\ dre IP) \ au =. + es Es RER ee OBSERVATIONS LS U R LA PHYSIQUE, SUR L'HISTOIRE NATURELLE ET SAURN HE SURASRIT.ST, AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE DÉDIÉES A Mgr. LE COMTE D'ARTOIS,; Par M. l'Abbé RoziER, Chevalier de l'Eglife de Lyon , de l'Académie Royale des Sciences, Beaux-Arts & Belles-Lettres de Lyon, de Villefranche , de Dijon , de Marfeille, de Nifmes , de Fleffingue , de la Société Impériale de Phyf- que & de Botanique de Florence , de Berne , de Zurich , de Madrid, Correfpondant de la Société des Arts de Londres , de la Société Philofophique de Philadelphie , &c. ancien Direéteur de l'Ecole Royale de Médecine-Vétérinaire de Lyon. Nouvelle Édition. T0 M'FED XIE M E: ? JT LL EST, 1777. APR ES RUE ET HÔTEL SERPENT E. RP CRE TPE DEN DATE LEP ETES PRE SR nm nee NEMRDACIC FER ERUXET L AVEC PRIVILEGE DCR O'I: WE Bis 4 PE 1) ai TL! i SRE ENS S; M OBSERVATIONS MÉMOIRES SAUER LA PHYSIQUE, SUR L'HISTOIRE NATURELLE ET SUR LES ARTS ET METIERS. EL O GE DE MONSIEUR VENEL, Prononcé à l'Académie de Montpellier (1 ). Ces alor VENEL naquit au village de Tourbes, dans le Diocèfe de Beziers, à une demi-lieue de Pézenas , le 23 Août 1723 , d'Etienne Venel , Doéteur en Médecine de la Faculté (1) On trouve un autre Eloge, par M. S. S. M., imprimé chez Cuchet, Li- braire à Grenoble ; & à Paris, chez Nyon, Libraire, rue Saint-Jean-de-Beauvais, in-8°. de 80 pages, 1777. JUILLET. À 2 4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE de Montpellier, & d'Anne Hiché. Il trouva dans le fein de fa famille , établie depuis long-tems à Pézenas , des exemples propres à lui marquer , par avance, la route qu'il desoit fuivre. Fils & petit-fils de Médecins diftingués dans la pratique de leur art, il prit naturellement le goût de la même profeflion , &t s'y voua, pour ainfi dire , dès fa plus tendre enfance. Il fit fes Humanités & fa Philofophie au collége de l'Oratoire de Pézenas , fous d'excellens Maîtres qui, charmés de rencontrer en lui les plus heureufes difpofitions, s'appliquèrent particulièrement à les cultiver : il en a confervé toute fa vie une extrême reconnoif- fance. Après fa Philofophie , il vint étudier en Médecine à Montpellier. Il y reçut le Bonnet de Docteur en 1742, ayant conftamment mé- rité , dans le cours de fes exercices , l'approbation & les éloges des favans Profeffeurs qu’il eut pour Juges, & dont il devoit partager un jour les travaux & la gloire. Les connoiffances qui fuffifent , à la rigueur , pour le Doétorar, ne peuvent entrer en comparaifon avec toutes celles qu'un Médecin doit acquérir. Les différentes branches de fa Profeflion , les Sciences qui sy rapportent, font d'une étendue & d'une difcuffion infinie. En portant fes regards fur ces objets, en leur donnant l'attention qu'ils exigent , M. Venel éprouvoit toujours que la Chymie avoit plns particulièrement le droit de le fixer; effet naturel d'un pen- chant des plus vifs, qui prenoit fans cefle de nouvelles forces : ré- folu de le fatisfaire, & perfuadé qu'il trouveroit plus diicilement en Province ce qu'il ambitionnoit de pofléder déjà parfaitement, il alla chercher la Chymie à Paris. Le célèbre M. Rouelle en donnoit publiquement des leçons avec une fupériorité reconnue : cette fcience dans fes mains , avoit changé de face. Ce n'eit pas que, dans le dernier fiècle , le fameux Lémery, en défendant à la Chymie d’être myftérieufe, en la féparant des rêveries des Alchymiftes , n’eût dévoilé le fecrer & le manuel d'un grand nombre d'opérations; mais la vraie théorie , la partie philo- fophique de la fcience, éroit inconnue ou négligée , & avec elle, toutes les opérations que le développement de cette théorie devoit produire ou perfectionner. Il étoit réfervé à M. Rouelle , guidé par fon génie, inftruit par Ja lecture de deux ou trois Auteurs qu'il avoit entendus ou de- vinés , d'ouvrir à fa nation & à fon fiècle une nouvelle fource de lumières & de richeffes ; de préfenter la Chymie comme une nouvelle fcience, avec toute fa dignité. C'eft à M. Rouelle que M, Venel s’adreffa; il fe mit fous fa conduite , recueillit fes inftruc- ions , travailla dans fon laboratoire. La rapidité de fes progrès fut SUR L'HIST. NATURELLE ÊT LES ARTS. ÿ propottionnée à l'ardeur qu'il témoignoit; & M. Rouelle vit bientôt qu'il n'avoit pas, dans M. Venel, un difciple ordinaire. Tous ceux qui s'engagent dans la carrière des Sciences , n’oferoient fe flatter d'y courir d'un pas égal. Il eft des efprits d’un ordre infé- rieur, qui, fe trainant lentement & avec effort fur les pas d’autrui , ne peuvent s'élever eux-mêmes. Ils amafferont quelques vérités déjà connues , mais jamais ils n’iront au-delà ; n’attendez de leur part que ces produétions médiocres , qu'une foible imitation fait éclore. Les découvertes leur font interdites ; ils n'imaginent pas même qu’il y ait rien à découvrir. Il n'en eft pas ainfi de ces hommes privilégiés , qui, nés pour une fcience , femblent avoir comme un droit de propriété fur elle ; ceux- ci volent quand les autres rampent ; ils pourront d'abord être dif- ciples , mais on les verra bientôt à côté des plus grands Maîtres ; un fimple rayon de lumière fuflit pour les éclairer : faits pour pren- dre l'effor , il vont fe placer à la fource ; ils faififlent eux-mêmes les principes ; & contemplent à leur gré l'immenfité des conféquen- ces ; ils abandonnent aux efprits minutieux les minces détails, & £e réfervent les grandes vues : les préjugés, les erreurs , les faux fyf- têmes difparoiflent devant eux; des vérités long-tems ignorées , naif- fent fous leurs pas : tout ce qu’ils touchent, s'anime , devient fécond, reçoit une nouvelle vie : fi des circonftances peu favorables fufpen- dent le cours de leurs travaux, ce qu'ils ont fait eft le garant de ce qu'ils avoient à produire ; leurs moindres cflais décèlent cet ef- prit original & créateur, dont ils impriment par-tout le caraétère ; limitation même , qui les rend maîtres des richefles d'autrui, ne peut leur Ôter le mérite de la découverte & la gloire de l'inven- tion. Il fut aifé de juger dans laquelle de ces deux claffes la Nature avoit infcrit M. Venel : M. Rouelle ne pouvoit s'y méprendre, Quelque prodigue qu'il fut de fes tréfors favans , il s'étoit réfervé bien des fecrets , dont il ne parloit qu'énigmatiquement à fes Dif- ciples. Il arrivoit affez fouvent à M. Venel d'entendre ces énigmes. M. Rouelle devenoit alors plus circonfpeét à fon égard , & prenoit de nouvelles précautions contre les attaques & les piéges de ce démon du midi; c'eft ainfi qu'il l'appelloit quelquefois , pour marquer ce qu'il avoit à craindre de fa pénétration. En fortant de l’école de M. Rouelle, M. Venel fut heureufement placé pour faire , par lui-même , un nouvel & riche amas de con- noiffances & d'obfervations. Feu S. A. S. Monfeigneur le Duc d'Or- léans, au milieu des exercices d'une auftère piété, favoriloit , cul- tivoit même les Sciences, la Chymie fur-tout, pour laquelle il montra, dans tous les tems, un goût héréditaire. 11 donna la 1777. JUILLET. [Uu k L 6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, direction de fon Laboratoire à M. Venel, & lui procura , par fa ma- gnificence, l'avantage de faire un grand nombre de favans effais, auxquels la fortune d'un particulier n’auroit pas fufñ. M. Venel ne quitta le Palais-Royal qu'à la mort de S. A.S., dont l'augufte héri- tier, pour fe l’attacher particulièrement, le décora du titre de fon Médecin ordinaire. Il mit, pendant fept ans, à profit tous les avantages du féjour de la Capitale, vivant avec les Savans, bien connu de plufieurs d’entr'eux, eftimé déjà de tous. Un voyage qu'il eut occafion de faire en Allemagne, ne pouvoit être inutile à la Chymie, fi bien cultivée en ce pays-là. Il en rapporta l’analyfe des Eaux de Seltz, ou Selters, dans l'Eleétorat de ‘Trèves. Ces eaux, fuivant le célèbre Frédéric Hoffman, regardé comme le réformateur de l'analyfe des eaux minérales, fontWébitueufes & très-alkalines. Des Chymiftes plus anciens, trompés, par leur goût, les avoient, au contraire, jugées acidules. nel , plus fürement conduit par l'examen qu'il en fit, n’y trouva nt i ni acide, ni aucun principe vraiment fpiritueux. Leur faveur Vive, piquante, pénétrante, & qui imite fi bien la moufle pétillante du vin de Champagne, de la bière & du cidre, font dues au déga- gement d'une quantité confidérable d’air combiné dans ces eaux & dans un érat de diffolution. Il n'y a dans les eaux ge Seltz, que de l'air, de l'eau, & un peu de fel marin : nul autre principe m'eft rendu fenfible par leur analyfe. M. Venel, ayant compofé, par une opération particulière, du fel marin dans l'eau commune; ayant dégagé, par ce moyen, une grande quantité d'air, parvint à donner à cette eau la propriété de mouffer. Il compofa des eaux aérées, c’eft l'expreffion dont il fe fert. On a donc ici la double preuve que fourniffent l'analyfe & la recompofition, ce qui eft une démonftration complette en Chymie. Cet air, dont il avoit obfervé & procuré le dégagement, eft le fpiritus, le gas filveftre de Vanhelmont; l'air artificiel de Boyle; le fluide élaftique de Halles; l'air fixe, l'objet des recherches de plu- fieurs Phyficiens & Chymiftes de nos jours , la plupart Anglois, em- ployés par eux à l'explication d’une infinité de phénomènes de la Nature, propofé comme un remède très-efficace dans plufieurs ma- ladies. M. Venel a