: NOUVELLES ANNALES DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE. TOME. PREMIER. NOMS DE MM. LES PROFESSEURS-ADMINISTRATEURS DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE, PAR ORDRE D'ANCIENNETÉ. MESSIEURS, DESFONTAINES, Professeur de botanique. PORTAL, Professeur d'anatomie humaine. GEOFFROY SAINT -HILAIRE, Professeur de zoologie. Mammifères et Oiseaux. CUVIER (le baron), Professeur d'anatomie comparée. LAUGIER, Professeur de chimie générale. CORDIER, Professeur de géologie. BRONGNIART, Professeur de minéralogie. DUMÉRIL, Professeur de zoologie. Reptiles et Poissons. DE JUSSIEU (Aprien), Professeur de botanique rurale. MIRBEL, Professeur de culture. CHEVREUL, Professeur do chimie appliquée. LATREILLE, Professeur de zoologie. Animaux articulés. DE BLAINVILLE, Professeur de zoologie. Animaux inarticulés. PROFESSEUR HONORAIRE. M. DE JUSSIEU, père. Nota. M. Larreizre est secrétaire de la Société des Nouvelles Annales du Muséum. PARIS. — IMPRIMERIE DE JULES DIDOT L'AINÉ, RUE DU PONI-DELODI, N°6. remet pr Re / mi, NOUVELLES AUS, ANNALES DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE, OÙ RECUEIL DE MÉMOIRES PUBLIÉS PAR LES PROFESSEURS DE CET ÉTABLISSEMENT ET PAR D'AUTRES NATURALISTES SUR L’HISTOIRE NATURELLE, L'ANATOMIE, ET LA CHIMIE. OUVRAGE ORNE DE GRAVURES. TOME PREMIER. PARIS A LA LIBRAIRIE ENCYCLOPÉDIQUE DE RORET, RUE HAUTEFEUILLE, AU COIN DE CELLE DU BATTOIR. 1832. N 6 Q RAT AR Cv ‘ xs NS EC NV * b' 574 &] AVERTISSEMENT." Les Professeurs, chargés de l'administration du Muséum d’'His- toire naturelle de Paris, ne croiroient pas avoir satisfait entiè- rement aux devoirs qui leur sont imposés, s'ils se bornoient à la conservation et à l’arrangementde cemagnifique dépôt, et même s'ils se contentoiént d'en faire connoître les richesses dans leurs lecons publiques Ils sentent qu'ils peuvent et doivent étendre l'instruction dont ils sont chargés, au-delà des limites étroites de leur auditoire, et du terme prescrit à leurs cours, et qu'ils sont jusqu’à un certain point comptables envers tous les naturalistes des trésors que la munificence du Gouvernement français fait journellement re- cueillir, et accumule dans leur établissement. Aussi ont-ils, dès le commencement de ce siécle, publié pério- diquement des recueils où ils ont inséré leurs observations, et répandu, autant qu'il leur a été possible, par des figures exactes = (1) Cet avertissement, rédigé par M. le baron Cuvier, a servi de prospectus. » il AVERTISSEMENT. et des descriptions détaillées, les objets les plus intéressants des collections du Muséum. Les vingt volumes in-{° des Annales, et les vingt volumes des Mémoires(1), forment deux grandes séries qui, autant que l’on peut en juger par les éloges que leur ont accordés les amis les plus distingués des sciences naturelles, peu- vent être mises à côté des collectionsacadémiquesles plus recom- mandables, et sont devenues une partie nécessaire de la biblio- thèque des naturalistes. Au moment de commencer une troisième série, les auteurs croient devoir au public quelques explications sur le plan qu'ils se proposent de suivre, et sur la nature des matériaux dont ils desirent sur-tout enrichir leur ouvrage. L'expérience leur a appris que ce qui dans des recueils de ce genre conserve un in- térêt durable, ce que les savants consultent long-temps encore après la publication, ce sont les descriptions exactes et les bonnes figures d'espèces nouvelles, les caractères nouveaux découverts dans les espèces anciennes , et propres à en rendre la disiri- bution plus naturelle, ou la détermination plus précise, les faits nouveaux bien constatés dans leur histoire, les détails positifs et bien décrits de leur anatomie , les gisements relatifs des minéraux, leur analyse exacte, le calcul de leur structure mécanique ; enfin tout ce qui, une fois consigné par écrit, demeure comme une partie intégrante de la science. Chacun peut s’apercevoir au contraire que les pures conceptions de l’es- prit, les dissertations théoriques, les hypothèses, variables au (1) Geux qui doivent terminer le dix-neuvième volume et former le vingtième sont les uns composés, et les autres livrés à l'impression. Les em- barras qu'a éprouvés le commerce de la librairie en ont seuls retardé la publication. AVERTISSEMENT. 111 gré de l'imagination qui les crée, et se renversant l'une l’autre d'année en année, quelque éclat qu'elles puissent jeter, quelque bruit qu’elles puissent faire au moment où elles paroissent, tom- bent bientôt dans le même oubli où sont tombées les hypothèses ou les théories qui les avoient précédées, et qu'après quelque temps les écrits où on les a exposées ne sont plus recherchés que par les curieux qui ne veulent ignorer aucun des traits de l’his- toire des sciences, laquelle n’est que trop souvent l'histoire des aberrations de l'esprit humain. En conséquence, sans s'interdire absolument la faculté d'in- diquer les conséquences immédiates qui leur paroîtront dériver des faits qu'ils auront observés, c'est principalement de l'exposé de ces faits, et du détail de leurs circonstances, qu’ils ont résoiu de composer leur collection. Ils veulent que le botaniste, le zoologiste puissent y trouver des renseignements certains sur les espèces rares d'animaux ou de végétaux qu'ils voudront placer dans leurs méthodes; que le physiologiste puisse compter sur les détails anatomiques qui lui seront offerts, et les employer avec sûreté comme fondement de ses spéculations; que le minéralogiste puisse se former des idées précises des substances dont on lui donnera les analyses ou des descriptions géométriques; que le géologue ne conserve point de doute sur la nature des fossiles dont on lui présentera des figures. En un mot, ce sont des bases solides qu'ils se pro- posent de fournir aux méditations et aux théories, laissant à ceux d'entre eux qui desirent donner cours à leurs théories ou à leurs méditations à les publier dans des ouvrages séparés, mais non dans ce recueil qui ne sera composé que de faits positifs. < IV AVERTISSEMENT. Les immenses collections faites dans ces derniers temps par les voyageurs commissionnés par le Muséum, ou par les officiers de santé attachés par le ministère de la marine aux grandes expé- ditions nautiques qui ont eu lieu depuis vingt ans, pourroiïent à elles seules, indépendamment des belles espèces déja publiées dans les relations de ces voyages, fournir encore les matériaux d'une longue suite de volumes, et sont la principale source où les auteurs de l’entreprise actuelle auront à puiser; mais ils disposent aussi d’autres richesses qui leur sont arrivées par dif- férentes voies, et ils accueilleront en outre avec intérêt les Mémoires des naturalistes étrangers au Muséum, pourvu qu'ils rentrent dans le plan qu'ils se sont tracé, et qu'ils-présentent des objets déterminés avec précision, et remarquables par leur nouveauté et l'importance de leurs caractères. L'ouvrage sera imprimé dans le même format que les Annales et les Mémoires du Muséum. La première année de la troisième série, faisant suite aux Mémoires du Muséum, formera un volume in-4°, avec vingt planches au moins. Prix, par souscription. . . . . 30 francs. Ce volume sera divisé en quatre parties, qui paroîtront par trimestre. Paris, le 15 mars 1832. NOUVELLES ANNALES DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE. 20000000000000000000000000000000000000000000000200000000000000 ESSAI DE CLASSIFICATION NATURELLE DES VESPERTILIONS, ET DESCRIPTION DE PLUSIEURS ESPÈCES DE CE GENRE. PAR F. CUVIER. Lu à l’Académie des Sciences, le 20 septembre 1830. Il n'est sûrement point de naturaliste, pour peu qu'il se soit occupé de l'étude des espèces du genre Vespertilion, qui n'ait senti la nécessité de classer ces animaux autrement qu'ils ne le sont, et de les rapprocher dans des groupes plus naturels que celui qu'ils forment aujourd'hui sous leur dénomination com- mune. Lorsque mon frère et M. Geoffroy entreprirent de soumettre à un ordre naturel les Vespertiliones de Linneus, qui compre- noient toutes les espèces de chauve-souris connues; leurs Ves- pertilions proprement dits, ou autrement les chauve-souris pourvues de deux ou quatre incisives à la mâchoire supérieure, Annales du Muséum, 1. I”, 3° série. L 2 ESSAI DE CLASSIFICATION NATURELLE et de six à l'inférieure, n'étant qu'en très petit nombre, ne firent point sentir la nécessité de les diviser. Depuis, ce nombre s'est tellement augmenté, et les différences entre les espèces sont si grandes dans les caractères génériques, et si peu sensibles dans les caractères spécifiques, que le genre des Vespertilions, tel qu'on l'admet aujourd'hui, est à-la-fois un des plus irréguliers, et un des plus difficiles à étudier de toute la mammalogie. Gmelin, dans son édition du Systema naturæ, donnant le catalogue des mammifères, n’y inscrivit que huit espèces de Vespertilions à deux ou quatre incisives supérieures et à six in- férieures. M. Geoffroy (Annales du Muséum, t. VIT), faisant beaucoup plus tard une revue des espèces de ce genre, y en admit dix-neuf. M. Desmarets (Mammalogie), qui vint ensuite, y en compta vingt-trois, quoiqu'il en séparât les Oreillards, ainsi qu'auparavant l'avoit fait M. Geoffroy. Cependant des recherches persévérantes avoient été entreprises en Europe, et de nombreux voyages avoient eu lieu depuis les dernières publications de MM. Geoffroy et Desmarets : Gray et Leach en Angleterre, Brehm.en Allemagne, -Ewersman-et Mayerdorf en Tartarie, Duvaucel, Diard, Horsfield, Raffles, Dussumier dans l'Indostan et aux Indes orientales, Ehremberg, Ruppel en Afri- que, Spix, Neuwied, Delalande,-Saint-Hilaire dans l'Amérique méridionale, Lesueur, Milbers, Rafinesque, Say, Harlan dans l'Amérique septentrionale, Quoy, Lesson, Gaimar, Reynaud, Busseuil, Bélanger, etc., aux Indes, en Amérique et dans l’aus- trale Asie; avoient particulièrement recueilli toutes les chauve- souris qui s'étoient offertes-à leurs recherches; aussi M. Lesson donnoit-il.en.1827 trente-six espèces de Vespertilions dans son Manuel de mammologie ; sans compter les Oreillards au nombre DES VESPERTILIONS. 3 de sept, et M. Fischer en porte aujourd'hui le nombre à cin- quante dans son Synopsis mammalium. Dans mon ouvrage sur les dents considérées comme caractères zoologiques, j'avois déja indiqué les anomalies des Vespertilions relativement à ces organes; depuis, j'ai montré ces animaux sous d'autres rapports encore, en donnant, sous le nom defuria atra (Mém. du Mus, t. XVI), la description d’un nouveau genre et d'une nouvelle espèce de chauve-souris, et mon frère, admettant un premier aperçu de mon travail, dont il a bien voulu faireusage dans son Régne animal, a indiqué quelques formes d'oreillons, comme pouvant servir à caractériser des subdivisions du genre Vespertilion. Une étude récente de ces animaux, faite à l’occasion de quelques espéces inédites que j'avois à décrire et à classer, m'a conduit à étendre mes premières recherches, à préciser, autant que j'en avoisles moyens, les différences queces animaux présen- tent, à déterminer la nature de ces différences, et à en faire la base d'une classification nouvelle; et c'est par les résultats de cesre- servie que-je: préluderai à la description des dix espèces que jai à ajouter au catalogue des Vespertilions à quatre incisives supérieures et à six inférieures, dont les oreilles ne sont pas réunies sur la tête; car, tout en commençant, j'en sépareraïi les Laziures, et en général tous les Vespertilions qui n'ont que deux incisives supérieures, et ceux dont les oreilles se réunis- sent sur le devant de la tête, et auxquels on donne plus parti- culièrement , d'après M. Geoffroy, le nom de Plecaucus. Chacun connoît la singulière organisation des chauve-souris : ce sont des mammifères insectivores,; et quelquefois frugi- vores (1), qui volent comme les oiseaux; mais au moyen d'ailes (1) D’Azara, Swinson. 4 ESSAI DE CLASSIFICATION NATURELLE d'une structure particulière. Leur système dentaire détermine l'ordre auquel ils appartiennent, et leurs organes du mouve- ment caractérisent leur famille. Les modifications des dents et des membres sont généralement peu considérables chez ces animaux, et ne motiveroient pas seules dans tous les cas leur division en genres: les premières en effet ne consistent que dans le nombre et la forme des incisives et des fausses mo- laires, toujours à un état plus ou moins rudimentaire; les se- condes, moins lépères peut-être, paroissent se réduire cepen- dant à un développement plus ou moins grand des dernières phalanges de l'index des membres antérieurs, et à la disposition des ligaments des articulations des doigts, de laquelle résulte le mouvement des ailes lorsqu'elles se déploient ou se ferment. Au reste, ces dispositions des ailes ne pourroient, pas plus que les modifications des dents, donner les moyens de diviser natu- rellement les Vespertilions; car leurs ailes ne semblent présenter aucune différence, et cellés des dents n’ont rien d'important; en général les deux incisives supérieures moyennes sont bifides et fortes, les deux latérales pointues, et sinon ‘rudimentaires, du moins bien plus petites que les premières: les six incisives inférieures sont trilobées. et les fausses molaires anomales va- rient en nombre, et d'une à deux seulement, suivant la longueur du museau. Après le système dentaire et celui des organes du mouve- ment, se présentoient, comme caractères distinctifs, les formes générales de la tête et les organes des sens, dont les modifica- üons se manifestent dans les proportions relatives des diverses parties de l'encéphale et du museau, et dans les parties ‘exté- rieures des sens. DES VESPERTILIONS. 5 En considérant les Vespertilions que j'ai été à portée d’exa- miner, sous le rapport de la tête ils m'ont présenté trois types différents ( pl. 1), 1° celui des Sérotinoïdes (fig. 1, a, b,c ); 2° celui des Noctuloïdes(fig. 2, a, b, ec); 3° celui des Murinoïdes (Gg.3, a, b, c); et les différences de ces têtes sont fondamentales; elles égalent au moins celles qui distinguent la tête des chiens de celle des chats, et l’une et l’autre de celles des martes ou des ours. En effet, la tête des Sérotinoïides, dont l’encéphale est com- primé et les maxillaires courts, élargis et relevés à leur extré- mité, se distingue d'abord decelle des Noctuloïdes, remarquable par son encéphale élevé, et qui, sur la même ligne que les maxillaires, ésalement courts et larges, mais comprimés à leur extrémité, forme avec la ligne des mâchelières un angle de 45 degrés, tandis que ces mêmes lignes chez les Sérotinoïdes en forment à peine un de 30. La tête des Murinoïdes se caractérise exclusivement par un encéphale relevé et bombé, et par des maxillaires alongés et étroïis qu'une dépression sensible sépare de l'encéphale. Les figures que nous donnons de ces trois formes de tête en feront d’abord saisir les différences et les caractères. Si actuellement nous passons à la considération des organes extérieurs des sens, nous trouvons que la vue n’est que d’un impuissant secours pour les Vespertilions ; car leurs yeux, bien loin d'avoir la grandeur de ceux des mammifères:ou des oi- seaux nocturnes, sont d'une petitesse presque imperceptible. Cachés le plus souvent sous des poils épais, et environnés en grande partie par la conque auditive, s'ils sont frappés par les objets, ce n’est que foiblement et dans une seule direction. L'odorat, un peu plus favorisé que la vue, ne peut évidemment 6 ESSAI DE CLASSIFICATION NATURELLE s'exercer par les voies extérieures sur les insectes dont: ces ani- maux se nourrissent, et qu'ils prennent au vol. D'ailleurs les organes extérieurs de la vue et de l'odorat sont sensiblementsem- blables chez les Vespertilions, et il en est de même de ceux du goût et du toucher. Je ferai seulement remarquer à l'égard de ce dernier que les poils de tous les Vespertilion que j'ai pu examiner se composent de cônes attachés les uns aux autres, sommet con- tre base. Leur œil présente un petit globe noir dont on ne peut distinguer la pupille, et deux paupières très foibles; les narines s'ouvrent sur les côtés d’un petit mufle peu mobile; la langue est épaisse, sur-tout à sa base, douce, peu extensible, et l'inté- rieur de la bouche est sans abajoues(r); le pelage est générale- ment doux et épais, excepté à la partie postérieure de l'abdomen où il est plus rare, et sur les membranes du vol qui, à bien dire, sont tout-à-fait nues. Spallanzani, en nous apprenant que les yeux ne servent point aux chauve-souris pour leur faire apercevoir la présence des corps, en a conclu naturellement qu'ellesdevoient être averties de leur rencontre par d’autres sens; et ces sens, quoi qu'en ait pensé cet auteur, ne pouvoient être que ceux du toucher ou de l'ouie. (1) Quelques auteurs ont cru que les Vespertilions avoient de grandes aba- joues, et cette particularité organique de la manducation est devenue, dans plusieurs ouvrages, un des caractères génériques de ces animaux. Le fait est cependant que les espéces les mieux connues, le murin,.la sérotine, la noc- tule, en sont dépourvues. Ce qui aura fait croire à des abajoues chez ces animaux, c’est l'extension dont leurs lèvres et leurs joues sont susceptibles; mais il ne résulte de cette faculté qu’a la peau de ces parties de s'étendre aucune apparence de poches ou de sacs résultants, comme les abajoues, d’une duplicature des membranes intérieures de la bouche! DES VESPERTILIONS. l Ses expériencessur le toucher, sans êtretout-à-fait concluantes, prouvent cependant que ces animaux ne perdent rien de leur faculté de se conduire, lorsqu'on a enlevé à ce sens une grande partie de sa délicatesse (1), ce qui, joint aux observations anté- rieures de Jurine, a fait attribuer à leur oreille principalement la faculté si remarquable qu'ils ont de juger du voisinage des corps contre lesquels ils pourroient se heurter dans leurs mou- vements irréguliers et rapides, et l'expérience des aveugles con- firme ce jugement; car c’est sur-tout à l’aide de l'ouie qu'ils per- coivent la présence des obstacles dont ils font la rencontre. L'oreille est donc un organe des sens dominant chez les Ves- pertilions, et les modifications nombreuses qu'elle présente étant indubitablement en rapport avec leur manière d'être, nous sommes fondé à en faire usage comme caractères de classifica- tion, subordonnés à ceux que nous présente la structure des têtes. Ces modifications de l'oreille s'observent principalement dans les formes et la direction de la conque externe, et dansles formes de l'oreillon, petit appendice libre qui se trouve placé au-devant du trou auditif. La conque s'est montrée à nous sous sept formes différentes (pl: 2), 1° échancrée, 2° obtuse, 3° en capuchon, 4° en cornet, 5° en entonnoir, 6° évasée, 7° ovale. (1), Vassali-Eandi a conclu d'expériences qu'il n’a pas fait connoître, que les chauve-souris, privées de la vue, n'ont d'autre moyen de se conduire qu'un tact très délicat; mais, comme il se borne à cette simple affirmation, et qu'elle est contraire à des faits bien établis, nous ne pensons pas devoir en tenir compte. Voyez les Mémoires de l’Académie de Turin, tom. XIV, Hist. p- 37—1205. 8 ESSAI DE CLASSIFICATION NATURELLE Mais, avant d'indiquer en quoi consistent ces différences, je dois dire quelles sont les parties constitutives que je considère dans la description de l'oreille des Vespertilions. La forme générale de la conque auditive, fort simple chez ces animaux, est celle d’un cornet plus ou moins évasé qui se compose d'une partie interne ou temporale, et d'une partie externe ou libre. Chacune de ces parties peut être considérée dans les diverses portions de son limbe, dans son extrémité inférieure, et par le point où elles se réunissent et qui forme « l'extrémité supérieure de cet organe. Les parties temporales, libres et supérieures, correspondent aux parties antérieures, postérieures et supérieures de l'hélix de l'oreille humaine. L’ex- trémité inférieure de la partie temporale correspond à la pointe interne de cet hélix, et l'extrémité inférieure de la partie libre à l'anté-tragus et au lobe inférieur. Non pas que je veuille établir entre ces parties une identité réelle; je n'indique ces rap- ports que pour mieux faire comprendre les détails où je suis obligé d'entrer. 1° La conque échancrée (fig. x, a, b, c) est plus ou moins ovale; elle s'éléve fort au-dessus du sommet de la tête, et la partie ex- terne, ramenée en avant, ne s'avance pas tant que la partie interne; le bord de sa partie externe présente une échancrure à sa portion moyenne qui fait que la moitié supérieure est plus petite que l'inférieure; le bord de sa partie interne suit une ligne circulaire, la portion inférieure dépendant d’un cercle plus étroit que la portion supérieure; l'extrémité inférieure de la partie externe descend jusqu'au niveau de la bouche, fort au- dessous du trou auditif, et se termine par un lobe demi-cir- culaire : l'extrémité inférieure de la partie interne descend au DES VESPERTILIONS. 9 niveau de l'œil, et se termine par un bord libre lobé. (Fesp. à moustaches, Vesp. Saulnier.) 2° La conque obtuse (fig. 2, a, b) est irrégulière dans sa forme générale; elle est petite et ne s'élève pas jusqu'au sommet de la tête; sa partie externe ramenée en avant ne Savance pas autant que la partie interne; le bord de sa partie interne suit une ligne courbe uniforme, celui de sa partie externe en suit une droite, et toutes deux se réunissent en une ligne droite horizontale à leur extrémité supérieure. L'extrémité inférieure de la partie externe descend moins bas que la bouche, et se termine simple- ment en s'arrondissant; l'extrémité inférieure de la partie in- terne descend au niveau de l'œil, et se termine comme celle de la partie supérieure. (V’esp. épais.) 3° La conque en capuchon (fig. 3, a, b) est remarquable par sa forme générale semblable à un cornet profond, dont l'ouver- ture seroit dirigée en avant et dont la partie externe égaleroit presque en étendue la partie interue; elle dépasse le sommet de la tête. Le bord de sa partie-interne est droit à sa portion infé- rieure, arrondi à sa portion moyenne, et droit à sa portion supé- rieure ; celui de sa parte externe arrondi à sa portion inférieure et moyenne, est échancré à sa portion supérieure; enfin son extrémité supérieure est terminée en pointe, ( Vesp. Kirivoula). 4° La conque en cornet (fig. 4, a, b) a la forme générale d'un ovale très alongé; toujours dirigée en avant et beaucoup plus élevée que la tête, elle rappelle celle d'un grand nombre de ruminants et celle des chevaux dans cette direction. Sa partie externe nest queide moitié aussi avancée que l'interne ; la pre- mière a son bord presque droit, et sa portion inférieuretrepliée Annales du Muséum , t. I‘, 3° série. 2 10 ESSAI DE CLASSIFICATION NATURELLE à angle droit, et rapprochée de la bouche, se trouve à la hauteur de celle-ci, et se termine par un lobe. La seconde présente à son bord une courbure uniforme très alongée, et sa portion inférieure coupée à angle droit est libre, simple, et se trouve au niveau de l'œil. (Vesp. Murin.) 5° La conque en entonnoir (fig. 5, a, b)a quelques rapports avec la conque en capuchon ; elle est de même peu élevée, dirigée en avant, et sa forme est celle d’un profond cornet. Le bord de sa partie externe présente à sa portion inférieure et à sa portion moyenne une courbe uniforme qui se termine par une légère dépression à sa portion supérieure. Le bord de sa partie interne présente à sa portion moyenne une courbe bien plus bornée que celui de sa partie externe; ses portions inférieures et supérieures se confondent presque avec des lignes droites ; la première se ter- mine au-dessus du niveau de l'œil par un léger bord libre, et la réunion de ces parties externes et internes forme un angle droit à leur extrémité snpérieure. ( V’esp. Malais.) 6° La conque évasée (fig.6, a), aussi large que haute, ne forme point le cornet; la moitié inférieure de sa partie externe est seule rephiée en avant, et elle s'avance par sa portion inférieure presque jusqu'à la commissure des lèvres; son bord présente un contour arrondi ‘uniforme, et il en‘est de:même du bord de la partie interne qui se lie à la peau de la tête, et ne s’en distingue que par un simple repli situé dans un point plus. élevé que l'œil. Cette conque est arrondie supérieurement. ( Vesp. Noctule.) 7° La conque ovale (fig.7, a, b) est moins large que haute, ne forme: point le cornet; son bord externe seul est un peu! reployé sur lui-même; etd'une largeur assez grande à sa partie inférieure; DES VESPERTILIONS. 11 elle diminue uniformément en s'élevant, et se termine par un contour arrondi. (Vesp. Sérotine.) (1). L'oreillon (pl. 2), cet appendice qui se trouve toujours situé au-devant du trou auditif, se présente aussi sous, diverses formes, comme on l'a souvent fait remarquer: en alène, en couteau, en massue, en demi-cœur, et il peut être considéré dans les mêmes parties que la conque auditive. L'oreillon en aléne (fig. 1,b, fig. 3, b) est formé d'une lame longue, étroite, se terminant graduellement en pointe, et ayant à sa base, du côté de la partie externe de l'oreille, un ou deux très petits lobules. ( Vesp. à moustaches. Vesp. Kirivoula.) L'oreillon en couteau (fig. x, ce, fig. 2, b, fig. 7, b) consiste en une lame bien plus longue que large, dont le bord externe est plus courbé que le bord interne à-peu-près droit. Une petite échancrure s'observe à sa base du côté courbé. (esp. deSaulnier. Vesp. épais.) L'oreillon en massue (fig.6, a)est celui qui, étant aussi long que large; a son bord externe courbé, et-son bord interne à-peu- près droit, et qui est arrondi supérieurement. Une échancrure s'aperçoit aussi à sa base du côté courbé.( Wesp: Noctule.) L'oreillon en pétale(fig. 5, b}, très large comparativement à:$a longueur, a son bord externe, arrondi, et:son bord- interne échancré dans son milieu; ilse termine en pointe. (7esp.Malais.) L'oreillon en demi-cœur (fig. 4, b) présente une lame terminée en une pointe étroite, large à sa base, droït à son bord interne, (1) N'ayant pu observer la pipistrelle dans un état de conservation suffi- sant, il né m'a pas été possible de vérifier si son oreille présente des carac- tères particuliers, Comme une première observation me l’avoit fait supposer. 12 ESSAI DE CLASSIFICATION NATURELLE arrondi à la moitié inférieure de son bord externe, et à-peu-près droit à son autre moitié; un lobe se remarque à la base de son bord externe. ( esp. Murin.) Quoique les faits que je viens de rapporter soient assez nom- breux, je ne puis cependant en faire qu'une application bornée, n'ayant à ma disposition qu'un très petit nombre de Vesperti- lions dans l'état où ils devroient être pour faire connoître à-la- fois leur tête, leurs oreilles et leurs oreillons : pour plusieurs, je n'ai eu que les têtes, pour d’autres que les oreilles et les oreillons, et comme les oreilles et leurs dépendances n'ont point été présentées avec assez de détails pour les rendre compara- bles, je n'ai pu faire tout l'usage que j'aurois desiré des figures, nombreuses d’ailleurs, qui représentent les Vespertilions. Il y a plus, mes observations pourront être perfectionnées, des observations nouvelles pourront faire connoître de nou- velles modifications de l'oreille de ces animaux, on pourra, en un mot, compléter etrectifier un travail dont il ne m'étoit donné que d'établir les principes, que de fonder les bases; toutefois dans l'application que j'ai faite de més observations, nous voyons déja que les Sérotinoïdes nous présentent des oreilles échancrées (la Sérotine) (le Vesp. de Caroline), auxquelles s'associent des oreillons en couteau; que les Noctuloïdes ont des oreilles évasées avec des oreillons en massue (la Noctule commune, la Noctule de Sumatra); qu'enfin l'oreille des Murinoïdes est, ou en cornet, ou échancrée, ou obtuse; qu’à la première, se trouvent des oreillons en demi-cœur, et aux deux autres des oreillons en couteau, en alêne ou en demi-cœur. Pour compléter les points de vue sous lesquels peuvent s’en- visag er les rapports des Vespertilions entre eux, je devrois encore DES VESPERTILIONS. 13 les considérer dans leurs mœurs; mais la vie de ces animaux qui se passe dans l'obscurité nous est à-peu-près inconnue. Cachés pendant la journée dans des lieux privés de lumière, ne s'occu- pant à satisfaire leurs besoins qu'à la chute du jour, ou même pendant la nuit, on n'a point recherché jusqu'à quel point leur naturel diffère, et quelle relation peut exister entre leur ma- nière d'être, et les modifications organiques qui les distinguent. Cependant on trouve déja dans le petit nombre d'observations qu'on possède, qu’à cet égard leurs différences sont assez remar- quables, et qu'elles ont quelques coïncidences avec celles que les organes présentent. Ainsi la: Sérotine paroît tomber en hiver dans un sommeil beaucoup plus profond que celui de la Noctule ou du Murin, ne paroissant que beaucoup plus tard au printemps : en été elle ne sort de sa retraite qu'après le coucher du soleil ; et elle vit par paire retirée dans le creux des vieux arbres. La Noctule au contraire se montre dès les premiers beaux jours de la fin de l'hiver, et elle pourvoit à ses besoins long-temps avant le coucher du soleil. D'abord son vol est très élevé; mais elle se rapproche de la terre à mesure que le jour baisse, et quand le soleil reparoît elle rentre dans sa retraite, c'est-à- dire dans la partie obscure des vieilles tours ou le creux des vieux arbres. Cette espèce forme des troupes de dix à vingt individus de-tout sexe. Les Murins paroissent vivre solitaires, maisils se retirent aussi pendant le jour dans les vieux édifices et les arbres creux. On sait, au reste, assez que les observations ont une influence réciproque, qu'elles se fécondent mutuellement, que celles qui se rapportent à un ordre de faits quelconque profitent aux faits 14 ESSAI DE CLASSIFICATION NATURELLE d'ordres différents, en éveillant sur eux une attention que tout contribuoit à en écarter. Réunis jusqu'à présent dans le même groupe générique, présentés comme étant liés intimement les uns aux autres par les organes, et me différant que par de foibles caractères spécifiques, on n'a dû mettre que peu d'im- portance à l'étude des différences que préséntent les mœurs des Vespertilions; mais dès qu'il sera reconnu que ces animaux forment des divisions naturelles fondées sur des modifications organiques d'un ordre plus élevé que celles qui caractérisent les espèces, cette étude se fera naturellement, et dans ce cas, comme dans tous les cas analogues, nous trouverons la nature consé- quente à elle-même: où ses moyens sont différents, les résultats le seront aussi. Je vais actuellement passer à la description des espèces de Vespertilions que j'ai à faire connoître, et que je crois nouvelles ou du moins méconnoissables dans les descriptions qui en au- roient pu être données. Les unes sont de l'Amérique septen- trionale et les autres des Grandes-Indes. Les Vespertilions de l'Amérique septentrionale dont les au- teurs ont parlé sont déja au nombre de douze. MM. Rafines- que, Say et Leconte qui les ont vus sur les lieux en sont les principaux historiens. Le premier en désigne six, sous les noms de Melanotus, Calcaratus, Monachus, Phaïops, Cyanopterus et Ma- crotis. Malheureusement il se borne à présenter d’une manière sommaire les caractères par lesquels ces espèces se distinguent les unes des autres: il n’en donne point une description com- plète, et par-là, ôtant tout moyen de les comparer exactement aux espêces qui lui sont restées inconnues, il en résulte que ses DES VESPERTILIONS. 15 observations ne peuvent plus être admises que comme de simples indices qui, par des observations nouvelles, pourront quelque jour devenir profitables à la science. M.Say(r)en a décrit deux, et ses descriptions suffiroient sil nous eût fait connoître la forme des têtes; cependantil paroît, d'après M. Harlan, que l'une d'elles, le Vespertilion arcquatus, n'a que deux incisives supérieures, et que le Subulatus seul est un Vespertilion. M. le major Leconte donne comme Vespertilions son Nocteva- gans, son Lucifuqus-et son Macrotis, qui est celui de Rafinesque, lequel est un Oreillard. Les deux autres sont de véritables Ves- pertilions, le premier appartenant à la section des Sérotinoïdes, et le second à celle des Murinoïdes; mais nous n’en connoissons que les têtes qui nous ont été remises par M. Leconte lui-même. Enfin depuis long-temps M. Geoffroy(2) avoit donné la descrip- ton d'un Vespertilion de la Caroline(W. carolinensis), et c'est celui de tous qui nous est le mieux counu, parcequ'à la des- cription sont jointes deux figures de la tête, une dans son état naturel, et une autre dépouillée de ses parties molles et avec les os seulement. Les Vespertilions que j'ai à ajouter aux précédents sont au nombre de sept, 1° LE V. GRIFFON, Ÿ. Gryphus. A la tête des Murinoïdes et deux fausses molaires anomales fort petites de chaque côté des deux mâchoires; l'oreille est er (1) Major Long, Exped. to the Rocky Mountains, vol. I, p- 167, et IT, p.65. (2) Annales du Muséum d'hist. nat., t, VIII, P. 193, pl. 47 et 48. 16 ESSAI DE CLASSIFICATION NATURELLE échancrée et l'oreillon en couteau. Toutes les parties supérieures du corps sont d’un blond jaunâtre, les parties inférieures sont grises, mais les poils des uns et des autres sont noirs à leur ex- trémité inférieure. Les parties nues sont violâtres. Des mous- taches garnissent les côtés de la lévre supérieure et le dessous de l'extrémité de la mâchoire inférieure. Longueur du corps, de l'extrémité du museau à l'origine de la queue. . . . . . . 1 pouce 9 lignes. Della queue: » 1601100: 2 Envergures…,.lf «0 2017 10 Des environs de New-York. Düû aux recherches de M. Milbert. 2° LE V. DE SAULNIER, 7. Salaru. A la tête des Murinoïdes et deux fausses molaires de chaque côté des deux mâchoires; l'oreille est échancrée et l’oreillon en couteau. Toutes les parties supérieures du corps sont d'un brun- marron grisâtre, et les parties inférieures gris-blanchâtres. Aux parties brunes les poils sont plus foncés à leur moitié inférieure qu'à leur supérieure; ils sont noirs dans cette inférieure aux par- tes grises. Les parties nues sont brunes, des moustaches garnis- sent les côtés de la lévre supérieure et le dessous de l'extrémité de la mâchoire inférieure. Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la queue. . ...... 1pouce 6lignes. Dela queue". 00) 7 Énverpure 20.) 7 Des environs de New-York. Düù aux recherches de M. Milbert. 3° LE V. DE GÉORGIE, 7. Georgianus. À la tête des Murinoïdes; l'oreille est échancrée et l’oreillon DES VESPERTILIONS. 7 en alêne. Toutes les parties supérieures du corps sont colorées par un mélange de noir et de blond jaunâtre. Le noir paroît, parceque la pointe des poils qui est blonde ne recouvre pas, à cause de sa briéveté, le reste de la longueur de ces poils qui est noir. Les parties inférieures sont grises, mais mélangées de noir, par la même cause qui fait paroître cette couleur aux parties supérieures. Des moustaches garnissent les côtés des lévres su- périeures, et le dessous de l'extrémité de la mâchoire inférieure. Longueur du corps, du bout-du museau à l'origine de la queue... -sapants . EI pouce 6 lignes. De, la queuerip.rtett 1 2 Enversure tenta, 7 » De Géorgie. Dü aux recherches de M. le major Leconte. 4° LE V. BLONDIN, 7. Subflavus. A la tête des Murinoïdes; l'oreille est échancrée, et l'oreillon en demi-cœur. Les parties supérieures du corps sont d'un blond gris clair, légèrement ondulées de brunâtre; les parties infé- rieures d’un blanc jaunâtre; les poils des parties supérieures sont noirs à leur base, blanchâtres dans la plus grande partie de leur longueur, et brunâtres à leur pointe; ceux des parties inférieures sont noirs à leur moitié inférieure, et d’un blanc jaunâtre à leur autre moitié. Des moustaches garnissent les côtés de la lévre supérieure, et le dessous de l'extrémité de la mâchoire inférieure. Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la QUEUE. A - - : . -. I DOUCE 6 lignes. Deflarqueue. 1720000 3 Enverrure...... 17 De Géorgie. Dû aux recherches de M. le major Leconte. Annales dù Muséum, t. I”, 3° série. 3 18 ESSAI DE CLASSIFICATION NATURELLE 5° LE V. CREEKS, 7”. Creeks (1). A la tête des Sérotinoïdes, point de fausses molaires anomales à la mâchoire supérieure, et une seule à l'inférieure; l'oreille est L4 , Q . 2 . échancrée, et l'oreillon en couteau ; les parties supérieures sont d'un brun jaunâtre, les parties inférieures d'un gris sale; les poils de toutes ces parties sont noirs à leur base. Des mousta- ches garnissent les côtés du museau et le dessous de l'extrémité de la mâchoire inférieure. Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la queue:.....#Haf. "012 pouces. De la queue. . . . . . 1 6 lignes. Envergure. We Je 9 De Géorgie. Dà aux recherches de M. le major Leconte (2). 6° LE V. ÉPAIS, /. Crassus. À la tête des Murinoïdes, deux fausses molaires anomales de chaque côté des deux mâchoires; l'oreille obtuse et l'oreillon en couteau. Toutes les parties supérieures du corps sont d’un brun-marron grisâtre, et les parties iuférieures blondes; les poils, à leur ori- gine, sont plus foncés qu'à leur extrémité. (1) Ce Vespertilion a la tête exactement semblable à celle du Vespertilion de la Caroline, et leurs couleurs ont de grands rapports, mais ils diffèrent par la forme de l’oreillon, si, comme le dit M. Geoffroy, cet organe, chez le Vespertilion de la Caroline, ressemble à celui du Murin, et est en forme de demi-cœur. (2) Nous devons encore à M. Leconte un Vespertilion que nous considè- rerons comme appartenant à cette espèce, car il ne diffère des individus, d’après lesquels nous l'avons décrite, que par une nuance plus brune en dessus et en dessous. DES VESPERTILIONS. 16 Des moustaches garnissent les côtés de la lévre supérieure et l'extrémité de la mâchoire inférieure. Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la queue. . .... ... 2 pouces. Dénalqueuerrdl #8" 8 lignes. Envergure. . ©." Vu6 8 Cette espèce est due à M. Lesueur, qui l'a envoyée de New- York, sous le nom que je lui ai conservé. Les Vespertilions de la presqu'île de l'Inde, du Bengale et des Indes orientales qui nous étoient connus sont, le Kirivoula V. Pictus, depuis long-temps décrit et figuré par Sébas et quatre espèces publiées par M. Horsfieid dans ses Recherches zoologi- ques sur Java, c'est-à-dire lès Vespertilions qu'il nomme 4dver- sus, Hardwickii, Translatus et Imbricatus. Ces quatre espèces, dont on doit regretter de n'avoir pas au moins les figures de la tête , sont cependant décrites avec assez de soin pour que j'aie pu reconnoître qu'aucun des Vespertilions indiens que j'avois sous les yeux ne leur appartenoit. Le nombre des Vespertilions des parties méridionales de l'Asie s'élévera done à neuf(1); c'est la moitié moins que celles qui ont été reconnues en Europe; et quand on considère l'étendue de l'indostan, les îles nombreuses (x) Depuis la lecture de ce Mémoire, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire en a publié une espéce de plus, sous le nom de Vespertilion de Bélanger, dans le Voyage de Charles Bélanger aux Indes orientales, p. 27, fig. 3 ; mais cette espèce ne se rapporte non plus à aucune des môtres. 20 ESSAI DE CLASSIFICATION NATURELLE qui en sont voisines, ou qui forment les Indes orientales; mais sur-tout la nature de ces contrées si favorables aux animaux qui se nourrissent d'insectes, on est fondé à penser que denombreuses espèces encôfe y seront reconnues, et que les soins des natura- listes qui s’occuperont de leurs recherches seront amplement récompensés. 7° LE V. MALAIS, V. Malayanus. A la tête des Murinoïdes, l'oreille en entonnoir et l'oreillon en pétale. Toutes les parties du corps sont d’un fauve clair; les supé- rieures un peu plus foncées que les inférieures; les membranes sont d'un run clair, et des moustaches garnissent les côtés du museau. Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la queue PPS 1 pouce 5 lignes. De la queue. . . ... L 7 Envéroure: 0 2) 20.012270 Nous devons-cette espère anx soine d'Alfred Duvaucel. 8° LA NOCTULE DE SUMATRA. Un peu plus petite que la Noctule d'Europe, mais tout-à-fait semblable. Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la queue. . ...... 2pouces 2 lignes. De la queue. . . . .. 1 4 lignes. Envergure. . ..... 9 C'est à Alfred Duvaucel que nous devons la connoissance de cette Noctule de Sumatra. PRIT + Lig 3 RU AR ; "2 L Jérvlimorde. è LE] La 1 Ê & L] % Li “ 2 LA b LA | Li . pi l L] LI ‘ a = ê «. 24 + + à. * L p CEA sv r a : d L . 29 1 } “ * . ' s ne » L LU CR DIET + Fr 22. PE US LE LR RE ; “pre # * 2. + "à CE CA r: P o La FE Annalès du Maséurr * Ê » Tütes de Vesperttons (Charene- Souris) ee Us Z Ca LA 1€ ) 4 ) de IN )! DA s , : : s - + s + Fat * . ? £ (4 5 . La 4 | } ” & Tétes ct Oreëlles de Vespertlions [Ohauvès-runs) N Annales du Maréum - 5 » + si: ! : € VE 07 MAN DES VESPERTILIONS. 2I 9° V. JAVANAIS, 7. A la tête des Noctuloïdes, les oreilles échancrées et les oreil- lons en couteau. Toutes les parties supérieures du corps d'un brun uniforme; les parties inférieures blanchâtres. Les poils n'ont ces couleurs qu'à leur pointe;-ils sont noirs dans le reste de leur longueur. Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la queue tu UL. 1 pouce 7 lignes. De la queue: : . . . . 4 I Envergure. : : . . .. 7 | Cest M. Busseuil, chirurgien de la corvette la Thétis, com- mandée par M. de Bougainville fils, qui a rapporté cette espèce de Java. 10° V. DE COROMANDEL. A la tête des Noctuloïdes, les oreilles échancrées, les oreillons en couteau. Les parties supérieures du corps sont d'un brun gris jaunûtre, et les parties inférieures blanchâtres. Les poils sont noirs dans les trois quarts de leur longueur, et d'un blond jau- nâtre à leur extrémité. Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la queut >. +. 1 pouce 4 lignes. De la queue. . . . .. I I Envergure. . . . . . . 6 6 Leschenault a rapporté cette espéce de Pondichéri. _ mot : is Me to nids ab aq rod) «liuoeas@. fé D 4 où. EUTE obama un gliad & rss | baotd & fer v > $ | ESSAI Pour servir à la détermination de quelques animaux sculptés (x) dans l’ancienne Grèce, et introduits dans un monument histo- rique enfoui durant les désastres du troisième siecle (2). PAR M. GEOFFROY SAINT-HILAIRE. Représentant de l’Académie royale des sciences dans la com- mission dite de l'expédition scientifique de Morée, et à ce titre appelé à prendre connoissance de quelques débris d’un bas-relief découvert en 1830, et récemment transportés à Paris, je croyois n'intervenir que pour répondre à cet appel : mais entraîné par le sentiment du naturaliste, je me suis trouvé engagé dans d’au- tres soins. Ces débris proviennent du temple fameux consacré à Jupiter et bâti à Olympie, dans la vallée et sur les bords de l'Alphée. On est redevable de leur découverte aux artistes envoyés en Morée, et en particulier à M. Blouet, chef de la section des architectes. Olympie et ses nombreux édifices avoient entièrement dis- paru, mais les écrits de Pausanias portèrent sur leurs traces; et sur une indication qui ne pouvoit être un renseignement utile que pour le zéle et le savoir, M. Blouet se crut sur l'em- (1) Par Alcaméne, l'éléve et le rival de Phidias. (2) Ge Mémoire a été lu à l’Académie royale des sciences, le 14 février 1834, peu de jours après l’arrivée à Paris des parties retrouvées du monument. 24 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION placement d'Olympie, et fit fouiller parmi les alluvions de l’Al- phée. C’est là qu'on découvrit une partie du fronton du temple de Jupiter Olympien, principalement l'un des bas-reliefs décrits par Pausanias, et dont cet auteur célébre le mérite, en le re- commandant comme dû au ciseau de l’un des grands sculp- teurs de l'époque, Alcaméne, l'élève le plus distingué de Phi- dias. Dans ce bas-relief, Minerve honore la force, la valeur et les bienfaits d'Hercule. Une partie des animaux dont le héros a purgé le sol de la Grèce orne cette scène d'ovation. SECTION PREMIÈRE. Observations préliminaires. ‘Qu'étoient ces animaux, quels doivent-ils nous paroître? A l'idée toute naturelle, dans ma position sur-tout, d'essayer d'en donner une détermination, on opposa des règles, certains usages consacrés comme autant de principes par les érudits: il est même pour cé cas un mot, parerga, qui désigne tous les acces- soires de la sculpture antique, et qui sert à exprimer l'espèce de dédain qu'on témoigne pour les accompagnements caricaturés d'un sujet principal. Cependant opposer des généralités, dont il faut d’abord qu'on suppose la prétendueinfaillibilité, sans faire la part des cas imprévus, et définitivement les recommander pour détourner d’un projet d’études, cela me parut irréfléchi, et je passai outre. Je reviens aux impressions que je reçus devant les fragments du bas-relief, qui furent d'abord déposés au ministère de l'inté- rieur. Qu'étoient les animaux représentés au temps de Phidiaset DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 25 d'Alcaméne, ce lion de Némée, cette hydre de Lerne, le tau- reau de Crète, le sanglier d'Érymanthe, etc.? Dans quelle me- sure la nature animale d'alors avoit-elle été consultée? Il y a plusieurs races ou espèces de lions, de sangliers, de taureaux, de grands serpents. Jusqu'à présent le sentiment populaire s'é- toit contenté des idées un peu vagues exprimées par ces noms génériques, et l'on n’y avoit attaché aucune importance. Pour- quoi, si de grandes révélations ou de piquantes observations devoient dépendre d'études plus réfléchies et plus conscien- cieuses de ces vieux matériaux de la fable ou de l'histoire, re- noncer à sy livrer? Pourquoi le sentiment zoologique, devenu de nos jours plus profond et plus puissant, ne seroit-il pas de nouveau employé à chercher, à démêler ce qu'il peut y avoir de vrai, ou simplement d'emprunté à limitation dela nature, dans ces conceptions pittoresques, dans les produits les plus maniérés de l'art? Car, si ce ne sont pas des portraits réels, toujours est-il certain que l'artiste n’a pu marcher contre son but, c'est-à-dire assisner des formes pour qu'elles fussent méconnues. Une autre objection à prévenir est celle-ci: « L'histoire natu- relle ne sauroit raisonnablement intervenir dans des questions de pure mythologie, et faire partie d’une discussion s'appliquant à la configuration de signes symboliques , si les douze travaux d'Hercule ne rappellent que des sujets fabuleux.» Selon l'opinion de la plupart des archéologues, qu'ont entre autres exprimée Court de Gébelin et Dupuis, les faits attribués à Hercule ne reproduisent, sous une autre forme , que les allésories des douze signes du zodiaque, ne sont qu'une traduction en style grec des scènes et motifs figurant et exprimant allésoriquementl'ancienne et universelle cosmogonie. Or, l'invention du zodiaque devint Annales du Muséum, t. 1”, 3° série, 4 26 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION le fond d’une théosonie indienne plusieurs siècles avant le déve- lonpement de la vie sociale en Europe. Et comment alors, dans le bas-relief découvert à Olympie, qui ne seroit qu'une trans- formation de cette ancienne composition, trouver des éléments pour une zoologie grecque? | Des esprits généralisateurs vont très vite dans des suppositions qui embrassent tous les âges historiques. Mais défions-nous de ces penseurs, nés avec des cerveaux ardents, pour lesquels pro- duire est un besoin irrésistible, que l'inspiration saisit avant de posséder les faits, bien qu’elle les entraîne au-delà quelquefois avec bonheur au profit de l'humanité. Et, en effet, c'est pour moi une question encore entière, si les Grecs, entrant dans les voies de la civilisation, ont connu et adopté les fables indiennes; ou si, partis du même point de barbarie que les sociétés dans l'Inde, ils ont eu à traverser les mêmes obstacles, à éprouver les mêmes vicissitudes, à ressentir les mêmes joies de victoires sem- blables, et à inventer également pour leur compte les mêmes manifestations de leurs sentiments (x). (1) Le développement de ce sujet devoit faire le second chapitre du pré- sent écrit: car cette question se lie à une autre assez différente que j'étudie, et dont je compte donner les résultats à la fin de mes travaux sur les osse- ments fossiles du calcaire oolithique de la Basse-Normandie. I n’y a d'animaux possibles qu’en raison del'essence et selon la nature des éléments ambians qui s’organisent en eux. A chaque cycle géologique, ces éléments sont plus ow moins modifiés, et alors ce sont tout autant de formes animales, qui varient dans une même raison. Or, l'homme, qui après tant d’autres animaux, est à son tour intervenu dans le courant de ces change- ments, offroit certes un sujet intéressant d'études, sous ces deux rapports, 1° de son apparition comme constituant une espéte bipède et à tête volumi- DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 27 Dans les appréciations de ce genre, l'on ne sauroit apporter trop de réflexion, admettre trop de distinctions. N'oublions pas les deux nécessités qui poussent l'homme vers sa destination dé- finitive, qui aussi en restreignent les allures aventureuses ; c'est-à-dire n’omettons dans nos spéculations Pintervention ni des choses du dedans, ni de celles du dehors. Expliquons cette pensée contractée et par conséquent obscure. Les choses intérieures sont celles qui se manifestent dans l'homme, comme étant absolument engendrées par ses faits de propre nature; ce sont les incitations de toutes les parties de son organisation; et les choses extérieures sont tout ce qui l’affecte par des perceptions causées au-dehors, ou toutes les excitations de son monde ambiant, lesquelles l’astreignent'et le livrent, en instrument docile, à la cohésion de ce qui le touche mécanique- ment. Que l'homme n'obéisse qu'à une seule de ces impulsions, celle du travail intérieur de ses parties organiques, il n’est sus- ceptible dans l'ordre des temps que des mêmes actes. D'une nature dans ce cas immuable, il est par cette position, ou devient vis-à-vis de lui-même, une même cause engendrant nécessaire- ment le même effet. Mais n'est-ce pas ce qui se montre unique- ment et ce qui se trouve entièrement réalisé à la première neuse et sphéroïdale; et 2° d’une aptitude indéfinie dans le perfectionnement matériel de son être, sur-tout en commencant et cultivant la vie sociale. C’est à de telles recherches que, dans un second article, je voulois appli- quer les déterminations acquises dans le présent Mémoire; mais, arrêté tout d’abord comme je l'ai été, je me réfugie dans le silence. Ce second chapitre devoit contenir un essai d'explication du sens caché sous les formes symbo- liques de l’Hercule grec, une explication, comme la peut concevoir et donner un naturaliste. 28 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION époque de la vie sociale? Au sortir de la barbarie, il est plutôt excité par les susceptibilités de son instinct que guidé par les lumières d’une raison intelligente; faculté adventive, mais non actuellement advenue. Ce qui appartient à sa nature intime est dans ce moment en pleine puissance d'agir et détermine toutes ses allures, non que l’homme n'ait à se débattre dans son monde ambiant, qu'il ne doive(et certes plus vivement encore) res- sentir tout le poids accablant des parties environnantes, et qu'il ne soit dominé par tant de corpuscules qui pénétrent en lui; se rendant au cerveau par les organes des sens, alimentant la flamme de ses poumons et changeant tousles rapports chimiques des ingesta dans ses voies digestives. Mais toutes ces causes d'influence pour l'homme dans l’en- fance de la civilisation sont une constante sans différence ap- préciable, sur laquelle, à la rigueur, la différence des climats pourroit avoir action; C'est-à-dire sont une constante qui se manifeste comme des parties concentrées, amenées à l'unité d’es- sénce et par conséquent incapables de variations partielles, quand au contraire les modifications organiques, qui dépendent de l'âge, du jeu plus ou moins libre des organes et d’une multitude de petites circonstances provocatrices, agissent de leur chef avec autorité, et ainsi distinctement. Les hommes, dans les premiers pas de la carrière sociale, n'ont point encore assez de lumières pour réagir contre les forces de la nature, pour diriger le cours des eaux, pour assainir les lieux fangeux, enfin pour réformer en partie leur monde ambiant. Engagés dans les mêmes travaux sur divers points de la terre, ils y pensent de même, s’y répétent de même, mais ne se copient pas. Chaque peuplade se trouve célébrer ses succès par de mêmes chants triomphaux: car il n'y DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 29 a d'histoire soigneusement recueillie et écrite que parmi les nations qui ont vieilli dans la civilisation. C'est ce que ne comprennent point quelques esprits généra- lisateurs, qui, au contraire, apercevant des rapports entre les tendances et les moyens des premiers actes de la vie sociale, ne manquent point dans ce cas d'attribuer l'invention de l’ordre établi au peuple le plus ancien, et ne voient plus que des effets de réminiscences chez les générations suivantes. Voilà par quelles séries d'idées a passé mon esprit pour conce- voir comment chaque peuple, placé à d'assez grandes distances comme lieu et comme époque, aura de la même manière com- mencé la vie sociale etse sera de même, ou à-peu-près de même, félicité de ses succès. Mais quant aux douze travaux d'Hercule, je m'appuie sur des preuves plus spéciales et plus directes ; c'est que le caractère et les expressions des faits attribués à ce héros sont uniquement et exclusivement grecs. Chaque nom d’allégorie a son principe dans des raisons de localités : c'est à des Grecs, et en se servant des noms de leurs villes, vallées et montagnes, qu’on parle. Ceci est manifeste dans cette nomenclature : taureau de Gnosse ou de Crète, lion de Némée, sanglier d'Érymanthe ou de Calydon, hydre de Lerne , etc. Tout est là d'invention grecque, c'est de l'histoire et de la géographie entièrement helléniques (1). J'avais besoin pour moi et mes lecteurs de ces éclaircissements: (1) Ges réflexions devoient préparer la discussion d’un second chapitre. Celui-ci ne peut paroître dans le présent ouvrage; et j'aurois peut-être mieux fait aussi de supprimer tout ce paragraphe, où je ne me dissimule pas qu’on ne puisse justementtrouver à blâmer le caractère d’un hors-d’œuvre. 30 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION au moyen de ces explications, je puis effectivement avancer dans la composition de cet écrit, agir avec une pleine aisance dans les déterminations que je vais essayer de donner. Dans le bas- relief d'Olympie, formant une page, qui n'est pas seulement re- commandable par son antiquité de vingt-deux siécles, mais qui l'est en outre comme émané du grand siecle de la sculpture et comme étant le sujet original d’un commentaire fait par Pausa- nias, nous ne trouvons d'instruction et de souvenirs que pour trois animaux de l'ancienne Grèce. Une partie seulement des sujets exprimant les douze travaux d'Hercule nous est parvenue : l'hy- dre de Lerne, ou du moinsune tête deserpentqu'on en a supposée la représentation , étoit au nombre des objets retrouvés, mais ce morceau n’a point été rapporté : c'est une perte regrettable. SECTION DEUXIÈME. Considérations zoologiques. Je passe à la description des trois animaux, de celle du moins de leur forme, telle qu'elle nous est présentement transmise par l'art de la sculpture, comme il fut au temps de Phidias. I. LE TAUREAU, objet du sixième travaïl d'Hercule. Ce taureau est représenté de grandeur naturelle et de profil, la tête étant tournée pour être vue de face; le héros dans une attitude où il déploie sa force athlétique est légèrement incliné, son dos cou- vrantlesflancs de l'animal. Ilse le soumet, en paroissant l'accabler, non seulement de son propre poids, mais de plus par de vio- lents efforts. Ainsi l’on aperçoit du taureau, par-derrière, sa \ DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 31 croupe et sa queue artistement jetée, et, par-devant, sa tête; le cou est gros, la corne est presque droite, latérale et fort courte: le masque manque, le marbre étant frustre en cet endroit par suite de brisure; cependant l'emplacement de la face est suffi- samment circonscrit pour qu'on puisse juger de ses proportions et yreconnoître sur-tout un front large et sans hauteur. D’après cet ensemble, et les formes de la queue lésèrement floconneuse à l'extrémité, mais en se fondant spécialement sur les caractères plus précis de la tête, je crois feconnoître le taureau sauvage, qui fut autrefois si abondant en Europe, le Bos Urus, l'aurochs, dont il est si souvent question dans les Commentaires de César, qui n'existe plus présentement dans les forêts de la Germanie et que l’action progressive de la civilisation dans les lieux où il est encoresouffert, tels que les contrées désertes de la Pologne, de la Russie et de la Turquie, doit prochainement anéantir. Ce n'est qu'à cette espèce que lon peut attribuer les passages ci-après de Pausanias. « Le taureau de Péonie est de toutes les bêtes féroces la plus difficile à prendre en vie (1) : c'est un animal qui a de grands poils sur le corps, particulièrement sous la gorge et sur l'estomac (2). » Au temps de Pausanias , l’aurochs auroit donc été déja refoulé vers l'entrée de la Macédoine, dans des gorges où la rivière de l'Axius prend sa source ; cependant un caractère dans le marbre d'Olympie fourniroit une autorité contraire à cette détermination, c'est le trop de longueur de la queue. Alca- mène, composant d'après ses souvenirs, ne se sera point piqué (1) Lib. X, cap. 13. (2) Lib. IX, cap. 21. 32 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION d’exactitude à cet égard, afin de donner un mouvement plus heureux à cette partie de son bas-relief. II. LE LION, objet du premier travail d'Hercule. Il y a trois sujets qui se rapportent à cette espèce, dans le bas-relief d'O- lympie : 1° un lion terrassé, couché et foulé par l’un des pieds du héros; et 2° deux têtes plus fortes que nature, servant d'orne- ment, et qui furent comprises dans l'entablement du fronton : l'une des têtes est vue de face et l'autre de profil. Hercule, dont Hérodote place la naissance cent ans avant la guerre de Troie, c'est-à-dire 1382 ans avant l'ère chrétienne, est réputé avoir combattu et tué pour son premier travail un lion dans la forêt de Némée. Or, cette forêt avoit recu son nom de son voisinage d'une ville de l’Argolide, située au pied du mont Apésas : en admettant ces données historiques , il y avoit à cette époque très reculée des lions dans le Péloponèse : mais huit cents ans plus tard, il ne s'en trouvoit plus que vers la frontière nord de la Grèce, où ces redoutables animaux avoient jusque-là ré- sisté. Il est avéré qu'il n’en existe plus présentement sur aucun point de l'Europe. C’est par Hérodote que cette particularité, touchant les lieux occupés par les lions au temps de la guerre de Xercès, nous est parvenue (1): il s'en trouvoit un grand nombre dansles pays ren- fermés entre l’Achéloüs et le Nessus, c'est-à-dire dans une partie de la Thrace et de la Macédoine. Xercès, traversant la Péonie, eut une partie des chameaux de ses bagages attaquée et détruite par des lions descendus des montagnes pendant la nuit. Aristote ra- (1) Hist., lib. VIL, cap. 125 et 126. DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 33 conte les mêmes faits, qu'il a, suivant moi, copiés et empruntés au père de l'histoire; il en a fait de même dans bien d’autres pas- sages deses livres. Le Péloponèse et plus loin les pays de l'Europe situés au nord de la Grèce, avoient-ils leur lion propre, ou n’étoit-ce que le lion de l'Atlas, dont l'augmentation de la population auroit peu à peu détruit la race? [n'y a pas long-temps qu'on eût répondu à cette question, en citant la croyance commune qu'il n’y a qu'un lion, le felis leo des auteurs. Alors même c’eût été contre le sentiment d'Aristote, qui avoit déja posé en fait (1) qu'il y a des lions d’es- pèces différentes, l'un plus court, à crinière crépue, et d’un caractère plus timide, et l'autre qui est plus courageux, ayant le corps sensiblement plus long, et qui porte une plus belle et plus longue crinière. On doit aujourd'hui d'autant plus d’atten- tion à ce passage, que nous connoissons plusieurs races ou es- pèces distinctes, savoir : 1° Le lion du mont Atlas: un corps très long, et sa crinière magnifique qui lui garnit la tête, qui entoure le cou, et qui s'étend sans intervalle sur l'épaule, le caractérisent; c'est le deuxième des lions d’Aristote. 2° Le lion du Sénégal, plus foible, à crinière moins prolon- gée; son épaule n’est ornée que d’un épi de poils. 3° Le lion de Bagdad, tout-à-fait ou à-peu-près sans crinière ; Olivier en parle dans son Voyage en Syrie(2): celui-ci n’a ni le courage ni la taille, ni la beauté des lions africains. 4° Les lions noirs de l'Inde, cités par Élien (3). À (x) Hist., lib. IX, cap. 44. (2) Voy. dans l'Empire ottoman, 11, page 426, (3) De Animal. nat., lib. XVII, cap. 26. Annales du Muséum, t. I”, 3° série. [Sa 34 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION 5° Enfin, les lions du Cap, que notre ménagerie nous montre avec une queue sensiblement plus courte. C’est sous la préoccupation de l'existence de ces diverses races, que nous allons décrire les échantillons du bas-relief d'Olympie. Premièrement. Du lion entier et terrassé. Il est couché dans une attitude scénique : on le juge irrité de ne pouvoir se soustraire à l'ascendant de son vainqueur; les lèvres sont en retrait, contractées, fortement renflées et à bords sinueux. Le mufle est sillonné, pour rendre l'expression de quel- ques petites excavations cutanées, que l'on a figurées en ligne et d'où sortent les barbillons; les dents caninés sont apparentes; la forme des autres est restée non étudiée; les oreilles sont à conque large et plissée; et la crinière est disposée en flocons égaux, qu'on juge arrangés à dessein et pour produire une sorte de chevelure. Au total, l'animal, qui est remarquablement petit, tire sa principale expression de sa tête fort courte. Il est manifeste, d'après ces traits, que c'est à la première des deux espèces d’Aristote que se rapportent les formes du lion sculpté par Alcamène. Mais à laquelle des deux, n° 2 et n° 3? Tout me porte à croire que c'est à la race qui existe encore dans le voisinage de la Syrie. Autrefois il y avoit aussi des lions dans la Syrie elle-même et en Égypte, pays où l'on n’en trouve plus. La Cülicie, l'Arménie et le pays des Parthes en étoient pleins, dit Oppien; si l'on en voit encore aujourd'hui, ils y sont au moins très rares. Deuxièmement. Sur la tête vue de face. L'artiste a voulu y introduire un caractère de force et de majesté; les lèvres ne sont que dans une demi-contraction; le nez est large et court, plus sensiblement que dans le lion du DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 35 mont Atlas. Les oreilles paroissent plus plissées, moins ouvertes et plus basses que chez les lions actuellement vivants. La cri- nière très singulièrement compassée se trouve si bien distribuée en flocons sinueux et symétriques qu'on croit y reconnoître moins l'intention d’une copie exacte, que le faire d'un calcul, que le sentiment de l'artiste. Troisièmement. Sur la tête fgurée de profil. C'est le même travail que dans le cas précédent; il est évident que l'artiste s’est assujetti à l'idéal adopté par lui pour ce sujet, à une composition d'intentions poétiques; mais de plus cette tête m'a fourni une observation intéressante, un fait du moins qui m'a laissé dans une grande incertitude. Six dents bien rangées et d'une forme non équivoque remplissent tout un côté de la mâchoire supérieure. Le même relief apparoît aussi à la mâ- choire d'en bas, mais sous un aspect à cacher une partie des dents, ou à ne les présenter que réduites ou sacrifiées. Les six dents supérieures se reconnoissent sans difficulté, comme faites d'après les six larges dents mâchelières du cheval. Or, ce sont quatre molaires de moitié plus petites, échancrées et à bords profondément sillonnés, qui forment l’arrière-partie de l'arcade dentaire des lions, et à la mâchoire inférieure, trois seulement. Dans ce cas, est-ce ignorance, est-ce calcul, que ces arrange- ments dentaires transportés du cheval et attribués au lion? Il n’est de choix à faire ici qu'entre ces deux parüs, inattention ou bizarrerie. Renfermé dans cette position, il me répugne moins d'admettre l'erreur volontaire, qui auroit pris ses motifs dans l'esprit du siécle de Phidias, dans des combinaisons mythologi- ques. Et en effet, ce qui révolte avec tant de raison notre parti pris d’une fidélité servile, nos idées reçues d'assujettissement à la 36 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION vérité locale, à une imitation correcte des sujets à représenter, se changeoïit pour les Grecs en des principes qui les portoient vers des combinaisons dont ils faisoient des vérités de conven- tion, plutôt qu'à la représentation du vrai lui-même. Je m'explique à cet égard: et en effet, si ce n'est pas tout sim- plement sur une grossière méprise, Alcamène n'auroit suivi que la mode de son temps, en prenant, avec toute licence, en dehors de son sujet de quoi ajouter à l'effet pittoresque, et en sacrifiant la réalité, pour y substituer plus de passion et de poésie. C'étoit des idées que l'on se proposoit alors de traduire avec de la sculp- ture, et non des formes réelles qu'il falloit rendre exactement. Or, le profil d'une mâchoire pleine de dents grandes et robustes pouvoit paroître d’un effet plus menaçant, du moins annoncer bien autrement de la force que les trois ou quatre dents petites, aiguës et découpées du lion, lesquelles, copiées servilement, n’eussent amené sous le ciseau qu'une nature amaigrie. C'étoit autrefois, pour les arts en peinture et en sculpture, comme pour les sciences en physiologie et en médecine ; on né- gligeoit le matériel des choses pour s’en tenir à leur manifesta- tion extérieure : et ce ne fut point par choix, mais par nécessité de position. L'organisation des corps vivants, pour être appré- ciée, réclame l'observation de données si nombreuses, qu'il a bien fallu s'en référer à la lente investigation des siècles. Mais en attendant que la construction de l'admirable machine eût fourni à toutes les informations desirables, et que la science pût devenir à son égard rationnelle, ses actions, ses mouve- ments, ses relations, sa vitalité, ses combinaisons, ses intus- susceptions, sa capacité pour l'intelligence, et généralement sa manière d'être à l'égard de toutes les parties de son monde am- DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 37 biant, formoient un ensemble de scènes variées qu'il devenoit plus facile et plus expéditif d'étudier sur leurs manifestations apparentes. Aïnsi, la médecine s'en tint à être hippocratique; la physiologie fut traitée par des philosophes, et la poésie s'in- troduisit dans les arts d'imitation. On ne s'inquiéta point de ce qu'étoit chacun de nos organes, pour rester entièrement à la préoccupation de:ce que tous ensemble produisoient d'actions au-dehors; c'étoit laisser de côté la construction des animaux pour l'expression de leurs habitudes. Rien n'étoit possible alors au-delà de ce champ d'observations; mais alors, favorisées par cette spécialité d'études, les connoissances de ce genre gagnoient en profondeur; et plus réfléchies que de nos jours, elles ten- doient à introduire le sentiment de ce haut savoir dans toutes les compositions des arts. Est-ce dans ces idées dominantes, qu'au grand siécle de l’art, Alcaméne auroit puisé l'inspiration de renchérir sur le grandiose de son sujet au moyen d’heureuses infidélités, et décidément, par un mélange calculé de plusieurs traits, chacun donnant sa naïve expression, d'essayer de placer sous l'œil quelques idées compliquées et d'arriver ainsi à faire un tableau parlant? IL. LE SANGLIER. Le bas-relief d'Olympie n'eut pour y com- prendre une scène de sanglier qu'à produire un groin de cet ani- mal, ou du moins c'est tout ce qui en nous reste dans un morceau présentement isolé. Effectivement, c'étoit assez pour placer dans la composition générale un souvenir du sanglier d'Érymanthe, ou autrement de l'action qui est réputée le troisième travail d'Hercule. C'étoit aussi tout ce que le naturaliste en pouvoit de- sirer connoître pour la détermination de l'espèce. Cependant 38 ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION quel étoit ce sanglier d'Érymanthe, évalement nommé sanglier de Calydon? Érymanthe étoit le nom d'unemontagne d’Arcadie, etCalydon celui d’une forêt située plus au nord et de l’autre côté du golfe de Lépante. Hercule fut renommé pour avoir, ici forcé et pris vivant, et là, tué un énorme sanglier. Le groin, exécuté en marbre, que nous avons sous les yeux, donne très bien les conditions principales et caractéristiques du gere, la saillie du disque nasal et les défenses qui excédent et qui contournent la lévre en la dirigeant vers le haut. Cependant ces défenses sont grêles, rondes, assez longues pour atteindre la hauteur du museau, symétriquement arquées, bien ajustées, l'antérieure-étant-au-dessous de l'autre, et toutes deux enfin paroissant tout-à-fait appliquées sur le derme. 11 y a sans doute dans cette conformation de quoi satisfaire à la reconnoissance du genre sanglier, Alcamène nes’étant proposé rien de plus; car ce qui a pu contenter cet artiste selon les idées de son temps, nous paroît passer à des effets d'indifférence pour l'exactitude. D'au- tres mœurs nous ont fait aujourd'hui les hommes de la précision. Nous voulons laisser aux faits tous les enseignements de leurs conditions matérielles, quand on ne vouloit retirer d’eux autre- fois que la manifestation de leur essence poétique. .Ge point de fait reconnu, à quoi bon, dira-t-on, une déter- mination scientifique du sanglier du: Péloponèse d'après un marbre qui. n'en seroit qu'une copie infidèle? La remarque est juste ;.et je ne lui-oppose que ces, deux foibles réponses: 1° l'in- exactitude de ce modele n'est que présumée, et 2° que ne doit-on pas attendre du.savoir actuel en histoire naturelle, pour com- prendre, d'anciennes études faites instinctivement d’après les animaux ? DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 39 On compte plusieurs espèces de sanglier. Laquelle d’entre elles aura valu à Hercule l'honneur d'un nouveau triomphe? Le modéle nous laisse dans l'incertitude. Si nous l'avions recu d'un statuaire moderne, nous pencherions à y trouver le type d'une espèce inconnue; mais, avertis, comme nous le sommes, des habitudes du faire antique, nous choisirons entre les animaux de notre actuelle zoologie. J'exclus d’abord, même sans autre justification que les indi- cations suivantes, 1° les sangliers d'Amérique à défenses qui se croisent et se prolongent droites à la manière des dents canines des lions; 2° le sanglier des îles de l’Archipel indien, ou le baby- roussa, à défenses très longues, menues, grêles et contournées en spirale; 3° le sanglier de Madagascar ou le sanglier à masque, qui porte une excroissance mamillaire derrière ses défenses. Restent les deux espèces sus scrofa et sus æthiopicus. Le sanglier vulgaire, scrofa, existe dans tout l'ancien conti- nent. Long-temps nous l'avons cru exclusivement propre à l'Europe, dont en effet il habite les terres marécageuses et boi- sées; mais je l'ai moi-même rencontré en Égypte, d'où il se sera répandu dans les terres adjacentes; ce que nie Aristote à tort, et pour avoir copié une erreur échappée à Hérodote: Ce san- glier vit aussi dans les Indes; c'est ce que nous savons par un crâne provenant de Jaffno et déposé à notre collection des squelettes par le docteur Reynaud, chirurgien et professeur à l'hôpital de Toulon. L'autre espèce, æthiopicus, que fort anciennement Adanson avoit vue au Cap-Vert, ainsi que l'attestent plusieurs fragments qu'il en avoit déposés au Cabinet du roi, fut pour la première fois, en 1777, publiée par Pallas. Pour exprimer toute sa sur- 4o ESSAI POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION prise et ses vives impressions, à la vue des formes extraordi- naires de cette curieuse espèce, Pallas lui fit, au commence- ment de son article, une application du proverbe romain : 4frica ferat monstris. Aspect horrible, naturel furieux, caractère opi- niâtre et indocile; animal né pour la fange, créé pour nuire, et n'étant pas même après sa mort une venaison passable; que de motifs pour en faire proscrire la race! Et par conséquent, si cet affreux animal désoloit la Grèce, au temps des campagnes d'Her- cule, nul doute que ce n’ait été cet énorme sanglier quele demi- dieu aura poursuivi sur le mont Érymanthe, atteint et vaincu dans les forêts de Calydon. Mais le sus æthiopicus existoit-il alors en Grèce? Il y a quel- ques années et avant les voyages de M. Ruppel dans le Kordo- fan et dans l’'Abyssinie, on auroit pu alléguer des impossibilités, tenant à des distances géographiques. Ces raisons ne subsistent plus aujourd'hui; le voyageur Ruppel a rencontré ce même sanglier au-delà des Cataractes sur les bords du Nil et dans l'A- frique centrale; or, il est là avec le lion de petite taille. Pour- quoi les mêmes événements n’auroient-ils pas pareillement dé- cidé de leur sort? Comme le lion de l’Attique, l'énorme sanglier de l'Éthiopie aura bien pu dans la péninsule grecque peu à peu céder le terrain aux sociétés humaines, c’est-à-dire succomber sous les efforts du nombre accru et de l'industrie des hommes. Ainsi nous pouvons hésiter dansnotredétermination de l'espèce d'Érymanthe entre le sanglier vulgaire et le sanglier aux quatre cornes d'Élien; car c’est ainsi que cet ancien auteur nomme les énormes défenses du sanglier d'Afrique. Duquel de ces deux sangliers l'échantillon du temple grec: s'approche-t-il le plus? Par le volume, la moindre longueur, et en général par Les pro- DE QUELQUES ANIMAUX SCULPTÉS. 41 portions des défenses, c'est du sanglier vulgaire; et c'est de l'autre au contraire par plus de courbure et par plus de rondeur de ses dents. La défense supérieure diffère de l'inférieure chez le sanglier africain tellement parle volume que, pour cette seule considération, il faut abandonner l'idée d'attribuer le groin sculpté par Alcamène à celui du sanglier quadricorne d'Élien. Toutefois j'ai parlé tout-à-lheure d’un rapport: leurs tiges sont de même arrondies, quand , pour ressembler à ce quiest dans l'autre espèce, il eût fallu les trouver comprimées et légèrement triangulaires : au surplus, les formes des défenses de l'échantillon se rencontrent mieux avec celles de notre sanglier dans une extrême vieillesse, parceque l’âge augmente les effets de l'usure, ce qui diminue les côtes ou saillies latérales, et qu'en prenant plus de longueur, les défenses se refoulent moins latéralement, mais se rangent un peu plus l’une au-devant de l'autre. Après cet examen comparatif, nous restons persuadés que ce sont les formes du sanglier vulgaire qu'Alcamène a eu l'inten- tion de reproduire dans son bas-relief; d'où il faut alors con- clure que, trois cent cinquante ans avant l'ère chrétienne, c'étoit notre sanglier européen, sus scrofa, qui se trouvoit en Grèce; conclusion qui toutefois n'exclut pas que l'autre espèce, plus digne du courage d'Hercule, ne se trouvât point aussi dans le mêmes contrées dix siècles auparavant. Si la destruction de cette espèce a pu en effet mériter au demi- dieu les hommages et la reconnoissance de la Grèce, cela reste et demeurera un problème dont il n’y a point à espérer la solution. Je n'ajouterai rien de plus à ces remarques concernant les Annales du Muséum, t. 1°, 3° série. 6 42 ESSAI POUR SERVIR A LA’ DÉTERMINATION, ETC. animaux représentés dans le bas-rélief du temple de Jupiter Olympien. Les longs développements dans lesquels je viens d'entrer m'ont paru commandés par l'obscurité de cette thèse, en même temps que par l'intérêt du sujet. Et en effet c'est une page de l'histoire ancienne qui étoit perdue, et qui vient d'être retrouvée dans ce monument d'une date authentique; page très remarquable sans doute, puisque nous pouvons, en 1831, y aller rechercher la pensée d'une raison supérieure exprimée, à une époque aussi reculée, y venir admirer l'œuvre d'un artiste du grand siècle de la sculpture. Cette page, j'ai dû m'y attacher, la discuter même, non à titre d’antiquaire et d'érudit:que je ne suis point, mais comme m'en faisoient un devoir et ma position et le genre de mes études. Les révélations qu'elle porte à mon esprit avoient été plus loin, puisqu'elles m'avoient entraîné dans d’autres explications, celles d'un second article. Je ne sais si je le publierai un jour; mais ce ne pourra être dans Je présent ouvrage. D SUR LE POISSON APPELÉ MACHÆR A. PAR M. LE B* CUVIER. La petite tribu des poissons à museau en forme d'épée ou de broche comprenoit depuis long-temps deux genres connus des naturalistes; les Xiphias, qui n'ont point de ventrales, dont le bec est déprimé et tranchant, et dont la queue a, de chaque côté, une carène saillante; et les Voiliers ou Histiophores qui ont des ventrales longues et minces, un bec grêle, arrondi, une très haute dorsale, ét deux crêtes saillantes de chaque côté de la queue. A ces deux genres, M. Rafinesque (Caratteri, p. 54, pl.I, f. 1) en a ajouté un troisième, celui des Tétraptures, à bec grêle et peu alongé, à dorsale basse, à ventrales minces, et dont la queue a, comme celle des Voiliers, deux crêtes de chaque côté. On en trouve, dans l'Histoire des Poissons de M. de Lacépéde (tome IV, p.688 et 68, et pl. XIIT, f.3), un quatrième nommé Makaira ou plutôt Machæra, qui ressemble au Voilier par son _ museau grêleet rond, par sa haute dorsale, et par les crêtes des côtés de sa queue, mais qui.manque de ventrales comme le Xiphias. Cependant cet article de M. de Lacépede, rédigé sur un dessin grossièrement fait par quelque pêcheur, d'après un individu pris auprès de La Rochelle en 1802, navoit pas toute l'authenticité desirable. Je crus done devoir écrire en cette ville pour savoir sil n'y subsistoit pas quelques restes de cet indi- 44 SUR LE POISSON APPELÉ MACHÆRA. vidu, et je reçus de M. d'Orbigny la figure du museau d'un autre pris à l'île de Ré en 1772, auquel Lafaye avoit déja donné le nom de Machæra; mais ce museau est si long et si mince, qu'il ne paroissoit nullement correspondre à celui de la figure du Machæra de M. de Lacépéde. Il annoncoit toutefois une espèce inconnue de poisson à épée, et quelques museaux plus ou moins semblables conservés au Muséum fournissoient des indications analogues. J'ai donc recommandé la recherche des animaux entiers à l'intérêt des voyageurs, dans le huitième vo- lume de notre grande Histoire des Poissons, p. 307. Déja M. Lamarre Piquot nous a appris qu'il existe dans la mer des Indes un Voilier, connu aux Séchelles sous le nom d'Em- pereur, dont le museau est beaucoup plus mince que celui du Voilier commun, puisque sa largeur est vingt-cinq fois dans sa longueur, tandis que dans le Voilier commun elle n’y est que quinze fois; ce Voilier, comme le commun, a des ventrales longues et grêles. ? M. Ricord, médecin établi à Saint-Domingue, vient d'adresser au Muséum d'Histoire naturelle deux individus d'une espèce qui répond au Machæra par ses caractères génériques, puis- qu'elle n'a pas de ventrales, et que sa qéfèue a deux crêtes de chaque côté, mais qu'il est presque impossible de regarder comme identique avec celle de M. de Lacépéde, tant elle diffère, par ses proportions, de ce qu'annonce la figure publiée par ce naturaliste. Dans tous les cas, la description que nous allons en donner compléteroit et rectifieroit celle que M. de Lacépède na pu faire que d'après un dessin presque informe. Ses proportions sont alongées; sa nageoire haute; son mu- seau très grêle. (Voyez pl. 3.) SUR LE POISSON APPELÉ MACHÆRA. 45 Sa longueur, prise depuisla pointe de l'épée jusqu’à laligne ver- ticale qui joint les deux pointes de sa caudale, comprend douze fois sa hauteur prise à la base des pectorales, et sa largeur au même endroit est des deux tiers de sa hauteur. Le corps diminue presque uniformément jusqu'à la base de la caudale, où il n’y a guère plus du quart de la première hauteur, et où la largeur est encore de moitié moindre. La longueur de la tête, prise de la pointe du becau bord postérieur de l’opercule, est trois fois et un tiers dans la longueur totale. Le museau, mesuré de sa pointe à la commissure des mâchoires, prend les trois quarts de la lon- gueur de la tête. La mâchoire inférieure, mesurée depuis cette commissure.jusqu'à sa pointe, a sa longueur deux fois et demie dans celle de la mâchoire supérieure, mesurée de la même ma- nière. L'épée est un peu déprimée; ses deux bords sont arrondis; elle diminue régulièrement jusqu'à sa pointe. Tout ce qui est au-dessus de la mâchoire inférieure a la forme d’un demi-cône, et les coupes transverses en seroient à-peu-près demi-circulaires. Si l'on prend sa largeur à l'endroit qui est au-dessus de la pointe de la mâchoire inférieure, elle est comprise seize fois depuis sa propre pointe jusqu'à cet endroit-là, vingt-cinq fois jusqu'à l'œil, et vingt-huit fois jusqu'à la commissure des mâchoires. La ressemblance de ce museau avec celui de l'Empereur des Séchelles est si grande, que si nous ne connoissions pas les ven- trales de ce dernier, nous n’aurions pas hésité à regarder les deux poissons comme de même espèce. Les bords et le dessous du bec supérieur, et le dessus de la mâchoire inférieure, sont hérissés d'âpretés, ou de petites dents serrées, plus nombreuses et bien moins fortes que celles qui for- ment l’âpreté du Voilier ordinaire. 46 SUR LE POISSON APPELÉ MACHÆRA. L’œil est latéral sur la dernière partie de la fente de la bouche, de facon que son bord postérieur est verticalement au-des- sus de la commissure. Il est à-peu-près à moitié de la hau- teur de la mâchoire supérieure à cet endroit; son diamètre est du huitième de la longueur, prise de la pointe de la mâ- choiré inférieure au bord postérieur de l'opercule, et il est à trois de’ses diamètres de ce même bord, et à un peu moins de deux diamètres de l'œil de l'autre côté. Sa sclérotique est os- seuse et de deux pièces comme celle du Xiphias. La narine est à un demi-diamétre en avant de l'œil, un peu plus haut que son milieu; elle a deux trous très rapprochés sépa- rés par une petite languette, et dont l’antérieur est de moitié plus petit. Entre les yeux le dessus de la tête est un peu moins convexe que plus en avant. Le bord montant du préopercule est à moitié distance de l'œil à l’ouie fort entier, formant avec le bord inférieur une courbe presque en portion de cercle. Le bord commun de l'opercule et du subopercule est aussi à-peu-près en arc de cercle, mais de moindre courbure. Le subopercule prend à-peu-près deux cin- quièmes de la hauteur. La membrane branchiotsège paroît fendue jusque sous l'œil ; elle a septrayons, dont le supérieur est largeet plat. ‘La pectorale, en forme de lame de faux étroite et pointue, et d'un peu plus du huitième de la longueur totale; est attachée très bas, et vis-à-vis l'interopercule; elle a dix-sept ou dix-huit rayons, dont le dix-huitième n’a pas plus du douzième de la longueur du premier qui est'très fort. Je n'ai pu apercevoir aucuns vestiges de ventrales: SUR LE’ POISSON: APPELÉ MACHÆRA. 47 La première dorsale commence à l'aplomb dela fente desouïes, et régne jusque sur le quart-postérieur; elle a d'abord cinq rayons que l'on peut appeler épineux, dans la rigueur du terme; ils sont robustes, leur surface est grenue. Le cin- quième, qui est le plus long, a un tiers de, plus en hauteur que le corps; le quatrième a moitié moins; le troisième, trois quarts moins; le deuxième n'a que le neuvième de, la hauteur du cinquième; et le premier de tous, le quart de celle du se- cond. Les rayons suivants sontaussi des rayons épineux, en ce sens qu'ils n'ont point d’articulations, mais ils sont flexibles ; et les neuf ou dix antérieurs, c'est-à-dire depuis le sixième jusqu'au quatorzième ou au quinzième, sont divisés à leur som- met en plusieurs filets. Ceux qui suivent:se terminent.en pointe simple: Le nombre total, y compris les cinq dont nous avons parlé d'abord, est de quarante-cinq. Les sixième et septième sont de la hauteur du cinquième; à compter du huitième ils s’alongent jusqu'au quatorzième et au -quinzième qui sont les plus longs, etpresque doubles du cinquième; ensuite ils dimi- nuent assez rapidement pour:que le trente-troisième n'ait. déja plus que le huitième de la hauteur du, quinzième, et .que les derniers soient presque cachés dans, la peau, Dans nos. indivi- dus la deuxième nageoire dorsale est vraiment séparée dé la pre- mière par unintervalle nu; mais jesne sais pas si, comme dans le Xiphias de nos mers, :c'estun effet de l'âge. Cette deuxième dorsale.est du vingt-cinquième ou du vingt-sixième de la lon- gueur totale: Saidistance à la caudale est du double .de sa. lon- gueur. Ses rayons, au nombre au moins de sept, articulés et branchus, n’ont pas moitié de cette même longueur en hauteur, excepté! le: dernier qui s'alonge un peu en pointe. Ils sont 48 SUR LE POISSON APPELÉ MACHÆRA. précédés d'un petit épineux caché dans le bord antérieur. Îl y a aussi une première et une seconde anale. La première commence sous letrente-cinquième rayon dela première dorsale, à-peu-près aux trois cinquièmes du poisson. Elle est courte, triangulaire, et compte trois rayons épineux et forts, puis cinq branchus, et enfin quatre simples : douze en tout. Son bord an- térieur est presque de la hauteur du corps au-dessus. La seconde répond en forme, en grandeur et en position à la seconde dor- sale. Elle a le même nombre de rayons. La caudale est profondément divisée en deux lobes pointus, dont chacun a le cinquième de la longueur du reste du corps; ses rayons intermédiaires sont sept ou huit fois plus courts que les extrêmes. Leur nombre total est, comme à l'ordinaire, de dix-sept; tous sont très solides et unis, de manière à constituer une nageoire presque inflexible. Ce poisson a, comme les Xiphias, les Histiophores et les Scom- béroïdes en général, des écailles longues et étroites sur la joue. Celles du corps sont en forme de lancettes, pointues, petites, assez dures, marquées d'une rainure longitudinale; leur racine est plus mince et arrondie. La ligne latérale, formée par des écailles arrondies, se distingue peu. Partie, comme d'ordinaire, du haut de la fente branchiale, elle marche parallélement au dos et au tiers supérieur de la hau- teur du corps jusqu’à l'aplomb du milieu de la pectorale, où elle fait un angle presque droit, et descend par une courbe oblique et concave en dessus jusqu’au milieu de la hauteur, d'où elle se rend en ligne droite au milieu de la base de la caudale. Entre la naissance des lobes de la caudale se voient à chaque côté de la queue, au-dessus et au-dessous de l'extrémité de la N Annales du Museum Laine par Worner… THIEY Craoé par F Pu Macharu llfora ji ) M 7 SUR LE POISSON APPELÉ MACHÆRA. 49 ligne latérale, deux crêtes horizontales et longitudinales semi- elliptiques, à bord tranchant. Dans son état desséché le corps paroît d’un brun un peu teint de bleuâtre vers le dos. La dorsale est d’un brun bleuâtre, et entre chacun de ses rayons est une série de petites taches noires et rondes ou ovales. Un de nos individus est long de sept pieds; l’autre de huit. La comparaison que nous avons faite du museau de ce poisson de Saint-Domingue, avec celui du Machæra, échoué à l'ile de Ré en 1772, et conservé au Musée de La Rochelle, nous porte à croire qu'il est de la même espèce, laquelle se trouveroit ainsi du petit nombre de celles qui traversent quelquefois l'Atlantique. Nous pensons aussi que c'est à cette espèce qu'appartient le museau indiqué dans notre huitième volume, page 308, sous le nom de Gracili-rostris. Quant à l'Empereur des Séchelles, mdiqué dans le même volume, page 309, nous ne l'en auriongguère cru différent, si nous ne savions pas qu'il a des ventralé8#mais l'es- pèce dont nous avons indiqué le museau, sous le nom d'Ancipiti rostris, s'en distingué aisément par la dépression de son arme, et l'aplatissement de son crâne avant et entre les yeux. Annales du Muséum, t. I”, 3° série. 7 ui LAB BU te Ut ÉTEF DU pi net GERS fl a 1 VAL UT OO GE Reno ui ANR RNA sg AAA DORA PEN SAIT HÉÉE AN ERTE 0 D D TOR MPION AS Vlr Ve taie dit C : 1 0 5 : TA br À ik Fc i z. f. DAMON ARE Pers CE cru 15.168 OR OR IE nEr CrR mé gi eos re mil à A EUR ALU eau gh Se GA Aron à * ‘EN Ho: bros ANA atiet ol} ni Hp LOS EME 1e #1 “Had a «een sv Li pa 1 ji mi Lx cal 2 ii pc “ CES s eg ARE So vb. Éoni LT ; Her: rie + RE ÿ ? : HE à a, Dane 4 15 4 | , He ul e DESCRIPTIONS DE PLUSIEURS ESPÈCES NOUVELLES DE POISSONS DU GENRE APOGON. PAR A. VALENCIENNES. Depuis la nouvelle impulsion donnée à l'ichtyologie, les Apo- gons forment, dans la grande famille des Percoïdes à deux dorsales, un genre assez nombreux. M. Cuvier a montré(r) comment l'Histoire naturelle de l'Apogon commun (4pogon Rex mullorum. Guv. Val.) se trouvoit embrouillée par les ichtyolo- gistes, nos prédécesseurs. Dégagée de ces erreurs, l’histoire de ce petit poisson de la Méditerranée est devenue, sous la plume de ce grand naturaliste, pleine d'intérêt. Trois autres espèces de ce genre étoient déja mentionnées dans différents ouvrages; mais elles étoient rapportées à des genres dont elles n'ont pas les caractères assignés par les naturalistes. Aïnsi John White (2) et Thunberg(3)rapportoient les leurs au genre des Mulles, avec lesquelles ces poissons ont en effet quel- ques ressemblances. Commerson avoit plusieurs fois observé une autre espèce dans ses différentes relâches pendantses navigations (1) Guv. Val. Hist. nat. des Poissons, tom. IT, pag. 143. (2) Mullus fasciatus. John White. New. South. Walles, p. 268, fig. 1. (3) Mullus fasciatus. Thunberg. Lettre manuscrite à M. de Lacépéde. 52 DESCRIPTIONS DE PLUSIEURS ESPÈCES sur la mer des Indes; et M. de Lacépéde établit sur les descrip- üons et sur les figures laissées par ce naturaliste voyageur des genres particuliers, ou les classa dans des genres comprenant des animaux si différents, qu'il a fallu toute la sagacité de M. Cuvier, et la possession des matériaux de M. de Lacépède pour en recon- noître l'identité, et retrouver leurs affinités naturelles (1). Le premier travail de la grande Histoire naturelle des Poissons que M. Cuvier m'a appelé à publier avec lui, augmentoit de beau- coup le nombre des Apogons, et portoit à seize espèces la mono- graphie de ce genre. J'en ai fait connoître bientôt après trois nouvelles dans le supplément du troisième volume de notre ou- vrage (2). Deux autres furent ensuite décrites dans le supplé- ment au sixième (3), et une dans le supplément au septième volume (4). Nos correspondances suivies nous en ont procuré plusieurs autres depuis ces publications. M. Desjardins en a envoyé de nouveaux de l'Ile-de-France. Les naturalistes, compagnons de M. d'Urville pendant son voyage autour du monde, en ont en- core rapporté plusieurs espèces distinctes entre elles, et diffé- rentes de toutes celles publiées précédemment; elles viennent, à l'exception d’une seule, des mers de l'Inde, où se trouvent toutes celles connues jusqu'à ce jour. Une a été pêchée sur les (x) Cuv. Val. loc. cit., pag. 155, et pag. 161. (2) Apogon roseipinnis. Cuv. Val. Poiss., tom. IE, supplément p. 490. Apogon zeylonicus: Eor. ibid., p. 491. Apogon thermalis.—Eor. ibid., p. 492. (3) Apogon maculosus.—Eor. tom. VI, supplément pag. 493: Apogon vinosus.—Eor. ibid., pag. 494. (4) Apogon auritus.—Eor. tom. VII, supplément p. 443. NOUVELLES DE POISSONS. 53 côtes de l’Ascension. Nous avons déja fait observer que lApogon commun s'avance dans l'Atlantique jusqu'aux Canaries (1). Les naturalistes connoissent donc deux Apogons vivant dans le vaste bassin de l'Océan Atlantique ; mais nous n'en avons encore reçu aucune espèce des côtes d'Amérique. La première des espèces nouvelles qui fait le sujet de ce Mé- moire a été prise sur les côtes de la Nouvelle-Guinée. Elle ressemble à l’'Apogon aux nageoires noires. ( Apogon nigripinnis. Cuv. Val. Hist. nat. Poiss. tom. IT, pag: 152.) Je la nomme: APOGON DE LA NOUVELLE-GUINÉE. (4pogon novæ Guineæ. Nob. PI. 4, fig. 1.) Ce poisson a, comme l’Aposon commun, le corps médiocre- ment comprimé, ventru dans sa partie moyenne, mais propor- tionnellement encore plus court. L'intervalle qui sépare les yeux est plus étroit, la caudale est courte, et coupée carrément. Les nombres des rayons des nageoires sont : au 8 I I DAT 5 C19.—P.12.—V La couleur du dos est rougeâtre, et parsemée de petits traits noirâtres irrégulièrement distribués ; celle des côtés et du ventre est argentée; la première dorsale est bordée de noirâtre, et la seconde teintée de gris a la base blanche; le lobe inférieur de la caudale est gris noirâtre, bordé en dessous d’un trait blanc à reflets nacrés; les autres nageoires sont blanches. On ne voit aucune trace de bandes verticales ou longitudinales, ni de ta- che noire sur la queue près de la caudale. Sur le haut du bord (1) Cuv. Val. Hist. nat. des Poiss., tom. VI, supplément p. 493. 54 DESCRIPTIONS DE PLUSIEURS ESPÈCES membraneux de l'opercule il y a du noirâtre. Cette description est faite sur un individu long de trois pouces. L'APOGON DES MOLUQUES. ( 4pogon Moluccensis. Nob.) Une seconde espèce, prise à Amboine par les mêmes natura- pêece,; P listes, comparée avec la précédente, offre les différences sui- vantes. Le corps est un peu plus alongé, le chanfrein est sillonné par Peu GÈ) des stries longitudinales qui n'existent pas sur le crâne de l'es- 6 q P pèce précédente; l’anale est moins haute, et la caudale échancrée. Les nombres des rayons sont: La couleur est uniformément rougeâtre, sans points et sans aucun vestige de taches ou d’anneaux près de la caudale. Les lévres ont du noirâtre, ainsi que la pointe de la première na- geoire du dos. La seconde dorsale est un peu grisâtre, et la caudale toute blanche. L'individu que je viens de décrire est long de trois pouces. L'APOGON DE GUAM. ( Apogon Guamensis. Nob. ) Une autre espèce voisine de la précédente est originaire de l'île Guam. Elle en diffère par le museau qui est plus court. L'intervalle entre les yeux plus large et plus bombé, lui donne une physio- nomie particulière. Le dos est plus arqué, la première dorsale plus basse, l'anale est plus haute, la caudale n’a qu'une simplé échancrure. Les nombres des rayons des nageoires sont: I 2 NAT E TR en etc. NOUVELLES DE POISSONS. 55 La couleur paroît avoir été plus uniformément rougeâtre, avec des reflets argentés moins prononcés sur le ventre. Les na- geoires sont grises-verdâtres, assez foncées. Les individus que MM. Quoy et Gaimard ont rapportés sont longs de trois pouces. L’APOGON DE LA NOUVELLE-HOLLANDE. ( 4pogon Novæ Hollandiæ. Nob. PL 4, fig. 2.) Les côtes de la Nouvelle-Hollande nourrissent avec l’Apogon à quatre rubans (4pogon quadrifasciatus. Cuv. Val. loc. cit., pag. 153) une autre espèce dont les mêmes naturalistes n’ont rapporté que des individus à peine longs de deux pouces. Elle est remarquable par son corps raccourci, élevé, et son dos très arqué. Les rayons épineux de la première dorsale sont très forts et assez hauts. La seconde dorsale et l’anale sont courtes. Les nombres des rayons des nageoires sont comme à l'ordinaire : 1 2 Her Le corps est couvert d'écailles âpres, et assez fortes. Il y a du noirâtre aux ventrales, et sur le bord de la dorsale. Le reste du corps paroît avoir été rougeâtre, un peu argenté sous le ventre. Il n’y a point de traces de taches ou de lignes. L'APOGON VARIÉ. ( Apogon variegatus. Nob.) Nous avons encore trouvé un Apogon voisin des précédents parmi les poissons que M. Desjardins recueille sur les côtes de l'Ile-de-France. Celui-ci a le corps plus ovale qu'aucun autre à cause de sa 56 DESCRIPTIONS DE PLUSIEURS ESPÈCES hauteur entre la seconde dorsale et l’anale. La ligne latérale est tracée en haut près du dos. Les épines de la première dorsale sont fortes, mais courtes; la caudale est arrondie. Les nombres des rayons des nageoires ne diffèrent pas de ceux que nous comptons sur les espèces précédentes : I 2 Der EE etc. Mais les couleurs offrent des différences notables; celle du corps est rougeâtre, variée de taches nuageuses plus ou moins effacées. Les nageoires sont olivâtres et couvertes de petits points bruns. Les ventrales ont du noirâtre. La collection du Muséum a recu plusieurs individus qui n'ont tous à peine que deux pouces. L'APOGON AXILLAIRE. (Æpogon axillaris. Nob. PL. 4, fig. 3.) Enfin nous trouvons encore une fort jolie espèce parmi les collections des compagnons de M. le capitaine d'Urville. Elle a le corps alongé, la première dorsale assez élevée, ce qui lui donne un peu la tournure d’une ambasse, avec lesquelles cependant on ne peut la placer, parcequ'elle n’a point de dente- lures au sous-orbitaire, ni de double caréneau bord inférieur du préopercule. La caudale est un peu fourchue. Les nombres sont: pDrGet su etc. 9 7 Le corps est rougeâtre, sablé de très petits points noirâtres; la tête est rembrunie. Une tache très noire occupe la base de NOUVELLES DE POISSONS.) ) 57 la pectorale; se contourne un peu en dessus et ‘en dessous der- rière la nageoire, dans les angles de Faisselle,»dont le centreiest blanc semé de points noirs. A or, cette nageoire il y a une tache pâle et GAERe Ge nouvel Apogon n'a que deux pouceset den de longueur. Il vient de l’île de l'Ascension; c'est ti seconde espèce connue’de l'Atlantique. | Ces cinqespèces ont la forme courte ‘et élargie del Apogon de la Méditerranée, ét l'anale soutenue! parlun ‘petit: mombre de rayons. Elles doivent donc être DAS auprès fers f dr ériger oran o LOOCEET 91 Nous. trouvons pat dés: collectiohs, faites à PT DETTE Guinée, à Guam, l'une des Mariannes, et à: l'ile Vanicolo, par MM. Quoy et Gaïmard;, deux; espèces qui, ressemblent: par leur corps alongé, et; par Ja disposition de, leurs couleurs distri- buées par raies longitudinales, à celle que nous avons nom- mée Apogon à neuf rubans, (Apogon. novemfasciatus. Cu. Val. loc. cit., p. 154.) Les descriptions que FE vais en donner sont donc comparatives avec celle de cette espèce, et je prie le Îec- vr teur de ce Mémoire de recourir à c cet endroit de notre Ichiyo- logie. APOGON BRIDÉ. ( Apogon Frænatus. Nob. PI. 4, fig. 4.) L'espèce prise à la Nouvelle-Guinée, .et à l'île: Guam, a le corps alongé. et la tête un peu idéprimée., Les deux, bords, dû préopercule sont très forternent dentelés; les dentelures forment à l'angle du limbe des espèces.de petites pointes. Les. nombres : de ses rayons sont ; pal ; ON 2UOB8100f 21115 gr, etc. er di Annales du Muséum, t. I”, 3° série. S DAS CAE Dar 58 DESCRIPTIONS DE PLUSIEURS ESPÈCES Mais ses couleurs sont différentes de celle :deYApogon à neufirubans.:Le corps, qui paroît: avoir été rougeâtre;! porte un seukruban noirâtre sur le milieu des côtés. Il ‘avance: sur la tête jusqu'à l'œil, et reparoît au-devant de l'orbite, derma- nière à se joindre avec le ruban du côté opposé, et à ceindre extrémité antérieure du museau, comme le ‘feroit une bride. Il y a sur la queue une tache noire arrondie, à l'extrémité du ruban latéral; la première dorsale: ale:bord supérieur moirâtre; un trait brunâtre colore la:base:de la seconde nageoire: du dos, et y forme surle dernierrayon une tache plus foncée. L'anale offre une pareille ligne noirâtre, mais qui n’est pas terminée par uñe tache!La caudale est fourchue,'et bordée der noir supé- rieurement’et inférieurement: : : Cét Apogon a près dé quatre pouces de longueur: : 4 APOGON À TRAIT LATÉRAL. (4pogon lateralis. Nob.) ‘Uneautre petite espèce que les mêmes naturalistes ont prise à Vanicolo, pendant le même voyage, ressemble ? à celle que je viens de ere Elle a le Corps un peu plus haut, le dos plus bossu, le museau plus court, moins aplati, la caudale à peine échancrée. Les nageoires ont les mêmes nombres de: rayons. Do A grete : Unttrait/noirifin va de l'épaule‘au milieu‘de-la queue, mais ilne!s'avancé sur aucune partie’de latète; l'extrémité s’élargit en’uñei petite tache ronde; la/miéëmbrane qui réunit les rayons de l'anale porte sur la base une série de petitstpoints brunâtres. Ces petits poissons ne dépassent pas deux pouces: Nous avons eu fréquemment l'occasion d'observer que dans NOUVELLES DE; POISSONS: 59 un genre naturel de poissons les nombres des rayons qui.sou- tiennent les membranes de léurs nageoires sont les mêmes; la grande quantité d'espèces que nous'avons décrites nous a con- vaincus de cette régle qui cependant n'est pas sans exceptions. Les nombres des rayons épineux et ceux des rayons mous ex- primés l’un au-déssous de l'autre donnent en quelque sorte des formules qui aident le zoologiste à rechercher dans quelle fa- mille et dans quel genre on doit trouver les espèces voisines de celle que l'on veut déterminer. Presque tous les Acantho- ptérygiens ont une épine et cinq rayons branchus aux ventrales. L'anale a généralement trois épines. Le nombre de ses rayons mous est plus variable. Cependant une famille de Percoïdes vient tout-à-coup. déroger à cernombre que/l'oni compte sur plus de mille/espèces. Mais ces Acanthoptérygiens à plus de sept rayons aux ventrales, constituent une famillettrès naturelle de poissons, comprenantdes Holocentres, comme nous les entendonsiaujour- d'hui, et les-genres voisins (1). Le nombre des épines de leur anale surpasseltoujours le nombre-trois; celui de leurs:rayons branchiostèges est aussi plus grand. La famille des Blennoïdes montre une exception inverse, et se compose de poissons qui n'ont que deux ou trois rayons aux ventrales. Les rayons des au- tres nageoires, ne se montrent pas aussi constants dans un si grand nombre d'espèces, mais on trouve dans les Percoïdes et les Sparoïdes que le nombre des épines de la dorsale égale à-peu- près celui des rayons mous; que dans les Sciénoïdes, le nombre de ceux-ci surpasse celui des épineux; et que dans les La- broïdes, les épines sont souvent en nombre plus considérable. (1) Cuv: Val: Hist. nat. Poïss., tom: IIT, p.159. 60 | DESCRIPTIONS/DE PLUSIEURSIESPÈCES, ETC. -:Mais'inous /observonsténcore, entoutre dé ces variations ex- __ ceptionnelles dans de-grandes: familles, des espèces qui se ratta- chentpard'ensemble deleurs caractères à un genre trèsnaturel, -etqui ont des nombres: gites tout différents de ceux de leuss congénères. b 41599 .49 Le genre des, Apogons, nous Guise un. exemple de,ces excep- tions dans la constance du nombre des rayons. :Sur vingt-huit espèces que, nous. y réunissons aujourd’ hui, quatre seulement ont; plus de huit à neuf rayons mous à fe anale. Trois, sont déja décrites dans notre Xchtyologie (x D J’ fai trouvé celle que je vais ajouter à ce genre parmi les pois— sons recueillis à à Vanicolo par MM. Quoy et Gaimard. APOGON ARGENTÉ. (Apogon:argenteus. Nob.) La forme du corps de cet Apogon tient beaucoup de celle de notre’ petit poisson dé la Méditerranée. Les couleursmêmes s'en rapprochent encore davantage; mais le nombre des:rayons de l'anale s'en éloigné, et le place près de l'Apogon bardé(4poqon lineolatus: Guy. Val.) dont les couleurs, sont fort différentes. Aer: LD us to te) Pa AE PAT ba Coins d ses qui fait Le sujet de Éeu article paroît avoir été rougeâtre sur le dos, et argentée, brillante au-dessous de la ligne latérale. Il Yÿ a une tache noire près de la caudale qui est fourchue, et bordée de noirâtre. On ne voit aucune trace de lignes verticales ni de traits bleuâtres près des yeux. L'individu que nous décrivons est long de deux poucés et demi. (1) Apogon lineolatus. Cuv. Val. Hist. nat. Poiss., tom, II, pag. 160. Apogon macropterus, ibid. Apogon zeylonicus.—Eor. ibid; tom. IT, supplément pag- 491. N.Annales du Museurr. ! PL 4. Dessinée par A Valenciennes Grave par Fee . Apogons. N.Annales du Musreunr Darriné par AT Aer ere. 4 EI Graus par Ë Fa VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES A QUATRE PNEUMOBRANCHIES OÙ QUADRIPULMONAIRES, SUIVIES D'UNE Notice de quelques espèces de MycaLes inédites et de l'habitation de celle qu'on nomme NIDULANS. PAR M. LATREILLE, Professeur-administrateur au Muséum d'Histoire naturelle, de l'Académie royale des sciences, elc., etc. » L » Lu à l’Académie royale des sciences, le 4 octobre 1830. À l'aspect des animaux qui sont l’objet de ce Mémoire, bien des personnes reculeroient d'effroi ; car il ne s’agit rien moins que de ces Araignées dont la plupart des espèces exotiques, telles que l’a- viculaire de Linné, sont d’une dimension extraordinaire, géné- ralement très velues, noires ou d'un brun foncé, et qui forment maintenant le genre Mypale. Dans la seconde édition du Nou- veau Dictionnaire d'Histoire naturelle, j'ai traité, avec étendue, de ces Aranéides, et j'ai décrit toutes les espèces que j'avois eu oc- casion d'étudier. J'ai, depuis, fait connoître, dans un Mémoire, réuni à ceux du Muséum d'Histoire naturelle, les habitudes de la Mygale aviculaire. MM. Léon Dufour et Walckenaer ont, postérieurement , publié leurs observations sur des espèces européennes. Notre confrère M. Savigny a décrit et figuré, avec cette scrupuleuse exactitude, dontila donné tant de preuves, 62 VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. une espèce qu'il avoit trouvée en Égypte. Enfin, tout récem- ment, M. Victor Audouin a fixé votre attention par la lecture d'un Mémoire sur la construction du nid de l'unede ces Mygales de l'Europe, qui composent la division des Araignées mineuses d'Oli- vier. Brown, dans son Histoire naturelle de la Jamaïque, pu- bliée antérieurement aux observations de l'abbé Sauvages sur l'une de ces espèces, la Mygale maconne, avoit figuré un nid analogue, celui de l’Araignée nidulans de Linné, ou de la Mygale recluse de M. Walckenaer, propre à cette île. Aucun naturaliste, à ce que je sache, n'avoit parlé depuis, ex visu, de ce nid. Un heureux hasard vient de m'en procurer un que j'ai l'honneur de mettre sous vos yeux; j'en dois la possession à M. Royer, secrétaire en chef du bureau de l'administration du Muséum d'Histoire naturelle, qui l’avoit recu d'un Anglais, de ses amis, et qui s'est empressé de me l'offrir, pensant, avec raison, qu'il me seroit agréable. J'aurois bien desiré qu'il eût été accompagné de l'animal qui l'avoit construit; car il est aisé d’ima- giner que, vu l’époque où on l’avoit décrit, on ne doit en avoir qu'une idée très imparfaite : mais, heureusement encore, j'avois vu cette Aranéide dans la collection de la Société linnéenne de Londres, et je l'avois décrite d'une manière détaillée. L'histoire de cette espèce, la connoissanse de quelques autres inédites, et quelques vues générales et préliminaires sur ce genre et ceux qui l'avoisinent, seront l'objet de ce Mémoire. J'avois remarqué, le premier, que l'un des caractères distinc- tifs des Araignées mineuses étoit d’avoir à l'extrémité supé- rieure du premier article de ces organes deleur bouche appelés communément mandibules, mais qui sont pour moides cheli- cères, ou autrement antennes-pinces;, et pour M:Savigny, des VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. 