile paraît assez complexe. C'est à la fois un liquide d'excrétion et un liquide digestif, sans qu'on puisse préciser exactement son rôle dans les phénomènes de la digestion. (Voir : Digestio-n intestinale.) Les acides biliaires introduits dans le sang amènent un ralentisse- ment du pouls; en outre, ils détruisent l'hémoglobine du globule sanguin et la font passer dans le plasma. » Article quatrième. — Sécrétions graisseuses. 1. — LAIT. Le lait est sécrété par les glandes mammaires de la femme. C'est un liquide opaque, blanc pur, blanc jaunâtre ou blanc bleuâtre, d'une odeur spéciale, d'une saveur douce et sucrée. Sa densité est de 1,028 à 1,034 à 15°. Sa réaction, ii l'état frais, est alcahne et due probablement au phosphate basique de soude; cependant on le trouve souvent acide; d'après Soxhlct, le lait 136 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. serait à la fois acide et alcalin; il bleuit le papier de tournesol rouge, et rougit le papier bleu: il aurait ce qu'on appelle la réac- tion amphotère ; lacidité peut tenir soit au phosphate acide de soude, soit à l'acide lactique. Le lait contient en suspension des globules graisseux, globules du lait, qui lui donnent son opacité et constituent par consécpient une véritable émulsion. La quantité de lait sécrétée par jour est très-variable; d'après Lampérierre, elle serait en moyenne de 1,350 grammes, c'est-à-dire eaviron 22 grammes par kilogramme de poids du corps. Cette sécrétion commence à la fin de la grossesse et dure environ sept à dix mois (période de la lactation). Le lait sécrété pendant la grossesse et les premiers jours après l'accouchement a reçu le nom de colosirum. Composition du lait. — Le lait possède en moyenne 1 10 à 130 parties de principes sohdespour 1,000. Ces principes solides consistent en matières azotées, matières grasses, sucre de lait et sels minéraux; le lait contient en outre des gaz. 1° La plus importante des matières azotées est la caséine; c'est elle qui donne cette pelUcule qui se forme sur lelait parl'ébulli- tion et qui se précipite dans la coagulation du lait, soit spontanée, soit par les acides. On y rencontre en outre une petite quantité de substance albuminoïde, lactoprotéine de Millon et Commaille. Béchamp a trouvé dans le lait trois substances albuminoïdes distinctes. Le lait contient environ 28 pour 1,000 de caséine. 2^* Les matières grasses forment les 35 millièmes du lait, dont elles constituent la crème et le beurre, et consistent en palmitine, stéarine et oléine, avec quelques traces de glycérides d'acides gras volatils. Cette graisse se trouve dans le lait sous forme de globules. Les globules du lait sont spliériques, fortement réfrin- gents, d'une grosseur variant depuis une petitesse incommensu- rable jusqu'à un diamètre de 0""",025; leur densité est moindre que celle du lait; la densité des gros globules est plus faible que celle des petits; aussi montent-ils les premiers à la surface (crème). Les gloljules sont constitués par une gouttelette de graisse entourée dune membrane albuminoïde (caséine ou reste du protoplasma des cellules glandulaires). Aussi, si l'on agite du lait avec l'éther, la présence d'une membrane d'enveloppe s'oppose à ce que l'éther dissolve la matière grasse, et le lait conserve son aspect d'émulsion; mais si on traite auparavant le lait par la LIQUIDES DU CORPS HUMALX. 137 soude qui dissout l'enveloppe albumineusetréther dissout la ma- tière grasse et le liquide sous-jacent devient transparent, presque aqueux. La présence d'une membrane d'enveloppe est niée par F.-A. Kelirer, de Sinéty, et Robin, en particulier, interprète tout autrement l'expérience précédente {Leçons sur les humeurs, 2^ édition, page 490). Par le battage du lait (fabrication du beurre) la membrane d'enveloppe des globules est déchirée, la matière grasse se rassemble et constitue le beurre; le liquide qui reste, petit-lait, contient encore les plus petits globules qui ont échappé au battage. 3° Le sucre de lait n'existe que dans ce liquide: il y en a environ 48 p. 1,000. Par la fermentation, il se transforme faci- lement en acide lactique et est ainsi la cause essentielle de la coagulation spontanée du lait. 4'' Les sels minéraux s'y trouvent en quantité assez faible (2,42 p. 1,000). Ils consistent surtout en potasse, chaux, chlo- rures et phosphates; il y a très-peu de soude et de magnésie, et pas du tout de sulfates. 5° Gaz. Le lait renferme en moyenne 7 volumes de gaz pour 100 volumes de lait; la presque totahté est formée par de l'acide carbonique; le reste par des traces d'azote et d'oxygène. On a trouvé en outre dans le lait de l'urée, de la lécithine, de la cholestérine, de l'alcool (Béchampi, des acides butyrique, lactique, acétique, des substances odorantes solubles dans le sul- fure de carbone (Millon et Commaille), de la silice, du fer. du fluor. Par la cuisson, le lait se recouvre d'une peUicule blanche, qui se renouvelle après avoir été enlevée. Elle consiste en caséine devenue insoluble et se forme même cà l'abri de l'air et de l'oxy- gène; elle paraît hée à une évaporation trop rapide de la couche supérieure du hquide. Tous les acides coagulent le lait; l'acide acétique et l'acide tartrique redissolvent le coagulum. Cette coa- gulation ne peut se faire que si on ajoute assez d'acide pour dépasser le point de neutralisation de l'alcali de la caséine. La présure (muqueuse stomacale) agit de même sur le lait, et d'après 0. Hammarsten, le ferment qui coagule la caséine serait distinct de celui qui transforme le sucre de lait en acide lactique. Analyse du lait. — Elle comprend les opérations suivantes : l'' On prend lu densité du lait avec le lactodensimètre de QuèveDne. 138 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. 2° L'eau est dosée par révaporation d'une quantité donnée de lait et pesée du résidu. 3o La matière grasse peut être dosée par différents procédés. — a) On peut mesurer dans une éprouvette graduée ou crémomètre la hauteur de la couche de crème qui se forme spontanément après l'addi- tion d'une petite quantité de carbonate acide de sodium. — b) Dans le procédé de E. Marchand, par le lactobutyromètre, on extrait le beurre à l'aide d'un mélange d'alcool et d'éther. — c) Le procédé de Donné (lactoscope), perfectionné par A. Vogel, est basé sur l'appréciation de l'opacité du lait et la diminution d'opacité qu'il éprouve par l'addition d'une quantité donnée d'eau. — d) Pour la doser exactement, on reprend par Téther le résidu de l'évaporation dans l'opération précé- dente (2°j, et l'évaporation de l'éther donne le poids de la matière grasse. 4° Le sucre de lait est dosé par la liqueur de Barreswill ou par le polarimètre. 5o Les substances minérales sont dosées par l'incinération d'un poids connu de lait, 6° La caséine est dosée par différence. (Pour les détails, voir les traités de chimie.) Voici des analyses comparatives du lait de femme et du colostrum, par différents auteurs : Pour 1,000 parties. Fr. Simon. Eau 883,6 . . 116,4 . . 34,3 Parties solides Caséine. . . Albumine. . . Beurre. . . Sucre de lait. Sels minéraux 25,3 48,2 2,3 Becquerel et Vernois. 889,08 110,92 39,24 26,66 43,64 1,38 Colostrum (Clemm). 9joursavant 2 jours après terme. la naissance. 858,00 142,00 80,00 30,00 43,00 807,00 133.00 21,82 Traces. 48,63 60,99 5,40 Xon déterminés. L'analyse des cendres par Wildenstein donne, pour 100 parties : Chlorure de sodium. . Chlorure de potassium Potasse Chaux Magnésie Acide phosphorique. Acide sulfurique ('). 10,73 26,33 21,44 18,78 0,87 19,00 2,G4 Cet acide sulfurique provient du soufre des matières albuminoïdes. LIQUIDES DU CORPS HUM.UN. 139 Variations de composition du lait. P Variations spontanées. — a) Par le repos, le lait se divise en deux parties, une couche supérieure, crème, jaunâtre, plus opaque, formée par les plus gros globules graisseux, et une couche sous-jacente, bleuâtre, plus aqueuse et qui contient encore une forte proportion de petits globules graisseux. — b) Coagu- lation spontanée du lait. Abandonné dans un endroit frais, le lait se coagule spontanément; celte coagulation est due à la pro- duction d'acide lactique par transformation du sucre de lait, et en même temps le lait devient acide; le caillot est constitué par la caséine et la graisse, et il reste un liquide acide, un peu ver- dàtre, le petit-lait, qui contient les sels, le sucre de lait, de la graisse et un peu de caséine soluble. La transformation de lac- tose en acide lactique a lieu sous l'influence d'un ferment qui, suivant les uns, préexisterait dans le lait {mtcrozymas du lait de Béchamp), suivant d'autres, viendrait de l'extérieur (Pasteur); cependant le ferment paraît exister dans le lait; car ce dernier subit la fermentation lactique, quoique lentement, dans un tube fermé à l'abri de l'air. — c) Laissé longtemps à l'air, le lait absorbe de l'oxygène et émet de l'acide carbonique; en trois jours, il absorbe un volume d'oxygène plus grand que son propre volume. 2° Variations suivant les étdts de Vorganisme. — a) Age. Le tableau suivant, emprunté à Becquerel et Vernois, fait connaître l'influence de l'âge sur les divers principes du lait; j'y joins une analyse par Quévenne du lait sécrété les premiers jours après la naissance chez les nouveau-nés des deux sexes, fait curieux déjà signalé par Morgagni : Pour De 15 De 20 De 25 De 30 De 35 ^^oq^çjo.q^, 1,000 parties. à 20 ans. à 25 ans. à 30 ans. à 35 ans. à 40 ans. Eau 869,85 886,91 892,96 888,06 894,94 894,00 Parties solides. . 130,15 113,09 107,04 111,94 105,06 106,00 Caséine 55,74 38,73 36,53 42,33 42,07 22,00 Beurre 37,38 2.^,21 23,48 28,64 22,33 14,00 Sucre de lait . . 35,23 44,72 45,7 7 39,53 39,60 62,20 .Sels 1,80 1,43 1,46 1,44 1,06 3,40 Il y aurait donc une diminution de la caséine de 20 à 30 ans 140 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. et une augmentation du sucre de lait : la quantité de beurre serait plus forte de 15 à 20 ans et diminuerait ensuite. — b) Constitu- tion. Les recherches sont encore trop peu nombreuses sur ce sujet et elles se contredisent sur plusieurs points; Lhéritier a trouvé le lait des brunes plus riche en priacipes solides, graisse, beurre et sucre; mais Becquerel et Yernois n'ont pas retrouvé ces différences. — c) Race. Le lait des animaux de race pure paraît plus abondant. Il semble y avoir aussi à ce point de vue une sorte d'antagonisme entre les divers principes du lait; les laits riches en caséine sont pauvres en beurre, et inver- sement; le même antagonisme se retrouve souvent dans le lait de femme. 3° Variations fonctionnelles. — a) Alimentation. Une naurri- ture substantielle augmente la quantité de lait; les boissons ont le môme effet. Une nourriture exclusivement animale augmente la proportion de graisse du lait, un peu celle de la caséine, et diminue celle du sucre, sans cependant l'abaisser autant qu'on le croyait (Subotinj. Une nourriture végétale diminue sa quan- tité, fait baisser la caséine et le beurre et accroît la proportion de sucre de lait : une alimentation très-riche en graisse n'augmente pas la quantité de beurre et, si elle est portée trop loin, elle dimi- nue et peut môme supprimer tout à fait la sécrétion lactée. — b) Époque de la sécrétion, ku début de la période de la lactation. le lait a des caractères particuliers et a reçu le nom de colostrum. Le colostrum est très-alcalin, d'une coloration jaune, puis blan- châtre (le quatrième jourj; il renferme de l'albumine qui se coa- gule par la chaleur, très-peu de caséine, un excès de beurre et de sucre; il contient, outre quelques globules graisseux, des élé- ments particuliers, globules de colostrum, de O'^^jOlS à 0'^,Û4 de diamètre, formés par des globules de graisse enfermés dans une enveloppe et qui proviennent des cellules glandulaires. Quelques jours après l'accouchement, le lait acquiert ses pro- priétés normales; les globules du colostrum disparaissent dans les huit premiers jours. Le lait n'a pas du reste la même compo- sition pendant toute la période de la lactation; la caséine et le beurre augmentent jusqu'au deuxième mois et diminuent, la première à partir du dixième mois, le second à partir du cin- quième ou du sixième; le sucre diminue dans le premier mois et^ augmente à partir du huitième: enfin les sels augmentent dans les cinq preniiers mois et diminuent ensuite progressivement. Le LIQUIDES DU CORPS HU.MALX. 141 lait qui a séjourné dans la mamelle est plus riche en principes fixes; les dernières porlions recueillies sont toujours plus riclies en beurre et en caséine. — c) La grossesse, quand elle ne tarit pas la sécrétion lactée, ne modifie pas sensiblement sa composi- tion. Pendant la période de la lactation, la menslruation est en général suspendue; quand elle persiste, le lait, aux époques mens- truelles, paraît plus riche en principes fixes (caséine et sels). — d) Exercice. Le repos augmente la quantité de lait et la propor- tion de beurre; de là l'infiuence de la stabulation. — ^e) Les affections psychiques ont sur la sécrétion lactée une action bien connue des médecins, mais sur laquelle la chimie ne nous apprend rien. L'influence de l'innervation glandulaire n'est pas mieux connue; Eckhard, après la section du nerf spermatique qui se rend au pis, n'a vu chez la chèvre aucune modification de la sécrétion. L'augmentation de sécrétion observée par Aubert et par Becquerel à la suite de l'excitation galvanique directe de la glande mammaire tient probablement à une excrétion plus abondante par contraction des muscles lisses des conduits ex- créteurs. 4° Variations dues aux causes extérieures. — a) Variations journalières. Le lait du soir est plus riche en principes solides et surtout en beurre ; il contient le double de beurre que celui du matin et un peu plus de caséine. — b) Température. L'élé- vation de la température parait augmenter la quantité du lait. — c) Passages de substances dans le lait. L'iode, l'iodure de potas- sium, les sels de fer, de zinc, de mercure, de plomb, de bismuth, d'antimoine, d'arsenic, les essences d'anis, d'ail, d'absinthe, des crucifères en général et beaucoup de matières odorantes passent dans le lait. 5° Physiologie comparée. — Le tableau suivant donne la composition du lait de plusieurs animaux comparé au lait de femme : Eau. . . . Parties solides Caséine. . . Beurre . . . Sucre (le lait. Sels minéraux Femme. Vache. Chèvre. Brebis. Aiiesse. Jument. 889,08 857,05 863,58 839,89 910,24 828,37 110,92 142,95 130,42 160,11 89, 7G 171,63 39,24 54,04 46,59 53,42 20,18 16,41 26,66 43,05 43,57 58,90 12,56 68,72 43,64 40,37 40,04 40,98 ) , ^ , 1,38 5,48 6,22 6,81 ) ''^'' ^^'^^ l'42 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Si on range ces différents laits d'après leur richesse on a le tableau suivant : Eau. Albuminates. Beiirre. >Sucre de lait et sels. Jument. Brebis . Yache. . . Chèvre. Femme. Anesse . 828,37 839,89 857,05 863,58 889.08 910.24 Jument. . Anesse. . Femme.. Chèvre . . Brebis . . Yache . . . 1G.41 20.18 39,24 46,59 53,42 Anesse. . Femme. . Yache. . . Chèvre. . Brebis . . 12,56 26,66 43,05 43,57 58.90 Femme. Yache . . Chèvre. Brebis . Anesse. 54.04 Jument.. 68.72 Jument. 45,02 45,85 46,26 47J9 57.02 86,50 Rôle physiologique du lait. — Le lait constitue la seule nourriture du nouveau-né et ne peut être complètement remplacé par aucun aliment. Il contient toutes les substances nécessaires à la constitution, à la réparation des tissus et à l'activité vitale, albuminates, bydrocarbonés, graisses et sels minéraux, et il les contient en proportions différentes de celles qui seraient néces- saires à l'alimentation d'un adulte ; il y^a surtout à remarquer la grande quantité de graisses et de phosphates terreux. Bibliographie. — Bouchardat et QrÉvExxE : Dji Lait, 1S57. — Beccueeel et Verxoi.s : Annales d'hygiène, t. XLIX et LXIX. — Marchaxd ^Ch.): Du Lait et de V allaitement. Paris, 1874. 2. — MATIERE SEBACEE ET CERUMEN. La matière sébacée est sécrétée par les glandes du même nom. C'est une matière huileuse, semi-liquide, qui, à l'air, se soli- difie en une sorte de masse graisseuse blanche. Au microscope, on y trouve des cellules adipeuses, de la graisse libre, des lamelles épithéliales et quelquefois des cristaux de cholestérine. La matière sébacée contient de l'eau, une matière albuminoïde analogue à la caséine, de la graisse (30 p. 100) qui consiste surtout en palmitine et oléine, des savons (palmitates et oléates alcalins), de la cholestérine, des sels inorganiques, chlorures et pho.^phates alcalins, et surtout des phosphates terreux. Le cérumen, sécrété par les glandes cérumineuses du conduit auditif externe, est une substance onctueuse, jaunâtre, amère, constituée principalement par des gouttelettes graisseuses, mélan- gées à des lamelles épidermiques et à des cellules adipeuses.il con- tient chez l'homme, d'après Pétrequin et Chevalier, pour 1,000 par- ties : eau, 100; matières grasses, 260; corps solubles dans Feau, 140: corps solubles dans l'alcool, 380; corps insolubles, 120. LIQUIDES DC CORPS HUMAIN. 143 La matière séijacée lubrifie les cheveux et les rend moins liygroscopiques; elle a la môme action sur Fépiderme et le rend imperméaLle à l'eau. Article cinquième. — Sécrétions albumineuses. 1. — SPERME. Le sperme est sécrété par le testicule. Mais le sperme éjaculé n'est pas du sperme pur; c'est un liquide complexe résultant du mélange de la sécrétion testiculaire avec les sécrétions des vési- cules séminales, de la prostate et des glandes de Cowper. Le sperme pur, tel qu'on le trouve dans le canal déférent, par exemple, est un fluide épais, filant, inodore, d'une couleur blan- châtre ou ambrée, neutre ou à peine alcalin. Il contient des élé- ments anatomiques -pLiriicuhers^ spermaîozoules, auxquels il doit son pouvoir fécondant et qui seront décrits plus loin (voir : Re- production). Le sperme éjaculé est un liquide clair, filant, avec des îlots blanc opaque, d'une odeur spéciale, d'une saveur salée; sa densité est plus forte que celle de l'eau; il est faiblement alcalin. Après l'éjaculation, il se coagule spontanément en une masse épaisse, gélatineuse qui plus tard redevient fluide. Sa quan- tité par éjaculation est de Oê'^',75 à 6 grammes (Mantegazza). Le sperme contient des matières albuminoïdes (spermatine et mucine), de la cérébrine, du protagon et de la lécithine qui pro- viennent probablement des spermatozoïdes, de la graisse et des sels minéraux, spécialement du chlorure de sodium et des phos- phates. Mélangé avec l'eau, le sperme donne un sédiment muqueux; l'ébullition ne le trouble pas; l'alcool le coagule com- plètement. Par l'évaporation lente, il se dépose des cristaux prismatiques, signalés par Robin, et qui sont probablement des albuminates cristallisés. Voici trois analyses de sperme d'homme, de taureau et de che- val, par Yauquelin (homme) et Kolliker (taureau et cheval). Pour 1,000 parties. Homme. Taureau. Cheval. Eau 900,00 822,13 819,40 Parties solides 100,00 177,87 180,60 Spermatine et matières extractives . G0,00 150,89 1G4,49 Graisse — 21,60 — Sels 40,00 26,96 16,11 144 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. La sécrétion spermatique ne commence que de 12 à 15 ans; mais le sperme ne contient pas encore de spermatozoïdes. Ceux- ci n'apparaissent qu'à l'âge de 18 à 20 ans (Mantegazza). La sécrétion testiculaire continue jusque dans un âge très-avancé , mais les caractères physiques du sperme sont modifiés: en géné- ral sa consistance diminue et il prend une coloration plus foncée, due à la présence de plaques grisâtres (sympexions) qui pro- Yiennent des vésicules séminales; cependant les spermatozoïdes existent encore, quoique plus rares, dans le sperme des vieil- lards (Duplay, Dieu). Toutes les causes qui excitent l'érection (voir ce mot) aug- mentent la sécrétion spermatique. Les différents liquides qui se mélangent au sperme pur pré- sentent les caractères suivants : Le liquide fourni par les glandules du canal déférent est, d'après Robin, peu filant, brunâtre ou gris jaunâtre; il donne au sperme une consistance déjà plus fluide et une coloration bru- nâtre. Le liquide des vésicules séminales est brunâtre ou grisâtre, quelquefois jaunâtre, plus ou moins opaque, légèrement visqueux ; il est riche en albumine. Il contient des cellules épithéUales et des plaques grisâtres (sympexions de Robin). ' Le liquide prostatique est blanc, laiteux, alcalin et contient 2 p. 100 de matières solides qui consistent surtout en matière albuminoïde et chlorure de sodium. Le liquide des glandes de Cowper est filant, visqueux, alcahn. D'après Robin, l'odeur spermatique n'existerait dans aucun de ces liquides et ne se développerait qu'au moment de l'éjaculation. Le sperme est le liquide fécondant; mais le véritable élément fécondant est constitué par les spermatozoïdes auxquels le sperme sert de milieu; il ne fait par conséquent que maintenir leur activité vitale jusqu'au moment de l'éjaculation, et quand cette éjaculation se produit, il les entraîne avec lui et les trans- porte jusque dans la cavité utérine. 2. _ MUCUS. Le mucus est produit par les cellules épithéliales, spécialement par les cellules épithéhales des membranes muqueuses. Aussi LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. 145 présente-t-il, suivant son origine, des différences très-grandes d'aspect et de composition. C'est, en général, un liquide visqueux ou filant comme du blanc d'œuf, incolore ou jaunâtre, ordinaire- ment alcalin et renfermant souvent des cellules épithéliales. Le mucus contient toujours de la mucine en quantité variable, des matières extractives et des sels; la proportion de mucine peut s'élever jusqu'à 100 p. 1,000. — Pour l'étude détaillée des différents mucus, voir Robin, Leçons sur les humeurs, 2® édition. 3. — SYNOVIE. La synovje n'est pas produite par des glandes particulières, mais par la fonte des cellules épithéliales qui tapissent les cavités articulaires. C'est un liquide filant, visqueux, jaunâtre, de réaction alcaline. Il renferme des débris épithéliaux et contient environ pour 1,000 parties 35 parties de matièressolides, qui consistent en albumine et mucine (25 p. 1,000), des traces de graisse et des sels (10 p. 1,000), chlorure de sodium et phosphates. Article sixième. — Sécrétions a ferments ou sécrétions digestiyes. 1. — SALIVE. Procédés pour recueillir les diverses espèces de salive. — l » Salive paroûidiemie. — Homme. — Fistules parotidiennes. — Aspiration de la salive avec une seringue en verre (fig. 20, page 146) dont rextrémité évasée en forme de ventouse s'applique sur l'ouverture du canal de Sténon (Cl. Bernard). — Introduction directe d'une canule dans le canal de Sténon. (Eckhard et Ordenstein.) Élablissement iVune fistule parotidienne chez les a7iimaux. — a) Chien. Incision oblique allant de la dépression de la deuxième molaire supérieure à la commissure labiale; le conduit salivaire est blanc nacré et croise la direction du paquet vasculo-nerveux; l'inciser et introduire une canule qu'on doit enfoncer profondément et qu'on fixe par une ligature. — b) Cheval ifig. 21, page 147). Incision cutanée croisant le conduit de Sténon à son passage sur le masséter. — c) Bœitf. Môme procédé que pour le clîeval. — d) Lapin. La petitesse du conduit rend difficile l'introduction d'une canule. Beaums, Phys. 10 146 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. 2° Salive sous-maxillaire. — a) Homme. Introduction d'une canule dans le conduit L'animal est placé sur le dos, la tête renver- sée; incision sur le bord interne de la mâ- choire inférieure; incision du peaucier et du mylo-liyoïdien ; on trouve au-dessous Tartère, la veine, le nerf lingual et le canal de ^N'harton reconnaissable à sa transpa- rence. — c) Cheval. Même procédé. 3° Salive sublinguale. — a) Chien. Même procédé que pour la salive sous-maxillaire. Le conduit sublingual se trouve en dedans du canal de Wharton. — b) Cheval. Même procédé. — c) Bœuf. Incision dans l'espace intra- maxillaire, en arrière de la surface génienne (Colin). 4° Salives artificielles. — Triturer les glandes fraîches avec de l'eau distillée, lé- gèrement phéniquée, et filtrer. Il vaut mieux employer le procédé de V. Wittich qui con- siste à traiter le tissu glandulaire par la glycérine; on extrait ainsi complètement les ferments des glandes salivaires. La salive est sécrétée par trois glandes salivaires paires : parotide, sous-maxil- laire et subliDgaale; la réunion de ces trois salives avec une petite quantité de liquide provenant des glandes buccales constitue la salive mixte. 1° Salives ijcirtielles. l*' Salive parotidienne. — La salive parotidienne est fluide, à peine filante, limpide et claire comme de l'eau (celle du cheval est quelquefois opalescente). Sa densité oscille entre 1,0031 et 1,0043. Sa réaction est alcaline, mais moins Seringue aspiratrice. — excréteur. — b) Chien. Fig. 20, — Seringue aspiratrice. (Voir page 145.) Fig. 20. — a, conduit de Sténon venant s'ouvrir à la face interne de la jone. — b, bord évasé de la seringue. '— c, piston. — d, tige du piston. — e, bouchon troué dans lequel glisse la tige du piston. LIOUIDES DU CORPS Hl'MAIN. 14 prononcée que celle de la salive sous-maxillaire; on ne trouve la réaction acide qu'exceptionnellement et dans les premières Fig. 21. — Appareil pour recueillir la salive. (Voir page 145.) gouttes qui s'écoulent par la canule. A l'air, elle se recouvre d'une pellicule de carbonate de chaux; elle se trouble par la chaleur (albumine); par les acides chauds, elle donne un déga- gement de bulles gazeuses d'acide carbonique. Elle ne renferme, chez l'homme, que 10 à 15 p. 1.000 de parties solides. Les substances organiques, qui sont à peine dans la proportion de 5 p. 1,000, consistent en albumine, globuhne, acides gras volatils et urée. Elle ne contient pas de mucine. L'existence de la plyahne n'y a pas été démontrée d'une façon certaine. Les sels minéraux sont constitués par du bicarbonate de chaux, des chlorures, des sulfates et des phosphates de po- tasse et de soude; leur quantité est d'environ 5 p. 1,000. On y trouve en outre du sulfocyanure de potassium. 2° Salive sous-maxillaire. — La salive sous-maxillaire de l'homme est filante, visqueuse, limpide et d'une réaction alcaline, sauf les premières gouttes. Par l'application des alcalis et du poivre Fig. 21. — a, b, c, d, appareil pour l'obtention de la salive parotidienne. — e, f, appareil pour recueillir la salive sous-maxillaire. (Colin.) 148 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. sur la langue, cette salive devient très-visqueuse et ne coule que difficilement. On y rencontre alors beaucoup de mucine et des corpuscules salivaires gélatineux (voir : Salive sympathique). Elle contient de la ptyaline et du sulfocyanure de potassium. Comme on ne peut obtenir cette salive en quantité suffisante pour en étudier les caractères, on est obligé d'avoir recours aux animaux. Chez ceux-ci on reconnaît que la salive sous-maxil- laire présente des différences, non-seulement d'une espèce à l'autre, mais aussi pour une même espèce, suivant les influences qui ont déterminé la sécrétion. Chez le chien, quand on place une canule dans le canal de Wharton, on a un écoulement de liquide trouble, blanchâtre, qui s'arrête bientôt, mais reprend si on irrite la muqueuse buc- cale. Quand on applique sur la langue des acides, la salive est limpide, peu fdante; quand ce sont des alcalis, elle est trouble, blanchâtre, visqueuse. Mais ces différences de sécrétion s'accu- sent bien mieux si on isole et si on excite chacun des nerfs qui se rendent à la glande. La glande sous-maxillaire du chien reçoit trois nerfs [fig. 22), une branche de la corde du tympan (c) qui Fig. 22. — Nerfs de la glande sous-maxillaire du chien. Fig. 22. — N, glande sous-maxillaire. — G, glande sublinguale. — SM, conduit de Wharton avec sa canule. — SL, conduit sublingual avec sa canule. — T, S, S', nerf lingual. — F, nerf facial. — c, corde du tympan. — • g, ganglion sous-maxillaire. — q, ganglion cervical supérieur. — P, filet sympathique allant à la glande, — j, artère maxillaire profonde. — V, nerf vidien. — l, rameau du lingual allant à la muqueuse buccale. • LIQUIDES DU CORI'S HU.MAI.X. 149 accompagne le nerf lingual: une branche du grand sympathique (P) qui pénètre dans la glande avec l'artère; une branche qui provient du ganglion sous-maxillaire {g) ; on connaît chez le chien trois espèces de salives correspondantes à chacun de ces nerfs, et une quatrième espèce, salive paralytique qui se produit après la section de tous ces nerfs. A. Salive de la corde du tympan. — La salive de la corde, ap- pelée autrefois salive du trijumeau, est claire, limpide, sauf les premières gouttes, peu filante, moussant cependant un peu par l'agitation avec l'air, et a une réaction alcaline fortement prononcée. Sa densité varie de 1,0039 à 1,0056. Elle ne renferme pas d'éléments morphologiques. D'après Eckhard, elle contient 12 à 14 p. 1,000 de principes solides dont un tiers est formé par des substances organiques, albumine et mucine. Les sub- stances minérales consistent en chlorures alcalins, phosphates de chaux et de magnésie, et une petite quantité d'acide carbonique libre, comme le démontre le dégagement de bulles gazeuses sous le microscope par l'addition d'acide acétique concentré. Par le repos, elle abandonne des cristaux de carbonate de chaux. On peut en obtenir de très-grandes quantités, surtout si on a soin de faire alterner les périodes d'excitation avec les périodes de repos. B. Salive du grand sympathique. — La salive sympathique est filante, visqueuse, très-opaque, elle coule souvent en filaments allongés. Sa densité est de 1,0075 à 1,0181. Elle contient un grand nombre d'éléments morphologiques et spécialement des masses gélatiniformes très-pàles, de grosseur variable, qui ne sont probablement qu'un produit de transformation des cellules glandulaires; on y rencontre *en outre des corpuscules salivaires analogues aux globules blancs du sang et des globules granu- leux de nature indéterminée. Sa richesse en principes soUdes (15 à 28 p. 1,000] est toujours plus grande que celle de la salive de la corde. Elle est très-alcaline et renferme de l'al- bumine et une forte proportion de mucine qui se précipite en une masse blanche, adhérente à l'agitateur par faddition d'un excès d'acide acétique. Elle contient les mêmes éléments inorga- niques que la salive de la corde. La quantité de salive obtenue par l'excitation du grand sympathique est toujours très-faible; si l'excitation est continuée pendant longtemps, la sécrétion dimi- nue et finit par s'arrêter, et en même temps la glande subit une véritable dégénérescence graisseuse. 150 CHIMIE rHYSIOLOGIOUE. C. Salive du ganglion sous-maxillaire. — Si on COUpe le lin- gual au-dessous de l'anastomose de la corde et le grand sym- pathique, certains excitants (électricité, éther, etc.), appliqués sur la langue, déterminent un écoulement de salive qui cesse immé- diatement si on coupe le lingual entre la glande et le ganglion sous-maxillaire. Les excitants simplement gustatifs ne la pro- duisent pas (Cl. Bernard). Cette salive n'a pas été étudiée. D'après ScliifT (Leçons sur la physiologie de la digestion, 1. 1", p. 283), il faudrait donner à ces faits, dont il ne nie pas l'exactitude, une tout autre interprétation. D. Salive paralytique. — Si on coupe tous les nerfs de la glande, on a un écoulement continu de salive un peu trouble, liquide, très-peu concentrée, qui s'arrête quand la dégénérescence, qui fait suite à la section, atteint la périphérie des nerfs. Cette même salivation se produit dans l'empoisonnement par le curare. Cette sécrétion se produit des deux côtés, même quand les nerfs d'une seule glande ont été coupés (Heidenhain); seulement, la salive de la glande intacte se rapproche de la salive de la corde du tympan. 3° Salive sublinguale. — La salive sublinguale est transparente, visqueuse et coule en un filet fin non interrompu qui peut aller de l'orifice de la fistule jusqu'à terre. Elle est alcaline et présente une grande quantité de corpuscules salivaires à mouvements amœboïdes. Elle se dislingue des autres salives par sa forte pro- portion de mucine. D'après Heidenhain, elle contiendrait 27,5 p. 1,000 de parties solides ilapinj; chez l'homme, le chiffre des principes sohdes irait jusqu'à 99,8 p. 1,000 (Kûhne). On y a constaté la réaction du sulfocyanure de potassium. La glande subhnguale offre aussi le phénomène de la sécrétion paralytique. 4° Liquide des glandes buccales. — Ce liquide, qu'on peut obtenir à part en détournant la sécrétion des trois glandes sali- vaires, est très-visqueux, filant, fortement alcalin, et ressemble beaucoup à celui de la glande sublinguale. 2° Salive mixte. La salive mixte est un composé des quatre espèces de salives qui viennent d'être étudiées, et ses caractères varient suivant la proportion de chacune des salives partielles. A l'état ordinaire^ LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. 151 c'est un liquide transparent ou légèrement opalin, spumeux et un peu filant. Par le repos, elle se divise en trois parties: une partie supérieure, spumeuse, filante; une couche moyenne, lim- pide, peu visqueuse, et une partie inférieure constituée par un sédiment blanc grisâtre (cellules épithéliales et corpuscules sali- vaires). Sa densité est de 1,004 à 1,009. Sa réaction est norma- lement alcaline; l'alcalinité est due au phosphate de soude tribasique. Dans quelques cas, elle peut être acide, spécialement le matin ou dans l'intervalle des repas; mais cette acidité tient à la décomposition de parcelles alimentaires avec fermentation lactique. Les éléments morphologiques de la salive mixte con- sistent en cellules épithéliales, corpuscules salivaires et corpus- cules gélatiniformes. La quantité de salive mixte sécrétée par jour chez l'homme, impossible à évaluer exactement, peut varier entre 300 et 1,500 grammes. La sécrétion salivaire est continue, mais la quantité de salive sécrétée dans les vingt-quatre heures se répartit inégale- ment sur les diverses heures de la journée; elle diminue dans l'intervalle des repas, mais elle ne cesse jamais, et la salive ainsi formée à jeun et qui provient surtout des glandes sous-maxil- laires et sublinguales, est déglutie instinctivement toutes les mi- nutes à l'état de veille et à de plus rares intervalles pendant le sommeil. L'augmentation de la quantité de salive au moment du repas est due surtout à l'augmentation de la salive parotidienne. Les excitations gustatives (surtout par des corps acides ou amers, vinaigre, coloquinte, etc.), les émotions morales (vue des aliments, certaines odeurs, etc.), l'abord des aliments dans l'esto- mac, les mouvements de mastication augmentent la quantité de salive et cette augmentation est bien plus marquée quand plu- sieurs de ces excitations se trouvent réunies, ainsi quand les impressions sapides coexistent avec les mouvements de mastica- tion (SchitT). Le sens de la mastication a une influence marquée sur la quantité de salive sécrétée du même côté i Colin); le phé- nomène est facile à observer chez le cheval, chez lequel le sens de la mastication change toutes les demi-heures. Les difl'érentes excitations n'agissent pas de la même façon sur les diverses espèces de salive. Ainsi les impressions visuelles et le sens de la mastication ne paraissent pas agir sur la sécrétion sous-maxillaire. Elle parait, par contre, plus sensible aux impres- sions gustatives (Schifif). 15? CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Composition chimique de la salive mixte. — La salive mixte de l'homme contient environ 5 p. 1,000 de principes solides. Les substances organiques de la salive mixte sont l'albu- mine, la globuline, de la mucine (en quantités variables), et une substance spéciale à la salive, la pîyaline qui a la propriété de transformer l'amidon en sucre. Ld. ptyaline ou diasîase salivaire peut être obtenue par divers procédés de préparation; celui qui donne la ptyaline la plus pure paraît être celui de Cohnheim. On recueille une certaine quantité de salive fraîche en excitant la muqueuse buccale parles vapeurs d'éther; on l'acidifie fortement avec l'acide phosphorique ordinaire et on ajoute de l'eau de chaux jusqu'à réaction alcaline; il se produit un précipité de phosphate de chaux basique qui entraîne mécaniquement toutes les matières albuminoïdes et la ptyaline. On filtre et on traite le résidu par l'eau qui enlève la ptyaline en laissant les substances albuminoïdes sur le filtre. L'eau de lavage, avec l'alcool, donne un précipité floconneux, blanchâtre, qu'on dessèche dans le vide avec de l'acide sulfurique. On obtient ainsi une poudre blanc grisâtre, constituée par de la ptyaline mélangée de phosphates. On l'isole de ces derniers en la dissolvant dans l'eau, précipitant par l'alcool absolu, lavant le précipité à l'alcool étendu, puis avec un peu d'eau et desséchant à une basse température. La ptyaline ainsi obtenue est une substance azotée; elle est facilement soluble dans l'eau et rentre dans la catégorie des fer- ments solubles. Elle transforme très-rapidement l'amidon en gly- cose, et cette propriété persiste, qu'elle soit neutre, faiblement acide (acide chlorhydrique à 0,1 p. 100) ou alcahne; cependant un excès d'alcali ou d'acide la lui enlève; la présence d'une trop forte proportion de sucre (1,5 à 2,5 p. 100) s'oppose à la conti- nuation de la transformation et, pour qu'elle reprenne, il faut étendre la hqueur. En prenant ces précautions, on peut, avec une quantité très-petite de ptyaline, transformer d'énormes quan- tités d'amidon en sucre. La ptyaline agit donc comme un fer- ment. La propriété saccharifiante de la ptyahne n'est pas altérée par les autres sucs digestifs, et elle est le seul principe sacchari- fiant qui existe dans la salive. Elle se rapproche de la diastase de l'orge germée et de l'émulsine des amandes; mais elle s'en distingue en ce que ces substances ont leur maximum d'action à 66°, tandis que la ptyahne se détruit à 60°. Contrairement à l'opinion de quelques auteurs, la salive du LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. 153 nouveau-né a aussi le pouvoir sacchariflant, mais il est moins prononcé que pour la salive de l'adulte et n'atteint son maximum que vers l'âge d'un an. La salive mixte contient encore du sulfocyanure de potas- sium, du bicarbonate de chaux qui, par le repos, se précipite sous forme de membrane cristalline de carbonate de chaux, des chlorures alcalins et des phosphates de chaux et de magnésie. On y a constaté la présence de gaz en dissolution, de l'acide car- bonique et des traces d'oygène et d'azote. (Pfluger.) La salive mixte se trouble par la chaleur; elle précipite par l'alcool, l'acide nitrique, l'acétate de plomb, l'acide tannique et le bichlorure de mercure. La salive peut contenir accidentellement de l'urée, de la leucine, de l'acide lactique; la présence de la glycose est plus que douteuse, même dans les cas de diabète. Analyse de la salive. — 1° On prend la densité du liquide; 2^ On évapore à 105° un poids donné de salive; on a ainsi la quantité d'eau ; 3° L'incinération de ce résidu donne le poids des matières inorga- niques et par différence le poids des matières organiques; 4° Pour doser la mucine et répithélium, un évapore un poids donné de salive à consistance sirupeuse, on ajoute de Tacide acétique et on filtre sur un filtre taré; 5" On précipite le liquide précédent par l'alcool; le précipité, lavé et desséché, donne le poids de la ptyaline et des matières albuminoïdes. Voici plusieurs analyses de saUve mixte de l'homme : Pour 1,000 parties. Fr. Simon. Berzélius. Frerichs. Jacubowitsch. Lehmanu Eau 991,22 992,9 994,10 995,16 994,06 Matières solides. 8,78 7,1 5,90 4,84 5,94- Ptyafine. . . . 4,37 2,9 1,42 1,34 — Mucine .... 1,40 1,4 2,13 1,62 — Sulfocyanure . . — — 0,10 0,06 0,07 Sels — 1,9 2,19 1,82 — Certaines substances, introduites dans le sang, passent dans la salive; tels sont l'iode, les iodures et les bromures; on constate alors qu'il manque dans la salive une proportion équivalente de chlore; il y a donc substitution d'une substance à l'autre. Le mercure n'y passe pas. 154 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Pour l'influence du système nerveux sur la salive, voir: Sécré- tions et Innervation. Physiologie comparée. — La salive sous-maxillaire du chien a été étudiée à propos de la salive sous-maxillaire. La salive mixte est visqueuse, filante, limpide, et contient peu de débris épithéliaux et de corpuscules salivaires. — La salive du cheval est trouble, gris jaunâtre, peu visqueuse et contient des débris d'épitbélium. — La salive sous-maxillaire du mouton est peu filante, fortement alcaline. — La salive du la^pin est claire, jamais filante, alcaline; elle ne contient pas de mucine. — Le sulfocyanure de potassium ne paraît pas exister dans les salives animales. Voici des analyses comparatives de la salive chez plusieurs animaux : Pour 1,000 parties. Eau Mucus et albumine . Carbonate alcalin . Chlorures alcalins . . Phosphates alcalins . Phosphates terreux. . Cheval. Vache. Bélier. Chien. 992,00 990,74 989,00 989,63 2,00 1,08 4,92 Traces. Traces. 0,44 3,38 2,85 2,49 0,10 1,00 3,00 6,00 1,00 Traces. 3,58 5,82 0,82 0,15 Les trois premières sont dues à Lassaigne, la dernière à Jacu- bowitsch. Rôle physiologique de la salive. — En dehors de la diges- tion, la salive agit en empêchant la sécheresse de la muqueuse buccale, sécheresse qui serait incompatible avec l'intégrité du goût. Par son sulfocyanure de potassium, elle s'oppose peut-être à la décomposition des parcelles alimentaires restées entre les dents. En outre, la salive étant sécrétée incessamment, même pendant le sommeil, est déglutie instinctivement, et comme, à chaque mouvement de déglutition, la trompe d'Eustache s'ouvre et met en communication l'air de la caisse et l'air extérieur, cette sécrétion salivaire sert ainsi indirectement à l'audition en main- tenant la pression normale de l'air de la caisse. Pendant la digestion, la saUve a trois usages principaux : — J° elle dissout les parties solubles des ahments et même, par son alcahnité, peut dissoudre certaines substances albuminoïdes. — LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. 155 2° Elle imbibe les substances alimentaires et facilite ainsi leur mastication et surtout leur déglutition; plus l'aliment est sec, plus il y a de salive sécrétée; et la ligature des conduits salivaires chez un animal rend la mastication plus lente et la déglutition presque impossible. Aussi la quantité de salive est-elle beaucoup plus considérable chez les herbivores que chez les carnivores. Le cheval donnerait par jour 42 kilogrammes de salive, le bœuf, 56 kilogr. ^Golin). — 3° La salive transforme l'amidon en glycose. Celte dernière action sera étudiée avec la digestion. 2. — suc GASTRIQUE. Procédés pour obtenir le suc gastrique. — Réaumur faisait avaler à des oiseaux de proie des sphères métalliques creuses renfer- Fig. 23. — Fistule stomacale choz l'homme. (Voir page 156.) mant une petite éponge qui s'imprégnait de suc gastrique. Les sphères étaient ensuite rejetées par le vomissement, et l'éponge exprimée don- Fig. 23. — AA, ouverture de la fistule. — B, insertion de l'estomac à la partie supérieure de cet orifice. — C, mamelon. — D, face antérieure de la poitrine (cdté gauche). — E, cicatrices. 156 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. nait une certaine quantité de suc gastrique.— Spallanzani faisait avaler aux animaux des éponges retenues par un fil et les retirait quand elles étaient imprégnées de suc gastrique. — Tiedemann et Gmelin sacri- fiaient les animaux après leur avoir fait avaler des corps irritants et insolubles. — Mais c'est le procédé des fistules gastriques qui a permis de se procurer du suc gastrique pur en quantité suffisante pour les expériences. Chez riiomme, on a pu recueillir du suc gastrique et étu- . dier les phénomènes de la digestion dans des cas de fistule stomacale. La figure 23, page 155, représente une fistule stomacale chez un Canadien, Saint-Martin, observé par AV. Beaumont, qui put faire sur cet homme une série d'expériences sur la digestion des divers aliments. Blondlot et Bassow pratiquèrent les premiers les fistules gastriques artificielles chez les animaux. Ces opérations réussissent Lien, surtout sur les chiens, et n'affectent en rien leur santé générale. Les fistules gastriques peu- vent être pratiquées en deux temps (pro- cédé Blondlot) ou en un seul temps (Bassow, Cl. Bernard). — Pr. Blondlot. On prend un chien en pleine digestion et on fait le long de la ligne blanche une incision de 7 à 8 centimètres partant de la ligne blanche; le péritoine une fois ouvert, on attire l'esto- mac entre les lèvres de la plaie et on le tra- verse de part en part avec un fil d'argent; les deux extrémités du fil sont tordues sur un petit bâtonnet de manière à amener la portion de l'estomac comprise dans l'anse en contact avec la paroi abdominale; des adhérences s'établissent, et après la chute de l'escarre il n'y a plus qu'à placer une ca- nule dans la plaie. Le procédé de Blondlot est surtout apphcable aux fistules d'un grand diamètre comme les pratique Schiff dans certains cas particuliers. — Dans le pro- cédé à un seul temps, l'introduction de la canule se fait immédiatement après l'ou- verture de l'estomac; seulement comme les bords de la plaie se tuméfient après l'opé- ration, pour qu'ils ne soient pas comprimés ^'^- ^■^- — Canuie à fistule gas- cntre les bords de la canule, Cl. Bernard ^"''"^' emploie une canule à vis 0^^.24) dont on peut écarter les bords à vo- H,f ^i' ; Ta ■ ''°"^^ "" '^ '''""'^- - "' '■'■'^"''^^ '^^ >3 ''•^""le. - C. saiUies qui entrent dans la clef destinée a visser et à diviser les deux parties de la canule. - D, tète delà clef- vue de lace. — E, ouverture de la canule vue entière et par une de ses extrémités. LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. 157 lonté. Au bout Je quelques jours, des adhérences s'établissent entre les lèvres de la plaie stomacale et les parois abdominales, et Testomac com- munique alors avec Textérieur par une sorte de canal plus ou moins al- longé {fig. 25). Si on fend ce canal, on voit que la muqueuse stomacale Fig. 25. — Fistule gastrique. se prolonge jusqu'à lorifice de la fistule {fig. 26). On peut pratiquer ces Fig. 26. — Fistule gastrique incisée. Fig. 25. — E, estomac. — D, duodénum. — ^I, muscles de la paroi abdominaie. — 0, ori- fice extérieur de la fistule. Fig. 26. — m, m', m", m'" , coupe des parois abdominales. — S, coupe des parois de l'es- lomac. — C, replis de la muqueuse gastrique. — E, muqueuse. — O, tissu cicatriciel de l'orifice de la fistule. 158 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. fistules gastriques chez d'autres auimaux, cliat, lapin, etc. Le procédé du reste ne diffère pas. Mais le chien est l'animal le plus commode pour ces sortes d'expériences. Chez les ruminants, la fistule doit être pratiquée sur la caillette, la seule partie qui fournisse du suc gas- trique. Sur des lapins porteurs de fistules gastriques, j'ai constaté que l'estomac se vidait complètement dans l'intervalle des digestions, à l'inverse de ce qui existe habituellement. Suc gastrique artificiel. — Il s'obtient en traitant la muqueuse stomacale par la glycérine, et en acidulaut la liqueur par l'acide chlor- hydrique dilué ou l'acide lactique. Le suc gastrique, sécrété par les glandes à pepsine de l'es- tomac, est incolore, très-fluide, d'une limpidité presque parfaite, sauf parfois un peu d'opalescence, d'une odeur suigeneris, d'une saveur fade, aigrelette. Si on le filtre pour le débarrasser dos détritus épithéliaux qui peuvent s'y trouver, il se conserve très- longtemps sans altération. Sa densité est un peu supérieure à celle de l'eau, 1,005 environ, sa réaction fortement acide. La quantité de suc gastrique sécrété dans les vingt-quatre heures est difficile à préciser ; on l'a évaluée à un dixième du poids du corps , soit environ 6 kilogrammes, soit 90 grammes par kilogramme de poids du corps. Chez une femme atteinte de fistule gastrique, Bidder et Schmidt ont constaté ua écoulement de 500 grammes par heure. Composition chimique. — Chez l'homme, le suc gastrique contient 10 p. 1,000 de principes sohdes qui consistent en pep- sine, un acide libre et des sels. La pepsine est une substance qui se présente sous différents as- pects, suivant le procédé d'extraction. Jusqu'ici il a été impossible de l'obtenir à l'état de pureté absolue ; le procédé qui donne les meil- leurs résultats est celui de 13rûcke. On fait digérer la muqueuse stomacale à 40° avec de l'acide phosphorique étendu; on neutralise par la chaux; il se précipite du phosphate neutre de chaux qui entraîne mécaniquement la pepsine; le précipité est lavé, dissous dans l'acide chlorhydrique étendu; on ajoute à la solution de la cholestérine dissoute dans quatre parties d'alcool et une partie d'éther; la cholestérine se précipite avec la pepsine. Le précipité est lavé à grande eau, répris par l'éther; la couche éthérée est dé- cantée et la solution aqueuse restante contient la pepsine pure et l'abandonne par l'évaporation. Ainsi obtenue, la pepsine se présente sous l'aspect d'une poudre grise, amorphe, peu hygroscopique, peu LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. 159 soluble dans l'eau non acidulée. Elle est azotée ; mais la propor- tion de ses principes constituants n'a pu encore être déterminée. Schitr croit même que c'est un corps ternaire non azoté. La pepsine appartient à la catégorie des ferments solubles et est l'agent prin- cipal de la digestion des substances albuminoïdes et de leur trans- formation en peptones. Ses propriétés sont détruites par l'ébul- lition. Le suc gastrique contient en outre des traces de peptones. Vacide libre du suc gastrique a donné lieu à de nombreuses discussions. Blondiot attribuait l'acidité de la sécrétion au biphos- phate de chaux. Mais aujourd'hui presque tous les chimistes la rapportent à un acide libre et diffèrent seulement sur la nature de cet acide; pour les uns, c'est l'acide chlorhydrique (Braconnot, W. Prout, G. Schmidt); pour les autres, l'acide lactique (Lehmann, CL Bernard); mais ni les uns ni les autres n'ont pu encore isoler ces deux acides et ne se basent, pour en admettre l'existence, que sur des réactions plus' ou moins positives. L'acide lactique se rencontre fréquemment dans lestomac, mais il paraît provenir en grande partie de la décomposition des aliments amylacés. La question a été reprise dans ces derniers temps par Rabuteau, Laborde, etc., sans résultats bien certains de part et d'autre (voir à la fin de l'ouvrage : Notes additionnelles). Les sels minéraux consistent en chlorures alcahns, chlorure d'ammonium, chlorure de calcium, phosphates terreux et phos- phate de fer. Le suc gastrique n'est pas troublé par la chaleur (sauf quand il est mélangé à des matières albuminoïdes) ; il précipite par le bichlorure de mercure, l'azotate d'argent, l'alcool. 11 attaque le marbre avec dégagement d'acide carbonique. D'après Schiff, le suc gastrique ne présenterait pas toujours les mêmes propriétés; il distingue le suc gastrique peptiqiie et le suc gastrique acide; le premier, le seul actif et doué du pouvoir digestif, se produirait au moment de la digestion; le second se formerait lorsque, la digestion faite, l'estomac a épuisé sa provi- sion de pepsine, et celte pepsine ne reparaîtrait dans le suc gas- trique que lorsque des substances qu'il appelle peptogènes auraient de nouveau chargé l'estomac de pepsine {\oir : Sécrétions). k\')Tès les injections dans le sang, on retrouve dans l'estomac l'iodure de potassium, le sulfocyanure de potassium, le lactate de fer, le ferrocyanure de potassium, le sucre. Yoici des analyses comparatives de suc gastrique chez l'homme, 160 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. le chien, le mouton et le cheval ; les quatre premières sont due: à G. Schmidt ; la dernière à Frerichs : HOMME. Suc g. o Pour 1,000 parties. contenant ^^^^f- SufJ' moutox. cheval. saîive. ^''"^^- la salive. Eau 994,40 973,0 971,2 98G,15 9'8?,8 Matières solides .... 5,60 27,0 28,8 13,85 17,2 Matière organique . . . 3,19 17,1 17,3 4,'o5 9^8 Chlorure de sodium. . . 1,4G 2,5 3,1 4,36 7,4 Chlorure de potassium. . 0,55 1,1 i,i \ 5 Chlorure d'ammonium . . — 0.5 0 5 0 47 Chlorure de calcium . . 0,06 0,6 17 0.1 1 Acide libre 0,20 3,1 2,3 1,23 Phosphate de chaux . . \ { '^•1 2 3 lis Phosphate de magnésie . ' o,12 { 0.2 0,3 o'sy- Phosphate de fer. . . .) ( 0,1 0,1 o'33 Le sac gastrique des carnivores est identique quahtativement à celui des herbivores ; les proportions seules d'acide et de pep- sine diffèrent et ces substances paraissent être en plus forte pro- portion dans le suc gastrique des carnivores. La sécrétion de suc gastrique est intermittente. Elle n'est con- tinue que chez les animaux qui, comme le lapin, ont l'estomac toujours rempli d'aliments. Cette sécrétion peut provenir soit d'excitations portées directement sur la muqueuse, soit d'excita- tions éloignées. Les irritations mécaniques (chatouillement avec une barbe de plume, présence de sable, etc.), l'eau fcoide ou glacée, l'éther, déterminent, quand l'estomac est convenablement disposé (voir : Mécanisme de la sécrétion), un afflux de suc gas- trique, non-seulement au point touché, mais sur toute la surface de la muqueuse. Cette sécrétion est surtout activée par les Kquides alcalins, qui sont rapidement neutralisés, et spécialement par la salive: aussi l'arrivée des ahments dans l'estomac produit-elle une sécrétion qui persiste pendant toute la digestion stomacale. Les impressions gustatives et les excitations qui amènent la sali- vation ont la môme influence. Toutes ces causes agissent plus rapidement et avec plus d'intensité si l'estomac est à jeun depuis un certain temps. Au contraire, quand l'estomac est épuisé, après une longue digestion, par exemple, son excitation ne produit plus qu'une sécrétion de mucus stomacal ou de- suc gastrique LIQUIDES DU CORPS HUMALX. iCl acide, mais dépourvu de pepsine. Les purgatifs, le poivre, parais- sent déterminer plutôt une sécrétion de mticus (Blondlot, Frerichs). Rôle physiologique du suc gastrique. — Le suc gastrique transforme les substances albuminoïdes en peptones; il est l'agent essentiel de la digestion stomacale. Les conditions de cette action, la part de l'acide et de la pepsine, les caractères des peptones seront étudiés dans le chapitre de la digestion. 3. — suc PANCRÉATIQUE. Procédés pour obtenir le suc pancréatique. — Fistules pa?îcréa- tiques (Régnier de Graaf, 1662), Pour établir une fistule pancréatique, on choisit de préférence des animaux vigoureux et de grande (aille, chiens de bergers, grands ruminants. — 1° Chien. Procédé de Cl. Bernard. L'animal est couché sur le côté gauche, on lui fait dans Phypochondre droit, au-dessous du rebord des côtes, une incision longue de 7 à 8 centimètres, et on attire au dehors le duodénum et le pancréas; on isole rapidement le plus volumineux des conduits pancréatiques qui s'ouvre isolément dans le duodénum (fig. 27) et qui se reconnaît à sa Fig 27. — Conduit pancréatique du cliien. Fig. 27. — A, conduit principal du pancréas du cliien dirigé transversalement. — a, inser- tion du conduit sur l'intestin. — a', petit conduit iiancréatique. — a", ligature qui fixe le tulii; à l'intestin (pour plus de solidité). — (f, fil de la ligature. — I, intestin. — P, P', pancréas. — T, canule. — V, vessie de caoutchouc. — R, robinet. Beauni?, Phys. Il 162 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. couleur blanc nacré. On ouvre ce conduit avec des ciseaux fins, il s'en écoule de grosses gouttes incolores et l'on y introduit une canule que l'on fixe par un fli et qui sort par la plaie de l'abdomen qu'on réunit par des points de suture. La canule tombe au bout de quelques jours et la plaie se cicatrise, de sorte qu'on n'a ainsi qu'une fistule temporaire. La figure 28 représente un chien porteur d'une fistule pancréatique par Fig. 2S. ■ — Chien de berger porteur d'une fistule pancréatique (femelle adulte). le procédé de Cl. Bernard. — Pr. de Ludwig et Weinmann. Ils ont cher- ché à obtenir des fistules permanentes. Pour empêcher l'oblitération du conduit pancréatique, ils y introduisent un fil de plomb qui est fixé à la suture de la plaie abdominale; les parois du conduit adhèrent à la cica- trice et on place une canule dans son orifice. — 2° Bœuf. Procédé de G. Colin. Le conduit pancréatique, souvent détaché de la glandedans une étendue de 2 à 3 centimètres, peut recevoir une canule de 8 à 9 milli- mètres de diamètre. On fait dans le flanc droit, à trois ou quatre travers de doigt de la dernière côte, une incision qui lui est parallèle ; après l'incision du péritoine, le canal pancréatique apparaît entre le duodénum Fig. 28. — A, canule. — B, vessie pour recueillir le sue pancréatique. — C, robinet. LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. IC3 et l'extrémifé inférieure de la glande; on l'incise et on y engage un tube de verre, puis on ferme la plaie abdominale par laquelle passe le tube. La Ggure 29 représente, d'après G. Colin, un taureau porteur d'une fistule pancréatique avec son appareil collecteur^ — 3" Porc. Les fistules pan- créatiques s'établissent avec facilité chez cet animal, par un procédé analogue. — Par contre, chez le mouton, la chèvre et surtout chez le cheval, ces fistules réussissent très-difTicilement, et pour avoir du suc pancréatique normal, le meilleur procédé est d'assommer l'animal en pleine digestion. Suc pancréatique artificiel. — Broyer la glande coupée en frag- ments avec de l'huile (Cl. Bernard). Il vaut mieux en faire un extrait aqueux 104 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. ou mieux encore avec la glycérine, d'après le procédé de V. Wjtticli. Il faut choisir le moment où la glande est rouge et en état d'aciivit6= Opérations sur le pancréas. — \'> Extirpation du pancréas. Tentée par Brunner et CI. Bernard; les animaux meurent ordinairement de péritonite. Les oiseaux survivent cependant à cette extirpation (Colin, Schitf). — 2" Ligature des condicits pancréafiques. Uèmes procédés que pour les fistules; les conduils se rétablissent au bout de peu de temps. — 3° Destruction du pancréas. Une injection de graisse dans le pan- créas amène une dissolulion consécutive de la glande, mais les animaux meurent au bout de quelque temps (Ci. Bernard); Schiff, au lieu de graisse, injecte de la paratTine; la glande se transforme en une masse dure et les animaux supportent bien l'opération. Le suc pancréalique présente des caractères différents suivant qu'on l'obtient par des fistules temporaires ou par des fistules permanentes. Le suc des fistules temporaires est limpide, incolore, visqueux, filant, et coule lentement de l'orifice de la fistule par grosses gouttes perlées et sirupeuses, sans odeur caractéristique et d'un goût salé analogue au sérum sanguin. Il devient mousseux par l'agitation, se prend en masse par la chaleur, et par le refroidis- sement donne un coagulum gélatiniforme. Il est très-fortement alcalin et contient 10 à 15 p. 100 de principes solides. C'est lui qui représente le suc pancréatique normal. Le suc des fistules permanentes est liquide, incolore, aqueux, coule facilement, ne se prend pas en masse par la chaleur et ne se coagule pas par le refroidissement. Il ne contient que 1,5 à 5 p. 100 de principes sohdes, est moins alcalin que le précédent et n'est probablement que du suc pancréalique altéré et différent de celui qui est sécrété pendant la vie. La quantité de suc pancréatique sécrété en vingt-quatre heures est encore plus difficile à évaluer que celle des autres sécrétions digeslives. Bidder et Schmidt, dans des fistules temporaires, ont trouvé 4 grammes environ par kilogramme de poids du corps chez le chien, chiffre probablement trop faible. Par contre, les chiffres trouvés dans les cas de fistules permanentes sont évidem- • ment exagérés. En calculant chez l'homme d'après le poids dQ pancréas, on peut admettre le chiffre approximatif de 200 à 250 grammes en vingt-quatre heures, soit 3^^,6 par kilogramme de poids du corps. Le suc pancréatique a la composition chimique suivante; il contient : LIQUIDES DU CORl'S HU.MALX. 1C5 1** Des corps albuminoïdes coagulables par la chaleur et con- sistant en albumine ordinaire et albuminate de potasse. D'après quelques auteurs, celte matière albuminoïde, coagulable par la chaleur, serait distincte de l'albumine (voir : Robin, Leçons sur les liumeurs). C'est ce qui constitue la pancréatine. 2° Des ferments, qui paraissent être au nombre de trois, l'un qui transforme l'amidon en glycose, l'autre qui décompose les graisses, le troisième qui digère les substances albuminoïdes. En ajoutant du collodion au suc pancréatique ou à l'infusion de la glande, Danilewsky a isolé un ferment qui agit sur les albumi- noïdes; celui qui transforme l'amidon en sucre reste dans la liqueur; quant au ferment qui décomposerait les graisses, il n'a pu être isolé. Hufner a retiré de l'infusion glycérique du pancréas un ferment qui a toutes les propriétés du suc pancréatique. 3° De la leucine, qui paraît n'être qu'un résultat de l'autodi- gestion de la glande. La guanine, la tyrosine, la xanthine. qu'on trouve souvent dans le suc pancréatique, ne sont probablement que des produits de décomposition. C'est la tyrosine qui donne au suc pancréatique la propriété de rougir par le chlore. 4" Des traces de savons. 5° Des sels, chlorure de sodium, phosphates alcalins et terreux, et carbonates alcaUns. L'iodure de potassium ingéré se retrouve dans le suc pancréa- tique comme dans la salive. Voici, d'après C. Schmidt, la composition du suc pancréatique chez le chien : Pour 1,000 parties. Eau Parties solides . Pancréatine Sels Soude (unie à la pancréatine) . . Chlorure de sodium Chlorure de potassium Phosphate de chaux Phosphate de magnésie Phosphate de soude Chaux lunio à la pancréatinei . . — 0,32 Magnésie — ... 0,01 — Fistules perma- nentes. A l'ouvertare du canal. 980,45 900,76 19,55 99.24 22,71 6,84 3,31 90,44 8,80 0,58 2,50 7,35 0,93 0,07 0,01 0,01 0,02 0,41 0,12* 166 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. La sécrétion du suc pancréatique est essentiellement intermit- tente; elle débute presque immédiatement après l'ingestion des aliments et leur arrivée dans l'estomac, et atteint son maximum quelques heures après, puis elle diminue peu à peu, sans qu'il soit possible d'affirmer qu'elle cesse complètement dans l'inter- valle de deux digestions. S'il faut en juger d'après ce qu'on voit sur des animaux porteurs de fistules, les caractères du suc pan- créatique varieraient suivant le moment de la digestion; au début delà digestion, il serait visqueux, filant, très-coagulable; à la fin, au contraire, il se rapprocherait de celui des fistules permanentes. Les conditions de la sécrétion sont difficiles à préciser. Une des plus importantes est, sans contredit, l'état même de la nutrition générale de l'animal. Une riche alimentation augmente, non-seu- lement la quantité, mais la qualité du suc pancréatique; au con- traire, toutes les causes qui déterminent un trouble de la nutri- tion (inflammations, etc.) amènent un trouble correspondant dans la sécrétion; c'est ce qui rend si difficiles et si dangereuses les opérations sur le pancréas. A l'état physiologique, la sécrétion paraît avoir pour point de départ les excitations qui portent sur la muqueuse de l'estomac et de l'intestin (abord des aliments). L'éther introduit dans l'esto- mac produit une sécrétion abondante de fluide pancréatique. (Cl. Bernard.) Le rôle physiologique du suc pancréatique sera étudié à propos de la digestion intestinale. Bibliographie. — Cl. Bernard : Mémoire sur le Pancréas, 1856. 4. — SUC INTESTINAL. Procédés pour obtenir le suc intestinaU — 1 ° Fistule intestinale simple. Le suc intestinal ainsi obtenu n'est pas pur. Il est mélangé aux autres sécrétions et aui résidus alimentaires. — 2" Ligature d'une anse (l'intestin. On comprend une anse d'intestin entre deux ligatures ou deux compresseurs spéciaux (Colin), comme dans la figure 30, page 167, et au bout d'un certain temps on recueille le liquide qu'elle contient. — 3° Fistule intestinale par le procédé de Thiry. On incise l'abdomen; on isoft une certaine longueur d'anse intestinale en la sectionnant aux deux bouts, de façon à la séparer du reste de l'intestin tout en res- pectant le mésentère, et on réunit par une suture les deux bouts d'in- testin ainsi obtenus; on ferme alors par une ligature à une de ses LIQUIDES DU CORPS HUMAIN. 167 extrémités l'anse intestinale isolée du reste et on réunit l'autre extré- mité non fermée aux lèvres de la plaie abdominale; on a ainsi une sorte de cul-de-sac intestinal qui a conservé ses vaisseaux et ses nerfs, et Fig. 30. — Anse d'intestin disposée pour recueillir le suc enlérique. (Voir page 166.) par suite sa nutrition normale, et qui s'ouvre par une fistule à ia surface de la paroi abdominale. Cependant, d'après Albini, cette anse intestinale finirait par s'atrophier. Le suc intestinal ou entérique est sécrété par les glandes de Lieberkuhn. Celui de Xintestin grêle, obtenu par le procédé de Thiry, est un liquide transparent, limpide, un peu jaunâtre, très- alcalin, coagulable par les acides et par la chaleur; sa densité est de 1,01 15. Il contient 2,5 p. 100 de parties solides, constituées par de l'albumine, d'autres matières organiques encore indéter- minées, et des sels, en particulier du carbonate de soude. Cl. Ber- nard y a constaté la présence d'un ferment soluble, ferment Fig. 30. — A, B, compresseurs aux deux extrémités de l'anse intestinale. 168 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. inversif, qui transforme le sucre de canne en sucre interverti, mélange de glycose et de lévulose. Thiry a obtenu en une heure le maximum de 4 grammes de sécrétion pour une surface d'in- testin de 30 centimètres carrés. EHe augmentait dans le cul-de- sac fistuleux quand le reste de la muqueuse était en pleine acti- vité digestive. La sécrétion du suc intestinal ne paraît pas être conlinue ; mais elle se montre dès que des excitations mécaniques ou chimiques sont portées sur la muqueuse; on a retrouvé dans le suc intestinal l'iode, le brome, les cyanures, la lithine, introduits dans l'or- ganisme. Le suc intestinal ne doit pas être confondu avec le mucus intestinal, matière filante, visqueuse, formée par des débris de cellules épithéliales. Pour l'action du suc intestinal, voir: Digestion intestinale. Le liquide du gros intestin est alcalin et présente à peu près les mômes caractères que le liquide de l'intestin grêle. CHAPITRE QUATRIEME. TISSUS ET ORGANES. Article premier. — Chimie des tissus. 1. — TISSUS CONNECTIFS. Les tissus connectifs peuvent, au point de vue chimique, se classer en quatre groupes: 1° les tissus collagènes, tissu con- neclif proprement dit et os, qui donnent de la gélatine par l'ébulli- tion; 2° le tissu conneclif embryonnaire, qui contient une sub- stance analogue à la mucine; 3" le tissu élastique, constitué par l'élastine, et 4° les tissus chondrigènes, qui fournissent de la chondrine comme les cartilages. 1° Tissus collagènes. — La substance collagène forme la masse principale du tissu connectif ordinaire tel qu'où le rencontre, par exemple, dans les tendons. En outre, on y trouve une petite quantité d'une substance albuminoïde particulière, des sels ot de la graisse, qui, dans le tissu adipeux, dérivé du tissu connectif, • TISSUS ET ORGANES DU CORPS HUMAIN. 160 peut atteindre rénorme proportion de 96 p. 100, comme dans la moelle des os. La substance fondamentale du fibro-cartilage est constituée aussi par de la matière collagène. A coté du tissu connectif se place un autre tissu qui s'en éloigne par ses propriétés physiques, mais qui, par sa composi- tion chimique, appartient au même groupe : c'est le tissu osseux. En effet, la trame organique de l'os, l'osséine, n'est autre chose que de la substance collagène, et donne de la gélatine par l'ébul- lition. Seulement, à cette trame organique vient s'adjoindre une forte proportion de sels minéraux, 60 à 70 p. 100, qui con- sistent surtout en phosphate de chaux tribasique, avec du phos- phate de magnésie, du carbonate de chaux, du fluorure de calcium et des chlorures. La petite quantité d'albumine, de graisse, de sulfates alcalins et de fer qu'on extrait des os, paraît provenir des vaisseaux et autres parties accessoires. La substance compacte contient 3 à 7 p. 100, la substance spongieuse 12 à 30 p. 100 d'eau. Le mode d'union de la trame organique et de la substance minérale a été diversement expliqué. Est-ce une combinaison chimique? Est-ce une simple inhltration de la trame organique par les sels minéraux? Cette dernière hypothèse est plus pro- bable, car on peut enlever par les acides la matière inorganique, et par la calcination la trame organique sans altérer essentielle- ment la forme et la structure de l'os. Yoici des analyses des os et des dents, par V. Bibra : FEMl'R. FEMUR. DKXTS. Pour 1,000 parties. Homme de 30 ans. S. com- pacte. S. spon- gieuse. Ivoire. Émail. Substance organique. . . 310,3 314,7 358,2 280,1 35,9 Substance minérale. . . 689,7 685,3 641,8 719,9 964,1 Phosphate de chaux. . . Fluorure de calcium. . . 1 596,3 582,3 428,2 667,2 898.2 Carbonate de chaux. . . 73,3 83,5 193,7 33,6 43,7 Phosphate de magnésie . 13,2 10,3 10,0 10.8 13,4 Chlorure de sodium, etc. 6,9 9,2 9,9 8,3 8,8 Graisse Osséine ou trame organiq. 13,3 297,0 31-i,7 358,2 4,0 ( 276,1 2,0 33,9 Les divers os du squelette ne présentent que peu de variations de composition, même chez des individus différents. Les os longs sont un peu plus riches en substance minérale. Le phosphate de 170 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. chaux prédomine dans le tissu compacte, comme l'indique l'ana- lyse précédente. L'influence de l'âge, qui, d'après certains auteurs, amènerait une plus forte proportion de sels terreux, est encore douteuse. Le sexe paraît aussi sans influence. Les os des herbi- vores sont plus riches en carbonate de chaux que ceux des car- nivores. Papillon a montré qu'on peut, en introduisant dans l'alimentation de la magnésie, de la strontiane et de l'alumine, remplacer dans les os une partie de la chaux par ces substances sans altérer la structure et les propriétés de l'os. Les dents doivent être rapprochées des os. Le cément a une composition identique à celle de l'os. Livoire et surtout ïémail s'en écartent plus, comme le montrent les chiffres de l'analyse précédente. .2° Tissu connectif embryonnaire. — Le tissu connectif em- bryonnaire ne contient pas de substance collagène, mais bien une substance analogue à la mucine. C'est aussi à ce groupe qu'appartient le corps vitré. Peut-être faut-il y ranger encore la substance unissante des éléments anatomiques, telle, par exemple, qu'on la rencontre entre les cellules épithéliales; cette substance unissante possède le caractère, très-important au point de vue histologique, de s'im- prégner facilement de nitrate d'argent qui se réduit ensuite à la lumière en prenant une coloration noire. (V. Recldinghausen.) 3° Le tissu élastique est constitué presque entièrement par de l'élastine et se distingue de tous les autres tissus connectifs par sa résistance à presque tous les réactifs. 4° Les substances chondrigènes comprennent en première ligne le cartilage hyalin qui donne de la chondrine par l'ébullition. Le cartilage contient de 54 à 70 p. 100 d'eau, de la substance chondrigène, un peu de graisse et 2 à 3 p. 100 de sels. Les sels minéraux consistent en phosphates de chaux et de magnésie, chlorure de sodium, carbonate de soude et sulfates alcahns, provenant probablement du soufre des matières albuminoïdes. Ce qui caractérise à ce point de vue le cartilage, c'est la faible proportion de sels de potasse qu'il contient, ce qui s'accorde avec ce fait que le cartilage est dépourvu de vaisseaux. L'âge augmente la proportion de sels minéraux. La cornée, qui donne non de la gélatine, mais de la chondrine par l'ébulhlion, doit être rapprochée du cartilage, quoique sa chondrine ne soit pas identique à la chondrine du cartilage. TISSUS ET ORGANES DU CORPS HUMAIN. 171 Le tableau suivant donne des analyses de corps appartenant à ces quatre groupes de substances; les analyses des os et des dents ont été données plus haut : ^ Corps Tissu Car- ^ Pour 1,000 parties. Derme. ^,j^^^ élastique, tilage. Cornée. Eau 575,0 986,400 693,0 676,7 758,8 l'arties solides .' 425.0 13,600 307,0 323,3 241,2 Albuminoïdes et dérivés . . 340,7 1,360 273,5 301,a 232,2 Matières extractives. . . . 84,3 3,206 22,7 — — Sels — 8,802 11,8 22,0 9,5 Ces analyses sont dues à Wienbolt, Lohmeyer, Schullze, Hoppe- Seyler et His. 2. — TISSUS CORNÉS. Les tissus cornes comprennent les tissus épithéliaux, l'épi- derme, les ongles, les cheveux, les poils et le cristallin. La substance fondamentale de tous ces tissus est la kératine (voir Appendice^ page 70). Le cristallin seul est constitué par une matière un peu différente, cjlobuline ou vitelline {cristalline, de quelques auteurs). Chez l'embryon, le tissu épidermique contient de la substance glycogène. (Cl. Bernard.) Les tissus cornés sont assez riches en soufre; l'épiderme en contient 0,74 pour 100, les ongles 2,80, les cheveux 4,50. Les cheveux donnent environ, pour 100 parties, 1,57 de cendres. Voici, d'après Baudrimont, la composition de ces cendres pour les diverses couleurs de cheveux : c H E V K U X Pour 100 parties. Blancs. Blonds. llouges. Bruns. Noirs, Sulfate de soude. . . . 22,082 33,177 18,435 — — Sulfate de potasse. . . 1,417 8,440 7,542 42,936 56,506 Sulfate de chaux. . . . 13,576 — — — — Carbonate de soude. . . — — — 10,080 — Chlorure de sodium . . Traces. Traces. 0,945 2,453 3,306 Carbonate de chaux . . 16,181 9,965 4,033 5,600 4,628 Carbonate de magnésie . 5,011 3,363 6,197 4,266 2,890 Phosphate de chaux . . 20,532 9,616 10^296 10.133 15,041 Oxyde de fer 8^388 4,220 9,663 10,866 8,099 Silice 12,308 30,717 42,462 10,666 6,611 172 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Le cristaHin a la composition suivante (Berzélius) chez le bœuf: Pour 1,000 parties. Eau 580,0 Matières solides 420,0 Globuline 359,0 Fibres du cristallin . . . 24,0 Extrait alcoolique .... 24,0 Extrait aqueux 13,0 Il contient en outre un peu de matières grasses et de la cho- lestérine. . 3. — TISSU MUSCULAIRE. Le tissu musculaire se compose chimiquement de deux parties: la substance musculaire proprement dite ou plasma musculaire, et un résidu insoluble formé par le sarcolemme, des noyaux et un peu de graisse. La nature chimique de ces ditîérentes sub- stances, ainsi que des sarcous éléments, est très-incertaine. Le plasma musculaire est liquide sur le vivant, neutre ou faiblement alcalin, et spontanément coagulable. 11 doit cette coa- gulation spontanée à une substance particulière, la myosine, et après la coagulation il reste un liquide, le sérum ou suc muscu- laire. La myosine ou caillot musculaire est transparente, gélatini- forme, spontanément coagulable et comme la fibrine décompose l'eau oxygénée. Sa coagulation est accélérée par la chaleur (+40°), l'eau distillée, les acides étendus, l'ammoniaque, etc.; elle est retardée par le froid; les acides la transforment en syntonine. Le sérum musculaire contient les substances suivantes : 1° Des albuminoïdes, albuminate de potasse, albumine ordi- naire et caséine; 2° Des traces de ferments, pepsine (Brûcke) et ptyaline (Pio- trowsky) ; y Une matière colorante, qui, d'après Kuhne, serait différente de l'hémoglobine du sang; A° Des principes azotés, créatine, créatinine, xanthine, hypo- xanthine, carnine, acide inosique, taurine, acide urique et urée: 5° Des principes non azotés, acide sarcolaclique, inosite, un TISSUS ET ORGA.XES DU CORPS HUMAIN. 173 outre sucre musculaire d'une espèce particulière (Meissner) ; substance glycogène \ fibres musculaires des nouveau-nés; Cl. Ber- nard) ; dextrine (cliair des jeunes animaux ; Scliérer et Lim- priclil); glycose; acides gras (formique, acétique, butyrique) et traces de graisses; G° Des sels où dominent ies phosphates et la potasse ('analogie avec les globules sanguins); mais la proportion de potasse par rapport à la soude y est bien plus considérable que dans ces derniers; pour 100 parties de soude on trouve de 214 'renard) à 407 1 brochet; parties de potasse ; 7° De l'eau qui forme près des trois quarts du poids du muscle (homme, 72,4 p. 100: femme, 74,4 p. lOOi; 8" Des gaz dans les proportions suivantes pour 100 parties de muscle iSzumonski; : Acide carbonique 14,40 «/o Azote 4,90 Oxygène 0,09 Total 19,39 Voici, d'après Y. Bibra, l'analyse quantitative de la chair mus- culaire dans diverses espèces animales: Canard Gre- Pour 1,000 parties. Homme. Bœuf. Veau. sauvage. Carpe, nouille. Eau 744,5 77G.O 7S0.6 717,6 797,8 804.:3 Matières solides . 255,5 224,0 219.4 282,4 202.2 195,7 Albumine. ... 19,3 19,9 12,9 26,8 23.5 18.6 Glutine 20,7 19,8 44,2 12,3 19.8 24.8 Extfciit alcoolique. 37,1 30,0 12,9 41,2 34,7 34.0 Graisse 23,0 — — 25.3 11,1 1.0 Vaisseaux, etc . . 155.4 154.3 149.4 170. S 113,1 110.7 La quantité de créatine varie dans la chair musculaire de O.G à 3.5 p. 100. La viande de bœuf fraîche laisse par la calcination 1.46 à 1,63 p. 100 de cendres. Ces cendres ont la composition suivante: Pour 1,000 parties. Cheval. Bœuf. Veau. Porc. Potasse 39,40 35,94 34.40 37,79 Soude 4,86 — 2,35 4,02 Magnésie 3,88 3,31 1,45 4,81 Chaux 1,80 1,73 1,99 7,54 174 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Pour 1,000 parties. Cheval. Bœuf. Veau, Porc. Potassium — 5,36 — Sodium j j - ) (0,40 Chlore ; ( ^'^' U,86j ^^'^^ U,62 Oxyde de fer .... 1,00 0,98 0,27 0,35 Acide phosphorique. . 46,74 34,36 48,13 44,47 Acide sulfurique . . . 0,30 3,37 — — Acide silicique. ... — 2,07 0,81 ~ Acide carbonique. . . — 8,02 — — Vdge exerce une influence marquée sur la composition du muscle. On a vu plus haut l'existence de la substance glycogène chez Tembryon et le fœtus; les muscles des jeunes animaux con- tiennent aussi plus d'eau que ceux d'animaux plus âgés. La quantité de graisse du muscle augmente avec l'âge. Le tissiL musculaire lisse contient de la caséine et est plus riche en sels de soude qu'en sels de potasse. 4. — TISSU NERVEUX. La réaction du tissu nerveux est neutre pendant la vie; après la mort, elle devient acide. Sa composition chimique est incom- plètement connue. Les analyses qui en ont été données ne por- tent guère que sur la pulpe cérébrale, et, par conséquent, ne peuvent s'appliquer, sans restrictions, au tissu nerveux. Cepen- dant je donnerai ici, comme spécimen, deux analyses de la sub- stance blanche et de la substance grise du cerveau de veau, par D. Pétrowsky : Substance Substance Pour 100 parties. ^rise. blanche. Eau 81,6042 68,3508 Parties solides . . . 18,3958 31,6492 Les parties solides (substance cérébrale desséchée) étaient constituées par : Substance Substance Pour 100 parties. grise. blanche. Albuminoïdes et glutine 55,3733 24,7252 Lécithine 17,2402 9,9045 Cholestérine et graisses 18,6845 51,9088 Cérébrine 0,5331 9,5472 Substance insoluble dans Téther. 6,7135 3,3421 Sels 1,4552 0,5719 TISSUS ET ORGANES DU CORPS HUMAIX. 175 Pour plus de détails, voir: Constitution chimique des centres nerveux. Article deuxième. — Chimie des organes. 1. — CENTRES NERVEUX. Les centres nerveux, envisagés dune façon générale, compren- nent dans leur composition les substances suivantes : 1° Une matière albuminoïde particulière, analogue à la ca- séine; 2° De la lécithine et de la cérébrine ; le protagon de Liebreich n'est probablement qu'un mélange de ces deux corps; 3° Des matières exfractives azotées, créatinine, créatine. leu- cine, xanthine, hypoxanlhine, urée, acide urique; 4° Des matières non azotées, graisses et acides gras à l'état de sels alcalins, cholestérine (11,5 à 7,7 pour 1,000 d'après Flint). inosite (0,1 à 0,8 pour LOOO dans le cerveau de bœuf. Xewkomm\ acide lactique. On voit que les matières extractives de la sub- stance nerveuse ressemblent beaucoup à celles du muscle. 5" Des sels analogues à ceux du globule sanguin et où domi- nent les phosphates et la potasse; ces sels ont la composition suivante (Breed; : Pour 100 parties. Cerveau. Potasse 32.42 Soude 10,69 Magnésie 1.2.3 Chaux 0,72 Chlorure de sodium 4,74 Phosphate de fer 1,23 Acide phosphorique combiné . . . 39,02 Acide phosphorique libre .... 9,15 Acide sulfurique 0,7.5 Silice 0.42 Les diverses parties des centres nerveux n'ont pas, du reste. la même composition .chimique : la moelle épinière est plus pauvre en eau et plus riche en matières solubles dans l'élher, et on trouve même des différences entre les diverses parties du cerveau et de la moelle. La moelle allongée est la partie la plus riche en matières solubles dans l'éther iV. Bibrai: les couches 176 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. optiques et les corps striés, par contre, contiennent le moins de graisses. En général, il y a une proportion inverse entre la quantité de graisse d'une région' et sa richesse en eau. La sub- stance grise est beaucoup plus pauvre en graisse que la substance blanche. Cette différence, eu égard à la quantité de graisse, entre la substance blanche et la substance grise n'existe pas chez l'em- bryon (Schlossberger). Les centres nerveux contiennent aussi chez lui une plus grande quantité d'eau. Par les progrès de Tâge la proportion de graisse du cerveau diminue, tandis que les al- buminates paraissent augmenter; la proportion d'eau ne paraît pas en être influencée. La composition des nerfs se rapproche de celle des centres nerveux. 2. — FOIE. La réaction du foie frais est alcaline; après la mort, elle est acide (transformation de la substance glycogène en acide lacti- que?). Le foie renferme 60 à 70 p. 100 d'eau, des substances albuminoïdes de nature diverse, de la substance collagène, des matières extractives, sarcine, xanthine, leucine, acide urique, urée (pendant la digestion, d'après Heynsius), des graisses, de la cholestérine, de la matière glycogène, de la glycose, de l'inosite (bœuf), de l'acide lactique, des sels à acides gras volatils et des substances minérales (l p. 100). La créatine, la créatinine et la yrosine y sont absentes. Le tableau suivant donne les analyses du foie de l'homme et de quelques animaux par V. Bibra : Pour 1,000 parties Homme. Bœuf, Veau. Eau. ...... . . 761,7 713,9 286,1 728,0 Matières solides. . . . 238,3 272,0 Tissus insolubles , . . 94,4 121,3 110,4 Albumine soluble . . . 24,0 16,9 19,0 Glutine ..... . . 33,7 65,1 47,2 Matière extractive . . . 60,7 53,1 71,5 Graisse . . 25,0 29,6 23,9 Les cendres du foie, d'après Oidtmann, ont la composition TISSUS ET ORGANES DU CORPS HUMALX. 177 suivante; j'y joins deux analyses des cendres de la rate, par le même auteur, comme point de comparaison : F«ie d'adulte Foie Rato Rate Pour 100 parties. (homme). d'enfant. d'homme, de femme. Potasse 25,23 34.72 0,GO 17,51 Soude 14,51 11,27 44,33 35,32 Magnésie 0,20 0,07 0,49 1,02 Chaux 3,61 0,33 7,48 7.30 Chlore 2,58 4.21 0.54 1,31 Acide phosphorique .... 50,18 42,75 27.10 18. a7 Acide suifurique 0,92 0,91 2,54 1.44 Silice 0,27 0,18 0,17 0.72 Oxyde de fer 2,74 ( , ^- \ 7,28 5,82 Oxydes métalliques .... 0.16 i '^' '^ / 0,14 0,10 On voit, en comparant cette analyse à celle des cendres de tissu musculaire (page 173j, qu'il y a une grande ressemblance dans ieUr composition. Les métaux, autres que le fer, trouvés dans le foie sont du manganèse, du cuivre et du plomb, qui sont intro- duits par l'alimentation. En outre, on retrouve dans le foie les autres métaux ingérés: mercure, zinc, arsenic, antimoine. La quantité de ghjcose du foie varie de 0,79 à 2,70 p. 100. Pour les causes qui la font varier, voir: Gîycogénie. La substance glycogène peut s'extraire du foie par le procédé suivant : On coagule le foie par l'eau bouillante; on le triture avec du noir animal et on filtre; le liquide est traité par l'alcool, qui précipite la matière glycogène et l'albumine. On redissûut le précipité dans Ueau et on précipite une seconde fois par de l'al- cool ou par de l'acide acétique cristallisable. L?i graisse du foie est .«ujette à de grandes variations. Frerichs a démontré que la quantité de graisse du foie est sous la dépen- dance immédiate de l'alimentation; il excisa un fragment de foie sur un chien et vit, après vingt-deux heures d'une nourriture riche en graisse, une augmentation de la graisse du foie; il observa aussi l'effet inverse en diminuant la graisse de l'alimentation. 3. — ORGANES GLANDULAIRES. Reins. — Le tissu du rein, dépourvu de sang et tout à fait frais, est alcalin, mais il devient très-rapidement acide. 11 con- tient 82 à 84 p. 100 d'eau, de l'albumine, des substances azotées, xanthine, hypoxanthine, leucine, tyrosine, créatine, taurine, de Beaunis, Phys. [% 178 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. la cysline (qui est spéciale au rein; Cloetta), de l'urée et de l'acide urique, des graisses (0,1 à 0,63 p. 100;, de l'inosite (1 p. 1,000 dans les reins de bœuf, d'après Cloejta), de l'ammoniaque et des matières inorganiques. Glandes salivaires. — Elles renferment 79,03 p. 100 d'eau, 20,45 p. 100 de matières organiques (albumine, leucine, corps analogue à la xanlhine, mucine) et 1,51 de matières inorganiques. Pancréas. — Le pancréas contient 745 p. 1,000 d'eau, 246 de matières organiques et 9 parties de cendres. Les matières orga- niques consistent en substances albuminoïdes (albumine, caséine, une albumine spéciale), une forte proportion de leucine (1,77 p. 100), de la tyrosine, de la guanine, de la xanthine, de la bu- talanine (pancréas de veau), de l'acide lactique, des acides gras volatils, un ferment amorphe qui aurait les propriétés du suc pancréatique et se rapprocherait de l'émulsine (Hufner) et des sels. Poumons. — Ils peuvent, au point de vue chimique, être rap- prochés des organes glandulaires. Ils contiennent 796,05 p. 1,000 d'eau, 198,19 de matières organiques et 5,76 de matières miné- rales. Les matières organiques comprennent des substances albu- minoïdes coagulables, de la leucine, de la taurine, de l'acide urique, un acide particulier, acide pneumique de Robin et Verdeil (qui n'est probablement qu'un mélange d'acide lactique et de taurine), de l'ammoniaque (pas constante), des lactates, de la ma- tière'giycogène chez le fœtus (CL Bernard, Rouget), de l'inosite, du pigment mélanique et des sels, phosphates de sodium et de potassium, chlorure de sodium et une assez forte proportion de fer. 4. — GLANDES VASCULAIRES SANGUINES. Rate. — A l'état frais, la rate est alcaline. Elle contient, d'après Oidtmann, pour 1,000 parties, 775 parties d'eau, 180 à 300 de matières organiques, et 5 à 9,5 de cendres. Parmi les matières organiques, on rencontre des substances azotées, leucine, tyro- sine (?), xanthine, hypoxanthine^ taurine, acide urique, des acides succinique,'acétique, formique, lactique et butyrique, de l'inosite (en quantité considérable; Cloetta). L'analyse des cendres de la rate a été donnée page 177. Capsules surrénales. — Les capsules surrénales contiennent TISSUS ET ORGANES DU COUPS HUMAIN. 179 environ 800.28 p. 1.000 d'eau. 198.82 de substances organiques et 0,90 de matières minérales (chien). Les matières organiques comprennent un corps particulier, qui se colore en rouge par l'iode, en bleu par le perchlorure de fer, de la leucine, de l'acide hippurique, de l'acide laurocholique et delà taurine, de la graisse et des sels constitués par une forte proportion de chlorure de potassium, des phosphates de potasse, de soude, de chaux et de magnésie et de l'oxyde de fer. Corps thyroïde. — Le corps thyroïde renferme, pour 1.000 parties, 822,4 d'eau, 184.5 de matières organiques et 1.16 de sels. On trouve dans son tissu de la leucine. de Uhypoxanthine, de la xanlhine, de l'acide succinique, de l'acide lactique, des acides gras volatils, de la cholestérine. Thymus. — Le thymus contient de la leucine, de la xanthine, de Uhypoxanthine, des acides formique, acétique, succinique, actique. de la glycose (?;, des matières inorganiques, potasse, soude, chaux, magnésie, acide phosphorique, chlore et acide sul- furique et de Uammoniaque. La potasse prédomine sur la soude. Oidtmann a trouvé dans le thymus d'un enfant de 14 ans. pour 1,000 parties. 807,06 d'eau, 192,74 de matières organiques et 0,20 de matières inorganiques. Les glandes lymphatiques TQDfeTment 1 [4,22 p. 1.000 d'eau. 284,52 de substances organiques et 1.16 de matière inorganique (femme âgéei. On y a trouvé de la leucine et un corps analogue à la xanthine. CHAPITRE CINQUIEME. RÉACTIONS CHIMIQUES DA\S LORGAMSME VIVAM. 1" DÉCOMPOSITIONS. A. — OXYDATIONS. Les oxydations constituent la grande majorité des réactions chimiques dans les organismes animaux. Ces oxydations portent sur les albuminoïdes, les graisses et les hydrocarbonés qui font partie de l'organisme et donnent lieu à une série de produits 180 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. d'oxydation qui se retrouvent dans les excrétions. Les produits terminaux de l'oxydation des substances albuminoïdes sont l'eau, l'urée et l'acide carbonique ; ceux des hydrocarbontîs et des graisses sont l'eau et l'acide carbonique; mais il existe en outre, entre les deux extrêmes, un grand nombre de produits d'oxy- dation intermédiaires, qui se rencontrent aussi dans les liquides, les organes ou les tissus. Aussi peut-on considérer aujourd'hui comme démontré que ce n'est que par phases successives que les matériaux azotés ou non azotés s'oxydent et qu'ils n'arrivent pas d'eml)lée aux termes ultimes de la série, urée, eau et acide car- bonique. Le tableau suivant donne la liste des produits azotés et non azotés, classés, autant que possible, d'après leur richesse en | carbone et la proportion relative d'oxygène qu'ils contiennent; les quantités de soufre et de phosphore qui entrent dans quel- ques-unes de ces substances ont été laissées de côté ; on n'a in- diqué que les proportions de carbone, d'hydrogène, d'azote et d'oxygène : Produits de désassiniilalion azotés. Produits de désassimilation non azotés. G. H. Albumine lOS 169 Lécithine 42 83 Hématine 34 34 Acide glycocholique. . . 26 43 Acide taurocholique. . . 26 45 Indican 26 31 Cérébrine 17 33 Bilirubine 16 18 Bllifuscine 16 20 Biliverdine 16 20 Biliprasine 16 22 Urobiline 32 40 Indi2;o 16 10 Uroglaucine 8 5 Acide cryptophanique. 10 18 Acide inosique 10 14 Tyrosine 9 11 Acide hippurique , 9 9 Leucine 6 13 Choline 5 15 Butalanine 5 11 Guanine 5 5 Az. 0. 27 34 1 9 4 5 1 6 1 7 1 17 1 3 2 3 2 4 2 5 ■-) 6 4 7 2 2 1 1 9 10 4 11 3 3 2 0 2 5 1 G. H. Stéarine.. J 57 110 Oléine ... Grames. 57 104 Palmitine. ^ 51 98 Gholestérine 24 44 Dyslysine 24 36 Acide choloidique.. . 24 38 Acide cholalique. . . 24 40 Excrétine 20 36 Acide stéarique. ... 18 36 Acide oléique 18 34 Acide palraitique. . . 16 32 Acide caprique 10 20 Acide caprylique. . . 8 16 Acide caproïque. ... 6 12 Acide butyrique.. . . 4 8 Acide propionique. . 3 6 Acide acétique 2 4 Acide formique. ... 1 2 0. 6 6 6 1 3 4 5 1 2 2 2 2 2 2 2 2 2 o Acide benzoïque. ... 7 62 Acide damalurique.. 7 12 2 Acide taurylique. . . 7 8 1 H. 0. 6 4 6 3 2 4 10 5 10 ô 12 fi 12 G 24 12 6 1 8 3 RÉACJIOXS CHIMIQUES DANS TOUGANISME VIVANT. 181 Pioduils de désassimilation azotés. Produits de désassimilation non azotés. C. H. AZ. 0. C. Sarcine 5 4 4 1 Acide succinique. . . 4 Xanthine 5 4 4 2 Acide lactique 3 Acide urique 5 4 4 3 Acide oxalique 2 Créatinine 4 731 — — Créatine 4 9 3 2 Amidon G Allantoïne 4 6 4 3 Dextrine G Alloxane 4 2 2 4 Glycose G Diamide lactylique 3 8 2 1 Inosite G Cystine 3 7 1 2 Lactose 12 Sarcosine 3 7 12 Phénol 6 Acide oxaiurique 3 4 2 4 Glycérine 3 Taurine 2 7 13 Alcool 2 6 1 Glycocolle 2 5 12 — — Urée 1 4 2 1 Acide carbonique . .1 — 2 Eau — 2 1 Tous ces produits ne doivent pas cependant être considérés comme des produits d'oxydation; il en est qui sont formés par dédoublement ou par réduction, comme on le verra plus loin; mais le phénomène d'oxydation domine. Les produits azotés dérivent exclusivement des matières albuminoïdes; mais les pro- duits non azotés peuvent avoir une double origine, ils peuvent provenir soit des matières albuminoïdes, soit des matières non azotées; en effet, par leur décomposition, les premières donnent, à côté des principes azotés, des acides gras volatils, de l'acide lactique, etc., fait qui complique singulièrement l'étude des phé- nomènes de désassimilation. La chimie a pu reproduire une grande partie de ces phéno- mènes d'oxydation; ainsi on peut transformer les matières albu- minoïdes en leucine, tyrosine, glycocolle et acides gras, etc.; l'acide urique donne de l'urée, de rallantoïne, de l'acide oxahque et de l'acide carbonique; la guanine et l'hypoxanthine se trans- forment en xanthine; Strecker, avec la guanine, a obtenu de la xanthine, de l'acide oxaiurique et de l'urée ; la créatine se change facilement en sarcosine et en urée, l'allantoïne en urée; les graisses, par leur oxydation, fournissent toute la série des aci- des gras, etc. Il est probable que les mêmes réactions se passent dans l'organisme; ainsi lorsqu'on voit, par exemple, l'ingestion de l'acide urique augmenter, la quantité d'urée et d'oxalate de 182 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. chaux excrétés, on est en droit de' conclure que, à l'état normal, l'acide urique est un degré intermédiaire d'oxydation entre d'au- tres principes moins oxygénés et l'urée. L'agent de ces oxydations internes est évidemment l'oxygèni' introduit par la respiration; seulement, dans nos laboratoires, ces oxydations ne peuvent s'accomplir que sous l'influence d'oxy- dants très-énergiques ou de températures très-élevées incompa- tibles avec la vie; dans l'organisme, au contraire, ces oxydations s'accomplissent à la température du corps; il semblerait donc, au premier abord, qu'il y a là une action spécifique, vitale, diffé- rente des actions chimiques ordinaires; mais, en réahté, il n'en est rien. Gorup-Besanez a montré que ces mêmes oxydations pouvaient se produire, dans nos laboratoires, à de basses tem- pératures, en employant l'ozone au lieu de l'oxygène, et on a vu plus haut [Yok: Sang) que l'oxygène des globules rouges se trouve très-probablement à l'état d'ozone dans l'oxyhémoglo- bine. En outre, on verra plus loin que la graisse peut devenir, dans certaines conditions, un oxydant énergique (voir : Corps gras). Quant au heu de ces oxydations, cette question sera traitée plus loin à propos de la nutrition. Mais ce qu'il y a de certain, c'est que l'intervention des tissus est nécessaire. P. Schutzen- berger et Gh. Risler ont démontré que le sang, abandonné à lui- même, ne subit qu'une désoxygénation très-lente; il n'y a guère que 3 à 4 centimètres cubes d'oxygène de perdus par heure pour 100 grammes de sang, tandis que le simple contact des tissus suffit pour transformer rapidement le sang artériel en sang veineux. Ges oxydations dominent toute la vie animale; elles sont la condition essentielle de la production de forces vives, et, comme on le verra plus loin, la plus grande partie de la production de chaleur, de travail mécanique et d'innervation, peut être ramenée à des phénomènes d'oxydation. B. — DÉDOUBLEMENTS. Le dédoublement, dans son acception la plus simple, signifie la séparation d'une substance organique en deux ou plusieurs composés, dont la somme représente exactement la substance m RÉACTIO.XS CHIMIQUES DA>'S L'ORGANISME VIVANT. 183 primitive. Les deux acides biliaires en offrent un bel exemple ; ainsi, l'acide glycocbolique se dédouble en acide choloïdique et glycocolle; C-*^H^UzO*' = C-'H'^O^ -+-C-H\\zO-; et lacide tau- rocholique se transforme en acide cboloïdique et taurine : C^-^H^UzSO^ = G'-^H^^O^ + G^H^\zSO^ La déshydratation simple n'est qu'une forme de dédouble- ment; ainsi, par la chaleur, l'acide cholalique se change en dysly- sine et en eau; G-'H"'0' = C-^H^'^O^ -^ 2H-0; la créatine se change en créatinine et en eau: G^H^Az^O- = G^H'Az^O -t-H-'O. 11 peut y avoir à la fois déshydratation et dédoublement: ainsi l'acide oxalique se transforme en acide carbonique, oxyde de carbone et eau: G-H^O^ = GO^H-GO + H^O. La dissociation est un cas particulier de dédoublement. G'est un dédoublement qui se produit sous l'influence d'une certaine température, mais dans lequel les molécules disjointes s'unissent de nouveau pour reformer la combinaison primitive, dès que se rétabhssent les conditions primitives de température (et de tension); c'est ce que les chimistes appellent actions réversibles. D'après Donders, les échanges gazeux dans les poumons et dans les tissus rentreraient dans les phénomènes de dissociation. A côté des dédoublements simples se trouvent des cas dans lesquels le dédoublement ne peut se produire qu'avec l'hydrata- tion de la substance qui se dédouble; telles sont la saponification des graisses et la formation des acides gras aux dépens des graisses; tels sont le dédoublement de l'acide glycocbolique en acide cholaUque et glycocolle : G-^'H^lAzO^ + H-0 = G-^H"^'0^ ^ G-H'AzO-; de l'acide taurochohque en acide cholahque et tau- rine, de la créatine en urée et sarcosine, de l'urée en acide car- bonique et ammoniaque, etc., etc. Les dédoublements paraissent assez fréquents dans l'orga- ! nisme, surtout dans certaines parties, comme le foie, et ont une j large part dans la production des principes énumérés dans le ; tableau précédent. Ges dédoublements semblent même précéder les oxydations dans la série des décompositions successives; ainsi , pour les substances albuminoïdes , il y aurait d'abord production par dédoublement de deux séries de principes, prin- cipes azotés d'une part, principes non azotés, hydrocarbonés et acides gras de l'autre, et ce ne serait que sur ces produits de 184 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. dédoublement qu'agiraient alors les oxydations. Cependant, ces questions sont encore tellement obscures, qu'il est bien difficile de poser des lois générales et qu'on en est réduit à de simples suppositions. C. — RÉDUCTIOIVS. Les phénomènes de réduction, si communs et si importants dans la vie de la plante, n'ont qu'un rôle secondaire dans la vie de l'animal. Pourtant ils se présentent aussi chez lui; ainsi l'acide quiniqae ingéré se transforme en acide benzoïque, en abandon- nant de l'oxygène: C^H'^0« = G^H''0- + 3H'-0 + 0. Mais il n'y a là qu'un phénomène accidentel, tandis que nous trouvons dans la formation de la graisse, aux dépens des hydrocarbonés, un exem- ple frappant de réduction, telle que celle qui se produit dans les graines huileuses au moment de la maturation; les hydrocar- bonés perdent de l'oxygène pour se transformer en graisses. L'indol et la triméthylamine, qu'on rencontre en petite quan- tité dans certains liquides de l'organisme, sont probablement dus à des processus de réduction. S"* SYNTHÈSES. « La formation des composés organiques par synthèse dans l'animal vivant est beaucoup moins connue et pai^aît moins générale que la décomposition. Dans certains cas, cette syn- thèse se réduit à une simple hydratation; c'est ainsi que la créa- tinine se transforme en créatine en prenant un équivalent d'eau : ■ G'*H'Az^0H-H^0 = G^H'Az^02. Un cas un peu plus complexe* est fourni par l'apparition de l'acide hippurique dans les urines après l'ingestion d'acide benzoïque; l'acide benzoïque s'unit à la glycocolle pour former de l'acide hippurique et de l'eau : G^H'^0- + C^H'Az 0^ = G^H^AzO^ + H^O. Quant aux procédés synthétiques par lesquels se forment les diverses matières albuminoïdes et les différents principes qui entrent dans la constitution des tissus, on ne sait à peu près rien de positif. La chimie a bien pu reproduire, par la synthèse organique, une partie des principes azotés ou non azotés qui se trouvent dans l'organisme animal; ainsi l'urée (Wœhler), l'acide RÉACTIONS CHIMIQUES DANS L'ORGANISME VIVANT. 185 hippurique (Dessaignes), la glycocolle (Cahours), la taurine (Strec- ker), la sarcosine (Volhard), la créatine (Strecker), les acides oxalique, lactique (Strecker), succinique (Maxwell Simpson), ben- zoïque, formique (Bertlielot), acétique (KoJbe), propionique, l'alcool, le phénol (Berthelot), etc., ont été obtenus artificielle- ment par synthèse; mais on n'a pu encore préparer les termes les plus élevés de la série, et, pour la plupart de ceux qui vien- nent d'être mentionnés, il est plus que probable que, dans l'orga- nisme môme, ils sont formés par analyse plutôt que par synthèse; tels sont l'urée et presque tous les acides. 3° FEU3IENTATI0rsS. On peut ranger parmi les réactions chimiques de l'organisme certains phénomènes de fermentation qui se passent dans son intérieur. Les fermentations se divisent en deux classes, qui correspon- dent à deux groupes de ferments, les ferments solubles et les fer- ments insolubles ou figurés. A. — FERMENTS SOLUBLES. Les ferments solubles {zymases de Béchamp), comme la dias- tase, la ptyahne, sont des produits de sécrétion ou de décompo- sition de cellules vivantes, animales ou végétales. Desséchés, ils sont solides, amorphes, incolores ou jaunâtres, insipides, solu- bles dans l'eau, dont l'alcool et les acétates de plomb les préci- pitent. Leur solubilité dans l'eau paraît différente de la solubi- lité ordinaire, car ils sont entraînés mécaniquement par les précipités amorphes formés dans le liquide (phosphate de chaux, coUodion, etc.), et c'est même un des meilleurs procédés pour leur extraction. Leur constitution les rapproche des matières albuminoïdes, mais ils ne contiennent pas de soufre et ne se co- lorent pas en jaune par l'acide azotique. Le type de ces ferments solubles est la diastase de l'orge germé e. Les principales transformations opérées par ces ferments solu- bles sont les suivantes : 1** Transformation de l'amidon en dextrine et en glycose. — 186 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. Ferments : diastase de l'orge germée; ptyaline ou diastase sali- vaire; ferment pancréatique; partie soluble de la levure de bière (Berthelot); morozymase de Béchamp (ferment de la mûre blan- che et d'autres végélaux, etc.); toutes les matières albuminoïdes, les tissus et les liquides animaux en voie de décomposition (Ma- gendie, Bertbelot, Lépine), etc. 2° Transformation du sucre de canne en sucre interverti et en glycose. —Ferments : ferment inversif du suc intestinal; partie soluble de la levure de bière (Berthelot); 3° Transformation de glucosides (sahgénine, amygdaline, etc.), en glycose et composés divers. — Ferments r'synaptase ou émulsine,- 4° Transformation de la glycérine et de la mannite en glvcose. — Ferment; tissu testiculaire (Berthelot); 5° Transformation de la glycérine et de la mannite en alcool. — Ferments : matières organiques azotées en décomposition (Berthelot) ; 6° Transformation des graisses en acides gras et glycérine. — Ferment pancréatique; 7° Transformation des albuminoïdes en peptones. — Ferments: pepsine; ferment pancréatique, etc. Les produits de la fermentation sont tantôt de simples trans- formations isomériques (transformation de l'amidon en dextrine), tantôt des hydratations (sucre de canne en glycose), tantôt des dédoublements (fermentation des glucosides). Pour que les fer- mentations s'accomplissent, il faut l'intervention de certaines conditions d'humidité et de température, conditions qui se trou- vent réunies dans l'organisme humain. La réaction du milieu dans lequel se produit la fermentation a aussi son influence, comme on le voit dans les fermentations digestives qui s'éta- blissent tantôt dans un milieu acide, tantôt dans un milieu alcalin. Ce qui caractérise, d'une façon générale, cette classe de fer- mentations, c'est que, dans presque tous les cas, les ferments solubles peuvent être remplacés artificiellement par la chaleur et par des substances minérales; ainsi l'acide sulfurique étendu transforme l'amidon en glycose, et cette action de l'acide sulfu- rique sur l'amidon n'est pas mieux expliquée que celle de la diastase; par la cuisson prolongée, les substances albuminoïdes se transforment en corps identiques aux peptones. 11 importe RÉACTIONS CHIMIQUES DANS L'ORGANISME VIVANT. 187 peu qu'oa fasse de cette propriété des ferments solubles une action chimique ou mécanique; ce qu'il y a d'essentiel, c'est que des réactions identiques se produisent par la seule influence d'agents minéraux non organisés. La substance organisée, vivante ou morte, n'intervient que pour produire le ferment so- luble, et une fois produit, celui-ci agit comme agit un réactif chi- mique ordinaire. Un autre caractère de ces fermentations, c'est leur simphcité ; transformations isomériques, hydratations, telles sont leurs prin- cipales modalités, et les dédoublements, quand ils existent, sont de la nature la plus simple et n'aboutissent qu'à un très-petit nombre de produits. Enfin, dernière différence, tandis que les ferments figurés, véritables organismes, sont tués par les substances toxiques qui tuent les êtres vivants, comme l'acide prussique, l'alcool, etc., ces substances sont sans influence sur les ferments solubles et ne paralysent pas leur action. Les fermentations de cette classe sont fréquentes dans l'orga- nisme animal et ont une très-grande importance. Toutes les transformations chimiques des aliments dans la digestion sont dues à des ferments solubles, et il faut probablement rattacher à ces fermentations une partie des phénomènes de la nutrition, surtout dans certains organes, comme le foie. B. — FERMENTS FIGURES. Les ferments figurés sont de véritables organismes vivants, comme on le voit dans la levure de bière qu'on peut prendre pour type. Les uns appartiennent au règne végétal, cryplococcus cerevisise de la levure de bière, my coder ma aceti, etc.; les autres au règne animal, vibrions butyrique et propionique, bactéries de la putréfaction, etc. Ce n'est pas ici le lieu d'énumérer les diverses espèces de fermentations accomplies sous l'influence des ferments figurés ; nous n'avons à les considérer que d'une façon générale et dans leurs rapports avec la physiologie animale. On a vu plus haut les caractères qui les distinguent des fer- ments solubles. Cette complexité d'actions, cette multiplicité de produits qui caractérisent l'action des ferments figurés, se mon- 188 CHIMIE'PHYSIOLOGIQUE. trent bien dans une des fermentations les plus simples et les mieux connues de cette classe, la fermentation alcoolique. Ainsi la glycose, en présence de la levure de bière, donne non-seule- ment de l'acide carbonique et de l'alcool, mais de la glycérine, de l'acide succinique, de la matière grasse, de l'acide acétique, une matière azotée (J. Oser) et d'autres produits encore. Il s'agit donc là d'un phénomène très-complexe, et on peut jusqu'à un certain point, comme le fait Béchamp, comparer les produits de cette fermentation aux produits de désassimilation d'un orga- nisme qui fabrique de l'urée, de l'acide oxalique, de l'acide carbonique, comme la levure de bière fabrique de l'alcool, de l'acide succinique et de l'acide carbonique. « La levure, cellule «vivante, transforme d'abord, par le moyen de la zymase qu'elle «sécrète, le sucre de canne en glucose; c'est la digestion. Elle «absorbe ensuite ce glucose et s'en nourrit; elle assimile, «s'accroît, se multiplie et désassimile. Elle assimile, c'est-à-dire « qu'une portion de l'aliment da matière fermenlescible), digérée «ou modifiée, fait momentanément ou définitivement partie de « son être et sert à son accroissement et à sa vie. Elle désassi- «mile, c'est-à-dire elle rejette au dehors les parties usées de son «être et de ses tissus sous la forme des composés nombreux «qui sont les produits de l'opération que l'on est convenu «d'appeler fermentation alcoolique. Enfin, elle engendre de la «chaleur. N'est-ce pas là le tableau complet de la vie d'un «animal?» (Béchamp.) La seule différence, c'est que l'oxygène de l'air n'est pas in- dispensable ; mais cet oxygène, les ferments le prennent, soit à la matière fermenlescible elle-même (Pasteur, Schutzenberger), soit à l'eau décomposée (Béchamp), et qu'importe sa source? Dans certains cas cependant, l'oxygène empêche la fermentation; ainsi les fermentations butyrique et propionique ne se font pas au contact de l'air, et Pasteur a montré que les vibrions étaient tués par un courant d'oxygène d'une certaine durée; mais ces faits peuvent être interprétés à l'aide des expériences de P. Bert; Bert a vu en effet les processus de fermentation enrayés dans l'air comprimé, et notablement ralentis dans de l'air à 5 atmo- sphères pu dans l'oxygène pur. Pour Pasteur, la fermentation est un acte purement vital, le ferment un être organisé qui vit aux dépens de la matière fer- mentescible ; il suffit même, comme l'a fait Pasteur, d'ajouter à RÉACTIO^'S CHIMIQUES DA^'S TORGA^'ISME VIVANT. 189 une solution de sucre candi pur dans l'eau distillée du tartrate d'ammoniaque, des cendres de levure, et gros comme une tête d'épingle de levure fraîche pour voir cette levure se multiplier sans matière organique en s'emparant de l'ammoniaque et des matières minérales, et la fermentation alcoolique s'établir. Pasteur considère chaque fermentation comme produite par un ferment spécifique, et s'il a eu le mérite de démontrer, contre Liebig et Gerhardt, que la levure de bière est un être organisé vivant, il est aujourd'hui prouvé, par les travaux de Berthelot principalement, que la théorie de Pasteur est beaucoup trop absolue. En eCfet, d'une part, un même ferment peut donner lieu à des produits très-divers, comme on l'a vu pour la fermentation alcoolique, et d'autre part, un même produit, l'alcool, par exem- ple, peut se former dans un grand nombre de fermentations et sous l'influence de ferments différents ; ainsi Engel a décrit sept espèces de ferments alcooliques, et même, d'après les recher- ches de Berthelot, toute matière albuminoïde peut jouer le rôle de ferment alcoolique. Seulement, restreinte dans de certaines limites, la théorie de Pasteur est exacte en ce sens que, pour chaque genre de fermentation, un ferment spécial produit le maximum d'effet. D'après Berthelot, l'action des ferments figurés se rapproche de celle des ferments solubles. Le ferment figuré sécrète un certain nombre de ferments solubles agissant chacun sur des principes différents, de même que, dans l'acte de la digestion, l'organisme sécrète de la salive, du suc gastrique, du suc pan- créatique, etc. Dans ce cas, il n'y aurait de différence que dans la complexité des réactions. On a objecté, il est vrai, que cette sécrétion de principes solubles n'avait jamais été démontrée, et une expérience de Mitscherlich tend même à la réfuter complè- tement ; il prend un tube fermé intérieurement par du papier à filtrer, il le remplit de levure de hière, le plonge par le has seu- lement dans une solution de sucre, et constate que la fermenta- tion n'a lieu que dans l'intérieur du tube à levure. Cependant une expérience récente de Dumas {Annales de chimie et de phy- sique, 1874, p. 73) contredit celle de Mitscherlich et prouve que la levure de bière agit sur une solution de sucre de canne à tra- vers le papier parcheminé, et Berthelot a démontré que la levure de bière abandonne un ferment soluble qui transforme l'amidon et le sucre de canne en glycose. 190 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. De ce qui précède, il semble qu'il y ait lieu d'admettre une opinion intermédiaire à celles de Pasteur et deBerthelot, et dans ce cas, les produits de la fermentation se diviseraient en deux groupes: les uns dériveraieat de l'action des ferments solubles sécrétés par le ferment figuré sur la matière fermentescible; les autres, analogues aux produits de désassimilation des plantes et des animaux, seraient dus aux actes mêmes de nutrition du fer- ment figuré, assimilant et désassimilant comme tout organisme. Quant à la question de savoir si, comme le croit Pasteur, tous les ferments figurés proviennent de l'extérieur et sont apportés par l'air atmosphérique, c'est une question qui ne concerne pas le mécanisme même de la fermentation et qui rentre plutôt dans l'étude de la génération spontanée. Quel rôle maintenant joue, dans la vie animale, cette deuxième classe de fermentations ? Un premier fait à constater, c'est que des organismes microscopiques, ferments figurés, champignons, infusoires, se rencontrent en grand nombre dans le tube digestif et surtout dans la cavité buccale et le gros intestin. Aussi quelques auteurs leur attribuent-ils une influence notable dans les phéno- mènes digestifs. Ainsi, d'après Béchamp, Estor et Saint-Pierre, le ferment salivaire serait sécrété par les infusoires de la bouche ; si on ajoute une trace de ces infusoires à la salive parotidienne de chien qui ne saccharifie pas la fécule, elle acquiert immé- diatement la propriété saccharifiante. Du reste, ces auteurs ont donné une extension inattendue à cette théorie. Pour eux, la vie est une fermentation et l'animal une agglomération de ferments. En étudiant la craie au micros- cope, Béchamp y trouva en grand nombre des particules mobiles animées d'un mouvement de trépidation (mouvement brownien) ; ces particules, il les considéra comme des organismes vivants, et leur donna le nom de microzymas, microzyma cretx. Ces raicrozymas se retrouveraient, d'après lui, dans tous les fer- ments, dans tous les éléments anatomiques de la période em- bryonnaire; les globules sanguins, les cellules, tous les éléments de l'organisme ne seraient primitivement que des agglomérations de microzymas, et ces microzymas, en se dissociant et devenant libres, produiraient la mort des cellules; dans l'intestin du chien^ en pleine digestion, il a retrouvé des microzymas, soit libres, depuis le pylore jusqu'à la valvule iléo-cœcale, soit associés en NATURE DES PRKXCIPES DE L'ORGANISME. 191 bactéries et bactéridies dans l'estomac et le gros intestin: en un mot, suivant l'expression nième de Béchamp^i' animal est réduc- tible ait microzyma. On voit de suite quelle serait la portée de cette théorie si elle était confirmée par les faits. Jusqu'ici cepen- dant elle n'a guère été admise dans la science, mais il faut dire aussi qu'elle n'a pas été soumise encore à un examen sérieux. Les microzymas, du reste, étaient déjà connus depuis longtemps sous le nom de granulations moléculaires, maison ne les consi- dérait pas comme de véritables organismes vivants, on n'y voyait que des particules organiques protéiques ou graisseuses. Bibliographie. — F. Moxoter : Des Fermentations, l.s62. — A. Gauthier : Des Fermentations, 1869. — Pastecr : Annales de physique et'de chimie et Comptes rendus de V Académie des sciences, de 1857 à 1874. — Berthelot : Id. et Chimie organique fondée sur la synthèse. — Béchamp : Montpellier médical ; passira, et Comptes rendus de V Académie des sciences. CHAPITRE SIXIEME. MTURE DES PRINCIPES DE L'ORGAMSME. Il règne encore une grande obscurité . sur la nature et la constitution intime des différents principes de l'organisme. Jus- qu'ici nous ne les avons considérés que eu égard à leur formule brute et abstraction faite de toute théorie, et cependant il est impossible de passer sous silence les hypothèses émises sur ce sujet, d'autant plus qu'elles éclaircissent singulièrement la for- mation de ces principes dans l'économie et aident à comprendre les réactions internes de l'organisme. Pour l'intelligence de la question, il est indispensable de se reporter aux principes généraux de la chimie organique, tels qu'ils ont été formulés par Dumas, Liebig, Laurent, Williamson, Gerhardt, Chevreul, Wurtz, Berthelot, etc. Aussi les rappellerai-je brièvement en me basant surtout sur les travaux de Berthelot (voir : Chimie organique fondée sur la synthèse, et Chimie organique). Les substances orgaDiques peuvent être classées de la manière suivante : 1° Carbures d'bydrogènet — Ils sont constitués par l'union 192 CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. du carbone et de l'hydrogène. Ce sont les plus simples des composés organiques. Exemple : Gaz des marais, CH^ «° Alcool». — Ils sont constitués par du carbone, de l'hydrogène et de l'oxygène. Hs sont obtenus par la réaction indirecte des éléments de l'eau sur les carbures précédents. Les alcools sont des corps neutres capables de s'unir directement avec les acides et. de les neutraliser c formant des éthers, avec séparation des éléments de Teau. y Les alcools se divisent en : A. Alcools d'oxydation ou alcools proprement dits. — Ex. : alcool ordinaire. Ils ont les caractères suivants : — Ils dérivent des carbures d'hydrogène par substitution des élé- ments de l'eau à un volume égal d'hydrogène. Ex. : CH''=:CH-(H-) CH-^H-0) = CH^O ' Formène ou' gaz des niarais. Alcool méthylique ou esprit de bois. — Avec les acides, ils donnent des éthers par substitution des élé- ments de l'acide à ceux de l'eau. Ex. : CH^0 = CH^(H^0) CH-^(HC1) = CH^CI Alcool méthylique. Éther méthyichlorhydiique ou chlorure de méthyle. — Avec l'ammoniaque, ils donnent des alcalis, par substitution des éléments de l'ammoniaque à ceux de l'eau. Ex.: CH^O = CH-MPO; . Cr-(AzH^, = CHUz Alcool méthylique. Méthylamine. — En perdant de l'hydrogène, ils donnent des aldéhydes. Ex.: GH^O — 2H = CH-0 Alcool Aldéhyde méthylique. méthylique (?). — En changeant de l'eau contre de l'oxygène, ils donnent des acides. Ex. : CH^0 = CH^(H^0) Cr-(02) = CH^0^ j Alcool méthylique. Acide formique. 1 Les alcools d'oxydation sont dits monoatomiques, diafomiques..., tri- ' tétr-, peut-, hexatomiques, suivant que les molécules d'hvdrogèn'e'sont remplacées dans le carbure par 1,2,3, 4, 5, 6 molécules d'eau. Ex. :* | Alcool monoatomique. . . CH* H^Oi Alcool méthylique. C-H^H^Oi^ GlycoL C^H^iH'-Or'^ Glycérine. CH^H^Oj' Érythroglucinc. C«H5 H»Oj' Quercite. C^H^iH^O/ Mannite- glycose. Alcool diatomique Alcool triatomique. Alcool tétratomique. Alcool pentatomique Alcool hexatomique. I NATURE DES PUI.XCH'ES DE L'ORGANISME. 193 B. Alcools d'hydratation. — Ils sont isomériques à ceux de la première classe, mais sonl formés en ajoutant à un carbure les élé- ments de Tcau sans élimination d'hydrogène. Ex.: Propylène. Aliool propylique. ils peuvent former des étlicrs. des alcalis, des aldéhydes, et se divi- sent en alcools monoalomiqnes, diatomiques. etc. G. Alcools SECONDAUiES et tertiaires. — lis résultent de la fixation sur un aldélivde d'un carbure d'hydrogène. Ex.: G-H'O H- CH' = C^H^O ddébyde. ('arbure Alcool d'iivdiogène. secondaire, Ges alcools secondaires peuvent engendrer des éthers, des alcalis et des aldéhydes secondaires, et ces derniers, à leur tour, par le même procédé que ci-dessus, forment des alcools tertiaires. Ils sont en gé- néral identiques aux alcools d'hydratation. D. Phénols. — Les phénols sont formés par des carbures analogues à la benzine, en remplaçant l'hydrogène par de l'eau. Ex. : G«H^iH-) G^H^iH^O) Benzine. Phénol. Les phénols donnent des sels, des éthers, des alcalis, et se divisent en phénols monoatomiques, diatomiques, etc. E. Alcools a fonctions mixtes. — Us dérivent des alcools polya- toiniques. On y distingue : a) Des cdcools-èlhers. — Ex.: la glycérine, alcool triaîomique, s'unit à un seul équivalent d'acide sléarique et constitue la monostéarine, qui est à la fois un éther monacide et un alcool diatomique. (H-0 iH-0 Cm^ H-0 G'H-.H-O H-0 /C'^H^^O- G h Céline. Jlonosléarine. b> Des alcools-aldéhydes. C' Des a/cools -acides, etc. 3° Aldébyclvi^. — Les aldéhydes dérivent des alcools par 1 éli- mination d'une certaine quantité d'hydrogène et ils régénèrent les alcools par fixation d'hydrogène. Ex. : G2H'^0 — H^ = G-H'O C2H'0H-H- = C-H«0 Alcool. Aldeliyde. Aldéhyde. Alcool. iîEAUNis, Pliys. 13 194 CHIMIE rHYSiOLOr.IQUE. Les aldéhydes se divisent en classes correspondantes aux diverses classes d'alcools. On aura donc les groupes suivants : Aldéhydes proprement dits ou dérivés des alcools d'oxydation, ex. : aldéhyde ordinaire ; Aldéhydes des alcools d'hydratation; ex. : acétone; Aldéhydes secondaires; identiques en général aux précédents; Quinons ; aldéhydes dérivés de certains phénols polyatomiques ; , Aldéhydes à fonctions mixtes, dérivés des alcools polyatomiques. 4° Acides» — Les acides dérivent des alcools par élimination d'hydrogène et fixation d'oxygène. Ex.: C-H«0 — H- + 0 = C-H'*0- Alcool. Acide acétique. Les acides organiques s'unissent aux hases pour former des sels. Ils peuvent se diviser en deux grandes classes : acides à fonction simple et acides à fonction complexe. A. AciDES A FONCTION SIMPLE. — Kc joucut quo Ic rôlc d'acide. Ils se divisent, suivant la proportion d'oxygène qu'ils contiennent, propor- tion qui est toujours un multiple de 2, en acides monobasiques, biba- siques, etc. a) Acides monobasiques simples. — Ils renferment 2 équivalents d'oxygène. A chaque alcool répond un acide. rremière famille . . . Acides gras G"H°0- Deuxième famille . . Homologues de l'acide oléique. C"H"--0- Troisième famille C"H'i-''0- (juatrième famille C"Hn-«0- Cinquième famille. . Acides aromatiques C"H°-''0- Sixième famille C°H°-'"0- b) Acides bibasiques simples. — Ils renferment 4 équivalents d'oxy- gène. Ils correspondent aux alcools diatomiques. Ils donnent comme dérivés : \° deux séries de sels, des sels acides ou monobasiques, des sels neutres ou bibasiques; 2'^ deux séries d'élhers, les uns acides et monoalcooliques, les autres neutres et dialcooliques; 3° deux séries d'amides, etc. rremière famille. . . Série oxalique C"H"--0'* Deuxième famille C"H"-''0' Troisième famille. . Série aromatique. . . C"H"-**0'* c) Acides tribasiqucs simples. — Ils possèdent 6 équivalents d'oxy- gène et correspondent aux alcools triatomiques. Ils forment trois séries de sels (monobasiques, bibasiques, tribasiques) , trois séries d'é- thers, etc. >'ATURE DES l'RINCll'ES DE L'ORGANISME. 195 B. Acides a fonction complexe. — Ils peuveLt jouer à la fois le rôle d'acide et le rôle d'alcool, ou d'aldéhyde ou d'éther. On aura donc : Des acides-alcools, comme l'acide glycérique, engendré par la gly- cérine, alcool triatomique, et qui joue à la fois le rôle d'acide mono- basique et d'alcool diatomique. Ex. : (H-0 C'H-/H-0 (H-0 Cm-ÎH-0 H-0 (o^- Glycérine. Acide glycérique, Des acides-éthers; Des acides-aldéliydes ; Des acides-alcalis; ex.: laglycocolle. o° Étiiersr — D'une façon générale, les élhers représentent la combinaison de l'alcool avec un corps, avec séparation des éléments de l'eau. Éther = Alcool + X — H-0 On peut admettre G classes d'éthers, dont voici les formules géné- rales : 1° Élhers composés = Alcool + Acide — H-0.' 2° Élhers mixtes = Alcool -h Alcool — H-0. 3° Élhers aldéhydes = Alcool H- Aldéhyde — H-0. 4° Élhers ammoniacaux = Alcool -f- Ammoniaque — H-0. h° Radicaux métalliques composés = Alcool -h Hydrure métallique — H'O. G? Carbures mixtes — Alcool + Carhure d'hydrogène — H-O. C Alcalis. — Les alcalis organiques contiennent du carbone, de l'hydrogène, de l'oxygène et de l'azote. Ils sont formés par l'union de l'ammoniaque avec les alcools. L'ammoniaque se substitue aux éléments de l'eau dans les alcools. Ex. : C-H^AzH3 Alcool méihylique. Trimé. hylamine. CH") d' Alcalis de la 4^ espèce. — Les éléments de l'eau sont remplacés par un alcali tertiaire, on obtient ainsi une base fixe oxygénée qui ne dérive pas de l'ammoniaque; mais de l'oxyde d'ammonium; c'est le tétramétbylammonium. B. Alcalis dérivés des alcools polyatgmiques. — Les alcools polyatomiques peuvent s'unir soit à uu seul équivalent d'ammoniaque {alcalis monoammoniacaux), soit à deux équivalents ialcalis biavuno- aiacaux), etc., et chaque groupe d'alcalis comprend, comme précé- demment, des alcalis primaires, secondaires, tertiaires, etc. Exemple d'alcali monoammoniacal primaire : (H-O (H-0 C^H-li. Robin.) a, b, c, cellule naturelle. — d, e, f. PHYSIOLOGIE DES EI'ITHELRMS. 239 reste du tube glandulaire; habituellement, les cellules glandu- laires sont ovoïdes, sphériqucs ou polyédriques 'fig. 44. pa;-'e 238-, tandis que les autres sont fréquemment cylindriques ou cylin- dro-coniques. B GÊ Fig. 4b. — Formation des glandes. (Voir page 23?.) Il faut encore rattacher aux transformations de répilhéhum tégumentaire certaines formes dérivées plus éloignées et qui pré- sentent une fonction toute spéciale; tels sont le tissu corné, les ongles, les poils, le cristallin. A. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES TISSUS ÉPITHÉLI.AUX. La consistance du tissu épithélial, très-variable pour les diverses formes de ce tissu, augmente en général à mesure que l'épithélium est plus exposé aux influences extérieures et princi- palement à la pression; aussi, c'est à la surface de la peau que cet épilhélium acquiert le plus de dureté, comme on le voit dans les ongles, l'épiderme du talon et, accidentellement, dans les callosités qui" se produisent dans la paume des mains chez les hommes astreints aux travaux manuels. L'épithélium intestinal, au contraire, offre une mollesse très-grande et se détache par le raclage de la muqueuse sous forme de gelée filante. Fig 44. — A, épithéliiini tégumentaire. — B, dépression épilbéliale; glandes en tube. — C, dépression avec cul-de-sac dilaté; glandes en grappe. 240 PHYSIOLOGIE DE L'n'DIVIDU. La cohésion des tissus épilhéliaux est en général assez faible, sauf pour le tissu corné ; les ongles, les poils, présentent une assez grande résistance à la distension ; mais cette résistance à la distension est bien plus faible pour l'épiderme cutané; aussi k voit-on se fendiller quand la distension de la peau est portée trop loin, comme dans la grossesse ou les ca's de tumeur abdo- minale. La résistance à la pression est plus marquée ; ainsi l'épi- derme du talon supporte tout le poids du corps sans diminution notable de son épaisseur. Vélasticité des tissus épidermiques, comme les poils elles ongles, les seuls pour lesquels on puisse l'apprécier, est très-imparfaite. Les tissus épithéliaux sont transparents et laissent passer assez facilement les rayons lumineux : cette propriété optique acquiert une importance exceptionnelle dans le cristallin et sera étudiée avec la vision. Ils sont mauvais conducteurs de la chaleur et de l'électricité et constituent à ce point de vue une véritable barrière qui dimi- nue la déperdition de chaleur par rayonnement qui se produit à la surface de l'organisme. Les poils surtout jouent un rôle très-important sous ce rapport, spécialement chez certaines espèces animales. La capacité cVimhibitiàn des tissus épidermiques est assez marquée, à moins que ces tissus ne soient recouverts d'un vernis gras, comme sur presque toute la surface cutanée ; on sait avec quelle facilité l'épiderme de la paume de la main ou de la plante des pieds (dépourvues de glandes sébacées) se gonfle dans un bain, et l'emploi du cheveu dans l'hygromètre de De Saussure prouve immédiatement le pouvoir hygroscopique des tissus épilhéliaux. Les lois physiques de \ endosmose, applicables (ou à peu près), comme on l'a vu plus haut, aux membranes connectives, ne le sont plus exactement aux membranes épithéliales. C'est qu'en effet, ici, un facteur- nouveau intervient, l'activité spéciale de la cellule épithéliale, qui modifie les phénomènes de filtration et d'osmose. Il semble y avoir une sorte d'action élective par la- quelle certaines substances sont arrêtées au passage, tandis que d'autres traversent facilement les membranes épithéliales. Comme PHYSIOLOGIE DES EPITHELIUMS. 241 ces membranes forment une couche limitante à la périphérie de l'organisme, cette action élective a la plus grande influence sur l'introduction et lélimination des sujjstances qui se trouvent en contact avec l'épithélium, soit du côté de l'organisme, soit du côté du milieu extérieur. B. _ PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DES ÉPITHCLIUMS. La nutrition des tissus épithéliaux est sous la dépendance immédiate de la membrane vasculo-nerveuse sous-épithéliale; le sang fournit à l'épithélium ses matériaux de nutrition, maté- riaux qui arrivent aux cellules épithéliales par imbibition et de proche en proche, comme le tissu osseux vasculaire fournit les matériaux de nutrition du cartilage invasculaire. Cette nutrition est en général très-a clive, sauf pour les formes pavimenteuses simples dont le rôle paraît tout à fait inférieur. La formation de certains principes particuliers est un des modes les plus essentiels de la vitalité des tissus épithéhaux et principalement des épithéliums glandulaires. D'autres fois, il n'y a pas production, dans l'intérieur de la cellule, de principes nouveaux, mais simplement extraction de principes formés ou existant dans le sang et dans les tissus. Les cellules épithé- liales subissent fréquemment des transformations chimiques par- ticulières ; la plus fréquente est la transformation graisseuse, qui constitue un des modes de sécrétion épithéliale; la transfor- mation cornée se produit dans l'épiderme cutané et en général dans tous les épithéliums exposés aux influences extérieures (air, pressions, etc.); on peut citer encore la transformation pigmentaire telle qu'on l'observe dans les couches profondes de l'épiderme cutané. La multiplication des épithéliums est encore peu connue. Ce qu'on sait de plus certain, c'est que les nouvelles cellules se forment dans les parties profondes de l'épilhélium; pendant ce processus de multiplication, il se passe du côté de la surface extérieure un processus inverse; les cellules tombent et sont éliminées directement à l'extérieur ; il y a une mue cpithéliale incessante, mue qui, chez l'homme, ne porte que sur de petits Be.\unis, Fhys. 16 242 PHVSIOLOrrIE DE i;iM)IVIDU. lambeaux d'épithélium, mais qui, à l'état palhologique ou chez des espèces animales, peut porter sur des parties très-étendues ou même sur la totalité du revêtement épithélial. Cette mue épithéliale se fait non-seulement pour l'épiderme cutané, mais encore pour la plus grande partie du revêtement tégumentaire interne ; ainsi l'épithélium intestinal paraît tomber dans l'inter- valle de chaque digestion. -Celte desquammation épithéliale est précédée souvent dune transformation chimique des cellules (surtout graisseuse). L'élimination des épithéliums est donc totale et non moléculaire comme celle des tissus profonds, et le renou- vellement est total aussi : ni le sang, ni la lymphe ne reçoivent, sauf certains cas exceptionnels, les déchets des tissus épifhéliaux. Ceci est vrai môme pour les tissus épilhéliaux qui paraissent le plus profondément situés, comme les glandes dont les conduits excréteurs maintiennent la communication de la surface glandu- laire avec la surface tégumentaire, c'est-à-dire avec l'extérieur. La sensibilité des tissus épithéliaux est nulle, mais leur rôle dans les diverses sensations est très-important (voir : Sensations); et de plus, il peut s'interposer, entre les éléments épithéliaux purs, des éléments nerveux qui donnent au tissu épithélial une sensibilité d'emprunt, comme dans la cornée. C. — ROLE PROTECTEL'R DES ÉPITHÉLIUMS. Les épithéliums ont en premier lieu un rôle purement méca- nique; partout où des pressions répétées, des frottements, pour- raient léser les parties superficielles du corps, l'épithélium, devenu couche cornée de l'épiderme, agit comme organe pro- tecteur; il agit de même en présence des substances chimiijues qui détruiraient rapidement les cellules plus délicates des parties profondes. Mauvais conducteur du calorique, l'épiderme, et spé- cialement ses annexes, poils, cheveux, etc., s'opposent, dans de certaines limites, aux déperditions de chaleur et peuvent aussi prévenir les effets d'une chaleur trop intense; ainsi les cheveux protègent la tête contre l'insolation. Les épithéliums représentent des adjuvants indispensables de certaines fonctions. Les papilles cornées de la langue et du palais de certains animaux interviennent dans les phénomènes PHYSIOLOGIE DES EPITHELIUMS. 243 de mastication. Mais c'est surtout dans les organes des sens spéciaux que se révèle le mieux la part prise par l'épithélium dans certains actes fonctionnels d'un ordre supérieur. Toute la sensibilité cutanée tactile est basée sur l'existence de l'épiderme; dès qu'il est enlevé, comme par un vésicatoire. il n'y a plus de sensation tactile nette et précise, il n'y a plus que de la douleur; l'épithélium lingual joue le même rôle pour la sensibilité gusta- tive, et pour chacun des sens, il serait facile de faire la même remarque. Outre cette part nécessaire dans la sensation, l'épi- thélium fournit, par ses annexes et ses dérivés, des organes de protection et de perfectionnement pour les sens, cils des paupières et sourcils, cristallin, vibrisses, ongles, etc. D. — ROLE DE L'EPITHELIUM DAXS L'ABSORPTIOX. Les épilhéliums constituent, comme on l'a vu plus haut, une membrane continue recouvrant toute la périphérie de l'orga- nisme; tout ce qui entre, tout ce qui sort, doit les traverser; ils peuvent donc servir à la fois à l'absorption et à l'élimination, être traversés par un courant allant de l'extérieur à l'intérieur ou par un courant de sens inverse. Supposons un instant que ce courant soit de l'eau ; que cette eau vienne du dehors et pénètre dans l'organisme, ou qu'elle vienne de l'organisme et soit éliminée à l'extérieur, il est évident à priori, et l'expérience l'a confirmé, que les phénomènes qui se produiront au moment où le courant traversera la membrane épithéhale n'en seront pas modifiés (') ; si la surface épithéhale laisse passer au dehors l'eau provenant de l'organisme, elle laissera passer l'eau de dehors en dedans avec la même facilité ; il y a parallélisme absolu entre l'absorption et l'élimination. Un exemple en est fourni par la muqueuse pul- monaire; à l'état physiologique, elle absorbe de^l'oxygène et élimine de l'acide carbonique et de la vapeur d'eau ; de même on peut dire qu'elle absorbera les substances volatiles et les éliminera avec la même facilité ; l'absorption et l'exhalation des corps volatils marchent parallèlement et pari passu: étant donnée une surface épithéhale, à l'élimination facile d'une substance (') Les faits contraires de Malteucci et de Cima me paraissent provenir d'une erreur d'observation et d'interprétation. 244 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. par cette surface correspond l'absorption facile de cette substance, et vice verset. 1° Absorption des gaz et des substances volatiles par les épi- théliums. — La surface pulmonaire, dont l'épithélium si fragile et si délicat se rapproche tant des endolhéliums (Buhl, Debove), occupe la première place à ce point de vue, tant pour l'absorp- tion physiologique de l'oxygène dans la respiration que pour l'absorption accidentelle des gaz et des substances volatiles. La peau, qui, même chez l'homme, est le siège d'une respiration ru- dimentaire, paraît, d'après les recherches les plus récentes, qui confirment en ce point l'opinion de Bicbat, pouvoir absorber les substances volatiles. Pour la muqueuse intestinale, où la respi- ration est plus rudimentaire encore, cette absorption est probable, sans qu'elle soit démontrée d'une façon positive. 2" Absorption des liquides et des substances solubles. — C'est surtout dans l'absorption des liquides et des substances solubles que se montre le mieux la spécialité d'action des surfaces épi- théliales. Si l'on s'en tient à l'eau et aux principes que l'eau peut dissoudre, on voit certaines muqueuses, comme la muqueuse pulmonaire, l'absorber en quantité presque illimitée, tandis que l'épithélium vésical paraît presque réfractaire à l'absorption, La muqueuse intestinale, qui absorbe si rapidement la glycose et les peptones, n'absorbe qu'à peine ou très-lentement certaines sub- stances toxiques et les virus. Enfin l'absorption cutanée ne se fait que lorsque l'enduit sébacé de la peau a été enlevé par diffé- rents moyens chimiques ou mécaniques. 3" Absorption de la graisse. — Le mécanisme de l'absorption de la graisse dans l'intestin sera étudié plus tard (voir : Absorption digestive). Partout ailleurs, sauf peut-être la peau dans des cir- constances parlicuHères, l'épithélium, imprégné d'eau, est réfrac- taire à l'absorption graisseuse (voir, pour les détails, le chapitre : Absorption de la Physiologie spéciale). E. — ROLE DE L'ÉPITHÉLIUM DANS L'ÉLIMINATION. 1. EXHALATION. L'exhalation n'est autre chose que l'élimination des gaz et des substances volatiles. L'exhalation gazeuse physiologique consiste PHYSIOLOGIE DES EPITHELIUMS. 245 surtout en acide carbonique et vapeur d'eau et se fait spéciale- ment par la surface pulmonaire et accessoirement par la peau et l'intestin. Mais ce ne sont pas là les seules voies, et on peut alfir- mer, d'une façon générale, que toute la surface épilhéliale est le siège d'une exhalation carbonique et aqueuse, qui acquiert seule- ment un maximum d'intensité sur certaines régions; les surfaces glandulaires elles-mêmes ne font pas exception à cette règle, car on a trouvé de l'acide carbonique dans le lait, l'urine et toutes les sécrétions examinées à ce point de vue (voir: Gaz de l'orrja- nismc). Quant à l'élimination extra-physiologique des substances volatiles, elle se fait en première ligne par la muqueuse pulmo- naire, mais elle peut se faire aussi par toutes les surfaces épi- théliales et même par les surfaces glandulaires ; ainsi on retrouve dans l'urine, le lait, des substances odorantes ingérées. 2. SÉCRÉTION. Tandis que l'absorption se fait principalement par les épithé- liums tégumentaires, le processus inverse, l'élimination, se fait surtout par les surfaces glandulaires ou glandes. Les cellules glandulaires jouent le rôle essentiel dans la sécrétion ; ces cellules sont appliquées sur la membrane propre de Vacinns, de façon que chaque cul-de-sac glandulaire est entouré d'un réseau ca- pillaire sanguin. Cependant, d'après des recherches récentes (Ludwig et Tomsa), entre les capillaires sanguins et Vaciinis se trouveraient des lacunes lymphatiques, de façon que les acini plongeraient dans ces lacunes lymphatiques et y prendraient les éléments de la sécrétion. Enfin , d'après les observations de Pfltiger sur les glandes salivaires, les cellules glandulaires seraient en connexion intime avec les filets nerveux terminaux; mais ces connexions ont été niées par beaucoup d'histologistcs. Au point de vue du mode d'activité de l'épithélium glandulaire, le processus général de sécrétion peut se diviser en quatre pro- cessus distincts, à chacun desquels correspond un groupe de sécrétions, suivant que tel ou tel mode spécial d'activité glandu- laire prédomine dans une sécrétion. 1° Sécrétions par filtration ou transsuclations glandulaires, — Dans ce cas, l'épithélium glandulaire ne fabrique pas de prin- cipes nouveaux; il ne fait qu'utiliser les principes existant déjà 246 PHYSIOLOGIE DE L-IXDIVIDD. dans le sang et dans la lymphe ; ce genre de sécrétion se rap- proche beaucoup des transsudations des séreuses; mais il n'y a pas simple filtration : l'action élective de l'épithélium s'exerce au passage et fait varier la proportion des principes de la sécré- tion comparativement à la composition du plasma lymphatique ou sanguin. A cette catégorie appartiennent les sécrétions uri- naires, la sueur, les larmes, etc. Les principes les plus importants passant ainsi par fdtration sont .-l'eau, les sels du plasma (chlorures de sodium, de potassium, phosphates, sulfates, chaux, magnésie, etc.). l'acide carbonique, l'albumine tracesi. les matières extractives, créatine, urée, acide urique. la glycose, la cholestérine. etc. '2° Sécrétions proprement dites avec production de principes nouveaux. — Ici, l'activité glandulaire spéciale intervient beau- coup plus énergiquement que tout à l'heure; la cellule épithé- liale n'agit plus comme un simple filtre; elle modifie au passage la nature même dos produits qui la traversent, ou crée à leurs dépens des produits nouveaux. Dans cette classe se rangent la plupart des sécrétions digestives (salive, suc gastrique, etc.). Les produits ainsi formés par les cellules glandulaires varient pour ainsi dire avec chaque glande sans que jusqu'ici l'histologie et la physiologie aient pu éclaircir leur mode de production. Ainsi on n'a pas encore expliqué d'une façon satisfaisante les transformations chimiques qui font apparaître l'acide chlorhy- drique dans le suc gastrique, l'acide sulfocyanhydrique dans la saUve, les acides biliaires dans la bile. La formation de la caséine du lait, des ferments solubles des sécrétions digestives, n'est pas mieux expliquée. 3° Sécrétions par desquammation glandulaire. — Dans les sécrétions précédentes, la cellule glandulaire conserve son inté- grité; elle ne fait qu'abandonner à l'extérieur les principes qui la traversent ou qu'elle a formés : ici, la cellule elle-même tombe et s'élimine, et contribue par conséquent à former le produit de sécrétion. Celte desquammation glandulaire, tout à fait compa- rable à la desquammation épithéliale qui se remarque sur l'épi- derme cutané , est en général précédée d'une transformation chimique des cellules glandulaires; cette transformation est tantôt graisseuse, comme dans les sécrétions sébacées, tantôt muqueuse, comme dans les mucus. La graisse et la muciue cons- tituent les produits spéciaux de ce groupe de sécrétions. PHYSIOLOGIE DES ÉPITII EL I UMS, 2i7 4*^ Sécrétions morphologiqves. — Ici, l'élément essentiel de la sécrétion est un élément morphologique, une cellule ou un dérivé de cellule, et le liquide qui tient Télément anatomique en sus- pension est l'accessoire. Tel est le liquide du testicule qui ren- ferme un élément anatomique, le spermalozoïde.Il s'agit plutôt ici d'un cas particulier de formation cellulaire que d'une véritable sécrétion. Caractères physiques des sécrétions. — La consistance des sécrétions varie depuis une fluidité comparable à celle de leau distillée (larmes) jusqu'à une viscosité excessive (salive sublinguale) et môme jusqu'à un état demi-solide (matière séba- cée); beaucoup de sécrétions ont une consistance un peu filante due à la présence de la mucine. Couleur et transparence. — Quelques sécrétions sont inco- lores (larmes, sueur, etc.); d'autres sont colorées par des matières colorantes dissoutes, comme l'urine et la bile; d'autres enfin ont une coloration blanche, comme le lait; mais elle n'est pas due à une matière colorante spéciale; elle tient à la suspension dans le liquide d'une innombrable quantité de globules graisseux ; dans ce cas, le liquide est opaque, tandis qu'habituellement les sécré- tions, même colorées, sont parfaitement transparentes. L'opacité, ou le trouble des sécrétions, peut être due aussi à la suspension dans le liquide de particules salines insolubles (urine des herbi- vores). Quelques sécrétions, comme l'uiine, présentent une légère JJiiorescence. Caractères chimiques des sécrétions. — Les sécrétions sont neutres, acides ou alcalines; la bile est neutre; la salive, le suc pancréatique, etc., sont alcalins; le suc gastrique, la sueur, etc., sont acides. La proportion d'eau et des matières solides dans les diverses sécrétions olï're des variations considérables; en général, la pro- portion de substances solides est la plus faible dans les sécrétions l)ar filtration ; elle augmente dans les sécrétions proprement dites pour atteindre son maximum dans les sécrétions par des- quammation et surtout dans les sécrétions morphologiques. Le tableau suivant donne, pour 1,000 grammes do liquide, les pro- portions d'eau, de principes soUdes, d'albuminoïdes, de principes 248 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. azotés et non azotés, de graisse et de sels pour les différentes sécrétions. Les trois dernières analyses ont été prises sur le chien. solide Albu- minoi- des. Urine Sueur Larmes .... Bile Lait Colostrum . . Sperme .... Salive mixte . Suc gastrique. Suc pancréat. Suc entérique 1,018 1,004 1,028 1,031 1 ,006 1,005 1,010 1,011 Acide . . Acide . . Alcaline . Neutre . Aniphotère Alcaline. Neutre. . Alcaline. Acide . . Alcaline . Alcaline. (?)• 060 •t'.tô 5 9S2 18 862 138 886 114 858 142 900 100 99.5 5 973 27 40 — Princi pes 2.5 1,611 Princi- pes non Graisses. Sels. a?.oies. traces. — 0,317 0,013 — 104 36, 80 60 2,96 17,1 901 99 90,44 975 25 — 7 — 26 45,92 43 traces. 25,98 30 15,000 2,265 13,200 8,000 1 ,840 5,40(1 40,0.(0 1,8S0 9,830 8,800 Quantité de la sécrétion. — La quantité de liquide sécrété varie pour chaque sécrétion. Considérable en général pour les sécrétions par filtration et les sécrétions proprement dites, elle est plus faible pour les deux dernières catégories. Cette quantité n'est pas en rapport avec le volume de la glande et avec son poids, comme on peut le voir par le tableau suivant. Quantité Quantité' par Poids en 24 heures. QUANTITE PAR KILOGRAMME DB GLANDES. losr3Dnme di. poids n corps. des glandes. Quantité de sécrétion. Quantité de parties solides. Qnanti.e de sels. Quantité de matière orga- nii^ut s . 40 gr. 180 gr. 8,333 gr. 222 gr. 83 gr. 139 gv 14 1_,450 689 95 5 90 22 500 (?) 2,700 227 3 224 13 68 13,200 71 27 45 3,6 70 3,500 1,417 125 1,292 Urine 1,500 gr. Bile 1,000 Lait 1,3.50 Salive 900 Suc pancréatique. 250 On voit, par ce tableau, quelle différence il y a, à poids égal, entre l'activité des diverses espèces de cellules glandulaires. La cfuantité de la sécrétion varie suivant certaines conditions étudiées pour chaque sécrétion en particulier, et ces variations sont plus marquées pour les sécrétions du premier groupe que pour les autres. Aux variations de la quantité totale de la sécrétion correspon- dent des variations de quantité des divers principes qui la cons- tituent; mais tous ces principes ne varient pas dans le même rapport. L'eau d"abord, et en seconde ligne les principes salins, y contribuent beaucoup plus que les substances albuminoïdes ; aussi, en général, quand une sécrétion augmente, elle devient en ■ PHYSIOLOGIE DES ÉTITHE LIUMS. 249 même temps plus aqueuse et plus pauvre en substances solides, surtout en albuminoïdes. Il y a une certaine corrélation entre les différentes sécrétions et principalement entre les sécrétions par filtralion, au point de vue delà quantité; ainsi, quand la quantité de la sueur auir- mente, celle de l'urine diminue. Il y a donc une sorte de balan- cement entre la peau et les reins, et ce balancement existe non- seulement pour la quantité totale de la sécrétion, mais pour la quantité des divers principes et surtout de l'eau et des sels; les deux surfaces épithéliales peuvent se suppléer dans de certaines limites. Mécanisme des sécrétions. — On ne connaît encore que d'une façon très-incomplète le mécanisme de la sécrétion ; cependant des recherches récentes, faites spécialement sur les glandes saiivaires, ont permis d'analyser plus profondément le phénomène. Auparavant, on croyait que la pression sanguine avait le rôle principal dans la sécrétion ; que, sous l'influence de cette pression, le plasma sanguin transsudait à travers les parois des capillaires et était modifié au passage par l'épithélium glan- dulaire. Mais il est prouvé aujourd'hui que la circulation san- guine n'a qu'une influence indirecte sur la sécrétion. Ludwiir. en effet, par une expérience célèbre, démontra que la pression dans les conduits saUvaires pouvait être supérieure à la pression du sang artériel de la glande; en outre, la sécrétion salivaire peut continuer sur une tête coupée, malgré la vacuité des vaisseaux et en l'absence de toute pression sanguine. Enfin, fait accessoire, mais utile à mentionner, la température du liquide sécrété peut être supérieure à celle du sang artériel qui entre dans la glande, preuve que celle-ci est le siège d'un travail chimique assez actif. Toutes ces données autorisent à concevoir le phénomène de la sécrétion de la façon suivante :* Une sécrétion se compose de deux actes ou deux phases dis- tinctes et, jusqu'à un certain point, indépendantes. 1° Une filtration du plasma sanguin à travers les parois des capillaires; ce plasma s'épanche dans les lacunes lymphatiques qui entourent let; acini glandulaires, et c'est dans cette lymphe que les éléments glandulaires prendront les éléments de leur sécrétion. Celte filtration est sous l'influence de la pression san- guine et varie en intensité suivant toutes les conditions qui font \ 250 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. varier cette pression ; c'est là, à proprement parler, Vacte jjrépa- ratoire de la sécrétion; 2° Une activité des cellules glandulaires qui prennent dans la lymphe les matériaux nécessaires pour la sécrétion et les modi- fient plus ou moins; cette deuxième phase est Vacte essentiel de la sécrétion ; il est sous la dépendance médiate de la première phase, en ce sens que la filtration fournit le liquide dont ont besoin les cellules glandulaires et le renouvelle si la provision en est épuisée; sans cela la sécrétion s'arrêterait faute d'aliments; mais il en est indépendant d'une façon immédiate. En effet, on peut abolir isolément chacun des deux processus sans enrayer l'autre. On a vu plus haut que la sécrétion continue sur une tète coupée, et il en est de même si on interrompt la circulation dans la glande; la salivation continue pendant un certain temps. D'un autre côté, on peut arrêter la sécrétion, tout en laissant la filtration sanguine se produire; si, par une injection de carbonate de soude dans le conduit salivaire, on détruit l'ac- tivité des cellules glandulaires et qu'on augmente la pression sanguine par l'excitation de la corde du tympan, la Oltration sanguine continue à se faire, mais la glande ne sécrétant plus, le liquide transsudé s'accumule dans les lacunes lymphatiques et la glande s'œdématie. (Gianuzzi.) Le rôle des nerfs dans les sécrétions est en rapport avec le mécanisme qui vient d'être expliqué. A chacun des deux actes de la sécrétion correspond une catégorie spéciale de nerfs : à la tlUration, des nerfs vasculaires, qui règlent la circulation glan- dulaire et la pression sanguine ; à la sécrétion proprement dite, des nerfs glandulaires, qui agissent directement sur les cellules épithéhales des acini. L'indépendance de ces deux actes n'empêche pas qu'ils ne marchent en général ensemble et du môme pas; habituellement, quand la filtration s'exagère, la sécrétion s'exagère aussi, et vice versa. En elfet, une sécrétion intense suppose un renouvellement plus fréquent de la lymphe périglandulaire et une activité plus grande de l'acte préparatoire de la sécrétion; c'est là ce qui explique le fait observé par Cl. Bernard, que le sang veineux des glandes en activité est rouge clair et non rouge, foncé, par suite de l'accélération de la circulation glandulaire. Rôle des sécrétions. — Les sécrétions ont tantôt un rôle PHYSIOLOGIE DES ÉPITIIÉLI UMS. 251 mécanique, comme la sécrétion sébacée qui protège la surface cutanée, comme la salive dans la mastication; tantôt un rôle chi- mique, comme Ta plupart des sécrétions digestives qui opèrent des transformations chimiques des substances alimentaires ; d'autres fois, elles ont un rôle plus spécialement limité, comme la sécrétion spermatique. D'autres, enfin, n'ont qu'un rôle de dépuration et d'élimination, comme l'urine, et ne servent qu'à déverser à l'extérieur les déchets provenant de l'usure des tissus ou de l'oxydation des aliments absorbés ; ce sont les sécrétions excrémenliliclles. Une fois leur action produite, les liquides sécrétés ne sont pas tous et en totalité éliminés de l'organisme; les pertes seraient alors beaucoup trop considérables et épuiseraient le corps trop rapidement. Une grande partie des principes sécrétés sont repris par d'autres surfaces épithéliales et repassent dans le sang, tels sont la salive, le suc gastrique, etc.; quelques-uns y repassent en entier; d'autres restituent seulement quelques-uns de leurs prin- cipes, comme la bile. On a donné aux premières le nom de sécrétions récrémentUielles, aux secondes celui de sécrétions excrcmento-récrémentitielles: les sécrétions excrémentilielles, comme l'urine, sont éliminées en totalité. F. — MOUVEMENT VIBRATILE. Le mouvement vibratile, découvert par A. de Heyde en 1G83, a été bien étudié par Purkinje et Valentin. Il présente diverses formes : tantôt c'est un mouvement de crochet des cils vibratiles (comme la flexion et l'extension du doigt); d'autres fois une sorte d'ondulation, un mouvement de tourbillon ou une oscilla- tion simple. Ces mouvements ne peuvent être étudiés qu'au microscope; mais on peut facilement rendre leurs elfets visibles à l'œil nu. Si on place sur une muqueuse pourvue de cils vibra- tiles, la muqueuse du pharynx de la grenouille, par exemple, une poussière colorée, noir de fumée ou bleu de Prusse, on voit, au bout de peu de temps, que cette poussière est entraînée vers l'estomac; des corpuscules, même assez lourds, peuvent être ainsi déplacés par le mouvement vibratile, et pour une région donnée, le transport des particules se fait toujours dans la même direction. Ces mouvements des cils sont très-rapides, jusqu'à 250 25'2 PHYSIOLOGIE DE L'I>'DI VID U. à 280 par seconde, et sont tout à fait indépendants du système M nerveux et de la circulation, car ils persistent sur des cellules ^ détachées; mais, par contre, le mouvement s'arrête quand les cils sont détachés de la cellule qui les supportait. Ges mouve- ments subsistent assez longtemps après la mort, et on les a observés encore au bout de trente heures et plus chez des suppli- ciés (Ordonez, Gossehn, Robin); chez les animaux à sang froid, ils peuvent persister plusieurs jours. Quand ces mouvements sont arrêtés, une solution diluée de potasse ou de soude les fait reparaître de nouveau iVirchowi. L'oxygène favorise le mouve- ment vibratile; l'acide carbonique et l'hydrogène le font dispa- raître (Kûhne). Quels sont la nature et le mode de ce mouvement? Il ne peut y avoir aujourd'hui le moindre doute, et le mouve- ment vibratile n'est qu'un cas particulier des mouvements du pro- toplasma. En effet, le contenu des cils se continue, d'après des recherches récentes, avec le contenu de la cellule épithéliale et les cils se comportent avec les différents réactifs de la même manière que le protoplasma (coagulation à + 40°, action des alcalis, etc.). Le mouvement vibratile présente aussi de grandes analogies avec le mouvement musculaire : ainsi il n'est pas aboli par le curare, à moins qu'il ne soit en solution très-concentrée. Ce mouvement vibratile s'observe dans les voies respiratoires (larynx, trachée et bronches, où il est dirigé vers l'extérieur], la muqueuse nasale, les trompes utérines, etc. Le rôle du mouvement vibratile ne paraît avoir d'importance chez l'homme que dans les voies respiratoires, pour transporter vers le larynx, pour être expulsées par la toux, les mucosités et les poussières qui ont pénétré dans l'arbre aérien avec l'air ins- piré. (Voir aussi le chapitre de la reproduction.) Bihliosi'ttphi^- — ^ • His : Die Haute und Hohlen des Eôrpers, 1865. — Ch. Robis : Des El'iiients anatoiidqv.es et des Epifhélinmsy 1867. — E. Cabadé -.Essai sur Ta physiologie des l'pith'-liums, 18(h . — Hexle : Syst. Anatomic, t. III. — L. Raxvier : Art. Epilhiilinm, du 2\ouveau Dict. de méd. et de chir. pratiques, t. XIII. — FARABCErr : De VEpidernie et des Epithéliums, 1872. 3" PHYSIOLOGIE DU TISSU MUSCULAIRE. a. — Tissu musculaire strié. La fibre musculaire striée (fig. 4G, page 253) représente le plus haut degré de perfectionnement de la substance contractile. La PHYSIOLOGIE DU TISSU MUSCULAIRE. Î53 i fibre primitive a la forme d'un cylindre allongé de 0"°',012 à 0""°,02 do diamètre et présente des stries transversales parallèles très-nettes et une striation longitudinale moins accentuée. Dans les muscles rou- ges, les stries longitudinales sont très- apparentes; dans les muscles pâles, au contraire, les stries transversales et les longitudinales sont à peine distinctes. (Ranvier.) La fibre striée est constituée par une enveloppe élastique, le sarco- lomme, et un contenu, substance mus- culaire ou contractile. Cette substance contractile, qui, suivant les réactifs qu'on emploie, se dissocie en disques super- f,j,. 46. — Fibre musculaire striée, posés (acidc chlorliydriquc éleudu) ou ( oirpage-a-.) ^^ ^^ faisccau (Ic fibrilles plus fines (alcool), est en réalité composée par une substance semi-liquide et par des éléments solides, sarcovs éléments de Bowmann ou prismes m^usculaires régulièrement juxtaposés. D'après Briicke, les prismes musculaires auraient la double réfraction et seraient anisolropesi la substance qui réunit les disques contigus serait, au contraire, isotrope et à réfraction simple. Des recherches récentes, faites avec les plus foris grossissements, ont fait attribuer à la (ibre mnscnlairo une slructure beaucoup plus complexe dont le schéma suivant, emprunté à Engelmann, peut donner nne idée {Jîg. 47, page 25 4). La libre musctilaire se compose de dis- ques alternatifs de substance isotrope (I) et de substance anisotrope (A). Le disque anisotrope A est conpé par une bande claire (li; le disque isotrope I, de son côté, est coupé par nne bande transversale divisée elle-même en cinq stries secondaires, une médiane (3) foncée, strie intermédiaire, limitée par deux lignes claires de substance isotrope qui la séparent de deux autres stries accessoires un peu moins foncées. La strie intermédiaire (3) est très-élastique, nnie solidement au sar- colcmme et possède la double réfraction. L'espace compris entre deux stries intermédiaires, 3 à 3, constitue ce que Krause appelle une case musculaire {Muskelkastdien), case qui est remplie, suivant lui, par un corps plein (prisme musculaire) immergé dans un liquide. Pour Rouget, la libre musculaire se compose de librilies et chaque fibrille est consti- Fig. 4i). — a, fibre normale d'un enfant à terme. ' — h, fibre traitée par un acide. 300 diamètres. •Zoi PHYSIOLOGIE DE L'LXDIYIDU. tuée par l'enroulement spiroïde d'un filament légèrement aplati, sorte de ruban contourné en hélice sur lui-même, au bord duquel corres- pondent les stries transversales obscures, tandis que les stries claires ne sont autre chose que les intervalles des tours de spire ('j. Fig, 47. — Schéma de la fibre striée. (Voir page 253.) Le tissu musculaire strié est constitué par la juxtaposition des fibree musculaires primitives; ces fibres, sauf quelques excep- tions (cœur, langue), sont parallèles entre elles et réunies en faisceaux contenus dans une gaine connective {pcrimysium in- terne); ces faisceaux eux-mêmes se groupent en faisceaux secon- daires, tertiaires, etc., pour former le muscle qui est lui-même entouré d'une gaîne fibreuse, pcrimijsium externe. . Les fibres musculaires ne vont pas, en général, d'une extrémité à fautre du muscle, à moins que celui-ci ne soit très-court; d'après Rollett, leur longueur ne dépasserait pas 4 centimètres. Les vaisseaux des muscles sont très-nombreux; les capillaires constituent un réseau de mailles rectangulaires qui entourent les (') Voir, pour plus de. détails, les Traités d'histologie et les me'moires spe'- ciaux de Rouget, Rollett, Cohnheim, Hensen, Krause, Heppner, Merkel, Engelmann, etc. Fig. 47. — I, substance isotrope. — A, substance anisotrope. — 1, bande claire coupant en deu.x moitiés, 2, 2, la substance anisotrope. — 3, bande foncée coupant en deux la sub- stance isotrope ou strie intermédiaire. — 4, 4, stries accessoires claires. PHYSIOLOGIE DU TISSU MUSCULAIRE. "^00 libres musculaires de façon que chaque libre soit en contact avec deux capillaires sanguins au moins. Les nerfs des muscles se terminent par un organe spécial, renflement terminal on plaque terminale Hougeti. en contact immédiat avec la substance contractile et pour la structure duquel je renvoie aux traités d'histologie. A. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DU TISSU MUSCULAIRE STRIÉ Consistance. — La consistance du tissu musculaire varie suivant les divers états du muscle. Quand le muscle est tendu par ses deux extrémités, il est dur, résistant; quand, au contraire, ses deux extrémités ne subissent aucune traction, il est mou, comme fluctuant, qu'il soit au repos ou en étal de contraction; c'est la tension de ses deux extrémités qui détermine seule la dui-eté du muscle. Pendant la rigidité cadavérique, le muscle présente, comme l'indique cette appellation, une dureté plus considérable encore. Cohésion. — La cohésion du tissu musculaire est beaucoup plus faible que celle des tissus connectifs et surtout des tendons. La fibre musculaire se laisse rompre assez facilement. Cette cohé- sion paraît due en grande partie au sarcolcmme et aux éléments connectifs et vasculaires qui entrent dans la composition du muscle; aussi celte cohésion est-elle plus faible pour les muscles dont le sarcolemme est le plus mince, comme le cœur et la langue. La cohésion du tissu musculaire n'est guère mise en jeu phy- siologiquement que de deux façons, par la traction et par la pres- sion. La résistance à la traction ou la ténacité est influencée par l'état du muscle. D'après Weber, un centimètre carré de muscle peut supporter un poids d'un kilogramme sans se rompre. La perte de l'irritabilité musculaire s'accompagne d'une diminution de cohésion; sur une grenouille morte depuis vingt-quatre heu- res et chez laquelle l'irritabilité musculaire avait disparu, les gastrocnémiens se rompaient sous des poids de 245 et 290 gram- mes, tandis que le gastrocnémien d'une grenouille vivante sup- portait un poids dun kilogramme et demi sans se rompre. Il en est de même pour la résistance à la pression. 256 PHYSIOLOGIE DE L'I>'DIVIDU. Élasticité musculaire. — L'élasticité musculaire a été bien étudiée par Ed. Weber. Cette élasticité est très-faible, mais elle est sinon parfaite, au moins très-rapprochée de la perfection; le muscle s'allonge facilement sous l'influence de poids très- faibles et revient ensuite exactement à sa longueur primitive. Ces allongements du muscle ne sont pas exactement propor- tionnels aux poids qui le tendent; l'allongement diminue à mesure que les poids augmentent et la courbe d'élasticité mus- culaire, au lieu d'être une ligne droite, se rapproche de l'hyper- bole. (Wertheim.) La limite d'élasticité du muscle est assez vite dépassée; un gas- trocnémien de grenouille chargé d'un poids de 100 grammes ne revient plus à sa longueur primitive. A l'état d'activité ou de contraction, le muscle est moins élas- tique, c'est-à-dire qu'il est plus extensible. (Weber.) Pour le prouver, Weber a construit avec des libres musculaires une sorte de balance de torsion analogue à la balance de Coulomb, et il a vu que les oscillations de l'aiguille étaient plus rapides pour le muscle en repos que pour le muscle actif. Ce fait explique une expérience curieuse de Weber : si on charge d'un poids considé- rable un muscle en repos, quand ce muscle se contracte, il s'allonge au Ueu de se raccourcir; cela tient à ce que le raccour- cissement dû à la contraction n'a pas été suffisant pour compenser l'allongement dû à la diminution d'élasticité. Pour que l'expé- rience réussisse, il faut que le muscle soit déjà fatigué. Weber a, du reste, comme l'a montré Yolkmann, exagéré la diminution d'élasticité du muscle actif. Wundt est arrivé à des résultats contraires à ceux de Weber, Donders et Van Mansveldt, qui ont expérimenté sur le vivant (biceps et brachial antérieur), sont aussi en opposition avec la théorie de Weber. Ils opéraient de la façon suivante : le coude est fixé sur une sorte de matelas qui supporte un quart de cercle divisé dont le coude occupe le centre; l'humérus est vertical; l'avant-bras horizontal, et le poignet supporte des poids dont on fait varier l'intensité; à un moment donné on coupe le fil qui retenait le poids et l'avant-bras se fléchit d'une certaine quantité appréciable par le nombre de degrés du cadran; plus le poids est considérable, plus l'écart entre l'horizontale et la flexion est grand; cet écart croît avec le poids dont on charge l'avant-bras. Ils sont arrivés ainsi aux conclusions suivantes : i PHYSIOLOGIE DU TISSB .MUSGL-LAIRE. 257 L'allongement du muscle est, dans certaines limites, propor- tionnel aux poids; Le coefficient d'élasticité est à peu près le même aux différents degrés de la contraction; La fatigue du muscle diminue son élasticité (voir : Fatigue musculaire). Le rôle essentiel de l'élasticité est de fusionner les secousses multiples dont se compose une contraction (voir plus loin : Con- traction musculaire). En outre, elle favorise la production de travail musculaire, en vertu de cette loi formulée par Marey, qu'une force de courte durée, employée à mouvoir une masse, a plus d'effet utile lorsqu'elle agit sur cette masse par l'intermé- diaire d'un corps élastique. (Marey, Du Mouvement dans les fonc- tions de la vie, page 457.) La faible élasticité du muscle fait qu'il n'oppose que peu de résistance aux muscles antagonistes et n'exige pour son élongation qu'une faible dépense de force; puis, dès que la contraction, des antagonistes cesse, il revient à sa longueur naturelle sans trop de force et sans mouvements désordonnés. Tonicité musculaire. — La tonicité musculaire n'est qu'une forme de l'élasticité musculaire et pourrait aussi bien être appelée tension musculaire. Sur le vivant, les muscles n'ont presque jamais leur longueur naturelle ; ils sont tendus, c'est-à- dire tirés à leurs deux extrémités, soit par la contraction des muscles antagonistes, soit par l'élasticité même des pièces du squelette et des parties molles; aussi quand on vient à couper le muscle en travers ou à sectionner ses tendons, voit-on ce muscle se raccourcir et ses deux moitiés s'écarter l'une de l'autre jusqu'à une certaine distance. Les sphincters sont peut-être, à l'état normal, les seuls muscles qui aient leur longueur naturelle et qui ne soient pas tendus; leur tonicité n'intervient que lorsqu'ils sont dilatés. La tonicité n'est pas spéciale au muscle inactif; elle existe aussi dans le muscle actif, et, comme on l'a vu plus haut, c'est cette tension qui donne au muscle contracté sa rigidité et sa consistance. Cette tension des muscles a une grande importance pour leur fonction; si elle n'existait pas, le muscle devrait d'abord, au début de sa contraction, perdre un certain temps à acquérir le degré de tension nécessaire pour qu'il puisse agir sur les os. Beaunis, Phys. 17 i 258 PHYSIOLOGIE DE L'n'DIVIDU. Des controverses nombreuses se sont élevées sur la question de savoir si la tonicité et l'élasticité musculaires étaient sous l'influence de l'innervation. Plusieurs expériences semblent prouver cette influence. La plus connue est l'expériencee de Brondgeest. Il sec- tionne, sur une grenouille, la moelle au-dessous du bulbe, puis coupe les nerfs de la jambe d'un seul côté; alors, en suspendant la grenouille par la tête, il voit que toutes les articulations de la jambe du côté opéré sont plus lâches et moins fléchies et en conclut que la moelle fournit aux fléchisseurs une innervation perma- nente. Une expérience de Liégeois parle dans le même sens; il coupe le nerf sciatique d'un seul côté et sectionne les deux muscles gastrocnémiens; le muscle du côté paralysé se raccourcit moins que celui du côté intact. Cependant Heidenhain a constaté qu'un muscle placé par un poids dans un certain degré de tension ne s'allonge pas par la section du nerf qui s'y rend. L'innervation et la circulation ont pourtant une certaine influence sur l'élasticité musculaire comme sur celle de tous les tissus vivants, mais par leur action sur la nutrition des tissus. Quand on intercepte la circulation dans un muscle, il devient plus élastique (moins extensible), mais son élasticité est moins parfaite. Cette diminution d'extensibilité et l'impeifection de l'élasticité sont encore plus marquées dans les muscles en état de rigidité cadavérique. Production d'électricité, courant musculaire. — Voir : Électricité animale. B. — PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DU TISSU MUSCULAIRE. Nutrition. — La nutrition du tissu musculaire est très-active. Un muscle, même à l'état de repos et privé de sang, absorbe de l'oxygène et élimine de l'acide carbonique, est le siège, par con- séquent, d'une véritable respiration. Mais ces phénomènes chi- miques augmentent dans le muscle en activité; l'absorption d'oxygène et l'exhalation d'acide carbonique s'accroissent, la deuxième en plus forte proportion que la première; mais ce ne sont pas là les seules actions chimiques qui se produisent; l'extrait aqueux diminue, l'extrait alcoolique augmente; en même temps le muscle devient acide et cette acidité, due en grande partie à l'acide lactique, s'accroît avec l'intensité de l'activité musculaire. \ PHYSIOLOGIE DU TISSU MUSCULAIRE. 259 Les processus chimiques intimes qui se passent dans les muscles pendant le repos et pendant la contraction sont encore peu connus. Y a-t-il oxydation simple du tissu musculaire même ou de quelques-unes des substances apportées au muscle par le sang? Y a-t-il, comme le prétend Hermann, dédoublement d'une substance azotée en myosine, acide carbonique et acide lactique? Dans l'hypothèse d'une oxydation, cette oxydation porte-t-elle sur les matériaux azotés ou non azotés? 11 paraît cependant se pro- duire dans le muscle en activité des principes qui agissent comme réducteurs; le muscle en contraction agit comme corps réduc- teur; il transforme les nitrates en nitrites et décolore le bleu d'indigo. (R. Gscheidlen.) (Voir plus loin : Théorie de la contrac- tion musculaire.) La circulation est plus active dans un muscle en état de con- traction. Cependant, au moment même de la contraction, le sang est retenu dans les capillaires du muscle et ne passe pas dans les veines. Il n'y passe que dans l'intervalle des secousses muscu- laires (voir plus loin), et dans ce cas le sang veineux qui revient du muscle est noir, tandis qu'il est rouge si le muscle est en état de repos. (Cl. Bernard.) Irritabilité musculaire. — L'irritabilité musculaire est la propriété la plus essentielle du tissu musculaire. Comme cette irritabilité se traduit par un mouvement spécial, un raccourcis- sement, une contraction, elle a reçu aussi le nom de contracti- lité ; en réahté, ce n'est pas autre chose que l'aptitude du muscle à se contracter sous l'influence de certains excitants. Cette irritabilité est inhérente à la fibre musculaire môme et ne dépend pas des nerfs musculaires qui s'y rendent. Certains poisons, et en particulier le curare, abolissent les propriétés des nerfs moteurs périphériques, en laissant tout à fait intacte la con- tractiUté musculaire. Si on empoisonne un animal avec le curare, l'excitation des nerfs moteurs ne produit rien; l'excitation directe du muscle amène des contractions. (Cl. Bernard.) Le sulfocyanure de potassium, au contraire, abolit l'irritabilité musculaire en res- pectant l'excitabilité nerveuse. Le même antagonisme s'observe entre certains excitants; l'ammoniaque, qui excite les muscles, est sans action sur les nerfs; des courants électriques de durée très- courte excitent les nerfs et ne produisent rien sur les muscles. Longet a vu l'irritabilité musculaire persister plusieurs semaines •260 . PHYSIOLOGIE DE L'KNDIYIDU. après la section desnerfsmoteurs, tandis que l'excitabililé nerveuse était perdue au bout de quatre joui s. Dans toutes ces expériences, il est vrai, on peut objecter que la persistance de l'irritabilité peut tenir à l'intégrité des plaques motrices terminales, distinctes et indépendantes jusqu'à un certain point des nerfs moteurs. Mais l'objection ne peut s'appliquer à l'observation suivante : Si on examine au microscope des fibres musculaires vivantes, on trouve facilement des tronçons de fibre évidemment dépourvus de plaques terminales et qui sont le siège de contractions bien nettes; le même fait peut s'observer sur certaines portions de muscles dépourvues de fibres nerveuses, telle est l'extrémité du muscle couturier de la grenouille. (Kùhne.) Ce phénomène n'a, du reste, rien d'anormal et s'accorde avec des faits déjà connus. La substance musculaire n'est qu'une forme de protoplasma contrac- tile et on a vu que ces mouvements du protoplasma sont essen- tiellement propres à cette substance et indépendants de toute action nerveuse. La contraction idio-niusculaire a été aussi invoquée en faveur de l'irritabilité propre du tissu musculaire. Si on percute un muscle avec le dos d'un scalpel ou avec la main, on voit un "onflement localisé qui, pendant quelque temps, reste limité au point excité du muscle. L'expérience réussit mieux sur des sujets affaiblis (Schitîj ; mais, dans ce cas, on excite en même temps les ramifications nerveuses terminales. Le même phénomène peut être observé après la mort, et cette contraction idio-muscu- laire peut même déterminer des mouvements assez étendus des membres. L'irritabilité musculaire ne peut entrer en jeu que par une excitation préalable. Les excitants de l'irritabilité sont en pre- mier lieu l'action nerveuse qui représente l'excitant normal , physiologique de la contractilité, et eu second lieu des exci- tants qu'on peut appeler accidentels. Dans cette catégorie ren- trent toutes les influences mécaniques, chimiques et physiques qu'on fait agir immédiatement sur le tissu musculaire même. Telles sont les actions mécaniques (tension, percussion, pi- qûre, etc.), physiques (électricité, chaleur, etc.), chimiques (eau distillée injectée dans les vaisseaux, solutions étendues de sels métalliques, glycérine étendue, acides dilués, chlorures alcalins, acide lactique affaibli, ammoniaque, etc.). Il est difficile, dans bien des cas, même quand on porte l'excitation sur le l'HYSIOLOGIE DL' TISSU MUSCULAIRE. 261 muscle lui-môme, de savoir si on a excité la subslance mus- culaire seule ou bien les terminaisons périphériques des nerfs musculaires. L'irritabilité musculaire varie, suivant certaines conditions, soit en plus, soit en moins. Elle est augmentée par un afflux sanguin plus considérable: si on fait affluer le sang dans un membre en paralysant ses nerfs vaso-moteurs (section des troncs lombaires chez la grenouille), la dilatation des capillaires de la patte s'accompagne' d'une irritabilité plus grande des muscles du même côté ; de même après l'hémisection du bulbe et des tuber- cules bijumeaux chez la grenouille, on a une hyperhémie et une contractilité plus marquée d'une moitié de la langue. (Liégeois.) Le repos, la présence de l'oxygène produisent le même effet; les muscles conservent plus longtemps leur irritabilité dans l'oxy- gène que dans l'air et, dans l'air, que dans un milieu privé d'oxy- gène; l'injection de sang oxygéné dans un membre séparé du corps y maintient l'irritabilité pendant un certain temps. La vératrine, la caféine, etc., augmentent l'irritaljïlité musculaire; il en serait de même du passage d'un courant galvanique cons- tant dans le sens de la longueur des fibres. Les causes qui agissent en sens inverse sont : l'arrêt de la cir- culation sanguine (compression ou ligature de l'aorte, comme dans l'expérience de Stenson, injection de syibstances coa- gulantes ou obturantes dans les vaisseaux), la fatigue, une température au-dessus ou au-dessous d'une moyenne variable suivant chaque espèce, enfin la présence dans le muscle de certaines substances telles que l'acide carbonique, l'acide "lac- tique, le phosphate de chaux, ou de principes toxiques, comme la digitaline. Certains poisons abolissent presque instantanément l'irritabilité musculaire; tels sont le sulfocyanure de potassium, tous les sels de potasse, la bile, l'émétine, la saponine, l'upas antiar, etc. La section des nerfs amène dans les muscles des altérations bien étudiées par Erb et Vulpian ; l'excitabilité du muscle dimi- nue avec une grande rapidité. L'irritabilité persiste plus ou moins longtemps après la mort ou sur un membre détaché du corps; elle disparait très-vite sur les animaux à sang chaud, beaucoup plus lentement sur les animaux à sang froid ; cette diminution de l'irritabilité marche parallèle- ment avec l'établissement de la rigidité cadavérique. Brown- 262 PHYSIOLOGIE DE LM>'DIVIDU. Séquard a trouvé les chiffres suivants pour la durée de l'irrita- bilité après la mort : Cabiai 8 heures. Lapin 8 '/s Mouton 10 Vs Chien 11 ^/^ Chat 12 •/, Chez l'homme, elle persisterait encore plus longtemps. E. Rous- seau a vu le cœur d'une femme guillotinée battre encore 26 heures après la mort. Cette durée varie beaucoup suivant les différents muscles. Cette irritabilité post mortem expUque les mouvements observés dans certains cas sur des cadavres, surtout dans les cas de choléra. (Brandt.) Sensibilité ou sens musculaire. — L'étude de la sensibilité musculaire sera faite avec les sensations. G. — CONTRACTION MUSCULAIRE. Myographie. — On appelle myographie Tétude de la contraction musculaire à l'aide des appareils enregistreurs'; le muscle, en se con- tractant, fournit lui-même le graphique de son mouvement. Les appareils ont reçu le nom de myographes. Le mouvement d'un muscle se décom- posant en deux mouvements secondaires, un raccourcissement et un gonflement. les appareils se diviseront en deu.x classes suivant qu'ils enregistreront le premier ou le second mouvement. A. Appareils enregistreurs du raccourcissement MuscuLAmE. — 1° Myogr-aplie d'Helmholtz [fig. 48, page 263). Ce myographe, le premier en date, consiste en un cadre métallique mobile autour d'un pivot horizontal et équilibré par un contre-poids. Au milieu de ce cadre s'attachent par un crochet Je tendon du muscle en expérience et une balance qu'on peut charger de poids variables. A l'extrémité opposée à son axe de rotation, le cadre supporte une pointe écrivante dont la disposition se voit sur la flgure et qui trace les mouvements d'ascension et de descente du muscle sur un cylindre enregistreur vertical. Le défaut principal de cet instrument était sa trop grande masse. — 2° Myographe de Marey {fig. 49, page 264). La pièce priucipale de l'appareil est constituée par une plaque métallique horizontale mobile le long d'une tige verticale. Cette plaque supporte l'axe d'un levier en- registreur très-léger, qui se meut dans un plan horizontal; sur ce PHYSIOLOGIE DU TISSU MUSCULAIRE. '63 levier glisse une coulisse munie à sa partie supérieure d'un bouton auquel s'attache par un Gl le tendon du muscle en expérience (ordi- Fig. 4S. — Myographe d'Helmholtz. (Voir page 262.) uàirement le gastro-cnémien de la grenouille), de sorte qu'en appro- cbant ou écartant cette coulisse de l'axe du levier, on amplifie plus ou moins ses mouvements. Sur le pivot qui sert d'axe au levier enre- gistreur s'enroule un fil qui, après avoir passé sur une petite poulie, supporte un plateau qu'on charge de poids pour graduer le travail du muscle. Ce plateau remplace le ressort élastique qui se trouvait dans les anciens myographcs. Cette plaque du myographe supporte en outre une lame de liège sur laquelle se fixent la grenouille et l'exci- tateur électrique, comme on le voit dans la figure. En outre, une dispo- sition particulière permet de l'abaisser ou de la soulever légèrement par un simple mouvement de bascule, de façon que, sans rien déranger aux pièces de l'appareil, on peut, dans le cours de l'expérience, inter- rompre le contact du levier écrivant avec le cylindre enregistreur. Pour avoir des graphiques de longue durée et en imbrication oblique, tout l'appareil est placé sur le chariot qui se meut sur le chemin de fer parallèlement au cylindre enregistreur. (Voir la figure.) La préparation 2G4 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. de la grenouille consiste, après lavoir fixée sur la planchette de liège, à mettre à nu le tendon du gastro-cnémien qu'on détache de son inser- Fig. 49. — Myographc de Marey. (Voir page 262.) îion au calcanéum, après l'avoir attaché au fil du levier enregistreur; puis on isole le nerf du muscle dans une certaine longueur et on le place sur les deux électrodes de l'excitateur électrique recourbés en crochet. Tour empêcher les mouvements volontaires du train postérieur, on sectionne la moelle de l'animal avant rexpériencc. Le myographe de Marey est aujourd'hui un des instruments les plus employés dans les laboratoires de physiologie. Il existe actuellement un grand nombre de myographes qui ne diffèrent des deux précédents que par des détails secondaires. Une disposition utile est la chambre humide de Pfluger, dans laquelle le muscle et le nerf se trouvent dans un air saturé d'humidité pour éviter leur dessiccation. — 3'' Myographe double oit comparatif de Marey. Pour comparer la contraction musculaire nor- male à la contraction musculaire modifiée sous l'influence de divers agents (chaleur, froid, etc.), Marey a imaginé le myographe dou- ble qui ne diffère du myographe ordinaire que par l'adjonction d'un PHYSIOLOGIE DU TISSU MUSCULAIRE. 265 deuxième levier, de sorte que les deux gastro-cnèmiens de la gre- nouille sont reliés chacun à un levier; les deux leviers sont super- posés , et les deux graphiques se juxtaposent sans se confondre , ce qui permet d'apprécier très-facilement leurs différences de forme et par suite les différences de la contraction musculaire des deux côtés. — 4° Myographe cotnparateur de 0. Nasse. 0-. iSasse a ima- giné un instrument qu'il appelle comparateur et qui permet de me- surer la force comparative de deux muscles. L'appareil se compose d'un demi-anneau métallique qu'on peut charger de poids à volonté ; il est supporté par une poulie dont l'axe occupe son grand diamètre, ci sur laquelle s'enroule un Cl dont les deux extrémités vont s'atta- cher aux deux muscles qu'on veut comparer et qui soulèvent par conséquent le même poids. L'une des extrémités de l'axe de la poulie porte une aiguille qui se meut vis-à-vis d'un cercle gradué; quand les deux muscles se contractent également, la poulie reste immobile et l'aiguille au 0. Quand l'un des muscles est plus fort que l'autre, la poulie tourne, et la déviation de l'aiguille, qu'on peut facilement enre- gistrer, indique la différence de force des deux muscles. — 5" 3/yo- graphe de E. Cyon ifig. 50'. Le myographe de Cyon peut être appliqué lig. 50. — Myographe de Cyon. sur le vivant. Le long d'une tige de fer, A. se meut verticalement une tige horizontale, B, qui se fj.\e à volonté à l'aide d'une vis de pres- sion, C. A la tige B se trouve suspendu un ressort à boudin, D, en laiton qt;i se termine inférieurement par une gouttière métallique, E, destinée à 266 • PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. recevoir le pouce. Ce ressort communique avec un système de leviers F, F, auxquels se transmet chaque traction exercée sur lui, mouvement. qui va s'écrire sur le cylindre enregistreur. Le bras est placé dans un moule en plâtre qui le tixe et ne permet que les mouvements de l'adducteur du pouce, La contraction de ce dernier muscle se fait par l'excitation du nerf cubital. B. Appareils enregistreurs du gonflement musculaire. — 1° Le gonflement musculaire peut être enregistré, comme dans la figure 51, page 267, par un levier qui repose sur le muscle près de son axe de rotation ; le gonflement du muscle, au moment de la contraction, sou- lève le levier dont l'extrémité va tracer, sur le cylindre enregistreur, le graphique très-amplifié du gonflement musculaire (Aeby, Marey). — 2° Pince mtjographique de Marey. Cet appareil a l'avantage de pouvoir s'appliquer sans avoir besoin de mettre le muscle à nu. Dans sa dis- position primitive, il se composait de deux branches articulées entre elles par leur partie médiane; une de ces branches pouvait basculer sur l'autre comme un fléau de balance. A une extrémité, ces branches se terminaient chacune par un disque métallique en communication avec les pôles d'une pile, et le muscle (adducteurs du pouce) était placé entre ces deux disques. A l'extrémité opposée, la branche fixé supportait un tambour du polygraphe de Marey, la branche mobile une petite vis verticale. Quand le muscle se contractait, il écartait les deux branches; celles-ci se rapprochaient à Textrémité opposée, et la vis venait presser sur le tambour du polygraphe; la pression se trans- mettait alors par un tube à un second tambour muni d'un levier en- registreur. Dans la disposition nouvelle, la pince myographique peut s'appliquer à diff"érents muscles et non plus seulement aux muscles du pouce. Les deux disques métalliques entre lesquels se place le muscle sont supportés par deux branches qui peuvent se rapprocher ou s'é- carter par un simple glissement, comme dans le compas de cordonnier. Un des disques est supporté par un ressort d'acier et supporte une vis qui, lorsque le muscle se contracte, presse sur le tambour du polygraphe comme dans l'instrument précédent. La pince myogra- phique enregistre très-fidèlement les mouvements qui ne sont pas trop rapides. Les recherches des physiologistes, et principalement de Marey, ont montré que la contraction musculaire peut se décomposer en une série de petites contractions partielles ou secousses fusionnées par l'élasticité musculaire. Pour étudier le phénomène de la con- traction, il est donc nécessaire de l'analyser, c'est-à-dire d'étudier à part ces petites contractions partielles. i'HVSIOLOr.lE DU TISSr MISClLAIUE. 267 2G8 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. 1. DE LA SECOUSSE MUSCULAIRE. Quand un excitant est porté directement sur une fibre ou sui un faisceau musculaire, on voit presque instantanément le point excité se gonfler et se raccourcir, c'est-à-dire que les stries trans- versales se rapprochent les unes des autres; il se forme ainsi sur la fibre musculaire une sorte de ventre, qui, sur un muscle, se traduit par une saillie appréciable. Quand l'excitation est portée sur le nerf du muscle, le phénomène est le même, mais le rac- courcissement et le gonflement apparaissent de suite dans toute l'étendue du muscle. Ces deux phénomènes, raccourcissement, gonflement, peuvent être enregistrés directement à l'aide des myographes, et on a ainsi la représentation graphique ou la courbe de la contraction mus- culaire. l** Courbe du raccourcissement musculaire {fig. 52). — Si on Fig. 52. — Analyse de )a courbe du raccourcissement musculaire. analyse cette courbe, on voit que sa durée peut se décomposer en trois périodes inégales : a] Une première période (1), pendant laquelle aucun phéno- mène ne se produit dans le muscle, quoique l'excitation ait déjà agi à partir de la première ligne verticale; c'est la période d'^j[;d- tation latente; il faut donc au muscle un certain temps, 1 cen- tième de seconde environ, pour se mettre en mouvement; b (Une deuxième période (2) d'ascension de la courbe et qui PHYSIOLOGIE DU TISSL' MUSCULAIRE. 269 correspond au raccourcissement du muscle, à sa contraction; on voit que cette ascension est d'abord rapide, puis plus lente; c) Une troisième période de descente (3), dans laquelle le muscle revient à sa longueur primitive; cette troisième période est habituellement plus longue que la seconde, quoique cependant il. n'y ait pas accoid sur ce point entre les physiologistes. Enfin, certains myographes enregistrent après la secousse une série d'oscillations qui sont dues à l'élasticité des pièces de l'ap- pareil plutôt qu'à l'élasticité musculaire. Étant connue la vitesse de rotation du cylindre enregistreur, l'étendue de la ligne des abscisses occupée par la courbe muscu- laire donne immédiatement la durée de la secousse. Cette durée est très-variable dans les différentes espèces : très-courte chez les oiseaux, un peu moins chez les poissons et les mammifères, elle est très-longue chez la tortue. L'amplitude de la courbe, abstraction faite de l'influence que peut exercer le levier enregistreur, dépend de l'étendue du rac- courcissement et peut servir à le mesurer. L'amplitude de la courbe s'accroît avec l'accroissement de l'intensité de l'excitant; mais cet accroissement s'arrête à un maximum d'intensité à partir duquel l'amplitude reste constante. (Fick.) La fatigue di- minue l'amplitude et augmente la durée de la contraction, il en est de môme de l'arrêt de la circulation et du froid. La chaleur, tant qu'elle n'est pas portée jusqu'à altération chimique du muscle, produit l'effet inverse. ^Marey.j La secousse des muscles rouges a une durée plus longue que celle des muscles pâles. (Ranvier.) 2° Courbe du gonflement musculaire. — La courbe prise avec la pince myographique a la même forme que la courbe du rac- courcissement; seulement le graphique est moins précis, à cause de la difficulté d'application des appareils qui doivent agir à travers la peau. Transmission de la secousse musculaire. — Si on examine au microscope une fibre musculaire au moment où elle se con- tracte, on voit le gonflement ou le ventre, produit par l'applica- tion de l'excitant, se propager d'une extrémité à l'autre de la fibre comme une sorte d'ondulation; c'est ce que Aeby a appelé onde de conlr action; cette onde de contraction est peu sensible si la fibre n'est pas fixée par ses deux bouts. La vitesse de pro- pagation de cette onde musculaire se mesure à l'aide de l'appa- 270 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU, reil de la figure 5 1 . (Marey.) Si on place sur un muscle deu leviers enregistreurs, à une certaine distance l'un de l'autre, et qu'on excite l'une des extrémités du muscle, le gonflement qui accompagne sa contraction soulève les deux leviers et donne pour chaque levier la courbe de contraction du muscle; comme le cylindre enregistreur tourne, les deux courbes ne coïncident pas (fig. 53), et comme on connaît la vitesse exacte du cylindre I Fig. 53. — Graphique de la propagation de l'onde musculaire. par l'enregistrement des vibrations d'un diapason, la distance entre les deux graphiques donne la vitesse de propagation de l'onde musculaire. Cette vitesse est d'environ 1 à 3 mètres par seconde. Quand, au contraire, l'excitation électrique est placée aux deux extrémités et que le courant traverse le muscle d'un bout à l'autre, les deux contractions sont simultanées et les deux courbes se correspondent. L'onde de contraction excitée dans une fibre musculaire est limitée à la fibre excitée et ne se transmet pas aux. fibres voisines. Fusion des secousses musculaires. — Si l'on fait agir sur un muscle, non plus une seule excitation, mais une série d'exci- tations successives, il se produit des phénomènes différents, sui- vant la rapidité avec laquelle les excitations se suivent. Il peut se présenter plusieurs cas : l'' La deuxième excitation agit après la terminaison de la secousse amenée par la première; il se produit alors une deuxième secousse musculaire ayant les caractères de la première et ainsi de suite pour les irritations successives jusqu'à fatigue du muscle. 2*" La deuxième excitation agit pendant la période d'excitation latente; dans ce cas, le raccourcissement n'est pas plus grand f PHYSIOLOGIE DL' TISSU MUSCULAIRE. 271 que pour une seule excitation ; la courbe de contraction est la même. 3« La deuxième excitation agit pendant les deux dernières périodes de la secousse précédente; dans ce cas, le raccourcisse- ment correspondant à la deuxième excitation s'ajoute à celui de la première secousse (fig. 54 ), les courbes musculaires s'addi- tionnent et le raccourcissement total est, jusqu'à une certaine limite déterminée par la longueur des fibres musculaires, la somme des raccourcissements partiels de chaque secousse. Si on fait agir ainsi dans ces deux périodes une série d'excitations, le muscle reste dans un état de contraction permanente, de tétanos. Si on examine la courbe d'un muscle tétanisé {fig. 54), on voit les courbes de chaque secousse diminuer peu à peu d'amplitude Fig. 54. ' — Graphique musculaire du tétanos. et disparaître enfin complètement. A cet état de tétanos, le muscle ne peut maintenir longtemps son raccourcissement de contraction et il s'allonge peu à peu sous l'influence de la fatigue. Pour amener le tétanos, il faut au moins 15 excitations (chocs élec- triques) par seconde pour un muscle de grenouille; pour un oiseau, il en faut plus de 70; 3 excitations suflisent pour les muscles de la tortue. (Marey.) Quelle que soit sa cause, le tétanos s'arrête immédiatement quand le nerf est parcouru dans sa lon- gueur par un courant constant. Quand les excitations se succèdent très-rapidement, le tétanos ne se produit pas. (Pour l'action du 272 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. courant constant sur les muscles, \oir :Actio?i de l'électricité sur ^organisme.) Les secousses musculaires produites par l'influence nerveuse présentent absolument les mêmes caractères et les mêmes condi- tions que les secousses produites par l'excitation directe du tissu musculaire et les courbes de la contraction musculaire sont, dans un cas comme dans l'autre, tout à fait identiques. Le tétanos musculaire, s'observe aussi à la suite d'excitations portant sur le nerf, percussions répétées, ligature graduelle, chaleur, dessèche- ment, agents chimiques, strychnine, etc. 2. DE LA CONTEACTION MUSCULAIRE PHYSIOLOGIQUE. La contraction musculaire physiologique, comme la contraction musculaire provoquée artificiellement, se compose de secousses musculaires. Mais ces secousses musculaires, véritables éléments de la contraction, doivent être considérées à deux points de vue : 1° Les secousses partielles de chaque fibre musculaire se réu- nissent pour constituer une secousse totale qui porte sur l'ensemble du muscle; en effet, ces secousses partielles sont simultanées, grâce à la distribution nerveuse dans le muscle; quand le nerf est excité, toutes les ramifications nerveuses le sont en même temps, ainsi que toutes les fibres musculaires qui reçoivent une au moins de ces terminaisons nerveuses; ainsi, la rapidité de la transmission nerveuse assure l'instantanéité et la simultanéité d'action de toutes les fibres musculaires. Sans cette condition la contraction, restant localisée dans la fibre musculaire excitée, ne pourrait se généraliser dans la totalité du muscle. 2° Ces secousses musculaires totales, par leur succession, pro- duisent la contraction musculaire. Ces vibrations musculaires peuvent même devenir sensibles à l'oreille (voir : 5*071 muscu- laire). Ce fait prouve que l'excitation nerveuse motrice arrive au muscle, non en bloc et tout d'un coup, mais par closes frac- tionnées et à intervalles égaux. Ces secousses musculaires de la contraction physiologique peuvent aussi être enregistrées. Si on place entre les dents ou mieux à l'extrémité du doigt le levier écrivant du myographe, par exemple, et qu'on tienne la pointe du levier appliquée contre un cylindre enregistreur, au heu d'avoir une ligne droite on obtient PHYSIOLOGIE DU TISSU MUSCULAIRE. 273 une ligne tremblée assez régulière dont chacun des soulèvements correspond à une secousse musculaire. Quand le bras est tenu horizontalement étendu, la courbe offre de place en place des sou- lèvements plus considérables dus à la pulsation artérielle; mais si on tient le coude appuyé de façon à annihiler cette influence du pouls, ces soulèvements disparaissent, les graphiques des secousses musculaires persistent seuls et donnent une hgne finement den- telée très-pure. J'ai trouvé ainsi pour les muscles de l'avant-bras (fléchisseurs des doigts) 10,5 secousses musculaires par seconde. Il est probable que le nombre des secousses varie suivant les muscles et la force de la contraction, car avec 10,5 vibrations par seconde le son musculaire serait trop grave pour être perceptible à l'oreille. Ces secousses sont bien plus prononcées dans le trem- blement sénileetdans le tremblement alcoolique, qui ne sont que des exagérations de l'état physiologique. 1^ Phénomènes anatomiques de la contraction musculaire. Quand le muscle est libre par ses deux extrémités, il se ramasse, au moment de sa contraction, en une masse globuleuse, molle, fluctuante, qui occupe à peine le tiers de sa longueur pri- mitive. Mais, sur le vivant, les deux extrémités étant tendues par la force élastique des antagonistes et la résistance des points d'insertion, le raccourcissement n'atteint jamais ce degré et ne dépasse guère le tiers de la longueur primitive. L'étendue du raccourcissement dépend, pour chaque muscle, de la longueur des fibres qui le constituent ('). Pour un muscle donné, ce raccourcissement augmente avec l'intensité de l'exci- tation et diminue avec la fatigue du muscle. L'augmentation d'épaisseur ne compense pas exactement le raccourcissement musculaire; il y a en effet une légère diminution du volume du muscle au moment de la contraction. Cette dimi- nution de volume peut se constater en plaçant dans un vase rempU d'eau, et terminé à sa partie supérieure par un tube capil- laire vertical, un muscle de grenouille ou un tronçon d'anguille; ')Voir : Beaunis et Bouchard, Nouveaux Éléments (VAnatamie; 2e édition, page 213. Beaunis, Phys. 18 274 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. au moment de la contraction, on voit le liquide s'abaisser dans le tube. (Erman.) Les résultats obtenus par Erman, niés d'abord par Gcrber, ont été confirmés par la plupart des pbysiologistes. Le physomètre de P. Harting, instrument pour déterminer les volumes variables, peut servir aussi à apprécier cette diminution de volume du muscle. (Voir : Revue scientifique, 1873, p. 801.) Les phénomènes anatomiques de la contraction musculaire peuvent s'observer facilement au microscope. Si on examine de cette façon une fibre vivante, d'insecte par exemple, on voit une sorte d'ondulation, de gonfiement marcher à la surface de la fibre et se propager ainsi dans toute sa longueur; en même temps les stries transversales se rapprochent; ces phénomènes se voient surtout bien si la fibre est légèrement tendue par ses deux extrémités. Dans le cas contraire, quand elle est libre par une de ses extrémités, c'est plutôt une sorte de mouvement ver- miculaire. On a cherché, en employant de plus forts grossissements, à pénétrer plus intimement le mécanisme de la contraction musculaire. Pour W. Engelmann ^\o\\' fig. 47, page 254', les phénomènes suivants s'obser- veraient pendant la contraction musculaire. La substance anisotrope A serait seule active dans la contraction ; la substance isotrope I. et sur- tout la bande transversale qui la partage '3, 4i, serait le siège de forces élastiques qui lutteraient contre la contraction; la substance isotrope diminuerait,, la substance anisotrope augmenterait de volume pendant la contraction. Mais ces résultats, ainsi que la structure même de la fibre striée, ne peuvent être admis qu'après des observations nombreuses et répétées. 2^ Travail musculaire. Sur le vivant, les muscles ont toujours des résistances à vaincre au moment de leur contraction, résistances soit intérieures (ten- sion des antagonistes, poids des parties du corps à mouvoir), soit extérieures (soulèvement de poids), c'est-à-dire qu'ils accom- plissent un travail mécanique (poussée ou traction). Ce travail mécanique, quel qu'il soit, peut toujours être évalué par des poids, et l'effet utile, T, d'un muscle sera donc le produit du poids P soulevé par la hauteur H à laquelle il est soulevé, ou par l'étendue du raccourcissement : T = PH. PHYSIOLOGIE DU TISSU MUSCULAIRK. 275 Quand un muscle est chargé d'un poids, son raccourcissement est moindre que quand il se contracte librement; en effet, une partie du raccourcissement de contraction est compensée par l'allongement que le poids fait subir au muscle, et plus on charge le muscle, plus le raccourcissement est faible. Weber a trouvé les chiffres suivants pour les muscles de la grenouille : Poids Eflfet soulevé. Hauteur. utile. 5 g^ 27mm^e 138 13 25, 1 376 25 11, 45 ^8G 35 6, 3 220 On voit, d'après ce tableau, que l'effet utile augmente avec le poids jusqu'à un certain maximum, puis subit une diminution qui se produit d'ailleurs plus vite quand le muscle est fatigué. En chargeant un muscle de poids successifs de plus en plus lourds, il arrive un moment où l'allongement d'élasticité et le raccourcissement de contraction se compensent; le poids fait alors équilibre à la contraction du muscle et n'est pas soulevé par cette contraction. Ce poids mesure ce que Weber a appelé force statique du muscle ; le muscle en action avec ce poids a la même longueur que le muscle inactif et libre. Pour les muscles de grenouille, Weber a trouvé que cette force statique était de 092 grammes pour une section transversale d'un centimètre carré. Rosenthal a trouvé des chiffres plus forts. On peut l'appré- cier chez l'homme de la façon suivante : On charge le corps de poids jusqu'à ce qu'on ne puisse plus se soulever sur la pointe des pieds ; la force statique des muscles du mollet est égale à la charge (corps H- poids) divisée par la longueur de leurs bras de levier. (Weber.) Henke a trouvé 7 à 8 kilogrammes pour la force statique des muscles de l'homme, Koster 9 à 10 kilogrammes. 3^ Fatigue musculaire. ' La fatigue musculaire reconnaît pour cause une activité exa- I gérée. A l'état normal, les substances produites pendant l'activilé ;| musculaire, et en particulier l'acidelactique, sont éliminées au fur [| et à mesure par la circulation, en même temps que le sang j| apporte constamment au tissu musculaire les principes (encore 276 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. inconnus) nécessaires à la contraction et utilisés pendant celte contraction. Quand, au contraire, l'activité musculaire est exa- gérée, les produits de la contraction sont formés en trop grande quantité pour pouvoir être entraînés par la circulation et s'accu- mulent dans le muscle ; d'un autre côté, celui-ci ne reçoit plus du sang, en quantité suffisante, les matériaux nécessaires à la contraction, de là tous les phénomènes qui constituent la fatigue musculaire. On peut, en effet, produire artificiellement la fatigue d'un muscle en injectant dans ses artères de l'acide lactique ou du phosphate acide de soude. (J. Ranke.) La fatigue diminue la cohésion du tissu musculaire*. On brise les deux cuisses d'une grenouille et on excite l'une des deux jusqu'à la fatigue, puis on attache aux deux pattes des poids jusqu'à rupture des muscles de la cuisse ; la rupture arrive plus vite pour la cuisse fatiguée que pour l'autre. (Liégeois.) L'influence de la fatigue sur l'élasticité musculaire est contro- versée; d'après Kronecker, elle serait la même que dans le muscle en activité ; cependant, en général, on admet une dimi- nution d'élasticité. D'après Volkmann, l'extensibilité ne diminue- rait qu'après avoir au début subi une augmentation. La fatigue abaisse considérablement l'irritabilité musculaire et les graphiques de la contraction traduisent bien ces variations. La période d'excitation latente est plus longue ; la secousse mus- culaire présente moins d'amplitude et plus de durée, sauf dans l'extrême fatigue où la durée diminue avec l'ampUtude; la fusion des secousses s'opère plus rapidement, çt l'obUquité de la ligne de descente, qui est surtout influencée par la fatigue, indique une plus grande lenteur du retour du muscle à sa longueur pri- mitive. On a vu plus haut que le raccourcissement et le travail utile du muscle diminuent rapidement par la fatigue. D'après Leber, un muscle se fatiguerait moins quand il soulève un poids que quand on l'empêche de se raccourcir. Dans ce dernier cas l'acidité du muscle est plus grande. (Heidenhain.) 4P Phénomènes physiques de la contraction musculaire. Son musculaire. Bruit rotatoire des muscles. — Quand on applique l'oreille ou le stéthoscope sur un muscle contracté, on PHYSIOLOGIE DU TISSU MUSCULAIRE. 277 • entend, en se plaçant dans de bonnes conditions, une sorte de bruit sourd qui ressemble au roulement lointain des voitures sur le pavé ; c'est le bruit rotatoire des muscles; il faut, pour cela, qu'il n'y ait pas le moindre bruit extérieur. On l'entend encore mieux la nuit, quand tout est silencieux et qu'après s'être bouché les oreilles avec de la cire on contracte énergiquement les muscles masticateurs. Ce son musculaire est, d'après les recherches d'Helmholtz, de 18 à 20 vibrations par seconde M 9,5 vibrations), et ces vibrations doi- vent évidemment correspondre aux secousses successives dont se compose la contraction musculaire. La preuve en est qu'on peut faire hausser artificiellement le son musculaire d'un muscle téta- nisé en augmentant successivement le nombre des excitations et par suite le nombre des secousses musculaires; il y a toujours correspondance entre la hauteur du son (nombre de vibrations) et le nombre des excitations. Le premier bruit du cœur est un bruit musculaire. Production de chaleur dans le muscle. — Le muscle produit de la chaleur en même temps que du mouvement, et cette production de chaleur augmente avec la production de mouve- ment. Le sang veineux qui vient d'un muscle en activité est plus chaud que celui qui revient d'un muscle inaclif; un muscle de grenouille, même dépourvu de sang, augmente d'un dixième de degré pendant sa contraction ; chez les mammifères, l'augmen- tation de température serait de plusieurs degrés. (Fick etBillroth.) Quand le muscle se contracte sans produire de travail méca- nique (contraction statique), la production de chaleur est, toutes choses égales d'ailleurs, plus considérable que quand le muscle se contracte en soulevant un poids par exemple (contraction dynamique); dans ce dernier cas, une portion de la chaleur totale produite dans le muscle se serait transformée en travail mécanique. fJ. Béclard.) Cependant, les mesures rigoureuses man- quent pour établir le fait d'une façon incontestable. 5^ Théorie de la contraction musculaire. Quelle est la nature intime de la contraction musculaire ? La question est loin d'être tranchée aujourd'hui et il est diflicile de faire un choix entre les diverses opinions émises à ce sujet. 278 PHYSIOLOGIE DE L'LNDIVIDU. Les lliéories de la contraction musculaire peuvent être rattachées à trois groupes: théorie physique de réiasticité; théorie mécanique; théorie chimique, A. Théories physiques de l'élasticité. — 1° Théorie de Ed. Weber. Pour Ed. Weber, suivi en cela par beaucoup de physiologistes, KQss et Volkmann entre autres, la contractilité musculaire n"est qu'une forme d'élasticité. Le muscle a deux formes naturelles, une forme naturelle (n« I de Kilss) dans laquelle il est à l'état de repos, une forme natu-. relie (n° 2 de Kiiss) dans laquelle il est contracté ; ce qu'on appelle le passage du repos à la contraction n'est que le passage de la forme n° 1 à la forme n" 2, mais le muscle n'est pas plus actif sous cette forme que sous la première, puisque, dans les deux cas, il exerce une traction sur ses deux points d'attache. L'excitant ne fait que changer la force élastique du muscle, comme la chaleur change celle d'un barreau mé- tallique. Quant à la cause même de ce changement d'élasticité, Volk- mann suppose que l'excitation nerveuse produit dans le muscle des actions chimiques qui modifient l'équilibre des molécules. Les raisons théoriques par lesquelles Volkmann a cherché , dans ces derniers temps, à soutenir cette théorie, ne me paraissent pas suffisantes. — 2» Théorie de Rouget. Rouget rattache aussi la contraction musculaire à l'élasticité; mais il comprend cette élasticité tout autrement que ^Vebcr. Pour lui, la fibre musculaire est comparable au style des vorti- celles, pédicule spirale contractile par lequel l'infiisoire se fixe aux corps étrangers; à lélat ordinaire, ce style est allongé et forme une spirale à peine marquée, mais dès qu'une excitation intervient, cette spirale allongée se raccourcit subitement des 4 cinquièmes et constitue un ressort eu hélices atours très-rapprochés; c'est cette dernière forme que le. style prend après la mort de l'animal. L'état d'activité, lié à la vie et à la continuité de la nutrition, correspond à la spirale allongée du style ; l'état de contraction correspond au contraire à la suspension des phénomènes de nutrition et est une pure affaire d'élasticité phy- sique ; le style n'étant plus distendu par le mouvement nutritif, retourne à sa forme naturelle de ressort 'élastique en spirale. Il en est de même de la fibre musculaire. Pendant la vie, elle tend sans cesse à se rétrac- ter en vertu de son élasticité; mais cette tendance au raccourcissement est combattue par une tendance à l'allongement due à la nutrition même du muscle et probablement à la production de chaleur dont elle est la cause. Tout ce qui enraye ce travail de nutrition (excitation ner- veuse, ligature de l'artère d'un muscle, etc.» fait disparaître cette ten- dance à l'allongement, et l'élasticité restant seule en jeu, la contraction se produit. L'augmentation de chaleur du muscle, au moment de sa con- traction, s'explique parce que la chaleur qui était employée à étendre le muscle se trouve libre au moment où le muscle se raccourcit. riIYSlOLOGIE Dl TISSU MUSCULAIRE. 279 B. Théories mécaniques. — Les théories modernes de ]a corrélation des forces physiques ont fait surgir bientôt l'idée de les appliquer au mouvement musculaire. Aussi II. Mayer considéra-t-il le muscle comme une sorte de machine comparable à une machine à v-apeur et produisant de la chaleur et du travail mécanique. A l'état de repos, il ne produit que de la chaleur; à l'état d'activité il en produit plus, mais une partie de la chaleur produite se transforme en mouvement. C'est à cette théorie que se range .1. Béclard, qui a fait, d'intéressantes expériences pour r appuyer. Mais cette production de chaleur est liée elle-même a des phénomènes chimiques, et la théorie mécanique se rattache donc forcément par un point aux théories chimiques. C. Voit nie, au contraire, toute possibilité de transformation de chaleur en mouve- ment dans l'organisme, et croit à une transformation de l'électricité luusculaire en chaleur et en mouvement. Prévost et Dumas avaient déjà émis l'idée de l'origine électrique de la contraction musculaire; mais, en dehors de la variation négative du courant musculaire dans la contraction 'Voir : Électricité animale), aucune expérience n'est venue jusqu'ici confirmer cette théorie, à moins qu'on ne veuille admettre la valeur de l'expérience suivante de B. Radcliffe : Il place une lame de caoutchouc entre deux iamcs d'or; il charge d'électricité la feuille métallique supérieure, la lame de caoutchouc s'étend; quand il décharge l'appareil, la lame de caoutchouc se rétracte. RadcIiCfe part de là pour comparer le muscle à une bouteille de Leyde chargée à l'état de repos et se contractant quand la décharge a lieu. C. Théories chimiques. — Aux théories chimiques de la contraction musculaire se rattachent deux théories secondaires, celle de l'oxydation et celle du dédoublement. — P Théorie de t oxydation. Dans cette opi- nion, l'oxydation serait la véritable cause du mouvement musculaire ; cette opinion a pour elle le fait connu de la respiration musculaire, respiration plus active au moment de la contraction; mais on a vu plus haut que l'élimination d'acide carbonique n'est pas tout à fait en rapport avec l'absorption d'oxygène ; il est vrai que le surplus d'oxygène pourrait exister dans une certaine quantité d'eau formée dans le muscle et impossible à évaluer. En outre, sur quels éléments porterait cette oxydation? Sur la substance même du muscle ou sur des matériaux oxydables apportés par le sang? Sur des principes azotés ou sur des principes non azotés ? La créatine, la créatinine, etc., et les autres substances azotées sont-elles des produits d'une simple oxydation nutritive ou d'uue oxydation faite en vue de la contraction musculaire? Ou bien, comme semblent l'indiquer la production d'acide lactique et d'acide carbonique dans le muscle en activité, ce muscle n'emploie-t-ii dans sa contraction que des matériaux non azotés? Cette dernière hypo- thèse s'accorderait avec des recherches récentes qui seront exposées 280 PHYSIOLOGIE DE L'L\DIVIDU. plus loin. — 2° Théorie du dêdoublemeyit. Partant de ce fait que la contraction musculaire peut se faire à l'abri de Toxygène et que le muscle continue malgré cela à produire de l'acide lactique et de l'acide carbonique, Hermann admet non une oxydation, mais un dédouble- ment. Le muscle contiendrait une provision d'une substance inogène (non encore isolée), azotée, susceptible de se dédoubler en dégageant des forces vives en myosine, acide lactique et acide carbonique; le sang enlève au muscle l'acide lactique et l'acide carbonique, lui laisse la myosine et lui apporte de l'oxygène et une substance non azotée (encore inconnue) qui, avec la myosine, reforme la substance inogène. Cette théorie ne pourra être admise que le jour où on isolera cette substance inogène et son facteur non azoté. En résumé, le muscle est le siège de phénomènes chimiques, de production de chaleur et de production de mouvement, et il y a certai- nement entre ces trois phénomènes une liaison intime, mais dont les lois nous sont encore inconnues. D. — RIGIDITÉ CADAVÉRIQUE, % Peu de temps après la mort, les muscles deviennent le siège d'une raideur et d'nne dureté caractéristiques; ils opposent une très-grande résistance à l'extension et, une fois étendus, ne re- prennent plus leur longueur primitive ; leur tonicité a disparu; après leur section transversale, les deux bouts ne s'écartent pas et restent en contact. Leur cohésion a diminué; ils se laissent déchirer facilement ; enfin la substance musculaire a perdu sa transparence. L'époque de l'apparition de la rigidité cadavérique est très- variable ; elle commence d'un quart d'heure à vingt heures après la mort. Sur des lapins soumis à des contractions musculaires excessivement intenses et répétées, je l'ai vue commencer immé- diatement après la mort. Sur un soldat du Gros-Caillou, elle s'est montrée pendant que le cœur battait encore. Sa durée varie de quelques heures à quelques jours ; ordinairement l'apparition tardive coïncide avec une longue durée. La rigidité cadavérique commence par les muscles de la mâ- choire et du cou ; elle envahit ensuite successivement les muscles abdominaux, les membres supérieurs, le tronc et les membres inférieurs. Le cœur est atteint aussi par la rigidité cadavérique. Sa disparition se fait dans le même ordre et en général de haut en bas. l'HYSIOLOGIE DU TISSU MUSCULAIRE. 281 La rigidité cadavérique ressemble beaucoup à la contraction musculaire, elle s'accompagne, comme celle-ci. d'une diminution de volume ' Schmulewitsch^ et les phénomènes chimiques qui se passent dans le muscle sont identiques: il devient acide et pro- duit de Uacide carbonique et de l'acide lactique. Le raccourcissement que subissent les muscles en état de rigidité, amène une position particulière des articulations : les mâchoires sont fortement serrées, les bras rapprochés du tronc. les avant-bras fléchis, la main fermée, le pouce couvert par les i autres doigts ; les membres inférieurs sont rapprochés et dans l'extension; les changements de position des membres se font du reste avec une très-grande force, et le travail produit par le rac- courcissement cadavérique peut dépasser le travail produit par la contraction électrique. (E. Waiker.) Le muscle, dans cet état, a perdu son irritabilité; cependant. au début, cette irritabilité peut reparaître, comme l'a constate Brown-Séquard. par l'injection de sang dans les artères. Un muscle rigide ne présente pas d'emblée tous les caractères précédents, et à ce point de vue on peut admettre les stades suivants dans l'établissement de la rigidité cadavérique : 1° Perte de contractilité et disparition du courant musculaire: 2" Modifications d'élasticité, de consistance et de cohésion du muscle; 3° Acidité : 4° Perte de transparence et sohdiGcation de la substance mus- culaire. Certaines conditions influent sur l'apparition, la durée et l'in- tensité de la rigidité cadavérique. Elle apparaît plus vite et dure moins longtemps après les grandes pertes de sang, un travail musculaire exagéré, comme chez les animaux surmenés. D'après yBroAvn-Séquard. plus l'irritabilité musculaire est prononcée au moment de la mort, plus la rigidité cadavérique met de temps à se montrer et plus elle a de durée. On peut produire artificiellement la rigidité cadavérique par l'interruption de la circulation (ligature, obstruction des artè- res, etc.'. par la chaleur > immersion du muscle dans l'eau chaude\ par l'injection dans les artères d'eau distillée, d'acides étendus, l'eau de chaux, la potasse, le salpêtre, le carbonate de potasse concentré, etc. La rigidité produite par les acides et l'eau l)Ouillante a lieu sans production d'acide carbonique et d'acide lactique et I Î82 PHYSIOLOGIE DE L"1NDIVIDU. ne ressemble que par ses caractères extérieurs à la rigidité cada- vérique proprement dite. La rigidité musculaire est due à la coagulation de la myosine, coagulation qui tient probablement à l'action des principes acides, acides carbonique et lactique, formés dans le muscle et qui ne sont plus entraînés par la circulation. Dès que la rigidité a cessé, la putréfaction s'empare du muscle. b. — Tissu musculaire lisse. Myographie. — U n'est guère possible d'étudici' la contraction mus- culaire lisse avecles mêmes appareils que pour la contraction musculaire striée, car il est rare que les fibres lisses forment des faisceaux distincts applicables au myograplie. Comme ordinairement ils entourent des con- duits ou des cavités, on mesure en général leur contraction par la pression qu'ils exercent sur les liquides ou sur les gaz contenus dans leurs cavi- tés, autrement dit à l'aide de manomètres. On peut cependant enregistrer aussi leurs contractions en adaptant à ces conduits ou à ces cavités des tubes qui transmettent la pression au tambour du polygraphe de Marey. (Voir : Laboratoire de physiologie.) Les dispositions de Lappareil varient naturellement suivant Lorgane dont on veut étudier la contraction. La fibre musculaire lisse (fig. 55) est une fibre, de longueur variable (0""™,006 à 0°""",0 13), effilée à ses deux bouts, constituée par une substance homogène ou fi- nement granuleuse et qui contient, vers sa partie mé- diane, un noyau en forme ^ w,^ de bâtonnet. L'existence \lj d'un sarcolemme y est en- core douteuse. D'après Rou- get, les fibres lisses sont fournies par la juxtaposi- tion de fibrilles très -fines qui, au lieu d'être enroulées en spirale comme celles des Fig. 0 0. — Fibre musculaire lisse. Fig. 00. — A, fibre lisse île la vessie. — a, fibres isolées. — b, libres réunies. — B, les mêmes traitées par l'acide acétioue. l'HYSIOLOGIE DU TISSL' MUSGU LAIR K. 283 muscles slriés, sont simplement onduleuses comme la laine frisée ou le crin tordu. Les fibres lisses sont unies entre elles par une substance unis- sante très-peu abondante, de façon que la plupart du temps elles paraissent être en contact immédiat. Ces fibres sont en général accolées, plus rarement entre-croisées, et constituent ainsi des faisceaux aplatis ou arrondis, parallèles ou se croisant sous des angles variables et qui, par leur réunion, forment des faisceaux plus volumineux entourés de tissu connectif (perimysium). Ils sont pénétrés par un réseau capillaire fin, moins riche que pour le (issu strié. Les nerfs des fibres lisses sont très-nombreux dans certains organes, et paraissent manquer dans d'autres, au moins dans de grandes étendues (uretère). Leur terminaison est encore le sujet de controverses entre les histologistes. Une grande partie de la physiologie du tissu musculaire strié peut s'appliquer au tissu lisse. Les pi'opriétés chimiques du tissu lisse paraissent être les mêmes que celles du tissu musculaire strié; ainsi l'utérus, neutre pendant le repos, a, au moment de sa contraction, une réaction acide. (Siegmund.) Les propriétés physiques du tissu lisse, consistance, cohésion, élasticité, etc.. ont été peu étudiées et ne paraissent présenter rien de particulier. VirritabilUé des fibres lisses ne diffère pas, comme nature, de l'irritabilité des fibres striées, elle paraît seulement un peu moindre. Cette irritabihté entre en jeu par les excitants qui ont été indiqués plus haut; cependant, d'après une expérience de Brown Séquard, la lumière pourrait produire une contraction de l'iris. L'excitation qui met en jeu cette irritabilité part, en général, d'une surface sensible et se fait par action réflexe. Elle persiste après la mort plus longtemps que dans les muscles striés. La contraction musculaire lisse est en général assez lente à se montrer. La période d'excitation latente est par conséquent plus longue que dans la secousse musculaire striée (fig. 56, page 284); elle est quelquefois précédée, d'après Legros et Onimus, d'un relâchement instantané. Cette contraction est en outre plus lente à s'établir, et une fois établie, elle a une plus longue durée. Il y a sous ce rapport des différences très-grandes entre les divers muscles lisses, comme on peut le voir en comparant les figures 56 et 57. La contraction de l'iris, par exemple, se fait avec une 284 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. certaine rapidité. Ordinairement, dans les graphiques, la période d'ascension est plus courte que la période de descente (fig. 57). Cette contraction se localise au début au point irrité et se pro- page ensuite au reste de la libre lisse, comme on peut le voir Fig, 56. — Graphiques de la contraction musculaire lisse. (Voir page 283.) au microscope (Robin), mais cette propagation est plus lente que pour la fibre striée; d'après W. Engelmann, elle serait de 20 à 30 millimètres par seconde, et serait plus rapide dans les fortes que dans les faibles contractions. Fig. 57. — Graphiques de la contraction musculaire lisse. Un caractère particulier des fibres lisses, c'est que l'excitation, au lieu de rester localisée à la fibre excitée, se propage directe- ment aux fibres voisines; aussi l'intervention nerveuse n'est-elle plus nécessaire pour généraliser la contraction comme dans les muscles striés, et on peut voir la contraction se propager dans des muscles lisses comme l'uretère, tout à fait dépourvus de plexus nerveux, (W. Engelmann.) D'après Marey, la contraction musculaire lisse ne se compo- serait pas, comme la contraction musculaire striée, d'une série de secousses musculaires, mais elle se composerait d'une seule secousse dont la durée serait plus ou moins longue. En tout cas, ces muscles peuvent être atteints aussi de tétanos, mais ce tétanos survient progressivement et sans secousses. {Legros et Onimus.) Les mouvements des muscles lisses offrent souvent le carac- Fig, 56. — Contraction de l'estomac (graphique supérieur) et de la vessie (graphique infé- rieur) chez le chien. (P. Bert.) Le trait horizontal indique le moment d'application de l'exci- tant. — Un centimètre corresj>or:(I à 6 secondes. Fig. 57. — Graphique de la contraction pulmonaire chez le lézard. (P. Bert.) Même remarque que pour la lig.ire précédente. PHYSIOLOGIE DU TISSU XEUVEUX. 285 tère rhylhmique, comme dans les conduits excréteurs de certaines glandes. Le travail musculaire et YefJ^et utile des muscles lisses n'ont pas été évalués, mais d'après ce qu'on connaît de la force des contractions utérines dans raccoucliement, ce travail peut être considérable. 11 n'a pas été fait de recherches spéciales sur la fatigue des muscles lisses; elle se montre chez eux comme dans les muscles ï^riés et doit y reconnaître les mêmes causes et les mêmes carac- tères. (Voir aussi : Sensibilité musculaire.) La rigidité cadavérique atteint aussi les muscles lisses, comme on peut le démontrer par l'expérience suivante : On met dans un bocal saturé d'humidité une anse d'intestin prise sur un animal qui vient de mourir; cette anse d'intestin est liée par un bout et l'autre communique avec un tube vertical qui traverse le bouchon du bocal; on remplit alors l'anse d'intestin d'eau tiède qui monte dans le tube vertical jusqu'à un certain niveau qu'on marque d'un trait. Quand la rigidité cadavérique s'établit, le liquide monte dans le tube vertical et ne s'abaisse que quand cette rigi- dité cesse. Bibliographie. — Rameaux : Considérations sur les muscles, 1834. — Ed. Weber: HTt. Muskelbewegung dans Wagner's Handwœrterhiich, t. III, 1846. — Id. Ueberdie Elasticitdt der Muskeln. (Arch. de Muller 1858.) — F. A. Berxard : De VElas- ticiti' du tissu musculaire, 1853. — A. W. Volkmaxx : Muskelcontractilitât, dans Arch. de Muller 1858. — Browx-Séquard : Recherches sur Virritalilité musculaire. (Journal de physiologie, 1859.) — W. KunxE : Myologische Untersuchungen, 1860. — J. BÉCLARD : De la Contraction musculaire dans ses rapports avec la température animale. (Archives de médecine, 1861.) — Ritter : Des Propriétés physiques du tissu musculaire, 1863. — Rouget : Mém. sur les tisstis contractiles et la contrac- tilité. (J. de physiologie, 1863.). — Marey : Du Mouvement dans les fonctions de la vie, 1868 — W. Engelmann : Beitrdge zur allgemeinen Muskel- und Nervenphysio- logie. (Arch. de Pfliiger, t. III.) — Voir aussi Cl. Bernard et les Traités de phy- siologie de Loxget, Wundt, Hermann, Kuss, etc. 4-» PHYSIOLOGIE DU TISSU NERVEUX. Les éléments nerveux sont de trois ordres : les globules nerveux, les fibres nerveuses et les éléments nerveux périphériques. Les globules nerveux {fig. 58, page 286) sont arrondis ou ovales, de 0"'",09 à 0'""\022, et possèdent un contenu granuleux, souvent pigmenté, constitué par une masse de protoplasma molle, riche en graisse, et un noyau sphérique, vésiculeux, pourvu d'un nucléole. L'existence d'une membrane de cellule est douteuse. 286 PHYSIOLOGIE DE L'LXDIVIDU. Quelques-unes de ces cellules sont sans prolongements (cel- lules apçlaires), mais la plupart pn-sentent un ou plusieurs pro- longements (ftg. 58) et, suivant leur nombre, ont reçu le nom de Fig. 5S. — Globule nerveux, cellules uni-, bi-, multipolaires. De ces prolongements, les uns sont ramifiés et se terminent par des fibrilles très-fines; d'autres (en général un seul par cellule) sont indivis dans toute leur lon- gueur. D'après des travaux récents, la cellule nerveuse paraît avoir une structure très-compliquée, mais il y a encore trop d'incerti- tude sur cette question pour que l'application puisse en être faite à la physiologie. Les fibres nerveuses ou tubes nerveux sont ou bien des tubes larges à double contour, ou bien des tubes minces à simple contour. Les tubes nerveux larges, à l'état frais, paraissent tout à fait homogènes: mais par l'action de certains réactifs on leur reconnaît trois parties : une gaîne extérieur e, élusiiquo, gaine de S chivanii ; une substance intermédiaire, réfringente, moelle nerveuse ou myéline, et un filament central, fibre-axe ou cylindre-axe. Les tubes nerveux minces sont formés par une substance trans- parente analogue au cylindre-axe et dépourvus de moelle ner- veuse. La gaîne de Schwann y existe dans certains cas. PHYSIOLOGIE DU TISSU >ER\EUX. 287 La partie physiologiquement importante du tube nerveux est le cylindre-axe. Malheureusement, sa structure est loin dètre connue d'une façon incontestable. D'après Schultze et d'autres histologistes, il serait formé, de même que les tubes nerveux minces, par un faisceau de fibrilles qui constitueraient alors l'élément primitif essentiel de la fibre nerveuse. D'autre part, cer- tains agents chimiques (nitrate d'argent) font paraître dans le cylindre-axe une striation transversale. La myéline n'est pas continue dans toute l'étendue du nerf: elle manque par places, à des distances régulières, et à ce niveau le nerf offre un étranglement et le cyjindre-axe se trouve en contact immédiat avec la gaine de SchAvann. ou n'en est séparé que par une couche mince de protoplasma. 'Ranvier.i Les fibres nerveuses sont en connexion avec les prolongements déjà décrits des cellules nerveuses. Les fibres nerveuses, à leur terminaison dans les différents organes, offrent des dispositions particulières décrites sous le nom d'éléments ou organes nerveux périphériques. Ces éléments ont des formes particulières, suivant l'organe que l'on considère; tels sont les plaques musculaires terminales, les corpuscules du tact, les cônes et les bâtonnets de la rétine, etc. De ces faits anatomiques résultent les notions suivantes, essen- tielles pour la physiologie nerveuse : l"" Les cellules nerveuses s'anastomosent et entrent en relations les unes avec les autres par l'intermédiaire de leurs prolon- gements; 2" Les fibres nerveuses se continuent avec les prolongements des cellules nerveuses ; 3° Les cellules nerveuses communiquent avec les fibres mus- culaires d'une part, avec les surfaces épithéhales de l'autre par l'intermédiaire des fibres nerveuses. L'activité vitale des éléments nerveux offre des caractères particuliers. L'irritabilité nerveuse ou l'excitabilité, comme on l'appelle encore, ne se traduit pas. comme pour l'irritabilité musculaire, par un acte fonctionnel facilement appréciable; la réaction de la substance nerveuse irritée ne se révèle que par une influence sur d'autres éléments (fibre musculaire, cellule glandulaire, etc.». Il y a donc déjà dans les manifestations, même les plus simples, de l'activité nerveuse, quelque chose de plus 288 PHYSIOLOGIE DE L'I>DIVIDU. compliqué que dans Factivité d'une fibre musculaire ou d'une] cellule épithéliale. Au point de vue le plus général, le système nerveux représente un appareil qui relie les surfaces sensibles périphériques (peauj muqueuses, organes des sens) aux muscles et à quelques autres organes (glandes, par exemple). On pince la peau de la pattt d'une grenouille et on voit cette patte se fléchir par un mouve- ment qui suit presque instantanément l'excitation cutanée. Si onl examine anatomiquement les conditions organiques du phéno-j mène, on trouve [fig. 59,. A), entre le point de la peau excité (l)j B <£> D Fig. 59. — Perfectionnements successifs de l'action nerveuse. et le muscle qui se contracte (2), un cordon nerveux (3) qui va sans discontinuité de l'un à l'autre. Si l'on coupe ce cordon nerveux en un point quelconque, a par exemple, le pincement de la peau en (1) ne détermine plus de contraction en (2); la con- tinuité du cordon nerveux est indispensable; le nerf transmet au muscle l'excitation produite en (1), et si cette transmission ne se fait pas, la contraction manque. En quoi consiste cette transmission? Gomment se fait-elle? Quelle est sa nature? Autant de questions à peu près insolubles actuellement. On peut affirmer qu'il y a un mouvement transmis, mais on ne peut aller au delà. Est-ce une vibration, un écoule- •pHYSlOLOr.IE DU TISSU .NERVEUX. 289 mont de fluide (fluide ou influx nerveux) plus ou moins compa- rable au fluide électrique, une décomposition chimique, une transformation isomérique, un déplacement moléculaire de la substance nerveuse? La réponse est impossible. Mais, quel qu'il soit, ce mouvement présente ce caractère essentiel de s'accroître au fur et à mesure qu'il se transmet; au lieu de diminuer et de se perdre par les résistances comme un mouvement ordinaire, il augmente d'intensité à mesure qu'il progresse dans le conducteur nerveux, il fait boule de neige. En effet, si on excite successive- ment deux points du nerf musculaire aetb (fig. 59, A, page 288), l'excitation du point b, le plus éloigné du muscle, produit une contraction plus forte que celle du point a, le plus rapproché du muscle ('), et le maximum de contraction correspond au maximum d'étoignement, c'est-à-dire au point (l). (E. Pflijger.) Il y a donc dans l'acte de transmission du mouvement nerveux deux choses : 1" Une transmission de mouvement; 2° Un dégagement de mouvement nerveux. Ce dégagement de mouvement est spécial à la substance ner- veuse; les nerfs ne peuvent pas être assimilés à de simples con- ducteurs ordinaires, comme les conducteurs électriques, et il semble qu'il y ait dans le cordon nerveux une véritable suc- cession de décompositions chimiques, comme dans une traînée de poudre qu'on allume à une de ses extrémités. En supposant le cas le plus simple, on pourrait réduire l'appa- reil nerveux à un simple cordon nerveux qui réunirait la surface sensible à l'organe moteur {fig. 59, A, page ^88). Mais, môme chez les animaux les plus inférieurs, il présente une disposition plus compliquée. Le premier perfectionnement est l'apparition sur le trajet du nerf d'un renflement constitué par une accu- mulation de substance nerveuse, une cellule nerveuse en un mot, (')Marey n'admet pas cette augmentation d'intensité. D'après lui, plus l'ex- citation s'éloigne du muscle, plus la secousse musculaire est faible. Il donne à l'appui une ligure dans laquelle les graphiques décroissent d'amplitude à mesure que les excitations sont plus éloignées du muscle. (Marey : Dic Mouvement dans les fonctions de la vie, p. 338 et fig. 105.) Cette diminution d'amplitude me paraît trop peu marquée pour qu'on puisse en tirer la conclusion admise par Marey, et du reste elle est susceptible d'une autre interprétation. Fai outre, il y a une erreur dans ce passage à propos des expériences de Pflùger; cet observateur a trouvé, contrairement à l'opinion qui lui est attribuée, que plus on s'éloigne du muscle, plus la secousse devient forte. Beaunis, Phys. 19 290 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. {fig. 59, B, page 288): c'est là la première ébauche de ce qu'on appelle un centre nerveux. Ce centre partage le nerf en deux segments, un segment (4) sitaé entre la surface sensible (1) et le centre N et auquel on a donné le nom de nerf sens itif on cenîripèle, et un segment (5i situé entre le centre nerveux N et le muscle (2), nerf centrifuge ou moteur. Le centre nerveux ^' a les mêmes propriétés que le nerf; comme lui il transmet le mouvement, et comme lui aussi il dégage du mouvement, mais il en dégage beaucoup plus, et à ce point de vue, en comparant le nerf au centre nerveux, on peut dire que le nerf sert surtout à la transmission, du mouvement et est spécialement conducteur, tandis que la cellule nerveuse sert surtout au dégagement du mouvement nerveux et est essentiellement productrice. Les cen- tres nerveux sont donc de véritables réservoirs de force, force qui se dégage sous l'influence des excitations transmises par les nerfs sensilifs et se transmet aux muscles et aux autres organes par les nerfs moteurs. On peut aussi rencontrer, et c'est le cas le plus ordinaire, sur le trajet du nerf, non plus seulement une seule cellule, mais deux et plus (fig. 59, C, page 288), Tune en rapport avec le nerf sen- sitif, cellule sensitive S, l'autre en rapport avec le nerf moteur, cellule motrice M, et la portion du cordon nerveux intermédiaire entre les deux cellules prendra le nom de nerf intercentral ou intercellulaire (6i. Mais le perfectionnement ne s'arrête pas là. Entre les surfaces sensibles et les nerfs sensitifs, entre les muscles et les nerfs moteurs se trouvent des organes particuliers, intermédiaires, organes nerveux périphériques [fig. 59, D, 7, 8, page 288) plus ou moins comparables à des cellules nerveuses et présentant souvent une structure et une conformation toutes spéciales. Ces organes nerveux périphériques se retrouvent dans les principaux sens irétine, corpuscules du tact, organe de Corti de l'oreille, etc.) et dans les plaques terminales des nerfs moteurs et peuvent être considérés comme de véritables commutateurs de mouvement. C'est ainsi que les vibrations lumineuses, qui ne peuvent agir sur la substance du nerf optique, agissent sur les cônes et les bâtonnets de la rétine, et que le mouvement inconnu produit dans ces petits organes peut alors servir d'excitant pour les fibres du nerf optique. Le système nerveux comprend donc trois catégories d'organes : PHYSIOLOGIE DL' TISSU >ERVELX. 291 . 1° Des nerfs ou substance blanche: organes conducteurs du mouvement nerveux; 2° Des cellules nerveuses ou centres nerveux (substance grise): organes de dégagement; 3° Des organes nerveux périphériques sensitifs et moteurs ; organes commutateurs du mouvement. La physiologie de ces trois sortes d'organes nerveux doit être étudiée à part. J'étudierai ensuite les actions nerveuses prises dans leur ensemble et dans leurs caractères généraux. a. — Physiologie des nerfs. Anatomiquement, les nerfs peuvent se présenter, soit sous forme de cordons isolés plus ou moins volumineux , comme dans les nerfs des membres; soit accumulés par masses épaisses, comme dans la substance blanche des centres nerveux; soit inti- mement mêlés aux cellules nerveuses, comme dans la substance grise des mêmes centres. Quelle que soit du reste la forme sous laquelle ils se trouvent, leurs propriétés générales ne varient pas de caractère, au moins dans leurs traits principaux. A. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES .NERFS. La cohésion et la consistance de la substance blanche, très- faibles dans les centres nerveux où le tissu connectif est très- délicat et réticulé , deviennent assez fortes dans les cordons nerveux dont une partie est formée par du tissu connectif com- pacte. Lélasîicilé des nerfs est en général très-imparfaite et ils atteignent très-vite leur limite d'élasticité. La capacité d'imbibition de la substance blanche a été étudiée par Ranke sur la moelle de la grenouille. D'après lui, elle varie beaucoup pour les différentes substances : nulle pour le chlorure de sodium, elle est faible pour le sulfate de soude, augmente pour le phosphate acide de soude, les sels de potasse, et atteint son maximum pour l'eau distillée. Elle est plus considérable quand la substance nerveuse est en état d'activité que quand elle est en état de repos, et devient très-forte quand la moelle est fatiguée par une activité exagérée ou quand elle est tétanisée. 292 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. Ces faits physiques trouvent leur application dans la nutrition de la substance nerveuse. Production de chaleur. — Valentin a constaté une produc- tion de chaleur dans le nerf en état d'activité, et Schifî a vu cette production se faire même quand le nerf est séparé du muscle; cependant, d'après Helmholtz et Heidenhain, elle serait loin d'être démontrée. Pour les phénomènes électriques du nerf, voir : Èlectricilc animale. B. _ PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES DES NERFS. Nutrition des nerfs. — La nutrition de la substance blanche parait assez active, moins pourtant que celle de la substance o-rise. D'après les recherches de Ranvier, les tubes nerveux seraient plongés dans des espaces lymphatiques, et le plasma lymphatique pénétrerait jusqu'au cyhndre de l'axe par les étran- glements circulaires des tubes nerveux dépourvus à ce niveau de myéline. (ArcJiives de phijsiolorjie, 1874.) Gomme le muscle, la substance nerveuse est le siège d'une véritable respiration, comme on a pu s'en assurer sur des cer- veaux exsangues de pigeon Jlankei ; elle absorbe de l'oxygène et émet de l'acide carbonique. Cette respiration, qui se produit même pendant l'état de repos des nerfs, est plus intense pendant leur activité. Les produits de désassimilation de la substance nerveuse sont encore incomplètement connus; elle paraît, d'après les recher- ches de Byasson et de Liebreich, consommer surtout des albu- minoïdes; l'urée serait alors un de ses principaux produits de désassimilation ; cependant Flint, de son côté, regarde la cho- lestèrine comme le produit spécial de l'activité nerveuse. La nutrition d'un nerf est sous l'influence de la cellule ner- veuse de laquelle il prend naissance. A. Waller a montré ifig. 60, page 293) que lorsqu'on sépare un nerf de son centre nerveux trophique (substance grise de la moelle pour les racines motrices, gangUon de la racine postérieure pour les racines sensitives), le bouï du nerf séparé du centre se désorganise et subit la dégé- nérescence graisseuse ifig. GO, A, A, A, page 293). Celte dégéné- rescence porte à la fois sur la myéline et le cylindre de l'axe et PHYSIOLOGIE DU TISSU NERVEUX. !93 alteint même les plaques motrices terminales qui s'alropliient. (A. Sokolo^v). Elle commence dès le quatrième jour chez les ani- Fig. GO. — Loi de Waller. (Voir page 2t2.) maux à sang chaud, beaucoup plus tard chez les animaux à sang froid. . La réunion des nerfs sectionnés se fait assez rapidement (2 à 5 semaines chez les mammifères) et assez complètement pour que les nerfs reprennent leur activité fonctionnelle. D'après Letiévant \Trailc des sections nerveuses), la régénération ner- veuse serait beaucoup plus lente surtout chez l'homme (12 à 15 mois) ; seulement Uactivité nerveuse pourrait reparaître plus tôt dans les parties, par suite d'anastomoses avec d'autres nerfs intacts, surtout pour les nerfs sensitifs {sensibilité suppléée). Des cas de ce genre ont été assez souvent observés par les chirur- giens. (Voir: Y. Paulet, Des Lésions trauniatiques des nerfs.) Yulpian et Philippeaux avaient d'abord cru que cette régéné- ration nerveuse pouvait se produire même dans les nerfs isolés de leurs connexions avec les centres (régénération autogène):, mais dans une récente communication Yulpian est complète- ment revenu à l'opinion de Waller. [Arcliives de physiologie, 1874, p. 704.) Excitabilité nerveuse. — L'irritabilité nerveuse ou exci- tabihté est la propriété qu'a le nerf d'entrer en activité sous l'influence d'un excitant. Cette activité se traduit, comme on l'a vu plus haut, par deu:^ phénomènes principaux, une transmission de mouvement et un dégagement de mouvement. Mais les deux phénomènes ne sont pas appréciables en eux-mêmes et intrin- Fig. 60. — Aliératioiis nerveuses consécutives à la section des racines rachidiennes. La portion .\, foncée et séparée du ganglion ou de la moelle, est soûle alléiée. — g, ganglion. — S, racine pos éiicure. — S', racine antérieure. 29i PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. sèquement ; tant que l'activité nerveuse n'aboutit pas à une con- traction musculaire ou à tout autre acte dont la manifestation! soit facile à saisir, cette activité reste pour ainsi dire latente;, cependant, comme cette activité s'accompagne de phénomènes accessoires particuliers , on peut par l'analyse physiologique, etj abstraction faite de toute manifestation étrangère au nerf lui- même (contraction, sécrétion, etc.), reconnaître si un nerf est oi non en état d'activité. Le plus important de ces phénomènes est la variation négative (voir : Électricité animale) que le nerfj comme le muscle, présente pendant son état d'activité; et cet indice a l'avantage de s'appliquer aussi bien aux nerfs sensilifa qu'aux nerfs moteurs et permet d'étudier, dans les deux catégo- ries de nerfs, tous les caractères de l'excitabilité et de l'activitél nerveuses. L'excitabilité nerveuse a pour condition essentielle l'intégrité! du nerf; pour qu'elle subsiste et reste normale, il faut que laj nutrition et la circulation du nerf se fassent régulièrement. Mais,] même dans ces conditions, elle présente un caractère particuliei de mobilité et de variabilité continuelles. En état perpétuel! d'instabilité, il suflit des plus faibles conditions pour la fairoJ varier d'intensité, et des plus légères excitations pour la mettrej en jeu. Des alternatives régulières de repos et d'activité paraisseni favoriser le mieux le maintien de l'excitabilité nerveuse; un] repos prolongé peut la diminuer et même l'abolir en amenant une atrophie et une dégénérescence du nerf; une activité exa- gérée et prolongée l'abolit aussi en produisant la fatigue. Ui accroissement de température l'augmente jusqu'à un certaii point, à partir duquel elle diminue pour disparaître tout à fail quand la chaleur est poussée au point de désorganiser le nerf3 une température de 40° à 45^* sur les nerfs musculaires de la* grenouille amène une crampe tétanique. Le froid, au contraire, diminue l'excitabilité. L'arrêt de la circulation l'aboUt rapide- ment; quand on lie l'artère d'un membre, les excitations portées sur les nerfs sensitifs et sur les nerfs moteurs du membre restent sans effet. La dessiccation, bornée dans de certaines limites, augmente l'excitabilité; si on place le nerf d'un muscle dans une cloche en présence de l'acide sulfurique concentré dans de l'air très-sec, ou PHYSIOLOGIE DU TISSU .NERVEUX. 295 si on le rex;ouvre de poudre de sucre en évitant la dessiccation du muscle, ce dernier éprouve des contractions dues au dessèche- ment du nerf. Beaucoup de sels neutres agissent de même en enlevant de l'eau au nerf. L'imbibition du nerf par l'eau ou par à un muscle (2); à l'état physiologique, fexcitation initiale part toujours du centre (1) et se transmet par le nerf jusqu'au muscle (2) qui se contracte; la transmission, dans ce cas, est centrifuge et se fait dans un seul sens. Mais dans l'expérimen- tation il n'en est plus de même; si j'excite un point du nerf (3) l'excitation se transmettra vers les deux extrémités: elle sera centrifuge de (3) en (2), comme dans l'état physiologique; de (3) en (1), elle sera centripète; l'excitation centrifuge arrivée en (2) 298 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. produira une contraction du muscle; l'excitation centripète arrivées en (1) déterminera une excitation de ce centre moteur et l'exci- tation se transmettra alors de (1) en (?) dans toute la longueur du nerf et dans la direction centrifuge. Le muscle sera donc sol- licité par deux excitations successives, mais comme la vitesse d( la transmission nerveuse est très-grande, ainsi qu'on le verra plus] loin, ces deux excitations se suivent à un si petit intervalle qu'il] n'y a qu'une contraction musculaire unique au lieu de deux. L( môme raisonnement peut s'appliquer au nerf sensitif. Les faits suivants prouvent que la transmission nerveuse se fait dans les deux sens : a) Quand on excite un nerf en (3) {fig. 6?, page 297), les phé- nomènes de la variation négative (voir : Électricité animale) sej montrent dans les deux bouts du nerf; b) L'expérience du paradoxe de contraction indiquée plus haut ;[ c) L'identité de structure et de composition des deux espèces] de nerfs rend probable l'identité de fonctions ; d) Si {fig. 63) on sectionne un nerf sensitif, S, et un nerf] A ^ '^ d % — • — iS) ^ Fig. 63. — Réunion d'un nerf sensitif et d'un nerf moteur. moteur, M, le lingual et l'hypoglosse par exemple, et qu'on réunisse le bout central du lingual au bout périphérique de l'hy- poglosse {fig. 63, B), au bout d'un certain temps la cicatrisation se produit. Si on excite alors le bout central (5) du lingual, on a à la fois des signes de douleur et des contractions dans les muscles de la langue. (Vulpian.) Cependant, d'après de nouvelles PHYSIOLOGIE DU TISSU NERVEUX. 299 expériences de Vulpian, ces faits devraient être interprétés au- trement. L'action motrice dans le nerf cicatrisé serait due à des fibres motrices fournies au lingual par la corde du tympan et qui se réunissent aux fibres périphériques de l'hypoglosse; en effet, si, lorsque la réunion des deux nerfs s'est produite, on fait la section de la corde du tympan, les phénomènes précédents ne se produisent plus; l'excitation du lingual n'amène plus de con- tractions dans les muscles de la langue. Vitesse de la transmission nerveuse. — La vitesse de la transmission nerveuse est incomparablement plus lente que celle de l'électricité à laquelle on avait voulu la comparer. Cette vitesse est de 33 mètres par seconde en moyenne pour les nerfs mo- teurs de l'homme, de 20 à 27 pour la grenouille. (Helmholtz.) La vitesse de transmission est ralentie par le froid; elle est plus grande en été qu'en hiver. Elle paraît augmenter avec l'intensité de l'excitation. Cette vitesse a été mesurée de la façon suivante (Helmholtz, 1850) : 1° Nerfs moteurs. — Le principe de ces expériences est le suivant : On excite le nerf en un point, a, et on mesure le temps qui s'écoule entre le moment de l'excitation et le moment de la contraction; on fait la même détermination pour un point du nerf plus éloigné du mus- cle b; la différence des deux mesures, ou le relard de la seconde contraction sur la première, donne le temps que la transmission ner- veuse a mis à se faire entre les deux points b et a du nerf, et comme on connaît la longueur a b, on en tire la vitesse de la transmission. Helmholtz employa deux méthodes pour déterminer le temps écoulé entre l'excitation du nerf et la contraction du muscle. Dans la première, due à Pouillet, on mesure la durée d'un courant électrique qui traverse un galvanomètre au moment où se produit l'excitation du nerf et qui cesse au moment où le muscle se contracte. La durée du courant s'ap- précie par la déviation de l'aiguille. Une disposition particulière de l'appareil permet d'exciter le nerf en même temps qu'on lance un cou- rant dans le circuit du galvanomètre, et le muscle, par sa contraction même, produit la rupture du courant. Yalentin, dans des expériences analogues, se servit du chronoscope de Hipp, qui donnait les durées avec une approximation de l/lôOO^ de seconde. La seconde méthode employée par Hclmhoitz est la méthode graphique, qui a été employée depuis par Thiry, Harless, Fick, du Bois-lleymond, Marcy, etc., qui ont moditié, plus ou moins, la disposition des appareils. Les moments de 300 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. rcxcitation du nerf et de la contraction du muscle sont enregistrés à l'aide du myographe sur des cylindres (ou des plaques) animés d'une vitesse connue. (Voir, pour les détails : Marey, Du Mouvement dans les fonctions de la vie, p. 411 et suivantes.) Baxt a mesuré sur Ihomme la vitesse de la transmission motrice à l'aide de la pince myograpliique de Marey ; le nerf radial était excité en deux points différents de son trajet. 2" Nerfs sensitifs. — Marey a cherché à déterminer la vitesse de la transmission sensitive chez la grenouille en utilisant, comme signal, les mouvements réflexes de Tanimal, Mais habituellement on opère sur 1 homme même et de la façon suivante : On détermine une sensation (par une décharge électrique, par exemple) en excitant un point de la peau, et Tindividu en expérience fait un signal dés qu'il perçoit la sensation; le moment de l'excitation et le signal sont Inscrits et leur intervalle est mesuré par une des méthodes indiquées plus haut ; on recommence alors Texpérience en excitant un point plus éloigné des centres nerveux; la différence des deux mesures donne la vitesse de la transmission sensitive ; on suppose, dans ce cas, que, dans les deux expériences successives, la durée de l'acte cérébral (perception de la sensation et volonté du mouvement qui sert de signal), la transmission nerveuse motrice et le mouvement lui-même ont eu la même durée et que la transmission nerveuse sensitive a seule varié. Mais, malgré l'exercice et l'attention, il n'en est pas toujours ainsi ; aussi n'est-il pas étonnant que les différents expérimentateurs soient arrivés à des chiffres très-variables, depuis 20 jusqu'à 9i mètres par seconde. Ce- pendant, la moyenne paraît être aussi de 30 à 35 mètres (Schelske, Hirsch, etc.), par conséquent à peu près la même que celle des nerfs moteurs. Fatigue des nerfs. — Comme pour le muscle, la fatigue se traduit pour les nerfs par une acidité plus grande et une dimi- nution d'excitabilité. 11 résulte de celte dernière diminution que le nerf fatigué ne peut entrer en activité que si on augmente l'intensité de l'excitation ou si on change la nature de l'excitant; un nerf fatigué par des excitations électriques et qui ne répond plus à ces excitations pourra entrer encore en activité par cer- tains agents chimiques. b. — Physiologie générale des cellules nerveuses. La substance grise se présente sous deux formes principales, celle de masses agglomérées, comme dans le centre nerveux PHYSIOLOGIE DU TISSU .NERVEUX. 