montré le premier dans les eaux minérales, cet air fixe ou air furabondant, comme un des principes de leur com- poñition; il a donné le premier la manière d’imiter les eaux pré- tendues fpiritueufes ou acidules, & réellement aërées. Cette décou- verte, cette imitation lui appartiennent entièrement. L’Angleterre ne lui en difpute pas la gloire, quoiqu'elle ait tant de droits fur cette matière, & que le mérite de l'invention lui foit, en général, SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 7 fi familier. Ceux qui parlent aujourd'hui le plus des propriétés de l'air fixe, rendent la même juftice à M. Venel, & fe font honneur de marcher à fa fuite. L'hiftoire & les réfultats de fon travail fur les Eaux de Seltz, font l’objet de deux Mémoires lus à l’Académie des Sciences de Paris, en 1750, & imprimés dans le fecond volume des Savans Etran- gers. Le même volume en contient un autre de M. Venel, fur l'analyfe des végétaux. Il n’eft point queftion de cette ancienne ana- lyfe , qui retiroit de tous les végétaux, par la diftillation, prefque les mêmes fubftances. A cette méthode infufifante & défeétueufe, il en fubftitue une nou qui , par la combinaifon de différentes matières, force, en quelque forte, avec très-peu de chaleur, & fouvent même à froid; les différens principes des végétaux à fe ma- nifefter, fans craindre que la violence du feu les détruife ou change leur nature. Ce Mémoire eft marqué vifiblement au coin des pré- cédens, c'eft la même manière d'appercevoir , de difcuter, de failir; nouvelle vue , nouveaux procédés, nouvelles découvertes. L’analyfe des eaux de Seltz fit fenrir toute l'utilité d'un plus grand travail fur ces fortes d'objets; & M. Venel , déjà défigné par la voix publique , fut chargé, par le Gouvernement, d’analyfer routes les Eaux du Royaume. On ne pouvoit fe fier à l'examen qu'en avoit fait au- trefois M. Duclos. Les procédés de ce Chymifte, du fiècle pañé, indiquoient à peine, par des effets fouvent équivoques, quelques principes des eaux minérales. S'ils en mettoient quelques autres fous les fens, ce n'étoit qu'après avoir dérangé leur compofition, fans fournir le moyen de s'aflurer de cette altération. Tous dès inconvé- niens devoient ceffer par la méthode que M. Venel fe Mopofoit de fuivre. On lui donna, dans M. Bayen, un digne adjoMt pour fes opérations : ils parcoururent enfemble les différentes proces, firent leurs effais fur routes les eaux minérales, ou juftement foupçonnées de l'être ; en féparèrent, par une évaporation lente, les différens pro- duits, dont er "A l'examen ultérieur : la partie chy- mique de l'ouvrage, e oit être la plus confidérable & la plus difficile; mais la partie médicinale demandoit aufi de l'attention & une exactitude particulière, pour n’attribuer aux eaux que des vertus, ou déduites immédiatement de leurs analyfes , ou bien conf- tatées par l’obfervation. Il profitoit, dans fes courfes chymiques, de l’occafion d'acquérir des connoïffances fur l’Hiftoire naturelle du pays, fur l'Agriculture & le Commerce, fur l’Induftrie des habitans. Il queftionnoit volon- tiers fur tous ces objets, les perfonnes du peuple & les gens de la campagne ; & grace au don qu'il avoit de fe mettre à leur portée, il fe ménageoit l'avantage qu'un Sayant ne doit jamais négliger , 1777. JUILLET. \ 8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'être fouvent inftruit par l'ignorant. Avec cette curiofité, & le moyen qu'il prenoit pour la fatisfaire , il eût pu devenir un grand voyageur, à l'exemple de fon ayeul paternel, qui, fous les aufpices de M. d'Andrezelle, Ambaffedeur de France, à Conftantinople, auquel il étoit attaché par le double titre de Médecin & d'ami, avoit parcouru en Philofophe & en Naturalifte, la plupart des. vaftes contrées de l'Empire Ottoman. Pendant que M. Venel étoit le plus occupé de fon travail fur les eaux minérales, il compofoit, dans certains momens de loifir, & prefque par délaffement, un grand nombre d'articles pour l'Ency- clopédie. Prefque tous ceux de Chymie, beaucoup d'articles de Phar- macie, de Phyfologie & de Médecine, font de lui, à commencer par le troifième volume; car il a moins fourni aux deux précédens. Dans tous ces morceaux détachés les uns des autres, on trouve les obfervations , les vues, les grandes idées , les fublimes théories, dont l'Auteur étoit plein. Son article Chymie, préfente le double tableau des différens objets de cette fcience & de fes progrès, depuis fon enfance jufqu’à nos jours. Il en relève l'excellence en termes magni- fiques, & l'on pourroit croire qu'il va jufqu’à l'enthoufiafme ; mais il eft permis quelquefois d'être enthoufiafte de ce qu'on aime. Un point qui, dans cet article, paroît Jui tenir infiniment à cœur, eft une efpèce de partage qu'il prétend faire entre la Phyfique & la Chymie, en affignant à l'une & à l'autre des objets féparés. Le Phyficien examine les propriétés des mafles ; le Chymifte s'occupe des affections des petits corps : les qualités fenfibles, les forces mou- vantes, font l'objet du premier; le fecond, voit des rapports & des principes : l'un, calcule rigoureufement des effets, & veut tout ramener aux loix connues de la méchanique; les théories de l'autre, vagues & d’approximation, indépendantes des notions méchaniques ordinaires, font puifées immédiatement dans la nature même. Tout ce fyftème @e divifion porte uniquement fur l'idée reftteinte que M. Venel, après M. Rouelle, s'étoit faite de la Phyfique; mais certe idée eft-elle bien exa“te? La Chymie n’eft-elle pas toujours une dépendance , une partie eflfentielle de la Phyfique, prife en grand? Et un Phyfcien, perfuadé que fa fcience embraffe toute la nature, fouffrira-t-il tranquillement que l'on veuille ainfi démembrer fes états ? Tout ce qu'on peut dire de plus raifonnable fur les premiers corps élémentaires , dévoilés à un certain point par les travaux chymilftes, eft clairement expofé par M. Venel dans l’article Principes. L'article Diftillation , renferme , avec la théorie de cette opération importante, des détails de pratique fort utiles aux Artiftes. L'analyfe des fubitances animales, eft encore aflez imparfaite, ce qui : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 9 qui rend précieufes les notions chymiques à l’article Lait, qui, par rapport à la diète & à la matière médicale , eft d’ailleurs très-inté- reffante. Le lait, confidéré comme aliment & comme remède, paroit à M. Venel, avoir acquis une trop grande réputation. Quand on a müûrement pefé tout ce qu'il étale d’obfervations & de réflexions à ce fujet, il eft difficile de ne pas être de fon avis. L'article Climat, Médecine, eft un morceau philofophique agréa- blement écrit. Ceux qui voudront voir comment M. Venel difcutoit un point de Phyfologie, doivent lire l'article Digefiion économie animale; il n'y balance pas.long-tems entre les deux fyftêémes de la tritura- tion & de la diflolution. Il obferve que des alimens très-exaétement broyés, ne font pas pour cela digérés, puifque le chyle n’eft pas une poudre, mais un extrait qui fe tire de plufieurs liquides, tels que les bouillons & le lait, incapables certainement d’être broyés. Cette confidération effentielle de la digeftion des alimens liquides, avoit échappé à tous les Phyfiologiftes; elle anéantit le fyftéme de la trituration. M. de Réaumur n'avoit pu réfoudre la queftion que par une longue fuite d'expériences faites fur les oifeaux : M. Venel, par une fimple vue & en deux mots, l'a décidée. Nous avons pris ces articles prefque au hafard. Si l'on vouloit indiquer tous ceux qu'on auroit droit de regarder comme les plus intéreffans , on pañleroit les bornes ordinaires, & le choix ne fau- veroit point l'inconvénient qui naîtroit de la multitude; il {uffra de dire que tous les morceaux qui ont rapport à la Chymie, raf- femblés par une main habile, formeroient un Traité fur certe fcience, fupérieur, peut-être , à tout ce qu'on a donné jufqu'ici. Il faudroit y joindre les articles compofés pour un Supplément que doit avoir l'Encyclopédie, & qui n’a pas encore paru; des circonftances impré- vues, arrêtérent & fufpendirent, pour un tems confidérable, le tra- vail fur les eaux minérales, déjà fort avancé. M. Venel vint alors à Montpellier, & fe mit fur les rangs pour difputer une Chaire vacante dans l'Univerfité de Médecine. La difpute devoit rouler fur la Chy- mie ; ainfi, la victoire ne pouvoit guère être douteufe. Il lui fallut foutenir cependant, & repoufler les efforts de plufieurs antagoniftes dignes de lui être oppofés, & qui fortirent fort honorablement de cette lice, quoique vaincus. Devenu Profeffeur en 1759, il eut de nouveaux devoirs à remplir. Il avoit, par le commerce des Savans de Paris, un peu perdu l’école de vue; il lui en falloit reprendre le ton; mais il fut le reétifier & le rendre, autant qu'il étoit poffible , conforme à la manière moderne, Tome X, Partie II. 1777. JUILLET. B FO OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & plus philofophique des Académies. Il a infiniment contribué à établir dans l'Univerfité de Médecine ,.cette nouvelle manière d’en- feigner. Nous parlons d'après lUniverfité même, qui, par l'organe d'un de fes Profeffleurs, M. Brouflonet, Membre de cette Aca- démie, a donné publiquement cette louange à M. Venel, dans le tribut qu'elle a rendu à fa mémoire. La Chaire de M. Venel, quoique le prix de fon