63 forcipules, une rangée de dents cornées, formant une sorte de rateau. Dans le tableau des Aranéides de M. Walckenaer, ces espèces forment la troisième famille du genre Mygale, les Digiti- grades mineuses. Leurs habitudes m'ont paru tellement différer de celles des autres Mypales, que j'ai cru devoir isoler ces espèces dans un genre propre, celui de Cténize, et j'ai vu, depuis, par la publication de l'explication des planches d’entomologie du grand ouvrage sur l'Égypte, que M. Savigny avoit eu la même pensée, en établissant le senre Némésie. Il a pour type l'espèce mentionnée plus haut, et qu'il nomme Némésie celli- cole, ‘cellicola. Sa description et les figures qui laccompa- gnent conviennent si bien à la Mygale maconne du midi de la France et d'Espagne, que ces Aranéides me paroissent spécifi- quement identiques. M. Walckenaer avoit négligé , dans les ca- ractères des divisions qu'il a établies dans cette famille, la con- sidération du nombre et de la disposition des filières. J'en ai fait usage et j'ai reconnu que sa division des Aranéides théraphoses n'en offroit que quatre. Les deux internes sont même si petites dans la Mygale maçonne, que l'on croiroit, au premier coup d'œil'et sans le secours de la loupe, qu'il n'y en a que deux. Les deux antérieures ou les plus grandes sont aussi proportionelle- ment beaucoup plus fortes que dans les autres espèces, presque coniques , et leur troisième et dernier article rentre dans le pré- cédent. Son disque, formant une sorte d'ombilic, m'a paru hé- rissé de petites papilles où mamelons qui seroient autant de petites filières, suivant les observations de Lyonet: car il fant, d'après lui, distinguer deux sortes d'appendices soyeux, ceux qui se terminent de la sorte, et ceux dont le sommet du der- nier article est criblé d’une infinité de petits trous, d'où sortent 64 VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. immédiatement les fils de soie. Relativement aux espèces qui ont été le sujet de ses observations ( les tégénaires ) et pourvues toutes de six de ces appendices,: ceux d’entre eux qui ne pré- sentent point ces caractères ne peuvent être considérés comme des filières. Tel est aussi le sentiment de M. Tréviranus. Mais, si avec M. Walckenaer, on refuse encore la même qualification aux deux appendices les plus longs des Mygales, je ne vois pas trop, du moins par rapport à la Mygale maçonne, ce qui constituera 1c1 les filières, puisque les deux autres appendices, de forme cylin- drique, naissant de la base interne du bourrelet ou pédicule des deux précédents, étant d’une petitesse extrême, ne paroissent nullement propres à remplir cette fonction. Ce dernier carac- ière distigue parfaitement cette espèce de la Mygale pionnière de, M. Walckenaer, que l’on trouve en Corse et en Toscane. M. Léon Dufour, qui:$est particulièrement occupé des Ara- néides d'Espagne, ne l'y à jamais observée, et l'on auroit dû, d'après cela, présumer que la Mygale cardeuse qui habite, ainsi que la Mygale maçonne, cette contrée et les départements mé- ridionaux et maritimes de la France, étoit le mâle de l'espèce précédente. C'est toujours sous des pierres, et jamais dans ces cellules tubuleuses. et; fermées antérieurement par un opercule à charnière et mobile, que se construisent les Mygales mi- neuses, qu'il a trouvé ces individus mâles. Il soupçonne de là qu'ils ne se pratiquent point d'habitation semblable. Ils sont cependant pourvus des mêmes organes; mais, sans rien décider à cet égard, il paroîtroit qu'à certaines époques, ils disparoissent ou sont errants. Sur un grand nombre d'individus qui m'ont été envoyés de Montpellier par un jeune entomologiste , très zélé, M. Dumas, et qui les avoit sans doute surpris dans leurs VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. 65 habitations, il n’y avoit point un seul,mâle. Ainsi, la Mygale cardeuse est une espèce à réformer. M: Léon Dufour, qui en parle immédiatement après avoir décrit la Mygale de Sauvages, dit que des motifs lui font penser que la Mygale cardeuse en est le mâle. Mais l'on peut pressentir, par la comparaison qu'il fait ensuite de cette Aranéide et de laMygale maçonne, que c'est une inadvertance occasionée par la dénomination spécifique de Sauvages; car l'espèce désignée ainsi n'est point celle dont ce dernier a donné l'histoire. C'est peut-être ce qui a! trompé M. Walckenaer, qui, dans sa Faune française , considère encore comme une espèce propre la Mypgale cardeuse. En divisant les Aranéides en deux sections, les quadripulmo- naires et les bipulmonaires, M. Léon Dufour a assis sur des bases immuables la série naturelle des genres dont se compose cette grande famille. Le genre Dysdère, qui appartient à la pre- mière section, se lie évidemment avec ceux de Ségestrie, de Clubione, de Drasse, etc. On ne peut plus passer, comme dans la méthode de M. Walckenaer, des Théraphosesaux Araignées- loups ou Lycoses et autres coupes génériques analogues. L’ana- tomie a ainsi confirmé ma distribution de ces animaux. La forme des organes sexuels masculins, ou présumés tels suivant l'opinion gémérale mais qui ne sont qu’excitateurs dans celle de MM. Tréviranus et Straus, vient à l'appui. En effet, dans les Dysdères et les Ségestries, ces organes, de même que ceux des Théraphoses, c'est-à-dire des Mygales et autres genres analogues, sont toujours extérieurs, très simples, sous la forme d’un ovoide terminé en une pointe aiguë, offrant l'apparence d’un aiguillon, et fléchis en dessous ou pendants. Dans les Mypales et les Cté- nizes, ils paroissent terminer le-dernier article des palpes qui Annales du Muséum, t. 1°, 3° série. 9 66 VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. estalors fort court, et sous la figure d'un bouton. Dans les genres suivants, ilest plus alongé et va en se retrécissant. M. Walcke- naerremarque, avec raison que; quoique le nombre des espèces de Mygales soit très petit, cependant, àicause de l’uniformité de leurs couleurs et du défaut d'observations suffisantes, ellesnesont pas faciles à distinguer entre elles. Des caractères tirés des diffé- rences sexuelles et decelles de la longueur des pattes, dont on n'a pas généralisé l'application , diminueront ces obstacles. Ainsi, l'on pourra distribuer ces espèces en celles dont les mâles ont à l’ex- trémité inférieure des jambes de la première paire de pattes, un erpot très fort, en forme de crochet, et celles où il manque dans les mêmes individus. Si l’on compare les proportions de ces organes, l'on trouvera qu'ils varient tant pour la longueur que pour l'épaisseur. Dans quelques espèces, comme l'aviculaire et la Mygale de Barthélemi, dont je parlerai plus bas, ils sont sensi- blement plus courts; la longueur du premier article des tarses est tout au plus double de celle du suivant et dernier. Celui-ci a la forme d'une palette presque carrée, arrondie ou obtuse au bout; ainsi que l’autre, il est garni en dessous d'une brosse très serrée, plane, composant une sorte de sole ou de semelle, et: cachant les onglets du bout, à la suite d'une fente ou d'un sillon. Le dernier article des palpes des femelles en offre une pareille. Ces Mygales rentrent dans la première famille, celle des Plantigrades, de M. Walckenaer, mais qu'il a trop étendue. Dans les autres Mygales, les tarses sont proportionnellement plus longs , plus grêles, et linéaires ou cylindriques. Leur dernier article est beaucoup plus long que large, et trois à quatre fois plus court que Je précédent, du moins aux deux tarses posté- rieurs; la brosse inférieure est moins fournie, et les onglets sont VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. 67 apparents. Mais je dois prévenir quelle caractère dérivant de la comparaison des proportions relatives des pattes: ne s'applique qu'aux individus du même sexe, ces organes étant généralement plus longs dans les mâles que dans les femelles. Si l'on ouvre la classe des Arachnides par celles qui ont le plus grand nombre de pneumobranchies, c'est-à-dire de branchies aé- riennes ou faisant l'office de poumons, les Scorpions seront: en tête : ils s'unissent manifestement avec les Thélyphones, et de ceux-ci on passe naturellement aux Phrynes ét aux Mygales de M. Walckenaer. Viendront ensuite d'autres Aranéides quadri- pulmonaires, bien distinctes des précédentes, par un'change- ment qui s’est opéré dans le mode d’articulation des palpes. Là ces organes sont composés de six articles, dont le premier ou le radical maxilliforme; ici, ils paroissent n'en avoir que cinq, parceque le second est inséré au côté extérieur du précédent et que celui-ciprend alors la forme d’une mâchoire : c'est ce quiest propre aux genres Atype et Ériodon. A ces Aranéides succéderont les quadripulmonaires à six filières, comme les Filistates et les Dys- dères. Il n’y a que six yeux dans ce dernier genre; et tel est aussi le caractère des Ségestries, qui, au nombre des pneumobranchies près, et n'étant plus que de deux, se rapprochentinfiniment de ces Dysdères. Cette connexion est tellement rigoureuse, que si l'on placoit en tête les Aranéides, il faudroit terminer cette famille par les Thélyphones, et la commencer par les Araignées sau- teuses des auteurs et autres espèces vagabondes, ce qui seroit peu naturel. M. Léon Dufour a pensé que les Scorpions devoient former le premier genre de la classe des Arachnides, étrcette rec- tification dans la méthode nous paroît, d'après ces considéra- tons, bieu fondée. Ce genre , ainsi que celui d’Aranea de binné, 68 VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. nous fournit un nouvel exemple de ces passages brusques que nous observons si souvent parmi les êtres organisés. Ces ani- maux $ont pourvus de glandes qui secrétent une liqueur ve- nimeuse , et suivant la comparaison ingénieuse de M. Duméril, la nature reproduit dans cette classe et pour les mêmes motifs, cette distinction qu'elle a établie dans l’ordre des Ophidiens, classe des reptiles, en animaux venimeux et en animaux sans venin. Mais par un singulier contraste, ici elle a placé l'arme meurtrière qui distille cetteliqueur empoisonnée aux deux extré- mités opposées du corps; là, comme dans les Aranéides, en devant ou dans les chélicères; ici, comme dans les Scorpions, à l'extrémité d’une queue noduleuse. Aucun des genres contigus aux précédents ne présente de tels caractères. Nous pourrions encore citer, quant à une certaine similitude avec les Ara- néides, les Scolopendres; mais ici elle a encore changé de plan; car les dards venimeux qu’elle leur a donnés, sont constitués par des sortes de pieds ou crochets buccaux. Nos colons des Antilles désignent, par la dénomination d’4- raignées-crabes, les grandes Mygales qui habitent cet Archipel. Un vocabulaire, qui accompagnoit des objets d'histoire naturelle, envoyés par feu Leschenault de Latour, et re- cueillis sur la côte de Malabar, nous a appris que dans la langue du pays, les crustacés y sont appelés collectivement nhamdou ; et, fait digne d'attention, c'est qu'au témoignage de Pison, les Brésiliens désignent généralement les Araignées d’une manière à-peu-près homonyme, nhamdou ou nhamdhiu; seulement ils distinguent les Mygales par l’épithète de quacu, qui veut dire grand. Toutefois les crustacés y portent un nom différent, celui de guäia. VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. 69 De ces observations générales sur les Mygales, je passerai à la Notice, que j'ai annoncée, de quelques espèces nouvelles. L'un des caractères distinctifs de la Mygale aviculaire est d'avoir les poils qui bordent intérieurement les mâchoires, ceux qui sont à la base des crochets des mandibules, et les brosses des pieds, ainsi que celle des palpes, dans les femelles, d’une couleur rougeâtre. Le corps est d’ailleurs plus hérissé: de poils que celui des autres espèces. Je ferai observer, en passant, que le beau travail myologique de M. Straus, communiqué à l’Aca- démie, n’a point pour objet cette espèce, ainsi qu'il la annoncé, mais la Mygale de Le Blond, la plus grande espèce connue, propre à la Guiane francoise, et bien distincte par la forme de l'organe copulateur du mâle, qui au lieu de se prolonger brus- quement en une pointe aiguë et arquée, se termine par une dépression, et offre l'apparence d’une espèce de cuiller ou de cure-oreille. La MYGALE de BARTHÉLEMI ( Bartholomæi), première espèce nouvelle, et dont je ne connois que la femelle, a les plus grands rapports avec l'aviculaire; mais elle s'en éloigne par la coupe du céphalothorax qui est plus carrée, ou plus largement tronquée en devant, et par l'absence de cette tache ferrugineuse que l'on observe à l'extrémité des pieds dans la précédente; cette extré- mité ou la palette est d’ailleurs moins large. Le corps est d'un noir très foncé, avec des poils d'un brun ferrugineux sur le des- sus de l'abdomen et le contour du céphalothorax ; les yeux lisses sont luisants, rougeâtres, et semblables, quant à leur grandeur, et leurs situations respectives, à ceux de l'aviculaire; les pattes ont des raies longitudinales plus claires. La taille est d'ailleurs à-peu-près la même. 70 VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. J'ai dédié cette espèce à celui qui m'en a fait hommage, M. Barthélemi, l'un des secrétaires de la mairie de Marseille. Elle avoit été prise vivante, à bord d’un vaisseau, venant de l'Amérique méridionale;:-et, après avoir vécu plusieurs mois, elle n'a pu résister aux froids rigoureux du dernier hiver. Nul doute que, si des capitaines de vaisseau vouloient accueillir de tels passagers, on ne püt transporter en France ces animaux vi- vants; cela nous procureroit le moyen d'en faire une anatomie complète. Pison rapporte, à l'occasion de son Nhamdu Guacu, ou grande Araignée en langue brésilienne, et qui est une Mygale très voisine de la précédente, que cet animal supporte, sans prendre de nourriture, de très longues abstinences, ainsi qu'il ena fait lui-mêmel'épreuve. Des individus qu'il avoit renfermés dans des boîtes y vécurent quelques mois, sans attaquer les mouches qui partageoient leur captivité, et dont ces animaux sont très avides. Le même fait a eu lieu dans l'envoi de l'une de ces Mypales vivantes, ‘fait à notre confrère, M. le baron de Humboldt. La caisse, lui servant de cage, et qu'il avoit eu l'amitié de me donner sans l'avoir ouverte, étoit pleine de mou- ches mortes; mais la Mygale n'y étoit plus, les douaniers l'ayant probablement laissée s'échapper, dans leur visite des objets de transport. Dans le voisinage de ces deux espèces, ou dans la division des Mygales, proprement dites, ou sans rateau aux chélicères, et dont le dernier article des tarses est en forme de palette, doit être placée la Mygale que j'ai nommée atra, et qui se trouve au cap de Bonne-Espérance; elle est un peu moins grande que les précédentes, toute noire ou noirâtré. Le tubercule oculifère m'a paru être un peu plus élevé et plus arrondi; les yeux, ou VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. 71 du moins leur iris, est jaunâtre; les deux jambes antérieures du mâle sont armées d'un fort ervot. Toutes les autres espèces de Mygales, mentionnées par les auteurs, appartiennent à la division de celles dont les tarses sé terminent par un article notablement plus long que large, ou cylindrique, et ne formant point de palette. De:ce nombre est une espèce du Brésil, qui m'a été donnée:par M: Gaury, etque je nommerai VEINÉE (/’enosa). Elle se distingue de toutes les autres par cinq lignes d’un rougeâtre obscur, étroites, arquées en avant, et dont les quatre premières interrompues dans leur milieu, qui traversent le dessus de l'abdomen; la courbure des deux postérieures est plus prononcée; tout le corpsest d’un noir mat, avec les pattes longues, et le dernier article des tarses courbe; les onglets sont à nu’et sans dentelures sensibles; les cuisses et les jambes offrent quelques raies longitudinales gla- bres; les brosses sont d'une couleur moins foncée que le corps ou d’un noirâtre cendré; les quatre yeux postérieurs, les deux latéraux antérieurs, et l'iris des deux du milieu ou des plus grands sont rougeâtres. Les deux fihères extérieures sont très saillantes avec leurs trois articles presque de longueur égale. Cette espèce est un peu plus grande, plus svelte et moins velue que les Mygales précédentes. Je ne connois point le mâle; mais je présume, d'après les rapportsde cette espèce aveccelles que j'ai nommées spinicrus et cancerides, que leurs jambes antérieures sont armées de ce crochet robuste, ou de cet ergot, dont j'ai parlé plus haut. Je comprendrai avec les espèces à tarses alongés, et dont les poils, ou ceux au moins des quatre postérieurs, plus rares et plus écartés ne forment point de brosse : 1° La Mygale cal- 72 VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. péienne de M. Walckenaer, et la Mygale valencienne de M. Léon Dufour, qui appartiennent à la seconde famille, celle des Digitigrades inermes, du premier. 2° Mes Cténizes, ou ses Digitigrades mineuses, et dont une, apportée de Sicile, par M. Lefévre, la Cténize sicilienne, pourroit former un nouveau genre, en ce que les yeux, quoique disposés de la même manière, ne sont point portés sur d'élévation commune, distincte; et en ce que les mâles, seuls individus que j'aie vus, n'ont point de forte épine aux deux jambes antérieures; celle qui représente l'épéron ou l’ergort est de la grandeur des autres. J'ajouterai que les deux yeux intermédiaires de la ligne antérieure sont moins rejetés en arrière, ou presque de niveau avec les deux latéraux de cette ligne et de la même grandeur, tandis que dans les Cténizes, ceux-ci sont distinctement plus grands et sensiblement plus antérieurs. Toutes ces Aranéides ont généralement les jambes et le premier article des tarses munis de piquants. Les deux onglets supérieurs du bout des pattes sont découverts, et plus ou moins dentelés en dessous. CTÉNIZE SICILIENNE ( Cteniza sicula ). Elle est de la grandeur de la Cténize maçonne, entièrement d'un brun foncé. L'organe co- pulateur du mâle, dilaté et ventru à sa base antérieure, se ter- mine en une pointe droite et simple. Les deux plus grandes filières sont médiocrement saillantes, cylindrico-coniques, avec le premier article plus grand et le dernier plus court. Les dents du rateau sont petites, et, autant que j'ai pu compter, au nombre de six à sept. Les Mygales calpéienne, valencienne et celle de Le Blond, n'offrant point, dans aucun sexe, de crochet aux jambes anté- rieures, pourroient aussi former un genre propre. Il est très p S VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. 73 apparentdans les mâles des Mygalesaviculaire etcrabe, demême, comme je l'ai dit, dans ceux de la Mygale très noire, atra, et de la Cténize maçonne; les individus du même sexe des autres espèces me sont inconnus. Avec les Cténizes, enfin, doit être rangée celle dont je mets sous vos yeux le nid, la Mygale recluse de M. Walckenaer, ou l’Aranea nidulans de Linné, décrite et figurée par Brown, dans son Histoire civile et naturelle dela Jamaïque ( t. Il, p. 420, pl. 44, fig. 3), sous le nom générique de tarantula. W repré- sente le tube soyeux qui revêt l'intérieur de son habitation; mais, à en juger d'après les deux échantillons de ce nid que j'ai reçus , sous une forme trop cylindrique et avec deux sortes d'opercules, tandis qu'il n’en existe qu'un dans les miens. Je n'ai vu que la femelle de cette espèce, et que j'ai décrite d’après un individu de la collection de la Société linnéenne. Son corps est long d'un bon pouce, d'un noir brun très luisant, avec la poitrine et le dessus des pattes postérieures d’un brun plus clair, et l'abdomen, son premier anneau et les stigmates exceptés, d'un noirâtre mat ; ces dernières parties sont jau- nâtres. Les jambes et les tarses sont chargés latéralement de petits grains; le second article des avant-dernières jambes offre en dessous une sorte d'échancrure lisse, ce qui le fait pa- roître presque réniforme ; les deux crochets ordinaires de l'extrémité des tarses sont arqués et simples, ou sans dente- lures apparentes. Les filières sont courtes, et les deux plus grandes épaisses, convergentes, coniques et tronquées au bout. Les yeux, dont les deux latéraux antérieurs plus grands, sont jaunâtres. Le côté interne de la première pièce des cheli- cères est un peu élevé et hérissé de poils et de petites aspérités. Annales du Muséum, t. X°, 3° série, 10 74 VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. Les dents du rateau sont petites et nombreuses; j'en ai compté sept à huit à l'extrémité interne. Cette espèce se rapproche de la Mygale pionnière de M. Walckenaer; mais le céphalothorax est plus ovale et assez brusquement rétréci vers l'extrémité potérieure. Son nid est long d'environ neuf pouces, en forme d'entonnoir ou de cône renversé à sa partie antérieure, et prend un peu avant le milieu de sa longueur une figure cylindrique. Tel que je l'airecu, il est composé d’une terre ferrugineuse qui lui donne de la solidité, et fait paroître sa surface inégale et raboteuse; mais vu à l'intérieur, il est parfaitement lisse et tapissé de soie: à prendre du point où il se rétrécit pour devenir cylindrique, la cavité est un peu oblique, et offre un bourrelet ou cordon. L'opercule est bien moins épais que celui des Cténizes, plat, et formé de divers feuillets appliqués les uns sur les autres, comme ceux d’une écaille d’huître. Sa surface inférieure est re- vêtue, ainsi que l'intérieur du nid, d’une couche de soie. L'entrée a un pouce de diamètre. Selon Brown, l'animal s'établit dans les lieux pierreux, et sa piqûre cause une douleur très vive, qui dure plusieurs heures, et qui est encore accompagnée quel- quefois de fièvre et de délire. On en arrête les effets en provo- quant les sueurs au moyen de sudorifiques et de liqueurs spiri- tueuses. Badier, au rapport d'Olivier, a souvent rencontré cette espèce dans les sols argileux, et en pente douce, de l'ile de la Guadeloupe. Retirée de son nid, elle ne donne, ainsi que la Cténize maçonne, aucun signe de vie, et contracte, probable- ment dès-lors, comme elle, ses pattes. J'ai dit, au commencement de ce Mémoire, que le genre Dys- dère terminoit la série des Aranéides quadripulmonaires, et se VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. 75 lioit naturellement avec celui de-Ségestrie qui commence ainsi la série des Aranéides bipulmonaires. Je remarquerai, à l’'occa- sion de ce dernier genre, que les espèces que M. Risso, dans son Histoire naturelle de l'Europe méridionale, y rapporte, sont de véritables Épéires ou Araignées tendeuses et bien connues. APPENDICE. Parmi les objets d'histoire naturelle, recueillis à Madagascar par M. Goudot, et dont il a enrichi le Muséum, s'est trouvée une espèce inédite de Mygale, dont je n’avois pas eu connois- sance, lorsque j'ai rédigé le Mémoire précédent. Je conserverai à cette Aranéide la dénomination de LONGITARSE, Longitarsis, qui lui a été donnée par M. Audouin. Dans une note jointe à l'animal, il est dit qu'elle fait son habitation sous les troncs pourris des forêts, situées près de la rivière Troulouine. Le nom spécifique annonce déja que cette Mygale doit être rangée dans ma seconde division; la longueur des deux pattes postérieures est en effet presque double (22 lignes) de celle du corps(13 lignes), mesuré depuis l’origine du crochet des ché- licères jusqu’au bout de l'abdomen. Il est entièrement brun, garni de poils peu alongés et sans épines ou piquants aux pattes; ceux du dessous des tarses ou des deux derniers articles de ces pattes forment, ainsi que dans les premières espèces, une brosse courte, serrée et continue, à l'extrémité de laquelle on voit aussi la petite, qui accompagne les onglets. Le groupe oculaire ne diffère point ou très peu de celui des autres Mygales. On ne pourroit, d’après ces seuls caractères communs aux deux sexes, distinguer cette espèce de quelques autres de la même division; 76 VUES GÉNÉRALES SUR LES ARANÉIDES. mais heureusement l'individu unique, apporté par M: Goudot, étant un mâle, il nous a été facile de le comparer avec ceux des autres Mygales analogues, et de bien établir son signalement. D'une part, les organes copulateurs se rapprochent de ceux de la Mygale aviculaire; mais, à partir du renflement sphé- roïdal de leur base, ils se contournent fortement en manière de tire-bourre, sont d’abord comprimés et striés longitudi- nalement, et se terminent en une pointe aciculaire, longue et un peu arquée; l’article des palpes qui les précède, ou l'avant- dernier, est très velu en dessous. D'autre part, la saillie de l'extrémité inférieure des jambes de la première paire des pattes, propre à la plupart des individus du même sexe, finit tout autrement. L'épine terminale ou l'ergot est remplacée par un appendice replié sur le côté postérieur de la saillie, en forme de dent, imitant un rateau, à raison d’une série d'une douzaine environ de petites pointes cornées que présente sa tranche in- férieure. De longs poils et w# fin duvet plus intérieur enve- loppent cet appendice. Les filières extérieures sont alongées et saillantes. CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES DE LA TRIBU DES DENTICRURES, FAMILLE DES BRACHÉLYTRES, PAR M. LATREILLE, Professeur-administrateur au Muséum d'Histoire naturelle, de l'Académie des sciences, etc. Aux quatre sections principales ou tribus qui, dans. la pre- mière édition de l'ouvrage sur le-Régne animal de M, Cuvier, partagent cette famille, désignée primitivement par lui:sous la dénomination de Brachélytres, fêt postérieurement sous. celle de Microptères, par M. Gravenhorst, dontle travail a servi de base à ceux qu'on a publiés depuis sur le mêmesujet, j'ai ajouté, dans la seconde édition de l'ouvrage précité, une autre tribu, celle des Denticrures, mot dont létymologie, jambes dentées indique son principal caractère; ‘elle estun démembrement de celle des Aplatis, et se compose des genres Oxytéle, Osorius, Zyrophore, Prognathe, et Coprophile, dont le dernier m'est propre. Ne pouvant présenter dans cette seconde édition du Régne animal qu'une esquisse de l’état actuel de l'entomologie, n'ayant lors: de sa rédaction :que-peu de matériaux à ma disposition sil m'a. été impossible, desme livrer à une étude plus approfondie! de 78 CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES ces insectes, et Je me suis borné à introduire dans mon travail quelques nouvelles considérations générales. M. le comte de Mannerheim, qui avoit déja acquis des titres incontestables à la gratitude des entomologistes, en a profité avec avantage, dans sa classification générale des Brachélytres, qu'il a mise au jour en 1830, et dont M. Audinet de Serville a rendu un compte très détaillé, et avec cet esprit de justice et d'impartialité qui le ca- ractérise, dans le Bulletin des sciences naturelles, février 1831. Le nombre des genres de cette famille, et dont plusieurs jus- qu'alors inédits, est de cinquante-deux. Ils sont distribués en six tribus, désignées d'après des genres servant de types principaux, comme Staphylinides, du genre Staphylin, Sténides, de celui de Stène, etc. ; des tableaux analytiques, tracés sur le modéle de ceux dont M. Duméril et le comte Dejean ont fait usage, facilitent la connoissance de ces groupes. Les caractères qu'il leur assigne ont-ils tous une importance générique? c'est ce que nous ne dis- cutérons point, vu qu'il ne s'agit dans ce Mémoire que de sa tribu dés Oxytélides,: l'analogue, en grande partie, de notre division des Denticrures ; elle est formée de quatre genres, Bledius, Platystethus, Oxytelus et Trogophlæus, dont le second'et le dernier établis par lui, et dont le premier ou celui de Bledius, propre au docteur Léach. N'ayant point, à ce quil paroît, vu en nature, celui de Siagone de M. Kirby, ou mes Prognathes, trompé par des analogies sexuelles, et négligeant la forme des palpes, pour s'attacher exclusivement aux caractères tirés de la forme des jambes et de la composition des tarses, il le confond, mal-à-propos, avec celui de Bledie. Tous ses Oxytélides, à l'ex- ception des Siagones, embrassent uniquement le genre Oxytéle de M. Gravenhorst: Il ne fait aucune mention de celui d'Oso- DE LA TRIBU DES DENTICRURES, 79 rius, ni de ceux de Zyrophore et de Coprophile, sans doute parcequ'ils manquoient dans sa collection des Oxytélides. D'après le tableau où il expose les caractères des tribus, celle-ci ne différant des autres que par le nombre des articles des tarses, 3 à 4, au lieu de 5, ces deux genres &en trouvoient exclus. Mais cette anomalie est-elle bien constatée? N'est-ce pas une erreur provenant de la difficulté de bien distinguer quelques jointures, vu l'extrême petitesse des quatre premiers articles, vu encore que le radical peut rentrer, en grande partie, dans la cavité tibiale où il prend naissance, et qu'il existe en dessous un petit: faisceau de poils dirigé en avant? C'est ce que je pense, me fondant à-la-fois sur l'analogie et la diminution progressive de la longueur de ces articles, considé- rés successivement dans les genres de cette tribu. J'ajouterai même que les tarses postérieurs de divers Oxytéles et les plus longs de tous; vus en dessous et avec la combinaison de deux lentilles très fortes, m'ont offert les cinq articles, communs aux autres Brachélytres. Si quelques insectes de cette famille pou- voient, sous ce rapport, s'éloigner des autres, la tribu des Aléocharides, qui semble avoisiner naturellement les Psélaphiens, présenteroit plus de chances exceptionnelles, et cependant il est reconnu que leurs tarses ont pareillement cinq articulations. Tels sont les motifs qui m'avoient déterminé dans l'exposition des caractères des Denticrures à ne point me prononcer sur le mode de composition de cette partie, et à me borner à dire qu'ordinairement le nombre total de ses articles ne paroissoit être que de ‘deux ou de trois. Cependant M. le comte de Manner- heim affirme que les tarses de tous les Oxytélides, vus avec le secours de plusieurs microscopes, ne lui ont offert que ce der- 80 CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES nier nombre. Mais, ainsi que je l'ai fait, ces parties doivent être observées sous toutes les faces, et je pense que,:pour bien dis- tinguer les articulations, on a moins besoin d'un très fort gros- sissement que de clarté, et quen employant une forte loupe, on obtient mieux cet avantage et avec moins de crainte d'llu- sions. Il paroît d'ailleurs que-ce savant a même hésité quant à cette détermination numérique, puisqu'il signale ainsi cette tribu : tarses trois ou quatre articles. Je ferai observer que la simplicité ou le laconisme des tableaux analytiques, quoique séduisants au premier abord, n'est pas toujours'un moyen d'apprécier, à leur juste valeur; leur mérite. L'expression des signalements doit être bien méditée, et ne point porter surdes organes dont la figure est naturellement très variable. Citons un exemple, puisé même dans le travail de ce naturaliste. Peut-on caractériser plus simplement la tribu des Staphylinides? Labre échancré(x). Qui ne sait que le bord anté- rieur de cette partie peut, dans les divisions ou les tribus des plus naturelles, être tantôt entier, tantôt plus ou moins échan- cré ou sinué? Dans le choix des caractères, äl auroit fallu pré- férer d’abord ceux :qui ont une plus grande importance, qui exposent à moins d'erreurs, et descendre ensuite à des modifi- cations d'organes plus subordonnées ou plus circonscrites. Le côté extérieur des jambes de l'Oxytelus corticinus de M. Gra- venhorst, n'étant, selon M. Mannerheim, ni denté, ni épineux, il a, dit-il, été obligé de changer un peu les caractères que j'a- vois assignés à la tribu des Denticrures, ainsi que sa dénomi- (1) Sa surface inférieure est tapissée par une piéce membraneuse, assez épaisse et velue, qui me paroît être l’analogue de l'Épipharinx. DE LA TRIBU DES DENTICRURES. 81 nation. Mais, comme l’a judicieusement remarqué M. de Ser- ville, il ne falloit pas pour cette unique exception bouleverser ainsi la nomenclature. Ajoutons encore que ces épines ou ces dents sont remplacées ou représentées par des cils. Afin donc de ne point augmenter le nombre des tribus de la famille des Brachélytres, et pour conserver leurs désignations, la tribu des Oxytélides de M. de Mannerheiïm ne formera qu'une division de celle des Denticrures que je caractériserai de la manière sui- vante. Tête dégagée (point susceptible de s'enfoncer postérieurement dans le corselet jusqu'aux yeux). Jambes antérieures au moins dentées ou épineuses au côté extérieur dans la plupart; des cils sur le même coté, et à toutes dans les autres ; tarses semblables ou point sensiblement différents duns les deux sexes, point dilatés, petits, susceptibles de se replier sur elles, avec le dernier article aussi long au moins que les précédents réunis; ceux-ci fort courts, et dont le premier ou les deux premiers souvent même peu ou point distincts. Palpes médiocrement saillants, filiformes ou subulés. Antennes insérées latéralement au- devant des yeux, moniliformes ou à articles pour la plupart ova- laires. Le corps est linéaire et déprimé, ou cylindrique. Les antennes sont de la longueur de la tête et du corselet, insérées au-devant des yeux, de grosseur égale, ou grossissant vers leur extrémité et presque en massue, un peu coudées, avec les trois premiers articles obconiques, ou presque cylindriques, et un peu amincis à leur base; le radical est le plus grand, ét les deux suivants sont presque de la même longueur. Le labre est coriace, saillant, petit, en carré transversal, et velu au bord antérieur. Les man- dibules sont avancées, en forme de triangle étroit et alongé, Annales du Muséum, t. I”, 3° série. Il 82 CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES plus ou moins dentées au côté interne, et terminées en une pointe aiguë ou par un crochet, et ordinairement croisées à cette ex- trémité. Les mâchoires, ainsi que dans les Staphylins, se termi- nent par deux lobes coriaces ou membraneux, dont l’apical plus grand, et dont l’interne rétréci en pointe vers son extrémité, ou dentiforme; leurs palpes sont toujours composés de quatre articles distincts; les labiaux en ont un de moins. Le menton est coriace, plus ou moins trapézoïde, ou en carré, rétréci, vers le bord supérieur et transversal. La languette est membra- neuse et divisée, ainsi que dans le genre précédent, en trois parties, dont l'intermédiaire, beaucoup plus" large, profondé- ment échancrée ou bilobée, et dont les deux latérales, ou les paraglosses, petites, étroites, mais ici peu distinctes, ou se con- fondant avec les lobes de la précédente, en s'appliquant contre eux. Les yeux sont arrondis et peu élevés. Plusieurs, ou les mâles au moins, offrent au-devant de l'insertion des antennes une saillie en forme de dent ou de corne. Le corselet de quel- ques individus du même sexe est aussi armé d’une corne plus forte; cette partie, dans son plus grand diamètre transversal, est de la largeur de la tête et des élytres, presque carrée, un peu plus étroite vers les angles postérieurs, qui dans plusieurs sont arrondis ou obtus, de manière qu'elle est alors presque en forme de cœur tronqué. L'écusson est petit et triangulaire. Les élytres recouvrent au plus la moitié de la longueur de l'abdomen, dont le nombre des segments apparents est de six au moins: le dernier est conique ou triangulaire, sans appendices saillants. Les quatre jambes antérieures sont ordinairement plus larges; leur côté extérieur offre une rangée de dents ou d’épines nombreuses, formant un rateau, ce qui indique qu’elles servent DE LA TRIBU DES DENTICRURES. € ce 3 à ces insectes à fouir la terre; les tarses se replient alors sur elles. Quelques espèces, mais en très petitnombre etcomposant le genre Trogophlœus de M. de Mannerheim, vivent sous les écorces des arbres ou dans les champignons; et les autres, ou les européennes au moins, dans les matières excrémentielles, mais, à ce qu'il m'a paru, celles de préférence qui sont moins humides. Les mâ- choires des Osorius, genre exotique, semblent annoncer quel- ques habitudes particulières(1). Par l'élargissement transversal de leur lobe apical, celles des Zyrophores ont de grands rapports avec les mêmes parties des Bousiers, des Ateuchus, etc. Leurs mandibules sont beaucoupplusfortes et plus dentées que celles des autres Denticrures; elles paroissent même faire l'office de pinces. I. Antennes de grosseur égale ou légèrement épaissies vers le bout. Palpes pareillement filiformes. Cinq arctiles apparents aux tarses; le dernier simplement un peu plus long que les précédents pris ensemble. À. Corps cylindrique. Tête alongée , convexe, prolongée postérieu- rement , derrière les yeux, sans rétrécissement ni étranglement apparent, en forme de cou. Lobes maxilluires coriaces, terminés par une dent; de longs cils et pointus au bout, ou spiniformes, disposés parallèlement en une série au côté interne de l'intérieur, et d'autres semblables au sommet de l'extérieur. Lanquette alon- gée, avec l'extrémité arrondie, sans échancrure apparente ( lobes connivents). GENRE L OsORIUS. Osorius (Léach ). À l'égard de la forme de la tête et du corselet et de leurs proportions rela- tives, les Osorius ont une certaine analosie avec les Acinopes et les Ditomes, (1) Voyez le Post-Scriptum de la page 92. 84 CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES genres dela tribu des Carabiques. Leur corps est cylindrique, alongé, foible- ment et vaguement pointillé, de moyenne taille, comparativement aux autres Brachélytres, pubescent sur l'abdomen, les antennes, les pattes, et quelques autres parties, noir ou roussâtre et luisant. La tête est presque aussi grande que le corselet, en carré, un peu plus long que large, épaissie, et arrondie postérieurement en dessus, déprimée et inclinée assez brusquement en de- vant, et terminée par un bord droit, à angles latéraux, plus ou moins pro- longés, ou formant une saillie pointue, en manière de dent. Les antennes sont insérées au-devant des yeux, en arrière d'un enfoncement, au-dessus duquel s'élève, à la suite d’un rétrécissement brusque, la portion latérale et terminée en pointe, d’une sorte de chaperon, formé par le plan antérieur qui va en s’inclinant; leur premier article est presque cylindrique, et d'une longueur égalant au moins le quart de la longueur totale; tous les suivants sont courts, et à l'exception du second et du troisième, dont la forme est presque obconique, sont globuleux, les derniers sur-tout. Le labre est pro- portionnellement plus grand que dans les autres espèces de la même tribu, en carré, un peu plus long que large, uni, avec le bord antérieur velu, et un peu concave. Les mandibules sont assez fortes et croisées, tantôt in- également dentelées au côté interne, tantôt unidentées au plus. Le lobe terminal des mâchoires a la forme d’une dent oblongue, arquée, rétrécie vers le bout, et terminée en manière d’onglet, portant extérieurement à son sommet quelques longs poils, finissant en pointe aiguë; le lobe interne plus petit, linéaire, en offre une rangée de semblables, et finit en une dent aiguë et oblique; j'en ai même apercu une seconde, au-dessous de la précédente, à l'une des mâchoires. On voit ainsi que, par la forme de ces organes, les Osorius ont de l'affinité avec les coléoptères de la famille des carnassiers. Les palpes, tant maxillaires que labiaux, et dont ceux-ci, les plus courts, comme de coutume, sont filiformes, et terminés par un article cylindrico-conique et le plus long de tous; le second, des uns et des autres, est ensuite le plus grand et obconique. La lévre est plus alongée que celle des autres denticrures; le bord supérieur du menton est un peu concave; la languette est carénée postérieurement, et finit par un berd arrondi, sans échancrure, ni évasement sensible, peut-être par un effet du rapprochement et de la contraction de ses lobes ou divisions: Les yeux sont latéraux, petits, ronds et peu élevés. Le corselet, un peu plus large que long, mesuré à son DE LA TRIBU DES DENTICRURES,. 85 bord antérieur, convexe et arrondi au milieu du dos, et incliné graduelle- ment sur les côtés, a la forme d'un carré, qui va en se rétrécissant de devant en arrière; il est rebordé latéralement, avec les angles postérieurs aigus; le présternum est dilaté antérieurement, en manière,de corne courte et obtuse. L'écusson est très petit, triangulaire et obtus. Les élytres formant, réunies, un carré un peu: plus long que large, sont séparées du corseletpar un petit pédicule, concaves ou échancrées à leur base, de manière que lés épaules sont saillantes; elles n'offrent aucune strie;isi ce n’est la suturale. T'abdomen est cylindrique, et terminé par une sorte de cône ; formé de la réunion des sixième et septième anneaux, et recu à sa base, dans la concavité du cin- quième qui est le plus long de tous; le premier est plus court queles sui- vants; les étranglements qui séparent les cinq premiers sont très pro- noncés. Les pattes sont courtes, mais robustes, avec les jambes comprimées, en forme de triangle alongé, dont la base est représentée par le bord in- terne, et à l'extrémité inférieure duquel est une petite épine (l'éperon) arquée; l'extérieur, ou du moins celui des quatre premières, est bordé d’une rangée de dentelures nombreuses, accompagnées de poils ou de cils, et dont les terminales plus grandes; les deux jambes postérieures sont plus étroites et plus longues, et leur contour forme un triangle scalène, tandis que celui que dessinent les autres, et sur-tout les deux premières, est plus équilatéral: Le tarse, composé de cinq articles distincts, s'applique, en se recourbant, sur la portion terminale de la tranche extérieure de la jambe, à partir de l'angle apical. Je-ne connoïs encore que trois espèces et toutes exotiques. La première, recueillie à Madagascar, par M. Goudot jeune, est le tÿpe d’une division par- ticulière, et dont le genre Oxytelus nous offre l’analogue. [. Côté extérieur des jambes échancré près du bout (échancrure des quatre antérieures beaucoup plus grande, avec deux dents, dont la supérieure très petite ; deux petites épines réunies infé- rieurement, dans l’échancrure des deux postérieures ). 1. OSORIUS INCISICRURE. Osorius incisicrurus. D'un noir foncé, très luisant, avec les tarses roussâtres. Mandibules dentées le long du bord interne; une dent plus forte à l’une des deux; trois 86 CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES au bord antérieur de latête, dont une au milieuet les autres latérales. Cor- selet point rebordé à son extrémité postérieure, vaguement ponctué sur les côtés, avec deux lignes enfoncées, courtes, interrompües, et rapprochées parallèlement, au milieu du dos; une-impression à chaque angle postérieur. Les deux jambes postérieures fortement et longuement rétrécies supérieu- rement, n'ayant au côté extérieur que des poils, et trois petites épines, dont les deux inférieures réunies à leur base. — Longueur, o"oro. Cette espèce diffère non seulement des suivantes, par l’échancrure exté- rieure des jambes, mais par des caractères propres aux deux postérieures, etindiqués ci-dessus, ainsi que par l'existence de la saillie du milieu du bord antérieur de la tête, les dentelures des mandibules et les impressions du corselet. IL. Côté extérieur des jambes sans échancrure, près de son extré- mité (pluridenté dans toutes). 2. OSORIUS BRÉSILIEN. Osorius brasiliensis. Guér. Iconog. du Rég. anim.—3° Cah. Insect. pl. IX, fig.XI. —Osorius tardus? Des. Catal. p. 24. Très noir, luisant, avec les antennes d'un noir obscur, et les pattes d’un brun fauve; une forte dent obtuse de chaque côté, au bord'antérieur de la tête, et une au bord interne de la mandibule droite; tête et corselet lisses ; cette dernière partie rebordée finement à son extrémité postérieure. — Longueur, o® 009-013. ; Le Muséum d'histoire naturelle en possède un individu qu'il doit, ainsi que plusieurs autres insectes intéressants, à la générosité de M. Adolphe de Lattre, peintre distingué, et qui, pendant son séjour au Brésil, s’y est livré avec zéle à la recherche de ces animaux. Je lui ai aussi obligation de la même espèce, dont je n'avois alors qu’un petit individu, celui qu'a figuré M. Guérin. 3. OSORIUS CYLINDRIQUE. Osorius cylindricus. Klüg. D'un roussâtre pâle, luisant, ponctué; bord antérieur de la tête sans pale, » P 3 dents; jambes paroissant être plus garnies de poils que celles des espèces précédentes; les deux postérieures moins dentées. — Longueur, 0" 005, DE LA TRIBU DES DENTICRURES. 87 Mexico. Je suis redevable de cette espèce à mon excellent ami, le docteur Klüg, directeur du Cabinet d'histoire naturelle de Berlin. B. Corps linéaire, entièrement, ou en partie au moins, déprimé ; tête transversale ou presque isométrique , carrée, ou presque orbi- culaire, distincte postérieurement du corselet par un rétrécisse- ment où un étranglement ; lobes maxillaires membraneux (1), sans dents , ni rangée pectiniforme de cils au côté interne ; le lobe extérieur élargi ou très obtus au bout; lèvre peu alongée, avec la languette profondément évasée au milieu, ou distinctement bilobée. Nota. Menton transversal. Jambes étroites, alongées, sans dilatation angulaire au côté extérieur, mais simplement élargies vers leur extrémité; leurs dentelures ou petites épines moins nombreuses que dans le genre précédent; celles mêmes des quatre ou deux jambes postérieures, très rares ou nulles dans la plupart. Corselet presque carré. a. Mandibules très robustes, élevées, très dentées et terminées en pince; un cou brusque et étroit; abdomen plus étroit que le corselet, en étant séparé par un pédicule très distinct, cy- lindrique. GENRE IL. ZYROPHORE. Zyrophorus. (Dalm.— Piestus, Gravenh. — Lepto- chirus, Germ.— Jrenœus ; Léach. — Oxytelus, Oliv.) Par les mandibules, les inégalités de la tête, et sur-tout ses impressions antérieures, et par la forme du corselet, ce genre nous rappelle’ celui de Passale. Les antennes, de grosseur presque identique, sont généralement (1) Ainsi que dans les autres brachélytres, l’apical externe est en forme de triangle renversé, uniarticulé à sa base, et l'interne moins élevé que lui, va en se rétrécis- sant de la base au sommet et se termine en pointe; son bord interne et l'extrémité du précédent ont une frange, formée par de petits poils. 88 CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES moniliformes, poilues, avec le premier article obconique, dans l'espèce du Brésil que M. Germar nomme Scoriaceus (r). Les mandibules sont fourchues au bout. Au-dessous de l’origine des palpes maxillaires est une saillie assez forte et en forme de dent; l'appendice extérieur, terminant les mâchoires, ést beaucoup plus large que dans les autres brachélytres, et tout-à-fait transversal, comme celui des Æteuchus des Copris, etc. Les angles de la base du menton sont un:peu dilatés, en manière d’oreillette; les supérieurs sont arrondis, et-donnent naissance aux palpes; et le milieu du bord supérieur s'avance un peu en pointe; les lobes de la languette sont courts et très écartés au milieu; le dernier article des quatre palpes est cylindrique. Toutes les espèces connues, et dont les unes du Brésil, et les autres de Java, ont le corps de consistance très solide, d'un noir très luisant, avec un sillon longi- tudinal au milieu de la tête et du corselet. J'ai adopté la dénomination de Zyrophore donnée à ce genre par feu Dalman, plutôt que celle de Leptochirus de M. Germar, soit parcequ'elle est antérieure, soit parceque le premier en a développé avec plus d’étendue et figuré les caractères. L’oxyrèle bi- corne d'Olivier (Encyclop.méth.).me paroît ne pas différer du Z. Pectini- cornis de Dalman, qui, ainsi que lui, tenoit cette espéce de feu Paykull. Sil étoit vrai, comme :l.le soupconne,-qu'elle appartient au genre Piestus de M. Gravenhorst, la désignation générique de celui-ci ,devroit prévaloir. J'ai une espéce et que l'on m'a dit venir de Java, dont le devant de la tête offre trois petites cornes, et dont les antenries sont plus courtes, plus ve- lues, avec les articles plus globuleux; on voit de chaque côté, sur le dessous de la tête, un avancement pointu et dentiforme. Cette espèce, ainsi que celle précitée de M. Germar, et que je dois à l'amitié de M. Adolphe de Lattre, étant les seules que je possède, je ne pouvois entreprendre de donner ici une monographie de ce genre: : b. Mandibules de grandeur moyenne, étroites, arquées, terminées en une pointe simple , sans dents ; ou ven offrant au plus qu'une, à leur base, et dans les mâles seulement. Tête légèrement ré- trécie postérieurement. Abdomen de la largeur du corselet, n’en étant point séparé par un étranglement notable et déprime. (1) Striatus? Guer. Iconog. du Rég. anim. 3° cab. insect. pl. IX, fig. v2. DE LA TRIBU DES DENTICRURES. 89 GENRE IIT. PROGNATHE. Prognatha. (Latr., Blond.—Siagonum, Kirby.) Mandibules très étroites, très arquées, ou lunulées, plus grandes et avec un appendice dentiforme à leur base interne, dans les mâles. Dernier article des palpes cylindrique ; ceux-des antennes presque obconiques, et dont les derniers à peine plus épais: On n’en connoît encore qu'une seule espèce, dont le mâle a été figuré par MM. Kirby et Spence, sous la dénomination de Siagonum quadricorne ({ntrod. Entom., tom. E, pl. 1, fig. 5), ét quant à la tête, et sous le nom de Rufipenne, par M. Guérin (Iconog. du Rég. anim., 2° cahier, Insect., pl. 10, fig. 1). Celle que M. Blondel a décrite et représentée dans les Annales des Sciences natu- relles (avril 18:17, PI. XVII, fig. 14-17), n’est qu'une variété du même insecte. GENRE IV. COPROPHILE. Coprophilus. (Lat.—Omalium , Gravenh.., etc.) Mandibules légèrement arquées, point lunulées, et sans dents, dans les deux sexes. Dernier article. des palpes conique; ceux des antennes géné- ralement presque globuleux, et dont les derniers sensiblement plus gros. Corps moins étroit et moins déprimé que dans les Prognathes. L'Omalium rugosum de M. Gravenhorst, que je rapporte à ce genre, a été représenté par M, Guérin (Iconog. du Rés. anim., 2° cah., Insect., pl. 10, fig. 2). IL. Derniers articles des antennes manifestement plus grands et formant presque une massue alongée. Palpes subulés. Tarses ne paroissant composés que de trois articles, dont le dernier beau- coup plus long que les deux autres réunis. Annales du Muséum, t. 1°, 3° série. 12 90 CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES GENRE V. OXxYTÈLE. Oxytelus. (Gravenh., Oliv., Gyllenh., Dej., etc.) Les antennes forment un coude plus prononcé que dans les genres précé- dents. L'avant-dernier article des palpes maxillaires ést le plus grand de tous, en forme de toupie, et le dernier beaucoup plus grêle se termine en pointe. Telle est aussi la forme du même aux palpes labiaux; maïs ici les deux pré- cédents sont à-peu-près égaux et cylindriques. Les lobes maxillaires n’offrent rien de particulier ou ressemblent à ceux des Staphylins et des deux genres précédents. Le menton est aussi en carré transversal, et la Janguette est évasée ou échancrée, en manière d'angle, au bord supérieur. Dans ceux où les individus mâles ont des éminences nommées cornes, celles de la tête sont formées par des saillies dentiformes du bord antérieur de cette partie (cornutus, morsitans), ou bien par des dilâtations des portions latérales et élevées, sous les bords desquelles sont insérées les antennes; une expansion prolongée supérieurement du disque du corselet produit la corne que l’on y observe dans les mêmes individus. Dans le nouvel arrangement de la famille des Brachélytres proposé par M. le comte de Mannerheim, les Oxytéles primitifs y composent quatre genres, savoir : Bledius, Platystethus, Oxytelus et Trogophlæus. Le dernier est distingué de tous les autres par l'absence de dentelures ou d’épines à toutes les jambes. Le premier est le seul de ceux-ci.dont toutes les Jambes soient entières (1). Dans les Platystethus et les Oxytelus, l'extrémité des deux antérieures a une entaille au côté extérieur; la série des dentelures ou d'épines dont il est armé n’est point prolongée jusqu’au bout, comme dans les Bledius. Maintenant les Platystethus ont cela de particulier que ces den- telures, imitant un peigne, existent aux jambes postérieures; celles des Oxytéles en sont dépourvues. Le genre primordial n'étant pas composé d’un grand nombre d'espèces, peut-être eût-il mieux valu:se borner à y établir des divisions embrassant ces coupes génériques. Mais il est toujours positif (1) Voyez l’Iconographie du Règne animal, par M. Guérin, 3° cahier, Insectes, pl. 9, fig. 10. \ DE LA TRIBU DES DENTICRURES. 91 qu’elles sont très naturelles; à ces caractères il faut ajouter ceux que four- nissent les mandibules, Dans les uns, elles se terminent par deux dents, formant une sorte de fourche, ou bien par une pointe simple, mais avec le côté interne manifes- tement pluridenté. Cette division comprendra les genres Bledius.et, Platystethus. Dans les autres Oxytélides, les mandibules finissant aussi en pointe n’of- frent, au côté interne, que deux petites dents. Ici viennent les deux autres genres Oxytelus et Trogophlæus. Le corps est toujours déprimé, sans cornes, et le corselet, moins rétréci postérieurement, est presque carré où presque orbiculaire, au lieu que dans la division précédente, sa forme serapproche beaucoup plus de celle d’un cœur, tronqué postérieurement. Le corps des BLÉDIES (Bledius) est évidemment plus étroit, plus alongé et plus convexe que celui des autres Oxytélides. Le côté extérieur des jambes présente une rangée très serrée de spinules qui régne dans toute sa longueur, et couronne même, avec les éperons ordinaires, son extrémité; seulement, dans quelques uns, les spinules des deux jambes postérieures sont rem- placées, en totalité, ou en partie, par des poils ou des cils. Dans les espèces, dont les mâles ont des cornes, les mandibules s’élargissent vers leur extré- mité, et se terminent par deux fortes dents, dont l'inférieure plus courte ; le côté interne n’en présente point. On en voit deux à ce même côté, dans les mandibules des espèces sans cornes, ou du Castaneipennis au moins, et dont la supérieure correspond à l'intérieure dessmandibules précédentes; elle est plus petite, et celle qui est formée par l'extrémité pointue de ces organes.est plus avancée, de sorte qu'ils paroissent moins fourchus.. Dans les PLATYSTÉ- THES (Platystethus), leur côté interne est pareillement bidenté; mais la dent la plus inférieure, sur-tout à l’une de ces mandibules, où elle est plus éloignée de la supérieure, est bifide; l’apicale est d’ailleurs forte et avancée. C’est plutôt par la petitesse des deux dentelures internes que par celle de petites épines aux jambes postérieures que les OxyrèLes (Oxytelus) s'éloignent du genre précédent; car dans quelques individus au moins, ces spinules ÿ sont très distinctes. On n’en voit point aux jambes des TROGOPHLÉES (Trogophlæus), et l'extrémité de ces parties n'étant point rétrécie brusquement, n'offre pas cette entaille que l’on remarque aux deux jambes antérieures des Oxytèles et des Platystéthes. Par le facies ces insectes ressemblent d’ailleurs à ceux du premier de ces deux genres. 92 CONSIDÉRATIONS SUR LES INSECTES COLÉOPTÈRES, ETC. Je me propose de revoir successivement, quant aux autres tribus, le travail si recommandable de M. le comte de Mannerheim. S'il n'est point aussi parfait qu’il pourroit l'être, c'est parceque, je n’en doute pas, tous les maté- riaux nécessaires lui ont manqué. Il est à desirer que l'on s'occupe aussi d’un species général des Brachélytres. Un esprit philosophique, accoutumé à tenir compte de l'influence qu’exercent sur les couleurs, sur la nature même de quelques portions de la surface du corps, les circonstances locales, y opérera üne réforme ‘salutaire, réclamée par les véritables amis des sciences naturelles. Ce besoin s’est sur-tout fait sentir vivement chez moi, lorsque j'ai voulu distinguer les espèces du genre Oxytéle, quoique réduit, ainsi que plusieurs autres de la famille des Coléoptères carnassiers; on ya multiplié, sans discernement et sur la différence la plus légère, le nombre des espèces. Post-scriptum. Il ne m'étoit pas venu en pensée, lorsque j'ai rédigé ce Mémoire, de consulter le Mémoire, extrêmement intéressant, que M.J. Th. Lacordaire, dont le dévouement à l’entomolosie, et les qualités du cœur sont au-dessus de tout éloge, a publié, dans les Annales des sciences naturelles, sur les habitudes des Coléoptères de l'Amérique méridionale, qu'il a si sou- vent parcourue. Îl nous apprend que les Zyrophores vivent exclusivement sous les écorces en décomposition, les fouillant en tous sens, et qu'on ren- contre quelquefois, en très grande quantité, l'espèce (scoriaceus), figurée par M. Germar. Les Osorius vivent demême, mais on les trouve aussi quel- quefois sous les pierres. L'espèce, nommée brasiliensis par M. Dejean, creuse sous ces écorces de longues galeries cylindriques, et notre observateur a trouvé deux fois leur extrémité pleine de petits œufs, d’un blanc sale, dis- persés sans ordre, d’où il présume que la larve y vit aussi. - RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA, POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU TISSU CELLULAIRE, DE L'ÉPIDERME ET DES STOMATES. PAR M. MIRBEL. Le tissu cellulaire des plantes se forme-t-il par développement continu ou par la réunion d'utricules d’abord libres, puis se greffant entre elles? Dans le cas de la formation par dévelop- pement continu, les nouvelles cellules sont-elles des utricules complètes, pouvant chacune 9 dans certaines circonstances, se séparer de la masse et offrir alors des vessies entières, parfai- tement closes; ou bien les cloisons qui séparent les cellules contiguës sont-elles simples, sont-elles indivisibles si ce n’est par déchirement, de sorte que le tissu cellulaire ne seroit pas, à pro- prement parler, composé d'utricules distinctes? Doit-on consi- dérer l'enveloppe cellulaire, ou, si l'on veut, l'épiderme des plantes, comme la couche la plus extérieure du tissu cellulaire sous-jacent, ou faut-il y voir un organe éssentiellement différent de ce tissu par son origine et sa structure? Les stomates s’organi- sent-ils en même temps que l'enveloppe cellulaire, ou se dévelop- pent-ils plus tard? Les cavités ou chambres pneumatiques qui 94 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES correspondent aux stomates, sont-elles de formation primitive ou secondaire? Ces questions et plusieurs autres dont la solution est d'un grand intérêt pour l'anatomie et la physiologie végétales, ont donné lieu à de profondes recherches et à de savantes dis- cussions; mais il reste encore quelque chose à faire et à dire, puisque les botanistes ne sont point d'accord. Trente ans se sont écoulés depuis que, pour la première fois, j'ai publié mes opinions sur plusieurs des points que je viens d'indiquer. Elles ont été vivement attaquées. Aujourd'hui je veux les soumettre à ma propre critique : je tâcherai d'être impartial. Embrasser dans ses recherches un grand nombre de végétaux à-la-fois, et passer rapidement de l’un à l’autre, récoltantles faits tels que le hasard les présente, sans se mettre en peine de ce qui a précédé et de ce qui suivra, ne me semble pas une bonne mé- thode pour arriver à des généralités sur l'organisation et les dé- veloppements. J'ai procédé d'une tout autre manière. Six mois ont été consacrés à l'étude d’une seule petite plante, le Mar- chantia polymorpha , que l'on ne remarque guère, quoiqu'elle soit très commune. Peut-être les botanistes me demanderont pour- quoi cette préférence accordée à une cryptogame qui, comme la plupart des espèces de cette classe, est dépourvue de bois, ainsi que d'organes creux propres à conduire les fluides, et n'offre, en dernière analyse, qu’un simple tissu cellulaire. La réponse est facile : ce n’est ni le bois ni les tubes connus sous le nom de vais- seaux que je me suis proposé d'examiner; c'est le tissu cellulaire avec ses principales modifications, et, par conséquent, une plante tout entière composée de ce tissu convient mieux que ioute autre à mon dessein. SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. 95 Une courte description du Marchantia sera suffisante, mais est indispensable pour que l'on puisse comprendre ce que je dirai tout-à-l’heure de la structure interne et des développements de cette plante. On la voit souvent dans les lieux humides, au bas des murs et sur les pierres de la margelle des puits. Elle s'étend en lames vertes, alongées, sinuées, espèces de feuilles tantôt appliquées sur le sol, tantôt redressées. La face supérieure de ces expan- sions foliacées est peinte d'étroites bandes verdâtres qui, se croi- sant en biais, la divisent avec régularité en un grand nombre de petites losanges à surfaces un peu convexes et d'un vert foncé (voy. PL. 5, fig. 1, et fig. 4 a). Au milieu de chaque losange on apercoit à l'œil nu ou avec le secours d’une foible loupe, un point obscur qui n’est autre chose que l'ouverture d'un très grand stomate (voy. la Note A). La face inférieure produit un long duvet dont les brins indivisés sont de véritables racines, et elle est marquée, en relief, de nervures longitudinales. Les principales nervures se prolongent quelquefois au-delà de l’ex- pansion foliacée, en pédoncules, chacun surmonté d'un chapeau à large bord profondément divisé en huit ou neuf ‘lobes épais ou seulement sinué. Sous les divisions des chapeaux lobés sont attachés des péricarpes renfermant une fine poussière jaune, formée d’une innombrable quantité de séminules. Sur les cha- peaux à bord sinué sont des ouvertures rondes qui communi- quent à des poches intérieures, que les botanistes considèrent comme des anthères. Le côté du pédoncule qui regarde la face supérieure de l'ex- pansion foliacée, est aplati, et, de même que cette face, il est vert, partagé en losanges et criblé de stomates. Au contraire, le 96 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES côté qui correspond à la partie inférieure de l'expansion est renflé, arrondi, roussâtre ou blanchâtre, et, de même qu'elle, dépourvu de stomates. \ Sur la face supérieure, on remarque des godets membraneux, semblables à d'élégantes petites corbeilles, dont le bord seroit découpé en dents aiguës. Ce sont les réceptacles d'une multitude de bulbilles lenticulaires (voy. PI. 5, fig. 4). C'est assez sur les caractères extérieurs de la plante; venons à sa structure interne qui est l'objet principal de ce travail. Avant de donner l’histoire des diverses modifications et altéra- tions que le tissu cellulaire éprouve depuis sa naissance jusquà son complet développement, je veux montrer l'état de ce tissu dans la plante adulte. Cette voie que je fais suivre au lecteur, je l'ai suivie moi-même dans mes recherches. J'aurois eu plus de peine à saisir l’enchaînement des faits si je n'avois connu d'avance le but que je devois atteindre. Des lames très minces de la substance de l'expansion foliacée, obtenues par un grand nombre de coupes longitudinales et transversales, m'ont donné sur la structure du tissu cellulaire des notions positives. La masse du tissu est continue. Il n'y a entre les cellules qui le composent aucun de ces espaces creux que M. Tréviranus a observés dans d'autres plantes, et qu'il a désignés sous le nom de méats intercellulaires (voy. la Note B). Les cellules s’'alongent généralement selon la longueur de l'ex- pansion. Ge caractère est très prononcé dans les nervures, les- quelles sont entièrement formées, ainsi que le reste de la plante, de tissu cellulaire. On ne sauroit dire que la face inférieure ait un épiderme, à moins qu'on ne veuille donner ce nom à la dernière conche de cellules d'un tissu cellulaire continu (voy. SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. 97 PI. 7, fig. 30, h). J'ai reconnu et tout le monde peut vérifier cette continuité qui suffiroit déja pour faire croire, contre l'avis de plusieurs physiologistes, que l'existence d’un épiderme distinct dans les plantes aériennes n’est pas un fait sans ex- ception. La face supérieure fournit matière à d’autres observations qui doivent trouver place ici, mais dont on n'appréciera toute la portée que lorsque je parlerai des développements. Le tissu superficiel est une membrane formée d’une séule couche: de cellules, lesquelles ne diffèrent des autres que par leurs parois un peu moins minces et un peu plus fermes {voy. PI. 5, fig’ 2, b). Immédiatement au-dessous est un espace divisé en petites cham- bres par des cloisons cellulaires verticales, dont la crête sé rattache à cette partie de la face inférieure de la couche superficielle, cor- respondante aux bandes étroites qui dessinent les losanges visi- bles à l'extérieur (voy. PI. 5, fig. 1,c). Ainsi la couche superfi- cielle tient par l'intermédiaire des cloisons à la masse du tissu sous-jacent. Dès que j'eus constaté ce fait, je jugeai que je tou- chois au moment de dissiper les doutes qui s'étoient élevés sur l'origine et la nature de l'épiderme végétal. La suite fera voir que je ne me trompois pas. Chaque petite portion de la couche superficielle bornée par les côtés d'une losange, forme la voûte de lune des chambres, et chaque chambre recoit directement l'air, la lumière et l'humi- dité par l'orifice elliptique d’un stomate unique, situé au centre de la voûte (voy. PL. 5, fig. r,bet fig. 2, q). Les chambres ne sont pas creusées très profondément dans le üssu sous-jacent. Les cloisons qui limitent l'étendue de chacune d'elles, ainsi que leur aire, sont chargées de papilles noueuses, Annales du Muséum, t. I“, 3° série. 13 # 98 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES rameuses ou indivisées, composées de cellules irrégulières at- tachées bout à bout ( voy. PL. 5, fig. 2, f). La structure des stomates est peut-être plus remarquable ici que dans toute autre plante. Un, deux et quelquefois jusqu'à trois anneaux elliptiques , formés chacun de quatre cellules, et super- posés l’un à l’autre, élévent l'ouverture supérieure un peu au- dessus de la surface de l'expansion, et constitue ce que j'appelle la margelle des stomates (voy. PL. 5, fig. 2, g). Un anneau formé de trois, quatre ou cinq grosses cellules turbinées, dont les bouts amincis s'alongent vers le centre, garnit et rétrécit l'ouverture inférieure. C’est l'anneau obturateur. Il descend assez avant dans la chambre (voy. PI. 5, fig. 2,1). Existe-t-il entre les différentes chambres d’autres communica- tions que celles qui résultentdela perméabilité des membranes du tissu? Je ne sauroisle croire. Pendant plusieurs mois, j'ai examiné avec les microscopes les plus puissants, le tissu qui forme l'aire et les cloisons des chambres, et je n’y ai découvert aucun per- tuis qui permette aux gaz et aux fluides de passer librement d'une chambre dans l’autre ( voy. la Note C). Dernièrement M. Dutrochet a injecté des feuilles de phanérogames au moyen de la machine pneumatique. J'ai employé ce procédé pour intro- duire dans les expansions foliacées et les pédoncules du Mar- chantia une infusion de garance. L'injection donnoit au tissu une teinte d’un vert roux et une certaine roideur. Quand j'essayois de plier les expansions, elles cassoient net. Si l'infusion n’avoit pé- nétré que dans les chambres, lesexpansionsauroientconservé leur souplesse ; car le moindre effort eût suffi pour chasser la liqueur en dehors par l'orifice des stomates, plus large, nonobstant l'an- neau obturateur, dans les expansions du Marchantia que dans SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. 99 aucune autre plante que je connoiïsse. Je pense donc que les cellules elles-mêmes étoient injectées. On répondra peut-être que cela étoit impossible, attendu que les cellules sont toujours remplies d'un fluide. Cette assertion n'est rien MOINS que prou- vée du moment qu'on l'énonce en termes si absolus. Sans doute les cellules contiennent souvent ce qu'on appelle de l'eau de végétation; mais cette eau de végétation est plus ou moins abon- dante, selon l’activité relative de la succion et de la transpi- ration. Ainsi, quand, par une cause quelconque, la quantité de liquide éliminée par la transpiration surpasse celle qui est introduite par la succion, le tissu devient flasque, parceque les cellules se vident; et, quand c’est la succion qui l'emporte, le tissu devient ferme, parceque les cellules se remplissent. Le Marchantia, comme les autres plantes, est soumis à ces alter- uatives très ordinaires et très connues. Par l'emploi de la ma- chine pneumatique j'ai porté la turgescence à son maximum ; les cellules ont été injectées aussi bien que les chambres des stomates ; la teinture de garance s'est introduite à la faveur de la perméabilité des membranes, et non d'une autre manière. Je reviens à l’organisation. La couche cellulaire superficielle des expansions et des pédoncules, les cloisons et l'aire des cham- bres, les cellules des papilles et celles des stomates, contiennent de la matière verte dans des sphérioles, petites vessies fixées sur les membranes. On obtient la preuve de l'existence des sphériôles en plongeant les cellules dans l'alcool, car, en très peu de temps, la matière verte se dissout, et l’on voit alors très distinctement les sphérioles vides et transparentes; et ce qui démontre qu'elles adhèrent aux membranes, c'est que, lorsqu'après avoir déchiré les cellules, on en agite les lambeaux dans un liquide, les sphé- 100 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES rioles ne changent pas de place. Elles abondent dans le tissu cel- lulaire voisin de la surface. Elles deviennent d'autant plus rares qu'elles approchent davantage du centre, et celles qui sy mon- trent sont en général incolores et transparentes comme les sphérioles du tissu superficiel après avoir été soumises à l’action de l'alcool. De petites masses concrètes, ovoïdes, blanches, mamelonnées à la surface, paroissent çà et là dans les cellules du tissu. Je n'ai pu recueillir cette matière pour en reconnoître la nature; je soupçonne que c'est de l’amidon (voy. PI. 7, fig. 30, e). Les nervures fortes ou foibles, relevées en bosse sur la face inférieure des expansions, sont accompagnées de petites mem- branes cellulaires invisibles à l'œil nu, qui se portent les unes vers les autres, et se recouvrent mutuellement. Les racines nais- santes sont cachées sous ces membranes (voy. PI. 7, fig. 30, f, q ). Plus âgées, elles ne se montrent au-dehors que pour s’enfoncer en terre ou pour se mettre en contact direct avec une atmo- sphère très humide. Chaque racine est untube membraneux, long, grèle et transparent. Des pointes, semblables à des poils très courts, garnissent l'intérieur du tube, dont la surface n'offre aucune ouverture apparente, pas même à son extrémité qui se termine en cœcum (voy. PL. 5, fig. 5, 6, 7). A l'ombre et à l'hu- midité, le tube est rempli d'un fluide incolore qui se dissipe promptement si la plante est transportée dans une atmosphère séche, et alors le tube se flétrit. Voilà un type de racine dans sa plus simple structure (voy. la Note D ). Le pédoncule est formé intérieurement d'un tissu de longues et larges cellules. Le côté qui correspond à la face inférieure de l'expansion foliacée ne laisse apercevoir, de même qu'elle; au- SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. IOI cun indice d'épiderme distinct du tissu ( voy. PL. 5, fig. 8, b). 1l est creusé dans sa longueur de deux profondes rainures pa- ralléles, dont les bords étendus en membranes cachent un double faisceau de racines qui descendent vers la terre sans sortir de ces espèces d'étuis(voy. PI. 5, fig. 8,e). Le côté qui correspond à la face supérieure de l'expansion diffère d'elle en ce que ses stomates sont sensiblement plus petits que les cellules de l'anneau obturateur sont plus grosses, qu'elles bou- chent presque totalement l'orifice inférieur, et qu'enfin les losanges de la superficie sont beaucoup plus alongées, et, par conséquent aussi, les chambres intérieures; car il ne faut pas perdre de vue que les côtés des losanges, indiquant les lignes d'attache des cloisons, donnent la forme et les dimensions des chambres avec la précision d’un plan géométrique (voy. PL. 5, fig. 9 et fig. 10). Tels sont les traits principaux de l'organisation du Marchantia adulte. Mais, pour prendre une juste idée des choses, nous allons remonter à leur origine, et noter les modifications qu'elles su- bissent avant d'arriver à l’état définitif que je viens de décrire. Les chapeaux lobés des Marchantia portent suspendus à la partie inférieure de leurs lobes, des espèces de péricarpes remplis d’une innombrable quantité de séminules jaunes. J'ai observé ces séminules par un grossissement de cinq cents fois le dia- mètre. Ce sont de simples utricules membraneuses, transpa- rentes, incolores, plus ou moins arrondies, contenant des glo- bules jaunes (voy. PI. 6, fig. 11, &). Semées sur des lames de verre, en serre, à l'ombre, sous cloche, de manière qu'elles étoient environnées perpétuellement d'une atmosphère chaude et humide, elles se dilatèrent en quatre jours, au point que leur 102 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES diamètre devint trois fois plus grand que dans l'origine. Elles étoient alors parfaitement sphériques, et les globules jaunes que je reconnu alors pour des sphérioles avoient pris une teinte verdâtre. Peu après chaque séminule s’alongea dans un point de sa périphérie en un tube fermé à son extrémité (voy. P1.6, fig. 12, 13, 14, 15). J'espérois que les développements se conti- nueroient sur les lames de verre; je fus trompé dans mon attente. L'humidité étoit extrême : des animalcules infusoires et des con- ferves se mêlèrent aux séminules, et celles-ci ne tardèrent pas à se désorganiser. Ce fut avec peine que je renoncçai à l'emploi des lames de verre qui m'offroient le précieux avantage de pouvoir observer au microscope la même séminule à plusieurs époques de sa croissance, sans lui faire éprouver aucun dérangement. Du grès blanc réduit en poudre et légèrement humecté fut substitué au verre. Avec une pointe d'acier mouillée j'enlevai les séminules une à une et les plaçai à distance convenable. La germination fut prompte et vigoureuse. En agitant les petites plantes dans une goutte d’eau, je parvins à les séparer des molécules de grès aux- quelles elles s'étoient cramponnées. Il n'y avoit pas deux indi- vidus qui se ressemblassent, et pourtant l'organisation étoit essentiellement la même. Dans tous une utricule séminale produisoit d'abord un tube comme sur les lames de verre. De cette première utricule ou de ce premier tube naissoit bientôt une seconde utricule, puis une troisième, une quatrième, etc., et celles-ci à leur tour engendroient des tubes; et toujours il y avoit dans les utricules et quelquefois dans les tubes des sphé- rioles remplies de matière verte. Ce développement d'utricules et de tubes donnoit aux diversindividus l'air de cordons noueux, SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. 103 souvent ramifiés. Mais le nombre, la grosseur des utricules, la distance qui les séparoit, varioient beaucoup; et de même aussi le nombre, la longueur, le point de départ, la direction des tubes; de sorte qu’en définitive chaque individu différoit de tous les autres, et se montroit sous une forme irrégulière, plus ou moins bizarre (voy. PI.6, fig. 17). Un peu plus avancées, les petites plantes offroient, dans un point quelconque de leur corps, un assemblage confus d'utricules entassées les unes sur les autres (voy. PI. 6, fig. 18, a). Cette production informe pré- cédoit toujours les développements réguliers. Les nouvelles utricules nées de la masse s'arrangeoient avec symétrie, et com- posoient en commun une lame verte que je ne saurois mieux comparer qu'à une feuille (voy. PI. 6, fig. 18, b). Ces faits que j'indique ici en peu de mots ont été le sujet d'observations multipliées. Je puis dire que j'ai assisté à la for- mation du tissu cellulaire du Marchantia , et que toutes les cir- constances de ce phénomène ont passé successivement sous mes yeux. Très certainement ce n'est pas par l'alliance d’utricules d'a- bord libres que le tissu cellulaire se produit, ainsi que l'ont avancé plusieurs grands observateurs, mais par la force géné- ratrice d’une première utricule qui en engendre d'autres douées de la même propriété. La série des faits est représentée dans mes dessins. Je recommande sur-tout à l'attention du lecteur le dessin où l'on voit de huit à dix utricules groupées en une masse cellulaire conique et mamelonnée, de la base de laquelle s'alonge un tube fermé à son extrémité (voy. PI. 6, fig. 16, a,b,c). L'utricule, mère de toutes les autres, celle d'où naît le tube, est la séminule; elle occupe sa place dans la masse cel- 104 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES lulaire ; elle ne s’est pas déchirée pour donner passage aux grains qu'elle contenoit; ces grains ne se sont pas réunis pour former un tissu ; elle les contient encore; ils n'ont pas bougé, et le seul changement visible qu'ils aient éprouvé, c'est qu'ils sont devenus verts de jaunes qu'ils étoient. Quant aux nouvelles utricules, elles se sont produites à la superficie de celles qui les avoient devancées; elles n’en diffèrent que parcequ'elles sont plus jeunes, et cette génération d'êtres similaires et continus durera aussi long-temps que la végétation de la plante, ou, pour parler en termes plus positifs, n'est autre chose que son mode de développement. Geci n’est pas une hypothèse, c'est l'histoire pure et simple des faits que j'ai observés. A ce premier âge du Marchantia, ce seroit vainement que l'on chercheroit dans l'expansion foliacée le plus léger indice de stomates, de chambres et de papilles. Rien de cela n'existe en- core. Il en est de même des corbeïlles, et par conséquent des bulbilles qu’elles contiendront. L'apparition d’une corbeille s'annonce par le soulèvement de la couche cellulaire la plus extérieure qui se détache du tissu sous-jacent, et se divise en dentelures convergentes, lesquelles _formeront bientôt le bord de la corbeille (voy. PL. 6, fig. 19. — Voy. la Note E). Si l’on coupe en deux cette corbeille naissante dans un plan perpendiculaire à sa base, et qu'on en sépare une lame très mince, on trouvera à la surface du tissu sous- jacent les bulbilles, tous bien jeunes encore, mais cependant à différents degrés de croissance (voy. PI. 6, fig. °0,e). Dans les derniers nés on ne distingue que deux utricules, l'une supé- rieure, l’autre inférieure (voy. PI. 6, fig. 23, «a, b). Celle-ci sert de pédoncule à la première. Elle n’éprouve aucun changement V. Annales de Muséum (2) RATE Vos) a] SE 2e QT QEe XS EXT) one Cr t S b 22 5. COL NN) RE WT Legendre f. arsard weulp TETE N. Annales de Museum PL:6. Fig 19 asrard sadp Dares drain TN 16 re Phi Fig 19 Fig 30 Fig-12 ä 2 9 Ro PR L 9e 0 A » > 4 RTS TAN SOA DRE = 1 = nain has en = æ PS ES CP EEE N. Annales du Museum Anatonue de Marclantia Polymorpha N des déenlaraun SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. 105 notable dans le cours de son existence. Celle-là est le bulbille ou plutôt l'enveloppe ou l'espèce de matrice dans laquelle le bulbille ne tardera pas à se produire. Gette utricule est d'abord diaphane; plus avancée, sa transparence se trouble; des traces verdâtres se montrent, et, presque en même temps, des linéa- ments si foibles, si peu arrêtés, que l'œil doute de ce qu'il voit jusqu'au moment où ces linéaments dessinent au net un-tissu cellulaire continu (voy. PI. 6, fig. 23, c); et alors l’utricule, sur la paroi de laquelle s'est formé intérieurement ce tissu qui constitue le jeune bulbille, s’évanouit sans qu'il en reste le moindre vestige. On peut donc dire, dans le sens des physio- logistes, que l’utricule est absorbée. Autant en arrive à la petite vessie dans laquelle se développe l'embryon des phanérogames (voy. la Note F). A l’époque de la disparition de l'utricule, le bulbille a la forme d'une palette oblongue; ses cellules contiennent de la matière verte; par l'expansion de leurs parois, elles forment sur les faces et sur les bords des renflements hémisphériques; elles sont disposées avec symétrie, et il est facile de déterminer leur nombre. Dans un individu, j'en ai compté vingt-sept sur l’une des faces. Dix-sept composoient la bordure; les dix autres, ran- gées en deux séries, remplissoient l'intérieur (voy. PL. 6, fig. 23, c). Le bulbille continue de grandir. Son accroissement et la mul- tiplication des utricules sont deux faits corrélatifs et simultanés. Les nouvelles utricules se développent entre les anciennes, et les écartent sans qu'il y ait solution de continuité. Ge fait, in- contestable selon moi, renverse à-la-fois deux hypothèses: celle de la formation du tissu par la réunion d'utricules d'abord libres, et cette autre qui, méconnoissant la composition utricu- Annales du Muséum, t. 1°, 3° série. 14 - 106 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES laire du tissu, veut que les cloisons limitrophes entre les cel- lules contiguës soient simples comme les lames liquides qui séparent les bulles d’une écume. Dans mes anciens Mémoires, je me suis montré un des plus zélés partisans de l'accroissement par développement continu, et mes dernières recherches viennent à l'appui de cette théorie; mais je ne puis dire de même touchant la composition utricu- laire du tissu que j'ai niée autrefois, et dont aujourd’hui je con- fesse la réalité. Les inductions les plus fortes déposent en faveur de cette doctrine. Quand l'observation démontre que la séminule du Marchantia est une simple utricule, et qu'on la voit, pendant la germination, produire à sa surface des cellules membraneuses qui ne diffèrent d’ellepar aucun caractère apparent, n'est-il pas très rationnel de conclure que ces cellules sont de tout point semblables à la séminule, ou, ce qui est la même chose, à l’utri- cule-mère? Lorsque entre les vieilles cellules du tissu il en sur- vient incessamment de jeunes, sans qu'il y ait solution de conti- nuité, comment se refuser à l'idée que chaque cellule a sa paroi propre, qui forme par son union avec les parois voisines les cloisons de séparation; que c'est entre les parois des anciennes cellules que naissent les nouvelles, dont la force expansive occa- sione le dédoublement des cloisons; et qu'enfin, si, de ce dé- doublement, il ne résulte aucune solution de continuité, c’est que dès leur origine les nouvelles cellules font corps avec les anciennes? Cependant, quelque pressantes que soient ces in- ductions, elles ne sauroient encore avoir l'autorité des faits. Je vais en citer un sur lequel je reviendrai à l'occasion des stomates. J'ai vu souvent des utricules contiguëés et réunies se séparer dans une portion de leur surface : il m'a été possible alors de constater SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. 107 que chacune emportoit avec elle ce qui lui appartenoit des cloi- sons dédoublées, et qu'elle étoit close après comme avant la séparation. Je ne connois pas de preuve plus forte de la compo- sition utriculaire du tissu. Bien moins décisive est, à mes yeux, celle que l'on tire de ces utricules qui existent en liberté dans l'intérieur de certaines plantes, puisque jusqu’à ce jour aucune observation directe ne constate qu'elles ont formé originaire- ment ou quelles formeront plus tard un tissu continu ( voy. la Note G.) A l'époque où le bulbille se détache de son pédoncule, son grand diamètre est dans le sens de sa largeur, ce qui indique que les sucs nutritifs ont pris une nouvelle direction (voy. PL. 6, fig. 24). Ses deux côtés se développent en deux larges lobes plus ou moins arrondis, réunis à leur base. Il n’a point d'épiderme distinct, point de chambres, point de papilles intérieures. Ses deux faces toutes cellulaires, et parfaitement semblables, n'of- frent rien de remarquable, si ce n’est ca et là, vers leurs bords, un petit nombre de fossettes qui indiquent peut-être un pre- mier effort de la végétation pour produire des stomates (voy. PL. 6, fig. 24, a). Il mimportoit de savoir si par l'effet d'une prédisposition organique que du reste aucun caractère apparent d'organisation ne révéloit, les deux faces jouoient un rôle différent dans la végétation. Je semai à plat, sur de la poudre de grès, cinq bul- billes qui grandirent en peu de temps. Dans les cinq, la face appliquée sur le grès jeta des racines; l’autre face développa des stomates. Cette première expérience n'étoit pas concluante. A la rigueur il étoit possible que j'eusse mis les cinq bulbilles dans'une 108 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES position qui se fût accordée avec les destinations différentes qu'auroient eues les deux faces. J'opérai donc à-la-fois sur qua- tre-vinots bulbilles, puis sur des centaines : le résultat fut le même que pour les cinq. Dès-lors je restai convaincu que, dans ce premier moment, les deux faces sont également aptes à pro- duire des racines et des stomates, et que les différences qu'elles offrent dans leurs développements résultent uniquement de la position où elles se trouvent. Mais, quoi qu'il arrive, cette apti- tude se maintient-elle dans les bulbilles qui ont commencé à se développer? C'est une question que j'essayai d'éclairer par l'expérience suivante. Un matin je mis à plat, sur de la poudre de grès, bon nombre de bulbilles (voy. PI. 7, fig. 25). Le lende- main, à la même heure, je les retournai tous (voy. PI. 7, fig. 26). Il y eut donc échange de position entre la face supérieure et la face inférieure que je continuerai de qualifier ainsi, nonobstant le retournement. Vingt-quatre heures avoient suffi pour que la face inférieure produisit beaucoup de racines, dont quelques unes avoient une longueur notable, et, quoique cette face fût ensuite exposée à l'air et à la lumière, ces racines s'alongèrent encore, se projetèrent en arc et enfoncèrent leur extrémité dans le sol(voy. PI. 7, fig. 27, b, c). De son côté, la face supérieure poussa de nombreuses racines de sa partie moyenne (voy. PL. 7, fig. 27,a, d). Cependant les bulbilles alloient toujours croissant. En quel- ques jours je vis successivement leurs deux lobes opposés, qui d'abord étoient appliqués sur le sol, se soulever, se dresser, puis incliner leurs sommets en dedans, et, courbés qu'ils étoient, se porter l’un vers l’autre, se rencontrer, dévier un peu de leur direction première, l'un à droite, l’autre à gauche, comme pour SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. 109 se livrer passage, se côtoyer, et finalement se croiser (voy. PI. 7, fig. 27 et fig. 28). La conséquence de cette évolution que l’on se- roit tenté de prendre pour un mouvement instinctif, fut que la face supérieure se retrouva, sinon en entier, du moins en grande partie, en regard avec le ciel, malgré le retournement que je lui avois fait subir, et que bientôt elle se couvrit de stomates ( voy. PL: 7, fig. 28, a, d). La face inférieure que le retournement avoit mise en dessus, et que l’évolution que je viens de décrire avoit en partie remise en dessous, ne produisit point de stomates, même dans les places que la lumière frappoit encore directement, poussa de par-tout des racines nombreuses quand elle se trouva dans l'ombre et à l'humidité ( voy. PI. 7, fig. 28, b), et offrit en vieillissant des nervures relevées en bosse. Cette description des développements des bulbilles retournés, offre le cas le plus commun et qui peut passer pour normal; mais il arrive souvent que les développements, qui d’ailleurs aménent les mêmes résultats anatomiques et physiologiques, se présentent sous un autre aspect. En voici un exemple : j'ai placé des bulbilles retournés, de telle manière que la direction des rayons lumineux se croisoit avec leur petit diamètre; ils se sont la plupart rejetés en arrière, présentant au ciel leur face supé- rieure, et ne posant sur le sol que par la sommité recourbée de l'un de leurs lobes. Ce qui caractérise essentiellement les deux faces, est, pour la supérieure, la division en losanges, la présénce des stomates et l'organisation interne qui sy rattache; et pour l’'inférieure, l'absence des losanges et des stomates, la multiplicité des racines et la saillie des nervures. La concomitance des faits déniontre 110 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES que si l'ombre et l'humidité favorisent le développement des ra- cines et des nervures, la lumière n'est pas moins utile à la pro- duction des stomates. Une autre vérité ressort de mes expé- riences : s'il est évident que les deux faces d’un jeune bulbille sont en tout point semblables anatomiquement et physiologi- quement parlant, il ne l'est pas moins que l’action prolongée, pendant quelques heures, de la lumière sur une face, et de l'ombre et de l'humidité sur l’autre, suffit pour faire évanouir cette ressemblance, et pour fixer irrégocablement l'avenir diffé- rent des deux faces, qui dès-lors se distinguent très bien en supérieure et inférieure, nonobstant leur position. L'apparition, sur la face supérieure, d’une fossette au milieu de quatre ou cinq cellules disposées en anneau, est l'indice cer- tain de la naissance d’un stomate (voy. PI. 7, fig. 29, a, b, c, d, e). La fossette n'existoit pas quelques heures avant. Comment s’est- elle formée? Comment s'agrandit-elle ensuite sous l'œil de l'observateur? La même réponse suffit à ces deux questions : la fossette s'agrandit évidemment par l'écartement et l'extension spontanés des cellules environnantes, et je ne doute pas qu'elle n'ait commencé de même. Quand elle a atteint une certaine dimension, son fond se perce d’un grand trou carré, ou se fend en étoile du centre à la circonférence. Le nombre, la configura- üon et l’arrangement des cellules du fond expliquent très bien ce double mode de déhiscence. S'il y a cinq cellules dontune carrée, au centre, flanquée des quatre autres disposées en anneau, la cellule centrale se détruit et sa place reste vide(voy. PL. 7, fig. 27, g ). C'est ce qui arrive le plus souvent dans les stomates des ex- pansions foliacées, S'il y a trois, quatre, cinq cellules cunéi- formes, ajustées ensemble en manière de disque, les angles des SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. 111 cellules aboutissant au centre se désunissent, s'isolent les uns des autres, et les espaces qu'ils laissent entre eux dessinent une étoile (woy. PL. 7, fig. 20, f, e ). C'est le cas ordinaire pour les stomates des pédoncules. A la faveur de l'ouverture soit carrée, soit étoilée, l'œil armé du microscope perce jusqu'au tissu sous- jacent, et y distingue les cellules ainsi que les globules verts qu'elles renferment. L'ouverture étoilée nous montre un exemple frappant de cette désunion partielle des cellules qui s'opère sans déchirement, de telle façon que chacune reste entière et parfaitement close. C’est l'exemple que j'avois en vue quand tout-à-l'heure je me suis appliqué à prouver la composition utriculaire du tissu. Le stomate approche du terme de son développement. Main- tenant l'anneau cellulaire extérieur constitue la première assise de la margelle, laquelle ne tardera pas à se compléter. Les cel- lules du fond de la fossette sont devenues l’anneau obturateur. La couche superficielle du tissu, soulevée autour du stomate et colorée d'un vert plus intense, dû à la manière dont la lumière se réfracte, annonce qu'il s'est produit des modifications dans la structure interne (voy. PL. 7, fig. 29, c, d, e, f,q). Ce sont ces modifications qu'il nous importe de connoître. Pour en faire une juste appréciation, il faut reprendre les choses de plus haut. J'ai dit et je répète qu'avant l'apparition du stomate le tissu in- térieur étoit continu avec la couche cellulaire superficielle : des dissections très délicates et très multipliées ne me permettent pas le plus léger doute sur ce fait. Cette remarque suffit pour ré- futer complétement des assertions que j'ai laissées en paix, tant que je n'ai eu pour les combattre que des souvenirs, fruits de mes anciennes observations. 112 RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES C'est seulement quand la margelle se montre que la couche superficielle environnante se soulève et se sépare du tissu sous- jacént. A la même époque les papilles commencent à se déve- lopper dans les cellules du tissu (voy: PI. 7, fig. 30, a, b, c, d). À mesure que les papilles s'alongent par la production de nou- velles utricules, les cellules s’agrandissent par la disparition des cloisons, si bien que le tissu, jusqu’à une certaine profondeur, est enfin remplacé par une chambre toute garnie de papilles. Or, ce changement si notable n’est pas le résultat d'une force mécanique qui procéderoit par rupture et déchirement; aucun lambeau de membrane ne paroît; la destruction s'opère sans laisser de trace; ses procédés ne sont pas moins mystérieux que ceux de la production elle-même. J'avois déja observé plusieurs fois un phénoméne semblable à celui-ci dans mes recherches sur l’ovule. Les choses se passent de même dans les stomates voisins, et chaque chambre est circonscrite latéralement par des pans de tissu cellulaire qui restent debout et ne se séparent pas de la couche superficielle. La continuité du tissu intérieur avec la couche cellulaire su- perficielle, si complète dans les jeunes expansions, et qui sub- siste encore partiellement, au moyen des cloisons, après la formation des chambres, prouve que la couche superficielle n'est autre chose que le terme du tissu. Toutefois l'observateur qui n'étudieroit la structure des expansions qu'après que la for- mation des chambres auroit isolé du reste du tissu la majeure partie de la couche superficielle, pourroit n'être pas tout-à-fait convaincu de la justesse de cette conclusion. Mais il n'en seroit pas de même de celui qui se seroit appliqué à constater la suite SUR LE MARCHANTIA POLYMORPHA. 113 et l'enchaînement des faits depuis la naissance de l'expansion jusqu'à son parfait développement; car toutes les modifications que j'ai décrites, passant successivement sous ses yeux, s'expli- queroient les unes par les autres. La couche cellulaire superficielle du Marchantia, ses grands stomates, ses chambres pneumatiques, ses papilles monilifor- mes, ont une analogie si marquée avec ce qu'on observe dans les feuilles de la plupart des monocotylédonés et dicotylédonés, que je suis convaincu que les faits généraux naissent , s'accom- plissent et se succédent dans ces deux grandes classes de végé- taux phanérogames, à peu de chose près comme dans le Mar- chantia. Ici je me trouve parfaitement d'accord avec moi-même: ce que j'établis aujourd'hui sur des faits positifs, contre le sen- timent d'observateurs d’ailleurs très habiles, vient à l'appui de l'opinion que j'ai publiée il y a plus detrente ans; mais une opinion nétoit pas une démonstration (voy. la Note H). Il est temps que je termine. Je voulois résoudre les questions importantes que j'ai posées au commencement de ce Mémoire; je crois avoir rempli cette tâche, Annales du Muséum, t. 1”, 3° série. 15 NOTES. (A) J'ai cru long-temps que les stomates étoient toujours ouverts; mais en 1814, époque où je rédigeai mes Éléments) je conçus des doutes à ce sujet. Si dans un grand nombre de cas l'ouverture des stomatés me paroissoit évidente, dans d’autres l'existence de cette ouverture me sembloit au moins fort incer- taine. C’est sous l'influence de ces impressions contraires que j'écrivis les pas- sages relatifs aux stomates ; ne voulant point me décider légèrement, je dé- clarai dans une note, tome I, p. 36, que mon opinion n’étoit pas encore fixée. J'avois le dessein d’examiner de nouveau les faits, êt d'arriver, s’il étoit pos- sible, à un résultat positif. Les*circonstances ne me permirent pas alors de réaliser ce projet, et je restai long-temps dans l’état de doute où je m'étois placé, ce qui attira sur moi quelques critiques. On eût mieux fait de recher- cher si mes doutes avoient un fondement ‘quelconque. Parmi les faits qui avoient le plus fortement ébranlé ma conviction, ilen est un que je dois citer. On sait que les stomates des Pins et des Sapins sont rangés en séries longitu- dinales; je reconnus qu'il en étoit de même dans les feuilles du Larix ameri- cana, mais je m’assurai que ces derniers stomates, au lieu d’être ouverts comme ils le paroïssent dans les Pins et-les Sapins, formoient une petite élévation bombée.et cellulaire-qui étoititrès apparente. Cette-observation fut consignée dans l'explication que j'ai donnée de la. figure 2,de-la planche,r4 de mes Élé- ments. Je m’abstins d’insister sur ce fait, parceque, ainsi que je l'ai dit tout- à-l'heure, j'avois l'intention de me livrer à de nouvelles recherches. Cette année (1831), j'ai voulu vérifier avec des microscopes beaucoup plus puissants mon observation de 1814 sur le Larix americana, et je ne crois pas m’abuser en affirmant qu’elle est parfaitement exacte. Il est à propos de rap- peler ici que M. R. Brown, dans son dernier travail sur les Protéacées, admet deux sortes de stomates, les uns ouverts et les autres clos. Tandis que j'exprimois mes doutes touchant l'organisation des stomates, M. Tréviranus publioit d'importantes découvertes sur ces organes. Le pre- mier, il eutl’heureuse idée de détacher des lames très minces de la substance des feuilles par des coupes perpendiculaires à leurs surfaces. Au moyen de ces lames placées convenablement sur le porte-objet du microscope, il put étu- NOTES. 115 dier la structure du parenchyme et des stomates, ainsi que les rapports de ces parties entre elles, beaucoup mieux que personne ne l'avoit fait jusqu’a- lors. C’est donc à lui principalement que nous sommes redevables de la plu- part des connoïssances positives que nous possédons sur ce sujet. J'en avois attribué, en 1830, toutle mérite à mon célébre ami M. Amici, parceque l'ou- vrage où sont consignées les observations de M. Tréviranus n'étoit pas sous mes yeux (V’ermischte Schriften anatomischen und physiologischen inhalts. Vol. 4.—1821); mais aujourd'hui mieux instruit, je rends à l'inventeur la justice qui lui est due. (B)Le tissu cellulaire du Marchantia polymorpha ne m'a pas offert de méats. Ces canaux qui ne sont autre chose que les-espaces que laissent les utricules entre elles, et que pour cette raison M. Tréviranus nomme inter-cellulaires, existent dans beaucoup de végétaux, et manquent dans d’autres. Ainsi l'on peut dire que les utricules composant le tissu cellulaire, sont soudées ensem- ble, tantôt complétement, tantôt incomplétement;.et j'observerai que cette diversité se rencontre non seulement dans les différentes espèces, mais en- core dans les différentes parties d’une même espèce. Lorsque je croyois que les parois qui séparent les cellules contiguës étoient simples et indivisibles, je repoussois l’idée de l'existence des méats, et en cela J'étois conséquent avec moi-même. Mais aujourd’hui que j'ai obtenu la preuve la plus directe de la composition utriculaire du tissu, je comprends et je vois les méats que je ne comprenois ni ne voyois autrefois, et je rétracte mes ob- jections contre la belle découverte de M. Tréviranus, ce qui n'empêche pas que je suis moins disposé que jamais à adopter les idées de ce savant phy- siologiste sur l'origine du tissu cellulaire. Pour peu qu'on ait porté d’atten- tion à la lectüre de mon Mémoire, on concevra cet éloignement. (GC) J'ai dit que le tissu cellulaire du Marchantia n’avoit point de méats; j'a- Jouterai que ses parois n’ont point d'ouvertures visibles qui favorisent le mou- vement desfluides et des gaz. Voilà ce dont je me suis bien assuré. Mais dans d’autres végétaux il existe très certainement des cellules dont les parois sont percées où fendues. Il y a trente ans que j'ai décrit dans le Journal de Phy- 116 NOTES. sique la structure interne des Lycopodium cernuum et alopecuroïdes. Je vais reproduire ce que j'ai dit du tissu cellulaire qui occupe la partie centrale de la tige du cernuum: « Employons une comparaison grossière, mais frappante; supposons des “cerceaux placés les uns au-dessus des autres et à égale distance, formant un « cylindre à‘jour; supposons encore un cylindre pareil touchant le premier « dans toute sa longueur, et figurons-nous les cercles de l’un et de l’autre unis «entre eux par une lame longitudinale au point du contact des deux cylindres ; «admettons maintenant une multitude de cylindres pareils, rapprochés des « premiers et consolidés par.un lien semblable; figurons-nous que tous ces « cercles en se pressant changent leur forme cylindrique en polyédres plus ou « moins réguliers, et que leurs extrémités soient composées de cercles allant .«en diminuant jusqu’à n'offrir plus qu’un point, et nous aurons une idée aussi «nette qu'il est possible de cette organisation remarquable, et dont je ne « crois pas qu’il existe de description. » J'ajoutois que le Zycopodium alopecuroïdes ne différoit pas beaucoup du cernuum. Et 1806 et 1815 (voyez Observations surun système d'anatomie comparée des végétaux fondé sur l'organisation de la fleur, Mémoires de l’Institut, année 1808, p. 331, et Éléments d'Anatomie et de Physiologie végétales, p. 146 et suiv.), je signalai dans les anthères l'existence d’une lame formée d’un tissu cellulaire dont les parois sont découpées par des fentes horizontales ou verti- cales, et je remarquai que cette lame a la propriété de se dilater à l'humidité et de se contracter à la sécheresse, ce qui contribue à la déhiscence des anthères. En 1809 (voyez Observations anatomiques et physiologiques sur la Nelumbo nucifera, Annales du Muséum, 1809, p. 481, pl. 34, fig. 22), je fis voir que, dans la plumule du Nelumbo, les fentes des parois sont si multipliées que les cellules sont transformées en un vrai tissu réticulaire. Je pourrois encore citer plusieurs de mes observations prouvant l'existence de cellules à parois découpées ; mais le traité de M. J:E. Purkinje, publié en 1830 sous ce titre: De cellulis antherarum fibrosis nec non de granorum polli- narum formis, commentatio phytotomica, ne laisse aucun doute à ce sujet. NOTES. 117 L'auteur confirme, par des centaines d'exemples pris dans plus de quatre- vingts familles, ce que j'avois avancé en 1806 et 1815 d'après mes remarques sur les anthères d’un petit nombre d’espéces: La première idée de cet impor- tant travail semble avoir été suggérée à M. Purkinje par letpassage suivant des Conclusions de mes Observations sur un système d'anatomie comparée, etc.: « Il n’est pas facile d’apercevoir les ressorts délicats qui font mouvoir et «ouvrir les anthères; maïs ces organes sont d’une si grande importance et « leur forme est si variée qu’on ne sauroit les examiner avec trop de soin. La «nature du tissu qui compose les lames contractiles latérales et dorsales mé- « rite d’être connue : les premières font ouvrir les valves, les secondes recour- « bent les anthères en arrière. » (Mémoires de l'Institut, 1808, p. 347.) (D) C’est un fait qui, je crois, mérite quelqueattention que la formation d’une racine par la simple expansion d’une cellule. Voilà donc une cellule polyédre qui s'étend en un long tube cylindrique fermé à son extrémité. La transfor- mation s'opère graduellement sous les yeux de l'observateur. Il voit la facette extérieure de la cellule se renfler en ampoule, s'élever en cône et s’alonger en tube. Si les causes qui déterminent le développement n’ont qu’une action très foible et peu prolongée, la facette extérieure ne forme qu'un mamelon ou qu’un cône. Je citerai pour exemple les excroissances que l’on remarque à la surface de la corbeille du Marchantia(voy. PI. 5, fig. 4, et PI. 6, fig. 19 et 20,b). Il est impossible de ne pas reconnoître que ces mamelons ou ces cônes sont semblables, par leur origine, leur nature et leurs formes, à la racine qui com- mence à poindre (voy. PI. 6, fig. 13, et PI. 7, fig. 25 et 26). Or, puisqu'il est prouvé que dans quelques circonstances, des cellules se développent en tube à l'extérieur, je ne vois pas pourquoi on éprouyeroit de la répugnance à ad- mettre que certains organes creux et cylindriques de l'intérieur du végétal sont aussi des cellules modifiées par le développement. (E) Dans la figure 19, planche 6, qui représente uné jeune corbeille, les dents marginales se recouvrent en partie latéralement. Elles se recouvroient sans doute davantage quand la corbeille étoit plus jeune; ét l’on voit, plan- che 5, figure 4, dans une corbeille arrivée à son complet développement, 118 NOTES: qu'elles ne se recouvrent plus du tout, etsont rangées les unes à côté des au- tres sur une même ligne circulaire. Il y a donc eu accroissement du bord de la corbeille. De nouvelles utricules formées entre les anciennes les ont écartées, et les dents ont glissé les unes sur les autres, et se sont, en défini- tive, trouvées côte à côte. (F) Il est bien entendu que le tissu développé à la superficie interne de la paroi de l’utricule qui servoit de matrice au bulbille ou à l'embryon, est composé d’utricules nées simultanémentet confusément, lesquelles ont formé un tissu cellulaire continu lorsqu'elles étoient encore à l’état de cambium. Mais en cet état, les jeunes utricules n’étoient pas libres; ellestenoient encore à la paroi; elles ne jouissoient pas d’une vie indépendante, et par conséquent leur réunion est un fait qui ne s’écarte en rien de la règle connue. Il n'en est certainement pas de même des grains organisés et libres, au moyen desquels M. Tréviranus prétend former le tissu cellulaire. Pour me bien faire comprendre, je dois dire que je donne ici au mot latin cambiumilamême signification que je lui ai donnée en 1816 dans le Bulletin de la Société philomatique, page 107. Lecambium est la substance de consistance mucilagineuse que formentles premiers linéaments detoute production orga- nique végétale. Ainsi le tissu cellulaire à l’état naissant est du cambium. Grew et Duhamel sans définir ce mot l'ont appliqué comme je l’applique aujour- d’hui, et je le conserve parceque l'usage l’a consacré. Que l'emploi que Grew et beaucoup d’autres physiologistes après lui en ont fait, ne s'accorde point ayec sa signification primitive, c'est ce que je ne pourrois nier; mais qui ne sait qu’en définitive l'emploi des mots détermine seul leur valeur? (G) On voit, dans la planche 6, une dent, figure 21, d'une corbeille nais- sante telle qu’elle est représentée dans la même planche, figure 19, et une dent, figure 22, d’une corbeille très développée telle qu'elle est représentée dans la planche 5, figure 4. Je pense que la comparaison de ces deux dents que j'ai placées l’une à côté de l’autre, pour que l’on saisisse d'un coup d’œil les ressemblances et les dif- férences, aidera à faire comprendre le mode de développement du tissu cellulaire. D Mn NOTES. 119 La jeune dent, figure 21, nous montre à sa surface, dans sa partie la plus large, cinq rangs a, b, c, d,e, de cellules, disposés parallélement à sa base. Les deux cellules qui terminent chaque rang, l’une à droite; l’autre à gauche, sont renflées en mamelons, et forment par conséquent deux saillies margi- nales. Les cinq rangs a, b, c, d, e, sont unis ensemble sans tissu intermédiaire. La dent plus ancienne, figure 22, nous montre neûf rangs A; F, B, G, C, H; D, J,E, de cellules, disposés parallélement à sa base! Cinq de cesrangs A,B, C, D,E, se terminent à droite et à gauche par un appendice conique marginal, formé d’une seule utricule, ou, ce qui est plus fréquent, de deux, trois ou quatre utricules attachées bout à bout. Les quatre autres rangs de cellules, F, G, H, J, sont placés entre les premiers, de façon qu'ils alternent avec eux, et ils n’ont point d’appendices marginaux. Il est évident , nonobstant l'augmentation du nombre des cellules, quelles cinq rangs À, B, C,D, E, de la figure 22, ainsi que leurs: appendices coniques, représentent les cinq rangs de cellules a, b, c, d, e de la figure 21, et-leurs cellules en mamelons marginaux. Mais les -quatre rangs alternes F, G, H,J, de la figure 22, n’ont point de représentants dans la figure 21, et, comme.cette dernière dent est plus jeune, il faut conclure que les quatre rangs alternes de l'autre dent se sont développés postérieurement à la formation de ses cinq rangs appendiculés. s y Quelle est l’origine des utricules qui ont donné plus d'extension aux an- ciens rangs À, B;,C, D, E, figure 22, ou qui ont composé les nouveaux rangs F, G, H, J,'de la même figure?:... Al cette’ question, M. Tréviranus répond que ces diverses utricules proviennent de grains organisés , d'abord libres dans les anciennes cellules, et réunis ‘ensuite.en tun-tissu:cellulairé! Or, ces grains de M: Tréviranus sont, si je ne-me trompe, ce que je nommie des sphérioles, petites vessies membrañeuses contenant delà matière vétte, de l’amidon, des huiles, des liqueurs colorées ou limpides et autres/prin- cipes immédiats que l'action de la végétation combinée avec des causés exté- riéures transforme souvent/les uns dans les autress:lles Sphérioles: se’ dé: veloppent sur les parois des cellules, et, dans la plupart des cas;ly-restent toujours fixées; tantôt elles sont'éparses/tantôtiellés ise touchent, : mais fja- maïs elles né se réunissént pour former un tissu cellulaires C'est du moinsice 120 NOTES. qui résulte pour moi d'un grand nombre d'observations faites avec beau- coup de soin. D'ailleurs, la multiplication des utricules peut s'opérer dans des portions de tissu privées de sphérioles, témoin les appendices marginaux des rangs A, B, CG, D,E, dela figure 22. Là, les plus forts microscopes ne font décou- vrir dans.les utricules tien qui ressemble à des grains ou à de petites vessies; et pourtant les appendices marginaux n’étoient d’abord, comme dans la figure 21, que de courts mamelons, chacun formé par une seule utricule, et voicimain- tenant deux, trois, quatre utricules placées bout à bout. Ces observations démontrent, ce me semble, que l'opinion de M, Trévi- ranus est inconciliable avec les faits connus qui s'accordent au contraire merveilleusement avec la théorie du développement continu. Pour résumer mes idées sur cette importante question, je dirai que le dé- veloppement continu des utricules végétales a lieu de trois manières; sa- voir : 1° À la superficie d'anciennes utricules, C'est le développement super- utriculaire. 