301 cérébro-spinal (moelle et encéphale;, ou Lien celle de petites masses isolées ou ganglions, comme dans le grand sympa- thique. Mais qu'elle soit agglomérée ou disséminée, ses pro- priétés essentielles n'en sont pas changées et dépendent tou- jours des cellules nerveuses qui en constituent la partie la plus importante. Les propriétés physiques et chimiques de la substance grise sont à peu près identiques à celles de la substance blanche, et il n'y a donc qu'à renvoyer au paragraphe précédent; une seule chose est à noter : la plus forte proportion d'eau de la substance grise, ce qui est en rapport avec la vascularité plus grande, la nutrition plus intense et la vitalité plus active de cette substance. A. — EXCITABILITÉ DE LA SUBSTAîVCE GRISE. L'existence d'une excitatioji préalable est aussi nécessaire pour la cellule que pour la fibre nerveuse. A l'état physiologique, ce sont ordinairement des excitations nerveuses qui mettent enjeu leur activité, excitations provenant de la périphérie et transmises par les nerfs sensitifs , excitations provenant d'autres cellules nerveuses et transmises par les nerfs intercellulaires ; ainsi, un centre nerveux sensitif entrera en activité par suite d'une vibra- tion lumineuse portée sur la rétine et transmise (comme modifi- cation encore inconnue) par le nerf optique; un centre nerveux moteur entrera en activité par suite d'une excitation qui pourra provenir soit d'un centre nerveux sensitif, comme dans les mou- vements réflexes, soit d'un centre psychique , comme dans les mouvements volontaires. Mais, outre ces excitations physiologiques habituelles, pour ainsi dire, il en est de plus obscures et moins fréquentes; tels sont, par exemple, un afflux sanguin plus considérable Tqui pourra déterminer des convulsions par excitation directe d'un centre moteur), l'état même du sang et la présence dans ce liquide de substances particuUères excitantes soit par leur na- ture, comme certains poisons, soit simplement par leur excès, comme l'acide carbonique dans Uasphyxie. On voit, par cet exposé, que nous rejetons tout à fait, pour la 302 PHYSIOLOGIE DE L'IXDI VIDU. cellule nerveuse comme du reste pour tous les autres éléments, la spontanéité admise par beaucoup d'auteurs (' ;. Quant à savoir si l'excitabilité des cellules nerveuses peut être influencée par les excitations expérimentales directes, mécani- ques, physiques, électriques, etc., c'est une question de la plus haute importance en physiologie nerveuse, mais qui sera traitée plus loin à propos des centres nerveux. (Voir : Excitabilité de la moelle et de l'encéphale.) B. — DE L'ACTIVITÉ DES CELLULES NERVEUSES. L'activité des cellules nerveuses a deux formes essentielles: la conductibilité ou la transmission du mouvement et le dégage- ment de mouvement. La conductihilité nerveuse, quoique plus spécialement attribuée a la substance blanche, existe aussi dans la substance grise; si on sectionne tous les cordons blancs de la moelle, en respectant la substance grise, la transmission nerveuse, quoique afl'aiblie, con- tinue encore à se faire; elle paraît seulement plus lente et plus diffuse. Le dégagement de mouvement nerveux est la propriété la plus importante des cellules nerveuses; chaque cellule représente un véritable réservoir de mouvement, et on peut donner le nom de décharge nerveuse (qui ne préjuge rien) au dégagement de mou- vement moléculaire, encore inconnu dans son essence. Le premier caractère de cette décharge nerveuse, c'est son instantanéité. Elle n'a qu'une durée très-courte, inappréciable; aussi quand l'activité de la cellule nerveuse doit durer un certain temps, la décharge nerveuse, au lieu d'être continue, est-elle intermittente et consiste alors en une série de décharges succes- sives, très-brèves, séparées par des intervalles de repos. Ainsi on a vu plus haut que la contraction musculaire se compose d'une succession de secousses qui correspondent à autant d'excitations ('j L'automatisme spontané que Luys aUribue aux éléments nerveux me- parait une expression impropre, car l'auteur lui-même a bien soin de dire que cet automatisme se présente 'D1VIDU. dire pour tous les mouvements réflexes composés, quelque com- plexes qu'ils soient, et il suflira d'une excitation initiale partant Fig. 68. — Superposition des centres réQexes. (Voir page 313.) de la périphérie et agissant sur le centre supérieur unique pour que tout l'ensemble correspondant des mouvements réflexes se produise, sans que la volonté intervienne, comme tous les rouages d'une horloge qu'on vient de monter se mettent immédiatement en mouvement. Il n'est pas toujours facile de déterminer l'excitation initiale qui a été le point de départ du mouvement réflexe composé. Dans certains cas, Kéternument, la toux, par exemple, le point de départ est parfaitement net, mais dans d'autres il est plus diflicile d'en préciser le siège. 11 y a, sous ce rapport, une certaine différence entre les ré- flexes simples et les 'réflexes composés; tandis que dans les PHYSIOLOGIE DU TISSU NERVEUX. 315 réflexes simples l'excitation initiale part toujours d'un nerf péri- phérique, dans les réflexes composés, l'excitation initiale peut par- tir d'un autre centre nerveux, centre nerveux psychique, comme quand une idée d'odeur désagréable détermine les mouvements de la nausée, ou quand l'ennui détermine le bâillement; mais que l'excitation parte de la périphérie ou d'un centre nerveux, la marche même de l'action réflexe n'en est pas modifiée et le phé- nomène prouve seulement qu'un centre nerveux peut être tour à tour excité et excitateur par rapport à d'autres centres nerveux. Ces mouvements réflexes composés sont, les uns innés, comme l'acte de téter chez le nouveau-né, les autres acquis par l'habitude et l'exercice, comme la marche. Ces derniers sont d'abord volon- taires, et ce n'est qu'à la longue et par la répétition qu'ils devien- nent machinaux et automatiques. Cet automatisme de mouve- ments, d'abord volontaires et conscients, se lie évidemment à un perfectionnement dans l'organisation et à des modifications spé- ciales (quoique inconnues) dans la structure des centres réflexes qui en sont chargés, modifications qui facilitent l'exécution de ces mouvements. Cette organisation pourra devenir héréditaire dans la suite des générations et avec elle l'aptitude à ces mouve- ments ; il en résultera que, de même que dans la vie de l'individu, des mouvements, d'abord volontaires, deviennent machinaux par l'exercice, de même, dans la vie de l'espèce, des mouvements volontaires chez les parents deviendront machinaux et automa- tiques chez leurs descendants. C'est là la seule explication pos- sible du perfectionnement successif des espèces, et la réalité en est prouvée par l'hérédité de certains caractères et de certaines aptitudes dans une famille. Les mouvements dits automatiques, comme les mouvements du cœur, les mouvements respiratoire^, etc., ne sont pas autre chose que des mouvements réflexes composés, souvent rhythmi- ques, et dans lesquels il est souvent difficile de préciser le mode et la localisation de l'excitation initiale. 2° Sécrétions réflexes. — Les surfaces périphériques sensitives peuvent être rattachées non-seulement avec des muscles, mais aussi avec des surfaces glandulaires [fig. 69, A, B, E,D, F, page 3 1 6i. Dans ce cas, Uexcitation initiale pourra se transmettre soit au muscle (2) et produire une contraction, soit à la glande (3) et il se produira une sécrétion. 316 PHYSIOLOGIE DE L'LXDIVIDU. Toutes ou presque toutes les sécrétions sont sous l'influence de l'innervation, et le mécanisme ressemble tout à fait à un acte Fig. 69. — Sécrétion réflexe. (Voir page 315.) réflexe dans lequel l'acte terminal serait une sécrétion au lieu d"étre un mouvement. Ainsi, le contact du vinaigre sur la mu- queuse linguale détermine un écoulement de salive. L'excitation initiale qui détermine les sécrétions réflexes peut être, tantôt périphérique, comme dans l'exemple cité plus haut, tantôt centrale, comme lorsque l'idée d'un repas fait venir, sui- vant l'expression vulgaire, l'eau à la Louche ; et si l'on juge d'après les sécrétions dont on peut facilement constater les carac- tères, les deux modes d'excitation initiale se montreraient dans toutes les sécrétions. G. — ACTES LNSTIXCTIFS. Les actes instinctifs ne sont en réalité que des actes automa- tiques un peu plus compliqués, ou plutôt un ensemble d'actes automatiques coordonnés pour un but déterminé. Il n'y a donc pas, et il ne peut y avoir de limite précise entre les actes auto- matiques et les actes instinctifs ; il n'y a qu'une différence de degré. L'instinct n'est qu'un phénomène réflexe d'un ordre plus complexe que les réflexes ordinaires, mais celte complexité est telle quelquefois, la coordination des actes est si prononcée que l'instinct touche presque aux actes psychiques; telles sont la nidi- fication des oiseaux et la plupart des phénomènes de la vie de certains insectes, abeilles, fourmis, etc. L'excitation initiale qui détermine les actes instinctifs est sou- PHYSIOLOGIE DU TISSU .NERVEUX. 317 vent très-diflicile à préciser; mais ce qu'il y a de certain, c'est que le point de départ de ces pliénomènes est très-souvent cen- tral et que les émotions, les besoins, les sensations internes sont la plupart du temps l'excitant physiologique des manifestations instinctives ; ainsi, pour ne parler que des animaux, la faim, la crainte, l'amour maternel, les sensations génitales, etc., en sont les causes déterminantes les plus puissantes. La localisation des centres instinctifs est fort peu avancée. Ces centres doivent évidemment être placés au delà des centres automatiques et par conséquent dans les parties supérieures de l'axe nerveux; mais c'est tout ce qu'on en peut dire jusqu'ici. D'après ce qui a été dit plus haut (voir page 306), il est pro- bable que tous les actes instinctifs ont été primitivement volon- taires et intelligents, et que ce n'est que par la suite que ces actes ainsi répétés continuellement ont fini par devenir héréditaire- ment involontaires et instinctifs, de même que nous avons vu certains actes intellectuels, comme la marche, la parole, etc., devenir automatiques et tout à fait assimilables à de simples mouvements réflexes. Cette question se retrouvera, du reste, à propos des fonctions cérébrales. D. — ACTES PSYCHIQUES. La substance nerveuse est le substraîum nécessaire de tou acte psychique ; sans cerveau, pas de pensée. Quelle que soit l'idée que l'on se fasse de§ phénomènes psychiques, qu'ils soient simplement une forme de mouvement matériel de la substance nerveuse ou le fait d'un principe supérieur agissant par son intermédiaire, il n'en ressort pas moins le fait indiscutable d'un organe pensant, même pour les actes intellectuels de l'ordre le plus élevé. Mais l'analyse intime de ces phénomènes est excessi- vement difficile, et si on recherche les propriétés générales que doivent posséder les cellules nerveuses qui entrent en jeu dans les actes psychiques, on éprouve des diflicultés insurmontables. Cependant, en analysant successivement avec soin tous les actes psychiques, on arrive à retrouver dans chacun d'eux certains caractères communs qui correspondent évidemment aux pro- priétés fondamentales des cellules nerveuses psychiques. Ces propriétés sont les suivantes : 318 PHYSIOLOGIE DE m'DIYIDU. 1° L'activité des cellules nerveuses psychiques est consciente. Cependant cette assertion est loin d'être absolue, et j'ai cité plus haut des actes d'abord conscients et qui sont devenus ensuite inconscients. Il est probable, du reste, sinon démontré, que, en vertu de l'habitude et de la multiplicité simultanée des actes psychiques, ceux-là seuls sont perçus et connus qui tranchent sur les autres par leur intensité ou par quelque chose de par- ticulier. Dans ce cas, la loi formulée plus haut serait mieux énoncée dans les termes suivants : L'activité des cellules ner- veuses psychiques est consciente quand elle atteint une certaine intensité. 2° Les cellules nerveuses psychiques ont la propriété de con- server un certain temps la modification produite dans leur inté- rieur par les excitations qui agissent sur elles ; ainsi les impressions persistent quelque temps avant de s'etîacer, et Luys a pu compa- rer ingénieusement ce phénomène à la phosphorescence des corps inorganiques ou mieux encore à cet emmagasinement de la lumière observé par >*'iepce de Saint-Victor sur des gravures exposées aux rayons solaires et qui, après être restées vingt- quatre heures dans l'obscurité, impressionnent encore une plaque sensibilisée. Cette propriété, appelée rctentivité 'pav quelques psychologues, existe non-seulement pour les impressions, mais pour les mouvements, les idées, etc. La modification amenée ainsi dans la cellule nerveuse peut persister à l'état latent, sans que nous en ayons conscience. Enfin, quand l'excitation qui l'a pro- duite se renouvelle fréquemment, la modification, de temporaire, peut devenir permanente. C'est sur cette propriété qu'est basée l'éducation. 3° La troisième propriété est celle de la reviviscence. Une mo- dification une fois produite et qui persiste dans une cellule psy- chique à l'état latent, peut, sous certaines conditions, reparaître avec assez d'intensité pour être perçue et donner lieu à des actes psychiques. La mémoire est fondée sur ce phénomène de revi- viscence. 4" Quand deux modifications successives d'une môme cellule nerveuse se produisent, non-seulement on a la conscience dé ces deux modifications, mais encore on a la conscience de leur clifj'c- rence ou de leur ressemblance, et l'écart des deux modifications nous fait connaître le degré de la ressemblance ou de la diffé- rence. PHYSIOLOGIE DU TISSU >^ERYEUX. 319 5° Les modifications produites dans une cellule nerveuse peu- vent à leur tour agir comme excitant initial sur d'autres cellules nerveuses du même groupe ou des groupes voisins, et elles agis- sent de préférence sur les cellules qui ont été excitées souvent en même temps qu'elles ou après elles ; de là les associations d'idées, de mouvements, de souvenirs, et ces associations sont tellement fortes qu'elles se produisent malgré nous; ainsi, on chante sans le vouloir, et même contre sa volonté, un air dont les premières notes vous reviennent à la mémoire. 6° Enfin, faut-il accorder aux cellules psychiques une propriété qui leur est attribuée par beaucoup d'auteurs et qui les distin- guerait radicalement des autres cellules nerveuses, à savoir celle d'entrer spontanément en activité, autrement dit la sponta- néité? Je nele crois pas, pour ma part, et j'ai déjà donné ailleurs les raisons qui font penser le contraire. Ce qui induit en erreur, c'est la difiicultô de retrouver le phénomène initial qui a été le point de départ de l'activité cellulaire ; mais si l'on réfléchit que ces excitations initiales peuvent partir non-seulement des surfaces sensibles, mais encore d'autres centres nerveux, il n'y a rien d'étonnant à ce que ces excitations initiales passent inaperçues dans la plupart des cas. Nous avons vu que, dans les centres moteurs, il y a une sorte de hiérarchie depuis ceux qui ne commandent qu'à un seul muscle jusqu'à ceux qui commandent à un ensemble de mouvements complexes, comme la marche ; dans les centres psychiques on retrouve aussi cette hiérarchie depuis les cellules inférieures qui reçoivent les impressions brutes parties des surfaces sensitives jusqu'aux cellules supérieures qui servent aux opérations les plus élevées de l'intelligence. Ces cellules devront donc présenter, et elles présentent en effet, outre les propriétés fondamentales énumérées tout à l'heure, des propriétés nouvelles. La première de ces propriétés, c'est celle de concentrer ou de fusionner les modifications produites dans deux ou plusieurs cellules nerveuses d'ordre inférieur. Un exemple le fera com- prendre. Je vois une pierre; l'excitation produite sur la rétine par les vibrations lumineuses se transmet jusqu'à un centre ner- veux et y détermine une modification particulière qui constitue une sensation visuelle correspondant à la vue de la pierre; je touche cette pierre et j'ai de môme une modification particulière 320 PHYSIOLOGIE DE LMXDIVIDU. d'un autre centre ou sensation tactile; je presse contre celte pierre ou je la soulève, et j'ai une troisième espèce de modifica- tion d'un centre différent des deux précédents ou une sensation 'musculaire. Voilà donc trois modifications, trois sensations dis- tinctes ayant pour siège trois centres nerveux différents; mais l'excitation ne s'arrête pas là ; elle se transmet à un centre plus élevé qui est en connexion avec ces trois centres nerveux infé- rieurs et qui fusiorfne ces trois choses, sensation visuelle, sensa- tion tactile, sensation musculaire, en une notion unique, en une idée de quelque chose ayant telle couleur, telle surface, telle résistance, idée de la pierre que nous avons vue, touchée, palpée, sorte de moyenne des trois sensations primaires qui la consti- tuent. C'est là le premier pas vers la généralisation et fabstrac- tion, et successivement à mesure que les excitations se trans- mettent de proche en proche à des centres plus élevés, les notions qui en résultent deviennent de plus en plus générales pour aboutir enfm aux généralisations les plus hautes du temps, de l'espace et du mouvement. Une deuxième propriété de ces centres nerveux supérieurs est celle de reconnaître les coexistences et les successions, d'avoir la conscience que deux excitations qui agissent sur le centre agissent simultanément ou successivement. Il y a cependant de?* limites à cette propriété et on verra plus loin, dans fétu de des sensations spéciales, que deux sensations successives, quand elles se suivent très-rapidement, nous paraissent simultanées. Ce fait s'explique par celte loi générale, déjà mentionnée, que pour qu'une excita lion influence un centre nerveux et surtout pour qu'elle devienne consciente, il faut qu'elle ait une certaine durée. (Voir aussi sur ces questions le chapitre des Fonctions cérébrales de la Physiologie spéciale.) E. — ACTIONS NERVEUSES D'ARRET. Les nerfs paraissent agir dans certains cas, non comme excita- teurs, mais comm.e des freins. Ainsi fexcitation du pneumo- gastrique arrête les battements du cœur; une émotion morale profonde produit une cessation subite de la contraction des mus- cles du squelette (les bras m'en tombent); une impression brusque sur la peau peut amener un arrêt de respiralion, etc. Ces actions MTRITION. 321 d'arrêt s'observent aussi bien pour les sécrétions que pour les mouvements; les sécrétions du lait, de la salive en offrent des exemples remarquables. La discussion de cette question, très- obscure encore et très-controversée, sera faite dans une autre partie du livre. (Voir : Pneumogastrique et Physiologie des cen- tres nerveux.) Diblicgrnphic. — n. Pkociiaska : Opemm minor. anat. phjfs. et pathol. argiim. 18.»ii. — Li:gai.lo:s : Œiirres complèfet. — Cabanis : Rapports dit pht/sique et du moral. — JI AGEXUiE : Leçons sur Tes Jonctions et les maladies du. si/stèirie nerveux, IHH'.K — J. MuLLEii : Phys. du système nerveux; trad. par .Ioiiîdax. — Floikkxs : Rech. exp''r. sur les propriétés et les fonctions du sijst. nerveux, 1842. — Loxget : Anat. et Phifs. du sijst. nerveux, 1842. — FoviLLE : Traité complet de l'anat., de la phys. et de la pathologie du sysf. nerveux cérébro-spinal, 1814. — Volkm vxx : Article : Xervenphysiologie, dans Wagner's Hand'vœrterhuch. — Lotze : Medizi- nische Psychologie, l.s52. — Maksiiall-H kll : Aperçu du système spinal, lv>5. — Heidexiiaix : Physiologische Studien, 185tJ. — Lecket et CtRatiolet : Anat. comparée du système nerveux, Is3y-l.s57. — Cl. Bersakd : Leçons sur la physio- logie et la pathologie du système nerveux, 1>58. — Lcvs : Rech. sur le stistème nerveux c ri Oro-spinal, IsGô, et Etudes de phyf, et de pathol. cérébrales, 1S74. — C. ECKHAKi) : Experimentalphysiologie des Xervensystems , 18ti6. — Vulpiax : Leçons de physiologie générale et compan'-e dit système nerreu.x, 18t3ti. — A. Baix : les Sens et V Intelligence ; trad. par CazelltîS, 1874:. — Hekbbkt SpexCer : Prin- cipes de psychologie ; tTSid. par Kibot et Espixas, 1874. CHAPITRE TROISIEME. PHYSIOLOGIE GÉNÉRALE DE L'ORGAMSME. 1° NUTRITION. Le sang, ce milieu intérieur, comme l'appelle CI. Bernard, est le centre de tous les phénomènes de nutrition. En état de per- pétuelle instabilité, il reçoit continuellement des principes nou- ^eaux soit de l'extérieur, soit des tissus, et leur en restitue d'autres en échange, et malgré ces mutations incessantes, il y a un tel équilibre, une telle corrélation entre les entrées et les sorties, que sa composition se maintient au même état avec une constance remarquable. Il est essentiel, pour bien comprendre les phénomènes de la nutrition, de les analyser d'une façon rigoureuse et d'étudier à part et en lui-même chacun des actes intimes qui la constituent, et celte élude est d'autant plus néces- saire qu'elle est en général négligée dans la plupart des ouvrages classiques, malgré son importance pour la médecine. Les échanges entre le sang d'une part et les tissus et Texté- Beaunis, Phys. 2[ 322 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. rieur de l'autre portent sur des gaz, des liquides et des solides en dissolution, et pour que ces substances diverses puissent servir à ces échanges, il faut qu'elles soient susceptibles de tra- verser les membranes animales connectives et épithéliales et qu'elles satisfassent par conséquent à certaines conditions qui out été étudiées plus haut à propos de la physiologie de ces deux espèces de tissus. a, — Actes intimes de la nutrition. Si nous prenons d'abord les échanges entre le sang et l'exté- rieur, nous voyons que : 1» Le sang reçoit de l'extérieur (absorption) : De l'oxygène: nbsorptiojt respiratoire : Des substances dérivées des aliments et devenues assimilables par la digestion ; absorption digcstive : Des produits de sécrétion versés dans les cavités du corps en communication avec 'l'extérieur, comme la cavité digestive, et qui sont repris par le sang; absorption sécrétoire. 2" Le sang élimine et renvoie à l'extérieur {élimination) : De l'acide carbonique; exhalation respiratoire; De l'eau et des principes solubles éliminés définitivement; excrétion; De l'eau et des principes solubles destinés à être repris plus tard par le sang; sécrétion. Si nous prenons maintenant les échanges du sang et des tissus, nous voyons que : 1" Le sang fournit aux tissus (tr ans sudation interstitielle) : De l'oxygène ; exhalation gazeuse interstitielle ; Des matériaux solubles et de l'eau ; transsudation intersti- tielle. 2" Le sang reçoit des tissus {résorption) : De l'acide carbonique; résorption gazeuse interstitielle; Des principes de déchet solubles; résorption interstitielle. Le tableau suivant présente, d'une façon schématique, la série de ces différents actes et leur corrélation intime. On voit ainsi que leur ensemble constitue une sorte de 8 de chiffre dont le sang occupe le point de croisement et qu'il y a par conséquent une sorte de circulation croisée entre l'extérieur et les tissus, M'TRITION. 323 circulation dont le sang forme le centre ; cette circulation otFre deux courants sanguifuges, l'un vers l'extérieur, l'autre vers les tissus, et deux courants sanguipèles, l'un venant des tissus, l'autre de l'extérieur. îxtérieur. Absorption respiratoire. ibsorptiOD digeslire. Absorption sécrétoire. Eihalalion respiratoire. Eicrétion. Sécrétion. l\ / Sang. Résorption gazense. Résorption interstitielle. Eiiialation iulerstitielle. TranssuiJation interstitielle. Tissus. Ces quatre actes fondamentaux, comprenant dix actes secon- daires, sont les éléments essentiels de la nutrition. L'étude isolée de ces divers actes est donc nécessaire et doit précéder l'étude de la nutrition générale ; mais il y a là une très-grande difficulté. En effet, l'absorption gazeuse d'oxygène et l'élimination d'acide carbonique s'accomplissent par la môme membrane et par leur réunion constituent la fonction respiratoire, et quelle que soit leur indépendance, il est presque impossible de les isoler l'une de l'autre pour les étudier à part. Le même organe, le tube digestif, sert à l'absorption alimentaire, à la sécrétion, à l'excrétion, à l'absorption sécrétoire, etc., et les exemples de cette multiplicité de fonctionnements pourraient être multipliés. On peut cepen- dant, malgré ces difficultés, arriver, en les analysant, à des notions précises sur le mécanisme de ces actes intimes de la nutrition. A. — ABSORPTION. Pour arriver dans le sang, les substances venues de l'extérieur ont à traverser, quelles qu'elles soient: 1° une membrane épi- théliale, limite entre l'organisme et le milieu extérieur; 2° une membrane connective sous-jacente plus ou moins épaisse ; 3" la membrane des capillaires sanguins. Cependant il y a une réserve à faire sur ce dernier point. D'après les recherches modernes, il est très-probable que les capillaires baignent dans les lacunes lymphatiques du tissu connectif, de sorte que, dans ce cas, les substances venues de l'extérieur, après avoir traversé les deux 32i PHYSIOLOGIE DE L'KXDIVIDU. premières membranes, arriveraient dans les lacunes lymphati- ques et là pourraient suivre deux voies: ou bien être entraînées par la lymphe et passer dans le sang par les canaux lymphatiques sans avoir à Iraverser d'autre membrane {absorption lymphati- que)^ ou traverser immédiatement la membrane des capillaires sanguins pour arriver directement dans le sang sans passer par la circulation lymphatique {absorption sanguine appelée encore à tort absorption veineuse). Une fois introduite dans le sang, c'est-à-dire absorbée, la substance est entraînée par la circula- tion et transportée ainsi jusqu'aux diiïérents tissus. Il y a donc dans l'absorption deux stades qu'il ne faut pas confondre, un stade d'absorption proprement dite, in situ, et un stade do généralisation ou de transport par la circulation (précédé dans l'absorption lymphalique par un stade intermédiaire pendant lequel la substance parcourt les vaisseaux lymphatiques). Dans le premier stade, la substance reste localisée dans le point où l'absorption s'est faite; dans le second stade, elle imprègne tout l'organisme. 1° Stade d'absorption proprement dite. — On a vu plus haut que la substance doit traverser d'abord une membrane épilhé- liale et ensuite une membrane connective. La traversée de la membrane épilhéliale est celle qui présente, au point de vue physiologique, le plus grand intérêt et aussi la plus grande difliculté d'observation. Même pour les épithéliums simples et à plus forte raison pour les épilhéliums stratifiés, c'est un acte d'une très-grande complexité et dont le mécanisme nous échappe en grande partie. En elfet, supposons d'abord un épilhé- Fig. 70. — Êpilhélium simple et stratifié. lium pavimenteux A, comme dans la figure 70 ; la substance absorbée aura à traverser: 1° la face libre de la membrane cel- >-UTRITIO-\. 325 Julaire; 2" la cavité cellulaire ; 3° la face profonde de la mem- Lrane cellulaire ('). La traversée de la membrane d'enveloppe se fait d'après les mêmes lois que pour les membranes connectives ordinaires, mais il n'en est plus de même dans la cavité de la cellule où la substance se trouve en contact avec le protoplasma et le noyau cellulaires, qui, très-])robablement, en relardent la traversée, en admettant même que la substance, et le contraire arrive souvent, ne soit pas modifiée au passage. L'absorption deviendra en général encore plus diflicile et la possibilité de modifications plus grande, si, au lieu d'iin épithélium pavimen- teux, la substance doit traverser un épithélium cylindrique, B, et surtout un épithélium stratifié, G. Il y aura donc, dans la rapidité avec laquelle la substance traversera Tépithélium, des différences qui pourront tenir, soit à l'épaisseur de la couche épithéliale et au nombre des cellules à traverser, soit à la nature même de cet épithélium, et cette seconde condition nous échappe complè- tement. Une fois cet épithélium franchi, la substance n'a plus à traverser, pour arriver dans le sang, que des membranes connec- tives, membrane sous-épithéliale, membrane vasculaire, endo- thélium vasculaire, autrement dit, des tissus rattachés aux tissus connectifs et dans lesquels l'absorption paraît beaucoup plus simple que dans les épithéliums et semble suivre presque com- plètement les lois physiques. La nature même de la substance absorbée a aussi de l'infiuence sur la durée de ce stade de l'ab- sorption, et j'ai déjà mentionné plus haut la dilfèrence qui existe, à ce point de vue, entre les cristalloïdes et les colloïdes. En résumé, le premier stade de l'absorption s'étend depuis le moment de l'application de la substance absorbable jusqu'à son arrivée dans le sang, et la durée de ce stade, ou autrement dit la rapidité de l'absorption, varie suivant deux conditions princi- pales, les caractères de la surface absorbante et surtout de l'épi- thélium, la nature de. la substance absorbée. Plus la surface absorbable sera mince et pauvre en épitljélium, plus la substance sera diffusible, plus l'absorption sera rapide; plus elle sera lente dans les conditions contraires. (') L'accotement intime des cellules e'pithe'liales rend peu probable l'opi- nion que les substances absorbées passeraient clans les interstices des cel- lules au lieu d'en traverser la cavité. Il eu est peut-être autrement pour les endothéliums; dans ces derniers, en eU'et, un certain nombre d'histo- logistes admettent des ouvertures {slomates) situées entre les cellules endothéliaies et donnant accès dans les lacunes lymphatiques. 326 PHYSIOLOGIE DE L'IxNDIVIDU. 2° Stade de généralisation. — Ce stade débute an moment où la substance arrive dans le sang; elle devient alors partie inté- grante de ce liquide et est transportée avec lui dans toutes les régions de l'organisme. Elle a donc forcément la même vitesse que les molécules sanguines et met le même temps qu'elles à parcourir le circuit vasculaire, c'est-à-dire environ 23 secondes. (Voir: Circulation.) Donc, en moins de 23 secondes, une sub- stance arrivée dans le sang imprègne déjà tout l'organisme et a été offerte à tous les tissus et à tous les organes, et par conséquent la durée de ce stade dé généralisation est à peu près invariable et, comme on le voit, très-courte. Il en résulte que ce qu'on appelle rapidité de]r absorption se compose de deux facteurs, l'un constant, durant 23 secondes, c'est la généralisation de la substance dans l'organisme; l'autre, seul variable, c'est l'absorption proprement dUe. Tant que la substance en est encore au premier stade, l'abborption est locale et on peut encore l'arrêter et empêcher la pénétration de la sub- stance dans le sang; mais dès que la substance a pénétré dans le sang, l'absorption est générale et on ne pourrait l'arrêter qu'en arrêtant la circulation. Enfin, dans l'absorption par les lymphatiques, entre ces deux stades, d'absorption locale et d'absorption générale, vient se placer une période intermédiaire pendant laquelle la substance est transportée avec la lymphe, période dont la durée, égale à celle dune circulation lymphatique, ne peut encore être évaluée d'une façon précise. Mais le sang et la lymphe ne jouent pas seulement le rôle d'agents de transport dans l'absorption, ils ont encore une in- fluence indirecte sur l'absorption locale. En effet, à part la spé- cialité d'action toute vitale des épithéliums, l'absorption est régie par les lois physiques de la diffusion et de l'endosmose. Une cellule ou une membrane déjà imbibée d'un liquide ne pourra en recevoir une plus grande quantité si, préalablement, on ne lui a enlevé une partie de ce liquide, et, d'une façon générale, les tissus absorberont d'autant moins d'une substance qu'ils seront plus rapprochés de leur point de saturation pour cette substance. Aussi, dans le premier stade d'absorption locale, cette absorption serait vite arrêtée, la membrane arrivant à son point de satura- tion, si le sang ne débarrassait, au fur et à mesure, cette mem- brane de la substance absorbée, en la mettant dans des conditions M'TRITIO.t. 327 favorables pour en absorber successivement de nouvelles quan- tités. C'est à ce point de vue que le sang favorise et règle en quelque sorte l'absorption, et fait sentir son influence jusque sur l'absorption locale; mais son action n'est pas indispensable, et l'absorption peut se faire de proche en proche et transporter une substance jusque dans la profondeur de l'organisme sans que la circulation intervienne. Si on arrête la circulation sur une gre- nouille et qu'on plonge une de ses pattes dans une solution de strychnine, au bout de quelque temps on voit survenir des con- vulsions qui indiquent que le poison est arrivé jusqu'à la moelle épinière. Les conditions qui influencent l'absorption d'une façon géné- rale sont les suivantes : l"* La nature de la surface absorbante, c'est-à-dire son épais- ,seur, la forme et l'épaisseur de son épithélium, et en première ligne la spécialité d'action de cet épithélium. Une membrane très-mince, à épithélium pavimenteux, presque endothélial, comme la muqueuse pulmonaire, absorbera très-facilement, tandis que, pour la peau épaisse et couverte d'un épidémie stratifié, l'absorption sera beaucoup plus lente et, dans bien des cas, im- possible. Enfin quelques surfaces paraissent tout à fait réfrac- taires à l'absorption, au moins pour certaines substances; telle paraît être la muqueuse vésicale. 2° La nature de la substance à absorber. — Certaines sub- .stances, et surtout celles à fort équivalent endosmotiqne, comme les colloïdes, sont diflicilement absorbables; mais, même dans ce cas, elles peuvent devenir plus facilement absorbables dans des conditions déterminées. Ainsi l'albumine traverse plus facilement les membranes quand elle est en solution alcaline. La concentra- tion d'une solution favorise aussi l'absorption. En outre, si la substance est rapidement éliminée ou transformée par le sang, son absorption sera plus rapide. 3" Le sang agit sur l'absorption par sa quantité et par sa qua- lité. Plus il passe de sang par la surface absorbante dans l'unité de temps, plus l'absorption sera rapide, l'enlèvement de la sub- stance absorbante se faisant au fur et à mesure de l'absorption locale; tel est le cas des membranes très-riches en capillaires sanguins; la saignée, d'après Kaupp, au lieu de favoriser l'ab- sorption comme l'indiquent les expériences de Magendie, la 328 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. ralentirait au contraire en diminuant la masse du sang; celte assertion de Kaupp mériterait cependant d'être vérifiée. L'aug- mentation de la pression sanguine tend aussi à diminuer l'absorp- tion. La qualité du sang a encore une influence très-marquée. Les substances qui existent déjà dans ce liquide seront absorbées plus djlïicilement lorsqu'elles s'y trouveront en plus forte pro- portion ; ce sera l'inverse pour les substances qui n'y existent pas ou qui ne s'y trouvent qu'en proportion minime. 4" L'état de la lymphe agit sur. l'absorption de la même façon que l'état du sang. Les différents modes d'absorption seront étudiés plus loin, l'absorption d'oxygène avec la respiration, l'absorption digcslive et l'absorption sécrétoire avec la digestion. B. — ÉLIMINATION. L'élimination est l'acte corrélatif de l'absorption, et il est, en réalité, soumis aux mêmes lois et aux mêmes conditions. En effet, que de l'eau venue de l'extérieur, par exemple, soit absorbée et passe dans le sang, ou qu'elle soit éliminée du sang et versée à l'extérieur, elle n'en a pas moins les mêmes membranes à tra- verser; seulement elle le fait en sens inverse, mais cela ne change rien au mécanisme du passage. Ici, comme tout à l'heure, la na- ture de la membrane à traverser (membrane d'élimination), la nature de la substance, l'état du sang et de la lymphe, jouent le rôle essentiel. C'est cette élimination qui assure la constance de composition du sang. Aussi est-il très-difficile de faire varier artificiellement la composition du liquide sanguin et la proportion des principes qui le constituant, à moins d'empêcher la surface éliminatrice de fonctionner. Ainsi, après la ligature de la trachée, l'acide carbo- nique s'accumulera dans le sang, les voies supplémentaires de l'exhalation carbonique, comme la peau, ne pouvant remplacer l'exhalation pulmonaire; l'ablation des reins a la même action par rapport à l'urée. 11 semble y avoir, pour chaque substance introduite ou préexistante dans le sang, une dose maximum au delà de laquelle l'excès de la substance est immédiatement éliminé; ainsi quand la quantité de giycose dans le sang dépasse 0,4 p. 100, elle apparaît dans les urines. (Ci. Bernard.) .MTUITIO.X. 3vîy Les obstacles que roiiminalioii met aux changements de com- position du sang se montrent Lieu dans Jes expériences dans les- quelles les animaux sont soumis aune alimentation très-acide: le sang n'en reste pas moins alcalin avec une remarquable lixilé. (Fr. Hotï'mann.) L'exhalation gazeuse d'acide carbonique sera étudiée avec la respiration. L'excrétion et la sécrétion ont été étudiées à propos de la phy- siologie de l'épilhélium. C. — TRAXSSUDATIOX ET EXHALATION INTERSTITIELLES. Pendant son passage au travers des tissus et des organes. le sang abandonne à leurs éléments un certain nombre de prin- cipes; ces principes sont de deux ordres, en premier lieu de l'oxygène, en second lieu des matériaux de renouvellement des- tinés à réparer les pertes faites par ces tissus. Là. comme pour les échanges entre le sang et l'extérieur, la lymphe paraît être l'intermédiaire obligé entre le sang et les tissus; ces principes passent avec la lymphe à travers la membrane des capillaires, et c'est dans cette lymphe que les tissus prennent à leur tour l'oxy- gène et les matériaux nécessaires à leur activité vitale. Ces maté- riaux varieront naturellement suivant les besoins de chaque tissu; rojf're est la même, la demande diffère. Ce processus intime se compose de deux .actes secondaires : 1" Je passage même des substances depuis le sang jusqu'aux tissus; 2° le choix fait par chaque tissu dans le liquide qui lui est offert. Le premier acte est presque complètement physique : en effet, il n'y a pas là dépithélium interposé entre le sang et le tissu; il n'y a guère que des membranes connectives et l'endo- thélium vasculaire; aussi ce passage doit-il être très-rapide et pour ainsi dire instantané. On comprend alors pourquoi, dans l'absorption des substances médicamenteuses et toxiques, une fois la substance généralisée et transportée par le sang dans tout l'organisme, cette substance entre immédiatement en contact avec les tissus et exerce sur eux son action. Ce premier acte est sous la dépendance directe de la pression sanguine et se confond, en réalité, avec la formation même de la lymphe. (Voir : Lymphe.) Le second acte, au contraire, est un acte vital, physiologique- 330 PHYSIOLOGIE DE L'L\DIVIDU. Chaque tissu choisit ce qui lui convient dans la lymphe qui l'entoure. Malheureusement nous connaissons fort peu le méca- nisme intime de cet acte; nous ignorons presque complètement quelles substances prend un tissu donné, sous quelle forme, en quelle quantité, sous quelles conditions; et nous n'avons de données un peu positives que pour l'oxygène; ainsi on sait qu'un muscle en état d'activité emploie plus d'oxygène qu'à l'état de repos; mais pour tous les autres principes, nous sorhmes dans une ignorance absolue. On a beaucoup discuté la question de aavoir si l'oxygène tra- versait les parois des capillaires pour arriver jusqu'au contact des tissus, ou si les substances réductrices des tissus allaient trouver l'oxygène dans le sang pour se combiner avec lui. Il est probable que des oxydations se font dans l'intérieur, môme des vaisseaux, mais il paraît à peu près certain que la plus grande partie se fait en dehors des capillaires et dans l'intimité des tissus. On a vu déjà que le sang sorti des vaisseaux perd très-peu d'oxygène; il en est de même si on ajoute au sang des substances très-oxy- dables, comme de la glycose ou de l'urate de soude. (F. Hoppe.) D'un autre côté, le sang perd, au contraire, très-vite son oxygène si on l'injecte à travers les capillaires d'un organe pris sur un animal qu'on vient de tuer (reins, poumons; Ludwig), ou si on le met en contact avec de la levure de bière par l'intermédiaire d'une membrane animale (P. Schutzenberger). Sous quelle in- fluence maintenant l'oxygène est-il ainsi enlevé à l'hémoglo- bine, lorsque dans nos laboratoires il faut, pour le dégager de sa combinaison d'oxyhémoglobine, une diminution de pression assez considérable? (Voir : Extraction des gaz du sang.) Il y a là une action qui n'est pas encore expliquée. Ce qui prouve la rapidité de ces phénomènes de transsudation nutritive, c'est que les molécules sanguines ne mettent guère qu'une seconde pour traverser les capillaires d'un organe, c'est- à-dire pour passer des artérioles dans les petites veines, et que les actes précédents doivent s'accomplir pendant ce court espace de temps. D. — RÉSORPTION INTE'RSTITIELLE, La résorption interstitielle marche de pair avec la transsuda- tion interstitielle. A mesure que le sang fournit aux tissus de >-UTRITIO>'. 331 l'oxygène et des matériaux de nutrition, les tissus rendent au sang de lacide carbonique et des matériaux de déchet; la résorp- tion représente donc la contre-partie de la transsudation, et les mêmes remarques leur sont applicables à toutes deux. Seulement, nous sommes peut-être un peu plus avancés sur cet acte que sur l'acte de transsudation. Si nous ignorons presque complètement quels sont les matériaux fournis par le sang aux tissus, nous connaissons un peu mieux quels sont les produits, les déchets que les tissus fournissent au sang; on sait aujourd'hui, pour un certain nombre de tissus au moins, quels sont leurs pro- duits de désassimilation, ^t la chimie physiologique fait tous les jours de réels progrès sous ce rapport. La même question qui a été agitée tout à l'heure se retrouve aussi pour la résorption, à savoir : celle du heu de formation de l'acide carbonique et s'il faut le placer dans le sang même ou dans les organes. C'est à l'ensemble de ces deux actes, extraction de l'oxygène du sang, restitution d'acide carbonique au sang, qu'on a donné le nom de respiration interne ou respiration des tissus. Les tissus respirent comme le sang lui-même; ils absor- bent de l'oxygène et éliminent de l'acide carbonique: seulement le sang est leur milieu respiratoire comme l'air atmosphérique est le milieu respiratoire du sang, et la respiration des tissus est une véritable respiration aquatique. Les organes et les tissus dépourvus de vaisseaux n'en sont pas moins sous la dépendance du sang pour leur nutrition; seulement cette dépendance est moins immédiate; le cartilage, par exemple, reçoit ses matériaux de nutrition, de proche en proche, du tissu vasculaire osseux sous-jacent, et ses matériaux de déchet s'éli- minent de la même façon; mais sa vitalité est très-inférieure; aussi quand il a à développer une vitalité plus intense, comme au moment de l'ossification, se creuse-t-il des canaux qui en font, pour une certaine période, un organe vasculaire. Les tissus épithéliaux. dont la vitalité est si active, et qui sont cependant dépourvus de vaisseaux, paraissent au premier abord en désaccord avec cette loi générale de la relation entre la vas- cularité et l'activité d'un tissu. Mais la contradiction n'est qu'ap- parente. Les surfaces sous-épithéliales sont en général très-vas- culaires et les cellules de l'épithéhum simple ou les cellules profondes de l'épilhélium stratifié sont en rapport aussi immédiat 332 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. avec les cainllaires sous-jaccnts qu'une fibre musculaire ou une cellule nerveuse avec les capillaires qui l'entourent. En outre, ces cellules épithéliales ont une aclivité vitale très-énergique, et si elles opposent une barrière ou un relard au passage des sub- stances indifférentes ou nuisibles, elles s'emparent avec une très- grande rapidité des substances qui peuvent servir à leur nutrition, à leur accroissement et à leur multiplication. On a vu plus haut que les déchets des épithéliums étaient éli- minés à l'extérieur sans être versés dans le sang; il faudra donc ajouter aux dix actes intimes de la nutrition énumérés plus haut, un onzième acte qui, lui. ne se fait plus par l'intermédiaire du sang, c'est Ycliriunation ou la mue épithéliale. b. — Phénomènes généraux de la nutrition. Les phénomènes généraux de la nutrition sont au nombre de deux, l'assimilation et la désassimilation, auxquels se rattachent l'accroissement et la répénéralion des tissus. A. — ASSIMILATIOX. L'assimilation est destinée, soit à réparer les portes des tissus, soit à l'accroissement de ces tissus ou à leur régénération. Elle a pour condition l'apport de matériaux de nutrition venant de l'extérieur et qui, après avoir passé dans le sang (absorption digestive), arrivent aux tissus (transsudation interstitielle) qui les emploient et les mettent en œuvre. Ces matériaux de nutrition peuvent se diviser en deux classes, et cette division présente la plus grande importance au point de vue physiologique : 1° Les uns, ce sont les plus importants et les plus nombreux, entrent dans la constitution même du tissu el font partie intégrante de sa substance, de telle façon que sans eux le tissu ne pourrait exister; tels sont les albuminoïdes, certaines substances minérales, etc.; on peut les appeler principes consti- tuants. 2° Les autres, principes auxiliaires, ne font qu'imprégner le suc intra- ou extra-cellulaire sans entrer dans la constitution même de la cellule; telle est probablement une partie de la gly- •cose et peut-être de la. graisse introduite par l'alimentation; ces principes traversent, sans s'y fixer, les éléments et les tissus, et y ■ .NUTRITION. 333 subissent au passage des modificalions (oxydations) qui servent à favoriser le fonctionnement de lï'lémentou du tissu d'une manière encore indéterminée. Ainsi il est très-proJjable qu'une partie de la chaleur produite dans le muscle doit être rapportée à l'oxy- dation de substances hydrocarbonées appoitées au muscle par le sang, mais qui ne participent pas à la composition de la fibre musculaire même. 1° Assimilation des principes consntuants. — Cette assimila- tion comprend trois actes ou trois stades; soit, par exemple, pour fixer les idées, l'assimilation d'une substance albuminoïde par une fibre musculaire. Dans un premier stade, stade de fixation, la fibre musculaire s'empare de l'albumine qui lui est offerte par le sang et la lymphe à l'état d'albumine du sérum; mais, à cet état, l'albumine ne peut entrer dans la constitution de la fibre, il faut qu'elle soit transformée, stade de transformation; elle devient alors de la myosine, mais elle a encore une étape à fran- chir pour devenir partie intégrante de la fibre musculaire: c'est le stade d'intégration ou de vivification; elle n'était jusqu'ici que substance organique, elle devient organisée, vivante, elle devient substance contractile. Comment se produisent ces trois actes, quels en sont les agents, sous quelles conditions s'accom- plissent-ils? Nous sommes là-dessus dans l'ignorance la plus absolue, et nous touchons là, en cifct, aux phénomènes les plus intimes de la vie. .2'^ \J assimilation des principes auxiliaires est beaucoup moins complexe, ou plutôt il n'y a pas là assimilation véritable; mais le phénomène n'en est pas moins obscur. Cet apport de maté- riaux oxydables est le même pour tous les tissus et les organes, puisque le sang a une composition uniforme, et cependant ces matériaux ne paraissent être utilisés que dans certains organes, et plus dans les uns que dans les autres, sans que nous sachions, dans ces cas, la part qui revient à chaque élément anatomique. B. — désassimil\tio\. La désassimilation est liée presque toujours à une oxydation, et par conséquent le premier acte de toute désassimilation sera la mise en liberté de l'oxygène de l'hémoglobine. Cet oxygène une fois libre se porte soit sur les principes constituants des tissus, soit sur les principes auxiliaires dont il a été parlé plus haut, et 334 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. donne naissance à toute la série déjà étudiée des produits de désassimilation. Il y a donc dans la désassimilation deux choses, l'usure même des tissus et l'usure des matériaux oxydables du sang. Malheureusement, la part faite à ces deux actes pour un organe donné ne peut être évaluée exactement, et on verra plus loin que, pour les muscles par exemple, tantôt on a cru que la désassimilation portait sur le tissu musculaire seul, tantôt sur des principes oxydables auxiliaires, à l'exclusion du tissu musculaire. Il est plus que probable que les deux modes interviennent et même que la part prise dans la désassimilation par les principes auxiliaires est la plus considérable; dans ce cas, l'usure des tissus ne se produirait d'une façon notable que lorsque les principes auxiliaires fournis par le sang seraient en quantité trop faible. La désassimilation est liée à la production de force vive (cha- leur, mouvement, etc.), et elle en est la condition indispensable. Aussi, quand cette production de forces vives est exagérée (travail excessif, chaleur fébrile, etc.), la consommation des principes auxiliaires ne suffisant pas pour compléter la somme de forces vives exigée, les principes constituants du tissu doivent fournir en s'oxydant ce complément de forces vives nécessaires. Soit un muscle, par exemple, qui, à l'état de contraction normale, fournisse un travail mécanique représenté par 10; sur ce chiffre, 2 sont produits, je suppose, par l'usure de la substance musculaire même et 8 par celle des principes auxiUaires: mais si le travail monte à 20 et que les produits auxiliaires apportés par le sang ne puissent fournir que 13 du travail demandé, les 7 restants devront être fournis par la substance musculaire elle-même qui constitue une réserve oxydable, sinon inépuisable, au moins plus abondante que les substances auxiliaires dont l'apport est limité, et cette usure du muscle n'aurait pour limites que la destruction même de l'organe si la fatigue (production d'acide lactique) n'intervenait pas pour arrêter les contractions en abo- lissant l'irritabilité musculaire. G. — ACCROISSE.MEXT. A l'état normal et sur un orgailisme qui a terminé sa crois- sance, la désassimilation et l'assimilation marchent de pair; au fur et à mesure que l'usure d'un tissu prive ce tissu de ses principes M'TRITIO-N. 335 constituants, la réparation se fait et l'organisme assimile de nou- veaux principes en échange de ceux qu'il a perdus. Dans ce cas, à moins de conditions particulières, il y a égalité entre les prin- cipes perdus et les principes assimilés; l'organisme ne gagne ni ne perd, il reste dans le statu quo: l'équilibre existe entre les entrées et les sorties. Mais cet équilibre n'existe pas toujours, et même on peut dire qu'il n'est vrai que théoriquement, et que la plus faible cause sullit pour le rompre. Dans ce cas, s'il y a excès des entrées sur les sorties, de l'assimilation sur la désassimilation, l'organisme s'accroît; il décroît dans les conditions contraires. A proprement parler, l'accroissement n'est qu'une augmentation de masse. Mais un tissu ou un organe peuvent augmenter de masse de deux façons : 1° par l'augmentation de volume des éléments déjà existants; 2° par l'adjonction aux éléments préexis- tants d'éléments nouveaux, autrement dit. par formation ou mul- tiplication cellulaire. Le premier mode, augmentation de volume des éléments déjà existants, est en général très-limité; les élé- ments anatomiques ont à peu près le même volume chez des animaux de taille très-différente, et on trouvera les mêmes dimen- sions, par exemple, pour la fibre musculaire d'un animal micro- scopique que pour celle d'une baleine; cependant, pour un orga- nisme donné, la santé et la vitalité d'un élément anatomique se traduisent par une plénitude, par une sorte de turgor due à la tension cellulaire, et en somme par une véritable hypertrophie. Mais habituellement l'accroissement s'accompagne de la produc- tion d'éléments nouveaux, d'une prolifération cellulaire. Quel que soit le mode de production des cellules nouvelles, ces cellules viennent se juxtaposer aux cellules anciennes et, suivant le mode de juxtaposition, donnent lieu aux divers genres d'accroissement organique. Tantôt l'accroissement est disséminé, c'est-à-dire que les cellules nouvellement formées se produisent dans toute la masse et dans tous les sens, de façon que l'organe augmente de volume suivant ses trois dimensions; tel paraît être le cas des organes massifs, comme le foie, le cerveau, etc. Tantôt l'accroissement se fait en surface, comme dans les membranes épithéliales par exemple; tantôt enfin, comme dans les tubes nerveux de l'enfant, qui augmentent de longueur à mesure que la taille s'élève, l'ac- croissement est linéaire et se fait suivant une seule dimension. L'activité favorise l'accroissement; un muscle devient plus volu- l 336 PHYSIOLOGIE DE I/KNDIVIDU. mineiix par Texercice. Il semble qu'il y ait là une conlradictioii avec cet autre fait de l'usure des tissus par l'activité exagérée; mais il faut remarquer que celte usure ne s'observe avec inten- sité que quand l'activité est poussée jusqu'à la fatigue. Dans l'exercice modéré, l'afflux sanguin augmente (par des causes encore inconnues), et comme l'apport de substances auxiliaires oxydables sufflt pour la contraction, le tissu même n'a pas d'usure notable à subir et trouve au contraire, dans l'excès de sang qui lui arrive, un excès de matériaux nutritifs et de principes consti- tuants, autrement dit, une plus riche alimentation; il est dans le cas d'un individu qui se nourrit plus qu'il n'est besoin pour la somme d'exercice qu'il fait et qui, par conséquent, engraisse. L'accroissement est surtout actif pendant toute la première période de la vie, depuis l'origine de l'embryon jusqu'à l'âge adulte, où un statu qvo, un équilibre relatif s'établit entre les entrées et les sorties. Alors l'accroissement s'arrête, puis, au bout d'un certain temps, variable pour chaque espèce, une période inverse commence, période de rétrogradation, dans laquelle les sorties sont en excès sur les entrées. Les causes de cet arrêt de l'accroissement à un moment donné, déterminé pour chaque espèce, sont assez obscures et sont pro- bablement de nature complexe. Pour comprendre ces causes, il faut bien se rendre compte des conditions de l'accroissement. Cet accroissement résulte d'un excès de l'assimilation sur la désassimilation, de la réparation sur l'usure des tissus, de l'alimentation sur l'excrétion, des entrées sur les sorties. Ceci donné, les causes de l'arrêt d'accroissement sont au nombre de quatre principales : 1° Chaque organisme, en venant au monde, apporte un capital vital différent, comme un marchand commence son commerce, l'un avec de petits, l'autre avec de grands capitaux. Mais cette comparaison, due à Herbert Spencer, n'exprime pas complète- ment le fait physiologique, et il faut y ajouter un éclaircissement. On verra plus loin (voir: Reproduction) que le nombre de géné- rations successives que peut fournir un organisme est limité, qu'au bout d'un certain temps, au bout d'un certain nombre de générations, les organismes formés ont perdu le pouvoir de donner naissance à de nouveaux organismes semblables à eux, à moins que des conditions nouvelles n'interviennent. Ce qui existe pour les organismes pris dans leur ensemble existe aussi .\UTRITIOX. 337 probablement pour les éléments de ces organismes ; une cellule peut fournir une série de générations cellulaires successives, mais pas indéfiniment; et il semble que le mouvement formateur initial, après s'être transmis de génération en génération,'finisse par s'anéantir et disparaître, la fertilité diminuant peu à peu pour faire place à la stérilité des derniers éléments qui terminent le cycle cellulaire. Évidemment ceci ne nous explique pas le fait en lui-même; mais c'est déjà quelque chose que de rattacher l'évolution des éléments et des tissus à l'évolution générale des organismes, et n'est-ce pas simplifier que de n'avoir plus qu'un problème à résoudre au lieu de deux? On a vu plus haut que l'accroissement consiste surtout en une multiplication des élé- ments, c'est-à-dire en une formation d'éléments nouveaux; si les éléments primordiaux des organes ou de l'organisme n'ont qu'une ])uissance formatrice limitée, et ne peuvent fournir qu'un certain nombre de générations successives , il arrivera forcément un instant où, ces générations étant épuisées, l'organisme et l'organe s'arrêteront dans leur évolution progressive. 2° L'assimilation et la désassimilation ne peuvent se faire que par des échanges incessants entre le sang et les tissus. Ces échanges ont pour condition la traversée des membranes vivantes (membranes de cellules et membranes connectives) par le plasma sanguin et lymphatique. Ce plasma n'est autre chose qu'une solution d'albuminoïdes et de sels minéraux; cette solution tra- verse ces membranes comme l'eau traverse un filtre poreux; or, de même qu'un filtre s'incruste peu à peu des substances dis- soutes dans l'eau et finit par ne plus pouvoir être utilisé parce que ses pores se rétrécissent et se bouchent, de môme les mem- branes organiques semblent pouvoir aussi s'incruster à la longue de substances minérales, et surtout de sels calcaires; la substance vivante se minéralisé peu à peu. Cette minéralisation, cette in- crustation produit deux résultais, l'un purement physique, l'autre chimico-vital. Les membranes deviennent d'abord moins per- méables à l'eau, ce qu'indique la moindre proportion d'eau des tissus à mesure qu'on avance en âge, et comme l'eau est l'agent essentiel de la nutrition et surtout de la réparation organique, cette réparation est insuffisante et ne compense plus l'usure des organes qui se mettent à décroître et à s'atrophier. La désas- similation, il est vrai, est bien entravée aussi par cette 'dimi- nution de perméabihté, mais pas dans la même proportion ; en Beaunis, Phvs. ,22 I 338 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. effet, une partie des pertes se fait par desquammation épilliéliale (chute des couches cornées de Tépiderme, chute des poils, pro- duction de matière sébacée, etc.).; il y a donc diminution des deux f rocessus de la nutrition, mais la diminution de l'assiùii- lation est proportionnellement plus considérable. En outre, la substance organique, en se minérahsant, perd de son instabilité, instabilité qui, comme on l'a vu dans les Prolégomènes, est une des conditions essentielles des échanges nutritifs ; elle devient plus lixe et cette fixité diminue les phénomènes de nutrition. Or, toute diminution dans ces phénomènes portera plutôt sur l'assi- milation que sur la désassimilation ; l'oxydation sera toujours plus énergique que la réparation : dans l'organisme vivant comme ailleurs, il est plus facile de détruire que de fonder. Une remarque à faire à ce propos, c'est que cette minéralisation s'accuse surtout chez les tissus dépourvus de vaisseaux, comme les cartilages, le tissu corné, qui ne reçoivent leurs matériaux de nutrition que de seconde main. Les cartilages s'incrustent de sels calcaires avec l'âge, et les cheveux blancs contiennent une plus forte proportion de chaux que les cheveux d'une autre couleur. 3° L'msuiïisance de la réparation par l'impossibilité de dépas- ser un certain maximum d'ahmentation a déjà été indiquée, page 21. On a vu que, tandis que la masse de l'organisme (et par suite l'usure) croît comme le cube, la réparation ne croît que comme le carré. En effet, la surface d'introduction des aliments (estomac et intestin grêle) ne croît pas dans le même rapport que la masse môme du corps. Chez l'enfant de trois ans, le poids de l'intestin grêle est au poids du corps :: 16 : 1000; chez l'a- dulte, il n'est que :: 10 : 1000; chez ce dernier, le poids du corps est devenu six fois plus fort : le poids de l'intestin grêle n'a fait que tripler. En comparant les surfaces intestinales au lieu des poids, on arriverait aux mêmes résultats. 4° Enfin, l'augmentation de l'usure des tissus à mesure que le corps s'accroît est la quatrième cause d'arrêt de l'accroissement. En effet, la masse à mouvoir dans les mouvements de locomotion est constituée par des organes ^muscles, os, viscères) qui s'ac- croissent suivant leurs trois dimensions ; les agents du mouve- ment, les muscles, s'accroissent aussi suivant les trois dimensions, c'est-à-dire en longueur et en épaisseur: mais l'augmentation en longueur n'a aucune action sur l'énergie du mouvement ; le tra- ^'UTRITIO.X. 339 vail mécanique se mesure par la surface de section du muscle. Par conséquent, quand la masse de l'organisme (et par suite la résistance à mouvoir) est devenue huit lois plus considérable, la force musculaire n'a fait que quadrupler ; la première a crû comme le cube, la seconde comme le carré; il en résulte que, pour vaincre cette résistance huit fois plus forte, les muscles seront obligés de déployer une intensité double de contraction en fournissant une double dépense de matériaux oxydables. A mesure que le poids du corps augmente, l'usure augmente aussi, mais dans une proportion beaucoup plus forte; et à un moment donné, la réparation ne suffit plus pour compenser la désassimilation. D. — DÉVELOPPEMEXT. L'accroissement ne porte que sur la masse, le développement porte sur la forme même et la nature des éléments. Quand un organe ou quand un organisme s'accroît, c'est que sa masse augmente par la formation d'éléments nouveaux semblables aux éléments déjà existants; quand il se développe, les éléments nou- veaux ne ressemblent pas aux éléments préexistants ; il y a en même temps formation et différentiation cellulaires. C'est ainsi que tous les éléments du corps proviennent des globules de segmen- tation du vitellus; l'organisme, homogène au début, devient hétérogène et complexe ; la différentiation morphologique, qui ne porte d'abord que sur les éléments, atteint peu à peu les tissus et les organes et imprime à chacun d'eux ses caractères de com- position, de structure et de forme. Le développement n'est donc qu'un mode perfectionné de l'accroissement et de la multiplication cellulaires, une déviation de l'ordre naturel qui voudrait que les éléments nouvellement formés ressemblassent aux éléments qui leur ont donné nais- sance. Quelle est la cause de cette déviation ? Sans entrer dans des développements qui seront donnés plus loin, on peut sup- poser que la plus grande part en revient à l'influence des milieux extérieurs et aux modifications que l'organisme subit pour s'a- dapter à ces influences. Ces influences, se répétant incessamment sur des séries de générations successives, ont amené peu à peu des modifications persistantes héréditaires, telles que celles que 340 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. nous observons actuellement , et ces modifications , une fois acquises , peuvent même avoir un remarquable caractère de fixité. E. — RÉGÉIVÉRATION. La régénération n'est qu'un cas particulier de l'accroissement. Seulement, l'accroissement succède à l'ablation d'une partie de l'organisme et se localise en un point pour remplacer la partie enlevée. A l'état normal, cette génération est continuelle pour certains éléments, cellules épithéliales, globules sanguins, etc., et elle n'est qu'une des formes de la nutrition. Mais cette régénéra- tion peut encore se faire même pour des éléments chez lesquels, à l'état normal, le renouvellement est moléculaire et non total; telles seront, par exemple, une fibre musculaire ou une fibre nerveuse. La régénér-ation n'est pas limitée à la reproduction de cellules ou d'éléments anatomiques simples; elle peut être portée plus loin et aboutir à la reproduction d'organes et de membres entiers, être identique par conséquent aux phénomènes de déve- loppement de l'organisme, comme dans la vie embryonnaire. Chez les animaux inférieurs, cette puissance réparatrice est con- sidérable : un fragment d'hydre reproduit un animal complet ; il en est de même chez certains vertébrés inférieurs, et tout le monde connaît les faits de reproduction d'un membre, de la queue, d'un œil, chez les salamandres aquatiques (triton). Pour l'homme même, des faits semblables ont été observés chez le fœtus ; Simpson a vu plusieurs cas de reproduction incomplète d'un membre à la suite d'amputation spontanée, et, chez l'enfant, on a constaté la reproduction d'un doigt surnuméraire après son ablation. Chez l'adulte, la puissance régénératrice est bien plus limitée, mais elle est encore assez prononcée, comme le prou- vent les recherches des chirurgiens et en particulier les expé- riences d'Ollier sur la régénération périostiquo des os. On peut dire, en somme, que toute la science chirurgicale est basée sur cette puissance réparatrice de l'organisme. A la régénération peuvent être rattachés les phénomènes de transplantation organique. Quand une cellule est détachée de l'organisme auquel elle appartenait, elle n'en continue pas moins de vivre pendant quelque temps, et, dans certains cas NUTRITION. 341 même, elle peut se multiplier et conserver toutes ses propriétés. Si, à cet état, oq la place, dans des conditions convenables, en contact avec un organisme, elle continuera à vivre sur cet orga- nisme dont elle fera désormais partie intégrante, elle sera greffée sur lui comme un bourgeon se greffe sur une plante. Cette per- sistance de la vie après la séparation se montre non-seulement sur des éléments simples, mais sur des lambeaux de tissus et sur des organes ; ainsi Yulpian a vu des queues de têtard, déta- chées de l'animal, continuer à se développer pendaft plusieurs jours : on conçoit qu'il sera possible alors de transplanter d'un organisme à l'autre des parties ou des organes détachés du premier ; ces expériences de greffe animale , d'abord simples expériences de curiosité, puis étudiées scientifiquement :P. Bertj, ont trouvé bientôt leur application en chirurgie igreffes cutanées et épidermiques pour la cicatrisation des plaies, transplantations périostiques, essais de transplantation de la cornée, etc.). Ces faits de greffe animale ont leur analogue dans un fait physiolo- gique, la greffe de l'ovule sur la muqueuse utérine dans les premiers temps de la période embryonnaire. F. — RÉSERVE ORGANIfjUE. La réparation alimentaire n'est pas continue ; même chez les espèces dont l'estomac est toujours plein et qui mangent presque continuellement, il y a toujours des temps d'arrêt dans l'arrivée dans le sang des matériaux assimilables. 11 y a de même des variations continuelles dans la désassimilation, et, par suite, dans le besoin de réparation : de là la nécessité d'une reserve orga- nique. De même que les matériaux plastiques de la plante, for- més dans les feuilles, vont s'emmagasiner dans certains organes, graines, tubercules, etc., jusqu'au moment où ils seront utilisés pour la germination, de même chez l'animal, quoique d'une façon moins régulière, les matériaux nutritifs s'accumulent aussi et s'emmagasinent dans certaines parties de l'organisme. Dans quelles parties, dans quels organes se fait cette reserve organique pour les différents groupes de substances assimilables ? On ne le sait jusqu'ici d'une façon certaine que pour les graisses; le tissu connéctif est l'endroit dans lequel s'accumulent les graisses 3i-2 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. introduites en excès par l'alimentation (tissu cellulaire sous- cutané, tissu cellulaire interstitiel, épiploons, etc.). Pour les hydrocarbonés et les albuminoïdes, on est beaucoup moins avancé. Cependant il me paraît que les données actuelles de la physiologie permettent d'en préciser le siège dune façon presque certaine. L'amidon et les Ijydrocarbonés s'emmagasinent chez l'adulte dans le foie, dont les cellules contiennent toujours (le la substance glycogène, et qui retient au passage, en les transformait, une partie des substances hydrocarbonées de l'ali- mentation. Les albuminoïdes s'emmagasinent dans les organes lymphoïdes (rate et ganglions lymphatiques) ; tous ces organes sont en effet Irès-riches en substances azotées; ils jouent tous un rôle essentiel clans la formation des tissus, comme le prouve leur développement chez le fœtus et dans l'enfance; enfin ils sont le siège principal, sinon unique, de la production des globules blancs dont le rôle formateur est hors de cloute. Aussi, dans l'inanition, ces organes siibissent-ils une perte de poids qui approche de celle de la graisse, comme le prouvent les chiffres suivants de Chossat : Perte de poids pour 1,000. Graisse 0,933 Raie 0.714 Pancréas 0,641 > Foie 0,520 On ne voit pas, en effet, pourquoi la graisse seule de l'alimen- tation aurait la propriété de s'accumuler ainsi dans l'organisme, an détriment des autres substances, et pourquoi l'excès de ces dernières ne s'emmagasinerait pas aussi dans certains organes. 11 est vrai cfu'une partie de la graisse du corps semble provenir du dédoublement des albuminoïdes et d'une transformation des hy- drocarbonés; mais tout l'excès de ces substances n'est pas uti- lisé de cette façon, et ce qui reste après l'utilisation immédiate ou la transformation graisseuse doit être mis en réserve quelque part. La réserve organique comprendra donc: — La réserve graisseuse ayant pour siège le tissu connectif ; — La réserve amylacée, dont le siège est dans le foie chez l'ndulte, dans d'autres organes et tissas chez le fœtus (voir : Xulrition du fœtus) ; r GÉNÉRATION ET REPRODUCTION. 343 — La réserve albuminoïde, dont le siège est dans les organes lymphoïdes. 2" GÉNÉRATION ET REPRODUCTION. Les organismes vivants peuvent se reproduire, c'est-à-dire qu'ils donnent naissance à des ôtros nouveaux plus ou moins semblables à l'organisme générateur. La reproduction est sexuelle, quand il y a intervention de deux éléments distincts, mâle et femelle, asexuelle quand le concours de deux sexes n'est pas nécessaire pour la formation du nouvel être. Enfin, quelques physiologistes admettent aussi que des organismes inférieurs peuvent se produire sans germes ou parents antérieurs ; c'est la génération dite spontanée. A. — GÉNÉRATION SPONTANÉE. La génération spontanée {génération équivoque, hétérogénie, ahiogénèse, etc.) a donné lieu et donne encore lieu aux plus ardentes discussions. La question de savoir si les premiers êtres vivants doivent leur apparition à la génération spontanée sera étudiée à propos de l'origine des espèces. Ici, la seule question à examiner est celle d.e savoir si, actuellement, des êtres vivants peuvent naître sans germes ou parents antérieurs. Cette possi- bilité doit être écartée immédiatement pour la plupart des orga- nismes, et les expériences de F. Redi (1638), Yallisnieri, Swam- merdam, Réaumur, ont relégué depuis longtemps au rang des fables la génération spontanée des vers et des insectes admise par l'antiquité et le moyen âge. La question ne peut plus être soulevée aujourd'hui que pour les organismes tout à fait infé- rieurs, et c'est dans ce sens qu'elle a été reprise dans ces derniers temps par Pouchet et Joly, et plus récemment par II.-L. Smilh et G. Bastian en Angleterre, et par Huizinga en Allemagne. Lu fait capital domine toute la question de l'hétérogénie, fait démontré d'une façon incontestable par Spallanzani et surtout par Pasteur, c'est que l'air et l'eau sont le véhicule d'une infinité de germes microscopiques qui, placés dans des conditions con- venables, se développent en donnant naissance à d'innombrables organismes. Ces poussières atmosphériques se déposent sur tous 344 PHYSIOLOGIE DE L'INDIVIDU. les objets; il est facile de les recueillir en filtrant l'air avec du coton ou de l'amiante, et on peut à volonté, en semant ces ger- mes ainsi recueillis, déterminer l'apparition d'ôlres vivants. De là cette conséquence que pour pouvoir tirer des conclusions des expériences de génération spontanée , il faut empêcher ces germes d'arriver au milieu dans lequel les organismes doivent naître spontanément. Le meilleur moyen de détruire ces germes est la chaleur; mais il faut que cette chaleur soit portée très- haut et des expériences nombreuses ont montré que la tempéra- ture de l'ébullltion ne suflit pas toujours pour détruire ces germes et qu'il en est qui résistent, surtout après dessiccation, à des tem- pératures de 110, 120 et HO degrés. Or, la plupart des substances organiques éprouvent déjà à 100 degrés des altérations qui peu- vent modiher considérablement leur composition intime et par conséquent les rendre impropres à la formation d'organismes vivants. Il y a donc là, dans l'expérimentation, une sorte de dilemme dont il est à peu près impossible de sortir et qui expli- que pourquoi, malgré toutes les recherches, la question reste toujours ouverte. Sans entrer dans les détails de la discussion pour laquelle je renvoie aux sources originales, je me contenterai de rappeler les principales expériences pour et contre l'hétérogénie. Voici la plus importante expérience de Pouchet. 11 prend un flacon à l'émeri, le remplit d'eau bouillie, le ferme hermétique- ment et le renverse sur une cuve à mercure ; il fait arriver ensuite dans son intérieur un mélange d'azote et d'oxygène dans les proportions voulues pour faire un air artificiel, et y introduit du. foin chauffé pendant vingt minutes à 100 degrés. Au bout de quelques jours, il se développe dans l'infusion, du PeniC27/n/??i glaucum, des amibes, etc. Mais la chaleur n'était pas assez consi- dérable pour tuer tous les germes, et, du reste. Pasteur a démon- tré que les germes déposés sur la cuve à mercure sont entraînés par les gaz qui traversent le mercure et en assez grande quantité pour donner naissance à des organismes. Les expériences contraires à l'hétérogénie sont très-nom- breuses. Les unes ont pour but de montrer l'influence de l'abord de l'air sur la production des organismes ; les autres ont pour but de prouver que tout ce qui détruit ou enlève les germes dans l'air empêche toute production de génération spontanée. Si on a deux infusions communiquant avec l'air extérieur, GE-XÉRATIO-X ET REPRODUCTION. 3i5 l'une par un tube droit, l'autre par un luhe coudé, les infusoires ne se développent pas dans la dernière, dans laquelle l'air n'ar- rive pas aussi facilement (HolTmann;. Quand l'air a été débarrassé des germes qu'il conlient par la filtration (Pasteur) ou que ces germes ont été détruits par son passage à travers l'acide snlfu- rîque concentré (M. Schultze) ou un tube de porcelaine chauffé au rouge (Cl. Bernard), il ne se produit aucun organisme dans les infusions. Il en est de même si on prend l'air dans des régions très-élevées où l'almospbère est très-pure, comme sur de hautes montagnes (Pasteur). Toutes ces expériences permetlent de conclure que, même pour la plupart des organismes inférieurs, la génération n'est- jamais spontanée. Mais en est-il de même pour tous? Des expé- riences récentes de tluizinga le portent à admettre la génération spontanée, mais seulement pour les bactéries. Il a vu, en etTet, des bactéries se développer dans une solution contenant des sels minéraux ('nitrate de potassium, sulfate de magnésium, phosphate neutre de calcium), de la glycose, de l'amidon et des peptones, le tout chauffé à 100 degrés pendant dix minutes, tempéralure et temps suflisanls, comme il s'en est assuré, pour tuer les bactéries qui auraient pu être contenues dans l'appareil. Mais l'intervention de l'air est nécessaire, et cet air arrive à la solution par une lame argileuse poreuse qui le filtre et le débarrasse complètement des germes qu'il pourrait renfermer. Des expériences de contrôle lui ont prouvé que les bactéries ne peuvent provenir ni de l'air, ni d'aucun des princi- pes* employés dans ses expériences; il n'a jamais vu, du reste, de production de moisissures et de champignons microscopiques. Quand, au lieu d'employer la solution indiquée plus haut, il em- ployait le mélange de Bastian (décoction de chou-rave et fromage) qui contient des substances riches en oxygène, l'accès de l'air n'était plus nécessaire. (Voir: Origine des espèces.) Dibliosi'aphie. — rorCHKx : Hi't>'rogi'nie , 1850. — .Toly et Musset : Moniteur .' ET REPRODUCTIOX. 349 mouvements comme spontanés dus aux ondulations de la queue. Le mode d'origine de ces spermatozoïdes est encore un sujet de controverses, mais ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils tirent leur origine des cellules épithéliales du testicule. Dans toutes les espèces anênales. il y a une difTérence bien tranchée entre l'élément mâle et l'élément femelle, et cette difTé- rence se retrouve jusque dans le lieu de leur formation, l'ovule naissant du feuillet interne du blastoderme, le spermato- zoïde du feuillet externe. L'élément mâle et lélément femelle peuvent exister sur le même individu [hermaphrodisme) ou sur des individus séparés, comme c'est le cas chez les animaux supérieurs. Mais, même chez eux, on retrouve encore quelquefois des traces de l'her- maphrodisme des espèces antérieures, et on pourrait dire, à ce point de vue, que tous les individus sont virtuellement her- maphrodites; seulement, chez les uns l'épithélium mâle ou tes- ticulaire s'atrophie : chez les autres c'est l'épithélium femelle ou ovarique. Ainsi chez le crapaud il reste des vestiges de cette couche avortée; on trouve chez lui un plan de cellules homo- logues de l'ovaire de la femelle et qui produisent des œufs, mais incapables de se développer, et la même chose a été observée chez le poulet. D'après ces données, l'évolution de l'œuf, prise au point de vue le plus général, peut être envisagée de la façon suivante et divi- sée en trois périodes séparées par deux actes essentiels, la préfé- condation et la fécondation : l" Période orogénique. — La vésicule de Purkinje, avec son vitellus, se forme dans la vésicule de Graaf aux dépens de l'épi- thélium ovarique; 2° Préfécondation, — La vésicule embryogène de Balbiani vient se mettre au contact du vitellus de l'œuf et lui donne la puissance évolutive, autrement dit, le pouvoir de se développer jusqu'à une certaine limite ; 3" Période d'évolutioji depuis la préfécondation jusqu'à la fécondation proprement dite. — Les phases successives du dé- veloppement de l'œ^uf sont les suivantes : a) La vésicule de Purkinje disparaît ainsi que les taches ger- minatives; cependant cette disparition n'est pas admise par tous les auteurs et en particulier par Yan Beneden. 350 PHYSIOLOGIE DE L'LXDIYIDU. b) Le vitellus se rétracte et s'écarte des parois de la membrane vitelline; ce retrait du vilellus s'accompagne de mouvements de rotation du vitellus et de la formation de globules transparents, globules polaires, qui, d'après Balbiani, serviraient à constituer les organes génitaux futurs de l'eftbryon. Ordinairement, si la fécondation n'intervient pas à ce moment, le développement de l'œuf s'arrête : mais il n'en est pas toujours ainsi, et dans certains cas les stades suivants du développement de l'œuf et en particulier la segmentation du vitellus se montrent dans l'œuf non fécondé. La parthénogenèse (Lucina sine colin) présente un exemple encore plus remarquable de développement sans fécondation, développement poussé jusqu'à la formation d'organismes suscep- tibles de se reproduire. Ainsi, pendant tout l'été, des pucerons asexués (pseudo-femelles) produisent des a^ufs qui ne sont pas fécondés et qui pourtant donnent naissance à des pucerons sem- blables à eux et qui sortent vivants du corps de leur parent, et ces générations successives de pucerons asexués se continuent jusqu'à l'hiver. Ce mode de génération se rapproche beaucoup de la génération asexuelle par germes et par spores. 4" Fécondation. — Mais chez les animaux supérieurs, la fécon- dation, c'est-à-dire l'intervention d'un élément mâle est indispen- sable. 11 est aujourd'hui parfaitement démontré par les expériences de Spallanzani, Prévost et Dumas, confirmées par les recher- ches modernes, que le spermatozoïde est l'agent essentiel de la fécondation et ïaura seminalis des anciens est justement tombée dans l'oubli. Pour que la fécondation ait lieu, il faut que le sper- matozoïde pénètre jusque dans le vitellus et traverse par consé- quent la membrane vitelline, soit par des pores existant dans cette membrane (micropyle de M. Barry et Kéber), soit en la perforant. En outre, il paraît établi que, pour féconder un seul ovule, il faut le concours de plusieurs spermatozoïdes; s'il y en a trop peu, la fécondation est incomplète. Quant au mécanisme même de cette imprégnation de l'élément femelle par l'élément mâle, il nous échappe complètement. En général, même dans les cas d'hermaphrodisme, l'élément mâle et l'élément femelle dans la fécondation appartiennent à des individus différents. La self-fertilisation, comme disent les Anglais, est l'exception, et la double fécondation par un double accouplement, comme on le voit dans les limaçons, est la règle. GENERATION ET REPRODUCTION. 35 1 En effet, il semble que la fécondalion soit plus puissante et plus efïicace quand les deux éléments de cette fécondation provien- nent d'individus distincts. 5° Prriode embryocjénique. — Une fois fécondé, l'œuf suit sou développement jusqu'à la formation de l'organisme parfait. Les premiers changements qui succèdent à la fécondation sont la segmentation du vitellus et la formation du blastoderme. La segmentation du vitellus est tout à fait assimilable à la génération cellulaire endogène. Cette segmentation diffère dans les œufs holoblastes et dans les auifs méroblastes. Dans les pre- miers, elle est totale et le vilellus tout entier se divise en deux, ])uis quatre, huit, etc., globules de segmentation ; dans les aaifs méroblastes, la segmentation est partielle et n'intéresse que le vitellus de formation. Chez certains animaux, insectes, arachni- des, le mécanisme est un peu différent et a reçu le nom de fendillement. La formation du blastoderme, qui sera étudiée dans la Physio- logie spéciale, aboutit à la formalion de deux feuillets, un feuillet externe, ectoderme, et un feuillet interne germinatif, endoderme, qui comprend à la fois le feuillet interne et le feuillet moyen des auteurs. C'est aux dépens de ces deux feuillets que se forme l'em- bryon. (Pour tout ce qui concerne le développement ultérieur de l'embryon, voir la Physiologie spéciale et le chapitre « Embryo- logie » des Nouveaux Éléments d'anatomie , par Beaunis et Bouchard.) D. — GEXEIIATIOXS ALTEKXAXTES. Chez beaucoup d'êtres inférieurs, la sexualité se combine avec la génération asexuelle. Ainsi, chez les paramécies, la scissiparité produit un certain nombre de générations; mais, au bout de quelque temps, les individus deviennent plus faibles, les généra- tions moins nombreuses, et la race finirait par s'éteindre si la génération sexuelle n'intervenait; le noyau et le nucléole de ces infusoires se transforment en ovaire et en testicule; le noyau forme des œufs, le nucléole des spermatozoïdes; les derniers élres s'accouplent, meurent après l'accouplement, et là génération sexuelle, qui a remplacé la hssiparité, donne naissance à de nou- velles générations vigoureuses qui se reproduisent par scission 352 PHYSIOLOGIE DE L'LXDIVIDU. jusqu'à ce que leur faiblesse nécessite une nouvelle intervention de la génération sexuelle. 11 en est de môme chez les pucerons. Les derniers pucerons formés par génération asexuelle sont tellement abâtardis qu'ils n ont même plus de canal intestinal (Balbiani) : alors, au début de l'hiver, apparaissent des mâles et des femelles qui s'accou- plent, et les œufs fécondés produisent de nouveau des asexués qui éclôront au printemps. 11 semble donc qu'il y ait la un fait général. Seule, la généra- tion asexuelle n'a qu'une puissance de reproduction limitée ; la sexualité, c'est-à-dire l'intervention de deux individus distincts s'unissant dans l'acte de la fécondation, peut seule assurer la per- pétuité des générations qui, sans elle, finiraient par s'abâtardir et s'éteindre. « On pourrait ainsi, dit Cl. Bernard dans un remarquable pas- « sage, en se plaçant à un point de vue philosophique, regarder « l'évolution d'un être animal ou végétal comme une sorte de n parthénogenèse histologique ou encore de génération alter- (( nante d'éléments anatomiques. Dans cette façon de voir, un « phénomène sexuel élémentaire lunion d'un élément cellulaire « mâle à un élément cellulaire femellei donnerait une nouvelle «cellule, l'œuf fécondé ou germe, douée au plus haut degré de (( la puissance plastique et évolutive. De cette cellule primitive « naîtraient, par modes agames, le nombre immense de généra- (( lions cellulaires qui formeront le blastoderme et plus tard l'or- « ganismo animal. Leur fécondité, constamment décroissante, <( aboutit fatalement à la ruine de l'édifice, à la mort de l'indi- (i vidu. L'existence individuelle se prolonge aussi longtemps que « la fécondité asexuée des éléments, aussi longtemps que dure «l'influence sexuelle du début. L'espèce disparaîtrait également «si, avant épuisement total, deux éléments cellulaires sexués ne « se séparaient de l'organisme pour se comporter comme les « premiers. Ils formeront, par génération sexuelle, une nouvelle (i cellule dont l'impulsion évolutive s'étendra à une série de gé- « nérations histologiques agames en s'alténuant successivement. «Et ainsi Y espèce sera restaurée périodiquement par la réappari- « tion d'une génération sexuelle entre les générations agames ; «la sexualité, source de toute impulsion nutritive, rouvrira cons- «tamment le cycle vital qui tend à se fermer.» (Cl. Bernard, Revue scientifique du 26 septembre 1874, p. 291.j GÉM'llATIOX ET REPRODUCTIOX. 353 E. — TlIKORIES DE LA GÉ.NÉRATION. Trois liypolhèses principales ont été liiiles pour expliquer les phénomènes de la génération : Y emboîtement des germes, les moléciiles organiques de Cuiïon et ïépigénèse. 1° Emboîtement des germes ^Doiinet, Haller, Cuvier). — Dans cette hypothèse, les premiers germes créés contiendraient en miniature tous les individus ou tous les germes des individus futurs, et, parmi les partisans de cette théorie, les uns jjlaraient ces germes emboîtés dans l'œuf (ovistes)^ les autres dans la liqueur fécondante {spermatisles). Certains faits paraissent bien, au premier abord, justifier cette théorie, même chez les ani- maux supérieurs ; ainsi le fœtus contient déjà dans son ovaire les germes ovulaires dune génération nouvelle. Mais, en réalité, cette hypothèse est insoutenable actuellement, quand bien même on la modifierait pour l'adapter aux connaissances scientifiques modernes. 2" Molécules organiques. — BuITon considéra les êtres vivants comme une agglomération de molécules organiques comparables à des êtres vivants et ayant chacune leur individualité; lanimal, dans cette hypothèse, n'est autre chose qu'un être complexe; la mort n'est qu'une dissociation de ces molécules organiques qui, mises en liberté, continuent à vivre isolément ou entrent dans de nouvelles combinaisons, dans d'autres organismes complexes. On voit que la théorie des microzymas de Béchamp (voir: Fer- mentations) n'est qu'un rajeunissement de la théorie des molé- cules organiques de BufTon. Il en est de même de l'hypothèse de Durand de Gros qui regarde l'homme comme un composé d'uni- tés animales ou zoonites. 3" Épigénèse (G. P. Wolff). — Dans cette théorie, le germe est le produit d'une formation qui se renouvelle chaque fois aux dépens de l'organisation existante. L'épigénèse se rapproche plus de la vérité et s'accorde mieux avec les données scientifiques, cependant elle ne répond pas à toutes. Chacune des deux -théories, de l'emboitement et de l'épi- génèse, me paraît correspondre h un des côtés du ])roblème, l'emboîtement à la génération asexuelie, l'épigénèse à la généra- tion sexuelle. En effet, dans la génération ase.\uelle un orga- nisme contient virtuellement toute une série de générations suc- Beaums, Phys. 23 354 PHYSIOLOGIE DE L'I>'DIVIDU. cessives, et s'il n'y a pas emboîtement dans le sens littéral du mot, il y a du moins préexistence, non pas des germes eux- mêmes, mais au moins des conditions organiques auxquelles sont dues les apparitions successives des générations à venir. Dans la génération sexuelle, au contraire, un produit est formé, qui se rattache iDien par ses caractères aux deux organismes préexistants qui lui ont donné naissance, mais qui, pour chacun d'eux, est différent du générateur et contient quelque chose d'étranger qui en fait un organisme nouveau. Mais, à un point de vue plus général, la génération, comme on l'a vu plus haut, n'est qu'une forme même de la nutrition, et il n'y a, pour le montrer, qu'à suivre dans la série animale les chan- gements successifs que cette fonction éprouve jusqu'aux êtres les plus élevés de la série. Un fragment de protoplasma détaché de la masse d'une plasmodie se nourrit et se développe comme l'or- ganisme primitif; la génération se confond avec la nutrition et avec l'accroissement. Dans les organismes unicellulaires ou dans les organismes pluricellulaires, dont les cellules sont à peine dif- férenciées, il en est de même: chaque partie du tout aie pouvoir de reproduire un être semblable au tout auquel elle appartenait; c'est ainsi qu'un morceau de feuille de bégonia reproduit le vé- gétal entier. Mais à mesure que la division du travail physiolo- gique s'accuse, que les tissus se différencient, ce pouvoir généra- teur, d'abord répandu dans tout l'organisme, se localise de plus en plus; dans le protoplasma, la même substance, c'est-à-dire une fraction quelconque de la masse, digérait, assimilait, excrétait, se contractait, se régénérait, se multipliait; mais à mesure que la spécialisation se fait, la localisation des divers actes vitaux se produit de plus en plus, une partie de la substance vivante se constitue en fibre musculaire et sert à la contraction ; une autre devient cellule glandulaire et sécrète, et ainsi de suite; et à me- sure que ces éléments, d'abord indifférents et semblables, se spé- ciahsent comme structure et comme fonctions, ils perdent de plus en plus de ces propriétés fondamentales qui leur étaient communes au début ; le pouvoir générateur n'échappe pas à cette spécialisation ; il se localise aussi dans des parties de plus en plus circonscrites, dans un organe plastique par excellence qui alors, dans les êtres supérieurs, a seul la faculté de créer les germes des êtres futurs. Mais cet organe plastique, cette substance GÉNÉRATION ET REPRODUCTION. 355 formatrice se spécialise elle-même de plus en plus ; la sexualité apparaît; les deux éléments encore inconnus de cette puissance formatrice, d'abord confondus dans le même organe, dans la même substance, s'isolent et se développent à part, constituant ce que nous appelons élément mâle et élément femelle ; mais nous ignorons complètement la nature de ces deux éléments, la com- position intime de leur substance et le mécanisme de leur action. Tout ce que nous savons, c'est que lorsque la séparation et l'isolement sont complets, comme chez les animaux supérieurs, un acte nouveau intervient forcément dans la génération, la conju- gaison de ces deux éléments, autrement dit, la fécondation. La génération comprend donc deux actes essentiels et jusqu'à un certain point opposés, une multiplication cellulaire, une con- jugaison cellulaire. Le premier acte a son analogue dans les phénomènes ordinaires de l'accroissement cellulaire ; le second paraît au premier abord sans analogue dans la vie de l'organisme et constituerait par conséquent le phénomène caractéristique de la génération ; cependant, en y réfléchissant, il rentre aussi dans les actes ordinaires de la nutrition, et ne pourrait-on pas compa- rer, par exemple, la disparition du spermatozoïde dans l'ovule à la disparition d'un grain d'amidon dans une amibe, ou d'un glo- bule sanguin dans un globule amœboïde de la rate, et ne pour- rait-on pas voir dans ce phénomène quelque chose d'analogue à un acte de digestion? L'élément mâle représenterait, dans ce cas, une sorte d'ahment à une puissance supérieure ou plutôt un élément chargé de préparer et de condenser sous un petit volume la pro- vision de matière plastique nécessaire au développement de l'ovule. DEUXIÈME SECTION PHYSIOLOGIE SPÉCIALE CHAPITRE PREMIER physiologie fonctionnelle. Article premier. — Physiologie de la nutrition. 1. — DIGESTION. La digestion a peur but de préparer l'assimilation; elle répare les pert'es de l'organisme et lui fournit les matériaux de son accroissement ; elle comprend par conséquent tous les actes qui se produisent depuis l'introduction des aliments dans le tube digestif jusqu'au passage dans le sang et dans le chyle de ces aliments plus ou moins modifiés. 1° DES ALIMENTS. Il V a une corrélation intime entre la constitution d'un orga- nisme et les aliments que cet organisme doit ingérer. Le corps étant comme on l'a vu plus haut, dans un état incessant de mu- tation et ces mutations étant la condition même de la vie, les substances qui font partie de l'organisme sont peu à peu élimi- nées avec les produits de désassimilation et doivent, par consé- quent être remplacées. Le gain, c'est-à-dire l'alimentation, doit donc être réglé sur la dépense, c'est-à-dire sur les pertes de l'or- ganisme; s'il ne couvre pas les pertes, le corps perd de son poids • si au contraire, comme dans la première période de la vie, le gain dépasse la dépense, le corps s'accroît et l'accroissement cst'en rapport exact avec l'excès des entrées sur les sorties. ^ Quand les pertes de l'organisme atteignent un certain degrc I DIGESTION. 357 sans qu'une réparation suffisante intervienne, quand en un mot l'écart entre l'assimilation et la désassimilation s'accentue au profit de cette dernière, nous éprouvons une sensation particu- lière, celle de la faim, qui nous révèle l'état d'appauvrissement général de l'organisme, sensation qui se localise d'une façon confuse dans la région épigastrique. La sensation de la faim apparaît en général quand la perte de poids du corps atteint environ 600 grammes, abstraction faite des urines et des excré- ments. Il y a du reste sur ce sujet de très-grandes différences individuelles, et l'influence de l'habitude joue aussi un rôle consi- dérable (voir : Sensations internes). Quand la privation d'aliments se prolonge pendant un certain temps, il survient des phénomènes spéciaux qui seront étudiés plus loin à propos de l'inanition. a. — Des, aliments simples. Les principes constituants du corps humain consistent essen- tiellement en eau, principes minéraux, substances albuminoïdes, graisses et hydrocarbonés i amidon, sucre, etc.), et ce sont là aussi les véritables principes alimentaires, les aUments simples ou aliments proprement dits. Mais il est rare que nous ingérions isolément et à part ces divers principes; ordinairement, les substances alimentaires sont formées par la réunion d'un plus ou moins grand nombre d'aliments simples, mélangés suivant diver- ses proportions. Ainsi Teau que nous buvons contient des prin- cipes minéraux en dissolution ; la viande contient des sels, de l'eau, des albuminoïdes; le lait renferme tous les principes ali- mentaires. On doit donc distinguer avec soin les aliments simples et les substances alimentaires. Outre les aliments simples, nous faisons entrer encore dans notre alimentation journalière des corps qui n'appartiennent à aucune des catégories énumérées plus haut, alcool, acides orga- niques, alcaloïdes t thé, café), huiles essentielles icondimentsi. etc.: mais ce ne sont là que des aliments accessoires et dont le rôle est tout à fait secondaire. On a cherché souvent à évaluer la quantité d'aliments simples nécessaires chez un adulte pour compenser cj-ac/f/?? en/ les pertes de l'organisme. Quand ce cas se réalise, et on peut y arriver par l'expérimentation, le corps ne gagne ni ne perd ; il reste dans le 358 PHYSIOLOGIE FOIS'CTIONNELLE. statu quo ; il y a équilibre parfait entre les entrées et les sorties. On peut, dans les conditions ordinaires, chez un adulte, évaluer la ration d entretien (terme consacré dans ce sens) aux quanti- tés suivantes pour vingt-quatre heures : Pour Pour 24 heures. 1,000 parties. Eau 2,81 Ss»- 83lg«" Principes minéraux. ... 32 10 Albuminoïdes 120 35 Graisse 90 27 Hydrocarbonés 330 97 Total 3,390 1,000 La seconde colonne indique dans quelles proportions devront, dans une substance alimentaire, se trouver les différents aliments simples pour que cette substance ait le maximum de puissance alimentaire. Kous allons passer successivement en revue les divers groupes d'ahments simples : 1° Eau. — L'eau de boisson doit remplir certaines conditions: elle doit être fraîche, limpide, sans odeur et d'une saveur agréa- ble ; à défaut d'une analyse complète et exacte, le goût est encore le meilleur critérium d'une eau potable; un excellent moyen de reconnaître la pureté d'une eau est d'y ajouter un peu de sucre et de voir en combien de temps s'établit la fermentation. L'eau de boisson doit toujours contenir des gaz et des substances minérales en dissolution et être complètement exempte de matières organiques. L'eau potable contient 20 à 30 p. 100 de son volume d'air, et cet air est plus riche en oxygène et surtout en acide carbonique que l'air atmosphérique; l'eau bouillie est indigeste et dune sa- veur fade. C'est principalement à l'acide carbonique et aux sels que l'eau de boisson doit sa saveur agréable. Cette saveur devient bien plus prononcée et acidulé dans les eaux dites gazeuses, soit naturelles, soit artificielles, si employées aujourd'hui comme eaux de table et qui peuvent renfermer de 250 à 1,000 centimètres cubes d'acide carbonique par litre. Les substances minérales contenues dans l'eau s'y trouvent en proportion très-variable; en général, l'eau contient de 25 à 100 centigrammes de résidu fixe par litre, mais elle ne devrait pas dépasser 50 centigrammes. Ces substances consistent en carbo- nates, sulfates, chlorures alcalins et surtout terreux. DIGESTIO.X. 359 Le tableau suivant donne les analyses de plusieurs eaux potables: Par litre. Eau Eau de Seine Canal à de Bercv. l'Ourcq. d'Auteuil. Acide silicique. . . . Alumine Peroxyde de fer . . . Carbonate ferreux . . Carbonate de chaux. . • — • de magnésie — de potasse . Sulfate de chaux . . . — de potasse . . — . de soude . . . — de magnésie. . Hyposulfite de soude . Chlorure de sodium. . — de calcium. . — de magnésium Azotate de soude. . . — de magnésie , Total . . . 0»'.0244 G ,0005 ,0025 Oe',069 0 ,1G55 .0034 ,158 '075 0 ,0269 0 ,0050 - \ 0 .080 0 ,095 05^0306 0 ,0053 0 ,1990 0 ,0082 0 ,1038 0 ,0201 \ 0 ,0054 0 ,or — / 0 .113 { — = i ,0376 ,0166 Puits de Grenelle. 0?^0091 0 ,0032 0 ,0580 0 ,0165 0 ,0206 0 ,0162 0 ,0091 0 ,0091 0 ,0094 0 .0052 — 0 -0 — 0?'-,2544 Og'-,590 0=^5436 OeM428 La quantité d'eau de l'organisme et du sang en particulier présente une certaine constance, et cette constance est mainte- nue par l'exhalation pulmonaire et la sueur. Qupnd cette quan- tité diminue et tombe au-dessous d'un minimum non encore déterminé, nous ressentons une sensation particulière, la soif, qui se localise principalement dans le pharynx et l'arrière-gorge et s'accompagne d'un sentiment de sécheresse des muqueuses buccale et pharyngienne. Mais cette sensation locale ne fait que traduire un état général de l'organisme, la diminution d'eau ; rhumectation directe de la muqueuse n'apporte dans ce cas quun soulagement momentané, tant que de l'eau n'est pas absorbée en quantité sulTisante, et d'un autre côté les injections d'eau dans les veines calment immédiatement la soif. (Magendie, Dupuytren.) Quand la diminution d'eau devient trop considérable, il sur- vient des lésions particulières qu'on a comparées aux lésions d'une fièvre inflammatoire et qui ont été étudiées par M. ïh. Chossat. Cet observateur a constaté, sur des grenouilles privées d'eau {anhydrisées) en les plaçant sous des cloches avec du 360 PHYSIOLOGIE FO^'GTIO^'^^ELLE. chlorure de calcium, des troubles de la circulation et de la res- piration (dyspnée, ralentissement des battements du cœur), de la diminution de la sensibilité, des contractions tétaniques, etc., et la mort arrivait quand l'animal avait perdu environ 35 p. ÎOO de son poids. A l'autopsie, il trouva des altérations en rapport avec la di- minution d'eau et spécialement des altérations des globules rouges. L'ingeslion d'eau en excès a un efï'et assez prononcé sur la nutrition dont elle accroît l'activité, comme le montre l'augmen- tation de l'urée et des substances minérales dans l'urine; en outre, l'absorption de cette eau par le sang fait hausser la pression sanguine, et on a toutes les conséquences de cette augmentation dépression (voir: Circvlalion du sang). , 2° Suhstiinccs miner aie F:. — Les substances minérales sont aussi indispensables dans l'alimentation. Quand on prive- un ani- mal de sels minéraux, on n'en retrouve pas moins des matières minérales dans les excrétions, et dans ce cas elles sont fournies par l'organisme lui-même. Mais cette déminéralisation de l'or- ganisme ne se produit pas sans troubles profonds qui portent surtout sur le système nerveux, (Forster.) D'une façon générale, les substances minérales agissent en activant les phénomènes de nutrition; il y a là un simple phéno- mène physique, les cristalloïdes facilement diffusibles favorisant le passage de l'eau à travers les membranes animales. En outre, chacun des principes minéraux a un rôle particulier et entre plus spécialement dans la constitution de tel ou tel organe, de tel ou tel tissu. Nous allons les passer rapidement en revue. Chlorure de sodium. — Ce sel se trouve partout dans l'orga- nisme, liquides, organes et tissus; aussi est-ce un des principes minéraux les plus nécessaires dans l'alimentation, comme l'in- dique l'instinct même de l'homme et des animaux. Nous perdons par jour environ 20 grammes de sel marin parles différentes excrétions; il faut donc que ces 20 grammes se retrouvent dans notre alimentation; il doit môme y en avoir un excès, car il est presque certain qu'une parlie du chlorure de sodium ingéré subit des transformations dans l'organisme; ainsi il fournit son chlore au chlorure de potassium des globules rouges et de la fibre mus- culaire, à l'acide chlorhydrique du suc gastrique, sa soude aux sels biliaires, sans qu'on puisse préciser exactement la quantité de ce surplus de chlorure de sodium décomposé. Mais un fait certain, c'est qu'en général les substances alimentaires ne con- DIGESTIOX. 301 tiennent pas du chlorure de sodium en quantité suffisante pour couvrir le déficit amené par l'élimination journalière: la plupart de nos aliments, sauf les os, n'en renferment qu'une proportion insignifiante, et sans vouloir donner à ces chiffres une valeur absolue, on peut dire qu'il nous faut ajouter par jour à notre ali- mentation, pour rester dans de bonnes conditions, de 20 à 25 grammes de sel marin au moins. Il est vrai que d'après les re- cherches de Voit, lorsqu'on supprime le sel dans la nourriture d'un animal, ou qu'on le remplace par du chlorure de potassium, au bout dun certain temps les urines ne contiennent presque plus de sel marin, le sang et les tissus le retenant avec une très-grande ténacité, mais il survient alors de^ troubles qui ont été mentionnés plus haut. Voit a du reste constaté son importance dans les phé- nomènes de diffusion : si on injecte dans le rectum d'un animal de l'albumine, cette albumine n'est pas absorbée ; elle l'est au contraire si on y ajoute un peu de sel marin. Si on plonge dans l'eau un tube formé par une membrane et contenant une solu- tion concentrée de sel, cette solution aspire l'eau avec une grande rapidité: tel paraît être le mode d'action des purgatifs salins; ils contiennent plus de sels que le plasma sanguin et aspirent par conséquent l'eau du sang qui passe dans les intestins. Quand l'eau ingérée contient moins de sels que le plasma sanguin, cette eau est absorbée par le sang et est éliminée par les reins. Le sel est surtout nécessaire dans l'alimentation des herbivores. Ce fait, bien connu pratiquement, a été mis hors de doute par les expériences de Bunge et expliqué par lui de la manière sui- vante : Les sels de potasse (carbonates, phosphates et sulfates) se trouvent en très-grande proportion dans la nourriture des herbi- vores ; ces sels, arrivés dans le sang, se décomposent et donnent, avec le chlorure de sodium du plasma, du chlorure de potassium et des phosphates, carbonates, etc., de soude, sels qui se trouvent alors en excès dans le sang et sont éliminés par les urines; du chlorure de sodium se trouve ainsi enlevé au plasma sanguin, et il doit donc en être introduit une égale quantité par l'alimenta- tion. Chez les carnivores, au contraire, la proportion de sels de potasse dans les aliments serait beaucoup plus faible et la quan- tité de chlorure de sodium contenue naturellement dans leurs ahmenls suffirait pour maintenir, sous ce rapport, la composition normale du sang. ' Sels de potasse. — La potasse se trouve en forte proportion 362 PHYSIOLOGIE FO^^CTIONNELLE. dans la plupart des éléments organiques et surtout dans les plus importants de^ces éléments, globules sanguins, fibre musculaire, tissu nerveux, etc., tandis que la soude, comme on vient de le voir, domine principalement dans les liquides. La potasse joue donc un rôle essentiel dans l'alimentation; elle entre dans la constitution intime des tissus et contribue probablement aussi, pour une forte part, à leur fonctionnement. Ce double rôle de la potasse résulte des expériences multipliées faites dans ces der- niers temps. E. Kemmerich nourrit deux chiens de six semaines avec la même quantité de résidu d'extrait de viande (viande dé- pourvue de sels), en ajoutant pour le premier du chlorure de so- dium seul, pour le second du chlorure de sodium, plus des sels de potasse ; au bout de quelque temps, le premier chien était mai- gre, faible et dans un état déplorable; le second, au contraire, fort, vigoureux et d'une musculature très-développée. A faible dose, les sels de potasse excitent l'activité circulatoire; ils élèvent la pression sanguine, accélèrent et renforcent les contractions du cœur. D'après les recherches de Kemmerich, Aubert, Dehn, etc.. l'action stimulante du café, du thé, du bouillon, de l'extrait de viande, etc., devrait être rapportée aux sels de potasse. Mais cette action cesse rapidement de se maintenir dans les limites physiologiques et la dose toxique des sels de potasse est vite atteinte. (Cl. Bernard, Grandeau.) Sels de chaux. — Les sels de chaux se trouvent surtout dans les os et les dents ; mais, en réalité, ils ont une extension beau- coup plus grande dans l'organisme, et il n'est peut-être pas de liquide qui n'en contienne des traces, pas de tissus (sauf le tissu élastique) dont les cendres ne renferment une petite quan- tité de chaux. Le phosphate de chaux a donc pour fonction non- seulement de durcir certains tissus et de leur donner une résis- tance et une dureté appropriées à leurs usages physiologiques (os, dents), mais il a encore une fonction histogénétique, il con- tribue à la constitution même des éléments anatomiques. L'ali- mentation doit, par conséquent, en fournir une quantité suffi- sante, et cette quantité sera surtout considérable au moment de l'accroissement des. os. Cependant l'addition de phosphate de chaux aux aliments est inutile, car ils en contiennent en quantité suffisante pour subvenir aux besoins, et Boussingault a montré que l'eau de boisson, même à elle seule, suffit pour fournir toute la chaux nécessaire à l'organisme. DIGESTIO>'. 363 Magnésie. — La magnésie, qui accompagne à peu près partout la chaux et se trouve surtout en forte proportion dans la chair musculaire, le cerveau et le thymus, provient exclusivement de l'alimentation. Chlorures. — Ce qui a été dit plus haut du chlorure de sodium et des sels de potasse, me dispense d'ejitrer dans plus de détails au sujet des chlorures. Carbonates. — Les carbonates, et principalement le carbo- nate de soude, n'existent guère que dans le sang; mais ces car- bonates ne proviennent que pour une faible partie, soit de l'eau de boisson (carbonate de chaux), soit des aliments solides et surtout des aliments végétaux ; la plus grande partie provient de la décomposition dans l'organisme des acides végétaux, tartrates, malates, etc. Aussi s'en trouve-t-il plus dans le sang des herbi- vores que dans celui des carnivores. Phosphates. — Les phosphates ont une très-grande impor- tance dans l'alimentation ; en effet, le sang, surtout celui des carnivores, contient une certaine quantité de phosphates alcalins, et les phosphates terreux se rencontrent non-seulement dans les os et les dents, mais, en petite quantité, dans tous les tissus et les liquides de l'organisme. Ces phosphates proviennent des phos- phates contenus dans les substances alimentaires qui en renfer- ment toujours une provision suffisante pour faire face aux besoins de l'organisme. Sulfates. — L'ahmentation et les boissons introduisent tou- jours dans le corps une certaine quantité de sulfates ; mais les recherches exactes manquent pour préciser si tous les sulfates des excrétions proviennent de cette source ; il est probable, au contraire, qu'une partie est produite par la désassimilation des matières albuminoïdes de l'organisme qui contiennent toutes du soufre. Fer. — Le fer ne se trouve guère en quantité notable que dans le sang, dans la matière colorante des globules; sa quantité peut être évaluée, chez l'adulte, à 3&'',07. Ce fer provient certainement de l'alimentation et des boissons qui en introduisent toujours en excès, excès qui est éliminé par les selles. L'importance du fer dans l'alimentation ressort du rôle même de l'hémoglobine et des globules rouges. Pour terminer ce qui concerne les substances minérales au point de vue de l'alimentation, je donne ici un tableau des prin- 364 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. cipales substances alimentaires et des proportions de principes minéraux qu'elles contiennent pour 100 parties de cendres. Les analyses sont empruntées à divers auteurs. Pour 100 parties CWorure Oxyde Acide Acide Acide de Potasse. Cliaux. Magn^si?. Soude. de de phospho- sulfu- Silice, caibo- cendres. sodium. fer. lique, ritjue. nique. Laitde"^ache.. 23,46 " 17,34 2,20 6,96 4,74 0,47 28,04 0,05 0,06 2,50 Sang de porc. 22,21 1,20 1,21 7,G2 41,31 9,10 12,29 1,74 — 0,69 Bounion 43,19 ----- 26,24 2,95 - - Ext. de viande. 46,12 0,23 1,96 10,45 — Traces. 36,04 0,27 — — Chair mnsculre. 39,40 1,80 3,88 4,86 1,47 1,00 46,74 0,30 — — Cerveau 32,42 0,72 1,23 10,69 4,74 - 48,17 0,75 0,42 — Foie de veau.. 34,40 1,99 1,45 2,35 10,59 0,27 48,13 — 0,81 - Blanc d'œiif.... 27,66 2,90 2,70 12,09 3l),30 0,54 3,16 1,70 0,28 9,67 Jaune d'œuf... 10,90 13,62 2,2o 1,08 9,12 2,30 60,16 — 0,62 — Froment 27,0t 1,97 6,60 0,45 — 1,35 62,59 — — — Seigle 32,69 2,91 10,16 4,45 — 0,82 47,35 1,45 0,17 — Orge 20,91 1,67 6,91 — — 2,10 38,48 — 29,10 -- Haricots 39,.51 5,91 6,43 3,98 3,71 1,05 34,50 4,91 — — Lentilles 34,76 6,34 2,47 13,50 4,63 2,00 36,30 — _ - Pomm. déterre. 51,21 3,35 13,58 — 2,41 - 11,91 6,50 7,17 — Navet 37,55 9,76 3,78 12,63 4,91 0,74 8,37 6,34 0,76 15,15 Asperges 22,85 15,91 6,34 2,27 7,97 5,11 18,32 7,32 12,53 — Salade 22,37 10,43 5,68 18,50 15,09 2,S2 9,39 3,85 11,86 — 3° Hydrocarbonés. — Les hydrocarbonés de l'alimentation consistent surtout en amidon et sucres (sucre de canne et gly- coses). A ce groupe peuvent encore se rattacher d'autres sub- stances dont le rôle est beaucoup moins important, la cellulose et peut-être les gommes et les mucilages. Amidon. — L'amidon, sous sa forme ordinaire, ne se ren- contre guère que dans le règne végétal, tant dans les plantes à chlorophylle que dans les plantes dépourvues de chlorophylle. On le trouve dans des parties très-différentes des plantes alimen- taires, racines (manioc, jalap), tubercules (pommes de terre, patates, ignames, etc.), fruits (châtaignes, glands, etc.) et surtout dans les graines des céréales et des légumineuses. Les grains d'amidon sont constitués par des couches concen- triques, alternativement plus ou moins denses, et dont le centre organique (noyau de développement) ne coïncide pas avec le centre de figure. D'après les recherches de Nœgeli, l'amidon se compose de deux substances dictinctes : l'une, la granulose , soluble dans l'eau, la salive, et qui se colore en bleu par l'iode; l'autre, insoluble, analogue à la cellulose et qui se colore en rouge par l'iode. La cuisson prolongée dans l'eau et les acides dilués, la salive, un grand nombre de ferments, transforment DIGESTIOX. 365 ramidoii en dextrine et en glycose. L'amidon n'abandonne à l'incinération que des traces de substances niinérales. Les grains d'amidon présentent, eu égard à leur provenance, des différences de grosseur, de forme et surtout de résistance à l'imbibition, qui jouent un certain rôle dans l'alimentation; aussi, en général , faisons-nous intervenir , dans la préparation de l'amidon et de la fécule, la chaleur et l'humidité qui gonflent et désagi'égent le grain d'amidon et facilitent, par conséquent, l'ac- tion ultérieure des sucs digestif?. Vinuline, qu'on trouve dans les racines d'année, les "topinani- bours, est analogue à l'amidon. V amidon animal ou substance ghjcogène qu'on rencontre en certaine quantité dans le foie des animaux, ne sert à l'alimen- tation humaine que d'une façon toute secondaire. La cellulose constitue les membranes des cellules végétales, surtout dans les jeunes végétaux; elle entre donc dans l'alimen- tation, mais sa valeur alimentaire, plus que douteuse pour les carnivores, n'a été établie d'une façon positive que pour les her- bivores par les expériences de Meissner. Les gommes et les mucilages (semences de lin et de coing, salep, etc.) pourraient auf?si, d'après des recherches récentes faites au laboratoire de physiologie de Munich, contribuer à l'alimentation. Sucre de canne et succharates. — Le sucre de canne s'emploie non-seulement à l'état plus ou moins pur dans l'alimen- tation après son extraction de la canne à sucre, de la betterave, du sorgho et de l'érable , mais nous en consommons encore journellement une certaine quantité avec les végétaux usuels, betterave, carotte, navet, panais, persil, melon, citrouille, etc. Le sucre de lait ne se rencontre que dans ce liquide et a sur- tout un rôle très-important dans l'ahmentation du nouveau-né. Glycose. — La glycose ou sucre de raisin existe dans les fruits sucrés, le miel, les boissons fermentées (vin, bière, cidre, etc.), les li(|ueurs, et est habituellement associée à une certaine quan- tité de lévulose, constituant ainsi le sucre interverti. Llle fait aussi partie, mais en très-petite quantité, de l'alimentation animale; ainsi le foie contient un peu de glycose formée, après la mort, aux dépens de la substance glycogène; les muscles renferment toujours une certaine proportion d'inosite ou de sucre musculaire. Le rôle des hydrocarbonés et des sucres dans l'alimentation sera étudié plus loin avec la nutrition. 366 PHYSIOLOGIE F0>'GT10>'>'ELLE. 4° Graisses. — Les corps gras naturels, seuls employés dans l'alimenlation, sont presque toujours des mélanges de stéarine, palmitine et oléine; quand cette dernière prédomine, les corps gras présentent l'état liquide comme dans les huiles ; dans le cas contraire, ils sont solides, comme dans le beurre et les graisses. Les huiles alimentaires sont ordinairement de nature végétale, huiles d'olive, d'amandes douces, d'arachides, etc., tandis que le beurre et les graisses sont de provenance animale. Ces corps gras animaux sont tantôt isolés,"beurre, lard, etc., tantôt mélan- gés à d'autres aliments simples, comme dans le lait, la chair mus- culaire, etc., et jouent dans la nourriture de l'homme un rôle bien plus considérable que les huiles végétales. 5° Albuminoïdes. — Les aliments simples de ce groupe appar- tiennent soit au règne végétal, soit au règne animal. Dans le premier nous trouvons le gluten qui accompagne l'amidon dans les céréales, la légumine ou caséine végétale qui se rencontre dans les pois, haricots, lentilles, etc., en quantité assez considé- rable. La proportion des albuminoïdes dans les différents végé- taux alimentaires a une très-grande importance et sera étudiée plus loin, mais en général cette proportion reste au-dessous de celle qu'on rencontre dans les substances animales. Parmi celles- ci, les plus importantes de toutes sont la myosine de la fibre musculaire et la caséine du lait; puis viennent les albumines de l'œuf et du sérum, la fibrine du sang, Thémogiobine, etc., et enfin la substance collagène (gélatine) de l'os et du cartilage, dont la valeur ahmentaire sera discutée plus loin. Le rôle essentiel des albuminoïdes est d'entrer dans la consti- tution même des tissus, et sous ce rapport les aliments dits azo- tés forment la base même de l'alimentation et de la réparation de l'organisme. 6° Aliments accessoires. — Ce groupe contient un certain nombre de substances de nature très-différente et dont l'action n'est pas toujours bien éclaircie. iMais ce qui les distingue des catégories précédentes, c'est qu'elles ne sont pas nécessaires à l'alimentation et qu'elles peuvent être supprimées sans effet nui- sible, tandis que les autres sont toutes absolument indispensables. Ce ne sont donc pas des aliments au sens propre du mot, mais des adjuvants de l alimentation. Isous allons passer rapidement en revue les principales de ces substances. Alcool. — Je ne parlerai ici que du rôle alimentaire de l'ai- DIGESTION. 367 cool, renvoyant au chapitre de la Toxicologie physiologique ce qui concerne son action toxique. On voyait autrefois dans Tal- cool une sorte d'ahment respiratoire, de substance oxydable qui, d'après l'hypothèse de Liebig, se décomposait dans le sang en aldéhyde, acide acétique, acide oxahque et finalement en acide carbonique et en eau; mais les recherches de Lallemant, Perrin et Duroy, confirmées par d'autres expérimentateurs, ont montré qu'il n'en est pas ainsi et queia plus grande partie, sinon la to- talité, de l'alcool absorbé est éliminée à l'état naturel par la surface pulmonaire et par les excrétions. 11 n'y a donc plus a parler du rôle alimentaire de l'alcool, et le seul rôle qu'on puisse lui attribuer est celui d'excitant local de la muqueuse digestive et de stimulant dilfusible agissant surtout sur les centres nerveux et la circulation. Restreinte dans des limites modérées, cette stimu- lation n'a pas d'effets nuisibles, au contraire elle facilite les actes digestifs, elle favorise l'exercice intellectuel et l'activité muscu- laire ; mais l'abus dérive trop souvent de l'usage et transforme fréquemment la stimulation légère et physiologique en intoxica- tion alcoolique. Acides végétaux. — Les acides végétaux, acides acétique, citrique, tartrique, mahque, oxalique, tannique, etc., se rencon- trent dans le vinaigre, les fruits acides, les légumes, le vin, les boissons acidulés, limonades, etc., et jouent un certain rôle dans notre alimentation. Ils répondent d'abord à une sensation gustative spéciale, la sensation d'acide, dont le besoin se fait sentir par instants, surtout au moment de la soif; ils agissent en outre comme excitant la salivation et favorisant par cela même un des actes de la digestion, la sécrétion salivaire ; enlin, une fois introduits dans l'organisme, ils sont oxydés et la plupart sont transformés en acide carbonique ; aussi trouve-t-on dans le sang des herbivores une plus grande quantité de carbonate de soude, et leurs urines contiennent-elles une forte proportion de carbo- nates alcalins et terreux et très-peu de phosphates. Huiles essentielles. — Les essences végétales (essences d'amandes amères, de citron, de genièvre, de poivre, de laurier, de girofle, etc.) que nous employons souvent comme condiments, paraissent agir à la façon de l'alcool, soit comme stimulants lo- caux, soit comme stimulants généraux, mais avec des effets spé- ciaux pour chacune de ces substances, effets qui se produisent surtout avec intensité quand ces essences sont ingérées à haute 368 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. dose, et qui, diuis ce cas, peuvent être toxiques, comme on l'a dé- montré pour l'essence d'absinthe, par exemple. (Magnan.) On peut ranger, à côté de ces essences, des produits résineux encore mal connus, poivre, piment, gingembre, qui paraissent surtout agir comme irritants locaux des muqueuses bucco-pha- ryngienne et stomacale. Alcaloïdes. — Certains alcaloïdes, caféine (théine), théobro- mine, entrent dans l'alimentation j mais leur action est encore controversée (voir: Toxicologie physiologique). b. — Des substances alimentaires. Les substances alimentaires contiennent en général plusieurs aliments simples, et quelques-unes môme, comme le lait par exemple, les contiennent tous et peuvent par conséquent suffire à elles seules pour l'alimentation. Mais il est rare que les aliments simples y soient contenus dans les proportions convenables qui ont été indiquées plus haut (page 358) ; habituellement tel ou tel principe prédomine; de là dérive la nécessité de faire intervenir dans l'alimentation un certain nombre de substances diverses, de façon à retrouver finalement les proportions voulues de sub- stances minérales, d'hydrocarbonés, de graisse et d'albuminoïdes. Ainsi nous avons vu qu'il faut en moyenne à un adulte, en vingt- quatre heures, 120 grammes d'albuminoïdes et 330 + 90 = 420 grammes de graisse et d'hydrocarbonés: le tableau suivant indique combien il faut des principales substances alimentaires pour retrouver la quantité voulue d'aliments simples: Pour 120 grammes d'albu- Pour 420 grammes d'hydrocarbonés minoïdes. et graisses. Fromage SSOS"" Riz 492S'" Lentilles 4-53 Mais 532 Haricots 531 Pain de froment .... 543 Pois 537 Lentilles 693 Fèves 544 Fois 704 Viande de bœuf 566 Fèves 708 OEuf de poule 893 Haricots 753 Pain de froment . . .• . 1,^;]2 OEuf de poule 776 Maïs 1,515 Pain do seigle 800 Riz 2,36 1 Fromage 1,730 Pain de seigle 2,653 Pommes de terre .... 1,751 Pommes de terre. . . . 9,230 Viande de bœuf. .... 1,945 DIGESTION. 3G9 On voit d'après ce tableau, qui donne Véquivalent nutritif du?' principales substances alimentaires, quels inconvénients il y aurait à employer exclusivement une seule substance dans l'alimenta- tion; il faudrait, par exemple, ingérer par jour 2 kilogrammes et demi de pain de seigle, près de 2 kilogrammes de viande et plus de 9 kilogrammes de pommes de terre, si l'on voulait s'en tenir à une seule de ces substances. Le tableau suivant donne, pour les principales substances ali- mentaires d'origine végétale ou animale, les proportions pour mille d'eau, d'albuminoïdes, de graisse, d'hydrocarbonés et de sels : Eau. Viande de mammifères . 730 — d'oiseau .... 730 — de poisson . . . 740 Bouillon 985 Foie 720 Cerveau 770 Thymus 700 • Œuf. 735 Blanc d'oeuf. 845 .[aune d'œuf 525 Lait, de femme 890 Lait de vache 855 Beurre 215 Fromage 370 Froment 130 Seigle 140 Orge 145 Avoine 105 Mais 120 Riz 90 Sarrasin 145 Farine de froment ... 130 l'ain de froment .... 430 Pain de seigle 440 Fois 145 Haricots ÏGO Fèves 130 Lentilles 115 Pommes de terre. . . . 725 Châtaignes 535 Beaunis, Phys. 2i Albumi- Hydro- noïdes. Graisse. carbonés. Sels. 175 40 — 11 200 20 — 13 135 45 — 15 — — — • 3 130 35 15 à20 14 100 100 — ïl 210 5 — 10 145 150 — 8 110 10 — 6 170 290 — 10 40 25 44 1 55 45 40 5 15 770 — — 335 240 — 55 135 20 695 20 105 20 615 15 120 25 680 25 90 40 735 25 80 50 730 12 50 7 845 5 80 — 755 13 130 10 610 10 90 — 450 10 90 — 400 15 225 20 ' 575 23 225 20 540 24 220 15 575 24 2G5 25 580 16 15 1 235 10 45 10 395 15 Hydro- carbonés. Sels 135 15 170 50 20 7 100 4 80 5 100 7 150 5 5 2 60 2 370 riIYSIOLOGlE F o^'ctio^':;elle. Albiimi- Eau, noïdes. Graisse. Navets 850 15 2 Choux-raves 800 20 3 Choux-fleurs 920 5 — Poires 840 2 — Pommes 820 5 — Cerises 750 7 — Raisin 810 7 — Yin 860 à 920 — — Bière 900 — — L'étude des différentes substances alimentaires est du ressort de l'hygiène et ne peut être traitée ici d'une façon détaillée ; je me bornerai uniquement à quelques indications nécessaires pour bien comprendre les phénomènes physiologiques de la digestion. Il est rare que les substances alimentaires soient utilisées par nous dans l'état même dans lequel la nature nous les fournit. Ordinairement ces substances subissent une préparation qui les modifie plus ou moins, les transforme et les rend plus agréables au goût et plus facilement digestibles ; on pourrait même com- parer l'apprêt culinaire des aliments à une sorte de digestion artificielle préparatoire précédant et facilitant la digestion natu- relle définitive. Malheureusement, la chimie culinaire est toute entière à créer et cette branche si importante de l'hygiène ali- mentaire est presque complètement laissée de côté par les sa- vants, sauf quelques travaux isolés, comme ceux de Pasteur sur les vins, et de Liebig sur la viande et le bouillon. L'eau, la chaleur, les condiments et assaisonnements, tels sont les trois agents principaux employés dans la préparation des sub- stances alimentaires. L'eau agit à la fois en ramollissant les sub- stances insolubles, comme dans les potages, les soupes, et en dis- solvant les principes solubles, comme dans le bouillon et les infusions; elle est aussi le véhicule obligé de la plupart des assaisonnements. La chaleur modifie encore plus profondément les substances alimentaires, et suivant que la cuisson est lente ou rapide, qu'elle se fait à feu nu, à la vapeur, au bain-marie, qu'elle s'ajoute à l'action de l'eau ou qu'elle est portée au delà de 100'' par l'intervention de corps gras, les aliments acquièrent des caractères différents dont la variété joue un rôle essentiel dans une alimentation perfectionnée. Les condiments et les assaison- DIGESTIO.X. 371 nements viennent encore ajouter à cette variété et contribuent encore à faire de ce qui n'était d'abord que la simple satisfaction d'un besoin physique, une jouissance délicate et raflinée. Cer- tains procédés de conservation, salaison, boucanage, etc., sont en même temps des modes de préparation qui sont souvent usités, non plus dans un but de conservation, mais uniquement dans le but de flatter le goût. La préparation culinaire des substances alimentaires répond à plusieurs indications: Les parties assimilables des aliments sont séparées des parties non assimilables, ligneux, cellulose, etc.; Les aliments sont rendus plus accessibles aux sucs digestifs; c'est ce qui arrive pour les substances déjà gonflées par l'eau ou désagrégées par la cuisson ; Les parties solubles sont dissoutes et par suite absorbées plus ra- pidement; tels sont les sels de la viande dissous dans le bouillon; Les aliments simples contenus dans les substances alimentaires sont concentrés et condensés sous un petit volume , comme dans les consommés, les jus de viande, etc.; Les sécrétions digestives sont excitées; tel est le rôle des acides, du poivre, de l'alcool, etc.; Les aliments sont rendus le plus agréables possible au goût et à l'odorat, soit par le mode même de préparation, soit par l'ad- dition d'assaisonnements particuliers; Les substances alimentaires sont mélangées ensemble de façon à développer par ce mélange leurs propriétés gustatives et leur digestibilité; Les aliments se succèdent dans un repas suivant un certain ordre et une certaine gradation propres à les faire valoir les uns par les autres ; Enfin, d'une façon générale, la capacité digestive est augmentée d'une double façon, d'une part par l'augmentation de digestibilité des aliments, de l'autre par l'augmentation des sécrétions digestives. Nous allons passer rapidement en revue les principales sub- stances alimentaires. 1^ Substances animales. — La composition des principale? sub- stances alimentaires d'origine animale a été donnée plus haut. Aussi je ne parlerai ici que de la viande et de ses divers modes de préparation. 372 PHYSIOLOGIE FO>'GTIO>\\ELLE. La viande peut être cuite de plusieurs façons; elle peut être rôtie, cuite dans la vapeur ou bouillie. Quel que soit le mode de cuisson, la température intérieure de la viande ne doit pas dépas- ser 70**, point de coagulation de ralbumine; en effet, si le mor- ceau de viande est assez gros, un thermomètre placé dans son intérieur ne marque jamais plus de 70"; à cette température la viande est cuite; à 56°, elle est rouge, incuite. La viande rôtie, soit à feu nu, soit dans son jus, soit dans l'huile, etc., est soumise à une chaleur très-vive (plus de 70°) qui coagule l'albumine de la couche extérieure; cette couche exté- rieure devient dure, rissolée et forme une sorte de coque qui ne se laisse pas traverser par les sucs de la viande qui, par consé- quent, restent dans l'intérieur de la viande et lui donnent son goût. La viande rôtie perd, par évaporation de l'eau, 19 p. 100 (veau) à 24 p. 100 de son poids (poulet). La viande bouillie dans l'eau laisse passer dans le bouillon presque tous ses sels solubles, environ 82,57 p. 100 de sels; il ne reste guère dans la viande que les phosphates terreux et très- peu de potasse. Voici, du reste, les chiffres d'après Keller : Acide phosplîorique . Potasse Terres et oxyde de fer Acide sulfurique. . . Chlorure de potassium Cendres Quantité Quantité de la passant dans restant dans viande, le la viande pour 100. bouillon. bouillie. 3G,60 26,24 10,36 40,20 35,42 4,78 5,G9 3,15 2,54 2,95 2,95 — 14,81 14,81 — 100,25 82,57 17,68 La viande abandonne en outre au bouillon des matières extrac- tives (créatine, créatinine, acide lactique, acide inosique) et de la gélatine, surtout chez les jeunes animaux. D'après Liebig, 1,000 parties de bœuf donnent 6 parties de gélatine sèche, 1,000 par- ties de veau en donnent 47,5. Le bœuf bouilli perd environ 15 p. 100 de son poids. Mais habituellement l'ébullition coagulant l'albumine des couches su- perficielles, empêche la pénétration de l'eau, de sorte que toutes les substances solubles, sels, gélatine et matières extractives, ne passent pas dans le bouillon et qu'une partie reste dans la viande, qui conserve encore sa saveur, tandis que cette saveur disparaît quand la viande est tout à fait épuisée de ses principes solubles. DIGESTION. 373 Le houillon ainsi obtenu représente par conséquent une solu- tion de gélatine, de sels et de matières extractives, avec uq peu d'albumine soluble en quantité d'autant plus forte que la cuisson a été plus prolongée ; en outre, la graisse de la viande liquéGée par la chaleur se mélange mécaniquement au bouillon; l'addition d'os au pot-au-feu augmente la force du bouillon spécialement en gélatine et en sels minéraux ; i kilogramme de fémur con- tient environ 9 grammes de chlorure de sodium; l'addition de légumes lui donne surtout son goût et son arôme. La valeur alimentaire du bouillon a été et est encore très- controversée. Pour les uns, le bouillon n'a aucun rôle alimen- taire ; pour d'autres, il a une valeur réelle, mais les uns l'attri- buent aux matières extractives, les autres à la gélatine, les autres aux sels. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'action stimulante et restaurante du bouillon est incontestable. D'après des recherches récentes, cette action du bouillon serait surtout due aux sels de potasse dont on a mentionné plus haut les propriétés physiolo- giques (E. Kœmmcrich). Ce qui tendrait à le faire croire et ce qui semble indiquer qu'il s'agit plutôt là d'une stimulation simple que d'une alimentation réelle, c'est que la restauration produite par le bouillon après un jeijne, une lo"ngue marche, etc., est im- médiate. lYoir aussi : Théorie des peptogènes, de Schiff.) L'extrait de viande, de Liebig, obtenu par l'épuisement de la viande par l'eau, ne paraît agir que par ses sels minéraux et spécialement par les sels de potasse qu'il contient; il ne peut donc, à aucun point de vue, remplacer la viande dont il ne ren- ferme, en fait de principes alimentaires, que les principes miné- raux et ne possède en aucune façon les propriétés alimentaires qui lui ont été attribuées au début par Liebig. Voici une analyse de l'extrait de viande, par Bunge : Eau 17,9 p. 100. Cendres 21,9 — Matières organiques. . . 60,2 — L'analyse des cendres d'extrait de viande a été donnée page 364. La viande cuite à la vapeur tient le milieu entre la viande rôtie et la viande bouillie. La viande salée perd une partie de ses principes solubles (ma- tières organiques et minérales), qu'elle abandonne à la saumure ; en effet, le sel qui recouvre la viande lui enlève une partie de I 374 PHYSIOLOGIE FONCTIOANELLE. son eau et cette eau entraîne avec elle des principes solubles. Le tableau suivant donne la composition des cendres de la viande fraîche et de la viande salée : PORC. BŒUF. Pour 100 parties -" """" — "" — -^ ~ " — '^ — ^"^ ~- de cendres. Frais. Salé. Frais. Salé Masse 37,79 5,30 35,94 24,70 Soude 4,02 _ _ __ Magnésie 4,81 0,54 3,31 1,90 Chaux 7,54 0,41 1,73 0,73 Potassium — 1,25 5,36 — Sodium 0,40 34,06 — 16,82 Chlore 0,62 53,72 4,86 25,95 Oxyde de fer 0,35 — 0,98 — Phosphate d'oxyde de fer. — 0,10 — 1,04 Acide phosphorique . . . 44,47 4,71 34,36 21,41 Acide sulfurique .... — 0,12 3,37 0,62 Silice — — 2,07 0,20 Acide carbonique .... — — 8,02 — Dans la viande fumée, l'albumine de la couche superficielle est coagulée par la créosote et constitue une enveloppe insoluble qui empêche l'abord de l'air extérieur et s'oppose à la putréfac- tion. Les produits qui se forment dans ce cas ne sont, du reste, que très-incomplétement connus. Dans d'autres cas, au contraire, au lieu d'enrayer la décompo- sition de la viande on la recherche, comme dans le gibier fai- sandé, et cette décomposition, au lieu de nuire à la qualité de la viande, ne fait que développer son arôme et son fumet. Le règne animal fournit Irès-peu d'aUments hydrocarbonés ; l'amidon, la dextrine, le sucre n'existent qu'en quantité très-faible dans certains organes ou dans la chair musculaire ; le lait seul, par son sucre de lait, fait exception sous ce rapport. Mais ce défaut d'hydrocarbonés est suppléé par la présence des graisses, abondantes dans l'organisme animal et dont on augmente en- core la production en vue de fahmentation. Les substances alimentaires d'origine végétale présentent des différences très-grandes dans leur composition et dans la pro- portion d'aliments simples qu'elles contiennent. Si l'on classe ces substances alimentaires d'après les proportions de principes azotés qu'elles renferment, on a les groupes suivants : DIGi:STIO.\. 375 1° Légumineuses (pois, haricols, fèves, lentilles, etc.). Les légu- mineuses sont très-riches en albuminoïcles, et il n'y a, parmi les substances d'origine animale, que le fromage qui l'emporte sur elles sous ce rapport. (Voir le tableau page 3G8.) Voici leur com- position moyenne : Eau 137 Albuminoïdes 234 . Hydrocaibonés -5^9 Extraclif 18 Graisse -0 Sels -2 1000 C'est grâce à celte forte proportion de caséine végétale que les Chinois préparent avec les pois un fromage véritable, le îoa-foo, qui se vend dans les rues de Canton. Les légumineuses contien- nent en général fort peu de sucre. 2° Céréales. Si on range les céréales d'après leur quantité de principes azotés, en allant du plus au moins, on a la série sui- vante : Froment, orge, seigle, avoine, maïs, sarrazin, riz. Le fro- ment en contient 135 pour mille, le riz 50 pour mille seulement. Les céréales sont employées pour l'alimentation sous des formes très-variées; mais le plus important de ces produits est \e. pain. La panification a pour but de rendre la farine plus digestible en faisant agir sur elle la double influence de la chaleur et de l'humidité. La mie se cuit à 100°; la croûte seule est portée à la température de 2 1 0° environ. Le pain, une fois cuit, contient encore 40 p. 100 d'eau et 60 p. 100 de malière sèche. A Paris 100 kilo- grammes de farine donnent 180 kilogrammes de pain blanc. La combinaison du pain et de la viande constitue une excellente alimentation, et cette combinaison est du reste la base de la nour- riture habituelle partout où existe une certaine aisance. Les châtaignes, qui, dans certains pays pauvres, jouent un rôle si important dans l'alimentation, peuvent être rapprochées des céréales; mais leur proportion d'albuminoïdes (44 pour mille environ) est encore inférieure à celle du riz. 3" La pomme de terre constitue un groupe à part ; sa valeur alimentaire est beaucoup au-dessous de celle des végétaux pré- cédents, tant à cause de la plus grande quantité d'eau qu'elle contient qu'à cause de sa faible proportion d'albuminoïdes (^10 à 376 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. 20 pour mille). On peut placer à côté d'elles quelques légumes, navet, chou -rave, etc., qui renferment une quantité analogue d'albuminoïdes, mais dont l'usage alimentaire est bien moins important. Les hydrocarbonés de ces deux légumes consistent surtout en dextrine et en sucre, ce qui les distingue de la pomme de terre qui contiejit surtout de l'amidon et très-peu de dex- trine. 4° Légumes herbacés. Les légumes herbacés (chou-fleur, laitue, asperges, artichaut, épinards, oseille, etc.) présentent une composition très-variable ; mais ce qui les caractérise surtout, c'est leur forte proportion d'eau et leur petite'quantité de matières albuminoïdes et d'hydrocarbonés. 5° Fruits. Les fruits se rapprochent du groupe précédent par leur forte proportion d'eau; ils renferment du sucre, des acides organiques et du mucilage. Ils ne possèdent que des traces d'albuminoïdes. Boissons. — Les boissons peuvent être divisées en boissons alcooliques, sucrées, acidulés, gazeuses et infusions (de thé, de café), aromatiques, etc. Les boissons alcooliques se classent en deux groupes suivant la quantité d'alcool qu'elles renferment. Le premier groupe com- prend le vin, la bière, le cidre, etc., boissons dans lesquelles la proportion d'alcool ne dépasse pas 25 p. 100 et reste ordinaire- ment bien en deçà; le second comprend les eaux-de-vie et liqueurs obtenues par la distillation ou par d'autres procédés. Le tableau suivant donne les quantités d'alcool p. 100 con- tenues dans le via et la bière. Vin de Bordeaux blanc, le moins Vin de Malaga 15,8 spiritueux 7,0 — de Iloussillon 16,6 Vin de Bordeaux rouge, le moins ■ — de Madère 20,4 spiritueux 7,5 Bière douce de Brunswick . . 1,3 Vin de Mâcon rouge 7,6 — de France 2,3 — de Bordeaux rouge, le plus — de Mars 3,5 spiritueux 11,0 — double de Munich ... 3,6 Vin du Uhin 11,1 Bockbier 4,0 — de Champagne mousseux . 11,6 Salvator 4,2 — de Côte-Rôtie 12,4 Bière de Brunswick 8,0 — de Lunel 14,2 Bières fortes d'Angleterre . . 8,0 — de Sauterne 15,0 DIGESTIO-X. 377 Outre l'alcool, le vin renferme de la matière colorante, du tannin, du sucre non converti en alcool, des traces de matières albuminoïdes, des acides (acides malique et tartrique), de la crème de tartre, de la glycérine et de l'acide succinique, de i'éther acétique, de I'éther œnanthique, de l'acide carbonique, surtout dans les vins mousseux, et des sels dans lesquels dominent les phosphates et la potasse. Suivant la prédominance de tel ou tel» principe, les vins sont alcooliques (madère, xérès), sucrés (lunel, frontignani, astringents (^bordeaux), acides (vins du Rhin), mousseux (Cham- pagne, etc.), etc. La bière contient ^e l'alcool, du sucre, de la dextrine, de la gomme, de l'acide carbonique, les principes amers et aromatiques du houblon, des restes de gluten, de la graisse, de l'acide lactique et des sels minéraux qui se rapprochent des cendres de l'extrait de viande. Mitscherlich a trouvé dans les cendres de la bière 40 p. 100 de potasse et 20 p. 100 de phosphore. La bière a donc une action réellement nutritive et. outre son caractère de boisson alcoolique, agit encore par ses sels de potasse. Les eaux-de-vie et liqueurs renferment de 40 à 65 p. 100 d'alcool auquel elles doivent leurs propriétés. Une classe à part est formée par les Kqueurs qui contiennent non-seulement de l'alcool, mais des substances particulières, comme l'essence d'absinthe et quelques autres dont la nature toxique a été dé- montrée dans ces derniers temps et dont les effets s'ajoutent aux effets produits par l'alcool. iMagnan.) Les boissons sucrées et aeidules, siTO])S^limoU(ides^e[c.^ doivent leurs propriétés au sucre et aux acides organiques qu'elles con- tiennent. 11 suffira donc de les mentionner. Il en est de même des boissons gazeuses qui agissent par l'acide carbonique qu'elles renferment, acide carbonique dont l'influence, encore peu expli- quée, consiste probablement en une excitation légère de la muqueuse digestive, outre son action gustative réelle. Le thc et le café ne peuvent être considérés comme des bois- sons ahraentaires, à proprement parler; ce sont, aux doses habi- tuelles, des excitants généraux agissant surtout sur le système nerveux et sur la circulation. Quant à leur rôle d'aliment d'é- pargne, il sera étudié plus loin. (Voir aussi : Toxicologie physio- logique). Condiments. — Les condiments ne sont que des accessoires 378 PHYSIOLOGIE FOi\CTIO.\-\ELLE. de l'alimentation, mais ces accessoires ont fini par y prendre une place de plus en plus large, de telle façon que l'art de combiner et de varier les assaisonnements constitue une partie essentielle de l'art culinaire. L'étude des divers condiments est plutôt du ressort de l'hygiène; il me suffira de dire que la plupart d'entre eux agissent soit en flattant le goût, soit en excitant les sécrétions digestives. Du reste, certains aliments simples, comme le sucre, le sel, sont employés aussi comme condiments. La lempéraWre à laquelle sont ingérés les aliments et les boissons varie dans des limites considérables, depuis les glaces jusqu'aux boissons chaudes, comme le café,*le thé, ingérés à la température maximum que la muqueuse buccale puisse supporter. Les boissons froides déterminent souvent des accidents dont la cause est encore peu expliquée, mais, d'après L. Hermann et R. Gaux, devrait être cherchée dans une augmentation subite de la pression sanguine. Un dernier fait à noter, fait intéressant pour la physiologie, c'est que la réaction de la plupart de nos aliments et de nos boissons est acide. Cette acidité tient en général à la présence d'acides organiques. IliSlliographie. — Molkrchott : Physiologie der Nahrnngsmitfel, 1859. — Mo- i^ESCHOïT : De V Ali ment ation et du Régime. Paris, ISôS. — Payex : Des Sub- stances alimentaires. 4'' édition, Paris, 1SG5. 2" ACTION DES SÉCRÉTIONS DU TUBE DIGESTIF SUR LES ALIMENTS. La plupart des aliments, pour être utilisés dans l'organisme, doivent subir dans le tube intestinal des modifications préalables ; sans cela ils ne sont pas assimilables, et quand ils sont intro- duits dans le sang, ils sont éliminés en nature par les excrétions et en particulier par l'urine. Les aliments transformés et rendus assimilables, au contraire, une fois absorbés, sont utilisés par l'organisme et ne se retrouvent pas dans les excrétions. Ainsi le sucre de canne, par exemple, pour être assimilable, doit être transformé en glycose ; aussi si on injecte du sucre de canne dans les veines ou dans le tissu cellulaire d'un animal, ce sucre de canne se retrouve intact dans les urines, tandis que la glycose injectée dans les mêmes conditions ne s'y retrouve pas (Cl. Ber- nard); la glycose est assimilable, le sucre de canne ne l'est pas. DIGESTION. 379 Il en est de môme de l'albumine : l'albumine injectée dans les veines est éliminée par les urines ; l'albumine digérée ou peptone ne l'est pas. (Schiff.) Ces modifications des aliments sont accomplies par une série de liquides déversés dans toute la longueur du tube intestinal, liquides avec lesquels les aliments se mettent en rapport dans leur passage à travers ce canal. Nous allons étudier successive- ment l'action des différentes sécrétions sur les aliments. a. — Action de la salive sur les aliments. La salive (voir page 145 pour son étude chimique) n'agit que sur une seule espèce d'aliments, les aliments féculents ou l'ami- don. L'amidon se transforme d'abord en dextrine puis en glycose en absorbant de l'eau ; la réaction est exprimée par les équations suivantes : C«H lOQS _ C«H'«0' Ami idon. Dextrine. C«H'«0^ + H-0 ^C^H' -o« Dextrine. Glvcose. ou mieux, en employant les formules indiquées page 202 : C18H30015 ^ H-20 ^ C'-H-''0'<* -h G«H'-0« Amidon. Dextrine. Glycose. C'-H-^O'" -4- 2H-0 = 2G''H'-0« Dextrine. Glycose. Pour que cette transformation se produise, il faut que le liquide soit à une température de 35° environ :' quand la température est plus basse, l'action est beaucoup plus lente; quand elle atteint par contre 70°, elle est complètement arrêtée par la destruction de la ptyaline. Cette transformation se produit dans un milieu neutre ou faible- ment alcalin, et même, quoique moins activement, dans un milieu faiblement acide: un excès d'alcali ou d'acide (plus de 1 p. 100 d'acide chlorhydrique par exemple) l'arrête complètement; mais l'action saccharifiante reparaît par la neutralisation de la liqueur, à moins que la quantité d'acide ou d'alcali n'ait été trop considé- rable. Quand la proportion de glycose formée atteint un certain 380 PHYSIOLOGIE F0>'CTI0>};ELLE. chiffre, 1,5 à 2,5 p. 100, la saccharification s'arrête et reprend de nouveau si on étend la liqueur. La transformation est beaucoup plus rapide avec l'amidon cuit qu'avec l'amidon cru ; avec le premier elle ne se fait qu'au bout de quelques heures, et il faut renouveler souvent la salive en maintenant le mélange à 35 degrés. D'après 0. Hammarsten, les différentes sortes d'amidon ne présentent pas le même degré de résistance à l'action de la salive; il a trouvé les chiffres suivants pour le temps nécessaire pour sacchariffer diverses espèces d'amidon cru avec de la salive d'homme : Amidon de pomme de terre ... 2 heures à 4 heures. — de pois . 1 h. 3/4 à 2 — — de blé 30 minutes à 1 — — d'orge 10 — à 15 minutes. — d'avoine 5 — à7 — — de seigle 3 — à6 — — de maïs 2 — à3 — En pulvérisant l'amidon avant de faire agir la salive, la sac- charification se faisait pour toutes les espèces d'amidon à peu près dans le même temps. Dans cette saccharification de l'amidon, la salive commence par dissoudre la granulose et la transforme en dextrine, puis en glycose ; aussi trouve-t-on dans la liqueur, suivant la durée d'ac- tion, soit un mélange de dextrine et de sucre, soit du sucre seu- lement. La cellulose d'amidon reste au contraire intacte et les grains d'amidon paraissent sous le microscope sous leur forme primitive, mais avec une structure feuilletée plus marquée; ils se divisent plus facilement par la pression en lamelles écailleuses fragiles ; ils ont alors perdu la propriété de bleuir par l'iode qui les colore en rouge. Pour reconnaître la présence de la glycose dans l'amidon cru ou cuit soumis à l'action de la salive, on se sert ordinairement de la liqueur de Barreswill (voir page 66), mais la fermentation alcooUque est le procédé le plus sûr pour déceler la présence du sucre. Quand on verse goutte à goutte de l'empois d'amidon bleui par l'iode dans de la salive à 35^ cet empois se décolore immé- diatement (Vintschgau) ; mais cette décoloration ne prouve pas, comme on l'a prétendu, la présence de la glycose; en effet, dans ce cas le réactif de Barreswill ne donne pas de précipité rouge ; DIGESTION. 381 la salive enlève simplement l'iode à l'amidon et forme avec lui un composé incolore: il est probable qu'il se forme de l'acide iodby- drigue en présence des matières organiques ; l'urine, le suc pancréatique, le sérum musculaire ont la même action. (SchifT.) - La liquéfaction de l'empois dans la salive n'est pas non plus, comme on l'a cru, une preuve de sa transformation en glycose. La salive, et même la salive non saccliarifiante de certains ani- maux, dissout plus d'amidon que l'eau à la même température ; du reste, cette liquéfaction peut tenir à la formation d'amidon soluble. La présence des autres sucs digestifs ne paraît pas empêcher l'action de la salive sur l'amidon : aussi se continue-t-elle dans l'estomac, mais plus lentement; il semble du reste y avoir sous ce rapport de très-grandes variétés individuelles. La propriété saccharifiante de la salive mixte est due àlaptya- line et non à une altération des principes contenus dans la salive. Elle présente de très-grandes difî'érences d'intensité d'action sui- vant l'espèce animale. La salive mixte de l'homme est Irès-active, moins active cependant que celle du cabiai qui agit presque ins- tantanément; celle des herbivores l'est plus que celle des carni- vores ; chez le chien, l'action saccharifiante ne commence qu'après quinze à trente minutes ; chez le chat, elle est très-lente et n'a guère lieu qu'au bout d'une heure. Le genre d'alimentation paraît cependant être sans action sur la puissance saccharifiante de la salive ; il y a là plutôt une affaire d'organisation. D'après Cl. Bernard, le rôle chimique de la salive serait un phénomène accessoire dans la digestion naturelle chez l'animal vivant, et la salive n'aurait à remplir qu'un rôle purement mé- canique en rapport avec la mastication, la gustation et la déglu- tition. Il est certain qu'on a beaucoup trop exagéré l'action sac- charifiante de la salive, et que la transformation de l'amidon en glycose est surtout due au suc pancréatique; cependant l'asser- tion de Cl. Bernard nous paraît trop absolue, surtout chez les herbivores et chez l'homme. Action des salives partielles sur l'amidon. — Chez l'homme, toutes les salives partielles, sauf peut-être le liquide des glandes j)uccales, transforment l'amidon en glycose. Cepen- dant Cl. Bernard leur refuse toute action saccharifiante et ne l'accorde qu'à la salive mixte. 3S2 rnYsioLOGiE ^o^■CTIo:;^'ELLE. L'action des salives partielles chez les animaux est très-varia- ble, et les auteurs sont loin de s'accorder sur ce sujet. La salive parotidienne, d'après Cl. Bernard, n'aurait que des usages mécaniques, comme agent d'imbibition et de ramollisse- ment dans la mastication, et serait sans action sur l'amidon. Ce- pendant d'autres physiologistes ont constaté sa propriété saccha- rifiante chez le mouton, le lapin, et quoique à un plus faible degré chez le chat et le chien. Pour la sahve sous-maxillaire, il en est de même. Chez les carnivores, la plupart des observateurs l'ont trouvée sans action, et elle ne servirait qu'à la gustation des aliments (Cl. Bernard); chez les herbivores, au contraire, elle agit énergiquement, sauf, d'après Schiff, chez le lapin, exception qui n'a pas été confirmée par d'autres expérimentateurs. La salive sublinguale paraît se comporter comme la salive sous-maxillaire. Pour Cl. Bernard, c'est la salive de la déglutition. h. — Action du suc gastrique sur les aliments. Le suc gastrique (voir page 155 pour son étude chimique) n'agit que sur les aliments azotés, que sur les substances albu- minoïdes. Il les transforme en pepîones (albuminose), c'est-à-dire en corps facilement solubles et diffusibles, susceptibles par con- séquent d'être absorbés, de passer dans le sang et d'y être assi- milés. Les peptones se distinguent des albuminoïdes dont elles pro- viennent par les caractères généraux suivants : r Elles sont toujours facilem^ent solubles dans l'eau; 2° Elles ont une très-grande diffusibilité ; leur équivalent en- dosmotique est très-faible ; aussi la dialyse est-elle un excellent moyen de séparer les peptones des autres substances albu- minoïdes ; 3° Elles ne précipitent pas par l'ébullition ; 4° Elles ne précipitent pas par les acides minéraux et la plu- part des sels métalliques, chlorure de fer, sulfate de cuivre, etc. Elles précipitent par l'alcool absolu des solutions neutres con- centrées en flocons blanc grisâtre solubles^dans l'alcool étendu; 5^* Injectées dans le sang, elles ne reparaissent pas dans l'urine à l'état d'albumine. DICrESTIO>'. 083 Les caractères des peptoncs varient un peu suivant la substance dont elles proviennent, et pour une même substance on eu trouve plu- sieurs modifications, bien étudiées par BrQcke, Corvisart, Meissner, Schiff, etc. On peut à ce point de vue distinguer les substances suivantes. Les unes, comme la mctapeptone et peut-être la parapeptone, ne sont que des produits de transition ; les autres, peptoues proprement dites, sont les produits terminaux définitifs de la digestion gastrique. A. Peptones. — La peptone se présente sous trois états distingués par Mcissner sous les noms de peptone A, peptone B et peptone C ; toutes les trois sont très-solubles dans l'eau et les acides dilués; elles se distinguent les unes des autres par les caractères suivants : 1" Peptone k\ elle précipite des solutions neutres par l'acide nitrique concentré et des solutions très-légèrement acidulées avec Tacide acé- tique par le ferrocyanure de potassium ; 2° Peptone B: elle précipite par le ferrocyanure et ne précipite pas par Tacide nitrique ; 3'' Peptone C : elle ne précipite par aucun des deux réactifs. B. Parapeptone. — Elle précipite des solutions faiblement acides ou faiblement alcalines par l'alcool mélangé d'éther; elle précipite des solu- tions acides par des solutions concentrées de différents sels neutres, comme le sulfate de soude ; l'action prolongée du suc gastrique ou l'ébullition la rendent insoluble, et c'est cette modification insoluble qui constitue ce qu'on a appelé la cbjspeptone. D'après Briicke et V. Wittich. la parapeptone se transformerait à la longue en peptone ; d'après Scbiflf, au contraire, cette transformation n'aurait jam.ais lieu. Quant à la dys- peptone. elle ne parait pas se produire dans la digestion naturelle. C. Métapeptone. — Si le liquide est préalablement neutralisé et débarrassé de la parapeptone par la fîltration, l'addition d'une très- légère quantité d'acide (plus de 1 pour mille) donne un précipité flocon- neux de métapeptone, soluble dans un excès d'acide et qui se reforme par les acides minéraux concentrés. En poussant aussi loin que possible les digestions artificielles, on n'obtient que la parapeptone et la peptone C. Par contre, dans la diges- tion stomacale on rencontre surtout les formes A et B, et la transforma- tion complète en peptones G se fait surtout dans l'intestin. Certains auteurs ont encore admis un degré plus avancé de transfor- mation avec production de leucine et de tyrosine. La transformation des albuminoïdes en peptones est produite par l'action de la pepsine; mais celle-ci ne peut agir qu'en pré- sence d'un acide et la transformation ne se fait pas dans un milieu neutre ou alcalin. Certaines conditions favorisent ou retardent cette transforma- 384 PHYSIOLOGIE FO^'GTIO^^\ELLE. lion ; elle est accélérée par une température de 36° à 38" et par l'agitation, empêchée au contraire par une température trop basse (au-dessous de + 5°) ou trop élevée (au delà de + 60"), par un excès d'acide, d'alcali, d'alcool, en un mot par tout ce qui peut amener la destruction de la pepsine. La présence d'un excès de peptones dans la liqueur arrête aussi la digestion. Pour étudier plus en détail les phénomènes intimes de la di- gestion stomacale et ses diverses phases, on emploie soit les digestions artificielles, soit l'introduction des aliments dans l'es- tomac par des fistules gastriques. A. — DIGESTIONS ARTIFICIELLES. Les dig-estions artificielles se pratiquent avec du suc gastrique artifi- ciel, ou avec du suc gastrique naturel extrait de fistules gastriques (voir page 155); les substances sur lesquelles on fait agir le suc gastrique sont placées dans une étuve maintenue par un régulateur à une tem- pérature constante de 38° environ. P. Griltzner et A. Griinhagen ont imaginé des procédés ingénieux pour rendre sensible aux yeux la puissance digestive d'un liquide digérant. Procédé de P. Gninhagen. On met de la fibrine dans de l'acide clilorliydrique à 0,2 p. 100; elle se gonfle et forme une masse gélatineuse qu'on place dans un entonnoir avec ou sans filtre et on ajoute un peu du liquide digérant; au bout de quelques minutes, on voit les gouttes de fibrine digérée couler dans l'entonnoir avec plus ou moins de rapi- dité, suivant la rapidité de la digestion. — Procédé de P. Grûtzner. On colore la fibrine par du carminate ou du picrocarminate d'ammoniaque; à mesure que la digestion de la fibrine se produit, la liqueur se colore, la fibrine en se dissolvant abandonnant sa matière colorante. 1° Action du suc gastrique sur les aliments. 1° Fibrine. — La fibrine commence par se gonfler, puis elle se dissout peu à peu en donnant une solution fortement opaline qui n'est pas troublée par la chaleur; on retrouve dans la liqueur les différentes espèces de peptones énumérées plus haut. Celte diges- tion de la fibrine est très-rapide, aussi la choisit-on en général pour apprécier la puissance digestive d'un sac gastrique, puis- sance digestive qui se mesure, soit par la vitesse aveclaquelle un DIGESTION. 385 poids donné de fibrine se dissout dans le liquide (Briicke), soit par le poids de la fibrine digérée dans un temps donné. 2° Albumine liquide ou crue. — Elle ne se coagule pas comme on le croyait d'abord, mais prend seulement un aspect laiteux dû au tissu aréolaire qui la renferme ; en effet, si on la filtre, cette teinte laiteuse disparait. Sa digestion paraît beaucoup plus lente que celle de la fibrine ; cependant ce fait a été nié par Fick. 3° Albumine solide ou coagulée. — Si on place dans du suc gastrique des morceaux d'albumine coagulée, les angles sont at- taqués les premiers; ils se gonflent, deviennent transparents, puis peu à peu se réduisent en une pulpe caséeuse et finissent par se résoudre en un liquide clair qui contient environ -/g de peptone et % de parapeptone. 4° Caséine. — Elle forme d'abord une solution trouble qui se coagule bientôt en se prenant en gelée, puis se liquéfie et donne un liquide clair qui contient des peptones, de la méta])eptone, une petite quantité de parapeptone et un résidu de dyspeptone (20 p. 100 des matières albuminoïdes). La caséine paraît être un des aliments les plus diflicilement digérés. 5° Gluten. — Le gluten cru est digéré très-rapidement par le suc gastrique, et, dans ce cas, il ne présente pas la couche pul- peuse qui recouvre les autres substances albuminoïdes. Quand il est cuit, sa digestion se fait comme celle de l'albumine coagulée. 6° Syntonine ou fibrine musculaire. — La syntonine, obte- nue en coagulant le suc musculaire par l'acide chlorliydrique à 0,2 p. 1 00 et la neutralisant ensuite, donneune gelée cohérente qui fournit beaucoup de métapeplone et des peptones d'une nature particulière. T'' Caséine végétale ou légumine. — La légumine se digè'-.î très-rapidement dans le suc gastrique; d'après Schiff, un suc aciue, même dépourvu de pepsine, opère celte digestion, la légumine contenant déjà une substance analogue à la pepsine. 8" Gélatine. — La gélatine (provenant des os, des tendons, etc.) se dissout rapidement dans le suc gastrique sans se convertir préa- lablement enmassepulpcuse, et la dissolution s'y fait plus vite que dans l'eau aciduléesimple àla môme température. Cette solution de gélatine dans le suc gastrique (peptone de gélatine) ne se prend pas en gelée par le refroidissement, comme une solution de gélatine ordinaire; cependant si on l'injecte dans le sang d'un chien, elle n'est pas assimilable et se retrouve dans l'urine. (Fedb.) La dis- Beaunis, Phys. 25 386 PHYSIOLOGIE FONCTI 0.\>'ELLE. solution de la chondrine est plus lente que celle de la gélatine ordinaire. Le suc gastrique est sans action sur le tissu élastique, le tissu corné, la mucine, la cellulose, l'amidon. 11 dissout la gomme, le sucre de canne, la partie soluble de la pectine, mais sans leur faire subir de modification. Les sels solubles dans l'eau acidulée, les carbonates et les phosphates de chaux, sont dissous par le suc gastrique. Il décompose, en outre, les carbonates qu'il transforme en chlorures en en dégageant l'acide carbonique. 2° Action du suc gastrique sur les ])rinci])ales substances alimentaires. r Lait. — Le lait se coagule très-rapidement dans le suc gas- trique; le sucre de lait et les sels sont dissous, et il se produit des caillots de caséine qui enveloppent la graisse, puis les caillots de caséine se dissolvent peu à peu en mettant la graisse en liberté et se transforment en peptones. La coagulation du lait est habi- tuellement attribuée à l'acide libre du suc gastrique; cependant si on neutralise le suc gastrique, la coagulation ne s'en produit pas moins, et d'un autre côté la pepsine pure et neutre n'agit pas sur le lait; on est donc porté à admettre dans la muqueuse sto- macale un ferment spécial qui coagulerait la caséine. D'après 0. Hammarsten, ce ferment, auquel il donne le nom de lah ou caillette, existe en efTet dans la muqueuse et coagule instantané- ment la caséine. 11 admet en outre un autre ferment qui aurait la propriété de transformer le sucre de lait en acide lactique. 2" Chair musculaire. — Les fibres primitives commencent par se dissocier avec plus ou moins de rapidité par suite de la disso- lution de la substance connective qui est interposée entre ces libres; les striations transversales deviennent plus marquées et les libres primitives se rompent par places entre deux stries transversales; la substance claire se dissout la première et peu à peu les libres primitives deviennent gélatineuses et se dissol- vent, ainsi que le sarcolemme (?). La digestion est plus rapide quand une cuisson préalable a déjà dissocié les fibres muscu- laires; elle est plus lente pour la viande grasse que pour la viande maigre, pour la chair des vieux animaux que pour celle DIGESTION. 387 des jeunes, pour la chair de poisson que pour celle des autres espèces animales. 3" Sang. — Le sang cuit est plus lentement digéré que le san" cru ; les globules sanguins sont rapidement détruits comme par l'action des acides; il en est de même des globules blancs, sauf le noyau qui résiste à l'action du suc gastrique. Les modifications que subit l'hémoglobine n'ont pas été étudiées. L'albumine du sérum subit les mêmes modifications que l'albumine ordinaire. 4" llssus connectifs. — Les ligaments, les tendons, les mem- branes connectives, les cartilages, surtout s'ils sont crus, ne sont que lentement dissous, et plus le tissu est compacte, plus la diges- tion est difficile. On a vu plus haut les caractères de cette gélatine digérée. Les fibres élastiques, les noyaux de cellules ne sont pas altérés. En outre, le suc gastrique met la graisse en liberté et la fluidifie en dissolvant la membrane des cellules adipeuses. 5" Os. — On avait nié autrefois la digestibililé des os, mais on a constaté d'une façon positive qu'ils finissent par disparaître à la longue; la matière organique est dissoute la première; les sels calcaires le sont beaucoup plus lentement et jamais en totalité ce qui donne aux excréments du chien, par exemple, des carac- tères particuhers. La digestion des os exige beaucoup de suc gastrique, car sa neutralisation par les sels de chaux lui enlèfe sa puissance digestive. G° Substances végétales. — La digestion des substances végé- tales par le suc gastrique est en général plus lente que celle des substances alimenlaires animales, à cause de la grande quantité de parties réfractaires qu'elles contiennent et en particulier de cellulose, quoique, d'après les recherches de Meissner, la cellulose puisse être digérée par les herbivores. La vitesse de la digestion artificielle dépend de la nature et de l'état des aliments et des substances alimentaires. En général, la cuisson, la division mécanique favorisent la transformalion di- gestive; la présence de la graisse ou d'une trop grande quantité de sels la rendent, au contraire, plus difficile. 3" Mode d'actpon du site gastrique. L'intervention d'un acide et de la pepsine étant indispen- sable pour l'action digestive du suc gastrique, il est nécessaire 388 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. de chercher à faire la pari qui revient à chacun d'eux dans la digestion. 1" Rôle de l'acide. — Si l'on fait agir les acides dilués sur les matières albuminoïdes liquides (albumine du hlanc d'œuf, par exemple) soit à froid, soit à chaud, une partie de cette albumine linit bien par se transformer en albumine incoagulable, analogue à la parapeptone, qui se précipite si on neutrahse la solution ou si la liqueur est très-faiblement acide; mais elle se distingue de la parapeptone parce que celle-ci est soluble dans l'alcool pur, ne précipite pas à 100 degrés dans les solutions dont on a fortement modifié l'acidité, et surtout parce que, mise en présence du suc gastrique, elle reste inaltérée (fait nié cependant par quelques au- teurs), tandis que l'albumine, rendue incoagulable par les acides, disparaît dans le suc gastrique en donnant de' la peptone et de la parapeptone. Les matières albuminoïdes solides sont solubles aussi dans les acides, mais il faut que ces acides soient excessivement dilués (4 millièmes d'acide chlorhydrique, par exemple), et la quantité d'albumine dissoute est toujours très-faible. Ces faits semblent prouver que Yacide seul ne suffit pas pour accomplir la digestion. Agit-il pour préparer la digestion, et en quoi consiste alors cette préparation? On a cru d'abord qu'elle consistait en un gonflement préalable de la substance albuminoïde. Ce gonflement existe en effet, mais il n'est pas indispensable; si on entoure de la fibrine avec un fil de façon à empêcher le gonfle- ment de la masse, la digestion ne s'en fait pas moins. D'après Meissner, les corps albuminoïdes liquides ne peuvent être digérés que s'ils ont subi la modification qui les rend in- solubles dans l'eau; or, pour que cette action se produise, il faut un excès d'acide; si cet excès d'acide n'existe pas, les al- buminoïdes liquides ne peuvent être digérés, les albuminoïdes insolubles seuls le sont; c'est ce qui arrive, par exemple, si on ajoute au suc gastrique un excès de pepsine qui neutralise, qui lie, pour employer l'expression technique, une certaine quantité d'acide. Mais outre Yacide libre qui, dans le suc gastrique, sert à préparer les albuminoïdes à la digestion, il faut encore une autre quantité d'acide liée à la pepsftie et qui constitue avec elle l'agent de la digestion proprement dite. En effet, la pepsine neutre est sans action sur les substances albuminoïdes, même quand l'ahment a été préparé par un acide. C'est ce que tend à DIGESTION. 389 prouver l'expérience suivante de Schiff. Il laisse pendant six se- maines de la tripe dans de l'eau acidulée; cette tripe se gonlle et se transforme en une sorte de geiée demi-transparente sans subir d'altération; une moitié de cette tripe est placée telle quelle dans du suc gastrique préparé avec l'estomac d'un chien; l'autre moitié est lavée jusqu'à ce que toute réaction acide ait disparu et placée dans la même quantité de suc gastrique neutralisé; au bout de vingt-quatre heures de séjour à l'étuve, l'infusion neu- tralisée présente déjà un commencement de putréfaction, l'in- fusion de tripe acide est complètement digérée. Cette expérience prouve et la nécessité d'un excès d'acide libre, et la nécessité do la pepsine aciditiée. La nature de l'acide est sans influence essentielle sur la diges- tion et on peut, dans le suc gastrique artificiel, remplacer l'acide normal par n'importe quel acide; seulement, pour un acide donné, il y a une proportion qui donne le maximum d'effet digestif, et cette proportion varie suivant la substance albuminoïde à digérer. Ainsi, pour l'acide chlorhydrique, les proportions les plus favo- rables sont 7ioooo pour la digestion de la fibrine, '-/loooo V^uv celle de l'albumine. Avec l'acide phosphorique, il faut des pro- portions plus considérables. Quand on augmente la quantité de pepsine dans un suc gastrique artificiel, il faut, d'après les faits donnés plus haut, augmenter aussi la quantité d'acide pour avoir le maximum d'action, mais pas dans une proportion aussi forte. 2" Rôle de la pepsine. — On a vu plus haut que la pepsine est indispensable à la digestion et que cette pepsine n'agit qu'à con- dition d'être acidifiée. On s'est demandé si cette pepsine acide ne formait pas une combinaison définie, un acide peptique ou chlo- ropeptiqite; mais c'est peu probable. En effet, on peut remplacer l'acide chlorhydrique par un autre acide, et quoique tous ces aci- des aient un équivalent très-dilRîrent, les proportions qu'il faut en ajouter à la pepsine ne varient que dans des lioaites très-peu étendues. Pour que la pepsine agisse, il faut qu'elle soit délayée dans une certaine quantité d'eau, et le maximum d'action de la pepsine correspond à une proportion déterminée d'eau. Ainsi, Schiff a trouvé que la même quantité de pepsine d'estomac de chat, dé- layée dans les quantités d'eau suivantes, digérait les quantités d'albumine solide ci-après : 390 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Eau. Albumine. 200 grammes. 19G grammes, 300 — 280 — 400 — 391 — 800 — 680. — 1200 — 888 — 1600 — 870 — Aussi arrive-t-il souvent que lorsqu'une digestion artificielle s'arrête, on la fait reprendre par une addition d'eau, et ainsi de suite jusqu'à ce que la dilution finisse par être trop considérable. Quand la quantité d'eau est trop faible, la digestion ne se fait que lentement ou pas du tout. Il suffit de très-peu de pepsine pour digérer des quantités considérables d'albuminoïdes ; si on a la précaution d'enlever par la dialyse les peptones formées qui arrêtent la digestion et qu'on ajoute feau et facide nécessaires pour que la pepsine puisse agir, on peut avec la même pepsine digérer successive- ment des quantités presque illimitées de fibrine. La pepsine agirait donc comme un ferment et ne se détruirait pas pendant la digestion. C'est en effet f opinion de Brucke; cependant Schiff, en employant des proportions considérables de fibrine (3 kilogr.), a vu la digestion s'arrêter définitivement, faute de pepsine, en laissant un résidu de fibrine non digérée. (Schiff, Leçons sur la digestion, t. II, page 115.) 4° Production artificielle des peptones. La.cuisson prolongée des albuminoïdes (surtout sous une pres- sion de 2 à 3 atmosphères dans une marmite de Papin) donne des corps tout à fait analogues aux peptones {albuminose de cuisson de Gorvisart). Ces produits ont non-seulement tous les caractères physiques et chimiques des peptones proprement dites, mais ils ont encore leurs propriétés physiologiques; in- jectés dans les veines d'un animal, ils sont assimilés et ne parais- sent pas dans les urines. (Schiff.) L'action dejl'air ozonisé produit aussi des corps analogues. (Gorup-Besanez.) Cependant Schiff, en injectant ces peptones dans les veines d'un lapin, les a retrouvées dans les urines, preuve qu'elles n'étaient pas assimilées. DIGESTIO.X. 391 D'après quelques auteurs, l'action prolongée des acides pourrait aussi transformer la fibrine en peptone. B. — DIGESTION GASTRIQUE NATURELLE. L'action du suc gastrique dans l'estomac vivant est identique dans ses traits principaux, à ce qu'elle est dans les digestions artificielles; il y a seulement des difTérences provenant de la diversité même des conditions dans lesquelles se trouvent les aliments. Les conditions spéciales qui interviennent dans la digestion stomacale naturelle sont les suivantes : 1° La sécrétion du suc gastrique est incessante pendant toute la durée de la digestion stomacale, et l'aliment trouve toujours, par conséquent, les proportions les plus favorables d'acide et de pepsine et à l'état de dilution convenable; 2° Les peptones sont absorbées à mesure qu'elles sont formées, ou bien passent avec les aliments dans l'intestin grêle ; or, comme on a vu qu'un excès de peptone s'oppose à la continuation de la digestion, leur absorption continuelle conserve au suc gastrique toute sa puissance digestive; 3° L^s mouvements de l'estomac (voir: Phénomènes méca- niques de la digestion] facilitent aussi l'action du suc gastrique en mettant successivement toutes les parties des aliments en rap- port avec le suc sécrété par la muqueuse. L'abord de la salive dans l'estomac ne modifie pas les phéno- mènes de la digestion des albuminoïdes par le suc gastrique. On a pu, du reste, s'en assurer directement chez des animaux por- teurs de fistule gastrique et chez lesquels on avait pratiqué des fistules des conduits salivaires, ou même l'extirpation des glandes, pour empêcher l'arrivée de la salive dans l'estomac. La présence d'aliments autres que les albuminoïdes (graisses, féculents, etc.), ou celle de substances réfractaires, ne modifie pas non plus essentiellement les phénomènes digestifs. Elles ne peu- vent agir qu'en retardant l'action du suc gastrique ; ainsi, la graisse qui entoure les albuminoïdes empêche l'imbibition rapide de la Substance alimentaire par le suc gastrique ; par contre, certaines substances réfractaires pourront aider la digestion en irritant mécaniquement la muqueuse et ^n activant sa sécrétion. 392 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. La durée de la digestion stomacale est à peu près impossihle| à déterminer d'une façon précise. En etFet, tandis que, dans les digestions artificielles, on peut pousser l'action du suc gastrique sur l'albuminoïde jusqu'à la digestion complète, dans ladigestioi naturelle il n'en est plus de même; la plupart des aliments tra-j versent l'estomac et arrivent dans l'intestin avant que leur diges^ tion soit achevée; ainsi, chez des hommes porteurs de fistules duodénales, on a vu de la chair musculaire, du lait même non •coagulé, se présenter à l'orifice de la fistule dix minutes après l'ingestion. Cependant une certaine partie des substances albumi- noïdes subit toujours dans l'estomac même un commencement de transformation digestive et fournit déjà de la peptone et de la parapeptone. c. — Action du suc pancréatique sur les aliments. Le suc pancréatique (voir page 161 , pour son étude chi- mique) agit sur les trois espèces d'aliments, féculents, graisses et albuminoïdes, et cette triple action justifie le rôle prédominant que Cl. Bernard lui assigne dans les phénomènes de la digestion. 1° Action du suc 'pancréatique sur V amidon. La transformation de l'amidon en glycose par le suc pan- créatique, découverte en 1840 par Yalentin,et étudiée depuis par Bouchardat et Sandras, est identique à celle qui se produit sous l'influence de la salive, mais elle est encore plus rapide; à 35° elle est instantanée. Cette transformation n'est empêchée ni par la bile, ni par le suc gastrique, et elle se produit aussi bien avec le suc des fistules permanentes qu'avec le suc des fistules tem- poraires. Cette action est due à un ferment spécial isolé par Cohnheim. D'après Korowin, cette propriété saccharifîante n'existerait pas dans le pancréas du nouveau-né, et ce ne serait qu'à partir du deuxième mois que le suc pancréatique pourrait transformer l'amidon en glycose, et à un an seulement qu'il aurait un pouvoir saccharifiant égal à celut de l'adulte. DIGESTIO.X. 393 2° Action du suc panci'êatique sur les graisses. Le suc pancréatique a une double action sur les graisses: r II les émulsionne; si on agite de la graisse liquide ou de l'huile avec du suc pancréatique, il se forme une émulsion blanche comme du chyle, émulsion qui persiste et dans laquelle les globules graisseux sont encore plus finement divisés que dans le lait. (Cl. Bernard.) Il faut environ deux grammes de suc pancréatique pour émulsionner un gramme de graisse. 2" Il décompose les graisses neutres en acides gras et glycé- rine. Si on met dans une étuve à 35" un mélange de graisse et de suc pancréatique additionné de teinture de tournesol bleue, le mélange, d'abord alcalin, devient peu à peu acide et la teinture de tournesol prend une coloration rouge. Les acides gras sont ainsi mis en liberté et s'unissent aux alcalis du suc pancréatique pour former des savons acides. Cette action est empêchée par l'ébullition. D'après D'anielewski, elle serait due à un ferment spécial. 3^ Action du suc pancréatique sur les substances alhuminoïdes. L'action du suc pancréatique sur les substances albumino'ides a été très-controversée. Pour les uns, c'était une véritable digestion, pour d'autres une simple putréfaction. Cependant les recherches de Corvisart, Meissner, Kuhne, etc., ont montré que si l'on emploie le suc des fistules temporaires ou l'extrait de glande fraîche, prise à la sixième heure de la digestion (chien), la puissance digestive est incontestable. Seulement, cette digestion s'accompagne de phénomènes particuliers qui la distinguent essentiellement de la digestion par le suc gastrique. L'action du suc pancréatique sur les aliments alhuminoïdes peut être partagée en trois phases successives. 1° Dans la première phase, les substances alhuminoïdes sont transformées en peptones. Cette transformation, qui se fait sans gonflement préalable et qui se produit, que le miheu soit neutre, alcalin ou faiblement acide, est très-énergique et très-active. Les 394 PHYSIOLOGIE FONGTION^'ELLE. peptoi^es formées paraissent identiques aux peptones obtenues avec le suc gastrique; elles précipitent par les acides et les sels acides, à l'exception du phosphate acide de soude. (Diakonow.) Gomme pour la digestion gastrique, la chaleur favorise cette transformation. La gélatine et les tissus qui donnent de la colle se dissolvent aussi dans le suc pancréatique. 2" A cette première phase de digestion proprement dite en succède bientôt une autre caractérisée par la formation de grandes quantités de leucine et de tyrosine; ces substances ne proviennent pas directement des substances albuminoïdes, mais des peptones formées à leurs dépens ; en effet, à mesure que la leucine et la tyrosine se produisent, la quantité de peptones diminue, et cette production de leucine et de tyrosine se fait même quand on met en présence du suc pancréatique des peptones toutes formées au lieu d'aliments albuminoïdes. 3° Dans la troisième phase, on remarque une diminution non- seulement des peptones, mais de la leucine et de la tyrosine, et il se produit par leur décomposition un certain nombre de prin- cipes encore peu étudiés et d'odeur fécaloïde très-pénétrante, qui donnent au mélange une coloration brunâtre ; ce sont des acides gras, une substance qui précipite par l'eau chlorée en filaments violets, de l'indol, etc. Cette troisième phase se produit plus vite quand le milieu est alcalin; un degré léger d'acidité en retarde l'apparition. Cette dernière phase a lieu aussi sur le vivant dans l'intestin à l'état normal. Mais il est probable que la plus grande partie des peptones formées dans la première période d'action du suc pancréatique est absorbée, et qu'une faible partie seulement subit les transformations des deux dernières périodes. D'après Cl. Bernard, Faction préalable de la bile et du suc gas- trique sur les albuminoïdes est une condition de la digestion pancréatique de ces aliments; cependant Corvisart, Kuhne et d'autres expérimentateurs ont obtenu des digestions complètes, sans putréfaction, par l'action isolée du suc pancréatique. En soumettant des albuminoïdes à une cuisson prolongée avec de l'acide sulfurique étendu, Kiihne a obtenu une production artificielle de peptones, et en continuant l'action, il s'est formé de la leucine et de la tyrosine dont la quantité augmentait à mesure que diminuaient les peptones. I DIGESTION. 395 d. — Action de la bile sur les aliments. L'action de la bile sur les aliments et le rôle véritable de cette sécrétion sont encore très-obscurs et, malgré les nombreux tra- vaux faits sur cette question, on n'est pas encore arrivé à des résultats positifs et incontestables. 1° Action de la bile sur les diverses espèces d'aliments, 1" Albuminoïdes. — La bile est sans action digestive sur les substances albuminoïdes, comme la fibrine, l'albumine crue ou cuite, etc. Elle les précipite de leur solution dans les acides étendus et dans le suc gastrique. Les peptones et les parapeptones pro- duites dans la digestion gastrique des albuminoïdes donnent avec la bile un précipité jaune, résiniforme, floconneux, qui dans l'in- testin adhère aux villosités et se reconnaît facilement. Ce pré- cipité, soluble dans les alcalis faibles, ne consiste pas seulement en acides biliaires et matières colorantes; il contient aussi des matières albuminoïdes, car il donne la coloration rouge avec le réactif de Millon. La pepsine du suc gastrique est entraînée méca- niquement par le précipité, sans cependant subir d'altération, et la liqueur perd tout pouvoir digestif. Cette précipitation , qui est due aux acides biliaires, ne se fait pas si le milieu est alcalin. Ces faits prouvent que si la bile s'oppose à la digestion des sub- stances albuminoïdes dans le suc gastrique, elle ne s'oppose en rien à leur digestion par le suc pancréatique. ^ 2° Hydrocarbonés. — Il y a sur ce sujet de très-grandes con- tradictions entre les différents physiologistes. Suivant les uns, la bile fraîche (sauf peut-être celle de porc) est sans action sur l'a- midon ; cependant, sous certaines conditions encore indétermi- nées (bile altérée?), elle peut transformer l'amidon en glycose. D'autre part, V. Wittich a isolé de la bile fraîche un ferment dia- statique qui transformerait l'amidon en glycose. 3° Graisses. — La bile émulsionne les graisses, mais l'émul- sion tient très-peu de temps et est beaucoup moins complète que celle que forme le suc pancréatique. Mais quand les acides gras 396 PHYSIOLOGIE F ONCTIO.XXE L LE. sont mis en liberté (par l'action du suc pancréatique^, ils forment des savons solubles avec les alcalis de la bile, et ce mélange de savons et d'acides biliaires a la propriété d'émulsionner les graisses neutres d'une façon plus parfaite que la bile même. 2'^ Usages de la hile. D'après ce qui vient d'être dit de l'action de la bile sur les dif- férents aliments, il est très-difficile de se faire une idée exacte de ses fonctions. Ce qui rend la chose encore plus obscure, c'est que le maximum de la sécrétion biliaire paraît correspondre au mo- ment où les aliments ont déjà traversé le duodénum. Les opinions des physiologistes sur les fonctions de la bile peuvent donc se ranger sous deux divisions principales. Pour les uns, l'action de la bile serait une action digestive, sur laquelle, du reste, on est loin de s'entendre. Cependant, la plupart la font intervenir dans la digestion des graisses. On a vu plus haut l'opinion de Cl. Bernard sur le rôle de la bile dans la digestion des albuminoïdes par le suc pancréatique, opinion infirmée par les recherches de Corvisart. Quelques auteurs ont admis, en se basant sur la propriété qu'a la bile de précipiter lespeptoneset sur l'ad- hésion de ce précipité aux villosités intestinales, que la bile re- tardait ainsi le passage des matières assimilables dans l'intestin, de façon à rendre leur absorption plus complète. Les physiologistes qui admettent que la bile n'a qu'une influence post-difjesîive ne sont pas plus d'accord sur le mécanisme de son action. On a admis qu'elle facilitait la résorption des matières grasses, en se fondant sur ce fait que l'huile traverse plus facilement les giembranes animales, même sous une faible pression, quand ces membranes sont imbibées débile et surtout de bile acidifiée par l'acide chlorhydrique. Pour Schiff, son action commencerait quand la graisse a déjà pénétré dans les chylifères; elle exciterait les contractions des fibres musculaires des villosités et faciliterait le cours de la lym- phe dans les vaisseaux (on sait que la bile est un excitant des nerfs et des muscles). Elle s'opposerait enfin à la décomposition putride des aliments dans l'intestin. Chez les chiens à fistule biliaire, l'ahmentation Car- nivore produit des gaz très-abondants et des fèces d'odeur fétide. DIGESTION. 397 Kûss a émis sur le rôle de la bile l'Iiypothèsc suivante : lepi- lliélium de la muqueuse intestinale se renouvellerait après chaque digestion et la bile aurait la propriété d'amener la chute de l'épi- thélium qui a servi à la digestion précédente et est devenu impropre à une digestion nouvelle; en un mot. la bile balayerait l'intestin après chaque digestion. Fistules biliaires. — Oii a cherché à résoudre la question au moyen des fistules biliaires, de façon que toute la bile sé- crétée s'écoulât à l'extérieur, en observant les phénomènes phy- siologiques présentés par l'animal; mais, là encore, les résultats sont très- variables. Un fait constant, c'est que les animaux peuvent survivre très-longtemps à l'opération (Blondlot en a conservé plusieurs années), mais à une condition, c'est de donner à l'ani- mal un excès de nourriture; ainsi, un chien porteur d'une fistule bihaire doit, pour ne pas perdre de son poids, manger une quan- tité de A'iande double de celle qui lui suffisait auparavant. 11 est difficile d'expliquer comment le déficit biliaire peut être compensé par un excédant d'ahmentation, et surtout pourquoi cet excédant dépasse toujours la quantité de matériaux perdus par la fistule. Dans les cas de fistules biliaires, une partie des substances al- buminoïdes traverse l'intestin sans être digérée. La résorption de la graisse n'est pas arrêtée complètement, mais elle diminue; un chien qui en une heure résorbait par l'intestin 0°i',465 de graisse par kilogramme de poids du corps, n'en résorbe plus que 0°'",09 et 0°i", 06 une fois la fistule établie, et le chyle, au lieu d'être lai- teux, était devenu opalin et ne contenait plus que 0,19 p. 100 de graisse au lieu de 3,2 p. 100. Les excréments de ces animaux sont d'une odeur repoussante; les animaux sont maigres, paresseux; leurs poils tombent; ils présentent en somme une altération pro- fonde de la nutrition qui indique une influence réelle de la bile, et tous ces phénomènes montrent que cette influence ne se restreint pas à tel ou tel acte spécial de la digestion, mais qu'elle s'étend à Vensemble des actes digestifs et peut-être aux actes intimes de la nutrition. 3° Résorption de la bile dans Vintestin. Presque toute l'eau et les '"/g des parties solides de la bile sont résorbés dans lïntestin et repassent dans le sang. Cette 398 PHYSIOLOGIE F0>-CT10.\>'ELLE. résorption se fait dans l'intestin grêle pour l'eau et les principes minéraux ; elle ne se fait que dans le gros intestin pour les pro- duits de décomposition des acides biliaires, taurine et giycocolle, qui sont très-solubles et facilement résorbés ; l'acide cholalique, insoluble dans le milieu acide du gros intestin, et la dyslysinene paraissent pas être résorbés ou ne l'être qu'en très-petite quan- tité. Quant à la matière colorante, d'après les recherches de Maly, elle se transforme en urobiline (matière colorante de l'urine) qui est résorbée et passe dans l'urine. e. — ^ Action du suc intestinal sur les aliments. L'action du suc intestinal de. l'intestin grêle sur les aliments est très-controversée. Il est douteux, en effet, que le liquide recueilli par les procédés de Thiry (voir page 166), Collin, etc., soit le liquide normal, et il serait très-possible que ce liquide ne fût autre chose qu'une transsudation du plasma sanguin. Leven va jusqu'à faire du suc intestinal un suc acide, tandis que la plupart des physiologistes le considèrent comme alcalin (Société de biologie, 10 octobre 1874); mais il n'a pas recueilli le suc intestinal lui- même, il a simplement fait une infusion de la muqueuse intes- tinale. Ces faits expliquent les contradictions existantes sur l'action du suc intestinal, les physiologistes ayant employé des liquides différents. Ainsi le suc entérique obtenu par le procédé de Thiry paraît sans action sur les aliments, à l'exception delà fibrine, tan- dis que, d'après Leven, une infusion de la muqueuse intestinale digère les albuminoïdes, émulsionne les graisses et saccharifie les hydrocarbonés, en un mot. suivant son expression, peut suppléer le pancréas. Albuminoïdes. — Zander et, plus tard, Kôlliker et Millier ont constaté que des morceaux de fibrine ou d'albumine introduits dans l'intestin de chats et de chiens en évitant l'arrivée du suc gastrique et du suc pancréatique, perdaient la plus grande partie de leur poids. Funke et Frerichs ont obtenu des résultats contraires chez les lapins, de sorte qu'on pouvait croire qu'il y avait, pour la digestion des albuminoïdes, une différence entre le suc intes- tinal des carnivores et celui des herbivores. Les expériences de Thiry ont tout remis en question, et ont rendu probable que les DÏGESTIO.X. 399 résultais obtenus chez les carnivores^ par Zander et les autres physiologistes tenaient à la présence du suc pancréatique qui exis- tait encore dans l'intestin. D'un autre côté, on a vu plus haut l'opi- nion de Leven. Chez l'homme, dans les cas de fistule intestinale, les résultats ne sont pas moins contradictoires: Lehmann,Braune, Funke, n'ont pu constater aucune digestion d'albuminoïdes; Busch au contraire est porté à l'admettre. D'après H. Eichhorst, le suc intestinal enlèverait aux solutions de gélatine la propriété de se prendre en gelée. Hydrocarboncs. — Le pouvoir saccharifiant du suc intestinal paraît mieux établi que son action sur les albuminoïdes. Ce pou- voir a été constaté par plusieurs physiologistes sur les animaux et par Busch sur l'homme; cependant, le suc intestinal recueilli par le procédé de Thiry est sans action sur les féculents. Du reste, Y. Wittich, Eichhorst, etc., ont isolé de la muqueuse intestinale un ferment diastatique qui transforme l'amidon en glycose. Cl. Bernard a découvert dans le suc intestinal et dans la mu- queuse de l'intestin grêle, un ferment spécial, ferment inver si f, qui transforme le sucre de canne en sucre interverti, mélange de glycose et de lévulose. L'action du suc intestinal sur les graisses n'est guère admise que par Leven. L'extrait des glandes de Brunner, d'après Costa, aurait la pro- priété de transformer l'amidon en glycose et serait sans action sur les albuminoïdes et les graisses. Le suc entérique du gros intestin paraît sans action sur les aUments. Quelques auteurs lui attribuent le pouvoir de transfor- mer l'amidon en glycose. 3" DE LA DIGESTION DANS LES DIVERS SEGMENTS DU TUBE DIGESTIF. a. — Digestion dans la cavité buccale. Les aliments subissent dans la cavité buccale deux espèces de modifications, des modifications mécaniques ei des modifications chimiques.' Les modifications mécaniques consistent en une trituration 400 PHYSIOLOGIE FOXCTION.XELLE. des aliments par les mouvements de mastication. Cette trituration réduit en parcelles ténues les fragments que leur volume et leur dureté empêcheraient d'être plus tard pénétrés par les sucs diges- tifs; elle opère une dissociation préalable et grossière des divers éléments qui les composent et les ramollit en les imprégnant intimement de salive ; il en résulte une sorte de pâte ou de bouillie, bol alimentaire, qui par sa mollesse se prête à tous les changements de forme des cavités qu'elle doit traverser et pré- sente cependant une certaine cohésion, de façon à nepass'émiet- ter dans son parcours à travers le pharynx et l'œsophage. Dans ces mouvements de mastication une certaine quantité d'air est battue avec la salive et mélangée à la masse alimentaire avec laquelle elle est déglutie. La durée de la mastication varie évi- demment suivant l'état physique de la substance alimentaire; plus celle-ci est dure et volumineuse, plus la mastication sera pro- longée. Une mastication complète est une condition essentielle pour que les actes digestifs auxquels sera soumis ultérieurement le bol ahmentaire s'accomplissent régulièrement. Les modifications chimiques qui se passent dans la cavité buc- cale sont d'abord une dissolution des parties solubles des aliments .et en particulier des sels solubles, et ensuite la transformation des féculents en glycose; mais, à cause du court séjour des aliments dansla cavité buccale, cette transformation ne fait que commen- cer, y est toujours très-incomplète et s'achève dans les parties sous-diaphragmaliques du tube digestif. Dans le pharynx et dans l'œsophage, le passage du bol alimen- taire est tellement rapide qu'il n'a pas le temps d'éprouver de modifications digestives particulières. b. — Digestion stomacale. Chez quelques animaux, comme le lapin, l'estomac est toujours plein, et la digestion stomacale est continue. Mais, chez la plupart des animaux et chez l'homme, la digestion stomacale est essen- tiellement intermittente. Dans ce cas, les aliments arrivent succes- sivement dans l'estomac par petites portions, à chac^ue mouve- ment de déglutition. L'arrivée dans l'estomac des premières masses alimentaires imprégnées de salive détermine immédiate- ment une turgescence de l'estomac et une sécrétion de suc gas- DIGESTION'. 401 trique qui se continue tout le temps que de nouvelles masses alimentaires arrivent dans cet organe. La digestion stomacale est caractérisée par la transformation en peptones des substances albuminoïdes; mais cette transfor- mation ne s'accomplit pas intégralement dans l'estomac, elle ne fait que commencer là pour se continuer dans lintestin grêle, et même certaines substances ne font que le traverser et subissent toute leur digestion dans l'intestin. Aussi la part de l'estomac et de l'intestin grêle dans la digestion des albuminoïdes est-elle très-difficile à déterminer, et cette difficulté explique les fluc- tuations qui existent dans l'histoire de la science sur ce sujet: autrefois c'était l'estomac qui jouait le rôle principal; aujour- d'hui on tend à le déposséder au proUt de l'intestin. Quelques auteurs même, exagérant cette tendance, refusent à l'estomac toute action digestive et ne lui accordent plus qu'un rôle méca- nique et préparatoire de dissolution et de dissociation. L'abord de la bile dans l'estomac arrête immédiatement la digestion des albuminoïdes. Il se passe encore dans l'estomac d'autres phénomènes indépendants de l'action digestive du suc gastrique: les sels solubles, la gomme, le sucre, sont dissous: certains sels insolubles de chaux et de magnésie le sont aussi à la faveur de l'acide du suc gastrique : les graisses sont liquéfiées par la température de l'estomac, mais sans subir de transfor- mation: enfin l'action saccharifiante de la salive se continue, à moins que l'acidité du mélange ne soit trop prononcée. La cellu- lose, le tissu corné, le tissu élastique, restent inaltérés. Il en résulte une sorte de bouillie ou de pâte molle, de cou- leur grisâtre ou brune, variable suivant l'alimentation, à laquelle on a donné le nom de chyme stomacal. Ce chyme comprend: Des substances réfractaires à la digestion, tissu élastique, tissu corné, cellulose, etc.: Des aliments, albuminoïdes, hydrocarbonés, graisses, non en- core digérés; Des boissons ; Des sels : Des aUments en voie de digestion, albuminoïdes et hydrocar- bonés, plus ou moins modifiés par l'action du suc gastrique et de la salive; De la glycose et, dans certains cas, de l'acide lactique et de l'acide butyrique ; Beau>ts, Phys. 26 402 PHYSIOLOGIE FO.\CTIO>\\ELLE. Des traces de peptones ; il y en a toujours très-peu. car elles sont résorbées dans l'estomac même au fur et à mesure de leur production ; De la salive et du suc gastrique ; Des débris épithéliaux de la partie sus-diaphragmatique du tube alimentaire. Enfin l'estomac contient encore des gaz en petite quantité, mais qui peuvent augmenter dans certaines conditions. Ces gaz proviennent en partie de l'air ingéré avec le bol alimentaire, en partie de décompositions des aliments. Aussi leur composition et leur nature varient-elles suivant l'alimentation. Planer a trouvé chez un chien nourri de viande 6 p. 100 d'oxygène, 68 d'azote et 26 d'acide carbonique. L'estomac est le siège d'une véritable respiration rudimentaire ; l'oxygène introduit avec les aliments est absorbé en partie et remplacé par de l'acide carbonique exhalé par la surface de la muqueuse ; mais tout l'acide carbo- nique de l'estomac ne provient pas de cette respiration ; une partie provient évidemment de la décomposition des carbonates de la salive par le suc gastrique et peut-être aussi d'une fermen- tation butyrique: en effet, Chevreul a trouvé de l'hydrogène dans l'estomac d'un supplicié. La durée du séjour des aliments dans l'estomac est très- variable; les hquides y séjournent le moins longtemps et parais- sent suivre, dans certains cas. la petite courbure pour se rendre directement dans le duodénum sans même se mélanger avec la masse alimentaire qui occupe la grande courbure et le grand cul-de-sac. Cette rapidité de passage se montre même pour les liquides qui contiennent des substances albuminoïdes digestibles; ainsi, dans un cas de fistule duodénale, du lait non encore coagulé se montrait à l'orifice de la fistule quelques minutes après l'in- gestion. Parmi les aliments solides, il en est qui passent de l'es- tomac dans l'intestin après un temps assez court, 15, 20 minutes; d'autres ne passent dans l'intestin qu'au bout de quelques heures; mais en général, au bout de 4 à 5 heures, la digestion stoma- cale est terminée et l'estomac vide. Le temps pendant lequel les diverses substances alimentaires séjournent dans l'estomac ne donne pas une idée juste de la digestibilité de ces substances, puisque, d'après ce qu'on vient de voir, étant donné un aliment introduit dans l'estomac, une DIGESTION. 403 partie de cet aliment passera dans l'intestin sans être modifiée, tandis que l'autre partie pourra être digérée complètement dans l'estomac. Cependant, ces réserves faites, la durée du séjour des substances alimentaires dans l'estomac donne des indications utiles pour le physiologiste et le médecin. Beaumont, sur le Canadien Saint-Martin, Cidderet Schmidt, sur une femme atteinte de fistule gastrique. Gosse, sur lui-même lil était atteint de mérycisme ou rumination), ont cherché le temps pendant lequel les divers aliments séjournaient dans l'estomac. Le lait, les œufs à la coque, le poulet, le veau, l'agneau, la truite, la perche, le brochet, séjournent dans l'estomac une heure ou une heure et demie; le pain, les pommes de terre, le bœuf un jjeu plus longtemps; le porc, le boudin, le canard sauvage, de 4 à 6 heures. Il y a du reste, sous ce Tapport, de très-grandes variétés individuelles. L'estomac se vide de deux façons : 1° par résorption des peptones à mesure qu'elles sont produites; 2° par le passage du chyme dans le duodénum; ce passage se fait par petites masses successives, de plus en plus volumineuses et multipliées à mesure que la digestion avance, jusqu'à ce que tout le contenu de l'es- tomac se soit vidé dans l'intestin. c. — Digestion dans l'intestin grêle. Dès que le chyme a franchi le pylore pour pénétrer dans l'in- testin grêle, le suc gastrique perd toute action digestive et ce chyme acide détermine un afflux de bile, de suc pancréatique et de suc intestinal; d'après Schiff, c'est au liquide des glandes de Brunner que reviendrait la plus grande part dans la neutralisation de l'acidité du mélange. L'acidité disparaît peu à peu ; à la fin du duodénum, le contenu de l'intestin est en général déjà alcalin, et cette alcalinité se conserve habituellement jusqu'à la termi- naison de l'intestin grêle. L'action du mélange des trois sécrétions intestinales sur la masse alimentaire est assez difiicile à analyser, si on veut faire exactement la part de chacune d'elles. Cependant un fait certain, c'est que dans l'intestin grêle tous les ahments, albuminoïdes, féculents, sucre de canne, graisses, sont modifiés et transformés de façon à les rendre assimilables, et que le plus grand rôle 404 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. revient au suc pancréatique. 11 semble, d'après ce qu'on a vu plus haut, que la bile devrait s'opposer à la digeslion intestinale, comme elle s'oppose à la digestion stomacale; mais cette préci- pitation des peptones par la bile ne se fait que dans un milieu acide et pourrait tout au plus avoir lieu dans les parties supé- rieures du duodénum; dans un milieu alcalin et, par conséquent, dans tout le reste de l'intestin grêle, la bile n'empêche en rien la transformation des albuminoïdes en peptones. Le chyme intestinal varie suivant l'endroit même de l'intestin où il est recueilli. Très-liquide et coloré en jaune par la bile dans les parties supérieures de l'intestin, il devient plus épais, se fonce et acquiert une couleur verdàtre dans les parties infé- rieures; sa composition se rapproche de celle du chyme sto- macal , dont il se distingue par son alcalinité, la plus faible pro- portion de principes alimentaires non digérés, des traces de leucine et de tyrosine et la présence des sécrétions intestinales et spécialement de la bile. Ce chyme ne remplit pas complètement l'intestin grêle ; il ne s'y trouve que par places, les anses intestinales voisines restant vides et tantôt affaissées, tantôt au contraire distendues par des gaz, d'autres fois remplies par de la bile presque pure ou par du mucus intestinal formé en grande partie de cellules épithéliales. Les gaz de l'intestin grêle consistent en azote, acide carbo- nique et hydrogène. L'hydrogène et une partie de l'acide carbo- nique proviennent de la fermentation butyrique des hydrocar- bonés. On ne rencontre dans l'intestin que des traces d'oxygène. La durée du séjour de la masse alimentaire dans l'intestin grêle est peu connue, et on n'a pas de données précises sur ce sujet. Chautard a vu que si, après avoir pris des aliments herba- cés, on s'en abstient complètement, la raie de la chlorophylle met trois jours à disparaître quand on examine au spectroscope le contenu de l'intestin. d. — Digestion dans le gros intestin. Le chyme alcalin de l'intestin grêle trouve dans le gros intes- tin un suc qui a aussi la réaction alcahne; cependant, habituelle- ment, le contenu du gros intestin a la réaction acide; mais cette acidité tient à une décomposition de la masse alimentaire (dé^ . DIGESTION. 405 composition des graisses par le suc pancréatique, fermentation lactique et butyrique des hydrocarbonés, etc.), aussi la réaction acide est-elle toujours plus prononcée dans le centre de la masse qu'à sa surface. Les aliments ne paraissent plus subir dans le gros intestin de transformation digestive, sauf peut-être dans le cœcjim. surtout chez certaines espèces animales, comme le lapin, chez lesquelles le coecum constitue un sac très-allongé et volumineux où s'ac- comphssent probablement des phénomènes digestifs très-actifs. Mais, en tout cas, cette digestion cœcale n'est que rudimentaire chez l'homme, et on peut admettre, chez lui, qu'à partir de la valvule iléo-cœcale, il ne se passe plus que des phénomènes d'absorption et qu'il n'y a plus de transformations digestives. La bile se décompose peu à peu dans le parcours du gros intestin ^voir : Bile) et donne lieu à la formation de taurine, de glycocolle. d'acide cholalique, d'acide choloïdique, de dyslysine et d'urobiline. Les altérations du suc pancréatique et du suc intestinal sont inconnues. Par suite de ces décompositions et de la résorption graduelle des aliments assimilables, le chyme du gros intestin prend peu à peu le caractère des matières excrémentitielles: l'odeur fécale s'accuse peu à peu. la couleur se fonce, la consistance augmente; cependant, à l'examen microscopique, on retrouve encore des substances digestibles qui ont traversé l'estomac et l'intestin sans avoir été modifiées. Une fois arrivées dans la partie inférieure du gros intestin, les matières du gros intestin ont tous les caractères des matières excrémentitielles. Les fèces ou excréments ont en général une réaction acide, plus prononcée après une nourriture féculente; quelquefois ce- pendant ia réaction est neutre ou alcaline (fermentation ammo- niacale;. On y rencontre les substances suivantes : Les parties réfractaires ou insolubles des substances alimen- taires, tissus élastiques et cornés, mucine, tissus végétaux, phos- phates de magnésie, sels de chaux, etc. ; Un excédant d'aliments digestibles qui n'ont pas été modifiés ou ne l'ont été qu'incomplètement, fibres musculaires, fragments d'albumine, amidon, graisses, etc.; Des cellules l'pithéliaies de l'intestin; 406 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Des principes biliaires plus ou moins décomposés, urobihne et matières colorantes de la bile ; acides biliaires, surtout l'acide glycocholique qui se décompose plus difficilement, acide chola- lique; dyslysine, cholestérine ; la taurine et la glycocolle ne s'y rencontrent pas ; Des prodpits de décomposition solides ou gazeux, acide buty- rique et acétique, stercorine, indol, naphlylamine, etc. Les fèces contiennent 25 p. 100 de parties solides, sur lesquelles 3 à 4 p. 100 de substances minérales; la proportion de principes solides peut atteindre 50 p. 100 pour une nourriture composée uniquement de yiande; elle diminue au contraire beaucoup quand on ajoute du sucre en quantité notable à l'alimentation. lia couleur des fèces dépend en grande partie de la matière colorante biliaire; en effet, cbez les cbiens à fistule biliaire avec écoulement extérieur, les excréments ont une couleur blanc grisâtre. Cependant la nature de Talimentation exerce aussi de l'influence: un régime exclusif de viande les rend noirs, un régime mixte de féculents et de viande brun jaunâtre, un régime berbacé verts. Leur quantité varie entre 100 et 200 grammes par jour et peut aller jusqu'à 400 et 500 grammes; elle est plus forte par une aUmen talion végétale. La durée du séjour des fèces dans le gros intestin varie entre six et vingt-quatre beures environ ; cette durée, très-différente du reste suivant les individus, est soumise à l'influence d'une foule de causes et en particulier de l'babitude. Les gaz du gros intestin ont une composition qui dépend de la nature de l'alimentation. On y rencontre des traces d'oxy- gène, de rbydrogène, de l'acide carbonique, fie l'azote, et en outre de rbydrogène carboné et de l'bydrogène sulfuré; le second n'y existe qu'en très -faible quantité, à la suite d'alimentation de viande et provient probablement du soufre des albuminoïdes et peut-être d'une décomposition de la taurine. On y trouve des principes volatils odorants encore indéterminés. 4" CHANGEMENTS DES ALIMENTS DANS LE TUBE DIGESTIF. Si maintenant nous reprenons cbacun des aliments simples et si nous passons rapidement en revue les modifications qu'il subit DIGESTION. 407 dans toute l'étendue du tube digestif, nous observons les faits suivants : 1° Hydrocarbonés. — V amidon est transformé en dextrine, puis en glycose, par la salive, le suc pancréatique et peut-être le suc intestinal. Cette transformation, commencée dans la cavité buccale, se continue, quoique faiblement, dans l'estomac, mais se fait surtout dans l'intestin grêle où elle s'achève. Le sucre de canne est transformé en sucre interverti dans rintestin grêle par le ferment inversif du suc intestinal. Le sucre de /ai? serait, suivant quelques physiologistes, absorbé sans subir de modifications ; suivant d'autres, au contraire, il serait préalablement transformé en glycose, ce qui me paraît plus probable. D'après des recherches faites au laboratoire de Munich, la gomme serait aussi partiellement convertie en glycose. La glycose ainsi formée ou celle qui est ingérée directement peut être décomposée partiellement et donner naissance à des acides lactique et butyrique. La cellulose est dissoute et transformée en glycose, mais seu- lement chez les herbivores. 2" Graisses. — Les graisses sont liquéfiées dans l'estomac et émulsionnées dans l'intestin grêle par le suc pancréatique (et peut-être un peu par la bile); en outre, le suc pancréatique en décompose une partie en glycérine et acides gras qui forment avec les alcalis de la bile des savons solubles et absorbables. 3° Albuminoïdcs. — Les albuminoïdes sont transformés en peptones dans l'estomac et dans l'intestin grêle par le suc gas- trique et le suc pancréatique (et peut-être le suc intestinal). Après la digestion gastrique des albuminoïdes, une partie des pep- tones formées dans l'estomac est précipitée par la bile dans le duodénum et redissoute dans la partie inférieure de l'intestin grêle. La gélatine et les substances qui donnent de la colle sont sim- plement dissoutes sans fournir de peptones, et perdent seulement la propriété de se prendre en gelée. 4° Sels. — Les sels solubles sont dissous dans la cavité buc- cale et dans l'eslomac par la salive et le suc gastrique; les sels de chaux et les phosphates de magnésie sont dissous en partie dans l'estomac par le suc gastrique qui décompose aussi les car- bonates, dont la base s'unit à l'acide chlorhydrique ou à l'acide 408 PHYSIOLOGIE FO^CTIO>'>ELLE. lactique. Les sels d'acides organiques sont transformés en car- bonates. 5" L'alcool est absorbé sans subir de modification. (Bouchardat. ) 5° ABSORPTION PAR LE TUBE DIGESTIF. Le tube digestif absorbe : r Les produits de la digestion ; absorption alimentaire ou digestive ; 2° Une partie des produits de sécrétion versés à la surface de la muqueuse; absorption sécrétoira T Des principes qu'on met accidentellement en contact avec la muqueuse; absorption expérimentale et thérapeutique. On ne traitera ici que des deux premières. a. — Absorption alimentaire ou digestive. Celte absorption porte sur les albuminoïdes, la glycose, les graisses et les substances inorganiques. 1° Absorption des albuminoïdes. Les albuminoïdes, pour être absorbés, doivent être d'abord transformés en peptones. L'équivalent endosmotique des peptones est très-faible : Funke l'a trouvé de 7,1 et 9,9 pour une solution de peptone à 2,9 p. 100, tandis que l'équivalent endosmotique d'une solution albumineuse dépassait ordinairement 100. Celte absorption de peptones se fait dès que les peptones commencent à se produire, c'est-à-dire dans l'estomac, et se continue active- ment dans toute la longueur de l'intestin grêle et une partie du gros intestin (cœcum). D'après Schifî, l'absorption stomacale ne se ferait que dans la région pylorique qu'if appelle le district absor- bant de l'estomac et où se trouvent les glandes à mucus; la ré- gion des glandes à pepsine n'absorberait pas. Les recherches de Brûcke, Voit, etc., tendent à prouver que celle transformation des albuminoïdes en peptones avant leur résorption n'est pas toujours nécessaire. D'après Eichhorst, la caséine, l'albu- mine de blanc d'œuf additionnée de sels, l'albuminate dépotasse, DIGESTION. 409 le SUC musculaire, la gélatine, pourraient être résorbés directement, au moins dune façon partielle : le blanc d'œuf, la syntonine, l'al- bumine du sérum, la fibrine coagulée, la myosine coagulée, exigeraient seules une digestion ou une transformation préalables. 2° Absorption des hydroc arhonés. La glycose qui résulte de la transformation des féculents est très-rapidement absorbée dans'le tube digestif, et cette absorptiou commence déjà dans la cavité buccale, pour peu que le bol ali- mentaire y séjourne un certain temps. Mais cest surtout dans l'intestin grêle que se fait l'absorption de presque toute la quan- tité de sucre formée dans la digestion. Dans les parties inférieures de l'intestin grêle et dans le gros intestin, la glycose est décom- posée et donne naissance à des acides organiques et principale- ment à de l'acide lactique qui sont rapidement absorbés. Si on injecte dans des anses intestinales liées des solutions de sucre de concentration variable, on voit que l'absorption est d'autant plus active que la solution est plus concentrée (Becker); l'absorption est plus active au début qu'à la fin de l'expérience. 3*^ Absorption des graisses. L'absorption de la graisse dans la digestion est une des ques- tions les plus obscures de la physiologie. Si l'on examine un ani- mal quatre à huit heures après lui avoir donné un repas copieux de matières grasses, on trouve les chyUferes remplis d'un liquide laiteux; si l'on place alors sous le microscope un fragment de villosité intestinale, on voit les cellules épithéliales remplies de fines granulations graisseuses accumulées surtout entre le noyau et la face libre et quelquefois réunies en grosses gouttelettes : elles masquent les contours et les noyaux des cellules, de sorte que la villosité paraît recouverte d'une masse de granulations graisseuses qui infiltrent aussi son parenchyme; les cellules épi- théUales sont devenues indistinctes et la villosité est hmitée par un bord net du côté de l'intestin ; quelquefois, ces granulations figurent une sorte de réseau qui va de la surface au chylifère central: d'autrefois, la villosité. infiltrée dans sa totalité, constitue une sorte de masse foncée granuleuse. 410 PHYSIOLOGIE FOXCTIO-A^'ELLE. L'absorption des graisses se fait exclusivement dans l'intestin grêle à partir de l'endroit où s'abouchent le canal pancréatique et le canal cholédoque. Elle ne paraît pas se faire dans le gros intestin. L'absorption des graisses saponifiées ne présente aucune diffi- culté-, mais il n'en est pas de même des graisses neutres, qui sont non pas à l'état de dissolution, mais à l'état d'émulsion, c'est- à-dire en gouttelettes très-hnes. Gomment ces gouttelettes traver- sent-elles les cellules épithéliales joour arriver dans le paren- chyme de la villosité et de là dans le chylifère central? Pour Brtlcke et quelques autres physiologistes, la pénétration des granulations graisseuses dans les villosités se ferait par le même mécanisme que la pénétration de particules sohdes dans leur intérieur. Mais celte pénétration elle-même n'est pas encore complètement démontrée, malgré les travaux de Herbst, QEster- len, Marfels et Moleschott, etc. D'ailleurs, les expériences de Funke ont prouvé que la graisse à l'état solide, quelque finement divi- sée qu'elle soit, ne peut traverser les cellules épithéliales. Il faut donc, de toute nécessité, que cette graisse soit à l'état liquide; mais la graisse liquide n'est pas miscible à l'eau, et Vistinghausen a vu que l'huile ne traversait les membranes animales que sous de très-fortes pressions, telles qu'il n'en existe pas dans l'intestin. On a fait intervenir alors plusieurs conditions qui favoriseraient le passage de la graisse. Vistinghausen a constaté que l'huile traverse les membranes animales sous de très-faibles pressions quand la membrane est imbibée de bile et surtout quand de l'autre côté de la membrane se trouve un hquide ayant de l'affinité pour l'huile, comme une solution de potasse. La capillarité interviendrait aussi si on admet les canalicules décrits par quelques histologistes dans la paroi libre des cellules épithéliales, et là encore s'exerce- rait rinduence adjuvante de la bile : si on met dans l'huile deux tubes capillaires dont l'un soit imbibé d'eau et l'autre de bile, l'huile monte 12 fois plus haut dans celui-ci que dans le premier. Du reste, la difficulté du passage de l'huile à travers les pores d'une membrane imbibée d'eau disparaît en partie si l'on réfléchit que les gouttelettes huileuses dans les liquides albumineux s'en- tourent d'une fine membrane albumineuse, membrane haptogène, qui fait disparaître l'absence d'adhésion entre la graisse et l'eau. Quant au mécanisme même du passage à travers la couche épithéliale, il y a encore une très-grande obscurité. Est-ce par des DIGESTION. 411 canaliculcs ou par un orifice de la face libre de la cellule, par des orifices situés entre les cellules épitheliales, par des cellules absorbantes spéciales? La discussion de cette question dépasse les limites de ce livre et je renvoie aux traités d'histologie et aux mémoires spéciaux f). Aprt'S la traversée de la membrane épithéliale, la graisse doit traverser le parenchyme de la villosité pour arriver jusqu'au chylifére central. Là encore, même incertitude et même obscurité. Heidenhain admet fue l'extrémité profonde des cellules épithe- liales communique avec un réseau cellulaire fin qui s'abouche- rait à son tour dans le chylifére central, mais la démonstration histologique de ce réseau n'est pas encore complète. Le passage de la graisse dans le chylifére paraît être en outre facilité par les contractions des villosités. Les contractions des muscles lisses des villosités se feraient, d'après Brilcke, de la façon suivante: ces contractions sont rhyth- miques, et comme les fibres lisses des villosités sont presque toutes parallèles au grand axe de la villosité, elles la raccourcissent et expriment les fluides qu'elle contient dans son parenchyme ou dans ses capillaires sanguins ou lymphatiques; puis, la contrac- tion terminée, la pression sanguine des capillaires détermine une sorte de turgescence de la villosité qui dilate ses lacunes, ainsi que le chylifére central. Il en résulte une sorte de succion opérée par la villosité sur les hquides qui la baignent, tandis que les liquides exprimés ne peuvent refluer dans la villosité à cause des valvules lymphatiques. Il n'y a là. évidemment, qu'une interpré- tation hypothétique du mécanisme de l'absorption. b. — Absorption sécrétoire dans le tube digestif. La plus grande partie des liquides sécrétés dans le tube diges- tif, après avoir agi sur les aliments, sont réabsorbés et leurs (') Voir, sur cette question de la résorption de la graisse : Beaunis, Âna- tomie générale et physiologie du système lymphatique, 1863, page 60 et sui- vantes; la bibliographie va jusqu'en 1863; — Letzerich, Ueber die Résorption. Virchoic's Archiv, 1866; — Conrad L. Erdmann , Beobachtungen ûher die Resorptionswege in der Schldmhaid des Dùnndarms, 186"; — Th. Eimer, Vie Wege des Fettes. Vircho^c's Archiv. 1869; — S. Bach, Die erêten Chylus- xvege urul dieFettresarption, 1870: — L. V. Thanhoffer, Beitr. zur Feltresorj)' tion. Çflùger's Archiv, 8^ vol. 412 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. matériaux repassent dans le sang. C'est ce qui arrive pour la salive, le suc gastrique, le suc intestinal, le suc pancréatique et une partie des principes de la bile ; sans cela, l'organisme ferait des pertes considérables, puisque la quantité totale des sécrétions digestives peut être évaluée en vingt-quatre heures à neuf kilo- grammes environ. Cette absorption sécrétoire paraît se faire dans toute l'étendue du tube digestif, chaque région servant successivement de sur- face absorbante pour les sécrétions qui se ééversent au-dessus d'elle. Elle se produit, sauf pour la bile et peut-être pour le suc pancréatique , sans que les principes résorbés aient subi de transformation préalable. Mais pour la bile, il n'en est pas de même : non-seulement elle n'est pas résorbée en totahté, puisque les ^8 environ de ses parties soUdes retournent dans le sang; mais, comme ses principes subissent une série de décompositions avant d'être résorbés, la taurine, la glycocolle, une partie de la matière colorante (urobiline), repassent dans le sang; les autres se retrouvent dans les excréments (cholestérine, acide choloï- dique, dyslysine). En effet, on ne peut constater dans le sang de la veine porte la présence des acides biliaires. Schiff a cependant admis que la bile était, en partie, résorbée en nature dans l'in- testin et repassait dans le sang pour être sécrétée de nouveau (circulation bihaire); il a vu l'injection de bile dans l'intestin amener une sécrétion de bile plus abondante par les fistules biliaires et a constaté que, chez des chiens à fistule amphibole (voir page 128), la sécrétion biliaire augmentait quand la bile s'é- coulait dans l'intestin, diminuait quand elle s'écoulait au dehors. La résorption de la bile se fait principalement dans la partie inférieure de l'intestin grêle et dans le gros intestin. 6° VOIES DE l'absorption digestive. L'absorption digestive peut s'exercer par deux voies distinctes (fig. 73, page 413) : les lympiiatiques (6) et les capillaires san- guins (2). Seulement il est très-difïicile de faire expérimentale- ment la part de ces deux ordres de vaisseaux dans l'absorption alimentaire. Pour arriver à un résultat, on a employé diverses méthodes dont les deux principales sont les ligatures et les analyses chimiques. DIGESTION. 13 Dans le premier procédé on lie, soit les vaisseaux sanguins, soit les chylifèreè, et on voit comment l'absorption se fait après la Fig. 73. — Voies de l'absorption digestive. (Voir page 4l2.) ligature et quelles substances se retrouvent dans le liquide du vaisseau resté perméable. Mais une foule de conditions viennent annuler les résultats obtenus; telles sont les anastomoses vascu- laires, qui rétablissent la circulation même après la ligature de l'aorte. (Meder.) Le procédé des analyses chimiques ne donne pas de résultats plus précis; il est d'abord souvent très-difificile de distinguer les substances absorbées des substances qui existent à l'état normal dans le sang ou dans le chyle ; puis certaines de ces substances, comme les peptones, subissent une transformation dans l'ab- sorption, de sorte qu'on ne les retrouve plus dans ces liquides; eniin, la rapidité du circuit vasculaire sanguin est si grande (23 secondes), qu'il est bien difficile de dire si une substance qui se trouve dans le chyle n'a pas été absorbée primitivement par le sang pour passer ensuite, et après coup, dans le chyle. Aussi, les conclusions admises par les physiologistes ne doivent -elles être adoptées qu'avec certaines réserves, sauf peut-être pour la graisse. Fig. 73. — 1, intestin. — 2, vaisseaux syngiiins, veines d'origine de la veine porte. — 3, veine porte. — 4, foie. — 5, veines sus hépatiques. — 6, chylifères. — 7, ganglions lymphatiques. — 8, canal thoracique. — 9, système veineux. 414 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. 1^ Absorption par les capillaires sanguins. Les peptones paraissent être absorbées pour la plus grande partie par les capillaires sanguins. Cependant, le sang de la veine porte ne semble pas être plus riche en albuminoïdes pendant la digestion. Cl. Bernard pense que l'albumine est absorbée en totalité par les vaisseaux sanguins et a cherché à le prouver d'une façon indirecte par l'expérience suivante : Il injecte dans la veine jugulaire d'un chien de l'albumine étendue d'eau et la voit passer dans l'urine; il l'injecte dans la veine porte, elle ne se retrouve plus dans l'urine. Donc l'albumine, pour être assimilée, doit traverser lente- ment le foie et il en conclut que l'albumine provenant de la di- gestion passe dans le sang de la veine porte et ne passe pas dans les chylifères, conclusion un peu prématurée peut-être, quel- que ingénieuse que soit l'expérience. Ce qu'il y a de certain, c'est que, immédiatement après leur résorption, les peptones se transforment en albumine ordinaire, car ni dans le sang, ni dans le chyle, on ne trouve de corps ana- logue aux peptones en quantité correspondante à la quantité ab- sorbée. Mais le lieu et le mécanisme de cette transformation nous sont absolument inconnus. Cependant Fick, se basant sur les recherches de Brilcke et Voit, qu'une portion de l'albumine de l'aH- mentation est résorbée en nature dans l'intestin, croit que cette portion suffit pour la réparation des tissus et que les peptones absorbées sont utilisées directement sans repasser dans le sang à l'état d'albumine du sérum. Glycose. — La voie d'absorption de la glycose a soulevé les mêmes controverses. Cependant les recherches de Cl. Bernard et Tscherinoff rendent très-probable que la glycose absorbée (ainsi que le sucre interverti) passent par les capillaires et arrivent par la veine porte au foie où ils se transforment en matière glycogène. Graisses. — Les graisses neutres ne passent pas dans le sang directement; les gouttelettes dégraisse trouvées par Brtlcke dans les capillaires sanguins des villosités pendant la digestion pro- viennent de la graisse versée dans le sang par les chylifères. Quant aux savons, leur solubilité permet de concevoir leur pas- sage dans les capillaires sanguins, et le sang en contient toujours une certaine quantité après une alimentation grasse, mais rien ne prouve qu'ils ne proviennent pas du chyle. DIGESTION. 415 L'eau, les sels soin blés, l'alcool, etc., paraissent être absopbés de préférence par les capillaires sanguins. ^utes les substances ainsi absorbées par les capillaires san- guins de l'intestin doivent traverser le foie (fig. 73, 4) avant d'ar- river dans la circulation pulmonaire et elles subissent probaJ)le- ment dans le foie des modifications encore peu connues, sauf pour la glycose (voir : Foie). 2^ Absolution jpar les chyliferes. Les chylifères sont à peu près la seule voie d'absorption des matières grasses ; l'état du cbylifère central pendant la digestion, l'augmentation de Ja graisse dans le cbyle, l'aspect même des chylifères, le démontre d'une façon indubitable. L'absorption des peptones et de la glycose, au contraire, est très-restreinte, et il en est probablemenfde même de l'eau et des sels solubles. Les substances absorbées par les chylifères arrivent directe- ment au poumon sans passer par le foie. Ainsi, en résumé, d'après les recherches des physiologistes, il est probable que, dans l'absorption alimentaire, les produits se groupent ainsi: CapiUaires. Chylifères. Peptones. Graisse Glycose. Eau et sels. Eau et sels. 7° PHÉNOMÈNES POST-DIGESTIFS DANS l'iNTESTIN. Une fois la digestion accomplie dans les différentes parties du tube digestif, il se passe une série de phénomènes sur lesquels l'attention des physiologistes a été peu portée jusqu'ici. Le plus essentiel de ces phénomènes est une chute de l'épithélium, une véritable desquammation; en effet, le mucus filant, visqueux, ordi- nairement alcalin, qu'on obtient par le raclage de la muqueuse est constitué, comme on peut s'en assurer au microscope, par des cellules ou des débris de cellules épithéliales. D'après Kûss même, 416 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. chaque digestion serait suivie d'une chute et, par suite, d'un renou- vellement de l'épithélium. Cette chute serait surtout facile à cons- tater sur les cellules de l'intestin grêle infiltrées de graisse, telles qu'on les observe au moment de la digestion des corps gras, et serait accélérée par l'afflux de bile dont le maximum se montrerait après l'accomplissement de la digestion et dont la fonction principale serait de balayer l'intestin après chaque digestion. Quoi qu'il en soit, et sans donner à ce phénomène l'extension que lui attribuait Kiiss, cette desquammation épithéliale est un fait certain et qui joue évidemment un rôle important dans la physiologie du tube alimentaire. Les phénomènes mécaniques de la digestion seront étudiés avec la physiologie des mouvements. Bibliographie. — Spallanzani : Expériences sur la digestion, 1783. — Leuret et Lassaigxe : Recherches physiologiques et chimiques pour servir à l'histoire de la digestion, 1825. — Tiedemann et CImelin : Recherches expérimentales sur la diges- tion ; traduit par Jourdan, 1827. — Beaumont : Experiments and observations on the gastric jjiice, 1834. — Bloxdlot : Traité analytique de la digestion. 1843. — Bouchardat et Sandras : Recherches sur la digestion ; Annuaires de thérapeuti- que pour 1843 et 1846. — Cl. Bernard : Leçons de physiologie expérimentale, 1856; Leçons sur les liquides de l'organisme, 1859 ; Cours de physiologie générale; Revue scientifique. 3"^^ année, 2*-' série. — L. Corvisart : Sur une fonction peu con- nue du pancréas, 1857. — Brl'Cke : Comptes rendus de l'Académie de Vienne. — SCHiFF : Leçons sur la physiologie de la digestion, 1867. — Voir en outre les traités de chimie physiologique et de physiologie. 2. — RESPIRATION. Procédés pour recueillir et étudier les gaz de la respiration. — Les procédés varient suivant qu'on veut étudier la respiration totale (par les poumons et par la peau) ou seulement la respiration pulmonaire ou la respiration cutanée. Dans tous ces procédés, on dose directement les quantités de gaz absorbés ou éliminés. C'est ce qu'on a appelé la méthode directe, employée pour la première fois par Lavoisier. A. Appareils pour la respiration totale. — 1° Appareil de Régnault et Reùset [fig. 74, page 417). Dans cet appareil, l'animal est placé sous une cloche dans laquelle la composition de l'air reste uniforme, l'acide carbonique étant absorbé au fur et à mesure de sa production, tandis que l'oxygène consommé se renouvelle continuellement. L'appareil comprend les parties suivantes: 1° la cloche dans laquelle l'animal respire, A; 2° l'appareil qui fournit l'oxygène, B, C; 3° fappareil d'ab- sorption de l'acide carbonique, D. La cloche (I) dans laquehe est placé l'animal est mastiquée sur un plateau qui ferme son ouverture infé- rieure et maintenue à une température constante par de l'eau placée dans le manchon (2). A sa partie supérieure, la cloche présente une IIESPIRATIO.X. 4Î7 Beal'.ms, Phys. 27 418 PHYSIOLOGIE FONGTIO.XXELLE. tubulure par laquelle passent plusieurs tubes de communication; un tube (3) communique avec l'appareil à oxygène et sert à introduire dans la cloche l'oxygène qui a traversé un flacon laveur (4); deux autres tubes (5) et (8) la fout communiquer avec l'appareil d'absorption de l'acide carbonique; un de ces tubes est en rapport par un tube (G) avec un manomètre à mercure (7) muni à sa partie inférieure d'un robinet par lequel on peut extraire, pendant l'expérience, une partie de l'air de la cloche; enfin, un petit manomètre (10) donne à chaque instant, grâce au tube (9), la pression de l'air dans la cloche. L'appareil qui fournit l'oxygène, B, a la disposition suivante : il se compose de trois ballons semblables (12), munis à leur partie inférieure d'un robinet (13) et possédant une capacité connue entre les points de repère (16) et (17). Ces ballons sont remplis d'une solution concentrée de chlorure de calcium qui ne dissout que des traces d'oxygène. A leur partie inférieure, ils communiquent, par un tube (14), avec un réservoir G, qui contient du chlorure de calcium et dans lequel le liquide est maintenu au niveau constant par des ballons renversés (18). Pour rem- plir d'oxygène les ballons (12) de l'appareil B, on met la tubulure (15) en communication avec une source d'oxygène, et on ouvre le robinet (13); le chlorure de calcium s'écoule et le ballon se remplit d'oxygène jusqu'au trait inférieur (17); on ferme alors le robinet. Pour faire arriver cet oxygène dans la cloche, on ouvre le robinet du réservoir G; le chlorure de calcium s'écoule par le tube (14), remplit le ballon (12) et en chasse peu à peu l'oxygène qui passe dans le flacon laveur (4) et de là, par le tube (3), dans la cloche ; quand l'oxygène du premier ballon est épuisé, on se sert des deux autres ballons. — L'appareil à absorption d'acide carbonique, D, se compose de deux pipettes (19) et (20), réunies par un tube de caoutchouc (21) et contenant une solution de potasse; un mécanisme particulier permet de leur imprimer un mouvement de va-et-vient, de telle façon que, quand l'une s'élève, l'autre desnend; si, par exemple, la pipette (20) s'élève, le niveau du liquide baisse, et l'air contenu dans la cloche est aspiré, en même temps l'autre pipette (19) s'abaisse et le niveau du liquide, en montant dans son intérieur, com- prime l'air de la cloche et le chasse dans le vase (20) ; la première agit donc comme pompe aspirante, la seconde comme pompe foulante et ainsi de suite alternativement; l'acide carbonique se trouve ainsi ab- sorbé dans la pipette (20) qui s'élève, et le liquide de la pipette (19) qui s'abaisse chasse dans la cloche Pair dépourvu d'acide carbonique, de sorte que l'air de la cloche conserve une composition uniforme. Get appareil permit à Régnault et Reiset d'apprécier d'une façon rigou- reuse les quantités d'oxygène consommé, d'acide carbonique exhalé et les variations de la quantité d'azote dans un temps donné. Il reste le modèle des appareils de ce genre, et les modifications que certains auteurs, et en particulier Ludwig. lui ont fait subir ne sont que des mo- difications spéciales pour lesquelles je renvoie aux mémoires originaux. RESPIRATION. 419 2^ Appareil de Pettenkofer. — Cet appareil est construit sur le même principe que l'appareil de Rég-nault et Reiset, mais il est construit avec des proportions grandioses, et la cloche est remplacée par une chambre assez spacieuse pour qu'un homme puisse y séjourner pen- dant des heures, le renouvellement de l'air étant assuré par un méca- nisme spécial. L'air qui a servi à la respiration est entraîné et traverse un compteur à gaz; mais, dans l'impossibilité d'absorber tout l'acide carbonique de cette énorme quantité d'air, une portion de cet air est détournée dans un appareil particulier, et son acide carbonique est dosé avec la baryte. Comme ce courant d'air dérivé est proportionnel au courant principal, on eu déduit facilement la quantité totale d'acide carbonique. B. Appareils pour la respiration pulmonaire. — 1° Procédé de Prout. — L'expérimentateur inspire par le nez et expire dans une cloche plongée dans une cuve d'eau saturée de sel. L'air expiré peut ensuite être conduit dans une éprouvelte graduée ou dans un eudio- mètre où on l'analyse. — 2° Âppai-eil (T Andral et Gavarret. Il se compose de trois ballons dans lesquels le vide a été fait avant l'expé- rience; ces ballons communiquent avec un tube qui aboutit à un masque imperméable qui s'applique hermétiquement sur la figure de l'expérimentateur; le masque est muni d'un tube latéral avec un robi- Fig. 75. — Appareil de W. Mûller. net qui établit la communication de l'appareil avec l'air extérieur; on applique le masque et on ouvre le robinet latéral ainsi que le robinet des ballons; l'air extérieur appelé par le vide pénètre dans l'appareil et c'est dans ce courant d'air, dont on règle la vitesse et qui parcourt le masque, que se fait la respiration. Des soupapes empêchent de re- fluer à l'extérieur l'air expiré qui se rend dans les ballons. Cet appa- reil, quoique difficile à manier et très-compliqué, a donné d'excellents résultats entre les mains des auteurs. — 3° Appareil de W. Muller. C'est certainement l'appareil le plus simple et le plus commode pour les recherches de ce genre. Il se compose de deux flacons az inspirés et expirés. On soumet un animal à la ration d'entretien; on pèse les aliments solides et liquides introduils dans le tube digestif; on pèse d'un autre côté tout ce qu'il perd par les selles et les urines; en retranchant la seconde quantité de la première, on a la perte que l'animal a faite par la respiration et par la peau. Cette méthode peut servir à contrôler la méthode directe. La respiration, prise dans son acception la plus générale, con- siste essentiellement en un échange gazeux entre l'organisme et le milieu extérieur (air ou eau). Dans cet échange, qui, chez les animaux supérieurs, se fait entre le milieu extérieur et le sang, l'animal absorbe de l'oxygène et élimine de l'acide carbonique et de la vapeur d'eau, et dans ce processus, le sang veineux se transforme en sang artériel. Cette absorption et cette élimination gazeuse ne se font pas exclusivement dans une seule région ; elles se font par toute la surface de l'organisme, et jusque dans les liquides sécrétés on retrouve de Facide carbonique, indice d'une véritable respiration; mais ces phénomènes respiratoires sont beaucoup plus intenses dans certaines régions déterminées, qui sont alors disposées d'une façon spéciale et constituent un organe particulier, poumons ou branchies, suivant que l'animal respire dans l'air ou dans l'eau. RESPIRATION. 421 1° RESPIRATION PULMONAIRE. Les poumons ont la structure des glandes en grappe; mais, au point de vue physiologique, ils peuvent être considérés comme constitués par une membrane vasculaire dont l'étendue égale la surface de la totalité des vésicules pulmonaires; l'ensemble des bron- ches ou l'arbre aérien serait alors représenlé par un cône qui aurait cette surface pour base et dont le sommet tronqué serait formé par la trachée (fig. 76). L'échange gazeux respiratoire se passe entre le sang situé à la partie F(Sr. 70. — Schéma du cône pulmonaire. jj^{çj.QQ ç[q qq[\q niCmbraUe Ct l'air situé à sa partie externe dans le cône aérien. Mais pour que cet échange gazeux s'accomplisse avec assez d'intensité et de rapi- dité pour les besoins de l'organisme, il faut, d'une part, que le sang, en contact avec la surface pulmonaire, se renouvelle de façon à pouvoir absorber continuellement de nouvelles quantités d'oxygène et éUminer de nouvelles quantités d'acide carbonique et de vapeur d'eau; il faut, d'autre part, que l'air se renouvelle pour débarrasser les voies aériennes de l'acide carbonique ex- halé et y introduire de l'air chargé d'oxygène; il faut qu'il y ait à la fois circulation sanguine et circulation gazeuse; cette cir- culation gazeuse dans les voies aériennes constitue ce qu'on a appelé la ventilation pulmonaire. Mais tandis que, dans la circulation sanguine pulmonaire, le sang veineux chargé d'acide carbonique arrive par une voie, l'artère pulmonaire, et une fois transformé en sang artériel, s'en va par une autre voie, veines pulmonaires, dans la ventilation gazeuse pulmonaire il n'en est pas ainsi; la même voie, bronches et trachée, sert à l'exhalation de l'acide carbonique et à l'intro- duction de l'oxygène; il n'y a qu'un simple mouvement de va- et-vient, de soufllet, par lequel l'air chargé d'acide carbonique et de vapeur d'eau (air expiré) est expulsé pour être remplacé par l'air atmosphérique (air inspiré); et comme les poumons ne se Fig. 76. — T, trachée. — P, cavité du poumon. — E, B, surface respiratoiie. (Kûss.) 422 PHYSIOLOGIE FONCTIG^WELLE. vident jamais complètement de Tair qu'ils contiennent, il s'en- suit qu'il y a toujours mélange d'une partie de l'air expiré avec l'air inspiré. L'acte par lequel les poumons se vident complète- ment de l'air chargé d'acide carbonique et de vapeur d'eau, a reçu le nom d'expiration, et on a donné le nom d^ inspiration à l'acte par lequel lair atmosphérique pénètre dans l'arbre aérien. Le mécanisme de l'inspiration et de l'expiration, le rôle joué dans ces deux actes par le poumon, le thorax et les puissances musculaires, en un mot, les phénomènes mécaniques de la res- piration seront étudiés avec les mouvements; il ne s'agira ici que des phénomènes physico-chimiques de la respiration. ]S^ous étudierons successivement le rôle de l'air, du sang, du poumon dans la respiration, les échanges gazeux respiratoires, absorption d'oxygène, élimination d'acide carbonique, d'azote et de vapeur d'eau, et les variations de ces échanges gazeux dans les diverses conditions de l'organisme. a. — De l'air dans la respiration. 1. AIE INSPIRÉ. Xous inspirons en moyenne un demi-litre ou 500 centimètres cubes d'air à chaque inspiration, ce qui donne par heure 360 litres environ et 9,000 en 24 heures. (Voir: Mécanique respira- toire.) Il est donc important d'étudier à ce point de vue la com- position et les propriétés de l'air atmosphérique. L'air atmosphérique contient, sur 100 parties: Oxygène Azote. . Rn volume. En . poids, 20,8 23 79,2 77 100,0 100 Il contient en outre des traces d'acide carbonique et de la vapeur d'eau. La quantité d'acide carbonique varie de 4 à G dix-millièmes. Elle est plus forte dans les lieux habités et plus grande la nuit que le jour. La vapeur cVeau contenue dans l'air s'y trouve à l'état de va- RESPIRATION. 423 peur invisible ou à l'état de vapeur vésiculaire. La quantité varie suivant la température, et celte quantité peut être d'autant plus considérable que la température est plus élevée; aussi en général est-plie plus grande en été qu'en hiver. Vétat hygrométrique ou l'humidité de l'air ne dépend pas seulement de la proportion de vapeur d'eau qu'il contient, mais surtout de ce fait que cet air est plus ou moins près de son point de saturation ; aussi l'air est-il plus sec en été qu'en hiver, quoi- que la quantité absolue de vapeur d'eau y soit plus forte. Cet état " hygrométrique s'exprime par la fraction de saturation, c'est-à- dire par la quantité de vapeur d'eau contenue dans l'air divisée par la quantité de vapeur d'eau que l'air peut contenir à satura- tion à la même température. Indépendamment de ces substances, l'air contient des pous- sières minérales, des produits de décomposition des substances organiques, du carbonate d'ammoniaque, de l'hydrogène proto- carboné, de l'acide azotique, de l'azotite d'ammoniaque (Schœn- bein), de l'ozone, des principes volatils d'origine organique, des germes organiques, etc. Deux conditions ont de l'influence sur la respiration, la tem- pérature et la pression. La température de l'air atmosphérique présente d'assez gran- des variations. Quand l'air est dilaté par la chaleur, nous inspi- rons un air plus raréfié, autrement dit la quantité d'oxygène que nous inspirons est moindre. Chaque inspiration fait entrer dans les poumons environ un demi-litre d'air, et 0',lOi d'oxy- gène à la température de 0". A +40% ce demi-litre d'air ne contient plus que 0',0015 d'oxygène. En effet, le coefficient de dilatation de l'air est 0,003(37, et 100 volumes d'air à 0" oc- cupent lU volumes à + 40". Aussi, quand la température s'é- lève d'une façon notable sommes-nous obligés, pour compenser cette dilatation de l'air inspiré et retrouver la quantité d'oxy- gène nécessaire, d'augmenter le nombre et la profondeur des respirations. La pression de l'air atmosphérique est de 700 millimètres en moyenne au niveau de la mer, mais ce qui intéresse le physio- logiste au point de vue de l'échange des gaz, c'est, non pas la pression barométrique totale, mais Impression partielle de cha- cun des gaz de l'air et spécialement de l'oxygène. Ces pressions 424 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. partielles sont proportionnelles aux quantités de gaz contenues dans l'air atmosphérique : Ainsi : 760X20,8 La pression de Toxygène. . . . = — — • = 158 millimètres. 760X79,2 La pression de 1 azote == — — = 601 millimètres. 760X0,0005 La pression de 1 acide carbonique = = 0,38 millimètres. On verra plus loin que les pressions partielles ne sont plus tout à fait les mêmes dans l'intérieur des poumons. 2. AIR EXPIRÉ. L'air expiré a la composition suivante que je rapproche de celle de l'air inspiré : Air expiré. Air inspiré. Oxygène 15,4 20,8 Azote 79,3 79,2 Acide carbonique . . 4,3 » 99 100 Il se distingue donc par les caractères suivants de l'air ins- piré : r 11 contient moins d'oxygène; 2" 11 contient plus d'acide carbonique; la présence de cet acide carbonique dans l'air expiré se démontre d'une façon très- simple; il suffît de souffler par un tube dans de l'eau de chaux ou de baryte; l'eau se trouble immédiatement par formation d'un carbonate insoluble qui se précipite; 3" Il contient un peu plus d'azote; 4° Il est saturé de vapeur d'eau qui provient des muqueuses pulmonaire et bronchique. Aussi quand cet air expiré arrive dans un air extérieur à température basse comme en hiver, la vapeur d'eau se précipite-t-elle sous forme d'un nuage de va- peur vésiculaire. Gréliant a indiqué un procédé pour déterminer l'état hygrométrique de l'air expiré. On remplit d'eau à -h 38" un cube de Leslie qui offre RESPIRATION. 425 une face argentée et contient un thermomètre voisin de la paroi bril- lante; on agite légèrement le cube dont l'eau se refroidit peu à peu; on souffle alors obliquement sur la paroi argentée, et il arrive un mo- ment où un dépôt de rosée se forme sur cette surface; pour éviter le refroidissement du courant d'air expiré et de la surface argentée, l'expiration se fait par un tube ûxé dans une cloche appliquée sur le cube de Leslie et entourée d'ouate. Dès qu'il se forme un dépôt de rosée persistant, on note îa température du thermomètre. On constate ainsi que l'air expiré est sensiblement saturé de vapeur d'eau. L'air expiré contient en outre de i^etites quantités d'ammo- niaque, qu'on a supposé provenir de la décomposition de sub- stances dans la cavité buccale, mais qui, d'après Lossen, se retrouveraient dans l'air de la trachée; en 24 heures on en ex- halerait O'^OlOi. On y a constaté aussi des traces d'hydrogène carboné et sulfuré passés de l'intestin dans le sang, de substances volatiles, alcool, camphre, etc. La présence du chlorure de so- dium , du chlorhydrate d'ammoniaque , de l'acide urique , des urates de soude et d'ammoniaque, signalés par Wiederhold, est plus que douteuse. La température de l'air expiré est à peu près constante, de -\- 36" environ; il y a cependant de légères différences suivant la température extérieure; ces ditférences peuvent atteindre 1 degré entre l'été et l'hiver. (Valentin.) Le volume de l'air expiré est à peu près égal au volume de l'air inspiré, mais s'il en est ainsi, c'est à cause de la dilatation de l'air expiré due à l'augmentation de température et à la va- peur d'eau. En réahté, si on suppose les deux airs réduits à la même température et desséchés, le volume de l'air expiré est un peu moindre que celui de l'air inspiré, comme 99 : 100. Ceci tient à ce fait, déjà reconnu par Lavoisier, que dans la respi- ration il disparaît plus d'oxygène qu'il n'en revient sous forme d'acide carboni({ue. 3. MASSE GAZEUSE DES POUMONS. Le volume de la masse gazeuse contenue dans les poumons varie suivant l'état d'inspiration ou d'expiration dans lequel se trouvent les poumons et suivant l'amplitude de ces deux actes. 426 PHYSIOLOGIE FO.XGTIOX.XELLE. Dans les inspirations les plus profondes, le volume de la masse gazeuse chez un homme vigoureux, hien conformé, peut être évalué à 4,970 centimètres cubes. Mais pour hien comprendre les phénomènes respiratoires, il faut fractionner cette masse ga- zeuse en portions correspondantes aux divers actes respiratoires. On peut à ce point de vue la diviser en quatre parties : a) Résidu respiratoire. C'est la quantité d'air qui reste dans les poumons après une expiration la plus forte possible; c'est la partie stationnaire ou. constante de la masse gazeuse; ce ré- sidu respiratoire, variable suivant les différents états du corps, repos, mouvement, taille, etc., est de 1,200 centimètres jcubes en moyenne. Le résidu respiratoire ne s'échappe que quand le poumon se vide complètement, quand par exemple on fait une incision aux parois thoraciques avec ouverture de la plèvre. b) Réserve respiratoire. C'est l'air qui reste dans les poumons, en sus du résidu respiratoire, après une expiration ordinaire. Dans les conditions normales, en effet, nous laissons toujours dans les poumons une certaine quantité d'air qui pourrait être expulsée par une expiration forcée; cette réserve respiratoire peut être évaluée à 1,600 centimètres cubes. c) Quantité normale clair inspiré ou expiré. — Cette quan- tité est de 500 centimètres cubes. d) Air complémentaire. — C'est l'excès d'air que nous inspi- rons, dans les inspirations les plus profondes possible en sus de la quantité normale. Cette quantité d'air complémentaire est de 1,670 centimètres cubes. Les quantités b, c, d constituent la partie mobile ou variable de la masse gazeuse. Leur ensemble b^c-{-d forme ce que Hutchinson appelle la capacité vitale du poumon ; c'est la quan- tité d'air expiré ou inspiré dans une respiration la plus profonde possible. Elle égale 3,770 centimètres cubes chez un homme vigoureux. Le résidu respiratoire et la réserve respiratoire a-\-b consti- tuent la capacité pulmonaire de Gréhant. Elle est de 2,800 cen- timètres cubes en moyenne. Le tableau suivant résume ces diverses notions : v«i.,i^„ .v,o-:.v,.,«, i '^- — Résidu respiratoire ^ 1,200 ce. i , . „„„ Volume maximum l ' . ' v '. Capac lé pulmonaire = 2,800 c.c. de l'air des pou- .' 6- -Reserve respiratoires 1,G00 - ï\ ^ ^ mons = 4,970 ce.) ^•— -^"' normal . . . . =: 500 — V Capacité vilale. . . . = 3,770 — [d, — Air complémentaire zz 1,670 — \ RESPIRATION. 427 Procédés pour mesurer ces diverses quantités. — Capacité vi- tale d'Hutchi.nson. — r spiromètre d Hutchinson {fig. 11 et 78). — Le Fig. 77. — Spiromètre d'HntLhinson. Fig. TS. — Spiromètre d'Hutchinson. spiromètre d'Hutchinson est construit sur le principe des gazomètres d'usine à gaz. Il se compose d'un réservoir rempli d'eau dans lequel plonge une cloche renversée (20. munie à sa partie supérieure d'une ouverture (16) qui se ferme à volonté par un bouchon (l7).Cette cloche est suspendue par des cordes (II) qui s'enroulent sur des pouHes (18) et équilibrée par des poids (I2i de façon à se maintenir en équilibre à quelque hauteur qu'elle soit placée. Un tube en U est ajouté à l'ap- 428 PHYSIOLOGIE FONCTIO^'^^ELLE. SlîOO pareil; une de ses branches est intérieure, située dans l'axe du réser- voir et remonte jusqu'au niveau de l'eau du réservoir et jusqu'à la partie supérieure de la cloche; l'autre branche, extérieure au ré- servoir, se continue avec un tube de caoutchouc (14) terminé par un embout (19). Après avoir fait une inspiration la plus profonde possible, la personne en expé- rience adapte l'embout à sa bou- che et fait une expiration for- cée, le nez étant hermétiquement fermé; l'air expiré arrive dans la cloche par le tube en U la soulève ifig. 78, page 427), et la quantité du soulèvement, mesurée par une règle graduée (15) mobile avec la cloche, donne le volume de l'air looo expiré ou la capacité vitale. — 2° Spirmnèlre de Schnepfifig. 79). Schnepf a modifié avantageuse- ment le spiromètre d'Hntchinson. La construction est la même, mais la cloche n'est équilibrée que par un seul contre-poids, et la chaîne qui le supporte est formée d'an- neaux inégaux qui compensent les variations que subit le poids de la cloche suivant qu'elle plonge plus ou moins dans l'eau du réservoir. On a imaginé un grand nombre d'appareils spirométriques, pour la description desquels je ren- verrai aux traités de diagnostic médical et de séméiologie, tels sont le spiromètre de Boudin, le pneumatomètre OlQ Bonnet, \q pneusimèti^e à hélice de Guillet;je me contenterai de décrire l'anapnographe de Bergeon et de Kastus. Cet appareil {fig. 80, page 429) est disposé de la façon suivante : Une valve ou lame mobile, V, en aluminium, forme la partie postérieure d'une Fig. 79. — Spiromètre de Schnepf. Fig. 70. — V, cylindre de laiton. — T, T, tube respiratoire. — A, embout. — C, cloche ou gazomètre. — P. conlre-poids. — S, chaîne. — R, poulie. — L , échelle graduée. — M, mon- tant. — G, gaine qui soutient l'échelle. — N, niveau du liquide du réservoir. — E, ftnd du gazomètre. — 0, partie inférieure ouverte du gazomètre. RESPIRATIO>'. 