favoir en Chymie, n'étoit pourtant pas deftinée, par la contiution de l'Univerfité., à l'enfeignement de cette fcience ; le Public, les Erudians fur-tout, en parurent fâchés. Pour répondre à leur emprefflement & à leur défir, il fit des Cours de Chÿmie conjointement avec M. Montet, dans le laboratoire de cet Académicien. Ces Cours, fouvent renou- vellés dans l'intervalle de neuf à dix ans, eurent beaucoup d'éclat, & nous leur devons, à Montpellier, le goût le plus répandu de la bonne Chymie, & plufieurs Chymifles. C'eft au milieu d'un de ces Cours, qu'il trouva un moyen très-fimple & très-eflicace de pré- ferver l'eau de la corruption. Il ne faut qu'une goutte d'huile de vitriol, ou quatre gouttes d'efprit de vitriol fur deux pintes d'eau, pour que l'eau fe confer re dans des barriques pendant la plus longue navigation. L’acide vitriolique, en fi petite quantité, ne commu- nique aucune efpèce de goût. M. Poiflonnier a donné le même moyen; mais on Voit, par une lettre inférée dans le Journal des Savans du mois de Janvier dernier, que M. Venel eft le premier en date. Ses leçons publiques dans l'Univerfité, avoient d'ordinaire pour objet la matière médicale, liée avec la Chymie par d'intimes rap- ports. Il avoit, fur les vertus de plufieurs drogues , ou préparations employées dans la Médecine comme remèdes, des idées aflez dif- férentes des opinions communes. On l’a vu fuivre avec le plus grand fuccès, dans le traitement de diverfes maladies, fes idées qui lui étoient particulières ; on lui a reconnu d'ailleurs beaucoup de talens pour la pratique, & peut-être ne lui a-t-il manqué en ce genre, que le tems & une volonté bien déterminée de s’y livrer. M. Venel, dans fon Mémoire fur les Eaux de Seltz & fur l’ana- lyfe des Végétaux, avoit déjà fait fes preuves à l'Académie des Sciences, qui l’auroit infailliblement reçu, s'il fe fût fixé à Paris. Il fut agrégé, en 1758, à la Société de Montpellier, fous le titre d'Adjoint; mais il devint bientôt Aflocié. Nous avons de lui plu- fieurs Mémoires : il en a trouvé les matières dans une manière de féparer l'acide nitreux de fa bafe, par l'intermède du foufre, & de rendre le foufre mou & flexible comme du cuir; dans de nou- velles vues fur la formation du nitre; dans les avantages de la SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. II Chymie, confidérée par rapport à l'Agriculture ; dans des obfervations curieufes fur la couleur verte des plantes, qui, felon lui, doit être attribuée au fer, métal répandu par-tout, & très- fufceptible d'être divifé; dans l'examen des fumées qui s'élèvent des grands tas de tabacs incendiés ; il prouve que ces fumées ne font point nuifibles. Ces Mémoires ont été lus, pour la plupart, dans les Affemblées publiques de la Société. Un ouvrage beaucoup plus confidérable, eft celui qu'il fit parof- tre, en 1774, fous le nom d'Inftruétion fur l'ufage de la Houille, plus connue fous le nom impropre de charbon de terre, pour faire du feu, publié par ordre des Etats de la Province de Languedoc. Les motifs qui avoient déterminé cet ouvrage, dont il avoit donné, un an auparavant, un Profpeëtus ou Précis, font expofés dans un Difcours préliminaire, & ne fauroient être plus importans. Le bois de chauffage devient de jour en jour plus rare, & la difetre en eft extrême en Languedoc; les bonnes mines de Houille ou de char- bon de terre, y font, au contraire, fort communes, & ces fortes de mines font ordinairement inépuifables. Rien ne feroit donc plus avantageux que de pouvoir fubflituer dans cette Province, le char- bon de terre au bois à brûler; mais il faut auparavant détruire le préjugé commun, qui accufe la fumée de ce charbon d’infalubrité; il faut, de plus, apprendre au peuple à fe fervir d'une richeffe que la Nature lui a prodiguée fi libéralement. Les Etats, toujours zélés pour le bien public, prirent ces objets en confidération , & délibé- rèrent , en 1772, de faire dreffer un corps d'inftructions fur l'emploi du charbon de terre dans tous les feux deftinés aux ufages domef- tiques & à différens arts. L'ouvrage, compofé par M. Vencl, eft ce corps d’inftruétions. Nous r’entrerons point dans le détail de cet ouvrage. L’Auteur a rempli le plan propofé. La houille n’eft plus malfaifante; on pourra déformais la brûler fans défiance, & toujours impunément. Ces feux font plus brillans & chauffent mieux que le bois : le luxe même doit s'en accommoder. A l'égard des fervices que la houille peut rendre aux arts, ils font infinis, & l'on auroit un tort extrême de la négliger. Ce qui fait le mieux l'éloge de l'ouvrage, c’eft le fruit qu'il a produit; les feux de la houille déjà s’allument dans divers lieux de la Province, & ils deviendront bieatôt plus communs; & grace à M. de Genfanne, qui nous fait fi bien connoître notre minéralogie, la houille ou le charbon de terre, ne manquera point ; effet de l'attention vigilante de l’augufte affem- blée des Etats, des vues fublimes & de l’ardeur patriotique de fon illuftre & digne Chef, l’Archevéque de Narbonne, Académicien honoraire, reçu Commandeur de l'Ordre du Saint-Efprit, le premier 1777. JUILLET. B 2 5) OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Janvier 1776, que les Sciences, encouragées par fes nouveaux bien- faits, aiment à voir aujourd'hui, revêtu des marques d’une diftinétion qui rend encore plus glorieufe l'éclat de fes vertus. Quitte de l'ouvrage dont on vient de parler, M. Venel revint enfin au ‘Traité {ur les Eaux minérales du Royaume, interrompu depuis fi long-tems. Les caufes de certe longue interruption avoient ceflé, & il fe voyoir excité par des encouragemens nouveaux de la part du Gouvernement, à mettre fin à cette vafte entreprife. Après avoir parcouru deux Provinces, les feules dont il n'eût pas encore vu les fources minérales, il fe rendit chez lui, à Pézenas, & fe mit au travail. Il examina les différens produits des eaux, raf- femblant fucceffivement les analyfes particulières , auxquelles il devoit joindre plufieurs Differtations deftinées à l'expofition des grandes vues, & qui auroient formé la partie philofophique de l'ouvrage. On demandoic de toute part où il en étoit, & s'il auroit bientôt fini. Lui-même, aufi impatient que le public, ne s'épargnoit point, & pour aller plus vite, il confacroit au travail une grande partie des nuits. On prétend que ce genre de vie, qui ne lui étoit pas ordinaire, lui échauffa ie fang, & rendit incurable un mal qui lui étoir venu à une jambe par accident, & dont il m'avoit pas cru d'abord devoir beaucoup redouter les fuites. Quand il vit que ce mal s'envenimoit de plus en plus, il fe fit tranfporter à Mont- pellier, où la Médecine & la Chirurgie firent, pendant plus de deux mois, d’inutiles tentatives pour le guérir. Il reconnut lui- même l'impuiffance des reffources de l'art, & on n'eut pas befoin de précautions & de détours pour lui annoncer qu'il devoit fe pré- parer chrétiennement à la mort. Le digne Pafteur, dont le minif- tère & les exhortations le confolèrent dans ces derniers momens, le trouva toujours dans de grands fentimens de réfignation & de chriftianifine. Après avoir reçu les fecours de la Religion, il mourut le 29 Oobre 1775, âgé de 52 ans. Il n'étoit point marié, & peut-être ne s’étoit-il jamais donné le tems de penfer férieufement au mariage. Il a laiffé un pere oéto- génaire, deux fœurs & deux freres, dont l'un a été long-tems Curé de Tourbes, & l'autre exerce à Pézenas, avec diftinétion, la profeflion de Médecine, la plus ordinaire dans fa famille. Nous avons dépeint M. Venel comme un grand Chymifte; nous ajouterons , fans craindre d'être défavoués , » que fi la Chymie n'eût » jamais exifté, il eût été dans quelqu’autre genre un homme remar- » quable. Quelques fujets que l’on traitât avec lui, on voyoit bientôt percer le génie. Un jufte & vif difcernement, un coup -d'œil prompt & rapide, mais für, lui épargnoient fouvent la difcuffion; il avoit SUR L'HIST. NATUREITIE ET LES ARTS. 13 vu fouvent, & bien vu. Il cultivoit afliduement les Belles-Lettres , & jugeoit très-fainement d'un ouvrage d'efprit. La partie du ftyle intéreile infiniment dans fes écrits ; il ayoit ce mérite, que fon ftyle étoit uniquement à lui. La force & l'énergie y dominoient ; quel- quefois , pour être nerveux & concis , il devint dur; mais des traits faillans que fon imagination fait lui fournir à propos , rendent fou- vent agréable cette dureté même. La facilité du travail lui permettoit de fortir fouvent de fon ca- binet , pour goûter les charmes de la fociété ; il n'y étoit pas, à beaucoup près , infenfible , & il quittoit quand il le falloit , les fciences pour fes amis , pour un divertiflement honnête , für de re- trouver en un moment & quand il le vouloit, toutes fes idées. En général , il étoit fouverainement ennemi de la contrainte & de la gêne ; les vaines formalités , un cérémonial inutile , l'ennuyoient Par avance ; il y avoit fous ce rapport une énorme diftance entre un Chinois & lui; ce n'eft pas qu'il manquât d’ailleurs à la bien- féance & aux égards néceflaires , qui ne doivent rien coûter quand On a vécu, comme lui, dans un monde choifi. Il avoit appris au- près des Miniftres, des perfonnes en place, chez Monfeigneur le Duc d'Orléans , la véritable manière de vivre avec les grands , fans familiarité & fans baflfeffe, avec cette liberté décente qui convient à la dignité d’un Philofophe & à l'honneur de la Philofophie. On lui a reproché, car nous ne diffimulons rien , d’être un peu trop dogmatique & trop tranchant dans fes décifions ; de parler avec trop peu de ménagement des opinions qu'il combattoit, des ouvrages & des Auteurs. Nous fommes perfuadés que le feul amour de la vérité & la noble affurance de l'avoir trouvée , lui faifoient prendre ce ton qu’on improuve, & qu'il n’avoit nul deffein de bleffer perfonne. Ceux qui l'ayant vu de plus près, ont pu étudier fon carac- tère , favent aflez qu'il l'avoir excellent. Il étoit bon parent, bon ami , très-attaché à Pézenas , fa patrie, dont il faifoit volontiers les honneurs aux étrangers. Il parloit de Pézenas avec complaifance , & s’en rendoit fouvent le panégyrifte. I fit un jour un Logogryphe pour une de fes feuilles périodiques, connues fous le nom d’Affiches ; le mot de ce Logogryphe étoit Pézenas. Il avoit trouvé le fecret d'y placer tout ce qui relève la gloire de cette Ville , & n'avoit point oublié que c'étoit là que le fameux Molière avoit déployé les effais de fon merveilleux talent pour le genre &t la fcène comique. Il vouloit, après la publication de fon ouvrage fur les Eaux minérales , fe démettre de fa place de Profefleur , fe retirer pour toujours à Pézenas, y vivre avec fes amis; appliquer la Chymie 1777. JUILLET. 