2° Entre les parois conjointes d'anciennes utricules. C’est le développe- ment inter-utriculaire. Dans ce cas, les nouvelles utricules écartent les an- ciennes sans qu'il y ait pourtant solution de continuité, parceque dès l’ori- gine elles font corps avec elles. 3° Sur la face interne de la paroi d'anciennes utricules. C’est le dévelop- pement intra-utriculaire. Alors il arrive de deux choses l’une; ou lesnouvelles ütricules. réunies dès leur origine forment un tissu cellulaire continu, et l'utricule-mère est absorbée; ou bien les nouvelles utricules, sans union entre elles au moment où elles naissent, restent telles durant toute leur existence, et l’utricule-mère, à Ja paroi de laquelle elles sont fixées, leur sert d’en- veloppe. Le développement super-utriculaire se manifeste dans la germination de la séminule du Marchantia, dans la formation des appendices des dents de sa corbeille, etc: Le développement intér-utriculaire se manifeste dans toutes les masses cellulaires qui prennent de l'accroissement; mais si l’on veut en avoir sous NOTES. 124 les yeuxlune démonstration évidente; äl faut comparer les dents de la ccor- beille à différentes époques de leurjexistence C’est ce que. j'ai fait, comme on peut en juger par cette Note. Le développement intra-utriculaire se manifeste, Soitdans le bulbille nais- sant qui se:forme par agglomération de jeunes utricules unies les unes aux autres, en un tissu Cellulaire continu, soit dans{les.sphérioles, qui, au lieu de se former en tissu, restent toujours séparées. (H) Je suis redevable de la Note suivante à l'extrême complaisance de M. W. Griffitt, jeune Anglais, u'ès mstruit, très zélé,'et fort bon obsérva- teur. Les détails intéressants qu’elle contient sur l'organisatiôn du’ Targionia hypophylla, plante de là même famille que le Marchantia; viennent se placer tout naturellement à côté dé mon travail. ; ? M. Mirbel ayant desiré que j'examinasse ‘une autré espèce de Marchantia ou une espèce quelconque d’un autre genre de la famille des Hépatiques , afin de découvrir les rapports d'organisation de cette plante avec le Mar- chantia polymorpla, jéme suis émpressé de faireldes recherches, ‘et j'ai été assez heureux pour découvrir aux environs 5= Châtillon le Targionia hypo- phylla. en ! ; Les expansions foliacées (frondes) du Targionia hypophylla sont spatulées: Leur face supérieure est divisée à la manière de cellel des expansions du Marchantia, en compartiments un peu bombés/ lesquels varient par léürs formes, ceux du centre étant plus alongés, et ceux de la circonférence étant plus larges. Au milieu de Chacun est une petite élévation, qui, vue à l'œil nu, donne à la surface un aspect rugueux. Cette élévation est forméélpar la margelle du stomate, composée de cellules plus petites et ‘plus nombreuses que dans le Marchantia. Je n'ai pu voir les cellules qui forment l'anneau ob- turateur de M. Mirbel. Plus lés compartiments sont grands, plus les stomatés sont développés. Les compartiments ne sont pas séparés par des’ bandes comme dans le Marchantia , maïs séulement par une dépression de la couche superficielle, et les céllulés de cette couche, ainsi que les-céllules- des ’sto- mates, sont dépourvues de sphériolés véites. Ifimédiatément au-dessous'dé la couche superficiellé, éétun espacé litnitélitfériéäremént’par le tissu cel- Annales du Muséum, t. 1°, 3° série. 16 122 NOTES. lulairé formant le-parenchyme de l'éxpansion, et contenant des papilles. Je n’ai‘pas lobtenu la preuve que cét espacé fût partagé par dés cloisons en différentes chambres; mais comme ‘l'existence, des cloisons a été constätée dans le Marchantia, je suis porté à croire qu'elles existent aussi dans le Targionia, et qu’elles ont échappé à mes recherches. Les papilles garnissent la face interne de la couche cellulaire superficielle et le tissu pa- renchymateux. Elles contiennent des sphérioles d'un vert-foncé. On peut les voir par l’ouverture des stomates. La face inférieure de l'expansion présente une seule nervure médiane. C’est seulement le longde cette neryure que naissent les racines, tubes mem- braneux\ terminés. en. cœcum, Elles sont recouyertes à leur base par des squammules attachées sur deux rangs, l’un à droite, l’autre à gauche de la nervure, et elles ont d'autant plus d’ampleur qu’elles approchent davan- tage de la fructification. Elles sont composées de cellules colorées en violet foncé, généralement alongées et angulaires, parmi lesquelles sont des cel- lules incolores, transparentes, ressemblant à des trous, affectant la forme ronde, et beaucoup plus petites que les cellules colorées. Les racines con- tiennent la plupart des corpuscules ovales en assez grand nombre. Elles ont intérieurement des projections analogues à celles du Marchantia, mais moins développées. | . Ine paroît pas qu'il existe dans les cellules du tissu du Targionia de ces petites masses grumeleuses que M. Mirbel pense être de l’amidon. Des séminules (Sporules) semblent être l'unique moyen de reproduction du Targionia. Je n’y ai aperçu ni corbeilles, ni bulbilles, ni gemmules. L’en- eloppe extérieure de l'ovaire qu'on nomme indusie, consiste en deux valves;, elle s'ouvre longitudinalement à la maturité des séminules, et elle croît beaucoup plus promptement que l'ovaire (Théca). Quand l'indusie a presque atteint le terme de son développement, l'ovaire ne remplit encore qu'une très petite partie de sa cavité. L'indusie ne seroit-elle pas une simple modification des squammules de la face inférieure? Dans sa jeunesse, l'ovaire. est ovoïde, et il se termine par un prolonge- ment styliforme.cellulaire qui ne tarde pas à disparoître. A l'époque de la maturité de l'ovaire, les, cellules: de la membrane qui constitue sa paroi NOTES. 123 renferment des sphérioles adhérentes, transparentes et: incolores. Ces sphérioles n'existoient pas, ou du moins n'étoient pas apparentes dans le jeune âge. Dans l'ovaire peu développé, les élatères ne sont point visibles; et les séminules réunies par une substance gélatineuse forment comme une masse continue. Alors elles semblént être des vessies remplies de corpuscules, quoique, à la maturité, chacune soit évidemment un corps cellulaire. L’oväire est inséré sur un renflement sphérique formé par du tissu cellulaire plus fin que celui qui constitue la masse générale du parenchyme. Il est digne de remarque que les élatères, ordinairement simples, serpar- tagent quelquefois en deux ou trois rameaux. Ils sont composés de deux filets roulés en spirale et entrecroisés; ces filets ne ‘sont point continus l’un avec l’autre aux extrémités de l’élatère. J'ai reconnu la méme organisation dans quelques jongermannes. Tés filets sont doubles dansiles ramifications. WILLIAM GRIFFITT. Paris, 2 avril 1832. En recevant la Note de M. Griffitt, ma première pensée a été de vérifier ses observations, et, dans ce but, je me suis procuré quelques pieds de Targionia hypophylla. La fronde de cette très petite plante, atteinte déja par la sécheresse, m'a pourtant fourni le moyen de constater l'exactitude des faits avancés parle jeune physiologiste anglais; et quant à la fructification, elle étoit en si bon état, que j'ai pu pousser plus loin mes recherches. Les ovaires du Targionia forment une espèce de capitule. Sous des squam- mules qui ont recu le nom d’indusie, sont d'autres squammules plus petites, entre lesquelles on aperçoit, comme le remarque un observateur justement célébre, M. C. Sprengel, des ovaires surmontés de leur style; en nombre plus ou moins considérable. Ils sont fixés ainsi que les squammules sur un ren- flement hémisphérique qui termine la nervure médiane de la fronde. De tous les ovaires un seul arrive à maturité. ( Joy. Bul. de la Soc. Phil. de Par. 1811, N°52,p.27.) Les séminules naïissantes sont logées dans les cellules d'un tissu qui rem- plit le jeune oyaire. Chaque cellule contient trois ou quatre séminules. Quand l'ovaire avance en âge, son tissu intérieur se disloque et se résout 124 NOTES. en autant d'’utricules distinctes qu'il y avoit de cellules, de sorte que les petits groupes de séminules ont chacun pour enveloppe une utricule. Les séminules jeunes ou vieilles sont elles-mêmes de simples utricules qui contiennent, attachées à leur paroi, des sphérioles incolores. Cette observa- tion ne s'accorde pointiavec l'opinion de M. Griffitt; selon lui les séminules à l'état dermaturité sont formées de tissu cellulaire. Les élatères ne seymontrent que. quelque temps après la dislocation du tissu. Ce sont des tubes grêles, membraneux, toujours terminés en :cæcum ét souvent courbés en crochet. A cette époquels contiennent des/sphérioles incolores qui disparoitront plus tard. Les utricules séminifères adhèrent sans doute aux élatères, mais cette ad- hérence ést extrêmement foible. Quand les élatères sont plus âgés, ils prennent une couleur fauve, et l’on diroit que chacun sert d’étui à deux longues bandes très étroites, roulées concurremment et parallélement en tire-bourre à circonvolutions très lâches. Il y a ici une illusion d'optique: à la vérité les bandes existent, mais au lieu d'être libres dans l’intérieur du tube, elles sont une partie intégrante de sa paroi. Ce seroit, à mon sens, une curieuse découverte que celle de l’origine des élatères. Je ne serois pas étonné que des observations très directes et très positives conduisissent un jour à cette conclusion que ces organes ne sont autres qu'une des nombreuses modifications auxquelles les utricules sont sujettes, Un tel résultat trancheroït beaucoup de questions que depuis long- temps on s'efforce inutilemen:i de résoudre. Selon l'observation de M. Gniffitt, les sphérioles ne sont pas visibles dans les cellules de la paroi des très jeunes ovaires, et j'ajoute qu'elles n'existent plus dans les cellules de la paroi des ovaires qui sont arrivés à l’état de com- plète maturité. C’est donc seulement dans la période intermédiaire qu'on peut les observer. Alors la structure dés cellules de la paroi n'offre rien de remarquable; mais il n’en est pas de même quand l'ovaire se teint d’une couleur fauve qui annonce sa vieillesse; car, à cette époque, le côté de cha- que cellule qui regarde l'intérieur de l'ovaire se marque transversalement de bandes étroites en forme de demi-cerceaux. Au prémier coup d'œil on NOTES. 125 pourroit croire que ces bandes sont isolées de la membrane, ou même que la membrane n'existe plus; mais en regardant le tissu avec une grande atten- tion, sur-tout dans les endroits -où les cellules sont déchirées, on se con- vainc que la membrane est présente, et que les bandes font corps avec elle. Je laisse à d’autres à décider si ce fait a quelque rapport avec l’organisation des élatères du Targionia. J'observe en terminant que, dans le Marchantia , les élatères compléte- ment développés sont tels que je les ai représentés planche 6; figure 11, c'est-à-dire qu'ils offrent les deux bandes étroites, roulées en tire-bourre, du Targionia; mais que ces bandes ne font pas partie, comme dans cette dernière plante, d’un tube membraneux et clos. Elles ont l'air de deux trachées roulées ensemble dont les circonvolntions seroient écartées. ADGODOOPDODOCOOPOLOOCOCODDI0080000000090000000D00P06200220200908 Fig. 1. [04 Fig. 3. Fig. 4. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 5. Fragment d'une expansion foliacée du Marchantia polymorpha vue en dessus. a Losanges. b. Stomates placés au milieu des losanges. c. Bandes verdâtres qui séparent les losanges. Coupe de l’expansion foliacée, faite dans un plan perpendiculaire à la surface. a Tissu cellulaire parenchymateux que je nomme, dans mon Mé- moire, tissu sous-jacent par égard à sa position relativement à la couche cellulaire superficielle. b Couche cellulaire superficielle, désignée par les physiclogistes sous le nom d'épiderme. c Pan de tissu cellulaire qui tient par sa crête à la couche cellulaire superficielle b, et par sa base au tissu sous-jacent a. Ce sont ces pans de tissu qui forment les cloisons de séparation des chambres pneumatiques. d Chambre pneumatique. f Papilles noueuses, rameuses ou indivisées qui se développent sur l'aire, et les cloisons des chambres pneumatiques. g Stomate coupé perpendiculairement à sa base et dans le sens de son petit diamètre. h Utricules formant la margelle du stomate, i Utricules formant l'anneau obturateur. Autre stomate coupé perpendiculairement à sa base et dans le sens de son grand diamètre. a Utricules appartenant à la couche cellulaire superficielle ou épi- derme. b Margelle du stomate. c Utricules de l’obturateur. Corbeille contenant des bulbilles elliptiques, lenticulaires. a Portion d’épiderme offrant les bandes verdâtres et les losanges, etau milieu de chacune de celles-ci un grand stomate. EXPLICATION DES PLANCHES. 127 Fig. 5. Troncon d'une grosse racine, vu sous un grossissement de 500 fois le diamètre. On aperçoit dans l'intérieurdes petites pointes sem- bläbles à des poils très courts. Fig. 6. Tronçon d'une petite racine, grossi également 500 fois. La racine est un peu pliée en zigzag. Plus souvent elle est rectiligne et cy- lindrique. Fig. 7. Bout d’une petite racine, grossi également 500 fois. Il se termine en cœcum. Fig. 8. Coupe transversale d’un pédoncule très Jeune. a Face du pédoncule correspondante à la face supérieure de l’ex- pansion. b Face du pédoncule correspondante à la face DES de l'ex- pansion. c Chambres pneumatiques peu nombreuses, à cause de la ; jeunesse du pédoncule, et qui ne sont pas encore garnies de papilles. d Pans de tissu cellulaire qui forment les cloisons des chambres. e Rainures profondes dans lesquelles sont logées des racines dont on voit la coupe transversale. f Bords amincis des rainures. Fig. 9. Coupe transversale d’une portion de pédoncule déja ancien. a Face du pédoncule correspondante à à la face supérieure de l’ex- pansion. b Stomate coupé perpendiculairement à à sa base. on voit très dis-- tinctement les utricules « qui forment la margelle et l obturateur. c Chambres pneumatiques garnies de papilles. d Pans cellulaires formant les cloisons. Les chambres et les eloisons sont beaucoup plus multipliées que dans le Dos représenté figure 8. Fig. 10. Portion de l'épiderme du pédoncule détachée de la face correspon- dante à la face supérieure de |’ expansion et vue en dessous. a Chambres pneumatiques beaucoup plus longues et beaucoup moins larges que dans l’ expansion. Il est à remarquer aussi que les losanges deviennent tellement irrégulières que souvent leur nom nes; ‘accorde plus ayec leur forme. b Papilles. 128 Fig. Fig. EXPLICATION DES PLANCHES. c: Stomates. Ils:sont très sensiblement plus petits que dans l’expan- sion! Peu s’en faut que! l’obturateur ne ferme totalement l’orifice interne. C’est ce qu'il est facile,de reconnoître ici, puisque c’est la face inférieure.de l’épiderme qu’on a sous les yeux. d'Cloisons cellulaires qui forment les chambres pneumatiques. PLANCHE 6. r. Deux lames étroites, ressemblant à des fils, roulées ensemble en spirale. Ces lames sont connues sous le nom d'Élatères. a Séminules attachées aux élatères. Ces séminules contiennent des sphérioles remplies d'une matière jaune. , 12. Séminule dilatée par Fat ES Séminule commençant à germer. La matière j jaune contenue dans les sphérioles c devient légèrement verdâtre. ! 14. Séminule plus développée. La matière jaune a pris un ton plus ver- dâtre. . 15. Séminule encore plus développée. La matière contenue dans les sphérioles est verte. . 16. Séminule qui après avoir produit s sa racine a donné naissance à des utricules parfaitement semblables à elle. a Séminule. Elle ne différe en aucune façon des utricules, c’est pourquoi, dans mon Mémoire, il m'arrive quelquefois de la dési- gner sous le nom d'utricule-mère. b Utricules produites par la séminule. c Racine. 17. Exemple d’une germination irrégulière et de forme bizarre. 18, Résultat remarquable de la germination. Il y a production d’une expansion foliacée. On peut dire que la germination est terminée. .,4 Amas irréguliers d'utricules qu précèdent toujours les formations À “régulières, ne Formation régulière. C’est une expansion foliacée où fronde, selon Te ‘expression des botanistes. . 19. Corbeille commençant àse “développer. . 20. Coupe de la jeune corbeille dans un plan perpendiculaire à à sa base. a Dents bordant la corbeille, et dont on voit parfaitement, figure 19, la direction convergente. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. . 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. EXPLICATION DES PLANCHES. 129 b Utricules superficielles développées en mamelons coniques. c Chambre pneumatique et papilles. d Chambre pneumatique et papilles vues à travers une cloison cel- lulaire. e: Amas de bulbilles à différents degrés de développement. Une des dents de la jeune corbeille représentée figure 19. Une des dents de la vieille corbeille représentée planche 5, figure 4. C'est dans la Note G qu'il faut chercher l'explication des deux figures 21 et 22. Bulbilles extrêmement jeunes, observés par un grossissement de cinq fois le diamètre. a Utricule formant le pédoncule du bulbille. b Utricule qui sert de matrice au bulbille. c Bulbille immédiatement après l'absorption de l’utricule dans la- quelle il s'est développé. Bulbille qui commence à s’alonger et à s’élargir latéralement en deux lobes échancrés au sommet. a Petites fossettes qui semblent être un commencement de sto- mates, et qui pourtant disparoissent bientôt sans laisser de traces. PLANCHE 7. Bulbille semé depuis vingt-quatre heures. Il s’est enraciné par sa face appliquée sur le sol. Le même bulbille retourné sens dessus dessous, de sorte que la face inférieure regarde le ciel, et que par conséquent les racines sont en l'air, tandis que la face supérieure est appliquée sur le sol. Bulbille retourné, en pleine végétation. a Face supérieure. b Face inférieure. c Racines produites par la face inférieure. d Racines produites par la face supérieure. Continuation des développements du bulbille retourné. a Face supérieure. Elle a repris sa position première et la face infé- rieure regarde maintenant la terre. b Racines de la face inférieure. c Très jeunes stomates. Annales du Muséum, t. 1°, 3° série. 17 130 EXPLICATION! DES: PLANCHES. d Stomates un peu plus développés.! Fig. 29. Portion très grossie dela face supérieure: du bulbile représenté figure 28. a Stomate naissant. C’est une simple fossette. b Stomate un peu plus avancé. Quatre utricules renflées commen- cent la margelle. ce Stomate encore plus avancé. Non! seulement la margelle paroît, mais les cellules énvironnantes se sont soulevéeset détachées du tissu sous-jacent. Ainsi les chambres pneumatiques. commencent à se former. Stomate qui ne diffère du précédent que parcequ’une nouvelle assise composée de quatre utricules élève la marpelle. e Stomate au fondiduquel on aperçoit nettement!les lignes d'union de quatre utricules convergentes. f Stomate plus avancé. Quatre utricules qui formoient le fond comme en 6, s'étant séparées et écartées les unes des autres, lais- sent voir, par une ouverture étoilée, le tissu sous-jacent. 4 Stomate dont le fond étoit fermé par cinq cellules dont une au centre flanquée dés quatre autres. La’cellule centrale s’est éva- & Le nouie, et à sa place on trouve une ouverture carrée. Fig. 30. Goupe d'une jeune expansion foliacée perpendiculaire à sa surface. a Stomate dont la partie inférieure n’est pas encore ouverte. b Utricules qui forment la première assise de la margelle. c Utricules qui forment la seconde assise de la margelle. d Le tissu sous-jacent commence à se détacher et les papilles se développent. e Substance qui paroît être amilacée déposée dans les cellules. f Coupe transversale des membranes qui recouvrent les jeunes racines. g Racines coupées transversalement. h On voit en À que la dernière couche du tissu cellulaire de la face inférieure de l'expansion foliacée est parfaitement continue avec le reste du tissu. “EXAMEN CHIMIQUE 2 D'UN "SABLE FERTILISANT. PAR M. CHEVREUL. On prend dans le port militaire de Cherbourg, à quelques toises du rivage et à quelques pieds de profondeur dans la mer, un sable fertilisant, dont l'agriculture du pays retire de si grands avantages, que M. le contre-amiral de Grimaldi a pensé qu'il seroit utile d'en fixer la composition : c’est à cette fin qu'en 1830 il en envoya quelques décagrammes à l'administration du Muséum d'Histoire naturelle. Le port militaire de Cherbourg ne communique pas avec le port marchand, et jusqu’au commen- cement de 1831 peu de navires y avoient mouillé, au rapport de M. de Grimaldi. Enfin le rivage où l’on puise le sable ferti- lisant ne paroît point mêlé avec des alluvions. ESSAIS. (x) Deux grammes de sable qui avoit été séché à 100 degrés pendant deux heures, exposés à la températurede 14 degrés sous une cloche saturée de vapeur d’eau, en avoient absorbé au bout de quarante-quatre heures 8,04 Par conséquent 100 RES, de sable en auroient absorbé 2 de vapeur. Mann (2) On a traité par l'eau bouillante, 30, grammes, vs même sable; on a fait évaporer la liqueur filtrée, lélrésidn étoit jaune, 132 EXAMEN CHIMIQUE D'UN SABLE FERTILISANT. légèrement alcalin au papier de curcuma; une portion a été soumise à la distillation; elle a exhalé une vapeur aqueuse très sensiblement ammoniacale aux papiers réactifs, et a laissé une matière colorée en noir par du charbon. (3) La portion du résidu de l'évaporation qui se trouvoit dans la capsule, où le lavage avoit été exposé au feu, a été traitée par un peu d'eau froide : celle-ci est devenue d'un jaune roux, et il est resté sur les parois de la capsule une matière qui en a été en partie détachée par le frottement et l'eau chaude : ce qui y restoit adhérent, étoit dissous avec effervescence par l'acide hydro-chlorique; la solution légèrement jaune qui en résultoit, contenoit de la chaux et du peroxyde de fer. (4) La première solution d'un jaune roux, obtenue avec l'eau froide (3), évaporée à une douce chaleur, s'est couverte de pel- licules irisées; elle rougissoit fortement le papier de curcuma. Le résidu de son évaporation étoit très salé, et formé en grande partie de chlorure de sodium et de sulfate de soude. Il y avoit en outre un peu de sulfate de chaux et de chlorure de ma- gnesium. (5) La seconde solution, obtenue avec l'eau chaude (3), con- tenoit une quantité sensible de sulfate de chaux, et tenoit en suspension un mélange de sous-carbonate et de peroxyde de fer. (6) L'eau n’enlève point au sable toute sa matière organique, car après le lavage il noircit par la distillation, et donne de lammoniaque. ANALYSE. (1) Cinq grammes de sable séché à 100 degrés ont cédé à l'eau une quantité 5 gr de matière jaunâtre pesant 0,019! (2) Le résidu a été dissous avec une assez swivereffervescence par l'acide EXAMEN CHIMIQUE D'UN SABLE FERTILISANT. 133 hydro-chlorique. Le gaz dégagé, presque entièrement formé d’acide carbo- nique, étoit aromatisé par une matière douée de la même odeur que celle du gaz hydrogène qui se développe pendant la dissolution des fontes dans l'acide sulfurique foible. (3) Le résidu indissous par l’acide hydro-chlorique pesoit, après avoir été séché à cent degrés, PRET (4) La solution hydro-chlorique, mêlée avec l'ammoniaque, a donné 0,014 de peroxyde de fer, mélé d’un peu d’alumine, et peut-être de phosphates de chaux et de magnésie. (5) La solution précipitée par l’'ammoniaque a donné avec l'acide oxalique une quantité d’oxalate de chaux qui, séché à cent degrés, pesoit Cigr , et qui brûlé, puis converti en sulfate, pesoit 11 05, équivalent à 0,814 de sous-carbonate de chaux. (6) La liqueur séparée de l’oxalate de chaux a été mêlée avec du sous- carbonate de potasse et évaporée à sec. Le résidu repris par l’eau a laissé 0,019 de sous-carbonate de magnésie, mêlé d’une trace de sous-carbonate de chaux. D'après cela le sable est composé : De matière soluble dans l'eau. . . . . . . . . . o, org .... 00, 38 Sous-carbonate de chaux. . . . . . o, 814... . 16, 28 De coquilles. Sous-carbonate de magnésie. . . . . 0,019... . 00, 38 Quartz et minéraux siliceux. . . . . 4, 131... . 82, 62 De sable Peroxyde de fer et alumine, mélée peut- siliceux. | être de phosphates de chaux et de magné- sie, provenant des coquilles. . . . . o, o14 . .. . 00, 28 4 997 - - - : 99, 94 CONCLUSIONS. Il est visible que le sable fertilisant peut agir en agriculture de diverses manières : 1° Comme divisant les terres fortes; 2° Comme sous-carbonate calcaire; 134 EXAMEN CHIMIQUE D'UN SABLE FERTILISANT. 3° Par les sels alcalins qu'il contient; ces sels sont de la même nature que ceux qu'on obtient en faisant évaporer les eaux de la mer. 4° Par la matière organique azotée qui y est en partie à l'état soluble; la matière organique insoluble se trouve probablement contenue dans les detritus des coquilles. REMARQUE. Pour que la publication d'analyses de matières employées en agriculture comme fertilisantes fût aussi utile que possible, il faudroit indiquer en même temps : 1° La nature du sol où ces matières sont d'un bon usage; 2° Les rapports de ce sol avec le climat du pays dont il fait partie; 3° La culture du sol considérée sous le point de vue des moyens mécani- ques employés pour le préparer, et sous celui des moissons qu’on y récolte. En effet, si une matière fertilisante est absolument bonne lorsqu'on l’en- visage par rapport à la nature de ceux de ses éléments qu'elle est su$tep- tible de céder aux plantes cultivées dans un sol où elle a été répandue, elle peut avoir d’autres qualités simplement relatives à ce sol et au climat de ce même sol. Or ce sont ces divers modes d'action qu'il faudroit fixer en les déterminant, d'après une discussion approfondie de faits fournis par la chimie, la climatolosie et la culture. CORRESPONDANCE. EXTRAIT DE; PLUSIEURS LETTRES DE M. V. JACQUEMONT, VOYAGEUR NATURALISTE DU MUSEUM, EN MISSION AUX INDES ORIENTALES. Samalkah au nord de Delhi, près de Paniput, le 16 mars 1830. MESSIEURS, J'ai eu l'honneur de vous écrire au mois de novembre dernier une lettre, datée de Chandernaghor, dans laquelle je vous détaillois la marche que Je comptois suivre vers les hautes provinces de l’Hindoustan, et les arrange- ments que j'avois pris pour la rendre aussi profitable qu'il étoit possible à l'objet de mon voyage. J'ai le plaisir de vous annoncer aujourd'hui que j'ai laissé très heureusement derrière moi presque toute la distance qui me sé- paroit alors des montagnes où je me proposois de passer l'été. Samalkah, d’où j'ai l'honneur de vous écrire, est à vingt lieues au nord de Delhi. A quelques jours de marche au N. O. de Calcutta, je rencontrai les jungles qui couvrent les plaines étendues au pied des basses montagnes du Béhar. Là sont ouvertes les houillères de Rannigunge, les seules qui soient encore exploitées dans l’Inde. Je commencai à y former des collections géologiques. L’allure de ces bancs houillers, les grès et les schistes anthraxifères auxquels ils sont subordonnés, et les impressions végétales de ces derniers, rapportent avec évidence leur formation à la grande formation houillère. La seule anomalie qu'offre ce gisement aux caractères si bien connus de ce terrain 136 CORRESPONDANCE. est la présence de fossiles végétaux qui me paroissent des troncs d'arbres dycotylédons. Mais il est probable qu’une comparaison rigoureuse avec les fossiles du même terrain, dont nos collections sont si riches, démentira cette apparence. Je rejoignis à Rogonautpour la route ouverte, il y a une quinzaine d’an- nées, entre Calcutta et Benarès, au travers des forêts désertes du Bengale et du Béhar. Quoique cette contrée montueuse s'appuie au sud sur la ligne même du tropique, les forêts dont elle est couverte n’ont rien de la variété des traits de la végétation intertropicale. L'hiver que leur élévation au-des- sus du niveau de la mer, bien que très médiocre, y rendoit fort sensible, avoit dépouillé de leurs feuilles plusieurs des espèces végétales qui y domi- nent. L’excessive sécheresse de cette saison combinée avec la température froide de ses nuits, avoit suspendu la végétation des arbres, et détruit pres- que généralement celle des plantes herbacées. Mes herbiers ne s’enrichirent que d’un petit nombre d'espèces. Les mêmes causes exerçoient une influence semblable sur la vie animale; et mes collections zoologiques durent s’en ressentir également. Je regrettai moins cette pauvreté et cette monotonie de la nature, parce- que la rapidité obligée de ma marche, et l'extrême exiguité de mon établis- sement de voyage, ne m'auroient que bien difficilement permis de conserver et de transporter avec moi les richesses qu’elle eût pu m'offrir. Mon objet étoit de voyager vite et à peu defrais, afin de réserver mon temps et mon argent pour des lieux plus dignes d'intérêt, où, fixé à demeure, j'emploierai l'un et l’autre avec plus de fruit. Parti de Calcutta, le 20 novembre, ce n’est qu’à force de diligence que j'arrivai à Benarès le dernier jour de l’année. J'y restai six jours pour refaire mes gens et mon équipage fatigués par des marches forcées sur des routes détestables. La route directe de Benarès à Delhi, celle que suivent les voyageurs dont l'unique objet est d'arriver au but, m’eût fait voyager constamment le long des bords du Gange jusqu’à Allahabad, et ensuite le long des bords de la Jumnab dans le Doäb jusqu’en face de Delhi. Cet immense delta du Doâb, où dans l'été mes collections zoologiques auroient pu seules s'enrichir, ne CORRESPONDANCE. 137 me prométtoit aux mois de janvier et de février aucune espèce d'intérét:1Je résolus donc de faire le sacrifice d’une! douzaine de jours pour suivre! une : route plus longue; bien plus pénible, mais intéressante. Mirzapour, Rewabh, Lobargong | Punnah, Adjighur; Kalinger, Bandah, Hammerpour {et Kulpi en sont les points principaux. Rewah, Lohargong, Punnah, Adjighur,' sont situés sur un ‘vaste plateau quis’éléve perpendiculairement de troistoù quatre cents mêtres au-déssus:dé la vallée du Gange: et des (plaines du Bundelkhund. Ce ‘plateau n’est séparé de la chaîne septentrionale des montagnes du: Bebar, que para grande et ‘profonde excavation où coule la Sône sous Rotasghur:Ilestformé des mêmes grès qu'on observe sur les pentes septentrionales desmontagnes du Béhar, depuis Rajemal et Monghir jusqu’à Saseram;imais on y voit le développement complet de cette formation de grès, réduite:dans les Rajemal Pâr à ‘quelques uns de ses termes seulement. On en a publié récemment en:ce:pays, dans le dernier volume des Asiatick researchesy une description que je:trouve peu exacte. Je me flatte, Messieurs, qu'en voyant la collection considérable que j'y ai formée, accompagnée destcoupes ‘oùvous retrouverez/la position de tôus les échantillons dont elle se compose, vous partagerez l'opinion diffé- rente que je me suis faite de la nature de ces montagnes. Un de leurs districts, Punnah, est célébre par: ses mines.de diamants. Je l'ai visité avec soin, et j'ose croire que le gisement mystérieux de ce mi- néra! est enfin connu. Presque toutes les variétés dé forme !et, de couleur!du diamant se trouvent à Punnah: Comme ils sont petits’en-général,|,et posse- dent peu des qualités que les joailliers recherchent ; ils sont d’un prix-a$sez médiocre: Le vieux terrain de grès rouge, Rodte todte legende, qui-forme la base, sinon la masse entière, des grès des montagnes du-Bundelkhund;,septen: trionial, se lie d'une manière obscure à1la formation de syéniteiquile sup; porte. La connexion incertaine; la dépendance ambiguë de-cette formation &lépard'de celle qui lui sert de base; testrun deses caractères géognostiques généraux. Îlne manque pas dans l'Inde où cette formation elle-même avoit été jusqu'ici méconnue. Auisud, :dans le bassin de la rivière Dammoodah, où la formation houillère sé montre/sans le cortège des rochés arénacées et Annales du Muséum, 1. 1°, 3° série. 15 138 CORRESPONDANCE. porphyriques du yieuxigrès: rouge; ellesest; au contraire, Ent lentes indé- pendante de:celle-du gneiss qu’elle recouvre: L'hivertrès sensible aumoïs de janvierdans de Dicats PebdE Bundelkhund neé:m'a pas permis d'y aécroître mes icollections zoologiques'et botaniques dans la même proportion que celles de géologie. Rentré dans.les plaines à Kalinger, je passai à Bandah la-rivière Kéne, à Hammerpourla Betwah, et à Kulpy là Juranah;:dontje suivis à-peu-près les bords dans le Doâb. jusqu’en face d’Agrah, où je:la traversai de nouveau, et:donnai à mon équipagetrois jours de:repos: La fin de lhiver,-au-moisde février, avoit été marquée! par de violents orages quil m'avoient assailli dans le-Doâb: Je me séchai à Agrah.… En dix jours je:vins de-là à-Delhi, au travers d’une contrée non moins mo- notone que le Doâb-dans:sa configuration physique, mais mêlée de cultures, de steppes etdelandes! J'y acquis un nombre ‘ässez considérable de plantes et plusieursanmmaux.1: Delhi, que je:viens de quitter, a été ima plus longue station. J'y suis resté huit jours; occupé äiméttre-enrordrestout ce que- j'avois recueilli jusque- là, ‘et à assurer la: conservationide mes collections pendant mon absence, Quelque ‘bienveillantsique dussent être les soins, qu’on-m'offroit obligeam- ment de leur donner jusqu’à mon retour ide l'Himälaya , j'ai pris moi-même tous-ceux qui devoient les rendreinutiles, et je pars sans crainte sur l'effica- cité de mes:précautions: La’ proxirnité de Delhi aux: montagnes \ conduit souvent les Anglais qui résidentdans cette station. |Par eux j'ai acquis tous; les renseignements desi- rables’sux larmanière d'y voyager: Je me! propose d'entrer dans l’'Himâlaya par la vallée du Dhoune au-dessus de Saharampour où, chemin faisant; je visiterai, non sans profit, ; la succursale, montagnarde du jardin botanique de Calcutta Dheyraest le chef-lieu du pays de Dhouñe et la résidence d'un offi- ciér militaire et politique: qui,)je mem: doute pas;.épuisera pour moi les précédés biénveillaits de Padmiräble hospitalité. de, sa nation. Je passerai de süiteidu Dhoune qui arété souvent visité; à Sabathou, (où. j'ai [lieu d'espérer lermêème accueil, et où jeine séjournerai pas davantage par la même, raison; dé Kôteghur’sur lé sécond- étage -desméntagnes et; par l'étroit,sentier suspendwau-dessus des bords escarpés:-dedarivière-Satledge ; je passerai de CORRESPONDANCE,. 139 l'autre côté de la chaine centrale de l'Himâlaya, ‘dont cetté rivière a coupé toute l'épaisseur. Un:très petit nombre de; curieux sontallés dans ces lieux; dont le capitaine Herbert a le premier trouvé:la route em 1819;.1ls y ont bâti deux maisons dont j'espèré habiter une. SiVhiver les ayoit détruites, ou si des premiers venus s'enétoient emparés/déjafpour; cette saison} je com- poserois aveeun villageois.pour la location de la’ sienne. Ce petit! pays de Kanaor, à moitié, Hindou:et à moitié Tartare de’religion} appartient àlun radjah (le radjah de Bissahir), fort jaloux;de l'amitié des:Anglaisi etye suis sûr, d'y jouir pour mes récherches. de la liberté. et:de la sécurité les plus:abso- lues. Par sa position géographique auwmord de la chaîne desrneigestéternelles de l'Himälaya, par son:climat, etcommé une conséquence de cés conditions, par sés productions naturelles, sans doutebappartient:en quelque:sorte à cette région mystérieusedu plateau du; Phibet. Ses hivers hyperborééns doivent rendre sa Faune et sa Flore peu variées; mais il est à espérer: que l’une et l’autre se composent d'espèces la plupart inconnues; et que lamou- veauté des objets que j'encrapporterar compensera! heureusèment la: médio- crité de leur nombre. Je redescendrai avec eux à Delhi vers la fin dumois dernovembre....: Le reste de cette lettre est consacré par M. Jacquemont à exprimer et à faire partager à l'administration du Muséum toute sa reconnoissance. de l'accueil qu'il a recu des autorités anglaises auxquelles il jayoit été recommandé, et sur-tout de M..le gouverneur, général de l'Inde lord William Bentinck. Ila dû à leur bienveillance: et à leur vigilante protection d’inappréciables avantages. Jamais, dit-il, on ne l'a laissé voyager sans escorte, et quand il a passé. au trayers des territoires indépendants du Bundelkhund, province turbulente, les radjabs, avertis par les agents anglais qui exercent.sur eux.un contrôle politique, lui ont fait trouver chez eux les mêmes attentions qu'il étoit accoutumé à rencontrer dans les états. de la ‘Compagnie. Tchini: GUAM le 15 Juillet 1830. C'est de’ SamalKah qu’étoit datée là dernière lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire en mars dernier; et qui fut expédiée de Kythul dans le pays 140 CORRESPONDANCE. des Sykes, le:22:du/mêème mois. Je venois alors de m'associer à quelques per- sonnés de; Delhi qui avoient bien voulu organiser pour moiïune grande partie de chasse, quifd’aprèsimes espérances; devoitienrichir considérablement mes collections zoologiqués: Suivis de dix-sept éléphants, de quatre cents cava- liers, et du double de gens à:pied, nous parcourûmes, non sans les dévaster un. peu, les principautés deKythuliet de Pattialah étendues jusqu’au désert de Bikanîr,.et j eus le irepret :dene) rapporter ide cette fatigante excursion qu'un petitmombre de plantes nouvelles. oReprenant aussitôt mà marchessolitaire ; jevins à Saharunpore, où le gou- vernement-possède un jardin botanique. Accueilli:par le directeur de cet établissement; je concertai avec lui le:‘commencement demon voyage dans lés montagnes; etraprès luiavoir laissé :en, dépôt les collections que j'avois faités depuis Delhi, et la majeure partie de mon!bagage, après avoir formé un nouvel-équipage adapté aux chemins difficiles ‘ouverts seuls désormais devantimoi, et où tout doit être porté à dos d'homme, je quittai les plaines, ebëntraidans l'Himälaya le:12 avril, trois jours après le renversement de la mousson et l'établissement des vents du sud-ouest qui. avoient déja rendu excessive la chaleur très forte auparavant depuis le mois de mars dans les plaines sablonneuses du nord de l’Hindoustan. Ce que les’ Anglais appellentla première chaîne de l'Himâlaya n’est qu'une rangée fort continue de hautes collines composées de conglomérats moder- nes, laquelle règne ‘au-devant des montagnes primitives sur la plus grande partie de léur longueur. Entre ces collines et le pied des montagnes, est creusée uné longue vallée longitudinale qui jouit, à raison de sa position, d'un climat particulier, où le calme habituel, l'humidité et la chaleur de l'at- mosphère provoquent tous les développement$ organiques, mais où ces mêmes causés produisent en automne des ‘miasmes délétères, tellement re- doutés'däns quelques parties de l'Himälaya, entre Catmandou, par exemple, ou entre Almora ét les plaines, que ces lieux sont réputés alors absolument inaccessibles aux Européens. j La saison ‘6ülj'entrai dans le Dhoune ne m'imposoit heureusement aucune des précautions que je devrai prendre pour. traverser de nouveau ,. après la 1 19 If saison des pluies, cette zone pernicieuse. J'y demeurai huit jours utilement CORRESPONDANCE. 141 employés à l'accroissement de mes collections. J'y complétai en même temps mon appareil de voyage dans les montagnes, où je vins camper le 23 avril sur les cimes de Mossouri, sous le climat des Alpes, et parmi des productions spécifiquement différentes des leurs, mais qui semblent souvent calquées sur elles. Des orages d'une violence et d’une continuité inaccoutumées jusque-là dans ces lieux, m'obligèrent à y prolonger mon séjour, sans me permettre de le faire tourner très considérablement au profit de mes collections. Le 2 mai, je me remis en marche pour monter aux sources de la Jumnah, sous les- quelles je campai plusieurs jours à une grande élévation, près du hameau de Cursalï, le dernier de cette vallée, et une des situations les plus favorables sous tous les rapports de l’histoire naturelle. Quelque petite que soit sur la carte la distance entre Semlah et Jumnoutri, l'extrême âpreté des montagnes qui s’entassent les unes sur les autres tout le long de la chaîne des neiges éternelles, y rend la marche si pénible et si lente, que je ne pus la parcourir en moins de trois semaines. J'arrivai à Semlah épuisé, sinon malade encore des suites d’une indisposition, produite par le changement obligé de régime alimentaire dans Ja contrée misérable où je venois de voyager. Je fus accueilli à Semlah par l'officier qui gouverne le territoire d’alentour soumis à la Compagnie, et dont l'influence est toute-puissante sur les états montagnards soi-disant indépendants de cette partie de l'Himâlaya. Je laïssai dans la demeure hospitalière de cet officier, M. Kennedy, toutes mes collections amassées depuis Saharunpore; et, rétabli par une dizaine de jours de repos et un retour passager aux commodités de la vie européenne, je la quittai le 28 juin pour passer de ce côté-ci des montagnes. Je descendis de Kôteghur sur les bords du Sutledge que je suivis jusqu’à Rampour, capi- tale du Bissahir. C’est là que cette rivière débouche au travers de la chaîne centrale de l’'Himälaya. En montant de ses bords élevés déja de mille métres jusqu’à deuxmille mètres plus haut, j'ai eu l’occasion de voir un grand nombre de coupes du terrain qui mettent à nu la structure géologique de toute la basetet d’une portion considérable de la hauteur de cette chaîne. Je comple- terai cette reconnaissance en retournant à Semlah par un de ses cols les plus 142 CORRESPONDANCE. voisins de cette immense ouverture, le Bouroûne ghanti (Burunda pass des Anglais), profondément excavé lui-même entre ses cimes, puisque son élé- vation n'excède guère quatre mille mètres, tandis que leur niveau moyen en dépasse cinq mille cinq cents. Tchini, d’où j'ai l'honneur de vous écrire aujourd’hui, est le lieu le plus élevé de la vallée du Sutledge où se fassent sentir les pluies solsticiales qui inondent depuis un mois le versant opposé des montagnes, et dont j'ai eu beaucoup à souffrir depuis Semlah. Je suis maintenant presque en dehors de leur influence, et ma première marche me conduira dans cette partie du Ka- naor, si remarquable par la sécheresse de son climat. Au reste, il y a déja une assez grande différence entre celui de cette portion de la vallée du Sutledge et celui des vallées indiennes pour que j'en observe une considérable entre leurs productions diverses. Mes collections botaniques sur-tout s’accroissent rapidement. J'ai eu le malheur de perdre dans le transport la liqueur spiri- tueuse que j'avois fait venir à Semlah de Sabathou, ainsi que les bocaux qui la contenoient; mais j'espère être à même de la remplacer à Souguenom par le foible esprit qu'on y distille du marc fermenté des raisins, et d'y faire faire des vaisseaux de bois capables de la renfermer avec sûreté. Muni de ces moyens, et favorisé par la sécheresse du climat, je pourrai alors accroître mes collections de zoologie dans la même proportion que celles de géologie et de botanique. En remontant le cours de la branche principale du Sutledge, je ne saurois dépasser Chipki, premier poste de la Tartarie chinoise, tandis qu'en mar- chant au nord le long de son affluent septentrional, le Spiti, j'ai lieu d'espérer pouvoir sortir des possessions du radjah de Bissahir, et pénétrer sur le pla- teau de Ladak, petit pays presque indépendant des Chinois, et tributaire du radjah de Bissahir, lequel m'a témoigné jusqu'ici toutes sortes d'attentions, et a écrit sur sa frontière eten Ladak pour faciliter mon passage. J'ai vu des débris organiques fossiles de terrains secondaires qui prove- noient de: cette contrée ‘où ils paroissent se trouver en immense quantité épars à la surface du sol, à un niveau excessivement élevé (quatre mille cinq cents métres). La végétation y'est réduite à des herbes et à quelques rares arbrisseaux à peine plus hauts qu’elles. Le chien, le yak et la chèvre qui pro- CORRESPONDANCE. 143 duit le duvet de cachemire y sont les seuls animaux domestiques, et il n’y a sans doute aussi qu’un petit nombre d'espèces sauvages; mais il me semble que la nature du pays donne à tout ce qu’on en pourroit rapporter un intérêt qui compensera la médiocrité probable du nombre des objets. C’est au com- mencement d'octobre que je repasserai l'Himâlaya par le col de Bouroûne. De là à Semlah, il n'y a qu'un petit nombre de marches. Rassemblant et poussant devant moi toutes les collections que j'aurai successivément laissées enarrière, je descendrai à Sabathou, et de Sabathou dans les plaines vers le sommet desquelles je marcherai à Saharunpore, où je reprendrai mon lourd équipage de voyage accoutumé, pour me rendre à Delhi, avec tout ce que j'aurai recueilli depuis le mois de mars dernier. Kurnaul, 1° février 183r. La dernière lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire étoit datée de Tchini en Kanaor, le 15 juillet 1830. Je vous y rendois un compte sommaire de mes excursions dans l'Himâlaya indien entre la vallée du Gange et celle du Sutledge. J'ai passé tout l'été sur la pente septentrionale de l’'Himälaya, soit sur la rive droite, soit sur. la rive gauche du Sutledge, et j'ai remonté jusqu’à six journées de marche au nord du 32° degré de latitude la vallée du Spiti, le plus large des affluents de ce fleuve. A l’est, Beckhur a été la limite de mes excursions. C’est une chétive for- teresse gardée par des Thibétains soumis à l'autorité chinoise, Je n’aurois pu m’approcher davantage du lac Mansarôvar sans rencontrer des obstacles bientôt insurmontables. Au contraire, dans la vallée du Spiti qui forme un petit état, sans défense, et nominalement indépendant de ses voisins, J'avois une entière liberté. Je ne trouvai de difficultés que pour pénétrer dans ses parties supérieures, dont l'entrée est fermée par quelques territoires chinois. Je réussis cependant à passer sans molestation ni querelle. Je partageoïis ayant d’avoir fait ce voyage l'opinion, généralement admise par les Anglais, que le Sutledge, après avoir coulé long-temps au nord de l'Himälaya, appuyant sa rive gauche à la base septentrionale de cette grande chaîne, la trayersoit par une énorme échancrure entre Bissahir et 144 CORRESPONDANCE. Koullou. Cette vue est inexacte : cette chaîne colossale de l’'Himälaya, que ses neiges éternelles font apercevoir de si loin les plaines de l’Inde, n’est elle-même qu'un objet peu remarquable par sa hauteur, comparée aux au- tres systèmes de montagnes qui s’élévent au nord derrière elle. Elle s’abaisse graduellement vers le nord-ouest, et c’est au lieu où elle finit que le Sut- ledge, cessant alors d'être contenu sur sa rive gauche ou méridionale, passe au sud dans les plaines de l'Inde et du Pendjäb qu'il sépare. Les montagnes de Koullou, avec leurs pics neigés, que les physiciens anglais ont décrites comme le prolongement de cette chaîne au-delà de l'immense excavation apparente qui donne passage au Sutledge, ne me semblent être au contraire que le prolongement très régulier d'une chaîne plus septentrionale qui domine sans interruption la rive droite du Sutledge. Au-delà de cette seconde chaîne, c’est-à-dire au nord, la contrée tout entière continue à s'élever, et les montagnes s'entassent les unes sur les autres dans une confusion telle, qu’il est absolument impossible de découvrir aucun ordre dans leur arrange- ment. C'est au travers de ces montagnes amoncelées qu’est creusée du sud au nord, et ensuite du sud-est au nord-ouest, la vallée profonde du Spiti. Au lieu le plus éloigné que j'en ai visité, le fond de cette vallée étoit élevé de quatre mille mètres au-dessus de la mer. J'ai trouvé des cultures et des villages épars à près de mille mêtres plus haut, et des plantes phanérogames à une élévation bien plus grande encore. ; Comme toute la contrée à-la-fois s'élève sur une immense étendue, elle a un climat beaucoup moins rigoureux que ne le feroient supposer les cir- constances réunies de sa latitude et de son niveau absolu. Dans l’'Himälaya indien il y a peu de villages au-dessus de deux mille quatre cents mètres; leur élévation moyenne en Kanaor est de trois mille mètres; elle est de quatre mille mètres dans le bassin des eaux du Spiti. La limite des cultures s'élève comme celle des habitations humaines, et la ligne inférieure des neiges perpétuelles demeure paralléle aux unes et aux autres, si même elle ne s'en écarte pas davantage à mesure que l’on s’avance vers le nord. Le climat de cette étrange contrée est d’une sécheresse extraordinaire. Je n’avois pas d'instruments pour la mesurer; mais parmi les nombreux phénomènes naturels qui l'attes- CORRESPONDANCE. 145 tent, je citerai seulement le défaut absolu de rosée pendant les nuits les plus calmes dans les vallées où les températures diurne et nocturne de l'air dif- fèrent énormément. Il tombe peu de neige enthiver; il pleut quelquefois au printemps; et bruine rarement en automne lorsque des nuages sont préci- pités par des vents irréguliers de la cime des montagnes dans la‘profondeur des vallées. J'ai rapporté de ce voyage un grand nombre de plantes avecleurssemences. Aucune de ces espèces ne se trouve de ce côté de l'Himälaya. On (conçoit aisément dans des climats si différents, quoique dans des contrées si voi- sines; lon conçoit, dis-je, aisément cette différence de tous les êtres organisés. Mes collections minéralogiques ne sont pas moins considérables: La nudité des montagnes favorisoit les observations de géologie. Celles que j'ai faites suggèrent , si je ne m’abuse, des vues fort nouvelles sur les terrains primi- tifs. J'aurai l'honneur de vous les présenter quand je pourrai mettre sous vos yeux la série de mes observations, et les coupes nombreuses qui me paroissent prouver la justesse de ces considérations géognostiques. Il y a parmi mes collections géologiques un grand nombre de fossiles tes- tacés qui se rencontrent dans diverses couches d’un terrain secondaire déve- loppé sur une étendue et avec une épaisseur immenses au nord de l’'Himälaya dans la Tartarie indépendante, le Haut-Kanaor, Hangarang et le Thibet chinois. Le 3 octobre je repassai au sud de l'Himälaya indien par un de, ses cols les” plus bas, Bouroune ghanti, dont l'élévation excéde à peine :15,000 pieds anglais; je descendis la vallée du Paber, et passai dans celle du Ghirry, re- montai à Semlah d’où je retournai à Saharunpore par une route sinueuse au travers des Dhounes ou vallées inférieures creusées au pied des premiers gradins de l’Himâlaya. Je regagnai heureusement les plaines sans fièvre. Plusieurs voyageurs anglais ont passé le Bouroune ghanti, et tous, se plai- gnent d’y avoir souffert de céphalalgies et de nausées, d’oppression, etc. Ce- pendant j'ai passé dans des lieux bien plus élevés, puisque trois fois j'ai campé au-dessus de 16,000 pieds, et que pour aller à Beckhur j'ai eu à traverser des cols élevés de plus de 18,000 pieds, et je n’ai jamais ressenti aucun des effets fâcheux dont se plaignent tous les yoyageurs,.et je n’en ai jamais Annales du Muséum, t. 1", 3° série. 19 146 CORRESPONDANCE: observé les symptômes dans un seul des nombreux:compagnons, de mes courses. Mon expérience toutefois n’a rien de contradictoire avéc celle d'au- trui; j'ai vécu sept mois dans l'Himâlaya, et-je mesuis élevé:graduellement de sa base à ses cimes. Lorsque pour aller:à Beckhur, je:montai quatre: fois au-dessus de six mille mètres, il y avoit deux mois qué je n’étois presque jamais descendu au-dessous de trois mille. De là j'étois allé camper àiquatre mille mètres; puis, après quelqueséjour, à cinq mille: Quand l’ascensioniest si graduelle, le poumon a le temps de s'accoutumer à jouer avec liberté-dans une atmosphère excessivement raréfiée. C’est un changement-considérable de niveau dans un court'espace de temps:quil’affecte et qui produit l'oppres- sion dont Saussure et ceux! qui sont montés après lui, sur Je Mont-Blanc se plaignent bien avant que d'arriver à sarcime. ÿ Tandis que j’étois en Kanaor; je recus une lettreraussi obligeante.qu'inat- tendue de M. Allard ‘officier français quiicommande les armées de Rundjet- Singh, roi du Pendjäb. Il m'écrivoit pour me dire qu'ayant appris mon arrivée à Semlah, et l'objet de mon voyage; il espéroit que sa situation dans, le-royaume de Lahor lui fourniroit les moyens de m'être utile, si j'ayois l'intention de visiter le Pendjäb. Je répondis à M.:Allard que les plaines du Pendjäb n'offriroient sans doute à un naturaliste qu’un médiocre intérêt; mais que s’il pouvoit par son crédit près du radjah m'obtenir des passe-ports, pour Cachemyr, je croirois devoir profiter d’une si précieuse occasion. de visiter une contrée rigoureusement fermée aux voyageurs: anglais par la dé- fiance jalouse de Rundjet-Singh. J'ai été constamment depuis ce temps-là en commerce de lettres avec M: Allard, et (comme il m'avoit conseillé d'obtenir des recommandations, du geuvérnement anglais) avec M: le gouverneur général de l'Inde. Je dois à-ce derniér, lord William Bentinck, une grande marque d’estime et de bonté.. Il a fait pour moice quia été, je crois, invariablement refusé aux officiers de sa propré'nation qui avoient prié le’ cabinet de Calcutta, d'appuyer la:de- mandé qu'ils avoient faite sans succès à Rundjet-Singh dé voyager dans, ses états dañis desvues semblables aux miennes. Je serai-dans vingt jours-à,La- hor;'où l'appui denotre compatriote M:;Allard'et la recommandation amicalé, de lord Bentinck'm'assurent une lexcellente réception. Mon projet est d'aller jusqu’à la base du Hindôu-côh qui me paroîtiêtré. la CORRESPONDANCE. 147 limite ‘occidentale de l'Himälaya: je compte éntrer de là dans le pays de Cachémyr par la route de Paishawer, «et ÿ faire un séjour proportionné à l'intérêt que son territoire. m'offrira; enfin revenir à Delhi en suivant le revers thibétain de l’'Himâlaya jusqu'au Sutledge que je traverserai dans le Bas-Kanaor. Je ferai en sorte d’être de retour à Delhi au 1‘ novembre de cette année. J'ai laissé dans cette ville toutes mes collections : elles y demeureront jus- qu'à mon retour de Cachemyr: Chacun m’offroit sa maison pour les rece- voir; mais j'ai préféré les déposer dans le magasin militaire du gouvernement, où elles sont placées sur de hautes tables dont les pieds plongent dans des cuvettes remplies d’eau, et où l’on saitipréserver des ravages des insectes des effets d'équipement qui y sont bien autrement exposés. Elles ont été soi- gneusement empoisonnées avant d’être emballées; et j'ai laissé les instruc- tions nécessaires pour les envoyer en France dans le cas où je mourrois avant de revenir à Delhi. Lahor, le 17 mars 1831. nn Grace à la bienveillante entremise du gouvernement anglais en ma faveur auprès du radjah Rundjet-Singh, j'ai reçu de ce prince l'accueil le plus dis- tingué. La simple: permission de voyager dans ses états eût équivalu de sa part à un refus; mais il me-donne une escorte pour me garder et un officier de sa maison qui doit veiller à mes besoins. Je ne saurois desirer mieux. Je me détournerai de quelques jours de marche pour visiter une chaîne de-collines salifères: qui bordent la rive droïte de l'Hydaspe, traversent tout le Pendjäb, et se prolongent au-delà de l'Indus jusque dans l’Afghanistän. Gependant je serai dans vingt-cmq jours à Cachemyr. On'ne sauroit y entrer plus tôt à cause des neiges dont sont encore couvertes les montagnes qui séparent cette-haute vallée des plaines du Pendjäb. = Cachemyr, le 28 mai 1831. La dernière lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire étoit datée de Lahor le 17 mars dernier. Je vous accusois alors la réception de la vôtre du 19 mai 1830, qui venoit seulement de me parvenir, et je vous disois les auspices fa- vorables sous lesquels s'annoncoit mon voyage hors des possessions anglaises. 148 CORRESPONDANCE. Le 18 mars, Rundjet-Singh m'accorda sa dernière audience; dans laquelle il me prodigua les distinctions les plus flatteuses } et voulut bien ordonner lui-même tout le détail des précautions nécessaires à ma sureté pendant mon voyage dans ses états, et mon séjour dans la province reculée de Cachemyr: Je quittai Lahor le 26, et, traversant successivement le Râvi, le Tchinäb et le Djhèlom, je vins camper à Pindadenkhan pour visiter les mines de sel exploitées dans les environs de cette ville. Je regrette de n’avoir pas le loisir de faire, pour vous l'envoyer, une copie!du mémoire dont:elles sont l'objet dans mon/journal. Si je ne m’abuse, les observations que j'ai faites: dans cette localité, et dans plusieurs autres de la même chaîne de collines, jettent beaucoup de lumière sur la manière dont se sont formés ces grands amas de sel. Ils sont peut-être géologiquement beaucoup plus indépendants qu'on ne l'a cru des terrains parmi lesquels ils se rencontrent: Le sel de Pindaden- khan ne se distingue pas par:ses caractères minéralogiques de celui de Car- dona en Espagne. Il est associé avec du gypse, dont la distribution dans le terrain qui leur sert de matrice répète fidélement tous les accidents de la sienne. À peu de distance de là, à Djellälpour, dans le prolongement des mêmes couches, on voit celles-ci dérangées, disloquées comme à Pindaden- kbanet leurs matériaux réagglutinés seulement par du gypse: Enfin; en passant de cette chaîne de collines salifères(1) dans l'Himâlaya dont elles sont si voisines, on retrouve la même direction générale dés principaux accidents du terrain, une direction analogue dans la stratification de ses couches, et enfin, dans celles-ci, des dérangements locaux plus ou moins étendus, mar- qués toujours par l'apparition d’amas calcaires, dolomitiques ou quartzeux, lesquels par toutes les circonstances de leur gisement rappellent d’une ma- mère frappante celui du gypse et du sel à Pindadenkhan, et du gypse sem- blable mais non salifère de Djellälpour. Les aperçus suffisamment indiqués par ces rapprochements recevront; je pense, une confirmation puissante de leur justesse par l'examen que j'espère avoir l’occasion de faire dans quelques mois d’une autre mine de sel exploitée près de Djummon, dans les premiers gradins de l'Himâlaya. Quant à la détermination géognostique des terrains stratifiés qui constituent (Gi) Nemok ka pahar, ou mohtagnes de à : leur nom Pendiäbi. CORRESPONDANCE. 149 la chaîne des collines salifères de Pindadenkban, elle offre des difficultés qui ne pourront être levées que par la comparaison des fossiles très rares qui sont dispersés et comme fondus dans quelques unes! de leurs couches. J’es- père y arriver encore d’une manière plus complète! par des inductions dont je pourrai sans doute lier la chaîne en retournant de Cachemyr dans l'Hi- mälaya d'outre-Sutledge, où j'ai aperçu l'an passé des terrains que je crois analogues à ceux-ci et qui sont moins pauvres en débris organiques. Les accidents que paroissent avoir éprouvés, depuis leur formation les terrains cristallisés et sédimentaires de l’Himälaya affectent tellement et leur stratification et les caractères minéralogiques de leurs roches, que la na- ture cristalline ou clastique de celles-ci devient souvent fort équivoque, et rend également incertaine la limite desterrains, Cette observation regarde plus diréctement cette partie de l'Himâlaya que je viens de traverser pour venir à Cachemyr; mais elle s'applique égaleñent à d’autres parties de cette chaîne, sur-tout entre le Sutledge et la Jumnab. Je n’avois éprouvé aucune-espèce de difficultés, dans mon excursion dans les plames du Pendjäb; et confiant dans la protection du prince, je n'appré- hendoïs aucun obstacle dans mon voyage à travers les montagnes, Rundjet- Singh avoit ordonné que les nouveaux moyens de transport nécessaires à ma caravane fussent préparés d'avance à Mirpour, afin que je n’éprouvasse au- cun délai dans ma marche; à Prountche un équipage.de porteurs devoit être aussi par ses ordres préparé à l'avance pour le passage du Pir-Puntchäl., Ce- pendant lorsque j’arrivai à Mirpour rien ne se trouva prêt, ,et je compris bientôt que j'entrois dans un pays dont le régime anarchiqueme susciteroit peut-être bien des embarras: Il m’a fallu en effet quelque persévérance pour ne pas me laisser arrêter parles difficultés que j'ai rencontrées. Une fois entre'autres ma liberté fut compromise par l'audace d’un chef appelé Nheal- Singh, qui me fit prisonnier avec mon escorte et tous mes gens près de la forteresse de Toloutchi. Cette rencontre pouvoit: avoir une issue, funeste. Mais avec de Ja fermeté, dela prudence, et je crois aussi quelque adresse, je parvins à racheter ma liberté moyénnant une rançon de 500 roupies (1200 francs ). Échappé des mains de ce misérable, j'écrivis sur-le-champ au‘radjah pour lui demander justice. Rundjet-Singh m'a aussitôt indemnisé demon avanie; et il vient de mettre à ma disposition la vie de Nheal-Singh. 150 CORRESPONDANCE. L'intérêt de ma sûreté dans le reste dé mon voyage ne me permet, pas la clémence. J'ai prié le radjah que:Nheal-Singh reçût un châtiment corporel très sévère, et qu'il demeurât en prison jusqu'à l’époque, de mon retour dans les possessions anglaises Après cet exemple éclatant de lempressement du prince à punir l'outrage qui m'a été fait, je crois n’en avoir aucun.autre à redouter dans ses états, et:mon aventuré de Toloutchi; loin d’êtreiune mésaventure, devient là garantie la plusipuissante de ma sûreté ultérieure. I] ÿ a vingt jours que je suis arrivé à Gachemyr. Le col par où j'y ai pénétré;ile plus bas de tous, est à peine élevé.de.deux mille cinq cents méêtres au-dessus dela mer. C'est la moitié de la hauteur moyenne des passages de l'Himâlaya’entre le Gange et le Sutledge. Leniveau dela vallée, dont la forme est celle d'un bassiniovale, est, comme je l'avois conjecturé, ‘d'après les renseignements que j'avois recueillis sur son climat et ses productions végétales, d'environ seize à dixsept cents mètres. Je m'y occupe activement de’recherches-géologiques. Ma position en même temps y est plus favorable qu’elle n’a encore été en aucun autre lieu à la formation de collections'zoologiques. Je suis: campé dans.un jardin qui appartient au radjah,’et où se trouve un pavillon qui-me sert de demeure. C’est la première fois, depuis mon arrivée en Asie, que je metrouve être chez mot, ailléurs que sous une tente. Je n'ose dire cependant que mon habitation soit uüñé maison. Lies présents que j'ai recus de Rundjet-Singh me permettent désormais de m’entourer des moyens d'exploration, dont le secours m'avoit été interdit jusqu'ici par l'msuffisance de mes ressources pécuniaires.;Îls rendront, je n'en doütepas, très fructueuses les excursions qué je:vais'entre- prendre autour de Cachemyr, et dont ce dieu restera le centre jusqu'au mois dé septembre, ‘époque à laquelle je reprendrailaroute des possessions an- glaisés. J'ai acquis la certitude qu'il y auroit de l'imprudence à tenter d’y retournér par les revers Thibétains de l'Himâlaya en dehors du territoire Syke! Quand je’ quitterai Cachemyr j'en emportérai un bagäge trop lourd.et trop précieux pour le risquer dans les déserts de Ladak, où, sans parler des rencontres fâcheuses-que’je pourrois faire, la désertion de quelques uns de mes gens Suffiroit pour mecauser les plus grandsembarras par la difficulté d'y recruter des moyens de transport. Je retournerai donc:sans doute par. la route deBhimbeur | maïsen la quittant à Radjaori pour descendre de là à Djummon, CORRESPONDANCE. 154 etrémonter ensuite dans le payside Koullou au travers duquel j'ärriverai sun les bords du Sutledge; en face de: Belaspour ou de Rampour: L’unlet l’autre dé ces lieux sont fort voisins dé Semlahi, où je:me-rendraiïsans doute pour voir M: le gouverneur général à qui j'ai de:sigrandes| obligations pour le succès de mon'entreprise, et dont l'appui péut:m’être encore:si ütile.. Muni des moyens dont je dispose ici, je:crois pouvoirwous:assürer ;Mes- sieurs, que je rapporterai au Muséum tous.les poissons du lac:de:Cacliémyr et de son fleuve: Faute de vaisseaux convenables pour les: contenir: et/de liqueur spiritueuse-pour les conserver, il ne m'a pas été possible-l’anipässé de rapporter ceux du Sutledge en Kanaor. Mais si c’est à Rarnpour queje repasse cette rivière, je m'y arrêterai cet automne pour réparer du moins, en partie, la perte de l'occasion qu'il ne m'a pas été permis de saisir l'an passé. Mes hérbiers depuis Lahor ne se sont que’ médiocrement augmentés. Dans le voisinage immédiat de Cachemyr} le plus grandinombre des plantes appartient à la Flore européenne; sur-tout) parmi :les : espèces! herbacées: Maïs j'ai Hieu’de.compter sur des récoltes botaniques plus. intéressantes dans les excursions plus lointaines queje vais faire successivement dans les mon- tagnes d’älentour. Me sera-t-il permis d'ajouter, Messieurs, que le'séjour de ce Cachemyr si vanté seroit bien peu agréable à celui qui n’auroit pas dans la diversité ‘des: travaux qui m'occupent une source constante d'intérêt? Des voyageurs euro- péens n’eussent jamais fait à ce-pays l'extrême réputation de beauté qu'il doit seulement, et-par une raison que je m'explique aisément, laux visites qu’y faisoient jadis quelquefois les empereurs de l'Inde. La cour mogole ré- sidoit habituellement dans les murs brülants d’Agrah ou de Delhi, lesdeux villes de‘l’Indeoù lés chaleurs de l'été sont les plasigrandes ; et dont la cam- pägne ést/d’une aridité excessive: Ici il ÿ à par-tout del’eau.et de laverdure; au plus fort dé l'été la brisé qui descend des montagnes pendant la nuit est toujours fraiché; ‘et la cour mogole donna à! Cachémyr le nom de Paradis terrestre!" /="00] 1039. ui HO 1 f "Les lacs sont sans profondeur, et les montagnes qui environnentide toutes parts éé Singuülier bassinn’ont pour! ellés que leurhauteur:et la grandeur des lignes de leurs contours; mais au-dedans de ces lignes l’œil cherche vaine- 152 CORRESPONDANCE. ment ces détails de beauté pittoresque, noble ou gracieuse, dont la nature est si prodigue dans les Alpes iet siavare dans l’Himâlaya: La ville’ elle-même presque entièrement bâtie de bois, est fort grande; mais son aspect est horriblement misérable, et ce n’est pas une vaine appa- rence. Nulle part ailleurs dans l'Inde la masse de la population:m’est aussi pauvre qu’à Cachemyr. C’est le seul pays où le prix du travail soit réellement aussi bas que nousile croyons à-tort être par-tout dans l'Inde, Ma santéia souffert dansmon voyage de Mirpouriäci, mais c'étoit par suite de fatigues excessives, et non par l'effet du climat de l'Inde. Je suis parfai: tement rétabli, e é Cachemyr, le 17 juin 1831. 1 y a deux jours qu'un courrier de l'Inde m'a apporté Ja lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 24 octobre dernier. : elle m'étoit:obli- geamment transmise par M:le gouverneur général de l'Inde. ns Sinsess 2, « +uiJ'étois arrivé à Cachemÿr fort affoibli, mais voici mes forces revenues, et ma santé solidement rétablie. J'en vais faire usage pour commencer demain une série d’excursions sur les cimes des montagnes d’alentour. Je n'irai pas au petit Thibet, il est préférable à tous égards que je me renferme dans le bassin de Cachemyr. Mais j'espère obtenir de ce pays- là quelques richesses zoologiquesique celui-ci ne sauroit me fournir. Il y a au petit Thibet plusieurs espèces de ruminants, dont le poil de dessous, comme celui des chèvres, siimproprement dites de Cachemyr, sert également à la fabrication, mais fort restreinte, d’étoffes semblables aux châles. L'un de ces animaux doit être une chévre, un autre est certainement une .espéce de brebis. Enfin par le rapport des natifs je me suis assuré qu'il y a quatre espèces sauvages, dont le poil sert à cet usage. Le roi du petit Thibet, Ahmed Châh, m'a écrit quand il a;su mon arrivée à Cachemyr: Il m'a fait mille. offres de services. Je l'ai prié. de me procurer tous ces animaux. vivants, le mâle et la femelle de chaque espèce, et chacun en double, s'il étoit possible, et de me.les envoyer. Son.messager.est parti avec ma réponse, il y a quelques jours; et ne doit pas. être loin de Secunderabad où réside Abmed Châh. SUR LES OEUFS DE SEICHE. PAR M. LE B* CUVIER. M. de Bœr, dans une note de son bel ouvrage sur l'Histoire du Développement des Animaux (p. 260), s'exprime ainsi : « C’est «à peine sil peut y avoir maintenant quelque chose de plus in- «téressant à faire sur l’histoire du développement des animaux, «que d'observer celui des étoiles de mer, et ensuite celui des «céphalopodes; selon Cavolini, le vitellus dans ces derniers « pendroit hors de la bouche, ce qui estdifficile à comprendre. » Ces paroles me déterminent à publier des préparations que j'ai faites il y.a dix-sept ans (lors de mes recherches sur les œufs des quadrupédes, Ann. du Mus.), et qui depuis lors sont demeurées exposées au Cabinet d'Anatomie du Muséum, et ont été démontrées plus d’une fois dans mes cours. Elles serviront à expliquer des expressions en effet assez équivoques de Cavolini, à interpréter un passage d'Aristote inintelligible jusqu'à présent dans les traductions que l’on en a données, et à faire voir que ce grand philosophe avoit déja une très ample ét très exacte connoissance de ce sujet. L'œuf de Seiche est un sphéroïde elliptique, assez semblable aux grains de certains raisins. A l’un de ses pôles est une proéminence ou un mamelon co- nique et arrondi au bout. Le pôle opposé se prolonge en un pédicule plus ou moins long terminé par un annéau, qui embrasse quelque corps étranger, Annales du Muséum, t. I”, 3° série. 20 154 SUR LES OEUFS DE SEICHE. comme tige ou branche de fucus, d'éponge, ou de quelque autre zoophyte. À un premier pédicule s'attachent souvent et de la même manière les pédicules d’autres œufs, quelquefois en assez grand nombre; c'est ainsi que se forment ces grappes que l’on a com- parées à des grappes de raisin. Le pédicule est de la même substance noirâtre que la coque de l'œuf. L'un et l’autre ont un peu la consistance dela gomme élastique, mais se laissent casser et déchirer plus aisément. Le pédicule est cependant plus ductile que la coque. Celle-ci se laisse, prise dans son milieu , décomposer en tuni- ques ou en couches concentriques, plus ou moins nombreuses; on en détache aisément quatre dans les œufs déposés déja de- puis quelque temps, et davantage dans ceux qui viennent de l'être; ces derniers se reconnoiïssent à ce qu'ils sont plus mous et moins foncés en couleur. ")$ Ces couches sont inégales, les unes plus épaisses, les autres plus minces, plus transparentes. En coupant transversalement l'œuf à la base de son mamelon terminal, on voitdes lignes cir- culaires infiniment plus nombreuses, et il semble même en quelques endroits qu'elles forment ensemble une seule spirale, en sorte que la coque de l'œuf seroit formée de l’enroulement d'une même substance, tirée et contournée plusieurs fois autour d'elle-même. Il seroit fort intéressant de suivre la Seiche au moment où elle dépose ses œufs, et de s'assurer de la manière dont elle leur donne cette enveloppe, car elle ne peut guère avoir été formée ainsi dans l'oviductus. L’anneau par lequel le pédicule s'atta- che doit avoir été produit au-dehors et par l'action de la mère. SUR LES OEUFS DE SEICHE. 155 Lorsque l'on a ouvert cette coque opaque, on-trouve dans son intérieur une membrane transparente, fixée aux deux pôles par deux proéminences que l’on peut comparer à des chalazes, et qui embrasse à-la-fois le vitellus et le germe. Elle se divise elle- même en deux tuniques.- Dans les œufs qui viennent d’être pondus, la membrane ne contient encore qu'une substance glu- tineuse et assez limpide; mais je n'ai pas eu occasion d'ob- server les changements qui s'y manifestent pendant les premiers jours; c'est un travail que je recommande aux naturalistes qui séjournent dans le temps convenablé sur les bords de la mer, car ilne peut s'exécuter qu'e sur des œufs parfaitement frais. Mais dans les œufs conservés dans l'alcool, les seuls dont j'ai pu disposer, jai süivi la petite Seiche dans plusieurs des der- nières ie ÿ de son développement. Elle m'a paru couchée sur le vitellus, tantôt en travers, tantôt obliquement, quelquefois sélon sa longueur. C'est par sa face ventrale qu'elle y repose. Le vitellus a une membrane propre, différente de celle que nous venons de décrire, et qui embrasse à-la-fois le vitellus et le fœtus. Quant au fœtus, je n’oserois dire qu'ilen soit de même. Je n'ai pu lui découvrir d'amnios. Le sujet le-moins développé.que j'aie vu avoit à-peu-près lé quart de la longueur du‘vitellus auquel il adhéroit. On distin- guoit déja son sac et quelques uns de ses tentacules. Ses deux yeux étoient chacun presque aussi grandsqueson sae, cé qui lui donnoit quelque rapport de figure avec un papillon. À mesure que Île fœtusavance en âge, les yeux reprennent leur proportions mais pendant long-temps la tête excède encore celle qu'elle doit avoir. Quand le fœtus couvre déja les trois quarts du witeliué, elle est encore plus large que le sac. 156 SUR LES OEUFS DE SEICHE. Les deux tentacules inférieurs, c'est-à-dire les plus voisins du côté de l’entonnoir, demeurent presque jusqu'à la fin plus larges, plus plats, écartés en dehors, et tranchants par leur bord externe. Les deux longs tentacules, ceux qui n’ont de ventouses qu'à l'extrémité, sont reployés entre la paire inférieure et celle d’au- dessus ; ils demeurent ainsi jusqu'au moment où la petite Seiche éclôt. L'objet le plus important de cette recherche étoit de détermi- ner à quel endroit le vitellus communique avec le corps, et à quelle partie de l'intestin le canal de‘communication aboutit. A cet égard il n’y a aucune équivoque. Dans les individus où l’étranglement entre le vitellus et le fœtus a eu lieu, il suffit de les détacher l’un de l’autre, et l’on peut se convaincre que la communication se fait au-dessous ou au-devant de la bouche, entre les deux tentacules de la dernière paire. Au-dessus de cet endroit on distingue très bien l'ouverture des lévres, et dans leur intérieur les deux petites mâchoires comme deux pointes noires. Ce n'est ni par le ventre comme dans les vertébrés, ni par le dos comme dans les articulés,-mais par un point tout-à-fait propre aux céphalopodes, que passe le cordon‘ombilical. Comme dans les autres animaux, à mesure que la petite Seiche grandit, son vitellus diminue. Au moment où elle est prête à éclore, ce n'est plus qu'un petit tubercule caché entre les deux tentacules inférieurs; mais dès l'instant où l’étranglement a eu lieu, il est aisé de suivre la prolongation de ce canal à l'intérieur. Pendant long-temps même il a dans l'intérieur de l'anneau du collier car- tilagineux qui porte les tentacules, un renflement qui, dans les SUR LES OEUFS DE SEICHE. 157 derniers moments, est aussi gros que le tubercule resté à l’exté- rieur. Ce renflement descend parallélement à la cavité buccale etau commencement de l'œsophage. Il se rétrécit ensuite en un petit canal qui s’unit au canal de l'œsophage, à l'endroit où il. a traversé l'anneau cartilagineux dont nous venons de parler, pour entrer dans la cavité abdominale, et traverser le foie. La matière du vitellus se continue sensiblement avec celle qui remplit l'œsophage, ét même l'estomac qui est situé tout au fond de la bourse. À aucune époque je n'ai rien apercu, dans l'œuf de la Sei- che, qui ressemblât à une allantoïde, ou à cette membrane si riche en vaisseaux sanguins qui en est l'analogue dans les oiseaux; par conséquent il n’y a pas non plus de vaisseaux ombi- licaux, mais seulement des vaisseaux omphalo-mésentériques. Aïnsi le développement de la petite Seiche se fait comme celui des poissons et des batraciens, par le seul passage de la matière du vitellus dans le canal intestinal, et sans le concours d'un organe temporaire de respiration. C'est, à ce qu'il paroît, une loi commune à tous les animaux à branchies. On peut dire même que la seule différence un peu impor- tante entre les poissons et les Seiches, c'est que l'insertion du canal vitellaire, soit à l'extérieur, soit à l'intérieur, se fait plus près de la bouche, ce qui étoit nécessité par la disposition de ses viscères. La petite Seiche, au moment d'éclore, a déja tous ses organes, soit internes, soit externes, ses branchies, son foie, sa bourse du noir, ses yeux, son cerveau, etc.; sa coquille, ou ce que lon nomme vulgairement l'os de Seiche, a déja quatre ou cinq lames. Il ne lui reste plus de métamorphose à subir; 158 SUR LES OEUFS DE SEICHE. ses organes génitaux seuls auront à prendre du développe- ment. En comparant ces faits avec ce qu'ont écrit Cavolini et Aris- toje; on se persuade aisément qu'ils ont vu les mêmes choses que nous, et qu'il reste seulement quelque obscurité dans leur récit à cause de sa brièveté. Selon Cavolini, du centre des tentacules part un canal qui est une continuation de l’œsophage, et qui se dilate pour former la tunique du vitellus: dans deux autres endroits, il dit que le vitellus pend à la bouche; c'est ce qui a fait penser à M: de Bœr qu'il le suppose en communication avec la bouche. En effet, Cavolini se seroit exprimé plus correctement sil avoit dit qu'il pend au-devant de la bouche, et communique avec l’œsophage. Quant à Aristote, ce sont ses traducteurs qui me paroissent avoir obscurci son passage. Voici ses termes (Hist. Anim., lib. V, cap. .17.): Éx ap voûrou (roÿeuxoü) rè onmidioy esta, ëri #epalnv , Gorep où Opyudes mar Tav zoLXiav | TpoonprapévoL. Mais des critiques ont pensé qu'il faut écrire rpoonpenuévos. Gaza et Scaliger l'ont pensé ainsi, puisqu'ils l'ont traduit annexa et non pas annext, Je le crois de même; alors c'est la traduction de Scaliger que Camus a paraphrasée; il écrit : La petite Seiche sort de l'œuf la tête la première, ainsi que les oiseaux ; elle y est attachée de même qu'eux par le ventre. En quoi il y a double erreur; d'abord cette attache qui est fausse; ensuite la sortie la tête la première, à quoi Aristote n'’a- voit pas seulement pensé. On voit, par-là combien la connoissance des faits est souvent nécessaire à l'intelligence des textes. En cette occasion, comme SUR LES OEUFS DE SEICHE. 159 en tant d’autres, l'habileté d’Aristote à observer se trouve encore justifiée; le sens sera : La petite Seiche naît de ce corps blanc (son vitellus), et y est attachée par la tête conune les oiseaux le sont par le ventre (au leur) ce qui est très exact ; tandis que la traduction de Gaza : Nascitur enim sepiola ex eo (ipso candicante corpusculo) versa in caput, modo avium ventre annexa; et celle de Scaliger : Atque ex eo (al- bumine) sepiola facta exit in caput, quemadmodum aves, ventre annexa, présentent un sens faux. Il falloit : Nam ex eo fit sepiola, capite annexa , quemadmodum aves ventre. Ge que j'ai vu sur les œufs du calmar me permet d'affirmer que le développement du fœtus de cet animal est le même pour l'essentiel que celui de la Seiche; mais si l'on s’en rapportoit aux Mémoires de M. Sliebel et de M. Carus sur le limnée, ce seroit tout autre chose dans les gastéropodes. Il sembleroit, selon eux, que c’est le vitellus lui-même qui prend de la consistance et qui se transforme en mollusque; maïs j'avoue que je desirerois que leurs observations fussent répétées sur des œufs de plus grande dimension, sur ceux du bulimus hemastoma, par exemple, qui sont presque aussi grands que des œufs de pigeon, puisque leur grand diamètre va jusqu'à un pouce, et leur petit jusqu’à neuf lignes, et qui ont une coquille presque aussi dure. J'avois craint d'abord que ces habiles observateurs, trompés par la blancheur et la transparence de la matière qui remplit le reste de l'œuf, n'eussent pris le germe lui-même pour le vitellus, mais c’est une conjecture difficile à concilier avec les mouvements giratoires que ce germe leur a montrés. Quoi qu'il en soit, on ne peut trop desirer que cette question importante soit bientôt résolue. Fig. Fig. Fig. EXPLICATION DE LA PLANCHE 8. 1. Grappe d'œufs de Seiche. 2. OEuf détaché de la grappe, pour montrer comment le pédicule em- brasse une tige de fucus. 3. Coupe transversale dela base du mamelon terminal a de l'œuf, vue à la loupe. On y remarque un grand nombre de lignes circulaires plus ou moins foncées qui forment probablement une spirale. En b un plus fort grossissement.d’une portion de la surface de cette coupe fait voir que les couches claires et foncées alternent d’une manière régulière. 4. OEuf grossi, dont la coque est ouverte. On voit en .a les quatre feuillets ou tuniques dont elle se compose à cette époque; enbet c les chalazes de la membrane interne qui enveloppe le vitellus et le germe. On aperçoit en d le fœtus à travers cette membrane. 5. Dans cette figure la coque et la membrane interne, composée de deux feuillets e et f, sont ouvertes. On voit alors à découvert le vitellus geth, sur lequel est couchée la petite Seiche. Un lambeau de la membrane propre de ce vitellus est détaché en ci. x 6. Un vitellus entouré de sa membrane à travers laquelle’on voit le fœtus encore peu développé. 7. Fœtus plus avancé en âge; a lambeau de la membrane propre du vitellus. 8. Dans cette figure on voit comment le fœtus a grandi et le vitellus diminué. 9. Montre la coupe d’une jeune Seiche, peu de temps avant sa sortie de l'œuf; a, vitellus réduit à un tubercule, placé entre les tenta- cules; b, renflement rempli de la matière émulsive du vitellus, adossé à la cavité buccale c, qui grandit à mesure que celui-là diminue. Le renflement est terminé par un petit canal qui s’unit vers e, à l'œsophage; f, estomac rempli de matière émulsive; 9, foie traversé par l'œsophage; h, glandes salivaires; à, cerveau; k, oreille; /, bourse du noir; m, entonnoir;n, coquille enfermée dans une cavité du manteau; o, bourse antérieure. Fig. 10. Petite Seiche vue par son extrémité antérieure. Les tentacules sont écartés pour montrer la bouche d, et l'ouverture par laquelle s’in- troduit le jaune a. Cette ouverture est au sommet d'un mamelon produit par le renflement buccal b de la fig. 0. Fig. 11. Vitellus détaché de la fig. 10. Fig. 12. Mâchoires composées déja de ses deux lames cornées et taillées en forme de bec. Fig. 13. Coquille formée déja de plusieurs lames. Fig. 14. Petite Seiche, dont la bourse antérieure est ouverte pour montrer les principales parties de l'animal. On distingue, outre la bouche d et l'ouverture du jaune a, les deux longs tentacules /, l reployés, et paroissant en J’l’ à travers la peau. Les branchies n, la bourse du noir o et la masse p, formée de l'estomac des organes de la girculation et de la génération. N Annales dé Museuyn 16. Lauridlard del Le sculp \ À LAT } \ 1 } NN % DE L'ORGANISATION EXTÉRIEURE ET COMPARÉE DES INSECTES DE L’ORDRE DES THYSANOURES. PAR M. LATREILLE, Professeur-administrateur au Muséum d'Histoire naturelle, de l’Académie royale des sciences, Président honoraire de la Société Entomologique de France, etc. Il ést heureux pour les progrès des sciences naturelles, ceux sur-tout de l'entomologie et de la botanique, qu’une disette d’es- pèces saillantes ou recherchées, fixant le plus souvent de préfé- rence l'attention, nous fotée quelquefois de la porter sur celles que nous rencontrons à chaque pas, et qui sont pour la plupart négligées et peu connues. Telle a été ma position durant ma re- traite à la campagne (1). Privé de collection, étant dans l'impuis- sance, à raison de mes infirmités, de faire des excursions loin- taines, je me suis vu réduit à ne pouvoir recueillir queles insectes des environs de ma demeure. Une espèce de Machile, genre de l'ordre des Thysanoures, et faisant anciennement partié du genre Lepisma de Linné, où de celui de Forbicina de Geoffroy, que je n'avois trouvée ailleurs qu'en petit nombre, est très com- muneici, sous les pierres d'un calcaire marin, recouvrant une grande partie du sol. Pouvänt ainsi sacrifier, pour la dissection, autant d'individus que j'en aurois besoin, je me suis déterminé Ê (1) Annay-surSérein, près Tonnérre, département de l'Yonne: Annales du Muséum, t. 1”, 3° série. 2} # 162 DE L'ORGANISATION DES INSECTES à étudier cet insecte dans tous les détails de son organisation extérieure, dont on n'avoit jusqu'alors qu'une connoissance générale ét très incomplète. Ces investigations m'ont naturelle- ment conduit à l'examen des autres insectes du même ordre et très communs par-tout, les Lépismes et les Podures. Moccupant d’ailleurs de la rédaction du second volume de mon cours d’en- tomologie, et devant, d’après! ma classification, le commencer par l'ordre des Thysanoures, cette circonstance accroissoit aussi l'intérêt que je prenois à ce genre d'observations. Quelques diffi- cultés pouvoient cependant m'arrêter; presque tous ces insectes étant de très petite taille et de molle: consistance, il falloit me livrer à.un examen fort minutieux et très délicat, que-sem- bloit m'interdire l’affoiblissement de ma vue; mais elle a encore secondé mes efforts, ! et Je n'ai éprouvé qu'un seul regret, celui de n'avoir auprès de moi, ni de näturaliste exercé dans les observations anatomiques, et qui pût remplir la lacune que présentera à cet égard mon Mémoire, ni de peintre d'histoire naturelle, quant aux dessins des parties, dont je donne la des- cription. Mais j'espère que M. Guérin; auquel'je communiquerai les matériaux de mes observations, ÿ suppléera, dans son Icono- graphie du règne animal, où il a fait preuve d'un rare talent pour tout ce qui est: relatif-aux plus petits détails de l'organi- sation des insectes. | L'ordre des insectes aptères de Linné, malgré quelques amé- liorations que De Géer y avoit faites, réclamoit encore de nou- veaux secours, et c'est ce qui me détermina, dans mon Précis des caractères génériques des insectes, publié en 1796, à former uñ ordre particulier, celuide Thysanoures (queue-frangée), avec les genres Lepisma et Podura.. L'espèce. du premier nommée DE L'ORDRE DES THYSANOURES. 163 polypoda me parut aussi devoir constituer un genre propre que je nommai Machile. Depuis j'en ai établi un autre, Smynthure, avec quelques espèces du second, s'éloignant des autres par la forme courte et presque globuleuse du corps, ainsique par leurs antennes, dont le quatrième et dernier article est divisé en un grand nombre de ‘petites articulations. Les mêmes genres de Lépisme et de Podure ont été rangés par Fabricius avec ses Sy- nistates, ordre composé, en majeure partie, des Névroptères de Linné. Dans la méthode de monillustreami, feu M. de Lamarck ; ils font partie de ses Arachnides antennistes, et dans celle du docteur Léach, l’ordre des Thysanoures, qu'il appelle-Thysa- nures, est le premier de sa classe des insectes, partagée en deux sous-classes, les {metabolia, ceux qui n'éprouvent aucune trans- formation ou métamorphose, et en Metabolia, ou ceux quien subissent trois. Ayant adopté, avec lui, la classe des Myriapodes, cet ordre est aussi maintenant, dans ma distribution des insectes, le premier de cette classe. Je, lavois divisé en deux familles, celle des Lépismènes, comprenant les genres Machile et Lé- pisme ,.et.celle des Podurelles, formée de ceux de Podure et de Smynthure. La première est pour lui celle des Lepismidea, et la seconde celle des Poduridea: même composition générique, d'ailleurs, à cette différence près, que les Machiles y sont par- tagées en deux genres, Petrobius et Forbicina. Par la masse de leurs caractères, les Thysanoures appartien- nent à la classe desfinsectes. La composition du thorax, des or- ganes de la locomotion et de la bouche, l'indiquent suffisam- ment. A l'égard même de ces dernières parties, et sur-tout de l'oviducte extériéur du plus grand nombre des femelles, les Thysanoures.ont la plus grande affinité avee divers Orthop- 164 DE L'ORGANISATION DES INSECTES tères. Maïs sous d’autres considérations, comme l'absence de métamorphoses, les organes de la vision, les appendices abdo- minaux et les habitudes, ils se rapprochent aussi des Myria- podes et des Arachnides. D'après un tel mélange de rapports, il est.naturel de conclure que ces animaux font la transition des Myriapodes aux Insectes, et que vu leur plus grande ressem- blance avec ceux-ci, ils doivent être placés à leur tête. Point de transformations, abdomen terminé par des soies, tel est, suivant le docteur Léach, le caractère essentiel de l’ordre des Thysa- nures; mais il nous semble, par son extrême concision, un peu trop vague, et afin d'écarter tout embarras, nous le signalerons ainsi : point de métamorphoses, ni de stigmates apparents; corps généralement recouvert de petites écailles, avec l'abdomen terminé par trois filets ou par une queue fourchüe;, servant à sauter. Les Thysanoures sont les seuls insectes où je n'ai pu décou- vrir, à la surface extérieure de la peau, ces ouvertures destinées au passage de l'air, qu'on nomme stigmates. On pourroit croire qu’elles sont cachées par les petites écailles, dont leurs tégu- ments sont, le plus souvent, couverts; mais alors on les distin- gueroit dans les espèces, telles que celles du genre Smynthure, et plusieurs de celui de Podure, où la peau est en tout ou en partie nue; et cependant, si elles y existent, elles sont si petites, que Je n'ai pu les apercevoir. [l n’en est pas ainsi des insectes de l’ordre suivant, pareïllement aptères, et n'éprouvai aucune métamor- phose, celui des Parasites, les Anoplura du naturaliste anglais, précité. On découvre aisément ces stigmates dans les plus petites espèces: il étoit doncimportantdefaireusage dece caractère. Ce- lui tiré de la présence desécaillesn'est pointaussi absolu, puisqu'il DE L'ORDRE DES THYSANOURES: 165 souffre plusieurs exceptions; mais nous ne l'employons qu'auxi- liairement. Ces écailles, ordinairement très brillantes, et ayant dans plusieurs un éclat métallique, sont très petites, presque ovales ou orbiculaires, planes, unies, ou offrant, au plus, deux courts sillons, et sans dentelures dans leur contour; elles diffè- rent ainsi de celles des Lépidoptères, avec lesquels les Thysa- noures ont, à cet égard, quelque aualogie ; mais leur destination n’est pas la même; ici elles contribuent à la conservation et à la faciliié des mouvements du corps, et là, ou dans les Lépidop- tères, elles affectent plus particulièrement les ailes; etsans vou- loir prononcer sur toutes leurs propriétés, nous pouvons les en- visager comme des ornements pittoresques, servant, par la variété des dessins qu'elles produisent, à la distinction des espèces. De tous les genres de l'ordre des Thysanoures, le plus com- pliqué sous le rapport de l’organisation, et dès-lors le plus inté- ressant à connoître, est celui de Machile: La description que nous en avions donnée étoit incomplète, et le docteur Léach qui, dans le troisième volume de son Zoological Miscellany , en a figuré une espèce sous le nom de Petrobius maritimus n'est entré, à cet égard, dans aucun détail. Les Lépismes ; quoique mieux connus depuis la publication du grand ouvrage sur l'Égypte, pouvoient cependant encore prêter matière à de nou- velles observations ou à quelques éclaircissements , notre con- frère, M. Savigny, n'ayant pu donner l'explication des figures relatives à ces insectes, ni comparer leur organisation avec celle des Machiles, genre qu'il n’a point, à ce qu'il paroît, trouvé dans cette contrée. Quant au genre Podure, tout ce que les entomo- logistes ont dit, depuis un demi-siècle sur ces insectes, n'est qu'un extrait des recherches de De Géer, qui en avoit fait, à la 166 DE L'ORGANISATION DES INSECTES vérité, une étude particulière ; desirant aussi -connoître les rapports deices animaux avec les précédents, et avec d'autant plus de motif, qu'il semble exister entre les deux familles un hiatus très sensible, je me suis livré à quelques recherches sur cet objet, et l'on verra qu'elles n'ont pas été infructueuses. Il est inutile de reproduire les caractères par lesquels j'ai dis- tingué, dans l'ouvrage sur le Régne animal de M. le baron Cuvier; la fimille des Lépismènes. Mais, d'après mes observations ulté- rieures, et consignées dans ce Mémoire, nous fortifierons ce signalement par quelques autres traits diagnostiques. Les fe- melles sont pourvues d’une tarière saillante; le nombre des yeux lisses, dans les espèces oùils forment deux groupes oculaires, est de douze pour chaque; ceux des Podurelles, qui n'en ont que de cette sorte, n'en offrent que six; la tête est reçue postérieu- rement dans une échancrure du premier segment thoracique, qui est tantôt grand, presque demi-circulaire, tantôt beaucoup plus étroit que le second, et qui est alors fort élevé et comme bossu; enfin l'abdomen est composé de dix segments, et le tarse est terminé par deux crochets égaux. Les Machiles jouissant, comme les Podurelles, de la faculté de sauter, le docteur Léach a pensé que ce genre formoit le chaïînon qui unissoit les deux familles ; et qu'il falloit dès-lors ouvrir la première par le genre des Lépismes; telle est, du moins, son ordonnance méthodique; mais les Machiles ont une organisation plus compliquée, et s'éloi- gnent beaucoup des autres Thysanoures, par celle de leurs yeux, la:grandeurde leurs palpes maxillaires, l'insertion des antennes, la structure du thorax, et joignent à l'agilité dans la course, le moyen de transport énoncé plus haut:,c'est donc para deserip- tion de ce genre:que; nous commencerons. DE L'ORDRE DES THYSANOURES. 167 La Forbicine cylindrique de l'historien des insectes des envi- rons de Paris en est le type, et nous, y avons rapporté, comme identique , le Lepisma polypoda de Linné. Le docteur Léach, en adoptant cette synonymié, mais en appliquant au genre la déno- mination de Forbicine, employée par le premier, a eu en vue, d’après la manière dont ille caractérise, antennes plus courtes que le corps, second article des deux appendices biarticulés du pénul- tième anneau du corps, comprimé, très aigu, une espèce différente de la nôtre; et c'est, au contraire, syr une espéce très voisine de celle-ci quil a établi son genre Petrobius, puisqu'elle nous offre le même signalement essentiel, antennes plus longues que le corps, second article des deux appendices biarticulés du pénultième anneau du.corps, sétacé. Nous ne voyons pas la nécessité de sé- parer, sur des différences si légères, cette coupe générique de la précédente, d'autant plus que le nombre des espèces connues est très petit, Quant à l'espèce nommée par Linné polypoda , la description qu'il en donne est trop insuffisante, pour ne laisser aucun doute sur son identité avec la Forbicine cylindrique. Nous remarquerons cependant qu'il ne dit pas que les antennes soient plus courtes que le corps, mais de sa longueur. S'il est des cir- constances où l’on puisse employer les différences de propor- tions. de ces organes, comme caractères, génériques, il en est un grand nombre où l'usage de tels moyens seroit abusif, et où l’on pourroit faire presque autant de genres quil y a d'espèces. Nous citerons, par,exemple, la famille des Coléoptères Longicornes. Le corps des Machiles composé, outre la tête, de treize seg- ments, dont trois thoraciques et dix abdominaux, est oblong, plus étroit et presque cylindrique en devant, puis subitement élargi et élevé en bosse, abaissé après, et finissant en manière 168 DE L'ORGANISATION DES INSECTES de cône alongé, avec le bout tronqué, et portant trois filets sé- tacés, pluriarticulés, dont l'intermédiaire est supérieur aux autres, plus long et plus épais. Ces insectes sautent avec une telle promptitude, qu'il n'est pas facile d'observer la manière dont ils sy prennent pour exécuter ces mouvements; mais il est probable que l'abdomen y joue, avec ses appendices, le rôle principal. Sautant itérativement à d'assez grandes distances et avec beaucoup de vivacité, lorsqu'on les met à découvert, il est nécessaire, si on veut s'en gmparer sans altérer leurs couleurs formées par les écailles qui les recouvrent entièrement, d'em- ployer une pince garnie de réseau, de la tenir ouverte, lorsqu'on lève les pierres sous lesquelles ces animaux se tiennent cachés, et de la placer de manière qu'on puisse les saisir dans l'instant du saut; autrement on les perdroit aussitôt de vue. La portion antérieure et rétrécie du corps se compose de la tête et du premier segment thoracique. Au-devant et immédia- tement au-dessous des yeux s’avancent les antennes, et dans leur entre-deux les palpes maxillaires, qui, par leur grandeur et leur saillie, ont de la ressemblance avec elles, ou avec des pieds se portant aussi d'abord en avant, et courbés ensuite. Le second segment thoracique et le plus volumineux de tous est très voûté, et forme, avec le suivant, la portion élargie et bossue du corps. L’abdomen compose ensuite celle de figure conique qui le termine, et dont la longueur égale environ celle de la tête et du thorax. On peut se faire une idée de la forme générale du corps, d’après celle d'une espèce de Sauterelle, très commune, en au- tomne , aux environs de Paris et dans les départements méri- dionaux, celle que Fabricius nomme ephippiger, où Porte-selle, DE L'ORDRE DES THYSANOURES. 169 Cette similitude sera encore plus frappante, si la comparaison s'applique à des individus femelles, puisqu'ils sont pourvus d'une tarière saillante, conformée presque de même. La tête est triangulaire, grande et enfoncée verticalement jusqu'aux yeux, dans une large et profonde échancrure du pre- mier segment du'thorax; elle s'alonge et se rétrécit inférieure- ment en manière de museau, ét le chaperon, avec le labre, forme une voûte sous laquelle se logent les mandibules, dont la lon- gueur nécessitoit une telle disposition. Les yeux élevés etioccu- pant presque tout le front sont orbiculaires, contigus au bord interne, et offrent une cornée qui, examinée avec une loupe, composée de la réunion de deux fortes lentilles, m'a paru très finement et très régulièrement chagrinée, ou composée d’une multitude prodigieuse de petits grains arrondis, égaux, luisants, très rapprochés, et disposés, en quinconce, par séries ou allées très nombreuses. Étant dépourvu de bon microscope, je n'ai pu comparer cette cornée avec celle des yeux à facettes des autres insectes. Au-dessous de ces organes, sont insérées, sur une ligne transverse, les deux antennes ; elles sont sétacées, presque aussi longues au moins.que le corps, avancées, garnies de petites écailles et de petits poils, et composées d'une infinité de petits articles, à l'exception du radical, ou le pédonculaire, qui est assez grand et presque cylindrique. Le chaperon ou épistome est triangulaire, plus élevé, et caréné longitudinalement dans son milieu, avec une échancrure à son extrémité, recevant la portion basilaire du labre. Cette piéce, taillée en carré long et plus étroiten devant, est brusquement et triangulairement déprimée dans son milieu, et paroît ainsi comme encadrée ou rebordée latéralement; le bout est échancré: Les mandibules, par leur Annales du Muséum, 1. I”, 3° série. 22 170 DE L'ORGANISATION DES INSECTES couleur généralement blanchôtre, semblent, à l'égard de la nature de leur substance, avoir plus de rapports avec celles des Crustacés qu'avec celles des Insectes; les dents ou les portions dures de leur extrémité, qui en font l'office, sont seules de cou- leur brune et cornées. Leur forme est très différente de celle des mandibules des Lépismes. Elles sont, en‘ majeure partie, presque cylindriques, longues, étroites, un peu courbes, offrent près de leur extrémité l'apparence d'une suture transverse et se bifurquent immédiatement après. Le côté interne se dilate ou se prolonge presque perpendiculairement à l'axe, en une sorte de dent cylindrique, tubulaire, épaisse, courte, et tronquée obli- quement à son extrémité, L'autre branche, formée par le pro- longement terminal et direct du corps de la mandibule, est presque conique, ou lancéolée, avec l'extrémité obtuse, divisée longitudinalement par quelques stries fines et très courtes, qui la font paroître quadridentée. Les palpes maxillaires, propor- tionnellement plus gros que les antennes et insérés sur le dos des mâchoires, sont environ de la longueur de la moitié du corps, hérissés de petits poils et de petites épines, très rappro- chés, d'abord avancés et filiformes, puis courbés, en formant deux coudes, et amincis insensiblement et finissant en pointe; ils sont composés de sept articles, tous cylindriques, à l'exception du dernier, dont la forme est celle d’un cône alongé; le radical est le plus court, et remarquable par un petit appendice cylin- drico-conique et inarticulé, inséré sur son dos ; le second est un peu courbe, ét le cinquième le plus long de toys; le sixième et le septième semblent, au premier coup d'œil, n'en former qu'un à celui-ci est plus court, et diffère un peu, selon les sexes. Il est plus pointu dans les femelles; les petites épines, au nombre DE L'ORDRE DES THYSANOURES. 171 de trois, dont son extrémité est armée, sont plus saillantes que dans les mâles, et paroissent composer une espéce d'onglet. Les mâchoires, très courtes, comparativement à la longueur de leurs palpes, se terminent par deux piéces, l'une extérieure ou dor- sale, membraneuse, représentant la galette des Orthoptères, des Termès; et l’autre interne, et analogue encore à la division interne et mandibuliforme, qui, dans les mêmes insectes, est recouverte par la précédente. La pièce extérieure; plus large et tubulaire à sa base, largement échancrée ou évasée vers le haut, rétrécie ensuite, se termine en une sorte de languette, dont l'extrémité semble former un petit article, dentelé au bout; on peut comparer cette pièce au spathe de certaines fleurs, telles que celle des arums. L’interne, et celle qui sert le plus à la man- ducation, se compose d’une tige membraneuse, en carré long, ou cylimdracée, s'articulant, à son extrémité, avec une petite pièce transverse, et qui nous a paru formée de deux dents réunies, l’uné terminale, bien distincte, recourbée à sa pointe, et l’autre antérieure et supérieure, et presque carrée. Souvent, lorsqu'on dissèque la bouche, cette division interne ne s’isole point, et demeure appliquée à la face interne de la galette, où elle se présente sous l'aspect d'une petite piéce carrée et brune. La lévre est membraneuse et partagée à son extrémité en quatre lobes arrondis, susceptibles de se gonfler et de se plier longitu- dinalément en deux, dans la contraction ou aprèsla dessiccation; les dents intermédiaires sont plus petites. Ses palpes, insérés su- périeurement sur ses côtés, se divisent en quatre articles, dont le premier ou baëilaire. plus court, et les deux derniers plus longs; le terminal, ou le quatrième, est en forme de hache ou de cône renversé, tronqué obliquement, plus membraneux et 172 DE L'ORGANISATION DES INSECTES dilatable au côté interne; le précédent est cylindrique. L'inté- rieur de la bouche offre, cofnme dans les Orthoptères, les Ter- mès, etc., une sorte de langue vésiculeuse et échancrée. Le thorax est, comme dans tous les:insectes, formé de trois segments, mais dont nous ne décrirons, suivant l'usage ordi- naire, que la région dorsale, ou les demi-anneaux supérieurs. L'antérieur est presque tubulaire, court, comprimé latéra- lement , élevé brusquement le long du milieu du dos en-une carèné écrasée ou aplatie, fortement échancré au bord anté- rieur, et même aussi, mais moins et en sens contraire, à l'op- posé; les angles latéraux sont arrondis, et les deux antérieurs se prolongent en manière de lobe; le milieu du bord antérieur s'avance un peu en pointe. Le segment suivant, le plus grand de tous et s'élargissant de devant en arrière, est très élevé ou bossu, voûté au milieu, échancré aux deux bouts, avec les angles des côtés arrondis ou obtus. Le troisième et dernier segment, pareillement arrondi à chaque extrérnité ‘latérale, est transversal, semi-annulaire, le plus court de tous, mais un peu plus étendu en largeur que le précédent, le débordant de chaque côté. Les pattes sont de longueur moyenne, mais assez épaisses et robustes, comprimées, et recouvertes, ainsi que les autres par- ties du corps, de petites écailles et de petits poils; les deux der- nièrés , ainsi que d'ordinaire, sont plus longues. La hanche est étroite, alongée et d'un seul article. La cuisse est divisée en deux , à peu de distance desa naissance, par une suture trans- verse et oblique. Le tarse présente aussi: à sa base une division analogue, de sorte qu'on pourroit le considérer comme biarti- culé; il est armé, au côté interne, de petites épines, et se ter- DE L'ORDRE DES THYSANOURES. 173 mine, demême que dans les Lépismes, par deux crochets très foibles, en forme de triangle alongé, pointus au bout, et sans pelote intermédiaire. Les cuisses exceptées, et dont la forme estovalaire, les piéces composant ces organes, sont linéaires, mais elles offrent un caractère que je n'ai observé dans aucun autre insecte, pas même dans les Lépismes. Ainsi que le premier article des palpes maxillaires, les quatre hanches postérieures, et qui correspondent, ainsi que les deux autres, à cet article, portent sur leur face dorsale un petit appendice eylindrico- conique, velu, mais articulé, et semblable à ceux que nous of- frira le ventre (1). J'ai apercu une ou deux fois au-dessous de la dernière paire de pattes, et de chaque côté, une fente trans- verse, avec deux valvules. N'ayant point réitéré cette observa- tion, il me reste des doutes sur sa réalité. S'il n’y a pas eu d'illusion, il seroit naturel de présumer que ces ouvertures sont des oscules aériens ou des stigmates. L'abdomen, en forme de cône alongé, comprimé sur les côtés, un peu arqué et relevé postérieurement, est concave ou creusé en gouttièreen dessous; 1lsecompose de dixanneaux, formés cha- cun de deux demi-seoments, dont les supérieurs transversaux, repliés inférieurementsur les côtés, et recouvrant ainsi les extré- mités des inférieurs ou de ceux du ventre. Le dernier, ou l'anal, est échancré postérieurement, et donne naissance à trois longs filets sétacés, tubulaires, droits, dirigés en arrière, peu diver- gents, composés, d'une infinité de petits articles, et garnis d'écailles et, de petits poils; l'intermédiaire, plus gros et plus (1) J'aï nommé stylets des pièces analogues, situées à l’extrémité de l’ab- domen de divers Crustacés. 174 DE L'ORGANISATION DES INSECTES long, part du milieu de l'échancrure, et les deux autres sont insérés plus bas, sur ses côtés. Le ventre offre deux rangées lon- gitudinales de neuf paires (une par chaque démi-segment) de lames ou de feuillets membraneux, appliquées sur sa surface, la recouvrant entièrement, et revêtues extérieurement, ainsi que les autres parties, de petites écailles presque carrées, angu- leuses et sinuées au bord postérieur, moins cependantaux lames antérieures, plus avancées, et en manière de dent, à son angle interne, conniventes et contiguës au bord interne. Dans une échancrure latérale du bord postérieur de chaque lame, les deux premières exceptées, est inséré un appendice mobile, articulé, cylindrico-conique, velu, terminé en une pointe formée de petites soies et de petites épines, et parfaitement analogue à celui des quatre hanches postérieures: Ceux des sept premières paires sont plus petits, presque membraneux en apparence, dirigés transversalement ou obliquement, et se courbent en dessous. Les deux postérieurs semblent généralement se rapprocher davantage, par leur grandeur, leur forme plus conique ou plus sétacée, leur direction, leurs écailles etleurs couleurs, des filets de la queue. Ies deux lames de l'échancrure postérieure des- quelles ils sortent sont pareillement plus alongées, presque en forme de parallélogramme, avec les deux angles de leur extré- mité, et séparés par cette échancrure, prolongés chacun en manière de dent, dont: l'interne plus forte. Elles servent dans les femelles de gaîne à l'oviducte extérieur ou la-tarière. J'ai observé, dans lentre-deux de celles des six premiers demi-sep- ments, une petite piéce triangulaire, en forme d’écaille, dont la grandeur diminue graduellement, de manière que cette pièce finit par disparaître. Le premier article des palpes maxillaires et DE L'ORDRE, DES, THYSANOURES. 179 les quatre hanches postérieures étant pourvus, d'un semblable appendice, celles des Lépismes ayant des rapports, par leur forme foliacée, avec ces lames ventrales des Machiles, nous sommes tentés d'assimiler ces dernières piéces, dont le nombre est de dix-buit, et portant toutes, à l'exception des deux antérieures, un tel appendice, à des hanches, et ne différant des pattes membra- neuses de certains entomostracés, que parcequ'elles ne sont point suivies des autres articles qui les composent (x). Ainsi les Ma- chiles seroient des Thysanoures, munies de doyze paires, de pattes, dont trois thoraciques et complètes, et neuf ventrales, mais rudimentaires. Ces insectes doivent, donc, dans une série naturelle, venir immédiatement après les Myriapodes. La tarière logée dans la commissure des deux lames ou valvules (x) La tarière part du dessous, du onzième segment du corps, les trois du thorax compris, et portant aussi la onzième paire de pattes, si l’on regarde comme telles, malgré leur imperfection, les lames ventrales; or c’est aussi à la onzième paire de pattes, annexée à un segment du corps identique nu- mériquement, que dans les 4pus, genre de Crustacés, sont situées les cap- sules -ovigères. J'ajouterai que, d’après la correspondance des appendices de la bouche et du thorax des Crustacés avec ces mêmes appendices.consi- dérés dans les insectes hexapodes, les six pattes de ceux-ci représentent les pieds-mâchoires des précédents. M. Savigny avoit déja dit que tes deux pieds antérieurs et antenniformes des 4pus étoient les analogues des deux pre- miers pieds-mâchoires , ce qui confirme ces rapprochements. Les Pollyxènes, genre de la classe des Myriapodes, pourroient encore nous en fournir desem- blables. Elles ont douze paires de pattes, dont les deux antérieures, d’après nos principes, répondent aux deux paires d'organes maxillaires des Crustacés, ou aux mâchoires et à la lévre inférieure des Insectes. Les dix autres paires de pattes représenteront les trois du thorax, et celles du ventre, au nombre dersept; le segment anal et appendicifère sera l’analogue! du onzième seg- ment des 4pus, et des Machiles. 