429 boîte rectangulaire mise en communication en A avec un tube res- piratoire terminé par un embout. L'axe de rotation de la valve porte Fig, 80. — Anapnographe de Bergeon et Kastus. (Voir page 42S.) un levier très-léger, S, qui écrit sur une bande de papier animée d'un mouvement uniforme tous les mouvements de la valve. Des ressorts réglés par les boutons R, R, ramènent la valve dans la position d'é- quilibre. La personne en expérience applique l'embout sur le nez, et à chaque mouvement de respiration (inspiration et expiration), les va- riations de pression de lair des voies aériennes se transmettent à l'iiir de la boite rectangulaire et amènent des mouvements de va-et-vient de la valve V inscrits par le levier S. L'anapnograpbe, qui a été depuis perfectionné par Bergeon, donne non-seulement la pression, mais la quantité d'air inspiré et expiré, et k vitesse du courant d'air. B. Capacité pulmonaire. — Procédé de Gréhant. — Ce procédé est basé sur ce fait reconnu par Régnault et Reiset, que l'hydrogène n'est absorbé qu'en très-petite quantité par les poumons. On fait passer dans une cloche de 3 à 4 litres pleine d'eau, un litre d'hydrogène pur, 430 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. c'est-à-dire une quantité égale aune large inspiration; la cloche est munie à sa partie supérieure d'an robinet et d'un tube de verre réunis par un caoutchouc. La personne en expérience introduit le tube dans la bouche, les narines étant hermétiquement fermées, et respire l'hy- drogène de la cloche, qui reçoit aussi l'air expiré ; on ouvre le robinet de la cloche à la fin d'une expiration et on le ferme après 4 ou 5 res- pirations. On a alors, dans la cloche, un mélange homogène d'hydro- gène, d'oxygène, d'azote et d'acide carbonique dont on fait l'analyse par les procédés ordinaires; ce mélange, comme s'en est assuré Gré- Irant, est identique comme proportion d'hydrogène avec l'air des pou- mons, autrement dit Thydrogène, après 5 expirations faites dans la cloche, est distribué uniformément dans les poumons et dans la cloche; il n'y a donc plus qu'une proportion à faire, proportion dont on con- naît trois termes, la quantité pour 100 d'hydrogène de la cloche à la fin de l'expérience et la quantité d'hydrogène = 1000 au début de l'expérience; il est facile d'en tirer le quatrième terme, savoir : le volume d'air contenu dans les poumons et dans la cloche, et par suite la capacité pulmonaire. Si, par exemple, l'air de la cloche à la fin de l'expérience renferme 23,5 centimètres cuhes d'hydrogène pour 100, on aura la proportion : ÏOOX 1000 23,5: 100 :: 1000 :x = -^ — = 4,255. 2o,5 X = 4,255 représente le volume d'air contenu dans les poumons et dans la cloche, et la quantité d'air contenue dans les poumons après une inspiration d'un litre sera 4,255 — 1000 = 3,255; ce sera la capa- cité pulmonaire. Pour avoir le volume absolu des poumons, 11 faudra naturellement faire la correction barométrique et la correction de température. Soient V, le volume à t degrés,/, la tension maximum de la vapeur d'eau à t, T, la température de l'air expiré, F, la tension maximum de la vapeur d'eau à T degrés, H, la pression barométrique, a, le coefficient de di- latation des gaz. Y*, le volume absolu de l'air des poumonS; on a la formule suivante : Y (1 -4- Ta) (H — /) Ya = (1 H- ta) (H — F La capacité pulmonaire peut aussi s'apprécier directement sur le cadavre, en adaptant à la trachée un tube qui se rend dans une cloche sous le mercure. On ouvre alors les parois thoraciques et les plèvres, les poumons s'affaissent et chassent Pair qu'ils contenaient dans lu cloche où on peut le mesurer. La capacité vitale varie de 2 litres et demi à 4 litres ; chez RESPIRATION. 431 un homme vigoureux, elle est d'environ 3,770 centimètres cubes. Chez la femme, elle (est plus faible, 2,300 centimùtres cubes en- viron. Elle augmente jusqu'à 35 ans, pour diminuer ensuite. D'après Schnepf, un enfant de 5 à 7 ans renvoie 800 à 1,000 centimètres cubes d'air par une très-forte expiration, .c'est-à- dire 4 fois moins qu'un adulte. A la puberté, la capacité vitale augmente très-vite. La capacité vitale augmente avec la taille (Hutchinson) et la circonférence de la poitrine (Arnold.) Chez l'adulte, elle s'accroît de GO centimètres cubes (iO chez la femmej par centimètre de taille. Le tableau suivant, emprunté à Vierordt, donne la capa- cité vitale chez les adultes pour les différentes tailles : Taille Capacité vitale en centimètres. en centimètres cubes. 154,5 à 157 2,635 157 à 159,5 2,841 159,5 à 162 2,982 162 à 164,5 3,167 164,5 à 167 3,287 167 à 169,5 3,484 169,5 à 172 3,560 172 à 174,5 3,634 174.5 à 177 3,842 177 à 179,5 3,884 179,5 à 182 4,034 182 4,454 Le mouvement augmente le volume de l'air expiré. Si on re- présente par 1 le volume de l'air expiré dans le décubitus dorsal, on aura les chiffres suivants (Smith) : Décubitus dorsal ... 1 Station assise 1,18 Lecture 1,26 Station debout .... 1,33 Marche lente 1,9 Marche rapide .... 4,0 Course 7,0 Composition de la masse gazeuse des poumons. — La masse gazeuse des poumons n'a pas une composition uniforme ; elle n'est pas la même dans les diverses parties des voies aérien- nes. L'air contenu dans les couches profondes est plus pauvre 432 PHYSIOLOGIE F0XCTI0>->;ELLE. en oxygène, plus riche en acide carbonique et en vapeur d'eau. Si l'on fractionne en deux portions l'air expiré, la première portion, qui vient des parties supérieures de l'arbre aérien, con- tient moins d'acide carbonique (3,7 p. lOO) que la deuxième (5,4 p. 100) qui vient des parties plus profondes (Vierordt). De cette différence de composition, il résulte que, même en l'ab- sence de tout mouvement respiratoire, il s'établit dans les voies respiratoires des courants de diffusion, un courant d'oxygène allant de haut en bas, et un courant d'acide carbonique allant do bas en haut. Si on arrête complètement tout mouvement de respiration et qu'on mette par la bouche grande ouverte les poumons en communication avec un réservoir d'air, on y trouve au bout d'un certain temps des quantités appréciables d'acide carbonique. Ce sont ces courants qui, dans les cas d'hibernation et de mort apparente, suffisent pour entretenir la respiration sans ventilation pulmonaire. Mais ce sont là des cas exception- nels et, à l'état normal, pour entretenir la vie, il faut une res- piration et par suite une ventilation plus active. L'air des vésicules pulmonaires doit être plus chargé d'acide carbonique que l'air expiré. Il est difficile de l'évaluer d'une façon précise. Cependant, en ayant égard à la composition des dernières fractions de l'air expiré, on pourrait admettre 7 à 8 p. 100 d'acide carbonique; cette composition est du reste varia- ble, et dans l'inspiration la proportion d'acide carbonique doit être moins considérable et se rapprocher de la composition de l'air expiré. En eff'et, dans l'inspiration, les vésicules pulmonaires se dilatent et leur cavité se remplit de l'air plus pur des divi- sions bronchiques. Le renouvellement de l'air dans les poumons se fait de la façon suivante: A chaque inspiration 500 centimètres cubes d'air, en moyenne, pénètrent dans les poumons. Cet air'pur ne parvient pas du premier coup jusqu'aux vésicules pulmonaires, il n'arr rive que dans les premières divisions bronchiques où les cou- rants de diffusion s'établissent rapidement entre lui et l'air vicié plus profondément situé. L'expiration qui fait suite à cette inspi- ration renvoie 500 centimètres cubes d'air vicié sur lesquels 170 centimètres cubes d'air pur sont rejetés avec l'air vicié con- tenu antérieurement dans les poumons. En effet, en remplaçant l'air pur, d'après le procédé de Gréhant, par de l'hydrogène, on retrouve 170 centimètres cubes d'hydrogène dans l'air expiré. RESPIRATION. 433 Il est donc resté dans les poumons , après une expiration nor- male, 330 centimètres cubes d'air pur, à peu près les deux tiers de l'air inspiré. Cet air, ainsi introduit par une inspiration, se répartit uniformément dans les poumons avec une grande rapi- dité, en cinq respirations environ. Gréhant appelle coefficient de ventilation le chifTre qu'on oIj- tient en divisant la quantité d'air pur introduit dans les poumons en une inspiration par la capacité pulmonaire ou la quantité d'air contenue dans les poumons avant cette inspiration : ce chifï're est de 0,11 environ; c'est-à-dire que 100 centimètres cubes de l'air des poumons reçoivent à chaque inspiration 1 1 centimètres cubes d'air pur renfermant 2",35 d'oxygène. Le coetricient de ventilation augmente avec le volume de l'inspiration, comme le prouve le tableau suivant emj)runté à Gréhant : Volume de l'inspiration. Vol urne de l'expiration. Volume d"li_vdrot;éne expire. Volume d'hïdrogt-ne conservé. Volume des poumons après l'expiration. Coefficient de ventilation. Centimètres cubes. 300 345 ICI, 5 138,5 Litres. 2,295 0,060 500 475 180 320 2,365 0,135 600 G25 231,2 368,8 2,315 0.159 1,000 1,300 464,1 53.3,9 2,04 0,263 On voit, d'après ce tableau, que l'augmentation du coeiTicient de ventilation n'est proportionnelle à l'augmentation du volume de l'inspiration qu'à partir d'un certain chiffre, un demi-litre à peu près, tandis que, pour les inspirations au-dessous d'un demi-litre, il n'en est plus ainsi. Aussi des inspirations peu pro- fondes ne renouvellent-elles que d'une façon très-incomplète l'air des poumons. Par exemple, 18 inspirations, d'un demi-litre cha- cune, et qui font pénétrer dans les poumons 9 litres d'air pur, renouvellent l'air des poumons plus complètement que 36 inspi- rations de 300 centimètres cubes, qui font cependant pénétrer dans les poumons 10',800, près de 11 litres d'air. De là l'utilité de la gymnastique respiratoire. 4. PRESSION D E L AIR DES POUMONS. Procédés pour mesurer la pression de l'air des poumons. — 1° Chez V homme. Cette pression peut se mesurer en adaptant à un Beaunis, Phys. 28 434 PHYSIOLOGIE F O.XCTI ON >ELLE. manomèfre à mercure un tube de caoutchouc terminé par un embout qui s'applique hermétiquement sur l'orifice buccal (Valentin); on ins- pire et on expire par la bouche et on voit des oscillations de la co- lonne mercurielle correspondant à ces actes respiratoires. Donders relie la branche du manomètre à l'ouverture nasale. On peut, au lieu d'un manomètre, adapter au tube respirateur le tambour du polygrapbe de Marey et tracer ainsi sur un cylindre enregistreur la courbe de la pression intrà-pulmonaire. La figure 81, prise dans ces conditions, donne Fig. 81. — Giapliique respiratoire (femme). le graphique de la respiration chez une femme; la durée de chaque res- piration était de 3 secondes environ. La croix indique le début du graphique ; la ligne ascendante correspond à l'augmentation de pression, c'est-à-dire à l'expiration; la ligne descendante, à l'inspiration et à la .diminution de pression. 2° Chez les animaujc, on peut introduire direc- tement le tube dans la trachée et on fait communiquer ce tube soit avec un manomètre, soit avec le tambour du polygrapbe, comme dans la ûgure 82, page 43.5. Mais pour éviter une trop grande amplitude d'oscil- lation du levier, et empèclter l'asphyxie, on interpose entre le tube trachéal et le tambour un récipient dune certaine capacité. Au moment de l'expiration, la pression augmente dans les voies pulmonaires et dans l'appareil et soulève le levier du tambour; c'est le contraire dans l'inspiration. La figure 83, page 435, représente le graphique de la pression intra-pulmonaire chez le lapin, graphique pris dans ces con- ditions; chaque respiration a une durée de 1 seconde environ. En général, l'amplitude de la courbe correspond à Tintensité de la pres- sion, mais seulement quand on reste dans les pressions moyennes. Quand on ne veut pas sacriûer l'animal et ouvrir la trachée, on peut RESl'IUATIO.X. 43; se contenler d'appliquer nue miisclière de caoutclioiic qui embrasse étroilemeut le museau et commuiji(]ue par un tube en caoutchouc Fig. Si. — Eoipçistrenicnl direct des mouvements de J'air respiié. (Beit.) avec le lambour du poly^^^raphe. (Bert.) On peut enregistrer indirecte- ment les changements de pression intra-pulmonaire, en plaçant l'animal sous une cloche hermétiquement fermée, et en enregistrant les. chan- gements de pression de l'air de la cloche; quand l'air est rarélié dans Fig. S3 — Graphique respiratoire (lapin). les poumons de l'animal (inspiration), il est comprimé dans la cloche et vice versa. (Bert.) L'emploi du lambour du polygraphe est très-commode pour enre- gistrer les difFérences de pression,, mais quand on veut mesurer exacte- 436 PHYSIOLOGIE FOXCTIO>'>'ELLE. ment la pression de Tair inspiré ou expiré, le manomètre peut seul donner des résultats précis. Dans Vinspiratîon, la pression est négative, c'est-à-dire moin- dre que la pression atmosphérique, le mercure monte dans la branche interne ou respiratoire du manomètre, et s'abaisse dans la branche externe; cette pression négative est de — 1 millimètre de mercure dans la respiration calme, de — 57 milhmètres dans une respiration profonde. Dans rcxpiration, la pression est positive et le mercure monte dans la branche externe de 2 à 3 millimètres dans l'expiration calme, de 87 et plus dans les expirations profondes. Il est facile maintenant de calculer avec ces données les chiffres des pressions partielles de Toxygène et de l'acide carbo- nique dans lair inspiré et expiré; c'est ce que donne le tableau suivant : PRESSION PARTIELLE (') Pression de l'air. de de l'acide l'oxygène. carbonique. 760— 1 = 759'°'° 157mŒ! 0'°'°,37 760—57 = 703 146 0 ,07 760-4- 2 = 762 117 31 ,5 760-1-87 =847 130 36 ^4 ( calme. . Inspiration - ^^^^^^^^ ^ . . ( calme. . Expiration | ^^^^^^^^ Mais ces chiffres ne donnent pas les pressions partielles les plus importantes à connaître, celles de l'oxygène et de l'acide carbonique dans les vésicules pulmonaires. Ces pressions sont très-difficiles à déterminer, vu l'incertitude dans laquelle nous sommes sur la composition réelle de l'air des vésicules pulmo- naires. Sa composition varie assez peu dans l'inspiration et dans l'expiration calme, mais dans les inspirations profondes, elle se rapproche de celle de l'air inspiré, et dans les expirations elle s'en éloigne le plus. Les chiffres suivants représentent la compo- sition approximative de l'air des vésicules, eu égard à sa pro- (t) Les pressions partielles, P, ont e'te' calcule'es d'après la formule sui- vante, H représentant la pression de l'air inspiré ou expiré, Q, la quantité de gaz pour loo volumes : 100 ' on a pris le chiffre 4, 3 p. 100 pour la quantité' d'acide carbonique dans l'air expiré. RESPIRATION. 437 portion d'oxygène et d'acide carbonique dans les diverses'pliases d'une respiration. Je donne en même temps les pressions par- tielles correspondantes : OXYGÈNE. ACIDE CARBONFOIE. Proportion Pression Proportion Pression p. ]()0, partielle. . p. 100. partielle. 17 % 129 mill. 4 30 mill. 20 140 — 1 7 — 16 121 — 5 38 — 13 110 — 8 67 — Inspiration calme. . Inspiration profonde. Expiration calme . . ^ Expiration profonde. b. — Du sang dans la respiration. Le sang présente plusieurs conditions essentielles au point de vue des échanges gazeux respiratoires : sa comi)Osition chimique, la proportion des gaz qu'il contient et la pression de ces gaz, enfin la quantité de sang qui traverse le poumon en un temps donné. [° Composition 'du sang. — Certains principes du sang ont de l'affinité chimique pour les gaz respiratoires; ce sont d'une part l'hémoglobine, de l'autre certains sels du plasma. Vhémoglobine fixe l'oxygène et constitue avec lui une combi- naison, l'oxyhémoglobine (voir page 08). Un gramme d'hémo- globine absorbe 1,2 à 1,3 centimètre cube d'oxygène (à 0° et 1 mètre de pression). Certains sels du plasma fixent l'acide carbonique: tels sont le carbonate de soude et peut-être le phosphate de soude du plasma. (Fernet.) En outre, les globules rouges auraient la propriété de fixer une certaine quantité d'acide carbonique en une combi- naison encore inconnue. (A. Schmidt, Mathieu.) 2" Proportion des gaz du sang. — La composition des gaz du sang a été donnée, pages 95 et 104. Au point de vue de la respiration, ce qui serait essentiel à connaître, ce serait la quan- tité des gaz dans le sang des capillaires du poumon. Cette quan- tité, impossible à déterminer expérimentalement d'une façon précise, est certainement analogue sinon identique à celle qui se trouve dans le sang veineux du cœur droit, et serait par con- séquent la suivante; je donne ici les chiffres ordinaires (A) et les chiffres plus forts de Mathieu et Urbain (B); ces chiffres, du reste. 438 PHYSIOLOGIE FOXCTI 0>>ELLE. cause de leurs variations, ne peuvent avoir qu'une valeur re- lative : Oxygène 0 p. 100 10 p. 100 Acide carbonique .35 — GO — Azote. ..... 2 — 2 — 3° Pression des gaz du sang. — Cette pression est dilTicile à évaluer exactement. Procédés pour apprécier la pression des gaz du sang. — Si on agite (lu sang- avec une quantité déterminée d"oxygène ou d'acide car- bonique, Ja tension de ces gaz, après Fagilation, donne la mesure de la tension des gaz dans le sang; eri efTet, on connaît la quantité du gaz primitif et sa tension, la quantité de gaz abandonnée par le sang et la tension du mélange; on en tire facilement la tension du gaz dans le sang. Pfliiger et Slrassburg ont employé pour mesurer cette tension un appareil particulier, X'aérotonomètre, pour la description duquel je renvoie au mémoire original. {Archiv. de PJliiger, Yl^vol., p. 65.) On peut apprécier la tension de l'acide carbonique des capillaires du poiunon de la façon suivante (Woltfbergj: A l'aide d'un instrument particulier, cathéter pulmonaire, on isole à volonté sur l'animal vivant l'air d'un lobe du poumon dans lequel la circulation continue à se faire; la respiration continue dans tout le reste du poumon; au bout d'un certain temps, quand la pression s'est égalisée entre l'acide car- bonique du sang des capillaires et celui qui est contenu dans le lobule pulmonaire, on analyse le gaz de cette partie isolée et on a ainsi la quantité et par suite la tension de l'acide carbonique dans le sang des capillaires pulmonaires. lArcIuv. de P/lilger, lY^ vol., p. 4G5.) On est arrivé par ces méthodes (Strassburg) aux chiffres sui- vants (chien) : Tension Tension Proportion Proportion de de d'oxygène d'acide carbo- l'oxygène. l'acide carbonique. p. 100 nique p. 100. Sang artériel . . . 29'""',G , 21 mill. 3,0 2,8 Sang veineux. . . 22 ^,0 41 — 2,9 5,4 La tension de l'acide carbonique dans le sang des capillaires du poumon est égale à celle qu'il a dans le sang veineux du cœur droit (Wol(î"bergi. par conséquent on peut lui appliquer la valeur donnée dans le tableau pour le sang veineux. Chez l'homme, ces chiffres seraient trop faibles; les propor- RESPIRATION. 439 lions d'acide carbonique contenu dans l'air des vésicules parais- sent en eiïet dépasser 5,4 p. 100 et atteindre 8 p. 100 environ. En outre, la pression du sang dans les capillaires est plus consi- dérable. Aussi, sans pouvoir donner des chiffres précis, peut-être faudrait-il doubler (?j les chiffres précédents pour avoir la valeur approximative de la pression des gaz dans les capillaires du poumon. On aurait alors pour les tensions chez l'homme : Tension Tension de l'oxygène. de l'acide carbonique. Sang artériel .... 59"%2 42 niill. Sang veineux .... 44 ,0 S2 — Ce qui complique celle question du rôle de la pression des gaz du sang dans la respiration, c'est qu'une partie de ces gaz €st combinée à l'hémoglobine (oxygène) et aux sels (acide car- bonique), et que, dans ces combinaisons, les gaz sont encore, dans une certaine mesure difficile à déterminer, sous la dépen- dance de la pression, pour ce qui concerne leur absorption et leur élimination. 4° Quantité du sang. — A chaque systole, le ventricule droit envoie dans le poumon 180 grammes de sang veineux, de sorte que, pendant la durée d'une respiration, il passe par les capil- laires du poumon environ 700 grammes de sang veineux (') con- tenant au minimum 245 centimètres cubes d'acide carbonique et 03 centimètres cubes d'oxygène. Ces 700 grammes de sang veineux, une fois transformés en sang artériel, contiennent 210 centimètres cubes d'acide carbonique et 105 centimètres cubes d'oxygène. D'après ces chiffres, il y aurait donc dans une respiration nor- male d'un demi-litre (inspiration et expiration) ;)5 centimètres cubes d'acide carbonique d'éliminés, et 42 centimètres cubes d'oxygène d'absorbés. Ces chiffres paraissent cependant trop forts si l'on se reporte aux analyses de l'air ex[iiré; en effet, on ne trouve que 21,5 centimètres cubes d'acide carbonique et 27 centimètres cubes d'oxygène. Il est dillicile de déterminer à quoi ]ieut tenir l'écart entre ces chiffres, à moins, ce (|ui est possible, ([ue la quantité de 180 grammes de sang admise (') Si l'on admet 4 systoles pendant la durée d'une respiration : 180 X 4 = 720. 440 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO^'>'ELLE. pour la capacité du ventricule droit ne soit trop forte (voir : Circulation). c. — Surface respiratoire. La surface respiratoire est constituée par les vésicules pul- monaires dont le nombre est approximativement de 1,700 à 1,800 millions qui représentent une surface totale de 200 mètres carrés environ. Les capillaires sanguins occupent les trois quarts de celte surface, soit 150 mètres carrés. (Kiiss.) La base du cône pulmonaire peut donc être considérée comme formée par une nappe sanguine d'épaisseur égale au diamètre des capillaires du poumon (0'"'°,00S en moyenne), nappe sanguine qui se renou- velle conlinuellement, et qu'on peut évaluer à un litre environ ('). On verra plus loin quel rôle on a fait jouer au tissu pulmo- naire lui-même dans les échanges gazeux respiratoires. d. — Échaiiges gazeux. Les échanges gazeux entre le sang et Tair intra-pulmonaire se font, en grande partie, d'après les lois physiques de l'absorption et de la diffusion des gaz. Mais il ne faut pas croire à un véri- table échange tel que le supposait Magnus, à un déplacement direct de l'acide carbonique par l'oxygène. Quand un gaz, de l'oxygène par exemple, est en présence d'un liquide, l'absorp- tion de ce gaz dépend uniquement, toutes choses égales d'ail- leurs, de l'excès de pression de l'oxygène extérieur sur la pres- sion de l'oxygène dissous dans le liquide, et la présence dans ce liquide d'un gaz différent, comme l'hydrogène, sera sans in- fluence. Il en est de même pour la diffusion d'un gaz absorbé. Si on place un liquide contenant de l'acide carbonique en pré- sence d'une atmosphère d'oxygène, l'acide carbonique s'échap- pera comme dans le vide, et si l'atmosphère extérieure renferme de l'acide carbonique, le gaz dissous s'échappera tant que sa pression dépassera la pression partielle du gaz de même nature que contient cette atmosphère. L'essentiel, dans ces phénomènes C) Le cliiffre de 2 litres donne' par Kùss me paraît trop conside'rable. RESPIRATION. 441 respiratoires, sera donc de connaître les pressions partielles des gaz dans le sang et dans l'air des vésicules, puisque ces pres- sions sont les causes déterminantes des échanges gazeux. Mais les gaz du sang ne sont pas seulement en simple disso- lution physique, ils sont encore, pour une part plus forte pour l'oxygène, plus faihle pour l'acide carbonique, à l'état. de com- binaison lâche avec certains principes du sang, et par consé- quent leurs échanges sont, à ce point de vue, soumis à des lois différentes des lois physiques. Cependant, même dans ce cas, vu l'instabilité de leur combinaison, leur absorption et leur éli- mination sont, dans de certaines limites, sous la dépendance de la pression. Ces échanges gazeux consistent en quatre actes principaux: absorption d'oxygène, éUmination d'acide carbonique, d'azote et de vapeur d'eau. A. — ABSORPTION D'OXYGÈNE. ' Chaque inspiration d'un demi-litre fait pénétrer dans les pou- mons 100 centimètres cubes d'oxygène qui, par la diffusion, pé- nètrent peu à peu jusque dans les parties profondes des bronches et dans les vésicules. Cette diffusion se fait assez rapidement pour que 34 centimètres cubes ou un tiers seulement de l'oxy- gène introduit soient éliminés avec l'air expiré; deux tiers, ou 66 centimètres cubes d'oxygène, restent dans les poumons, et une fois dans les vésicules, cet oxygène se trouve en contact avec la muqueuse et les capillaires sanguins. Nous absorbons ainsi en 24 heures 516,500 centimètres cubes (à 0° et 760 mill. de pres- sion) équivalant à 744 grammes d'oxygène. Deux conditions interviennent dans l'absorption de l'oxygèjie, l'alTmité chimique et la pression. C'est par l'afîinité chimique que l'hémoglobine des globules rouges s'empare de l'oxygène au fur et à mesure que cet oxygène est absorbé par le plasma sanguin; mais cette absorption par le plasma est elle-même sous l'influence des lois physiques; il est probable, en effet, que l'oxygène, pour arriver aux globules rouges, doit d'abord se dissoudre dans le plasma sanguin, et si ce plasma ne dégage que des traces d'oxy- gène par le vide, c'est que les globules le débarrassent rapide- ment de l'oxygène absorbé. La pression joue donc ici un rôle 442 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO>'XELLE. essentiel, et le tableau suivant, qui donne les pressions de l'oxy- gène dans Fair des vésicules et dans le sang, indique sous quelle pression se fait l'absorption de ce gaz par le sang dans les divers actes respiratoires. TENSION DE l'oXTGÈNE dan 5 les capillaires dans rair Dififérence d es poumons. des vésicules. Inspiration calme . . 44 mill. 129 mill. 85 mill. Inspiration profonde . . 44 — 140 — 96 — Expiration calme . . . 44 — 121 — 77 — Expiration profonde. 44 — 110 — 6G — On voit par ce tableau que l'absorption de l'oxygène se fait dans l'inspiration comme dans l'expiration, mais plus faiblement dans cette dernière. Il faut cependant remarquer que, dans ce tableau, la pression de Foxygène dans les capillaires a été supposée la même dans l'inspiration et dans l'expiration (voir: Circulation). L'affinité des globules rouges pour l'oxygène explique comment il se fait qu'on puisse continuer à respirer dans une atmosphère très-raréfiée, et comment, lorsqu'on fait respirer un animal dans un espace clos, l'oxygène finit par disparaître, même quand cet espace clos était primitivement rempli d'oxygène pur. L'absorption d'oxygène augmente par le mouvement ; Hirn a trouvé les chiffres suivants pour les quantités d'oxygène absor- bées par heure dans le repos et dans le mouvement : Homme . . . Homme . . . Homme . . . Homme . . . Femme . . . Le froid augmente aussi l'absorption d'oxygène. B. — ELIMIXATIOX D'ACIDE CARBOMQUE. Une expiration d'un demi-litre renvoie 21,5 centimètres cubes d'acide carbonique êiiviron , ce qui donne pour 24 heures 'i 55,500 centimètres cubes ou 900 grammes d'acide carbonique. L'élimination de Facide carbonique du sang par la surface pulmonaire se fait, pour la plus grande partie, en vertu des lois Age. P aids du corps. Repos. Mouvement 42 ans G3 kilogr. 27S',7 1208^1 42 — 85 — 32 ,8 142 ,9 47 — 73 — 27 ,0 128 ,2 18 — 52 — 39 ,1 100 [o 18 — 02 — 27 ,0 108 ,0 RESPIRATION. 443 physiques de la diffusion, et la pression réciproque de l'acide carbonique dans le sang et dans l'air des vésicules pulmonaires joue le principal rôle. Le tableau suivant donne ces tensions: TENSION DE l'acide CARBONiorE Différence dans le sang dans 1 air tension, des capillaires. des vésicules. Inspiration calme. . . 82 mill. 30 miH. 52 mill. Inspiration profonde . 82 — 7 — 75 — Expiration calme. . . 82 — 38 — 44 — Expiration profonde. . 82 — G7 — 1.5 — L'élimination de l'acide carbonique se fait donc principale- ment au moment de l'inspiration, et plus la pression de l'acide carbonique. extérieur diminuera, plus l'élimination sera rapide. C'est à quoi on arrive par des inspirations profondes qui, pro- duisant une énergi(|ue ventilation, chassent l'air vicié des vési- cules et le remplacent par de l'air pur presque dépourvu d'a- cide carbonique. Quand, au contraire, la ventilation pulmonaire s'arrête, l'acide carbonique s'accumule dans les poumons, sa pression augmente dans les vésicules pulmonaires, et il peut même arriver un point où, sa pression équilibrant celle de l'a- cide carbonique du sang, ce dernier n'est plus éliminé. On peut même artificiellement, en faisant respirer un animal dans une atmosphère d'oxygène contenant 30 p. 100 d'acide carbonique, voir une absorption d'acide carbonique par le sang, la pression de l'acide carbonique dans les vésicules dépassant alors celle de l'acide carbonique du sang. Le dégagement de l'acide carbonique dans la respiration a-t-il lieu uniquement sous l'influence de l'excès de pression ou bien intervient-il d'autres conditions? Des recherches récentes ten- dent à prouver que l'oxygène n'est pas sans influence sur ce phénomène. Si on agite du sang avec de l'oxygène, il dégage plus d'acide carbonique que si on l'agite dans le vide ou avec un autre gaz. L'acide carbonitjue ainsi éliminé est probablement celui qui se trouve fixé dans les globules rouges (Mathieu et Urbain) et qui se trouve déplacé par l'oxygène. On a admis aussi dans le tissu même du poumon un corps [acide pneumique (?) deRobin et Yerdeil, taurine i?)] qui chasserait l'acide carbonique. A. Influence des mouvements RESPmATomES sur l'élimina- tion DE l'acide CARBONIQUE. — Cette influence a été surtout étudiée par Vierordt, auquel sont empruntés les tableaux suivants Nombre de respirations par minute. Quantité d'air expiré en centimètres cubes. Quantité d carbonique en cent, ci 12 6,000 258 24 1 2,000 420 48 24,000 744 96 48,000 1,392 444 PHYSIOLOGIE FOXCTIO>\\ELLE. 1" Nombre des respirations. — Si on augmente le nombre des respirations en leur conservant la môme profondeur (un demi-litre environ), la quantité absolue d'acide carbonique exhalé s accroît, mais pas dans la même proportion que le nombre des respirations. le Acide carbonique iré pour 100 volumes d'air expiré. 4,3 3,5 3,1 2,9 2*^ Profondeur de la respiration. — Si l'on augmente la pro- fondeur des respirations, à fréquence égale (12 par minute), la quantité absolue d'acide carbonique augmente, mais pas dans la même proportion que la profondeur. Quantité d'air expiré Acide carbonique expiré Acide carbonique en centimètres cubes. en centimètres cubes. pr lOO volumes d'air expiré. 500 21 4,3 1,000 36 ZS 1,500 51 3,4 2,000 64 3,2 3,000 72 2,4 3° Durée de la pause expiratoire. — Quand les respirations s'arrêtent pendant un certain temps, l'air des poumons se charge de plus en plus d'acide carbonique. Cette augmentation d'acide carbonique est d'abord rapide, puis plus lente, et varie en outre suivant la profondeur des respirations. Dans la première série, A. la quantité de l'air expiré était de 1,800 centimètres cubes, dans la seconde, B, de 3,600 centimètres cubes. A — Air expiré = 1800 c. cubes. B — Air expiré zr 3600 c cubes. Durée de l'arrêt de la respiration en secondes. Quantité c l'acide carbonique expiré Q' :iantité d 'acide carbonique expiré en cent, cubes. p. 100. en cent, cub^ es. p. 100. 20 108,5 6,03 183 5.09 25 111,2 6,18 — — 30 115,0 6,39 — — 40 119,0, 6,62 205 5,71 50 119,0 6.62 — — 60 120,9 6,72 228 6,34 80 — — 240 6.67 100 — — X 265 7,38 RESPIRATIOX. 4iO B. Influence de l'âge et du sexe. — L'exhalation d'acide carbonique parait augmenter jusqu'à 30 ans et diminuerait en- suite. Le tableau suivant, d'Andral et Gavarret, donne la quantité dacide carbonique exhalé en 24 heures pour diCférents âges : Age. 8 ans . . . 15 — . . . 16 — . . . 18 à 20 ans à 40 — à 00 — à 80 — 29 40 60 Quantitéfd'acide carbonique exhalé en grammes. 440 765 949 1,002 1,072 887 808 D'une façon générale, l'élimination d'acide carbonique est plus considérable chez l'homme que chez la femme. La différence se- rait surtout marquée à l'époque de la puberté où elle serait presque du double. (Andral et Gavarret.) Le tableau suivant de Scharling fait saisir ces différences, en même temps que celles dues à ràae : ACIDE CARBOXIOIE ELIMINE PAR HETRE. Sexe. Age. ir-oias en au corps kilogr. Quantité absolue. P du ir P kilogramme oids du corps Masculin. . . 35 ans 65 35'^5 OS'. 51 Masculin. . . 28 — 82 36 ,6 0 ,45 Masculin. . . 16 — 57,7 34 .3 0 ,59 Féminin. . . 17 — 55,7 25 ,3 0 ,45 Masculin. . 9 — 7 mois 22 20 ,3 0 ,92 Féminin. . . 10 — 23 19 ,1 0 ,88 C. Influence de l'alimentation. — L'alimentation aug- mente la quantité d'acide carbonique expiré, en augmentant la profondeur des respirations, car la proportion centésimale d'a- cide carbonique de Fair expiré ne varie pas. Cet accroissement de l'acide carbonique exhalé se montre une demi-heure environ après le repas, de sorte 'que la courbe des variations de l'acide carbonique présente deux maxima et correspond exactement à la courbe des variations de la ([uantité d'air expiré. La quantité d'acide carbonique expiré croît avec le carbone contenu dans les aliments; les hydrocarbonés et les acides vé- gétaux en fournissent plus que les graisses et les albuminoïdes. 446 PHYSIOLOGIE FO>'GTIO.\>ELLE. En effet, l'oxygène contenu clans les hydrocarljonés suffît pour transformer tout leur hydrogène en eau, et dans le cas d'une nourriture amylacée, presque tout l'oxygène inspiré reparaît sous forme d'acide carbonique; pour les graisses et les albuminoïdes, au contraire, une partie de l'oxygène sert à former d'autres principes (eau, urée, etc.). Le tableau suivant résume l'influence des divers aliments sur l'acide carbonique expiré; les trois pre- mières colonnes, I, II, III, donnent la proportion de carbone, d'hy- drogène et d'oxygène contenue dans 100 parties d'aliments; la colonne IV, la quantité d'oxygène qu'il faut ajouter pour leur combustion complète; la colonne Y, combien sur 100 parties d'oxygène absorbé il s'en retrouve dans l'acide carbonique formé; la colonne VI, combien 100 parties d'oxygène oxydent d'ahments simples. I. II. III. IV. V. VI. r. h... Hydro- Oxy- Oxygène ^- '^.^/^ Quantités Carbone. ^^^^^ ,^;^_ à ajouter. ^'^^'^^ d'aliments •' carbonique oxydes. Acide malique. 41,38 3,45 55,17 82,78 110,53 120,80 Sucre. . . . 40,00 6,66 53,34 106,67 100,00 93,75 Amidon . . . 44,45 6,17 49,38 118,52 100,00 84,37 Albumine . . 47,48 4,98 13,14 153,31 82,60 65,23 Graisse . . . 78,13 11,74 10,13 292,14 71,32 34,23 L'influence du thé, du café, de l'alcool est encore controversée. La privation d'ahments diminue la production d'acide car- bonique. D. Influence du mouvement musculaire. — L'exercice mus- culaire augmente l'élimination d'acide carbonique. Pettenkofer et Voit ont, chez un adulte, trouvé 832 grammes d'acide carbo- nique pour 24 heures pendant le repos, et 980 grammes pour un travail modéré. Mais cette quantité peut être portée beaucoup plus haut, au point même qu'il y ait dans l'acide carbonique ex- piré plus d'oxygène que la respiration n'en a introduit. Si sur un chien on produit artificiellement le tétanos des membres infé- rieurs, la quantité d'acide carbonique expiré augmente considé- rablement (Sczelkow); voici les chiffres d'acide carbonique par minute pour quelques expériences (en centimètres cubes) : Repos 4,97 7,85 10,58 6,99 Tétanos 13,69 17,62 19,25 19,61 Dans les heures qui suivent immédiatement l'exercice muscu- RESPIRATION. 447 laire, il y a une légère augmentation ('/20) de l'acide carbonique, à moins que l'exercice ne soit poussé jusqu'à la fatigue extrême. E. Influence du sommeil. — Le sommeil diminue l'exhala- tion d'acide carbonique. Pour 100 parties d'acide carbonique en 24 heures, il y a 58 p. 100 pour le jour et 42 p. 100 pour la nuit. Cet écart augmente considérablement s'il y a eu avant le sommeil un travail musculaire énergique. Ainsi, dans une jour- née de repos, un homme éliminait par jour 533 grammes d'a- cide carbonique pour les 12 heures de jour et 395 grammes dans la nuit ; dans une journée de travail il éliminait 850 (jour; et 353 (nuit) grammes. iPettenkofer et Voit.) La quantité d'acide carbonique diminue aussi dans Vhiber- nalion. Pour l'influence de la température, de la pression baromé- trique, etc., voir : Action des milieux. C. — EXHALATION D'AZOTE. L'air expiré contient toujours un peu plus d'azote que l'air inspiré. Azote. Air inspiré. . . 79.2 p. 100 Air expiré. . . 7 9. .3 p. 100 Il y a donc, dans l'acte de la respiration, élimination d'azote. Cet azote peut être évalué à 7 ou 8 grammes (600 centimètres cubes) par jour. Il peut provenir de deux sources : 1° D'après certains auteurs, Dulong, Despretz, Boussingault. etc., il proviendrait de l'azote de l'ahmentation; si on soumet un ani- mal à la ration d'entretien et qu'on lui donne alors une nourri- ture de viande, tout l'azote ingéré ne se retrouve pas dans les urines et les excréments; il y a un déficit d'azote qui serait com- pensé par une exhalation d'azote par les poumons. Cependant Bischoff et Voit, dans leurs expériences, n'ont pas constaté ce déficit d'azote. Théoriquement, la formation d'azote aux dépens des matières albuminoïdes est difllcile à comprendre. 2" L'azote proviendrait de l'air introduit avec les aliments serait absorbé dans le canal intestinal et passerait de là dans le sang. Le coefficient d'absorption du sang pour l'azote est très-faible, 448 PHYSIOLOGIE FO^'t:TIO^'^■ELLE. et, à l'état normal, le sang paraît être saturé d'azote. Regnault et Piciset ont, chez l'animai à jeun, observé une inversion com- plète de la règle, c'est-à-dire une absorption d'azote dans la respiration. p. — EXHALATION DE VAPEUR D'EAU. Nous exhalons par jour environ 330 grammes de vapeur d'eau par la surface pulmonaire. La vapeur d'eau éliminée avec l'air expiré provient de deux sources: 1° de l'eau du sang (a); 2° de l'eau contenue déjà dans l'air inspiré {b). La température de l'air expiré ne variant pour ainsi dire pas, et la vapeur d'eau s'y trouvant très-près de son point de saturation, il s'ensuit que la proportion de vapeur d'eau de l'air expiré reste toujours la même, et que par conséquent la quantité d'eau perdue par le sang dépendra, à profondeur de respiration égale, de l'état hygrométrique de l'air inspiré. En effet, si la quantité a + 6 est constante, a ne pourra varier que si b varie en sens inverse. La quantité absolue de vapeur d'eau éliminée par les poumons augmente avec la profondeur et la durée des respirations. Le froid, une diminution de pression barométrique, la sécheresse de l'atmosphère, produisent le même effet. e. — Respiration dans une enceinte fermée. Quand on fait respirer un animal dans une enceinte fermée où par conséquent le renouvellement de l'oxygène est impos- sible, l'air de cette enceinte perd peu à peu son oxygène et se charge de quantités de plus en plus considérables d'acide car- bonique; tant que la proportion d'oxygène de Y air confiné ne tombe pas au-dessous de 15 p. 100, la respiration reste nor- male; à 7,5 p. 100, les inspirations sont très-profondes; à 4,5 p. 100, la respiration est très-diflicile, et à 3 p. 100 l'asphyxie est imminente. Dans ce cas, l'asphyxie est lente, et le sang, après la mort, ne contient presque plus d'oxygène, les tissus conti- nuant à enlever l'oxygène du sang (respiration interne), tandis que cet oxygène n'est plus remplacé. La rapidité de l'asphyxie dépend de la quantité d'oxygène contenue dans l'espace clos; RESPIRATIOX. 449 aussi^ la ligature de la trachée, qui réduit cet espace clos à l'air intra-pulmonaire, est-elle suivie d'asphyxie presque immédiate. Quand la viciation de l'air confiné est graduelle, l'organisme acquiert une certaine tolérance qui lui permet de vivre dans un milieu qui tuerait immédiatement un autre organisme introduit sans transition dans ce milieu. Si on place un oiseau sous une cloche sur le mercure, et qu'au bout de 2 à 3 heures on y intro- duise un autre oiseau, le nouveau venu est pris de convulsions et tombe fandis que le premier oiseau continue à respirer. (Cl. Bernard.) Dans la respiration dans une enceinte fermée, il y a non-seu- lement diminution de la quantité d'oxygène et augmentation de l'acide carbonique, mais il y a encore dégagement de produits volatils (ammoniaque, hydrogène carboné, hydrogène sulfuré, matières organiques, acides gras volatils, etc.), dont quelques- uns sont encore très-peu connus et qui donnent à l'air confiné d'une salle remplie de monde une odeur caractéristique lex.: salle de bal). Dans ce cas, la quantité d'acide caj'bonique ne dépasse guère 7 à 8 pour mille, et la gène qu'éprouve dans cette atmosphère un nouveau venu ne dépend pas de cette pro- portion d'acide carbonique, puisqu'on peut respirer artificielle- ment dans un mélange plus riche en acide carbonique et plus pauvre en oxygène. Cependant la proportion d'acide carbonique peut servir de guide pour la pureté de l'air; l'air est impur et a une odeur sensible quand la proportion de l'acide carbonique atteint 1 pour mille; pour que l'air d'une salle soit pur, pour que la salle soit bien ventilée, la proportion d'acide carbonique ne doit pas dépasser 0,7 pour mille. L'air ordinaire contient environ 0,5 pour mille d'acide carbonique. Nous expirons par heure 12 litres d'acide carbonique; pour diluer cet air expiré de façon à le ramener aux proportions de 0,7 d'acide carbo- nique pour mille, il faudrait près de 18,000 litres d'air, si cet air était tout à fait exempt d'acide carbonique; mais il en con- tient déjà 0,5 pour mille, et il en faudra par conséquent beau- coup plus. On a constaté que pour un adulte, dans les condi- tions ordinaires, il fallait GO mètres cubes d'air. (Pettenkofer.) La ventilation doit donc fournir par heure et par tête 60 mètres cubes d'air pur pour que la respiration se fasse dans de bonnes conditions, et cette ventilation est surtout indispensable dans Beau.ms. Phvs. * 29 450 PHYSIOLOGIE FO-\CTIO>'>'ELLE. les salles où sont réunis beaucoup d'individus, salles d'hôpitaux, théâtres, écoles, casernes, etc. La respiration des gaz délétères sera étudiée dans le chapitre de la Toxicologie physiologique. Pour X apnée, la dyspnée et l'asphyxie, voir : Mécanique res- piratoire. f. — Théories de la respiration. La respiration consiste essentiellement, comme l'a démontré Lavoisier et comme on l'a vu plus haut, en une absorption d'oxy- gène par le sang et en une élimination d'acide carbonique et de vapeur d'eau, et c'est à ces échanges gazeux qu'on doit attribuer exclusivement le nom de respiration. Cependant on donne sou- vent aussi ce nom aux combustions qui se passent ou sont sup- posées se passer dans le sang; mais en admettant même, ce qui est douteux (voir page 3301, que lès oxydations se fassent dans le sang, il n'y a là qu'un des actes intimes de la nutrition et non un acte respiratoire. Ce qui a fait confondre ces deux choses, respiration (échanges gazeux) et combustion, c'est que les suc- cesseurs de Lavoisier, regardant le poumon comme le siège des combustions intimes, identifièrent les phénomènes d'échanges gazeux et de combustion organique sous le nom de respiration; mais aujourd'hui que l'indépendance de ces deux actes est dé- montrée, il est impossible de les réunir sous le même nom. La respiration interne des tissus, constatée pour la première fois par Spallanzani et déjà étudiée page 331, consiste en un véri- table échange gazeux, absorption d'oxygène, élimination d'acide carbonique; mais il y a en même temps combustion réelle, des- truction de principes constituants ou accessoires des tissus, tandis que dans la respiration externe, le plasma sanguin et le globule rouge ne subissent pas de modification chimique appréciable ou de destruction. Donders rattache l'absorption de l'oxygène et l'élimination de l'acide carbonique aux phénomènes de dissociation (voir p. 180). Pour l'oxygène, l'oxyhémoglobine est le corps en état de disso- ciation; elle absorbe l'oxygène dans les poumons sous l'influence de la pression de l'oxygène dans les vésicules, et elle le cède aux tissus par la même cause. Pour l'acide carbonique, ce sont , RESPIRATION. 451 (les sels en dissolution dans le plasma et peut-être aussi dos' substances albuminoïdes (plasma et globules). •Quant aux théories anciennes de la respiration, elles n'ont plus qu'un intérêt historique et ne peuvent trouver place dans le cadre de ce livre. 2" RESPIRATION CUTANÉE. La surface cutanée présente une étendue de 15,000 centimètres carrés environ. (Sappey.) Malgré cette étendue, l'importance des échanges respiratoires est très-faible chez les animaux supé- rieurs. II n'en est pas de même chez les animaux inférieurs; ainsi chez la grenouille, la respiration cutanée est très-aclive et sullit pour entretenir l'existence; aussi survivent-elles très-bien à l'extirpation des poumons et même, après celle opération, l'exhalation d'acide carbonique n'en paraît pas diminuée. (Re- gnault et Reiset.) Les échanges respiratoires de la peau consistent en une ab- sorption d'oxygène et une élimination d'acide carbonique et de vapeur d'eau. L'exhalation d'azote n'est pas démontrée. 1° Absorption d'oxijfjène. — La quantité d'oxygène absorbée par la peau est à celle absorbée par les poumons :: 1 : 127, et du reste cette quantité d'oxygène est toujours plus faible que celle qui se retrouve dans l'acide carbonique exhalé. 2" Élimination dacide carbonique. — L'élimination d'acide carbonique par la peau peut être évaluée à 4 grammes en 24 heures (Aubert), à 10 grammes d'après Scharling. Cet acide car- bonique peut provenir soit directement du sang (respiration cuta- née proprement dite), soit de l'acide carbonique de la sueur, passé dans ce liquide par transsudation dans l'acte de la sécrétion et dégagé par l'acide de la sueur. On ne sait si les diverses régions du corps éliminent la même proportion d'acide carbonique. Rohrig a obtenu pour le bras, 0&'",033 par heure. L'élimination d'acide carbonique augmente avec la tempéra- ture et par rexercice musculaire. T Èliminatioji de vapeur d'eau. — L'élimination de vapeur aqueuse par la peau se confond avec la sécrétion de la sueur, et il est diflicile de dire, dans la quantité d'eau totale éliminée par la peau, la pari qui revient à la sécrétion sudorale et celle 452 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO>\\ELLE. qui pourrait revenir à une simple exhalation cutanée, comparable à Texhalalion pulmonaire. La difllculté est d'autant plus grande que, tant que la sécrétion sudorale reste dans des limites res- treintes, l'évaporation la fait disparaître immédiatement et que la sueur ne se présente sous forme liquide sur la surface de la peau que lorsque sa sécrétion atteint une certaine intensité. Rôhrig a trouvé pour le bras [s^'fiij'i de vapeur d'eau exhalée par heure, ce qui donnerait par jour, pour toute la surface cutanée, une élimination de 200 grammes environ de vapeur d'eau. Tout ce qui augmente la quantité du sang des capillaires de la peau (température, vêtements chauds, mouvement musculaire, etc.), la sécheresse et l'agitation de l'air augmentent l'exhalation de vapeur d'eau. Pour les phénomènes qui se présentent chez les animaux après l'application d'un enduit imperméable sur la peau, voir: Chaleur animale. La respiration intestinale, qui présente une certaine impor- tance chez quelques animaux {Cobltis fossilis, ou loche des étangs), n'a à peu près aucune importance chez l'homme. Physiologie comparée de la respiration. — Les recherches les plus importantes sur cette question ont été faites par Regnault et Ueiset. Le tableau suivant, emprunté à ces auteurs, donne les quantités en poids d'oxygène, d'acide carbonique et d'azote de la respiration pour une heure de durée et pour 1 kilogramme de chaque espèce animale. Lapins . Chien. . Marmotte Poule. . . . Moineau. . . Bec-croisé. . Verdier . . . Lézard . . . Grenouille. . Salamandre . Hanneton . . Vers de terre. gène absorbé. Acide carbonique exhalé. Azote exhalé Og^883 \s %109 OS ',0042 1 .183 1 ,195 0 ,0078 0 ,986 1 ,016 0 ,0093 1 ,035 ' l ,368 0 ,0076 9 ,595 10 ,583 0 ,0089 10 ,974 11 ,930 0 ,0000 11 ,371 11 ,334 0 ,2456 0 ,1916 0 ,1978 0 ,0041 0 ,0900 0 ,0910 0 ,0000 0 ,0850 0 ,1130 0 ,0000 1 ,0190 1 ,1360 0 ,0087 0 ,1013 0 ,1078 0 ,0007 SECUKTIO.XS. 453 L'inspection de ce tableau montre à première vue quelle est la différence d'intensité des échanges respiratoires dans les di- verses classes d'animaux. La respiration des oiseaux est beau- coup plus active que celle des mammifères, celle des mammifères plus que celle des animaux à sang froid. L'intensité des échanges respiratoires paraît être aussi, pour une même classe, en rap- port inverse de la taille de l'animal. Bibliographie. — Lavoisiek : Expériences sur Ta respiration, 1777. — Latoi- 8IER ot SÉGi'ix : M'^inoire sur larespiration des animaux, 178i*. — Sp.\ll,a.xz\xi : Mémoire sur la respiration, 1S03. — L. Magnis : Des^Gaz du sang. iAimalos des sciences naturelles, 1S.S7. 1 — Andral et Gavarret : Recherches sur la quantité d'acide carbonique exhalé par le poumon, i Annales de chimie et di' physique, 1843.) — ViERORDT : Physiologie des Athmens, 1845. — Hutchixsox : On the capacity of the lungs, 1846. — Regxault et Reiset : Recherches chimiques sur la respiration des animaux des diverses classes. (Annales de chimie et de physique, 184'J.) — Hecht : Essai sur le spiromètre. 18.55. — Cl. Berxard : Leçons sur les effets des substances toxiques et médicamenteuses. 18.57. — E. Ferxet : Du Rôle des -prin- cipaux éléments du sang dans l'absorption et le dégagement des gaz de la respiration. 1^58. — Pettexkofer : Ueber den Resjyirations- und Perspirations- Apparat im physiologischen Institut zu Munchen, 1>60. — P. Bei:t : Leçons sur la physiologie comparée de la respiration, 1870. — Voir aussi la Bibliographie du sang, page lOS. 3. — SECRETIONS. L'histoire chimique des difîérentes sécrétions a été faite page 1 1 'i et suivantes; ici, il ne sera traité que du mécanisme des sécré- tions. L'origine et la formation des divers principes de désassimi- lation seront étudiées plus loin i voir : Désassimilation). a. — Sécrétion rénale. Procédés opératoires — 1- yéphrotomie ou extirpation du i-ein (Prévost et Dumas, 1823». On peut arriver sur le rein de deux façons, par la paroi abdominale antérieure, ou par la paroi postérieure. Dans le premier procédé, le péritoine est ouvert et on a à craindre des acci- dents de péritonite; on arrive du reste facilement sur les reins, après avoir incisé l'abdomen sur la ligne médiane et récliné avec précaution la masse intestinale pour mettre le rein à découvert; le rein gauche est plus facilement abordable que le rein droit qui est caché par le foie. Dans le second procédé, qui est meilleur, le péritoine n'est pas lésé; on fait l'incision de la paroi postérieure de l'abdomen le long du bord externe du carré des lombes, et on arrive assez facilement sur le rein. Le même procédé est applicable à la plupart des animaux. En général la mort arrive 1 à 2 jours après la néphrotomie; les oiseaux survivent plus longtemps à l'extirpation des reins. Après l'opération, l'urée s'ac- 454 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. cumule dans le sang- {urémie) et une partie de cette urée s'élimine par la surface intestinale. La cause de la mort est encore indéterminée. On l'a attribuée à l'excès d'urée dans le sang; mais l'Injection directe d'urée dans le sang- ne produit pas d'accidents toxiques. Elle n'est pas due non plus à l'accumulation de carbonate d'ammoniaque dans le sang, car les accidents produits par les injections de carbonate d'am- moniaque ne ressemblent pas à ceux de l'urémie, et l'urée injectée directement dans le sang se retrouve dans Turine sans avoir été décomposée. Quant à l'action des matières extractives, ou de produits d'oxydation de la matière colorante, elle est plus que douteuse; l'In- jection de créatine, d'jfcide succinique, etc., ne produisent pas d'acci- dents. 2» Ligature des uretères. — Môme procédé opératoire. Après cette opération, l'urée s'accumule aussi dans le sang. D'après GrébanI, la ligature agirait comme la népbrotomie. La ligature temporaire de l'ure- tère est suivie d'une exagération de la sécrétion. (Hermann.i 3° Ligature de l'artère et de la veine rénales. — Même procédé. 4<* Destruction des nerfs du rein. — On peut détruire les nerfs du rein qui accompagnent l'artère rénale par une constriction temporaire de cette artère; mais il vaut mieux s'éloigner autant que possible du rein et détruire le plexus rénal entre les vaisseaux et les capsules surrénales. (UstimowitscU.) 5° Procédés pour augmeiiter la pression sanguine dans le rein. — Ligature de l'aorte au-dessous de l'origine de l'artère rénale ; rétré- cissement de la veine cave au-dessus de l'emboucbure des veines rénales par une ligature incomplète (Gorrenti). En outre, on peut em- ployer tous les moyens qui augmentent la pression sanguine générale (injection dans les veines, etc.). Toutes les fois que la. pression augmente dans les artères rénales, l'albumine parait dans les urines (et quelque- fois le sucre), 6" Procédés pour recueillir les uri7ies. — Gathétérisme. — Recueillir directement l'urine qui s'écoule par les uretères. — Pour avoir les urines de 24 heures, on place les animaux dans des cages spéciales dont le fond est à jour et constitué par une sorte de grillage inoxy- dable; les urines s'écoulent dans un vase placé au-dessous; le fond de la cage peut être aussi formé par une glace épaisse inclinée, qui conduit les urines jusqu'à un trou placé à un des angles de* la cage. On peut encore habituer les chiens à émettre leurs urines à heures fixes, La connaissance anatomique du rein est indispensable pour comprendre la physiologie de la sécrétion urinaire. Aussi je ren- voie, pour cette question, aux traités d'anatoniie et surtout à la figure demi-schématique des Nouveaux Éléments cVanatomie par Beaunis et Bouchard (2'' édit., page 831). Deux choses surtout SÉCRÉTIONS. 455 sont importantes à connaître: la disposition des conduits sécré- teurs et la circulation glandulaire. * Les conduits urinifèrcs, dont la longueur est d'environ 0"',052 (Schweigger-Seidej) commencent aux corpuscules de Malpighi, s'infléchissent (canaux contournés) ^ puis envoient dans la sub- stance médullaire une anse (anse clHcnle) qui remonte ensuite dans la substance corticale; là ils s'infléchissent de nouveau (canaux d\mion) pour se jeter dans les canaux droits et aboutir enfin à la papille rénale par le canal capillaire. Les caractères (le l'épitliélium varient dans les divers points de ces conduits. Dans les corpuscules de Malpighi, l'épithélium est pavimenteux; il est granuleux et d'aspect glandulaire tians les canaux con- tournés et la branche ascendante plus large de l'anse d'iïenle ; il est clair et transparent au contraire dans les canaux d'union, les canaux droits et dans la partie descendante de l'anse d'Henle. La circulation rénale présente ceci de particulier que le vaisr seau efférent du glomérule de Malpighi constitue, comme l'a montré Bowmann, un petit vaisseau porte (') intermédiaire entre le réseau capillaire du glomérule et le réseau capillaire général du rein qui entoure les canaux urinifères. Ce vaisseau etîérent, qui a la structure et la signification d'une artère, est d'un calibre inférieur au calibre du vaisseau afférent. Il en résulte ce fait très-important pour le mécanisme de la sécrétion, que la pres- sion dans le glomérule est plus forte que dans les capillaires généraux, tandis qu'elle est plus faible dans les capillaires ({ui entourent les canalicules. (Kuss.) Enfin, d'après les recherches de Ludwig, les canalicules ne sont pas en rapport immédiat avec les capillaires (sauf dans le glomérule), mais plongent dans les espaces lymphatiques qui occupent le tissu connectif inter- stitiel. L'activité nutritive et glandulaire du rein a été très-contro- versée, comme on le verra à propos du mécanisme de la sécré- tion; cependant on trouve dans le rein un certain nombre de produits de désassimilation azotés qui indiqueraient à jjr/ori une nutrition active: xanthine, hypoxanthine, leucine, tyrosine, créa- tine, taurine, et spécialement de la cystine qui n'existerait que dans le rein. D'autre part, d'après les expériences de A. Schmidt, (') On appelle vaisseau porte un vaisseau interme'diaire entre deux réseaux capillaires, comme la veine porte proprement dite. V 456 niYSIOLOGIE FO.XCTIOXNELLE. le rein aurait une action oxydante assez énergique ; en faisant passer du sang chaud à l'ajjri de Tair dans un rein frais, il a tu le rein former, pour 24 heures, 752 centimètres cubes = 0s'',53 d'acide carbonique (à D" et 1 mètre de pression). La quantité de sang du rein est assez considérable ; Pxanke l'évalue à 2 p.. 100 de la totalité du sang, à 10 p. 100 du poids du rein (lapin). Mais il est à peu près impossible d'évaluer exac- tement la quantité de sang qui traverse les reins en 24 heures, et, par conséquent, la quantité d'urée offerte au rein pendant ce passage ;. cependant, le chifiTre de 120 grammes d'urée a été admis un peu arbitrairement. Des notions plus précises sont fournies par la comparaison de la composition de l'urine avec celle du sérum sanguin et lymphatique et surtout par l'analyse comparée du sang de l'artère et de la veine rénale. Le tableau suivant donne la composition comparée de l'urine, du plasma sanguin et du sérum lymphatique, pour 1,000 parties. Plasma Sérum Urine sanguin. lymphatique. Eau 960,00 901.51 957,61 Matières albiiminoïdes. ... — 81,92 32,02 Fibrine — 8,06 — Urée 23,30 0,15 — Acide urique 0,50 — — Chlorure de sodium 11,00 5,546 5,65 Acide phosphorique 2,30 0,192 0,02 Acide sulfurique 1,30 0,129 0,08 l'hosphates terreux 0,80 0,516 0,20 La comparaison des cendres de l'urine, du sérum sanguin et du. sérum lymphatique n'est pas moins instructive. Sérum St'rum Sang Pour 100 parties. Urine sanguin, lymphatique, total. Chlorure de sodium 67,26 72,88 76,70 61,99 Potasse 13,64 2,95 1,49 12,70 Soude 1,33 12,93 17,66 2,03 Chaux 1,15 2,28 — 1,68 Magnésie 1,34 0,27 1,00 0,99 Acide phosphorique . . . .' . 11,21 1,73 1,33 9,36 Acide sulfurique ...... 4,06 2,10 1,00 1,70 Oxyde de fer — 0,26 — V<î On voit, par ces tableaux, quelle différence il y a entre les SECRETIONS. 457 proporlions des divers principes de l'urine d'une part, du sang e.t de lymplie de l'autre. La comparaison du sang de l'artère rénale et du sang de la veine donne des résultats importants. Cl. Bernard a constaté que. pendant l'activité du rein, le sang de la veine rénale est rouge comme du sang artériel, et il rattache cette coloration à l'activité glandulaire; quand la sécrétion est arrêtée, au contraire, le sang reprend les caractères du sang veineux; l'analyse des gaz du sang de la veine rénale lui a donné des résultats concordants : voici les chifTres trouvés pendant la sécrétion et pendant l'arrêt de la sécrétion : Acide Oxygène, carbonique. Pendant la sécrétion (sang rouge) 17cc^26 3", 13 Pendant Tarrêt de la sécrétion (sang noirj . 6 ,40 G ,40 Les chifTres suivants, trouvés par Mathieu et Urbain, diffèrent un peu de ceux de Cl. Bernard : SAXa RÉNAL, DE CHIEX. SAXO RKNAL DE LAPIX. Artériel. Veineux. Veineux. Artériel. Veineux. Oxygène 23'^^60 12",55 2o^M7 1d",58 11^<=,00 Acide carbonique . 49 ,78 30 ,26 IG ,00 48 ,84 28 ,88 Le sang perdrait donc de l'acide carbonique pendant son pas- sage dans le rein. D'après CI. Bernard, le sang artériel en passant dans le rein perdrait très-peu d'oxygène, fait en désaccord avec les expé- riences de Schmidt citées plus haut sur l'action oxydante du rein. Fleischhauer, qui a répété les expériences de Cl. Bernard, ne rattache pas la coloration rouge du sang veineux à l'activité glan- dulaire: si, par l'excitation du grand nerf splanchnique, on pro- duit dans la glande des intervalles de repos et d'activité, la cou- leur du sang ne varie pas et le sang ne deviendrait noir que par l'exposition de l'organe à l'air. Le sang veineux du rein contient très-peu de fibrine et se coagule dillicilement, et seulement après une longue exposition à l'air. Simon donne l'analyse suivante du sang du rein: Sang artériel. Sang veineux. Eau 790 778 Résidu solide 210 222 Albumine 90,30 99 Eibrine 8,28 0 458 PHYSIOLOGIE FO^^CTION^'ELLE. Enfin, fait très-important et bien constaté aujourd'hui, le sang de l'artère rénale contient plus d'urée que le sang de la veine (Picard). Mécanisme de la sécrétion rénale. — 11 est impossible d'adopter aujourd'hui une théorie exclusive pour expliquer le mécanisme de la sécrétion rénale. En effet, il y a à la fois, dans cette sécrétion, filtration et intervention de l'activité épithéliale glandulaire ; seulement la difliculté est de faire exactement la part de ces deux actes. Il y a trois théories principales sur le mécanisme de cette sécrétion, la théorie de Bowmann, celle de Ludwig et celle de Kiiss. [o Théorie de Bowmann. — 'Les glomérules de Malpighi laissent fil- trer seulement la partie aqueuse de l'urine; les principes solides de l'urine sont formés ou sont pris du sang, en un mot, sécrétés par les cellules glandulaires des canalicules et entraînés par Peau qui traverse ces canalicules. Il est assez difficile de comprendre comment, dans cette filtration de l'eau du sang, il ne passe pas en même temps les sels du sang qui présentent la plupart une si grande diftusibilité; aussi V, Wittich et Donders ont-ils modifié cette théorie en admettant que les principes salins filtraient avec Teau dans les glomérules et que les cellules épithéliales des canalicules ne faisaient que sécréter l'urée et l'acide urique. R. Heidenhain, dans des expériences récentes, revient à' l'opinion de Bowmann et cherche à établir l'indépendance de l'élimi- nation aqueuse et de l'excrétion des parties solides de l'urine; ces deux actes se passeraient réellement dans des parties différentes du rein. On peut, en effet, d'après lui, arrêter la sécrétion d'eau par les reins sans entraver l'élimination des substances solides injectées dans le sang (matières colorantes, urate de soude). Cette élimination, ainsi que celle des sels de l'urine, se fait par répithélium grenu des canaux contournés et de la partie large de l'anse de Henle. {Archives de PJlil- ger, t. IX, page 1.) Les expériences d'Heidenhain ne sont pas absolu- ment probantes. 2° Théorie de Ludwig. — Dans cette théorie, la pression sanguine joue le rôle principal; sous l'influence de cette pression, le sérum san- guin filtre à travers les parois des capillaires du glomérule, moins les albuminates et les graisses; le fluide transsudé contient dojic l'eau, les sels et les matières extractives du sang; une fois arrivé dans les canalicules, ce liquide transsudé se trouve en contact avec l'épithé- lium des canalicules et avec la lymphe qui entoure ces canalicules, lymphe plus concentrée que le liquide transsudé; les lymphatiques et les capillaires qui entourent les canalicules jouent le rôle d'un appa- reil de résorption qui reprend une partie des principes filtrés (eau et 4 SECRETIONS. 459 sels), jusqu'à ce que Téquilibre endosmotique soit rétabli. Ludwig ne faisait jouer primitivement aucun rôle à l'activité glandulaire; les ex- périences de Goll, faites sous sa direction, tendaient à prouver que la pression sanguine seule était en jeu ; la quantité d'urine augmente en elFet avec la pression, et la concentration de l'urine est en rapport inverse de la vitesse de la sécrétion et ne dépasse jamais un certain chiffre. Cependant, les différences de proportion des principes de l'u- rine et du sang ne peuvent s'expliquer uniquement par les lois phy- siques, et il faut nécessairement faire intervenir pour une part, même si on admet la théorie de Ludwig, l'activité glandulaire elle-même. Une difficulté de cette théorie, c'est d'expliquer pourquoi dans la filtration ci travers le glomérule, l'albumine ne passe pas avec les autres prin- cipes; ce serait, d'après Ludwig, parce que l'albumine diffuse très- difficilement avec les liquides acides et se trouve en présence de l'acide libre de l'urine qui serait formé dans le rein; mais en tout cas ce ne serait pas dans le glomérule que se formerait cet acide, et c'est le glomérule qui est le lieu de la filtration. 3** Théorie de Kûss. — La théorie de Kilss se rapproche par certains points de celle de Ludwig. Seulement il évite la difficulté signalée tout à l'heure et admet que le sérum sanguin filtre en totalité à travers les glomérules, comme dans une transsudation séreuse ordinaire. Puis l'albumine est résorbée dans les canalicules; l'urine serait donc du sérum, moins l'albumine. Cette résorption de l'albumine serait due à l'activité vitale des cellules épithéliales, et cette résorption est aidée par la faible pression du sang dans les capillaires péricanaliculaires. Cette théorie expliquerait pourquoi dans les kystes du rein, formés à la suite d'oblitération des canaux uriniféres,on trouve non de l'urine, mais de la sérosité albumineuse, et comment, dans les cas où par suite d'alté- ration épithéliale dans les maladies du rein, cet épithélium ne pouvant plus résorber l'albumine, l'albumine paraît dans les urines (albuminu- rie). La théorie de Kiiss, très-ingénieuse et très-rationnelle, ne s'ac- corde pas non plus avec tous les faits, et en particulier avec ce fait que l'albumine parait dans les urines par une simple augmentation de pression sanguine, comme par une injection d'eau dans les veines. On voit, par ce résumé rapide, que toutes les théories sont passibles d'objections et qu'il est à peu prés impossible, dans l'état actuel de la science, de se faire une idée précise et certaine du mécanisme intime de la sécrétion urinaire. Il faut donc, pour le moment, se contenter d'étudier les conditions de cette sécré- tion. Ces conditions sont au nombre de trois principales : pres- sion sanguine, état du sang, activité épithéliale. La pression sanguine a un rôle essentiel dans la sécrétion. Pour que la sécrétion se fasse, il faut que cette pression soit 460 PHYSIOLOGIE FOXCTIO>>"ELLE. plus forte que la pression du liquide contenu dans les canalicules urinifères. Aussi est-ce la différence entre ces deux pressions et l'excès de la première sur la secoode qui détermine la sécrétion. Quand cette différence diminue ou s'égalise, soit en diminuant la pression sanguine (section de la moelle, saignées), soit en aug- mentant la pression dans les canalicules (ligature de l'uretère), la sécrétion urinaire diminue et peut même s'arrêter tout à fait. L'effet inverse se produit quand cette différence s'accroît, comme par l'augmentation de pression sanguine (ligature de l'aorte au- dessous de l'artère rénale, injection d'eau dans le sang, etc.). L'accroissement de pression sanguine ne fait pas seulement hausser la quantité d'eau de l'urine, elle fait hausser encore les principes solides, mais pas dans une aussi forte proportion. L'état du sang n'a pas moins d'influence. La composition du sang oscille autour d'une certaine moyenne; toutes les fois que cette moyenne est dépassée, toutes les fois que des principes déjà existants dans le sang s'y trouvent en excès, ou que des principes nouveaux y sont introduits, ces principes sont éliminés et le rein est la principale voie de cette élimination. C'est ainsi que les boissons augmentent la proportion d'eau de l'urine; c'est ainsi qu'après l'ingestion dans le sang de chlor-ure de sodium (Kaupp), de phosphate et de sulfate de soude (Sick), ces sub- stances apparaissent dans l'urine en proportions variables, sui- vant la dose administrée. La glycosurie se montre quand la glycose dépasse 0,6 p. 100 dans le sang. Enfin, le passage dans l'urine des substances diffusibles introduites dans l'organisme se fait avec une très-grande rapidité. (Wœhler.) On comprend alors comment il peut se faire qu'il y ait tant de différences entre les urines des herbivores et celles des carnivores, l'état du sang étant sous l'influence immédiate de l'alimentation. Les reins ont donc une véritable action dépuratrice et antitoxique. Aussi quand on empêche l'élimination urinaire par la néphrotomie ou la hgature de l'uretère, les accidents toxiques se montrent bien plus rapidement; tandis que, si les voies urinaires éhminent le poison au fur et à mesure de son absorption, l'empoisonnement ne se produit pas; c'est ce qui arrive, par exemple, si le curare est introduit dans l'estomac. (Cl. Bernard; Hermann.) V activité des cellules glandulaires du rein et leur rôle dans la sécrétion sont encore très-controversés. On ne peut cependant mettre en doute aujourd'hui cette activité ; seulement s'exerce-t- SECRETIONS. 461 elle pour la sécrétion (théorie de Bowmann), ou pour la résorp- tion (théories de Ludwig et de Ktiss)? C'est là une des premières questions à résoudre et sur laquelle il est hien dillicile de se prononcer. Cependant l'aspect granuleux de l'épithélium des ca- naux contournés semble le rapprocher des épithéliums glan- dulaires, et porterait à lui faire jouer un rôle dans la sécrétion, tandis que, 'd'autre part, la longueur des caiialicules urinifères (52 millimètres) et leur trajet tortueux parleraient en faveur d'une véritable résorption qui se ferait, dans ce cas, par les parties de ces canaux pourvues d'un épilhélium transparent. . Dans l'hypothèse d'une sécrétion par l'épithélium des canalicules, une autre question surgit, celle de savoir si l'urée, l'acide urique, etc., sont formés dans le rein ou si ces substances existent déjà dans le sang, et si le rein ne fait que les éliminer. Mais cette question de l'origine de l'urée, de l'acide urique et des autres principes de l'urine, touche à la physiologie d'autres organes et d'autres tissus que le rein et sera traitée avec celle de la forma- tion des produits de désassimilation. (Voir: Désassimilation.) Innervation du rein. — L'innervation du rein est peu con- nue. La moelle allongée paraît être le centre de la sécrétion urinaire (voir: Moelle allongée), comme le prouvent les expé- riences de CL Bernard sur la production de la polyurie, de la glycosurie et de l'albuminurie par la piqûre des différents points du plancher du quatrième ventricule. La section de la moelle arrête la sécrétion rénale, probablement en abaissant la pression sanguine. La destruction des nerfs du rein rend l'urine albumi- neuse et sanguinolente (Brachet), et finit par amener la fonte purulente de l'organe. La section du nerf grand splanchnique augmente la sécrétion urinaire (Cl. Bernard, Eckhardi, et produi- rait la glycosurie (Hensen); l'excitation du bout périphérique du nerf arrête la sécrétion. Le grand sympathique aurait la même action. (PeyranL) Pour ï excrétion ur inair e, \ o'ir : Physiologie du mouvement. b. — Sécrétion de la sueur. La sueur (voir page 125) est sécrétée par des glandes en tube, glandes sudoripares, dont le cul-de-sac sécréteur, replié sur 462 PHYSIOLOGIE FO^■GTIO^^^■ELLE. lui-même, constitue une sorte de glomérule glandulaire, situé dans la couche profonde du derme cutané. A son passage à tra- vers la couche épidermique, le canal excréteur des glandes sudo- ripares est dépourvu d'épithélium. Ces glandes sont disséminées sur toute la surface de la peau et plus ou moins serrées, suivant les régions; leur nombre est évalué à plus de deux millions (Krause, Sappey), et on a calculé que leur surface sécrétante représentait le quart environ de la surface sécrétante des reins. La sécrétion de la sueur paraît être une sécrétion par filtra- tion; on trouve bien, dans les premières parties recueillies, des débris épithéliaux, mais ils proviennent de la couche cornée de l'épiderme, dont les parcelles sont entraînées par la sueur, plutôt que des parties profondes du cul-de-sac sécréteur. La desquam- mation épithéliale, quoique plus fréquente dans les glandes su- doripares que dans le rein, n'entre donc que pour une part très-faible dans la sécrétion. Outre l'activité épithéliale, deux conditions essentielles inter- viennent dans la sécrétion de la sueur: la circulation et l'inner- vation. Tout ce qui augmente la pression du sang dans les capillaires de la peau augmente la production de la sueur; c'est ainsi qu'a- gissent la chaleur, qui dilate les arlérioles et les capillaires de la peau, l'exercice musculaire, les boissons abondantes qui ac- croissent la proportion d'eau dans le sang, et enfin toutes les causes qui font hausser la pression sanguine totale. L'innervation des glandes sudoripares est très-peu connue; on n'a pu suivre encore de terminaisons nerveuses dans ces glandes, mais les faits expérimentaux ou d'observation journa- lière ne permettent pas de contester cette influence de l'inner- vation; tout le monde a constaté la production de sueurs, soit locales, soit générales, dans les cas d'émotions morales diverses; la section du sympathique au cou est suivie chez le cheval de sueurs abondantes du côté opéré (Cl. Bernard), et si ce phéno- mène ne s'observe pas sur le chien et le lapin, c'est que ces animaux suent très-difficilement; les faits pathologiques de sueurs localisées dans les cas de lésions nerveuses viennent aussi confirmer l'expérimentation physiologique. Comment agit cette influence nerveuse? Est-elle simplement vaso-motrice ou bien les nerfs agissent-ils directement sur les cellules glandulaires? La question est diflicile à trancher; cependant, dans le cas de SECRETIONS. 463 section du grand sympathique mentionné plus haut, la sécrétion paraît tenir plutôt à une paralysie vaso-motrice et à la dilatation vasculaire et à l'alllux sanguin qui l'ont suivie. Lexo-étion de la sueur est continue comme la sécrétion elle- même, et la sueur, refoulée vers rorifice du canal excréteur par les parties nouvellement sécrétées, arrive peu à peu dans le segment du canal qui traverse la couche épithéliale; là, le canal ne pos- sède plus de paroi propre, et cette disposition anatomique doit favoriser le passage de la sueur par imhihition dans les inter- stices des cellules épidermiques les plus superficielles qui, à ce niveau, ont perdu leur adhérence intime; il y a là en effet, selon l'expression de Kuss, une sorte de couche poreuse dans laquelle la sueur s'étale et se perd comme un fleuve dans les sables, en donnant à la peau cette moiteur qu'elle possède dans l'état de santé. Une fois arrivée dans cette couche, la sueur disparaît par l'évaporation en constituant ce qu'on a appelé perspiration in- sensible, et ce n'est que lorsque la quantité de sueur devient considérable et dépasse la capacité d'imbibition de la couche po- reuse superficielle que la sueur apparaît sous forme de goutte- lettes à l'orifice des conduits sudoripares. Cette perspiration insensible par la couche épidermique explique l'erreur de Krause et Meissner, qui croient que les glandes sudoripares ne servent pas à l'élimination de la sueur, et que cette élimination se fait par les papilles cutanées et à travers l'épiderme; pour eux les glandes sudoripares seraient le siège d'une sécrétion sébacée, moins dense seulement que celle des glandes sébacées ordinaires. c. — Sécrétion lacrymale. Les larmes (voir page 128) sont sécrétées par les glandes la- crymales. Ce sont des glandes en grappe analogues aux glandes salivaires. Les acini sont tapissés par un épithélium glandulaire et séparés du réseau capillaire par des lacunes qui ne sont pro- bablement autre chose que des espaces lymphatiques. La termi- naison des nerfs est inconnue. La sécrétion lacrymale est continue, et, sauf certaines circon- stances spéciales, très-peu abondante. Elle se fait par fihration, sans qu'une desquammation épithéliale intervienne et ne s'ac- compagne pas dune sécrétion de mucine. La mucine indiquée 46i niYSIOLOGIE F0:\ CTIO>'-\'ELLE. dans les analyses provient vraisemblablement des glandes de Meibomius. La pression sanguine a une influence directe sur cette sécré- tion; c'est de cette façon que le rire, les efforts, la toux, le vo- missement, etc., provoquent la sécrétion lacrymale en gênant ou en arrêtant la circulation veineuse. Le rôle de l'innervation a été bien étudié par Herzenstein et Wolferz. A l'état physiologique, cette sécrétion se produit par action réflexe, et le point de départ du réflexe peut se trouver, soit dans une excitation des première et deuxième brandies du trijumeau (conjonctive, fosses nasales, etc.), soit dans une excita- tion rétinienne (lumière), soit dans une influence morale. On peut produire expérimentalement la sécrétion lacrymale réflexe par l'excitation des branches susmentionnées du trijumeau. Le nerf sécréteur principal de la glande est le nerf lacrymal; l'excitation de son bout phériphérique provoque des larmes abondantes (lapin, chien, mouton; ; sa section est suivie, au bout d'un certain temps, d'une sécrétion continuelle (sécrétion paraly- tique?); le réflexe nasal persiste après -cette section. Le nerf la- crymal n'est donc pas le seul nerf sécréteur; le filet lacrymal du nerf temporo-malaire et le sympathique du cou ont aussi une action directe sur la sécrétion ; cependant Demtschenko n'a pu obtenir de sécrétion par l'excitation du nerf sous-cutané ma- laire. Une fois sécrétées, les larmes sont étalées sur la partie anté- rieure du globe oculaire, et la partie qui ne disparaît pas par l'évaporation s'engage dans les voies lacrymales ou déborde les paupières et coule le long des joues quand la sécrétion est trop abondante. d. — Sécrétion biliaire. La bile (voir page 128) est sécrétée par le foie. Les cellules hépatiques qui constituent la masse principale de cet organe sont irréguhèrement arrondies ou polyédriques et formées par une masse protoplasmique granuleuse, contractile, pourvue d'un noyau; elles contiennent dans leur intérieur des molécules bru- nâtres ou jaunâtres (matière colorante biliaire), des granulations pâles, de nature douteuse, regardées par Schiff comme de la SÉCRÉTIO?fS. 4G5 substance glycogène et des gouttelettes graisseuses, qui peuvent dans certains cas (foie gras) remplir la substance globulaire et masquer le noyau. Cette inflltration graisseuse du foie se montre même dans certains états physiologiques (nouveau-nés, mam- mifères à la mamelle; Kôlliker). La façon dont les cellules hépatiques se comportent avec les racines des canaux biliaires est encore un sujet de controverse- entre les histologistes. Cependant, ce qu'il y a de certain, c'est que l'intérieur même du lobule hépatique est traversé par un très-fin réseau de canalicules biliaires capillaires, interposés entre les cellules et qui s'ouvrent dans les conduits biliaires pé- rilobulaires. La question de savoir si ces canalicules ont une membrane propre est encore douteuse. Les conduits biliaires présentent sur leur trajet des glandes en grappe auxquelles quelques auteurs ont attribué la production de la bile. Le foie reçoit ses vaisseaux de deux sources: de l'artère hé- patique et de la veine porte. Les deux vaisseaux paraissent contribuer à la formation du réseau capillaire des lobules hépa- tiques, sans qu'on puisse préciser exactement la part de chacun d'eux; le sang qui provient de ce réseau n'a qu'une voie de re- tour, les veines sus-hépatiques. Enfin, ces capillaires sont plon- gés dans les espaces lymphatiques qui complètent la disposition comphquêe des lobules hépatiques. La terminaison des nerfs dans le foie est inconnue : l'union des fibres nerveuses et des cellules hépatiques admise par Pflii- ger, n'est pas adoptée par la généralité des histologistes. Si on examine comparativement la composition chimique de la bile et celle du sang et de la lymphe, on voit immédiatement qu'un certain nombre de principes de la bile, et en particulier la matière colorante et les acides biUaires, ne préexi'stent pas dans le sang; ces principes sont donc formés dans le foie, et la sécrétion biliaire ne peut être considérée comme une filtration que pour l'eau et les sels. L'origine de la bilirubine et des acides biliaires sera étudiée avec les produits de désassimilation; la seule question à discuter ici est celle de savoir dans quelle partie du tissu hépatique se forment ces substances et s'éliminent l'eau et les sels. Morel, Henle, ont cherché à localiser dans des parties différentes du foie la sécrétion biliaire et la formation de la substance glycogène; la substance glycogène se formerait dans les cellules hépatiques, la bile dans les conduits biliaires, et Be.vunis, Phys. 30 466 PHYSIOLOGIE FOiNCTIO^WELLE. le foie serait composé de deux glandes enchevêtrées, une glande vasculaire sanguine glycogénésique, et une glande biliaire. Mais il me semble que celte opinion ne peut se soutenir devant ce fait, que la matière colorante de la bile peut être démontrée par les réactifs dans les cellules hépatiques aussi bien que la substance glycogène. On verra plus loin quelle part revient, à ■mon avis, dans la sécrétion biliaire aux cellules hépatiques et aux glandes en grappe des conduits biliaires. Mais, pour com- prendre ce mécanisme, il importe d'étudier la circulation hépa- tique. Les deux vaisseaux qui se rendent au foie présentent des différences considérables dont l'étude est essentielle pour la physiologie de cet organe. Le calibre de l'artère est beaucoup plus faible que celui de la veine porte; leurs diamètres respec- tifs sont comme 1 et 5. L'artère se distribue aux parois des conduits biliaires et aux glandes en grappe de ces conduits, et en outre, elle prend part à la formation du réseau capillaire des lobules,' et surtout, d'après Chrzonszczewsky, à la partie centrale de ce réseau. La veine porte ne se distribue qu'au réseau capil- laire des lobules. Les glandes en grappe ne reçoivent donc leur sang que de l'artère hépatique, les cellules hépatiques le reçoi- vent surtout de la veine porte et un peu de l'artère hépatique, mais pour une part comparativement minime. Si maintenant on recherche quels sont la pression sanguine et l'état du sang dans les deux espèces de vaisseaux, on trouve des différences encore plus marquées. Le sang dans l'artère hépatique a la composition du sang ar- tériel ordinaire; il est identique par conséquent au sang que reçoivent toutes les autres glandes; le sang de la veine porte au- contraire a une composition toute spéciale; il représente non- seulement le sang veineux d'une partie des organes abdominaux et contient par suite les produits de désassimilation de leur tissu, mais il contient en outre des principes absorbés dans la digestion intestinale, des produits de l'activité splénique, etc. En outre, la pression dans les deux vaisseaux est très-différente; elle est plus forte dans les branches de l'artère hépatique; elle est très-faible au contraire dans les ramifications de la veine porte et dans le réseau capillaire des lobules; la circulation lobulairc sera donc très-lente et le sang, pour passer des bran- ches de la veine porte dans la veine intra-lobulaire, mettra trois SÉCRÉTIONS. 467 OU quatre fois plus de temps que pour parcourir le réseau capil- laire des autres organes. ^'ous trouvons donc dans le foie deux appareils glandulaires distincts, les glandes en grappe des canaux biliaires, les cellules des lobules hépatiques. Quel sera le rôle de chacun d'eux? Les glandes en grappe des conduits biliaires reçoivent du sang artériel et sous une forte pression, par conséquent dans des con- ditions favorables pour une filtration sanguine, pour une sortie du sang de l'eau et des principes salins en solution dans le sérum. Ce sont donc probablement ces glandes en grappe qui fournissent la partie aqueuse et les sels de la bile. Dans les lobules, au contraire, on trouve les conditions les plus défavorables à la iiltration, mais en revanche, la lenteur du cou- rant sanguin favorise le contact prolongé des cellules hépatiques avec le sang, et par suite la formation, aux dépens des matériaux fournis par ce dernier, de principes élaborés dans les cellules, et. en effet, comme on l'a vu plus haut, les principes spéciaux de la bile se retrouvent dans les cellules hépatiques à côté de la substance glycogène. Cependant, l'artère hépatique contribue aussi au réseau capillaire du lobule, et son rôle s'explique faci- lement; il y a là, dans la partie centrale du lobule, une filtration, aqueuse qui se fait sous une forte pression, et l'eau qui a passé de cette façon dans les canalicules biliaires capillaires dilue et entraîne la matière colorante et les acides biliaires formés aux dépens de la veine porte dans la partie périphérique du lobule, et les fait arriver ainsi dans les canaux biliaires périlobulaires. D'après cette théorie, les deux appareils prendraient donc part à la sécrétion biliaire, mais une part déterminée, et on comprend alors comment les physiologistes qui ont voulu attribuer cette sécrétion exclusivement à un des deux vaisseaux n'ont pu que se heurter à des expériences contradictoires. Ces expériences ont été mentionnées page 134 et il est inutile d'y revenir. Cependant, il est un point qui demande quelques éclaircissements et qui paraît au premier abord en désaccord avec la théorie. Certains expérimentateurs, Moos entre autres, ont vu la sécrétion conti- nuer après l'oblitération de la veine porte, mais ont trouvé la bile plus épaisse et moins aqueuse; on aurait tort d'en inférer que la veine porte fournit la partie aqueuse de la sécrétion; en effet, l'oblitération de la veine porte supprime environ les neuf dixièmes du sang qui traverse les lobules; le réseau lobulaire 468 PHYSIOLOGIE FO.XCTIOXXELLE. doit donc être fourni en entier par l'artère hépatique: le calibre de ce réseau est beaucoup trop considérable pour cette artère; il en résultera donc une grande diminution de pression non- seulement dans le réseau capillaire du lobule, mais dans les capillaires des glandes en grappe, et comme la fîltration est sous l'influence immédiate de la pression sanguine, la pression dimi- nuant, la fîltration diminuera aussi dans les glandes en grappe et la bile deviendra moins aqueuse. L'arrêt de la sécrétion bi- liaire observé après Toblitération rapide de la veine porte peut s'expliquer de la même façon. Ce qui rend les expériences sur la circulation hépatique très- difîiciles à interpréter et très-obscures, c'est que les voies de communication entre les deux vaisseaux, artère hépatique et veine porte sont très-faciles. Ainsi, Ludwig et Betz ont constaté dans leurs injections que le san^f passe plus facilement de l'ar- tère dans la veine porte que dans les veines hépatiques. La sécrétion biliaire est continue; seulement elle ne se déverse pas continuellement dans l'intestin; elle s'accumule dans la vé- sicule tant que la pression dans la vésicule est plus faible que la pression nécessaire pour vaincre la résistance du canal cholé- doque à son embouchure dans le duodénum. Les variations de la sécrétion suivent jusqu'à un certain point les variations de la pression sanguine; quand cette pression diminue, la bile diminue 'saignées, compression de l'aorte, etc.). Quand cette diminution de pression sanguine atteint un certain degré, ou quand la pression augmente dans les canaux biliaires, la bile non-seulement diminue, mais peut même être résorbée, et cette résorption se fait non par les conduits biliaires, comme le croit Heidenhain, mais par les lobules, autrement dit, par le réseau capillaire de la veine porte dans lequel la pression est plus faible et facilite par conséquent la résorption. L'influence de l'innervation sur la sécrétion biliaire est encore très-obscure. Elle paraît tenir plutôt aux variations de pression sanguine déterminées par la destruction ou par l'excitation des nerfs qu'à une action nerveuse directe sur la sécrétion (voir page 134). D'après Pfluger, la galvanisation du foie arrête la sécrétion biliaire. \j excrétion biliaire se fait sous une assez faible pression, 12 à 20 millimètres de mercure ichati. pression qui du reste est très-variable. Quand cette pression dépasse un certain chiffre, la SÉCRÉTIO^^S. 469 bile, au lieu de passer dans la vésicule, passe dans l'intestin; si elle augmente encore, la bile est résorbée. La digestion slonaa- cale augmente l'excrétion biliaire; si on injecte dans l'estomac d'un chien à jeun le chyme filtré pris dans l'estomac d'un chien en pleine digestion, la bile coule dans le duodénum. Le contact d'un liquide acide sur l'embouchure du canal cholédoque, l'ar- rivée du chyme stomacal acide, par exemple, déterminent un afflux de bile dans l'intestin ; cet afflux ne se produit pas avec un liquide alcalin. e. — Sécrétion du lait. Les glandes mammaires qui sécrètent le lait (voir page 135) sont des glandes en grappe. Hors l'état de lactation, les culs- de-sac sécréteurs sont tapissés par des cellules polygonales ordi- naires, mais pendant la lactation ces cellules s'infiltrent de graisse, de sorte qu'on peut assimiler sous ce rapport la sécré- tion lactée à la sécrétion sébacée, opinion combattue cependant par Robin. Si on examine en effet la glande mammaire pendant la lacta- tion, on voit que les cellules les plus profondes des culs-de-sac sécréteurs sont infiltrées de gouttelettes graisseuses, tandis que dans la lumière des conduits excréteurs les globules graisseux sont en liberté. Il est probable que les cellules se détruisent en mettant en liberté la graisse, et sont remplacées par de nou- velles cellules ; il y aurait alors à la fois dans la sécrétion lactée transformation graisseuse et desquammation épithéliale. Dans les premiers temps de la lactation, les cellules glandulaires ne se détruisent pas, et on les retrouve dans le lait sous forme de corpuscules de colostrum. 11 est possible cependant que la graisse sorte aussi des cellules glandulaires par déhiscence, ces cellules restant en place dans le cul-de-sac sécréteur; dans ce cas, la contractiUté du protoplasma cellulaire constatée par Stricker sur les corpuscules du colostrum favoriserait l'expulsion des gouttelettes graisseuses. Sur les principes qui entrent dans la composition du lait, il y en a certainement trois qui sont formés dans la glande mam- maire même et sont des produits de l'activité cellulaire, ce sont la graisse, la caséine et le sucre de lait. Les sels au contraire 470 PHYSIOLOGIE FO>;CTIO> '^'ELLE. et l'eau peuvent être considérés comme des produits de fil- tration. On a vu plus haut que la graisse était due à une transforma- tion graisseuse du protoplasma des cellules glandulaires; cette graisse ne provient donc pas de la graisse du sang, ni de la graisse de l'alimentation; en effet, une nourriture riche en ma- tières grasses fait baisser la quantité de graisse du lait au lieu de l'augmenter, tandis qu'une alimentation azotée accroît cette quantité. La graisse provient donc d'un dédoublement de la substance allmminoïde des cellules glandulaires; mais que de- viennent alors les principes azotés qui résultent de ce dédou- blement? Il est probable qu'ils sont résorbés, car on ne les retrouve plus dans le lait, ou on ne les y retrouve qu'en trop petite quantité (urée). La formation de graisse observée dans le lait sorti de la glande a lieu aux dépens de la caséine et est liée à la présence de champignons microscopiques. (Blondeau, Kemmerich.) La caséine provient évidemment de l'albumine; dans le co- lostrum il y a fort peu de caséine et une forte proportion d'al- bumine, puis, à mesure que le lait acquiert ses caractères défi- nitifs, on voit les proportions de caséine augmenter pendant que l'albumine diminue pour disparaître presque complètement. Cette transformation de l'albumine en caséine se fait même dans le lait sorti de la glande, comme l'a constaté Kemmerich, et pa- raît due à un ferment isolé par Dœbnhardt, ferment qui, en présence de la potasse, dédouble l'albumine et la transforme en albuminate de potasse. L'origine du sucre de lait est plus douteuse. On ne sait s'il provient de la glycose du sang ou des albuminoïdes. Quand on supprime la lactation, la glycose apparaît dans les urines; mais cette glycosurie ne se montre pas si, chez les cabiais par exemple, on extirpe les mamelles pendant l'allaitement. (De Sinéty.) D'après les recherches de Sourdat, le lait provenant du sein droit et le lait du sein gauche n'auraient pas la même composi- tion; le premier, contiendrait plus de caséine et de graisse. Brunner n'a pas constaté une différence aussi accentuée. L'influence de l'innervation est démontrée par les rapports des glandes mammaires avec les organes génitaux, par l'action des émotions morales sur la sécrétion et la composition du lait; mais les expériences physiologiques n'ont rien appris jusqu'ici SECRL'TIOXS. 471 SOUS ce rapport. La section du nerf spermatique externe qui se rend au pis sur la chèvre n'amène aucune modification de la sécrétion (Eckhardi, et les expériences sur les nerfs intercostaux et le sympathique n'ont donné aucun résultat. Cependant Aubert et Becquerel ont fait reparaître la sécrétion lactée par l'applica- tion dun courant d'induction sur la mamelle. L'excrétion du lait se fait sous l'influence de la succion exer- cée par le nouveau-né, aidée par la contraction des fibres lisses ties conduits excréteurs. f. — Sécrétion sébacée. La matière sébacée (voir page 142i est sécrétée par les glandes du môme nom. Ces glandes sont annexées aux poils, sauf en quelques régions iface interne du prépuce et couronne du gland, vestibules et petites lèvres) et existent sur toute la surface du corps, à l'exception de la paume des mains, de la plante des pieds, du dos des troisièmes phalanges et du gland. Ces glandes, (.onstruites sur le type un peu modifié des glandes en grappe, produisent la matière sébacée par le mécanisme qui a été décrit pour la glande mammaire. Les cellules profondes des culs-de- sac sécréteurs s'infiltrent de graisse; ces granulations graisseuses augmentent peu à peu de volume, se réunissent en gouttelettes; les cellules se détachent alors de la membrane propre et sont refoulées par les cellules nouvellement formées; plus on se rapproche de l'embouchure du canal excréteur, plus les gout- telettes graisseuses deviennent volumineuses: la membrane et le noyau finissent par disparaître, et la sécrétion ne consiste plus alors qu'en une matière grasse mélangée de détritus épi- théUaux. Il y a donc à la fois dans cette sécrétion transforma- tion graisseuse du protoplasma cellulaire et desquammation épithéliale. g. — Sécrétion spermatique. La sécrétion spermatique (voir page 143) est plutôt un mode particulier de développement cellulaire qu'une sécrétion véri- table. En effet, la quantité de liquide qui se trouve dans les 472 PHYSIOLOGIE FO>'CTION>'ELLE. canaux séminifères du testicule est tout à fait insignifiante et ces canaux sont remplis presque complètement par une masse d'élé- ments granuleux au milieu desquels se trouvent les cellules (ovules mâles de Robin) qui donnent naissance aux spermato- zoïdes. Le développement de ces spermatozoïdes est encore très- controversé, et les recherches de Kôlliker, Godard, Henle, Schweig- ger-Seidel, Grohe, Lavalette Saint-Georges, etc., sont loin de s'accorder entre elles. Quel que soit du reste leur mode de développement, pour lequel je renvoie aux traités d'histologie, ces spermatozoïdes ne sont, pour la plupart, mis en liberté que dans l'épididyme et c'est à partir de ce point que, le liquide qui les dilue augmentant, ils présentent leurs mouvements caracté- ristiques (yoït : Fécondation). Les spermatozoïdes se produisent chez l'homme dans le testicule depuis la puberté jusqu'à la vieil- lesse et d'une façon continue, taudis que chez la plupart des espèces animales ils ne se produisent qu'à l'époque du rut. Ils manquent, comme l'a montré Godard, dans les cas de réten- tion du testicule dans l'abdomen (cryptorchidie). On n'a pu jusqu'ici démontrer expérimentalement l'action directe des nerfs sur la sécrétion du testicule ; cependant l'atro- phie testiculaire succède à la section du nerf spermatique (Néla- ton, Obolensky). En l'absence d'éjaculation, la sécrétion testiculaire se résorbe en partie et cette résorption est vraisemblablement aidée par les riches plexus lymphatiques qui entourent les canalicules sémi- nifères et qui ont été décrits par Ludwig et Tomsa. Il a été fait très-peu de recherches sur le mécanisme de la sécrétion des liquides qui se mélangent au produit testiculaire (sécrétion des vésicules séminales, de la prostate, des glandes de Cowper). Eckhard et Buxmann ont vu cependant la sécrétion de la prostate se produire par la galvanisation de la glande ou par celle des nerfs du pénis. h. — Sécrétion salivaire. La sécrétion salivaire (voir page 145) est une de celles dont le mécanisme a été le mieux étudié. Les glandes salivaires sont des glandes en grappe. D'après les recherches de Heidenhain, Rollet, confirmées en partie par Ranvier, Asp, etc., les cellules glandu- SÉCRÉTIONS. 473 laires des acini se présentent sous deux formes, qui ne sont pro- bablement que des degrés différents de développement; les unes, cellules protoplasmiqii es , sont granuleuses, à contours indistincts, et fournissent la sécrétion salivaire proprement dite; les autres cellules muqueuses, sont remplies d'un contenu gélatiniforme, homogène, fortement réfringent, et paraissent être un produit de transformation des premières cellules; c'est ce contenu qui cons- titue la mucine qui se trouve en si grande quantité dans la salive sous certaines conditions, ainsi que les corpuscules gélatini- formes de la salive sympathique; cette transformation gélati- niforme des cellules protoplasmiques s'accomphrait quand la glande est restée longtemps à l'état d'inactivité. La circulation dans les glandes salivaires a été surtout étudiée sur la glande sous-maxillaire par Cl. Bernard; il remarqua que le sang veineux qui revenait de la glande était rouge vif quand la glande sécrétait avec activité, rouge foncé au contraire pen- dant son repos. Dans le premier cas. la quantité de sang qui tra- verse la glande est plus considérable et la pression sanguine est augmentée; c'est l'inverse dans le repos de la glande. En outre, les acini glandulaires plongent dans des espaces lymphaliques dans lesquels les cellules des acini prennent les matériaux de la sécrétion. Les nerfs des glandes salivaires se divisent en deux classes, les nerfs vasculaires et les nerfs glandulaires proprement dits. Les nerfs vasculaires sont de deux espèces, et ont une action antagoniste; les uns, nerfs vaso-moteurs, provenant du grand sympathique, produisent par leur excitation un rétrécissement des artères de la glande et en diminuent l'afflux sanguin; les autres, qui seront mentionnés plus loin, pour chaque glande salivaire, dilatent les artères et font affluer le sang dans la glande (voir: Ne)-fs vaso-moteurs). Les nerfs glandulaires agissent directement sur l'activité épithéhale des cellules glandulaires et, d'après les recherches non encore absolument confirmées de Pfluger, se termineraient direc- tement dans ces cellules. Ces fibres sont, du reste, contenues dans les mêmes troncs nerveux que les nerfs vasculaires et sont par suite excitées en même temps qu'eux quand on excite expéri- mentalement le tronc nerveux. Heidenhain admet même deux ordres de fibres glandulaires correspondantes aux deux espèces de cellules glandulaires, des fibres mucipares et des fibres sécré- 474 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO.N\\ELLE. toires proprement dites, qui détermineraient par leur excitation soit la production de la mucine, soit la sécrétion pure et simple de salive. Ces faits étant connus, voici comment peut se comprendre le mécanisme de la sécrétion salivaire. Cette sécrétion se compose de deux phases ou de deux actes successifs, l'un préparatoire, l'autre essentiel. L'acte préparatoire consiste en une fdtration du plasma san- guin dans les lacunes lymphatiques qui entourent les acini glan- dulaires. Cet acte est sous la dépendance immédiate de la circu- lation et par conséquent des nerfs vasculaires. Ces nerfs, en réglant la circulation glandulaire, règlent aussi la filtration et par suite la quantité de matériaux dont les cellules glandulaires peu- vent disposer. L'influence de la circulation sur la sécrétion est donc indirecte et médiate; aussi peut-on, par l'excitation de la corde du tympan, produire la salivation sous-maxillaire, même quand la circulation est interrompue dans la glande, par exemple sur une tôte séparée du tronc. L'acte essentiel constitue la sécrétion proprement dite; il est dû à l'activité spéciale des cellules glandulaires, indépendant par conséquent de la circulation, et se trouve sous l'influence de nerfs spéciaux, nerfs sécréteurs ou glandulaires. Aussi la pression de la salive dans les conduits excréteurs peut-elle dépasser la pression du sang artériel qui se rend à la glande. (Ludwig.) Le même physiologiste a trouvé la température de la salive du canal de ^Yharton plus haute de r,5 que celle du sang de la carotide. Certains poisons paralysent l'activité des nerfs glandulaires sans agir sur la circulation ; c'est ainsi que l'atropine arrête la saliva- tion. (Heidenhain.) L'origine des divers principes de la salive n'est pas encore expliquée d'une façon satisfaisante pour quelques-uns d'entre eux, en particulier pour le sulfocyanure de potassium. On a vu déjà le mode de formation de la mucine ; quant à la ptyaline, quoique plusieurs physiologistes. Cl. Bernard par exemple, aient cru qu'elle n'existait que dans la salive mixte, il semble démontré aujourd'hui qu'elle existe en réahté dans les salives partielles, au moins dans les salives sous-maxillaire et subhnguale, et qu'elle est un produit de l'activité des cellules glandulaires. Ce qui vient d'être dit de la sécrétion salivaire s'apîèlique aux diffé- SEGRETIO.XS. 475 rentes glandes salivaires; leur innervation seule diffère et peut, pour chaque glande, se résumer de la façon suivante (voir aussi : Inner- vation^ Nei'fs crâniens). \^ Parotide. — Les filets glandulaires de la parotide sont fournis par le facial et passent par le petit pétreux superficiel et rauriculo-teai- poral. Ces nerfs peuvent être excités soit directement, soit par action réflexe, quand les excitations mécaniques ou chimiques portent sur des régions de la langue et de la bouche innervées par le lingual; cependant l'irritation du bout central du lingual ne produit rien; l'ex- citation du glosso-pharyngien au contraire produit la salivation réflexe. Les nerfs vasculaires de la parotide viennent probablement du grand sympathique. 2° Glande sous-maxillaire {fig. 84). — Les nerfs sécréteurs viennent :1 Fig. 84. — Nerfs de la glande sous-maxillaire. du facial par la corde du tympan (4) et du sympathique (5), et dans ces deux cas la salive a des caractères particuliers, étudiés page 148. Fig. 84. — 1, nerf lingual. — 2, corde du tympan. — 3, ganglion sous-maxillaire. — 4, fibres séerétoires de la corde. — 5, fibres sécrétoires sympathiques. — 6, fibres vasculaires dilatatrices de la corde. — 7, fibres vaso-motrices syinpatliiques. — 8, fibres sensitives de la glande. — 9, fibres périphériques du lingual allant au ganglion sous-maxillaire. — M, glande sous-maxillaire. — A, artère de la glande. — S, plexus sympathique. 476 PHYSIOLOGIE FONCTIO.V.XELLE. L'activité glandulaire peut être mise en jeu de plusieurs façons difîé- rentes, par l'excltatioti du bout central du lingual, du glosso-pharyn- gien, du pneumogastrique (douteux?) et enfin du filet périphérique du lingual (9), allant de la muqueuse linguale au ganglion sous-maxil- laire. Ce ganglion joue donc pour la glande sous-maxillaire le rôle de centre réflexe. ' Quant à la salivation observée par Owjannikow et Tschiriew, à la suite de l'excitation du bout central du nerf sciatique, elle parait, due à la compression de la glande par les contractions musculaires. Les nerfs vasculaires de la glande sous-maxillaire sont de deux es- pèces; les uns, contenus dans la corde du tympan i6i, sont dilatateurs de l'artère de la glande; les autres, contenus dans le filet sympathique (7), sont constricteurs. S'* Glande sublinguale. — Les nerfs glandulaires viennent aussi de la corde du tympan et peuvent entrer en activité d'une façon réflexe (excitation centripète du lingual et du glosso-pharyngiem. Les nerfs vasculaires viennent du sympathique. Les centres nerveux salivaires de ces différentes glandes n'ont pas encore été déterminés d'une façon précise. Ils ont probablement leur siège dans la moelle allongée (P. Grutzner), mais ils remontent cer- tainement plus haut; j'ai vu, chez le lapin, la cautérisation électroly- tique de la base du cerveau dans la région du troisième ventricule produire une salivation abondante. L'excrétion salivaire se fait sous l'influence de la pression exefcée dans les acini par la salive qui est incessamment sécrétée. Cette pression, très-variable du reste, est en général assez forte et peut dépasser, comme on l'a vu, la pression sanguine. Biddera trouvé dans un cas chez le chien jusq^à 230 millimètres de mer- cure. Les conduits salivaires ne contenant pas de fibres muscu- laires (sauf peut-être le canal de Wharton), l'expulsion de la salive ne peut être influencée par la contraction de ces conduits, à moins d'admettre, avec Ranvier, une contraction des cellules épithéliales qui les tapissent. Les jets de salive qui se produisent dans certains cas doivent plutôt être attribués, soit à l'action des muscles ambiants', soit à un excès momentané de pression dans les voies salivaires sous l'influence d'une sécrétion très-active. i. — Sécrétion du suc gastrique. Le suc gastrique (voir page 155) est sécrété par les glandes en tube de l'estomac, sauf dans la région pylorique où les glandes SECRETIONS. 477 en tube sécrèlent un liquide alcalin (mucus stomacal?) qui n'a pas .de pouvoir di^^estif. La muqueuse stomacale'cst acide, comme on peut le voir à l'aide du papier de tournesol; mais celte acidité est Wmité'e, pendant la vie, à la surface de la muqueuse, et la partie profonde de la muqueuse reste toujours alcaline, comme on peut le constater directement. (Brucke.) Une expérience élégante de Cl. Bernard, conlirmée récemment par Lépine, en donne la dé- monstration ; il injecte du ferrocyanure de potassium dans une veine d'un animal et du lactate de fer dans une autre; la coloration du bleu de Prusse, qui n'a lieu que dans un milieu acide, ne se produit qu'à la surface de la muqueuse ; il n'y a jamais d'acidité dans les cellules glandulaires soit superficielles, soit profondes. Les glandes en tube de l'estomac renferment deux espèces de cellules, d'après les recherches de Heidenhain, RoUett, etc.: T des cellules volumineuses accolées à la membrane propre du tube glandulaire qu'elles soulèvent; ce sont les anciennes cellules à pepsine des auteurs (cellules de revêtement d'Heidenhain, cellules délomorphes de Rollett); 2° des cellules plus petites, intérieures anx précédentes (cellules centrales de Heidenhain, cellules adé- lomorphes de Rollett). Les glandes de la région pylorique ne contiendraient que cette seconde espèce de cellules. Le mécanisme de la sécrétion du suc gastrique est encore assez obscur. On croyait autrefois que la pepsine était formée dans les grosses cellules, dites à pepsine. D'après Heidenhain au contraire, la pepsine serait formée dans les cellules centrales et l'acide serait produit ou 'plutôt p)-ép are dans les grosses cellules de revêtement. Cependant Wittich et quelques autres auteurs attribuent toujours à ces dernières la formation de la pepsine. Schiff a émis sur la formation de la pepsine Ihypothèse sui- vante, réfutée, il faut le dire, par la plupart des expérimenta- teurs. Pour lui, la sécrétion de la pepsine est sous la dépendance de substances particulières, substances peptogènes, qui doivent être inlroduites^dans le sang par l'absorption; telles sont, entre autres, la dextrine, les os, la gélatine. Quand les peptogènes n'existent pas dans le sang, l'estomac peut encore sécréter un suc acide, mais dépourvu de pepsine et impropre à la digestion, tandis que, au furet à mesure que ces peptogènes pénètrent dans le sang, l'estomac se charge peu à peu de pepsine qui apparaît alors dans le suc gastrique. Aussi détermine-t-on la formation de pepsine en injectant une solution de dextrine dans le rectum; les 478 PHYSIOLOGIE FO.XCTIO.X.VEL LE. injections directes clans le sang produisent le même résultat. En injectant successivefnent de la dextrine dans le sang d'un lapin^ il est arrivé à lui faire digérer en 6 heures 75 grammes d'albu- mine, c'est-à-dire plus qu'un chien 4 à 5 fois plus gros. La salive ferait un extrait aqueux des aliments et amènerait une absorp- tion rapide des peptogènes. Pour Bacelli, c'est la rate qui charge l'estomac de pepsine, il a trouvé dans la rate une substance riche en pepsine qui digère l'albumine. Quant à la formation de l'acide, elle est encore assez obscure, mais en présence des contradictions qui se sont élevées dans ces derniers temps sur la nature de l'acide libre du suc gastrique, je crois inutile de rappeler les hypothèses émises sur ce sujet. La circulation stomacale présente des variations correspon- dantes aux diverses phaî^es de la sécrétion; dans l'abstinence, la muqueuse est pâle, exsangue; les veines qui en reviennent sont rétrécies et d'une couleur foncée; au moment de la sécré- tion, la raucjueuse devient rosée, turgide; les veines sont dilatées et remplies d'un sang rouge, presque artériel; en même temps, la température de l'estomac augmente d'un degré environ. L'influence de l'innervation est à peu près inconnue, et jusqu'ici on n'a pu déterminer d'une façon précise, par l'expérimentation sur le pneumogastrique ou le sympathique, les conditions de cette sécrétion (voir: Innervation). Un fait cependant prouve l'influence nerveuse glandulaire, c'est que, môme quand l'excitation stoma- cale est localisée en un seul point, la sécrétion ne s'en produit pas moins sur toute la surface de l'estomac, sauf du côté du pylore. k. Sécrétion du suc pancréatique. Le suc pancréatique (voir page 161) est sécrété parle pan- créas. Le pancréas est une glande en grappe dont la structure est analogue à celle des glandes salivaires. Le mécanisme de la sécrétion pancréatique est probablement le même que pour la sécrétion salivaire; mais l'origine et le mode de formation des trois ferments qui donnent à ce liquide ses propriétés caractéristiques sont très-obscurs. Schiff a bien admis pour le suc pancréatique, comme pour le suc gastrique, des substances 'pancréatogènes; le ferment qui digère les albu- minoïdes proviendrait des peptones et de la dextrine absorbées ABSORPTIO.XS LOCALES. 479 dans l'estomac et modifiées ensuite dans la rate, et l'extirpation de la rate empêcherait le suc pancréatique de digérer les albu- minoïdes; mais, pas plus que pour les peptogènes, la théorie de Schiff ne peut se soutenir devant les faits. La circulation pancréatique offre les mêmes alternatives que la circulation des glandes salivaires; dans l'intervalle des repas la glande est jaune pâle, et le sang veineux a sa coloration foncée; pendant la période d'activité, c'est-à-dire 4 à 6 heures après l'ingestion des aliments, la glande est rosée et le sang qui en sort a la couleur du sang arlériel. L'innervation du pancréas est très-riche, mais les conditions de cette innervation sont encore peu connues. L'excitation du bout central du pneumogastrique arrête la sécrétion; le vomis- sement (amené aussi par la même excitation) produit le même effet; l'excitation du bout périphérique ou la section du nerf sont sans influence. La section de tous les nerfs qui se rendent au pancréas amène une sécrétion profuse paralytique. L'excitation de la moelle allongée augmente la sécrétion (ou peut-être plutôt l'excrétion) pancréatique. L'excrétion du suc pancréatique ne présente rien de parti- culier. Cl. Bernard l'a vue s'arrêter sous l'influence des efforts et du vomissement. 1. — Sécrétion du suc intestinal. Le suc intestinal (voir page IGG) est sécrété par les glandes en tube de l'intestin. Le mécanisme de cette sécrétion n'a guère été étudié jusqu'ici, d'autant plus qu'on n'est pas tout à fait d'accord sur les propriétés du suc intestinal et que sa nature varie suivant les procédés employés pour le recueillir. Moreau a vu, après la section de tous les nerfs d'une anse intestinale {énervation de rintestin)^ du liquide (transsudation séreuse du sang ou sécrétion paralytique?) s'accumuler dans cette anse intestinale. 4. — ABSORPTIONS LOCALES. Les conditions générales de l'absorption ont été étudiées page 323, et la part des membranes connectives et des épithéliums 480 ' PHYSIOLOGIE FO>'GTIOX.\ELLE. dans ce phénomène a été indiquée dans les chapitres spéciaux consacrés à ces deux tissus (pages 231 et 243). Ici il ne s'agira que des absorptions locales, et comme les plus importantes au point de vue physiologique ont été étudiées dans les chapitres de la di- gestion (voir : Absorption alimentaire et Absorption sécrétoire) et de la respiration, il suffira de quelques mots pour les passer en revue. 1° Absorption cutanée. — Il faut distinguer dans la question de l'absorption cutanée, l'absorption des gaz, celle des liquides et celle des solides. L'absorption des gaz et des substances volatiles par la peau est incontestable. On peut empoisonner un animal en le plongeant jusqu'au cou dans une atmosphère d'hydrogène sulfuré, et en prenant soin que le gaz ne puisse pénétrer par les voies pulmo- naires. Bichat avait déjà sur lui-même observé l'absorption de gaz putrides par la peau. Carpenter, dans sa Physiologie, cite des augmentations de poids constatées sur des jockeys soumis à l'en- traînement après un séjour dans une atmosphère saturée d'hu- midité. La voie d'absorption ,des gaz par la peau est encore incertaine (surface épidermique, glandes sudoripares?). L'absorption des liquides et des substances dissoutes est beau- coup plus controversée. Pour l'eau et les solutions aqueuses, deux causes principales s'opposent à l'absorption : 1° la matière sébacée qui recouvre la peau, empêche l'eau de pénétrer dans l'épaisseur de l'épiderme; ainsi, dans un bain, voit-on les gouttes d'eau glisser sur la peau sans la mouiller, comme sur un vernis, si on n'a pas préalablement enlevé cette couche sébacée; 2° l'im- bibition de l'épiderme se fait avec une très-grande lenteur, même sur les parties dépourvues de glandes sébacées (paume des mains, plante des pieds, etc.), et cette imbibition est la première condi- tion de l'absorption. Aussi, l'absorption de l'eau et des substances dissoutes dans l'eau ne se fait -elle qu'en très -petite quantité et seulement par les régions dépourvues de matière sébacée, à moins que des lavages réitérés, des solutions alcalines, ou des dissolvants appropriés (alcool, éther, chloroforme), n'aient enlevé cette matière grasse ou qu'elle n'ait disparu avec la couche épider- mique superficielle, à l'aide de frictions énergiques. Les recher- ches de Parisot, Deschamps, Delore, Oré, et de beaucoup d'autres expérimentateurs, prouvent qu'il ne faut pas compter d'une façon réguUère sur l'absorption des substances contenues dans les bains ABSORPTIONS LOCALES. 481 médicamenteux, à moins que lu peau ne présente des solutions de continuité. La pénétration des substances solides a été constatée pour certaines substances; par exemple, après- les applications de pommade mercurielle, on retrouve les globules de mercure, en partie transformés en sublimé, dans les follicules pileux et dans les glandes sél)acées et sudoripares (Neumanm, et dans les cou- ches épidermiques. Cette pénétration est favorisée par les actions mécaniques, comme le frottement. f^ Absorption par le tube digestif. — L'eau , les substances en dissolution dans l'eau, l'alcool, etc., sont absorbés dans toute l'étendue du tube digestif. Seulement la rapidité de l'ab- sorption varie suivant les substances et suivant les régions. L'in- testin grêle et le gros intestin paraissent absorber en général plus facilement que l'estomac; et même, d'après quelques pliy- siologistes, l'estomac chez certaines espèces animales, le che- val par exemple , serait réfractaire à l'absorption (Colin) ; on sait que l'eau ingérée séjourne trè.^^-longtemps dans la pause du chameau. Du reste, la lenteur de l'absorption peut, dans quel- (jues cas, donner le change et faire supposer une non-absorp- tion; ainsi on avait cru d'abord que le curare n'était pas absorbé |)ar l'estomac; il Test cependant, mais avec assez de lenteur pour que les symptômes de l'empoisonnement ne se produisent l)as, le poison étant éliminé au fur et à mesure par les urines, mais si on empêche cette élimination par l'extirpation des reins, l'intoxication se produit. (Cl. Bernard, Hermanu.) Les virus et les venins ne paraissent pas être absorbés par la muqueuse di- gestive ; aussi peut-on impunément, si l'épiderme buccal est intact, sucer la plaie faite ])ar la morsure dune vipère ou dun chien enragé. La pénétration de substances solides (globules sanguins, grains damidon, matières colorantes, etc.) par l'intestin dans les chyli- fères et dans les capillaires sanguins a été très-agitée dans ces dernières années, mais les expériences, qu(dque nombreuses quelles soient, n'ont pas encore donné des résultats précis i^';, et je me contenterai de les mentionner ici. 3" Absorption pulmonaire. — Les gaz et les .substances vola- (') Voir Beaunis, Analomie gén^n'ale et Physiologie du système lympha- tique, page 71. Bt;.\UM:^, Phys. 31 482 PHYSIOLOGIE 1- 0>GTIO>\NELLE. tiles sont absorbés avec la plus grande rapidité par les voies aériennes, et cette absorption n'est gaère moins rapide pour l'eau et pour les substances dissoutes dans l'eau. On peut en injecter jusqu'à 40 grammes et plus dans la tracbée d'un lapin sans dé- terminer d'accidents graves, et dans un cas, il a fallu injecter 40 litres d'eau dans la tracbée d'un clieval pour parvenir à l'aspbyxier. Les substances solides peuvent pénétrer aussi dans les pou- mons et se retrouver jusque dans les ganglions bronchiques (charbon, silice). A" Absorption par les séreuses. — Les séreuses absorbent avec facihté, comme le prouvent les expériences physiologiques et les faits pathologiques. Cette absorption est favorisée par les condi- tions mécaniques clans lesquelles se trouvent ces membranes: ainsi dans la plèvre, l'absorption est favorisée par l'inspiration (Dybkowsky)., dans le péritoine par l'expiration (Ludwig et Schweigger-Seidel). Le passage de particules solides de la cavité des séreuses clans les lymphatiques a été démontré par Recklinghausen et confirmé par la plupart des expérimentateurs, pour la séreuse péritonéale. Cette pénétration se ferait par des ouvertures (stomates) placées entre les cellules endothéliales du péritoine c]ui recouvre le centre phrénique. 5" Absorption par le tissu cellulaire. — Le tissu cellulaire absorbe avec une très-grande rapidité l'eau et les solutions aqueuses; il vient, comme vitesse d'absorption, après la muqueuse respiratoire. Aussi cette propriété est-elle utilisée fréquemment en médecine dans les injections dites sous-cutanées, lorsqu'on a besoin de faire pénétrer très-rapidement un médicament dans le sang. 6° Absorption vésicale. — L'absorption vésicale a été admise par presque tous les physiologistes, et on en voyait un exemple dans la concentration de l'urine clans la vessie: Kûss au contraire, en se basant sur ses expériences, répétées sous sa direction par Susini, conclut à l'imperméabilité absolue de l'épithélium vésical. Ces conclusions sont loin d'être acceptées par tous les auteurs, et elles ne pourront l'être que quand les expériences auront été multipliées. Treskin, au contraire, a fait des recherches qui ten- draient à démontrer une absorption d'urée dans la vessie pen- dant le séjour de l'urine dans cet organe. PHYSIOLOGIE DU FOIE. 483 5. — PHYSIOLOGIE DU FOIE. La fonction du foie comme organe sécréteur de la bile a été étudiée avec les sécrétions (page 404). Mais le foie agit en outre à la façon d'une glande vascuiaire sanguine dans la glycogénie et joue probablement aussi un rôle important par rapport au globule sanguin et peut-être dans la formation de la graisse. a. — Glycogénie. La question de la glycogénie n'existait pas avant les travaux de CL Bernard (1819), et presque toutes les découvertes essen- tielles sur ce sujet (formation du sucre dans le foie, présence de la matière glycogène, action du système nerveux, etc.) sont dues au physiologiste français. La question de la glycogénie hépatique peut se résumer ainsi. Le foie contient une substance, substance glycogène, qui se trans- forme en sucre dans cet organe sous l'influence d'un ferment. Ce sucre est versé dans le sang par les veines sus-hépatiques et oxydé dans les capillaires de certains organes. La substance glycogène peut provenir de l'alimentation ou être fabriquée directement par le foie aux dépens du sang. Nous étudierons successivement : la substance glycogène du foie et sa formation, la transforma- tion de la substance glycogène en sucre, le passage de ce sucre dans le sang, le mode et le lieu de destruction de ce sucre, les conditions diverses et surtout nerveuses qui influent sur ces phénomènes; entin le dernier paragraphe comprendra l'étude de la glycogénie dans les tissus et dans le placenta, quoique celte étude ne se rattache qu'indirectement à la physiologie du foie. 1^ Suhstance glycogène du foie. Les caractères chimiques de la substance glycogène (amidon hépatique) ont été donnés page 06, et le procédé d'extraction de cette substance, page 177. La substance glycogène, zoamylinede Rouget, se trouve à l'état amorphe dans les cellules hépatiques, et non, comme l'a cru SchifT, à l'état de granulations (amidon 484 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. animal); ce fait, signalé par Uoiiget en 1859, l'a été de nouveau récemment par G. Bock et A. F. Hoffmann, qui ont insisté sur les réactions microchimiques de cette substance glycogène; elle existe dans les cellules tiépatiques, surtout dans celles qui cor- respondent aux veines sus-héjialiques, et dans ces cellules s accu- mule surtout autour du noyau, comme le montre la coloration de ces cellules par l'iode (coloration rouge vineuse). La quantité de glycogène du foie varie suivant les espèces animales.; elle est en moyenne de 1,5 à 2 p. 100. Le tableau sui- vant, emprunté à Mac-Donnell, donne la quantité de glycogène du foie chez divers animaux; on a en regard le poids du corps de -l'animal par rapport au foie en considérant le poids du foie comme égal à 1. Rapport du poids Quantité de glycogène du corps à celui du foie. pour loo. Chien ....... 30 4,5 Chat 19 1,5 Lapin 35 3,7 Cabiai 21 1,4 Kat 26 2,5 Hérisson 27 1,5 Pigeon 44 ^ 2,5 Le glycogène existe chez tous les animaux vertébrés et inver- tébrés. Sa quantité dans le foie atteint son maximum quelques heures après l'alimentation; l'inanition le diminue et le fait même disparaître presque complètement si elle se prolonge, complè- tement même suivant quelques auteurs, sauf pendant l'hiberna- tion, où il s'accumule dans le foie. Après la mort, il disparaît très-rapidement du foie en se transformant en glycose; aussi pour le démontrer faut-il agir très-rapidement et arrêter la fer- mentation par l'alcool ou l'ébullition. Les animaux recouverts d'un enduit imperméable perdent très-vite leur glycogène qui reparaît par la calorification artificielle. L'origine de la substance glycogène du foie présente certaines obs- curités. Cependant on peut la concevoir de la façon suivante : Le foie fabrique du glycogène aux dépens de ralimentation et en dehors de Talimentation. L'origine alimentaire du glycogène est aujourd'hui hors de doute, mais à ce point de vue les divers aliments ont une influence diffé- rente. Les hydrocarbonés, et surtout les sucres isucre de canne, gly- PHYSIOLOGIE DU FOIE. 4S5 coso, sucre de laiti, augmentent la quantilé de glycogène du foie, et comme ces diverses sortes d'aliments sont absorbés dans l'intestin à l'état de glycose, c'est en réalité cette glycose qui, apportée au foie par la veine porte, se transforme en glycogène par l'action des cellules hépatiques; il y a là une simple déshydratation, le glycogène étant un anhydride de la glycose, comme le démontre l'équation suivante : C«H'-0'= — H-0 = C'=H"^0' Glycose, Glycogène. ou avec les formules de la page 20-2. 3C«H'-0'' — 311-0= C"'H-^''0'^ Glycose. Glycogéuc. Une expérience de Cl. Bernard démontre bien cette action du foie sur la glycose qui lui arrive par la veine porte. Si on injecte de la glycose dans la veine jugulaire, le sucre en excès dans le sang passe dans l'urine; si on l'injecte dans une branche de la veine porte i veine rectale*, le sucre ne passe plus dans les urines, il est arrêté au pas- sage par le foie où il est utilisé pour la fabrication du glycogène. Mais il ne faut pas en injecter une trop grande quantité; sans cela le foie ne peut arrêter tout le sucre injecté qui déborde et dont l'excès se re- trouve dans les urines. L'action des graisses est beaucoup plus douteuse et niée par la plu- part des observateurs; cependant Salomon a vu l'augmentation du glycogène par l'injection dhnile d'olive. La glycérine, injectée dans l'intestin, produit une augmentation de glycogène du foie, et on s'est demandé si le glycogène ne proviendrait pas de la glycérine formée par le dédoublement des graisses iVan Deen ; mais la plupart des ex- périences ne s'accordent pas avec cette théorie et semblent prouver que la graisse, prise seule, fait baisser les proportions d'amidon hépa- tique. En injections sous-cutanées, la glycérine reste sans influence sur le glycogène du foie. 'Luchsiuger.) Pour les aliments azotés, l'action de la gélatine est seule prouvée d'une façon positive, et le doute existe encore pour les autres sub- stances albuminûïdes ; ainsi l'injection d albumine dans l'estomac n'aug- mente pas la quantité de glycogène hépatique; cependant Cl. Bernard, Kiihne et la plupart des physiologistes admettent la production de glycogène aux dépens d'une nourriture azotée. Dans ce cas, les sub- stances albuminoïdes se dédoubleraient en substance glycogène 'Ou glycose) et une matière azotée (urée ? ; et, en elfet, on trouve dans le foie une certaine proportion d'urée qui semble s'y former voir : Désassimilation). Outre l'origine alimentaire de la substance glyco- gène, il parait certain aujourd'hui que cette substance peut se former 486 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. en dehors de ralimentation (CL Bernard i; ainsi, pendant riiibernation, le glycogène s'accumule dans le foie des animaux hibernants, quoi- qu'ils ne prennent aucune nourriture, et si chez les animaux éveillés linanition fait disparaître la substance glycogène, cela tient probable- ment à ce que celte substance est utilisée au fur et à mesure de sa formation et n'a pas le temps de saccumuier dans le foie. En outre, Cl. Bernard a constaté que chez les oiseaux, sur lesquels l'opération réussit plus facilement, la ligature de la veine porte n'empêche pas la formation de la substance g-lycogène du foie; cependant l'artère hépa- tique peut, dans ce cas, sufTire pour apporter au foie les produits de la digestion absorbés dans l'intestin et passés du système veineux dans le système artériel. Aux dépens de quelles substances se forme, en dehors de l'alimen- tation, la substance glycogène du foie? La question est difTicile à ré- soudre. La comparaison du sang apporté par la veine porte et du sang de la veine hépatique ne donne que des résultats peu précis, d'autant plus qu'il serait impossible de décider si les principes disparus dans le premier ont servi à la production du glycogène ou à la production de la bile. Est-ce aux dépens du sang ou de la substance même des cellules hépatiques que se forme la substance glycogène? La première hypothèse parait plus probable, car dans un foie privé de sang par le lavage, on ne voit pas se former de substance glycogène; il est vrai que dans ce cas la transformation de la substance glycogène en sucre est tellement rapide qu'il est difficile de dire si tout le sucre ain.>i formé correspond bien à la quantité de glycogène existant dans le foie, ou si une partie de ce sucre n'est pas due à une formation nouvelle de glycogène suivie de transformation glycosique immédiate. La présence de la glycocolle dans les acides biliaires et la composi- tion de cette substance ont suggéré à Heynslus et Kiihne une hypo- thèse ingénieuse; la glycocolle se dédoublerait en urée et en glycose d'après l'équation suivante, glycose qui se transformerait à son tour en glycogène : 4C-H\VzO- = 2CH''Az-0 -4- C«H'-0« Glycocolle. Urée. Glycose. Ces deux auteurs ont vu, en effet, l'ingestion de la glycocolle aug- menter la quantité de substance glycogène du foie en même temps que l'urée augmentait aussi dans le foie et dans Turine, et l'on sait aujour- d'hui que l'urée est un des produits de l'activité hépatique. Pour terminer ce qui a trait au mode de formation de la substance glycogène, il reste à parler d'une tbéorie soutenue par quelques au- teurs, Weiss entre autres, c'est la théorie de f épargne. D'après cette théorie, qui laisse indécis le mode de formation du glycogène, les aliments et en particulier les hydrocarbonés et les sucres n'auraient PHYSIOLOGIE DU FOU-. 487 pas d'inlluence directe sur la formalion du glycogène; ils ne feraient qu'empèclier sou oxydation et n'agiraient par conséquent que comme substances très-oxydables, en délournant l'oxygène et en l'empêchant de s'attaquer au giycogène. qui alors, grâce à leur intervention, sao- cumulcrait dans le foie. Mais si celte théorie était vraie, la même action devrait être produite^ par toute substance facilement oxydable, quelle qu'elle soit, graisse, acides organiques, etc.. ce qui n'est pas. 2^ Sucre du fo le. Le sucre se trouve dans le foie à l'état de glycose, et celle «rlycose se forme dans le foie lui-même aux dépens de la sub- stance glycogène. Celle formation de sucre dans le foie a élé démontrée par Cl. Bernard à l'aide de plusieurs expériences dont la plus importante est celle du lavage du foie (1855). On extrait le foie d uu animal ([ui vient d'expirer, et on fait passer à Ira- vers ce foie par la veine porte un courant d'eau froide; cette eau de lavage est d'abord sucrée, puis le suci-e y diminue peu à |)eu et finit par disparaître; le foie à ce moment ne contient plus de glycose; si on l'abandonne alors à lui-même, la glycose s'y reforme de nouveau, et ou constate en même temps que la sul)- stance glycogène qu'il contenait disparaît graduellement. Cette formation de glycose post mortem dans le foie est accélérée par la chaleur, arrêtée par une température de 0**, ainsi que par une température élevée (température de l'ébullition). Les chiffres .sui- vants, empruntés à Dalton, donnent une idée de la rapidité de rette glycogénie 2)ost morlem ; il a trouvé dans un cas les quan- tités suivantes de glycose dans le foie après l'extraction de l'or- gane sur l'animal vivant: Après .") secondes 1,8 pour 1,000 — 1.5 minutes G.S — — 1 heure 10,3 — Celte formation de glycose dans le foie aux dépens de la ma- tière glycogène se fait-elle aussi pendant la vie? Pavy et quel- ques autres physiologistes ont prétendu que ce n'était qu'un phénomène cadavérique. Cependant les expériences de Cl. Ber- nard, confirmées par la plupart des observateurs, ne permettent pas de l'admettre. Si, sur un chien nourri avec de la viande dépourvue de sucre, on prend du sang, avec les précautions 488 PHVSIOLOGIE FOAGTIO.X XELLE. voulues indiquées dans les travaux de (^i. Bernard, dans la veine porte et dans la veine sus-hépatique, on constate que la veine porte ne contient pas de ijiycose, tandis que le sang des veines hépatiques en contient toujours une certaine quantité; il s'est donc formé du sucre entre la veine porte et la veine sus-hépa- tique, et ce sucre ne peut s'être formé que dans le foie. Du reste, la constatation directe a été faite, et l'analyse d'un fragment de foie pris sur l'animal vivant a montré la présence du sucre d'une façon incontestable; seulement ce sucre se trouve en très-petite quantité, parce qu'il passe au fur et à mesure dans le sang des veines sus-hépatiques {'). Quel est maintenaut le mécanisme de la formation du sucre aux dépens de la matière glycogène? Cette transformation est une fermentation véritable. Tous les ferments. diastatiques, suc pancréatique, salive, les tissus aniniiiux altérés, opèrent cette transformation. Dans le cas spécial, ce ferment existe dans les cellules hépatiques dont il peut être extrait, môme sur un foie exsangue, par les procédés d'extraction de la ptyaline. Ce ferment hépatique est détruit par l'ébullition; aussi, quand on projette dans l'eau bouillante un fragment de foie, la transformation du glycogène en glycose ne se fait plus, le ferment étant détruit; mais elle recommeiice si on ajoute un ferment diastatique. L'origine de ce ferment hépatique est encore douteuse. 11 paraît venir du sang et être fixé par les cellules hépatiques, mais où le sang le prend-il? Est-ce la ptyaline résorbée dans l'intestin ? Est-ce un simple produit forriié au moment de la destruction des tissus (Lépine), ou des globules sanguins (Yan Tiegel)? Ce dernier observateur a vu en effet que les globules, au moment de leur destruction, transforment le glycogène en glycose à la tem- pérature de 35°; la même chose se passerait dans les capillaires du foie. S*' Du sucre dans le sang. D'après les faits mentionnés plus haut, le foie verse incessam- ment dans le sang une' certaine 'quantité de glycose. La présence (') L'extirpation du foie sur les grenouilles, pratique'e p-ar Molcschott, n'est pas suivie d'une accumulation de sucre dans le sang, preuve que le foie est bien le lieu de formation de la glycose. riivsioLOGii-: du foii-:. 489 du sucre dans le sang avait été déjà constatée dans le diabète par Mac-Clréi-or (1837), et dans le cas d'alimentation féculente par Bouchardat (1837), mais c'est CI. Bernard qui le premier démontra la présence du sucre dans le sang indépendamment de l'alimentation, et par conséquent sa production par l'orga- nisme ahimal (I8i9). 11 faut donc distinguer à ce point de vue létat du sang en dehors d'une alimentation sucrée et son état liendant une alimentation qui fournit directement de la glycose. Dans le premier cas, si. par exemple, on nourrit un chien avec de la viande tout à fait dépourvue de sucre, on ne trouve pas de sucre dans le sang de la veine porte, on en trouve dans le sang des veines hépatiques, et ce sucre ainsi fourni par le foie se retrouve dans la veine cave inférieure, le cœur droit, et, en même qxuinlité, dans le sang artériel; puis dans le sang veineux (jui revient des capillaires généraux, la quanlité du sucre est moindre que dans le sang artériel. Le sucre versé dans le sang jjar le foie n'a donc pas disparu dans les capillaires du poumon, mais il a disparu en partie dans les capillaires généraux. Ouaad l'ahmentation fournit de la glycose absorbée dans l'in- testin, les conditions changent; cette glycose ainsi absorbée se retrouve dans la veine porte en quantité variable suivant l'ali- mentation, et quand cette alimentation sucrée ou féculente est très-abondante, la proportion de sucre dans la veine porte peut dépasser celle qui existe dans les veines sus-hépaliques. mais la proportion de sucre dans tous les autres segments du système vasculaire ne varie pas et reste ce qu'elle était dans le cas pré- cédent. En résumé, dans la veine porte la quantité de sucre est variable et dépend de l'alimentation; dans la veine sus-hépatique et dans le reste du système vasculaire, elle est constante et indé- pendante de l'alimentation. La proportion normale du .sucre dans le sang serait la suivante, d'après CI. Bernard: Homme O.OO pour 1,000 llœuf 1,27 — Veau 0,99 — Ctieval 0,91 — La saignée augmente cette proportion ; l'inanition l'accroît un ])eu au début, puis la diminue. La quanlité de sucre du sang présente une assez grande constance; quand cette quantité dé- passe une certaine limite (0,1 à 0,6 p. 100), le sucre apparaît dans les urines, il y a glycosurie ou diabète. 190 PHYSIOLOGIE F ONCTION.XELLE. Le foie constitue donc une véritable réserve amylacée, qu'il fabrique soit aux dépens de l'alimentation, soit aux dépens de son propre tissu, et c'est dans cette réserve qu'il transforme peu à peu en giycose, quil puise et fournit au sang la quantité voulue de giycose nécessaire aux actes organiques qui vont être étudiés. 4P Destruction du sucre dans le sang. Que devient la giycose ainsi introduite dans le sang? Cette giycose est, comme on le sait, très-oxydable, surtout en présence des alcalis, et en elfet, si on met en contact avec du sang du sucre interverti (mélange de giycose et de lévulose), et qu'on l'examine au polarimètre, on constate aisément, par l'intensité de la déviation, la disparition graduelle de la giycose. Ce n'est ce- pendant pas cette altérabilité qui rend compte de sa disparition dans le sang, car la proportion de giycose reste sensiblement constante dans toute l'étendue du système artériel; c'est dans le trajet des capillaires que le sucre disparaît et seulement dans les capillaires généraux. En effet, les analyses comparatives du sang du cœur droit et du cœur gauche ont montré dans les deux la même proportion de sucre et prouvé, contre l'opinion admise d'abord par Pavy et quelques autres physiologistes, qu'il n'y a pas de giycose oxydée dans les capillaires du poumon. Cette destruction du sucre a lieu exclusivement dans les capillaires généraux, mais dans quels organes ? Les recherches modernes tendent à faire admettre que cette destruction du sucre se fait surtout dans les muscles (Cl. Bernard, Tiefl'enbach, Weiss, etc.); le sucre formé dans le foie serait le combustible des muscles qui l'emploieraient pendant leur contraction. Si on augmente l'activité d'un membre en excitant le nerf de ce membre, le sucre se détruit en plus grande quantité dans le sang. On verra plus loin que les muscles contiennent aussi une certaine quantité de substance glycogène; or, si on tétanise une des jambes d'une grenouille, les muscles de cette jambe contiennen*; moins de gly- cogène que les muscles de la jambe non tétanisée. (Weiss.) Dans cette hypothèse, le diabète qui succède à l'administration du cu- rare s'expliquerait par la paralysie musculaire qu'il occasionne, les muscles paralysés ne pouvant utiliser le sucre fourni par le foie. . PHYSIOLOGIE DU FOIE. 491 On voit que, d'après cette théorie, le sucre du sang aurait une influence très-i:rande sur le travail musculaire et par conséquent aussi sur la température animale, quoique cette dernière in- fluence ait été niée par Schiff, qui n'a pas trouvé d'abaissement de température chez les grenouilles dont le foie était dépourvu (le sucre. Mais ce n'est pas là le seul rôle qui lui ait été attribué. Pour les uns, il aurait une signification histogénétique et jouerait un rôle dans la formation des tissus; d'autres, au contraire, y voient un produit de désassimilation. (Rouget.) On a prétendu encore, sans preuves suflisantes, qu'il empêchait l'infiltration du tissu du poumon; mais la seule théorie acceptable est celle qui a été exposée plus haut, sans cependant nier d'une façon absolue le rôle histogénétique admis par quelques juteurs. ô*' Influence du système nerveux et de la circulation. Cl. Bernard a démontré, par une expérience célèbre, que la pi- qûre du plancher du quatrième ventricule, au niveau des origines du pneumogastrique, produit un diabète temporaire -voir: Inner- vation). D'après Dock, ce diabète ne se produirait pas chez les animaux dont le foie est dépourvu de matière glycogène à la suite de l'inanition, et le même observateur a constaté que chez ces animaux l'ingestion de sucre ne fait pas reparaître le glycogène dans le foie. L'interprétation de l'expérience de Cl. Bernard est assez difficile. Après l'opération, les vaisseaux du foie sont dila- tés et gorgés de sang, de sorte (|ue le diabète semble devoir être rapporté à des troubles de l'innervation vasculaire d'autant plus que des centres vaso-moteurs se trouvent dans la même région. 11 y aurait dans ce cas paralysie vasculaire du foie. Mais cette paralysie ne paraît pas due à la destruction d'un centre vaso-moteur, puisque le diabète n'est (juc temporaire; il serait plutôt dû à une excitation de nerfs vaso-dilatateurs analogues aux libres de la corde du tympan qui dilatent les artères de la glande sous-maxillaire. .(Cl. Bernard. i La section des fibres de l'anneau de Yieussens et la destruction du ganglion cervical inférieur et du premier ganglion Ihoracique produisent aussi le diabète. iCyon et AladotV.) L'excitation du bout central du pneumogas- trique a le même résultat, tandis que l'excitation du bout péri- 492 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. phériqiie reste sans effet. (Cl. Bernard.) La piqûre du quatrième ventricule ne produit plus le diabète si on a sectionné primi- tivement le sympathique ou le splanchnique qui contiennent les vaso-moteurs du foie; mais si la section de ces deux derniers nerfs est faite aprè^i la piqûre, le diabète ne s'en produit pas moins. Ce qui prouve que, dans le cas de piqûre diabétique, le sucre de l'urine provient bien du foie, c'est que le sucre cesse d'appa- raître dans l'urine après la ligature du foie, et que la piqûre diabétique ne réussit pas cbez les grenouilles d'hiver dont le foie est dépourvu de sucre. (Schiff.) La section de la moelle chez un animal à sang chaud (entre la dernière cervicale et la première dorsale) fait disparaître le sucre du sang et du foie, tandis que la substance glycogène s'accumule en quantité considérable dans le foie. La théorie de ces phénomènes physiologiques est très-diffîciie à donner, et l'application qu'on a voulu faire de ces expériences à la formation du diabète, tant artificiel que pathologique, est encore prématurée. Le cadre de ce livre ne comporte pas l'expo- sition de toutes les hypothèses qui ont été proposées. 6*^ Glycogénie placentaire et histologique. La découverte de la substance glycogène dans le foie par Cl. Bernard fut bientôt suivie d'une autre découverte qui donna à cette question de la glycogénie une extension inattendue. Cl. Bernard, puis Rouget, rencontrèrent en effet cette substance glycogène dans le placenta et successivement dans plusieurs des tissus de l'embryon, muscles, poumons, épithélium de la peau et des muqueuses, etc., et cette substance glycogène disparaissait à mesure que le foie augmentait de volume et d'activité, de façon qu'à la naissance on n'en trouvait guère plus que dans les muscles. Après la naissance, l'existence de la matière glycogène a été constatée dans les muscles, ce qui s'accorde avec la théorie émise plus haut au sujet de la destruction de la glycos^; enfin Hoppe- Seyler a trouvé récemment de la substance glycogène dans les globules de la lymphe. Ces faits permettent donc de concevoir le fait de la glycogénie comme un fait plus général que ne l'avait cru au début Cl. Ber- PHYSIOLOGIE DU FOIE. 493 iiard, et de considérer la substance glycogène ou zoamyline, à la façon de Uouj/et, -comme une partie essentielle des tissus animaux, au même titre que la graisse et les albuminoïdes, et surtout des tissus en voie de formation. Mais cette conception générale n'atteint en rien, comme on l'a prétendu, la fonction glycogénique du foie telle que l'avait comprise Cl. Bernard, et le foie n'en reste pas moins le foyer par excellence de la fabrication de la substance glycogène et de la glycose. h. — Autres fonctions du foie. Outre le rôle du foie dans la sécrétion biliaire et dans la gly- cogénie, on a attribué à cet organe des fonctions très-diverses, mais que je laisserai de côté pour ne parler que de deux théories ({ui s'appuient sur des faits physiologiques. 1° Du foie comme organe producteur de graisse. — Le foie est, comme le prouvent les faits pathologiques, très-sujet à la dégénérescence graisseuse, et les cellules hépatiques ont une aptitude toute spéciale à se charger de graisse dans certaines conditions môme physiologiques; dans ces cas, l'infiltration grais- seuse débute en général par les cellules périphériques du lobule, c'est-à-dire les plus rapprochées des rameaux de la veine porte. Cette production de graisse dans le foie paraît se faire dans des conditions qui la rattacheraient intimement à la glycogénie. En effet, d'après Tschérinoff^ la matière glycogène donnerait nais- sance non-seulement à de la glycose, mais encore à de la graisse. Cette graisse serait très-oxydable, comme celle qu'on rencontre dans l'huile de foie de morue par exemple, et épargnerait par conséquent une certaine quantité d'oxygène ou mieux diminuerait le besoin d'oxygène de la respiration. 11 y aurait donc sous ce rapport, et c'est ce qui existe en réalité, balancement entre le foie et le poumon. Partout où la respiration est peu active (embryon, poissons) le foie est très-volumineux; c'est l'inverse dans les conditions contraires; ainsi les oiseaux ont une respi- ration très-active et le foie très-petit. (Neumann.) 2" Du foie comme organe hématopoiétirjuc. — On a attribué au foie un double rôle dans la constitution des globules sanguins; il serait, pour les uns, formateur, pour les autres destructeur, enfin pour quelques physiologistes il aurait à la fois les deux rôles. 494 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. II est très-probable, en premier lieu, (fu'il y a dans le foie (leslruclion des globules rouges. En effet, la bilirubine dérive de l'hémoglobine en perdant du fer (voir : Désassimilation), et les globules sanguins rencontrent dans les acides biliaires qui se forment dans le foie des agents de destruction; enfin }\aunyn, en injectant une solution d'hémoglobine dans la veine porte, a vu cette hémoglobine se transformer en bilirubine. D'autre part, Lehmann, en s'appuyant surtout sur les caractères des globules sanguins et leur proportion dans le sang de la veine porte et dans le sang des veines sus-hépatiques, a cru pouvoir conclure à la formation dans le foie de globules rouges; les globules dans les veines hépatiques seraient plus petits, plus sphériques, moins résistants à l'eau, en un mot auraient des caractères plus jeunes. Mais les recherches ne sont pas assez précises pour qu'on puisse en tirer une conclusion positive. Cependant si on réfléchit que le fer perdu par l'hémoglobine pour se transformer en bilirubine doit se retrouver quelque part et qu'il ne se rencontre ni dans le tissu hépatique, ni dans la bile (qui n'en renferme que des quan- tités infinitésimales), on est porté à admettre que ce fer est repris pour entrer dans la constitution des globules sanguins de nouvelle formation. 6. — PHYSIOLOGIE DES GLANDES VASCULAIRES SANGUINES. La physiologie de ces organes est encore très-obscure, cepen- dant un lien étroit les rattache tous entre eux, c'est qu'ils jouent un rôle essentiel dans la formation des globules blancs. Tous ces organes peuvent être considérés comme des dérivés plus ou moins perfectionnés du tissu connectif, tel qu'on doit le comprendre d'après les données modernes (voir page 225), et leur structure générale se réduit en dernière analyse à des lacunes conneclives dont les mailles, infiltrées de globules blancs, sont constituées par du tissu réticulé et s'abouchent avec les origines des capillaires lymphatiques. Si l'on suit la série progressive de modifications anatomiques que ces organes présentent en se perfectionnant, on trouve d'abord le degré le plus simple, ce qu'on peut appeler Vinfiltration lymphoule diffuse, dans laquelle le tissu connectif réticulé s'infiltre de globules blancs, comme dans la muqueuse intestinale; dans un degré plus avancé, Tinfil- GLANDES Y.VSCULAIRES SANGUINES. 49:. tration lymphoïde est circonscrite, elle se dégage du tissu ambiant et forme une petite granulation arrondie ou follicule clos: tels sont les corpuscules de Malpiglii de la rate. Mais ces follicules clos ne restent pas ainsi isolés: ils se réunissent, ils s*agminenf en masses plus ou moins volumineuses, comme dans les -plaques de Payer de l'intestin. Enfin, dans un degré de développement supérieur, ils constituent de véritables organes, amygdales, glandes lymphatiques, thymus, etc., pour trouver en dernier lieu, dans la rate (') qui occupe le sommet de la série, leur maxi- mum de développement. (Voir aussi sur ce sujet, Beaunis et Bou- chard, Anatomie, 2^ édit., p. 896.) L'élément caractéristique de tous ces organes, leur produit commun, c'est le globule blanc, et si son mode de formation n'est pas encore bien éclairci au point de vue histologique, il n'y a plus aujourd'hui de doute sur le lieu de sa formation. Il est probable qu'il faut séparer de cette catégorie d'organes lymphoïdes un certain nombre d'organes rangés habituellement parmi les glandes vasculaires sanguines, La glande thyroïde, par exemple, paraît avoir des rapports intimes avec la circulation cérébrale et n'être autre chose qu'un diverticulum de cette circulation. D'autre part, les capsules surrénales et la glande pilui- taire semblent, par leurs connexions et leur mode de développe- ment, se rattacher surtout au système nerveux du grand sympa- thique. Enfin, il est encore quelques petits organes, glande coccygienne, ganglion intercarotidien. dont la fonction est encore indéterminée. On n'étudiera donc dans ce chapitre que les organes lym- phoïdes, glandes lymphatiques, thymus, rate, etc., en rapport avec la production des globules blancs. 1*^ Physiologie des organes lyrnphoicles. Les organes lymphoïdes (infiltration lymphoïde, follicules clos, glandes lymphatiques, etc.) ont pour rôle essentiel la formation des globules blancs. Ces globules blancs, formés dans les mailles du tissu réticulé par un mécanisme encore inconnu, sont versés (•) La rate des sauriens et des reptiles repre'sente la transition entre les glandes lymphatiques et la rate des vertebrés'supérieurs. 490 PHYSIOLOGIE F0>" CTIO.WXELLE. dans les radicules lymphatiques et passent de là dans le courant sanguin. 11 est possible cependant que des globules blancs soient formés en dehors de ces organes lymphoïdes et dans les lacunes mêmes du tissu connectif, ce qui se comprend facilement si Ton réfléchit que les organes lymphoïdes ne sont, comme on l'a vu plus haut, qu'une transformation du tissu connectif réticulé; ce tissu connectif, sous une influence particulière, une irritation par exemple, prolifère, et le produit de cette prolifération est une formation de globules blancs, une inhltration lymphoïde diffuse. Aussi peut-on trouver des globules blancs dans la lymphe avant même que cette lymphe ait traversé un ganglion. Des recherches récentes de Cohnheim, confirmées par beau- coup d'observateurs, infirmées par d'autres et en particulier par Cohnheim lui-même qui est revenu sur ses premières assertions, tendraient à faire admettre que les globules blancs trouvés dans les lacunes connectives et quelquefois en si grande quantité, comme dans l'infiammation, proviennent des globules blancs du sang qui auraient traversé la membrane des capillaires sanguins. Celte migration des globules blancs (et des globules rouges) à travers la paroi des vaisseaux a donné lieu à de nombreuses controverses qui ne sont pas encore terminées aujourd'hui et pour lesquelles je renvoie aux traités d'histologie et d'anatomie pathologiques et aux mémoires spéciaux. Les fonctions du thymus paraissent identiques à celles des ganglions lymphatiques. 2" Physiolofjie de la rate. L'étude analomique de la rate donne des indications précieuses pour sa physiologie; l'identité des corpuscules de Malpighi et des follicules clos révèle à yîJiori son rôle d'organe formateur de globules blancs, rôle confirmé par \q?^ faits physiologiques et pathologiques. Mais cette fonction n'est pas la seule qu'on puisse attribuer à la rate, et son intervention dans les phénomènes de nutrition et en particulier dans l'hématopoièse, paraît plus com- plexe que celle des organes lymphoïdes proprement dits. Le volume de la rate éprouve des modifications très-rapides qui correspondent à l'activité circulatoire de l'organe et à son innervation. Il présente en effet, à ce double point de vue, une GLANDES YASCDL.VIRES SAXGULXES. 497 disposition sur laquelle Yulpian a insisté; le volume de la rate dépend de deux conditions antagonistes: r la pression du san"- dans l'artère spléniquc, pression qui distend les mailles de la rate; 2" la contraction tonique des fibres lisses des trabécules qui tend à rétrécir ces mailles; si on détruit le plexus nerveux qui entoure lartère, on paralyse les fibres lisses des trabécules et la rate se dilate sous l'iafluence de la pression sanguine qui n'est plus équilibrée par la contraction des fibres lisses; si on lie l'ar- tère en respectant le plexus, le gonflement de 'la rate ne se produit pas (Bochefontaine); si on lie à la foi? le plexus et l'ar- tère, la rate se gonfle par reflux veineux. (A. Moreau.) Ces varia- tions de volume de la rate correspondront donc aux variations de la circulation abdominale, et toutes les fois que cette circula- tion sera activée (digestion, course, etc.) la rate en ressentira plus que tout autre organe le contre-coup. La rate n'est pas seulement très-dilatable, elle est contractile. Cette contractiUîé de la rate, encore controversée chez Tliomme, est incontestable chez les animaux, où elle a été constatée direc- tement. (Defermon.) Cette contractihté, comme l'ont montre les recherches de Cl. Bernard, Schifl', TarchanoO", Bochefontaine, est sous 1 mfluence de l'innervation. L'excitation du plexus splénique, du ganglion cœliaque, du grand splanchnique, du eraud sym- pathique droit, de la partie supérieure de la moelle épiniere 'du bulbe, produisent sa contraction par action directe. Cette con- traction se fait encore par action réflexe si on excite le bout central du pneumogastrique ou des nerfs sensitifs (ischiatique, médian). Le vomissement, la nausée produisent le même résultat' La quinine, la strychnine, le camphre, l'eucalvplus, sont encore des constricteurs de la rate. La contraction de la rate chasse directement le sang des veines spléniques, qui sont intimement adhérentes au tissu trabéculaire. (Fick.) ^ Le poids de la rate augmente au moment de la digestion ; Schonfeld, dans ses expériences sur des lapins, a trouvé que le maximum du poids de la rate se présentait cinq heures après le repas. L'élude comparée du sang de l'artère et de la veine, et celle do la pulpe splénique, ont donné des résultats intéressants pour la physiologie de cet organe. La pulpe splénique contient des élé- ments de plusieurs sortes : 1° Des globules blancs; Beaunis. PllVS. 498 l'HYSIOLOC.IK FOXGTI ON.NK LLE. 2" Des globules granuleux plus volumineux, de nature indé- terminée ; 3" Des globules rouges :• 4" Des formes de transition entre les globules blancs et les globules rouges ; 5° Des cellules qui contiennent des globules rouges ou des débris de ces globules et dont la signification a été très-discutée, on les a regardées comme des globules rouges en voie de des- truction; en réalité ce sont des globules rouges enfermés dans des globules blancs amœboïdes, comme le sont les corps étran- gers, les grains d'amidon, par exemple, qui peuvent se trouver eu contact avec ces globules blancs (voir page 210). Le sang de la veine splénique conlient plus de globules blancs que le sang de l'artère; il est aussi moins coagulable, quoique, d'après Béclard et Ciray, il renferme plus de fibrine, fait nié par Funke. Estor et Saint-Pierre y ont trouvé moitié moins d'oxygène pendant la digestion que pendant le jeûne. V extirpation de la rate, faite plusieurs fois avec succès chez l'homme et qui réussit très-bien chez les animaux, ne donne pas de résultats très-nets au point de vue de la physiologie, et il n'y a pas lieu de s'en étonner, puisque les autres organes lymphoïdes peuvent dans ce cas la suppléer dans la formalion des globules bla'ncs. L'hypertrophie des ganglions lymphatiques s'est montrée dans quelques cas; l'excrétion de l'urée augmente (Friedleben) : la proportion des principes solides du sang diminuerait (Bec- querel et llodieri ainsi que la quantité de fer (Maggiorani); mais en tout cas, un fait certain, c'est que la santé générale n'en est pas atteinte et que les animaux se retrouvent très-vite dans les mêmes conditions qu'avant l'opération. On avait cru remarquer une régénération de la rate après son extirpation iPhihpeaux) ; mais, d'après les expériences de Pey- rani, il est probable que cette régénération ne se produit que quand l'extirpation a été incomplète ('). (') Dans un cas d'extirpation incomplète de la rate sur une lapine pleine, le fragment de rate laisse' dans l'abdomen (le huitième environ de la rate normale) ne s'était pas régénère au bout de cinq mois et demi environ. Je trouvai à sa place un petit corps blanc-jaunâtre de la grosseur d'une noi- sette; en l'incisant je vis qu'il formait une sorte de kyste à parois assez e'paisses, rempli par une matière blanche, molle, analogue à du suif, in- soluble dans l'éther et le chloroforme; au microscope et traitée par l'acide chrornique étendu, cette matière se composait de globules blancs un peu GLA.NDKS VASCULAIIIKS SAMjLI.XES. 499 Les données précédentes permettent donc de considérer ia formation des globules blancs comme la fonction essentielle de la rate; aussi dans certaines affections, quand son activité est exagérée, voit-on les globules blancs s'accumuler dans le sang (leucémieV Tarchanofî' a constaté cette leucémie. quatre jours après la destruction de tous les nerfs de la rate. Il paraît se faire en outre dans la rate une formation de glo- bules rouges, ou plutôt la transformation des globules blancs en globules rouges paraît s'elTecluer dans cet organe d'une façon plus ou moins complète (Scbônfeld , Kôllikèr, Funke). C'est du moins ce qu'on est en droit de conclure de l'existence daus la pulpe splénique des formes de transition, mentionnées plus haut. entre les globules blancs et les globules rouges. Beaucoup de physiologistes, Kôllikèr, Ecker, Béclard, etc., ont admis aussi que la rate était un lieu de destruction des globules rouges. Cette opinion s'appuie surtout sur les formes cellulaires particulières qu'on rencontre dans la pulpe splénique, globules rouges plus ou moins altérés enfermés dans des globules amœ- boïdes, globules rouges libres altérés ou fragments de globules. H est diliicile, sur ces simples données, d'affirmer celte destruc- tion de globules sans qu'on puisse cependant la nier d'une faço:i absolue. Des recherches plus précises permettront seules de décider la question. Le rôle probable de la rate dans la réserve organique des albvminoïdes a été déjà mentionné page 241. Quant aux autres hypothèses faites sur les fonctions de la rate, elles ne s'appuient pas sur des faits physiologiques assez positifs pour qu'il soit nécessaire d'en parler. .le ne ferai que rappeler la théorie de Schiff sur l'influence de la rate sur la digestion pan- créatique; d'après cet auteur, après l'extirpation de la rate, le pancréas aurait perdu le pouvoir de digérer les albuminoïdes, assertion complètement démentie par les faits. anguleux et déformés par la pression réciproque. Il est probable que les globules blancs formés dans le fragment de rate resté dans l'abdomen, ne pouvant plus être entraînés par la circulation, s'étaient accumulés pendant que le réticulum de la pulpe splénique se résorbait. L'appendice coccal, très-ricbe. comme on sait, chez le lapin en follicules clos, était conges- tionné, très-vascularisé et pourvu de deux glandes lymphatiques qui lui étaient iniimement accolées. Le sang, le foie et les autres organes n'of- fraient rien de particulier. L'animal était bien nourri et très-gras. Cette lapine mit bas, 26 jours après l'opération, quatre petits à terme dont trois moururent immédiatemeut. 500 PHYSIOLOGIE FOXCTIONNELLK. Outre ses fonctions nutritives, la rate joue encore le rôle d'un diverticulum pour la circulation abdominale et en particulier pour la circulation du foie et de l'estomac. (Gray, Dobson, Lon- get, etc.) La moelle osseuse, d'après des recherches récentes (Neumann, Rizzozero, Hoyer), se rapprocherait beaucoup de la rate et servi- rait aussi à la formation des globules blancs et à leur transfor- mation en globules rouges. On y rencontre une grande quantité de globules blancs et les mômes formes de transition que dans la pulpe splénique. 7. — STATIQUE DE LA NUTRITION. On peut, en donnant à un animal une quantité convenable d'aliments, compenser exactement les pertes de l'organisme; il y a alors équilibre parfait entre les entrées et les sorties, entre le gain et la perle. Chez l'homme, ce cas ne peut guère se réaliser expérimentalement, mais on peut très-bien le concevoir au point de vue théorique et l'on a pu ainsi, en se basant sur les données physiologiques, étabUr pour l'organisme humain dans des con- ditions moyennes le bilan exact de la recette et de la dépense. C'est ce bilan que présentent, pour 24 heures, les deux tableaux suivants empruntés à Yierordt. Le premier tableau donne en grammes le chiffre des différents ahments introduits dans l'or- ganisme et de l'oxygène inspiré. Le second tableau donne les pertes de l'organisme par les poumons, la peau, l'urine et les excréments. Oxygène inspiré. . . Albuminoïdes. . . . Graisses Amidon .330 Eau Sels - . . L - ■ ENTRÉES. Total. Carbone. Hydrogène. Azote. Oxj-gène. 744,1 — — — 744,11 120 64,18 8,60 18,88 28,34 90 70,20 10,26 — 9,54 330 146,82 20,33 — 162,85 2818 — — — — 32 — ■ — — — 4134,1 281,20 39,19 18,88 944,84 (') Les chiffres supérieurs placés entre accolades sur la ligne de l'urine correspondent aux éléments des principes azotés, les chiffres inférieurs, aux éléments des principes non azotés. Les 2968^,3 d'eau formés dans l'orga- nisme ont été comptés à part pour fa'ciliter la comparaison de l'eau in- gérée avec l'alimentation et de l'eau éliminée. STATIOl'l-: I)K LA NL'TIUTIO.X. 501 IL — SORTIES l'i. Total. Eau. Carbone. Hydrogène. Azote. Oxygène. Sels. lespiration .... 1229,0 330 248,8 — ? C51.15 — .^eau GG9,8 000 2,0 — — T,2 — \ G.S } \ 2,3 ) \ 15,8 M 9,1 ' cp >'"<^ l'6C,0 1700 I ^^ ^ ■ 1 Q ^ j _ ^ j 2,0 \ -^ -èces 172,0 128 20,0 3,0 3,0 12,0 0 sau formée dans Tor- ganisme 290.3 - - 32,89 - ^^3,41 - 4134 2818 281,2 39,19 18,8 944,80 32 On voit, d'après le tableau des entrées, que dans ralimentatioii les principes azotés sont aux principes non azotés dans le rap- port de 1 à 3 Vj. Ce rapport ,est en effet à peu près conservé dans les rations alimentaires employées pour les adultes dans les différents pays. Le second tableau montre que la respiration élimine 32 p. 100, la peau 17 p. 100, l'urine i6,.5 p. 100, les fèces 4,5 p. 100 en- viron de la totalité des produits éliminés. La part que prennent les différents organes et les différents tissus de l'organisme dans les phénomènes de nutrition n'a pu encore être faite d'une façon satisfaisante, et il a été jusqu'ici impossible de dre.^ser pour cba([ue organe comme on l'a fait pour l'organisme entier, le bilan de la recette et de la dépense, autrement dit la statique de la nutrition ; on sait seulement (jue cette nutrition est plus active dans certains organes ([uc dans d'autres sans qu'on puisse cependant la formuler en chiffres précis. Il peut être important pour rétiide des actes nutritifs dans les diffé- rents organes de connaître le poids des organes et des tissas les pins importants du corps; voici ces poids, en grammes, d'après les recher- ches de Ivrause et E. Bischoff : 502 riIYSIOLOGIE FOXCTIO N.XELLE. Muscles et tendons. . . . 35,158?'' Vessie et pénis l'OOS"" Squelette frais 9,753 Pancréas. 88 Teau et tissu adipeux. . , 7,404 Langue avec ses muscles . 83 Sang 5,000 Larynx, trachée et bronches. 79 ' Foie l,8ôG OEsophage 51 Cerveau 1,430 Parotides ^ 50 Poumons 1,200 Moelle épinière 36 Intestin grêle 780 Testicules 3G Gros intestin 480 Glandes sous-maxillaires. . 18 Gros vaisseaux 361 Prostate 18 Reins 292 Yeux ;I5 Cœur 292 Glande thyroiie 15 Troncs nerveux 290 Capsules surrénales ... 11 Rate 246 Thymus 7 • Estomac 202 Glandes sublinguales ... 6 Il est très-rare que l'égalité indiquée plus haut existe entre les entrées et les sorties, de sorte qu'en réalité, même chez l'adulte qui a atteint sa croissance, le corps ne peut se maintenir dans le statu quo ai suivit continuellement des variations, soit en plus, soit en moins, variations qui cependant, dans les conditions nor- inales, ne sont jamais assez considérables pour que son poids augmente ou diminue d'une quantité notable. Les variations de cet équilibre entre les entrées et les sorties peuvent tenir soit aux premières soit aux secondes. Si l'apport alimentaire augmente sans que cette augmentation soit compensée par une élimination correspondante, le poids du corps augmentera et il augmentera proportionnellement à l'excès de la recette sur la dépense. Si au contraire l'élimination s'accroît sans que la dépense soit couverte par une introduction suffisante d'aliments, l'organisme perd de son poids et cette perte est en rapport avec le degré d'écart qui existe entre les sorties et les entrées. Enfin les variations, soit dans les entrées, soit dans les sorties, peuvent porter non pas seulement sur la totalité des produits qui les composent, mais exclusivement sur quelques-uns de ces pro- duits. Ainsi, par exemple, il pourra y avoir privation totale d'aliments comme dans l'inanition absolue, ou bien on pourra, au lieu de priver un animal de toute alimentation, retrancher seule- ment dans sa nourriture certains principes, tels que les albumi- noïdes, les sels, etc., en y conservant tous les autres; il se pro- duira dans ce cas des troubles particuliers aussi intéressants à étudier pour le physiologiste que pour le médecin. STATIQUE DE LA iNUTRITIUX. 503 Il en sera de même pour les produits d'élimination ; quoique nous ne puissions agir que d'une manière très-incomplète sur l'élimination des produits de déchet comparativement avec la facilité que nous avons de varier l'alimentation, nous pouvons cependant, dans de certaines limites, diminuer ou augmenter l'in- tensité des diverses excrétions et arriver ainsi à des résultats physiologiques importants. A. — INFLUENCE DE LALIMEXTATIGX SUR LA NUTRniGX. 1" Inanition. Dans l'inanition (privation absolue d'aliments), la substanee de l'organisme se détruit peu à peu; la désassimiiatioii continue à se faire dans les tissus et les organes et, pour réparer ces ])ertes, ceux-ci ne peuvent s'adresser qu'au milieu intérieur, au sang; mais le sang cesse bientôt, faute d'alimentation, de fournir aux tissus les principes nécessaires à leur réparation. Il arrive donc un moment où il n'y a plus que désassimilation sans assimilation correspondante ; à partir de ce momenl, les organes et les tissus perdent de leur poids, seulement cette perte de poids n'est pas la même pour les divers organes; elle se fait très-rapidement pour ceux dans lesquels la nutrition est très-active, beaucoup moins vite pour ceux où la nutrition est très-lenle. Cependant, deux autres conditions interviennent encore : d'une part, la nature chi- mique même du tissu: d'autre part, la nature des principes répara- teurs que le tissu doit prendre dans le sang. Ainsi la graisse, sub- stance très-oxydable, disparaît la pi'emière dans l'organisme, d'au- tantplus que la faible proportion de graisse contenue dans le sang est loin de sullire à une réparation même incomplète du tissu adipeux. Les substances albuminoïdes, au contraire, perdront moins rapidement de leur poids, tant à cause de leur désassimi- lation plus lente qu'à cause de la provision d'albumine qu'ils trouvent dans le sérum sanguin. Le sang sera donc le premier atteint dans l'inanition; pourtant, à cause de sa fixité de compo- sition, les proportions de ses divers principes constituants ne varient pas autant qu'on pourrait le supposer au premier abord. Il diminue de quantité, se concentre, perd de son albumine, tandis que la quantité relative de globules rouges et de fibrine ne varie 50^^ THYSIOLOGIE FO.\CTIO^^-ELLE. pas sensiblement; mais il y a diminution absolue du nombre des globules rouges. Parmi les organes et les tissus, ceux qui sont le siège de la réserve organi.iue (voir page 341) sont atteints d'a- bord par Imanition; puis, quand cette réserve a disparu Jes autres organes diminuent îx leur tour. Les deux tableaux suivanP^ empruntés à Chossat et à Voit, donnent la perte de poids pour cent subie par les différents organes à la fin de Pinanition. Chossat. YoiL ^^^''^'■sse 93,3 97,0 '^3"g 75,0 27,0 ^^^^^ 71,4 66,7 ^'^^(^ré^^ 64,ï 50,0 ^ ^^^'' 52,0 53.7 Cœu'' 44,8 32,6 -^^uscles 42^3 305 Rf^'is 3t,9 25,0 ^^ 16,7 13,9 Centres nerveux .... 10 99 En même temps, les sécrétions diminuent de quantilé et de- viennent plus concentrées; l'urine est fortement acide même chez les herbivores, et la proportion de l'urée baisse d'abord vite puis plus lentement, jusqu'à la mort. Les échanges gazeux respi- ratoires sont moins intenses, la proportion d'acide carbonique expiré devient plus faible ainsi que l'absorption d'oxygène ; seu- lement, les oxydations dans l'organisme portant alors surtout sur la graisse, une partie de l'oxygène absorbé ne se retrouve pas sous forme d'acide cai-bonique. Ces troubles de la nutrilion s'ac- compagnent de troubles correspondants dans la production de forces vives; la température s'abaisse et cet abaissement serait, d'après Chossat, de (),;] degré par jour pour les animaux à sang chaud; l'activité musculaire perd peu à peu de son énergie, et celte faiblesse générale atteint bientôt le cœur et les muscles ins- pirateurs; les respirations sont plus rares, le pouls faible et moins fréquent. L'innervation, et surtout l'innervation cérébrale, paraît le moins atteinte; c'est, du moins, ce qui semble résulter de ce fait que les fonctions intellectuelles s'exercent presque jusqu'à la mort et que le cerveau est de tous les organes celui qui perd le moins de son poid.^^. La mort dans l'inanition arrive au bout d'un temps variable, suivant les espèces animales et les conditions STATIQUE DE LA M'TIUTION. 505 individuelles; chez l'homme, les chiffres donnés sont très-diffé- rents, et il est diflicile de préciser une moyenne : on cite des cas dans lesquels la vie s'est prolongée jusqu'à trois semaines. Chez les oiseaux et les petits mammifères la mort arrive, en général. au bout (le ueuf jours; elle est plus rapide chez les jeunes ani- maux, et d'autant plus lente que le corps est plus riche en graisse. Chez les animaux ix sang froid, l'inanition peut être supportée beaucoup plus longtemps : ainsi, des grenouilles peuvent vivre plus de neuf mois sans nourriture {'). On peut rapprocher de l'inanition les phénomènes d'hiberna- tion. Pendant rhibernation, qui peut durer jusqu'à 103 jours, l'animal ne prend aucune nourriture et il est intéressant de rap- procher des chiffres tlonnés plus haut les chiffres ci-dessous, qui indiquent, d'après Valentin, la perte de poids pour cent subie par les différents organes à la fin de l'hibernation (marmotte). Graisse 99.31 Glande d'hibernation ....*.. G8,78 Foie 58,74 Muscles • . . . . 30.00 Os 11.09 Pour les reins et le cerveau la perte était pres([ue insensible. 2" Alimentation insuffisante. L'alimentation peut être insuffisante de deux façons : ou bien elle peut contenir tous les aliments simples indispensables pour la nutrition de l'individu (eau, sels, albuminoïdes, hydrocarbonés et graisses), mais en quantité trop faible, ou bien l'un ou l'autre de ces aliments simples peut manquer complètement. Dans le premier cas {inanitialion) , \q> phénomènes se rap- (') Les animaux à sang froid présentent, du reste, au point de vue de la persistance de leurs propriéte's de tissu, une vitalité beaucoup plus «rrande que celle des animaux à sang chaud. On a vu déjà que l'irritabilité mus- culaire et l'excitabilité nerveuse subsistaient chez eux longtemps après la mort. Une expérience curieuse de Cohnheim démontre d'une manièfL- frappante cette ténacité des propriétés vitales. 11 injecte dans le système circulatoire d'une grenouille une solution de chlorure de sodium à 0,75 p. 100, jusqu'à ce que tout le sang de l'animal ait été entraîné par l'injec- tion et qu'il ne reste plus dans les vaisseaux que la solution saline; cette grenouille salée continue à vivre pendant plusieurs jours comme une gre- nouille normale. 506 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. prochent beaucoup de ceux de l'inanition proprement dite; seu- lement, leur intensité et leur rapidité d'apparition sont en rapport avec la quantité du déficit alimentaire. Cette inanition lente peut même se prolonger presque indéfiniment sans (|ue la mort en soit la terminaison nécessaire, si, comme dans la misère, la pro- portion d'aliments, insufllsantepour développer dans sa plénitude l'activité vitale, suiTit cependant pour entretenir l'exislence. Dans le second cas, quand un des aliments simples mentionnés plus haut vient à manquer complètement, et le cas ne se réalise guère (lue dans des recherches expérimentales, il survient des phéno- mènes particuliers qui ont été étudiés par plusieurs physiolo- gistes et surtout parPettenkçfer et Voit, phénomènes qui donnent des indications précieuses sur les actes intimes de la nutrition. [° Privation d'eau dans Talijacntation. — La privation absolue d'eau (boissons et eau des aliments solides) dans l'alimentation d'un animal équivaut bientôt à une inanition complète; les sécré- tions ne tardent pas à s'arrêter, spécialement la sécrétion rénale; l'éUmination par la peau et les poumons paraît aussi diminuer; enfin la mort arrive avec des accidents qui ont été indiqués page 359. 2'' Privation de sels dans V alimentation. — La privation ab- solue de sels dans l'alimentation amène dés troubles profonds dans l'organisme, troubles dont il a déjcà été parlé dans le cha- pitre des aliments (p. 360). Quand la suppression, au lieu déporter sur l'ensemble des principes minéraux, porte sur un seul de ces principes (chlorure de sodium, potasse, etc.), les accidents varient suivant le rôleaUmentaire de chacun d'eux (voir p. 360etsuiv.). 3" Privation dUilhinninoïdes dans ï alimentation. — Une nour- riture composée exclusivement de graisse ou d'hydrocarbonés, à l'exclusion de tout principe azoté, ne peut suffire longtemps pour entretenir l'existence. Le fait le plus important, dans ce cas, c'est la diminution de l'urée, diminution pins marquée encore avec les hydrocarbonés qu'avec la graisse. Cette diminution d'urée tient non-seulement à l'absence d'aliments azotés, mais encore à une désassimilation moins active des substances albuminoïdes de l'organisme; en effet, la quantité d'urée excrétée est plus faible qu'elle ne le serait dans l'inanition pure et simple; la graisse introduite par l'alimentation a donc détourné à son profit une partie des oxydations internes et épargné d'autant la consomma- tion des principes azotés de l'organisme. STATIOL'E DE LA .NUTRITl O.X. 507 4" Privation d'aliments non azotrs. — Chez les herbivores et les omnivores, les ahments azotés, ingérés seuls et à Texclusion des hydrocarbonés et des graisses, ne peuvent suffire à l'existence, leurs organes digestifs n'étant pas disposés pour digérer et ab- sorber la quantité d'albuminoïdes nécessaires pour l'entretien de la vie. Mais chez les carnivores il n'en est plus de même, et les albuminoïdes, à eux seuls, peuvent suffire, au moins pendantuii certain temps, à condition qu'ils en ingèrent des quantités consi- dérables. Ainsi Pettenkofer et Voit ont pu maintenir un chien (le 30 à 35 kilogrammes dans le statu quo pendant 49 jours, en lui donnant par jour 1,500 grammes de viande (dégraissée). Dans ces conditions, la quantité d'urée excrétée dépend de l'alimentation, et tout l'azote de la viande ingérée se retrouve sous forme d'urée dans l'urine. Quand on augmente encore la ration de viande, il arrive un moment où l'animal engraisse : tout l'azote de l'alimentation re- parait bien dans l'urine à l'état d'urée, mais il n'en est pas de même du carbone qui ne se retrouve pas intégralement dans l'urine et dans les produits de l'expiration: une partie du carbone ingéré a donc servi à la formation de la graisse. Le tableau suivant donne une idée des recherches de BischofT et Voit sur ce sujet et montre à quelles proportions peut monter, dans ces con- ditions, la production de l'urée. Les expériences ont été faites sur un chien : les chiffres donnent les quantités en grammes pour vingt-quatre heures : Changement Viande Eau Quantité Quantité .le iuf^érée. ingérée. d'urine. d'urée. poids du corps, 0 185 194 12 — 15 — 4 62 176 0 266 26,8 — 405 300 0 318 32,6 — 335 600 0 457 49,0 — 206 900 0 643 67,8 — 126 1,200 0 819 88,6 — 12 1,500 0 996 109,0 — 1,800 198 1,150 106,5 -f- 18 2,000 84 1,304 130,7 -h \\1 2,200 0 1,411 154,8 -h 122 2,500 270 1,799 172,7 -h 284 2,GG0 0 1,677 181,4 -h 210 2,900 0 1.540 175,6 -h 440 508 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. • On a souvent discuté la question de savoir si tout l'azote deTalimen- tation se retrouvait dans les excréments et dans l'urine, ou si une petite partie de cet azote manquait dans ces produits d'élimination. Dans ce dernier cas, \c déficit cPazote se retrouverait, soit dans les produits de l'expiration, soit dans la sueur et, dans certains cas, tiendrait seulement à l'imperfection dans les moyens de recueillir l'urine et les fèces. La question n'est pas encore tout à fait tranchée. Ce qu'il y a de certain, c'est que les cliifFres donnés par IJoussingault pour ce déficit d'azote étaient trop forts et qu'il ne dépasse guère 2 à 5 p. 100. Parmi les substances aîbuminoïdes, il en est une, la gélatine, dont la valeur alimentaire a été très-controversée. Cependant, il est prouvé au- jourd'hui que, donnée seule, elle ne peut suffire pour entretenir l'exis- tence et ne peut suppléer les autres principes azotés; mais si elle est employée conjointement avec d'autres aîbuminoïdes, elle permet, tout en diminuant la proportion de ces derniers, d'arriver au même résultat. Ainsi, dans les expériences de C. Voit, un chien qui, avec un régime de 500 grammes de viande et 200 grammes de lard par jour, perdait 136 grammes de son poids, n'en perdait plus que 8i pour un régime composé de 300 grammes de viande, 200 grammes de lard et 100 gram- mes de gélatine, et n'en perdait plus que 32 si l'on ajoutait 200 grammes de gélatine au lieu de 100. 3° Alimentation mixte. r Aîbuminoïdes et graisse. — On a vu plus haut que si on donne à un Carnivore une alimentation exclusivement azotée, il en faut une quantité considérable par jour ('/sg à %o du poids de l'animal) pour (|u'il se maintienne dans le statu qiio, et une quantité encore plus considérable pour qu'il engraisse. Si, au contraire, on ajoute de la graisse à l'alimentation, les mêmes résultats peuvent être obtenus avec une quantité trois à quatre fois plus petite d'albuminoïdes. Le tableau suivant donne un résumé des recherches de Voit et Pet- tenkofer sur cette question. Les expériences ont été faites sur un chien de 30 kilogrammes environ. Les deux premières colonnes donnent les quantités de viande et de graisses ingérées par jour; la troisième la quantité d'albuminoïdes (de l'alimentation et de l'organisme) détruite par la désassimilation nutritive; la quatrième la quantité d'albuminoïdes gagnée (-H) ou perdue ( — ) par le corps; la cinquième la quantité de graisse détruite; la sixième la quantité de graisse gagnée (+) ou per- STATIQUE DE LA .NUTRITIO.X. 509 due I — I par rorganisme. Touîes ces quantilés sont évaluées en grammes : I. Viande ingérée. II. (Iraisse ingérée. III. Albumine détruite. IV. Albumine du corps. V. firaisse détruite. VI. firais.se du corps. 400 200 449,7 — 49,7 159,4 -h 40,6 500 100 491,2 -h 8,8 66,0 -+- 34,0 500 200 517,4 - 17,4 109,2 -f- 90,8 800 350 635,0 -H 165,0 135,7 -t- 214,3 1,500 30 1,457,2 -+- 42,8 0 -h 32,4 1,500 GO 1,500,6 — 0,6 20,6 -+- 39,4 1,500 100 1,402^2 -+- 97,8 8,8 •4- 91,1 1,500 150 1,455,1 H- 41,8 14,3 -4- 135,7 L'inspection seule de ce tableau montre de suite quelle influence l'addition de graisse à. l'alimentation azotée exerce sur la désassimiiation des alburainoides et de la graisse et sur le gain de l'organisme par rap- port à ces deux ordres de substances. Ouant à l'interprétation théorique des résultats obtenus, elle est encore trop incertaine pour pouvoir être discutée ici, et je ne puis que renvoyer aux mémoires originaux. Un fait constant dans l'addition de graisse à l'alimentation azotée, c'est la diminution de l'urée. Cette diminution est très-sensible dans le tableau suivant que Vierordt tire des expériences de Bisclioff, Voit et Pettenkofer, tableau qu'on peut rapprocher de celui de la page 507. Les quantités sont évaluées en grammes : Viande Graisse Urée en Chanii-ements de ingérée. ingérée. 2i heures. poids du corps, 150 250 15,6 — 16 400 200 31,3 — 500 250 SI, 7 -+- 148 800 350 45,1 — 1,000 250 60.7 -f- 218 1,500 250 98,3 -f- 294 1,800 250 120,7 -+- 245 1,800 350 93,0 — 2,000 350 135,7 — 2^* Albuminoïdcs et hydrocarbonés. — L'addition d'hydrocar- bonés (amidon, sucre, etc.) à ralimentation azotée a des effets comparables, sur certains points, à ceux que produit l'addition de la graisse. La désassimiiation des substances azotées est enrayée, ainsi que celle de la graisse de l'organisme, el la production de l'urée baisse d'une façon plus marquée qu'avec la graisse. 510 r il Y .< I 0 L 0 G I E F 0 N C T I (J \ X E LIE. Le tableau suivarit. comparable à celui qui a été dressé pour les albu- minoïdcs et la graisse, donne les résultats obtenus par Pettenkofer et Voit: I. ir. III. IV. V. VI. VII. Hydro- Hydro- Yian'CTIO>>'ELLE. des hydrocarbonés sur la formation de la graisse? D'après les reclierches modernes, celte influence devrait se comprendre de la façon suivante : Les hydrocarbonés ne contribuent pas direc- tement à la formation de la graisse; leur action n'est qu'indi- recte, ils agissent comme aliments très-oxydables et protègent ainsi contre l'oxydation la graisse produite par le dédoublement -des albuminoïdes. (Voit.) 3° Albuminoïdes. La production de la graisse aux dépens des albuminoïdes, admise par lioussingault, est aujourd'hui géné- ralement acceptée par les physiologistes. Des faits chimiques assez nombreux parlent en faveur de cette hypothèse. Ainsi, dans les cadavres, le gras de cadavre ou adipocire, constitué essen- tiellement par de l'acide palmitique, provient évidemment de la décomposition des albuminoïdes des tissus. Blondeau a constaté dans le fromage de Roquefort une formation de graisse aux dépens de la caséine, et Kemmerich a vu la même transforma- tion s'opérer dans le lait sorti de la glande et exposé à l'air. Chez les animaux en lactation, c'est un fait aujourd'hui bien positif que l'alimentation azotée augmente la quantité de graisse du lait, tandis qu'elle diminue par une alimentation grasse ou amylacée. On a voulu encore citer, à l'appui de la transformation des albuminoïdes en graisse, ce fait que des cristallins ou des substances azotées, introduits dans la cavité péritonéale. subis-* saient la dégénérescence graisseuse; mais des expériences ulté- rieures ont montré qu'il y avait là un mécanisme d'un autre genre et que c'était une simple infiltration graisseuse qu'on observait aussi quand on plaçait dans le ventre des fragments de bois poreux ou de moelle de sureau. Quoi qu'il en soit, la formation de graisse aux dépens des albuminoïdes est aujour- d'hui parfaitement démontrée, et les faits cités plus haut rendent très-probable que cette transformation se produit physiologique- ment dans l'organisme. Pettenkofer et Voit ont vu que dans une alimentation de viande tout l'azote reparaît dans les excrétions, tandis qu'il n'en est pas de même du carbone, qui reste en partie dans l'organisme pour entrer probablement dans la consti- tution de la graisse. 11 y a donc dans la formation de la graisse dédoublement des albuminoïdes en principes gras et principes azotés; ces derniers seuls étant éliminés au fur et à mesure que ce dédoublement se produit. DÉSASSLMILATIO.X. 519 Reste une question à résoudre, celle de savoir si ce dédou- blement porte sur les albuminoïdes des tissus ou sur ceux de ralimentation ; mais cette question paraît actuellement inso- luble. D'après tout ce qui précède, la question de l'engraissement doit être envisagée de la "façon suivante. Il y a deux sources pour la production de la graisse dans l'organisme : !'' la graisse de l'alimentation; 2" les substances albuminoïdes de l'alimenta- tion (directement ou indirectement). Celte production de graisse aux dépens des all)uminoïdes est sous l'influence immédiate d'une condition nouvelle, des plus importantes au point de vue prati- que; cette graisse ainsi formée est très-oxydable et serait détruite, au fur et à mesure de sa formation, par les combustions internes, si une cause puissante n'intervenait pour empécber cette oxyda- tion. C'est ici que se place le rôle des bydrocarbonés; ils détour- nent vers eux l'oxygène et, par leur oxydation, épargnent l'oxy- dation de la graisse nouvellement formée qui alors s'accumule dans les tissus. Tout ce qui diminue les oxydations internes, dé- faut d'exercice, certaines aHections respiratoires, agira aussi dans le même sens et favorisera la production de la graisse. Il est facile, avec ces données, de se rendre compte des causes réelles de l'obésité et des moyens physiologiques à employer pour y remédier; les trois indications capitales sont les sui- vantes : r supprimer la graisse de l'alimentation; 2" activer les oxydations internes, principalement par l'exercice musculaire; 3" éviter de fournir à l'oxygène du sang des aliments trop oxy- dables, afln que cet oxygène s'empare, au fur et à mesure, de la graisse formée par le dédoublement des albuminoïdes, et pour cela supprimer autant que possible de l'alimentation les aliments hydrocarbonés. Tels sont, en effet, les points principaux du régime Banting, dû à W. Harvey, régime qui a fait tant de bruit dans ces derniers temps. 9. — DESASSIIVIILATION. La désassimilation porte sur tous les tissus et tous les organes, mais tous n'y prennent pas une part aussi active les uns que les autres. Dans cette désassimilation, les divers groupes de prin- cipes immédiats de l'organisme, albuminoïdes, hydrocarbonés, 520 PHYSIOLOGIE FOXCTIO-\>ELLE. graisses, sels, participent à cette usure, à cette décomposition qui est une des conditions de la vie; mais il est diflicile de dire, en présence d'un produit de désassimilation , si ce pro- duit dérive de tel groupe ou de tel autre; il n'y a que pour les principes azotés et pour certains sels que la provenance ne peut être douteuse; mais pour les principes non azotés, il n'en est plus de même, car ils peuvent être fournis indistinctement par la décomposition des graisses, des hydrocarbonés ou des albu- minoïdes. Aussi nous contenterons-nous de classer ces produits en produits azotés, produits non azotés et sels, quitte à recher- cher pour chacun d'eux son origine et son mode de formation. 1° Produits de désassimilation azotés. A. Matières colorantes. — 1" 3Iaiiè?^es colorantes biliaires. — La bilirubine, C*''H'*'Az"-0\ paraît provenir d'une décomposition de Thé- moglobine des globules rouges. Ce qui le prouve d'abord, c'est son identité, à peu près sinon tout à fait absolue, avec l'hématoïdine qui se rencontre dans les extravasations sanguines et dont l'origine de la matière colorante du sang ne peut être mise en doute. En outre, tout ce qui amène la destruction de l'hémoglobine du sang fait apparaître dans l'urine la matière colorante biliaire (injection de bile décolorée dans le sang, injection d'acides biliaires; on sait que les acides biliaires ont la propriété de détruire les globules sanguins). L'injection d'eau dans le sang produirait le môme effet; pourtant le fait n'a pas été confirmé par Kaunyn et Steiner. Cependant, jusqu'ici on n'a pu obtenir artificiellement cette transformation d'hémoglobine eu bilirubine en dehors de l'organisme. Quant au lieu de cette transformation dans l'organisme, deux opi- nions sont en présence: les uns admettent qu'elle a lieu dans le foie, les autres dans le sang. La formation dans le foie paraît plus probable. En effet, on trouve cette matière colorante dans l'intérieur des cellules hépatiques, et on trouve dans le foie lui-même et dans les cellules hépatiques les con- ditions nécessaires à la destruction de l'hémoglobine, c'est-à-dire la présence des acides biliaires. Une seule difficulté existe, celle desavoir ce que devient le fer mis en liberté dans la transformation de l'hémo- globine en bilirubine. On ne trouve, en effet, ni dans la bile, ni dans le sang des veines sus-hépatiques, l'équivalent du fer disparu. Ce fer est-il employé à la formation nouvelle de globules sanguins, formation qui, comme on l'a vu plus haut, est très-probablement une des fonctions du foie? DÉSASSIMILATION. 521 L'origine liématogène de la bilirubine est plus controversée, et les expériences pour décider cette question sont très-contradictoires. D'après quelques auteurs, l'hémoglobine, une fois passée des globules dans le sérum sanguin, se transformerait immédiatement en bilirubine; cependant >'auuyn, en injectant dans le tissu cellulaire sous-cutané ou dans le sang une solution d'hémoglobine, n'a pas retrouvé la biliru- bine dans l'urine et n'a pu y constater que la présence de la matière colorante du sang. Il est vrai que Tarchanoff, dans des expériences récentes, est arrivé à des résultats opposés. L'opinion de Frerichs, qui faisait provenir la bilirubine d'une trans- formation des acides biliaires, ne peut plus se soutenir aujourd'hui. Un fait à mentionner, quoique sa signiGcafion théorique ne puisse encore être déterminée, c'est que, dans les cas de bile incolore, on constate la présence des acides biliaires. iRitter.) La hiliverdine, C"'H-"A2"-0', n'est qu'un produit d'oxydation de la bilirubine. 2^^ Matières colorantes de Vurine. — Ces matières colorantes sont l'urobiline et l'indican. Vurobiline, C^-H'^Az^O', ou hydrobilirubine, est un produit de transformation de la birilubine. R. Maly a transformé arliflciellement la bilirubine en urobiline par l'action de l'hydrogène à l'état nais- sant : 2C'«H'Uz-0' 4- H- + H-0 = C^-H'OAz'O". Cette transformation a lieu dans Tintestin; l'urobiline ainsi formée est résorbée, passe dans le sang dans le sérum duquel on peut la re- connaître par l'analyse spectrale, et de là dans l'urine. L'indican, C-*^H^'AzO'', om uroxanthine, ne provient pas de la matière colorante du sang, comme on l'avait d'abord supposé; mais il provient de l'indol, C^H'Az, que nous avons vu se former dans l'intestin sous l'influence du suc pancréatique. En effet, Jatfé a vu l'indican apparaître dans l'urine à la sui(e d'injections sous-cutanées d'indol. L'indol est donc résorbé dans l'inteslin et transformé en indican en s'unissant probablement à une substance du groupe des sucres. Il est possible que l'indican provienne aussi, pour une certaine quantité, des substances aromatiques. Kletzinsky a constaté l'apparition de l'indican dans les urines après l'ingestion d'essences d'amandes amères et de créosote. Enfln Vuroértjthrine, qu'on trouve quelquefois dans les urines et surtout dans les sédiments urinaires auxquels elle donne leur couleur rouge, parait provenir de la matière colorante du sang. B. Acides biliaires. — Les acides biliaires sont probablement formés par l'union d'un acide non azoté, l'acide cholalique, C-^H'"'0% avec 522 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. deux substances azotées, la glycocollo, C"-II"AzO-. et la taurine, C"-irAzSO\ comme l'indiquent les équations suivantes : C24H''fO^ -f- Cm'kzO- = G"-«H^-^AzO« -4- H-0 Acide GlycocoUe. Acide cholaUque. glycocholique. C-''H''O0' -+- C-H^AzSO' = C-«H^^AzS0' 4- H^O, Acide Taurine. Acide cholaliqiie. taiirociioliqiie. L'endroit où ces substances s'unissent avec l'acide cholalique pour former les acides biliaires paraît être le foie, et les cellules hépatiques sont probablement les agents de cette combinaison. Mais comment et où se produisent ces divers facteurs des acides biliaires? La glycocolle et la taurine ont sans doute leur origine dans le foie, sans qu'on puisse préciser exactement leur mode de formation. Toutes les deux semblent provenir d"un dédoublement des substances albuminoïdes. Certains faits, surtout pathologiques, tendraient à faire admettre que la taurine proviendrait de la cystine , C'H'AzS-O'. Après l'ingestion de taurine, une partie de cette substance passe inaltérée dans l'urine; l'autre est en partie décomposée, et on trouve dans l'urine à l'état de sel un acide sulfuré et azoté de la formule G^'H\\z-SO^ C. Urée, CH'*Az-0. — L'urée provient évidemment de la désasslmila- tion des albuminoïdes; mais la question est de savoir si la plus grande partie de l'urée provient des albuminoïdes des tissus ou de l'albu- mine des aliments passée dans le sang {alùiwmie circulante de Voit); on a môme vu plus haut que, d'après Fick, la plus grande partie de l'urée devrait être rapportée aux peplones absorbées dans l'alimen- tation. Mais l'urée ne dérive pas immédiatement de l'albumine. Entre les deux il y a toute une série de produits intermédiaires, de décomposi- tions successives, et la difficulté est précisément de saisir au passage ces transformations et de déterminer parmi les principes de désassi- milation azotés quels sont ceux qui sont les prédécesseurs de l'urée. Autrefois, on plaçait en première ligne l'acide urique. Les faits chi- miques semblent en effet favorables à cette opinion. L'urée est un des produits de décomposition de l'acide urique. Ainsi cet acide traité par .l'oxyde de plomb donne de l'allantoïne, de l'acide oxalique, de l'acide carbonique et de l'urée.. 2CMt'Az'0^ -+- 4ir-0 -h 30 = C'IPAz'O^ -f- C-H-O'* H- 2CH''Az-0h-2G02 Acide uiique. AUantoirie. Acide Uiée. oxalique. DÉSASSIMILATION. 523 Par l'eau bromée, l'acide urique se transforme en urée et alloxane: C^H^Az^O^ -+- Br- 4- 2H-0 = CHUz-0 H- G^H-Az-0^ H- 2HBr Acide urique. Urée. Alloxane. et l'alloxane à son tour se transforme en urée et acide carbonique : C^H*Az-0^ -4- 20 H- ir-0 = CH''Az*-0 -4- 3G0- Alloxane. Urée. Enfin l'ozone le transforme directement en urée et acide carbonique. A ces faits chimiques viennent s'ajouter des faits physiologiques. L'ingestion d'acide urique, ou son injection dans les veines, augmente la quantité d'urée de l'urine en même temps que l'oxalate de chaux (homme), et chez le lapin, augmente uniquement la quantité d'urée.- Cependant, malgré toutes ces raisons, il est très-probable qu'il n'y a pas entre la production de l'acide urique et celle de l'urée, la liaison supposée généralement. Après une alifiientation azotée trés-abondante, suivie d'un repos absolu, la quantité d'urée augmente considérablement, celle de l'acide urique très-peu, et cependant si la théorie ordinaire était vraie, ce serait l'inverse qui devrait avoir lieu, et l'excès d'aliments azotés ingérés dans des conditions peu favorables à une oxydation in- terne énergique devrait produire au contraire une augmentation très- forte d'acide urique. Si cet acide urique existe surtout dans les urines des reptiles chez lesquels les combustions internes sont très-lentes', il se montre aussi chez les oiseaux dont l'activité respiratoire dépasse celle des mammifères. De ces faits on peut conclure que les origines de l'urée et de l'acide urique sont différentes, et que, si les deux sont des produits de désassimilation de matériaux azotés, le lieu de cette désassimilaîion doit être cherché- dans des points différents de l'orga- nisme. Ce qui vient d'être dit de l'acide urique peut se dire aussi des autres substances qu'on considère en général comme les prédécesseurs de l'urée et en particulier de la créatine. Là aussi des raisons chimiques tendent à faire admetti'e cette opinion. La créatine, en effet, peut se décomposer en sarcosine et en urée : C^H^Az^O*- = C^H" AzO- -+- CH'Az-0 — H-0 Créatine. Sarcosine. Urée. . Mais la créatine se rencontre surtout dans les muscles, dans lesquels on ne trouve pas d'urée à l'état normal, et si l'urée provenait de la créatine, il faudrait, pour donner les 35 grammes d'urée éliminée par jour par l'urine, qu'il se formât dans les muscles près de 60 grammes de créatine. 524 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. D'après les recherches récentes de Schultzen et Nencki, l'urée se formerait aux dépens de la glycocolle, de la leucine et probablement de la tyrosine. En effet, l'ingestion de glycocolle augmente la quantité d'urée. La glycocolle, la leucine, la tyrosine, représentent des amides acides (voir page 198), dont le dérivé cyanique GHAzO s'unirait à Tam- moniaque dérivée d'un autre corps azoté encore inconnu (neurine?) pour former l'urée. CHAzO + AzH^ = CH^'Az-0 Urée. CHAzO n'est autre chose que l'amide monoammoniacal de l'acide car- bonique, comme le montre l'équation suivante : CO- -t- AzH3 — H-O = GHAzO Schultzen a vu aussi que si on fait ingérer à un animal de la sarco- sine G^H^AzO- en quantité telle que son azote corresponde exacte- ment à Tazote éliminé à Tétat normal par l'urée, on ne trouve plus d'urée dans l'urine, mais une série d'autres corps et, parmi eux, un corps qui a pour formule G^H"'Âz'-0^ et qui se décompose, en prenant de l'eau, en acide carbonique, ammoniaque et sarcosine, d'après l'équa- tion suivante : G''HUz-0^ -^ H-0 = CO- -+- AzH^ -+- C^H^AzQ- Sarcosine. Il est donc probable que la sarcosine ingérée s'unit à GHAzO pour former le corps mentionné plus haut et empêche par conséquent l'am- moniaque de s'unir à CHAzO pour former de l'urée. La production de ce corps a lieu d'après l'équation suivante : CHAzO + G^H^AzO- = Cm'kz'O' Sarcosine. On peut encore empêcher d'une autre façon la formation de l'urée dans l'organisme, en faisant ingérer un acide aromatique, l'acide ben- zoïque par exemple, qui s'empare de la glycocolle pour former de l'acide hippurique, d'après l'équation suivante : C^H«0--h C-H"'AzO- — H-O. = G='H»AzO^ Acide GlycocoUe. Acide benzolque. hippurique. et empêche par suite cette glycocolle de contribuer à la production de l'urée. On enlève ainsi un des deux facteurs de l'urée, et l'excrétion d'urée diminue comme l'a vu Meissner. p DKSASSIMILATIOX. 525 D'où proviennent maintenant les matériaux azotes qui donnent lieu à la production d"urée? Où se forme cette substance? Dans quels tissus, dans quels organes? C'est ce qui nous reste à examiner. On a longtemps discuté la question de savoir si l'urée était formée daijs le rein. Mais il est à peu près démontré aujourd'hui que l'urée ou au moins la plus grande partie de l'urée ne se forme pas dans le rein ; le sang de la veine rénale contient moins d'urée que celui de i'arlère iPicard, Gréliaut) ; après l'extirpation des reins, l'urée s'accumule dans le sang, d'après les expériences de Voit, Meissner, Gréhant, et, quoique les recherches de Zalesky et de quelques autres auteurs aient donné des résultats contraires, le fait n'en parait pas moins constaté aujour- d'hui. Cependant Hoppe-Seyler semble admettre encore la production de l'urée dans le rein 'voir aussi: Sécrétion rénale). D'après Meissner, qui soutient une opinion déjà émise par Heynsius et KQthe, l'urée se formerait principalement dans le foie ; le foie con- tient toujours en effet une assez forte proportion d'urée; si, à l'exemple de Cyon, on fait passer un courant de sang à travers le foie, ce sang contient plus d'urée, tandis que la quantité d'urée du foie diminue, et Gschcidlen a répété avec le même résultat l'expérience de Cyon. Meiss- ner insiste aussi sur ce fait que, dans l'atrophie aiguë du foie, l'urée disparait de l'urine. Mais, d'après Huppert, Beneke et Meissner lui- même, cette urée ne se produirait pas aux dépens du tissu même du foie, mais aux dépens des globules rouges ; sa formation serait liée ù la destruction de ces globules et il y aurait alors un lien intime entre la formation de la bilirubine, de la substance glycogène et de l'urée. Le foie ne paraît cependant pas être le seul endroit où puisse se former de l'urée; la rate, les poumons, le cerveau, en contiennent aussi une certaine proportion, et la présence dans ces deux organes des corps qui peuvent donner naissance à l'urée, amides acides d'une part, comme la leucine et la tyrosine, facteurs ammoniacaux, d'autre part, comme la lécithine, tendent à y faire admettre aussi la production d'urée sans qu'on puisse dire si les globules sanguins y participent ou non. On voit par cet exposé que nos connaissances sur la formation de Turée sont encore très -insuffisantes et très -incertaines ; le seul fait précis qui me semble ressortir de tous ces faits, et il a une grande importance, c'est que l'urée est en rapport intime avec la désassimila- tion des albuminoïdes du sang, du foie et peut-être de quelques autres organes, comme la rate, le cerveau, etc., mais n'a aucun rapport avec la désassimilation musculaire. Les produits azotés de cette désassimi- lation musculaire sont tout autres, comme on le verra plus loin. D. Acide urique, C'irAz'0\ — L'acide urique peut être considéré 526 PHYSIOLOGIE FOXCTIO>">'ELLE. comme un amide biammoniacal de l'acide tartronique ou oxymalonique, dans lequel Turée remplace l'ammoniaque : C^H^Az'*0^ = C^H^O^ + 2CH''Az-0 — 4H-0 Acide urique. Ac. tar- Urée. Ironique. ' On peut encore le considérer comme un cyanamide de l'acide tartro- nique. Le cyanamide = de l'urée moins un équivalent d'eau : CH-Az- = CH'Az-0 — H^O Cya- Urét". ' namide. La formule suivante représenterait alors la constitution de l'acide urique : C'H'-Az'^O^ = C^H^O^ H- 2CH-Az-^ — 2H-0 Acide urique. Ac. tar- Cyanao)ide. Ironique. L'origine et la formation de l'acide urique sont encore plus incertaines peut-être que celles de l'urée. Au point de vue chimique, il'paraîl y avoir des relations très -étroites entre l'acide urique et quelques autres produits azotés, comme le montre la seule inspection des formules suivantes : Guanine G^H^Az^O Sarcine C'H^Az^O Xanthine GMi'Az^O- Acide urique G'H^\z'0-^ La guanine et la sarcine, par l'action de l'acide nitrique, se trans- forment en xanthine, et si on n'a pu encore obtenir la transformation de la xanthine en acide urique, Strecker et Rheineck ont pu obtenir par réduction la transformation inverse, et d'ailleurs les produits de décom- position de la xanthine sont les mêmes que pour l'acide urique. Ces diflerents corps se rencontrent dans les glandes (foie, pancréas), la rafe, le thymus, les muscles (sarcine, xanthine), de sorte qu'on serait porté à voir dans ces divers organes le lieu d'origine de l'acide urique, et en effet Meissner en a placé le siège principal dans le foie pour les oiseaux et les reptiles, tandis qu'il formerait de l'urée chez les mam.mi- fères. Ranke le fait provenir de la rate, et se base sur ce fait que la quinine, à fortes doses,, diminue la quantité d'acide urique; cependant l'ex-tirpation de la rate ne fait baisser en rien la proportion d'acide uri- que de l'urine (Cl. Bernard). D'autres auteurs, se basant sur des faits pathologiques, ont rattaché sa production à la désassimilation des glo- bules blancs (augmentation d'acide urique dans la leucémie) ou à celle DESASSIMILATIO.X. 527 des tissus connectifs (dépôts uratiqiies de la goutte). Mais il n'y a là en somme rien de certain. Il n'est guère possible non plus de placer dans le rein l'origine de l'acide urique. Zaleski a cherché à soutenir cette opinion par une série d'expériences sur les oiseaux et les reptiles. Après la ligature de l'ure- tère, il se forme des dépôts d'acide urique dans leYein et dans d'autres organes, tandis qu'après la néphrotomie ces dépôts sont très-peu pro- noncés; en outre, d'après lui, on ne trouverait pas d'acide urique dans le sang de ces animiaux à l'état normal. Mais Meissner a montré que cet acide urique y existe en réalité, seulement il faut prendre des quantités de sang plus considérables que celles qu'avait essayées Zaleski, et l'analyse chimique est très-délicate. Pawlinofif, d'autre part, a constaté qu'après la ligature des vaisseaux du rein, les dépôts d'acide urique continuent à se faire dans les autres organes et que le rein en est tout à fait exempt, preuve certaine que le rein n'est pas le lieu de formation de l'acide urique et ne sert qu'à éliminer cet acide à mesure qu'il lui est apporté par le sang. II est même impossible de dire, comme on l'a vu plus haut, s'il existe une relation entre l'urée et l'acide urique, si l'acide urique n'est qu'un produit d'oxydation intermédiaire de l'urée, et si les deux proviennent de la désassimilation des mêmes tissus. On a vu que la glycocolle parait être un des facteurs principaux de l'urée; or il est remarquable que la glycocolle a pu être obtenue artificiellement par Schultzen et Filehne en traitant l'acide urique par l'acide sulfurique concentré, et il y aurait là une raison pour faire de l'acide urique un des prédécesseurs de l'urée, si les faits déjà cités n'indiquaient que les deux produits n'ont pas la même source. Chez les oiseaux et les reptiles, l'acide urique est le principal produit de désassimilation des matières azotées, sans que jusqu'ici on ait l'ex- plication réelle de ce fait qui rapproche deux classes d'êtres dont les uns se distinguent par l'activité, les autres par la lenteur de leurs oxy- dations. 11 y a donc dans la formation de l'acide urique plusieurs fac- teurs; la lenteur des oxydations, comme on le voit chez les reptiles ou, dans certains cas pathologiques, chez les mammifères, est un de ces facfeurs, mais il n'est pas le seul et les autres nous échappent jus- qu'ici. Schultzen a vu chez des poulets l'ingestion de la sarcosine empêcher la formation de l'acide urique qui se trouve remplacé alors par des produits plus solublcs. Il y a là un fait intéressant au point de vue physiologique et qui, s'il se confirme, pourra devenir susceptible d'ap- plications. L'acide benzoïque et l'acide quinique au contraire augmen- tent la proportion d'acide urique (Meissner). D'une façon générale on peut dire que tout ce qui accroît la désassi- milation diminue la production d'acide urique, tandis que c'est l'inverse pour l'urée. Aussi cette diminution d'acide urique s'observe après les 528 riIYSIOLOGIE FO^CTIOiNNELLE. inhalations d'oxygène (Eckhard, Rilter) et de protoxyde d'azote (Ritter), l'exercice musculaire i?), les boissons abondantes (Genlh), etc. On peut rattacher à l'acide urique un certain nombre de produits de désassimilation azotés ou non azotés, qui en proviennent évidemment et peuvent se rencontrer dans les excrétions et en particulier dans les urines. Tels sont, outre l'urée, Tallantoïne, Tacide oxalurique, lal- loxane, Tacide oxalique. Enlln les produits ultimes de la décomposition sont, comme pour lurée, l'ammoniaque, l'acide carbonique et l'eau. Vallanioïne, C''H'^Az''0^ se rencontre dans Turine pendant toute la vie fœtale et, après la naissance, pendant la lactation. Sa formation est représentée par l'équation suivante : G^H'Az^O^ + H-0 -f- 0 = G''H«Az'*0^ 4- GO- Acide urique. AUantoïne. Les réactions suivantes donnent la formation des divers produits de décomposition de l'acide urique. G^H^Az^O^ + H-0 + 0 = G'H-Az-0' -4- GH'Az-0 Acide urique. Alloxane. Urée. G'H-Àz-0'* -h 0 = G'^H-Az-0'^ + GO- Alloxane. Ac. parabanique. Âc. carbonique. G-^H-Az-0^ -H H-0 = G^'H*Az-0' Acide Acide parabanique. oxalurique. G^H'^Az-O^ +H-0 = GirAz-OH- C-H-0^ Acide Urée. Acide oxalurique. oxalique. G''H«Az'0^ H- 5H-0 = 2G-H-0'* + 4AzH3 AUantoïne. Acide Aramo- oxalique. niaque, etc. E. Acide hippurique, C^H^AzO\ — L'acide hippurique peut être con- sidéré comme formé par la réunion de l'acide beuzoïque et de la glycocolle avec perte d'eau. G^HUzO-^ = G'H«0- + G-HUzO'- — H-0 Acide Acide Glycocolle. hippurique. benzoïque. G'est aussi de cette façon que l'acide hippurique se forme dans l'or- ganisme. Si l'on ingère de l'acide benzoïque, on retrouve l'acide hippu- rique dans les urines, cet acide s'unissant à la glycocolle qui prend naissance dans le foie. Meissner et Shepard ont prouvé que, chez les herbivores, l'acide hippurique provient de la substance cuticulairc. Cette substance cuticulaire se rapproche beaucoup de l'acide quinique , G'H'-O", qui se transforme dans l'organisme en acide benzoïque C'ir'O': DÉSASSIMILATIOX. 529 et en effet l'ingestion d'acide quinique donne naissance à l'acide hip- purique. Ingéré, l'acide hippurique subit aussi partiellement une dé- composition en acide benzoïque qui se retrouve dans le sang et gly- cocoUe qui se transforme en urée. Outre l'acide benzoïque et lacide quinique, plusieurs acides aromatiques, acide cinnamique, acide amyg- dalique, etc., donnent naissance à la formation d'acide hippurique. Mais en dehors de cet acide hippurique de l'alimentation, il y en a toujours une petite quantité qui se forme dans l'organisme indépen- damment du régime aUmentaire. Cette petite quantité paiait due à la décomposition des substances albuminoïdes ; en effet, parmi leurs pro- duits de décomposition on trouve l'acide benzoïque et la glycocolle, c'est-à-dire les deux facteurs de l'acide hippurique. Où se fait l'union de ces deux facteurs, soit que l'acide benzoïque provienne de l'alimentation, soit qu'il provienne de la décomposition des albuminoïdes ? EJIe ne se fait pas dans le sang, car on ne trouve pas d'acide hippurique dans le sang des herbivores, ni chez les carni- vores après l'ingestion d'acide benzoïque. D'après Kiihne et Halhvachs, elle aurait lieu dans le foie, où se trouve déjà le lieu de formation de la glycocolle ; si on injecte dans le sang de l'acide benzoïque et de la bile ou de l'acide glycocholique, l'acide hippurique apparaît dans l'urine; si on fait ingérer de l'acide benzoïque après avoir lié les vaisseaux du foie pour interrompre la circulation hépatique, l'acide benzoïque passe dans l'urine et il ne se forme pas d'acide hippurique. Mais les expé- riences de Kiihne ont été contredites de plusieurs côtés. D'autres au- teurs placent sa formation dans le canal intestinal où la glycocolle se reforme par décomposition de l'acide glycocholique. Enfin Meissner et Shepard placent dans le rein même la production de l'acide hippurique. Après l'ingestion d'acide benzoïque, ils n'ont pu trouver d'acide hippu- rique dans le sang chez les animaux néphrotomisés, et cependant les mêmes auteurs ont vu. après la ligature des vaisseaux du rein, l'acide hippurique paraître dans le sang après l'ingestion d'acide benzoïque, fait en opposition avec leur théorie. La question est donc encore à résoudre. F. Cré.\tine et CRÉATiNiNE. — La créaline, C^'H'Az^O*, et la créatinine, C^H'Az^O, sont deux corps très-voisins, et qui se transforment frès- facilcment l'un dans l'autre. La créatinine est l'anhydride de la créa- tine. comme on Je voit par les formules qui suivent : C^H^Az'O- — H-0 = C^H'Az-^0 Créatine. Créatinine. C'H'Àz^O -t- H-0 = CnPAz'O- • Créatinine. Créatine. La créatine ne se rencontre guère que dans les muscles et daus la substance nerveuse, et manque dans les glandes ; la créatinine se Beaunis, Phvs. 34 530 PHYSIOLOGIE FO>'CTIOX>E LLE. trouve dans l'urine. Il paraît à peu près certain que la créatinine de # l'urine provient de la créaline et que cette dernière se forme dans les muscles et les nerfs, et peut-être aussi aux dépens de -'alimentation. Cependant les recherches sur la proportion de créatine dans les mus- cles après l'exercice musculaire sont loin de concorder et il est dif- ficile d'arriver à des résultats positifs. D'après les observations déjà citées, l'urée ne proviendrait pas de la même origine que la créatine et ne pourrait être considérée comme un produit de désassimilation de cette dernière, (fiioique cette urée se trouve parmi les produits de décomposition de la créatine. D'après Feltz et Ritter, la créatine est assez réfractaire à l'oxydation dans l'organisme. Si on examine quels sont les produits de décomposition que fournit la créatine, on y trouve, outre l'urée, un certain nombre de principes, sarcosine, méthylamine, méthylnramine, acide méthylparabaiiique, etc., qui ont des rapports intimes avec la xanthine, l'hypoxanthine, la guanine et Tacide urique. Les formules suivantes donnent les principales décompositions de la créatine : C'HUz^O- = C^H'AzO- + GH''Az-0 — H-0 Créatiue. Sarcosine. Urée. OU encore C'E^'Az^O- = C'H'AzO- -+- CAz-H- Créatine. Sarcosine. Cyana- mide. C'H^Az^O- Créatine. -+- 20 = C-H-0> Acide oxalique. 4- G-H-Az-^ Méthylu- laraine. C*H='Az^O-H- Créatine. 20: = G''H^Az-0^- Ac. n>+'tl)ylpa- rabanique. -4- AzH^ -+- ] C^H'AzO- Sarcosine. -+-H-0 = G-H'0 Ac. gly- coilique ' -h GH\Vz Méthy- lamine. H-0 G. Leucine et tyrosine. — La Icucine, G'^H'^AzO-, est un amide de l'acjde leucique ou oxycaproïque : G^H'-O'-f-AzH--' — H-0 = = G^H'^AzO- Acide Leucine. leucique. La tyrosine, G^H"AzO^ est un amide dont la nature est encore in- connue. Toutes les deux dérivent de matières albuminoïdcs et surtout de la glutine, de la chondrine et de la mucine; elles se forment aussi dans la digestion, spécialement dans la digestion pancréatique, et Hof- meister considère même les peploncs comme formées par un mélange de leucine, de tyrosine et de corps analogues aussi éloignés que ces sub- DÉSASSIMILATIOX. 531 stances des albuminoïdes. La leiicinese rencontre surtout dans les g-landes ordinaires et dans les glandes vasculaires sanguines ; la tyrosine au contraire ne se forme qu'après la mort et n'existe guère pendant [la vie que dans le suc pancréatique. Ces deux substances, comme la glycocolle, pourraient bien être, comme on l'a vu, une des sources de l'urée. H. GuANixE , XANTHiNE ct SARCiNE. — Ces trois corps ont des relations très-intimes entre eux et avec l'acide urique (voir: Acide zirigue). La guanine donne par l'oxydation un corps isomère de la xantliine, l'iso- xantliine: ' 2G'H^Àz^0 -h 30 = 2C'H^Vz^0- -f- H-0 4- Az" Guanine. Isoxanthine. Elle donné encore, par l'oxydation, de l'acide parabanique, de lagua- nidine et de l'acide carbonique. C'H'-Az'O H- H-0 + 30 = C'H-Az-O^ H- GH'Az^ -f- GO- Guanine. Acide Guanidioe. parabanique. La sarcine ou hypoxanthine se transforme en xanthine par l'oxy- dation. G^H^Az''0 -4- 0 = C'H^Az^O- Sarcine. Xanthine. I. LÉciTHiNE et NEURiNE. — La /ca^^i^^e, G'^H^''AzPhO^, pcut être Consi- dérée comme une combinaison de l'acide pbosphoglycérique et de l'acide stéarique avec la neurine. G^^H««AzPhO^ -+- 3H-0 = 2C'ni^«0- -+- C^H^PhO" -+- C^H'^AzO- Lécithine. Ac. stéarique. Ac. pliospho- >'eurine. glycérique. La neurine ou choline , G'H'^VzO-, dérive du glycol et de la trimé- tliylamine : G^H'^VzO- = C-H«0- -4- G^H^Vz Neurine. Glycol. Triméthy- lamine. La neurine, qui se rencontre spécialement dans la bile, provient évi- demment de la décomposition de la lécitliine, et c'est probablement cette neurine qui, par une décomposition plus avancée, donne nais- sance aux petites quantités de trimétliylamine qu'on a trouvées dans les produits de distillation de l'urine et du sang. Vacide phosphoglycérique, C^iPPhO*', est constitué par l'union de 532 PHYSIOLOGIE FONCTIO.XXELLE. l'acide pliosphorique et de la glycérine, en perdant les équivalents de Te au : ou : C^H«PhO« = Ac. phospho- glyc»rique. : C^H'^O^ Glycérine, -+- PhH^O^ — H-0 Ac. plios- phorique. (H-0 C^H^ H^-0 (h^o (H^O C^H- H-0 (phH^O^ Glycérine, Ac. phosphoglycérique. Les produits de décomposition de l'acide phosphoglycérique sont, d'une part, ceux de la glycérine et, de l'autre, des phosphates. D'après Beneke, l'acide phosphoglycérique pourrait se former dans lïntestin aux dépens de l'acide phosphorique des phosphates alcalins ingérés avec ralimentation et décomposés par le suc gastrique, acide phosphorique qui se combinerait avec la glycérine mise en liberté dans le dédoublement des graisses par le suc pancréatique. La façon dont se forme la lécithine et le lieu de sa formation sont encore très-obscurs. Ce qu'il y a de certain, c'est que la lécithine ne peut être considérée exclusivement comme un produit de désassimi- Jaticn des matières albuminoïdes ; elle a, comme le prouve sa présence dans l'œuf, le globule sangui-n, le tissu nerveux, etc., une signification plus haute et probablement une valeur histogénélique. Elle parait être essentielle à la constitution et au fonctionnement de certains tissus, et sous ce rapport son importance dépasse évidemment celle d'un simple produit de désassimilation, comme l'urée ou l'acide urique. Quant au mécanisme de sa formation, faut-il admettre qu'elle se produit par un processus inverse du processus de décomposition, et qu'elle se forme par la combinaison de la neurine, de l'acide phosphoglycérique et de l'acide stéarique ? Où se fait cette combinaison ? Deux des facteurs de la lécithine, l'acide phosphoglycérique et l'acide stéarique existent dans l'intestin et pourraient passer de là dans le sang; quant au troisième facteur, la neurine, on ne sait à peu près rien sur le lieu et le mode de sa forma- tion ; mais elle parait avoir des relations avec la leucine qui se forme en grande quantité dans l'intestin, dans la digestion pancréatique; la neurine peut être en effet considérée comme constituée par la synthèse du glycol et de la triméthylamine (voir plus haut], et, d'autre part, le radical glycol se retrouve aussi dans la leucine et dans l'acide leucique ou oxycaproïque, qui concourt à la former et dont elle est l'amide. On aurait alors : 2C«H'\VzO- -f- 2H-0 -h 20 = 2Gnr\VzO- H- 2G0- Leucine. Xeurine. DESASSIMILATIOX. 533 Quoi qu'il en soit, l'endroit où s'unissent ces différentes substances pour constituer la lécithine (sang, organes) est encore indéterminé. J. Gystine et Taurine. — Ces deux substances se distinguent des précédentes par la présence du soufre. Elles proviennent certainement de la désassimilation des matières albuminoïdes, et doivent être en re- lation intime l'une avec l'autre et avec la formation de l'acide lauro- cliolique (voir: Acides biliaires). La cystine, C^H'AzSO-, est très-voisine d'une substance, la serine, C^H'AzO^, qui se trouve dans la soie, et dont elle ne difTère que par le remplacement d'un atome d'oxygène par un atome de soufre. La serine elle-même peut être considérée comme un amide de l'acide glycérique ou oxylactique. C^H^O' H- AzIF — H-Û = CHVkzO' Ac. gly- Serine, cérique. La taurine, C-H'AzSO ', est un amide de l'acide isélbionique, isomère de l'acide sulfovinique ou éthylsulfurique. G-ir^SO' -+- A7AV — H-0 = C-H"AzSO= Ac. isé- Taurine, tbioiiique. Il est possible, sans qu'on en ait la démonstration, que la cystine soit un produit de désassimilation intermédiaire pour arriver à la taurine. K. Ammoniaque. — L'ammoniaque, AzH'', est le dernier terme de décomposition des matières azotées. Mais, à l'état normal, il est rare que la désassimilation de ces substances aille jusqu'à la production d'ammoniaque et nous avons vu dans les paragrapbes précédents à quels produits intermédiaires s'arrête ordinairement cette désassimila- tion. On trouve cependant dans l'urine, dans l'air expiré et peut-être dans le sang, des traces d'ammoniaque, mais il est douteux que cette ammoniaque provienne de décompositions qui se passeraient dans le sang ou dans les tissus. Feltz et Uitter, dans leurs expériences, n'ont pas constaté de transformation de l'urée en carbonate d'ammoniaque après l'injection d'urée dans le sai^g, même en injectant du ferment ammoniacal. Cette ammoniaque pioviendrait-elle d'une décomposition dans le tube intestinal d'une petite quantité d'urée passée dans l'in- testin avec les sécrétions digestives ? Il est probable en outre, d'après les recherches de Scliultzen et iN'encki, qu'une partie de l'urée doit sa naissance à une combinaison de l'ammoniaque formée dans l'organisme avec un facteur azoté de la série cyanique. CAzHO -+- AzH^ = CH'Az-0 Acide cyanique. Urée. « 534 PHYSIOLOGIE FO.XCTIO.XNELLE. W. y. Knieriem a vu en effet ringestion de chlorhydrate daaimo- iiiaque augmenter la quantité d'urée. 2° Produits de désassimilation non azotés. La plupart des produits de désassimilation non azotés peuvent pro- venir de deux sources: 1" des substances azotées (de l'organisme ou de ralLmentation); 2<' des matières non azotées, graisses^ hydrocarbonés, etc. II est donc difficile de dire à priori si tel produit doit être rattaché à Tune où a l'autre origine. Les termes finaux de la décomposition des produits non azotés sont l'acide carbonique et Teau, comme l'ammoniaque est le terme de la désassimilation des principes azotés ; mais là encore la décomposition s'arrête souvent avant d'arriver à la production d'acide carbonique et d'eau et il en résulte un certain nombre de principes intermédiaires plus ou moins riches en carbone et eu hydrogène. A. Acides gras volatils. — Les acides gras volatils, formique, acéti- que, propioLique, butyrique, etc., peuvent provenir, soit de la décom- position des graisses (glycérine et acides gras ; voir page 200), soit de la décomposition des hydrocarbonés, ou de l'acide lactique formé à leurs dépens. Gylcose. Acide lactique. 2C0- H- 2H-0 CD- -4- H-0 CO- 4- H-0 • CO- -+- H-0 H-0 Eau. En outre, les acides gras volatils se produisent aussi dans la décom- position des substances albuminoïdes, de sorte qu'une partie de ces acides, encore indéterminée, provient de la désassimilation des subs- tances azotées. B. Acides lactique, oxalique, etc. — Uacide lactique, C'H^O', se 2C^H«03 -4- 20 = C-H'^0- Acide Ac. butv- lactiqae. rique. C^H^O- + 30 = G^H«0- Ac. bnly- Ac. pro- rique. pionique. C^H'^0- -h .30 = G-H^O- Ac. pro- A.ide pionique. acétique. C-H^O- -h 30 = CH-O- Ac. acé- Ac Jor- tique. miqoe. CH-O- H- 0 = CO- Ar. for- Ac. car- mique. bonique. DÉSASSIMILATION. 535 forme aux dépens des hydrocarboiiés (glycose), sous l'influence de la fermentation lactique. Glycose. Acide lactique. Cet acide lactique est produit principalement dans les muscles et probablement par la décomposition de la giycose fabriquée dans le foie et apportée aux muscles par le sang (voir : Glycogénie)^ et peut-être aussi aux dépens de la substance glycogéne du muscle et de Finosite, C6H'-0*' + 2H-0, ou suere musculaire. Cet acide lactique est ensuite repris par la circulation et probablement décomposé pour fournir de l'acide carbonique et de l'eau. Vacide oa;a/îg2/e, C-H-0% peut provenir aussi bien des substances azotées que des substances non azotées. Ainsi la créatine et deux des produits de l'acide urique, Tallantoïne et l'acide oxalurlque. donnent naissance à l'acide oxalique, et ^Yôhler et Frericbs ont vu l'ingestion d'acide urique augmenter da quantité d'oxalate de chaux de l'urine. G'-HUz^^Û- 4- 20 = C-H-O' -t- C-H'Az^ Créatine. Ac. oxa- Méthylu- lique. ramine. C^H^Az^O^ 4- 5H-0 ^ = 2C-H--0* H- 4AzH3 Allantoïne. Acide oxalique. C-^H^Az'-O^ -+- H-0 = C-H-0* -+- CH^Az-0 Acide Ac. oxa- Urée. oxalurique. lique. Les graisses fournissent aussi de l'acide oxalique (voir page 201) et il en est de même des hydrocarboués : C«H'-0« -h 50 = 2C-H-0* + 2C0- -h oII-O Glycose. Acide oxalique. Mais, à l'état normal, la production d'acide oxalique dans l'organisme est très-limitée et c'est à peine si on en trouve une petite quantité dans l'urine (sous forme d'oxalate de chaux); habituellement la décom- position des substances qui lui ont donné naissance n'en reste pas là et, par son oxydation ultérieure, l'acide oxalique se transforme en acide carbonique et en eau : G-H-O' -+- 0 = 2C0- 4-H-O L'acide oxalique peut aussi provenir de la décomposition des acides végétaux et de l'alimentation végétale. Le lieu de formation de l'acide oxalique est tout à fait inconnu. Les acides aromatiques, comme l'acide benzoïque, peuvent provenir aussi du dédoublement des albuminoïdes. 536 PHYSIOLOGIE FO.\CTIO>\\ELLE. C. Cholestérixe. — La cholestérùie, G'-'^E'^'^O, est la substance la plus riche en carbone des substances non azotées. Son origine est encore douteuse; cependant elle semble provenir des matières albuminoïdes. Fliiit la regarde comme un produit de désassimilation de la substance nerveuse ; elle passerait dans le sang pour être éliminée par le foie avec la bile; il a en efTet, dans ses recherches, trouvé toujours une plus forte proportion de cholestérine dans le sang de la veine jugulaire que dans le sang de la carotide, et, dans les cas d'hémiplégie, il aurait constaté l'absence de cholestérine dans le sang veineux des membres paralysés. Mais les conclusions de Flint ne peuvent être acceptées que si de nouvelles expériences viennent confirmer sa théorie. Certaines raisons, au contraire, tendraient à faire croire que la cholestérine ne doit pas- être considérée uniquement comme un produit de désassimi- lation. En eifet, la cholestérine se rencontre en assez forte propor- tion dans l'œuf et les tissus de nouvelle formation; elle accompagne presque toujours la lécithine qui est pour elle un dissolvant et peut-être, comme le croit Beneke, faudrait-il lui attribuer une signifi- cation plus élevée (histpgénétique ?) que celle d'un simple produit de désassimilation. D. Acide carboxique. — Vacide carbonique, CO-, est, avec l'eau, le degré ultime de la décomposition des principes de désassimilation non azotés. Seulement, comme on a vu que ces principes proviennent en parlie des albuminoïdes, une partie de l'acide carbonique formé, un quart environ, provient de ces dernières substances; le reste est formé parles hydrocarbonés, les graisses et, accessoirement, par les acides végétaux. Ainsi, si l'on évalue le carbone total éliminé en 24 heures à 28 (§'■,20, Gls"", 18 proviendront du carbone des albuminoïdes ivoir page 500). Cet acide carbonique se forme probablement partout, dans tous les tissus et dans tous les organes ; mais c'est dans les muscles surtout que sa production est la plus active; c'est là le foyer véritable du déga- gement d'acide carbonique dans l'organisme. E. Eau. — L'eau représente aussi, comme l'acide carbonique, un des- termes ultimes de la série des désassimilations. Mais la quantité d'eau formée dans l'organisme est très-faible. Cette eau est probablement formée en grande partie par oxydation et c'est à cette oxydation que doit être employé l'oxygène qui disparait dans l'acte de la respiration. En effet, le volume de l'acide carbonique expiré est plus faible que le volume de l'oxygène inspiré, et cependant si tout l'oxygène inspiré contribuait à la production de l'acide carbonique expiré, ces volumes devraient être égaux. Cet oxygène sert donc probablement à oxyder l'hydrogène des substances organiques et principalement des graisses qui sont si riches en hydrogène. Peut-être aussi un peu d'eau peut-il se former dans l'organisme par de simples dédoublements et sans oxy- dation; mais nous n'avons là-dessus aucune donnée précise. DESASSIMILATIO-X. 537 3*^ Sels. A. Carbonates. — Une partie seulement des carbonates se forme dans l'organisme, le reste provient directement de l'alimentation. Les acides végétaux ingérés avec les aliments constituent la source principale de la formation des carbonates; des expériences nombreuses ont montré que les acides organiques, malique, tartrique, etc., ingérés ou injectés dans le sang, sont décomposés et transformés en carbonates. Aussi le sang et Furine des herbivores sont-ils plus riches en carbonates que ceux des carnivores. La même transformation est subie par les acides organiques qui prennent naissance dans l'organisme même par l'effet des actes nutritifs lacide lactique, oxalique, etc.). B. Phosphates. — Les phosphates proviennent presque exclusive- ment de l'alimentation, sauf une petite partie qui peut provenir de la désassimilation de la lécithine (acide phosphoglycérique). G. Sulfates. — Une partie des sulfates éliminés provient évidemment du soufre des matières albuminoïdes. et il est très-probable que la cystine et la taurine représentent des produits intermédiaires de cette désassimilation. E. Salkowsky a obtenu, par l'ingestion de la taurine, des résultats variables suivant l'espèce animale; une partie passe inal- térée dans l'urine, tandis qu'une autre partie était décomposée et transformée en sulfates (lapin). Chez Ihomme, les sulfates ne sont pas augmentés, mais on trouve dans l'urine un corps, C^H^Vz-SO' (acide taurocarbamique) qui, chauffé avec l'eau de baryte dans un tube scellé, se transforme en taurine, acide carbonique et ammoniaque. , C^H^Az-SO' 4- H-Û = C-H'AzSO^ -+- GO- -H AzH' Ac. taurocar- Taurine, bamique. D'après Schultzen, l'acide sulfurique se séparerait des albuminoïdes (taurine) sous forme d'acide sulfamique, H-AzSO-, qui se décomposerait en ammoniaque et en acide sulfurique. L'ammoniaque s'unirait à l'acide carbamique, CH^AzO-, pour former de l'urée : CHUzO- -t- AzH^ = GH^Az-0 — H-0 les sulfates sont éliminés par l'urine. Tout le soufre provenant de la désassimilation des substances albu- minoïdes ne s'élimine pas à l'état de sulfates. Sertoli et, après lui, Lobi.sch et Salkowsky ont trouvé dans lurine un corps contenant du soufre et qui n'a pu encore être isolé. Aliments d'épargne. — On attribue à quelques substances, alcool café, thé, coca du Pérou, maté du Brésil, la faculté d'enrayer la désas- similation et de diminuer les décompositions internes de l'organisme; 538 PHYSIOLOGIE FO>'GTIO.\XELLE. il en résulterait que ces substances peuvent, grâce à cette propriété, épargner une certaine quantité d'aliments, d'où le nom d'aliments d'é- pargne ou antidéperditeurs qui leur a été donné. Mais les recherches sur ce sujet sont encore trop insuffisantes pour qu'on puisse formuler des conclusions précises. (Voir: Marvaud, EJJfets physiologiques et thé- rapeutiques (les aliments d" épargne, 1871.) Bibliographie «le la nntritiou. — Boussixgault : Economie rurale, 1844. — Dumas et Bot.ssixgai-lt : Essai de statique chimique des êtres organisés, 1844. — Barral : Statique chimique des animaux, 1850. — L. W. Bischoff et Voit : Die Gesetze der Ernâhrimg, 1860. — Pettkxkofer et Voit et Ecole de Munich : Série de mémoires dans la Zeitschrift fUr Biologie, passim. — Ritter : Thèse sur les Modifications chimiques que subissent les sécrétions sous l'influence de quel- ques agents qui modifient le glohule sangidn, 1872. — W. Bexeke : Grundlinien der Pathologie des Stoffaechsels , 1874. — Voir en outre les Traités de chimie phy- siologique et les Recueils de chimie pour les travaux de Boussixgault , Liebig, Dumas, etc. Article second. — PhysioloCtIe du mouvement. Les organismes vivants sont des producteurs de forces vives. Ces forces vives, comme on l'a vu dans les prolégomènes, ne sont en réalité que des modes divers de mouvement, mouvement qui se dégage tantôt sous forme de travail mécanique extérieur, tantôt sous forme de chaleur ou d'électricité, tantôt enfin sous cette forme plus obscure et plus mystérieuse encore à laquelle on donne habituellement le nom de force nerveuse ou d'inner- vation. # 1. — PRODUCTION DE TRAVAIL MÉCANIQUE. Le travail mécanique est produit dans l'organisme par les muscles, qui constituent les organes actifs du mouvement. Les conditions générales de la contraction musculaire ont déjà été étudiées dans la Physiologie générale ; il ne s'agira donc ici que des muscles considérés comme moteurs mécaniques et des effets qu'ils produisent, comme forces motrices, par leur application aux parties mobiles du corps et en particulier aux diverses pièces du squelette qui constituent les organes passifs du mouvement. La mécanique animale n'a pas, en réahté. d'autres lois que la mécanique ordinaire, seulement la complexité des organes actifs ou passifs qui entrent en jeu dans un acte déterminé rend très- difEcile le calcul des puissances et des résistances, et exphque STATIO.X ET LOCO.MOTIOX. 539 pourquoi, malgré les remarquaLles travaux des frères Weber, d'Helmhoitz, de Marey, de Giraud-Teulon, et de quelques autres physiologistes, la théorie mathématique des mouvements dans l'organisme animal reste encore à faire. Ainsi, pourne citer qu'un exemple, il est bien démontré aujourd'hui que les surfaces arti- culaires n'appartiennent jamais à des courbures parfaitement déterminées et mathématiquement calculables ; elles ne sont qu'approximativement sphériques, cylindriques, hélicoïdes, etc., et il est par conséquent à peu près impossible de les faire ren- trer dans une formule générale. Les puissances musculaires s'apphquent non-seulement sur les leviers solides constitués par les os pour produire les mouve- ments partiels ou totaux du corps, mais ils s'appliquent encore soit sur des liquides, comme dans la circulation du sang, soit sur des masses gazeuses, comme dans la ventilation pulmonaire, de sorte que la môme puissance, la contraction musculaire, dé- termine des effets très-différents suivant la disposition de l'appa- reil sur lequel la puissance est appliquée. 1° STATION ET LOCOMOTION. L'organisme humain est composé en grande partie d'organes et de tissus mous, peu résistants, incapables par eux-mêmes de maintenir la forme du corps contre les puissances extérieures et en particuher contre la pesanteur. Cette rigidité, cette persis- tance de la forme, indispensables aux diverses manifestations de l'activité vitale, le corps les doit aux os dont l'ensemble cons- titue le squelette. Ces os sont articulés entre eux de façon à permettre des déplacements partiels où totaux de l'organisme (mouvements partiels des membres, mouvements de locomotion, etc.), sans que la résistance et la soUdité du tout soient com- promises. La mécanique du squelette et la mécanique articulaire sont donc essentielles à connaître quand on veut étudier le méca- nisme de la station et de la locomotion. Mais la physiologie des os et des articulations est si intimement liée à l'anatomie de ces organes qu'il est impossible de les étudier à part, et cette étude est faite dans les traités d'anatomie auxquels je renvoie, tant pour la physiologie générale des articulations que pour celle des diverses 540 PHYSIOLOGIE FOXCTIO>\NELLE. articulations prises en particulier. (Voir : Beaunis et Bouchard, Anatomie, 2* édition, page 128.) 1. MECANIQUE MUSCULAIRE. Quand deux os sont réunis par une articulation et qu'un muscle va de l'un à l'autre, il peut se présenter deux cas : ou bien le muscle est rectiligne ou bien il est réfléchi. Dans le premier cas, si le muscle est rectiligne, le muscle, en se contractant, tendra à rapprocher ses deux points d'insertion et la résultante du raccourcissement de toutes ses fibres pourra être représentée par une ligne idéale qui figurera graphi- quement le muscle lui-même et sa direction. Les os peuvent aussi être représentés par des hgnes idéales figurant l'axe de l'os. Le muscle, en se contractant, exerce une traction égale sur ses deux points d'insertion, et tend à les déplacer l'un vers fautre d'tine quantité égale ; mais les obstacles qui s'opposent à ce dé- placement peuvent ditTérer à chacun des deux points d'insertion, de façon que l'un d'eux peut se déplacer seulement d'une quan- tité très-faible ou même rester immobile; de là la distinction des insertions d'un muscle en insertion fixe et insertion mobile; mais ces mots n'ont en réalité qu'une valeur toute relative; l'in- sertion fixe pourra dans, certaines circonstances devenir insertion mobile et vice versa; cependant pour la plupart des muscles, une des insertions joue le plus habituellement le rôle de point fixe, et c'est en général celle qui est la plus rapprochée de Taxe du tronc ou de la racine des membres. Si le muscle est réfléchi, il pourra arriver deux cas: 1° ou bien le point de réflexion est mobile et les insertions sont fixes: alors ce point de réflexion se rapprochera d'une droite joignant les deux points d'insertion du muscle ; c'est de cette façon qu'agissent les muscles curvilignes à insertions fixes qui com- priment les organes contenus dans une cavité; 2° ou bien le point de réflexion est fixe; alors chacune des insertions se rapproche du point de réflexion et nous rentrons dans le cas des muscles à di- rection rectiligne: ici du reste, comme ci-dessus, une des insertions du muscle peut être fixe, et l'autre se rapproche seule du point de réflexion; dans ce cas, le muscle peut, au point de vue physio- logique, être considéré comme partant de son point de réflexion. STATION KT LOCOMOTION. >4l Fig. 85. — Positions d'un os mobile par rapport à un os fixe. Si maintenant nous examinons les [ différentes positions qu'un muscle en état de contraction peut imprimer à un os mobile par rapport à un os fixe, nous trouverons les cas suivants {fig. 85) : . , •; 1" Le muscle fait avec los mobile un angle aigu, MM'A {fig, 85, 1). Le muscle MM' tire le point mobile M' dans la direction M'M; il représente une force (ju'on peut décomposer en deux- composantes: T Tune MV/, pa- rallèle à l'os mobile et se confondant avec son axe, tend à presser cet os r contre l'os fixe dans l'articulation A; cette partie de la force est donc com- plètement perdue pour le mouve- ment; 2" l'autre composante M'6 , perpendiculaire à l'os mobile, en- traîne le point mobile M' dans la direction M'6 ; celle-là est seule utile. En comparant les deux ligures I et 1', on voit que plus l'angle intercepté par les deux os est obtus, plus il y a de force perdue, et qu'à mesure que cet angle se rapproche d'un angle droit, la quantité de force utilisée M'^ devient plus grande. 2" Le muscle fait avec l'os mobile un angle droit (11). Dans ce cas toute la force est utilisée, et le point mo- bile M' est tiré dans la direction même du muscle M'M; c'est ce (lu'on appelle le moment d'un muscle. 3° Le muscle fait avec l'os mobile un angle obtus AM'M (111). Nous re- trouvons là encore lesv deux compo- santes comme dans le premier cas : 1° l'une M'a, lire le point mobile M' dans la direction M'a, et tend à écarter Ot' lU 542 PHYSIOLOGIE FO}sCTIO.\>ELLE. l'os mobile de l'os fixe dans l'articulation A; c'est donc l'inverse de ce que nous avons vu précédemment; mais son effet est toujours perdu pour le mouvement de l'os; l'autre composante M'^ tire le point M' dans la direction M'6 et possède seule un effet utile. On comprend maintenant l'utilité des saillies articulaires sur lesquelles les tendons se réfléchissent; en augmentant l'angle d'incidence du muscle sur l'os mobile, elles favorisent d'autant l'action de la force motrice. Il est facile de trouver avec cette construction, l'intensité de la force utilisée à chaque instant de la contraction quand on connaît la force du muscle. Il suffit en effet de donner à la ligne MM' la valeur de la force du mUscle et de construire le rectangle des forces comme dans les figures ci -jointes; on aura immé- diatement la valeur des deux composantes M'« et Wb en compa- rant leur longueur à celle de la diagonale du rectangle M'M. Il est important de remarquer que, suivant qu'un muscle sera au début ou à la fin de sa contraction, il y aura pression des surfaces articulaires les unes contre les autres ou tendance à l'écartement de ces surfaces. Beaucoup de muscles ne passent pas par les trois positions que nous avons étudiées, et cessent d'agir avant d'avoir atteint leur moment, c'est-à-dire le point où leur traction s'exerce perpendiculairement à l'os mobile. Quoi qu'il en soit, tous les mouvements imprimés à un os par la con- traction d'un muscle, peuvent être ramenés à un des trois cas précédents. Nous avons supposé un muscle tendu sur ilne seule articula- tion et allant d'un os à l'os contigu ; mais il y a des muscles tendus sur plusieurs articulations et dont les contractions peu- vent par conséquent s'exercer sur plusieurs os à la fois. Ici le problème est plus complexe; on peut toujours, il est vrai, appré- cier l'action d'un muscle sur une articulation donnée, en suppo- sant toutes les autres fixes et les passer ainsi en revue les unes après les autres; mais on n'a pas là ce qui se passe en réalité, et ces mouvements, que nous supposons se faire successivement, se font simultanément et s6 modifient les uns les autres. Dans tous ces mouvements, l'os mobile représente un levier dont le point d'appui est à l'articulation avec l'os fixe, la puis- sance au lieu d'insertion du muscle moteur, la résistance, en un point quelconque variable où vient s'apphquer la résultante des STATION ET LOCOMOTION. 5i3 actions de la pesanteur et des obstacles au déplacement de l'os mobile (résistance des antagonistes, tension des parties molles, etc.), et suivant les positions respectives de ces trois points, l'os mobile représentera un levier du premier, du deuxième ou du troisième genre. Dans le levier du premier' genre, le point d'appui se trouve entre la puissance et la résistance. C'est ce qui arrive, par exemple, dans l'équilibre de la tète sur la colonne vertébrale; le point d'appui correspond à l'articulation occipito-atloïdienne; la résis- tance se trouve en avant de l'articulation, sur une perpendi- culaire abaissée du centre de gravité de la tête qui par son poids tend à s'incliner en avant; la puissance est eh arrière, au point d'insertion des muscles de la nuque. La colonne vertébrale, dans ses différentes pièces, le tronc sur le bassin, la jambe sur le pied représentent un levier du même genre. Le levier du premier genre peut être appelé le levier de la station. Il se présente exceptionnellement, chez l'homme, dans certains mouvements; ainsi dans le mouvement d'extension de l'avant-bras sur le bras, le point d'appui est à l'articulation du coude, la puissance der- rière l'articulation à l'insertion du triceps, la résistance (poids de l'avant-bras) en avant de l'articulation. Dans le levier du second genre, la résistance est entre la puis- sance et le point d'appui. Dans ce levier, le bras de levier ('j de la puissance est toujours plus long que le bras de levier de la résistance ; ce levier est très-avantageux au point de vue de la force puisque, les forces étant inversement proportionnelles à leurs bras de levier, il suffira d'une force médiocre pour vaincre une résistance considérable : mais il est désavantageux au point de vue de la vitesse, car les vitesses, ou les déplacements des points d'application des deux forces, sont proportionnelles à leurs bras de levier. Ainsi, si le bras de levier de la puissance = 10 et celui de la résistance = 1, il suflira d'une force égale à 1 kilo- gramme pour déplacer une résistance de 10 kilogrammes, mais le point d'application de la puissance se déplacera de 10 mè- tres pendant que celui de la résistance ne se déplacera que de l mètre. Le levier du second genre est donc le levier de la force. Il ne se présente que rarement dans la machine animale; (') On appelle bras de levier la distance qui se'pare le point d'appui du point d'application de la force (puissance ou résistance). 5i4 PHYSIOLOGIE FO^*CTlO^^\ELLE. cependant on le rencontre quelquefois, par exemple quand on se soulève sur la pointe des pieds; le point d'appui se trouve au point de contact des orteils avec le sol , la puissance à l'insertion du tendon d'Achille, la résistance est représentée par le poids du corps dont le point d'application se trouve à l'articulation tibio- tarsienne. Le levier du second genre se rencontre dans la plu- part des instruments de travail dont l'homme se sert , ainsi dans la brouette, dans le maniement du levier pour soulever une pierre, etc. Dans le levier du troisième genre, la puissance est entre le point d'appui et la résistance. A l'inverse du précédent, le bras de levier de la résistance est toujours plus considérable que celui de la puissance, et s'il est avantageux au point de vue de la vitesse, il est désavantageux au point de vue de la force. Aussi le levier du troisième genre est-il le levier de la vitesse. C'est aussi celui qui est le plus employé dans les mouvements chez l'homme. Ainsi dans la flexion de l'avant-bras sur le bras, le l^oint d'appui est à l'articulation du coude, la puissance à l'inser- tion des fléchisseurs ibiceps et brachial antérieur), la résistance (poids de l'avant-bras) à la partie moyenne de l'avant-bras, et le même genre de levier se retrouve dans la plupart de nos mouve- ments. L'n muscle n'agit jamais seul, tous les segments osseux dont se compose le squelette ayant une certaine mobihté les uns sur les autres ; pour qu'un muscle déplace par une de ses extrémités un os donné, il faut que l'autre extrémité soit immobile et que par suite l'os qui lui donne attache soit fixé par d'autres muscles, et ainsi de suite, de proche en proche jusqu'aux parties centrales du squelette: pour les mouvements peu énergiques, cette fixation, n'ayant pas besoin d'être absolue, s'opère soit par l'inlluence mécanique de la pesanteur, soit par des contractions tellement faibles qu'elles passent inaperçues et que tout se fait à notre insu; mais cette énergie paraît dans toute son intensité quand nous voulons exécuter un mouvement exigeant un très-grand dé- ploiement de force musculaire ; alors tous les muscles entrent en contraction, et le squelette forme un tout rigide et inflexible qui donne un point d'appui sohde aux muscles spécialement chargés du mouvement à exécuter ; c'est ce qu'on voit, par exemple, dans l'effort. STATIO-X ET LOCOMOTION. 6i5 Les mouvements produits par la contraction musculaire peu- vent être envisagés de deux façons différentes: T on peut avoir égard aux mouvements d'un os i>olé sur un autre os. autrement dit, aux mouvements qui se passent dans une articulation ; 2° on peut avoir égard aux divers mouvements que peut produire un muscle donné, en le supposant agir isolément. Les mouvements d'un os sur un autre sont en général le fait, non pas d'un seul, mais de plusieurs muscles dits congénères; c'est ainsi qu'on a pu créer des groupes de fléchisseurs, d'exten- seurs, etc., qui agissent probablement tous à la fois dans un mouvement. Les effets produits par la force musculaire sont très- variables; ce seront tantôt un mouvement imprimé à un corps en repos, tantôt un changement de forme d'un corps, tantôt des transfor- mations ou des annihilations de mouvement, etc., mais quels qu'ils soient, ces effets peuvent toujours se réduire aune poussée ou à une traction et par suite s'évaluer en poids, ce qui permet leur comparaison avec toutes les autres actions mécaniques. Il sera donc facile de mesurer la force déployée par un muscle ou par un organisme. Dans bien des cas, cette force peut se mesurer directement à l'aide d'appareils ou dynamomètres, dont le plus usité est le dynamomètre de Régnier. Il se compose d'un ressort élastique ovale dont les deux branches se rapprochent par la pression dans le sens de son petit axe ou par la traction dans la direction de son grand axe. Le degré de rapprochement des deux branches du ressort (degré correspondant à la force musculaire déployée) est indiqué par la déviation d'une aiguille sur une échelle divisée et dont les divisions correspondent à des poids déterminés. D'après (Juételet, le maximum de pression, pour un homme de moyenne taille, est de 70 kilogrammes; la force développée par la trac- tion est à peu près du double. Le travail, mécanique de l'homme s'évalue habituellement, comme celui des animaux et des machines, en kilogrammètres. Le kilogrammètre ou unité de travail est la quantité de travail nécessaire pour élever 1 kilogramme à 1 mètre de hauteur dans l'unité de temps (en une seconde). En effet, pour connaître l'effet utile d'un mouvement, il ne sulïit pas de connaître le travail produit, mais il faut savoir en combien de temps le travail a été Beaums, PliYS. 35 546 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO>\\ELLE. accompli. Or, les observations pratiques ont montré qu'un ouvrier de force ordinaire peut fournir 7 kilogrammètres au moins par seconde; mais comme les muscles ne peuvent se contracter con- tinuellement , et qu'un ouvrier ne peut guère dépasser utilement huit heures de travail par jour, on a pour 24 heures le chiffre de 2,3 kilogrammètres par seconde. Le travail produit n'est pas le même pour les différentes espè- ces animales. Le tableau suivant donne pour l'homme et pour quelques animaux la quantité de kilogrammètres produits en huit heures de travail: la dernière colonne donne la quantité de travail par kilogramme d'animal et par seconde. „, -, 1 o 1- Travail par seconde T, .j Travail de 8 heures * i -, „ Poids moyen. , -, .^ et parkiloçrramme . ^ en kilogrammètres. en kilogrammètres. Homme 70 kilogr. 316,800 0,157 Bœuf 2S0 — 1,382,400 0,172 Âne 168 — 864,000 0,178 Mulet 230 — 1,497,600 0,222 Cheval 280 — 2,102,400' 0,261 La quantité de travail produite varie naturehement suivant la façon dont la force musculaire est utilisée. Cette quantité de travail est bien plus considérable, compara- tivement au poids du corps, chez de petits animaux, ainsi chez les insectes; Plateau, dans ses curieuses expériences sur ce sujet, a vu que certains insectes peuvent traîner 20 (abeille), 23 (han- neton) et jusqu'à 40 fois leur poids. STATION. On appelle station cet état d'équilibre du corps dans lequel il peut se maintenir un certain temps sans se déplacer. Il y a plu- sieurs espèces de station, suivant l'attitude prise par l'organisme : station debout, station assise, décubitus ou station couchée, etc., mais, dans toutes, la condition essentielle pour l'équilibre de la station c'est que la perpendiculaire abaissée du centre de gravité du corps tombe dans la base de sustentation , et le maximum de stabilité est atteint quand cette perpendiculaire rencontre le cen- tre même de la base de sustentation. On sait qu'on appelle base de sustentation le polygone formé par la réunion des points STATION ET LOCOMOTION. 547 d'appui extrêmes par lesquels le corps touche le sol. J'insisterai surtout ici sur la station droite, la plus importante de toutes, et dont l'analyse suflira pour faire comprendre facilement toutes les autres. II y a trois conditions essentielles à considérer dans la station droite : le centre de gravité du corps, la base de sustentation et enfin la façon dont la ligne de gravité est maintenue dans la base de sustentation. 1° Centre de gravité dit corps. — Le centre de gravité du corps peut être déterminé expérimentalement par les mêmes pro- cédés que pour tous les autres corps solides. Horelli faisait coucher un homme sur une planche placée en équihbre sur un couteau horizontal comme un fléau de balance, de façon que la planche ainsi chargée restât en équilibre ; le centre de gravité se trouvait dans le plan passant par l'arête du couteau ; la situation du cen- tre de gravité dans le plan antéro-postérieur et surtout dans le plan transverso-vertical (frontal) est plus diflicile à déterminer expérimentalement ; cependant on peut y arriver en partie pra- tiquem.ent, en partie par des raisons théoriques. Le centre de gravité du corps se trouve au niveau du promontoire (E. Weber), ou, d'après Meyer, dans le canal de la deuxième vertèbre sacrée. On peut déterminer de la même façon les centres de gravité des différentes parties du corps. Ainsi le centre de gravité du tronc (les jambes enlevées) se trouve sur la ligne qui va de l'ap- pendice xiphoïde à la 8® vertèbre dorsale (la 10® d'après Horner), et dans un plan transversal qui passe un peu en arrière de l'axe des têtes des fémurs. La position du centre de gravité du corps varie naturellement suivant la position qu'on donne au corps et à ses différentes parties et encore plus suivant les fardeaux dont on le charge et la façon dont ces fardeaux sont portés. De là les attitudes diverses prises dans ces cas suivant le mode de chargement, altitudes qui ont toutes pour but de ramener la ligne de gravité dans la base de sustentation; de là ces mouvements de compensation si marqués surtout quand la base de sustentation est très-étroite, comme dans la station sur un seul pied ou dans les expériences d'équilibre. 2" Base de sustentation. — La base de sustentation est cons- tituée dans la station droite ordinaire uniquement par les pieds, et varie de grandeur suivant l'écartement des pieds. Cette base de sus- tentation s'agrandit singulièrement, et avec elle la stabihté , dans 548 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. la station assise et surtout dans le décubitus. La diminution de cette base dans la station sur un seul pied ou sur la pointe des pieds par exemple, s'accompagne au contraire d'une diminution correspondante dans l'équilibre du corps, la moindre oscillation portant la ligne de gravité en dehors de la base de sustentation et rendant la chute imminente. T Maintien de la ligne de gravité dans la base de sustenta- tion. — Si la contraction musculaire était seule chargée de maintenir la ligne de gravité dans la base de sustentation, la fatigue interviendrait bientôt et la station ne pourrait être main- tenue longtemps ; c'est en effet ce qui arrive dans certaines atti- tudes, comme dans la station accroupie. Pour que la 'station puisse se prolonger, il faut donc que d'autres conditions inter- viennent et que l'action musculaire soit réduite au minimum. Ces conditions se rencontrent dans la disposition même des arti- culations combinée avec l'action de la pesanteur. Toutes les articulations du tronc et des jambes sont maintenues dans l'ex- tension par le poids même des divers segments du corps, de façon que le corps représente un tout rigide en équilibre sur l'astragale et supporté par la voûte plantaire. Cette rigidité se produit de la far-on suivante dans les diffé- rentes articulations qui représentent toutes des leviers du pre- mier genre. La tête est en équilibre sur l'atlas et son centre de gravité tombe un peu en avant de l'axe de rotation de l'articulation occipito-atloïdienne; ici les muscles de la nuque interviennent, mais l'effort qu'ils ont à faire est très-faible à cause de la faible longueur du bras de levier de la résistance (distance de la ligne de gravité à l'articulatiouj. L'action musculaire intervient aussi dans le maintien de la rectitude du rachis, surtout dans certaines conditions, ainsi quand, après le repas, le poids des viscères tend à l'incliner fortement en avant. Le centre de gravité du tronc tombe un peu en arrière de l'axe de rotation des fémurs ; mais la chute du corps en arrière est empêchée par la tension du hgament de Berlin et du tenseur du fascia lata; en outre, ce dernier ligament ainsi que le ligament rond et, d'après Duchenne, les petits et moyens fessiers s'opposent à une inchnaison latérale. STATION ET LOCOMOTION. 