14 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE à l'Agriculture dans une maifon de campagne, dont il faifoit fes délices; compofer encore de tems en tems, quelques petits ou- vrages , comme par délaffement. Il étoit en correfpondance avec les Savans de tous les pays, & fur-tout de la Capitale , dont plu- fieurs lui éroient artachés par des liaifons très-particulières. Nous citerons entre ces derniers, MM. Dalembert , Diderot , de Buffon, de Malesherbes , qui nous permettra de ne le traiter ici que de favant. Tous ces illuftres amis ont témoigné leurs regrets fur fa perte » & leur déplaifir de n’avoir pu recevoir de fes mains l’ou- vrage fi long-tems attendu. Nous nous faifons un plaifir d'annon- cer que cet ouvrage » compofé en partie , &t dont tous les premiers matériaux font raflemblés, ne fera imparfair en aucun fens. M. le Roy, Profeffeur en Médecine , Membre de cette Académie & de celle de Londres , vient d'être nommé pour aëhever ce grand travail. Son Analyfe des Eaux de Balaruc , un Traité particulier fur les Eaux minérales , des connoiffances chymiques très-approfondies, indiquoient déjà ce choix. M. Venel va revivre dans un Rédaéteur & un continuateur fi digne de lui. Er mmmmmmmmommemeunmimmm mm $ BE, 50 BR De M. Rome, Profeffeur de Mathématiques , à l'Auteur de ce Recueil, Relative à l'aimantation des Briques par la foudre & par le feu ordinaire. ques p P M ONSIEUR,on lit dans le Cahier du mois de Mai dernier » page 382, des Obfervations du Pere Beccaria , qui font connoïître deux nouveaux points d’analogie du magnétifme. Ce qu'il dit de laimantation de plufieurs briques par un coup de foudre , reffem- ble trop à ce que Robert Boyle a obfervé 87 ans avant, pour ne pas rapprocher deux faits qui nous apprennent que la vertu magné- tique peut être donnée aux corps ferrugineux par plufieurs caufes ;, ou plutôt par une feule, mais plus générale qu'on ne lavoit foup- çonnée jufqu'à préfent. Voici l'expérience de Boyle ; traduite littéra- lement de l'Anglois (1). (1) Cette expérience eft tirée d’un ouvrage intitulé : Expériences & Obfervations SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 15 (1) » Pour confirmer ce que j'ai avancé ailleurs , que divers corps » font de nature magnétique, où ont en eux quelques parties qui » le font, & qu'on ne croit pas communément devoir être rappor- » tés à cette efpèce de corps , j'ajouterai l'expérience fuivante. » Une brique qui n’avoit point fervi, fut fciée dans fa longueur » en deux parties égales. Chacune d'elles ( en différens tems), fut » pouflée au feu, jufqu'au rouge , pendant un tems aflez long, & » enfuite refroidie , en la dirigeant du Nord au Sud. Elle acquit par- » là, comme je l'artendois , une vertu magnétique. Son extrémité » qui, en refroidiflant, regardoit le Sud , attira un peu, quoique » foiblement, la fleur-de-lys , dirigée au Nord d'une aiguille de » bouflole. Son autre extrémité repoufloit un peu plus vigoureufe- » ment la fleur-de-lys, & attiroit un peu l'autre pointe de l'ai- » guille », Je ne me permettrai ici d’autres réflexions fur cette expérience , & quelques autres du même Auteur , que les queftions fuivantes. 1°. Le fer, dans les corps qui le contiennent, doit êtré fous forme métallique , ou s'il ne left pas , il doit être revivifié par une caufe quelconque , avant que le corps reçoive aucune vertu mag- nétique , foit du feu, foit de la foudre. Dans ce cas, la foudre opère-t-elle feule, ou doit-elle à quelques circonftances particuliè- res , la revivification du fer dans la brique qu'elle aimante ? Ce qui met la difficulté dans tout fon jour, c’eft l’obfervation faite par le Pere Beccaria , de plufieurs briques frappées & vitrifiées par le même coup de foudre ; mais les unes qui avoient confervé leur couleur pâle , n’avoient reçu aucune vertu magnétique , tandis que d’autres étoient devenues noirâtres , ( ce qui annonce la revivification) comme Boyle l’a aufi obfervé fur un autre corps de même nature (2), & attiroient ou repoufloient une aiguille aimantée. 2°. 11 paroît effentiel , pour le fuccès de l'expérience , d'après les obfervations de Beccaria & de Boyle , que la brique foit dirigée dans le méridien, lorfqu’elle eft refroidie ou qu’elle reçoit l’aétion de la foudre. Mais fi la brique étoit parfaitement fphérique , comme fa texture n’a ni fibres, ni lames longitudinales , fa pofition feroit effentiellement indifférente. La forme contribue donc pour beaucoup phyfiques , où l’on traite fuccinétement, par la voie de l'expérience , de plufieurs Sujets relatifs à la Philofophie naturelle. Imprimé à Londres, année 1691. (1) Chap. TL, contenant des expériences chymico-magnétiques, ( Expérience (2) Expérience XV, Chap, 1, de l'Ouvrage cité ci-deffus. 1777. JUILLET. 16 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, au fuccès de l'expérience , fi, étant oblongue , fa pofition doit être dans le méridien magnétique ? La chaleur, comme le fluide élec- trique , fe perdroit-elle donc plus facilement dans le fens de la lon- gueur , que dans celui de la largeur du corps, & dans la direétion méridienne , plutôt que dans toute autre ? ce que l'expérience doit confirmer. 3°. Enfin, ne devons-nous pas efpérer de réfoudre un jour ce problème : aimanter du fer par le fecours du feu feul ? Nous avons vu que le fer, comme la foudre , aimantoit une brique. Pourquoi le feu n'aimanteroit-il pas auffi-bien une aiguille, que le fait l’élec- tricité naturelle ou artificielle ? Ces conjedures ne valent pas des faits. Mais il eft toujours bon de difcuter ce qui a été fait avant nous, afin de donner lieu à un enchainement d'expériences qui confirment ou détruifent le raifon- pement. Un Auteur Anglois, célèbre , le Doéteur Hume , a très-bien dit, que dans la Phyfique, comme dans toutes les fciences phyfi- ques, il falloit toujours avoir un œil à la théorie & l'autre à l'ex- périence. oo D'ESC:R.I:P. T,1.0 N De la manière dont un Calcul a été diffout & expulfé de la veffie par lair fixe; Par M. NatTuAn4Azz Huzm, du Collège Royal de Médecine de Londres , & Médecin de la Maifon des Chartreux. à Fe Dorey , demeurant dans la Maifon des Chartreux , & âgé de 73 ans, éprouvoit les fymptômes les plus graves de la préfence d'une pierre formée dans la veñlie. Souvent, des douleurs très-vives fe faifoient fentir dans les reins, & une pefanteur extraordinaire fatiguoit beaucoup les parties voifines de l'os pubis. On fentoit au tac des protubérances vers l'extrémité du colon & autour de la vefle: Ce vieillard urinoit toujours avec peine, par intervalle , & quel- quefois involontairement. Il avoit fouvent rendu des calculs de forme ronde, & étoit toujours reflerré. Ses douleurs étoient fi vives dans linftint de l'accès, qu'il jetoit les hauts cris, & étoit hors de lui-même La foif le tourmentoit rarement, mais fes cris & fes gémiffemens SUR L'HIST. NATURELIE ET LES ARTS. 17 gémiflemens avoient tellement defféché fa langue & fon palais, qu'ils étoient collés & attachés l'un à l’autre, L'effet des remèdes jufqu’alors adminiftrés, n’avoit été que paf- fager; l'opération étoit la dernière reffource que défiroit ce mal- heureux vieillard. Je repaffai alors dans mon efprit le tableau de certains effets que préfentent les affinités chymiques, & je me rap- pellai la faculté dont jouit l'air fixe, de diffoudre les pierres. Je me déterminai en conféquence, à éprouver ce que produiroit dans le corps humain, un remède imprégné de cet air fixe : pour cet effet, le malade prit quatre fois par jour, 15 grains de fel alkali fixe de tartre, diflous dans 3 onces d’eau ordinaire, & je leur füubfti- tuai enfuire la même mefure d’eau, dans laquelle on avoit étendu 20 gouttes d'efprit de vitriol foible. Mon but étoit que l'inter- valle mis entre ces deux potions, augmenteroit la force de leur choc dans la région inférieure, & faciliteroit leur écoulement dans le corps du malade. Peu de jours après, je fus heureufement fur- pris d’appercevoir dans l'urine du malade plufieurs fragmens de cal- culs & un corps muqueux blanchâtre, femblable