176 DE L'ORGANISATION DES INSECTES postérieures du ventre est formée , comme dans les Tenthrédines, les Sauterelles, etc., de deux pièces étroites, alongées, très com- primées , pointues au bout, appliquées l’une contre l'autre par leur face interne, demi-transparentes et garnies de petits poils, particulièrement sur le rebord de leur contour. Leur côté exté- rieur présente deux arêtes longitudinales, avec les intervalles coupés, vers le bout au moins, par dés stries ou petits traitstrans- versaux, plus transparents ; l'extrémité est armée sur ses bords de petites épines ou de dentelures courbées. Dans l’espéce, l'4n- nulicorne, qui a été plus spécialement le sujet de mes recherches, cette tarière, d'environ un tiers plus courte que les deux der- niers appendices, et proportionnellement plus large que celle des autres espèces, est retrécie vers son origine, et se termine en forme de spatule étroite et alongée. L'intervalle compris entre les deux arêtes est plus grand que ceux qui s'étendent entre elles et le rebord latéral, qui est noirâtre. Dans les autres espèces, de même que dans les Lépismes, elle est presque linéaire ou d’épale largeur par-tout. Celle des Lépismes est moins à découvert, ses valvules la renfermant en grande partie. Dans la figure du Petro- bius maritimus donnée par M. Léach(Zool. Miscell., t. TIT, pl. 145), elle est très bien exprimée, et l'on voit qu'elle se prolonge beau- coup au-delà des deux derniers appendices; mais il n’en parle pas dans le texte. L'absence de cet oviducte caractérise extérieu- rement les individus de l’autre sexe. Je n'ai pu découvrir, au moyen de la dissection, quelques uns de ces organes copulateurs que l’on observe dans les mâles de la plupart des autres animaux de cette classe. C'est à la fin de l'été et en automne que les Machiles ont acquis toute leur grandeur et sont propres à la génération. On en trouve DE L'ORDRE DES THYSANOURES. 177 bien quelques individus du même âge au printemps, mais en très petit nombre. Les jeunes sont à cette époque très abon- dants. Non seulement ils se distinguent des précédents par leur taille, leur couleur d'un gris cendré plus clair et bien nette- ment coupé par deux rangées longitudinales de taches noires, mais encore par les filets latéraux de leur extrémité postérieure, qui sont très courts, et seulement un peu plus gros que les deux derniers appendices du ventre, de sorte qu'on pourroit les con- sidérer eux-mêmes comme des parties analogues; ces appendices sont, ainsi que les précédents, pâles et membraneux. Je n'ai point été témoin de l'accouplement de ces Thysanoures. Les œufs que j'ai retirés du ventre des femelles mont paru assez gros et d'un jaune roussâtre. L'étude de ces insectes n'a été que trop négligée, car nous n'en connoissons aucune espèce exotique, et le nombre des indi- gènes, en réunissant même avec les Machiles ou les Petrobius du docteur Léach, le genre qu'il nomme Forbicine, n'est que detrois à quatre au plus, et que nous disposerons dans l’ordre suivant : Une première division comprendra les espèces dont les an- tennes sont plus longues que le corps, et dont les deux derniers appendices du ventre sont longs et sétacés, ou d’une forme presque analogue à celle des filets de la queue. ÿ Ici viendra la plus commune de notre pays, celle que j'avois désignée sous le nom de polypode, y rapportant, mais à tort, le Lepisma polypoda de Linné, et que j'appellerai dorénavant AN- NUBICORNE, annulicornis. C'est la Forbicine cylindrique de Geoffroy, et le Lepisma saccharina de Villers (Entom. Linn., tom. IV, tab. XI, fig. 1). J'ai cité encore comme synonyme la Annales du Muséum, t. 1, 3° série. 23 178 DE L'ORGANISATION DES INSECTES fig. 1 de la pl. 25 du Genera insect. de Roœmer. Peut-être aussi n'en diffère point ou peu, le Lepisma thezeana de Fabricius. Quoi qu'il en soit, cette espèce est bien distincte de toutes les autres par sa tarière, beaucoup plus courte et s’élargissant, ainsi que nous l'avons dit, vers le bout, en manière de spatule étroite et alongée. Son corps est long de quatre à cinq lignes, de cou- leur cendrée , plus ou moins mêlée de brun luisant, avec deux rangs de taches noirâtres, triangulaires, et plus ou moins pro- noncées sur le dos; les antennes et les filets caudaux sont annelés de blanc. J'ai rencontré avec elle, mais rarement, des individus ayant tout le long du dos une bande blanche ou gri- sâtre, bordée de noir; mais ce n’est probablement qu'une va- riété, puisque ces individus étoient d’ailleurs, pour tout le reste, semblables aux autres. La Machile MARITIME, maritima , ou le Petrobius maritimus du docteur Léach, formera une seconde espèce. Sa tarière est très saillante, grêle et linéaire; le corps est noirâtre, avec des écailles dorées; les pieds sont jaunâtres, et les filets de la queue, et non les antennes, sont entrecoupés d’anneaux blancs. Mon jeune ami, M. Victor Audouin, qui me supplée avec succès, pour les lecons publiques au Muséum d'Histoire naturelle, m'a donné ung Machile présentant ces caractères, et qu'il avoit re- cueillie en septembre sur les rochers schisteux de Saint-Gilles. La seconde division comprendra le genre Forbicine’ de M. Léach, ou les espèces à antennes dont la longueur ne surpasse pas celle du corps, ou leur est même inférieure ; dont les deux der- niers appendices sont comprimés et lancéolés, et dont la forme se rapproche davantage de celle des appendices précédents. La ta- rière est longue et linéaire, ainsi que dans la Machile maritime. DE L'ORDRE DES THYSANOURES. . 179 Cette espèce pourroit être le Lepisma polypoda de Linné; mais, pour évitér toute confusion, je l'appellerai: BREVICORNE, : bre- vicornis. . j Le seul individu de ma collection que je posséde, et qui m'a été envoyé, autant que-je m'en rappelle, par le docteur Léach, est d'un cendré noirâtre, avec une partie du dos d'un brun cui- vreux luisant. Les antennes et les filets de la queue sont un peu tachetés de gris ; la tarière est jaunâtre : cette espéce est un peu plus petite que les deux précédentes ; ou du moins que la pre- mière. Suivant Linné, le corps du Lepisma poly poda est noirâtre, et les antennes sont de la longueur du corps. Ce qu'il ajoute à cette notice n'a pour objet que les caractères propres à distinguer génériquement cette espéce des autres Lépismes. Il est dès-lors impossible, sans avoir vu l'insecte original de ce naturaliste, de prononcer affirmativement sur son identité avec l'espèce décrite ci-dessus. Nous avons exposé plus haut quelques uns des caractères gé- néraux propres aux Lépismes ; tâchons de les développer et de les compléter, ainsi que nous l'avons fait relativement au genre précédent, par d'autres détails particuliers d'organisation. Les Lépismes ont le corps ovalaire, rétréci postérieurement, déprimé, mais un peu et insensiblement élevé vers le milieu du dos, avec la tête horizontale, soit en forme de carré transversal et arrondi aux angles postérieurs, soit presque demi-circulaire. Le premier segment du thorax estgrand, presque semi-circulaire, embrassant dans une‘échancrure antérieure la base de la tète, échancré aussi, mais en sens opposé, au bord postérieur ; les deux autres sesments sont transversaux, presque égaux etéchan- crés postérieurement! L’abdomen est en forme de triangle fort 180 DE L'ORGANISATION DES INSECTES alongé, avec les neuf premiers demi-segments supérieurs trans- versaux ; le dernier, ou la plaque anale, est un peu plus long que large, et de son dessous partent, au même niveau , trois filets séta- cés, pluriarticulés, égaux et divergents. Les antennes insérées entre les yeux, mais un peu en avant de-l'espace qui les sépare, sont sétacées, pluriarticulées et généralement longues. Les yeux sont latéraux, très écartés, souvent cachés par les extrémités antérieures des côtés du premier segment thoracique ; et formés chacun de douze ocelles ou petits yeux lisses, sous la forme de petits grains jaunâtres, disposés, du moins dans l’espéce com- mune (saccharina), sur quatre rangées transverses, 2, 3, 4, 3. J'ai vu un individu n'ayant distinctement sur un côté que cinq yeux lisses. La tête, immédiatement après le bord antérieur de sa plaque supérieure, tombe brusquement, et présente un chape- ron en carré transversal, terminé par un labre pareillement trans- versal, mais plus court et presque linéaire, membraneux et entier. Les mandibules sont presque en forme de triangle alosgé, dont la base formant l'extrémité, un peu courbes et épaissies versde milieu de leur longueur, et comprimées ensuite. Le bord interne et dentelé de l'extrémité est comme divisé en deux, au moyen d'un vide ou d'une incision; la portion supérieure offre trois dentelures toutes, ou dont deux au moins, aiguës; la portion inférieure est moins avancée et n’a qu'une seule dent bien per- ceptible, celle de l'angle supérieur ; l'on découvre au côté infé- rieur, et près de ce bout, un petit appendice composé, à ce qu'il m'a paru, d'un petit faisceau de soies. La division supérieure du bord apical pourroit correspondre à la portion conique, dente- lée et terminale des mandibules des Machiles , et la division infé- rieure à l'avancement ou rameau interne de celles-ci. Les palpes DE L'ORDRE DES THYSANOURES. 181 maxillaires des Lépismes sont conformés de même que ceux du senre précédent, ou d'abord filiformes et amincis après gra- duellement pour se terminer en pointe ; mais ils sont beaucoup plus petits et composés seulement de cinq articles, dont le pre- mier beaucoup plus court, sans appendice, les trois suivants presque égaux ef cylindracés, et le dernier plus long, cylindrico- conique; il m'a cependant paru divisé en deux dans quelques individus, ce qui porteroit le nombre de ces articles à six au lieu de cinq. Les labiaux, plus courts que les maxillaires , ainsi que ceux des Machiles, en offrent quatre, dont le radical fort court, et les deux derniers appliqués l'un sur l’autre, et compo- sant une massue très grande, comprimée ettriangulaire. La lévre est pareillement quadrilobée à son sommet. La galétte est aplatie en forme de feuillet, tronquée obliquement et légèrement ciliée au bout. La division interne de lamâchoire est petite, compri- mée, triangulaire, terminée par deux dents aiguës, de couleur brune ou noirâtre, de même que celles des mandibules , et ciliée au bord interne. Les pattes sont très comprimées et remar- quables sur-tout par leurs hanches et leurs cuisses qui sont fort grandes et en forme de lames ou de feuillets ovalaires ; les hanches sont plus grandes et plus rondes; les cuisses sont divi- sées en deux, ainsi que celles des Machiles; les jambes et les tarses sont étroits, alongés et presque linéaires; ceux-ci sont plus &rêles et se divisent en trois articles, dont le premier beau- coup plus long, et dont le dernier, un peu moins court que l'in- termédiaire, se termine par deux petits crochets aigus. Quelques épines d'inégale grandeur conronnent l'extrémité des jambes. Le ventre, non canaliculé et plus convexe dans son milieu, na que deux paires d'appendices, et qui sont insérées, l'anté- 152 DE L'ORGANISATION DES INSECTES rieure ou supérieure sur le huitième demi-segment, et linfé- rieure sur le suivant. Ces appendices, dont les deux postérieurs un peu plus grands, sontlancéolés ou cylindrico-coniques etcom- primés, articulés, velus, et un peu diaphanes, ou presque mem- braneux en apparence. Le bord postérieur des six premiers demi- segments est droit; mais celui des deux suivarts est échancré dans son milieu, et même quadrilobé au huitième, à raison des échancrures où prennent naissance les deux appendices supé- rieurs. Le neuvième sewment, et qui semble être le dernier du ventre, est beaucoup plus alongé queles précédents, et composé de deux lames triangulaires, se joignant au bord interne, par une ligne droite, profondément échancrées sur les côtés aux points d'insertion des deux appendices postérieurs,'avec deux dents à chaque, l’une terminale, et l'autre formée par le prolon- gement de l'angle inférieur et marginal de l'échancrure. Ces lames valvulaires servent aussi d'étui à la tarière. Les côtés du ventre offrent chacun au-dessus des appendices et dans la même ligne, cinq petites aigrettes de soie. Quelques espéces en ont aussi d'autres, plus rapprochées des bords du ventre. On sait que les Lépismes sont des insectes domestiques, se lo- geant dans les armoirés, les cloisons, les fentes des châssis, etc.; mais j'en ai découvert une espéce sous des pierres, au bois de Bou- logne; et qui paroît former avec une autre, décrite par M. Léon Dufour, dans les Annales dessciences naturelles, figurée aussi par M. Savigny, sur desiindividus recueillis en Égypte, une division particulière, distinguée par la forme plus raccourcie et plus large du corps; äinsi que par les antennes proportionnellément plus épaisses et plus courtes. M. Alexandre Lefebvre a rapporté de Sicile la même espèce, etje crois que M. Rafinesque l'avoit anté- DE L'ORDRE DES THYSANOURES. 193 rieurement mentionnée dans son Prodrome de l'histoire naturelle de cette île, ouvrage que je n'ai point en ce moment. L'espèce de notre pays, la plus commune, le Lepisma saccharina de Linné, et celle que Fabricius nomme Vittata m'ont fourni ces obser- vatious. Puissent-elles réveiller l'attention des entomologistes, de ceux sur-tout qui peuvent étudier les espèces exotiques! Je n'en connois qu'une seule, et qui a été recueillie à la Nouvelle- Hollande par feu Péron et M. Lesueur. Absence de la tarière, propre aux femelles des Machiles et des Lépismes; une tête éhtièrement dégagée et sans palpes saillants ; des antennes de quatre articles alongés, insérées sur uneligne transverse entre les yeux; des yeux composés, ainsi que ceux des Lépismes, d’un groupe latéral d'yeux lisses, mais seulement au nombre de six par chaque; un abdomen n'offrant en dessus que cinq segménts au plus, et logeant dans un canal inférieur, un appendice mou, flexible, susceptible d'être rejeté brusquement en arrière, ou de se débander et de servir au saut, prenant naissance sous le pénultième demi-segment ventral, composé d'une tige ou support presque linéaire, mais formé de trois plans, lun supérieur et canaliculé, et les deux autres infé- rieurs, produisant à leur point de réunion une carène, et terminé par deux branches, en forme de lanières linéaires, allant en pointe et velues, pouvant s'écarter, se rapprocher et se croiser; des pattes cylindracées, à tarses d'un seul article, pa- roïissant même sé confondre avec la jambe, etterminé par un cro- chet unique, et quelques dentelures en dessous, sur une série lon- gitudinale, dont la plus inférieure semble représenter l'autre crochet ordinaire du bout; enfin, des organes sexuels, placés loin de l'anus, entre les deux dernières pattes: tels sont les carac- 184 DE L'ORGANISATION DES INSECTES , tères qui signalent, par leur ensemble, la dernière famille des Thysanoures, celle que j'ai désignée par la dénomination de PODURELLES (Podurellæ), et la même que celle des Poduridea du docteur Léach. Ces insectes sont tous très petits, fort mous, d’une conservation difficile, se desséchant presque aussitôtqu'ils sont morts, et se tiennent dans les lieux humides, sous les pierres, les poutres, les écorces des arbres, ou bien tels. que ceux du genre Smynthure, sur les feuilles de divers végétaux; plusieurs sant couverts de petites écailles; mais:il en est d’autres dont le corps est presque entièreméht nu, et simplement hérissé de petits poils, dont quelques uns au moins, observés au micros- cope, sont obtus à leur extrémité. L'instrument avec lequel ils sautent semble d'abord consti- tuer un organe anomal; mais, d'après l'exposition que nous avons faite des deux dernières lames ventrales des Lépisménes, on peut aisément découvrir l'origine et l’analogie de cet appendice fourchu. On voit, en effet, qu'il est formé sur le même type; car les deux branches de la fourche peuvent être considérées comme les analogues d'autant d'appendices styliformes de ces lames ventrales, et la tige ou le support de la fourche représentera dès-lors l’une d’elles. La gouttière ventrale, où se loge cet organe du saut, gouttière luisante et comme vernissée, m'a offert, vers sa partie supérieure, une petite pièce saillante, se dirigeant en arrière, en forme de carré long et bidentée à son extrémité, que l'on pourroit encore assimiler à une autre lame ventrale des Machiles. Par des examens réitérés et la vue même de la sortie des dé- jections excrémentielles, je me suis assuré que l'anus étoit situé à l'extrémité postérieure de l'abdomen, au bout du cinquième DE L'ORDRE DES THYSANOURES. 185 anneau, autant que j'ai pu compter, et dont les bords sont dé- coupés ou lobés. Cette portion du ventre relevée et divisée par une fente, que De Géer a observée dans les Podures, étant éloi- gnée de l'ouverture anale, devra, par analogie avec les Arach- nides, faire partie des organes sexuels ou de l’un d'eux. J'ai aperçu aussi, dans l'entre-deux des deux pattes postérieures-ou à la base du ventre, une protubérance cylindrique, courte, épaisse, rebordée ou relevée tout autour de son sommet, avec deux ou trois mamelons au milieu. L'extrémité antérieure de la tête se termine par une sorte de museau très court, offrant un espace circonscrit, en manière d'ovale transversal, et occupé parla bouche, La lèvre inférieure se compose de deux petites lames longitudinales, parallèles, avec trois ou quatre divisions sétacées, au bord supérieur de chaque, et dont l'une est peutêtre un palpe. Quelques autres piéces, et qui, à en juger par la couleur brune ou tirant sur celle de la corne, de leur extrémité, sont probablement les man- dibules et les mâchoires, remplissent les côtés. J'ai apercu, à chacun d'eux, un petit corps arrondi, portant une soie, et que je présume être un palpe maxillaire. Le centre de la bouche est mou, vésiculeux, et cintré supérieurement par le labre. J'ai souvent examiné, avec une grande attention, la bouche de ces insectes étant encore en vie; je n'en ai vu saillir aucune partie, et il m'a été impossible d'en déterminer, avec certitude, l'orga- misation. J'ai consulté anciennement sur cet objet mon ami Sa- vigny, ét je me rappelle qu'il me répondit qu'il n'avoit pas été plus'heureux que moi. Je suis donc porté à croire que la des- cription des organes cihaires donnée par Fabricius dans son Genera insectorum est absolument fictive. J'ai dit, plus haut, Annales du Muséum, t. I”, 3° série. 24 186 DE L'ORGANISATION DES INSEQTES que les antennes étoient composées de quatre pièces ou articles; j'en ai cependant compté une de plus, ou cinq dans une espèce. La troisième, dans une autre et la plus grande de celles que j'ai rencontrées, formoit un long filetsétacé et susceptible de se con- tourner, à la facon d'une vrille ou d'un cirrhe. Ce filet, mais moins long, étoit divisé en deux dans une autre. Enfin ces or- ganes sont sujets à des monstruosités, puisque je posséde un individu où l'une des antennes a trois articles, et l’autre deux. Je les ai examinées, l'animal étant vivant, et jen’aiapercu aueune trace de mutilation. Ces variations, ainsi que les anomalies re- latives au nombre des yeux lisses, semblent indiquer que la nature tâtonne ici, .en quelque sorte, et qu'il ne faut pas dès- lors attacher une grande importance à ces caractères numéri- ques. Legenre Smynthure(Smynthurus) paroît se rapprocher des Podures à antennesterminées par un long filet, dont je viens de parler. La quatrième pièce, beaucoup plus longue que les précédentes, est divisée en un grand nombre de petits articles. Le corps a d’ailleurs une forme plus courte et plus ramassée; il est ovalaire ou presque globuleux, tandis qu'il est linéaire dans les Podures proprement dites (Podura). On pourroit cependant détacher de celles-ci quelques espèces, etles plus petites du genre, distinguées par leurs antennes beaucoup plus courtes, cylin- driques, et par leur corps pareillement plus raccourci, et même un peu élargi, avant son extrémité postérieure. Leur premier segment thoracique m'a paru aussi plus court que les suivants, au lieu qu'il est plus long dans les autres Podures. On consultera, à cet égard, De Géer. Toutes les observations que:je viens de présenter ont été re- cueillies pendant mon séjour à la campagne. My trouvant dé- DE L'ORDRE DES THYSANOURES. 187 pourvu de plusieurs ouvrages, je n'ai pu me livrer à l'étude des espèces. Je ne doute pas que, lorsqu'on les examinera avec un bon microscope, on ne découvre des faits nouveaux et intéressants. Ceux que j'ai exposés réveilleront peut-être l'attention des entomolosistes. Si quelques uns d'entre eux regardoient les dé- tails où je suis entré comme fastidieux, j'espère que d'autres, plus équitables appréciateurs des difficultés de la science, et qui savent qu'on ne peut signaler rigoureusement les coupes géné- riques, lorsque ces moyens de comparaison nous manquent, accueilleront avec reconnoissance mes recherches, et que vu mon âge (soixante-dix ans), ils excuseront les inexactitudes qui auroient pu m'échapper. sb VE ru 2+. il EE OO] DISPOSITION MÉTHODIQUE DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES DES GENRES POURPRE, RICINULE, LICORNE ET CONCHOLÉPAS DE M. DE LAMARCK, ET DESCRIPTION DES ESPÈCES NOUVELLES "OU PEU CONNUES, FAISANT PARTIE DE LA COLLECTION DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS. PAR H. DE BLAINVILLE. Lue à FAcadémie des Sciences de PInstitut, le 26 mars 1832. La dénomination de Pourpre, appliquée à la distinction d’un genre de Malacozoaires ou d'animaux mollusques, a été réelle- ment employée pour la première fois par Adanson, dans son voyage au Sénégal, publié en 1757, et par Martini en 1777; mais c'est à M.de Lamarck que la sciencedoitla première circon- scription un peu convenable de ce genre. En effet, Adanson comprenoit dans ses Pourpres, assez mal définies du reste, presque tous les Murex et tous les Buccins de Linné, et par con- séquent les genres nombreux que Bruguière et sur-tout M. de Lamarck en ont démembrés depuis. Le premier n’eut pas même l'idée d’en faire une division du genre Buccinum, et encore moins Gmelin, en sorte que les coquilles que l'on désigne aujour- 190 DISPOSITION MÉTHODIQUE d’hui sous le nom de Pourpre, étoient presque indifféremment placées, soit parmi les Murex, soit parmi les Buccins. M. de Lamarck, en définissant ce génre, n'eut presque exclu- sivement égard qu'à la coquille, et sur-tout à la disposition de la columelle aplatie et se terminant en pointe, ainsi qu'à la forme de l'ouverture dilatée, subcanaliculée, et terminée en avant par une échancrure oblique. Il en sépara, 1° sous le nom de Ricinules, les espèces qui, géné- ralement assez petites et hérissées d'épines ou de tubercules, offrent une ouverture oblongue, semi-canaliculée, et générale- ment rétrécie par des dents inégales à la columelle et à:la lèvre interne du bord droit; 2° Sous la dénomination de Licornes {Monoceros), les espèces en général plus grosses, ovales, dont l'ouverture, conformée comme dans les véritables Pourpres, est pourvue, au tiers anté- rieur du bord droit, d’une dent conique en forme de corne; 3° Enfin sous le nom de Concholépas, une espèce fort singu- lière en apparence, par sa disposition à peine spirée, et par l'am- plitüde de son ouverture échancrée et pourvue de deux dents contiguës à l'échancrure. Mais le savant conchyliologiste français sentit si bien les rap- ports intimes de ces quatre genres, qu'il les plaça immédiate- ment à la suite les uns des autres, dans l'ordre de la grandeur de l'ouverture, à la tête de la famille des Purpurifères, qui corres- pond presque exactement au genre Buccinum de Linné et de Gmelin. t De cette observation on peut donc conclure que si M. de Lamarck avoit eu en vue un traité de Malacologie, il auroit sans nul doute réuni ces quatre genres en un seul ; mais que son DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 191 but n'ayant presque été que de considérer les coquilles, il a été conduit à leur distinction. C'est ce qu’en effet ont imité la très grande partie des conchyliologistes, tandis que les malacolo- gistes ont tendu de plus en plus à confondre, sous le nom commun de Pourpre, les Ricinules, les Licornes et les Concho- lépas. Le seul reproche que lon puisse faire à l'illustre auteur du Système des animaux sans vertébres, c'est d'avoir pris en première conSsidération l'existence des varices ou bourrelets qui lui avoient servi à circonscrire les Ranelles, les Tritons et les Murex, et d'avoir ainsi laissé dans ce dernier genre des co- quilles qui sont évidemment des Pourpres, quand on a égard à la forme de la columelle et sur-tout à celle de l'opercule, par la considération duquel elles sont beaucoup mieux caractérisées que de toute a anière. Dans ce Men nous élargissons la caractéristique du genre Pourpre de manière à lui faire comprendre tous les animaux subcéphalés ou céphalidiens,, à sexes séparés, siphonobranches, dont la coquille, plus ou moins échancrée à son extrémité anté- rieure, et très rarement caudée, est fermée par ün opercule corné , onguliforme, et offre le canal en général court, dont elle est pourvue, dans une telle direction avec le bord columellaire, qu'il en résulte une callosité élargie, aplatie, rebroussée de dedans en dehors, et s'atténuant en pointe à sa terminaison. Nous chercherons ,ensuite à rapprocher et à disposer les espèces d’après le plus grand nombre de leurs rapports, de manière à en former des groupes naturels qui permettent de tirer quelques corollaires. lei nous nous éloignons beaucoup de ce qu'a fait M. de Lamarck. En effet, n'ayant adopté d'autre 192 DISPOSITION MÉTHODIQUE principe pour la distribution et le rapprochement des espèces que la grandeur décroissante de la première à la dernière, il en est résulté non seulement que la plupart des rapports naturels sont rompus, mais encore que les phrases caractéristiques sont d'autant plus insuffisantes, qu’elles ont pu être rédigées plus aisément et d’une manière plus bréve. Nous comprenons dans notre travail toutes les espèces établies par M. de Lamarck ; maisafin de ne pas l'alonger inutilement, en renvoyant à ses descriptions ; nous nous bornons à joindre à leurs noms une courte synonymie confirmée, et les observations que l'étude des objets de la collection même de M. de Lamarck ou de celle du Muséum nous a inspirées. Nous faisons connoître, au contraire, par une description suf- fisante; etsouvent par une figure, les espèces découvertes depuis la publication du Système des animaux sa tébres, et qui font partie de la collection du Muséum ou M 12 de la Faculté des Sciences, en citant soigneusement le pays dont elles pro- viennent, et les voyageurs qui les ont recueillies. Pour parvenir à donner à nos déterminations un caractère de quelque valeur, nous avons eu soin de rassembler le plus grand nombre d'individus de la même espèce, de tout âge et de toute grandeur. Mais ne nous bornant pas à l'examen de la coquille, nous avons eu soin d'en étudier les animaux, lorsque cela a été possible, de manière à en connoître l’opercale et les sexes. C'est une innovation qui aura, nous l'espérons, quelque influencessur la distinction des espèces récentes et, par suite, sur l'examen des coquilles fossiles, car nous avons acquis de plus en plus la certi- tude que les coquilles de sexes différents, et de localités diverses, offrent des dissemblances parfaitement saisissables. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 193 Notre Mémoire sera.divisé en trois parties : Dans la première, après avoir donné la caractéristique du genre Pourpre, tel que nous le concevons, d’après l'animal, l'opercule et la coquille, et l'avoir comparé aux genres les plus voisins, c'est-à-dire avec les Murex et les Buccins, nous expose- rons des observations générales sur les principes qui doivent guider dans la distinction des espèces de Pourpres, et dans leur distribution. La seconde partie comprendra l'énumération des espèces connues, et la description des espéces nouvelles, soit à l'état récent, soit à l’état fossile. Enfin, la troisième et dernière renfermera les conséquences ou corollaires qui pourront être déduites des connoïssances ac- quises principalement dans la seconde partie. Par exemple : Le nombre des espèces actuellement connues à l'état récent ou vivant ; Leur répartition dans les différentes parties du monde ; Le nombre des espéces actuellement connues à l'état fossile ; Leur répartition géologique où dans les formations; L'existence ou l'absence d'espèces analogues, et leur répar- tition. Le plan que nous suivons ici dans ce travail sur les Pourpres, est celui que nous avons adopté pour la révision générale, à laquelle nous travaillons, de toute la partie de la zoologie dont l'enseignement nous est confié, et que nous avons déja terminée pour un certain nombre de genres, pour les Belemnites, les Ammonites, les Fuseaux, Pyrules, Pleurotomes, Fasciolaires, Turbinelles, Tritons, Ranelles, Murex, etc. Annales du Muséum, t. 1°", 3° série. 25 194 DISPOSITION MÉTHODIQUE PREMIÈRE PARTIE. Caractéristique du genre Pourpre, et,comparaison avec les genres VOISINS. Animal trachélipode, très rarement presque gastéropode, à pied large, arrondi en avant, sans sillon marginal, ni auricules, enveloppé dans un manteau fort mince sur son bord libre, et pourvu d’un tube branchial épais et dé- veloppé; tête assez épaisse; deuxtentacules médiocres, très rapprochés, renflés dans leur tiers inférieur, et portant les yeux à l'extrémité de ce renflement; bouche pourvue d'une trompe rétractile; organe excitateur mâle considérable, sans sillon extérieur à sa base. Opercule médiocre, corné, fort mince, transverse, onguliforme, arrondi un peu inégalement aux deux extrémités, formé d'éléments lamelleux, et commen- çcant vers le milieu du bord convexe. Goquille épaisse, solide, rarement épidermée, diversiforme, mais en général assez raccourcie et subglobuleuse, le dernier tour beaucoup plus grand que tous les autres ensemble, constamment striée transversalement , fort ra- rement variqueuse, mais fréquemment hérissée de tubercules ou d'épines; ouverture assez variable,, mais souvent patulée ou évasée, subcanaliculée, et plus ou moins échancrée eniavant; bord columellaire souvent droit, quelquefois un peu excavée, se joignant sans ressaut bien marqué avec la callosité de la columelle, terminée en pointe, se rebroussant en dehors, et laissant le canal toujours ouvert; bord droit constamment tranchant. D'après cette caractéristique que nous ne laissons dans tout son développement, que parceque nous envisageons le genre Pourpre hors. d'un système de malacolosie, il est. évident qu'elle ne pourroit reposer uniquement sur la considération de l'animal qui n'offre réellement que d'assez foibles différences avec celui des Murex et des Buccins. Cependant il paroît que le tube respiratoire est plus fort, plus musculeux que dans les DES ESPÉCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 195 premiers, et moins que dans les seconds. Al est aussi probable que l'appareil sécréteur de la Pourpre est plus développé que dans les uns et dans les autres en général; mais cela n'est pas certain, puisqu'il est à-peu-près hors de doute que l'animal dont les anciens tiroient leur couleur pourpre étoit «an Murex, M. Trunculus où M. Brandaris, et peut-être l'un et l'autre. Quant à la forme de l'opercule, elle est au contraire tout-à- fait caractéristique; eneffet, dans tous les Murex et Buccins chez lesquels il nous a été possible de l’'examiner, nous l'avons toujours: trouvé subarrondi ou ovale, plus ou moins alongé, atténué à une extrémité, élargi à l'autre, les éléments parois- santsimbriquer du sommet qui est plus ou moins terminal , à Ja base élargie et également terminale. La coquille présente aussi des caractères assez particuliers, mais moins certains que ceux tirés de la considération de l'oper- cule. Le moins variable est bien certainement la forme du bord columellaire, et de la columelle elle-même, comme M: de La- marck l'avoit fort bien senti. Dans toutes les véritables Pourpres il n’y a pas de dépôt sur la partie postérieure du bord columel- laire, et par conséquent pas de lèvre interne; et la fin de la co- lumelle, en se prolongeant pour former le canal, se continue presque tout droit sans faire un angle prononcé à son entrée : en outre cette columelle s'élargit, s'aplatit, s'évase de manière que son bord libre se rebrousse en dehors, d'où il résulte que l'ombilic.est presque toujours entièrement caché ou consolidé, et que le canal n'est jamais fermé. Outre ce caractère important tiré de la disposition du bord interne de l'ouverture, il faut éncoré faire observer que la co- quille des Pourpres est constamment traversée -par des stries 196 DISPOSITION MÉTHODIQUE plus ou moins prononcées, formant quelquefois des cordons décurrents du sommet à la base, et que très rarement elle l'est par des bourrelets ou varices, en sorte que le bord droit est tou- jours tranchant, quoiqu'il puisse être denté ou non à l'inté- rieur. . Il ne faut pas cependant se dissimuler quesans la connoiïssance de l'opercule on peut être quelquefois assez embarrassé pour décider si certaines coquilles appartiennent ou n'appartiennent pas au genre Pourpre, et si ce ne seroit pas plutôt des Fuseaux, des Pyrules, des Pleurotomes, des Turbinelles, des Murex, des Buccins, ou même des Colombelles. Voyons donc les caractères différentiels à l'ésard de chacun de ces genres On ne peut confondre une coquille de Pourpre avec celle d'un Fuseau, parceque, outre la forme de la columelle qui est toute différente, il n'y a que très rarement dans les Pourpres une véritable queue, c'est-à-dire l'indice extérieur du canal qui se remarque au contraire toujours dans les Fuseaux. Cependant M. de Lamarck lui-même a mis parmi les Fuseaux la coquille nommée Murex Pusio par Gmelin, et parmi les Pourpres, sous le nom de P. Fasciolanis, une coquille qui ne diffère de la première que parcequ'elle n’a pas de zone blanche au milieu de son dernier tour. Avec les Pyrules au contraire la confusion en est si facile , qu'il se pourroit fort bien que toutes les Pyrules de la division des Mélongènes dussent être rangées parmi les Pourpres, ce que me paroît confirmer l’operculedont je ne connois cependant qu'an croquis ; aussi ces prétendues Pyrules n'ont-elles pas de rétrécissement marqué au bord droit, à l'endroit où l'ouverture se prolonge dans le canal ; tandis'que des espèces voisines qui ont DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 197 ce rétrécissement, comme la P. citrina, ont un opercule assez particulier et différent de celui des Pourpres. Comparées avec les Turbinelles, les Pourpres s'en distinguent par l'absence de plis columellaires; en effet, les espèces qui res- semblent le plus au premier aspect à certaines Pourpres, comme les Turbinelles cornigères aux Pourpres Châtaignes, ont un opercule de Murex, comme nous nous en sammes assuré. Il y a plus de difficultés pour séparer des Pourpres de la division des costulées, la Turbinella Nassatula, par exemple; et, en effet, les plis de sa columelle sont peu marqués et moins pro- fonds; aussi ne serions-nous pas étonnés, quand ce seroit une Pourpre véritable. Son ouverture est en effet d’un beau violet. Malheureusement nous n’en connoissons pas encore l'opercule. Les Pleurotomes ayant pour caractère presque unique l'échan- crure postérieure du bord droit, on ne peut confondre une es- pèce de ce genre avec une espèce de Pourpres qui n'ont jamais au plus qu'un sinus à l’origine du bord droit. Cependant comme la réunion des coquilles qui constituent le genre Pleurotome de M. de Lamarck est évidemment très artificielle, il se pourroit que les espèces échinées, qui constituoient l’ancien genre Clava- tule de M. de Lamarck, dussent passer parmi les Pourpres, à en juger du moins par la forme du bord columellaire. Il est beaucoup plus difficile de distinguer les Pourpres des Murex, sans avoir égard à l'opercule. Cependant on y parvien- dra , si d’abord l'on ne confond pas des costules avec des varices, et si ensuite on remarque que dans les Murex le bord columel- laire est toujours revêtu par une lame calleuse plus où moins détachée, nommée lévre qauche par Linné, et que la continua- tion de cette lame pour former le bord interne du canal, au lieu 198 DISPOSITION MÉTHODIQUE de se relever, de s'évaser en dehors, tend au contraire’ à se porter en dedans, et à fermer le canal en se soudant avec la continuation du bord droit qui le forme en dehors. Ajoutons à cela que dans les Murex la coquille est constamment plus-ou moins canaliculée et caudée, ce quiest fort rare dans les Pour- pres, et la distinction des coquilles de ces deux genres sera à- peu-près certaine. ; Les Pourpres passent peut-être encore plus insensiblement aux Buccins qu'aux Murex, même un peu par l'opercule; aussi leur distinction est-elle encore. plus difficile. Pour y: parvenir il faut considérer que l'ouverture de la coquille des Buccins est beaucoup plus fortement échancrée, qu'elle n'a pas de canal, proprement dit, ou quil est excessivement court, avec un angle très prononcé à l'endroit de sa jonction avec le bord columel- laire, ce qui donne à la terminaison de la columelle quelque chose de tronqué et d'abrupte. Enfin l'on peut encore être quelquefois assez embarrassé pour décider si une coquille est une Pourpre de la division des Sis- tres, ou une espèce du genre Colombelle du moins de la division des espèces tuberculeuses, au point qu'avant d'avoir vu l'oper- cule de la Columbella Mendicaria, nous l'avions rangée, ainsi que la C. Zonalis, parmi les Pourpres. La forme de la termi- naison de la columelle ne s’aplatissant pas au-dehors comme dans celles-ci, et le bord droit s'épaississant en même temps qu'il se denticule dans toute sa longueur, ce qui n’a pas lieu dans les Pourpres colombellaires, peuvent servir à établir la dis- unction des coquilles de ces deux genres. Ce sont ces ressemblances plus ou moins spécieuses des Pour- pres avec les coquilles d'autres genres de Siphonobranches, qui DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 199 nous ont permis d'établir quelque rationalité dans la disposition des espèces que nous connoissons, et dans l'établissement d'un certain nombre de petites sections. Plusieurs de celles-ci ont déja reçu des dénominations génériques, qui pourront sans doute être adoptées sans beaucoup d'inconvénients, du moins conchyliologiquement parlant; mais elles ne pourroient pas l'être dans notre manière de voir. Aussi proposons-nous de les abandonner, et d'en revenir à la manière de Linné et de Gmelin, qui partagent les espèces des genres nombreux en sections, en ne leur affectant que des dénominations qualificatives. Pour la classification et la distinction des espèces, nous avons pris en première considération le canal de l'ouverture et son échancrure terminale, qui d'abord un peu comme dans les Murex, l’une plus prononcée et l’autre à peine sensible, se rap- prochent de plus en plus, et en sens inverse, de ce qui a lieu dans les Buccins. Nous considérons ensuite la forme de l'ouverture qui, d'abord étroite et garnie de dents ou de guttules sur les deux bords, n'en offre plus que sur l'extérieur, puis n’en présente plus du tout, mais seulement des stries, des plis ou des stries nom- breuses. Nous avons ensuite égard à à l’état de la surface de la coquille qui, d'abord hérissée de nombreux fubercules ou d'épines, s'adoucit, pour ainsi dire, peu à peu, et finit par n'être que striée transversalement dans les dernières espèces, de manière à res- sembler, sous ce rapport, aux Buccins, comme les premières avoient quelque chose des Murex. En prenant ensuite en considération la forme générale, ovale, biturbinée, ovale-déprimée, hémisphérique, uniturbinée ou py- 200 DISPOSITION MÉTHODIQUE riforme, fusiforme*ou subturticulée, ovale-alongée, ovale-rac- courcie, patulée ou même patelliforme, nous arriverons à une disposition des espèces dans un ordre de dégradation des Murex aux Buccins. Quant à la distinction des espèces, nous avons remarqué que la proportion de la longuéur avec la largeur, varie.dans des li- mites assez étendues, et plus qu'on ne croit en général, et sur- tout suivant le sexe. La proportion de l'élévation de la spire avec celle du corps de la coquille varie peut-être encore davantage, et les variations sont évidemment individuelles. Le nombre des tours de spire est beaucoup moins variable; mais il est en général peu nombreux dans les coquilles de ce genre, et par conséquent assez peu importan t. L'examen de la suture et de la manière dont les tours de spire s'appliquent les uns contre les autres, par suite de la présence ou de l'absence d’un: sinus à la partie postérieure de l'ouverture, nous a fourni d'assez bons caractères spécifiques. La disposition, la forme, la proportion des tubercules, et des épines qui hérissent la surface d’un grand nombre d'espèces de ce genre, présentent de fort bons caractères spécifiques, maïs dans de certaines limites de variations. Du reste, l’ordre d’exis- tence de chaque rangée.qu'ils forment paroît à-peu-près fixe. Il semble qu'il n’y en aït jamais plus de six, le postérieur où pre- mier sur le cordon du sinus; l’antérieur ou dernier sur le cordon du canal, et les quatre autres intermédiaires, l’un sur la carène, et les trois suivants dans la déclivité jusqu’au cordon du canal. Les plus échinées , ou tuberculeuses, ont les six rangées. La première et la dernière disparoissent avant les autres. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 201 Puis les rangées déclives, dans l’ordre de la plus antérieure à la plus postérieure ou carinale. Enfin celle-ci finit par disparoître, et alors la coquille ne pré- sente plus que des stries décurrentes, dont la finesse ou la gros- seur, l'égalité, offrent un grand nombre de variations peu im- portantes auxquelles M. de Lamarck a souvent porté une trop grande attention, ce qui nous semble l'avoir entraîné dans quel- ques erreurs. L'ouverture nous a paru offrir des caractères spécifiques fort importants, sinon dans sa proportion , ni même dans la forme, considérée d'une manière trop absolue, mais bien dans là ma- nière dont elle peut être rétrécie par des dents ou des guttules, pliciformes ou non. Malheureusement ces caractères ne peuvent atteindre toute l'importance dont ils’ sônt susceptibles, que lors- que l'ouverture est entièrement faite sur une coquille, ce qui n'arrive pas toujours; alors le nombre, la position, la propor- tion de ces dents et de ces guttules acquièrent une fixité remar- quable. On rencontre cependant quelquefois de légères ano- malies qui tiennent ou à ce qu'une dent ou guttule est à peine sensible, ou à ce qu'au contraire l’une s'est partagée en deux; mais avec un peu d'habitude ces anomalies sont aisément ra- menées à l’état normal. : La couleur et le système de coloration à l'extérieur ne nous paroissent pas être d’une considération: bien importante dans la spécialisation des coquilles de Pourpre, quoiqu'on puisse ce- pendant quelquefois s’en servir avec avantage. Il n'en est pas de même de la coloration intérieure; elle est tellement fixe, et si souvent d'un beau pourpre violet, que M. Quoy a pensé que cette coloration suffisoit presque à elle Annales du Muséum, t. 1”, 3° série. 26 202 DISPOSITION MÉTHODIQUE seule pour déterminer la place d'une coquille dans ce genre Pourpre; cette opinion nous paroît un peu exagérée, mais elle est évideriment en partie fondée sur l'observation. Ces considérations générales étant préliminairement établies, nous allons passer à l'énumération des espèces connues, et à la description de celles qui ne l'étoient pas ou que très incomplé- tèment, et qui existent dans la collection du Muséum. SECONDE PARTIE. DISPOSITION ET DESCRIPTION DES ESPÈCES. I RÉCENTES. A. Esp. ae général biconiques, striées, tuberculeuses ou sub- épineuses, à ouverture plus ou moins grimacçante, et rétrécie par des dents marginales et columellaires , avec un canal.assez évident. Les P. COLOMBELLOIDES. (G. Sistre. D. M.) Ce sont les plus petites espéces de Pourpres. Elles ont souvent beaucoup.de rapports avec les colombelles par l'épaïssissement intérieur du bord droit, et par les dents marginales et columellaires dont elles sont pourvues. Quelquefois on pourroit confondre certaines espèces avec les Nasses; mais-elles en diffèrent par l'existence d'un canal court, et même un peu retroussé, ce qui na pas lieu dans ce dernier genre. 1° P. PISOLINE. P. Pisolina. (PL. 9, fig. 2) —Lamarck. VII, p.133, n° 9. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, RTC. 203 Des mers de l'Ile-de-France, d'après M. de Lamarck. 2° P. MUTIQUE. P. Mutica. Ricin. mut. Lam. VII, p.133, n°8. E. M: pl. 395, f. 2 ab. 3° P. BICONIQUE. PL. Biconica. “PI. 9, fig. 1.) Coquille petite (9 à ro 1.), biconique, le cône de la spire plus court que celui du corps, composée de trois tours, peu distincts, striés, bicarénés dans leur décurrence, et traversés par desbourrelets arrondis; costuliformes, serrés, au nombre de huit sur le dernier; ouverture très étroite, rétrécie par un épaississement bi ou tridenté du bord droit, sans guttules à la columelle ; couleur brune avec deux zones blanches en dehors, et violettes en dedans. Cette jolie espèce, dont nous ignorons la patrie, et dont un seul individu existe dans la collection du Muséum, est remar- quable par les deux subcarènes de son dernier tour, formant deux angles au bord droit. 4° P. RABOTEUSE. P. Aspera. Ricin. asp. Lam. VIE, p. 232, n° 6. E.M. pl: 395, f 4 ab ( pessima ). Patrie mconnue. 5° P. MuRE. P. Morus. * Ricui. Morus. Lam. VII, p: 262, n° 7. Martini. IL, t. rot, f. 070. E. M. pl. 395, f. 6 ab. Des mers de l'Ile-de-France. 6° P. FRAISE. P. Fraqum. (PL 9, fig 4) Coquille assez épaisse, solide! /ovale-biconique, tubero-épineuse, subombi- ST 204 DISPOSITION MÉTHODIQUE liquée, à tours, de spire assez distincts, pourvus,de striès et de séries dé currentes de tubercules arrondis, au nombre de quatre sur le dernier; ouverture petite, subgrimacante, subcañaliculée en avant, et rétrécie par six dents au bord droit, et deux à trois guttules columellaires; couleur d’un blanc jaunâtre , avec les tubercules roses ou roussâtres à l'extérieur, toute blanche à l'intérieur. 11 à 12 lig. de long sur 8 à 9 de large. ._- Cette jolie espèce, dont nous ne connoissons pas là patrie, est LA e ? . . % . établie d’après deux individus de la collection du Muséum. 7° P. ENCHAINÉE. P. Concatenata. Murex Concatenatus. Lam. VII, p. 176, n°62. Martini. IV, t. 124, f. 1156, 1157. Nous rapportons cette espèce au genre Pourpre, d’après l'exa- men que nous avons fait de la coquille du cabinet de M. de Lamarck, sur laquelle elle est établie, et qui existe actuellement dans la collection de M. le duc de Rivoli. 8° P. TUBERCULÉE. L. Tuberculata. (PL 9, fig. 3.) Coquille assez petite (10 à 121.), qe solide, ovale, tuberculeuse, formée de quatre tours de spire subétagés, hérissée de séries décurrentes de tu- bercules épineux, au nombre de quatre sur le dernier, et formant des espèces de côtes obliques; ouverture subgrimacçante, petite, avec un sinus postérieur, et un petit canal en avant;"quatre dents au bord droit; une ou deux guttules à la fin de la columelle; couleur grisâtre entre les tubercules noirs en dehors ; d’un noir violacé avecles denticules blanches en dedans. Des rivages de Madagascar d'où elle a été rapportée par M. Goudot. : De la mer Rouge, d’après M. P. E. Botta. Cette espéce est fort voisine de la mure; elle en diffère cepen- DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC: 205 dant parceque les tubercules sont plus épineux, que l'ouverture est plus grimaçante et n'est pas violette. g° P. BOUCHE-JAUNE. P. Ochrostoma. Quoy et Gaymard. Astrolabe. Zool. pl. 38, f. 8. Coquille petite (8 1. sur 5), épaisse, solide, ovale, un peu alongée, subombi. liquée, à spire aiguë, formée de quatre à cinq tours subétranglés à la suture, striés irrégulièrement dans leur décurrence, et traversés par des bourrelets variqueux assez épais, au nombre de six à sept sur le dernier; ouverture rétrécie, subgrimaçante, avec un petit canal ascendant en ayant, et un sinus en arrière; sept dents au bord droit; quatre guttules: columellaires; couleur extérieure toute blanche, intérieure d’un jaune orangé. De Tonga, d'après MM. Quoy et Gaymard. Nous caractérisons cette espèce, d’après une coquille de la collection du Muséum, que les voyageurs cités confondoient à tort, à ce qu'il nous semble, avec la suivante. 10° P. NASSOIDE. P. Nassoidea, s Quoy et Gaymard. Astrolabe. Zool. PI. 38, f. 7-0. Goquille petite (9 1. sur 6), ovale, globuleuse, nassiforme, à spire courte, subétagée, composée de trois à quatre tours striés, cerclés irrégulièrement dans leur décurrence, et traversés par des côtes ou bourrelets, mal for- més, au nombre de dix sur le dernier; ouverture subgrimaçante, avec un petit canal ascendant en avant et un sinus en arrière; six denticules au bord droit, et trois guttules à la columelle; couleur toute blanche en dehors comme en dedans. è De Tonga, d'après MM. Quoy et Gaymard. Gette espèce établie par les naturalistes de l’Astrolabe, et dont le Muséum posséde deux individus, nous paroît bien distincte - de la précédente par sa forme beaucoup plus raccourcie, et par la couleur de son ouverture. 206 DISPOSITION MÉTHODIQUE ° P. CORBULÉE. P. Fiscélla. (PL 10, fig. 8.) —Lam. VII, p. 246, n° 36. Chenn. X, p. 242, t. 160, f. 1524, 1525. Une variété de cetteespèce, provenant de Madagascar, d'après M. Goudot, offre son ouverture plus patulée, sans guttules à la columelle. A Tongatabou, une des îles des Amis, d'après MM. Quoyet Gaymard. De Madagascar, d'après M. Goudot. De Trinquemalay et de Ceylan, d’après M. Reynaud. 12° P. LINÉOLÉE. P. Lineolata. Coquille petite (9 L. sur 5), ovale, subaiguë, biconique, subombiliquée, à spire saillante, formée de cinqà six tours, subcarénés, à suture appliquée et squameuse, striés dans leur décurrence; et traversés par des costules tuberculeuses à la carène, nombreuses et serrées; ouverture ovale, étroite, subcanaliculée, sexdentée au bérd droit, lisse à la columelle; couleur d’un brun pourpre, striée de blanc en dehors, d’un blanc violacé en dedans. De l'Océan Pacifique sur les côtes du Pérou, à vo d’après MM. Lesson et Garnot. Cette espèce, dont la collection du Muséum posséde deux in- dividus, a un certain nombre de rapports avec la Pourpre cor- bulée; mais elle en diffère sensiblement par la manière dont elle est costulée, par le nombre de ses côtes et sa coloration. 13° P. CHAGRINÉE. P. Granaria. Mur. Granarius* Lam. VII, p. 176, n° 63. Cette coquille que nous avons observée dans la collection de M: le duc de Rivoli, nous paroît devoir être rangée parmi les : Pourpres de cette division; en effet, l'ouverture subcanaliculée DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 207 est rétrécie à droite par cinq denticules, et à gauche par une sorte de pli, et trois guttules columellaires dant a pas parlé M. de Lamarck. 14° P. ÉLANCÉE. P. Elata. (PL 15 he x) Coquille épaisse, solide, de grandeur médiocre ( 17 à 18 lig. sur 11 delarge), subéchinée, à spire élevée, subturriculée, formée de six tours, carénés épineux, striés décurremment, avec des séries d'épines, au nombre de qua- tre, et formant dans le sens longitudinal neuf à dix côtes obliques sur le dernier; ouverture petite, subgrimacante, subcanaliculée et échancrée; six à sept denticules au bord droit ; une sorte de pli médian, et deux gut- tules obsolesis à la columelle; couleur toute blanche en dehors, comme en dedans. De la Nouvelle-Hollande, d’après MM. Peron et Lesueur. La collection du Muséum possède quatre individus de cette espèce, et tous avec les mêmes caractères; en sorte qu'elle nous semble bien distincte. Il en existe un cinquième dans le cabinet de M. le duc de Rivoli. 15° P. SUBTURRICULÉE. PL. Subturrita. (PL ro, fig. 12.) Coquille petite (9 lig. sur 6), épaisse, solide, ovale, biconique, à spire un peu élevée, subturriculée, composée de cinq à six tours, à suture appli- quée, squameuse, striés en travers, et hérissés de tubercules obtus, for- mant séries dans les deux sens, mais sur-tout verticalement; ouverture petite, subgrimaçante, canaliculée, et rétrécie par sept dents décroissantes au bord droit, et deux guttules à la columelle; couleur d’un blanc sale en dehors, et d’un blanc de porcelaine en dedans. Patrie inconnue. Gette espèce que nous établissons, d'après une coquille de la collection du Muséum, a sans doute un assez grand nombre de rapports avec la Pourpre élancée; mais la forme de son ouver- 208 DISPOSITION MÉTHODIQUE ture, et les tubercules mousses plus nombreux, formant des subvarices, Len distinguent suffisamment B. Esp. Hérissées, à bord droit garni de dents à l'intérieur, avec des quttules à la columelle. (Les P. RICINULES.) Les espèces qui constituent cette division, quoique rappro- chées de celles qui entrent dans la précédente, au point que M. de Lamarck les a comprises avec elles dans son genre Rici- nule, s'en éloignent cependant en ce que le bord droit, quoique également denté, n'est pas épaissi, et sur-tout en ce que la co- quille est constamment hérissée d’épines. Ce sont, du reste, de véritables Pourpres par tous les carac- tères et par la forme de l’opercule. 16° P. MURIQUÉE. P. Horrida. . Ricinula horrid. Lam. VIT, p. 231, n° 1. —E. M. pl. 395, f. 1, ab. ( bona.) Quoy et Gaymard. Astrolabe. Zool. pl. 39, f. :-3. Murex neritoideus. Gmel. p. 3537, n° 43. —Martini. IL, t. 101, f. 972-973 (pessima). De file Tycopia, parmi les nouvelles Hébrides, d'après MM. Quoy et Gaymard. . 17° P. LÈVRE-BLANCHE. P. Albo-labris. (PL 9, fig. 5.) Bonnani. II, f. 173. Coquille assez solide, épaisse, ovale, comme déprimée, à spire très courte, hérissée sur le dernier tour de cinq séries. décurrentes d'épines assez aiguës ; ouverture assez patulée par l'obliqfité de ses bords, rétrécie au DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 209 fond par trois grosses dents à droite, et par trois guttules, et deux plis columellaires à gauche; couleur toute blanche en dehors comme en de- dans avec les épines noires. Opercule de Pourpre. “ De Trinquemalay, île de Ceylan, dans l'Otéan indien, d'après M. Reynaud. F Cette espéce.est sans doute assez voisine de la Pourpre mu- riquée; mais elle s'en distingue par une moindre taille, par l'existence des trois guttules columellaires, et parceque l'ouver- ture est constamment d’un très beau blanc. Du reste, comme dans la Pourpre muriquée, la coquille de la Pourpre lévre-blanche n'offre dans le second âge que quatre dents égales au bord droit, et ce n’est que dans l'état parfait qu'il n’en existe plus que deux simples, les deux postérieures s'étant élargies, l'extrême se trilobant, et l'autre se bilobant. La collection du Muséum possède un grand nombre d'in- dividus des deux sexes de cette espèce, et pourvus de leur opercule. 18 P. ARACHNOIDE. P. Arachnoidea. Ricinula arachnoid. Lam. VII, p. 232, n°4. —E. M. pl. 395, f. 3 ab. ( Rudis, sed sat bona.) —Martini. Il, t., 02, f. 976-977. (Mediocris. ) MM. Quoy et Gaymard ont rapporté cette espèce de la Nou- velle-Irlande. Dans cette espèce, généralement assez petite, les épines sont plus longues, plus étroites que dans les deux précédentes; l'ou- verture est blanche comme dans la Pourpre lévre-blanche; mais les intervalles des digitations du bord droit sont jaunes, Annales du Muséum, t. 1°, 3° série. 27 210 DISPOSITION :MÉTHODIQUE 19° P. DIGITÉE. P. Digitata. Ricinula digit. Lam. VIT, p. 232 ,n° 5. —E. M. pl. 395, fig. 7 ab. (Rudis, et mala.) —Martini. III, t, 102, f. 9. (Rudis, sed sat bona.) Il faut observer que la coquille de cette espèce a pour carac- tères essentiels l'existence de cind digitations au bord droit, la postérieure beaucoup plus grande que les quatre autres, presque égales, et la coloration en jaune orangé de l'ouverture. 20° P. LOBÉE. P. Lobata. (PL 9, fig. 7.) ; ? Martini. UE, t. 99, f. 945-946. Coquille épaisse , déprimée, de 13 lig. de long, à spire médiocre, formée de quatre tours, striés dans leur décurrence, mais non couronnés; ouverture assez évasée; bord droit digité en dehors par cinq lobes, ‘spatuliformes, décroissant assez régulièrement du postérieur à l’antérieur, et garni de huit denticules en dedans; columelle avec une torsade médiane assez saillante, sans guttules marquées; couleur d’un brun-marron en dehors et à la circonférence de l'ouverture, blanche en dedans. Cette espèce est établie sur un bel individu de la collection du Muséum, et sur un autre un peu plus petit, qui existe dans celle du duc de Rivoli. ‘Quoique fort rapprochée de la précé- dente, elle en diffère cependant par une plus grande taille, par la couleur extérieure et intérieure, enfin par une moindre lon- gueur de Ja digitation postérieure du bord droit, sur-tout pro- portionnellement avec les autres. 21° P. OUVERTE. P. Aperta. * Coquille, épaisse, solide, ovale, .comme déprimée, échimée, à spire extré- mement courte, surbaissée, pointue, formée de quatre à cinq tours, dont le dernier très grand, est strié irrégulièrement, et hérissé par cinq séries 4 FR ; ÿ Lis décurrentes dé tubercules épineux; ouverture fort grande, subpatulée, DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 2x garnie de huit dents au bord droit, et de quatre guttules pliciformes à la fin de la columelle, outre une saillie anguleuse de son milieu; couleur toute blanche en dehors comme en dedans. Quoique cette belle espèce ne se trouve pas dans la collection du Muséum, mais bien dans celle de M: le duc de Rivoli, nous n'avons pu résister au plaisir de la faire connoître par une courte description. On ignore sa patrie. C. Espèces plus ou moins échinées, à ouverture dentée à son bord droit seulement. LES P: SEMI-RICINULES. Les espèces de Pourpres qui constituent cette division sont encore généralement échinées; mais leur ouverture n’a de dents qu'au limbe interne du bord droit. Ce sont pour ainsi dire des Semi-Ricinules. 229 P: GAUFFRÉE: P: Clathrata. _Bicinula clathr. Lamarck. VIE, p. 231, n°5. E. M. pl: 395, f. 5 ab. (Test:‘imperf.) : Patrie inconnue. ’ 23° P. DOUCETTE. P. Miticula. Ricinula mit. Lamarck. VIT, p.231, n°:2. (non fig.) Patrie inconnue. D'après l'inspection, des deux. coquilles sur lesquelles cette espèce est établie, il nous paroît fort probable que ce n’est qu'un jeune âge de la précédente. 24° P. HÉRISSON: P. Hystrix. (PL 9, fig. 6.) —Lamarck. VIH; p.247; n° 416 212 DISPOSITION MÉTHODIQUE Murex hystrix. Gmel. p. 3538, n° 46. —Martini. IT, t. 107, f. 974-975. (pessima.) Cette espèce, dont M. de Lamarck ne connoissoit pas la patrie, a été envoyée au Muséum, de l'Océan des Séchelles, par M. Eu- dore, et rapportée de Timor, par MM. Quoy et Gaymard dans leur première circumnavigation. ; Nous avons fait figurer la coquille d’un individu très jeune de cette espèce, pour montrer combien elle diffère de celle de l'animal parvenu à son âge adulte. 25° P. SPATULIFÈRE. P. Spathulifera. (PL 9, fig. 8.) Coquille assez petite (1 r à 12 1.), turbinée, à spire très courte, aplatie, couron- née, le dernier tour subcostulé et hérissé par six séries décurrentes d’épines, élargies, spatulées à l'extrémité, celles du bord bien plus longues que les autres, sur-tout la seconde; ouverture assez grande, patulée; six à sept denticules au bord droit; deux guttules pliciformes à la columelle; cou- leur d’un blanc jaunâtre en dehors, d’un rouge violacé à la columelle. Patrie inconnue. Cette espèce que nous établissons, d’après une coquille de la collection du Muséum, a beaucoup de rapports avec la précé- dente; mais elle en diffère sur-tout par la grande saillie et la forme des épines dont elle est hérissée, par moins de grandeur, et enfin par la couleur de l'ouverture. 26° P. MARRON-D'INDE. P. Hippocastanum. —Lamarck. VIT, p. 238, n° 9. Murex Hippoc. Gmel. p. 3539, n° 48. Regenfus. Conch. I, t. 2, f. 18. De l'Océan de Grandes-Indes. Nous ne rapportons pas à cette espéce la figure de Martini, DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 213 tom. ILL, f. 99, f. 945, 946, comme l’a fait M. de Lamarck, mais bien à la coquille que nous avons décrite plus haut sous le nom de P. lobata. 25, .P. PIE. P. Pica, (PL. 9, fig. 9.) Murex Hippocastanum fasciatus. Martini, INF, P- 269, . f. 100, f. 956, 957958. Coquille épaisse, solide, subturbinée, à spire un peu élevée, hérissée sur le dernier tour, par trois séries décurrentes de tubercules courts, fermés, tout-à-fait simples, formant des espèces de côtes transverses aumombre de sept; ouverture ovale, garnie au bord droit d’une vingtaine de tu- bercules pliciformes, sans guttules à la columelle; couleur variée de blanc et de noir par bandes en dehors, toute blanche en dedans. Opercule de Pourpre. De Tongatabou, de la Nouvelle-Guinée, d’après MM. Quoy êt Gaymard. Quoique cette espèce, dont le Muséum possède un assez grand nombre d'individus des deux sexes avec leur opercule, soit fort rapprochée de la précédente, elle en diffère cependant par plu- sieurs caractères, et entre autres par la spire moins élevée; par un rang de moins de-tubercules, formant par leur réunion verti- cale des espèces de côtes, par la forme de ces tubercules qui n’ont jamais leur fente sublobée, enfin par la disposition zébrée de la coloration. 28° CORNIGÈRE. P. Cornigera. (PL 9, fig. 10.) Coquille médiocre, épaisse, solide (11-12 L.), subglobuleuse, subtubercu- leuse, à spire fort courte, composée de trois à quatre tours striés assez également, avec trois séries décurrentes de tubercules mousses, for- mant costules sur le dernier; ouverture grande et ovale; quatre denti- 214 DISPOSITION: MÉTHODIQUE cules assez espacées au bord droit, avec une très petite corne à son quart antérieur; une sorte de pli au milieu de la columelle; couleur toute brune en dehors, les tubercules et l'intérieur blancs. Opercule de Pourpre. De la mer Pacifique, sur les côtes de Masatlan, d’où elle a été rapportée-par M. Paul-Émile Botta. Cette espèce, dont nous connoissons cinq individus dans la collection de la Faculté des Sciences, et un sixième bien plus gros, mais altéré dans celle de M. le duc de Rivoli, devroit, ri- goureusement parlant dans le système conchylologique de M. de Lamarck, être placée parmi les Licornes; mais, outre que la corne est, très petite, et placée un peu différemment, tous les autres caractères en font une Semi-Ricinule, etentre autres les tubercules de la surface extérieure. Du reste, elle nous paroît très: distincte et entièrement nouvelle. L'opercule que nous avons vu est bien celui d'une Pourpre. 29° DELTOIDE. P. Deltoidea. —Lamarck. VIL, p. 247, n° 42(non figur.). D'après un seul,individu dans un très mauvais état de: con- servation: 30° P. SUBDELTOIDE. P. Subdeltoidea. (PL.9, fig. 1.) Coquille épaisse, solide, subturbinée, à spire peu.élevée, subcouronnée, à suture largement appliquée, le dernier tour très finement strié dans la dé- currence, et couronné d’une série de tubercules, épineux, rares, au nombre de neuf; ouverture ovale, subparallélogrammique avec quatre denticules au bord droit; columelle lisse couleur zonée de trois bandes brunes, sur un fond blanchâtre en dehors, blanche, en dedans, avec une teinte de violetà la columelle. Des mers de la Martinique, envoyée par M. Plée, voyageur nat: du Muséum: DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 215 Gette espèce, dont le Muséum possède plusieurs individus, mais dont un seul est complet, nous paroît être bien voisine de la précédente; mais nous n'avons pas osé Ty réunir définitivement, parcequ'elle manque de plusieurs des caractères assignés par M. de Lamarck à sa Pourpre Deltoïde; ainsi elle n'offre pas la rangée de nodosités au-dessous de la couronne, et elle a au con- traire des denticules internes au bord droit. 31° P. ARMIGÈRE. P. Armigera. —Lamarck. VII, p. 237, n° 7. Buccin. Armig. Chemn. XI, t. 187, f. 1798, 1799. (Sat bona.) Des côtes de l'île de Waigiou, d’où elle a été rapportée par MM. Quoy et Gaymard. La coquille qui a servi à la description de M. de Lamarck, et plusieurs individus de la collection ne sont pas à l’état parfait, ce qui rend le bord très sinueux ; mais sur deux autres bien complets, le bord droit est pourvu de huit dents, et sur un troi- sième bien plus gros, deux sont subdivisées, ce qui en fait dix. Les trois plis de la columelle sont quelquefois si prononcés, qu'on ne voit pas pourquoi M. de. Lamarck n'en a pas fait une Turbinelle. A È 32° P. BITUBERCULAIRE. P Bitubercularis. —Lamarck VIT, p. 237, n° 8. Seba, LIL. t. 23, f. 22, 23. ( Sat bona sed testä imperfectä.) Des côtes de la Martinique , d’après deux forts petits individus envoyés au Muséum par M. Plée, l’un de ses voyageurs natura- listes. , 32bis. P. BICARINÉE. P. Bicurinata. —Quoy et Gaymard, Astrolab. Zoolog. pl. Bo; 17-10. > 216 DISPOSITION MÉTHODIQUE Coquille ovale, médiocrement épaisse, à spire surbaissée, formée de quatre à cinq tours peu distincts, striés également dans leur décurrence , aplatie dans le milieu par une double carène, souvent hérissée d’épines épaisses rares et comprimées; ouverture large assez patulée; quatre dents tubercu- liformes au bord droit; columelle lisse; couleur d’un brun verdâtre, ca- chant un fond tout brun en dehors, d’un brun violacé en dedans, le bord droit varié de violet. Opercule ‘de Pourpre. Des côtes de Sainte-Hélène, d'où elle a été rapportée au Mu- séum par MM. Quoy et Gaymard. Cette espêce, par sa forme générale, a évidemment beaucoup de rapports avec la Pourpre bicostulée de M. de Lamarck, de la division des Hémastomes, au point que dans sa collection elle étoit considérée commeune simple variété de cette coquille; mais elle en diffère principalement par l'existence des tubercules den- tiformes de son bord droit, qui n’existent’jamais dans celle-ci, par moins de grandeur et par plus d’évasement de l'ouverture. 33° P, PLISSÉE. P. Plicata. —Lamarck. VIE, p. 246, n° 35. - Mur. Plicat. Gmel. p. 3552, n° 64. Martini. III, t. 123 f. 1141, 1142 (pessima). Quoy et Gaymard. Astrolab. Zoologie, pl. 38, f. 5, 6. Cette espèce, qui a étérapportée en grande abondance des rivages de l’île Tycopia, par MM. Quoy et Gaymard, des côtes de Batavia, par M. Reynaud, officier de santé de la marine, a quatre dents tuberculeuses au bord droit, avec un pli obsolète, de couleur claire, au milieu de la columelle, outre les autres caractères rapportés par M. de Lamarck. Son opercule est bien celui d'une Pourpre. Carinn tan del. à 1.2. bxconique À: ? 2. ?. pwoline x 3.2. lubercalee. 29 4. P. Frawe ÿ ô ON] . P.Zevre-blanche . P. Zléruwon (jeune) . LP spatulfère. Le (æ Qi L LE le 2. FAP corriere. Er : 3 1. P. vubdelloides. 21% + .. + 22 .P, ondee. EN Li DES ESPÉCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 317 34° P. ONDÉE. P. Undata. —Lamarck. VII, p. 238, n° 10. Patrie inconnue. L'espèce désignée sous cette dénomination , par M. de La- marck , et dont il n'existe réellement pas de figure, celles de Lis- ter et de Chemnitz citées par cet auteur ne lui convenant certainement pas, ne diffère réellement qu'assez peu de la P. bi- tubercularis. Sculément la coquille est plus épaisse, l'ouverture est d’un blanc plis mat; les dents tuberculiformes du bord droit sont au nombre de cinq, au lieu de quatre; il n'y a qu'une série de tubercules bien marqués d'où partent des côtes interrompues ; enfin les bandes brunes verticales sont plus ondées. 35° P. TURBINOIDE. P. Turbinoides. — Quoy et Gaymard. Astrolabe. Zoologie. PI. 39 £.4, 6. Coquille assez petite (9-10 L.), ovale-raccourcie , turbinoïde, couronnée, subombiliquée, à spire peu élevée, composée de quatre à cinq tours fortement sculptés de stries décurrentes subsquameuses, avec des tuber- cules épineux comprimés, se disposant en costules sur le dernier; ouver- ture ovale, subpatulée, à l'entrée, offrant cinq denticules au bord droit ; couleur générale grisâtre avec des côtes noires en dehors; l’intérieur d’un blanc bleuâtre bordé de brun foncé ou de marron, Opercule de Pourpre: Des rivages de Vanicoro, d’après MM. Quoy et Gaymard. Gette’espèce, dont il existe plusieurs individus dans la col- lection du Muséum, a évidemment des rapports assez nombreux avec: la P: plissée; mais elle en diffère par moins de grandeur, par une forme beaucoup plus turbinée, parun beaucoup moins grand nombre de tubercules épineux, ce qui donne aux côtes une disposition variciforme plus évidente. Annales du Muséum, t. I”, 3° série. 28 218 DISPOSITION: MÉTHODIQUE 36° P. BorD-NOIR: P: Marginatra. (PL 10, fig. 1.) Coquille assez petite (8 1.), ovale, à spire assez élevée; pointue, élancée, traversée par des séries de tubercules réunis en chaînes, formant des cos- tules,obliques et des locules carrés; ouverture ovale, avec quatre dents au bord droit, et une sorte de pli au milieu de la columelle; couleur ex- térieure grisâtre, l'intérieure violacée, les bords d’un noir luisant, et le pli columellaire blanc. Des rivages dé l'île Tycopia, des Nouvelles-Hébrides, d'où elle a été rapportée par MM. Quoy et Gaymard. Gette espece, dont le Muséum possède un assez grand nombre d'individus, est évidémment fort voisine de la P. plicata, maïs elle est beaucoup plus petite, et la disposition des tubercules en- chaïnés dans les deux sens, formant des locules carrés, l’en dis- tinguent süffisamment. 37° P. MURICINÉE. P. Municina. (PL. 10, fig. 2, 3 et 4.) Coquille assez petite (12 lig.), ovale-alongée, subfusiforme, à spire plus ou moins pointue, subétagée, traversée par des stries fines écailleuses, et d’autres plus saillantes, formant carènes, avec des costules souvent assez prononcées, sur les tours supérieurs; ouverture assez grande, un peu patulée; cinq dents au bord droit, un pli médian à la columelle; couleur brune en dehors, blanche en dedans, le bord droit festonné de brun: Opercule de Pourpre. Des mers Australes, d'où elle a été rapportée par MM. Quoy et Gaymard. Cette jolie espèce, dont la collection du Muséum renferme-un très grand nombre d'individus, offre: beaucoup de variétés d'âge ow d'état de développement; ainsi’ilen est chez les- quelles les séries de tubercules ; dont: lactéunion dans un sens DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 219 ou dans l'autre forme les carènes ou les côtes, sont épineuses et même un peu ramifiées comme dans les Murex chicorées; mais on la reconnoît toujours à la squamation très prononcée des stries décurrentes. | 38° P. MURICOIDE. P. Muricoides. (PL. 10, fig. 5.) Coquille ovale, un peu aléngée, assez solide, formée de cinq tours de spire, marqués. de stries décurrentes subsquameuses, inégales, et de costules variciformes, grosses et serrées; ouverture assez peu évasée, quatre dents au bord droit; couleur d’un gris brunâtre en dehors. D’Amboine et des côtes de la Nouvelle-Zélande, d'après MM. Quoy et Gaymard. Cette espèce, que l'on seroit porté à nue avec la précé- dente, s'en distingue cependant fort bien, en ce qu'elle n'est jamais muriquée, mais plus évidemment pourvue de costules; les bourrelets qui les forment sont aussi plus gros et moins nom- breux; les dents du bord droit ne sont jamais qu'au nombre de quatre au lieu de cinq, et les stries décurrentes sont beaucoup moins squameuses. 39° BORD-BLANC. P. Marginalba. (PL. ro, fig. 6.) Coquille ovale, subfusiforme, assez épaisse, noduleuse, à spire médiocre, composée de quatre tours étagés; le dernier traversé par cinq séries de tubercules mamelonnés, dont un sur la suture; ouverture subpatulée, un peu canaliculée avec quatre denticules au bord droit, sans guttules à la columelle; {couleur extérieure d?un gris blanc avec-les tubercules noïrs ; l'intérieur noirâtre; le dedans de la lévre droite d’un blanc jaunûtre. :Desmers australes. Cette espèce, dontle Muséum Dole un assez grand DRE d'individus offrant absolument les mêmes caractères, se distin- 220 DISPOSITION: MÉTHODIQUE gue assez bien des précédentes, avec lesquelles elle n'estpas sans analogie, para disposition des tubercules dontelle est hérissée, et par la couleur du limbe intérieur de son bord droit. 40° P. COLUMELLAIRE. P. Columellaris. (PI. 10, fig: 7.) —Lamarck. VII, p. 236, n° 4. E. M. pl. 398, f. 3 ab (sat bona). Océan pacifique sur les côtes du Chili, d'où elle a été rap- portée par M. P. E. Botta. Malgré la forme patulée de l'ouverture de la coquille de cette espèce, le pli médio-columellaire, les cinq dents du bord droit, et même les séries de tubercules dont elle est hérissée, dans la variété que nous avons fait figurer, forcent de la placer dans la division des Semi-Ricinules. 41° P. LACUNEUSE. P. Lacunosa. P. RAPE. Quoy et Gaymard. Astrolabe. Fooleg: pl. 38, f. 19-21. Coquille assez petite, ovale-aiguë, à spire médiocre, formée de quatre tours subétagés, aplatis, et couronnés,en dessus}, avec des stries squa- meuses, et lacuneuses dans leur décurrence, trois cordons cariniformes et spinoso-imbriqués sur le dernier; ouverture assez évasée, garnie de six denticules pliciformes au bord droit; couleur d’un gris sale en dehors, et toute brune en dedans. Operculé de Pourpre. De la Nouvelle-Zélande, d'où elle a été rapportée. par MM. Quoy et Gaymard. Cette espèce, dont un assez grand nombre d'individus existent dans’ la collection du Muséum, nous a paru fort dis- tincte de celle‘que M. de Lamarck a nommée P. Rugosa ; et qui \ Dan Pt € AAA éd À (12 Pretre. dat . ; « 2.2. Bord-noi 21 d.?. muricoide @N 7 .9 ?. alngee ( 2.2. muricénée 1 EF 6.?. Bord-blane 9 } er 20. P. Crüonorme . ge) 1 3. la meme var. 7 .P. columellure 2 L 9 1.1. fenetree > 2 | } { À. la mere var. 8.2, corbutee L) DL 22 P. subturriutie. 2 57 vue EL À DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 221 appartient même à une tout autre division. Nous avons pré- féré la rapporter à l’espéce désignée sous le nom de P. Lacunosa par Bruguière, mais sans assurer positivement quil y ait identité. 42° P. TRITONIFORME. P. Tritoniformis. (PL. ro, fig. 10.) Coquille ovale, alongée, à spire assez élevée, pointue, composée de cinq à six tours arrondis , un peu. étranglés, traversés par des stries décurrentes très fines, et par des côtes ou costules subobsolètes assez nombreuses ; ouverture ovale, subpatulée, échancrée en avant avec cinq tubercules pli- ciformes au bord droit; couleur d’un blang jaunâtre avec des linéoles dé- currentes d’un bruñ violet au-dehors, toute blanche en dedans. ‘ Patrie inconnue. Cette espèce, que nous établissons d’après un individu un peu frustre de la collection du Muséum, a véritablement assez bien l'aspect d’un triton;, mais tous les caraçtères sont ceux des Pourpres. s 43° P. FENESTRÉE. P. Fenestrata. (PL. 10, fig. 11.) Quoy et Gaymard. Astrolabe. Zool. pl. 37, f. 15-16. Coquille épaisse, solide, diconique, rugueuse, à spire assez élevée, formée de quatre à cinq tours subétagés, carénés, hérissés par des stries décur- rentes squameuses, croisées par des bourrelets plus épais, louverture assez petite, ovale, sensiblement canaliculée, avec trois dents tubercu- leuses au bord droit, et une sorte de torsion à l'extrémité de la columelle ; Couleur d’un gris jaunâtre à l'extérieur, blanche au péristome, d’un jaune orangé en dedans. DeTonga, d'où elle a été rapportée par MM. Quoy et Gay- mard. Des Séchelles, dans la rade de Mahé, d’après M. Eudore. 222 DISPOSITION) MÉTHODIQUE Les deux-individus du Muséum, sur lesquels.ces naturalistes ont établi cette espèce, sont également encroûtés:par.un dépôt calcaire ,'en sorte qu'il'est très difficile d’en déterminer la cou- leur. La réticulation large et carrée de sa surface présente un caractère distinctif tranché, qui Ja rapproche un peu de la Pourpre bord-noir; mais la formeiet sur-tout la couleur de l'ou- verture l'en éloignent évidemment. C?. Espèces ovales ou déprimées , fortement échinées, à ouverture subpatulée , dentée ou non au bord droit. , (Les P. ÉGHINÉES.) 44° P. HÉRISSÉE. P. Echinata. (PL 11, fig. 2.) Coquille assez grosse (21 1. sur 23), épaisse, solide, véntrue, échinée, sub- ombiliquée, à spire pointue , peu élevée, forméede quatre à cinq'tours sub: étagés, anguleux , striés dans leur décurrence, le dernier armé de. quatre séries de tubercules épineux, espacés, outre celle du cordon ombilical, ouverture assez grande, patulée, pauci-striée au bord droit; couleur d’un blanc jaunâtre en dehors, d’un blanc ‘de lait en dedans. Nous ignorons la patrie de cette belle espèce, dontle Muséum a acquis un individu d'un marchand anglais, et dont un autre individu plus petit’ existe dans la collection de M. le duc-de Rivoli. Quoique l'ouverture de la coquille qui a servi à la figure ne soit pas tout-à-fait terminée, il est cependant certain qu’elle indiqué une espèce distincte. 45° P.BOURGEONNÉE. P. Mancinella. ? —Lamarck. VII, P. 239, n°12. P.Gemmulata. Enc. méth. pl. 397, £..3 ab. Murex Mancin. Gmel. p. 3538, n° 47. Chemn.XI,it. 192. f. 1847-1848. .DES ESPÉGES RÉCENTES ET FOSSILES , ETC. 223 Des mers des Indes orientales. De Trinquemalay, dans l'île de Ceylan, d'après M. Reynaud, médecin de la marine. P. MANCINELLOIDE. P. Mancinelloides. CPE, de 27) Goquille assez épaisse, solide, ovale déprimée, subglobuleuse, à spire courte, très surbaissée, striée dans la décurrence des tours, et traversée sur le dernier par six séries de tubercules épineux, dont le premier sur le cordon du sinus postérieur, et le dernier sur le dos du canal; ouverture grande, patulée, avec sept tubercules pliciformes au bord droit, et une guttule à la fin de la columelle; couleur roussâtre en dehors, blanche en dedans, le péristome orange. Nous ignorons la patrie de cette espèce, dont le Muséum pos- séde deux individus, l’un de 12 lig, de long sur 10 de large, l'autre de 18 lig. sur 12. Il se pourroit qu’elle dût être rapportée à la P. echinulata de M. de Lamarck; mais c'est ce quil nous a été impossible de décider, la coquille sur laquelle cette dernière est établie, man- quant momentanément dans la collection de M. le ducde Rivoli. Cependant l'absence de plis longitudinaux et de dents au bord droit nous porte à penser que notre P. Mancinelloïdes est bien distincte de la P. échinulée de M. de Lamarck. a 46° P. ÉCHINULÉE. P. Echinulata. Lamaïck. VIT, p.247, n° 40. (non fiq.) 46'.P. TRIANGUIAIRE. P. Triangularis. (PL 11, fig. 4.) Coquille de 6 lig. sur 5, assez épaisse, semi-globuleuse, déprimée, à spire très courte, surbaissée, couronnée; le dernier tour strié dans sa décur- Ê 224 DISPOSITION MÉTHODIQUE rence, avec deux séries d’épines comprimées, peu nombreuses; ouver- ture patulée, quatre dents au bord droit, une ou deux guttules obsolètes à la partie antérieure de la columelle, large et aplatie; couleur grisâtre en dehors, toute blanche en dedans. De l'Océan Pacifique, sur les côtes de Masatlan, d'où elle a été rappotée par M. P.E. Bosta. Nous n'avons trouvé dans les collections que nous avons con- sultées aucune coquille que l'on puisse rapporter à cette petite espèce, dont nous ne connoissons cependant qu'un seul in- dividu. 47° P. À DEUX TACHES. P. Fucus. P. Neritoides. Lamarck. VII, p. 240..n° 15. Murex fucus. Gmel. p. 3538, n° 44. —Martini. II, t. 100, f. 959-960. Des mers de Guinée, d'après Martini. M. de Lamarck a confondu sous la même dénomination deux espèces bien distinctes, qui, suivant nous, n'appartiennent pas à la même section ; l’une figufée par Martini sous les numéros 959 et 960, l'autre sous les numéros 961 et 962, et que MM. Quoyÿ et Gaymard ont convenablement distinguée sous le nom de P. de l’Ascension. 48° P. ANTIQUE. P. Patula. —Lamarck. VIL p. 236, n° 3. Le Takel: Adans. Senes. pl. 7, f. 3. Buccin. patulum. Gmel. p. 3483, n° 51. — Martini. HI. t. 60, f. 758-759. Del Océan atlantique sur les côtes d'Afrique, d'après Adanson. Sur celles de la Jamaïque, des Barbades, d’après Gmelin et M. Plée, voyageur naturaliste du Muséum. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 225 De l'Océan pacifique sur la! côte de Masatlan, d’après M. P:E. Botta. Et de la Méditerranée, aux environs de Bonifacio en Corse, où elle est très rare, d'après M. Payraudeau. C’est à tort, suivant nous, que M. de Eamarck a dit que, se- lon Columna, c'est de l'animal de cette coquille que les Romains tiroient leur couleur pourpre. En effet, dans l'opinion de cet au- teur, c'étoit du Murex trunculus. L., beaucoup plus commun dans la Méditerranée que:la P. antique, D. P, pyriformes mélongenoïdes, c'est-à-dire courtes, ventrues, striées et sub-épineuses, sans dents ni quitules aux bords de l’ouverture, (Les P. MÉLONGÈNES.) 49° P. PLANOSPIRE. P. Planospira. — Lamarck. VII p. 240, n° 16. —Chemn. XII. p. 143. t. 232, f. 482. ( Perfecta.) P. lineata. Em, p. 397, f. 5 ab (sat bona ). Patrie inconnue: 50° P. CRAPAUD. P. Bufo. —Lamarck. VIL p. 239, f. 13. —Petiv. Gaz. t. 19, f. 10. Patrie inconnue. 51° P. CALLEUSE. P. Callosa. — Lamarck. VIL p. 239, n° 14. — Seba. mus. IIL. t 60, f. r1. De l'Océan indien, avec doute suivant M. de Lamarck. 52° P. RENFLÉE. P. tunuda. —Schub. Wagn. Chemn. XII, t. 4076, n° Ÿ7. Annales du Muséum, t. I‘, 3° série. 29 226 DISPOSITION MÉTHODIQUE Ces:trois dernières espèces pourroient;bien devoir n’en former qu'une à des degrés différents du dépôt calleux qui:se fait au point de jonction du bord droit avec la spire. Nous avons fait figurer,.pl. 11, fig. 5, une variété de taille dont le, Muséum, possède : plusieurs individus qu'il doit à M. Eudore;'et qui proviennent ide l'Océan!indien, des rivages des. Séchelles. Un, bel individu de la collection du Muséum ;let tout-à-fait semblable à celui figuré par MM. Scliubert.et. Wagner est éti- queté comme provenant du Brésil, mais probablement à tort, et seulement parcequ'il nous est parvenu de la collection de Lis- bonne. 53° P. TRISÉRIALE. 2. Triserialis. Coquille assez petite (9 lig. sur 8), turbinée, à spire très surbaissée, cou- ronnée, formée de‘deux àtrois tours, dontle dernier, finement strié dans sa décurrence, porte trois sérieside tubercules épineux, plus forts et plus saillants à la supérieure; ouverture grande, semi-ovale, à columelle droite, pointue, sans dents, ni guttules, ni sinus; couleur extérieure d’un blanc jaunâtre avec des bandes violettes, nombreuses, décurrentes entre les épines; l'intérieur orangé, sur-tout sur la columelle. Opercule de Pourpre. De l'Océan pacifique, sur les côtes de la Californie, d’où elle a été rapportée par M. P: E. Botta. Cette petite espèce que nous établissons d'après un; seul :indi- vidu a beaucoup de rapports, au premier aspect, avec la P. Del- toïde de M. de Lamarck ; elle, nous paroît cependant devoir en être distinguée par l'absence de-dents au bord droit, par la cou- leur de l'ouverture qui est orangée, et parceque les zones exté- rieures ne sont pas pleines, mais composées de lignes violettes très nombreusesiet rapprochées. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 227 54° P.. IMPÉRIALE. PH! ]mperialis. (PL 12, fig..6:) Coquille épaisse, solide, ovale-turbinée, de 13 l''sür 9) à spiré peu élévée, pointue, formée de trois à quatre tours étagés ; Striés) dans leur,déeur- rence et couronnée par.des épines, longues,.un peurétroprades,,en deux rangs sur le dernier tour; ouverture assez grande, ovale, échancrée, sans sinus ni dents; couleur striée de rose violacé en dehors, toute blanche en dedans. Cette espéce, que nous avons trouvée désignée dans la collec- tion du Muséum sous le nom de P. imperialis, que nous avons adopté, est remarquable, sur-tout en ce qu'elle semble conduire aux Pyrules Mélongènes, division qui s'éloigne assez des vérita- bles Pyrules; aussi sommes-nous fortement porté à penser que les Pyrula galeodes et melongena sont de véritables Pourpres. Malheureusement nous n'en connoissons pas encore l'opercule. Ce qui nous retient davantage dans le doute, c'est que la Pyrula nodosa de M. de Lamartk, qui est si voisine des Pyrules mélon- gènes, a un: opercule qui n'est certainement pas celui d'une Pourpre. E. Esp. fusiformes, c'est-à-dire ovales, alongées, renflées au mi- lieu, atténuées aux deux extrémités, et souvent même subcana- liculées, carénées ou touronnées ou non. 55° P. CARINIFÈRE. P. Carimfera: —Läamarck. VIE, p. 241, n° 10. Martini. IL, t. 100, f. 950;etmon 951.4 Seba. LT, t. 120, f. 951. - De l'Océan indién sur.les' côtes de Ceylan, à Trinquemalay, d'après M. Reynaud. 228 DISPOSITION MÉTHODIQUE Cette espèce, dont la ‘collection du! Muséum posséde un assez grand nombre d'individus, paroît offrir beaucoup de variétés; en effet elle ne présente le, plus souvent qu'une seule. carène : mais quelquefois elle en a deux, comme M. de Lamarck l'a jus- tement fait observer. Ordinairement elle est ovale et assez courte; mais elle a toujours une tendance à se scalariser, et alors sa spire s'alonge et les tours se disjoignent plus ou moins; enfin sa carène peut être simple ou être armée de tubercules épineux. 56° P. CARÉNÉE. P. Carinata. Schub. et Wagner. Chemn. XII, p. 143, t. 233, fig. 4091-4092. Patrie inconnue. IT nous paroît probable que cette coquille doit être consi- dérée comme une simple variété de la précédente; car elle n’en diffère que par l'absence des tubercules épineux de la carène. 57° P. ESCALIER. P. Scalariformis. —Lamarck. VII, p. 241, n° 20. Cette espèce, qui n'existe pas dans la collection du Muséum, et dont M. de Lamarck ne cite pas de figure, a été établie par le célébre naturaliste français, d'après une coquille assez fruste que nous avons examinée dans la collection de M. le duc de Rivoli; elle nous a paru différer réellement de la variété scala- riforme de la P. Carinata (Lk.),1et de la P. Scalaris de Schubert et Wagner. Patrie inconnue. 58° P. SCALAIRE. L. Scalaris. Schub: et Wagn. Conchyl. Cabin. XIL, p. 147, t. 233, f. 4089-4090. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 229 La collection du Muséum ne possède pas cette espèce qui a évidemment beaucoup de rapports avec la P. Sacellum. (Lk.) Patrie inconnue. 59° P. PAGODE. P. Sacellum. —Lamarck. VIT, p.241, n° 21. Murex sacellum. Gmel. p. 3500, n° 164. Chemn. X, t. 162, f. 1561, 1562 (sut bona). Des mersde l'Inde, près lesiles deNicobar, d'après M.de Lamarck. 60° P. RÉTICULÉE. P. Reticulata. —Quoy et Gaymard. Astrolabe. Zool. (non fig.) Coquille assez petite (8 lig: sur 5 et demié ),ovale, alongée, fusiforme, à spire assez élevée, subturriculée, de quatre à cinq tours carénés, et comme guillochés par des sillons décurrents, imprimés de points, croisés par des stries d’accroissement bien marquées; deux carènes et deux couronnes de tubercules oblongs sur le dernier et l'avant-dérnier; ouverture ovale, sub- canaliculée, sans sinus postérieur; columelle étroite; couleur grisâtre en dehors Comme en dedans, les tubercules des carènes d’un brun rougeâtre. Des mers australes au port Western, rapportée par MM. Quoy et Gaymard. Cette petite espèce a évidemment un assez grand nombre de rapports avec la P. Pagode de Lamarck; mais elle en diffère par la réticulation profonde, dont elle est sculptée à sa surface. 61° P. FUSIFORME. P. Fusiformis. (PL 11, fig. 7.) Coquille assez mince, épidermée, ombiliquée, fusiforme, à spire assez élevée, subturriculée, formée de cinq à six tours étagés, comme étranglés à la suture, carénés et couronnés dans leur milieu, striés et subcerclés dans lé reste, le dernier garni d’un rang d'épines comprimées ; ouverture ovale, subcanaliculée, échancrée, à bord droit festonné; la columelle lisse et 230 DISPOSITION :MÉTHODIQUE épaisse; couleur d’un blanc roussâtre, plus teintée sur les tubercules, toute blanche en dedans. (24 1. sur 16.) De la Nouvelle-Guinée, d'où elle a été rapportée par MM. Les- son et Garnot. De l'Océan Pacifique, sur les côtes de Masatlan, par M. P.E. Botta: Cette coquille, dont le Muséum posséde trois ou quatre échan- tillons, pourroïit bien être considérée comme un!fuseau ; voisin du F. Polygonoides. Lam., si l’on m'avoit pas égard à la manière dont la columelle est formée et se.joint au canal. 62° P.. CASSIDIFORME.. P. Cassidiformis. Coquille épaisse, solide, ovale, assez renflée, subcaudée, subombiliquée, à spire courte, surbaissée, étagée, formée de quatre à cinq.tours anguleux et subcarénés, aplatis à leur partie supérieure, striés, multicarénés! dans leur décurrence, et traversés par des côtes ou bourrelets plus ou moins marqués, sur-tout sur.le dernier; ouverture grande, ovale, términée par un canal médiocre, subascendant et oblique; columelle assez excavée et subanguleuse à son point de/jonction-avec:le canal; bord droit assez évasé, et garni de onze à douze tubercules dentiformes; couleur d’un blanc roussâtre en dehors, ventre de biche en dedans. (2 p. 9 lig. sur ip. 11 lig.) Opertule’ de Pourpre: De Valparaiso, sur la côte du Chili, d'où un individu a été rapporté par MM. Lesson et Garnot, et cinq ou six envoyés par M. Gaudichaud tout dernièrement. Cétte espèce, dont nous avions d'abord fait une espéce du genre Fuseau, est bien une Pourpre d'après l’opercule et même la forme de la columelle ; elle a cependant une sorte de canal court, -obliquement.ascendant comme dans les Cassidaires!: DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 231 63° P. À CÔTES. P.Costata. (PL 11, fig. 8.) Coquille petite (nnlig.sur-7), épaisse; solide, ombiliquée, fusiforme, sub- caudée, à spire assez élevée, formée de quatre à cinq tours étagés, , ca- rénés , traversés par des stries égales, et par des costules au nombre de neuf sur le dernier; ouverture assez petite, ovale, terminée.en avant par un petit canal subascendant ; couleur d’un gris-blanc en dehors, d’un blanc de porcelaine en dedans. Opercule-de Pourpre. De l'Océan Pacifique, sur la côte de Masatlan, d'où elle a été rapportée par M. P. E. Botta. Cette petite espèce, dont nous n'avons vu qu'un seul individu faisant maintenant partie de la collection du Muséum, est bien aisée à distinguer de toutes les autres par l'existence d’un canal évident, quoique court; aussi sans la connoïissance de l'oper- cule on auroit pu avoir quelque doute sur le genre auquel elle appartient. 64° P. STRIÉE. P. Striata. —Quoy.et Gaymard. Astrolabe. Zool. pl.-37, f. 12-14. Bucc. strigosum. Gmel. p. 3494, n° 103. Martini. IV, pl. 49, vign. 38, f. ab. Coquille médiocre, 20 lig. de long sur 10 à 11 de large, épidermée , épaisse, solide, oliviforme, à spire peu élevée, aiguë, formée de quatre à cinq tours, appliqués à la suture, striés fortement et un peu irrégulièrement dans leur décurrence, et traversés par des côtes onduleuses épaisses, au nom- bre de huit à neuf sur le dernier; ouverture assez grande, subpatulée, assez fortement échancrée en avant, avec un sinus en arrière; neuf dents pliciformes au bord droit, et deux à trois plis obsolètes à la columelle, large et anguleuse au milieu; couleur uniforme ,srougeâtreien dehors, fauve en dedans. Opercule de Pourpre. 232 DISPOSITION MÉTHODIQUE Des mers australes ,-sur les rivages de l'ile Dorey, d'après MM. Quoy et Gaymard., Cette belle espèce, dont trois individus existent dans la col- léction du Muséum, est remarquable parcequ'elle est fortement épidermée, et pourvue de grosses côtes longitudinales. 65° P. COSTULAIRE. P. Costularis. (PL 11, fig. 9.) Murex Costularis. Lamarck. VIE, n° 51, p. 173. —E. M. pl. 419, f. 8 ab (pessima). Cette espèce, dont M. le duc de Rivoli possède plusieurs échan- tillons, provenant du cabinet de M. de Lamarck, et que nous avons étudiés, nous paroît devoir être rangée parmi les Pour- pres, malgré l'élévation de la spire, l'existence d'un canal évi- dent et des côtes qui sont rares dans ce genre; en effet l'ouver- ture a tous les caractères des Pourpres. Nous sommes porté à regarder comme une variété assez forte de cette espèce une coquille de la collection du Muséum, qui diffère principalement du M. Costularis de M. de Lamarck, en ce que la spire est beaucoup moins élevée, que les tours sont subcarénés, ét sur-tout que le canal est beaucoup plus pincé à l'extérieur, ce qui la fait ressembler davantage encore à un fuseau; du reste, ce sont les caractères de la P. Costulaire, sept côtés Subvariciformes au dernier tour, les sillons aigus, squa- meux et denticulant fortement le bord droit en dehors et l’ou- verture d’un beau violet. F. Espèces pyriformes, globuleuses ou ovales, mais peu ou point épineuses.s Cette division renferme un certain nombre de coquilles en DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 233 général raccourcies, et même pyriformes, quelquefois un peu alongées, toujours assez rudes, mais jamais épineuses, ni tuber- culeuses, ce qui les distingue de celles qui constituent la sec- tion des Pyriformes mélongenoïdes. 66° P. RACCOURCIE. P. Abbreviata. Pyrula abbreviata. Lamarck. VIT, p. 146, n° 24. —E. M. pl. 436, f. 4 ab (mala). Murex Galea. Chemn. X, t. 160, f. 1518- 1919 (sat bona). Patrie inconnue. . Quoique l'opercule de cette coquille ne nous soit pas Connu, nous croyons devoir la retirer du genre Pyrule, dans lequel M. de Lamarck La placée, pour en faire une Pourpre, d'après la considération de la columelle et de la couleur plus ou moins violette de l'ouverture. 67° P. COURTE. P. Breyis. (PL 1x, fig, 10.) Goquille petite (8 lig. sur 6), courte, renflée, pyriforme; rugueuse, à spire très basse, pointue, formée de trois à quatre tours distincts, subcarénés, traversés par des stries décurrentes, écailleuses, avec un rang d'assez grosses épines sur la carène, se prolongeant un peu en costules; ouver- ture grande, dilatée au bordidroit, à columelle subombiliquée, aplatie et pointue; couleur uniforme d'un gris verdâtre en dehors comme en dedans. De la Méditerranée, sur les côtes de Sicile, d'où elle a été re- cueillie par Caron, marchand d'objets d'histoire naturelle. Cettecoquille, dont la collection du Muséum ne posséde qu'un échantillon sans opercule, nous paroît devoir être! regardée comme une Pourpre et non comme une pbs à cause de’ la forme dela columelle. b sbmivo : Annales du Muséum, t. 1°, 3° série. 30 234 DISPOSITION :MÉTHODIQUE 68° P. BEZOAR., P. Bezoar. Pyrula. Bez. Lamarck. VIF, p.143, n° 16. Buccin..Bez. Gmel. p. 3490, n° 91. —Martini. IL, t. 68, f.554, 755 (sat bona). De l'Océan indien; sur les côtes de la Chine. De la mer Pacifique, sur les côtes de la Californie, d'après M. P. E. Botta. M.P.E. Botta a rapporté des côtes de la Californie une va- riété de cette coquille qui, au lieu d’être blanche en dedans, est rougeâtre ou couleur de chair assez intense; elle est aussi moins squameuse que la P. Bezoar de la Chine. Quoique nous n’ayons pas vu l'opercule de cette coquille, il nous semble qu’elle doit être retirée du genre Pyr rule dont elle ua nullement les caractères pour être rapprochée de la P.-Cou- ronnée. 69° P. DE GUINÉE. P. Guineensis. —Schub. et Wagn. Conchyl. Cabin. XII, p. 144, t. 232. f. 4083-4084. ( Perfecta.) Lé Labarin. Adänson. Sénégal. p. 103. bi: 7, fig. 2 De la côte occidentale d'Afrique. 70° P. CALLIFÈRE. P. Callifera. =Lamarck. VIE, p. 240, n° 17. Patrie inconnue. 71° P. COURONNÉE. P. Coronata. —Lamarck. VIL p.241, n°15. E.M: pl: 397, f.4..11; - Patrie inconnue, Ges trois, espèces, nous paroissent être AO oGlAT - en. effet, la P. de Guinée de MM. Schubert et Wagner.west sans, donte DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILÉS, ETC. 235 qu'une variété de sexe femelle, étant plus courte, plus ventrue que la P. Courognée, ‘ainsi nommée, parceque Le sinus posté rieur du bord droit est relevé en une sorte de bourrelet bour- souflé formant couronne à la suture. Quant à la P. Callifère de M. de Lamarck, l'inspection des deux individus de son ancienne collection nous a convaincu que ce m'étoit qu'une variété monstrueuse de la P. Coronata , dans laquelle le bourrelet coronal est formé d'une série de cal- losités gibbeuses. Dans le jeune âge, la Pourpre Couronnée a sa couronne pres- : que réduite à une série décroïssante de squames à bord con- cave, un peu comme dans certaines espèces de Pleurotomes: 72° P. THIARELLA. P. Thiarella. . —Lamarck. VII, p. 246, n° 37. D'après l'examen que nous avons! fait de la coquille sur la- quelle M. de Lamarck a établi cette espèce, il nous semble qu'elle se rapproche beaucoup des variétés les plus alongées de la précédente. à G. Espéces ovales à spire médiocre ôu courte, également striée dans la décurrence, rarement couronnée, dont l'ouverture est pa- tulée, striée, et rarement dentée au bord droit. (Les P. HÉMASTOMES. ) Cette division renferme d'assez grosses coquilles remarquables parceque l'ouverture est toujours patulée.ou au moins subpa- tulée, et parcèque les stries décurrentes sont plus marquées, plus égales, et par la disparition fréquente mème de la couronne du dernier tour. Nous les disposerons dans l'ordre des moins patulées à celles qui le sont le plus. 236 DISPOSITION MÉTHODIQUE 73° P. CONSUL. P. Consul. à —Lamarck. VIL p.237, n°6. : " Murex Consul. Chemn. X, t. 160, f. 1516-1517, .et t. XI, t. 187, f. 1796, f. 1797. Cette belle espèce que ne possède pas la collection du Muséum est une Pourpre hémastome, pour ainsi dire, exagérée pour la variété représentée f. 1796-1797 de Chemnitz; tandis que celle des figures 1527 et 1528 du même conchyliologiste étant beau- coup plus courte, paroît s'en éloigner davantage; peut-être celle- ci provenoit-elle d’un individu mâle. M. de Lamarck les possédoit l’une et l’autre, et nous les avons observées dans la collection de M. le duc de Rivoli. 74° P. HÉMASTOME. P. Hæmastoma. (PL. 12, fig. 1.) = Lamarck. VII > p.238, n° 11. Blainville. Faune Franc. Malacoz. I, p.145, pl. 6, f. 2. Adanson. Seneg. p. 100, n° 7, f. 1. Buccin. Hoem. Gmel. p. 3483, n° 52. Buc. Lineatum. Lamarck, VII, p. 268, n° 16. Buc. Cinqulatum. Enc. Méth. p. 400, f. 604. Opercule de pourpre. Des mers de l'Amérique méridionale, sur les côtes du Brésil, d'où elle a été rapportée par MM. Quoy. et Gaymard. De l'Océan atlantique, sur les côtes occidentales de l'Afrique, d'après Adanson et la collection du Muséum. De l'Océan atlantique, sur les côtes de France dans le golfe de Gascogne, d'après la Faune française, et M. d'Orbigny le père, qui en a envoyé dernièrement trois nil au Muséum. De la Méditerranée, sur les côtes de la Corse, d’ après M. Pay- DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 237 raudeau, et sur celles de la Sicile, d'après un individu de la col- lection du Muséum, vendu par un marchand nommé Caron, et sur la côte de Barbarie, d'après Chemnitz. De l'Océan indien, en admettant que le P. Consul ne seroit qu'une P. Hémastome exagérée, et même peut-être sans cela suivant Chemnitz. D'après cela, cette espèce existeroit presque dans’ toutes les mers, mais avec des différences saisissables. Celle de l'Océan indien attéindroit la plus haute taille, et auroit ses tubercules les plus saillants, sur un ou deux rangs au plus. “ La varieté du Brésil viendroit ensuite pour la grandeur, l’'é- paisseur, le développement des tubercules, et la vive coloration de l'ouverture Celle de la côte d'Afrique est sensiblement plus petite, ses tubercules sont moins marqués, et sur deux rangs, les deux an- térieurs étant peu prononcés. Celle de la Méditerranée paroît peu différer de la P. Hémas- tome de la côte occidentale d'Afrique. Enfin celle de l'Océan dans le golfe de Gascogne est évi- demment la plus petite de toutes; elle a généralement ses qua- tre rangées dé tubercules plus évidentes, quoique moins sail- lants; l'ouverture est d’une couleur fort vive. Une autre variété dont nous ignorons la patrie, mais qui paroît tenir au sexe femelle, est plus ovale, sa spire est plus courte, ses tubercules beaucoup moins marqués, et alors c'est la coquille dont M. de Lamarck a fait son Buccinum lineatum , figurée dans l'Encyclopédie méthodique sous le nom de B. cin- gulatum. Peut-être cependant est-ce une espèce distincte. 238 DISPOSITION MÉTHODIQUE 75° P: BISÉRIALE. P. Biserialis. (PL r1, fig: 17.) Mur. Mancinell. Martin. TL, t. 101, f. 966 (sat bona). Coquille solide, assez épaisse, ovale, à spire médiocre, pointue, formée de trois à quatre tours étagés, striés finement avec une double carène de tubercules épineux sur le dernier; ouverture patulée, striée avec sept tubercules pliciformes au bord droit; couleur d'un gris blanchâtre en dehors, blanche avec le péristome d’un jaune orangé en dedans. : De l'Océan Pacifique, sur Je rivage de Masatlan, d'après M. P. E:Botta. : à | Cette espèce, qui semble être le représentant de la P. Hém as- tome sur la côte occidentale de l'Amérique, en diffère cependant par moins de grandeur et par l'existence constante des sept tu- bercules pliciformes du bord droit. 76° P. BICOSTALE. P. Bicostalis. — Lamarck. VII, p. 245, n° 34. E. M. pl. 398, f. 506 (sat bona). Buccin. luteostoma. Chemnitz. XI,:p. 83, t: 137, f. 1800 et 1801. P. Cataracta. Lamark. VII, p.245, n° 30. —Chemn. X, t. 152, f. 1455. Des côtes de la Nouvelle-Zélande, d'après MM: Quoy.et Gay- mard. Des mers du Sud et de celles de la Chine, d'après Chemnitz : en admettant toutefois que le Buc. luteostoma de ce conchyliolo- giste soit bien la P. bicostalis de Lamarck. D'après l'examen que nous avons fait de la coquille sur la- quelle M. de Lamarck a établie sa P. cataracta, il nous semble 721: Pre dt 1. P.elanree, à. P. renflée. 9-?. cortulatre. À 32 DTA Te 22% 6.2. ünperab. 3 9 7 10. P. courte’. 23 3.#! md hcinelloïde. 22 3 7. P. fiasÿorme. 2% 9 u.P.bwertale. Ÿ S D = L FA 4. P. Fangulaire. 2? 3 8. P. a Cotes. 231 DES ESPÈCES RÉCENTES ET. FOSSILES, ETC. 239 que c'est une simple variété de la P. bicostahs, dont elle ne dif- fère que par l'absence des carènes. La figure de Chemnitz, que M. de Lamarck prend pour sa P. cataracta, ne conviendroit-elle pas mieux à la P. imbosa ? 77° P: RUSTIQUE. P. Rustica. — Lamarck. VIT, p: 246, n° 38. Patrie inconnue. P. UNIFASCIALE. P. Unufascialis. — Lamarck. VII, p° 247, n° 43. E.M., pl. 39, n° 4 (sat bona). Patrie inconnue. D'après l'inspection de la coquille qui a servi à M. de Lamarck pour l'établissement de cette espèce, elle nous a paru bien voi- sine de la suivante. 78° P. TACHETÉE. P. Rudolph. — Lamarck. VIF, p. 235, n° 2. Buccin. Rudolphi. Chemn. X, t. 154, f. 1467-1468 (bona). — Martini. IE, t. 69, f. 760 (sat bona). Cette espèce, qui offre un assez grand nombre de variétés, les unes noduleuses et les autres lisses, comme dans la figure citée de Martini, est sur-tout reconnoissable à une sorte d'échan- crure de l’origine du bord droit, dont les traces se conservent sous la suture, un peu comme dans les Pleurotomes. 79° P. PUISOIR. P. Haustorium. Buccin. Haust. Gmelin. p. 3498, n° 175. — Martini. II, t. 69, f. 760. Buccinum haustorium. Chemn. t. X, tab. 152, f. 1449- 1450. Opercule de Pourpre. 240 DISPOSITION! MÉTHODIQUE Cette belle espèce, dont un grand nombre d'individus existe dans la collection du Muséum, a été confondue tout-à-fait à tort par M. de Lamarck avec la P. persica, dont elle diffère par plu- sieurs caractères, entre autres par beaucoup moins d'épaisseur, plus d'évasement et de grandeur proportionnelle dans l'ouver- ture, parceque la columelle est plus étroite et plus pointue, et enfin par la coloration toute brune. Il paroît qu'elle est fort commune dans les mers de la Nouvelle- Zélande. Ve 80° P. CHOCOLAT. ?2. Chocolatta. (PL. 12, f. 2-3.) De l'Océan pacifique, sur les côtes de la Californie, d'où elle a été rapportée par M. P.E. Botta. Cette belle coquille, dont la collection du Muséum possède deux individus, dont l'un a servi à notre figure, est très remar- quable et bien distincte de toutes ses congénères. Il ya déja quel- ques années que nous en avions, un bel individu rapporté par M. P. E. Botta; et nous l’avions nommée P. brune, mais M. Du- clos en visitant, en notre absence, la collection des Pourpres du Muséum, telles que nous les avions disposées dans notre labora- toire particulier, ayant dit que les Anglais l'avoient désignée sous la dénomination de P. chocolat, nous l'avons adoptée avec plaisir. Nous ignorons cependant quel est l'auteur qui a établi le pre- mier cette espéce. 81° P. PERSIQUE. P. Persica. —Lamarck. VII, p.235, n° 1. * »« —E. M. pl. 397, f. 1 ab (sat bona). Buccin. Persic. Gmel. p. 3482, n° 49. —Martini. II, t. 69, f. 760. Opercule de Pourpre. DES ESPÉCES! RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 241 Les individus assez nombreux quisexistent dans la collection du Muséum n’ont aucune origine certaine. De l'Océan des Grandes-Indes, d'après M. de Lamarck, et plus rarement dans le/golfe Persique. 82° P. MONODONTE. P. Monodonta. —Quoy et Gaymard. Astrolabe. Zool. pl: 37, f'9-2r. Coquille assez petite (7 lig. sur 4), ovale un-peu alongée, comme déprimée, à spire courte, pointue, formée de trois à quatre tours arrondis, séparés par une suture enfoncée, marqués de stries décurrentes fines et épales ; ouverture très patulée, parle grand élargissement de la columelle excavée, et garnie d’une petite dent à sa jonction avec le canal; bord externe tran: chant et fort mince; couleur d’un blanc sale en dehors, et d’un beau blanc de porcelaine'en dedans, teinté de violet sur la columelle. De Tongatabou, d'après MM. Quoy et Gaymard. Cette jolie espèce, dont un individu existe dans la collection du Muséum, est fort remarquable à cause de la petite dent qu'elle offre à la fin de la columelle. Du reste, par sa forme elle rappelle un peu la coquille qu'on regarde comme le commen- cement du magile, 83° P. ÉPAISSE. P. Crassa. (PL 12, fig. 4.) Coquille solide, épaisse, pesante, épidermée; ovale, courte ou semi-globu- leuse, à spire courte, obtuse, formée de trois à quatre tours, peu disuncts, striés d’une manière fort égale dans leur décurrence; ouverture ovale, assez patulée avec 12 à 15 plis en dedans du bord droit, et une sorte de grosse guttule obsolète à la partie antérieure de la columelle excavée; couleuruniforme, brune en dehors, jaune avec quelques nuances de violet en dedans. Cette singulière espèce est établie d’après une belle coquille Annales du Muséum, t. 1”, 3° série. 31 242 DISPOSITION MÉTHODIQUE de la collection du Muséum; elle a été acquise d’un marchand anglais; mais nous ignorons dans quelle mer elle habite. 84° P. DE CALLAO. P. Callaoëensis. —Gray. Spizil. Zool. I, tab. 3. Coquille assez mince, ovale, semi-globuleuse, à spire assez peu élevée, formée de trois à quatretours ‘arrondis, striés également et finement dans leur décurrence; ouverture large, patulée, à columelle mince, arquée, sans guttules ; bord droit tranchant strié intérieurement ; couleur uniforme, brune en dehors, d’un blanc jaunâtre en dedans. De l'Océan pacifique, sur la côte de Callao, d'après M. Gray, et un individu envoyé à la collection du Muséum, par M. Gau- dichaud, médecin de la marine. 85° P. DE L'ASCENSION. P. Ascensionis. —Quoy et Gaymard. Astrolabe. Zoologie. (non fig.) Mur. Moiga dictus. Martini. III, t. 120, f. 961-962. Coquille épaisse, solide, ovale, renflée, ou semi-globuleuse, à spire très surbaissée, formée de deux à trois tours, aplatis en dessus, subcarénés, et sillonnés par des stries décurrentes jusqu’au bord droit qu’elles denti- culent; ouverture grande, patulée, échancrée en avant, avec un sinus subcanaliculé et arrondi en arrière; des plis nombreux au bord droit, et trois à quatre grandes guttules violettes sur la columelle; couleur brune en dehors et blanche en dedans. Opercule de Pourpre. Des rivages de l'île de l’Ascension, d'après MM. Quoy et Gaymard. C’est avec grande raison que M. Quoy a distingué cette belle espèce de la P. à 2 taches avec laquelle Martini, et ensuite M. de Lamarck même l’avoient confondue. En effet, outre le DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 243 nombre des guttules de la columelle qui sont toujours au moins au nombre de trois, la coquille est sillonnée de manière à den- ticuler le bord droit, tandis que la P. à 2 taches est constamment hérissée de plusieurs rangées d'épines , ce qui la porte dans une tout autre division. Î 86° P. NÉRITOIDE. P. Neritoidea. Murex Neritoideus. Gmel. p.3559, n° 169. —Chemn. X,t. 163, f. 1577-1578 (perfecta). Fusus Neritoideus. E. M. pl. 435, f. 2 ab (sat bona). Pyrula Neritoidea. Lamarck. VIE, p. 146, n° 25. Opercule de Pourpre. Des rivages des îles de Nicobar, d'après Chemnitz. De ceux de l’île de Dorey et de la Nouvelle-Hollande, d’après MM. Quoy et Gaymard qui, les premiers, ont pu rapporter cette espèce à son genre naturel. Cette jolie coquille, remarquable par l'intensité de la couleur violette qui en colore tout l'intérieur, nous paroît devoir être placée dans ce genre par la considération seule de la forme de la columelle; mais c'est ce qui est mis hors de doute par la forme de l’opercule. H. Espèces patelliformes ou à peine spirées au sommet, plus ou moins ruqueuses ; à ouverture tout-à-fait patulée, à péris- tome continu , non modifié. LES P. PATELLIFORMES. ( G. Concholepas. Lam.) 87° P. DU PÉROU. P. Peruviana. Concholep. peruv. Lamarck. VIE, p. 253, n° 1: Buccinum Concholep. Brug. Dict. n° 10. 