549 Dans l'articulation du genou, le centre de gravité des parties supérieures du corps tombe tn\s-peu en arrière de l'axe de rota- tion, et l'articulation est maintenue dans l'extension par le ten- seur du fascia lata et sa bandelette aponévrotique et par le triceps fémoral. Tout le corps, jusqu'à l'articulation tibio-tarsicnne, forme ainsi un tout rigide dont la solidité est maintenue pour une grande partie par la tension même des ligaments et pour une faible part par l'action musculaire, et ce tout rigide est en équilibre sur l'as- tragale ; mais cet équilibre est très-instable, car le centre de gra- vité du système se trouve bien au-dessus du point d'appui, puisqu'il est situé au niveau du promontoire. Aussi, à cause de la longueur du levier, les plus faibles dépla- cements dans l'articulation tibio-iarsienne se traduisent-ils à l'extrémité du levier, c'est-à-dire à la tète, par des oscillations d'une amplitude considérable. Ces oscillations peuvent être en- registrées directement si on adapte au sommet de la tète un pin- ceau vertical qui trace sur un papier tendu horizontalement au- dessus du sujet en expérience les mouvements de va-et-vient ou d'oscillation que le corps exécute pendant la station. Il est facile de mesurer ainsi les déplacements que subit le centre de gravité du corps. Ces oscillations sont dues évidemment à des contrac- tions musculaires inconscientes (et peut-être aussi aux mouve- ments de la circulation et de la respiration) et surtout aux con- tractions des muscles de l'articulation tibio-tarsienne. Ce sont en effet ces muscles qui rétablissent à chaque instant l'équilibre et ramènent dans la base de sustentation la ligne de gravité du corps qui tend à s'en écarter, et, malgré la précision des contrac- tions musculaires, il est bien difficile que la contraction ne dé- passe pas quelquefois la limite voulue. La sensibilité musculaire, ou mieux le sens musculaire joue donc un rôle essentiel dans la station, puisque c'est par lui que nous avons la notion du degré de contraction nécessaire pour rétablir Téquihbre (voir: Sens musculaire). Mais la sensibilité musculaire n'intervient pas seule dans le maintien de l'équilibre dans la station ; deux autres ordres de sensations interviennent aussi, des sensations tactiles d'une ])arl, des sensations visuelles de l'autre. L'astragale qui supporte tout le corps repose sur la voûte plantaire et. par conséquent, sur la peau du talon d'une part et 550 PHYSIOLOGIE FO.XCTIO.X.XELLE. 'ELLE. la masse de plomb résiste et force la membrane du tambour à s'abaisser, la pression se transmet au levier du tambour du polygraphe qui s'élève; le contraire arrive quand le corps descend; 3° un cylindi^e enregistreur portatif avec deux tambours qui communiquent cbacun avec un des appareils précédents; le sujet en expérience porte ces dIfFérents appa- reils et peut ainsi enregistrer les mouvements de la marche, de la course, du saut, etc., à différentes vitesses et dans toutes les conditions possibles. Les tracés des figures 88 et 89, empruntés à Marey, ont été pris avec ces appareils. (Voir, pour les détails, le travail de Carlet et la Machine animale de Marey.) La marche se distingue de la course par ce que le corps ne quitte jamais le sol. Chaque jambe porte allernalivemenl le poids du corps et le pousse en avant de façon à déterminer le mouve- ment de progression en faisant changer à chaque instant la base de sustentation. Si {fig. 86) nous décomposons les forces qui entrent en action dans la marche, G représentant le centre de gravité du corps , nous voyons que deux forces agissent sur ce centre de gra- vité, G: 1° lune, représentée par la jambe JG, fait équihbre à la pesanteur ; 2° l'autre, produite par l'extension de la jambe .l'G, pousse le centre de gravité dans la direction GF, et peut se dé- composer en deux composantes, l'une verticale, GV, qui tend à porter en haut le centre de gra- vité ; c'est à elle qu'est due la légère oscillation verticale cons- fatée dans la marche; l'autre horizontale, GH, qui détermine la progression. Les deux jambes représentent alors un triangle dont l'hypothénuse J'G est cons- tituée par la jambe postérieure étendue, la perpendiculaire .IG ou le grand côté, par la jambe qui supporte le poids du corps; le fig. 86. — Forcos qui entrent enjeu dans la marche. STATION ET LOCOMOTION. 5.") 3 petit côté JM représente la longueur d'un pas. Cependant Marcy considère cette longueur comme un demi-pas seulement et donne le nom de i)as à la série de mouvements qui s'exécutent entre deux positions semblables dun même pied. Pour bien comprendre les actes successifs de la marche, il est indispensable d'analyser à part les mouvements des jambes et du tronc. 1° Mouvements des jambes. — Au début du pas, l'une des ji\mbes, jambe portante ou active, est située au-dessous du centre de gravité du corps. Vautre, jambe oscillante, est placée plus en arrière, comme dans la figure 86. A partir de cette position, cha- cune des deux jambes prend les positions suivantes pendant la durée dun pas {fig. 87). ^ S^o li nfS 2 3 Fig. 87. — Positions successives dos deux jambes pendant la duiée de la marche. hîi jambe portante s'étend peu à peu dans l'articulation du genou (4 à M) et" commence à pousser le tronc en avant; puis dans une dernière période, qui commence au moment où son 554 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. extension est complète (12), elle se détache du sol d'arrière en avant (12, 13, 14, 1, 2, 3) et prend alors la position qu'avait l'autre jambe au début du pas (4). Cette jambe accomplit donc deux mouvements successifs, un mouvement d'extension, un mouvement de détachement du pied du sol. La pression du pied sur le sol (appui ou foulée) ne dépasse jamais 20 kilogrammes. L?L jambe oscillnute, au début du pas, appuie encore sur le sol par l'extrémité des orteils (4, 5, 6, 7j, puis elle s'en détache en se fléchissant (8i et accomplit alors un mouvement d'oscillation d'arrière en avant (8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 1, 2), pendant lequel elle -est portée et eiitraînée en avant par le mouvement du tronc; elle décrit donc, pendant ce mouvement d'oscillation, un double pas (pas simple de Mareyi. D'après les frères AVeber, la jambe oscillerait comme un pen- dule composé, et d'après des lois purement physiques; la durée des oscillations dépendrait uniquement de la longueur de la jambe, et l'isochronisme des oscillations assurerait la régularité de la marche. Cependant les recherches de Duchenne, Marey, Carlet, ont démontré que l'intervention musculaire est incontes- table et qu'il est impossible de la nier, par exemple pour le psoas iliaque et le tenseur du fascia lata (flexion de la cuisse), le couturier ^flexion de la jambe., etc. Mais les forces physiques n'en jouent pas moins un rôle essentiel dans la marche, et épar- gnent d'autant l'action musculaire ; ainsi la pression atmosphé- rique, qui maintient au contact les surfaces articulaires coxo- fémorales, fait à peu près équilibre au poids de la jambe. (AYeber.) Le moment où la jambe oscillante se pose sur le sol varie dans les divers modes de marche lente ou rapide; mais dans la mar- che ordinaire, la jambe termine son oscillation et se pose sur le sol' un peu après qu'elle a dépassé la verticale du centre de gravité. Si maintenant on examine la simultanéité des mouvements des deux jambes, ce qui peut surtout se faire par la méthode gra- phique, on voit que la durée d'un pas peut se diviser en deux temps : 1° un temps pendant lequel les deux pieds appuient sur le sol, tem])s de double appui; 2° un temps pendant lequel une seule jambe appuie sur le sol pendant que l'autre oscille; temps d'appui unilatéral; plus la marche est rapide, plus le premier temps diminue, et dans la marche très-rapide, ce temps peut même être réduit à 0 et la jambe se détache du sol dès que l'autre STATIO-X ET LOCOMOTION. 555 commence à s'y poser. La figure suivante représente, d'après Marey, le graphique de la marche ' marche assez rapide). Fig. S8. — Grapliiqiie de la marche. (Marey.) 2° Mouvement du tronc. — Pendant la marclie, le tronc est légèrement incliné en avant et cette inclinaison augmente avec la vitesse de la marche. Les frères Weber avaient comparé cette inclinaison à celle d'une tige qu'on tient en équilibre sur le bout du doigt pendant qu'on marche ou qu'on court; mais Duchenne et Carlet ont prouvé que, contrairement à l'opinion de Weber, l'action musculaire intervient aussi dans cette incUnaison. Outre le mouvement de progression dans le sens horizontal, le tronc exécute aussi de légères oscillations verticales ; mais ces oscillations, tracées en 0 \fig. 88i, sont à peine marquées et le tronc reste sensiblement à la même hauteur. D'après Weber, ces oscillations ne dépassent jamais 3C millimètres. Enfin le tronc, entraîné par la jambe qui oscille, accomplit dans un plan horizontal un mouvement de rotation, comparable aune sorte de roulis, mouvement pendant lequel il s'incline en même temps qu'il se tord suivant l'axe du rachis ; ce mouvement, bien plus marqué quand les bras sont collés au corps, est diminué par les mouvements de compensation des bras qui oscillent en sens inverse de la jambe du même côté. Les mouvements du tronc et du bassin en particulier ont été bien étudiés et analysés par Carlet au mémoire duquel je renvoie. La vitesse de la marche dépend de deux conditions princi- pales, de la longueur et de la durée du pas. l"" Longueur du j^as. — Dans le triangle rectangle JCJ' Fig. 8S. — D, mouvements du pied droit. — G, mouvements du pied gauche. — O, oscilla- tions verticalps. L'ascension des courbes D et G correspond au moment où les pieds appuient sur le sol, la descente des courbes au moment où les pieds sont détachés du sol. 556 PHYSIOLOGIE F OXCTIO-X.XELLE. (fig. 86, p. 552) , où J'J représente la longueur du pas, J'J sera d'au- tant plus considérable que JG sera plus court et l'IiypothénuseJ'G plus longue. La longueur du pas sera donc plus grande si : 1° la jambe portante JG se fléchit pour abaisser le point G; aussi le tronc est-il d'autant plus bas qu'on marche plus vite, et si : 2" la jambe étendue J'G est plus longue; les personnes à longues jambes et à grand pied font de plus grandes enjambées. 2" Durée ou nombre des pas. — La durée du pas peut être diminuée de deux façons: T en diminuant la durée de l'oscil- lation de la jambe, ce qui peut se faire, soit en fléchissant for- tement la jambe, ce qui rend son oscillation plus rapide (le pendule étant plus court), soit en arrêtant plus rapidement l'os- cillation et en posant le pied à terre dès que la jambe oscillante atteint la verticale du centre de gravité; 2" en diminuant le temps pendant lequel les deux jambes touchent le sol ; on a vu plus haut que ce temps peut même èlre réduit à 0 (fait nié cependant par Garlet). Le tableau suivant donne, d'après Weber. les rapports entre la durée et la longueur du pas et la vitesse de la marche : Durée du pas Longueur dn pas Vit' sse de la marche par en secondes. en rniHiraètres. second 8 en miUimètres. 0,335 8 51 2,397 0,417 804 1,928 0,480 790 1,646 0,562 724 1,288 0,604 668 1,106 0,668 629 942 0,846 530 627 0,966 448 464 1,050 398 2" Course. 379 On a vu tout à l'heure que, dans la marche très-rapide, le temps pendant lequel les deux jambes touchent le sol peut être réduit à 0. de façon que le tronc ne repose jamais que sur une seule jambe ; cette marche rapide représenté une sorte d'inter- médiaire entre la marche ordinaire et la course. Dans la course en effet, il y a un temps pendant lequel les deux jambes sont déta- STATIO.X ET LOCOMOTION. 557 chées du sol çt le tronc suspendu en l'air. Les principaux points par lesquels le mécanisme de la course ditTère de celui de la marche sont les suivants. Le mouvement dextension de la jambe est beaucoup plus fort que dans la marche, de sorte que le tronc se trouve projeté en avant et détaché du sol; les deux jambes, devenues libres, sui- vent le mouvement de translation du corps en avant et oscillent en môme temps d'arrière en avant; pendant ce temps de suspen- sion, la jambe qui a donné l'impulsion est située un peu en arrière (le l'autre et quand celle-ci se pose sur le sol pour projeter à son tour le tronc en avant et en haut, la première continue son mou- vement d'oscillation. Le corps exécute aussi, pendant la course, des oscillations ver- ticales qui, d'après AVeber, seraient plus faibles que dans la mar- che. Ce serait le contraire d'après les tracés de Marey 'fig. 89). Fig. 89. — Grapliique de la course fcouise peu rapide; Marev;. Les oscillations verticales correspondraient non aux levés, mais aux appuis ; le corps commencerait à s'élever au moment où le pied frappe le sol, atteindrait son maximum d'élévation au mi- lieu de l'appui du pied, et redescendrait pour tomber à son mini- mum au moment où le pied, se lève et avant que l'autre pied ait posé sur le soL II n'y aurait donc pas de saut ou de projection violente du corps en haut comme le comprenait Weber. Le temps de suspension tiendrait seulement à ce que les jambes se retirent du sol par l'effet de leur flexion, au moment où le corps se trouve à son maximum d'élévation. La vitesse de la course peut aller jusqu'à quîftre mètres et demi et plus par seconde; des coureurs peuvent même parcourir neuf mètres par seconde, mais sans pouvoir soutenir cette vitesse. La notation suivante résume les différences de la marche ordinaire, 558 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. de la marche très-rapide et de la course, d'après les (Jonnées précé- dentes, pendant la durée de deux pas (un pas de Marey ); les lettres D et G représentent les jambes droite et gauche ; les lettres 0 et P, la jambe oscillante et la jambe portante. iD — POPPPOPP ^^^^^^^ JG— PPPOPPPO >r V, -A \ D — p 0 p 0 Marche rapide . . . -j n _ n P 0 P ^ D — P 0 0 0 P 0 0 0 ^°"^^^ i G — 0 0 P 0 0 0 1' 0 Billlloji^riipliio. — J.-A Borelli : De Motu animalium, 1680. — Barthez : Nou- velle -mécanique des mouvements de Vhomme et des animaux, 1798. — Gerdy: Mémoire sur la marche (JoiTrnal de physiologie de Magendie , 1829). — E. et TV. Weber : Mécanique de la locomotion, dans : Encyclopédie anatomiqv.e, 1S33. — Maissiat : Etudes de physique animale, 1843. — Michel : Des Muscles et des Os au point de vue de la mécanique animale, I84(j. — Giraud-TeulOx : Principes de mécanique animale, 1858. — Duchexxe : Physiologie des mouvements , 1867. — Carlet : Essai expérimental sur In locomotion humaine, 1872. — Marey : la Ma- chine animale , 1874. — Pettigrew : la Locomotion chez les animaux, 1874. 2« MÉCANIQUE RESPIRATOIRE. Procédés. — A. Mensurations. — Les mensurations, soit avec le ruban métrique, soit avec le compas d'épaisseur, ne peuvent donner de renseignements sur les mouvements de la cage thoracique. Elles ne peu- vent que donner la circonférence ou les. diamètres du thorax à un moment donné. A ce point de vue, le meilleur instrument est le cyrto- mètre de Woillez; c'est un ruban métrique constitué par l'assemblage de pièces solides articulées entre elles et qui conservent, après leur application, la forme de la circonférence thoracique. B. Procédés d'enregistrement des mouvements du thorax. — Les appareils imaginés pour enregistrer les mouvements respjratoires du thorax sont très-nombreux et il est impossible de les décrire tous ici. Ces instruments se divisent en trois classes: les uns s'appliquent aux deux extrémités opposées d'un diamètre du thorax, les autres sur toute la circonférence thoracique, les derniers enfin au diaphragme; les pre- miers enregistrent l'expansion diamétrale du thorax, les seconds l'ex- pansion circonférentielle, les derniers l'expansion verticale. 1° Instruments enregistrant V expansion diamétrale du thorax. — Ces instruments, auxquels on a donné les noms de thoracomètres, stélhomètres , stéthographes , etc., sont très-nombreux. Ils sont tous en général construits sur le principe du compas d'épaisseur. Les deux branches de l'instrument s'appliquent aux deux extrémités d'un dia- mètre quelconque du thorax (transversal ou antéro-postérieur) ; une des deux branches est mobile et transmet le mouvement du point avec MÉCA.XIOL'E RESPIRATOIRE. 559 lequel elle est en contact à un levier enregistreur. Le mode de trans- mission du mouvement peut varier ainsi que le mode de fixation de l'appareil et la disposition des différentes pièces. Je ne donnerai ici que quelques-uns de ces instruments comme types. Tambour pour recueillir les mouvements du thorax. — Pour les Fig. 90, — Tambour pour recueillir les p,g 9 1,_ Tambour monté sur un compos. mouvements du tliorax. (Bert.) (Bert.) petits animaux, comme les oiseaux, on peut se servir de la disposition représentée dans la ûgure 91 ; pour les grands animaux , il vaut mieux Fig. 91. — A, tambour. — B, plateau, — C, tube de communication avec le levier enregis- treur. — D, Élastique tendu à volonté pour ramener l'appareil au contact. — E, vis permettant de fixer l'appareil dans une position déterminée. — ee', tiges qu'on peut allonger et raccourcir à volonté. 560 PHYSIOLOGIE FO>CTIO>\VELLE. donner à l'appareil la forme suivante (Bert): un pied solide (j^j/. 90, p. 559) supporte une capsule de cuivre qui communique par le tube G avec le tambour du polygraphe; cette capsule est fermée par une membrane élastique A sur laquelle s'élève, appuyée sur une plaque d'aluminium a\ une tige verticale mobile terminée par un plateau a et qui traverse sans frottement un pont de cuivre qui la maintient. A ce pont s'attache un fil élastique qui ramène les plateaux a et a quand ils ont été en- foncés du côté de la capsule. Pour enregistrer le mouvement d'un point du thorax, il suffit d'approcher le plateau a de ce point; quand le thorax se dilate, il repousse le plateau a, déprime la membrane élastique A; l'air de la capsule est comprimé, la compression se trans- met à Pair du tambour du polygraphe dont le levier s'élève. La figure 9 1 représente le tambour monté sur une sorte de compas d'épaisseur. Le sléthomètre de Burdon-Sanderson est construit sur le même principe. Seulement, pour assurer la fixité de l'appareil et du sujet en expé- rience, le tambour est porté par une sorte de charpente en fer. Le piieumographe de Fick peut rentrer aussi dans la même catégorie. Les appareils employés par Yierordt et Ludwig utilisent un autre mode de transmission. Ils se composent essentiellement d'un levier à deux bras inégaux; Pun des bras, le plus court, s'applique sur le thorax, l'autre sert de tige écrivante. Stéthographe double de Riegel. — Riegel a imaginé un appareil qui permet d'enregistrer simultanément les mouvements des deux côtés de la poitrine, ce qui peut être utile dans certaines circonstances et surtout daus les cas pathologiques. Je renvoie pour sa description à Pouvrage de l'auteur (voir : Bibliographie). 2° Appareils pour enregistrer t expansion circonférentielle du tho- rax. — Pneumographes. — Le plus usité est le p7ieumographe de Marey. Il se compose d'un cylindre élastique constitué par un ressort à boudin enveloppé d'une couche de caoutchouc mince; aux deux extré- mités du cylindre se trouvent deux rondelles métalliques terminées par un crochet, de façon à pouvoir y adapter une ceinture qu'on place autour du thorax à la hauteur à laquelle on veut étudier ses mouve- ments. La cavité du cylindre communique par un tube en caoutchouc avec le tambour du levier enrcgisireur. Le pneumographe de Marey a été modifié par Bert de la façon suivante (Jig. 92, page 561) : le cylindre est métallique et les deux bases du cylindre, au contraire, sont formées par des plaques de caoutchouc, ce qui donnerait plus de sensibilité à l'appareil. Quoi qu'il en soit, dans les deux appareils le résultat est toujours le même : dans Pinspiration, Pair du cylindre se raréOe, la pression diminue dans Pair du tambour du polygraphe et le levier de ce tambour s'abaisse ; dans Pexpiration, c'est l'inverse. La figure 93, p. 56 1 , représente, d'après Marey, le tracé obtenu avec le pneumographe ; le graphique se lit de gauche à droite ; l'ascension de la courbe corres- pond à Pexpiration, sa descente à l'inspiration. MÉCA^'IOUE RESPIRATOIRE. 561 3° Appareils pour enregistrer les inoiivements du diaphragme {ex- pansion verticale). — Phrénographe de Rosenthal. — Cet instrument Fig. 92. — Pnenmographe modifié de Bert. ne peut être employé que sur les animaux. II se compose d'un levier qu'on introduit par une ouverture de la paroi abdominale et qui vient s'appliquer à la face inférieure du muscle dont il suit les mouvements. La branche extérieure du levier est en rapport avec un cylindre enre- gistreur et inscrit sur ce cylindre le graphique du mouvement dia- Fig. 93. — Graphique de la respiration (bonime" obtenu par le pneuniographe. (Marey.) phragmatique. On peut aussi implanter simplement dans le diaphragme, à travers l'appendice xiphoïde, une aiguille dont l'extrémité libre est rattachée à un levier enregistreur. C. Appareils enregistreurs de la pression intra-pulmonafre. — La pression augmentant dans les voies aériennes au moment de l'expi- ration et diminuant au moment de l'inspiration, on peut, au lieu d'enre- gistrer les variations de la cage thoracique, enregistrer les variations Fig. 93. — Le graphique se lit de gauche à droite. Beaunis, Phys. 36 562 PHYSIOLOGIE FOA'CTIONNELLE. de pression de l'air. Les procédés employés dans ce but ont déjà été donnés page 433, ainsi que les graphiques obtenus par ces procédés. D. Thoragomètres. — Le thoracomètre de Sibson est le plus connu de ces instruments. Les mouvements d'un point du thorax se commu- niquent à une tige qui s'engrène avec une roue dentée et fait marcher une aiguille dont la direction indique l'étendue du mouvement; cet appareil permet de mesurer des déplacements de '/,o de ligne. Le tho- racomètre de Wintrich, le stélhomètre de Quain sont construits sur le même principe. Ces appareils sont moins commodes que les appareils enregistreurs, mais dans certains cas ils peuvent donner des indications plus précises. On a vu plus haut, à propos des phénomènes physiques de la respiration, la nécessité d'une ventilation pulmonaire (page 421); c'est le mécanisme de cette ventilation qu'il nous reste à étudier, autrement dit ce qu'on appelle ordinairement les 'phénomènes mécaniques de la respiration. Les conditions de cette ventilation concernent d'une part le thorax, de l'autre les poumons. 1° Conditions de la ventilation pulmonaire. Le thorax représente, au point de vue physiologique, une cage élastique à parois mobiles susceptible de s'agrandir dans l'inspi- ration, de se rétrécir dans l'expiration. Ces variations de volume ne peuvent se faire cependant que dans des limites assez res- treintes, et les différentes régions des parois thoraciques y pren- nent une part inégale en rapport avec la constitution anatomique de ces parois. La forme naturelle ou la position d'équilibre du thorax correspond à l'état de l'expiration ordinaire non forcée. La cage thoracique peut être tirée de cette position d'équilibre par des puissances musculaires dont l'étude est du ressort de l'ana- tomie, et qui tantôt augmentent sa capacité (muscles inspirateurs), tantôt la diminuent (muscles expirateurs). D'autre part, tandis que l'inspiration et l'expiration forcée ne peuvent se produire que par l'action musculaire, le retour à la position d'équilibre ou à l'expiration ordinaire se fait par la simple élasticité des parois thoraciques, aidée puissamment, comme on le verra plus loin, par l'élasticité pulmonaire. La cavité thoracique est en outre hermétiquement fermée; elle se trouve dans les conditions d'un récipient dans lequel on MÉCANIQUE RESPIRATOIRE. 563 aurait fait le vide absolu ; il en résulte que la pression atmosphé- rique ne peut agir sur la surface extérieure des organes creux qu'elle contient (poumons et cœur), tandis qu'elle agit sur leur surface interne, soit directement (poumons), soit par l'intermé- diaire du sang (cœur et gros vaisseaux) ; aussi la face externe de ces organes, en contact avec la face interne de la paroi thoracique, s'accole intimement à cette paroi et en suit tous les mouvements d'expansion et de rétraction. La figure schématique suivante (Jîg. 94) fait comprendre ces condi- tions mécaniques. La cloche 1 représente la cage thoracique ; la mem- Fig. 94. — Rapports des poumons et de la cavité thoracique. (Funke.) brane de caoutchouc 4, le diaphragme ; la membrane 6, les parties molles d'un espace intercostal ; un tube, 2, figurant la trachée, traverse le bouchon du goulot de la cloche et se bifurque en aboutissant à deux vessies minces qui représentent les poumons; un manomètre, 3, donne la pression dans l'intérieur de la cloche. Au début de l'expérience, l'air de cloche est à la même pression que l'air extérieur, et par conséquent que l'air des deux vessies qui communiquent par le tube avec l'air extérieur, et le mercure est à la même hauteur dans les deux branches du manomètre. Si maintenant on tire en bas par le bouton 5, la mem- brane de caoutchouc 4, on augmente la cavité de la cloche, la pression diminue dans son intérieur, et la pression atmosphérique étant alors plus forte fait hausser le mercure dans la branche interne du mano- mètre, déprime l'espace intercostal 6, et dilate les deux vessies ; la pression de l'air dans la cloche est alors négative et se mesure par la différence de hauteur des deux colonnes mercurielles. Supposons mainte- 564 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. rant qu'on fasse graduellement le vide dans la cloche, les vessies se dilateront peu à peu, et quand le vide absolu sera atteint, la pression négative égalera 76 centimètres, et les parois des deux vessies s'acco- leront intimement à la face interne des parois de la cloche et de la membrane de caoutchouc 4, en suivant exactement les mouvements de cette membrane. Les mouvemonts de la cage tlioracique dans l'inspiration et dans l'expiration, et le mode d'action des muscles inspirateurs et expirateurs sont étudiés dans les Traités d'anatomie (*). Lq^ poumons sont élastiques et contractiles. V élasticité pulmonaire joue un rôle essentiel dans la respira- tion. Dans l'inspiration, les petites bronches et les vésicules pul- monaires sont distendues par la pression atmosphérique qui les force de suivre les mouvements d'expansion du thorax ; puis une fois l'inspiration terminée, cette élasticité entre en jeu et les poumons se rétractent suivis par le thorax. Mais dans les con- ditions normales, et tant que la plèvre est intacte, les poumons n'atteignent jamais leur limite d'élasticité ; leur position d'équi- libre ne correspond pas à la position d'équilibre du thorax ; quand ce dernier a atteint son minimum de capacité (même dans les expirations forcées) , le poumon n'a pas atteint le sien et il pourrait encore se rétracter si la pression atmosphérique intrapulmonaire n'accolait pas sa surface à la paroi thoracique. Aussi quand, sur le vivant ou sur le cadavre, vient-on à faire une ouverture à la paroi thoracique, l'air pénétrant par cette ouver- ture dans la cavité de la plèvre , la pression atmosphérique s'exerce à la surface externe du poumon comme à sa surface interne, et les deux pressions s'équilibrant, l'élasticité pulmonaire entre seule en jeu et le poumon se rétracte en chassant l'air qu'il contient. Pour mesurer cette élasticité, on adapte à la trachée d'un ani- mal un manomètre à mercure et on incise la paroi thoracique, le poumon s'affaisse et le mercure monte de G à 8 millimètres dans le manomètre (Carson) ; cette élasticité pulmonaire est plus considérable dans les inspirations profondes, et peut atteindre 30 à 40 millimètres de mercure. (') Voir Beaunis et Bouchard : Anatomie, 2^ édition, pages 159 (me'ca- nisme du thorax], 250 (intercostaux), 254 (diaphragme), 263 (scalènes), etc. MÉCÂMOUE RESPIRATOIRE. 565 Lu. contractilité pulmonaire est moins facile à constater et a été très-controversée. Williams avait déjà obtenu un rétrécisse- Fig. '.'ô, — ùraiihiqiie do la contraction pulmonaire chez le chien. (Beit.) ment des bronches par l'excitation galvanique, rétrécissement qui se traduisait par l'ascension du liquide (eau) d'un mano- mètre adapté à la trachée ; et ses expériences, combattues par Wintrich et d'autres physiologistes, ont été confirmées par Bert, Fig, 96. — Graphique de la contraction pulmonaire chez le lézard. (Bert.) qui a constaté cette contractilité et a vu qu'elle était très-pro- noncée, surtout sur les poumons des reptiles. Les tracés ci-dessus, empruntés à Bert, donnent les graphiques de la contraction pul- monaire chez le chien (fig. 95) et le lézard {fig. 96). 2^ Inspiration et expiration. \J inspiration est essentiellement active, musculaire. Les mus- cles qui la produisent, muscles inspirateurs, diaphragme, in- tercostaux, etc., ont à surmonter les résistances suivantes: r l'élasticité du thorax ; sa valeur n'a pas été calculée ; 2" l'élas- Fig. 95. — Les deux premiers tracés (de haut en bas) sont obtenus par- l'excitaiion directe du poumon; le troisième, par l'excitation (hi pneumogastrique. Dans tous ces tracés le trait horizontal indique le début, le trait vertical la lin de l'excitation. F:g. 96, — Le premier tracé est fourni par l'excitation directe du poumon, le second par Texcitation du pneumogastrique. 566 PHYSIOLOGIE FO>'GTIO^'XELLE. ticité pulmonaire ; elle peut être évaluée à 8 millimètres de mer- cure dans les inspirations calmes, à 24 millimètres (en moyenne) dans les inspirations profondes ; 3° la pression négative de l'air intrapulmonaire dans l'inspiration; pression qui est de 1 millimètre dans les inspirations calmes, de 57 millimètres dans les inspirations profondes. Les muscles inspirateurs auront donc à surmonter, en négligeant l'élasticité thoracique, une résistance de 8 + 1 = 9 millimètres dans l'inspiration calme, de 24 -f- 57 = 8i milli- mètres de mercure dans l'inspiration profonde. L'expiration ordinaire est produite uniquement par l'élasti- cité pulmonaire (et thoracique) et sans intervention musculaire. Dans Yexpiration forcée (parole, chant, cri, effort, etc.), les muscles expirateurs (muscles abdominaux) interviennent; ils ont alors à surmonter une résistance égale à la pression de l'air intra- pulmonaire dans l'expiration, moins l'élasticité pulmonaire, par conséquent égale à 87 — 24 = 63 millimètres de mercure, et plus forte encore dans les efforts intenses. L'ampliation de volume ou la dilatation du poumon pendant l'inspiration, se fait d'une façon inégale pour les divers points de la surface du poumon ; les parties les plus fixes du poumon, celles qui se déplacent le moins, sont : la racine des poumons, leur sommet et leur bord postérieur avec la partie de la face externe logée dans les gouttières latérales du rachis ; les parties les plus mobiles sont celles qui sont les plus éloignées de ces points fixes, et en particuher le bord antérieur et le bord inférieur, et les parties intermédiaires auront une excursion de déplacement dont l'étendue dépendra de la distance qui les sépare des points fixes et des points les plus mobiles. Pour que l'air arrive jusqu'aux poumons, il faut de toute Mécessité que la partie supérieure des voies aériennes reste béante ; cette béance est maintenue soit par la disposition même de leurs parois (charpente osseuse des fosses nasales, cerceaux cartilagineux de la trachée et des bronches), soit par faction musculaire. C'est ce qui arrive, par exemple, pour forifice des narines et pour la glotte. A chaque inspiration, les narines se dilatent sous l'influence des muscles releveur, superficiel et profond, et du dilatateur de l'aile du nez ; ce mouvement des narines est surtout marqué-dans MÉG.VMOLE RESPIRATOIRE. 567 les inspirations profondes, comme dans la dyspnée et chez cer- taines espèces animales, le cheval par exemple. A son passage à travers les fosses nasales, l'air inspiré se réchanffe, grâce à la riche vascularisalion de la muqueuse et à sa disposition, et cet air se charge en même temps de vapeur d'eau. Cependant, habituel- lement une petite partie du courant d'air passe par la bouche entrouverte et n'éprouve pas, par conséquent, cette élévation de température. Chez les animaux qui, comme le cheval, respirent uniquement par les narines, la paralysie des muscles des naseaux (section du facial! ne tarde pas à amener l'asphyxie, la narine flottant comme un voile devant l'orifice nasal et le bouchant à chaque inspiration. Le larynx et la glotte en particulier sont le siège de phéno- mènes particuhers qui coïncident avec les actes respiratoires. Au moment de l'inspiration, le larynx s'abaisse (surtout dans le type de respiration claviculaire) ainsi que la trachée, qui se -CTIO>\\ELLE. La température augmente la fréquence des mouvements res- piratoires. 4:"" Types respiratoires. La respiration ne se fait pas toujours d'après le même méca- nisme, aussi a-t-on admis plusieurs types respiratoires. En effet, parmi les muscles inspirateurs, tous ne présentent pas toujours la même intensité d'action, et suivant que l'action de tels ou tels muscles prédomine, on voit varier le mode d'ampliation de la cage thoracique Quand l'action du diaphragme prédomine, la respiration est dite diaphragmatique ou abdominale; le ventre se- bombe et les di- mensions transversales du thorax ne se modifient que très-peu et seulement dans la région inférieure. C'est ce mode de respira- tion qui est habituel à l'homme. Dans le type costal ou thoraci- que au contraire, c'est sur les dimensions transversales du thorax que porte principalement son ampliation et l'action du dia- phragme est diminuée d'autant. Dans ce cas le ventre est aplati et l'ampliation du thorax est due principalement aux mouve- ments des côtes et surtout des côtes supérieures. Ce mode de respiration se rencontre chez les femmes, où il parait dû à l'usage du corset, et toutes les fois que l'action du diaphragme est empêchée (grossesse, tumeur abdominale, etc.). Quand cette respiration est très-accentuée, les mouvements de la clavicule et des deux premières côtes deviennent très-prononcés et lui ont fait donner le nom de respiration claviculaire. La figure suivante, empruntée à Hutchinson, donne les divers modes et types de respiration chez l'homme et chez la femme- (fig. 103, page 573). 5° De quelques actes respiratoires spéciaux. Les mouvements respiratoires se modifient de façon à produire certains actes spéciaux qui concourent à l'accomplissement de la fonction respiratoire et d'autres fonctions, ou qui correspon- dent à des influences nerveuses particuhères. Eu égard à leur mécanisme, ces actes peuvent être classés en trois catégories : MÉCA^'IQUE RESPIRATOIRE. 573 effort, actes inspirateurs et actes expirateurs. Le mécanisme de la voix et de la parole rentrerait aussi dans cette dernière Fig. 103. — Diagramme des divers modes de respiration. (Hutchinson.) catégorie, mais leur importance mérite une élude à part qui sera faite dans les chapitres suivants. A. Effort. — L'effort n'est pas autre chose que le déploiement, à un moment donné, d'une contraction musculaire intense pour vaincre une résistance considérable. Cet effort a pour première condition la fixation de la cage thoracique, fixation qui donne un point d'appui solide aux muscles des membres supérieurs, de l'abdomen et des membres inférieurs. Pour fixer la cage thora- Fig, 103. — Cette figure montre l'étendue des mouvements antéro-postérieurs dans la res- piration ordinaire et dans la respiration forcée, chez l'homme et chez la femme. Le trait noir indique par ses deux bords les limites de l'inspiration et de l'expiration ordinaires. La ligne pointillée répond à l'inspiration forcée, le contour de la silhouette à l'expiration forcée. 574 PHYSIOLOGIE FOXCTIOX^'ELLE. cique, on fait une inspiration profonde, puis la glotte se ferme et les muscles expirateurs se contractent alors énergiquement. Cette occlusion de la glotte a été constatée directement chez les ani- maux ; chez l'homme elle est prouvée par ce fait d'observation journalière que l'émission des sons s'arrête au moment de l'ef- fort. Cependant l'occlusion absolue de la glotte ne paraît pas être indispensable et les animaux ou les hommes porteurs de fistules de la trachée peuvent encore faire des efforts, mais moins éner- giques et moins soutenus. B. Actes inspirateurs. — Ces actes inspirateurs sont tantôt simples, comme l'action de humer ou de renifler, tantôt plus complexes, comme le bâillement. Dans le humer, l'air passe par la bouche en entraînant le liquide en contact avec l'orifice buccal. Dans le renifler, le courant d'air inspiré passe parle nez, et on aspire en même temps les corps placés à l'orifice des narines, comme dans l'action de priser. Le bâillement consiste en une inspiration profonde, la bouche largement ouverte, avec contraction de certains muscles de la face et suivie d'une expi- ration bruyante ou insonore. Le sanglot est une inspiration ou une série d'inspirations diaphragmatiques, brèves, spasmodiques, douloureuses, avec production de son glottique à l'inspiration et à l'expiration. Dans le soupir l'inspiration est lente, profonde et suivie d'une expiration courte et forte avec émission d'un son particulier. Le hoquet est une contraction spasmodique du dia- phragme, avec inspiration brusque arrêtée subitement par l'ac- colement des cordes vocales. G. Actes expirateurs. — La toux consiste en une ou plu- sieurs expirations avec rétrécissement de la glotte et production d'un son assez fort; le courant d'air expiré passe en grande partie par la bouche. V expectoration n'est que l'expulsion par la toux des mucosités contenues dans la trachée et le larynx. Dans ïex- création {hein des Anglais), les mucosités accumulées dans l'arrière-gorge et le pharynx sont entraînées par le courant d'air expiré: dans le crachement, W entraîne celles qui se trouvent dans la cavité buccale; dans le moucher, le courant d'air, au lieu de passer par la bouche, passe par les fosses nasales, h'èternue- ment consiste en une inspiration profonde suivie d'une expira- tion brusque se faisant par le nez. Le rire se compose d'une série d'expirations successives, la bouche ouverte et avec pro- duction d'un bruit spécial à la glotte; pendant le rire, l'épiglotte MÉCA.MQUE RESPIRATOIRK 0 / c> Fig. 104. — Le graphique se lit de droite à gaucLe; la croix indique le début du graphique; la ligne ascendante E correspond à l'expiration, la ligne descendante l à l'inspiration ; la première courbe donne la respiration normale; il y a dans ce cas une pauie e\piratoire. Le trait horizontal indique le début du rire. 576 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. est relevée, ce qui facilite le passage d es aliments et des boissons dans le larynx. La méthode graphique permet d'étudier dans tous leurs détails le mécanisme de ces divers actes respiratoires. Je donnerai comme type le graphique du rire, pris parle procédé indiqué page 234. 6^ Apnée, dyspnée et asphyxie. Apnée. — Quand le sang est saturé d'oxygène, les mouve- ments respiratoires s'arrêtent (Hook, 1667); c'est à cet état que Rosenthal a donné le nom d'apnée. Si sur un animal on pratique l'insufflation pulmonaire en diminuant de plus en plus l'intervalle de deux insufflations successives, les mouvements respiratoires se ralentissent et finissent par cesser tout à fait, tandis que toutes les autres fonctions, mouvements du cœur, actions réflexes, etc., continuent à s'exécuter comme à l'état normal. Dyspnée. — La dyspnée se présente toutes les fois que les échanges gazeux respiratoires ne se font pas avec assez d'activité. On peut produire la dyspnée de deux façons : 1" par l'ouverture des plèvres, ce qui amène l'affaissement d'un ou des deux pou- mons; 2° par le rétrécissement des voies aériennes, ce qui di- minue l'abord de l'air dans les poumons. Quel que soit son mode de production, la dyspnée se traduit par l'exagéralion des mou- vements d'inspiration ; non-seulement les muscles inspirateurs ordinaires, comme le diaphragme, se contractent plus énergi- quement que d'habitude; mais on voit entrer en action dos muscles qui, à l'état ordinaire, ne participent pas à l'inspiration cylme, tels sont les muscles scalènes, les dentelés postérieurs, etc. ; aussi les côtes supérieures se soulèvent-elles avec force à chaque inspiration, et le larynx, presque immobile dans la respiration ordinaire, s'abaisse fortement, ce qui est un des signes caracté- ristiques de la dyspnée. Asphyxie. — On peut distinguer l'asphyxie brusque, qui se produit par l'occlusion complète de la trachée par exemple, et l'asphyxie lente, dans laquelle l'occlusion des voies aériennes ne se fait que d'une façon graduelle. Les phénomènes de l'asphyxie rapide peuvent se diviser en trois stades, très-courts, qu'il est facile d'observer sur les animaux et en particuher chez le chien. PHONATION. . 577 Dans le premier stade, qui dure environ une minute, on re- marque d'abord de la dyspnée et des mouvements inspiraloires excessifs très-marqués, surtout pour les muscles tlioraciques ; puis les muscles abdominaux se contractent éncrgiquement, et à la fin de la première minute, apparaissent des convulsions d'a- bord purement expiratrices, puis accompagnées de spasmes plus ou moins irréguliers des membres et surtout des muscles fléchisseurs. Dans le second stade, qui a à peu près la même durée, les con- vulsions cessent, quelquefois tout à coup, et les mouvements d'expiration sont à peine perceptibles; la pupille est dilatée; les paupières ne se ferment plus si on touche la cornée ; les actions réflexes ont cessé; tous les muscles, sauf les inspirateurs, sont dans le relâchement; la pression artérielle baisse; il y a en somme un calme général qui contraste singulièrement avec l'agi- tation de la période précédente. Dans la troisième période, qui dure deux à trois minutes, les mouvements d'inspiration deviennent de plus en plus faibles et es- pacés; les muscles inspirateurs accessoires se contractent spasmo- diquement et, bientôt après, les spasmes gagnent d'autres muscles et particulièrement les extenseurs; la tète se renverse en arrière, le tronc s'étend et s'incurve en arc ; les membres sont dans l'ex- tension, les narines sont dilatées; des bâillements convulsifs se produisent et la mort ne tarde pas à arriver. Les phénomènes de l'asphyxie lente suivent la même marche, seulement avec beaucoup moins de rapidité dans leur produc- tion ; mais là encore on retrouve les trois périodes de convul- sions expiratoires, de calme et de convulsions inspiraloires. Billliog;rapliie. — J. Rosexthal : Die Athemhewegnngen, 1862. — Maret : Pncn- niographie. (Journal de l'Anatomie , 1865.) — Bert : Leçons sur la physiologie comparée de la respiration, 1870, — F. Riegel : Die Âthevihen: egvngen, 1673. 3" PHONATION. La voix se produit dans le larynx ; dans les conditions ordi- naires de la respiration, l'air traverse cet organe sans déterminer de sou appréciable autre qu'un léger soufQe à peine perceptible : mais quand le larynx et en particuUer la glotte se modilient dd la façoQ qui sera décrite plus loin, le courant d'air expiré déter- mine la formation d'un son, son vocal ou voix. Beaunis, Phys. 37 578 PHYSIOLOGIE FONCTIO^'^'ELLE. Avant d'étudier le mécanisme de la production du son dans le larynx, il me paraît utile de rappeler les notions fondamentales sur les caractères et la production du son ; quoique ces notions appartiennent à la physique pure, elles sont le préliminaire obligé de la physiologie de la phonation. 1. ■ PRINCIPES d'acoustique. 1° De la vibration sonore. Tous les corps, quel que soit leur état, solide, liquide ou gazeux, sont susceptibles de vibrer, pourvu qu'ils soient élastiques, et de déter- miner par leurs vibrations des sensations auditives. Ces vibrations con- sistent en des mouvements de va-et-vient, en des oscillations des molécules du corps sonore autour de leur position d'équilibre, mou- vements de va-et-vient qui se transmettent de proche en proche aux molécules voisines. Il y a donc deux choses bien distinctes dans ce phénomène: le mouvement de va-et-vient des molécules et la propaga- tion de ce mouvement. Le mouvement de va-et-vient des molécules constitue ce qu'on appelle une vibratio7i ou une oscillation. Les vibrations sont longitudi- nales ou transversales; longitudinales, quand le mouvement de va-et- vient des molécules se fait dans la même direction que la propagation de la vibration (ex. : dans l'air); transversales, quand ce mouvement est perpendiculaire à cette direction (ex, : une corde qu'on écarte avec le doigt de sa position d'équilibre). Dans la propagation des vibrations, soit longitudinales, soit transver- sales, chaque point du milieu parcouru par le mouvement vibratoire passe successivement par les mêmes phases. On appelle ondulation cette progression dû mouvement vibratoire qu'il ne faut pas confon- dre avec la vibration des molécules, et on donne le nom de longueur d'onde à la distance qui sépare deux points du corps vibrant qui se trouvent, au même instant, à la même phase du mouvement vibratoire. Cette longueur d'onde est constante pour un nombre donné de vi- brations par seconde dans le même milieu ; elle est proportionnelle à la durée de la vibration et en raison inverse de la vitesse. Dans les vibrations longitudinales, chaque ondulation se compose d'une demi- onde condensée et d'une demi-onde dilatée; dans les vibrations trans- versales, l'ondulation se compose de deux demi-ondes, dans chacune desquelles toutes les molécules vibrantes se trouvent d'un seul côté de leur position d'équilibre. Pour avoir la longueur d'onde, il suffît de diviser la vitesse de propagation des vibrations sonores (vitesse du PHONATION. 579 son), constante pour chaque milieu, par le nombre des vibrations par seconde : l = —. n Les vibrations sonores peuvent être régulières et périodiques, c'est- à-dire que le mouvement des molécules se reproduit exactement dans des périodes de temps rigoureusement égales. C'est à ce genre de vibrations que correspond la sensation de son musical. Quand les vibra- tions sont irrégulières et non périodiques, ou, quoique régulières et périodiques, se mélangent irrégulièrement, nous avons la sensation d'un bruit. Il en est de môme quand elles se réduisent à des chocs instantanés. On peut représenter graphiquement et d'une manière très-simple les vibrations sonores. Soit ^fig. 105 AX, la durée d'une vibration trans- Fig. lUo. — Vibration pendulaire. versale, la courbe ABC représentera les positions successives occupées par un point vibrant dans la première moitié de l'ondulation iphase positive); GDN, les positions occupées pendant la deuxième moitié de l'ondulation (phase négative i. On peut aussi considérer AN comme représentant la longueur d'onde ; la courbe ABC représentera, dans ce cas, les positions simultanées de chacun des points du corps vibrant dans la phase positive; GETN, dans la phase négative. On a dans ce cas la/orwe même du mouvement vibratoire. La même ligure peut servir pour les vibrations longitudinales. AN représente la durée de la vibra- tion, ABC Tonde condensée, CDN l'onde dilatée; les hauteurs PB, ED, rcprésenlent les vitesses des molécules dans la fraction correspon- dante de la durée de la vibration, autrement dit, le degré de conden- sation et de dilatation des molécules, et les courbes ABC, CDN repré- sentent les différents états d'une molécule vibrante. Si AN représente au contraire la longueur d'onde, la courbe représentera alors l'état des molécules dans toute l'étendue de l'ondulation. Dans beaucoup de cas, ces vibrations sonores peuvent être enre- gistrées directement à l'aide d'appareils particuliers dont la description se trouve dans les traités de physique \mcthode de Duhamel, phonau- tographe, méthode optique de Lissajous, etc.). 580 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Les vibrations périodiques peuvent être simples ou composées. 1° Vibrations simples. — Appelées qhcoïq, Yi\)x^[\ons pendulaires, parce que le mouvement de va-et-vient des molécules vibrantes suit la même loi que le mouvement du pendule; elles ne difFèrent entre elles que par l'amplitude et la durée. On appelle amplitude d'une vibration Técartement plus ou moins considérable des molécules vibrantes de leur position d'équilibre, ou encore l'espace compris entre les deux positions extrêmes des molé- cules vibrantes. L'amplitude détermine Vintensité àM son. La durée de la vibration est le temps employé par les molécules oscillantes, pour leur mouvement de va-et-vient. Cette durée est cons- tante pour une vibration pendulaire donnée, quelle que soit son ampli- tude. Plus cette durée est petite, plus la molécule vibrante accomplit d'oscillations dans l'unité de temps; aussi remplace-t-on souvent cette notion de durée par celle du nombre de vibrations par seconde; ce nombre est en raison inverse de la durée de la vibration. Pour avoir la durée de la vibration, il suffit de diviser l'unité de temps, la seconde, l par le nombre de vibrations: d = —. k la durée, correspond la sensa- n tion de hauteur du son. La forme de la vibration pendulaire est constante et invariable. Mathématiquement, elle a pour caractère que la distance du point vi- brant à sa position première est égale au sinus d'un arc proportionnel au temps id'où le nom de vibration sinusoïdale). Pour obtenir la repré- sentation graphique d'une vibration pendulaire, il suffit d'adapter à une des branches d'un diapason un stylet qui trace les mouvements de va- et-vient de cette branche, sur un cylindre enregistreur. La figure 105 représente une vibration pendulaire. 2° Vibrations composées. — Les vibrations composées sont formées par la réunion de vibrations simples, pendulaires. Tandis que celles-ci ne présentent que des difïérences d'amplitude et de durée, et ont tou- jours la même forme, les vibrations composées peuvent présenter une infinité de formes différentes. Pour trouver la forme de vibration composée correspondant à deux ou à plusieurs vibrations simples, il sufTit de tracer les courbes de ces vibrations simples, et de faire leur somme algébrique; la courbe résul- tante représentera la vibration composée. Des vibrations simples, de durée égale ou non, peuvent encore pro- duire des vibrations composées plus complexes si Ton introduit entre les deux vibrations simples une différence de phase, c'est-à-dire si l'on fait commencer la seconde vibration un intervalle de temps ('/j, '/s, \'i, etc., de l'unité de temps» après la première. Dans cette composition des vibrations simples, il peut y avoir des phénomènes .d'interférence; si à une onde dilatée correspond une onde PHONATION. 581 condensée, elles s'annulent réciproquement (\oiv fi g. 106). Quand, au contraire, comme dans la figure 107, les ondes condensées et les ondes Fig. lOG. — Interférence de deux ondes sonores. dilatées se correspondent respectivement, la vibration composée, a la forme de la courbe 3. Quand deux vibrations simples, de durée inégale, mais îrès-voisine, coexistent, il arrive des moments dans la série des mouvements vibra- Ftg 107. — Correspondance de deux ondes sonores. toires, oîi les vibrations s'ajoutent et d'autres au contraire où elles inter- fèrent et s'annulent. Alors intervient le phénomène des battemeiits qui sera étudié à propos des sensations auditives. Les vibrations simples sont très-rares dans la nature. La plupart des vibrations sont des vibrations composées, comme dans la plupart des instruments. Dans une vibration composée, il est rare que toutes les vibrations pendulaires aient la même intensité. En général, Tune d'elles domine : c'est ce qu'on appelle le son fondamental ; les autres, qui produisent les sons à'ds partiels, sont habituellement beaucoup plus faibles. Ces vibrations partielles ont, en général, une durée moindre que la vibration fondamentale, autrement dit la hauteur des sons correspon- dants est plus considérable. Dacs les instruments musicaux, dans la 582 PHYSIOLOGIE FO>;CTIOX>ELLE. voix Lumaine, les nombres des vibrations des sons partiels sont en rapport simple avec le nombre de vibrations du son fondamental. Ces rapports sont comme la série des nombres entiers, 1, 2, 3, 4, etc.; ainsi pendant que le son fondamental fait une vibration, le premier son partiel en fait deux, le deuxième trois, et ainsi de suite. Ces sons par- tiels ont reçu pour ce motif le nom (Y harmoniques. Le timbre d'un son dépend du nombre et de l'intensité de ses harmoniques. Il peut arriver que les sons partiels ne soient pas en rapport simple avec les nombres de vibrations du son fondamental, ne soient pas harmoniques du son fondamental lex. : tiges droites élastiques, plaques, membranes). Sons résultants. — Lorsque deux sons, de hauteur différente, sont émis simultanément; il se produit de nouveaux sons, appelés sons ré- sultants. Ils sont de deux espèces ; les uns, sons différentiels, plus intenses, ont un nombre de vibrations égal à la différence du nombre de vibrations des deux sons primitifs ; ainsi, si les deux sons primitifs font 400 et 300 vibrations par seconde, le son différentiel en fera 100; les autres, sons additionnels, très-faibles, ont un nombre de vibrations égal à la somme des nombres de vibrations des deux sons primitifs, 700 dans le cas précédent. Les harmoniques peuvent produire des sons résultants aussi bien que les sons fondamentaux. 2° Propagation des vibrations sonores. Les vibrations des corps sonores se transmettent aux milieux am- biants, air, liquides, solides, immédiatement en contact avec le corps vibrant, et se propagent ensuite dans ces milieux. Ces vibrations trans- mises conservent la même vitesse et la même durée que les vibrations primitives; le nombre de vibrations par seconde reste le même; la hauteur du son ne change pas, mais il n'en est plus de même des autres conditions; l'amplitude des vibrations varie ; elle diminue dans le pas- sage d'un milieu moins dense à un milieu plus dense; elle augmente dans le cas contraire. En outre, dans cette transmission du mouvement vibratoire d'un corps à un autre, le mode même du mouvement peut varier; c'est ainsi que les vibrations transversales des cordes se trans- mettent à l'air en donnant naissance à des vibrations longitudinales. En passant d'un milieu dans un autre, toutes les ondes sonores ne sont pas réfractées; une partie est réfléchie d'après les lois générales de la réflexion, une partie suit celles de la diffraction, une partie enfin est absorbée en se transformant en une autre espèce de mouvement (chaleur?!. Quand des vibrations sonores se transmettent à travers un corps, il peut se présenter deux cas : ou bien les vibrations se communiquent aux PHONATION. 583 molécules du corps sans le déplacer en masse, ou bien au contraire, soil par l'intensité des vibrations, soit par la faible masse du corps, celui-ci vibre dans sa totalité et exécute de véritables oscillations d'en- semble ; les vibrations sont moléculaires dans le premier cas, totales dans le second. Les deux espèces peuvent du reste coexister. 1° Propagation des vibrations soyiores daiis l'air. — Les vibrations de l'air sont toujours longitudinales. Elles se propagent dans ce milieu à raison de 333 mètres par seconde à 0^, 340 mètres à 15°; c'est ce qu'on appelle vitesse du son dans l'air. Sons par influence. — La transmission des vibrations de l'air aux corps solides présente certaines circonstances importantes à connaître pour le mécanisme de la phonation et de l'audition. Je veux parler du phénomène appelé sons par influence, quoiqu'il n'y ait là qu'un cas particulier de transmission de vibrations. En général, les vibrations d'une masse d'air n'ont pas une force suffisante pour faire entrer en vibration un corps solide d'un certain volume; il y a pourtant à cela une exception. Les corps sonores, cordes, plaques, etc., ont ce qu'on appelle un son propre, c'est-à-dire que, mis en vibration, ils donnent toujours, suivant leur tension, leur masse, leur élasticité, un son d'une hauteur déterminée et correspondant à un nombre déterminé de vibra- tions; ils sont, suivant une expression musicale, accordés pour un son donné ; lorsque ce son résonne, c'est-à-dire quand la masse aérienne qui les entoure fait le nombre de vibrations qui correspond à ce son, ils se mettent à vibrer à l'unis- son. Si au contraire le nombre de vibrations de la masse aé- rienne ne Coïncide pas avec le nombre de vibrations du son propre du corps, celui-ci reste im- mobile. Eu construisant d'avance une série de globes, résonna- teurs ifig. 108) accordés pour les différentes hauteurs de son, on obtient ainsi autant d'analy- seurs du son; il suffit d'intro- duire l'extrémité d'un de ces fia. 108. — Résonnatt'ur d'Uelmliollz. , , , ,, ... ' ^ globes dans 1 oreille pour ren- forcer considérablement le son extérieur correspondant au son propre du résonnateur et celui-là seulement; on peut par ce moyen recon- naître immédiatement les sons partiels contenus dans un son composé, quelque faibles qu'ils soient, et avec une série de résonnajeurs con- venablement choisis, analyser tous les sons composés. Cette vibration des corps par influence peut encore se produire môme quand le son émis n'est pas exactement à la même hauteur que 584 PHYSIOLOGIE FOiNGTIO>\\ELLE. le son propre du corps ; mais alors Tintensité de la vibration par influence se trouve beaucoup affaiblie. 2» Propagation des vibrations sonoi^es dans Veau. — La vitesse du son dans l'eau est de 1,435 mètres par seconde. La transmission des vibrations se fait très-bien dans les liquides; le plongeur entend très- nettement les sons qui se produisent sur le rivage. Elle se fait même mieux par l'eau que par l'air ; aussi chez les animaux qui vivent dans l'air, l'appareil auditif subit-il des perfectionnements qui facilitent la transmission. 3° Propagation des vibrations sonores par les solides. — Ce mode de transmission est tout à fait exceptionnel, ce qui ne l'empêche cependant pas d'être plus parfait encore que les deux précédents, faites vibrer un diapason, et quand le son sera près de disparaître, placez la tige du diapason entre les dents, le son se renforcera subite- ment. L'usage du stéthoscope en auscultation repose sur ce mode de transmission par les solides. (Voir aussi : Physiologie de t audition.) 3^ Production des sons dans les instruments musicaux. 1° Instruments à cordes. — Dans les instruments à cordes, le son serait très-faible si des corps, dits résonnants i corps solides élastiques, masses d'air enfermées, etc.), ne venaient renforcer le son primitif. La hauteur du son varie avec la longueur des cordes, avec leur tension, leur épaisseur et leur densité, d'après les lois suivantes : Le nombre de vibrations est en raison inverse de la longueur des cordes; quand une corde vibre dans toute sa longueur, elle donne le son le plus grave qu'elle puisse donner, son fondamental ; quand on la partage en deux parties égales par un chevalet, chaque partie vibre séparément et donne l'octave du son fondamental, c'est-à-dire qu'elle fait un nombre double de vibrations. Le nombre de vibrations est proportionnel à la racine carrée de la tension. Pour qu'une corde donne l'octave en conservant sa longueur, il faut que sa tension soit quatre fois plus considérable, qu'elle soit tendue par un poids quatre fois plus fort. Le nombre de vibrations est en raison inverse du diamètre des cor- des ; les cordes les plus épaisses donnent les sons les plus graves. Enfin le nombre de vibrations est -en raison inverse de la racine carrée du poids spécifique des cordes; les cordes les plus lourdes ont des vibrations moins rapides. 2° Instruments à vent. — Dans les instruments à vent c'est l'air lui- même qui est le corps sonore et les parois du tuyau qui contient la colonne d'air en vibration n'ont d'influence que sur la qualité ou le rHO>'ATIO-\. 585 timbre du son. Deux conditions influencent surtout la hauteur du son dans les instruments à vent, les dimensions du tuyau et la force du courant d'air qui arrive sur l'etubouclnire ; les sons sont d'autant plus aigus que le tuyau est plus court et plus étroit; la hauteur du son aug- mente avec la force du courant d'air et l'augmentation de tension des molécules vibrantes. 3° Instrumeyits à miches. — On a longtemps discuté pour savoir si, dans les instruments à anche, le son était produit par les vibrations de l'anche ou par celles de l'air. La question semble aujourd'hui résolue par les expériences d'Helmhollz; il a constaté, à l'aide du microscope à vibrations l'i, que les anches exécutent des vibrations simples tout à fait régulières et ne peuvent par conséquent par elles-mêmes produire que des sons simples; les sons complexes de ces instruments sont donc dus forcément aux vibrations de l'air; l'anche ne fait que régler la sortie du courant d'air, le diamètre de l'embouchure (qui devient alternativement plus grande et plus petite) et par conséquent la pério- dicité du son. Les anches se divisent en anches rigides et anches membraneuses. Il ne sera ici question que de ces dernières. Le type le plus simple d'anche membraneuse est constitué par une membrane percée d'une fente et tendue à l'cxtréniité d'un tube par lequel on soulTle. Les lois des vibrations des anches membraneuses simples ont surtout été étudiées par J. Millier. Les nombres de vibrations hauteur du son» suivent les mêmes lois que pour les instruments à cordes ; l'é- troitesse de la fente n'a pas d'influence sur la hauteur du son, mais les sons se produisent avec d'autant plus de facilité que la fente est plus étroite. Eu outre, la force du courant d'air augmente la hauteur du son. Les lois ne sont plus les mêmes dans les anches dites composées, c'est-à-dire dans lesquelles l'anche est surmontée d'un tuyau addition- nel ou corps, comme dans les instruments de musique. Dans ce cas, la hauteur du son est influencée par la longueur du corps; le son devient de plus en plus bas à mesure que le corps s'allonge, mais il ne tombe jamais à l'octave comme pour les anches rigides; puis pour une longueur dé- terminée, le son revient au son fondamental de l'anche, enfin un allon- gement nouveau du corps le fait baisser de nouveau et ainsi de suite. 2, rEODUCTION DU SOX DANS LE LAUYXX. Procédés. — 1° larynx de cadavres. — Ferrein et surtout J. Millier, puis Harless, Rinue, etc., ont étudié la formation de la voix sur des (') Le microscope à vibrations est un instrument dont le principe a été' découvert par Lissajous et qui permet d'observer facilement la courbe dé- crite par un pomt isolé d'un corps vibrant. (Voir les Traités de physique.) 586 rHVSIOLOGIE FO.\CTIO.\.\ELLE. larynx de cadavres. J. .Millier fixait le larynx et Imsertion postérieure des cordes vocales en implantant une forte aiguille à travers les carti- âges aryténoïdes et attachant cette aiguiile à une planchette verticale- les différents degrés de largeur de la fente glottique étaient obtenus par le rapprochement des cartilages aryténoïdes, les différents degrés de tension par des poids tirant sur la paroi antérieure du cartila-e tliyroide; une soufflerie était adaptée à la trachée et un manomètre indiquait a chaque instant la pression du courant d'air. J, MuUer a fait ' de cette façon un très-grand nombre d'expériences. 2° Larynx artificiels. ~~ Les mêmes recherches peuvent être faites avec des larynx artificiels, imitant plus ou moins heureusement le larynx humam. Les cordes vocales sont remplacées par des membranes élastiques . caoutchouc, membranes artérielles, etc.), et leur disposition varie tellement suivant les expérimentateurs qu'il est impossible d'en- trer dans une description détaillée de ces divers appareils 3° Observation directe sur les animaux, vivisections. ~ On peut chez les animaux, comme l'ont fait Longer, Segond. etc., après avoir Hicise la membrane thyro-hyoïdienne, saisir l'épiglotte avec une éri- gue et ramener le larynx en avant de façon à mettre la -lotte en evjuence. * » v. vu ^'^Observation directe sur Vhomme, laryngoscopie. - Le chanteur l^aicia en 18o4) fut le premier qui observa directement la glotte sur Je M vaut. 11 introduisit dans l'arriére-bouche un petit miroir métallique préalablement chauffé pour éviter la condensation de la vapeur d'eau • ]e miroir était incliné de façon à recevoir les rayons solaires et à les renvoyer sur le larynx et l'image renversée de la glotte allait se réflé- clm dans 1 œil de I observateur. Le procédé imaginé par Garcia a été perfectionne par Czermak, Turck, Mandl, etc.. et le miroir larvn'CTIO.\.\ELLE. vocale forme ainsi un ensemble élastique susceptible de vibrer. En outre, la force ou la pression du courant d'air expiré augmente aussi la tension de la corde vocale. La physiologie des muscles qui agissent sur les cordes vocales pour faire varier leur longueur, leur tension et les dimensions de Fig. i 09 — Action des muscles du larynx. (Beaunis et Bouc-Lard.) la glotte, est étudiée dans les traités d'anatomie, auxquels je ren- voie. Je me contenterai de donner ici une figure schématique pour Fig. iÛ9. — Les lignes ponctuées indiquent la position nouvelle prise par les cartilages et Jes cordes vocales inférieures par l'aclion du muscle; les flèches indiquent la direction moyenne dans laquelle s'exerce la traction des fibres musculaires. ^ A. Action du crico-thyroidien. — 1. Cartilage cricoïde. — 2. Cartilage arvténoïde. — o. Cartilage thyroïde. — 4. Corde vocale inférieure. — 5. Cartilage ihvroïde (nouvelle posi- tion).— 6. Corde vocale inférieure (id.). B. Action de Varyténoidien postérieur. — 1. Coupe du cartilage tbvroïde.— 2. Cartilage arytenoide. — 3. Bord postérieur de la glotte. —4. Corde vocale. — o. Direction des fibres musculaires. — 6. Cartilage arytenoide (nouvelle position). — 7. Coide vocale (id.). (.. action du crico-aryténoidim latéral. — Même signification des chiflTres.— S. Bord (fosté- neur de la glotte (nouvelle position). — 9. Direction des fibres mu-culaires nouvelle position). D. Action du crico-aryténoidien postérieur. — Même signification des chiffres. PHONATION. 589 rappeler au lecteur les notions les plus essentielles sur l'action de ces muscles. Il est pourtant un de ces muscles qui, à cause de son impor- tance, mérite une mention spéciale, c'est le thyro-aryténoïdien interne, contenu dans l'épaisseur même de la corde vocale. Ses fibres musculaires sont intimement rattachées par du tissu élas- tique à la face profonde de la muqueuse, de sorte qu'il ne peut y avoir, pendant la vie et à l'état normal, de vibration isolée du repli muqueux du bord libre de la corde vocale; le tout, muscle, tissu élastique et muqueuse, constitue au contraire un petit sys- tème vibrant, inséparable et solidaire, dont la tension est sous la dépendance immédiate de la contraction du muscle. 2^ Emission du son. Quand on se dispose à émettre un son, la glotte se ferme, soit dans sa totalité [fig. 110), soit seulement dans sa partie ligamenteuse {fig. 1 1 1), ou se rétrécit simplement sans se fermer >lZ> ^A-*' Fig. .110. — Disposition préalable pour rémission d'un son. (Mandl.) Fig. ill. — Occlusion de la partie liga- menteuse de la glotte. (Mandl.) tout à fait {firj. 112, page 590). Il y a donc occlusion plus ou moins parfaite due au rapprochement des cartilages aryténoïdes ou de leurs apophyses vocales. En même temps les cordes vocales acquièrent le degré de longueur et de tension qui correspond au son qu'on veut émettre. Le larynx ainsi disposé, l'émission du son se produit, les cordes vocales s'écartent brusquement l'une de l'autre et entrent en vi- Fig. 110. — h, bourrelt t de l'épiglolte. — rs, corde vocale supérieure. — r», corde vocale inférieure. — ar, cartilage aryfénoidien. Fig. 111. — b, bourrelet de l'éi'iglotte. — rs, corde vocale supérieure. — ri, corde vocale inférieure, — or, glotte interaryténoîdienne. — ar, cartilage arytéiioidien. — c, caililage cunéi- foime. — rap, repli ary-épiglotlique. — «r, repli interarjténoîdien. 590 PHYSIOLOGIE FONGTIO>\\ELLE. bration sous l'influence du courant dair expiré, chassé à travers la glotte. Ces vibrations sont faciles à constater au laryngoscope et il est aisé de voir que toute l'épaisseur ' de la corde vocale participe à l'os- cillation. Ces vibrations sont trans- versales ; la corde vocale est poussée en haut par le courant d'air, comme le serait une corde sous l'action d'un archet, puis quand son élasticité fait équilibre à la pression de l'air ex- piré, elle redescend en dépassant sa position d'équilibre, est repoussée de nouveau par l'air expiré et exé- cute ainsi une série de mouvements de va-et-vient, de vibrations dont le nombre et l'amplitude varient suivant des conditions qui seront étudiées plus loin Jamais on n a observé de vibrations des cordes vocales supérieures' Les vibrations des cordes vocales inférieures, par elles seules* ue donneraient que de faibles sons; mais ces oscillations pro-' duisent des chocs rapides et périodiques de l'air expiré à l'orifice glottique etfont entrer en vibration Tair contenu dans le tuvau sonore, cest-à-dire dans les cavités situées au-dessus de la glotte Dans le larynx donc, comme dans les instruments à anches c'e^t lair qui est le corps sonore, et les cordes vocales ne font que régler la périodicité et les caractères du son Fig. 112 Rétrécissement de la glotte. (Mandl.) (Voir page 589.) 3° Caractères de l a VOIX. l Intensité. - L'intensité de la voix dépend uniquement de 1 amplitude des vibrations des cordes vocales, et par conséquent est sous la dépendance immédiate de la force du courant d'air expiré. L'intensité du son laryngien est renforcée par la réson- nance des masses d'air contenues dans les cavités sus et sous- glottiques et des parois de ces cavités. La trachée et les bronches phf;v^u'o'.tar7„gél'"'- ;rre;'l^a'!^'énti;^^ "P'' Pl'"y"^°-Piê>ottique. - ,. gouttière inférieure. — ts, corde vocale supérieure. -^__. „, ^„,„.,„gc i-unt-iiuiiije. — ar, carniage 0, glotte. — V, ventricule. — .li, corde vocale PHONATION. 591 spécialement agissent comme appareil résonnant: quand la poi- trine est large et spacieuse, la voix est plus forte. Un sent du reste parfaitement, en appliquant la main sur les parois thora- ciques pendant l'émission d'un son et surtout d'un son grave, les vibrations de ces parois. 2" Haulcur du 50/î. — La hauteur de la voix dépend du nombre de'^vibrations des cordes vocales et de l'air du tuyau sonore. Plus les vibrations sont rapides, plus le son est aigu. Les lois (lui régissent la hauteur du son pour le larynx sont les mêmes que pour les membranes élastiques et les anches membraneuses. Les conditions qui ont le plus d'influence sont: la longueur, la largeur et surtout la tension des cordes vocales. Les cordes vocales des larynx d'enfants, moins longues et moins larges, donnent aussi des sons plus aigus. Les cordes vocales sont moins tendues dans les sons graves, plus tendues dans les sons élevés. La force du courant d'air peut faire hausser aussi la hauteur du son. J. MûUer a vu dans ses expériences qu'en forçant le courant d'air, il pouvait faire monter le son d'une quinte, la tension des cordes vocales restant la même. La longueur du porte-vent ftrachée'i et du tuyau sonore (larynx, pharvnx. etc.) n'a aucune influence sur la hauteur du son. L'as- cension du larynx qu'on observe- dans les sons aigus est donc un simple phénomène accessoire et sans importance essentielle dans la production du son. Cette ascension du larynx dans les sons aisus est-elle due à la pression seule de l'air, ou à l'action des muscles élévateurs de l'os hyoïde? Il est diflicile de décider la question. Le larynx humain peut donc émettre des sons de hauteur va- riable, mais seulement dans de certaines limites ; Y étendue de la voix ou la série de sons que peut parcourir la voix du grave à l'aigu, est en moyenne de deux octaves, et peut être portée à deux octaves et demie par l'exercice, et ce n'est que dans des cas exceptionnels que cette étendue atteint trois octaves et môme trois octaves et demie, comme chez le célèbre chanteur Farinelh. Dans la parole ordinaire, la voix ne parcourt guère qu'une demi- octave. L'étendue moyenne de deux octaves attribuée à la voix hu- maine peut, suivant les individus et les sexes, correspondre à des régions plus ou moins élevées de l'échelle musicale, et on a classé à ce point de vue les voix, en allant des plus basses aux 592 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. plus élevées, en voix de basse, baryton, ténor (homme) et de con- tralto, mezzo-soprano et soprano (femme). Le tableau suivant donne cette classification en regard de l'échelle musicale, en môme temps que le nombre des vibrations doubles pour chacun des sons : Octave ( quarte de ', 1/2 pied. ( Octave tierce de 1 pied. Octave seconde de 2 pieds. Petite octave de 4 pieds. Grande octave de 8 pieds. NOMBRE de vibraliuDS doubles. Ut 10Ô6 Soprano. 990 880 792 704 660 594 528 495 440 396 .352 330 297 264 247,5 220 198 176 165 148,5 132 123,75 110 99 88 82,5 Mezzo-soprano. Contralto. Ténor. Baryton. Basse. Meîzo- soprano. roDlralto. } Ténor. fiar^too. Soprano. Basse. On voit par ce tableau que la voix humaine se meut dans une échelle de sons qui embrasse un peu plus de trois octaves et (') Lg la du diapason officiel est en France de 435 vibrations. PHONATIOX. 593 demie. Quelques voix exceptionnelles dépassent cette limite; Isilsson, dans la Flûte enchantée, atteint le fa de l'octave quarte, et Mozart parle d'une cantatrice, la Bastardella, qui donnait lut de l'octave quinte correspondant à 2,112 vibrations. Habituellement, pour une voix donnée, l'émission des sons graves et des sons aigus ne se fait pas de la même façon, et la sensation produite sur l'oreille dans les deux cas est différente ; dans les sons graves, la voix est pleine, volumineuse et s'accom- pagne d'une résonnance des parois thoraciques, c'est la voix de poitrine^ ou registre inférieur ; dans les sons aigus, la voix est moins ample, plus perçante et la résonnance se fait surtout dans les parties supérieures du tuyau sonore, d'où le nom de voix de tête ou encore voix de fausset, ou registre supérieur. Les sons les plus graves ne peuvent être donnés qu'en voix de poitrine, les plus aigus qu'en voix de tète ; mais les sons intermédiaires {médium) peuvent être émis dans les deux registres, et les chan- teurs habiles peuvent même passer graduellement et par tran- sitions insensibles de la voix de poitrine à la voix de tête, ce qui donne alors à la voix des caractères particuliers qui lui ont quelquefois fait donner le nom de voix mixte. La voix de poitrine et la voix de tête diffèrent non-seulement par le timbre et les caractères sensitifs, mais elles diffèrent encore par le mécanisme de la glotte. Dans la voix de poitrine, la glotte interaryténo'ïdienne est ou- verte et la glotte hgamenteuse représente une fente ellipsoïdale Fig. 113. — Voix de poitrine; sons graves. Fig. 114. — Voix de poitrine; médiuaa. (Maudl.) (Mandl.) plus large dans les sons graves (fig. 1 13), un peu moins dans le médium [fig. 114) et très-étroite dans les sons aigus ifig. J 15). Fig. 113. — b, bourrelet de l'épi^lolle. — or, oriûce glottique. — rs, corde vocale supé- rieure.— ri, corde voc&le inférieure. — rap, repli ary-épigkttique. — ar, cartilages aryté- noides. Fig. 114 et Mo. — oW, glol'e ligamenteuse. — orc, glotte interaryténoïdienne. Les autres lettres comme dans la figure 1 ['à. BiîALMS, riiys. 38 594 PHYSIOLOGIE FO>'GTIONNELLE. La constriction de la glotte, portée très-loin dans la voix de poi- trine, là rend très-fatigante. Les vibrations de? cordes vocales et surtout de leur partie ligamenteuse sont très-visibles au laryn- goscope, et s'accompagnent de vibrations marquées et très-sen- sibles à la main des parois thoraciques. Dans la voix de tête {fig. il G), la glotte interaryténoïdienne Fig. 1 13. — Voix de poitrine; sons aigus. (Mandi.) Fig. 1 16. — Voix de tète ; sons graves. (Mandl.) est complètement fermée ; la glotte ligamenteuse, au contraire, est ouverte et. au lieu de former comme dans la voix de poitrine une fente linéaire, représente une ouverture assez large, qui laisse par conséquent une plus large issue au courant d'air expiré. Aussi, pour une même quantité d'air inspiré, les notes de fausset sont -elles tenues moins longtemps que les notes de poitrine (Garcia I. En outre, les cordes vocales supérieures s'appliquent sur les cordes vocales inférieures, qui ne peuvent plus vibrer que par leurs bords (J. Millier) et leur partie moyenne. La voix de fausset s'accompagne d'une résonnance dans les cavités pha- ryngée, nasale et buccale. De nombreuses théories ont été faites pour expliquer le mécanisme de la voix de fausset. Le mécanisme décrit ci-dessus est à jieu près celui qui a été admis par Mandl. Segond, se basant sur des expériences pratiquées sur des chats, regardait la voix de fausset comme produite par les vibrations des cordes vocales supérieures. Pour Pétrequin, la glotte offrirait le contour d'un trou de flûte, et les cordes vocales ne vibreraient plus à la manière d'une anche, mais c'est l'air seul qui, comme dans la flûte, entrerait en vibration. Fig. 116. — I, langue. — e, épiglotte. — pe, repli pbaryngo-épigloltique. — ae, repli ary- épigloltique. — Is, cordes vocales supérieures. — ti, cordes vocal'-s inférieures. — g, gout- tières pharyngo-laryngées. — ar, caitilages aryténoïdes. — c, carlilages cunéiformes. — o, glotte vocale, — r, repli interarytéuoïdien. PHONATION. 595 Le timbre de la voix de fausset diffère du reste beaucoup du timbre de la voix de poitrine. 3° Timbre de la voix. — Le timbre de la voix, comme celui du son, déj)end du nombre et de l'intensité des harmonique?. Le son laryngé est un son complexe, constitué par un son fondamental et un certain nombre d'harmoniques ; Helmholtz, au moyen de résonnateurs, a trouvé les six ou huit premiers harmoniques nette- ment perceptibles, seulement les harmoniques sont plus difficiles à distinguer dans la voix humaine que dans les autres instruments, probablement à cause de l'habitude. Mais le timbre propre du son laryngé est fortement modifié par la résonnance des cavités supé- rieures àla glotte, et principalement de la cavité buccale: certains harmoniques sont renforcés et les diverses positions de la bouche font varier la résonnance et, par suite, l'intensité de tels ou tels harmoniques, ce qui fait changer le timbre de la voix. On distingue dans la voix deux espèces de timbres, le timbre clair (voix blanche} et le timbre sombre (voix sombrée). Les chanteurs et les physiologistes sont loin de s'accorder sur le mé- canisme de ces deux espèces de voix; cependant on peut affirmer que ]es différences des deux timbres tiennent surtout au mode de résonnance diffèrent du tuyau sonore dans les deux cas. Dans le timbre clair, le larynx est élevé, le tuyau sonore plus court, le porte-vent plus long, l'ouverture buccale largement ou- verte, et la vocalisation est plus facile sur les voyelles e et i. Dans le timbre sombre, le larynx est abaissé, le tuyau sonore plus long, le porte-vent plus court, l'ouverture buccale est rétrécie, et les premiers harmoniques du son laryngé fondamental sont renforcés, tandis que ce renforcement n'existe pas dans k' timbre clair: la vocalisation est plus facile sur les voyelles o, v, ou, la vocalisation sur la voyelle a peut se faire aussi bien dans les deux timbres. V Tome du son. — Pour que le son puisse être tenu un certain temps, il faut que le courant d'air expiré ne trouve pas une issue trop facile à travers la glotte; sans cela, sa pression diminuerait trop vite et ne suffirait plus pour faire entrer les cordes vocales en vibration. De là la nécessité d'une fente glottique étroite et d'une sorte d'équilibre entre l'action des puissances expiratrices et des puissances inspiratrices pour régler le débit de l'air expiré, c'est ce que Mandl a appelé la lutte vocale. 596 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Pour maintenir un son à une intensité déterminée, il faut que ia pression de l'air expiré reste égale tout le temps de l'émission du son, afin que l'amplitude des vibrations ne varie pas; mais comme la quantité d'air de la trachée et des bronches diminue au fur et à mesure de l'émission du son, les muscles expirateurs doivent augmenter leurs contractions pour compenser cette perle d'air et le maintenir à la même pression. Pour maintenir un son à une hauteur déterminée, le méca- nisme est différent; comme la pression diminue peu à peu dans l'air du porte-vent, la hauteur du son ne peut se soutenir que par une augmentation graduelle de tension des cordes vocales; on a vu en effet, plus haut, que la force du courant d'air avait de l'in- lUience sur la hauteur du son. La souplesse et ï agilité de la voix dépendent de la rapidité avec laquelle se font les changements de tension des cordes vocales. 4° Influence de Vâge et du sexe. 1° Age. — Chez l'enfant, la voix est plus aiguë et, jusqu'à l'âge de six ans, n'a guère plus d'une octave d'étendue. Jusqu'à la puberté, les caractères de la voix sont à peu près les mêmes chez la femme et chez l'homme, mais à partir de ce moment, la voix subit des motlifications considérables qui constituent ce qu'on appelle la mue et qui correspondent à uae congestion des cordes vocales qui acquièrent alors leur développement complet et les caractères de l'état adulte. Pendant tout le temps de la mue, la voix est sourde , gutturale, enrouée, puis après la mue on cons- tate que la voix a baissé d'une octave chez les garçons, de deux tons chez les filles et qu'elle a subi en même temps des modi- fications notables de timbre et d'intensité. Dans la vieillesse la voix s'altère de nouveau; son intensité diminue, son diapason s'abaisse, son timbre change et elle devient chevrotante par suite de la fatigue des muscles expirateurs. T Sexe. — Le tableau de la page 502 fait sentir de suite les différences des voix de femme et des voix d'homme au point de vue de la hauteur des sons. On voit que toute la partie de l'échelle musicale qui va du sol de la petite octave au si de l'octave se- conde, est commune aux deux voix. La femme chante toujours à l'octave de l'homme. La voix de la femme est en outre moins PAROLE. 597 intense, a un autre timbre ot est plus agile et plus souple que celle de l'homme. La voix des castrats se rapproche de la voix enfantine, mais avec plus d'ampleur et de développement. 11 n'y a pas encore Lien longtemps que la castration était pratiquée dans le but de fournir des chanteurs pour les solennités religieuses et artistiques et en particulier pour la chapelle papale. Théories de la voix. — Les nombreuses théories de la voix n'ont plus qu'un intérêt historique depuis les travaux modernes et surtout depuis l'invention du laryngoscope. Aussi je me con- tenterai de renvoyer pour cette question aux traités spéciaux cités dans la bibUographie. BibliOjçraphie. — DOda.rt : Stir les Causes de la voix de l'homme (Mém. de l'Acacl. des sciences, 1700 à 1707). — Ferreix : De la Formation de la voix de l'homme (Mém. de l'Acad. des sciences, 1741). — Savart : Mf-moire siir la voix TtMmaine (Annales de chimie et de phys , 1825). — Malgaigxe : Nouvelle Théorie de la voix humaine (Archives génér. de médecine, 1830). — J. Muller : Traité de physiologie, traduction française, 1845 et 1855. — Pétrequix et Diday : Mémoire sur le mécanisme de la voix de fausset (Gaz. médicale, 1844). — Garcia : Mémoire sur la voix humaine, 1847. — A. Segoxd : Sur la Parole, etc. (Arch. de méd., 1848 et 1849). — C. L. Merkel : Anat. nnd Physiologie des menschlichen Stimm- und Sprachorgans, 1857. — J. Czermak : Du Laryngoscope, 1860. — C. Battaille : Re- cherches sur la phonation, 1861. — MofRA-BorROCiLLON : Cours complet de laryn- goscopie, 1861. — K. Fournie : Physiologie de la voix et de la parole, 1866. — Helmholtz : Théorie physiologiqtie de la musique, 1868 et 1874; traduit par GuÉ- ROULT. — M. J.Rossbach: Physiologie der menschlichen Stimme, 1869. — L.Mandl: Traité pratique des maladies du larynx, 1872. 4° PAROLE. La parole se compose de sons dits articulés , produits dans le tube additionnel (cavité buccale et pharyngienne) et qui se com- binent avec les sons laryngés proprement dits. Dans la parole à haute voix, le son laryngé se forme à la glotte vocale par le mécanisme décrit dans la phonation, et la parole peut dans ce cas recevoir le nom de voix articulée. Dans la parole à voix basse, au contraire, ou chuchotement, il n'y a d'autre son laryngé que le frottement de l'air qui traverse la glotte interarytéiioïdienne, la glotte vocale restant fermée. Il y aurait donc entre la parole à haute voix et le chuchotement plus qu'une simple différence d'intensité. Cependant, d'après Czermak, la glotte vocale prendrait part au chuchotement. L'articulation des sons a Ueu habituellement dans l'expiration comme la production de la voix; ce n'est qu'exceptionnellement 598 PHYSIOLOGIE FÔ^'GTIONNELLE. qu'elle peut se produire à l'inspiration, surtout pendant le chu- chotement, qui ne demande pas une très-grande pression du courant d'air. Nous aurons à étudier successivement la production des sons articulés et la façon dont ces sons s'unissent pour former des mots. 1. PEODUCTION DES SONS ARTICULÉS. 1° Conditions générales de la production des sons articulés. Les cavités sus-laryngiennes, pharynx, houche, fosses nasales, constituent une sorte de tube additionne] qui joue déjà, comme on l'a vu dans la phonation, un certain rôle dans la production de la voix, mais qui joue le rôle essentiel dans la parole. Ce tuhe additionnel présente des parties fixes, des cavités in- variables de forme, comme les cavités nasales, et des parties mobiles, comme la langue, les lèvres, le voile du palais. Ce sont ces dernières qui, par leur variation, produisent les différents modes d'articulation, et les premières ne servent que d'appareils de résonnance et de renforcement. A sa partie supérieure, le tube additionnel se bifurque; le courant d'air expiré a donc deux issues, par la bouche et par les fosses nasales, et comme on le verra plus loin, il y a dans cette disposition le point de départ d'une catégorie particulière de sons, sons nasaux, qui se produisent quand l'air passe par la bouche et par les fosses nasales. Mais les variations de forme de la cavité buccale sont encore plus importantes, et ces variations, amenées par les mouvements du voile du palais, de la langue et des lèvres, déterminent les différentes espèces de sons articulés. Ces variations des cavités buccale et pharyngienne consistent tantôt dans de simples changements de forme qui n'interrompent pas la continuité du tube additionnel, et laissent le passage à l'air expiré, tantôt dans de véritables occlusions qui arrêtent momen- tanément la sortie de l'air. D'après la disposition anatomique des parties, il est facile de comprendre que les rétrécissements et les occlusions se feront de préférence dans certaines régions plus mobiles que d'autres, et c'est dans ces régions que se pro- duisent surtout les sons articulés; d'où le nom qui leur a été PAROLE. 599 donné de régions d'articulation, tels sont l'isthme du gosier, l'espace compris entre les arcades dentaires et la pointe de la langue , l'orifice labial. Cependant il ne faudrait pas croire que ces^'régions d'articulation soient strictement délimitées, et grâce à la mobilité de la langue, tous les points de la cavité bucco- pharyngienne peuvent en réalité donner naissance à des sons articulés. 2° Caract'kres distinctifs des voyelles et des consonnes. La première division qui se présente dans l'étude des sons articulés est la division classique en voyelles et en consonnes ('). On a beaucoup discuté sur la valeur de cette division et sur les caractères distinctifs de ces deux ordres de sons, et en effet, jusqu'aux travaux récents de Willis et d'Helmholtz, l'oreille seule était encore le meilleur critérium pour les distinguer les uns des autres. Aussi toutes les définitions données étaient-elles passibles d'objections {-)etbeaucoup de physiologistes en étaient-ils arrivés à les confondre. Mais aujourd'hui cette distinction est faisable et vient donner raison à la doctrine classique. Les voyelles sont des sons formés dans le larynx et dont cer- tains harmoniques sont renforcés par la résonnance du tube additionnel. Les consonnes sont des sons formés dans le tube additionnel et renforcés par le son laryngien. Les expériences sur lesquelles se base cette distinction des voyelles et des consonnes sont dues principalement à Helmlioltz. La voix hu- (') Cette division en vovelles et en consonnes existe dans toutes les lan- gues Les voyelles sont les^ sons purs du sanscrit, les sons-mères des Chinois, les âmes des lettres des Juifs, les phoneenta des Grecs, les Hauptlaute des •Allemands. Les cotisonnes sont le.s sons auxiliaires des Chinois, les corps des lettres des Juifs, les symphona des Grecs, les Hûlflaute des Allemands. (-) Voici quelques-uns des principaux caractères distinctifs sur lesquels on insiste généralement : Les voyelles peuvent être émises seules, les con- sonnes ne peuvent être émises sans les voyelles.— Les voyelles sont des sons, les consonnes sont des bruits. — Les voyelles sont continues, les consonnes sont caractérisées par un arrêt momentané du courant d'air ex- piré. — Les voyelles sont des modifications simples de la cavité buccale, les consonnes des modifications doubles. Ce n'est pas ici le lieu de discuter ces diverses définitions. 600 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE maine présente des harmoniques qu'on peut reconnaître facilement à l'aide des résonnateurs. Or, la cavité buccale représente un véritable résonnateur accordé pour un son déterminé, variable suivant la forme de la cavité buccale et qui renforce Tharmonique correspondant de la voix laryngienne. Si on place successivement une série de diapasons vibrants devant la bouche ouverte, il arrive un moment où l'un des dia- pasons vibre avec une très-grande force quand il est d'accord avec l'air de la cavité buccale, et on peut ainsi, en faisant varier la forme de cette cavité, trouver la hauteur du son correspondant. C'est grâce à ce moyen que Helmhollz a trouvé les hauteurs suivantes pour les diftérenles voyelles ; je donne à côté les résultats obtenus par Kœnig : Helmholtz. Kœnig. OU Fa' Sii? 0 Sil?- Sil?' A Sib^ Si>- E Si'' — fa- Si|73 I Ré'- fa' Sib' Aussi comprend-on pourquoi les voyelles se chantent mieux sur les notes dont un harmonique correspond au son propre de la voyelle. On peut mettre en évidence le timbre des voyelles à l'aide des flammes manométriques. Cette méthode, imaginée par Kœnig, rend Fig. 117. — Méthode des flammes manométriques de Kœnig. (Voir page COi.) PAROLE. 601 visible l'état vibratoire d'une masse d'air par l'agitation qui est commii- Biquée à la flamme d'un bec de gaz [fig. 1 17, page 600). Pour rendre visibles les variations de hauteur de la flamme, on place devant elle un miroir vertical qui tourne rapidement. Si la flamme ne varie pas de hauteur, on voit une bande lumineuse ; si elle varie de hauteur, elle présente des découpures dont la disposition correspond à la nature des vibrations sonores. La figure 1 18 représente l'appareil de Kœnig construit sur le môme principe pour analyser les sons des voyelles, et la figure 119 donne, Fig 118. — Appareil à flammes manométriques de Kœnig. d'après le même physicien, la forme des flammes qui caractérisent les voyelles A, 0, OU, chantées successivement sur les notes, iit\ sol\ ut '. On voit immédiatement quels sont les harmoniques renforcés par le son propre de la voyelle. 602 PHYSIOLOGIE FO^'CTTO^■^■ELLE. Mais on ne s'est pas contenté d'analyser le timbre des voyelles, on est arrivé à les recomposer artificiellement. Willis avait déjà reproduit Fig. 119. — Timbre des voyelles A, 0, OU, rendu visible par les ûamiuea nianoraétriques. (Kœnig.) les sons des voyelles à l'aide d'un ressort plus ou moins long-, mis en vibration par une roue dentée ainsi qu'avec des tuyaux à anche ; mais Helmholtz est arrivé à des résultats beaucoup plus précis et plus'inté- ressants avec une série de diapasons mis en mouvement par l'électri- cité et dont le son était renforcé par des résonnateurs accordés au ton de chaque diapason. (Voir, pour la description de l'appareil, Helmholtz, Théorie physiologique de la musique.) Le timbre des consonnes est beaucoup plus difficile à analyser que celui des voyelles. 3° Des voyelles. Les voyelles sont formées dans le larynx comme on l'a vu plus haut, et aucun son buccal ne se mêle au son glottique ; seu- PAROLE. G03 lement, suivant la forme prise par la cavité buccale, la réson- nance de cette cavité varie et cette résonnauce fait prédominer dans le son vocal tel ou tel harmonique et détermine le timbre spécial de chaque voyelle. Il y a en réalité autant de voyelles différentes qu'il peut y avoir de formes différentes de la cavité buccale, et comme on peut passer par des transitions insensibles d'une forme à l'autre, il y a en réahté une infinité de voyelles possibles ; mais on peut ce- pendant admettre certaines voyelles primitives que l'oreille dis- tingue facilement et qui se retrouvent à peu près dans toutes les langues; puis, entre ces voyelles primitives, viennent se placer des sons intermédiaires plus ou moins nombreux et qu'on pour- rait multiplier indéfiniment si on voulait relever toutes les va- riétés phonétiques de dialecte, de langue et d'individu. Les voyelles primitives sont au nombre de six, dont trois sur- tout, OU, A, I, peuvent être considérées comme fondamentales ; ce sont : OU, 0, A, É, I, U. Toutes ces voyelles peuvent être con- sidérées comme ayant pour point de départ notre E muet (comme dans je), qui n'est en somme que l'exagération du murmure res- piratoire de l'expiration, quand l'air expiré, au lieu de passer par le nez, passe par la bouche entr'ouverte. La cavité buccale se trouve ainsi dans une sorte de position d'équilibre, d'état indif- férent dont elle peut sortir pour prendre alors la forme corres- pondante à chacune des six voyelles primitives. La figure sui- vante représenterait alors les rapports de cet E avec les six voyelles et des six voyelles entre elles : On voit que toutes les voyelles intermédiaires peuvent se pla- cer dans les espaces situés entre deux voyelles voisines. Les figures suivantes donnent la forme de la cavité buccale G04 PHYSIOL 0 GIE FO X GTÎ 0 > -\ E L L E. dans l'émission des trois voyelles principales OU, A et I {fig. 120, 121 et 122): Dans rOU, la cavité buccale a la forme d'une sorte de fiole Fig. 121. Fig.ll^. arrondie sans col ou à col très-court, et l'orifice buccal est assez étroit (fig. 120); aussi l'OU donne-t-il le son le plus bas de toutes les voyelles. Dans ri ifig. 121), la langue est élevée et presque accolée au palais, dont elle n'est séparée que par un isthme étroit; il en ré- sulte que la cavité buccale a la forme d'une fiole à col allongé et à ventre très-court; aussi cette voyelle a-t-elle le son le plus élevé et, d'après Helmholtz, elle aurait deux sons, l'un pour la panse et l'autre pour le col. Vk'ifig. 122) est intermédiaire entre l'OU et l'I; les lèvres sont plus ou moins écartées et la bouche figure un entonnoir ouvert en avant. Pour beaucoup de physiologistes, l'A serait la voyelle primitive, la voyelle par excellence, celle qui peut être prise pour point de départ de toutes les autres. Les autres voyelles, 0, É, U, répondent à des formes de la ca- vité buccale intermédiaires entre les formes précédentes, et il sera facile de les retrouver sans qu'il soit besoin d'en donner ici une analyse plus détaillée. Dans toutes ces voyelles, le voile du palais empêche la com- munication des fosses nasales avec le pharynx. Si on verse de l'eau dans les fosses nasales pendant qu'on prononce les voyelles, PAROLE. 605 il ne passe pas une goutte d'eau dans rOU , i'O et ri ; il en passe un peu dans l'É et surtout dans l'A, ce qui prouve que dans ces voyelles rocclusion n'est pas hermétique. On arrive au même résultat en plaçant devant l'orifice des narines un miroir; la glace ne se ter- nit pas dans l'émission des voyelles, ce qui prouve que le courant d'air expiré ne passe pas par les fosses na- sales. On peut rendre ceci visible par la méthode graphique. Si on enregistre la pression de l'air des voies aériennes par le procédé indiqué page 434, on voit qu'au moment où se fait la parole à haute voix, la pression reste sensi- blement la même dans les fosses na- sales dans l'intervalle des respirations, sauf de légères ascensions qui corres- pondent aux sons nasaux pendant lesquels l'air expiré sort par les fosses nasales ifig. 123). On peut cependant prononcer les voyelles , à l'exception de 11 et de rOU, en tenant ouverte la commu- nication des fosses nasales et du pharynx; ces voyelles acquièrent alors un timbre particuUer qui leur a fait donner le nom de voyelles nasales : ON, AN, EN, UN. Cette résonnance na- sale est encore plus prononcée quand on ferme ou qu'on rétrécit rorifice des narines; or. même dans ces con- ditions, la nasalisation de l'I et de rOU est à peu près impossible, ce qui s'explique par l'occlusion hermétique des fosses nasales nécessaire pour prononcer ces deux voyelles. Fig. 123. — E, ligne de l'exf iratiun. — I, ligne de Tinspiration. La croix indique le début ilu graphique qui se lu de droite à gauche. Le trait hoiizoutal indique le début de la parole à graphique qii haute Toix. 606 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO.\xNELLE. Pendant l'émission des voyelles, le larynx monte peu à peu de- puis OU, en passant par A, E, I, ce qui concorde avec l'augmen- tation de hauteur du son qui existe dans la série de ces voyelles. 4° Des consonnes. Tandis que dans les voyelles le rétrécissement de la cavilé tuccale n'est jamais assez prononcé pour qu'il s'y forme un bruit ou un son appréciable, il n'en est pas de même dans les con- sonnes. Dans l'articulation des consonnes, certaines régions mo- biles du tube additionnel se rapprochent de façon à constituer une sorte de glotte temporaire, susceptible de produire un son sous l'influence du courant d'air expiré. Ce son, comme on l'a vu, s'ajoute au son glottique véritable et est renforcé par lui. Les sons ainsi formés se rapprochent beaucoup des bruits et pré- sentent des caractères particuliers qui permettent de les compa- rer aux bruits qui. dans les instruments, accompagnent souvent le son musical (ràclement de la guitare, frôlement des cordes de violon, souflle de la flûte, etc.). Il faut distinguer, dans la formation des consonnes, le mode de production du son et le lieu où il se forme, autrement dit la région d'articulation. Les régions d'articulation se rencontrent dans trois points principaux : T au niveau du voile du palais et de la base de la langue {consonnes gutturales)-^ 2" au niveau de l'arcade dentaire supérieure et de la partie antérieure de la voûte palatine et de la langue {consonnes linguales] ; 3° au niveau de l'orifice labial {consonnes labiales). Cette division ne doit servir qu'à fixer les idées et à faciliter le classement des consonnes; car. en réalité, il y a un bien plus grand nombre de régions d'articulation, et tous les points intermédiaires peuvent donner lieu à la formation de consonnes. Aussi Max Millier, par exemple, admet-il neuf régions d'articulation, et il serait aisé d'en multiplier encore le nombre ('). Le mode de formation du son peut avoir lieu de quatre façons différentes, auxquelles correspondent les quatre espèces de con- sonnes suivantes : (') On donne encore aux gutturales le nom de palatales, aux linguales le nom de dentales et dento-linguales. PAROLE. 607 r Dans la première espèce, le tube additionnel est simple- ment rétréci dans la région d'articulation et rémission du son continue tant que dure le courant d'air expiré; ce sont les con- sonn-es continues : telles sont les gutturales Glt et J, les linguales S, SGH, les labiales V, F. 2° Dans la seconde espèce, il y a occlusion complète et mo- mentanée dans la région d'articulation; le son ne dure qu'un instant et se forme soit au moment de l'occlusion «B, soit au moment de l'ouverture B«.Ges consonnes sont toujours associées à des voyelles qui les précèdent ou qui les suivent. Ce sont les consonnes explosives {muettes) : telles sont les gutturales G, K, les linguales D, T, les labiales B, P. 3° Dans la troisième espèce, la région d'articulation représente une sorte d'anche ou de languette qui est mise en vibration par le courant d'air expiré et donne un son tremblé, une sorte de roulement: ce sont les consonnes vibrantes : telles sont l'R, qui se divise suivant la région d'articulation en R guttural, lingual et labial, et l'L, qui se forme par les vibrations des bords de la langue, dont la pointe est fixée contre la partie antérieure du palais. 4° Dans les trois espèces précédentes, l'air expiré passe par la bouche et les fosses nasales sont hermétiquement fermées ; mais si on abaisse le voile du palais pour établir la communication, les consonnes formées dans les diverses régions d'articulation prennent un timbre spécial et on a les consonnes nasales. Ce sont, suivant la région d'articulation, la nasale gutturale KG, la nasale linguale N, et la nasale labiale M. Le tableau suivant représente les genres et les espèces de con- sonnes. REGIONS D ARTICULATION. Continues ^ ^"'"'^^ / molles , . , \ dures 1 simples. . p , . • ) / molles. . . , Explosives l i . . \ dures .... aspirées. . ^ ^ I molles ..... Vibrantes ■, Nasa/es Guttu Labiales. Linguales. raies F S CH v,w SGH,Z J 1' T K B D G l'H TH KH BH DH L GH R R R M N ^'G G08 PHYSIOLOGIE FONCTIO>\\ELLE. J.es figures 12i à 129 donnent les formes diverses de la cavité buccale, dans les divers genres de consonnes, suivant les ré- gions d'articulation et le mode de formation du son. D'après quelques auteurs, outre les sons formés dans la cavité P T Fig. 124. Fig. 125. bucco-pharyngienne, il s'en produirait encore dans le larynx même. Ainsi, d'après Czermak, les consonnes gutturales arabes se produiraient à l'orifice supérieur du larynx. Enfin, il faut ranger à part l'esprit rude, spiritus asper, H as- R H ^'3- '27. Fig. 1-28. Fig. 129. pirée, sur lequel il y a eu tant de discussions grammaticales et physiologiques qui ne sont pas encore terminées. L'esprit doux, PAROLE. 609 spiritiis lenis, ne paraît être autre chose que le souffle léger dû au rétrécissement de la glotte au moment où on va émettre un son ; il se ferait entendre au début de toutes les voyelles qui ne sont pas précédées de l'esprit rude. La façon dont se forment les consonnes permet d'expliquer facilement les permutations de sons dont on trouve lant d'exem- ples dans le langage vulgaire. En premier lieu, tous les sons qui se produisent clans une région déterminée d'articulation pour- ront se remplacer aisément sous des influences diverses; ainsi, pour les labiales on dira B pour P et Ppour B ; dans les linguales on confondra T et D, dans ies gutturales K et G, et une langue passera facilement de l'une à l'autre. Les permutations se pro- duisent aussi entre les consonnes qui ont le même mode de for- mation ; ainsi L et U (colonel, coronel). Enfin, les permutations peuvent même se faire d'un lieu d'articulation à l'autre, et la physiologie explique aussi ce fait puisque nous avons vu qu'on réalité il y a des transitions insensibles entre les diverses posi- tions que peuvent prendre les parties mobiles de la cavitc buc- cale: il n'y a pour cela qu'à se reporter aux figures données plus haut. Ainsi la langue hawaïe ne fait pas de distinction entre le K et le T, et les gens du peuple disent souvent mékié pour métier, ami hic pour amitié [^). '') Je crois devoir donner ici, d'une façon plus de'taille'e, le nDe'cauisme des principales voyelles et consonnes : Voyelles. — A ifig. 122). La Louche est largement ouverte ; la langue est abaissée, sauf dans sa partie moyenne qui est un peu bombée et durcie et masque la partie inférieure de l'istlime du gosier; le voile du palais est légèrement tiré en bas et entre la paroi postérieure du pharynx et le voile se trouve un espace étroit, de sorte que l'occlusion des fosses nasales n'est pas hermétique. É. La cavité buccale est un peu moins largement ouverte que dans l'A. La langue est plus bombée et se rapproche du palais, surtout en arrière, de fa- çon à donner à la bouche la forme d'une fiole à col rétréci. Le larynx s'élève de quelques millimètres en passant de A à E. I (fig. 121). La cavité buccale est réduite à son minimum ; la langue, très- soulevée, se rapproche de la voûte palatine et du voile du palais en circons- crivant un isthme étroit qui s'élargit en avant et en arrière ; l'oritice buccal a la forme d'une fente transversale. Le voile du palais est élevé et s'applique contre la paroi postérieure du pharynx, de façon à fermer hermétiquement les fosses nasales. Le pharynx est à son maximum de hauteur. 0. Le mécanisme est intermédiaire entre A et OU. La cavité buccale est un peu moins large ; l'orifice labial arrondi, un peu rétréci. Le larynx est presque aussi bas qu'en OU. OU {fig. 120). Le larynx est situé le plus bas possible et les lèvres se por- tent un peu en avant pour allonger encore le tube additionnel. La langue est légèrement excavée à sa partie antérieure, de façon à transformer la Beaunis, Phys. 39 610 PHYSIOLOGIE FO>CTIO.\^'ELLE. 5° Des variations dans la j^roduction des sons articulés. 1° Age. — On observe facilement chez l'enfant le passage du cri à la voix articulée, et chez lui le développement de la parole (prise uniquement ici au point de vue de son mécanisme brut) suit pas à pas le développement anatomique des organes. Ainsi, les premières consonnes qu'il émet sont les labiales, dont la pro- nonciation est facilitée par le volume des lèvres, ba, pa, ma. bouche en une sorte de cavité' un peu re'trécie en arrière et se terminant eu avant par une ouverture arrondie assez étroite (orifice labial). U. La cavité buccale a une forme intermédiaire entre OU et I et plus rap- prochée de ri que de l'OU, tandis que l'orifice labial, au contraire, est ar- rondi comme dans l'OU, mais encore plus projeté en avant. Consonnes. — i° Continues : F (fig. 127). La lèvre supérieure s'applique contre l'arcade dentaire supérieure; la mâchoire inférieure se retire un peu en arrière et le bord de la lèvre inférieure vient s'appliquer mollement au bord inférieur des dents supérieures. La langue et la cavité buccale ont la position de l'expiration vocale ou de l'E muet. V se prononce à peu près par le même mécanisme. S. Les arcades dentaires sont rapprocîiées, et la pointe de la langue s'ap- plique soit aux dents inférieures, soit aux dents supérieures, en constituant un canal étroit dans lequel le courant d'air vient se briser contre le bord tranchant des dents. — Z se produit par le même mécanisme. SCH. La pointe de la langue s'apphque contre la partie antérieure de la voûte palatine. Les arcades dentaires sont un peu plus écartées que dans l'S. CH. Le dos de la langue se rapproche de la base du voile du palais. Dans la forme douce J, à peu près seule usitée en français, le canal bucco-palatin est moins étroit et le voile du palais un peu plus élevé. 2° Explosives : P {fîg. I2i). 11 y a occlusion complète du courant d'air par le rapprochement brusque des deux bords de la lèvre supérieure et de la lèvre inférieure ; le son se produit tantôt à l'occlusion, tantôt au momeut où l'occlusion cesse. La différence entre P et B consisterait, d'après Max MùUer, en ce que dans P la glotte est largement ouverte, tandis que dans B elle est légèrement rétrécie ; mais cette différence me parait plutôt tenir à une dillerence dans l'occlusion, qui est moins prononcée dans le B. T, D ifg. 125). Dans le T et dans le D, l'occlusion se produit par l'applica- tion de la pointe de la langue contre la face postérieure des dents supé- rieures ou l'arcade alvéolaire supérieure. K, G (fig. 126). La partie moyenne (et la base) de la langue s'applique contre le voile du palais. 3"^ Vibrantes : L. La pointe de la langue s'applique contre le rebord alvéo- laire de la mâchoire supérieure et la partie antérieure de la voûte palatine; le courant d'air passe de chaque côté entre les molaires postérieures en fai- sant vibrer les bords de la langue. II. Il y a trois espèces d'R suivant la région d'articulation. L'R labial n'existe dans_les langues que dans quelques interjections, comm.e dans le Brrrou du froid. L'Il lingual (R ordinaire) se produit par l'application des PAROLE. 611 Pins tard, quand les arcades dentaires s'accroissent et que les dents ont fait éruption, les dentales apparaissent, ta, da; enfin, les dernières à se montrer sont les gutturales, à cause du déve- loppement plus tardif du voile du palais; l'enfant dira, par exem- ple, tâteau pour gâteau. T Variations individuelles. — Les variations individuelles sont très-nombreuses et dépendent la plupart du temps des dis- positions anatomiques des organes de la parole, comme dans le blaisement, le zézayement, le grasseyement', etc.; quelquefois, cependant, leur origine doit être cherchée plus loin dans le sys- tème nerveux, comme dans le bégayement, par exen>i:)le. La ventriloquie n'a pas lieu, comme on le croit quelquefois, dans l'inspiration ; la voix se produit, en réalité, dans l'expira- tion ; seulement la glotte est plus étroite et les muscles abdomi- naux soumettent l'air expiré à une forte pression, ce qui donne à la voix un timbre spécial qui peut tromper sur la distance et la direction. S** Altérations phonétiques. — Les altérations phonétiques sont très-nombreuses et ont une influence capitale dans l'his- toire et le développement des langues. Ces altérations consistent surtout en permutations de sons, en substitution d'un son à un autre son qui, en général, est voisin du premier. On a déjà vu plus haut quelques-unes de ces permutations entre les consonnes. Mais on les observe aussi entre les voyelles; par exemple, dans la transformation si commune de l'A en E, comme dans rosa et rose. Une altération phonétique qui joue un très-grand rôle dans certaines langues, c'est la nasalisation, comme dans le change- ment de latcrna en lanterne. Ces altérations phonétiques tien- bords de la langue à l'arcade dentaire supérieure ; l'air passe entre la partie antérieure delà voûte palatine et la pointe de la langue et fait entrer celle-ci en vibration. Dans l'R guttural {fig. 128), c'est l'extrémité de la luette qui entre en vibration. 4" Nasales .- M. Elle se produit par l'occlusioa des lèvres, comme le P et le B; seulement, le voile du palais est abaissé et le courant d'air passe à la fois par la bouche et les fosses nasales. — L'N (fig. 129) se produit par le même mécanisme que le D, mais avec abaissement du voile du palais. NG n'est, de même, que la nasalisation de G. Pour de plus amples détails sur ce mécanisme si compliqué de l'articula- tion des sons, voir les travaux cités dans la bibliographie et spécialement ceux de Brvicke et de Merkel. (')Le blaiseynent estla. sul)stitution d'une consonne faible à une forte, Zà S, D à T, etc. Le zézayement est le remplacement de J ou G par Z. Le gras- seyement est une prononciation spéciale de l'R ou son remplacement par l'L ou sa suppression. 612 PHYSIOLOGIE FOx\CTIO^'NELLE. nent en première ligne, comme nous l'avons vu, à la parenté du mécanisme des sons permutants; mais il en est quelques-unes pour lesquelles cette explication n'est plus acceptable ('). 4° Influence de la race et de la langue. — L'étude de cette influence est plutôt du ressort de la linguistique, mais elle pré- sente cependant au physiologiste un intérêt assez grand pour qu'il soit utile d'en dire quelques mots. Les voyelles sont très-communes dans certaines langues et surtout dans les langues primitives, sans qu'on puisse faire de cette vocalisa- tion un caractère général. Ainsi, dans la langue liawaïe, on ne trouve jamais deux consonnes de suite et les mots ne peuvent jamais unir par une consonne. La richesse des langues en consonnes est très-variable; on en trouve 48 en hindoustani, 37 en sanscrit, 28 en arabe, 23 en hé- breu, 20 en anglais, 17 en grec, en latin, en français, en mongol, 11 en finnois, 10 et même moins dans les dialectes polynésiens. Si Ion prend maintenant les différents groupes de consonnes, on arrive à des résul- tats curieux. Les gutturales sont, en général, très-ricbes dans les lan- gues sémitiques et plus nombreuses dans les langues primitives sau- vages. Cependant elles manquent dans quelques dialectes des îles de la Société. Ainsi les indigènes ne pouvaient prononcer le nom du capitaine Cook ; ils disaient TtU pour Cook. Parmi les labiales, le D manque en mexicain, en péruvien et en chinois, TS dans plusieurs langues polyné- siennes. Les labiales sont complètement absentes chez les Mohawks, même dans leur enfance, ce qui parait assez extraordinaire; TF et le V manquent dans la langue australienne. Les nasales, si usitées en fran- çais, n'existent pas chez lesHurons et chez quelques peuplades. améri- caines. Enfin, l'R manque dans beaucoup de langues et, en particulier, en chinois. Il serait bien diftlcile d'expliquer actuellement ces singula- rités physiologiques. Outre ces variations presque inexplicables, les langues présentent d'autres variations plus régulières et qu'on a pu même formuler en lois. En général; tout idiome tend à devenir plus commode et plus coulant (-), et les langues sout, comme les organismes, en état de mutations inces- (') Comment expliquer, par exemple, que la jota espagnole remplace li dans les mots venant du latin, comme mulier^ filius, quoique l qH existent en espagnol? (-) C'est surtout sur les finales que ces mutations s'exercent. Le français nous en offre un exemple curieux. Notre E muet remplace jusqu'à sept ter- minaisons latines. Exemple : musa, muse; utihs, utile; curvus, courbe; aflirrno, j'affirme; affirmai, il affirme; templw?», temple; cxordH/m, exorde (Egger). La paresse musculaire joue un grand rôle clans ces mutations; les langues usent peu à peu leurs aspérités, et les sons qui exigent le moindre effort musculaire possible finissent par remplacer ceux qui demandent une articulation énergique. PAROLE. GIS santés, mutations d'autant plus rapides que les langues sont plus pau- vres en documents écrits. Ainsi, tandis que dans les langues des peuples civilisés et possédant une littérature, des siècles peuvent s'écouler sans modiQer profondément la phonétique du langage, les dialectes des peuplades sauvages se moditient en quelques années, et quelquefois de façon à devenir méconnaissables (' i. 5° Influence du climat. — Le climat a une influence réelle sur l'articulation des sons, et surtout sur les voyelles. La voyelle A, qui exige une large ouverture buccale et par conséquent laisse pénétrer profondément l'air extérieur dans la bouche, est bien plus fréquente dans les langues du Midi, l'arabe par exemple, que dans les langues du Nord. Aussi, dans le passage du latin au français (du Midi au Nord), voit-on A disparaître et se changer en E muet. De là cette sonorité qui est le caractère général des langues méridionales et qui contraste avec la séchere^e des langues du Nord. Cette influence du climat se fait sentir aussi, quoique moins fortement, sur l'articulation des consonnes. Les C) Les lois de Grimm offrent un remarquable exemple de l'accord qui existe entre la phonétique linguistique et la phonétique physiologique : c'est à ce titre que ie crois devoir les donner d'après Max Mûller: « Si les mêmes racines des mêmes mots existent en sanscrit, en grec, en latin, en celtique, en slavon, en lithuanien, en gothique et en haut-allemand, lorsque les In- dous et les Grecs prononcent une aspirée, les Goths et, en général, les Bas- Allemands, les Saxons, les Anglo-Saxons, les Frisons, etc., prononcent l'ex- plosive douce, et les Hauts-Allemands l'explosive dure correspondantes. Dans ce premier changement, les races lithuaniennes, slavonnes et celtiques, prononcent de même que le gothique ; on arrive à cette formule : Grec et sanscrit KH TH PH Gothicjue, etc G D B Ancien haut-allemand. . . K T P Deuxièmement, si en grec, en latin, en sanscrit, en lithuanien, en slavon et en celtique, on trouve une explosive douce, on trouvera en gothique l'explosive forte et en ancien haut-allemand l'aspirée correspondantes : Grec, etc G D B Gothique K T P Ancien haut-allemand . . CH Z F (ph). Troisièmement, lorsque les six langues nommées plus haut montrent une consonne forte, le gothique montre l'aspirée et l'ancien haut-allemand l'ex- plosive correspondantes. Cependant, dans ce dernier, la loi n'est valable que pour la série linguale ; pour les labiales et les gutturales, on a habituel- lement F et H au lieu de B et G : Grec, etc K T P Gothique H (G, F) TH (D) F (B) Ancien haut-allemand. . . H (G, K) D F (B, V) Les lettres entre parenthèses indiquent les modifications qui se rencon- trent moins généralement que les autres.» Il n'y a qu'à comparer ces for- mules au tableau de la page. 607, pour voir immédiatement la concordance de la linguistique et de la physiologie. 614 PHYSIOLOGIE FOXGTIO>'>'ELLE. labiales sont employées bien plus fréquemment chez les peuples du Midi que chez ceux du Nord. Influence de l'innervation. — Les nerfs qui entrent en jeu dans la parole sont, outre les nerfs des muscles respirateurs et du larynx, les nerfs moteurs de la langue, du voile du palais et des lèvres, c'est-à-dire le facial (voile du palais et lèvres), l'hypoglosse (langue), le glosso-pha- ryngien et le pneumogastrique (voile du palais). L'étude de ces difTé- rents nerfs sera faite avec les nerfs crâniens. Pour les centres nerveux qui interviennent dans la parole, je ren- voie au chapitre qui traite de la physiologie des centres nerveux. Transcription figurée des sons articulés. — Alphabet phonétique. — Les sous articulés peuvent être symbolisés par des signes écrits conven- tionnels, ou lettres, et la série des sons ainsi symbolisés d'une langue constitue l'alphabet de cette langue. Malheureusement, les bases sur lesquelles sont construits ces alphabets sont tout à fait irrationnelles. Dans un alphabet phonétique parfait, chaque son simple devrait être figuré par un signe distinct. Or, il est bien loin d'en être ainsi. D'une part, certains sons simples, telles sont les voyelles nasales françaises, ne sont figurés par aucun signe ; d'autre part, on trouve un seul signe pour figurer des sons composés, X, par exemple, pour KS; enfin, un son unique peut avoir deux signes différents. D'Escayrac de Lauîure a calculé qu'en français le son 0 peut s'écrire de 43 manières différentes. En outre, les diverses langues donnent des valeurs phonétiques diffé- rentes aux mêmes signes, ce qui introduit une difficulté énorme dans l'étude des langues étrangères. Frappés de ces inconvénients, Lepsius et, après lui, plusieurs auteurs ont cherché à construire des alphabets phonétiques, de façon que chaque lettre ou chaque signe correspondit à un son déterminé, de sorte qu'une phrase écrite dans une langue pourrait être prononcée correctement par quelqu'un qui n'aurait jamais entendu parler dans cette langue. On aurait donc ainsi un alphabet commun, international, qui, une fois connu et adopté, rendrait les plus grands services. Malheureusement, pour rendre cet alphabet commun acceptable, Lepsius conserva les caractères romains usités par la plu- part des peuples civilisés et il en résultait cet inconvénient que les signes adoptés par Lepsius correspondaient, suivant telle ou telle langue, à des sons articulés différents et qu'il devenait, par conséquent, très-difficile de s'accorder sur leur mode de prononciation. En outre, l'alphabet de Lepsius présentait des erreurs au point de vue physiolo- gique. Briicke d'abord,' puis Thausing, G. L. Merkel, suivirent une autre voie et employèrent des signes complètement nouveaux. Ils partirent de ce principe que les éléments essentiels de la parole, région d'arti- culation, formes de la cavité buccale, modification du courant d'air (ex- PAROLE. 615 plosives, continues, etc., devaient être représentés par des sig-nts soil conventionnels, soit imitatifs, de façon que récriture se calquât sur le mécanisme physiologique de la parole. Briicke et Merkel employèrent des signes nouveaux, et Thausing une sorte de notation musicale' Ou trouvera dans les ouvrages de ces auteurs des phrases écrites dans ces divers modes de transcription, qui ne peuvent avoir jusqu'ici qu'un in- térêt de curiosité scientifique. Production des sons articulés chez les animaux. — Beaucoup d'ani- maux possèdent, comme Thomme, la voix articulée. Ils ne s'élèvent pas jusqu'à la formation des mots, à moins que ce ne soit par imitation, comme le perroquet et quelques autres oiseaux; mais ils produisent naturellement des sons articulés. Les mammifères ne dépassent guère la production des voyelles; cependant ils peuvent aussi émettre des consonnes; ainsi le B se distingue nettement dans le bêlement de l'a- gneau, et ces exemples pourraient être multipliés. Mais les consonnes existent surtout dans le chant des oiseaux, et on y reconnaît nettement Z, S, P, T, G, K, R, X etc. 2. UNION DES SOXS ARTICULÉS ENTEE EUX. FORMATION PHYSIOLOGIQUE DES JIOTS. L'union des sons articulés entre eux pour former les syllabes et les mots se fait, en général, d'après des lois qui trouvent leur explication dans le mécanisme physiologique de la parole. Aussi est-ce seulement au point de vue physiologique que je chercherai à donner un court aperçu de cette question. Union des sons articulés. — l"^ Union des voyelles. — En s'unissant entre elles, les voyelles constituent les diplithongues, qu'il ne faut pas confondre avec les voyelles mixtes. Dans rémission d'une diphthongue, la cavité buccale prend successivement la forme correspondante a cha- cune des deux voyelles qui la composent, sans qu'il y ait interruption du courant d'air et sans qu'aucun son intermédiaire les sépare. 2" Union des consonnes. — Dans l'union des consonnes il peut se présenter deux cas. Dans le premier cas, les deux consonnes qui se suivent sont prononcées à la suite l'une de l'autre sans interruption et sans qu'il y ait de son interposé ou de temps d'arrêt; il y a presque simultanéité, et il semble qu'il n'y ait qu'un son produit; cependant, en réalité, il y a succession, mais succession très-rapide. Cette agglu- tination de deux sons ne peut se faire quentre certaines consonnes, ce qui s'explique par le mécanisme physiologique de leur production. Ainsi on ne peut réunir ensemble deux explosives, deux continues, deux nasales, deux vibrantes ; mais on peut réunir ensemble une ex- 616 PHYSIOLOGIE FO.\CTIO.\>'ELLE. plosive et udg vibrante, comme dans BRa, BLa; DRa, DLa. etc., ou une continue et une vibrante, comme dans FRa, FLa, ou une nasale et une vibrante MRa, MLa ; mais déjà dans ces deux dernières associations l'agglutination est moins complète et l'oreille perçoit entre l'F et ]'R de FRa, FM et l'R de MRa, etc., une sorte de temps d'arrêt occupé par la voyelle primitive expiratoire E (mueti. Cette sensation est encore plus marquée dans Fassociation d'une continue et d'une explosive, comme dans FTa, SBa, ou dans TSa, KSa, etc. D'un autre côté, l'agglutination ne peut se faire si on prononce la vibrante la première, comme dans RBa, RFa, RMa. Toutes ces variations tiennent uniquement à la facilité plus ou moins grande qu'on a à passer de la série de mouvements cor- respondants à la première consonne à la série de mouvements qui accompagnent la seconde. 11 nous est impossible d'entrer ici dans le détail des cas particuliers, qui demanderaient beaucoup trop de déve- loppements; je me contenterai de renvoyer le lecteur au mécanisme spécial des différentes consonnes. En outre, il faut faire la par-t de Fba- bitude et de l'exercice. Dans le second cas, les consonnes se succèdent avec un temps d'ar- rêt, c'est-à-dire qu'elles appartiennent à des syllabes différentes. Cette succession de consonnes peut se faire de plusieurs manières : il peut y avoir d'abord répétition de la même consonne, du même son. Pour les explosives et pour les nasales, cette répétition est très-nette et les deux sons sont très-distincts, comme dans aBBa, a^'^'a. etc., ce qui s'explique facilement, puisque le premier son est dû à une occlu- sion rapide et le second à une ouverture brusque de la région d'articu- lation. Dans la répétition des continues et des vibrantes.il n'en est plus tout à fait de même; ainsi, dans aSSez, aRRèter, il me semble qu'il ny a pas véritable répétition des consonnes S ou R, mais simplement ac- centuation 'intensité.) plus forte du son pendant le premier temps de son émission, tandis que la voix tombe pendant le second temps. En effet, l'R résulte déjà de vibrations lentes, FS de vibrations plus ra- pides ; autrement dit, ces consonnes ne sont pas autre chose que des répétitions d'un son, et ajouter un R à un R, un S à un S, ce n'est, en somme, que prolonger la série des vibrations assez longtemps pour donner à l'oreille, grâce à la durée et à la différence d'intensité des deux temps, la sensation d'un redoublement de consonne. Le mécanisme physiologique n'a pas moins d'influence sur l'associa- tion de deux consonnes dilférentes. D'une façon générale, une con- sonne dure est suivie ordinairement d'une consonne dure, et la pro- nonciation sera plus difficile si elle est suivie d'une faible. Ainsi on dira plus facilement aBDa, aPTa, que aBTa, aPDa; il sera encore plus difficile de passer d'une consonne dure à une consonne molle de la même région d'articulation; ainsi, il est presque impossible de prononcer distincte- ment aBPa, aDTa, et encore plus dilficile quand la consonne douce précède la dure; comme dans aPBa, aTDa. Il y a là, au point de vue PAROLE. 617 physiologique, un fait très-curieux. En effet, les mouvements que Ion fait pour prouoncer un B et un P sont très-voisins, si voisins même qu'on prononce souvent l'un pour l'autre, B pour P et P pour B ; et cependant, quand une de ces consonnes vient d'être prononcée, on éprouve une insurmontable difficulté pour prononcer immédiatement Pautre, tandis qu'on passe très-facilement d"une labiale à une linguale ou à une gutturale, quoique ces consonnes exigent des mouvements très- différents (lu premier. Ce phénomène, qui parait anormal au premier abord, se rattache, en réalité, à une loi de l'action musculaire qui joue un très-grand rôle dans la parole et dont Pimportance a jusqu'ici été méconnue par les physiologistes et les linguistes : c'est qu'il est plus dij/icile de faille passer immédiatement un muscle d'un degré de contraction à un degré de contraction diJJ'érent que de passer de la contraction d'un muscle à celle d'un autre muscle. Des altérations phonétiques se produisent souvent dans ces associa- tiens de consonnes, altérations phonétiques dont les causes sont sou- vent difficiles à retrouver et qui souvent semblent se contredire. C'est ainsi que MaRSeille vient de }IaSSilia, et suFFero de suBFero. 3° Union des consonnes et des voyelles. — L'union des consonnes et des voyelles constitue les syllabes, ou autrement les mots, puisqu'il est à peu près démontré aujourd'hui que toutes les racines étaient à 'l'ori- gine monosyllabiques. Si l'on se reporte à la délinition des voyelles et des consonnes, on voit que dans la syllabe il y a deux actes muscu- laires successifs, dont l'ordre de succession peut, du reste, varier: une forme spéciale de la cavité buccale (voyelle), un rétrécissement ou une occlusion dans une région d'articulation (consonne). La syllabe pré- sente ce caractère que le passage d'un mouvement à Pautre se fait sans temps d'arrêt, de sorte que Poreille a la sensation d'un sou continu. Les mots sont constitués par une seule ou par plusieurs syllabes juxtaposées, et Passociation des syllabes entre elles pour constituer \e& mots composés dépend en partie de causes physiologiques (action musculaire, sensation auditive euohonique, climat, etc.i, telles que celles qui ont déjà été mentionnées. Les procédés d'altération phoné- tique lis plus importants sont: la transposition, comme ^diUS forma, fromage ; l'addition, soit au commencement d'un mot [scrihere, écrire, — squelette, esquelette, — rana, gi^enouille^, soit au milieu d'un mot ^funda^ fronde, — numerus^ nombre, — couleuvre, coulieuvre), soit à la un [vas-y ; va-t-il) ; la suppression au commencement d'un mol lesumus, sumus — ptisana, tisane), dans le courant du mot {fabula, fables, ou. à la fin [septem, sept). Ces altérations phonétiques sont surtout marquées dans les syllabes finales des mots et tiennent en grande partie à la pa- resse musculaire et probablement aussi à cette tendance des actions musculaires à suivre un certain rhythme i répétition des mêmes mouve- ments), et à ce penchant instinctif que nous éprouvons pour le retour 618 PHYSIOLOGIE F0>GTI0>'};ELLE. des mêmes sons. Là, du reste, se retrouvent encore les influences de race, de climat, et probablement de conformation physique. La linguistique nous en fournit de nombreux exemples. Ainsi, le sanscrit ne termine jamais un mot par deux consonnes et n'admet guère comme con- sonnes finales que n, t, s et ;• ; on a déjà vu la généralisation de Te muet en français. Cerlains idiomes présentent une pauvreté remar- quable sous le rapport des finales. Sauf quelques rares exceptions, le dialecte tzaconien ne possède que des terminaisons en voyelles; l'abor, un des dialectes de l'Himalaya, a la même finale pour la moitié des mots, et cerlains dialectes de la langue karen ne paraissent pas avoir d"autre finale que V ag. Caractères physiques de la parole. — La parole, de même que la voix, présente certains caractères acoustiques d'intensité, de hauteur et de durée. Ces caractères correspondent à ce que les grammairiens appellent l'accent, la quantité et l'intonation. Vaccenl (accent tonique) dépend de l'intensité du son ; il indique la syllabe sur laquelle la voix appuie de préférence, et cest en général celle qui forme la racine du mot, à moins que, comme dans beaucoup de langues, Teuphonie n'en détermine la place. La quantité correspond à la durée du son et cette quantité varie, pour chaque syllabe, d'abord suivant la durée phy- siologique de l'émission des sons (certaines voyelles, certaines con- sonnes peuvent être soutenues plus longtemps que d'autres) et ensuite suivant des règles prosodiques qu'il ny a pas lieu de mentionner ici. Vintnnation ou la hauteur du son joue un très-grand rôle dans cer- taines langues ; en général, dans la parole ordinaire la hauteur de la voix reste dans les limites d'une demi-octave; et encore les différences de hauteur qui existent entre les syllabes et les mots ne servent qu'à donner de la variété à la phrase et à en accentuer certains passages; mais dans d'autres langues, l'intonation a une importance capitale, car elle modifie le sens même des mots suivant la hauteur donnée au mot ; c'est ainsi que le chinois compte 4 tons différents, le birman 2, le siamois 5, l'annamite 6. Ces intonations de la parole se remarquent très-bien chez certains individus qui chantent eu parlant. Origine du langage. — Le langage, au point de vue mécanique, n'est pas autre chose qu'un mode particulier de mouvements musculaires. Comment, en restant dans le domaine purement matériel, ce langage a-t'il pu se développer? La voix (cri, interjections, etc.) est aussi natu- relle à l'homme que les mouvements musculaires des membres, mais entre la voix simple et la voix articulée il y a la même dislance qu'entre les mouvements musculaires irréguliers des membres, comme on les observe chez le nouveau-né, et les mouvements de la marche. La voix articulée n'est qu'une des formes de l'expression, comme la mimique et la gesticulation, et il n'y a pas lieu de faire de la parole quelque chose de spécial au-dessus de la nature humaine. Nous avons vu que ces sons articulés existent chez les animaux dans une certaine PAROLE. CI9 mesure ; seulement, chez eux, les mouvements expressifs ei le langage en particulier sont réduits au minimum ; en effet, le cercle de leurs idées est très-restreint ; les modes les plus simples d'expression suffi- sent pour les rendre et pour traduire tous les genres d'émotions. A quoi servirait rinstrumentation compliquée du langage chez des êtres dont la vie intellectuelle et émotionnelle est si simple? Lorsqu'un chien gratte à une porte ou aboie d'une certaine façon pour qu'on lui ouvre, son langage lui suffit, puisqu'il est compris par son maître, l'ourquoi irait-il au delà? 'Sous lui apprendrions à articuler des mots, s'il le pouvait, qu'il ne serait pas plus avancé; il serait dans le cas d'un perroquet qui répète une phrase, ou d'un enfant de cinq ans auquel on ferait réciter une formule de mathématiques. Le langage est un des modes de traduction de la pensée, le plus utile et le plus merveilleux sans doute, mais il ne vaut que par l'intelligence, qui s'en sert comme d'un instrument, et son développement a dû suivre pas à pas le déve- loppement de l'intelligence et son évolution progressive. On conçoit parfaitement, et nous en avons des exemples dans certains sourds- muets de naissance qui n'ont pas reçu d'éducation spéciale, des hommes privés absolument de langage et qui. n'ayant comme moyens de traduire leur pensée que la mimique et la gesticulation, arriveraient cependant à un degré d'intelligence au niveau de la moyenne. Il a fallu à Ihomme pour faire du feu, pour se fabriquer des armes et des vêtements, pour travailler la terre, etc., autant d'efforts et de tâtonne- ments que pour arriver à donner des noms aux objets qui l'entouraient, et à traduire ses sensations et ses émotions par des combinaisons de sons articulés. Envisagé à ce point de vue, le problème de l'origine du langage se pose autrement qu'on ne le conçoit habituellement; il se dédouble: il comprend d'une part le développement même de l'intelligence et nous n'avons pas à nous en occuper ici ; mais, d'autre part, il comprend le développement graduel de ce mode d'expression, de cette forme de mouvements musculaires qui constituent la mécanique de la parole. Or, la solution de ce problème doit être cherchée surtout dans l'étude des phénomènes qui se passent chez l'enfant depuis sa naissance jusqu'au moment où il commence à parler d'une façon distincte, dans l'étude des langues chez les peuplades sauvages et enûn dans celle des langues primitives. L'étude des langues primitives nous révèle deux faits essentiels, le monosyllabisme et la richesse en voyelles. D'un autre côté, chez Ten- fanl nous observons la série suivante Je phénomènes. Au début, c'est le cri pur, la simple expiration vocale, sans articulation ; plus tard la vocalisation apparaît; jusqu'ici il n'y avait guère eu dans la vie de l'enfant que des sensations de faim et de douleur traduites par un seul mode expressif, le cri; maintenant les émotions de plaisir, la curiosité, Vétonnement, la colère, etc., commencent à se faire jour et se révèlent 620 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. par les modulations de la série des voyelles ; mais peu à peu cela ne suffît plus; les sensations se multiplient et avec elles les besoins de mouvements expressifs nouveaux; les consonnes sont balbutiées, les labiales d'abord, puis les linguales, puis les gutturales jusqu'à ce qu'en- fin il ait à son service toute la gamme des sons articulés. Mais il est facile de voir que chez l'enfant le langage n'est qu'une fraction de tout un ensemble de mouvements d'expression qui embrassent tout le système musculaire et qui se perfectionnent en même temps que la parole. Le cri s'accompagne de contractions réflexes des membres inférieurs qui se rapprochent du ventre et se fléchissent ; les mêmes contractions se retrouvent dans les membres supérieurs. Avec la vocalisation se montrent des mouvements expressifs plus complexes ; il rit, il frappe des mains, il avance le bras pour saisir, il fait des gestes de dénégation ; enfin avec l'articulation des consonnes paraissent les mouvements plus intelligents de la palpation, les tâtonnements de la marche, en un mot toute la série des mouvements de relation destinés à le mettre en rapport avec le monde extérieur. On a admis deux théories diflTérentes sur l'origine du langage, celle de V o7iomatopée et celle de Vinterjecéion ; dans la première, le langage primitif ne serait que l'imitation par l'homme des bruits extérieurs; dans la seconde il ne serait que le développement des cris émotion- nels; mais si les deux théories peuvent s'appuyer sur quelques faits, aucune des deux ne peut être admise à l'exclusion l'une de l'autre et elles ne suflisent pas, même à elles deux, comme le fait remarquer Max Millier, pour expliquer la formation du langage. D'un autre côté, l'attri- buer, comme le fait Max Millier, à une force inhérente à la nature humaine, ne me paraît pas plus heureux. Le langage n'est qu'un des modes d'expression et. d'une façon générale, les animaux possèdent aussi ces mouvements d'expression, quoique les manifestations en soient beaucoup plus restreintes que chez l'homme. Le langage n'est donc pas essentiel à la nature humaine, il n'est que le terme supérieur d'une évolution commune à tous les êtres animés, et sa manifestation la plus élevée et la plus remarquable; il est uniquement ce que le fait l'intelligence humaine et cette intelligence a perfectionné peu à peu l'instrument brut et grossier des premiers temps pour en faire l'admi- rable instrument dont nous nous servons aujourd'hui. Mais vouloir séparer le langage de l'accentuation, de l'intonation, de l'expression faciale, de la gesticulation qui l'accompagne, et vouloir le réduire à une pure combinaison de mots et de sons articulés, c'est méconnaître complètement la portée du problème et les lois physiologiques. C'est en me basant sur les considérations précédentes que je me hasarde à proposer l'échelle suivante de développement progressif du langage en le rapprochant des autres modes principaux d'expression : Première période. — Cris émotionnels et gesticulation instinctive. MÉCAMOUE DE LA DIGESTIO>'. 621 Deuxième période . — Vocalisation (voyelles). Intonation. Gesticula- tion raisonnéc ; mimique; danse. Troisième période. — Articulation (consonnesi. Monosyllabisme. Écriture figurative. Quatrième période. — Apparition des langues proprement cfites. Langues monosyllabiques ou isolantes (ex. : chinois). Cinquième période. — Langues agglutinantes lex. : turc). Sixième période. — Langues amalgamantes ou à flexion (ex. : langues aryennes et sémitiques). nibliosrapliie. — Eexax : Histoire des langues sémi'iqiies, 183S. — Geïmm; Deutsche Grammatik, 1840. — Brucke : Grundziige der Physiologie nnd Systematik der Sprachlaute, J856. — Merkel : Anat. und Phys. des menschlichen Stimm nnd Sprachorgans, 18Ô7. — L. Vaisse : De la Parole considérée au double point de vue de la physiologie et de la grammaire, 1858. — W. V. Hcmboldt : De l'Origine des formes grammaticales ; trad. par Toxnelé, 1859. — M. Thausing : Das natûrliche Lautsyitem, 18tj3. — Max Muller : la Science du langage; trad. par Harris et Perrot, 1864. — D'ESCAYRAC DE LAUTtRE : le Langage, 186Ô. — C.L. Merkel: Physiologie der menschlichen Sprache, 1860. — Bopp : Grammaire comparée; trad. par Bréal. — Terrien Poxcel : Du Langage, 18 il. 5° MÉCANIQUE DE LA DIGESTION. Les phénomènes mécaniques qui se passent dans le tube di- gestif sont de deux ordres : les uns ont pour but de faire pro- gresser les alim.ents depuis la bouclie jusqu'à l'anus et de les mettre ainsi successivement en contact avec les différentes sécré- tions digestives et d'expulser ensuite leur résidu ; les autres ont pour but de diviser ces aliments et de les mélanger aux sucs digestifs, en un mot de leur faire subir des modifications de consistance et de cohésion. Ces deux effets se produisent sous l'influence des contractions musculaires des parois du tube digestif : ces contractions, sauf aux deux extrémités, sont dues à des fibres musculaires lisses, tandis que du côté de la bouche, comme du côté de l'anus, des appareils musculaires striés viennent remplacer les fibres lisses du tube alimentaire ou s'y surajouter. Aussi tandis que, d'une façon générale, les mouvements qui succèdent immédiatement à l'ingestion des aliments ou qui précèdent leur expulsion sont rapides et volontaires, les mouvements de toute la partie inter- médiaire se distinguent par leur lenteur et leur soustraction à l'influence de la volonté. Xous étudierons successivement la préhension des aliments, la mastication, la déglutition, les mouve- ments de l'estomac, ceux de l'intestin grêle, du gros intestin et la défécation. 622 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. \o Préhension des aliments. Nous ne nous arrêterons que sur les divers modes de préhen- sion des aliments liquides. Les liquides peuvent être versés directement dans la cavité buccale et de là passer dans le pharynx par un mouvement de déglutition [boire à la régalade). Mais ordinairement ils sont «5- pirés. Cette aspiration _se fait de deux façons. Dans l'action de humer un liquide, c'est le courant d'air inspiré qui entraîne dans la cavité buccale le liquide dans lequel baignent les lèvres; quand les lèvres ne sont pas complètement immergées dans le liquide, une petite quantité d'air est entraînée en même temps et donne lieu à un bruit de gargouillement. Chez l'enfant à la mamelle, dans la succion, l'aspiration se fait par un tout autre mécanisme. La cavité buccale joue le rôle d'un corps de pompe dont la langue constitue le piston ; les lèvres s'apphquent hermétiquement au pourtour du mamelon ; l'isthme du gosier est fermé par le contact de la base de la langue et du voile du palais.; la partie antérieure de la langue se porte en arrière en faisant le vide autour du mamelon, et la pression atmosphérique, qui presse sur la surface de la mamelle, chasse le lait dans la cavité buccale. La respiration peut continuer pendant la succion. . 2° Mastication. La mastication a pour but de triturer les aliments et de les imprégner de salive, de façon à faciliter leur déglutition et l'action ultérieure des sucs digestifs (page 399). Les aliments sont divisés par les incisives et les canines, et broyés entre les molaires supérieures et inférieures. La résis- tance de l'émail est assez considérable pour permettre aux dents de briser et de broyer des corps très-durs, action favorisée par les pointes saillantes des canines et des molaires qui peuvent, comme une sorte de coin, concentrer la pression sur un seul point. La sensibihté dentaire, très-développée et très-délicate, nous permet de graduer la pression suivant la résistance de l'aliment. MÉCANIQUE DE LA DIGESTION. G23 Pendant que les mouvements de la mâchoire inférieure met- tent ainsi en jeu l'appareil dentaire pour diviser et triturer les aliments, les parties molles de la cavité buccale ne restent pas inactives : les lèvres et les joues ramènent contre les dents les parcelles alimentaires qui tombent en 'dehors des arcades den- taires ; la langue joue le même rôle pour celles qui s'échappent du côté interne, et quand la trituration mécanique est accomplie, la langue presse les aUmenls contre la voûte palatine et en forme une sorte de masse molle imprégnée de salive, qui a reçu le nom de hol alimentaire ('). Innervation. — Les nerfs des mouvements de mastication sont : la branche motrice du trijumeau (muscles de la mâchoire inférieure et ventre antérieur du digastrique), l'hypoglosse (langue) et le facial (buccinateur et ventre postérieur du digastrique). Le centre des mouve- ments coordonnés de la mastication paraît se trouver dans la moelle aUouirée. S'' Déglutition. La déglutition comprend les actes par lesquels l'aliment passe de la cavité buccale dans l'estomac. On peut la diviser en trois temps : dans le premier temps, le bol alimentaire franchit l'isthme du gosier; dans le second, il franchit le pharynx: dans le troisième il traverse l'œsophage. \" Premier temps. — Le loi aUmentaire franchit fisthme du gosier. — Tant que le bol alimentaire se trouve dans la cavité buccale, nous pouvons retarder la déglutition ; mais dès que le bol alimentaire arrive à l'isthme du gosier, le mouvement de déglutition commence, mouvement rétlexe et involontaire qu'il nous est impossible d'arrêter. Quand les ahments ont été sufll- samment triturés et insalivés, la langue se soulève par la con- traction des styloglosses et surtout du mylo -hyoïdien qui agit à la manière d'une sangle (Bérard) et dont on sent parfaitement la contraction sur soi-même ; en même temps les libres linguales (') Les mouvements de la mâchoire inférieure dans l'articulation temporo- maxillaire, ainsi que l'action des muscles masticateurs, sont étudiés dans les traités d'anatomie. (VoirBeaunis et Bouchard, 2^ édit., page lôi, Articul. teraporo-maxillaire,; 259, Digastrique; 275, Buccinateur; et 278, Muscles de la mâchoire inférieure.) 624 PHYSIOLOGIE FONCTIONÎfELLE. intrinsèques se contractent et pressent le bol alimentaire d'avant en arrière contre la voûte palatine d'abord, puis contre le voile du palais tendu par les péristaphylins externes et par les piliers antérieurs. Le bol alimentaire franchit ainsi, par une sorte de mouvement convulsif, l'isthme du gosier qui reste alors à l'état d'occlusion complète pendant que l'aliment franchit le pharynx. 2" Second temps. — Le bol alimentaire franchit le pharynx. — Pendant ce second temps, il se passe quatre séries de phéno- mènes simultanés, mais qui, pour être analysés, doivent être étudiés à part. Ce sont: les mouvements du pharynx, l'occlusion des fosses nasales, l'occlusion des voies respiratoires, l'occlusion de l'isthme du gosier. A. raouvemcnt.^ du pharynx. — Ccs mouvcmcnts sont de deux ordres, le pharynx s'élève et en môme temps il se contracte. L'ascension du pharynx ne porte que sur ses parties moyenne et inférieure, et s'accompagne d'un mouvement d'ascension simultané du larynx, bien sensible quand on place le doigt sur la pomme d'Adam pendant la déglutition; cette élévation est pro- duite parles muscles des piUers postérieurs, les stylo-pharyngiens, les constricteurs et les muscles sus-hyoïdiens; aussi l'ascension du pharynx exige-t-elle la fixation préalable de la mâchoire infé- rieure par les muscles masticateurs; on ne peut avaler la bouche ouverte à moins de fixer entre les arcades dentaires un corps dur qui donne un point d'appui fixe aux dents de la mâchoire inférieure. Ce mouvement a pour but de porter le pharynx au- devant du bol alimentaire. La contraction du pharynx a lieu par l'action des constricteurs, qui se contractent successivement de haut en bas et refoulent le bol du côté de l'œsophage. D'après Passavant, la contraction du constricteur supérieur déterminerait la formation d'une crête verticale sur la paroi postérieure du pharynx. n. Orcliii^iou des fosses nasales. — L'oCClusiOU de l'isthme pharyngo-nasal se fait par le concours de deux actes musculaires: 1" par la contraction des muscles pharyngo-staphylins, qui rapprochent l'un de l'autre les piliers postérieurs, rapprochement constaté par l'observation directe et cependant nié parMoura-Bou- rouillon ; 2° par le soulèvement du voile du palais ; ce sou- lèvement , nié par quelques auteurs, est assez marqué pour imprimer un mouvement de bascule à un stylet introduit par les fosses nasales (Debrou) et amène une augmentation de près- MÉCANIQUE DE LA DIGESTIOX. 625 sion dans Tair des fosses nasales (Garlet), tandis qu'il y a eu même temps diminution de pression dans l'air de la cavité pharyn- gienne. (Garlet, Arloing.) C. occlusion des voies respiratoires. — Cette OCClusion porte à la fois sur l'orifice supérieur du larynx et sur la glotte, r Locclusioji de l'orifice supérieur du larynx est due à l'abais- sement de l'épiglotte ; 1 epiglotte est refoulée par la base de la langue qui se porte en arrière, et ce refoulement est favorisé par l'asconsion du larynx; en outre, peut-être y a-t-il aussi abaisse- ment de l'épiglotte par ses muscles propres (fibres thyro- et ary- épiglottiques). Cependant l'incision de l'épiglotte chez le chien (Longet) ne gêne en rien la déglutition des ahments soUdes ; elle gêne seulement un peu celle des liquides. Si on avale un bol alimentaire imprégné d'une encre noire, et qu'on examine ensuite les parties au laryngoscope, on voit que la base de la langue, les replis glosso-épiglottiques, la face anférieure de l'épi- glotte, les gouttières laryngo-pharyngées, l'ouverture de l'œso- phage, sont seuls noircis par le contact du bol aUmentaire, tandis que la face postérieure de l'épiglotte et l'intérieur du larynx ont conservé leur coloration normale (Guinier). 2" L'occlu- sion de la glotte a lieu pendant la déglutition, si on s'en rap- porte à l'examen laryngoscopique ; il est vrai que dans ce cas les conditions de la déglutition sont tout à fait changées; cepen- dant un fait qui semble prouver cette occlusion, c'est que l'expi- ration est complètement arrêtée et la voix impossible au moment de la déglutition. Mais cette occlusion ne paraît pas être indis- pensable, au moins chez certains animaux; car Longet a pu. par une ouverture à la trachée, introduire une pince et maintenir la glotte dilatée sans gêner la déglutition des solides et des liquides, et l'expérience de Guinier, citée plus haut, indique qu'à l'état normal, les aliments ne pénètrent pas dans la cavité du larynx. D'après Longet, l'occlusion de la glotte dans la déglutition ne serait pas due à l'action des muscles propres, mais à colle du constricteur inférieur. Il a vu en effet cette occlusion persister après la section des nerfs récurrents et du rameau du crico- thyroïdien. Par contre, la persistance de la sensibilité de la partie sus-glottique du larynx est indispensable pour éviter l'intro- duction dans la trachée de parcelles alimentaires et surtout de liquides qui auraient pu franchir l'orihce supérieur du larynx; si ou sectionne les nerfs laryngés supérieurs, cette sensibilité Beaums, Phys. 40 626 PHYSIOLOGIE FOXCTIO X?;ELLE. est abolie, ces parcelles n'excitent aucun mouvement de toux et, au lieu d'être expulsées, pénètrent dans la trachée quand la glotte s'ouvre après la déglutitiou. ». Occlusion de l'isthme du gosier. — Cette OCClusioU, doilt le mécanisme a été étudié plus haut, persiste pendant tout le temps de la déglutition pharyngienne, comme le prouve le main- tien de la pression de l'air dans la cavité buccale. (Carlet.) Pendant ce temps de la déglutition, le pharynx représente donc une cavité qui n a d'issue que du côté de l'œsophage, grâce à l'occlusion hermétique des trois ouvertures nasale, laryngienne et buccale. D'après Carlet, la diminution de pression de l'air dans le pharynx déterminerait une véritable aspiration du bol. 3" Troisième temps. — Le bol alimentaire francliit l'œsophage. — Une fois le bol alimentaire arrivé dans la partie supérieure de l'œsophage, le pharynx retombe, les trois orifices mentionnés plus haut s'ouvrent de nouveau et le bol traverse de haut en bas l'œsophage sous l'influence des contractions successives des fibres circulaires et des fibres longitudinales; les fibres longitudinales portent au-devant du bol la partie de l'œsophage située au-dessous de lui , et les fibres circulaires le refoulent alors de haut en bas. La pesanteur n'a à peu près aucune influence sur la déglutition; on avale parfaitement la tête en bas. La déglutition s'accompagne de l'ouverture de la trompe d'Eustache due aux fibres du péristaphylin externe qui s'attachent à la partie membraneuse de la trompe. Pour que la déglutition s'accomplisse , il faut qu'il y ait quel- que chose à déglutir ; il est impossible d'avaler à vide. La cause en est dans l'absence de stimulus qui détermine, par son contact avec la muqueuse, la production des mouvements réflexes. D'après Schiff, la déglutition des hquides laisserait toujours dans le sillon glosso-épiglottique quelques gouttes de liquide qui donnent lieu à une déglutition secondaire. Si, en effet, on observe ce qui se passe après avoir bu une certaine quantité de liquide, on remarque quelques secondes après une nouvelle dé- glutition qui empêche que ce reste de liquide n'arrive à la glotte. Pour Schifl', cette déglutition secondaire serait déterminée par l'irritation des ventricules du larynx par le liquide descendu du sillon glosso-épiglottique. Innervation. — Vinnervation motrice de la déglutition est très- MÉCANIQUE DE LA DIGESTION. 627 compliquée à cause du grand nombre de muscles qui entrent en jeu dans cet acte. On trouve en effet parmi les nerfs moteurs, le glosso- pharyngien (muscles du pharynx), le facial fpéristapliylin interne)^, rhypoglosse (langue), le trijumeau ipéristaphylin externe, muscles sus- hyoïdiens, muscles masticateurs), le pneumogastrique (muscles du larynx, œsophage). Les nerfs sensitifs proviennent du trijumeau (voile du palais), du glosso-pharyngien (langue et pharynx), du laryngé supé- rieur (orifice supérieur du larynx). L'excitation de ces différents nerfs produit des mouvements de déglutition iWaller et Prévost). La sensi- bilité œsophagienne vient du pneumogastrique. 4° Mouvements de l' estomac. Observation des mouvements de l'estomac. — Mise à nu de r estomac par V ouverture du ventre. — En général, les mouvements de l'estomac, surtout les mouvements spontanés, sont peu marqués ; cependant on observe, même sur l'estomac extirpé, des contractions rhythmiques, spécialement dans la partie cardiaque, et qui gagnent peu à peu le pylore. Les mouvements deviennent plus prononcés par une excitation galvanique ou mécanique et se traduisent par une contraction circulaire de l'estomac au point irrité. La dilatation de l'estomac par une vessie de caoutchouc qu'on introduit dans l'estomac et qu'on dilate ensuite par l'insufflation, amène aussi des contractions de cet organe. Les fistules gastriques, soit sur l'homme, soit sur les animaux, ont permis d'observer les mouvements communiqués par les contractions stomacales aux substances contenues dans son intérieur. D'après de Beaumont, les matières suivraient la grande courbure en allant du cardia au pylore et reviendraient le long de la petite courbure en allant du pylore au cardia, et ce mouvement de rotation durerait de une à trois minutes. D'après d'autres auteurs, ce mouvement se ferait au contraire comme le représente la figure 130. Réclam a imaginé un procédé pour étudier les mouvements de l'estomac; il donne à des chiens du lait riche en caséine ; puis il sacrifie l'animal ; la direction des sillons à la surface de la masse coagulée indique le sens de la rotation de cette masse. L'estomac se dilate au fur et à mesure que les aliments arri- vent par le cardia; en môme temps que se fait cette dilatation, la grande courbure ainsi que le grand cul-de-sac, qui sont les parties les plus expansibles de l'estomac, se portent en avant et s'appliquent à la paroi abdominale antérieure. Les contractions de l'estomac à l'état normal sont très-lentes 628 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. et très-peu intenses; cependant elles suffisent pour opérer le mélange des diverses substances alimentaires entre elles et avec Fig. 130. — Mouvements de l'estomac. (Voir page 627.) le suc gastrique. On a admis, sans qu'on en ait eu la preuve directe, que pendant la digestion stomacale l'estomac se divisait en deux portions par la contraction des fibres obliques : une partie inférieure gauche, correspondant au grand cul-de-sac, réservoir où s'accumuleraient les aliments pour y subir l'action du suc gastrique; une partie supérieure, constituant un canal qui longerait la petite courbure et permettrait aux liquides (et à certains aliments ?) de passer directement de l'œsophage dans le duodénum. Pendant la durée de la digestion stomacale, le pylore est fermé par la contraction de son sphincter, et ce sphincter ne s'ouvre que par moments p.our laisser passer successivement le chyme dans le duodénum. Cette ouverture dusphincter se fait par action réflexe sous l'influence d'une excitation de la muqueuse qui le recouvre, mais dont la nature est tout à fait inconnue. Vomissement. — Quoique le vomissement appartienne plutôt à la physiologie pathologique qu'à la {Thysiologie normale, il est impossible de le passer sous silence. Le vomissement est précédé d'une sensation interne particulière, ]3i nausée. L'acte mécanique du vomissement com- prend, d'après les expériences de SchifT, deux stades : un stade prépa- ratoire et un stade d'expulsion. Le stade p?'épaî'atoire est ôùk l'estomac et consiste essentiellement en une dilatation du cardia. Cette dilatation qu'on peut sentir en introduisant le doigt par uneflstule gastrique dans roriflce du cardia, serait active, d'après Scliiff, et due à la contraction Fig. 130. — a, direction du cardia c au pylore d. — b, direction en sens inverse. MÉGAMOL'E DE LA DIGESTIOX. 629 des fibres longitudinales de l'œsophage; si ces fibres sont désorganisées, le vomissement est impossible ; il en est de même si l'estomac est pa- ralysé. Le deuxième stade consiste dans l'expulsion violente des ma- tières et exige l'intervention de tous les muscles de l'ovoïde abdomi- nal : diaphragme et muscles abdominaux, comme dans l'eflort. En eflet, si on ouvre le ventre pour mettre l'estomac à découvert, le vomissement ne peut plus se faire ou se faire que Irès-incoraplétement ; et d'autre part, comme le prouve une expérience célèbre de iMagendie, on peut remplacer l'estomac par une vessie de porc et voir le vomissement se produire, après injection d'émétique dans les veines, par la seule in- fluence des muscles abdominaux; mais il faut que l'orifice cardiaque de l'estomac soit enlevé avec l'estomac, comme l'a montré Tantini ; sans cela la dilatation du cardia ne se produisant pas, le vomissement n'a pas heu. Pendant le vomissement, le pylore reste fermé parla con- traction énergique de son sphincter; les matières se trouvent ainsi poussées violemment dans l'œsophage et de là dans le pharynx et la cavité buccale. L'orifice supérieur du larynx et Tisthme pharyngo-nasal sont obturés par le mécanisme déjà décrit à propos de la déglutition ; seulement, il arrive souvent que la pression est si forte qu'elle sur- monte la résistance du voile du palais et que les matières sont rejetées par le nez. L'occlusion de la glotte précède le vomissement, mais ne paraît pas être indispensable. Les différentes espèces animales présentent de très-grandes diffé- rences au point de vue du vomissement. Très-facile chez les carnivores et en particulier chez le chien et le chat, il est à peu près impossible chez le cheval et chez les ruminants. La régurgitation est le retour dans la bouche d'une partie du con- tenu de l'estomac ; ce retour a lieu sans efforts, et chez certaines per- sonnes il est volontaire et peut devenir habituel (rumination ou méry- cisme). Certains physiologistes, Erown-Séquard, Gosse, ont utilisé cette faculté pour étudier les modifications des aliments dans l'estomac. V éructation est l'expulsion violente de gaz stomacaux avec produc- tion d'un son à la partie supérieure de l'œsophage. Innervation. — On sait peu de chose de l'innervation motrice de l'estomac. Cependant l'excitation du pneumogastrique et quelquefois celle du plexus cœliaque déterminent des contractions, surtout chez les ruminants, et ces contractions sont arrêtées par la section ou la destruction de ces nerfs. b^ Mouvements de l'intestin grêle. Observation des mouvements de l'intestin grêle. — Observation directe. — Si on ouvre le ventre et qu'on mette à nu les intestins sur 630 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. un animal vivant ou qu'on vient de sacrifier, on voit toute la masse in- testinale parcourue par des mouvements qu'on ne peut mieux comparer qu'aux mouvements d^un tas de ve?'s, d'où le nom de mouvements ver- miculaires ; ces mouvements sont surtout très-intenses au moment de l'agonie. Ces mouvements sont de deux ordres: les uns consisten-t en alternatives de constriclion et de relâchement circulaires qui se pro- pagent de proche en proche le long de l'intestin ; les autres consistent en véritables déplacements des anses intestinales les unes sur les autres. Gn a attribué ces contractions à l'action de l'air et au refroidis- sement de l'animal ; mais aucune de ces deux conditions ne peut en être la cause exclusive, car elles se produisent encore quand on res- pecte le péritoine ou quand la température de la chambre est égale à celle de l'animal. La circulation parait avoir plus d'influence, et ces contractions sont déterminées aussi bien par l'anémie que par l'hyper- hémie de l'intestin ; ainsi, elles augmentent par la compression de l'aorte, l'occlusion de la veine porte, l'injection de sang rouge dans les vaisseaux; cependant, une hyperhémie veineuse trop forte les fait ces- ser. Elles sont arrêtées par le froid, jusqu'à -h 19°, et augmentées par la chaleur. V excitation directe de tintestin, soit galvanique, soit méca- nique, agit beaucoup plus vivement sur lui que sur Testomac et produit une contraclion énergique au point touché. On peut enregistrer les contractions de l'intestin en introduisant dans une anse intestinale des ampoules en caoutchouc qui communi- quent par un tube avec le tambour du polygraphe. La contraction de l'intestin comprime l'ampoule, et la pression de l'air se communique au levier enregistreur qui s'élève. Ces instruments, dont la disposition peut varier, ont reçu le nom d'entérog?^aphes (entérographes de Legros et Onimus, d'Engelmann, etc.). Les mouvements de l'intestin grêle ont pour but la progres- sion des matières alimentaires depuis le pylore jusqu'à la valvule iléocœcale. On les a divisés en péristaltiques, qui favorisent ce mouvement de progression, et antipéristaltiques ^ qui se produiraient en sens contraire. Ce qu'il y a de certain, c'est que ces contractions ne sont pas continues , mais sont rhytlimiques et séparées par des intervalles de repos, et, en outre, qu'elles sont loin de se faire dans les circonstances nor- males avec la violence qu'on observe chez les animaux au mo- ment de l'agonie. La présence des aliments, la bile (action niée par Schiff), favorisent ces mouvements; ils paraissent s'arrêter pendant la nuit. La progression des aliments dans l'intestin grêle n'est donc pas continue; elle subit des temps d'arrêt et quelquefois même MÉCAMOUE DE LA DIGESTION. 631 des mouvements de va-et-vient; la durée du séjour des aliments dans l'intestin grêle est d'environ deux à trois heures. Innervation. — L'excitation des plexus cœliaque et mésaraïque, du pneumog-aslrique (?), augmente les mouvements intestinaux ; les nerfs splanchniques agissent, au contraire, sur ces mouvements comme nerfs d'arrêt. 6^ Mouvements du gros intestin. Une fois arrivés à la partie inférieure de l'intestin grêle, les aliments passent facilement à travers l'orifice de la valvule iléo- cœcale pour se jeter dans le cœcum, tandis que la constitution anatomique de cette valvule s'oppose au reflux des matières du gros intestin dans l'intestin grêle. Les mouvements du gros intestin ressemblent à ceux de l'in- testin grêle et se produisent dans les mêmes conditions. Mais, grâce à la disposition des parois du gros intestin, le séjour du Loi alimentaire, devenu le bol fécal, y est bien plus considé- rable que dans l'intestin grêle, quoique la longueur de ce dei-- nier soit beaucoup plus grande. En effet, les matières, arrêtées par les replis falciformes transversaux de la muqueuse, séjour- nent plus ou moins longtemps dans les cellules du gros intestin, y perdent une partie de leur eau et y acquièrent peu à peu les caractères excrémentitiels. Les matières fécales, ainsi poussées de proche en proche par les contractions des fibres circulaires, s'accumulent graduellement dans l'S iliaque, refoulant devant elles celles qui s'y trouvaient déjà et qu'elles font descendre dans le rectum jusqu'au-dessus des sphincters. 1^ Défécation. La pression abdominale s'exerce sur les matières contenues dans l'S iliaque et se transmet par elles jusqu'aux matières con- tenues dans la partie inférieure du rectum. Tant que cette pres- sion ne dépasse pas une certaine limite, la ténacité du sphincter interne sullitpour les retenir sans que nous en ayons conscience; mais si la pression augmente, il survient une sensation particu- hère, besoin de défécation ; sous l'influence de ce besoin, il se 632 PHYSIOLOGIE FONGTIO>'NELLE. l^roduit involontairement une série de contractions réflexes inter- mittentes du rectum et de l'S iliaque, qui tendent à expulser les matières fécales ; ces contractions vaincraient alors la résistance du sphincter interne si le sphincter externe strié ne se contrac- tait pas volontairement pour les repousser. Si, au contraire, on satisfait au besoin, la défécation se produit par l'action combinée des fibres rectales et des muscles abdominaux (mécanisme de l'effort). Le rectum seul peut suffire si les matières sont molles et peu résistantes; ainsi, chez le chien, le cabiai, etc., la galvanisa- tion du rectum amène des contractions énergiques et l'expulsion des matières fécales, le ventre étant ouvert, par conséquent sans que les muscles abdominaux puissent intervenir. Mais, habituel- lement, dans les conditions normales, ces muscles mterviennent et d'autant plus énergiquement que les matières sont plus dures et plus volumineuses. Les fibres longitudinales du rectum se con- tractent et dilatent l'orifice anal, en même temps que le releveur de l'anus, tout en contribuant au mécanisme de l'effort, comprime la face postérieure du rectum d'arrière en avant et soulève sa partie inférieure au-devant de la masse fécale; celle-ci, sous l'in- fluence de la pression considérable produite par les muscles ab- dominaux, surmonte facilement la résistance tonique des sphinc- ters et franchit l'ouverture anale. Innervation. — Les mouvements de défécation sont sous Tinfluence d'un centre nerveux qui se trouve à la partie inférieure de la moelle lombaire, centre ano-spînnl de Masius. • Rôle mécanique des gaz intestinaux. — Les gaz intestinaux main- tiennent la béance du tube alimentaire. En outre, et c'est là leur rôle le plus important, ils transforment la cavité abdominale, au point de vue mécanique, en une sorte de bulle gazeuse élastique qui répartit la pression dans Peffort et qui, dans l'expiration, tend à refouler en haut le diaphragme par son élasficité. Ilibliog'raphie. — Schifp : Leçons stir la physiologie de la digestion, 1868. 6° EXCRÉTION URINAIRE. L'urine, sécrétée continuellement par les reins, arrive dans l'uretère et, sous l'influence de la vis à tergo, autrement dit de la pression de sécrétion, coule des uretères dans la vessie, qui se laisse dilater peu à peu. Si sur un animal on ouvre la vessie EXCRETION URhNAIRE. 633 pour mettre à nu les orifices des uretères, si on les examine chez l'homme dans les cas d'exstrophie vésicale, où cette paroi de la vessie est à nu, on voit que l'urine s'écoule goutte par goutte à intervalles réguliers (trois quarts de minute environ). La contrac- tiUté de l'uretère aide cette progression de l'urine, surtout quand la vessie déjà distendue tend à accoler les parois de l'uretère au moment de son passage oblique à travers les parois vésicales. Les contractions de l'uretère se propagent, de haut en bas, avec une vitesse de 20 à 30 millimètres par seconde et, d'après Engcl- mann, seraient tout à fait indépendantes du système nerveux. La vessie se dilate peu à peu, à mesure que l'urine arrive par les uretères, tout en conservant sa forme globuleuse. Cette dila- tation a pour conditions l'occlusion des orifices des uretères et l'occlusion de l'orifice uréthral. L'occlusion des orifices des ure- tères est due à l'accotement pur et simple de leurs parois au moment où ces conduits traversent obliquement la paroi vésicale. Le mode d'occlusion du côté de l'urèthre a été très-controversé. Tant que la pression de l'urine dans là vessie ne dépasse pas une certaine limite, cette occlusion est involontaire et inconsciente. Son siège est dans la région prostatique ; c'est là que se trouve l'obstacle à la sortie de l'urine et non, comme on l'a cru, dans la région membraneuse. En effet, si, sur le cadavre, on introduit une sonde dans l'urèthre. tant que la sonde est dans la partie membraneuse il n'y a pas d'écoulement d'urine; elle s'écoule dès que la^sonde arrive dans la partie prostatique; et. du reste, l'ex- périence chirurgicale montre que l'urine est conservée dans la vessie après l'incision de la partie membraneuse dans l'uréthroto- mie externe. L'incision de la prostate, au contraire, est suivie d'une incontinence d'urine. Cette occlusion ne peut, par consé- quent, être due aux fibres circulaires de l'orifice uréthral de la vessie, au prétendu sphincter vésical. Quel est maintenant l'agent de cette occlusion prostatique? Deux conditions entrent enjeu : l'élasticité de la prostate, d'a- bord, et c'est elle qui maintient l'urine dans la vessie après la mort et qui s'oppose même à sa sortie quand on presse sur cet organe; puis, en seconde ligne, les fibres musculaires de cette région qui constituent un véritable sphincter. Chez la femme, où la prostate n'existe pas, c'est ce sphuicter qui, seul avec le tissu élastique péri-uréthral, s'oppose à la sortie de l'urine; aussi faut- il une pression bien moindre pour en amener l'expulsion. 634 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Pendant son séjour dans la vessie, l'urine subirait certaines modifications sur lesquelles les auteurs sont loin de s'accorder; suivant les uns, elle deviendrait plus concentrée (Kaupp); sui- vant d'autres, au contraire, elle absorberait de l'eau et perdrait un peu d'urée qui serait reprise par le sang (Treskin). D'après Edlefsen, l'urine, à mesure de son arrivée dans la vessie, se ré- partirait par couches de densité croissante en allant de haut en bas et, par conséquent, les parties émises les premières dans la miction seraient les plus denses. Quand la vessie a acquis un certain degré de distension, ses nerfs sensitifs sont excités, et il se produit par action réflexe des contractions des fibres musculaires vésicales {detrusor iirinse) qui chassent quelques gouttes d'urine dans la partie prostatique de l'urèthre; nous éprouvons alors une sensation particulière : le besoin d'uriner, auquel nous pouvons céder ou contre lequel nous pouvons lutter. Dans ce dernier cas, les fibres striées de l'urèthre (sphincter volontaire des parties prostatique et mem- braneuse) se contractent et refoulent l'urine dans la vessie. Puis, au bout de quelque temps, les mêmes phénomènes se reprodui- sent et le besoin d'uriner reparait avec plus de violence. Lors- qu'enfin nous cédons à ce besoin, la miction se produit par le mécanisme suivant : Les fibres musculaires de la vessie se con- tractent, en même temps que le sphincter volontaire se relâche, et chassent peu à peu l'urine dans l'urèthre. Kiiss admet au début de la miction un léger effort, avec occlusion de la glotte ; alors la contraction seule de la vessie suffit pour expulser l'urine ; puis, à la fin de la miction, un nouvel effort est nécessaire pour chasser les dernières gouttes qui se trouvent dans la partie uréthrale de la vessie. Celle-ci pren- drait alors sous la pression des viscères ab- dominaux la forme d'une cupule à concavité supérieure , comme on le voit dans la figure 131. Cependant, chez les animaux, la vessie peut se vider complètement sous l'in- fluence de la galvanisation, sans l'interven- tion des muscles abdominaux. La contraction Fig. 131 miction. (Kûss.) Fig. 13 J. — 1, contour de la vessie distendue par l'urine; par leur propre conlractiou, ses parois prennent successivement les positions 2, 3, 4, 5; puis la poussée des viscères abdo- minaux les refoule dans la position 6. MÉCANIQUE DE LÀ CIRCULATION. 635 des fibres circulaires de l'urètlire et du bulbo-caverneux achève l'expulsion de la colonne d'urine qui se trouve dans l'urèlhre après la vacuité de la vessie. Innervation — Le centre nerveux de la miction se trouve dans la moelle lombaire. (Gollz.) 7° MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. a. — Circulation sanguine. J-ig. 13.!. — Schéma de l'appareil vasculaire. Le sang est contenu dans un système de canaux élasti- ques dont l'ensemble forme un tout continu et constitue l'appareil vasculdire. Cet appareil, dont il a déjà été donné une idée générale {voir page 81), est disposé de la façon suivante chez l'homme et les animaux supérieurs (fig. 132) : L'aorte (a) , partie du ven- tricule gauche, va se rami- fier (artères) et fournir les capillaires de tous les or- ganes (c), à l'exception de ceux des vésicules pulmo- naires; ces capillaires, ap- pelés aussi capillaires gé- néraux, donnent naissance à des veines [vc] qui finis- sent par se réunir en deux gros troncs (veines caves supérieure et inférieure) qui s'ouvrent dans l'oreil- lette droite; de l'oreillette droite le sang passe dans le ventricule droit et de là dans l'artère pulmonaire 636 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. (ap), par laquelle il arrive aux capillaires du poumon (P) ; à ces capillaires font suite des veines {vp) constituant quatre troncs (veines pulmonaires) qui s'ouvrent dans l'oreillette gauche, et la communication de cette oreillette gauche avec le ventricule gau- che complète le circuit vasculaire. La partie du circuit qui va du ventricule gauche à l'oreillette droite constitue l'appareil de la grande circulation; celle qui va du ventricule droit à l'oreillette gauche, l'appareil de la petite circulation ou circulation pul- monaire ; les cavités gauches du cœur, les veines pulmonaires et l'aorte et ses branches (artères) contiennent du sang rouge ; les veines, les cavités droites du cœur et l'artère pulmonaire contiennent du sang veineux. Le sang remplit l'appareil vasculaire de manière à distendre les parois des vaisseaux, autrement dit les vaisseaux contiennent plus de sang qu'il n'en faut pour leur calibre normal, pour leur forme naturelle ; le sang se trouve donc, grâce à la force élas- tique de la paroi vasculaire, sous un état de tension permanente, tension sujette à varier, du reste, avec les variations du calibre total du système vasculaire. Le sang n'est pas immobile dans les vaisseaux; il y circule, c'est-à-dire qu'il^s'y meut et toujours dans le même sens, de façon qu'une molécule sanguine prise en un point quelconque de l'appareil vasculaire revient, au bout d'un certain temps, à son point de départ. La découverte de la circulation a été faite, en 1628, par Harvey. La circulation du sang se fait d'après les mômes lois que le mouvement de tous les liquides ; la cause de ce mouvement n'est autre que la ditférence de pression du sang. dans les di- vers segments du circuit vasculaire, et si le cœur peut être considéré comme l'organe principal de la circulation, c'est que son rôle essentiel est précisément de maintenir celte inégaUté de pression. 1. PRINCIPES GÉNÉRAUX d'hYDRODYNAMIQUE. Avant d'étudier le, mécanisme même de la circulation , il me paraît indispensable de rappeler en quelques mots les notions générales d'hydrodynamique nécessaires à la physio- logie. MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. G37 r Mouvements des liquides dans des tuhes rigides. Si nous supposons le cas le plus simple, celui d'un réservoir dcau a niveau consiant 'MJlg. 133), terminé par un lube horizontal, nous ver- Fig. 133. - Écoulement dans un tuyau rectiligne et de section uniforme. (Wundt.) rons que le mouvement du liquide dans ce tube est soumis aux condi- tions suivantes. Les obstacles au mouvement sont les frottements des molécules liquides les unes contre les autres et, de plus, contre les pa- rois du tube horizontal quand le liquide ne mouille pas les parois de ce tube- dans le cas contraire, et c'est ce qui arrive pour le sang, le liquide qui mouille les parois du tube y adhère et forme une couche immobile à la périphérie de la colonne liquide en mouvement; les mo- lécules des couches concentriques de liquide ont d'autant plus de vi- e ^e qu'elles se rapprochent plus de Taxe même du tube ou se trouve maximum de vitesse, et les frottements (résistances) dune couche sur l'autre sont proportionnels aux différences de vitesse des aeux '°Lf cause qui fait mouvoir le Hquide est la pression de l'eau dans le réservoir M. pression qui se mesure par la hauteur même de la masse d-eau contenue dans le réservoir. Mais cette hauteur ou cette pression peut se décomposer à son tour en trois fractions distinctes : une pre- mière partie de cette hauteur, H/^ sert à vaincre les résistances qui se Droduisent par la collision des molécules liquides à leur entrée dans le tube horizontal; une deuxième partie, M, détermine la progression ou la vitesse du liquide ; enfin, la dernière partie, RO, sert a surmontei es résistances dans le tr.jct à travers le tube horizontal (frottements des molécules liquides pendant leur écoulement). De ces trois hauteurs, la première, Uh, est constante ; la deuxième, M, est constante aussi ; en 638 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. effet, la vitesse moyenne (') est la même dans tous les points du tube horizontal ; la troisième hauteur, RO, au contraire, varie ; en effet, elle surmonte les résistances de Técoulement du liquide ; or, ces résistances diminuent à mesure qu'on se rapproche de l'extrémité du tube; cette hauteur se traduit par une pression latérale sur les parois du tube et la pression peut se mesurer par des tubes verticaux, piézomètres, A, B, C, D, embranchés sur le tube horizontal ; la hauteur à laquelle l'eau monte dans chacun de ces tubes indique la pression correspondante pour chacun des points du tube horizontal, et la lig-ne droite RE, ou ligne de pi-ession, qui joint tous les niveaux des liquides, indique la marche de la pression dans le tube horizontal ; ces frottements dégagent en même temps du calorique, et la tension latérale qui semble dispa- raître ne fait que se transformer en chaleur. Les lois suivantes régissent alors les mouvements des liquides dans le cas donné : PLa pression est constante dans tous les points d'une coupe trans- versale du tube (-) ; 2° La pression diminue régulièrement dans la direction du courant et l'inchnaison de la ligne de pression est constante pour un courant donné ; 3" La pression est accrue par tout ce qui augmente les obstacles : allongement du tube d'écoulement, diminution de son caUbre ; enfln, elle augmente comme le carré de la vitesse ; si la vitesse est 1, 2, 3..., la pression est 1, 4, 9...; 4o La vitesse moyenne d'écoulement est égale dans tous les points du tube; 5" La vitesse moyenne varie : Avec le calibre du tube ; elle augmente quand le cahbre devient plus fort ; Avec la longueur du tube ; plus le tube se raccourcit, plus la vitesse est grande; Avec la pression; les vitesses augmentent comme les racines carrées des pressions ; (') On appelle vitesse moyenne la vitesse que toutes lesmole'cules liquides devraient avoir si, dans l'unité' de temps, il passait par une coupe transver- sale du tube autant de liquide qu'il en passe en re'alité, en supposant toutes ces molécules animées d'une vitesse égale. En représentant par Q,la quan- tité d'eau écoulée, par t, l'unité de temps, par s, la surface de la section transversale du tube, la vitesse moyenne, V, est donnée par la formule sui- vante : V = t X s (') Ludwig a prétendu, à tort, que la pression variait dans les différents points d'une section de la masse liquide. MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. C39 Avec la nature du liquide qui s'écoule (viscosité, fluidité, eto ; Avec la température du liquide; pour un liquide donné, elle aug- mente avec la température. La substance du tube paraît sans influence sur la vitesse d'écoule- ment, grâce à l'existence de la couche inerte ; aussi peut-on appliquer aux vaisseaux de lorganisme vivant les expériences faites sur des con- duits artiûciels. 6° Les volumes de liquide écoulés sont proportionnels aux carrés des diamètres des tubes d'écoulement. Ecoulement dans des conduits de diamètre variable. —Dans ce CdiS (fig. 134) la vitesse représentée paria ligne h, h',h" li" sdx'ic en rai- son inverse du calibre du conduit. La ligne de pression R, R', a, b, R" Fig. 134. — Écoulement dans un tuyau rectiligne de diamètre variable. (Wundt.) montre que le passage du tube étroit OA au tube large AB fait baisser la pression dans le tube étroit, que le passage du tube large AB au tube étroit BG fait hausser la pression dans le tube large. Les coudes ont la même influence qu'un rétrécissement du tube d'écoulement, c'est-à-dire que la vitesse diminue en amont du coude, tandis que la pression y augmente; mais en réalité les différences de vitesse sont assez faibles, même pour des angles considérables. Écoulement dans les tubes ramifiés. — Si on embranche un tube latéral sur un conduit, l'écoulement et la vitesse augmentent dans le conduit principal, en même temps que la pression y baisse plus rapi- dement qu'auparavant. La figure 135 représente, à l'état schéma- tique, un cas qui se reproduit en grand dans l'appareil vasculaire ; un tube principal donne naissance à une série de bifurcations dont le calibre total est supérieur à celui du tube primitif, bifurcations qui se réunissent de nouveau en un tube unique. La ligne R, R', R", etc., indi- que dans ce cas les variations de pression latérale dans les divers points du système. 640 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Écoulement dans les tubes capillaires. — Transpiration de Gra- ham. — Pour étudier Pécoulement des liquides dans les tubes capil- Fig. 135. — Écoulement d'un liquide dans un système de tubes ramifiés. (Wundt.) laires, Poiseuille s'est servi de l'appareil suivant(y?^. 136, p. 641). Un vase de verre en forme de fuseau, M,se continue à sa partie inférieure avec un tube qui présente sur son trajet une ampoule, A, et se recourbe ensuite horizontalement en se continuant par un tube capillaire,/; au-dessus et au-dessous de Tampoule. dont la^capacité est connue, sont marqués deux traits, c et d. On remplit d'abord l'ampoule A d'eau distillée jus- qu'au-dessus du trait c et on place le tube capillaire/ dans un réser- voir d'eau; on fait alors communiquer la partie supérieure du vase M avec un réservoir d'air comprimé et on ouvre le robinet supérieur; le liquide s'écoule parle tube capillaire et, avec un cathétomètre, on déter- mine le moment où le niveau du liquide affleure en c; on note alors le temps qui s'écoule jusqu'à ce que le liquide arrive en d; on connaît le calibre du tube capillaire, la température du liquide et la pression de l'air comprimé; il est facile alors de trouver la durée d'écoulement. Poiseuille a trouvé les chiffres suivants pour la durée d'écoulement des divers liquides : MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. 641 Secondes. Transpirabilit^. 535,2 1 100,5 0,299 11.S4,5 2,213 1029,0 1,922 "111™ Eau distillée Éther ordinaire . . . . Alcool à 80° Sérum du sang de bœuf. La seconde colonne donne la transpirabilité de ces divers liquides, la durée de l'écoulement de l'eau distillée étant prise pour unité. Haro sest servi, pour étudier la trans- pirabilité des liquides, d'un simple tube thermométrique terminé à sa partie supé- rieure par une sorte d'entonnoir et à sa par- tie inférieure par une ampoule; on plonge l'extrémité supérieure dans le liquide et on aspire par l'ampoule; une fois le tube rempli, on applique la pulpe du doigt sur l'ouverture de l'eutonnolr et on retourne le tube, qu'on place sur un support; le liquide s'écoule et ou note le temps de l'é- coulement jusqu'à ce que le niveau du liquide soit arrivé à un trait marqué sur le tube capillaire. iHaro: Z>e/a Transpirabilité du sang. 1873.) A. Schklarewsky a donné aussi un petit appareil à l'aide duquel on peut obtenir facilement un écoulement constant, soit ascendant, soit descendant, dans un tube capillaire, ^irdi. de PJluger^ t. I, p. 625.) Les lois suivantes régissent l'écoulement dans les tubes capillaires : 1'' La vitesse découlement est propor- tionnelle à la pression; elle est proportion- nelle au carré du diamètre du tube; elle est en raison inverse de la longueur du tube, La température active la vitesse d'écoule- ment; cette accélération est beaucoup plus marquée pour le sang défibriné que pour le sérum, qui se rapproche sous ce rapport de l'eau distillée. (Ilaro.i 2° Le volume d'eau écoulé est propor- tionnel à la quatrième puissance du dia- mètre du tube capillaire; pour des tubes ayant 1, 2, 3, etc., de diamètre, le volume d'eau écoulé sera 1, 16, 81, etc.; ce volume est propor- M LîP. A^ Fig. 136. — Appareil de Poiseuille. (Voir page 640.) tionnel à la pression; il est en raison inverse de la longueur du tube. Beâu.nis, Phvs. 41 642 PHYSIOLOGIE FO.XCTIO>'>ELLE. 2° Écoulement dans les tubes élastiques. Il peut se présenter deux cas. Quand la pression est constante, récoulement se fait comme dans des tubes rigides et il s'établit un 'état permanent dans lequel la force élastique des parois fait équilibre à la tension du liquide, c'est ce qui arrive pour les petites artères, les capillaires et les veines, dans lesquelles Técoulement est constant. Mais il n'en est pas de môme quand la pression qui fait mouvoir le liquide, au lieu d'être constante, est intermittente , comme serait, par exemple, l'action du piston d'une pompe foulante, ou comme l'est celle du ventricule. Dans ce cas, chaque poussée détermine non-seulement un mouvement de progression des molécules liquides, mais encore un mouvement d'ondulation tout à fait comparable aux ondulations déter- minées sur la surface de l'eau par la chute d'une pierre ; seulement dans cet exemple c'est l'élasticité de l'air qui remplace l'élasticité de la paroi des tubes de conduite. Soit une poussée du piston dans le tube élastique; les choses se passent de la façon suivante. Les molécules liquides subissent une impul- sion devant elles, mais à cause de la résistance des molécules liquides situées devant elles, cette impulsion se transforme en un mouvement elliptique qui peut être représenté par la ligne A (j^<7. 137i; quand le I h ÎB peut être Ogurée par G. Dans le cas supposé, la molécule, à la fin de l'ondulation, revient à sa position primitive; mais, en réalité, il n'en est pas ainsi et à la fin de l'ondulation la molécule liquide a progressé d'une certaine quantité, de sorte qu'il y a un mouvement de translation combiné avec le mouve- ment de progression, et la forme de la trajectoire, dans ce cas, sera Fig. 138. — Trajectoire des molécules liquides dans le cas de coexistence du mouvement de translation et du mouvement d'ondulation. (Wundt.) représentée par A ifig. 138) et, après quatre ondulations successives, la molécule liquide se trouvera transportée de a en f [B,Jig. 138,i. MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. 643 A cliaque poussée du piston, la paroi du tube élastique se trouve ainsi distendue par l'afflux du liquide dans une certaine longueur (longueur d'ondulation); une fois le piston arrêté, cette paroi réagit par son élasticité, et chasse le liquide dans la partie du tube qui vient après et qui se dilate à son tour, et ainsi de suite. Chaque poussée, c'est-à- dire chaque ondulation, se révèle par une augmentation de tension et de vitesse du liquide et par une dilatation du tube élastique qu'elle traverse à un moment donné ; il est même facile de sentir à la main le passage de ces ondulations et môme de les voir si, au lieu d'un tube élastique à parois épaisses, on prend, par exemple, une anse d'intestin. Si nous admettons que le piston qui refoule le liquide dans le tube élastique soit disposé de façon à ne produire que des poussées sans mouvement de recul, chaque nouvelle poussée déterminera une ondu- lation positive dans laquelle les molécules progresseront dans le sens même de l'ondulation ; si les poussées se succèdent assez rapidement, on aura ainsi une série d'ondulations qui parcourront successivement le tube élastique. Mais au bout d'une certaine longueur de tube, les ondulations s'affaiblissent et finissent par disparaître et le mouvement saccadé se transforme peu à peu en mouvement continu. C'est là un effet de l'élasticité des parois du tube qui emmagasinent une certaine partie du mouvement produit pendant la poussée du piston et la resti- tuent pendant son repos. L'élasticité du tube joue le rôle de la chambre à air des pompes à incendie. Si le piston, au lieu d'une poussée, fait un mouvement de recul ou d'aspiration, au lieu d'une onde positive on a une onde négative qui commence par un rétrécissement au lieu d'une dilatation et qui se transmet dans le tube-comme l'onde positive, avec cette différence pourtant que les molécules marchent en sens inverse de la propagation de l'onde. Weber a trouvé que, pour les tubes de caoutchouc, la vitesse de transmission de l'ondulation était de i 1^,472 par seconde. L'élasticité des conduits influe aussi sur la dépense du liquide, mais seulement quand l'afflux de liquide est intermittent. Ce fait a été démontré par Marey. Son appareil consiste en un flacon de Mariotte d'où part un tube muni d'un robinet, tube qui se bifurque et dont cha- cune des branches se continue par un long conduit ; l'un est élastique et pourvu à son origine d'une soupape qui s'oppose au reflux du liquide; l'autre est en verre et par conséquent rigide. Les deux tubes ont le même débit, comme on s'en assure en ouvrant le robinet et en laissant s'établir un écoulement continu. Mais si l'on ouvre et ferme alternativement le robinet, on voit d'abord que l'écoulement par le tube rigide est intermittent pendant qu'il est continu par le tube élas- tique; enfin la dépense est très-inégale et le tube rigide verse beau- coup moins de liquide que le tube élastique. 644 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. 3" Schéma de la circulation de Weher, Weber a construit un appa- reil très -simple pour repré- senter les phénomènes essen- tiels du mécanisme circulatoire ijig. 1391. L'appareil de Weber se com- pose d'une anse d'intestin grêle repliée sur elle-même. La por- tion 1 de l'anse, qui représente le ventricule, est placée entre deux systèmes de soupapes, 2 et 11, qui empêchent le reflux du liquide en sens inverse de la direction des flèches. Ces soupapes font saillie dans des tubes de verre, 3 et 1 2, qui sont unis avec le segment ventri- culaire l et avec le reste de Tanse intestinale. En 6 , se trouve une espèce de crible, 7, qui met obstacle au passage du liquide et qui représente les capillaires; la portion d'in- testin 4, 5, correspond au sys- tème artériel, la portion 8, 9, au système veineux. L'appareil ^ se remplit d'eau par Tenton- u noir 10; la direction des flèches ^ indique la direction du mou- vement du liquide. Supposons d'abord que le crible 7 n'existe pas. On comprime le segment 9 du tube qui figure l'oreillette; une partie du liquide passe dans le ventricule 1, l'autre reflue en sens inverse ; on comprime alors le ventricule, la soupape 1 1 se ferme, la soupape 2 s'ouvre et le liquide passe dans les artères, 4. Si le tube artériel était rigide. Fig. 139. — Schéma circulatoire de Weber. MÉCA>IOUE DE LA CIRCULATION. 645 toute la masse liquide incompressible serait mue dans le sens de la flèche, mais, les parois étant élastiques, la masse liquide poussée par le ventricule se loge dans la première partie du tube artériel qni se dilate, puis de cette première partie dans une seconde et ainsi de suite ; le déplacement, au lieu de se faire en bloc et d'être instantané, est successif; il se forme donc, à chaque poussée du liquide, lyie onde positive qui parcourt le tube artériel. Cette onde positive n'est pas suivie d'une onde négative parce que le liquide, à cause de la dis- position de la soupape 2, ne peut refluer dans le ventricule. Maintenant, quand on cesse de comprimer le ventricule 1, il se relâche, et si on comprime l'oreillette 9, le liquide afflue dans le ventricule et il se fait au niveau de l'oreillette une onde négative qui se propage dans le tube veineux dans la direction de 9 en 8, en sens inverse des flèches; mais les molécules liquides n'en continuent pas moins à progresser dans le tube veineux dans la direction des flèches ; le résultat total sera donc un déplacement du hquide, une circulation de 8 en 9 et une ondulation négative se propageant en sens inverse. Si alors on interpose en 6 un tamis ou une éponge, 7, que se passera- t-il? Les obstacles qui se produisent en 6 auront les conséquences sui- vantes : 1° Toudulation positive déterminée parla poussée du ventricule, au lieu d'arriver jusqu'à l'oreillette, s'arrêtera en 7 • capillaires) qu'elle ne pourra dépasser et restera limitée au tube artériel ; 2° à chaque poussée du ventricule, il passera plus de liquide du ventricule dans le tube artériel qu'il n'en passera de 5 en 8, du tube artériel dans le tube veineux; la pression augmentera par conséquent dans le tube artériel et diminuera dans le tube veineux jusqu'à ce que la dilTérence des deux pressions atteigne un degré sufTisant pour qu'à chaque pous- sée il passe autant de liquide de 1 en 4 que de 5 en 8 et de 9 en 1. A ce moment, le courant devient constant dans l'appareil à partir de 7 et la coupe transversale du tube veineux reste invariable. Rien de plus simple maintenant que d'appliquer ces notions à la circulation. Quand le ventricule se contracle, la valvule auriculo-ven- triculaire empêche le reflux dans l'oreillette, les valvules sigmoides s'ouvrent et le sang du ventricule passe dans l'artère, de là dans les ca- pillaires, et revient par les veines dans l'oreillette; celle-ci se contracte et chasse le sang dans le ventricule et ainsi de suite; quant à la ques- tion de savoir si une partie du sang de l'oreillette rcûue dans les veines comme dans le schéma de "NVeber, elle sera traitée avec le mé- canisme du cœur. La différence principale entre la circulation réelle et la circulation dans le schéma de Weber. c'est que l'onde négative qui, dans le schéma de Weber, se produit dans l'oreillette et se propage dans le tube veineux n'existe pas dans la circulation animale, et le rôle de l'oreillette, comme on le verra plus loin, parait être précisément de s'opposer à la produc- tion de cette onde négative. En outre, dans la circulation normale, le 646 PHYSIOLOGIE FO.XCTIO.XXELLE. courant est déjà constant et uniforme dans les petites artères et avant les capillaires. Marey a imaginé des appareils plus compliqués que celui de Weber et qui permettent de reproduire artificiellement la plupart des phéno- mènes circulatoires iCœur artificiel de Marey), Seulement Tappareil de Weber. quoique bien moins perfectionné, a l'avantage de démontrer d'une façon très-nette et très-simplement \e& faits principaux sur les- quels est basé le mécanisme circulatoire. ^. DU CŒUIi ET DE SES MOUVEMENTS. Appareils et procédés d'exploration. — A. Chez l'homme. — 1° Pal- patiou. — La main appliquée a gauche sur la poitrine sent le choc du cœur en dedans du mamelon entre la cinquième et la sixième côte. Dans certains cas accidentels, plaie de la région cardiaque 'Bamberger) ou dans Jes cas d"arrêt de développement, fissure congénitale du ster- num (cas de Groux), absence du sternum, ectopie du cœur, ce mode d'exploration a pu être appliqué d'une façon beaucoup plus complète et plus précise. 2"^ Inspection directe. — On a pu observer directement les mou- vements du cœur sur des suppliciés. A Boston, des médecins ayant ouvert la poitrine d'un pendu, ont vu les mouvements du cœur con- tinuer jusqu'à quatre heures après la pendaison. Ces mouvements ont pu aussi être observés sur des fœtus humains 'Fili, fœtus de 5 mois). 3° Auscultation. — En appliquant sur la région précordiale l'oreille à nu ou à l'aide d'un stéthoscope, on entend les bruits du cœur. 4^ Cardiographie. — La cardiographie a pour but la transmission à un levier enregistreur de la. pulsation cardiaque ou du choc du cœur. Le cardiographe le plus usité est le cardiographe de Marey. Si on applique sur la région de la pointe du cœur le tambour du stéthos- cope de Kœnig ('i dont le tube est mis en communication avec le tam- bour du polygraphe. chaque pulsation de la pointe du cœur se traduit par un soulèvement du levier et on en obtient alors le graphique sui- vant sur le cylindre enregistreur {fig. 140, p. 647). Pour augmenter la sensibihté de l'appareil, Marey injecte de l'eau au lieu d'air entre les membranes du stéthoscope. C'est sur le même principe que Marey construisit le cardiographe clinique dont la figure 141 représente la coupe. L'appareil se compose d'une petite capsule elliptique en bois, (') Le stéthoscope de Kœnig se compose d'un tambour me'iallique fermé d'un côte' par une double membrane élastique qui, par l'insufflation, cir- conscrit un espace lenticulaire ; l'ouverture opposée du tambour commu- nique avec un tube terminé par un embout. MÉCA.XIOUK DE LA CIRCULATION. 6i7 dont les bords s'appliquent hermétiquement à la peau de la poKrine ; du fond de la capsule s'élève un ressort que Ton peut tendre plus ou Fig. 140. — Graphique des mouvemeuts du cœur chez l'homme. (Marey.) moins à volonté; ce ressort est muni d'une petite plaque d'ivoire qui déprime la région où se produit le battement du cœur. Les mouve- ments communiqués à l'air de la-capsule par les pulsations du cœur, Fig. 141. — Cardiographe de Marey. qui dépriment le ressort, se transmettent par un tube au tambour du polygrapbe. B. Chez les animaux. — En outre des procédés employés chez l'homme, on peut employer les procédés et les appareils suivants : 1" Inspection directe. — On peut mettre le cœur à nu en enlevant la paroi thoracique antérieure ; chez les animaux à sang- froid, comme la grenouille, les mouvements du cœur continuent ainsi pendant très- longtemps ; on peut même extraire le cœur de la poitrine sans que ses mouvements s'arrêtent, et on a pu ainsi construire des appareils circii- latoires artiOciels ayant pour moteurs des cœurs de grenouille iCyon, Czermak, Coats, etc.) ou de lortue (Marey). Chez les mammifères, les mouvements du cœur ne tardent pas à s'arrêter après l'ouverture du thorax; dans ce cas, il faut, pour entretenir les mouvements du cœur, pratiquer la respiration artificielle. G48 PHYSIOLOGIE FO.XCTIO.X.XELLE. 2° Eicamen au microscope des mouvements du cœur. — Cet examen peut se faire sur de très-jeunes emlDryons, surtout sur des embryons de poissons. 3" Implantation d'aiguilles dans le cœur à travers les parois thora- cîques. — Ce moyen est très-commode pour suivre et compter les mouvements du cœur chez les animaux; les mouvements de la tète de l'aiguille peuvent être rendus plus apparents en armant l'aiguille d'un petit drapeau ou en la faisant frapper sur un timbre ou sur un verre. On peut aussi rattacher la tête de Taiguille à un levier enregistreur et enregistrer ainsi les mouvements du cœur. 4" Cardiographie. — Cardiographe simple ou Myographe du cœur de Marey. — Cet appareil consiste en un simple levier enregistreur très- léger soulevé près de son axe de rotation par un petit cylindre de moelle de sureau qui repose sur le cœur. — Cardiographe de Legros et Onimus ifig. 142 . Cet appareil consiste eu deux tiges verticales sup- Fig. 142. — Caidiograiihe de Le;;ros et Oniraus. portées par une branche horizontale et entre, lesquelles le cœur se trouve saisi; Tune de ces tiges est fixe, l'autre est mobile autour d'un axe à pivot, et reliée par sa partie supérieure au levier enregis- treur du myographe de Marey; quand le cœur augmente de volume dans le sens transversal, rextrémité supérieure de la tige mobile en- traîne le levier du myographe qui trace une courbe ascendante sur le cylindre enregistreur. La figure 143 représente le graphique du CŒ-ur de la grenouille pris avec le cardiographe. Chez les animaux à sang MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. 649 chaud, le cardiographe ne peut être appliqué que si ou pratique la res- piration artificielle. Il existe encore d'autres cardiographes, mais qui sont construits sur Fig. 143. — Grajihique du cœur de 4a grenouille. un principe différent et seront décrits avec les appareils destinés à enregistrer la pression sanguine. (Voir: Pression sanguine.) Les mouvements du cœur consistent en une série de contractions et de relâchements qui se succèdent avec un certain rhythme pour chacune de ses cavités. La période de contraction a reçu le nom de systole, celle de relâchement le nom de diastole ; on aiii'a donc la systole et la diastole des oreillettes, la systole et la dias- tole des ventricules. Les phases de mouvement se correspondent l)Our les cavités droites et gauches de même nom : les deux sys- toles yentriculaires sont isochrones ainsi que les diastoles, et il en est de même pour les oreillettes; si au contraire on considère l'oreillette et le ventricule du même côté, les phases sont succes- sives; la systole ventriculaire succède à la systole auriculaire, et i'isochronisme n'existe que pendant un temps très-court où le cœur entier se trouve en diastole. L'ensemble d'une systole el dune diastole successives a reçu le nom de pulsation ou de révolution du cœur, et on peut la faire commencer avec le début de la sys- tole auriculaire. La figure schématique suivante {fig. 144, p. 650) représente le rhythme, la durée et la succession des mouvements des oreilleîtes et des ventricules; la systole est représentée par une courbe située au-dessus de la hgne des abscisses, la dias- tole par une courbe située au-dessous : le mouvement de l'oreil- lette est tracé sur la ligne supérieure 00, celui du ventricule sur la ligne inférieure YV. La longueur des lignes 00, VV, repré- sente la durée totale d'une révolution cardiaque. On voit sur cette figure que la systole auriculaire occupe le cinquième seu- Fig. 143. — La croix indique le début du graphique qui se lit de gaucbe à droite. 1, Diastole ventriculaire, — 2, systole ventriculaire. — ô, repos du cœur. 650 PHYSIOLOGIE F0.\CTI0.\5ELLE. lenîent de la durée totale d'une révolution du cœur, et la systole ventriculaire les deux cinquièmes; que la systole auriculaire pré- Fig. 144. — Schéma des mouvements du cœur. cède immédiatement la systole ventriculaire, et que le début de cette dernière coïncide avec le début de la diastole auriculaire; enfin pendant les deux cinquièmes de la durée totale, les oreil- lettes et les ventricules sont tous deux en diastole. On peut donc partager, au point de vue des mouvements, une révolution du cœur en trois temps : i" temps, systole auriculaire ; 2^ temps, systole ventriculaire ; 3^ temps, diastole auriculo-ventriculaire, repos du cœur, le premier temps ayant la moitié de la durée des deux suivants. Le choc du cœur(C, //^. lii) contre la paroi thoracique coïncide avec la systole ventriculaire. Enfin, si on applique l'oreille contre la poitrine dans la région cardiaque (auscultation du cœur), on entend deux bruits succes- sifs séparés par un silence et qui correspondent, le silence au premier temps, les deux bruits au deuxième et au troisième temps du cœur. Tels sont, d'une façon générale, les phénomènes que présente le cœur dans son activité ; mais chacun de ces phénomènes exige une étude détaillée. MÉGANIQUE DE LA CIRCULATION. 651 1° Situation et équilibre du cœur dans le thorax. Le cœur est enveloppé par une membrane fibreuse, le péri- carde, membrane résistante, peu extensible et d'une élasticité très-imparfaite. C'est dans la cavité péricardique que se meut le cœur, et sa locomotion est facilitée par une séreuse dont le feuillet viscéral tapisse la face extérieure du cœur, et le feuillet pariétal la face interne de la membrane fibreuse péricardique. Le péricarde est adhérent, en bas, au centre plirénique du diaphragme dont il suit et dont il limite les mouvements d'as- cension et de descente; en haut, il se perd sur les gros vaisseaux de la base du cœur, assez fixes eux-mêmes pour empêcher à peu près complètement tout déplacement de cette partie du péricarde. Les parties latérales du péricarde, tondues du centre plirénique aux vaisseaux de la base, ne sont ni extensibles, -ni rétractiles, de sorte que la cavité péricardique ne peut changer de dimen- sions comme un réservoir élastique ou musculaire. La cavité ne peut varier que par l'accolement de ses parois , leur plissement , par la sécrétion d'une plus ou moins grande quantité de sérosité, comme il en existe toujours pendant la vie, et enfin par la vas- cularité et la turgescence plus ou moins grande des franges vas- culo-adipeuses qui naissent, soit du feuillet pariétal, soit du feuillet viscéral, soit de la ligne de réflexion des deux feuillets ; en touticas, on peut dire d'une façon certaine que ces variations ne peuvent jamais être considérables. La forme de la cavité péricardique ne peut varier aussi que dans certaines limites. Sauf la petite quantité de sérosité mentionnée plus haut, l'ac- colement est intime entre le cœur et le péricarde, de même qu'entre le poumon et la paroi thoracique, et le volume total du cœur ne peut varier qu'à condition que le volume de la cavité péricardique varie de la même quantité. La situation du péricarde et du cœur dans la cavité thoracique amène pour cet organe des conséquences comparables à celles qui ont déjà été étudiées pour les poumons (page 563). Tous les organes contenus dans la cavité thoracique ont une tendance à se dilater par suite de la pression négative exercée à leur surface extérieure. En elfet, la paroi interne du cœur et des vaisseaux intra-thoraciques subit, par l'intermédiaire da sang qu'ils con- 652 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. tiennent, une pression égale à la pression atmosphérique = 760 millimètres ; à cette pression vient s'ajouter la pression négative exercée par l'élasticité pulmonaire qui peut varier de 6 à 40 mil- limètres de mercure (inspirations profondes). Les cavités car- diaques sont donc distendues par une pression qui varie entre 766 et 800 millimètres de mercure. Les obstacles à cette disten- sion sont, d'une part : T l'élasticité même des parois du cœur, élasticité très-faible surtout pour les oreillettes dont les parois sont très-minces et qui, par conséquent, peut être négligée; 2" d'autre part, la pression de l'air inlra-pulmonaire ; or, cette pression est de 703 millimètres dans les inspirations profondes (voir page 436), de 759 millimètres dans les inspirations calmes, de 762 millimètres dans l'expiration calme, par conséquent tou- jours inférieure à la pression qui tend à dilater les cavités du cœur. Ce n'est que dans les expirations très-profondes, où la pression intra-pulmonaire peut atteindre 847 millimètres et plus, que cette pression dépasse la pression dilatatrice, et nous verrons en effet que dans ces cas il peut y avoir une véritable compression du cœur. Fig. 145. — Équilibre du cœur dans le Ihoiax. (Herniann.) L'appareil ci-dessus (^^j-. 145), emprunté à Hermann, éclaircit ces dis- positions. MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. 653 Un flacon, figurant la cage tljoracique, communique avec l'extérieur par un robinet, 6. Ce flacon contient deux vessies élastiques, Tune, 3, représente le poumon et communique avec Tair extérieur par un tube, 4 ; l'autre vessie représente le cœur et communique avec un réservoir rempli d'eau; celle-ci est divisée en deux segments, l'un, à parois épaisses, 2, figure le ventricule, l'autre, à parois minces, 1, l'oreillette; la membrane 5 représente un espace intercostal. Si maintenant on met le robinet G en communication avec une machine pneumatique et qu'on fasse le vide, on voit les deux vessies se distendre et s'accoler Tune à l'autre jusqu'à ce qu'elles aient rempli le flacon ; la distension est au maximum pour les poumons, 3, bien moins prononcée pour Toreillette, 1, et au minimum pour le ventricule, 2, dont les parois sont plus épaisses. Dans cet état, on voit que le ventricule et l'oreillette sont soumis à leur face interne à une pression égale à la pression atmo- sphérique exercée par l'intermédiaire du liquide du réservoir, et que leur face externe subit une pression égale à la pression atmosphérique (intra-pulmonaire) diminuée de la valeur de l'élasticité pulmonaire dont la direction est indiquée par des flèches sur la figure. Cette pression négative, due à l'élasticité pulmonaire, favorise la dias- tole des cavités cardiaques, mais, en revanche, elle met obstacle à leur systole; cependant cet obstacle est peu de chose, la systole étant due à l'action musculaire qui n'a aucune difficulté à vaincre une pression qui varie de 6 à 40 millimètres, limites ordinaires de l'élasticité pulmo- naire. 2" Mouvements du cœur. J'étudierai successivement les mouvements des oreillettes et ceux des ventricules. Oreillettes. — 1° Systole auriculaire. — La systole auricu- laire est prompte et brève; la contraction part des embouchures veineuses et se propage rapidement vers les orifices auriculo-ven- triculaires; ainsi pour l'oreillette droite on constate souvent, immédiatement avant la systole auriculaire, des contractions rhythmiques des veines caves; la contraction des auricules paraît terminer la systole auriculaire. Le sang de Toreillette se trouve ainsi soumis à une certaine pression et n'a que deux voies ou- vertes, les veines ou le ventricule; il suivra nécessairement celle des deux où la pression est la plus faible, c'est-à-dire le ventri- cule; en effet, le ventricule est à l'état de relâchement absolu et, grâce à la faible élasticité de ses parois, n'oppose aucun obstacle ù l'abord du sang ; cet abord est même favorisé, comme on l'a vu, 654 PHYSIOLOGIE FO^•GTIO^'^'ELLÊ. par la pression négalive due à l'élasticité pulmonaire. Du côté des \;eines, au contraire, la pression, quoique faible, est cependant sen- sible, d'autant plus qu'elle se trouve encore augmentée par la con- traction des embouchures veineuses au début de la systole. Il ne peut donc y avoir à l'état normal de reflux dans les veines, quoi- que ces veines soient dépourvues de valvules ; il est même pro- bable que l'oreillette continue à recevoir du sang même pendant la systole, car elle ne se vide jamais complètement. T Diastole auriculaire. — A ce moment commencent en même temps la diastole auriculaire et la systole ventriculaire. Dès que l'oreillette est relâchée, le sang y afflue (en plus grande quantité) des veines qui s'y abouchent, sous l'influence de la pression qui existe dans ces veines et de la pression négative des parois de l'oreillette qui se laissent distendre passivement sans opposer de résistance. Mais la distension de l'oreillette, arrivée à son maximum, empêcherait bientôt l'afflux sanguin de con- tinuer s'il n'intervenait une disposition spéciale sur laquelle Ktiss a surtout insisté avec raison ; à mesure que le ventricule achève sa contraction, la valvule auriculo-ventriculaire forme Fig. 146. — Schéma de Tappareil auriculo-ventri- culaire pendant la contraction du ventricule. (Kùss.) F/g. 147. — Schéma de l'ap- pareil auriculo-ventriculaire pendant le repos du venlricule. (Kûss.) une sorte de cône (fig. 146 et 147) qui prolonge l'oreillette dans le ventricule et agrandit d'autant sa capacité, espace qui, au mo- Fig, 146. — 1, pendant la première moitié de la systole ventriculaire. — 2, à la fin de cette systole. — AV, cône valvulaire. — G, oreillette. — V, ventricule. — A, aorte ou artère pul- monaire. Fig. 147. — V, veine. — G, oreillette. — V'^ ventricule. — A, artère. — i, cône valvulaire. 2, infuudibulum artériel. MÉCAMQUE DE. LA CIRC L'LATIO >'. 655. ment de la diastole ventriculaire, commiiniijue avec la cavité du ventricule à travers les intervalles des muscles papillaires et per- met encore à l'oreillette de recevoir de nouvelles quantités de sang (fifj. 147, p. G5i). En résumé, l'oreillette a pour fonction principale de maintenir une moyenne à peu près constante de pression dans les veines, en diminuant, par son extensibilité, la pression qui tendrait à augmenter au moment de la systole ventriculaire, en l'augmen- tant par sa contraction au moment où elle tendrait à dimiimer à la fin de la diastole ventriculaire. Ventricules. — T' Diastole ventriculaire. — Dès .que le ventricule a cessé de se contracter, le sang, qui afflue de l'oreil- lette dans le cône auriculo-ventriculaire, pénètre dans le ventri- cule qu'il dilate jusqu'à ce que la pression soit égale dans le ventricule et dans l'oreillette ; il n'y a pas d'action aspira trice du ventricule autre que celle qui est due à l'élasticité pulmonaire, cependant quelques auteurs ont admis une action aspiratrice due à l'élasticité même des parois du ventricule. T Systole ventriculaire. — La systole ventriculaire se pro- duit dès que la distension du ventricule atteint un certain degré et elle succède immédiatement à la systole auriculaire. La con- traction du ventricule est rapide et totale, moins rapide cependant que celle de l'oreillette; tout le ventricule se contracte à la fois ; en même temps les muscles papillaires se contractent énergique- ment et tendent fortement les valvules auriculo-ventriculaires dont les bords s'accolent de façon à empêcher le reflux du sang dans l'oreillette : l'occlusion des valvules est subite et hermétique : si on met à nu par l'oreillette la face supérieure des valvules et qu'on injecte de l'eau dans les ventricules par l'aorte ou l'ar- tère pulmonaire, pas une goutte d'eau ne passe dans l'oreillette. Le sang contenu dans le ventricule se trouve donc à ce moment pressé entre le cône musculaire des parois du ventricule et le cône valvLilaire énergiquement maintenu par les muscles papil- laires; il n'a qu'une voie d'échappement, l'aorte pour le ventri- cule gauche, l'artère pulmonaire pour le droit. Soit pour le moment l'aorte ; la pression du sang dans l'aorte est assez consi- dérable, comme on le verra plus loin : il faut donc que la contraction ventriculaire communique au sang contenu dans le ventricule une pression supérieure à celle du sang aortique ; il 656 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. faut pour cela une plus grande énergie musculaire, autrement dit une plus grande quantité de fibres musculaires; de là l'épais- seur des parois du ventricule gauche comparées à celles des oreillettes : le sang, ainsi comprimé par le ventricule, refoule les valvules sigmoïdes et pénètre dans l'aorte qu'il dilate. Le ventricule se vide complètement à chaque systole en lan- çant environ 180 grammes de sang dans l'aorte. Cependant, d'après Chauveau et Faivre, il resterait toujours un peu de sang au-des- sous des valvules auriculo-ventriculaires qui, d'après ces auteurs, formeraient un dôme du côté de l'oreillette sous l'influence de la poussée sanguine au moment de la contraction ventriculaire, et on pourrait sur des chevaux tués par la section du bulbe et chez lesquels on pratique la respiration artificielle, sentir ce dôme avec le doigt introduit dans l'oreillette. L'existence de ce dôme est cependant encore douteuse et a été très-controversée. La systole ventriculaire occupe environ les deux cinquièmes d'une révolution totale du cœur, et sa durée est beaucoup plus constante que celle de la diastole qui varie dans des limites assez étendues. (Donders.) Les mêmes phénomènes se passent dans le ventricule droit ; seulement la pression dans l'artère pulmonaire étant beaucoup plus faible que dans l'aorte, le ventricule droit a besoin de moins d'énergie musculaire ; aussi ses parois sont-elles beaucoup moins épaisses et ses piliers musculaires moins puissants que pour le ventricule gauche. Le mécanisme de l'occlusion des valvules auriculo-ventricu- laires a donné heu à un très-grand nombre de recherches qu'il nous est impossible d'analyser ici; les plus importantes "seront mentionnées dans la bibliographie. Au moment de la systole ventriculaire, la forme du cœur change; au lieu de représenter un cône oblique à base elliptique, il re- présente un cône droit à base circulaire; les diamètres longitu- dinal et transversal de la partie ventriculaire diminuent, tandis que le diamètre antéro-postérieur augmente. En même temps, les ventricules subissent un mouvement de rotation autour de leur axe longitudinal, mouvement de rotation qui se fait de gauche à droite et découvre le ventricule gauche. En outre, on observe, au moins sur les cœurs mis à nu, un redressement de la pointe du cœur ou une projection en avant de cette pointe qui, sur le MÉCAMQUE DE LA CIRCULATION. 657 vivant et dans l'état d'intégrité, se transforme probablement en un mouvement de glissement contre les parois thoraciques. ijuant à la descente du cœur et au déplacement qu'il subirait au moment de la systole en se portant à gauclie et en bas , ils ne paraissent pas devoir être admis ('). 3" Choc du cœur. Le choc du cœur est isochrone à la systole ventriculaire : on le sent surtout bien si on applique la main sur la région de la pointe du cœur : mais, en réalité, il n'est pas exclusif à la pointe et toutes les parties des ventricules donnent la même sensation au moment de la systole. Ce fait montre déjà l'insuffisance des théories qui attribuent ce choc du cœur à la projection ou au redressement de la pointe. D'autre part, on ne peut admettre non plus la théorie du recul d'HifiFelsheim. qui compare le choc du cœur au recul dune arme à fau ou du tourniquet hydrau- lique, ni celle de Sénac, renouvelée par Ludwig. d'après laquelle l'aorte se redresserait par une sorte de mouvement de levier au moment où le ventricule lance une colonne sanguine dans ce vaisseau. Le choc du cœur est dû au durcissement brusque des fibres mus- culaires qui passent instantanément de l'état de flaccidilt* à l'état de tension extrême : ce passage rapide à une tension forte se sent très-bien quand on saisit entre les doigts un cœur qui se contracte ; c'est elle qui transmet aux parois thoraciques et au doigt qui les palpe la secousse qui constitue le choc du cœur, et il n'est pas besoin pour cela que le cœur abandonne la paroi du thorax pendant la diastole pour venir la frapper pendant la systole, comme la valent fait croire quelques observations mal interprétées ('). -Marey a disposé soa cœur artificiel Je façon à imiter le choc du (') Cette descente a été cependant observée par Wilckens sur un homme atteint de plaie du thorax (suite d'empyème); il est vrai e|ue dans ce cas les conditions normales d'équilibre du cœur pouvaient être modifiées. (*j Ainsi Bamberger, sur un homme blessé à la région cardiaque, en in- troduisant le doigt dans la plaie, a senti que le cœur s'écartait du thorax dans la diastole et s'en rapprochait dans la systole; mais, dans ce cas, les couditions ne sont plus les mêmes que dans l'état normal. Beaums, Phvs. 4î 658 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. cœur {fig. 148). Deux ampoules de caoutchouc représentent l'oreil- lette, 2, et le ventricule, 3; à l'oreillette est adapté un entonnoir par ™## IIP s-'i^vr Fig. 148. — Schéma du choc du cœur. (M^rey.) lequel elle se remplit, et dans cet entonnoir vient se déverser, par des tubes en caoutchouc, le liquide chassé par""la_compression du ventri- cule; des soupapes imitent le jeu des valvules cardiaques. L'appareil est supporté par une planche comme l'indique la figure. Le ventri- MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. 659 cule est entouré par un filet de soie à mailles serrées, d'où partent des cordonnets qui s'attachent à un ressort, 5, qui les maintient légè- rement tendus. Derrière la planche oscille un pendule très-lourd relié aux cordonnets par une corde lâche ; à chaque oscillation le pendule tend la corde et, par sa traction sur les mailles du filet, comprime le yentricule qui chasse le liquide dans les artères; puis dans l'oscillation inverse du pendule, le ventricule se relâche et se remplit de nouveau. En appliquant la main sur ce ventricule artificiel, la main est repoussée au moment où le ventricule est comprimé par l'oscillation pendulaire, et on a la même sensation que quand on tient dans sa main le cœur d'un animal au moment de sa pulsation. 4" Briiits du cœur. Les bruits du cœur sont au nombre de deux : le premier bruit, qui coïncide avec le deuxième temps (systole ventriculaire et choc du cœur), est sourd et grave et s'entend surtout à la pointe du cœur; il dure à peu près aussi longtemps que la systole ven- triculaire ; le second bruit, clair, plus aigu (il y aurait entre les deux l'intervalle d'uue quarte), coïncide avec le début du troi- sième temps et s'entend surtout à la base du cœui\ Puis, à ces deux bruits séparés par un silence excessivement court succède un long silence qui correspond à la fin du troisième temps et au premier temps. L'explication de ces bruits a été très-controversée. Sans entrer dans les détails d'une discussion beaucoup trop étendue pour un livre élémentaire, il suffira de donner l'explication la plus géné- ralement admise. Le premier bruit est attribué par beaucoup de physiologistes à la tension des valvules auriculo-ventriculaires ; il est probable en effet que cette tension joue un certain rôle ; mais la plus grande part revient certainement à la contraction musculaire elle-même ; le premier bruit est essentiellement un son musculaire ; il dure en effet aussi longtemps que la contraction du ventricule et per- siste sur des cœurs de chiens curarisés, alors même que ces cœurs sont vides de sang et que par conséquent les valvules au- riculo-ventriculaires ne peuvent être tendues. Quant à l'opinion de Magendie, qui attribuait ce premier bruit au choc du cœur, elle ne peut se soutenir, car il continue à se faire entendre sur des cœurs extraits de la poitrine. 660 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Le second bruit est dû à la tension des valvules sigmoïdes sous l'influence de la pression produite sur le sang par l'élasticité arté- rielle ; c'est lopinion de Rouanet, admise aujourd'hui par presque tous les physiologistes ('). Le tableau suivant donne le synchronisme des mouvements, des bruits du cœur et du pouls. 1 " TEMPS. 2^ TEMPS. 3 TEMPS. Systole auriculaire. Diastole auriculaire. Diastole ventriculaire. Systole ventriculaire. Diastole ventriculaire. Silence. Premier bruit. Second bruit. Tension des valvules au- Tension des valvules liculo-ventriculaires. sigmoïdes. Choc du cœur. Pouls, Au lieu de faire commencer le premier temps à la systole des oreillettes et de baser la division des temps sur les mouvements, ou peut la baser sur les bruits du cœur et faire coïncider le premier temps avec le premier bruit, ce qui est moins logique au point de vue physiologique, mais est peut-être plus commode pour la pratique. Le tableau prend alors la forme suivante : 1" TEMPS. 2 TEMPS. 3*^ TEMPS. Premier bruit. 1 Second bruit. Diastole auriculaire. Silence. Systole auriculaire. Systole vertriculaire. Choc du coeur. Popls. Diastole ventriculaire. 5'^ Fréquence des pulsations cardiaques. Le nombre des pulsations cardiaques est, chez l'adulte, de 65 à 75 par minute. A âge égal, il est en rapport avec la taille. 11 (') Je n'ai pas cru devoir mentionner la the'orie de Beau sur la succession (les mouvements et des bruits du cœur, the'orie qui est rejetée par tous les physiologistes et ne peut être soutenue, surtout depuis l'emploi des pro- cédés enregistreurs. MÉCAMOl'K DE LA CIRCULATION. 661 diminue du malin à midi, et remonte ensuite (même lorsqu'on est à jeun) ; il augmente, après les repas, par l'exercice muscu- laire quelque faible qu'il soit, ainsi par le simple passage du dé- cubitus borizontal à la station de])Out, par la chaleur, etc. Pour les variations d'âge et de sexe, voir : Age et Sexe. Il y a un rapport déterminé entre la quantité de sang en cir- culation et la fréquence des battements du cœur. Ainsi, dans la série animale, à mesure que les battements augmentent de fré- quence, la quantité de sang qui traverse en une minute 1 kilo- gramme de poids de l'animal augmente aussi, comme le montre le tableau suivant, dû à Vierordt. Quantité de ?ang par minute Nombre do pul.«ations et par kilogramnio. par minute Cheval . Homme. Chien . Lapin . Câblai . 152 55 207 72 272 9G 620 220 892 320 cardia 1 21 e. 6" Circulation Les artères coronaires qui fournissent le sang au cœur, nais- sent de l'aorte au-dessus de l'insertion des valvules sigmoïdes, mais à une si faible distance que lorsque ces valvules se rabat- tent contre la paroi aortique. leur bord libre atteint presque et quelquefois dépasse l'orifice de ces artères. Tebe.-ius et à sa suite beaucoup d'auteurs, se basant sur cette disposition anato- mique, ont prétendu que les artères coronaires ne recevaient de sang que pendant la diastole ventriculaire et que, penclant la systole, l'embouchure des artères coronaires était fermée par les valvules sigmoïdes. Briicke, dans ces derniers temps, a cherché à édifier sur cette hyiiothèseune théorie des mouvements du canu' ou ce qu'il appelle Y automatisme du canu' (Selbststeuening) : le sang, arrivant pendant la diastole, amènerait en pénétrant dans les ramifications artérielles un élargissement passif des cavités cardiaques. Mais l'opinion de Brûcke. appuyée par Ludwig, Her- mann, etc., ne peut s'accorder avec ce fait bien constaté que la pulsation des artères coronaires est isochrone à la systole ven- triculaire. C'est qu'en réalité les valvules sigmoïdes ne s'accolent 662 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. pas intimement à la paroi aortique au moment de la systole ven- triculaire; il reste toujours, entre la surface supérieure et l'artère légèrement dilatée à ce niveau (sinus aortiques ou de Yalsalva), un espace où le sang se trouve soumis à la même pression que dans le reste de l'aorte et par suite pénètre dans les artères coro- naires comme dans les autres branches aortiques, même quand l'orifice de ces artères se trouve au-dessous du bord libre des valvules sigmoïdes. Aussi ces sinus manquent-ils dans l'artère pulmonaire dont la disposition valvulaire est cependant la même que celle de l'aorte. Lannelongue a émis l'idée que les mouvements rhythmiques du cœur étaient dus aux variations de la circulation dans les parois des diverses cavités cardiaques. Se basant sur ce fait qu'un muscle qui se contracte est à l'état d'ischémie momentanée, il dresse le tableau suivant de la circulation pariétale des ventricules et des oreillettes. „ , , . . , . ( Ischémie de la paroi ventriculaire. Systole ventriculaire. .' -n, ^.^- , ■ • i • „ ■' / Répletion des vaisseaux auriculaires. c , , • , • ( Ischémie de la paroi auriculaire. Systole auriculaire. ..',,, , ^. . ■ -, • i Repletion des vaisseaux ventriculaires. Dans ce cas, Tafflux sanguin qui se produit pendant la diastole dans les parois des cavités du cœur déterminerait la contraction de cette cavité. La théorie de Lannelongue s'accorde difficilement avec ce fait que le cœur, extrait de la poitrine, continue à battre rhythmique- ment pendant un certain temps en l'absence de toute circulation car- diaque. 7° Quantité de sang du cœur. La quantité de sang lancée par chaque ventricule à chaque systole peut être évaluée à 180 grammes environ. Plusieurs pro- cédés ont été employés pour arriver à cette évaluation ; mais ils sont tous plus ou moins entachés de causes d'erreur. Procédés. — l*» Mensuration directe. — On peut mesurer directe- ment la capacité du ventricule en le remplissant de sang ou d'un liquide d'une densité connue, de façon à amener une dilatation identi- que à la dilatation normale du cœur. 2" Procédés de Volkmann et de Vierordt. ~ Connaissant la vitesse du sang dans l'aorte et la section transversale de ce vaisseau, il est MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. 663 facile de calculer la quantité de sang- qui passe dans Taorte pendant Tunité de temps et d'en déduire, d'après le nombre des battements du cœur, la quantité de sang lancée dans l'aorte à chaque systole. Ainsi, la vitesse du sang dans l'aorte étant de 473 millimètres par seconde environ, la coupe de l'aorte de 4,39 centimètres carrés, la quantité de sang qui passe dans l'aorte en une seconde sera de 207 centimètres cubes et comme, par seconde, il y a une systole, plus un cinquième de systole, il y aura par systole une quantité de 172 centimètres cubes ou 180 grammes de sang poussée dans l'aorte par le ventricule. La même quantité de sang est chassée dans l'artère pulmonaire par le ven- tricule droit, sans cela le sang s'accumulerait peu à peu dans les pou- mons et la circulation serait entravée. Cette quantité de 180 grammes n'est pas constante, du reste, chez le même individu; elle peut varier, même à l'état physiologique, sous certaines conditions, et surtout suivant la pression sous laquelle le sang coule dans le ventricule pendant sa diastole. 8° Irrîtahilllité du cœur. L'irritabilité du tissu du cœur présente, d'une faron générale, les mêmes caractères que celle de tous les tissus musculaires ; le cœur présente cependant une plus longue persistance de son irritabilité que les autres muscles, et cette persistance est surtout très-marquée dans les cœurs d'animaux à sang froid (grenouille, tortue). Les mouvements persistent habituellement plus long- temps dans le cœur droit que dans le cœur gauche et c'est tou- jours par l'oreillette droite que disparaissent les contractions [ultimum moriens). Cette irritabilité du cœur est liée à l'intégrité et à la nutrition de son tissu comme pour tous les autres organes ; cependant elle subsiste même eu l'absence de toute circulation, ainsi sur un cœur extrait de la poitrine ; l'occlusion des artères coronaires paraît même prolonger la durée des battements. Le froid diminue le nombre des pulsations du cœur ; la cha- leur au contraire l'augmente jusqu'à un maximum à partir duquel se montre une diminution subite. Cette action se produit aussi bien, quoiqu'avec moins d'intensité, chez les animaux à sang chaud que chez les animaux à sang froid (Calliburcés). La sensibilité du cœur est nulle, en tant que sensibilité con- sciente ; on peut le toucher, le pincer, le piquer sans déterminer G64 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. de douleur, fait déjà constaté par Harvey, et nous n'avons aucune notion, à l'état normal, des contractions cardiaques. Pour V innervation du cœur, voir : Innervation. 9° Travail mécanique du cœur. Le travail mécanique du cœur peut être évalué facilement, mais seulement d'une façon approximative. A chaque systole, le ventricule gauche pousse dans l'aorte 180 grammes de sang, et comme la" pression dans l'aorte est de 20 centimètres de mercure, qui correspondent à 2 mètres et demi de sang et qu'il doit donc surmonter cette pression, c'est comme s'il soulevait 180 grammes de sang à 2 mètres et demi de hauteur; l'effet utile du ventricule gauche sera donc par systole égal à 180 X 2 mètres et demi = 0,45 kilogrammètre. Par seconde il sera de 0,54 kilogrammè- tre, ce qui donne pour 24 heures 46,056 kilogrammètres. Gomme la pression dans l'artère pulmonaire est plus faible que dans l'aorte (un tiers environ), le travail du ventricule droit peut être évalué au tiers de celui du ventricule gauche, soit 15,552 kilo- grammètres, ce qui donne un total de 62,208 kilogrammètres par jour pour les deux ventricules. Si l'on réfléchit que le travail mécanique produit par l'homme en 8 heures de travail (journée ordinaire d'un ouvrier) ne dépasse guère 300,000 kilogram- mètres, on comprendra facilement quelle énorme quantité de travail doit produire le cœur, puisqu'il accomplit le cinquième environ du travail mécanique total de l'organisme. Tout le travail mécanique ainsi produit par le cœ-ur est trans- formé en chaleur. O. DE LA CIRCULATION DANS LES VAISSEAUX. Les bifurcations d'un vaisseau ont, sauf de très-rares excep- tions, un calibre supérieur à celui du vaisseau qui leur a donné naissance. Aussi, si l'on fait abstraction des parois vasculaires et qu'on réunisse par la p.ensée toutes les bifurcations correspondan- tes [fig. 149), le système artériel pourra être représenté par un cône dont le sommet tronqué se trouverait à l'origine de l'aorte, et la base, très-large, aux capillaires. Un cône pareil, dont le *»v MÉCAMOl'E DE LA ClUCrLATION. GG5 sommet aboutirait à l'oreillelte. représenterait le système veineux et les capillaires pourraient iHre figurés par un cylindre très- Fig. 149. — Schéma d'un lùne vasciilaiie. (Kiiss.) Fig. 150. — Schéma des cônes artériel et veineux avec interposition des capillaires. (Kùss.) Fig .151 . — Schéma de la grande et de la petite circulation. (Kûss.) court (c, fig. 150), intermédiaire aux hases des cônes artériel et veineux. Dans ce cas, l'ensemble du système circulatoire pourrait être rendu schèmatiquement par la figure 151. Le calibre respectif des cônes artériel et veineux et du cylindre qui représente l'ensemble des capillaires est impossible à évaluer d'une façon précise. D'après Vierordt, l'aire des capillaires serait à l'aire de l'aorte comme 800 : 1 , et à l'aire des veines caves comme 400 : 1. A. ~ CIRCULATION ARTÉRIELLE. Les parois artérielles sont à la fois élastiques et musculaires : mais tandis que le tissu élastique prédomine dans les grosses Fig. 149. — A, artère se bifurquant successivement. — B, les branches de bifurcation sont su;. posées lajiprochées et juxtaposées. — C, ensemble du tronc piimitif et de ses divisions dont les cloisons sont supprimées. Fig. 150. — V, ventricule. — 0, oreillette. — a, cône artériel. — v, cône veineux. — c. capillaires. Fig. 151. — A, grande circulation. — V, ventricule gauche. — a, aorte et son cône artériel. — ce, capillaires généraux, v, cône veineux. — 0, oreillette droite. — B, petite circulation. — V, ventricule droit. — v', artère pulmonaire et son cône artériel. — C C, capillaires. — a cône veineux pulmonaire. — G', oreillette gaujhe. (La partie ombrée de la figure correspond au sang veineux.) 666 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. artères les plus rapprochées du cœur, le tissu musculaire au contraire se trouve surtout dans les petites artères qui précèdent les capillaires. Les grosses artères n'agissent donc guère que par Jeur élasticité, et on a vu déjà quel rôle joue cette élasticité et surtout comment elle transforme le mouvement intermittent du ventricule en courant continu. Les petites artères sont non- seulement élastiques, mais contractiles, et cette contractilité appa- raît principalement au moment où la circulation va devenir uni- forme et constante. Le rôle des deux espèces d'artères, ou si l'on veut de la partie étroite (grosses artères) et de la partie évasée (petites artères) ■ .\ E L L E . logcrie; cette plaque, qu'on recouvre d'une bande de papier, se meut parallèlement à la longueur du levier enregistreur. Le plus grand incon- vénient du sphygmograplie de Marey, c'est que l'extrémité du levier enregistreur décrit des arcs de cercle, ce qui modifie un peu le graphi- que de la pulsation. Le sphygmographe de Béhier [fig. 153) n'est qu'une modification de celui de Marey. Il permet de graduer la pression du ressort sur l'artère d'une façon plus précise, grâce à l'adjonction d'une vis dont la pression peut être évaluée à l'aide d'un petit dynamomètre, D. Le sphygmographe de Marey a reçu, du reste, de nombreuses modi- llcations dans le détail desquelles il nous est impossible d'entrer. Lan- 0 zo Fig. lo3. — Spliygniographe de Béhier. dois, dans son angiogi-aphe, a remplacé le ressort par des poids qui pressent sur le bouton qui s'applique sur Tarière. La figure suivante ifig. 154) donne le tracé qu'on obtient avec le Fiçi. 154. — Graphique du pouls. sphygmographe de Marey; l'analyse de ce tracé sera donnée plus loin. Sphygjnographe de Longuet (fig. 155). — Ce sphygmographe est construit sur un principe un peu difî'érent du sphygmographe de Marey. Le bouton qui s'applique sur l'artère est rattaché à une tige verticale, A, dont les mouvements d'ascension et de descente se transmettent par la roue H à une plume, G, et sont transformés là en mouvement horizontal. Les ressorts CG abaissent la tige A quand elle a été sou- Fig. 153. — 1, vue d'ensemble de l'appareil. — A, ressort avec un bouton B, qui presse sur l'artère. — C, vis de pression appliquant le ressort sur l'artère. — D, dynanomètre. — E, aiguille du dynaïuomètre (les divisions correspondent au gramme). — F, support. 2, coupe transversale de l'appareil appliqué. — B, bouton qui s'applique sur l'artère. F, support. — G, coupe de l'avant-bras. M EGA MO II- 1)1' LA CIRCULAT ION. GG9 levée par la pulsation arlérielle. Le tracé siiiscril sur une bande de papier mise en niouveraent par un mécanisme d'iioriogcric. Fig. 155. — Spbygmogiaiilie de Longuet. Meurisse vient de déciiie. tout réctmnienl, un nouveau sphygmo- graphe. (Société de bioIu.^MC, '.'I novembre cl 19 décembre 1875.) 3° Sphygmographe a mhiouî de Czeilmak. — Czcrmak met en con- tact avec Tarière la petite extrémité d'un miroir mobile autour d'un axe horizontal ; un rayon de lumière, rélléchi par rexlrémilé opposée du miroir, trace sur un écran eu sur un papier photographique, les mou- Fig. I5o. — A, tige verti.-ale dont la (ila'|iip teiniinale s'aiipliquc sur i'aili'ie. — B, axe mo- bile autour du<|uel s'enioule un fil porté par la poti-uce £ qui suinionl<> la lii;;e A. — VA], r. s- sorts destinés à empêcher la plaqu-» df (juitler l'ar'ère. — U, pied de linstrinnoni. — N.\, sup- ports mobiles entre !e.-quel« se plaie lavant-bras. — G, plume ('crivante adaptée à la roue H. — F, axe mobile de la loiie M. — M, nucanisme d boilogerie. — K, bouton perm. llanl de faire varier la hauteur de l'appareil. 670 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. vements de cette extrémité et par conséquent le graphique de la pul- sation artérielle. 4" Sphygmographe électrique de Czermak. — Pour mesurer exac- tement la durée de la systole et de la diastole artérielles, Czermak a adapté, soit au sphyg-momètre d'Hérisson perfectionné, soit aux appa- reils de Yierordt et de Marey, des dispositions (fermeture et interrup- tion du courant), qui permettent d'enregistrer, avec exactitude, chacune de ces phases. i(]zermak, Mittheilungen ans dem Physiol. Privatlahoi-a- torium, 1864). 5° Sphygmographe a gaz de Landois. — Les pulsations de l'artère se transmettent au gaz renfermé dans un appareil et qu'on allume à sa sortie et, comme dans l'appareil de Kœnig (voir page 600), les variations de la flamme sont isochrones aux battements du pouls. Quand le sang a été chassé par le yentricule gauche dans l'aorte, il a dû surmonter la pression du sang dans ce vaisseau. Il se passe alors deux phénomènes dans l'aorte : T un refoule- ment de la masse sanguine qu'elle contenait dans la direction des capillaires : 2° une dilatation de sa cavité, dilatation qui s'arrête dès que la force élastique de ses parois contre-balance la pression sanguine. Dès que le ventricule a cessé de se con- tracter, la pression sanguine diminue et la force élastique des parois aortiques, étant supérieure, réagit sur le liquide et tend à le refouler, d'une part dans la direction des capillaires, de l'au- tre dans le ventricule. Mais de ce côté le reflux est empêché par la présence des valvules sigmoïdes; ces valvules, loin d'être tout à fait accolées à la paroi aortique, en sont écartées par une certaine quantité de sang qui existe entre eUes et les sinus de Valsalva ; dès que le ventricule a cessé de se contracter, la pres- sion du sang agit sur leur face artérieUe, tandis que la pression sur leur face ventriculaire est réduite à G ; elles s'abaissent immédia- tement et, par l'accolenient de leurs bords libres et des nodules d'Aranzi, ferment hermétiquement l'orifice aortique. La masse sanguine se trouve ainsi poussée dans la direction des capillaires et dilate le segment suivant de l'aorte et ainsi de suite, La trans- mission de ces dilatations successives, ou autrement dit de l'on- dulation positive {forma materiœ progrediens), se fait avec une vitesse de 9"", 240 millimètres par seconde, et ne doit pas être confondue avec le mouvement de progression de la masse liquide {materia progrediens), dont la vitesse est incomparablement moindre (voir : Yitesse du sang). MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. 671 D'après Weber et Czermak, la vitesse de transmission de l'ondulation sanguine n'est pas uniforme dans tous les segments de l'arbre artériel; elle diminue progressivement du centre à la périphérie; elle augmente avec la résistance et l'épaisseur des parois artérielles. Quand on con- naît la vitesse de l'ondulation, il est facile de connaître sa longueur; en effet, le début de l'ondulation a lieu dans l'aorte avec le début de la systole, la fin avec la fin de la systole; sa durée doit donc égaler la durée de la svstole, soit un tiers de seconde; elle aura donc une lon- gueur de 9"° ,240 : 3 = 3,080 millimètres, c'est-à-dire une longueur telle que, dans l'intervalle de deux systoles, il ne peut se former plus d'une onde dans les artères. Une partie de cette ondulation se réfléchit probablement contre les capillaires et les bifurcations artérielles et parcourt les artères en sens inverse (voir : Pouls dicroie). L'aorte présente donc deux états comparables jusqu'à un cer- tain point à la diastole et à la systole du cœur ; il y a en effet une diastole artérielle isochrone à*la systole ventriculaire et à laquelle succède une systole artérielle isochrone à la diastole Yentriculaire ; mais cette systole, au lieu d'être due à la contrac- tilité musculaire comme celle du ventricule, n'est qu'une rétrac- tion élastique. Chaque segment de l'arbre artériel présente donc tour à tour ces deux périodes alternatives, diastole artérielle, sys- tole artérielle. Pouls. — Le pouls est constitué par la diastole artérielle. Dans les artères les plus rapprochées du cœur, cette diastole est. comme on l'a vu plus haut, isochrone à la systole ventriculaire ; mais à mesure qu'on s'éloigne du cœur il y a un léger retard sur cette diastole; retard dû au temps nécessaire pour la transmission de l'ondulation (Buisson). D'après les recherches de Czermak, voici le retard que le pouls des artères suivantes a sur le cœ'ur. Secondes. Carotide 0,087 Radiale 0,159 Pédieuse 0,193 Marey et Czermak ont constaté un léger retard de la diastole aortique sur le choc du cœur; c'est qu'en efîet le choc du cœur correspond au début de la systole ventriculaire et le maximum de diastole aortique à la fin de cette systole. Les phénomènes qui se constatent dans une artère au moment de sa diastole ou du pouls sont les suivants : C72 rHYSI(jL0(3[E F O.XCTI O.X MiLLE. 1° L'arlcre se dilate. Celte dilatalion se fait dans les deux sens, en longueur et en largeur. L'élargissement de l'artère se constate directement par la vue et le loucher: il peut être mesuré si on entoure l'artère dun manchon rigide rempli d'eau et surmonté d'un tube manométrique ; les oscillations du liquide indiquent les dilatations de l'artère (Poiseuillcj. L'allongement de l'artère est la cause des flexuosilés qui se remarquent sur certaines artères du corps. • 2° La pression sanguine augmente dans l'artère et cette aug- mentation se traduit par une sensation de dureté et par la résis- tance que l'artère oppose au doigt qui la comprime. 3° Le sang augmente de vitesse dans l'artère. Caractères du pouls. — Les caractères de la pulsation arté- rielle peuvent être facilement étudiés sur les graphiques obtenus avec le sphygmograplie. Soit le tracé sphygmographique 'fig. 156;; le tracé se lit de Fi'g. lo6. — Analyse Jii tracé s] lijtrmograjiljiqne. gauche à droite; la ligne d'ascension AE correspond à la diastole, la ligne de descente EDC à la systole artérielle, la longueur AG, prise sur la ligne des abscisses, mesure la durée totale du mouve- ment; celte longueur AG est divisée en deux par la perpendicu- laire EB abaissée du sommet de la courbe sur la ligne des abscisses; la longueur AB mesure la durée de la diastole, la lon- gueur BG celle de la systole. Les faits principaux qui ressortent de l'étude des courbes sphygmographiques Ifig. 154 et 156) sont les suivantes : r En premier lieu, les durées totales des pulsations sont en général égales, et cette durée est en rapport inverse du nombre des pulsations dans l'unité de temps. Le pouls est rare quand le MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. 673 nombre de pulsations est au-dessous de la moyenne (65 à 75 par minute), fréquent quand il est au-dessus. 2" Dans les tracés normaux, il n'y a pas de repos de l'artère ; la systole et la diastole succèdent immédiatement et sans inter- ruption l'une à l'autre ; l'angle formé par le passage de la ligne d'ascension à la ligne de descente et de la ligne de descente à la ligne d'ascension est toujours un angle aigu ; ces caractères dis- paraissent cependant quand la pression du sang dans l'artère devient très-forte. o° La durée de la diastole est à peu près le tiers (quelquefois moins) de la durée de la systole ; il n'y a qu'à comparer les lon- gueurs qlii les mesurent, AB et BC. Les tracés de Yierordt ne donnent pas le même résultat, et si l'on s'en rapportait à eux, la différence serait seulement de 100 à 107. La vitesse et la lenteur du pouls dépendent du rapport de durée de chacune de ces pé- riodes ; le pouls est vite quand la durée de la diastole artérielle diminue, lent quand cette durée augmente. 4" La ligne d'ascension AE se rapproche de la verticale ; elle est régulière, presque droite; autrement dit la diastole est brève, rapide, presque instantanée. 5" La ligne de descente EG, au contraire, est beaucoup plus inclinée et, au lieu d'être rectiligne, elle présente toujours un ou plusieurs soulèvements, D, plus ou moins prononcés avant d'at- teindre son point maximum d'abaissement [dicrotisme on poly- crotisme du pouls). La signification de ces soulèvements a été très-controversée. Vierordt, qui ne les rencontre pas sur ses tracés, les attribue à l'imperfection de l'instrument de Marey. Mais aujourd'hui on s'accorde à considérer ce dicrotisme comme un caractère normal du pouls. La preuve qu'il n'est pas dû aux oscillations du levier enregistreur, c'est que les courbes de la contraction muscolaire obtenues avec le sphygmographe ne présentent pas de dicro- tisme, et d'un autre côté le dicrotisme existe dans les tracés obtenus par le procédé hémautographique de Landois (voir : Pression sanguine), dans lesquels la courbe est formée parle jet sanguin qui sort de l'artère et sans l'intervention d'aucun appa- reil. A l'état normal, ce dicrotisme est trop faible pour être senti par le doigt qui palpe l'artère ; mais dès qu'il s'exagère, comme dans certains cas pathologiques, il devient très-appréciable et on sent distinctement la pulsation artérielle se dédoubler en deux. Beaunis, Phys. 43 C74 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Le dicrotisme est plus marqué sur les artères moyennes que sur les gros troncs. La cause du dicrotisme et du polycrotisme est encore incer- taine. Sont-ils dus à une réaction de l'artère contre l'impulsion du ventricule et à l'oscillation consécutive ou à une réflexion de l'ondulation contre les capillaires et à une deuxième réflexion contre les valvules semi-lunaires ? 6" L'amplitude de la pulsation, mesurée par la hauteur EB, correspond, la part faite à l'amplification due au levier, au maxi- mum de dilatation artérielle; cette amplitude est en général en rapport inverse de la pression du sang dans l'artère; elle dimi- nue quand cette pression augmente. Les termes de pouls dur et mou indiquent l'état de tension de l'artère et la pression du sang dans son intérieur. 7" Enfin le pouls est grand ou petit suivant le volume de l'artère, volume qui est, en grande partie, en rapport avec la quantité de sang lancée par le ventricule. On voit donc que les caractères de la pulsation artérielle dé- pendent de trois facteurs principaux : l'action ventriculaire (éner- gie cardiaque), le sang (quantité et pression) et la paroi artérielle (élasticité et contractilité), et que ces trois facteurs interviennent chacun pour modifier dans un sens ou dans l'autre les caractères de la pulsation. Aussi l'étude des caractères du pouls, et surtout leiu" analyse à l'aide des tracés sphygmographiques est-elle de la plus grande importance en médecine. Fick a constaté, en plaçant son bras dans un vase fermé muni d'un tube en U, une augmentation du volume du bras au moment de la pulsation artérielle et a obtenu, en adaptant à l'appareil un système enregistreur, une courbe très-analogue à celle du sphygmographe. 2*^ Contractilité artérielle. La contractilité n'est guère marquée que pour les petites artères dont la tunique musculaire est très-développée. Cette contractilité est complètement indépendante du pouls ; c'est une propriété de la paroi artérielle, qui se trouve sous la dépendance immédiate du système nerveux. Cette contractilité se montre sous deux formes principales : MÉCAMOUE ])!-: LA CIUCUL ATI 0 .\. 