à une eau faturée de craie. Les faifceaux pierreux qui hérifloient cette matière blan- châtre , annonçoient aflez fon origine, & la faifoient reconnoître pour un calcul réduit à un état de ramolliffement & de divifion. Après avoir fait fécher cette fubitance , elle fe trouva très- légère, malgré fon volume. Le malade rendoit ordinairement ces calculs vers le point du jour, & il éprouvoit, pendant ce traitement, une légère douleur & une légère cuiffon vers le col de la veffie & dans l'urètre, effet que j'at- tribuai au paflage des corps durs & rabotteux qui le traverfoient. De jour en jour, le malade rendoit une plus grande quantité de pierres & de corps crétacés; de forte que le calcul dont il étoit tourmenté , fembloit s'être diffout & avoir entièrement coulé avec les urines. Il rendit, dans l'efpace d’un mois, plus de cent quatre- vingt fragmens pierreux de toute grandeur , fans compter ceux qu'il avoit rendus lorfqu'il fatisfaifoit au befoin d'uriner. Pendant que ces graviers étoient encore humides, leur couleur étoit rouffe, mais ils devenoient blancs par la deflication. Les uns n'avoient que l'épaif- feur d'une lame très-mince, d’autres formoient un volume plus confidérable ; ce qu’ils avoient de commun, étoit un côté convexe & life, & le côté oppofé, concave & rabotteux; d'où il eft aifé de conclure qu'ils étoient les débris d’une groffe pierre. L'ufage des remèdes dont on a parlé, prolongé pendant trois femaines, facilita la fortie des graviers, & guérit radicalement le malade. On leur joignoit des cathartiques doux, lorfque le ventre éroit trop reflerré; mais le fel de tartre & de vitriol provoquent affez Tome X, Part. II. 1777. JUILLET. C 13 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; communément les felles & les urines. Le régime nutritif n’a rien de particulier. Ses potions en formoient la plus grande partie le matin & le foir, & à midi. L'eau de genevrier, mélée avec l'eau com- mune, compofoit fa potion, & étroit fuivie d'un verre de vin blanc. Le malade avoit rarement foif. à DNA He PASS FARIES OMR 5 De M.JEan Ezrvrs, Membre de la Société Royale de Londres & de celle d'Upfal , à M. Cuarzes DE LiNKÉ , Chevalier de l’Etoile-Polaire, premier Médecin du Roi de Suède , Profeffeur de Botanique , à Upfal, &c., fur la Dionée, attrape-mouche ( Dionæea mufcipula) , plante irritable , nouvellement découverte ; Traduite par M. WizLzeMmET, Doyen des Apothicaires, Démonftrateur de Chymie & de Botanique au Collége Royal de Médecine de Nancy, Membre des Sociétés Royales patriotiques & économiqu:s de Suède, de Heffe - Hombourg , de Berne, & de celle de Médecine de Paris. (Voyez Planche 1 ). M ONSIEUR, comme je fais que tout ce qui peut augmenter vos connoiffances fur les êtres naturels, vous fair plaifir, je ne doute point de vous en caufer beaucoup par la plante admirable que j'ai l'honneur de vous envoyer , & dont je vous fais préfent. Vous avez vu des fenfitives qui, au moindre toucher, replient leurs feuilles, les laiffent tomber, ce qui excite l'admiration & l'éton- nement du fpeétateur. Mais on n’a pas encore pu découvrir le but que la Nature s'eft propofé en cela; car, quelque tems après , elles recouvrent leur premier état, & étendent leurs premiers feuillages comme auparavant. La plante, dont je vous envoye la figure exacte, avec un échan- tillon des fleurs & des feuilles, montre évidemment que la Nature a voulu pourvoir à fa nourriture, en formant la partie fupérieure de fes feuilles, de manière qu’elle renferme un iaftrument propre à retenir ce qui fe préfente à elle, & en mettant au milieu un appât qui attire les infeétes qui doivent lui fervir d’aliment. Car SUR Ll’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 19 on obferve une infinité de petites glandes rouges, qui recouvrent la fuperficie, laiffent voir une liqueur vraifemblablement douce, & qui femble inviter les infeétes à en venir goûter. Mais dans l'inftant que quelqu'un d'eux vient à toucher certe partie très-tendre , les lobes irrités fe rapprochent auffitôt. Le petit animal fe trouve faifi & preffé par des efpèces de piquans, dont cette partie de la feuille eft garnie, ce qui le fait périr. Pour rendre nul les efforts que l'infeête fait pour s'échapper, il fe trouve trois petits aiguillons droits, placés au milieu de chaque lobe, pour arrêter fes tentatives. Les lobes ne fe rouvrent qu'autant que le corps mort du petit animal eft ôté : il faut cependant avouer que ce qu'on offre à la plante, foit un végétal ou de petites pierres, eft faïfi de même lorfqu'ils touchent également les aiguillons placés dans le centre des lobes de cette partie de la feuille. En 1765, M. Pierre Collinfon, notre ancien ami, me fit donner, par M. Jean Bartram, Botanifte du Roi, qui étoit pañlé à Philadel- phie, cette plante féchée; nous la diffléquâmes, M. Solander & moi, ce qui nous fit découvrir en elle un nouveau genre. Nous ne nous doutâmes aucunement de l'irritabilité merveilleufe des feuilles, d'autant plus qu’elles nous étoient parvenues fortement defféchées, ferrées & retirées; elles nous parurent avoir beaucoup de reffem- blance avec celles du roflolit à feuilles rondes , qui font couvertes de poils minces &t de petites glandes rouges & vifqueufes. Mais enfin, M. Guillaume Young, Philadelphien , faifant en Amérique, fous la proteëtion du Roi, des recherches de Botani- que, me donna beaucoup de pieds vivans de cette plante. Elle naît, à ce qu'il maflura, dans les lieux ombrageux & humides; elle fleurit en Juillet & en Août. Les feuilles les plus grandes qu'il a vues, font longues de 3 pouces & larges d’un pouce & demi. Il a auffi remar- qué que ces feuilles, expolées au foleil, ont leurs petites glandes brillantes d’un beau rouge de fang; au lieu que celles qui croiffent à l'ombre, ont leur couleur pâle, tirant fur le jaune. Ainfi, cette plante, fi digne de l'admiration des curieux, ornera affurément bientôt les jardins de tous les Phytophiles Anglois, Voici, {elon votre fyftême fexuel, les caraétères de la Dionée qui doit être placée dans la Décandrie monoginie. Calice. C’eft un périanthe à cinq feuilles ; les folioles font droites, ovales, concaves , pointues , plus petites que la corolle. Corolle. Elle a cinq pétales ouverts , ovalaires, concaves, obtus, marqués de fept ftries tranfparentes, prefque parallèles, la bordure courbée en dedans & antérieurement. Etamines. Ce font dix filets égaux, filiformes, plus courts que 1777. JUILLET. C 2 20 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, les pétales. Les Anthères font orbiculaires. Le Pollen , grofi avec un excellent microfcope , paroît renfermer trois germes. d Piftil. Eft un embryon élevé, fous-orbiculaire, un peu applati, filloné ; le /tyle filiforme, un peu plus court que les éramines; le ftigmate large, frangé à fon bord. Péricarpe. C'eft une capfule obronde & uniloculaire. Semences. Elles font en grand nombre, menues, adhérentes au fond de la capfule. Je crois qu'à ces caraëtères, il faut ajouter la defcription fuivante de cette efpèce de Dionée, qui eft feule de fon genre. Je lui ai donné le nom trivial d'Attrape-mouche, & je l'ai appellée en Anglois: Vénus attrape-mouche. Cette plante eft herbacée; elle croît fpontanément dans la Caroline boréale , dans les lieux humides de la partie auftrale de cette Pro- vince, à-peu-près fous le trente - cinquième degré de latitude; l'hiver y eft ordinairement fort court & l'été très-chaud. Les racines font vivaces, pérennelles, écailleufes, ne pouffent que quelques petites fibres femblables aux radicules de plufieurs plantes bulbeufes. Les feuilles en aflez bon nombre, rangées en rond, prefque recour- bées , fucculentes , avec deux efpèces de géniculations, dont l'infé- rieure fert de périole; elle eft oblongue, plate, prefque en cœur renverfé, dans quelques pieds; fa bordure eft dentée en ferre. La géniculation fupérieure , ou la feuille proprement dite, a deux lobes femi-ovales, irritables, avec des foies longues, roides , s’approchant comme à l’envi l'un de l’autre, quand on les touche; lorfque cette partie des feuilles eft fermée, elle fe joint en forme de fautoir. Le côté fupérieur des lobes, eft couvert de glandes rouges, très- petites, qui, vues au mifcrofcope , reffemblent aux baies de l’arboufier. Au milieu de chaque lobe , entre les glandes , font placés trois petits aiguillons droits: ces lobes , fermés , ne fe rouvrent point, tandis qu'ils tiennent ce qu'ils ont attrapé. Si on peut enlever facilement leur proie, ils fe déploient alors de nouveau ; mais fi on employe la force, ils ne s’élargiffent plus ; la nature leur ayant donné des fibres fi roides, qu'un des deux lobes fe caffe plutôt que de céder à l’autre. La hampe eft ordinairement haute de fix pouces, droite, cylindri- que, unie, terminée par le corimbe des fleurs. Les fleurs font blanches, foutenues par de longs péduncules; ils font chacun accompagnés d'une petite braëtée pointue, Pour ce qui regarde la culture de ce végétal, la terre où il naît, eft noirâtre , légère, mêlée de fable blanc, & femblable à celui qu’on a coutume de trouver dans les endroits marécageux, où vient la bruyère. SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 2 Car c'étoit ainfi que j'ai trouvé la terre qui entouroit les racines des Dionées qu'on m’envoya de leur lieu natal. Queique cette plante croiffe indigènement dans les endroits