244 DISPOSITION MÉTHODIQUE Patella Lepas: Gmel: p: 3697, n° 26: =_Chemn.X, p. 320. Wign. 25, f. AB. ( Mediocris.) Opercule de Pourpre. M. Lessona donné une description complète de cette espéce, c'est-à-dire de l'animal et de sa coquille, dans la zoologie du voyage de la Coquille. La collection du Muséum possède une jolie variété de cette espèce, remarquable en ce qu'elle n'offre qu'onze grosses côtes très squameuses, quele sommet est tout-à-fait marginal, spiré, et que le canal forme à l'extérieur une torsade très saillante et très squameuse, sans que les dents contiguës à l'échancrure soient plus saillantes que les, autres. Elle est aussi bien plus petite. 88° P. CABOCHON. P. Pileopsis. Coquille très grande, ovale un peu alongée, patelliforme, à sommet subspiré, mais assez élevé au-dessus du bord; ouverture moins patulée au bord gau- che que dans l'espèce précédente;. les deux dents avancées, contiguës à l'échancrure, plus serrées l’une contre l’autre. Opercule de Pourpre. Des côtes du Chili, d’où elle a été envoyée au Muséum par M. Alcide d'Orbigny. M. Lesson ayant assuré qu'il y avoit deux espèces de Pourpre Concholépas, nous avons cherché à confirmer cette assertion, et nous croyons avoir trouvé des différences qui ne tiennent pas aux sexes, dans la disposition du sommet presque marginal dans la P. du Pérou, et toujours au-dessus du bord dans celle du Chili, dans la forme du bord gauche toujours bien plus large dans celle-ci que dans celle-là, et même dans la largeur de la goutière qui sépare les deux dents avancées contiguës à DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 245 l'échancrure. Ces différences sont-elles suffisantes pour carac- tériser une espèce? C'est ce que nous n'osons pas assurer, jus- qu'à ce que les animaux aient été suffisamment étudiés. I. Espéces ovales, striées, rugueuses à la surface ,* de couleur uniforme; à ouverture quelquefois dentée en dedans du bord droit, maïs toujours pourvue d’une saillie en forme de corne au quart antérieur de ce bord. LES P. LICORNES. (G. Monoceros. Lk.) Cette division offre des coquilles qui ont tous les caractères des véritables Pourpres, et qui n’en diffèrent qu'en ce que, à tout âge, une des saillies qui forment les dentelures marginales du bord droit, est constamment beaucoup plus longue que les autres, et forme ainsi une sorte de corne, aiguë, un peu re- courbée en dehors. Ce caractère se rencontre dans des coquilles d'un autre genre que celui des Pourpres, par exemple-dans celle que M. de Lamarck a nommée Monoceros cinqulatum, qui est une vraie lurbinelle, non seulement à cause des plis de la columelle, mais encore par la structure et la forme de l'opercule, en tout sem- blable à celui des Murex. 89° P. GÉANTE. P. Gigantea. Monoceros giganteum. Lesson. Voyage. Coquille. Zool. Mollusq. p. 405, pl. 1, f: 4, 4! Cette coquille, qu'au premier aspect et sans connoître l'oper- cule, nous avions rangée parmi les Fuseaux, à cause de la queue bien évidente que forme le canal de l'ouverture, doit cependant faire partie de la division des Pourpres licornes, comme l'a très bien établi M. Lesson (loc. cit.). Nous ne croyons cependant pas 2 46 DISPOSITION MÉTHODIQUE que cet auteur ait réellement connu l'opercule de sa Licorne géante, car celui quil figure est trop petit et n'a guère la forme de l'opercule de la collection du Muséam, et dont l'origine est certaine. C'est du reste tout-à-fait un opercule de Pourpre. 90° P. IMBRIQUÉE. P. Imbricata. Monoceros imbricatum. Lamarck. VII, p. 251, n° 2. —E. M. pl. 396, fig. 1 ab (bona). Buccinum monodon. Gmel. p. 3483, n° 5o1. Buccin. imbricatum. Chemn. X, t. 154, f. 1469-1470 (bona). Des mers Magellaniques, sur les côtes du détroit de Magel- lan et de la terre de Feu, d’après Chemnitz. 91° P. STRIÉE. P. Striata. Mon. striatum. Lamarck. VIT, p.251, n° 4. Mon. Narwhal. E. M. pl. 396, f.5 ab (sat bona). Patrie inconnue. F 92° P. GLABRE. P. Glabrata. Monoc. glabratum. Lamarck. VIE, p. 251, n° 4. — Enc. méthod. pl. 396, f. 5 ab (sat bona). Patrie inconnue. 93° P. DE LA NOUVELLE-HOLLANDE. P. Novæ-Hollandie. (PL. 12, fig. 5.) Coquille épidermée, médiocré (14 lig. sur 10), assez épaisse, ovale, à spire un peu élevée, aiguë, pointue, formée de quatre à cinq tours peu dis- tincts, et‘traversés par des stries fines, égales et peu marquées, avec un sillon au-dessus du cordon columellaire; ouverture ovale, à bord colu- mellaire presque droit, à bord droit mince et tranchant, pourvu d’une corne assez courte; couleur uniforme, brune en dehofs, blanche en dedans. Opercule de Pourpre. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 247 Des côtes de la Nouvelle-Hollande, d’où elle a été rapportée en grande abondance par MM. Quoy et Gaymard. Cette espèce, dont le Muséum posséde un grand nombre d'in- dividus, paroît assez peu différer de la licorne glabre de M. de Lamarck ; elle est cependant, en général, plus petite; elle n'est pas lisse, et sa patrie paroît être différente. 94° P. LÈVRE-ÉPAISSE. P. Crassilabrum. Mon. crassilabrum. Lamarck. VII, p. 252, n°5. — Enc. méthod. pl. 396, f. 2 ab. Buccin. unicornu. Brug. Dict. n° 13. Du Chili, d'où elle a été rapportée par MM. Lesson et Garnot. Des mers Magellaniques, d'après M. de Lamarck. K. Esp. ovales, épaisses, peu ou point épidermées, striées et sou- vent cerclées dans la décurrence des tours de spire; ouver- ture peu patulée et assez fortement échancrée. LES P. LAPILLIENNES. 95° P. A TEINTURE. P. Lapillus. — Lamarck. VII, p. 244, n° 30. — Blainv. Faun. Fr. Malacoz. I, p. 146, pl. 6, fig. 3. Buccin. lapillus. Gmel. p. 3484, n° 53. — Martini. IL, tub. 121, f. 1111-1112, et tab. 122, f. 1128 (mediocris). Le Sadot. Adans. Sénég. p. 106, pl. 7, f. 4 (bona). a) Var. squamosa. P. imbricata. Lamarck. VITE, p.244, n° 31. — Martini. IV,t. 122, f. 1194-1125, et t. 123, f. 1136- 1137 (mala). : b) Var. bizonalis. 248 DISPOSITION MÉTHODIQUE P.bizonalis. Lamarck. VIF, p.249, n° 49. — Martini, IV, t. 122, f. 29 c) Var. major et elatior. Opercule de pourpre. Des mers du Nord, sur toutes les côtes de celles de la Manche, de l'Océan atlantique jusque dans les mers du Sénégal. D'après l'étude que nous avons faite des coquilles nommées par M. de Lamarck L. imbricata et bizonalis, nous mous sommes as- suré que ce ne sont que de simples variétés, l’une jaune et squa- meuse , l’autre avec deux zones fauves du P. lapillus. Quant à la troisième variété, elle est plus importante, parce- qu'elle offre quelques caractères distinctifs ; en effet, elle est en général plus grande, sa spire est plus élevée ; elle est plus ombi- liquée, et, enfin, les stries qui la traversent, alternativement plus grosses et plus petites, semblent la rapprocher de la P. ru- gosa de M. de Lamarck. Nous pensons cependant que ce n'est qu'une forte variété de la Pourpre à teinture. Nous l'avons trouvée, en effet, plusieurs fois sur les rivages de la Manche avec celle-ci. 96° P. BUCCINOIDE. P. Buccinoïdea. — Blainv. Faun. Franc. Malacoz. I, p. 48, pl. 6, fig. 5. De la Méditerranée, d'après M. Deshaies, 97° P. RUGUEUSE. P. Rugosa. — Lamarck. VII, p. 242, n° 23. — Martyns. Conchyl. t. r, f. 7. Buc. orbita lacunosa. Chemn. X , t. 154, f. 1473. Buc. bicostatum. Brug. Diction. 1, p.248, n° 7. Buc. lacunosum. Brug. Diction. p. 258, n° ro. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 240 Opercule de Pourpre. De la Nouvelle-Zélande. 98° P. NATTÉE. P, T'extilosa. — Lamarck: VIE, p. 242, n° 24. — Enc. méthod. pl. 398, f. 4 ab (rudis sed sat bona), Opercule de Pourpre. De la Nouvelle-Hollande. 99° P. CORDELÉE. P. Succincta. — Lamarck. VIL, p. 236, n° 5. — Enc. méthod. pl. 398 , £. 1 ab. Buccin. orbita. Gmel. p. 3490, n° 183. —Chemn.X,t.154,f. 1471-1472 (bona), Opercule de Pourpre. De la Nouvelle-Zélande, . D'après le grand nombre d'individus de ces trois espèces, que possède le Muséum, et qui ont été rapportées successivement par Péron et Lesueur, par MM. Quoy et Gaymard, par MM. Les- son et Garnot, il nous semble qu'elles doivent n'en former réel- lement qu'une seule ; en effet, elles passent de l'une à l'autre par des nuances presque insensibles. On pourra même trouver à y distinguer plusieurs autres variétés, et entre autres une qui a une ou deux rangées de tubercules mousses, avec le péristome jaune, ce qui lui donne des rapports évidents avec la P. Hémas-— tome; et une seconde qui offre, sur le dernier tour, de grosses côtes mal formées, et croisées par des stries décurrentes. 100° P. CABESTAN. P. Trochlea. — Lamarck. VIT, p. 248, n° 45. Triton trochlea. Enc. méthod. pl 422, f. 4 ab (sat bona). Annales du Muséum, t. 1”, 3° série, 32 250 DISPOSITION MÉTHODIQUE Buccin. trochlea. Brug. Diction. n° 8. Buc. scala. Gmel. p. 3485, n° 61. — Martini. UT, t. 118, f. 1089 ab (mediocris). a Var. bicostalis. — Brug. Diction. n°8. b Var. tricostalis. © _ Var. quadricostalis. — Buc. scala. Gmel. p. 3485, n° 67. — Schroeter. Einl. I, p. 360, t. 2, f. 8 (bona). Des mers Magellaniques, d’après Bruguière et M. de Lamarck. Du cap de Bonne Espérance, d’après la collection du Muséum et M. Vereaux fils, qui l'en a rapportée. Des Indes orientales, d'après Martini. Cette espèce offre un assez bon nombre de variétés d'âge; en effet, très jeune, les intervalles de sés cercles sont treillisés. Une autre variété, dont le Muséum posséde trois individus, et qui a quatre cercles décurrents au lieu de trois, vient du capde Bonne-Espérance, d'après MM. Quoy et Gaymard. C'est celle que Gmelin a décrite comme type de son B. scala. Enfin, Bruguière en cite une troisième variété qui n’en avoit que deux, soit naturellement, soit par la réunion en une seule des deux cercles inférieurs. 101° P. ÉCAILLEUSE. P. Squamosa. — Lamarck. VII, p. 242, n° 22. — Enc. méthod. pl. 398, f. 2 ab. Opercule inconnu. Patrie inconnue. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 251 102° P. GRILLÉE. P. Clathrata. — 212 À: (PL x2; f,:6:) Coquille assez petite, ovale, un peu alongée, fusiforme, subcaudée, à spire aiguë, un peu élevée, formée de cinq tours, arrondis, renflés, séparés par une suture profonde , et cannelés par des stries décurrentes, croisées par des subcostules nombreuses ; ouverture subcanaliculée, échancrée ; columelle étroite, lisse, ainsi que le bord droit; couleur fauve en dehors, blanche en dedans. Opercule inconnu. Des mers du cap de Bonne-Espérance, d'après Delalande fils. Cette espèce, que nous établissons d’après trois ou quatre in- dividus, pourroit bien n'être qu'une variété de la précédente, dont elle a tout-à-fait la forme. 103° P. OVALE. P. Ovalis. CPE ere) Coquille fort petite, ovale, un peu alongée, fusiforme, à spire médiocrement élevée, composée de quatre à cinq tours arrondis, subcarénés, traversés par des stries inégales décurrentes, nombreuses, croisées par des séries de petites squames enfoncées; ouverture ovale, un peu patulée; à colu- melle étroite, excavée; couleur grisâtre en dehors, noire en dedans. Opercule inconnu. Du cap de Bonne-Espérance, recueillie par M. Reynaud. Cette espèce est évidemment fort voisine de la précédente, dont elle diffère cependant par les séries de points enfoncés qui croisent les cordons décurrents bien plus saillants. 104° P. CHEVILLE. P. Clavus. — Lamarck. VIT, p.248, n° 46. Opercule inconnu. Patrie également inconnue. 239 DISPOSITION MÉTHODIQUE © Cette espèce est établie sur une petite coquille unique, de la collection de M. de Lamarck, et quin'est peut-être qu'une mons- truosité, du moins dans l'élévation de la spire. Nous avons, en effet, vu, dans la collection de M. le docteur Keraudren, une coquille beaucoup plus grande, offrant égale- ment un cordon décurrent à l'angle des tours de spire fortement étagés, mais lisses, sans costules obsolètes sur le dernier , et dont la spire est beaucoup moins élevée. 105° P. SPIRÉE. P. Spirata. (PL. 12, fig. 8.) Coquille de 12 lig. de long, sur 6 de large, épaisse, solide, ovale, fusiforme, à spire assez élevée, subturriculée, formée de quatre à cinq tours, dont les premiers sont cordonnés par des séries décurrentes de squames, le dernier seulement strié; ouverture ovale, subcanaliculée, columelle lisse, subombiliquée, cinq denticules au bord droit; couleur brune en dehors, d'un blanc violet en dedans. Opercule de Pourpre. Des îles Sandwich , d'où elle a été rapportée par M. P. E. Botta. Cette jolie espèce nous paroît parfaitement distincte de toutes celles qui composent aujourd’hui le genre Pourpre, principale- ment par la différence de travail que présentent les tours de la spire à leur surface. L. Espéces oliviformes évidemment échancrées à l'ouverture, et striées finement en travers ou presque lisses. Les P. OLIVIFORMES. Les espèces de Pourpres qui-entrent dans cette division offrent tant de ressemblance avec plusieurs Buccins, que nous avions DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 519) d'abord eru qu'elles devoient faire partie de ce dernier genre; mais l'opercule étant semblable à celui des Pourpres, nous avons dû les laisser dans ce genre. 106° P. GUIRLANDE. P. Sertum. — Lamarck. VIE, p. 240, n° 25. — Enc. méthod. pl. 597, f. 2 (sat bona). Buccin. coronatum. Gmel. p. 3486, n° 68. — Martini. LI, t. 121, f. 1115-1116 (mediocris). Opercule de Pourpre. Des côtes de Tranquebar, d'après Martini. 107° P. FRANCOLIN. P. Francolinus. — Lamarck. VIT, p.243, n° 26. Buccin. francol. Brug. Diction. n° 24. — Seba. IT, t.53, f. T (sat bona). Cette coquille doit-elle être réellement considérée comme une espèce distincte de la précédente? Nous en doutons beau- coup. 108° P. TRUITÉE. P. Maculosa. — Blainv. Faun. Fr. Malacoz. I, p. 140, pl. 6, fie. 6. Purp. varieqgata. Schub. Wagn. Conchyl. Cabin. XII, p- 148, t. 233, f. 4093-4094 (sat bona). —Risso. Europ. Merid. IV, p. 167, n° 428. Buccin. maculosum. Lamarck. VIE, p. 269, n° 19. — Enc. méthod. pl. 400, f. 7 ab. De la Méditerranée. Quoique l'opercule de cette coquille ne soit pas tout-à-fait celui d'une Pourpre, et qu'il ait quelque chose de celui des Buc- cins, cependant la columelle offre si bien les caractères du pre- 254 DISPOSITION MÉTHODIQUE mier de ces genres, que nous avons cru devoir la laisser dans la même division que la P. guirlande, avec laquelle elle a tant de ressemblance. 109° P. LOIRET. P. Glrina. (PL. 12, fig. 9.) Coquille petite (7 lig. et demie sur 4), ovale, oliviforme, striée, formée de cinq à six tours assez peu distincts, les deux ou trois premiers striés et côtelés; les autres striés et presque cordelés dans leur décurrence; ou- verture ovale, médiocre, échancrée en avant, avec un sinus limité par deux dents en arrière; columelle lisse, avec deux guttules pliciformes à sa terminaison; bord droit assez finement denticulé en dehors, et plissé en dedans; couleur variée de violet et de gris, avec une bande blanche décurrente en dehors, subviolette en dedans. De la Nouvelle-Hollande, d'où elle a été rapportée par MM. Pé- ron et Lesueur. Nous avons trouvé deux individus de cette espèce désignés sous le nom que nous avons adopté, dans la collection du Mu- séum. Elle a presque tous les caractères de la P. truitée, avec cette différence que les stries décurrentes sont bien moins nom- breuses, plus profondes et subcerclées; les tours de spire sont aussi plus distincts. Le canal est plus court et les dents plici- formes mieux marquées. Elle est d’ailleurs toujours plus petite. IL FOSSILES. A. (P. COLOMBELLOIDES. ) 1° P. CANCELLAROIDE. P. Cancellaroides. Nassa cancell. Basterot. Bord. p. 6, pl. 3, f. 8. Dés ‘terrains tertiaires de Dax, d'après M. de Basterot. Des faluns de la Touraine, d'après M. Lajoie, qui en a donné deux individus au Muséum, provenant de cette localité. PV 72; Prêtre del. 4 Massard sou ; 1. ?, Lemartome (var) 236 LD, Gpairse.. 241 7 L. ooude à / 2. P, (locolat. 9m &. P. de la Nouvelle-Lollande.. ORNE Jptree PL Ce * ñ 3. la mémeen dedans. 6.2. grillée. 4 54 ete 9 L.Lotét ®$ DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 255 Cette jolie espèce de coquille nous semble n'avoir aucun des caractères des Nasses, et au contraire offrir tous ceux d’une Pourpre de la division des Colombelloïdes ou Sistres. 2° P. DE LASSAIGNE. P. Lassaignii. — De Basterot. Bord. p. 300, pl. 1, fig. 1 1 abc. Des terrains tertiaires des environs de Bordeaux, de Lebgmau, d'après M. de Basterot; et des environs de Montpellier, d’après M. Marel de Serres. E. (P. PYRIFORMES.) 3° P. TAIARE. P. Thiara. Coquille ovale, un peu alongée, ou subfusiforme, assez épaissé, à spire aiguë, formée de cinq à six tours; les deux premiers arrondis, les autres étagés, striés, couronnés par un cordon décurrent de tubercules aigus vers la suture, outre une série de tubercules mousses obsolètes sur la carène ; une rigole décurrente au-dessous; ouverture ovale, assez étroite, formée en dedans par une callosité columellaire épaisse, arrondie, très excavée supérieurement, et se terminant en avant par une pointe élargie, et un peu rebroussée; bord droit? Des terrains tertiaires des environs de Paris. Cette espèce, établie d'après un individu unique donné à la collection du Muséum par M. Eajoie, présente l'aspect de cer- taines Pourpres couronnées. Quoiqu'elle ait une rigole décur- rente qui se remarque dans les licornes, nous ne pensons pas qu'elle appartienne à cette division, c'est-à-dire qu'elle ait jamais eu de corne: ce qu'on ne peut cependant assurer, le bord droit étant incomplet. À I. (P. LICORNÉES. ) 4° P. MONACANTHE. P. Monacantha. Buccinum monacanthos.Brocchi. Conchyl. Subapp. IT, p. 331, t. 4, fig. 12. j 256 DISPOSITION MÉTHODIQUE Des terrains tertiaires d'Italie. 5° P. DE LAON. P. Laudunensis. — Defrance. Diction. des Sc. nat. XLIIE, p. 247. Coquille ovale, globuleuse, subpyriforme, épaisse, solide, à spire très courte, subaiguë, formée de trois à quatre tours lisses ou finement striés; avec une rigole décurrente sur le dernier; ouverture ovale, échan- créeen avant, sinueuse en arrière; columelle recouverte par une callosité épaisse, sur-tout en arrière; bord droit pourvu en arrière d'une petite avance, du dos de laquelle part le sillon, et d’une corne en avant. Des terrains tertiaires des environs de Laon. La description que nous donnons de cette espèce, d'après une coquille de la collection du Muséum, convient-elle exactement à celle dont M. Defrance a fait sa Pourpre de Laon? C'est ce que nous ne voulons pas assurer, mais ce qui nous semble fort pro- bable. K. (P. LAPILLIENNES.) 6° P. TÉTRAGONE. P. Tetragona. —Fleming. Brit. Anim. p. 241, n° 2. Buccin. tetrag. Sowerb. t. 414, r,t. V, p. 13. Du Crag des environs de Norfolk, d'après M. Sowerby. 7° P. CRISPÉE. P. Crispata. | — Fleming. p.341, n° 1. Buccin. crisp. Sowerb. V, p. 12, t.413, f. 1-3. Du terrain de Crag des environs de Suffolk, en Angleterre, d'après M. Sowerby. A en juger par la figure, cette espèce a la plus grande ana- logie avec la variété major du P. lapillus des côtes de la Manche. 8° P. ÉPAISSIE. P. Incrassata. — Fleming. Brit. Anim. p. 34+, n°3. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 257 Buccin. incrass. Sowerb. V, p. 13, t. 414, F. 2. Du terrain de Crag aux environs de Suffolk, en Angleterre, d'après M. Sowerby. 9° P. IMBRIQUÉE. P. Imbricata. Murex-imbricatus. Brocchi. If, p. 408, n° 25, t. 7, f. 13. Des terrains tertiaires du Plaisantin , d'après Brocchi. D'après l'inspection de la figure, qui paroît être fort bonne, il nous semble que cette coquille doit être regardée comme une Pourpre. 10° P. A TEINTURE. P. Lapillus. — Lamarck. Ann. du Mus. Il, p.64, n°1. — Vélins du Mus. n° 45, f. 5. De Courtagnon , aux environs de Reïms. D'après les observations de M. Defrance, art. Pourpre(Diction. des Sc. nat., tom. XLIIL, p.247), il est très probable que c'étoit par supercherie que Denys Montfort avoit entraîné M. Lamarck à admettre cette espèce comme fossile, du moins à Courtagnon. CONCLUSIONS. Dans l’état actuel de nos connoissances le nombre des espèces du G. Pourpre, tel que nous l'avons défini, connues à l'état récent ou à l’état fossile, est d’au moins cent quinze;-mais, à en juger d'après les espèces nouvelles qui existent dans la collection ‘de M. le duc de Rivoli et de M. Lajoie, on peut le porter à cent trente ou à cent quarante. Dans ce nombre cinquante sont nouvelles, du moins en pre- nant pour point de départ le système des animaux sans verté- bres de M. de Lamarck. Annales du Muséum, t. I”, 3° série. 33 258 DISPOSITION MÉTHODIQUE Quelques unes de celles-ci étoient connues, mais étoient à tort rapportées par lui au genre Murex, comme les M. Granosus et Concatenatus. Dix à douze au contraire ont dû être retranchées du genre Pourpre parcequ'elles n’en ont pas les caractères : telles sont la P. Nucleus, qui est une, Planaxe, la P. Retusa, qui est une Mélanopside fossile, la P. Semi-imbricata, qui est un Murex, la P. Vexillum, qui est une Oniscie, les P. Ligata, Limbosa, Cruentata et Lagenaria, qui sont des Buccins de la même espèce, la P. Fasciolaris, qui est un Fuseau, et enfin le Monoceros cingu- latum, qui est une Turbinelle. Les cent quinze espèces que nous avons définies ont pu être disposées dans une série assez naturelle pour indiquer le passage des Murex aux Buccins, et confirmer par conséquent que le genre Pourpre leur est intermédiaire. Elles ont pu être réparties dans onze petits groupes ou sec- tions susceptibles d'être assez nettement caractérisés ; savoir : A Les P. Colombelloïdes, Nassoïdes, ou Sistres. B Les P. Ricinules. C Les P. Semi-Ricinules. D Les P. Échinées. E Les: P. Pyriformes. F Les P. Fusiformes. G Les P. Patulées. H Les P. Patelliformes. I Les P. Licornées. K Les P. Lapilliennes ou Buccinoïdes. L Les P. Oliviformes. Il existe des Pourpres vivantes dans toutes les mers; mais le DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 259 nombre des espèces s'accroît d'une manière remarquable des mers septentrionales aux mers australes : en effet, une seule se trouve dans celles-là, tandis quelles trois quarts des autres se remarquent dans l'hémisphère austral. Les mers du Nord, du moins celles d'Europe, et très pro- bablement celles d'Amérique, ne renferment qu'une petite espèce, la P. Lapillus. C’est la seule qu'on rencontre dans la Baltique, dans les mers d'Angleterre, dans la Manche, et même, à ce qu'il paroît, sur les côtes de l'Océan , jusqu'au golfe de Gas- cogne. Une seconde se présente dans tout l'Océan Atlantique, sur les deux rivages africain et américain , et dans la Méditerranée; c'est la P. Hémastome. Deux ou trois autres espèces existent dans la Méditerranée, dans tout son périple ; mais la véritable P. Lapillus ne paroît pas y vivre. A mesure qu'on approche davantage de l'équateur, le nombre augmente un peu, mais beaucoup moins que lorsqu'on marche de celui-ci vers les régions australes. C'est en effet au cap de Bonne-Espérance, et sur-tout dans l'Archipel indien , dans la Polynésie, dans la mer Pacifique, sur les côtes occidentales de l'Amérique, que se trouvent les trois quarts des espèces que nous connoissons ; et, ce qui est assez re- marquable , chaque groupe est assez bien cantonné. Les Sistres et les Ricinules ne commencent à se montrer qu'à l'entrée de la mer des Indes, c'est-à-dire à Madagascar et à l'Ile- de-France. Après quoi on en trouve dans toutes les mers de l'an- cien continent austral. Les Semi-Ricinules et les Échinées sont toutes des mers de 260 DISPOSITION MÉTHODIQUE * l’Archipel indien et des mers australes, mais aucune n’a encore été observée sur les côtes du nouveau continent. Les P. pyriformes commencent à se montrer sur les côtes de Guinée, et l'on en trouve quelques unes à-peu-près sous le même parallèle sur les côtes occidentales de l'Amérique méri- dionale. î L Les P. de la division des Hémastomes setrouvent dans toutes les mérs, à commencer dans l'Océan européen depuis le golfe de Gascogne jusque dans toutes les mers d'Afrique, de l’'Amé- rique méridionale, dans celles de l'Inde et dans celles de l’Aus- tralasie. , Quant'aüx éspéces Patelloïdes et Licornées, elles sont pres- que entièrement limitées aux côtes occidentales de l'Amérique, depuis le cap Horn jusqu'à la Californie: une seule espèce de Licorne est de la Nouvelle-Hollande. Les espèces Lapilliennes ou Buccimoïdes se rencontrent dans toutes les mers, depuis les plus septentrionales jusqu'aux plus australes; autant en effet la Pourpre à teinture est commune dans les mers du Nord, autant paroît l'être autour de la Nouvelle-Zé- lande-la Poupre Cerclée et quelques espèces ou variétés voisines. Pour celles de la dernière division, elles sont de mers très dif- férentes : les unes de celle des Indes, une autre de la Méditer- ranée, et enfin une troisième de la Nouvelle-Hollande. Un très petit nombre d'espèces de Pourpres peuvent être con- sidérées comme ubiquistes; l'espèce qui l'est davantage paroît être la P. hœmastoma, que l'on trouve sur une partie de nos côtes dans l'Océan, dans toute la Méditerranée, sur les rivages de l’A- frique, sur ceux de l'Amérique méridionale, et même, à ce qu'il paroît, dans l'Inde. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 261 La Pourpre patulée est aussi une espèce fort répandue, puis- qu'on l'a observée dans la Méditerranée, sur deux des quatre côtes d'Afrique, et en Amérique sur. lesscôtes du Pérou et du Mexique. Si les espèces de Pourpres connues à l'état récent sont assez nombreuses , iln’en est pas de même de celles connues à l'état fossile. Les collections les plus riches sous ce rapport n'en ren- ferment encore qu'un très petit nombre; en effet, en recueillant avec soin-toutes celles que nous avons trouvées indiquées dans les oryctographes, nous ne pouvons pas en porter le nombre à plus de dix. Une ou deux appartiennent à la division des P. colombel- loïdes. Une à la section des P. licornes ; c'est le B. monachantos de Brocchi. Les autres sont de la division des Buccinoïdes, et offrent, en effet, des rapports plus ou moins évidents avec notre P. Lapillus. M. Marcel de Serres dit bien avoir trouvé, dans les environs de Montpellier, les P. bicostalis et undata de M. de Lamarck, de la division des P. patulées; mais cet auteur se borne à le dire, sans appuyer son assertion de description, ni de figure. Ainsi, on'ne connoît encore, à l’état fossile , aucune espece des autres divisions. Toutes ces espèces fossiles serencontrent dans des terrains de sédiments supérieurs à la craie, et essentiellement dans les plus nouveaux de ces terrains. ; On n’en connoît pas encore dans le calcaire grossier des envi- .7 Î2 rons de Paris, car M. Defrance a montré que c'étoit par une su- 262 DISPOSITION MÉTHODIQUE percherie de Denys Montfort que M. de Lamarck avoit admis comme se trouvant à Courtagnon, la P. Lapillus. La coquille du Londen-clay, que M. Fleming rapporte à ce genre, sous le nom de P. deserta, n’est probablement pas une Pourpre véritable, mais plutôtune Nasse. Du reste, on ne cite, de Pourpre fossile, -ni dans les ter- rains tertiaires de la Basse-Normandie, ni dans ceuxde l’Anjou. C'est dans Les localités des environs de Tours, de Bordeaux, et sur-tout de Dax, que se trouvent les deux :espèces qui appar- tiennent à la division des P. colombelloïdes. M. Marcel de Serres cite trois espèces de Pourpres fossiles dans les terrains tertiaires des environs de Montpellier ; mais il se borne à cela, sans preuve de description ni de figure, ce qui doit considérablement infirmer cette assertion. M. Risso, dans l'ouvrage qu'il a intitulé Histoire naturelle de l'Europe méridionale, donne bien une courte description de trois ou quatre espèces de Pourpres fossiles ou subfossiles, dans les terrains tertiaires des environs de Nice, mais il est impossible de rien statuer à ce sujet, jusqu'à ce que ces coquilles aient été mieux décrites et sur-tont figurées. Il n'en est pas de même de deux coquilles représentées par Brocchi : l'une sous le nom de Murex imbricatus , et l'autre sous celui de Buccinum monacanthos ; celle-ci nous paroît une véri- table licorne, et celle-là une Pourpre de la division des P. buc- cinoïdes. Enfin, les Buccinum crispatum, tetragonum et incrassatum de Sowerby, sont de véritables Pourpres, comme l'a justement senti M. Fleming, et elles appartiennent au Crag de Suffolk, c'est- à-dire aux terrains de sediments les plus récents. DES ESPÈCES RÉCENTES ET FOSSILES, ETC. 263 Nons trouvons aussi comme résultat, qu'aucune des espèces de Pourpres connues à l'état fossile n’est caractéristique d’une formation, ni d'un membre de formation, à moins que de dire que ce genre l'est des terrains tertiaires, en général, et sur-tout des formations de Crag. Enfin, il paroît qu'une seule espèce fossile a son analogue à l'état récent, et que c'est la P. Lapillus, avec les variétés imbri- quée et alongée, que l’on trouve dans les formations de Crag, en Angleterre. On pourroit sans doute conclure de ces rapprochements d’es- pèces de Pourpres à l’état récent et à l'état fossile, que ce genre est un des derniers qui ont paru dans nos mers, qu'il est pour ainsi dire d’une création moderne; mais c'est ce que nous nous garderons bien de faire, nos connoissances sur les fossiles étant encore beaucoup trop restreintes, pour qu'on puisse être conduit à quelque chose d'un peu satisfaisant dans des questions aussi difficiles à résoudre, que celles qui touchent à l'ordre de la création, ou de la modification des espèces animales. On pourroit, au contraire, en conclure, avec plus de raison, que l'hypothèse si souvent proposée d’un climat, dans notre Europe, analogue pour la température à celui de l'Inde, ne trouve aueun appui dans la considération des Pourpres, puisqu'il n’en existe pas plus dans nos pays à l'état fossile qu'à l'état vivant. pl ou: pliée as fr: ETATS té ni vifs 45 Ha) #1 bu db sueur nn PAPE TITE 3 144 ne LS Fr, Ads FT - fr : + > des Poe PAIN ST RUE unité ENCRES 1m ts PU AP “Hd db: Ms nr al 7 M pan lisagt Hs ét sanodefE & “ “gun M Aiedt fn HE VO; ap à # UE ro ui hi coanbeun, doibin sel ontb jen + jé 20 ê# | NOTE Ai Mieoien aa cou ait pres LAN) Va WE een a tes ns il dé ve sg. car és aa Fini maitre sn oué rad su PET NUE : FN M ; arte 1 ‘ét. Lu Dan QUELQUES OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES SUR LA FÉCONDATION DES PLANTES. PAR M. DESFONTAINES. Obligé chaque année dans le cours de physique végétale que je fais au Jardin du Roi, depuis l'année 1790 (1), de parler de la génération des plantes, j'avois jusque dans ces derniers temps adopté, presque sans hésiter, la théorie de la fécondation sexuelle qui a servi de base au système botanique de Linné. Mais plu- sieurs physiologistes modernes ayant élevé de nouveau des ob- jections à cette manière de voir, en prétendant qu'il n'y a réelle- ment pas de sexes dans les végétaux, je me trouvai naturelle- ment conduit à entreprendre une série d'expériences, dans le but de renforcer ou d’atténuer ma première conviction, et par conséquent de modifier, s'il en étoit besoin, ce que j'avois à dire dans mes lecons sur ce sujet. Ce sont ces expériences que Je vais rapporter, en y joignant les réflexions qu'elles m'ont suggérées. Au commencement de juin de l’année 1831, je fis planter dans un petit jardin, parfaitement abrité, attenant à la maison que j'habite au Muséum d'histoire naturelle, un pied de Cucur- bita Pepo L., connu vulgairement sous le nom de GROS POTIRON ; (1) I y avoit alors six ans que je professois, lorsque je donnai cette di- rection au cours de botanique. ° Annales du Muséum, t. I”, 3° série. 34 266 QUELQUES" OPSERVATIONS soigné convenablement sous mes yeux, il poussa avec beaucoup de vigueur, et produisit un grand nombre de rameaux qui se prolongèrent en différents sens sur la surface de la terre à plu- sieurs mètres de distance. On sait que cette plante est ce que Linné a nommé dans son système, monoïque, c'est-à-dire qu'elle porte sur le même pied des fleurs mâles et des fleurs femelles bien séparées; elles sont d'ailleurs assez grandes, pour qu'il soit possible d'agir sur elles à volonté et avec la plus grande facilité; en outreil est impossible de se tromper sur le sexe, à cause de la position inférieure de l'ovaire qui fait distinguer la fleur femelle long-temps avant son épanouissement. F8 Dans le but que je me proposois, j'eus la précaution de faire enlever, avec beaucoup de soin, tous les boutons de fleurs mâles à mesure qu'ils parurent à l’aisselle des feuilles, et de conserver au contraire toutes les femelles. Une quarantaine environ de celles-ci s'épanouirent successi- vement pendant la durée de la saison. Le pistil, dont je pus aisément observer la parfaite conformation, étoit d'abord, comme je m'en sui$ assuré en en ouvrant quelques unes, en bon état dans toutes; cependant aucune ne nOoua, pour me servir de l'expression consacrée par les horticulteurs, et les ovaires, ceux même qui étoient parvenus à la grosseur d'un œuf, se fa- nèrent et se desséchèrent complétement, ce dont furent témoins MM. de Mirbel et Adrien de Jussieu mes confrères, ainsi que plusieurs autres botanistes. Vers la fin de septembre, ma plante, continuant à végéteravec force, j'envoyai prendre deux fleurs mâles sur un autre pied de la même espèce, cultivé dans une partie du grand jardin, assez SUR LA FÉGONDATION DES PLANTES. 267 éloignée du mien. Sur l'une d'elles j'enlevai le faisceau d'éta- mines dont les anthères commencoïent à s'ouvrir, et je le mis dans la corolle d’une fleur femelle du pied de mon jardin, peu de temps après son épanouissement. Sur'les stismates d'une autre je fis tomber, en la secouant, le pollen de la seconde fleur mâle qu'on m'avoit apportée. Les deux fleurs femelles sur lesquelles cette opération avoit été faite nouèrent presque aussitôt. Le fruit de la première parvint à la grosseur d'un moyen melon ; mais malheureusement il fut attaqué de pourriture, sans que je puisse en assigner la cause. Celui de la seconde fleur prit un accroissement considérable (15 à 18 pouces de diamètre), et parvint à une maturité com- plète, au point qu'il put être mangé. Vers la fin de la saison, ayant remarqué qu'un rameau de la plante en expérience portoit encore des fleurs parfaites des deux sexes, j'eus l'idée de laisser les choses dans l’état naturel: Deux des fleurs femelles furent évidemment fécondées. Leur fruit at- teignit én- effet la grosseur du poing; mais la saison étant trop avancée, ils ne purent aller plus loin, et périrent avec la plante _elle-même. 11 me parut cependant probable qu'ils auroient atteint leur maturité, si les circonstances avoient été favorables. Ces expériences, qui ne peuvent être considérées comme nou- velles en général, mais qui n'avoient jamais été tentées, à ce que je crois, sur le Potiron, me semblent fournir un nouvel appui, à l'opinion adoptée par Linné, dans sa, célèbre dissertation (1) © PONALLBEUR VI CT OR BETTER EU RER CEE EN ACER PNR EE PE REPOS (x) Disqusitio de sexu plantarum. (1760). Amænit. Academ. X, p. 100, tra- duit par Broussonet, dans le Journal de Physique, tom. XXXII, p. 440-462. 268 QUELQUES OBSERVATIONS sur le sexe des plantes ; qui remporta le prix proposé sur ce sujet par l’Académie de Saint-Pétersbourg, vers 1760. Par contre elles doivent faire suspendre l'adoption de lopi- nion soutenue de nouveau par quelques physiologistes modernes, que les plantes ne sont pas pourvues de sexes véritables, et’ que par conséquent il n'y a pas chez elles de fécondation. Quant à moi, m'appüyant, ° Sur les expériences nombreuses rapportées dans la disser- tation de Linné que je viens de citer, expériences auxquelles il est impossible de ne pas ajouter foi; 2° Sur l'histoire curieuse que Gleditsch a rapportée dans les Mémoires de l’Académie de Berlin, de la fécondation d’un indi- vidu de palmier femelle qui, long-temps infertile, produisit ou ne produisit pas de fruits, suivant que ses fleurs éprouvèrent ou n’éprouvèrent pas l'action du pollen, provenant de fleurs mâles apportées à Berlin de plusieurs lieues de distance (1); 3° Sur la DEAAe exercée dans l'Orient, depuis la plus haute antiquité, jusqu’ à nos jours, comme je m'en suis assuré moi- même en Barbarie, et comme Hérodote, Théophraste, Pline (2), Solin, le rapportent, pour les häbitants dela Phénicie, de la Syrie, (1) Essai d’une fécondation artificielle fait sur l'espèce de palmier qu'on nomme Palma dactylifera, folio flabelliformi. Académie de Berlin, 1749, p- 103-108. — Relation de la fécondation artificielle d'un palmier femelle, réitérée pour la troisième fois, et avec un plein succès, dans le Jardin de ‘botanique de Berlin. Académie de Berlin » an. 1767, p. 3-19. (2) (Lib. XIII, cap. 1v.) Le passage de Pline estremarquable, non seulement parcequ’il constate ce fait de la fécondation artificielle des palmiers, mais encore parcequ il admet une fécondation dans toutes les autres plantes, en leur reconnoissant l'existence des deux sexes. SUR LA FÉCONDATION DES PLANTES. 269 de l'Égypte , et qui consiste à féconder artificiellement les dat- tiers femelles, en attachant ou en secouant sur chacun d'eux des bouquets de fleurs mâles, ce qui-les dispense de cultiver des - dattiers de ce sexe, et les met à l'abri de toutes chances défavo- rables déterminées par la direction du vent; J'admets qu'un très grand nombre de plantes jouissent réel- lement de la faculté de se reproduire par fécondation, c'est- à-dire par l'action du produit de la génération d’un sexe sur celui de l'autre. Les expériences multipliées, faites par un grand nombre de botanistes sur la production d’hybrides dans les végétaux, four- nissent encore un argument bien puissant en faveur de cette opinion. Or on ne peut douter de la possibilité d'obtenir, en portant sur la partie femelle de la’ fleur d’une espèce la pous- sière séminale d’une espèce voisine du même genre, de vérita- bles hybrides, intermédiaires par les caractères aux deux espèces dont ils proviennent. Koëlreuter en a produit un grand nom- bre dans différents genres, comme on peut s'en assurer en consultant la suite des Mémoires très intéressants qu'il a publiés dans les actes de l'Académie de Saint-Pétersbourg, et même en visitant mon herbier, qui renferme des hybrides de nico- ‘tianes, obtenus par Goertner le fils, et dont il a bien voulu me gratifier. Je ne voudrois cependant pas assurer que, dans certaines plantes, les graines ne puissent pas parvenir par elles-mêmes à la maturité, sans le secours de la fécondation produite par le pollen d’une partie mâle distincte’ Savons-nous d'ailleurs si la faculté fécondante dans quelques végétaux ne se continueroit pas dans plusieurs générations suc- ‘270 . QUELQUES OBSERVATIONS cessives,. comme on prétend en avoir un exemple dans le régne animal chez les pucerons? Quoi qu'il en soit de cette supposition, qui ne me paroît avoir rien de plus impossible dans le dernier régne des corps organisés que dans le premier, je dois ajouter à l'appui de l'exis- tence de la fécondation sexuelle chez les plantes, que les ex- périences contradictoires à cette opinion, faites par Spallanzami et autres physiologistes, l'ayant été en général dans un lieu ouvert sur le chanvre et les épinards, ne me paroissent pas con- cluantes; eneffet, plusieurs d'entre-elles ont eu lieu en plein air, et lon concoit fort bien que le vent, et même les insectes aient pu apporter sur les fleurs femelles des pulviscules du pollen des fleurs mâles, comme la possibilité en est prouvée par la distance à laquelle on sent l'odeur de certaines plantes en fleurs, telles que les palmiers, l’ailanthus, le châtaignier, et même les rhu- barbes; odeur.évidemment due à la poussière séminale ; puis- que dans beaucoup de plantes inodores sous ce rapport, la con- densation de la matière pollinique produit un effet très sensible sur l'odorat à l'époque de leur floraison. Üne autre raison qui infirme dans mon esprit les résultats, annoncés par Spallanzani dans ses expériences sur le chanvre, s'appuie sur le grand nombre et sur la petitesse des fleurs de: cette plante, ce qui peut faire craindre que toutes les fleurs mâles, dont plusieurs existent généralement dans les pieds les plus pourvus de pistils, ou les plus femelles, n'aient pas été ap- perçues, et par conséquent aient pu produire la fécondation des ovaires de ceux-ci. * Voici, eneffet, une observation qui me semble à l'appui de cette manière de voir. SUR LA FÉCONDATION DES PLANTES. 271 Pendant l'année 1830, à une époque que ma mémoire ne me rappelle pas, je semai des graines de chanvre dans mon jardin particulier, et j'eus grand soin, à mesure qu'elles sedéveloppèrent, d'enlever tous les pieds mâles, faciles à reconnoître, comme on sait, long-temps avant la floraison; je ne conservai que quatre pieds femelles ; ils poussèrent avec une grande vigueur, et produi- sirent chacun une quantité prodigieuse de fleurs. La très grande partie avorta, et il ne resta que quelques paquets de graines qui étoient évidemment parfaites. Je priai M. Gaudichaud, botaniste bien connu par la bonne foi et l'exactitude de ses observations, d'examiner si, parmi ces paquets de graines, il ne trouveroit pas de fleurs mâles. Une investigation attentive lui en fit aisément découvrir un certain nombre qu'il me fit voir : elles étoient petites et entre-mêlées avec les graines. Les observations et les expériences que je viens de rapporter ne sont certainement pas encore suffisantes pour porter la con- viction dans tous les esprits. Je suis loin de me le dissimuler. Aussi m'étois je proposé de les répéter, et de les varier avec toutes les précautions nécessaires dans un sujet aussi important et aussi difficile; mais la foiblesse toujours croissante de ma vue, m Ôtant tout espoir de pouvoir m'en occuper, actuellement du moins, avec quelque suite, je me suis décidé à les publier, espérant que d'autres botanistes pourront se déterminer à les poursuivre. Qu'il me soit permis en terminant cette note de les avertir que, pour que les résultats qu'ils obtiendront puissent être à l'abri de toute espèce de contestation, il faudroit que les expériences fussent faites dans un lieu clos, comme une serre, et à une époque de l’année choisie de manière qu'il fût impos- sible de soupconner l'arrivée sur la plante en expérience, d'air ou d'insectes chargés de poussière séminale. ER AE see ie Le nm ou ee A abéerg. adtel enr gi De EN GLEN PORTO EEE EUTT: COS À of rca | U 7 Rule At) 284 ob pq y hé “A an aediaat fs. af yes ET RUE TES bts is es ‘es Le RM pe vite ue … AAA marne had eu 4 AA 1 A TES . | “ RATE ue aie peines ie : ++ bois Dre Gonesse sn mme (te ao, A SUR L’INFLAMMATION DE LA FRAXINELLE. (Dictamus alba.) PAR M. BIOT. Parmi les phénomènes physiques qui s’opèrent pendant la vie des végétaux, phénomènes qui pourroient devenir un sujet d'é- tudes extrêmement curieuses, il en est peu dont l'énoncé pa- roisse plus merveilleux que celui qui est généralement attribué à la Fraxinelle, d'être environnée, dans les jours chauds, d’une sorte d'atmosphère éthérée que l'on peut mettre en ignition par l'approche d’une bougie, sans endommager la plante. Un tel phénomène, en effet, sembloit exiger que la vapeur inflammable fût comme retenue dans son expansion par l'action de la vie, ou bien que son émission continuellement renouvelée l’entretint toujours dense autour de la plante, à mesure qu’elle tendroit à se répandre dans l'air extérieur, deux états de choses également difficiles à concevoir physiquement. J'ai consulté nos plus célébres botanistes pour avoir quelques détails précis sur un fait si singulier; mais ils en avoient seule- ment la connoissance générale, et la plupart né l’avoient jamais observé eux-mêmes. Dupetit-Thouars me dit l'avoir essayé plu- sieurs fois sans succès. Les auteurs qui le mentionnent, ceux du moins que j'ai pu consulter, le présentent avec des diversités de détail qui font douter s'ils l'ont vu accidentellément, ou sils l'ont simplement reproduit par tradition. mr di: Decandolle, dans la Flore française, se borne à dire que, dans Annales du Muséum, t. \*, 3° série. 35 274 SUR L'INFLAMMATION DE LA FRAXINELIE. les temps chauds, la Fraxinelle exhale une odeur inflammable. Bosc, dans le Dictionnaire d'histoire naturelle de Déterville, donne quelques détails plus précis. « Les extrémités des tiges et « les pétales des fleurs de la Fraxinelle sont, dit-il, couverts d'une «infinité de vésicules pleins d'huile essentielle. Elles répandent, « dans les jours chauds de l'été, une vapeur d'une odeur forte, «inflammable, et tellement abondante, que si, vers le soir, «quand un air plus frais l’a un peu condensée, on approche de «la Fraxinelle une bougie allumée, il paroît tout-à-coup une «grande flamme qui se répand sur toute cette plante, mais sans «l'endommager.» Le Dictionnaire des sciences médicales et le Dictionnaire classique d'histoire naturelle reproduisent la même description dans des termes à-peu-près semblables, et pareille- ment avec les circonstances, d'une atmosphère éthérée exhalée de la plante dans les jours chauds, puis condensée par le frais du matinou du soir, et susceptible alors d'être mise en ignition. Le nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle, où l'on auroit pu s'attendre à trouver une discussion plus positive de cette pro- priété, n'en fait aucune mention. Le hasard m'ayant procuré l’occasion.de voir ce phénomène d'inflammation de la Fraxinelle, et. de m'assurer qu'il est réel, je me proposai d'en étudier la cause et les conditions physiques. Pour cela, au commencement du printemps de 1830, je fis planter dans mon jardin, à la campagne, plusieurs pieds de Fraxinelle dans des expositions diverses, au midi, au nord, au soleil et à l'ombre. Les uns étoient de la variété à fleurs rouges, d’autres de la variété à fleurs blanches. Dès qu'ils furent repris, je me mis à les observer, et je les ai suivis ainsi depuis trois étés dans toutes les phases de leur végétation. SUR L'INFLAMMATION DE LA FRAXINELLE. 275 Supposant d’abord, d’après les auteurs, la réalité d'une éma- nation éthérée qui entoure la plante, je me mis en mesure de recueillir une portion de cette atmosphère, afin d'analyser sa na- ture; mais j'échouai dans cette tentative. Ni les cloches de verre, suspendues autour des tiges pour recueillir la vapeur par con- densation, mi des flocons de coton, soit sees soit imbibés d'huile grasse, et suspendus également pour ce même but, ne purent accumuler une quantité de vapeur éthérée suffisante pour pré- senter la moindre apparence d’ignition à l'approche de corps enflammés. L’odorat seul pouvoit apprécier les émanations ainsi recueillies , et l'on sait quelle excessivement petite quantité de matière suffit pour affecter ce sens. J'ai même placé un gros faisceau de fleurs de Fraxinelle dans un espace fermé pendant quinze heures, sans que l'air de cet espace fût assez imprégné de la vapeur odorante pour éprouver l'inflammation (1). Je me tournai alors vers l'examen des vésicules corticaux d’où l’on disoit que la prétendue atmosphère inflammable émanoit. Ces vésicules, observés au microscope, ont la forme de petites outres, terminés par une sorte de goulot conique effiléen pointe à son extrémité. Ils ont été très exactement figurés par M. Mir- bel, dans ses Éléments d'anatomie et de physiologie végétale. On les trouve distribués plus ou moins abondamment sur toutes les parties de la tige, depuis le point où elle sort de la masse du feuil- lage; on les voit en plus grande abondance sur les pédoncules des fleurs, principalement sur leur surface inférieure, à l'extrémité où la fleur s'insère; on les suit encore sur les bords des folioles (r) Les pieds des tiges florales plongeoient dans un vase plein d’eau; ils sont restés bien vivants et aptes à produire le phénomène. 276 SUR L'INFLAMMATION DE LA FRAXINELLE. calicinales, sur les bords etles nervures des pétales, sur les éta- mines, sur le style; enfin, leurs grains, plus serrés, couvrent aussi toutes les surfaces des ovaires lorsqu'ils sont grossis par la fécondation. Parmi ces utricules, les uns sontsessiles, d’autres pédiculés, ceux-ci diversement et plus fréquemment sur les par- ties les plus vigoureuses. D'abord très petits à la renaissance de la végétation, ils #rossissent à mesure que la plante grandit. Leur surface, vue au microscope avec une lumière vive, se montre admirablement tigrée de rouge et de vert, dans la variété à fleur rouge; mais elle est toute verte dans la variété blanche. L'inté- rieur est rempli d'un liquide incolore, à travers lequel la lumière se réfracte en foyer. Le goulot conique qui les termine est un canal transparent semblable à un poil, dont quelquefois la pointe paroît cassée. J'ai vu souvent, à l'extrémité de cette pointe, une petite goutte limpide, comme si une partie du liquide intérieur, dilaté par l'élévation de la température, ou sécrété par l’action de la vie, eût refluéau-dehors. J'ai aussi remarqué fréquemment de très petits grains solides adhérents à l’extrémité des utricules età la surface même de la tige ; mais ayant réussi à les enlever en les faisant adhérer à l'extrémité d'une aiguille très fine, j'ai reconnu qu'ils sont incombustibles à la flamme d'une bougie, de sorte qu'ils ne peuvent contribuer en rien à l'inflammation-quand elle s'opère autour de la plante. J'isnore s’ils sont ou non sécrétés par les organes végétaux. Si l'on presse légèrement avec du papier joseph la surface d'une portion dela tige, ou d'un pédoncule floral, sur-tout dans une partie où les utriéules abondent, on retire le papier empreint d'une teinte verdâtre, qui paroît due à l'écrase- ment des utricules, et il s'en exhale une odeur d'huile essentielle extrêmement pénétrante, qui est celle de la Fraxinelle même. SUR L'INFLAMMATION DE LA FRAXINELLE. 277 Ces observations me conduisirent à penser que le développe- ment de la flamme, autour de la plante, pouvoit parfaitement être produit par l'inflammation simultanée ou presque instanta- nément propagée, de ces innombrables utricules remplis d'es- sence; sans nécessiter aucunement l'existence actuelle d'une atmosphère inflammable incompréhensiblement limitée dans son expansion. Mais, s'il en étoit ainsi, le mode même de l'inflam- mation et ses particularités physiques devoient en donner la preuve évidente; car, d'abord, la chaleur de l'été n'étoit plus né- cessaire pour la production actuelle du phénomène, mais seule- ment pour la maturation‘du liquide inflammable-contenu dans lesutricules; une fois les utricules formés et müûris, le froid ou le chaud du moment n'y devoit plus rien faire, non plus que l'é- poque de la journée. L'ignition devoit s'opérer seulement au contact du corps enflammé, ou du moins assez près du contact pour faire crever les utricules. Enfin , elle devoit s'accomplir avec les caractères de succession et, de propagation convenables à de petits globules juxtaposés remplis d'un liquide inflammable, non pas avec la simultanéité instantanée d'un volume de gaz. Toutes les épreuves que j'ai faites se sont accordées pour mor- trer que c'est, en effet ainsi, par la seule inflammation du li- quide des utricules, que le phénomène a lieu. Quelques détails extraits de mes notes mettront ce résultat suffisamment en évi- dence. Le 26 avril 1830, j'essayai de porter la flamme d'une allumette sous le pédoncule d’une grappe florale de la variété rouge, qui m'avoit paru déja chargée d’un certain nombre d'utricules bien gonflés. Je n'obtins pas d'inflammation continue, mais de simples crépitations locales, comme celles que produisent les jets d’es- 278 SUR L'INFLAMMATION DE LA FRAXINELLE. sence quand on presse une écorce d'orange près de la flamme d'une bougie. Le reste de la plante, où les utricules étoient plus foibles et plus rares, n'offrit pas même ce phénomène. Je répétai l'épreuve l'année suivante, à pareille époque. Même résultat. Dans les parties où les crépitations s’étoient opérées, les utricules parurent oblitérés et noïrcis. Au 15 mai 1830, plusieurs tiges florales avoient acquis leur entier développement; les utricules étoient considérablement grossis, et serrés sur leur surface. Le temps fut pendant toute la journée froïd et sec; le soir, la température étant à 9°,5 du thermomètre centésimal, je répétai l'essai de l'inflammation. Elle réussit quand la flamme fut portée sous les pédoncules de quel- ques fleurs développées, sur-tout près de la naissance de ces fleurs, où toujours les utricules sont plus abondants. Cette con- dition de développement n'est toutefois pas indispensable, car l'effet fut le plus sensible sur un pédoncule dont la fleur n'étoit qu'entr'ouverte. L'inflammation, quoique manifeste, n'étoit pas assez évidente pour sauter spontanément de la base d'une fleur à la base d’une autre; il falloit la déterminer successivement, en chaque point, ce que je faisois assez légèrement pour ne pas dé- tériorer les tiges. Parmi celles qui présentèrent ainsi le phéno- mène, il y en avoit que j'avois vainement essayées le 26 avril précédent; d’autres, dont les utricules actuellement enflammés furent détruits, purent encore une semaine plus tard éprouver l'ignition de nouveau, sans doute par d’autres utricules parvenus à maturation depuis l'essai précédent. Dans cette troisième épreuve du 22 mai, le développement de la plante ‘étant plus avancé, l'inflammation s'opéra avec vivacité sur toutes ses tiges. J'ai maintes fois, depuis, constaté cette répétition du phéno- SUR L'INFLAMMATION DE LA FRAXINELLE. 279 mène sur une même tige florale, à des époques diverses et suc- cessives de son existence; et, plus exercé à en ménager la source, jai pu le reproduire cette année sept ou huit fois, à un degré sensible, sur la même tige, en choisissant successivement ses diverses parties pour leur appliquer l'inflammation. Cette com- bustion, lorsqu'elle n’est que superficielle, n'empêche point la fécondation de s'opérer, ni les ovaires de grossir. La température de 9°,5 n'est pas la plus basse à laquelle je l'aie observée, car je l'ai obtenue, cette année, le 18 mai, le thermométre attaché à la plante ne marquant que 7°,5. Il avoit fait toute la journée un temps de pluie mêlé d'éclaircismomentanés, desortequela plante étoit toute mouillée quand l'ignition s’opéra sur une de ses tiges. Mais il n'est nullement nécessaire que l'expérience soit faite par- ticulièrement le soir, pas plus qu'à toute autre heure; il n'est pas non plus nécessaire que les tiges florales soient en touffes et at- tachées au sol. Des tiges coupées et séparées de la plante, pourvu que leurs utricules soient au degré de maturation convenable, peuvent être enflammées avec tous les mêmes caractères; on peut les agiter dans l'air environnant, diriger contre elles le courant d’un soufflet, même les plonger dans l'eau pour les dépouiller de leur prétendue atmosphère éthérée, elles n'en présentent pas moins aussitôt après tous les résultats de inflammation pro- pagée, si ce n'est, sans doute, que lignition devient un peu plus difficile à s'y étendre quand la tige est mouillée d'eau. Enfin, dans le mode même dont s'accomplit ce phénomène, on observe deux caractères physiques, qui excluent toute idée d’une enve- loppe gazeuse actuellement développée et étendue autour de la plante; le premier, c'est que l'inflammation se propage toujours facilement de bas en haut, sur toute une grappe florale, mais 280 SUR L'INFLAMMATION DE LA FRAXINELLE. beaucoup moins facilement de haut en bas, de sorte qu'après avoir enflammé évidemment le haut d'une grappe, on peut en- core ensuite enflammer sa partie inférieure; le second caractère, qui a du rapport avec le précédent, c'est que lorsqu'on a en- flammé, par le bas ou par le haut, une grappe florale, et qu’elle a offert une ignition continue sur toute sa longueur, il s'y trouve encore parfois quelques pédoncules latéraux qui ont échappé à cette propagation, de sorte qu'en approchant séparément la flamme de leur surface, on peut la leur communiquer encore. Cette possibilité de succession et d'isolement dans le phénomène de l’ignition se comprend très bien pour un système de globules séparément distribués sur toutes les parties de la plante’, mais elle ne sauroit exister pour une masse continue de vapeur in- flammable telle que celle dont on supposoit que la Fraxinelle étoit entourée. Les phénomènes que je viens de décrire se produisent sur les deux variétés de la Fraxinelle, soit à fleurs rouges soit à fleurs blanches, moins facilement toutefois et moins abondamment sur cette dernière dont les utricules semblent plus minces et plus rares, inégalité qui peut être remarquée dans des individus si rapprochés. J'aurai probablement une occasion prochaine d'indiquer une autre anomalie bien plus singulière dans les pro: duits développés par la végétation chez des individus d'une même famille, que les botanistes considèrent avec raison pour leurs caractères extérieurs comme des variétés à peine dis- tinctes. On sait que la températureextérieure, en modifiant les phases de la maturation, influe considérablement sur la quantité ab- solue d'huile essentielle que produit un même végétal. La con- SUR L'INFLAMMATION DE LA FRAXINELLE. 281 stitution froide de cette année semble avoir agi aussi sur le phé- noméne que je viens de décrire; les utricules de la Fraxinelle sont moins gros, et leur inflammation semble moins abondante que dans quelques unes des années qui ont précédé. Je ne connois jusqu'ici que cette plante sur laquelle on puisse opérer l'inflammation. Je l'ai essayé vainement sur d’autres vé- gétaux dont les poils sont aussi vésiculaires, par exemple les rosiers et les saxifrages: la substance contenue dans leurs glo- bules semble plutôt gommeuse qu'inflammable, si j'en juge par quelques essais. Mais c'est aux chimistes à nous apprendre la nature infiniment diversifiée de ces produits et de tant d’autres qui sont développés dans les végétaux par les opérations de la vie : les apparences seules sont accessibles au physicien, et l'es- pèce de merveilleux qu'on avoit jusqu'ici attaché à celles que la Fraxinelle présente, sera mon excuse près de l'Académie pour avoir osé l'entretenir d’un effet qui paroît si simple quand il est expliqu£. Annaes du Muséum, t. I“, 3° série. 36 RS nt TRAME ACTE DAS NA tu RDA d {: ] EL: & ï ie ANG dOpeMAE nn À À hdq olive us smovs sddoss nu 96199 $b.9biond aoïsnie sllomiasril el sb lusiite al Lotiob ob. eur A. 24p »4$caon muébaods. ation 2klurse noise Rai auto saong : eaio Ji602 3bos 100 ip baise e9b. anus esuploup >asb mr seu a0 lloapsl CUT ET 9h50 up io peu #dauo) sut ab: de usb ie, ausurutier à 5e29, ist ol, ni M j | sl dique 16% eieluoier isesss #008 éäioq el, tabl asebe : “ol # gural eusb swasigos CT Ége. sf: espoitiese, el 19 exsieon : 184 out a (ie oldemusitaiap oeusaaeg Bulq ofdioeeslod st s1busfqus ao 6 etetosifo, 4NE.389 9. ais, eisees euploup asus b fai 9b 39 aiubosq : 200 9h sisi soma ne suis, UE | sl ab -aoig5qo esl sq Lg br à el. sh ebqyolor vèb Axe HR 1 nl 30 ,osisisgfq us eoldisssnos 1608 20luee sonmorsqs a5l.: niv Lé si su salleo É Rdaene ini ane Hovs 105p amaleanniets seit | Le | Le 12 5.2 i É W 2 18 1 { 4: GT ; | EP: JG UE Ve z à ! MUNIE jé; 1: te Es Le 54 ait M 10 Æ és Xe F4. # #0 } ae v' La ni { Le } “PEU kr étre à Et * n si RE : RTE _ Des F = * à TA ES EUR D 7 0 ù 2 4 o€ ; ÿ $ are °€.,! . 1 so À « EE Ï : ” ë : RAPPORT SUB LE BOUILLON DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE, FAIT À L'ACADÉMIE DES SCIENCES PAR M: CHEVREUL (x). : Le 19 mars: 1832. Nous avons l'honneur de présenter à l'Académie lÉcrecultats de l'examen que nous avons fait d'un bouillon de viande préparé en grand par une compagnie qui a pris la dénomination de hollandaise, parcequ'elle a été fondée par deux Hollandais do- miciliés à Paris, MM. Bouwens et Van Coppenaal. PREMIÈRE PARTIE. Du bouillon de la Compagnie hollandaise considéré relativement. à sa préparation, à sa distribution, à son prix et au jugement du: consommateur. Nous nous sommes transportés dans un iaïson située sur le boulevard extérieur, entre la barrière d'Enfer et la barrière du Mäine, et Là nous avons vü la manière dont on ÿ prépare environ 1200 litres de bouillon à-la-fois au moyen d’un appareil qui a'été (1) Au nom de la Commission de la gélatine, composée de MM. Magendie ; Serres, Dupuytren, Chevreul, Flourens et Serullas: Ï 284 RAPPORT SUR LE BOUILLON monté par M. Ph. Grouvelle, et décrit par l’auteur dans une Notice que l’Académie nous a chargés d'examinér. Au-dessus d’un foyer alongé, où l’on brûle de la houille, se trouve une chaudière plate de tôle remplie d’une solution saline faisant fonction de bain-marie, et munie d’un couvercle à dix- huit ouvertures auxquelles s'adaptent autant de marmitesde fer- blanc dont dix sont plus grandes que les autres ; dans chacune des dix premières on peut préparer go1itres de bouillon , tandis que dans les huit petites on peut en préparer de 300 à 400 litres. Entre la cheminée et la chaudière de tôle il y a une seconde chaudière plus petite que la première, dans laquelle on entre- tient de l’eau bouillante pour le service de l'atelier. Les marmites sont adaptées au couvercle de la grande chau- dière assez exactement pour que la vapeur du bain-marie ne puisse se dégager dans la pièce où l'appareil est monté; d’ailleurs le liquide du bain, formé d’eau et de chlorures de potassium et de sodium provenant du raffinage du salpêtre, ne bouillant qu’à 100 et quelques degrés, n'estiporté à l’ébullition qu'au commen- cement de l'opération et pendant le temps strictement néces- saire pour que l'eau des marmites où 8e trouve la viande éprouve la coagulation qui donne lieu à la production de la partie solide de l'écume qu'on observe dans le pot-au-feu, et qui facilite la clarification du bouillon. Aussitôt que les écumes sont enlevées, on diminue le feu de; manière que le bain-marie. cesse de bouillir .et.que l’eau,des, marmites n'éprouve qu'un léger bouil- lonnement.,. Nous ferons remarquerque | ouverture 4 Foyer est en dehor s de l'atelier, afin de faciliter le service de propreté. Suivant l’assertion de M.Ph. Grouvelle, que nous n'avons, pas DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 285 vérifiée, l'économie apportée par l'usage de cet appareil est telle que 1200 litres de bouillon exigent 100 kilog. de houille au prix de 4 fr. à 4 fr. 50 cent., tandis que, si on opéroit dans des mar- mites de terre placées sur des foyers séparés, comme l'a fait d'abord la Compagnie hollandaise, on brûleroit, pour obtenir le même produit, une quantité de charbon de bois s'élevant au prix de 30 à 34 fr. (1). La viande dont on se sert pour préparer le bouillon nous a paru de bonne qualité; elle est avant tout désossée; les morceaux en sont réunis ensemble avec une ficelle. On met les os non concassés au fond des marmites, la viande dessus; puis on y verse l’eau. On fait chauffer: l'ébullition a lieu, les écumes for- mées sont enlevées; alors on ajoute aux maîfères précédentes du sel, et des légumes qu'on a enveloppés dans un filet pour éviter qu'ils ne s’écrasent et qu'ils ne se dispersent dans le bouillon. La Compagnie hollandaise, après plusieurs essais tentés dans la vue de donner à son bouillon plus de couleur et de saveur, a préféré, (1) Depuis la lecture de ce rapport à l'Académie, mon honorable confrère M:, Molard m'a donné communication du premier volume d’un ouvrage intitulé le Cuisinier Royal ou Cuisine de santé, par M. Jourdan Le Cointe, docteur en médecine (Paris, Bossange, Masson et Besson 1 792), dans lequel l’auteur décrit, sous la dénomination de Fourneau de santé, un appareil qui a de l’analogie avec celui de M. Ph. Grouvelle, puisqu'il se compose essentiellement d’un bain-marie, fermé par un couvercle, dans lequel on à ménagé des ouvertures propres à recevoir des marmites, casseroles, : etc, destinées à la coction de la viande, des légumes, etc.; Ja chaudière conte- nant le bain-marie est placée sur un fourneau que l’auteur regarde comme très économique, sous le rapport de la petite quantité de combustible qu'il exige pour être chauffé. (Note dé Mi Chevreul:) 286 RAPPORT SUR LE BOUILLON au caramel, les oignons brûlés ; mais, suivant elle, ceux qu'on vend: à Paris sont souvent mêlés à des corps qui altèrentle bouillon. Tel est le motif qu’elle a eu d'en chercher ailleurs ; elle en a trouvé en province qui ont toutes les qualités desirables. C'est ici qu'il faut rappeler que la lenteur avec laquelle les marmites sont chauffées dans l'appareil de la Compagnie hollan- daise est très convenable à la préparation du bouillon: La durée d'une opération-est de six à huit heures. Le bouillon confectionné:est versé dans: des vases de terre, où il se refroidit assez pour que la graisse qui surnagesse fige ;et en soit ensuite séparée: Il est transporté, au moyen de grands vaisseaux de fer-blanc, aux dépôts que la Compagniera établis dans les divers quéfitiers de Paris. Là, il est vendu à raison de 0!,40 le litre au détail, et de 0,35 par abonnement à 10:litres ou 20 demi-litres. Les indigents ne le paient que 0!,30 même au détail. La Compagnie a pris de grandes précautions pour effectuer ce transport, non seulement sous le rapport de la propreté, mais encore sous celui de la conservation du produit, et ces précau- tions sont d'autant plus nécessaires, que tout le monde sait avec quelle facilité le bouillon s'aigrit en été. Dès-lors il faut, dans cette saison, lorsqu'on le transporte de la barrière dans l'inté- rieur de Paris, qu'il soit à une température assez basse pour qu'il ne s'altère pas et qu'il y soit maintenu dans les dépôts jusqu'à ka vente. Quant au bouilli, c'est-à-dire à la viande désossée cuite, 1l est vendu 060, et 0',45 aux indigents le demi-kilogramme. Il est si recherché, que les demandes qu'on en fait surpassent, nous a-t-on dit, la quantité qu'on en produit. C’est afin d'éviter de le DE BA COMPA GNIE HOLLANDAISE. 287 toucher plus que ce qui. est strictement nécessaire pour le ;sé- parer dubouillon.et.le vendre en détail, que la viande erue, avant d'être, introduite dans: les marmites, est. désossée et: ficélée. . Nous avons ‘visité, l'établissement de la Compagnie hollan- daise sans y être attendus, et nous l'avons trouvé, parfaitement tenu sous tous:les rapports: il-est aisé de s'en assurer, puisque tout le monde y.est admis, et. que le contrôle que chacunpeut exercersur,ce qu'il voit entre dans les vues mêmes de la Compa- gmie. Au reste, une dernière preuve deses efforts pour rendre ses produits les meilleurs possibles, cest l'obligation qu'elle a imposée au fournisseur. de viande et aux personnes qui tiennent ses dépôts d'être propriétaires de.deux actions de la Société (de 1000. francs chacune) : tout le monde se trouve ainsi intéressé à ce que:la viande qui. sert à la confection du bouillon.et du bouilli soit du meilleur choix,:et que-les produits débités dans les dé- pôts ne»perdent, point de leurs bonnes qualités premières, jus- qu'au moment. de leur consommation. Il ne nous reste plus, pour confirmer le bien que nous venons de dire,du. produit de la Compagniéhollandaise, qu'à citer l'opi- nion du. véritable juge, c'est-à-dire du consommateur. Plusieurs personnes de notre connoissance, qui en font usage depuis l'origine de l'établissement, en, sont,très satisfaites; d'un autre côté, des certificats d’autorités légalement. instituées que nous allons citer et dont nous avons déposé des copies sur le bureau de l'Académie, attestent le même fait. On voit par ces centificats.que mon seulement le, diaconat, de l'Église. réformée de Paris, le comité anglais de bienfaisance de la même ville, le pasteur-président dispensateur actuel des secours de l'Église 288 RAPPORT SUR LE BOUILLON x consistoriale des chrétiens de la confession d'Augsbourg à Paris, les Bureaux de bienfaisance des cinquième et septième arron- dissements, reconnoissent la bonté du bouillon et du bouilh de la Compagnie; mais on voit encore que les pasteurs Maron ; Mo- nod et Goepp en font usage eux-mêmes ainsi que leurs familles, et qu'ils en sont pleinement satisfaits. Nous pourrions borner notre rapport à ce que nous venons de dire sans craindre que l’Académie se compromît en donnant son assentiment à nos conclusions; mais nous avons pensé qu'en nous renfermant exclusivement dans l'examen des avantages que présenteroit un certain mode de préparer du bouillon de viande, lors même que cette préparation seroit faite en grand pour la première fois comme produit commercial, ainsi que l'est celle qui nous occupe, il se rencontreroit des personnes qui pourroient croire que cet examen est étranger à l'institution de l'Académie, puisqu'il ne porte pas sur une découverte scientifique proprement dite; c'est ce qui nous a déterminés à joindre à ce rapport quelques expériences sur le bouillon et la cuisson de la viande dans l’eau. Nous avons pensé d’ailletrs que ces expériences pourroïent contribuer à nous éclairer dans l'examen de la question élevée sur l'usage alimentaire de la gélatine, et qu'elles ne seroient pas sans intérêt pour une partie de la chimie organique, qui a les rapports les plus intimes avec la physiologie. SECONDE PARTIE. Du bouillon considéré relativement à sa composition chimique. Avant de commencer un examen chimique du bouillon de viande de la Compagnie hollandaise, dans la vue de rechercher DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 289 ‘par cette voie à fixer ses qualités, nous avons cru convenable de déterminer les principes constituants d'un bouillon fait avec de l'eau distillée et de la viande seulement, afin de distinguer plus aisément l'origine des différents principes immédiats des bouil- lons que nous consommons et qui sont préparés avec de la viande, de l’eau ordinaire, des lésumes et du sel. K 1158 Recherche des matières volatiles séparées pendant la cottion de la viande. Si l’on fait cuire de la viande dans un appareil distillatoire composé d’une cornue, d'un ballon tubulé à la tubulure duquel on a adapté un long tube ouvert aux deux bouts, on pourra constater que pendant la coction il se volatilise : 1° De l'ammoniaque sensible à du papier d'hématine plongé dans le tube adapté au ballon. Il est très probable que la viande abandonne de l’'ammoniaque pendant la cuisson, mais il est cer- tain que l’eau distillée ordinaire contenant toujours du carbo- nate de cette base, doit en laisser dégager dans fa même cir- constance ; 2° Un produit sulfuré qui noircit une lame d'argent plongée dans le ballon, et qui est très probablement de l'acide hydro- sulfurique ; 3° Un principe doué de l'odeur prédominante de la viande et qui se fixe sur la lame d'argent d’une manière remarquable; nous disons prédominante, parceque les personnes dont l’odorat est exercé reconnoissent en outre dans la viande une odeur sulfurée appartenant au produit précédent (2°), une odeur ambrée, et sou- Annales du Muséum, t. 1°, 3° série. 37 290 . RAPPORT SUR LE BOUILLON vent une autre odeur qui est nauséabonde pour beaucoup de per- sonnes; 4° Un principe odorant ambré que l'un de nous a signalé dans la graisse du bœuf et qui est probablement identique à celui que cet animal exhale quand il a chaud (1). Nous y revien- drons plus bas; 5° Un acide volatil qui a de l'analogie avec l'acide acétique, mais qui peut en différer. Nous n'avons recueilli qu'une très pe- tite quantité de ce produit, quoique nous ayons tenu au bain- marie bouillant dans un alambic 5 kilog. de viande de bœuf et 10 kilog. d’eau pendant huit heures et demie. Le liquide distillé pesoit 1 kilog. 350 gr. L'ayant fait évaporer à sec après y avoir mis un excès d'hydrate de baryte; ayant repris le résidu par l'eau, on n’a obtenu qu'une très foible quantité d'un sel soluble, lequel ayant été décomposé par l'acide sulfurique foible a donné l'acide volatil dont nous parlons. S IL. Recherche des principes immédiats de la décoction de viande. Nous avons mis un morceau de 500 gr. de viande privée d'os, et, autant que possible, de tendons etde graisse, dans un litre et demi d’eau distillée. La température a été portée peu à peu à l'ébullition, et soutenue à ce degré pendant cinq heures. Le bouillon a été décanté et dégraissé ; nous y avons ajouté la quan- tité d’eau nécessaire pour l’amener au volume d’un litre. Pen- (1) Recherches chimiques sur les corps gras d’origine animale, par Che- vreul, pag. 255. DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 291 dant l'ébullition on avoit eu soin d'ajouter l'eau nécessaire pour que la viande fût toujours submergée. La décoction de viande avoit une odeur de bouillon, une sa- veur douce et agréable, une couleur jaune légèrement orangée, et une densité de 1,0045. Par conséquent le poids d'un litre à gr. s 2 24; étoit de 1004, 5. Il étoit formé de Eau et petite quantité de matières volatiles. . . . . . . . . . . . .. 988, 570 Matières organiques fixes dans le vidé sec, à 20 deg. . . . . . . .. 12, 700 Potasse. Soude. Matières inorganiques solubles dans l’eau. | Acide phosphorique. 2, 900 (1). Chlore. ‘Acide sulfuriq. (trace). Phosphate de magnésie. 0, 230 Matières inorganiques insolubles dans l'eau. | Phosphate de chaux. | Oxide de fer. | 5 1004, 500 Il faut se rappeler que les animaux et les végétaux sont formés de principes immédiats, tels que le chlorure de sodium, le phos- phate de chaux, etc., etc., absolument identiques à des com- posés du régne minéral, et de principes immédiats, tels que la fibrine, le sucre de lait, le sucre de canne, etc., etc., que l'on n'a rencontrés jusqu'à présent que dans les êtres organisés et qui, à cause de cette Circonstance, ont été distingués des premiers par l'épithète d'organiques. (r) La potasse étoit à la soude :: 5,5 :1. La matière inorganique soluble dans l’eau pesant 2,900 a été obtenue par incinération; elle paroissoit dépourvue de carbonate. La solution étoit alcaline au papier d'hématine. Il ne seroit pas impossible qu’une portion de la potasse ou de la soude provint de la décomposition d’un sel d’acide organique, ainsi que nous le verrons plus bas. 292 RAPPORT SUR LE BOUILLON On voit, par notre analyse, que la décoction de viande a donné “/. environ de matière organique et un peu plus de */ io de sels fixes inorganiques. Nous aurions desiré présenter à l'Académie une détermina- tion exacte de la nature et des proportions respectives des diffé- rents principes immédiats, organiques de la décoction de viande; mais dans l’état actuel de la science, cela ne nous paroît guère possible ; cependant, outre les principes immédiats volatils re- connus plus haut, nous pouvons y indiquer deux matières azo- tées : l'une que nous rapporterons à ce qu'on nomme gélatine, et l'autre à ce que nous nommons albumine cuite. 11 y a en outre un acide, qui est probablement le lactique. (Voyez la note 1 à la fin du rapport.) C'est ce corps et les principes volatils signalés plus haut qui impriment au bouillon et au bouilli de bœuf la saveur et l'odeur qui les caractérisent. Il est probable qu'une partie de l'acide lactique est unie à de la potasse ou à de la soude. La détermination des principes immédiats i inorganiques fixes on les faits suivants: * La prédominance de la potasse sur la soude, ces bases és l'une à l'autre comme 5,5 : r. Nous avons déterminé ce rap- port par le procédé de M. Sérullas, qui consiste essentiellemént à unir ces alcalis à l'acide oxychlorique. Il n’est pas étonnant, au reste, que le bœuf, qui se nourrit de végétaux terrestres dans lesquels les sels de potasse dominent sur ceux de soude, con- tienne dans sa chair une plus forte quantité des premiers que des seconds. Il seroit curieux de connoître le rapport des mêmes bases dans la chair d'un bœuf auquel on auroit donné beaucoup de sel marin avec ses aliments. DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 293 2° La prédominance du phosphate de magnésie sur le phos- phate de chaux. 3° La quantité notable d'acide phosphorique à l’état de phos- phate de potasse ou de soude. Il se pourroit qu'une portion de cet acide fût, sinon à l’état libre, du moins à l'état de surphosphate, et concourût, avec l'a- cide lactique, à donner un goût acide au bouillon. Dans cette supposition, il faudroit admettre aussi qu’une portion de ce der- nier seroit à l'état de lactate alcalin, et que par l'incinération la base qu'il saturoit se porteroit sur l'acide phosphorique du sur- phosphate et le changeroït en phosphate; car c’est à cet état que se trouve l'acide phosphorique dans la partie soluble dans l'eau des cendres de l'extrait de bouillon. $ HI. Recherches pour savoir si le bouillon préparé en faisant chauffer lentement la viande dans l'eau jusqu'à l'ébullition est préfé- rable à celui préparé.en plongeant la viande dans l'eau bouil- lante. Tout le monde sait qu'on recommande de faire chauffer le pot-au-feu lentement, et lorsque l’eau est en ébullition de la maintenir à un foible bouillon. Nous avons voulu savoir quelle pouvoit être l'influence d’une température subite sur la viande destinée à faire du bouillon. Voici comment nous avons opéré pour arriver à ce but: On a pris deux morceaux de viande choisis et aussi semblables que possible : l'un a été mis dans un pot de terre avec un litre et demi d'eau distillée froide; on a élevé graduellement la tem- 204 RAPPORT SUR LE BOUILLON pérature du liquide à l'ébullition, et on l'a soutenue pendant cinq heures. L'autre morceau a été plongé dans unlditre et demi d'eau distillée ‘bouillante; Vébullition à été maintenue pen- dant cinq heures. Au bout de ce temps, les'deux morceaux de viande ont été retirés des deux marmites; on les a laissé égoutter, puis on a ajouté, à chaque bouillon, l'eau nécessaire pour en porter le volume à un litre; car quoiqu'on eût ajouté de l'eau pendant la cuisson, afin de maintenir toujours la viande submergée, cepen- dant on n'en avoit pas ajouté autant qu'ils’en étoit vaporisé Le goût du bouillon provenant de la viande plongée dans l'eau bouillante a été jugé unanimement, par une dizaine de per- sonnes, moins bon que celui du bouillon fait par le procédé ordinaire; et l'examen chimique des deux bouillons a, jusquà un certain point, expliqué ce résultat. En effet, le dernier con- tenoit près de ‘*/,,, de matières organiques et ‘/,., de sels fixes, tandis que l’autre ne contenoit guère que °/,0 des premières, et 7/0 des seconds. : à D'une autre part, la viande qui avoit été chauffée doucement jusqu'à l'ébullition s’étoit réduite de 500 gr. à 326 de bouilli, et à 3 gr. 25 de graisse séparée. de ce dernier, tandis que l'autre viande avoit donné 337 gr. de bouilli, retenant presque toute la gxaisse, car il s'en étoit à peine séparé à la surface du bouillon. Lesecond bouilli étoit meilleur querle premier, au jugement de la plupart de ceux qui les goutèrent; cependant la différence ne fut pas trouvée aussi grande que celle qui existoit entre leurs bouillons respectifs. a ILrésulte de là, que la meilleure manière de préparer le bouil- lon est de,chauffer lentement la viande avec l'eau, etil est peut- DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 295 être convenable d'appuyer sur cette conclusion, par la raison que quelqu'un avoit conseillé à la Compagnie hollandaise de plonger la viande dans l'eau bouillante. On concoit, au reste, ‘que les parties de l'albumine et de la fibrine, qui sont à l'exté- rieur, se durcissant par la chaleur subite qu’elles éprouvent, for- ment ainsi une sorte d'enveloppe qui s'oppose à la hbre pénétra- tion de l’eau du pot-au-feu dans l'intérieur de la viande. $ IV. Examen comparé du bouillon de la Compagnie hollandaise et de celui préparé à l'hôpital militaire du Val-de-Grace. Éclairés par les expériences précédentes, nous avons soumis le bouillon de la Compagnie hollandaise à un examen compa- ratif avec un bouillon préparé en grand sous nos yeux, pour l'usage des malades de l'hôpital militaire du Val-de-Grace, d'après la recette suivante : au DANONE AR A A ETS on Viande de bœuf d’éxcellente qualité !! .. 500 Légumes frais) 400 Tan Te Le 26,8 Oignons brûlés 4 . . !. 5,4 SORA ANR NT EPST D - 8 On porte lentement à l'ébullition l'eau qui est contenue dans des vaisseaux de cuivre, où l’on a mis la viande et le sel; les légumes ne sont introduits qu'après que les écumes ont été enlevées. On concentre le liquide à moitié. La densité de cebouillon , à 17 déprés, est de 1,01 10; celle du bouillon de la Compagnie hollandaise est de 1,01 20; conséquem- ment le litre du premier pèse 1011 grammes, tandis que celui du seconden pèse ro12. 296 RAPPORT SUR LE BOUILLON Voici les résultats de l'analyse des deux bouillons pour un litre : Bouillon de la Bouillon du Comp. hollandaise. Val-de-Grace. gr. Tr. aus: sua ons fietbulnita nt co melsai bots Matière organique soluble dans l’alcool foible ,440 8,820 Matière organique insoluble dans l'alcool foible. . 3,123 . . . 1,515 Potasse Soude . - Sels solubles - dans eau Chlore se 7070 de 9,155 Acide phosphorique . Acide sulfurique ( trace. ) Phosphate de magnésie . Sels insolubles | Phosphate de chaux . . . 46 5 dans l’eau. Oxide de fer. ORAN 7 die Oxide de cuivre (trace): . 1012,000 10711,000 Aux espèces de principes immédiats indiqués plus haut, dans la décoction de viande faite à l’eau distuillée, il faut ajouter : 1° Le sucre, une matière non azotée, dite gommeuse ou mu- cilagineuse, une ou plusieurs matières azotées, un ou plusieurs acides organiques, plusieurs principes odorants, plusieurs prin- cipes colorants, et des sels que les lésumes employés peuvent céder à l’eau bouillante. ( Voyez la note 5 à la fin du rapport.) 2° Le sel marin introduit dans la marmite; 3° Les sels contenus dans l’eau commune, qui sert à cuire la viande. Il y a visiblement la plus grande analogie entre la composition des deux bouillons: la différence en matière organique est à l'a- vantage de celui de la Compagnie hollandaise; et nous ferons remarquer que l'échantillon sur lequel nous avons opéré avoit été acheté à la fabrique même par une personne de confiance, qui n'a point parlé de l'usage auquel on le destinoit. En énonçant DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. - 297 ce fait à l'Académie, c’est lui dire que sa Commission a pris toutes les précautions imaginables pour ne donner que des résultats positifs. (Voyez la note 2 à la fin du rapport.) Si nous avions borné notre examen à celui du bouillon du Val- de-Grace, qui est préparé dans des marmites de cuivre, on auroit pu attribuer à la nature des vaisseaux le cuivre qu'on y a re- connu. Mais sans affirmer que ces vaisseaux n'aient pas eu d'in- fluence sur le résultat dont nous parlons, cependant ils n'en peuvent être l'unique cause, puisque le bouillon de la Compa- gnie hollandaise, préparé dans des vases de fer-blanc, du bouil- lon préparé sous nos yeux dans des vases d’étain, de terre; et, enfin, des viandes de bœuf, de veau et de mouton des bouche- ries, nous ont offert des traces du même métal. Mais le euivre est-il un des éléments essentiels des matières organiques? C'est une opinion difficile à admettre, même en regardant comme exacts les résultats de M. Meissner et de M. Sarzeau : car les quan- tités de cuivre, indiquées par ce dernier, dans le quinquina gris, la garance, le café, le froment et le sang de bœuf, sont très petites. D'un autre côté, nous avons reconnu que des échantil- lons de viande de bœuf, de veau et de mouton, pris par nous- mêmes sur des animaux récemment tués, examinés absolument de la même-manière que les échantillons des boucheries qui nous avoient donné du cuivre, ne nous en ont point offert. Nous ne prétendons pas dire que les matières organiques analysées par M. Meissner et M. Sarzeau contenoient accidentellement du cui- vre, par la raison que nous n'avons pas examiné les mêmes ma- tières que celles qui ont fixé leur attention, et, en outre, que nous avons opéré sur des quantités plus foibles que celles qui ont été analysées par M: Sarzeau : ce que nous voulons établir, c'est Annales du Muséum, t. 1”, 3° série. 38 298 RAPPORT SUR! LE BOUILLON que des viandes de boucheries peuvent donner à l'analyse une quantité sensible de cuivre qu'on ne retrouve pas dans des échantillons différents des mêmes sortes de viandes, qu'on a préparées avec plus de soin qu'on n’en apporte, en général, dans les boucheries. (Voyez la-note 3 à la fin du rapport.) Quelle que soit, au reste, l'opinion qu'on ait sur l'existence du cuivre dans les êtres organisés, il n'en est pas moins vrai que ce métal peut se rencontrer dans nos aliments, et notamment dans le bouillon; mais la quantité que nous y avons trouvée est extrêmement foible, car certainement elle étoit loin de s'élever à un milligramme par litre de bouillon, ou pour ro11 gr. ou 1013 gr. pesant. En parlant de la présence d'une matière vénéneuse dans nos aliments, nous ferons remarquer que la proportion de cuivre y est trop petite pour qu'on puisse lui attribuer quelque influence nuisible sur l’économie animale, et nous ajouterons que dans des cas de médecine légale, où il s’'agiroit de rechercher la présence de ce métal dans des cadavres, ou des matières provenant d'indi- vidus qu'on supposeroit avoir été empoisonnés par des prépa- rations cuivreuses, il faudroit que les experts, appelés à constater un pareil délit, fussent suffisamment familiarisés avec les pro- cédés de l’analyse chimique, pour présenter aux tribunaux des résultats donnant non seulement la preuve de l'existence du poi- son, mais encore la proportion où il se trouvoit dans les matières examinées. Il ya une si grande différence entre les quantités de cuivre indiquées dans les composés organiques et celles néces- saires pour causer jun empoisonnement, quil ne peut y avoir d'incertitude sur les conséquences à tirer d'expériences bien faites. Ainsi, de ce que le cuivre a été reconnu dans nos aliments, DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 299 ce n'est pas une raison pour que des malfaiteurs croient pouvoir impunément se servir de préparations de ce métal pour accom- plir de funestes projets. TROISIÈME PARTIE. Vues sur l'influence de la chaleur dans la préparation des aliments. L'un de nous, qui avoit examiné l'influence de la chaleur sur le blanc d'œuf(1), et qui plus tard ayant traité de cette influence d'une manière générale sur les matières organiques(2), y avoit rapporté le phénomène de la cuisson des aliments, a profité de cette occasion pour soumettre la viande à quelques expériences, conformément à ces vues. La viande de bœuf cède à l’eau froide une matière plus ou moins colorée en rouge par l'hématosine de la liquéur évaporée dans le vide sec, à une température qui n'excède pas 20 degrés, laisse un résidu d'un rouge brun, presque inodore tant qu'il reste exposé à l'air libre, mais qui, renfermé dans un flacon qu'il ne remplit pas complètement, en imprègne l'atmosphère d'une odeur de viande crue différente de celle de la viande cuite. La saveur de ce résidu est douceâtre, acide, OR et peu odo- rante. La délaye-t-on dans 10 fois son poids d’eau, pour la faire chauf- fer ensuite jusqu'à l’ébullition, un abondant coagulum d'albumine (1). De l'influence que l'eau exerce sur plusieurs substances azotées solides, par M. Chevreul. Mémoire lu à l’Académie dessciences, le 9 juillet 1821, im- primé dans les Mémoires du Muséum d'histoire naturelle, t. XII, p. 160. (2) Considérations générales sur l'analyse organique, par M. E. Chevreul. Paris, Levrault, 1894, pages/80 et suivantes. 300 RAPPORT SUR LE BOUILLON cuite unie à un peu de l'acide libre du bouillon se sépare, un pro- duit légèrement sulfuré manifeste son développement par la teinte fauve ou brune qu'il communique au papier de plomb que l'on a plongé dans l'atmosphère du vaisseau où la matière soluble de la viande est chauffée; enfin une odeur agréable de bouilli se développe en même temps. D'un autre côté, la viande qui a été épuisée autant que pos- sible de toute matière soluble dans l’eau froide, ainsi que de de toute matière grasse soluble dans l'alcool froid, exhale une légère odeur fade lorsqu'on la met dans l’eau bouillante; elle se partage en matière soluble qui est de la nature de la gélatine, eten matière insoluble qui est entièrement ou presque entière- ment formée de fibrine; et, fait remarquable, les particules de cette dernière se sont rapprochées, et ont éprouvé par la cuisson un endurcissement absolument analogue à celui que les parti- cules de l’albumine éprouvent lorsque cette substance est coa- gulée par la chaleur. c On voit donc que la coction de la viande et la production du bouillon, opérations simultanées, présentent des phénomènes complexes qu'on ne peut étudier qu'en cherchant à voir ce qui se passe dans chacun des principes immédiats qui constituent cette viande, lorsqu'ils reçoivent l'action d’une température de 100 degrés avec le contact plus ou moins libre de l'eau dans la- quelle ils sont submergés. ? L'albumine de la viande se divise en deux parties; l'une est dissoute avant que la température de l’eau soit élevée au point où cette substance se coagule, ou, ce qui revient au même, se cuise; l’autre portion reste dans la viande. Lorsque la tempéra- ture est suffisament élevée, toute l'albumine $e cuit; c'est DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE, 301 alors que la portion dissoute se réduit en une partie solide colorée par de l’hématosine qui constitue essentiellement l'é- cume du pot, eten une partie qui reste en solution dans l'eau. Nous avons lieu de penser que cette partie est moindre qu'elle ne le seroit si l'albumine de la viande, au lieu d'être en présence d'un acide, étoit comme l’albumine du blanc d'œuf en présence d'un alcali. Le tissu cellulaire qui pénètre dans toutes les parties de la viande, et notamment celui qui enveloppe la graisse, le tissu tendineux, se transforment également en deux parties, l'une qui se dissout à l’état de gélatine , et l'autre qui reste à l'état d'une matière solide plus ou moins molle, plus ou moins gonflée. C'est à ce dernier état qu'il faut rapporter ce qu'on appelle vulgaire- ment et improprement le nerf du bouilli, matière qui n'est que le tendon ramolli et plus ou moins gonflé par l’action de l’eau et de la chaleur. Quant au tissu musculaire essentiellement composé de fibrine, il éprouve, comme l’albumine, un endurcissement; mais il en diffère en ce qu'il n’y en a pas qui soit dissous par l'eau. Si del’albumine, du tissu gélatineux, et même de la stéarine, de l'o- léine et de la cérébrine n'étoient pas interposés entre les parti- cules de la fibrine, cette substance seroit trop coriace, pour être un aliment recherché. La graisse formée d’oléine et de stéarine ne paroît pas éprou- ver de changement. Une portion reste dans la viande, comme nous venons de le dire, et une autre vient nager au-dessus du bouillon. La matière cérébrale contribue à donner de l'odeur au bouil- lon, et principalement au bouilli. Mais cette odeur, qui se ma- 302 RAPPORT SUR LE BOUILLON nifeste sur-tout par la chaleur, existe peut-être déja dans la ma- tière cérébrale avant la cuisson. C’est au reste un point sur le- quel l'un de nous reviendra dans un travail spécial. Nous n'avons point le même doute sur le genre de dévelop- pement du principe qui prédomine dans l'odeur du bouillon et du bouilli. Celui-ci est formé ou mis en liberté par suite d'un nouvel état d'équilibre qui s'établit entre les éléments d'un ou de plusieurs principes immédiats de la viande qui sont solubles dans l’eau. Le principe sulfuré a la même origine; son dévelop- pement est un phénoméne concomitant de la coagulation de l'albumine ainsi qu'on l'observe dans la coagulation du blanc d'œuf. Le principe ambré qui n'existe pas toujours, du moins en quantité sensible, est-il tout formé, ou proviendroit-il d’un chan- gement qu'éprouveroit, par l'effet de la chaleur, une matière analogue à celle qui se trouve dans la bile ? Ces questions sont à résoudre ; mais ilest certain qu'il-y a des cas où plusieurs parties du bœuf exhalent le principe ambré sans quil y ait coction; que la bile de cet animal renferme une matière .qui développe une odeur analogue dans plusieurs circonstances , et notamment par la coction; etenfin quela matière cérébrale même, à une certaine époque de son altération spontanée, exhale la même odeur (1). La manière dont nous venons de considérer la viande crue et la viande cuite explique plusieurs faits qu'on ne conceyroit pas e (1) Pour apprécier l'influence du chlorure de sodium dans la cuisson, voyez les notes 5 et 6 à la’ fin du rapport, é (Note de M. Chevreul.) DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 303 bien autrement. Ainsi on peut conserver de la viande en l'ex- posant à une température de cent degrés, ou en la séchant par ventilation à la température ordinaire. Il est évident que la première ne sera plus susceptible, étant chauffée au milieu de l'eau, de donner du bouillon, comme la viande séchée par le second procédé, lorsque celle-ci aura été préalablement gonflée par l'eau froide, avant d'être mise dans le pot-au-feu. Cette manière de voir explique bien la différence qui existe entre les tablettes de bouillon et le bouillon; car l'évaporation par laquelle celui-ci a été converti en extrait sec, l’a dépouillé d'une, grande partie des principes aromatiques qui le font rechercher, et qui le distinguent si éminemment des aliments liquides qui en sont dépourvus. Si une matière sèche peut représenter l'extrait de bouillon, quant à son odeur spéciale, c'est celle que nous mettons sous les yeux de l’Académie; elle est soluble dans l’eau ; la solution, pour ainsi dire inodore, est-elle portée à une température de cent degrés, elle devient odorante, et rappelle, sous ce rapport, l'odeur spéciale du bouillon; nous disons spéciale, parceque si l’on y re- connoît l'odeur dite d'osmazome et l'odeur sulfurée du bouillon ordinaire, on n'y retrouve pas toujours l'odeur ambrée, ni celle de la matière cérébrale. ( Voyez la note 4 à la fin du rapport.) Si déja nous ne craignions de nous être éloignés du but de ce rapport, nous ferions voir que la cuisson produit dans beaucoup de légumes, tels que les choux, le topinambour, etc., des phé- noménes analogues à ceux que présente la viande, et nous fe- rions remarquer que l'analyse d'une espèce de crucifère a offert à l'un de nous, il ya long-temps, un produit cuit qui a beaucoup d'analogie avec le bouillon de viande. En effet, on y a trouvé 304 RAPPORT SUR LE BOUILLON des phosphates, un acide libre des matières azotées, et enfin un principe aromatique, que nous ne prétendons pas rapporter à ce qu'on a appelé osmazome, mais qui s’en rapproche par son odeur. (Voyez la note 5 à la fin du rapport.) Il est visible que dans l'analyse organique il faut tenir compte du phénoméne de cuisson, si lon veut se représenter exactement la nature des matières analysées qui ont été soumises à l'action de la chaleur; faute d'y avoir égard, il est des cas où l'on seroit conduit à attribuer à la nature vivante des modifications déter- minées par une élévation de température, dans l'arrangement des éléments des principes immédiats; mais tout en énonçant cette manière de voir, nous admettons la possibilité que des modifications analogues et même identiques se manifestent dans des circonstances où il semble que les matières qui les éprouvent soient soustraites à l'influence d'une élévation de température, CONCLUSIONS. D'après ce que nous avons vu dans l'atelier de la Compagnie hollandaise, d’après des attestations certifiées par plusieurs au- torités légalement instituées, d'après des renseignements four- nis par différents particuliers qui font usage du bouillon de la Compagnie depuis l’origine de la fabrication, nous concluons : 1° Que l'appareil monté par M. Ph. Grouvelle pour préparer du bouillon en grand, paroît parfaitement remplir son objet; 2° Que les soins apportés à la confection du bouillon soit pour le choix de la viande, soit pour la conduite des opérations nécessaires à la cuisson, soit enfin pour le distribuer aux con- sommateurs, doivent en recommander l'usage auprès des hos- DE LA COMPAGNIE HOLLANDAISE. 305 pices et des personnes qui ne sont pas en position de faire chez elles cette préparation ; 3° Qu'il est à desirer que non seulement l'usage de ce bouillon se propage, mais encore celui de la viande qui a servi à le pré- parer; car cette viande cuite, considérée en elle-même et re- lativement au prix auquel la vend la Compagnie hollandaise, est un bon aliment. Mais en exprimant ce desir ne nous demandera-t-on pas si nous avons l'assurance que la fabrication du bouillon sera tou- jours aussi soignée qu'elle l'est aujourd’hui? Sil est des procédés industriels sur lesquels il nous seroit impossible de répondre af- firmativement à cette question, il faut convenir que celui que nous examinons n'est pas absolument dans ce cas. La Compa- gnie nous paroît présenter toutes les garanties possibles qu’elle continuera de faire ce qu'elle a commencé; d’ailleurs son intérêt même le lui commande, car le bouillon n’est pas un produit dont on fasse provision. Une fois acheté il est bientôt consommé; dès-lors s'il venoit à perdre les qualités qui le font rechercher aujourd'hui, on s'en apercevroit aussitôt, et on en cesseroit l'usage. ERRATUM. Page 299, ligne 13. Au lieu de : colorée en rouge par l'hématosine de la liqueur, il faut : colorée en rouge par l'hématosine. La liqueur. Annales du Muséum, t. 1”, 3° série. 39 NOTES. NOTE 1. Sur une nouvelle substance contenue dans la chair de bœuf, par M. Chevreul. I. Nomenclature. Quoique je ne sois pas encore absolument convaincu qu'une substance cristalline que j'ai retirée de l'extrait aqueux de la viande du bœuf n'ait pas été aperçue, et que je ne pense pas l'avoir soumise à un assez grand nombre d'expériences pour en démontrer la nature spécifique, cependant comme j'ai été obligé de publier le rapport précédent, avant le temps qui m'auroit été nécessaire pour achever les recherches dont il a été pour moi l’occasion, et que d’un autre côté, j'ai obtenu cette substance cristallisée, et dans un état où elle me semble pure, je vais la décrire, et afin d'éviter les péri- phrases, je la désignerai par la dénomination de créatine, tirée du grec KPÉAS, roc, chair. Il. Propriétés physiques. La créatine est remarquable par la limpidité de ses cristaux, et parce- qu’elle affecte les formes du chlorure de sodium; ainsi elle cristallise en cubes, et ces cubes s’agrégent de manière à présenter des prismes à bases carrées, des tables rectangulaires et des trémies. Elle a un éclat nacré, sur-tout sensible dans les cristaux minces. Sa densité est entre 1,35 et 1,84. III. Propriétés chimiques. Écrasée avec de l’eau sur des papiers d’hématine, de tournesol et de cur- cuma, elle n’en change pas les couleurs: c’est donc une substance neutre. À la température de 25 deg. 1000 parties d’eau ont dissous 7",3 de créatine. La solution est douée des propriétés suivantes : Elle ne fait éprouver aucun changement aux solutions de ‘chlorure de barium, d’oxalate d'ammoniaque, de nitrate d'argent, de sulfate de cuivre, de sulfate de peroxide de fer, de sous-acétate de plomb, du moins aux solutions étendues d'une certaine quantité d’eau; car je n'ai pas opéré avec des liquides aussi concentrés que possible. Elle ne trouble pas le chlo- rure de platine concentré; peut-être troubloit-elle très légèrement le nitrate NOTES. 307 de protoxide de mercure mêlé de nitrate de peroxide. Cette dissolution mixte, qui chauffée avec la laine et un grand nombre de matières organi- ques azotées les colore en rouge brun, ne développe pas de couleur lors- qu'on la chauffe avec la créatine. L'alcool n’a sur elle qu'une bien foible action, puisque 1000 parties de ce liquide d’une densité de 0,810 en ont dissous à peine 0°,25. La créatine est dissoute par l'acide sulfurique concentré; la solution se fait lentement, et pendant qu'elle s'opère, la matière reste dans la couche supérieure du liquide, où peu à peu elle se colore en jaune brun. La créatine s'enfonce dans l'acide nitrique d’une densité de 1,34, et s'y dissout. La solution est incolore; lorsqu'on la chauffe au bain-marie dans une cloche étroite, elle laisse dégager de la vapeur hypo-nitrique. Si on fait évaporer la liqueur dans une capsule, on obtient un résidu légè- rement jaune. Ce résidu repris par l’eau, donne une solution qui, aban- donnée à l'air, cristallise en feuillets : il ne reste qu’une trace d’eau mère jaune. La créatine s'enfonce dans l'acide hydro-chlorique d'une densité de 1,19. Elle s'y dissout sans le colorer. La solution évaporée donne des cristaux incolores, disposés en dentrites. La créatine chauffée dans un petit tube de verre fermé à un bout, pétille, dégage de la vapeur d’eau, et de transparente qu’elle étoit devient opaque et blanche; elle se fond ensuite, se colore, et donne de l’'ammoniaque sen- sible aux papiers d’hématine, de tournesol rouge et de curcuma. Presque en même temps que l’'ammoniaque se manifeste, il se développe une odeur prussique, qui bientôt est accompagnée d’une autre odeur qui m'a paru phosphurée. (A cette époque, un papier de plomb que je plongeai dans le tube conserva sa blancheur). Enfin il se dégage une vapeur jaune qui se condense en liquide, dont une partie cristallise par refroidissement en petits prismes; le charbon est assez abondant. Incinéré, il ne laisse qu’une trace de cendre qui ne donne point à l’eau la propriété de troubler le nitrate d'argent. IV. Propriétés organoleptiques. La créatine est inodore; Elle n’a pas de saveur sensible. 308 NOTES. NV. Préparation. C’est en traitant par l'alcool l'extrait aqueux de la viande préparé dans le vide sec, que j'ai obtenu la créatine. Malheureusement les matières très solu- bles dans l’eau qui accompagnent cette substance s’opposent à ce qu'elle se sépare facilement de son dissolvant; de sorte que l’on n’en obtient que très peu relativement à la proportion qui reste dans les eaux mères; il est pro- bable que cette difficulté a empêché qu'on l'ait aperçue plus tôt. VI. Composition. La créatine contient de l’eau de cristallisation, et certainement de l'azote et du carbone. Je ne puis aller aujourd'hui au-delà de ces faits. Je ne serois point étonné qu’elle fût analogue à l’urée par sa composition, en cela qu'elle seroit représentée par de l'ammoniaque et un acide carburé. Je suis loin de prétendre avoir fait connoître la nature de la créatine par cette note. Je reviendrai sur cette matière dans un Mémoire particulier où je l’examinerai avec toute l'attention qu'elle me paroît mériter. Le principal obstacle à cette étude est assurément la difficulté que j'ai eue jusqu'ici de me procurer la quantité de matière qui seroit nécessaire à des recherches approfondies, et je n'ose indiquer le poids de créatine qui a servi à mes expériences, tant il étoit petit. Quoique la créatine soit inodore et insipide, cependant comme elle se trouve dans le bouilli et le bouillon, il seroit prématuré de croire qu’elle est dépourvue de toute influence dans la nutrition. Elle existe probablement dans d’autres matières animales que la chair musculaire. Je ne serois point étonné qu'elle eût été confondue dans quelques circonstances avec le chlo- rure de sodium ou celui de potassium. Je m'occupe de la rechercher dans plusieurs matières, où j'en soupçonne la présence. En terminant cette note je ferai remarquer que j'ai obtenu de l'extrait de viande, une substance d'une saveur douce, sucrée, mais je ne l'ai point assez bien, isolée de tout corps étranger, pour prononcer sur sa nature comme principe immédiat de la chair. NOTE 2. Examen d'un excellent bouillon, par M. Chevreul. J'ai pensé qu'il seroit utile d'exposer ici les résultats que m'a présentés la coction d’une excellente viande. Le bouillon qu'elle a donné étoit d’une qualité vraiment supérieure, NOTES. 309 On a mis dans un pot de terre vernissé de 6 litres environ: Viande de bœuf 00 NON MEN RS EE Ir 4335: OS TNe: DOONMGN UNE SERRE lo 300: Sélmarin 20 MTS AS URSS" to 0405: Pau Ne UNE 5 a 000: On a chauffé bte ou l'ébullition; on a écumé, puis on a ajouté, Navets . cn Lo ect 88 Monde sl eu fe Carottes . . CA APE PO NON AMAR LES DEL AMNNUNES 0,3310. Un oignon brülé. AE On a maintenu le bouillon à un foible de “A as cinq heures et demie. On a obtenu, litres. Excellent bouillon. ; kil. Excellent bouilli. . . : . . . . . . . . . . . o,8580. OS ONE RUE AO RNA) MIE AU TAN 0 3025: Lésumes cuits MM NUE EEE No; 3400: Le bouillon, d’une odeur et d’une saveur agréables, avoit une densité de 1,0136, conséquemment le litre pesoit 1013":,6. Un litre étoit formé de gr. Eau . . . . . 985,600. Matière organique ‘fixe à 20 degrés dans le vide sec. : | 16,917. Potasse . Soude. ' AE (8 PAT Sels solubles dans l’eau. | Chlore . . . ie 10,724. Acide phosphorique. Acide sulfurique . Phosphate de magnésie Sels insolubles. . . .|Phosphate de chaux. . . . 0,359. Deutoxide de cuivre. : 1013,600. D'après des expériences que je ne rapporterai pas, et qui consistoient essentiellement à traiter les mêmes quantités de légumes par la même quantité d’eau et de sel que les quantités respectives des mêmes matières qui avoient été employées pour préparer le bouillon dont je viens de parler, j'estime que dans un litre de ce liquide les matières fixes à 20 d. dans le vide sec, avoient cette origine. 10 gr. provenoient du sel. 12 à 11 de la viande. 6 à 7 des légumes. 310 NOTES. Un autre bouillon, préparé avec des matières choisies par, moi-même et cuites dans un vase qui ne pouvoit céder de cuivre, ne m'a pas donné de trace sensible de ce métal à l’andlyse. NOTE 3. Sur le cuivre contenu dans le froment, par M. Chevreul. De nouvelles recherches sur l'existence du cuivre dans plusieurs matières organiques, et particulièrement dans le froment, m'ont donné les résultats suivants : Trois cents grammes de grains de froment pris dans le commerce, ont présenté dans leur cendre une trace de cuivre. * Cinq cents grammes de froment de la commune de l’'Hay, banlieue de Paris, détachés par moi-même de l'épi, puis lavés à l’eau distillée pour en séparer les corps étrangers, ayant été brûlés ensuite dans une capsule de platine avec toutes les précautions imaginables, ont laissé une cendre qui n’a pas donné de quantité sensible de cuivre à l'analyse. Je ne conclus pas nécessairement de ces faits, que les chimistes qui disent avoir trouvé du cuivre dans les végétaux ont été trompés sur l’origine qu'ils ont assignée à ce métal, car des matières cuivreuses pouvant faire partie d’un sol, et l’eau absorbée par les plantes qui végétent dans ce sol, pouvant avoir dissous des traces de ces mêmes matières, je concois dès-lors comment ces plantes contiendront du cuivre; mais ce que je conclus de mes expé- riences, c’est que tous les échantillons de froment ne contiennent point essen- tiellement de ce métal, c'est qu'en négligeant les précautions que j'ai prises, on peut trouver dans les matières organiques une quantité de cuivre qui y a été portée accidentellement. Nota. Les journaux, en rendant compte de la séance de l’Académie des sciences, du 30 avril 1832, m'ont fait dire que je n’avois pas trouvé de cuivre dans 200 grains de froment; il y a une erreur que je rectifie ici; la quantité sur laquelle j'opérai étoit de 200 grammes. NOTE 4. Sur les phénomènes que présente la,cuisson de plusieurs sortes de viandes, r par M. Chevreul. Si l'on traite les viandes de veau, de mouton, de poulet et de perdrix par l'eau froide, et si l’on fait évaporer les lavages dans le vide sec, on obtient des extraits qui sont bien analogues mais non identiques à l'extrait de la viande de bœuf préparé par le même procédé. NOTES. 315 Les extraits de viande de veau et de mouton donnent, par l'ammoniaque, comme celui de viande de bœuf, un précipité cristallin presque entièrement formé de phosphate ammoniaco-magnésien. Tous les trois sont acides au tournesol. Ils contiennent, outre plusieurs sels, du phosphate de chaux qui n’est pas précipitable par l’'ammoniaque. Pour apprécier les analogies.et les différences de ces trois extraits, je vais présenter dans le tableau suivant les phénomènes que j'ai observés en expo- sant à la chaleur 0,65 de chacun d'eux bien délayés dans 665 d’eau, et qui avoient cédé à ce liquide tout ce qu'ils pouvoient lui céder de matière soluble. EXTRAIT DE BOEUF. Solution rougeâtre acide. 