675 tantôt les contractions sont successives et l'artère est le siège de mouvements alternatifs de resserrement et de relâchement ; tan- tôt la modification (contraction ou dilatation artérielle) a une certaine durée ; elle est persistante. Les contractions successives se montrent sur les petites artères ; ces contractions sont souvent rhythmiques. Ainsi Schiff les a ob- servées sur l'oreille du lapin; on les a rencontrées dans les artères de l'iris, du mésentère, etc.; les contractions rhythmiques ne sont isochrones ni au pouls ni à la respiration et leur nombre par minute est très-variable (3 à 7 par exemple). Quelques auteurs ont voulu faire de ce fait un phénomène général et constant. La cause et le rôle de ces contractions rhythmiques sont assez obs- cures; peut-être jouent-elles le rôle de régulatrices de la circula- tion capillaire. Les dilatations artérielles sont dues au relâche- ment de la tunique contractile, et il est difficile d'admettre avec Schiff une dilatation active des vaisseaux. Les modiftcations persistantes du calibre artériel ('contraction ou dilatation) ont une importance physiologique beaucoup plus grande. La contraction d'une artère a pour etfet immédiat d'aug- menter la pression en amont de l'artère, d'accélérer la vitesse du courant sanguin dans son intérieur et de diminuer la quantité de sang qui arrive au réseau capillaire fourni par l'artère. Quand cette contraction porte sur une circonscription vasculaire éten- due, la réaction se fait sentir sur tout le système artériel; le calibre total de ce système diminuant notablement, il en résulte une augmentation de pression, et il y a diminution de pression dans le cas contraire. En outre, cette diminution de calibre a une influence immé- diate sur les circulations voisines. Supposons, par exemple, que les artères des membres inférieurs se rétrécissent, pour une cause ou pour une autre (froid, etc.), une partie du courant san- guin de l'aorte descendante qui aurait passé dans ces artères, ne pouvant plus y trouver place, sera dérivée et passera dans les artères des organes abdominaux qui recevront alors beaucoup plus de sang que d'habitude. Ce balancement des circulations locales joue un rôle important et trop méconnu en physiologie et en pathologie. Ce balancement explique l'origine anatomique de beaucoup d'artères et peut se formuler ainsi : toutes les fois que plusieurs artères naissent d'un tronc commun ou au voisi- nage l'une de l'autre, il y a balancement des circulations corres- 676 PHYSIOLOGIE FO^'CTIONNELLE. pondantes -, quand l'une diminue , l'autre augmente ; c'est ainsi qu'on observe ce balancement, pour ne citer que quelques exemples, entre la circulation thyroïdienne et la circulation céré- brale, la circulation gastro-hépatique et la circulation splénique, etc., et d'une façon plus générale, entre la circulation abdomi- nale et celle des membres inférieurs, entre celle de la tête et celle des membres supérieurs, entre la circulation cutanée et la circulation profonde. La contractilité artérielle peut être mise en jeu par les exci- tants ordinaires du tissu musculaire (actions mécaniques, électri-, cité), que l'excitant soit porté directement sur l'artère ou n'agisse que par l'intermédiaire des nerfs vaso-moteurs. Cette contractilité persiste quelque temps après la mort (quelquefois une à plusieurs heures). Les variations de calibre des artères sont soumises à deux influences principales, riniluence nerveuse vaso-motrice, l'influence de Tactivité cardiaque. Le rétrécissement des artères pourra donc résulter : 1° D'une excitation des centres vaso-moteurs; dans ce cas, le rétré- cissement sera actif, musculaire, et s'accompagnera d'une augmentation de pression sanguine ; 2° D'une diminution d'activité du cœur; dans ce cas, le rétrécis- sement est passif, élastique, et s'accompagne d'une diminution de pression. La dilatation artérielle pourra être produite par : 1° Une paralysie vaso-motrice ; 2° Une exagération de l'activité cardiaque. Dans ces deux cas, la dilatation est passive, élastique, mais s'accom- pagne dans le premier cas d'une diminution, dans le deuxième, d'une augmentation de pression. Si l'on admet les nerfs vaso-dilatateurs, il y aurait encore : Dilatation par activité des centres vaso-dilatateurs, Rétrécissement par paralysie vaso-dilatatrice. B. — CIRCULATION CAPILLAIRE. Procédés. — La circulation capillaire peut être étudiée au mi- croscope très-facilement, surtout chez les animaux à sang froid. Sur la grenouille, on peut l'examiner sur la membrane interdigitale, le mésentère, la langue et le poumon. Pour éviter les mouvements de l'animal, on le curarise; la circulation continue et on peut ainsi pro- MÉCA>'1QUE DE LA CIRCUL ATI 0.\. G77 longer Tobservation pendant un temps très -Ion?. Il suffit de tendre la membrane à examiner au-dessus d'une plaque de liège percée d'un trou et de la fixer avec des èpTngles, mais en prenant bien soin de ne pas interrompre la circulation. Pour l'étudier sur le poumon, cet organe doit être maintenu à Tétat de distension par un courant d'air humide (KQttner). Quand l'observation doit être prolongée longtemps, il faut empêcher la dessiccation de la membrane, soit en Thumectant de temps en temps avec un liquide indiffèrent, soit en plaçant l'animal dans une atmosphère saturée d'humidité. La queue du têtard, les jeunes em- bryons, surtout les embryons de poissons, se prêtent très-bien à l'étude de la circulation capillaire. Chez les animaux à sang chaud, cette étude est plus difficile; cependant, elle peut se faire assez facilement sur le mésentère de petits animaux. On 'ne doit pas oublier dans cet examen que, grâce à l'ampliOcation microscopique, la vitesse du sang dans les capillaires parait beaucoup plus considérable qu'elle ne l'est en réalité. L'ensemble des capillaires constitue, comme on l'a vu déjà, une sorte d'élargissement qui termine la base du cône artériel et qui précède le cône veineux; cet élargissement ou ce cylindre est très-court, et entre l'artériole qui précède immédiatement le réseau capillaire et la veinule qui le suit immédiatement, il n'y a guère plus de 1 à 2 millimètres de distance. Mais quelque fai- ble que soit celte dislance des artères aux veines et quelque bref que soit le passage du sang à travers les capillaires, cet élargisse- ment du lit sanguin ne s'en traduit pas moins pac une diminution de vitesse et de pression du sang. En outre, l'examen direct de la circulation capillaire au mi- croscope permet de constater les faits suivants. Le courant san- guin, appréciable par le mouvement des globules entraînés par le courant est continu, uniforme et ne présente pas d'accéléra- tions périodiques correspondantes à la systole du ventricule. Le courant a toujours la même direction et se fait toujours des ar- tères vers les veines, sauf dans les cas d'obstacle à la circulation. Quand le capillaire a un calibre assez considérable, on voit que la couche liquide immédiatement en contact avec la paroi du vaisseau parait immobile (coucfie inerte) et que le mouvement est le plus rapide dans l'axe du vaisseau. Les globules rouges sont ainsi emportés par le courant et subissent en même temps un mouvement de rotation qui découvre tantôt leur face, tantôt leur profil; ils s'arrêtent souvent sur un éperon de bifurcation capillaire en laissant ballotter leurs deux extrémités dans les deux 678 PHYSIOLOGIE FO>GTIO>\\ELLE. branches; en général, ils ne touchent les bords que quand les capillaires se rétrécissent ou quand^ l'espace leur manque par l'accumulation des globules; dans ce cas, ils s'effilent en prenant toutes les formes pour reprendre leur forme primitive dès que la compression a cessé. Les globules blancs, au contraire, che- minent plus lentement contre la paroi du vaisseau, s'arrêtant souvent contre cette paroi; leur vitesse est 10 à 15 fois plus faible que celle des globules rouges. La disposition des capillaires varie beaucoup suivant les or- ganes, mais ce qui varie surtout c'est la richesse dea différents organes en capillaires, ou autrement dit le rapport du cahbre total des capillaires au calibre des artères afférentes. C'est là, en effet, ce qui règle la quantité de sang reçue par l'organe. On pour- rait donc représenter la circulation de chaque organe par un double cône vasculaire analogue à celui qui représente la circu- lation générale (voir page 6G5). On verrait ainsi quelles diffé- rences présentent les divers organes ; il n'y a qu'à comparer à ce point de vue le testicule au foie, par exemple. Les capillaires sont, du reste, sujets à des variations notables de calibre, et ces variations sont de deux espèces. Les unes sont jmssives et dues à la quantité plus ou moins forte de l'afflux du sang, réglé lui-même par le calibre des artères afférentes, et à la quantité de l'écoulement par les veines efférentes. Les autres sont actives et consistent en des alternatives de rétrécissement et de dilatation ; ces rétrécissements paraissent dus à des éléments con- tractiles fusiformes (cellules endothéliales?) et peuvent diminuer la lumière du capillaire de façon à empêcher le passage des glo- bules rouges (de Tarchanow). e. — CIRCULATION VEINEUSE. Les tissus élastique et musculaire entrent dans la constitution des veines comme dans celle des artères, mais pas dans les mêmes proportions ; leurs parois sont plus minces, moins parfai- tement élastiques, plus dilatables, ce qui est en rapport avec la pression sanguine plus faible qui existe dans le système veineux. La contractihté veineuse est hors de doute. On a constaté sur les veines, comme sur les artères, des contractions quelquefois rhythmiques; ainsi dans les veines splénique,mésentériques(Fre- MECÀMQUE DE LA CIRCULATION. 679 richs et Reichert), à rembouchure des veines caves (Colin); et, du reste, les excitations mécaniques (choc bref sur les veines dor- sales de la main, Gubler); l'électricité, déterminent leur con- traction. La circulation veineuse se fait, comme dans le reste du système vasculaire, sous l'influence de l'inégalité de pression du sang; le sang s'écoule des capillaires, lieu de la plus forte pression, vers les veines, lieu de la plus faible pression. Quoique l'en- semble du système veineux représente un cône qui va en se rétrécissant des capillaires à l'oreillette et que cette disposition doive produire une augmentation de pression marchant dans le même sens, celte augmentation est compensée et au delà par la déplétion périodique de Loreillette pendant sa systole et le résultat final est une diminution de pression des capillaires au cœur (voir fig. 164, p. 688). Cependant ces différences de pres- sion des deux extrémités du système veineux ne seraient pas sutlisantes pour amener une circulation sanguine réguUère si d'autres conditions accessoires n'intervenaient pour contre-balan- cer les obstacles que la pesanteur (spécialement pour les veines des membres inférieurs), les compressions veineuses (par causes extérieures, par faction musculaire, etc.), l'expiration, l'effort, etc., opposent à la circulation du sang dans les veines. Les causes qui favorisent la circulation veineuse sont les con- tractions musculaires (quand elles ne sont pas portées au point d'oblitérer la lumière du vaisseau), les anastomoses nombreuses qui font communiquer les veines voisines ou les veines superfi- cielles avec les veines profondes, les battements des artères satel- lites, la pesanteur pour quelques veines et surtout l'inspiration (voir : Rapports de la circulation et de la rcspi rat ion). Eniiu, les veines présentent en beaucoup d'endroits des replis ou valvules disposés de façon à s'opposer au reflux du sang dans la direction des capillaires et à permettre le libre écoulement dans la direction du cœur. Sans ces valvules le sang veineux, comprime par l'ac- tion musculaire ou par des obstacles mécaniques, aurait autant de tendance à se diriger vers les capillaires que vers le cœur. L'écoulement sanguin dans les veines est continu et uniforme comme dans les capillaires. Ce n'est que dans les cas patholo- giques qu'on observe dans les grosses veines du cou un pouls veineux isochrone à la systole auriculaire, pouls veineux admis à tort comme normal par quelques auteurs. 680 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO>'\ELLE. On peut faire au sujet des veines les mêmes remarques que celles qui ont été faites à propos des artères. Toute diminution de calibre dans une partie du système veineux amène une aug- mentation de pression dans les vaisseaux. De même, si on fait Ja ligature de la veine principale d"un organe ou si cette veine est simplement rétrécie, la pression augmentera dans les capillaires de cet organe et dans les artères afférentes. Quant aux bruits vascuîaires qui peuvent se produire dans les artères et dans les veines pendant la circulation, leur étude est plutôt du ressort de la pathologie que de la physiologie, et je renvoie aux traités de séméiologie et de pathologie générale. Viiuiervation des vaisseaux sera traitée dans le chapitre de l'innervation. 4. PRESSION SANGUINE. Procédés pour mesurer la pression sanguine. — Dans la plupart de ces procédés, on emploie des vaisseaux, artères ou veines, dont !e calibre permette l'introduction d'une canule ; le mode de réunion de la canule au vaisseau peut se fcire de deux façons : ou bien le vaisseau est coupé transversalement, un des bouts lié, et l'autre bout, par lequel arrive le sang, mis en communication avec Ja canule ; ou bien, ce qui est préférable, mais moins facile, l'incision est simplement latérale et la canule ajustée sur la paroi du vaisseau de façon à mesurer la pression latérale sans interrompre la circulation du sang dans le vaisseau. Les appareils destinés à mesurer la pression sanguine peuvent se rattacher à quatre types : l'hémautographie, les manomètres à mercure, les ma- nomètres métalliques, les manomètres à transmission par l'air. 1"' Hé-Mautographie. — Lorsqu'on incise un vaisseau, le sang s'é- coule de ce vaisseau et forme, si la pression sanguine est suffisante, un jet qui monte plus ou moins haut suivant la force de cette pression. Dans les artères où la pression est très-forte et s'accroît à chaque sys- tole ventriculaire, le jet est très-èlevé et saccadé ; dans les petites ar- tères, il est d'autant moins élevé qu'on s'éloigne plus du cœur et il est uniforme ; enûn, dans les veines où la pression est très-faible, le sang sort en nappe, en bavant, à moins que. comme dans la saignée, on n'augmente la pression dans la veine par la compression de cette veine entre la piqûre et le cœur. On pourra donc mesurer la pression du sang en adap- tant au vaisseau^ comme le faisait Haies, un long tube vertical {fig. 157, p. 681 1 et en notant la hauteur à laquelle s'élève le sang dans son in- térieur. Landois a proposé récemment, sous le nom à-'hémautogimphie^ MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. 681 de diriger sur le papier d'un appareil enregistreur le jet de sang qui sort d'une artère ; on obtient ainsi des graphiques, traces par le jet 2JO UO 70 - do £ Fi%. 15T. — Tube de Haies. (Voir page 680.) Fiq. 158. — Hémodynamomètre de Poiseuille. (Voir page 082.) sanguin lui-même en dehors de toute complication instrumentale, gra- phiques qui ont par conséquent l'avantage de reproduire fldèlement tous les caractères de pression, de vitesse, de quantité que le courant G82 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. sanguin subit à son passage à travers une artère. Les tracés du jet ar- tériel ainsi obtenus par Landois sont presque identiques aux tracés du sphygmographe de Marey. 2" Manomètres a mercure. — Dans ces appareils, pour éviter la coa- gulation du sang, on interpose entre le sang du vaisseau et le mercure une solution de sulfate de soude ou de carbonate de soude qui empêche cette coagulation. Hémodynamomèlre de Poiseuille {fig. 1 58, p. 68 1). — Poiseuille se servit d'un manomètre dont la branche horizontale A communiquait avec Tar- Fig. 159. — Mariomèire compensateur de Marey. (Voir page 684.) tère.Du mercure remplissait les deux branches verticales jusqu'au ni- veau GH ; l'intervalle K était occupé par un liquide alcalin pour empê- MÉCANIOUE DE LA CIRCULATION. 683 cher la coagulation. Le sang presse alors sur la ^^^^^^^^^^^f^^l-^^i^^^,^ et en fait baisser le niveau jusqu'à K, par exemple, dans la branche LG, Fig. 160. - Manomètre différentiel de Cl. Bernard. (Voir page 684.) fixer ule e Fia 160 - Q tube recourbé à branches parallèles. - h, robinet. - a, pièce pour rafut'age T - c,' tube en gutta-percha. - d, pièce de cuivre sur laquelle se fue la can ^''r?!t;tÏfor::>^éè%7d;:rcanu.es soudées. Les tubes adossés rr sont nus en rapport avec les deux bouts d'une artère coupée. - Les canules ù s ajustent aux pièces di. 684 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. tandis que dans la branche ED le niveau monte jusqu'en I; la dififérence des deux niveaux ï K représente la hauteur de la pression sanguine, déduction faite de la petite colonne de mercure qui fait équilibre à la colonne sanguine BK. Hémomètre de Magendie ou Cardiomètre de Claude Bertiard. — Dans cet instrument, la partie inférieure du manomètre est rempla- cée par une large cuvette remplie de mercure qui communique d'une part avec un tube rempli d'une solution alcaline et qui s'engage dans l'artère, et d'autre part avec un tube vertical dans lequel oscille le mercure. Les variations de la colonne mercurielle sont beaucoup plus sensibles que dans l'appareil précédent. 3Ianomètre compensateur de Marey (fig. 159, p. 682). — Marey a cherché à remédier aux inconvénients des manomètres ordinaires. Ces inconvé- nients sont de deux sortes: 1» les oscillations de la colonne mercu- rielle ont trop d'amplitude à cause de la vitesse acquise par la masse du liquide; 2° l'ascension de la colonne mercurielle est plus rapide que sa descente, de façon que la moyenne numérique entre le maximum et le minimum de hauteur d'une oscillation ne représente pas en réalité la pression moyenne (^en5io?2 dynamique de Marey). Marey interpose alors entre la cuvette sur laquelle s'exerce la pression sanguine et le tube vertical un tube capillaire qui. par sa résistance, diminue l'amplitude des oscillations et donne exactement la pression moyenne. Setschenow remplace le tube capillaire par un robinet qu'on ouvre plus ou moins. Manomètre différentiel de Claude Bernard (fig. 160, p. 683 1. — Cet instrument se compose d'un tube recourbé^dont les branches parallèles communiquent chacune avec un ajutage et une canule; les deux ca- nules s'introduisent dans deux artères différentes, ou dans les deux bouts d'une artère, ou dans une artère et une veine, et les différences de niveau des deux colonnes mercurielles indiquent les différences de pression des deux vaisseaux. Kymographio7i de Ludwig (fig. 161, p. 685). — Le kymographion de Ludwig n'est pas autre chosequ'un hémodynamomètre auquel s'ajoute un appareil enregistreur. La branche 3 du manomètre se recourbe et est mise en communication avec l'artère en 9. Dans l'autre branche, 4, flotte sur le mercure un petit cylindre en ivoire qui monte et descend avec le niveau du liquide. A la partie supérieure, ce cylindre est surmonté d'une tige, 5, à laquelle s'attache un pinceau, 7 8, qui trace sur un cy- lindre enregistreur les mouvements de va et vient du cylindre d'ivoire et du mercure. 3" Kymographion de Figk (fig. 162, p. 686). — Fick a utilisé pourmesu- rerla pression sanguine un manomètre construit sur le principe du ba- romètre de Bourdon. Ce manomètre se compose d'un ressort métallique creux dont l'extrémité fixe communique par un ajutage et une canule avec le vaisseau dont on recherche la pression; l'autre extrémité du MÉCANIOUE DE LA CIRCULATION. 685 ressort est mobile et rattachée à un système de leviers articulés qui mettent en mouvement une pointe écrivante dont les déplacements Fig. 161. — Kymographion de Lodwig. (Voir page 684.) 686 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. verticaux enregistrent, en les amplifiant, les déplacements de Textré- mité mobile du ressort. Fig. 162. — Kymographion de Fick. (Voir page 084.) 4° Appareils a transmission par l'air. — Cardiographe de Chau- veau et Marerj. — Cet appareil, dont la première idée est due à Buisson, consiste en une ampoule élastique en caoutchouc qu'on intro- duit dans la cavité cardiaque dont on recherche la pression et qui, de l'autre côté, communique avec le tambour du polygraphe. La pression MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. 687 du vaisseau comprime l'ampoule, et cette pression se transmet par l'air au tambour et au levier du polygraphe qui l'inscrit sur un cylindre en- registreur. C'est en introduisant ainsi des ampoules dans rorciliette et le ventricule que le tracé suivant a été obtenu, tracé qui donne la pres- sion du sang dans les deux cavités pendant le temps d'une révolution du cœur (fig. 163). La ligne V représente le tracé de la pression dans le Fig. 163. — Graphique du cardiographe sur le cheval. (Marey.) ventricule, la ligne 0 celle de la pression dans l'oreillette. L'ascension de la ligne 0 correspond à la systole auriculaire (premier temps); celle de la ligne Y à la systole ventriculaire (deuxième temps) ; le troisième temps (diastole des deux cavités) est représenté par l'horizontalité plus ou moins parfaite des deux lignes. Le Sphijgmoscope \fig. 169, 2) de Marey sert à enregistrer la pres- sion dans les artères. Il se compose d'une ampoule en caoutchouc logée dans un manchon de verre; l'intérieur de l'ampoule communique par un tube avec l'artère dont on recherche la pression, et les mouve- ments de diastole et de systole de l'artère amènent des mouvements correspondants d'expansion et de retrait de l'ampoule, mouvements qui se transmettent à l'air du manchon et par un tube, 4, au tambour du polygraphe. La ligne P des figures 170 et 171 donne les graphiques de la pulsation de la carotide du cheval obtenus avec le sphyg- moscope. D'une façon générale, la pression sanguine diminue du cœur 688 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. aux capillaires et des capillaires au cœur ; elle atteint son maxi- mum dans le ventricule au moment de la systole, son minimum dans l'oreillette au moment de la diastole, et peut même dans l'oreillelte et les grosses veines être négative, c'est-à- dire tomber au-dessous de la pression atmosphérique. La courbe de la figure 164 re- présente les différences de pression dans les différents segments du système vascu- laire. Pression artérielle. — Chez l'homme, la pression dans la carotide peut être éva- luée à 15 centimètres de mer- cure; elle est de 28 centi- mètres chez le cheval, de 15 chez le chien, de 5 à 9 chez ^^9- '64. — courbe des pressions dans le système le lapin. Elle est plus faible dans les petites artères plus éloignées du cœur, quoique Poi- seuille, par suite de l'imperfection des instruments qu'il em- ployait, l'ait trouvée égale partout. On apphque sur deux artères également distantes du cœur, les deux crurales, par exemple, le manomètre différentiel de Cl. Bernard; le mercure reste immobile en équilibre dans les deux branches; si on l'apphque sur des artères inégalement éloignées du cœur, le mercure baisse dans la branche correspondante à l'artère la plus rapprochée et monte dans l'autre. Ainsi, dans la figure 165, page 689, qui représente le tracé de la pulsation dans l'aorte et dans la faciale chez le cheval, la courbe de l'aorte (courbe supérieure) présente une bien plus forte tension que celle de la faciale (courbe inférieure). La pression artérielle en un point donné subit des variations périodiques qui se traduisent par des oscillations de la colonne Fig. 164. — 1, ventricule. — 2, aitères. — 3, capillaires. — 4, veines, — 5, oreillette. — De A en C, ligne de pression dans les grosses artères; de G en D, dans les petites artères; de D en E, dans les capillaires; de E en B, dans les veines. Les ligues ponctuées a C, o'C, indiquent la pression au moment de la systole ventriculaire (o C) et de la diastole (a'C); à partir de C, la pression sanguine est uniforme jusque dans l'oreillette. MEGA.MOUE DE LA CIKCULATIOX 689 mercurielle et par une ascension de la courbe obtenue par les appareils enregistreurs. Cette pression augmente au moment de Fig. 165. — Graphique de la pulsation de l'aorle et de la faciale. (Marey.) la systole ventriculaire. baisse au moment de la diastole, et ces variations sont d'autant plus prQnoncées que les artères sont plus rapprochées du cœur. A une petite distance des capillaires, la pression reste constante en un point donné et la colonne mercu- rielle demeure immobile. Les oscillations périodiques de la pres- sion artérielle, bien visibles aux redoublements saccadés que présente le jet sanguin d'une grosse artère, varient entre 5 et 10 millimètres de mercure, et la moyenne numérique du maximum et du minimum de pression donne la pression moyenne du sang artériel en un point donné, avec les réserves faites plus haut au sujet du manomètre compensateur de Marey. On peut l'obtenir encore au moyen des courbes graphiques par le procédé de Volkmann (voir : Laboratoire de physiologie). Il ne faut pas confondre cette pression moyenne en un point donné avec la pression moyenne du sang dans le système artériel. Celle-ci ne peut s'obtenir qu'en prenant la moyenne des pressions dans des artères ditférentes et inégalement distantes du civur, La pression artérielle moyenne dépend directement de la quantité de sang contenue dans les artères et, par suite, du calibre total du système artériel. Toute diminution de calibre, quelle que soit sa cause (obstacle mécanique, ligature d'un vaisseau, contraction musculaire des parois artérielles, etc.), fait hausser la pression artérielle moyenne ; toute augmentation de calibre a un effet inverse. Cette pression augmente avec l'énergie des battements du cœur. Beaun'Is, Plïys. 44 690 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO>'NELLE. L'influence de la pression artérielle sur la fréquence du pouls a été très-controversée ; Marey a prouvé cependant que la fré- quence du pouls est en rapport inverse de la pression artérielle; si la pression artérielle augmente, le nombre des pulsations di- minue. L'expérience de Marey consiste à prendre un cœur de tortue qui continue à battre, et à le mettre en rapport avec un système de tubes; quand on augmente la pression, en rétrécis- sant les tubes, le nombre des pulsations diminue ; de là cette conclusion : « qu'en l'absence de toute communication avec les (( centres nerveux, le cœur bat d'autant plus vite qu'il dépense « moins de travail à chacun de ses battements » . Outre ces oscillations périodiques dues à l'action ventriculaire, il en est d'autres isochrones aux mouvements respiratoires et qui seront étudiées plus loin (voir : Rapports de la circulation et de la respiration). Pression veineuse. — Les mesures des pressions veineuses sont beaucoup moins constantes que celles des pressions arté- rielles; cependant un résultat incontestable, c'est que la pression dans les veines voisines du cœur est le 10^ ou le 20^ de la pres- sion dans les artères correspondantes, et que dans la diastole auriculaire elle peut même tomber au-dessous de 0 (pression négative). Jacobson a trouvé sur le mouton — 1 millimètre de mercure dans la veine innominée gauche, la jugulaire et la sous- clavière gauche, + 0,2 dans la jugulaire droite, + 3 dans la veine faciale externe, + 5 dans la faciale interne, + 1 1 dans la veine crurale. La pression veineuse ne présente pas de variations périodiques isochrones aux changements de pression du cœur ; cependant il y a dans les gros troncs veineux du cou une très- légère diminution de pression au moment de la diastole auri- culaire, et une augmentation légère au moment de la systole. (Weyrich.) La pression veineuse moyenne augmente par les mêmes causes que la pression artérielle ; seule l'action du cœur produit un effet inverse ; l'énergie des pulsations du cœur diminue la pression veineuse en amenant une déplétion plus rapide et plus complète du système veineux. • Pression dans les capillaires. —La pression dans les capil- laires ne peut être mesurée directement : elle doit être intermé- MÉCANIQUE DE LA CIRCULATION. G91 diaire entre la pression artérielle et la pression veineuse, mais on ne peut lui assigner une valeur certaine. Cette pression sera donc sous la dépendance immédiate des tensions artérielle et veineuse, baissant quand ces tensions baissent, augmentant quand elles augmentent. C'est cette pression des capillaires qui règle la trans- sudation du plasma sanguin à travers les parois des capillaires et, par suite, la formation de la lymphe et les échanges du sang avec les tissus. Pression cardiaque. — La pression du sang dans les cavités du cœur est celle qui présente les plus grandes inégalités (voir fig. 1 63, page 687), surtout dans les ventricules. Chauveau et Marey ont trouvé chez le cheval 128 millimètres dans le ventricule gau- che, 25 millimètres dans le ventricule droit. 2'"'°,5dans l'oreillette droite. C'est qu'en effet la pression dans le système pulmonaire est beaucoup plus faible que dans la grande circulation. On l'a trouvée de 10 à 30 millimètres dans l'artère pulmonaire. (Ludwig.) On a vu, au début du chapitre, que la quantité de sang est plus considérable que le calibre naturel de l'appareil vasculaire abandonné à son élasticité ; le sang distend donc les parois des vaisseaux et s'y trouverait par conséquent, môme en supposant le cœur immobile et la circulation arrêtée, à un certain degré de tension. On a cherché à évaluer cette tension en chloroformant un animal et produisant chez lui l'arrêt du cœ'ur par la galva- nisation du pneumogastrique; on a vu alors la pression baisser dans les artères, hausser dans les veines et un équilibre général de tension s'établir, équivalent à peu près à 10 miUimètres de mercure (Brunner, Einbrodt). Cette tension, appelée par quelques auteurs pression moyenne, mais qu'il vaut mieux appeler pres- sion de rèplétion du système vasculaire, baisse après la mort, et cet abaissement est dû à la diminution de la quantité de sang par transsudation du sérum et au relâchement des parois vasculaires. 5. VITESSE DU SANO. Appareils pour mesurer la vitesse du sang. — Hémodromomètre de Volkmann [fig. 166, page 692). — Cet instrument se compose d'un tube métallique court, 1, 4, sur lequel s'embranche un tube de verre 692 PHYSIOLOGIE FO.XGTIONiNELLE. en U, 2, 3, rempli d'une solution alcaline incolore. Deux robinets à trois voies permettent, suivant leur jeu, d'interposer le tube en U dans le Fig. 166. — Hémodromomètre de Volkmann. (Voir page 691.) trajet du tube métallique, comme en G, ou de l'en isoler tout à fait, comme en B. On tourne d'abord les robinets dans la position B, et on réunit les extrémités 1 et 4 du tube court aux deux bouts du vais- seau ; le sang coule de l en 4 ; on tourne alors rapidement les robinets MÉCANIQL'E DE LA CIUCULâTIO>'. 693 dans la position C ; le sang ne peut passer directement de 1 en 4 et est obligé de traverser le tube en U ; il s'y mêle à la solution alcaline, qu'il rougit, et on voit au changement de coloration quand il a parcouru le tube en entier et combien il a mis de temps à le parcourir. Comme ou connaît Ja longueur du tube, on en déduit facilement la vitesse du sang. Appareil de ludwig [et de Dogiel (fig. 167). — Cet appareil est d'un maniement plus facile et plus rapide que le précédent. Deux ampoules de verre. 1 et 2, de capacité déterminée, communiquent entre elles par un tube, 3. et a Jeur autre extrémité commu- niquent avec deux tubes, 7 et 7', qui s'adaptent aux deux bouts d'une artère ou d'une veine par les ajutages 8 et 9. Les ampoules sont supportées par un disque. 5, 5', qui peut tourner sur le disque inférieur 6, 6', de façon que cha« cune des ampoules peut se trouver en communication alternativement avec le tube 7 et avec le tube 7'. Avant lopé- ration, on remplit l'ampoule 1 de sang défibriné, l'ampoule 2 d'huile, et on met en rapport (lappareil étant dans la position indiquée dans la Ogure) le tube 7' avec le bout central de l'artère, et le tube 7 avec le bout pé^ripbérique. Le sang arrive par 7' et pousse l'huile de l'ampoule 2 dans Tampoule 1, dont le sang délibriné passe dans le bout pé- riphérique de l'artère. On note l'instant où le sang de l'artère arrive dans Lap- pareil et l'instant où le sang a rempli i l'ampoule 2, jusqu'à un trait marqué F>g. i67.-Appareii de Lmiwig et Dogiel d'avauco. Ou a aiusi le temps qu'uuo pour mesurer la vitesse du sang. quantité dc saug Correspondante a la capacité de Lampoule a mis à traverser l'artère, il est facile d'en déduire la vitesse du courant. On recommence ensuite l'opération en tournant le disque 5, 5' : l'ampoule 1, remplie d'huile, communique alors avec le tube 7' et avec le bout central de l'artère; Lampoule 2, remplie de sang, avec le bout périphérique de l'artère. On peut répéter ainsi successive- ment plusieurs fois l'opération pour en contrôler Lexactitude. Eémotachomètre de Vierordt (fig. 168). — Cet appareil se compose d'une cage rectangulaire dont les parois opposées sont formées par une glace transparente ; le sang y arrive par l'ajutage situé à droite de 694 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. la figure et sort par celui de gauche; mais avant de sortir, le courant isanguin déplace un petit pendule terminé par une boule d'argent mu- nie de deux pointes qui touchent sans frotte- ment les deux glaces et permettent, malgré l'o- pacité du sang, de voir les mouvements du pendule. La déviation du pendule, indiquée sur un cercle gradué, mesure la vitesse du sang. Yierordt a complété son appareil en le transfor- mant en appareil enregistreur. Hémodromog?'aphe de Chauveau et tor^e^ fj^. i68. — Hémotachomètre {fig. 169, page 695). — La figure représente Thé- ^^ vierordt. modromographe combiné au sphygmoscope de Marey. Un tube en cuivre, 1, s'adapte par ses deux bouts au vaisseau sur lequel on veut expérimenter; vers le milieu de ce tube se trouve une fenêtre exac- tement fermée par une membrane en caoutchouc; cette membrane est traversée, comme le montre la figure 1 bis, par une aiguille qui fait saillie à l'intérieur du tube et dont l'autre extrémité se termine par une pointe écrivante qu'on met en communication avec le papier d'un appareil enregistreur, 8. Le courant sanguin, passant par le tube, dévie l'aiguille et la déviation s'inscrit sur le papier qui se déroule dans l'ap- pareil enregistreur. Le sphygmoscope 2 communique d'autre part avec le tambour du polygraphe 5, et le levier du polygraphe 6 inscrit simultanément les variations de pression dans l'artère. Cet appareil donne des indications très-précises et a été employé avec succès par Chauveau, Laroyenne, Lortet, etc. Les figures 170 et 171, page 696, donnent, d'après Lortet, les graphiques de la vitesse (V) et de la pression (P) dans la carotide du cheval. Mesure de la vitesse du sang dans les capillaires. — Cette vitesse s'apprécie facilement au microscope ; il suflit de compter le temps qu'un globule sanguin met à parcourir un espace donné mesuré au micromètre. Vierordt a employé pour la mesurer la vision entoptique des mouvements des globules dans les capillaires de la rétine (voir: Vision). Procédés pour mesurer^la vitesse de la circulation. — Procédé d'Héring. — On injecte dans une veine jugulaire du ferro-cyanure de potassium et on recueille le sang de la jugulaire, du côté opposé, de 5 secondes en 5 secondes, puis on examine chaque portion du sang recueilli avec le perchlorure de fer ; un précipité de bleu de Prusse in- dique à quel moment le sang recueilli contenait le ferro-cyanure et par conséquent combien il a fallu de temps à la substance injectée pour parcourir le circuit vaseulaire. Vierordt a perfectionné le procédé en adaptant les vases destinés à recueillir le sang au disque tournant d'un appareil enregistreur ; il recueille ainsi le sang de demi-seconde en demi-seconde. MEC.VMOl'E BE LA CIRCULATION. 695 696 PHYSIOLOGIE F0XCT10>>;ELLE. La vitesse du sang est en raison inverse du calibre total des I vaisseaux ; ainsi elle est la plus forte dans l'aorte, elle diminue Fig. 170. — Graphique des variations de ia vitesse et de la pression du sang dans la carotide du clieval. (Loitet.) dans ses branches, atteint son minimum dans les capillaires dont la section totale est 800 fois celle de l'aorte, et augmente dans les veines pour atteindre dans les gros troncs veineux une vitesse Fig. 171. — Graphiques de la vitesse et de la pression dans la carotide du cheval. (Lortet.) assez forte, mais toujours inférieure à celle des grosses artères et de Taorte. Les chiffres suivants indicjuent, en millimètres, les MECAMOUE DE LA CIRCULATION. 697 vitesses du sang par seconde dans les différentes parties de l'ap- pareil yasculaire : Cheval. Chien. Artère carotide 300 26u — maxillaire IC^ — — Diétatarsienne 5G — Capillaires 0,5 à 0,8 — Veine jugulaire 100 '>'ELLE. circuit vasculaire intermédiaire entre ces deux extrêmes. D'après les expériences d"Héring, répétées par Vierordt, cette vitesse pour la circulation des veines jugulaires est de 16 secondes chez le chien, de 23 secondes approximativement chez l'homme, c'est-à- dire qu'en 23 secondes une molécule partie de la veine jugu- laire revient à son point de départ. Pour les veines crurales on obtient 2 secondes de plus. Cette vitesse de la circulation expli- que la rapidité avec laquelle les substances introduites dans le sang, les poisons par exemple, se répandent dans l'organisme. Chez un individu donné, la fréquence du pouls diminue avec la vitesse de la circulation, à moins que la fréquence ne soit extrême, auquel cas, cette vitesse, au lieu de diminuer, aug- mente. 11 y a donc un rapport entre la fréquence des battements du cœur et la vitesse de la circulation, et Vierordt a trouvé que chez la plupart des espèces animales la vitesse de la circulation est égale au temps pendant lequel le cœur fait 27 pulsations. C'est ce que montre le tableau suivant emprunté à Vierordt : Poids du corps Fréquence du pouls Nombre de pulsations en par pendant la durée grammes. minute. de la circulation. Cabiai 222s«- 320 23,7 Chat 1,.312 240 26,8 Hérisson. ... 911 189 23,8 Lapin 1,434 220 28,5 Chien 9,200 96 26,7 Cheval 380,000 55 28,8 Poule 1,332 354 30,5 Buse 693 282 31,6 Canard 1,324 163 28,9 Oie 2,822 144 26,0 6. EAPPORTS DE LA CIBCULATION ETDE LA RESPIRATION. Les deux phases de la respiration influencent à la fois la vi- tesse et la pression du sang. Pendant Yinspiration, la pression sanguine moyenne diminue dans toutes les parties contenues dans le thorax, cœur, artères et veines, où elle tombe même au-dessous de 0 ; cette diminution MÉGAMQUE DE LA CIRCULATION. G99 dépression tend donc à favoriser l'arrivée du sang veineux dans les veines caves, l'oreillette droite et le ventricule droit, et à re- tarder la sortie du sang artériel du ventricule gauche et de l'aorte. Si la dilatation et l'extensibilité des veines caves et du cœur droit étaient égales à celles du ventricule gauche, il v aurait compensation et la circulation n'en serait pas influencée ; mais il n'en est pas ainsi; les veines et l'oreillette droite, étant bien plus extensibles que le ventricule gauche et l'aorte, se dilatent beau- coup plus (voir ^^. 145, page 652), et par suite l'influence accélé- ratrice sur le sang veineux l'emporte sur l'influence défavorable exercée sur le cours du sang artériel; la circulation est donc en somme favorisée. Dans les veines voisines du thorax, il y a même une véritable aspiration, de façon qu'une fois incisées, au heu de laisser écouler du sang, on peut voir, grâce aux disposi- tions anatomiques qui les maintiennent béantes (Bérard), l'air pénétrer dans leur intérieur et amener une mort presque im- médiate. En même temps l'inspiration augmente la grandeur et la fré- quence du pouls, car il arrive plus de sang dans le ventricule droit et par suite dans le ventricule gauche ; mais ces effets ne ?e produisent que dans les inspirations profondes. Si l'inspiration est très-profonde et qu'en même temps on ferme hermétiquement le nez et la bouche, la pression baisse dans le thorax de 50 à 90 millimètres au-dessous de la pression atmosphérique ; il y a alors réplétion exagérée du cœur et ralentissement du pouls. (Donders.) Vexpiration a une action inverse; la pression augmente dans les veines et dans les artères ; la capacité de ces vaisseaux et surtout des grosses veines intra-thoraciques diminue ; la circula- tion artérielle est favorisée, la circulation veineuse, au contraire, est ralentie dans les veines caves et dans les grosses veines du cou qui se gonflent; le cœur reçoit alors moins de sang et ses battements deviennent alors moins fréquents et moins énergi- ques. On peut même, en faisant une forte expiration, la glotte fermée, produire l'arrêt du cœur (Weber), expérience qui n'est pas sans danger. En résumé, l'inspiration favorise la circulation veineuse, gêne la circulation artérielle ; l'expiration gêne la circulation veineuse, favorise la circulation artérielle ; mais il n'y a pas compensation entre ces influences opposées, et la résultante générale est une 700 PHYSIOLOGIE FO.\CTIO>>"ELLE. action favorable de la respiration sur la circulation : ceci est tellement vrai qu'un des meilleurs moyens d'activer la circulation consiste à faire des mouvements respiratoires énergiques, et que l'interruption de la respiration amène nécessairement en très-peu de temps un arrêt de la circulation (*). 7. CIRCULATIOX PUL3I0XAIEE. L'appareil de la petite circulation se trouve compris en entier dans le thorax et il en résulte des conséquences importantes au point de vue de la circulation générale. En effet, l'artère et les veines pulmonaires sont soumises à la même pression négative et aux mêmes alternatives de pression que le cœur, Taorte et les grosses veines ; mais tandis que les capillaires de la circulation générale, situés en dehors du thorax, sont soumis, par l'intermé- diaire des tissus, à une pression extérieure à peu près constante (pression atmosphérique), les capillaires des poumons, situés dans le thorax même, subissent une pression extérieure variable suivant les phases respiratoires. Les conditions de cette circula- tion pulmonaire sont d'autant plus importantes à étudier qu'elle représente une partie du circuit vasculaire et que tout le sang passe forcément par la voie pulmonaire, de sorte qu'un arrêt ou une gêne de cette circulation arrête immédiatement ou gêne la circulation générale. Les causes de la circulation pulmonaire sont, comme pour toute circulation, les différences de pression des deux extrémités du circuit, ventricule droit et artère pulmonaire, veines pulmo- naires et oreillette gauche. Mais la mensuration de la pression dans ces vaisseaux est très-difficile ; cependant on a trouvé que la pression dans l'artère pulmonaire était de 10 à 30 millimètres de mercure, par conséquent 4 à 5 fois moindre que la pression dans les grosses artères ; la pression dans l'oreillette gauche et les veines pulmonaires n'a pu être évaluée, mais doit se rappro- cher de celle des veines caves. Quelle est maintenant l'influence des deux états du poumon, (') D'après les recherches de Lossen et Voit, confirme'es par Ceradini, à l'aide d'un instrument, VhématJiorakographe, chaque systole s'accompa- gnerait d'une raréfaction de l'air contenu dans les poumons et d'un mouve- ment d'inspiration. MÉCAMOUE DE LA CIRCULATION. 701 inspiration et expiration, sur la circulation pulmonaire? La ques- tion a été peu étudiée expérimentalement ; cependant on peut affirmer, d'une façon générale, que pendant Tinspiration la cir- culation capillaire du poumon est favorisée, et qu'il y a très- probablement augmentation de capacité des capillaires du pou- mon : en effet le poumon, au lieu de pâlir, conserve sa coloration rosée au moment de l'inspiration, et comme il a augmenté de volume, il faut donc qu'il y ait eu en même temps augmentation de la quantité de sang ([u'il contenait; en outre, nuincke et Pfenffer ont vu que la ([uantité de sang qui coule à travers les poumons est plus grande quand on dilate les poumons, non par insufflation, mais par diminution de pression à leur surface exté- rieure (mécanisme de l'inspiration). Comme conclusion, on arrive donc à ce résultat très-important, que dans l'expiration il y a gêne de la circulation pulmonaire capillaire et que plus l'expira- tion se prolonge, plus cette gêne devient considérable, an point même d'amener dans certaines conditions un arrêt complet de cette circulation ; de là la nécessité de pratiquer la respiration artificielle chez un animal dont on veut entretenir la circulation, quand les muscles inspirateurs sont paralysés (section du bulbe) ou quand le thorax a été ouvert. Bibliographie. — Harvky : Exercitotiones anatomicœ de motii cordis, 1628. — Hales : Hémastatique, 1744. — Sekac : Traité de la structure du cœJir, 1777. — E. H. Weber et V. Weber : Wellenlehre, 1825. — Poiseuille : Recherches sur la force du cœur aortique, 1828. — Beau : Recherches sur les mouveiuents du cœur. (Archives générales de médecine, 1S35.) — Parciiappe : Du Cœur, 1>44. — Volk- MAXX : Die Hœmod>jnamik, 1850. — Verxeuil : Le Système veineux, 1853. — HiFFELSHKiM : Physiologie du cœur, 1855. — Vierordt : Die Lehre vom Arterien- puls, 1H5Ô. — CHArvEAU et Faivre : Nouvelles Recherches expérintentales sur les mouvements et les bruits normaux du cœur, (Gazette médicale de Paris, 1"<56.) — Marey : Physiologie médicale de la circulation, 1863. — A. Ct>rsiN : Essai sur le sphygmographe, 1.^64. — K. Onimus : Etudes critiques et expcrimentales sur l'occlu- sion des orifices auriculo-ventriculaires. (.Journal de l'Anatomie, If^tjô.) — L. Lor- TET : Recherches sur la vitesse du cours du sang, 18t)7. — E. OximL's et C. Yiry : Etude critique des tracés obtenus avec le cardiographe et le sphymographe. (Journal de l'Anatomie, ls6(5.) — Dogiel : Die Ausmessung der strOmenden Blutvoluiuina. (Ludwig's Arbciten, 18r.8.) — L. Lakdois : Die Lehre vont Arterienpuls, 1S72. — Garrod : On sphygmography. (Journal of Anatomy and Pliysiology, 1872.) — M. See : Sxir le mode de fonctionnement des valvules auriculo-ventriculaires du tœur. (Archives de Physiologie, 1874.) b. — Circulation lymphatique. La circulation lymphatique présente beaucoup d'analogie avec la circulation veineuse ; c'est en effet sous l'inlkience de la pres- sion sanguine que le plasma sanguin transsude à travers la paroi 702 PHYSIOLOGIE FONCTIONISELLE. des capillaires pour constituer la partie essentielle de la lymphe et c'est encore sous l'influence de cette pression que cette lymphe progresse jusqu'aux gros troncs lymphatiques pour se jeter enfin dans le système veineux. Les lymphatiques constituent donc un véritable appareil de drainage chargé de faire rentrer dans la circulation sanguine l'excès du plasma transsudé non employé pour la nutrition des tissus et pour la sécrétion. Le sang artériel, en arrivant dans les capillaires, prend donc, sous l'action de la pression qui le pousse, deux routes différentes et se partage en deux courants de retour, l'un, le courant veineux qui revient directement au cœur en suivant la voie toute tracée des canaux veineux, l'autre indirect qui traverse les parois des capillaires, se répand dans les tissus, est repris par les lymphatiques et revient enfin, par une v,oie détournée, se réunir au courant direct et au liquide dont il était sorti (voir fig. 12, page 82). Les expériences de Ludwig, Noll, Weiss, Ranvier, etc., sem- blent en effet indiquer que l'écoulement de lymphe est en rap- port avec l'augmentation de pression dans les vaisseaux et spé- cialement dans les artères, et quoique les recherches récentes de Paschutin et Emminghaus contredisent ces résultats, il me paraît difTicile de les mettre en doute jusqu'à vérification nouvelle. La pression sanguine est donc la cause essentielle et de la pénétra- tion de la lymphe dans les radicules lymphatiques et de la pro- gression de cette lymphe dans les canaux. Mais à cette cause principale viennent s'ajouter d'autres causes accessoires, qui sont en grande partie les mômes que pour la circulation veineuse, telles sont la présence des valvules vasculaires, les compressions extérieures, musculaires ou autres, et surtout la respiration; en effet l'inspiration s'accompagne d'une accélération de la cir- culation dans le canal thoracique, accélération qui se traduit par une diminution dans la colonne manométrique, et l'expiration a un effet inverse ; tous les mouvements musculaires qui peuvent exiger l'effort et entraver la circulation veineuse feront donc sentir leur contre-coup sur la circulation lymphatique. La contractiUté des vaisseaux lymphatiques paraît jouer un certain rôle dans la circulation de la lymphe. On sait que chez les amphibies se trouvent des cœurs lymphatiques (') ; mais chez (') Chez la grenouille, il en existe quatre, un à la racine de chaque membre. PRODUCTION DE CHALECR. 703 les animaux qui en sont dépourvus, la contractilité des parois de ces vaisseaux peut en tenir lieu jusqu'à un certain point. Colin a constaté des contractions rhythmiques sur les lymphati- ques du mésentère chez le bœuf, et Heller les a vues chez le cabiai ; ces contractions peuvent même être excitées par le gal- vanisme, comme plusieurs physiologistes s'en sont assurés sur l'homme après la décapitation. Il est probable, en outre, que dans les chylifères la pénétration du chyle dans le chylifère central de la viliosité et la circulation du chyle sont favorisées par la contraction des fibres muscu- laires lisses de ces villosités. La circulation dans les glandes lymphatiques paraît plus com- pliquée, et il doit y avoir très-probablement dans ces organes un ralentissement du courant lymphatique favorable à leur fonc- tionnement. L^ pression de la lymphe dans les vaisseaux a été étudiée expé- rimentalement par Xoll, Weiss et quelques autres physiologistes. Leurs recherches ont porté en général sur le tronc lymphatique droit de chiens et de poulains anesthésiés par l'injection d'opium dans les veines. Ils ont trouvé que la pression manométrique variait de 10 à 30 millimètres de hauteur d'une solution saline du poids spécifique de 1,080. Dans le canal thoracique. ^N'eiss obtient en moyenne une pression de 11™™. 59 de mercure. Quant à la vitesse du courant lympatique. Weiss, en se servant de rhémodromomètre, l'a trouvée de 4 millimètres en moyenne par seconde. Bihlio^raphie. — Lcd'^vig : Lehrhueh der Physiologie. — Beacms : Anatomie générale et Physiologie du système lymphatique, 1863. 2. — PRODUCTION DE CHALEUR. Procédés. — Thermométrie. — On peut employer deux sortes d'ins- truments pour prendre la température des corps vivants, les thermo- mètres et les appareils thermo-électriques. 1° Thermomètres. — Les différents thermomètres usités en physio- logie sont décrits dans le chapitre : Du Laboratoire de physiologie, et il n'y aérien de particuher à ajouter sur leur mode d'emploi. 2° Appareils thermo-électriques. — Les appareils thermo-électriques sont basés sur le développement des courants électriques par l'action de la chaleur. Us ont sur les thermomètres l'avantage de donner inmié- diatement la température, tandis que les thermomètres deman dent 704 PHYSIOLOGIE FO.\CTIO.\>ELLE. toujours un certain temps pour se meltre en équilibre avec la tempé- rature du milieu ambiant. Ces appareils comprennent deux parties, une pile tbermo-électrique et un galvanomètre. La pile thermo-électrique, pour les recherches physiologiques, est disposée sous une forme parti- culière qui permet son introduction facile dans la profondeur des tissus ; c'est ce qu'on appelle des aiguilles thermo-électriques . Ces aiguilles se composent de deux fils métalliques, l'un de fer, l'autre de cuivre, soudés, soit bout à bout [aiguille ù soudure médiane), soit par une de leurs extrémités [aiguille à soudure terminale] ; ou prend deux de ces aiguilles, l'une est placée dans un milieu à tempé- rature constante (masse d'eaui, l'autre enfoncée dans le lieu dont on veut rechercher la température; les deux extrémités fer sont réunies par un fil de même métal, les deux extrémités cuivre sont mises en communication avec Je galvanomètre ; la moindre dilTérence de tempé- rature des deux soudures se traduit par une déviation de l'aiguille du galvanomètre; si, par exemple, la soudure placée dans le milieu à tem- pérature constante est moins chaude que l'autre, le courant, dans le galvanomètre, va de la soudure à température constante à lautre. On peut varier-la disposition des aiguilles thermo-électriques suivant le but à atteindre. Ainsi on peut les entourer de gutta-percha, et leur donner la forme de sondes qui pénètrent facilement dans les cavités du corps, dans les vaisseaux, dans le cœur, etc. Au lieu du galvanomètre ordi- naire, on peut employer les galvanomètres à miroir de ^^ïedemann, Meyerstein, Meissner, etc., pour la description desquels je renvoie aux mémoires spéciaux. Avec les aiguilles thermo-électriques, on peut, en prenant les précautions convenables, arriver à mesurer des différences de température de V4000® de degré. Calorimétrie. — La calorimétrie a pour but l'estimation directe de la quantité de chaleur produite par un animal dans un temps donné. Lavoisier employait le calorimètre à glace, qui se trouve décrit dans tous les traités de physique. Dulong et Despretz se servirent du calo- rimètre à eau. L'animal est placé dans une boîte métallique dont l'air est alimenté parnn gazomètre, tandis qu'un tuyau entraîne l'air expiré. La boite est plongée dans un espace clos rempli d'eau; le calorimètre est entouré de corps mauvais conducteurs, de façon à rendre, autant que possible, sa température indépendante de celle du milieu extérieur. La température de l'animal et celle de l'eau du calorimètre sont prises au début et à la fin de l'expérience. Il peut alors se présenter deux cas : 1° Ou bien la température de l'animal est la même au début et à la fin de l'expérience; dans ce cas, qui est le plus rare, la quantité de chaleur produite par l'animal est égale à la quantité de chaleur (') que (') La quantité de chaleur se mesure par unités de chaleur ou calories. On appelle calorie la quantité de chaleur nécessaire pour élever la tempé- rature de 1 kilogramme d'eau de 0 à 1 degré. PRODUGTIO.X DE CHALEUR. 705 l'animal a cédée au calorimètre, et pour trouver cette quantité il suffît de multiplier le poids du calorimètre (eau et métal) par sa chaleur spé- cifique et par le nombre de degrés de température que le calorimètre a gagnés à la fin de l'expérience; 2° ou bien, la température de l'animal est différente au début et à la fin. Supposons que la température finale de l'animal soit moins élevée; dans ce cas, il faudra retrancher du nombrf d'unités de chaleur gagnées par le calorimètre le nombre d'unités per- dues par l'animal ; on trouve ce nombre en multipliant le poids de l'ani- mal par sa chaleur spécifique (qu'on peut évaluer à 0,83 1 et parle nombre de degrés perdus par l'animal pendant l'expérience. Si, au con- traire, la température finale de l'animal était plus élevée, il faudrait ajouter les deux quantités au lieu de les retrancher l'une de l'autre. Hirn a employé la méthode calorimétrique chez l'homme et a calculé ainsi le nombre d'unités de chaleur produites par l'homme pendant le repos et pendant le travaU musculaire. Procédés chimiques. — Calorimétrie indirecte. — On peut arriver indirectement, d'une autre façon, à trouver la quantité de chaleur pro- duite par un organisme, et deux méthodes différentes peuvent conduire au résultat. l" Dans la première (Boussingault, Liebig, Dumas, etc.), on prend un animal soumis à la ration d'entretien, et on calcule la quantité de car- bone et d'hydrogène contenue dans ses aliments; on en retranche la quantité éliminée par l'urine et par les excréments ; la différence donne la quantité de carbone et d'hy^drogène oxydés dans l'organisme, et comme on connaît la quantité de chaleur produite par la combustion d'un gramme de carbone (8^080 calories), et d'un gramme d'hydrogène (34'=,460 calories), il est facile de trouver la quantité de chaleur pro- duite par la combustion du carbone et de l'hydrogène consommés. Comme dans les hydrocarbonés, l'hydrogène et l'oxygène se trouvent déjà dans la proportion de l'eau , on suppose que l'eau s'y trouve toute formée et on ne fait pas entrer l'hydrogène de ces substances dans le calcul. Le tableau suivant donne le détail de ce calcul (voir page 500i : Ingcsta. Albuminoïdes Graisses '. . Hydrocarbonés Carbone. 64?'-,18 70 ,20 146 ,82 Hydrogène, 8?^60 10 ,26 » Total Excréments et urine. . . 281 ,20 29 .8 18 .86 6 ,3 Reste 251 .4 12 .56 Le carbone donnera donc par jour 251.4 X 8.040 = 203r,3I2, Beaunis, Phvs. 45 706 l'HYSIOLOGIE FONCTIO >'>'ELLE. l'hydrogène 12,56 X 34,460 = 432^818, ce qui donne un total de 2464 calories par jour. Mais ce calcul est loin d'être exact. En premier lieu, la chaleur de combustion d'une substance n'est pas égale à la chaleur de combustion de son carbone et de son hydrogène; elle est en général plus faible que la somme des chaleurs de combustion de ses éléments. En outre, la supposition que l'hydrogène et l'oxygène dans les hydrocarbonés y sont à l'état d'eau n'est pas justifiée; aussi les chifTres obtenus amsi sont- ils passibles d'erreur. . Aussi vaut-il mieux, au lieu de calculer la quantité des calories d'après la quantité de carbone et d'hydrogène contenue dans les ingesta, calculer directement le nombre de calories fournies par ces ingesta^on{ on connaît la chaleur de combustion, comme l'indique le tableau suivant : Calories fournies par la Calories fournies combustioii d'un gramme. en 24 heures. Albuminoïdes .... 4'-,998 599%7G0 Hydrocarbonés .... 3 ,277 ' 1081 ,410 Graisses 9,069 %\Q ,nQ Total. . . . 2497S380 Comme les albuminoïdes n'arrivent pas à une combustion complète dans l'organisme, il faut diminuer de 4 calories environ le chiffre des albuminoïdes, ce qui donne un total de 2,493 calories par jour. 2° Le second procédé consiste à calculer la quantité d'oxygène absorbée, et d'acide carbonique produit par la peau et les poumons (voir page 416); de l'acide carbonique exhalé on déduit la quantité de carbone"brùlé; l'excès d'oxygène non employé à la production de l'acide carbonique est supposé avoir servi à la formation d'eau et on en déduit la quantité d'hydrogène; on calcule alors la production de la chaleur aux dépens de ce carbone et de cet hydrogène. Le tableau suivant donne les calculs de l'opération. Carbone. Oxygène. Hydrogène. Acide carbonique éliminé en 24 heures par la peau et la res- piration 909,75 251,4 658,35 Oxygène absorbé 744,11 » » . " Excès d'oxygène employé à for- mer de Teau 85,76 » » » Hydroiène de Teau formée . . 10,70 » » 10,70 Pour le carbone, la quantité de chaleur sera de 251,4 X 8,040 calo- ries = 203^,312; pour l'hydrogène, elle sera de 10,70X34,460 PRODUCTION DE CHALEUR. 70* = 368,722 calories, ce qui donne un total de 2,400 calories par jour. Mais cette méthode n'est pas non plus à l'abri d'objections, et ne peut être employée avec avantage que chez les herbivores. On suppose en premier lieu que l'oxygène absorbé sert à former de Tacide carboni- que et de l'eau, et que tout le carbone oxydé se retrouve dans l'acide carbonique exhalé. En outre, pour une même quantité d'acide carbo- Bique produite et d'oxygène absorbée, les quantités de chaleur peuvent être très-différentes. 1. TEMPE lî AT U RE DU CD EPS HUMAIN. Les organismes vivants, au point de vue de la température, se divisent en deux classes : les animaux à sang chaud, ou mieux à température constante; les animaux à sang froid, ou mieux à tem,pérature variable. Les animaux à sang chaud (mammifères, oiseaux) ont une tem- pérature constante, uniforme, dont la moyenne oscille entre 3(3" et 40° pour les mammifères, 40° et 43° pour les oiseaux, et cette température constante se maintient, quelle que soit la tempé- rature du milieu ambiant, du moins dans de certaines limites. Les animaux à sang lïoid (poissons, amphibies, reptiles, etc.) ont une température propre, qui oscille dans des limites beau- coup plus étendues et qui suit à peu près les variations de tem- pérature du milieu ambiant. Quand la température extérieure est basse ou peu élevée, leur chaleur propre est un peu plus élevée que la température exté- rieure ; ainsi les grenouilles, dans un milieu à 0", marqueront 7° à 8°, et en marqueront i5°3 à 15°8 dans un miheu à 13°; mais si le milieu qui les entoure est trop chaud, leur température propre n'atteint plus celle du milieu, et elles finissent bientôt par tomber dans un état soporeux. dès que la chaleur dépasse certaines limi- tes. De même, au-dessous de 4" à 5° elles s'engourdissent peu à peu. La température moyenne de l'homme est, dans l'aisselle, de 37° (entre 36°G et 37°4), et les oscillations, à Uétat normal, ne dépas- sent jamais Vs degré. Mais si, au lieu de l'aisselle, on prend les différentes régions du corps, on arrive à des résultats tout au- tres. A ce point de vue , on peut distinguer la surface même du corps, les organes et le sang. A la surface du corps, la température est très-variable, sauf dans les parties protégées, #08 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. comme l'aisselle, et peut descendre assez bas, par exemple aux extrémités des membres. La température des organes est en gé- néral d'autant plus élevée qu'on s'éloigne de la surface du corps; le maximum se rencontre, d'après Cl. Bernard, dans le foie (40''6 à 40°9), puis dans le cerveau, les glandes, les muscles, les pou- mons. La température du sang a donné lieu à de nombreuses recherches et à de nombreuses discussions, surtout en ce qui concerne le sang du cœur gauche et le sang du cœur droit. Ce- pendant d'après les recherches récentes de Cl. Bernard, Kôrner, la température du cœur droit serait plus élevée de quelques dixièmes de degré. Kôrner attribue cette augmentation au voisi- nage du foie qui transmettrait sa chaleur au sang à travers les parois minces du ventricule droit, mais il est plus probable que le sang du cœur droit se refroidit un peu à son passage cà tra- vers le poumon. Le sang artériel diminue de température à me- sure qu'il s'éloigne du cœur; le sang de la carotide est plus chaud que celui de la crurale (Becquerel) ; le sang du bout cen- tral d'une artère est plus chaud que le sang du bout périphérique (Cl. Bernard). La température du sang veineux est très-variable; tandis que celle du sang des veines superficielles est plus basse que celle du sang des artères correspondantes, le sang veineux des glandes et des muscles (au moment de leur activité) est plus chaud que le sang artériel de ces organes. A partir de l'embou- chure des veines rénales, le sang veineux est plus chaud que celui de l'aorte, au même niveau, et la température augmente dans la veine cave inférieure à mesure qu'on se rapproche du cœur; c'est que celte veine reçoit le sang de la veine hépatique, qui est le plus chaud du corps et dépasse deT le sang de l'aorte. Aussi le sang de la veine cave inférieure a-t-il une température plus élevée que celui de la veine cave supérieure, et l'oreiltette droite reçoit ainsi deux courants sanguins de température diffé- rente qui vont se réunir dans le ventricule droit. 2. PRODUCTION DE CHALEUR DANS l'ORGANISME. 1° Sources de la production de chaleur. • La production de chaleur dans l'organisme est due à des ac- tions chimiques et à des actions mécaniques. PRODUCTION DE CHALEUR. 70^ r Actions chimiques. — L'oxydation ou la combustion est la source principale de la production de chaleur. Ouand deux ato- mes se combinent il se dégage une certaine quantité de cha- leur, autrement dit, il se produit un mouvement oscillatoire des atomes pondérables et des atomes d'éther, et cette quantité de chaleur est toujours la même, toutes les fois que la combinaison se produit. Ainsi la combinaison de 1 gramme d'hydrogène, et de 8 grammes d'oxygène, pour former de l'eau, dégage toujours la même quantité de chaleur, et pour un corps donné il y a toujours une chaleur de combustion fixe, c'est-à-dire que la combustion de l'unité de poids (gramme ou kilogramme) de ce corps dégage toujours le môme nombre de calories. En outre, quand la com- bustion d'un corps est possible de diverses façons, la quantité de chaleur produite reste la môme, quelle que soit la voie des com- bustions ; elle ne dépend que de la constitution primitive du corps et de ses produits terminaux. Ainsi, si on brûle un gramme de carbone en formant de l'acide carbonique, on a le même nombre de calories que celui qu'on obtiendrait par sa combus- tion en oxyde de carbone et par la combustion de cet oxyde de carbone en acide carbonique. Le tableau suivant donne, d'après Favre, Silbermann et Frank- land, le nom.bre d'unités de chaleur dégagées par la combustion d'un gramme des corps suivants : Substances. Calories. Substances à l'état sec. Calories. Hydrogène 34*=,462 Urée 2*=,206 Carbone 8 ,080 Acide urique 2 ,615 Alcool méthylique. ... 5 ,307 Acide hippurique. ... 5 ,383 Alcool amylique .... 8 ,958 Hydrocarbonés 3 ,277 Acidf acétique ..... 3 ,505 Albumine 4 ,998 Acide butyrique, .... 5,647 Graisse 9,069 On voit que, pour le même poids, les corps gras dégagent plus de chaleur que les hydrocarbonés ; mais il n'en est plus de môme si on a égard à la quantité d'oxygène employé pour la combus- tion ; en effet, pour une même quantité d'oxygène consommé, les hydrocarbonés (et les acides organiques) dégagent plus de chaleur que les graisses. Quant aux albuminoïdes, ils en dégagent beaucoup moins, car leur oxydation dans l'organisme étant tou- jours incomplète, il faut retrancher du chiffre de calories qu'ils 710 PHYSIOLOGIE FO.XCTIONXELLE. fournissent (4,098) le chiffre de l'urée (2,206) ou de l'acide urique (2,615). L'oxydation n'est pas la seule source de chaleur; il peut s'en produire aussi et il s'en produit certainement dans l'organisme toutes les fois cp'une substance absorbe de l'eau, comme dans la décomposition et l'hydratation des graisses, le dédoublement des albuminoïdes et des hydrocarbonés. (Berthelot.) 2" Actions mécaniques. — Le frottement du sang dans les vaisseaux produit aussi de la chaleur; mais comme, en réalité, ces frottements sont produits en dernière analyse par une action musculaire, celle du cœur, on peut la ramener en somme à des actions chimiques. Il en est de même des frottements des sur- faces articulaires, des tendons, etc., dans les mouvements du squelette. 2° Lieux de la in^oduction de chaleur. Il est bien constaté aujourd'hui que les muscles sont le siège principal de la production de chaleur dans l'organisme. On a vu déjà que le muscle, en se contractant, dégage de la chaleur (page 277), et cette augmentation de température, quia été cons- tatée expérimentalement, se retrouve si on considère l'organisme pris dans sa totaUté. Semblable en cela à une machine cà vapeur, il ne peut produire de travail mécanique qu'en augmentant sa production de chaleur. La quantité de chaleur produite ainsi par le mouvement musculaire est si considérable que l'on a pu se demander si cette action musculaire n'était pas la seule source de chaleur et si, même pendant le repos, la quantité de chaleur produite n'était pas due à la contraction du cœur et des muicles inspu'ateurs. Cependant, il est difficile de faire des muscles les producteurs exclusifs de la chaleur animale. Les centres nerveux paraissent aussi dégager de la chaleur {voir page 292) ; le cerveau serait, après le foie, l'organe le plus chaud du corps, et le sang des sinus a uue température plus élevée que celui de la carotide. Il en est de même des glandes, d'après les recherches de Ludwig. La question de la production de chaleur dans le sang est liée à celle du lieu des oxydations internes, question qui a été déjà PRODUCTION DE CIIALELU. 711 discutée (page 330) ; en tout cas, cette production de chaleur dans le sang à l'état normal reste toujours dans des limites très- restreintes. Les poumons sont-ils le siège d'une production de chaleur? Autrefois, Lavoisier et ses successeurs croyaient que les oxyda- tions se faisaient dans le poumon même, en même temps que l'échange gazeux respiratoire, et le poumon était considéré comme le foyer principal de la chaleur animale. Mais aujour- d'hui cette théorie ne peut se soutenir. 11 est Iden vrai qu'il se fait dans les poumons, au moment de l'acte respiratoire, une comhinaison de l'oxygène avec l'hémoglobine et, par suite, un dégagement de chaleur, mais ce dégagement est compensé par l'absorption de chaleur due au passage de l'acide carbonique de l'état de dissolution à l'état gazeux. En résumé, partout où se font des oxydations, il se produit de la chaleur, et à ce point de vue tous les tissus, à l'exception du tissu corné, doivent être le siège d'une production de chaleur ; seulement c'est dans les muscles, les centres nerveux et dans les glandes qu'elle atteint son maximum, et ces organes peuvent être considérés comme les véritables foyers de la chaleur animale. 3'^ Quantité de chaleur dégagée par V organisme. On a vu, dans la description des procédés, que l'évaluation de la quantité de chaleur produite par un organisme dans un temps donné présente des difficultés très-grandes, et que ni la calori- metrie, ni les méthodes indirectes ne donnent de résultats abso- lument certains. Cependant on peut, en contrôlant les résultats obtenus l'un par l'autre, arriver à une approximation suffisante. La quantité de chaleur produite en 24 heures par le corps hu- main peut être évaluée à peu près à 2,700 calories en moyenne, ce qui donne 1,87 calorie par minute et 112 calories par heure. Cette quantité de chaleur correspond au repos du corps, c'est- à-dire à cet état pendant lequel les seuls muscles qui se con- tractent sont le cœur, les muscles inspirateurs et quelques autres muscles dont la contraction a beaucoup moins d'importance à ce point de vue. Mais pendant l'exercice musculaire, la produc- 712 niYSIOLOGIE FONCTION^^ELLE. tioii de chaleur augmente d'une façon notable. C'est ce que montre le tableau suivant, emprunté à Hirn, dans lequel sont mises en regard la production de chaleur et la consommation d'oxy- gène dans le repos et dans le mouvement. Tous les chiffres sont calculés pour une heure : REPOS. MOUVEMENT. Sexe. Age. Toîd,.^^y^^^C^ZÏ^. ^^^^^J".^ Calories. ..J^I^L^tro ° absorbe. absorbe. kilogrammetrcs. M 42 ans. 63*^" 27?^,7 1 i9 120"^l 275 22,980 M 42 85 32 ,8 180 142 ,9 312 34,040 M 47 73 27 ,0 140 128 ,2 229 32,550 M 18 52 39 ,1 165 100 ,0 274 22,140 F 18 62 27 ,0 138 108 .0 266 21,630 ïoveDoes 33,4 67 30 ,72 154,4 119 ,84 271,2 26,668 Pendant le sommeil la production de chaleiu^ s'abaisse et. d'a- près Helmlioilz, il n'y aurait plus que 30 calories de formées par heure pour un homme de 60 kilogr., ce qui donnerait environ 40 calories pour un homme de 67 kilogr. Il est facile maintenant, avec ces données, de construire le tableau des calories formées en 24 heures pendant le repos et pendant le mouvement. JOURNÉE DE REPOS. JOURNEE DE MOUVEMENT. Repos Sommeil Repos Mouvement Sommeil (16 heures). (8 heures). (8 heures). (8 heures). (8 heures). Nombre de ca- lories for- mées. . . 2470,4 320 1235,2 2169,6 320 Il 54.4X1^1 f40 X 8i (154,4 X 8) (271,2 X 8) (40X8. Total. . . .^ ~ 2790,4 ^ 3724,8 4° Eapport entre la production de chaleur et la production de travail mécanique. Les faits mentionnés dans les paragraphes précédents condui- sent à ce résultat que la plus grande partie au moins de la cha- leur animale est produite dans les muscles. Il doit donc y avoir, et il y a en effet, une relation intime entre la chaleur produite et le travail musculaire. La corrélation des forces [voir page 3) est applicable aux organismes vivants comme aux corps bruts , et PRODUCTION DE CHALEUR. 713 tous les deux sont soumis aux lois de l'équivalence de la clialeui- et du mouvement. Le travail mécanique des muscles, évaluable en kilogrammètres, peut être aussi évalué en calories, puisqu'il suffira, pour transformer les calories en kilogrammètres, de les multiplier par 425, pour transformer les kilogrammètres en ca- lories, de les diviser par 425. Il est très-probable, sans que le fait puisse encore être démon- tré d'une façon certaine, que la production de chaleur dans le muscle est la condilion de sa contraction, et les expériences de J. Béclard, Heidenliain, etc., ont prouvé qu'il se fait dans le muscle une transformation de chaleur en mouvement (page 277). Le muscle est donc analogue à une machine à vapeur qui brûle du charbon et produit de la force vive sons forme de travail extérieur et de chaleur; il brûle aussi du combustible (graisse? et hydrocarbonés) pour produire de la force vive (chaleur et mouvement) ; et, de même que dans une machine l'usure des pièces et la production d'oxyde de fer sont insignifiantes, eu égard à l'oxydation du charbon, l'usure de la substance albumi- noïde dans le muscle n'est qu'accessoire et n'entre que pour une très-faible part dans la production des forces vives. Quel est maintenant, en nous plaçant à ce point de vue, le rende- ment de la machine humaine en travail mécanique comparativement à la quantité de chaleur produite? Le calcul en est facile en nous ser- vant des chiffres des deux tableaux précédents. Soit, d'abord, les huit heures de sommeil. Le seul travail mécanique accompli est le travail du cœur et des muscles inspirateurs. Le travail du cœur peut être évalué à 70,000 kilogrammètres en 24 heures, celui des muscles inspirateurs à 13,608 kilogrammètres, ce qui donne par jour un total de 83,608 kilogrammètres, soit 85,000 en nombres ronds, et pour 8 heures 28,333 kilogrammètres, équivalant à 66 calories. Si on compare ce chiffre 'de 66 calories au nombre de 320 calories formées pendant le sommeil (tableau de la page 712), on voit que le cinquième à peu près de la chaleur produite a été transformé en travail mécanique. Aussi peut-on se demander si, pendant le repos, la quantité de chaleur produite ne provient pas presque exclusivement des muscles qui sont toujours actifs, comme le cœur et les muscles inspirateurs. Dans une journée de mouvement, le rapport est à peu près le même. Aux 85,000 kilogrammètres du cœur et des muscles inspirateurs, il faut ajouter les 213,344 (26,668X8) kilogrammètres produits pendant les 8 heures de travail ; on a donc, pour les 24 heures, 298,344 kilo- grammètres, qui équivalent à 701 calories, et en comparant ce chiffre 714 ' PHYSIOLOGIE FO>'CTIOX>'ELLE. au chiffre total de calories produites, 3724'=,8 -h 70 1*^ = 4425'=,8, on voit que le sixième environ de la chaleur produite s'est transformée en mouvement ('). Mais il est plus rationnel de comparer la quantité de chaleur formée pendant les 8 heures de travail seulement au travail mécanique produit, et, dans ce cas, le rapport est encore plus favorable que tout à l'heure. En effet, pendant ces 8 heures, le travail produit comprend les 2 13,344 kilogrammélres de travail mécanique, plus le tiers du travail du cœur et des muscles inspirateurs, soit 28,333 kilogrammètres. 11 y a donc eu pendant ces 8 heures une production de 241,677 kilogrammètres, cor- respondant à 592 calories. D'autre part, le nombre de calories formées pendant ces 8 heures a été de 2 169'^, 6 -f- 592 = 2761^6. Si on compare ce chiffre de 2761*^,6 à 592, on voit que le quart environ de la chaleur produite s'est transformé en travail mécanique et on reconnaît immé- diatement quel avantage présente, au point de vue du rendement, la machine animale sur les meilleures machines industrielles. Une autre conclusion ressort du tableau de Hirn ; si on compare la période de mouvement à celle du repos, on voit que la production de forces vives (chaleur et travail mécanique) ne fait guère que doubler, tandis que la consommation d'oxygène est presque quadruplée (rapport de 30,72 à 119,84). La quantité de chaleur ainsi produite dans la contraction musculaire suffirait pour élever la température du corps humain de 1°, 2 pendant le repos, de 5° à 6° pendant le mouvement, si des causes, qui seront étu- diées plus loin, n'intervenaient pour arrêter cette élévation de tempé- rature. Cependant, Davy a observé une augmentation de température de 0°,3 à 0o,7 pendant l'exercice musculaire. La privation d'exercice produit l'effet inverse ; si on lie un animal de façon à empêcher ses mouvements, sa température s'abaisse. O. EEPARTITION DE LA CHALEUR DANS L ORGANISME. Oq a vu dans les paragraphes précédents que la production de chaleur dans l'organisme est loin d'être uniforme, quelques ré- gions, comme les muscles, produisant beaucoup de chaleur, quelques autres beaucoup moins, quelques-unes enfin, comme <') Le chiffre 3724^,8 repre'sente le nombre de calories produites pendant la journée de travail; mais il faut y ajouter, pour avoir la quantité totale de chaleur produite, les 701 calories qui se sont transformées en travail méca- nique pendant les huit heures de travail. PRODUCTIO.X DE CHALEUR. 715 le tissu corné, pas du tout. L'organisme peut donc être comparé à une masse hétérogène dans laquelle se trouvent disséminés çà et là un grand nombre de foyers de chaleur d'étendue et d'intensité variables. Les tissus qui composent cette masse sont, en général, mauvais conducteurs du calorique, et l'équilibre s'établirait diilicilement s'il n'y avait des dispositions particu- lières qui faciUtent la répartition de la chaleur. C'est le sang qui joue le rôle de distributeur et de répartiteur du calorique dans l'organisme; il s'échauffe dans les organes qui produisent beaucoup de chaleur, comme les muscles, les glandes, le cer- veau, et va transporter cette chaleur dans les autres organes qu'il échauffe en se refroidissant. Le système vasculaire repré- sente ainsi un véritable appareil à circulation d'eau chaude dont les muscles et quelques autres organes seraient les calorifères. Cette influence du sang se voit surtout bien dans certaines par- ties, comme les oreilles, par exemple, qui par elles-mêmes ne produisent à peu près aucune chaleur et dont la température dépend, toutes choses égales d'ailleurs, de la quantité de sang qu'elles reçoivent. La température du sang artériel joue donc le rôle principal dans cette répartition du calorique, et cette température est assez uniforme, tandis que celle du sang veineux varie suivant l'or- gane que le sang a traversé. On a vu plus haut que deux condi- tions essentielles influent sur la température du sang artériel : %n premier lieu la température même du sang veineux; en se- cond lieu la ventilation pulmonaire. Toutes les fois qu'un ou plusieurs des foyers de chaleur de l'organisme fonctionneront plus activement, la température du sang veineux et consécutive- ment celle du sang artériel augmenteront proportionnellement; d'un autre côté, la ventilation pulmonaire refroidit le sang à son passage à travers le poumon, et comme cette ventilation s'accroît quand s'accroît l'activité musculaire, raugmentation de tempéra- ture du sang se trouve en partie compensée par l'augmentation du refroidissement pulmonaire. De ce que le sang perd de la chaleur dans un organe, il ne faudrait pas en conclure que cet organe est par cela même inca- pable de produire de la chaleur ; cela prouve simplement que sa production de chaleur est relativement faible. La température d'un organe dépendra donc de trois conditions principales : 1" de la quantité de chaleur produite dans l'organe 716 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. même ; 2" de la quantité de chaleur cédée ou prise à l'organe par le sang qui le traverse ; 3° de la température des organes voisins et de leur conductibilité. Enfin, pour les organes superfi- ciels, il faut ajouter une quatrième condition, cefie de l'état phy- sique du milieu ambiant. 4 , DÉPERDITION DE CHALEUK PAR l'oRGANISME. L'organisme produisant continuellement de nouvelles quantités de chaleur, sa température propre s'élèverait indéfiniment si une partie de cette chaleur ne disparaissait au fur et à mesure. Cette perte de chalem^ se fait de plusieurs façons. La plus grande partie de la chaleur produite se perd par le rayonnement par la surface cutanée ; une autre partie est employée à échauffer l'air inspiré et les aliments et les boissons que nous ingérons; enfin, une der- nière partie disparaît dans la vaporisation de l'eau exhalée par les surfaces pulmonaire et cutanée. Toutes ces quantités peuvent être calculées approximativement. 1° Échmiffement de l'air inspiré. — Nous inspirons par jour environ 13 kilogr. d'air à 12° en moyenne, et nous le renvoyons à la température de 37°; nous avons donc échauffé en 24 heures 13 kilogr. d'air de 25°; la capacité caloriûque de l'air étant 0,26, la quantité de calories per- dues par l'organisme sera de 13 X 25 X 0,26 = 84 calories. 2° Échavjfernent des aliments et des boissons. — Leur température est en moyenne de 12°; celle des excréments et des urines est de 37°; c'est donc une quantité de 1,900 grammes environ de matières de ca- pacité caloriûque = 1 qui ont été échauffées de 25°; elles représentent une perte de 1^.900 x 25 = 47 calories. Z"" Évaporation cutanée. — Cette évaporation est, en moyenne, de 660 grammes. 1 gramme d'eau, pour passer à l'état de vapeur, absorbe 0,582 calorie; pour vaporiser 660 grammes d'eau, l'organisme perdra donc 364 unités de chaleur. 4° Évaporation puhnonaire. — En l'évaluant à 330 grammes d'eau, son évaporation représente une perte de 182 calories. 5° Bayonnement par la peau. — La quantité de calories ainsi per- dues est impossible à évaluer directement ; le seul moyen d'arriver in- directement à la connaître est de retrancher la somme des quantités précédentes (677i de la quantité totale de calories perdues par l'orga- nisme = 2,500. On a ainsi 2,500 — 677 = 1,823 calories. PRODUCTION DE CHALEUR. 717 Le tableau suivant résume les différentes causes de la déperdition de chaleur et leur valeur absolue ; les chiffres expriment des calories : 546 Peau.. . 2,187 S 5^î'^""7^"^ ^tl^ ' / Evaporation 364 r, noe> i É\ apopation 182 , Poumons. 266 i v, . ^ , a v ■ ■ ■ ■ o, \ Lchauffement de lair mspire. 84 Échauffement des ingesta 47 Au lieu de donner la valeur absolue delà perte de chaleur en calories, on peut donner simplement la valeur relative pour 100. C'est ce que représente le tableau suivant qui montre comment se répartit une perte de 100 calories suivant les divers modes de déperdition de chaleur: Peau. . . 87,5 ! fy^""^,"^^'^^ ;^^ ' ( Evaporation 14,o | T, 4r^ tS Evaporation 7,2 i " ' Poumons. . 10,7 ^ •/ ^ x , ,• • • • . c.\ ' ' I Echauffement de 1 air inspire. 3.o Echauffement des ingesta 1,8 100.0 On voit par ces chiffres que près de 90 p. 100 de la chaleur produite sont éliminés par la peau ; les petits organismes per- dent donc beaucoup plus de chaleur que les grands, leur sur- face cutanée étant plus étendue par rapport à la masse du corps, et doivent compenser cette déperdition par une production de chaleur plus intense. Aussi les petits animaux sont-ils en général plus vifs et plus actifs qu6 les grands. Les conditions qui influencent la déperdition de chaleur doi- vent être cherchées, d'une part dans l'organisme, de l'autre dans le milieu extérieur, et pour Uhomme principalement dans l'at- mosphère. Du côté de l'organisme, c'est la peau qui joue le rôle le plus important ; son épiderme (mauvais conducteur) s'oppose plus ou moins, suivant son épaisseur, aux déperditions de calorique par conductibilité; ses caractères de sécheresse ou d'humidité ont une influence encore plus grande : en effet, plus l'évaporation est active à sa surface, plus la perte de chaleur est considérable. Enfin, il en est de môme de l'état de ses vaisseaux ; quand ils sont dilatés et remplis de sang, la peau abandonne au milieu 718 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO>^'ELLE. extérieur beaucoup plus de chaleur que quand ils sont rétrécis et parcourus par une faible quantité do sang. L'air est mauvais conducteur de la chaleur, mais sa tempéra- ture et son humidité influencent directement la déperdition de calorique en favorisant ou en contrariant le rayonnement et l'évaporation. Le mouvement et l'agitation de l'air ont surtout, à ce point de vue, une très-grande importance. Quand les couches d'air qui entourent immédiatement l'organisme se renouvellent continuellement, la peau perd à chaque instant du calorique par le rayonnement et par l'évaporation (en admettant, ce qui a lieu d'habitude, que la température de l'air soit inférieure à celle de l'organisme), tandis que si on maintient une couche d'air autour du corps, comme on le fait par les vêtements, le refroidissement est beaucoup plus lent : les vêtements agissent alors comme les doubles fenêtres d'un appartement. 5. ÉQUILIBEE ENTEE LA PEODrCTION ET LA DEPEEDITIOX DE LA CHALEUE. Le maintien d'une température constante est une des condi- tions de l'activité vitale chez les animaux à sang chaud; c'est elle qui leur permet de conserver toute leur énergie fonctionnelle, quelle que soit la température du milieu ambiant, ou du moins tant que celte température ne dépasse pas, en plus ou en moins, certaines limites, et cette constance parait surtout favorable aux manifestations de l'activité nerveuse. Pour que cet équilibre de température s'établisse, il faut de toute nécessité que l'organisme perde, en une minute par exem- ple, autant de chaleur qu'il en produit. Ainsi, si le corps humain produit 1,87 calorie par minute, il doit en perdre 1,87 pour que sa température moyenne reste constante : s'il en produit 2, l'é- quilibre s'établira encore si la perte est aussi de 2 calories par minute; seulement, dans ce cas, la température moyenne aug- mentera. Deux conditions agissent donc sur cet équilibre de tempéra- ture, les variations dans la production de chaleur, les variations dans la déperdition. Les variations dans la production de chaleur tiennent au plus ou moins d'activité des différents fovers de chaleur de l'orga- PRODUCTION DE CHALEUR. 719 nisme et en particulier des muscles, c'est-à-dire à l'intensité des phénomènes chimiques qui se passent dans les organes; les varia- tions dans la déperdition dépendent soit de l'organisme, soit du milieu extérieur, et le système nerveux est le lien qui les rattache les unes aux autres et établit entre elles la relation nécessaire : c'est lui qui est, comme on le verra plus loin, le véritable régu- lateur de la chaleur animale, comme le sang en est le distri- buteur. Quelles sont maintenant les causes qui peuvent augmenter ou diminuer la température moyenne du corps? r La température moyenne augmentera dans les cas suivants : a) Par augmentation de la production de chaleur, la déperdi- tion ne changeant pas ; b) Par diminution de la déperdition, la production de chaleur ne variant pas ; c) Par augmentation de la production et diminution de la dé- perdition; cl) Par augmentation de la production de chaleur et augmenta- tion insuffisante de la déperdition ; e) Par diminution de la déperdition et diminution de la pro- duction de chaleur, si la première l'emporte sur la seconde. 2" La température moyenne diminuera dans les cas contraires. On voit donc qu'une augmentation de production de chaleur peut coïncider : a) Avec une augmentation de la température moyenne, si la déperdition de chaleur ne varie pas ; b) Avec le maintien de la température moyenne, si la déperdi- tion augmente ; c) Avec un abaissement de la température moyenne, si la dé- perdition est très-considérable. De même une augmentation de la déperdition de chaleur peut coïncider : a) Avec une diminution de la température moyenne, si la pro- duction de chaleur n'augmente pas ; b) Avec le maintien de la température moyenne, si la produc- tion de chaleur augmente ; c) Avec une augmentation de la température moyenne, si la production de chaleur est plus considérable. Quelques exemples feront comprendre comment se fait 1 equi- hbration de la ten:ipérature. Si la température augmente, l'acti- 720 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO>'>'ELLE. vite du cœur s'accroît et fait passer plus de sang par les capil- laires et surtout par les capillaires de la peau, dont les artérioles se dilatent : il en résulte une déperdition plus grande de la cha- leur par la peau ; en outre, la sueur est sécrétée en abondance et son évaporation amène aussi une perte de calorique ; en même temps, les respirations ont plus d'ampleur et le sang qui traverse les capillaire"^ des vésicules se refroidit dans les poumons; enfin la sensation de chaleur que nous éprouvons nous porte à aug- menter encore la déperdition de chaleur par des vêtements lé- gers, bons conducteurs, par des bains, etc. Quand la température baisse, les phénomènes inverses se produisent; les artérioles cutanées se rétrécissent et ne laissent passer par la peau, surface réfrigérante par excellence de l'organisme, que le minimum de sang indispensable à son fonctionnement ; le sang reste dans les parties plus profondément situées et peu accessibles au refroi- dissement; nous diminuons encore la déperdition de la chaleur par des vêtements mauvais conducteurs, par réchauffement arti- ficiel de l'air qui nous entoure ; enfin, nous augmentons la pro- duction de chaleur par l'exercice musculaire et par une alimen- tatiou abondante riche en hydrocarbonés et en corps gras. D'après Liebermeister et Hoppe, une soustraction subite de chaleur (comme par une douche froide par exemple) amènerait une augmenta- tion de température. Si on mouille le pelage d'un chien, on remarque une augmentation de température pendant tout le temps de Tévapora- tion; si on empêche Tévaporation par une enveloppe de caoutchouc, il n'y a pas d'augmentation de température. Application d'un enduit imperméable sur la peau. — Quand on recouvre la peau d'un animal d'un enduit imperméable igélatine, ver- nis, etc.), cet animal na tarde pas à succomber; chez les lapins il suf- fit, pour que la mort arrive, que l'enduit couvre un sixième seulement de la surface cutanée. Les animaux présentent, au bout de quelques heures, de la dyspnée ; la respiiyition et le pouls diminuent de fré- quence ; il survient de la paralysie et des convulsions, et la tempéra- ture (dans le rectum) s'abaisse à 19° ou 20°; les urines sont albumi- neuses. A l'aulopsie, on trouve une congestion de différents organes et une dilatation notable des vaisseaux de la peau et du tissu cellulaire sous-cutané. La cause de la mort li'est pas encore bien expliquée. On l'a attribuée à la rétention de principes volatils nuisibles {perspirabile retenttim) qui n'auraient pu être éliminés; combinaison volatile azotée, ammo- niaque, urée décomposée, etc. Ou a trouvé sous la peau des parties PRODUCTIO.X DE CHALEUR. 721 vernies de l'œdème, et dans la sérosité de cet œdème des cristaux de phosphate ammoniaco-magiiésien. Cependant l'injection du sang d'animaux ainsi traités dans les veines d'un autre animal n'a pas d'effet nuisible. La mort n'est pas due non plus aux troubles respira- toires, car les symptômes sont différents de ceux de l'asphyxie et les échanges gazeux ne sont pas altérés; la respiration cutanée continue aussi et ne peut être mise en cause. Peut-être la paralysie vasculaire des organes internes moelle, reins i pourrait-elle être invoquée, mais il est plus probable que la cause principale des accidents est la déperdition de chaleur trop considérable produite par la dilatation des vaisseaux cutanés. En effet, le réchauirement artificiel de l'animal fait disparaître les accidents. 6. IXFLUEXCE DE l'iNXEEVATIOX. Le système nerveux et spécialement le système nerveux vaso- moteur est le véritable régulateur de la chaleur animale. Seule- ment son mode d'action présente encore beaucoup d'obscurités. L'influence des nerfs vaso-moteurs sur la chaleur animale est démontrée par un grand nombre d'expériences dont la plus célèbre et la première en date est la section du grand sympathi- que au cou (Cl. Bernard). Après cette opération, on observe, en même temps qu'une dilatation vasculaire, une augmentation de température du côté de la section. La section du filet sympathi- que de la glande sous-maxillaire, celle des nerfs des membres (qui contiennent des filets vaso-moteurs], produisent le même résultat. L'excitation des nerfs vaso-moteurs, au contraire, est suivie d'un refroidissement de la partie innervée par ces filets. La section de la moelle est suivie d'un abaissement de tempé- ratiu-e qui augmente graduellement jusqu'à la mort, abaissement d'autant plus rapide que la moelle a été coupée plus haut (Cl. Bernard, Scliiff, Brodie). Il est probable que cet abaissement est dû à la section des filets vaso-moteurs contenus dans la moelle, à la dilatation consécutive des vaisseaux cutanés et à la déperdi- tion de calorique qui en résulte, car si on empêche cette déper- dition en plaçant l'animal dans une enceinte cliaulTée, il y a au contraire augmentation de température. (Billroth, Weber.i L'excitation des nerfs sensitifs amène en général un abaisse- ment de température (Mantegazza, Heidenhain). Tantôt cet abais- sement ne se fait sentir que localement (nerf auriculaire, nerf Bealms, Phvs. 46 722 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. sciatique), et s'explique par un rétrécissement réflexe des vais- seaux ; tantôt l'abaissement porte sur la température générale de l'organisme (comme dans la douleur) et est plus difficile à interpréter. On voit, par ces données expérimentales, que le système ner- veux agit surtout par l'intermédiaire des nerfs vaso-moteurs sur la répartition et sur la déperdition de chaleur. Agit-il directement sur la production de chaleur? CI. Bernard croit à un effet calori- fique distinct de la circulation ; pour lui le grand sympathique est à la fois un nerf vaso-moteur, constricteur des vaisseaux et un nerf frigorifique, et ces deux actions seraient indépendantes l'une de l'autre -, si on sectionne le sympathique au cou, après avoir lié les veines de l'oreille pour interrompre la circulation, l'augmentation de température ne s'en montre pas moins. Les nerfs vaso-moteurs, comme la corde du tympan, auraient une action opposée à celle des nerfs constricteurs et seraient des nerfs calorifiques ; en un mot, suivant l'expression de Cl. Bernard, l'organisme vivant pourrait faire sur place du chaud ou du froid à l'aide de son système nerveux. Les idées de Cl. Bernard ne sont pas adoptées par la plupart des physiologistes. Y a-t-il maintenant dans la moelle ou dans l'encéphale, en dehors des centres vaso-moteurs proprement dits, des centres spéciaux régulateurs, chargés de maintenir l'équilibre entre la production et la déperdition de chaleur? La question est actuel- lement à peu près insoluble. Quelques auteurs (Naunyn, Quincke) ont bien admis dcins le cerveau des centres d'arrêt d'où parti- raient des fibres modératrices ralentissant ou enrayant les pro- cessus thermiques, mais les expériences sont encore trop incom- plètes pour qu'on puisse en tirer des conclusions précises. 7. DES VARIATIONS DANS LA TEMPERATURE DU CORPS. 1° Variations suivant les divers états de l'organisme. — a) Age. — Les différences de température dues à l'âge n'attei- gnent pas 1°. Après la naissance, la température du nouveau-né est de 37", 75 dans le rectum; elle baisse dans les premières heures et tombe à 37° ; puis, dans les dix jours suivants, elle re- monte à 37°, 2 — 37", G et reste à ce niveau jusqu'à la puberté ; à partir de ce moment, elle s'abaisse de nouveau jusqu'à cinquante PRODUCTION DE CHALEUR. 723 ans, où elle atteint son minimum, 36°, 9, pour remonter de nou- veau dans la vieillesse. — b) Sexe. — L'influence du sexe est à peine sensible ; cependant la température paraît un peu plus élevée chez la femme. 2° Variations fonctionnelles. — a) Alimentation. — La température s'élève après les repas ; mais cette influence est peu marquée, quand l'organisme se trouve en état de santé, et l'aug- mentation ne dépasse guère O^/J. Pendant le jeûne, on observe deux maxima, lune le matin, l'autre dans l'après-midi. L'abais- sement de température dans l'inanition a déjà été indiqué page 504. — b) Exercice musculaire, — D'après J. Davy, la tempéra- ture moyenne du corps monte un peu, de T environ (sous la langue), pendant l'exercice musculaire, surtout dans les climat.s chauds. Il en serait de môme dans le travail de tête, seulement l'augmentation serait moins prononcée. Le sommeil n'a aucune influence sur la température du corps. — V) La menstruation et la grossesse (sauf dans les deux derniers mois) n'augmentent pas la température. 3° Variatio>'S par cal'Ses extérieures. — a) Variations journalières. — Le maximum de température s'observe de 11 heures à 1 heure de l'après-midi, le minimum, dans la nuit, vers une heure et demie du matin. — b) Température. — La tempé- rature des milieux extérieurs (air, eau, bains, applications froi- des ou chaudes), celle des boissons ingérées, ont une influence assez marquée sur la température du corps, tant par leur action physique que par leur action sur le système nerveux ; cette in- fluence est par conséquent assez complexe, et pour s'en rendre compte il est nécessaire de l'analyser d'après les données indi- quées plus haut. Mais cette question est plutôt du ressort de Uhygiène. — c) Climat. — En été, la température du corps est un peu plus élevée qu'en hiver (de OM à 0°,2). J. Davy, dans le passage d'un climat chaud à un climat tempéré (différence de 1 1°,1 1), a observé une diminution de température. Brown-Séquard a constaté des faits analogues. Bihli08;raphle. — Lavoisier : Essai sur la respiration des animaux, 1777. — La- voisiER et Laplace : Mémoire sur la chaleur, 1780, — Séguin et Lavoisier : Pre- viier mémoire sur la respiration, 1781). — J. Davy : An acconnt of some experiments on animal heat. (Philos. Transact., 1814.), et : Ohserv. on the temperatur of man and animais. (Ertimburg, Médical Journal, lSi>6.) — DilOxg : De la Chaleur animale. (Journal de Magrendie, 1823.) — Despretz : Recherches expérimentales sur les causes de la chaleur animale. (Annales de chimie et de physique, 1S24.) — Fabre et SiL- BERMANX : Des Chaleurs de combustion, 1846. (Annales de chimie et de physique, 724 PHYSIOLOGIE FONCTION>'ELLE. médicale, 1<55, et : les P^^'nomenesphymi^edela ^_^«. 1^^»^ f •/! M,,j,^nische ckes sur V^^^^^-^ ;'^'^;i;i^ ^U^^^à^tl .e?SÏ"^a.^,;:ei., 1..4. - B^kSLo^?:^^ ct?:r/;U^^^^^^^ ^e rAnaton^le 1.650 - O^™ : 2"= éd., trad. par Labadie-Lagka\e, l&(^. — ^i- -Di^«->^"- (Revue scientifique, 1872.) 3. _ PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ. ÉLECTRICITÉ ANIMALE. Procédés de démonstration des courants musculaires et ner- veux. - 1^' Galcanomètre. - L'appaieil est disposé de la façon sui- S'ocAr/: d--^' F^g. i:-2. - Appareil de Du Bois-Reymond pour démontrer les courants nerveux et musculaire. vante ifio 172). Deux vases en verre, V, V, contiennent une solution de snlfate'de zinc; dans ces vases plongent : ,!<> d'une part, des lames de zinc z portées par des supports isolants, s, et reliées par des tils avec les deux bornes d'un galvanomètre, G ; 2° d'autre part, des coussinets de papier à tiltrer, p, sur lesquels on place le muscle ou le nerf en ex- périence, comme dans les figures 173 et 174, p. 725. Le courant qui traverse le muscle ou le nerf de a en b, courant indiqué par la direc- tion de la flèche, traverse le circuit du galvanomètre et produit une déviation de l'aiguille, dont le sens indique la direction du courant ÉLECTRICITÉ AMMALE. 72 5 (Du Bois-Reymond'. On peut, au lieu du galvanomètre ordUiaire, em- ployer le galvanomètre à miroir. Fig. 173. — Muscle à surface naturelle placé sur les coussinets. F/g. 174. — ^Iiiscle à surface artifi- cielle placé sur les coussinets. 2° Vatte galvanoscopiqiie (fig. 175i. — On donne ce nom à une patte de grenouille détachée du corps et à laquelle on laisse adhérente la plus grande longueur possible de nerf sciafique, n. On peut rem- placer la patte galvanoscopique par le gastrocuéniien de la grenouille. Fig. 175. — Patte galvanoscopique. en conservant aussi le sciatique. Pour démontrer le courant nerveux, on emploie la disposition suivante. Le nerf de la patte galvanosco- pique est placé sur deux coussinets de papier à iiltrer imbibés de chlorure de sodium et supportés eux-mêmes par une lame de verre isolante ainsi que la patte gajvanoscopique. Uu des coussinets répond à la surface de section du nerf on à sa coupe transversale, l'autre à sa surface longitudinale. Si maintenant on réunit les deux coussinets par un troisième coussinet qui sert de conducteur entre les deux pre- miers, il s'établit un courant dans le circuit fermé, constitué par les trois coussinets et par le nerf, et rétablissement de ce courant déter- mine une excitation de nerf et une contraction du muscle; le même effet se produit à la rupture du courant quand on enlève le troisième coussinet qui fermait !e circuit. Il suffit quelquefois de croiser les deux nerfs de deux pattes galvanoscopiques, de façon à ce qu'ils se tou- chent par deux points, pour que la contraction se produise, ou même de laisser tomber un nerf sur l'autre. Un seul nerf replié sur lui-même peut donner aussi une contraction. Ces mômes dispositions s'emploient pour démontrer le courant musculaire. ^Contraction non métaUique.) 3" Procédé chimique. — Dans l'appareil de Du Bois-Reymond, on 726 PHYSIOLOGIE FO.\CTIO>'NELLE. peut remplacer le galvanomètre par une solution d'iodure de potas- sium et d'amidon ; l'iode est mis en liberté à l'électrode positif et bleuit l'amidon. 1° Courant musculaire et nerveux. Si, comme dans la figure 174, on place sur les coussinets de l'appareil de Du Bois-Reymond un fragment de muscle (au repos), de façon que la section transversale corresponde à un des cous- sinets et sa sm'face à l'autre coussinet, la déviation de l'aiguille du galvanomètre indique l'existence d'un courant, qui, dans le muscle, va de la coupe transversale à la surface et, dans le con- ducteur galvanométrique, de la surface à la coupe. La surface du muscle est électrisée positivement , la coupe négativement {fig. 176). Au lieu de prendre la coupe transversale d'un muscle, on peut prendre le tendon du muscle qui constitue ce qu'on appelle la surface trans- versale naturelle, comme dans la figure i73, et qui est électrisé négativement. Au lieu de la surface du muscle, on peut prendre une section du muscle parallèle aux fibres musculaires, ou ce qu'on appelle encore la surface longitiiclinale artifi- cielle, et qui est électrisée positivement, p,^ j^g, _ Direction du cou- Chaque muscle ou fragment de muscle rant musculaire, constitue donc un véritable couple électro-moteur, et en asso- ciant des tronçons de muscles de grenouilles à la façon des élé- ments d'une pile à colonnes, on a pu construire de véritables piles musculaires. Les nerfs sont le siège de courants semblables qui ne se dis- tinguent des courants musculaires que parce qu'ils sont plus faibles. Ce sont ces courants musculaires et nerveux qui forment par leur réunion ce que Xobili (1825) appelait le courant propre de la grenouille. Dans la grenouille ce courant va de la périphérie des extrémités vers le tronc; dans le tronc il va de l'anus vers la tête. Chez les mammifères, sa direction est inverse; ainsi les membres amputés et dépouillés de la peau montrent un fort cou- rant qui va du tronc à la périphérie. ÉLECTRICITÉ AMMALE. 727 Ces courants persistent encore quelque temps, quoique plus faibles, après la perte d'excitabilité des nerfs et des muscles. Les lois du courant musculaire, dénionlrées en 1840 par Matteucci, ont été déterminées par Du Bois-Rcymond, ainsi que colles du courant nerveux. Du Bois-Reyraond montra que la déviation de raiguille du g-aIvanomè(re varie suivant les points du cylindre nerveux ou muscu- laire qu'on rénuit par un conducteur. 11 distingue les cas suivants, dont la figure 177 donne la représentation schématique. Fig. 177. — Force et direction des courants. l" On a une /or^e déviation de l'aiguille quand le conducteur réunit la surface longitudinale à la surface transversale digne épaisseï, et le maximum de déviation est obtenu quand le milieu de la surface lon- gitudinale léquateun est réuni au milieu de la surface transversale. 2" La déviation est faible (lignes fines» quand on réunit deux points inégalement distants du milieu de la surface (longitudinale ou trans- versale), ou deux points inégalement distants de deux surfaces oppo- sées. Pour les surfaces longitudinales, le courant marche dans le con- ducteur du point le plus rapproché du centre au point le plus éloigne; c'est l'inverse pour les surfaces transversales. 3" La déviation est nulle dignes polntilléesi quand on réunit deux points d'une même surface ou de deux surfaces opposées également distants du centre (points symétriques), ou encore les centres des deux surfaces opposées. La figure 1 78 (page 728) représente schémaliquement l'intensité des cou- rants dans le cylindre nerveux ou musculaire uNi, dont SL est la surface longitudinale, ST/- la surface transversale. La direction des flèches indi- que la déviation des courants. Les courbes F indiquent la force du courant qui passe dans un conducteur de tension constante pour les différentes positions qu'on lui donne sur l'une quelconque des deux 728 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO>>-ELLE. surfaces. Les points a, b, c, cl, pris sur une des surfaces, considérée comme ligne des abscisses, indiquent le milieu de l'espace compris Fig. 178. — ScLénia de l'intensité des courants dans le liquide nerveux. entre les deux points d'application du conducteur, et les ordonnées abaissées sur ces points représentent l'intensité du courant qui traverse le conducteur. On voit qu'en a, le courant = 0, et que le courant est à son maximum (ordonnée c/i quand les deux extrémités du con- ducteur sont situées, l'une sur la surface longitudinale, l'autre sur la surface transversale. Il arrive souvent que la partie tendineuse du muscle, au lieu d'êtr« électrisée négativement, soit positive; c'est ce que Du Bois-Reymond a appelé partie parélectronomique du muscle. Courants d'inclinaison. — Rhombe musculaire. — Si la coupe du muscle, au lieu d'être exactement perpendiculaire à la surface longitu- dinale, est oblique, les courants ne présentent plus la même disposition; le point le plus négatif de la coupe, au lieu de correspondre au centre de la coupe, se rapproche de l'angle aigu; le point le plus positif de la surface longitudinale au contraire se rapproche de l'angle obtus. La fatigue diminue la force du courant musculaire. Les caractères du courant nerveux sont les mêmes que ceux du cou- rant musculaire. Pour l'inQuence de l'électrotonus sur le courant nerveux, voir Ac- tion de l électricité sur l'organisme. Les autres parties de l'organisme sont aussi le siège de courants ÉLECTRICITÉ ANIMALE. 729 électriques; E. Becquerel les a constatés dans les os. les tendons, les vaisseaux, etc. La surface externe de la peau (grenouille) est électrisée négativement, la surface interne positivement. ^ 2° Variation négative. Les nerfs et les muscles à l'état d'activité présentent un chan- gement remarquable de leur état électrique. Si on place, comme dans l'appareil de la figure 172, une portion de nerf ou de mus- cle dans le circuit galvanométrique, la déviation de l'aiguille in- dique l'existence du courant normal. Si alors on excite le nerf ou le muscle en dehors du circuit galvanométrique, de façon à téta- niser le muscle, l'aiguille revient sur ses pas et peut même (pour les nerfs seulement) dépasser le.zéro et indiquer un renversement du courant (variation négative). Ainsi, dans la patte d'une gre- nouille, on a un courant descendant au moment de la contrac- tion au heu du courant ascendant ordinaire. Cette variation négative peut agir comme excitant sur le nerf d'un autre muscle, et pour cela il n'y a pas même besoin de tétaniser le muscle, il suffît d'une seule contraction ; si on place le nerf de la patte gal- vanoscopique sur le nerf du muscle qui se contracte, de façon qu'un des points du premier nerf corresponde à la coupe et un autre point à la surface du second nerf, chaque contraction mus- culaire s'accompagne d'une contraction de la patte galvanosco- pique (contraction secondaire). Si au lieu d'y produire une seule contraction, on tétanise le muscle et qu'on place sur ce muscle (coupe et surface longitudinale) deux points du nerf de la patte galvanoscopique, les muscles de cette patte entrent aussi en téta- nos {tétanos induit ou secondaire de Matteuci). Cette variation négative peut être aussi constatée chez l'homme. Si on ferme le circuit galvanométrique par un vase rempli d'eau et qu'on plonge dans le liquide un doigt de chaque main, l'ai- guille du galvanomètre n'indique aucun courant, les courants allant dans chaque bras du tronc vers le doigt se détruisant réci- proquement ; si alors on contracte les muscles d'un bras, l'ai- guille se dévie et indique un courant qui va dans ce bras du doigt vers l'épaule. (Du Bois-Reymond.) La variation négative se produit d'abord au point excité du muscle dont elle précède la contraction, et sa durée totale est d'en- 730 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO>'NELLE. viron '/soo^ de seconde ; puis, à partir de ce point, elle se propage dans le muscle à raison de 3 mètres par seconde, c'est-à-dire avec unevit^se égale à celle de la transmission de l'onde musculaire. Dans les nerfs, il en est de même et sa propagation se fait comme pour l'excitation nerveuse, à raison de 33 mètres par seconde en moyenne. Du Bois-Reymond ne considère pas la variation négative comme l'indice d'une diminution réelle du courant. •Holmgren a constaté la variation négative du courant de la rétine du lapin au moment où les rayons lumineux entrent dans l'œil. 3" Théories des courants musculaire et nerveux. La théorie des phénomènes électriques qui se produisent dans les nerfs et dans les muscles, soit à l'état de repos, soit à l'état d'activité, laisse encore beaucoup à désirer, et je me contenterai de donner une idée générale des principales opinions émises sur ce sujet sans entrer dans la discussion de ces opinions. 1° Théories chimiques. — Liebig émit un des premiers lïdée que le courant musculaire était dâ à la réaction différente du sang (alcalin i et du tissu musculaire 'acidei, et cette idée de l'origine chimique des cou- rants électriques a été soutenue et généralisée par d'autres observateurs. Ranke.en particulier, a cherché, en se basant sur la façon dont les élé- ments anatomiques se comportent avec le carminate d'ammoniaque, à déterminer la réaction de ces éléments; il a vu que le noyau des cel- lules était acide par rapport au contenu cellulaire, qu'il en était de même de la fibre-axe du nerf par rapport à la moelle nerveuse, de la substance intermédiaire du muscle, par rapport bws. sarcous éléments, et il considère tous ces éléments anatomiques comme des molécules élec- tro-motrices et l'origine incessante de courants électriques multiples dans l'intérieur de l'organisme. Mais c'est surtout E. Becquerel qui, dans ses remarquables recherches sur les phénomènes électro-capil- laires, a, grâce à ses observations et à ses expériences ingénieuses, fait entrer dans une voie nouvelle l'étude des phénomènes électriques dans les organismes vivants. E. Becquerel a démontré, eu effet, que des circuits électro-chimiques peuvent exister dans l'organisme sans l'intervention dun métal; il suffit de la présence de deux liquides de nature différente, séparés par une fente capillaire ou par une mem- brane organique; la paroi qui est en contact avec le liquide, qui se ÉLECTRICITÉ ÀMMALE. 731 comporte comme acide, est le pôle négatif, la paroi opposée le pôle po- sitif; les parois des espaces capillaires se comportent comme des con- ducteurs solides. Il existe donc dans le corps un nombre incalculable de couples éleclro-capillairesqui donnent naissance incessamment à des courants électriques qui ne disparaissent qu'après la mort. Ces actions chimiques expliquent non-seulement les courants musculaire et ner- veux, ceux des os (découverts par E. Becquerel), etc., mais encore les phénomènes intimes qui se passent dans les capillaires et dans les tis- sus. Ainsi, dans les capillaires des tissus, la face de la paroi capillaire en contact avec le sang est le pôle négatif, la face en contact avec le suc des tissus, le pôle positif d'un couple; l'oxygène, par l'efTet du cou- rant électro-capillaire agissant comme force chimique, est déposé sur la face externe positive en dehors des capillaires; le gaz acide carbo- nique produit dans les tissus rentre dans les capillaires par l'action du courant agissant comme force mécanique à l'égard des composés élec- tro-positifs dissous. Dans les capillaires des poumons, Tinverse a lieu; loxygène se trouve, en effet, non en dedans des capillaires, mais en dehors, et l'électricité des parois capillaires a changé de signe, de façon que c'est l'oxygène qui entre dans les capillaires et Facide carbonique qui en est expulsé. 2^ Théorie de Du Bois-Reijmond. — Si l'on prend un cylindre de zinc terminé par deux surfaces de cuivre et qu'on le plonge dans l'eau (liquide conducteur!, il se forme une inOnité de courants isolés qui vont par l'eau du zinc au cuivre et dont on peut dériver une partie en appliquant une des extrémités d'un conducteur sur le zinc, l'autre sur le cuivre ; on voit alors, si on interpose un galvanomètre dans le conducteur, que la surface du zinc est électrisée positivement, celle du cuivre négativement, et on a une disposition analogue à celle du cylin- dre musculaire. Du Bois-Reymond suppose que chaque fibre muscu- laire (ou nerveuse) se compose d'une inûnité de petits éléments électro-moteurs, analogues au cylindre zinc-cuivre précédent, c'est-à- dire ayant une zone équatoriale positive et deux zones ;)o/ai>e5 néga- tives, et plongés dans une substance intermédiaire conductrice. La série de ces éléments électro-moteurs, dans une hbre musculaire peut alors être représentée schématiquement de la façon suivante : — +— — +— ~+— _+— Les rapports ne changent pas si on suppose chacun de ces éléments électro-moteurs divisé en deux molécules dipolaircs dont les pôles positifs seraient tournés l'un vers lautre, et qui otîriraient alors l'ar- rangement suivant : — -4- + — - + + - - + + — — + + - 732 PHYSIOLOGIE FO-\CTIO>"-NE LLE. La figure 179 peut représenter dans ce cas la disposition des molé- cules dipolaires dans le muscle; les flèches indiquent la direction des Fig. 179, — Disposition des molécules dipolaires dans le muscle. courants dans la substance intermédiaire conductrice. On voit aussi que quand on dérive un courant en plaçant les deux extrémités d'un con- ducteur sur le muscle ou sur le nerf, le courant ainsi détourné ne re- présente qu'une petite partie des courants totaux développés dans rensemble du système, et que par conséquent le courant musculaire est beaucoup plus intense que ne l'indique la déviation de Taiguilie g-alvanométrique. 3° Théorie (VEermann. — Hermann nie absolument l'existence des courants musculaires et nerveux à l'état de repos ; ces courants, d'a- près lui, n'existeraient pas chez l'animal intact, et seraient dus à des causes cliimiques dépendant du mode de préparation. Yoir aussi : Action de l' électricité sur ïorganisme. ESihlio^Çi'apliie. — Matteucci : Traité des phénomènes électro-physiologiques des animaux, ls44. — E. Dr Bois-Reymoxd : Vnfersnchungen îiher thierische Electri- citàt, 184s -1>49. — Chauve \r : Théorie des effets physiologiques produits par Télectricité. Journal de physiologie, lsô9-18C0.) — L. Hermaxx : Weitere Vnter- svchungen zur Physiologie der Mus'heln und Xerven, 1867. — On'imus : Des Phéno- mènes électro-capillaires : vé>uvaé àp-^ expériences de M. Becquerel. (Journal de l'Anatomie, 1870.) — Voir aussi les Traités de physique médicale. Article troish^me. — Physiologie de l'ixxera'atiox. 1. _ PHYSIOLOGIE DES SENSATIONS. 1" AUDITION. La sensation auditive est une sensation spéciale qui reconnaît pour cause une excitation des nerfs auditifs par la vibration des corps sonores. L'étude des vibrations sonores et de leur trans- mission a été faite au début du chapitre de la Physiologie de la voix : nous aurons donc à étudier: T la transmission des vibra- tions sonores depuis les parties extérieures de l'oreille jusqu'au nerf auditif; 2° la sensation auditive proprement dite. AUDITION. 733 1. TRANSMISSION DES VIBRATIONS SONORES jusqu'au nerf AUDITIF. Au point de vue physiologique, l'appareil auditif peut être re- présenté schématiquement de la façon suivante {fig. 180). En allant de l'extérieur à l'intérieur, on trouve lus parties suivantes : Fig. 180. — Schéma de l'appareil auditif, r Yoreille externe (A) formée par le pavillon de Voreille (1) et le conduit auditif externe (2); 2° Yoreille moyenne (B) consli- tuée par une cavité remplie d'air, caisse du tympan (3), commu- niquant avec l'air extérieur par la trompe cVEustache (5) et pourvue d'une cavité accessoire, cellules mastoïdiennes (G) ; la caisse du tympan est séparée du conduit auditif par une mem- brane, membrane du tympan (4), et des cavités de l'oreille Fig. 180. — A, oreille externe. — B, oreille moyenne. — C, oreille interne. — 1, pavillon de l'oreille. — 2, conduit auditif externe. — -i, caisse du tympan. — 4, membrane du tympan. — ^ 5, trompe d'Eustache. — 6, cellules mastoïdiennes. — 7, marteau. — S, enclume. — 9, étrier. — 10, fenêtre ronde. — 11, fenêtre ovale. — 12, vestibule. — l^J, limaçon. — 14, rampe tympanique. — 15, rampe vestibulaire. — 16, canal demi-tirculaire. 734 PHYSIOLOGIE FOXCTIO.\>ELLE. interne par la membrane de la fenêtre ronde (10) et par un osselet, Yétrier (9), enchâssé dans une seconde ouverture, fenêtre ovale (11); deux osselets, le marteau il) et V enclume (8), ratta- chent la membrane du tympan à l'étrier; 3° V oreille interne (G) ou labyrinthe est complètement remplie par du liquide et com- prend le re5/i^w/e (12), les canaux demi-circulaires (16) et le limaçon (13) avec ses deux rampes, rampe lympanique (14) aboutissant à la fenêtre ronde, et rampe vestibnlaire (15). C'est sur les membranes de ces différentes parties du labyrinthe que se distribuent les terminaisons périphériques du nerf auditif. L'ensemble de ces organes constitue un petit appareil suscep- tible d'éprouver des vibrations moléculaires et des vibrations d'ensemble sous l'influence des oscillations des corps sonores. Le son propre de l'oreille, d'après Helmholtz, serait le si cor- respondant à 244 vibrations ; c'est le son qu'on obtient par la percussion de l'apophyse mastoïde. 1" Transmission des vibrations sonores dans l'oreille externe. Les vibrations sonores arrivent en premier lieu au pavillon de l'oreille. Une partie de ces ondes sonores est refléchie vers l'ex- térieur ; une autre partie subit une série de réflexions qui les dirigent vers le conduit auditif: presque toutes celles qui arrivent dans la conc[ue sont réfléchies contre la face interne du tragus et renvoyées dans le conduit auditif; la conque agit comme un miroir concave qui concentrerait les ondes sonores. L'orientation même de la conque et du pavillon fait que, suivant la direction, une partie plus ou moins considérable des ondes sonores pénè- tre dans le conduit auditif, ce qui nous permet de juger de l'in- tensité et de la direction du son. L'agrandissement de la conque par la contraction des muscles du tragus et de l'anti- tragus fait entrer dans le conduit auditif une plus grande quantité d'ondes sonores ; son rétrécissement par les muscles de l'héhx produit l'eS'et inverse. Les replis du pavillon peuvent encore guider le son vers la conque, comme il est guidé par des gouttières demi- circulaires ou par les intersections de certaines voûtes (salle de l'Observatoire de Paris). Si on supprime les inégalités du pavil- lon en remplissant ses cavités par une masse molle (cire et huile), AUDITION. 735 tout en laissant libre l'orifice externe du conduit auditif, l'inten- sité des sons est affaiblie et il devient plus difficile de juger de leur direction. (Schneider.) Pour que les ondes sonores puissent pénétrer par réflexion jusque dans le conduit auditif externe, il faut que le corps Yil)rant ou la surface réfléchissante quelconque ([ui renvoie ses viljrations à l'oreille, soient situés dans une certaine position par rapport au pavillon. C'est ce que fait comprendre la figure 181 qui Fig. 181. — Coupe horizontale de la tête au niveau du conduit auditif exterue. représente schématiquement une coupe horizontale de la tête au niveau de l'oreille externe. On voit, par exemple, que les vibrations parties d'un corps situé en E ne pourront arriver dans le conduit auditif, à moins que ces vibrations ne soient réfléchies d'abord par une autre surface dans une direction donnée. Si nous représentons par les lignes a et b les rayons sonores extrêmes qui puissent pénétrer dans le conduit auditif, l'angle intercepté par ces lignes pourra être appelé champ auditif, par comparaison avec le champ vi- suel. Cet angle variera évidemment suivant que la coupe de l'o- reille externe sera verticale ou transversale, suivant que la coupe horizontale sera faite à telle ou telle hauteur; le champ auditif variera en outre suivant les différences individuelles. L'ensemble des rayons sonores susceptibles de pénétrer ainsi par réflexion dans le conduit auditif formera donc un faisceau sonore dont la forme sera déterminée par la forme même de la conque et du tragus, absolument comme la pupille détermine la forme du fais- 736 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. ceau lumineux qui pénètre dans l'œil. Parmi ces rayons sonores, il en est qui arrivent jusqu'cà la membrane du tympan sans éprouver de réflexion préalable ('). Si on mène (fig. 181, p. 735), par les centres 0 des orifices des deux conduits auditifs, une ligne AB, on a ce qu'on peut appeler Vaxe auditif; les rayons sonores qui suivent cet axe auditif arrivent directement jusqu'au tympan. Les lignes extrêmes du faisceau sonore, a, b, coupent cet axe auditif en dehors du point 0 et à des distances variables. On peut appeler ligne auditive DO la ligne menée du corps sonore D au centre 0, et angle auditif Yanglti DOB que fait la ligne auditive avec l'axe auditif. On a ainsi un moyen de déter- miner rigoureusement, dans les expériences physiologiques ou pathologiques, la position du corps sonore et la direction des vibrations. Plus la ligne auditive se rapproche de l'axe auditif, plus l'angle auditif diminue, plus les sons sont perçus avec netteté, les vibrations ne perdant pas de leur amphtude dans une série de réflexions successives. Dans le conduit auditif externe , les ondes sonores subissent une série de réflexions qui les conduisent jusqu'au fond sur la membrane du tympan. Grâce à Tobliquité de cette membrane et à sa courbure, la plupart de ces ondes viennent la frapper presque perpendiculairement. Une partie des ondes sonores qui arrivent au fond du conduit auditif sont réfléchies par la membrane du tympan et renvoyées à l'extérieur; cette réflexion est d'autant plus forte que la mem- brane est plus tendue et plus oblique. 2° Transmission des vibrations sonores dans Voreille moyenne. L'oreille moyenne est constituée essentiellement par une cavité dont les parois sont invariables, à l'exception de la membrane du tympan, de la membrane de la fenêtre ronde et de l'appareil qui obture la fenêtre ovale. Cette cavité communique avec l'air extérieur par la trompe d'Eustache, dont la partie cartilagineuse, habituellement fermée, forme une espèce de soupape qui peut C) D'après certains auteurs, tous les rayons subiraient au moins une re'flexion pre'alable avant de pénétrer jusqu'au tj'-mpaQ. AUDITION. 737 s'ouvrir, tantôt de dehors en dedans pour laisser passer l'air extérieur dans la caisse, tantôt de dedans en dehors quand la pression de l'air augmente dans la caisse. Chaque mouvL'ment de déglutition (et il s'en produit à chaque instant pour avaler la sahve) ouvre la trompe et maintient lair de la caisse en é(iuilibre de pression avec l'air extérieur; la tension de la membrane du tympan reste par suite indépendante des variations de la pression atmosphérique, à moins que ces variations ne se fassent trop brusquement ou dans des hmites trop étendues iclocjie k plon- geur, ascensions aérostatiques). Quand la trompe d'Eustache s'o- ])lilère, l'audition se trouble et s'afîaiblit ('). La membrane du tympan est susceptible de vibrer sous l'in- fluence des vibrations de l'air du conduit auditif. L'existence de ces vibrations a été démontrée expérimentalement; Pohtzer a pu enregistrer directement les vibrations de la columeUe (os tytnpa- nique) du canard. Ces vibrations se produisent pour tous les sons compris dans l'intervalle des sons [lerceptibles, et le tympan s'é- carte sous ce rapport des membranes ordinaires qui n'entrent en vibration que pour un son déterminé d'accord avec leur son propre ou un multiple de ce son. D'une manière générale, elle entre plus facilement en vibration pour les sons aigus que pour les sons graves; mais ce qui joue sous ce rapport le rôle le plus important, ce sont : 1° la disposition anatcmique: 2° les diffé- rences de tension de cette membrane. La membrane du tympan est non-seulement fixée au cercle tympanique, mais elle adhère au manche du marteau dont elle sujt les mouvements; il y a là une disposition anatomique qui, en augmentant les obstacles, affaiblit les vibrations par influence^ et relativement d'autant plus que ces vibrations se rapprochent des vibrations propres de la membrane. Il en est de même pour les vibrations consécutives qui, sans cela, prolongeraient le son. La tension de la membrane du tympan peut varier par deux ordres de causes : l'' par les différences de pression de l'air de la caisse et de l'air extérieur; cette cause n'agit qu'accidentelle- ment (expirations forcées, etc.,) ou à l'état pathologique ; 2° par Taction musculaire ; c'est le muscle du marteau qui est le tenseur du tympan; par sa contraction il tire en dedans le manche du (') On a supposé, sans preuves suffisantes, que la trompe servait surtout a entendre sa propre voix. Beaunis, Phys. 47 I 738 PHYSIOLOGIE FO>^CTIONNELLE. marteau et tend la membrane qui suit le mouvement de l'os. La contraction du muscle du marteau est volontaire chez quelques individus, mais habituellement eUe est inconsciente et réilexe, à moins qu'elle ne s'associe à une contraction énergique des mus- cles masticateurs, dont elle constitue un phénomène accessoire. Cette contraction s'accompagne d'une crépitation de cause dou- teuse ('). Quand la contraction du muscle du marteau cesse ou diminue, la membrane revient à sa position d'équilibre par son élasticité propre et par celle de la chaîne des osselets. L'action du muscle de l'étrier est trop hypothétique pour y insister. Les variations de tension de la membrane du tympan agissent de deux façons : T elles font varier le son propre dQ la membrane, de façon que celle-ci entre plus facilement en vibration pour un son dune hauteur donnée; elle se tend dans les sons aigus, se détend dans les sons graves; 2° cette membrane agit comme étouffoir ou comme sourdine. Xmesure que sa tension augmente, elle affaiblit l'intensité des vibrations, surtout pour les sons graves. Transmission des vibrations de la membrane du tympan au labyrinthe. — Les vibrations du tympan se transmettent d'une part à l'air de la caisse, de l'autre aux osselets de l'ouïe, et par ces deux voies au liquide du labyrinthe. a) La transmission par l'air de la caisse est incontestable mais c'est la voie la moins importante. L'air de la caisse entre en vibrations , et ces vibrations se transmettent à la membrane de la fenêtre ronde et par elle au limaçon . b) La transmission par la chaîne des osselets est de beaucoup la plus importante. Ces osselets, qui forment de la membrane du tympan à la fenêtre ovale une chaîne continue , articulée et an- gulaire, vibrent comme un tout à cause de la petitesse des parties et ces vibrations, comme celles du tympan, ne peuvent être que transversales. Les inflexions de cette chaîne des osselets, ses articulations, le passage subit des parties dures à des parties molles, la gaîne muqueuse qui enveloppe les osselets, sont autant de conditions anatomiques qui doivent diminuer la facilité de f») On a attribué cette crépitation à la tension brusque du tympan; mais cette tension, qu'on peut produire facilement en se bouchant le nez et en faisant une forte expiration (recherche de Valsalva), détermine un bruit sourd bien différent de cette crépitation. Elle paraît plutôt due a louver- ture subite de la trompe d'Eustache par la contraction simultanée du peri- staphylin externe. AUDITION, 739 transmission des vibrations dans l'intérieur de la chaîne des osselets, sans entraver leur vibration totale. En outre, ces osse- lets ont une certaine mobilité les uns sur les autres, et, comme pour le tympan, l'action musculaire peut augmenter ou diminuer la tension et la rigidité de ce petit système vibrant. Les vibrations de la membrane du tympan se transmettent au manche du marteau et par cet os aux autres osselets de la façon Fig. 182. — Mouvements du marteau et de l'enclume. (Voir page 740.) suivante : toutes les fois que le manche du marteau se porte en dedans, la branche de l'enclume en fait autant et pousse l'étrier dans la fenêtre ovale; donc, à chaque mouvement en dedans du tympan correspond un véritable coup de piston de l'étrier qui presse sur le liquide du vestibule, et chaque oscillation delà hInoh}ll'i~ ^' °"""'*""- - E, enclume. - A, courte branche de l'enclume. - R, longue branche de 1 enclume. - P, manche du marteau. - AB, axe des mouvements des osselets. 740 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE, membrane amène un mouvement de va-et-vient de rélrier dans la fenêtre ovale. Il est possible que le muscle de rélrier serve a diminuer l'amplitude de l'excursion des mouvements.de letrier dans la fenêtre ovale. . , r \ cause de la plus faible longueur de la longue branche de 1 en- clume la vitesse du mouvement et l'excursion de l'extrémité de cette branche sont plus petites que celles de l'extrémité du manche du marteau, mais ce qui se perd en vitesse est regagné en force. En effet, soit {fig. 182, page 739) M le marteau, E l enclume, es trois points, A, courte branche de l'enclume, R, sa longue branche, et P manche du marteau, sont sur une même ligne et peuvent être' considérés comme formant un levier du deuxième genre, avant son point d'appui en A, sa puissance en P, sa résistance en R à l'étrier; la lon-ueur du bras de levier de la piussance est de 0 hiillimètres environ, celle du bras de levier de la résistance de 6 millimètres; la force avec laquelle la branche de l'enclume pressera sur l'étrier sera égale à 1,5, la puissance P étant égale à l'unité. L'appareil suivant de .1. MUller représente ces deux modes de transmission. Un cylindre de verre, a \fig. 183). est fermé à sa partie supé- rieure rétrécie en col par un tube, h, qui figure le conduit auditif externe et est obturé par une membrane, c (membrane du tympan). L'autre ouverture du cylindre est fermée par une plaque de liège, (/, percée de deux trous par lesquels passent deux tubes obturés par des membra- nes, e et /. Une petite lige de bois, g, repré- sentant la chaîne des osselets, va de la mem- brane du tympan c à la membrane / (fenêtre ovale); e représente la fenêtre ronde; la par- tie d du cylindre plonge dans l'eau et on produit un son dans le tube b auquel est adapté un sifflet de laiton. Le son se transmet jusque dans l'eau et en plaçant dans cette eau, alternative- ment près de e Vt près de/, un conducteur qui se rend à l'oreille de Pexpérimenlateur (l'autre oreille étant bouchée), il est facile de juger de lintensité des sons qui arrivent en e et en /; or, on remarque de suite que les sons qui arrivent par l'air du cylindre à la membrane e ont beaucoup moins d'intensité. Fig. 183. — Appareil de J. Mûllerpour la transmission des vibiations dans la caisse du tympan. AUDITIOX. 741 S"" Transmission des vibrations sonores dans l'oreille interne. Los vibrations sonores peuvent arriver à l'eau du la])yrinthe par trois voies diiîerentes : T par les parois osseuses du laby- rinthe; 2'' par l'air de la caisse et la fenêtre ronde; o"" parl'étrier et la fenêtre ovale; ce dernier mode est le mode de transmission ordinaire. r Transmission par les parois ossevses du labyrinthe. — Ce mode de transmission a lieu dans plusieurs cas : quand le corps est plongé sous l'eau, quand le corps vibrant (exemple : une montre) est placé directement en contact avec les parois du crâne. C'est encore ce qui a lieu quand on entend sa propre voix; dans ce cas, les vibrations de l'air de la bouche et des fosses nasales se transmettent aux parois du crâne; la transmission des vibrations suit alors une marche inverse de celle qui a lieu à l'état normal, et une certaine partie des vibrations se perd par le conduit auditif: si on se bouche les oreilles, on entend mieux sa propre voix. Si on fait vibrer un diapason et qu'on tienne sa tige entre les dents, il arrive un moment où les sons sont trop faibles et ne sont plus entendus par l'oreille; qu'on se bouche alors les oreilles, les sons s'entendent de nouveau. Quand ces vibrations osseuses du labyrinthe sont produites par des mouvements des parties avoisinantes, pulsations artérielles, secousses musculaires, etc. , elles donnent lieu à des sensations au- ditives particulières (bruissements, bourdonnements, silllements, etc.) auxquelles on a donné le nom de sensations cntotiques. 2° Transmission par la membrane de la fenêtre ronde. — Politzer a constaté expérimentalement, en ajustant un petit ma- nomètre au labyrinthe, que les variations de pression de l'air du conduit auditif et de la caisse amenaient des variations de pres- sion correspondantes dans le labyrinthe. 11 peut donc y avoir transmission des vibrations par l'air de la caisse à la membrane de la fenêtre ronde, et par cette membrane au liquide du laby- rinthe; mais ce mode de transmission est tout à fait secondaire. 3" Transmission par la ehaine des osselets. — Toutes les fois que l'étrier s'enfonce dans la fenêtre ovale, la pression augmente dans le labyrinthe et comme la seule partie mobile de la paroi 742 PHYSIOLOGIE FO>"GTI OXNELLE, du labyrinthe est la membrane de la fenêtre ronde, cette mem- brane se bombe du côté de la caisse, comme on peut s'en assurer sur le cadavre. Grâce à cette disposition, le liquide du labyrinthe subit des oscillations isochrones aux oscillations de l'étrier, oscil- lations qui se transmettent aux terminaisons des nerfs auditifs. Dans le limaçon, les vibrations doivent marcher de la base au sommet dans la rampe vestibulaire, redescendre du sommet à la base dans la rampe tympanique, où elles arrivent sur la membrane de la fenêtre ronde; 1* elles se réfléchissent en sens inverse, et comme il survient successivement de nouvelles ondes par la fenêtre ovale et de nouvelles réflexions par la membrane de la fenêtre ronde, il en résulte des vibrations stationnaires comme celles d'une corde fixée par les deux bouts, et par suite des vi- brations correspondantes dans la rampe moyenne qui contient l'organe de Gorti et les terminaisons du nerf du Hmaçon. Les coups de piston de l'étrier ne déterminent pas seulement la production d'une ondulation dans le hmaçon. Dans le vestibule s'ouvrent en outre les cinq orifices des conduits demi-circulaires. Une partie de l'ondulation se partage donc en cinq branches ou courants qui s'engagent dans ces canaux; si ceux-ci avaient le même diamètre à leurs deux orifices, les vibrations marchant en sens inverse s'annuleraient, mais en réalité il n'en est rien, et on est encore réduit à des hypothèses sur le rôle des canaux semi- circulaires. (Voir : Centres nerveux.) 2, DE LA SENSATION AUDITIVE. Pour qu'il y ait excitation du nerf auditif et par suite sensation auditive, il faut certaines conditions: i" les vibrations doivent avoir une certaine amplitude; trop faibles, elles n'impression- nent pas l'organe de l'ouïe; 2° elles doivent avoir une certaine durée; au-dessus ou au-dessous d'un certain nombre de vibra- tions par seconde, les sons ne sont plus perceptibles; ces limites varient elles-mêmes avec les individus; ainsi, certaines personnes ne perçoivent pas le chant du grillon, mais en général la limite supérieure est de. 20,000 vibrations, la limite inférieure de 30 vibrations (') par seconde. (*) II s'agit ici de vibrations doubles. AUDITION. 743 Les sensations auditives se divisent en deux catégories : les sons musicaux et les bruits. Physiquement, les sons correspon- dent à des vibrations périodiques et régulières, les bruits à des vibrations non régulières et non périodiques, ou ci des chocs instantanés. Physiologiquement, la sensation du son musical est une sensation simple, de nature régulière; la sensation du bruit nous représente une sensation complexe et irrégulière. Comme les bruits sont en défmitive la résultante de plusieurs sons musi- caux irrégulièrement mélangés, nous ne nous occuperons que de ces derniers. 1° Caractères physiques de la sensation auditive. Ces caractères sont au nombre de trois : l'intensité, la hauteur et le timbre : r Intensité du son. — L'intensité dépend de l'amplitude des vibrations. 11 n'y a guère de mesure fixe de cette intensité ; nous ne l'apprécions que relativement et comparativement avec d'au- tres sons; nous disons alors que tel son est fort ou faible. Il y a, sous le rapport de l'appréciation de l'intensité du son, des variations individuelles très- grandes; cette appréciation varie du reste chez le même individu; en général on entend mieux de l'oreille gauche que de l'oreille droite. On a vu plus haut l'in- fluence de la tension de la membrane du tympan sur l'intensité du son. 2'' Hauteur du son. — La hauteur du son dépend du nombre de vibrations. L'oreille apprécie sûrement, non pas précisément la hau- teur absolue d'un son, mais sa hauteur relative par rapport à un son voisin; un son est plus grave qu'un autre quand il fait moins de vibrations par seconde, plus aigu quand il en fait plus. En deçà et au delà de certaines limites , rappréciation de la hauteur des sons n'est plus possible; ces limites sont, pour les sons graves, 33 vibrations environ, pour les sons aigus 4,500 vibrations par seconde. Si les nombres de vibrations sont trop rapprochés, la différence de hauteur n'impressionne plus l'oreille; mais il y a, sous ce rapport, de grandes différences individuelles; certaines oreilles discernent une différence de '/tooo ^^^i^s le nombre de vibrations de deux sons ; une oreille musicale distingue nette- ment des différences de Vsoo- ^'est sur cette propriété de l'o- 744 PHYSIOLOGIE FO^'CÏION^'ELLE. reille d'apprécier la différence de hauteur de deux sons qu'est basé essentiellement l'art musical. Applications à l'art musical. — Au point de vue physiologique, on peut résumer de la façon suivante les principes musicaux en ce qui concerne la hauteur des sons. On appelle intervalle de deux sons le rapport du nombre de vibra- tions de ces deux sons; ainsi, si l'un des sons fait 300 vibrations par seconde, l'autre 200, l'intervalle sera représenté par |-^0Uv. Certains intervalles sont représentés par des rapports numériques très-simples: Ti ^' a"' 4' '^'^^•' d'autres, par des rapports numériques plus compliqués. Les intervalles dont les rapports numériques sont les plus simples sont aussi ceux que l'oreille accepte le plus facilement, entend avec le plus de plaisir et que la voix humaine émet instinctivement. Le rapport le plus simple est le rapport de l'intervalle \\ cet inter- valle a reçu le nom (^octave; le son le plus aigu fait un nombre de vi- brations double du son grave; on dit alors que le premier est à l'octave du second. Le tableau suivant donne les principaux intervalles simples plus petits qu'une octave : IntorvaUes. Quinte. . . . Quarte .... Tierce majeure Tierce mineure. Sixte mineure . Sixte majeure . Nombre Nombre apport. de vibrations de vibrations du son aigii. du son grave. 2 : 3 3 2 3 : 4 4 '3 4 : 5 5 4 5 : 6 6 5 .j : 8 8 5 3 : 3 5 ' 3 En élevant d'une octave le son fondamental d'un intervalle, on a l'in- tervalle renversé; ainsi, une quarte est une quinte renversée. On a le rapport de vibrations de l'intervalle renversé en doublant le plus petit nombre de l'intervalle primitif. Le tableau suivant donne les intervalles renversés correspondant aux intervalles simples Cités plus haut : Intervalles simples. Rapport. Intervalles renversés. Quinte 2:3 Quarte 3:4 Tierce majeure .... 4 : .j Tierce mineure ... .j : G Sixte mineure. . , ., 5:8 Sixte majeure .... 3:5 Quarte. . . . Quinte. . . . Sixte mineure . Sixte majeure . Tierce majeure. Tierce mineure. Rapports. : 4 ; 6 ou 2 : : s : 10 ou 3 : 10 ou 4 : G C'est en se servant des intervalles les plus simples, la quinte. la quarte et la tierce, qu'on a formé la gamme, en intercalant dans lintervalle AUDITION. 745 d'une octave une série de sons ou notes, séparés l'un de l'autre par des intervalles déterminés. Les notes de la gamme sont au nombre de 7, qui portent les noms suivants : ut (ou do), ré, mi, fa, sol, la, si. Ces notes sont dans le rap- port suivant de vibrations avec la note fondamentale ou tonique do : do, ré, mi, fa, sol, la, si, do. 1 i. i. ± A J. U. 9 A843 2 38'^ C'est ce qu'on appelle la gamme majeure ; dans cette gamme, les in- tervalles entre deux notes consécutives sont les suivants : sol, la. si. do. L'interval]e4 (do-ré; fa-sol; la-si) s'appelle ton majeur; l'iniervalle y^- (ré-mi ; sol-la) ton ininciir ; l'intervalle ~ (mi-fa; si-do) est le demi- tonmajeur ; la différence entre le ton majeur et le ton mineur ou le coinma est représentée par la fraction f^; c'est à peu près le cinquième du demi-ton. Dans la gamme majeure, les intervalles se succèdent dans l'ordre suivant : un ton majeur, un ton mineur, un demi-ton majeur; un ton majeur, un ton mineur, un ton majeur, un demi-ton majeur. On peut prendre pour tonique un quelconque des sons musicaux, quel que soit son nombre de vibrations, et obtenir ainsi autant de gammes qu'il y a de sons musicaux différents. Ainsi on peut commen- cer indifféremment la gamme parre, mi, fa, etc., mais la seule condition exigée par l'oreille est que les nombres de vibrations des différentes notes de la gamme soient toujours dans les mêmes rapports avec le nombre de vibrations de la tonique. En général, on est convenu de partager l'échelle des sons musicaux en un certain nombre d'octaves en prenant pour tonique de l'octave la plus grave le son qui correspond ù 33 vibrations par seconde. On a le nombre de vibrations de chacune des notes de l'octave supérieure eu doublant successivement le nombre des vibrations de chaque note, comme le montre le tableau suivant : Contre- Grande Petite Octave Octave Octave Octave Notes. octave. octave. octave. seconde. tierce. quarte. quinte Do . . . 33 6G 132 264 528 1056 2112 Ré . . . 37,125 74,25 148,5 297 594 1188 2376 Mi . . . 41,25 82,5 1G5 330 660 1320 2640 Fa. . . . 4i 88 176 352 70i 1408 2816 Sol . . 49,5 99 198 396 792 1584 3168 La.. . 55 no 220 440 880 1760 3520 Si . . . Gl,875 123,75 247,5 495 990 1980 3960 746 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Outre la gamme majeure, la musique moderne emploie encore lagainme 7nmeure, com])Osée aussi de sept notes, mais dont les rapports de vibra- tions entre elles et avec la tonique différent des rapports de la gamme majeure. On l'écrit de la façon suivante en prenant do pour tonique : do, ré, mi^,fa, sol, la\^, si\> ; le signe 1? {bémol) placé après une note indique que cette note est baissée d'un demi-ton; dans cette gamme, le rapport du nombre de vibrations de chaque note par rapport à la to- nique est le suivant : do, ré, niii?, fa, sol, lai?, si i?, do, I JL A Ai.* ± 9 ■•■8 5 3 2 s" 5 '^ et les intervalles entre deux notes consécutives sont les suivants : do, ré, mil?, fa, sol, la(7, si!?, do Les intervalles se succèdent donc dans l'ordre suivant : un ton ma- jeur, un demi-ton, un ton mineur, un ton majeur, un demi-ton; un ton majeur, un ton mineur. On a vu plus haut que la tonique de la gamme (majeure ou mineure) peut être placée indifféremment sur telle ou telle note. Il en résulte qu'on peut prendre successivement comme tonique les divers sons de la gamme; on a alors les gammes ou les tons de re, de mi, etc. Mais si l'on prend la gamme de mi, par exemple, on voit que sa deuxième note, le/«^ ne correspond plus au même nombre de vibrations que le fa de la gamme de do majeur; en effet, elle fait 46,4 vibrations par seconde, tandis que ce dernier en a 44 dans la contre-octave. En cons- truisant ainsi successivement toutes les gammes, on arrive à une telle multiplicité de notes que la pratique des instruments de musique serait inabordable par sa complication. Il n'y a, pour s'en rendre compte, qu'à jeter les yeux sur le tableau suivant qui montre le nombre de vibra- tions des notes de la gamme dans la contre-octave des différentes gammes majeures et mineures: Gammes majeures. Do, Ré. Mi. Fa. Sol. La. Si. JDo majeur. 33 37,125 41,25 44 49,5 55 61,875 Bé majeur. 34,8 37,125 41,76 46,405 49,5 55,686 61,875 Mi majeur . 34,375 38,67 41,25 46,404 51,55 55 61,875 Fa majeur . 33 3-6,65 41,25 44 49,5 55 58,64 Sol majeur. 33 37,125 41,25 46,35 49,5 55,62 61,85 La majeur , 34,375 36,66 41,25 45,875 51,56 55 61,875 Si majeur. . 3i,8 38,67 41,25 46,4 51,56 53 61,875 AUDITION. 747 Gammes mineures. Do. Ré. Miiî. Fa. Sol. Lat>. Si!>. Do mineur. 33 37,125 39,6 44 49,5 52,8 59,4 Ré mineur. 33,41 37,125 41,76 44,55 49,5 55,686 59,4 3//7 mineur. 31,68 35,64 39,6 44,55 47.52 52,8 59^4 Fa mineur. 33 35,2 39,6 44 49,5 52,8 58,64 .So/ mineur. 33 37,125 39,6 44,55 49,5 55,62 59,4 Zo7 mineur. 31, 6S 35,2 39,6 42,24 47,52 52,8 59^4 t .S/ 7 mineur. 33,41 35, G4 39,6 , 44,55 47,52 53,46 59^4 On pourrait avoir des gammes du second degré en prenant encore comme toniques les notes de ces différentes gammes et ainsi de suite, et on pourrait multiplier ainsi presque à l'inGni le nombre des notes, l'our éviter la confusion qui en résulterait et rendre les instruments pratiques, on est convenu d'admettre ce qu'on a appelé le tempérament égal. Le tempérament égal est basé sur ce fait dont il a été parlé plus haut, savoir la difficulté que l'oreille éprouve à discerner la différence de hauteur de deux sons très-voisins l'un de l'autre et la faculté qu'elle a d'identifier deux sons dont les nombres de vibrations se rapprochent. On a partagé l'octave en douze demi-tons ou intervalles égaux et cons- titué ainsi la gamvie chromatique composée des notes suivantes : Le signe 'i (dièze) hausse la note d'un demi-ton. Dans cette gamme, dite gamme' tempérée par comparaison avec la gamme naturelle, la dis- tinction du ton majeur (|-j et du ton mineur t-i^i, séparés par l'inter- valle d'un comma (|^), disparait. La succession des tons et des demi- tons dans les gammes majeures et mineures peut être représentée ainsi : Gamme majeure : 1 ton 1 ton ^ton 1 ton 1 ton 1 ton Y ton Gamme mineure : 1 ton 4- ton î ton 1 ton -r ton l ton î ton Dans la gamme tempérée, la quinte, au lieu d'être représentée par |-; l'est pari-, -*-||; elle est donc altérée d'une quantité inappréciable, les tierces, au contraire, le sont d'une façon assez sensible. Sur les instruments à sons fixes, comme le piano. 1 harmonium, etc., la gamme tempérée est seule usitée; il n'y a pas de distinction entre le doifetle ré7,le rejet le mi7,etc.,et l'intervalle le plus petit adopté pour limite est le demi-ton ({-|). Sur le violon, au contraire, on peut jouer suivant les intervalles naturels. Timbre du son. — On a vu, dans la partie physique, que 748 PHYSIOLOGIE FO>'CTIONNELLE. le timbre dépend du nombre el de l'intensité des harmoniques du son fondamental. Ces sons partiels harmoniques accompagnent presque tous les sons musicaux. Habituellement ces harmoniques nous échappent comme sensation auditive distincte, et se fusion- nent dans, une sensation, ime en apparence, que nous rapportons au son fondamental ; mais avec un peu d'attention ou en s'aidant de moyens physiques (résonnateurs), on parvient facilement à les distinguer dans un son donné. Parmi les harmoniques, on dis- lingue mieux les sons partiels impairs, la quinte, la tierce, etc., que les sons partiels pairs. Voici les harmoniques de do avec les nombres de vibrations des sons partiels : Son fondamental, do'. do- Ha rmoni S0l3 ques. Notes sol^ do3 nu"^ sii'S do'î ré^ mi Sons partiels . 1'^' son partiel. 2-- 3" i' 5' 6' 7^' a" 9"-' 10-^ Nombre de vi- brations . . 33 66 9'J 132 165 198 231 264 297 330 Les premiers sons partiels se distinguent mieux que les der- niers. Certains sons dépourvus d'harmoniques présentent cependant des sons partiels, mais qui ne sont plus en rapport simple de vibrations avec le son fondamental (exemple : le diapason) ; mais ces sons partiels sont très-élevés, s'éteignent très-vite et ne jouent qu'un rôle accessoire en musique. Les sons simples, com- plètement dépourvus de sons partiels, ont tous le même timbre, qui se rapproche du bruit produit en soufflant dans une bouteille ou du timbre de la voyelle ou; c'est un timbre doux, sombre et dépourvu de mordant, comme les sons de ilùte. 2^ Caractères physiologiques de la sensation auditive. Un caractère physiologique essentiel de la sensation auditive, c'est l'extério7Hté. Quand nous entendons un son, nous rappor- tons ce son à l'extérieur; il nous paraît se passer en dehors de nous. Mais il n'en est plus de môme quand le conduit auditif n'est plus rempli d'air. Ainsi, quand nous avons la tète sous l'eau, le bruit nous paraît intérieur; dans ce cas, les vibrations se transmettent par les parois mêmes du crâne, et la membrane du tympan ne vibre plus ; l'extériorité paraît donc due aux vibrations AUDITIO-X. 749 de la membrane du tympan. Cependant cette extériorité pourrait bien n'être qu'une affaire d'habitude et non pas liée à la structure même de l'oreille. Ainsi, il est souvent difficile au premier mo- ment de distinguer les bourdonnements, ou antres sensations entùtiques , de phénomènes analogues provenant du monde extérieur. La durée de la sensation auditive ne correspond pas exacte- ment à la durée de l'excitation (vibration sonore) qui l'a fait naître, elle la dépasse ('^ D'après les recherches de Helmholtz, on peut encore entendre distinctement 133 battements par se- conde, mais au delà de 133 battements, la sensation devient con- tinue, parce que les impressions se fusionnent. Dans certains cas exceptionnels, l'ébranlement communiqué aux extrémités ner- veuses persiste longtemps encore après la vibration : on a alors àei sensations auditives' consécutives , mais leur durée est en général assez courte. La sensibilité de l'oreille pour les sons de différentes hauteurs n'est pas la même : elle est ordinairement plus vive pour les sons aigus que pour les sons graves : le maximum de sensibilité de l'oreille parait se montrer poiu* les nombres de vibrations com- pris entre 2,800 et 3,000, région du ffl'f ; c'est, du reste, ce ([u'on observe aussi pour certains animaux. Cette sensibilité varie beaucoup d'individu à individu; des musiciens reconnaîtront des différences de hauteur de •/, «oo- quand d'autres personnes se- ront à peine affectées par une différence d'un demi-ton ; c'est là ce qui constitue la justesse de l'oreille. Les limites des sons graves ou aigus perceptibles ne sont pas non plus les mêmes pour les différents individus. Cette sensibilité de l'ouïe s'adresse non-seulement à la hauteur, mais à l'intensité et au timbre du son. Des sons très-faibles, qui échappent aux uns, seront encore perçus par d'autres (finesse ou dureté de l'ouïe). Le timbre d'un son nous fait connaître immédiatement l'instrument qui le produit ; nous reconnaissons une personne au timbre de sa voix. L'exercice a une influence marquée sur la sensibilité de rouïe 0) On prétend souvent que la sensation auditive ne dure pas plus long- temps que la vibration sonore qui la produit, mais c'est en réalité une erreur: seulement la persistance de la sensation est très-faible, et sous ce rapport l'excitation auditive disparait beaucoup plus vite que Texcitation rétinienne. 750 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. et surtout sur sa justesse. Tout le monde sait à quelle perfection on peut arriver sous ce rapport. Lliabitude a un rôle encore plus important; c'est grâce à elle que les harmoniques qui ac- compagnent la plupart des sons que nous entendons passent inaperçus, et qu'un son composé nous donne une sensation simple. Les sensations auditives peuvent être le point de départ de réflexes , rives , larmes , contractions musculaires, phénomènes nerveux dont la singularité souvent exagérée a défrayé plus d'un recueil à titre de curiosités scientifiques. Certaines hauteurs de son, certains caractères de timbres agissent plus spécialement sur te système nerveux; mais ce sont surtout les bruits, plus encore que les sons musicaux, qui sont intéressants à étudier sous ce rapport. Tout le monde a éprouvé l'effet ^agacement produit par certains grincements. Les sensations auditives vien- nent, sous ce rapport, immédiatement après les sensations tac- tiles. 3° Du mode d'excitation des terminaisons du nerf auditif. Le mode d'action des vibrations du hquide du labyrinthe sur les terminaisons nerveuses est encore peu connu; tout ce que nous savons, c'est qu'il y a là certainement un ébranlement mé- canique, une vibration véritable des terminaisons nerveuses, mais le doute commence dès qu'il s'agit de déterminer comment cette vibration peut produire les divers modes de la sensation au- ditive. Helmholtz^ en se basant sur les phénomènes des sons par influence avait imaginé une hypothèse ingénieuse pour exphquer de quelle façon se produisent dans l'oreille les sensations de hauteur et de timbre. On a vu, à propos des sons par influence, que les corps élastiques ont un son propre correspondant à un nombre déterminé de vibrations. Quand un son voisin du son propre du corps se met à résonner, le corps vibre par influence avec d'autant plus de force que les nombres de vibrations des deux corps sont plus rapprochés. Les extrémités ner-, veuses du nerf du limaçon aboutissent à environ 3,000 petits arcs élastiques, fibres de Corti. Helmholtz suppose que ces fibres de Corti sont chacune accordées pour un son déterminé et forment une série AUDITION. 751 régulière correspondante à l'échelle de la gamme; soit 2,800 fibres de Corti pour les sons musicaux proprement dits qui comprennent 7 oc- taves, cela ferait 400 fibres pour une octave, 33 à peu près par demi-ton. Quand un son simple, une vibration pendulaire arrive à l'oreille, elle excite les fibres de Corti qui sont accordées pour ce nombre de vibra- tions, et Tune d'entre elles plus que les autres; des sons de hauteur dilTérente affectent des fibres de Gorti de hauteurs différentes. Quand c'est non plus un son simple, mais un son accompagné d'harmoniques qui se fait entendre, il se produit dans l'oreille autant de sensations séparées qu'il y a de vibrations pendulaires dans le son entendu, qu'il y a de groupes de fibres de Corti impressionnées. Il semble, au premier abord, que l'admission de 33 fibres de Corti, pour les sons contenus dans l'intervalle d'un demi-ton, ne suffise pas; en effet, on distingue facilement des différences de hauteur de '/6 4 de demi-ton; mais s'il se produit un son dont la hauteur soit comprise entre l'accord de deux fibres de Corti voisines , elles vibreront toutes les deux, mais celle dont le son propre est le plus voisin du son émis vibrera avec le plus d'intensité. Les expériences de Hensen ont confirmé les vues théoriques d'Helm- holtz; les mysis (crustacés) présentent des crins auditifs extérieurs; en les observant au microscope pendant qu'on faisait arriver dans l'eau qui les contenait les sons d'un cor, on voyait certains crins vibrer pour certaines notes du cor, d'autres pour d'autres. Malheureusement, des recherches récentes sont venues infirmer ces résultats. Sans entrer dans les détails, il suffira de dire que l'organe de Corti manque chez les oiseaux, auxquels on ne peut refuser l'apprécia- tion des hauteurs des sons. Helmhollz a modifié son hypothèse en la transportant à la memhrcuie basilaire qui sert de support aux fibres de Corti et augmente de largeur de la base au sommet du limaçon; elle se comporterait, d'après lui, comme un système de cordes juxtaposées de longueur croissante accordées chacune pour un son déterminé. On ne peut se prononcer encore sur la valeur de cette nouvelle hypothèse. 4° Audition d'un son avec les deux oreilles. L'audition avec les deux oreilles ne paraît pas modifier la sensation auditive ; on entend toujours un seul son et l'intensité ne varie pas si la distance du corps sonore à chaque oreille est égale. Y a-t-il là une affaire d'habitude, ou bien les fibres ner- veuses de chaque oreille se correspondent-elles et aboutissent- •elles deux par deux .à un même point nerveux central? Il est assez difficile de trancher la question. 752 PHYSIOLOGIE FONCTIO>\NELLE. 5*^ Audition simultanée de plusieurs sons '^ sensations auditives simultanées. Jusqu'ici j'ai étudié la sensation auditive en elle-même, étant donnée l'audition d'un seul son ou de plusieurs sons successifs ; il reste à étudier les sensations auditives simultanées. Il est assez difficile de préciser jusqu'à quelle limite les sensations auditives simultanées peuvent être perçues ; la multiplicité de ces sensa- tions peut être portée très-loin sans qu'il y ait confusion, et il n'y a qu'à entendre un orchestre pour voir combien de sensa- tions auditives distinctes peuvent coexister dans l'oreille sans se mélanger; il peut très-bien se faire aussi que des sensations auditives qui nous paraissent simultanées ne soient en effet que successives, mais dans un espace de temps infiniment court; ne suffit-il pas d'une durée de i/,32 de seconde pour qu'une exci- tation auditive fournisse une sensation distincte. Il faut distin- guer, dans l'audition simultanée de plusieurs sons, le cas où les sons arrivent à une seule, et celui dans lequel ils arrivent aux deux oreilles. Si les deux sons émis simuKanément ont la même hauteur, la même intensité et le môme timbre, môme pour l'au- dition avec les deux oreilles, ils résonnent comme un seul son. S'ils diffèrent de hauteur et de timbre , ils sont entendus distinc- tement tous deux avec les deux oreilles; avec une seule oreille, au contraire, ils donnent une sensation simple, un son résultant composé par les deux sons primitifs. Ainsi, si on place deux montres dans une main et qu'on les rapproche d'une oreille, on entend un seul tic-tac, quoique les sons des deux montres n'aient pas la môme' hauteur. C'est sur la propriété de l'oreille d'ôtre impressionnée simulta- nément par une grande multiplicité de sons, qu'est basée la partie harmonique de la musique. Principes physiologiques de l'harmonie, — Les principes de rharmonie musicale peuvent se résumer de la façon suivante, au point de vue physiologique : On sait que lorsque deux sons ont un nombre de vibrations voisin l'un de l'autre, il se produit des battements , et que le nombre de ces battements par seconde égale la différence du nombre de vibrations des deux sons. Si l'un fait 100 vibrations par seconde, l'autre 90, il se AUDITION. 753 produira 10 battements. Quand deux sons fondauientaux donnent des battements, les harmoniques en donnent également; à chaque batte- ment du son fondamental correspondent 2 battements du 2« son partiel (1" harmonique), 3 du troisième et ainsi de suite. A mesure que la dif- férence de hauteur de deux sons simultanés augmente, le nombre des battements augmente aussi. L'effet physiologique des battements est toujours désagréable et communique à l'ensemble une dureté qui affecte péniblement l'oreille; cette dureté est au maximum pour 33 battements par seconde; à mesure que ce nombre s'accroit, la sen- sation désagréable disparaît de plus en plus, et pour 132 battements par seconde on n'a plus qu'une sensation auditive continue. Les mêmes intervalles présentent un nombre croissant de battements à mesure qu'ils occupent des régions plus élevées de l'échelle musi- cale; inversement, des intervalles différents peuvent, suivant qu'on les prend dans des régions différentes de la gamme, donner le même nombre de battements. Ainsi, ie nombre de 33 battements est fournipar les divers intervalles suivants : Seconde Uf- Ré- Seconde augmentée Si^' Ut- Tierce diminuée Sol' SiV Tierce mineure. Mi' Soi' Tierce majeure Ut' Mi' Tierce augmentée. ....'. Si^' Ré- Quarte . . Sol" Ut' Quinte diminuée Mi' Si^' Qiiinte m^ Soi" Sixte mineure La~' Fa° Sixte majeure Sol^ Mi' Septième diminuée Ut' Si^' Octave Ut-' Ut° Quoiqu'ils fassent le même nombre de battements, tous ces inter- valles n'ont pas la même dureté; plus l'intervalle est petit, plus sa dureté est prononcée. La dureté d'un intervalle dépend donc de deux conditions : 1° du nombre de battements (maximum de dureté à 33 battements); 2° de la grandeur de l'intervalle; pour un même nombre de battements la dureté est en raison inverse de la grandeur de l'intervalle. Le tableau suivant donne le nombre de battements des intervalles au-dessous dune octave pour les diverses octaves de l'échelle mu- sicale. 11 est facile, d'après Iqs lois posées ci-dessus, de trouver pour chaque intervalle la dureté correspondante. Beaums, Phvs. 48 754 PHYSIOLOGIE F 0.\CTIO>">'ELLE. Ut— 1. Utn. Ut,. Ufc Ufo. Ut,. Ut,. Uifi. Ut, ut». 1,37.5 2,75 5,50 11,0 22 U 88 176 252 Ilét>. 3,11375 7,875 15,75 31,5 63 126 252 504 1003 Hé . . . 4,125 «,25 16,50 33 66 132 264 523 1056 Ré#. . . 5,5 11 22 44 88 176 352 704 140 -i Mit). 6 , (j 13,2 26,4 52,8 105,6 211,2 422,4 814,3 1689,6 Mi. . 8,25 1G,5 «3 66 132 264 523 1056 2112 Faî>. . 10,3125 20,625 41,25 83,5 167 334 668 1336 2672 Fa. . . 11 2-' 44 . 88 176 352 704 .1408 2316 Fat. . . 13 26 52 104 203 416 832 1664 3328 Solt>. . 15,25 30,5 61 122 244 483 976 1952 3904 Sol . . i(;,.5o 33 66 132 264 528 1056 2112 4224 Soit. . 18,5t;25 37,125 74,25 148,5 , 297 594 1188 2376 4752 ha.0. . 19,025 39,25 78,5 157 ' 314 628 1256 2512 5024 La . 22 44 85 176 352 704 1408 2816 5632 Lat. . 22,6375 45,375 KO, 75 1S1,5 363 726 1452 2904 5808 Sit>. . 24,75 49,5 99 198 396 792 1534 3168 6336 Si. . . 2S,875 57,75 115,5 231 462 924 1848 3696 7392 Ut. . . . 33 66 132 264 52S 1056 2112 4224 8448 Chaque colonne verticale du tableau contient les intervalles que les dilférentes notes de la gamme font avec la tonique, et chaque colonne répond à une octave. On voit, par exemple, que les tierces qui sonnent très-bien dans les régions élevées présenteut une certaine dureté dans les octaves inférieures. L'existence de ces battements est fondamentale pour la théorie de l'harmonie. Des intej^valles. — Quand deux sons se font entendre simultanément, non-seulement les deux sons fondamentaux, mais encore leurs harmo- niques respectifs 1') produisent dès battements, et si ces battements sont bien marqués, la sensation est intermittente, désagréable et cons- titue ce que Ton appelle une dissonance. Quand les battements sont trop peu marqués pour exercer une action désagréable, il y a conson- nance . Pour apprécier la consonnance ou la dissonance des divers intervalles, il faut donc avoir égard surtout à la coïncidence des harmo- niques des deux sons qui composent l'intervalle ; en effet, les harmo- niques coïncidents ne peuvent donner de battements. Le tableau suivant donne les harmoniques coïncidents pour les prin- cipaux intervalles : Tableau des harmoniques coïncidents. Ut. Ut'. Sol'. Ut2. Mi*. SoP. Sit»*. Ut3. Ré3. Mi3. Octave . . . Douzième . . Quinte . . . Quarte . . . Sixte majeure Tierce majeure Tierce mineure ut^ uf- soV- soP sol- sol soP ré- sol- fa fa' ut- f'A- la- la lu' mi- la- mi mi' si' mi- ^4' ÎW rë^ im si- ré^ ut' uf mi si- ré^' mi mi^ mi^' si^' mi^- sol- (') Les sons re'sultants peuvent faire aussi entendre des battements qui renforcent ceux des liarmoniques. AUDITION. 755 La première ligne horizontale donne les sons partiels son fondamen- tal et liarmoniquesi de la note grave de lintervalie ; les lignes horizon- tales suivantes donnent les premiers sons partiels de la note aiguë de l'intervalle considéré; les sons partiels coïncidant avec un des sons partiels de la note grave sont^cn italiques. Pour trouver les harmoniques coïncidents d'un intervalle, il suffît de se reporter au rapport numérique de cet intervalle. Ainsi, dans la quinte 2 : 3, le second son partiel de la quinte, soi 'Ou ses multiples, 4, 6, 8, etc.), coïncide avec Je troisième son partiel du son fondamental (ou avec ses multiples. G, 9i et ainsi de suite. On peut, dans le tableau des harmoniques coïncidents, remplacer les notes par des chifTres indiquant le nnméro d'ordre des sons partiels ; le tableau peut alors s'appliquer a tous les intervalles mentionnés, quelles que soient les notes qui contribuent à les former. Le tableau, calqué sur le 'précédent, prend alors la forme suivante : Son fondamental. 1 l' 3 i 5 tj 7 s 9 10 Octave 1 2 3 4 5 Douzième .... l 2 3 Quinte 2 '4 6 Quarte 3 6 Sixte majeure . , 3 6 Tierce majeure . . 4 8 Tierce mineure . . 5 Avec ce tableau, il est facile de voir de suite quel est le degré de consonnance des intervalles. Sous ce rapport, on les a classés de la façon suivante : 1° Consonnances absolues. — Octave. — Douzième. — Double octave. Tous \qs sons partiels du sou aigu coïncident avec un des sons partiels de la note grave. 2" Conso7ina7ices parfaites. — Quinte. — Les sons parliels pairs coïncident avec des sons partiels de la note grave. 3" Co7iso7inances moye7ines. — Quarte. — Sixte majeure. — Tierce majeure. — Deux des harmoniques coïncident (dans les dix premiers sons partiels-; les battements commencent à se faire sentir dans le grave. 4° Co7iso7ma7ices imparfaites. — Sixte mineure. — Tierce mineure. Septième mineure. — Mw seul des harmoniques coïncide; ils sont mau- vais dans le grave. 5° Disso7iances. — Pas d'harmonique coïncidant. Des accords. — On nomme accord l'émission simultanée de plus de deux sons. Comme pour les intervalles, on distingue des acco/-ds co7i- so7i7ianfs et des accords disso7umts. Pour qu'un accord soit consonnant, il faut que les sons qui s'y trouvent soient consonnants deux à deux; 75G THYSIOLOGIE F0i\GTI(3X-\ ELLE. si deux des sons forment une dissonance et donnent des battements sensibles, Tharmonie est détruite. Les seuls accords consonnants de trois sons sont les suivants, qui sont aussi les plus employés en musique : La. „^K ■ Si. Ut. ACCORDS. Ut Ut# Ré» Ré. Ré#. Mit?. Mi. Fa. F a#. Sol. Soit Lat> (• Fondamental Ut Mi Sol ^T)e sixte Ut Ut Mii> Fa i De sixte et quarte. La» r Fondamental Ut Mitî Sol ' Dp sixt;' Ut ut Mi Fa Lat> i De sixte et quarte. La La On peut faire dériver les accords de sixte et de sixte et quarte des deux accords fondamentaux, grâce au renversement suivant, en prenant successivement pour tonique la deuxième et la troisième note de l'accord. Accord majeur. Accord fondamental. ... ut mi sol — de sixte et quarte mi sol ut — de sixte sol ut mi. Accord mi?ieur. Accord fondamental. ... ut rai j? sol — de sixte et quarte mij? sol ut — de sixte . ..... sol ut mil?. La consonnance des accords dépend : 1° des consonnances parfaites ou imparfaites formées par les intervalles qui les composent; 2° de la présence des sons résultants dus aux sons fondamentaux ou à leurs premiers harmoniques. Le tableau suivant, emprunté à Helmboltz, donne les meilleurs ren- versements des accords de trois sons, soit majeurs, soit mineurs. Dans les accords majeurs, les meilleurs sont ceux dans lesquels les sons résultants restent entièrement compris dans l'accord. Pour les accords mineurs, il y a toujours, môme pour les meilleurs, perturbation de raccord par des accords nouveaux dus aux sons résultants. Accords majeurs. VÎSION. 757 Accords mineurs. Accords de quatre sons. — Tous les accords consonnaiits de quatre sons sont des accords de trois sons dans lesquels un des sons est redoublé à Toctave. Les accords dissonants de trois et quatre sons sont aussi employés en musique comme transition entre les accords consonnants. La musique moderne n'emploie guère que deux modes : le mode majeur et le mode mineur; ces deux modes sont Ceux qui fournissent les séries d'accords consonnants les plus complètes. D'autres modes, aujourd'hui abandonnés, étaient employés autrefois et le sont encore par certains peuples. (Voir, pour plus de détails sur ce sujet, Helmholtz : Théorie physiologique de la musique.) Ilibliog^rapliie. — HELiiHOiiTZ : Théorie phijsiologique de la musique; traduit par G. GuÉROULT. 2" édit. Paris, 1874. 2° VISION. La sensation visuelle est une sensation spéciale qui reconnaît pour cause déterminante l'excitation de la rétine par la lumière. Cette sensation exige donc deux conditions fondamentales : un excitant, la lumière; une membrane impressionnable, la rétine. Mais la sensation, limitée dans ces conditions, ne serait que rudimentaire et indistincte si des appareils surajoutés, faisant partie du globe oculaire ou extérieurs à lui, ne venaient ia per- fectionner. Ces appareils sont : en premier lieu, un appareil de réfraction constitué parles milieux transparents de l'œil; un diaphragme musculaire, l'iris, qui règle la quantité de lumière qui arrive à la rétine ; un appareil d'accommodation , le muscle ciliaire et le cristallin, qui permet à l'œil de s'adapter aux diverses distances; des muscles, qui font parcourir au globe oculaire toutes les parties du champ visuel , et enfin des organes de protection, comme l'appareil lacrymal, les paupières et les sourcils. 758 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. J'étudierai donc successivement, dans une série de paragra- phes, la lumière, la dioptrique oculaire, l'iris et la pupille, l'ac- commodation, les sensations visuelles, les mouvements de l'œil, la vision binoculaire, les notions fournies par les sensations visuelles monoculaires ou binoculaires , et les appareils de pro- tection du globe oculaire. A. — DE LA LUMIERE. Les sensations visuelles ne sont pas liées essentiellement à l'action de l'excitant lumière; même, dans l'obscurité la plus absolue, à toute excitation mécanique, physique ou chimique de la rétine et du nerf optique , correspond une sensation lumi- neuse; la lumière est seulement l'excitant physiologique normal. L'étude de la lumière étant du ressort de la physique, je ne ferai que rappeler brièvement les notions indispensables. La lumière est duc aux vibrations de féther. On appelle rayon lumi- neux la direction suivant laquelle se transmettent les vibrations de Téther. Cette transmission de la lumière se fait en ligne droite avec une vitesse de 300,000 kilomètres par seconde dans Tair (vitesse de la lumière), et de chaque point lumineux partent comme d'un centre une infinité de rayons qui vont dans toutes les directions de fespace. Les vibrations de l'éllier sont transversales, c'est-à-dire perpendiculaires à la direction des rayons lumineux. A la durée, ou ce qui revient au même, au nombre des vibrations correspond une sensation particulière : celle de couleur, qui est pour la sensation lumineuse ce que la hauteur est pour le son. La durée de ces vibrations est infiniment courte, et, par suite, dans une seconde, il y a un nombre considérable de vibrations, et la rétine se comporte avec les vibrations lumineuses comme le nerf acoustique avec les vibrations sonores; au delà et en deçà d'un certain nombre, la rétine n'est plus impressionnée par les vibrations transver- sales de féthcr; la limite inférieure des vibrations visibles est donnée par le rouge, qui correspond à 435 trillions de vibrations par seconde; la limite supérieure par le violet, qui correspond à 764 trillions de vibra- tions. Au-dessous de 434 trillions, la rétine n'est plus impressionnable, quoique les vibrations inférieures puissent encore produire de la cha- leur (rayons calorifiques); au-dessus de 764 trillions, la rétine est insen- sible, quoique ces rayons (rayons chimiques) puissent encore impres- sionner certaines substances (nitrate d'argent). La figure 184 donne les courbes d'intensité correspondantes aux trois espèces de rayons. Le spectre lumineux est compris entre les raies A et H, le spectre ultra- VISION. 759 ronge va de 0' à A, le spectre ultra-violet de H à T. Les courbes repré- sentent les intensités calorifique, lumineuse et chimique (pour le nitrate d'argent), suivant les diverses régions du spectre. AaB C 3 E i T Sfl[!13 Fig. 184. — Courbes d'intensilé calorifique, lumineuse et chimique des différeutes régions du spectre solaire. Le nombre des vibrations du violet, limite supérieure des sensations lumineuses (aigu), n'est pas même le double de celui du rouge, qui en est la limite inférieure (grave). On voit donc que l'échelle des vibrations visibles ou des rayons lumineux, moins étendue que l'échelle des vibra- tions sonores, comprend à peine une octave du grave à laigu. Les rayons ultra-violets peuvent aussi impressionner la rétine si on se place dans certaines conditions, de façon à accroître leur intensité; ils peuvent alors devenir visibles. La lumière blanche est une lumière composée; on peut, en lui faisant traverser un prisme, la décomposer eu un certain nombre de vibrations, autrement dit, isoler les vibrations simples qui la composent, comme les résonnateurs divisent un sou complexe en sons simples. Les rayons qui correspondent aux diJTérents nombres de vibrations étant inégalement réfrangibles, le faisceau de lumière blanche se clis- perse et laisse apparaître les couleurs simples qui le composent; on a alors ce qu'on appelle le spectre solaire. Les rayons violets sont les plus réfrangibles et se trouvent dans le spectre, du côté de la base du prisme; les rayous rouges, les moins réfrangibles, du côté du sommet. B. — TRAJET DES RAYONS LUMINELX BA.XS L'ŒIL. DIOPTRIQUE OCULAIRE. 1. LOIS PHYSIQUES DE LA RÉFLEXION ET DE LA RÉFRACTION. La connaissance des lois de la réflexion et de la réfraction est indispensable pour bien comprendre la marche des rayons lumi- 760 PHYSIOLOGIE FO>'GTIO};XELLE. lieux dans Fœil, et quoique ces questions soient traitées dans les ouvrages de physique, j'en résumerai les points principaux dans leurs rapports avec la dioptrique oculaire. Quand des rayons lumineux rencontrent un nouveau milieu dans lequel la vitesse de la lumière est différente de celle du premier milieu, une partie de ces rayons se rêjlécliit, c'est-à-dire est renvoyée daus le premier milieu; l'autre partie ?>q i-éfracte , c'est-à-dire traverse le se- cond milieu en déviant de sa direction primitive. Réflexion de la lumière. — Les lois de la réflexion de la lumière sur les surfaces planes sont les suivantes : 1° Le rayon incident et le rayon réfléchi sont dans un même plan avec la normale à la surface au point d'incidence; 2° L'angle de réflexion est égal à l'angle d'incidence. Dans les miroirs plans, Limage est virtuelle, symétrique de l'objet et de même grandeur. Dans les miroirs convexes, Limage est virtuelle, droite et plus petite que Lobjet. Dans les miroirs concaves, il y a plusieurs cas suivant la position de Lobjet : 1° L'objet est à l'infini; l'image se produit au foyer principal; elle est réelle et renversée; 2° L'objet est au delà du centre de courbure; l'image se forme entre le foyer principal et le centre de courbure; elle est réelle, renversée et plus petite que Lobjet; 3° L'objet est au centre de courbure, l'image est au centre de cour- bure et coïncide avec l'objet; elle est de même grandeur que lui et renversée; 4" L'objet est entre le centre de courbure et le foyer principal; l'image se forme au delà du centre de courbure; elle est réelle, ren- versée et plus grande que l'objet; 5° L'objet est au foyer principal; les rayons vont à linûni; il n'y a pas d'image; 6° L'objet est entre le foyer principal et le sommet du miroir; Limage est virtuelle, droite et plus grande que l'objet. Réfraction de la lumière. — Les lois de la réfraction sont les sui- vantes : 1° Le rayon incident et le rayon réfracté sont situés dans un même plan avec la normale à la surface au point d'incidence; 2° Le rapport des sinus de l'angle d'incidence et de l'angle de ré- . fraction est constant pour deux mêmes milieux, et égal au rapport des vitesses de propagation de la lumière dans ces deux milieux. Ainsi [firj. 185, p. 761 ), le rayon incident ab et le rayon réfracté hf sont dans le même plan que la normale au point d'incidence b d. En outre, VISIO.X. 761 soit a 6 le rayon incident ; quand le rayon arrive à la surface de sépa- ration du milieu le plus réfringent AB (passage de Tair dans l'eau, par exem- ple), le rayon réfracté, au lieu de suivre la direction primitive bc, se rapproclie de la normale et suit la direction hf. L'angle d'incidence a est plus grand que l'angle de réfraction fi. Si mainte- nant on prend sur ces deux rayons (in- cident ab Q{ réfracté bf), des longueurs égales ab ei bf, et que des points a et/ également distants de b on abaisse des perpendiculaires ax et fg sur la normale de, ces lignes ax et fg sont les sinus des angles d'incidence et de réfraction. Le rapport de ces Fig. 185. — Lois de la réfraction. (Voir page 760.) Cl OC deux sinus — : reste constant pour les deux milieux et constitue ce gf que Ton appelle Vindice de réfraction. Dans le cas actuel (passage de l'air dans l'eau), si ax a une longueur = 4, <7/a une longueur = 3, et 4 l'indice de réfraction de l'eau sera — . Si on fait varier l'obliquité du rayon O incident, celle du rayon réfracté varie aussi; par exemple, si le sinus d'incidence est 8, le sinus de réfraction sera 6, et l'indice de réfraction sera — = — . Quand le rayon incident passe d'un milieu moins réfrin- 6 3 gent dans un milieu plus réfringent, l'indice de réfraction est toujours plus grand que l'unité, et on le représente par n dans les formules; dans le cas contraire, cet indice est toujours plus petit que l'unité et représenté par— . En général, la quantité n ne représente que l'indice de réfraction par rapport à l'air, c'est-à-dire \ indice relatif. C'est le seul qu'il soit utile de connaître pour la théorie de la réfraction oculaire. La môme construction sert à montrer qu'en passant d'un milieu plus réfringent dans un milieu moins réfringent, le rayon réfracté s'écarte de la normale au point d'incidence. Quand des rayons lumineux traversent un milieu plus dense, à faces parallèles, les rayons entrants et les rayons sortants restent parallèles, et si le milieu traversé est peu épais, ils peuvent être considérés comme se continuant. 1" Réfraction de la lumière dans un milieu à surface courbe. — Soit une surface spbérique 1 {fig. 1 8G, page 7G2), 0 le centre de courbure qui se confond avec le centre optique ou j^ohit nodal, ou appelle axe- 762 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. principal QQ' la ligne qui passe par le centre de figure ou point prin- cipal A et le point nodal 0. Tous les rayons venant de l'infini ou de Taxe principal vont se réunir Fig. 186. — Construction d'un rayon réfracté. et former leur foyer sur l'axe principal de Tautre côté de la surface de séparation des deux milieux. Tous les rayons parallèles à Taxe prin- cipal vont se réunir au point F', appelé foijer principal ou point focal postérieur. Les rayons parallèles venant de l'autre côté de la surface là droite de la figure i ont leur foyer au point F, point focal antérieur. On appelle axe secondaire toute ligne NO qui passe par le point nodal; les rayons qui ont cette direction ne subissent aucune dévia- tion. Il y a. par conséquent, une infinité d'axes secondaires. Tous les rayons parallèles aux axes secondaires viennent former leur foyer eu un point, /oyer secondaire,èï\.\iè sur cet axe secondaire. Tous les foyers secondaires des rayons parallèles se trouvent sensiblement dans un même plan, N'F', perpendiculaire à l'axe principal et passant par le foyer postérieur; c'est ce qu'on appelle le plan focal; il y a donc deux plans focaux, un plan focal postérieur, N' F', qui passe par le foyer postérieur F', un plan focal antérieur, N F, qui passe par le foyer anté- rieur F. On appelle pla^i nodal le plan perpendiculaire à Taxe prin- cipal et qui passe par le point nodal 0, plan principal le point langent à la surface au point Â. Construction d'un rayon réfracté. — Ces données une fois con- nues, il est facile de trouver le rayon réfracté quand on connaît le rayon incident et le foyer principal de la surface réfringente. Soit QI le rayon incident, il coupe le plan focal antérieur en N; on sait que tout rayon lumineux parti d'un point du plan focal antérieur prend en se réfractant une direclion parallèle à Taxe secondaire passant par ce point; si on mène cet axe secondaire NO et qu'on mène de I une ligne IQ' parallèle à Taxe secondaire NO, on a le rayon réfracté cherché. On peut aussi mener Taxe secondaire ON' parallèle au rayon incident QI; en joignant le point d'incidence I, au point N', où Taxe secondaire coupe le plan focal postérieur, on a le rayon réfracté IN'Q'. Construction de l'image d'un point. — Pour avoir limage d'un point, il suffit de mener de ce point deux rayons incidents quelconques. VISION. 763 Soit un point P {fig. 187j; on mène de ce point : 1° Taxe secondaire PO passant par 0 sans subir de déviation; 2«' un rayon PI parallèle à Taxe principal; d'après ce qui a été dit tout à l'heure, le rayon réfracté pas- Fig. 187. — Construction de l'image d'un objet. sera par le foyer postérieur F' et il n'y aura qu'à le prolonger jusqu'à ce qu'il rencontre Taxe secondaire PO; le point de rencontre P' sera l'image du point P. On peut aussi mener : 1" le rayon incident PI, parallèle à l'axe prin- cipal; 2" le rayon incident PFE, passant par le foyer principal antérieur; ce rayon, après la réfraction, marche parallèlement à l'axe principal suivant EP' et coupe le rayon réfracté IF' en P'. On trouvera ainsi successivement limage des différents points d'un objet. L'image de Tobjet sera renversée, 2" Réfraction de la lumière dans le cas d'un système de plusieurs milieux réfringents {système dioptrique centré). — Quand, au lieu de deux milieux séparés par une surface réfringente, on a affaire à un sysième de plusieurs milieux, la construction du rayon réfracté s'ob- tient facilement d'après les mêmes principes si les surfaces sont bien centrées, c'est-à-dire si leurs centres de courbure se trouvent sur une même droite ou axe. Tout système dioptrique centré peut être remplacé par un système 4 E X F -4 \- X 0 BVY D I Fig. 18S. — Système dioptrique centré. de six points cardinaux {constantes optiques de Gauss). Soit , par exemple {fig. 188), un système couiposé de quatre milieux réfringents. 764 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. 1, 2, 3, 4, séparés par les surfaces sphériques AB, CD, El, dont les cen- tres se. trouvent sur Taxe XX. On pourrait, pour chaque milieu, étant connus l'indice de réfraction, la courbure de la surface et la direction du rayon incident, construire successivement le rayon réfracté; mais on simplifle la construction par l'admission des six points cardinaux. Ces points sont : l*' Deux points focaux, FF', point focal antérieur F ti point focal postérieur F'; ils ont pour propriété que tous les rayons qui partent du point focal antérieur sortent parallèles à Taxe, et que tous les rayons parallèles vont former leur foyer au point focal postérieur. On appelle plans focaux antérieur et postérieur ^ 00, O'O', des plans passant par les points focaux et perpendiculaires à Taxe XX ; tous les rayons qui partent d'un point d'un plan focal sortent parallèles entre eux. 2° Deux points principaux, PP', et deux plans principaux, YV, Y'V, qui représentent les deux surfaces de séparation idéales des milieux transparents. Tout rayon incident qui passe par le premier point prin- cipal sort par le deuxième, et tout rayon qui passe par un point du premier plan principal sort par le point correspondant du deuxième à la même distance de l'axe. C'est ce qu'on exprime en disant que le deuxième plan principal est l'image optique du premier. On appelle longueur focale antérieure — /, la distance FP du point focal antérieur F au premier point principal P; longueur focale posté- rieure = /', la distance F'P' du point focal postérieur F' au deuxième point principal P'. 3° \)e\\x points nodaux, NX', qui répondent aux centres optiques des surfaces VV, Y'V', et 'jouissent de cette propriété que les rayons qui passent par le premier point nodal passent aussi par le deuxième, et que les directions du rayon incident et du rayon réfracté sont paral- lèles. La distance des deux points, nodaux NX' égale celle des deux points principaux. Uuand, dans un système de plusieurs milieux réfringents, le premier et le dernier milieu ont le même indice de réfraction, les points nodaux coïncident avec les points principaux, et les longueurs focales/ et/' sont égales. Quand un système de milieux réfringents est ainsi ramené à un sys- tème de six points cardinaux, il est facile de construire la marche du rayon réfracté. Construction du rayon réfracté. — Soit {fig. 189, page 7G5) un rayon incident AP ; du point B, on mène une parallèle à l'axe XX, parallèle qui coupe le deuxième plan principal Y'V en C; c'est comme si le rayon AB tombait directement en C sur ce plan principal ; puis on mène par le deuxième point nodal N' une droite, N'D, parallèle au rayon incident AB; cette droite coupe le plan focal postérieur en D; en joignant D à G on a la direction du rayon réfracté CD. Oïi peut encore y arriver en menant VISION. 76c du point focal antérieur F une droite, FI, parallèle à AB; du point I, où elle coupe le premier plan principal YV, on mène une parallèle à X— Fig. IS9. — Construction d'un rayon réfracté. l'axe ID; en joignant le point D, où cette parallèle rencontre le plan focal postérieur à C, on a la direction du rayon réfracté. Construction de l'image d'un point. — Soit ifig. 190i l'objet AB; Fig. 190. — Construction de l'image d'un point. pour avoir l'image du point A, il suffit de connaître le trajet de deux rayons partant de ce point. 1° Ou mène un premier rayon, AC, parallèle à l'axe; U coupe le deuxième point principal en C; de là, comme rayon parallèle à l'axe, il passe par le foyer postérieur F' et prendra la direction CF'A'.' 2° On mène un second rayon dans la direclion du premier point nodal N, et on mène par le deuxième point nodal A"' une ligne. >'A', paral- lèle à AN et qui sera la direction du sc;;ond rayon réfracté; cette ligne coupe la ligne CF'A' en un point A', qui sera le foyer ou l'image du point A. On trouvera de même l'image du point B. L'image de AB est réelle et renversée. Les rapports de l'objet et de l'image sont donnés par la formule 0/ suivante : 1 = 0-/ où I désigne la distance de l'image du deuxième 766 PHYSIOLOGIE FONCTION^'ELLE. point principal, 0 la distance de l'objet du premier point principal, /la longueur focale antérieure,/ la longueur focale postérieure. Si l'objet est à l'inflni, limage est réelle et se fait au point focal pos- térieur; à mesure que l'objet se rapproche de la surface réfringente, l'image, réelle, se porte de plus en plus en arrière; quand l'objet est au premier point focal, l'image est à Tinflui ; si l'image se rapproche en- core de la surface réfringente, l'image est virtuelle et à gauche de F. Si on compare maintenant les déplacements de l'objet et de l'image, on voit que, entre TinOni et le premier point focal, à des déplacements égaux de l'objet, correspondent des déplacements très-inégaux de l'image; en effet, le déplacement de l'image est d'abord très-petit; puis ce déplacement s'accroit à mesure que l'objet se rapproche du point focal antérieur. Ainsi, depuis l'infini jusqu'à vhigt mètres, les déplacements de Tobjet, dans un système analogue à l'œil humain, n'amènent qu'un déplacement insigniflant de l'image qui se fait tou- jours au deuxième point focal, à peu de chose près. 2. SYSTÈME DIOPTRIQUE DE l'œIL. ŒIL SCHEMATIQUE. L'œil humain, même à l'état normal, est loin de représenter un système dioptrique centré ; cependant on peut approximati- vement le considérer comme tel et le ramener, par conséquent, à un système de six points cardinaux. On a recherché pour cela, sur un certain nombre d'yeux normaux, les rayons de courbure des surfaces réfringentes et l'indice de réfraction des milieux, et on a construit ainsi les six points cardinaux de ce qu'on a appelé Yœil idéal ou schématique [firj. 191, page 767). Dans le système dioptrique de l'œil schématique, le premier milieu (air) et le dernier (corps vitré) ayant un indice de réfraction différent, il en résultera, d'après ce qui a été dit plus haut, que les points nodaux et les points principaux ne coïncideront pas. Dans son trajet à travers les milieux réfringents de l'œil, la lumière a successivement à traverser les couches suivantes : cor- née, humeur aqueuse, capsule cristalline antérieure, cristallin, capsule cristalline postérieure, corps vitré. Les deux faces de la cornée étant à peu près parallèles, la déviation subie par les myons lumineux est presque nulle; on peut donc, au point de vue dioptrique, faire abstraction de la cornée et supposer l'hu- meur aqueuse arrivant jusqu'à la face antérieure de cette mem- brane. Le cristallin, indépendamment de sa membrane d'enve- VISION. 767 loppe, est formé par une série de couches concentriques dont l'indice de réfraction est différent, mais on peut le remplacer Fig. 191. — OEil schématique (coupe transversale). dans l'œil idéal par une lentille homogène d'un indice de réfrac- tion qui produirait le même effet total. Il ne reste donc qu'à con- naître les rayons de courbure de la face antérieure de la cornée et des deux faces du cristallin, et les indices de réfraction de rtiumeur aqueuse, du cristallin et du corps vitré. Ces valeurs sont les suivantes : Rayons de courbure. Cornée; face antérieure. . Cristallin; face antérieure . Cristallin; face postérieure, 8 millimètres. 10 — 6 — Fi'j. 191. — (Grossissement zz: 2). — A, sommet de la cornée. — SC, sclérotique. — S, caual de Schlemm. — CH, choroïde. — I, ins. — M, muscle ciliaire. — R, réline. — N, nerf optique. — HA, humeur aqueuse. — L, cristallin (la ligue pointlllée indique sa forme pendant l'accommodation). — HV, humeur vitrée. — DN, muscle droit interne. — DE, muscle droit externe. YY', axe optique principal. — •[•''l'^, axe visuel, faisant un angle de 5" avec l'axe optique. — C, centre de figure du globe oculaire. Pointu cardinaux d'après Liiting. — H'H^, points principaux. — KjKo, points nodaux. — F'F^, foyers principaux (ce sont ces points cardinaux qui sont adoptés dans ce livre). Constante-! dioptriques d'après Giraud-Teidon. — H, j)oinls principaux fusionnés. — <1>'^, foyers principaux pendant le repos de l'accommodation. — ''<1>'^, foyers principaux pen- dant le maximum d'accommodation. — 0, points nodaux fusionnés. 768 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Indices de réfraction : Humeur aqueuse Cristallin . . . Corps vitré . . 103 77 16 11 103 1,3379 1,4545 1.3379 Ces données une fois connues, on trouve les positions sui- vantes pour les six points cardinaux de l'œil idéal {fig. 191, page 767). Les chiffres indiquent, en millimètres, leurs distances respectives du sommet de la cornée : w 2,1746 H- 2,5724 K' 7,2420 K- 7,6398 F' 12.8326 F- 22,6470 F'H' 15,0072 F-H2 20.0746 différence , différence 0,3978 0,3978 Premier point principal . . . Deuxième — ... Premier point nodal .... Deuxième — .... Foyer principal antérieur . . Foyer principal postérieur . Longueur focale antérieure . Longueur focale postérieure. Œil réduit. — On peut simplifier encore plus l'œil idéal tout en restant dans une approximation suffisante. En effet , les deux points principaux, n'étant qu'à une distance de 0°"",3978 l'un de l'autre, peuvent être identifiés, et il en est de même des deux points nodaux. On peut alors substituer à fœil schématique ce qu'on appelle \œil réduit, dans lequel le point principal est à 2 millimètres (2°"™, 3448) en arrii;i^e de la cornée, et le point nodal à 7 millimètres (7°'°',4969) et dont les longueurs focales sont : fantérieure, 15 millimètres, et la postérieure, 20 milli- mètres. La surface réfringente, de 5 millimètres de rayon, est placée à 3 millimètres en arrière de la cornée, et l'indice de réfraction du milieu réfringent égale celui de l'humeur aqueuse = -:r^ = —. On peut applicmer ainsi à l'œil réduit toutes les lois qui régissent la réfraction à travers une seule surface réfringente. Mesure de l'indice de réfraction et des rayons de courbure des milieux réfringents de l'œil. — Pour mesurer les courbures de la cornée et du cristallin, Helmholtz a imaginé un instrument, Yophthalmo- VISION. 769 mètre, qui permet de les déterminer, sur le vivant, avec une précision presque mathématique. L'ophthalraomèlre d'iïelmlioltz est basé sur les principes suivams : Quand un rayon lumineux traverse une lame de verre à faces parallèles, il peut se présenter deux cas : l** le rayon est perpendiculaire au plan de la pjaciuc ; dans ce cas, il n'éprouve pas de déviation; 2<' il tombe obliquement sur la plaque; il subit alors une déviation latérale et sort dans une direction parallèle à la direction du rayon incident ; pour un œil situé derrière la lame de verre, le point lumineux sera sur le prolongement du rayon émergent parallèle et subira par conséquent un déplacement latéral qui augmentera avec l'obliquité du rayon incident. Si, au lieu d'une seule lame, on prend deux lames de même épais- seur placées lune au-dessus de l'autre, de façon qu'elles occupent la position de la ligne transversale pointillée delaûgure 192, et qu'on fasse tomber au point de contact de ces deux lames un rayon 01, ce rayon se prolongera sans dé- viation dans la direction IM, et pour un observateur placé eu M, l'objet 0 paraîtra simple; si main- tenant on fait tourner les deux la- mes de façon à leur donner la position ÂB, DC, le rayon 01 subira une déviation, et au sortir de la lame AB prendra la direction l'.M' et la direction 1"M ' au sortir de la lame DG ; l'observateur situé derrière les deux lames verra l'ob- jet 0 double en 0' et 0", et une formule très-simple permettra de calculer la distance des deux ima- ges, connaissant le déplacement des deux lames; cette dislance est le double du déplacement déter- miné par chaque lame ('i. Ml M Kl" IR Principe de l'ophtlialmomètre. (') Cette formule est la suivante rf = 2e sin M 1 — l 1 — s'm-i \ /i« ■sm-i où d signifie la distance des deux images; c, l'épaisseur des deux kinjes, rt, leur indice de re'fraction. Beaunis, Phys. 49 770 PHYSIOLOGIE F0>'CT10>'NELLE. L'oplithalmomètre d'HelmlioHz ifig. 103) se compose d'une lunette T, dont Taxe coïncide avec le plan de séparation des deux lames >"M, QP. Si avec cet instrument on vise un objet dont on veut connaître la grandeur, BA, par exemple, il suffit de faire tourner les deux lames de façon que les deux images ba, Va', viennent se touclier; la grandeur de l'image BA sera donc la moitié de l'é- cartement des points 6' et a, écartementqu'on calcule d'après le déplacement des deux lames. Il est facile, avec cet instru- ment, d'obtenir les rayons de courbure des diverses surfaces réfringentes de l'œil. Si l'on fait tomber sur l'œil, de côté, les rayons d'une flamme et que l'observateur soit placé du côté opposé, les surfaces de séparation des milieux de l'œil agissent comme des miroirs et on aperçoit trois images, images de Purkinje \fig. 194) : l*' Une image, «, placée près du bord pupillaire et formée par la cornée (miroir convexe); elle est droite , de grandeur moyenne, très-lumineuse; 2° Une image, b, formée par la face antérieure du cristallin (miroir convexe i; elle est droite, grande, peu lumineuse ; 3° Une image, c, formée par la face postérieure du cristallin (miroir concave); elle est renversée, petite et d'intensité lu- mineuse moyenne. La grandeur de ces images dépend du rayon de courbure des surfaces ; la plus grande appartient à la face antérieure du cristallin, la plus petite à sa face postérieure. Une fois connue la grandeur des images, on calcule facilement le rayon de courbure des di- verses surfaces. L'avantage de l'ophlbalmomètre est de permettre flg_ 19;j. Ophlhalmomètre d'Helmholtz. a l à lij. V.\. — Imagps tU' Ptnkiiije. VISION. 771 ces mesures sur le vivant et malgré les légers déplacements de l'œil, qu'il est impossible d'éviter dans ces conditions. Le même instrument a servi aussi à mesurer les indices de réfraction des milieux réfringents de l'œil, en construisant avec ces différents mi- lieux de petites lentilles enchâssées dans des cavités creusées dans des lames de verre et en déterminant les courbures de ces lentilles à l'aile de l'opbthalmomètre. 3. KÉFEACTION OCULAIRE. TRAJET DES RAYONS LUMINEUX DANS l'œIL. V Formation de l'image rétinienne. Les images des objets extérieurs viennent se former sur la rétine. On peut constater directement limage rétinienne en amin- cissant la partie postérieure de la sclérotique et en plaçant l'œil à l'ouverture d'une chambre noire, ou bien en se servant de l'œil d'un lapin albinos (Kepler, Magendie). On peut même quel- quefois la voir sur le vivant quand l'œil est peu pigmenté : on place le sujet dans une chambre noire, et on lui fait tourner la cornée dans l'angle externe, ce qui amène la partie interne de la scléro- tique dans la région interne élargie de la fente palpébrale ; une bougie est tenue au côté externe de l'angle visuel, et son image, qui se forme sur la partie interne de la rétine, est assez lumi- neuse et assez nette pour qu'on puisse l'apercevoir à travers la sclérotique. Cette image rétinienne peut, du reste, être observée directement à l'aide de l'ophthalmoscope. Soit d'abord un point situé à l'infini (une étoile, par exemple); tous les rayons qui en partent sont parallèles et, si l'œil est nor- mal (emmétrope), iront se réunir au foyer principal postérieur, c'est-à-dire à la rétine, et comme le foyer se fait exactement à cette membrane, il n'y a qu'un élément de la rétine impressionné. Une ligne menée du point lumineux à l'image rétinienne passe par le point nodal de l'œil et constitue la ligne de direction delà vision. Pour avoir l'image d'un point, il suffira donc de mener de ce point à la rétine une ligne droite passant par le point nodal de l'œil; l'endroit où cette ligue rencontrera la rétine indiquera l'élément de la rétine impressionné ou le lieu de l'image. Si le point se rapproche de l'œil, le foyer de ses rayons se 772 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. fait encore au foyer priacipal postérieur, c'esl-à-dire sur la rétine, tant qu'il existe entre lui et l'œil une certaine distance, jusqu'à vingt mètres environ ; mais quand cette distance diminue, le foyer des rayons se fait en arrière de cette membrane, en sup- posant que les conditions optiques de l'œil restent les mômes. Dans ce cas, l'image rétinienne n'est plus nette (voir : Cercles de diffusion). Si le point, au lieu d'être situé sur l'axe optique, est situé sur un des axes secondaires, la construction est la même; l'image du point est toujours située sur la rétine, et pour avoir l'élément de cette membrane impressionné, il sufiit de mener du point lumi- neux une ligne passant par le point nodal. On voit que, dans ce cas, si le point lumineux est placé au-dessus de l'axe optique, son foyer sur la rétine sera placé au-dessous {fig. 195, Ka, B6) ; si le point est à gauche de l'axe optique, l'image sera à droite sur la rétine ; c'est ce qu'on appelle le renversement de l'image rétinienne. Avec ces données, on trouvera facilement l'image d'un objet. Il n'y a qu'à joindre chacun des points de l'objet (ou ses deux Fig. 19o. — Anglevisue.. extrémités) au point nodal et à prolonger les lignes de direction jusqu'à la rétine. L'angle x (fig. 195), compris entre les deux lignes de direction extrêmes, est l'angle sous lequel est vu l'objet ou angle visuel (^). 0 C'est là la définition la plus commune de l'angle visuel; mais Helm- holtz a montré que pour les objets rapprochés la valeur de l'angle visuel ainsi compris n'est plus exacte. Le sommet de l'angle visuel se trouve alors au point d'intersection des lignes de visée, c'est-à-dire à oroi^jô en arrière du centre de la pupille (centre de l'image cornéenne de la pupille), et en avant du point nudal. La ligne de visée, qu'il ne faut pas confondre avec la ligne de direction, est la ligne qui passe par le centre de la tache jaune, le centre de l'imnge pupillaire et un point de l'espace. Quand deux points de l'espace sont fixés l'un après laulre, le sommet de l'angle visuel qu'ils in- terceptent se trouve au centre de rotation de l'œil. VISION. 773 La grandeur de l'angle visuel dépend de deux conditions : de la grandeur de l'objet et de sa distance de l'œil. A distance égale, sa grandeur augmente avec la grandeur de l'objet; à grandeur égale, il diminue avec la distance de l'objet. On voit par la figure que des objets de grandeur inégale, c, d, e, placés à des distances différentes, peuvent être vus sous le même angle visuel x. Dans la figure 195, les deux triangles qui ont leur sommet en o et leur base, l'un à l'objet, l'autre à l'image rétinienne, sont sem- blables; on a ainsi le moyen de connaître la grandeur de l'image rétinienne quand on connaît la grandeur de l'objet et sa dis- tance du point 0. En effet, soit G la grandeur de l'objet, D sa distance au point nodal o, D' la dislance de la rétine au point nodal = 15 millimètres, la grandeur de l'image rétinienne 1 sera r — •— 1 ï donnée par la formule suivante : 1 = — -r: — '-. Quand l'angle visuel descend au-dessous d'une certaine limite, la vision des deux points extrêmes de l'objet n'est plus distincte et les deux sensations n'en forment plus qu'une. Cet angle visuel minimum est de GO secondes. Il correspond sur la rétine à une image ayant environ 0'"'°.004. ce qui est à peu près la grandeur des éléments (cônes) de la rétine. 11 faut donc que deux objets soient vus sous un angle visuel plus grand que 60 secondes pour qu'ils soient distincts; au-dessous, ils donnent la sensation d'un seul point. L'acuité de la vue est en raison inverse de l'angle visuel; elle diminue quand l'angle visuel augmente. La grandeur des plus petites images rétiniennes perceptibles varie suivant les indivi- dus ; des images rétiniennes infiniment petites, comme celles des étoiles fixes, sont encore perçues, quoiqu'elles n'impressionnent qu'un point infinitésimal d'un élément rétinien. Dans de bonnes conditions, on reconnaît encore des corps ayant de V40 à '/loo de ligne ; les corps ronds peuvent être vus.sous un angle de 30 à 20 secondes: pour les fils, cet angle tombe à 3 secondes; pour des fils brillants, on peut avoir '/s de seconde et même moins. Pour déterminer les pins petites grandeurs perceptibles, on peut se servir de ligues (ou de fîU) blanches ou noires parallèles ou de toiles d'araignées qu'on éloigne plus ou moins de l'œil. Pour mesurer raciiité de la vision, on emploie des lettres de difle- rentes grandeurs qu'on fait lire sous un angle visuel déterminé à 774 PHYSIOLOGIE FO.\GTIO>\\ELLE. une distance d. Jseger, Giraud-Teiilon, Snellen, etc., ont dressé dans ce but des échelles de caractères typographiques; les chififres placés au-dessus des caractères donnent en pieds de Paris la distance D, à laquelle un œil normal les distingue sous un angle de 5 minutes. L'acuité de la vision, A, est exprimée par la formule : A =-^. Quand A =D, on considère racuité de la vue comme normale. Voici quelques spécimens de caractères de ces échelles typogra- phiques : CEGLNPRTVZBD3 VZBDFHKOSU N P RT VZB D F HKO 6 SUYAGEG12 D'après ce qui vient d'être dit, les caractères de l'image réti- nienne sont donc les suivants : V Elle est renversée ; 2° Elle est nette quand les différents points de l'objet forment leur foyer exactement à la rétine; 3° ?a grandeur dépend de l'angle visuel. 2° Images de diffusion sur la rétine. Quand les rayons partant de l'objet ou du point lumineux ne viennent pas former leur foyer exactement à la rétine, l'image VISION, 775 du point ou de l'objet n'est pas nette et il se forme ce qu'on ap- pelle des cercles de diffusion. Soit un point A {fig. 196) ; les rayons lumineux une fois en- trés dans l'œil constituent un faisceau lumineux ou un cône dont l'ig. 196. — Ceicles de diCTufion. la base est à la pupille et le sommet à la rétine. La forme du faisceau dépend de la forme môme de la pupille ; si celle-ci est circulaire, c'est un cône ; si elle est triangulaire, c'est une pyra- mide à trois pans, etc. Si le faisceau lumineux, au lieu de ifor- mer son foyer à la rétine, le forme en avant ou en arrière de cette membrane, autrement dit si la rétine a la position G ou H, elle coupe le faisceau lumineux et le point paraîtra, suivant le cas, sous forme de cercle ou de triangle lumineux, plusieurs élé- ments de la rétine étant impressionnés. Dans le cas d'un objet, il en est de môme; chaque point de l'objet envoie des rayons à des éléments différents de la rétine, et chaque élément de la rétine reçoit des rayons venant de points différents de l'objet, ce qui rend l'image confuse et lui enlève sa netteté. La grandeur des cercles de diffusion dépend d'abord de la dis- tance de l'image nette (ou du foyer des rayons) à la rétine : plus le foyer s'éloigne de la rétine, plus le cercle de dilYusion est étendu, ce que démontre un coup d'oeil jeté sur la figure 196; elle dépend en second lieu de la grandeur de la pupille : plus la pupille se rétrécit, plus la section du faisceau lumineux et, par suite, plus le cercle de diffusion diminuent. L'existence des cercles de difTusion exphque pourquoi nous ne 776 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. pouvons voir distinctement en même temps des objets situés à des distances différentes de l'œil. Ou peut étudier facilement les cercles de diffusion en se servant d'une lentille biconvexe par laquelle les rayons partis d'un point lumi- neux (flamme) sont rassemblés sur un écran qui représente la rétine et dont on peut faire varier la distance ; l'iris est remplacé par un dia- phragme percé d'un trou dont on fait varier la forme et la grandeur et qui se place en avant de la lentille. En se plaçant dans certaines conditions, les images de diffusion peu- vent acquérir assez de netteté pour devenir facilement distinctes; c'est ce que prouvent les expériences de Scheiner et de Mile. Expérience de Scheiner. — On perce dans une carte deux trous plus rapprochés que le diamètre de la pupille, et on regarde avec un œil, par ces deux trous, une épingle placée verticalement si les deux trous sont à côté l'un de l'autre, horizontalement si les deux trous sont au-dessus l'un de l'autre. Soit l'épingle eu a [fig. 197); si on ^l Fig. 197. — Expérience de Scheiner. la fixe, elle paraît simple, son image allant se faire en «' sur la rétine. Mais si Ton fixe un objet plus rapproché ou. ce qui revient au même, si on l'éloigné de l'œil et qu'on la place en b, l'épingle parait double. Il en est de même si on la rapproche de l'œil en deçà de a. Dans cette expé- rience, si l'œil ne s'accommode pas (voir : Accommodation) pour faire coïncider sur la rétine les rayons 6", b^', c'est que ces rayons donnent des images nettes, à cause de la minceur des pinceaux lumineux et qu'on ne sent pas le besoin d'accommoder. On peut répéter l'expérience avec une lentille de verre et un écran {fig. 198, p. 777). La lentille C remplace l'œil, les écrans D,E, F, la rétine. E correspond à l'accommodation exacte pour le point a. la position F à Faccommodation pour un objet plus éloigné, la position D pour un objet plus rapproché. Si dans cette expérience on bouche le trou supérieur VISION. 777 A d% l'écran, l'image lumineuse de même nom a' disparait sur l'écran F (accommodation éloignée), l'image de nom contraire a" sur l'écran D fig. 198. — Expérience de Scheiner. (accommodation rapprochée). Supposons, au lieu des écrans F et D. que ce soit la rétine qui reçoive l'image, rinverse aura lieu à cause du renversement des images rétiniennes; le point a', situé en haut, sur la rétine F, sera vu en bas et réciproquement. Donc, dans Faccommodation rapprochée D, c'est l'image de même nom qui disparaîtra; dans l'accom- modation éloignée F, ce sera l'image de nom contraire. Si au lieu de deux trous on perce trois trous dans la carte, on verra trois épingles au lieu d'une Expérience de Mile. — Si l'on perce une carte avec un seul trou par lequel ou lixe une épingle et qu'on imprime un mouvement de va-et-vient à la carte, l'épingle parait immobile ; inais si on lixe un point plus éloigné, l'épingle parait se mouvoir en sens inverse de la carte ; si on fixe un objet plus' rapproché, elle se meut dans le même sens. La figure 198 donne l'explication de ce fait. Le trou de la carte se place successivement en A et en B. Quand il se meut de B en A, si la rétine est en F (accommodation éloignée), l'image va de a" en a', c'est-à-dire dans le même sens sur la rétine, et par conséquent parait aller en sens contraire à cause du renversement des images ; si la rétine est en D (accommodation rapprochée i, l'image rétinienne va de a' en a", c'est-à- dire en sens contraire du mouvement de la carte, et par conséquent pa- raît aller dans le même sens. 3" Emmétropie et amétroj^ie. Dans l'œil normal ou emmétrope (fig. 199, p. 778), lefoyerprin- cipal postérieur se trouve à la rétine et les rayons parallèles venant 778 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. de l'infini vont former leur foyer sur cette membrane. Mais très- souvent il n'en est pas ainsi et l'œil est amétrope. Il peut l'être de Fig. 199. — Œil emmétrope. deux façons : T le diamètre antèro-postérieur de l'œil peut aug- menter de longueur et le foyer principal 9 se trouve en avant de Fig. 200. — OEil myope. la rétine : c'est l'œil myope {fig. 200) ; 2° dans l'œil hypermétrope (firj. 201), au contraire, le diamètre antéro-postérieur de l'œil Fig. 201. — Œil hypermétrope. est raccourci, et le foyer des rayons parallèles, venant de l'in- fini, se fait en arrière de la rétine. VISION. 779 Dans l'œil emmétrope, le point le plus éloigné de la vision distincte, punctum remotum, est situé à Tinfini; mais en deçà de l'infini et jus- qu'à une certaine distance (65 mètres environ), les rayons peuvent en- core être considérés comme parallèles et font leur foyer à la rétine. Mais à partir de ce point, le foyw se fait en arrière de la rétine et l'ac- commodation doit intervenir pour que la vision soit distincte. Dans l'œil myope, le point le plus éloigné de la vision distincte varie suivant le degré de la myopie, c'est-à-dire 'suivant la position du foyer principal. A cette àisia^nze [punclum remotum) , la vision distincte se fait chez le myope sans accommodation; pour voir les objets situés entre ce punctum remotum et l'infini, il faut ajouter une lentille biconcave ou divergente. Dans l'œil hypermétrope, les rayons parallèles venant de l'infini forment déjà leur foyer en arrière de la rétine ; il n'y a donc pas en réalité de punctum remotum, et la vision ne sera distincte pour au- cun point sans accommodation préalable. Pour rendre l'œil emmétrope, il faut ajouter une lentille biconvexe ou convergente. Dans l'eau, l'œil devient énormément hypermétrope; chez les poissons, la correction est faite par la forte courbure du cristalUn. On prend pour mesure de l'amétropie le pouvoir réfringent d'une lentille i convergente ou divergente) qui rend l'œil emmétrope. Ainsi, si on a un œil myope dont le punctum remotum soit à 9 pouces, pour corriger cette myopie et rendre l'œil emmétrope, il faudra un verre di- vergent de 9 pouces de longueur focale; le degré de la myopie M sera }. Pour un œil hypermétrope, il faudrait un verre convergent de 9 pouces de longueur focale. Pour mesurer la distance du. punctum remotum, on cherche, par des essais avec des verres convergents ou divergents, le verre qui rend dis- tincte la vision d'un objet éloigné de grandeur proportionnée à la dis- tance, par exemple les caractères d'imprimerie des échelles typogra- phiques ; la longueur focale du verre indique en pouces de Paris la distance positive (myopie) ou négative (hypermétropie) du i>M?2c^wwi re- motum. (Voir aussi : Optométrie.\ 4° Aherration de sphéricité de l'œil. On a supposé jusqu'ici que, dans l'œil emmétrope, tous les rayons parallèles partant de l'infini allaient former leur foyer en un seul point qui se trouvait sur la rétine. En réalité, il n'en est rien, et l'œil n'échappe pas à l'aberration de sphéricité. L'aberration de sphéricité se divise en aberration transversale et aberration longitudinale. 780 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. k. Aberration transversale de sphéricité {fig. 202). — Soitune surface réfringente sphérique IAK; si on mène une série de plans coupant per- Fig. 202. — Aberration de sphéricité. pendiculairement à Taxe le système réfringent, chacun de ces plans coupera la surface réfringente suivant une circonférence perpendi- culaire à Taxe. Tous les rayons lumineux qui aboutissent d'un point à cette circonférence feront leur foyer sur un même point de Taxe prin- cipal F-, par exemple, pour la circonférence déterminée par le plan sécant IK. Pour les circonférences plus rapprochées du sommet A de la surface réfringente, le foyer se fera plus loin, jusqu'en F,. On aura donc, pour le système des circonférences perpendiculaires à l'axe, une série de foyers disposés sur une ligne ; la caustique sera linéaire et placée sur l'axe. B. Aberration longitudinale de sphéricité. — Pas plus que les rayons provenant des différentes circonférences, les rayons provenant d'un même méridien ne forment leur foyer en un seul point. Soit le méri- dien IAK [fig. 202 1 ; \Qà rayons réfractés dans ce méridien se coupent en H. M, N, etc., suivant une ligne courbe, et le système des courbes focales ainsi formées par les divers méridiens représente une surface caustique de réfraction dont la forme rappelle celle d'un pavillon de cor (astigmatisme irrégulier). L'aberration longitudinale existe non-seulement pour les divers points d'un même méridien, mais encore pour les différents méridiens les uns par rapport aux autres. C'est à cette aberration de sphéricité de l'œil que correspond ce qu'on a appelé Y astigmatisme régulier de Vœil. iTh. Young.) Enfin, ce qui complique encore l'aberration de sphéricité de l'œil et l'astigmatisme, c'est que les courbures du cristallin ne sont pas exacte- ment centrées avec celles de la cornée. L'œil présente donc à la fois aberration transversale de sphéricité, astigmatisme irrégulier et astigmatisme régulier. L'aberration transversale de sphéricité et l'astigmatisme irrégulier VISION. 781 sont partiellement corrigés par des dispositions spéciales du système oculaire : 1" L'iris intercepte les rayons extrêmes les plus fortement réfractés; 2° La courbure de la cornée, au lieu d'être sphérique, se rapproche de l'ellipsoïde ; il en résulte que les rayons les plus éloignés de Taxe sont moins déviés ; 3° Le cristallin présente des couches successives dont le pouvoir réfringent diminue du centre à la circonférence ; d'où déviation moindre des rayons les plus éloignés de l'axe. Astigmatisme régulier. — Les courbures des différents méridiens de la cornée ne sont pas égales. Pour prendre le cas le plus simple, supposons {fig. 203) que le méridien vertical V'AV ait une plus forte ,Q7A^Tn-^r,''.o. Fig. 203. — Asligmaiisme régulier. courbure et un plus petit rayon que le méridien hortzontal H'AH, et faisons tomber sur la surface un faisceau de rayons parallèles; les rayons qui tombent sur le méridien V'AV iront former leur foyer au point F, ceux qui tombent sur le méridien horizontal H'AH au point F'. Le faisceau réfracté par une surface ainsi construite a une forme particulière et est limité par une surface gauche, c'est-à-dire qui ne 782 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. peut être développée sur un plan. Pour se faire une idée de la forme de ce faisceau, on peut le couper en dffférents endroits, F, K, M, N, F', par une section perpendiculaire à Taxe AF' ; on voit alors (partie inférieure de la figure) les formes que sa section présente en allant de F en F'. Qu'on suppose alors la rétine placée en ces différents points, on com- prend facilement que si la rétine est en F, le point lumineux donnera la sensation d'une ligne horizontale, en F' celle d'une ligne verticale, en M celle d'un cercle, etc. On peut, pour rendre la démonstration encore plus palpable, construire cette figure avec des tiges et des fils ; on a alors une idée plus nette de la marche des rayons et de la forme du faisceau réfracté. En général, dans la cornée, c'est le méridien vertical qui a le plus petit rayon et le pouvoir réfractif le plus considérable. Cette disposition explique plusieurs phénomènes optiques. Si on trace sur un carton une ligne verticale et une ligne horizon- tale se croisant à angle droit et qu'on les place à la distance de la vi- sion distincte, on ne peut les voir nettement eu même temps; pour voir nettement la ligne horizontale, il faut rapprocher le carton de l'œil, l'éloigner pour la verticale. Il en est de même de deux fils qui se croisent, l'un vertical, l'autre horizontal; si l'on voit nettement le fil horizontal, il faudra, pour voir avec la même netteté le fil vertical, éloigner celui-ci deFœil;siron accommode pour le fil vertical, il faudra au contraire rapprocher le fil horizontal de l'œil. Si on regarde un point lumineux par deux fentes larges d'un milli- mètre environ, taillées dans un morceau de carton et faisant un angle droit, quand on regarde par la fente ,verticale on peut rapprocher davantage l'écran de Fœil que quand on regarde par la fente hori- zontale. Soit un point lumineux : il sera vu comme un point si l'œil est exac- tement accommodé; si l'œil est accommodé pour la vision au loin, le point paraîtra allongé dans le sens du méridien à grande longueur focale; quand il est accommodé pour la vision rapprochée, le point parait allongé dans le sens du méridien de courte longueur focale, c'est-à-dire qu'en général, dans le premier cas, le point a la forme d'un trait horizontal, dans le second d'un trait vertical. Si on regarde un point lumineux par un trou de carte très-fin, et qu'on le rapproche de l'œil, le sens de l'allongement du point donne la direction du méri- dien de la plus forte courbure. Des ligues disposées comme les rayons d'une roue ne sont pas vues nettement en même temps; en rapprochant la figure de l'œil, la ligne qui apparaît distinctement en premier lieu correspond au méridien qui a le maximum de courbure; en continuant à la rapprocher, la hgne qui apparaît distinctement en dernier lieu correspond au méridien du minimum de courbure. VISION. 783 Une ligne verticale parait plus longue qu'une ligne horizontale, un carré parait un rectangle, un cercle a la forme d'une ellipse, etc., et, en général, les objets paraissent allongés dans le sens du méridien de la plus courte longueur focale (ordinairement le méridien vertical). L'astigmatisme peut exister non-seulement pour la cornée, mais pour le cristallin, et l'astigmatisme de l'œil est la somme des astigma- tismes de la cornée et du cristallin, astigmalismes qui, du reste, peu- vent se composer ou (plus souvent) s'additionner. L'asymétrie de la cornée est, en général, plus considérable que celle du cristallin. L'astigmatisme se mesure à l'aide d'instruments spéciaux, tels que la lentille astigmatique de Slokes, Yoptomètre binoculaire ou astifjnio- mètre de Javal, etc., pour lesquels je renvoie aux traités d'oculistique. Le degré de Tastigmatisme régulier se mesure par la différence de la l 1 force de réfraction des deux méridiens principaux, soit ks = — — ~. /' indiquant la plus grande longueur focale et /* la plus petite. La cor- rection de l'astigmatisme se fait par des verres cylindriques qui n'a- gissent que suivant un des méridiens principaux ; on prend pour 1 mesure de l'astigmatisme le pouvoir réfringent -- de la lentille cylin- drique qui, ajoutée au méridien du minimum de courbure, en rend la longueur focale égale à celle du méridien du maximum de courbure. Quand le degré d'astigmatisme ne dépasse pas ■^, il est considéré comme normal et ne nécessite pas l'emploi de verres cylindriques. 5° Aherration de réfrangihilité de l'œil. On a supposé jusqu'ici que l'œil était absolument achromatique ; mais, en réalité, il n'en est rien, même pour l'œil normal ou emmétrope. Il en résulte que les différents rayons, étant inéga- lement réfrangibles, vont former leur foyer sur des points différents. Soit un faisceau de lumière blanche arrivant sur un système réfrin- gent; -les divers rayons, étant inégalement réfrangibles, se dispersent [fig. 204, p. 784); les rayons violets, les plus réfrangibles, forment leur foyer en o, les rayons rouges, moins réfrangibles, en c, et les rayons in- termédiaires auront leur foyer sur l'axe entre o et c. Si Ton place un écran en o, on aura une série de cercles concentriques dont le centre sera violet et le cercle périphérique rouge, les cercles intermédiaires appartenant aux rayons intermédiaires du spectre. Si, au contraire, on 78i PHYSIOLOGIE FOXCTIO.N.XELLE. place l'écran en c, le centre sera rouge et le cercle extérieur violet. Si, au lieu d'un écran, on suppose la rétine, il en sera de même quand elle sera en o ou en c. Habituellement l'a- chromatisme de l'œil est assez complet pour que, à la distance de la vision nette, le foyer des différents rayons se fasse sensiblement au même point ; en effet, l'intervalle focal des rayons rouges et des rayons violets ne dépasse guère 0™™,5; mais il n'en est plus de même si l'objet est un peu en deçà ou F^ELLE. Pour démontrer ce changement de courbure du cristallin, on s'est servi des images de Purkinje, déjà étudiées à propos de la mensuration des courbures de l'œil (voir page 770). Si on me- sure à l'ophthalmomètre les trois images dans un œil qui regarde un objet très-éloigné et qu'on les mesure ensuite en faisant regarder un objet très-rapproché sans changer la direction du regard, on voit que l'image cornéenne ne se modifle pas, que l'image de la face antérieure du cristaUin devient plus petite, plus nette et se rapproche de la précédente, enfin que l'image de la face postérieure du cristallin devient un peu plus petite; donc, la courbure de la cornée ne change pas ; celle de la face antérieure du cristallin augmente : celle de sa face postérieure augmente aussi, mais d'une très-faible quantité (fig. 208). EE'AUiJIS.DCL Fig. 20?. — Mécanisme de l'accommodation. Les phénomènes qui accompagnent l'accommodation sont les suivants : Fig. 208. — A, œil accommodé pour la vision des objets rapprochés. — B, œil dans la vision des objets éloignés. — 1, substance propre de la cornée. — 2, épitbélium antérieur de la cornée. — 3, lame élastique antérieure. — 4, membrane de Demours. — o, ligament pectine. — 6, canal de Fonlana. — 7, sclérotique. — 8, choroïde. — 9, rétine. — 10, procès ciliaires. — 11, muscle ciliaire. — 12, ses fibres orbiculaires. — 13, iris. — 14. nvée, — 15, oraserrata. — 16, partie antérieure de la rétine se prolongeant sur les procès ciliaires. — 17, hyaloïde. — IS, divigion de l'hyaloide en deux feuillets. — 19, feuillet antérieur de l'hyaloide ou zone de Zinn, dans sa partie soudée aux procès ciliaires. — 20, le même, dans sa partie libre. — 21, feuillet postérieur de l'hyaloîde. — 22, canal de Petit. — 23, cristallin pendant l'accom- modalion. — 24, cristallin dans la vue des objets éloignés. VISION. 795 1» La courbure de la face antérieure du cristallin augmente, et pour le maximum d'accommodation, son rayon de courbure passe de 10 à 6 millimètres. La courbure de la face postérieure augmente aussi, mais très- peu, et son rayon de courbure passe de G millimètres à 5,5 ; son sommet reste sensiblement au même points Le diamètre équatorial du cristallin diminue, son volume restant le même. 2° La pupille se rétrécit; le bord pupillaire de l'iris se porte en avant; la grande circonférence, au contraire, se porte en arrière. 3° La pression intra-oculaire augmente dans la partie posté- rieure de l'œil. L'agent de ces modifications oculaires est le muscle ciliaire. Donc, dans l'accommodation de R à P, il y a une tension mus- culaire ; dans l'accommodation ou dans le passage de P à R, un relâchement musculaire ; aussi ce passage de P à R se fait-il plus vite que le passage inverse. C'est ce que montre le tableau suivant de Vierordt : TEMPS , EN SECONDES , NÉCESSITÉ POUR Distance de l'objet le plus rapproché, l*accommodation jr, UB 1 «în. De R à P. De P àR 10 centimètres. 1,18 0,84 11 — 0,94 0,66 12 — 0,83 0,57 14 — 0,77 0,52 16 — 0,64 0,46 22 0,60 0,44 28 — 0,49 0,39 34 — 0,43 0,37 40 — 0,30 0,29 52 — 0,24 0,22 64 — 0,20 0,15 Mode d'action du muscle ciliaire dans l'accommodation. — Le muscle ciliaire est le muscle de raccommodation , mais son mode d'action n'est pas encore complètement connu. L'e.xplication la plus satisfaisante est due à Helmholtz. A l'état normal, le cristallin est aplati par la tension de la zone de Zinn; si, en elTet, on incise celte zone de Zinn, le cristallin devient plus bombé qu'auparavant. Les fibres radiées, en tirant en avant le bord antérieur de la choroïde, détendent la zone de Zinn et font bomber la face antérieure du cristallin ; en même temps l'insertion de l'iris est portée iin peu en arrière. L'action des fibres circulaires est plus controversée. D'après H. Millier, 796 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. elles presseraient sur la circonférence de la lentille qui deviendrait plus épaisse ; en outre, l'iris est tendu sur la partie périphérique du cris- tallin et la comprime en faisant saillir sa partie centrale. Pour F. Scliultze, les fibres musculaires porteraient en dedans les procès ciliaires et con- tribueraient à détendre la zone de Zinn. Iwanofïa trouvé les fibres circulaires atrophiées, les fibres longitudi- nales hypertropûiées dans l'oeil myope; les fibres circulaires seraient, au contraire, hypertrophiées dans l'œil hypermétrope, disposition qui, chez ce dernier, favoriserait le relâchement de la zone de Zinn , taudis que chez le myope la tension de la choroïde est beaucoup plus forte. Cramer a constaté dans l'œil du phoque et des oiseaux des change- ments de courbure du cristallin en faisant agir l'électricité sur Tœil ; il est vrai que V. "NVittich et Helmholtz n'ont obtenu que des résultats négatifs avec les yeux de grenouille et de lapin. L'accommodation est sous l'influence du nerf moteur oculaire com- mun. Hensen etVôlckersont obtenu des mouvements d'accommodation par l'excitation directe des nerfs ciliaires (voir : Nerf moteur oculaire commun). 5. IRIS ET PUPILLE. 1° Mouvements de Viris. L'iris représente un véritable diaphragme qui règle la quantité de lumière qui pénètre dans l'œil et arrive à la rétine. La pupille n'est pas située exactement au milieu de l'iris ; elle se trouve un peu en dedans de son point central, ce qui s'accorde avec la direction de l'axe visuel, qui fait, comme on l'a vu plus haut, un angle de 5 degrés avec l'axe optique (voir fig. 191, p. 767). Le diamètre de la pupille est de 6 millimètres environ sur le cada- vre; il faut remarquer à ce sujet que l'iris et la pupille paraissent plus grands qu'ils ne le sont en réalité; pour les voir dans leurs dimensions exactes, il faut placer l'œil sous l'eau. Le rétrécissement de la pupille est produit par des fibres cir- culaires lisses (sphincter pupillaire), son élargissement par des fibres radiées niées par quelques auteurs. Chez les oiseaux, les fibres musculaires de l'iris sont striées. Ces mouvements de l'iris, plus rapides en général que ceux des muscles lisses ordinaires, présentent pourtant une certaine lenteur, et le rétrécissement de la pupille est toujours plus rapide que sa dilatation. Les variations de diamètre de la pupille reconnaissent pour VISION. 797 cause principale l'excitation de la rétine par la lumière ; cette excitation amène une contraction de la pupille, non-seulement sur l'œil excité, mais encore sur l'œil du côté opposé ; cependant la contraction pupillaire de l'œil non excité est un peu moins marquée, à moins que la lumière ne soit très-intense. Chez le lapin, au contraire, le rétrécissement pupillaire ne porte que sur l'œil excité. Le rétrécissement de la pupille, à la suite de la lumière, commence en moyenne 0,49 secondes après l'excitation et atteint son maximum au bout de 0,58 secondes. La rotation de l'œil en dedans ou une forte convergence des deux yeux produisefit un rétrécissement de la pupille ; c'est probablement à cette cause qu'est due la contraction de la pupille observée pendant le sommeil. Le même effet se remarque dans l'accommodation pour les objets rapprochés; la pupille se dilate au contraire dans la vision au loin. Une forte excitation des nerfs sensitifs amène, par action réflexe, un élargissement de la pupille (Cl. Bernard) ; il en est de même des contractions musculaires énergiques, spécialement des mouvements respiratoires. La dyspnée dilate la pupille ; cette dilatation, qui disparaît au moment de l'asphyxie, est due à l'ex- citation du centre dilatateur, car elle ne se produit pas si on a coupé auparavant le grand sympathique. Certaines substances, comme les narcotiques et surtout l'atro- pine, dilatent la pupille {mydriatiques}: d'autres, comme la nicotine et surtout la calabarine, la rétrécissent {myotiques) ; les anesthésiques produisent d'abord une contraction qui est suivie plus tard d'un élargissement. Brown-Séquard a montré que la lumière agit directement sur l'iris et fait contracter la pupille sans l'intervention du système nerveux. Les variations de température assez considérables pourraient aussi agir comme excitants directs des fibres musculaires de l'iris. D'après le même auteur, c'est l'iris qui, de tous les organes musculaires, conserverait le plus longtemps son irritabilité. {Journal de physiologie, 1859.) 2^ Innervation de rii'is. L'innervation de l'iris est très-compliquée et présente encore beaucoup d'obscurités. 798 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Les nerfs moteurs de l'iris viennent du moteur oculaire commun et du grand sympathique. Le nerf moteur oculaire comimm innerve le sphincter de la pupille ; son excitation rétrécit la pupille ; après sa section, la pupille se dilate et ne peut plus se rétrécir sous l'influence de la lumière. A l'état phy- siologique, la contraction de la pupille a lieu par action réflexe, à la suite d'une excitation transmise par le nerf optique; l'excitation chi- mique, mécanique, etc., du nerf optique ou de son bout central, quand il a été coupé, produit le rétrécissement pupillaire; par contre, la sec- tion du nerf optique entre lœil et le chiasma dilate la pupille du même côté. Quand la section est faite en arrière du chiasma, sur la bande- lette optique, c'est la pupille du côté opposé qui se dilate chez le lapin, chez lequel le croisement des bandelettes optiques au chiasma est complet; chez Fhomme, il n'en est plus de même, Tentre-croisement n'étant que partiel; aussi, dans les cas de tumeurs comprimant une bandelette optique, la dilatation pupillaire existe des deux côtés. Le centre nerveux, qui transmet l'excitation du nerf optique au moteur oculaire commun, est encore indéterminé; l'extirpation de la couche optique est sans influence sur la réaction de la pupille à la lumière. Flourens place ce centre dans les tubercules quadrijumeaux antérieurs; après leur extirpation, la pupille reste immobile; chez le lapin, la sec- tion de la moitié interne du tubercule quadrijumeau antérieur (d'où naît la bandelette optique; est suivie de la dilatation et de l'immobilité de la pupille. (Knoll.) Le sijmpathique innerve les fibres radiées de l'iris ; son excitation dilate la pupille (Valentin, Biffi), sa section la rétrécit (Petit). Les fibres dilatatrices viennent de la partie inférieure de la moelle cervicale et de la partie supérieure de la moelle dorsale; en effet, l'excitation des cor- dons antérieurs de ces régions amène un élargissement de la pupille, qui se rétrécit après leur destruction. Cependant, d'après Knoll, le centre dilatateur de la pupille devrait être placé plus haut, dans les tubercules quadrijumeaux antérieurs; leur excitation élargit, en effet, la pupille des deux côtés et surtout du côté excité, et cette dilatation ne se pro- duit pas quand les sympathiques ont été coupés. En tout cas, cqs fibres dilatatrices passent de la moelle, par les racines antérieures, dans les rami co7mnunicantes et, de là, remontent par le cordon cervical du grand sympathique. Le tiHjumeau a aussi une action (indirecte ?) sur la grandeur de la pupille. L'excitation de la branche ophthalmique ou du ganglion de Gasser dilate la pupille; leur destruction produit l' effet inverse (Magen- dle). Ces fibres dilatatrices ne sont probablement que des fibres vaso- motrices et naissent dans le ganglion même, car la section du triju- meau avant le ganglion de Gasser ne modifie pas le diamètre de la pupille (voir trijumeau). Le trijumeau fournit aussi les nerfs de sensibilité de Tiris. VISION. 799 C. — DES SENSATIONS VISUELLES. 1. — DE l'excitation KÉTINIENNE. 1° Des excitants de la rétine. La lumière est l'excitant spécifique de la rétine ; mais outre la lumière, tous les excitants mécaaiques, chimiques, électriques, qui agissent sur la rétine peuvent déterminer des sensations lumineuses. Excitations mécaniques de la rétine. — On sait depuis longtemps qu'un coup sur l'œil détermine une sensation lumineuse intense; cette lueur oculaire est purement subjective et ne peut amener aucun éclai- rage du champ visuel. Les phénomènes lumineux ou phosphènes (Morgagni, Serre d'Uzès) produits par une pression limitée sont beaucoup plus instructifs. Si, après avoir fermé les paupières, on comprime l'œil près du rebord or- bitaire avec une pointe mousse ou avec l'ongle, on voit un phosphène qui, à cause du renversement d"es images rétiniennes, paraît au côté opposé de l'œil au lieu de se montrer au point comprimé. Ce phosphène présente ordinairement un centre lumineux entouré d'un cercle obscur et d'un cercle clair. Le phosphène a son plus grand éclat quand la pres- sion a lieu vers l'équateur de l'œil, point où la sclérotique»a le moins d'épaisseur. Si on comprime la partie externe du globe oculaire, le phosphène se montre à la racine du nez. Une pression modérée et uni- forme fait apparaître dans le champ visuel des images lumineuses va- riables très-brillantes et changeant rapidement de forme (Purkinje;. Un déplacement rapide du regard suffit pour déterminer des apparitions d'anneaux ou de croissants de feu dans la région de la papille optique. Si dans l'obscurité on accommode les yeux pour la vision rapprochée, puis que subitement on accommode pour la vision éloignée, on aperçoit à la périphérie du champ visuel un cercle de feu qui disparait comme un éclair : c'est le phosphène (V accommodation de Czermack. Les excitations mécaniques du nerf optique donnent lieu aux mêmes phénomènes; quand on sectionne ce nerf, l'opéré perçoit de grandes masses lumineuses au moment de la section. Pour l'action de l'électricité, voir : Action de V électricité sur Vorga- nisme. Excitation de la rétine par causes intérieures. — Un afflux san- guin plus considérable, une augmentation de pression intra-oculaire, 800 PHYSIOLOGIE FONGTIONÎ^ELLE. des efforts, etc., produisent des apparitions lumineuses variables. Quel- quefois même, et sans quon puisse les rattacher à ces causes, le champ visuel est parcouru par des images fantastiques; ces fantômes lumineux se montreraient surtout quand on reste longtemps "dans l'obscurité ou que, les yeux fermés, on flxe le champ visuel obscur; quelques obser- vateurs p'euvent même les évoquer à volonté (Goethe, J. MUUer). Il n'est pas douteux que ces phénomènes physiologiques n'aient été souvent le point de départ de bien des histoires d'apparitions et de fantômes. Lumière propre de la rétine ; chaos lumineux. — Le champ vi- suel n'est jamais absolument noir; il présente toujours des alternatives rhythmiques d'éclaircissement et d'obscurcissement isochrones aux mou- vements respiratoires, d'après J. MUller; d'autres fois, ce sont des taches lumineuses variables, des bandes, des cercles, des feuillages, etc., qui se montrent sur un champ faiblement éclairé. Toutes ces apparences lumineuses subjectives ne dépendent pas ex- clusivement de la rétine et il en est certainement qui sont de cause cérébrale, car elles peuvent persister après l'ablation des deux yeux. 2^ De l'excitabilité rétinienne. La rétine ne présente pas dans toutes ses parties la même exci- tabilité à la lumière. A ce point de vue on peut la diviser en trois régions : une région complètement inexcitable qui corres- pond à la papille du nerf optique, une région où la vision est nette, tache jaune et fosse centrale, et une région périphérique où l'excitabilité diminue depuis la tache jaune jusqu'à Vora serrata. A. Papille du nerf optique ; punctum coecum. — De même que les fibres du nerf optique, la papille du nerf optique n'est pas impressionnable à la lumière. Ce fait a été démontré pour la première fois par Mariette, en 1668. Si on ferme l'oeil gauche, et qu'on fixe avec l'œil droit la croix blanche de la figure 209, on voit, en approchant ou en éloignant la figure de l'œil, qu'à une certaine distance (30 centimètres environ) le cercle blanc dispa- raît complètement, et le fond noir paraît continu ; tous les objets, colorés ou non colorés, qu'on place sur le cercle blanc dispa- raissent de la même façon. Il faut seulement avoir bien soin, pendant tout le temps de l'expérience, de tenir le regard fixé sur la croix blanche. Il y a donc, en dehors du point fixé, une lacune dans le champ VISION. 801 visuel, et à cause du renversement des images rétiniennes, cette lacune correspond à une partie située en dedans du lieu de la vision distincte ou de la tache jaune, et cette partie n'est autre que la papille du ucrf optique, comme il est facile de s'en assurer Fig. 209, — Expérience de Mariotle. par la mensuration. On peut, du reste, le démontrer directement par Toplithalmoscope ; si on fait arriver à laide de cet instru- ment l'image d'une flamme exactement sur la papille optique, le sujet observé n'éprouve aucune sensation lumineuse. Le diamètre de la papille est d'environ l'°",8, ce qui donne à peu près un angle de 6 degrés: cet angle détermine la gran- deur apparente d\i piinctum cœcum dans le champ visuel; ainsi, à une distance de 2 mètres, une figure humaine peut y disparaître en entier. La distance de la tache jaune à la papille est de 4 mil- limètres environ, ce qui donne un angle de 12 degrés; donc tous les objets vus en dehors du point de fixation sous un angle de 12° disparaissent du champ visuel. Manière dont se remplit la tache aveugle. — On voit par Texpé- rience précédente qu'il y a une lacune dans le champ visuel, lacune dont nous n'avons pas conscience. Comment se remplit cette lacune? Dans la vision binoculaire, la lacune peut être comblée par les percep- tions correspondantes de l'autre œil ; dans la vision monoculaire, elle peut l'être aussi par les déplacements du regard. Mais ce qui intervient surtout, c'est l'habitude et le jugement. Un premier fait, c'est que la lacune se trouve dans la région de la vision indirecte et que, dans les conditions ordinaires, nous ne dirigeons guère noire attention que si:r les objets qui font leur image sur la tache jaune, région de la vision di- Beaunis, Phvs. 51 8D'2 PHYSIOLOGIE FO^'CTIO.XXELLE. reète. Aussi la lacune ne se moritre-t-elle que quand on s'est un peu exercé à la vision indirecte ou quand on dispose dans le champ visuel des points de repère qui tranchent sur le fond et appellent l'attention précisément sur la lacune. Aussi est-il à peu près impossible d'aperce- voir la lacune lorsqu'on regarde une surface uniformément colorée, par exemple une surface Llanche, à moins d'avoir acquis par l'exercice une très-grande hal)itude de ces sortes d'observations; ainsi Helmholtz dit l'avoir vue sons forme de tache sombre en ouvrant un œil en face d une surface blanche étendue et en lui faisant exécuter de petits mouve- ments ou en faisant brusquement un effort d'accommodation. On pourrait s'imaginer, au premier abord, que la lacune du champ visuel doit se traduire par une sensation de noir, et l'expérience de Mariette indiquée plus haut pourrait le faire croire; mais il n'en est rien. On peut, en etfet, dans cette expérience, remplacer le disque blanc sur fond noir par un disque noir sur fond blanc et le résultat est toujours le même; c'est le disque noir qui disparait pour faire place à du blanc. C'est qu'en effet, comme on le verra plus loin, le noir ou la sensation d'obscnrité correspond à l'absence d'excitation lumineuse sur une partie impressionnable de la rétine; mais il n'en est pas moins une sensation à laquelle correspond, dans la perception, l'idée de parties de l'espace situées devant nous et qui n'envoient pas de lumière à notre œil. Toute la partie de l'espace située en arrière de nous, au con- traire, ne nous donne aucune sensation lumineuse et ne nous paraît pas obscure pour cela. Ces remarques peuvent s'appliquer à la pa- pille optique ; comme elle n'est pas impressionnable à la lumière, elle ne peut nous donner ni sensation lumineuse, ni sensation d'obscurité ; elle est par rapport à la lumière ce qu'est la peau, par exemple, ou, si l'on veut, la rétine du fœtus qui n'a encore reçu aucune excitation lu- mineuse; elle ne peut nous donner aucune sensation, ni être le point de départ d'une perception quelconque ; il n'y a rien. Qu'arrive-t-il alors? C'est que nous identifions, suivant la remarque de H. Weber, cette portion de l'espace, qui n'existe pas pour nous, avec l'aspect g-énéral du champ visuel; c'est ainsi que nous prolongeons la couleur du fond noir dans l'expérience de Mariette par-dessus la lacune et que nous nous représentons le tout d'après les règles de la vraisem- blance. Cette opération intellectuelle inconsciente est si forte que si, comme l'a montré Volkmann, on amène la tache aveugle sur une page imprimée, on comble la lacune avec des lettres qu'on ne peut pas voir. Une comparaison ingénieuse d'Helmholtz éclaircit ce phénomène; si nous regardons un tableau taché ou troué et que la tache existe vers le s bords du tableau et sur une dos parties secondaires, c'est à peine si nous en aurons conscience, et nous remplirons immédiatement la tache avec les couleurs du fond. Seulement, dans ce cas, la tache est visible et. peut être constatée facilement dès que l'attention s'y est portée; VISIO.V. . 803 tandis que la tache aveugle ne peut être démontrée (]\]o par des résul- tats négatifs et n'est pas visible immédiatement, lin cflet, pour la cons- tater, nous observons quels sont les derniers objets que nous pouvons encore voir, et c'est ensuite en reconnaissant que ces objets ne se tou- cLent pas dans l'espace que nous sommes amenés à reconnaifre l'exis- tence d'une lacune, sa position dans le champ visuel et sa grandeur. Une dernière question se présente. La lacune, ainsi comblée, a-t-elle la grandeur de la lacune réelle? Les observai eurs sont arrivés sur ce sujet à des résultats qui ne s'accordent pas. Pour quelques-uns, une lignefcdroitc, dont le milieu traverse la lacune, parait raccourcie; d'au- tres la voient dans sa longueur véritable. Ces différences sont surtout nettes dans l'expérience suivante de Volkmann {Jig. 210) : On donne à neuf lettres la disposition qu'elles ont dans la figure et on Oxe le point a avec l'œil droit à 20 centimètres de distance; E se trouve alors dans la lacune et disparait. Or sur ce dessin, pour quelques observateurs, les lettres restantes forment les côtés rectilignes d'un carré, le milieu du carré restant vide; pour d'autres, au contraire, les lettres restantes qui forment le milieu de chaque côté paraissent se rapprocher de la lacune, et on voit quatre arcs, ABC, CFI. IHG, GDA, dont la convexité est dirigée vers le centre. a ABC DE F G H I Fig. 210. — Expérience de Volkmaun. Expériences diverses sur le punctum cœcum. — On peut varier de différentes façons l'expérience de Mariette. Cette expérience peut réussir avec les deux yeux ouverts Picard); on fixe un papier au mur, on se place à une distance d'environ 20 pieds, et on fait converger les deux yeux vers le doigt, tenu à une distance telle que. dans les deux yeux, l'image du papier \ieuue se Y>^indYC suv]e punctuju cœcum ; alors cet objet disparait absolument, tandis que, dans ces conditions et avec un point de fixation un peu différent, il parait double. On peut faire 804 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. même disparaître deux objets à la fois, les deux yeux restant ouverts (Mariotte); on fixe au mur, à la même hauteur, deux papiers à une dis- tance mutuelle de 2 pieds; on se place à 12 ou 13 pieds du mur, on tient le pouce verticalement, à 8 pouces environ des yeux, de ma- nière qu il cache à rœil droit le papier situé à gauche et à Tœil gauche le papier situé à droite; puis on regarde le pouce; aussitôt les deux papiers disparaissent. Procédé pour déterminer la forme et la grandeur apparente du punctum cœcum. — On donne à Toeil une position fixe à 8 à 12 pouces d'une feuille de papier blanc sur laquelle on a tracé une croix sâfvant de point de fixation ; puis on promène sur le papier, dans la région de la lacune, la pointe, trempée dans l'encre, d'une plume blanche ; la pointe noire disparaît quand elle entre dans la lacune; on éloigne ainsi la plume dans diverses directions, en marquant à chaque fois le point où elle commence à devenir visible; on peut avoir ainsi le contour de la lacune, et on constate qu'elle a la forme d'une ellipse irrégulière sur les bords de laquelle on reconnaît l'émergence des gros troues vascu- laires. (Helmholtz.) B. Tache jaune et fosse centrale. — La tache jaune et la fosse centrale sont les régions de la vision directe. Elles se dis- tinguent des autres parties de la rétine, surtout la fosse centrale, par la netteté de la perception des images ; aussi lorsque nous fixons un objet dans l'espace, nous dirigeons la ligne de regard de façon que l'image de cet objet vienne se faire sur la fosse centrale. La tache jaune a un diamètre horizontal de 2 millimètres environ et un diamètre vertical de 0'"",8; ce qui correspond dans le champ visuel à un angle de 2 à 4 degrés. La fosse centrale a un diamètre de 0™"™,2, ce qui donne un angle dix fois plus petit; on voit, par conséquent, que le champ de la vision distincte est excessivement limité, puisqu'il est sous- tendu par un angle d'environ 12 minutes. Pour trouver ces angles, il suffit de joindre les deux extrémités de la tache jaune (ou de la fosse centrale) au centre de la pupille et de prolonger ces deux lignes dans l'espace. 11 résulte de ce fait que l'œil ne peut voir, au même nwjnent, d'une façon distincte, qu'une très-petite portion du champ visuel; c'est ce qui arrive, par exemple, si, étant placé dans l'obscurité, le champ visuel se trouve éclairé par une lumière d'une très-courte durée, comme un éclair ou une étincelle. électrique; dans ce cas, on ne voit qu'un très- petit nombre d'objets; ainsi, dans un livre de justification moyenne, on ne verra distinctement que cinq ou six lettres; seulement, à l'état or- dinaire, les mouvements rapides du globe oculaire, mouvements qu'il VISION. 805 est facile d'observer sur un lecteur, par exemple, suppléent à cette in- suffisance et la persistance des impressions lumineuses sur la rétine nous fait croire à la simultanéité de sensations qui ne sont que succes- sives. La détermination des plus petites distances perceptibles a déjà été traitée en partie à propos de l'acuité de la vision (page 773). Helmboltz admettait que pour que deux points lumineux pussent être perçus comme distincts; il fallait de toute nécessité que leurs images fussent séparées par une distance plus grande que la largeur d'un cône de la tache jaune (0"'"',002 environ). Cependant, les expériences de A. Volk- mann ont montré que les cônes de la fosse centrale ne sont pas assez petits pour expliquer l'acuité visuelle et que deux points peuvent être vus encore comme distincts quoique leurs images puissent se faire sur un même élément rétinien. Dans ce cas il faudrait, ou bien abandonner les lois les mieux connues de la transmission nerveuse, ou bien ad- mettre alors que les cônes ne sont pas les derniers éléments rétiniens, mais que ces éléments doivent être recherchés dans les fibrilles qui, d'après quelques histologistes, en constitueraient l'article interne. La fosse centrale contient environ 2,000 cônes. C. Parties périphériques de la rétine. — Sur les parties latérales de la rétine, la netteté de la vision diminue à mesure qu'on s'éloigne de la tache jaune et qu'on se rapproche de Yora serrata : mais cette diminution ne se fait pas avec la même rapi- dité dans les différentes directions; elle est plus lente vers la région externe et présente, du reste, des variations individuelles assez notables. La diminution serait plus rapide dans la vision éloignée que dans la vision rapprochée. Volkmann et Aubert ont trouvé que pour former des images visibles sur la rétine, les objets situés à 60° en dehors de l'axe visuel devaient avoir un diamètre 150 fois plus considérable que dans le milieu de la tache jaune. Pour les procédés employés pour mesurer l'acuité visuelle des parties périphériques de la rétine, voir : Helmholtz, Optique physiologique, page 297. 3° Mode et nature de V excitation rétinienne. 11 esl bien démontré aujourd'hui que les cônes et les bâton- nets sont les seuls éléments impressionnables à la lumière, tandis qu'elle ne produit rien sur les autres couches de la rétine. Mais 806 PHYSIOLOGIE FO>'CTIONNELLE. il est plus difficile de savoir comment la lumière agit sur ces éléments. Pour comprendre les hypothèses émises sur ce sujet, il est néces- saire de connaître l'histologie de la rétine et spécialement celle des cônes et des bâtonnets ('). Je ne ferai que rappeler les points essentiels pour la phj'siologie. Les cônes et les bâtonnets sont constitués par un arïicle interne qui se continue avec les flbres nerveuses du nerf optique par l'intermé- diaire des fibres des cônes et des bâtonnets (ûbres de MUller), et par un article externe appliqué contre la choroïde. Pour arriver à l'article ex- terne, la lumière doit donc traverser l'article interne. L'article interne se compose de fibrilles très-fines; l'article externe est constitué par une série de petites plaques transversales superposées, tout à fait com- parable à une pile de lames de verre ; ces plaques sont transparentes, ont toutes à peu près la même épaisseur, mais peuvent posséder un indice de réfraction différent; leur nombre varie suivant la longueur de l'article externe. Le mode d'union de l'article interne et de l'article ex- terne est encore indéterminé, et il est impossible de dire si les fibrilles de l'article interne se continuent avec les plaques de l'article externe; mais ce qui semblerait infirmer cette hypothèse, c'est que chez certains animaux (oiseaux, reptiles), le lieu d'union des deux articles est occupé par un globule incolore ou coloré, qui occupe toute l'épaisseur du cône et doit très-probablement interrompre la continuité entre les deux ar- ticles. Quand ces globules colorés existent, la lumière ne peut arriver dans l'article externe sans les traverser, et dans ce passage certains rayons sont absorbés suivant la couleur du globule ; ces globules, qui paraissent de nature graisseuse, sont, en général, rouges ou jaunes, fortement réfringents, et doivent en outre, par leur nombre même et leur pouvoir réfringent, exercer une certaine influence sur la marche des rayons lumineux. Dans certains cas, ces globules manquent et sont remplacés par des corpuscules réfringents, analogues à de véritables lentilles. Chez l'homme, ces globules colorés n'existent pas, mais toute la région de la tache jaune et de la fosse centrale est occupée par un pigment jaune diffus qui forme une couche continue en avant des cônes et absorbe au passage une partie des rayons violets et bleus du spectre. En outre, dans les parties périphériques de la rétine, la couche des vaisseaux capillaires et des globules sanguins de la rétine produit le même effet sur les éléments impressionnables de cette membrane. (M. Schultze.) Quel est maintenant des deux articles celui qui est impressionné par la lumière? L'article externe, par sa disposition lamellaire, parait très- (') Voir Beaunis et Bouchard : Anatomie, 2^ éd., page 922. VISION. 