ma- récageux , on la plante , avec le plus grand fuccès , dans la partie de nos jardins qui regarde le Nord-Oueft , afin qu’elle foit à l'abri de la chaleur du Midi. En hiver , lorfqu’il commence à faire froid , il faut la couvrir d’une cloche; & dans la plus grande rigueur de cette faifon , il faut la couvrir d’un paillaffon, ou avec une natte de jonc. C'eft ainfi qu'on conferve , pendant l'hiver, ce végétal merveilleux. L'rritabilité des feuilles augmente ou diminue , felon la chaleur de l'été & la vigueur de la plante. Comme , par des expériences, on pourroit augmenter l'irritabi- lité des feuilles de la Dionée , je crois qu’en la cultivant dans un pot rempli d'une terre légère, humide , enfuite mettre ce pot dans un grand vafe plein d’eau tiède , expofer le tout à l'air ; la chaleur, qui feroit analogue à celle que reçoit cette plante accoutumée dans fa patrie, augmenteroit certainement de beaucoup cette irritabilité des feuilles. Je crois qu'il eft inutile de vous en dire davantage fur ce végétal, vous , Monfieur , qui êtes fi favant dans la connoïflance de l’hiftoire naturelle, À Londres , ce 23 Septembre 1769. Cette Lettre a été imprimée en Latin & en Allemand, à Erlangen, chez Wolfgang Waëthers, 1775, in-4°. de 18 pages , où fe trouve la figure enlaminée de la DIONÉE , attrape-mouche. Elle a été tra- duite, d’après l'original Anglois d'Ellis , par M. Schreber , Profeffeur de Botanique , Allemand. M. Murray, Profeffeur de Botanique, à Gottingue, en vient de donner la defcription fuivante , dans fon nouveau Syftéme des Végétaux, DEC 'ALNI DER IE MIO EN IO GEI UN TEE La DIioNÉE, attrape-mouche, a un calice à cinq feuilles ; fes pétales font au nombre de cinq. La capfule eft boflue , a une loge contenant beaucoup de femences. Les feuilles font à deux lobes , radicales , ciliées , repliées , fenfibles , attrapant les infeétes. Ellis a écrit une lettre à de Linné , fur la DIoNÉE , attrape- mouche ; elle y eft regardée comme un miracle de la Nature. On cultive aétuellement ce végétal dans le Jardin du Roi, à Trianon. 1777. JUILLET. 22 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L'SENMENMEMRNE De M. BLANCuUET, relative à l'incendie des Carrières de charbon folile de Rive-de-Giés. Mere le hafard vient de me faire tomber entre les mains un Ouvrage ayant pour titre : Connoiffance des veines de Houille ow Charbon de terre , & de leur exploitation dans la mine qui les contient, avec l'origine des Fontaines , des Ruiffeaux , des Rivières & des Fleuves, &c. par M. Genetté , premier Phyficien de Sa Majefté Impériale , imprimé à Nancy en 1774, chez J. B. Hyacinthe le Clerc, Imprimeur de l'Inten- dance, avec Approbation & Permiffion. M. Genetté, pages 11, 12 , 13, 14 & 15 de fon Traité, critique amèrement la manière dont fut éteint l'incendie arrivé aux mines de charbon de Rive-de-Giés dans le mois de Décembre 1771. Cette critique eft fondée fur une relation inférée dans la Gazette de France du 27 du même mois. Mon premier objet fera d'apprendre à M. Genetté que je n’ai eu aucune part à cette relation qui ne fauroit être fidelle, puifqu'on ne connoît pas encore la véritable caufe de l'incen- die. Je n’ai jamais dit qu'il n’y eût pas d'autres moyens que celui que jai employé pour éteindre le feu ; mais que le local m'avoit déter- miné à préférer l'inondation des travaux, comme le moyen le plus sûr & le moins difpendieux. Je n'ai jamais dit que j'avois découvert une fource ; les circonftances étoient trop preffantes pour perdre le tems à en faire la recherche; je me bornai donc à faire des canaux pour raflembler les eaux pluviales qui s’écoulent des montagnes voi- fines, & à l’aide du niveau, j'en dirigeai le plus qu'il me fut poffible dans la partie incendiée; ces faits font connus de toute la province du Lyonnois. ñ Il paroît que, pour être plus à fon aife dans fa critique , M. Ge- petté s’eft formé, pour les mines de Kive-de-Giés ; un local & un plan femblable à celui qu'il décrit dans fon Traité; favoir , un feul puits , & un foupirail à côté , pour introduire & faire circuler lair dans les vuides , une veine de Chärbons de 4 à 5 pieds d'épaiifeur feulement; il fappofe enfuite que letfeu prenne à une certaine quantité de char- bon excavé & mis en déiôt dans un petit efpace. On voir clairement, dit-il;'qu'il n'y a qu'à fermer les deux entrées du fouterrain, &t le feu s'étouffera en moins d'une heure ; le moyen de M. Genetté peut s’ap- pliquer à fon local & à fa petite veine , je veux le croire ; mais qu’il fe SUR L’HIST. NATURELLE ET ILES ARTS. 23 figure une efpèce de plateur au fommet d’une montagne d'environ 1100 arpens quarrés de Paris , percée à fa furface par plus de deux cents puits, qui tous communiquent à deux veines de charbon qui coupent verticalement la montagne ; la veine fupérieure n’a , à la vérité , que 4 à 5 pieds d’épaiffeur, & très-peu exploitée ; mais l’infé- rieure qui en a depuis vingt jufqu'à quarante, a été attaquée dans toutes fes parties par plufieurs Propriétaires du terrain depuis plus d'un fiècle , & il eft à ma connoilfance que depuis 15 ans il s’extrait de ce canton près de 5000 quintaux de charbon par jour: on peut juger, par cette longue exploitation , del'immenfité des vuides qui tous fe communiquent : ajoutons à l'ouverture des puits, une infinité d’au- tres ouvertures occafionnées par l'affaiffement des roches , & qui por- tent l'air dans les fouterrains jufqu'à s$ ou 6o toifes de profondeur : n'oublions pas plulieurs galeries d'écoulement pratiquées en différens terms fur les côtés de la montagne, & on verra s'il éroit aifé d’empé- cher une circulation d'air dans des fouterrains fi confidérables ; difons encore à M. Genetté , que tout le fumier de la Province n’auroit pas fuffi pour empêcher un courant d'air ; apprenons-lui que, dès l'inftant où le feu fe manifeita, une fumée des plus infeétes & des plus dange- reufes fe répandit dans tous les travaux, & força plus de cent ouvriers à en fortir fur-le-champ; que plufieurs y furent fuffoqués , qu'on ne les retira qu'avec le plus grand rifque, & qu’on eut beaucoup de peine à les rappeller à fa vie; depuis ce moment , ‘la fufpenfion des travaux fut générale, on ne pouvoit plus pénétrer dans l’intérieur ; le feu attaqua les mafñles, & fe communiqua par plufieurs endroits à la petite veine fupérieure ; de vieux déblais compofés de terres inflamma- bles s’échauffèrent, prirent feu & augmentèrent le volume de fumée. Les chofes étoient dans cet état, lorfque je reçus , de M. de Flef- felles , Intendant de Lyon , ordre de me rendre à Rive-de-Giés, & d'y employer les moyens les plus prompts pour éteindre le feu. Ma première idée fut d’intercepter la circulation d’air; mais l'immenfité des frais , la longueur de l'opération & l'incertitude du fuccès , me la firent bientôt abandonner : je fentis encore que , quand même je parviendrois à éteindre le feu , les fouterrains feroient infeétés long- tems, & par conféquent, impraticables; ces inconvéniens me détermi- nèrent à inonder tous les travaux , s'il étoit poffible de me procurer de l’eau , & de la faire monter jufqu’à la têre des veines où le feu fe dirigeoit : la poffibilité que j'entrevis de fermer les galeries d’écou- lement, & celle de me procurer les eaux pluviales des montagnes dominantes , me fixèrent à cette idée : des ouvriers furent fur-le- champ occupés à ouvrir des canaux fuperficiels à mefure que je les traçois ; d'autres fermoient les galeries par des couroirs à l’ufage du pays, & en moins de quatre jours , les eaux furent conduites à 1777. JUILLET. 24, OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'ouverture du puits incendié ; une partie fe précipitoit dans le puits, & le refte étoit diftribué dans plufieurs fentes de rochers ; les eaux arré- tèrent d'abord les progrès du feu dans les hauteurs , parce qu’elles fe divifoient dans les fentes & faifoient une pluie continuelle ; enfin : au bout de deux mois elles furmontèrent de huit toifes tous Jes en- droits incendiés ; cette opération n'entraîna d’autres frais que ceux de veiller à ce que les eaux ne fuflent point détournées. J'étois bien perfüadé qu'il n'y avoit plus de feu; mais, pour fatis- faire plufieurs perfonnes intéreffées dans l'exploitation, qui doutoient encore de l'extinction totale, on fufpendit l'ouverture des galeries d'écoulement ; cependant quelques ouvriers fe hafardèrent à la faire fans y être autorifés, & à mefure que les eaux baïfloient dans les fou- terrains ; les Entrepreneurs & plufieurs Propriétaires qui exploitoient, entrèrent dans leurs puits : l'air y étoit frais & fain; il conferva ces qualités après l’entier écoulement des eaux qui , loin d’infeéter les fouterrains , comme le prétend M. Genetté , produifirent un effet tout contraire, en fe chargeant de vapeurs dangereufes , & en les en- traînant avec elles. Lorfqu'ils furent libres , on fut convaincu que le feu avoit confumé des bancs mañlifs de charbon. Perfonne n’ignore que le charbon en maffe ou en banc , renfermé dans fa veine ,ne puiffe brûler ; & M. Genetté paroît être le feul qui ne fache pas que, dans les environs de Saint-Etienne-en-Forez, & même près des mines de Rive-de-Giés, des maffes de charbon non exploitées , brûlent de tems immémorial, & qu'il n’y auroit peut-être pas d'autre moyen de Jes éteindre, & de conferver cette matière fi précieufe aux Arts, que celui dont