33 cent. cubes chauffés dans un petit ballon de verre se sont troublés en manifestant | odeurde bouil- lon, soufre quijau- nissoit le papier de plomb. Le coagulum étoit rou- geâtre. Au bout de 24 heures le liquide qui avoit été chauf- fé, et qui étoit complète- mentrefroidi a été examiné comparativement avec 33 centimètres qui ne la- voient pas été. La liqueur qui avoit été chauffée avoit une odeur et une saveur de bouillon, ou de bouilli froid. La liqueur qui n’avoit pas été chauffée m’avoit TAERR odeur et saveur foi- les, qui n'étoient pas celles du bouillon. EXTRAIT DE VEAU. Solution jaunâtre acide. 33 cent. cubes chauffés dans un petit ballon de verre se sont troublés à 55 et coagulés à 8oi en manifestant | odeur debouil- lon de veau ou de veau rôte, soufre qui jau- nissoit le papier de plomb. Le coagulum étoit blanc. Idem. Idem. Idem. EXTRAIT DE MOUTON. Solution rougeâtre acide. 33 cent. be chauffés dans un petit ballon de verre se sont troublés à 484 et coagulés de 71 à 78% en manifestant / odeurde bouil- lon moins prononcée queles pré- cédents, légère odeur hircique , soufre sensi- ble au pa- pier de | plomb. Le coagulum étoit jaune rougeâtre. Idem. Idem. Aucune odeur, saveur très légère. 312 NOTES. L’extrait de chair de poulet est incolore, acide, peu odorant; il précipite par l’ammoniaque du phosphate ammoniaco-magnésien et du phosphate de chaux gélatineux. Lorsqu'on a délayé 0,5 dans 66%" d’eau et qu'on en fait chauffer la moitié, il se développe une odeur de bouillon de poulet très sensible. L'extrait de chair de perdrix est coloré en jaune roux, il a une odeur plus marquée que celle des extraits dont je viens de parler. Si l'odeur propre à la perdrix cuite s'y développe lorsqu'il est chauffé après avoir été délayé dans l'eau, cependant je n’oserois affirmer qu'il n’y ait pas du même prin- cipe déja développé dans l'extrait qui n'a pas éprouvé l’action de la chaleur; car, si je ne me trompe, il y a de ce principe libre dans la peau de la perdrix, du moins dans celle qui a été exposée quelque temps à l'air. Si je parle de cette circonstance, c'est que le contact de l'air me semble avoir beaucoup d'influence sur le développement de plusieurs principes odorants organi- ques; par exemple, dans une analyse du musc, faite il y a vingt-huit ans environ, j'avois des produits qui, au moment où ils sortirent des opérations auxquelles je les avois soumis pour en séparer l’arome, étoient absolument inodores; les ayant conservés avec de l'air dans des flacons fermés, ils exha- lèrent au bout de quelques mois une odeur de musc si forte qu’elle est en- core sensible. Au reste, les viandes dont j'ai parlé dans cette note seront l’objet d'un travail particulier que j'ai été obligé d’ajourner à l’époque où je pourrai me procurer des perdrix. En définitive, quoi qu’il en soit, il est visible que les extraits aqueux des viandes que j'ai examinées, renferment dans un état plus ou moins latent un principe aromatique qui distingue chacune de ces viandes, et qui se développe sur-tout par la cuisson, NOTE 5. Sur les phénoménes que présentent quelques légumes lorsqu'on les cuit dans l'eau distillée, et dans l'eau de chlorure de sodium. Par M. Chevreul. SI. Phenomënes de la cuisson du navet, de la carotte et de l'oignon brûlé dans l’eau distillée. J'examinerai successivement 1° les produits volatils quise manifestent pen- NOTES. 313 dant la cuisson, 2° les lésumes cuits, 3° l’eau dans laquelle ils ont éprouvé l’ac- tion_de la chaleur. a) Produits volatils. Le chou violet (et probablement que toutes les autres variétés de ce lé- gume sont dans le même cas), cuit dans l’eau distillée, laisse dégager un principeodorant qui est accompagné de soufre, et qui me paroît propre à plu- sieurs crucifères ; ce soufre noircit fortement le papier imprégné d'acétaté de plomb; j'ignore s’il est à l’état d'acide hydro-sulfurique , ou combiné avec le principe odorant: Il y a encore dégagement d'ammoniaque; mais cet alcali peut provenir de l’eau elle-même, d’après ce qui a été dit dans le rapport, page 289, relativement aux substances volatiles-qui se dégagent perdant la coction de la viande. Le navet, et même le panais, se comportent d’une manière analogue; mais le produit est moins sulfuré, sur-tout celui du panais. L’oignon brûlé que l’on fait bouillir dans l’eau, laisse dégager une huile volatile plus'sulfurée encore que ne l’est le produit du chou; il y a également développement d'ammoniaque. Pendant la cuisson de la caratte; il se développe un principe odorant très suave, qui n’agit point sur le papier de plomb: il est accompagné d’ammo- niaque. Je ferai remarquer que les légumes qui répandent par la cuisson une odeur désagréable, sont précisément ceux qui laissent dégager du soufre. b) Léqumes cuits. Pour examiner à-la-fois les légumes cuits dans l’eau, et ce qu’ils peuvent céderau pot-au-feu, j'ai procédé de la manière suivante. Dans deux litres et derni d’eau distillée bouillante J'ai plongé, Navéts "527990 Ji a 31, 15 Carottes.........,..., 65, 38 Oignon brülé......... 9, 60 Après cinq heures et demie d’ébullition douce, il y avoit eu un demi-litre d’eau vaporisée, et les légumes pesoient après avoir été égouttés, Navetsenri. lines son 43. Perte. ….... oc 0,72 Carottes si 2€." 2. 73, 79. Augmentation. .... 8,37 Oignon brûlé... ......19, oo. Idem............ 9,40 Annales du Muséum, t. I”, 3° série. 4o 314 NOTES. Les navets s’étoient teints légèrement en jaune roux aux dépens des prin- cipes colorants des carottes et de l'oignon brülé, ils avoient le goût qui leur est propre et celui de l'oignon. Les carottes étoient d’un beau rouge, elles avoient l'odeuret la saveur dou- ceâtre qui leur sont propres, sans odeur d’oignon. L’oignon brûlé avoit perdu presque toute son odeur et sa saveur. La grande augmentation de son poids tenoit à ce que la dessiccation préalable qu'il avoit subie au four, l’avoit rendu apte à absorber beaucoup d’eau. Les légumes cuitsise réduisent par la dessiccation en feuillets plus où moins minces, qui reprennent leur apparence de légumes’ sortant du pot-au-feu, lorsqu'on les tient plongés dans l’eau. c) Eau dans laquelle les léqumes avoient été cuits. Elle étoit colorée en brun rougeûtre. * Elle retenoit une quantité sensible du principe odorant de la carotte, du navet et de l'oignon. : Elle s’est réduite par l’évaporation à 12,84 d’un extrait qui avoit été sé- ché à 100", et qui étoit composé principalement de de l'oignon. Principes odorants ! du navet. de la carotte. Jaune. ù Principes colorants | rouge. brun. Acides organiques libres. Sucre liquide. Matière non azotée insoluble dans l'alcool et soluble dans l’eau. 2 matières azotées (petite quantité.) ! Sulfate de chaux (quantité notable.) Phosphate de chaux. | Sels . . . . . . . . | Phosphate de magnésie} Sel de fer. Sels de potasse. (traces.) $ IL. Phénomènes de la cuisson du navet, de la carotte et de l'oignon brülé dans l'eau de chlorure de sodium. d a) Produits volatils. J'ai constaté que la cuisson des légumes dans de l’eau distillée tenant ‘25 de son poids de sel marin développe les mêmes produits volatils que NOTES. 315 la cuisson des mêmes légumes dans l’eau distillée; peut-être l'odeur des carottes est-elle plus suave, et celle des crucifères plus prononcée lorsque la cuisson s'opère dans l’eau salée. b) Léqumes cuits. Dans l'intention d'apprécier l'influence sur la cuisson des légumes d’une proportion de chlorure de sodium que j'ai constatée être des plus conve- nables à la confection du bouillon, j'ai fait comparativement avec l'expé- rience précédente celle que je vais décrire. Dans 2 litres et demi d’eau de Seine contenant 20" de chlorure de so- dium , et portés à l’ébullition, j'ai plongé Navets.........31, 15. Carottes........ 65, 38. Oignons brûlés.. 9, 60. Après cinq heures et demie d’ébullition douce il y avoit eu un demi-litre d’eau vaporisée, et les légumes pesoient après avoir été égouttés, Navets.........30, 7a. Perte......... 0, 45. Carottes........70, 65. Augmentation.. 5, 27. Oignons........22, 60. Îdem......... 13, 60. Les navets s’étoient teints en roux, mais à l'extérieur seulement. Les carottes étoient d'un rouge brun. , Ces légumes avoient l'odeur qui leur est propre, et à un degré un peu plus marqué que ceux qui avoient été cuits dans l’eau distillée. Mais la dif- férence vraiment remarquable qui les distinguoit, c’étoient la tendreté et la saveur bien plus prononcée dans les premiers que dans les seconds; et en même temps que le goût trouvoit les navets et les carottes cuits dans l'eau salée plus sucrés, malgré la saveur du sel, l’odeur propre à chacun des légumes étoit aussi plus intense. La différence étoit si grande entre l'oignon cuit dans l’eau distillée et l'oignon cuit dans l’eau salée, que le premier étoit pour ainsi dire inodore et insipide, tandis que l’autre avoit, outre la saveur salée, une saveur sucrée très prononcée avec l’arome de l'oignon. É c) Eau salée dans laquelle les léqumes avotent été cuits. Elle étoit d’un brun rougeâtre, et si elle exhaloit une odeur plus pro- noncée que celle de l’eau distillée dans laquelle les légumes de la même es- 316 NOTES. péce avoient été cuits, je n’oserois dire qu’en faisant abstraction de la saveur du sel, la saveur propre aux légumes fût plus agréable dans l’eaulsalée que dans l’eau distillée; mais si on se rappelle que ce dernier liquide avoit enlevé aux légumes 12,84 d'extraits solubles ; et si l’on considère maintenant que l’eau salée n’en avoitenlevé que 9 grammes, il faut bien reconnoître au sel contenu dans l'eau une influence marquée sur la sapidité de l'extrait qu'ilaccompagnoit, puisque la proportion de celui-ci à l'extrait de l’eau distillée étoit: : 111,4. Rien n’est plus propre que ces observations pour expliquer l'usage du. sel dans la préparation des aliments. À : Enfin j'ai constaté 1° que les légumes cuits dans 2bo-parties d’eau te- nant 83 parties de sel étoient aussi tendres que les précédents, résultat bien différent de celui qui présente la viande ainsi que je lé dirai plus bas; 2° Que les légumes n’ont point tous la même aptitudé à ‘absorber l’eau salée dans la cuisson; par exemple le navet, le panais, le choux, cuits dans l’eau saturée de sel acquièrent une saveur salée désagréable, tandis que cet effet n’a pas lieu pour la carotte. É CONSÉQUENCES. L'eau de Seine tenant '/,,; de son poids de chlorure de sodium est bien plus propre à la cuisson des légumes que l’eau distillée : 1° Elle leur enlève moins de parties solubles que ne le fait la seconde; et cela est parfaitement d'accord avec ce qu'on sait de J’affoiblissement que l’eau éprouve en général dans sa force dissolvante, par l’addition d'un. sel neutre ; 2°. Elle leur donne plusde tendreté ; 3° Elle leur donne plus d’odeur ; 4° Elle leur donne plus de saveur. NOTE 6. Influence de diverses eaux sur la cuisson de la viande de bæuf, par M. Chevreul. La grande influence de l’eau salée sur la cuisson des légumes une fois constatée par les expériences consignées dans la note précédente, j'ai dû rechercher ce qu’elle est sur la cuisson de la viande de bœuf, et pour rendre cette nouvelle recherche plus instructive, j'ai déterminé l'influence de l’eau des puits de Paris, qui est une solution de sulfate et de carbonate de chaux, NOTES. 317 et celle de l’eau saturée de sulfate de chaux sur la cuisson de la même viande. Voici les conséquences auxquelles j'ai été conduit. 1° L'eau tenant !/,,; de son poids de chlorure de sodium en solution, n’a point pour attendrir la viande la même influence que pour attendrir les lé- gumes. Si la viande qu'on y a cuite n’est pas sensiblement plus tendre que la viande cuite dans l’eau distillée, elle m'a paru plus sapide que cette dernière. D'un autre côté, la décoction salée avoit une odeur et une saveur un peu plus agréables que la décoction faite avec l’eau distillée. 2° L'eau saturée de chlorure de sodium qui est susceptible de ramollir les légumes qu'on y cuit, durcit la viande à un degré remarquable; et cette viande se distingue de celle qui a été cuite dans l’eau distillée et dans l’eau à ‘/,,5 de sel, par un goût prononcé de jambon. En outre la décoction de viande dans l’eau saturée n’exhale point une odeur de bouillon aussi forte que la décoetion faite avec l’eau à ‘/,.; de sel. 3° La viande cuite dans l’eau de puits de Paris m'a paru plus dure que la viande cuite dans l’eau distillée ou l’eau à !/,,; de sel; d’un autre côté elle étoit sensiblement moins sapide. La décoction de viande dans l’eau de puits étoit moins sapide et moins odorante que la décoction dans l’eau distillée. 4° Enfin l’eau saturée de sulfate de chaux pure à la température de 20 dep., est la moins propre des eaux que nous venons d’examiner pour la cuisson de la viande : non seulement la viande qu’on y a cuite diffère de celle qui l'a été dans l’eau distillée, ou dans l’eau à ‘/,,; de sel, par moins d'odeur, de sa- pidité et de tendreté; mais la décoction dans l’eau de suifate de chaux est moins odorante et plus fade que les décoctions faites avec l’eau distillée et l’eau à '/,,; de sel. L'influence du sulfate de chaux est donc vraiment remarquable. el 7 ab oc toy à teams EE PP A EEE EXTRAIT D'UNE LETTRE DE M. FISCHER, DIRECTEUR DU JARDIN IMPÉRIAL DE SAINT-PÉTERSBOURG, Adressée à M. Mises, professeur de culture au Muséum dhistoire naturelle, et datée du 5 juin 1832. Ne Gta . Vous m'avez envoyé un assortiment de graines bien riche. Jamais je nai recu du Jardin du Roi une collection qui contint autant d’espéces précieuses. Recevez mes remerciements les plus sincères, et soyez indulgent si je vous fais at- tendre la part que je vous destine dans notre récolte. Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour que notre envoi vous soit aussi agréable que celui que vous nous avez fait l'a été pour nous. Le Parrotia dont je vous ai parlé, cet arbre qui se plaît à greffer ses branches entre elles, et que vous voudriez naturaliser en France, portant un nom particu- lier dans son pays, je ne désespère pas de pouvoir vous en procurer des graines de même que de celles du Planera. . . . Je me ferai un devoir de communiquer à l’herbier du Muséum les espèces dis- ponibles de notre herbier de la Perse Septentrionale et de l'Arménie, qui pour- roient servir de complément aux fameux herbiers que vous possédez, et que je suis désolé de ne pouvoir comparer moi-même dans ce moment Quelle perte vous avez essuyée au Muséum! . HERBIERS DE LA COMPAGNIE ANGLAISE DES INDES ORIENTALES. La cour des directeurs de la Compagnie anglaise des Indes orientales avoit déja bien mérité du Muséum d'histoire naturelle de Paris, par l’aide et la protection accordées à l’un de ses voyageurs, M. Jacquemont. Le don d’une bellé collection de plantes de l'Inde, dont elle vient d’enrichir nos herbiers, est un nouveau service que nous devons proclamer d'autant plus hautement que cet envoi se lie à un système de libéralité général et aussi noble qu’éclairé. On connoit le jardin botanique de Calcutta, où la Compagnie emploie tant de terrains et tant de bras à la culturé et à la naturalisation de nombreux végétaux, recueillis à grands frais, non seulement dans ses colonies asiatiques, mais dans toute la zone intertropicale. Elle entretenoit dans ce but de nombreux voyageurs, chargés de plus de récolter et dessécher toutes les plantes aui se présentoient à leurs 320 EXPRAIT-D'UNE LETTRE-DE M. FISCHER ; ETC. recherches ; il en est résulté un immense herbier qui s’est encore augmenté d’her- biers formés antérieurement par divers savants, et acquis par la Compagnie. Tous ces trésors ont été rapportés en Europe par M. Wallich, directeur du jardin de Calcutta, qui, après avoir présidé ä leur formation, test venu présider à leur clas- sement. Il suffit de citer les noms si connus en botanique de Kœnig, de Rottler, de Roxburghi, d'Hamilton étc:, pourlindiquer au monde savant Fintérét!qu’offre cette immense collection, où sont déposés les fruits de leurs travaux. Ils sont con- tinués et seront complétés par M. Wallich,, à qui l’on devoit déja la suite de la Flore indienne de Roxburgh, et qui publie maintenant un magnifique ouvrage sur les plantes rares de l’Inde. Mais comme un seul homme pourroit difficilement suffire à une si vaste publication, on a trouvé le moyen le plus sûr de la faire achever promptement et bien, en confiant ses diverses parties à divers botanistes; et dans le choix de ces collaborateurs, on ne se borne pas à ceux d'Angleterre; on va les chercher sur tous les points de l’Europe, et si l’on sait qu’un botaniste s’est occupé particulièrement d’un certain groupe du règne végétal, il recoit cetté partie de la Flore indienne, et est chargé de l’éclaircir et de la faire connoître. Le nombre des espèces s'élève à plus de huit mille, et il seroit difficile de cal- culer celui des échantillons. La Compagnie a eu tent à leur possession une pensée aussi libérale que relativement à leur publication; elle a fait de ces doubles former un assez grand nombre de collections séparées, et elle en a adressé aux grands Musées européens, ainsi qu'aux particuliers connus dans la science par leur zele eu leurs travaux. Enfin elle a donné l’herbier fondamental, et tout ce qui restoit après ces premières distributions à la Société linnéenne de Londres, où cette collection ira se placer près de celles de Linné et de Banks. Tous ceux qui se livrent à l'étude des sciences naturelles sentiront tout l'avantage que la botanique doit retirer decés distributions: Cesherbiérs, dans lesquels chaque plante porte un numéro correspondant à un catalogue où son nom et sa patrie sont enregistrés, répandront dans toute l’Europe une foule de types qui, loin de donner lieu à ces doutes.et à.ces doubles emplois, dont la sscience-est maintenant comme encombrée, aiderontlau contraire à éclaircir beaucoup de ceux quirexistoient déja parsuite des publications antérieures sur l’Inde: Espérons que ce noble exemple sera plus d’une fois suivi. Déja nous voyons M. Wight s’associer à la Compagnie|dés Indes orientales.,.et distribuer concurremment.le riche herbier qu’il a formé dansle même pays. L'Académie des sciences de Paris, enappelant dérnièrement à elle M. Wallich,, a rendu hommage et aux travaux par lesquels il est:personnellement illustré, et.à la généreuse Compagnie, qui, faisant, dans l'intérêt des sciences, usage de sa richesse et de son,pouvoir,,a trouvé en;lui un agent si actif etisi éclairé. OBSERVATIONS 0) SUR LA CONCORDANCE DES PARTIES DE L'HYOIDE DANS LES QUATRE CLASSES DES ANIMAUX VERTÉBRÉS, ACCOMPAGNANT , A TITRE DE COMMENTAIRE, LE TABLEAU SYNOPTIQUE, OU CETTE CONCORDANCE EST EXPRIMÉE FIGURATIVEMENT. PAR M. GEOFFROY SAINT-HILAIRE. . J’aurois pu'et dû peut-être m'en tenir à la publication isolée _du Tableau synoptique qui accompagne cet écrit; car ce Tableau donne de lui-même ses faits avec toute la précision et la rigueur nécessaires aux idées générales, qu'il est destiné à placer dans la science. Je m'en tiens aux sept signes (g,b,e;u,a, c, st), à ces sept lettres indicatives des sept parties constituantes de l'hyoïde; car il y a sept sortes, sept conditions d’une essence primitive, qui ont rendu nécessaires sept dénominations distinctes, et qui consacrent ainsi l'individualité originelle des matériaux hyoiï- diens. Voici leurs noms : Glossohyal (G), Basihyal (B), Entohyal (E), Urohyal (U), Apohyal (A), Cératohyal (C), êt Stylhyal (sr). Ainsi ces sept lettres du Tableau sont les initiales des noms appellatifs de chacune des pièces hyoïdiennes. (1) Communiquées et déposées à l'Académie des sciences, le 12 décembre 1837. Annales du Muséum, t. 1, 3° série. 4x e 322 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE Le Tableau montre un arrangement d’un vif intérêt pour l'esprit ; les Connexions des parties s'y voient avec leur caractère invariable, principe fondamental de ma doctrine; et ces con- nexions se manifestent en des parties distribuées suivant deux lignes qui se croisent; savoir, l'une s'étendant de la langue au larynx, et l’autre se développant en deux ailes qui suivent les contours du pharynx. Enfin à chacune de ces piéces est attachée une fonction distincte. Telles sont les propositions de la science, que résume sur l’un des plus curieux appareils de l'organisation et que rend ainsi saisissables par les yeux du corps ma planche ci-jointe. Or, je le demande présentement : Comment en présence de tels faits se refuser de reconnoître la ressemblance analogique, etÿje puis bien alors me permettre d'ajouter cette autre qualificatfon, la ressem- blance philosophique des parties de l'appareil hyoïdien? Tout ce. qui précède contient l'expression de mes anciens travaux, énoncée dans toute sa généralité. Voici maintenant ce qui va donner dela nouveauté à la reprise d’une question que j'ai déja traitée. On peut se rappeler qu'à l'argumentation (x) qui fut dirigée le 22 mars 1830, contre les principes de ma théorie des analogues, javois, en ce qui concerne les hyoïdes, reconnu la solidité d'une objection. Voici comme je m'exprimai : « Maintenant, à d’autres «égards, ce n'est plus d’habileté que je louerai l'argumentation ; «elle auroit pu trouver à me prendre, si elle eût discuté les (x) J'ai moi-même textuellement imprimé dans mon opuscule ( Principes de philosophie zoologique. Paris, Pichon et Didier libraires, 1830) l'important travail dont se compose cette argumentation : M. G. Cuvier lui avoit donné pour titre : Considérations sur l'os hyoïde. DES PARTIES DE L'HYOIDE, ETC. 323 «applications que j'avois faites du principe des connexions. » J'admis dès ce moment que j'aurois à revoir mes anciens tra- vaux sur les hyoïdes; les quelques fautes qui m'avoient été re- prochées et opposées, je les avois dès-lors reconnues fautes. Nous verrons plus bas qu'elles étoient inévitables au début d'une carrière toute neuve. L'objet de mon Tableau synoptique est de montrer qu'elles étoient réparables, et de substituer de nom- breuses observations et des vues plus réfléchies à de premiers jugements hasardés. Cependant jai dû témoigner ma surprise de ce que l’argu- mentation, qui avoit eu la sagacité de saisir le principe d’une faute, n'avoit rien ajouté par-delà. C’eüt été produire son ob- jection sous un jour plein et certes plus satisfaisant, que de substituer soi-même le vrai à la place de l'erreur : cela ne fut pas. Mais aujourd'hui que j'y réfléchis, j'en suis moins étonné: ce ne fut point par omission. Et en effet au seul inventeur qui s'est frayé une nouvelle route, et qui n'en avoit encore par- couru qu'une partie, il appartenoit de la désobstruer, et d’ache- ver le voyage. Après une pause, on reprend haleine; on n'en est que plus fort contre les obstacles, et plus dispos à les sur- monter. Pour cela faire, il n'est souvent besoin que de reporter son espritau point de départ, que d'être ramené vers le point simple de l'idée à trouver. Or c'est toujours ce à quoi l'on songe en dernier. L'on se fatigue quelque temps à poursuivre d'ardues difficultés, et lon va chercher péniblement et loin ce qui est facile, simple, et tout proche. Pouvois-je, en effet, m'attendre au début de mes recherches sur les hyoïdes, qu'il y avoit là é'é- ment pour une simplicité si parfaite, pour une production de 324 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE faits particuliers tellement lucide, que l'esprit en vît oculaire- ment les rapports; c'est-à-dire que tout cet ordre philosophique pût être figuré aux yeux, et fût définitivement et nettement exposé dans un Tableau? L'argumentation vouloit, elle réclamoit que les choses fussent manifestes pour des yeux communs, mises à la portée d’un bon sens ordinaire. Mon Tableau répond à ce vœu. On y voit à-la-fois ce qui se ressemble et ce qui diffère; les mêmeslettres indicatives disent la concordance des mêmes éléments, elles expriment ainsi le grand fait philosophique d’une analogie commune, poursuivie par-tout, jamais interrompue : voilà pour les faits de ressem- blance. Mais en même temps l'œil et l'esprit aperçoivent ce qui advient à ces mêmes éléments par des changements de volume et de forme : car chaque composant révéle simultanément sa raison différentielle et classique. Voyez-vous une plus grande augmen- tation sur les flancs? l'objet est alors plus ramassé, et comme concentré sur lui-même. Vous trouvez au contraire à observer une pièce Jongue et filiforme, si la transformation a donné le fait opposé. Venez-vous aussi à vous porter sur une circonstance de dislocation? rien autre ne doit là occuper, si ce n'est qu'une pièce de la ligne médiane s’est partagée en deux. L'inverse se manifeste ailleurs, alors que deux parties voisines et symétri- ques sont entraînées de dehors en dedans, et que la portion de gauche gagne celle de droite, de manière à tomber l'une sur l'autre, à se confondre et à devenir en se soudant un corps uni- que et médian. Voilà pour les faits de différence. Que l'on s'arrête, comme en se jouant, sur les combinaisons des parties de ce tableau, et l'esprit y trouve à méditer sur toutes les ressources infinies de la nature, qui place des nuan- DES PARTIES DE L'HYOIDE, ETC: 325 ces multipliées de variété dans un appareil, toujours composé de même, toujours véritablement identique. Que d'impressions, que de savoir vous saisissent et vous recueillez par le spec- tacle de cette merveilleuse puissance, laquelle amène toutes les sortes de matériaux organiques à une infinité de conditions diverses, sans qu'il soit porté atteinte à une ressemblance fon- cière, à l’analogie, à la réalité d'essence de tous ces composants! Les rectifications que je m'étois proposées sont présentement introduites dans mon Tableau, et vraiment je n'aurois plus besoin de m'en occuper davantage. Les rapports et les diffé- rences sont maintenant rendus visuels, et le sont dans un ordre à rendre inutile toute autre démonstration. Il n’y a pas de paroles qui puissent s'exprimer plus nettement que l'aspect des choses, puisque là chaque fait analogique s'en vient saisir les yeux du corps, et cela inévitablement au profit des yeux de l'esprit. . Cependant pour qui ne se rendroit pas à l'évidence de ces raisonnements, j'ajoute: Habent sua fata libelli. I en est des idées comme des ouvrages destinés à les réunir et à les pro- pager; elles se produisent d’elles-mêmes à un moment donné, et sont alors inévitablement reçues dans le domaine public, comme il arrive à un fruit de s'offrir de lui-même à la con- sommation, le moment de sa pleine maturation faisant cesser ses anciens rapports avec sa tige maternelle. Une idée est dans le même cas et par conséquent circule sans aide. Son caractère d'évidence et de parfaite lucidité la porte à y pourvoir d'elle- même. Car tout autant d'esprits qui sont frappés de sa mani- festation, ce sont autant de voix pour en prendre la défense, pour là proclamer hautement. 326 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE Deux chapitres vont développer ces remarques préliminaires; 1° l'historique des recherches, et 2° tous les faits généraux qui en sont devenus le résultat. $ L PARTIE HISTORIQUE. Ce n'est ni pour présenter mes idées sous un jour plus favo- rable, ni pour réclamer quelque indulgence que j'écris ce pre- mier paragraphe; je ne suis d'ordinaire attaché qu'aux intérêts de la science; mais je vois l'utilité du récit suivant, comme pouvant s'exercer au profit de la jeunesse, laquelle est plus ou moins engagée, je crois, dans les errements de la nouvelle école: c'est lui fournir les moyens d'apprendre à faire, et l'aider à se lancer dans la voie des recherches, que de l'initier dans le secret des efforts plus ou moins heureux que j'ai tentés au sujet de l'appareil hyoïdien. Effectivement j'ai changé le cours de fautives’allures, quand j'ai réclamé contre l'habitude de transporter inopinément et trop légèrement le nom d’un organe admis pour une famille à l'organe présumé être ailleurs son correspondant, 'quand j'ai souhaité qu'on renonçât à un parti pris à priori pour n'agir qu'a- vec une conviction certaine, et après un travail ex professo de détermination. Ainsi préoccupé, j'aicommencé mes recherches surleshyoïdes; et, dans le début de mes études, il m'avoit paru rationnel de pro- céder du connu à l'inconnu. Mais une circonstance dans la position des choses devoit me créer une chance pour l'erreur, et vint tout-à-Coup m'arrêter. L'hyoide humain que je tenois pour un fait simple, et qui en outre se recommandoit comme connu et comme point de départ, n'étoit véritablement qu'un DES PARTIES DE L'HYOIDE, ETC. 327 fait très spécial, et de plus tout exceptionnel. Get hyoïde avoit en effet rompu ses rapports de famille : ce n'étoit plus l'hyoïde commun des. mammifères. Il avoit suivi dans ses conditions particulières, comme forme, les déviations propres-aux condi- tions humaines par rapport à la station bipède : dépendance d'une tête très élargie à sa base, c'étoit une tout autre char- pente osseuse, tenue de s’accommoder de la structure diverse du larynx et du pharynx de l'homme, une charpente pour réu- nir sans les confondre les entrées de l'organe de la déglutition et des avant-corps des appareils respiratoires. L’anomalie portoit là sur ce qu'au lieu de neuf pièces (1), nombre normal. des mammifères, il n’y en avoit plus, pour l'hyoïde humain, que cinq; et de plus encore sur ce que la chaîne transversale, frappée d'atrophie vers les flancs du corps hyoïdien, n'’alloit gagner les rochers que par un ligament. On sait que chez les mammifères une série d'anneaux ou de petits osselets contigus y pourvoit. st à Ces faits constatés, falloit-il en demeurer là, et déclarer toute recherche d'analogies impossible? Je n’étois encore inspiré que. par l'idée à priori , que par le pressentimént philosophique que chaque système d'organes se répète:d’un animal à l’autre, sauf de certaines différences dans le volume et la forme. Sans doute qu'alors c'eût été sagesse d'abandonner une entreprise qui offroit si peu de prise ou de racines. Mais quels regrets amers pour moi, si une telle voie de recherches à peine ouverte ait dû être fermée aussi promptement! La prudence conseilloit de ne pas céder à un espoir resté bien vague : car tous les secours 2 Sion à eur nt TS oo 2 tbe du Le db ri UD) du (1) Onze, s’il faut y comprendre les deux stylhyaux. 328 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE d'aujourd'hui manquoient à-la-fois; tels en particulier que le principe des connexions, la théorie du développement excen- trique découverte par M. Serres, et les derniers travaux sur la monstruosité : rien de cela n'existant alors, je restois sans res- source par conséquent à,cet égard. C'étoit en effet témérité que de s'engager dans une route aussi hasardeuse : tant de fautes étoient à éviter, et tant de fautes pouvoient être commises! Cependant aujourd'hui que je jette ce regard en arrière, je me trouve heureux de n'avoir à re- venir que sur un bien petit nombre de méprises; et par con- séquent j'ai à m'applaudir de mon parti pris, pour lequel il m'a fallu autant de courage que de persévérance. Car, que j'eusse été déconseillé d'agir, la voie des analogies dans laquelle on a fini par s'engager avec une sorte de prédilection n’eût point été frayée; et nous ne serions encore, fixés à d'anciennes al- lures, capables aujourd'hui que de constater seulement des dif- férences individuelles, et occupés que de décrire le relief des corps : c'est-à-dire nous en serions encore à ce point que l'œuvre scientifique, qui ne devoit et ne pouvoit s'accomplir que par le savoir des rapports, n’auroit point encore été commencée. - Confiant dans l’avenir, je ne me suis pas découragé : mais jai dû au contraire penser que j'obtiendrois plus tard, ou que mes successeurs obtiendroient un jour d’autres et de plus heu- reux motifs, une inspiration révélatrice pour de nouvelles re- cherches, de facon à savoir davantage, ou du moins à corriger et perfectionner les travaux déja accomplis. Or, si je ne me trompe, ce moment est venu. La série des faits, en ce qui concerne les hyoïdes, est aujourd'hui parcourue. Les rapports sont connus; et, bien que quelques uns aient pu paroître 22 DES PARTIES DE L'HYOIDE, ETC. 329 plus ou moins masqués par de notables différences, iln'est vrai- ment aucune anomalie réelle, aucune qui n'ait été réductile, qui n'ait pu être interprétée, et qui ne soit aujourd’hui ramenée à la régle. Ce n’est donc plus par une vague.confiance dans une théorie, que je puis et dois penser qu'aucun écart de conforma- tion ne viendra rompre la série de ces rapports, et que je me crois autorisé à prononcer qu'il n'est qu'un seul et même appareil hyoïdien, qu'un seul, philosophiquement parlant, en tant que composé de parties respectivement analogues, soit dans leur essence, soit dans leurs relations mutuelles, soit même en rete- nant, chacune, son propre et spécial système.de fonctions ; ce qui n'empêche pas que toutes les sortes d'hyoïdes, selon les classes, ne puissent être atteintes par de certaines modifications, et ne viennent à donnér la raison d’un idéal distinct, affecté spécia- lement à chaque grande famille. Je pourrois de ce port, où je me crois présentement en parfaite sûreté, revenir sur le passé, contempler les orages qui m'ont été suscités, et me sentir blessé par la forme écrasante de quelques critiques; mais je n’y veux voir qu'un fait, c'est que ces évène- ments ne sont point un malheur. Ils soulévent les opinions de la multitude, et, en la sortant de l’état d'indifférence, ils ser- vent par conséquent de véhicule pour populariser la science : ils portent aussi à plus de méditations et d'efforts; et en défi- nitive le sentiment public reste acquis aux idées qui doivent surnager. ; » Enfin je termine ce premier chapitre par une réflexion sur la composition du Tableau, surle renversement inusité de la série des objets figurés. J'ai exposé d’abord les hyoïdes des poissons, et j'ai voulu finir par celui de l'homme. Mon dessinateur m'a tenu Annales du Muséum, t. 1", 3° série. l2 330 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE rigueur en finissant par l'hyoïde du cerf : il lui a plu, pour des raisons de symétrie et d'économie de surface, de rejeter et de tenir dehors cette dernière figure ; mais, dans ma pensée, c'est l'hyoïde humain qui est la dernière pièce du Tableau. J'ai com- mencé par l'hyoïde parvenu au plus haut degré du développe- ment, voulant finir par celui de ces appareils qui est le plus frappé d'atrophie. Et en effet l'hyoïde des poissons se recom- mande à l'attention, en ce qu'il prend l'importance d’une quille, où se trouvent rassemblées et fixées toutes les parties essentielles de l'être ichtyologique. Que cet appareil soit supprimé ailleurs, cela n'entraîne que Ja perte d'une partie de l'espèce; mais, dans le poisson, cette suppression améneroit l'animal à n'être pas. Organe de premier rang chez celui-ci, son volume est toujours considérable, sa délimitation précise, sa consistance ostéologique forte, et ses fonctions puissantes et inaltérables. C’est ce qui arrive à tous les organes de premier rang, à ceux qui dominent tout le surplus des systèmes organiques. $ IT. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. A. Le mot hyoïde ne s'appliquoit autrefois qu'à un seul os. L'on ne connut pas dans le principe, et plus tard l'on négligea certaines de ses piéces attachées ensemble par diarthrose. Au jour des descriptions précises, l'on distingua un corps et deux paires de cornes. Depuis 1807 et sûr de mes remarques à cet effet, c'est devenu un nom collectif, celui d’un appareil. B. L'appareil hyoïdien occupe, en la remplissant, toute l'ar- rière-gorge; il s'étend, au-devant du cou, de la langue au larynx. Au moyen de ses branches latérales , il accompagne et porte les lèvres du pharynx. DES PARTIES DE L'HYOIDE, ETC. 331 GC. H est formé de parties distinctes, toutes également remar- quables par la spécialité de leurs formes et de leurs services. D. Chaque partie a recu un nom spécial, pris du rapport des connexions et qu'aucune influence d'anomalie ne vient jamais démentir. Voici ces noms :. Basihyal, Glossohyal, Entohyal, Urohyal, Apohyal, Cératohyal, et Stylhyal. E. Du Basihyal. Comme piéce centrale, c'est, ou toute, ou la principale quille de l'appareil. Sa situation médiane et son rôle d'axe de support en font nécessairement une pièce impaire ; dans une seule famille, les tortues tryonix, le Basihyal, gardant sa position centrale, est partagé sur la ligne moyenne et se trouve formé de deux parties. F. Du Glossohyal. La langue posséde en propre cet os, qui existe en avant du corps médian. I n'y a qu'un seul Glossohyal dans de certaines familles; mais dans d’autres, il se dédouble ; et alors apparoissent, l'un de ses éléments à droite, et l’autre à gau- che: ce sont par conséquent deux Glossohyaux. Cela est ainsi dans la plupart des oiseaux et chez le plus grand nombre des reptiles. Un seul Glossohyal forme pour les poissons un solide arc-bou- tant dans la construction de leur appareil sterno-hyoïdien. Le Glossohyal est chez les mammifères sacrifié aux parties dont il est suivi. Il manque dans les carnassiers:, chez lesquels toute- fois il persévère en vestige; mais alors c'est dans l'intérieur de la langue, sous la forme d'un stylet, et avec la consistance d'un cartilage. Ce stylet est nommé le ver chez le chien (1). Il tient’ ce nom des gardes-chasse, qui lenlévent facilement à leurs chiens coureurs, et qui croient par-là rendre ces animaux pue dispos au souffle des naseaux, toute langue dehors. (1) Voyez# à l'hyoïde du chat, la partie antérieure et détachée, Lett. g. 332 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE Chez les rongeurs et les ruminants , le Glossohyal forme une tubérosité saillante en avant du Basihyal; et c'est décidément unos déprimé, lancéolé, long et distinct chez les jeunes che- vaux (1). Le ver, ou le cartilage Glossohyal, manque alors chez ces animaux. Enfin dans l'homme, le Glossohyal reste en vestige, et consiste dans une petite tubérosité au centre de la pièce principale. Le volume de cette pièce atrophiée y varie beaucoup (2). G. De l’Entohyal. C'est la plus longue partie hyoïdienne chez l'homme , où on l'appelle grande corne de l'hyoïde: Dans les mam- mifères, chez lesquels nous venons de voir que le balancement des organes a préjudicié au développement du Glossohyal, le con- traire a lieu quant à l'Entohyal et au Basihyal: Celui-ci est étendu transversalement, et porte à chacune de ses deux extré- mités un Entohyal. Il est done deux de ces éléments à à distance, ou deux Entohyaux. On observe pareil dédoublement et écar- tement de ces piéces chez un grand noïnbre de reptiles; mais dans les poissons et les oiseaux, c'est un tout autre arrangement. Le Basihyal, d'osselet transversalement alongé qu'il est ailleurs, devient filiforme dans le sens longitudinal. Au lieu de finir par deux extrémités à distance, il se termine, quant à sa partie postérieure, en une seule branche. Les deux éléments distincts chez les mammifères se trouvent, à l'égard des oiseaux et des poissons, ramenés sur la ligne médiane, portés au contact, soudés ét confondusensemble. 11 n’est donc plus qu'un seul Entohyal, prenant alors, comme le Basihyal et à sa suite, une position (1) Voyez cette même lettre aux figures du cerf et du cheval. (2) Notre planche montre cette tubérosité en l'hyoïde, Lomme à l état nor- mal; iln’en reste aucun vestige dans l’autre cas, homme à l'état tératologique. DES PARTIES DE L'HYOIDE, ETC. 333 centrale. La révolution est inverse, par rapport à ce qui se voit à l'égard du Glossohyal : c'est À un effet simple et très habituel de la loi du balancement des organes. H. De l'Urohyal. Cette pièce est un cartilage consistant, un filet alongé chez les êtres à poumons, et tout au contraire un o$ cunéiforme’ et parfaitement établi chez les animaux de la respiration branchiale. Elle suit le sort de l'Entohyal ;eten forme proprement la queue. Entièrement subordonnée à celui-ci; elle le complète pour s'établir ensemble et fournir une branche dis- tincte. Elle est double comme lui à sa suite, si les deux éléments de l'Entohyal sont à distance et symétriquement rangés à droite et à gauche; ou elle est unique, si ces mêmes éléments, reportés de la circonférente au centre, s'y sont confondus et soudés. L'En- tohyal etl'Urohyal deviennent ensemble une chaîne destinée, ou bien à suspendre le larynx chez les êtres qui respirent l'air en nature, ou à développer, chez les animaux du milieu aquatique, les flancs d'une quille large et parfaitement résistante, sur les- quels prennent assiette et s’articulent les pleuréaux, qui sont des os de support pour le système vasculaire. I. De l’A4pohyal. C’est un osselet si minime chez l'homme, qu'on l'y a désigné sous le nom de petite corne. Il ÿ a toujours deux Apohyaux : ils existent, l'un à la droite et l’autre à la gauche du Basihyal ; ils en sont les apophyses latérales. Ils n’auroient pu arriver sur la ligne médiane et se confondre. en une seule pièce, que dans le cas où le Basihyal viendroit à disparoître : or cela n'est jamais. j Ce n'est un osselet tombé dans l’atrophie et dans une exis- tence rudimentaire, qu'uniquement chez l'honrme. Dans ce seul exemple, il est isolé de l'anneau son suivant. 334 ORSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE J. Du Cératohyal. Autre pièce qui, avec l'Apohyal, forme une branche latérale, dévolue au pharynx. Le Cératohyal existe chez l'homme, mais il y a rompu ses rap- ports, en tant qu'il est l’un des anneaux d’une chaîne érânienne ; il n'est plus qu'à une certaine distance de l'Apohyal, dont la petitesse favorise ce désaccord. %1tr4 . A l’autre: bout de la chaîne hyoïdienne ainsi démembrée, le Cératohyal gagne à droite et à gauche une apophyse du crâne, s'y unit anormalement, et constitue, par cette soudure insolite, la tige filiforme et alongée qui est nommée apophyse styloïde. Ailleurs le Cératohyal reste une pièce subordonnée à l'Apo- hyal; ilenest dans ce cas comme de la branche laryngienne, que nous avons vue composée aussi de deux anneaïfx, l'Entohyal et l'Urohyal; la seconde pièce restant subordonnée à la précédente. K. De cette description, il suit que le Basihyal, centre et corps principal de l'édifice, est flanqué de quatre appendices ou ailes disposées en croix; savoir, en avant par les os de la langue (Glos- sohyal), en arrière par les os du larynx et de l’œsophage ( Ento- hyalet Urohyal), et sur les flancs par les deux branches pharyn- siennes ( Æpohyal et Cératohyal); et pour exprimer ceci d'une manière plus générale, nous dirons de cet arrangement qu'il porte à considérer à part, dans la composition de l'hyoïde, autant de squelettes distincts que d'organes dans l’arrière-bouche ; savoir, des os pour la langue, d’autres au profit du pharynx, puis d'autres dévolus au larynx et à l'œsophage; tous aboutissant à un axe Commun, au Basihyal. L. La chaîne hyoïdienne longitudinale se termine par-devant en un cartilage dans la langue, quand par-derrière elle arrive plus ou moins efficacement au secours de l'appareil respiratoire; DES PARTIES DE L'HYOIDE, ETC. 335 moins utilement chez les animaux du milieu atmosphérique, où elle s’en tient à fournir des éléments de suspension au profit de l'avant-corps du système. On sait que, chez cesanimaux, lap- pareil est singulièrement étendu en longueur, et fractionné en trois sous-appareils distincts, le larynx, la trachée-artère et les poumons. Le secours fourni par l’arrière-portion de cette chaîne est rendu bien autrement efficace à l'ésard des animaux du mi- lieu aquatique, chez lesquels toutes les parties profondes et pos- térieures de la respiration ont gvossi, et sont en force, et où se remarque un développement, vraiment merveilleux, de quel- ques filets cartilagineux. Toutes ces parties semblent arriver du tronc sous la tête, etauroient ainsi cheminé d'arrière en avant, de manière à laisser ouvert, à concentrer, et vraiment à rac- courcir singulièrement le long pédicule ou tuyau aérien, dit la trachée-artère. C'est tout au travers de ces piéces, devenues massives d'effilées qu'elles étoient, c’est au centre de toutes ces parties, ainsi ramenées sous la tête, que la portion postérieure de la chaîne médiane de l’hyoïde sétablit, et, chose sans doute très digne de remarque, avec la destination de tout gouverner, de tout assujettir à sa puissante intervention. Alors il est bien vrai que l’hyoïde et toutes les piéces pleuréales deviennent, au même titre, des parties indispensables d'un seul et même appa- reil. Cette circonstance a été injustement invoquée comme le sujet d'une grave objection. « Voilà, m’a-t-on opposé, d'autres « pièces hyoïdiennes chez les poissons, par conséquent un beau- «coup plus grand nombre qu'il n’en a été trouvé chez les ani- «maux de la respiration aérienne : or il s'ensuit que toute l'éco- « nowmie d'un système se trouve remplacée par une autre. et très « différente disposition. » 336 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE Non; je suis dans le cas de répondre : Non, rien n'est là ni détourné ni remplacé: ces autres parties prétendues hyoïdiennes forment le fond du système pleuréal, sont le sujet d'une tout autre question, qu'il ne faut point confondre avec le système hyoïdien. Pour s’y joindre, l'enrichir d'auxiliaires et s'y adapter en fonctions, elles ne perdent pas pour cela leur caractère d'élé- ments primitifs et distincts; y intervenant alors avec leurs fonc- tions radicales, que par conséquent elles cumulent avec celles dont il vient d'être parlé. Dans un chapitre suivant, j'aurai à en rendre un bon et fidèle compte; je l'ai déja entrepris, et je ne suis pas sans l'espoir d'améliorer mes premières bases. Que l'on ne se hâte donc pas de conclure sur des relations devenues inévitables, sur une circonstance ichtyologique, qui a sa cause dans la nature du milieu aquatique, et non pas dans un désordre réel. Ce qui est simple en principe, et ce qui est ici le fait visuel, c'est que les corps d'avant et de derrière se sont rapprochés, mutuellement combinés, et ont fait disparoître la condition de subdivision des trois sous-appareils, pour la remplacer par celle de leur association, par la composition d'un appareil à-la-fois unique et général, embrassant toutes les données des trois spé- cialités. Régler le sort de la détermination de ces pièces sur le fondement que tout l'appareil qui porte les branchies participe dans une mesure quelconque à l'acte de la déglutition , c'est agir comme dans les premiers âges de la science, où la fonction seule étoit consultée, et non les organes qui la produisent : et de plus faire de toutes les pièces pleuréales autant de parties hyoïdiennes, | c'est aussi rendre une décision éclectique, c'est par un choix arbi- traire attribuer l'essence et les rapports des parties pléuréales à des pièces imaginaires, à un surplus d'os hyoïdiens, qui n'existe DES PARTIES DE L'HYOIDE, ETC. 337 point chez les animaux de l'autre sorte de respiration : mais, certes, ce n'est point là agir par déduction logique. La suppo- sition de parties créées ad hoc reste une pure hypothèse et ne sauroit jamais former le motif d'une détermination rigoureuse. M. Le point, où aboutissent les branches pharyngiennes ou la chaîne des osselets Apohyal et Cératohyal, forme un cas de variation classique. Dans la classe des oiseaux, chez lesquels le pharynx prend une plus grande extension, quelquefois jusqu'à devenir une poche à part ou le jabot, les baguettes osseuses du pharynx, principalement la dernière pièce (le Cératohyal), sont filifor- mes, grêles et prolongées pour accompagner la marge de l’œso- phage; elles se terminent à rien, ‘et s'engagent dans du tissu cellulaire. 5 Mais dans les autres classes, elles aboutissent au crâne, vers un point déterminé du rocher, soit médiatement, soit immé- diatement. Une pièce venant du rocher est disposée pour leur servir d’an anneau de suspension, c'est l'os Stylhyal, l'une des parties de l’apophyse. styloïide chez l’homme. Cet os, inutile chez les oiseaux, s'y trouve frappé d'atrophie, tantôt entière- ment retranché, et tantôt seulement fort exigu et maintenu globuleux vers l'articulation des maxillaires. Les espèces des genres corneille et corbeau nous l'ont offert dans cette dernière combinaison. N: Cependant chez les mammifères, excepté l’homme et le cochon, et chez la plupart des reptiles, cet os est détaché du crâne , et s'y conduit comme un anneau intermédiaire servant à accrocher et par conséquent à fixer les branches pharyngiennes aux rochers. Le Stylhyal joue même là quelquefois un principal Annales du Muséum, t. I‘, 3° série. 43 338 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE rôle, comme chez les solipéèdes et chez les ruminants, où il devient une si grande pièce, que les anatomistes vétérinaires ont dû lui donner une attention particulière, et lui ont'imposé le nom spécial de Kératoïde. Cetté partie n'est pas moins consi- dérable dans le cochon, mais sa forme est autre; ce n'est plus une lame mince et très longue qui s’'unit au crâne par diarthrose, c'est un Stylhyal constamment fixé aux rochers, et qui s'y montre sous l'apparence d’une tige robuste et cylindrique. Descendant verticalement du crâne, ettenuen dehors de l'appareil, cet os laisse arriver à sa racine, et pour y prendre attache, le ligament stylo-hyoïdien. ; O. Comme si le Stylhyal formoit une partie jetée accessoirement entre deux systèmes pour en opérer la jonction et les mutuelles relations, il varie considérablement de forme dans les reptiles, et y acquiert des fonctions plus ou moins modifiées de ses usages habituels. Dans les tortues il devient un court anneau d’articu- lation par diarthrose. ‘ P. C'est ce même rôle qu'il remplit chez les poissons, mais avec plus de fixité. Le Stylhyal y devient constamment un osselet aplati, alongé et situé du côté interne des pièces (le cadre du tympan )$ où s'articule lopercule. Là il donne attache à la bran- che latérale et pharyngienne de l’hyoïde, non plus immédiate- ment, comme nous l'avons vu précédemment (4phorismes N et O), mais médiatement en raison de l'apparition en ce lieu, et de lintercalation des branches du sternum, lesquelles se répan- dent effectivement chez les poissons entre l'hyoïde et le crâne. Par conséquent la chaîne suspensive des pièces hyoïdiennes transversales se eompose, allant d’une oreille à l'autre, savoir, le Stythyal, l'Hyposternal, l'Hyosternal, le Cératohyal, lApohyal, DES PARTIES DE L'HYOIDE, ETC: 339 le Basihyal, occupant toujours le centre de cette double série, l’Apohyal, le Cératohyal, Hyosternal, l'Hyposternal et le Stylhyal. C'est donc ici comme par-tout que le Basihyal occupe le cen- tre de la chaîne : mais d'ailleurs les Hyosternaux et les Hyposter- paux, parties du sternum intervenant à la suite du Stylhyal, caractérisent par ce fait la condition différentielle et classique de l'être ichtyologique. En devant et en arrière de lui sont les autres piéces formant la série longitudinale. Q. Cependant tout ceci arrive, sans qu'il soit, philosophique- ment parlant, dérogé au principe des connexions : car, sil est vrai que les lames osseuses de l'hyoïde, et que les parties, soit osseuses, soit cartilagineuses du larynx, forment les unes à l’é- gard des autres des plans plutôt paralléles que consécutifs, la révolution qui ramène au contact chez les poissons ce qui con- stitue chez les êtres de la respiration aérienne deux parties dis- tinctes et écartées, un avant-corps et un arrière-corps des ap- pareils respiratoires, cette révolution, dis-je, ne fait qu'amener chaque chose à sa place naturelle. Pour cela il n’est besoin que d'une forte contraction des parties et de la suppression du pé: dicule intermédiaire et canaliculé; pédicule auquel il arrive alors seulement de n'être plus maintenu dans le caractère de sa forme alongée. Une organisation intermédiaire, celle des tortues aquatiques, nous améne là insensiblement, et nous montre en outre vi- suellement le parallélisme des deux organes, hyoïde et larynx. On sait que chez les tortues, l'ouverture de la glotte suit immé- diatement la base de la langue. Ce n’est pas toutefois que lhyoïde soit supprimé où même simplement racourci et rudimentaire ; tout au contraire, il ‘est grand, fort et robuste. Le rappro- 340 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE chemñent signalé tient à ce que le larynx avance sur l'hyoïde au point de sy encastrer et d'aller sy établir comme dans un do- micile. Quelquefois cet établissement est ménagé par un vaste et solide cuïlleron, à la formation duquel concourent, en se soudant ensemble, toutes les pièces médianes de l'hyoïde (les tortues terrestres), et d'autres fois c'est par un alongement considérable et la forme canaliculée du Basihyal (la chélyde matamata ). Que toutes les pièces soient dans chaque appareil dans la relation voulue par l'ordre de leur génération’, c'est-à-dire que toutes les pièces hyoïdiennes soient mutuellement unies en- semble, et que réciproquement les laryngiennes le soient de même, les unes par rapport aux autres, c'en est assez pour satis- faire au principe des connexions, lequel admet secondairement des connexions accidentelles. Qui ne comprend et qui n'a point observé qu'il en doive nécessairement survenir, et quil en survient de telles à la suite d'un contact prolongé et calme? Et en effet l'adhérence que l’on remarque entre les couches hyoï- diennes et laryngiennes, ou pour m'exprimer avec plus :de précision, entre leurs périostes, ést occasionée par un dévelop- pement insolite du tissu cellulaire intermédiaire. C'est en défi- nitive, c'est seulement dans leurs sphères respectives que les matériaux restent assujettis, et par conséquent sont toujours fidèles à un ordre prescrit; d'où j'ai déduit le principe des con- nexions. N'oublions pas dans cette occurrence le fait posé plus haut, Aphorisme K, savoir, que l'hyoïde ne constitue pas une formation simple et isolée. Ce sont trois appareils distincts qui s'en viennent converger sur un.axe médian; les chaînes latérales prennent rang, et ont une position à titre de pièces provenant DES PARTIES DE L'HYOIDE, ETC. 341 de l'intérieur, puisqu'elles s'étendent de dedans en dehors, mais au surplus elles ont leurs derniers os rangés extérieurement, eu égard à la chaîne longitudinale, laquelle est vraiment située plus profondément. ; Alors, quand il arrive que, cômme chez les poissons, la cage respiratoire et les objets y contenus s'avancent d'arrière en devant, aucun trouble ne s'ensuit point nécessairement; seule- ment l'arrière-corps va se poser, se souder même quelquefois sur:lavant-corps; mais l'indépendance de chaque système se conserve : tout est maintenu, les connexions respectives, et gé- néralement tout l'ordre de superposition des parties contenues vis-à-vis des contenantes. Alors s'établissent des relations qui font saisir une apparence nouvelle, parceque l'on se trouve pro- céder du plus composé au plus simple, Là ne sont cependant que les rapports voulus par la nature des choses : tel est l'engre- nage nécessaire de parties, où chacune d’un demi-appareil s'en va gagner sa correspondante dans l'autre demi-appareil : réci- procité de marche et de contact quisaméne une fusion, produi- sant en définitive un appareil unique et général dans une con- venance parfaite. La théome iroit au besoin en chercher des preuves dans un fait organique qui n’est guère susceptible que de cette application, puisqu'il ne sauroit offrir de conséquence qu'à ce sujet; c'est la présence du muscle sterno-hyoïdien chez les animaux qui respirent l'air en nature; car ce muscle qui s'étend de l'hyoïde au sternum, toujours et dans quelque degré d'écartement où se trouvent l'un à l'égard de l'autre les deux ap- pareils, laisse présumer sa haute destination dans l’organisation, ou mieux, montre toute sa fixité d'essence, nonobstant ses cas nombreux de variation, soit qu'il parvienne à son maximum de 342 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE volume, d'épaisseur et de fonction chez les poissons, soit tout au contraire qu'il s'alonge dans les autres classes, principale- ment chez les oiseaux, où on le diroit passé à la filière : 1à n'est plus qu'un ruban mince, étroit et presque sans ressort, tout au moins saps une utilité manifeste. R. On a dit plus haut que les extrémités inférieures de l'ap- pareil hyoïdien, appelées chez l'homme grandes cornes, étoient tantôt composées d’une seule branche sur la ligne médiane, et tantôt de deux écartées et disposées symétriquement à gauche et à droite. Cet arrangement est soumis à plusieurs cas de va- riation. L'’Entohyal et l'Urohyal, qui sont les éléments, soit de l'unique branche, soit de la double branche, n'ont pas toujours pour objet de suspendre le larynx, et d'étendre léèurs usages à la dilatation ou au resserrement de l’œsophage;- c'est le cas le plus ordinaire; car cela s'observe chez les mammifères, les oi- seaux, et la plupart des reptiles : toutefois dans les tortues c'est une autre disposition, et il le faut bien, d'après ce qu'on a vu plus haut, en l4phorisme: K. Le larynx n'est plus chez ces animaux à la suite de l'hyoïde, bien que les branches de celui-ci, qui lui sont par-tout ailleurs dévolues, n'en soient pas affectées par ses dimensions plus ou moins restreintes. Ces branches, qui sont formées de l'Entohyal , os achevé, et de l'Urohyal, maintenu à l’état cartilagineux, resteront donc vacantes et sans emploi? Car qu'observer à la région du cou qui pourra leur fournir quelque occupation? Nous y voyons deux tubes situés parallélement, l'un au-devant de l’autre, c'est-à-dire la conti- nuation, d'une part, du canal œsophagien, et de l'autre, celle de la trachée-artère. À ce seul emploi possible, il est effectivement satisfait par les branches postérieures hyoïdiennes; de forme DES PARTIES DE L'HYOIDE, ETC. 343 arquée, elles contournent les deux tubes, et vont ensuite porter et perdre leurs extrémités libres dans le tissu cellulaire subja- cent à la peau; une païtie de ce tissu cellulaire gagne la tra- chée-artère et l’æœsophage en quelques points. Toutes les parties de cette région sont plus ou moins engagées dans de semblables adhérences; et, cela étant, la peau, soit tendue, soit relâchée, selon ce qu'en dispose son panicule charnu, entraîne dans le jeu de son froncis et les branches postéro-hyoïdiennes et les deux tubes d'à côté; ceux-ci gagnant à êes manœuvres d’être plus ou moins entr'ouverts, ou bien plus ou moins exactement fermés. S. Jusqu'ici les branches postéro-hyoïdiennes ne se sont mon- trées subordonnées et dévouées à l'appareil respiratoire que dans une mesure plus ou moins efficace ; le maximum de fonc- tions est dans les poîssons. Un grand événement y a préparé à ces branches leur position avancée sous la tête. Celle-ci a tous ses os maxillaires palatins et auriculaires disjoints sur la ligne médiane, et rangés à distance en deux ailes de chaque côté. C'est l'appareil tout entier de la respiration qui est immédia- tement placé sous les lames sphénoïdales. Ge n’est pas le lieu de parler avec détails de toutes les parties de ce puissant appareil; je ferai cependant remarquer qu'arrière-corps’ de l'organe res- piratoire, elles se sont avancées sur l'avant-corps en deux masses symétriques; celui-ci est principalement formé de la chaîne hyoïdienne longitudinale, tout entière établie sur la ligne mé- diane, et formée d'osseletsuniques, gros," forts, et placés l'un à la suite de l’aûtre. Dans cette situation des choses, voilà un nouvel et tout-puissant emploi des os médians de l'hyoïde; ils ne sont plus groupés ensemble, comme dans les tortues, pour offrir à un troncon du canal aérien un large bassin, ou même 344 OBSERVATIONS SUR LA CONCORDANCE une simiple rigole; mais établis en série ils fournissent leurs flancs, comme fait la quille d'un bateau, à toutes les baguettes cartilagineuses qui portent le système vasculaire. Ces baguettes forment la partie principale des bronches chez les animaux de la respiration aérienne; c'en sont les analogues chez les poissons, que les petits arcs que nous nommons pleuréaux. T. L'histoire des pleuréaux sera le sujet d’un autre Mémoire. Telles sont ces pièces qu'on a proposé de considérer encore comme hyoïdiennes. J'en ai placé quelques unes dans la planche qni accompagne ce Mémoire, pour montrer dans quel emploi et dans quelles relations entrent les os hyoïdiens chez les pois- sons. En dire davantage à ce moment, ce seroit toucher à la question très grande comme très importante de toutes les pièces qui servent de support au système vasculaire. En définitive, les hyoïdes, à l'égard des poissons, font partie intégrante et prépondérante de l'appareil respiratoire; ils en forment inférieurement les os médians, et 1ls contractent avec les éléments du larynx et des bronches d'intimes liaisons, dont ils sont plus ou moins affranchis chez les animaux à respi- ration aérienne. Dans ceux-ci hyoïdes et bronches existent aux deux extrémités de l'appareil général; un long pédicule canali- culé, ou la trachée-artère, étant interposé entre l'avant-corps (les hyoïdes), et l’arrière-corps (les bronches). Le rapproche- ment de ces deux systèmes chez les poissons a forcé le canal à air à s'ouvrir, à se râmasser, et à se présenter sous la forme d’une table assez courte, où l’on retrouve encore’ sous la figure d'épines ou de denticules pharyngiennes tous les canaux de la trachée-artère. : : U. Je suis présentement sans inquiétude touchant l'une des DES PARTIES DE L'HYOIDE, ETC. . 345 déterminations admises dans ce Mémoire. La force des choses y a, très heureusement suivant moi, amené M. le baron Cuvier. Habitué qu'il est de préférer aux inspirations des théories les documents plus certains des faits positifs, mon savant confrère se trouve de mon avis dans l'une des plus difficultueuses ques- tions touchant les hyoïdes. M. Cuvier admet comme moi que l'Entohyal, suivi de sa queue, forme ou deux branches dédou- blées et symétriques, ou bien une branche unique, dont les élé- ments sont confondus sur la ligne médiane. Or ce ne sera pas inutilement que je me prévaudrai de cet assentiment, ou plutôt que je fais honneur de la priorité de cette découverte à son auteur, puisque pour être conçue, comprise et justifiée, la dé- termination des branches postéro-hyoïdiennes fait entrer dans ses données, implicitement du moins, les conséquences de deux théories récemment introduites dans la science, la loi du déve- loppement excentrique par M. HAE et les principes de la doctrine des analogues. « Le corps hyoïdien, a dit M. Cuvier, s'articule en arrière, «et se soude avec un os grêle impair sur lequel repose le larynx, «et qui représente à lui seul les deux cornes postérieures ( 1).» C'est (1) Je donne ce Mémoire tel qu'il fut composé du vivant de M. Cuvier. Présenté à l'Académie des sciences, le 12 décembre 183 r, il fut remis à M. le Secrétaire perpétuel, qui en accepta le dépôt, afin d’en rendre compte dans ses Analyses des travaux de l'Académie. * Il étoit naturel qu'après nos débats de l’année précédente, j'invoquasse le passage que je viens de citer, pleinement favorable au système’ d'idées phi- losophiques, dont-je m'étois constitué le défenseur. Et comment n ai-je pas songé plutôt à m'en prévaloir? Un mot amer ( les aventures d’un'fil d’archal),. si désobligeant"dans sa forme et dont je ne dissimule pas que je fus profon- dément blessé, eût sans doute été évité par mon honorable collègue. Annales du Muséum, t. [”, 3° série. | 44 346 OBSERVATIONS SUR IA CONCORDANCE en traitant de l’hyoïde des lézards, et en terminant sa revue ostéologique des ovipares dans son important ouvrage des osse- ments fossiles, qu'il s'est ainsi exprimé. Oss. Foss. t. V, part. II, P:299: t V. Tous les moyens de recherches sont bons, mais quelques uns doivent être préférés. Ainsi l'on vient tout récemment de proposer de remplacer les considérations tirées des matériaux primitifs de l’organisation par l’étude comparative des orga- nismes analogues. Si j'ai bien compris la valeur que l’on attache au mot organisme, il s'applique à un ensemble de parties dans des relations réciproques de provenance, de connexions, et de fonctions. Cependant n’auroit-on voulu par-là que remonter à la simplification et à la destination des matériaux organiques? pourquoi ce nouveau mot qui présuppose un appareil déja fort compliqué ? : Prenons le Stylhyal pour exemple. Il existe entre le crâne et l'hyoïde. Est-ce au premier qu'il appartient essentiellement? On doit le croire, sur ce que, s'il rompt ses rapports à titre d'an- neau de jonction, c'est pour demeurer fixé à la fossette articu- laire des mâchoires (chez les oiseaux), ou bien par exception chez deux mammifères (l’homme et le cochon), où il devient une longue apophyse crânienne; car d'ailleurs c'est dans tous les autres animaux vertébrés que sa destination est de produire l'effet d'une arche de pont jetée entre le crâne et les avant- corps de l'organe respiratoire, Ceci se manifeste avec une telle persévérance que cette fonction distincte fait du Stylhyal le sujet d'un organe à part, de simple élément que sa primitive con- ‘dition d'existence le caractérise; et ici il seroit par trop préten- tieux, et sur-tout très inexact, que je vinsse distinguer et dési-. DES PARTIES DE L'HYOIDE, ETC. 347 gner cet arrangement sous le nom d'organisme. Enfin, chose sans doute bien remarquable, le Stylhyal grandit, et devient d'une longueur considérable{chezles ruminants et les solipèdes), mais de manière qu'il n'en reste pas moins subordonné, et per- sévère dans son utilité ordinaire; Ja grande longueur de la tête motive ce fait qui domine. Le Stylhyal y satisfait aux dimen- sions que lui impose la distance à parcourir entre son point d'insertion sur le rocher et celui de sa jonction avec les os pha- ryngiens. | X. Pour dernière considération, je crois pouvoir me per- mettre de conclure que je viens de donner de lhyoïde une con- noissance exacte, que l'hyoïde, ainsi présenté dans ses rapports et dans ses différences, justifie la tendance de mes recherches, que tant de faits qui rentrent réciproquement les uns dans les autres contiennent, pour ce cas particulier, une démonstration péremptoire du fondement de la doctrine des analogues, et qu'enfin cette anatomie véritablement comparée d'un seul système organique nous montre comment on passe utilement des pre- miers travaux concernant les animaux, ou des faits particuliers et descriptifs, aux recherches inspirées par la nouvelle direction scientifique, c'est-à-dire aux faits de coordination générale et d'unité philosophique qui sont dans les besoins de l'époque actuelle. ; Z. En être venu là au sujet des études si compliquées de la structure animale, c’est avoir grandi, dans la première des sciences philosophiques (1), de l'enfance à la virilité. 0 HA" ET (x) Les analogies de l’organisation. » € EXPLICATION DE LA COMPOSITION MATÉRIELLE DU TABLEAU OÙ DE LA PLANCHE. > Je reviens sur le Tableau synoptique, dont ce qui précéde est un assez long commentaire, afin d’en expliquer la composition matérielle. Je l'ai divisé en quatre parties qui correspondent à chacune des classes d'animaux ver- tébrés, et sous ces titres zoologiques : Poissons, Reptiles, Oiseaux et Mam- mufères. J'ai fait connoître plus haut mon motif pour avoir pris la série à rebours; j'ai pour cela consulté l’ordre d'importance des pièces hyoïdiennes. Les ani- maux ne commencent à exister que du moment qu'ils. respirent : or l’hyoïde devient la piéce fondamentale, et vraiment la quille sur laquelle est construit l'organe respiratoire chezles êtres du milieu aquatique. Venez à le supprimer chez ces animaux, ou même à le modifier essentiellement, et toute la machine est paralysée, brisée, entièrement anéantie : il n’est plus d’existence de poisson, atteinte par une telle lésion. C’est tout au contraire différent à l’é- gard des êtres du milieu atmosphérique : l'hyoïde n’entre dans leur con- struction qu'à titre de pièces qui ajoutent à la perfection de ces animaux. Plus ou moins utiles, de telles piéces sont quelquefois impunément sous- traites, comme aussi on peut les frapper de lésions plus ou moins considé- rables, sans qu'il en résulte un notable dommage. LES POISSONS. PREMIÈRE CASE. ÿ Je n'ai pointeu recours à beaucoup d'exemples pour remplir cette case : un seul pouvoit suffire pour exprimer ce qu'est toujours l'appareil hyoïdien chez les poissons osseux, attendu que la variatiomdes organes dans la série animale est ‘en raison inverse du depré de leur importance. Ainsi je m'en suis tenu à deux hyoïdes isolés, l'un vu de face dans le Mérou, et l'autre *e, EXPLICATION DE LA COMPOSITION MATÉRIELLE, ETC. 349 vu de profil dans le Poisson Saint-Pierre. En recourant à deux autres exem- ples, j'ai encore desiré faire voir quelles pièces se joignent à l'hyoïde sous les deux combinaisons suivantes : 1°, comment dans le Trigle les pièces la- ryngiennes occupent les flancs de la série hyoïdienne longitudinale (Glosso- hyal, Basihyal, Entohyal, et Urohyal); et 2°, comment, dans le Brochet, les annexes sternales continuent la série hyoïdienne transversale (les Apohyaux et les Cératohyaux ). LES REPTILES. SECONDE CASE. Des exemples plus multipliés devenoient ici nécessaires, au point que j'aurois pu en augmenter le nombre avec profit. Pourquoi nécessaires? c'est que les reptiles ne forment point une classe régulière à la manière de celles des mammifères, des oiseaux et des poissons. Ce sont pour la plupart des groupes isolés, très différents à cause des larges intervalles qui les mettent à une très forte distance les uns des autres. Ce sont des animaux auxquels je pense devoir appliquer l'expression aujour- d'hui admise en tératologie ( anomalies de l'organisation ), l'expression d'arrét de développement. Et en effet, que l'organisation continue plus ou moins dans sa marche progressive, d'où dépendent les transmutations de ses parties formatrices, c’est-à-dire que l'ordre de développement que la succession des âges fait connoître dans une espéce de mammifère devienne le fait général de la série animale, en montrant celle-ci passant par tous les degrés jusqu'à celui des plus grandes complications, combien de formations transitoires peuvent s'arrêter et demeurer alors avec un caractère décidé? Il tombe ainsi sous les sens que, pour un peu plus d'efforts, de continuité dans le développement, tel crocodile deviendroit mammifère, et telle tortue oiseau. Et en effet, ne voyons-nous pas journellement un événement tout semblable se passer sous nos yeux? Ces êtres ambigus, dits les tétards, qu'il ne faut pas considérer comme bons seulement à être décrits dans nos livres mais voir aussi comme un de ces présents où la nature s'est complu à étaler sous nos yeux l'emploi de ses ressources merveilleuses pour faire varier les formes animales, les têtards, poissons tant qu'ils restent immergés dans l’eau, se dépossédent de l’organisation ichtyologique pour en prendre une qui lesft range parmi les quadrupédes ovipares : car, qu'ils rejettent quelques parties 350 EXPLICATION DE LA COMPOSITION MATÉRIELLE et qu'ils en acquièrent d’autres, ils ont bientôt revêtu les formes soit d’une salamandre, soit d’une grenouille. F Les reptiles, quatrième part des animaux vertébrés, comme en ont décidé les naturalistes, sans avoir consulté ces essentiels rapports que révèlent les intervalles inégaux qui séparent chaque groupe; les reptiles, quatrième classe à conserver cependant pour la commodité et l'usage des éléves, ne seroient dans l'esprit de ces réflexions que des lambeaux de systèmes orga- niques, dans un ordre déja compliqué et fort élevé, lesquels n’auroient point encore fourni tout leur développement possible, et par conséquent à qui il manqueroit d’être arrivés à l’état achevé, à la condition d’une vérita- ble composition classique; à ces classes dont nous avons une notion nette et précise dans les grandes familles bien naturelles, appelées Manumifères, + Oiseaux et Poissons. Cela posé, les reptiles seroient des êtres en train de développement, comme le sont nos arbres au moment où ils n’ont encore poussé que leurs bourgeons. Prenons pour plus de clarté un autre exemple; il nous est fourni par les Mimosa; ceux de l’ancien monde conservent à tou- jours les feuilles pinnées de leur premier revêtissement, quand les Mimosa de l'Australie, s’'accommodant toujours de celles-ci en de certaines places, y ajoutent par un progrès dans le développement en d’autres places des feuilles d'un autre caractère. J'ai présenté ces considérations pour que nous puissions par elles nous rendre compte des variations de l’hyoïde chez les reptiles; variations pré- cieuses, en tant qu'ellés conduisent de la manière la plus satisfaisante à l'état fini et parfaitement régulier d'un hyoïde ichtyologique. Sur les figures Salamandre et Grenouille. J'en suis redevable à M. le docteur Martin de Saint-Ange, jeune anato- miste d'un talent très distingué, et que deux grands succès aux concours. académiques de l'Institut font connoître très avantageusement. Les dissec- tions, la découverte des piéces et les dessins qui ‘ont fixé ses intéressantes rechercheS m'ont été communiqués par ce jeune praticien. Il a de son côté publié (dans les Annales des sciences naturelles, KXIV, 366) ces mêmes dessins, accompagnant sa Description des organes transitoires et de la métamorphose des Batractens. Les piéces ont été reconnues par ce jeune au- teur; mais il n'a pas osé se livrer à leur détermination, dont il a bien fallu alors que je me chargeasse. DU TABLEAU OÙ DE LA PLANCHE. 351 Nous venons de rappeler que les Salamandres et les Grenouilles sont des poissons sous leur première forme de Têtard, et qu’en cessant d’être immer- gées dans l’eau, et en se tenant à la surface, elles subissent une métamor- phose qui en fait des reptiles, des êtres à part sous le nom de Batraciens. 1. Salamandre. Dans l'organe respiratoire du Tétard sont toutes les parties qui abondent dans un appareil branchial de poissons. Chez l’une des deux figures, celle de gauche,, sont les éléments osseux enchâssés dans leurs membranes ou périostes, et chez celle de droite se trouvent ces mêmes éléments nus et, dans leur isolement, maintenus à leurs places respectives. Or, dans ces deux figures, l’on voit ésalement un hyoïde de poisson, que portent à re- connoître ses deux chaînes, moins le Glossohyal et les Stylhyaux qui man- quent; 1° la chaîne transversale formée de c, a, a, c, ou de Cératohyaux en dehors, et d’Apohyaux en dedans; et 2° la chaîne longitudinale composée deb,e,u, ou du Basihyal, de l'Entohyal et de l'Urohyal. Je viens de dire un hyoïde de poisson; car ces pièces sont flanquées de parties laryngiennes et pleuréales, comme chez un poisson osseux. Mais au moment de la métamorphose, d'autres vaisseaux naissent des principaux troncs pour fournir au développement d’une autre formation organique : d’où il arrive que ceux des vaisseaux qui alloient nourrir les piéces larÿyngiennes et pleuréales y sont de plus en plus privés de l’afflux du sang; ces piéces branchiales se flétrissent, et, devenues tout-à-fait caduques, disparoissent. M. Martin de Saint-Ange a très bien exposé ces faits curieux dans son Mémoire. ' Et en dernière analyse, un animal de la respiration aérienne est constitué par l'isolement et la structure achevée d’un hyoïde de reptile, qu'on voit re- présenté en la figure Salamandre adulte. . 2. Grenouille. = L'analogie conseille d'essayer de retrouver chez la grenouille les mêmes piéces que chez Ja salamandre, et nos figures sont à cet effet parfaitement comparatives; mais dans ce nouvel exemple où des piéces voisines. se s soudées ensemble, où quelques unes par l'effet d’une complète atrophie ont entièrement disparu, cela est très difficile : j'ai cependant reconnu cinq 352 EXPLICATION DE LA COMPOSITION MATÉRIELLE parties distinctes dans le Tétard, deux Apohyaux, un Pl et deux En- tohyaux; mais dans la grenouille adulte, il n’est plus qu’un seul plastron suivi de deux Urohyaux. Toute détermination à cet égard reste ainsi frappée d'incertitude. 3. Chélyde Matamata. M. Werner a dessiné cet hyoïde de la tortue matamata; M. Cuvier en avoit déja donné une figure fort exacte, Oss. Foss. #7, part. II, pl. XII, fig. 41. C’est à-peu-près l'arrangement et la même disposition que dans les mammi- fères ruminants et solipédes; mais toutefois est là une condition nouvelle : car le maintien des connexions essentielles et obligées s'y coordonne, vu la grandeur de l'appareil, avec d’autres connexions accessoires et de nou- velles fonctions. Les branches styloïdiennes (la chaine transversale), formées des trois pièces Apohyal, Cératohyal et Stylhyal, s'appuient doublement sur l'axe median, l’'Apohyal sur le Glossohyal, etl’Apohyal en même temps que le Cératohyal, sur le Basihyal : on remarque deux Glossohyaux adossés l'un à l’autre latéralement. Mais le fait le plus curieux à citer, c’est que le Basi- hyal, qui est grand et alongé, est creusé dans toute sa longueur; long canal, où il recoit et loge solidement la trachée-artère. Les appareils hyoïdiens, laryngiens et pleuréaux ne sont plus situés bout à bout comme chez les mam- mifères, mais se composent de deux plans paralléles, dont l'un est encastré dans l’autre. Il y a encore deux Entohyaux, mais libres, mais vacants le long du cou, et allant dans le tissu cellulaire, prendre là de l’adhérence et quel- ques fonctions très secondaires. 4. Tryonix. - C'est une tout autre disposition que présente l’hyoïde des tryonix : les faits singuliers qui se voient là ajoutent de nouveaux et puissants motifs aux considérations que j'ai autrefois exposées pour l'établissement de ce genre. C’est le séül hyoïde avec toutes piéces paires, le seul où les Apohyaux s'intercalant entre des os, qu'ils écartent, arrivent au contact; le seul avec un double Basihyai, et le seul encore où les Urohyaux se maintiennent long- temps dans un arrêt de développement à la manière du lärynx des mammi- fères; j'entends par-là qu'à des époques éloignées et non fixes dans leur séjour les molécules osseuses se déposent en grains plus ou moins volu- mineux. à M. Cuvier, qui part d’une autre base de détermination que moi, consi- : DU TABLEAU OU DE. LA PLANCHE. 353 dère (Oss. Foss. W, partie I, page 194) toutes les pièces moyennes au nombre de sept comme ‘autant de fragments du corps hyoïdien : il fait des Cératohyaux ses cornes moÿennes; et des branches e, xu june troisième paire, ou ses cornes postérieures. Je n'ai pu me mettre d'accord avec lui qu'au sujet de:ces dernières pièces: sur le surplus il est éclectique. Mais d’ailleurs je rends une pleine justice à sa note, Loc. Cit. p. 193, où il relève une grave erreur dans laquelle j'étois tombé au sujet de l'hyoïde des oiseaux : les motifs allégués, la dignité du discours, et le ton sans la moindre malveillance qui y règne, me paroissentrecommandables. 5. Lézard. Tout est remarquablement filiforme dans l’hyoïde des lézards;,car, pour qu'il y ait espace suffisant à ce développement en longueur, les pièces sont contournées sur elles-mêmes, et repliées de façon à rendre leur dé- termination difficultueuse. Le corps (Basihyal) est une plaque pentago- nale, terminée antérieurement par une longue et grêle apophyse, et posté- rieurement par deux filets encore plus alongés. De l’apôphyse antérieure naît un Glossohyal cartilagineux et bifide. Ces filets ou les apophyses posté- rieurés ont porté M. Cuvier à admettre l’existence d'une troisième sorte de cornes, troisième paire par conséquent; d’où le nom de cornes mitoyennes pour celles dites chez l’homme cornes postérieures. Cependant M. Cuvier atténue lui-même ce jugement, quand il ajoute, L: C., 280, «que les cornes « de troisième paire existent rarement, et sont plutôt des productions pos- «térieures du corps que des cornes particulières.» La trachée-artère est entraînée à l'égard du corps hyoïdien; car, au lieu de se contenter d'y être encastrée, elle le dépasse, après y avoir pris un point d'appui. Et quant aux autres pièces, il suffit des lettres indicatives en la figure, pour en donner nettement la détermination. Enfin M. Cuvier termine encore son ART. Hyoïde des lézards, en l’ac- compagnant, page 279, de la même note, semblablement reproduite que page 193. Il revient ainsi dans chaque occasion sur l’objet décidément traité dans ce Mémoire. 6.. Monitor. Que de différences entre l'hyoïde des monitors et celui de l’article pré- £ 2 RCA } ! : À cédent ! l'extrême simplicité du premier doit surprendre en raison du voi- Annales du Muséum, t. 1”, 3° série. 45 354 EXPLICATION DE LA COMPOSITION MATÉRIELLE sinage des deux espèces : c'est au point que j'ai supposé que M. Euvier qui a établi cette figure, 2° part. du tome V, pl. XVII, fig. 1, auroit pu avoir omis les Stylhyaux;,, qu'on n'y voit pas. La préparation d’une espèce très voisine? conservée dans de l'alcool, m'a montré un Stylhyal d’un côté, sans qu’il y eût trace de l’autre au côté opposé. 7. Sauvegarde. Je m'en réfère aux indications suffisamment précises des lettres appella- tives des piéces. LES OISEAUX. TROISIÈME CASE. Peu de variation affecte l'hyoïde des oiseaux, et ce n’est guère qu’au sujet du Glossohyal, double dans le Geaï, l’osselet de gauche rencontrant celui de droite en un point de leur racine; double aussi dans la Chouette, les deux osselets entièrement appuyés bord contre bord; double encore dans la Cigogne, chez laquelle les deux osselets sont écartés l'un de l’autre par l'in- terposition de la tête du Basihyal; et enfin unique dans le Canard. On a re- présenté deux degrés du développement de l’hyoïde de cet oiseau, le jeune âge, où la chaîne longitudinale est distinctement formée d'os à part, le Glossohyal, le Basihyal et l'Entohyal; et l’âge adulte, où ces deux dernières pièces sont soudées l’une à l’autre. LES MAMMIFÈRES. QUATRIÈME CASE. La variation classique des oiseaux à l'égard des mammifères porte sur les Stylhyaux en plus chez ces derniers, quand par compensation le Glossohyal y disparoît, ou à-peu-près, si ce n’est dans l'exemple suivant. 1. Cheval. L’étroitesse de la base du crâne, et par conséquent celle du Basihyal ont favorisé le libre développement du Glossohyal; événement précieux pour les comparaisons d’analogie; car là est un anneau conduisant d’une organi- sation classique à sa suivante, là une transition répandant une vive lumière pour l'intelligence de ces faits. Le Cératohyal, si long chez les oiseaux, n'est plus, chez le cheval, qu’un osselet restreint dans sa dimension, ét jouant dans cet hyoïde le rôle d’une rotule aussi bien par sa forme que dans sa fonction. DU TABLEAU OU DE LA PLANCHE. 355 Chez le cheval adulte, les pièces hyoïdiennes se simplifient par la soudure du Glossohyal avec le Basihyal et du Cératohyal avec le Stylhyal. 2. Cerf. Nous avons chez les ruminants, les cerfs, les bœufs, ete., un autre arran- gement, sous ce rapport que le Glossohyal n'existe que representé par une apophyse du Basihyal; mais comme si ces éléments osseux devoient par un effet de compensation se rencontrer ailleurs, nous trouvons chez les ruminants le Cératohyal accru et devenu presque aussi long que l'anneau antérieur, ou l’Apohyal. 3. Bœuf. C'est ici le même fait que précédemment : la tubérosité glossohyale est seulement plus prononcée. Par économie d'emplacement l’on n’a représenté qu'une branche styloïdienne. 4. »Chat. Rien ici qui ne soit’ comme précédemment quant aux branches styloï- diennes, mais par contre est une variation considérable et bien remarquable quant au Basihyal et à ses dépendances. Ce corps principal médian n’est plus qu'une tige menue et transversale, sans apophyse, et caractérisée même par plus d’étroitesse vers son milieu; c’est que les vestiges du Glossohyal s’en sont détachés pour se porter en avant dans la langue et y devenir ce cartilage alongé désigné par les Chasseurs sous le nom du ver de la langue. C’est ce fait isolé et curieux que représente dans notre figure, le trait, Lett. g. 5. Homme; état normal. Les notions.sur l'hyoïde humain se bornoient avant mes recherches aux seules indications suivantes : on décrivoit le corps b, ses grandes cornes ou les cornes postérieures e; e, et ses petites cornes ou les cornes anté- rieures a, a. J'engage*à"ajouter à ces documents l'existence d’une petite tubérosité q, ou de l'apophyse glossohyale ; car nous y'devons considérer un vestige plus ou moins considérable, selon les individus, de l'os lingual des oiseaux et des poissons. J'ai placérauprès de cet hyoïde la figure de deux apophyses styloïdes, com- posées d'os distincts," et précisément de ceux qui manquent chez l’homme pour compléter dans son appareil hyoïdien cette chaîne transversale qui se 356 EXPLICATION: DE LA COMPOSITION 'MATÉRIELLE, Le voit dans la généralité des mammifères. Supposez que vous ‘voyez ces apo- physes styloïdes insérées et soudées au crâne. à la fossette du rocher d’où descend l’apophyse vaginale. La Lett. F montre cette relation. 6. Homme; état tératologique. Dans ce titre, le mot tératologique contraste avec celui de normal employé précédemment: ce mot nouveau est dans la science depuis la publication du Traité de tératologie, ouvrage demon fils Zsidore G.S.H., le premier volume ayant seul paru. Le besoin de ce terme étoit senti depuis long-temps : ikrem- place avantageusement celui de monstruosité, à l'égard de plusieurs de ses acceptions, s'appliquant, de plus, heureusement encore à tous les cas patho- logiques qui surviennent après naissance. Ce mot conçu avec un caractère de grande généralité s'étend à tous les faits de dissemblance que produisent, soit avant, soit après naissance, tous les dérangements de l’organisation ordinaire qu’on caractérise alors par le qualificatif de régulier ou de normal. Dans l’hyoïde tératologique, objet denotre 6° figure, la chaîne styloïdienne est entièrement restituée. Le premier volume de» ma Philosophie anatomi- que en donne un récit très détaillé. L'hyoïde, réduit chéz l’homme à cinq piéces groupées ensemble, formoit un fait anomal, eu égard à l'hyoïde de règle que donnoit à connoître la généralité des mammifères. Or c’est un des-résultats fournis par mes recherches sur l’analogie de l’organisation que: jamais: il n'arrive à un système organique dévié dela règle de quitter sa condition d'anomalie, que:ce ne soit pour retomber dans les conditions plus larges comme primitives, comme originelles, que sembloient lui imposer les rapports de famille : voilà ce que donne effectivement l’état tératologique ici figuré; da chaîne, formée de st, c, a, B, a, c, st, est restituée dans cet exemple, ainsi qu’elle se montre normalement dans les exemples Chat, Cerf, etc. Une circonstance intéressante, c’est que le Basihyal est tout-à-fait privé de sa tubérosité glossohyale; et la loi du balancement des organes en dit le pourquoï. L'afflux du sang a plus donné que d'ordinaire aux branches styloï- diennes, ce qui n’a pu se faire qu'äux dépens d’une privation ailleurs. Ainsi, dans la métamorphose des Batraciens, de certains vaisseaux diminuent et finissent par s'atrophier, quand d’autres en prennent sujet de poindre et de s’accroître. Or, cela devenant un spectacle pour les yeux du corps, la loi du balancement des organés ne seroit-elle qu'une vague et vaine théorie? ue LS > Ed D cs —— CE 4 …. TABLEAU SYNOP TIQUE Presentant la concordance des parles de l'Hyoic Ru classes , du 12 de ose Œ l (cademie roy ile des S! en dans SA SeATICE a /louvelles Unnales. Rorek Lisrur Et F A 1 | 7 Oiseou SV LSSOUS Rep Hess. F\ Ft lard à ) Preroull ile COMM T NA Rappoits et nos des pieces hyporoteurtes = 6 jhshyal.b 2 7 7 . ; e ? 7 lashyals pehyal. (£' ciatchyal -Æ. cehyal =Ù Uto lyal- ST. Tyllgel 2 x carkla 2 he Geoffrey Sr Je twaut, Mat dd! + à Ye YNOPTIQUE | les 3 classes des drumaux rertebres , ns Ê 4 _ as sa searice du 1? Decembre 1831 Oiseaux. Canal darre 1 Annales du Masned histnar Torne 1 Page 221 Moauuuifères , 2n2911€ «Ar État Eéarotogique -#omone Cia normal CONSIDÉRATIONS SUR LES CARACTÈRES EMPLOYÉS EN ORNITHOLOGIE POUR. LA DISTINCTION DES GENRES, DES FAMILLES ET DES ORDRES, ET DÉTERMINATION DE PLUSIEURS GENRES NOUVEAUX. # PAR M. ISIDORE GEOFFROY SAINT-HILAIRE. (Mémoire lu à la Société d'Histoire Naturelle de Paris, le 3 août 1832.) Toute classification est d'autant moins imparfaite et d'autant plus conforme à l'ordre naturel, que les êtres qui en sont les objets s'y trouvent appréciés sous un plus grand nombre de leurs rapports. Les anciens systèmes zoologiques de Klein, de Brisson et de tant d’autres, et, pour citer un exemple plus mé- morable, le célébre système botañique de Linné, reposoient sur des considérations très simples déduites du seul examen d'un très petit nombre d'organes : mais, si leur emploi conduisoit d'une manière facile et sûre à la détermination des animaux ou des végétaux déja connus et déja introduits dans le système, ces classifications, purement artificielles, laissoient inaperçus une multitude de rapports, brisoient toutes les affinités natu- relles, et restoient presque entièrement inutiles pour l'étude des êtres nouveaux. Les méthodes aujourd'hui universellement 358 ‘CARACTÈPRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. adoptées en zoologie comme en botanique se fondent au con- traire sur l'examen d'un très grand nombre d'organes, et'sont par conséquent très compliquées et d'un usage très peu com- mode : mais leur utilité réelle augmente en raison de leur com- plication. Lorsqu'elles sont bien faites, c'est-à-dire établies sur des caractères importants, régulièrement subordonnés et appré- ciés tous à leur juste valeur, les ordres, les familles, les genres, se trouvent groupés suivant leurs affinités; et dès-lors une multitude de rapports, jusque alors inaperçus, se révélent pour ainsi dire d'eux-mêmes; les faits s’éclairent mutuellement; une découverte faite dans un genre est facilement étendue aux genres voisins, et l’analogie devient pour l'observateur un guide assuré. En un mot, l'emploi du système est très simple et facile, mais son utilité très bornée : l'emploi de la méthode est diffi- cile, mais son utilité immense. Le premier n'embrasse, si je puis m’exprimér ainsi, que le passé de la science; la seconde com- prend à l'avance tous les faits à venir. Grace aux travaux des zoologistes modernes, à ceux de M. Cu- vier sur-tout, ces idées sont aujourd'hui parfaitement établies en zoologie : elles y sont même, on peut le dire, devenues des vérités tout-à-fait vulgaires et presque triviales. Mais, univer- sellément admises en théorie, ont-elles été toujours appliquées, toujours suivies dans la pratique ? Et la classification repose- t-elle, en effet, dans toutes.les branches de la zoologie, sur une appréciation exacte de la valeur des caractères employés? En » est-il ainsi, par exemple, en ornithologie? La classification des oiseaux a sans doute fait depuis quelques années de grands progrès, dus aux travaux de MM. Cuvier, Vieillot, Temminck, Vigors et.de plusieurs autres ornitholo- CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 359 gistes. Cependant peut-on affirmer que tous les caractères généralement employés pour la distinction des ordres, des fa- milles et des genres aient réellement une valeur ordinale, sub- ordinale et générique? D'un autre côté, tous les caractères dont la considération ne sauroit être négligée dans une classification vraiment naturelle, sont-ils employés par les ornithologistes et appréciés à toute leur valeur? C'est l'examen de ces deux ques- tions que je vais entreprendre dans ce Mémoire, en m'appuyant soit sur plusieurs faits déja établis dans la science, soit sur un assez grand nombre d'observations nouvelles qui me sont pro- pres, et qui, rapprochées des premiers, les compléteront et les éclaireront tout à-la-fois. SECTION LI. REMARQUES SUR PLUSIEURS DES CARACTÈRES EMPLOYÉS EN ORNI- THOLOGIE. Devant passer en revue les principaux caractères que l’on emploie en ornithologie pour la distinction des groupes ordi- naux, sub-ordinaux et génériques, et obligé de me renfermer dans les limites d’un simple mémoire, je me bornerai ici à l'in- dication succincte de ceux de ces caractères qui sont géné- ralement bien connus et appréciés, et jinsisterai seulement, pour les soumettre à une discussion plus ou moins étendue, sur ceux qui ne me paroissent pas avoir été suffisamment étudiés, ou dont l'importance me semble avoir été ou méconnue ou exagérée. SI. Des caractères fournis par le bec. Les caractères fournis par le bec, traduisant à l'extérieur les principales modifications de l'appareil de la nutrition, ont été 360 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX: regardés de tout temps comme très importants, et le sont en effet; mais, comme on va le voir, il sen faut de beaucoup que leur valeur relative ait été toujours appréciée avec exactitude. Variations de la forme générale. Elles fournissent, en général, des caractères génériques excellents en eux-mêmes, et qui ne laisseroient rien à desirer s'il n'étoit malheureusement très dif- ficile, dans une multitude de cas, de les exprimer avec préci- sion. Ces caractères, sauf quelques exceptions de détail, sont d’ailleurs appréciés à leur juste valeur, et il est absolument ig- utile d'insister ici sur eux. Variations de la structure. Les caractères que l’on peut déduire de la structure de l’étui corné du bec ont été généralement négligés. Cette structure est cependant susceptible de quelques modifications qui, se présentant à-la-fois dans toutes les espèces vraiment analogues par le reste de leur organisation, peuvent fournir de véritables caractères génériques. Ainsi l'étui corné du bec est, dans la plupart des oiseaux, d’un tissu très serré, très compacte, très dur : dans d'autres, ce tissu devient au contraire très peu dense, plus ou moins mou, et quelquefois translucide; ce que l'on voit, par exemple, pour les passereaux, dans le genre Langrayen ou Ocyptère; pour l'ordre des oiseaux de proie, chez les caracaras. Les rapports de la structure du bec de ces der- niers avec leurs habitudes, si analogues à celles des vautours, sont trop évidents pour que j'insiste sur eux, et confirment par une preuve de plus la valeur assez grande d’un genre de carac- tères dont il n'est pas même question dans les traités d’ornitho- logie. Existence de dentelures sur Les bords des mandibules. Un assez grand nombre d'oiseaux présentent, sur les bords de leurs man- CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 367 dibules, des dentelures dont la forme, la disposition, mais sur- tout le nombre, sont très variables. Ainsi leur nombre est quelquefois indéterminé. Dans-ce cas, les mandibules peuvent être dentelées même sur toute leur longueur. Cette modification, à laquelle on a quelquefois attri- bué une grande valeur, est incontestablement plus curieuse que réellement importante, et, loin de pouvoir fournir un caractère d'ordre ou de famille, ne peut même avoir toujours une valeur générique. Elle est en effet sans influence sur les habitudes des oiseaux qui les présentent, au moins sur celles d’une partie d'éntre eux, par exemple des toucans ; ce que j'ai constaté soit par l'observation d’un toucan vivant, soit par la comparaison des divers âges des toucans et des aracaris qui parviennent presque jusqu’à l'état adulte, ainsi que je m'en suis assuré, avant que leur bec présente aucune trace de dentelures. Le dé- faut d'importance de ces dentelures, comme caractères géné- rique, est d’ailleurs établi positivement par l'existence de quelques genres évidemment très naturels, et comprenant cepen- dant des espèces à bec en scie et d’autres à bec non dentelé. Au contraire, le nombre des dentelures est quelquefois dé- terminé, Il en existe alors une ou deux au plus de chaque côté, soit à la mandibule supérieure seulement, soit aux deux man- dibules : dans ce dérnier cas, celles de la mandibule inférieure sont toujours moins marquées. L'une et l’autre de ces modifi- cations s'observent chez les oiseaux de proie dits nobles, où les dentelures ont depuis long-temps fixé l'attention, et portent spécialement le nom de dents. Ces dents étant dans ce groupe ornithologique en nombre rigoureusement déterminé et tou- jours très fortes, leur utilité étant d’ailleurs ici très réelle, leur Annales du Muséum, 1. 1°, 3° série. 46 62 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. U9 existence et leurs modifications doivent être plus importantes que celles des dentelures en nombre indéterminé dont nous venons de parler, et fournir de bons caractères pour la déter- mination des genres. C'est en effet, malgré l'opinion contraire de quelques auteurs, ce que confirment des observaticns faites récemment par un savant ornithologiste, M. de la Fresnaye, et ce que d'autres qui me sont propres, achèvent de mettre hors de doute. D'une part en effet, M. de la Fresnaye(r) vient d'éta- blir ce fait, déja indiqué par Nauman (2), que le gerfaut a naturellement le bec denté comme les faucons, et que l'erreur, généralement admise à son égard vient de l'habitude qu'ont les fauconniers de limer les dents du bec de ce redoutable oi- seau ; d'où il suit que l'existence des dentelures mandibulaires est un caractère plus général qu'on ne l'avoit cru, et quil ap- partient sans aucun exception à tous les oiseaux de proie no- bles. D'un autre côté, je suis maintenant en mesure de prouver que le nombre même de-.ces dentelures est loin d’être sants im- portance. J'ai en effet constaté, par la comparaison de toutes les espèces d'oiseaux de proie nobles, que celles qui ont le bec uni- denté présentent seules le système alaire que Cuvier, M. Tem- minck et les autres ornithologistes attribuent au groupe tout entier ; que celles qui ont le bec. bidenté ont au contraire les organes du vol établis sur un type , non seulement différent, mais même presque directement inverse. Existence d'échancrures sur les bords des mandibules: Elles peu- (x) Les observations de M. de la Fresnaye ne me sont encore connues que par la communication qu'il a bien voulu m'en faire; mais elles ne tarderont pas à être ‘publiées. (2) Histoire naturelle des oiseaux d'Allemagne, tome I. CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 363 x vent être, comme-les dentelures, en nombre indéterminé ou en nombre déterminé. Je ne m'arrêterai pas sur les échancrures en nombre indéterminé, qui coexistent nécessairement avec une série de dentelures, et sur lesquelles je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit plus haut. Lorsqueles échancrures sont en nombre déterminé, on n’en compte jamais qu'une ou deux en plus de chaque côté; encore ce dernier nombre ne se trouve-t-il que parmi les oiseaux de proie bidentés. Il peut exister des échanerures à la mandibule inférieure; et il en existe même dans un très grand nombre de passereaux; quoique aucun auteur n’en ait fait mention : mais il est beaucoup plus commun encore d'en observer à la mandi- bule supérieure, et tellement, que le nombre des oiseaux à bec non échancré surpasse à peine le nombre des oiseaux à bec échancré. 1 L'extrême fréquence de ce dernier caractère dans la série or- nithologique est pour nous un premier motif de chercher à apprécier sa valeur avec toute l'exactitude possible : nous en trouvons un second dans la haute importance qui lui a été at- tribuée par presque tous les zoologistes modernes, et spéciale- ment par M. Cuvier.: On sait en effet que dans la méthode or- nithologique que ce grand naturaliste a établie dans le Régne animal, et qui depuis a été si généralement adoptée, le groupe des passereaux, qui comprend à lui seul plus-de la moitié-des oiseaux connus, est divisé en cinq grandes sections ou sous- ordres, dénommés et rangés ainsi qu'il suit: dentirostres , fis- sitrostres , conirostres, ténuirostres et syndactyles. De ces cinq sous-ordres; le premier, qui est de beaucoup leplus étendu; a pré- cisément pour caractère général l'existence d'une échancrure de 364 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. chaque côté de la pointe du bec : caractère auquel se trouvent par conséquent subordonnées toutes les modifications que peu- vent présenter parmi les dentirostres les pieds, les ailes, les or- ganes des sens et le bec lui-même, considéré dans sa conforma- tion générale. n ! ; Or, ce caractère a-t-il en effet la haute importance qui lui a été attribuée? Maloré l'autorité de l'illustre auteur du Régne animal, je ne puis m'empêcher d'émettre une opinion contraire, basée, comme on va le voir, sur un grand nombre de faits déja établis dans la science et d'observations nouvelles; observations qui m'ont conduit à ce résultat, qu'il est des familles où les ca- ractères des échancrures mandibulaires sont même absolument sans valeur. £ Pour traiter ici la question d’une manière complète, nous au- rions à examiner, 1° si le caractère des échancrures mandibu- laires est en effet d’une importance supérieure à celle de tous les autres caractères: en d'autres termes, sil doit être subordonné à ceux-ci, ou si ceux-ci doivent lui être subordonnés. 2° Si ce caractère ne réumit pas des êtres très éloignés par leurs rap- ports naturels. 3° Si, enfin, il n'éloigne pas les uns des autres des êtres liés intimement par l’ensemble de leur organisation. Mais, obligé de nous renfermer dans les limites d'un simple mémoire , nous nous bornerons à traiter avec quelque détail ce dernier point, parceque nous croyons pouvoir en donner une solution tellement complète, qu'elle embrassera véritablement celle de toutes les parties de la question. Ainsi; pour rappeler d’abord quelques faits déja établis dans la science, nous trouvons plusieurs exemples d'oiseaux liés in- timement par l'ensemble de leur organisation, et qui cependant CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 365 se trouvent, selon la classification du Règne animal , séparés par d'immenses intervalles, parceque les uns ont le bec échan- cré, d’autres non échancré. L'exemple le plus remarquable que je puisse citer, est celui des chocards et des craves, entre les- quels se trouvent intercalés jusqu'à soixante-six genres, c'est- à-dire un cinquième de tous les genres composant la série ornithologique tout entière. Les craves et les.chocards sont cependant des oiseaux tellement voisins, qu'ils offrent exacte- ment, sauf quelques différences dans la conformation de leur bec, tous les mêmes caractères génériques (1), sont de même taille et de même couleur , et ont exactement les mêmes habi- tudes, au point que le crave et lé chocard d'Europe vivent dans les mêmes lieux, et se voient fréquemment par troupes com- posées à-la-fois d'individus des deux espèces. Cet exemple, auquel je pourrois ajouter quelques autres faits analogues, mais, il est vrai, moins remarquables, rend, ce me semble, aussi évidente que possible cette proposition sans doute assez importante pour la classification ornithologique, que deux genres, très voisins par l'ensemble de leurs rapports naturels, peuvent différer cependant par le bec échancré dans Lun , non échancré dans d'autre. Mais il y a plus encore : des genres très naturels peuvent présenter des espèces à bec échancré, d’autres à bec non échancré, et qui par conséquent, si l'on vouloit suivre rigoureusement la lettre des classifications au dieu de se pénétrer de leur esprit, appartiendroient, quoique évidemment congénères, à deux sous- ordres différents. (1) Plusieurs ornithologistes, M. Temminck entre autres, les ont même réunis génériquement. 366 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. Je citerai en premier lieu comme exemple le:genre Mainate, d'äprès M. Cuvier lui-même, qui, dans:la seconde édition de son Règne animal (rs), et avec la bonne foi d’un homme:voulant avant tout la vérité, a signalé cette exception aux données géné- rales de sa classification: Il est vrai que cette exception ; alors unique’ et présentéepar un genre aussisingulier et aussi anomal à tous égards que celui des Maïnates , devoit peu ébranler la conviction de notre illustre zoologiste sur l'excellence d’une classification d’ailleurs. con= forme à tant d'égards à l'ordre naturel. Mais il n’en estplus de même aujôurd'hui ; loin que le fait présenté par le #enre Mai- nate soit une exception unique, il se trouve en parfaite harmo- nie avec les résultats de mes observations sur les genres les plus voisins, c'est-à-dire sur les Corvus et Paradisæa: de Linné. J'ai retrouvé en effet des échancrures mandibulaires, assez peu mâr- quées il est vrai, chez un grand nombre d'oiseaux de ces groupes où elles n’avoient point été signalées, tels que le paradis sifilet, plusieurs corbeaux proprement dits, un grand nombre de pies, principalement les geais. Dans ce dernier genre, qui me paroît sur-tout lier intimement les Corvus de Linné aux Lanius (2), les échancrures sont même presque constantes: Voici donc un groupe ornithologique tout: entier dans lequel les échanerures > (1) Tome, p. 377. « Rien ne doit être Plus désespérant pour les métho- «distes, ajouta M. Cuvier, que cette différence de bec dans des oiseaux si « semblables. » . (2) Je crois avoir démontré de la manière la plus pAitive, dans le premier fascicule de mes Études zoologiques, que le groupe des Lanius et celui des Corvus sont liés: entre eux si intimement qu'on peut à peine les séparer avec quelque précision. CARACTÈRES ORDINAUX ET 'GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 367 mandibulaires disparoissent d’une espèce, peut-être même d’un individu à l’autre, et peuvent tout au plus fournir des carac- tères de dernière valeur. J'ai retrouvé aussi un fait analogue. dans un autre groupe placé par M. Cuvier , comme celui des Corvus, dans le sous- ordre des conirostres ; je veux parler des mésanges, dont une espèce m'a présenté, du moins dans un individu; une échan- crure assez distincte. Cette espèce est la mésange de Nanquin. De tous ces faits, je crois pouvoir déduire ces résultats : que les caractères tirés de la présence ou de l'absence des échan- crures mandibulaires n'ont; pas, à beaucoup, près, toute l'im- portance qui leur a été attribuée; et que peut-être dans quel- ques genres ils n'ont pas même:une valeur spécifique. Du reste;'je suis loin de prétendre que dans d’autres groupes ces caractères ne puissent ‘être employés avec le plus grand avantage pour la distinction et la détermination des genres, ainsi que la fait si souvent et si habilement l'illustre auteur du Règne animal. L'observation a en effet dès long-temps appris aux naturalistes que des caractères, constants et vraiment es- sentiels pour certaines familles, deviennent dans d’autres des modifications organiques dépourvues de toute influence, fupi- tives presque d’une espèce à l'autre, et ne pouvant plus servir de base à aucune considération. “J'ai à peine besoin de dire, en terminant ce paragraphe, que les observations nouvelles, dont je viens de présenter le résumé , ont pour conséquence la nécessité de soumettre à une révision la méthode ornithologique la plus généralement adoptée; et de lui faire subir de graves modifications en ce qui concerne la classification des passereaux. Nous verrons bientôt que d’autres 368 *. CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. faits tendent également à démontrer la nécessité de ces modi- fications, mais non point du tout, comme l'ont pensé quelques auteurs guidés par des considérations d'un autre ordre, celle de la rejeter ou de la renouveler presque entièrement. Malgré les imperfections que je viens d'être obligé de signaler, malgré celles que Charles Bonaparte a notées de son côté(r), et que pourront aussi relever d'autres zoologistes , la méthode ornitho- logique du Règne animal n'en est pas moins celle qui exprime le mieux les rapports et l’enchaînement naturel des familles; et les progrès futurs de la science exigeront seulement que l'on cherche à faire pour Cuvier ce que Cuvier a lui-même fait pour Linné, c’est-à-dire à conserver, en perfectionnant, s'il se peut, les détails, l'ensemble d'un édifice fondé sur l'apprécia- tion la plus savante des affinités des êtres et la connoissance la plus approfondie de leur organisation. S IL. Des caractères fournis par les organes des sens et par les téquments. Je passerai rapidement sur tous ces caractères, n'ayant que peu de remarques nouvelles à présenter à leur égard. Organes du qoût. J'ai eu occasion de signaler dans un autre travail (2) les rapports généraux qui existent entre la confor- mation de la langue et celle de l'appareil dentaire. Ces rapports se retrouvent chez les oiseaux eux-mêmes, malgré les condi- tions toutes spéciales des parties qui chez eux représentent les dents. Il n’est en effet aucune modification , réellement impor- RNA RE RE ONE AIN IEEE NA PE HR OR PRET BE EDEN PA EPESE REREREE (1) Voyez l'ouvrage que ce savant ornithologiste a publié récemment sous le titre d'Osservazioni sulla seconda edizione del regno animale. (2) Considérations générales sur les mammufères, p. 142 et 143. CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 369 tante, de la langue qui ne coïncide avec une modification re- marquable du bec, et qui par conséquent n'appartienne en propre à une famille ou à un genre particulier. Il me suffit de citer comme exemples les perroquets, les pics, les toucans, les mot-mots et les phénicoptères, tous également caractérisés et par les conditions de leur langue et par celles de leur bec. Organes de l'odorat. La forme des narines, leur situation, leur disposition, peuvent presque également fournir de bons ca- ractères. Quant à la forme, les narines peuvent être rondes, ovales, ou linéaires. En comparant entre eux sous ce rapport un très grand nombre d'oiseaux, on voit que dans le même genre na- turel les narines peuvent être rondes ou ovales, ovales ou li- néaires : mais j'ai constamment trouvé que les genres composés à-la-fois d'espèces à narines rondes et d’autres à narines linéaires, c'est-à-dire présentant les formes diamétralement opposées, étoient établis artificiellement , et devoient être subdivisés. On verra plus bas ces résultats justifiés par quelques exemples. Les différences de situation et de disposition des narines four- nissent, lorsqu'elles sont bien tranchées, de bons caractères, fort anciennement employés dans la science. Aussi me borne- rai-je à insister sur ceux par lesquels Linné et les anciens au- teurs avoient caracterisé d'une manière très heureuse le groupe des Corvus ; groupe très naturel que MM. de Blainville et Tem- minck ont cependant presque seuls conservé dans les nouvelles classifications. Organes de la vue. Le volume du globe oculaire est le seul ca- ractère dont on fasse un emploi utile dans l'état présent de la science , et je n'ai rien à ajouter à son égard : la disposition des Annales du Muséum , t. 1°, 3° série. 