807 Aivorable à une réJlexion de la luDiière, et on pourrait avec Schullzelc comparer aune pile de lames minces de verre qui ont, comme on sait, une grande puissance de réllexion; dans ce cas, les vibrations lumi- neuses seraient renvoyées dans l'article interne, qui serait alors l'élé- ment impressionnable. Cette théorie se rapproche beaucoup de celle qui est adoptée depuis longtemps déjà par Rouget; seulement Rouget admet que la lumière est réfléchie à la surface de contact i\cs bâtonnets et de la choroïde et que, grâce à la coïncidence presque exacte du centre optique et du centre de courbure de la rétine, les rayons sont réfléchis dans la direcuon de l'axe des bâtonnets, qui constituent, pour la terminaison des nerfs optiques, l'appareil spécial destiné à recevoir 1 ébranlement des ondulations lumineuses. D'après Zenkcr, au contraire, les lames de l'article externe, au lieu d'agir comme appareil de réflexion totale et de renvoyer les rayons dans l'article interne, agiraient en transformant, par une série de ré- llexions successives à la limite de chaque lamelle, les vibrations de l'éther en vibrations stationnaires [^) qui, par conséquent. s'éteindraient dans Tarticle externe même et, dans ce cas, cet article externe serait l'élément impressionnable. Il est difficile de choisir entre ces deux hy- pothèses. 'Voir aussi : Vision droite.) A'ous ne sommes pas plus avancés sur la nature de la modification qui se passe dans les cônes et dans les bâtonnets, que ce soit l'article interne ou l'ariicle externe qui entre en jeu. Quelle transformation su- bissent ces vibrations lumineuses qui disparaissent en grande partie? Est-ce un échauffement (Draper), un effet photochimique (Mosen? ou bien y a-t-il un déplacement de molécules électro-motrices, comme celui qui se produit, d'après Du Bois-Reymond, dans les nerfs et dans les muscles? Holmgren a constaté la variation négative du courant de la rétine du lapin au moment où les rayons lumineux entrent dans 1 œil. La seule chose certaine, c'est que la modification, encore incon- nue, que la lumière produit dans les cônes et les bâtonnets, peut agir à son tour comme excitant sur les parties purement nerveuses de la rétine et se transmettre jusqu'aux centres nerveux. 4'^ Conditions de l'excitation rétinienne. Pour qu'il y ait sensation lumineuse, trois conditions princi- pales interviennent. Il faut en premier lieu que les rayons lumineux aient une certaine longueur d'ondulation; on a vu plus haut que les rayons (') On appelle vibrati07u stationnaires celles qui se produisent, par exemple, dans une corde fixée par ses deux bouts. 808 PHYSIOLOGIE FOAGTION.NEL LE. compris du rouge au violet peuvent seuls impressionner la rétine; il faut, en second lieu, que l'excitation rétinienne ait une certaine durée, et enfin i'excitant-lumière doit avoir une cer- taine intensité. Durée de l'excitation rétinienne. — Pour que la rétine soit impressionnée, l'excitation lumineuse doit agir sur cette membrane pendant un certain temps; si ce temps est trop court, il n'y a pas de sensation lumineuse, à moins que l'excitant lumi- neux ne soit très-intense, comme dans le cas d'un éclair ou d'une étincelle électrique dont la durée est infiniment courte ; quand la durée de l'excitation augmente, la sensation lumineuse apparaît. Biais il faut déjà plus de temps encore pour avoir la sensation de couleur. (Vierordt, Burckhardt et Faber.) Pour déterminer la durée de Pimpression lumineuse, on peut em- ployer des disques rotatifs avec des serleurs noirs et blancs (voir : Sensations de couleur). Mais un procédé plus précis a été employé par \ierordl. Il suspend à un pendule une lame noircie, percée à son mi- lieu d'une ouverture quadrangulaire, qui peut être rétrécie par deux lames mobiles de façon à être convertie en une fente plus ou moins étroite A; derrière le pendule se trouve une source de lumière; en avant du pendule se trouve un écran pourvu d'une petite fente B, devant laquelle se place l'œil à la distance de la vision distincte. Quand on fait osciller le pendule, l'œil est soumis à une excitation lumineuse qui dure tout le temps que la fente A se trouve derrière la fente B; et il est facile de calculer ce temps d'après la largeur dos deux fentes et les oscil- lations du pendule. Exner a recherché la durée d'application qu'un excitant lumi- neux doit avoir pour produire le maximum d'excitation rétinienne. Il a employé pour cela deux disques parallèles, pourvus de fentes et tournant avec une vitesse inégale déterminée et connue pour chacun des disques. Il a constaté ainsi que quand Pinlensité de la lumière et la grandeur de l'objet lumineux augmentent en progression géo- métrique (I, 2, 4, 8), le temps d'application nécessaire pour avoir le maximum de sensation lumineuse diminue suivant une progression arithmétique (4, 3, 2, 1). Intensité de la lumière. — Pour exciter la rétine , la lumière doit avoir une certaine intensité ; quand cette intensité est trop faible, il n'y a pas de sensation lumineuse : nous n'avons plus que la sensation d'obscurité, de noir (page 802). Aubert a constaté, par des procédés très-délicats de recherches, qu'une lumière un million de fois plus faible que la lumière ordinaire VISION. 809 du iour peut encore être perçue. Ce minimum d'intensité lu- mineuse nécessaire à la sensation visuelle varie, du reste, suivant l'état d'excitabilité de la rétine. Ainsi, quand on est reste long- temps dans l'obscurité, la sensibilité rétinienne augmente da- bord considérablement, puis un peu moins vite, et des sources de lumière dune très-faible intensité sutlisent pour impression- ner la rétine. Ouand lintensité de la lumière est trop forte, non. sommes éblouis et la sensation lumineuse fait place a une sensation de douleur très-vive. Mesure de l'intensité des sensations lumineuses - Procédés photométriques. - Le principe des procèdes photometnques les plu. '^téHst que les intensités de deujc lunuères sont uuerseme.a prc nortionnelles aux carrés de leur distance à T écran ^ ^ Le photomètre de Rumford, dont l'idée appartient a ^ouJ^^ev^ ^l^' être uUlisé pour mesurer rintensité des sensations lumineu.e. . On place dans une chambre obscure, devant un écran blanc une Ugeopau éclairée par deux bougies. A et B, et qui Pf Jf ^^^j ^'T^'.^f:"^ ombres lune a due à la bougie A, l'autre 6 a la bougie B pui. on éloigne'nne des bougies, A, par exemple, jusqu'à ce que 1 ombre co- respondante «ne soit plus perceptible. Fechner a trouve que .i la bou- . B est à l mètre de l'écran, la bougie A doit être a lu mètres pour que l'ombre a disparaisse; d'après la loi citée plus haut, les intensités lumineuses de A et de B sont donc dans le rapport de 1 a luO. en vertu de^a proportion I : 1' :: 10"^ : 1, ou I représente l'intensité lummeuse de B. et V l'intensité lumineuse de A. En prenant 1 comme unité. 1 in- tensitè de la sensation lumineuse correspondante a A sera égale a ^,^, c'est-à-dire qu'une différence de -^ de l'intensité lumineuse peut en- core être perçue. La plupart des procédés photométriques sont amsi basés sur l'exactitude avec laquelle nous jugeons si deux sensation, lumineuses sont égales ou non en intensité. . , i f -ki^ Procédé des disques rotatifs. - L'appréciation de la plus faible quantité de lumière qui peut encore impressionner la retme se fait plu. facilement à l'aide des disques rotatifs (Masson . On trace sur un disque avec un tire-ligne, et suivant un des rayons du disque, un trait inter- rompu dont toutes les parties possèdent la même épaisseur; pendant la rotation, ces lignes noires forment des bandes grises plus ou moins pâles dont on cherche à distinguer les contours du fond blanc du disque. Soient d la largeur des raies, r la distance d'un point d une de ces raies au centre du disque; si on pose l'intensité du blanc du disque = 1, on a pour Fintensité h de la bande grise qui se forme pendant la rotation, /i = 1 - ^., si on considère le trait de tire- 810 PHYSIOLOGIE FONCTIOX.NELLE. ligne comme absolument noir. On peut arriver ainsi à constater des diffé- rences d'intensité de l/IôO^". (Helmlioltz, Optique physiologique, p. 417.) 5° Caracttres de V excitation rétinienne. Persistance des impressions rétiniennes. — La modifica- tion rétinienne suit presque instantanément l'excitation lumi- neuse; la période (ï excitation latente y existe peut-être, mais elle y est tellement courte qu'il est à peu près impossible de la démontrer ; cette modification rétinienne, une fois produite, a une certaine durée, c'est-à-dire que l'impression lumineuse persiste encore même après la disparition de l'excitant-lumière; cette durée, variable du reste, peut être évaluée de 1/50^ à 1/30® d.e seconde. Si on regarde un moment le soleil ou une fiamme brillante et qu'on ferme rapidement les yeux, ou si on éteint une lampe dans l'obscurité, on voit pendant quelque temps une image du corps lumineux; c'est ce qu'on a appelé image acciden- telle positive ou image consécutive. Il résulte de ce fait que quand des excitations lumineuses intermittentes identiques se succèdent sur la rétine avec assez de rapidité, les images rétiniennes per- sistent encore quand les nouvelles excitations se produisent, et la sensation lumineuse, au lieu d'être intermittente, est continue ; ainsi, un charbon enflammé qu'on tourne rapidement paraît être un cercle de feu; si l'on marque un point blanc brillant sur un disque noir à une certaine distance de son centre et qu'on fasse tourner le disque, on voit un cercle gris qui paraît immobile; il en est de même si on prend des disques rotatifs avec des sec- teurs noirs plus ou moins étendus, les disques paraissent d'un gris uniforme plus ou moins foncé, suivant l'étendue des secteurs noirs. C'est également à cette persistance des impressions réti- niennes que sont dues les courbes variables qu'on obtient quand on fait vibrer une corde métallique noircie, dont un seul point est fortement éclairé; et on a pu, par ce procédé, étudier la forme des vibrations des cordes dans différents instruments. Si dans l'expérience du disque rotatif avec le point blanc brillant, le cercle paraît gris et non pas blanc, c'est que le point de la rétine impressionné ne voit que pendant un temps trop court la lumière blanche du point brillant; et l'expérience montre que la lumière émise pendant la durée (Wine rotation du VISION. 811 disque par le point lumineux se comporte comme si elle sg répartissait uniformément sur le cercle entier; chaque point da cercle enverra donc moins de lumière à la rétine et ne pourra donner que la sensation de gris. Pendant tout le temps que dure cette sensation lumineuse persistante, l'excitation rétinienne ne conserve pas la même intensité. A partir de son début, l'excitation rétinienne, ou autre- ment dit la sensation lumineuse, s'accroît rapidement, puis, après avoir atteint un maximum, elle décroît plus lentement pour dis- paraître tout à fait. La marche de l'excitation rétinienne pourrait donc être représentée par une courbe tout à fait analogue à la courbe de la figure 52, page 2G8, en supprimant la première partie (1) qui correspond à la période d'excitation latente que nous avons vue être à peu près nulle. La partie ascendante da la courbe (2) correspond à la période d'augment de l'excitation rétinienne, la partie descendante (3) à la période décroissante de cette excitation. Un certain nombre d'appareils bien connus et devenus populaires, le thaumalrope de Paris, les disques stroboscopiques de Stampfer, le phénakislicope de Plateau, etc., sont basés sur cette persistance des impressions rétiniennes. (Voir Ilelmlioltz : Optique physiologique, page 461.) ^intensité de la sensation lumineuse est en rapport avec l'in- tensité de la lumière, et, d'une façon générale, la première augmente quand la seconde s'accroît; mais cette augmentation n'est pas proportionnelle à l'intensité de l'excitation, elle est plus lente ; les recherches de MM. Weber, Fechner, Helmholtz, ont montré que cet accroissement suit, dans des limites très-éten- dues, la loi psycho-physique de Fechner (voir : Psychologie physiologiciue)^ et que ce n'est que pour des intensités de lumière très-faibles ou très-grandes que cette loi n'est plus -applicable aux sensations visuelles. On a donné le nom (^ irradiation à une série de faits qui ont ceci de commun que les surfaces fortement éclairées paraissent plus grandes qu'elles ne le sont en réalité, faits qui s'expliquent tous par cette cir- constance que la sensation lumineuse n'est pas proportionnelle à l'in- tensité de la lumière objective. Ces phénomènes d'irradiation se mon- trent sous des formes très-diverses, et sont surtout plus prononcés 812 PHYSIOLOGIE FOi\CTION>'ELLE. quand raccommodation est incomplète. Les surfaces lumineuses nous paraissent plus grandes; une étoile fixe se montre à nous sous la forme d'une petite surface brillante; dans la figure 21 1, le carré blanc sur fond Fig. 211. — Inadiation. noir paraît plus grand que l'autre, quoique les deux carrés aient exac- tement les mêmes dimensions. De même les surfaces lumineuses voi- sines se confondent : si l'on tend un fil très-fin ou un cheveu entre l'œil et la flamme d"une lampe très-éclairante.le fil disparait. Helmholtz me parait avoir donné la véritable interprétation de l'irradiation. » Tous ces phénomènes, dit-il. se réduisent à ce fait que les bords des surfaces éclairées paraissent s'avancer dans le champ visuel et empiéter sur les surfaces obscures qui les avoisinent. » Les cercles de diffusion qui existent toujours, même dans l'accommodation la plus exacte, font qu'au bord de l'image rétinienne d'une surface éclairée il y a une sorte de pénombre où la lumière empiète sur l'obscurité et l'obscurité sur la lumière; seulement, nous rattachons cette pénombre à la surface éclairée au lieu de la rattacher au pourtour obscur ; en effet, en vertu de la loi psycho-physique, la sensation lumineuse varie très- peu pour des degrés élevés d'intensité lumineuse objective, de sorte que nous remarquons beaucoup plus l'éclairemenl du pourtour obscur de l'i- mage rétinienne que raffaiblissement lumineux des bords de cette image. Cette théorie expliqiie pourquoi l'irradiation augmente d'étendue avec la grandeur des cercles de diffusion. En général, à cause de l'as- tigmatisme^(voir : Astigmaiisme], les carrés blancs sur fond noir pa- raissent allongés dans le sens vertical. Volkmann a observé des faits qui paraissent, au premier abord, en contradiction avec la théorie de l'irradiation. Ainsi, des fils noirs très- fins sur un fond blanc paraissent plus épais qu'ils ne sont en réalité; mais il me semble qu'il y a là un simple etTet d'illusion psychique ; nous accordons plus d'importance à l'objet que nous regardons qu'au fond, ce qui nous porte à en exagérer la grandeur. De la fatigue rétinienne. — De même que les nerfs mo- VISION. 813 leurs et les nerfs sensitifs, la rétine présente toujours, après une excitation lumineuse, une dimniution dexcitabilité qui dis- paraît peu à peu; il faut donc un certain temps pour que la rétine récupère son excitabilité primitive. Aussi les excitants lumineux intermittents agissent-ils avec plus d'intensité sur la rétine que les excitants continus; le maximum d'effet des exci- tations lumineuses intermittentes se produit quand ces intermit- tences sont an nombre de 17 à 18 par seconde, c'est-à-dire quand la nouvelle excitation arrive alors que l'effet produit par l'excitation précédente a cessé. La diminution de l'excitabilité rétinienne par la fatigue explique la. plus grande sensibilité de cette membrane après un séjour dans l'obscurité. Les images accidentelles négatives (voir plus loiiii doivent leur production à la fatigue de la rétine et à l'affaiblissement de sou excitabilité. Aubert et Purkinje ont remarqué que la fatigue se produit bien plus facilement dans les parties latérales de la rétine que dans la tache jaune. ô'' Images consécutives monochromatiqiies. On a vu plus haut (page 810) que, grâce à la persistance des mpressions rétiniennes, il peut se produire, dans certaines condi- ;ions, une image consécutive ou accidentelle d'un objet lumineux. ]es images accidentelles se divisent en positives et négatives, par comparaison avec les images photographiques; les images acci- ientelles positives sont celles où les parties claires et obscures de 'objet paraissent également claires et obscures; les images néga- ives sont celles où les parties claires se dessinent en noir et vice ':ersa, comme dans un négatif photographique. Les images accidentelles positives sont d'autant plus nettes et plus ntenses et durent d'autant plus longtemps que l'excitation lumineuse îst plus forte; pour avoir le maximum d'effet, la durée de l'excitation umineuse ne doit pas dépasser un tiers de seconde. Avec un peu l'exercice, ces images positives acquièrent une telle netteté qu'on peut listinguer les plus petits détails de Tobjet lumineux. Bientôt les parties es moins éclairées disparaissent les premières ; puis ce sont les par- ies éclairées qui s'effacent après avoir passé par des nuances allant lu bleuâtre au jaune. 814 PHYSIOLOGIE FO>GTIO>>ELLE. Si, pendant que l'image positive est encore visiJDle, on dirige le regard vers une surface fortement éclairée, l'image négative apparaît, et cette image négative peut avoir aussi assez de netteté pour que les plus petits détails soient visibles. A Einverse de l'image positive, l'image négative augmente d'intensité avec Eaugmentatioa de durée de l'action lumineuse. Les images accidentelles suivent les déplacements de l'œil; si c'est la tache jaune qui en est le siège, cette image vient se placer au point de fixation de Eoeil et, tant qu'elle existe, empêche de distinguer nette- ment les objets. L'expUcation des images accidentelles est facile à donner. Les images positives sont dues, comme on l'a vu plus haut, à la persistance de l'excitation rétinienne après la cessation de l'excitant; les images né- gatives sont dues à la fatigue et à la diminution d'excitabilité de la ré- tine : les parties qui, avec la première excitation lumineuse, donnaient l'image positive sont devenues inexcitables par la fatigue; alors, quand arrive la deuxième excitation lumineuse, toutes les parties de la rétine, sauf celles-là, sont excitées et à l'image positive brillante succède l'i- mage négative obscure. Cette influence de la fatigue se montre nettement dans l'expérience suivante : Si on regarde sur fond gris un objet clair, par exemple un morceau de papier hlanc. et qu'on enlève subitement cet objet, on voit paraître une image accidentelle foncée du papier; si on remplace le papier blanc par du papier noir, Limage accidentelle est claire. La partie de rétine excitée par le papier Liane est plus fatiguée que le reste de la rétine où se peint le fond gris ; celle excitée par le papier noir l'est moins, et quand nous enlevons le papier, le fond gris qui le rem- place va exciter une partie de la rétine qui n'est pas fatiguée, et le reste du fond gris, agissant sur une rétine déjà fatiguée, paraît plus foncé par comparaison. D. — DES SENSATIONS DE COULEUR. 1° Des couleurs simples. Le mot couleur a trois significations différentes. Dans le pre- mier cas, il répond à une sensation spéciale due elle-même à une excitation particulière de la rétine: c'est ainsi qu'on dira: la cou- leur rouge, la couleur bleue. Dans le second cas, on transporte par la pensée le nom, employé pour désigner la sensation, à l'objet extérieur, vibration de l'éther, qui l'a déterminée, et on parle de rayons colorés, rayons rouges, rayons violets, pour VISION. 81» (lire : rayons qui (létermuient en nous la sensation de rouge ou de violet. Euûn, le terme couleur s'applique encore à la fa^on dont la surface des corps se comporte avec la lumière : c'est ainsi qu'on parle de la couleur d'un corps ou d'un objet. On a vu plus haut que dans le spectre solaire, on passe par une série de transitions insensibles d'une extrémité à l'autre du spectre, c'est-à-dire du rouge au violet; il y a donc, en réalité, une infinité de couleurs simples, homogènes, correspondant à des durées différentes de vibrations; seulement, au point de vue physiologique, il n'y a pas une graduation correspondante de nos sensations visuelles. Ces sensations, en effet, se groupent autour de quatre couleurs principales, rouge, jaune, vert. bleu, auxquelles nous rapportons toutes les autres, et qui occupent des régions déterminées du spectre, tandis que les couleurs inter- médiaires nous paraissent n'être que des formes de transition entre les premières et ne nous semblent pas avoir de qualité particulière. 2" Des couleîti's comj^osées. Outre ces sensations de couleur déterminées par les couleurs simples du spectre, il peut y avoir des sensations de couleur pro- duites quand un point de la rétine est frappé simultanément par deux ou plusieurs rayons de durée d'oscillation inégale. Ces nou- velles couleurs diffèrent, comme on le verra plus loin, par plu- sieurs caractères, des couleurs simples du spectre, et surtout par cette particularité, que nous ne pouvons distinguer les couleurs simples qui entrent dans la composition de la couleur résultante, et l'œil, peut, par conséquent, être impressionné de la même ma- nière par des combinaisons de couleurs constituées d'une manière fort ditférente. Ainsi, la sensation de jaune peut résulter aussi bien de la couleur jaune simple du spectre que du mélange du vert avec l'orangé. L'action simultauée des couleurs simples du spectre sur le même point de la rétine, ou, pour abréger, le mélange des cou- leurs simples, donne naissance à deux ordres de couleurs com- posées, les unes, couleurs mixtes, qui existent déjà dans le spec- tre solaire, les autres qui donnent des sensations nouvelles que I 816 PHYSIOLOGIE FONCTION .NELLE. , ne produisent pas les couleurs simples du spectre, ce sont le 1 blanc ei\e pourpre. , j^ Le blanc résulte de la combinaison de différents couples de couleurs simples, et on appelle complémentaires les couleurs qui mélanaées deux à deux, produisent du blanc. Le tableau suivant donne les couleurs complémentaires du spectre, c est-a- dire celles qui. par leur mélange, donnent du blanc; le vert seul n'a pas de couleur complémentaire dans le spectre ; mais il donne du blanc avec une couleur composée, le pourpre. I^ou'^e. BlGU verdâtre. Orangé. Bleu cyanique. Jaune. Bleu indigo. Jaune verdâtre. Violet. Vert. Pourpre. Le pourpre est produit par le mélange des couleurs simples des deux extrémités du spectre, c'est-à-dire par le rouge et le violet, et son interposition entre les deux complète la série des couleurs spectrales de façon qu'on peut alors les disposer sur un cercle et passer, par transitions insensibles, de l'une à l'autre. Les couleurs, mixtes sont produites par le mélange de deux couleurs simples. Le tableau suivant, emprunté à Helmholtz, in- dique les couleurs composées résultant du mélange des couleurs simples. Violet .^'■^" ^'?" Verl-bleu. Vert. ^^^^^^ Jaun indigo. cyanique. ^^"• Rouge Pourpre. Rosefoncé. Rose Blanc. Jaune ;^ Jaune Orang blanchâtre, blanchâtre. d'or. Orangé Rosefoncé. Rose Blanc. Jaune Jaune. Jaune. blanchâtre. blanchâtre. Jaune Rose Blanc. Vert Vert Jaune-vert. blanchâtre. blanchâtre, blanchâtre. Jaune-vert..... . Blanc. Vert Vert Vert. blanchâtre, blanchâtre. Vert Bleu Bleu d'eau. Verl-bleu. blanchâtre. ,^ Vert-bleu Bleu d'eau. Bleu d'eau. »i Bleu cyanique. . Bleu indigo. On voit, par ce tableau, que, lorsqu'on mélange deux couleurs simples, moins éloignées dans le spectre que deux couleurs com- plémentaires, la couleur mixte résultante tire d'autant plus sur VISION. 817 le blanc que l'intervalle entre les couleurs employées est plus considérable, et que, si on mélange deux couleurs plus éloignées que les couleurs complémentaires, le mélange est d'autant plus blanchâtre que l'inlervalle est plus petit. On voit aussi qu'une couleur mixte a toujours son analogue dans une couleur simple à laquelle on aurait ajouté de la lumière blanche. Le mélange de plus de deux couleurs simples ne produit plus de nouvelles couleurs; le nombre des couleurs possibles est déjà épuisé par les mélanges des couleurs simples deux à deux. Procédés poup. le mélange des couleurs. — [" Mélanrjn des cou- leurs speclrales. On superpose (Il'UX spectres ou des parties dif- (f-renles d'un même spectre. Le procédé le plus simple est celui d Helmhoitz et ne nécessite qu'un >cul prisme. On pratique, dans le voiel d'une chambre obscure, une fcnle étroite en forme de V, dont les branches ab et bc ifirj. 212; Fig. 212. — Double fenie en v, pour obtenir sout à angle droit ; derrière cette deux spe.ues partiellement superposés. f^j^jg 0^, pj^ce UU pri\\ELLE. vers la lame de verre, on voit à travers la lame l'objet b, et on voit par réflexion l'objet c, qui paraît alors coïncider avec b] l'image commune de b et de c a alors la couleur résultante. Fig. 214. — Procédé de Lambert pour le mélange des couleurs. 3° Procédé de Czermack. C'est rexpérieuce de Sclieiner (voir p. 7761 modiûce. On place aux deux ouvertures deux verres difTéremment co- lorés ; puis on accommode de façon que les deux cercles de diffusion se recouvrent en partie sur la rétine; on a alors la sensation de la cou- leur composée. 4° Procédé des disques rotatifs. On fait tourner rapidement dans leur plan des disques qui portent des secteurs difTéremment colorés. Quand la vitesse de la rotation est suffi- sante, les impressions produites par les différentes couleurs sur la rétine éveillent une impression unique, celle de la couleur mixte. Le procédé des disques rotatifs permet le mélange d'un nombre quelconque de couleurs. Ainsi, si on dispose sur le disque des sec- teurs colorés correspondant aux principales couleurs du spectre, comme dans la figure 215, la sen- sation résultante est celle de la lumière blanche. Seulement , il faut donner aux différenls sec- teurs colorés des dimensions qui soient dans des rapports convenables. Dans le disque de la figure 215, les angles des secteurs ont des valeurs qui ont été calculées par Newton et dont voici les nombres : Fig. 213. — Disque rotatif de Newton pour le mélano-e des couleurs. Rouge 60°45',5 Orangé .... 34° 10', 5 Jaune 54°41' Vert 60°45',5 Bleu ..... 54°41 Indigo 3 4° 10', 5 Violet. .... 60M5'5 'VïSïoy. 819 Ces disques sont habituellement mis en monvement par une toupie, toupie chromatique de Maxwell {fig. 216). Les disques fig. 217) sont Fig. ilÔN — Toupie chroiiïatique de Maxwell. Fig. 217. — Disque de la tonf.ie de Maxwell. en papier fort de difTéreutes grandeurs et portent au centre une ouTerture par laquelle on les engage dans la tige «6 de la toupie, et une fente suivant l'un des rayons. Chaque disque est recouvert uniformément d'une seule couleur, et si Ton en superpose plusieurs en les engageant les uns dans les autres par leurs fentes, on obtient des secteurs dont on peut faire varier à volonté la largeur. Les disques sont fixés dans une position invariable au moyen d'un écrou mobile c ijig. 216'. Le tout, vu d'en haut, présente l'aspect de la figure 218. On y voit trois disques colorés, rouge, bleu, vert, engrenés les uns dans les autres, et deux dis- ques plus petits, l'un blanc, l'autre noir, engrenés par leurs fentes ; le plateau circulaire de la toupie est limité pay. un cercle gradué, divisé en 100 parties et sur lequel on peut lire les dimensions angulaires de cha- que secteur coloré. La toupie peut se remplacer par un disque fixé verti- Fig. 218. — Superposition des disque>. calemcnt sur un axc horizontal et qu'on met en mouvement au moyen d'une corde et d'une manivelle. h^ Mélange direct de poudres ou de liquides colorants. Ce procédé, très-usité autrefois, est très-défectueux. En effet, soient d'abord des liquides colorés; la lumière qui traverse ces liquides est celle qui n'a pas été absorbée par eux; ainsi les liquides bleus^ en général, laissent passer tous les rayons bleus, moins bien les rayons verts et violets et pas du tout les rayons rouges et les jaunes; les liquides jaunes laissent passer tous les rayons jaunes, assez bien les rouges et les verts, très- peu les bleus et les violets; il en résulte que le mélange d'un fluide 820 PHYSIOLOGIE FO^'CTIONNELLE. jaune et d'un fluide bleu ne laisse passer que les rayons verts. Il en est de même des poudres colorées : chaque particule de matière colorante agit comme un petit corps transparent qui colore la lumière par ab- sorption. Il y a donc dans les mélang:es de poudres ou de liquides co- lorés non pas addition, mais soustraction de couleurs; aussi ces mélanges sont-ils toujours plus foncés que les substances simples qui entrent dans leur composition. On rend ces différences sensibles en pla- çant au centre d'un disque rotatif le mélange direct des deux couleurs, par exemple du bleu cobalt et du jaune de chrome, et en plaçant isolé- ment chacune des deux couleurs sur les secteurs du bord du disque ; quand le disque tourne, les deux couleurs donnent, au centre du disque, du vert foncé; sur le bord du disque, là où la combinaison se fait sur la rétine, du vert blanchâtre. 3° Caractères des sensations de couleur. On distingue, dans les sensations de couleur, trois caractères principaux qui dépendent de conditions physiques : ce sont le ton, la saturation et Yintensité. r Ton. — Le ton d'une couleur dépend du nombre de vibra- tions (ou de la longueur d'ondulation) de l'éther et correspond à ce qu'est la hauteur pour les vibrations sonores. 2° Saturation. — La saturation d'une couleur dépend de la plus ou moins grande quantité de lumière blanche qu'elle con- tient. Une couleur est dite saturée quand elle ne contient pas de lumière blanche, telles sont les couleurs simples du spectre et le pourpre. On peut donc, par une addition convenable de lumière blanche, dégrader peu q. peu chaque ton et passer ainsi, par tran- sitions insensibles, d'une couleur saturée au blanc pur. o° Intensité. — L'intensité d'une couleur dépend de l'amplitude des vibrations. Cette intensité diminue depuis les couleurs spec- trales pures jusqu'au sombre ou au noir par dégradations succes- sives; le gris n'est que du blanc peu lumineux. Quand l'inten- sité lumineuse dépasse une certaine limite, le ton de la couleur -disparaît, et nous n'avons plus que la sensation du blanc. Cette intensité lumineuse varie, du reste, pour les différentes couleurs du spectre; ainsi le rouge exige, pour être vu, une lu- mière plus forte que le bleu. Si un papier rouge et un papier bleu paraissent également clairs à la lumière du jour, à la tom- bée de la nuit le papier bleu paraît plus clair et le papier rouge VISION. 821 presque noir; on sait aussi que ce sont les couleurs rouges qui disparaissent les premières au crépuscule. ■ Quand on augmente l'éclairage, les couleurs à vibrations lon- gues (rouge, jaune) augmentent d'intensité; c'est l'inverse quand l'éclairage est plus faible, ce sont alors les couleurs à vibrations courtes (violet et bleu) ; ainsi, les paysages que nous regardons à travers un verre jaune clair nous paraissent éclairés par le soleil; avec un verre bleu, ils produisent l'etret inverse. Dans la lumière solaire intense, c'est l'impression du jaune qui domine; dans la lumière solaire faible, c'est celle du bleu, com- plémentaire du jaune ; dans l'éclairage artiffciel ordinaire, la lu- mière est jaune, de sorte que les objets bleus paraissent plus foncés, et les objets jaunes pâlissent. C'est que la nature de l'é- clairage et surtout l'habitude de considérer la lumière solaire comme étant le blanc normal pendant le jour, influent sur la dé- termination du ton et de l'intensité des couleurs que nous avons sous les yeux. La comparaison de rintensité des difî'érentes couleurs esta peu près impossible. Vierordt a cherché un procédé pour arriver indirectement à ce résultat. Le principe de son procédé est le suivant : SI on laisse tomber de la lumière blanche sur un point a d'une surface colorée, par exemple d'une région du spectre solaire, le point a paraîtra blanc quand la lumière blanche sera assez forte. Si maintenant on affaiblit de plus en plus cette lumière blanche à l'aide de verres enfumés dont le pouvoir absorbant est exactement connu, le point a prend de plus en plus le ton de la couleur primitive, et pour un certain degré d'affai- blissement de la lumière blanche la couleur de a ne peut plus se dis- tinguer de la couleur de la région qui lui sert de fond. Plus il faut affaiblir la lumière blanche pour arriver à ce résultat, plus la couleur correspondante a une faible intensité. Mais dans le spectre ordinaire, la région du rouge jusqu'au milieu du vert est trop rétrécie, et à partir de là le spectre s'étend jusqu'au violet; il en résulte que les couleurs rouge, orange, jaune et jaune verdàlre paraissent trop claires, et les couleurs verte, bleue et violette pas assez lumineuses. Pour avoir la véritable intensité lumineuse des di- verses couleurs du spectre, il faut par conséquent placer les lignes de Frauenhofer non comme elles le sont dans le spectre prismatique, mais les rapprocher dans la région du violet, les écarter dans la région du rouge, autrement dit les placer à des distances correspondantes aux longueurs d'ondulations des différents rayons ; on a ainsi le spectre il/pique. 822 PHYSIOLOGIE FOXCTIOiNWELLE. C'est d'après ces principes que Yierordt a construit le tableau sui- vant, qui donne l'intensité des différentes couleurs du spectre solaire : INTENSITÉ LUMINEUSE. Couleurs. Régions du spectre. - Lignes (le Frauenhofer ('). Spectre prismatique. .Spectre typique (intensité lumineuse véritable). [ A — a 6 2 a — a 50 B 80 29 Rouge. .'. ! a50B — B 171 69 i B— B50G 208 86 [ B 50G — G' 281 —348 129 — 167 Orange . G — G 50 D 984 — 2520 504 — 1556 Jaune . . . G 50 D — D 2582 — 5997 1616 — 4164 D — D lOE 7664 — 6450 5677—4850 i D lOE — D36E 5170 4071 Vert D36E — E 3956 — 2838 3242 — 2810 j E — E 1 7 F 2773 2980 ( E 17 F — E 52 F 1972 — 1554 2008 — 1888 Bleu .... i E52F — F 1172 — 984 1441 — 1179 } F— G 493—58 676— 116 G — G 50 H 35 — 18 77 —46 Violet.. . G 50 H — H 15 — 5 38 — 15 Au delà de H 1 —0,3 4 — 1,5 \ \ G'est en se basant sur ces données que Yierordt a imaginé Vanalyse spectrale physiologique, et il a appliqué celte analyse qui, jusqu'ici, n'était utilisée que pour les matières colorantes qui présentent des bandes d'absorption, aux matières colorantes qui ne présentent aucune raie d'absorplion. En effet, il a montré que toute substance colorée possède un pouvoir d'absorption déterminé pour une lumière d'une longueur d'ondulation donnée, et qu'on peut ainsi caractériser ce corps et le distinguer des autres corps colorés; en résumé, déterminer son coefficient d absorption pour les différentes régions du spectre. La métbode pliotométrique de Yierordt est appelée à rendre les plus grands services à la physiologie; eile permet, en effet, non-seulement de reconnaître, mais de doser les matières colorantes, telles que celles du sang, de Furine, de la bile, etc.. même quand elles se trouvent en quantités si faibles qu'elles échappent à Fanalyse chimique ordinaire. (Voir Yierordt : Photometrie der Âbsorptionsspektren.) (•) Les cliiffres placés entre les lettres de Frauenhofer correspondent aux divisions ceatésimales, la distance entre deux lettres successives e'tant divise'e en cent parties. VISIO .\. 823 4"^ Chissijication (?t représentation fj,îoraétriq\ie des couleurs. Les caractères qui viennent cVêtre étudiés permettent de classer les couleurs dans un ordre systématique, et de construire sur ces principes des flgures géométriques représentant graphique- ment cette classification des couleurs (tables ou cercles chro- matiques). Si, d'abord, nous faisons abstraction de la saturation et de Tintensité des couleurs pour ne nous atlacher qu'à leur ton, nous pouvons disposer les couleurs en série linéaire, comme dans le spectre solaire; chaque point de cette ligne correspond à une impression déterminée de cou- leur et on peut passer pai* des transitions insensibles d'un point à l'autre; mais cette ligne ne peut être une ligne droite puisque les deux couleurs extrêmes, rouge et violet, se rapprochent l'une de l'autre comme qualité de ton; la ligne devra donc être une courbe, mais une courbe qui présentera une interruption entre le rouge et le violet, et cette interruption sera comblée si l'on interpose entre ces deux cou- leurs le pourpre qui, comme on Ta vu, établit la transition entre le rouge et le violet ; la courbe des couleurs est alors fermée, et on peut, pour plus de simplicité, lui donner la forme d'un cercle. Dans ce cas, on peut placer \qs couleurs sur la circonférence du cercle, de façon que les couleurs complémentaires se trouvent aux extrémités du même diamètre. La même construction peut servir encore si on fait entrer en ligne de compte la notion de saturation ; dans ce cas, les couleurs saturées (couleurs prismatiques et pourpre) sont placées à la circonférence, comme tout à l'heure, le blanc au centre du cercle et les difTerents degrés de saturation, depuis la couleur saturée ju.'.\ELLE. •l'endroit affecté à chaque couleur sur la table chromatique, et en cons- truisant le centre de gravité de ces poids, sa position devait donner celle de la couleur résultante sur la table, et la somme des poids en exprimait Tintensité. C'est sur ce principe que reposent les triangles chromatiques. Soit le triangle R V U (/gr. 219). Si l'on place trois des couleurs du Jndtc/o Fig. 219. - Triangrle chromatique. î'ix/el- spectre aux trois angles, par exemple le vert, le rouge et le violet, les côtés du triangle comprendront les couleurs intermédiaires du spectre, plus le pourpre. Le point S correspond au blanc et, par suite, à l'inter- section des lignes qui joignent les couleurs complémentaires, et les droites VS, RS et US représentent les quantités de vert, de rouge et de violet nécessaires pour former du blanc; de même pour les couleurs complémentaires, bleu et rouge par exemple, qui donnent du blanc quand on les mélange en quantités proportionnelles aux lignes BS etRS. De même, un point quelconque M de la surface du triangle correspond à une couleur composée qu'on peut obtenir par le mélange des trois couleurs fondamentales dans les proportions données par les lignes VM, RM, U3I. Mais la ligne U.M aboutit au jaune; on pourra don-c remplacer le rouge et le vert par le jaune, dans la proportion delà ligne JM, en le mélangeant avec la quantité UM de violet. La même couleur sera en- core formée par le mélange d'une quantité JM de jaune avec une quan- tité >IS de blanc, ou encore d'une quantité RM de rouge et MD de vert-bleu. (Voir : Physique médicale de Wundt, trad. par Monoyer.) On a donné diverses formes à. ces figures et à ces tables chroma- tiques, mais je ne puis que renvoyer, pour les détails de cette question, aux ouvrages spéciaux. 5^ Hf/pothèse des couleurs fondamentales. Brewster avait émis l'idée que toutes les couleurs du spectre n'étaient que des mélanges, en quantités variables, de trois cou- VISIO-X. 825 leurs fondamentales, le rouge, le jaune et le hleu; mais cette proposition est inexacte, il n'existe pas trois couleurs simples dont le mélange reproduise les couleurs intermédiaires du spec- tre; en effet, les couleurs spectrales sont toujours bien plus satu- rées que les couleurs composées. Mais Young posa la question d'une façon plus exacte, en admettant, pour l'explication des phénomènes de la vision des couleurs, que les sensations colo- rées peuvent être ramenées à trois sensations fondamentales, sensations de rouge, de vert et de violet. C'est dans ce sens qu'on peut seulement parler de couleurs fondamentales, mais en se gardant bien de leur attribuer une réalité objective, comme le faisait Brewster; elles n'ont qu'une signification subjective. Les bases essentielles de l'hypothèse de Young sont les sui- vantes, et j'en emprunte l'exposition à Helmholtz [Optique phy- siologique, page 382) : ■ « r II existe dans l'œil trois sortes de fibres nerveuses dont l'excitation donne respectivement la sensation du rouge, du vert et du violet. «2° La lumière objective homogène excite les trois espèces de fibres nerveuses avec une intensité qui varie avec la longueur d'onde. Celle qui possède la plus grande longueur d'onde excite le plus fortement les fibres sensibles au rouge, celle de longueur moyenne, les fibres du vert, et celle de la moindre longueur d'onde, les fibres du violet. Cependant il ne faut pas nier, mais bien plutôt admettre, pour l'explication de nombre de phéno- mènes, que chaque couleur spectrale excite toutes les espèces de fibres, mais avec une intensité différente. Supposons les couleurs spectrales disposées horizontalement et par ordre (fig. 220, p. 826), depuis le rouge R jusqu'au violet V, les trois courbes représen- tent plus ou moins exactement l'irritabilité des trois sortes de fibres, la courbe 1 pour les fibres du ronge, la courbe 2 pour celles du vert, et la courbe 3 pour celles du violet. « Le rouge simple excite fortement les fibres sensibles au rouge, et faiblement les deux autres espèces ; sensation : rouge. u Le jaune simple excite modérément les fibres sensibles au rouge et au vert, faiblement celles du violet; sensation : jaune. « Le vert simple excite fortement les fibres du vert, bien plus faiblement les deux autres espèces; sensation: vert. «Le bleu simple excite modérément les fibres du vert et du violet, faiblement celles de rouge; sensation : bleu. •826 PHYSIOLOGIE FONGTIO^'NELLE. « Le violet simple excite fortement les fibres qui lui appartien- nent, faiblement les autres; sensation: violet. Fig. 220. — Irritabilité des trois sortes de fibres rétiniennes. « L'excitation à peu près égale de toutes les fibres donne la sensation du blanc ou des couleurs blanchâtres. » Telle est l'hypothèse d'Young, adoptée par Helmholtz dans son Op- tique physiologique. Quoique cette hypothèse ait été attaquée de plu- sieurs côtés et, en particulier, par Wundt {Psychologie physiologique), Fick et plusieurs autres auteurs, je crois que cette hypothèse doit être conservée jusqu'à nouvel ordre, car c'est elle qui exphque encore le mieux les phénomènes de sensations de couleurs. La théorie de Young s'appuie surtout sur les faits de dyschromalopsie. On appelle ainsi une affection dans laquelle la faculté de distinguer une ou plusieurs des couleurs fondamentales est abolie ou diminuée. On a VISION. 827 admis une achromatopsie, c'est-à-dire une céciië complète pour les cou- leurs, dans laquelle rindividu ne distinguerait plus que les différences de clarté et dobscurité; mais elle n'est pas démontrée. Habituellement, la cécité est partielle et porte sur une seule couleur fondamentale. <^uand la couleur invisible e->t le rouge {daltonisme), ce qui est le cas le plus fréquent, la partie rouge du spectre parait noire, et, dans les couleurs composées où entre le rouge, la couleur complémentaire est seule visible; ainsi, le blanc paraît vert bleuâtre, le rouge intense et le jaune paraissent verts [\'o\ïfig. 220. p. 826, en supposant la courbe 1 sup- primée', et toute distinction entre le rouge d'une fleur et le vert des feuilles, entre les signaux rouges et verts des chemins de fer sera im- possible. La cécité pour le vert et pour le violet parait beaucoup plus rare. La dyschromatopsie s'interprète facilement dans l'hypolbèse de Young; elle dépend de l'absence ou de la paralysie plus ou moin^ complète des éléments rétiniens affectés à telle ou telle couleur. La santonine fait voir tous les objets en jaune, et cette action de la santonine a été attribuée à une paralysie momentanée des éléments rétiniens du violet, paralysie précédée d'une période d'excitation très- courte pendant laquelle on voit tout violet. D'autres auteurs ont attri- bué cette action à l'augmentation du pigment jaune qui recouvre la tache jaune et la fosse centrale. La théorie de Young s'appuie encore sur ce fait qu'on peut produire artificiellement la cécité pour une couleur en excitant jusqu'à la fa- tigue la rétine par cette couleur. Si, par exemple, on garde longtemps devant les yeux des lunettes de verre rouge, il survient un daltonisme accidentel et la rétine devient insensible au rouge : le rouge saturé pa- raît noir, le rouge blanchâtre gris ou blanc. On verra plus lard que l'hypothèse d'Young sert aussi à expliquer les images accidentelles chromatiques. Quels sont maintenant dans la rétine les éléments impressionnables parla lumière colorée? D'après les recherches de Schultze, ces élé- ments seraient les cônes, tandis que les bâtonnets ne serviraient qu'à la distinction des différents degrés de clarté et d'obscurité, sans sensa- tion de couleur. Les bases sur lesquelles s'appuie cette hypothèse sont les suivantes : 1° Chez l'homme, la facilité de distinguer les couleurs est surtout marquée dans la fosse centrale, où il n'y a que des cônes, et elle diminue graduellement, en même temps que les cônes diminuent de-nombre, à mesure qu'on se rapproelie de la périphérie de la rétine; 2° les cônes manquent presque tout à fait chez les animaux nocturnes, comme la chauve-souris, le hibou, etc., et on ne trouve chez eux que des bâtonnets. Chez les oiseaux diurnes, les cônes ont bien la forme de bâtonnets, mais ils sont en rapport avec une seule Gbre-axe et présen- tent une disposition particulière. A la réunion de l'article interne et de l'article externe, se trouve, comme on l'a vu page 806, un globule co- 828 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. loré, jaune, rouge ou blanc, qui ne laisse, par conséquent, arriver à l'é- lément impressionnable que la lumière ronge, jaune ou blanche. Cette disposition vient confirmer l'hypothèse d'Young. Mais chez l'homme il n'existe rien de semblable. Seulement, les cônes sont en rapport avec plusieurs fibrilles primitives et non plus avec une seule; en effet, l'ar- ticle interne du cône est constitué par un paquet de fibrilles nerveuses (Schultze) et l'article externe par une pile de lames transversales pa- rallèles. Nous avons vu, d'ailleurs (page 806), qu'il est très-difficile de savoir dans quel article se passe la modification qui produit la sensa- tion de couleur et de quelle nature est cette modification. D'après Zenker^ la lumière serait analysée dans cette pile de lames comme le son dans l'organe de Corti, comme elle est décomposée dans une pile de lames de verre d'épaisseur inégale ou de réfringence différente. (Zenker, Archivfû?' mikr. Anatomie, t. III.) Le pigment jaune de la tache jaune rend la rétine moins sensible pour le rouge et le violet. Du reste, d'une façon générale, les éléments rétiniens affectés au rouge paraissent avoir une sensibilité plus faible que les autres : à la périphérie de la rétine ces éléments paraissent même manquer tout à fait. Si on fixe avec un œil un pain à cacheter rouge, l'impression porte d'abord sur la tache jaune et l'objet est vu nettement rouge ; si alors, sans déplacer le point de fixation de l'œil, on fait mouvoir lentement le pain à cacheter de façon que son image se fasse sur la rétine dans des points de plus en plus rapprochés de ïora serrata, l'objet paraît Je plus en plus foncé, puis il prend une teinte bleuâtre et finit par paraître tout à fait noir (^Vundt). 6° Images consécutives colorées. Si on fixe pendant quelque temps une croix rouge, par exem- ple, sur un fond noir et qu'on ferme les yeux, on voit une image consécutive rouge de la croix; l'image, dans ce cas, est positive et Jiomochroïqiie, c'est-à-dire de même couleur que l'objet; si, au lieu de fermer les yeux, on regarde un papier blanc, on voit une croix verte; l'image conaécutive est coynplémentaire, c'est- à-dire qu'elle a la couleur complémentaire de la couleur de l'ob- jet. Les images consécutives sont positives quand elles ont la même intensité que l'image primaire de l'objet, négatives quand elles ont moins d'intensité lumineuse. Les imageshomochro'iques sont toujours positives; les images complémentaires peuvent être positives ou négatives. On appelle lumière primaire ou indue- VISION. 829 trice celle qui impressionne en premier lieu la rétine et donne lieu à Timage consécutive, ainsi, dans le cas ci-dessus, la lumière rouge de la croix, et lumière réagissante ou modificatrice celle qui agit sur la rétine après que celle-ci a été modifiée par la lu- mière primaire, ainsi, dans le même cas, la lumière blanche du papier. On peut donc distinguer des images consécutives ^///T^/t^s qui résultent de l'action primitive de la lumière inductrice, et qui sont toujours positives, et des images consécutives modifiées qui peuvent être positives ou négatives. La théorie la plus salisfaisante pour expliquer les images consécu- tives colorées est celle de Fechner, théorie adoptée par Hcimholtz et qiii s'accorde, du reste, avec l'hypothèse d'Young exposée dans le pa- ragraphe précédent. Dans cette théorie, tous les phénomènes s'ex- pliquent par deux propriétés de la rétine, par la persistayice de son excitation et par la diminution de son excitabilité pai- la fatigue. Les images consécutives positives dans l'obscurité sont dues a la persis- tance des impressions sur la rétine; les images complémentaires sont dues à la- perte d'excitabilité des éléments de la rétine atleclés à la cpuleur inductrice et la persistance de l'excilabihlé dans les éléments affectés à la couleur complémentaire de la couleur inductrice. On peut, à ce point de vue, distinguer les cas suivants : Soit un objet coloré en rouge et fixé pendant longtemps ; les éléments du rouge se- ront fatigués et devenus inexcitables : 1° Si l'œil est maintenu dans l'obscurité, les fibres du rouge étant fatiguées ne réagissent plus et ne donnent plus la sensation du rouge; celles du vert et du violet ont été un peu excitées \fig. 220, p. 820), et cette excitation suflit pour donner la sensation d'une image complé- mentaire bleu verdàtre pâle. 2° Si on fixe une surface blanche, les fibres du ronge, fatiguées, ne sont plus excitables par les rayons rouges coiitcnus dans la lumière blanche; les fibres du vert et du violet, au contraire, sont fortement excitées; on a alors l'image consécutive complémentaire intense. 3o Si on regarde une surface de la couleur complémentaire, bleu- vert; par conséquent, \q& fibres du vert et du violet sont fortement im- pressionnées par la lumière réagissante et l'image consécutive est complémentaire et encore plus intense que dans le cas précédent. io Si on regarde une surface de la couleur primaire, c'est-à-dire rouge, les fibres du rouge sont très-peu impressionnées à cause de leur fatigue ; les fibres du vert et du violet le sont très-peu [so'wfig. 220, p. 82Gi et on a une image grise peu intense, résultant de l'excitation très-faible des trois espèces de fibres. 5° Si ou regarde une surface colorée quelconque, celte couleur se 830 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. combine avec celle de rimage consécutive %t donne naissance à une couleur mixte ; ainsi, si on regarde une surface jaune, IMmage consé- cutive sera oran'^e. Les objets blancs fournissent aussi des images accidentelles colorées d et ces images présentent des modiûcatious de couleurs très-variées, * décrites sous le nom de phases colorées des images accidentelles. On les observe surtout après avoir soumis la rétine à une lumière intense, et elles ont été décrites par Fectiner, Séguin, Plateau, Helmboltz, etc., aux ouvrages desquels je renvoie. Ces phases colorées s'observent aussi avecles couleurs saturées, mais elles sont moins marquées. Il en est de même pour les apparences colorées qu'on voit en faisant tourner, pas assez rapidement pour avoir une sensation continue, des disques rotatifs à secteurs noirs et blancs [disques impilloianls) . Tous ces phé- nomènes s'expliquent, pour la plus grande partie, par la théorie de Fechner. 11 suffit seulement d'admettre que la marche de l'excitabilité n'est pas la même pour les fibres correspondantes à chaque couleur fondamentale. La théorie de Plateau est différente. Pour lui, ces images consécu- tives sont dues à une nouvelle action delà rétine, qui serait opposée à la première ; après chaque sensation vive de lumière, la résine ne re- viendrait au repos qu'en accomplissant une série d'oscillations quiJa feraient passer alternativement par des états opposés, et ces états op- posés correspondraient à la sensation des couleurs complémentaires. ((Lorsque la rétine, dit Plateau, est soumise à l'action des rayons dune couleur quelconque, elle résiste à cette action et tend à regagner l'état normal avec une force de plus en plus intense. Alors, si elle est subitement soustraite à la cause excitante, elle revient à l'état normal par un mouvement oscillatoire d'autant plus énergique que l'action s'est prolongée davantage, mouvement en vertu duquel l'impression passe d'abord de l'état positif à Fétat négatif, puis continue généralement à osciller d'une manière plus ou moins régulière en s'affaiblissaut. » D'après Monoyer, ces images consécutives seraient ducs à la phos- phorescence de la rétine. Le mouvement vibratoire transmis à la rétine par la lumière persiste pendant un temps plus ou moins long avant de disparaître complètement pour se transformer en d'autres mouvements moléculaires. Cette persistance des vibrations explique tout naturelle- ment les images positives et homochroïques. Pour expliquer les images négatives et complémentaires, il invoque la loi deFégalité des pouvoirs émissifs et absorbants et le phénomène connu en physique sous le nom de renversement ou inversioi du spectre; l'image négative ou complémentaire est due au renversement de Fimage positive ou homo- cliroïque. Les variations alternatives du positif au négatif, et v/ceyersa, seraient dues à l'action modificatrice de la lumière propre de la rétine, (Voir : Bulletins de la Société des sciences naturelles de Seras- bourg, 1868.) VISION. 83t 7° Du contraste des couleurs. Si on regarde deux couleurs placées l'une à côté de Tautre,. elles font une tout autre impression que si on regarde cha- cune d'elles isolément. Chevreul a donné le nom de contraste simultané aux influences qu'exercent l'une sur l'autre des cou- leurs différentes que l'on voit simultanément dans le champ visuel, et réserve le nom de contraste si^cces^i/" aux phénomènes, étudiés dans le paragraphe précédent. •Brticke désigne sous le nom de couleur induite la couleur qui est produite par l'effet modificateur d'une couleur voisine, et couleur inductrice celle sous l'influence de laquelle se produit la modification. Si on examine, par exemple, un petit objet blanc, gris ou noir sur un fond coloré, l'objet prend la couleur complémentaire du fond. Si l'on place l'une à côté de l'autre deux couleurs complé- mentaires, chacune de ces couleurs en acquiert plus d'éclat et d'intensité. Les expériences de ce genre peuvent être variées à l'infini. Une des plus intéressantes est celle des ombres colorées. On éclaire simultané- ment une feuille de papier, d'un côté par la lumière affaiblie du jour, de l'autre par la lumière d'une bougie; la lumière du jour doit arriver par une ouverture assez petite pour donner des ombres nettes ; on place alors en avant du papier un crayon qui projette sur le papier deux ombres, une ombre due à la lumière naturelle et qui est éclairée par la lumière jaune-rouge de la bougie, et une ombre de la bougie qui est éclairée par la lumière blanche du jour; cependant cette ombre ne parait pas blanche, mais bleue, parce qu'elle preud la couleur complémentaire du fond, couleur jaune rougeâtre pâle due à ce que le papier (partie non ombrée) reçoit à la fois la lumière blanche du jour et la lumière jaune-rouge de la bougie. Si maintenant ou regarde le papier par un tube noirci intérieurement, de façon que l'œil puisse voir à la fois fombre de la bougie et une partie du fond jaune rougeâtre, l'ombre de la bougie parait bleue; une fois cette sensation de bleu bien dévelop- pée, si on dirige le tube noirci de façon que l'œil ne voie que l'ombre de la bougie et n'ait que cette sensation de bleu, cette coloration bleue persiste même quand on éteint la bougie et on ne reconnaît son erreur que quand on supprime brusquement le tube noirci ; alors le bleu sub- jectif disparait immédiatement parce qu'on reconnaît son identité avec 832 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. le blanc qui recouvre le reste du champ visuel. Il n'y a pas d'expé- rience dit Helmhollz, qui fasse voir d'une manière plus frappante et plus nette l'influence du jugement sur nos déterminations des couleurs. , , , Les mêmes phénomènes de contraste se montrent quand la plus -rande partie du champ visuel est occupée par une couleur prédomi- nante. Ainsi, si l'on fixe un morceau de papier blanc ou gris avec un œil et qu'on glisse derrière un verre coloré, le morceau de papier prend immédiatement la couleur complémentaire du verre coloré. Dans certains cas, quand la couleur inductrice présente une grande intensité lumineuse ou lorsqu'on fixe longtemps le même point, l'objet fixé prend la couleur du champ inducteur après avoir pris la couleur complémen- taire. Ces phénomènes sont moins constants et moins marqués, mais ils n'en existent pas moins quand la couleur inductrice n occupe, qu'une petite partie du champ visuel. Yolkmann a, le premier, appelé l'attention siir la faculté que nous avons de discerner deux couleurs d'objets placés lun derrière Tautre. Si on tient très-près des yeux un voile vert, on reconnaît très-bien à travers le voile la couleur des objets, quoique la couleur verte du voile vienne se mêler à toutes les autres couleurs. Des phénomènes de contraste analogues se présentent dans des cas où le champ induit ne se distingue du champ inducteur que par une faible différence de coloration. Si on prend un disque rotatif à fond blanc et qu'on y inscrive quatre secteurs colorés étroits, coupés en leur milieu par une bande composée d'une moitié noire et d'une moitié blanche , quand le disque tourne, ces bandes, au lieu de donner un anneau gris, comme elles le feraient sur un fond blanchâtre faible- ment coloré, donnent un an- neau de la couleur complé- mentaire de celle des sec- teurs colorés. Les mêmes phénomènes se présentent avec plus d'in- tensité encore dans le cas suivant : Soit un disque ro- tatif dont les secteurs aient la forme représentée dans la figure 221 , et soient d'abord les secteurs blancs et noirs ^'3- 221. - Disque rotatif. comme dans la figure. On voit, pendant la rotation, une série d'an- neaux concentriques de plus en plus foncés à mesure qu'on se VISION. 833 rapproche du centre. Sur chaque couronne, la surface angulaire des parties noires est constante, et cependant chaque couronne parait plus claire à sa partie interne, où elle confine à une couronne plus foncée, et plus foncée à sa partie externe, où elle confine à une couronne plus claire. Si au lieu du blanc et du noir, on prend deux couleurs dilTô- rentes,le phénomène devient très-frappant : chaque couronne présente deux colorations différentes à ses deux bords, bien que la coloration objective soit uniforme sur toute l'étendue de chaque couronne. Si on a mélangé du bleu et du jaune et que le bleu prédomine dans les couronnes extérieures, chaque couronne paraît jaune à son bord exté- rieur, bleue à son bord intérieur. Ces elTets de contraste disparaissent dès qu'on marque les contours des anneaux par de fines circonférences noires; chaque anneau apparaît alors avec la coloration et l'intensité qu'il possède en réalité. Ces phénomènes de contraste doivent donc être rattachés, comme le fait observer Helmholfz, plutôt à des modifi- cations dans le jugement qu'à des modifications dans la sensation. Plateau, au contraire, rattache les phénomènes de contraste à la théorie des images consécutives. • E. — MOUVEMENTS DU GLOBE OCULAIRE. Les mouvements du globe oculaire ont pour but de diriger le regard vers le point de l'espace que nous voulons fixer de façon que l'image de ce point aille se faire sur la tache jaune, lieu de la vision distincte. Le globe oculaire, au point de vue de ses mouvements, repré- sente une véritable énarthrose, et ses déplacements se font d'a- près les lois des déplacements des articulations sphériques. 1*^ Centre et axes de rotation de l'œil. Le centre de rotation de l'œil ne se trouve pas exactement au milieu de l'axe optique; il est placé un peu plus en arrière (de 1™™ ^U environ), par conséquent en arrière des points nodaux. Dans les yeux myopes, le centre de rotation est placé plus en arrière que dans les yeux normaux; dans les yeux hypermétro- pes, il est un peu plus en avant. détermination du centre de rotation de l'œil. — Procédé de Donders. On mesure d'abord le diamètre horizontal de la cornée à l'aide de l'ophthalmomètre. Puis on fait viser successivement à droite et à gauche Beaunis, Phys. 53 834 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. un cheveu vertical, de façon que chacune des extrémités du diamètre horizontal de la cornée coïncide avec le cheveu. L'angle trouvé (envi- ron 56°) correspond à celui que Foeil a décrit autour de son centre de rotation ; on a ainsi un triangle dont la base, constituée par le diamètre horizontal de la cornée, et l'angle opposé = 56° sont connus; on en tire facilement la longueur de la perpendiculaire abaissée du sommet sur la base et, par suite, la position du centre de rotation. A.-V. Yolk- mann a indiqué un autre procédé pour déterminer ce centre de rotation. La détermination des axes de rotation et des mouvements de l'œil nécessite la définition préalable de quelques termes qui doivent être employés dans le cours de cette exposition. Ces dé- finitions sont empruntées à Helmholtz. Dans la vision normale, les deux yeux sont toujours placés de telle façon qu'ils fixent un seul et même point ; ce point s'appelle point de regard ou de fixation. On nomme ligne de regard une ligne qui passe par le point de regard et le centre de rotation de l'œil; quoique cette ligne soit un peu en dedans de la ligiie vi- suelle, qui correspond au rayon non réfracté, on peut la consi- dérer comme coïncidant avec elle. Le plan de regard sera le plan passant par leg deux lignes de regard, et on peut aussi le faire coïncider avec le plan visuel ou de visée passant par les deux lignes visuelles. La ligne qui joint les centres de rotation des deux yeux et qui forme un triangle avec les lignes de regard, est considérée comme la base de ce triangle, et appelée ligne de base. Les mouvements du globe oculaire peuvent se faire, comme ceux de tous les solides sphériques, autour d'une infinité d'axes de rotation; mais, pour analyser ces mouvements, on considère' trois axes principaux, qui correspondent aux trois dimensions de l'espace, et qui sont représentés par trois diamètres du globe oculaire, se coupant à angle droit au centre de rotation. On a donc un axe antéro-postérieur, un axe vertical et un axe trans- versal, et, par ces axes, on peut faire passer trois plans qui se coupent à angle droit, un plan sagittal, un plan frontal et un plan transversal ou horizontal ('). Dans l'état de repos de l'œil, les lignes de regard étant paral- (') Le plan médian est le plan qui partage la tête en deux moitie's late'- rales symétriques; le plan sagittal est un plan parallèle au plan médian; le plan frontal est un plan vertical perpendiculaire au plan médian; le plan transversal est horizontal et perpendiculaire aux plans précédents. VISION. 835 lèles el dirigées vers l'horizon, les axe? transversaux des deux yeux sont sur une même ligne, ligne de base, el les plans trans- versaux des deux yeux coïncident [plan de regard). 2° Mouvements du globe oculaire. Supposons d'abord les deux lignes de regard parallèles, comme lorsqu'on regarde au loin; oa peut distinguer pour l'œil trois po- sitions, qu'on appelle primaire, secondaire et tertiaire. r Position primaire. — Cette position correspond à l'état de repos de l'œil, et au moindre effort musculaire possible. La tète est droite, et la ligne de regard est dirigée au loin vers l'horizon. 2° Position secondaire. — Cette position comprend les mou- vements de l'œil autour de l'axe transversal et de l'axe vertical. Dans le premier cas, l'œil tourne autour de l'axe transversal et la ligne de regard (et le plan de regard) se déplace en haut ou en bas el fait avec la position primaire de la ligne de regard ou avec le plan transversal un angle variable, angle de déplace- ment vertical ou angle ascensionnel d'Helmholtz. Dans le second cas, l'œil tourne autour de l'axe vertical, la ligne de regard se déplace en dedans ou en dehors, et fait avec le plan sagittal primaire un angle, angle de déplacement latéral. Dans ces deux cas, il n'y a pas de mouvement de rotation au- tour de l'axe antéro-postérieur ou sagittal. 3° Positions tertiaires. — Ces positions tertiaires comprennent tous les mouvements dans lesquels il se fait un mouvement de roue du globe oculaire {Raddrehung), c'est-à-dire quand l'œil tourne autour de l'axe sagittal ou de la hgne de regard, quelle que soit, du reste, la position qu'on donne à cette ligne. Ces mou- vements de roue ne peuvent se faire isolément; l'œil étant dans la position primaire, il nous est impossible, la télé restant droite et immobile, de le faire tourner autour de la ligne de regard ; ce mouvement de roue s'associe toujours aux déplacements verti- caux el latéraux de l'œil. Tout mouvement tertiaire peut donc se décomposer en trois mouvements, une rotation autour de l'axe transversal (déplace- ment vertical), une rotation autour de l'axe vertical (déplacement latéral), et un mouvement de roue autour de la ligne de regard. Ce mouvement de roue se mesure par l'angle que fait le plan 836 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. (le regard avec le plan transversal ou horizon rétinien d'Helm- lioltz; cet angle est ce qu'on appelle anfilc de rotation ou angle de torsion de l'œil. Ce mouvement de roue est dit positif quand l'œil tourne dans le même sens que les aiguilles d'une montre située en face de lui; il est dit négatif dixn^ le cas contraire. Dondors a montré que pour une direction, donnée de la ligne de regard, l'angle de rotation est toujours le même, autrement dit qu'il y a un rapport constant entre la valeur de cet angle de rotation et la valeur de l'angle de déplacement horizontal et de l'angle de déplacement latéral. La grandeur des mouvements de roue augmente avec l'inclinaison de la ligne de regard; dans les positions extrêmes, cet angle de rotation peut atteindre lO''. La foi des rotations du globe oculaire a été formulée par Listing de la façon suivante : Lorsque la ligne de regard passe de sa position pri- maire à une position quelconque, l'angle de torsion de l'œil dans cette seconde position est le même que si l'œil était venu dans cette position en tournant autour dun axe fixe perpendiculaire à la première et à la seconde position de la ligne de regard (Helmhollz : Optique physiolo- gique, page G06). Giraud-Teulon propose, tout en la repoussant, de la formuler de la façon suivante : Lorsque le regard passe d'une position à une autre, il peut être con- sidéré comme ayant tourné, par simple rotation, autour d'un axe fixe perpendiculaire au plan qui contient les deux ligues de regard dans leurs posiiions extrêmes. H eu résulte que l'axe de rotation est tou- jours placé dans Téquateur (plan fronlali de l'œil. Quand les lignes de regard des deux yeux, au lieu d'être parallèles, sont convergentes, les résultats ne sont plus tout à fait les mômes, et les écarts sont d'autant plus considérables que la convergence est plus grande. II en est de même pour les yeux myopes. Procédés pour la détermination des mouvements de roue de tœil. — Procédé de Ruete par les images accidentelles. — On développe sur la rétine l'image accidentelle d'un ruban noir horizontal ou vertical tendu au-devant d'un mur ou d'une tenture grise sur laquelle sont tracées des lignes horizontales et verticales. On maintient la tête droite et on .fixe le milieu du ruban; puis, sans déplacer la tête, on dirige brus- quement le regard sur une autre partie de la tenture; on voit alors une image accidentelle du ruban qui se superpose à la tenture et dont la direction se reconnaît par comparaison avec les lignes hori- zontales et verlicalcs de la tenture, On observe alors les phénomènes suivants : Si on porte le regard directement en haut ou en bas, à droite ou à gauche, en partant du milieu du ruban, l'image accidentelle, horizon- VISIO.X. 837 taie ou verticale, conserve sa direction et se confond avec les lignes horizontales ou verticales de la tenture. II n'y a donc pas eu, dans ces déplacements (positions secondaires de l'œil), de mouvement de roue. Si, au contraire, on porte le regard dans toute autre direction, l'i- mage accidentelle s'incline et ne coïncide plus avec les lignes hori- zontales ou verticales de la tenture, at l'inclinaiiOn est d'autant plus considérable que Ton s'écarte plus de la verticale ou de l'horizontale. Si on dirige le regard en haut et à droite, ou bien en bas et à gauche, l'image accidentelle (du ruban horizontal ou vertical; devient oblique de haut en bas et de droite à gauche; si on porte le regard en haut et a gauche ou bien en bas et à droite, l'image accidentelle devient oblique de haut en bas et de gauche à droite. La direction des images réti- niennes accidentelles dans ces mouvcmenis de roue peut être Ogurée par deux systèmes de lignes hyperboliques dont la convexité est tour- née vers une ligne verticale et une ligne horizontale [)rises comme axes. La disposition dune croix de Saint-André, X' P^i't servir à se rappeler cette direction. A. Fick et Meissner ont déterminé les rota/ions du globe oculaire à l'aide du punctum cœcum. Hueck, défendant une opinion déjà émise par Hunter. avait cru que, dans les mouvements d'inclinaison latérale de la tête, cette inclinaison était compensée par une rotation du globe oculaire autour de l'axe antéro-postérieur, de sorte que les méridiens verticaux de l'œil ne cesseraient pas de rester verticaux ; mais cette assertion ne peut se soutenir en présence de ce fait que, dans l'inclinaison de la tète, les images accidentelles formées sur la rétine se déplacent dans le même sens et à peu prés de la même quantité. Cependant Javal, sur des as- tigmates, dit avoir constaté dans une certaine mesure l'exactitude des observations de Hueck. Pour démontrer les mouvements de l'œil. Donders a imaginé un instrument, le phénophthalmolrope , pour la description duquel je renvoie au mémoire de l'auteur [Journal de t Analomie, 1870, p. 546). • On a admis jusqu'ici que, dans le passage de la position pri- maire à une position tertiaire, l'axe de rotation restait le môme pendant tout le cours du mouvement, et que ce passage se fai- sait en suivant une ligne droite; mais, en réalité, il n'en est pas ainsi; d'après AVundt, le regard ne suit une ligne droite que dans le cas où les deux points successifs que l'on vise sont sur une même ligne verticale ou horizontale; dan.< tous les autres cas, le regard décrit, en passant d'un point à l'autre, des arcs de cer- cle ; dans le mouvement du regard en dehors les arcs de cercle 838 PHYSIOLOGIE FOXGTION.XELLE. ont leur convexité tournée en dehors; elle est tournée en dedans quand la ligne de regard se porte en dedans. Les mouvements des deux yeux sont solidaires. Dans les con- ditions ordinaires, nous dirigeons les deux lignes du regard vers le même point de l'espace. Les mouvements simultanés des deux yeux sont toujours associés; on ne peut à la fois lever un œil et abaisser l'autre; nous pouvons faire converger les lignes de regard pour regarder un objet Irès-rapproché; mais nous ne pouvons faire diverger ces deux lignes de façon que l'œil droit regarde à droite et l'œil gauche, à gauche. On peut cependant, par l'exercice, arriver à se rendre assez maître des mouvements oculaires pour dissocier, au moins dans de certaines limites, les mouvements des deux yeux. 3" Action des muscles de l'œil. Pour connaître l'action des muscles de l'œil, il faut d'abord, pour chaque muscle, déterminer la position de son axe de rota- tion, c'est-à-dire l'axe autour duquel le globe oculaire doit tour- ner quand le muscle se contracte. Cet axe de rotation est per- pendiculaire à la direction du muscle et sa position est déterminée par les trois angles que cet axe de rotation fait avec les trois axes principaux du globe oculaire. Ce sont ces angles que donne le tableau suivant, d'après Fick, l'œil étant supposé dans la position primaire : ANGLE QUE l'aXE DE ROTATION FAIT AVEC Muscles. Droit superienr. . Droit inférieur . . Droit exter.ne. . . Droit interne. . . Grand oblique. . . Petit oblique . . . la ligne e regard. l'axe vertical. Taxe transversal tll°,2l' 108°, 22' 151°,10' 63°,37' . 1I4°,28' 37°,49' 96°, 15' 9°, 15' 950,27' 85°,1' 173°, 13' 940,28' 150°, 16' . 90° 60°. 16' 29",44' 90° n9°,44' On peut, d'après ces données, résumer ainsi l'action de chacun de ces muscles : 1° Droits interne et externe. — Leur axe de rotation coïn- cide à peu près avec l'axe vertical de l'œil; aussi font-ils tourner l'œil à peu près directement en dedans ou en dehors. VISION. 839 2° Droits supérieur et inférieur. — L'axe de rotation de ces muscles est horizontal, mais il est oblique en avant et en dedans et fait avec la ligne de regard un angle d'environ 70^ Le droit supérieur porterait donc le regard en haut et en dedans, le droit inférieur en bas et en dedans, si ces muscles agissaient isolément. 3° Grand oblique et petit oblique. — L'axe de rotation de ces muscles est horizontal, et dirigé en avant et en dehors ; il fait, avec la ligne de regard, un angle d'environ 30°. Le grand obli- que portera donc le regard en bas et en dehors, le petit oblique en haut et en dehors; ces deux muscles produisent, en outre, un léger mouvement de roue de l'œil. On a vu plus haut que dans tous les mouvements de l'œil, l'axe de rotation se trouve situé dans le plan frontal ou dans l'équateur de l'œil, à l'exception des mouvements de roue. Or, il n'y a que l'axe de rotation des droits interne et externe qui soit situé dans cet équateur, et, par suite, pour tous les autres mou- vements il faudra le concours de plusieurs muscles. 11 en résul- tera donc que, suivant le mouvement que le globe oculaire exécute, il y aura un , deux ou trois muscles en activité. Le tableau suivant donne les muscles qui entrent en action pour les divers mouvements possibles du globle oculaire. Nombre de muscles en activité. Un Direction du regard. Deux Trois, Muscles en activité. En dedans i Droit interne. En dehors / Droit externe, ^ , , • ) Droit supérieur. ^" ^^"^ ) Petit oblique. En bas ! Droit inférieur. ( Grand oblique. ( Droit interne I En dedans et en haut. . J Droit supérieur. ( Petit oblique. [ Droit interne. En dedans et en bas . . J Droit inférieur. ( Grand oblique. ( Droit externe. En dehors et en haut . . | Droit supérieur. ( Petit oblique. l Droit externe. \ En dehors et en bas. . . | Droit inférieur. Grand oblique. 840 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Les centres des mouvements dès yeux se trouvent dans les tuber- cules quadrijumeaux antérieurs (Adamuk). L'excitation d'un seul tuber- cule produit des mouvements des deux yeux, à moins qu'on ne fasse une incision entre les tubercules quadrijumeaux; dans ce cas, le mouvement se restreint à l'œil du côté excité. Quand l'excitation des tubercules quadrijumeaux est prolongée, la tête se meut dans le même sens que les yeux. L'excitation du tubercule droit fait mouvoir les deux yeux à gauche et vice versa. 4° Cliamjp visuel monoculaire. Le champ visuel est déterminé par la largeur de la pupille et par sa position par rapport au bord de la cornée; c'est l'espace intercepté par les lignes Yisuelles extrêmes qui passent par le centre de la pupille et tombent sur des parties encore impres- sionnables de la rétine. Comme nous ne voyons dans le champ visuel les objets qui occupent trois dimensions de l'espace que sous deux dimensions seulement, il s'ensuit que les objets nous apparaissent comme s'ils étaient sur une surface et que le champ visuel se présente comme une surface d'une forme déterminée ; dans la position primaire, il a la forme d'un cercle dont on aurait enlevé une lunule à la partie inférieure et qui aurait une forte échancrure au côté nasal. Ce champ visuel suit les mouvements de l'œil et se déplace avec lui. Chaque point du champ visuel a donc son correspondant sur la rétine, et le point de ce champ que nous fixons correspond toujours au centre de la tache jaune, et plus l'angle que fait un point du champ visuel avec la ligne de fixation est considérable, plus la vision est indistincte. On peut considérer, en effet, le champ visuel (ou la partie de l'espace située dans ce champ) comme constitué par une iuGnifé de sphères concentriques dont les centres se trouveraient au point nodal de rœil. Chaque point de l'une quelconque de ces sphères est à égale distance du point nodal, et tous les points de l'espace, appartenant à la même sphère, font sur la rétine des images symétriques et dont les rapports de distance et de situation sont conserves. Si, au contraire, on prend deux points de deux sphères différentes, il peut se présenter deux cas: dans le premier cas, les deux points sont situés sur le même rayon et ils ne donnent qu'une seule image sur la rétine, ou plutôt les deux images se superposent; dans le second cas, les deux points sont situés, pour chaque sphère, sur des rayons VISION. 841 différents, et ils donnent sur la rétine deux images différentes dont la distance rétinienne dépend uniquement de l'angle intercepté par les deux rayons, quelle que soit du reste la distance qui sépare l'une de l'autre les deux sphères considérées. C'est ce qu'on exprime en disant que les images rétiniennes soni perspectives ; et, pour égalité de l'angle intercepté, l'image perspective se fait d'autant plus en raccourci que la distance des deux sphères est plus considérable. C'est ce que démontre au premier aspect la construction géométrique de la figure. Fœrsfer a imaginé un instrument, le périmètre , très-commode pour mesurer l'étendue du champ visuel. F. — VISION BINOCULAIRE. La vision binoculaire agrandit le champ visuel, mais elle a surtout pour but de nous donner, d'une façon plQs complète que par la vision monoculaire, la notion de la position d'un objet et spécialement celle de la solidité des corps, ou la perception de la profondeur. 1° Vision simple avec les deux yeux. Si on fixe un objet i '), un point, par exemple, avec les deux yeux, de façon que son image tombe sur le centre des deux taches jaunes, ce point est vu simple: au contraire, un point P, situé en avant du point fixé A, fera son image sur les deux rétines en dehors de la tache jaune et sera vu double; ses deux images seront croisées, celle de gauche disparaîtra si on ferme l'œil droit, et réciproquement; un point R, situé en arrière du point fixé A, paraîtra aussi double, et ses images se feront sur les deux rétines, en dedans de la tache jaune et du côté nasal: mais ces images ne seront plus croisées : celle de droite appartiendra à l'œil droit, celle de gauche à l'œil gauche, et chacune d'elles disparaî- tra quand on fermera l'd'il du même côté. On remarque aussi que plus les points P et U seront éloignés du point A, plus les images s'écarteront sur la rétine du centre de la tache jaune et (') L'expérience se fait facilement avec trois e'pingles qu'on pique sur une règle à des distances convenables ou simplement avec deux doigts place's l'un derrière l'autre, en fixant alternativement le plus rapproché et le plus éloigné. 842 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. plus la distance des deux images doubles augmentera; en outre, la distance des deux images croisées du point P sera, toutes^ choses égales d'ailleurs, toujours plus grande que celle des ima- ges non croisées du point 11. . Dans l'expérience précédente, les deux lignes visuelles conver- gent vers le point A, et l'observation nous apprend que l'objet est vu simple quand il est placé au point d'entre-croisement des deux lignes visuelles. L'expérience suivante est encore plus dé- monstrative. Si on tient devant chaque œil un tube noirci, les deux ouvertures des tubes sont vues simples pour un certain degré de convergence des yeux; si la convergence augmente ou diminue, ils sont vus doubles. Il en est de même si on vise par les tubes deux objets semblables, par exemple deux sphères; on ne voit qu'un seul objet, qu'on localise au lieu d'entre-croise- ment des lignes visuelles. Il n'est pas nécessaire, pour qu'un objet soit vu simple, que son image vienne se faire dans les yeux sur le centre de la tache jaune; un objet est encore vu simple quand son image se fait, dans les deux yeux, sur des endroits correspondants des deux ré- tines. Si on suppose les deux rétines droite et gauche superposées de façon que les centres des deux taches jaunes, ainsi que les mé- ridiens verticaux et horizontaux coïncident, les points correspon- dants des deux rétines se superposeront exactement; la partie supérieure et la partie inférieure de la rétine gauche correspon- dront à la partie supérieure et à la partie inférieure de la rétine droite; le coté nasal de la rétine droite correspondra au côté temporal de la rétine gauche, et réciproquement, et la position des points correspondants des deux rétines pourra être déter- minée par leur rapport avec le centre de la tache jaune et les deux méridiens principaux. On a recherché géométriquement quels sont les points du champ visuel qui vont ainsi former leur image sur des points correspondants de la rétine, et on a donné le nom dlioroptre ou à'horoptère à l'ensemble de ces points. Tous les objets situés dans l'horoptre sont vus simples. • Vhoroptre varie suivant la position des yeux. Dans la position jirmazre des yeux, Thoroptre est un plan constitué par le sol lui-même. Il en est de même dans les positions secondaires, lorsque les lignes de regard sont parallèles et dirigées à l'infini. VISION. 843 Dans les positions secondaires avec convergence des deux yeux, l'horoptre est : 1° un cercle qui passe par le point fixé et les points nodaux des deux yeux (sont ég-aux en effet tous les angles qui ont leur sommet à un des points de la circonférence et dont les côtés pas- sent par les points nodaux); 2" une ligne menée perpendiculairement à un des points de cette circonférence. Dans les positions tertiaires avec convergence symétrique et mouve- ment de roue, les méridiens verticaux des deux yeux ne sont plus paral- lèles comme dans les deux premières positions ; cependant ils sont symétriques par rapport au plan médian de la tête. Dans ce cas, l'ho- roptre est : 1° une droite contenue dans le plan médian, passant par le point de fixation et plus ou moins inclinée par rapport au plan visuel ; 2** un cercle incliné sur le plan visuel et qui passe par un point de cette droite et par les points nodaux des deux yeux. Dans toutes les positions tertiaires avec convergence insymétrique, l'horoptre est une courbe très-compliquée dans laquelle se trouve le point fixé, et, pour certaines positions de l'œil, c'est une courbe à dou- ble courbure. 2° Diplopie hinoculaire. 11 résulte des expériences précédentes que tous les objets qui ne se trouvent pas dans l'horoptre, ou qui, autrement dit, ne font pas leur image sur des points correspondants des deux rétines, doivent être vus doubles. C'est, en effet, ce qui arrive générale- ment, sauf certaines exceptions très-importantes qui seront étu- diées plus loin. On voit donc que la présence d'images doubles doit être pres- que continuelle dans le champ de la vision et que, lorsque nous fixons un objet, en dehors des parties du champ visuel qui font leur image à la tache jaune, toutes les parties de ce champ qui se peignent sur les zones périphériques de la rétine (vision indi- recte) donnent heu à des images doubles. Seulement, à cause de l'habitude et des mouvements continuels des yeux, cette diplopie nous échappe, et, pour la constater, il faut se mettre dans des conditions parti cuhères souvent difficiles à réaliser; il faut d'abord immobiliser l'œil, en s'assurant un point de fixation bien déter- miné; il faut ensuite donner aux images doubles à distinguer, des colorations ou des intensités différentes, de façon à rendre impossible leur interprétation comme images d'un même objet. La diplopie binoculaire se montre non-seulement dans la 844 PHYSIOLOGIE FOXCTIOX-XELLE. vision indirecte, mais elle peut se montrer aussi dans la vision directe. Si on fixe un objet dans le champ visuel, et qu'avec le doigt on déplace un peu un des yeux, les lignes visuelles ne convergeant plus, tout le champ visuel de cet œil se déplace avec lui et t'ous les objets, même le point fixé, paraissent doubles. C'est ce genre de diplopie binoculaire qu'on observe dans les cas de strabisme. Dans les cas précédents, la diplopie était toujours due à ce que les images d'un point ou d'un objet allaient se faire sur des points non correspondants des deux rétines. Mais il n'en est pas toujours ainsi, et dans certains cas les images formées sur des points correspondants de la rétine peuvent former des images doubles. Ce fait, très-important au point de vue théorique, est démontré par rexpérience suivante de Wheatstone. Soient deux systèmes de lignes {Jig. 222) qu'on regarde dans un stéréoscope : G est vu avec l'œil gau- A B A' C B' G D Fig. 222. — Expériencf lU- Wla-alstone. clie; D avec l'œil droit; les lignes AB, A'C sont parallèles et également distantes l'une de l'antre ; or, si dans le stéréoscope on fixe les lignes A et A', elles se fusionnent en une seule ligne ; il en est de même de B et B', tandis que C parait isolément, ainsi B et C sont vues doubles, quoique leurs images tombent sur des points correspondants des deux rétines. L'expérience suivante, de Giraud-Teulon, est aussi instructive. Si l'on détermine sur les deux yeux deux phosphènes, par la pression avec deux corps mousses, sur des points correspondants des deux globes oculaires, les deux phosphènes coïncident et on a une sensation simple; si alors, sans déranger les points d'application des pointes mousses, on fait mouvoir légèrement une des pointes et l'œil sur lequel elle re- pose, on voit deux phosphènes, quoique les deux images occupent toujours les mêmes points correspondants de la rétine comme lout à l'heure ; et, ce qui prouve que c'est bien le globe oculaire qui se VISIO.X. 8i5 meut et non la pointe qui glisse sur l'œil, c'est que si on répète Tex- périence les yeux ouverts, on voit (rès-nettemeut une seconde image de chaque objet marcher en sens inverse du phosphène. 3^ Fusion des images doubles. On vient de voir que les images doubles se fusionnaient quand elles élaient semblables et se faisaient sur des points correspon- dants des deux rétines. Mais cette fusion peut encore se faire, même quand les deux images sont dissemblables et se font sur des points non correspondants des deux rétines, et même, comme on le verra plus loin, cette différence des images rétiniennes est une condition de la perception de la solidité des corps. Cette fusion tient, tantôt à ce que les images doubles ont certaines parties communes et se recouvrent partiellement, de sorte qu'elles sont facilement confondues, comme dans les vues stéréoscopi- ques, tantôt à ce que les images, sans se recouvrir, sont cepen- dant très-voisines ou très-peu différentes l'une de l'autre; c'est ainsi qu'on peut fusionner en une impression simple deux cercles de rayon un peu dilTérent. Mais toujours, dans ce fusion- nement, intervient un acte psychique, une tendance au fusion- nement des images doubles quand elles ne sont pas trop dissem- blables. Celte fusion des images doubles se voit surtout bien dans les expériences stéréoscopiques. 4" Convergence des lignes visuelles. La convergence des axes optiques ou des lignes visuelles joue le plus grand rôle dans la vision binoculaire. (Juand nous fixons un objet avec les deux yeux, chaque image rétinienne de l'objet est projetée sur la direction d'une ligne (ligne visuelle) qui passe par l'objet et la fosse centrale, et l'objet, ainsi projeté à l'entre- croisement des deux lignes visuelles, est vu simple. La direction de ces lignes et la position des yeux nous sont données par la conscience musculaire, et c'est même d'après le degré de la con- vergence que nous pouvons juger de la distance absolue d'un objet. Cette influence de la convergence des deux veux est bien 846 PHYSIOLOGIE FO.XCTIONNELLE. sensible dans l'expérience des deux tubes noircis, mentionnée page 842. Les illusions dues à la convergence se produisent assez facilement ; un objet très-rapproclié, vu par la vision indirecte, nous paraît d'autant plus petit et plus rapproché que nous augmentons la convergence des lignes visuelles. 11 en est de même dans la vision directe: si on regarde un objet à travers deux lames de verre faisant entre elles un angle droit, quand le sommet de l'angle est tourné vers les deux yeux, l'ob- jet paraît plus graud et plus éloigné; quand ce sommet est tourné vers l'objet, celui-ci paraît plus petit et plus rapproché (Rollett). 5" Vision binoculaire des couleurs. Quand deux champs colorés difTéremment sont vus binocu- lairement, par exemple dans le stéréoscope, les résultats difîèrent suivant les coaditions de l'expérience, et aussi suivant les expé- rimentateurs. Les uns, tels que Dowe, Brucke, voient la couleur résultante, tandis que d'autres observateurs, comme Helmholtz,' — et je me rangerais, pour ma part, à son avis, — n'ont pu par- venir à la voir ('). Une expérience curieuse de Fechner montre l'influence que la vision de couleur d'un œil peut exercer sur l'autre. Si on regarde, de l'œil droit, le ciel avec un verre bleu, tandis que l'œil gauche regarde le ciel sans verre, l'œil droit a une image consécutive complémentaire de la couleur du verre, l'œil gauche une image consécutive de la même couleur que le verre. Deux théories principales ont été invoquées pour expliquer les phénomènes de la vision binoculaire: la théorie des points iden- tiques et la théorie de la projection. Dans la théorie des points identiques, adoptée par J. Millier, Héring, etc., les points correspondants des deux rétines se recouvrent un à un, (') Si je place sur une feuille de papier blanc deux pains à cacheter de couleur dilïërente et que, en amenant une diplopie légère de l'oeil, je super- pose les deux images, je vois à la fois les deux couleurs, comme l'une à travers l'autre; tantôt l'une domine, tantôt l'autre, ce qui me paraît dé- pendre de variations de l'accommodation, et l'image hicoloreGsiQn tout cas plus foucée, a moins d'intensité lumineuse que les images unicolores des pains à caclieter. VISION. ii/ si on suppose les deux rétines exactement superposées, et les deux yeux pourraient, suivant Texpression dHéring, être remplacés par un œil idéal médian. Les objets sont vus simples quand leurs images occu- pent des points identiques des deux rétines. Il y aurait, dans ce cas, identité anatomique et innée entre les deux rétines. Les partisans de la théorie d'identité s'appuient sur ce fait, qui est vrai d'une façon géné- rale, c'est que les images semblables, faites sur des points correspon- dants, donnent une sensation simple; ainsi dans l'expérience primitive des phosphènes, citée plus haut, page 844. Mais il n'en est pas toujours ainsi, et l'expérience, modiQée par Giraud-Teulon, montre que des ima- ges semblables peuvent se faire sur des points identiques de la rétine et donner lieu à une sensation double ; c'est ce que prouve aussi l'ex- périence de Wheatstone {fig. 222, p. 844 i. D'un autre côté, les phéno- mènes de vision stéréoscopique prouvent que des images rétiniennes différentes peuvent se fusionner et donner une seule impression, même quand elles tombent sur des points non identiques. Enfin, il est assez difficile de concevoir une concordance anatomique si mathématiquement exacte des deux rétines que l'exige la théorie de l'identité. Panum a fait subir à cette théorie la modiGcation suivante pour la mettre en rapport avec les faits. Pour lui, chaque point a d'une des rétines serait identique, non avec un point a de l'autre rétine, mais avec un cercle sensitif A qui lui correspondrait dans 'Pautre, de sorte que l'image faite au point a pourrait se fusionner avec Pimage faite en un quelconque des points rétiniens situés dans le cercle sensitif A. Mais ceci revient simplement à dire que les images se fusionnent d'au- tant plus facilement qu'elles se font sur des points plus rapprochés des points identiques. La perception de la profondeur est l'écueil de la théorie dePidentité. E. Briicke a bien émis l'idée que nous ne percevons la troisième dimen- sion des corps qu'à condition de promenercontinuellcment nos regards sur les différents contours des objets, de façon à recevoir successive- ment, sur les points identiques de la lache'jaune, les images de tous les points de ces contours. Mais Dove a montré qu'on peut fusionner les images doubles et stéréoscopiques à Péclairagez/25^o«^ftnedePétin- celle électrique. ^ Héring fait intervenir une condition nouvelle et considère la percep- tion de la profondeur non comme un acte de jugement et d'expérience, mais comme un attribut inné de la sensation rétinienne. « Il admet qu'à Pétat d'excitation les différents points de la rétine provoquent trois sortes de sentiments d'étendue. La première répond à la position en hauteur de la portion de la rétine correspondante, la seconde à sa position en largeur. Les sentiments de hauteur et de largeur, dont la réunion donne la notion de direction relativement à la position de l'objet dans le champ de la vision, sont égaux pour les points rétiniens 8i8 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. correspondants. Il existe, de plus, un troisième sentiment d'étendue d'une nature particulière, c'est le sentiment de profondeur qui doit avoir des valeurs égales, mais de signe contraire, pour des points réti- niens identiques, et des valeurs égales et de même signe pour les points situés symétriquement. Le sentiment de profondeur des moitiés exter- nes des rétines est positif, c'est-à-dire qu'il répond à une profondeur plus grande ; celui des moitiés internes est négatif, il répond à une dislauce moindre. » iHelmlioltz, Optique physiologique, page 1016.) On voit que pour Héring,— et c'est une objection capitale contre sa théorie, — une simple excitation rétinienne, à elle seule et sans expérience préalable, pourrait donner lieu à une représentation d'espace com- plète. Dans la théorie delà projection, on admet que chaque point de l'image rétinienne est projeté dans l'espace dans la direction de la ligne visuelle, direction dont nous avons conscience par les sensations mus- culaires qui accompagnent la position que nous donnons à nos yeux. Limage, ainsi projetée, se localise dans le point de l'espace déterminé par les lignes de direction ilignes visuelles) des deux yeux, c'est-à- dire à l'intersection de ces deux lignes. Cependant, la théorie de la projection, ainsi conçue, n'explique pas tous les phénomènes. Si, par exemple, on place sur une surface blanche deux points noirs à la dis- tance des deux points nodaux des yeux, et si on regarde le papier de façon que le point droit se trouve dans la ligne visuelle de l'œil droit, le gauche dans celle de l'œil gauche, on voit un seul point situé sur le milieu de la distance des deux points ; donc, dans ce cas, il n'y a pas eu projection de l'image suivant les lignes de direction ; du reste, Helm- holtz, qui adopte la théorie de la projection, reconnaît lui-même que les partisans de cette théorie ont exagéré l'importance de la projection suivant les lignes de direction, et se borne à admettre que nous pro- jetons dans l'espace, par un acte psychique, les représentations que nous nous faisons des objets. La théorie de l'identité a été appelée aussi théorie naticistique, parce que ses partisans croient, en général, à un mécanisme inné en vertu duquel la notion de l'espace dérive de l'excitation de certaines ûbrcs nerveuses. Cependant la plupart d'entre eux ne vont pas si loin qu'Hé- ring et reconnaissent l'influence de l'expérience, au moins pour les phénomènes de la vision monoculaire. La théorie des projecUons est aussi appelée théorie empiristique, parce que, d'après le plus grand nombre de ses adhérents, la notion d'espacv-î et en particulier la notion de la profondeur, nous sont four- nies par l'expérience seule. Cependant quelques auteurs, comme Giraud-Teulon, Serre (d'Uzès), regardent l'appréciation de la position relative d'un point lumineux dans l'espace et de sa direction comme une faculté innée de la rétine. VISION. 849 G. - PERCEPTIONS VISUELLES. — NOTIONS FOURMES PAR LA VUE. 1. CARACTÈRES DES PERCEPTIONS VISUELLES. 1" Extériorité des sensations visuelles. Nous rapportops nos sensations visuelles au monde exté- rieur, par conséquent en dehors de nous, ou plutôt en dehors du globe oculaire, car ce sentiment d'extériorité existe aussi pour les parties de notre propre corps que nous regardons. Mais ce sentiment d'extériorité me paraît une chose acquise par l'exercice et l'habitude, et non innée, comme le croient beaucoup de phy- siologistes. Si on détermine un phosphène oculaire par la pres- sion, l'image phosphénienne nous semble, non pas extérieure au globe oculaire, mais localisée à la périphérie même de ce globe, au point diamétralement opposé au point comprimé. En effet, si, conservant les yeux. fermés, nous voulons atteindre avec le doigt le lieu de l'espace où se produit le phosphène, le doigt vient se heurter invarial)lement à la paupière. Il est difficile de savoir quelles sont les sensations d'un noaveau-né; mais, ce qui est certain, c'est que, dès que l'enfant commence à regarder, il croit que tous les objets qu'il voit sont à sa portée, et avance la main pour les saisir. Un aveugle-né, opéré par Cheselden, s'imaginait, dans les premiers temps, que tous les objets qu'il voyait tou- chaient ses yeux, de même que les objets sentis sont au contact de la peau. 2° Vision droite. Les images rétiniennes sont, comme on l'a vu, renversées, et cette disposition a beaucoup embarrassé les physiologistes et les philosophes qui ont cherché à la conciher avec la vision droite. Je me bornerai à rappeler les théories les plus importantes, et à donner ensuite l'expUcatiou qui me paraît la plus acceptable. Lecat croit que nous voyons les objets renversés, mais que l'esprit, grâce à rexpérience acquise par le seus du toucher, a appris à rectifier la fausse notion fournie par la sensation visuelle. Pour J. Millier, quoi- Deal.ms, Phys. 54 850 PHYSIOLOGIE FONCTIO>'>'ELLE. que nous voyions les objets renversés, nous ne pouvons en acquérir la conscience que par des reclierclies d'optique, et comme nous voyons tout de la même manière, Tordre des objets ne s'en trouve nullement altéré; nous voyons tout à l'envers, même les parties de notre corps, et chaque chose conserve par conséquent sa position relative ; rien ne peut être renversé quand rien n'est droit, dit aussi Volkmann, car les deux idées n'existent que par opposition. Mais les observations sur les aveugles-nés qu'on vient d'opérer prouvent, contrairement à ces diffé- rentes opinions, que nous voyons toujours et immédiatement les objets droits et jamais renversés. Dans la théorie de la projection, la vision des objets est droite, parce que nous voyons chacun de leurs points suivant la projection des rayons lumineux qui Impressionnent la rétine; la rétine transmet au senso- rium non-seulement l'excitation nerveuse qui constitue la sensation lumineuse, mais la direction du rayon lumineux excitateur, et comme le fait remarquer Béclard, l'excitation n'a pas lieu sur une surface mathématique, mais suivant une ligne, suivant l'axe du cône ou du bâtonnet, et cette ligne nous indique la direction linéaire du rayon lumineux. Il me semble, en effet, qu'il y a là un des éléments de la solution du problème. La rétine n'est pas seulement une surface, elle a une épaisseur appréciable, et de même que les excitations succes- sives de points contigus de cette membrane situés en série transversale nous donnent la sensation d'une ligne transversale, de même les exci- tations successives de points contigus disposés en série, suivant l'axe d'un cône ou d'un bâtonnet, nous donneraient la sensation d'une ligne dirio-ée dans l'espace suivant la prolongation de Taxe de ce cône, c'est- à-dire de la direction du rayon lumineux. Les impressions rétiniennes pourraient donc, dans ce cas, être localisées suivant les trois directions de l'espace : en longueur, en largeur et en profondeur. On pourrait objecter à cette hypothèse que, dans le cas d'une ligne transversale, les points contigus de la rétine impressionnés sont distincts, taudis que, dans l'autre cas, les points impressionnés appartiennent au même élément, cône ou bâtonnet, et ne peuvent donner qu'une sensation unique; mais si on a égard à la structure lamellaire de l'article externe (voir page 800), on peut considérer chaque cône comme constitué par la réunion d'un certain nombre d'éléments distincts et impressionna- bles, et on voit que la disposition anatomique des cônes et des bâton- nets n'exclut en rien cette hypothèse. Mais il faut, en outre, faire intervenir un autre élément dans le pro- blème. Quand nous parlons d'objets droits et d'objets renversés, de haut et de bas, nous rapportons toujours les objets extérieurs à notre corps et à la position de ses parties. Un objet sera situé en haut quand il sera du côté de notre tête, que pour le saisir nous serons obligés de porter la main dans la direction de la tête, et que pour le von* nous ferons un mouvement détermine des yeux (que nous appelons élévation) ou un VISION. 851 déplacement correspondant de la t«^te (renversement en arrière). Il en est de même pour ce qui est en bas, à droite, à g-auclie. et ces mots n'ont de sens pour nous que par les relations qu'ils expriment avec les différentes parties de notre ccrps. L'erreur de la plupart de ceux qui ont cherché à expliquer la vision droite, c'est cette idée que le sujet est censé observer sa propre rétine et qu'il a une connaissance innée de la forme dé cette membrane et de la position qu'y occupent les diflérentcs extrémités nerveuses; en réalité, nous ne connaissons pas plus l'image rétinienne que nous ne connaissons les muscles qui entrent dans un mouvement donné ; nous connaissons uniquement des sensations qui sont en relation de coexis- tence et de succession avec d'autres sensa.ions soit de même nature, soit de nature différente, et à ce point de vue on pourrait dire, avec Helmholfz, qu'il n'y a même pas lieu de poser la question de la vue droite avec les images renversées. >'os perceptions, en effet, ne sont pas des images des objets, mais des actions des objets sur nos org'anes; elles ne sont pas objectives, mais subjectives ('). 3^ Localisation des perceptions visuelles. La question de la localisation des perceptions visuelles dans l'espace a déjà été traitée incidemment dans le paragraphe pré- cédent, à propos des théories de la vision droite; cependant, le sujet demande quelques éclaircissements. Soit d'abord la vision monoculaire. Une première remarque générale à faire, c'est que la localisation d'une perception visuelle ne peut se faire que par comparaison avec d'autres perceptions visiielles et par leur relation avec la position même de l'œil et de la tête. Supposons l'œil plongé dans l'obscurité la plus profonde; qu'on fasse apparaître subitement un point lumineux, nous aurons, en fixant ce point, la no- tion de sa position par rapport à la position de l'œil et de la tète, mais iious n'aurons aucune notion de sa position dans l'espace. 0"'on fasse alors apparaître un deuxième point lumineux, nous pourrons alors localiser le deuxième point lumineux par rapport au premier, et nous saurons s'il est situé au-dessus, ;ui-dcssous, en dehors ou en dedans. La localisation des perceptions visuelles exige donc la coexistence ou (') Dans la théorie de Rouget (voir page 807), les rayons lumineiix n'agis- sant sur les bâtonnets et les cùnes qu'après leur refle.Kion sur lu choroïde; rim;ige renversée par les conditions optiques de l'œil se trouve redressée naturellement, et le renversement j^hysique est compensé et annulé. (Note dans la thèse de M. Duval sur la rétine, p. 107.) SnQ r H Y S I n L ri GIE F n \ C T I n \ \ E L L E. la succession de plusieurs impressions visuelles que nous projetons dans l'espace, dans des positions réciproques en rapport avec la posi- tion réciproque des points rétiniens excités. >'ous pouvons considérer trois directions principales correspondant aux trois dimensions de l'espace: la direction transversale (largeur), la direction verticale (hauteur), la direction sagittale ^ profondeur). D'après ce qui a été oit plus liant, la localisation de points lumineux suivant une direction transversale ou verticale \5ur une ligne transversale ou verticale, ou autrement dit la localisation en surface d'un point, ne présente aucune ditTiculté et nous voyons, soit simultanément (quand l'œil est immobile', soit successivement quand l'œil se déplace), tous les points d'une ligne transversale ou verticale, en même temps que la série des impressions simultanées rétiniennes i ou successives ^musculaires nous donne la notion de la direction de- cette ligne. Mais pour la direction sagittale il nen est plus de même ; nous ne pouvons voir qu'un seul point de cette ligne à la fois; soit, en eflfet (^^. 223', une série transversale d'éléments rétiniens AB, et chacun F13. 223. — Localisa'jon des perceptions visuelles. de ces éléments constitué par un certain nombre d'éléments plus petits, l, 2. 3. i. situés dans l'axe de chaque élément principal; soit, d'autre part, la ligne transversale ab, située dans l'espace et constituée par une série de points juxtaposés, chacun de ces points impression- nera un des éléments rétiniens et on aura ]a perception d'une ligne transversale, les points rétiniens impressionnés étant juxtaposés eux- mêmes en série continue, suivant une direction transversale; mais il n'en sera plus de même pour les points c, d, e,f, g, situés dans l'espace en série linéaire, suivant la direction sagittale ; un seul des points, le point c. impressionnera l'élément rétinien correspondant et nous ne pourrons donc voir à la fois qu'un seul point de la ligne crj. Mais nous aurons, malgré cela, la notion de la direction de cette ligne si nous supposons chaque élément rétinien formé par la série de petites parti- VISION. 853 cules impressionnables, 1, 2, 3, 4, 5, situées l'une derrière l'autre; cette notion de direction sera encore plus nette et il viendra s'y adjoin- dre la notion réelle de la profondeur de l'espace si nous accommodons successivement, pour les difl'érenles distances de la ligne cg, de façon que les divers points de celte ligne viennent exciter successivement le môme élément rétinien. 11 se passe là le môme acie, acte musculaire, que quand nous déplaçons l'œil horizontalement le long d'une ligne transversale, de façon que chacun des points de cette ligne fasse suc- cessivement son image sur le même élément rétinien. Seulement, celte notion de la profondeur est bien moins nette que les notions des deux autres dimensions de l'espace, et c'est précii^ément le but principal de la, vision binoculaire de donner à cette perception de la profondeur toute sa puissance et toute sa netteté. 4° Continuité des ][)erceptions. visuelles. Les excitations lumineuses simultanées excitent des éléments distincts de la rétine; ainsi, une ligne transversale excite;^a cent cônes, je suppose, en série transversale; mais, chaque élément impressionné donnant une sensation distincte, il devrait y avoir, comme résultat final, perception de cent points juxtaposés en série linéaire transversale et non perception d'une ligne continue. En résumé, nous devrions voir une sorte de mo5fàV/i/e' analogue à certains dessins pointillés. Il faut très-probablement faire in- tervenir ici l'inlluence de f habitude et cette tendance au fusion- nement des images, déjà mentionnée plusieurs fois dans le cou- rant du chapitre. 11 n'y a qu'à se reporter au mécanisme par lequel se comble la lacune du punctum cœcum (page 801) pour comprendre facilement conunent nous arrivons aussi à combler toutes ces petites lacunes que l'indépendance des cléments réti- niens produit dans le champ visuel. Ce qui semble parler en faveur de cette hypothèse, c'est que, dans certains cas, ces lacunes sont visibles et perceptibles. Ainsi, le matin surtout, au moment du réveil, il survient quelquefois, soit par des actions mécani- ques, soit sous l'influence d'une impression lumineuse vive, soit sans cause appréciable, des phénomènes entoptiques consistant en points colorés (ordinairement bleuâtres ou violets) disposés avec une régularité admirable qui rappelle tout à fait la disposi- tion des cônes sur la tache jaune, et séparés par "des intervalles obscurs; la figure est trop régulière pour que l'excitation ait 854 PHYSIOLOGIE FO-\GTIO>'>'ELLE. porté seulement sur quelques-uns de ces éléments en respectant les autres, et on ne peut guère admettre autre chose qu'une exci- tation d'une région localisée de la tache jaune; seulement, comme elle se fait d'une façon inaccoutumée, l'habitude n'intervient pas et nous percevons chaque excitation élémentaire comme distincte et indépendante; la mosaïque ne s'uniformise pas. 2. NOTIONS FOURNIES PAR LA VUE. 1° Grandeur des objets. Le champ visuel n'a, pour notre intelligence, aucune grandeur déterminée. Nos notions sur la grandeur des objets reposent sur les dimensions de l'image rétinienne {angle visuel) et sur l'appré- ciation de la distance. Le jugement joue, du reste, un très-grand rôle dans l'appréciation de la grandeur, et il en est de même de l'exercice et de l'habitude. Dans beaucoup de cas, les mouvements du globe oculaire interviennent et nous fournissent, avec plus de précision encore, cette notion de grandeur, surtout s'il s'agit de comparer deux grandeurs ou deux distances différentes. Illusions de la grandeur. — Il est souvent très-difTicile d'apprécier exactement les différences de longueur de deux lignes, et la comparai- son est beaucoup plus difficile, à cause de l'astigmatisme, si on com- pare une ligne verticale à une ligne horizontale ; en général, les lignes verticales nous paraissent plus longues que des lignes horizontales de même longueur ; quand on veut tracer un carré, le côté vertical est trop court et la différence des deux côtés est, en moyenne, de 1/40®. La distance cd {fig. 224j nous parait plus petite que la distance ah a b c . . d Fig. 224. — Illusions de la grandeur. qui est séparée par des points intermédiaires. La lune, qui se lève à l'horizon, nous paraît plus grande parce que l'horizon, à cause des objets situés devant nous, nous semble plus éloigné que le zénith, dans la direction duqaiel l'œil ne rencontre aucun objet qui puisse servir de point de comparaison. Aussi la voûte céleste n'a-t-elle pas une forme hémisphérique, mais celle d'une voûte surbaissée. VISIOX. 855 2' Distance des objets à l'œil. La distance des objets à l'œil peut s'apprécier par la vision mo- noculaire seule. Dans ce cas, cette appréciation se base, en pre- mier lieu, sur la grandeur apparente de l'objet (angle visueli, et la comparaison de cette grandeur- avec celle d'autres objets voi- sins ou intermédiaires déjà connus : un autre élément intervient aussi, ce sont les caractères mêmes de l'image, sa netteté, son éclat, les détails plus ou moins nombreux qu'il nous est permis de distinguer. Aussi, dans les pays montagneux, où l'air est plus pur et plus transparent, les habitants des plaines se trompent-ils facilement sur la distance des montagnes qu'ils aperçoivent à l'horizon et qui leur paraissent plus rapprochées qu'elles ne le sont en réalité, à cause de la netteté de leurs contours. L'accom- modation, même seule et en l'absence de toute autre condition, peut nous servir pour l'appréciation de la distance, mais seu- lement pour le passage de la vision éloignée à la vision rap- prochée. Dans la vision binoculaire, nous sommes renseignés sur .la dis- tance d'un objet par le sentiment que nous avons du degré de convergence des deux lignes de regard, autrement dit, par une sensation musculaire. Cependant l'appréciation de la distance absolue est souvent très-dilhcile et expose, comme l'ont montré Wundt et Helmholtz, à des illusions assez considérables. Si, les yeux étant fermés, on tient un crayon à une certaine distance du visage et qu'on cherche cà amener les yeux dans une position telle cfu'on le fixe au moment où on ouvre les yeux, la plupart du temps la convergence est insuffisante et le crayon parait double. 3'' Direction. Comme la rétine est sphériquo, les lignes droites, quand elles ont une certaine longueur, présentent toujours une courbure appréciable. Si nous tenons une règle horizontalement au-dessus de l'œil, son arête offre une concavité inférieure; si elle est au- dessous de l'œil, une concavité supérieure. L'appréciation de la 856 riIYSIOLOGIE FO^■CTIO^'^"ELLE. direction des lignes ne se fait pas exactement de la même façon pour les deux yeux. Si on trace deux lignes se coupant à angle droit, l'une horizontale, l'autre verticale, pour la plupart des in- dividus, pour l'œil droit, les angles situés à droite et en haut, en bas et à gauche, paraissent obtus, les autres aigus, et c'est Tin- verse pour l'œil gauche. Dans la vision indirecte, l'estimation de la direction est encore plus incertaine; si on se penche au-dessus d'une grande table, de façon à n'avoir plus, dans le champ visuel, de ligne droite qui puisse servir de point de repère, et que, fixant un point de la table, on cherche à placer trois pains à cacheter en ligne droite, à une certaine distance du point de fixation, on s'apercevra qu'on les dispose toujours suivant un arc dont la convexité est tournée vers le point de fixation. L'expérience suivante, due à Zœllner, est un exemple curieux des illusions de direction. On trace, à la distance de 5 à 8 millimètres les unes des autres, une série de bandes verticales, et, par conséquent, parallèles; puis, sur chacune de ces bandes verticales, on trace des lignes parallèles égales et équidistantes qui les croisent obliquement, en les disposant de façon que leur obliquité soit de sens inverse pour deux bandes verticales voisines ; dans une figure ainsi disposée, les bandes noires, au heu de rester parallèles, paraissent convergentes ou divergentes, et semblent prendre une direction inverse de celle des ligues obliques qui les coupent. 4'' Solidité des corps'^ stéréoscopie. La perception de la profondeur a déjà été étudiée dans les para- graphes précédents (pages 850 et So2j, et c'est à cette perception de la profondeur que nous devons la notion de la solidité des corps. Cette notion est hée essentiellement à la vision binocu- laire; elle e.-t la conséquence de la projection stéréométrique des deux images rétiniennes, et, pour les objets vus en profondeur, ces deux images sont toujours différentes. C'est ce que prouvent, d'une façon indu!)itable, les phénomènes de la stéréoscopie. Stéréoscopie. — Le stéréoscope a été imaginé par ^Yheatstone en 1833. Son principe est le suivant : Lorsque nous regardons un objet, un solide quelconque, par exemple, nos deux yeux le voient sous des points de vue un peu différents; ainsi soit un livre placé verticalement au-devant des yeux, dans le plan médian, et présentant son dos au VISIO-N. 857 regard; si les deux yeux sont ouverts, on voit à la fois le dos et les deux côtés fuyants du livre ; si ou ferme lœil droit, ou ue voit plus que le dos elle côté droit; si on ferme l'œil gauche, c'est le dos et le côté gauche. Chaque œil reçoit donc une image perspective différente du livre. Si alors vous représentez séparément sur un plan chacune de ces deux images et que vous les fassiez arriver simultanément sur des points correspondants des deux rétines, vous aurez d'une façon saisis- sante la notion corporelle de l'objet comme si vous regardiez l'objet lui-même. Les images stéréoscopiques doivent donc répondre à deux perspec- tives différentes du même objet, prises à des points de vue différents, et le stéréoscope a simplement pour but de permettre à l'observateur la recherche et le maintien de la position convenable des yeux pour faire coïncider ces images. Le stéréoscope de Wheatstone se composait de deux miroirs qui réfléchissaient les images de façon à les faire coïn- cider comme si elles se trouvaient dans le même endroit. Le stéréoscope à prismes, de Brewster. est plus usité. II se compose ^fig. T2ô) de deux prismes p ci r. dont les sommets se regardent; il en résulte que les points c et V des dessins ab et «^ paraissent situés au même point q ; il en est de même des points a et a qui paraissent en /et des points c et -; qui paraissent en ç; les deux p images ab et a^ se superposent donc pour donner une image résultante /ç, ce qui pro- cure la sensation de relief. On peut, du reste, faire coïncider les ima- ges sîéréoscopiques sans se servir daucun instrument ; il suffît, pour cela, de disposer les lignes visuelles en parallélisme, c'est-à- dire de fixer le point c avec l'œil r et le point y avec l'œil z ; ou voit alors trois images, dont les deux extrêmes sont vues chacune par un seul œil. taudis que 1 image intermédiaire, vue simultanément par les deux yeux, donne la sensation du relief; pour les personnes peu exercées à ce mode d'expérimentation, l'interposi- tion d'un écran médian, placé comme l'écran g du stéréoscope, facilite la réussite en supprimant les deux images extrêmes. On peut encore y arriver en louchant de façon à amener un certain degré de diplopie et en superposant les deux images intermédiaires. Seulement, dans ce cas, il faut placer à gauche l'image destinée à l'œil droit et récipro- quement ; sans cela l'on obtiendrait un relief renversé. La comparaison des deux images rétiniennes, telle qu'elle se mani- feste par la perception de la troisième dimension, est, comme le fait . — Stéréoscope de Brewster. 858 PHYSIOLOGIE FOXCTIO>'>"ELLE. remarquer Helmlioltz. d'une exactitude extraordinaire, et les difTérences qu'elle accuse seraient imperceptibles sans cela. Ainsi, si l'on combine au stéréoscope deux médailles frappées au même coin, mais composées de métaux différents, l'image résultante paraît convexe et oblique au lieu d'être plane ; cela tient à ce que les médailles n'ont pas la même dimen- sion, à cause des différences de dilatation des métaux après le coup de balancier. Si. en typographie, on compose deux fois la même phrase, quelque soin qu'on prenne, les deux épreuves ne sont jamais sembla- bles, et, examinées au stéréoscope, on voit certaines lettres se placer sur un plan différent des autres. Ce procédé permet de distinguer deux éditions différentes d'un même texte et de reconnaître les billets de banque faux. On a imaginé plusieurs instruments dans lesquels le principe du stéréoscope se trouve plus ou moins modiûé, et on a ainsi obtenu des résultats trés-curieux ; tels sont le télestére'oscope, à' Helmholiz, qui exagère le relief des objets ; le pseudoscope, qui renverse le relief des objets, fait paraître concaves les corps convexes ; Viconoscope, de Javal, qui donne du relief aux images planes examinées avec les deux yeux. etc. Le relief peut aussi se produire dans la vision monoculaire, mais alors l'interprétation est plus sujette à erreur; ainsi, si on regarde le moule creux d'une médaille, éclairé fortement sous une incidence oblique des rayons lumineux, il ar- rive souvent qu'on croit voir un mo- dèle en relief de la médaille ; en même temps la lumière paraît venir de la partie non éclairée de l'appar- tement, ce qui donne à l'image une apparence étrange; quand on regarde binoculairement, l'illusion cesse le plus souvent. Si on regarde le dessin de la figure 226, soit avec un seul œil, soit avec les deux yeux, on peut le voir tantôt comme si les cubes dont il est composé étaient creux, tantôt comme s'ils présentaient leurs angles saillants. Fig. 226. — Illusions de relief. La combinaison des images stéréoscopiques produit encore, dans certaines conditions, ce qu'on dL\)i)Q\\k^ lustre stéréoscopique. Si l'une des images est blanche et l'autre noire, ou si on leur donne des couleurs diflférentes. l'image résultante prend un aspect brillant remarquable. Aussi, si on regarde avec le stéréoscope de ^Vheatstone les projections de deux pyramides, l'une blanche à arêtes noires fig. -227. p. 809 , l'autre noire à arêtes blanches, VISION. 859 on voit une pyramide à arêtes noires et blanches et à faces gri- Fig. 227. — Projection de deux pyramides. ses, mais qui brillent comme si toute la pyramide était taillée dans le graphite. 5° Mouvement des corps. Nous avons deux façons de juger du mouvement des corps dans le champ visuel; tantôt l'œil est immobile, tantôt l'œil se meut dans le champ du regard. Quand l'œil est immobile, nous jugeons qu'un corps est en mouvement quand l'image de ce corps (soit une source lumi- neuse) vient impressionner successivement des points différents de la rétine et qu'en même temps nous avons la conscience que les muscles de l'œil ne se sont pas contractés pour le déplacer. La coïncidence de ces deux phénomènes, excitation de points rétiniens différenls et absence de contraction des muscles ocu- laires, se lie si invinciblement en nous par l'habitude à l'idée du mouvement des objets extérieurs qu'elle entraîne avec elle beau- coup d'illusions qui s'expliquent ainsi facilement. Quand nous tournons rapidement la tête, les objets semblent se mouvoir en sens opposé; il en est de même quand nous sommes en chemin de fer ou en bateau à vapeur. Si nous fixons un objet, et qu'avec le doigt nous déplacions l'anl, l'objet paraît se déplacer en sens inverse. L'illusion contraire peut aussi se produire lorsque, conservant l'œil immobile, nous regardons pendant longtemps l'eau d'une rivière du haut d'un pont; cette succession rapide d'impressions sur la rétine nous fait croire que la rivière est im- mobile et que c'est nous qui sommes entraînés avec le pont dans une direction opposée à celle du courant. Quand l'œil se meut, nous jugeons qu'un objet extérieur est 860 PHYSIOLOGIE FO^'CTION^'ELLE. en mouvement, par le sentiment des contractions musculaires que nous excitons pour déplacer l'œil de façon à suivre du regard l'objet qui se meut et dont l'image se fait alors sur le même point de la' rétine. 11 en est de même quand, au lieu de l'œil, c'est la tête qui se déplace ; mais, dans ce cas, la notion du mouvement, de sa vitesse, de sa direction, est beaucoup moins précise que quand les muscles de l'œil entrent en jeu. H. — PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES GÉNÉRALES DU GLOBE OCULAIRE. 1° Circulation oculaire. La circulation oculaire présente des dispositions importantes au point de vue de la physiologie de l'œil. En premier lieu, tous les milieux transparents de l'œil, cornée, cristallin, corps vitré, sont dépourvus de vaisseaux; il en est de même de la couche granuleuse externe et de la couche de bâtonnets de la rétine; les vaisseaux manquent aussi d'une façon absohie dans la fosse centrale. Ces organes écartés, l'appareil vasculaire de l'œil se divise en deux systèmes presque indépendants, le système réti- nien et le système choroïdien, qui n'ont de communication qu'au niveau de l'entrée du nerf optique. Dans le système rétinien, les capillaires sont très-fins, à mailles larges; dans le système choroïdien, au contraire, les capillaires sont -volumineux, très-abondants, et ce riche réseau yasculaire sert non-seulement à la nutrition du globe oculaire, mais con- tribue encore à maifitenir sa température; il agit comme appareil de caléfaction. Ce dernier système fournit non-seulement la cho- roïde, les procès ciliaires, l'iris, mais encore la sclérotique, le bord de la cornée et la partie avoisinante de la conjonctive, et presque tout le sang veineux de ce système reflue par les quatre va^a vorticosa, de façon que les modifications de calibre de ces quatre vaisseaux (placés sous une influence nerveuse commune) agissent immédiatement sur l'ensemble du système, sans que les variations de cette circulation choroïdienne qui se présentent très-fréquemment (dans l'effort, par exemple) puissent influencer la circulation rétinienne. (Rouget, Leber.) Les variations de calibre des vaisseaux rétiniens et choroïdiens peu- vent s'observer à l'ophthalmoscope et même se mesurer au micromètre VISION. 861 (Schneller), et on peut ainsi étudier les effets de divers agents sur CjCS vaisseaux ; c'est ainsi que l'atropine dilate les veines clioroïdiennes. La circulaiioii lymphatique est moins connue. D'après .^cliwalbe, il existerait, entre la sclérotique et la choroïde, un espace lymphatique qui communiquerait au niveau des quatre vasa vordcosa avec un nouvel espace lymphatique situé entre la sclérotique et la capsule de Tenon, et d'où la lymphe s'écoulerait dans les espaces sous-arachnoï- diens en suivant la gaine du nerf optique. D'après le même auteur, la chambre antérieure de l'œil représenterait un espace lymphatique et l'humeur aqueuse proviendrait du canal de Petit, du corps ciliaire et de l'iris; seulement ce liquide, au lieu d'être repris par les lymphati- ques, passerait dans les veines choroïdiennes par le canal de Schlemm, disposition qui préviendrait la résorption trop rapide de l'humeur aqueuse, la difTèrence de pression n'étant pas très-considérable entre cette humeur et le sang des veines choroïdiennes. 2" Pression intra-oculalre. La pression intra-oculaire paraît être sous la dépendance im- médiate de la circulation : quand la tension augmente dans le système artériel de l'œil, la transsudation du sérum sanguin aug- mente et la chambre antérieure et les espaces lymphatiques re- çoivent plus de liquide, d'où distension du globe oculaire; cette tension intra-oculaire a été mesurée au manomètre et a été trou- vée de 22 à 27 millimètres chez le chat, de 15 à 18 chez le chien. Elle subit des variations isochrones au pouls et aux mouvements respiratoires. Elle diminue par la compression de la carotide du même cùté. par l'action de l'atropine, de la quinine, de la digi- taline, etc. ; elle augmente par la contraction des muscles de l'œil, par l'action de la calabarine, de la strychnine, etc. L'influence de l'innervation est controversée. L'extirpation du ganglion cervical supérieur chez le chat, l'augmente: elle baisse, au contraire, par l'excitation du grand sympathique au cou (Hip- pel, Grîinhageni. Les opinions différent aussi sur les rapports qui existent entre la pression oculaire et l'état de la pupille; habi- tuellement le rétrécissement pupillaire s'accompagne d'une aug- mentation de pression, la dilatation pupillaire dune diminution de tension oculaire. On a inventé plusieurs instruments. ophtJialmotonomèîres , pour apprécier la tension oculaire. iDor, Monnik , Donders, Snellen.) 862 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. ' I. — APPAREILS DE PROTECTION DU GLORE OCULAIRE. 1" Sourcils et liaupieres. Les sourcils protègent l'œil contre la sueur qui découle du front et contre les rayons lumineux qui viennent d'en haut, sans compter leur rôle comme organes d'expression. Les paupières servent à protéger l'œil contre les actions exté- rieures (lumière trop vive, corps étrangers), soit pendant la veille, soit pendant le sommeil. L'occlusion des paupières est tantôt volontaire, tantôt automa- tique et involontaire, comme dans le sommeil; tantôt réflexe, comme dans le clignement. Le clignement est déterminé par une lumière trop vive, par le contact de corps étrangers sur la cornée ou la conjonctive, par un certain degré de sécheresse de ces membranes; il facilite le transport des corps étrangers vers l'angle interne de Faùl, en même temps qu'il étale les larmes à la surface de cet organe. Il est précédé d'une sensation particu- hère, besoin de cligner, et s'exécute plus rapidement que la plu- part des réflexes ordinaires. L'occlusion des paupières est produite par l'orbiculaire (nerf facial) et est toujours plus rapide que l'ouverture. Couverture des paupières est volontaire et déterminée par le releveur de la paupière supérieure (nerf moteur oculaire com- mun). On trouve, en outre, dans les deux paupières, des muscles lisses, innervés par le sympathique, qui concourent à cette ouver- ture de la fente palpéhrale. Les ci/.s retiennent au passage les corps légers qui pourraient arriver sur le globe oculaire. 2" Ap])areil lacrymal. Les larmes sont étalées sur le globe oculaire par les mouve- ments des paupières, dont elles facilitent le glissement; elles con- servent le poli de l'œil et sa transparence, empêchent la dessicca- tion de la cornée par l'évaporation, et protègent cette membrane contre le contact de l'air extérieur. Les larmes, ainsi étalées sur rœ'il, sont poussées dans Fin- i VISION. 863 terstice conjonctivo-palpébral pendant le clignement, et y sont retenues parla sécrétion des glandes de Meihomiusqui Jubrélie le bord libre de la paupière et les empêche de déborder sur la joue, à moins que la sécrétion n'en soit trop abondante; elles gagnent alors, par capillarité, le lac lacrymal, et de là passent dans les voies lacrymales et dans le 'canal nasal par un mécanisme sur lequel il existe encore des dissidences entre les physiologistes. Mécanisme du passage des larmes dans les voies lacrymales. — Ce mecaDisnie est très-controversé, et lis expériences nombreuses faites snr ce point de physiologie n'ont pas encore fourni une solution définitive. Un premier fait, c'est que, à l'état normal . la disposition anatomique des voies lacrymales facilite la marclie du liquide des points lacrymaux vers rexlrémlté inférieure du canal nasal, tandis que le reflux de l'air et des liquides, en sens inverse, éprouve des obstacles. Ce résultat est dû en partie aux valvules qui se trouvent dans ces conduits, et peut- être aussi, pour le canal nasal, à la présence de tissu caverneux qui maintiendrait accolées les parois de ce canal. iHenle.) Un autre fait, c'est que le muscle orbiculairedes paupières et le mus- cle de Horner ont nne action sur la pénétration des larmes dans les voies lacrymales. Toutes les fois que ces muscles sont paralysés i para- lysies du facial', la pénétration est incomplète ou n'a pas lieu, et les larmes s'écoulent sur les joues [epiphorcv. Mais, si le fait est admis par tout le monde, il n'en est pas de même de son interprétation ; les uns admettent que le sac est dilaté pendant l'occlusion des paupières, les autres qu'il est comprimé, et malheureusement les expériences avec des manomètres introduits dans les -fistules du sac lacrymal ou dans les conduits lacrymaux, n'ont donné que des résultats contra- dictoires. Les mêmes incertitudes existent sur l'action de ces muscles sur les conduits lacrymaux ; cependant ils paraissent être comprimés dans l'occlusion des paupières en même temps que le muscle de Horner dirige les points lacrymaux en dedans, vers le sac lacrymal. Ce qui est certain, c'est que le clignement, de quelque façon qu'il agisse, accé- lère le passage des larmes dans les voies lacrymales; si on dépose dans l'angle interne de l'œil un liquide coloré ou du ferrocyanure de potas- sium, le liquide met beaucoup plus de temps à passer dans les fosses nasales, quand on maintient les paupières ouvertes, que (Tuand on per- met le cligiiement. Ces incertitudes expliquent les théories nombreuses émises sur ce sujet. J. L. Petit comparait les voies lacrymales à un syphon dont la branche verticale unique était constituée par le canal nasal, la branche horizontale double par les conduits lacrymaux. La capillarité, admise par quelques auteurs, ne pourrait être invoquée au plus que pour les 864 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. conduits lacrymaux, mais pas pour le sac et le canal nasal. Dans la théorie de Sédillot, reprise par Richet, c'est l'aspiration respiratoire qui, e!i raréfiant l'air des fosses nasales et, par suite, celui du canal nasal et du sac lacrymal, fait pénétrer les larmes dans les conduits lacrymaux et, de là, dans le sac. Pour quelques auteurs, cette aspiration serait due à la dilatation du sac par la contraction de Porbiculaire ; pour d'autres, an contraire, dans l'occlusion des paupièreS; les larmes seraient pres- sées de tous les côtés et arriveraient ainsi, par compression, dans les conduits lacrymaux ouverts et, de là, de proche en proche, dans le reste des voies lacrymales. Foltz (Journal de physiologie, 1862), s'ap- puyant sur des expériences sur le lapin et le cheval, croit que Toc- chision palpébrale produit la systole (passive) des conduits lacrymaux qui, au moment de l'ouverture des paupières, se ^WalQi^i (diastole) par leur élasticité; pendant la diastole, les larmes sont aspirées; pendant la systole, elles sont refoulées dans le sac; les larmes pénétreraient donc dans le sac par un mécanisme de pompe aspirante et foulante ; puis, une fois dans le sac, elles arriveraient dans le canal nasal sous l'influence combinée de la vis à tergo^ de la pesanteur et de l'aspiration respiratoire. Bibliog;i'apliic fie la vision. Biblioia^raphie générale. — H. Helm- HOLTZ : Optique phiisiologiqne; traduite par E. Javal et Th. Klein, 1867. — A. W. VOLKMANN : Phi/siologische Untersuchungen iiu Gebiete der Optik , 1863. — H. Kaiser : Compendium der physiologischen Optik, 1871. — Recueils et Traités d'oculistique et d'ophthalmologie. Bibliographie spéciale. — J. B. 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Bruckb : Des Couleurs; traduit par Schutzex- BEKGER, 1866. — MoxoYER .* Nouvelle Théorie des images consécutives. (Bulletin des sciences naturelle.-: de Strasbourg, 186s.) — (Iiraud-Teulon : Physiologie de la vision binoculaire, 1861. — E. Héring : Beitrâge zur Physiologie, l^CA. — Ad. RiST : Observations sur la physiologie des sensations, 1869. — Foltz : Physiologie des voies lacrymales. (Journal de la physiologie , 186-'.) — Wundt : Traité élé- mentaire de physique médicale; traduit par F. Moxoyer. Paris, 1871. 3° OLFACTION. 1°. Des corj^s odorants. Il est difficile, dans l'état actuel de la science, de préciser ce qu'on doit entendre par corps odorant, et nous ignorons absolu- OLFACTION. 865 ment à quel caractère de ces corps correspond la sensation (ïodeur. Tout ce que nous savons, c'est que ces corps doivent être volatils et que des particules infiniment petites suffisent pour déterminer une excitation des nerfs olfactifs ; ainsi, de l'air contenant un millionième d'acide sulfhydrique est encore per- ceptible à l'odorat, et des fragments de musc ou d'ambre con- servent leur odeur pendant des années sans perdre sensiblement de leur poids. Les caractères des corps odorants ont été étudiés par Venturi, B. Pré- vost et Liégeois. Si on dépose à la surface de Peau du camphre, de l'a- cide succinique, etc., ces corps se meuvent sur l'eau avec une rapidité extrême; de même toute substance odorante, concrète ou fluide, mise sur une glace mouillée, fait écarter sur-le-champ l'eau qu'elle touche, de sorte qu'il se forme tout autour du corps un espace de quelques pouces. On pourrait, d'après ces caractères, distinguer les corp.s odo- rants de ceux qui ne le sont pas [odoroscopie de Prévost). A ces carac- tères Liégeois en ajoute deux autres : en premier lieu, quand les corps odorants sont en poudre, si on les projette à la surface de l'eau, ils s'étalent avec une rapidité extrême, chaque particule s'éloignant l'une de l'autre (poudre de cumin, de benjoin, etc.) ; en outre, les mouvements du camphre et de l'acide succinique s'arrêtent quand un corps odorant touche l'eau sur laquelle ces corps se meuvent. Si on verse sur de Peau un peu d'huile essentielle ou d'huile fixe, cette huile s'étale sur toute la surface de l'eau et forme une pellicule mince constituée par des granulations huileuses d'une finesse extrême. O^OOl à 0°',004, gra- nulations qui sont entraînées avec la vapeur d'eau qui s'échappe des couches superficielles. Cette division extrême des substances huileuses au contact de l'eau facilite leur dissémination dans l'atmosphère et, par suite, leur transport jusqu'au nerf olfactif; aussi certaines substances qui, comme les huiles fixes, n'ont pas d'odeur à l'état pur, deviennent- elles odorantes au contact de l'eau (Liégeois), et on sait depuis long- temps que les odeurs des fleurs sont bien plus sensibles le matin à la rosée ou quand l'atmosphère est chargée de vapeur d'eau, comme après la pluie. Ces considérations ne peuvent s'appliquer aux odeurs miné- rales. (Voir Liégeois : Sur les Mouvements de certaùis corps orgmiiques à la surface de teau, Archives de physiologie, 1868.) 2° Transport des inarticulés odorantes jusqu'à la muqueuse olfactive. Les particules odorantes sont transportées mécaniquement ])ar l'air jusqu'à la muqueuse olfactive; l'air est le véhicule obligé Beaunis, Phys. 55 8G6 PHYSIOLOGIE FO^'CTIO^\\ELLE. des odeurs : on n'odore pas dans Teau ; si on remplit les fosses nasales d'eau chargée d'eau de Cologne, on n'a aucune sensation olfactive. Mais l'air seul ne suffit pas, il faut que cet air soit en mouvement et que le courant d'air ait une certaine direction. Si on retient sa respiration dans un air odorant, on ne sent rien; quand la respiration est calme, la sensation olfactive est très- faible ; pour qu'elle acquière tout son développement, il faut que le courant d'air inspiré ait une certaine force et vienne se briser contre le bord antérieur du cornet inférieur qui le renvoie vers la muqueuse olfactive. La direction du courant d'air n'a pas moins d'influence: l'air expiré qui arrive d'arrière en avant par l'orifice postérieur des fosses nasales, ne détermine pas de sensation olfactive ou ne détermine qu'une sensation à peine appréciable ; il en est de jnéme quand on projette directement le courant d'air odorant sur la muqueuse, soit à l'aide d'un tube, soit après certaines opérations chirurgicales. 3*' De V excitation des nerfs olfactifs. Les nerfs olfactifs sont les nerfs de l'odorat. Il ne peut y avoir aujourd'hui sur ce sujet le moindre doute, malgré les faits con- traires cités par Magendie. Si, après la destruction des nerfs ol- factifs, les animaux sont encore sensibles à Tammoniaque, à l'acide acétique, c'est que ces substances agissent siu? la sensibi- lité tactile de la pituitaire. Pour que l'olfaction se produise, il faut que la muqueuse se trouve dans certaines conditions; quand elle est trop sèche ou trop humide, la sensation est abolie : c'est ce qui arrive dans le coryza, par exemple. Le mécanisme de Texcitation du nerf olfactif par les corps odorants est encore très-obscur. Cependant il y a là probablement une action mécanique, un ébranlement d'une nature particulière, et cette probabi- lité ressort de la structure même des organes et des conditions phy- siques des corps odorants. D'après les recherches de Schullze, les cel- lules nerveuses olfactives se termineraient, au moins chez beaucoup d'animaux, par des prolongements en forme de cils qui dépassent la surface de l'épithélium; on trouve donc là les conditions favorables à un ébranlement mécanique. D'autre part, on a vu plus haut que les par- ticules odorantes sont constituées par des granulations d'une finesse extrême qui doivent arriver sur les extrémités nerveuses dans une direction déterminée. OLFACTION. 867 4*^ Des sensations olfactives. L'intensité des sensations olfactives dépend, d'une part, de la quantité des particules odorantes, de l'autre, du nombre d'élé- ments nerveux impressionnés, ou, ce qiii revient au même, de l'étendue de la région olfactive. Cette sensation est, en général, très-fugace et, pour quelle se maintienne, il faut que de nou- velles particules odorantes soient continuellement apportées aux extrémités nerveuses. La flnesse de l'odorat présente des différences individuelles considérables et peut, du reste, être accrue d'une façon remar- quable par l'exercice. Chez certains animaux, le chien, par exemple, ce sens est excessivement développé et a autant d'im- portance que la vue. Quand on fait arriver à chaque narine une odeur différente, il n'y a pas mélange des deux sensations : elles se succèdent alter- nativement, mais il n'y en a toujours qu'une seule à la fois. Dans l'ignorance où nous sommes de la nature des odeurs, nous ne pouvons les classer que d'après le caractère même de la sensation olfactive, sans pouvoir rattacher ce caractère à une con- dition physique, comme on le fait, par exemple, pour le son, pour la hauteur ou le timbre. A ce point de vue, la meilleure classification est peut-être encore celle de Linné qui classe les odeurs en : aromatiques ilaurier), fragrantes (lis), ambrosiaques (ambre), alliacées (aib, fétides (valériane), vireuses (solanées), nauséeuses (courge). Les sensations olfactives consécutives ont été peu étudiées et sont mises en doute par beaucoup de physiologistes ; elles se- raient dues à des particules odorantes restées dans les sinus et reprises par le courant d'air. Elles paraissent plus fréquentes pour les odeurs désagréables (odeur cadavéreuse». Des .sensations subjectives existent souvent chez les aliénés. La distinction des sensations d'odeur et des sensations tactiles de la pituitaire (ammoniaque, acide acétique) est souvent dilTicile à faire, et dans le langage usuel on les confond sous la dénomi- nation générale d'odeurs; cependant ce sont là de véritables sensations tactiles analogues à celles que ces substances déter- 868 PHYSIOLOGIE FO^'GTIO^"^■ELLE. minent quand elles sont mises en contact avec la muqueuse ocu- laire, par exemple. 5° Usages de l'odorat. L'odorat, appelé par Kant un goût à distance, nous fait con- naître certains caractères de nos aliments et de nos boissons et nous guide, par conséquent, dans le choix que nous en faisons; les indications qu'il nous fournit, rudimentaires chez l'homme, très-développées chez l'animal, concernent non-seulement leur pureté, mais leurs qualités nuisibles ou favorables à l'alimenta- tion. C'est ainsi que l'animal choisit certains aliments et en re- jette d'autres, sans autre guide que l'odorat. La pureté de l'air que nous inspirons nous est connue par le même moyen et l'o- dorat nous révèle dans l'air atmosphérique des substances que les réactifs sont impuissants à déceler. Enfin, le sens de l'olfaction a des rapports intimes avec les phénomènes d'innervation et en particulier avec l'innervation génitale; l'odorat est, chez les animaux surtout, l'excitateur principal des désirs vénériens. 4*" GUSTATION. Les saveurs peuvent être divisées en quatre classes : salées, sucrées, acides, amer es ; quelques physiologistes n'admettent même que deux classes : les saveurs sucrées et les saveurs amè- rcs; quand l'olfaction et la sensibilité tactile sont supprimées, il ne reste que ces deux-là. La nature des corps sapides ne peut en rien expliquer la sensation qu'ils produisent par leur application sur les nerfs du goût, et on trouve dans la même classe des corps dont les propriétés chimiques sont très-différentes; ainsi la saveur sucrée appartient au sucre, aux sels de plomb, au chloroforme. La sensibilité gustative a pour siège la base, la pointe et les bords de la langue, et la partie moyenne de sa face dorsale; sa face inférieure en est tout à fait dépourvue. Elle existerait aussi, d'après quelques observateurs, sur le voile du palais, la luette et les piliers antérieurs , mais le fait est plus que douteux. La base de la langue est la région la plus sensible et perçoit surtout les saveurs amères , la pointe les saveurs sucrées et acides. GUSTATION. 869 La sensibilité gustative de la langue est due aux papilles cali- ciformes et aux papilles fungiformes ; si on louche la langue avec une substance sapide entre deux papilles, en prenant bien soin que la substance n'arrive pas aux papilles elles-mêmes, il n'y a aucune sensation. Plus il y a de papilles en contact avec le corps sapide, plus la sensation acquiert de netteté et de précision. Les papilles filiformes ne jouent aucun rôle dans la gustation. Nous ignorons à quel état et dans quelles conditions doivent se trouver les substances sapides pour pouvoir exciter les nerfs du goût. Il est probable que ces substances sont dissoutes dans le liquide buccal et pénètrent ensuite par imbibition dans les papilles pour atteindre les extrémités nerveuses. En tout cas, les solides et les gaz peuvent, aussi bien que les liquides, éveiller les sensations gustatives. Cette sensation ne se produit pas immé- diatement après l'application du corps sapide sur la langue ; il faut un certain temps, variable suivant la substance, pour que celle-ci arrive jusqu'aux nerfs, et ce temps dépend probablement du plus ou moins de rapidité de la dissolution de la substance et de l'imbibition des papilles ; aussi les mouvements de la lan- gue, la pression contre la voûte palatine abrégent-ils ce stade préparatoire en même temps qu'ils augmentent la sensibilité gustative en multipliant le nombre des papilles impressionnées. Les saveurs salées se perçoivent presque de suite après l'appli- cation du corps sapide ; les saveurs amères sont plus lentes à se déclarer. Les substances injectées dans le sang peuvent agir aussi sur les nerfs gustatifs. Si on injecte dans les veines d'un chien de la coloquinte, il fait les mêmes mouvements de mâchonnement et de dégoût que quand on applique directement la coloquinte sur la langue; on a la sensation d'une saveur amère dans l'ictère. La finesse de la sensibilité gustative n'est pas la même pour les différentes saveurs , mais les chiffres donnés par les physio- logistes varient beaucoup suivant la sensibilité individuelle. Ce sont les substances amères qui supportent la plus grande dilu- tion; une dilution de sulfate de quinine au 100,000^ donnerait encore, d'après Camercr, 32 fois sur 100 une sensation d'amer- tume. Les substances salées et sucrées sont très-inférieures sous ce rapport ; leur saveur disparait pour des dilutions beaucoup plus concentrées. La température la plus favorable à l'exercice de la sensibihté gustative se trouve entre 10° et 35''. 870 PHYSIOLOGIE FONCTIOîsNELLE. Les sensations tactiles (astringents) et thermiques (moutarde, menthe poivrée) de la langue sont souvent confondues avec les sensations gustatives ; il en est de môme des sensations olfac- tives; ainsi le goût de la vanille n'est qu'une sensation olfactive; si on se bouche le nez, la sensation disparaît. Les rapports du goût avec l'odorat se voient surtout bien dans les cas de coryza ; nous ne percevons plus que les sensations brutes d'amer, de sucré, de salé et d'acide. Les nerfs du goût sont le glosso-pharyngien et le lingual : le glosso- pharyngien innerve la base de la langue et nous donne surtout la sen- sation d'amer; le lingual innerve la partie antérieure de la langue et est principalement affecté par les corps sucrés ; après sa section, l'o- péré perd la faculté de percevoir les saveurs sucrées (Michel i. (Pour les origines des Gbres gustatives du lingual, voir : ISerfs crâniens.) Les centres nerveux du goût paraissent résider dans le bulbe et dans la protubérance : c'est là, du moins, que se trouvent les centres qui président aux mouvements réflexes de la langue, des lèvres et des joues, et à la sécrétion salivaire; après la section de la moelle allongée au-dessus de la protubérance, ces mouvements se produisent encore par Texcitation du nerf lingual. Les centres de perception se trouvent dans les parties supérieures de Pencéphale. 5° TOUCHER. Le sens du toucher, qui a pour organes la peau et certaines muqueuses, comprend deux ordres de sensations distinctes : les sensations tactiles et les sensations de température. a. — Sensations tactiles. A. — DES EXCITANTS DES SEXSATIOXS TACTILES. Les sensations tactiles sont déterminées par des actions méca- niques, contact, pression, traction, et par l'excitation qui en résulte dans les nerfs sensitifs de la peau et des muqueuses. Le mode d'application de l'excitation mécanique sur la surface sensible diffère suivant que le corps est solide, liquide ou gazeux. TOCCHER. 871 r Solides. — Les corps solides, dont l'aclion peut toujours se mesurer par des poids, agissent sur la peau (ou les mucpieuses) de deux façons : par pression ou par traction. Lii pression peut varier depuis zéro jusqu'à un maximum qui n'a pour limite que la désorganisation même des tissus. De zéro à une certaine pression minimum, qui dépend de la sensibilité de la région, la sensation est nulle, et à cette pression minimum correspond la sensation de contact simple ; bientôt et très-rapi- dement, la sensation change de caractère et on a la sensation de pression; puis, la pression augmentant toujours, la sensation de pression fait place à une sensation nouvelle, celle de douleur, qui elle-même disparaît quand la pression, arrivée à son maxi- mum, désorganise les extrémités nerveuses. Il y a donc une sorte d'échelle graduée des impressions tactiles correspondant aux différences d'intensité de l'excitation mécanique. La pression peut varier non-seulement en intensité, mais en étendue; et c[uelque circonscrite qu'ehe soit, elle couvre toujours une surface correspondante à plus d'une périphérie nerveuse. Cette pression peut être uniforme, c'est-à-dire répartie également sur les différents points de la surface touchée, ou irrégulière ; dans ce dernier cas, qui est le plus ordinaire, les sensations tactiles sont plus précises et plus nettes. Un corps rugueux, qui ne touche la peau que par quelques points en laissant des inter- valles non impressionnés, donne une sensation plus accusée qu'un corps lisse qui touche la peau par un grand nombre de points. Si l'on imprime le doigt dans un morceau de paraffine encore molle et qu'on la laisse se sohdifier sur le doigt, les sensations tactiles disparaissent, sauf à l'endroit où la paraffine cesse d'en- tourer le doigt; dans ce cas, en effet, la paraffine se moule sur les divers accidents de surface de la peau et presse également sur tous les points ; ïinêgalitc de pression paraît être iine des conditions de la sensation tactile ; de là l'utilité pour la finesse de la sensation des crêtes papillaires qu'on trouve sur les parties de la peau les plus aptes au toucher, comme la face palmaire des doigts et de la main. Quand les pressions sont très-légères (frôlement) et se succè- dent rapidement, périodiquement ou non, en excitant une grande quantité de fibres nerveuses, les sensations tactiles prennent un caractère particulier : c'est le chatouillement. La traction (sur les cheveux, les poils) détermine beaucoup 872 PHYSIOLOGIE FO^CTIO>\\ELLE. plus rapidement la sensation de douleur, et 1 eclielle sensitive est bien moins étendue que pour les sensations de pression. 2° Liquides. — Les liquides (supposés à la température de la peau) pressent uniformément sur toutes les parties de la surface cutanée . à l'exception des points de la peau qui se trouvent en contact avec la surface du liquide ; soit, en effet, un doigt plongé dans un liquide, dans du mercure par exemple: la partie plongée dans le liquide subit une pression qui décroit uniformé- ment de bas en haut ; la partie du doigt située dans l'air est sou- mise aussi à une pression uniforme ; c'est seulement au niveau de la surface du liquide qu'il y aura inégalité de pression dans le derme, suivant une ligne circulaire correspondante à la ligne d'affleurement du mercure ; aussi la sensation tactile est-elle absente, sauf en cet endroit, où elle se révèle par l'impres- sion d'un anneau fixe. L'expérience est plus frappante avec le mercure qu avec l'eau à cause de la différence de pression qu'il y a entre l'air et le mercure; la sensation est encore plus vive quand on enfonce et qu'on retire alternativement le doigt du liquide. 3° Gaz. — Un courant d'air qui vient frapper obliquement la peau détermine une sensation tactile : cette sensation est beau- coup moins marquée quand le courant d'air frappe perpendicu- lairement la surface cutanée. Le mode de transmission des excitations mécaniques jusqu'aux nerfs sensilifs est encore très-obscur. On trouve dans la peau et les mu- queuses trois espèces de terminaisons nerveuses auxquelles puissent se rattacher les sensations tactiles : 1° les corpuscules du tact ; 2° un plexus nerveux de fibres sans moelle dont les extrémités plongent jusque dans la couche de Malpigbi, et 3° les corpuscules de Pacini. Les deux premiers sont situés sous l'épiderme, les derniers dans le tissu cellulaire sous-cutané. La première coucbe rencontrée par l'excitation mécanique est la couche cornée de l'épiderme; cette coucbe cornée, très-variable d'é- paisseur, transmet aux périphéries nerveuses Tébranlement mécanique et parait en même temps en atténuer lintensité. Quand cette couche cornée disparaît (vésicatoires , la sensation tactile est remplacée par la douleur, et la sensation perd en même temps de sa précision. Au-des- sous de cette couche cornée, fèbranlement mécanique rencontre la couche de Malpighi, moins dure, moins dense, imprégnée de liquides et comparable peut-être à une mince lame liquide interposée entre la couche cornée et les extrémités nerveuses. Comment, avec quelles TOUCHER. 873 modiûcations rébranlement mécanique se transmet-il dans cette lame pour arriver aux nerfs? C'est ce qu'il est impossible de préciser. En tout cas,, si une pression très-faible sufTit pour que les corpuscules du tact et le plexus nerveux soient excités (ainsi dans le chatouille- ment), il n'en est plus de même pour les corpuscules de Pacini, situés plus profondément ; il faut pour cela une pression plus marquée qui puisse se faire sentir à travers l'épaisseur de la peau. Le mode même d'excitation des terminaisons nerveuses est aussi peu connu. Les actions mécaniques déterminent-elles simplement une pression, pression qui se transmet aux corpuscules du tact ou de Pa- cini, ou bien produisent-elles des oscillations qui agiraient sur les ex- trémités nerveuses comme les vibrations de Pair sur les nerfs auditifs, ou bien les deux modes peuvent-ils se présenter suivant les cas? Krause a cherché à trouver dans la structure des corpuscules des con- ditions anatomiques qui augmenteraient la pression dans les parties centrales; Meissner, de son côté, voit dans Parrangement des fibres nerveuses dans les corpuscules du tact une disposition qui favoriserait Paction des oscillations, et a cherché ainsi à expliquer mécaniquement certains phénomènes de la sensation tactile; mais ces hypothèses, n'é- tant susceptibles jusqu'ici d'aucune vérification, doivent être laissées de côté jusqu'à nouvel ordre. B. — DES SENSATIONS TACTILES. 1. DIFTÉEENTS MODES DE SEXSATIOXS TACTILES. Les sensations tactiles peuvent être rapportées à l'état normal à deux espèces : aux sensations de pression et aux sensations de traction. 1° Sensations de 2>^'<^ssion. Les sensations de contact et de pression ne difTèrent pas de nature et ce sont, en réalité, deux degrés de la même sensation. Elles paraissent cependant avoir leur point de départ dans des éléments anatomiques dilTérents. La sensation de contact est abolie dans les cicatrices après la destruction de la couche pa- pillaire du derme et semble résider dans les corpuscules du tact; la sensation de pressipn persiste au contraire et dépendrait des corpuscules de Pacini situés dans le tissa cellulaire sous-cutané. 874 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Sensation de contact. — La sensation de contact peut varier d'intensité, de nature et d'étendue. Les variations d'intensité sont très-limitées et la sensation de contact se transforme presque immédiatement en sensation de pression dès que l'intensité de la cause mécanique augmente un peu ; c'est surtout sensible pour les corps solides, et, pour ces derniers, on pourrait dire que la sensation de contact est une et invariable comme degré; en deçà, c'est l'absence de sensation, au delà, c'est la sensation de pression. La sensation de contact diffère de nature suivant les corps ; la sensation est difTérente suivant que le doigt touche (eu les sup- posant à la température du doigt) un métal, du bois, un corps gras, un liquide, ou reçoit un jet de gaz ; il y a là quelque chose de comparable au timbre des sons. C'est surtout pour certaines muqueuses que cette différence de nature se fait sentir; telle est l'aslringence déterminée par une solution de tannin. Quand deux régions de la peau se touchent, la plus sensible sent l'autre; ainsi, si on applique le doigt sur le front, le doigt sent le front; si au contraire le doigt frotte rapidement le front, c'est le front qui sent le doigt. Létendue de la région impressionnée augmente l'intensité de la sensation. Il est dilïicile de préciser le minimum de pression nécessaire pour déterminer une sensation de contact, ce minimum variant suivant les régions. Le tableau suivant, emprunté à Aubert et Kammler, donne ce minimum pour quelques régions; les poids sont exprimés en milligrammes et pressaient tous sur neuf milli- mètres carrés de surface cutanée : Front, tempes, nez, joues 2 milligr. Paume de la main. 3 — Paupières, lèvres, ventre; paume de la main. 5 — Face palmaire de l'index 15 — Au lieu de poids placés directement sur la peau, on peut em- ployer une balance dont un plateau est muni à sa face inférieure d'une pointe qui appuie sur la peau (Dohrn), ou la pression d'une onde liquide (tube de caoutchouc rempli d'eau qu'on sou- met à des pressions rhythmiques, Goltz). En général, la fint3sse de la sensation de contact diminue régu- lièrement des doigts au coude ; elle est plus marquée à la face palmaire qu'à la face dorsale, au côté radial qu'au côté cubital, à gauche qu'à droite. TOUCHER. 875 Sensations de pression. — La sensation de pression succède toujours à une sensation de contact, mais elle présente toujours une échelle d'intensité bien plus étendue que cette dernière, et il y a une foule de degrés intermédiaires jusqu'au moment où elle se transforme en douleur. Par contre, la nature de la sensation de pression offre bien moins de variété et les caractères de poli, de rugueux, de gras, etc., disparaissent pour le toucher dans une sensation une et liBBIBS Fig. 228. — Aiguille aîslliésioinélrique de l'aiilcur. identique pour tous les corps, bois, métal, etc., pourvu que la pression qu'ils déterminent soit suffisante. L'étendue de la région 876 . PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. pressée diminue l'intensité de la sensation et en émousse la netteté. Le minimum de pression nécessaire pour déterminer la sen- sation de pression varie suivant les régions ; il en est de même ; du maximum de pression au delà duquel la sensation fait place à la douleur. Pour étudier ces sensations de pression (et de douleur) à tous leurs degrés, je fais usage d'un appareil, aiguille œsthésiométrique , qui permet de graduer, dans les limites les plus étendues, la pression' sur une région déterminée de la peau. L'appareil, dont la figure 228 rend toute description détaillée superflue, se compose essentiellement d'une aiguille munie d'un plateau qu'on peut charger de poids et qui peut s'abaisser ou s'élever à volonté en glissant, sans frottement, dans un tube vertical. L'aiguille et son plateau peuvent, suivant le but qu'on se propose, être construits en bois, en liège, en métal, etc., et, par conséquent, il est facile de leur donner le poids voulu pour les expé- riences, suivant les régions sur lesquelles on opère ('). 2' Sensations de traction. Les sensations de traction passent par des phases analogues à celles que parcourent les sensations de pression : contact, trac- tion, douleur. La sensation de contact n'a qu'une très-faible durée et se transforme très- vite en sensation de traction qui, elle-même, devient très-rapidement douloureuse. En suspendant des poids aux cheveux ou aux poils, il est facile de mesurer, dans les diverses régions, les minima nécessaires pour déterminer ces diverses sensations de simple contact, de traction et de douleur, et on voit de suite que ces minima des- cendent bien au-dessous de ceux qui sont nécessaires quand les poids agissent par pression. ^ m 3° Sensations tactiles des muqueuses. Les sensations tactiles des muqueuses sont de môme nature que celles de la peau; mais, tandis que la peau présente la sen- (') L'aiguille peut servir aussi à apprécier le degré de cohésion des tissus et des organes. TOUCHER. 877 sibilité tactile sur toute son étendue, il n'en est plus de même des muqueuses. Beaucoup d'entre elles, comme la trachée, la ves- sie, etc., en sont dépourvues ; d'autres, au contraire, sont douées d'une sensibilité exquise, supérieure même à celle de la peau ; telle est celle de la pointe de la langue. La sensibilité tactile de beaucoup de muqueuses a quelque chose de spécial qui les diffé- rencie des sensations cutanées; ainsi, dans la cornée, la conjonc- tive, les muqueuses du gland, du clitoris, etc. 2. SENSATIONS TACTILES COMPOSÉES. Les impressions tactiles peuvent être simultanées ou suc- cessives. 1*^ Sensations tactiles simultanées. Les sensations simultanées peuvent être doubles ou multiples. Les sensations doubles, que ce soient des sensations de con- tact, de pression ou de traction, ne se montrent que lorsque les excitations de la surface cutanée se font à une certaine distance l'une de l'autre. Si elles sont trop rapprochées, la sensation reste simple quoique l'excitation se fasse en deux endroits; ainsi, si l'on prend, par exemple, un sesthésiomètre {fig. 229) ou un compas \ \ <^. f 1 1 1 1 I 1 1 I 1 1 I I I I I I 1 1 1 1 I I 1 1 1 1 1 I 1 1 1 I I j I I M I 11 I 1 1 1 I M I I 1 1 I I . I n r Fig. 229. — JEslhésiomèlre. dont les branches soient écartées (H. Weber), et qu'on appUque les deux pointes sur la peau, on aura la sensation des deux pointes ; mais si on les rapproche successivement, il viendra un 878 PHYSIOLOGIE FO}y CTIONNELLE. moment où, malgré l'écartement des deux pointes, on n'en sen- tira plus qu'une ; il y a donc une distance des deux pointes ou un minimum d'écart en deçà duquel les deux pointes ne don- nent qu'une seule sensation. Ce minimum d'écart varie suivant les différentes régions de la peau, comme le montre le tableau suivant, de H. Weber : Millimètres. Millimètres, ç^ Pointe de la langue 1,1 Face plantaire du métatarsien du * Face palmaire de la troisième pha- pouce 15,7 j lange des doigts 2,2 Face dorsale de la première pha- .j Bord rouge des lèvres 4,5 lange des doigts 15,7 Face palmaire de la deuxième Face dorsale de la tête du méta- phalange 4,5 carpe 18,0 Face dorsale de la troisième pha- Face interne des lè\Tes 20,3 lange 6,7 Partie postérieure de l'os malaire. 22,5 Bout du nez 6,7 Partie inférieure du front . . . . 22,5 Face palmaire de la tête des mé- Partie postérieure du talon . . . 22,5 tacarpiens. . 6,7 Partie inférieure de l'occipital . . 27,0 Ligne médiane du dos et dos bords Dos de la main 31,5 de la langue à 2 millimètres de Cou, sous le menton 33,7 la pointe 9,0 Vertex 33,7 Bord cutané des lèvres 9,0 Genou 36,0 Métacarpe du pouce 9,0 Sacrum 40,5 Face plantaire de la deuxième Fesses 40,5 phalange du gros orteil 11,2 Avant-bras 40,5 Dos de la deuxième phalange des Jambe 40,5 doigts 11,2 Dos du pied 40,5 Joue 11,2 Sternum 45,4 Paupières 11,2 Nuque 54,1 Voûte palatine 13,5 Dos 54,1 Partie antérieure de l'os malaire. 15,7 Cuisse et bras 67,6 Ce minimum cïécart peut servir, jusqu'à un certain point, de critérium pour apprécier la sensibilité cutanée d'une région ou d'un individu. On voit, par ce tableau, que la sensibilité tactile,, augmente de la racine du membre à sa périphérie. Yierordt a montré que cette sensibilité dépend de la grandeur des mouve- ments ; elle est, pour chaque segment d'un membre, proportion- nelle à la distance des points de la peau à l'axe de rotation du membre. Cette sensibilité croît très-vite aux doigts, moins vite à la main, plus lentement encore à l'avant-bras et au bras. Le minimum d'écart est plus faible dans le sens horizontal que dans le sens transversal ; il diminue par l'attention et l'exercice (aveugles), ou si on applique sur la peau un liquide indifférent comme l'eau ou l'huile ; il est plus petit chez les enfants ; il augmente, au contraire, quand la peau s'étend, comme dans la grossesse. TOUCHER. 879 Cette sensibilité des diverses régions explique plusieurs phé- nomènes qui paraissent singuliers au premier abord. Si on promène le compas, avec le même écart, de i' avant-bras à la pulpe du doigt, ou de l'oreille aux lèvres, la "Sensation, d'abord simple, se dédouble et les deux pointes paraissent s'écarter de plus en plus; c'est le contraire qui se produit si on promène le compas en sens inverse. Un dé, un anneau, appliqués sur la pulpe du doigt, paraissent plus grands que sur la paume de la main. L'électrisation de la peau dans l'intervalle des deux pointes de compas, l'action de promener un pinceau d'une pointe à l'autre, font disparaître la sensation double. Si, au lieu de prendre un compas ordinaire, on prend un com- pas à 3, 4, 5 branches ('), on peut encore percevoir 3, 4, 5 sensations distinctes ; mais à mesure que le nombre des con- tacts se multiplie, la sensation perd de sa netteté, et au delà de 4 ou 5 pointes on n'a plus qu'une sensation confuse et il est impossible de préciser le chiffre des pointes en contact. 2° Sensations tactiles successives. Les sensations tactiles' successives doivent, pour être perçues isolément, être séparées par des intervalles de temps convena- bles ; si elles se succèdent trop rapidement, elles donnent lieu à une sensation continue. Si on approche la main d'une roue den- tée tournant avec une certaine rapidité, quand la main reçoit 640 chocs par seconde, les impressions se fusionnent et les dents de la roue ne sont plus distinctes. Dans certaines conditions, ces sensations tactiles successives donnent lieu à une sensation composée, d'une nature spéciale, aussi difficile à analyser qu'à décrire. Le prurit, la démangeai- son sont des sensations tactiles du même ordre, mais qui se pré- sentent plutôt sous forme de sensations internes. (') Des aiguilles implante'es en nombre plus ou moins grand dans un morceau de bouchon peuvent parfaitement remplacer le compas à plusieurs branches. 880 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. 3. CARACTÈRES DES SENSATIONS TACTILES. La durée des sensations tactiles ne correspond pas exactement à la durée de l'application de l'excitant, elle la dépasse ; il semble que l'action mécanique du corps en contact détermine une vibration qui survit un peu à l'excitation, comme l'ondula- tion d'une nappe d'ean survit à la chute de la pierre qui Fa déter- minée. C'est pour cela qu'une succession trop rapide d'excita- tions ou de contacts, comme dans l'expérience de la roue dentée citée ci-dessus, page 879, détermine une sensation continue au lieu d'une sensation intermittente ; dans ce cas, la sensation con- sécutive à chaque choc d'une dent de la roue dure 1/640® de seconde. Un caractère important des sensations tactiles, c'est Vextério- rité. La sensation tactile est rapportée par nous à la limite de la surface cutanée. Dans certains cas môme, elle est rapportée à l'extérieur ; ainsi, lorsque nous touchons le sol aveclebout d'une canne, nous sentons le sol ; si le bâton est mobile dans la main, nous avons en même temps deux sensations : celle du bâton à la surface de la peau, celle du sol à l'extérieur. C'est de la môme façon que, dans la mastication, nous sentons parfaitement les parcelles alimentaires qui se trouvent entre les dents. Cette tendance à rapporter les sensations tactiles à la surface du corps explique comment cette projection se produit, même quand les nerfs cutanés sont excités dans leur trajet et non à leurs extrémités, comme dans l'état normal. Elle explique aussi comment les sensations qu'éprouvent les amputés par suite de l'excitation des nerfs sensitifs sont rapportées à la périphérie nerveuse absente, et comment ils croient sentir les doigts et les extrémités des membres qui leur ont été enlevés. De môme après la rhinoplastie par transplantation d'un lambeau de la peau dn front, l'opéré rapporte au front, c est-à-dire à la place qu'il occu- pait primitivement, toutes les sensations qui se produisent dans le nez nouveau. Un autre caractère essentiel des sensations tactiles, c'est leur localisation. Nous connaissons plus ou moins exactement le point touché ou pressé, et nous le rapportons avec plus ou moins de précision à une région déterminée du corps. Il semble que nous TOUCHER. 881 sentions la surface de notre corps comme une sorte de champ tactile dans lequel nous nous orientons, comme l'œil s'oriente dans le champ visuel, et cette localisation, qui nous permet de juger de la position des corps par rapport à nous, de leur gran- deur, de leur forme, est la résultante dune série d'actes phy- siologiques et intellectuels compliqués sur lesquels on reviendra plus loin. Cette localisation e.xplique certaines illusions tactiles dont la plus connue est l'cxpénence dWristote 'Jîg. 230). Si on croise l'index et le Fig. 230. — Expérience d'Aristote. médius et qu'on roule entre les deux une petite boule, on a la sensa- tion de deux boules ; c'est qu'en effet, dans la position normale des doigts, Texpérience nous a appris à fusionner, dans la notion d'un seul objet, les sensations localisées dans les parties correspondantes de deux doigts voisins, et à dédoubler, au contraire, à rapporter à deux objets distincts les sensations localisées dans des parties non corres- pondantes ; et celte tendance au dédoublement e^t si forte, que ce dédoublement se produit malgré la c5nviclion que nous avons de tenir entre les mains un seul objet. Pour apprécier la finesse de localisation de la peau, on emploie le procédé suivant : Le sujet en expérience a les yeux fermés; la peau est touchée avec une pointe noircie qui laisse une marque sur la peau, et le sujet indique avec une pointe l'endroit touché ; la distance entre les deux points indique l'écart de la sensibilité. Cette localisation s'apprécie aussi en traçant ou en plaçant sur la peau des figures diverses (lettres, figures géométriques; que le sujet doit reconnaître. Beau.ms, Phvs. 55 PHYSIOLOGIE FONCTIO>'?s"ELLE. 4. INFLUENCES QUI FONT VARIEE LA SENSIBILITÉ TACTILE. La sensibilité tactile de la peau yarie, comme on l'a vu plus haut, suivant les différentes régions. Les causes qui influencent cette sensibilité sont de deux ordres : les unes dépendent de la peau elle-même, les autres de l'état des corps avec lesquels elle est en contact. L'épaisseur et la dureté de l'épiderme diminuent cette sensibilité, mais sa présence est indispensable. L'hyperé- mie et l'anémie de la peau, son refroidissement (anesthésie loca- lisée)^ produisent le même résultat. La présence du duvet et des poils accroît la sensibilité à la pression : il faut un poids plus lourd pour produire la sensation de contact sur les parties rasées que sur les parties garnies de poils. Les bains d'eau chargée d'a- cide carbonique augmentent la sensibilité ; de très-faibles cou- rants d'induction la diminuent. La température du corps en contact exerce aussi son influence ; un poids donné paraît plus lourd qu'un poids égal plus chaud ; les deux pointes du compas sont mieux perçues quand leur tem- pérature est inégale, et on les distingue encore même quand leur distance est plus petite que le minimum d'écart. Vexercice modifie considérablement la sensibiUté tactile, et cette modification s'effectue même très-rapidement : en quelques^ heures, la sensibihté de la face palmaire peut être quadruplée ; les progrès sont d'abord très-rapides, puis plus lents ; il est vrai que la sensibihté ainsi acquise se perd très-vite et revient en quelques heures au degré normal ; cependant, par un exercice régulier et réitéré, Mes progrès deviennent permanents. On sait à quelle finesse de toucher arrivent les aveugles. Un fait singu- lier, c'est que l'exercice d'une partie modifie en même temps et augmente la sensibilité de la partie symétrique non exercée, fait qui prouve que les modifications anatomiques amenées par l'exer- cice ont lieu, non dans les organes périphériques, mais dans les centres nerveux eux-mêmes. L'exercice augmente aussi bien la sensibilité à la pression que la sensibilité à la distance ou la faculté délocalisation. Pour juger la sensibilité à la pression, on place deux poids inégaux, soit ^m TOUCHER. 883 simultanément sur des points symétriques de la peau, soit suc- cessivement sur le même point, et le sujet apprécie, sans le se- cours de l'œil, la différence des deux poids. D'après Weber, on peut distinguer des différences de l/40^ pourvu que les poids ne soient ni trop légers ni trop lourds. Les augmentations de poids sont plus facilement perçues que les diminutions. h^ 2^alpation rectifie et perfectionne les sensations tactiles, et comme la main en est l'agent principal, on a voulu localiser dans cet organe le sens du toucher, sens répandu sur toute la surface de la peau. La palpation est un phénomène complexe dans lequel interviennent non-seulement les sensations tactiles, mais l'action musculaire, et auquel des actes cérébraux très- compliqués donnent un caractère essentiellement intellectueL L'habitude émousse non la sensibihté, mais la sensation tac- tile ; une impression prolongée finit par ne plus déterminer de sensation ; nous ne sentons plus nos vêtements qui sont jour- nellement en contact avec la peau ; il suffit même d'un temps Irès-court pour que la sensation disparaisse quand le contact se prolonge, surtout si le corps en contact éveille en nous une sensation déjà connue. L'influence de la fatigue sur les sensations tactiles a été peu étudiée. Les sensations tactiles sont souvent le point de départ de réflexes qui varient suivant les régions excitées et le mode d'ex- citation. Tout le monde connaît les réflexes (rires, convulsions) produits par le chatouillement ; il en est de même pour les muqueuses; tels sont l'éternuement par le contact de la pituitaire avec certains corps, la toux par la titillation du conduit auditif externe, etc. Le rôle du toucher dans les phénomènes inteUectuels sera étu- dié dans le chapitre de la psychologie physiologique. 5. ANALYSE THÉOEIQUE DES SENSATIONS TACTILES. L'analyse des sensations tactiles est encore très-incomplète et on en est réduit, sur ce sujet, à des hypothèses. 11 me paraît cependant utile de donner une idée de la façon dont ces phéno- mènes peuvent être interprétés. 884 PHYSIOLOGIE FONCTIOX.XELLE. On serait porté à admettre qu'à chaque sensation simple de contact ou de pression correspond l'excitation d'une seule filtre nerveuse primitive et que l'excitation simultanée de deux fibres nerveuses distinctes donnera une sensation double. En réalité, il n'en est pas tout à fait ainsi; quel- que aigus que soient les corps en contact avec la peaU; ils exciteront toujours plus d'une fibre nerveuse primitive sans donner pour cela une sensation double. C'est qu'ici intervient une opération intellectuelle déjà étudiée à propos des autres sensations, c'est la tendance qu'a l'esprit à fusionner en une seule Sensation les impressions qui attei- gnent des fibres nerveuses voisines. Pour qu'il y ait deux sensations distinctes, il faut qu'il y ait une ou plusieurs fibres inexcitées (ou peut-être moius excitées ?i entre les deux points touchés. Pour faciliter l'interprétation des phénomèues tactiles, on peut com- parer la peau à une sorte de damier dont chaque case \cercle de sensa- tion de Weber\ serait innervée par un filet nerveux distinct ; dans les régions les plus sensibles, les cases seront plus petites, et le nombre des terminaisons nerveuses plus considérable. Ainsi, la région cutanée A, par exemple ^fig. 23 1 1, sera innervée par 9 nerfs et comprendra 9 cases, a> c cl • • 1 1 -. j Fig. i31. — Schéma de l'innervation tacàle. c 9 e • Fig. 232. — Schéma de l'innervation tactile. tandis que la région B [fig. 232i, quoique de même étendue, compren- dra 36 cases et recevra 3G fibres nerveuses. Si, dans la figure A, on place les branches du compas sur aeic, dans la première case, il n'y aura qu'une sensation simple ; il en sera de même si on place la seconde branche du compas sur une des cases voisines; par contre, si on place une des pointes en c et l'autre eu e, il y aura sensation double parce qu'entre les deux pointes il y a une case inexcitée. Si, au lieu de la région cutanée A, nous prenons la région cutanée B. où les cases sont moitié moins larges, la distance TOUCHER. 885 minimum des deux branches du compas devra être moitié moins grande qu'en A pour avoir une sensation double. Cette hypothèse cxpHque assez bien, au premier abord, la diflférence d^ sensibilité des diverses régions de la peau, mais elle ne suffit pas pour tous les cas. En efifet, la même distance des deux pointes du compas c e, qui, dans la position de la figure 231, donne une sensation double, donnerait une sensation simple si on les place sur deux cases voisines, ce qui n'est pas ; en outre, elle ne peut expliquer le perfectionnement de cette sensibilité par Texercice. On est alors forcé d'admettre que les circonscriptions nerveuses cutanées (cercles de sensation des auteurs) empiètent les unes sur les autres, autrement dit qu'un même point de la peau reçoit des filets nerveux provenant de plusieurs nerfs et que. par suite, un corps quelconque en contact avec la peau excite en même temps plu- sieurs fibres nerveuses. On représente alors les départements nerveux par des cercles enchevêtrés les uns dans les autres. La figure 23.3 représente ce mode d'innervation. Soit une coupe transversale schématique d'une région cutanée; cette étendue cuta- CC- p. K ^ <^ X .r ■10 ■Jo Fig. 233. — Schéma de l'innervation tactile. née recevra un certain nombre de fibres nerveuses, et chaque fibre nerveuse fournira plusieurs filets empiétant sur les filets des nerfs voisins. Soit maintenant un corps, une pointe de compas, par excm- 886 PHYSIOLOGIE FO.XCTIOXNELLE. pie, venant au contact de cette surface en a, il excitera dans cette étendue de peau toutes les fibres nerveuses de l à 7, mais l'excitation n'aura pas sur toutes la même intensité, elle sera au maximum pour la fibre 4, plus faible pour les fibres 3 et 5, plus faible encore pour les fibres 2 et 6, etc. ; on pourra donc représenter l'intensité de l'excita- tion de la peau sur cette surface par une courbe A, dont la hauteur correspondra à l'intensité de l'excitation. La sensation éveillée par ce corps sera simple, quoiqu'il y ait plusieurs fibres excitées, parce qu'il n'y aura pas de lacune dans l'excitation. Si maintenant on place l'autre pointe du compas au delà de 6, il y aura une région intermédiaire dans laquelle \qs, fibres nerveuses seront absolument inexcitées ; on aura donc là jes conditions nécessaires pour une sensation double, c'est-à- dire une lacune dans l'excitation nerveuse. Si je place au contraire la deuxième pointe du compas Q\ib. il ne reste entre les deux pointes aucun élément nerveux absolument inexcité; mais l'excitation des fibres 7 et 8 est excessivement faible et il devient possible, par l'atten- tion et l'exercice, de faire abstraction de cette excitation légère pour ne sentir que les deux maxima correspondant aux autres fibres et rendre la sensation double ; l'exercice et l'attention pourront encore aller plus loin, et on conçoit que dans certaines conditions (aveugles) deux excitations a et c, et même b et c, puissent encore donner une sensation double; il suffit alors qu'il y ait simultanéité de deux sensations fortes, séparées par une sensation plus faible, sans avoir besoin de recourir à une lacune complète dans l'excitation sensitive. Le nombre d'éléments inexcités ou moins excités nous permet de juger de la distance qui sépare les deux corps en contact avec la peau ; aussi comprend-on facilement que, sur les régions plus pauvres en nerfs, les deux pointes ne donneront qu'une sensation simple pour le même écart des deux branches. Quel est maintenant l'élément de la sensation tactile, l'unité tactile, si on peut s'exprimer ainsi? C'est probablement une sensation simple, analogue aux sensations qui constituent le fourmillement, ou à celles qu'on éprouve par la compression légère d'un nerf, le nerf cubital, par exemple, mais atténuée par l'épiderme. Il y aurait donc là, comme élé- ment spécial, une fulguration légère, une sorte d'étincelle sensitive correspondante à l'excitation d'une fibre nerveuse isolée, La sensation tactile que, jusqu'ici, nous avons considérée comme simple, ne serait donc, dans ce cas, qu'une sensation composée d'un certain nombre d'unités, de même qu'un son qui nous parait simple est, en réalité, composé de plusieurs sons et de plusieurs excitations nerveuses. Quand, d'un autre côté, l'excitation devient trop intense, les fulgura- tions partielles se fusionnent en une sensation que nous appelons douleur. TOUCHER. 887 b. — Sensations de température. 1° Des conditions de i^roduction des sensations de température. Les sensations de température ou mieux de chaleur ou de froid reconnaissent pour cause une variation brusque de tempé- rature de la peau ; la température de la peau, résultante immé- diate de la température du sang qu'elle reçoit, est un peu au- dessous de la température des parties profondes, et supérieure, en général, à la température de l'air ambiant ; aussi, sauf de rares exceptions, la peau subit : 1" une déperdition continuelle de calo- rique au profit de l'extérieur ; 2" un apport continu de calorique au détriment de l'intérieur. Cette perte et cet apport s'équili- brant, la température de la peau reste constante, et nous n'avons aucune sensation. Mais si l'équilibre se rompt brusquement, si la perte ou le gain sont trop intenses, cette variation impressionne les nerfs cutanés qui la transmettent aux centres nerveux , d'où sensation de température; cette sensation se produit donc quand l'unité de surface de la peau reçoit ou perd, dans l'unité de temps, une quantité déterminée de calorique (non encore mesurée). De ce qui précède, il résulte que la sensation de froid pourra reconnaître pour causes : 1" Un apport moindre de calorique de l'intérieur, exemple : diminution de l'aHlux sanguin par rétrécissement des artères cutanées ; 2° Un abandon plus grand de calorique au milieu extérieur ; ainsi si l'on met en contact avec la peau un corps plus froid qu'elle, ou meilleur conducteur, ou plus froid que ceux qui la tou- chaient précédemment. De même, la sensation de chaleur se produira : r Si la peau reçoit plus de calorique de l'intérieur (afflux sanguin) ; 2'' Si elle en abandonne moins à l'extérieur ou si (^Ile en reçoit de l'intérieur. Tous les corps, quel que soit leur état, solide, liquide ou gazeux, 888 PHYSIOLOGIE FOKCTIO.\?s'ELLE. sont susceptibles de déterminer des sensations de température ; deux clioses seulement sont à considérer : la température du corps en contact et sa conductibilité. Si la température du corps est trop basse ou trop élevée, la sensation de température dis- paraît pour faire place à la douleur ; la conductibilité du corps aura aussi un rôle important. A température égale, les corps meil- leurs conducteurs, les métaux par exemple, déterminent avec plus d'intensité les sensations de cbaleur ou de froid ; cette con- ductibilité peut même compenser des différences notables de température. Si, l'air étant à l?"*, on plonge la main dans de l'eau à 18°, on a une sensation de froid, quoique le corps en contact avec la main soit plus chaud ; mais l'eau est un meilleur conducteur que l'air, et la main perd, dans le même temps, une plus grande quantité de calorique. C'est pour la même raison qu'un morceau do métal paraît plus froid (ou plus chaud) qu'un morceau de bois à la môme température. 2" Caractères des sensations de température. Les sensations de température sont de deux espèces : sensation de froid, sensation de chaleur ; quoique leur cause soit essen- tiellement la même et qu'il n'y ait au fond que des différences de degré, cependant l'esprit a la perception de deux sensations dif- férentes. Quand ces deux sensations ont une très-grande inten- sité, elles se transforment peu à peu en sensation de douleur qui, d'abord, a un caractère particulier pour la chaleur et pour le froid, mais qui, au maximum d'intensité, prend pour les deux le caractère d'une brûlure. Les sensations thermiques simultanées ou successives sont d'autant mieux perçues qu'il y a plus de différence de tempéra- ture entre les deux corps en contact avec la peau. Pour explorer la sensibilité thermique de la peau, on peut se servir d'un com- pas dont les deux pointes sont inégalement chauffées, ou de ïœsthésiomètre de Liégeois. Cet instrument est construit sur le même principe que l'aîsthésiomètre delà figure 229 ; seulement les pointes sont en rapport avec deux petits prismes creux qu'on peut remplir de liquide à une température donnée. On voit alors que V écart minimum entre ks deux pointes est plus faible quand ces pointes sont à une température différente. TOUCHER. • 889 La sensibilité thermique des différentes régions de la peau ne suit pas exactement la topographie de la sensibilité tactile. Cette sensibihté est, au maximum, sur certaines parties de la face, joues, paupières, pointe de la langue, conduit auditif; elle est moindre aux lèvres ; elle est très-faible au nez. Sur le tronc, la ligne médiane est moins sensilde que les parties latérales -, la poitrine est plus sensible en bas qu'en haut ; le ventre l'est plus que le dos ; sur les membres, la sensibilité augmente à mesure qu'on se rapproche de la racine du membre ; au bras et à la cuisse, le côté de l'extension est plus sensible que celui de la flexion : c'est l'inverse à l'avant-bras et à la jambe. Le froid, la cha- leur (45°) diminuent la sensibilité. Il en est de même de l'épais- seur de l'épiderme (mauvais conducteur). Certaines températures s'apprécient plus facilement que d'au- tres ; ainsi, pour l'eau, on apprécie le mieux les différences de température de 27° à 33°, puis en^-c 33° et 37°, puis entre 14° et 27°. Cette appréciation se fait en plongeant successivement le même doigt dans les deux liquides, ou successivement deux doigts symétriques ; on peut distinguer ainsi des différences de 1/G^ de degré (Réaumur). La durée des sensations de température déplisse la durée de l'application de l'excitant ; on a ainsi des sensations consécutives de froid et de chaud ; cette durée est même assez longue. Ainsi, si on met en contact, i)endant quelque temps, le front avec un corps froid, un morceau de métal, par exemple, on a une sen- sation consécutive de froid assez prolongée, et cette sensation présente ce caractère particulier de n'être pas uniformément décroissante, mais de présenter des espèces de redoublements d'intensité (4 à 5). L'intensité de la sensation dépend d'abord de la température même du corps en contact et de sa conductibilité, autrement dit de la rapidité du changement de température de la peau ; en second lieu, de l'étendue de la surface impressionnée -, de l'eau paraît plus chaude (ou plus froide) quand on y plonge la main entière que quand on y plonge le doigt seulement. La localisation des sensations thermiques se fait toujoiu^s à la surface touchée ; mais cette locahsation est moins nette et plus diffuse que celle des sensations tactiles. Certaines muqueuses sont douées de la sensibilité à la tem- 890 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. pératiire ; telles sont les muqueuses buccale, pharyngienne (le voile du palais fait percevoir des différences de deux degrés), la partie inférieure du rectum, etc.; d'autres, comme les muqueuses stomacale, intestinale, utérine, etc., en sont tout à fait dépour- vues. La sensibilité des muqueuses pour la température est, en général, moins développée que celle de la peau. Si, par exemple, pendant qu'on boit un liquide chaud, comme du café, on trempe la lèvre supérieure dans la tasse de façon que la partie cutanée de la lèvre soit en contact avec le liquide, on a immédiatement une sensation de brûlure. L'influence de l'exercice, de l'habitude, de la fatigue, a été peu étudiée. Les sensations de température peuvent être le point de départ de réflexes, différents pour les sensations de froid et de chaud; pour le froid, les réflexes portent surtout sur le système muscu- laire lisse (chair de poule) ou strié (frissons, claquement des dents); il faut distinguer dans ces cas l'etfet réflexe de l'influence locale directe. • Les sensations thermiques, comme les sensations de contact, ont leur siège dans les parties superficielles de la peau; ainsi, elles dispa- raissent, comme ces dernières, dans les cicatrices superficielles du derme. Comme le contact a pour organes les corpuscules de Meissner, il est probable que les sensations de température ont pour siège le réseau nerveux de la couche de Malpighi, et cette hypothèse s'accorde avec la diffusion plus grande et la localisation moins bien définie des sensations de température. Les sensations thermiques et les sensations tactiles ont, du reste, beaucoup de points de, ressemblance; si on recouvre la peau de collo- dion en laissant un trou central où la peau est à nu et qu'on fasse agir sur la peau tantôt Je contact (pinceau, bâton, ouate), tantôt la chaleur (métal incandescent, lentille], la cause de la sensation est parfaitement reconnue à la paume de la main (le sujet en expérience a naturelle- ment les yeux fermés) ; mais, sur le dos de la main, G fois sur 105 expériences, la chaleur est prise pour le contact, et, sur le dos, le nombre des erreurs atteint 12 sur 30 expériences (Wunderli et Fick). Cependant, d'un autre côté, les deux sensations, chaleur et contact, peuvent coexister au même endroit sans se confondre, et, dans des cas pathologiques, il peut arriver que la sensibilité tactile et la sensibilité à la température soient, Tune abolie, l'autre conservée. Il semblerait donc que ces sensations aient pour siège et pour conducteurs des organes SE.XSATIO-XS MUSCULAIRES. 891 et des filets nerveux spéciaux, sans cependant qu'on puisse en donner la démonstration. Bibliographie. — TVeber : Tastsinn und Gemeingefûhl ; dans : Wagner't Eand- uôrterbiich der Physiologie. 6° SENSATIONS MUSCULAIRES. V Sens ou conscience musculaire. On donne le nom de sens ou conscience musculaire à la notion que nous avons de la contraction des muscles. Mais il faut dis- tinguer avec soin, dans cette sensation, la perception du mouve- ment musculaire même et la perception de l'intensité de lefTort de volonté par lequel nous cherchons à faire agir les muscles. La seconde, en effet, comme l'a montré Helmholtz, peut exister parfaitement en l'absence même de toute contraction muscu- laire ; c'est ainsi que nous apprécions la position de la hgne visuelle, non d'après la tension des muscles, mais d'après l'effort de volonté par lequel nous cherchons à changer la position de l'œil. Soit, par exemple, un cas de paralysie du muscle droit externe de l'œil droit, l'œil ne peut plus se porter dans l'abduc- tion ; si alors le patient tourne le regard à droite, les objets lui semblent se déplacer dans la même direction, quoique son œil droit soit resté immobile ; il est persuadé que la ligne visuelle s'est déplacée à droite, et, comme les images rétiniennes n'ont pas changé de position sur la rétine de l'œil paralysé, il croit voir les objets participer au mouvement qu'il attribue d'une ma- nière erronée au globe oculaire. Onpeut appeler cette perception senliment de ï effort musculaire volontaire ; on pourrait peut- être lui réserver le nom de conscience musculaire. L'autre espèce de sensation, sens musculaire proprement dit, nous donne la notion de la contraction musculaire elle-même. Nous connaissons ainsi : r L^ énergie de la contraction, c'est-à-dire la force avec laquelle le muscle se contracte; c'est par ce moyen cpie nous apprécions, en les soupesant, le poids des objets et la résistance que les corps extérieurs opposent à la contraction musculaire. Dans cette notion du poids, le sens musculaire vient en aide à la sensation 892 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. tactile de pression qui, à elle seule, ne nous donnerait que des notions insuffisantes. Quand la contraction musculaire se produit sans soulèvement d'un poids, nous rapportons la sensation au muscle; quand, au contraire, nous soulevons un poids, nous sentons l'objet lui-même; puis, à mesure que la fatigue vient, la sensation de l'oljjet disparaît pour faire place à la sensation musculaire ; 2° Létendue du raccourcissement ou l'excursion du mouvement (précision du mouvement) ; o° La rapidité de la contraction (agilité du mouvement) ; 4" La durée du mouvement ; b"* Ld, direction du mouvement; cette notion est une notion complexe due à l'adjonction de sensations tactiles et vi- suelles ; 6° La position des membres et du corps ; ce n'est plus là seu- lement une sensation de contraction musculaire, mais souvent aussi une sensation de tension passive des muscles, comme dans le décubitus dorsal ; c'est grâce à ces sensations que nous savons, même dans l'obscurité et sans l'intervention du toucher ou de la vue, la position occupée dans l'espace par nos membres. On a donné aussi à cette notion le nom de sens de stabilité, sens de Vèquilihre. Cette notion joue un trùs-grand rôle clans la station, la marche' et, en général, dans tous les mouvements que nous exécutons. La perte de ce sentiment de stabilité ou d'équilibre constitue le vertige. La fatigue musculaire est une sensation particulière que tout le monde connaît et qui, à un degré extrême, se transforme en une sensation de brisement. La fatigue persiste dans les muscles même après la section des nerfs cutanés du membre. Dans certains cas, les contractions musculaires sont douloureuses, et on a donné le nom de crampes aux douleurs spéciales qui accompagnent ces contractions. Les muscles sont, du reste, insensibles aux excitants géné- raux ; on peut les piquer, les couper, les brûler sans provoquer de douleur. Quand l'organisme est en bonne santé, on éprouve un senti- ment général de bien-être, de légèreté dans le corps et dans les membres (euphorie) qui paraît être aussi une sensation mus- culaire. SE.XSATIO.XS MUSCULAIRES. 893 2" Sensations musculaires spéciales. Les sensations musculaires décrites ci-dessus n'appartiennent guère qu'aux musiles du squelette. Mais il est d'autres sensations qui doivent être aussi rapporlées aux muscles et qui se distin- guent des précédentes par des caractères particuliers. Pour quel- ques-unes même, le doute existe encore pour savoir si elles doivent être rattachées aux sensations musculaires. Telles sont la faim, la nausée (muscles du pharynx et du voile du palais), le besoin d'aller à la selle, le besoin d'uriner, les sensations oculaires qui accompagnent l'envie de dormir (releveur de la paupière supérieure et globe oculaire), la sensation musculaire du plan- cher buccal qui précède le bâillement, le besoin de respirer, les contractions utérines (douleurs), les sensations génitales qui accompagnent l'érection et l'éjaculation (sens de la volupté), etc. Certains muscles, comme le cœur, ne donnent lieu, à Uétat nor- mal, à aucune sensation. 3° Innervation musculaire sensitive, La question de savoir s'il y a des nerfs spéciaux pour la sen- sibilité musculaire, n'est pas encore résolue. Trois théories prin- cipales existent sur ce sujet : 1" Pour les uns, il n'y a pas de fibres sensibles musculaires spéciales; nous connaissons uniquement la quantité d'innervation envoyée au muscle; nous avons la notion de la contraction voulue et non de la contraction exécutée ; nous percevons lintention et non le fuit. Cette noiion, comme on Fa vu plus haut, est réelle, mais elle n'est pas la seule et elle ne suffit pas pour expliquer tous les phénomènes. 2" Pour d'autres, nous ne connaissons la contraction d'un muscle que par les sensations engendrées dans la peau ou la muqueuse qui le recouvre lAuberli; ce serait donc une pure sensation tactile. Rauber a modifié Ihypotbèse, qui ne pouvait s'appliquer aux muscles profonds et aux muscles viscéraux (diaphragme, etc.i, en affectant à la sensibi- lité dite musculaire les corpuscules de Pacini, corpuscules qui seraient comprimés pendant la contraction musculaire. L'hypothèse de Rauber me paraît se réaliser dans certains cas, et il est très-probable, en effet, que c'est là l'usage des corpuscules de Pacini qu'on trouve dans le voi- 894 PHYSIOLOGIE FOKCTIO>\N ELLE. sinage des articulations ; mais elle ne suffit pas non plus pour tout expliquer. 3° Enfin, d'autres auteurs (Arnold, Brown-Séquard, etc.), et il me paraît difficile d'écliapper à cette nécessité, admettent des fibres cen- tripètes qui iraient des muscles aux centres nerveux et transmettraient à ces centres la sensation de la contraction musculaire faite et exécutée. C. Sachs a fait des reclierches récentes sur les nerfs sensitifs des muscles; il a vu l'excitation du nerf musculaire du couturier, chez la grenouille, provoquer des contractions réflexes circonscrites ou géné- rales, même après la section des racines antérieures motrices du nerf sciatique qui paralyse tous les muscles de la patte. L'excitation, par rammoniaque_, de la coupe du couturier idans sa partie dépourvue de nerfs) produit de même un réflexe généralisé. Il semblerait donc, d'a- près ces expériences, que la contraction des muscles striés détermine une excitation qui est transmise par des nerfs sensitifs aux centres nerveux, et que cette contraction s'accompagne d'une sensation spé- ciale qui lui correspond. 7° SE^'SATIONS INTERNES. Les sensations internes se distinguent des sensations précé- dentes par leur indétermination, la difficullé de les localiser dans une région précise et surtout par ce caractère essentiel qu'elles ne nous font connaître que des états de l'organisme sans jamais nous mettre en rapport avec les objets extérieurs ('). Ces sensations internes sont excessivement multipliées ; chaque fonction, pour ainsi dire, s'accompagne de sensations particu- lières qui, très-souvent, passent inaperçues à cause de leur faible intensité, et grâce à l'habitude, mais qui deviennent percepti- bles dès qu'elles acquièrent une certaine intensité et peuvent même, dans certains cas, arriver à un degré de violence insoute- nable pour l'organisme. Ces sensations internes sont de deux ordres : les unes correspondent au non-exercice de la fonction ; ainsi, qu'on retienne pendant quelque temps sa respiration, on sentira bientôt une gêne considérable de la région pectorale (attaches du diaphragme), un besoin de respirer qui, à la longue, devient intolérable ; la faim, la soif, l'envie de dormir, etc., sont des sensations du même ordre, et on leur donne, en général, le (*) Cependant cette distinction n'est pas absolue; le sens musculaire, par exemple, offre, à ce point de vue, la transition entre les sensations spé- ciales et les sensations internes. SENSATIONS INTERNES. 895 nom de besoins. A un degré très-léger d'intensité, ces besoins ont quelquefois un caractère agréable (appétit, besoin sexuel), mais dès qu'ils atteignent une certaine force, ils deviennent rapidement désagréables, puis douloureux. Quelques-uns, comme la nausée, par exemple, sont toujours désagréables. Une seconde catégorie de sensations internes correspond à l'exercice des fonctions ; ainsi quand, après avoir retenu notre respiration, nous respirons largement, la pénétration de l'air dans les voies aériennes s'accompagne d'une sensation de bien- être, de courant d'air pur dans les poumons ; la satisfaction de la faim et de la soif, l'exercice musculaire, etc., nous offrent le môme genre de sensations qui peuvent atteindre une intensité très-grande, comme dans les sensations voluptueuses du coït. On peut les appeler sensations internes fonctionnelles. Enfin la douleur, avec ses manifestations multiples, constitue un troisième groupe de sensations internes. Nous allons passer rapidement en revue chacun de ces groupes de sensations internes. 1° Besoins. La faim, quoique assez vaguement localisée, paraît avoir son siège dans la région épigastrique. Au début, la sensation de la faim est agréable (appétit), puis elle devient peu à peu doulou- reuse et même atroce (sensations de tiraillement, de torsion, de pincement de l'estomac). La faim est satisfaite par l'introduction des aliments dans l'estomac avant même que la résorption des produits de la digestion ait pu se faire ; l'introduction de subs- tances non digestibles peut la suspendre pour quelque temps ; il en est de même de l'usage de l'alcool, du tabac, de l'opium. La sensation de la faim parait due en partie aux contractions des libres musculaires stomacales, en partie peut-être aussi aux nerfs sensi- tifs de la muqueuse ; en tout cas, la section des pneumogastriques, chez les chiens, n'aboht pas la sensation de la faim (Sédillot), ce qui semble indiquer, au moins dans certaines conditions, une ori- gine centrale, sans qu'on puisse encore préciser le siège de ce centre nerveux. Il doit cependant être placé dans la moelle allon- gée, car les fœtus anencéphales tètent et ont, par conséquent, la sensation de la faim. 896 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO >\\ELLE. La 50/7 se localise dans le pharynx et dans la bouche, spécia- lement à la base de la langue et au palais, et la sécheresse qui la caractérise se fait surtout sentir quand ces organes se mettent au contact lun de l'autre. Cette sensation a pour conditions, soit une diminution de la quantité d'eau de tout l'organisme, comme à la suite de sueurs abondantes ou de diarrhée, soit une séche- resse de la muqueuse par causes purement locales, respiration par la bouche, arrêt de la salivation, etc. Les conditions nerveu- ses de la sensation de la soif sont encore peu connues. Elle n'est pas aboUe par la section des glosso-pharyngien, pneumogastri- que, hngual (Longet, Schiff) ; peut-être doit-elle être rapportée à l'excitation de filets sympathiques. Schiff en fait une sensa- tion générale, qu'il est impossible de rattacher à des nerfs par- ticuliers. 11 n'y a pas lieu de donner ici une description spéciale des autres besoins. 2° Sensations internes fonctionnelles. Je ne parlerai ici que des sensations voluptueuses qui accom- pagnent le coït. Ces sensations sont dues en partie aux nerfs sensitifs de l'appareil génital, en partie aux contractions des mus- cles striés et lisses du même appareil. Chez la femme, ces sen- sations tiennent à l'excitation mécanique des nerfs sensitifs du vagin, du clitoris et de la face interne des petites lèvres, et aux contractions musculaires du constricteur du vagin, de l'ischio- caverneux et des fibres lisses des organes génitaux. Chez l'homme, les mêmes conditions interviennent : excitation des nerfs de la peau du pénis et du gland, contractions des muscles du périnée et des fibres lisses du canal déférent, des vésicules séminales, de la prostate, etc. La preuve que l'excitation mécanique des nerfs sensitifs joue un rôle moins important que la sensibilité muscu- culaire dans ces sensations, c'est que les rêves erotiques chez l'homme et chez la femme s'accompagnent des mêmes sensations voluptueuses quoique l'excitation mécanique des nerfs sensitifs soit absente. Au moment de l'éjaculatiou. la sensation volup- tueuse, d'abord localisée à l'appareil génital, paraît se généraliser en même temps qu'elle augmente d'intensité, et il semble qu'une grande partie du système musculaire lisse de l'organisme y SENSATIO-XS INTERNES. 897 prenne part (appareil musculaire de l'utérus et des annexes, fibres lisses du mamelon, muscles lisses de la peau, etc.). 3" Douleur. La douleur n'est pas la simple exagération d'une sensation normale ; elle apparaît bien, il est vrai, quand la sensation acquiert une intensilé trop forte, mais il y a quel([ue chose de nouveau, un élément particulier qui se surajoute à la sensation primitive. La sensation de douleur se montre surtout dans les organes qui sont doués de la sensibilité tactile ; mais on la rencontre aussi dans les muscles et dans les organes qui, à l'état normal, ne nous donnent aucune sensation, os, viscères, etc. Elle est moins accen- tuée et se présente moins fréquemment dans les nerfs des sens spéciaux, mais elle y existe cependant, quoique certains physio- logistes prétendent le contraire; la fatigue rétinienne, par exem- ple, n'est qu'une forme de douleur. On peut donc dire dune façon générale que toutes les parties pourvues de nerfs peuvent devenir le siège de sensations douloureuses. Au point de vue de la production de la douleur, les organes peuvent se comporter de deux façons: les uns, comme la peau, la cornée, etc., sont sensibles aux excitations provenant de l'ex- térieur; la piqûre, la section, etc., y déterminent de la douleur; les autres, au contraire, comme les muscles, peuvent être pi(|ués, coupés, dilacérés, sans qu'il y ait douleur : ils sont, comme on dit, insensibles, quoique cependant ils puissent être le siège de dou- leurs par cause interne, comme celles de la crampe, de la fatigue. La localisation des sensations douloureuses se fait, en général, d'une façon peu précise. Quelquefois, il est vrai, elles se fixent dans un point déterminé ou suivent les ramifications nerveuses, mais le plus ordinairement et surtout quand elles occupent les organes profonds, elles sont diffuses et ne peuvent être exacte- ment localisées. L'intensité de la douleur dépend de l'intensité de l'excitation et de sa durée d'application, de l'excitabilité de l'individu et de celle de la partie impressionnée ; la quantité de fibres nerveuses excitées a aussi une très-grande importance. Si on plonge le doigt dans de l'eau à iO", on ne ressent aucune douleur; si on y plonge la main tout entière, on a une sensation de brûlure. Beaunis, Pliys. 57 898 PHYSIOLOGIE FONCTION^'ELLE. La douleur présente, suivant les régions, le mode d'excitation, etc., des différences de caractère que nous exprimons par les dénominations les plus variées; mais, jusqu'ici, uous ignorons tout à fait à quelles conditions organiques des nerfs correspon- dent ces variétés de la sensation-douleur, et il nous est impos- sible de dire pourquoi une douleur est aiguë, lancinante, téré- brante, pongitive, etc. La question de savoir s'il y a, pour les sensations de douleur, des nerfs spéciaux indépendants des autres nerfs sensitifs, n'est pas encore tranchée. Les faits pathologiques tendraient à le faire admettre ; on trouve, en effet, des cas dans lesquels la sensibihté tactile est conservée, la sensibilité à la douleur étant abolie, et inversement; autrement dit. il peut y avoir analgésie sans anes- Ihésie, et anesthésie sans analgésie. (Voir : Centres nerveux.) ISiblio^i^i'apliie. — Lecat : Traité des sensations, 17fi7. — G. P. Tortual : Die Sinne des Menschen, 1827. — Pukkixje : Sinne im Ail gemeinen ; dans: Wagner's Handnœrtcrhuch, 18411. — Fechnkk : Elemente der Psychophysik, 1860- — FiCK : Lehrbuch der Anat, und Phys. der Sinnesorgane, 1SG4. 2. — PHYSIOLOGIE DES NERFS. i" NERFS RACHIDIENS. Procédés. — Mise a nu des racines rachidiexxes. — 1° Grenouille. On met à découvert les derniers arcs vertébraux par l'incision de la peau et la dissection des muscles des gouttières; on coupe ensuite de chaque côté, avec des ciseaux fins et assez forts, le dernier arc verté- bral, puis les suivants en prenant bien garde de léser la moelle; les racines antérieures sont cachées parles postérieures; la neuvième est très-voUimineuse; la dixième est très-fine et accolée au fil terminal; les septième, huitième et neuvième forment fiscliiatique qui fournit le nerf sciatique et le nerf crural; on peut alors sectionner isolément chaque racine. — 2° Chien. Chez le chien, on peut opérer sur la deuxième paire cervicale sans ouvrir le canal vertébral; si on opère sur la région lom- baire, il faut ouvrir le canal rachidien (voir Moelle). Après avoir laissé reposer l'animal, on explore la sensibilité des racines et on peut les sectionner isolément. Le procédé est le même chez le chat, le lapin, le cochon d'Inde, etc. Section du grand nerf auriculaire (lapin). — Il se trouve en arrière de la face postérieure de l'apopliyse transverse de l'atlas, au côté in- terne et ensuite au côté postérieur du cleido-mastoïdien; il est recou- vert immédiatement par l'aponévrose cervicale. PHYSIOLOGIE DES >ERFS. 899 Section du nerf phrénique {lapine — [''A son origine (voir Section des branches du plexus brachial). — 2° A la partie inférieure du cou. On incise la peau sur la ligne médiane ; le nerf se trouve en dehors des insertions du sterno-mastoïdien, au confluent de la veine jugulaire externe et de la sous-clavière. Section des nerfs d'origine du plexus brachial (lapin). — 1° Cin- quième et sixième nerfs cervicaux gauches. Position dorsale; le mem- bre supérieur est tiré en bas; la tète et le cou sont inclinés du côté opposé; l'incision cutanée tombe sur l'épine de l'omoplate ; on sectionne le releveur de l'omoplate et la partie supérieure du trapèze dans la direction de leurs libres; le cinquième nerf cervical se trouve en avant des scalènes antérieur et moyen ; on s'oriente sur les apo- physes transverses des vertèbres cervicales. — 2" Euitième nerf cer- vical et premier dorsal [à droite). Position dorsale ; on incise la peau sur la ligne médiane; on détache les muscles pectoraux de leurs attaches au sternum ; on met à découvert la veine et l'artère sous-cla- vière qu'on récline en haut; le tronc provenant des deux nerfs cher- chés se trouve au-dessus, en arrière et en avant du scaléue antérieur. (Voir Krause, Anat. des Kaninchens.) Section du nerf médian (lapin). — On incise la peau à la parlie moyenne du bras, parallèlement au bord interne du biceps; le nerf est sous l'aponévrose en avant de l'artère humérale et du nerf cubifaL Section du nerf crural. — Le nerf a les mêmes rapports que cliez l'homme. Section du nerf sgiatique. — On le trouve à la parîie supérieure et moyenne de la cuisse, entre le biceps et le demi-membraneux. On peut aussi le découvrir plus haut en traversant les ûbres des muscles fessiers. 1° Ecicines des nerfs rachidiens. r Racines postérieures. — Les racines postérieures sont sen- sitives. Après la section de ces racines, les parties qui reçoivent leurs nerfs des racines sectionnées sont insensibles; si on excite (électricité, piqûre, etc.) le bout périphérique, aucun phénomène ne se produit: si on excite le bout central, il y a des signes de douleur (cris, mouvements) ou simplement des mouvements ré- flexes. La transmission dans les racines postérieures est donc centripète. En outre, la section de ces racines n'abolit pas la molilité dans les parties correspondantes. En effet, si, après leur section, on pique la peau d'une autre région, des mouvements se produisent dans la région qui correspond aux racines sec- 900 PHYSIOLOGIE FO>'GTIO>'NELLE. tionnées. L'excitabilité des racines postérieures disparaît très-vite après la mort. 2° Racines antérieures. — Des expériences analogues mon- trent que ces racines sont motrices. Après leur section, les par- ties innervées par elles ont perdu leurs mouvements ; l'excitation du bout central ne produit rien, l'excitation du bout périphérique amène des contractions énergiques. Ces contractions peuvent se montrer dans les muscles lisses comme dans les muscles striés. D'après Steinmann, E. Cyon, etc., l'excitabilité des racines anté- rieures serait sous l'influence des racines postérieures ; celles-ci enverraient aux racines antérieures des excitations continuelles qui maintiendraient la tonicité musculaire, de sorte que, après leur section, la hauteur de contraction des muscles diminuerait. Si on adapte au myographe de Marey un muscle (gastrocnémien de gre- nouille) chargé d'un poids (de 20 à 30 grammes), dès qu'on coupe les racines postérieures, la courbe tracée indique un allongement du muscle (E. Cyon). Ces résultats ont été contredits par plusieurs observateurs. L'excitabilité des racines antérieures persiste assez longtemps après la mort. Les racines antérieures contiennent en outre une partie des fibres vaso-motrices. (Voir Nerfs vaso-moteurs.) Sensibilité récurrente. — MagendieetCl. Bernard ont cons- taté que les racines antérieures sont aussi sensibles; seulement cette sensibilité présente des caractères particuliers, elle dispa- raît après la section de la racine postérieure correspondante; il semble donc que cette sensibihté leur vienne de la racine posté- Fig. 234. — Sensibilité récurrente. (Cl. Bernard.) rieure; en outre, elle paraît leur venir de filets récurrents (A, fig. 234) qui partent du gangUon de la racine postérieure H et arri- PHYSIOLOGIE DES >"ERFS. 901 vent à la racine antérieure Y par son bout périphérique: aussi si, la racine postérieure restant intacte, on coupe la racine anté- rieure, son hout périphérique reste sensible, tandis que son bout central est insensible. L'épuisement fait disparaître très-vite la sensibilité récurrente. Le lieu où se fait la récurrence du filet seusitif postérieur pour gagner la racine antérieure est encore indéterminé. D'après Cl. Bernard, la communication des deux racines se ferait à la périphérie, car la section des nerfs mixtes provenant de la jonction des deux racines abolit la sensibilité récurrente. A. Bouchard a constaté cependant chez quelques animaux, mouton, lapin, des filets récurrents se rendant direc- tement de la racine postérieure à la racine antérieure. D'après Brown-Sequard, les fibres nerveuses affectées à la sen- sibilité musculaire passeraient aussi par les racines antérieures ; chez la grenouille, les mouvements volontaires persisteraient avec leur précision habituelle après la section des racines posté- rieures: mais l'expérience n'a pas donné le même résultat à d'au- tres physiologistes. Les lois suivantes régissent la distribution des fibres des ra- cines rachidiennes : r Les fibres fournies par une racine ne paraissent pas dépas- ser la ligne médiane : 2° Chaque muscle ou chaque région cutanée reçoit ses fibres nerveuses de plusieurs racines, de sorte qu'une section d'une seule racine n'amène pas une paralysie complète : 3° Les racines antérieures sont en rapport réflexe avec les ra- cines postérieures correspondantes. Les altérations qui succèdent à la section des racines rachi- diennes ont été étudiées page 292. 2" Xerfs rachidiens. Les nerfs rachidiens peuvent contenir : T' des filets provenant des racines postérieures ; 2° des filets provenant des racines an- térieures: 3° des filets sympathiques, et leurs propriétés physio- logiques dériveront nécessairement de la pro])ortiou de ces différents filets dans le nerf. On les distingue habituellement en sensitifs, moteurs et mixtes, mais il ne faut pas oublier que les nerfs sensitifs contiennent aussi des fibres vaso-motrices, et que 902 PHYSIOLOGIE FOCTIO.XNELLE. les nerfri moteurs reDferment très-probablement des nerfs de sen- sibilité musculaire en outre des filets vaso-moteurs des muscles. Il n'y a donc pas lieu de traiter à part la physiologie des nerfs rachidiens, puisqu'elle se confond avec la physiologie des nerfs .sensitifs, moteurs et vasculaires. 2*" XERFS CRANIENS. a. — Nerf olfactif. Procédés. — Pour détruire les lobes olfactifs ou les nerfs olfactifs avant leur passage à travers la lame criblée, on applique une couronne de trépan sur le frontal et on peut arriver facilement sur les nerfs. Le nerf olfactif est le nerf de l'odorat. Après sa destruction, l'a- nimal ne peut plus percevoir les odeurs, mais il est encore sensible aux excitants tactiles, comme l'ammoniaque. Magendie, reprenant une opinion déjà émise par Diemerbrock et Méry, a prétendu que l'odorat survivait à la destruction des nerfs olfactifs; mais ses expériences ont été contredites par presque tous les physiolo- gistes. (Voir à ce sujet Cl. Bernard : Leçons sur la phys. et la path. du système nerveux, t. II, p. 226 et suivantes.) b. — Nerf optique. Procédés. — Section du nerf optique. — i° Section dans le crâne (/«i)i«j. Le nenrotome est introduit comme pour la section du trijumeau (voir Trijumeau); Linstrument est porté en avant et en dedans, le long de la face postérieure de la grande aile du sphénoïde; l'opération réussit rarement. — 2'' Dajis ïorhite. On introduit le neurotome entre le globe de Tœil et la paupière supérieure, à la partie postérieure de Tapophyse orbitaire externe du frontal, on fait glisser l'instrument le long de la partie postérieure de l'orbite et on coupe le nerf en avant du trou optique. Le nerf optique est le nerf de la vision. Sa section produit la cécité; son excitation mécanique, électrique, etc., s'accompagne de sensations lumineuses subjectives; la lumière, quand elle est portée directement sur ses fibres, ne détermine aucune sensation; PHYSIOLOGIE DES NERFS. 903 elle ne peut agir sur lui que par Tin terme diaire de la rétine. (Voir Vision.) c. — Nerf moteur oculaire commun. Procédés. — A. Section. — 1° Section intra-crdnienne [lapin] ;pr. de Valentin. On traverse le crâne avec un neurotome comme pour la section intra-crànienne du trijumeau, mais dès qu'on arrive sur le corps du sphénoïde, on abaisse le manche de l'instrument et, en poussant un peu le neurotome, on sectionne le nerf; la blessure de l'artère carotide interne dans le sinus caverneux est ditTicile à éviter et amène une hé- morrhagie mortelle. — 2*' Section après ouverture du crâne. On enlève la voûte du crâne, les hémisphères ; on sectionne les lobes olfactifs et les nerfs optiques, et en soulevant le cerveau, on arrive facilement sur le moteur oculaire commun. On peut employer le même procédé sur les chiens et les oiseaux (pigeon). — 3" Section intra-orbitaire. On pénètre avec un crochet tranchant sur son bord concave par la paroi externe de l'orbite, et on saisit le nerf qui est libre sur l'extrémité antérieure du repli de la dure - mère qui vient s'insérer sur la selle turciqne. B. AuRAGHEMENT. — ProcédédcCl. Bernard [lapin). — Même procédé que le précédent, seulement le nerf est saisi avec un crochet mousse. C. ExcrTATiON DQ NERF. — [^ Excitûtion intra-crànienne. Le crâne est ouvert et le nerf mis à nu comme dans le procédé de section après ouverture du crâne. — 2° Excitation isolée des différentes branches du nerf. A. Action motrice. — Le nerf moteur oculaire commun est un nerf essentiellement moteur. Il innerve les muscles droits su- périeur, inférieur et interne de l'œil, le petit oblique, le releveur de la paupière supérieure, le sphincter de la pupille et le muscle ciliaire [fig. 235, III). r Action sur le releveur de la paupière supérieure. — Sa paralysie produit une chute de la paupière supérieure qui ne peut se relever, quoique l'œil puisse se fermer davantage par l'action de l'orbiculaire. 2" Action sur les mouvements du globe oculaire. — Ce nerf est l'agent des mouvements de l'œil en bas, en haut, en dedans, et des mouvemeats de rotation autour d'un axe antéro-posté- rieur. Après sa section et sa paralysie, le globe oculaire est dévié en dehors (strabisme divergent) par l'action combinée du droit 904 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. externe et du grand oblique, et les mouvements de rotation au- tour d'un axe antéro-postérieur sont partiellement abolis. 3" Action sur la pirpille. — Il innerve le constricteur de la pupille; son excitation ou sa galvanisation intra-crànienne pen- dant la vie ou immédiatement après la mort produisent un rétré- cissement de la pupille ('qui n'a pu cependant être constaté par Cl. Bernard). Xuhn a observé le même fait sur un décapité. Après la section du nerf, la pupille est dilatée et ne se rétrécit plus sous l'influence de la lumière: cette dilatation est persis- tante. Cependant la pupille peut présenter encore des mouve- ments : ainsi elle peut se dilater encore par la galvanisation du grand sympathique, par l'action de l'atropine, et pourrait même, dans certains cas, diminuer de grandeur par la section du sym- pathique ou de l'ophthalmique de Willis (Cl. Bernard). Les mê- mes phénomènes se présentent dans les cas de paralysie du nerf, sauf les cas de paralysie partielle où la dilatation pupillaire peut manquer. Une forte convergence des deux yeux suffit pour amener un rétrécissement de la pupille. 4" Action sur V accommodation. — L'action du nerf moteur oculaire commun sur l'accommodation est plus controversée, et les cas de paralysie ne tranchent pas complètement la question. En effet, dans certaines paralysies on a vu l'accommodation persister, mais alors les mouvements de l'iris n'étaient pas abolis non plus, et il est probable que la paralysie était incomplète. Les fibres d'accommodation paraissent avoir des rapports avec les fibres qui vont au releveur, car, tant que le releveur n'est pas paralysé, il n'y a pas de troubles de l'adaptation. Les expériences directes pourraient seules décider la question, mais elles sont très-délicates. Cependant V. Trautvetter, en excitant le tronc du nerf, a vu se produire des variations de l'image par réflexion de la face antérieure du cristallin, comme dans l'accommodation, mais il n'a pu les constater que chez les oiseaux et pas chez les mammifères. L'excitation directe des nerfs cihaires amène une saillie de la face antérieure du cristallin (Hensen et Vœlckers). L'influence du nerf moteur oculaire commun sur l'accommoda- tion explique pourquoi la pupille se rétrécit dans la vision des objets rapprochés, se dilate dans la vision des objets éloignés ; on peut ainsi, par la volonté, quoique indirectement, rétrécir ou di- later sa pupille. 5° Action sur la situation du globe oculaire, — La contrac- PHYSIOLOGIE DES NERFS. 905 tion des droits et de l'oblique inférieur maintient l'œil en situa- tion et s'oppose à ce qu'il soit refoulé en avant par la pression des parties molles post-oculaires; après sa section on remarque une saillie assez prononcée du globe oculaire. 6° Action sur la vision binoculaire. — Ce nerf, en mainte- nant la solidarité des deux axes optiques, assure la vision simple binoculaire; aussi, après sa paralysie, la diA'ergence de l'axe optique du côté paralysé produit la diplopie croisée. B. Action sur la sensibilité. — Le nerf moteur commun n'est pas sensible à son origine (Longet, Arnold), et la sensibilité qu'il présente plus loin est due à son anastomose avec l'ophtlial- mique. Cependant Yalentin et Adaimik croient qu'il contient, dès son origine, des fibres sensitives et disent avoir constaté des signes de douleur par son excitation intra-crànienne. D'après Cl. Bernard, son tronc , dans son trajet intra-crànien , présente des signes évidents de sensibilité récurrente due à l'oplithalmique. G. Anastomoses. — 1° A. avec fophthalmiqne. — Elle lui fournit sa sensibilité ; cette anastomose a été niée par Arnold et BischoIT. — 2° A. avec le plexus carotidien. — Elle fournit proba- blement les filets vaso-moteurs des muscles. — 3° L'anastomose avec la sixième paire, admise par quelques auteurs, n'existe pas. Bibliographie. — Fkaxcès : Essais sur la paralysie de la 3 paire, 1854. d. — Nerf pathétique. Procédés. — Section intra-crânienne et intra-orbitaire ; excita- tion. Mêmes procédés que pour le moteur oculaire commun, modiliés seulement d'après les rapports du nerf. A. Action motrice. — Le nerf pathétique innerve le grand oblique ; il détermine le mouvement de rotation de fœil par le- quel la pupille est portée en bas et en dehors. Sa section ou sa paralysie abolissent ce mouvement et il en résulte, par l'action du moteur oculaire commun, que la pupille se porte un peu en haut et en dehors (action du petit obhque) ; les objets sont vus dou- bles, mais les images doubles, au lieu d'être croisées, sont homo- nymes; l'image de gauche correspond à l'œil gauche et celle de droite à l'œil droit. B. Sensibilité. — Sa sensibilité est nulle. Cl. Bernard lui 906 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. attribue la sensibilité récurrente, mais il n"a pu la vérifier expé- rimentalement. C. Anastomoses. — T L'anastomose avec Tophthalmique ne paraît être qu'un simple accolement de fibres. — 2° L'anastomose avec le plexus carotidien fournit probablement les fibres fines (vaso-motrices) qui se trouvent dans le tronc du nerf. Biblios^raphie. — Szokalski : De VInJluence des muscles obliques sur la vision et de leur paralysie, 1840. e. — Nerf trijumeau. Procédés. — A. Section. — 1° Section intra-crânie)i7ie sans ouver- ture du crâne ilapin). On se sert d'un neurotome à lame triangulaire ou d'un instrument en forme de canif. La tète étant solidement fixée, on enfonce l'instrument entre la saillie du conduit auditif externe en arrière et la saillie du condyle de la mâchoire inférieure en avant; on traverse ainsi l'écaillé du temporal et on dirige l'instrument horizontale- ment en dedans le long du rocher, le tranchant tourné en avant, jus- qu'à ce que les cris de l'animal indiquent qu'on est arrivé sur le nerf; on tourne alors le tranchant en bas et on relève le manche de l'instru- ment de façon à couper le nerf; on retire l'instrument de la même façon en rasant l'os pour couper tout le tronc nerveux. Suivant qu'on est allé en avant ou en arrière, on coupe en avant ou en arriére du ganglion de Gasser ; suivant qu'on incline plus ou moins le tranchant en bas contre l'os, on coupe toutes les branches ou seulement les deux supérieures, ou l'ophfhalmique seule. Les accidents à crandre sont : la section de l'artère carotide interne, l'ouverture du sinus caverneux, la lésion du pédoncule cérébelleux moyen (reconnaissable aux mouvements de rota- tion du corps sur l'axe) ou celle du pédoncule cérébral (mouvement de manège*, la fracture du rocher avec lésion de l'acoustique ou du fa- cial, etc. — 2" Section après l'ouverture du crâne. Môme procédé que pour les autres nerfs crâniens. Pour les branches diverses de ce nerf, les ganglions sphéno-palatin et optique, etc., consulter les mé- moires spéciaux. B. Excitation intra et extra-crdnie?me. Mêmes procédés. 1° Branche ophthalmique de Willis. (Fig. 235, V.) A. Action sensitive. — La branche ophthalmique fournit la sensibilité (tactile, thermique, et sensibilité à la douleur) : T à la peau du front, du sourcil, de la paupière supérieure, de la racine PHYSIOLOGIE DES NERFS. 907 et du lobule du nez; 2" à la conjonctive palpébrale et oculaire, à la muqueuse des voies lacrymales, des sinus frontaux, à la partie antérieure de la muqueuse nasale; 3" à la cornée et à l'iris ; 4° au périoste et aux os des régions frontale, orbitaire et probablement nasale ; 5" elle fournit probablement la sensibilité musculaire Fig, 23o. — Innervation oculaire. (Figure schématique.) aux muscles intra-orbitaires (Sappey) et peut-être aussi aux mus- cles sourciller, frontal et orbiculaire des paupières. La section de l'ophttialmique abolit la sensibilité dans toutes ces parties. D'après Cl. Bernard, les fllets ciliaires qui se rendent au globe ocu- laire sont de deux sortes, directs et indirects. Les filets directs \fig. 235, 5) provenant du nasal, vont à l'iris et à la conjonctive; les filets indirects (4) passant par le ganglion ophthalmique vont à l'iris et à la cornée. Il y aurait donc indépendance entre la sensibilité de la cornée et celle de la conjonctive; et, en effet, elles peuvent être abolies l'une Fig. 235. — m. Xerf moteur oculaire commun. — IV, nerf pathétique. — V, nerf oph- thalmique (Je WiUis. — VI, nerf moteur oculaire externe. — C, carotide et plexus caroiidien. — 1, ganglion ophthalmique. — 2, sa racine motrice. — 3, sa racine sympathique. — 4, &a racine sensitive. — 5, filet ciliaire direct. — 6, muscle ciiiaire. — 7, iris. — 8, cornée. — 9, conjonctive. — 10, glande lacrymale. — il, nerf frontal. — 12, nerf nasal. — 13, filet récurrent. Dans cette figure schématique, comme dans les suivantes, les nerfs moteurs sont figurés par des lignes épaisses; les nerfs sensitifs, par des lignes pointillées ; les nerfs sympa- thiques ou vaso-moteurs par des lignes fines continues ; les nerfs glandulaires par des traits interrompus. 908 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. sans l'autre. Dans la mort par la section du bulbe, la cornée reste sen- sible quand la conjonctive est déjà insensible; c'est l'inverse dans la mort par la strycbnine; l'extirpation du ganglion ophthalmique abolit immédiatement la sensibilité de la cornée. Demaux (tlièse, 1843) cite un cas de paralysie du trijumeau, dans lequel l'œil était insensible, à l'ex- ception de la cornée. Barwinkel a prétendu récemment, en se basant sur des faits pathologiques, que la cornée devait sa sensibilité au sym- pathique. • B. Action sécrétoire. — La sécrétion de la glande lacrymale est sous l'influence .de l'oplithalmique. Cette influence, d'après Herzenstein et Volferz, s'exerce de deux façons : r Le nerf lacrymal agit directement sur la glande ; si on ex- cite son bout périphérique (lapin, chien, mouton), on obtient une sécrétion abondante ; sa section est suivie, au bout d'un certain temps, d'une sécrétion continuelle (paralytique?) ; 2° L'excitation des fdets sensitifs de la première (et de la deuxième) branche du trijumeau produit une sécrétion de larmes du côté correspondant; cette action réflexe ne se produit plus après la section du nerf lacrymal. G. Action nutritive ou trophique. — Après la section du trijumeau, Magendie et après lui tous les physiologistes ont si- gnalé des altérations spéciales du globe oculaire qui surviennent au bout de quelques heures chez le chien, plus lentement chez la grenouillé. La cornée se trouble et s'opacifie et devient le siège d'une véritable kératite qui peut aboutir à une ulcération et à une perforation delà cornée; la conjonctive rougit et s'enflamme, et il en est de même de l'iris [fig. 236, p. 909). Ces altérations s'ac- compagneraient en même temps d'une diminution de tension du globe oculaire (Kocher), et, en effet, von Hippel et Griinhagen ont vu une augmentation de tension du bulbe succéder à l'excitation du trijumeau. Ces troubles de nutrition ont été aussi observés dans plusieurs cas de paralysie du nerf. La cause de ces altérations a été très-controversée. Pour Snellen, elles reconnaissent une cause mécanique et sont dues aux chocs des corps étrangers dont l'animal ne peut se garantir, n'en ayant pas conscience à cause de l'insensibilité de la cornée; en couvrant l'œil avec l'oreille correspondante (restée sensible après la section du nerf), les altérations ne se produiraient pas. Ou les a attribuées encore au dessèchement de la cornée par l'air, soit par diminution de la sécrétion lacrymale (qui a été observée en PHYSIOLOGIE DES ^"ERFS. 909 effet), soit par absence de clignement; mais ces explications sont peu satisfaisantes, car ces^altérations ne se produisent pas quand on extirpe Ftg. 236. — Allérations de l'œil après la seciion du trijumeau. (Cl. Bernard.) la glande lacrymale ou quand on abolit le clignement par la section du facial. Un fait remarquable, c'est que les altérations de sensibilité de l'œil et les altérations de nutrition paraissent jusqu'à un certain point indé- pendantes les unes des autres.Magendie avait déjà remarqué que si on coupait le nerf avant son passage sur le rocher, les altérations de nu- trition étaient moins prononcées, tandis qu'elles étaient plus graves si on le coupait après le ganglion de Gasser, et le fait a été confirmé par Longet et Carnochan. Meissner, qui a étudié le phénomène de plus près, a vu que, chez le lapin, quand la seciion intra-crânienne respecte le bord interne du nerf, la conjonctive et la cornée sont insensibles, mais ne présentent pas trace d'inflammation, tandis que si la partie su- périeure et interne est seule coupée, la conjonctive et la cornée restent sensibles, mais sont atteintes par rinflammation. Les fibres sensitives et les fibres trophiques ne suivraient donc pas la même voie. Fig. 236. — I. OEil normal du côté non opéré; il y a à peine quelques vaisseaux grêles en a. — b, convexité normale de la cornée du cdlé sain. — II. OEil du côté opéré. — a' injection marquée delà conjonctive. — c, convexité de la cornée du côté opéré. 910 PHYSIOLOGIE FONCTIO>;>^ELLE. Maintenant une autre question se présente. Ces fibres appartiennent- elles au trijumeau ou lui viennent-elles du grand sympathique, comme le croyait Magendie? Magendie se basait sur ce fait que, après l'ablation du ganglion cervical supérieur, on observe des altérations de nutrition de l'œil correspondant. Mais Cl. Bernard a montré qu'il n'en était pas ainsi et que cette inflammation de la conjonctive ne se produisait que chez les animaux malades; au contraire, chez les animaux sains, il a vu une sorte d'antagonisme entre la cinquième paire et le grand sympa- thique; ainsi la section de la cinquième paire produit l'abaissement de température du côté correspondant de la tête, et l'ablation du ganglion cervical supérieur lui a paru, chez les animaux opérés du trijumeau, retarder l'apparition des phénomènes oculaires. SchifT et V. Bezold croyaient que ces altérations provenaient de la di- latation paralytique des vaisseaux sanguins par suite de la section des filets vaso-moteurs provenant de la moelle allongée; d'après des expériences récentes de Cl. Bernard, au contraire, elles seraient dues à la section des fibres vaso-dilatatrices qui arriveraient au nerf entre le cerveau et le ganglion; en efTet, la section du nerf à ce niveau amène des troubles de l'œil sans que les fibres soient dégénérées, ce qui em- pêche de rattacher ces lésions à des nerfs trophiques. On voit que la question de l'origine et de la nature (trophique ou vasculaire) de ces fibres nerveuses du trijumeau n'est pas encore défi- nitivement tranchée. D. Action sur l'iris et la pupille. — La section du gan- glion de Gasser ou de l'ophthalmiquerétrécitfortement la pupille (Magendie) ; l'excitation du ganglion de Gasser amène une dila- tation de la pupille. Budge, se basant uniquement sur les faits de section, croyait que le rétrécissement pupillaire était dû à l'excitation de fibres propres allant au sphincter de Tiris, et citait à l'appui ce fait que, après la section de l'oculo-moteur commun, la section du trijumeau produit encore le rétrécissement pupillaire. L'expérience est exacte; mais le rétrécisse- ment serait, dans ce cas, temporaire et non permanent, comme il l'est en réalité; du reste la meilleure objection est que l'excitation du gan- glion de Gasser produit la dilatation de la pupille. On ne peut penser non plus à une action réflexe du trijumeau sur l'oculo-moteur, d'autant plus que si la section est faite avajiûlegdiUgVion de Gasser, il n'y a plus de rétrécissement pupillaire. On est donc con- duit à admettre dans l'ophthalmique et dans le ganglion de Gasser des fibres dont l'excitation produit la dilatation pupillaire. Mais de quelle nature sont ces fibres? Sont-ce des fibres motrices allant au muscle dilatateur de l'iris, ou bien, ce qui est plus probable, des fibres vaso- PHYSIOLOGIE DES NERFS. 911 motrices? Dans ce cas, l'effet sur la pupille ne serait que secondaire et dû à l'état même des vaisseaux. Ceci s'accorderait avec l'observation de Schiff, qui a vu la dilatation des vaisseaux de l'iris succéder toujours à la section du trijumeau. Ces fibres dilatatrices iriennes paraissent d'abord dans le ganglion de Casser, car la section du trijumeau avant le ganglion ne produit pas de constriction de la pupille ('j; elles ne proviennent pas non plus du sympathique, car après l'ablation du ganglion cervical supérieur, l'ex- citation du ganglion de Casser dilate encore la pupille. Ces fibres naî- traient donc dans le ganglion de Casser même, et de là se rendraient dans la branche ophthalmiqne. E. Ganglion ophthalmique. — L'ablation du ganglion oph- thalmique produit immédiatement l'insensibilité de la cornée ; cependant, par lui-même, le ganglion, au moins chez le lapin, est insensible (CI. Bernard) ; les nerfs ciliaires qui en partent, au contraire, sont sensibles; la section de ces nerfs, sauf cliez le lapin, amène une dilatation de la pupille. La courte racine du ganglion, venant du moteur oculaire commun, fournit des filets au sphincter de l'iris ; la racine sym- pathique, les filets dilatateurs de l'iris ; la longue racine, les filets sensitifs de l'iris et de la cornée. Les filets ciliaires directs, ve- nant du nasal et s'accolant aux nerfs ciliaires, iraient, d'après Cl. Bernard, à l'iris et à la conjonctive. Hensen et Yœlkers ont vu l'excitation directe des nerfs ciliaires amener une saillie de la face antérieure du cristallin. F. Anastomoses. — Les anastomoses de l'ophthalmique avec les nerfs moteur oculaire commun et externe et avec le pathéti- que (?) fournissent probablement aux muscles innervés par ces nerfs la sensibilité musculaire. L'anastomose avec le plexus ca- rotidien contient sans doute une partie des fibres vaso-motrices de l'ophthalmique. 2» Nerf maxillaire supérieur, (Fig. 237.) A. Action sensitive. — Le nerf maxillaire supérieur fournit la sensibilité : T à la peau de la paupière inférieure, de la pom- mette, de l'aile du nez, de la lèvre supérieure ; S'' à la muqueuse (') Balogh croit cependant avoir vu une dilatation de la pupille par l'excitation du trijumeau avant le ganglion (lapin). 912 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. des régions nasale, pharyngienne, palatine, au sinus maxillaire, aux gencives, à la lè^Te supérieure ; 3" à la dure-mère, au pé- ..-ID 16 /"Vi^jsse Fig. 237. — Nerf maxillaire supérieur. (Figure schématique.) rioste et aux os correspondant à sa distribution ; 4° aux dents de la mâchoire supérieure ; 5° à une partie des muscles animés par le nerf facial. B. Action sécrétoire. — 11 fournit des filets aux glandes nasales et palatines et probablement aux glandes du voile du palais. Par sa branche temporo-malaire, il donne un filet à la glande lacrymale. Herzenstein et Yœlkers ont vu chez le lapin, le chien et le mouton, l'excitation directe du nerf temporo-ma- laire produire la sécrétion lacrymale, mais en moins grande quantité que l'excitation du nerf lacrymal lui-même. Fig. 237. • — 1, nerf maxillaire supérieur. — 2, ganglion de Meciiel. — 3, nerf vidien. — 4, grand pétreux superfu;iel. — 5, filet carolidien du nerf vidien. — 6, nerf palatin posté- rieur. — 7, nerf du muscle lisse orbitaire. — ^8, nerfs sphéno-palatins. — 9, nerf naso-palatin. 10, grand nerf palatin. — 11; petit nerf palatin. — 12, nerf alvéolaire postérieur. — 13, nerf alvéolaire moyen. — 1-i, nerf alvéolaire antérieur. — 15, nerf sous-orbiiaire. — 16, branche récurrente. — 17, nerf temporo-malaire. — 18, nerf lacrymal. — 19, nerf lacrymal de l'oplithalmique. — VU, nerf facial. — C, artère carotide et plexus carotidien. — L, glande lacrymale. l'HYSIOLOGIE DES NEUFS. 913 L'excitation des filets sensitifs (nasaux surtout) de la Lranehe maxillaire supérieure amène, par action réflexe, un écoulement abondant de larmes du côté correspondant. G. Action vaso-motrice. — Ce nerf fournit les libres vaso- motrices qui accompagnent les artères des fosses nasales, mais ces fibres proviennent probablement en partie du grand sympa- thique. D. Action nutritive ou trophique. — Comme du côté du globe oculaire, la section du trijumeau est suivie de lésions de nutrition des fosses nasales ; la muqueuse devient fongueuse, rouge, saignante, et la fosse nasale correspondante sécrète une [dus grande quantité de mucus. La cause de ces troubles de nu- trition a été moins étudiée que pour les phénomènes oculaires et présente encore plus d'obscurité. E. Action sur l'odorat. — Le trijumeau contribue à la con- servation et à la perfection de l'odorat. Il agit de deux façons : r en maintenant par ses fibres trophiques (ou vaso-motrices) l'intégrité de structure et la vascularité convenable de la mu- queuse; 2° en intluenrant, par ses fibres glandulaires, les sécré- tions nasales et par suite l'humidité de la mu(]ueuse. On a vu plus haut (voir : Nerf olfactif) le rôle que Magendie a voulu lui faire jouer dans l'olfaction. F. Action excito-réflexe. — L'excitation, et surtout l'exci- tation mécanique des branches du voile du palais, produit, par action réflexe, des mouvements de déglutition. Ces mouvements disparaissent après la section du trijumeau. 'Prévost et Waller.) G. Ganglion sphéno-palatin. — L'extirpation du ganglion sphéno-palatin (arrachement) n'a pas donné de résultats très- précis à Cl. Bernard; il n'a rien observé après son ablation, ni du côté de l'œil, ni du côté des narines, sauf un écoulement sé- reux comme dans le coryza, chez un chien au(iuel il avait arraché les g.angUons des deux côtés. Prévost a fait récemment une série de recherches sur ce ganglion chez des chats, des chiens et des lapins, et est arrivé aux conclusions suivantes : Son extirpation n'est pas douloureuse et n'est suivie d'aucune alturation île nu- trition ni de modifications dans la vascularité de la muqueuse nasale dont la sensibilité est intacte; l'odorat n'est pas alTecté, pas plus que le goût. La galvanisation du ganglion (chien) pro- duit un écoulement de mucus par la narine du même côté et une augmentation de température, phénomènes qui ne se pro- Bealm?, Phys. 58 914 PHYSIOLOGIE FO.XCTIO >\\ELLE. duisent pas par l'excitation du bout supérieur du ganglion sym- pathique cervical. Le ganglion de Meckel 'fig. 237, 2) reçoit ses racines sen5itive> du tronc même du maxillaire supérieur, sa racine motrice du facial (voir : Facial) par le grand nerf pétreux superficiel (4) et le nerf vidien (3), sa racine sympathique du plexus carotidien par le grand nerf pétreux profond i5) et le nerf vidien. Le ganglion de Meckel fournit des filets sensitifs et des filets moteurs. Les filets sensitifs, sphéno-palatins, pharyngien, naso- palaliii et grand et petit nerf palatin, fournissent la sensibilité aux muqueuses nasale et palatine. Les nerfs sphéno-palatins et palatins proviennent du tronc du maxillaire supérieur et ne font que traverser le ganglion; le nerf naso-palatin, au contraire, proviendrait des cellules nerveuses du gangUon. Cl. Bernard a trouvé le nerf naso-palatin insensible et a vu chez un chien la sensibihté de la muqueuse nasale persister après la section des deux nerfs naso-palatins. En outre, le ganglion fournit très-pro- bablement des filets sensitifs au facial par le nerf vidien et le grand pétreux .superficiel (voir : Facial): cependant Prévost n'a pas vu de dégénérescence dans les filets du nerf après l'extirpa- tion du ganglion. Les filets moteurs proviennent du facial et se rendent, par le nerf palatin postérieur (6), aux muscles péristaphylin interne et palato-staphylin. Le ganglion fournit aussi un petit filet au muscle lisse orbitaire de H. MuUer, filet qui. d'après Prévost, irait plutôt aux vaisseaux qu'aux fibres musculaires. H. An.\stomo.se.s. — Abstraction faite des anastomoses de ses fdets périphériques, avec les branches du facial principalement, le nerf maxillaire supérieur a les anastomoses suivantes : T une anastomose avec le facial par le nerf vidien et le grand pétreux fcuperficiel; il reçoit du facial les filets moteurs du voile du palais et lui fournit (probablement) des filets sensitifs; 2° une anastomose avec le plexus carotidien par le nerf vidien et le grand pétreux profond ; elle paraît être composée de fibres vaso-motrices. 3" Nei-f ma. .villa ire inférieur. (Fig. 238.) A. Action sensitive. — Le nerf maxillaire inférieur (branche inférieure du ganglion de Gasser) fournit la sensibilité : T à la PHYSIOLOGIE DES NERFS. 915 VU Fig. 238. — Nerf maxillaire intérieur. (Fijruie scbéniatique.) Fig. 238. — 1, nerf maxillaire inférieur (sa racine sensitive fournit un filet récurrent). — 2, racine motrice. — 3, ganglion clique. — 4, petit pétreux superficiel. — 5, son anasto- mose avec le nerf de Jacobson. — 6, sa racine sympathique venant de l'artère méningée moyenne. — 7, son anastomose avec la corde du tympan. — S, nerf du muscle du marteau. — 9, son anastomose avec Tauriculo-tempural. — 10, nerf auriculo-teuiporal. — - 11, ra- meaux parotidiens. — 12, nerf buccal. — lo, nerf lingual. — 14, corde du tympan. — 15. rameaux de la corde et du lingual au ganglion sous-maxillaire. — 16, rameaux périphériques du lingual allant au ganglion. — 17, ganglion sous-maxillaire. — iS, artère faciale et rameau sympathique allant au ganglion. — 19, glande sous-maxillaire. — 20, glande sublinguale. — 21, nerf dentaire inférieur. — 22, nerfs temporaux. — 23, nerf massétérin. — 24, nerf du ptérygoïdien externe. — 25, nerf du ptérygoldien interne. — 26. nerf du péristaphylin ex- terne. — 27, nerf mylo-hyoîdien. — Vil, nerf fatial. 916 PHYSIOLOGIE FO-\CTIO>\\ELLE. peau des joues, des lèvres, du menton, de la partie antérieure du pavillon de l'oreille et du conduit auditif interne ; 2'' à la muqueuse des joues, des lèvres, du plancher buccal, des genci- ves, de la partie antérieure de la langue, à la muqueuse du tympan (une partie seulemeni) et des cellules mastoïdiennes; 3" à la dure-mère, au maxillaire inférieur, au temporal et à leur périoste ; ï" aux dents de la mâchoire inférieure ; 5" à l'articu- lation temporo-maxillaire ; G" aux muscles correspondants (sen- sibilité musculaire). B. Action sur le goût. — Le nerf giosso-pharyngien n'est pas le nerf exclusif du goût ; le lingual ne fournit pas seulement la sensibilité tactile à la partie antérieure de la langue, il lui fournit encore la sensibilité gustative. La section du lingual, pratiquée plusieurs fois chez l'homme, abolit le goût (pour les saveurs sucrées surtout) dans la partie antérieure de la langue. D'où viennent ces libres g-ustatives du lingual? Proviennent-elles du trijumeau ou de l'anastomose de la co-rde du tympan? Les opinions sont partagées sur cette question. Lussana, pour prouver que ces fibres ne viennent pas du trijumeau, cite plusieurs cas de paralysie complète de ce nerf avec perte de sensibilité tactile à la partie antérieure de la langue et conservation du goût; mais ces observations n'ont pas été suivies d'autopsies et il est difTicile de savoir exactement quelles pouvaient être les lésions existantes. Eckhard a, du reste, mentionné des cas contraires, quoique trop peu précis. L'expérimentation seule pouvait résoudre la question; malheureusement elle n'a donné que des résultats contradic- toires. Tandis que, d'après luzani, l'excision du nerf lingual avant sa réunion à la corde du tympan n'enlève en rien la sensibilité gustative, Schiff a cru constater un affaiblissement, et Prévost a vu, dans plusieurs cas, la sensibilité gustalive qui persistait encore, quoique affaiblie, après la section des deux glosso-pharyngieus et des deux cordes du tympan, être abolie complètement après la section des linguaux. En tout cas, il est très-probable qu'une partie au moins des fibres gustatives du lingual provient de la corde du tympan. Cependant la section de la corde a donné des résultats différents, suivant les expérimentateurs, et en générai peu précis; si les uns ont observé, à la suite de la destruction des deux cordes du tympan dans la cavité tympanique, la perte complète du goût dans la partie antérieure de la langue, d'autres, et Prévost en particu- lier, n'ont observé, sauf dans un cas, qu'un affaiblissement du goût et ne lui reconnaissent qu'un rôle accessoire. L'excitation de la corde n'a pas donné de résultats plus certains. L'irritation mécanique avec un pinceau (Trœltsch) ou par injection d'un liquide dans la trompe, la faradisation, (Duchenne) ne produisent qu'un picotement ou un fourmdlement dans PHYSIOLOGIE DES NERFS. 917 la pointe de la langue et Je la salivation, mais pas de sensibilité gusta- tive. Du reste, les expérimentateurs ne sont même pas d'accord sur la sensibilité de la corde: les uns la trouvent sensible (Morganti), les autres insensible (Eckliard) aux excitations directes (voir : Facial). Scbifffait suivre aux fibres gustatives un trajet beaucoup plus com- pliqué, puisqu'il les fait passer par le ganglion spbéno-palatin ; d'après lui, les lilets guslatifs de la partie antérieure de la langue quittent l'en- céphale avec les racines du trijumeau, suivent le tronc du maxillaire supérieur, traversent le ganglion spbéno-palafin, vont par le nerf vidien et le grand nerf pètreux au ganglion géniculédu facial, descendentavec le tronc du facial et gagnent la corde du tympan pour aller se distri- buer avec le nerf lingual; une autre partie va directement du ganglion spbéno-palatin au maxillaire inférieur (ScliilT: Leçons sur la physiologie de la digestion, 1868, t. l^^ p. 125); mais cette opinion est peu accep- table en présence de ce fait bien constalé que l'extirpation du ganglion spbéno-palalin est sans influence sur le goût. (Alcook, Prévost.) G. Action sur l'audition. — Le maxillairi' inférieur n'a qu'une action très-indirecte sur l'audition par les filets sensitifs, glandulaires et musculaires qu'il fournit aux organes auditifs. D. Action sécrétoire. — T Sécrétion parotidienne. — L'ex- citation du bout périphérique du nerf auricuio-temporal excite la sécrétion parotidienne (Cl. Bernard, Schiff) ; sa section arrête cette sécrétion; le nerf auricuio-temporal est donc le nerf glan- dulaire de la parotide. D'où viennent les filets glandulaires qu'il contient ? Ils ne proviennent pas, comme on le croyait, du trijumeau. En elfet, Texcilation intra-crà- niennedu trijumeau n'a aucune action sur la salivation parotidienne, et si Rahn, en touchant le ganglion de Gasser avec l'acide nitrique, a obtenu cette sécrétion, c'est que le liquide atteignait le petit pétreux super- ficiel placé au-dessous de lui; quant aux cas de salivation par le canal de Sténon dans les névralgies du trijumeau, leur interprétation est trop difTicile pour qu'on puisse en conclure quelque chose de précis. Ces fibres glandulaires proviennent évidemment du facial. En elTet, malgré l'assertion contraire de Schrreder, l'excitation intra-crànienne du facial produit la salivation parotidienne i^Czermack, JN'a^vrocki); on a observé des salivations abondantes dans les paralysies du facial. Par quelle voie ces fibres glandulaires passent-elles du facial dans l'auriculo-temporal? C'est surtout à Cl. Bernard qu'on doit lélucidation de ce fait. Si on coupe le nerf facial à sa sortie du trou stylo-mastoï- dien et qu'on excite le bout central, la salivation parotidienne se pro- duit; elle ne se produit pas si on excite le bout périphérique; ces fibres se détachent donc du nerf avant sa sortie du trou stvlo-mastoïdicn; 918 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. elles ne passent donc pas dans la corde du tympan, car la section de la corde dans la caisse n'empêche pas la salivation parotidienne de se produire; ce n'est pas non plus le grand nerf pétreux superficiel, car rexlirpation du ganglion de Meckel ne Tempèche pas non plus. Il ne reste plus comme voie, à ces fibres glandulaires, que le petit nerf pé- treux superficiel {Jig. 238, 4) qui s'anastomose avec le ganglion génl- culé du facial et va au ganglion otique ; en effet, l'extirpation du gan- glion otique (Scliiff, Cl. Bernard), ou la section du petit nerf pétreux superficiel (Scliiff) arrêtent la salivation. Pour Schiff, il y aurait plutôt arrêt de l'excrétion que de la sécrétion salivaire. 2° Sécrétion de la glande sous maxillaire (voir : Ganglion sous-maxillaire). 