je me fuis fervi. La relation fur laquelle M. Genetté fonde fa critique , ne parlant point du local de Rive-de-Giés , ne ferois-je pas en droit de lui faire quelques reproches fur ce qu'il le compare auñfi légèrement à un puits, ë& fon foupirail, à la cheminée d’un appartement ? N’auroit-il pas dû s’en inftruire avant de faire un traité fur cette matière? enfin, pourquoi M. Genetté ne me nomme-t-il pas dans fa critique ? Par difcrétion , dit-il; mais la relation l’avoit déjà fait ; je ne me fati- guerai pas à chercher la caufe de cette affectation , & bien-loin de lui en favoir mauvais gré , je défirerois que fon goût pour la Phyfique lui infpirât le deffein de faire un voyage dans ce pays-ci : il s'affure- roit par lui-même des faits que je viens d'avancer ; & quoique fort inftruit dans la partie des mines, il pourroit encore trouver des chofes qui lui feroient plaifir. Si ma réponfe lui laiffoit des doutes fur la nécefité ou l'utilité de l'opération que j'ai faite, je l'invite à me les communiquer direétement , ou par la voie de votre Journal , & je me flatte de les difliper entièrement. DES SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 25 EEE DES MOUVEMENS D E EX FREINS: Par M. l'Abbé FonTAN4A, Phyficien du Grand-Duc de Tofcane. GA PAP TOR MENT L PERLE MIT E; R. L'Tris efl mis en mouvement par la feule partie de lumière qui frappe la Rétine. Ox obferve dans les yeux un fingulier phénomène : la lumière fait fouffrir beaucoup de changemens à l'iris qui, cependant , refte toujours immobile , malgré le corps dont il eft piqué. On ne croiroit pas un pareil phénomène , s’il n’étoit avéré par l'expérience. Toutes les parties mufculaires de la machine animale fe retirent, ou trémouffent , quel que foit l'objet qui les frappe. La fingularité d'une telle obfervation m'a fait naître l'envie de l'examiner. Mais auparavant , il faut éclaircir la nature du fait. L'illuftre Baron de Haller a démontré, le premier, par des expé- riences qui ne laiflent point de doute, que l’ouverture de la prunelle ne change jamais, quelle que foit l'irritation qu'on fait fouffrir à l'iris, foit avec des aiguilles, foit avec tel autre corps pointu , ou liqueur âcre & piquante que ce foit; c'eft-à-dire , l'iris ne s’allonge, ni ne fe contracte. Il a annoncé cette vérité dans une Differtation fur les parties fenfibles & irritables , pleine de découvertes très- utiles (1). J'ai auffi voulu effayer les mêmes expériences fr plufieurs différens animaux, & je fuis parvenu, non-feulement à toucher l'iris avec l'aiguille , comme il avoit fait après avoir percé la cornée, mais j'ai de plus Ôté entièrement la cornée, de façon que l'iris eft refté à découvert. Je n’ai apperçu aucun mouvement dans la prunelle, après avoir pique l'iris dans toute fa largeur, avec une pointe de fer , & même, après y avoir amené des érincelles éleétriques, avec une épingle, qui le touchoit, foit immédiatement, foit au travers de la (:) Differtation fur la Senfbilité, 1755. Tome X, Part. II. 1777. JUILLET. D 26 OBSERVATIONS S'UR LA PHYSIQUE, cornée. Il ne faut pas croire que l'iris perde tout mouvement, quand la cornée eft ôtée , & que l'humeur aqueufe eft écoulée , quoiqu'il foit vrai qu'il ne fe meut pas alors avec fa vivacité ordinaire , &t que même alors la prunelle fe contraëte, & l'iris élargi, plus flafque &c moins régulier de contour, s’appuye fur la lentille cryftalline : mais, malgré tout cela, il ne perd pas pour long-tems fa mobilité, & il eft fujet à s'élargir & fe rétrecir par l'impreflion de [a lumière. Le favant Haller conclut, d’après fes expériences, que l'iris n'eft pas irritable par l'effet de la lumière; & pour appuyer fon opinion, il obferve que quand le nerf optique a perdu toute fenfation, le mouvement cefle dans la prunelle, même à l’aétion de la lumière; mais des expériences mêmes d'Haller, Zimmerman avoit tiré une toute autre conféquence ; il dit que, de ce que l'iris eff infenfible à la piqüre d’une aiguille, on ne peut pas déduire à la rigueur, quil ne puifle être irrité par la lumière, & que peut-être, pour la con- trader, il faut ce corps-là & pas d’autres (1). Les raifons de M. Zimmerman font fi fortes, qu’elles laiflent inde- cife la queftion : S5 l'iris eff irritable ou non , par l'aétion même de la lumière. Mais, d’ailleurs, il fe paroît pas que l'argument de l'iris immobile par la paralyfie du nerf optique, ou par quelque maladie de la rétine, foit bien convaincant , puifque le favant Anatomifte Meckel fuppofoit que, dans le glaucome & dâns les maladies de la rétine , l'iris étoit incapable de mouvement , à caufe du dérangement ou maladie des nerfs ciliaires. Qui oferoit affurer que la maladie de la rétine ou de l'humeur vitrée, ne pût auffi changer l'état de l'iris ? Ces parties font très-délicates & très-voifines entre elles, & de pareils accidens arrivent aufñli dans d'autres maladies. Peut-être que la fenfibilité de la rétine eft néceffaire , pour que l'iris fe meuve quand il eft frappé par la lumière, comme le fang des artères eft néceffaire dans des mufcles, pour remuer leurs fibres, dans le mouvement vo- lontaire; fans que cependant ce fang en foit la caufe, puifqu'il ne fait que mettre le mufèle en état de fe contraéter felon la volonté de l'homme ; de même, la fenfibilité pourroit être néceffaire dans la rétine & dans le nerf optique, pour mettre l'iris en état d’être remué par la lumière, de façon que la fenfibilité ceffant dans les deux premières , l'iris aufli n'en foit plus fufceptible. Les mêmes raifons qui font douter fi l'iris fain & dans fon état naturel, eft irritable par l'attouchement immédiat de la lumière , peuvent aufli fervir contre M. Mariotte (2), & contre les Partifans Cons 0 CR DENON (NRA) DEL LED PE + de DEEE RE (x) Diff. de Irritab. 1751. (2) Ouvrage de Mariotte, édit. d'OI. S, Iwes, le Cat. SUR L’HIST. NATURELLE ET ILES ARTS. 27 de fon opinion. Il croit que l'iris eft une produ&tion ou allongement de la choroïde ; que celle-ci eft un tiflu de filamens nerveux ; que ces filamens vont à l'iris, & qu'il en eft compolé. Il fuppofe même, que la membrane choroïde eft l'organe de la vue; que l'amaurofis ou goutte fereine, & les maladies de la rétine & du rerf optique , font vraiment des maladies de la choroïde ; que l'iris fe meurt, parce que la choroïde eft fenfible, & que, quand celle-ci ne l’eft plus, l'iris auffi demeure immobile , malgré qu'il foit direétement frappé par la lumière. D'abord, il n’eft pas sûr que l'iris naifle de la choroïde, &c il n'eft pas vrai que celle-ci foit tiflue de nerfs, parce que les ciliaires qui vont s’entrelacer dans l'iris, n’entrent pas dans Ja compofition de la choroïde, mais la touchent feulement en paffant entr'elle & la fclérotique , & enfin le véritable organe de la vue n'eft pas dans la choroïde , mais dans la rétine. Mais, quand même on feroit d'accord que la vue réfide dans la choroïde , il ne s’enfui- vroit pourtant pas que l'iris fain n’eft pas affeété par la lumière ; parce que, quand la choroïde eft dérangée , il faut que l'iris, que lon fuppofe fa produétion , le foit auffi, ou entièrement, ou dans fes parties nerveufes. Après tout cela & beaucoup d’autres réflexions, il me parut encore indécis, fi l'iris , dans fon état naturel, eft irritable ou non, par l'effet de la lumière : j'étois confirmé dans mon doute, par l’auto- rité du favant M. Laghi (1) qui, même après les expériences con- traires de M. Haller, a foutenu , auf bien que Zimmerman , Witte Meckel , & tous les Anatomiftes, qu'il eft irritable. Je voulus donc en rechercher la vérité par les expériences fuivantes, dont je ne ferai qu'un récit abrégé, en laiffant aux autres le foin d’en tirer les con- féquences qui cependant me paroïflent décifives. Je fis un cône ou cartouche de papier, dont l'ouverture , du côté de la pointe, n’excédoit pas une demi-ligne de Paris ; je le teignis de noir au dehors & au dedans, pour qu'il abforbât la lumière, & qu'il ne fût pas tranfparent; ce qui auroit pu gâter l'expérience. Au plus large orifice ou à la bafe de ce cône , je collai un papier en travers, qui débordoit de tous côtés, teint aufli en noir, avec une ouverture de la même largeur que la bafe du cône, par laquelle la lumière pouvoit entrer librement. À l'orifice plus large, j'approchaiune bougie, de façon que les rayons pouvoient direétement pañler par le petit trou, & parvenir jufqu'à l'œil, fans que la lumière, éparfe à lentour, interceptée par le papier tranfverfal, pût y parvenir de même. Ainfi, non-feulement l'œil, mais toute la tête de l'animal, reftoit rs a (1) De fenfib, & irritab, Epifl: Bon, 1757. 