47 370 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. paupières et la forme dela pupille neme sont point encore con- nues dans un assezgrand nombre d'oiseaux pour que je puisse donner à leur sujet aucun résultat général. Organes de l'ouie. Ge n'est guère qu'à la classification des oi- seaux de proie nocturnes qu'il est possible d'appliquer quelques caractères déduits de la considération des organes de l’ouïe : mais au moins ces caractères ont-ils dans cette famille une très grande valeur, et j'aurois ici à insister sur eux, si je n’avois déja dans un autre travail appelé l'attention des ornithologistes sur les modifications , très importantes , mais toujours négligées par eux, que présentent la:conque auditive «et le disque (o)} Téquments. Je ne crois pas nécessaire de démontrer ici, tant ce principe me paroît évident, que des genres ne peuvent être seulement caractérisés par le seul développement soit de quel- ques parties du plumage, soit de quelques parties de la peau. Une multitude de divisions génériques ont cependant été pro- posées à diverses époques d’après de telles modifications des té- guments, et plusieurs ont été admises universellement. Sans insister surle défaut d'importance de tous ces caractères déduits de l'existence de panaches, de huppes, de caroncüles, ne suffit- il pas de remarquer que la caractéristique des genres-établis sur de telles bases ne sauroit même dans la plupart des cas conve: nir à une espéce-entière , les femelles étant très fréquemment dépourvues, aussi bien que les jeunes mâles, de tous ces orne- ments accessoires ? Les caractères déduits, à l'égard des oiseaux de proie noc- turnes, de l'existence ou de l'absence des aigrettes, n'ont réel- (1) Voyez Remarques sur les caractères et la classification des oiseaux, de proie nocturnes, dans les Annales des sciences naturelles, octobre 1830. CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 371 lement pas plus d'importance , quoiqu'on leur ait véritablement subordonné toutes les modifications que présente dans cette famille remarquable l'ensémble de l'organisation. Les faits pro- noncent ici de la manière la plus positive: non:seulement des espèces à aigrettes ont les rapports les plus intimes avec les espèces sans aigrettes ; mais cheæla chouette commune on voit même les aigrettes manquer chez la femelle et exister chez le mâle. Ge dernier se trouve ainsi, d'après les définitions des auteurs, appartenir, non pas au genre dont'son espèce est le type, mais tout au contraire au genre Duc, dans lequel il'a en effet été placé par la plupart des ornithologistes. La disposition plus ou moins emplumée des pattes , et Far- rangement des écailles qui les recouvrent dans la portion nue, sont beaucoup plus importants que toutes les modifications qui précédent , mais sont loin d’avoir toute la valeur qui leur est attribuée, au moins à l'égard des oiseaux de proie. Chez les nocturnes mêmes , mais chez eux seulement, des oiseaux telle- ment voisins par l'ensemble de leur organisation qu'on pourroit presque les ranger dans la même espèce, ont présenté les plus grandes différences par l'état emplumé ou non emplumé de leurs doigts ou de leurs tarses. Ces oiseaux ont été, pour ce seul motif, séparés en des genres ou sous-genres distincts dont lun, caractérisé par des nudités moins étendues, se trouve compren- dre les variétés venant du nord , et l’autre, distinct par le ca- ractère inverse, les variétés des pays chauds. Je citerai comme exemples la chevèche Tengmaln, la chevèche commune et la chevèchebrame , toutes trois semblables par l’ensemble de leur organisation, ayant la même taille, présentant les mêmes cou- leurs, et n'étant évidemment que de légères modifications d’un 372 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉKIQUES DES OISEAUX. type commun, produites sous l'influence de climats différents. En effet la chevèche Tengmaln, qui vient du nord de l’Europe, est couverte, comme tous les animaux des pays froids, de plumes très molles et très abondantes, et est fourrée , si je puis m'exprimer ainsi, jusqu'aux ongles : la chevêche commune, qui habite l'Europe tempérée, a leglumage moins épais et les doigts couverts seulement de poils et de plumes rudimentaires très clair-semés ; enfin la chevêche brame, qui vient de l'Inde, a même les tarses en grande partie nus. De là, la répartition de ces trois espèces, et l’on pourroit vraiment dire de ces trois va- riétés, dans trois petits sous-genres auxquels on ne pourroit d’ailleurs assigner aucun autre caractère. $ III. Des caractères fournis par les ailes. En laissant de côté deux ou trois genres sur lesquels les ano- malies multipliées de leur organisation ont appelé l'attention des zoologistes de tous les temps, les ailes ne présentent guère que deux genres de variations; savoir, des variations de longueur, et des variations de disposition. Tous les ornithologistes ont reconnu que l'importance des premières est proportionnelle à leur étendue, et ils n'ont jamais manqué, dans la caractéristique des genres, de mentionner la longueur relative des ailes. Les caractères, que fournissent la disposition et la proportion des pennes, n'ont fixé l'attention que plus récemment : on peut dire cependant que leur impor- tance générique est aujourd’hui assez universellement reconnue, et lesornithologistes les plus distingués denotre époque ne man- quent jamais, lorsqu'ils donnent la définition d'un genre, d'y faire. entrer l'indication de l’arrangement que présentent chez CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 373 lui les pennes alaires. Malheureusement cette indication n’a pas toujours été donnée avec l'exactitude desirable; ou plutôt, on peut le dire au moins des travaux d’un très grand nombre d'au- teurs, elle ne l'a véritablement été dans un grand nombre de fa- milles que comme une considération entièrement accessoire, et à laquelle on n’avoit le plus souvent même aucun égard. Aussi verrons-nous qu'un grand nombre des genres établis dans la science comprennent des espèces à ailes établies sur un type, non pas seulement très différent, mais même directement in- verse; d'où il suit que leur caractéristique est devenue extrê- mement inexacte. Les nombreuses erreurs de ce genre que je pourrois signaler dans presque toutes les familles tiennent à deux causes. L'une d'elles est que les ornithologistes, lorsqu'ils ont à classer des oi- seaux nouveaux, se décident trop souvent, d'après quelques rapports généraux de conformation, quelquefois même d'après le facies, tandis qu'une espèce ne devroit jamais être rapportée à un genre sans que l'on ait constaté, par une analyse rigou- reuse, qu'elle en présente en effet tous les caractères. D'un autre côté, les principales variations de l'aile des oiseaux n'ont peut- être jamais été embrassées, par les ornithologistes proprement dits, sous un point de vue général, et rapportées, comme il im- porte de le faire, à leurs types principaux. J’essaierai ici de rem- phr-cette lacune. Lorsque l'on compare entre elles les ailes d’un grand nombre d'oiseaux, on voit qu’elles peuvent présenter une foule de mo- difications, la plus longue penne pouvant être soit la première ou la seconde, soit la troisième ou la quatrième, soit même la cinquième. Mais, au milieu de toutes ces différences, il est fa- 374 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES:DES OISEAUX. cile de reconnoître deux formes principales, deux types remar- quables dont les conditions peuvent êtreexprimées par les noms d'aile aiguë, et d'aile obtuse. Tantôt, en effet, les premières pennes sont les plus longues de toutes; d'où il suit que l'aile, lorsqu'elle est étendue, se termine par un angle très aigu. Chez untrès grand nombre d'autres oiseaux, au contraire, les pennes antérieures, et sur-tout la prefhière , étant très courtes, ce sont les pennes du milieu de l'aile qui sont les plus longues, et l'aile est alors comme tronquée: elle se termine par un angle obtus. Ainsi, dans le premier cas, il y a décroissement depuis les pre- mières pennes jusqu'à celles du milieu de l'aile : dans le second, il y a accroissement. Chez le plus grand nombre des oiseaux à ailes aiguës, la se- conde penne est la plus longue de toutes, et par conséquent surpasse la première.et la troisième égales entre-elles ou à-peu- près égales : c'est ce que l'on voit par exemple dans la plupartdes oiseaux de proie-nobles. Mais deux modifications peuvent se pré- senter : l'une, assez rare, consiste dans l’alongement de la pre- mière penne qui égale ou surpasse la seconde; d'où résulte une véritable exagération du caractère de l'aile aiguë ordinaire ; c’est ce qui a lieu par exemple chez les hirondelles, où l'aile peut être dite suraiquë. Il est beaucoup plus commun au contraire de voir la troisième penne s'alonger à l’égal.de la seconde, comme chez les vautours, où l'aile par conséquent ne sera-plus que sub- aiquë. L'aile obtuse présente ésalement deux modifications sur les- quelles il importe de fixer notre attention. Dans le plus grand nombre desoiseaux qui présentent ce type, la quatrième penne est la plus longue de toutes; ce qui constitue pour nous CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 375 l'aile obtuse proprement dite. Mais il est aussi des espèces où la cinquième penne égale ou surpasse la quatrième, ce qui rend l'aile plus obtuse encore que dans les précédents, ou sur-obtuse. Dans d’autres oiseaux au contraire, et même chezun très grand nombre d'espèces, c'est la troisième qui devient égale ou supé- rieurenà la quatrième; ce qui rend l'aile sub-obtuse. Les variations de l'aile peuvent donc être rapportées à deux groupes principaux subdivisibles de la manière suivante : EXEMPLES: 1. Aile suraiguë. ‘. . . . Les vrais langrayens, les vrais étourneaux, les colibris, les vraies hirondelles, les sternes, Te les frégates. 2. Aile aiguë. . . . .... Les vrais faucons, les balbuzards. 3. Aile sub-aiguë. . . . . Le gypaëte, plusieurs autres oiseaux de proie, et un grand nombre de passereaux. 4. Aile sub-obtuse. . . . Les brèves, les vrais kakatoës. 5. Aile obtuse. ..... Les aigles, et la plupart des oiseaux de proie dits ignobles; un‘grand nombre de gallinacés. 6. Aile sur-obtuse. . . . Les geais, les coqs-de-roche, la lyre, les tou- racos, et un grand nombre de gallinacés. Il est à peine besoin de remarquer que ces six formes sont, dans ce tableau synoptique, classées dans un ordre tel, que cha- cune d'elles diffère peu, soit dé celle qui la précède, soit de celle qui la suit, et fait le passage de l'une à l'autre. Les for- mes extrêmes diffèrent au contraire considérablement, puis- qu'elles ne sont pas seulement diverses, mais inverses. Aussi pourroit-on établir à priori que la différence d’une forme à celle qui la suit immédiatement ne suffit pas pour produire une différence notable dans le vol, tandis qu'il en est tout au- trement, si l'on compare entre elles deux formes placées, dans 376 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. notre tableau synoptique, à quelque distance l’une de l'autre. C'est en effet ce qui résulte de la manière la plus positive des belles observations d’'Huber de Genève sur les oiseaux em- ployés en fauconnerie, et des distinctions établies, par cetil- lustre naturaliste, entre les rameurs ou espéces de haut vol, qui ont les ailes aiguës, et les voiliers ou espèces de bas vol, qui ont les ailes obtuses. Il est également facile de prévoir à priori que dans le même genre pourront se présenter de légères variations dans la confor- mation des ailes, mais jamais des différences assez importantes pour modifier le vol d'une manière bien sensible. C'est encore ce que l'observation confirme et démontre. La révisié à laquelle j'ai soumis, pour éclairer ce point important de l'ornithologie, une multitude de genres de divers ordres, et notamment tous les oiseaux de proie, m'a fourni précisément les résultats que j'en attendois, et m'a même permis d'en donner l’expression la plus précise par les propositions suivantes. Deux formes voisines peuvent se trouver réunies dans les mêmes genres; encore n'en est-il pas ainsi dans les genres qui, de l'aveu de tous les ornitholosistes, sont éminemment naturels. IL n’est au contraire aucun genre basé sur une ressemblance évidente de l’ensemble de l’organisation, aucun genre vraiment naturel, où l’on observe à-la-fois des formes d'ailes assez diffé- rentes pour n'être pas placées immédiatement à la suite l'une de l’autre. Nef Ainsi des espéces à ailes aiguës sont quelquefois congénères d’espéces à ailes soit suraiguës, soit sub-aiguës, mais jamais d'espéces à ailes obtuses, et réciproquement. De mème, des espèces à ailes sub-obtuses sont congénères d'espèces à ailes GARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 377 soit sub-aiguës, soit obtuses, mais jamais d'espèces à ailes soit sur-obtuses, soit aiguës ou suraiguës. Ce n'est pas que, dans plusieurs genres ornithologiques, tels qu'ils ont été établis par les auteurs, on ne trouve assez fréquem- ment réunies des espèces très différentes par leur système alaire, et quélquefois même, comme nous le verrons, des espèces à ailes suraiguës, et d’autres à ailes obtuses. Mais, dans tous les cas où il en est ainsi, la nécessité de subdiviser est facile à dé- montrer, même en laissant de côté les importants caractères que présente l'appareil du vol : car, avec ceux-ci, coïncident constamment de nombreuses modifications, soit du bec et des organes des sens, soit des pieds, soit même le plus souvent des uns et des autres à-la-fois. C’est ce que je rendrai de toute évi- dence dans la dernière section de ce Mémoire, par l'établisse- ment de plusieurs de ces genres confondus jusqu'à présent dans des groupes dont ils n’avoient pas même quelquefois les carac- tères les plus essentiels. $ IV. Des caractères fournis par les pieds. Les modifications des pieds sont extrêmement nombreuses et variées dans la série ornithologique, mais presque toutes bien connues et utilisées de tout temps pour la classification. Aussi n'insisterai-je que sur un seul point, la disposition des doigts, qui né me paroît pas encore avoir été suffisamment étudiée sous ‘un point de vue général. Disposition des doigts. Sur les quatre doigts des oiseaux, que je désignerai, selon l'usage, sous les noms d'interne, de médian, d'externe et de pouce, il en est deux, l'externe et le médian, dont l'existence est constante; deux, l'interne et le pouce; qui peu Annales du Muséum, t: 1°, 3° série. 7 48 378 CARAOTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. ventmanquer, soitensemble; ce qui na lieu que chez l'autruche, soit séparément. L'interne, lorsqu'il existe, et le médian sont constamment, l'externe le plus souvent, et le pouce très rarement, dirigés en avant. Toutefois les martinets ne soft pas les seuls, comme on l'a dit si souvent, qui présentent ce dernier caractère, le pouce étant chez la plupart des pelecanus de Linné, aussi bien que chez ces derniers, dirigé, sinon complétement en avant, au moins en dedans. ‘Le pouce est constamment distinct dés autres doigts dans la presque totalité de sa longueur. Il en est de même du doigt in- terne, si l'on excepte les jacamars, mais non du médian et sur- tout de l’externe, dont les conditions, très variables, et pouvant fournir de nombreux et excellents caractères, doivent être étu- diées avec soin. Ce dernier doigt peut présenter quatre dispositions, dont l'une, très remarquable en ce qu'elle fait le passage de la première aux deux dernières, a complétement échappé à la plupart des orni- thologistes, et n’a été indiquée que très lésèrement par les au- tres. La plus commune, et l'on pourroit dire la plus régulière, est celle où le doigt externe bien distinct dans la presque totalité de sa longueur est dirigé en avant comme l'interne, ‘et sensi- blement de même longueur que lui. Cette disposition, qui rend le pied très symétrique, se retrouve environ dans les neuf dixièmes de la série ornithologique (1). (1) Le pied est de même symétrique chez quelques oiseaux tridactyles, et chez plusièurs de ceux quiont deux doigts en avant et deux'en arrière. On peut donc; dire que: l'immensemajorité des oiseaux.a le pied-symétrique et régulier, et que la forme asymétrique, irrégulière que présente le pied dans CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES:DES OISEAUX. 379 Le cas le plus rare de tous est au contraire celui où le doigt externe, conservant la même disposition générale, devient beau- coup plus long que l'interne; caractère que j'ai trouvé chez les picucules, et dans tous les genres qui se trouvent liés avec eux par des rapports vraiment intimes. Enfin on voit chez d’autres oiseaux le doigt externe, tout en conservant la même conformation générale et les mêmes pro- portions que chez les pieucules, présenter deux dispositions très différentes l'une de l'autre, c'est-à-dire se diriger en arrière, comme chez les perroquets et les pics, ou bien se souder dans une grande partie de sa longueur.avec le doigt médian. De ces deux dispositions, la première a valu aux oiseaux qui la présen- tent le nom de Zygodactyles, la seconde le nom de Syndactyles. quelques autres, est exceptionnelle, et constitue en quelque sorte une dé- viation du type essentiellement normal. Cette remarque peut être rendue beaucoup plus générale. Par exemple, en passant en revue la série des mam- mifères, on trouvera que les huit dixièmes environ sont établis sur l’un des types suivants, types tous également réguliers et symétriques: 1° Cinq doigts dont le médian est le plus long, le second et le quatrième plus courts, les deux extrêmes plus courts éncore. 2° Quatre doigts dont les deux médians plus longs, les deux extrêmes plus courts. 3° Trois doigts dont le médian plus long, les deux latéraux plus courts. 4° Deux doigts égaux. 5° Un seul doigt symétrique : d’où il suit que l'extrémité du membre peut presque tou- jours être divisée par un'axe longitudimal en deux moiïtiés analogues entre elles. Ce fait général, qui n’a point encore été établi, est un desnombreux exemples par lesquels je crois pouvoir démontrer de la manière la plus com- plète ce que j'ai nommé ailleurs la loi de parité, et établir qu'une tendance très marquée à la symétrie se manifeste également dans toute la série zoolo- gique (même parmi les êtres regardés comme les plus asymétriques), soit à l'égard des animaux eux-mêmes, soit à l'égard de leurs organes. Voyez àice sujet mon Histoire générale des anomalies, tomeT, pag. 459 et 460: 380 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. La modification qui caractérise les zygodactyles a-t-elle une importance de beaucoup supérieure à celle qui caractérise les syndactyles? En d'autres termes, les faits confirment-ils l'opi- nion d'un grand nombre d'auteurs, et de M. Cuvier lui-même, qui établissent pour les zygodactyles un ordre à part, et qui ne font des syndactyles qu'une simple division de l’ordre des passereaux ; division qu'ils placent sur le même rang que le groupe des ténuirostres ou celui des fissirostres? Je ne puis ici démontrer, comme je crois avoir réussi à le faire dans le cours d'ornithologie du Muséum, en plaçant à-la-fois un grand nom- bre d'oiseaux sous les yeux de mes auditeurs, que le groupe des zygodactyles et celui des syndactyles forment deux séries paral- léles, presque entièrement composées de genres réciproquement analogues (1); mais je crois du moins pouvoir établir que ces deux (1) Cette proposition n’est point du tout, comme elle peut le paroître au premier aspect, en contradiction avec ce que je dis plus bas de la nécessité de placer les zygodactyles à la tête des passereaux. Les diverses espèces d’un genre, les divers genres d’une famille, les diverses families d’un ordre, et de même encore les divers ordres d’une classe (et il en seroit encore ainsi des groupes d’un rang plus élevé), forment presque constamment, d’après des recherches que j'ai déja pu étendre à quatre classes (les trois premières . des vertébrés et les crustacés), des séries manifestement parallèles à celles qui les précédent et à celles qui les suivent, comprenant des êtres fort ana- logues à ceux que renferment celles-ci, mais étant cependant dans leur ensemble inférieures aux premières, supérieures aux secondes. La série supérieure etl'inférieure ont en effet, si je puis employer cette expression de la langue des mathématiciens, beaucoup de termes communs. Mais les premiers termes dela série supérieure n'ont point d’équivalents dans l'in- férieure, et les derniers de l’inférieure sont également sans analogues dans la supérieure. Ainsi (et peut-être ces idées un peu abstraites paroîtroient-elles moins CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 381 groupes sont égaux entre eux en importance, et doivent tenir le même rang dans la classification, la valeur de l’un d'eux, les zygodactyles, ayant été exagérée, et celle de l'autre, les syndac- tyles, appréciée au contraire beaucoup trop bas. Et d'abord, quant aux zygodactyles, le caractère qui les réunit a-t-il une grande importance? Change-t-il essentiellement en grimpeurs tous les oiseaux qui le présentent? Non, sans doute, puisque un très grand nombre de zygodactyles ne grimpent pas, mais sautent et se perchent à la manière des passereaux ordi- naires, et que, d'un autre côté, un grand nombre de passe reaux ordinaires grimpent tout aussi bien que les perroquets et les pics. Ce caractère est-il au moins bien tranché? Les oiseaux qui le présentent diffèrent-ils beaucoup de ceux qui ne le présentent ._ pas? C'est encore ce qui n'a pas lieu. J'ai déja fait remarquer, obscures exprimées sous cette forme), si la première série est représentée par les lettres a, b, c, d, e (la lettre a indiquant les êtres les plus élevés en organisation, et e, celles qui sont placées le plus bas dans l'échelle ani- male), la seconde le sera par b, c, d, e, f, la troisième par c, d, e, fige ainsi de suite. Îlest évident que ce seront là autant de séries, se compo- sant en partie de termes communs et pouvant être dites paralléles, mais auxquelles on peut cependant assigner des rangs inégaux, puisque chacune d’elles s'éléve moins haut et descend plus bas vers celle qui la précède. Je me propose de revenir dans un Mémoire spécial sur ces idées, que je ne puis ici qu'indiquer d'une manière sommaire, presque incomplète et par cela même obscure, mais qui me paroissent pouvoir être élevées au plus haut degré de généralité et conduire dans un grand nombre de cas à l'ap- préciation la plus exacte et la plus nette des rapports naturels des espèces, des genres, des familles, des classes, et même des embranchemenñts com- parés. 382 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. en effet, que les picucules, si voisins des pics par l’ensemble de leur organisation, leur ressemblent encore par la conformation générale de ce doigt externe lui-même qui fournit le caractère différentiel. Tout le monde sait d'ailleurs que dans plusieurs genres le doigt externe peut à la volonté de l'oiseau se porter en avant ou en arrière: et cela a lieu, non pas seulement chez les touracos et les musophages, dont les rapports naturels sont si incertains, mais aussi chez plusieurs oiseaux de proie nocturnes. Ajoutons enfin qu'il y a sans aucun doute, entre les perroquets ét les zygodactyles ordinaires, beaucoup plus de différences essentielles qu'entre ceux-ci et le reste des passereaux, ainsi que l'ont établi déja M. de Blainville, et plusieurs autres zoologistes distingués. Il est donc bien évident que la rétroversion du doigt externe est loin d'avoir toute l'importance qu'on lui a attribuée; qu'elle | n'indique, entre les êtres où on l'observe, ni une conformité générale d'organisation, ni une analogie de mœurs et d’habi- tudes, et par conséquent ne peut en aucune facon caractériser un ordre. ; La valeur que l’on a attribuée au groupe des syndactyles n'est-elle pas au contraire trop foible? Ne surpasse-t-elle en rien celle des autres divisions établies parmi les passereaux, c'est-à- dire les ténuirostres, les conirostres, les fissirostres, et les den- tirostres? Cette dernière question étant ainsi posée, je ne crois pas qu'il soit possible d'hésiter même un seul instant sur sa so- lution. Tout le monde sait que les conirostres et les ténuirostres passent les uns aux autres, notamment par les merops, upupa et paradisæa, de Linné; et les uns et les autres, de même que les fissirostres, n'ont jamais été distingués d’une manière précise 2 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 383 des dentirostres que par le défaut d'échancrures au bec. Or nous avons montré plus haut que l'absence des échancrures n'est pas, comme on l’avoit pensé, un caractère général pour les coniros- tres, et nous avons par conséquent établi à l'avance l'impossi- biliié de circonscrire nettement le groupe des dentirostres, par rapport aux sous-ordres suivants. J'ai à peine besoin d'ajouter que les syndactyles forment au contraire une division bien mieux tranchée, soit que l'on ait égard spécialement au carac- tère tiré de la disposition de leurs doigts, soit que l'on consi- . dère l'ensemble de leur organisation et de leurs habitudes. Ces considérations, et beaucoup d’autres que j'invoquerois à leur appui, si je ne les croyois véritablement superflues, en me montrant dans les syndactyles un groupe d'un rang très supé- rieur à celui qui leur avoit été attribué, me conduisent à pro- poser un autre changement dans la classification de M. Cuvier. La série ornithologique nous offre quelques exemples de genres remarquables en même temps par la soudure partielle de leurs doigts externe et médian et par leur bec échancré; en d’autres termes, à-la-fois syndactyles et dentirostres. A quel groupe de tels oiseaux devront-ils être rapportés? Faudra-t-il les placer parmi les syndactyles ou les ranger parmi les dentirostres ? Sub- ordonnant implicitement le caractère de la soudure des doigts à celui de l'existence des échancrures mandibulaires, M.Cuvier, et presque tous les ornithologistes, même ceux qui ont pénéra- lement suivi d'autres principes de classification, ont adopté la première opinion. . Les considérations que j'ai présentées plus haut, et qui me font voir dans la soudure de deux doigts un caractère supérieur en importance à l'existence de petites échancrures au bec, m'obli- 384 CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. gent, au contraire, d'adopter la seconde que j'ai été assez heureux pour voir confirmer tout récemment de la manière la plus posi- tive par la découverte de l'Eurycère (r). Ge genre remarquable lie en effet d'une manière intime, comme l'indique son nom, les buceros de Linné, ou les calaos, avec les eurylaimes, l'un de ces sroupes de syndactyles à bec échancré que l’on a placés parmi les dentirostres. Mais il y a plus encore. Les bords de la mandi- bule supérieure de l'Eurycère présentent une échancrure large et obtuse, qui, par sa disposition et son étendue, tiéntexac- tement le milieu entre ce qu'on observe, d'une part chez les pipra et les eurylaimus, et de l'autre, chez plusieurs espèces d'alcedo, formant aujourd'hui de petits sous-genres, entre autres chez le choucas et chez le dacelo macrorhinus de MM. Lesson et Garnot. Les premiers ont en effet des échancrures semblables à celles de la plupart des passereaux insectivores; encore celles des eurylaimes commencent-elles à être peu marquées et ob- tuses. Chez les seconds, au contraire, les bords des mandibules présentent de chaque côté une sinuosité profonde, un enfonce- ment que la connoïssance que nous avons maintenant de l'Eu- rycère nous conduit à regarder, quelque différent quil en pa- roisse au premier aspect, comme une échancrure, à la vérité modifiée d’une manière remarquable, et devenue extrêmement obtuse. Les applications que l'on peut faire des remarques précé- dentes à la classification des oiseaux, et que j'ai déja tentées en partie, sont très nombreuses. Dans l'impossibilité où je suis de (1) C'est à M. Lesson qu'est dû l’établissement de ce genre. Voyez: sa Centurie zoologique, CARACTÈRES ORDINAUX ET GÉNÉRIQUES DES OISEAUX. 385 les indiquer toutes ici (ce qui me conduiroit à remanier dans son entier la classification ornithologique, et m'entraïîneroit ainsi dans un travail pour l'exécution duquel je n'ai point encore réuni des matériauxassez nombreux), je me bornerai à indiquer les principaux résultats que j'ai obtenus en ce qui concerne les passereaux ; résultats que je crois pouvoir présenter comme des corollaires rigoureusement déduits des faits et des remarques qui précédent. 1° Le groupe des zygodactyles ou grimpeurs ne constitue pas un ordre distinct, et doit être réuni aux passereaux. 2° L'ordre des passereaux se partage naturellement en trois grandes sections ou sous-ordres , caractérisés de la manière suivante : A. Doigtexterne (1) dirigé en arrière. .: . . . . . . Les ZYGODACTYLES. B. Doigt externe dirigé en avant et soudé. . . . .. Les SYNDACTYLES. C. Doigt externe dirigé en avant et libre. . . . :. Les DÉODACTYLES (2). 3 Ces sous-ordres, comprenant tous un grand nombre de DANCE AE D CN A LL: ac Ar (x) Les auteurs définissent ordinairement les zygodactyles des oiseaux ayant deux doigts en ayant et deux en arrière. Cette définition est à-peu-près équivalente pour la plupart des cas à celle que je donneici; mais elle est très inexacte à l'égard de plusieurs genres tridactyles que l’ensemble de leurs rapports place parmi les zygodactyles. La caractéristique que je donne ici est au contraire constamment applicable. (2) Je suis obligé d'employer ici un nom nouveau, qui, au reste, exprime bien le caractère du groupe auquel je l'applique, et est en parfaite analogie avec les autres termes consacrés par l'usage. Le mot déodactyle, dæodactylus, est en effet formé des mots Aéro, doigt, et Auiw, je divise (doigts divisés ). Il correspond donc au mot fissidactyle qu'un savant ornithologiste a récem- ment proposé, mais que le vice de son étymologie ne permet pas d'admettre. Annales du Muséum, t. 1”, 3° série. 49 386 GARACTÈRES ORDINAUX:ET GÉNÉRIQUES(DES OISEAUX. genres, pourront être et seront utilement :subdivisés en grou- pes Secondaires ; groupes qui malheureusement seront toujours péu distincts et mal limités. Ainsi les syndactyles pourront être partagés en dentirostres et ‘non dentirostres; les déodactyles en déntirostres, fissirostres, conirostres et ténuirostres , et ces dernières subdivisions, malgré l'impossibilité où l’on sera tou- jours de ‘leur assigner des caractères bien précis, seront même extrêmement utiles, en raison du nombre immense de passe- reaux qui appartiennent au groupe des déodactyles. 4° L'ordre, suivant lequel je viens de rangerles trois divisions primaires des passereaux, me paroît prescrit par l'ensemble des rapports naturels. La première de:ces trois subdivisions com- prend en effet les perroquets que la conformation générale de leur bec, la cire qui enveloppe la base de leur mandibule supé- rieure, les conditions générales de leur système nerveux, et la conformation de plusieurs parties importantes, lient avec les oiseaux de proie, parmi lesquels se trouvent d'ailleurs, ainsi que je l'ai fait remarquer plus haut, plusieurs espèces à doigt externe versatile. D'un autre côté, ceux des déodactyles qui sont le plus essentiellement granivores, tels que la plupart des'conirostres de M. Cuvier, terminent très heureusement, ce me semble, la grande série des passereaux, et la lient aux gallinacés, dont les alouettes prennent même, avec.le régime diététique, les for- mes générales, le port, le système de coloration, et jusqu'aux habitudes. ; SECTION Il. DÉTERMINATION DE PLUSIEURS GENRES NOUVEAUX. Il'me reste à faire l'application des remarques qui précédent GENRE LOPHOTE. 387 à la détermination, de quelques nouveaux genres, établis pour la plupart sur des espèces anciennement, mais imparfaitement connues. Je reviendrai aussi sur un genre dont plusieurs carac- tères importants, et principalement, ceux que fournissent les organes du vol, avoient été omis jusqu'à présent. I. LOPHOTE, Lophotes. LESSON. Caracrènes. Bec assez court et:très crochu, enveloppé à, sa base d’une cire étroite inférieurement, plus étendue sur la face dorsale du bec. Narines linéaires, étendues obliquement de haut en bas et d'avant en arrière. Point de nudité autour de l'œil. Mandibulesupérieurebeaucoup plus longue que linférieure; très crochue; triangulaire, ayant l’arête supérieure très, marquée, et préséntant de chaque côté, sur son bord inférieur, deux petites dents triangulaires , aiguës, dont les pointes sont dirigées un peu en avant. Tarses courts, emplumés dans leur moitié supérieure, nus et réticulés inférieurement. Queuedongue, carrée. Aïles longues; atteignant presque! son extrémité, sub-obtuses, la première penne étant très,courte, la seconde plus longue, la troisième et les deux suivantes beaucoup plus longues encore. OBSERVATIONS: Ce senre ne’ comprend qu'une seule espèce, découverte’ surla-côte de Coromandel: par M: Leschenault ;; et généralement connue sous le nom de Falco Lophotes! M. Cuvier qui a donné le premier la détermination de cet oiseau, M:Tem- minck qui l'a décritev figuré avec soin; et presque tous, les autres ornithologistes l'ont en effet rapporté au genre Faucon, n ayant pas porté leur attention sur les caractères si importants, mais presque toujours négligés, que fournissent les organes du vol. Le Falco Lophotes est d’ailleurs tellementdistinct, que M. Lesson, quoique n'ayant pas non plus connoissance:de là conformation particulière des ailes de‘éet oiséau, et omettant par conséquent 388 GENRE! PHODILE. le caractère qui l'isole le mieux'des faucons, l'a érigé récem- ment(r) en un sous-genre, en! lui donnant spécifiquement le nom d’Indicus. Ilexiste au Brésil un autre oiseau bidenté, long-temps con- fondu avec les faucons sous les noms de Falco Bidentatus ou Falco Diodon: M. Lesson ‘a de même érigé, et avec beaucoup de raison, ce dernier en un sous-genre qu'il a nommé Diodon ; sous-genre qui au surplus avoit déja été établi sous le nom de Bidens par Spix, et sous celui d'Harpaqus par M. Vigors. Cette séparation est aussi motivée que celle du Falco Lophotes; car le Falco Diodon, est de même bidenté, et j'ai constaté qu'il à aussi les ailes sub-obtuses. C’est donc un fait général que tousles vrais facons sont unidentés, ét ont les ailes aiguës; tandis que les espèces bidentées que les auteurs avoient rapportées à tort, au genre Faucon, ont les ailes sub-obtuses. Les caractères qui d'ailleurs distinguent entre eux les deux genres de bidentés sont bien tranchés, le genre indien différant à-la-fois du genre américain par la forme très caractéristique de son bec et de ses dentelures :mandibulaires (celles du, Falco Diodon sont extrême- ment obtusés.), par ses ailes plus longues, ‘enfin par. ses tarses courts) réticulés (et non écussonnés), et beaucoup. plus em- plumés. IL: PHODILE, Phodilus. No. Je ne rappelle ici ce genre déja établi ailleurs (2) que comme un exemple remarquable de l'importance des caractères, pres- (r) Voyez le Traité d'ornithologie: (2) Annales des sciencesinaturelles, octobre 1830. GENRE ARTAMIE. 389 que toujours néghigés, que fournissent les organes du vol. Il a enveffet pour type un oiseau de proie nocturne à bec en partie droit, le Calong; qui avoit été rapporté au genre Ef- fraie, quoique les ailes soient aiguës dans ce genre et obtuses chez le Calong. J'ai trouvé, comme je devois m'y attendre, que de grandes différences dans la conformation de tous les autres organes, et sur-tout de la tête et de l'appareil de l’ouïe, con- firment la séparation du genre Phodile. J'ai depuis déterminé, dans cette méme famille deux genres d'oiseaux de proie dont j'ai exposé les caractères dans des lecons ornithologiques, faites cétte année même au Muséum; mais je suis obligé de les passer ici sous silence, l'histoire des Strix à bec courbé dès sa base étant dans un tel état de confusion qu'il est absolument impossible d'établir de nouvelles divisions dans ce groupe, sans le soumettre tout entier à une révision qui ne peut trouver place dans ce Mémoire. IX. ARTAMIE, Artamia (1). NOB. Voici encore un exemple du peu d'attention que l’on a donné à la considération des organes du vol. Ce nouveau genre est établi sur une espèce à ailes obtuses et assez courtes, que tous les ornithologistes rapportent au genre Ocypterus, dont le ca- ractère essentiel consiste, ainsi que l’indique son nom, dans des ailes aiguës et très longues. On va Voir d’ailleurs que la sépara- tion du genre Artamia est confirmée par des différences remar- (1) J'emploie pour ce genre (démembrement des Langrayens), mais avec une modification qui préviendra toute erreur, le mot artamus que M. Vieillot avoit proposé pour le genre Langrayen (déja établi sous un autre nom), et qui n’a point été adopté par les ornithologistes. 390 . GENRE :PHILÉSTURNE. quables dans la forme du bec, qui est beaucoup plus long et moins conique que celui des vrais Ocypterus ; et qui. est pourvu d'une échancrure et d’un crochet terminal bien plus marqués. La queue de l’Artamie est également beaucoup plus longue, ses tarses plus courts, et son, système de coloration, de mêmé .que sa taille, sont très différents. CaRACTÈRES. Bec alongé, non renflé à sa base, triangulaire, à arête bien marquée. Mandibule supérieure un peu arquée, terminée par un crochet bien prononcé, et présentant une échancrure très distincte. Mandibule ‘in- férieure présentant aussi de chaque côté une ipetite: échancrure.. Narines percées à la base dubec, et comparables à:des triangles, de forme alongée, ayant leurs sommets en avant. Tarses courts, écussonnés. Ongles comprimés, de longueur moyenne. Queue longue, carrée. Aïles moyennes, se terminant au niveau de la moitié de la queue, et obtuses. ORSERVATIONS. L'espèce type de ce genre est le Langrayen sanguinolent, Ocypterus sanguinolentus , Tem. pl. 499, ou, comme nous l’appellerons, l’Artamie ‘sanguinolente, Ærtamia sanquinolenta. Cet oiseau, assez remarquable par la disposition de ses couleurs, est tout entier d'un noir brillant avec une tache d'un rouge ponceau au milieu de la poitrine et du ventre, et une’autre de même couleur, mais plus petite, au bord des cou- vertures supérieures de l'aile. Sa taille est celle d’un merle. , IV. PHILÈSTURNE, Philesturnus (x). NoB. Ce genre est établi sur une espèce que la plupart des auteurs modernes rapportent aux troupiales ou aux carouges, mais qui (1), Ce nom indique les rapports que le Philèsturne présente tout-à-la-fois avec les Philédons et avec les Étourneaux. GENRE PHILÈSTURNE. 391 me paroît plus voisine des étourneaux, qu'elle lie véritablement avec les philédons : c'est le Sturnus carunculatus de Latham , et l'une des espèces de ce genre Creadion, où M. Vieillot avoit réuni plusieurs oiséaux, n'ayant de commun entre eux que l'existence de caroncules de diverses formes. CaracrÈres. Bec plus long que la tête, comprimé sur-tout supérieure- ment, non échancré, presque droit; la mandibule supérieure étant si légè- rement arquée que la courbure est à peine sensible. Pointe du bec obtuse et arrondie. Mandibule supérieure entamant les plumes du front par un prolon- gement ayant la forme d’une lame étroite, plane, et qui occupe aussi toute la longueur de la mandibule. Plumes du front avançant assez loin sur les côtés de cette lame, et se portant jusqu'aux narines qu'elles recouvrent en partie, et qui sont des trous de forme alongée, irrégulière. Langue bifurquée et ciliée (d’après des observations inédites de MM. Quoy et Gaimard ). Tarses alongés, nus, écussonnés. Queue assez longue, un peu arrondie. La tige de chacune desses pennes se prolongeant ; mais de très peu, au-delà des barbules évidemment usées à l’ex- trémité. | Ailes courtes, dépassant peu l'origine de la queue, sur-obtuses; leurs pennes croissant par une progression assez rapide depuis la première jusqu'à la quatrième qui elle-même le céde ‘un peu en longueur à la cinquième. OBSERVATIONS. Ce genre, très bien caractérisé par ses ailes courtes et obtuses, par son bec qui diffère à plusieurs égards de celui d’un étourneau ou d'un troupiale, par son facies et par sa langue ciliée, l’est en outre quelquefois par la présence ‘de deux caroncules sub-maxillaires, qui, d’après les observations de MM. Quoy et Gaimard, paroissent n'’exister que temporaire- ment. Quant aux caractères spécifiques du Sturnus, ou ,:comme je propose de le nommer, du Philesturnus Carunculatus , je ne puis mieux faire que de renvoyer à la Zoologie de la Coquille, et à 392 GENRE PICERTHIE. celle de l’Astrolabe, les naturalistes des deux dernières grandes circumnavigations ayant également observé ce singulier oiseau à la Nouvelle-Zélande, et publié sur lui des détails pleins d'in- térêt. . V. PICERTHIE, Picerthia (1). NOë. CaracTÈres. Bec grêle, comprimé, assez long, non échancré, sensiblement arqué dans sa seconde moitié : mandibüle supérieure dépassant un peu l’in- férieure. É Narines percées à la base du bec, et exactement linéaires. Tarses assez alongés, nus, écussonnés. Doigt médian aussi long que le tarse. $ Queue de longueur moyenne, arrondie à son extrémité. Tiges des pennes caudales grêles et prolongées au-delà de la portion barbulée. Ailes courtes, dépassant de peu l’origine de la queue, obtuses. OBSERVATIONS. Le type de ce genre est une espèce déja in- diquée par M. Lésson (2), sous le nom de Fournier Saint-Hilaire. C’est en effet près des Fourniers que devront être placées les Picerthies, très distinctes d’ailleurs de ces derniers par leurs ailes plus courtes, et établies sur un autre type, par la forme un peu différente de leur bec, par la disposition singulière de leur queue , et par leurs narines linéaires. Le système de coloration de la seule espèce connue est lui- même assez différent de celui des vrais Fourniers. La -Picerthia Hilarii a en effet le dessus du corps d'un brun roussâtre, la queue noirâtre, et le dessous du corps d'un brun écaillé de (1) Ce nom est relatif à la conformation particulière de la queue qui donne à notre nouveau genre, subdivision des certhia de Linné, des rapports avec les pies et les picucules. (2) Voyez son Traité d’ornithologie, GENRE UPUCERTHIE. 393 blanc, sur-tout à la poitrine et à la gorge, où les plumes, en grande partie blanches, sont bordées et comme encadrées de brun. Enfin une tache blanche alongée, placée de chaque côté, au-dessus de l'œil, et comparable, par sa disposition, à un sour- cil, achève de caractériser spécifiquement la Picerthie Saint- Hilaire. Cette espèce remarquable habite le Brésil, où elle a été découverte par M. Delalande, et retrouvée depuis par M. Au- guste de Saint-Hilaire, dont elle porte le nom, par M. Ménestrier, et par plusieurs autres voyageurs. VI. UPUCERTHIE, Upucerthia. NoOB. Ce genre, voisin comme le précédent, des Fourniers, offre aussi des rapports assez intimes avec les pomatorhins et avec quelques autres des genres que Linné réunissait, sous le nom de Certhia. D'un autre côté son bec est peu différent de celui des huppes, en sorte que l'Upucerthieunit entre eux, par un lien de plus, le groupe des certhia, auquel il appartient essentiellement, avec celui des upupa. Ce sont ces rapports que j'ai cherché à rappeler par le nom que je propose pour ce genre. CAaRACTÈRES. Bec très long, assez comprimé, mais peu élevé, arqué, non échancré. Mandibule supérieure présentant supérieurement sur toute sa lon- gueur une surface convexe , à bords paralléles, étroite, entaillant un peu les plumes du front. Narines basales, latérales, de forme alongée et irrégulière, non recou- vertes par des écailles, mais bornées en arrière par les plumes du front qui s’avancent un peu sur les côtés du bec. Tarses assez courts, nus, couverts de grands écussons. Doigts antérieurs assez courts et terminés par des ongles moyens : le médian avec son ongle est un peu moins Jong que le tarse. Pouce aussi court que le doigt interne, mais terminé pariun ongle comprimé, aigu, arqué, égal en longueur à tout le reste du pouce. Annales du Muséum, t. I”, 3° série. 50 394 GENRE UPUCERTHIE. Queue un peu arrondie, les douze pennes étant garnies de barbules sur toute leur longueur : leurs tiges, qui ainsi ne sont pas prolongées comme dans les deux genres précédents, sont d’ailleurs assez épaisses et fortes. Ailes courtes, dépassant à peine l’origine de la queue, sub-obtuses, la pre- mière penne étant très courte, et suivie de quatre pennes sensiblement égales entre elles, et les plus longues de toutes. OBSERVATIONS. Ce genre, qui appartient comme les Fourniers et les Picerthies, à l'Amérique méridionale, et qui semble y re- présenter les pomatorhins, se distingue très bien de ceux-ci, outre. plusieurs autres caractères, par ses narines non recou- vertes de grandes écailles, et par le peu de hauteur de leur bec. D'un autre côté, la grande longueur du bec, à laquelle on peut ajouter la composition tout-à-fait spéciale de l'aile, et plusieurs autres différences, ne permettent de le confondre, ni avec les Fourniers, ni sur-tout avec nos Picerthies. Je ne connois encore dans ce genre qu'une seule espéce dé- couverte en Patagonie, par M. d'Orbigny, et à laquelle ce savant voyageur et moi donnons le nom spécifique de Dumetaria. Elle vit en effet constamment dans les lieux couverts de petits buis- sons, cherche les insectes, dont elle fait sa nourriture, au milieu des herbes et des branches des petits arbustes, perche peu, ne pénètre jamais dans les bois, mais vient fréquemment dans le voisinage des habitations, et pénètre même quelquefois dans les maisons (1). Les caractères spécifiques de l’'Upucerthie des buissons peuvent être exprimés de la manière suivante : plumage géné- (1) Je trouve ces renseignements sur les mœurs de l’'Upucerthie dans des notes que M. d'Orbigny a bien voulu m'adresser. C’est aussi d’après ce savant et courageux voyageur que j'indique la couleur des yeux et celle des tarses. GENRE ALCÉMÉROPE. 395 ralement brun; pennes de la queue noirâtres en dessous, les trois premières de chaque côté ayant leur extrémité d’un fauve clair en dehors : uñe tache alongée, en forme de sourcil, et de couleurgfauve, au-dessus et en arrière de chacun des yeux; toutes les pennes de l'aile, excepté les trois premières , rousses à leur origine, d'où résulte une grande tache visible seulement quand l'aile est étendue; une tache étendue d'un blanc sale au milieu du ventre. Gorge blanche écaillée de noir; poitrine cou- verte de plumes dont la base est fauve et tout le bord brun. Bec et pieds bruns, yeux d'un brun foncé. VIL. ALCÉMÉROPE, Alcemerops. Nos. Ce genre a pour type un des plus beaux oiseaux de Java, le Merops amictus, décrit et très bien figuré par M. Temminck, dans ses planches coloriées (pl. 310), et que possèdent aujour- d'hui plusieurs des grands Musées de l'Europe. Cet oiseau ; pré- sentant des dimensions de beaucoup supérieures à celles de tous les autres guêpiers, j'avois été conduit, par les résultats de mon travail général sur les lois des variations de la taille (1), à penser qu'il devoit présenter quelques différences génériques, et con- stituer au moins, parmi les guëpiers, un sous-genre et une sec- tion. J'ai eu la satisfaction de voir ces prévisions pleinement justifiées par le nouvel examen que j'ai fait du Merops amictus (1) Ce travail, dont de nombreuses analyses ont été publiées dans les prin- cipaux recueils scientifiques et dans plusieurs journaux, et dont j'ai donné moi-même un extrait étendu dans mon Histoire générale des anomalies de l'organisation, tomel, va paroître en entier dans le troisième volume du recueil publié par l'Académie des sciences, sous le titre de Mémoires des savants étrangers. 396 GENRE PICULE. et qui m'a montré dans cet oiseau le type non seulement d’un sous-genre, mais même d'un genre bien distinct. Ses ailes sont établies en effet sur un type précisément inverse de celui qui distingue les guêpiers ; ses narines sont disposées autrement, et son bec présente des caractères très curieux, qu'on ne retrouve parmi les syndactyles que chez les Ælcedo. Ce genre, comme l'indique le nom que j'ai adopté pour lui, établit donc un lien de plus entre ces derniers et les vrais Merops. CaracTÈRES. Bec long, un peu arqué, assez gros à sa base , mais s'atténuant peu à peu: mandibule supérieure présentant à sa face dorsale et sur toute sa longueur un enfoncement dont les bords, parallèles entre eux, sont rele- vés; ce qui rend cet enfoncement longitudinal comparable à un canal peu profond. Narines percées à la base du bec, mais cachées sous les plumes. Tarses très courts, emplumés à leur extrémité supérieure. Doigts longs, l'interne étant libre, l'externe soudé au médian sur une grande partie de sa longueur, comme chez les autres syndactyles. Queue longue, carrée. Ailes courtes ; ne dépassant que de très peu l’origine de la queue, sub-obtuses, la première penne étant très courte, la seconde plus longue, mais elle-même beaucoup plus courte que les troisième, qua- trième et cinquième, qui sont égales entre elles. OBSERVATIONS. Le Merops amictus des auteurs, ou, comme je propose de le nommer, l’Alcemerops amictus, est l'unique es- pèce de ce genre, dont les caractères sont, comme on le voit, extrêmement tranchés. VIII. PICULE, Piculus. NoOB. M. Temminck a établi récemment, sous le nom de Picumnus, un genre de zygodactyles, dans lequel il réunit une espèce tri- dactyle de Java, et trois espèces américaines, ayant quatre doigts comme les vrais pics. C’est de celles-ci que je propose de faire GENRE PICULE. 397 un genre particulier, sous le nom de Picule, qui rappelle à-la- fois, et leur petite taille, et leurs rapports avec les pics, dont elles sont en quelque sorte le diminutif. On va voir que les espèces américaines, que je propose de séparer du picumne de Java, n'en diffèrent pas seulement par le nombre de leurs doigts, et formeront un groupe générique parfaitement distinet. Caracrères. Bec droit, pointu, formant un cône très alongé, la mandibule supérieure étant convexe transversalement, et non à arête marquée. Narines percées à la base du bec, et recouvertes par de petites plumes. Tarses moyens, écussonnés. Quatre doigts, deux en avant, dont l’ex- terne (correspondant au médian des autres oiseaux) est très long; deux en arrière, dont l’externe est de même très long: proportions qui rendent symé- triques la partie antérieure et la partie postérieure du pied. Queue irrégulièrement carrée, courte, composée de petites pennes, bien arrondies à leur extrémité, et garnies dans toute leur étendue de longues barbules. Ailes moyennes, obtuses. OBSERVATIONS. Le genre Picule a pour type l’yunx minutissima ou Picus minutus des auteurs, ballotté successivement des pics aux torcols, etde ceux-ci aux picumnes : ce sera le Piculus minu- tus. Il faut y réunir deux autres oiseaux américains, indiqués d'abord par Azara et par Lichstenstein, et établis définitivement dans la science, par M. Temminck, qui les a représentés dans son magnifique ouvrage, pl. 37: , et leur a donné les noms spé- cifiques de Cirratus et d'Exilis. Ces trois espèces, très analogues entre elles, ne peuvent être réunies, ni au torcol, qui a les ailes suraiguës, ni aux pics, qui ont la queue roide et usée, et dont le bec est très différent, ni enfin au picumne, qui, outre ses pieds tridactyles, diffère un peu par la conformation de ses ailes et de son bec, et beaucoup par la disposition de ses narines. RD NE DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE ESPÈCE DE CLAVIJA, ACCOMPAGNÉE DE QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LES CARACTÈRES ET LES AFFINITÉS DE CE GENRE ET DES GENRES VOISINS. PAR M. DESFONTAINES. Parmi des plantes vivantes envoyées, il y a quelques années, de Cayenne au Muséum d'histoire naturelle, s’en trouvoit une sous le nom de Potalia amara. Ce nom n'étoit justifié que par la saveur extrêmement amère des feuilles, ainsi que par leur forme; mais leur situation alterne (etnon opposée) indiquoit déja qu'il se trouvoit mal appliqué. En effet, l'arbuste parvenu à deux pieds environ de hauteur produisit des fleurs, et leur in- spection fit reconnoître de suite qu'il appartenoit à un tout autre genre. Comme il y forme une espèce nouvelle et peut jeter quel- que lumière sur les caractères de ce genre, encore imparfaite- ment connu, j'ai cru que sa description et sa figure auroient quelque intérêt pour les botanistes. J'y joindrai quelques ré- flexions suggérées par la comparaison de cette plante avec celles dont elle se rapproche, soit parmi celles que possédent les serres du Muséum, soit parmi celles qui ne me sont connues que par les livres. DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE ESPÈCE DE CLAVIJA. 399 Voici la description de cet arbuste qui a continué à végéter, à fleurir tous les ans, et qui a maintenant atteint environ quatre pieds : CAULIS erectus. FOLIA sparsa, interruptè conferta, levia, co- riacea, glabra, integerrima, rarius denticulata, lato-lanceolata , basi sensim in petiolum angustata , apice acutè acuminata, 1-2-pe- dalia, uncias 1-2 lata, patentia aut demissa. RAGEMI florum simplices, erecti, 4-5-unciales. Flores singuli pedicellati, nutantes. CALYx 5-partitus lobis apice marginatis, rotundatis, basi corollæ adpressis, marqineanvicem incumbentibus. COROLLA campanulato-patens , 4 lineas lata, 5-loba , lobis cras- siusculis, extus convexis, rotundatis, margine conniventibus, cir- cinatis, appendicibus 5 alternantibus adpressis subspathulatis intus ad faucem instructa, crocea, Bromeliam redolens. STAMINA 5 monadelpha. TUBUS filamentorum infernè cum tubo corollæ concretus, ejusdem faucem vix superans, truncato-pyrami- datus. Antheræ parvæ, in capitulum depressum 10-radiatum con- niventes, corollæ lobis oppositæ , cuneiformes , biloculares, loculis connectivo.antico longitudinaliter adnatis, cæterum distinctis > pos- ticè dehiscentibus. OVARIUM tubo staminum inclusum, ovoïdeum, apice in stylum brevem sensim attenuatum, glaberrimum, 1-loculare : semina 2-3 placentæ centralis lateribus adnata. STIGMA bifidum. La plupart des caractères précédemment énumérés pouvoient s'appliquer à un genre de la Flore péruvienne de Ruiz et Pavon, le Clavija. Décrit d’une manière assez obscure par ces auteurs, ce genre avoit été rapproché du Theophrasta, et on soup- connoit même qu'il pouvoit se confondre avec lui. Plus tard 400 DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE ESPÈCE DE CLAVIJA. M. Lindley ( Collectanea botan. 26) avoit bien établi leur dis- üinction, et l'examen de plusieurs espèces de Clavija, conservées dans l’herbier de M. Lambert, lui avoit permis d'en tracer les caractères d'une manière bien plus nette. Seulement notre ob- servation ne s'accorde pas avec la sienne en un point, et comme ce point a quelque importance, nous avons cru devoir revenir sur ce sujet. C'est la situation des étamines relativement aux lobes de la corolle. Dans le Clavija comme dans le Theophrasta, M. Lindley les décrit comme alternes, et il signale au contraire dans le second les appendices charnus situés à la gorge de la corolle comme opposés à ses divisions. Or, c'est ce qui n'avoit pas lieu dans notre nouvelle espèce où les appendices étoient au con- traire alternes et les étamines opposées. Nous eûmes recours aux figures données par les auteurs originaux, à celle de Plumier (PL. amer. p. 119, tab. 126) pour le Theophrasta, pour le Clavija à celle de Ruiz et Pavon (Prodr. Flor. peruv. p. 131, ic. XXX). Dans l'une comme dans l’autre l'opposition des étamines et des lobes de la corolle se trouve nettement figurée. Une plante voisine que Jacquin a fait connoître sous le nom de Theophrasta longifolia fleurit dans nos serres. Son examen nous a fait retrouver tous les caractères du Clavija, dans lequel elle rentrera comme espèce. Le Theophrasta Jussiæi, qui a donné lieu aux remarques de M. Lindley, se trouve dans nos herbiers. L'analyse de sa fleur nous a encore montré des étamines opposées aux lobes de la corolle, alternant avec ceux du gros disque qui en tapisse le tube. Ce fait de la situation des étamines étoit important à établir; DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE ESPÈCE DE CLAVIA. 4or car il jette un grand jour sur les vraies affinités des deux genres qui m'occupent. Déja M. Bartling (Ordin. Natur. p. 165 )lesavoit entrevues, lorsqu'il a placé ces genres dans une section à la suite des Ardisiacées, section qu'il caractérise par l'existence de filets stériles (ce sont les appendices) alternant avec les fertiles. Mais il ne parle pas de la situation de ceux-ci, relativement à la corolle, et c'est le point qu'il falloit constater. Il ne peut rester aucun doute, si à ce caractère on ajoute celui des graines portées sur un placenta central dans un fruit uniloculaire, la structure de ces graines à gros perisperme corné renfermant un embryon cylindrique beaucoup plus court que lui, et situé obliquement hors de l'axe (ainsi que l’avoit déja annoncé M. de Jussieu dans les Annales du Mus., et que M. Lindley l'a dit et figuré, loc. cit.). L'ovaireest-il déja toujours à uneseule loge ? M. Lindley en admet deux dans le Theophrasta Jussiæi, où nous n'avons pu cepen- dant trouver la trace de la cloison légère qu'il indique. Au reste, que cette cloison ait existé primitivement et ait été détruite plus tard, ou qu'elle ait toujours manqué, c'est un point d'assez peu d'intérêt, et qui ne peut infirmer les conclusions auxquelles nous sommes arrivés. Le caractère de la monodelphie n'est pas nouveau dans les Ardisiacées. Il existe dans l'Ægiceras, et récemment M. Adrien de Jussieu ( Mém. Mus. 19, p. 133, tom. IT) a fait connoître un genre de cette famille (Oncostemum), où non seulement les filets, mais les anthères mêmes sont soudées en un seul corps. Le Clavija avec le Theophrasta doivent donc s'éloigner des Strychnos, près desquels on les avoit placés, et où je les avois laissés moi-même dans mon Catalogue des plantes du Muséum, et ils doivent se classer avec les Ardisiacées : leur port, leur inflo- Annales du Muséum, t. 1°, 3° série. 51 4o2 DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE ESPÈCE DE CLAVIA. rescence, la consistance de leurs feuilles et de leurs fleurs, tout confirme la vérité de ce rapprochement. Il ne me reste plus qu'à présenter les caractères du genre Clavija modifiés légèrement d'après les observations Dre ment exposées et la phrase de l'espèce nouvelle qui m'a fourni le sujet de ces considérations. CLAVIJA. Ruiz. Pav. CALYx altè 5-fidus, lacinus rotundatis, imbricatis. COROLLA calyce longior, carnosa, 5-loba, tubo brevi, fauce appendicibus 5 carnosis brevibus cum lobis alternantibus instructa: STAMINA 5, lobis corollæ opposita, supra faucem vix exserta, filamentis'in tu- bum coalitis, antheris trigonis conniventibus in capitulum:10-ra- diatum, bilocularibus ; posticè dehiscentibus. OVARIUM 1-loculare, placentä . centrali, oligospermä.. STYLUS ;brevis. STIGMA parvum, bifidum. FRUCTUS (ex. Ruiz et Pavon) bacca globosa, seminibus paucis receptaculo carnoso per. pedicellos fibrosos insertis. FRUTICES, foliis alternis, oblongis, coriaceis sæpius spinoso-den- tatis, exstipulatis ; racemisaxillaribus, strictis: Flores sexûs alterius incompletä evolutione interdum masculi tantum vel fœminei. CLAVIJA LANCIFOLIA. Hort. Par. C: foliis gradatim interruptèque confertis, lanceolatis ; basi sensim attenuatis, apice acuminaits, ASE coriaceis, levibus; racemis axillaribus, erectis: Affinis Claviÿjæ longifohæ. Hort. Par. (Theophrasta longifolia. Jacq.) a quâ differt foliüs integerrimis, in acumen productis ; ra- cemis erectis, non cernuis; floribus duplo majoribus. Je ne dois pas terminer cette notice sans ajouter quelques VLIET/ NW. Annales du Musreur. Clav ya lancÿfola Desf. Fe { LARUT! VE ie 4 £ 0 “4 ' 9 #* : Al > béta APS PE + DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE ESPÈCE DE CLAVIJA. 403 mots d'explication sur le dernier des caractères que j'ai décrits dans le genre Clavija, sur les fleurs unisexuelles qu'y signalent ses auteurs. C'est un point qu'il est difficile de bien déterminer dans les serres où le développement des organes est si souvent arrêté, de sorte qu'on ne pourroit en conelure avec certitude ce qu'ils sont, placés dans les conditions que la nature a imposées à leur existence complète. Dans quelques fleurs j'ai trouvé les ovules atrophiés; dans la plupart, les anthères m'ont semblé dépourvues de pollen, et c'est ee que paroîtavoir observé aussi M. Lindley. Mais, dans tous les cas, si les organes se trou- vent imparfaits à l'intérieur, ils sont à l'extérieur bien confor- més, et ce n'est qu'à des avortements que cette séparation des sexes peut être attribuée. Elle n'a donc pas l'importance d'un véritable diclinisme. EXPLICATION DE LA PLANCHE 14. 1. La plante entière, réduite à un dixième de sa grandeur naturelle. 2. Un fragment de rameau avec une feuille et une grappe axillaire , quart de la grandeur naturelle. 3. Calice séparé. 4. Fleur coupée verticalement. a. Calice. b. Corolle. c. Appendices: d: Éta- mines. e. Ovaire ouvert et laissant voir les ovules sur le placénta central f. 5. Appareil des étamines, séparé: a. Tube. b. Anthères. 6. Fleur vue en dessus. a. Lobés de la corolle. b: Appendices. c. Anthères. 7. Pistil séparé, avec la base du calice coupé. NOTES DE CORRESPONDANCE. , ANIMAUX ENVOYÉS AU ROI PAR L'EMPEREUR DE MAROC, ET REÇUS A LA MÉNAGERIE ROYALE DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE A LA FIN DE JUILLET 1832. Les animaux adressés de Maroc au roi consistoient en deux autruches, deux gazelles, un bubale, vulgairement nommé vache de Barbarie, une es- péce de panthère, et une lionne; mais les autruches étant mortes dans la traversée de Tanger à Marseille, la Ménagerie n’a reçu que les autres ani- maux; et, grace aux soins qui leur avoient été donnés, dans cette dernière ville, par les ordres de M. le préfet, tous seroient arrivés dans le meilleur état, sans les lourdes chaînes dont les deux derniers étoient bien inutilement chargés, et qu'ils portoient déja en Afrique. Le poids de ces chaînes avoit fatigué les muscles de leur cou, et la lionne, qui étoit jeune, paroît être con- damnée, par suite des efforts qu'elle a dû faire, et peut-être de l'altération de ses vertébres, à toujours porter sa tête de travers. A l'exception de la lionne, tous ces animaux ont été d’un intérêt réel pour le Muséum et pour la science. Les deux gazelles, l'une mâle et l'autre femelle, nous font connoître d'une manière complète une espéce, la corine, qu’on n’avoit jamais distin- guée bien nettement d’une autre espèce, le kével, avec laquelle la pre- mière a les plus grandes analogies, car elle n’en diffère que par un pelage moins fauve et une bande brune sur les flancs, au lieu d’une bande noire. La corine, par ses teintes ternes, fait en quelque sorte le,passage du kével fauve au kével gris, troisième espéce qui a la physionomie générale, la taille, les cornes, etc. , des deux autres. Le bubale, cette‘singulière espèce d’antilope, n'avoit point été revu à la Ménagerie depuis plus de trente ans, et il importoit d'apprécier, de nou- veau, d’après des individus vivants, les rapports de cette espèce avec les autres espèces de cette nombreuse famille d’antilopes, qui renferme des types d'organisation si différents et si peu connus. Or le bubale est un de ces types qui n’en rappelle, même de loin, aucun autre, et autour duquel une ou deux espèces seulement viennent se grouper. L’espéce de la panthère est, comme on sait, une de celles qui sont en- vironnées pour le naturaliste de plus d'obscurité. Bien connue des anciens, elle ne l’est plus avec certitude des modernes, et c'est incontestablement NOTES DE CORRESPONDANCE. 4o d'Afrique et de Mauritanie que les Romains tiroient une grande partie de celles qu'ils faisoient combattre dans leurs cirques. C'étoit de plus une grande espèce de chats à pelage tacheté; mais la Mauritanie produit plu- sieurs de ces espèces de grands chats dont le pelage est couvert de taches plus ou moins grandes; il importeroit donc, ce qui n’a pu encore être fait, de bien déterminer les caractères de chacune d’elles, et pour cela plusieurs individus des unes et des autres sont nécessaires. Or, l'animal de la famille chats que la ménagerie du Muséum a recu avec le bubale et les-gazelles, appartient précisément à l'une de ces espèces entre lesquelles on doit cher- * cher à reconnoître la véritable panthère. C'est en recueillant ainsi piéce à piéce les faits qui sont propres aux êtres naturels, et que le hasard seul souvent procure, qu’on finit, à force d’atten- tion et de temps, par composer leur histoire. FréDpéRrIG CUVIER. NOUVELLES COLLECTIONS REÇUES AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE. C’est une chose digne de la considération du philosophe que l’émulation actuelle pour les études de l'Histoire naturelle, que le goût éclairé et la chaleur du zéle des Européens résidants en terre étrangère. On diroit que chacun, comprenant distinetement les hautes destinées de l'humanité de plus en plus engagée dans des voies de civilisation progressive, s’empresse à qui mieux mieux d'apporter à ce travail des siècles sa part contributoire. L'homme, en effet, l'un des matériaux dont se compose l'univers, l’homme en est venu à sortir de rang, dès qu'il se fut connu et qu'il eut soumis à son enregistrement, à une sorte d'inventaire, l'avoir, ou du moins une forte partie des innombrables richesses de la nature. C'est à cet enregistrement de ce qui est encore à connoître que vont être appliquées de nouvelles recherches,. sur lesquelles nous nous proposons d'appeler l'attention bienveillantetet reconnoissante du Gouvernement et des naturalistes. Car d'importantes collections d'Histoire naturelle viennent d’être -mises à la disposition des Professeurs du Muséum. Nous eussions: voulu dans cet article parler avec une étendue suffisante des: collections faites à Madagascar par M. Sganzin, capitaine d'artillerie de la marine, des travaux très remarquables de M. J. Gay, durant un:séjour de 406 NOTES DE CORRESPONDANCE. quelques années dans l’état du Chili, et enfin des précieux résultats d'un nouveau voyage autour du monde : mais l’exiguité de la place, à la fin de ce cahier, ne nous permet aujourd'hui que d'annoncer les succès de M. Eydoux. J'ai même à regretter de n'avoir à y consacrer qu’un précis aussi court, mais du moins exact, ce savant voyageur m’ayant généreusement commu- niqué ses notes. M. Eydoux est le chirurgien-major d’un bâtiment de l'état, la Favorite, lequel, sous les ordres de M. le commandant capitaine de frégate Laplace, vient de terminer un voyage autour du monde. Cé voyage n'eut pas, comme ceux de l_Astrolabe et de la Coquille, la science précisément pour but. Cepen-* dant, par une attention délicate du département de la marine, elle est toujours un sujet recommandé : ainsi l'on embarque de préférence et les officiers et les médecins les plus renommés par leurs connoissances dans les sciences astronomiques, géographiques et d'histoire naturelle. A ce titre, M. Eydoux, avoit été choisi, bien ‘que sa destination et sa navigation ne nous aient été révélées que tout récemment, et quand nous prîmes con- noissance des précieux fruits de son voyage. La Favorite avoit pour mission de montrer le pavillon français dans des parages de l'Inde jusque-là peu fréquentés par nos bâtiments; de relever des côtes et quelques atterrages d’archipels sur la route; et d'ouvrir de nou- velles relations commerciales. Corvette armée de 24 canons, construite à cul rond sur ‘un nouveau mo- déle, et marchant bien, la Favorite quitta la rade de Toulon le 30 décembre 1829, où elle revint, après une navigation de deux ans et quelques mois, le àr'avril dernier. Elle a successivement mouillé à l’île de Gorée (1830, 26 janvier), à Bourbon (—1"avril), à l'Ile-de-France peu après, pour y réparer des avaries à la suite d’un ouragan; aux Séchelles (—23 mai), à Pondichéri (—9 juin), à Madras (21 suivant); et elleest enfin arrivée (— 17 juillet) dans la rade de Coringhi, à la côte de.Coromandel, l'une-des premières stations recommandées. Depuis la Favorite a continué son voyage, visitant Malacca (—15 août), Syncapour (le 19), Manille (—14 septembre), Macao (—25n0- vembre), pour de là aller séjourner à Tourane, capitale dela Cochinchine; d’abord du 21 décembre au 24 janvier 1831, et puis encore; après l'explora- tion du golfe du Tonquin, du 21 février au 5 mars. Une autre exploration, celle’ des ‘archipels Natunas et Anambas, eut lieu avant de se rendre à Java (—15 avril), où il fallut séjourner pour soigner dernombreux malades: NOTES DE CORRESPONDANCE. : 407 La Favorite commença son retour, en atterrant sur plusieurs points de l'Australie, du 1° juillet au 21 septembre, traversant la Nouvelle-Zélande en octobre, se-portant sur les côtes du Chili dans les premiers jours de 1832, et doublant le cap Horn, de manière à être rendue le 23 janvier de cette même année 1832, pour une station de repos et de ravitaillement, à Rio. D'après cette marche du bâtiment, l'on voit qu'il a tenu le plus souvent la mer: Aussi les collections de M. Eydoux sont-elles riches, principalement en objets qu’on a pu y pêcher; en mollusques et coquilles. Les principales sta- tions ont eu lieu à la Cochinchine (Tourane), à Hobart-Town, chef-lieu de l'île de Diémen, autrefois Van-Diémen, résidence d’une colonie anglaise, à Port-Jackson, dans le Chili à Valpareiso, et à Rio. Les collections de ces contrées sont d'un grand intérêt, et renferment pour la plupart des espèces nouvelles. Un sujet qui a fixé l'attention de M. Eydoux est la distinction des races humaines : il a rapporté des crânes de Canton, et de la côte de Coromandel, puis d’autres venant des naturels de Diémen, et, entre autres objets, une tête entière d’un de ces insulaires, très bien conservée dans l'alcool. Des croyances superstitieuses engagent les femmes enceintes de cette contrée, qui font cas de la valeur des guerriers, à chercher à imoculer au fruit de leurs entrailles l'esprit et le courage des chefs morts en combattant, et elles croient y parvenir, en portant le crâne de ceux-ci sur leurs ventres nus. Fixés par des lanières en peau de kangouroos, qu'on a cousues sur les arcades zigomatiques, dont on se sert comme d’anses de panier, ces crânes se polissent à la longue aux endroits saillants qui posent sur la peau : c’est la base du crâne; le sinciput est en haut, le visage regarde en bas. Le sus- pensoir est passé autour du cou. Ces crânes sont d’une conformation fort singulière; l'os frontal reste bombé, mais derrière et supérieurement, les pariétaux sont déprimés, tou- tefois sur le côté seulement; car à leur point de jonction, la ligne médiane est élevée, sur-tout en arrière; arrangement qui n’empêche point que les bosses pariétales ne soient très prononcées. La doctrine de Gall déduiroit de ces données beaucoup d’entêtement et de. circonspection chez les insu- laires diémois. Elle se tait sur les régions que nous venons dedire déprimées: mais le docteur. Spurzheim y a depuis pourvu, en traçant dans cet espace innominé par le maître l'indication de penchants, que la nature auroit refusés aux Diémois, savoir en arrière pour la justice, et au-devant pour l'espérance. 408 NOTES DE CORRESPONDANCE. En animaux nouveaux, sont deux chauve-souris, l’une rhinolophe, la se- conde d’un autre genre à déterminer; un viverra de Tourane, pourvu des glandes odoriférantes de la civette, mais genette par la taille, les formes et le système de coloration; un ornithorinque de grande taille, considéré en An- gleterre comme une espèce particulière; un crocodile devant former un nou- veau sous-genre; mais sur-tout un toucan aracari (de la province das minas au Brésil) à bec régulièrement dentelé et offrant la curieuse singularité de larges plaques qui terminent les plumes de la tête et du cou. Dans la moisson faite aux Séchelles, se trouvent des crustacés, plusieurs étant nouveaux; fort peu d'insectes ont été rapportés, mais du moins la phyllie dans tous ses états, nymphe et œufs. Sont de plus dans l’alcool de fort beaux échantillons d’é- chidnès, d’ornithorinques, de kangouroos, de phalangers, etc. Les Monotrè- mes, classe nouvelle établie pour renfermer les deux premiers genres, sont toujours un anneau de la chaîne des êtres très problématique : ainsi on met toujours en question à Port-Jackson, s'ils sont vivipares ou ovipares. C’est en écoutant ces discussions, que M. Eydoux comprit de quel intérêt il seroit pour la science d'apporter de ces animaux entiers et soigneusement conservés dans la liqueur. J’ai soulevé quelques unes de ces questions dans ma Descrip- tion des appareils sexuels de l'ornithorinque (Mém..du Mus. XV, p. 1); etil est à espérer que l'acquisition de la collection dont il s’agit avancera la solution de ces questions. ; Nous citerons encore comme objets très importants des dasyures, des pé- tauristes, des hydromis, un très singulier pétrel, un manchot de petitetaille, et principalement un poisson de la rivière Derwent, le toad fish, dont la chair délétère a été très funeste à une famille anglaise d'Hobart-Town. Dans l'herbier est la gousse d’une plante lésumineuse de la famille des Cassiées, dont les graines sont de la grosseur de nos marrons : on les em- ploie, cuites sous la cendre, comme aliment à Port-Jackson. M. Fraser, botaniste de la colonie, a découvert le 4 juillet 1828 l'arbre de la châtaigne en gousse, et le Botanical Miscellany l'a déja publié et figuré sous les noms de Castanospermum australe : cette plante a été trouvée à l’ouest de Brisbane. Toun, sur les bords d'une crique. On a semé de ces haricots-châtaignes à Toulon : six ont levé. On vientaussi d’en semer au Jardin du Roi. M. Eydoux est-il destiné à la gloire d’avoir augmenté les richesses RErIEDIeS de la France d'une autre sorte de pomme de terre ? GEOFFROY SAINT-HILAIRE. CT RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC, SUIVIES D'OBSERVATIONS SUR LES POILS EN GÉNÉRAL, ET SUR LEURS CARACTÈRES ZOOLOGIQUES. pie lu à l’Académie des sciences en 1827. PAR M. F. CUVIER. OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. Après avoir fait connoître mes recherches sur l'organe pro- ducteur des plumes, et sur le mode de développement de ces produits organiques (1), il me restoit à exposer les faits que j'avois recueillis sur les poils, afin d'arriver au but que je m'’étois pro- posé en étudiant ce genre de téguments : savoir, d'établir ses rapports naturels et le rang qu'il doit occuper comme caractère zoologique. Dans des recherches nouvelles de cette nature, j'ai dû commencer mes observations par les poils qui présentent la structure la plus apparente, et l'organe producteur le plus facile à analyser, comme j'avois dû commencer par les plumes mes observations sur les tésuments en général; et ce sont les épines du Porc-épic qui, sans contredit, réunissent au plus haut degré ce double avantage. Depuis l'époque où le grand Bacon envisageoit les poils comme une humeur excrémentitielle dont se débarrassoient (1) Mémoires du Muséum d'hist. naturelle, tome XHI, page 327. Annales du Muséum, t. 1”, 3° série. 52 4ro RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT les pores plus ou moins déliés de la peau, jusqu'à nos jours, ces parties tégumentaires ont fait naître plus d’hypothèses qu'elles n'ont occasioné de recherches, et les unes comme les autres se réduisent à faire considérer aujourd'hui chaque poil comme le produit d’un organe spécial, d’un bulbe ou d'une capsule, formé 1° d’une enveloppe extérieure percée à son sommet pour le passage du poil, et recevant ses vaisseaux nour- riciers et ses nerfs par son extrémité inférieure; 2° d'une gaîne qui enveloppe immédiatement le poil, mais qui se distingue difficilement de la face interne du bulbe, étant nourris par les mêmes vaisseaux; 3° d'une partie centrale conffndue organi- quement par sa base avec les deux autres, et dont la consis- tance est analogue à celle d’une sorte de pulpe; elle est remplie de vaisseaux et produit le poil par excrétion. Celui-ci est or- dinairement formé d’une matière cornée, homogène et dure; mais sa partie centrale est remplie quelquefois d'une matière spongieuse et blanche, et ce n'est jamais que la première qui est colorée. Pour former le poil, les molécules cornées se dé- posent à la surface conique de la pulpe centrale par couches successives, ce qui fait que les poils présentent quelquefois une cavité conique à leur base; enfin ces couches, d'abord très molles, se durcissent et se poussent de manière qu'après un temps quelconque, elles constituent un poil plus ou moins long et plus ou moins gros, lequel, suivant les animaux, est plus ou moins fortement et profondément enraciné dans la peau (1). (1) Recherches sur l’organisation de la peau de l’homme, et sur les causes de sa coloration, par Gaultier, 1800. * Recherches anatomiques sur le système cutané de l’homme, par Gaultier, 1811. Principes d'anatomie comparée, par M. de Blainville, tom. 1, p.54, ete. DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 411 C'est à Gaultier qui, au reste, n’avoit guère que confirmé les observations de Chirac (1), qu'on: doit principalement les faits sur lesquels ces idées reposent; et si depuis elles ont reçu quel- ques modifications, ce n'a pas toujours été à l'avantage de la vérité; elles-mêmes étoient loin de la renfermer; le plus léger &amen suffisoit pour montrer que la structure et le déve- loppement des poils ne s'expliquoient point par les observations qu'on avoit recueillies. Ce que ces observations n'expliquent sur-tout pas, c'est l'accroissement des poils. Il résulte de toutes les observations que la matière composante des poils, à leur origine, est dans un grand état de mollesse, et ne peut être comparée qu'à une bouillie; elle ne commence à prendre quel- que consistance qu'à une certaine distance du point où elles naissent; jusque-là elles sont en état de rouler les unes sur les autres par l'effet de la moindre force, et de se prêter à toutes les formes. Or c'est cette matière presque fluide qui pousseroit hors de sa gaîne la matière déja solidifiée en forme de poil, qui la surmonte, laquelle est retenue très fortement par l'applica- tion immédiate des parois intérieures et l'élasticité de cette gaîne, comme on en a la preuve toutes les fois qu'on veut arracher un poil pendant qu'il se développe. Il est trop évident que dans le phénomène de l'accroissement des poils, ainsi présenté, la cause n'est en aucune proportion avec son effet, et qu'il ne peut être expliqué par l'action méca- nique des molécules du poil, produites les dernières, sur celles qui l'ont été auparavant; en un mot que les unes ne peuvent. point avoir été poussées par les autres. (1) Extrait d’une lettre écrite à M. Régis, sur la structure des cheveux, par M. Chirac, in-8, Montpellier, 1688. 412 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT Cette théorie n'éxplique pas non plus la formation des deux substances, dont la plupart des poils $e composent, de la substance compacte extérieure et de la substance spon- gieuse intérieure ; Car, en admettant que toutes deux fussent de nature cornée, leur différence est telle, qu'on ne pourroit les attribuer à un seul et même organe, et cependant le poil tw: entier est supposé produit par cette partie centrale que Gaultier désigne par le nom de corps conoïde ou de corps pulpeux; enfin elle n'aborde pas même la question de la diversité de structure des poils, et semble supposer que tous présentent les mêmes formes et la même composition. Au reste; les recherches de Gaultier contenoient implicite- ment une théorie des poils plus exacte que celle qu'il en à tirée; car dans sa description anatomique du. système cutané du Porc-épic (1) (Histrix crystata), on trouve des observations dont Gaultier lui-même n'a pas connu le prix. Préoceupé sans doute par l’objet principal de ses recherches, le système cutané, il n'a considéré les poils que secondairement; d'ailleurs les épines du Porc-épic ne s'offrent pas aux recherches de l'observateur dé- gagées de toute difficulté: lorgane producteur de ces poils, quoi- qu'il soit fort gros, ne se rencontre jamais que dans un état, ples ou moins grand, d'oblitération, et peut-être étoit-il nécessaire de connoître le mode de développement des plumes, pour apercevoir les traces de cet organe dans les rudiments qui s'en conservent après l'entière formation des épines. En effet, Gaultier ne paroît pas avoir tiré de ses recherches sur le Porc-épic des idées très précises sur la nature des poils. (1) Journal de Physique, 1820. DES ÉPINES DU PORC-ÉPIO: 413 Il pense que les épines de cet animal sont entièrement produites par le corps pulpeux, que renferme leur cavité inférieure tant qu'elles croissent, lequel, suivant lui, ne laisse d’autres traces après leur formation qu'un point saillant et jaunâtre. Ce que Gaultier a le mieux vu et le mieux décrit, est l’appa- reil organique qui accompagne constamment les épines du Porc-épic; appareil fort singulier qui n’accompagne point les plumes, et qui ne peut être vu clairement, à cause de sa peti- tesse, sur les poils ordinaires, en supposant qu'il concourt aussi à leur développement. On n’auroit toutefois qu'une connoïssance imparfaite du système pileux du Porc-épic, si on n’examinoit que la structure ét la formation des épines. Outre ces puissantes défenses, cet animal a de véritables poils longs, minces, flexibles, et qui pa- rôissent avoir une origine différente de celle des épines, et peut-être même un mode de développement différent; car on ne découvre point à leur base l'appareil compliqué qui se trouve où naissent les premières. Ces considérations nous conduisent à examiner 1° la dispo- sition des poils et des épines du Porc-épie dans la peau; 2° la nature des épines ét celle des organes qui concourent à leur production, d'où nous chercherons à expliquer la formation dés premières; 3° enfin, après avoir établi l'analogie des épines où des poils, nous les envisagerons dans lé point dé vue zoolo- gique, et montrerons, par dés applications, le rang qu'ils doi- vent occuper comme caractères distinctifs, en mammolopgie. DE LA DISPOSITION DES POILS ET DES ÉPINES DANS LA PEAU. Ces deux sortes de téguments ne paroissent avoir ni la même 414 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT origine, ni la même structure, et les conditions qui participent au développement des uns ne paroissent point participer au dé- veloppement des autres; mais nous n’avons à examiner ici que le premier de ces points. Les épines sont toujours disposées régulièrement par série, et chaque série, composée de sept, neuf, onze épines, occupe aussi une place symétrique par rapport à toutes les autres. Les épines de chaque série sont implantées sur un arc de cercle, et ce sont les plus grosses qui, le plus souvent, occupent le milieu de l'arc. Ces séries d’épines sont placées au-devant l’une de l'autre sur des lignes droites; mais celles de chaque ligne ne se correspondent pas toujours; ordinairement celles d’une ligne répondent aux intervalles que laissent entre elles celles des lignes contiguës, sans cependant qu'elles soient imbriquées; et ce que nous venons de dire des épines, proprement dites, est apphcable aux téguments tubuleux qui garnissent la queue, et qui ne sont véritablement que des épines creuses. Les poils ne paroissent pas disposés avec cette régularité; on les voit naître plus ou moins abondamment autour des épines, et occuper la place que celles-ci laissent entre elles, sans aucun ordre apparent; ils semblent épars, et les plus grands, relative- ment aux plus petits et aux plus-minces, ne se présentent pas davantage suivant des rapports constants; on diroit qu'ils nais- sent fortuitement, ou suivant que des circonstances plus ou moins cachées favorisent l’activité de leur germe. DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 415 DES ÉPINES ET DES ORGANES QUI CONCOURENT A LEUR PRODUCTION. Des épines considérées en elles-mêmes. Les épines du Porc-épic varient beaucoup de longueur et d'épaisseur, et elles diffèrent aussi par leurs couleurs, par leur forme extérieure et par leur structure; elles n’ont de constant que la disposition par série que nous venons de décrire. En effet, les unes ont quelquefois un et deux pieds de longueur, tandis que d'autres, ont à peine quatre à cinq pouces; et si celles-ci ont jusqu'à trois et quatre lignes de diamètre, celles-là n’en ont quel- quefois qu’une et moins encore. Ce sont ordinairement les plus longues qui sont les plus mince et les plus courtes qui sont les plus grosses; aussi ce sont celles-ci seules qu'on peut à juste titre nommer épines. Les premières sont cylindriques dans la plus grande partie de leur longueur, et ont une flexibilité qui les rapproche tout-à-fait des poils proprement dit. Les secondes sont fusiformes et d'une grande rigidité. Les unes et les autres sont arrondies dans la plus grande partie de leur longueur, et leur extrémité, terminée en pointe, est garnie de chaque côté, dans l'étendue de quelques lignes, de deux arêtes tranchantes, tandis que leur racine se caractérise par un renflement léger de deux ou trois lignes, qui se termine en une pointe obtuse. Elles sont la plupart couvertes d'anneaux très larges, blancs et noirs; leur extrémité est tantôt blanche et tantôt noire; on en trouve même d'entièrement blanches et d’entièrement noires, ou qui sont à-peu-près également partagées entre ces deux couleurs. Elles sont lisses Meur face extérieure, qui est composée d’une 416 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT enveloppe cornée, de l'intérieur de laquelle partent des rayons de même nature, lesquels se dirigent au centre de l'épine, et tout l'intervalle que cette enveloppe et ces rayons laissent entre eux est rempli de la matière spongieuse et blanche dont nous avons déja parlé, si ce n'est à la racine, qui est toute cornée. Ces rayons, se voyant au travers de l'enveloppe cornée et trans- parente des épines, font paroître celles-ci striées longitudinale- ment; mais ce n’est qu'une illusion que détruit aussitôt un exa- men attentif. Cependant il est quelques épines qui paroissent faire excep- tion à la description que nous venons de donner; elles sont situées à la queue et se présentent ordinairement sous la forme d’un tube, ouvert à son sommet, long d'un ou deux pouces, et porté sur un pédicule solide de même étendue, à-peu-près à l’ex- trémité duquel est la racine. Ces tubes paroissent à peine striés, mais la racine présente le renflement des autres épines. Le tube est de matière cornée ainsi que son pédicule, eton n'y aperçoit : aucune trace de matière spongieuse: on diroit des épines pri- vées de leur pointe et de leur pattie centrale. C'est qu’en effet ce sont de telles épines. Elles ne naissent jamais sous forme de tubes ouverts, mais sous forme d’épines : elles ont une pointe, plus ou moins longue, solide, striée et remplie de matière spon- gieuse, et ne présentent des tubes ouverts que quand cette pointe s’est rompue. C’est que ces épines ne sont tubuleuses qu'à leur partie moyenne; et dans leur état d'intégrité, cette partieest fermée à ses deux extrémités par la pointe et parle pédicule; mais la matière cornée qui forme le tube est mince, elle se dessèche, et les mouvements de la queue, les chocs qu'ils font éprouver à ces épines, l'ont bientôt rompue au point oùelle offre le moins DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 417 de résistance, c'est-à-dire où le tube, beaucoup plus large que la pointe, commence à se former. Ces téguments tubuleux ne sont donc point essentiellement différents des épines propre- ment dites; ils n'en sont qu'une modification, que nous expli- querons en nous occupant du développement des épines en général. Des organes qui concourent à la production des épines. L'appareil organique qui concourt plus ou moins immédiate- ment à la formation des épines, est un appareil très compliqué, que l’on peut diviser naturellement en deux parties, l’une étant l'organe excréteur de l’épine, et l'autre ne prenant part qu'ac- cessoirement à cette excrétion. Nous allons les décrire suc- cessivement tous deux, et nous montrerons ensuite leurs rap- ports. De l'appareil excréteur de l'épine. Cet appareil se compose : 1° d’une gaîne externe, dont la complication varie suivant le degré d’accroissement de l'épine, et qui enveloppe la partie de celle-ci, implantée dans la peau; 2° d’une bulbe placée dans l'intérieur et à la base de l'épine aussi long-temps qu'elle se développe. Lorsqu'une épine n'est encore qu'incomplèétement formée, si l'on‘ouvre la peau suivant l'axe de cette épine et de manière à pénétrer dans sa gaîne, on trouve que cette gaîne se com- pose, à sa partie inférieure sur-tout, de deux membranes; l’une interne, qui embrasse immédiatement l'épine, se termine, se confond même avec elle à sa partie inférieure, et s’unit inti- mement au derme à sa partie supérieure, Cette membrane a Annales du Muséum, t. I”, 3° série. 53 418 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT une couleur nacrée, brillante, et plus ou moins de minceur et de transparence : quand l'épine est jeune, elle est moins épaisse et moins opaque que quand le développement de l’épine est plus près de sa fin; son union avec la peau s'étend aussi avec l'âge; mais tant que l’épine croît, et ceci est notable, son bord inférieur a la couleur de la portion de cette épine, qui se dépose, qui se forme, et s'unit intimement avec elle, comme nous ve- nons de le dire. La seconde membrane, qui est externe, par rapport à la première, est d’une contexture moins serrée, a plus de transparence: elle ne présente point le brillant nacré de celle-ci ; elle s’'unit intimement au derme, à quelque distance au-dessous de la membrane interne qu’elle enveloppe en partie, se prolonge sur les vaisseaux qui se rendent au bulbe, et se perd avec eux vers le point d'où ils paroissent naître, quand on n’em- ploie pour les suivre d’autres secours que les yeux. Lorsqu'une épine commence à se développer, ces deux mem- branes paroissent être plus indépendantes du derme qu’au point où nous venons de les décrire. Ce qui est certain, c'est que quand une épine est entièrement formée, elles ne se séparent plus l’une de l’autre ni du derme; la gaîne qu’elles forment se trouve fermée à son extrémité inférieure, et les vaisseaux, comme la portion de membrane qui les enveloppe, ont dis- paru. Alors le bulbe a disparu également. La structure de cette se- conde partie de l'organe producteur des épines avoit été tout-à- fait méconnue, et cependant elle est facile à observer sur les grosses épines qui ne sont encore parvenues qu'à la moitié de leur croissance, par exemple; car le bulbe remplit toute la ca- vité qui, alors, se trouve à la partie inférieure des épines; et sa DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 419 grandeur, comme sa complication, ne permettent de mécon- noître ni son objet ni son importance. Dans la description que nous avons donnée des épines, nous avons vu que, de la face interne de leur enveloppe cornée, naïs- sent des rayons de même matière qui tendent tous au centre de l'épine, et dont les intervalles se remplissent de matière blanche d'apparence spongieuse. Or la cavité dont nous venons de par- ler vient d'une part de ce que ces matières ne sont point encore produites, et de l’autre de la présence de l'organe qui doit les produire et qui la remplit. En effet, lorsqu'on ouvre l'extrémité inférieure d'une grosse épine, à demi développée, et qui a été arrachée de sa gaîne de manière à la détacher de son bulbe, on observe qu'au fond de la cavité les rayons cornés ont acquis toute leur grandeur, qu'à mesure qu'on se rapproche de son ouverture leur largeur diminue, et qu'on n’en apercoit plus de traces au bord inférieur de l'épine, et la matière spongieuse se dépose dans les mêmes proportions. C’est le bulbe qui remplit cette cavité et qui doit achever la formation des portions de l'épine qui ne se montrent encore qu'à demi ou qui ne devront se former que plus tard; et nous trouvons dans sa structure la raison de la structure des épines, comme nous avons trouvé dans la structure compliquée de la capsule des plumes la raison de la complication extrême de ces singuliers produits organiques : c'est ce que sa description doit démontrer. Si l'on a détaché soigneusement une grosse épine de la peau avec sa gaîne et les membranes dont elle se compose, et qu'on les ouvre longitudinalement, ainsi que l’épine, le bulbe est à découvert, mais dans la partie ouverte seulement; car on ne peut l'enlever à la cavité de l'épine sans le détruire en partie. 420 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT Pour l'étudier et reconnoître sa structure, on est obligé de le considérer successivement dans plusieurs points de son contour, en ouvrant l'épine sur plusieurs points du sien. Alors on voit que toute la surface de ce bulbe, dont la forme générale est conique, est couverte de stries dans lesquelles la matière cornée se dépose. Il est rougeâtre, mou, élastique, et paroît rempli d'une grande quantité de vaisseaux. Tant que le bulbe est au point où nous l'examinons, c’est-à-dire actif et plein de vie, sa coupe seroit très fidélement représentée par celle d’une épine, en faisant abstraction de la matière cornée et en ne considérant que la matière spongieuse, Mais quand on suit les stries au-delà du point où le bulbe est vivant, en enlevant délicatement la matière spongieuse qui vient d'être sécrétée, on ne trouve plus que des membranes extrêmement minces, qui suivent et em- brassent les rayons cornés, et ne sont plus que les rudiments de ce bulbe; aussi leur couleur n'est-elle plus celle de ce der- nier : tous les vaisseaux en ont disparu, et au lieu d’une teinte rosée elles ont une blancheur très mate, De l'appareil organique accessoire à la formation des épines. Nous emploierons dans la description de cet appareil les déno- minations de Gaultier qui nous paroît l'avoir connu avec exac- titude à peu d’exceptions près. Il se compose de trois parties : d'une cellule adipeuse, d’une cavité adipeuse et d'une cavité folliculaire ; mais avant de traiter de la structure intime de cha- cune d'elles, nous devons faire voir comment elles se montrent extérieurement dans leur état d'intégrité. Lorsqu'on dépouille un Porc-épic de sa peau, on s'aperçoit bientôt que, pour conserver les épines et tout l'appareil orga- DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 425 nique qui y tient, il ne suffit pas de détacher le derme des muscles les plus superficiels du corps, qu'il faut descendre fort au-dessous du derme, auquel alors restent attachées en grande quantité des parties musculaires. La peau et tout ce qui en dépend, ainsi enlevés, on découvre des séries de lignes symé- triques, formées de tubercules disposés en arc de cercle, qui indiquent la série des épines et leur correspondent. Si ensuite on sépare de toutes les autres, pour mieux l’étudier, une de ces séries de tubercules, et que, du côté opposé au derme, on dé- barrasse les tubercules du tissu cellulaire qui les enveloppe et les déguise, on reconnoît que ces tubercules qui ne se mon- troient que comme de légères saillies, forment l'extrémité infé- rieure de corps ovales, de trois à quatre lignes de longueur, sur une ou deux de large, qui correspondent exactement aux épines. Ces corps constituent les cellules adipeuses. Au-dessus de cha- cun d'eux immédiatement s'en trouve un second de même lar- geur, mais plus court, plus arrondi, qui est par conséquent rapproché du point où l’épine sort du derme. Ceux-ci renfer- ment une cavité adipeuse et une cavité folliculaire. On reconnoît d'abord ces organes et leurs rapports en ouvrant ces deux sortes de tubercules parallélement à la longueur de l'épine. On trouve à la partie inférieure la cellule adipeuse, cavité ovoïde remplie d'une graisse blanche et ferme, et revêtue intérieurement d’une membrane blanche, lisse et brillante dans laquelle pénètre la racine de l'épine avec sa gaîne. Lorsque l’épine est entièrement formée elle y pénètre moins que quand elle se développe encore; et, dans ce dernier cas, on suit la membrane externe de la gaîne et.les vaisseaux qu'elle enveloppe, fort avant dans cette substance sébacée. Immédiatement au-dessus de cette cellule, se trouve 422 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT un tissu membraneux, très serré, qui la sépare de la cavité adi- peuse, remplie de graisse tout-à-fait semblable à celle de la cellule, mais dont les parois internes, revêtues d’une membrane blanche, sont inégales et divisées par des'lamelles plus ou moins nombreuses entre lesquelles pénètre la graisse. C'est au-dessus de cette cavité, et contigué avec elle, qu'est la cavité folliculaire ou glanduleuse; elle avoisine, par-là, plus qu'aucune autre, le point d’où l’épine sort de sa gaîne et de la peau. Dans cet état de choses, si, après avoir enlevé avec précaution l'épine, l'on cherche les rapports qu'ont entre elles ces diverses cavités, on reconnoît bientôt que la cellule adipeuse ne commu- nique qu'avec le bulbe de l'épine et sa gaîne, par l'intermédiaire des vaisseaux qui les nourrissent , et qu’elle n’a aucune commu- nication ni avec la capsule adipeuse, ni avec la capsule follicu- laire ; que la capsule adipeuse a une communication immédiate avec la capsule folliculaire, mais n'en a point avec la gaîne, et enfin que la capsule folliculaire communique avec la gaîne au moyen d'un petit canal qui a son orifice vers la partie supérieure de celle-ci; mais ce canal n’est pas toujours ouvert : dans le Porc- épic qui a servi à mes recherches, j'ai constamment trouvé son orifice fermé par la membrane interne de la gaîne, qui, à la vérité, étoit très mince en ce point, et le canal étoit lui-même rempli d’une matière jaune et épaisse qui l'obstruoit. Étoit-ce l'effet d'un état maladif? j'ai tout lieu de le penser. De la formation des épines. Les observations que nous venons de rapporter sur les épines et sur les organes qui concourent à leur formation nous pa- roissent donner un moyen simple d'expliquer ces produits orga- DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 423 niques, de montrer la source des différentes matières dont ils se composent et la raison de leur structure tant extérieure qu'inté- rieure. Ainsi il nous paroît hors de doute que toute la matière cornée est produite par la partie inférieure de la membrane interne de la gaîne : elle est en rapport constant et en intime union avec la portion de cette matière qui vient d'être déposée à la base des épines encore incomplètes, et c'est d'elle seule que celles-ci tirent leurs couleurs; car, comme nous l'avons vu, sa couleur est toujours celle de la matière cornée qui est produite, et jamais on n'en remarque de traces sur aucune partie du bulbe; cette matière pénètre dans les stries dont celui-ci estsillonné, et forme ainsi les rayons de l'intérieur de l’épine, qui sont toujours de la couleur de son enveloppe cornée. Le bulbe dépose la matière spongieuse, que Gaultier ne re- gardoië que comme les débris de ce bulbe, et que plusieurs auteurs ont considérée dans les poils comme jouissant d’un cer- tain degré de vitalité (r). Cette matière est incolore, elle ne se dépose qu'après la matière cornée et ne se trouve en communica- tion qu'avec le bulbe. C'est donc à lui seul que son origine peut être attribuée, ce qui est confirmé par ce que j'ai observé sur les plumes, c'est-à-dire le dépôt de leur matière spongieuse par leur bulbe. Quant à l'opinion de Gaultier, elle est évidemment erronée, puisque les débris du bulbe se distinguent toujours très nettement de cette matière; d'ailleurs leur volume est à peine appréciable, comparé au sien : l'on ne doit pas moins rejeter l'idée de vie dans la matière spongieuse; il n'y a certainement (1) Ludwig. Autenrieth. Jourdan. Dict. des sciences médicales, art. PLIQUE. 424 [RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT entre elle et les organes vivants que des rapports mécaniques ; elle est en contact avec le bulbe tant qu'elle est produite, mais bientôt elle en est tout-à-fait isolée, et il est alors impossible de découvrir aucune trace de communication vitale entre elle et les organes voisins. | La gaîne reste active plus long-temps que le bulbe; c'est pour- quoi sans doute la racine n’est plus formée que de matière cornée; et c'est sûrement aussi par cette raison que les épines de la queue prennent la forme tubuleuse peu de temps après leur apparition. Dans ces épines le bulbe cesse bientôt de pro- duire la matière spongieuse, tandis que la membrane interne de la gaîne continue à sécréter la matière cornée; mais je suppose que le bulbe tout improductif qu'il est n’a point disparu, qu'il s'est même agrandi; car je ne puis attribuer qu’à sa présence le diamètre que conserve ou qu'acquiert la gaîne pour former le tube des épines tel qu'il est dans la plupart d’entre elles, c'est- à-dire beaucoup plus grand que la partie de ces épines qui n’est pas tubuleuse; mais ce bulbe doit commencer à s’oblitérer et à disparoître long-temps avant la formation de la racine, ce qui, amenant le retrécissement de la gaîne, produit le long pédicule entièrement corné, qui est un des caractères des espèces d’épines dont nous expliquons la formation. C’est aussi par une légère modification de la membrane pro- ductrice de la matière cornée que se forme le renflement de la racine de toutes les épines; et la terminaison de celles-ci en pointe mousse s'explique assez par la cessation graduelle de l'activité de cette membrane. La capsule adipeuse prend seule part à la formation des épines; sa constance, ses rapports avec le faisceau vasculaire qui nourrit DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 425 le bulbe et contribue sans doute aussi à la nutrition des mem- branes de la gaîne; la protection que celle-ci semble chercher au milieu d'elle, ne permettent guère de douter à cet égard. Les cavités adipeuses et folliculaires ne sont point dans ce cas; ellesne paroïssent être en communication avec la gaine que pour y verser la matière octueuse ou sébacée que cette dernière sé- crête, et qui sans doute ne sert qu'à enduire les téguments : leur influence sur le développement des épines ne peut donc être qu'indirecte, ce qui nous conduit à ne les envisager que comme des organes gecondaires, et par conséquent étrangers à l'objet principal de nos recherches. Jusqu'à présent nous trouvons l'analogie la plus entière entre la production des matières qui composent les plumes et les épines; il reste le mode d'accroissement. Un des résultats aux- quels l'étude des plumes nous a conduit, c'est que leur organe producteur croît aussi long-temps qu'elles croissent elles-mêmes, qu'elles ne doivent leur développement qu'au sien, et que cha- cune de leur partie provient exclusivement d'une partie de l'or- gane qui est né pour elle, et qui cesse d'être active, qui meurt, s'oblitère dès qu'elle est produite. L'analogie conduisoit à penser qu'il en étoit de même de l'organe producteur des épines. En effet, l'étude de cet organe est venue confirmer cette vérité par des faits qui ajoutent encore à l'autorité de ceux qui nous ont servi à l'établir. Non seulement on trouve les restes du bulbe en le suivant le long des rayons cornés de l’intérieur des épines, où ces restes se montrent sous forme de pellicules minces et blan- ches, lesquelles ne sont que les parois des stries où ces rayons se sont en quelque sorte moulés; mais on le retrouve tout entier, enfermé à l'extrémité inférieure des épines, lorsque cette extré- Annales du Muséum, t. 1”, 3° série. 