3" Sécrétion de la glande sublinguale. — Cette sécrétion, comme celle de la glande sous-maxillaire, est sous l'influence de la corde du tympan. Quant aux sécrétions des autres glandes muqueuses de la lan- gue, des joues ou du plancher buccal, elles doivent être sous l'influence des branches du maxillaire inférieur sans qu'on puisse afllrmer que ces fibres sécrétoires proviennent de la corde du tympan. Les branches terminales du lingual présentent, surtout dans le voisinage des petites glandes et de leurs conduits excré- teurs, de petits ganglions microscopiques (Remak) qui sont pro- bablement en rapport avec la sécrétion. E. Action vAso-MOTmcE. — Le trijumeau fournit une partie des filets vaso-moteurs qui accompagnent les artères de la cavité buccale. La dilatation des vaisseaux de la partie antérieure de la langue et la rougeur qu'on observe par l'excitation du bout pé- riphérique du lingual sont dues aux fibres vaso-dilatatrices que lui fournit la corde du tympan (voir ce nerf). F. Action trophique. — L'action trophique des branches du maxillaire inférieur est encore douteuse ; chez le lapin, chez le- quel l'accroissement des dents est continuel, la section du den- taire inférieur n'empêche pas les dents de repousser; cependant cette section est suivie d'altérations de nutrition de la langue et des lèvres; la muqueuse est rouge, gonflée et présente au bout de peu de temps des ulcérations. On a admis, comme pour l'œil, que ces lésions étaient dues à des pressions mécaniques sur des parties devenues insensibles par la section. La question exige encore de nouvelles recherches. G. Action motrice. — La petite racine ou racine motrice du l'HVSIOLOGIE DES .NEUFS. 919 trijumeau (fig. 238. 2» se distribue aux muscles qui meuvent la mâchoire inférieure, ou. dune façon plus générale, à tous les muscles qui interviennent dans la mastication, sauf les muscles (le la langue et des joues ; d'où le nom de nerf masticateur. Il iimerve le temporal, le masséter, les deux ptérygoïdiens, le ventre antérieur du digastriiiue, le mylo-iiyoïdieu et le péristaphylin externe, comme le prouvent sa distribution anatomique, sa sec- tion et sou excitation directe. 11 ne pourrait y avoir de doute (fue pour le péristaphylin externe; mais Hein a vu des con- tractions dans le voile du palais par Texcitalion de la petite racine du trijumeau. Il commande donc les mouvements sui- vants : élévation, abaissement, diduction de la mâchoire infé- rieure, tension du plancher buccal, tension du voile du palais. Le nerf buccal ninnerve pas le muscle buccinateur qu'il ne fait que traverser et dont les fdets moteurs viennent du facial; l'excitation du nerf buccal ne produit de contractions ni dans l'orbiculaire ni dans le buccinateur. La petite racine innerve en outre le muscle interne du marteau ou tenseur du tympan par un filet qui traverse le ganglion otique. Politzer et Ludwig ont obtenu des contractions de ce muscle par l'excitation inlra-crànienne du trijumeau. Après la section de la cinquième paire des deux côtés, la mâchoire reste pendante et l'animal ne peut plus ni mâcher ni avaler. Quand la section a été faite d'un seul côté, la mâchoire est déviée et attirée du côté sain; les dents supérieures et inférieures ne se correspondent plus, et chez les animaux: chez lesquels l'accroissement des incisives est continu, comme le lapin, au bout de quelques jours les dents pré- sentent un bord libre oblique diî à l'accroissement plus grand de l'in- cisive supérieure du côté opéré et de l'incisive inférieure du côté sain. H. Ganglion otique ifig. 238, 3). — D'après .Vrnold, le gan- glion otique recevrait trois espèces de racines. La racine motrice ou courte racine viendrait de la partie motrice du maxillaire inférieur, ou, suivant Hyrtl, du nerf du ptérygoïdien interne au moment de son passage au travers du ganglion , ce qui revient physiologiqnement au même. Longet, au contraire, fait provenir cette racine motrice du facial par le petit nerf pétreux superfi- ciel ; mais cette dernière opinion est peu admissible si l'on ré- tléchit que tous les filets moteurs fournis par le ganglion otique (nerfs du péristaphylin externe et du muscle du marteau i pro- 920 PHYSIOLOGIE F0>'GTI0^>;ELLE. A-ieiinent en réalité de la racine motrice du trijumeau. La racine sensitive vient du glosso-pharyngien par le nerf de Jacobson, le petit pétreux profond externe et le petit pétreux superficiel. Hyrtl et Rudinger la ^ font provenir de la troisième brandie du ganglion de Gasser. La racine sympathique vient du plexus qui entoure l'artt're méningée moyenne. Le ganglion otique reçoit en outre, par le petit pétreux superficiel, les rameaux glandu- laires parotidieiis qui proviennent du facial. Le ganglion oli(|ue fournit-: 1° des filets sensitifs qui vont, soit par l'anastomose avec l'auriculo-temporal iSappey), soit par le petit pétreux superficiel et le nerf de Jacobson, se rendre à la muqueuse de la caisse du tympan: 2° des filets glandulaires paro- tidiens venant du facial et allant se jeter dans l'auriculo-tempo- ral: 3" des filets moteurs, nerf du péristaphylin externe et nerf du muscle interne du marteau ; V un filet anastomotique avec la corde du tympan, dont l'usage physiologique est in- connu . I. Ganglion sous-maxillaire i/î^. 238. 17. et fig. 84, p. 475). — Ce ganglion fournit les filets nerveux de la glande sous- maxillaire. Arnold et Longet. l'assimilant au ganglion ophtbal- mi([ue et aux autres ganglions analogues, lui ont attribué trois racines, une racine motrice pirovenant du facial par la corde du tympan, une racine sensitive fournie par les filets du lingual, et une racine sympathique fournie par le plexus qui entoure l'ar- tère faciale : mais il est difficile d'admettre cette interprétation. En réalité, le gangfion reçoit les filets suivants : 1'' Des filets provenant de la corde du tympan et. par suite, du facial. En effet, le facial tient sous sa dépendance la sécrétion salivaire de la glande sous-maxillaire comme celle de la parotide et de la sublinguale. Après la section du facial, les fibres de la corde du tympan dégénérées se laissent suivre jusque dans les racines du ganglion (Vulpian): l'excitation intra-crânienne du facial produit la salivation sous-maxillaire (Ludwig), et celle de la corde produit le même effet, tandis que sa section arrête la salivation réflexe produite par l'excitation de la muqueuse lin- guale (Cl. Bernard). L'excitation de la corde du tympan, comme l'ont prouvé surtout les recherches de Cl. Bernard, produit non- seulement une augmentation de salive, mais, encore cette salive, dite salive de la corde, a des caractères particuliers; d'après Heidenhain, la corde contiendrait surtout des fibres agissant di- PHYSIOLOGIE DES XERFS. 921 recteraent sur les cellules glandulaires (fibres sécrétoires) ; sous l'influence d'une excitation prolongée . ces cellules se vident de leur contenu, mais sans disparaître, comme le croit Heidenhain. pour fournir le produit de sécrétion iRanvier). La corde du tympan agit en outre sur les vaisseaux de la glande ; son excitation amène leur dilatation: elle contiendrait donc, outre les fibres glandulaires, des fibres vaso-dilatatrices. Par ces deux ordres de fibres la corde est en antagonisme avec les filets sympathiques de la glande. 2" Les filets sympathiques qui viennent du plexus qui entoure l'artère faciale ont aussi une action sur la sécrétion sous-maxil- laire, action prouvée par l'expérimentation. L'excitation du grand sympathique cervical amène une production de salive, salive sympathique, qui a des caractères différents de ceux de la sahve delà corde, et présente surtout beaucoup plus de mucus: aussi Heidenhain admet-il dans les filets sympathiques une très-faible quantité de fibres glandulaires proprement dites et une prédo- minance de fibres mucipares. La racine sympathique contient aussi des fibres vasculaires, mais ces fibres sont des nerfs vaso- moteurs dont l'excitation produit la constriction des vaisseaux et qui sont par conséquent antagonistes des fibres vasculaires de la corde. (Cl. Bernard.) 3"* Les filets sensitifs du ganglion sous-maxillaire proviennent du lingual; d'après Bidder, ils seraient de deux ordres : les uns viendraient du bout central du lingual et fourniraient la sensibi- lité à la glande : les autres viendraient du bout périphérique du lingual (racine périphérique) et n'offrent pas de dégénérescence après la section du hngual; cette racine périphérique servirait, d'après Bidder. à transmettre au ganglion sous -maxillaire les excitations de la muqueuse linguale, et par suite déterminerait la salivation sans l'intermédiaire d'un centre réflexe cérébro- spinal. La question de savoir si le ganglion sous-maxillaire peut agir comme centre réflexe, indépendamment des centres nerveux cérébro-spinaux, présente une très-grande importance au point de vue de la physiologie générale. L'expérience suivante, due à Cl. Bernard, tendrait à faire admettre cette opinion : on fait la section du lingual au-dessus et au- dessous du ganglion sous-maxillaire (en respectant les branches qui vont du tympanico-lingual au ganglion', et ensuite celle du sympa- thique ; si alors on excite le bout périphérique du tronçon nerveux 922 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. ( courant d'induction , pincement , sel marin ), on voit la salivation se produire, quoique tonte connexion soit détruite entre les centres nerveux et le ganglion; le même effet se produit, mais plus difficile- ment, si on excite la muqueuse linguale (éther, courants d'induction) après avoir coupé le nerf tympanico-lingual au-dessus du ganglion ; cette salivation cesse immédiatement quand on coupe le lingual entre la langue et le ganglion; la salivation ne se produit pas par les excita- tions gustatives ; ce centre ganglionnaire serait surtout en rapport, d'après Cl. Bernard, avec l'état de sécheresse ou d'humidité de la mu- queuse buccale. Schifif, qui a attaqué cette expérience, prétend qu'il y a là une erreur d'observation dont il croit avoir déterminé les conditions anatomiques et physiologiques. {Leçons sur la digestion. 1. 1", pages 282 et suivantes.) Bibliographie. — Magendie : De l'Influence de la 5 paire sur la nutrition. (Journal de physiologie, 1824.) — G. Mkissser : Ueher die nach der Durchschnei- dung des Trigeminus ara Atige des Kaninchens eintretende Er7idhriingsstoriing. Zeitschrift fiir rationelle Medicin, vol. 29. — J. L. Prévost : Recherches su^ le ganglion sph>'no-palatin, et Nouvelles Expériences relatives aux fonctions gustatives du nerf lingual. (Archives de phy.siologie, istvS et 1873.) — F. Nawrocki : X'ie Innervatio7i der Parotis ; Stud, des physiol. Instituts zu Breslau, t. IV. f. — Nerf moteur oculaire externe. iFig. 2;j5, Y1.) Procédés. — A. Section intra-crdniemie. — 1° Sans ouverture du crâne. Même procédé que pour la section intra-crànienne du trijumeau qui doit être coupé préalablement; une fois celui-ci coupé, le tranchant de l'instrument est porté en dedans et en bas : ce procédé réussit rare- ment. — 2" Après ouverture du crâne. Rien de particulier. — B. Sec- tion dans la cavité orhitaire. Glisser un bistouri le long de la paroi externe de l'orbite. Le nerf moteui' oculaire externe est un nerf essentiellement moteur ; il innerve le droit externe. Sa galvanisation dans le crâne produit une déviation de l'œil en dehors. Longet a cons- taté qu'il était insensible à son origine, et la sensibilité récurrente, admise par Cl. Bernard, n'a pas été vérifiée expérimentalement. Après sa paralysie, l'œil est dans le straijisme divergeât ; il y a de la diplopie et les images doubles sont homonymes. g. — Nerf facial. (Fig. 239.) Procédés. — 1° Section intra-crânienne (lapin). Incision de la peau en arriére de l'oreille externe; on enfonce un neurotome dans la fosse PHYSIOLOGIE DES NERFS. 023 mastoïdienne, on traverse le lobe postérieur du cervelet et on dirige rinstrument en dedans et en avant vers le conduit auditif interne; on peut blesser le sinus transverse, le cervelet et les parties latérales du pont de Varole. — 2° Section extra-crdnihine f/apin\. L'animal est placé sur le dos, la tête tournée de côté et maintenue solidement ; on incise la peau horizontalement au-dessous du bord inférieur du conduit auditif externe osseux: qui se sent à travers la peau; on sectionne la parotide pour arriver sur le facial, qu'on coupe ou qu'on arrache à sa sortie du trou stylo-mastoïdien. Dans l'arrachement (procédé de Cl. Bernardi.on peut avoir la conservation du nerf de Wrisberg et du ganglion géniculé. — 3" Section dans la caisse \Cl. Bernard). On pé- nétre directement dans la caisse, par sa paroi inférieure, avec un petit ciseau; on dirige la pointe de l'instrument en haut et en arrière en la faisant marcher transversalement et en appuyant fortement sur l'os, on divise le facial à son troisième coude, quand il s'infléchit en bas vers le trou stylo-mastoïdien. A. Action MOTRICE. — Le facial innerve les muscles suivants : 1" Le5 muscles peauciers de la face et du cou, c'est-à-dire les muscles épicràniens (occipito-frontal et auriculaire), ceux de l'orifice palpébral ( orbiculaire et sourcilier) , le muscle de Borner, les muscles des lèvres (grand et petit zygomatique, releveur superficiel et profond , canin , risorius de Santorini, triangulaire, carré, houppe du menton, orbiculaire, buccina- teur), les muscles du nez ^transverse, myrtifornie et dilatateur de l'aile" du nez), le peaucier du cou. Cli. Bell croyait à tort le buc- cinateur innervé par le filet buccal du trijumeau. Par ses fibres motrices le facial commande : • Les mouvements cV expression de la face, sa physionomie ; après sa paralysie, ces mouvements sont abolis, et la moitié paralysée, devenue immobile, suit passivement les mouvements de la moitié intacte; aussi les traits paraissent-ils déviés vers le côté sain. La section pratiquée pour la première fois par Cli. Bell sur fane (1821), et répétée par Scliaw sur le singe, a donné les mêmes résultats. D'après Cl. Bernard, chez le lapin et le chien, les traits paraissent déviés du côté paralysé ; L occlusion des paupières et le clignement; l'œil du côté para- lysé, par suite de faction persistante du releveur, est plus ou- vert que celui du côté saiu, et ne peut se fermer complètement ; le clignement étant devenu impossible, les larmes ne sont plus étalées uniformément au-devant de la cornée , ce qui amène une réfraction irrégulière des rayons lumineux ; en outre, les 924 PHYSIOLOGIE FO^^CTIONNELLE. poussières et les corps étrangers restant en contact avec la cor- née, celle-ci peut s'enflammer, fait très-rare du reste, les mus- cles de l'œil faisant glisser le globe oculaire contre la face profonde de la paupière supérieure. La paralysie du muscle de Horner produit le larmoiement, les larmes ne pénétrant plus aussi facilement dans les voies lacrymales ; Les mouvements des lèvres et des joues ; aussi la mastication se trouve-t-elle très-gênée après la paralysie du facial; les lèvres et les joues ne pouvant plus, comme à l'état normal, ramener au fur et à mesure les parcelles alimentaires entre les arcades den- taires; l'action de souffler, le jeu des instruments à vent sont aussi empêchés chez l'homme; en outre, grâce à la flaccidité de la joue, le courant d'air peut la soulever à chaque expiration (ce qu'on appelle fumer la pipe). Chez les animaux, la section produit des résultats identiques, et ils ne peuvent plus, comme auparavant, saisir leurs aliments avec les lèvres; Les mouvements des narines : l'action de flairer devient im- possible par la paralysie du dilatateur, et l'olfaction en est nota- blement affaiblie ; la section chez les animaux qui, comme le cheval, ne peuvent respirer par la bouche, est suivie de désor- dres fonctionnels plus graves : la narine étant très-molle fait l'office de soupape, et en s'appliquant sur l'orifice antérieur des fosses nasales, ferme complètement le passage au courant d'air inspiré ; aussi les chevaux auxquels on pratique la section des deux nerfs faciaux meurent-ils asphyxiés. Les mouvements du pavillon de l- oreille. 2° Le ventre postérieur du digastrique et le stylo-hyoïdien. Le facial intervient donc dans l'élévation de l'os hyoïde et de la base de la langue; 3° 11 fournirait, d'après Sappey et L. Hirschfeld, quelques mus- cles de la langue, les stylo-glosses et glosso-staphylins. La pré- sence de ce filet explique les cas de déviation de la pointe de la langue dans les paralysies et après la section du facial, déviation qui se fait du côté paralysé, et la difllculté qui se présente quel- quefois chez le malade d'articuler nettement les gutturales et les linguales ; 4" 11 innerve plusieurs muscles du voile du palais, spéciale- ment le pèristaphylin interne et \e palato-staphylin, par des filets qui partent du coude du facial au niveau du ganglion gôniculé, et vont, par le grand nerf pétreux superficiel et le ganglion de PHYSIOLOGIE DES NERFS. 925 iMeckel, aux nerfs palatins postérieurs (fig. 239, 7). D'après Lon- 1 vu 28 27 Fig. -IV}. — Nerf facial. (Figure schématique.) Fig. 240. — VII, nerf facial. — VilF, nerf auditif. — IX, nerfglosso-pliaryugien. — X, nerf pneumogastrique. — 1, nerf de Wrisberg. — i, grand pélreux superficiel. — '•], nerf vidien. 4, ganglion de Meckel. — b, aua.stomose du grand pélreux avec le nerf de Jacohson. — 6, Rameau sympathique. — 7, nerf palatin postérieur. — S, nerf du péristaphylin interne. — 9, nerf du palalo-siaphylin. — 10, rameau auriculaire. — 11, rameau du stylo-hyoidicii et du digastrique. — 12, anastomose avi-c le glosso-pharyngien. — l'-i, rameau du stylo- pharyngien. — 1-i, rameau du slylo-glosse et du glossu-staphylin. — 15, branches termi- nales. — IG, rameau du muscle de l'étrier. — 17, petit pétreux supeifîciel. — 18, gani^lioii itique. — 19, anastomose avec l'auriculo-temporal et filets parotidiens. — 20, parotide. — îl, anastomose du nerf de Jacohson avec le petit pétreux. — 22, anastomose du ganglion )tique avec la corde du tymjan. — 23, corde du tympan. — 2i, nerf lingual. — 2.ï, filets çustatifs de la corde du tympan. — 20, filets glandulaires. — 27, glande sous-maxillaire. — 8, glande sublinguale. — 29, anastomose avec le pneumogastrique. 926 PHYSIOLOGIE FO>CTIO>'>'ELLE. get, il innerverait aussi les autres muscles du voile du palais, sauf le péristaphylin externe ; mais il est douteux qu'il fournisse aux muscles des piliers. L'action du facial sur le voile du palais a été très-controversée. Son excitation intra-crânienne n"a donné que des résultats négatifs à Chauveau, Longef, Volkmann et Hein ; Debrou n'a obtenu qu'une fois sur cinq des résultats positifs ; cependant Nulm a vu, sur un décapité, l'excitation galvanique du tronc du facial amener des mouvements dans le voile du palais, et Davaine a constaté le même fait chez les animaux. Les paralysies du facial témoignent en faveur de cette opinion ; la luette est alors fréquemment déviée du côté non paralysé (Montaut, Diday, Longet, etc.i et conjointement on observe une chute du voile du palais avec courbure de la luette iRombergi,d'où gêne de Ja déglutition et nasonneraent dû à ce que le voile du palais ne ferme plus herméti- quement l'oriOce postérieur des fossés nasales. Cette déviation de la luette n'existe pas quand le siège de la paralysie se trouve au-dessous du ganglion géniculé. b" Le muscle de rétrier et les muscles du pavillon ; l'incer- titude dans laquelle on est encore sur l'action du muscle de l'étrier ne permet guère d'expliquer les altérations de l'ouïe observées dans quelques cas de paralysie faciale (sensibilité plus grande de l'ouïe, surdité, etc.). B. Action sensitive. — Le facial est insensible à son origine; Magendie et Cl. Bernard l'ont constaté d'une façon indubitable. Certains auteurs. Wrisberg, Bischoff, etc., se basant sur la pré- sence du ganglion géniculé, ont considéré le facial comme un nerf mixte dont le nerf de Wrisberg constituerait la racine sensi- tive ; mais, d'une part. Cl Bernard a constaté l'insensibilité du nerf de Wrisberg. et dans les paralysies centrales du facial il n'y a aucune perte de sensibilité dans les régions innervées par le facial. Le facial est cependant sensible après sa sortie du trou stylo- mastoïdien ; mais cette sensibilité est une sensibiUté acquise dans son trajet à travers le canal de Fallope. Elle lui vient proba- blement de deux sources : l°du trijumeau par le grand nerf pé- treux superficiel ; Longet a constaté l'insensibilité du facial au- dessous du trou stylo-mastoïdien après la section intra-crânienne du trijumeau; 2** du pneumo-gastrique par le rameau auricu- laire, comme l'indique une remarquable expérience de Cl. Ber- nard ; il sectionne le facial au-dessous de son anastomose avec PHYSIOLOGIE DES NERFS. 927 le pneumogastrique et constate la sensibilité des deux bouts du nerf; il coupe alors le rameau auriculaire et voit que la sensibi- lité a disparu dans le bout central ; il est diffîcile cependant de faire concorder ce fait avec l'expérience de Longet, car le bout central devrait avoir encore un reste de sensibilité dû au tri- jumeau. Après sa sortie du trou styJo-mastoïdien, le facial contracte des anastomoses avec l'auriculo-temporal, et, par ses brandies terminales, avec les branches périphériques du trijumeau. C'est à ces anastomoses avec le trijumeau que serait due la sensibihté récurrente constatée par Cl. Bernard sur les rameaux du facial; si on coupe un de ces rameaux, le bout périphérique est sensible et cette sensibihté disparaît quand on coupe le trijumeau; elle est facile à constater chez le chien, obscure chez le chevalet le lapin. G. Action gistative. — On a vu , à propos du maxillaire inférieur, que la corde du, tympan fournit des fibres gustatives au lingual (page 916). L'origine réelle de ces fibres est encore douteuse. D'après Lussana, elles viendraient du facial par le gan- glion géniculé et le nerf de Wrisberg, et il cite à l'appui plu- sieurs cas de paralysie faciale avec abolition du goût dans le côté correspondant de la pointe de la langue ; mais le siège de la lésion était dans l'aqueduc de Fallope, et il n'y a pas, sauf peut-être un cas de Steiner, de cas bien constaté de para- lysie centrale du facial avec abolition du goût. D'autre part, la section du facial dans le crâne n'a donné que des résultats dou- teux à Cl. hernard et à d'autres expérimentateurs. D'après Cl. Bernard, l'action gustative de la corde serait en réalité une action motrice; elle agirait immédiatement sur le goût en ame- nant une sorte d'érection des papilles linguales qui favoriserait leur fonctionnement. D. Action secrétoire. — Le nerf facial tient sous sa dépen- dance la sécrétion des trois glandes salivaires, parotide, sous- maxillaire et sublinguale (voir : Trijumeau). Les fibres paroti- diennes (fig. 239, 17) se détachent du facial au niveau du ganglion géniculé, passent par le petit pétreux superficiel, tra- versent le ganglion otique, se jettent dans l'anastomose du gan- glion otique avec l'auriculo-temporal, et arrivent à la parotide avec les lilcts de ce dernier nerf. Les libres sous-maxillaires et sublinguales (20) passent dans la corde du tympan et arrivent ainsi au nerf lingual et au ganglion sous-maxillaire. 9-28 PHYSIOLOGIE FO-\GTIO-\-\ELLE. E. Action vaso-motrice. — Cl. Bernard a vu la section intra- crànienne du facial être suivie d'un abaissement de température (abaissement du peut-être aux désordres mêmes de l'opération); sa section dans le canal de Fallope était au contraire suivie d'une élévation de température. (Voir : Corde du tympan.) F. Ganglion géniculé et nerf de Wrisrerg — La nature et les fonctions du nerf de Wrisberg sont encore peu connues. Wrisberg, B'ischoff, Cusco, le considéraient comme la racine sensitive du nerf facial dont le ganglion géniculé constituerait le ganglion. On a vu plus haut les raisons qui s'opposent à cette opinion. Longet, qui l'appelle nerf moteur tumpanique, le croit destiné à fournir le nerf du muscle de Té trier et le muscle in- terne du marteau (par le petit nerf pétreux superficiel): mais ce dernier nerf est fourni par le trijumeau. CL Bernard le regarde comme une racine d'origine du grand sympathique qui fourni- rait aux nerfs pétreux et à la corde du tympan; il agirait sur les muqueuses et les glandes; il serait le nerf des mouvements organiques, le facial étant le nerf des mouvements de relation. Il est probable, en effet, que ce nerf fournit les filets glandulaires du petit pétreux superficiel et de la corde, et peut-être, comme le croit Lussana, les filets gustatifs du lingual. G. Anastomoses. — P A. du facial et de Vacouslique. Cette anastomose a lieu principalement par le nerf de Wrisberg. Son usage est inconnu. 2" Grand pétreux superficiel. Il fournit au ganglion de Meckel les filets moteurs qui, après avoir traversé ce ganglion, vont in- nerver les muscles palato-staphylin et péristaphyUn interne. C'est probablement aussi par cette voie qu'arrive au facial une partie des filets venant du trijumeau qui donnent au facial sa sensibilité acquise. T Petit pétreux superficiel. Il porte au ganglion otique les filels glandulaires qui vont de ce ganglion à l'auriculo-temporal et de là à la parotide. 4° Corde du tympan. La corde serait sensible d'après quelques auteurs (Bonnafont, Duchenne), très-peu sensible au contraire d'après Vulpian. Ce nerf, très-complexe et très-curieux, contient plusieurs espèces de fibres : 1" des fibres glandulaires qui se rendent aux glandes sous-maxillaires et sublinguales ; 2" des fibres gustatives qui vont avec le lingual à la pointe de la langue ; 3° des fibres motrices qui accompagnent le lingual et qui, PHYSIOLOGIE DES NERFS. 929 d'après les recherches de Vulpian, n'entreraient en action qu'après la section de l'hypoglosse ; 4'' des fibres vaso-dilatatrices dont l'excitation amène la dilatation des vaisseaux de la glande sous- maxillaire (Cl. Bernard) et des vaisseaux de la moitié correspon- dante de la langue (Vulpian) ; b^des fibres centripètes dont l'exci- tation produit, par action réflexe, un écoulement de salive sous-maxillaire (Vulpian). 5" Rameau auriculaire du pneumogastrique. Il amène proba- blement au facial des filets sensitifs venant du pneumogastrique et lui fournit sa sensibilité acquise. 6° A. avec le glosso-pharyngien (voir : Glosso-pharyngien), BibliOKi'Hphie. — B. Gaoechexs : Nervi facialis physiologia et pathologio , 1832. — P. BÉRAKD : Sur les Fonctions du nerf facial. (Journal des Conn. médicales, 1834- 1835.) — Vl'lpian : Recherches sur la corde du tympan. (Archives de physiologie et Gazette médicale de Paris, 1873.) h. — Nerf auditif. Le rôle des filets du nerf auditif autres que les filets purement auditifs est encore très-obscur. Flourens observa le premier sur les pigeons des phénomènes très- curieux après la lésion des canaux demi-circulaires. La section du canal horizontal déterminait chez l'animal un mouvement de la tête de droite à gauche et de gauche à droite; celle du canal vertical un mou- vement de haut en bas et de bas en haut ; la destruction de ces canaux amenait du vertige (mouvements de manège, etc.), et l'animal ne pou- vait conserver son équilibre ; pour produire ces résultats, les lésions devaient porter sur les parties membraneuses des conduits demi-circu- laires. Les expériences de Flourens ont été confirmées par Brown- Sequard, Vulpian, Harless, Gzermack, etc., et d'après Brown-Sequard la section du nerf auditif serait suivie des mêmes résultats. L'interprétation de ces phénomènes est très-difficile. Pour Brown- Sequard, les phénomènes observés sont des phénomènes réflexes dus à Pexcitation de fibres sensibles contenues dans l'acoustique. Lowen- berg croit aussi à une action réflexe. Goltz suppose que les canaux demi-circulaires sont des organes sensitifs qui donnent à l'animal la notion de la position de la tète et de son équilibre. Chaque conduit a en effet une direction correspondante à une des dimensions de l'espace, et les lésions de ces conduits ne permettant plus à l'animal de juger de la position normale de sa tète et, par suite, de celle de son corps dans l'espace, déterminent le vertige. Des phénomènes analogues se Beaunis, Phys. 59 930 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. produisent quand, sans léser ces conduits, on fixe la tête soit par une suture, soit par un bandage dans une position anormale (Cyon). Longet avait déjà, du reste, observé des troubles de l'équilibre après la section des muscles de la nuque, troubles qui avaient été attribués par quel- ques auteurs, et Magendie en particulier, à Técoulement du liquide céphalo-racbidien. La destruction pathologique des canaux demi-circu- laires chez l'homme s'accompagne aussi de vertige et de perte de l'équilibre (maladie de Ménière). A. Bôttcher a cherché à prouver ré- cemment que les phénomènes observés étaient dus uniquement à la lésion des parties voisines des centres nerveux. Bibliographie. — Flodrexs : Recherches expérimentales sur Tes propriétés et les fonctions du système nerveux. Pans, 1842. — Fk. Goltz : Ueber die physiologische Bedeutung der Bogengânge. (Archives de Pflûger, cinquième année.) i. — Glosso-pharyngien. (Figure 240.) Procédés. — Section des glosso-pharyngiens [Prévost). — Incision de la région hyoïdienne sur la ligne médiane ; récliner en dehors le nerf grand hypoglosse sur lequel on arrive après une courte dissection; on sent alors l'apophyse mastoïde qui se trouve au fond d'une fosse triangulaire limitée en dehors par l'hypoglosse, en dedans par le car- tilage thyroïde, en baut par la corne de l'os hyoïde; le nerf contourne l'apophyse jusqu'à laquelle on doit le suivre. Le procédé peut servir chez le chien, le chat, le lapin, le rat. A. Action sensitive. — Le nerf glosso-pharyngieii est sen- sible dès son origine, malgré les affirmations contraires de Pa- nizza. Il fournit la sensibilité : Ta la muqueuse de la partie postérieure de la langue, du Y lingual et des piliers; il donne probablement les filets sensitifs du plexus pharyngien ; 2° à la muqueuse de la caisse du tympan, des fenêtres ronde et ovale, des cellules mastoïdiennes et de la trompe jusqu'à son orifice pharyngien (conjointement avec le trijumeau). B. Action excito-réflexe. — Il est en outre, par ses fibres centripètes (identiques ou non avec ses fibres sensibles et gusta- tives), le point de départ de réflexes et spécialement de la nausée et du vomissement; Volkmann a constaté que, après sa section, la partie postérieure de la langue, les piliers et le pharynx avaient perdu la propriété de déterminer ces réflexes, propriété qui n'est pas abolie par la section du trijumeau. Il a aussi sur les mouve- ments de déglutition une influence, moins marquée cependant PHYSIOLOGIE DES NERFS. 931 que celle du trijumeau et du pneumogastrique; AVallcr et Pré- vost ont vu ces mouvements se produire par l'excitation de son ii-/': ,12 ; Fig. 240. — Nerf glosso-pharyngien. (Figure scliématique.) Fig. 240. — VU, facial. — IX, glosso-phaiyngien et ganglion d'Andersh. — X, pneumo- gaslrique. — S, ganglion cervical supérieur. — C, carotide et pjexns carulidien. — N, gan- gliop de Meckel. — 0, ganglion clique. — 1, nerf de Jakobson. — 2, rameau de la fenêtre ronde. — 3, rameau de la fenêtre ovale. — 4, rameaux carotidiens. — .S, rameau de la trompe d'Eiistarlie. — G, anastomose avec le grand pétreux superficiel. — 7, grand pétreux superficiel. — 8, anastomose du nerf de Jacobson avec le petit pétreux superficiel, 9. — 10, rameau pharyngien. — 11, rameau lingual. — 12, rameaux tonsillaires. — 13, rameaux terminaux. — 14, anastomose du facial avec le ganglion d"Andersh. — i'), rameau du slylopharyngien. — 16, anastomose avec le pneuni«gastrique. — 17, rameau pharyngien du pneumogastrique. — 18, rameau jugulaire du ganglion cervical supérieur. — 19, rameau fourni au ganglion d'Andersh par le ganglion cervical supérieur. — 20, rameau pharyngien du ganglion cervical supérieur. 932 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. bout central (chien, chat, lapin). Il excite aussi, par action ré- flexe, la sécrétion salivaire. Ludwig et Rahn ont obtenu, après sa section, par l'excitation de son bout central, une salivation plus abondante que par l'excitation du lingual. Stannius avait déjà constaté que si, après avoir coupé le trijumeau, on donne à des chats de la quinine dans du lait, il se fait une salivation abondante qui ne se produit pas si l'on a coupé le glosso-pha- ryngien. G. Action gustative. — Le glosso-pharyngien donne la sen- sibilité gustative à la partie postérieure de la langue et au V lin- gual. Sa section diminue la sensibilité gustative et l'abolit à la base de la langue (Longet), surtout pour les substances amères (coloquinte). Mais il n'est pas le nerf exclusif du goût, comme le croyait Panizza, et on a vu plus haut que le lingual etla corde du tympan contiennent aussi des fibres gustatives. D. Action MOTmcE. — H y a beaucoup d'obscurité sur l'ac- tion motrice du glosso-pharyngien. Millier et quelques autres physiologistes considèrent le glosso-pha- ryngien comme un nerf mixte; une partie du nerf passerait au-devant du ganglion d'Ânder»h et jouerait le rôle de racine motrice, la partie ganglionnaire faisant fonction de racine sensitive. D'après Chauveau, il est moteur dès son origine; par l'excitation de ses racines, il a vu des contractions dans les muscles du pharynx (partie antérieure du cons- tricteur supérieur), et probablement aussi dans une partie des muscles du voile du palais ; Volkmann et Klein en ont vu dans le stylo-pharyn- gien, Yolkmann dans le constricteur supérieur. Mais ces contractions n'ont pu être obtenues par la plupart des expérimentateurs, et d'après Longet et la plupart des physiologistes, le nerf est sensitif à son ori- gine et n'acquiert ses propriétés motrices que par ses anastomoses avec le facial et peut-être avec le pneumogastrique et le spinal. Dans ce cas, les filets qu'il donne au stylo-hyoïdien, ventre postérieur du digastrique, stylo-glosse et glosso-staphylin, proviendraient en réalité du facial et des filets des constricteurs du pneumogastrique. Si on coupe le nerf à sa sortie du trou déchiré postérieur, la galvanisation du bout périphérique ne produit pas de contractions dans le voile du palais; celle du bout central, au contraire, produit des contractions réflexes. Si on coupe le tronc du facial avant son entrée dans le con- duit auditif interne et qu'on excite le glosso-pharyngien du même côté, on n'a plus de contractions dans le voile, mais seulement des mouvements des piliers (Cl. Bernard), ce qui s'accorde avec ce qui a été dit plus haut de l'action motrice du facial sur le voile du palais. Comme CL Bernard n'a pu constater de contractions des piliers ni du PHYSIOLOGIE DES XERFS. 933 voile par l'excitation du pneumogastrique, il faudrait peut-être en conclure que si le glosso-pliaryngien fournit des filets moteurs, ce ne sont peut-être que ceux des piliers du voile et peut-être du constric- teur supérieur. Magendie avait cru constater une gêne de la déglutition après la sec- tion des glcsso-pharyngiens, mais, d'après Longet, il aurait coupé le filet pharyngien du spinal au lieu du glosso-pharyngien ; en effet, cette gêne ne se montre pas habituellement après la section du nerf. fPa- nizza, Reid.i E. Action vaso-dilatatrice. — Vulpian a constaté récem- ment, par l'excitation du bout périphérique du glosso-pharyn- gien, une dilatation des vaisseaux de la base de la langue du côté correspondant. F. Anastumuses. — 1° NerfdeJacobson. — Ce nerf représente avec ses branches une sorte de plexus, plexus tympanique, dans lequel existent des fibres provenant du ganglion d'Andersh, du facial, du trijumeau et du plexus carotidien, et on peut considé- rer comme certain, même anatomiquement, eu égard au volume des libres qui le composent, qu'une partie seulement de ses filets nerveux fournit à la caisse et aux organes ambiants, et que la plus grande partie peut-être ne fait que traverser la caisse sans s'y épuiser en passant d'un tronc nerveux dans l'autre. Le nerf de Jacobson contient aussi des cellules ganglionnaires. 2" An. avec le rameau stylo-hyoïdien du facial. — Cette anas- tomose paraît fournir la plupart des fibres motrices du glosso- pharyngien, et en particulier, d'après Longet et Rudinger, celles qui vont au muscle stylo-pharyngien. 3° An. avec le pneumogash'ique. — Elle se fait par une anas- tomose directe entre le tronc du pneumogastri([ue et le ganglion d'Ander.sh, et par le rameau auriculaire du pneumogastrique, et contient probablement des filets moteurs venant du pneumo- gastrique et allant au voile du palais et au pharynx, et peut-être aussi des filets sensitifs. 4" An. du ganglion d'Andersh avec le ganglion cervical supé- rieur. — Rôle inconnu. j. — Nerf pneumogastrique. (Figure 2 il.) Procédés. — A. Excit.\tio\. 1° E. intra-crânieiine. — 2° E. extra- crânienne. Mise à nu du nerf dans les diverses parties de son trajet. — 934 PHYSIOLOGIE FO.XCTIONNELLE. 3° E. simultanée des deux pneumogastriques. Chaque électrode se bifurque et chacune de ses bifai'cations va à un des pneumogastri- ques, de sorte qu'à chaque excitation électrique, chaque nerf est par- couru par un courant d'égale durée et d'égale intensité. (Eckhard, Nervensystem, p. 194.) B. Segtio-N' i)U pneumogastrique. — \.° S. au cou. (Procédé qui sert aussi pour la section du sympathique au cou, du rameau cardiaque du pneumogastrique, de l'anse descendante de Thypoglosse, pour la liga- ture de la carotide primitive et de la jugulaire interne.) La tète étant fixée, on fait une incision sur la ligne médiane du cou, au-devant de la trachée; on la met à découvert; en dehors d'elle on trouve le sterno- mastoïdien recouvert par la veine jugulaire interne; on récline ces deux organes en dehors, et on met à nu le paquet vasculo-nerveux recouvert parle fascia qu'on incise; l'artère est en dedans, la veine en dehors, le nerf entre les deux. On trouve dans la même gaine le sym- pathique et le rameau cardiaque du pneumogastrique; l'anse de Thy- poglosse se trouve en avant. Chez le chien, le pneumogastrique est accolé au grand sympathique et se trouve dans la môme gaine. — 2° -S", du nerf laryngé supérieur. La section de la peau doit être portée un peu plus haut. — 3° S. du iiei-f récurrent. W ç,è\.&i\wé\e\oï\gàn\iOï:& externe de la trachée, où il est facile de le trouver entre la trachée et l'œsophage. 11 accompagne ordinairement la veine thyroïdienne. — 4° S. du pneumogastrique au niveau du diaphragme . Ouverture de la cavité abdominale ; on va ensuite à la recherche du nerf à la partie infé- rieure de l'œsophage. A, Action sensitive du pneu.mogastriql'e. — La sensibilité dans l'intérieur du crâne a été constatée par Cl. Bernard. Quand il a fourni le laryngé supérieur, branche très-sensible, sa sensi- bilité devient tres-obtuse et quelquefois nulle (chien et lapin) ; le nerf récurrent est à peu près insensible. Le pneumogastrique fournit la sensibilité : r A toute la muqueuse des voies aériennes, depuis l'épiglotte et les replis ary-épiglottiques jusqu'aux dernières ramifications bronchiques. La sensibilité de cette muqueuse n'est pas la même, ni comme quantité, ni comme quaUté, dans les diverses parties de l'arbre aérien. Au-dessus de la glotte, la sensibilité du larynx est exquise, mais d'un caractère particulier; tout ce qui entre en contact avec cette muqueuse, à l'exception de l'air et de quel- ques corps volatils , détermine une sensation particulièrement pénible et des clTorts de toux. Au-dessous de la glotte, au con- traire, la sensibilité est très-obtuse; ainsi on peut remplir d'eau PHYSIOLOGIE DES .\ERFS. 935 Fig. 241. — Xerf pneumogastrique. (Figure schématique.) ia trachée et les bronches, on peut piquer, pincer, brûler la muqueuse sur l'animal vivant sans déterminer de manifestation de douleur. 2° Au cœur : si on touche avec un acide le sinus veineux de la grenouille, il se produit des con- vulsions réflexes de tout le corps; le phénomène n'a plus lieu après la section des pneumogastriques (Goltz). K. Gurboki a observé les mêmes faits chez le lapin. 3** A une partie du tube digestif, base de la langue , voile du palais, pharynx , œsophage , estomac et peut-être duodénum et intestin grêle. 4° Aux muscles auxquels il se distribue. 5° A la muqueuse des voies bi- liaires. 6** On lui attribue enfin un rôle dans plusieurs sensations internes, ainsi la faim, la soif, le besoin de respirer. Mais les expériences de Sédillot, Cl. Bernard, Longet et d'au- tres physiologistes ont prouvé qu'au- cun de ces besoins n'est aboli après la section des pneumogastriques. B. Action motrice. — La question de savoir si le pneumogastrique est aussi moteur à son origine a été très - discutée. Longet le regarde comme exclusivement sensitif et Fig. 241. — VII, nerf facial. — IX, glosso-pliaryngien. — X, pneumogastrique. — XI, spinal. XII, hypoglosse. — S, ganglion cervical supérieur. — M, gacgliua cervical moven. — 1, ganglion cervical inférieur. — X, nerfs splanchniques. — 1, anastomose avec le facial. — 2, anastomose avec; le giosso-pLaryngien. — 3, anastomose avec le ganglion cervical supé- rieur.— 4, anastomose avec le ganglion plexiforme. — 5, branche interne du spinal. — 6, plexus pharyngien. — 7, nerf laryngé supérieur. — s, nerf laryngé externe. — 9, nerf dépresseur. — 10, anastomose de Galien. — 11, nerf cardiaque, — 12, nerf récurrent. — 13, filets œsopha- giens. — 14, plexus pulmonaires. — 15, plexus stomacal. — 16, rameaux terminaux. 936 PHYSIOLOGIE FONCTIO >'NELLE. croit que tous ses filets moteurs lui viennent des anastomoses qu'il contracte avec d'autres nerfs et en particulier avec le spinal. Cependant il est difficile d'admettre cette opinion en présence des résultats positifs obtenus par Chauveau, Cl. Bernard, Eckhard et d'autres physiologistes ; l'excitation mécanique de ses racines amène des contractions dans les muscles constricteurs du pha- rynx, l'œsophage et quelques muscles du voile du palais. Les filets moteurs du pneumogastrique innervent : V Les parties suivantes du tube d/.gesr//" ; quelques muscles du voile du palais, azygos, périslaphylin interne et pharyngo- staphylin; les muscles constricteurs supérieur, moyen et infé- rieur du pharynx (Volkmann et van Kempen), et, d'après Chau- veau, tous les mascles du pharynx; l'œsophage (Chauveau); l'estomac (Chauveau, Stilling, Bischoff, A. Mosso); suivant Lon- get, cette action motrice ne se produirait que quand l'estomac est plein d'ahments; V. Braam-Houckgeest a constaté des contrac- tions de l'estomac par l'excitation du bout périphérique du pneumogastrique ; d'après Waller, ces contractions ne se pro- duisent plus après l'arrachement du spinal. Pour Chauveau, l'action motrice du pneumogastrique s'arrête au pylore ; cepen- dant, V. Braam-Houckgeest a obtenu aussi des contractions de l'intestin grêle. 2° Les muscles du larynx; le pneumogastrique innerve : 1" par le laryngé externe, le muscle crico-thyroïdien; la section de ce filet nerveux est suivie d'une raucité de la voix, raucité due à la laxité des cordes vocales ; en effet, si, avec une pince, on rapproche le cartilage cricoïde du thyroïde, la raucité dispa- raît (Longet) ; ce filet viendrait du pneumogastrique; l'irritation intra-crânienne de ce nerf produit des contractions dans le mus- cle (Chauveau); 2° par le nerf récurrent, qui vient du spinal, il innerve tous les autres muscles du larynx (voir Spinal). Après sa section, il y a aphonie complète (Sédillot, Magendie, Longet), ce qui s'explique par la paralysie des constricteurs et des tenseurs de la glotte; quelquefois, au contraire, les animaux peuvent encore pousser des cris aigus (Sédillot); d'après Longet, cette persistance des cris ne se montre que chez les jeunes sujets et tient à ce que les crico-thyroïdiens, dont l'action est conservée, suffisent pour tendre les cordes vocales, et que, grâce à la con- formation particulière de la glotte presque exclusivement mem- braneuse, le rapprochement des cordes vocales peut encore se PHYSIOLOGIE DES .NERFS. 937 faire assez bien pour que le son se produise (voir aussi : Action du pneumoijastrique siirla respiratioiv. Les fibres musculaires du récurrent paraissent provenir en totalité du spinal: cependant Chauveau a vu, dans quelques cas, l'excitation intra-crànienne du pneumogastrique amener aussi des contractions dans lecrico- aryténoïdien postérieur, et Volkmann en a constaté dans les crico-aryténoïdiens postérieur et latéral ; ce dernier auteur a vu les mouvements respiratoires du larynx continuer après la sec- tion du spinal des deux côtés (voir Spinal). 3" Les muscles lisses des bronches : la contractilité pulmo- naire a été mise hors de doute par les expériences de Williams et de Bert (p. 565). Œhl a constaté sur des chats, des chiens et des lapins, des contrac- tions des cloisons musculaires de la rate dont la surface devenait cha- grinée par Texcitation du bout périphérique du pneumogastrique; Bochefontaine n'a vu, au contraire, de contractions que par l'excitation du bout central. Les contractions de l'utérus admises par Kiiian sous la même influence sont très-douteuses et n'ont pu être constatées par Spiegelberg. Stilling croit avoir vu des contractions de la vessie par l'excitation des racines du pneumogastrique; ii:hl les admet aussi chez les chiens. C. Action du pneumogastrique sur le coeur (fig. ■2t7). — L'excitation du tronc du pneumogastrique au cou produit, si l'excitation est faible, une diminution du nombre des battements du cœur : si elle est forte, un arrêt du cœur en diastole avec réplé- tion des cavités du cœur et surtout des oreillettes. La section de ces nerfs, au contraire, amène une accélération du pouls. Cette découverte capitale est due à E. Weberi,1845). Le ralentissement et l'arrêt du cœur ont lieu non-seulement par l'excitation galva- nique, mais par les excitants chimiques (sel marini et mécani- ques (tétanomoteur). Ce ralentissement se montre chez tous les animaux chez lesquels il a été recherché, tant à sang froid qu'à sang chaud, mais l'arrêt complet n'a pu être obtenu sur les oiseaux, avec la galvanisation, par CL Bernard. Einbrodt l'a ce- pendant obtenu sur des oies et des poulets, mais par les excita- tions mécaniques. Chez l'homme, la compression de la carotide au bord antérieur du sterno-mastoïdien est suivie d'un ralentis- sement du cœur que Czermaek attribue à une compression du pneumogastrique; Henle l'a constaté directement sur un décapité. 938 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. La compression des deux pneumogastriques chez l'homme peut être suivie d'accidents très-graves 'von ThanholTer). L'arrêt du cœur produit par la g-alvanisatiou du pneumogastrique dure 15 à 30 secondes environ chien) ; puis les battements reprennent, même si on continue la galvanisation ; l'épuisement se produit donc très-vite pour cet appareil d'arrêt du cœur, mais il disparait aussi très- vite par le repos; si on excite longtemps un des pneumog-aslriques jusqu'à ce que les battements du cœur aient repris (par fatigue) et quon excite l'autre pneumogastrique, l'arrêt du cœur ne se produit plus; mais si on attend une à deux minutes pour laisser reposer l'ap- pareil modérateur, l'arrêt se produit de nouveau 'de Tarchanoiï). Pen- dant toute la durée de l'arrêt, le cœur n'a pas perdu sou excitabilité, car, si on l'excite directement, il se coutracte et fait une pulsation, rare- ment plus. D'après Legros et Onimus. le ralentissement du pouls par l'excitation du pneumogastrique est d'autant plus considérable avec les courants interrompus, que le nombre des intermittences du courant est plus grand. Il faut 15 à 20 intermittences par seconde pour arrêter le cœur d'un chien, 2 à 3 seulement pour les animaux à sang froid. La durée de l'excitation latente (intervalle entre l'application de l'excitant et l'arrêt du cœur) est de 1/5^ de seconde environ pour les courants constants; Legros et Onimus l'ont trouvée plus considérable, surtout pour les animaux à sang froid avec les courants intermittents (I à 2 secondes chez les animaux à sang chaud; une demi-minute quelque- fois chez les animaux à sang froid'. Cet arrêt du cœur ne peut être attribué à un phénomène réflexe; c'est une action directe; en effet, si après avoir sectionné le pneumo- gastrique au cou, on excite le bout périphérique, ou obtient le même résultat, plus prononcé même que par l'excitation du tronc. Moleschott et Schiff ont prétendu que le ralentissement et l'arrêt du cœur ne se montraient que pour de fortes excitations, et qu'en em- ployant des excitations très-faibles, par exemple des courants au mini- mum, on avait au contraire une accélération des mouvements du cœur. Ces faits. conOrmés par quelques observateurs. Longet, Arloing et Tri- pier, ont été niés par la plupart des physiologistes : Y. Bezold, Eckhard, Pfliiger, Brown-Sequard, etc.. et il est impossible de considérer le pneumogastrique comme un nerf moteur du cœur. Schelske. pour ré- soudre la question, a cherché à faire agir le pneumogastrique pendant que le cœur était en repos; il arrête le cœur en diastole par ia chaleur et dit avoir vu dans ce cas des pulsations du cœur qui auraient quel- quefois un caractère tétaaique (Cyou;; mais Eckhard n'a pu réussir une seule fois, en répétant l'expérience, à obtenir une contraction du cœur. L'accélération des battements du cœur qui suit la section des pneu- PHYSIOLOGIE DES .\ERFS. 939 mogaslriques est surtout facile à constater chez les animaux à pouls rare, chez lesquels ou peut voir les battements doubler de fréquence. Cette action n'est pas, du reste, aussi constante que celle qui suit l'ex- citatio/i des nerfs ; aussi elle ne se produit pas chez les animaux à sang froid, grenouilles (Budg-e, A. Moreau), tortue, reptiles (Fasce et Abbatei. L'action du pneumogastrique droit sur le cœur parait souvent plus prononcée que celle du gauche (Masoin, Arloing et Tripier), fait que l'anatomie explique facilement, les rameaux cardiaques étant ordinai- rement plus nombreux a droite qu'à gauche. Le pneumogastrique n'agit pas seulement sur la fréquence des bat- tements du cœur, il agit encore sur la grandeur des pulsations ; ces pulsatious deviennent plus amples, de façon que, pour un temps donné, le travail du cœur resterait le même; cependant, d'après Coats, elles seraient en même temps plus faibles, de façon que le travail du cœur diminuerait ; }iuel a constaté, chez la grenouille, en même temps que le ralentissement, un affaibhssement des contractions portant seulement sur l'oreillette. L'influence sur la pression sanguine sera vue plus loin. La section de la moelle et des deux sympathiques au cou (accéléra- teurs cardiaques! augmente l'excitabilité du pneumogastrique, et, dans ce cas, une excitation même très-faible produit l'arrêt du cœur. Il en serait de même de tout ce qui empêche rechange des gaz dans le sang (Suschtschinskyi. L'atropine paralyse l'action cardiaque du pneumo- gastrique, tandis que tous les nerfs moteurs sont encore intacts; la nicotine produit le même eflet, mais après une période d'excitation pas- sagère; la muscarine, au contraire, excite le pneumogastrique et arrête le cœur en diastole. Il est probable que les fibres cardiaques du pneumogastrique abou- tissent aux ganglions du cœur et non directement aux fibres muscu- laires; en effet, après la section des deux pneumogastriques chez la grenouille (pneumogastriques qui contiennent toutes les fibres cardia- ques), Bidder a vu que toutes les fibres à double contour étaient dé- générées, tandis que les globules nerveux des ganglions et les fibres fines, beaucoup plus nombreuses, qui en proviennent étaient saines. D'où proviennent ces fibres cardiaques du pneumogastrique? W'aller observa, le pi-emier, que si on arrache le spinal et qu'on attende quel- ques jours pour laisser aux fibres qui viennent du spinal le temps de dégénérer, l'excitation du pneumogastrique n'a plus d'action sur le cœur, tandis que cette action se produit du côté où le spinal a été laissé intact, et Burckhardt a trouvé, après l'arrachement du spinal, toutes les fibres cardiaques du pneumogastrique dégénérées. Cependant l'ar- rachement des deux spinaux qui devrait, dans ce cas, produire une accé- lération du cœur, comme la section même du pneumogastrique, n'a donné que des résultats contradictoires; Heidenhain admet cette accé- lération, mais elle n'a pu être constatée par Schitf et Eckhard. Peut-être une partie seulement de ces fibres a-t-elle sou origine dans le spinal. 940 PHYSIOLOGIE FO>"CTIO>\\ELLE. Comment le pneumog-astrique agit-il sur le cœur? Deux théories sont en présence, la théorie de {'épuisement et celle des nerfs d'arrêt; car on peut éliminer immédiatement les opinions qui. comme celle soutenue autrefois par Brown-Sequard, font dépendre l'arrêt du cœur d une con- traction vasculaire produite par l'excitation du nerf, ou, comme Mayer, de Bonn, rattachent l'action de ce nerf à la circulation pulmonaire. La théorie de l épuisement a été formulée principalement par Mole- schott et Schiff; cette théorie se base sur le fait, admis par ces auteurs, mais nié par la plupart des expérimentateurs, à savoir qu'une faible excitation produit une accélération du cœur; pour eux, le pneumogas- trique est un nerf moteur du cœur, mais un nerf d'une espèce particu- lière, dune excitabilité plus délicate, plus fugace que celle de tout autre nerf moteur; il se fatiguerait beaucoup plus vite, et toute exci- tation un peu forte amènerait immédiatement son épuisement et sa paralysie ; le ralentissement et l'arrêt du cœur seraient, dans ce cas, de simples phénomènes de fatigue. Mais, outre que le poiut de départ de la théorie est inexact, un épuisement aussi subit d'un nerf consti- tuerait une exception peu admissible parmi les nerfs moteurs. La théorie des nerfs d'arrêt a été émise par E. Weber et est adoptée aujourd'hui par la plupart des physiologistes dans ses traits princi- paux. Dans cette théorie, le pneumogastrique représente un nerf d'arrêt pour les mouvements du cœur, mais il ne faut pas considérer cet arrêt comme s'exerçant directement sur le tissu musculaire même du cœur; il n'y a pas cessation de la contraction musculaire cardiaque existante, il y a seulement empêchement ou retard d'une contraction nouvelle. Cette influence du pneumogastrique ne peut donc s'exercer que sur les nerfs ou les ganglions i moteurs du cœur, de façon à empêcher que l'aclion de ces nerfs n'arrire jusqu'au cœur pour y exciter des contrac- tions, ou, du moins, n'y arrive en quantité sufTisante. On pourrait donc, si on comparait l'innervation motrice du cœur à une chute d'eau, re- présenter l'action du pneumogastrique par la vanne qui régie la chute, et par suite le mouvement de la roue hydraulique; si la vanne est bais- sée complètement (forte excitation du pneumogastrique), la roue reste immobile; si la vanne n'est qu'incomplètement fermée 'état normal), la roue tourne; si elle est tout à fait levée section des pneumogastriques), le mouvement de la roue acquiert son maximum de rapidité. Quant au mécanisme même de l'action de l'arrêt du pneumogastrique sur le cœur, il est encore inconnu et on ne peut faire à ce sujet que des hypothèses ivoir : Innervation du cœur). Quelles sont, à l'état normal, les causes qui mettent en jeu cette action d'arrêt du pneumogastrique? Est-elle permanente, continue ou simplement intermittente ? Il est assez difficile de répondre d'une façon précise à cette question. Cependant on connaît aujourd'hui quelques- unes des conditions de cette action, conditions qui seront étudiées à propos de la moelle allongée. PHYSIOLOGIE DES NERFS. 9il D. Action vaso-motrice directe. — Cette action est encore très-obscure. Le pneumogastrique paraît fournir, conjointement avec les nerfs splanchniques, une petite partie des vaso-moteurs de l'intestin; après sa section au cou, les vaisseaux de l'intestin sont plus remplis et la température de l'abdomen augmente temporairement, tandis que l'ex- citation du bout périphérique du nerf rétrécit le calibre des artères (Œhl). L'excitation du bout périphérique fait baisser la pression arté- rielle et diminue la vitesse du courant sanguin (R. Heidenhain) ; la sec- tion des pneumogastriques fait hausser cette pression (V. Bezoldi; cette actiou est niée par Moleschott. E. Action excito-réflexe du pneumogastrique. — Le pneu- mogastrique agit par action réflexe sur les mouvements des organes digestifs, sur la respiration, sur les sécrétions et sur la circu- lation. r Action réflexe sur les mouvements des organes digestifs. — Action sur la déglutition. — D'après Longet, les filets lin- guaux du pneumogastrique serviraient à transmettre aux centres nerveux l'impression qui provoque le réflexe de la déglutition ; mais cette action réflexe ne se produirait pas pour tous les exci- tants; si on déposait, en passant par la trachée, des morceaux de viande ou de pain, insalivés ou non, dans l'intervalle des replis glosso-épiglottiques, il se produisait un mouvement de dégluti- tion : si on touchait ces parties avec une pince, il ne s'en pro- duisait pas, mais il y avait des nausées et des efforts de vomis- sement ; il y aurait donc une différence de réflexes suivant la différence de l'excitation. Bidder, puis Prévost et Waller, ont observé des mouvements de déglutition par l'excitation électrique du laryngé supérieur (bout central) et quelquefois par celle du récurrent. Faut-il ranger dans ces actions réllexes les mouve- ments de l'estomac quand les aliments arrivent en contact avec la muqueuse? 2° Action réflexe du pneumogastrique sur la respiration — Avant de préciser le rôle du pneumogastrique dans la respira- tion, il est nécessaire de présenter d'abord les résultais de la section et de l'excitation du nerf. Section des pneumogastriques. — Après la section des deux pneu- mogastriques, on observe un ralentissement des mouvements respira- 942 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. toires; leur nombre peut diminuer de moitié et tomber même au quart du chiffre normal; les inspirations sont plus profondes, lentes, labo- rieuses et l'intervalle entre deux mouvements respiratoires (pause expiratoire) s'allonge notablement (voir.^^;. 242i. La rareté des respira- tiens serait compensée par leur amplitude, de sorte que dans le même temps il entrerait autant d'air dans les poumons qu'avant la section (Rosenthal); ce n'est qu'au bout d'un certain temps qu'on observe un affaiblissement des échanges gazeux, une diminution dans l'exhalation d'acide carbonique et dans l'absorption d'oxygène. La dyspnée qui re- suite de l'opération se révèle par la coloration plus foncée du sang et l'abaissement de température. D'après A. Moreau, ce ralentissement des respirations ne se remarquerait pas chez les animaux a sang froid, comme la grenouille. Les trois figures suivantes représentent la marche de la respiration, telle qu'elle m'a paru se présenter chez le lapin après la section des pneumogastriques, quand l'expérience se fait dans de bonnes condi- tions. Ces phénomènes ne me semblent pas avoir attiré jusqu ici 1 at- tention des physiologistes. Immédiatement après la section, la respira- tion s'arrête en expiration (^^ 242) ; puis, au bout de quelques Fig. 242. — Giaphique respiratoire après la snct'on des pnnimoi^astriqnps (lapin). secondes, une inspiration se fait et les respirations reprennent; mais ces respirations présentent soit de suite, soit au bout de très-peu de temps, un caractère particulier (./î^. 24.3, p. 943;; elles sont d'abord fré- quentes, puis, peu après, la pause expiratoire s'allonge jusqu'à ce qu il revienne un arrêt en expiration, et ainsi de suite plusieurs fois, jus- qu'à ce qu'enfin, au bout d'un temps variable, il s'établisse un régime respiratoire régulier (fig. 244, p. 944) analogue à celui qui a été décrit par la plupart des physiologistes. Il ne peut entrer dans le cadre de ce livre de chercher à donner une interprétation de ces faits. Fia n^» -Ce K'-ap^ique ainsi qi.e les suivants ont et- pris par !.-pro''édé indiqué page 433 fTube'd;„"s la traiée') Le graphique se 1„ de droite a «anche; la ligne descend.., te correspond à l'inspiraliou, la ligne ascen.lanle à lexpiration, le plnteau a la pau^e exp.rato.re. l'HVSIOLOGIE DES NERFS. 943 Après la secfion des deux pneumogastriques, les animaux ne tardent pas à mourir; les jeunes (lapins et chiens), au bout d"nn jour ou deux; les vieux, au bout de deux à six jours ; cependant quelquefois, comme ]"ont vu Sédillot, Cl. Bernard, • et comme j'en ai observé un cas. la survie peut être pluslongue; d'autres fois, au contraire, la mort est presque immédiate. A Tautopsie, on trouve des altérations pulmonaires sur lesquelles les auteurs sont loin d'être d'accord; les poumons sont con- gestionnés, emphyséma- teux, et offrent des noyaux d hémorrhagie et dhépa- tisation ; les vaisseaux pulmonaires sont souvent remplis de caillots qui, s'ils sont formés dans la vie. comme le croit Mayer, pourraient produire un arrêt de la circulation pulmonaire. D'après Trau- be, ces altérations sont dues à la pénétration de matières alimentaires, de .'^alives , . de mucosités pharyngiennes dans les bronches; il est vrai qu'on en rencontre ha- bituellement, mais il n'y a là qu'une condition ac- cidentelle , car si on adapte un tube à la tra- chée pourempêcher cette pénétration, les altéra- tions ne s'en produisent 94i PHYSIOLOGIE FONCTIOXjVELLE. pas moins (Cl. Bernard i. Scliiff admet une inflammation névro-paralytique par section des vaso-moteurs contenus dans le tronc des pnenmogas- Fig 24 t. — Gra|ihiqiie respiratoire après la section des pneumogastriques. (Troisième stade.) triques et A. Genzmer se rattache à celte opinion (hyperémie névro- paralytiqne). Longet fait Intervenir la paralysie des fibres lisses des bronches qui aurait pour résultat une diminution de l'élasticité pulmo- naire et l'expulsion incomplète des mucosités bronchiques ; ce qui est certain, en efTet. c'est qu'on trouve toujours une grande quantité d'é- cume bronchique. Une des conditions essentielles me paraît être la gêne de la circulation pulmonaire apportée par l'augmentation de durée de lexpiration et de la pause expiratoire ; on a vu plus haut {page 701) que dans l'expiration il y a une diminution notable de la circulation capil- laire ; seulement cette condition n'est pas la seule et les autres causes de la mort ne sont pas encore précisées. En tout cas, il est bien prouvé, comme on le verra plus loin, que la mort ne tient pas à la section des récurrents. La section d'un seul pneumogastrique n'est pas mortelle; dans ces cas on observe, d'après Cl. Bernard, une diminution de la respiration du côté lésé. Dans les phénomènes qui succèdent à la section des pneumogastri- ques, il est facile d'éliminer ce qui peut revenir au laryngé supé- rieur en faisant la section au-dessous de ce nerf; mais par contre il est presque impossible de faire la section des pneumogastriques au- dessous des récurrents; aussi faut-il contrôler Texpérience par la sec- tion de ces deux nerfs. La section double dés récurrents paralyse tous les muscles du larynx, sauf le crico-thyroidien; les dilatateurs de la glotte sont donc paralysés et il en résulte d'abord de la dyspnée, par suite du rétrécissement de PHYSIOLOGIE DES NERFS. 945 la glotte ; les inspirations sont plus laborieuses, mais on n'observe pas les longues pauses expiiatoires caractéristiques; et même cette dyspnée ne se déclare que quand les animaux s'agitent ou sont effrayés : autre- ment ils peuvent vivre très-longtemps sans rien présenter de particu- lier au point de vue de la respiration. Ce n'est que chez les très-jeunes animaux, les chats surtout, que la mort arrive très-vite par asphyxie, c'est que chez eux, comme l'ont indiqué Legallois et Longet, la partie interaryténoïdienne de la glotte est à peine formée et les lèvres de la glotte, presque entièrement membraneuses, font soupape et tendent à se fermer au lieu de s'ouvrir à chaque inspiration; chez les animaux adultes, au contraire, Tair passe par la glotte interaryténoïdienne tou- jours béante et résistante. Si l'on veut conserver quelque temps les jeunes animaux après la section des récurrents, il faut avoir la pré- caution de pratiquer- une fistule de la trachée. Excitation du pneumogastrique. — La galvanisation du bout /;m- phérique est à peu près sans action sur la respiration. L'excitation du bout central produit des résultats différents suivant que l'excitation a lieu au-dessus ou au-dessous de l'origine du laryngé supérieur. Quand l'excitation a lieu au-dessous de l'oiigine du laryngé inférieur, 1^ si l'excitation est faible, il y a simple accélération des mouvements respiratoires; 2°, si l'excitation est forte, on obtient un véritable tétanos du diaphragme, tandis que les muscles expirateurs sont relâchés; cet arrêt en inspiration peut durer plus de trente secondes. Quand l'excitation a lieu au-dessus de l'origine du laryngé supérieur, ou porte sur le nerf laryngé supérieur même : 1", si l'excitation est faible, les mouvements respiratoires se ralentissent; 2°, si l'excitation est forte, les muscles expirateurs se contractent tétaniquement, la glotte se ferme et le diaphragme est dans le relâchement ainsi que les autres muscles inspirateurs ; la respiration s'arrête en expiration. D'après ces expériences, le pneumogastrique contiendrait donc deux sortes de fibres centripètes agissant sur la respiration par action réflexe : 1° des fibres provenant du poumon (filets pulmo- naires) dont l'activité excite le centre inspirateur et paralyse le centre expirateur; 2*" des fibres contenues dans le laryngé supé- rieur {filets laryngés) dont l'activité excite le centre expirateur et paralyse le centre inspirateur. Cette théorie, admise par Rosenthal, Traube, Eckhard et la plupart des physiologistes allemands, a été vivement combattue, principale- ment par Bert. D'après Bert, le point de départ du réflexe excitateur est indifférent; que l'excitation parte du poumon ou du larynx, le résultat est toujours le môme ; si l'excitation est faible, il y a accélération des mouvements respiratoires; si elle est forte, ils sont ralentis; si elle est Beaunis, Phys. 60 946 PHYSIOLOGIE FO.NCTIOXNELLE. très-forte, ils sont arrêtés. L'arrêt de la respiration peut se faire tantôt en inspiration, tantôt et plus souvent en expiration ; enfin, dans cer- tains cas d'excitation très-forte de ces nerfs, il peut y avoir mort subite de l'animal en expérience. D'après mes expériences, les faits me pa- raissent s'accorder plutôt avec la théorie de RosenthaL Les rapports du laryngé supérieur avec le centre expirateur expli- quent la toux qui se produit par l'excitation de la muqueuse du larynx; cliez des animaux narcotisés, Waller et Prévost ont vu la toux se pro- duire par l'excitation directe du tronc du laryngé supérieur. Le sang chargé d'acide carbonique paraît agir comme excitant sur les extré- mités nerveuses des filets pulmonaires inspirateurs}, mais paraît sans action sur les filets laryngés (expirateursj. 3" Action réflexe du pneumogastrique sur les sécrétions. — OËhl, par l'excitation du bout central du pneumogastrique, a ob- tenu une augmentation de sécrétion sous-maxillaire ; cette action ne se produisait pas si l'on coupait préalablement la corde du tympan ; cependant le fait n'a pas été confirmé par Nawrocki. Bernstein a vu la même excitation arrêter la sécrétion pancréa- tique. V Action réflexe vaso-motrice. — Voir : Rameau auriculaire (anastomoses) et Nerf dépresseur (nerfs vasculaires). F. Action sécrétoire directe du pneoiogastriol-e. — \° Ac- tion sur la sécrétion du suc gastrique. — Il y a de nombreuses dis- sidences sur ce sujet. Scliiff, Eckhard nient toute influence de ce nerf sur la sécrétion ; cependant d'autres auteurs ont observé soit une diminution de quantité (Longet), attribuée par Bidderet Schmidt à la diminution de la sécrétion salivaire, soit une alté- ration de qualité (alcalinité ; Cl. Bernard, Pincus). Ce qu'il y a de certain, c'est que la section des pneumogastriques produit tantôt des troubles digestifs, tantôt non. Pincus avait cru voir que la digestion stomacale était plus troublée si on coupait les pneumogastriques au-dessous du diaphragme que si on les cou- pait au cou; mais Kitzler et Schiff n'ont pas rencontré ces diffé- rences chez les animaux qui survivaient. Cl. Bernard a cru voir qu'après la section des pneumogastriques, l'absorption par la muqueuse stomacale se faisait plus lentement, mais continuait cependant à se faire, contrairement aux assertions de Bouley. 2" Action sur la sécrétion rénale. — Cl. Bernard, après la sec- tion des pneumogastriques, a vu, chez le lapin, les urines d'alca- lines devenir acides ; la galvanisation du nerf au cardia produi- PHYSIOLOGIE Di:S .NERFS. 947 • rait aussi une augmentation de sécrétion urinaire. Eckhard, au contraire, n'a pu constater aucune action sur la sécrétion rénale. G. Action sur le foie et la glycogénie. — La galvanisation du pneumogastrique augmente la quantité de sucre et de matière glycogène dans le foie et les fait apparaître dans l'urine ; sa sec- tion les fait disparaître du foie et on n'en trouve plus après la mort (Cl. Bernard). Cependant, ce qui indique que cette action du pneumogastrique sur la glycogénie hépatique n'est qu'indirecte, c'est que la section du nerf au-dessous du cœur et des poumons n'emi)êclie pas cette fonction de s'accomplir. Cl. Ijcrnard a cons- taté aussi l'apparition de sucre dans l'urine par l'excitation du bout central du nerf.- H. Anastomoses. — 1" Rameau auriculaire ou de la fosse jugulaire. — Cette branche, très-grosse chez le bœuf et le cheval, est très-sensible (Cl. Bernard) et sa section détermine une dou- leur très-vive ; après cette section, le bout central du facial n'est plus sensible au pincement. 11 se compose donc probablement de filets sensiliis allant du pneumogastrique au facial ; d'après Sappey, Valentin, il contiendrait encore des filets moteurs allant du facial au pneumogastrique. Ce rameau auriculaire aurait outre une action vaso-motrice réflexe sur les vaisseaux en de l'oreille ; l'excitation du bout central produit d'abord un ré- trécissement, puis une dilatation des vaisseaux de l'oreille; ce phénomène ne se montrerait plus après la section du grand sympathique au cou (Snellen). 2° A. avec le glosso-phanjngien (voir ce nerf). T A. du plexus gangliforme avec le spinal (voir ce nerf). 4" A. du plexus gangliforme avec le grand sympathique. — Fournit probablement des filets vaso-moteurs ou trophiques au pneumogastrique ; leur trajet ultérieur est indéterminé. 5" .4. du plexus gangliforme avec ^hypoglosse (voir ce nerf). (j° A. de son rameau pharyngien avec le glosso-pharyngien. — Fournit probablement une partie des muscles du pharynx. 7" A. de ses rameaux terminaux avec le grand sympathique. — Plexus pharyngien, cardiaque, pulmonaire, œsophagien, gas- trique. 8" A. de Galien. — D'après Philipeaux et Vulpian, ces fibres iraient exclusivement du laryngé supérieur à l'inférieur et four- niraient les filets sensitifs à la trachée et à l'œsophage. (Méthode de Waller.) 948 PHYSIOLOGIE FONCTIGN^'ELLE. Bibliographie. — C. Sédillot ; Du Nerf pneumogastrique, 1829. — V. Kempen: Essai exjyériiiienfal sur la nature fonctionnelle du pneumogastrique. — Beowx-Se- QUARD ; Effets de la section des nerfs vagues. (Gazette médicale, 1854.) — 8chiff : ZurPhys. der sogennn7iten Bemmungsneri: en, dans : Vntersuch. zur Naturlehre, 1859. — J. RosEXTHVL : Die Athemhewegungen, 18ij"-. — A. Chauveau : Du Nerf pneu- mogastrique. (Journal de physiologie, 1^62.) — Arloixg et Tripier : Contributions à la physiologie des nerfs vagues. (Archives de physiologie, 1862.) k. — Spinal. (Figure 245.) Procédés. — 1° Excitation intra-crânienne et intra-rachidienne . Peut se faire sur une moitié de tête d'un animal décapité. 2" Section. — Procédé de BischolT. On met à nu et on incise la membrane occipito-atloïdienne ; pour arriver sur toutes les racines, il faut enlever une pariie de l'occipital ; mais on a alors beaucoup de sang-, 3° Arrachement de Cl. Bernard. — On met à découvert la branche externe du spinal au moment où elle traverse le sterno-mastoïdien et on s'en sert comme de guide pour arriver à la partie supérieure du nerf qu'on met à découvert jusqu'au trou déchiré postérieur; on saisit alors avec des pinces à mors solides le nerf tout entier et on l'arrache par un mouvement de traction ferme et continu. Le procédé réussit surtout bien chez le chat, le lapin, le chevreau ; il échoue ordinaire- ment chez le chien. On peut arracher isolément la branche interne et la branche exierne ; il faut, autant que possible, choisir de jeunes ani- maux. L'opération est douloureuse ; aussi faut-il fixer solidement la tète de l'animal. Il peut y avoir écoulement de sang par la déchirure de la jugulaire interne accolée au spinal. Schifl" a vu souvent un diabète intense persister pendant quelques heures après l'arrachement. Heiden- hain suit un procédé un peu difîérent pour arriver sur le spinal ; il se • guide sur la grande corne de l'os hyoïde. A. Action motrice. — Le spinal est un nerf exclusivement moteur et ses deux branches ont une distribution toute dififé- rente. 1° La branche externe ou médullaire, M, innerve le sterno- mastoïdien et le trapèze, conjointement avec les brandies du plexus cervical ; aussi la section de la branche externe n'abolit- elle pas les mouvements de ces deux muscles. 2° La branche interne ou bulbaire, B, se jette dans le plexus gangliforme du pneumogastrique et contribue à former les filets laryngés moteurs dii récurrent ; elle innerve donc tous les muscles du larynx , à l'exception du crico-lhyroïdien (voir : Pneumogastrique). L'excitation des racines bulbaires produit des PHYSIOLOGIE DES .NERFS. 949 contractions dans les muscles du larynx, et après l'arrachement du spinal, la plus grande partie des fibres du récurrent sont dé- générées (Waller). Daprès Burckhardt, après l'arrache- ment du spinal, le laryngé supérieur contiendrait aussi des fibres dégénérées, et l'ex- citation du laryngé supé- rieur ne produirait plus d'ex- citation dans les muscles crico-thyroïdiens. Elle fournit aussi des filets moteurs aux muscles du pharynx, Chauveau a vu son excitation amener des con- tractions , mais seulement dans la bandelette supérieure du constricteur supérieur. Pour Bendz et Longet, la plus grande partie des fibres motrices du plexus pharyn- gien viendrait du spinal, et, après l'arrachement du spi- i=-.ff. 245. -xNerf spinal. (Figure schémaiique.) ^^^ Burckhardt a trOUVé beaucoup de fibres dégénérées dans les rameaux pharyngiens du pneumogastrique. "Wailer croit que les fibres musculaires de l'estomac proviennent aussi du spinal. D'après Cl. Bernard, le spinal agirait non-seulement par sa branche in- terne, mais encore par sa branche externe, sur l'expiration forcée 'dans la phonation et dans refîort). En effet, après l'arracbement du spinal, il a observé des phénomènes particuliers quon peut classer en deux groupes, suivant qu'ils se rattachent à la paralysie de l'une des deux branches. i"* Pou?- la branche interne, c'est l'aphonie et la gêne de la dégluti- tion; mais cette aphonie ne ressemblerait pas à celle qui se produit après la section des récurrents; dans la paralysie du spinal, il y aurait Fig. 245. — B, racines bulbaires. — M, racines médullaires. — X, pneumogastrique. — i, branche eiterne du spinal. — 2. Anastomose avec .le deuxième nerf cervical. — 3. anas- tomose avec le troisième. — 4, anastomose avec le quatrième. — 5, branche du trapèze. — 6, branche du sterno-mastoidien, — 7, racine interne. — S, nerf pharyngien, — 9, nerf laryngé externe (?) — 10, nerf récurrent. — 11, nerfs cardiaques. 950 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. une dilatation persistante de la glotte, et les cordes vocales pourraient se rapprocher, mais sans se tendre; dans la paralysie du pneumogastrique, la glotte serait rétrécie et ne pourrait se dilater. La gène de la dégluti- tion existant après l'arrachement du spinal ne se remarque pas à l'état normal ; elle ne se fait sentir que si on dérange brusquement l'animal au moment où il mange; dans ce cas, les aliments passent dans la trachée; c'est que les muscles pharyngiens ont une double action, d'abord de pousser les aliments dans l'œsophage, ensuite de fermer le larynx, car l'occlusion de la glotte se fait encore chez les chiens après l'excision de tous les nerfs laryngés et de l'épiglotte ; ces deux actions sont sous deux influences nerveuses distinctes, et après l'ablation du spinal, le pharynx ne conserve plus que les mouvements qui poussent le bol alimentaire dans l'œsophage. Cette branche interne agit donc, non sur la respiration simple, mais sur la respiration en tant qu'elle est liée à la phonation et à l'effort ; le spinal est le nerf de l'expiration forcée volontaire, spécialement de l'expiration vocale ; le pneumogastrique est le nerf de la respiration simple, organique. 2° Pour la branche externe, Cl. Bernard a constaté, après son arra- chement, la brièveté de l'expiration, de l'essoufflement, surtout si on faisait courir l'animal, et de rirrégularité dans la démarche. Là encore Cl. Bernard distingue la fonction respiratoire de la fonction vocale et musculaire volontaire. L'émission du son vocal nécessite une certaine durée de l'expiration pendant laquelle le son doit se soutenir ; l'expi- ration doit être graduée; il en est de même dans l'effort modéré; les sterno-mastoïdiens et le trapèze maintiennent le thorax dilaté et s'op- posent à l'expiration en la maintenant dans les limites voulues. Après la section de la branche externe, cette influence n'existe plus, et son absence se révèle par l'essoufflement dans les efforts et l'impossibilité de soutenir le son vocal. En résumé; dans la phonation, le spinal agit, par sa branche interne, sur la glotte, organe producteur du son, en la rétrécissant et en ten- dant les cordes vocales; par sa branche externe, sur le porte-vent ou le thorax, en réglant la quantité d'air expiré pendant l'émission du son. Dans l'elfort, il agit, par sa branche interne, en fermant plus ou moins complètement la glotte, par sa branche externe, en maintenant le tho- rax immobile, en antagonisme avec les expirateurs. Cette théorie de Cl. Bernard sur les actions antagonistes du pneumo- gastrique et du spinal a été combattue de plusieurs côtés et en par- ticulier par Longet, au traité duquel je renvoie pour la discussion des faits. B. Action sensitive. — Le spinal est sensible dans sa partie extra-crànienne ; le pincement du bout central détermine de la douleur; cette sensibilité est due probablement à son anasto- PHYSIOLOGIE DES NERFS. 951 mose avec le pneumogastrique ou avec les racines postérieures des nerfs cervicaux. Dans sa partie ialra-rachidiL-nne, il aurait la sensibilité récurrente, qu'il devrait, d'après Cl. Bernard, à ses anastomoses avec les racines postérieures cervicales. C. Anastomoses. — {"A. avec les racines postérieures cervi- cales. — Elles donnent probablement la sensibilité au spinal. 2" A. avec le pneumogastrique. — Voir ci-dessus et Pneumo- gastrique. 3° A. avec les nerfs cervicaux. — Ces filets assurent la double innervation du stcrno-mastoïdien et du trapèze. Bibliographie. — BisChoff ; Nervi accessorii uiUisii physiologia, 1832. — C. MoRGAKTi : Sopra il nervo deito Vaccessorio di Willis, 184:^. 1. — Grand hypoglosse. iFigure 246.) Procédés. — 1° Excitation intra-crânienne de ses i-acines. — Se fait sur une moitié de tête d'un animal décapité. — 2° 5ec^/o?i i lapin i. — Inciser la peau sur la ligne médiane du cou, chercher la poiute de la grande corne de l'os hyoïde ; en dehors d'elle se trouve la carotide ex- terne qui émet l'artère linguale; au-dessus de cette artère, qui longe la grande corne, se trouve le nerf hypoglosse. A. Action motrice. — L'hypoglosse est un nerf exclusivement moteur à son origine. Il innerve tous les muscles de la langue, le génio-hyoïdien et le thyro-hyoïdien. Sa section abolit les mouvements volontaires de la langue i^par exemple l'action de laper chez le cliieni et rend la déglutition très-difficile ; mais les mouvements communiqués de la langue sont encore possibles par l'action des muscles voisins. Sa galvanisation produit des secousses convulsives dans la langue. 11 est douteux qu'il innerve les muscles sous-hyo'idiens par son anse descendante ; d'après Volkmann, l'excitation des racines de l'hypoglosse ne détermine dans ces muscles que des contractions très-faibles, et encore ex- ceptionnellement ; leur pricipale et peut-être leur seule source d'innervation viendrait alors du plexus cervical. B. Action sensitive. — L'hypoglosse est insensible à son origine ; cependant C. Mayer et Ywlpian ont constaté chez les animaux et, dans trois cas, chez l'homme la présence d'un gan- glion sur une de ses racines. Au-dessus de l'os hyo'ïde, sa sensi- bilité est très-nette ; elle est due à ses anastomoses avec les nerfs 952 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. cervicaux et peut-être avec le pneumogastrique. D'après Cl. Ber- nard, il aurait aussi la sensibilité récurrente qui lui viendrait de la cinquième paire. G. Action vaso-motrice et trophique. — Les filets qui vont Fig. 246. — Nerf hypoglosse. (Figure schématique.) au sinus occipital, au cercle veineux de l'hypoglosse, à la veine jugulaire et au diploë, proviennent probablement de son anas- tomose avec le ganglion cervical supérieur. D. Anastomoses. — T A. avec le ganglion cervical supérieur. — Voir ci-dessus. — 2° A. avec le pneumogastrique. — Cette anastomose fournit soit des filets sensitifs à l'hypoglosse, soit une partie des racines motrices du pneumogastrique (Gruveilhier, Sappey). — S** Anse descendante de l'hypoglosse. — Elle contient des filets sensitifs allant à l'hypoglosse et probablement les filets Fig. 246. — X, pneumogastrique. — XH, grand hypoglosse, — S, ganglion cervical supé- rieur. — i, 2, 3, 4, nerfs cervicaux. — 5, branche descendante. — 6, nerfs des muscles sous- hyoïdiens. — 7, anse de l'hypoglosse. — 8, rameau du thyro-h}'oïdien. — 9, rameaux ter- minaux. PHYSIOLOGIE DES KERFS. 953 moteurs des muscles sous-hyoïdiens provenant presque tous des nerfs cervicaux. Biblio@;rapliîc des nerfs crâniens. — C. Valextix : De fonctioràbus nervo- rura cerehralium, 1839. Voir aussi la bibliographie des centres nerveux. 3" >'ERFS DES ORGANES CIRCULATOIRES. a. — Inneryation du cœur. (Figure 247.) Le cœur reçoit deux espèces de fibres nerveuses, des fibres d'arrêt qui lui viennent du pneumogastrique et qui ont été étu- diées avec ce nerf (voir page 937), et des fibres accélératrices, contenues dans le grand sympathique, et qui lui viennent de la moelle.' En outre, le cœur possède dans son tissu même un appareil nerveux ganglionnaire (ganglions intra -cardiaques), dont le mode d'action présente beaucoup d'obscurité. Enfin des nerfs sensitifs et excito-réQexes complètent l'innervation cardiaque. 1° Action du grand sympathique sur le cœur. Le grand sympathique contient des filets nerveux dont l'action est antagoniste de celle du pneumogastrique. Ces filets accélérateurs se rencontrent : 1" Bans le coi-don du grand sympathique au cou ifig. 247, 4). — L'ex- citation du tronc, ainsi que celle du bout périphérique (après sa section), accélère les battements du cœur; sa section, au contraire, les ralentit un peu iV. Bezold). Mais, en tout cas, cette action n'est pas aussi pro- noncée que celle du pneumogastrique et elle n'est pas constante. Quel- quefois, surtout si les pulsations du cœur étaient déjà très-fréquentes (exemple : lapin), il ne se produit rien ; quelquefois même on a une action identique à celle du pneumogastrique. Cyon, au contraire, croit que l'excitation seule du sympathique est sans action sur le cœur. Ces fibres cardiaques, niées par Cyon, proviendraient, d'après Y. Bezold, du cerveau. 2" Dans le ganglion cervical inférieur. — L'irritation directe des nerfs cardiaques qui partent du ganglion ila troisième branche chez le lapin, la deuxième chez le chien; amène une accélération des batte- ments du cœur. Mais l'origine de ces fibres accélératrices ne se trouve pas dans le ganglion même, elle se trouve plus haut dans la moelle épinière; en etfet, si l'on fait la section des pneumogastriques, des 95i PHYSIOLOGIE FONCTIONxNELLE. sympathiques du cou et des nerfs dépresseurs des deux côtés, la sec- tion de la moelle cervicale et enûn la section des splanchniques pour abolir Tinfluence des vaso-mo- teurs et de la pression sanguine (ranimai étant curarisé et la res- piration artificielle pratiquée», l'excitation de la moelle cervi- cale produit Taccélération des battements du cœur ; or, cette accélération ne peut tenir à une action réflexe sur le cœur, puis- que tous les nerfs du cou sont coupés ; elle ne peut tenir non plus à l'influence de la pression sanguine, vu la section des dé- presseurs et des splanchniques; il ne peut donc y avoir qu'une action directe de la moelle sur le cœur. Si on extirpe ce gan- glion, Faction accélératrice ne se produit plus. 3° Dans les deux premiers ganglions dorsaux (?) — Leur excitation accélère les pulsa- tions du cœur et, s'il est arrêté, réveille ses battements (V. Be- zold, Schmiedeberg). Ces fibres accélératrices proviennent aussi de la moelle par les rami com- municantes (Cyoni, ou par l'an- neau de Vleussens iSchmiede- berg). Y. Bezold, se basant sur l'accélération du cœur produite par l'ex- citation de la moelle à diverses hauteurs, croyait d'abord que les fibres accélératrices situées dans ces ganglions provenaient de toute l'éten- due de la moelle et remontaient pour arriver aux nerfs cardiaques; mais Ludwig et Thiry ont montré que le même effet se produit si on détruit, par la galvanocaustique, tous les nerfs du cœur, et que l'accélération vue par V. Bezold est une conséquence de l'excitation des nerfs vaso-moteurs. Au contraire, après la section des splanchni- ques, qui abolit une grande partie de l'innervation vaso-motrice, l'ex- citation de la moelle ne produit plus d'accélération. l'kl . — Innervation du cœur. (Figure schématique.) Fig. Vil. — M, moelle. — B. Bulbe. — P, protubérance. — 0, oreillette. — V, ventricules. — 1, centre d'arrêt. — 2, centre accélérateur. — '^^, rami communicantes. — 4, grand sym- patlnque. — 6, pneumogastrique. — 7, 8, 9, nerfs centripètes excitant le centre d'arrêt. — 10, nerfs centripète» excitant le centre accélérateur. PHYSIOLOGIE DES >ÏERFS. 955 Ces fibres accélératrices sont donc antagonistes du pneumogastrique; elles augmentent le nombre des pulsations du cœur, mais elles ne pa- raissent pas changer le travail total du cœur; elles ne feraient que le répartir autrement. Ces nerfs ne seraient donc pas des nerfs moteurs au sens strict du mot ; leur excitation ne produit pas le tétanos du cœur, le curare est sans action sur eux ; il est probable qu'ils n'ont qu'une action indirecte sur les mouvements du cœur, qu'ils ne se ter- minent pas dans les fibres musculaires mêmes et qu'ils aboutissent aux ganglions intra-cardiaques. On ne peut supposer non plus qu'ils agissent sur les vaisseaux du cœur, comme le croyait Traube, car leur exci- tation ne produit aucune constriction de ces vaisseaux, et la ligature ou l'obturation des artères coronaires ne change rien aux phénomènes observés iV. Bezold). Action réflexe du grand sympathique sur le cœur. — Le sympa- thique du cou contient non-seulement des fibres accélératrices centri- fuges, mais encore des fibres centripètes qui agissent par action réflexe sur le pneumogastrique. Si on coupe sur un lapin les deux sympathiques à la partie inférieure du cou et qu'on excite le bout central, on observe un ralentissement du pouls, et ce qui prouve bien que ce ralentisse- ment est dû à une action réflexe sur le pneumogastrique, c'est qu'il ne se produit plus après la section de ce nerf ou après la destruction de la moelle allongée. Le sympathique dans la région abdominale (gre- nouillci, les splanchniques contiennent aussi des fibres dont Texcita- tiou produit l'arrêt du cœur en se transmettant par la moelle épinière et la moelle allongée aux origines du pneumogastrique. Goltz a vu l'arrêt du cœur se produire par un choc brusque sur l'estomac (gre- nouille) ; il y a là probablement une excitation des filets sensitifs de l'estomac; mais ces filets proviennent-ils du pneumogastrique ou du sympathique ? 2^ Action de la moelle sur le cœur. Les fibres accélératrices du cœur ont leur origine dans les régions cervicales de la moelle épinière et peut-être dans la moelle allongée. En efl'et, si on supprime l'intervention du centre d'arrêt par la section des pneumogastriques, celle des actions réflexes par la section du sym- pathique au cou, celle de la pression vasculaire par la section des splanchniques ou par celle de la moelle au-dessus de leur origine, l'excitation de la partie supérieure de la moelle accélère les batte- ments du cœur (V. Bezold, Cyon). Duval a obtenu des contractions de l'oreillette droite et du ventricule chez un guillotiné en électrisant la moelle cervicale, alors que l'application du galvanisme sur le cœur res- tait sans effet. 956 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. La moelle allongée contient, en outre, le centre d'arrêt des mouvements du cœur et l'origine des fibres d'arrêt cardiaques du pneumogastrique; mais la situation de ce centre, qui paraît se trouver dans le bulbe, n'est pas encore bien déterminée. Ce qu'il y a de positif, c'est que la galvani- sation directe du bulbe produit l'arrêt du cœur (Budge). L'état des gaz du sang parait avoir une influence marquée sur ce centre d'arrêt (Thiry). SI on pratique chez un lapin la respiration artificielle et qu'on l'inter- rompe subitement, on voit, au bout de quelques secondes, le pouls se ralentir et le cœur s'arrêter en diastole. Les origines du pneumogas- trique {centre d'arrêt bulbaire) ont donc été excitées par le sang qui a pris le caractère veineux par l'interruption de la respiration, et ce qui prouve bien que c'est le pneumogastrique qui est en jeu, c'est que le phénomène ne se produit plus après sa section ou après l'arrachement du spinal. Comment le sang veineux excite-t-il le centre cardiaque d'arrêt ? Est-ce par l'excès d'acide carbonique ou par l'insufTisance d'oxygène ? Pour décider la question, Thiry fait respirer l'animal dans un mélange d'hydrogène, ce qui empêche Taccumulation d'acide carbo- nique dans le sang, et l'arrêt du cœur ne s'en produit pas moins; ce- pendant, d'après de nouvelles expériences, il se rattache à l'opinion de Traube, qui considère l'acide carbonique comme l'excitateur du centre d'arrêt cardiaque. La moelle, dans sa partie supérieure, possède donc deux centres ner- veux antagonistes pour les mouvements du cœur, un centre moteur et un centre d'arrêt. Aussi l'indépendance du cœur n'esl-elle que relative, et si l'opinion de Legallois, qui considérait la moelle comme centre unique des mouvements du cœur, est infirmée par les faits, il n'en reste pas moins, comme conclusion, une subordination réelle du cœur à la moelle. Les influences qui agissent sur ces deux centres cardiaques se rattachent à deux catégories : état du sang, influences nerveuses. L'excès d'acide carbonique excite le centre d'arrêt; le sang oxygéné excite le centre accélérateur. Les influences nerveuses agissent aussi sur les deux centres, mais celles qui agissent sur le centre d'arrêt sont seules bien connues; ce sont : 1° les excitations des nerfs sensitifs, tant de la sensibilité générale que de la sensibilité organique, et parmi ces nerfs, un des plus importants est le nerf dépresseur de Cyon; c'est à cette action que se rattache l'arrêt du cœur observé par Goltz chez la grenouille par un choc brusque sur le ventre ('); 2° les émo- tions. Le centre accélérateur peut aussi entrer en jeu par les émotions et peut-être aussi par des excUationsfaibles des nerfs sensitifs. D'après Âsp, l'excitation du bout central des nerfs musculaires produirait ordi- nairement une accélération des battements du cœur. La volonté est sans influence directe sur ces deux centres. (') De TarchanolT a vu le simple attouchement des intestins enflammés produire le même effet. PHYSIOLOGIE DES NERFS. 957 3" Innervation g anglionnaire du cœur. Les g-anglions du cœur, découverts par Remak, ont surtout été étudiés chez la grenouille. On les rencontre dans le sinus de la veine cave, la paroi des oreillettes, la cloison auriculo-ventriculaire et la paroi posté- rieure du ventricule. D'après Scliklarewski, ils forment deux anneaux, l'un dans le sillon auriculo-ventriculaire, Tautre, à angle droit avec le précédent, dans le sillon interauriculaire. C'est à eux que viennent pro- bablement aboutir les branches cardiaques du pneumogastrique et du sympalhique, et c'est d'eux que partent les filets qui vont au tissu musculaire du cœur. Ces ganglions commandent les mouvements rhythmiques du cœur; si on coupe ou si on lie les différentes parties du cœur, celles qui sont poui'vues de ganglions continuent à battre, celles qui en sont dépour- vues s'arrêtent en diastole ; cependant le phénomène est un peu plus complexe. Les ganglions du cœur ne paraissent pas avoir tous la même fonction physiologique , les uns paraissent agir comme centres d'arrêt, et sont probablement en connexion avec les filets du pneumogastrique les autres comme centres accélérateurs et correspondraient aux filets du grand sympathique. C'est ce que tendent à prouver les recherches suivantes, dues à Stannius et faites sur des cœurs de grenouilles. 1<^ Si on coupe ou si on lie le ventricule, la pointe du ventricule reste immobile, tandis que la base du ventricule, Toreillette et le sinus continuent leurs pulsations; 2° si la coupe ou la ligature portent sur l'oreillette, le sinus et la partie attenante à l'oreillette se contractent, le reste du cœur est immobile et cet arrêt est d'autant plus long que la coupe se rapproche du sillon auriculo-ventriculaire, puis les battements reprennent ordinairement au bout d'un certain temps et on peut, en tout cas, les faire reparaître en excitant la base du ventricule. — 3^ Si la ligature est faite à la limite du sinus veineux et de l'oreillette, le sinus continue à battre ; le ventricule et l'oreillette s'arrêtent en dias- tole; si alors on lie dans le sillon auriculo-ventriculaire, le ventricule bat de nouveau. Ces expériences semblent prouver que les ganglions d'arrêt se trou- vent au niveau de l'oreillette, les ganglions accélérateurs à l'oriflce veineux et dans le sillon auriculo-ventriculaire. L'excitation directe des dilférentes régions du cœur, qui seule permettrait de résoudre la question, n'a pas donné de résultats assez précis. 11 ne faudrait cependant pas croire que la présence de ganglions soit indispensable pour qu'il y ait des mouvements rhythmiques du cœur. Chez l'embryon, le cœur exécute des contractions rhythmiques, et ce- pendant au microscope on n'y trouve pas trace de cellules nerveuses; il eu est de même chez plusieurs invertébrés (Eckhardj. 958 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Conditions influençant l'innervation ganglionnaire du cœur. — II est difficile, dans l'étude des influences diverses qui agissent sur le cœur, de faire la part de Tirritabilité musculaire du cœur et de Texci- tabilité de ses ganglions et de ses nerfs. D'une manière générale, la chaleur accélère les battements du cœur; le froid, au contraire, les diminue. Cette action est plus prononcée chez les animaux à sang froid (Calliburcès). Dans leurs expériences sur des cœurs de grenouille, Ludwig et Cyon ont vu l'augmentation de fréquence du cœur atteindre son maximum de 30^ à 40" et être alors remplacée subitement par une diminution. D'après Eckliard, la chaleur agirait sur le muscle même; sur des cœurs d'embryon de poulet de dix jours, il sépare le ventricule de l'oreillette : le ventricule s'arrête en diastole; en le soumettant alors à une température de 41° à 42°, il se remet à battre, s'arrête quand la température retombe à 30° et reprend de nou- veau si la température augmente, et ces observations ont été confirmées parScbenk.il y a donc, pour l'exercice des mouvements du cœur, une certaine latitude en deçà et au delà de laquelle les battements s'arrêtent. Le minimum et le maximum de température nécessaires sont plus écartés et par suite la latitude de température plus grande pour les animaux à sang froid 'grenouille de -f- 4° à H- 40°). Les excitations mécaniques, piqûres, etc., amènent en général des pul- sations du cœur; ainsi quand le cœur a cessé de battre par l'excitation du pneumogastrique, la piqûre avec une aiguille réveille les pulsations. Une série de cLocs sur le cœur (20 par minute», au contraire, produit une diminution des battements et un arrêt en diastole i^GoUz). La dis- tension des parois du cœur, quand elle n'est pas portée trop loin, agit de la même façon. L'insufflation d'air dans les cavités du cœur, expé- rience répétée par Robin sur un guillotiné, trois heures après l'exécu- tion, réveille les battements; c'est probablement par la distension des parois du cœur que les variations de la pression sanguine agissent sur les mouvements de cet organe. Tout ce qui augmente la pression san- guine (ligature de l'aorte abdominale, eto produit, toutes choses égales d'ailleurs, une accélération des battements du cœur qui augmentent en même temps de force (Cyon». Des faits contraires ont cependant été observés. Si l'augmentation de pression est trop considérable, au lieu d'une accélération, on a un ralentissement, ralentissement déjà ob- servé par Chauveau et Marey. Il semble qu'une faible pression agisse sur les ganglions accélérateurs, une forte pression sur les ganglions d'arrêt et peut-être sur les terminaisons mêmes du pneumogastrique. En effet, la diminution du pouls par augmentation de pression ne se remarque plus si ou a coupé préalablement les deux pneumogastriques. On dirait qu'une augmentation de pression excite à la fois les nerfs accélérateurs et les nerfs d'arrêt, de façon que si cette distension est assez forte, l'action d'arrêt compense et au delà l'action accélératrice. PHYSIOLOGIE DES .NEUFS. 959 La galvanisation du cœur produit des résultats différents suivant le point sur lequel on agit. Chez la grenouille, la galvanisation du cœur en totalité ou de fragments assez étendus, provoque des contractions rbytlimiques ; quand le courant ne porte que sur de petits frag- ments dépourvus de ganglions, on n'a que des contractions comme celles d'un muscle ordinaire. La galvanisation du sinus du cœur arrête le cœur en diastole. Panum, S. Mayer, Vulpian ont vu aussi la faradisa- tion des ventricules chez le chien et le chat produire l'arrêt du cœur. La présence du sang favorise les battements du cœur, et. comme le sérum non oxygéné ne les active pas. raccélération des pulsations doit êtredueàloxyhémoglobine et probablement à l'oxygène. En effet, si on place un cœur détaché de Eanimal dans un milieu gazeux saturé d'hu- midité, le cœur continue à battre plus ou moins longtemps suivant la composition du gaz; il bat dans l'hydrogène, l'azote, plus longtemps dans l'oxygène, qui parait surtout favoriser la régularité des contrac- tions; il bat môme dans le vide pneumatique saturé de vapeur d'eau; il s'arrête bientôt dans l'acide carbonique, l'hydrogène sulfuré, le chlore, etc. (Bernsteini. L'injection de sang ou de sérum oxygéné ré- veille ses pulsations; l'injection de sérum saturé d'acide carbonique l'arrête en diastole ; cet arrêt diastolique parait dû à une action immé- diate excitante sur les terminaisons du pneumogastrique. L'oxygène agirait sur les ganglions accélérateurs du cœur (Cyom. Bihliogrnphie. — A. V. Bezold : Untersnchungen uber die Innervation des Her- zens, Ifiiii. — M. et E. Ctox : Sur l'Innervation du cœur. (Compte rendu de l'Aca- démie d«5 sciences, 1867.) Voir aussi : bibUograijhie du pneumogastrique et bi- bliographie générale de l'innervation. b. — Nerfs vasculaires. Les muscles lisses des vaisseaux sont innervés par des nerfs particuliers, nerfs vaso-moteurs, ou mieux vasculaires , qui se trouvent en grande partie dans les rameaux du grand sympa- thique, mais dont les origines réelles doivent être cherchées plus loin dans les centres nerveux.. La connaissance réelle des nerfs vaso-moteurs date d'une expérience célèbre de Cl. Bernard (185"2); il vit que la section du grand sympathique au cou pro- duisait une dilatation des vaisseaux et une augmentation de température dans le côté correspondant de la face ; sa galvanisa- tion, au contraire, amenait une constriction des vaisseaux. Le même observateur remarqua plus tard que certains nerfs vascu- laires présentaient des propriétés inverses, le tympanico-lingual par exemple ; la galvanisation de ces nerfs déterminait, non plus 960 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO>'>'ELLE. une constrictioQ, mais une dilatation vasculaire, et Schiff pro- pose de les appeler nerfs dilatateurs ou vaso-dilatateurs, par opposition avec les premiers, nerfs yaso-moteurs proprement dits ou raso-constricteurs. 1° Nerfs vaso-moteurs pro'prement dits ou vaso-const r icteurs. Jusqu'ici, on n'a guère étudié que les nerfs vaso-moteurs des artères, ce sont aussi eux qui présentent le plus d'intérêt physiologique. Si on sectionne les nerfs vaso-moteurs d'une région, les artères de cette région se dilatent, la pression sanguine y augmente, la circulation y est plus active, et la température de la partie monte de plusieurs degrés. L'excitation chimique, galvanique, etc., produit l'effet inverse; les artères diminuent de calibre et la température Laisse. Comme on Ta vu plus haut, la plus grande partie des vaso-moteurs se trouve dans le système du grand sympathique, et c'est par conséquent sur lui que portent les expériences les plus nombreuses et les plus concluantes. L'expérience capitale déjà citée est celle de la section du grand sym- pathique au cou. Outre les phénomènes oculo-pupillaires qui seront mentionnés plus loin, les phénomènes du côté des vaisseaux sont les suivants, faciles à constater chez le lapin, le chien et le cheval : la cir- culation de l'oreille et de la moitié correspondante de la tête est plus active; les artères sont dilatées et. si on fait une incision comparative des deux oreilles, donnent beaucoup plus de sang du côté lésé; le sang des veines est plus rouge; les muqueuses (conjonctive, membrane nictitantei sont injectées; la température du côté opéré augmente et peut dépasser de cinq, dix degrés et plus la température du côté sain (température prise dans l'oreille, les narines, la profondeur des hémi- sphères cérébraux;; en même temps la pression s'est accrue dans les rameaux de la carotide du côté opéré; cette suractivité de la circula- tion réagit naturellement sur les autres foutions ; les sécrétions sont activées (exemple : la sueur chez les chevaux); la sensibilité est exa- gérée; les parties, sans être cependant le siège d'une véritable con- gestion inflammatoire, sont plus disposées à l'inflammation (résultats mis en doute par plusieurs physiologistes); enûn, d'après Brown- Seqcard, les propriétés des muscles et des nerfs et les mouvements ré- flexes persisteraient plus longtemps que du côté sain. Tous ces phéno- mènes sont plus marqués chez les animaux en bonne santé, et ils sont plus nets encore après l'arrachement du ganglion cervical supérieur; ils se prononcent beaucoup plus si, comme l"a montré A. Morcau, on fait la section du nerf auriculaire du plexus cervical. La durée des phé- PHYSIOLOGIE DES .NERFS. 961 nomènes est de vingt-quatre heures seulement après la section du grand sympathique, de quinze à dix-huit jours après l'arrachement. Cette vascularité plus grande n'a pas été constatée seulement pour les parties superficielles; on l'a constatée aussi pour les parties pro- fondes, dans les vaisseaux de la pie-mère et des membranes du cer- veau (Nothnagel et Goujon), dans ceux de la muqueuse du tympaPx (Prussak), dans ceux de la choroïde (Sinitrin); cependant Donders n'a pu. à l'ophlhalmoscope, constater de dilatation des vaisseaux de la rétine et delà choroïde. L'excitation da ganglion cervical supérieur et du cordon du sympa- thique cervical produit des effets inverses dans le détail desquels il est inutile d'entrer; ainsi, si on incise l'oreille d'un lapin, après la section du sympathique; la galvanisation arrête immédiatement l'écoulement sanguin. Cette galvanisation fait aussi disparaître de suite la congestion inflammatoire produite par l'application de rubéfiants sur la conjonctive ou sur l'oreille d'un lapin. Le ganglion cervical inférieur et les premiers ganglions thoraciques contiennent aussi des fibres vaso-motrices qui se rendent aux vaisseaux du membre supérieur et du thorax. La galvanisation du premier gan- glion Ihoracique produit un refroidissement et une constriction vascu- laire bien sensibles, surtout sur les muscles (Cl. Bernard), et la section de ces ganglions amène une augmentation de température dans le membre supérieur et le côté correspondant de la poitrine. Il en est de même pour la partie lombaire du grand sympathique. Les nerfs splauchniques, vu l'étendue de la région à laquelle ils se distribuent, paraissent être les principaux nerfs vasculaires du corps ; ils fournissent en effet la plus grande partie des organes abdominaux. Après leur section, les vaisseaux des viscères de l'abdomen sont gorgés de sang; ces vaisseaux, énormément dilatés, détournent ainsi vers l'abdomen une grande partie de la masse sanguine, d'où diminution considérable de pression dans la carotide; ces phénomènes sont bien plus prononcés chez le lapin que chez le chien, et au bout d'un certain temps, quand l'animal survit à l'opération, la pression revient à l'état normal sans que les nerfs se soient réunis. L'excitation galvanique du bout périphérique des splanchniques produit au contraire une diminu» tion du calibre des vaisseaux de l'abdomen et fait monter la pression dans la carotide au double de sa valeur normale. Les filets vaso-moteurs du foie peuvent être suivis assez haut; Cyon et Aladoff ont vu, en exci- tant l'anneau de Yieussens chez le chien, les vaisseaux du foie pâlir et la surface de l'organe se couvrir de taches blanches. Le pneumogas- trique contiendrait aussi, d'après quelques physiologistes, des vaso- moteurs pour l'estomac et l'intestin (OEhIj et pour les artères coronaires du cœur 'Brown-Scquard, Panum). Les nerfs rachidiens renferment des fibres vaso-motrices qui pro- Beaunis, Phys. 61 962 PHYSIOLOGIE FO>"CTIO};>'ELLE. viennent soit du grand sympathique, soit de la moelle. La section du nerf sciatique produit la dilatation des vaisseaux des doigts et de la membrane interdigitale (grenouille); si sur un cliien on fait une plaie à la pulpe des orteils du côté lésé^ on a un écoulement sanguin abon- dant qui s'arrête par l'électrisation du nerf sciatique. Les mêmes faits s'observent sur les nerfs du membre supérieur et peuvent même être constatés chez l'homme. Ainsi, Waller place le coude dans un mélange réfrigérant et, quand au bout d'un certain temps le nerf cubital est atteint par le froid, il constate une augmentation de température dans l'annulaire et le petit doigt, augmentation due à la dilatation des vais- seaux produite par la paralysie afrigore des vaso-moteurs contenus dans le nerf cubital. Pour la tête même, tous les nerfs vaso-moteurs ne proviennent pas du grand sympathique ; les nerfs cervicaux chez le lapin (nerf auriculaire) donnent des nerfs vasculaires iSchiffi. Le triju- meau fournit les nerfs vaso-moteurs de l'iris, des cavités nasales et d'une partie de la cavité buccale. L'action de la moelle sur les vaisseaux a été démontrée eu 1839 par IN'asse, qui observa une élévation de température dans les membres après la section de la m.oelle épiniére. En 1852, Brown-Sequard fit la section d'une moitié latérale de la moelle dorsale et constata une augmentation de température dans le membre postérieur correspondant. La galva- nisation de la moelle produit l'effet inverse et diminue le calibre des artères correspondantes (PflOger). Sur des animaux curarisés^ chez les- quels on a coupé les pneumogastriques et les sympathiques, l'excita- tion électrique d'une coupe de la moelle au niveau de l'atlas produit un rétrécissement de toutes les branches de l'aorte, rétrécissement très-sensible surtout sur les artères rénales (Ludwig et Thiry), et qui manquerait cependant, d'après Hafiz, pour les artères musculaires. Il en est de même de la galvanisation des racines antérieures, tandis que celle des racines postérieures ne produit rien. Brown-Sequard a bien vu la section des racines postérieures des cinq ou six derniers nerfs dorsaux et des deux premiers lombaires suivie de dilatation des vais- seaux et d'augmentation de température des membres postérieurs ; mais il s'agissait probablement d'une action réflexe vaso-dilatatrice. Les fibres vaso-motrices paraissent remonter jusqu'à la moelle al- longée; Stricker et Kessel ont vu chez la grenouille l'électrisation de la moelle allongée produire la constriclion des artères du tympan et de la membrane interdigitale, et Budge, par l'électrisation du pédoncule cérébral chez le lapin, a constaté un rétrécissement de toutes les ar- tères du corps. En résumé, d'après les faits précédents, les nerfs vaso-moteurs sont distribués de la façon suivante dans les diverses régions du corps : 1° Les vaso-moteurs de la tète sont fournis par la partie cervicale da PHYSIOLOGIE DES .NERFS. 9G3 grand sympathique et proviennent en partie du sympathique même en partie de la moelle cervicale par les racines antérieures des nerfs cer- vicaux inférieurs et des nerfs thoraciques supérieurs et les 7'ami com- municantes. Les artères de Tiris, des cavités nasales et d'une partie de la bouche proviennent du ganglion de Gasser, sans qu'on puisse affirmer d'une façon précise leur origine dans le ganglion même. 2° Les vaso-moteurs des membres supérieurs et des parois du tho- rax viennent : 1° du ganglion cervical inférieur et des ganglions thora- ciques supérieurs du sympathique ; 2^ de la moelle par les rami coni- municantes situés entre la troisième et la septième vertèbre dorsale. La preuve qu'à ces libres médullaires s'ajoutent des fibres sympathiques réside dans ce fuit qi]e la section des racines du plexus brachial en dehors des trous rachidiens produit une dilatation des artères plus considérable que la section en dedans du canal vertébral, c'est-à-dire avant qu'il ait reçu les anastomoses du grand sympalhiqiie. 30 Les vaso-moteurs des membres inférieurs et ùqs parois du bassin sont fournis par la moelle (racine des nerfs sciatiqne et crural) et par la partie abdominale du sympathique; de ces filets. les uns rejoignent les nerfs précédents; les autres vont directement aux vaisseaux. 4° Les vaso-moteurs viscéraux sont fournis par le grand sympa- thique et particulièrement par les nerfs splanchniques; mais une partie des filets prend son origine dans la moelle; le pneumogastrique parait fournir aussi des filets vaso-moteurs à l'estomac et à l'intestin. Les nerfs vaso-moteurs ont donc deux sources principales, la moelle d'une part, le grand sympathique de l'autre. Quant à la localisation de ces centres nerveux vaso-moteurs,, elle est très-difficile à établir dans létat actuel de la science. Y a-t-il dans la moelle un seul ou plusieurs centres vaso-moteurs? D'après Owsjannikow, le centre vaso-moteur se trouverait dans les parties supérieures delà moelle allongée, au-dessous des tubercules quadrijumeaux. Dittmar le place dans le faisceau inter- médiaire du bulbe (noyau antéro-latéral de Clarté), et les fibres vaso- motrices y arriveraient en suivant le cordon latéral de la moelle (.Xawrocki). Vulpian, Goltz, Schlesinger au contraire, sans nier l'exis- tence d'un centre principal dans la moelle allongée, croient que des centres vaso-moteurs sont disséminés dans toute l'étendue de la moelle. Pour les vaso-moteurs sympathiques, cette dissémination des centres dans les ganglions du grand sympathique ne peut faire de doute. Aux variations de calibre des vaisseaux amenées par les vaso-moteurs correspondent deux ordres de phénomènes principaux : des variations de température et des variations de pression sanguine. Les variations de température marchent parallèlement avec les va- 9G4 PHYSIOLOGIE FONGTION.XELLE. dations de calibre. La paralysie des vaso-moteurs augmente la tem- pérature des parties; l'excitation de ces vaso-moteurs amène un abais- sement de température. Cette action, reg-ardée d'abord par Cl. Bernard comme directe merfs calorifiques), n'est en réalité qu'indirecte; la dila- tation artérielle amène dans la région correspondante un afflux san- guin plus considérable; ce sang, qui arrive en grande quantité et se renouvelle très-vite, est à la température du sang du cœur, et la rapidité de la circulation empêche son refroidissement et par suite le refroidisse- ment de la partie à laquelle il se distribue ; aussi, après la paralysie des vaso-moteurs, la température est-elle augmentée surtout dans les parties qui, comme roreille, sont, à cause de leur minceur et de leur, grande étendue, les plus soumises aux causes de refroidissement. La pression sanguine dépend, à quantité de sang égale, du calibre des vaisseaux; quand ce calibre augmente, la pression baisse; elle aug- mente quand ce calibre diminue. La section de la moelle, en paralysant les vaso-moteurs de presque toutes les artères, les fait dilater et fait par conséquent baisser la pression dans les artères; l'abaissement de pression est d'autant plus marqué que la section de la moelle est plus rapprochée de la moelle allongée, puisqu'à mesure qu'on remonte, un plus grand nombre de fibres vaso-motrices sont comprises dans la sec- tion, l'our avoir le phénomène dans toute sa pureté et éliminer les in- lluences accessoires, il faut employer des animaux curarisés. chez les- quels on pratique la respiration artiQcielle, et faire, préalablement à Texpérience, la section des pneumogastriques et des sympathiques. L'excitation de la moelle produit au contraire une augmentation de tension. Les centres vaso-moteurs sympathiques agissent de même sur Ja pression sanguine ; mais l'action, à cause même de la multiplicité de ces centres, est plus localisée, et des conditions accessoires souvent difficiles à déterminer viennent obscurcir le phénomène; c'est ainsi que, après la section du sympathique au cou, on constate une augmen- tation de pression (Vulpian). Les variations de pression produites par l'inanence locale des centres vaso-moteurs ne se bornent pas toujours à la seule région innervée par le centre vaso-moteur qui entre en jeu ; ces variations peuvent s'étendre à d'autres régions et quelquefois à tout le système oircula- toire, quand le centre vaso-moteur agit sur une grande circonscription vasculaire. Tel est le cas des nerfs splanchniques qui innervent la masse des viscères abdominaux, dont les vaisseaux sont si nombreux et si dilatables. Si l'on fait la section des splanchniques, le sang afflue dans les artères de l'abdomen par suite de la dilatation paralytique de ces artères; une dérivation aussi considérable du courant sanguin opère une forte déplélion du reste de l'appareil vasculaire et amène une dimi- nution de pres.«^ion dans la carotide, et la diminution de pression est presque aussi marquée qu'après la section de la moelle. L'excitation PHYSIOLOGIE DES >ERFS. 965 du bout périphérique des nerfs splancliniques produit au contraire une augmentation considérable de pression. A l'état physiologique, les centres vaso-moteurs paraissent être en état continuel d'activité, de sorte que les vaisseaux sont toujours en état de demi-contraction permanente ; c'est ce qu'on a appelé tonus vascidaire (Vulpian). Goltz a montré que ce tonus vasculaire sulTit pour faire progresser le sang dans les vaisseaux pendant un certain temps, quand le cœur a été soustrait par une ligature au système vas- culaire. Les centres nerveux vaso-moteurs, tant médullaires que sympathi- ques, peuvent être excités de deux façons : 1° par des états particu- liers du sang (excitation vaso-motrice directe; 2° par des excitations partant de nerfs sensitifs (excitation vaso-motrice réflexe). Le sang veineux agit comme excitant sur Iqs, centres vaso-moteurs, spécialement sur les centres médullaires; cet effet parait dû à la pré- sence de l'acide carbonique (Traube). L'interruption de la respiration amène une contraction de toutes \qs petites artères ; si on adapte une canule à la trachée d'un animal, au moment où l'on ferme la canule, on voit pâlir tous les vaisseaux de l'intestin ; la respiration de l'hydrogène ou de tout autre gaz irrespirable produit le même cfïet. D'après >"awa- lichin, l'anémie i interruption de l'abord du sang) serait suivie du même résultat, de sorte qu'il peut y avoir du doute pour savoir s'il faut rat- tacher l'excitation du centre vaso-moteur à l'excès d'acide carbonique ou à l'absence d'oxygène. Le curare n'a pas une action très-tranchée sur les centres vaso moteurs; cependant il les affaiblit un peu, sans les paralyser; les membranes sont plus rouges, le nez et les membres plus chauds; on a donc là un bon moyen dans les nerfs mixtes d'isoler les actions vaso-motrices. Le point de départ des réflexes vaso-moteurs peut se trouver tantôt dans des nerfs sensitifs rachidiens, tantôt dans des nerfs sympathiques, tantôt dans les centres nerveux eux-mêmes (émotions». L'excitation des nerfs sensitifs produit tantôt un rétrécissement, tan- tôt une dilatation des petites artères, et, dans ce dernier cas. il est diffi- cile de préciser si la dilatation doit être attribuée à une paralysie réflexe des vaisseaux ou aune excitation directe des vaso-dilatateurs (^voir plus loin). Ce qui complique le phénomène, c'est que l'excitation du nerf sensitif peut agir à la fois et sur les centres médullaires et sur les sym- pathiques, et que les effets peuvent être différents. Cette action des nerfs sensitifs se traduit souvent par un rétrécissement ; ce rétrécisse- ment, quelquefois très-fugace et suivi d'une dilatation, surtout pour les réflexes partiels, n'est pas dû uniquement à la douleur, car il se pro- duit encore sur les animaux narcotisés ou après l'extirpation du cer- veau. Cependant, d'après Cyon, l'extirpation du cerveau empêche l'action vaso-motrice réflexe et ne laisse place qu'à la paralysie réflexe; 966 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. mais ces résultats iront pas été confirmés par la plupart des physiolo- gistes. Une expérience de Tliolozan et Brown-Seqiiard donne un exemple chez l'homme de contraction vaso-motrice réflexe : si on maintient la main dans de l'eau très-froide, l'autre main se refroidit au bout de quelque temps; il est vrai que, d'après Vulpian, l'expérience est loin de donner des résultats constants. Pour le grand sympathique, il en est de même; si on excite le bout central des nerfs splanchniques ou le bout supérieur du grand sym- pathique, on obtient un rétrécissement des artères et une augmentation de pression sanguine. Mais l'action des nerfs sensitifs se traduit très-souvent, le plus sou- vent peut-être, non par un rétrécissement, mais par une dilatation réflexe. A ce point de vue, le plus important est le nerf dépresseur de Cyon. On avait déjà observé que l'excitation du bout central du pneu- mogastrique produisait dans certains cas une diminution de pression. Cyon le premier, en I86G, découvrit chez le lapin un nerf naissant par deux racines du laryngé supérieur et du tronc du pneumogastrique, et allant au ganglion cervical inférieur ; l'excitation du bout centrai de ce nerf produit une diminution de pression dans le système artériel et une diminution de fréquence du pouls ; l'excifation du bout périphé- rique est sans action. Ces deux phénomènes, diminution de pression artérielle, diminution de fréquence du pouls, ne sont pas sous la dépen- dance immédiate l'un de l'autre; car si, avant l'excitation du nerf dépresseur, on sectionne le pneumogastrique, la diminution de pression se produit toujours, tandis que le pouls ne change pas ; le résultat se produit, que l'animal soit ou non curarisé. Le nerf dépresseur agit directement sur les centres vaso-moteurs et non par l'intermédiaire du cœur;-en effet, on peut détruire toutes les connexions du cœur avec la moelle et le cerveau, sans empêcher la dépression de se produire par l'excitation du nerf; la section des splanchniques ne l'empêche pas non plus et ne fait que la diminuer. D'après Stilling, le nerf dépresseur n'agirait pas sur tous les vaso- moteurs du corps, mais seulement sur ceux de l'abdomen et des extrémités inférieures ; en efTet, après la compression de l'aorte au-dessous du diaphragme, la section des splanchniques ou la section de la moelle à la hauteur de la troisième vertèbre dorsale (lapin), l'excitation du nerf dépresseur ne produit presque plus de diminution de pression dans la carotide. Chez la plupart des autres espèces ani- males, le nerf dépresseur est confondu, soit avec le pneumogastrique, soit avec le grand sympathique. Quant à l'action intime du nerf dépres- seur, il est difficile de dire s"il agit en paralysant les centres vaso-con- stricteurs ou au contraire en excitant les centres vaso-dilatateurs, si 'tant est qu'il faille les admettre (voir plus loin). Quel que soit du reste son mode d'action, grâce au nerf dépresseur, il y a une solidarité PHYSIOLOGIE DES >'ERFS 967 complète et un balancement perpétuel entre la circulation centrale et la circulation périphérique ; dès que, par suite de rcxcifation des centres vaso-moteurs , la constriction des artères périphériques a fait monter la pression sanguine au delà d'une certaine quantité, cette pression sanguine, traiismise au cœur, amène une distension des pa- rois cardiaques qui excite le nerf dépresseur; il s'ensuit alors une dilatation des artères qui diminue la pression cardiaque et dégage le cœur aux dépens de la périphérie. Quant à l'influence des émotions sur les vaso-moteurs, il suffira delà mentionner; tout le monde sait combien les influences morales, comme la honte, la colère, la peur, etc., agissent sur la coloration et la vascu- larité de certains organes et de certaines régions. 2° Nerfs vaso-dilatateurs. Cl. Bernard avait remarqué que l'électrisation du nerf tympanico- lingual et de la corde du tympan produisait une dilatation des vaisseaux de la glande sous-maxillaire. SchifF, se basant sur cette expérience et surtout sur le mécanisme de l'érection, admit des nerfs agissant direc- tement sur les vaisseaux pour les dilater et reconnut par conséquent deux espèces de dilatation vasculaire, une dilatation névro-paralytique, par paralysie des vaso-moteurs ordinaires, une dilatation active, par excitation des nerfs vaso-dilatateurs. L'existence des nerfs vaso-dilata- teurs se base surtout sur les propriétés de la corde du tympan et sur le mécanisme de l'érection. La galvanisation de la corde du tympan est suivie d'une dilatation des vaisseaux de la glande sous-maxillaire et de ceux de la moitié cor- respondante de la partie antérieure de la langue (Yulpian); l'excitation du lingual produit le même effet ; mais si on sectionne la corde du tympan et qu'on attende quinze jours pour laisser aux fibres de la corde contenues dans le lingual le temps de dégénérer, l'électrisation du hngual ne produit plus rien ; la corde du tympan serait donc le nerf vaso-dilatateur de la langue. Yulpian a prouvé récemment que le glosso-pharyngien a le même effet sur les vaisseaux de la base de la langue. L'électrisation des nerfs érecteurs qui proviennent du plexus sacré produit l'érection chez le chien (Eckhard, Loven); les mailles du tissu caverneux se remplissent de sang et si on fait une plaie aux corps caverneux, le sang coule abondamment et ce sang est rutilant au lieu d'être noir. Cette dilatation des mailles n'est pas due à un rétrécisse- ment des veines efférentes, car la ligature des veines ne produit pas l'érection; seulement, après cette ligature, si on électrise le nerf érec- teur, l'érection est plus forte. On a encore invoqué d'autres faits, mais 968 PHYSIOLOGIE FOXCTIO>">'ELLE. moins positifs, pour prouver la dilatation vasculaire par action nerveuse directe ; ainsi Scliifï' admet un nerf auriculaire dilatateur dans l'oreille du lapin ; l'anastomose du nerf auriculo-temporal avec le facial aurait la même action d'après Cl. Bernard; le même physiologiste a vu une dilatation des vaisseaux du rein par l'excitation des branches termi- nales du pneumogastrique. De quelle façon expliquer ces phénomènes ? Deux théories sont eu présence, la dilatation active de SchitT et la dilatation passive. La dilatation active de Schiff est peu compréhensible au point de vue anatomique. Schiff, il est vrai, ne cherche pas à expliquer le méca- nisme de cette dilatation active, il croit seulement qu'elle existe ; mais les raisons qu'il donne pour la distinguer de la dilatation névro-paraly- tique ne me paraissent pas concluantes. La dilatatio/i passiae est admise, au contraire, par la plupart des physiologistes; mais les opinions diffèrent sur ses causes et son méca- nisme. On a admis une constriction des veines, mais cette constriction n'existe pas ; au contraire très-souvent, comme dans la glande sous- maxillaire, par exemple, les veines sont dilatées ; cependant dans cer- tains cas, comme dans l'érection, la constriction veineuse favorise la dilatation passive, en amont des veines. Bro-wn-Sequard et Vulpian en avaient cherché l'explication dans une sorte d'attraction du sang pour les tissus ivisafronte de Carpenter), attraction qui ferait affluerle sang dans les artères. Yulpian avait vu qu'en déposant sur Yarea vasculosa (tout à fait dépourvue de nerfs i de l'embryon de poulet une goutte de nicotine, il se formait une congestion intense. Lafïïux sanguin dans la glande sous-maxillaire sous l'influence de l'excitation de la corde tien- drait alors à l'action de ce nerf sur les éléments sécréteurs de la glande. Mais Heidenhain a montré l'indépendance des deux actions sécrétoire et vasculaire ; en électrisant la corde du tympan sur un chien empoi- sonné par l'atropine, il n'y a plus de sécrétion et l'action vasculaire persiste. \ulpian, Ci. Bernard, Rouget admettent, avec quelques variantes dans 1 explication, une action analogue à celle du pneumogastrique sur le cœur, une action nerveuse d'arrêt sur les nerfs constricteurs, d'où cessation d'action des muscles lisses des artères. Les ganglions trouvés sur le trajet des nerfs érecteurs, sur les terminaisons du nerf lingual (corde du tympan joueraient dans ce cas le rôle de ganglions modé- rateurs ou d'arrêt, de même que les ganglions du cœur auxquels abou- tissent les rameaux du pneumogastrique iRouget). L'action vaso-dilata- trice se réduirait en somme à une paralysie des vaso-constricteurs. On a objecté, il est vrai, que la congestion produite par l'électrisation des vaso-dilatateurs est plus forte que celle produite parla section des. vaso-constricteurs ; mais, comme le fait observer Yulpian, dans le pre- mier cas électrisation des vaso-dilatateursj, on paralyse tous les vaso- PHYSIOLOGIE DES NERFS. 969 constricteurs de la région, tandis que dans le second cas < section des vaso-moteurs) la paralysie ne peut jamais être complète, car il reste toujours dans Torgane même des ganglions qui maintiennent un cer- tain degré de constriction vasculaire. Goltz a tout récemment cherché à généraliser les actions vaso-dila- tatrices, et s'appuie pour cela sur les faits suivants. On a vu qu'après la section du nerf sciaiique la température du membre paralysé s'élève, et cette élévation de température est attribuée à la dilatat'on paraly- tique des vaisseaux par suite de la section des vaso-moteurs contenus dans le sciaiique; mais on a fait moins attention à ce fait que cette augmentation de température n'est que passagère ; que'ques jours après, la différence de température du membre sain et du membre para- lysé diminue, et, au bout de quelques semaines, la jambe paralysée peut être plus froide que l'autre. Cet équilibre de température a lieu à une époque (dix jours quelquefois) où il ne peut y avoir encore de régénération nerveuse ; du reste, la section d'un segment du nerf, qui empêcherait la transmission nerveuse, n'empêche pas l'équilibre de s'établir. Si, sur un chien dont le nerf sciatique a déjà été coupé et chez lequel l'équilibre de température des deux membres est à peu près établi, on sectionne la moelle en travers à ia partie supérieure de la région lombaire; on constate que la température s'abaisse du côté où le sciaiique était déjà coupé et qu'elle s'élève de l'autre côté. Au bout de quelque temps, l'équilibre de température s'établit de nouveau; si alors on détruit complètement la moelle lombaire, on voit la tempéra- ture augmenter encore une fois dans le membre dont le nerf sciatique est intact, tandis que l'autre reste froid (V). Si sur un chien dont la moelle lombaire a été incisée on coupe un des nerfs sciatiques, la patte du côté opéré augmente de température. Tous ces faits prouvent que non-seulement la section de la moelle ou d'un nerf sciatique est suivie de la dilatation des vaisseaux dans toutes les parties qui sont en rapport d'innervation avec le nerf coupé, mais que la dilatation vasculaire qui suit la section nerveuse est d'autant plus prononcée que la section est plus récente ; ainsi, si on pratique plusieurs sections nerveuses successives sur un animal, les parties qui (') La série d'expériences suivantes est encore plus instructive : on coupe sur un chien le sciatique droit; quelques jours après on coupe la moelle en travers; au bout de quatre jours la température de la patte droite est de 290, celle de la patte gauche de 38°; on coupe alors le sciatique gauche et quelques minutes après on trouve la température de la palte droite de 24°, celle de la gauche de 390 ; il y a donc entre les deux pattes une diflféreuce de 15", et cependant elles se trouvent toutes les deux dans les mêmes con- ditions d'innervation (section de la moelle, section du sciatique), avec cette seule différence que la section du sciatique est plus récente sur le membre gauche, qui est le plus chaud. 970 PHYSIOLOGIE FONCTIO.XNELLE. correspondent aux nei'fs sectionnés les derniers seront les plus chaudes. Les théories ordinaires de Tinnervatioa vaso-motrice ne peuvent expli- quer ces phénomènes; pourquoi, par exemple, après la section de la moelle lombaire, la section d"un nerf sciatique sans communication aucune avec un centre vaso-moteur est-elle suivie cependant d'une augmentation notable de température à la périphérie? Goltz admet d'abord dans les vaisseaux eux-mêmes des centres gan- glionnaires analogues aux centres ganglionnaires du cœur; ces centres périphériques seraient influencés dans leur activité par les centres médullaires, comme le cœur par la moelle allongée; si une partie du corps, une patte par exemple, perd ses connexions avec la moelle, la tonicité de ses vaisseaux n'est pas perdue pour cela, puisque les petits centres d'où dépend cette tonicité ont leur siège dans les vaisseaux eux-mêmes. Il admet en outre que la section du nerf agit comme exci- tant sur les ûbres vaso-dilatatrices qu'il contient et que les effets pro- duits par cette excitation peuvent persister assez longtemps. La dila- tation vasculaire et l'augmentation de température observées après la section seraient des phénomènes d'excitation et non de paralysie ; mais cette dilatation s'épuise peu à peu après avoir persisté pendant un temps plus ou moins long et fait place à un rétrécissement définitif. Ce stade de dilatation correspondrait, dans ce cas, à la paralysie des petits centres vaso-moteurs périphériques par suite de l'excitation de section des nerfs vaso-dilatateurs qui agissent sur eux comme nerfs d'arrêt, comme le pneumogastrique, par exemple, sur les ganglions du cœur; le stade ultérieur de rétrécissement correspondrait à l'activité de ces petits centres et au rétablissement de la tonicité vasculaire. En accord avec sa théorie, et contrairement à la plupart des auteurs, Goltz dit avoir constaté par l'excitation directe du nerf sciatique (galvanique, chimique, etc.) une dilatation et non une constriction vasculaire. F. Pu- tzeys et de Tarchanoflf ont confirmé une partie des faits observés par Goltz, mais s'ils concluent à l'existence de centres vaso-moteurs péri- phériques, ils ne croient pas que le sciatique contienne des fibres vaso- dilatatrices ('). (') Dans un travail récent, Goltz donne à l'appui de sa the'orie de nou- velles expériences et combat les objections qui leur ont été faites de di- vers côtés, spécialement par Putzeys et de TarchanolT. II avoue que l'on constate souvent par l'excitation du nerf ischiatique un rétrécissement vasculaire, mais ce stade de rétrécissement est très-court et fait place presque immédiatement à une dilatation persistante avec augmentation de température. Il admet toujours que cette dilatation est due à une excitation de nerfs vaso-dilatateurs. L'accroissement de température est d'autant plus considérable que le nombre des excitations portées sur le nerf est plus grand, et les excitations mécaniques avec le tétanomoteur d'Heidenliain, la cautérisation avec l'acide sulfurique concentré, ont le même résultat que la section et l'excitation électrique. {Pfiûger's Archiv., II® volume, 1875.) PHYSIOLOGIE DES NERFS. 971 En résumé, les vaisseaux, de même que le cœur, auraient deux sortes de nerfs : l*^ des nerfs moteurs, vaso-moteurs proprement dits ou vaso- constricteurs, comparables aux fibres cardiaques accélératrices du grand sympathique et de la moelle ; 2'' des nerfs d'arrêt, vaso-dilata- teurs, comparables au pneumogastrique. L'excitation vaso-motrice est continue, tandis que l'excitation vaso-dilatatrice est temporaire et ne s'exerce qu'à certains moments et sous certaines influences. Seulement, les alternatives de contraction et de dilatation des vaisseaux ne sont pas régulières et rhytlimiques comme celles du cœur, ou du moins ne le sont que tout à fait exceptionnellement. (Voir : Contractilité artérielle, i L'origine des vaso-dilatateurs parait se faire aussi dans la moelle ; ces fibres marcheraient dans les faisceaux postérieurs (racines posté- rieures), s'il faut s'en rapporter à une expérience de Vulpian qui a vu la piqûre d'un des faisceaux postérieurs amener réchauffement du membre postérieur du côté lésé. Biblioscaphie. — G. Rœver : Kritische und experimentelle Untersnchung des Nerveneinflusses anf die Erweiterung und Verengerung der Blutgefdsse, ls(59. — ^ Ch. Legros : Des Nerfs vaso-moteurs, 1873. — Vulpi-ax : Leçons sur l'appareil vaso-moteur, ls75. — Fr. Goltz et A. Fretseerg : Ueher gefdsserireiternde Ner- ven. (Arcti. de Pflûger, t. IX.) Voir aussi la bibliographie générale de l'innervation. 4° >ERFS GLANDULAIRES. Y a-t-il, indépendamment de l'action indirecte des nerfs vaso- moteurs sur les glandes, une action directe des nerfs sur ces or- ganes? ï a-t-il des nerfs glandulaires spéciaux? La question doit être résolue par l'affirmative. Pfltlger a décrit la terminaison des nerfs dans les cellules glandu- laires; mais la disposition anatoraique qu'il ûgure est loin d'être admise par tous les histologistes et l'on ne peut que se rapporter à l'expéri- mentation physiologique. Or, les expériences de Ludwiget d'autres phy- siologistes ont donné des résultats décisifs. L'excitation du facial, de la corde du tympan, du nerf auriculo-temporal du sympathique, produit la sécrétion salivaire, celle du nerf lacrymal la sécrétion de la glande du môme nom; la galvanisation du grand sympathique cervical produit de la salivation dans les glandes sous-maxillaires et sublinguales. Mais jusqu'ici les glandes salivaires et lacrymales sont à peu près les seules glandes sur lesquelles l'expérimentation ait démontré l'action directe des nerfs sur la sécrétion, et avant de pouvoir généraliser le fait, il faut que les observations soient plus nombreuses et embrassent plus d'or- ganes, l'our les glandes qui reçoivent plusieurs nerfs, comme la glande 972 PHYSIOLOGIE FOîsCTIONNELLE. sous-maxillaire, la sécrétion Tarie de qualité et de quantité suivant le nerf qui est excité. (Voir : Séa^étion salioaire.) Des phénomènes plus difTiciles à expliquer sont ceux qui se produi- sent après la section des nerfs qui se rendent aux glandes. Dans beau- coup de cas, cette section, au lieu d'être suivie d'un arrêt de la sécré- tion, est suivie d'une sécrét'on plus abondante et même continne. La parotide et la glande sous-maxillaire continuent à sécréter après la section de tous leurs nerfs; il en esi de même de la glande lacrymale; A. Moreau énerve une anse d'intestin, et voit cette anse se remplir de liquide, tandis que les anses dont les nerfs sont intacts restent vides ; il est vrai que dans ce cas on a plutôt une transsudation de plasma sanguin qu'une véritable sécrétion. Cl. Bernard a vu la quantité d'urine augmenter après la section des splanclmiques; après la section du sympathique au cou chez le cheval, la sueur coule abondamment du côté opéré. Une partie de ces faits peut certainement s'expliquer par une paralysie vaso-motrice; mais il en est d'autres dans lesquels cette influence n'est pas évidente, et l'on est bien obligé d'admettre une sé- crétion par cessation d'action nerveuse ou, comme on l'a appelée, une sécrétion paralytique. 11 semblerait, d'après ces faits, que les nerfs peuvent agir de deux façons sur les glandes et que celles-ci posséderaient deux sortes de nerfs antagonistes : l*» des nerfs excitateurs de la sécrétion; 2" des nerfs d'arrêt, suspendant ou diminuant la sécrétion. 11 y aurait dans ce cas deux espèces de sécrétions, une sécrétion active par excitation des nerfs excitateurs ou sécréteurs, une sécrétion paralytique, par cessa- tion d'action des nerfs d'arrêt. Ce qui rend la question très-obscure et fait qu'on ne peut arriver que très-difficilement à des résultats précis, c'est que la part de la sé- crétion et de l'excrétion du liquide sécrété n'est pas faite d'une façon satisfaisante. Certaines recherches tendraient à faire croire que l'in- fluence des nerfs sur ces deux actes n'est pas la même. Engelmann, dans ses recherches sur les glandes cutanées de la grenouille, a vu que l'excitation des nerfs ischiatiques qui excitent l'excrétion de ces glandes et produisent l'expulsion de leur contenu, exerce au contraire une action d'arrêt sur la sécrétion même de ces glandes. Quant aux centres nerveux glandulaires, leur localisation n'a pu être faite avec précision. D'après Cl. Bernard, le ganglion sous-maxillaire serait un centre pour la salivation sous-maxillaire. D'autre part, des excitations ou des destructions des centres nerveux peuvent produire soit des diminutions, soit des augmentations de sécrétion ; la section de la moelle à la partie inférieure du cou est suivie d'un arrêt de la sécré- tion urinaire (Eckhard); d'après Litcheim, la tétanisation de la moelle diminue la quantité de bile, et Heidenhain a constaté cette influence de la moelle sur la sécrétion biliaire. Ces fibres glandulaires peuvent PHYSIOLOGIE DES .NERFS. 973 être suivies plus loin; la piqûre du planclier du quatrième ventricule produit la polyurie Eckhardi, et j'ai vu moi-même sur le lapin une salivation abondante par la cautérisation électrolytique de la base du cerveau dans la région du troisième ventricule. Action réflexe des nerfs sur les sécrétions. — Cette action est plus nette et plus connue que l'action directe. Sans entrer dans les dé- tails qui ont été étudiés pour chaque sécrétion en particulier, je me contenterai de dire que l'excitation initiale, point de départ de la sé- crétion réflexe, peut partir soit d un nerf périphérique, comme quand l'excitation de la deuxième branche du trijumeau produit la sécrétion lacrymale, soit des centres nerveux eux-mêmes, comme dans les larmes qui accompagnent certaines émotions. Du reste, cette excitation excilo-réflexe des nerfs peut agir soit sur les nerfs sécréteurs, soit sur les nerfs d'arrêt, et on peut avoir, suivant les cas, une augmenta- tion ou un arrêt de la sécrétion. Les faits d'arrêt de sécrétion partant des centres nerveux ne sont pas rares; il suffit de citer la sécheresse de la bouche qui se montre dans certains états moraux; quant aux ar- rêts de sécrétion réflexes, ils sont moins connus; cependant on en a observé quelques cas; ainsi Bernstein a vu l'arrêt de la sécrétion pan- créatique par l'excitation du bout central du pneumogastrique. D ^•ERFS TROPHIQUES. La question des nerfs trophiques est aussi obscure au moins et aussi controversée que celle des nerfs glandulaires. Y a-t-il, en dehors des nerfs vaso-moteurs, des nerfs spéciaux agissant directement sur la nutrition des tissus? Samuel a cherché à le démontrer; mais la diffi- culté de la démonstration est très-grande, car dans la plupart des ex- périences, en même temps qu'on agit sur les nerfs trophiques dont on veut démontrer l'existence, on agit aussi sur les nerfs vaso-moteurs, et les phénomènes observés peuvent être attribués à ces derniers. Ce qui le ferait croire, c'est que, dans beaucoup de cas, après la section des nerfs d'une partie, on observe un accroissement plus intense, au lieu d'une atrophie à laquelle on pouvait s'attendre, de sorte qu'on est en droit de rapporter cet accroissement à un afflux sanguin plus considé- rable par section des vaso-moteurs. Ainsi Adelmann a vu la lésion du nerf tibial chez le cheval être suivie d'un accroissement du sabot. L'œdème observé par Ranvier après la section du nerf ischiatique peut rentrer aussi dans la même catégorie de faits. 11 en est d'autres cepen- dant qui sont plus ditficiles à expliquer; ainsi Wélaton a constaté l'a- trophie du testicule à la suite de la section du nerf spermatique; Obolensky fait chez le chien et le lapin la résection des nerfs du cordon; au bout de deuxà trois semaines, le testicule était atrophié, et, 974 PHYSIOLOGIE FO.\CTIO>'>'ELLE. quatre mois après, il avait snbi la dégénérescence graisseuse. Les faits d'altération de la cornée après la section intra-cràcienne du trijumeau sont de même explicables par une influence vaso-motrice. Les cas d'allé- rations de nutrition circonscrites à la suite de maladies des nerfs d'une partie (paralysies, etc. , sont aujourd'hui communs dans la science, et la localisation de ces altérations parle plutôt en faveur d'une influence nerveuse que d'une influence vasculaire ^ exemple, dans le zona». Ces altérations de nutrition ont été souvent produites expérimentalement; Laborde et Leven, après la section de Tiscbiatique chez le lapin et le cabiai. ont constaté la pâleur et la sécheresse de la peau, des ulcéra- tions, la chute des cheveux et des ongles, des hémorrhagies, la nécrose des phalanges, etc. L'influence des nerfs et en particulier du sympathique sur l'inflam- mation n'est pas douteuse. Brown-Sequard a remarqué que la cicatri- sation des plaies se faisait plus vite du côté où le sympathique était coupé. Snellen, ayant placé une perle de verre dans chacune des oreilles d'un lapin, et sectionné le grand sympathique d'un côté, trouva que du côté lésé les tissus étaient cicatrisés autour de la perle, tandis que, du côté sain, il s'était formé un abcès. Dans ces cas, lorsque l'action nerveuse ne s'exerce pas par l'inter- médiaire des vaisseaux et par les nerfs vaso-moteurs, elle parait influen- cer surtout les tissus épithéiiaux; ordinairement, en effet, c'est par l'épiderme que débutent les altérations, et les lésions consécutives lulcé- rations. etc. peuvent s'expliquer par cette altération épidermique primitive. Goltz a cherché à démontrer que les centres nerveux exerçaient une influence directe sur l'absorption; mais d'après les recherches de Vulpian, Bernstein, Heubel, cette influence ne serait autre chose qu'une influence purement vaso-motrice. 6° GRAN'D SYMPATHIQUE. Procédés. — l- Section du grand sympathique au cou. Même pro- cédé que pour la section du pneumogastrique, au côté interne duquel U se trouve; chez le chien, les deux nerfs sont dans la même gaine. — 2° Extirpation du ganglion cervical supérieur. On suit le nerf en haut, et après avoir sectionné le stylo-hyoïdien on arrive sur le ganglion, qu'on extirpe ou qu'on arrache. — 3° Extirpation du ganglion cervical inférieur. On suit le pneumogastrique en bas jusqu'à l'artère sous-cla- vière; il est placé àgauche, en arrière de l'embouchure du canal thora- cique, dans la veine sous-clavière gauche; il répond, chez le lapin, au ganglion moyen de l'homme; le ganglion cervical inférieur de l'homme correspond au premier ganghon thoracique du lapin. — 4° Extirpation PHYSIOLOGIE DES .NERFS. 975 du premier ganglion thoimcique. Carville et Bocliefontaineont donné un procédé pour son extirpation i voir : Bulletin de la Société de biologie^. — 5° Destruction du plexus cardiaque par la galvanocavsdque 'Lud- wig et Thiry). — 6° Mise à nu du sympathique abdominal. Ouverture de la cavité abdominale; le gauche est le plus accessible. — 7^ Section du nerf splanchnique gauche. Ouverture de la cavité abdominale; il longe Faorte abdominale; le droit est caché par la capsule sur- rénale droite et beaucoup plus difficile à découvrir. — 8° Extirpation du plexus cœliaque et des ganglions semi-lunaires. Même procédé. • — 9? Extirpation du plexus rénal. 11 marche entre Fartère et la veine rénale. La physiologie du grand sympathique se confond en grande partie avec celle des nerfs qui ont été étudies jusqu'ici et en particulier avec celle des nerfs vasculaires. Il ne constitue pas à proprement parler un système à part, comme on l'a cru pendant un certain temps; cependant il -a, grâce à de nombreux ganglions, une certaine indépendance, de façon que ses fibres peuvent être divisées en deux, catégories, celles qui prennent leur origine dans les centres nerveux et celles qui naissent dans les ganglions du sympathique. Seulement il est. la plupart du temps, impossible d'isoler, anatomiquement et physiologiquement, ces deux es- pèces de fibres et de faire la part de ce qui revient aux centres nerveux ou au grand sympathique. Quoi qu'il en soit, le grand sympathique préside spécialement par ses fibres sensilives, motrices et peut-être glandulaires et trophiques, à la plupart des actes de la vie organique et végéta- ti\'e, et il semble n'avoir aucun rapport avec les actions volon- taires. C'est ainsi que ses fibres sensitives partent en général des muqueuses et des organes viscéraux et que ses fibres motrices vont surtout, sinon exclusivement, aux fibres lisses de ces organes et des vaisseaux. Ce qui a été dit plus haut de l'innervation du cœur et de l'innervation vaso-motrice, des nerfs glandulaires et des nerfs trophiques, s'applique donc en partie au grand sympa- thique et me permettra d'abréger la physiologie de ce nerf. Les ganglions du grand sympathique peuvent se diviser en ganglions centraux et ganglions périphériques. Les ganghons centraux sont situés, soit sur le trajet même du cordon du sym- pathique, soit sur le trajet des plexus que fournit le nerf (gan- glions du plexus cardiaque, ganglions semi-lunaires du plexus cœliaque, etc.). Les ganglions périphériques se trouvent dans le 976 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. tissu même des organes; tels sont les ganglions microscopiques du cœur, ceux qu'on trouve dans les tuniques de l'intestin ou dans le tissu de l'utérus. Tous ces organes paraissent être le siège d'actions réflexes, de façon que l'arc réflexe aura une étendue variable, suivant que le centre réflexe se trouvera aux ganglions périphériques, aux ganglions centraux ou dans les centres ner- veux cérébro-spinaux. A. Sympathique cervical. — Il contient : 1" Des fibres vaso-motrices qui se rendent à la moitié corres- pondante de la tête; l'origine de ces fibres paraît se faire surtout dans la moelle cervicale (voir page 962); le ganglion cervical inférieur el le premier thoracique fournissent les vaso-moteurs du membre supérieur; 2° Des fibres accélératrices pour le cœur (voir : Innervation du cœur) ; S*" Des fibres qui vont au muscle dilatateur de la pupille (page 798); 4° Des fibres sécrétoires pour les glandes salivaires (page 475) et la glande lacrymale (page 464); 5° Des fibres pour le muscle lisse orbitaire ; 6° Des fibres centripètes qui excitent le centre d'arrêt du cœur; 7" Des fibres centripètes qui excitent les centres vaso-moteurs. B. Sympathique thoracique. — Les plus importants des nerfs de cette partie du cordon du sympathique sont les nerfs splan- chniques. Ils contiennent: r Les fibres vaso-motrices des vaisseaux des organes abdomi- naux; 2° Des fibres d'arrêt pour le mouvement de l'intestin; 3° Des fibres d'arrêt pour la sécrétion rénale; Cl. Bernard a vu, après leur section, une augmentation de la sécrétion uri- naire; 4° Des fibres dont l'excitation produit l'apparition du sucre dans l'urine ; 5*" Des fibres centripètes dont l'excitation produit farrêt dt cœur ; 6° Des fibres centripètes dont l'excitation produit; un rétrécis- sement des artères. C. Sympathique abdominal. — Sa distribution est fort pei connue; ou sait seulement qu'il fournit les vaso-moteurs di bassin et des membres inférieurs. PHYSIOLOGIE DES CENTRES NERVEUX. 977 Leur richesse en nerfs a fait rattacher les capsules surré)iales au système du grand sympathique; mais on ne sait en réLlité rien sur leurs fonctions. D'après Brown-Sequard, elles seraient en rapport avec la production de pigment. 3. — PHYSIOLOGIE DES CENTRES NERVEUX. 1" PHYSIOLOGIE DE LA MOELLE É.PIMÈRE. Procédés. — Section de la moelle. — L'animal est attaché solide- ment, et endormi par rélher ou les injections de c'nioral; la colonne veitébrale est mise à nu par l'ablation des muscles spinaux et on enlève avec la scie les arcs vertébraux de façon à pouvoir agir sur la moelle et sur les racines des nerfs. L'écoulement de sang est en général assez abondant et amène un épuisement profond de l'animal. Ou peut faire, pour le diminuer, la compression ou la ligature temporaire de la crosse de l'aorte à gauche de l'origine de la sous-clavière gauche (lapin). (Voir aussi : Encéphale.) La moelle épinière peut être envisagée à deux points de vue, comme organe de transmission et comme agglomération de centres nerveux; mais avant de l'étudier à ces deux points de vue, il est nécessaire d'examiner l'excitabilité de ses différentes parties. a. — De l'excitabilité de la moelle épinière. Procédés. — Pour étudier Texcitabilité de la moelle, il est néces- saire de pouvoir localiser l'excitation sur des points circonscrits et dé- terminés; aussi, dune façon générale, les résultats ne peuvent être certains que quand on se sert d'aiguilles fines avec lesquelles on pique ou on gratte la substance médullaire; les courants électriques, même quand ils sont très-faibles, ne présentent pas une localisation assez précise et dilluscnt toujours plus ou moins au delà du point d'applica- tion des électrodes. L'excitabilité de la moelle s'apprécie ordinairement soit par des mouvements (volontaires ou réflexes), soit par des signes (cris, mouvements) indiquant que l'animal éprouve de la douleur; mais comme ces manifestations sont souvent incertaines et ditTicilcment ap- préciables, on a cherché d'autres moyens d'apprécier la sensibilité de la partie excitée. Dittmar, Miescher et d'autres physiologistes l'ont ap- Beaums, rhys. 62 978 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. préciée par les variations que subit la pression sanguine prise avec un manomètre introduit dans une artère; ils ont vu l'excitation des parties sensibles se traduire par une augmentation de pression. D'autres au- teurs, Scliitr en particulier, ont pris comme réactif de la sensibilité le diamètre de la pupille (dilatation pupillairei. Les physiologistes sont loin d'être d'accord sur l'excitabilité des diverses parties de la moelle. Pour la substance grise, l'ac- cord est à peu près complet, et sauf Aladoff et Cyon, tous croient qu'elle est absolument inexcitable. Mais pour la substance blanche il n'en est plus de même, et ils se partagent en deux camps: les uns, comme van Deen, Ghauveau, etc., croient qu'elle est inexcitable et que son excitabilité apparente lui vient des ra- cines rachidiennes qui la traversent; les autres, comme Yulpian, Fick, etc., croient qu'elle a une excitabilité propre indépendante de ces racines. L'excitabilité des co?'do7is postérieurs se traduirait, d'après Yulpian, par des mouvements dus à la douleur et par des mouvements réflexes; pour Brown-Sequard, leur excitation ne déterminerait que des mouve- ments réflexes. Van Deen avait au contraire trouvé la moelle de la gre- nouille complètement insensible à tous les excitants. Ghauveau. expéri- mentant sur de grands animaux, ce qui permettait de localiser l'excitation d'une façon très-précise, est arrivé à peu près aux mêmes conclusions que van Deen. Cependant Gianuzzi a trouvé les cordons postérieurs excitables après la section des racines postérieures et la dégénéres- cence consécutive de leur bout central. Dittmar a constaté une aug- mentation de pression par l'excitation des cordons postérieurs. SchitT, Fick, Enjelken admettent aussi l'excitabilité de ces cordons. Les mêmes contradictions existent pour les cordons antéro-latéraux. Yan Deen, Huinzingua, Aladoff, Ghauveau, les considèrent comme tout à fait inexcitables. Cl. Bernard leur attribue (sauf pour les cordons laté- raux) la sensibilité récurrente et la fait provenir des racines antérieures. D'après Fick, Enjelken, Yulpian, leur excitation, pourvu qu'ehe soit assez forte, déterminerait des mouvements moins intenses cependant que Fexcitation directe des racines antérieures. Si on sectionne les ra- cines antérieures et postérieures de la moelle dans une étendue de G à 10 centimètres, et qu'on enlève ensuite les faisceaux postérieurs et la- téraux sur la même étendue, Fexcitation des cordons antérieurs produit des contractions dans les muscles du train postérieur (Yulpianl Dittmar n'a pas vu d'augmentation de pression par l'excitation des cordons an- térieurs; il en a vu une légère par celle des cordons latéraux. PHYSIOLOGIE DES CENTRES >ERVEUX. 979 b. — De la moelle comme organe de transmiission. La transmission de la sensibilité et de la motilité dans la moelle ne se faàt pas tout à fait de la même faron que dans les nerfs sensitifs et moteurs ; une première différence, c'est que les parties de la moelle (et des autres centres nerveux) qui condui- sent la sensibilité ou le mouvement peuvent n'être ni sensibles ni excitables. En second lieu, c'est que très-probablement la transmission d'un lieu déterminé à un autre ne se fait pas néces- sairement par une voie unique, mais peut se faire par plusieurs voies qui paraissent même pouvoir se suppléer dans certains cas. V De la transmission de la sensibilité dans la moelle. D'après Magendie, Ch. Bell et surtout Longet, les cordons pos- térieurs seraient les conducteurs de la sensibilité dans la moelle ; mais les expériences de Schiff, Brown-Sequard, etc., ont montré que cette opinion ne s'accordait pas avec les faits et que la transmission sensitive se faisait principalement par la substance grise de la moelle. b Les expériences essentielles sur lesquelles s'appuie cette opinion sont les suivantes : 1° La section transversale complète des cordons postérieurs (Bellin- gieri, Brown-Sequard) n'abolit pas la sensibilité dans les régions de la peau qui reçoivent leurs nerfs des parties de la moelle situées au-des- sous de la section. Seulement les mouvements coordonnés ne se font plus aussi bien (probablement par diminution de la sensibilité muscu- laire). Après la section des cordons postérieurs, Brown-Sequard a ob- servé même une bypéresthésie de la peau ivoir plus Joini et a constaté que la surface de la coupe du segment inférieur est sensible, phéno- mène qui s'accorde avec ce fait anatomique que les fibres des racines postérieures se portent d'abord en bas avant de remonter dans la moelle. 2" La section des cordons postérieurs et des cordons antéro-latéraux (avec conservation de la substance grise) n'abolit pas la sensibilité dans les parties situées au-dessous de la section ; cette sensibilité est seulement un peu affaiblie et d'autant plus qu'on a moius laissé de substance grise. 980 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. 3° La section des cordons antéro-laféraux et de la substance gi'ise (van Deen, Brown-Sequardi, avec conservation des cordons postérieurs, abolit complètement la sensibilité; cependant, d'après ScbifF, la sensibi- lité tactile serait conservée; la sensibilité à la douleur serait seule abolie ainsi que la sensibilité thermique. 4° La section de la substance grise seule (van Deen, Brown-Sequard» produit le même résultat. Seulement l'opération. est trop difficile à exé- cuter complètement pour qu'on puisse en tirer des conclusions positives. La transmission des impressions sensitives dans la moelle pa- raît être en partie croisée; autrement dit, les conducteurs de ces impressions s'entre-croisent sur la ligne médiane (Brown-So- quard). Cependant il paraît y avoir à ce point de vue des diffé- rences entre les diverses espèces animales; ainsi, chez les oiseaux (pigeons) Tentre-croisement ne commencerait qu'au-dessus du renflement lombaire, et chez la grenouille il manquerait tout à fait (Sestchenow). Du reste, les conclusions de Brown-Sequard sont loin d'être adoptées par tous les physiologistes. Les expériences sur lesquelles Brown-Sequard s'appuie pour admettre la transmission croisée sont les suivantes : 1° Si on fait une section verticale médiane et antéro-postérieure delà moelle de façon à la séparer dans une certaine étendue en deux moitiés indépendantes iGalieni, on constate de l'anesthésie dans les parties qui reçoivent leurs nerfs de la région de la moelle sur laquelle on a opéré, et Tanesthésie existe des deux côtés. 2° Si on fait une section transversale comprenant une moitié latérale de la moelle, on constate de l'anesthésie du côté opposé à la section, et de Ibypéresthésie dans les parties du corps situées du côté de la section. Cette bypéresthésie est assez difficile à expliquer et on ne^ peut admettre l'hypothèse de Brown-Sequard qui la considère comme due à une dilatation paralytique des vaisseaux de la moitié coupée de la moelle. Miescber n'a pas observé cette hypéreslhésie. 3° Si on fait une section transversale de plus en plus profonde d'une moitié de la moelle (bémisection de la raoellei, la sensibilité s'afTaiblit de plus en plus du côté opposé à mesure que la coupe est plus pro- fonde, mais elle existe toujours partout; quand la coupe atteint la ligne médiane, la sensibilité disparait tout à fait du côté opposé. Cependant certaines expériences s'accordent peu avec une transmis- sion croisée des impressions sensitives. Si on fait uoe bémisection double de la moelle à des hauteurs différentes, l'une à droite, l'autre à gauche, la sensibilité est conservée des deux côtés (van Deen). Brown-Sequard admet dans la moelle des conducteurs spéciaux pour PHYSIOLOGIE DES CErs'TRES NERVEUX. 981 les diverses espèces d'impressions seiisitives, et il a cherché à en dé- terminer le trajet. D'après lui, les impressions tactiles passeraient par les parties antérieures de la substance grise, les impressions de dou- leur, plus disséminées, par les parties postérieures et latérales, celles de température par les parties grises centrales; tous ces conducteurs s'entre-croiseraient dans la moelle. Les conducteurs de la sensibilité musculaire, au contraire, passeraient par les cornes grises antérieures ou dans leur voisinage et ne seraient pas entre-croisés. Schiir, Dani- lewsky, etc , font passer les impressions tactiles par les cordons posté- rieurs, les impressions de température et de douleur suivant la voie de la substance grise. Mais toutes ces assertions ne peuvent être accep- tées qu'avec beaucoup de réserve et n'ont pu encore être justifiées expérimentalement. Un seul fait important au point de vue pratique, c'est la persistance de la sensibilité malgré lexistence de lésions pro- fondes de la moelle. 2^ De la transmission motrice dans la moelle. La transmission motrice dans la moelle est mieux connue que la transmission sensitive. Elle se fait par les cordons antéro-laté- raux et aussi par la substance grise. Les expériences qui démontrent ce mode de transmission sont les suivantes : 1° La section des cordons antérieurs et de la substance grise, avec conservation des cordons postérieurs, abolit les mouvements volontaires dans les régions situées au-dessous de la section. 2" La section des cordons antéro-latéraux seuls (van Deeni abolit transitoirement les mouvements volontaires, qui se rétabliraient au bout d'un certain temps. Cette expérience a donné cependant des ré- sultats contradictoires qui s'expliquent par la ditTiculté de l'opération. 3" La section des cordons postérieurs et de la substance grise, avec conservation des cordons antérieurs, afifaiblit les mouvements volon- taires, qui reparaissent au bout de quelque temps. 4** On a cherché enfin à sectionner isolément les cordons antérieurs et les cordons latéraux et on a cru voir qu'après la section du cordon laté- ral les mouvements étaient à peine affaiblis; mais les expériences sont trop délicates pour qu'on puisse y attacher une grande importance. Ues cordons postérieurs paraissent cependant jouer un rôle dans la coordination des mouvements. On observe, en eifet, après des sections transversales successives des cordons postérieurs à diverses hauteurs (Toddi, des troubles de la coordination qui rappellent les phénomènes de Vataxie locomotrice. Mais là encore l'expérience est trop complexe 982 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. et accompagnée de trop grands désordres pour qu'on puisse en tirer des conclusions positives. Valenlin a supposé, mais les expériences nltérieures n'ont pas con- firmé cette opinion, que les fibres des extenseurs marchaient dans les cordons postérieurs, les fibres des fléchisseurs dans les cordons antérieurs. La transmission motrice dans la moelle est directe. Si on fait une section transversale d'une moitié de la moelle, le mouve- ment est aboli du côté de la section; si on fait une section longi- tudinale qui partage la moelle en deux moitiés (grenouille), le mouvement est conservé des deux côtés. Van Kempen admet cependant un entre-croisement partiel dans la région cervicale, Vulpian croit qu'il y a un entre-croisement partiel dans la substance blanche; l'excitation d"un cordon antérieur détermi- nerait des mouvements dans le membre correspondant au faisceau excité et des mouvements plus faibles dans le côté opposé. c. — De la moelle comme centre d'innervation. 1° Des actions réflexes de la moelle. L'étude générale des actions réflexes a déjà été faite avec la physiologie du tissu nerveux ipages 309 et suivantes!; il ne s'a- gira donc ici que des phénomènes réflexes spéciaux à la moelle. Ces phénomènes consistent principalement en mouvements ré- flexes, et ces mouvements se voient surtout ]jien quand on sé- pare, par la décapitation, la moelle de Tencéphale; il suflit, du reste, pour que le réflexe se produise, qu'il reste interposé entre le nerf sensitif et le nerf moteur un noyau de substance grise; ainsi les mouvements réflexes se montreront avec des tronçons isolés de moelle comme avec la moelle entière. L'excitation initiale qui détermine le réflexe peut partir soit des nerfs rachidiens, soit des nerfs sympathiques; ainsi le pince- ment du sympathique chez le lapin produit des contractions des muscles abdominaux lYolkmanni, et sur des grenouilles décapi- tées on a des mouvements des membres en excitant le canal in- testinal, mouvements qui cessent si on détruit la moelle épinière. Il y a une certaine corrélation entre les racines antérieures et les PHYSIOLOGIE DÉS CENTRES NERVEUX. 983 racines postérieures; une racine postérieure est en rapport réflexe avec les racines antérieures correspondantes, et Sanders-Ezn a montré que certaines régions sensibles correspondent à certains groupes de muscles et que l'excitation de ces régions produit des contractions dans ces muscles. Ainsi, chez la grenouille décapitée, l'irritation d'une patte produit un mouvement d'extension comme pour fuir, l'irritation de l'anus un mouvement des pattes vers le point irrité, le contact léger de la région dorsale le coassement (Goltz), etc. Des phénomènes analogues ont été observés chez le chien, par Goltz et Freusberg, après la section de la moelle lombaire. Les mouvements réflexes ainsi produits atteignent non-seule- ment les muscles du squelette, ce qui est le cas le plus fréquent, mais encore les muscles organiques, comme l'iris, les muscles des vaisseaux, etc. Ces mouvements réflexes ont très-souvent un caractère défen- sif, ils ont même, dans beaucoup de cas, un caractère remarquable de coordination; c'est ainsi qu'une grenouille décapitée nage et saute dès qu'une excitation cutanée se produit, et, si on la dé- place, fait des mouvements pour retrouver son équilibre. (Voir : Encéphale.) D'après Cayrade, qui contredit les lois de Pflûger (page 313), l'excitation réflexe s'irradie dans tous les sens dans la moelle, et sa propagation dans le sens longitudinal est aussi facile de bas en haut que de haut en bas. Masius et van Lair ont cherché à localiser les centres des di- vers mouvements réflexes; chez la grenouille, les centres des mouvements des membres antérieurs commencent 1 milhmètre en avant de la deuxième racine et occupent une longueur de 3 à 3 millimètres et demi; les centres des mouvements des membres postérieurs iraient de 2 millimètres en avant de la septième ra- cine jusqu'en arrière de l'insertion de la dixième. D'après Sest- chenow, la région de la cinquième cervicale serait surtout impor- tante au point de vue des réflexes. L'excitabilité réflexe augmente par la décapitation, et d'une façon générale les sections successives de la moelle d'avant en arrière augmentent l'excitabihté des parties situées en arrière de la section (Schitf). Si l'on prend deux grenouilles d'égale force, qu'on décapite l'une, qu'on coupe la moelle lombaire de l'autre, les réflexes sont plus prononcés chez la seconde que chez la pre- 984 PHYSIOLOGIE FOXCTIO^'XE LLE. mière (Vulpian). Celte excitabilité peut persister très-longtemps après la section, plusieurs mois, comme l'ont vu Longet et Goltz. Chez les animaux à sang chaud, elle se perd très-vite après la dé- capitation, et il est probable que les mouvements observés par Robin et Marcellin Duval chez des suppliciés une heure après la décapitation n'étaient que des mouvements idio-musculaires. La strychnine et les opiacés augmentent l'excitabilité réflexe, soit qu'ils agissent sur les racines postérieures et les fibres sensi- tives. comme le croit Cl. Bernard, soit qu'ils agissent sur la moelle elle-même (Yulpian). L'aconitine, l'acide cyanhydrique, l'éther, le chloroforme, le chloral produisent l'effet opposé. Il en est de même de l'arrêt de la circulation (expérience de Sténon, ligature du cœur), de l'apnée (Vulpian). L'action de l'électricité est con- troversée; d'après Legros et Onimus, les courants ascendants pro- duiraient un renforcement, les courants descendants une di- minution des réflexes. Uspensky n'est pas arrivé aux mêmes résultats. La durée de la transmission réflexe dans la moelle (temps que l'excitation met à passer du nerf sensitif au nerf moteur) dimi- nue avec l'intensité de l'excitation; on voit qu'il y aurait sous ce rapport une différence entre la transmission dans la moelle et la transmission dans les nerfs. Cette durée augmente avec la fatigue de la moelle. Le mécanisme de l'action réflexe médullaire est encore peu connu. Marshall-Hall croyait que les fibres qui présidaient à ces phénomènes étaient distinctes des fibres sensitives et motrices proprement dites, et il admettait un système particulier, système excito-moteur ; mais l'admission de ce système n'a aucune raison d'être et les phénomènes s'expliquent aussi bien sans avoir besoin de recourir à une nouvelle catégorie de fibres. Arrêt des réflexes. — L'excitation de la coupe des tuber- cules quadrijumeaux et des couches optiques produit une dimi- nution et une suspension des phénomènes réflexes de la moelle (Sestchenow); il en serait de môme de celle des hémisphères (Goltz). Sestchenow, se basant sur ces faits, a admis dans l'encé- phale des centres qui agiraient comme modérateurs sur les cen- tres réflexes de la- moelle, et explique ainsi l'augmentation de l'excitabilité réflexe médullaire après la décapitation, qui sup- prime l'action de ces centres. L'existence de ces centres a été très- vivement contestée par beaucoup de physiologistes, et d'autres niYSIOLOGIE DES CENTRES NERVEUX. 985 faits observés depuis semblent devoir faire admettre une autre interprétation. Une forte excitation des nerfs sensitifs diminue ou paralyse l'activité réflexe (Lewison); mais cette excitation ne paraît pas agir sur des centres d'arrêt encéphaliques, car le même arrêt des réflexes se produit, comme l'a observé Goltz, par cer- taines excitations des nerfs sensitifs chez des chiens dont la moelle lombaire a été coupée, et chez lesquels, par conséquent, les excitations sensitives ne pouvaient agir sur les centres modé- rateurs. Il est vrai que Xothnagel admet des centres d'arrêt dans toute l'étendue de la moelle. 2° Centres d' Innervation dans la moelle. On a pu déterminer d'une façon assez précise l'existence et la situation d'un certain nombre de centres réflexes dans la moelle. r Centre cilio-spinal. — Budge et Waller ont vu que les nerfs qui animent les fibres radiées de l'iris naissent de la moelle au niveau de la deuxième paire dorsale (entre le sixième nerf cer- vical et le troisième dorsal), et passent de là dans le sympathique. La galvanisation de cette région de la moelle dilate les deux pu- pilles, et la dilatation cesse par la section du grand sympathique; l'excitation des racines sensitives aboutissant à cette région de la moelle produit le même effet que l'excitation même de la moelle (Chauveau). Salkowski fait cependant remonter plus haut (dans la moelle allongée) l'origine de ces fibres cilio-spinales. 2° Centre accélérateur des mouvements du cœur. (Voir: Inner- vation du cœur.) 3° Centre respiratoire. — La moelle contient bien les centres inoteurs des muscles respiratoires, mais ces centres sont eux- mêmes sous la dépendance d'un centre respiriitoire plus élevé, placé dans le bulbe (voir : Bulbe). Ainsi la section de la moelle au-dessus de la huitième paire dorsale paralyse les muscles ab- dominaux : au-dessus de la première paire dorsale, les intercos- taux; au-dessus de la cinquième paire cervicale, le grand dentelé et les pectoraux; enfin la section au-dessus de la quatrième paire cervicale, en paralysant en plus le nerf phrénique, paralyse le dia- phragme et abolit tout mouvement respiratoire. Pour C^. Bell, les cordons latéraux seraient le lieu d'origine des nerfs respira- toires, et Clarke place le centre des nerfs intercostaux et des 986 PHYSIOLOGIE FOîsCTIONNELLE. nerfs des autres muscles respiratoires dans le cordon intermé- dio-latéral ; mais la preuve expérimentale fait défaut. Scliiff admet bien que la section d'un faisceau latéral au niveau du pre- mier nerf cervical, ou l'hémisection de la moelle à ce niveau, abolit les mouvements respiratoires du côté correspondant; mais Vulpian et Brown-Sequard ont obtenu des résultats contradic- toires. 4° Centres des mouvements des membres. — ■ Malgré les expé- riences de Cl. Bernard, Harless et de plusieurs autres physiolo- gistes, la localisation des centres moteurs des divers mouve- ments des membres est encore très-incomplète. 5° Centre g énito- spinal. — Budge avait trouvé au niveau de la 4" vertèbre lombaire, chez le lapin, une région étendue de quelques lignes dont Texcitalion produisait des mouvements dans la partie inférieure du rectum, la vessie et les canaux déférents, et chez la femelle des contractions de l'utérus. Ségalas avait, chez des animaux dont la moelle avait été coupée, produit l'é- rection et l'éjaculation par l'excitation mécanique de la moelle. Mais les expériences les plus démonstratives sont dues à Goltz et Freusberg. Ils ont vu chez une chienne dont la moelle avait été coupée à la hauteur de la première lombaire, le rut, la concep- tion, la grossesse et enfin l'accouchement et la lactation se pro- duire comme chez une chienne intacte; le centre des mouve- ments de l'utérus se trouve donc dans la moelle et non dans l'encéphale, et si quelques auteurs ont obtenu des contractions utérines par l'excitation de certaines régions de l'encéphale, ces contractions étaient purement réflexes, comme celles que Schle- singer a vues chez des lapines à moelle cervicale coupée à la suite d'excitations du nerf sciatique. D'après Goltz, le centre de Férection se trouve aussi situé dans la moelle lombaire ; après la section de la moelle chez des chiens, on détermine l'érection avec des mouvements rhylhmiques du bassin par le chatouillement du pénis, la pression sur la ves- sie, etc.; et cette érection disparaît par la destruction de la moelle lombaire; elle est arrêtée par l'excitation de l'ischiatique, une forte pression des orteils, l'excitation électrique de la peau du testicule et de l'anus. 6° Centre ano-spinal. — Masius admet chez le lapin, entre la 6* et la 7® vertèbre dorsale, un centre dont l'irritation produit des mouvements du sphincter anal. Chez le chien dont la moelle PHYSIOLOGIE DES CENTRES NERVEUX. 987 ombaire a été coupée, si on place le doigt dans l'anus, on sent les contractions réflexes rhythmiques, et ces contractions s'arrê- ent par une forte excitation dun nerf sensitif, comme le pince- nent du gros orteil (Goltz). 7° Centre des mouvements de la vessie. — D'après Gianuzzi, 'irritation de la moelle au niveau de la 3^ vertèbre lombaire (ou les fdets sympathiques vésicaux) amène des contractions lentes lu corps et du col de la vessie; celle de la moelle au niveau de a 5^ vertèbre lombaire (ou celle des filets venant de la moelle) les contractions énergiques et douloureuses des mêmes parties, 'our Goltz, qui se base sur ses expériences sur des chiens avec lection de la moelle lombaire, la miction est un acte purement 'éflexe dont le centre est dans la moelle. Chez ces chiens, en îflet, la vessie se vide si on presse la peau du ventre, si on touche e gland ou le prépuce, ou si on chatouille le pourtour de l'anus ; a destruction de la moelle lombaire empêche ces rétlexes de se )roduire. Les mouvements de la vessie, observés par Budge, par 'excitation du cerveau sont des mouvements réflexes. 8" Centimes vaso-moteurs. (Voir : Nerfs vaso-moteurs). 9° Centres de tonicité musculaire. — Cette question a déjà été raitée page 258; l'expérience de Brondgeest, répétée par divers mteurs, a donné des résultats contradictoires; tandis que cer- ains expérimentateurs, comme Sustschinsky, en confirment les "ésultats. d'autres, comme Eckhard, Heidenhain, etc., les inter- Drètent autrement; il en est de même de l'excitation continuelle jui. suivant Steinmann et Cyon, arriverait aux racines antérieures 3ar les racines postérieures et maintiendrait les muscles en état le tonus permanent. On attribue encore à la moelle d'autres fonctions, mais qui l'ont pu être localisées dans des centres déterminés. Ces fonc- ions sont les suivantes : r Action psychique de la moelle. — Paton, Pfltiger, Auer- Dach considèrent la moelle comme pouvant être le siège d'une •ertaine activité psychique, c'est-à-dire de manifestations cous- dentés. Ces auteurs se basent sur les expériences suivantes : 1° Expérience de Pjlûger. On place une goutte d'acide sur le laut de la cuisse d'une grenouille décapitée; le membre posté- i'ieur se fléchit et va frotter le point irrité; on ampute alors la )atte et on recommence à placer une goutte d'acide au même en- 988 PHYSIOLOGIE FONGTIO.XXELLE. droit: l'animal fait d'abord cjiielques essais avec la patte coupée, puis au bout de quelque temps elle les fait avec l'autre patte intacte. T Expérience cïAiierhach. On ampute la cuisse d'une grenouille décapitée, et on met une goutte d'acide sur le dos du même côté; après quelques efTorts pour atteindre le point irrité, la grenouille reste immobile. On place alors une goutte d'acide sur le dos du côté non opéré; la grenouille frotte avec la patte du même côté, puis elle frotte le point irrité du côté opposé avec cette patte. Ces résultats ne sont pas constants, mais ils se présentent assez sou- vent pour qu'on ne puisse refusera la moelle une sorte d'activité psychique et de conscience rudimentaire. La plupart des physio- logistes s'accordent cependant pour nier les conséquences des expériences de Pfltiger et d'Auerbach. 2° Influence trophique de la moelle. — L'influence de la moelle sur la nutrition des racines antérieures et des nerfs qui en nais- sent est démontrée, tant par les expériences de Waller (page 292) que par les faits pathologiques. Yulpian a montré, par de curieuses expériences sur les têtards de grenouilles, que des lésions de la moelle peuvent devenir l'origine de ditformilés et influencer le développement de l'animal 3° Influence de la moelle sur certaines actions nerveuses. — Brown-Sequard observa qu'après la section d'une moitié latérale de la moelle dans la région de la 12® vertèbre dorsale, il se pro- duisait, chez les cabiais, une analgésie localisée à certaines ré- gions de la peau de la face et du cou. En outre, l'excitation de cette région de la peau déterminait des accès épileptiformes (zone épileptO(jène)\ l'épilepsie ainsi acquise peut se transmettre héréditairement aux jeunes. Ces attaques épileptiques se produi-, sent môme si on sépare la moelle du cerveau. On remarque en même temps des troubles de nutrition, ulcérations de l'œil, sé- crétion abondante de mucus nasal, en même temps que des cli- gnements spasmodiques et des convulsions de la face du même côté. La section du nerf sciatique (au bout de cinq semaines), \m choc sur la tête peuvent produire aussi ces accès épileptiformes. 4" Influence de la moelle sur les sécrétions. — Cette influence est encore peu connue. Les cas pathologiques de lésions de la moelle offrent, il est vrai, des faits nombreux qui démontrenl l'influence de la moelle sur les sécrétions, mais la question n'£ guère été étudiée expérimentalement, et au point de vue physio- logique il est impossible d'en tirer des conclusions positives. Aussi PHYSIOLOGIE DES GE.XTRES NERVEUX. 989 Q'abstiendrai-je de les mentionner. Les expériences difecles ont peu nombreuses. Brown-Sequarda vu l'arrêt de la sécrétion irinaire par le pincement de la surface interne de la paroi abdo- Qinale chez le cliien (dans la région de la première paire lom- laire), et le phénomène subsistait après la section transversale e la moelle. Les lésions expérimentales de la moelle provo- uent la glycosurie iSchiff). Ileidenhain a fait des recherches sur 1 sécrétion biliaire; l'excitation de la moelle par des courants nduits s'accompagne d'une diminution de la sécrétion biliaire, Técédée cependant d'une légère augmentation, et les Glets pro- enant de la moelle marcheraient dans les nerfs splanchniques, ar l'excitation de ces nerfs produit le même effet et le phéno- lène ne se produit plus après leur section. Ces résultats, attaqués ar Piôhrig, ont été confirmés par J. Munk. b" Influence delà moelle sur l'absorption. — Goltz a cherché écemment à démontrer l'influence de la moelle sur l'absorption, fais ces expériences, confirmées dans leurs traits essentiels par 'révost, Reverdin, Heubel et Bernstein, sont susceptibles d'une utre interprétation. 6° Influence de la moelle sur la température animale. (Voir: ■haleur animale, page 721). Régénération de la moelle. — Prochaska etLonget avaient choué dans leurs tentatives de rcgénération de la moelle. Masius t van Lair, chez les grenouilles, auraient obtenu la regénération e la moelle avec retour de quelques mouvements volontaires; lais les expériences ne peuvent être acceptées que quand elles uront été répétées, et les résultats en sont douteux, doltz, sur es chiens, n'a jamais constaté de retour de la sensibihté et du louvement volontaire. lillliosi'^phic — Cal^[eil : Recherches sur la structure et les fonctions de la moelle épiniére, daus : Journal des progrès, 182s. — StilIjIKG : Untersnchungen ùbcr die Functionen des Eiickenmarks, ls42. — Bkowk-Seqiard : Mémoire sur les voies de transmission des impressions sensitives dans la moelle épiniére, dans : Mé- moires de la Société de biologie, isôO. — E. Pflcger : Die sensoriellen Functionen . des lîUckenmarks , l^'hi. — Schiff : Sur les Fonctions des cordons post^^rieurs de la moelle. Gazette hebdomadaire, Isô!'.) — Schrœder vax der Kolk : Bau und Functionen der medulla spinalii uni oblingata, 1>5!'. — Brows-Sequard : A'oii- velles Recherches sur la ph^/siologie de la moelle épiniére. (Journal de physiolog^ie, iN'iS et l>i.")9.) — CiiAiVEAU : De V Excitabilité de la moelle épiniére. (Journal do physiolo;,'ie, 1^61.) — Bro\vx-Seqi"ari) : Leçons sur le diagnostic et le traitement des principales formes de paralysies des extrémités inférieures, avec un" Introduc- tion de RofGET, l-iiU. — J.Caykade : Sur la Localisation des mouvements réflexes, l,s(;>;. — Vl-lpiax : article t Moelle > du Dictionnaire encyclopédique, 1>>74. (Voir aus:ii la bibliographie générale de l'innervaiiou.) 990 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. 2° PHYSIOLOGIE DE l'EKCÉPHALE. Procédés. — A. Excitation de régions circonscrites de l'encé- phale. — 1° Piqitre. — La piqûre se fait avec une aiguille fine qu'on fait pénétrer plus ou moins profondément dans le cerveau. Si l'on veut se borner à une simple excitation, il faut prendre garde de ne pas dila- cérer la substance cérébrale. 2° Électrisaiioii. Procédés de ^îYcz> courants constants) e^ Femer s (faradisatioui. — Daprès ces auteurs, Lexcitation électrique de la couche corticale des hémisphères produit des mouvements dans des groupes de muscles déterminés. Ils ont pu ainsi constater dans la substance corticale l'existence dun certain nombre de centres moteurs parfaite-; ment localisés pour les mouvements des yeux, des membres, des mus-i clés de la nuque, etc. Schiff croit que ces mouvements ne sont autre, chose que des mouvements réflexes. D'après Carvillé et Duret, Hermann.; ces mouvements sont dus à ce que les courants diffusent, soit à la sur- face du cerveau par les liquides qui la baignent, soit dans la profondeui jusqu'au corps strié. Suivant Hermann, ces mouvements ne sont pas empêchés par la destruction delà couche corticale du cerveau. De nou- velles expériences sont nécessaires pour quon puisse se prononce) détinitiveraent sur la valeur de ce procédé. (Voir : Ferrier, Recherchet expérimentales siw la physiologie et la pathologie cérébrales, trad par Duret. 1874; Hitzig, Unlersuchungen ilber das Gehira, 1874. Chez Fhomme, Félectrisation du cervelet produit des phénomènes très curieux de vertige et des mouvements des yeux. 30 Hyperémie et inflammation. — L'application de substances irri tantes sur la substance cérébrale, la piqûre, etc., déterminent uii^ hyperémie et de Finflammation qui s'accompagnent de phénomène d'excitation cérébrale. B. abolition de fonction. — V^ Section. — La section a pour bu d'interrompre la continuité dans la transmission nerveuse, soit sens] tive, soit motrice. Ce procédé a surtout sa raison d'être pour Fétud expérimentale des fibres nerveuses conductrices. 20 Ablation ou destruction. — L'ablation avec le bistouri, le f€ rouge, etc., ne peut guère être employée que pour les parties superÊ cielles du 'cerveau, les parties profondes ne pouvant être atteinte qu'au prix de délabrements considérables. 30 Procédé des injections caustiques interstitielles de fauteur." Ce procédé, emplové pour la première fois par Fauteur en 1868, « appliqué depuis par Nolhnagel et Fournie, permet d'atteindre les partie profondes en ne faisant aux parties superficielles que des lésions ins o-niûantes. Le procédé opératoire est très-simple : la peau étant incisé PHYSIOLOGIE DES CENTRES N'ERVEUX. 991 on fait au crâne, avec un perforateur, un trou très-fin ; on introduit par ce îrou une petite canule à trocart qui pénètre plus ou moins profondé- ment dans la substance cérébrale; on retire le trocart et on visse sur la canule restée en place le corps d'une seringue à injection sous- cutanée cliargée du liquide qu'on veut injecter. On tourne doucement le piston de façon à faire pénétrer un nombre déterminé de gouttes et on retire ensuite la canule. Les lésions cérébrales ainsi produites peu- vent être localisées avec une précision remarquable. (Voir : Beaunis, Usote sur l'application des injections interstitiel/es à r étude des fonc- tions des centres nerveux, dans Gazette médicale de Paris, 1872; voir aussi : ]Sotes additionnelles.) 4° Cautérisation électroly tique. — J'ai employé dans plusieurs cas la cautérisation électroiytique. 5-° Interruption de la circulation. — L'interruption de la circulation peut se faire soit sur des régions étendues iligatures artérielles , soit sur des régions circonscrites i injection dans les vaisseaux de poudres obturantes, d'air, etc.). Dans ce cas, on observe un ramollissement des parties correspondantes de la substance cérébrale. 6° Réfrigération [Richard so7i). — L'application de la glace ou de mélanges réfrigérants, l'anesthésie localisée par l'éther, la rigoléne, etc., sur une région déterminée du crâne, ou bien leur application à DU sur la substance cérébrale, abolissent temporairement les fonctions de la région. L'inconvénient de cette méthode est de ne pouvoir loca- liser la réfrigération au point expérimenté. 7° Compression cérébrale. — Cette compression peut se faire, soit directement sur la surface du cerveau, soit par l'injection dans le cer- veau de liquides inertes, mercure, etc. (Voir : Beaunis, iSote sur ïappli- catio7i, etc.) a. — Physiologie du bulbe. 1^ Excitabilité clic bulbe. L'excitabilité des divers faisceaux du bulbe (') est très-contro- versée. L'excitation des pyramides antérieures détermine des (') Anatomiquement, le bulbe paraît être constitue' de la façon suivante : les pyramides sont formées dans les trois quarts inférieurs de leur décus- sation par le prolongement d'une partie dos cordons latéraux de la moelle, dans leur quart supérieur par une partie des cordons postérieurs. Le fais- ceau intermédiaire du bulbe est constitué par les cordons antérieurs et le reste des cordons latéraux; les corps restiformes et les pyramides posté- rieures par les cordons postérieurs, moins la partie qui contribue à la dé- 992 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. mouvements sans signes de sensibilité (Longet). D'après Yulpian il y aurait des mouyements et de la douleur. Les corps resti- formos et les pyramides postérieures, au contraire, paraissent très- sensibles (Longet, Vulpian), quoicpie Brown-Sequard ait trouvé leur sensibilité prescpe nulle. La sensibilité du plancher du -i" ventricule parait beaucoup moins vive (Yulpian). 2° Transmission dans le hulhe. r Transmission sensitive. — L'hémisection du bulbe n'abolit pas la sensibilité ; elle n'est pas non plus abolie, malgré l'asser- tion contraire de Longet, après la section des corps restiformes ; il est probable que cette transmission peut se faire aussi par la substance grise; mais, en tout cas, il est presque impossible, d'après les expériences physiologiques, de localiser exactement dans le bulbe les conducteurs des impressions sensitives. La question de savoir si cette transmission est directe ou croisée est aussi peu précisée ; le croisement des voies sensitives parait cependant se faire principalement dans la moelle, par consé- quent au-dessous du bulbe -, la section longitudinale antéro-pos- térieure et médiane du bulbe ne modifie pas notablement la sen- sibilité des deux côtés du corps. 2*^ Transmission motrice. — La transmission motrice se fait principalement par les pyramides antérieures et le faisceau inter- médiaire du bulbe. Cette transmission est croisée. Le croisement se fait dans le bulbe même pour les conducteurs, destinés au tronc et aux membres ; pour les muscles de la face, elle se fait plus haut dans la protubérance. Chez l'homme, ce croisement est complet; chez les animaux, au contraire, il n'est que partiel; l'hémisection transversale du bulbe, la section médiane longitu- dinale ne produisent jamais chez eux une hémiplégie complète, ni d'un côté ni de l'autre (Philipeaux, Yulpian). Du reste, les cussatioa des pyramides. La substance grise est la continuation de la sub- stance arise de la moelle, à laquelle viennent s'ajouter les noyaux des nerfs et" l'olive. L'olive est en relation, par les fibres arciformes, avec la moitié du cervelet du côté opposé. Je ferai à ce sujet une remarque, appli- cable du reste d'une façon générale à la pbysioiogie des centres nerveux, c'e^t que les données anatomiques, quand elles ne sont pas appuyées par, des expériences positives, ne peuvent être appliquées qu'avec beaucoup de réserve à la physiologie. 1 PHYSIOLOGIE DES CENTRES >'ERVEUX. 993 résultats varient suivant la hauteur à laquelle sont faites les sec- tions transversales ; à la pointe du calamus, les muscles de la colonne vertébrale sont paralysés ; plus haut, ce sont les muscles des membres postérieurs. 3° Centres nerveux dans le hulhe. r Centre respiratoire. — Le centre respiratoire se trouve dans le bulbe, vers la pointe du V du calamus scriptorius, au niveau des origines du pneumogastrique. Daprès les recherches de Rosenthal, il se composerait de deux centres : T un centre inspirateur dont l'activité est excitée par les filets pulmonaires du pneumogastrique et arrêtée par les filets laryngés du même nerf; l'accumulation d"acide carbonique dans le sang, l'absence d'oxygène, l'irritation des nerfs sensitifs (aspersions d'eau froide) agissent comme excitants sur le centre inspirateur; une irritation sensitive trop intense (douleuri ou l'excès d'oxygène dans le sang (apnée), au contraire, le paralyse ; 2" un centre expirateur dont l'activité est mise en jeu par les filets laryngés supérieurs du pneumogastrique et paralysée par ses filets" pulmonaires (voir : Pneumogastrique). Ces deux centres respiratoires paraissent être doubles, car la section de la moelle en deux moitiés symétriques n'abolit pas ïei mouvements de respiration, et la section trans- versale d'une moitié de la moelle paralyse les muscles respirateurs du même côté. La piqûre ou l'ablation d'un point circonscrit du 4^ ventri- cule, au niveau de la pointe du Y du calamus mœud vital de Flourens), arrête immédiatement la respiration et produit une mort subite chez les animaux à sang chaud. La section du bulbe au-dessous du nœud vital abolit les mouvements respiratoires du tronc et laisse subsister ceux de la face (mouvements des naseaux chez le cheval, par exemple); la section au-dessus du nœud vital abolit les mouvements respiratoires de la face et laisse subsister ceux du tronc. La mort après la destruction du nœud vital a été attribuée, par quelques auteurs, à d'autres causes qu'à un simple arrêt de respiration, ainsi à la douleur et à l'arrêt du cœur (Brown-Sequard). Les centres bulbaires respiraîolrjs sont des centres réflexes, ce qui Beaunis, Pliys. 03 994 PHYSIOLOGIE F0>-CT10>->-ELLE. n empêche pas que, dans certaines conditions, ils ne puissent être exdlé directement par l'état du sang, par exemple. D'après que ques auteurs ce mode d4citation directe serait le mode normal, et ils les on alors rentrer dans un groupe particulier de centres dits «H^o^^ia- tZes Cette distinction en centres réflexes et centres automatiques ne me p rai pas justiHée. A Tétat physiologique, les centres dits automa- Uques .centres respiratoires, centres cardiaques, etc.) me pai.i.sen entrer en activité par suite d'excitations nerveuses venant soit de la périphérie, soit d'autres cellules nerveuses, et rentrer par conséquent dans la catégorie des centres réflexes. r Centre vaso-moteur. (Voir : Nerfs vaso-moteurs.) 3° Centre d'innervation pour le dilatateur de la impille. — D'après les recherches de Schiff et de Sa^ko^vski, le centre dila- tateur de la pupille devrait être placé plus haut que le centre cilio-^pinal et prohahlement dans le bulbe. (Voir : Moelle.) 4" Centre darrêt du cœur. (Voir : Innervation cardiaque, page 953.) r f- n b° Centre des mouvements de déglutition. — La locausation de ce centre n'est pas encore déterminée, mais il doit se trouver dans le bulbe, car après l'ablation des parties situées au-dessus du bulbe la déglutition s'opère encore si on introduit 1 ahment dans le fond de la cavité buccale, et une lésion profonde du bulbe rend la déglutition impossible. 6° Centre de phonation. — Le bulbe commande les mouve- ments des muscles expirateurs et des muscles des cordes vocales qui interviennent dans la production des sons; un animal au- quel on a enlevé le cerveau et la protubérance, en respectant le bulbe, crie encore toutes les fois qu'on le pince. Les centres des nerfs moteurs qui servent à l'articulation des sons se trouvent aussi dans le bulbe, et Schrœder van der Kolk, reprenant une idée déjà émise par Dugès, a cherché à localiser dans l'olive le centre des mouvements des sons articulés ; mais son opinion ne s'appuie que sur des données anatomiques encore trop in- certaines. 7" Centre glycogénique ou diabétique. — Ld^mCire du plancher du 4" ventricule détermine une glycosurie temporaire (Cl. Bernard); les conditions de l'expérience ont été analysées à propos de la glycogénie (voir page 491). Procédé de Cl. Bernard pour la piqûre diabétique. — L'animal (lapiri] PHYSIOLOGIE DES CENTRES XERVEL'X. 995 I est maintenu solidement par un aide ; on saisit fortement la tête de la main gauclie. et en passant la main sur le crâne d'avant en arrière, on sent une tubérosité cl ^firj. 2i8) qui correspond à la bosse occipitale en e. Immédiatement en arrière, on plante un petit ciseau représenté dans la figure 249; sa pointe entre dans le tissu osseux, et dès qu'il a traversé les parois du crâne, ou di- rige rinsfrument obliquement de haut en bas et d'arrière en avant jusqu'à ce que la pointe atteigne l'os basi- laire. La figure 250, p. 99G, représente la marche de l'instrument à travers la tête du lapin. Pour que Fig. 24S. —Crâne de lapin; partie posté- IC diabète SC produiSC, la rieure. (Cl. Bernard.) piqûre doit porlcr entre les tubercules de "NVenzel 'origine des nerfs acoustiques bb, fiQ. 251, p. 996) et les origines du pneumogastrique e. Si on pique plus bas, on produit la polyurie seule, au-dessus, l'albuminurie. Le sucre apparaît dans les urines une heure ou deux après l'opération et disparait au bout de quatre à cinq heures. 8'' Centre salivaire. — Le centre de la sécrétion salivaire paraît aussi se trouver dans le plancher du 4® ventricule au niveau de l'origine du facial; la pi- qûre ou l'excitation électrique de cette région déter- mine une sécrétion abondante de salive (Cl. Bernard, Eckhard, etc.). 9" Centre moteur des muscles de la face et des muscUs masticateurs. — Le bulbe contient en outre : les centres moteurs des muscles qui sont innervés par le facial, et par conséquent les centres de la mimique et de l'expression faciale; les centres des muscles masticateurs. Les centres convulsifs admis par quelques physiolo- gistes se trouvent plus haut dans la région de la protu- bérance. V. TarchanoCf a vu l'excitation de la moelle allongée f,g -149. produire une contraction de la rate; ceîte contraction se ^'«"^a" produisait aussi par l'excitation du bout central de l'is- ^Xbaiqie!"^ 996 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. cliiatique et surtout du pneumogastrique; elle ne se montrait pas si les nerfs splancliniqucs étaient coupés. Fig. 250. — Coupe d'une tèle de lapin. (Cl. Bernard.) Budge a provoqué, par rexcitation du bulbe, des contractions de Testo- Fig. 251. — Plancher du 4'' ventricule chez le lapin, (Cl. Bernard.) raacetdu cœcum; peut-être ne s'agissait-il là que de contractions réflexes. Fig. 250. — a, cervelet. — b, origine du nerf de la 7*^ paire. — c, moelle épinière. — fi, origine du pneumogastrique. — e, trou d'entrée de l'instrunienl. — f, instrument. | — g, nerf i trijumeau. — h, conduit auditif. — », extrémité de l'instrument. — 1c, sinus veineux] occipiial. — l, tubercules quaJrijiniieaiix. — m, cerveau. — n, coupe de l'atlas. Fig. 251. — Le cervelet a éié divisé et ses deux lobes, aa, sont déjetés de côlé. — bb, fuber-.| cules de Wenzel. — c, |)lanclier du -i"^^ ventricule. — d, bec du calaiiius. — e, origine du ( neu- mogastrique. L'espace pour la piqûre diabétique est limité par deux lignes transversales qi» '^ joiii;nent les tubercules de ^YeIlzel et les origines des pneumogastriques. PHYSIOLOGIE DES CENTRES NERVEUX. 997 b. — Physiolog'ie de la protubérance. r Excitabililc de la protubérance. — L'excitation di's parties superficielles de la protubérance (') ne détermine en avant aucun phénomène, à moins qu'on n'atteigne les pédoncules cérébelleux moyens (voir : Cervelet); en arrière, on obtient des signes de douleur. Quand la stimulation pénètre jusqu'aux parties pro- fondes (galvanisation), on a des convulsions générales épilepti- formes qui se distinguent des convulsions tétaniques qu'on ob- tient par l'excitation de la moelle. 2"^ Transmission dans la protubérance. — a. Transmission sensitive. — La transmission sensitive à travers la protubérance *est encore très-obscure; un fait pathologique important, c'est que l'anesthésie est beaucoup plus rare que la paralysie du mou- vement dans les affections de la protubérance, et quand cet or- gane est lésé d'un seul côté, l'anesthésie existe du côté opposé du corps; on a vu plus haut que l'entre-croisemcnt des conduc- teurs pour les impressions sensitives se fait au-dessous de la protubérance (moelle et bulbe). D'après Brown-Sequard, ces im- pressions (sensations musculaires, tactiles, thermiques, de dou- leur) passeraient par les parties centrales de la protubérance. b. Transmission motrice. — La transmission motrice volontaire se fait principalement par les parties antérieures de la protubé- rance. Les lésions unilatérales de la protubérance produisent ordi- nairement une paralysie du tronc et des membres du côté opposé et une paralysie du facial du même côté que la lésion (hémiplé- gie alterne de Gubler); c'est que l'entre-croisement du facial a lieu dans le pont de Varole même, tandis que l'entre-croisement des conducteurs pour le tronc et les membres se fait au-dessous, comme on l'a vu à propos du bulbe. 3" Centres cF innervation de la protubérance. — La physiolo- (*) Les fibres verticales dans la protubérance ont la même disposition que dans le bulbe; elles sont seulement se'parées par les faisceaux des pédon- cules cérébelleux moyens et les noyaux de suiistance grise. Les fibres des pédoncules cérébelleux moyens ne représentent pas une commissure entre les deux moitiés dn cervelet; elles se rendent d'une moitié du cervelet à la substance «grise de la protubérance et de là montent par les pédoncules cérébraux dans rbémisphère cérébral du côté opposé; leur trajet est donc croisé et elles relient chaque hémisphère cérébelleux à l'hémisphère cé- rébral du côté opposé. 998 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO>'>'ELLE. gie de la protubérance se confond sur beaucoup de points avec celle du bulbe, et il est difficile de circonscrire exactement dans chacun de ces organes un certain nombre de centres nerveux qui sont sur la limite de l'un et de l'autre. La protubérance représente non-seulement un organe de transmission, mais un véritable centre pour les mouvements de toutes les régions du corps; après l'ablation de toutes les parties situées en avant d'elle, les mouvements des quatre membres s'exécutent avec énergie (Longeti et il semble même que. dans certains cas, des mouvements coordonnés, tels que ceux de la marche et du saut, puissent se produire. On a vu plus haut que la galvanisation de la protubérance produit des convulsions épileptiformes; c'est là ce qu'on a ap- pelé région des crampes ou centre convulsif de la moelle allon- gée, dont les limites ont été bien précisées par Nothnagel. Ce centre est excité par l'excès d'acide carbonique dans le sang, ou par l'absence d'oxygène, comme dans l'asphyxie, par l'aménie ou le rétrécissement des vaisseaux de la protubérance (Kussmaul et Tenner), par l'hyperémie de ces vaisseaux (Landois), etc. Ce centre convulsif est en rapport intime avec les centres respira- toires, vaso-moteur, dilatateur de la pupille et cardiaque (centre d'arrêt), comme on le voit dans les phénomènes de l'asphyxie, qui font entrer tous ces centres en activité. Gerdy et Longet font de la protubérance un centre sensitif: d'après eux, l'ablation des parties situées en avant de la protubé- rance n'abolit pas la sensibilité générale, les animaux crient, s'agitent, et ces signes de douleur disparaissent par la lésion de la protubérance; pour Brown-Sequard, au contraire, ces phéno- mènes seraient d'ordre purement réflexe. L'influence de la moelle allongée sur la température est en- core très- obscure. R. Heidenhain a vu l'excitation de la moelle allongée s'accompagner d'une diminution de température, tan- dis que J. Schreiber, au contraire, a constaté une augmen- tation de température toutes les fois qu'on empêchait chez l'a- nimal la déperdition de chaleur (voir : Production de chaleur, ,^ page 721). 1 Bibliographie du bulbe et fie la protubérance. — Stilling : Ueher die *î Mednlla ohlongata, 1843. — Gublek : De l'Hémiplégie alterne. (Gazette hebdoma- daire, Is.ôT.) — ScHKŒDER VAN DER KoLK : Bau î(?i(7 Vunctiouen der Mednlla spi- nalis und oblongota, 18.59. — Browx-Seqcaed : Recherches expérvnentales sur la moelle allongée. (.Journal de physiologie, ISoO.) PHYSIOLOGIE DES CENTRES NERVEUX. 999 c. — Physiologie des pédoncules cérébraux. Les pédoncules cérébraux (•) sont sensibles; leur excitation provoque des signes de douleur. Ils servent à la transmission des mouvements et spécialement des mouvements volontaires et de la sensibilité; ils servent d'intermédiaires entre les centres moteurs médullaires situés au-dessous et les centres moteurs -réflexes ou volontaires des ganglions cérébraux (corps strié, tubercules. quadrijumeaux, etc.) et de lecorce des hémisphères, entre le cervelet et la substance corticale, entre les centres sen- soriels et les nerfs périphériques. Leur section complète produit une paralysie du mouvement et une paralysie (ou une diminution) de la sensibilité du côté opposé du corps. D'après Wundt, la lésion de la partie infé- rieure des pédoncules cérébraux abolit les mouvements volon- taires, mais les mouvements dépendant des centres situés dans les ganglions cérébraux (corps strié, par exemple) peuvent en- core se produire par action réflexe sous l'influence d'excitations sensitives. Si la lésion porte sur la partie supérieure des pédon- cules cérébraux et le ruban de Reil, au contraire, ce sont ces derniers mouvements qui sont abolis; il y a de l'ataxie (incerti- tude et vacillation' des mouvements), mais les mouvements vo- lontaires persistent. La lésion d'un pédoncule cérébral produit un mouvement de manège du côté opposé à la lésion; dans ce mouvement de ma- nège, l'animal décrit un cercle de rayon variable, et le cercle parcouru serait d'autant plus petit que la lésion se rapproche davantage du bord antérieur de la protubérance et qu'elle atteint un plus grand nombre de fibres. Dans trois cas de lésion de la partie supérieure et externe du pédoncule cérébral, j'ai constaté des mouvements de rotation sur l'axe. La déviation des yeux et le nystagmus ont été aussi observés quelquefois. Les lésions de l'expansion pédonculaire (couronne rayonnante C) L'étage inférieur' des pédoncules cérébraux est constitué par les pyra- mides, les restes des cordons antérieurs et par des fibres provenant du pédoncule cérébelleux moyen du côté opposé; il paraît servir à la trans- mission motrice, sauf dans sa partie externe sensitive ; la partie moyenne formée par les cordons latéraux et postérieurs et les pédoncules cérébel- leux supérieurs, paraît surtout afTectée à la transmission sensitive; le ruban de Reil semble composé principalement de fibres motrices. 1000 PHYSIOLOGIE FONCTIO.XNELLE. de Reil) et surtout de son pied, produisent l'hémianesthésie du côté opposé du corps (Veyssière). Budge a vu des contractions (réflexes?) de l'estomac, de l'in- testin et de la vessie par l'excitation des pédoncules cérébraux. L'augmentation des sécrétions lacrymale et salivaire observée par Afanasieff est probablement aussi un phénomène réflexe. Le même' auteur a vu la section unilatérale du pédoncule cérébral s'accom- pagner d'un rétrécissement des artères du côté de la section. d. — Physiologie des tubercules quadrijumeaux. Contrairement à l'opinion de la plupart des physiologistes, j'ai toujours vu la piqûre des tubercules quadrijumeaux (') an- térieurs s'accompagner de cris, d'agitation et de signes indubi- tables de douleur, et cela alors que la partie superficielle des pédoncules cérébraux n'était pas atteinte par la piqûre. Ces tubercules quadrijumeaux ont des rapports intimes avec la vision ; ils contiennent les centres auxquels aboutissent les excitations visuelles et les centres des mouvements de la pupille, de l'accommodation, des mouvements du globe oculaire et peut- être aussi des mouvements de la tête et des membres dans leurs relations avec la fonction oculaire; ils représentent donc de vé- ritables centres réflexes entre le nerf optique et les nerfs de ces diff'érents appareils. Leur ablation produit la cécité immédiate (Fiourens) ; si on enlève sur un pigeon les parties situées en avant de ces organes, l'iris n'en continue pas moins à se con- tracter et l'animal suit de l'œil et de la tête une lumière qu'on fait mouvoir devant lui. Fiourens place dans les tubercules qua- drijumeaux antérieurs le centre constricteur de la pupille; après leur ablation, la pupille reste immobile; chez le lapin, la section de la moitié interne du tubercule quadrijumeau antérieur (d'où naît la bandelette optique) est suivie de la dilatation et de l'im- (') Les tubercules quadrijumeaux reçoivent les fibres sensitives des nerfs optiques: ils envoient des fibres motrices aux nerfs des muscles de l'oeil d'une part, et par le ruban de Reil, d'autre part, aux cordons moteurs de la moelle. Le trajet de ces différentes espèces de fibres est en partie croise'. D'un autre côté, ces tubercules sont en relation avec le noyau gris de la couche optique et par la couronne rayonnante de Reil avec la substance corticale du lobe postérieur du cerveau. PHYSIOLOGIE DES CE.XTRES NERVEUX. 1001 mobilité de la pupille (Knoll). D'après Knoll, le centre dilatateur de la pupille se trouverait aussi dans les tubercules antérieurs; leur excitation élargirait la pupille des deux côtés et surtout du côté excité, et cette dilatation ne se produirait pas quand les sympathiques ont été coupés. Les centres des mouvements du globe oculaire appartiennent aux tubercules quadrijumeaux et probablement aux antérieurs plutôt qu'aux postérieurs, malgré l'assertion contraire de Schiff. D'après Ad amuk, l'excitation du tubercule quadrijumeau antérieur droit produit la rotation à gauche des deux yeux; si la partie antérieure est seule excitée, les lignes de regard se dirigent hori- zontalement; si c'est la partie moyenne, les deux lignes de regard se dirigent en haut et la pupille devient plus large; si l'excitation porte plus en arrière, cette position s'unit avec la convergence des deux yeux; enlin, si la partie tout à fait postérieure est ex- citée, la convergence augmente, les lignes de regard se dirigent en bas et la pupille se rétrécit. Deux fois sur six cas, j'ai observé de l'exophthalmie par la lésion des tubercules quadrijumeaux. Serres considérait les tubercules quadrijumeaux comme inter- venant dans l'équilibration des mouvements. Flourens a en effet observé après leur lésion des mouvements de rotation, mais qui me paraissent tenir à la lésion des pédoncules cérébraux; ce qu'il y a de certain, c'est que leur destruction s'accompagne de troubles dans la motilité de la tète et des membres. Goltz a vu, chez la grenouille, que les mouvements pour réta])lir l'équilibre du corps se faisaient encore après l'ablation des hémisphères cérébraux, mais que ces mouvements ne pouvaient plus se faire dès que les lobes optiques (tubercules quadrijumeaux) étaient détruits. Budge et Valentin ont observé des contractions (réflexes?) de la vessie, de l'estomac et de l'intestin par l'excitation de ces tubercules. e. — Physiologie des couches optiques. La lésion des couches optiques ('), contrairement aux assertions de quelques physiologistes, ne paraît pas déterminer de douleur, à (') Les couches optiques paraissent recevoir des fibres sensitives e'ma- nant des nerfs optiques (et, d'après Luys, des autres nerfs des sens) et des cordons de la moelle. Elles envoient des fibres à l'écorce des hémisphères et de la corne d'Ammon. 1002 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. moins qu'on n'ait lésé les pédoncules cérébraux ou les tubercules quadrijumeaux antérieurs. Cette lésion peut produire des mouve- ments de manège ; la rotation se fait du côté sain, si la partie postérieure est lésée ; du côté opéré, si c'est la partie antérieure (Schiff) ; il se pourrait cependant que ces phénomènes fussent dus à la lésion des pédoncules cérébraux ou de leur prolonge- ment. Serres plaçait dans les couches optiques les centres des mouvements des membres antérieurs ; dans les corps striés ceux des membres abdominaux ; mais les faits pathologiques et expé- rimentaux n'ont pas confirmé cette manière de voir. D'après Nothnagel, la destruction des deux couches optiques n'abolit pas les mouvements volontaires ; il n'y a ni paralysie ni anesthésie; le seul phénomène observé serait une situation anormale des extrémités ; aussi il se rattache à l'opinion de Meynert, d'après lequel les couches optiques représenteraient les centres des mou- A^ements combinés qui se produisent inconsciemment et par ac- tion réflexe par suite des impressions qui partent des surfaces sensibles périphériques et qui vont aboutir à ces couches. Wundt {Psychologie physiologique) adopte à peu près la même opinion. Les couches optiques se comporteraient avec la surface sensible tactile comme les tubercules quadrijumeaux avec le nerf optique ; elles seraient les centres de relation des impressions tactiles et des mouvements de locomotion. Les impressions tactiles (et mus- culaires ?) ainsi transmises à la couche optique seraient incons- cientes et provoqueraient seulement , par action réflexe , des mouvements de certains groupes de muscles. Les transmissions motrices qui partent de la couche optique paraissent subir un croisement partiel ; d'après les déviations que subissent les di- verses parties du corps après la lésion d'une seule couche opti- que, on peut admettre que les fibres pour les inspirateurs et les extenseurs sont croisées, et qu'il n'y a pas de croisement pour les rotateurs de la colonne vertébrale, les pronateurs et les flé- chisseurs; la couche optique droite contiendrait alors les centres pour les fléchisseurs et les pronateurs du côté droit, les centres pour les extenseurs et les inspirateurs du côté gauche. Contrairement aux opinions précédentes, Luys, s'appuyant surtout sur des faits anatomiques et pathologiques, considère la couche optique comme un véritable sensorium commune ; elle serait « le véritable centre de réception pour les impressions « sensorielles et l'avant-dernière étape où elles sont concentrées PHYSIOLOGIE DES CENTRES NERVEUX. 1003 « avant d'être irradiées vers la périphérie corticale ». Les im- pressions tactiles, doloriféres, optiques, acoustiques, olfactives, gustatives, génitales, viscérales, arriveraient ainsi à des amas de substance grise dont la localisation dans la couche optique a été faite par Luys pour quelques-uns d'entre eux ; le centre tac- tile, le plus volumineux, occuperait la partie centrale de la couche optique : les centres olfactifs, optiques, acoustiques, seraient échelonnés d'ai-rière en avant en dedans du centre tac- tile. Ces impressions seraient, non-seulement concentrées dans la couche optique, elles y seraient modifiées ; « elles subiraient (I là un nouveau temps d'arrêt et une nouvelle élaboration sur « place ; elles se dépouilleraient de plus en plus du caractère « d'ébranlements purement sensoriels pour revêtir, en se méta- « morph osant, une forme nouvelle; se rendre en quelque sorte « plus assimilables pour les opérations cérébrales ultérieures et « devenir ainsi progressivement les agents spiritualisés (?) de «l'activité des cellules cérébrales. » (Luys, Système nerveux cér^é- brO'Spinal, page 345.) f. — Physiologie des corps striés. L'excitation des corps striés Ci ne s'accompagne d'aucun signe de douleur et ne détermine que des phénomènes de motilité. Les corps striés représentent en effet des centres pour les mu.scles du côté opposé du corps (Luys). Chez l'homme, la lésion d'un corps strié s'accompagne toujours d'une paralysie du mouvement du côté opposé, et suivant l'étendue et la place de la lésion, la paralysie atteint plus ou moins complètement certaines catégories de muscles (extrémités postérieures ou antérieures, facial, etc.). Chez le lapin, l'ablation d'un corps strié ne produit pas de para- lysie ; l'ablation des deux corps striés abolit les mouvements volontaires, mais les mouvements de la marche et de la course sont encore possibles. D'après Carville et Duret, chez le chien, l'ablation complète du noyau caudé rend impossibles les mouve- ments de progression ; l'animal décrit alors un mouvement de manège en pivotant sur les pattes du côté opposé à la lésion ; (') Ce qu'on appelle le noyau caudé du corps strie' correspond au noyau intra-ventriculaire; le noyau lenticulaire au noyau extra-ventrieulaire: l'ex- pansion pe'doneulaire (capsule interne) sépare ces deux noyaux. 1004 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. quand l'expansion pédonculaire est détruite en même temps, il y a paralysie complète des deux membres du côté opposé ; une lésion légère du noyau eau dé produit seulement un peu de rai- deur des deux pattes opposées et surtout de la raideur dans la progression. D'après Nothnagel, il existerait dans le corps strié du lapin un point, nodus cursorhis, dont l'excitation détermi- nerait chez l'animal un mouvement de course irrésistible. Le même auteur a observé, après la destruction d'un seul noyau lenticulaire, les phénomènes suivants : la patte du côté opposé était déviée vers la ligne médiane; la patte du môme côté était déviée en dehors; le rachis était incurvé, la convexité répon- dant au côté opposé à la lésion; après la destruction des deux noyaux lenticulaires, l'animal reste immobile comme après l'abla- tion des hémisphères, et les pattes conservent la position qu'on leur donne ; les noyaux lenticulaires serviraient donc à trans- mettre les impulsions motrices volontaires parties de la sub- stance corticale du cerveau. Pour Garville et Duret, les phéno- mènes attribués par Nothnagel à la lésion du noyau lenticulaire devraient être rapportés à celle de la capsule interne. Ferrier a observé, par l'excitation galvanique des corps striés, un pleuro- thotonos très-intense (l'incurvation vertébrale est telle quelque- fois que la tète touche la queue), des contractures des muscles de la face et du cou et des muscles fléchisseurs. Magendie admettait dans les corps striés un centre dont l'exci- tation déterminerait chez les animaux un mouvement de recul ; après leur ablation, il y aurait une impulsion irrésistible pous- sant le corps en avant, impulsion qui serait due à l'action du cervelet que ne contre-balance plus l'action de recul du corps strié. Richardson et Mitchell ont vu des mouvements en avant très-marqués par le refroidissement des corps striés. J'ai men- tionné plus haut l'influence attribuée par Serres aux corps striés sur les mouvements des membres pelviens. g. — Physiologie du cervelet. Le cervelet (') est insensible aux excitations mécaniques; sa piqûre ne détermine aucun signe de douleur et les troubles de (') La substance corticale du cervelet est en rapport: !<> avec les cordons postérieurs de la moelle par les pédoncules cérébelleux inférieurs; 2° avec 1 PHYSIOLOGIE DES CENTRES NERVEUX. 1005 la motilité qui en résultent (mouvements de rotation, incurvation de la tête, etc.) sont très-inconstants (Olivier et Leven). Les phé- nomènes qui se présentent après des lésions plus profondes sont aussi assez variables. Wagner a constaté une tendance des extré- mités postérieures à se mettre dans l'extension, une torsion du cou en spirale, un tremblement persistant, des vomissements, etc. Après l'ablation de la partie antérieure du vennis, les animaux tombent en avant ; après l'ablation de la partie postérieure, ils exécutent des mouvements rétrogrades; après la lésion d'un seul côté, l'animal tombe du côté opposé et il présente souvent un mouvement de rotation autour de l'axe , mouvement qui se fait tantôt du côté sain, plus souvent du côté lésé. La réfrigé- ration par la rhigolène (Mitchell et Richardson) produit chez les pigeons un renversement de la tête en arrière et suivant la durée d'action du froid un mouvement en avant (mouvement de vol) et plus tard un mouvement de recul; ce mouvement en arrière ne se produit pas chez les lapins. Enfin, l'excitation galvanique du cervelet (lapin) détermine des mouvements du globe oculaire (Ferrier), mouvements qui se montrent aussi chez l'homme en même temps que des phénomènes de vertige, si on fait passer un courant constant d'une apophyse mastoïde à l'autre (Purkinje, Remak, Benedikt, Brenner, Hitzig); mais on peut se demander dans ce cas si le courant n'a pas dif- fusé jusqu'aux tubercules quadrijumeaux ; il est vrai que la piqûre seule du cervelet peut déterminer des mouvements du globe oculaire (Leven et Olivier). L'extirpation du cervelet donne des résultats beaucoup plus concordants (pigeons). On observe dans ces cas une véritable ataxie du mouvement; les mouvements volontaires ne sont pas la substance grise de la protube'rance et les pe'doncules ce'rébraux par les pédoncules cérébelleux moyens et, parles pédoncules cérébraux, avec la sub- stance corticale de l'hémisphère opposé; 3° avec le corps rhomboïdal, les pédoncules cérébelleux supérieurs et par ces pédoncules avec la couche optique, la racine sensitive du trijumeau et la substance corticale anté- rieure des hémisphères du côté opposé; 4° avec les tubercules quadriju- meaux du même côté parla valvule de Vieussens; 5° par des fibres com- missurales, avec la substance corticale de l'hémisphère opposé du cervelet ou du môme hémisphère. Cette substance corticale, constituée par les cellules bipolaires de Purkinje, représente donc une surface à laquelle aboutissent, d'une part, des fibres provenant de toutes les surfaces sen- sibles du corps, e , d'autre part, des fibres provenant de toute la région corticale motrice des hémisphères cérébraux (partie antérieure des hémi- sphères). 1006 PHYSIOLOGIE FOXCTIO>'}s'ELLE. abolis, mais ils se font sans règle et d'une façon incertaine ; l'animal s'agite continuellement, mais il ne peut ni marcher ni voler, et le trouble et le désordre des mouvements sont d'autant plus prononcés que l'extirpation est plus complète {Jig. ÎSS). Fig Pigeon après l'ablation du cervelet. (Dallon.) Les faits précédeuts prouvent que le cervelet est en rapport avec la motricité; mais en quoi consiste son influence et comment s'exerce- t-elle? Cette influence n'est pas, quoi qu'en dise Luys, qui place dans le cervelet l'origine de la force motrice ('), une influence motrice directe. En effet, l'affaiblissement de la force musculaire qu'on observe après l'extirpation du cervelet est loin d'être aussi prononcé que l'admet Luys, et les contractions musculaires sont quelquefois aussi énergfiques qu'avant l'opération. Ce qui caractérise surtout les animaux opérés, et ce qui avait frappé Flourens et frappe la plupart des expérimentateurs, c'est l'irrégularité, l'incohérence, l'incoordination des mouvements; aussi Flourens attribue-t-il au cervelet la propriété de coordonner les mouvements voulus ou excités par d'autres centres nerveux; après son (') Le cervelet « peut être conside'ré comme une source d'innervation « constante, et provisoirement, comme l'appareil dispensateur universel de « cette force nerveuse spéciale (sthe'nique) qui se dépense en quelque « point que ce soit de l'économie, chaque fois qu'un effet moteur volon- « taire se produit ». (Luys, Système nerveux, page 429.) PHYSIOLOGIE DES CENTRES >ERVEUX. 1007 ablation, la volonté, les sensations, les perceptions subsistent; seule la coordination des mouvements ne peut plus se faire. L'hypothèse de Flourens s'accorde assez bien avec les faits; mais par quel mécanisme s'elTeclue cette coordination? Lussana a cherché à prouver que le cer- velet agiSi^ait comme siège du sejis musculaire ; « lanimal ne sent « plus la solidité du terrain auquel il doit s'appuyer pour la station et « pour la locomotion; il ne sent plus la résistance du milieu qui doit « lui servir pour voler ou pour nager; il ne sent plus l'impénétrabilité « des objets qui peuvent s'opposer à sa marche; il ne sent plus h pe- « sauteur des corps qu"il lui faut saisir ou porter; » ce n'est donc que comme siège du sens musculaire que le cervelet serait l'organe coor- dinateur des mouvements volontaires. L'interprétation de Lussana me parait plus précise et plus vraie que l'hypothèse un peu vague de Flourens; mais les sensations musculaires ne sont pas les seules qui interviennent dans les mouvements coordonnés de la marche, du vol. etc., ou dans l'équilibre de la station; les sensations tactiles, vi- suelles, auditives peut-être, et peut-être aussi les impressions partant des conduits demi-circulaires, interviennent encore dans ces mouve- ments, et il est probable, d'après les expériences physiologiques et les données anatomiques qui les confirment, que toutes ces impressions sensitives viennent aboutir à la substance corticale cérébelleuse, et là, par l'intermédiaire des cellules de Purkinje, se mettent en rapport d'uue part avec les centres moteurs volontaires de l'écorce cérébrale, de l'autre avec les centres moteurs réflexes des ganglions cérébraux (tubercules quadrijumeaux. substance grise des pédoncules cérébraux, etc.). Dans celte hypothèse, le cervelet ne serait affecté exclusivement ni à la sensibilité, ni au mouvement, il relierait seulement lune à l'autre et établirait entre les deux les relations nécessaires pour don- ner aux mouvements exécutés leur précision et leur ensemble. Ferrier, en se basant sur ses expériences d'électrisation cérébrale, fait du cervelet un centre moteur oculaire; le lobe moyen présiderait aux mouvements de convergence et de divergence des globes oculaires, les lobes latéraux aux mouvements d'élévation, d'abaissement et de rotation autou»- d'un axe antéro-postérieur; le nystagmus (^oscillation des globes oculaires) ne serait autre chose qu'une affection épilepti- forme des centres oculo-moteurs du cervelet. Des troubles divers de la vision se présentent du reste assez souvent dans les affections du cer- velet. Magendie admettait dans le cervelet un centre qui tend à pous- ser ranimai en avant et dont l'action serait contre-balancée par le centre antagoniste (centre de recuL, qui, d'après lui, existerait dans le corps strié; les faits expérimentaux n'ont pas confirmé l'assertion de Magen- die. L'action du cervelet sur les mouvements involontaires Villis^ et les fonctions de la vie organique est tout aussi peu démontrée, sauf ce- pendant sur le vomissement. 1008 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. Le cervelet ne peut être considéré non plus comme un centre de sensibilité générale, une sorte de sensoriiim commune (Pourfour du Petit, Foville), ni comme un centre intellectuel ou instinctif. L'hypo- thèse de Gall, qui fait du cervelet Porgane de l'instinct génésique ou du sens génital, ne peut être non plus adoptée, quoiqu'on puisse invoquer en sa faveur quelques faits de physiologie et d'anatomie comparée et quoiqu'elle ait été reprise dans ces derniers temps par Lussana qui y place à la fois le sens musculaire et le sens erotique. Herbert Spencer a fait à priori une hypothèse ingénieuse sur les fonctions comparées du cervelet et des hémisphères. Les actions ner- veuses peuvent être rattachées entre elles par des relations de coexis- tence ou de succession; elles peuvent être simultanées ou successives, coordonnées dans l'espace ou dans le temps. Le cervelet serait l'organe des coordinations dans l'espace, les hémisphères cérébraux, les organes des coordinations dans le temps. Cette hypothèse, qui se rattache par quelques points à Phypothèse ad:nise plus haut sur les fonctions du cervelet, ne peut être discutée ici. La lésion des pédoncules cérébelleux détermine des phéno- mènes particuliers suivant le pédoncule lésé et retendue de la lésion, phénomènes qui se confondent en partie avec ceux qui se produisent par la lésion du cervelet proprement dit. La sec- tion d'un pédoncule cérébelleux moyen détermine la rotation autour de l'axe; si la lésion atteint la partie postérieure, la rota- tion se fait du côté opéré (Magendie); elle a lieu du côté opposé à la lésion (Longel) si ce sont les parties antérieures qui sont atteintes (SchifT, Cl. Bernard). Après la lésion des pédoncules cé- rébelleux inférieurs , le corps s'incurve en arc du côté lésé (Rolando, Magendie). Celle des pédoncules cérébelleux supérieurs se confond avec la lésion des pédoncules cérébraux. Mouvements de rotation. — Certaines lésions cérébrales donnent lieu à des mouvements de rotation particuliers dont Pii/erprétation est très-difficile. Ces mouvements de rotation se présentent sous quatre formes principales. 1" Mouvement de manège. — Dans ce cas {Jig. 253, p. 1009), l'animal dé- crit un cercle de plus ou moins grand rayon; la rotation se fait tantôt dans le même sens que les aiguilles d'une montre, tantôt en sens inverse comme dans la figure; elle s'observe principalement après la lésion des pédoncules cérébraux; 2° Mouvement de rotation en i^ayon de roue [fig.lhï, p. 1009). Dans ce cas, l'animal tourne autour du train postérieur qui sert daxe, la tête se trouvant à la circonférence du cercle. Ce mode de rotation, assez rare PHYSIOLOGIE DES CENTRES NERVEUX. 1009 du reste, a été observé par ScliifT et Brown-Sequard à la suite de lésions de la protubérance et des tubercules quadrijumeaux antérieurs. Je Tai Fig. îio3. — Mouvements de manège. observé après certaines lésions des couches optiques. 3" Mouvement de rotation sur l'axe. — Dans ce mouvement, Tanimal Fig. 254. — Mouvement de rotation en rayon de roue. tourne autour d'un axe longitudinal qui traverserait le corps dajis sa longueur; la rotation commence par une chute de ranimai sur un côté, Beaums. Phvs. 6i 10!0 PHYSIOLOGIE FONGTIO^'>"ELLE. et le sens de la rotation est déterminé par le côté par lequel a débuté la cliiite. Ce mouvement se rencontre dans les lésions des pédoncules cérébelleux moyens; je l'ai observé par la lésion de la partie supé- rieure et externe des pédoncules cérébraux. k'' Garville et Duret ont observé une fois, après l'ablation du noyau caudé, un mouvement circulaire, mais se distinguant du mouvement de manège en ce que l'animal décrivait un cercle avec les pattes saines d'un côté du corps, tandis que les pattes de l'autre côté (para- lysé) servaient de jjivot. Ces mouvements de rotation sont souvent très-rapides et présentent la plupart du temps un caractère particulier; il semble que lesanimaux soient poussés à les accomplir par une force intérieure à laquelle ils ne peuvent résister, d'où le nom de mouvements irrésistibles qui leur a été donné [Zwangbewegimgen). Leur interprétation est très-controver- sée. In premier fait, c'est que les mouvements de manège et de rota- tion sur Taxe ne peuvent tenir à une paralysie soit d'un côté du corps (Lafarg-ue, Serres), soit de certains groupes de muscles iScbiff >. Eu effet, la plupart du temps les muscles ont conservé leur énergie contractile, comme ou peut s'en assurer facilement; la paralysie ne peut être invo- quée que pour la rotation en rayon de roue (dans certains cas) et pour la forme de rotation circulaire observée par Carville et Duret. La con- tracture a été invoquée par BroNvn-Sequard, et paraît exister en effet comme cause déterminante des mouvements de rotation, que ces con- tractures soient de nature réflexe, comme le croit Brovs^n-Sequard, ou qu'elles soient simplement l'effet d'une excitation directe des centres moteurs correspondants; mais cette contracture n'existe pas toujours et ne peut expliquer un grand nombre de cas. D'après Gratiolet, Henle, la rotation serait due à des convulsions des muscles oculaires et au vertige qui accompagne la déviation des yeux; ces convulsions ocu- laires accompagnent en effet fréquemment les mouvements de rotation, et Hitzig- a cbcrclié à montrer que le vertige, quel que soit son mode de production, peut déterminer des phénomènes de rotation; ainsi chez le lapin, l'électrisation de la partie postérieure de l'encéphale produit des mouvements de rotation sur l'axe. Il y aurait donc dans ces mou- vements un trouble unilatéral de l'innervation cérébelleuse, ou autre- ment dit un défaut de relation entre les impressions sensitives et les centres moteurs correspondanîs. Magendie admettait dans les différentes régions cérébrales des or- ganes ayant une action antagoniste sur les mouvements; dans le corps strié, un centre de recul; dans le cervelet, un centre de progression en avant; dans le pédoncule cérébelleux g'auche, un centre entraînant le corps à gauche; dans le droit, un centre l'entraînant à droite; l'équi- libre du corps dans la station et dans la marche se maintiendrait dans ce cas pur la neutralisation de l'action de ces centres antagonistes; mais PHYSIOLOGIE DES CENTRES NERVEUX. 1011 que l'un d'eux vint à être détruit ou excité outre mesure (Vulpian), l'équilibre étant rompu, i'aclion prédominante du centre restant ou surexcité porterait le corps d'un côté ou de l'autre. C'est à cette explica- tion que parait aussi se rattacher Luys, qui compare ces phénomènes de rotation au phénomène physique du tourniquet hydraulique. C'est aussi l'interprétation qu'admet Onimus, avec quelques variantes, puis- qu'il fait dépendre les mouvements de manège d'une exagération fonc- tionnelle d'une moitié latérale du système de centres locomoteurs. Quant à la rotation sur Taxe, il l'explique par une contracture spasmo- dique des muscles du thorax, explication qui me parait en désaccord avec les faits et en particulier avec les expériences citées plus haut de Hitzig ('I. Bibliographie. — Brown-Skquard : Notes sur les mouvements rotatoires. (Jour- nal de physiologie, 1>'60.) — ■VVagxer : Recherches sur les jonctions du cerveau. (.Journal de physiologie, If^ei) — Lussana : Leçons sur les fonctions du cervelet. (Journal de physiologie, 1862.) — Leven et A. Ollivier : Recherches sur la phy- siologie et la pathologie du cervelet. (Archives de médecine, 1^62.) — Leven : Nouvelles Recherches sur la physiologie et la pathologie du cervelet. (Gazette mé- dicale, 1SG5.) h. — Physiologie des hémisplières cérébraux. Les hémisphères cérébraux représentent les centres des per- ceptions, des mouvements Yolontaires, d'une partie des actes instinctifs et des actes psychiques ; malheureusement, malgré des recherches nombreuses, on ne sait encore presque rien de précis sur le fonctionnement des diverses parties des hémisplières cé- rébraux, et si des méthodes nouvelles d'expérimentation (injec- (') La théorie complète de ces mouveinents de rotation me paraît impos- sible à faire dans Tétat actuel de la science. Je crois devoir citer ici un cas dans lequel l'analyse physiologique des stades successifs d'un mouvement de manège s'est produite sous mes yeux avec une très-grande netteté'. L'animal décrivait un petit cercle de manège, le côté droit tourné vers le centre, non par un mouvement continu, mais en trois temps, par petits sauts séparés régulièrement par un intervalle de repos; à chaque saut, il décrivait un tiers de cercle; chaque temps se composait des mouvements suivants : d'abord il y avait un tremblement de la mâchoire inférieure; puis l'oreille gauche se mouvait et se dirigeait en avant; la tête s'inclinait peu à peu à droite d'une façon presque insensible; puis, à un moment donné, l'animal la portait à droite et en bas par un mouvement brusque, de façon à la placer presque à angle droit avec le corps, et immédiatement sautait de façon à décrire un tiers de cercle; il restait alors immobile et après quelques secondes les mêmes phénomènes se reproduisaient. (Beau- nis : Note sur l application des injections, etc. Gazette médicale de Paris. 1872, page 397.) 1012 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. tions interstitielles de l'auteur, électrisation de Hitzig et Ferrier) permettent d'entrevoir le moment où les reclierches aboutiront à des conclusions précises , ce moment n'est pas encore venu, et les travaux récents publiés sur ce sujet ne peuvent être admis qu'avec une extrême réserve. L'ablation des hémisphères cérébraux, telle qu elle était pratiquée par Flourens, Longet, Yulpian, Voit, etc., donne des résultats intéressants au point de vue des fonctions générales des liémisphères. Cette abla- tion peut être exécutée sur des grenouilles, des oiseaux, de jeunes mammifères, et dans tous ces cas les phénomènes observés sont parfai- tement concordants. Grenouille. — La grenouille a l'attitude normale; elle conserve seu- lement Timmobilité ; elle ne fait d'autres mouvements que ceux qui sont solUcités par une provocation extérieure; elle ne mange pas seule et ne cherche pas à saisir les insectes qu'on place à sa portée; mais si on introduit un peu de viande dans le pharynx, elle l'avale immé- diatement ; si on pince le pourtour de l'anus, elle saute en avant ou fuit en rampant; placée dans l'eau, elle exécute des mouvements de natation parfaitement coordonnés; mise sur le dos, elle se retourne. Elle a conservé le sens de l'équilibre; si on la place sur une planchette, et qu'on incline la planchette, dès que l'inclinaison dépasse 45° et qu'elle est sur le point de tomber, elle saute pour se remettre en équilibre (Goltz); si on passe doucement le doigt sur la peau du dos entre les épaules, elle pousse un cri, et le répète toutes les fois que l'excitation cutanée se reproduit (Goltzi; enfln le même auteur a cons- taté que, si les nerfs optiques sont conservés, elle évite en sautant les obstacles placés au-devant d'elle. Pigeons. — Chez les pigeons, l'ablation est suivie d'un état soporeux. d'une sorte de sommeil (j^^. 25.5, p. 101 3); ils restent perchés dans Tim- mobilitéla plus complète, sauf les mouvements respiratoires ; si on les irrite, ils paraissent s'éveiller, ils ouvrent les yeux, agitent leurs ailes, se remuent un peu, puis retombent dans leur sonmieil ; jetés en l'air, ils volent; ils marchent quand on les pousse ; ils ne peuvent manger seuls ; en un mot, les sensations paraissent conservées comme les mouve- ments ; seulement les perceptions et la volonté sont abohes. Les pi- geons ainsi opérés peuvent vivre longtemps si on prend soin de les nourrir; Voit en a conservé plus de cinq mois et aurait même vu une sorte de régénération nerveuse au bout de ce temps. Mammifères. — Chez les mammifères, les mêmes phénomènes sont observés , seulement l'opération est chez eux beaucoup plus grave, et les désordres produits ne tardent pas à amener la mort de Tanimal. En résumé, les mouvements spontanés et volontaires ont disparu, et les seuls mouvements qui se produisent sout ceux qui sont dus à des i PHYSIOLOGIE DES CENTRES NERVEUX. 1013 excitations extérieures; en outre, comme le fait remarquer Onimus, les mouvements ont un caractère de nécessité, de fatalité, pour ainsi Fig. 25o — Pigeon après l'ablation des lobes cérébraux. (Dalton.) dire, qui manque aux mouvements, toujours un peu capricieux, de l'animal intact ; leur type est plus normal, plus régulier, se rapproche plus d'un pur mécanisme. Il y aurait peut-être lieu cependant de faire à ce sujet certaines réserves. L'anestliésie localisée des hémisphères produit le même effet que leur ablation. Chez l'homme, les lésions des hémisphères produisent la paralysie du côté opposé du corps. Les deux hémisphères ne paraissent pas avoir une activité fonction- nelle égale ; en général, Thémisphère gauche l'emporte en volume sur rhémisplière droit ; ses circonvolutions sont plus compliquées, il con- tiendrait plus de substance grise (Ogle), et dans quelques cas, on a trouvé ces rapports renversés chez les gauchers ; on retrouve en somme pour le cerveau l'inégalité qu'on constate souvent pouir les yeux, pour les membres, pour les deux côtés du corps (voir plus loin). La localisation des diverses fonctions des hémisphères cérébraux est encore très-peu avancée; cependant, sans parler delà phrénologie de Gall, qui ne repose sur aucune base sérieuse, il a été fait dans ces der- niers temps quelques tentatives de localisation qui ont donné des résultats assez positifs. Jusqu'ici, cependant, on n'a pu localiser avec une certaine précision que des centres moteurs ; ces centres sont les suivants : P Centre du langage articulé. — Le centre des mouvements du langage articulé se trouve dans les lobes antérieurs i^Bouillaud}, et a 1014 PHYSIOLOGIE FONCTIO^"^■ELLE. été localisé d'une façon plus précise encore par Dax dans le lobule de ïinsula, par Broca dans la troisième circonvolution frontale gauche; il n'y a pas, du reste, dans cette région un seul centre, mais plusieurs centres voisins qui paraissent jouer un rôle dans les divers modes d'expression graphique ou verbale de la pensée ; en effet, les lésions de cette circonvolution s'accompagnent, tantôt de perte de la mémoire des mots ou des signes graphiques qui les rendent , tantôt d'une sorte d'ataxie motrice qui empêche le malade de prononcer ou d'écrire le mot qu'il a dans la mémoire, ou qui lui fait prononcer ou écrire un mot différent de celui qu'il a en idée, affections confondues sous le nom d'aphasie et (ïagraphie. Il y aurait donc, en se basant sur l'analyse physiologique, groupés dans cet espace restreint du cerveau, des cen- tres pour la mémoire des mots et des signes, des centres pour les mouvements de la parole et de l'écriture, et enfln des centres ou des fibres associant l'activité fonctionnelle des premiers centres à celle des seconds. Chez les gauchers on a constaté, ,dans quelques cas d'aphasie, que la lésion était située dans l'hémisphère droit. Il semble donc qu'ori- ginairement idà deux hémisphères fonctionnent symétriquement ; mais peu à peu l'un d'eux s'exercerait plus que l'autre et arriverait ainsi à fonctionner seul, l'autre restant inactif. 2° Centres moteurs de Eitzig et Ferrier. — Ces centres, en admet- Fig. 2bô. — Situation probable des centres moteurs chez l'homme. tant leur existence qui ne me paraît pas absolument démontrée, ne peuvent être localisés chez l'homme; cependant, en se basant sur les Fig. 256. — F, lobe fronlal. — P, lobe pariétal. — 0, lobe occipital. — T, lobe temporal. — 1, centre des mouvements de la langue et des mâchoires langage articulé). — t, centre des mouvements du membre supérieur. — 3, centre pour le membre inférieur. — 4, centre pour les mouvements de la tête et d:i cou. — 5, centre pour les mouvements des lèvres (facial). — 6, centre pour les mouvements des yeux. PHYSIOLOGI-E DES CENTRES >EllVEU.X. 1015 expériences de Février sur le singe, on penf. et c'est ce qu'ont fait Car- ville et Durel, déterminer leur situation prol)ahle chez 1 homme; la fignre 256 représente celte situation pour chacun de ces centres. D'après 0. Soitniann, l'excilation électrique ne produirait pas de mou- vements chez le- chien nouveau-né; les mouvements ne se montreraient que onze à douze jours après la naissance. Ces essais de localisation cérébrale sont jusqu'ici les seuls qui puis- sent s'appuyer sur des bases physiologiques, et les seuls par consé- quent qu'il soit utile de mentionner. Dans les conditions ordinaires, la température du cerveau est plus élevée que celle du sang artériel (R. Heidcnhaim. SchitTa fait sur ce sujet des recherches très-intéressantes et montré que les excitations sensorielles (tactiles, visuelles, auditives, etc.) et l'activité psychique s'accompagnent d'une augmentation de la température cérébrale, aug- mentation indépendante de la circulation. J. S. Lombard, dans des re- cherches sur la température extérieure de la tète chez l'homme, est arrivé aux mômes résultats. Circulation cérébrale et mouvements du cerveau. — Le cerveau est contenu dans une boite osseuse dont la capacité totale est inva- riable. La substance cérébrale ne peut subir que des varfatious de volume insignihantes; en eiïet, une pression de 180 millimèlres de mer- cure, qui anéantit l'existence, détermine une diminution insensible du volume du cerveau. La quantité de sang qui se trouve dans le crâne, au contraire, varie pendant la vie; si on applique au crâne une cou- ronne de trépan et qu'on remplace la rondelle osseuse par une lame de verre, on voit les veines de la pie-mère se dilater et se rétrécir, sui- vant qu'on comprime ou qu'on laisse libres les veines de relour (Donders). Il fallait donc dans le crâne une disposition qui rendit pos- sibles ces variations de quantité du sang ; c'est à ce besoin que corres- pondent les espaces sous-arachnoïdiens et le liquide céphalo-rachidien qui les remplit. Tous ces espaces communiquent entre eux et avec les espaces sous-arachnoïdiens de la moelle et, dés que la quantité de sang augmente dans le crâne, une quantité correspondante de liquide céphalo-rachidien s'échappe, pour lui faire place, dans la cavité rachi- dienne dont les parois ne sont pas inextensibles comme celles du crâne. Dans les conditions normales, le déplacement de ce liquide a lieu surtout dans les régions où il est le plus abondant, c'est-à-dire à la base du cerveau, et c'est là que se font sentir les influences qui agis- sent sur la circulation cérébrale ; mais quand les parois du crâne sont encore molles, comme les fontanelles du nouveau-né, ou quand le crâne est ouvert et le cerveau mis à nu, les variations de la circulation et de la pression cérébrales deviennent sensibles sur ces points au doigt et à la vue et se traduisent par une expansion et un retrait qui constituent ce qu"on appelle les mouvements du cerveau. Ces mouve- lOlG PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. ments d'expansion sont de deux espèces : les uns coïncident arec la systole ventriculaire et tiennent aux pulsations des artères de la base; les autres, plus prononcés, sont isochrones à l'expiration ; tous deux da reste reconnaissent pour cause immédiate une augmentation de près- flj siou sanguine dans les vaisseaux du cerveau, et comme cette pression est supérieure à la pression atmosphérique, elle détermine un soulè- vement du cerveau, comme la peau se soulève dans une ventouse dans laquelle on fait le vide. Bibliographie. — Bovili.xtd : Recherches expérimentales sur les fonctions du cerveau. (Journal de phy^^iologie, l83i;i.) — ArBURTix : Considérations sur les loca- lisations C''r-!hrales. — FoxT-RÉArLX : Localisation de la faculté spéciale du lan- gage articulé, l>6ti. — GoLTZ : Beitrage zur Lehre von den Functionen der Nerven- centra des Frosches, 1^69. — Carville : Lésions cérébrales. 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Gerdy : Recherches sur Vencé- jyhale, 183s. — Leuret et Gratkilet : Anatomie comparée du système nerveux, Is3;'-l'^."i7. — R. Wagner : Eritische und experimentelle Untersuchungen ûber die Eirnfunctionen, 1^5s. — Brows-Sequard : Course of lectures on the physiology and pathology of the central nervous system, 18(50. — Beauxis : Note sur l'appli- cation des injections interstitielles à l'étude des fonctions des cent-res nerveux. (Gazette médicale de Paris, 1872.) — Poixcaeé : Leçons sur lapjhysiologie du sys- tème nerveux, 1873. — H. Xothxagel : Experimentelle Untersuchungen Uber die Functionen des Gehirns, 1?>73 et 1874. — Lépixe : De la Localisation dans les ma- ladies cérébrales, 1875. 4. — PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 1. BASES PHYSIOLOGIQUES DE LA PSYCHOLOGIE. 1° Toutes les manifestations psychiques sont liées à Texistence et à l'activité de la substance nerveuse du cerveau. Le cerveau ne sécrète pas la pensée, comme le dit une phrase célèbre, car on ne peut assi- miler une sécrétion à un fait de conscience; mais il est aussi indis- pensable à la production de la pensée que le foie à la production de la bile. 2° L'activité cérébrale peut être consciente ou inconsciente. Il faut remarquer à ce sujet que la séparation des phénomènes psychiques en phénomènes conscients et phénomènes inconscients ne semble pas aussi tranchée qu'on l'admet généralement. Un grand nombre d'actes cérébraux, primitivement conscients, deviennent inconscients par l'ha- PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 1017 bitude (voir page 304) ou par leur faible degré d'intensité relativement à d'autres actes. L'aclivlté cérébrale, en un instant donné, représente un ensemble de sensations, d'idées, de souvenirs, dont quelques-uns seulement sont saisis par la conscience d'une façon assez forte pour que nous en ayons une perception nette et précise, tandis que les autres ne font que passer sans laisser de traces durables; les premiers pourraient être comparées aux sensations nettes et distinctes que donne la vision dans la région de la tache jaune, les autres aux sensa- tions indéterminées que fournit la périphérie de la rétine. Aussi arrive- t-il très-souvent que dans un processus psychique, composé d'une série d'actes cérébraux successifs, un certain nombre de chaînons intermé- diaires vient à nous échapper. Quoiqu'il soit de toute évidence que ces actes intermédiaires se produisent peu à peu, par l'habitude nous en arrivons à négliger tout ce qui conslitue le mécanisme même du pro- cessus cérébral pour ne plus voir que l'acte initial et l'acte terminal; ainsi dans la parole, dans l'écriture, nous négligeons la série d'opéra- tions intellectuelles intermédiaires entre l'idée initiale et la formation du signe verbal ou écrit qui la représente pour ne nous occuper que de cette idée et de son signe, et cependant, au début, nous av^ions eu conscience de chacune des opérations successives de ce mécanisme si compliqué. Cette inconscience, reconnue déjà, sinon formellement ad- mise, par plusieurs philosophes {perceptions insensibles de Leibnitz, conscience latente d'Hamiltom, joue le plus grand rôle en psychologie ; il me paraît très-probable que la plus grande partie des phénomènes qui se passent ainsi en nous se passent à notre insu, et ce qu'il y a d'important c'est que ces sensations, ces idées, ces émotions, aux- quelles nous ne faisons aucune attention, peuvent cependant agir comme excitants sur d'autres centres cérébraux et devenir ainsi le point de départ igjioré ûe mouvements, d'idées, de déterminations cZo?i^ nous avons conscience. Ceci s'accorderait du reste avec cette hypothèse, émise plus haut (page 306), que toutes les actions nerveuses sont pri- mitivement conscientes et deviennent inconscientes par la répétition et l'habitude. 3° L'organisation cérébrale, condition nécessaire des phénomènes psychiques, peut se modifier continuellement sous l'influence des im- pressions venues soit de l'extérieur, soit de notre corps lui-même. Ces modiûcations peuvent n'être que temporaires, et le centre nerveux peut, une fois l'excitation passée, revenir à son équilibre primitif ; mais si l'excitation atteint une certaine intensité ou se produit dans certaines conditions, la moditication une fois produite peut devenir permanente, et ce centre nerveux ainsi modifié réagit autrement qu'il ne l'aurait fait avant la modification. A l'organisation innée (voir plus loin) se superpose donc une orga- nisation acquise qui varie continuellement de la naissance à la mort 1018 PHYSIOLOGIE FO^'GTIO^•^'ELLE. sous rinfluence des impressions sensitives. Cette organisation acquise n'est autre chose que ce qu'on appelle habitude. 4° Quoique la question des localisations cérébrales soit encore dans l'enfance, on peut affirmer que les divers modes d'activité psychique ont pour organes des parties dififérentes du cerveau ; les régions qui commandent les mouvements sont distinctes de celles qui servent à la réception des impressions sensitives, celles-ci de celles qui engendrent les idées, etc., Il y a donc, quoique leur siège et leur nombre n'aient pu encore être déterminés, une série de fonctions cérébrales et d'or- ganes cérébraux correspondant à ces fonctions. 5° Le cerveau de l'enfant nouveau-né contient les différents organes des fonctions cérébrales; seulement l'existence de ces différents or- ganes n'implique pas la possibilité de leur fonctionnement immédiat, pas plus que l'existence des ovules dans l'ovaire du fœtus n'implique la possibihté de la conception. Quelques-uns de ces organes, les cen- tres des mouvements instinctifs, par exemple, peuvent fonctionner im- médiatement, comme dans l'action de téter ; d'autres ne fonctionnent que plus tard, au fur et à mesure du développement. Ces organes cérébraux contiennent virtuellement une certaine quantité et une cer- taine qualité d'activité psychique qui pourra se manifester plus tard, plus ou moins modifiée par les impressions postérieures à la naissance : il y a donc à ce point de vue une o.'^ganisation cérébrale innée, une activité psychique innée, mais il n'y a pas à^idées innées, car les idées ne sont que des rapports entre des perceptions, et les perceptions ne peuvent provenir que de sensations et d'impressions sensitives. L'acti- vité psychique est innée en ce sens que les premières impressions venant du monde extérieur peuvent déterminer immédiatement, et en l'absence de toute expérience individuelle préalable, certains actes physiques et psychiques (mouvements instinctifs, mouvements d'ex- pression, sensations, perceptions, etc.); en ce sens aussi qu'elles peu- vent déterminer rapidement la formation de certaines idées (temps, espace), non pas sous la forme abstraite que leur donne le langage philosophique, mais sous la forme plus concrète de coexistence et de succession; mais cette innéité elle-même est acquise; elle n'est qu'un résultat de Thérédité; cette organisation innée est la résultante des perfectionnements successifs des organes cérébraux dans les généra- tions antérieures; cette activité psychique innée est la résultante des sensations, des idées, des expériences accumulées lentement, pièce à pièce, de génération en génération, et fixées par l'hérédité; aussi le mot organisation native rendrait beaucoup plus justement la pensée que le mot innée. Mais il ne faudrait pas croire avec Helvétius que toutes les intelligences sont naturellement et essentiellement égales, qu'elles reçoivent tout du dehors, et que leur inégalité provient de l'inégalité des acquisitions. L'inégalité intellectuelle est native comme PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 1019 l'inégalité physique et dépend de l'inégalité cérébrale. >'otre activité psychique comprend donc deux choses : une activité virtuelle, native, héréditaire, dépendant de la race, une activité acquise, individuelle, dé- pendant de l'expérience personnelle et de Téducation, en prenant ce mot dans son acception la plus large, et la part des deux facteurs doit être faite dans le domaine intellectuel comme dans le domaine phy- sique. 