54 426 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT mité se forme et ne laisse plus d'ouverture que pour le passage des restes du faisceau vasculaire ; alors cet organe est réduit aux plus petites dimensions, son activité ayant à-peu-près entière- ment cessé. Ainsi il ne reste pas même hors de l'épine, le léger tubercule que nous avons trouvé à la peau après l’entière forma- tion des plumes. Nous pouvons donc conclure, non plus hypothétiquement, mais d’après des observations précises, et des faits exacts, qu'il existe entre les plumes et les épines l’analogie la plus parfaite; que les unes comme les autres naissent d'organes identiques et sont soumises au même mode d’accroissement; que chez celles-ci la matière cornée est produite par la membrane d’une gaîne, et la matière spongieuse par la surface d’un bulbe, comme chez celles-là; que l'accroissement des secondes, comme celui des premières, ne se fait que par l'accroissement même de ces or- ganes sécréteurs des matières cornées etspongieuses ; que, si l’on ne trouve ni membranes striées ni cloisons dans l'organe pro- ducteur des épines, c’est que celles-ci n’ont pas de barbes, que c'est par la même raison sans doute que les épines tubuleuses ne renferment point les cônes membraneux qui se trouvent dans la partie tubuleuse des plumes; enfin, que c'est exclusivement de la forme de ces organes que résultent les formes des épines qui, comme les plumes, se produisent dans un véritable moule. Des poils. Me voici arrivé au point où tendoient en grande partie mes recherches sur les téguments; je puis, aidé de l’analogie et de l'induction, étendre ces recherches sur les poils, et suppléer, par les observations que j'ai pu faire, celles qu'il ne m'a pas même été DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 427 * ermis de tenter, à cause de la petitesse des corps qui en auroient fait l'objet, et des difficultés de leur analyse, que les moyens actuels de l'anatomie n’ont point encore surmontées. Mes observations sont cependant très restreintes en comparai- son du champ qu'elles auroient eu à embrasser pour me faire apprécier les caractères des poils dans la classe entière des mam- mifères, et établir leur rapport avec les autres caractères de ces animaux. C’est que cette dernière tâche, comme on peut le conce- voir par son étendue, ne peut être que le résultat d'une longue succession de recherches. J'ai dû me borner à montrer la nature et l'importance de ces rapports, et c'est ce que Je crof avoir fait au moyen des exemples assez notables sur lesquels toutes mes déductions reposent. Le vêtement du plus grand nombre des mammifères se com- pose de deux sortes de poils : de poils laineux et de poils soyeux. Les premiers constituent la partie la plus fine du vêtement; celle qui semble sur-tout destinée à préserver les animaux du froid et qui se développe, sans comparaison, plus abondamment sous l'influence des régions polaires, que sous l'influence des régions équatoriales. Ces poils, chez les animaux sauvages, sont ordinairement frisés, cachés sous les poils soyeux et peu colorés. Je les regarde comme les analogues des poils proprement dits du Porc-épic. Les seconds, les poils soyeux , forment principale- ment la robe extérieure des animaux; c'est à eux que cette robe doit sa couleur, et dans l'état de santé, ils ont un lustre, un éclat que n’ont point les autres. Ce sont ces derniers poils seuls qui doivent m'occuper ici. L'analogie des épines des Porcs-épics et des poils soyeux est si évidente qu'elle n’a jamais été mise en question. La composition L 428 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE /ET LE DÉVELOPPEMENT 22 des uns et des autres est identique, à peu d’exceptions près, qui d'ailleurs s'expliquent; leurs seules différences tiennent aux formes, et ces différences se retrouvent entre les poils eux- mêmes. Enfin on trouve despoils soyeux de toutes les grosseurs ; on les voit passer graduellement:du diamètre le plus fin, et de la flexibilité la plus grande à l'épaisseur et à la rigidité d’une véri- table épine. Le plus grand nombre se compose extérieurement d'une enveloppe compacte, dure, souvent colorée, qui a tous.les caractères de la corne, et intérieurement d'une substance po- reuse, molle, ordinairement blanche, d'une nature peut-être particulière; ils naissent d'organes spéciaux, et se montrent au- dehors après avoir traversé le derme en tout ou en partie. Or, de tant de ressemblance entre les produits, on peut à juste titre conclure-celle des organes qui produisent sans sortir des limites d'une légitime induction. Nous sommes done autorisé à admettre que les poils sont aussi produits par une membrane extêrne, avec gaîne, qui sé- crête la matière cornée, et par un bulbe interne qui sécrète la matière spongieuse, et que cest à la gaîne que les poils doivent leurs formes extérieures, et au bulbe leurs formes intérieures, d'où il suit que la nature et la forme, qui sont visibles dans les poils, représentent et révélent la nature et la forme de leur organe producteur qui sont peu apparentes; mais cette su pposi tion n'est pas même entièrement nécessaire : on reconnoît, sans trop de difficultés, même dans des poils assez fins et sur-tout dans les moustaches (1), la gaîne et le bulbe, qu'on ne peut voir sans des secours qui n'ont point été à ma portée; ce sont les (1) Gaultier. DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 429 détails de structure de ces organes, qui rendroient raison direc- tement des détails de structure des poils; mais à l’aide d'un microscope convenable on les apercevroit, sans aucun doute, comme ils nous sont indirectement donnés par les poils. Ces détails sont très variés, et les différences qu'à cet égard les poils nous présentent sont fort nombreuses, sur-tout lorsqu'on les considère dans les trois parties dont chaque poil se compose, dans sa racine, sa pointe et son corps, c'est-à-dire la partie qui se trouve entre la pointe et la racine. En effet la racine peut être aiguë, obtuse, renflée ou tubuleuse; la pointe effilée, aiguë, mousse, tranchante; le corps long ou court, mou ou flexible, rigide ou épineux, filiforme ou fusiforme, rond, ovale, plat, en chapelet, en gouttière, lisse ou strié à sa surface, plein, uni, rayonné ou tubuleux à son intérieur, etc. Or, d’après l'exemple que nous ont donné les épines, rien de si simple que de conclure de ces modifications celles des organes auxquels elles sont dues. Pour ne m'arrêter qu'aux modifications de forme qui sont les plus remarquables, on conçoit qu'en effet l'organe producteur d’un poil arrondi d'un côté et creusé en gouttière de l'autre, comme sont ceux des échimys, soit formé d'une gaîne et d'un bulbe dont la coupe présenteroit, l'un les contours, l’autre la figure entière d’un croissant; que celui d’un poil rayonné inté- rieurement et lisse à l'extérieur, comme sont ceux des dicotyles, soit formé d’une gaîne lisse et d’un bulbe strié; que celui d’un poil fusiforme commence par être très petit, s'agrandisse pro- gressivement, et se rapetisse de même en approchant de sa ter- minaison ; que celui d’un poil très long ait un-principe d'activité d'une durée plus grande que-celui d’un poil court, etc. Les modifications de l'organe producteur des poils ne se bor- 430 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT nent pas seulement aux formes, celles des poils ne s’y bornant pas elles-mêmes; elles s'étendent jusqu'à leur nature intime: ainsi la gaîne peut être active sans que le bulbe le soit, et réci- proquement, et l'activité de l’une peut l'emporter de beaucoup sur l'activité de l'autre, comme nous l'avons vu sur les épines tubuleuses qui garnissent la queue du Porc-épic, ce qui explique de la manière la plus naturelle les caractères anomaux de cer- tains poils et celui que présentent toutes les racines peut-être, lequel consiste, comme on sait, en ce qu'elles ne sont jamais formées que de matière cornée. Dans ce dernier cas le bulbe devient improductif, tandis que l’activité de la gaîne se con- serve ; et comme le diamètre de celle-ci n’est plus déterminé par la présence du bulbe, ses parois se rapprochent, d'où résulte que toutes les racines ont un bien moindre diamètre que le corps des poils. C’est le cas contraire que nous présentent les poils de l'aï et de l'unau : après avoir déposé de la matière cor- née sur la pointe de ces poils, la gaîne de leur organe producteur perd toute activité, et le bulbe seul conserve la sienne; aussi le corps de ces singuliers poils n’est absolument formé que de matière spongieuse; et c’est par une modification inverse que le tamandua a pour poils des tubes de matière cornée; la gaîne seule de ces poils est productive, et si le bulbe existe, il n'a d'autre effet que d'empêcher les parois intérieures du poil de se rapprocher. S C’est un phénomène analogue qui nous est offert par les longs crins noirs qui garnissent le bout de la queue de la girafe, seu- lement ils n’ont point de canal central; c'est que le bulbe ne concourt peut-être d'aucune manière à leur formation. Les poils de cerfs communs, et de quelques autres ruminants, DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 431 présentent encore une anomalie qui les a toujours fait remar- quer,; ils sont secs et cassants, au point d'avoir été comparés à de la paille; c’est que leur enveloppe cornée est d'une minceur ex-® trême, et leur substance spongieuse remplie d’une cellulosité très lâche ; aussi leur racine, proportionnée au peu de matière cornée sécrétée par la gaîne, est si mince elle-même, si fine, qu'ils tiennent à peine à la peau, et que le plus léger effort les en détache. Par contre, les crins des chevaux, si forts, si élas- tiques, ne sont presque composés que de matière cornée; leur partie spongieuse se présente à leur centre comme un point imperceptible ; aussi leur racine se distingue à peine, par son diamètre, du corps du poil. Sans doute le bulbe de ces poils est extrêmement petit, et leur gaîne a une très grande faculté pro- ductrice. Ces différences dans les organes producteurs des poils per- mettoient d’en supposer d’analogues dans ces organes accessoires, si remarquables chez le Porc-épic par leur étendue et leur com- plication, ainsi que dans les rapports des poils entre eux et avec la peau. En effet, le développement de ces organes sébacés et glanduleux qui accompagnent les épines n'est pas à beaucoup près le même pour tous les poils; il paroît fort restreint pour ceux de petite dimensfon ; et quoique la présence d’une matière grasse paroisse nécessaire à l’activité de l'organe producteur des poils, nous sommes encore réduit à n'admettre que par induc- tion l'existepce des organes spéciaux, qui la sécrètent et la con- tiennent. Cependant, d’après les caractères de certains poils, qui, loin d’être gros, lustrés et flexibles, sont secs, ternes, et facilement pénétrés par l’eau au lieu de résister à son action, on peut croire qu les cavités sébacées et folliculaires n'existent 432 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT pas au nombre des organes qui concourent secondairement à leur formation. C’est sans doute à l'exiguité de ces organes accessoires et des poils eux-mêmes, qu'il faut attribuer les différences qui existent entre les points où ceux-ci prennent naissance ; car tous les poils soyeux ne se développent pas sous le derme. S'il en est qui nais- sent au-delà de ce tégument, comme ceux des Porces-épics, il en est aussi qui naissent dans son épaisseur et à des profondeurs différentes, tellement que ceux du hérisson descendent jus- qu'aux couches les plus profondes, tandis que ceux de la plu- part des cerfs ne tiennent qu'aux plus superficielles. Malgré ces variations et ces anomalies dans les rapports des poils avec la peau, le système pileux n'en doit pas moins être considéré comme indépendant de tout autre, et non point comme faisant essentiellement partie de celui du derme, ainsi qu'on l'a fait jusqu'à ce jour. L'exemple du Porc-épic, par ce qu'il a de positif et de précis, suffiroit seul pour établir cette vérité, à moins qu'on ne voulût nier l'analogie des poils et des épines. Mais elle trouve une nouvelle autorité dans cette variété même de points, d'où les poils se développent suivant les espèces ; car si l'on nioit que les épines fussent des poils, à cause qu’elles ne naissent pas où naissent les poils du hérisson par exemple, il faudroit nier que les poils de ce dernier sont analogues à ceux du cerf, parceque les poils de celui-ci naissent plus superficiel- lement que ceux de celui-là. Au reste, elle se trouve encore con- firmée par des faits importants : par l'origine de plusieurs parties cornées, et sur-tout des pennes qui, sous ce rapport, sont tout-à- fait indépendantes de la peau, sur-tout aux ailes des oiseaux de haut vol. DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 433 Les poils nous présentent un quatrième genre de variations dans les rapports qu'ils ont entre eux. Nous avons vu que chez le Porc-épic les épines sont disposées par séries, composées de sept, neuf, ou onze épines. Ces rapports ne sont pas les mêmes chez tous les autres mammifères. Un grand nombre d’entre eux paroît avoir les poils uniformément disséminés dans la peau; mais un grand nombre d’autres les a disposés aussi par séries, et ces séries peuvent être différentes pour le nombre des poils, suivant les espèces. Ainsi le bouc, le mouton, ne présentent point de séries distinctes, tandis que chez le paca elles sont for- mées de trois poils. Il me resteroit à considérer une dernière modification des poils, celle de leurs couleurs; mais, outre que la véritable ori- gine de ces couleurs n'est pas connue, quoiqu'on sache qu’elles sont déposées par la gaîne, c'est un sujet si étendu et qui néces- site des expériences d'une nature si particulière pour apprécier les causes, soit constantes, soit successives, des variations que les poils éprouvent dans leur coloration, que je n’eu puis traiter ici. D'ailleurs les couleurs des poils n’appartiennent pas à un ordre de phénomènes aussi élevé que la structure, la formation, ou les rapports de ces produits organiques. Il est bien connu que des causes, même assez légères, peuvent faire changer la couleur des poils; mais je n’en connois aucune qui soit capable de les modifier sans les détruire, ni dans leurs formes essen- tielles, ni dans leurs relations entre eux ou avec le derme. Si actuellement nous passons du point de vue organique qui nousa conduit à établir les faits précédents au point de vue zoolo- gique qui doit être en définitive notre principal objet, la pre- mière et la plus importante des considérations quise présente, c'est Annales du Muséum, t. I”, 3° série. 55 434 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT que, jusqu'à ce jour, les poils n’ont point occupé dans nos moyens de classifications le rang qui leur est dû, qu'ils doivent pré- senter des caractères d’un ordre plus élevé qu'on ne l’a commu- nément pensé, et indiquer des rapports d’une nature supérieure à ceux qui constituent les espèces. Cette considération repose principalement sur ce fait, que les poils ne font point essen- tiellement partie du derme, qu'ils ont un principe spécial d’exis- tence, et appartiennent à un système d'organe non moins re- marquable par sa complication que par son étendue, lequel peut s'associer au derme et se développer dans différents points de son épaisseur; mais qui, même alors, ne se confond point avec lui, et conserve sa nature particulière. L'importance des poils trouve de nouvelles preuves dans le phénomène de la mue: personne n'ignore que cette chute pé- riodique des poils a besoin de jeunesse et de vigueur pour se faire facilement, que l’âge et la foiblesse sont presque toujours des causes de désordre pour elle, et que son irrégularité ou son imperfection sont toujours des symptômes fâcheux, et quelque- fois précurseurs de la mort : or un système d’organe qui ne tiendroit pas profondément àl'existence d’un animal, n’exigeroit point de semblables conditions pour satisfaire au vœu de la na- ture, et le trouble de ses fonctions ne présenteroit point de tels effets. Parmi les altérations importantes que présentent les poils, il en est une sur-tout qui doit m'arrêter un moment, parceque jusqu'à ce jour elle est restée fort obscure, et que la formation des poils, comme je viens de l'établir, en donne une explication très naturelle; il s'agit de la plique, c'est-à-dire des maladies singulières qu'on a désignées sous ce seul nom, et qui ne sont pas moins niées par les uns qu'elles sont affirmées par les autres, DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 435 lesquelles consistent ou dans un développement excessif des poils ou dans la matière sanguinolente qu'ils répandent lorsqu'on les divise, lorsqu'on les coupe, et même, dit-on, dans leur sensi- bilité. En effet, il ne faut dans l'organe producteur des poils qu'une activité plus grande que celle qui lui est ordinaire, pour que ceux-ci acquièrent une longueur qui surpasse de beaucoup leur longueur commune; et un état maladif du bulbe suffit pour rendre raison de la seconde espèce d'altération. C'est, nous n'en doutons pas, un exemple de ce genre qui nous a été offert par le bulbe d’une plume dont nous avons donné la description et la figure dans notre Mémoire sur la structure des plumes et leur développement (fig. 7, 8 et 9). Cependant ces preuves de l'importance des poils, suffisantes sans doute, en général, ne le seroient pas dans le point de vue zoologique ; il faut que le principe que nous avons établi reçoive son application dans cette science même, et que l'expérience montre qu'en effet des poils de structure différente ne s'asso- cient pas naturellement dans le mème genre; or ces preuves sont déja nombreuses. C’est principalement par les formes des têtes que nous avons été conduit à diviser les animaux qu'on réunissoit sous le nom commun de Porc-épic ; nous aurions pu y être conduit par la structure des poils, car tous les Porcs- épices d'Amérique ont leurs épines sans rayons intérieurs, tandis que tous les Porcs-épics de l'ancien monde, au contraire, ont leurs épines rayonnées intérieurement. Les dycotiles offrent les mêmes différences comparées avec le cochon, auquel ils ont été si long-temps réunis: les premiers ont des poils rayonnés à l'intérieur, tandis que les seconds les ont sans rayons; et c'est encore une observation de cette espèce que nous présentent les 436 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT phoques, que nous avons partagés.en plusieurs genres. L'échi- mys dactylin qui est couvert de poils soyeux filiformes, tandis que les autres échimys sont revêtus de poils épineux, creusés en gouttière d'un côté et arrondis de l’autre, ne se trouve avoir ni le système de dentition, ni la forme de tête, ni même les organes des mouvements de ces derniers; il constitue le type d'un genre nouveau, voisin de celui des échimys peut-être, mais essentiellement différent; et j'en dirai autant du Porc-épic à queue en pinceau, si remarquable par les épines en forme de chapelets dont sa queue est revêtue, et qui avoit été placé tantôt avec les Porcs-épics, tantôt avec les rats; car il ne diffère pas moins des uns et des autres par ses dents et sa tête que par ces singuliers poils. Au reste, nous présenterons dans un second Mémoire le tableau des caractères des poils chez tous les animaux où jai pu le rechercher, lequel confirmera abondamment ce qu'éta- blissent sans restriction les faits précédents. La simple obser- vation conduisoit donc tout aussi bien que le raisonnement à placer les poils, envisagés comme ‘caractères zoolopiques, dans un rang bien moins subordonné que celui qu'ils ont oc- cupé jusqu'à présent dans nos méthodes. Je considère le sys- tème organique dont ils dépendent et qui les produit, comme analogue à celui des sens, et même comme en faisant partie, car les poils sont pour un grand nombre: d'animaux un organe très délicat et très fin du toucher; et ce ne sont pas seule- ment les moustaches qui nous en donnent la preuve, on peut l'obtenir des poils de toute la surface du corps. Le plus léger at- touchement, celui que produitun cheveu, suffit pour qu'à l'instant même certains animaux, les chats, par exemple, contractent et DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC. 437 fassent frémir leur peau, comme ils font toujours pour se dé- barrasser des corps légers qui s’y attachent, et dont le toucher leur fait connoître la présence. Ainsi les groupes secondaires que l’on fonderoit dans les genres naturels sur la structure ou les rapports des poils, me paroîtroient être absolument du même ordre que ceux qui ont été fondés sur la structure des sens, sur la forme de la pupille, la présence ou l'absence d'un mufle, l'existence ou la non existence d'une oreille externe, les papilles aiguës et cornées, ou les papilles douces de la langue, etc., etc. Je n’étendrai pas plus loin mes considérations sur les poils et sur les faits qui leur servent de fondement. Je n'ai voulu éta- blir qu'un principe, et non point en tirer toutes les consé- quences. L'examen détaillé des poils promet encore d'impor- tantes observations, soit qu'on les examine dans le phénomène de la mue ou dans les effets des différents agents qui sont propres à les modifier, et même anatomiquement. Mais il est sur-tout un point dont je n'ai pu encore m'occuper d'une ma- nière spéciale, et que je dois signaler. Il s'agit des poils laineux que je n'ai fait que caractériser, et dont il seroit d'autant plus important de rechercher l'origine et la nature, qu'outre la part qu'ils prennent à l'existence des mammifères, ce sont eux qui constituent nos plus belles fourrures qui sont principalement employées à la fabrication de nos étoffes les plus utiles et les plus précieuses. Or ces poils laineux qui forment la toison de nos races de moutons d'Europe, le duvet de chèvres de cachemire, et peut-être le vêtement des vigognes, des alpacas, etc., paroissent susceptibles d'être produits, d’être favorisés dans leur dévelop- pement, par des moyens qui sont en notre puissance; car nous voyons, entre quelques phénomènes naturels et leur produc- & 438 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LE DÉVELOPPEMENT, ETC. tion ou leur disposition, une concomitance, une liaison, qui semblent tout-à-fait indiquer les rapports de la cause à ses effets. L'on peut donc présumer avec fondement que de la con- noissance de ces moyens ou de ces causes, et de leur application à diverses espèces de mammifères, naîtroient pour l'industrie et le bien-être des hommes des ressources nouvelles aussi nom- breuses que variées. N. Annales du Muséum . UTSE n PR P + Wérner del FPlée se. Anatorue de l'Epine du lorc-cpi d'late. EXPLICATION DES FIGURES DE L'ANATOMIE DES ÉPINES DU PORC-ÉPIC D'ITALIE. Fig. 1. Deux séries d’épines, vues en dessous, et dont les racines sont enve- loppées en (a) et (b) par les organes accessoires à la production des épines. Ces organes sont en partie cachés dans le tissu cellulaire. Ceux qui se présentent sous forme cylindrique sont des cellules adipeuses; ceux qui sont au-dessus, et de forme sphérique, sont les cavités adipeuses et folliculaires. Fig. 2. Goupe transversale d’une épine sur laquelle on voit le cercle noir de matière cornée, et les rayons de même couleur. La matière spon- gieuse et blanche remplit le reste de l’épine. Fig. 3. Épine. (a) Sa pointe. (b) Sa racine. (c)Son corps. Fig. 4. Épine tubuleuse de la queue dans son état d'intégrité, c’est-à-dire avant la rupture de sa pointe. Fig. 5. Épine à la partie inférieure de laquelle se trouvent attachées les deux membranes de la gaîne (a), membrane interne, (b) membrane externe, (c) portion du derme. Fig. 6. Gaîne avec ses deux membranes, (a) membrane interne, (b) mem- brane externe, (c) derme, (d) bulbe. Fig. 7. Épine ouverte à sa base. On voit en (a) le bulbe dans un état rudi- mentaire, et en (b) les lames membraneuses, résidu des stries qui les recouvroient dans son état d'activité compléte. Fig. 8. Coupe longitudinale et dans leur situation naturelle, des organes accessoires à la formation des épines. (a) Cellule adipeuse. (b) Ca- vité adipeuse. (c) Cavité folliculaire. (d) Orifice de cette dernière cavité. (e) Gaîne d’où l'épine a été arrachée. Fig. 9. Épine dont la racine n’est point encore formée, ouverte par sa base, et présentant en (a) son bulbe en pleine activité et couvert de ses stries. La gaîne est ouverte et renversée sur les côtés. En (b) est la membrane interne. En (c) la membrane externe. En (d) la cellule adipeuse. En (e) le derme. La lettre (z) indique, dans toutes les figures, le prolongement des vais- seaux et des nerfs qui se rendent au bube, et qui sont encore enveloppés par la membrane externe. AN cs. ai eu SA cut 15h ass PA Hi 4 “rod ae LA ik DESCRIPTION DES CARACTÈRES * PROPRES AUX GENRES GRAPHIURE ET CERCOMYS DE L'ORDRE DES RONGEURS. PAR M. F. CUVIER. J'ai publié, dans la soixantième livraison de mon Histoire na- turelle des Mammifères, la description de deux rongeurs que j'ai donnés comme les types de deux genres, lun sous le nom de Graphiure du Brésil, l’autre sous celui de Cercomys du Cap; mais la nature de cet ouvrage ne me permettant pas d'entrer dans des détails assez étendus pour faire connoître ces animaux comme types de divisions génériques, je vais suppléer ici à ce qui manque sous ce rapport à ma première description, en accompagnant de figures celles des parties organiques qui me paroiïssent caractériser ces deux genres et les distinguer de ceux avec lesquels ils ont des affinités. L'ordre des rongeurs est chez les mammifères celui qui, relati- vement à la classification, présente le plus de difficultés au zoologiste, et cette observation est sur-tout applicable à certaines familles de cet ordre. La nature semble s'être plu chez ces ani- maux à multiplier les modifications organiques secondaires, sans modifier les fonctions, de sorte que, jusqu'à présent, il est très peu de ces modifications dont l'influence sur la vie ait été appréciée, et dont on ait déterminé l'importance dans la vue des rapports que ces animaux ont entre eux. Pour cet effet, de nom- Annales du Muséum , t. I‘, 3° série: 56 A2 DESCRIPTION DES GRAPHIURE ET CERCOMYS breuses observations sur la vie etles systèmes organiques des ron- geurs seroient encore nécessaires; aussi est-ce pour concourir à ce travail que j'ai donné les animaux dont je viens de parler comme des types de genres nouveaux plutôt que comme les types d'espèces nouvelles. J'ai cru devoir en agir ainsi par un principe qui me paroît plus propre à favoriser les progrès de la science que le principe contraire, par la raison que la formation d’un genre nécessite des descriptions beaucoup plus étendues que l'établis- sement d'une espèce rapportée à un genre connu ; car, dans le premier cas, on: est conduit à étudier les organes afin d'en ap- précier les formes diverses et de déterminer l'importance de celles-ci, ce qui n’a pas lieu dans l’autre, où tous les caractères génériques étant éliminés et supposés connus, il ne reste plus à considérer que les parties organiques les plus superficielles. D'ailleurs l'introduction d'une espèce anomale dans un genre naturel en détruit l'unité, ou, si le genre est artificiel, ne fait qu'ajouter à son imperfection. Ce principe suppose, à la vérité, qu'une limite a été tracée entre les caractères génériques et les caractères spécifiques, ce qui n’est point encore à beaucoup près pour les rongeurs, comme je l'ai dit plus haut; mais, outre que ce cas ne feroit qu'ajouter de la force aux raisons que je viens d'exposer, le naturaliste alors a pour guide les analogies que lui présentent les branches de la science plus avancées, et heu- reusement dans plusieurs ordres de mammifères cette limite a été nettement tracée. Chez eux l'importance relative des divers systèmes d'organes et de leurs modifications a été appréciée, et, aux caractères qui appartiennent à un animal dans ces ordres, on peut toujours déterminer la place qu'il doit occuper dans la série à laquelle ilappartient. Au.surplus il seroit possible que les DE L'ORDRE DES RONGEURS. 443 rongeurs fussent dans le même cas que les oiseaux de certains ordres, que leurs genres ne différassent point par des caractères tranchés, mais se rapprochassent les uns des autres, de manière à se fondre. Alors le but de la méthode ne seroit plus de don- ner un type absolu à chaque genre, mais d'établir, par les modifications graduelles des espèces, les rapports des genres entre eux et les points mêmes où ils viennent se confondre. S'il en étoit ainsi, ce seroit une raison de plus à ajouter à celles que j'ai déja données pour justifier la détermination que j'ai prise de publier comme types de deux genres les deux espèces nouvelles que j'avois à décrire ; et j'ai eu peu d’égard à la crainte d'ajouter deux noms nouveaux à la zoologie en parlant d'objets nouveaux; les noms génériques font la richesse des sciences quand ils sont fondés sur de bonnes raisons; et c'est moins leur multiplication que leur confusion qui est à redouter; or cette confusion résulte sur-tout de noms divers donnés aux mêmes êtres. Du genre Graphiure. L’espéce de laquelle j'ai tiré les caractères de ce genre a été considérée par M. Desmarest comme un loir, et en effet en n'examinant cet animal qu'extérieurement (et M. Desmarest n'a pas été à portée de le faire autrement), c'est aux loirs qu'on devoit le réunir; ses formes et ses proportions rappellent les leurs, ilen est de même des organes du mouvement et du pelage, et sa queue couverte de longs poils se termine en pinceau comme celle du lérot; cette espèce a même sur les côtés de la tête la tache noire qui caractérise en partie ce dernier animal; mais lorsqu'on descend plus profondément dans l’organisation du Graphiure, 444 DESCRIPTION DES GRAPHIURE ET CERCOMYS on trouve entre lui et tous les loirs connus des différences assez grandes et plus considérables que celles qui distinguent ceux-ci lesuns des autres, quoiqu'ils ne forment pas un genre aussi natu- rel à beaucoup près que les rats par exemple, ou que les liévres. C'est ce que nous allons exposer en détail; mais en nous ren- fermant dans les systèmes organiques de l'alimentation et des sens, les seuls que nous ayons été à portée d'étudier. Les naturalistes connoissent quatre espèces de loirs (Myoxus): le loir proprement dit, M. Giglis; le lérot, M. Nitela ; le mus- cardin, M. Avellanarius ; et le loir du Sénégal, M. Coupe. Les autres espèces qui ont été rapportées à ce genre sont douteuses. Chez tous ces animaux la grandeur des quatre mâchelières qui se trouvent de chaque côté des deux mâchoires, est, comparati- vement à celle de tous les autres rongeurs, dans les proportions de la grandeur de leur corps, et la série de ces dents commence au moins à la base de l'apophyse zygomatique du maxillaire. Dans le Graphiure, qui par sa taille surpasse celle du lérot, ces dents ont à peine le tiers de la grandeur de celles de ce loir; elles sont même à peine de moitié aussi grandes que celles du muscardin qui est de moitié plus petit que le Graphiure, et leur série ne commence que fort en arrière de l’apophyse du maxil- laire. A la vérité chez le Graphiure comme chez les loirs, les mâchelières ne paroissent formées que d’une seule substance compacte et blanche; de sorte que quoique sillonnée on n'y aperçoit pas les rubans d'émail qui caractérisent les mâchelières composées, lesquelles, outre la substance émailleuse, contien- nent encore de la substance osseuse. Chez le loir, le lérot, et sär-tout le muscardin, la face anté- rieure de l’apophyse zygomatique du maxillaire présente une DÉ L'ORDRE DÉS RONGEURS. 445 large surface à l'attache du muscle mandibulo-maxillien, tandis que chez le Graphiure ce muscle n’a pour attache dans cette apophyse que le bord inférieur de celle-ci, et cette apophyse, au lieu d'être relevée et de former un angle droit avec la partie antérieure du maxillaire, ne forme qu’un angle très ouvert par son renversement en arrière, ce qui en outre restreint de beau- coup la cavité zygomatique, et par conséquent l'épaisseur du crotaphite. L'arcade zygomatique elle-même présente dans les trois espèces de loirs des différences notables, comparées à celle du Graphiure: chez eux elle est relevée fort au-dessus de la partie dentale du maxillaire, au contraire chez le dernier elle est à-peu-près au niveau de cette partie. Il résulte de ces diverses circonstances, les seules qui me paroissent dignes de remarque, que le Graphiure a une puissance de manducation très foible, comparativement à celle des loirs. Si actuellement nous cherchons à reconnoître les rapports de cette première partie du système de l'alimentation avec le canal alimentaire, c'est-à-dire avec l'estomac et le canal intestinal, nous arrivons à des résultats non moins remarquables. D'abord le Graphiure, comme les loirs, est tout-à-fait privé de cœcum, ensuite le canal intestinal chez les uns comme chez les autres est d'un diamètre et d'une structure à-peu-près uniformes dans toute sa longueur, de sorte qu'à cet égard les petits et les gros intestins ne se distinguent pas. La première différence qui se fait remarquer est dans le diamètre de ce canal; on le trouve sous ce rapport proportionnel à la taille des animaux, chez le loir, le lérot, et le muscardin, tandis que chez le Graphiure il est deux ou trois fois plus large même que celui du loir. Sa longueur, chez le Graphiure, est d’un pied quatre pouces, c'est-à- 446 DESCRIPTION DES GRAPHIURE ET CERCOMYS dire semblable à celui du muscardin, et par conséquent de plus de moitié plus court que celui du lérot, qui a trente-trois pou- ces, et que celui du loir, qui en a quarante. L'estomac, d'une forme à-peu-près hémisphérique lorsqu'il est rempli, chez le lérot et le muscardin, est partagé chez le pre- mier en parties égales par le cardia, et le pylore se trouve à l’ex- trémité de la partie droite. Chez le muscardin, le pylore et le cardia sont beaucoup plus rapprochés. Chez le loir, l'estomac replié sur lui-même, présente deux parties montantes, la gauche ou la partie cardiaque, qui est la plus grande, et la droite, qui est la partie pylorique. Chez le Graphiure, l'estomac approche beaucoup de celui du lérot pour la forme et les rapports du py- lore et du cardia, mais il est près de deux fois plus grand. Ainsi, excepté par l'absence du cœcum, le canal alimentaire du Gra- phiure diffère complétement de ceux des loirs; il ne leur est proportionnel ni pour le diamètre, ni pour la longueur, et ce que dans le premier cas il semble gagner pour la faculté diges- tive, il paroît le perdre dans le second ; de sorte qu’au total il reste inférieur, quant à cette faculté induite des formes et des proportions propres aux trois principales espèces de loirs; car ni le foie, ni le pancréas, ni la rate de ces animaux, ne nous ont présenté de modifications propres à infirmer ce résultat. Nous n'ignorons pas combien d’autres recherches seroient nécessaires pour porter, sur la question qui vient de nous occuper, un ju- gement absolu ; aussi n’envisageons-nous comme fondée la solu- tion que nous en donnons que relativement aux parties que nous avons été à portée d'examiner. Des recherches ultérieures pourront compléter ce simple et foible essai d'anatomie zoolo- gique; mais nous croyons important, sur-tout pour les ron- DE L'ORDRE DES RONGEURS. 447 geurs, d'apprécier les rapports des dents avec le canal alimen- taire. Passons actuellement au système organique des sens. Exté- rieurement, les organes des sens du Graphiure, comparés à ceux des loirs, ne présentent aucune modification de laquelle on puisse conclure un changement dans les fonctions. Les sens sont la branche de la science où l'obscurité la plus profonde règne encore; et si cette assertion est vraie, à peu d’exceptions près, pour tous les genres de mammifères, elle l'est sur-tout pour la plupart des rongeurs, qui, quoique différant extrêmement par les organes de l'alimentation et par ceux du mouvement, ne paroissent point différer par ceux des sens. Nous n'avons donc d'inductions à tirer sur ce point, que de l'examen des parties osseuses de la tête qui entrent dans la composition de ces der- niers organes, où quelques modifications deviennent sen- sibles, sans que pour cela toutefois on puisse en mesurer exactement l'influence. Nous sommes donc encore dans cet ordre de faits à-peu-près exclusivement sous le joug de l'empi- risme, et les notions qui seroient nécessaires pour faire appré- cier les fonctions des sens, sont de telle nature qu'il est à craindre que de long-temps encore nous ne puissions nous soustraire à ce joug. Quoi qu'il en soit, les observations que nous présentent les parties osseuses de la tête du Graphiure sont suffisantes pour qu'il nous paroisse nécessaire de faire connoître les principales. Chez cet animal, les o$ du nez s'avancent jusqu'au-dessus de l'os cri- bleux; les frontaux, à-peu-près aussi larges que longs, se ter- minent en arrière par une ligne droite; les pariétaux forment un parallélogramme presque régulier, et les temporaux, dont la 448 DESCRIPTION DES GRAPHIURE ET CERCOMYS largeur est à la longueur comme un à quatre, sont circonscrits postérieurement par une ligne verticale, et antérieurement par une ligne oblique dont la partie inférieure est la plus avancée; la caisse ne se prolonge pas au-delà de l'apophyse zygomatique du temporal, et ne descend pas jusqu'à l’apophyse épineuse de la mâchoire inférieure; enfin la largeur de la capacité cérébrale est à sa longueur dans le rapport de sept à neuf, et la longueur du crâne est à celle du museau comme neuf sont à six et demi. Chez le loir, le lérot, et le muscardin, les os du nez se prolon- gent sensiblement moins en arrière; les frontaux se terminent en un angle fort aigu chez le loir, en un angle plus ouvert chez le lérot, et en un demi-cercle chez le muscardin; les pariétaux plus larges postérieurement qu'antérieurement chez le loir, et très alongés, se terminent à leurs deux extrémités par des lignes obliques qui convergent sur la ligne moyenne; chez le lérot, avec des proportions moins alongées que chez le loir, ils se ré- trécissent subitement en avant, et finissent en arrière par une ligne droite terminée à ses deux extrémités par un petit prolon- gement; et, excepté par cette dernière particularité, ceux du muscardin ne diffèrent pas notablement de ceux du lérot. Les temporaux, très longs aussi en comparaison de leur largeur chez le loir, présentent postérieurement un angle droit, et anté- rieurement une ligne oblique dont la partie la plus avancée est la supérieure. Très irréguliers dans le lérot et le muscardin, ils sont remarquables par leur moitié antérieure, qui est très large, comparativement à la postérieure, et par l'échancrure que celle- ci présente à sa terminaison chez le lérot. La caisse, chez le loir et le lérot, s’avance au-delà de l'apophyse zygomatique du tem- poral, et descend au-dessous de l'apophyse épineuse de la mâ- DE L'ORDRE DES RONGEURS. 449 choire inférieure. Chez le muscardin, la caisse se rapproche des proportions de celle du Graphiure; enfin la largeur de la capacité cérébrale est à sa longueur dans les rapports suivants: chez le loir, comme sept sont à dix et demi; chez le lérot, comme six et demi sont à huit trois quarts: chez le muscardin, comme cinq sont à sept, et la longueur du crâne est à celle du museau chez le premier, comme dix et demi à sept un tiers; chez le second, comme huit trois quarts à six, et chez le troisième, comme quatre à sept. Du genre Cercomys. Le Cercomys du Brésil est, à l'égard des échimys, dans les mêmes rapports que le Graphiure à l'égard des loirs. Plusieurs ressemblances l'en rapprochent, et plusieurs différences l’en éloignent; il s'agiroit donc de déterminer lesquelles sont les plus importantes; mais à cette difficulté s'en joint une autre non moins embarrassante, que nous avons aussi rencontrée dans la comparaison du Graphiure avec les loirs: c’est que les espéces du genre échimys, n'ayant point entre elles le degré de ressemblance qui existe entre les espèces des genres très naturels, ce qui, par rapport au Cercomys, est ressemblance pour les unes, est diffé- rence pour les autres, et réciproquement. Comme je l'ai dit plus haut, nos connoissances sur les rongeurs ne sont point assez avancées pour résoudre ces difficultés ; et dans ce cas, l'exposé et la comparaison des faits sont la seule méthode quireste à suivre, en attendant que les observations soient assez multipliées pour conduire à une solution quelconque de la question que ces diffi- cultés font naître. Je vais donc considérer le Cercomys comme Annales du Muséum, t. \', 3° série. 57 450 DESCRIPTION :DES-GRAPHIURE. ET, CERCOMYS jai considéré le Graphiure, seulement je ne pourrai:le faire que relativement aux différentes parties de la tête. Les espèces que les naturalistes rangent aujourd'hui dans:le genre échimys, formé par M. Geoffroy Saint-Hilaire, sont déja au nombre de huit à dix. Un des principaux caractères auquel on s'est arrêté pour la formation de ce genre consiste ‘dans les épines dont les parties supérieures du corps sont revêtues; et quoique ce caractère soit d'un ordre. assez élevé, il appartient à des genres différents; aussi ne me semble-t-il pas avoir con- duit à former une réunion naturelle d'espèces; c’est pour ne pas ajouter à ce que ce genre a d'hétérogène que nous en distinguons le Cercomys du Brésil, quoiqu'il ait, comme nous venons de le dire, plusieurs points de ressemblance avec plusieurs des espèces qui constituent ce genre. Au reste, nous sommes loin de con- noître toutes les espéces d’échimys avec assez de détail pour pou- voir comparer leurs caractères à ceux du Cercomys. Celles que nous avons pu étudier sont l'E. dactylin, E. dactylinus, Y'E. à queue dorée, E: cristatus, et VE. didelphoïde, E. didelphoides. Une des premières différences que nous observons entre ces animaux et le Cercomys se trouve dans les dents. C’est ce qui paroîtra évident par nos figures, et nous dispensera d’une des- cription que des formes aussi irrégulières que‘celles de ces dents rendent impossible ; mais on verra en outre que ces échimys, par ce caractère, diffèrent autant les uns des autres, qu'ils diffèrent du Cercomys; car, quelque degré d'usure qu'on sup- pose à ces dents, il est impossible de ramener les formes des unes à celles des autres. Jamais les deux triangles échancrés à leur face externe, dont se composent les mâchelières supé- rieures de l'échimys dactylin, ne prendront la forme circulaire DEL'ORDRÉ DES RONGEURS. 457 des dents analogues du Cercomys, ni celles-ci les proportions des mâchelières supérieures de l'échimys didelphoïde, qui sont du double plus longues que larges, etc. Ces différences épalent au moins celles qui distinguent les porcs-épics des coendous, les capromys' des agoutis, les castors des myopotamies, et surpassent de beaucoup celles qui séparent les écureuils des marmottes, les marmottes des spermophiles, les gerbilles des hamstérs, etc: Aucune différence importante ne's'aperçoit entre la forme des parties de Farcade zygomatique!et leurs rapports entre ellés et les parties voisines lorsqu'on compare la tête du Cercomys avec celles des échimys dactylins et à queue dorée : ainsi, sous le rapport de la manducation, les caractères distinctifs de cette nouvelle espèce consistent exclusivement dans les dents. Les premières observations particulières que présenté là tête du Cercomys, sontrrelativés aux sens, ét consistent dans l'élargisse- ment de la partie antérieure et le prolongement en avant des os incisifs , le prolongement de ceux-ci en arrière des os du nez; la briéveté des pariétaux et leur forme bombée, et la grandeur de l'occipital. Du reste, la capacité cérébrale semblé être la même que chez les échimys. Ces différences particulières en aménent de sensiblés dans les formes générales de la tête, et concourent, avec celles qui résultent des dents, à séparer avec assez de pré- cision cet animal desespèces du genre dont il se rapproche le plus: N'ayant pu étudier que le squelette et la peau du Cercomys, je n’exposerai pas les rapports des organes du système de mandu- cation avec ceux de la digestion, comme je l'ai fait pour le genre Graphiure, etil en sera de même des organes extérieurs des sens, excepté ceux du toucher. Les poils sont de deux sortes, les uns longs, droits, fermes et assez rares, dont la contexture est 452 DESCRIPTION DES GRAPHIURE ET CERCOMYS, ETC. uniforme; les autres courts, fins, doux, et plus épais que les premiers, lesquels paroissent formés d'anneaux alternativement sombres et clairs. Aucune épine ne s'aperçoit parmi ces poils, et l’on sait qu’elles font un des caractères essentiels des échimys. Les premières notions qu'on obtient sur la nature d’un animal qu'on nesuit pas dans toutes les périodes de sa vie; les inductions qu'on en tire quand ces notions ne sont établies que sur d'impar- faites dépouilles ; les rapports qu'on juge exister entre cet animal et les animaux qui paroissent avoir une organisation semblable à la sienne, sur-tout quand on ne connoît encore qu'imparfaite- ment les rapports de ceux-ci, sont des raisons plus que suffi- santes sans doute pour faire sentir qu’un tel animal a besoin d'être étudié de nouveau. C’est donc le cas du Graphiure du Cap et du Cercomys du Brésil. Aussi notre objet, en indiquant l'exis- tence de ces animaux, en décrivant les parties que nous avons pu observer, en essayant de montrer par quels points ils res- semblent, et par quels points ils diffèrent des animaux dont ils se rapprochent le plus, a principalement été de les montrer comme sujets importants de recherches nouvelles, autant par la connoissance plus étendue que nous obtiendrions de leur na- ture, que par les lumières nouvelles que répandroient ces re- cherches sur les deux genres encore imparfaits avec lesquels ils ont le plus d'analosie. a 2.10 “Mate / LA Al Graplhiure et Loir. Pl27 Graphite 7-28 Cercoruys et Echurruys. à Cercormnus et Æclunrus. EXPLICATION DES PLANCHES RELATIVES AUX GENRES GRAPHIURE ET CERCOMYS. PL. 16. Fig. 1. Dents mâchelières inférieures et supérieures du Graphiure. Fig. 2. Dents mâchelières inférieures et supérieures du Loir. Fig. 3. Dents mâchelières inférieures et supérieures du ; Muscardin, grossies. PL. 17. Fig. 1 et 2. Tête du Loir, vue de profil et en dessus. Fig. 3 et 4. Tête du Graphiure, vue de même. Fig. 5 et6. Tête du Muscardin, vue encore de même, PL. 18. L Fig. 1. Dents mâchelières supérieures du Cercomys. Fig. 2. Dents mâchelières supérieures et inférieures de l’Échimys didel- phoïde. Fig. 3. Dents mâchelières supérieures et inférieures de l'Échimys dac- tylin. ù PL. 19. © Fig. 1 et 2. Tête du Cercomys, vue de profil et en dessus. Fig. 3 et 4. Tête de l'Échimys de Gaimar, vue de même. Fig. 5 et 6. Tête de l'Échimys dactylin, vue encore de même. DESCRIPTION GRANDE ESPÈCE DE SQUALE, VOISIN DES LEIÏCHES.' PAR M. A. VALENCIENNES, PROFESSEUR AU MUSÉUM. L'histoire naturelle des grandes espèces de Squales est restée jusqu’à présent peu avancée, parceque ces animaux se tiénnent habituellement dans les vastes bassins des mers, sur-tout vers les pôles, et que ces contrées ne sont explorées que par un petit nombre de naturalistes habiles. Leur volume contribue encore à rendreiles observations plus difficiles. Ceux qui sont pris par lés baléiniérs sont prompte- ment dépécés, et leur foie et leur peau sont seuls conservés x pour les profits de l’armateur du navire. Il arrive de temps en temps que de grands courants, ou l’'ardeur de ces gros animaux à poursuivre les bandés dé’ poissons voyageurs, entraînent ces êtres voraces loin des mers du Nord. Uné fois éntrés dans les anses ou les grandes baies de nos rivières, ils viennent assez souvent échouer sur nos côtes. C'est ce qui arrive également aux grands cétacés engagés dans la Manche, par les courants de l'océan du Nord. Ces énormes mammifères marins sont le plus ordinairement la baleine à ventre plissé, dont il existe au moins deux espèces confondues sous ce nom, et des dauphins DESCRIPTION D'UNE GRANDE’ ESPÈCE DE SQUALE, ETC. 455 de fortes dimensions, tels que l’épaulard ou de petits troupeaux dedelphinus globiceps. Il est malheureusement fort rare que des naturalistes soient prévenus assez tôt: du moment où ces monstres marins se perdent sur la côte pour pouvoir se trans- porter sur les lieux,-et les examiner avec assez de soin pour les faire suffisamment connoître. Aussi leur histoire naturelle et leur anatomie sont-elles encore bien loin d'être complétement connues. Dès que les pêcheurs riverains connoissent la perte d’un de ces animaux, ils Les mettent en piéces poursatisfaire à leurs besoins, malgré les ordonnances royales les plus anciennes et les lois même assez sévères qui existent contre ces sortes de déprédations. La mer a bientôt dispersé le reste du cadavre, .et les naturalistes ne parviennent que rarement à en posséder le squelette. Les grands Squales, habitants du Nord comme les cétacés, suivent les mêmes routes, s'exposent aux mêmes dangers, et subissent souvent le même:sort. Leur poids considérable empêche-presque toujours qu'on ne les transporte, et les pêcheursqui savent n'en tirer que peu de profit, les abandonnent ordinairement après en avoir retiré seulement le foie, toujours très volumineux, et qui leur fournit une assez grande quantité d'huile pour leur propre consom- mation. Quelquefois des hommes curieux en tracent un trait, plus: ou moins exact, et le transmettent à des naturalistes éloi- gnés, qui le font entrer dans leur ouvrage. Mais ceux-ci sont loin de rendre service à l'ichtyologie, en y introduisant sur des données fort incertaines des espèces nominatives qui pren- nent rang dans les catalogues méthodiques. Les descriptions ou les figures de grands Squales, auxquels Pennant, Shaw ont 2 156 DESCRIPTION D'UNÉ GRANDE ESPÈCE DE SQUALE, 1ppliqué le nom de Squalus Maximus, donné par Linné, d'après Otton Fabricius, à un autre grand Squale, en sont des exem- ples. Ces espèces n'ont pas été mentionnées, d’après l'observa- tion immédiate de la nature, et il est probable que l'inexactitude et l'inexpérience du dessinateur ont été assez grandes pour lui faire oublier des parties importantes, destinées à servir de ca- ractères essentiels, telles que la nageoire anale, ou celle qui suit la grande nageoire du dos, et dont la surface est excessi- vement petite relativement au volume considérable de l'animal. De là sont nées les incertitudes que les naturalistes éprouvent encore à l'égard de ces poissons. Le Squalus Maximus de Gunner a été observé sur nature, mais il est évident que l'association faite par Gmelin avec le Squale très grand d'Otton Fabricius n'est pas exacte, et que ces deux espèces étant mieux connues, seront séparées, ou que si on les réunit il faudra faire de nombreuses corrections à leur diagnose et à leur description générale. La dissertation que M. de Blainville a publiée en 1810, sur ces grandes espèces de chondroptéri- giens, dans le cahier du Journal de physique de septembre de cette même année, a commencé à débrouiller cette matière! et a démontré qu'il existe au moins quatre espèces de Squales con- fondues sous le nom de Squalus Maximus. Depuis le travail de M. de Blainville, M. Lesueur a fait connoître un très grand Squale des côtes de l'Amérique septentrionale, sous le nom de Squalus Elephas. Il esttrès voisin du pélerin de M. de Blainville. Nous n'en avons vu que quelques dents envoyées de Phila- delphie par M. Lesueur. Elles ressemblent beaucoup à celles du Squale de nos mers. M. Cuvier, qui semble avoir été toujours servi avec complai- VOISIN DES LEICHES. 457 sance par le hasard, pour toutes ses recherches, soiten anatomie, soit en zoologie, fut encore une fois plus heureux que tous ses devanciers pour voir à Paris un de ces grands Squales, frais et bien conservé. Dans la nuit du 21 novembre 1810, un individu fut pris à Dieppe dans des filets de pêcheurs de harengs, qui le remorquèrent dans le port, au moyen d'un câble noué autour de la queue : l'animal chargé encore vivant sur une voiture fut amené à Paris en fort bon état. Ce poisson, à la prière de M. Cuvier, a été décrit et disséqué cette fois par un zoologiste habile, préparé sur la matière par les travaux antérieurs que jai cités de lui. Une bonne description zoologique et anatomique, jointe à une figure fort exacte, à été publiée dans le tome XVIII des Annales du Muséum. Ge Mémoire, rédigé par M. de Blainville, ne laisse rien à desirer pour la con- noissance de ce sélacien; les zoologistes ont possédé, de ce mo- ment, une base fixe, une donnée certaine sur une des espèces de grands Squales à fentes branchiales si élevées qu'elles remontent jusque sur le haut du cou de l'animal, et y forment des plis comparables à ceux d'un grand manteau. C'est le type de l'es- pèce nommée le Squale Pélerin. Quoique j'aie rencontré une circonstance un peu moins heu- reuse pour observer la grande espèce que je vais décrire dans ce Mémoire, j'ai dû profiter néanmoins avec empressement du hasard qui amena à Paris cet animal, conservé dans une li- queur, préservant de la corruption pendant quatre mois, et par les fortes chaleurs du mois de juin, cette masse énorme de chair. En effet, ce Squale vint échouer à Eure dans la grande baie de l'embouchure de la Seine dans la nuit du 30 mars au 1° avril. L'animal, long de treize pieds, du poids de trois à quatre cents Annales du Muséum, 1. I”, 3° série. 58 458 DESCRIPTION D'UNE GRANDE ESPÉCE DE SQUALE, livres, fut trouvé encore vivant sur le sable, et acheté au Havre, afin de le montrer au public. L'acquéreur s'entendit avec M. Langlois demeurant au Havre, et qui fait commerce de conserver les viandes pour la nourriture des navigateurs de long cours. Le poisson fut mis dans une boîte de bois et ar- rosé par une liqueur noirâtre ayant une odeur très forte d'acide pyroligneux : il y resta avec tous ses intestins dans un état de conservation loin d’être parfaite, car l'animal étoit déja bien ramolli, mais remarquable, eu égard à la longueur du temps, à la chaleur de la saison, et au volume des masses char- nues. Nous avons pu prendre les proportions relatives de ses dif- férentes parties, et le faire préparer : il est exposé maintenant dans nos galeries de zoologie. Ce qui frappe le plus à la première vue de ce poisson, c'est la petiesse extrême de ses nageoires. Il manque d’anale ; la caudale et les pectorales ordinairement si longues et souvent si larges, dans la plupart des espèces de cette famille, sont ici, en quel- que sorte, rudimentaires. Elles doivent donner de très foibles moyens de translation à ce sélacien. Cette conformation prouve assez les affinités que je lui trouve avec les leiches. Aussi je place cette espèce dans ce genre en lui donnant pour nom spécifique une épithète qui rappelle la petitesse de ses nageoires. LA LEICHE AUX PETITES NAGEOIRES. Scymnus micropterus. Nob. Ce grand Squale est encore remarquable par sa forme com- primée et raccourcie, elle l’est moins que celle du humantin (Squalus centrina); mais celui-ci est le seul qui puisse lui être VOISIN DES LEICHES. 459 comparé; tous les autres Squalesont en effet le corps plus arrondi, alongé et aminci vers la queue. Notre Squale, moins raccourci que le humantin, en diffère cependant par la compression du corps de droite à gauche. Il a le museau saillant au-devant de la bouche, comme c'est l'ordinaire dans les poissons de la famille des chondroptérigiens, voisins des Squales; mais au contraire de tous, ce museau est très comprimé comme le corps, tellement que l'épaisseur n'est que la moitié de la hauteur. L’extrémité est obtuse, terminée par une arête mousse, très ronde. À partir du museau la ligne du profilmonte jusque vers l'aplomb de la pectorale, où la courbe du dos a atteint son plus haut point d'élévation ; au-dessus de l'évent la ligne décrit une courbe légèrement concave. Quand elle a atteint le point le plus haut, la ligne s'abaisse sous la dorsale et descend par une pente insensible jusqu’à la nageoire de la queue. Entre les deux dorsales la ligne creuse un peu, comme elle l'a fait en arrière de l’occiput. Le profil inférieur descend à partir du bout du museau, de manière à former une première saillie sous l'ouverture de la narine et à sincliner assez brusquement vers la bouche, de sorte que la hauteur du corps, prise à l'angle de cette ouverture, a acquis déja une hauteur au moins triple. Depuis la bouche, la ligne descend insensiblement, mais en se courbant toujours, de manière qu'il y a peu de différence entre la hauteur prise en avant de la pectorale par le travers des ouïes, et celle mesurée sous l'aplomb de la dorsale, nageoire qui est reculée au-delà de la moitié de la longueur du corps. Arrivée à ce point, la courbe du ventre remonte promptement vers la ligne du dos, et la hau- teur du corps prise à l'anus n’a plus que la moitié de celle me- 460 DESCRIPTION D'UNE GRANDE ESPÈCE DE SQUALE, surée à l'endroit le plus haut. Sous la seconde dorsale, placée sur le milieu du troisième cinquième de la longueur totale, la hauteur n'est plus que du quart de celle prise aux pectorales. C'est là que se mesure la plus grande élévation, qui est contenue cinq fois et demie dans la longueur totale. La plus forte épais- seur, prise à cet endroit, surpasse un peu la moitié de la hau- teur, elle en fait les sept douzièmes. L'épaisseur de la queue n'est pas moitié de la hauteur de cette même partie, qui est du quart de celle du tronc. Cette queue comprimée, mesurée de- puis l'anus jusqu'à l'extrémité de la caudale, n'est que du tiers de la longueur totale. L'œil est placé très bas sur la joue, un peu au-dessus de la lèvre supérieure. Il est ovale, son plus grand diamètre est pres- que double du vertical. La narine occupe la fin du premier tiers de l'espace compris entre le bout du museau et l'angle antérieur de l'orbite. Elle est assez grande, recouverte par une aile mem- braneuse, dont le milieu est prolongé en un petit lobule pointu, à la manière de celui de la roussette (Squalus catulus). Assez loin en arrière del'œil et un peu au-dessus, existe l’orifice ovalaire de l’évent. 11 communique avec l'appareil branchial par un conduit cylindrique prolongé, à cause de la position relevée de son ouverture et de l’'abaissement des branchies. La bouche, sans être très grande, est fendue beaucoup au-delà de l'œil. Les maxillaires sont très petits, et presque perdus dans les té- guments. La mâchoire inférieure dépasse un peu la supérieure quand elle est abaissée. Il y a des dents nombreuses et de formes différentes à chaque mâchoire, ainsi que cela a coutume d'exister dans la plupart des Squales, mais à-peu-près sem- blables sur tout le pourtour du cartilage qui les supporte, ce qui n'est pas aussi général. VOISIN DES LEICHES. 46x Celles de la mâchoire supérieure offrent deux rangées, dont les pointes sont saillantes le long du bord de la bouche, et six rangées de dents de mêmes formes sont cachées sur la lame in- terne du cartilage, et recouvertes en partie par l'épaisseur de la gencive. J'en trouve quarante-deux sur chaque rangée, vingt et une de chaque côté, ce qui fait trois cent trente-six dents à la mâchoire supérieure. Chacune est blanche, comprimée en trian- gle isocéle, droit, très pointu, à bord tranchant, lisse et sans aucune dentelure; une légère arête forme une saillie sur la base radicale de la dent, dont le bord inférieur est légèrement échancré, et dont les deux angles latéraux sont relevés en un petit tubercule arrondi. Celles de la mâchoire inférieure sont plus nombreuses encore, car j'en compte deux rangées relevées et visibles derrière lalèvre, et huit situées sous la gencive : celles de droite sont faciles à distinguer de celles de gauche à cause de la direction de la pointe; il y en a vingt-six sur chaque branche de la mâchoire, par conséquent cinquante-deux sur tout ce bord, et cinq cent vingt en totalité. Ces dents inférieures ont la base un peu élargie, et arrondie près des angles latéraux, et de laquelle s'élève sur son milieu un triangle oblique, étroit, très pointu, dont le sommet est dirigé vers l'angle de la mâchoire. Le bord antérieur du triangle atteint à l'extrémité antérieure du talon de la base; il a une longueur double de celle du bord posté- rieur, qui se termine au milieu de la base de la dent. Ces bords n'ont aucune dentelure. Ce Squale a donc une gueule armée de huit cent cinquante-six dents; mais elles sont fort pe- tites. Les inférieures ont trois lignes de large et deux lignes de haut; les supérieures sont un peu plus petites. Une mâchoire 462 DESCRIPTION D'UNE GRANDE ESPÈCE DE SQUALE, provenant d'un individu beaucoup plus grand et conservée dans le Cabinet d'anatomie, en porte d'un peu plus grandes : elles ont quatre lignes de base, et trois lignes de haut. Vers le dernier tiers de l'espace compris entre le bout du museau et la pectorale, se trouve la première fente branchiale, suivie de quatre autres, pratiquées toutes cinq en avant de la pectorale, dans une direction oblique de haut en bas, de ma- nière que l'angle inférieur du premier trou répond à une ligne horizontale tracée par le sommet de l'aisselle de la nageoire de la poitrine, et que le haut du dernier touche cette même ligne. La première branchie est ouverte à-peu-près sous le second tiers de la hauteur du corps; les fentes sont petites, et ne font guère que le huitième de la hauteur du corps prise à leur aplomb. Elles ne sont pas éloignées entre elles d’une longueur égale à leur hauteur, et cependant, à cause de leur petitesse relativement au volume de la poitrine, elles paroissent plus dis- tantes que celles de la plupart des autres Squales. La pectorale est très petite, insérée près du quart antérieur de la longueur totale, et au-dessous des deux tiers de la hau- teur du corps. Sa longueur n’a que le quatorzième de la ion- gueur totale : sa base n’est pas très épaisse. On peut compter sous la peau seize rayons cartilagineux aplatis bien distincts à leur insertion, et élargis à leur extrémité en un large éventail, dont les filets contigus forment le bord libre et arrondi de la nageoire. Vers le tiers de la longueur du corps de ce poisson, on voit s'élever sur le dos une petite crête qui ne paroît que comme un repli de la peau, et qui se continue par une élévation insensible jusqu’à la dorsale antérieure, nageoire encore plus petite que VOISIN DES LEICHES. 463 la pectorale; elle est placée au-delà de la prèmière moitié anté- rieure du corps. Sa forme est quadrilatère, l'angle supérieur et postérieur se prolonge en une languette mince et pointue. La hauteur de cette nageoire n’est pas moitié de sa longueur, qui ne fait que la vingt-troisième partie de la longueur totale. En arrière de cette nageoire, et vers le milieu de la distance qui la sépare du bord postérieur de la caudale, s'élève une se- conde dorsale plus petite que l’antérieure, commencant comme elle par une crête formée par un repli de la peau, et donnant de son angle supérieur et postérieur, une languette plus longue et plus pointue que celle de la première dorsale. Ce poisson n’a pas de nageoire anale. La caudale est petite si on la compare à la grosseur du poisson; mais elle est la plus grande des nageoires; ses lobes sont larges, courts et trapus. Le supérieur a le bord externe un peu arqué, son angle terminal obtus et arrondi, le bord postérieur échan- cré par le prolongement du lobe. Le lobe inférieur qui est plus petit, plus arrondi, est dirigé en bas presque verticalement. Les rayons de ces nageoires sont conformés comme ceux des pectorales, inais je n'ai pu les compter à cause de l'épaisseur de la peau qui recouvre leur base. Les ventrales sont très petites, situées à la fin du second tiers de la longueur totale. Elles ressemblent aux pectorales et sont arrondies et un peu prolongées de leur bord interne. La base est épaisse, et laisse cependant compter les quinze rayons dont elles se composent. Le museau de ce poisson est criblé d’un grand nombre de pores muqueux très visibles, et dont plusieurs sont disposés d’une manière notable sur trois ou quatre lignes, convergentes, 464 DESCRIPTION D'UNE GRANDE ESPÈCE DE SQUALE, etse réunissant sur le haut du museau un peu plus loin que l'œil, mais moins que l'évent. Une première ligne part de la narine, une seconde est dirigée vers l'angle antérieur de l’évent. La troisième suit une ligne courbe, ainsi que les deux précédentes, et se prolonge en arrière sur les côtés de la tête et du cou, de manière à être encore très distincte jusqu'à la hauteur de la pec- torale, où elle commence à se confondre avec la ligne latérale. On voit au-dessus de cette troisième série d'autres pores remon- ter sur la nuque. Ces pores sont un peu saillants sur la peau, et leur orifice a près d’une ligne de diamètre. La ligne latérale suit une direction droite par le quart supérieur de la hauteur du tronc; et, s'inclinant peu à peu en suivant l’abaissement du profil supérieur, elle se rend à la caudale en passant par le milieu de la queue. Toute la peau est couverte d'un chagrin fort rude, formé par des granulations osseuses qui portent sur le milieu de la base, une petite épine courbe non striée, dont la pointe est dirigée en arrière. La couleur est brune ou noirâtre sur le dos, grisâtre sous le ventre. L'individu décrit est un mâle, dont les appendices. sexuels sont petits, très courts et ne dépassent pas l'angle interne dela ventrale. ÿ Je n'ai pas pu décrire avec détails les viscères de cet animal. Le foie volumineux, et composé de deux lobes alongés, trian- gulaires , pointus, remplissoit à lui seul plus du tiers de l'énorme cavité abdominale de ce sélacien, car la conformation de ce poisson rend l'abdomen très gros. L’estomac étoit également très grand ; il pouvoit contenir plus de deux seaux d'eau; il étoit rempli de débris de poissons assez gros, sur-tout de Mmorues, VOISIN DES LEICHES. 465 Je ne puis rien dire du squelette, car la liqueur préserva- trice ayant pénétré l'intérieur du poisson, avoit tellement ra- molli les cartilages qu'on ne pouvoit guère plus les distinguer que par leur couleur grisâtre. Il a été impossible de les con- server. La description qu'on vient de lire permet donc de caracté- riser ainsi cette grande espèce de Squale. SCYMNUS MICROPTERUS corpore magno, abbreviato, compresso , Jusco, cute aspera. 1° Dentibus minutis numerosis confertis, superis triangularibus simplicibus rectis, infernis uncinatis ad apicem retrocurvis com- pressis parumper majoribus. 2° Inspiraculis magnis. 3° Aperturis branchialibus quinis, minutis. 4° Pinnis minimis, dorsalibus duabus ad angulum postremum porrectis, anal nulla, cauda bilobata, absque carina lateral, et sine fovea semilunari supra et infra. Habitat in Oceano boreali. Nous sommes assurés que ce Squale vit dans les mers du Nord, car une grande mâchoire de cette espèce et une portion de sa colonne vertébrale sont déposées dans le Gabinet d’ana- tomie comparée; elles ont été données au Muséum par M. Le Francois, qui les a rapportées du Cap-Nord de Norwége. Après avoir consulté ce que Gunner dit de son Squalus car- charias, et avoir examiné attentivementla figure qui accompagne sa description insérée dans le second volume des mémoires de Drontheim, page 330, tables X et XI, j'ai lieu de croire que Annales du Muséum, t. I”, 3° série. 59 466 DESCRIPTION D'UNE GRANDE ESPÈCE DE SQUALE, l'espèce que je viens de décrire est semblable à celle que Gunner avoit sous les yeux. Les dents sont représentées de manière à confirmer cette conjecture. Il faut avouer cependant que la figure pèche beaucouj dans la forme générale et dans les pré- portions relatives des parties. On trouve dans Otton Fabricius Faun. Groenland, page 127, la description d'un autre grand Squale des mers polaires qu'il rapporte au Squale de Gunner. M..Cuvier à cru aussi à cette synonymie dans la note mise sous le genre des Leiches, Reg. an. Il, pag. 393. Je ne pense pas que le rapprochement soit juste, car Fabricius dit positivement : Pinnæ pectorales maxime ; ce qui ne peut convenir à notre poisson, ni à celui de Gunner, qui trouve les moyens de translation si petits. Je serois plus tenté de regarder le prétendu Squalus carcha- rias de Fabricius comme identique au Squale figuré sous le même nom par Bloch, pl. 119. Mais encore il faudra de nou- velles observations sur cette espèce de leiche pour en compléter la diagnose et résoudre ces doutes; et si elles prouvent que les deux poissons ne diffèrent pas, il n'en est pas moins démontré aujourd'hui que le Squale représenté par Bloch, comme étant le requin, appartient à une espèce différente et du requin, et de la leiche de Gunner. Ces différentes synonymies, entassées sous le Squelus carcha- rias de Gmelin pour désigner le requin si connu des navigateurs et si redouté des matelots que les accidents exposent à ses dents tranchantes, constituent sous cette dénomination un être ima- ginaire qui se compose de plusieurs espèces totalement diffé- rentes les unes des autres, et qui vivent à des distances fort éloignées. VOISIN DES LEICHES. 467 On a pris sur les côtes de l'Amérique septentrionale, baignées par l'Atlantique, non loin de Marblehead, dans l'état de Massa- chusetts, un Squale qui doit être fort voisin de celui qui fait le sujet de ce Mémoire. Nous ne le connoissons que par le dessin publié par M. Lesueur dans le Journal de l Académie des sciences de Philadelphie, tom. 1, pag. 222, pl. VIIL. Ce dessin a été fait sur l'animal empaillé, et malheureusement la description bien courte qu'y a jointe le savant voyageur que nous citons ne sup- plée pas à ce que le dessin laisse d'incertain. M. Lesueur a eu l'idée de comparer ce Squale au Squalus acanthias, à cause du manque de l’anale. Frappé de cette concordance de caractère, qui n'est pas cependant uniquement commune à ces deux espé- ces, M.Lesueur a insisté sur l'absence des épines des nageoires dor- sales, et il a négligé de décrire d’autres parties qui eussent fourni des caractères bien meilleurs. Ainsi il ne dit pas un mot des dents, peut-être qu’elles manquoient à l'individu qu'il a observé. Malgré cela on ne peut douter de l'affinité du poisson d’Amé- rique avec celui que je viens de décrire. Mais il me paroît d’es- péce différente; en effet la leiche d'Amérique auroit le corps plus alongé, le museau plus pointu, la queue plus grêle, la caudale plus étroite et le lobe supérieur plus pointu et privé du lobule terminal; les nageoires sont très petites; la ligne laté- rale est très marquée, et offre près de la tête des ondulations qui ressemblent aux diverses directions des séries de pores. La peau est couverte d'âprétés triangulaires, courbes et pointues. La couleur du corps est un gris sale rembruni sur le dos. L'individu est long de six pieds cinq pouces. Les pêcheurs le regardèrent comme un poisson rare, et l'ap: ortèrent sous le nom de Nurse ou Sleeper, sans doute à cause de la lenteur de ses 5 468 DESCRIPTION D'UNE GRANDE ESPÈCE DE SQUALE, ETC. mouvements, résultat inévitable de la petitesse des nageoires, seuls instruments de translation d’un être très volumineux. M. Lesueur, considérant ce poisson comme le type d'un nouveau genre, fit de l’épithète des pêcheurs américains le nom de SOMNIOSUS, et appela l'espèce Somniosus brevipinna. e EXPLICATION DE LA PÉANCHE 20. a, a,b, a, c. Dents de la mâchoire supérieure. b. Dents dé la mâchoire inférieure. c. Apretés de la peau, grandeur naturelle. c,'a. Apretés de la peau grossies. d. Coupe verticale du poisson. Ll.20. FACE ll.20 La Zeaho Micropière Seyne Mioroptorus Noë PE EP PI TR EE EE PE DT RSI EEE RONES RAPPORT SUR LES COLLECTIONS DE M. SGANZIN. PAR M. A. VALENCIENNES. Lu dans la séance du 20 novembre 1832. L'assemblée des professeurs du Muséum nous a chargés, MM. Geoffroy Saint-Hilaire, Duméril, Latreille et moi, de faire un rapport sur les collections d'histoire naturelle faites à Mada- gascar et dans le sud de l’Afrique, par M. Sganzin, lieutenant d'artillerie de la marine royale. Cet officier distingué fit partie des deux expéditions dirigées par le gouverneur de l’île Bourbon, d'après les ordres de M. le ministre de la marine et des colonies, contre un chef Malgache, afin d'exiger la réparation d’exactions commises par ce chef con- tre notre commerce. On sait avec quelle habileté cette petite guerre fut conduite et promptement terminée. M. Sganzin, commandant l'artillerie, eut l’occasion assez rare de s'avancer dans l’intérieur de Mada- gascar, et le bonheur de résister aux fiévres dangereuses qui désolent les bords de cette grande île. Pour dire quels furent les dangers qu'il courut, il suffit de rappeler que de quatre- vingts hommes dont se composoit une de ces expéditions, qua- tre seulement revinrent à l'ile Bourbon. Atteint lui-même des fiévres, il n'obtint qu'au prix de sa santé la permission de revoir la mère-patrie. S'étant déja livré à l'étude de l'histoire naturelle, M. Sganzin 470 RAPPORT SUR LES COLLECTIONS DE M. SGANZIN. pouvoit par ses études préparatoires profiter de la position avanta- geuse dans laquelle il se trouvoit : il prit à son serviceun excellent chasseur Malgache, auquel il enseigna à conserver les animaux: d’autres Malgaches furent chargés de ramasser des insectes et des coquilles. Ces collections ont été recueillies avec l’'intelli- _gence qu'un homme éclairé pouvoit mettre à les faire. Des notes fort intéressantes sur les mœurs des Animaux, sur leur cou- leur pendant la vie, forment un journal de *oya6e qui sera fort utilement consulté par les naturalistes. J'ai cru devoir, messieurs, vous rappeler ces circonstances afin de faire remarquer combien nous devons louer le zéle et le courage de cet officier, plein d'un véritable amour des sciences qui l'a soutenu pendant qu'il rassembloit ces collections offer- tes ensuite à son retour avec générosité, et dont nous avons à vous faire connoître le mérite. L'assemblée en a déja connoissance par une lettre écrite de Rennes par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, l'un des aides naturalistes de l'établissement. Les catalogues qu'il a dressés des collections des Mammifères et des Oiseaux; ceux des Reptiles et des Poissons, faits par M. Bi- bron, et de Botanique par M. Adolphe Brongniart, nous ren- dent facile la tâche que vous nous avez demandée. M. Latreille a bien voulu donner lui-même des notes sur la valeur scienti- fique des collections Entomologiques, et j'en ai moi-même fourni sur les collections de Mollusques et de Zoophytes. Je crois devoir vous nommer parmi lies Mammifères le genre Microcébe, quadrumane propre à Madagascar et encore peu repandu dans les collections; la grande Roussette à masque, Caauve-souris que le Muséum n'avoir pas en si bon état; une RAPPORT SUR LES COLLECTIONS DE M. SGANZIN. 47: espéce nouvelle de Hérisson très remarquable par la finesse de ses piquants, et enfin le Tenrec soyeux (Centenes setosus) de l’île Bourbon. Les Oiseaux sont fort nombreux; nous y trouvons quarante- cinq espèces qui feront partie de notre riche collection, soit parcequ'elles nous font connoître la patrie de quelques unes, soit parcequ'elles sont entièrement nouvelles. Nous en remar- quons dans tous les ordres; ainsi nous y voyons une espèce de Hibou non décrite, un Échenilleur dont la tête seule est noire, l'Eurycère sous les différents plumages qu'il prend avec l'âge, une grande Espèce de Coucou, voisine du Cuculus pyrrhoce- phalus, une Caille à gorge noire mâle et femelle, une Bécassine, un Pluvier, un grand Héron cendré, et une fort jolie Hirondelle de mer. La collection de Reptiles est moins nombreuse, car elle ne se compose que de dix espèces, mais elle nous fournit uñe belle et nouvelle Émyde à plastron mobile, dont les congénères sont réunies sous le nom Pyxis par Merrem. Dans l'ordre des sauriens, je citerai un fort joli Scinque que l'on peut nom- mer Scincus moriliger, à cause de ses taches blanches et perlées disposées comme des chapelets sur un fond jaune. Je dois en- core parler de deux belles couleuvres verdâtres et d'une nouvelle espèce à museau prolongé plus que dans aucune autre connue; elle est du genre Druynus. La collection de poissons renferme aussi plusieurs objets pré- cieux, parcequ'elle a été faite à Madagascar sur la côte visitée par Commerson en 1770. Ces poissons nous serviront à recon- noître dans les descriptions dé’cet habile naturaliste les espèces que nous ne pouvions pas encore déterminer avec le degré de 472 RAPPORT SUR LES COLLECTIONS DE M. SGANZIN. certitude que nous apportons aujourd'hui à ee genre de travail. Ainsi le Psettus rhombus de Commerson va être mieux connu; nous établirons les différences qui existent entre le grand Diodon tacheté, décrit et dessiné par Commerson, et qui a été gravé dans l'ouvrage de M. de Lacepède, pour représenter l'espèce des An- tilles, avec laquelle ce célèbre naturaliste le confondoit. Nous trouvons aussi des espèces nouvelles parmi les Sargues, les Amphacanthes, et les Nasons. Les recherches de M. Ssanzin en conchyliologie n'ont pas été moins heureuses, car elles nous ont procuré plusieurs individus d'espèces rares et recherchées. » Nous en trouvons parmi les Hélices, les Mélanies, les Pyrènes, les Nérites, les Cônes, etc. Sa collection se compose de dix-neuf espèces et de soixante-quatre individus. Les animaux articulés réunissent onze sortes de Crustacés, un Arachnide, le Scorpio afer, et trente Lépidoptères, tous fort beaux, et parmi lesquels on doit citer d'abord l'Urania ryphæus, l'un des plu$:rares et des plus beaux papillons connus, et plu- sieurs espècés des genres Acræa, Hesperia, Piéris et Glaucopis. L'hérbier fenferme environ trois cent cinquante plantes, dont quarante-deux marquent aux collections déja si nombreuses du Muséum. ; L'exposé de ces résultats prouve l’ardeur que M. Sganzin, em- ployé à d’autres travaux souvent périlleux, a mise à s'occuper de l'histoire naturelle. Il mérite donc l'approbation et la reconnois- sance des naturalistes par ce service rendu aux sciences, et sur- tout à cause de la générosité avec laquelle il a donné au Mu- séum une partie de ses collection. CORRESPONDANCE. EXTRAIT D'UNE LETTRE DE M. JACQUEMONT, ADRESSÉE À M. A. DE JUSSIEU, Et datée de Sabathou, dans l'Himalaya anglais, entre la Jumnah et le Sutledge, le 1° décembre 1831. RC) Mes observations barométriques portent à 1,630 mètres environ (si j'ai bonne mémoire) le niveau de Cachemyr au-dessus de la mer. Cette dé- termination est susceptible d'une approximation plus précise, et je la recti- fierai, comme de raison, lorsque je posséderai les moyennes barométriques mensuelles de midi, à Calcutta et à Bombay, pour l’année présente. Le climat de la vallée a uue étunuante ressemblance avec celui de la Lombardie: C’est la même coupe des saisons, la même répartition du froid et du chaud, du sec et de l’humide, dans les divers mois de l’année. Il va sans dire que cette similitude singulière du climat entraîne celle des productions végétales. Cela est vrai des plantes aquatiques surtout, à l'exception d’un petit nombre d’es- pèces indiennes qui sont montées là je ne sais comment; tout le reste est européen. La Flore alpine de l'Himalaya est fort pauvre. Cette pauvreté tient sans doute au peu de variété des sites alpins dans ces montagnes. A l'exception de Cachemyr, je n’y ai pas vu une seule vallée qu’on n’appelât dans les Alpes une gorge étroite. Elles manquent également de plateaux. Les sols ont aussi peu de diversité que les sites. Ils sont maigres en général. Dans les régions les plus élevées , les graminées disparoïissent presque entièrement, au lieu de s'y modifier, comme dans les Hautes-Alpes, sous une multitude de types particuliers à ces hautes stations. Plusieurs chênes très difficiles à distinguer les uns des autres sont épars dans la région moyenne, depuis la hauteur de 1,500 mètres jusqu’à 2,500... L'un d'eux, le seul qui soit facile à distin- guer, et qui ressemble à une des espèces d'Amérique à feuilles de châtaignier (mais persistantes), forme de basses forêts peu touffues, associé, au sud du Annales du Muséum, t. K”, 3° série. 60 474 CORRESPONDANCE. * Sutledge, à un très grand Andromeda et à un superbe Rhododendron, l'un et l’autre aussi grands que lui. Les autres croissent plus haut, et sont mêlés sou- vent au cédre, tout-à-fait semblable pour le port, à celui du Liban, à deux sapins qui représentent merveilleusement, s'ils ne sont même notre Æbies excelsa et abies pectinata, un pin assez semblable pour le port au Pinus stro- bus, l'if, deux érables de port européen, et un æsculus non décrit dans le Prodromus, identique pour le port et la stature au marronnier d'Inde, dont il diffère par ses capsules lisses, la forme de ses fleurs, ses jeunes pousses glabres, etc., etc. J'omets le noyer et quelques autres. Ces forêts expirent à 3,000 ou 3,500 mètres. Il n’y a au-dessus que des bois de bouleaux, que dépasse seul un Rhododendron, le plus beau de tous (Rh. Campanulatum ), puis des pâturages. Mais ce n'est pas le tapis de velours jeté sur les Alpes, entre leurs forêts et leurs neiges éternelles, de même que dans les étroites vallées de l'Himalaya, vous chercheriez vaine- ment les prairies fleuries de nos montagnes d'Europe. Consolez-vous donc; mon cher ami, de ne voir qu'au coin du feu, entre les feuilles de mon herbier, les forêts et:les herbages de l'Himalaya. Vous me parlez dans: votre lettre d’un mélange de-formes: tropicales. et: de formes alpines qui pourroient se trouver: associées dans la région inférieure de ces montagnes. Mais à l’exception du Pinus ilongifolia ( qui ressemble beaucoup au Pinus: Pinea), aucun typealpin ne descend dans les basses, vallées. Les forêts de Shorea robusta, de Bombax, et de cette quantité d'arbres nouveaux décrits-par Roxburgh, habitent exclusivement les vallées appelées Dhoûnes, célébres par leur chaleur et leur humidité perpétuelles, par leur épouvan- table insalubrité, qu'une foible rangée de collines très basses. sépare seule des plaines-adjacentes dont elles excédent à peine le niveau, J'ai vu,un deces Dhoüûnesl’an passé, au nord de Sabarunpore. C’estle plus septentrional detous, et de tous, par-conséquent, celui dont la.végétation est le moins luxuriante, D'ailleurs je leitraversois.au mois d'avril, avant la saison des, pluies, et c'est dans:cette: saison: qu'il faut; y herboriser. Wallich, malgré son zèle, l'a fait peu lui-même. C’est un:amusement trop dangereux. Il y a sept.ou huit contre un à parier qu’un Européen-y prendra la fiévre des Jungles, dans la plus for- midable de ses: variétés. Les Indiens eux-mêmes la contractent:fréquem- ment, et comme.nous souvent y succombent. Cela est.si bien, connu du gouvernement, que; pour’se défaire des malfaiteurs condamnés aux travaux CORRESPONDANCE. 495 forcés, on les occupe à percer des routes dans ces Dhoûnes, travail presque toujours mortel à ceux qu’on y contraint. Ces forêts épaisses, si humides, si insalubres, sontla retraite des éléphants, des rhinocéros et des buffles sauvages. Au‘nord de Benaresse, ‘en Oude, au nord de Patna, sous le Nepal, et plus loin au sud-est, vers Silhet, ces ani- maux sont extrêmement communs. Dans les Dhoûnes de Saharünpore , et même ceux de Nahan, qui est sur la rive droîte de la Jumnab, il y a 'éncore quelques éléphants. Je le sais pertinemment pour avoir vu en herborisant les traces les moins équivoques de leur passage très récent. J’étois à pied, ce qui ne me rendit pas ma découverte plus agréable; car la rencontre de ces’ani- maux est très dangereuse. Ce qu’on dit d’ailleurs de leur vitesse est un conte. A cheval, je me soucierois fort peu d’en‘avoir une vingtaine à mes trousses Peut-être est-ce l'éléphant d'Afrique quia fait au genve: cette réputation ‘de vitesse. J'ignore s’il la mérite davantage que’ celui de l'Inde qui n'yaaucun titre. L'éléphantle plus agile, qui fuit à la chasse devant un tigre, ne' fait pas plus de trois lieues à l'heure, et ilne sauroit garder cette allure une'heure entière. Il faut le forcer pour Ini faire faire senlement deux liéues à l'heure : il se déhanche et se fatigue déja beaucoup à ce train. Son pas naturel est celui d'un homme qui marche bien, une lieueet demie à l'heure; ou quelque peu davantage. Jusqu'ici, depuis mon arrivée dans l'Inde, je n’y ai éncére vu autune forêt qui réalisât ce qu'un botaniste rêve du tropique, ce que j'avois ddmiré avec passion à Saint-Domingue, à Bourbon, et aux environs de Rio-Janeïiro. Le mot indien de jungle, que les Anglais ont adopté, sonnoit d'abord bienhaut à mon oreille. Ils faisoient de leurs jungles de si terribles descriptions, que je m’attendois à voir des forêts d'arbres gigantesques enlacés d'une manière inextricable par des lianes épineuses retombant de leurs cimes en cascades mouvantes de fleurs éclatantes et parfumées. Les palmiers ne manquoient pas dans cette création de mon imagination , et ils épanouissoient leurs gerbes élégantes ou majestueuses au-dessus de la zone dense des forêts. Derrière chaque tronc, j'avois embusqué un tigre, ou caché un serpent monstrueux, et peuplé ma forêt des hôtes les plus pittoresques. On dit que vers Silhet, sur le Barrampooter , la nature m'eût montré la réalisation de ma peinture imaginaire; mais ce qu'il y a de certain, c’est que je n’ai encore reconnu nulle part un seul de ses traits. 476 CORRESPONDANCE. ... Pour achever de vous surprendre, je vous avouerai encore que, malgré mon vif desir d'observer cette maladie, je n’ai pas jusqu'ici réussi à voir un seul cas de choléra-morbus, dont quelques uns de mes amis peut- être m'ont déja cru mort plusieurs fois, si quelques unes de mes lettres se sont perdues et les ont laissés long-temps sans nouvelles de moi. On n’en voit presque jamais de cas isolés, et (dois-je m'en plaindre ?...) il ne régnoit endé- miquement dans aucun des lieux que j'ai traversés successivement. Cet été, il faisoit de grands ravages à Calcutta, à Benaresse, à Agrah, et dans quelques autres villes riveraines du Gange ou de la Jumnah. Depuis treize ans on l’a vu aussi deux fois à Cachemyr. Il y en a trois, il a prodigieusement éclairci le régiment de Gourkhas qui y garnisonne. Tout mon bagage embarqué à Dehli, je prendrai la route de Bombay, où je ‘ tâcherai de me remiser dans la saison des pluies qui n’est pas tenable (et que personne n’a fait l'expérience de tenir) sous une tente. J'irai ensuite fJuillant les forêts des Gates vers le cap Comorin, où j'espère voir ce qui m'a fait faute jusqu'ici. Il y a au reste une raison fort satisfaisante pour que les traits d’une nature tropicale aient marqué anx tableanx que j'ai vus jusqu'ici dans l'Inde ; c’est qu’en sortant il y a deux ans de la grande rizière du Ben- gale, je suis sorti aussi du tropique, et depuis m'en suis éloigné constam- ment. La grande étendue de la chaîne de l'Himalaya que j'ai parcourue, est comprise très obliquement entre le 30 et le 35° degré delatitude. En arrivant ce matin ici, j'ai salué en botaniste deux grands Borassus flabelliformis qui y semblent fort dépaysés. Cet arbre est très commun à Pondichéry et au Bengale; mais autour de Delhi, d'Agrab, il n'y en a déja plus aucun. A Be- naresse même ils sont fort rares dans la campagne... RE TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES. Apogon. Descriptions de plusieurs es- pêces nouvelles de poissons de ce genre, par M. Valenciennes, p.51. Aranéides. Vues générales sur ces ani- maux, suivies d’une notice sur quel- ques espèces de Mygales inédites, et de l'habitation de celles qu’on nomme Nidulans, par M. Latreille, Gr. Animaux envoyés au Roi par l’empereur de Maroc et recus à la ménagerie du Muséum, par M. F. Cuvier, 404. Bouillon de la Compagnie hollandaise. Rapport fait à l’Académie des scien- ces, par M. Chevreul, 283. Clavija. Description d’une nouvelle es- pèce, accompagnée de quelques con- sidérations sur les caractères et les affinités de ce genre et des genres voisins, par M. Desfontaines, 308. Collections nouvelles recues au Muséum, par M. Geoffroy Saint-Hilaire, 405. Denticrures , famille des Brachélytres. Considérations sur les insectes co- léoptères de cette tribu, par M. La- treille, 77. Essai pour servir à la détermination de quelques animaux sculptés dans l'ancienne Gréce, et introduits dans un monument historique enfoui durant les désastres du 3° siècle, par M. Geoffroy Saint-Hilaire, page 23. Fraxinelle. Sur inflammation de cette plante, par M. Biot, 273. Fischer, directeur du Jardin impérial de Saint-Pétersbourg, extrait de sa lettre à M. de Mirbel, 319. Graphiure et Cercomys de l’ordre des ron- geurs. Description des caractères propres à ces genres, par M. F. Cu- vier, 44r. Herbiers de la Compagnie anglaise des Indes orientales, page 319. Hyoïde. Observations sur la concor- dance des parties de cet os dans les quatre classes des animaux verté- brés accompagnant, à titre de com- mentaire, le tableau synoptique où cette concordance est exprimée figu- rativement, par M. Geoffroy Saint- Hilaire, 321. Jacquemont, voyageur naturaliste du Muséum en mission aux Indes orien- tales; ses lettres, 135 et 473. 478 Machæra. Description du poisson de ce nom, par M. G: Cuvier, page 43. Marchantia polymorpha.Recherches ana- tomiques et physiologiques pour servir à l’histoire du tissu cellulaire de l’épiderme et des stomates, par M. de Mirbel, 93. Ornithologie. Considérations sur les ca- ractères employés pour la distinc- tion des genres, des familles et des ordres, et détermination de plu- sieurs genres nouveaux, par M. Isi- dore Geoffroy Saint-Hilaire, 357. Pourpre, Ricinule, Licorne et Concholé- pas: d2 Lamarck. Disposition mé- thodique des espèces récentes et fossiles de ces genres, et description des espèces nouvelles ou peu con- nues, faisant partie de la collection du Muséum d'histoire naturelle de Paris, par M. de Blainville, 180. Plantes. Quelques observations et expé- TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES. riences sur leur fécondation, par M. Desfontaines, 265. Porc-Épic. Recherches sur la structure et le développement de ses épines, suivies d'observations sur les poils en général, et leurs caractères zoo- logiques, par M. F. Cuvier, 4oo. Sable fertilisant. Examen chimique, par M. Chevreul, 131. Seiche. Ses œufs, par M. G. Cuvier, 153. Squale. Description d’une grande es- pèce, par M. Valenciennes, 454. Sganzin. Rapport sur les collections rap- portées par lui, par M. Valencien- nes, 469. Thysanoures. De lorganisation exté- rieure et comparée des insectes de cet ordre, par M. Latreille, 161. Vespertilions. Essai de classification na- turelle et description de plusieurs espéces dece genre, par M. F. Cuvier, page [*. F FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE. IN°ST. FEUILLETON DES NOUVELLES ANNALES DU MUSÉUM ou COMPTES RENDUS ET ANNONCES DE DIVERS OUVRAGES DE SCIENCES. I* TRIMESTRE.—AVRIL 4852. PUBLIÉ PAR L'ÉDITEUR (1). Cours D'ENTOMOLOGIE, Ou DE L'HISTOIRE NATURELLE DES CRUSTACÉS, DES ARACHNIDES, DES MYRIAPODES ET DES INSECTES, à l'usage des élèves de l’école du Muséum d'Histoire naturelle; par M. LATREILLE, professeur-adminis- trateur de cet établissement, de l’Académie des sciences, de la Légion- d'honneur, etc., etc.— Première année.—1 vol. in-8°, avec atlas. Prix, 15 fr. A Paris, chez RORET, rue Hautefeuille. Se montrer digne du choix que, sur la présentation unanime des profes- seurs-administrateurs du Muséum d’'His- toire naturelle et l’Académie des scien- ces, le Gouvernement avoit fait de lui, pour occuper, le premier, une chaire spéciale d’entomologie distraite de celle qui embrassoit atparavant tous les ani- maux sans vertébres, et répondre aux vœux des naturalistes, qui desiroient, depuis long-temps, un cours élémen- taire sur cette science, telle a éte la pen- sée et la sollicitude de l’auteur de l’ou- vrage, dont nous allons donner une courte notice. Il s’est proposé de résu- mer dans un grand tableau les connois- sances fondamentales que nous ontac- quises sur cette branche delazoologie les recherches des savants et ses propres travaux qui remontent déja à près d’un demi-siècle. Si l’on considère que le nombre des espéces d'animaux de son domaine, enrichissant les divers musées de l’Europe, s’éléve à près de cent mille; que, sans parler des ordres et des fa- milles, elles sont groupées dans plus de ——_—_———_—_—_—__—_—_—__—_—_—_—__—_ —…—…"…"…—….….….…—….…"….….…"…"…"…"….….…"….…"….…….….….….….….….….…"…"_…"…—…——…— ——…—.——— (1) MM. les auteurs et libraires sont priés d'envoyer leurs ouvrages francs de port à M. Roret. trois mille genres, on sentira qu’en se rétrécissant même à une esquisse géné- rale, une semblable démonstration ne peut s’effectuer convenablement dans un cours qui, d’après l'institution ré- glémentaire du Muséum d'Histoire na- turelle, est de quarante lecons par an. Aussi M. Latreille n’a-t-il pu exposer dans la première année de son cours que cette division de l’entomologie qui comprend les insectes apiropôdes de M. Savigny, ou ceux qui ont plus de six pieds, et composent dans la mé- thode de Linnée la majeure partie de son ordre des insectes aptères ou sans ailes. Tels sont les crustacés, arach- nides et les myriapodes, formant au- jourd’hui autant de classes. Les lecons de ce cours sont l’objet du volume que nous annonçons, et qui se partage, en quelque sorte, en quatre grandes sec- tions ou chapitres, précédés d’une épître dédiée à son ami et à son collègue à l'Académie des sciences, le docteur Ser- res, et d’un avertissement. L'histoire del’entomologie, à prendre dès son berceau, n’avoit jamais été trai- tée d’une manière approfondie; elle est le sujet du chapitre suivant. On y suit, pas à pas, et par périodes se rattachant au souvenir des savants qui les ont le plus illustrées, les progrès de la science. Les interprètes et les commentateurs d’A- ristote, de Pline et de quelques autres anciens naturalistes, pourront y puiser des documents très précieux. On les lira avec d'autant plus d'intérêt qu'ils for- ment pour ces temps primitifs une sorte de roman historique. On y remarquera sur-tout l'explication motivée d’un pas- sage de Pline, relatif aux vers à soie, qui a vainement tourmenté ses commenta- Il teurs, et qu'il n’a pu trouver qu’en re- courant à des traditions chinoises, et en s'appuyant de ses recherches sur les in- sectes et la géographie des contrées orientales. À la suite de cette discus- sion, viennent des généralités sur les classes d'animaux, énumérées ci-dessus, en y ajoutant celle des insectes propre- mentdits, etdanslesquelles cesavant Pro- fesseur, profitant de tous les secours que fournit leur anatomie, tant intérieure qu’extérieure, expose les bases sur les- quelles repose l’entomologie, et en dé- duit tous les principes élémentaires, en évitant, le plus possible, un détail de nomenclature qui auroit fatigué et re- buté ses auditeurs. Il essaie sur-tout d’é- tablir la coordination de ces classes, en prenant pour premier exemple, ou pour type de formation la plus rapprochée de celle des poissons, les crustacés dé- capodes, comme les crabes, les écrevisses, les homards, etc. Il fait voir les modifi- cations qu'éprouvent leurs principaux organes extérieurs; savoir, les antennes, les parties de la bouche, les pattes, et les segments dont ces organes dépen- dent. Ilen résulte la nécessité de recti- fier, dans leur application, plusieurs de ces dénominations. C’est ainsi qu'il nous montre que la partie du corps des insectes appelée thorax, ne correspond nullement à celle que l’on désigne, de la même manière, dans les crustacés et les arachnides.. L'auteur parcourt en- suite successivement et en détail ces deux dernières classes et celle des my- riapodes. Mettant à contribution les tra- vaux de MM. Savigny, Milne Edwards, . Léon Dufour, Straus, s'étant lui-même li- vré à de nouvelles recherches, il a fait quelques changements nécessaires et des additions importantes, à ce qu'il avoit déja publié, relativement à ces ani- maux, dans la nouvelle édition du Règne animal de M. le baron Cuvier. La lec- ture de la généralité de la classe des insectes proprement dits, et du tableau des ordres dont elle se compose, pourra suffire aux personnes qui voudroient se borner à la connoissancedes traits prin- cipaux de l’histoire de ces êtres et de leurs premiers groupes. Afin de se mettre à la portée des élé- ves, et de les conduire par une route simple et facile, notre Professeur n’a employé que dans un extrême besoin les formes et le langage linnéens;ilnous semble entendre un père, s’entretenant avec ses enfants, sur une science pleine de charmes et d’intérét, à raison des faits merveilleux qu’elle nous trace, et qui paroissent réaliser les allégories de la mythologie. Un atlas, composé de vingt-quatre planches gravées au burin, facilite lintelligence des nombreux dé- tails d'organisation , et en offre même, dont il n’a pas été fait mention dans le texte, pour en écarter l’aridité et la sé- cheresse, compagnes inséparables d’une telle nomenclature. Dans la seconde année de son cours, et le second volume, l’auteur, confor- mément à la marche qu'il a suivie au sujet des crustacés, des arachnides et des myriapodes, passera graduellement en revue les ordres, les familles et les gen- res de la classe des insectes, réduite à III ceux de Linnée qui n’ont que six pieds. Mais, vu l'étendue de cette classe, et la multitude des genres qu’elle comprend, il falloit nécessairement déroger au plan suivi jusqu'alors, ou restreindre cette exposition aux genres les plus impor- tants, ceux qui sont comme la souche des autres, et que lesélèves peuvent plus aisément se procurer. Mais, afinque l’ou- vrage soit encore utile aux maîtres de l'art, des tableaux analytiques offriront le signalement de toutes les coupes gé- nériques connues, et de quelques autres inédites. Ayant soumis les premières à un nouvel examen, M. Latreille a sou- vent découvert des caractèresqui avoient échappé aux observateurs, et dont la connoissance facilitera la détermination de ces genres; fréquemment encore plu- sieurs d’entre eux ne sont point coor- donnés en unesérie naturelle, et ces rap- prochements ont été spécialement le su- jet des méditations de ce savant. Sous tous ces rapports, cet ouvrage, en pré- sentant ainsi l’état actuel de l’entomo- logie, deviendra le complément de tous les écrits généraux qui ont été publiés parce célébreProfesseursur cettescience, dont il a constamment suivi tous les progrès, et que bien peu de personnes ont étudiée, comme lui, dans tout son ensemble, et dans ses relations avec les classés d'animaux invertébrés, acces- soires. Le docteur Boispuvar. EXTRAIT DU RAPPORT VERBAL sur les deux premières livraisons de l’IconEs HISTORIQUE DES LÉPIDOPTÈRES D'EUROPE nouveaux ou peu connus, par le docteur Borspuvar (1). Fait à l’Académie des sciences, le 1°’ avril 1832, par M. Latreille, membre de cette Académie. « Dans votre séance du 17 mars der- nier, le docteur Boisduval, qui s’est voué depuis long-temps à l'étude spéciale de ces insectes, que l'on nomme papillons, sphinx, phalénes, etc., composant l’ordre des lépidoptères, et dont vous avez fa- vorablement accueilli la monographie des zygénides , vous a fait hommage des deux premières livraisons d’un très bel ouvrage intitulé Fcones historique des Lépidoptères d'Europe, format in-8°, et offrant chacune deux planches colo- riées. D’après le desir qu’a manifesté son auteur, qu’il vous en fût rendu compte, vous m'avez désigné pour remplir cette tâche. (1) IcONES HISTORIQUE DES LÉPIDOPTÈRES nou- veaux ou peu connus. Collection, avec figures co- loriées, des papillons d'Europe nouvellement dé- couverts ; ouvrage formant le complément de tous les auteurs iconographes, par le docteur BorspuvaL. Cet ouvrage se composera d'environ 25 livrai- sons, grand in-8, papier vélin.—Prix, 3 fr. cha- que, et franc de port 3 fr. 25 c. Il paroîtra deux livraisons par mois. COLLECTION ICONOGRAPHIQUE ET HISTORIQUE DES Cenirces, ou description et figures des Chenilles d'Europe, avec l'histoire de leurs métamorphoses, et des applications à l'agriculture; par MM. Bois- DUVAL, RAMBUR et GRASLIN. Gette Collection se composera d'environ 6o li- vraisons, grand in-8°, papier vélin. — Prix, 3 fr. chaque, et franc de port 3 fr. 25 c. 11 paroîtra deux livraisons par mois. : On souscrit pour ces deux ouvrages chez le li- braire Roret, rue Hautefeuille. Les quatre premières livraisons des LÉPIDOPTÈRES ét la première des CHENILLES ont paru. « Les zoologistes etles botanistes con- viennent que, relativement à une foule d’espéces, de bonnes figures sont indis- pensables. Mais jamais ce besoin ne fut plus impérieux que lorsqu'il s’agit des lépidoptères. L’entomologiste doit assu- rément prendre l'initiative, en détermi- nant et signalant les groupes qui com- prendront telles ou telles espèces, il est véritablement, quant à la méthode, l'ar- chitecte; mais, arrivé à la description particulière des espéces, il éprouve le plus grand embarras, parcequ’il ne trouve plus d’expressions parfaitement propres à rendre les teintes si nuancées et si variées qui frappent ses regards, à donner une idée nette de leur mélange et de leur combinaison, ou du dessin qu’elles produisent. Iln’estsouvent guère plus avancé que l’instituteur d’un aveu- gle denaissance. Maintes fois après la lec- ture la plus attentive d’une description minutieusement détaillée, on hésitera encore sur la détermination positive de l’espéce. Mais qu’on nous offre un portrait fidéle de l'objet, et presque aus- sitôt notre opinion sera fixée. Quelle perte de temps on évite! En créant les lépidoptères, la nature semble avoir eu pour but principal d’exercer son pin- ceau. À l’aide de ces millions de petites écailles, dont leurs ailes sont imbri- quées, elle forme en mosaïque un nom- bre infini d’admirables tableaux, dont l'artiste peut seul nous retracer l’image, attendu qu'ils parlent plutôt aux yeux qu’à la pensée. Dès-lors, messieurs, un ou- vrage où les espèces seront le mieux re- présentées et classées, d’ailleurs dans un ordre simple et naturel, l’emportera sur tous ceux qui pourroient vouloir entrer en concurrence. Nuldoutequelaconnois- sance de la manière d’être de l’animal, dans son premier âge, ne soit l’un des principaux éléments d’une méthode na- turelle. Il est donc très important d’ob- server, ainsi que l’a fait M. Boisduval, les lépidoptères sous la forme de che- nille et de chrysalide. «Dans l'avertissement deson Icones his- torique, M. Boisduval annonce qu’il sui- vra tout-à-fait la méthode dont il a donné un extrait dans son /ndex Methodicus. 11 ne veut sans doute parler que dela série de ses genres; car autrement il ne seroit pas d'accord avec lui-même, puisque dans cet Index, il partage, comme moi, les lépidoptères, en diurnes , crépuscu- laires et nocturnes, et que maintenant, ou dans son Icones, les premiers sont des rhopalocères, expression empruntée de M. Duméril, et que les deux autres sections n’en composent plus qu’une, celle des hétérocères. Sa première subdi- vision des rhopalocères est celle des suc- ceints, succincti, ou de ceux dont les chry- salides sont attachées par la queue, et par un lien transversal, en forme de ceinture, et qui n’offrent jamais de ta- ches métalliques. « Les genres papillon, thaïs, doritis, par- nassien, et l'espèce nouvelle de piéride quenotre auteur nomme simplonia, sont le sujet des deux premières livraisons. Il auroit pu simplifier l'étude de la tribu des papillonides, en la divisant en ceux qui ont le bord interne des ailes inté- rieures concave, et en ceux où les ailes V s’avancent sous l'abdomen, pour lui for- mer une gouttière qui le recoit. Au lieu de dire, dans quelques occasions, que leur bord externe est assez fortement échancré, il eût été plus conforme aux régles de l’art de s'exprimer ainsi : bord postérieur sinué ou ayant de petites échancrures. À sa place, je meserois plus etendu sur la forme et la composition des palpes inférieurs des papillons pro- prement dits. Ceux des doritis ne me pa- roissent pas différer autant qu’il le fait entendre, de ceux des thaïs; seulement les poils nombreux dont ils sont garnis empéchent complétement de pouvoir dis- tinguer les articles. Aux caractères du genreparnassien, il auroit pu ajouter que la massne de leurs antennes se termine brusquement par une très petite pointe, ce qu’on n’observe point à celle des lépi- doptères des deux genres précédents. Je ne me permets ces remarques que pour engager M. Boisduval à étudier plus scrupuleusement encorelesorganes dont il fait usage, et à donner ainsi à sa mé- thode une plus grande perfection. Trop âgé et trop fatigué pour me livrer main- tenant à cet examen, J'ai fondé mon espoir sur ce savant, qui, pour cette branche de l’entomologie, a peu de con- currents à redouter. « La première livraison représente, 1° le papillon xathus déja connu et fi- guré, mais que l’on vient de découvrir aux environs d'Orenbourg, et c’est sur uh tel individu que le dessin a été fait; 2° Ja thaïs cerigüi, jolie espèce, dédiée à l'officier de la marine francaise, de ce nom, qui est chargé des constructions navales du pacha d'Égypte. « La seconde livraison nous offre la thaïs cassandra, très rapprochée de l’es- pèce nommée hypsipyle. Elle remplace celle-ci dans quelques contrées méridio- nales et orientales de l'Europe. Vient ensuite une autre thaïs, honoratii, dé- couverte aux environs de Digne, par M. Honorat. Ce n’est peut-être, ainsi que le pense l’auteur, qu’une très jolie variété locale, à taches sanguines, élar- gies, de la thaïs rumina. Sur la quatrième et dernière planche, l’on voit la doritis apollina, charmante espèce, très inexac- tement figurée jusqu'alors, et qui fait le passage des thaïs aux parnassiens. L’es- pèce de ce dernier genre, appelée no- mion, par M. Fischer, et propre à la Russie, est accolée à la précédente. La figure de la piéride sümplonia est ren- voyée à la livraison suivante, plan- che 5. « Entraîné peut-être par l’exemple de M. le comte Dejean, M. Boisduval ne traduit dans notre langue aucun nom spécifique. C’est ainsi que celui du dieu du Parnasse, donné à une espèce, n’est plus apollon, mais apollo. Toutes les muses, tous les héros de la fable, re- prennent leurs dénominations primiti- ves. Gardez-vous, qui plus est, de dire un papillon, c’est du mauvais goût; un papilio, voilà ce qui convient. On croi- roit, en vérité, que nous ne sommes plus en France, mais dans l'antique cité des Romains. Je sais que quelques en- tomologistes repoussent également ces traductions françaises, et qu'ils héris- sent leurs descriptions de certains mots VI propres à la langue latine, ou à celle de lentomologie. Mais pourquoi ne pas chercher à faire aimer et à populariser cette science, en empruntant du fran- çais des expressions qui, quoique un peu moins laconiques, ont la même si- gnification ? « De toutes les collections de lépidop- tères de cette capitale, celle de M. Bois- duval est sans contredit la plus belle et la plus complète. Si à ces moyens vous ajoutez les secours que peuvent lui fournir une correspondance très active et fort étendue, ses propres recherches, et des sacrifices pécuniaires qui ne l'ar- rétent Jamais, vous serez convaincus qu’il peut répondre parfaitement à l’at- tente des amateurs, et fixermieux qu’au- cun autre leurs doutes surung#randnom- bre d’espéces dont les limites sont pro- blématiques. « Ses descriptions , précédées d'une phrase latine, bien formulée, m'ont paru très exactes et très soignées. Quant à la fidélité et la beauté remarquable des dessins de son ouvrage, qui sont, comme je l'ai dit, un point capital, si mon pro- pre témoignage ne vous suffisoit pas, ou que vous le soupconniez de partialité, vous pourrez en juger par vous-mêmes. L'éditeur, dans cette circonstance, sem- ble avoir entièrement perdu de vue son commerce, en n’épargnant rien pour remplir les desirs de l’auteurt desautres naturalistes. LATREILLE, rapporteur.» VII ENCYCLOPÉDIE DES SCIENCES NATURELLES, 60 volumes in-8', enrichis d’un grand nombre de planches originales, exécutées avec le plus grand soin : par des membres de l’Institut, des professeurs au Jardin du Roi, et des natura- listes de l’école de Paris. Publié par M. Roret, libraire-éditeur, rue Haute- feuille à Paris. Extrait du Prospectus général non publié. Dans ce siécle, un vif élan a été im- primé aux sciences naturelles chez tous les peuples civilisés, et les progrès des diverses branches qui en composent le domaine se sont prodigieusement enri- chis, depuis qu’une paix générale a sur- tout facilité les voyages lointains, ou les investigations paisibles et prolongées des naturalistes au sein méme de l’Eu- rope. Le goût général de tous les hom- mes pour l'étude des êtres ou des corps qui composent l’ensemble de notre pla- néte, n’est plus alimenté par une vague curiosité. Un mobile plus élevé favorise aujourd’hui cette étude, source d’une haute et profonde philosophie, où vien- nent puiser tour-à-tour les autres bran- ches des connaissances humaines, et qui féconde même celles qui lui sont en ap- parence les plus étrangères. Un besoin de vérité démontrée régne, domine au- jourd’hui tous les esprits. L’examen des faits est de première nécessité pour l’éta- blissement d’un système coordonné, et les méthodes ne sont que des échafau- dages accessoires, où viennent se grou- per les détails de ces mêmes faits. De là est née cette multiplicité prodigieuse de travaux épars, publiés dans toutes les langues et chez tous les peuples, dans des ouvrages ex professo, ou dans des recueils périodiques, qui composent aujourd’hui pour l'étude des archives accablantes à consulter; et jamais cependant, dans au- cun temps et à aucune autre époque, il neseroit plus intéressant pour toutes les classes de lecteurs et pour les naturalistes exclusifs même, de dresser des catalo- gues des richesses qui encombrent les musées, ou qui forment l’objet d’une foule d'ouvrages publiés à grands frais. Depuis la 13° édition du Systema nature, aucun traité embrassant l’ensemble de la science n’aété tenté dans le but que nous venons d'indiquer. Cette lacune étoit sentie par tous les esprits, mais personne n’osoit entreprendre d'élever un tel mo- nument aux connoissances du dix-neu- vième siécle. Des dictionnaires volumi- neux vinrent bien satisfaire en France aux premiers besoins; mais chaque arti- cle soumis à l'ordre alphabétique, et par cela même dépouillé des caractères gé- néraux qui lui assignent ses vrais rap- ports, est subordonné d’ailleurs à ceux qui l'entourent, et il arrive que les pre- miers se trouvent souvent peu en rap- portavec lesderniers, parceque lascience a fait d'immenses progrès dans l’inter- valle des deux publications. Un diction- naire ne peut donc jamais être Pexpres- sion vraie de l’état de la science. On desiroit de toute part un tableau général , méthodique des sciences natu- relles, une sorte de système universel de la nature, où toutes les découvertes mo- dernes, où tous les travaux, soumis au creuset d’un examen récent, vinssent se vITT classer dans un ordre régulier et scien- tifique. Ce grand ensemble si impérieu- sement demandé, devenu un des besoins de notre époque; ce système où chaque partie doit être distincte, même en com- posant un tout unique, où chaque bran- che de la science devra être traitée par le savant connu pour s’en être occupé avec succès, est celui dont nous annoncçons la prochaine publication. Cet ouvrage embrassera ainsi la géné- ralité des sciences naturelles; chaque traité sera séparé et consacré à telle ou telle partie dans des rapports calculés d'avance par l'étendue ou le nombre des êtres ou de la matière qui doivent le constituer; et comme les planches sont un des moyens descriptifs les plus avan- tageux, on en ajoutera à chaque volume du texte un certain nombre, sans toute- fois rendre trop élevé le prix d’achat. Soixante volumes in-89, imprimésavec le soin le plus scrupuleux, sur beau pa- pier, formeront un nombre total (que l'éditeur ne veut dépasser sous aucun prétexte) qui nous paroît suffisant pour donner à cet ensemble d’histoire natu- relle toute l’étendue convenable. On con- çoît que chaque auteur, travaillant sans 2 o à la matière qui lui est fa- milière, permettra de publier, dans un laps de temps peu considérable, la tota- lité des traités séparés dont se compo- sera cette Encyclopédie. Le nom seul des auteurs sera pour le public un sûr garant de la conscience et du talent apporté à la rédaction des traités.