6° Tous les phénomènes psychiques se réduisent, en dernière ana- lyse à un élément initial, la sensation ; les sensations forment le maté- riel brut de l'intelligence ; elles sont le point de départ des perceptions, des idées, des volitions, des mouvements, en un mot, de tout ce qui constitue l'activité psychique. ^. DES SENSATIONS. Les sensations sont des états de conscience déterminés par des exci- tations provenant soit de l'extérieur, soit de notre propre corps. Quand ces états de conscience sont rapportés par nous à la cause qui leur a donné naissance, elles prennent le nom de perceptions. 1^ Intensité des sensations. Loi jpsyclio-ijhysique. L'intensité de la sensation dépend de deux conditions : P de l'inten- sité de l'excitation; 2" du degré d'excitabilité de l'organe sensitif au moment de l'excitation; aussi deux sensations d'égale intensité peu- vent-elles provenir d'excitations d'intensité inégale, et de même deux excitations égales peuvent déterminer deux sensations d'inégale inten- sité. Mais, même en supposant l'excitabilité égale, l'intensité de la sen- sation n'augmente pas proportionnellement à l'intensité de l'excitation; on éprouve une vive sensation lumineuse si on allume une bougie dans l'obscurité; l'introduction d'une bougie, dans une chambre très- éclairée, ne détermine aucune augmentation de la sensation lumineuse. Quand l'excitation devient double, triple, quadruple, etc., la sensation ne devient pas double, triple, quadruple, etc ; l'expérience apprend que l'intensité de la sensation croit beaucoup plus lentement que l'excita- tion qui la provoque, et les recherches de ^Yeber, Fechner, etc., ont permis de formuler la loi psycho-physique suivante : la sensation croît comme le logarithme de f excitation; autrement dit, quand l'excitation devient 10, 100, I.OOO fois plus considérable, la sensation devient seu- lement I, 2, 3 fois plus forte, La loi psycho-physique n'est vraie cependant que dans certaines hmites ; au-dessous d'une certaine intensité d'excitation, il n'y a pas 1020 PHYSIOLOGIE FONGTION^ÇELLE. de sensation ; le minimum d'excitation nécessaire pour déterminer une sensation a reçu le nom de limite de t excitation ou de minimum per- ceptible. Au delà d'une certaine intensité d'excitation, au contraire, la sensation change de caractère et se transforme en douleur ; c'est ce qu'on peut appeler limite supérieure ou maximum d'excitation; la loi de Fecliner se vériOe approximativement dans l'intervalle de ces- deux points. La mesure directe des grandeurs psychiques et de la force d'une sensation étant impossible, il a fallu tourner la difficulté et chercher des grandeurs mesurables; c'est à quoi Fechner est arrivé en mesu- rant, non pas les sensations elles-mêmes, mais des différences de sen- sations ; il a employé pour cela les trois méthodes suivantes : 1° Méthode des plus petites différences perceptibles. — Soient deux poids A et B; s'ils sont trés-rapprochés l'un de l'autre, on ne sent au- cune différence entre eux et on les juge égaux; on ajoute alors graduel- lement des poids à B jusqu'à ce que Ja différence des deux poids A et B devienne perceptible; on suit alors la marche inverse et on fait dé- croître graduellement le poids B jusqu'à ce que la différence des deux poids cesse d'être perceptible. Or Fexpérience indique que le poids qu'on a 'pu ajouter ou retrancher à B pour que la différence des deux poids fût perceptible est dans un rapport constant avec îe poids primi- tif; pour 10 grammes, il a fallu ajouter S-'jSS, pour 100 grammes. 33 grammes, pour 1.000, 333 grammes; autrement dit, le poids addition- nel est dans le rapport de 1/3 avec le poids primitif. La fraction qui indique ainsi pour chaque espèce de sensation le degré d'intensité que les excitations doivent atteindre pour que les différences de sensation soient perceptibles s'appelle la constante proportionnelle de cette sen- sation. Le tableau suivant donne les constantes proportionnelles pour chaque sensation : Sensations tactiles : 1/3; Sensations de température : 1/3 ; Sensations auditives : 1/3; Sensations musculaires : 6/100; Sensations visuelles : 1/iOO. 2° Méthode des cas vrais ou faux. — Soient deux poids A et B dont la différence soit très-faible ; on s« trompe dans un certain nombre de cas sur la désignation du plus fort ou du plus faible. Il y a donc, sur un total d'expériences, un certain nombre de cas où on s'est trompé, et un certain nombre où on a dit juste; soit le total des cas = 100 et le nombre de cas justes = 70 ; le rapport -^ donnera le résultat de la comparaison des deux poids. 3" Méthode des erreurs moyennes. — On prend un poids A et on cherche à déterminer par la sensation (musculaire, par exemple) un" poids égal à A ; en général, le second poids diffère du poids type d'une PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 1021 certaine quantité ; on répète Pexpérience un grand nombre de fois ; on fait la somme de toutes les erreurs (positives et négatives i et on divise cette somme par le nombre des essais ; le résultat donne l'erreur moyenne ('). Le minimum d'excitation nécessaire pour déterminer une sensation varie naturellement suivant la nature même des sensations. On a cherché à apprécier ce minimum, et le tableau suivant représente pour les dififé- rentes sensations les valeurs trouvées par l'expérience : Sensations tactiles : pression de 0?'",002 à O^^Oô ; Sensations de température : 1/8® de degré, la peau étant supposée à la température de 18°, 4 ; Sensations auditives : balle de liège de l milligr. de poids, tombant de 1 millim. de hauteur, à une distance de 91 millim. de l'oreille. Sensations musculaires : raccourcissement de 0'°''',004 du droit in- terne de rœil. Sensations visuelles : lumière 30 fols plus faible que celle de la pleine lune^ ou éclairage d'un velours noir par une bougie située à 0^5 13. Les données précédentes étant connues, il est facile de trouver la Yaleur de la sensation S à l'aide de la formule suivante où K représente une quantité constante , r Pintensité de l'excitation , q le minimum V perceptible ; on a : S = K log — . Delbœuf a donné une formule un peu différente de ceHe de Fechner (-). 2*^ Extériorité et ohjectivité des sensations. Nous rapportons nos sensations au monde extérieur ou à notre propre corps; nos sensations ne sont primitivement que des états de conscience, et ce n'est que par l'exercice et par la comparaison des sensations diverses les unes avec les autres que nous arrivons à rap- porter ces sensations à une cause déterminée. Il faut, à ce point de vue, distinguer les sensations qui, comme celles de la vue, de Pouïe, sont projetées à l'extérieur, de celles qui, comme les sensations tactiles, gustatives, etc., sont rapportées à la périphérie de notre corps , et de celles qui, sous le nom de sensations internes et de besoins, sont rap- (') La loi psycho-physique parait susceptible d'applicatioDS plus e'tendues encore aux phe'nomèQes psychiques. Laplace avait déjà dit depuis long- temps que « la fortune morale est proportionnelle au logarithme de la fortune physique. » (•} Voir, pour plus de détails, les traités cités dans la bibliographie, et, en particulier, les ouvrages de Fechner, ^Vundt et Delbœuf. 1022 PHYSIOLOGIE F 0>'GTIOA'>'ELLE. portées, d"une façon plus ou moins précise, à l'intérieur même de notre corps. Quel est le mécanisme de ces phénomènes ? La p?'ojeciio)i à l'extérieur des sensations visuelles et auditives est évidemment un acte psychique de raisonnement et une affaire d'habi- tude. Ainsi, pour l'audition, il est souvent difficile de distinguer les bruits dits entotiques des bruits extérieurs (voir page 749). Pour la vision, on sait (page 849) que les phosphénes déterminés par la pression parais- sent locahsés à la périphérie du globe oculaire. Il nous a donc fallu, pour projeter ainsi à l'extérieur ces deux espèces de sensations, faire intervenir des actes psychiques, des raisonnements qui ont trés-proba- blemeut pour base des sensations musculaires; les sensations muscu- laires me paraissent en effet jouer le rôle principal dans l'extériorité des sensations; l'objet que nous voyons et que nous entendons serait rapporté par nous à la périphérie du corps s'il ne nous avait fallu nous déplacer ou déplacer nos mains pour le saisir, c'est-à-dire si des suc- cessions de sensations musculaires n'étaient venues nous donner l'idée d'un espace, d'une distance entre nous et l'objet. L'intervention d'un acte psychique dans cette extériorité est rendue évidente par ce fait que cette notion d'extériorité peut se produire même pour les sensa- tions tactiles, qui en sont habituellement dépourvues, comme lorsque Ton sent avec le doigt, non-seulement le crayon qu'on tient à la main, mais la table sur laquelle pose le crayon (voir page 880). Il y a même là, pour le dire en passant, un exemple curieux de transformation d'une notion psychique acquise parle raisonnement en sensation. Les sensa- tions de température, de goût, d'odorat (?), sont aussi restreintes à la périphérie du corps. Les sensations internes, au contraire, sont beau- coup plus vaguement localisées, et si quelques-unes sont rapportées à la périphérie, ce n'est jamais que d'une façon confuse, et la plupart sont rattachées aux parties profondes de l'organisme, jusqu'à celles qui, sous le nom d'émotions, paraissent occuper principalement la masse cérébrale. On pourrait donc, en partant des sensations visuelles et en allant jusqu'aux émotions, dresser la liste de toutes les sensations, de- puis celles qui présentent le plus d'extériorité jusqu'à celles qui sont le plus centralisées, et on passerait ainsi par des»transitions insensibles d'un terme à Pautre de la série. En résumé, il ne faut jamais oublier que nous ne connaissons pas en réalité les objets extérieurs : nous ne connaissons que des états de cons- cience; nos perceptions ne sont pas des images des objets, mais des ac- tionsdesobjetssurnos organes; toutes nos sensations sont primitivement subjectives; le nouveau-né en est probablement là pendant quelque temps et ce n'est que peu à peu que les sensations brutes se transfor- ment chez lui en perceptioiis et que se fait la distinction du corps et du monde extérieur, du moi et du non moi. Mais cette distinction est une distinction de pratique instinctive et de raisonnement philosophique. PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 1023 Cette distinction de notre corps et du monde extérieur repose sur les faits suivants : quand nous touchons un objet extérieur, nous n'avons qu'une seule sensation, rapportée au point du corps qui touclie Pobjet; quand nous touclions un point du corps, au contraire, nous avons deux sensations, l'une au point qui touche, l'autre au point touché. Dans la dis- tinction du moi et du non-moi. le sens musculaire, dont l'importance a été méconnue par la plus grande partie des philosophes, joue le principal rôle; dans les sensations visuelles, auditives, etc., nous sommes passifs ; dans les contractions musculaires, au contraire, nous sommes actifs; ces sensations s'accompagnent toujours d'une impression d'effort bien distincte; à l'état de conscience — sensation musculaire — s'ajoute un autre état de conscience, d'un caractère particulier, qui nous donne la perception d'une résistance vaincue; dans le premier cas, nous sommes un simple appareil de réception, dans le second, à la réceptivité se joint quelque chose de plus, g-erme obscur de l'idée du moi. En effet, sans cette sensation musculaire, les sensations ordinaires ne pourraient ni se localiser, ni s'extérioriser; les sensations tactiles, visuelles et auditives ne seraient rien sans le sens musculaire, tandis qu'une seule de ces sensations, pourvu que le sens musculaire s'y joigne, suCTit pour le développement de l'intelligence. C'est de cette idée de moi que dérive la personnalité individuelle. Le Moi, comme dit Taine, « c'est la série d'événements et d'états succes- « sifs, sensations, images, idées, perceptions, souvenirs, prévisions > « émotions, désirs, voiitions, liés entre eux, provoqués par certains « changements de mon corps et des autres corps. » Le Moi c'est la cohésion dans le temps d'une série d'états de conscience conservés par la mémoire ; mais cette idée du moi n'est pas quelque chose de spécial en dehors et au-dessus de ces états de conscience, et il n'y a pas entre le moi-sujet et le moi-objet, entre le moi et les états de cons- cience, la distinction faite par quelques philosophes. Cette idée de moi chez le nouveau-né existe à peine. Chez l'enfant elle se borne à un intervalle de quelques heures, et si cette notion de notre personnalité nous parait s'étendre sans discontinuité depuis la naissance jusqu'à l'heure actuelle, c'est que dans l'état social où nous vivons, chaque chose autour de nous nous rappelle ce que nous étions; mais même, malgré cela, que de lacunes dans cette continuité apparente, et combien notre existence passée laisse en nous de mois, d'années même, dans lesquelles notre personnalité nous échappe ! Cette idée de moi est donc acquise par l'expérience, elle est la résul- tante d'un certain nombre d'actes cérébraux, centralisés peut-être dans un organe cérébral particulier; aussi peut-on voir, dans certaines ma- ladies mentales, cette idée du moi s'affaiblir et disparaître, fait à peu près inexplicable si on considère le moi comme une entité indivisible et indestructible. 1024 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. 3° Des émotions. Les émotions (colère, crainte, amour, aversion, etc.) sont des sensa- tions d'origine centrale, dont le point de départ se trouve dans les centres nerveux eux-mêmes, ce qui n'empêclie pas que des sensations internes ou externes ne puissent en être la cause éloignée. Elles sont en général très-indéterminées dans le temps et dans l'espace ; leur localisation est à peu près impossible, ce qui se rencontre aussi, comme on l'a vu, pour certaines sensations internes qui se rapprochent à ce point de vue des émotions ; un autre caractère distinclif, c'est que les sensations sont ordinairement simples, tandis que les émotions sont presque toujours extrêmement composées; mais là encore la limite est presque impossible à tracer entre les émotions et les sensations internes. Les émotions agissent avec une grande puissance sur toutes les fonc- tions du corps et en particulier sur les fonctions organiques, et cette action, qui varie suivant la nature même de l'émotion, est quelquefois si forte qu'elle équivaut à une véritable localisation; ainsi, on a le cœur «erre dans une grande douleur; aussi quelques auteurs ont-ils voulu localiser les différentes émotions dans des organes déterminés ; mais il n'y a pas là une véritable localisation dans le sens vrai du mot, l'exci- tation qui détermine l'émotion ne part pas de l'organe en jeu ; la loca- lisation est toujours consécutive à l'émotion au lieu de la précéder. Les sécrétions sont influencées d'une façon remarquable par les émo- tions (larmes, salive, etc.); il en est de même de la circulation (rougeur de la honte, etc.); mais ce qui domine dans ces cas, ce sont des mouve- ments musculaires, mouvements émotionnels. Chaque émotion se tra- duit ainsi dans l'organisme par tout un appareil phénoménal particulier, que la volonté peut quelquefois enrayer, et dont l'ensemble constitue l'expression de celte émotion. Toutes les émotions sans exception s'accompagnent d'un sentiment de plaisir ou de peine, et à ce point de vue, les émotions pourraient être considérées comme des modaUtés de ces deux sentiments fonda- mentaux, sans qu'on puisse expUquer, malgré toutes les tentatives faites par les psychologues et les philosophes, l'origine et la nature de ces deux espèces de sentiments. Tous les états de conscience s'accompagnent, quels qu'ils soient^ d'une certaine dose d'émotion, agréable ou désagréable ; il n'y a pas d'acte psychique, de sensation, d'idée, de souvenir, qui nous laisse absolument indifférents ; et cette faible dose d'émotion, presque latente» presque inconsciente, qui se trouve dans tous nos actes, joue un rôle considérable dans nos déterminations intellectuelles el dans nos volitions. ■; PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 1025 3, DES IDÉES. Les idées ne sont que des rapports entre des perceptions ^actuelles ou remémorées); elles supposent l'existence préalable de sensations ; la sensation est donc l'élément initial de Pintelligence. Ces idées peu- vent être individuelles, particulières, ou bien générales, abstraites, ni;iis les idées générales ne sont, suivant l'expression de Berkelev, que des idées particulières annexées à un terme général qui leur donne une signiGcation plus étendue et qui réveille à l'occasion d"au(res idées individuelles semblables. Il y a déjà, dans l'idée particulière d'un objet, d'une bille, par exemple, tout un ensemble de sensations, vi.vuelles, tactiles, musculaires, etc., de nature différente (couleur, poli,' puids, résistance, forme, etc.). Une idée générale, celle d'une boule, par ' .\tmple, se compose d'un ensemble d'idées particulières de boules de Lw-andeur. de couleur, etc., variables, dans cbacune desquelles une seule Miisation, la même pour toutes, est retenue par Pintelligence, tandis que les autres sont laissées de côté; ainsi les notions particulières de cuuleur, de poli, de résistance, etc., disparaissent et Ton ne voit que le coips rond, c'est-à-diœ le corps que la main peut parcourir et palper en déterminant en nous une certaine succession de sensations mus- culaires et tactiles qui se répète avec les mêmes caractères pour toutes les boules. Les idées générales et les idées particulières ne sont donc pas séparées les unes des autres par un abîme infranchissable ; les pieraières dérivent immédiatement des secondes, et les secondes déri- vent immédiatement de la sensation. Il en est de même des idées abstraites, qui ne sont qu'un degré supérieur des idées générales. Ce qui a obscurci cette question, c'est que la plupart des psycliolo- gnes confondent à tort les idées générales et abstraites et l'expression de ces idées par le langage. Les idées générales de temps, d'espace, de coexistence, de succession, etc., existent aussi bien chez l'enfant que chez l'adulte, chez le sauvage que chez l'homme civilisé, chez l'animal que chez l'homme; et ces relations sont chez tous la condition sine qud 7ion de tous leurs actes psychiques ; mais ce qui leur manque, c'est la formule, c'est Pexpression verbale ou écrite de ces relations, de ces idées abstraites. Quoi qu'en disent les philosophes, il n'est pas nécessaire, pour que l'idée abstraite existe, que le langage lui donne une formule,' et on peut, comme le prouve l'observation des sourds-muets non édu- piés, penser parfaitement sans langage et sans signes. Les idées étant des relations entre des sensations actuelles ou remé- inorées, il est probable que les centres cérébraux dans lesquels ces idées prennent naissance sont distincts des centres auxquels aboutis- sent ou dans lesquels s'emmagasinent les sensations; mais jusqu'ici la détermination de ces centres est absolument impossible. Tout ce Beaums, Phys. 65 1026 PHYSIOLOGIE FO>'CTIOiNNELLE. qu'on sait, c'est que les idées ont une sorte d'attraction les unes pour les autres ; que certaines idées ont de la tendance à s'associer à d'autres idées, et que ces associations, qui jouent le plus grand rôle en psycho- logie, sont très-probablement en rapport avec des connexions anato- miques entre les divers centres cérébraux. L'école anglaise contempo- raine (école associationiste) reconnaît trois modes d'association des idées, par ressemblance, par contiguïté dans le temps et dans l'espace, et par causalité ; mais, comme le fait remarquer Renouvier, tous ces faits d'association se rattachent, en dernière analyse, à la grande loi de l'habitude, en vertu de laquelle les connexions une fois produites ten- dent à se reproduire de nouveau. La volonté n'a que fort peu d'influence sur ces associations, du moins d'une façon directe, et le mécanisme par lequel se produisent ces i associations nous échappe même la plupart du temps. On en a un exemple quand on cherche un mot qui vous échappe, ou qu'on poursuit une idée qui ne se présente pas nettement à l'esprit; le mot, l'idée apparaissent très-souvent subitement, à un instant donné, sans qu'on ait conscience du mécanisme par lequel ce travail cérébral s'est produit. Cette loi de l'association ou de l'habitude régit la formation des idées, et il est très-probable, quoique la démonstration directe soit encore impossible, que les phénomènes intellectuels de mémoire, de jugement, de raisonnement, d'imagination sont soumis à des lois aussi nettement déterminées que tous les autres phénomènes physiologiques. Il n'y a donc pas lieu d'admettre ces facultés de l'âme des psychologistes, sortes de personnalités indépendantes, entrant en lutte les unes ave^! les autres jusqu'à ce qu'une faculté supérieure les mette d'accord en décidant entre elles; il n'y a que des phénomènes et des lois, et l'étude des faits psychiques conduira aux lois de la pensée comme celle dei faits physiques a conduit aux lois physiques. 4. — DE l'expression et du langage. Le langage n'est qu'un mode de l'expression. On a vu plus hau (page 618), que le langage ne peut se séparer des mouvements d'exprès sion; il n'en est qu'un cas particulier; seulement, à cause de soi importance et des rapports intimes qu'il a avec l'intelligence, il es préférable de l'étudier à part. V De V expression des émotions. La multiplicité des mouvements musculaires qui accompagnent le différentes émotions rend leur étude détaillée impossible dans u PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 1027 traité élémentaire. Je me contenterai de renvoyer aux ouvrages de Darwin et de Duchenne et de rappeler seulement les principes qui, d'après Darwin, régiraient la manifestation de ces mouvements. Darwin rattache l'expression des émotions aux trois principes géné- raux suivants : 1° Un grand nombre de mouvements émotionnels ont été primitivement des mouvements volontaires accomplis dans un but utile à Uindividu; peu à peu, par l'habitude, ces mouvements volontaires se sont associés aux sentiments qui leur avaient donné naissance et sont devenus machi- naux et instinctifs; enfin ces mouvements associés se sont transmis par hérédité. Ainsi l'acte de serrer les poings a été primitivement volontaire au moment de combattre un ennemi; cet acte s'est associé peu à peu au sentiment de la colère et est devenu machinal; il s'est transmis ainsi par hérédité et aujourd'hui encore nous serrons Tes poings quand nous sommes en colère comme pour combattre un ennemi absent. 2'' Dans certains cas, les mouvements d'expression sont l'opposé des mouvements que produit le sentiment contraire à celui que l'indi- vidu éprouve. Ainsi,, pour témoigner sa joie, un chien emploie d'.-s mouvements contraires à ceux qui expriment la colère. C'est ce que Darwin appelle le principe de l'antithèse; cependant la plupart des cas cités par Darwin paraissent susceptibles d'une autre interprétation. 3" Enfln, certains mouvements qui ne rentrent dans aucun des cas précédents ne peuvent s'expliquer que par l'intervention d'une action nerveuse involontaire (diffusion nerveuse de Bain); telles sont les larmes, l'action des émotions sur le cœur, etc. Bain fait appel aussi, pour certains mouvements d'expression, au prin- cipe de la spontanéité des mouvements et à l'exubérance de vie mus- culaire (gambades d'un poulain, d'un chien, d'un enfant.) 2^ Du IciiKjage. V^. ,.....,.....„, Le langage émotionnel n'est qu'une forme de 1 expression des émotions et rentre par conséquent dans le paragraphe précédent; ce langage émotionnel est trés-développé chez l'enfant, le sauvage, et, d'après Max Millier, existerait seul chez l'animal et constituerait ainsi une limite tranchée entre l'animal et l'homme. Le langage rationnel, au contraire, est le pouvoir de construire et de manier des concepts généraux ; il serait spécial à l'homme et. suivant M. Mijner, « le point où finit l'animal et où l'homme commence est déter- « minable avec la précision la plus rigoureuse, parce qu'il a dû coïncider « avec le commencement de la période du langage à radicaux ». Mais est-il vrai qu'il soit impossible de passer du langage émotionnel au langage 1028 PHYSIOLOGIE F O.XCTIO^WELLE. rationnel; n observe-t-on pas ce passage chez l'enfant qui commence à parler, et peut-on préciser chez lui l'instant où l'un fait place à l'autre? Le langage rationnel a deux conditions fondamentales, d'abord un certain degré de développement intellectuel, en second lieu un organe cérébral du langage articulé (voir : Physiologie des hémisphèt-es céré- braux); qu'une de ces conditions vienne à manquer, le langage ra- tionnel ne pourra exister tel qu'il existe chez l'homme. Mais c'est un fait certain que les animaux ont non-seulement l'expression des émo- tions, c'est-à-dire les mouvements vocaux ou mimiques en rapport avec ces émotions, mais qu'ils ont encore des moyens de communiquer entre eux, en un mot qu'ils se comprennent et que certaines idées, très-simples il est vrai, mais qui n'en sont pas moins des idées, peuvent s'échanger entre eux. Il n'y a, pour s'en convaincre, qu'à lire les ou- vrages de Leroy, Réaumur et de tous les naturalistes qui ont observé les animaux sans parti pris. H y a donc, même chez l'animal, une sorte de langage rudimentaire qui n'est peut-être pas encore le langage ra- tionnel de Max Miiller, mais qai est déjà quelque chose de plus qu'un simple langage émotionnel. O. DE LA VOLONTE. La différence des actes volontaires et des actes involontaires consiste essentiellement en ceci, que nous n'avons conscience de l'acte involon- taire qu'au moment même où il s'accomplit, tandis que l'idée de l'acte volontaire préexiste dans la conscience avant l'accomplissement de l'acte. Si l'on réfléchit que les actes volontaires, par la répétition et l'habitude, deviennent machinaux et automatiques, si l'on se rappelle d'autre part que les actes psychiques ne sont pas instantanés, mais ont une certaine durée, on peut concevoir de la façon suivante le méca- nisme des actes volontaires, soit un mouvement volontaire succédant à une sensation visuelle, par exemple ; il est très-probable, d'après les données de l'anatomie et de la physiologie nerveiise, qu'entre le centre de perception et le centre moteur il existe un centre nerveux intermé- diaire qui reçoit l'excitation partant du centre sensitif et la renvoie au centre moteur; ce mouvement volontaire s''accompagnera donc de trois élats de conscience successifs correspondant à l'excitation de ces trois centres, une sensation visuelle, une impulsion spéciale ou une tendance au mouvement, et une sensation de mouvement ; tant que la durée de ces trois actes successifs est assez longue, ils sont saisis à part et iso- lément par la conscience, et nous avons, avant le mouvement même, l'idée du mouvement qui va se produire ; nous pouvons alors, si cette idée de mouvement éveille l'activité de certains centres antagonistes, enrayer le processus de façon que l'idée ne passe pas e?i acte ; mais PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 1029 quand, par la répétition, la durée de ces trois actes successifs est très- courte, le terme intermédiaire, c'est-à-dire l'idée du mouvement futur, disparait, soit qu'elle se confonde avec la notion même du mouvement, soit que sa durée soit trop brève pour que nous en ayons conscience; on sait en eflfet qu'une excitation doit avoir une certaine durée pour être perçue. Quanta la question de la volonté libre, ou du libre arbitre, c'est-à- dire à «la faculté de se déterminer avec la conscience qu'on pourrait se déterminer autrement », c'est une question d'un tout autre ordre, que la science ne peut résoudre actuellement et à laq)ielle chacun peut, dans son for intérieur, donner la solution qui lui plaira. 11 ne faut pas oublier cependant qu'une grande partie des phénomènes psychiques qui se passent en nous nous échappent, et qu'il n'y a pour ainsi dire pas de manifestation psychique qui ne soit accompagnée d'un peu d'émo- tion, autrement dit qu'il doit arriver très-souvent que les déterminations qui nous paraissent les plus libres ne soient en réalité que la résultante de notre organisation native, de notre éducation et de sensations ou démotions actuelles dont nous n'avons pas conscience. Les statistiques prouvent que les faits qui paraissent soumis uniquement à la volonté humaine, comme les mariages, les crimes, les suicides, etc., se produi- sent avec une étonnante régularité et sont soumis à des causes et à des lois parfaitement déterminées. La volonté joue du reste dans nos actions une influence bien moins grande que nous ne le croyons nous- mêmes ; notre vie, nos pensées, nos actions sont bien plus souvent machinales que volontaires et rajsonuées, et, étant connus le caractère et les habitudes de la plupart des hommes, on peut prédire à coup sûr, dans la majorité des cas. la détermination qu'ils prendront dans une circonstance donnée. Il est de toute évidence que l'homme a le pouvoir de faire ce qu'il désire, mais est-il libre de désirer ou de ne pas désirer, est-il maître de ses émotions ? Mais ce que nous pouvons, et c'est en cela que consiste surtout la volonté, c'est arriver, par le développement de l'intelligence, à prévoir les conséquences de nos actes de façon que l'idée des inconvénients futurs d'un acte donné soit assez puissante pour contre-balancer l'impulsion qui nous pousse à accomplir cet acte; ce que nous pouvons, c'est nous placer dans des circonstances telles que les impulsions nuisibles qui peuvent exister virtuellement en nous et que nous connaissons, n'aient pas l'occasion de se développer et de produire leurs conséquences fâcheuses pour nous ou pour les autres. 6. VITESSE DES PROCESSUS PSYCHIQUES. On a vu fpage 299) que la transmission nerveuse demande un cer- tain temps et que l'excitation motrice parcourt environ 33 mètres par 1030 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. seconde, l'excitation sensitive 30 à 35. On a cherché à calculer, par les mêmes procédés, la durée des processus psychiques les plus simples. Le temps qui s'écoule entre une excitation sensitive et le mouvement qui sert de signal et qui indique que l'individu en expérience a perçu la sensation, comprend la série d'actes suivants, qui ont tous une cer- taine durée, fraction déterminée de la durée totale du processus (Exner) : 1" Durée de rexcitation latente de l'appareil sensitif ; cette durée est très-courte; pour les sensations visuelles, elle serait de 0,02 à 0,04 seconde ; 2° Durée delà transmission sensitive depuis l'appareil sensitif jus- qu'aux centres nerveux ; celte durée est connue ; 3° Durée de la transmission sensitive dans la moelle; cette durée est d'environ 0.1749 seconde pour les excitations parlant du pied, 0,1283 pour la main, ce qui donne pour la vitesse de la transmission sensitive dans la moelle 8 mètres environ par seconde,, par conséquent une vi- tesse bien moindre que pour les nerfs ; 4° Durée de la transmission cérébrale et des actes cérébraux; 5° Durée de la transmission motrice dans la moelle ; elle est pour le pied de 0,1506 seconde, pour la main de 0,1840, ce qui donne une vitesse de 11 à 12 mètres par seconde; 6° Durée de la transmission motrice depuis la moelle jusqu'au muscle ; elle est connue ; 7° Durée de l'excitation lateîite du muscle ; cette durée est connue aussi. La durée de l'acte cérébral s'obtiendra donc en retranchant de la durée totale du processus toutes les durées partielles 1, 2, 3, 5, 6 et 7. Exner a trouvé de celte façon les chiffres suivants [l'âge des individus en expérience est placé entre parenthèses après chaque chiffre) : 0,2053 seconde (20 ans); 0,0775 (22); 0,2821 i23); 0,1231 (24;; 0,0828 i26); 0,0901 (35); 0,9420 et 0,3050 (76i. On voit daprès ces chiffres que la durée d'un même acte cérébral varie suivant les individus et suivant certaines conditions encore peu déterminées, mais où l'âge paraît jouer un rôle important. Ces différences avaient déjà été constatées par les astronomes (Maskelyne, Bessel, etc.). 11 y a toujours, en effet, entre le passage réel d'un astre devant le fil de la lunette et l'appréciation de ce passage par l'astronome un écart qui constitue ce qu'on a appelé erreur ou équation personnelle. Cette erreur est constante pour un observa- teur donné, mais elle varie suivant les observateurs, et peut être réduite par l'exercice l^Yolff . F. C. Donders a imaginé, pour mesurer le temps nécessaire pour les actes psychiques, deux instruments, l'un, le nœmatachomètre, destiné à donner le minimum de temps nécessaire pour une idée simple, l'autre, le nœmatachographe, destiné à déterminer la durée d'opérations plus ou moins complexes de Fesprit. [Journal de V Anatomie, 1808.) PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 1031 i . DU SOMMEIL. Les centres nerveux encéplialiques présentent deux états distincts qui se succèdent avec une périodicité assez régulière, l'état de veille et l'état de sommeil. Quand le sommeil est profond, tous les phéno- mènes de l'activité psychique sont abolis et l'individu se trouve, au point de vue fonctionnel, dans une situation analogue à celle des ani- maux auxquels on a enlevé les hémisphères ; toutes les fondions de nutrition, digestion, respiration, circulation, etc., continuent; les exci- tations sensitives déterminent des mouvements purement réflexes, en un mot les hémisphères cérébraux cessent de fonctionner comme l'eslomac cesse de sécréter dans l'intervalle de deux digestions. Cet état de sommeil profond ne se montre guère que dans les premiers moments du sommeil; puis peu à peu le sommeil devient moins profond et les hémisphères cérébraux peuvent fonctionner, mais toujours d'une façon incomplète comme dans le rêve, sous l'influence d'excitations sen- sitives externes ou internes ; le souvenir seul peut nous apprendre s'il y a des idées formées pendant le sommeil, mais l'observation des dor- meurs nous apprend qu'une grande partie des rêves, des idées, des paroles qui ont accompagné le sommeil ne laissent pas de trace dans la conscience, de sorte qu'il est impossible de dire si. môme dans le sommeil le plus profond, le repos du cerveau est absolu. Le besoin de sommeil se traduit par une série de sensations que chacun connaît par expérience : sensations musculaires des muscles de la paupière supérieure, sensations des muscles sous-hyoïdiens qui pré- cèdent le bâillement; pesanteur des membres et de la tète; affaiblis- sement de la sensibilité et surtout de la sensibilité tactile et muscu»- laire, etc., etc. Pendant le sommeil, le pouls devient moins fréquent, la respiration plus rare, l'élimination d'acide carbonique diminue. L'état de la circulation cérébrale a donné lieu à des controverses qui ne sont pas encore tout à fait- terminées. Durliam, Hammond, Ehrmann, etc., admettent qu'il y a anémie cérébrale et que le cerveau reçoit moins de sang pendant le sommeil; d'autres auteurs, au contraire, croient qu'il y a une congestion du cerveau, et s'appuient surtout sur la congestion de la conjonctive et la constriction de la pupille observées pendant le sommeil, phénomènes qui indiqueraient une paralysie du sympathique (Langlet); cependant la plupart des physiologistes semblent aujourd'hui se rattacher à l'idée d'une anémie cérébrale. La fatigue, tant physique que psychique, l'afTaiblissement des exci- tations extérieures tobscurité,* silence, etc.), la répétition des mêmes impressions (monotonie), le froid, la chaleur, la digestion, certaines sub- stances (::oporifiques; produisent le sommeil. Mais sa cause réelle est 1032 PHYSIOLOGIE FOXGTIOX.XELLE. encore indéterminée. Est-il dû à la simple fatigue des centres nerveux ou des nerfs, comme la fatigue d'un muscle amène une diminution d'irrita- bilité musculaire qui ne reparait que quand, par le repos, le muscle a pu éliminer les produits acides de sa contraction ? Ou bien faut-il invoquer la circulation cérébrale, l'anémie suivant les uns, la congestion suivant les autres ? Faut-il, avec Sommer, le rattacher à la diminution de la provision d'oxygène qui, d'après les recherches de Pettenkofer, s'accu- mulerait pendant le sommeil pour se dépenser pendant la veille ? Toutes ces hypothèses, ainsi que celles de KohlschUtter, Forneris, Heuke, PflOger, etc.. n'expliquent pas complètement tous les faits et il me paraît inutile de les exposer ici. Ilibliog;raphie. — Cabaxis : Rapports du physique et du moral. — Gerdy : Physiologie philosophique des sensations et de l'intelligence. — Fechxer : Clé- mente der Psychojihysik. — Duchexxe : le Mécanisme de la physionomie, 1862. — Taine : De l'Intelligence. — Delbœuf : Recherches théoriques et expérimentales sur la mesure des sensations, 1873, et : Théorie générale de la sensibilité, 1875. — Wuxdt : Menschen- und Thierseele , et Grnndziige der jjhysiologischen Psychologie. — A. Bain : les Sens et l'Intelligence ; l'Esprit et le Corps; les Émotions et la Volonté. — H. Spexcer : Principes de psychologie. — Darwix : V Expression des émotions. — Lrrs : Etudes de physiologie cérébrale. Voir aussi la bibliographie générale du système nerveux et les ouvrages de psychologie. Article quatrième. — Physiologie de la reproduction. La physiologie de la reproduction comprend quatre séries d'actes successifs : T la formation des éléments reproducteurs, mâle (spermatozoïde) et femelle (ovule); 2° l'union de ces deux éléments ou fécondation : 3° les modiflcations qui se passent soit du côté de Fembryon, soit du côté de la mère, depuis la fécon- dation jusqu'à l'expulsion du fœtus ; développement embryonnaire et grossesse; 4" Fexpulsion du fœtus ou l'accouchement. A. — DES ÉLÉMENTS DE LA REPRODUCTIOX. 1. DES SPERMATOZOÏDES. Le mode de formation des spermatozoïdes est étudié dans les traités d'anatomie et dhistologie, auxquels je renvoie. A l'état de développement complet (fig. 257, p. 1033), ils ont 0'"",05 de lon- gueur et se composent : 1° d'un renflement antérieur, ^^'fe.p^Tiforme. aplati, la pointe tournée en avant ; 2° d'un appendice filiforme, ou queue, d'abord un peu renflé, puis aplati et se terminant en à PHYSIOLOGIE DE LA REPRODUCTION. 1033 pointe à peine visible. Ils sonf formés par une substance homo- gène réfringente. Ils sont doués de mou- vements rapides, comme spontanés, dus aux ondulations de la queue : ils par- courent O'^jOO^ par minute, et d'après une obsenation de Sims. ils peuvent arriver en trois heures de lorifice d»- Ihymen au col de l'utérus. Leiu"S mouvements sont assez puissants pour déplacer des cristaux calcaires dix fois plus gros qu'eux. Ils peuvent persister sept à huit jours dans les organes génitaux de la femme, et on les retrouve encore sur le cadavre vingt- quatre heures après la mort. Ces mouve- ont favorisés par les solutions alcalines modérément concentrées et détruits par l'eau et les liquides acides. Les spermatozoïdes, d'après Mantegazza. ne se montrent guère dans le sperme avant l'âge de 18 ans. un peu plus tôt cependant (15 ans) d'après d'autres auteurs. Ils peuvent exister dans le sperme jusque dans un âge très-avancé ; entre GO et SO ans, on a constaté leur présence dans la moitié des cas (Duplay, Dieu). Fig. 257. — Spermatozoïdes. (Voir page 1032.) ments 2. OVULATION ET MENSTRUATION". L'ovaire de la femme contient, depuis 15 ans jusqu'à 46 ans environ, des ovules susceptibles d'être fécondés. Tous les vingt- huit jours, en moyenne, un ovule s'échappe de l'ovaire par la rupture de la vésicule de de Graaf qui le contenait, et cet o^-ule est recueilli par la trompe. Cette rupture de la vésicule de de Graaf et cette chute de l'ovule s'accompagnent, du côté de l'utéms. de phénomènes particuliers et spécialement d'un écoulement sanguin qui constitue la menstruation proprement dite (règles, période menstruelle). k 1" Rui^ture de la vésicule de de Graaf et chute de l'ovule. La structure et le développement des vésicules de de Graaf et de l'ovule sont étudiés dans les traités d'anatomie. (Voir : Beaunis et 1034 PHYSIOLOGIE FOiNCTlOX>'ELLE. Bouchard : Anaiomie, 2^ édition, pages 874 et suivantes.) A cliaque période menstruelle, l'ovaire devient plus vasculaire, la vésicule de de Graaf se dilate et fait peu à peu saillie à la surface de l'ovaire jusqu'à ce qu'elle atteigne à maturité la grosseur d'une cerise; bientôt la paroi de la vésicule s'amincit au niveau de la partie saillante, tandis que les parties profondes au con- traire s'iiyperémient et deviennent plus vasculaires ; enfin , sous la pression excentrique du liquide de la vésicule, une petite fente se produit sur la partie amincie et l'ovule s'échappe, entouré par les cellules du cumulus proligère. Les causes qui déterminent la maturité et la rupture de la vésicule de de Graaf sont encore très-obscures. Cette rupture paraît se faire principalement à la fin des règles (Sappey); le coït peut la déterminer et l'accé- lérer sans cependant que son intervention soit nécessaire pour la produire. Les modifications que subit la vésicule de de Graaf et la forma- tion du corps jaune sont étudiées en anatomie. 2° Menstruation. Pendant la période menstruelle, l'utérus est le siège d'une fluxion temporaire et de phénomènes particuliers. Il augmente de volume ; sa muqueuse s'épaissit considérablement et se vas- cularise ; elle prend un aspect criblé dû aux orifices élargis des glandes utérines hypertrophiées ; son adhérence au tissu utérin diminue, son épithélium se détache et même, dans quelques cas, une partie de l'épaisseur de la muqueuse tombe avec lui sous forme de membrane continue; en même temps ses capillaires se déchirent et fournissent le sang menstruel. Cet écoulement san- guin, qui est le phénomène caractéristique extérieur de la mens- truation, dure en moyenne de trois à cinq jours et la quantité de sang peut varier de 100 à 200 grammes. Les trompes et le vagin participent aussi à cet état congestif de l'utérus. La menstruation s'accompagne de phénomènes locaux et gé- néraux ; la femme éprouve une sensation de pesanteur et de chaleur dans la région pelvienne et des douleurs abdominales (crampes utérines); les seins sont gonflés et tendus; le pouls est, fréquent, le choc du cœur plus fort, la respiration accélérée; la sueur a une odeur spéciale ; la miction est plus fréquente ; la PHYSIOLOGIE DE LA REPRODUCTIO.N. 1035 lanlité d'urée est diminuée; les traits sont fatigués; il y a un n'iment de lassitude générale; l'excitabilité ncrveusi' et psy- iii[ue est augmentée. li y a une relation intime entre la menstruation et l'ovulation ; idant les deux actes ne sont pas liés indissolublement l'un litre ; il peut y avoir, en effet, exceptionnellement, ovulation ..- menstruation et menstruation sans ovulation ; ainsi on a )servé des cas de menstruation après l'extirpation des deux aires ; mais ces cas exceptionnels ne peuvent infirmer la loi :nérale, quoique le lien qui rattache ces deux actes l'un à mtre nous échappe <'sang. système nerveux ?). Pfluger com- ire la menstruation à une greffe chirurgicale ; la surface interne ! l'utérus, dénudée et saignante, représenterait une véritable aie d'inoculation par laquelle la nature greffe l'ovule fécondé r l'organisme maternel ; mais il y a plutôt là une comparaison génieuse qu'une explication réelle. La menstrSîition peut être rapprochée des phénomènes du rut lez les animaux. C'est en effet à l'époque du rut que se fait chez IX l'ovulation et la rupture de la vésicule de de Graaf , et chez jaucoup d'espèces animales, cette rupture s'accompagne d'un oulement sanguin par les parties génitales. La menstruation est suspendue pendant la grossesse et l'allai- ment ; cette suspension coïncide avec un arrêt de l'ovulation. aand la femme n'allaite pas, les règles reparaissent en général X semaines après l'accouchement. 3'^ Puberté et ménopause. L'apparition de la fonction menstruelle et l'ovulation qui l'ac- «npagne ne se font qu'à la puberté, et habituellement vers l'âge 3 15 à 16 ans ; la disparition de ces deux actes, ou la ménopause, lieu vers iO ans environ. La période de fécondité de la mme comprend donc 30 à 31 ans en moyenue, et est par con- quent beaucoup moins étendue que chez l'homme. La puberté, chez la femme, modifie non-seulement les organes initaux, mais réagit aussi sur presque toutes les.parties de l'or- inisme, système pileux, mamelles, larynx, etc., et sur la plu- irt des fonctions. La puberté est plus précoce dans les villes le dans les campagnes, dans les climats chauds que dans les 1036 PHYSIOLOGIE FONCTIO >>ELLE. climats froids : on cite même des cas exceptionnels de jeu filles réglées à 8, 4 et 2 ans (menstruations enfantines), san qu'on puisse affirmer cependant qu'il y ait là une véritabl ovulation ; Haller a cependant observé un exemple de grossess chez une fille de 9 ans. La ménopause a lieu entre 42 et 50 ans (46,35 en moyenne) Dans la plupart des cas (70 fois sur 100), la ménopause s'établi peu à peu; les règles cessent, puis reviennent pour disparaît! définitivement, et cette période de transition dure de 6 à 11 mois Cette cessation des régies et de l'ovulation retentit sur tout l'or ganisme. et spécialement sur les organes génitaux; les ovaire s'atrophient, ainsi que l'utérus; les parties génitales externes s flétrissent et perdent leur excitabilité ; les poils du pubis blan chissent et tombent: les seins s'affaissent: la voix prend u timbre plus accentué; le système pileux extra-génital se dév€ loppe, etc.; en somme, les caractères de la sexualité tendent s'affaiblir et à disparaître. ^ 4" Excrétion oviilaire. L'excrétion ovulaire comprend deux stades : la chute del'ovul dans le pavillon de la trompe, et la progression de cet ovui depuis le pavillon de la trompe jusqu'à l'utérus. A sa sortie de la vésicule de de Graaf. l'ovule est recueilli pa la trompe ; mais le mécanisme de ce phénomène est encore loi d'être bien expliqué. Il est probable que le pavillon vient s'appli quer sur la surface de l'ovaire, soit par une sorte d'érection d la trompe (Haller;, soit plutôt par l'action des fibres fisses tubain ou tubo-ovariennes (Rouget); mais l'ouverture du pavillon d peut embrasser toute la surface de l'ovaire, et il est assez difficil d'expliquer comment le pavillon va juste se placer sur le point o va se rompre la vésicule de de Graaf arrivée à sa maturité, à moir d'admettre que les franges de la trompe ne parcourent la surfac de l'ovaire par une sorte de mouvement de reptation etnedétei minent ainsi, par cette excitation mécanique, la rupture de 1 vésicule de de Graaf. Il est encore plus difficile d'expliquer les ce dans lesquels il n'a pu y avoir d'application du pavillon si l'ovaire, ainsi quand un ovule provenant d'un ovaire est recueil par la trompe du côté opposé. PHYSIOLOGIE DE LA REPRODUCTION. 1037 La progression de l'ovule, du pavillon de la trompe jusqu'à itérus, se fait sous l'influence des cils vibratiles de la trompe, int les mouvements le dirigent vers la cavité utérine. Quoique durée de ce parcours soit presque impossible à déterminer, L peut cependant, en réunissant les observations, l'évaluer 1 deux à dix jours en moyenne (Sims). bliosraphie. — Coste '.Embryogénie comparée, lis37. — Négrier : Recherches matoiniqnes et physiologiques sur les ovuires, 1840. — Pouchkt : Théorie positive de ^ovulation spontanée, 184=7. — Raciborski : Traité de la menstruation, 186S. * B. — FECONDATION. 1. DU COÏT. Pour que les spermatozoïdes aillent féconder l'ovule, il faut que sperme arrive dans la cavité utérine ; c'est là le but du coït. ur que l'acte du coït puisse s'effectuer, il faut que le pénis du il(^ présente une certaine rigidité, soit en état d'érection. L'é- ction doit donc précéder le coït, et le coït lui-môme a pour :me fmal l'éjaculation. 1° De Vérectio n. Chez l'homme, l'érection porte sur les corps caverneux du pénis sur le corps spongieux de l'urètlire (bulbe et gland). Le pénis quiert alors un volume 4 à 5 fois plus considérable que le ilume habituel; il est dur, rigide, chaud, et présente une cour- ire qui s'accommode à la courbure du vagin. Cette érection iccompagne en outre d'une excitabilité beaucoup plus grande : la muqueuse du gland et du prépuce. Le mccmiisme de V érection est très-controversé. Les mailles du tissu verneux sont gorgées de sang, et cette augmentation de quantité de iig paraît tenir à deux causes : 1° à un afflux sanguin plus considé- ble par les artères dilatées, 2° à des obstacles au retour du sang vei- ux ; mais les causes de cette dilatation artérielle et de cette obstruc- 'U veineuse sont très-obscures. Pour ce qui concerne la dilatation artérielle, certains auteurs olliker) la considèrent comme une paralysie vasculaire réflexe ana- jue à celle qu'on observe dans les cas de rougeur de la face, par ;emple ; d'autres auteurs admettent Fintervention de nerfs vaso-dila- 1038 PHYSIOLOGIE FO>'CTIO>'>'ELLE. tateurs, comme les filets de la corde du tympan (voir : Innervatioji vasci motrice, page 967). Quoi qu'il en soit, l'épaisseur de la tunique mus culaire des artères du tissu érectile permet une dilatation considérabi (active ou passive) de ces artères et un afflux sanguin correspondan La diminution de calibre des veines doit être cherchée dans d€ dispositions anatomiques variables pour chacune des veines de retou (compression des veines profondes par le transverse du périnée, de veine dorsale par le muscle de Houston, invariabilité de grandeur de trous de Talbuginée qui ne permettent pas aux veines qui les traverser de se dilater, etc.). Cependant, si ces deux conditions suffisent pour amener une dilatî tion du pénis, cette dilatation hyperémique n'aurait jamais les cara( tères de l'érection si l'on ne faisait intervenir des actions musculaires ces actions musculaires consistent en des contractions rhythmiques de bulbo et des ischio-caverneux qui refoulent le sang vers les partie antérieures des organes érectiles, et en des contractions des fibre lisses qui occupent les trabécules du tissu érectile ; en résumé, si c"e; à l'afflux sanguin que le pénis doit son volume, c'est à la contractio musculaire qu'il doit sa rigidité. Le centre nerveux de l'érection se trouve dans la moelle lombaii (Goltzi. L'excitation partie de ce centre se transmet au tissu érectile pj les nerfs sacrés et le plexus hypogastrique ; l'excitation de ces nerf nerfs érecteurs, produit en effet l'érection (Eckhart, Lovem. L'activité d centre érecteur est réflexe et peut être déterminée par des excitatior sensitives périphériques i sensations tactiles), par des états psychique par l'irritation de certaines parties des centres nerveux (moelle cerv cale, pédoncules cérébraux, etc.). Chez la femme, rérection a beaucoup moins d'importance qu chez l'homme, mais elle n'en existe pas moins chez elle a moment du coït (clitoris et hulbe du vagin), et, d'après Rouge les organes génitaux internes seraient aussi le siège d'une véri table érection ; l'utérus se redresse et s'élève ; ses faces dévier nent plus convexes, ses bords s'arrondissent, son volume au^ mente, ses parois s'écartent l'une de l'autre, et sa cavité s'entr'ouvi pour recevoir le hquide fécondant; en même temps, le huit de l'ovaire se gonfle, et la contraction des fibres lisses des hgî ments larges et de la trompe applique le pavillon sur l'ovaire. 2" Du coït. L'introduction du pénis en état d'érection dans le vagin détei mine, par action réilexe, des mouvements du bassin qui oi PHYSIOLOGIE DE LA REPUODUCTIO.V. 1039 pour résultat un frottement mécanique du gland et du pénis contre les bords de la vulve et les parois rugueuses du vagin ; ces frottemerîts, en même temps qu'ils augmentent encore l'in- tensité de l'érection, exaltent peu à peu la sensibilité de ces parties. Quand les sensations voluptueuses ont atteint un certain degré (voir page 896), l'éjaculation se produit. Chez la femme vierge, l'introduction du pénis dans le vagin détermine la déchirure de l'hymen, déchirure qui s'accompagne ordinairement d'un écoulement de sanû". 3° Ejaculation. Dans l'intervalle du coït, le sperme, sécrété d'une façon con- tinue par le testicule, s'accumule dans les vésicules séminales, où il se mêle au produit de sécrétion de ces réservoirs. Quand l'éjaculation a lieu, les canaux déférents et les vésicules séminales se contractent énergiquement et chassent le liquide dans l'urèthre ; puis tous les muscles du périnée, et en particuher les bulbo-ca- verneux, sont le siège de contractions rhythmiques par lesquelles le sperme, mélangé aux liquides prostatique, des glandes de Cooper, etc., est projeté dans le fond du vagin et peut-être directement dans le col de l'utérus entr'ouvert. Au moment de l'éjaculation, la sensation voluptueuse, qui atteint ses dernières hmites, s'accompagne d'un état général de spasme et d'une exal- tation physique et psychique de tout l'organisme, état qui se communique à la femme, sans cependant qu'il y ait chez elle une ejaculation comparable à celle de l'homme ; il n'y a qu'une excrétion plus active des glandes de Bartholin et des autres glandes génitales. Une fois l'éjaculation terminée, l'érection cesse et une dépression générale fait suite à l'excitation du coït. 2. DELAFÉCOXDATIOX. Après l'éjaculation, le sperme se trouve soit dans la cavité du col, soit dans le fond du vagin. Comment arrive-t-il de là jusqu'à l'ovule. On a rencontré des spermatozoïdes dans tous les points des voies génitales, jusque sur la surface de l'ovaire. Cette pro- gression des spermatozoïdes ne peut être due aux mouvements 1040 PHYSIOLOGIE FO^'CTIOXXELLE. des cils vibratiles de l'utérus et des trompes, car le mouvement de ces cils est dirigé vers l'extérieur : elle ne peut être attribuée qu'aux mouvements propres de ces corpuscules qiîi en amènent un certain nombre jusqu'aux parties supérieures de la trompe. Du reste, il est démontré que la fécondation a pu avoir lieu par du sperme déposé à l'entrée du vagin dans les cas de persis- tance de l'hymen. Pour que la fécondation se produise, il faut que les spermato- zoïdes viennent se mettre au contact de l'ovule ; mais le lieu précis où se fait ce contact est encore indéterminé. Suivant les uns, ce serait dans l'utérus que se ferait la fécondation (Sims); suivant d'autres, dans la trompe, et c'est peut-être ce qui paraît le plus probable, car on rencontre ordinairement des spermato- zoïdes dans les réceptacles de la trompe (Henlej. Elle peut cependant se faire aussi sur Tovaire même, comme le prouvent les grossesses abdominales. La fécondation a plus de chances de se faire dans les jours qui suivent la chute de l'ovule, ce qui n'empêche pas cependant que, dans l'espèce humaine, elle ne puisse avoir lieu dans toute l'étendue de l'intervalle entre deux menstruations successives. Le mécanisme de la fécondation consiste dans une pénétration réelle du spermatozoïde dans l'ovule (voir page 350); pour que la fécondation réussisse, un seul spermatozoïde ne suffit pas, il en faut plusieurs ; s'il y en a trop peu, l'ovule avorte et son -développement ne se fait pas (Xewport). Une fois que les sper- matozoïdes ont traversé la zone pellucide et sont entrés au contact du vitellus, ils disparaissent sans qu'on puisse suivre les phéno- mènes intimes qui se produisent ainsi dans l'ovule. Les spermatozoïdes sont les seuls agents essentiels de la fécon- dation ; le sperme ne fait que leur servir de véhicule. Le sperme dépourvu de spermatozoïdes est infécond, et son pouvoir fécon- dant est en rapport avec le nombre de spermatozoïdes qu'il contient (Spallanzani). Quand les spermatozoïdes ont perdu leurs mouvements, ils perdent en même temps leur pouvoir fécondant. Habituellement il n'y a qu'un seul ovule mis en liberté à chaque période menstruelle; aussi n'y a-t-il. dans la généralité des cas, qu'un seul ovule fécondé. Cependant il peut y avoir deux ou plusieurs ovules mis en liberté et fécondés au heu d'un (fécon- dations gémellaires, triples, etc.). Les jumeaux peuvent provenir. PHYSIOLOGIE DE LA REPRODUCTION. 1041 de deux ovules distincts ou d'un seul ovule contenant deux vitellus. On observe en moyenne une fécondation double ou gémellaire sur 87 cas de fécondation simple, une fécondation triple (3 ovules) sur 7,600 cas, une fécondation quadruple (4 ovules) sur 330,000 cas, une fécondation quintuple (5 ovules) sur 20 millions de cas. : Quand deux ovules provenant d'une même menstruation sont fécondés par deux coïts différents, il y a supcrfécondation; ainsi une blanche qui aurait eu des rapports sexuels avec un nègre et avec un blanc pourrait donner naissance à deux jumeaux, un mulâtre et un blanc ; il n'y en a pas d'exemple authentique. La superfétation se produirait quand la seconde fécondation a heu dans une période plus avancée de la grossesse; il faut donc pour cela : T que l'ovulation se continue pendant la grossesse, ce qui est un fait exceptionnel; 2° que le sperme puisse pénétrer jusqu'à l'ovule, ce qui ne peut guère se comprendre que dans les cas d'atérus double. Bibliographie. — Kobelt : De l'Appareil du sens génital, 1S51. — Rouget : Recherches sur les organes crectiles de la femme. (Journal de Physiologie, 1858.) Le développement de l'ovule après la fécondation est essen- tiellement du ressort de l'anatomie ; aussi je ne puis que ren- voyer au chapitre Embryologie des Nouveaux Éléments d'ana- tomie de Beaunis et Bouchard (2" édition, page 994). La même remarque s'appHque, du reste, au développement de l'embryon et du fœtus et à celui des annexes du fœtus (développement de l'œuf). C. — DE LA GROSSESSE. L'ovule fécondé se développe dans la cavité utérine et séjourne dans cette cavité jusqu'à ce qu'il ait atteint un développement suffisant, c'est-à-dire jusqu'à ce que le fœtus soit à terme. La durée de la grossesse, calculée depuis le jour de la fécondation jusqu'au jour de l'expulsion du fœtus, est en moyenne de 275 à 280 jours (10 mois lunaires). Les modifications que subit l'organisme féminin pendant la grossesse concernent, d'une part, les organes génitaux et en parti- Beaunis, Phys. 66 1042 PHYSIOLOGIE FONCTIONNELLE. culior l'utérus ; d'autre piirt, le reste de l'organisme et l'état gé- néral de la femme. Les modifications de l'utérus dans la grossesse sont étudiées dans les traités d'anatomie (voir : Beaunis et Bouchard, 2^ édit., page 885) et dans les ouvrages d'accouchements, auxquels je renvoie, de même que pour les modifications que subissent les autres organes génitaux et les diverses fonctions de la femme enceinte. En dehors de ces modifications, le fait physiologique le plus important est la suspension de l'ovulation et de la menstruation pendant la grossesse. D. — DE L'ACCOUCHEMENT. Je renvoie aux traités d'obstétrique pour tout ce qui concerne le mécanisme même de l'accouchement, et me contenterai d'étu- dier ici les contractions utérines. La cause qui met en jeu les contractions utérines et détermine l'accouchement est encore inconnue. On sait seulement que l'utérus gravide a une très-grande excitabilité, et comme le col est très-riche en nerfs, il est possible que la dilatation mécanique du col, qui se produit dans les derniers jours de la grossesse, soit la cause déterminante de ces contractions utérines. Cepen- dant, même dans les cas de grossesse extra-utérine, il y a des contractions de l'utérus au moment de l'accouchement. Ces contractions ont le caractère des contractions des muscles lisses ; elles sont involontaires ; elles se font avec une certaine lenteur, mais présentent une très-grande énergie quand elles ont atteint leur maximum; elles sont rhythmiques et se reproduisent périodiquement par accès en partant (chez la femme) du fond de l'utérus, comme on peut s'en assurer, par la palpation, au dur- cissement de l'organe. Le centre des contractions utérines se trouve dans la moelle lombaire. Goltz a pu faire couvrir une chienne dont la moelle avait été complètement sectionnée à la partie inférieure de la région dorsale ; la fécondation, la grossesse, le développement fœtal, l'accouchement, l'allaitement s'accomplirent chez elle comme chez une chienne intacte, et ce qu'il y eut de plus remar- , quable, c'est que tous les instincts maternels existaient chez elle, PHYSIOLOGIE DE LA REPRODUCTION, 1043 malgré la section de la moelle ; les seules voies de communi- cation entre le centre médullaire lombaire et les centres céré- braux instinctifs ne pouvaient être que le sang ou le grand sympathique. (Goltz : ArcJuv fïir Physiologie, 187 5.) L'excitation du cervelet, de la moelle allongée, du grand sympathique lom- baire et sacré, l'excitation du mamelon, le sang chargé d'acide carbonique, l'anémie (compression de l'aorte), certaines sub- stances (emménagogues, ergot de seigle) déterminent des con- tractions utérines ; il en est de môme des excitations directes portées sur l'utérus, et surtout sur le col (corps étrangers, actions mécaniques, etc.). L'expulsion du placenta (délivrance) se l'ait par le même méca- nisme que l'expulsion du fœtus. Pour les phénomènes qui suivent l'accouchement, pour tout ce qui concerne la lactation, voir les traités d'obstétrique. Quand la femme n'allaite pas, l'ovulation et la menstruation reparaissent, en général, dans la sixième semaine après l'ac- couchement. Quand la femme allaite, la menstruation ne se montre qu'à la fin de la période de lactation, c'est-à-dire vers le dixième mois. Des naissances. — En France, on compte une naissance pour 34,81 habitants, et 100 naissances pour 84 décès. Les naissances se répartissent de la façon suivante pour les divers- moitde l'année (pour 12,000 naissances) : MOIS ÉTATS SARDES. BELGIQUE. HOLLANDE. SUÈDE. UOIS de la naSÏance. ''■''■'^'''■ 1840-1849. 1840-1840. 18511855. la conception. Janvier. . 1.016 1.063 1,094 1,013 Avril. Février. . ijlOl 1,157 1,155 1^046 Mai. Mars. . . 1,100 1J50 1,128 1.056 Juin. Avril. . . 1,078 1,078 1,016 1^006 Juillet. Mai .... 989 1,002 921 982 Août. .luin . . . 895 ,945 855 960 Septembre Juillet . . 943 903 848 922 Octobre. Août. . . 944 920 950 912 Novembre. Septembre. 1,004 956 1,025 1,116 Décembre. Octobre. . 1,010 934 1,000 r,033 Janvier. Novembre . 984 931 991 975 Février. Décembre . 936 950 1,017 979 Mars. 1044 PHYSIOLOGIE DE L'ORGANISME. CHAPITRE DEUXIÈME. PHYSIOLOGIE DE L'ORGAiMSME. 1. — PHYSIOLOGIE DE L'ORGANISME AUX DIFFÉRENTS AGES. 1. PHYSIOLOGIE DE l'eMBRYON ET DU FŒTUS. La physiologie de l'embryon et du fœtus se confond en grande partie avec leur développement anatomique, aussi ne puis-je que renvoyer à ce développement pour la plupart des points. C'est en effet le développement qui est le fait dominant de la vie du fœtus, développement des éléments anatomiques, des tissus, des organes, des appareils. D'une façon générale, les phéno- mènes physiologiques intimes de l'embryon et du fœtus ne se passent pas autrement que chez l'adulte, seulement le fonction- nement spécial des organes et des appareils présente des diffé- rences notables ; quelques organes même, tels que l'œil, restent dans l'inactivité la plus complète ; une grande partie de l'orga- nisme n'a qu'une existence rudimentaire. Dans les premiers temps de la vie embryonnaire, le sang n'existe pas encore ; il n'y a pas de connexions entre l'ovule et l'utérus, et l'ovule se nourrit par simple imbibition aux dépens des matériaux salins et albumineux dont il s'est entouré à son passage dans la trompe ou qu'il trouve sur la surface de la muqueuse utérine ; les villosités du chorion constituent ainsi de véritables organes d'absorption comparables aux radicelles d'une plante. C'est encore de la même façon que sefait la nutrition da l'embryon pendant la première circulation ou circulation de le vésicule ombilicale. Pendant ces deux premiers stades, l'embryon utilise donc : P les matériaux de nutrition de la masse vitelline; 2° les matériaux de nutrition venant de l'extérieur. Avec l'établissement de la circulation placentaire commence une nouvelle période. Le sang de l'embryon et du fœtus se trouve en rapport dans le placenta avec le sang artériel de la mère ; il n'y a pas, comme on l'a cru autrefois, mélange des deux sangs ; les deux systèmes vasculaires, maternel et fœtal* restent compté- PHYSIOLOGIE DES AGES. 1045 tement indépendants l'un de l'autre, mais la ténuité des parois vasculaires qui les séparent permet un échange intime entre les deux sangs -, le sang du fœtus acquiert ainsi les qualités néces- saires pour qu'il puisse servir à la formation des tissus et des organes et à leur fonctionnement, très-rudimentaire pour la plu- part d'entre eux. On peut donc considérer le placenta comme un organe de nutrition dans lequel le sang fœtal prend l'albu- mine, la graisse, les sels. etc.. en un mot. tous les matériaux qui entrent dans la constitution des tissus. Il n'y a donc chez le fœtus ni digestion proprement dite, ni absorption alimentaire ; il est dans le cas d'un animal auquel on injecterait directement dans le sang les principes nutritifs, tels que les peptones et les sels minéraux. On a bien admis, il est vrai, que dés les premiers temps de la vie fœtale il se produisait des mouvements de dé- glutition qui introduisaient du liquide amniotique dans le tube digestif, et on trouve en effet des cellules de l'amnios et du vernix caseosa dans le méconium ; mais il est peu probable que ces cellules soient l'objet d'une véritable digestion, d'autant plus que les sécrétions du tube alimentaire paraissent dépourvues de pouvoir digestif pendant la vie fa^tale. Le placenta est-il aussi un organe respiratoire et y a-t-il une respiration placentaire ? Un premier fait, très-important pour résoudre cette question, c'est que le sang des artères ombilicales et le sang de la veine ont la même coloration, et cette coloration n'est ni celle du sang artériel, ni celle du sang veineux. Quelques auteurs ont cependant trouvé le sang de la veine ombilicale plus clair, mais en tout cas la différence est toujours excessivement faible. C'est qu'en effet les phénomènes d'oxydation chez le fœtus doivent être réduits au minimum. Chez l'adulte, l'introduction d'oxygène et la production d'acide carbonique sont surtout en rapport avec les actions musculaires et nerveuses ; chez le fœtus, le seul muscle qui se contracte, sauf les quelques contractions des membres de la dernière moitié de la grossesse, c'est le cœur, et l'activité nerveuse est réduite aux actions nerveuses organiques, c'est-à-dire que la plus grande partie des centres nerveux reste inactive; la désassimilation sera donc chez lui à peu près nulle ; aussi la petite quantité d'urée ut d'acide urique qu'on trouve dans l'urine fœtale est-elle plus faible que celle que produit le nouveau-né dans les premières heures de son existence, et la faible proportion d'acide carbonique éhminé par l'activité mus- 1046 PHYSIOLOGIE DE L'ORGANISME. culaire et nerveuse ne suffit pas pour changer les caractères exté- rieurs du sang veineux, quoique les analyses exactes des gaz du sang chez le fœtus nous manquent jusqu'à' présent. On peut donc affirmer que, pendant la vie fœtale, les oxydations sont presque nulles, par suite, le besoin d'oxygène très-peu marqué, et que, par conséquent, la respiration placentaire, dont on ne peut nier absolument l'existence, est tout à fait rudimentaire. Un fait semble cependant en désaccord avec cette assertion, c'est que la température propre du fœtus çst supérieure à celle des organes qui l'entourent ; mais il faut remarquer que le fœtus a déjà la température du sang de la mère, qu'il ne peut éprouver de perte de chaleur, ni par rayonnement, ni par évaporation, ni par con- ductibilité, autrement dit que toute la chaleur produite dans l'organisme ne peut se perdre que par l'abaissement de tempéra- ture du sang maternel placentaire ; on comprend alors comment la plus faible production de chaleur dans l'organisme fœtal devra se traduire par une élévation de température. Au point de vue de la nutrition, les organes qui présentent le plus d'activité chez le fœtus sont le foie et les organes lym- phoïdes. Le foie se développe de très-bonne heure et il est très- volumineux à la fin du deuxième mois. Dès le troisième mois, la sécrétion biliaire commence -, au cinquième mois, la partie supé- rieure de l'intestin grêle contient un mucus jaune clair dans lequel les réactions chimiques décèlent la présence de la matière colorante et des acides biliaires. Dans les derniers mois, le gros intestin est rempli d'une matière brun foncé, inodore, légè- rement acide, le méconium, mélange de bile, de cellules épithé- liales de l'intestin et de vernix caseosa (lames épidermiques , duvet, graisse), déglutie avec l'eau de l'amnios. Vers le qua- trième mois , le foie commence à renfermer de la substance glycogène, qui y devient abondante vers le milieu de la grossesse ; jusque-là la substance glycogène se rencontrait dans le placenta (glycogénie placentaire), les tissus épithéliaux,les muqueuses, etc.; les muscles contiennent du glycogène pendant tout le temps de la vie fœtale. Il est probable que cette substance glycogène fœtale a un rôle histogénétique et sert à la formation des tissus. Le foie paraît être aussi en rapport avec la formation des globules^ rouges. Les organes lymphoïdes (rate, thymus, glandes lymphatiques, etc.) jouent probablement chez le fœtus le même rôle que chez PHYSIOLOGIE DES AGES. 1047 iadulte et sont proba- blement en relation avec la production des globules blancs. Les excrétions sont très-reslreinles chez le fœtus; le peu de mé- coniiim quon trouve à la naissance, l'urine et le vernix caseosa cons- tituent les seuls pro- duits excrétés pendant la vie fœtale. L'activité nerveuse est à peu près nulle ; f les nerfs tactiles sont, V parmi les nerfs sensi- tifs, les seuls qui puis- H sent être excités, et ils ne peuvent éveiller, en tout cas, que des pro- cessus psychiques tout à fait rudimentaires. Les mouvements du fœtus qui s'observent Fig. 2oS. — Circulation fœtale. (Figure schématique; voir page 1048.) Fig. 2a8. — 0, oreillettes. — V, ventricules. — D, cœur droit. — G, cœur gauche. — P, pou- mons. — Ra, rate. — I, intestin, — R, reins. — PI, placenta. — F, foie. — 1, veine omhilicale. — 2, canal veineux. — 3, veine cave inférieure. — 4, aorte. — 5, hranches aortiques de la tête et des memhres supérieurs. — 6, veine cave supérieure. — 7, artère pulmonaire. — 8, ses branches pulmonaires. — 9, veines pulmo- naires. — - 10, canal artériel. — 11, aorte descendante. — 12, bran- ches pour les extrémités inférieu- res. — 13, artères ombilicales. — 14, veine porte. La direction des flèches indique la direction du cou- rant sanguin ; la teinte plus ou moins foncée indique la qualité nutritive du sang ; le blanc indique le sang le plus nutritif (artérialisé) ; le noir le sang le moins nutritif (veineux). 1048 PHYSIOLOGIE DE L'ORGANISME. dans les derniers mois de la grossesse, sont des mouvements purement réflexes, qui se présentent aussi chez les acéphales. La circulation fœtale placentaire offre des particularités phy- siologiques importantes qui ont pour base l'absence même de res- piration pulriionaire et la disposition anatomique des diverses parties de l'appareil circulatoire, existence du trou de Botal, du canal artériel, du canal veineux, etc. (Voir : Beaunis et Bouchard, Anatomie, 2* édition, page 1055.) La figure 258 (p. 1047) représente schématiquement la circulation fœtale placentaire, telle qu'elle a heu dans les derniers mois. La circulation placentaire se fait de la façon suivante : le sang revient artérialisé du placenta par la veine ombilicale ; arrivé au foie F, une partie de ce sang passe directement dans la veine cave inférieure par le canal veineux, 2 ; l'autre partie va se dis- tribuer dans le foie , par les veines hépatiques afférentes (bran- ches futures de la veine porte), avec le sang que la veine porte, Fig. 259. — Oreillette droite. Fig. 260. — Oreillette gauche. 14, ramène de l'intestin, de la rate, etc.; ce sang, après avoir traversé le foie, arrive à son tour dans la veine cave inférieure. Fig. 259. — L'oreillette droite est ouverte par sa partie externe et postérieure. — 1, valvule du trou de Botal. — 2, ouverture du trou de Botal couduisant dans l'oreillette gauche. — 3, paroi interne de l'oreillette droite antérieure au trou de Botal. — 4, valvule d'Eustache. — 5, veine-cave inférieure. — • 6, ouverture de — 7, la veine-cave supérieure. — 8, orifice condui- sant dans l'auricule droite. — 9, ouverture conduisant dans le ventricule droit. — 10, veines pulmonaires. Fig. 260. — L'oreillette gauche est ouverte par sa partie postérieure et externe ; l'embou- chure des veines pulmonaires gauches est enlevée. — 1, paroi de l'oreillette antérieure au trou de Botal. — 2, ouverture de la veine pulmonaire antérieure droite, 3, — 4, veine pulmonaire postérieure droite. — 5, orifice auriculo-ventriculaire. — 6, ouverture conduisant dans l'auri- cule. — 7, veine-cave inférieure. — 8, veine-cave supérieure. — 9, artères pulmonaires. I PHYSIOLOGIE DES ÂGES. 1049 qui reçoit encore le sang veineux revenant des extrémités infé- rieures et des reins. Ce sang, contenu dans la veine cave inférieure, 3, au-dessus du foie, est donc déjà du sang mélangé. Ce sang arrive dans l'oreillette droite et est dirigé immédiatement par la valvule d'Eustacbe ifig. 259, 4) dans le trou de Botal (fig. 259 et 2G0) et dans l'oreillette gauche ; là il se mélange encore au sang veineux qui revient par les veines pulmonaires {fig. 258, 9). De là, ce sang passe dans le ventricule gauche, et du ventricule gauche dans l'aorte, 4, qui l'envoie dans la tête et dans les extrémités supé- rieures. Au-dessous de l'origine des artères destinées à ces parties, le sang de l'aorte subit un nouveau mélange par l'addition du sang qui arrive parle canal artériel, 10. Après avoir nourri la tête et les extrémités supérieures, le sang revient par la veine cave supérieure, G, dans l'oreillette droite, de l'oreillette droite dans le ventricule droit, et de celui-ci dans l'artère pulmonaire, 7. Les poumons ne fonctionnant pas chez le fœtus, une très-petite quantité de sang passe dans les poumons par les branches de l'artère pulmonaire, 8, pour revenir ensuite par les veines pulmonaires, 9, dans l'oreillette gauche; la plus grande partie passe dans le canal artériel, 10, et va se mélanger au sang contenu dans l'aorte descendante. Ce sang très-mélangé se distribue avec l'aorte descendante et va nourrir les extrémités inférieures pour revenir à l'état de sang veineux par la veine cave inférieure; mais la plus grande partie retourne au placenta par les artères ombiUcales pour s'y charger de matériaux nutri- tifs au contact du sang de la mère. On voit que les différents organes du fœtus reçoivent un sang qui présente des quahtés différentes, suivant les points que l'on considère. Au point de vue de la quahté du sang qu'ils reçoivent, on peut les classer en quatre catégories : T le foie ; 2° le cœur, la tète et les extrémités supérieures ; 3° les extrémités inférieures, le tronc et les organes abdominaux ; 4° les poumons. Le foie reçoit le sang le moins mélangé; eu effet, il reçoit le sang venant directement du placenta, et de plus le sang veineux de l'intestin, de la rate, du pancréas et le sang de l'artère hépa- tique qui est déjà très-mélangé; mais le sang pur domine dans sa circulation; le foie se trouve donc en réalité, vis-à-vis des matériaux de nutrition, dans les mêmes relations chez le fœtus qu'après la naissance ; seulement, après lanaissance, ces matériaux 1050 PHYSIOLOGIE DE L'ORGANISME. de nutrition sont absorbés dans l'intestin et lui arrivent par la veine porte. Chez le fœtus, ils sont absorbés dans le placenta et lui arrivent par la veine ombilicale. La circulation placetitaire se distingue donc de la circulation ordinaire par l'absence de petite circulation et par la communi- cation des cœurs droit et gauche. Les quatre cavités du cœur, sont utilisées pour la circulation générale; aussi la tensiou doit- elle être la même dans le cœur droit et dans le cœur gauche, et ne trouve-t-on pas. pendant la vie fœtale, riiiégalilé d'épaisseur des parois des deux ventricules, inégalité qui s'accentue rapi- dement dès que la circulation pulmonaire s'établit. Chez le fœtus à terme, le cœur fait en moyenne 1 iO pulsations par minute. 2. PHYSIOLOGIE DE l'oRGANISME DE LA NAISSANCE A LA MORT. 1° Physiologie du nouveau-né. A la naissance, les conditions d'existence du fœtus sont com- plètement et subitement changées, et il s'ensuit dans la circulation des modifications capitales qui mènent à l'établissement de la circulation pulmonaire. Toute communication est interrompue avec le placenta et, par suite, il survient une oblitération des artères ombilicales et de la veine ombilicale jusqu'à l'abouche- ment de la veine porte et du canal veineux. En même temps, les poumons, en se dilatant pour la première inspiration, sont le siège d'un afflux sanguin considérable; le courant sanguin de l'artère pulmonaire, qui passait presque en entier par le canal artériel dans l'aorte, est détourné vers les poumons; le sang passe de moins en moins dans le canal artériel qui se rétrécit, puis s'obli- tère au deuxième ou au troisième jour. Le sang revient en masse des poumons par les veines pulmonaire's qui se dilatent ; le cou- rant sanguin des veines pulmonaires remplit alors l'oreillette gauche et s'oppose à ce que le courant provenant de la veine cave inférieure pénètre dans cette oreillette par le trou de Botal ; ce trou s'oblitère à son tour dès qu'il ne donne plus passage au sang et ainsi s'établit la circulation pulmonaire définitive. La cause de la première inspiration a été très-controversée. On a vu, dans la physiologie de la moelle allongée (voir page 993), PHYSIOLOGIE DES AGES. 1051 quelles sont les conditions qui excitent l'activité du centre ins- pirateur; ces conditions (sang chargé d'acide carbonique, exci- tations sensitives cutanées, etc.) ne se rencontrent pas pendant la vie fœtale; dès que l'interruption de la circulation placentaire a lieu, l'acide carbonique produit dans les contractions du cœur ne trouvant plus dans le placenta maternel une voie d'élimi- nation, s'accumule rapidement dans le sang et va exciter le centre inspirateur; à cette influence du sang chargé d'acide carbonique s'ajoute l'action excitante de l'air extérieur et du froid sur la peau habituée à la température uniforme et au contact de l'eau de l'amnios. Le nombre des respirations est d'environ 14 par mi- nute, le nombre des pulsations cardiaques est de 130. La tem- pérature du rectum est de 37"8 ; mais elle baisse dans les pre- mières heures de l" à r5, pour remonter ensuite à 37°5. Le foie a une circulation moins active, il est moins foncé ; la quantité de bile qu'il sécrète augmente, et cette augmentation produit Victère des nouveau-nés. L'urine et les reins contiennent des cylindres constitués par des cellules épithéliales et des urates d'ammo- niaque. Les glandes mammaires sécrètent souvent un liquide lac- tescent. Quelques heures après la naissance, la faim se fait sentir et détermine de l'agitation, des cris et des mouvements de succion; la vie du nouveau-né se partage entre le sommeil et la lactation. 2» Première enfance. La première enfance s'étend depuis les premiers jours de la naissance jusqu'à l'éruption des premières dents de lait, c'est-à- dire jusqu'à sept à huit mois environ. Pendant cette période, la vie est presque exclusivement végétative; l'alimentation journa- lière représente le cinquième ou le sixième du poids du corps ; la respiration, la digestion, l'absorption alimentaire sont plus actives, relativement que chez l'adulte, et il en est de même pen- dant toute la période infantile; le système lymphatique prédo- mine; le sang contient plus de globules blancs et moins de globules rouges; les organes lymphoïdes, la rate, le thymus, les glandes lymphatiques sont très-développés ; les selles sont jaune clair, demi-liquides, peu odorantes, et contiennent de la bile inaltérée, beaucoup de graisse et de la caséine coagulée. L'ac- croissement des organes et des tissus est considérable; la taille 1052 PHYSIOLOGIE DE L'ORGAMSME. augmente de trente centimètres dans la première année, et à la fin le poids du corps a triplé. Le système musculaire prend de la force, et les mouvements volontaires se montrent peu à peu; au septième mois, Tenfant tient la tête et le corps droits, et cherche à saisir les corps à sa portée; son activité psychique s'éveille; au troisième mois, il commence déjà à distinguer les objets extérieurs et à apprécier leur situation et leur direction ; il les fixe, il les suit des yeux; les mouvements d'expression, rire, gesticulation, se dessinent; à cinq mois, il reconnaît les per- sonnes qni l'entourent, et témoigne déjà par ses gestes l'amour ou l'aversion qu'elles lui inspirent. 3^ Seconde enfance. La seconde enfance s'étend depuislapremière dentition jusqu'au commencement de la dentition permanente, c'est-à-dire jusqu'à sept ans environ. Le nombre des respirations et des pulsations cardiaques diminue peu à peu ; à deux ans, il y a 111 pulsations par minute, à trois ans 10(S, à cinq ans 103. Au déiut de la deuxième année, l'enfant commence à marcher, et graduellement les mouvements volontaires deviennent mieux coordonnés et plus précis; bientôt il parle (voir : pages 610 et 619), et la parole suit pas à pas le développement de l'intelligence. Le sommeil est moins prolongé que dans la période précédente, mais il est presque aussi impérieux. A un an, l'enfant dort plus qu'il ne veille ; de cinq à six ans, il dort encore de 9 à 10 heures. La voix est grêle, aiguë, féminine, et à six ans atteint environ une octave. 4° Jeunesse. La jeunesse s'étend depuis le début de la deuxième dentition jusqu'à la puberté. Les organes transitoires (dents de lait, thy- mus) disparaissent, l'organisme se rapproche peu à peu de son développement complet, et ce développement porte sur tous les appareils, osseux, dentaire, musculaire, circulatoire, etc. Le poids du corps augmente annuellement de 2'',"25 (garçons) et 2'', 75 (filles) depuis huit ans jusqu'à douze, et de 5^,5 (garçons) et S'', 75 (filles) de douze ans jusqu'à dix-sept; la taille s'accroît PHYSIOLOGIE DES AGES. 1053 le 5 centimètres par an chez les garçons et de 4 chez les filles. jC nombre des pulsations cardiaques est de 91 à dix ans, de 82 i quinze ans. L'intelligence participe au développement des lutres fonctions , et les notions acquises à cette époque se fixent Lvec une très-grande facilité dans la mémoire. Quoique les or- ganes génitaux ne soient pas encore dans leur période d'évo- ulion, les caractères psychiques distinctifs des sexes s'accusent léja d'une façon très-nette dans les jeux et les occupations de la eunesse. b° Adolescence. L'établissement delà puberté marque la limite entre la jeunesse st l'adolescence. L'évolution rapide des organes génitaux modifie )rofondément toute la constitution ; le système pileux se déve- oppe ; la voix prend des caractères particuliers ; la sécrétion ébacée augmente ; la graisse du corps diminue; la taille prend ouvent un accroissement brusque ; la capacité vitale s'accroît rès-vite, en un mot toutes les parties du corps se hâtent, pour insi dire, de suivre le développement des organes génitaux et l'atteindre leur maximum de puissance et de virilité. Jusqu'ici, a vie n'avait qu'un but, le but de la conservation individuelle; m nouveau but apparaît alors, la conservation de l'espèce, et le lesoin instinctif par lequel il se révèle, modifie profondément activité psychique de l'adolescent. Des sentiments, des désirs, des motions, des idées nouvelles occupent et dominent l'intelligence. 6° Age viril. Jusqu'ici l'assimilation l'avait emporté sur la désassimilation; le orps s'accroissait continuellement. Maintenant il n'en est plus de Qême ; la croissance s'arrête ; l'assimilation l'emporte encore ur la désassimilation, mais l'excès de matériaux nutritifs intro- iuits ne sert plus, comme auparavant, à l'accroissement de l'indi- idu, il sert à l'accroissement de l'espèce ; il est destiné à fournir es matériaux de la reproduction qui serviront à constituer de iouveaux êtres. L'âge viril comprendra donc la période de irilité de l'homme, période qui peut s'étendre depuis vingt-deux usqu'à soixante ans. Mais dans cette longue période, il convient 1054 PHYSIOLOGIE DE L'ORGANISME. de distinguer plusieurs stades ; un stade d augment, dans lequel toutes les fonctions principales montrent un accroissement d'énergie et de vigueur, un point culminant, de trente-cinq à quarante-cinq ans environ, dans lequel l'organisme se maintient dans le statu quo, à son maximum de développement physique et intellectuel, enfin un stade de décroissance dans lequel la plupart des fonctions marchent plus ou moins vite vers la vieil- lesse. L'homme conserve pendant toute cette période, et même au delà, le pouvoir reproducteur, mais il n'en est pas de même pour la femme, chez laquelle la période de l'âge mûr se trouve séparée en deux parties par la ménopause (âge critique, âge de retour). 7° Vieillesse. Il est difficile de préciser le moment où l'âge mûr se termine pour faire place à la vieillesse ; c'est qu'en effet le déclin est déjà commencé depuis longtemps ; il ne fait que s'accélérer, et cette accélération peut être plus ou moins tardive, plus ou moins rapide; mais il est rare, sauf certains cas exceptionnels, qu'elle se produise brusquement et que l'homme fait devienne un vieil- lard d'un moment à l'autre. Les causes de ce* déclin ont été étudiées ailleurs (page 336), il suffira ici de tracer un tableau rapide des principales fonctions chez le vieillard. Le sang esl plus pauvre en principes fixes, en globules et en albumine, plus riche en cholestérine -, la respiration est moins active; la capacitt vitale diminue ; la température du corps est un peu augmentée, quoique le vieillard soit plus sensible au froid ; tous les phéno- mènes digestifs sont plus lents, plus difficiles ; la circulation n'es plus parfaite; les artères ossifiées, les veines dilatées, répartissen le sang d'une façon inégale et amènent des troubles dans I( fonctionnement de la plupart des organes ; les dents se déchaus- sent et se perdent ; les cartilages s'ossifient; la peau se ride devient sèche et dure, et la respiration cutanée s'accomplit incom- plètement ; les cheveux blanchissent et tombent ; la taille et le poidi du corps diminuent ; la maigreur se prononce de plus en plus Les mouvements musculaires ont perdu leur énergie et leur pré cision ; la tête et les mains tremblent; la marche est moins assu rée;le rachis s'incurve; le larynx s'ossifie, les cordes vocale; perdent leur élasticité ; la voix devient cassée et chevrotante ; lî PHYSIOLOGIE DES SEXES. 1055 coiitraciilUé des fibres lisses des différents appareils organiques se perd peu à peu; la miction est dillicile, les digestions labo- rieuses, la défécation pénible. La sensibilité s'éraousse; l'œil devient presbyte, hypermétrope; la latitude d'accommodation se réduit peu à peu à zéro ; les milieux transparents se troublent (arc sénile); l'oreille est dure; le toucher moins délicat; les facultés intellectuelles s'affaiblissent; la mémoire se perd, etc., et ce déclin, s'accentuant toujours déplus en plus, amène la caducité et la décrépitude, si quelque affection intercurrente ne vient pas, ce qui arrive ordinairement, termhier l'existence. Les conditions histologiques de cette rétrogradation fonctionnelle de la vieil- lesse paraissent être la diminution de la quantité d'eau et la dégénérescence graisseuse de la plupart des éléments anatomi- ques, l'infiltration calcaire de certains tissus et en résumé une atrophie générale. IBil»liOg;i'niiliio. — Quételet : Physique sociale. Voir aus.si les traités d'hygiène. 2. — DES SEXES. 1° Influence de la sexualité sur V organisme. La sexualité influence toutes les fonctions de l'organisme , comme le prouvent les modifications profondes qui se produisent à la puberté et à l'âge de retour, et comme le démontrent aussi les résultats de la castration. Chez l'enfant, ces modifications sont peu prononcées, quoiqu'on en trouve déjà des traces, mais ce n'est qu'à la puberté que s'accusent les différences sexuelles. iS'ous allons passer rapidement en revue les principaux caractères qui distinguent, au point de vue physiologique, l'organisme féminin de celui de l'homme. La taille de la femme est moins élevée (de 7 à 8 centimètres) que celle de l'homme. Jusqu'à douze ans, l'accroissement de la taille suit à peu près la même marche dans les deux sexes ; à partir de cette époque, la taille s'accroît plus vite chez la femme, mais elle atteint aussi plus tôt son point culminant ; il en est de même, du reste, pour la plupart des fonctions de laffemme ; elles se développent pins vite, mais leur rétrogradation est pFus pré- coce. Le poids de la femme est moins considérable (de 9 kilogr. environ), elle arrive aussi plus lard (50 ans) au maximum de son 1056 PHYSIOLOGIE DE L'ORGA.MSME. poids. Le sang contiendrait moins de globules et de principes fixes et serait plus riche en eau; mais ces faits méritent confir- mation. L'appareil digestif est moins développé, la quantité d'ali- ments ingérés, et surtout d'aliments d'origine animale, moins considérable. La capacité vitale est plus faible (2.500 centimètres cubes/; la proportion du carbone bridé est moindre, et cette diffé- rence est plus accentuée encore après la puberté ; la perspiration cutanée est moins intense que chez l'homme; la respiration est plus fréquente; il en est de môme des battements du cœur, comme le montre le tableau suivant emprunté à Guy : FRÉQUENCE DU POCLS. FRÉOLENCE Df POCLS. A G B. -^ !"■ AGE. - — Il Homme. Femme. Homme. Femme 2 à 7 ans. 97 98 42 à 49 ans. 70 77 8 à 14 — 84 94 49 à 56 — 67 76 14 à 21 — 76 82 56 à 63 — 68 77 21 à 28 — 73 80 63 à 70 — 70 78 28 à 35 — 70 78 70 à 77 — 67 81 35 à 42 — 68 78 77 à 84 — 71 82 i La respiration se fait surtout d'après le type costal ou costo-1 claviculaire. La voix est plus haute, moins intense, d'un timbre plus doux. Le squelette est moins développé ; celui de l'homme forme 10 pour 100 du. poids du corps, celui de la femme 8 pour 100 seulement; les os sont plus grêles, les saillies d'insertion, les crêtes et les dépressions moins marquées ; certains os en par- ticulier et certaines régions (crâne, bassin, etc.) présentent des caractères distinctifs décrits dans les traités d'anatomie; les arti- culations sont plus fines, les ligaments et les tendons plus grêles, les muscles moins volumineux ; la force musculaire, mesurée au dynamomètre, est d'un tiers à peu près au-dessous de celle de rhomnie. La forme générale du corps, l'attitude, la marche, etc., sont différentes; la graisse accumulée dans le tissu cellulaire sous-cutané masque les saillies musculaires, déjà peu prononcées par elles-mêmes, et arrondit les formes; la ligne serpentine domine chez la femme, ce qui constitue une des conditions de sa beauté (Hogarth) ; la petitesse de la tête, la délicatesse des traits du visage dont ^i barbe ne masque aucun détail, la rondeur et la longueur du col, le développement des seins, la déclivité des épaules, la largeur du bassin, la conicité des cuisses, la finesse des extrémités, contrastent avec l'aspect physique de l'homme. PHYSIOLOGIE DES SEXES. 1057 Le cerveau est plus petit et moins pesant que celui de l'homme, et ses parties postérieures sont plus développées; le système nerveux est plus excitable, la sensibilité physique plus vive, les actions réflexes plus intenses. A ces ditîérences physiques correspondent des différences dans l'intelligence, la sensibilité, le caractère. L'intelligence a plus de vivacité et moins de profondeur, les associations d'idées se font plutôt dans l'espace que dans le temps, par contiguïté que par causalité ; la femme est plus apte aux idées particulières et indi- viduelles, l'homme à la généralisation et à l'abstraction ; le côté objectif domine chez la femme, le côté subjectif chez l'homme ; elle est plus passive, l'homme plus actif; l'inlluence de l'éduca- tion première persiste plus longtemps chez elle ; elle aime le merveilleux et le surnaturel et tombe facilement dans le senti- mentalisme, la religiosité et la superstition ; le doute l'effraye, quelque scientifique qu'il soit, et elle préfère croire sans vouloir tipprofondir ni raisonner sa croyance. L'amour, la maternité, la famille remphssent son existence, et son dévouement, susceptible de s'exalter jusqu'à l'héroïsme, a plutôt en vue les personnes que les idées. Son caractère est faible ; elle ne connaît ni l'inflexi- bilité des principes, ni la puissance de la raison; elle se guide i'après ses sentiments, ses passions, ses émotions de chaque jour; mais elle est natureJIemenl si bien douée que la raison seule ne serait pas pour elle un meilleur guide, et que l'homme ivec toute sa logique est bien souvent obligé de s'incliner devant ze merveilleux instinct de la femme. 2° Causes de la différence des sexes. Il naît en moyenne 106 enfants mâles pour 100 enfants du îexe féminin. Les conditions qui déterminent le sexe du produit ae sont pas encore connues. On ne sait ni pourquoi, ni à quel noment la sexualité apparaît. Existe-t-elledéjà dans l'ovule avant a fécondation, quoique le microscope ne révèle aucune différence, )u est-elle due aux spermatozoïdes, ou bien est-elle postérieure à a fécondation et tient-elle à la mère elle-même ? H est impos- sible de répondre à ces questions. L'alimentation paraît avoir de l'influence sur le sexe. Une lourriture insuffisante produirait des mâles; dans les deux tiers Beaunis, Phvs. 67 1058 PHYSIOLOGIE DE L'ORGANISME. des grossesses doubles, les jumeaux sont mâles. Le nombre des naissances de garçons serait plus grand dans les pays pauvres que dans les pays riches et dans les villes. La constitution des parents pourrait aussi, d'après plusieurs auteurs, déterminer le sexe du produit; l'enfant aurait le sexe du parent le plus fortement constitué. L'âge des parents semble aussi avoir une certaine inflaence. D'après Hofacker, quand le père est plus âgé que la mère, il y a plus de garçons que de filles; quand les âges sont égaux, il y a moins de garçons que de lillos; quand la mère est plus âgée, il y a beaucoup plus de fdles. Beaucoup de statistiques ne s'accordent pas avec ces lois. D'après Thury, le sexe dépendrait du degré de maturité de l'œuf au moment où il est fécondé; l'œuf qui, au moment de la fécondation, n'a pas atteint un certain degré de maturité, donne une femelle ; si ce degré est dépassé , il donne un mâle. Quand un seul ovule descend de l'ovaire, la fécondation donne une femelle au début de la menstruation, un mâle à la lin. Quand, dans une môme période, plusieurs œufs se détachent de l'ovaire, les premiers sont en général moins développés et donnent des femelles ; les derniers sont plus mûrs et donnent des mâles. On pourrait ainsi obtenir une génisse en faisant saillir une vache au début du rut, un veau en la faisant saillir à la fin. Cornaz, en suivant ces indications, dit avoir toujours obtenu des résultats exacts. Mais ces observations ont été combattues par beaucoup d'expérimentateurs. Enfin le sang joue peut-être un rôle dans la sexualité. Dans les cas de fœtus acardiaques, chez lesquels le sang vient d'un fœtus jumeau, dontles vaisseaux communiquent avec les siens, le fœtus acardiaquc a le môme sexe que le fœtus sain; dans ce cas, le sang déterminerait le sexe et les deux fœtus auraient le môme sexe parce qu'ils auraient le même sang. Les embryons seraient donc sans sexe jusqu'au moment où la soudure placentaire se produit, et les causes de la sexuahté résideraient non dans l'œuf, mais dans la mère. 3, — DE LA MORT. Lorsqu'on détache une partie du corps du reste de l'organisme, cette partie n'en continue pas moins à vivre pendant un certain temps ; ainsi une jambe coupée conserve encore pendant un DE LA MORT. 1059 temps pins ou moins long l'excitabilité de ses nerfs, la contrac- tilité musculaire, les propriétés vitales de son épiderme, etc. L'interruption de la circulation, la séparation d'avec les centres nerveux n'abolissent donc pas immédiatement Vàxie des éléments, des tissus et des organes; seulement ils sont fatalement condam- nés à mourir au bout d'un temps déterminé, quand ils auront épuisé les matériaux indispensables à la manifestation de l'activité vitale qu'ils possédaient encoref au moment de la séparation. Au moment de la mort, l'organisme humain se trouve tout entier dans le cas de cette jambe coupée ; la respiration est arrêtée, le sang ne circule plus, mais chaque organe continue encore à vivre, et la durée de cette vie locale, post mortem, varie pour chaque organe suivant sa structure, sa composition chimique, ses rapports, etc. Il faut donc distinguer la mort générale, somatique, de la mort locale ou moléculaire. La première suit immédia- tement l'arrêt de la circulation et de la respiration, la seconde ne leur succède qu'au bout d'un certain temps, et ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles, comme dans la fulgu- ration, que la mort somatique comcide avec la mort moléculaire et que les éléments et les tissus sont atteints en même temps que les grandes fonctions de l'organisme. Pour qu'un élément ou qu'un tissu puisse fonctionner, puisse vivre, il faut qu'il réunisse trois conditions : 1° l'abord de l'oxy- gène; 2" l'abord des matériaux de nutrition ; 3° une organisation déterminée. Cet élément, ce tissu mourra donc quand l'oxygène ou les matériaux de nutrition ne pourront lui arriver ou quand il sera désorganisé (chimiquement, mécaniquement, etc.). Le sang étant le véhicule de l'oxygène et des matériaux de nutrition, tout ce qui interrompra l'abord du sang (hémorrhagie, hgature, em- boUe, arrêt du cœur, etc.), tout ce qui empêchera le sang de recevoir de l'oxygène (arrêt de la respiration, destruction des globules rouges, gaz toxiques, comme l'oxyde de carbone, etc.) ou des matériaux de nutrition (inanition) deviendra une cause de mort. Ces diverses causes de mort peuvent agir sur tous les tissus et sur tous les organes. Quand un organe peu important est atteint, cet organe meurt, mais sa mort n'a pas d'influence fatale sur le reste de l'organisme ; mais si, au contraire, la cause de mort atteint un des organes qui sont nécessaires à la vie générale de l'organisme, le cœur, le poumon, le bulbe, etc., la mort locale lOGO PHYSIOLOGIE DE L'ORGA.MSME. de cet organe amène infailliblement, dans un temps plus ou moins court, la mort totale de l'organisme, la mort somatique. Ainsi, que le cœur cesse de battre par quelque cause que ce soit, la circulation s'arrête et la mort est presque immédiate. Du reste, quelle que soit, en dernière analyse, la cause éloignée de la mort, le phénomène qui la précède immédiatement, qui la dé- termine est toujours un arrêt du cœur et la cessation consécutive delà circulation. Que la mort arrive, comme on dit, par le pou- mon, par le bulbe, c'est toujours cet arrêt du cœur qui en cons- titue le fait essentiel. La mort naturelle est excessivement rare, et je ne connais pas, pour ma part, d'exemple de mort arrivée par le simple affai- blissement graduel des organes en dehors de toute lésion patho- logique. Presque toujours on meurt d'une maladie intercurrente; la mort dans ce cas est précédée d'une agonie dont la durée et les caractères varient suivant la nature de l'affection qui termine l'existence. Dans l'agonie, les différents organes et les différents appareils meurent les uns après les autres ; l'organisme meurt en détail, et cette disparition successive des fonctions vitales se ter- mine quand la mort envahit les deux appareils fondamentaux de la respiration et de la circulation. Quel que soit le genre de mort, l'agonie présente, en général, les caractères suivants : la face est livide, amaigrie (face hippo- cratique), les pommettes saillantes, les joues pendantes et flas- ques, le nez effilé et aminci : le front est couvert d'une sueur froide, visqueuse ; les yeux sont ternes, sans regard ; les pau- pières à demi baissées ; les lèvres décolorées et livides ; la bouche entr'ouverte découvre des gencives desséchées et des dents cou- vertes d'un enduit brunâtre ; le corps est inerte et s'abandonne aux lois de la pesanteur ; il est immobile, sauf quelquefois des mouvements involontaires et tremblotants des doigts et des» mains ; les extrémités sont froides et le froid gagne peu à peu les parties centrales; la respiration est faible; les mucosités accumulées dans la trachée déterminent à chaque temps de la respiration un râle trachéal (râle des agonisants) perceptible à distance ; les battements du cœur, d'abord plus fréquents, se ralentissent et diminuent d'intensité ; le pouls devient impercep- tible; la sensiidlité s'émousse, l'œil ne voit plus la lumière ; le mourant se croit dans l'obscurité ; l'ouïe se perd la dernière, il entend encore les personnes qui l'entourent; la voix est éteinte, DE hk MORT. 1061 à peine distincte ; la parole est hésitante, embarrassée ; il mar- motte des mots incompréhensi- bles ; l'intelligence peut être conservée, mais ordinairement elle est affaijjlie et quelquefois elle a tout à fait disparu; des lambeaux de sa vie passée, des sQuvenirs d'enfance, des rêves, tant(3t agréables, tantôt pénibles, paraissent traverser cette intel- ligence qui s'en va et en sont comme les dernières lueurs; c'est l'heure des retours sur soi- même, des regrets, des repentirs, mais c'est aussi l'heure des dé- faillances ; il n'y a plus ni vo- lonté, ni caractère; l'inertie psy- chique égale l'inertie physique. Peu à peu tous ces phénomènes s'aggravent ; la vie n'est bientôt plus qu'un souffle invisible, qu'une pulsation imperceptible; tout va finir, la dernière expi- ration se fait {fig. 2(3 Ij, le cœur s'arrête. L'homme n'est pourtant pas un cadavre; les organes, les tissus, les éléments vivenf encore d'une vie locale, jusqu'à ce que ces restes d'existence aient dis- paru aussi, jusqu'à ce que la mort moléculaire ait suivi la mort somatique et laissé le champ libre à la putréfaction cadavérique, seul signe absolu- ment certain de la mort réelle et totale de l'organisme. De la mortalité. — Sur les 1,200 millions d'hommes qui vivent à la 0G2 PHYSIOLOGIE DE L" ORGANISME. surface du globe, il meurt 80,000 hommes par jour et 55 environ par^ minute, et il en uait à peu prés autant. Sur 22 naissances, on compte un enfant mort-né; dans la première année, il meurt un dixième des nouveau-nés ; de 5 ans à la puberté, la mortalité diminue ; elle aug- | mente jusqua 25 ans; de 30 à 35 ans, elle atteint son minimum, puis' elle augmente de nouveau en s'aggravant au fur et à mesure des pro- grès de l'âge. La table suivante donne., pour la France, la mortalité par sexe et par âge (De Montferrand) : SEXE MASCULIN SEXE FEMIMX. VivTDtb. Mortalité. Vivants. Mortalité. 0.. 1.. 5 . . lii. . 15. . 2U. . 9 10.000 1,764 10,000 1,527 8,230 530 8,473 521 7,075 113 7^331 110 G, 676 55 6,940 45 6,475 39 6^743 43 6^245 57 6,518 51 5.867 67 6^236 57 5.597 48 5.956 56 5.358 68 5,663 60 5.097 50 5,360 63 4.820 62 5.038 67 4.492 66 4,691 73 4. lui 86 4,276 96 3. 046 111 3,7 61 118 3.002 138 3^083 149 2^293 151 . 2,325 156 1,477 173 1,482 166 760 109 772 112 285 60 273 42 84 20 84 20 19 6 19 6 1 — 1 — 30.. 35.. 40. . 45. . 50. . 55. . 60.. 65.. 70. . 75. . 80.. 85.. 90.. 95.. 100.. La durée de la vie moyenne est, en France, de 37 ans 7 1 1852'. Dans le premier quart du siècle, elle n'était que.de 32 ans î. On compte un décès sur 4i.48 habitants. Le tableau suivant, emprunté à Y Annuaire du Biweau des longitudes, donne la population, les naissances et la mortalité en France de 1861 à 1869 : AN.NtES. NAISSANCES. DÉCÈS. ACGVENTATIOS de la population ISGl ■ 1.005.078 866.597 138,481 18G2.... 995.167 812,978 182,189 18G3.... 1.012.794 846.917 165.87 7 186 £ .1,005,880 860,330 145,550 INFLUENCES METÉOROLOGIOUES. 10G3 ACGJIENTATIOX an;»ées. MAISSASCES. DtCÉS. de la population, 1865 1,005,753 921,887 83,866 18G6 1.006.248 884,573 121,675 1867 1,007,755 SGt^,887 140,868 1868 984,140 922,038 62^1i>2 1869 998,727 914.340 71.911 La morfalité est plus forte dans donne la mortalité pour cent pour certaines saisons. Le tableau suivant cinq pays, par saisons : France . . Angleterre , Belgique. . Hollande. , l'russe . . Janvier. Février. Mars. 28,00 28,013 31,098 31,30 28.498 Avril. Mai. Juin. 24,93 25,793 26^125 24,90 23.867 Juilift. Août. Septembre. 23,16 21^903 20,843 21.15 22.091 Octobre. Novembre. Décembre. 23.91 24,295 21^935 22,65 24,944 CHAPITRE TROISIÈME. ACTION DES MILIEIX SLR L'ORG.\MSME. A. — INFLUENCES MÉTÉOROLOGIQUES. 1° Température extérieure. D'une façon générale, le froid active la nutrition, la chaleur la ralentit. Pendant Fhiver, toutes les fonctions digestivcs sont exaltées; le corps -a"-ne en poids, il est plus riche en graisse. L'urine est plus abondante, plus aqueuse, mais la quantité absolue d'urée et de principes fixes au'^mente. Les respirations sont plus fréquentes et plus profondes ; on ins°pire plus d'oxygène et on élimine plus d'acide carbonique. La tem- pérature extér'ieure influence surtout les fonctions de la peau, circula- lion sécrétion sudorale.pcrspiration cutanée (voir page 719). Quelle que ' DE L'ELECTRICITE. 1071 Jf A, /il K du courant se transmet jusqu'au muscle, qui se contracte dans les deux cas. 3° Si le courant est très-faible, rexcitalion ne se produit que dans le point du nerf dont l'excitation a le plus grand effet, et on sait que c'est le point le plus éloigné du muscle; la contraction se produit donc à la fermeture du courant. B. Dans le courant descendant \firj. 2C5i : 1° Si le courant est fort, l'excitation de fer- meture F produira une contraction du muscle; l'excitation d'ouverture agissant sur une partie anéleclrotonisée, o. ne produira rien. 2° Si le courant est mo?jen, la contraction se fera à l'ouverture et à la fermeture du courant pour la même cause que précédemment. 1° Si le courant est très-faible, comme c'est l'excitation du point le plus éloigné du muscle qui détermine la contraction, il devrait y avoir contraction à l'ouverture du courant; mais comme l'apparition du katélecirolonus est un plus fort excitant que la disparition de l'anélecîrotonus, l'etTet produit par celle-ci est trop peu intense et la contraction ne se fait qu'à la fermeture du courant. La loi de Pflijger peut se formuler d'une façon plus générale encore : il y a irritation du nerf aussitôt que des forces extérieures quelconques viennent changer avec une certaine rapidité sa constitution moléculaire intérieure; un état sta- tique des nerfs n'est jamais accompagné d'irri- tation. Des courant? constants très-faibles peuvent aussi tétaniser le nerf. Pour les courants très- intenses, le tétanos ne se produit qu'à la rupture du courant {tétanos de Ritterr, il disparaît quand on ferme le courant dans la même direc- tion, et se renforce quand on le ferme dans la direction opposée; ce tétanos dépend d'une forte excitation par la disparition de l'anélectro- tonus; il cesse quand on sépare du muscle la région anéleclrotonisée, ce qui ne peut se faire que dans le courant descendant par une coupe entre les électrodes au point indi/Térent. Si le courant est plus faible et dure moins longtemps, ou si l'excitabilité est diminuée par la mort du nerf, au lieu d'un tétanos d'ouverture, on a une contraction pro- longée, puis une contraction simple. D'après la loi d'alternative de Volta, le passage d'un courant dans une certaine direction diminuerait l'irritabilité du nerf pour les courants Fig. 263. — Loi de PQûger, courant descendant. 1072 ACTION DES MILIEUX SUR ^ORGANISME. de même direction et l'augmenterait pour ceux de sens contraire. Mais Rosentlial a montré que cette loi est inexacte; l'irritabilité est aug- mentée au moment où l'on interrompt le courant qui agit et où l'on fait naître un courant de sens contraire; elle est diminuée au moment où Ton fait naître un courant de même sens que le premier et où l'on interrompt un courant de sens contraire. Mais ces lois n'ont leur valeur que pour des courants faibles ou moyens; pour des coui'ants très-forts, le tétanos de rupture qu'ils produisent est afTaibli par les courants qui commencent, renforcé par les courants qui finissent, quel que soit le sens de ces courants (Pflager). m Les lois de Pflùger sont applicables aussi aux nerfs d'arrêt, comme le^ pneumogastrique (Donders). Quand les courants d'induction sont très-faibles, ils se comportent comme les courants constants et rentrent dans la loi de Pflùger. Dans les nerfs sensilifs, le courant constant produit des sensations, non-seulement à l'ouverture et à la fermeture, mais pendant toute la durée du courant. Engelmann a prouvé que les lois de Pflùger sont aussi applicables aux muscles. D'après Heidenhain, quand on fait passer un courant cons- tant à travers un muscle fatigué, il recouvre son irritabilité; le rétablis- sement serait plus complet et plus persistant parle courant ascendant. L'apparition subite du courant électro-tonique dans la région extra- polaire du nerf peut agir comme excitant sur un autre nerf qui lui est accolé et amener ainsi une contraction ou un téta7ios secoiidaire. Il en est de même de la contraction paradoxale (voir p. 297 1; la variation électro-tonique du courant d'une libre agit sur l'autre comme excitante. 3. INFLUENCE DE l'ÉTAT ÉLECTRIQUE DE l'atmosphère. Le corps humain n'a pas en général le même état électrique que l'atmosphère et que les corps environnants, mais habituellement l'équi- libre entre notre corps et les corps ambiants s'établit sans phénomènes apparents, à moins qu'on ne prenne la précaution de l'isoler. L'électri- cité de l'homme est la plupart du temps positive, celle de la femme négative. Chez certaines personnes, le dégagement d'électricité libre est assez intense pour déterminer la production d'étincelles, spéciale- ment quand l'atmosphère est très-sèche et par conséquent conduit mal l'électricité. Ces phénomènes se présentent assez fréquemment dans certaines parties de TAmérique, et Carpenler, dans sa Physiologie, en cite quelques exemples curieux. Bibliographie. — E. CtOx : Principes d'électrothérajne. (Voir aussi la biblio- graphie page 732.) TOXICOLOGIi: PHYSIOLOGIQUE. 1073 C. — TOXICOLOGIc PHYSIOLOGIQUE. J'étudierai dans ce paragraphe un certain nombre de subsiances qui sont d'un emploi journalier dans les laboratoires de physiologie, soit pour faciliter rexpérimentation sur le vivant {anesthésirjucs et nar- cotiques), soit pour pénétrer et analyser le mécanisme des phéno- mènes vitaux en annihilant ou en exaltant leur activité. Le point de vue toxicologique et thérapouliqne sera donc forcément laissé de côté pour s'en tenir au point de vue strictement physiologique. 1. AXESTHÉSIQUES. Les anesthésiques produisent tous une sorte d'ivresse, des troubles de la sensibilité, la perte de la conscience et du sommeil. A haute dose, tous les mouvements réflexes sont abolis, et si leur action se continue, la inort arrive par l'arrêt des mouvements du cœur et de la respiration. Tous les anesthésiques sont volatils et agissent directement sur les centres nerveux auxquels ils sont apportés par le sang; tous décom- posent et détruisent les globules rouges, mais leur action anesthésique n'est pas liée à cette destruction, qui ne peut s'accomplir avec les faibles doses qui suffisent pour Tanesthésie. Seulement les analogies de com- position de la substance nerveuse et des globules rouges (lécithine, graisse, cholestérine) semblent indiquer que cette action anesthésique <'St due à une altération, quelque légère qu'elle soit, de la substance nerveuse. La durée d'action d'un anesthésique dépend de la rapidité de son élimination et, par conséquent, en grande partie de sa volatilité. Ceux dont l'action est la plus fugace sont aussi ceux qui sont les plus volatils. 1" Chloroforme, CHCP. L'action du chloroforme comprend deux stades : 1° un stade d'exci- tation des organes nerveux centraux; 2" un stade de paralysie. Dans le slade (T excitation, le cerveau est congestionné, la face rouge, la pupille rétrécie; le pouls et la respiration sont accélérés ; chez Ihomme, les sen- sations sont moins nettes, il y a des hallucinations, du délire, de l'agita- tion, etc. Quelquefois, tout à fait au début, on observe un raleutissement passager dn cœur et de la respiration, ralentissement réflexe consécutif à l'irritation des muqueuses nasale et respiratoire par les vapeurs de chloroforme, irritation qui se transmet aux centres d'arrêt du cœur et de la respiration. Le stade de paralysie arrive plus ou moins vite et se Beau.xts, Phys. 68 1074 ACTION DES MILIEUX SUR L'ORGANISME. traduit par les caractères suivants : sommeil, résolution musculaire, perte des réflexes, diminution de fréquence du pouls et de la respira- tion, pâleur de la face; on constate aussi une anémie cérébrale. Le ra- lentissement du pouls et de la respiration dans ce stade est dû à une action directe de la substance sur les centres cardiaque et respiratoire. La pression sanguine artérielle diminue, et la température intérieure du corps s'abaisse. La pupille est élargie par paralysie centrale du sphincter pupillaire; l'action du sympathique sur la dilatation de la pupille per- siste pendant tout le temps de la chloroformisation. L'utérus conserve sa contraclilité, mais un peu affaiblie. La salivation est augmentée. L'action sur les centres nerveux suit la marche suivante : la conscience du moi se perd la première, puis les cellules sensitives des sens spéciaux sont atteintes; les sensations conscientes, tactiles, visuelles, etc., disparais- sent lia conjonctive conserve la dernière sa sensibilitéi; mais les impressions qui déterminent les réflexes inconscients, tels que la déglu- tition, subsistent encore; bientôt elles sont abolies aussi et il ne reste plus que les impressions qui déterminent les actes automatiques, mon- vements du cœur et mouvements respiratoires. La perte de la sensi- biUté dans les nerfs sensitifs marche de la périphérie au centre; la peau n'est plus sensible quand les nerfs le sont encore dans leur trajet; les racines postérieures sont encore excitables quand le tronc nerveux ne l'est plus, et quand les racines ont perdu leur excitabilité, les cellules nerveuses sont encore sensibles et la strychnine peut encore déter- miner des convulsions. Quand Taction du chloroforme est portée trop loin, la respiration et les battements du cœur deviennent irréguliers et s'afl"aiblissent, et la mort arrive par l'arrêt de l'une des deux fonctions Dans le cas contraire. le réveil est ordinairement rapide. L'élimination du chloroforme se fait principalement parles poumons On n'a pas démontré d'une façon certaine sa présence dans les excré- tions et les sécrétions. Les lésions trouvées à l'autopsie consistent en lésions asphyxiques le contenu de la cavité crânienne exhale l'odeur du chloroforme; lî rigidité cadavérique se développe très-vite; le cœur est mou et relâché ou trouve quelquefois des bulles gazeuses dans le sang. La rapidité de l'intoxication chloroformique dépend du mode d'ab- sorption ; l'absorption est plus rapide par les inhalations; aussi est-ce la voie la plus usitée, soit qu'on place devant les narines une éponge imbibée de chloroforme (grands animaux, soit qu'on place les ani- maux sous une cloche dans laquelle on dégage des vapeurs d( chloroforme 'lapin, chat, rat, etc. Dans certains cas, comme pour leJ grenouilles, les salamandres, les poissons, on peut employer l'immer sion dans l'eau chloroformée. Certaines espèces, chats, lapins, oiseaux etc.. sont excessivement sensibles à l'action du chloroforme. Pou éviter autant que possible le stade d'excitation et l'agitation de l'animal TOXICOLOGIE riIVSIOLOGIQUE. 1075 dues en grande pariie à l'action irritante des vapeurs du chloroforme sur les muqueuses nasale et laryngée, on peut faire pénétrer directe- ment ces vapeurs dans la trachée. L'action de Xéther, C'H'^0, est à peu près identique à celle du chlo- roforme. Elle est seulement un peu plus lente et l'irritation locale est moins forte. II en est de même de l'action du sulfure de carbone, CS-. 2" Hydrate de chloral, C'HCPO,H'0. Sur la gre)iouille, l'hydrate de chloral a la dose de 0-^^025 à O-'-.OS, en injection sous-cutanée, produit un ralentissement de la respiration et un affaihlissement, puis la cessation des réflexes: cet état dure plu- sieurs heures. A la dose de O-'",! on a l'arrêt du cœur. Chez les lapina, une mjection sous-cutanée de l gramme détermine en quelques mi^ nutes un ralentissement de la respiration, un rétrécissement de la pupille, et un sommeil profond pendant lequel les réflexes disparais- sent; pour une dose de 2 grammes, le sommeil est très-rapide et la mort peut arriver avec \m refroidissement graduel de l'animal. Chez les chiens, il faut environ G grammes pour produire le sommeil. Quand Je chloral est administré en injections intra-veineuses par le procédé d'Oré (solution au quart., Tanesthésie s'obtient avec des doses plus faibles et elle peut être proiongée de façon à permettre les vivisec- tions les plus longues et les plus laborieuses. L'action du chloral se distingue de celle du chloroforme par l'ab- sence du stade d'excitation. Pour Cl. Bernard, il n'y aurait pas une véritable anesthésie, le chloral serait un hypnotique, et il le rapproche de la morphine. Liebreich avait admis une décomposition du chloral en chloroforme et acide formique, et dans ce cas les effets du chloral seraient dus au chloroforme dégagé; mais il ne parait pas en être ainsi. On n'a retrouvé de chloroforme ni dans le sang, ni dans l'air expiré, et on a constaté dans l'urine la présence du chloral. 3" Alcool, Q'WO. L'action de l'alcool est comparable à celle du chloroforme et de réther; comme eux il agit directement sur les centres nerveux, d'abord comme excitant, ensuite comme paralysant. Le stade d'excita- tion, qui existe chez les animaux à sang froid comme chez les animaux à sang chaud, se traduit par une accélération du cœur et de la respira- tion, de la chaleur de la peau, de l'injection de la conjonctive, etc. Le I07G ACTION' DES MILIEUX SUR L'ORGAXISME. stade de paralysie s'accompagne de ralentissement du pouls et de la respiration, avec abaissement de température, diminution des réflexes et état soporeux qui se termine par la mort (par arrêt du cœur et de la respirationi si Tintoxication est trop forte. L'action aneslhésique de l'alcool est beaucoup plus lente que celle du chloroforme et de l'étber, mais sa durée d'action est plus longue à cause de la lenteur de son éli- mination. Liebig croyait a une décomposition de l'alcool dans l'orga- nisme, avec production d'aldéhyde, d'acide acétique, d'acide oxalique, d'acide carbonique et d'eau, mais les recherches de Lallcment et Perrin ont montré qu'une petite partie seulement se transforme dans l'intestin eu acide acétique et que presque tout l'alcool introduit est éliminé en nature par les différentes excrétions dans lesquelles on le retrouve • urine, lait, bile, pcrspiration cutanée), et principalement par la respira- tion. L'alcool est donc transporté en nature par le sang jusqu'aux centres nerveux et agit directement sur les cellules de ces centres. 4" Des suhstances anesthésiqioes. Le nombre des substances douées de propriétés anesthésiques est considérable, et quoique celles qui viennent d'être étudiées soient les plus usitées, il peut être utile pour le physiologiste de connaître les autres anesthésiques qui pourraient être utilisés dans des circons- tances données. Tous ces anesthésiques appartiennent aux composés organiques du groupe des corps gras. Seulement la plupart de cea composés n'ont pas encore été l'objet d'une étude approfondie l'i. Parmi les carbures d'hydrogène, l'hydrure d'amyle, C^H'-, a des propriétés anesthésiques; parmi les alcools monoatomiques, il en serait de même, outre l'alcool ordinaire ou alcool éthylique, de l'alcool méthy- lique ou esprit de bois, CH^O, et de l'alcool amylique, G'H'-O. L'aldé- hyde, C-H^O, l'acétone (?), G^H^O, l'éthylène, C"-H' action faible analogue à celle du protoxyde d'azote), et surtout Uamylène, G^H'", sont aussi des anesthésiques. Mais les propriétés anesthésiques sont bien plus prononcées dans les produits de substitution chlorés des substances suivantes dont je donne ici Uénumération : Dérivés chlorés du gaz des marais, CH* : chlorure de méthyle, GH^CI; chlorure de méthyle monochloré, CH-C1-; chloroforme, CHCP; perchlo- rure de carbone, CCH. Dérivés chlorés de Ihydrure d'éthyle, C-H'^ : chlorure d'éthyle ou éther chlorhydrique, G-H^Cl; chlorure d'éthyléne ou liqueur des Hollan- ('y La plupart des renseignements donnés dans cet alinéa ont été em- pruntés à la Toxicologie d'Hermann. TOXICOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 1077 dais, C-H'*Cl-; chlorure d'élhylène monochloré (isomère du précédent), C-H'CI-; chlorure d'éthyle tétrachloré (éfher anesthésique). C-HC1\ Dérivé chloré du propylène, G^H" : îrichlorhydrine, C^H^GP (agirait coaime le chloral). Dérivé chloré de l'hydrure d'amyle, C'H'- : chloramyle ou éther amylchlorhydrique. G'H"i;l. Dérivés chlorés de l'aldéhyde, G-H'O-: chloral, C"-HC1''0; croton-chlo- ral, G^H^CFO. Les produits de substitution iodés et bromes paraissent aussi pou- voir agir comme anesthésiqucs; tels sont : le bromoforme, GHBr\- l'iodure d'amyle, G^H"I; l'hydrate de bromal, G-Hljr^O,H-0 (anesthésie générale sans sommeil i; l'hydrate d'iodal. C-HL^O.H-O. Enfin certains cthers acides volatils, comme rélhcr acétique, G^H'^O-, agissent comme aneslhésiques. Le protoxyde d'azote, Az-O, occupe un rang à part, parmi les anes- lhésiques. tant par sa composition chimique que par son action. Son action est beaucoup plus fugace que celle des substances précédentes, à cause de sa grande volatilité et de la rapidité de son élimination. D'après Hermann, et contrairement à l'opinion de quelques physiolo- gistes, il ne peut suppléer Toxygène, et, employé j)ur, il produit l'as- phyxie; les grenouilles meurent dans le protoxyde d'azote pur comme dans l'hydrogène. Chez l'homme, il produit une ivresse agréable (gaz hilarant), dont les effets sont bien connus et qu'il est inutile de décrire ici. Z. NARCOTIQUES. L'opium et la plupart de ses alcaloïdes ont une double action: une action excitante, convulsive, qui les rapproche de la strychnine, et une action somnifère, soporifique, qui les rapproche des anesthésiques. Si on classe ces alcaloïdes d'après leur action soporifique, ou aura, d'après Cl. Bernard, en allant du plus au moins, la série suivante : uarcéine, morphine, codéine; si on les range d'après leur action convulsivante, on a : thébaine, papavérine, narcoline, codéine, morphine; si on les classe d'après leur toxicité, on aura : thébaine lû^''", l tue un chien), codéine, papavérine, narcéine, morphine (il faut plus de 2 grammes pour tuer un chien», narcotine. Morphine, C''H'''AzO". — Chez la grenouille, son action ressemble à celle de la strychnine; il y a d'abord un stade d'agitation; bientôt le moindre contact détermine une crampe tétanique (ce stade manque souvent); enfin les appareils réflexes, puis le cœur et la respiration sont paralysés. — Chez le chien, une injection intra-veineuse de 0''",02 à 1078 ACTION DES MILIEUX SUR L'OIIGANISME. 0-'",05 de morphine produit le sonimeil au bout d'une minute d'agita-- tion; les réflexes sont abolis, à Texceplion du clignement par Tat- toucliement delà conjonclive; le pouls et la respiration sont ralentis; l'action sur le cœur paraît, du reste, peu marquée; les petites artères (pour de fortes doses) sont rétrécies('), ce qui amène une augmentation de pression sanguine; la pupille est ordinairement rétrécie; quelque- ' fois cependant on observe un élargissement pendant le coma; l'excita- bilité et les mouvements de rintestin sont augmentés. Lorsque la dose atteint plus de 2 à 3 grammes chez le chien, la mort arrive avec des convulsions. — Chez les lapins, le sommeil est moins profond et les convulsions se présentent plus facilement; il faut, chez eux, une dose relativement plus forte que chez les chiens. — Les oiseaux et spécia- lement les pigeons possèdent une immunité remarquable pour la mor- phine; il en faut pour tuer un pigeon, 0-'',05 à Qs'", 1 , en injection sous- cutanée. La morphine parait porter son action principalement sur les appa- reils sensilifs. L'association de la morphine et du chloroforme est excellente, chez le chien surtout, pour produire Tanestliésie et éviter la période d'exci- tation. Il suffit de donner de la morphine quelque temps avant les inhalations de chloroforme. La narcéine, G-^H-^VzO^, produit l'action hypnotique pure; le som- meil est très-profond, sans convulsions, et s'accompagne d'un ralentis- sement notable du pouls. La codéine, G'*H-'xVzO^ a une action analogue à celle de la morphine; le sommeil est beaucoup plus léger qu'avec la narcéine. La thébaine, G'^H-'AzO^ détermine des convulsions analogues à celles de la strychnine. Il en serait de même, quoiqu'avec moins d'in- tensité, de la narcotine, C-^R'-'AzO', cl de \sl papavérine, C-^W-KKzO'^ ; cependant Baxt considère la papavérine comme exclusivement som- nifère. Un dérivé de la morphine, l'apomorpldne, G''H^'AzO-, n'a aucune des propriétés essentielles de la morphine et agit surtout comme vomitif. 3. CURAEE. Le curare est une substance résineuse, brune, dont les indigènes de certaines parties de l'Amérique du Sud (Orénoque, Guyane) se servent pour empoisonner leurs flèches, et provient probablement de plantes de I (') Quelques auteurs admettent au contraire une dilatation. TOXICOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 1079 la famille desstrîjch/ios et des paullmia. Le principal caractère de Tem- poisonnement par le curare est une résolution musculaire sans con- vulsions; tout mouvement volontaire est aboli; les mouvements respi- ratoires finissent aussi par s'arrêter tandis que le cœur continue à battre; mais chez les animaux à sang chaud, l'arrêt de la respiration produit très-vite l'arrêt du cœur, tandis que chez les grenouilles, par exemple, le cœur continue à battre. Le mécanisme de l'action du curare a surtout été étudié par Cl. Ber- nard. Il a prouvé que cette substance agit sur les extrémités périphé- riques des nerfs moteurs < plaques motrices terminales > par la série d'expériences suivante : Si on lie l'artère d'un membre sur une gpre- nouille avant Tintoxlcation ou si on fait la ligature en masse du mem- bre, à l'exception du nerf, ce membre conserve les mouvements volon- taires, preuve que les appareils nerveux centraux ne sont pas paralysés par le poison; si on pince ou si on excite la peau de la grenouille dans une région intoxiquée, le membre lié fait des mouvements de fuite, preuve que l'intoxication n'atteint ni les nerfs ni les centres sensitifs. D'un autre côté, les muscles ne sont pas atteints non plus, car ils con- servent leur irritabilité. Restent les nerfs moteurs; or. deux expériences prouvent que ces nerfs ne sont paralysés que dans leurs extrémités périphériques : l« Si on lie l'artère d'un membre au niveau du genou, toute la partie crurale du nerf ischiatique sera soumise à Taction du curare; si alors on excite le nerf ischiatique dans Je bassin, les muscles de la cuisse ne se contractent pas parce qu'ils sont dans la sphère du poison, tandis que les muscles de la jambe et de la patte se contractent, preuve que la partie intoxiquée du tronc de l'ischiatique a pu trans- mettre l'excitation du bassin jusqu'à la jambe; 2° si on prend deux muscles de grenouille avec leurs nerfs, et qu'après avoir rempli deux verres de montre de solution de curare, on place dans un verre le nerf seul, dans l'autre le muscle seul, dans le premier cas, l'excitation du nerf, quoique plongé dans le curare, détermine la contraction du mus- cle, dans le second, l'excitation du nerf ne détermine aucune contrac- tion, mais le muscle se contracte s'il est excité directement. Les extrémités périphériques des nerfs vaso-moteurs sont aussi atteintes, mais beaucoup plus faiblement par le curare, aussi avait-on cru d'abord à une immunité qui n'est que relative. Les sécrétions, sa- live, larmes, urine, sont augmentées; il y a un diabète temporaire; la température s'abaisse. L'absorption du curare peut se faire par la voie stomacale, mais cette absorption est beaucoup plus lente que par les injections sous- culanées, ce qui l'avait fait nier complètement d'abord; seulement l'éli- mination (par les reins) se fait avec trop de rapidité pour que les acci- dents se développent; mais si on extirpe les reins, l'intoxication se produit. L'urine d'animaux curarisés peut empoisonner un autre ani- I 1080 ACTION' DES J.IILIEUX SUR rORGAMSME. mal. On a isolé sous le nom de curarine, G'H'\\z, le principe actif du curare. Son action est beaucoup plus intense. Le règ-ne végétal fournit un cerîain nombre de substances qui pos- sèdent une action analogue à celle du curare. Un fait remarquable, c'est que les combinaisons méthyliques, amyliques et éthyliques des alca- loïdes ont des propriétés comparables à celles du curare iméthyl- strycbnine, mcthylvératrine, etc.i. 4. ALCALOÏDES. l*^ Sti-fjchnine, C-'H"--Az-0-. — Chez la grenouille, de très-faibles doses sutlisent pour déterminer des convulsions. Ces convulsions ne sont jamais spontanées, mais elles sont produites par la plus légère excitation et se reproduisent par accès de quelques secondes; elles sont très-intenses et comprennent tous les muscles volontaires; leur cause est centrale, car si on coupe le nerf sciatique avant l'empoi- sonnement, les convulsions ne se produisent pas, tandis qu'elles se produisent si on lie Tarière du membre. Ces convulsions ont aussi leur origine dans la moelle., car elles persistent après la décapilation. — Chez les animaux à sang chaud, la nature réflexe des convulsions est moins évidente et les crampes prennent surtout le caractère de convulsions toniques des extenseurs. Le pouls est ordinairement accéléré, surtout pendant l'accès, 11 y a aussi une contracture tétanique des artères qiii amène une augmentation de pression sanguine. La mort dans l'empoi- sonnement par la strychnine a lieu par l'interruption de la respiration. Les oiseaux et les cabiais jouissent d'une certaine immunité vis-à-vis de la strychnine; il faut, pour les tuer, une dose 5 à 12 fois plus forte que pour le lapin. L'action de la strychnine parait consi.ster surtout dans une altération des appareils réflexes de la moelle et du cerveau, sans qu'on en -sache exactement le mécanisme. Sur quelle partie de l'arc réflexe agit-elle? Sur les cellules sensiiives ou motrices ou plutôt sur les libres nerveuses intermédiaires ? La question me paraît insoluble actuellement, La brucine, C'^H-^Vz^O^, a une action identique à celle de la strych- nine, mais plus faible. L'action de la nicotine, C"^'H"Az-, est tellement complexe, qu'il est impossible jusqu'à présent d'en tirer des conclusions pour ia physiologie. 2^ Atropine, C'H-WzO". — Chez la grenouille, elle détermine des crampes tétaniques de nature réflexe, mais seulement dans un stade très- tardif de l'intoxication. — Chez les carnivores, la marche est incertaine et vacillante ; la respiration se paralyse et s'abolit sans convulsions; le pouls est accéléré 'par paralysie des extrémités périphériques du pneu- mogastrique ; la pression artérielle augmentée. Pour de fortes doses, on TOXICOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 1081 observe au contraire une paralysie complète des centres moteurs car- diaques et une diminution de pression artérielle. L'intestin, 1 utérus, la vessie sont paralysés; les sécrétions, et en particulier la sécrétion salivaire. sont interrompues ; la pupille est dilatée .mydriases et cette action de l'atropine s'exerce certainement sur des centres situes dans nris ou dans le globe oculaire, car l'effet se produit sur un seul œil dans l'instillation monoculaire, et il se produit même sur l'œil de la grenouille extirpé de la cavité oculaire. Cette dilatation de la pupille tient à une paralysie du sphincter et peut-être en même temps a une excitation des fibres dilatatrices. Les lapins, les pigeons présentent une immunité remarquable pour l'atropine. En résumé, l'atropine agit à la fois sur les centres cérébraux et sur les appareils périphériques (action en partie excitante, en partie paralysante-. La daturiae et Xhyosciamine ont le même effet que l'atropine. 30 Fève de Calabar. Physostigminc. — La fève de Calabar a, sur presque tous les points, une action antagoniste de celle de 1 atropine. La sensibilité et la conscience sont conservées jusqu'à la mort; les muscles volontaires sont paralysés ; les muscles lisses sont le S'ege de contractions tétaniques intestin, utérus-; la respiration est d abord accélérée, puis ralentie; les vaisseaux sont le siège ae contractions spasmodiques suivies d'un relâchement; quant à lactiou sur le cœur et la circulation, les opinions sont trop divergentes pour qu on puisse en tirer une conclusion positive. Les sécrétions, et surfout les sécré- tions lacrvmale et sr.livaire, .vont augmentées; entin. action caractéris- tique la pupille est rétrécie et il y a crampe de l'accommodation, phé- nomènes interprétés d'une façon différente par les expérimentateurs. En résumé, la fève de Calabar agit surtout sur les centres nerveux, mais chez la grenouille du moins, il y a aussi paralysie des extrémités nerveu' GÉ.XÉRAL. 1087 par union réciproque: puis : l'ensemble des individus sembla- bles susceptibles de se féconder par union réciproque en don- nant des produits féconds ; puis enlin : l'ensemble des individus semblables susceptibles de se féconder eu donnant des produits indcfntiment féconds. En résumé, l'invariabilité et la persistance des formes à travers un nombre indéterminé de générations, telle serait la caractéristique de l'espèce ('). Ce n'est pas ici le lieu de discuter la valeur de ces définitions de l'espèce. Je me contenterai de faire remarquer que, malgré ce critérium si absolu en apparence, les zoologistes et les bota- nistes sont loin de s'accorder sur le nombre et la limitation des espèces tant animales que végétales, et que des formes intermé- diaires viennent ta chaque instant faire hésiter le naturahste et combler la séparation artificielle qu'il introduit entre les diffé- rentes espèces (-). 2'^ De l'origine des espaces. Aux deux conceptions de l'espèce qui viennent d'être exposées correspondent deux théories différentes sur l'origine des espèces. Pour les naturalistes orthodoxes, l'espèce est quelque chose de fixe et d'immuable ; les espèces sont permanentes dans l'espace et dans le temps ; elles ne peuvent varier que dans leurs carac- tères secondaires et accessoires; elles ont toujours été ce qu'elles sont, elles seront toujours ce qu'elles sont actuellement. Il y a donc eu autant de créations, successives ou simultanées, qu'il y a d'espèces, vivantes ou éteintes, à la surface du globe. Si tous les êtres vivants se ressemblent plus ou moins, si les espèces paraissent bées entre elles par certains caractères communs, c'est d'après une loi d'harmonie universelle, la cause première ayant, dans la série des créations successives, répété le même type 0) Voici la définition de Linné : Species tôt sunt quoi diversas formas ah initio prodiixit Infitv'tum Ens; quœ formœ, seeundum generationis inditas leges, produxere piures, at sibi sempei' siviiles. Ergo species tôt sioit quoi divei'sœ formœ seu struclurœ hodiedum occurrunt. ("-) Dans le Draba verna de Linné, Jordan, appliquant logiquement la définition de l'espèce, ne trouve pas moins de deux cents formes distinctes qu'il déclare être de véritables espèces, toutes autonomes et irréductibles entre elles. (Voir Xaudin : les Espèces affaits et la théorie de l'évolution. Revue scientifique, 1875, n'» 36.) lOSg THYSIOLOGIE DE L'ESPECE. SOUS des formes variables; la ressemblance des êtres vivants tient à l'unité de l'idée créatrice, il y a seulement identité de type, il n'y a pas identité d'origine. n est cependant peu de naturalistes qui admettent celte théo- rie dans toute sa rigueur. La plupart, peu conséquents avec leur ; principe, font dériver les différentes espèces de quatre ou cinq ; types primordiaux iMais ils ne réfléchissent pas que, par cette concession, ils ruinent eux-mêmes leur définition de l'espèce, puisqu'ils admettent qu'un seul type a pu donner naissance à un certain nombre d'espèces différentes, ce qui implique la varia-, bilité de l'espèce. Aussi ceux qui sont entrés dans cette voie, s'ils sont logiques, sont-ils obligés d'y marcher jusqu'au bout, comme l'a fait Darwin lui-même, qui, après avoir admis que tout le règne animal est descendu de quatre ou cinq types primitifs tout au , plus, n'admet plus maintenant qu'un seul type primordial. Ceci nous conduit à la seconde théorie, la seule acceptable dans ' les données actuelles de la science. Dans cette théorie il y a non- seulement identité de type, il y a identité dorigine: la ressem- blance des êtres vivants ne tient pas à une simple loi d'harmonie supérieure, à un plan créateur unique, elle tient aune communauté réelle d'origine; si tous les êtres se ressemblent, dans de certaines limites, c'est qu'ils sont tous issus de la même souche primitive. C'est la théorie connue sous le nom iVcvolution ou de transfor- misme, théorie formulée, pour la première fois, par Lamarck, et qui, depuis les travaux de Darwin, a pris rang dans la science. Il n'y a pas d'alternative possible entre les deux opinions: ou bien toutes les espèces ont dû leur apparition à une création, et la science n'a rien à y voir, ou toutes les espèces ont été formées en vertu de lois naturelles, et dans ce cas l'hypothèse de l'évo- lution est celle qui explique le mieux les faits; elle est par con- séquent, jusqu'à nouvel ordre , la seule que la science puisse et doive accepter: ses lacunes n'accusent que l'imperfection de la science: la première hypothèse en est la négation. Par quels procédés les espèces ont-elles pu ainsi se former et appa- raître dans le courant des siècles? C'est le mérite de Dar^'in d'avoir détermine, mieux qu'on ne l'avait fait jusqu'alors, les conditions qui in- terviennent dans cette formation. Ces conditions sont au nombre de quatre : la variabilité, la concurrence vitale ou la lutte pour Texistence, la sélection naturelle et l'iicrédilé. DE L'ESPÈCE EX GENERAL. 1089 1" Variabililé. — Tous les êtres vivants ont une aptitude plus ou moins grande à varier, c'est-à-dire à s'écarter, par quelques caractères, du type de leurs parents immédiats. Ces variations sont ou acquises et dues à des circonstances diverses (inHuence des milieux, habitudes, etc.), ou innées ou plutôt héritées, c'est-à-dire qu'elles ne sont que le retour d'un caractère qui avait autrefois existé chez un des ascendants et qui avait disparu pendant une ou plusieurs générations. Quand les varia- tions acquises sont légères, il y a formation d'une variété; quand elles sont notables, qu'elles portent sur plusieurs caractères ou sur des ca- ractères importants, comme ceux de la reproduction, et quand ces carac- tères sont devenus permanents dans une série de générations, il y a formai ion d'une espèce; l'espèce est donc une variété fixée, la variété une espèce commençante; pour que l'espèce se produise, il faut donc, comme on le verra plus loin, que l'hérédité et les autres conditions interviennent. 2" Lutte poiu^ l'existence. — Tous les êtres organisés tendent à se multiplier suivant une progression rapide. L'espèce humaine, dont la reproduction est très-lente, peut doubler en nombre dans l'espace de vingt-cinq ans. et si l'on prend la plupart des espèces végétales et ani- males, la progression est infiniment plus rapide. Il faut donc, et c'est ce qui arrive en effet, que des causes actives de destruction viennent entraver cette multiplication indéfinie. Ces causes sont multiples et ont été très-bien étudiées par Darwin; la plus importante, sans contredit, est le manque de subsistances. La loi de Malthus est applicable non- seulement à l'homme, mais à tous les organismes vivants, et le résultat est le même. Dans cette lutte pour l'existence, les individus les plus forts, les plus vigoureux, les plus rusés, ceux qui ont quelque carac- tère utile, pourront survivre, tandis que les faibles périront, et ce qu'il y a à remarquer, c'est que les variétés intermédiaires dont les carac- tères sont moins tranchés, moins accusés, tendront à disparaître les premiers, de façon qu'au bout d'un certain temps on ne trouvera plus, par exemple, que les deux variétés extrêmes qui apparaîtront alors comme deux espèces difFérentes. 3° Sélection naturelle. — Parmi les caractères acquis par la variation chez un individu, il en est d'indifférents, mais ceux-là ne jouent aucun rôle dans la formation ou le maintien de l'espèce; aussi ne doit-on avoir égard qu'aux caractères utiles ou aux caractères nuisibles à l'in- dividu. Quand ces caractères sont utiles, l'individu a plus de chances d'existence; il a plus de chances de mort quand ils sont nuisibles. Aussi on comprend comment, étant donnes tel milieu, tel habitat, tel climat, telle condition d'existence, une espèce s'accroîtra tandis qu'une autre finira par disparaître. 11 se prodsiit donc naturellement, parmi les êtres vivants, une]véritable sélection, analogue à la sélection artificielleà l'aide de laquelle les éleveurs produisent telle ou telle race. A la sélection Beaunis, Phys. 6'J* 1090 PHYSIOLOGIE DE L'ESPECE. Datiirelle se rattache la sélection sexuelle, à laquelle Darwin fait jouer un très-grand rôle dans ses derniers ouvrages. 4° Hérédité. — EnQn Phérédité est la dernière condition, et la con- dition indispensable, pour la formation des espèces. Pour que la variété devienne espèce, il faut que la variation acquise par Pindi'vidu se per- pétue et se fixe dans ses descendants, et cette fixation ne se produit que quand les caractères acquis sont utiles à l'individu ou à l'espèce, puis- qu'on a vu plus haut que, dans le cas contraire, l'espèce tend à dispa- raître. Il y a probablement d'autres causes que celles indiquées par Darwin, mais dans l'état actuel delà question, elles sont les seules qui puis- sent être invoquées si on veut s'en tenir à l'examen des faits. On a fait plusieurs objections à la théorie de Darwin. La principale est la suivante : Si toutes les espèces dérivent du même type primor- dial, on devrait retrouver les formes intermédiaires entre les espèces existantes. Mais, en premier lieu, on retrouve en effet, et chaque jour accroît leur nombre, ces formes de transition, et la meilleure preuve en est dans les divergences qui existent entre les naturalistes et dans les difficultés qu'ils éprouvent dans le classement et la délimitation des espèces. C'est ainsi qu'à la limite des deux règnes, végétal et animal, se trouvent des êtres t\u\\ est à peu près impossible de rattacher à Pun des deux règnes et qui constituent la transition de l'un à Pautre. C'est ainsi, pour ne citer qu'un exemple, que la lacune entre les vertébrés et les invertébrés semble devoir disparaître. On a trouvé récemment une corde dorsale dans les larves de certains mollusques tuniciers, les ascidies, et dans certaines espèces [cynthia) la queue de la larve d'as- cidie atteint un degré d'organisation tel qu'elle se rapproche de celle des jeunes poissons ou des têtards de batraciens. Ensuite, comme le fait remarquer Darwin, il ne faut pas considérer deux espèces exis- tantes comme provenant Pune de Pautre, et vouloir à tout prix trouver la forme intermédiaire entre ces deux espèces, mais il faut les considérer comme provenant toutes deux d'un ancêtre commun inconnu. Ainsi le pigeon-paon et le pigeon grosse-gorge ne descendent pas Pun de Pautre, mais ils descendent tous deux du pigeon de rocher et chacun par des formes intermédiaires qui lui appartiennent en propre. En outre, on a vu plus haut que les formes intermédiaires disparaissent plus facilement, pour ne laisser subsister que les formes extrêmes. Enfin, les documents géologiques et paléontologiques sont encore trop incomplets pour qu'on puisse objecter à la théorie de Darwin la non- existence de formes intermédiaires dans les terrains fossilifères, d'au- tant plus que beaucoup de ces formes ont été retrouvées. Quant àPobjection que jusqu'ici aucune espèce nouvelle n'a été for- mée sous nos yeux, elle tombe devant ce fait que l'espèce ne se forme que peu à peu et lentement, de sorte que les modifications successives DE L'ESPECE HUMAINE. 1091 *qui se produisent pour faire de la variété une espèce, ne peuvent être saisies à un moment donné, pas plus que nous ne voyons le mouve- ment de l'aiguille qui parcourt cependant le cadran d'une montre eu douze heures. D'ailleurs, si on leur monirait la production d'une espèce nouvelle pouvant se reproduire par le croisement de deux espèces différentes, les adversaires de la théorie s'empresseraient de dire que c'était à tort qu'on considérait ces deux espèces comme différentes puisqu'elles ont pu donner lieu à un produit fécond, et ils en feraient immédiatement des variétés. Comment maintenant ont pu se produire ces types primordiaux, germes et ancêtres de tous les êtres organisés? Ici encore les deux opi- nions sont en présence. Les uns admeKront une création, les autres, .et la solution me parait préférable, croient qu'il n'y a là qu'une trans- formation de la matière brute en matière vivante, faite sous certaines conditions qui nous échappent et d'après des lois naturelles. Je crois inutile, du reste, de rappeler les hypothèses émises sur ce sujet, puis- qu'il est impossible de les vérifier expérimentalement jusqu'à nouvel ordre. DEUXIÈME SECTION. DE L'ESPÈCE HUMAINE. 1° Des races humaines. Les caractères distinctifs de riionime et de l'animal ont été décrits page 33. Je me contenterai ici de donner les caractères essentiels des différentes races humaines. On a admis pour les classifications des races humaines trois bases différentes, varia- bles suivant les auteurs : l'organisation, la langue, l'habitat; de là trois espèces de classifications des races humaines : les classifi- cations anaiomiques, les classifications linguistiques, les chissi- fications géographiques. Dans un traité de ce genre, il ne peut s'agir que d'une classilication anatomique, et la langue et l'habi- tat ne peuvent être utilisés que pour confirmer les données de l'anatomie et de la physiologie. La classification anatomique s'appuie principalement, outre la forme générale, sur trois sortes de caractères : la couleur de la 1092 PHYSIOLOGIE DE L'ESPECE. peau, le système pileux et l'ostéologie, spécialement sur l'ostéo- logie du crâne. La plupart des uaturalistes suivent la classification adoptée par Blumeubach et divisent l'espèce humaine en cinq races :race blanche ou caucasiqae, race jaune ou mongole, race brune ou malaise, race rouge ou américaine, race noire ou éthiopienne. 1° Race caucasique. — Le cerveau est volumineux; le crâne est ovale, symétrique, ordinairement mésocéphale (indice cé- phahque entre 77 et 80), bien développé, et a une capacité qui varie de 1,400 à 1,572 centimètres cubes; le front est haut, sail- kmt, bombé; le maxillaire inférieur est petit, les dents verti- cales, le nez plus ou moins droit, ai longé, les cheveux lisses, clairs ou foncés, ayant souvent une tendance à friser. Elle habite l'Europe, l'Arabie, l' Asie-Mineure , la Perse. l'Indoustan et une partie de l'Amérique. 2° Race mongole. — Crâne pyramidal; face large, aplatie, pommettes saillantes; nez peu proéminent; yeux écartés, étroits et obliques; cheveux droits, gros et noirs ; barbe rare, peau oli- vâtre ; taille peu élevée. La puberté se développe très-vite dans cette race. Elle habite l'Asie et la partie nord de l'Amérique. 3° Race malaise. — Les Malais présentent des caractères assez variables ; ils ont le crâne élargi latéralement, ordinaire- ment brachycéphale ; les yeux sont noirs, largement ouverts, le nez épais, les lèvres grosses, les pommettes et la mâchoire sail- lantes, les cheveux noirs, lustrés, la peau brune tirant tantôt sur le jaune, tantôt sur le rouge. La puberté est précoce. Ils ha- bitent la Polynésie, les Philippines, l'archipel de la Sonde, la presqu'île de Malacca, Madagascar, etc. 4" Race américaine. — Le front est assez large, mais fuyant et déprimé ; les yeux grands et ouverts, le nez long et saillant, les lèvres assez minces, les cheveux noirs et lisses, la peau rouge ou cuivrée. Elle habite le nouveau continent. 5° Race nègre. — Le cerveau est petit, le crâne se caractérise par la dolichocéphalie et le prognathisme ; la capacité crânienne est de 1,347 centimètres cubes en moyenne et peut descendre à 1,228 (Australiens); le front est bas et fuyant, les yeux noirs ei foncés, le nez large et écrasé à sa racine, les lèvres épaisses, les cheveux noirs, rudes, laineux, la peau noire ou brune, les bras longs, les mollets peu saiUants, le pied plat. Ils habitent l'Afrique, l'Australie, Bornéo, Timor, etc. DE L'ESPÈCE HUMAINE. 1093 Le tableau suivant donne les classifications des races humaines d'après d'Omalius d'Halloy. Classification cVOmalius iVHalloy. Européen. Blanche. ; Araraéen Teutonne, Latine Grecque Slave. Erso-Kymri \ Basque, Berbère. Cophte. Sémitique. .• ■( ^''' iquc Géorgienne. Scythique, Germains. Scandinaves. Anglais. Français. Hispaniens. It iliens. Valaques. Grecs. Albanais. Russes Bulgares. Serbes. Slovences iCarniole, Carin- Ihie, Styrie). ^Vendes (Poméranie, Mec- klembourg). Tchèkes "Bohême, Moravie Polonais. Lithuaniens. Gaëls (Irlande, Ecosse). Kymris (Gallois, Bretons). Arabes. Juifs. Syriens. Persans. Afghans. Béloutchis. Kourdes. Arméniens. Ossètes (Caucase). Circassiens. Magyars. Turcs. Finnois. 1094 PHYSIOLOGIE DE L'ESPÈCE. Hyperboréen Jaune, Brune, Mongol . . Sinique , . Éthiopien . Hindou. . . Indo-chinois. Malais. . . Méridional, Rouge. Septentrional FAMILLES. Laponne. Samoïède. lénisséenne. lukaghise. Koriake. Kanitchadale. Esquimaux. Iakoute. Mongole . . Toungouse . ( Kalmouks. I Mongols. ( Bouriates. \ Toungouses. / Mandchoux. Tibétaine. Chinoise. Coréenne. Japonaise. Abyssiniens. Peuls. Hindoue. Malabare. Birmans. Péguans. Siamois. Annamites. Cambodgiens. l Malais. ■ Polynésiens. ( Micronésiens. (Ouichuas (Pérou, Équateuf). Antisiens (Bolivie). Araucaniens. ^ Pampéens (Patagonie, Rio-Colorado). j Chiquitéens (Bolivie). F Moxéens. 1 Guaraniens. I Xahuatis (Nicaragua). Otomis (Mexique). Floridieiis. Iroquois. Delawares. Sioux. Apaches. Peuplades du Nord. DE L'ESPECE HUMAINE. 1095 RAMEACX. Cafres. Occidental . . < llottentots Noire. . .^, ( Nègres. Papous. Oriental, . . > . , , , Andaniènes. 2° 0 y Ig 1716 de V espèce humaine. L'homme ne peut être isolé du reste des êtres vivants auxquels le rattachent étroitement des atlinités histologiques, anatomiques et embryologiques qu'il est impossible de récuser. Tous les élé- ments de l'organisme humain se retrouvent avec leurs carac- tères , leurs propriétés , leurs dimensions même , dans l'organisme animal ; qu'on prenne chez l'un et chez l'autre une cellule épi- théliale, une fibre musculaire, une cellule nerveuse, et, la plu- part du temps, il sera à peu près impossible d'en déterminer la provenance ; il y a évidemment des différences, surtout pour certains éléments et pour des êtres éloignés, mais, d'une façon générale, on peut dire que la ressemblance est la règle, et la dif- férence l'exception. Si l'on prend, au contraire, les êtres les plus rapprochés de l'homme, ce n'est plus de la ressemblance qu'il y a entre les éléments histologiques, c'est de l'identité. La parenté anatomique de l'homme avec les anthropomorphes a déjà été étudiée page 33, et on a vu que, comme l'a démontré Huxley, il y a moins de distance entre l'homme et les singes anthropomorphes qu'entre ceux-ci et les singes inférieurs; anatomiquement, il serait plus facile de faire un homme d'un gorille, qu'un gorille d"un cynocéphale. On se trouve donc conduit invinciblement à appliquer à l'homme la théorie de l'évolution, appliquée déjà à la formation des espèces animales, et il est difficile de ne pas arriver à cette conclusion si on examine de près les faits d'atavisme cités par Darwin dans son livre sur la descendance de l'homme , et par Hieckel dans sa 3Iorphologie générale. Cette parenté généalogique de l'homme peut seule expliquer les organes rudimentaires, les anomalies et une partie des monstruosités qu'on rencontre dans l'organisme humain. Si l'on n'admet pas cette théorie de la des- cendance de l'homme, il faut renoncer à expliquer une foule de 109G PHYSIOLOGIE DE L'ESPECE. phén-omènes physiologiques et pathologiques, et considérer comme des jeux de la nature des faits qui s'interprètent au contraire facilement si l'on admet la généalogie animale de l'homme et l'influence réversive de l'atavisme. Cela ne veut pas dire qu'on puisse trouver, dans une des espèces animales vivantes actuellement, les ancêtres directs de • l'homme ; il est plus probable, au contraire, que les deux déri- vent d'une souche commune, éteinte aujourd'hui, qui aurait , donné naissance, en passant par une série de formes intermé- diaires, aux anthropomorphes d'une part, aux ancêtres de l'homme primitif de l'autre. o'* L'homme iDréhistorique. D'après quelques auteurs (l'abbé Bourgeois), l'homme aurait existé déjà dans la période tertiaire (miocène); ainsi on aurait trouvé des silex taillés et des dessins avec des os de dinothérium. Mais les faits sont trop peu nombreux jusqu'ici pour qu'on puisse admettre sans réserve l'existence de l'homme tertiaire. L'existence de l'homme quaternaire, au contraire, paraît au- jourd'hui parfaitement démontrée. La période de Texistence antehistorique de l'homme peut se diviser en quatre périodes secondaires, auxquelles on peut donner le nom d'âge de la pierre brute, âge de la pierre polie, âge de bronze et âge de fer. r Age de la pierre brute {époque du diluvium, époque paléo- lithique). — L'homme de cette époque était contemporain du mammouth, de l'ours des cavernes, du rhinocéros à poils de laine l'r. thicorinus} et d'autres animaux disparus. Le renne était abondant (âge du renne), ce qui indique un climat ditfé- rti'iit du climat actuel. Le chien n'existait pas encore à l'état domestique. L'homme se servait d'instruments en corne, en os. en pierre. Les silex étaient d'abord simplement éclatés (âge de la pierre éclatée), puis taillés pour former des haches, des coins, des poinçons, etc. L'homme ne connaissait ni la poterie, ni les métaux; il ne connaissait pas l'agriculture, car on n'a pu retrouver de céréales. Il était probablement chasseur et, en cas de besoin, anthropophage. C'est à cette époc[ue que se rattachent les kjdkkenrndddings ou amas de coquilles trouvés en Dane- mark. Le squelette de cette race préhistorique est peu connu : I DE L'ESPUCE HUMAINE. 1097 le tibia est aplali, l'humûrus souvent perforé, la région mastoï- dienne effacée. Les cavernes à ossements paraissent appartenir à mie époque antérieure (âge des cavernes), et il semble y avoir eu à cette époque une race différente de la race ci-dessus; on a trouvé eu- effet des dessins sur os et sur pierre et des sculptures indiquant un certain sentiment artistique. Les crânes rencontrés dans ces cavernes (le crâne d'Engis, par exemple) ressemblent aux crânes actuels. 2" Age de la pierre polie (âge néolithique). — Les animaux de cette période sont le bos pnmigcnius, l'aurochs, l'élan, le cerf, le sanglier, le porc ; le chien, le bœuf, le mouton, la chèvre, le porc vivaient à l'état domestique; le cheval était rare, sinon in- connu. L'homme ne connaît encore aucun métal, sauf l'or, mais il polit ses instruments en silex ; il est agriculteur et pasteur ; il connaît le blé et l'orge et fait avec leur farine une sorte de pain ou plutôt de gâteau non levé. Il fabrique une poterie grossière, d'une cuisson très-imparfaite, sur laquelle il trace des dessins avec le doigt, avec l'ongle, avec une corde enroulée autour. II s'habille -de peaux de bêtes, mais sait déjà tisser avec le lin et le chanvre quelques étoffes grossières. Les cadavres sont ordinaire- ment ensevelis assis, quelquefois incinérés. Le crâne est brachy- céphale, l'arcade sourcilière épaisse. C'est l'époque des grands tumuli et de quelques habitations lacustres. 3° Age de bronze. — Les animoux domestiques sont plus nom- breux, et parmi eux on trouve le 'cheval. Il y a encore des ins- truments en pierre, mais les instruments et les objets de bronze sont très-nombreux; par contre, les objets en cuivre ou en étain pur sont excessivement rares. La monnaie est inconnue. Les po- teries sont plus variées, mieux faites. Les ornements des poteries et des objets de bronze sont formés de dessins géométriques (cercles, spirales, etc.) très-variés et souvent d'une grande déli- catesse d'exécution ; il n'y a pas de figures de plantes ou d'ani- maux. C'est surtout dans cette période que la vie nomade paraît avoir fait place à la vie sédentaire. C'est l'époque des habitations lacustres, des dolmens, des cercles et des rangées de pierres. Les cadavres sont ordinairement incinérés, ce qui explique la rareté des crânes de cette période ; quelquefois cependant ils sont enterrés assis. 4'' Age de fer. — Le fer remplace le bronze pour les armes, 1098 PHYSIOLOGIE DE L'ESPECE. les haches, les couteaux ; le bronze est encore conservé pour les poignées, les objets d'arts, les bijoux. La poterie est mieux faite et ressemble à la poterie romaine; le verre paraît. Les dessins d'ornementation consistent surtout en imitation de plantes et d'a- •nimaux. Les cadavres sont enterrés couchés. Bibliographie. — Lamarck : Philosophie zoologique et Histoire des animaux sons vertèbres, 1815. — Ch. Darwin : De l'Origine des espèces ; trad. parM""^ C. Royer, 1862, et la Descendance de Vhomme et la Sélection sexuelle; trad. par Moulikié, 1872. — Ch. Lyell : V Ancienneté de Vhomme; trad. par Chaper, 1861. — J. 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Bernard : Le- çons de physiologie expérimentale, 1854-1855; Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, 1865; Leçons de pathologie expérimentale, J871; Leçons sur les pro- priétés des tissus vivants, 1866. — Donders : Physiologie des Meruschen, 1856. — Flourens: Cours de physiologie comparée, 1X56. — Draper : Human physiology, 1856. — Milne-Edwards : Leçons sur la physiologie comparée de l'homme et des ani- maux, 1857-1875. — BÉRAUD : Éléments de physiologie, 1857. — Schiff : Lehrbuch der Physiologie, 1858. — J.-B. Bennett : Outlines of physiology, 1858. — Fick : Compendium der Physiologie, 1859. — .T.-C. Dalton : A treatise on human physio- logy, 1859.— G. -H. Lewes: Physiology of common life, 1859. — C. Vieuorot : Grundriss der Physiologie des Menschen, 1860-1861. — L. Hermann : Grundriss der Physiologie des Menschen, 1863 ; trad. française par Royb, 1869. — W. Wundt : Lehrbuch der Physiologie des Menschen, 1861,; tiad. française par A. Bouchard, 1872. — A. Raffaelb : Instituzione elementare di fisiologia umana, 1863-1864. — A. Flint : Physiology of man, 1865. — Ranke : Grundziige der Physiologie, 1868; 2" édit., 1872. — F. Lussana : Mannale pratico di fisiologia, 1866. — Liégeois : Traité de physiologie (incomplet), 1869. — K. Œhl : Mannale di fisiologia, 1871. — Ktlss : Cours de pjhysiologie; rédigé par M. Duval, 1872; 2"^ édit., 1874. — Beaunis : Programme du cours complémentaire de jJhysiologie fait à la Faculté de médecine de Strasbourg, 1872. — E . Bhucke: Vorlesungen Uber Physiologie, 1873. — J.Béclard: Traité élémentaire de physiologie, 6" édition. Publlcatious périodiques. — Journal de physiologie expérimentale de Ma- gendie, 1821-1828.— Journal de physiologie de Bbown-Sequard, 1858-1863. — DE ^ESPÈCE HUMAINE. i099 Journal de Tanatomie de Robik, depuis 18(34. — Archives de physiologie depuis 1SG4. — Revue des sciences médicales de Hayem. — Joh. Muller's Archiv. — Archivfiir Anatomie nnd Physiologie de Reichert et Du Bois Retmoxd. — Archiv fur die gesamrate Physiologie de F.-W. Pflûger. — Arheiten aus der physiologiscben An- stalt zu Leipzig de Ludwig. — Jahresbericht ûher die Leistungen und Fortschritte in der gesammten Medicin, parViKCHOW et Hirsch. — Bericht iiber die Fortschritte der Anatomie und Physiologie, par J. Henle et F.Meisssek. — Jahreslerichte iiber die Fortschritte der Anatomie und Physiologie, par F. Hofmaxn et G. Schwalbe. — Centralblatt fur die viedicinischen Wissenschaften. — Journal of anatounj and physiology, etc. — Consulter aussi les Comptes rendus des Sociétés savantes et en particulier les Comptes rendus de l'Académie des sciences, etc. NOTES ADDITIONNELLES NOTE I. Hayem : De la numération des globules du sang. (Addition à la page 84.) On fait le mélange du sang et du se'rum (liquide albumineux, se'rum iodé) dans une petite éprouvette ; le sang et le sérum ayant été aspirés dans des pipettes graduées, on connaît la quantité qu'on en a prise et par suite le titre du mélange. On dépose une goutte du mélange dans une cellule formée par une lamelle de verre épaisse de '/s de millimètre, per- forée à son centre et collée sur une lame de verre, et on recouvre d'une lamelle de verre. L'oculaire du microscope contient un micromètre oculaire, qui porte un carré divisé de '/$ de millimètre de côté, valeur de l'épaisseur de la cellule qui contient le mélange; le carré divisé de l'oculaire donne donc à l'œil de l'observateur la projection d'un cube de '/s de millimètre de côté, et en comptant les globules contenus dans ce carré, on aura le nombre de globules contenus dans un cube de '/s de millimètre de côté; en multi- pliant par 25, on aura le nombre de globules renfermés dans 1 millimètre cube du mélange, et en multipliant ce cbiffre par le titre du mélange, on aura le nombre de globules contenus dans i millimètre cube de sang. Dans ce procédé comme dans tous les procédés connus jusqu'ici, les causes d'erreur sont très-nombreuses. (Gazelle hebdomadaire, 1875, n» 19.) NOTE II. De l'acide du suc gastrique. (Addition à la page 159.) Contrairement aux recherches de Laborde, R. Maly n'a pu constater la présence de l'acide lactique dans le suc gastrique, La question, en somme, en étant toujours au même point, il me parait inutile d'entrer dans plus de détails. NOTE III. y^itesse de la transmission nerveuse dans les nerfs et dans la moelle. (Addition aux pages 300 et 1029.) Dana des recherches récentes, pour le détail desquelles je renvoie au mémoire de l'auteur, Bloch arrive à des conclusions qui contredisent sur NOTES ADDITIONNELLES. UOl "plusieurs points les conclusions admises jusqu'ici par les physiologistes. D'après lui, la transmission serait plus rapide dans la moelle que dans les nerfs; elle serait en moyenne de 194 mètres par seconde pour la moelle, de 132 mètres par seconde pour les nerfs. {Société de biologie et Gazette médicale de Paris, 1875.) NOTE IV. Sur le sang de la rate. (Addition à la page 497.) Malassez et Picard {Recherches sur le sang de la rate; Gazette médicale de Paris, 1875) ont trouvé le sang veineux qui revient de la rate plus riche en globules rouges que le sang artériel, et cette augmentation du nombre des globules rouges est plus considérable quand on paralyse l'organe par la sec- tion de ses nerfs. Le sang contenu dans le tissu splénique est aussi plus riche en globules que le sang artériel, et le sang de la rrte paralysée en contient plus que fe sang de la rate intacte. L'augmentat'on de globules dans la rate paralysée ne peut être attribuée à une simple concentration du sang. J. Tarchanoff et A. Swaen (Des Globules blanca dans le sang des vaisseaux de la rate-, Archives de physiologie, 1875) ont constaté que, contrairement à l'opinion généralement acceptée, le sang de la veine splénique contient or- dinairement moins de globules blancs que le sang de l'artère. La dilatation paralytique de la rate (p. r section de ses nerfs) détermine la diminution des giobules blancs dans le sang ve neux qui émane de la rate, que cette diminution tienne à leur accumulation dans l'organe, à leur destraction ou, ce qui est plus probable, à leur transformation en globules rouges. NOTE V. Procédé des injections caustiques interstitielles de Fauteur. (Addition à la page 990.) Je crois devoir donner ici la note adressée par moi à l'Académie de mé- decine le 17 mal 1868: Des injections interstitielles et de leur emploi en physiologie et en patholo- gie expérimentales. « L'extirpation physiologique, partielle ou totale, des organes et spéciale- « ment des organes nerveux centraux, s'accompagne en général de si grands o désordres, que les conclusions tirées de ces expérimentations sont pres- « que toujours entachées d'erreur et que ces expérimentations ns produi- « sent souvent aucun résultat. D'autre part, les lésions produites par les « simples piqûres ne sont ni assez profondes, ni assez étendues pour don- « ner des résultats positifs, « Le but des injections interstitielles est de remédier à ces ir.convénients. « Grâce à ce procédé, on peut détruire sur place tout ou partie d'un organe, « localiser la lésion autant que possible et la li hiter à volonté. « Ce procédé, applicable à tous les organes, trouve son utilité toute spé- 1102 NOTES ADDITIONNELLES. « ciale dans l'étude des centres nerveux, puisqu'il permet d'atteindre les « parties profondes inaccessibles jusqu'ici à l'instrument, ou accessibles « seulement au prix des plus graves mutilations. Ce procéda' peut aussi re- « cevoir, comme on le verra plus bas, une plus grande extension. « Le manuel ope'ratoire est très-simple. Comme instruments, un perfora-'^ « teur, s'il y a des os à traverser; une canule à trocart qu'on enfonce à une « profondeur déterminée d'avance dans une direction donnée, et une se- « ringue à injection sous-cutanée. « Le choix de la substance à injecter varie évidemment suivant le but a « atteindre. Les liquides injectés peuvent être: « 1° Des liquides inertes agissant mécaniquement par pression et disten- « sion; « 20 Des liquides corrosifs, détruisant la substance organique avec laquelle « ils sont en contact; « 3° Des liquides diffusibles pouvant se mélanger aux sucs propres de l'or- « gane ou du tissu, et agir sur lui par leurs propriétés médicamenteuses et « toxiques ; « 4° Des liquides solidifiables susceptibles de se solidifier après l'injection, « agissant d'abord mécaniquement, puis comme corps étrangers irritants « sur les tissus. « On pourra, du reste, faire varier, suivant les cas et dans les limites les « plus étendues, la température de ces différents liquides. « Il est préférable d'employer les liquides colorés naturellement ou arli- (f ficiellement, pour pouvoir à l'autopsie retrouver exactement les limites et « l'étendue de leur sphère d'activité. « Les injections interstitielles ouvrent donc un nouveau et vaste champ à « la physiologie expérimentale et en particulier à celle] des centres ner- « veux. Elles peuvent aussi servir aux recherches de physiologie patholo- « gique et de thérapeutique. « Les expériences à l'appui, dont la première a été faite dans mon cabinet « à la Faculté de médecine de Strasbourg, le 9 mai 1868, seront ultérieu- K rement communiquées à l'Académie. » Le pli cacheté qui contenait cette note n'a été ouvert que dans la séance de l'Académie du 23 juillet 1872, mais, dès 1868, une partie des expériences avaient été répétées publiquement dans mes conférences de physiologie à la Faculté de médecine de Strasbourg. TABLE ANALYTIQUE Pages. Aberration de réfrangibilité de l'œil 783 — de sphéricité de l'œil 779 Abiogénèse 343 Abscisses (Ligne des). ., xiii Absorption 323 — alimentaire '. . 408 — (Conditions de 1') 327 — cutanée 480 — de la graisse 244 — des albuminoïdes 408 — des gaz 244 — des graisses 409 — des liydrocarboués 409 — des liquides 244 — des rayons lumineux dans l'œil. 787 — des substances solubles 244 volatiles 244 — digestive 408 — d'oxygène 441,451 — générale 32G — locale 326 — lymphatique 324 — par les chylifères 415 — par les séreuses 4S2 — par le tissu cellulaire 482 — par le tube digestif 408,481 — pulmonaire 481 — (Rapidité de 1') 325,326 — (Rôle de répithélium dans 1') . . 243 — sanguine 324,414 — sécrétoire 411 — veineuse ,324 — vésicale 482 Absorptions locales 479 Accommodation 789,904 Accords 755 Page,. Accords consonuants 755 — de quatre sons 757 — dissonants 755 — majeurs 756 — mineurs 755 Accouchement 1042 Accroissement 334 Acétone 1076 Achromatopsie 827 Acide acétique i . . . 51 — benzoïque 51 — butyrique 52 — caprique 52 — caproïque 52 — caprylique 52 — carbolique 52 — carbonique 77,78,95,1083 (Origine de 1') 536 — cérébrique 52 — ehénotaurocholique 135 — chloropeptiquc 389 — cholalique 52 ï— choléique 52 — cholique 52 — choloïdique 52 — cryptophanique 52 — cyanhydrique 1084 — cyanurénique 124 — damalurique 52 — excrétoléiquo 52 — formique 52 — glycocholique 53 — hippurique 53,125 (Origine de 1') 528 — hyoglycocholiquo 135 — hyotaurocholiquo 135 1101 TABLE A.NALYTIQUE. Acide inosique 54 — lactique 54 (Origine de 1') 535 — libre du suc gastrique. . . 159,1100 — margarique 54 — oléique "54 — oxalique 54,121 (Origine de r) 535 — oxalurique 54 — palmitique 54 — paralactique 54 — peptique 389 — phéuique 55 — piiosphogiycérique 5j,5o1 — pneumique .55 — propionique 55 — sarcolactique 55 — stéarique 55 — succinique 55 — sulfocyanhydrique 55 — taurocliûlique 56 — taurylique 56 — urique 56,120 (Dosage de l') US (Origine de 1') 525 Acides 194 — aromatiques (Origine des). . . 535 — biliaires 51,130 (Origine des) 521 — gras volatils (Origine des) . . . 534 — inorganiques 45 — organiques 4(),4S — végétaux dans l'alimentation. . 367 Acouitine 1082 Actes instinctifs 316 — intimes de la nutrition 322 — psychiques 317 Action des muscles de l'œil. . . . 838 — psychique de la moelle .... 987 — réflexe 309 de la moelle 982 Actions nerveuses d'arrêt £20 Activité cérébrale, son influence sur l'urine 123 Acuité de la vue 773 Adaptation (voir : Acconimodation). Adolescence 1053 Aérotonomètre 438 .^sthésiomètre b77 — de Liégeois 888 .^sthésiométrique (Aiguille) . . . S75 Affinité élective des cellules . . . 216 Age de bronze 1097 — de fer 1097 — de la pierre brute 1096 — ds la pierre polie 10D7 Age, son influence sur la tempéra- ture du corps 722 — Son influence sur la voix. . . . 596 articulée 610 le lait 139 • l'élimination de l'acide car- bonique 415 le sang 105 ■ les mouvements respiratoires 571 sur l'urine 121 — viril 1053 Agglutination des sons articulés. . 615 Agonie 1000 Aiguille œsthésiométrique .... s75 Air complémentaire 426 — expiré 424 (Composition de F) ; . . . . 424 — — (Température de 1') 425 (Volume de 1') 425 — inspiré 422 (Composition de 1') 422 (Etat hygrométrique de 1'). . 423 (Pression de 1') 423 (Température de 1') 423 Albuminate basique 57 Albumine acide 57 — coagulée (Digestion de 1') . . . 385 — crue (Digestion de 1') 385 — de 1 œuf 57 — du sérum 57 Albuminoïlcs 50,58 — (Action de la bile sur les) . . . 395 — (Action du suc gastrique sur les) 382 — (Action du suc intestinal sur les) 398 — (Action du suc pancréatique sur les) .093 — i Caractères des) 5B — (Classification des) 59 — de l'alimentation 366 — de l'organisme 202 — (Digestion des) 407 — (Réactions des) 58 Albuminose 60,382 . — de cuisson 390 Alcalis 195 Alcaloïdes 1080 — dans l'alimentation 368 Alcaptone 60 Alcool 60,1075 — dans l'alimentation 366 — niéthylique 1076 — samylique 1076 Alcools 48,192 Aldéhyde 1076 Aldéhydes 193 Alimentaires (Substances) .... 'ù&i TABLE ANALYTIQUE. 1105 Pages. Alimentation exagérée ôlO — insuflBsante 505 — mixte. . . . ■ 508 — Son influence sur le lait. . . . 140 sur l'élimination d'acide car- bonique 445 sur le sang 105 sur l'urine 122 Aliments 356 ■ — accessoires 366 — albuminoïdes 366 — d'épargne 537 _ ,.ras 366 — hydrocarbonés 354 — minéraux 360 — (Préhension des) 622 — (Réaction des) 378 — simples 357 ^ Température des) 378 Allautoïne 60 Alphabet phonétique 614 Altérations phonétiques 611 Ame 8 Amétrope (Œil) 778 Ainétropie 777 Amibes 208 Amid>^s 197 Amidon 364 — (Action do la bile sur 1') . . . . 395 — (Action de la salive sur 1'). . . 379 — (Action du suc pancréatique sur 1') 392 — animal 365 — (Digestion de 1') , 407 Ammoniaque 60 — (Origine de 1') 533 Amphothère (Réaction) 136 Amplitude d'une Aabration .... 580 Amylalcool 1076 Amylène 1076 Amyloïde (Matière) 60 Analyse de la bile 131 — de la lymphe 111 — de l'urine 118 — du lait 137 — du sang 100 — spectrale physiologique .... 822 — théorique des sensations tactiles 883 Anapnographe 423 Auches composées 585 — membraneuses 5-<5 — rigides 585 Anatomie de la grenouille .... xxx Anélectrotonus 1069 Auesthésie localisée 882 Anesthésiques 1073,1076 Angiographe de Landois 663 Angle ascensionnel 835 — auditif 736 — de déplacement latéral 835 vertical 835 — de rotation de l'œil 836 — de torsion de l'œil 836 — visuel 772 Anhydrisation ;;59 Animaux à sang chaud 707 froid 707 — à température constante. . . . 707 variable 707 — (Caractères des) 26 Anthropomorphes 34 Antiarine l0-<2 Aphakie 793 Apnée 576 Apomorphine • . . . 1078 Appareil à flammes manométri- ques 601 — d'Audral et Gavarret 419 — de Du Bois Reymond xxiv — de Ludwig et Dogiel 603 — de J. Millier 740 — de Millier . 419 — d3 Pettenkofer 419 — de Regnault et Reiset 4i6 — lacrymal 862 Appareils xii Apposition. , 43 Arrachement du moteur oculaire commun f)03 — du spinal 943 Arrêt (Actions nerveuses d') . . . .320 Articulés (Sons) 597 Art musical 741 Asphyxie 57^ Assimilation 26,332,514 Astigmatique (Lentille) 783 Astigmatisme irrégulier 7so — régulier 780,781 Astigmomètre 7^53 Atomes 1 Atomique (Hypothèse) 1,2 Atropine 1O8O Auditif (Nerf) 929 Audition 732 Auditives (Sensations) 742 Aura seminalis 350 Auriculaire (Rameau) 947 Automatiques (Mouvements) . . . 3i5 Automatisme du cœur 061 — spontané des cellules nerveuses. 302 Axe auditif 736 — de rotation de l'œil 53.3 Beaunis, Phys. 70* 1106 TABLE ANALYTIQUE. Pages. Axe principal 762 — secondaire 762 4 Azote 76,78,95 Azotés (^Composés organiques) . . 4S Bâillement 574 Balancement des circulations lo- • cales 675 Baryton 592 Base de sustentation 547 Bases inorganiques 45 Bases organiques 48 — physiologiques de la psycho- logie ....'. 1016 Basse 5'.)2 Bâtonnets 806,827 Battement» 752 Besoin 304 Besoins 895 Bière 377 Bile 12S — (Action post-digestive de la) . . 3i'6 — (Analyse de la) 131 — Changements dans l'intestin . 135 — (Composition chimique de la) . 130 — (Gaz de la) 131 — incolore 521 — (Influence de la circulation sur la) 133 — (Influence de la digestion sur la) 133 — ( — de l'innervation sur la). . . 134 — (Physiologie comparée de la) . 135 — (Quantité de) 129 — (Rôle physiologique de la . . . 135 — Sa résorption dans l'intestin . 397 — Son action sur les albuminoïdes 395 Bile. Son action sur les aliments. 395 graisses 3n5 hydrocarbonés 395 — (Usages de la) 396 — (Variations de composition de la) 133 Bilifuchscine 60 Biliprasine 61 Bilirubine 61,130 — (Origine de la) 520 Bilivcrdine 61,131,521 Binoculaire (Diplopie 843 — (Vision) 841 Blaisement 611 Blastème 219 Blastoderme (Formation an) . . . 351 Boissons 376 — acidulés 377 — alcooliques 376 — gazeuses 377 — sucrées 377 Bol alimentaire 400,623 Bouillon 373 Bromoforme 1077 Brucine 1080 Bruit rotatoire des muscles . . . 276 Bruits 743 — du cœur 659 — vasculaires 680 Bulbe (Physiologie du) 991 Butalanine 61 Café 377 Calorimétrie 704 — indirecte 7u5 Canaux demi-circulaires (Lésion des) 929 Capacité pulmonaire 426,429 — vitale 426,430 Capsules surrénales 178,997 Caractères distinctifs des animaux et des végétaux ....... 26,29 Caractères dynamiques des corps vivants 19 Caractères essentiels de la vie . . 23 — généraux des corps vivants . . 17 — matériels des corps vivants . . 17 — morphologiques des corps vi- vants 19 Carbonates 363 — (Origine des) 537 Carbures d'hj'drogène 191 Cardiographe clinique 646 — de Legros et Onimus 64S — de Chauveau et Marey .... 6S6 — de ilarey 646 TABLE ANALYTIOIE. Il 70 Cardiographe simplp tîiî^ Cardiographie 646 iJardiomètre de Cl. Bernard . . . 6^ Carnine 61 Carnivores (Urine des) 124 Caséine 6l,13t5 — (Digestion de la) 385 — végétal'! (Digestion de la). . . 3s5 Castrats (Voix des) 597 Cathéter pulmonaire 49-> Cellulaire (Contenu) 2l4 — (Évolution) 219 — (Excrétion) 217 — (Irritabilité) 217 — (Nutrition) 21G — (Physiologie) 204 — (Sécrétion) 217 (Territoire) 218 — (.Théorie) 224 Multiplication) 219 Cellule 204,211,214 — (Membrane de) 212 nerveuse motrice 200 — nerveuse sensitive 290 — (Noyau de) 214 Cellules 214 — (Durée des) 223 — (Formation libre des) 219 — (Génération endogène des) . . 220 — (Génération par bourgeonne- ment des^i 221 — (Génération par scission des) . 221 — (Génération protoplasmique des) 219 (Mort des 223 — (Mouvement des) 218 nerveuses 300 — (Transformation chimique des). 223 Cellulose 3G5 Centre accélérateur du cœur. . . 955 — ano-spinal O'^G — cilio-spinal 98.i — convulsif 998 — d'arrêt du cœur 956 — de gravité du corps 547 — de la phonation 994 — de rotation de l'œil 833 — dos mouvements de dégluti- tion . 994 de la mâchoire inférieure. . 995 de la vessie 987 des membres 985 — ■ diabétique 994 — du dilatateur de la pupille. . . 994 — du langage articulé 1013 — expirateur 993 Pagrt Centre génito-spinal ygg — glycogénique gy^ — inspirateur 91)3 — moteur des muscles de Ja face. 995 — respiratoire 985,993 — salivai re 1195 Centres de tonicité musculaire . . 987 — moteurs do la substance corti- cale 1014 — nerveux Chimie des; 175 (Physiologie des) 977 — vaso-moteurs 9s7 Cercle chromatique 823 Cercles de diffusion 775 — de sensation 8S4 Céréales 375 Cérébrine gi Cérébro-spinal (Liquide) 11.5 Cérébrote (j2 Cérumen 142 Cervelet (Physiologie du) .... 1004 Chair musculaire (Digestion delà) 3St5 Chaleur animale 703 — Déperdition de) 710 Champ auditif 735 — tactile 881 — visuel SiO monoculaire 840 Chaos lumineux 800 Chatouillement 871 Chaussure exploratrice 551 Chaux (Sels de) 3i;2 Cheveux 171 Chimie IG — physiologique xii,43 Chloral 1075 Chloramyle 1077 Chloroforme 1073 Chlorophylle 26 Chlorure de méthyle 1076 monochloré 1076 tétrachloré 1076 — de sodium, comme aliment. . 360 — d'éthyle 1076 — d'éthylène 107G Chlorures 363 Choc du cœur 657 Cholestérine 62,131 — (Origine de la) 536 Cholétélinc 62 Choline 62 Chondrigène (Substance) 62 Chondrine 63 Chondroglycose 62 Chromatique (Cercle) 823 — (Toupie) 819 1108 TABLE A>'ALYTIQUE. Pages. Chromatique (Triangle) 824 Chuchotement 597 Chyle 83,112 Chyme intestinal 404 — stomacal 401 Cinchoniue 1082 Circulation artérielle (i65 — capillaire 676 — cardiaque 661 — cérébrale 1015 — dans les vaisseaux 664 — delà matière 18, 2S — des glandes salivaires 473 — fœtale 1047 — hépatique 466 — lymphatique 701 — oculaire 860 — pulmonaire 700 ■ — rénale 455 — sanguine 635 — veineuse 678 Classification des couleurs .... S23 Climat, son influence sur l'articu- lation des sons 613 Coagulation de la lymphe .... 110 — du lait 139 — du sang 97 Codéine 1078 Coefficient d'absorption 822 — de ventilation 433 Cœur (Action de la moelle sur le). 955 — (Action du grand sympathique sur le) 953 — (Action du pneumogastrique sur 1p) 037 — artificiel de Marey 64o,657 — (Automatisme du) 6ijl — (Bruits du) 659 — (Choc du) 657 — (Innervation du) 937,953 — (Innervation ganjjlionnaire du) 957 — (Irritabilité du) 663 — (Mouvements du) 646,653 — (Quantité de sang du) 662 — (Sensibilité du) C63 ■ — (Situation du) 651 — (Travail mécanique du) .- . . . 664 Cœurs agités de Wheatstone . . . 784 Coït 103S Collagène (Substance) 62 Colloïdes 18 CoHoïdine 62 Colorante de la bile (Matière) . . 62 — de l'urine (Matière) 63 Colorantes (Matières) 50 Colorées (Ombres) 831 Colorées (Phases) ,.i Colostrum I36,14'j — (Globules du) i40 Comma 745 Commutateur de Ruhmkorff . . . xxv Compas de Weber 877 Compression cérébrale 091 Concurrence vitale 10>9 Condiments 877 Conductibilité de la substance grise r, " — nerveuse 1 Cônes 806, -l'i^ Conscience 304,318, lOln — musculaire >yi Conservation de la force (Loi de la) 1Q Consonnance 754 Consonnes 599,606,610 — continues 607,610 — explosives 607,610 — gutturales 606 — labiales 606 — linguales 606 — (Mode de formation des). . . . 606 — muettes 607 — nasales 607,611 — vibrantes 607,610 Constantes optiques de Gauss. . . 763 Constitution , son influence sur le lait 140 Construction de l'image d'un point 762 [765 — d'un rayon réfracté .... 762,764 Contact (Sensations de) 874 Continuité des perceptions visuelles 853 Contractilité artérielle 674 — pulmonaire 565 Contraction idio-musculaire . . . 260 — musculaire 262 non métallique 725 (Phénomènes anatomiques de la) 273 ( — physiques de la) 276 physiologique 272 (Théorie de la) 277 Contralto 592 Contraste simultané des couleurs. 831 — successif des couleurs 831 Convergence des lignes visuelles. 845 Corde du tympan 923 Cornée 170 . Corps (Des) 16 Corps composés de l'organisme. . 44 — inorganiques 44 — gras de l'organisme 200 — simples de l'organisme 43 — striés (Physiologie des) 1003 TABLE ANALYTIQUE. 1109 '.rps thyroïde (Chimie du) . . . . drrélation des forces physiques . Jonches optiqiies(Physiologie des) oueniie inflammatoire Jouleur - du saDg inductrice induite .'ouleurs composées (Contraste des) fondamentales Mélange des) iiixtes 815 - (iloprésentation géométrique des) - simples - spectrales (Mélange des). . . . )oùrant musculaire - nerveux propre de la grenouille .... yourants d'inclinaison Pages. 179 3 1001 97 814 96 831 S31 815 831 824 815 ,816 823 815 817 726 72C) 726 728 Courbe musculaire. . Course — (Vitesse de la). . . Crachement Créatine — (Origine de la) . . CrL'atinine — (Origine de la) . . ("rème Crômomètre Cristallin (Chimie du). Cristalline Croton-chloral. . . . Crus ta phlogistica . . Curare Curarine Cylindre-axe — enregistreur Cyrtomètre de WolUez. Cystine Cytoblastème 63 Pa^cf. 26S 556 557 574 63 529 6.3 529 139 13S 172 171 1077 97 1078 lOdO 256 XIX 55S ,533 219 daltonisme 826 )arwinisme 1088 )aturine 1081 décharge nerveuse 302 décompositions dans l'organisme . 179 Dédoublements dans l'organisme vivant 182 Défécation 631 Déficit d'azote 447 Définitions de la vie 23,24 Déglutition 623 Démii.éralisation 360 Demi-ton 745 JDents 169 Déperdition de chaleur par l'orga- nisme 716 Désassimilation 27,333,519 Désliydratation 183 Désir 301 Oestniction des nerfs du rein. . . 454 — du pancréas 164 — du plexus cardiaque 975 — du sucre dans le sang 4C0 Développement 359 Dextrine 63 Diamide lactylique 63 Diapuomètre 234 Diastase salivaire 152 Diastole 649 — auriculaire 654 Diastole ventriculaire 655 Dicrotisme du pouls G73 Différence des sexes (Causes de la). 1057 Différences du sang artériel et du sang veineux 103 Digestion 356 — dans la cavité buccale 399 — dans le gros intestin 404 — dans l'intestin grêle 403 — de la caséine 385 végétale 3S5 — ^ de la chair musculaire 386 — de la fibrine 384 musculaire 385 — de la gélatine 385 — de l'albumine coagulée .... 385 crue 385 — de la légumine 385 — de la syntonine 385 — des albuminoïdes 382 — des hydrocarbonés 379 — des os 387 — des substances végétales. . . . 3:^7 — des tissus connectifs 387 — du gluten 385 — du lait 386 — du sang 387 — gastrique naturelle 391 — intestinale 403 Digestions artificielles 3S4 1110 TABLE ANALYTIOUE. Pages. Digestions artificielles (Vitesse des) 3S7 Digitaline . 1082 Dilatateurs (Nerfs) 967 Dioptrique oculaire 759 Diplopie binoculaire 843 Direction des objets 855 Disques papillotants 830 — rotatifs 809 — stroboscopiques 811 Dissociation 1S3,450 Dissonance 754 Distance des objets de l'œil. . . . 855 Dosage de l'acicle urique 118 — de l'hémoglobine 102 — de l'urée 118 Pages. Do>age des globules rouges. . . . 101 Douleur .s07 Dualisme 14 Durée de la circulation 697 — de la sensation auditive .... 749 — de la vibration sonore 580 Dureté de l'ouïe 749 — d'un intervalle 753 — du pouls 674 Dynamides Dynamique 4,16 Dynamomètre 545 Dyscliromatopsie 8i Dyslysine 63 Dyspeptone G3,3S3 Dyspnée 576 Eau dans l'organisme 41 — comme aliment 358 — formée dans l'organisme (Ori- gine de l'i 536 Eaux-de-vie 377 Échanges gazeux respiratoires . . 440 Echelles typographiques 793 Kctoderme 351 Effort 573 Éjaculation 1039 Elasticine 64 Elasticité artérielle 666 — musculaire 256 — pulmonaire 564 Élastine 64 Elastomètre 234 Electricité animale 724 — (luflueuce de 1') 1060 Electrisation de l'encéphale . . . ;»90 Electro-capillaires (Phénomènes) . 730 Electrodes. , xxvi — impolarisables xxvi Electrolytique (Cautérisation) . . . 991 Electrotonus 10G8 Elimination 328 — d'acide carbonique 442,4."il Emboîtement des germes 353 Embryogène (Vésicule) 348 Embryon (Physiologie de 1'). . . . 1044 Emission du son 589 Emmétrope (Œil) 777 Emmétropie 777 Émotions 309,1024 Encéphale (Physiologie de 1'). . . 990 Endoderme 351 Endosmose 233 Enduit imperméable sur la peau . 720 Enfance (Première) 3051 — (Seconde) 1052 Enregistreurs (Appareils) xiii Entérographes 630 Entoptiques~(Phénomènes) . . . . 784 Entotiques (Sensations) 749 Epidermose 04 Epigénèse 353 Epileptogène (Zone) 988 Épithéliale (Mue) 241 Épithélium 236 — (Capacité d'imbibition de 1'). . 240 — (Cohésion de 1') 240 — (Conductibilité de 1") 240 — (Consistance de 1') 239 — (Continuité de 1') 237 — (Plasticité de 1') 240 — glandulaire 238 — (Multiplication de 1') 241 — (Nutrition de 1') 241 — (Physiologie de 1') 236 — (Propriétés endosmotlques de 1') 240 — (Propriétés ph^'siques de 1') . . 239 — (Rôle protecteur de 1') 242 — (Sensibilité de 1') 242 — simple 236 — Son rôle dans l'absorption. . . 243 dans l'élimination 244 — stratifié 236 — tégumentaire 23S — (Transparence de 1') 24C Équation personnelle lOSC TABLE ANALYTIQUE. un Équivalent endosmotique 234 Érection 1037 Srgotine 1083 Erreur personnelle 1030 Eructation 629 Espèce l08ô — humaine 1001 — (Origine de 1') 1095 Espèces (Origine des) 1087 Etcrnuement 574 Éther 1075 — acétique 1077 — clilorhydrique. ...>.... 1076 Éthers 195 Ethylène 1076 Étuve XXII Evolution cellulaire 2l9 Évolution des corps 16 vivants 2i) Excitabilité de la moelle 977 — de la protubérance 997 — de la substance grise 301 — du bulbe 991 — nerveuse 287,293 — réflexe ' 311 — rétinienne 800 Excitants accidentels des nerfs. . 295 — de la r tiue 799 — iiètérologues 303 — homologues 30S — physiologiques des nerfs . . . 295 Excitation latente du muscle. . . 268 — rétinienne 799,805 Excito-moteur (Arc) 309 Excréation 574 Excréments 405 Excrétine 04 Pages- Excrétion biliaire 4GS — cellulaire 217 — de la sueur 463 — ovulaire 1036 — salivaire 47G — urinaire ^">32 Exhalation 244 — d'azote 447 — de vapeur d'eau 448,451 — interstitielle 329 Expectoration 574 Expérience d'Aristote 8S1 — d'Auerbach 988 — de Mariotte SOO — de Mile 777 — de Pfliiger 987 — de Scheiner 776 — de Volkmann >03 — de Wheatstone 814 Expiration 565,699 — forcée 5G6 — ordinaire 568 Expression 1026 Extériorité des sensations .... 1021 auditives 748 tactiles 880 visuelles 849 Extirpation de la rate 4y8 — de l'encéphale 990 — du ganglion cervical inférieur. 974* supérieur 974 — du pancréas 164 — du plexus cœliaque 975 rénal 975 — du premier ganglion thoraci- que 974 — du rein i53 Facial (Xerf) 922 Faim 357,895 Fatigue musculaire 275 — nerveuse 300 — rétinienne 812 Fèc. s 405 Fécondation 350,1037,1039 — anticipée 318 Fendillement 851 For 363 Fermentation 185 — urinaire acide 119 ammoniacale 119 Ferment diastasique 64 Ferment du sang 64 — hépatique 488 — inversif 64,399 — peptique 64 Ferments du suc pancréatique. . . 105 — figurés 187 — solubles 64,185 Févc de Calabar lOSl Fibre-axe 286 Fibre musculaire lisse 282 striée 2.i3 — nerveuse 286 Fibrine 64,90,109 — (Digestion de la; 384 1112 TABLE ANALYTIQUE. Pages. Fibrine musculaire (Digestion de la) 3S5 — solubl.^ 91 Fibrinogèiie (Substance) 65 Fibrinoplastique (Substance). . . 65 Filtratiou 232 Finesse de l'ouïe 749 Fissiparité 221,346 Fistules amphiboles 128 — biliaires 128,397 — du caual cholédoque 128 — du canal thoracique 108 — gastriques 156 — intestinales 166 — pancréatiques 161 permanentes 162 temporaires 161 — parotidiennes 145 — salivaires 145 — sous-maxillaires 146 — stomacales 155 — sublinguales 146 Flammes manométriques 600 Focal (Plan) 762 — antérieur (Plan) 762 — antérieur (Point) 762 — postérieur (Plan) 762 Focal postérieur (Point) Fœtale (Circulation) « Fœtus (Physiologie du) Foie — (Chimie du) — comme organe hématopoïétique — (Physiologie du) — statique d'un muscle — (Production de graisse dans le). Force Forces physico-chimiques — vitales Formation de la graisse de l'orga- nisme — des albuminoïdes de l'organisme — des glandes . . . — du blastoderme — physiologique des mots . . . . Forme de la vibration sonore. . . Fosse centrale Foyer principal — secondaire Fréquence des pulsations du cœur. — du pouls Fruits Fusion des images doubles .... — des secousses musculaires . . . PâRes. 762 1047 1044 483 176 493 4S3 275 493 1,3 4 516 515 239 351 615 580 804 762 762 660 673 376 845 270 Gaîne de Schwann 286 Galvanomètre 724 Galvanoscopique (Patte) 725 Gamme majeure 745 — mineure 746 — tempérée 747 Ganglion de Meckel 913 — géniculé 928 — ophthalmiqiie 911 — otique 919 — sous-maxillaire 920 — sphéno-palatin 913 Gaz de la bile 131 — de la lymphe 110 — de l'urine 117 — du corps humain 76 — du gros intestin 406 — du lait 137 — du sang 92,95 (Extraction des), ..'.... 92 Gélatine 65 — (Digestion de la) 385,407 Gemmiparité 221,346 Génération 343 — alternante 351 — asexuelle 346 — endogène 220 — équivoque 343 — par bourgeonnement. . . . 221,346 — par germes 346 — par scission 221 — par spores .346 — protoplasmique 219 — sexuelle 346 — spontanée 343 Genèse des corps 16 — des globules rouges 87 Glandes buccales (Liquide des) . . 150 — de Cooper (Liquide des). . . . 144 — du canal déférent (Liquide des). 144 — flottantes 108 — (Formation des) 239 — lymphatiques (Chimie des). . . 179 — — (Physiologie des) 495 — salivaires (Chimie des) 178 — vasculaires sanguines 494 TABLE A^'ALYTIQUE. 1113 Glandulaires (Nerfs) 971 Globe oculaire(Axe de rotation du) 833 — (Centre de rotation du) 833 — (Mouvements du) . . . 833,835,903 Globules blancs fc9 — — (Caractères des) 89 (Numération des) 89 — de la lymphe 109 — du colostrum 1-tO — du lait 136 — nerveux 285 — polaires 350 — rouges 84 ^ — (Caractères des) 84 — — (Composition des) 86 (Dosage des) 101 (Durée des) 89 — — (Influence de divers agents sur ks) 87 (Numération des) . . . . 84,1100 Globuline 65,171 Glosso-pharj'ugien (Nerf) 930 Glucose G5 Gluten (Digestion du) 385 Glutine 65 Glycérine 65 Glycine 65 Glycocolle 65 — (Origine de la) 523 Glycogène du foie 177,483 — (Formation du) 484 Glycogèues (Substances) 47,66 Glycogénie 4S3 — hlstologique 492 — placentaire 492 — post mortern 487 Glycose. . . • 06,177,365 — dans le sang 4S8 — du foie 487 — (Formation de la) 487 — (Réaction de la) 66 Page»- Gomme 365 — (Digestion de la) 407 Goût 868 — (Nerfs du) 870,916,927,932 Graisse de l'organisme (Formation de la) 516 Graisses (Action de la bile sur les) 395 — (Action du suc intestinal sur 1rs) 399 — (Action du suc pancréatique sur les) 393 — de l'alimentation * 366 — (Digestion des) 407 Grandeur des objets 854 — du pouls 674 — (Illusions de la) 854 Grand nerf auriculaire (Section du) 898 pétreux superficiel 928 Granulations moléculaires .... 191 Granulose 361= Graphique de la contraction mus- culaire lisse 2S4 — de la contraction pulmonaire. . 565 — de la course 557 — de la marche 555 — de la parole 605 — de la propagation de l'onde mus- laire 270 — du rii'e 57c — musculaire 268 du tétanos 271 — respiratoire 434,435,561 après la section des pneumo- gastriques 942,943,944 Grasseyement 611 Grenoxiille (Anatomie de la) . . . xxx — salée 505 Grossesse 1041 — Son influence sur le sang. . . . 106 sur l'urine 123 Guanine 67,531 Gustation S68 Habitude 1018 — Son influence sur la sensibilité tactile 883 Halitus sangitinis 96 Harmonie ijréétablie 25 — (Principes physiologiques de 1') 752 Harmoniques 5^2 Hauteur du son 580,743 Hématies 84 Hématine 67 — (Caractères spcctroscopiques de 1') 67 Hématocristalline 67 Héraatoïdine 67 Hématoïne 68 Hématoline 68 Hématoporphyrine 6S Hémautographie 673,680 1114 TABLE ANALYTIQUE. Pages. Hémine 68 Hémisphères cérébraux (Physiolo- gie des) 1011 Hémodromographe de Chauveau et Lortet C94 Hémodromomètre de Volkmann . 691 Hémodynamomètre de Poiseuille. 6S2 Hémoglobine 68,87 — (Caractères spectroscopiques del') 68 — (Dosage de 1') 102 — (Extraction de P) 86 — oxycarbouique 68 — réduite 68 Hémomètre de Mageudie 684 Hémotacliomètre de Vierordt. . . 693 Herbivores (Urine des) 124 Hérédité 20,1090 Hermaphrodisme 349 Hétérogénéité chimique des corps vivants 18 — organique des corps vivants . . 19 Hétérogénie 343 Histophysiologie 224 Holoblaste (Œuf) 318 Homme dans la nature (Place de 1') 33 — préhistorique, 1096 — tertiaii-e 1096 Hoquet 574 Pages. Horizon rétinien 836 Horoptère 842 Horoptre 842 Huiles essentielles 367 Humer (Le) 574,622 Hydrate de bromal 1077 — de chloral 1075 — d'iodal 1077 Hydrobilirubine 70 Hydrocarboués (Action de la bile sur les) 395 — (Action de la salive sur les) . . 379 — (Action du suc intestinal sur les) 399 — de l'organisme 201 — (Digestion des) 407 Hydrodynamique (Principes géné- raux d') 836 Hydrogène 76 — carboné 77 — sulfuré 77 Hydrure d'amyle 1076 Hygromètre gastnque 234 Hyosciamine 1081 Hypermétrope (Œil) 778 Hypermétropie 778 Hypoglosse (Nerf grand) 951 Hypothèse d'Young 824 Hypoxanthine 70 Iconoscope 85S Ictère des nouveau-nés 1051 Idées 1025 — innées 1018 Identiques (Points) 846 Idio-musculaire (Contraction). . . 260 Illusions de direction 856 — de la grandeur 854 Image accidentelle uégativw . . . 813 — accidentelle positive 8l0 — consécutive 810 — létiuienne 771 (Formation de 1') 771 (Renversement de 1') . . . . 772 Images consécutives colorées. . . 828 — complémentaires 82-i — de diffusion sur la rétine . . . 774 — doubles (Fusion des). ■ s45 — monochromatiques 813 Imbibition 232 — capillaire 232 Imbibition moléculaire 232 Impressions 308 Inanitiation 505 Inanition 503 Inconscience. . 1017 Indican 70 — (Origine de 1') 521 Indice de réfraction 761 — relatif 761 Indices de réfraction des milieux de l'œil 768 Indol 70 Injections caustiques interstitielles (Procédé des) 990,1101 Innéité 20 Innervation 732 — de la glande sous-maxillaire. . 475 — de la glande sublinguale. . . . 476 — de la parotide 475 — de l'iris 797 — des glandes salivaires 473 TABLE ANALYTIQUE. 1115 Innorvation du cœur 937,953 — du rein 461 — ganglionnaire du cœur .... 957 — musculaire sensitive 893 — (Physiologie de 1') 732 — Son influence sur l'articulation des sons 614 — Son influence sur la production de chaleur 721 Inorganiques (Acides) 45 — (Bases) 45 — (Composés) 44 — (Sels) 45r* Inosite 70 Inspiration 565,698 Instinct 316 Instruments à anches 5S5 — à cordes 584 — à vent 548 Page*. Intensité de la lumière 808 — de la sensation lumineuse . . . 811 — des sensations 1019 — d'une couleur 820 — du son 5)0,743 InterYalle 744 Intervalles 754 Iiitussusception 18 Inuline 365 lodure d'amyle 1077 Iris 7!)6,910 — (Innervation de r) 797 — (Mouvementa de 1') 796 Irradiation 811 Irrégularités des milieux transpa- rents de l'œil 784 Irritabilité cellulaire 217 — du cœur 663 — musculaire 259 Jaborandi 1081 Jambe oscillante 553 — portante 553 Jeunesse 1052 Justesse de l'oreille 749 K Katélectrotonus 1069 Kératine 70,171 Kyestéiue 123 Kymographion de Fick 684 — de Ludwig 684 Laboratoire de l'étudiant .... xxvii — de physiologie vu Lacto-butyromètre 13S Lactodeusimètre 137 Lactoprotéine 70 Lactose 70 Lait 135 — lAnalysedu) 137 — (Coagulation du) 139 — (Composition du) 136 — (Digestion du) 386 — (Gaz du) 137 — (Globules du) 136 — (Influences des causes exté- rieures sur le) 141 — (Influences des différentes fonctions sur le) 140 Lait (Influences des états de l'or- ganisme sur le) 139 — (Microzymas du) 139 — (Physiologie comparée du). . . 141 — (Rôle physiologique du) .... 142 — (Variations du) 139 — ( — spontanées du) 139 Langage 1027 — (Origine du) 618 Larmes 128 Laryngoscope 586 Laryngoscopie 5S6 Larynx artificiels 586 Latitude d'accommodation .... 790 Lavage du foie (Expérience da) . 487 Lécithine 71 — (Formation de la) 532 1116 TABLE ANALYTIQUE. Légumes herbacés Légumine (Digestion de la). . . . Légumineuses Lenteur du pouls Lettres Leucine — (Origine de la') Leucocytes Levier-clef de Du Bois Reymoud. Leviers Ligature de l'artère rénale. . . . — de la veine rénale — des conduits pancréatiques . . — des uretères — d'une anse intestinale Ligne auditive — d'accommodation — de base — de direction de la vision. . . . — de pression — de visée — visuelle Lignes visuelles ( Convergence des) Liqueur des Hollandais Liqueurs Liquide allantoïdien — amniotique — cérébro-spinal — des glandes buccales — des glandes de Cowper — des vésicules séminales — du canal déférent — prostatique Liquides du corps humain. . . . Localisation des perceptions vi- suelles — des sensations tactiles Pages. 376 385 375 673 614 71 530 89 XXIV 542 454 454 164 451 160 7.S6 791 834 771 638 772 834 845 1076 377 115 115 115 150 144 144 144 144 80 851 880 Pag«. Locomotion 551 Loi d'alternative de Volta .... 1071 — de Fechner lOlii — de Listing 836 — de Ptliiger 312 — de Waller 292 — des réflexes 312 — psycho-physique 1019 Lois de Grimm 613 — de Pfluger 1070 — des courants musculaires et ner- veux 727 — du mouvement 16 Longueur focale 764 Lueur oculaire 787 Lumière 758 — inductrice 828 — (Intensité de la) 808 — modificatrice 829 — primaire 828 — propre de la rétine — réagissante .... Lutéine .... 800 .... 829 .... 71 Lutte pour l'existence 1089 Lymphatique (Circulation) . . . . 701 Lymphe 82,108 — (Analyse de la) 111 — (Caractères organoleptiques de la) 110 — (Coagulation de la) 110 — (Gaz de la) 110 — (Globules de la) 109 — (Plasma de la) 109 — (Pression de la) 703 — (Quantité de la) 110 — (Variations de la) 112 — (Vitesse delà) 703 M Magnésie 363 Manège (Mouvements de) 100 i Manomètre à pulsations 666 — compensateur 684 — différentiel 684 Marche 551 — (Vitesse de la) 555 Margarine 71 Masse gazeuse des poumons . 425,431 Mastication 622 Matière 1,2,4,5 Matière sébacée 142 Maxillaire inférieur (Xerf) .... 914 — supérieur (Nerf) 911 Mécanique de la circulation . . . 635 — de la digestion 621 — musculaire 540 — respiratoire 558 Mécanisme accidentel 25 — de l'accommodation 793 — du passage des larmes dans les voies lacrymales 863 TABLE ANALYTIQUE. 1117 Pages. Mécanisme préétabli 25 Mécouium 1046 MéJium 593 Mélangeur-Potain 84 Mélanine 71 Membrane de cellule 212 — de précipitation 213 — vitelline 347 Ménopause 1035 Menstruation 1034 Mensuration du thorax 55S Méroblaste (Œuf) 348 Mérycisme 403 Métaglobuline 71 Métapeptone 71,333 Météorologiques (Influences) . . . 1063 Méthémoglobine 72 Méthode directe pour la respira- tion 416 — indirecte pour la respira- tion 420 Méthylalcool 1076 Mezzo-soprano 592 Micrographie 311 Microscope à vibrations 535 Microzymas 99,190 Milieux (Action des) 22,1063 Minimum d'écart S78 Moelle épinière (Physiologie de la) 977 — nerveuse 283 — osseuse 500 Moi (Le) 1023 Molécules 2 — organiques de BuflFon) 353 Mollesse du ponls 674 Monères 31 Moralité 13 Morphine 1077 Morphologie 16 Mort 22,1058 — des cellules 223 — générale 1059 — locale 1059 — moléculaire 22 — naturelle 1060 — somatique 22 Mortalité 1061 Moteur oculaire commun (Nerf) . 903 externe (Nerf) 922 Mots 617 Moucher (Le) 574 Moxivement 1,3 — de roue de l'œil 835 — des corps 859 — (Physiologie du) 538 Piges. Mouvement vibratile 251 Mouvements amoeboïdes 218 — antipéristaltiques 630 — automatiques 315 — cellulaires 218 — contractiles 213 — de l'enclume 739 — de l'estomac 627 — de l'intestin grêle 629 — de manège 1008 — de rotation 1003 — des jambes dans la marche. . . 553 — des liquides dans les tubes ca- pillaires 640 élastiques 642 ramifiés 639 rigides 637 — du cerveau 1015 — du globe oculaire . . . 833,835,903 — du gros intestin 631 — du marteau 739 — du tronc dans la marche. . . . 555 — intracellulaires 218 — péristaltiques 630 — respiratoires 565 ■ — vermiculaires. . . ; 630 — vibratiles 219 Mucilage 365 Mucine 72 Mucus 144 Mue épithéliale 241 Multiplication cellulaire 219 — des épithéliums 241 Muscarine luSl Muscle ciliaire (Action du). . . . 795 Muscles de l'œil (Actions des). . . 838 Musculaire (Conscience) 891 — (Sens) 891 Mycoderma cerevisiœ 119 Mydriatiques • . . . . 797 Myéline 72,286 Myographe comparateur de Nasse 265 — comparatif de Marey 264 — do Cyon 265 — d'Holmholtz 262 — de Marey 262 — double de Marey 264 — du cœur 648 Myographie 262 — du tissu musculaire lisse. . . . 232 Myographes 262 Myope (Œil) 778 Myopie 778 Myosine 72,172 Myotiques 797 Myxomycètes 206 1118 TABLE ANALYTIQUE. N Pages. Naissances 1043 Naphtylaminc 72 Narcéine 1078 Karcotine 107S Narcotiques 1077 Nasalisation 611 Nature des principes de l'orga- nisme 191 Nausée 628 Néphrotomie 453 Nerf auditif 929 — centrifuge i;90 — centripète 290 — crural (Section du) 899 — de Jacobson 933 — de Wrisberg 928 — facial 922 — glosso-pharyngien 930 — grand hypoglosse 951 — grand sympathique 974 — intercellulaire 290 — intercentral 290 — lacrymal 908 — maxillaire inférieur 914 supérieur 911 — médian (Section du) 899 — moteur 290 — moteur oculaire commun . . . 903 externe 922 — olfactif 902 — ophthalmique de Willis .... 906 — optique 902 — pathétique 905 — phrénique (Section du) .... 899 — pneumogastrique 933 — sciatique (Section du) 899 — spinal 948 — trijumeau 906 Nerfs (Capacité d'imbibition des) . 291 — ciliaires 907 — (Cohésion des) 291 — (Consistance des) 291 — des organes circulatoires , . . 953 — dilatateurs 967 — du goût 916,927,932 — (Élasticité des) ....;... 291 — (Excitants accidentels des). . . 295 — (Excitants physiologiques des). 295 Pages • Nerfs (Fatigue des) 300 — glandulaires 971 — (Nutrition des) 292 — (Physiologie des) 291,898 — (Points excitables des) 295 — (Production de chaleur dans les) 292 — (Propriétés physiologiques des) 292 — (Propriétés physiques des). . . 291 — rachidiens 898,901 — (Régénération autogène des). . 293 — salivaires 917,920,927 — trophiques 973 — vasculaires 959 — vaso-dilatateurs 967 — vaso-moteurs 960 Neurine 72,531 Névriue 72 Nicotine 1080 Nodal (Point) 761 Nodus cursorius , . . . 1004 Nœmatachographe 1030 Ncematachomètre 1030 Nœud vital 993 Nombre des mouvements respira- toires 571 — des vibrations 580 Note fondamentale 745 Notes additionnelles 1100 — de la gamme 745 Notions fournies par la vue . 849,854 Nouveau-né (Physiologie du) . . . 1050 Noyau de cellule 214 Nucléine 72 Nucléole 214 Numération des globules rou- ges 84,1100 Nutrition 321 — (Actes intimes de la) 322 — cellulaire 216 — des carnivores 511 — des épithéliums 241 — des herbivores 511 — des omnivores 512 — (Influence de l'exercice muscu- laire sur la) 512 — (Phénomènes généraux de la) . 332 — (Statique de la) 600 TABLE A-NALYTIQUE. 1119 Pages. Octave î*l Odeur du sang 96 Odeurs 864 Odorants (Corps) 864 Odorat 8G4 — (Usages de 1') 86S Odoroscopie 865 Œil (Action des muscles de 1') . . . 838 — (Axe de rotation de 1') 833 — (Centre de rotation de 1') . . . . 833 — idéal "66 — (Mouvements de 1') . . 833,835,903 — (Rayons de courbure de 1') . . . "67 — réduit 768 — schématique 766 Œuf holoblaste 348 — méroblaste 34S Oïkoïde 86 Oléine 72 Olfactif (Nerf) 902 Olfactifs (Excitation des nerfs) . . 86(3 Olfaction 864 Olfactives (Sensations) 867 Onde de contraction 269 Ophthalmique de Willis (Nerf) . . 906 — (Ganglion) 911 Ophthalmomètre 768 Ophthalmoscopie 788 Ophthalmotononiètres 861 Opium 1077 Optique (Nerf) 902 Optométre binoculaire 783 Page». Optométre de Perrin et Mascart. . 792 — df Stampfer 791 Optométrie 791 Ordonnées (Ligne des; xm Oreillettes ^Mouvements des) . . . 653 Organes Chimie des) 175 — lymphoïdes 4!)5 — nerveux périphériques. 287,290,307 Organiques (Acides) 46 — (Bases) 48 — (Composés) 46 — (Sel?) 49 Organisation 19 Organisée (Substance) 24 Organisés (Corps) 19 Organisme Physiologie de 1'). . . 1044 Origine de l'espèce humaine . . . 10i;'5 — des espèces 1087 — du langage 618 Os 169 — (Digestion des) 387 Oscillation 57S Osmographe 234 Osmopneumètre 234,235 Osséine 72 Ovulation 1033 Ovule 347 Oxydation dans l'organisme vivant 179 Oxyde de carbone 1084 Oxygène 76,77,95,1065 Oxyhémoglobine 6S Palmitine 72 Palpation 883 Pancréas (Chimie du) 178 — (Destruction du) 164 — (Extirpation du). . • 164 Pancréatine 165 Pancréatique (Suc) 161 Papavérine 107S Papille du nerf optique 800 Paradoxe de contraction 297 Paraglobuline 72 Pai-albamine 72 Parapeptone 72,383 Parélectronomique du muscle (Partie) 723 Parole 597 — (Caractères physiques de la) . . 613 Parthénogenèse 350 — histologique 352 Partie parélectronomique du muscle 723 Parties périphériques de la rétine. 805 Pas 555 — (Durée du} 556 1120 TABLE ANALYTIQUE. Page». Pas (Longueur du) 555 Pathétique (Nerf) 905 Patte galvanoscopique T25 Paupières 862 Pause expiratoire 5(38 — inspiratoire 570 Pédoncules cérébraux (Physiolo- gie des) 999 Pepsine 158 — (Rôle de la) 389 Peptogènes 159,477 Peptones 72,382 — (Production artificielle des) . . 390 Perceptions 1022 — A'isuelles 849 (Caractères des) 849 — — (Continuité des) 853 (Localisation des) 851 Perchlorure de carbone 1076 Perfectionnement des organismes. 31 Périmètre de Fœrster 841 Permanence de la force 2 — de la matière 2 Persistance du mouvement. ... 16 Personnel du laboratoire. . . . xxvii Perspirahile retentum 720 Perspiration insensible 463 Petit pétreux superficiel 928 Petitesse du pouls 674 Phases colorées 830 Phénakisticope 811 Phénol 73 Phénomènes post- digestifs dans l'intestin 415 Phénophthalmotrope 837 Phonation 577 Phosphates de l'alimentation. . . 363 — de l'organisme 537 Phosphène d'accommodation. . . 799 Phosphènes 799 Photomètre de Rumford 809 Phrénographe de Rosenthal . . . 561 Physiologie 1 Physostigmine 1081 Piézomètres 638 Pince myographique de Marey. . 266 Piqûre diabétique 994 Placenta (Physiologie du) 1044 Plan de regard 834 — de visée 834 — focal 762 — frontal 834 — médian 834 — nodal ' . . . . 762 — principal 762 — sagittal 834 Page». Plan transversal 834 — visuel 834 Plasma lymphatique 109 — musculaire 172 — sanguin 90 Plasmiue de Denis 73,91 Plasmodies de myxomycètes . . . 206 Pneumatomètre de Bonnet. . . . 428 Pneumogastrique (Nerf) 933 Pneumographe de Bert 560 — de Marey 560 Pneusimètre à hélice 428 Point de fixation 834 — de regard 834 — focal antérieur 762 postérieur 762 — nodal 761 — principal 762 Points cardinaux 763 — excitables des nerfs 295 — identiques 846 Polycrotisme du pouls 673 Polygraphe (Tambour du) ... . xvi Pomme de terre 375 Pompe à mercure 93 Position d'équilibre du thorax . . 562 — primaire de l'oeil 835 — secondaire de l'œil 835 — tertiaire de l'œil 835 Potasse (Sels de) 361 Pouls ^ 666,671 — (Caractères du) 672 — (Dicrotisme du) 673 — dur 674 — fréquent 678 — grand 674 — lent 673 — mou 674 — petit 674 — rare 672 — vite 673 Poumons (Chimie des) 178 Préfécondation 348,349 Première enfance 1051 Presbyopie 791 Presbytie 791 Pression abdominale 567 — artérielle 638 — atmosphérique 1064 — cardiaque 691 — dans les capillaires 690 — de l'air intra-pulmonaire. . 433,436 — de réplétion 691 — des gaz du sang 433 — intra-oculaire 861 — (Ligne de) 638 TABLE Â^'ALYTIQUE. 1121 Pages. Pression lymphatique 703 — sanguine 680 — (Sensations de) . . . . 871,873,875 Primates 33 Principal (Foyer) "62 — (Plan) 762 — (Point) 762 Principes constituants du corps liumain 13 — d'acoustique 578 — physiologiques de l'harmonie. . 752 Production de chaleur . . . . 703,712 — d'électricité 724 — des sons articulés 5iJ8,6l5 — (lu son 584, 58o Produits de désassimilation azotés. 520 non azotés 534 Prolégomènes 1 Propagation des vibrations so- nores 582 Pages. Prostatique (Liquide) 144 Protagon 7.3 Protéine 73 Protistes 2(5 Protoplasuia 205 Protoxyde d'azote 1077 Protozoaires 2o Protubérance ( Physiologie de la) 997 Pseudoseope ^^58 Psychique (Action) de la moelle.. 1)87 Psychiques (Actes) 317 Psychologie physiologique. . . . 1016 Ptyaline ^^^ Puberté l'>35 Punchim cœcum 800 — proxinium 7J0 — remotiun 779,790 Pupille 775,796,904 Pyine 73 Quadrumanes 34 Quantité de chaleur dégagée par l'organisme 711 — de lymphe HO — de salive 151 Quantité de sang du cœur .... 662 du corps 100 (Procédés d'évaluation de la) 100 Quinine 1082 Race; son influence sur l'articula- tion des sons 612 Races humaines 1091 — (Tableau des races) 1093 Rachidiennes (Racines) 899 Rachidiens (Nerfs) 899,901 Racines rachidiennes 899 antérieures 900 (Mise à nu des) 898 postérieures 899 Rare (Pouls) 672 Rate (Chimie de la) 177,178 — (Contractilité delà) 497 — (Extirpatiffu de la) 498 — (Physiologie de la) 496 Ration d'entretien 358 Réactif de Barreswill &^ — de Bogomoloff. 51 — de Gmelin 61 Beaunis, Phys. Réactif de Landolt 73 — de Liicke 54 — de Millon 59 — de Moore 66 — de Nessler 60 — de Pettenkofer 51 — de Piria 74 — de Piotrowsky 59 — de Salkowsky 73 — de Schérer 70,71 — de Strassburg 52 — d'Hoffmann 74 Réaction des aliments 378 — xantho-protéique 50 Réactions chimiques dans l'orga- nisme vivant 179 Récurrente (Sensibilité) 900 Réductions dans l'organisme vivant 184 Réflexe (Action) 309 71 1122 TABLE A.XÂLYTIQUE. Pages. Réflexes (Mouvements) 309 — (Sécrétions; 315 Réflexion de la lumière 760 Réfraction de la lumière 760 — oculaire 791 Réfrigération de l'-encépliale . . . 991 Régénération 340 — de la moelle 989 Région des crampes 998 Régions d'articulation .... 599,606 Registres de la voix humaine. . . 593 Régulateurs xxii Régurgitation 629 Reins (Chimie de>) 177 — (Physiologie des) 453 Releveurde la paupière supérieure 903 Renifler (Le) 574 Renouvellement de l'air dans les poumons 432 Répartition de la chaleur dans l'or- ganisme 714 Représentation géométrique des couleurs 823 Reproduction 343,1032 Réserve organique 341 Résidu respiratoire 426 Résonnateurs 583 Résorption de la bile dans l'in- testin .397 — interstitielle 3.30 — respiratoire 428 Respiration abdominale 572 — claviculaire 572 ■ — costale 572 Pagfs. Respiration cutanée 451 — dans une enceinte fermée . . . 448 — des tissus 331 — diaphragmatique 572 — interne 331,450 — intestinale 452 — (Physiologie comparée de la). . 452 — pulmonaire 421 — (Théories de la) 450 — thoracique 572 — végétale 26,27 Rétentivité 318 Rétine (Excitants de la) 799 — (Lumière propre de la) 800 — (Parties périphériques de la). . 805 Rétinienne (Caractères de l'excita- tion) 810 — (Conditions de l'excitation). . . 807 — (Durée de l'excitation) 808 — (Excitabilité) 800 — (Excitation) 799 i — (Fatigue) 812 I — (Mode de l'excitation) 805 I — (Nature de l'excitation) .... 805 Reviviscence 318 Rhythmedes mouvements respira- toires 568 Rigidité cadavérique 280, 2S5 Rire 574 Rôle physiologique du sang. . . . 106 Rotatifs (Disques) 809 Rotation (Mouvements de) .... 1008 Rumination 403 S Saccharates 365 Salive 145 — (Analyse de la) 153 — artificielle 146 — (Composition chimique de la) . 152 — de la corde du tympan 149 — du ganglion sous-maxillaire . . 150 — mixte 150 — paralytique 150 — parotidinnue 145,146 — (Physiologie comparée de la) . 154 — (Quantité de) 151 — (Rôle physiologique de la). . . 154 — Son action sur les aliments. . . 379 — sous-maxillaire 146,147 — sublinguale 146,150 — sympathique 149 Salives partielles 146,381 Sang 81,83 — (Analyse du) 100 — artériel 103 — (Coagulation du) 97 — (Couleur du) 96 — de la rate 104,497,1101 — des vaisseaux placentaires. . . 105 — (Digestion du) 387 — (Extraction des gaz du) .... 92 — (Gaz du) 92,95 — (Influence des divers états de l'organisme sur le) 105 — menstruel 105 — (Odeur du) 96 — (Pression des gaz du) 438 — ^Quantité du) 100 TABLE ANALYTIQUE. 1123 P ges. Sang (Rôle ph3'siologique dn). . . lOG — (Transfusion du) lOS — veineux 104,105 Sanglot 574 Santonine lOi'ii Sarcine 73,531 Sarcosine 7^ Saturation d'une couleur 820 Saturée (Couleur) 820 Schéma de l'appareil auditif . . . 735 — de l'organisme 32 — de Weber 614 ■ — du choc du cœur C58 Seconde enfance 1052 Secousse musculaire 268 Sécrétion 245 — biliaire 401 — de la sueur 401 — du suc gastrique 470 — du suc intestinal 479 — du suc pancréatique 478 — lacrymale 463 — lactée 409 — rénale 453 (Mécanisme de la) 458 — salivaire 472 — sébacée 471 — spermatique 471 — urinai re 453 Sécrétiou.s 245,453 — à ferments 145 — albumineuses 143 — (Caractères chimiques des). . . 217 — (Caractères physiques des). . . 247 — cellulaires •. . 217 — (Couleur des) 247 — digestives 145 — excrémentitielles 251 — excrémeuto-récrémentitielles . 251 — extractives 110 — graisseuses 135 — (Mécanisme des) 249 — morphologiques 247 — par desquammation glandulaire 246 — par filtration 215 — (Quantité des) 24S ^ récréineutitielles 251 — réflexes 315 — (Rôle des) 253 — salines 116 Segmentation du vitellus 351 Seigle ergoto 10H3 Sélection naturelle 10S9 — sexuelle 1090 Self-fertili:ation 350 Sols inorganiques 45 Sels inorganiques (Digestion des). 4o7 — organi(|ues 4;» Sens musculaire 891,1007 Sensations 3US, 309, 732, 1019 — auditives 742 consécutives 74s simultanées 752 — de contact «74 — de couleur si 4 (Caractères des) ,s20 — de froid f,87 — dépression 871, «73, 875 — de température (^^7 (Caractères des) ^ijsg — de traction 871,870 — (Kxi^. 'orité des) J021 — exteriies ;jot> — (Intensité d(>s) iqhj — internes 309, ."94 fonctionnelles sid — musculaires 891 spéciales 8<^'3 — (OV)jcctivité des) i02l — olfiictives 867 — (Physiologie des) 7;j2 — tactiles 870,873 (Analyse des) 883 (Caractères des) 880 composées 877 consécutives 880 des muqueuses 876 (Excitants des) 870 (Extériorité des) 880 (Localisation des) 880 simultanées 877 successives 879 — thermiques 887 — visuelles 799 — voluptueuses 896 Sensibilité de l'oreille 749 — musculaire 891 — récurrente 9)0 — suppléée 293 — tactile 873 — thermique 887 Serine de Denis 73 — de la soie 533 Seringue aspiratrico 146 Séroline 73 Sérosité du péricarde 115 Sérosités 115 Sérum lymphatique 1U9 — musculaire 172 — sanguin 91 Sérum-caséine 73 Sexe 1055 1124 TABLE ANALYTIQL'E. Sexe, son influence sur la voix. . le sang l'urine Sexualité Soif Solidité des corps '. . Sommeil Son fondamental — musculaire — propre de l'oreille — vocal Sons additionnels — différentiels — musicaux — par influence . — partiels — résultants Soprano Soupir Sourcils Spécialisation des organismes . . Spectre typique Spectre> d'absorption de l'hématine de l'hémoglobine Spermatine Spermatique (Sécrétion) Spermatozoïdes 143,348, Sperme — éjaculé — pur Sphygmographe à gaz de Landois. — à miroir de Czermack — de Béhier — de Longuet — de Marey — de Meurisse — de Vierordt — électrique Sphygmographie Sphygmomètre d'Hérisson .... Sphygmoscope Spinal Spiromètre de Boudin — de Schnepf — d'Hutchinson Spontanéité des cellules psychi- ques — vitale Station — hanchée — insymétrique — symétrique Statique de la nutrition Stéarine. Stercorine Stéréoscope de Brewster Pages. 5<:6 105 122 1055 8y6 8.56 1031 .581 276 734 577 5S2 5 52 743 583 5-tl "582 592 574 SG2 31 821 69 69 73 144 1032 143 143 143 670 669 668 668 667 660 666 670 6G6 666 687 94S 428 428 427 319 218 546 550 550 550 500 74 74 857 Pages. Stéréoscope de Wheatstone. . . . 856 Stéréoscopie 856 Stéréoscopique (Lustre) 858 Stétliographe double de Riegel. . 560 Stéthoinètre de Burdon-Sanderson 560 — de Quain 562 Strabisme 844 Stroboscopiques (Disques) .... 811 Stroma des globules rouges. ... 86 Strychnine 1080 Substance organisée 205 Substances alimentaires ..... 368 aiiimales 371 (Digestion des) 386 végétales 374 Succion 622 Suc de l'intestin grêle 167 — du gros intestin 168 — entérique 166 — gastrique 155 acide • 159 artificiel 158 (Composition du) 158 (Mode d'action du) 3>7 peptique 159 (Quantité de) 158 ■ (Rôle de l'acide du) 388 (Rôle physiologique du) . . 161 Son action sur les albumi- uoïdes 3S2 — intestinal 166 Son action sur les albumi- noïdes 398 aliments 398 graisses 399 hydrocarbonés 399 — intra-cellulaire 214 — pancréatique 161 artificiel 163 (Composition chimique du). 164 des fistules permanentes . . 164 des fistules temporaires. . . 164 (Ferments du) 165 (Quantité de) 164 (Sécrétion du) 166 Son action sur l'amidon . . 392 Son action sur les albumi- noïdes 393 Son action sur les graisses. . 393 Sucre 47,74 — dans le sang 488 — de canne 865 (Digestion du) 407 — de gélatine 74 — de lait 137,365,407 — du foie 487 TABLE ANALYTIQUE. I12i Sueur 125 Sulfates fie l'alimentation -363 — (le l'organisme (Origine des) . . 537 Sulfocyanure de potassium. ... 74 Sulfure de carbone 1075 Surface respiratoire 440 Sympathique (Nerf grand) .... 974 Synelcomètre 234 PasPî. Synovie 145 Synthèses dans l'organisme vivant 184 Syntonine 74 — (Digestion de la) 3x5 Système dioptrique centré .... 763 de l'œil 7f.6 Systole auriculaire 653 i — ventriculaire 6.55 Tableau des races humaines . . . 100.0 Tache jaune «04 '!';u'tiles (Sensation.s) 870,873 Tambour du polygraphe de Marcy xvi — pour recueillir les mouvements du thorax 559 Tapetum 789 Tapis 789 Taurine '1 — (Origine de la) 522,533 Télestéréoscope 858 Tempérament égal 747 Température des aliments .... 378 — du cerveau 1015 — du corps humain 707 — extérieure (Influence de la) . . 1063 Ténor 592 Tension de la membrane du tym- pan 737 — dynamique 684 — musculaire 257 — sanguine (voir: Pression). Tenue du son 595 Territoire cellulaire 218 Tétano-moteur 296 Tétanos de Ritter 1071 Thaumatrope 811 Tliébaine 1078 Théorie animiste de la vie .... 25 — - de BoTvmann 458 — de Du Bois Reymond 731 — do Kiiss 459 — de la contraction musculaire. . 277 — de la projection 846,848 — de la vision binoculaire .... 846 — de l'épargne 486 — de l'épuisement 940 — de l'interjiM-tion 620 — de l'onomatopée 620 — ■ de Ludv'ig 4.58 — des nerfs d'arrêt 940 — des points identiques 846 Théorie d'Hermanu 732 — einpiristique 848 — mécanique de la vie 25 — nativistique 84S — vitaliste 25 Théories de la génération 353 — de la respiration 450 — des courants nei-veux et mus- culaire 730 — des images consécutives colorées 829 Thormo-électriques (Aiguilles) . . 704 — (Appareils) 703 Thermomètres xiii,703 Thermométrie 703 Thoracomètre de Sibson 562 — de "Wintrich 5t)2 Thymus (Chimie du) 179 — (Physiologie du) 496 Timbre clair 595 — de la voix 595 — des voyelles 602 — du son 747 — sombre 595 Tissu connectif 170, 22o — musculaire lisse 174,2-<2 strié 172,2.52 — nerveux 174,285 Tissus (Chimie des) 1^>^ — connectifs 225 (Digestion des) 387 — cornés 171 — (Physiologie de?) 224 Ton 746 — d'une couleur 820 — majeur 745 — mineur • • 745 Tonicité musculaire 257 Tonique 745 Toucher 870 Toupie chromatique 819 Tourbillon vital de Cuvier .... 18 Toux 574 1126 TABLE AiXÂLYTIQUE. Toxicologie physiologique .... 1073 Traction (Sensations de) . . . «71,876 Transcription figurée des sons ar- ticulé.s 614 Transformation chimique des cel- lules 223 Tran.«formisme 1088 Transfu.73 r.iges. Vitesse du sang 691 — moyenne d'un liquide 638 Vivisections ix Voix .577 — (Agilité de la) 596 — articulée* 597 — b '.anche 595 — (Caractères de la) .590 — de fausset 593 — de poitrine 593 — des castrats 597 — de tête 593,594 — (ICteuduc de la) 591 — (Hauteur de la) 591 — (Intensité de la) 590 — mixte 593 — (Production de la) 587 — sombrée •'»95 — (Souplesse de la) 596 — (Timbre de la) 595 Volonté 102S Vomissement 628 Voyelles 599,602,609 — (Production artificielle des). . . 602 — (Timbre des) 602 Xanthine. ,531 Zézayement 611 Zoamyline. . 76 Zone épileptogène 988 Zooïde 86 Zoonites 353 Zymases 1*55 TABLE DES FIGURES Pages. Fig. I. Courbes de la contraction musculaire prises avec deux vitesses différentes XV — II. Tambour du polygraphe de Marey . XVI — III. Cylindre enregistreur XVIII — IV. Courbes de la contraction musculaire disposées en im- brication latérale XX — V. Étuve avec son régulateur à mei-cure XXI — VI. Régulateur par dilatation de l'air XXII — VII. Régulateur de Schlœsing XXIII — VIII. Pinces de Pulvermacher XXIII — IX. Appareil à chariot de Du Bois Reymond XXIV — X. Levier-clef de Du Bois Reymond XXV — XI. Commutateur de Ruhmkorff XXV — XII. Squelette de grenouille ; face dorsale XXXI — XIII. Squelette de grenouille; face antérieure XXXIII — XIV. Appareil musculaire de la grenouille; face dorsale , . XXXV — XV. Appareil musculaire de la grenouille; face antérieure . XXXVII — XVI. Système vasculaire de la grenouille. (Cl. Bernard.). . . XXXIX — XVII. Système nerveux de la grenouille grossi (en partie d'après Ecker) XLl Fig. 1. Schéma de l'organisme 32 — 2. Squelette de l'homme et des singes anthropomorphes, d'après Huxle\ 35 — 3. Crânes comparés d'Australien, de chrysothrix et de gorille, d'après Huxley 37 — 4. Acide hippurique , . . . , 53 — 5. Oxalate de chaux .* 55 — 6. Acide urique précipité par l'acide acétique 5f) — 7. Cristaux d'hémine fi7 — 8. Spectres d'absorption de l'hémoglobine et de l'hématine 69 — 9. Cristaux de leilcine et de tyrosine 71 — 10. Urée 75 — 11. Schéma de l'organisme 81 — 12. Schéma de l'appareil vasculaire 82 — 13. Globules du sang 85 — 14. Globules du sang de grenouille 8fi — 15. Globules du san^r de l'embrvon humain 88 TABLE DES FIGURES. 1129 Pages. Fig. 16. Pompe à mercure pour l'extraction des gaz du sang ... 93 — 17. Seringue pour extraire le sang 95 — 18. Appareil pour recueillir le chyle sur le bœuf 113 — 19. Phosphate ammoniaco-magnésien 120 — 20. Seringue aspiratrice I i6 — 21. Appareil pour recueillir la salive 147 — 22. Nerfs de la glande sous-maxillaire du chien 148 — 23. Fistule stomacale chez l'homme 155 — 2i. Canule à fistule gastrique 156 — 25. Fistule gastrique 157 — 26. Fistule gastrique incisée 157 — 27. Conduit pancréatique du chien 161 — 28. Chien de berger porteur d'une fistule pancréatique (femelle adulte) 162 — 29. Taureau porteur d'une fistule pancréatique 163 — 30. Anse d'intestin disposée pour recueillir le suc entérique . . 167 — 31. Cellules 204 — 32. Globules 205 — 33. Plasmodie de myxomycètes 207 — 3't. Amibe 208 — 35. Cellules de cartilage 212 — 36. Cellules pigmentaires d'Axolotl 215 — 37. Génération endogène 220 — 38. Génération par bourgeonnement 222 — 39. Tissu élastique embryonnaire. (Ch. Robin.) 227 — 40. Endosmomètre 233 — U . Épithéliums 236 — 42. Épithéliums pavimenteux 237 — 43. Cellules \-ibratiles 238 — 44. Cellules glandulaires 238 — 45. Formation des glandes 239 — 46. Fibre musculaire striée 253 — 47. Schéma de la fibre striée 254 — 48. Myographe d'Helmholtz 263 — 49. Myographe de Marey 264 — 50. Myographe de Cyon 265 — 51. Appareil pour mesurer la vitesse de l'onde musculaire. . . 267 — 52. Analyse de la courbe du raccourcissement musculaire. . . 268 53. Graphique de la propagation de l'onde musculaire .... 270 — 5i. Graphique musculaire du tétanos 271 — 55. Fibre musculaire lisse 282 — 56. Graphiques de la contraction musculaire lisse 284 — 57. Graphiques de la contraction musculaire lisse 284 — 58. Globule nerveux 286 — 59. Perfectionnements successifs de l'action nerveuse 288 — 60. Loi de Waller 293 — 61. Paradoxe de contraction 297 — 62. Transmission nerveuse 297 — 63. Réunion dun nerf sensitif et dun nerf moteur 298 1130 TABLE DES FIGURES. Pages. Fig. 64. Transmission nerveuse consciente 305 — 65. Arc nerveux simple 309 — 66. Arc réflexe double 310 — 67, Loi des réflexes 312 — 68. Superposition des centres réflexes 314 — 69. Sécrétion réflexe 316 — 70. Épitliélium simple et stratifié 324 — 71. Ovule 347 — 72. Spermatozoïdes 348 — 73. Voies de l'absorption digestive 413 — 74. Appareil de Begnault et Reiset 417 • — 75. Appareil de W. Millier 419 — 76. Schéma du cône pulmonaire 421 — 77. Spiromètre d'Hutchinson 427 — 78. Spiromètre d'Hutchinson 427 — 79. Spiromètre de Schnepf 428 — 80. Anapnographe de Bergepn et Kastus 429 — 81. Graphique respiratoire (femme) 434 — 82. Enregistrement direct des mouvements de l'air respiré (Bert.) 435 — 83. Graphique respiratoire (lapin) 435 — 84. Nerfs de la glande sous-maxillaire 475 — 85. Positions d'un os mobile par rapport à un os fixe 541 — 86. Forces qui entrent en jeu dans la marche 552 — 87. Positions successives des deux jambes pendant la durée de la marche 553 — 88. Graphique de la marche. (Marey.) 555 — 89. Graphique de la course (course peu rapide: Marey) .... 557 — 90. Tambour pour recueillir les mouvements du thorax. . . . 559 — 91. Tambour monté sur un compas 559 — 92. Pneumographe modifié de Bert 561 — 93. Graphique de la respiration (homme) obtenu par le pneu- mographe. (Marey.) 561 — 94. Rapport des poumons et de la cavité thoracique. (Funke.) . 563 — 95. Graphique de la contraction pulmonaire chez le chien. (Bert.) 565 — 96. Graphique de la contraction pulmonaire chez le lézard, (Bert.) 565 — 97. Glotte dans l'inspiration modérée, (Mandl.) 567 — 98, Glotte dans une inspiration profonde. (Mandl,) 567 — 99. Appareil pour enregistrer les changements de la pression intra-abdominale, (Bert,) 568 — 100. Graphique respiratoire (lapin) 569 — 101. Graphique respiratoire (femme) 569 — 102. Graphique respiratoire (homme) d'après Marey 570 — 103. Diagramme des divers modes de respiration. (Hutchinson.) 573 — 104. Graphique du rire 575 — 105. Vibration pendulaire 579 — 106. Interférence de deux ondes sonores 581 — 107. Correspondance de deux ondes sonores 581 — 108. Résonnateur d'Helmholtz 583 TABLE DES FIGURES. 1131 Pages. Fîg. 109. Action des muscles du larynx. (Beaunis et Bouchard.). . . 588 — 110. Disposition préalable pour l'émission d'un son. (Mandl.) . . 589 — 111. Occlusion de la partie ligamenteuse de la glotte. (Mabdl.). . 589 — 112. Rétrécissement de la glotte. (Mandl.) 590 — 113. Voix de poitrine ; sons graves. (Mandl.) 593 — 114. Voix de poitrine ; médium. (Mandl.) 593 — 115. Voix de poitrine ; sons aigus. (Mandl.) 59i — 116. Voix de tête; sons graves. (Mandl.) 594 — 117. Méthode des flammes manométriques de Kœnig ROC — 118. Appareil à flammes manométriques de Kœnig 601 — 119. Timbre des voyelles A, 0, OU, rendu visible par les flammes manométriques. (Kœnig.) 602 — 120. OU 60i — 121. 1 604 — 122. A 604 — 123. Graphi(iue de la parole à haute voix 605 — 124. P 608 — 125. T 608 — 126. K 608 — 127. F 608 — 128. R 608 — 1Î9. N 608 — 130. Mouvements de l'estomac 628 — 131. Schéma de la miction. (Kilss.) 634 — 132. Schéma de l'appareil vasculaire 635 — 133. Écoulement dans un tuyau rectiligne et de section uniforme. (Wundt.). 637 — 134. Écoulement dans un tuyau rectiligne de diamètre variable. (Wundt.) l 639 — 135. Écoulement d'un liquide dans un système de tubes ramifiés. (Wundt.) " 640 — 136. Appareil de Poiseuille 641 — 137. Trajectoire décrite par une molécule liquide. (Wundt.). . . 642 — 138. Trajectoire des molécules liquides dans le cas de coexistence du mouvement de translation et du mouvement d'ondula- tion. (Wundt.) 642 — 139. Schéma circulatoire de Weber 644 — 140. Graphique des mouvements du cœur chez l'homme. (Marey.) 647 — 141. Cardiographe de Marey 647 — 142. Cardiographe de Legros et Onimus 648 — 143. Graphique du cœur de la grenouille 649 — 144. Schéma des mouvements du cœur 650 — 145. Équilibre du cœur dans le thorax. (Hermann.) 652 — 146. Schéma de l'appareil auriculo-ventriculaire pendant la con- traction du ventricule. (Kiiss.) 654 — 147. Schéma de l'appareil auriculo-ventriculaire pendant le repos du ventricule. (Kiiss.) 654 — 148.. Schéma du choc du cœur. (Marey.) 658 — 149. Schéma d'un cône vasculaire. (Kiiss.) 665 1132 TABLE DES FIGURES. Pages. Fig. 150. Schéma des cônes artériel et veineux avec interposition des capillaires. (Kilss.) 665 — 151. Schéma de la grande et de la petite circulation. (Kiiss.). . C.65 — 152. Sphygmographe de Vierordt 667 — 153. Sphygmographe de Béhier 668 — 154. Graphique du pouls 668 — 155. Sphygmographe de Longuet 669 — 156. Analyse du tracé sphygmographique 672 — 157. Tube de Haies 681 — 158. Hémodynamomètre de Poiseuille 681 — 159. Manomètre compensateur de Marey 682 — 160. Manomètre différentiel de Gl. Bernard 683 — 161. Kymographion de Ludwig 685 — 162. Kymographion de Fick 686 — 163. Graphique du cardiograiihe sur le cheval. (Mare}'.). . . . 687 — 16i. Courbe des pressions dans le système vasculaire 688 — 165. Graphique de la pulsation de l'aorte et de la faciale. (Marey.) 689 — 166. Hémodromomètre de Volkmann 692 — 167. Appareil de Ludwig et Dogiel pour mesurer la vitesse du sang 693 — 168. Héraotachomètre de Vierordt 694 — 169. Hémodromographe de Chauveau et Lortet 695 — 170. Graphique des variations de la vitesse et de la pression du sang dans la carotide du cheval. (Lortet.) 696 — 171. Graphique de la vitesse et de la pression dans la carotide du cheval. (Lortet.) 696 — 172. Appareil de Du Bois Reymond pour démontrer les courants nerveux et musculaire 724 — 173. Muscle à surfece naturelle placé sur les coussinets 725 — 174. Muscle à surface artificielle placé sur les coussinets. . . . 725 — 175. Patte galvanoscoi^ique 725 — 176. Direction du courant musculaii-e 726 — 177. Force et direction des courants. . . , 727 — 178. Schéma de l'intensité des courants dans le cylindre nerveux. 728 — 179. Disposition des molécules dipolaires dans le muscle. . . . 732 — 180. Schéma de l'appareil auditif 733 — 181. Coupe horizontale de la tête au niveau du conduit auditif externe 735 — 182. Mouvement du marteau et de l'enclume 739 — 183. Appareil de J. Millier pour la transmission des vibrations dans la caisse du tympan 740 — 18i. Courbes d'intensité calorifique, lumineuse et chimique des différentes régions du spectre solaire 759 — 185. Lois de la réfraction .761 — 186. Construction d'un rayon réfracté 762 — 187. Construction de l'image d'un objet 763 — 188. Système dioptrique centré 763 — 189. Construction d'un rayon réfracté 765 — 190. Construction de l'image d'un point . 765 TABLE DES FIGURES. 1133 Pages. 'Lg. 191. Œil schématique (coupe transversale) ^^^ — 19-2. Principe de l'ophthalmomètre '__ — 193. Ophthalmomètre d'IIelmholtz J_^ _ 194. Images de Purkinje 11^ — 195. Angle visuel ^.T 196. Cercles de diffusion H^ — t97. Expérience de Scheiner ^' — 198. Expérience de Scheiner l^ — 199. Œil emmétrope !.' — 200. Œil myope ^ g _ 201. Œil hypermétrope !_ 202. A-berration de sphéricité ' 203. Astigmatisme régulier ' , — 204. Dispersion de la lumière blanche ' . — 205. Phénomènes ent optiques extra-rétiniens '^ — 20fi. Position des corpuscules opaques dans l'œil '^ — 207. Optomètre de Perrin et Mascart '^ — 208. Mécanisme de l'accommodation ' | 209. Expérience de Mariotte — 210. Expérience de Volkmann — 211. Irradiation • n * ' 1 _ o |o Double fente en V, pour obtenir deux spectres partiellement .... 817 superpose^ • — 213. Double spectre partiellement superpose ^ ' — '>14 Procédé de Lambert pour le mélange des couleurs .... »1« 215. Disque rotatif de Newton pour le mélange des couleurs . . 818 216. Toupie chromatique de Maxwell 217. Disque de la toui)ie de Maxwell 6. Toupie chromatique de Maxwell ^[^ — 218. Superposition des disr4ues. 219. Triangle chromatique _^* — 220. Irritabilité des trois sortes de fibres rétiniennes 8,6 — 221. Disque rotatif ~ — 222. Expérience de Wheatstone _*^ — 223. Localisation des perceptions visuelles °^~ — 224. Illusions de la grandeur ^^ — 225. Stéréoscope de Brewster ^ — 226. Illusions de relief — 227. Projection de deux pyramides ^^ — 228. Aiguille œsthésiométrique de l'auteur ^'_l — 229. ^Esthésiomètre — 230. Expérience d'Aristote ^ — 231. Schéma de l'innervation tactile ^^ — 232. Schéma de l'innervation tactile • • • • °^ — 233. Schéma de l'innervation tactile ^^^ — 234. Sensibilité récurrente. (Cl. Bernard.) ^J^^^ — 235. Innervation oculaire. (Figure schématique.) 90' — 236. Altérations de l'œil après la section du trijumeau. (Cl. Ber- nard.) ; — 237. Nerf maxillaire supérieur. (Figure schématique.) 9I~ 1134 TABLE DES FIGURES. Pages. Fig. 238. Nerf maxillaire inférieur. (Figure schématique.) 915 — 239, Nerf facial. (Figure schématique.) 925 — 240. Nerf glosso-pharyngien. (Figure schématique.) 931 — 241. Nerf pneumogastrique. (Figure schématique.) 935 — 242, Graphique respiratoire après la section des pneumogastriques (lapin) , . , . , 942 — 243. Graphiquerespiratoireaprès lasection despneumogastriques. • (Deuxième stade.) 943 — 2U. Graphique respiratoire aprèsla section des pneumogastriques. (Troisième stade.) 944 — 24.Ô. Nerf spinal. (Figure schématique.) 949 — 246. Nerf hypoglosse. (Figure schématique.) 952 — 247. Innervation du cœur. (Figure schématique.) 954 — 248. Crâne de lajHn: partie postérieure. (Cl. Bernard.) 995 — 249. Ciseau pour la piqûre diabétique 995 — 250. Coupe d'une tête de lapin. (Cl, Bernard.) 996 — 251. Plancher du 4e ventricule chez le lapin. (Cl, Bernard.). . . 996 — 252. Pigeon après l'ablation du cervelet. (Dalton ) 1000 — 253. Mouvements de manège 1009 — 254. Mouvement de rotation en rayon de roue 1009 — 255. Pigeon après l'ablation des lobes cérébraux. (Dalton.). . . 1013 — 256. Situation prooable des centres moteurs chez l'homme. . . 1014 — 257. Spermatozoïdes 1033 — 258. Circulation fœtale. (Figure schématique.) 1047 — 259. Oreillette droite 1048 — 260. Oreillette gauche 1048 — 261. Graphique de la dernière respiration 1061 — 262. Électrodes éloignées. (Fick.) 1067 — 263. Electrodes rapprochées, (Fick,) 1067 — 264. Loi de Pfliiger, courant ascendant 1070 — 265, Loi de Pfliiger, courant descendant 1071 TABLE DES MATIÈRES Pajres. I Préface Chapitre préliminaire. - Le laboratoire de physiologie. . VII lo Du local ^,jjy 2° Vivisections ^., 30 Micrographie :L 40 Chimie physiologique :" 50 Appareils et instruments XVVTT 6° Personnel du laboratoire vv vn 7" Laboratoire de l'étudiant v vv Appendice. - Anatomie de la grenouille -^-^-^ PREMIÈRE PARTIE. I*roléi?oni.èiies. 1 . De la force et du mouvement 2. 1 20 33 Caractères généraux des corps vivants. . . 1^ 3. Caractères distinctifs des animaux et des végétaux 4. Place de l'homme dans la nature DEUXIÈME PARTIE. Cliiraie pliysiologiçL^ie. 43 43 44 Chapitre I^r. __ Principes constituants du corps humain. . . 1. Corps simples 2. Corps composés , ' ' V Appendice. — Caractères et réactions des principales sub- stances organiques constituant le corps humain 51 Chapitre II. — Gaz du corps humain 76 Chapitre IIL — Liquides du corps humain 80 ^r^^•c/ei)rem^■er. — Sang, lymphe et chyle 81 1- Sang g 2. Lvmphe J,^ 3. Chyle ^^^ .lr^«de fZewx/èwe. — Sérosités et transsudations 115 Ar^^c?e //•o/.s/ème.- Sécrétions salines et extractives. ... U6 1. Urine \lX 2. Sueur .^^^ 3. Larmes ,::^ 4. Bile ^'^^ 1136 TABLE DES MATIÈRES. Pages. Article quatrième. — Sécrétions graisseuses i3â 1. Lait 135 2, Matière sébacée et cérumen 142 Article cinquième. — Sécrétions albumineuses 143 1. Sperme 143 2. Mucus 144 3. Synovie U^ Article sixième.— Sécrétions à ferments ou sécrétions diges- tives 145 1. Salive 145 2. Suc gastrique 155 3. Suc pancréatique 161 4. Suc intestinal 166 Chapitre IV. — Tissus et organes 168 Article premier. — Chimie des tissus 168 1. Tissus connectifs 168 2. Tissus cornés 171 3. Tissu musculaire 172 4. Tissu nerveux 174 Article deuxième. — Chimie des organes 175 1. Centres nerveux 175 2. Foie 176 3. Organes glandulaires 177 4. Glandes vasculaires sanguines 178 Chapitre V. — Réactions chimiques dans l'organisme vivant. . 17î> lo Décompositions 179 2° Synthèses 184 3° Fermentations 185 Chapitre VI. — Nature des principes de l'organisme 191 TROISIEME PARTIE. iPliysiolog'ie de l'individu. PREMIÈRE SECTION. - Physiologie générale 204 Chapitre 1er. _ Physiologie cellulaire 204 1. Substance organisée ou protoplasma 205 2. Celkile ' 211 Chapitre II. — Physiologie des tissus ou histophysiologie. . . 224 1. Physiologie des tissus connectifs 225 2. Physiologie des épithéliums 236 TABLE DES MATIERES. 1137 Pa-es. 3. Physiologie du tissil musculaire 252 a. Tissu musculaire strié 252 b. Tissu musculaire lisse 282 4. Physiologie du tissu nerveux 285 (I. Physiologie des nerfs 291 b. Physiologie des cellules nerveuses 300 c. Physiologie des organes nerveux périphériques 307 d. Phénomènes généraux de l'innervation 308 Chapitre 111. — Physiologie générale de l'organisme 321 1. Nutrition . . . " 321 a. Actes intimes de la nutrition 322 — l. Absorption 323 — 2. Élimination 328 — 3. Transsudation et exhalation interstitielles 329 — 4. Résorption interstitielle 330 b. Phénomènes généraux de la nutrition 332 — 1. Assimilation 332 — 2. Désassimilation 333 — 3. Accroissement 334 — 4. Développement 339 — 5. Régénération 3iû — 6. Réserve organique 341 2, Génération et reproduction 3'i3 a. Génération spontanée 343 b. Génération asexuelle 3i5 c. Génération sexuelle 347 d. Générations alternantes 351 e. Théories de la génération 353 DEUXIÈME SECTION. - Physiologie spéciale 356 Chapitre l^r. — Physiologie fonctionnelle 356 Article premier. — Physiologie de la nutrition 3.56 1. Digestion 356 a. Des aliments 3.56 b. Action des sécrétions du tube digestifsur les aliments, 378 — l. Action de la salive sur les aliments 379 — 2. Action du suc gastrique sur les aliments 382 — 3. Action du suc pancréatique sur les aliments. . . 392 — 4. Action de la bile sur les aliments 395 — 5. Action du suc intestinal sur les aliments 398 c.De la digestion dans les divers segments du tube digestif. 399 — 1. Digestion dans !a cavité buccale 399 — 2. Digestion stomacale 400 — 3. Digestion dans l'intestin grêle 403 — 4, Digestion dans le gros intestin 404 d. Changements des aliments dans le tube digestif. . . . 406 1138 TABLE DES MATIERES. Pages. e. Absorption par le tube digestif. 408 — 1. Absorption alimentaire 408 — 2. Absurption sécrétoire 411 /. Voies de l'absorption digestive 412 g. Phénomènes post-digestifs dans l'intestin 415 2. Respiration 416 a. Respiration pulmonaire 421 b. Respiration cutanée 451 3. Sécrétions 453 a. Sécrétion rénale 453 6. Sécrétion de la sueur 461 c. Sécrétion lacrymale 463 d. Sécrétion biliaire 464 €. Sécrétion du lait 469 /. Sécrétion sébacée 471 g. Sécrétion spermatique 471 //. Sécrétion salivaire 472 i. Sécrétion du suc gastrique 477 Â;. Sécrétion du suc pancréatique 478 l. Sécrétion du suc intestinal 479 4. Absorptions locales 479 5. Physiologie du foie 483 «. Glycogénie 483 b. Autres fonctions du foie 493 6. Physiologie des glandes vasculaires sanguines 494 «. Physiologie des organes lymphoïdes 495 b. Physiologie de la rate 496 7. Statique de la nutrition 500 8. Assimilation 514 9. Désassimilation 519 Article second. — Physiologie du mouvement 538 1. Production de travail mécanique 538 a. Station et locomotion 539 — l , Mécanique musculaire 540 — 2, Station 546 — 4. Locomotion. — Marche et course 551 b. Mécanique respiratoire 558 c. Phonation 577 d. Parole 597 e. Mécanique de la digestion 621 /. Excrétion urinaire 632 g. Mécanique de la circulation 635 — L Circulation sanguine 635 — 2. Circulation lymphatique 701 2. Production de chaleur 703 3. Production d'électricité. — Électricité animale 724 Article troisième. — Physiologie de l'innervation 732 1. Physiologie des sensations 732 TABLE DES MATIERES. 1139 Pages. a. Audition 73-2 — 1. Transmission des vibrations sonores jusqu'au nerf auditif T33 ~i. De la sensation auditive 742 b. Vision 757 — l. De la lumière 758 — 2. Trajet des rayons lumineux dans l'œil. Dioptrique oculaire 759 — 3. Des sensations visuelles 799 — 4. Des sensations de couleur 814 — 5. Mouvements du globe oculaire 833 — 6. Yision binoculaire 841 — 7. Perceptions visuelles. — Notions fournies parla vue 849 — 8. Propriétés physiologiques générales du globe oculaire 860 — 9. Appareils de protection du globe oculaire. . . . 862 c. Olfaction 864 d. Gustation 868 e. Toucher 870 — l . SensEttions tactiles 870 — 2. Sensations de température 887 /. Sensations musculaires 891 g. Sensations internes 894 . Physiologie des nerfs 898 a. Nerfs rachidiens 898 b. Nerfs crâniens 902 — l. Nerf olfactif 902 — 2. Nerf optique 902 — 3. Nerf moteur oculaire commun 903 — 4. Nerf pathétique 905 — 5. Nerf trijumeau 906 — 6. Nerf moteur oculaire e.xterne 92-2 — 7. Nerf facial '• 9-^^ — 8. Nerf auditif 9-^9 — 9. Nerf glosso-pharyngien 930 — 10. Nerf pneumogastrique . . . . ' 933 — 11. Nerf spinal 948 — 12. Nerf grand hypoglosse 951 c. Nerfs des organes circulatoires 953 — 1. Innervation du cœur 953 — 2. Nerfs va^culaires 9^^ d. Nerfs glandulaires 9j^l e. Nerfs trophiques 9^^ /. Grand sympathique 974 !. Physiologie des centres nerveu.Y 977 «. Physiologie de la moelle épinière 977 6. Physiologie de l'encéphale 990 — 1. Phvsioloorie du bulbe 991 1140 TABLE DES MATIERES. Pages. — 2. Physiologie de la protubérance '. . 997 — 3. Physiologie des pédoncules cérébraux 999 — 4. Physiologie des tubercules quadrijumeaux. . . . 1000 — 5. Physiologie des couches optiques 1001 — G. Physiologie des corps striés 1003 — 7. Physiologie du cervelet 1004 — 8. Physiologie des hémisphères cérébraux lOll 4. Psychologie physiologique 1016 «. Bases physiologiques de la psychologie 1016 b. Des sensations 1019 c. Des idées 10Î5 (^. De l'expression et du langage 1026 e. De la volonté 1028 /. Vitesse des processus psychiques 1029 g. Du sommeil 1031 Article quatrième. — Physiologie de la reproduction .... 1032 1. Des éléments de la reproduction 1032 a. Spermatozoïdes 1032 b. Ovulation et menstruation 1033 2. Fécondation 1037 3. De la grossesse 1041 4. De l'accouchement 1042 Chapitre II. — Physiologie de l'organisme 1044 1. Physiologie de l'organisme aux dilTérents âges 1044 2. Des sexes 1055 3. De la mort 1058 Chapitre III. — Action des milieux sur l'organisme 1063 1. Influences météorologiques 1063 2. Action de l'électricité sur l'organisme 1066 3. Toxicologie physiologique 1073 QUATRIÈME PARTIE. î*liysiologie de l'espèce. PREMIÈRE SECTION. — De l'espèce en général 1086 1. Caractères de l'espèce 1086 2. De l'origine des espèces 1087 DEUXIÈME SECTION. — De l'espèce humaine 1091 L Des races humaines 1091 2. Origine de l'espèce humaine 1095 3. L'homme préhistorique 1096 Notes additionnelles 1100 FIN. Nancy. — Imp. Bergcr-Levrault et C'*-. LIBRAIRIE J -B. BAILLIERE ET FILS RUE HAUTEFEUILLE, 19. PRÈS LE BOULEVARD SaINT-GERMAIN, A PARIS LEÇONS SUR Lk CHALEUR ANIMALE SUR LES EFFETS DE LA CHALEUR ET SUR LA FIÈVRE Par Claude BERNARD Membre de l'Iiutitut de France (Académie det sciences), professeor de physiologie aa Collège de France et aa Miiieiun d'bisioire naturelle . 1876, 1 vol. in-8o, avec figures. — 7 fr. LEÇONS SUR LES ANESTHÉSIQUES ET SUR L'ASPHYXIE Par Claude BERNARD 1874. 1 vol. in-8o avec figures. — 7 fr. INTRODUCTION A L^ÉTUDE DE LA MÉDECI^sTE EXPÉRIMENTALE Par Claude BERNARD Î865, in.8o de 400 pages. — 7 fr. Cet ouvrage présente le tableau des doctrines et des faits exposés par le profes- seur dans les cours du Collège de France et de la Sorbonne, depuis la dernière publication de 1S59 jusqu'à la fin du deuxième semestre de l'^tiô. LEGOXS DE PATHOLOGIE EXPÉRIMEXTALE Par Claude BERNARD 1871, l vol. in-8o de 604 pages. — 7 fr. BERNARD (Claude). Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine, faites au Collège de France. Paris, l5.ô5-l?56, î volumes in-s ', avec 100 figures. 14 fr. — Leçons sur les effets des substances toxiques et médicamenteuses. Paris, l.>57, 1 vol. in-s', avec o2 figures. 7 fr. — Leçons sur la physiologie et la pathologie du système nerveux. Paris. 1^58, avec 7i' figures. 14 fr. — Leçons sur les propriétés physiologiques et les altérations pathologiques des liquides de l'organism '. Paris, l>.jy, :.' vol. iu-s •, avec figures. 14 fr. REALE. De l'Urine, des dépôts ordinaires et des calculs, de leur composition chimique, de leurs caractères physiologi(iues et pathologiques et des indications thérapeutiques qu'ils fouruiss^Mit dans le traitemeut des maladies, par Lionel S. Beale, médecin d" King's Collège lîospital, à Londres, traduit de l'anglais sur la seconde édition et annoté par les docteurs Auguste OUivier et Georg^'s Berge- ron. 1 vol. in-1.^ Jésus de .)10 pages, avec 13G figures. 7 fr. MULLER. Manuel de physiologie, par J. Maller, traduit de Tallemand sar la dernière édition, par A.-J.-L. Jourdan, deuxième édition revue et annotée par E. Littré. l' forts vol. gr. in-S" de chacun S40 pages, accompagnés de 32'J figures intercalées dans le texte et de 4 planches gravées. '20 fr. ROBIN (Ch.) Mémoire sur les objets qui peuvent être conservés en prépa- rations microscopiques, transparentus ei upa([ues. Paris, 1>.')6, iu->'^. ^ li fr. — Mémoire contenant la description anatomo-pathologique des diverses espècesdecataractesrapsulaireset lenticulaires. Paris, i>:,y, iu-i" de G2 p. 2fr. — Mémoire sur les modifications de la muquevise utérine pendant et après la grossesse. Paris, ISOl, in-4", avec 5 planches lithographiées. 4 fr. 50 ENVOI FRANCO CONTRE UN MANDAT SUR LA POSTE. J.-B. BÂTLLIÈRE ET FILS, rue Hautefeuille, 19 LEÇONS SUR LES HUMEURS NORMALES ET MORBIDES DU CORPS DE L'HOMME PROFESSÉES A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS Par Ch. ROBIN Professeur à la Faculté de médecine de Paris, membre de l'Institul et de l'AcaJéinie de médecine SECONDE ÉDITION, CORRIGÉE ET ACGMENTÉE Paris, 1874. 1 vol. in-8° de 1008 p., avec figures. — Cartonné : 18 fr. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE CELLULAIRES ou DES CELLULES ANIMALES ET VÉGÉTALES DU PROTOPLRSMA ET DES ÉLÉMENTS NORMAUX ET PATHOLOGIQUES QUI EN DÉRIVENT Par Ch. ROBIN Paris, 1873. 1 vol. in-S» de xxxviii-6 iO p., avec 83 fig. — Cartonné : IG fr. TRAITÉ DU MIOROSCOr>E SON MODE D'EMPLOI Ses applications à l'étude des injections, a lannloinip humaine et comparée, à l'analomie médico-chirurgicale a l'histoire naturelle animale et Tégetale et a l'économie agricole Par Ch. ROBIN 1871, 1 vol. in-8o de 1028 p., avec 3,17 fig. et 3 pi. — Cartonné : 20 fr. MÉMOIRE SUR L'ÉVOLUTION DE LA NOTOCORDE des cavités des disques intervertébraux et de leur contenu gélatineux Par Ch. ROBIN ln-4o de 212 pages, avec 12 planches. ~ 12 fr. HISTOIRE NATURELLE DES VÉGÉTAUX PARASITES QUI CROISSENT SUR L'HOMME ET LES ANIMAUX VIVANTS Par Ch. ROBIN 1 vol. in-8o de 700 p., avec atlas de 15 pi. en partie coloriées. — 16 fr. PROGRAIVIIVIE DU COURS D'HISTOLOGIE PROFESSÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS Par Ch. ROBIN Deuxième édition revue et développée. — Paris, 1870, in-8'' de xl-416 pages. — 6 fr. TRAITÉ DE CHIMIE ANATOMIQUE ET PHYSIOLOGIQUE MORnAIiC ET PATHOIiOeiQUE ou DES PRINCIPES IMMÉDIATS ET MORBIDES aUI CONSTITUENT LE CORPS DE l'hOMME ET DES MAMMIFÈRES Par Ch. ROBIN et VERDEIL 3 forts vol. in-8o, avec atlas de 45 pi. en partie coloriées. — 36 fr. ENVOI FRANCO CONTRE UN MANDAT SUR LA POSTE. J.-B. BAILLIÈRE ET FILS, rue Hautefeuille, 19 TRAITÉ D'HISTOLOGIE PATHOLOGIQUE Par le docteur RINDFLEISCH Professeur iraDatoinic palliologi'jiie à lUniversitc de bonn Tradaït de la seconde édition allemande et annoté par le D' Frédéric GR09S Professenr agrège de In Faculté' de me'decine de Nancy 1873, 1 grand vol. in-8<» dn 740 pages, avec 268 figures. — 14 fr. Le Traité d'histologie pathologique de Rinrlfleisch a été écrit dans le laboratoire, à l'aide du microscope, et n'est pas une compilation de cabinet. «Les recherches microscopiques, dit l'auteur, grâce auxquelles l'histologie nor- male vint compléter l'anatomie de Vésaîe, devaient née s-^airemeut aussi enrichir l'anatomie pathologique ; mais on s'aperçut bientôt que l'histologie pathologique avait à remplir, par rapport à l'anatomie pathologique, un rôle tout différent et plus important que l'histologie normal' par rapport à l'anatomie normale. L'histo- logie pathologique dihnontre que les altérations marroscoviqnes des organes, les aug- mentations et les diminutions de volume, les indurations, les ramollissements, les changements de couleur, etc., dépendent de rertoines transformations de leurs parties élémentaires et les explique à l'aide de ces dernières. Elle devient ainsi non-seulement une partie intégrante, mais la base proprement dite de l'anatomie pathologique. » Tel est le point de tup auquel Rindfleisch s'est placé dans son ouvrage. Telle est la raison, dit-il, pour laquelle l'histologie pathologique y occupe le premier rang et l'anatomie pathologique seulement le second. TRAITÉ ÉLÉMIENTAIRE D'HISTOLOGIE HUMAINE îvTORIvi^LE ET F^TXIOLOGIQTJE Précédé d'ua exposé des moyens d'observer au microscope Par le docteur C. MOREL Professeur a la Facnlte de médecine de Nancv 1864, l vol. in-8o, avec 34 belles planches dessinées d'après nature Par le docteur J.-A. VILLEMIN Professeur à 1 Ecole du Val-de-GrJce Prix : 12 francs ÉTUDES SUR LA TUBERCULOSE PREUVES RATIONNELLES EXPÉRIMENTALES DE SA SPÉCIFICITÉ ET DE aOX INOCCLABILITÉ Par le docteur J.-A. VILLEMIN Professeur à l'Ecole du Val-de-Gràce 1868, 1 volume in-8° de CAO pages. — 8 francs LA PATHOLOGIE CELLULAIRE BASÉE SDR L'ÉTUDE PHYSIOLOGIQUE ET PATHOLOGIQUE DES TISSUS Par Rudolf WIRCHOAV Professeur à la Faculté de Berlin, directeur de l'Institut (jaiUologiqne de celte ville Tradaction française faite sous les yem de l'auteur par le docteur Paul PICARD Quatrième édition, revue et corrigée, par le docteur Is. Stral'SS, chef de clinique de la Faculté de médecine de Paris Paris, 1874, l vol. in-8" de xxiv-584 p., avec 153 fig. — 9 fr. LEÇONS SUR LA PHYSIOLOGIE COMPAREE DE LA IlESPItlATION Par Paul BERT Professeur de phTsiologie compiree à la Faculté' des sciences Paris, 1870, 1 vol. in-S" de 588 pages, avec lôO figures. — 10 fr. ENVOI FRANCO CONTRE UN MANDAT SUR LA POSTE. J.-B. BAILLIÈRE ET FILS, rue Hautefedille, 19 COURS DE PHYSIOLOGIE d'après l'enseignement du professeur KUSS Publié par le docteur Mathias DUVAL Professeur agrège à la Faculté de médecine de Paris et professeur d'anatomie à l'École des Beaux-ArU Deuxième édition, 1873. 1 vol. in-18 de viii-624 p., avec 152 fig. — Cartonné : 7 fr. COURS DE MIGROSGOPIE COMPLÉMENTAIRE DES ÉTUDES MÉDICALES Anatomie microscopique et physiologique des fluides de réconomie Par le docteur Al. DONNÉ Recteur de l'Académie de Montpellier, ex-chef de clini<(ue de la Faculté de médecine d» Paris In-8° de 550 pages. — Prix : 7 fr. 50 ATLAS DU COURS DE MICROSCOPIE EXÉCUTÉ d'après NATURE AU MICROSCOPE DAGUERRÉOTYPE Par le docteur A. DONNÉ et L. FOUCAULT Un volume in-folio de 20 planches gravées, avec un texte descriptif. — Prix : 30 fr. DU MICROSCOPB DE SES APPLICATIONS A l'ANATOMIE PATHOLOGIQUE, AU DIAGNOSTIC ET AU TRAITEMENT DES MALADIES Par M. MICHEL Professeur à la Faculté' de médecine de Nancy Paris, 1S57, in-4° de 200 pages, avec 5 planches. — Prix : 3 fr. 50 ANATOMIE MICROSCOPIQUE Par le docteur L. MANDL OCVRAGE COMPLET Paris, 1838-1857, 2 volumes in-folio, avec 92 planches. — Prix : 27G fr. LA PHOTOGRAPHIE APPLIQUÉE AUX RECHERCHES MICROGRAPHIOUES Par A. MOITESSIER Professeur à la Faculté de médecine de Monipellirr Paris, 1867, 1 vol. in-18 jésus, 340 pages, avec 30 figures et 3 planches pnotogiaphiées. — Prix : 7 fr. BEAUXIS. Programme du cours complémentaire de physiologie fait à la Faculté de médecine de Strasbourg par le docteur H. Beaunis, professeur à la Faculté de médecine de Nancy. Pari?, 1872, 1 vol. in-12 de 112 pages. 2 fr. 50 BYASSOX (H.nri). Des Matières amylacées et sucrées, leur rôle dans l'éco- nomie. Paris, 18(3, grand in-s'^ de? 112 pages. 2 fr. 50 LEGR08. Des Nerfs vaso-moteurs, par le docteur Ch. Legeos, agrégé de la Faculté de médecine de Paris Paris, 1873. 1 vol. in-8" de 112 pages. 2 fr. 50 SUHIFF De l'Inflammation et de la circulation, par le professeur M. Sciiiff, traduction de l'italien par le docteur R. Guick.a.kd de Choisity, médecin adjoint des hôpitaux do Marseille. Pari.s, 1873, in-8" de KG pages. 3 fr. ENVOI FRANCO CONTRE UN MANDAT SUR LA POSTE. - ' /" f COLUMBIA UNIVERSITY LIBRARIES This book is due on the date indicated below, or at the expiration of a definite period after the date of borrowing, as provided by the library rules or by spécial arrangement with the Librarian in charge. DATE BORROWED DATE DUE DATE BORROWED DATE DUE C28(842)M50