1777. JUILLET. D2 28 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans l'obfcurité, & ne pouvoit recevoir d'autres rayons que ceux qui fortoient par le petit trou de la pointe. J'avois exprès appri- voifé un chat, fur l'iris duquel je fis tomber les vifs rayons qui * s'échappoient à travers la petite ouverture. Tout en bon état qu'étoit l'iris, & parfaitement fufceptible de fes mouvemens ordinaires , il ne fe remua aucunement dans toutes les reprifes innombrables , que je répétai cet eflai. IL parut toujours également immobile , dans telle de fes parties que je fiffe tomber les rayons , & même en leur faifant parcourir, avec grande célérité, fon contour : mais lorfque la lumière tomboit fur la prunelle, l'iris fe contraétoit foudain , & toujours il en arrivoit de même. Quand je dirigeois la lumière à la prunelle , je prenois garde qu’il n’en tombât aucun rayon fur l'iris. La prunelle étoit ordinairement large de deux lignes, & le faifceau de rayons pas plus d'une demi-ligne. Cette expérience , plufieurs fois répétée , & toujours conftante , prouve évidemment , felon moi, que l'iris eft mis en mouvement par cette feule partie de lumière, qui pañle à travers la prunelle & va au fond de l'œil, & non par la lumière extérieure qui frappe l'iris , quelque fain &t en bon état qu'il foit. Mais comme le premier cône étoit grand, & en conféquence mal-aifé à manier, j'en fubftituai un autre d’un ufage plus facile & plus für. C'éroit un cône plus court , plus large de bafe , de carton léger , avec une bande à fa bafe du même carton, fur laquelle étoit pofée la bougie dont la mèche répondoit jufte au grand orifice. Le trou d'en-haut n’étoit pas plus large que de trois quarts de ligne : avec cette petite machine , très-aifée à manier , j'ai répété plufieurs fois les mêmes expériences, & j'ai fait tomber les rayons fur toute la largeur de l'iris, fans toucher à la prunelle. Elle ne fe contraétoit jamais, fi ce n’eft quand les rayons fortoient par hafard des bornes de l'iris, & pafñloient dans le fond de l'œil; dans ce cas-là, la pru- nelle fe contraétoit immédiatement , & plus encore quand on y dirigeoit tout le faifceau de lumière , en prenant toujours foin de n'éclairer pas même l'extrémité mobile de l'iris. La lumière étoit fi vive , que quand je la faifois pañler foudain à la rétine , l'animal faifoit des efforts pour l’éviter; & au contraire , il ne donnoit au- cune marque de fouffrance, quand la lumière ne frappoit que l'iris. Il eft vrai que dans fes expériences il peut fe mêler quelque équivo- que ; car les rayons, au fortir de la petite ouverture du cône, fe détournent de la ligne droite , tout teint en noir qu’eft le car- touche ; mais cela ne rend pas les faits rapportés moins vrais. Il faut pourtant que l'Obfervateur foit bien attentif, & regarde l'œil de bien près, parce que le cône étant noir, & la cham- bre obfcure , ( pour exclure toute autre lumière) on n’y voit pas SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 29 clair. Ainfi, pour pouvoir obferver mieux à mon aife, & m'af- furer de plus en plus d’un fait fi décifif, je fis un troifième car- touche. C'étoit un cône de papier fin & noir, pas plus long que de 3 pouces, avec un trou qui navoit qu'une ligne de largeur , mais très-large à fa bafe, à laquelle j'approchai la lumière comme à l'ordinaire ; ain, je voyois clairement dans la chambre, d’ailleurs obfcure , toute la tête du chat, & combien étoit large la prunelle. Je dirigeai alors fur l'iris tous les rayons qui fortoient du cône, tantôt fur une par- tie, tantôt fur une autre, & leur fis parcourir toute fa furface. Je répétai miile fois cette expérience, & la prunelle ne changea jamais en aucune manière, en forte que je pus m'aflurer que l'iris n'eft pas irritable par le choc immédiat de la lumière. Je m’attachai donc à l’autre recherche, & je fis pafler, dans la prunelle, les rayons, de façon qu'ils ne tombaflent point du tout fur l'iris. Et tout für que j'étois, que l'iris n’eft pas mobile par l'atteinte extérieure de la lu- mière, cependant, pour furcroît de diligence & de précaution, je couvris d'un côté tout l'iris avec un papier blanc, appliqué fur l'œil du chat, fur lequel papier je faifois glifler tout le faifceau de lu- mière, de façon qu'il entroit tout dans la prunelle fans toucher à l'iris. J'ai pu faire cela encore plus aifément, quand le chat cou- vroit l'iris jufqu’à la prunelle , avec cette membrane , commune aux quadrupèdes , & que les Anatomiftes appellent Nicfitans. La prunelle étoit fouvent du double plus large que le faifceau des rayons; ainfi, ‘je peux être für qu'ils ne touchoient aucunement Ie bord ovale de Yiris. Dans ces expériences, l'iris s'eft toujours élargi, & la pru- nelle s’eft rétrecie fouvent jufqu'à la moitié, & même jufqu'au quart de fa grandeur naturelle. J'ai auffi fait ufage de plufieurs autres cônes plus petits ou plus grands, plus ou moins larges à la pointe & à la bafe, & toujours il en eft arrivé de même. On pouvoit cependant oppofer, & non fans raifon, que peut-être les rayons du faifceau étoient en trop petite quantité pour produire un changement fenfible, puifque, par leur moyen , on ne pouvoit éclairer à la fois qu'une petite partie de l'iris. Je fis à ce fujet, un autre cône de carton non tranfparent, dont la bafe avoit cinq pouces de diamètre. Je coupai ce cône vers fa pointe, par une fec- tion parallèle à fa bafe. Cette feétion circulaire, qui avoit un demi- pouce de diamètre, fut couverte d’un difque de carton que je dé- coupai tout-au-tour de fa circonférence, en y faifani une ouverture annulaire, de façon qu'il reftoit au milieu un petit cercle de carton, foutenu des deux côtés par deux petits brins que j'avois laiffés ex- près en découpant; ainfi, la lumière devoit fortir du cône fous la figure d'un anneau lumineux , avec lequel j'éclairai exaétement tout 1777. JUILLET. 30 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; le contour de l'iris du chat, pendant que la prunelle reftoit dans l'ombre du petit difque central. De cette façon, je réitérai fouvent l'expérience, augmentant la lumière, & me fervant de cartouches plus ou moins grands, & jamais la prunelle ne fe contraéta , quelque parfaitement que l'iris füt éclairé. Je voulus aufi effayer fi je ne produirois rien en augmentant de beaucoup la force de la lumière. J'introduifis dans un cône de papier, une lentille plane d'un côté, & convexe de l'autre, & après celle-ci, une autre convexe des deux côtés, de façon que le foyer, ou la réunion des rayons , fortoit tout jufte hors de la pointe du cône. La lumière y étoit fi vive, qu'on ne pouvoit pas l'endurer fans douleur; de façon que le chat entroit en fureur, & cherchoit à m'échapper toutes les fois que je faifois tomber cette lumière fur fa prunelle, Je fis avec cette machine les mêmes expériences que ci-deflus, & je vis conftamment que la lumière qui atteint le fond de l'œil, eft la feule qui fait rétrecir la prunelle, & que quand la lumière frappoit l'iris, la prunelle étoit immobile, & l'animal ne donnoit aucune marque de fenfation douloureufe. La même chofe arriva quand je fis ufage d'une petite lentille de microfcope, adaptée à la pointe d’un cône, laquelle donnoit un petit foyer, mais d'une lumière très-vive & perçante. J'ai répété toute cette longue fuite d'expériences, en me fervant de la lumière du foleil, introduite dans une chambre par un feul petit trou. Les effets font les mêmes, fi ce n'eft que les mouvemens de la prunelle font plus grands qu’à la lumière de la bougie. Ce que j'ai effayé fur le chat, l'a été auñi fur un chien, & fur les yeux de quelques-uns de mes amis; les obfervations &c les réfultats ont tou- jours été les mêmes. Je crois être en droit de conclure, fans exception, que l'iris n'eft pas irritable par la plus vive lumière extérieure, mais qu’elle fe meut uniquement quand la lumière, par la prunelle, va jufqu'au fond de l'œil: & puifque le cryftallin, l'humeur vitrée, & tout ce que la lumière rencontre fur fa route jufqu’à la rétine , eft incapable de fen- fibilité & d'irritabilité , on doit aufli convenir que tous les mouvemens de l'iris, qui fe remarquent en conféquence de la lumière , naiffent de fon action fur l'intime organe de la vue. Ces vérités, que j'ai établies par des preuves directes & décifives, concourent admirablement à expliquer plufieurs maladies fingulières de l'œil; maladies qu'on n'a pas fu connoître à fond jufqu'à pré- fent, & qui font même inexplicables dans l'ancienne hypothèfe fur les mouvemens de l'iris; aufi, ces mêmes maladies peuvent fervir à confirmer de plus en plus les vérités que je viens d'éta- blir. C'eft un fait affez connu, que, dans les amaurofis ou gouttes SUR L’'AIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3r fereines, quand le principe du mal réfide dans le nerf optique, l'iris perd toute forte de mouvement, de façon que les Chirurgiens admet- tent fon immobilité pour indice certain du dérangement de l'or- gane de la vue. Dans les cataraétes auffi, quand le mal réfide dans le cryftallin, la prunelle perd un peu de fon mouvement, & elle le perd en proportion de la plus grande dilatation de l'opacité fur le cryftallin. Auf, quand l'humeur vitrée fe trouble par le glau- come (maladie très-grave de l'œil), l'iris refte en partie, & fort fouvent entièrement immobile. Si donc la prunelle n'eft pas mife en mouvement par cette lumière qui frappe l'iris, mais fe rétrecit ou s'élargit par le moyen des rayons qui parviennent: jufqu'à l’or- gane de la vue, qui eft capable d'irritabilité, il en faut nécefai. rement conclure que, dans l'amaurofis , quand la rétine ou le nerf optique font affeëtés , elle doit refter immobile. De même, dans les cataraëtes, moindre eft la lumière qui peut parvenir au fond de l'œil, moindre doit être fon mouvement; mais plus le cryftallin devient opaque, moins de lumière peut trouver paflage ; ainfi, l'iris doit en conféquence être moins & moins mobile. Dans le glaucome, fi toute l'humeur vitrée devient opaque, l'iris devient immobile; car tout paflage eft bouché aux rayons de la lumière, ou s'il en pañle encore quelques-uns, elle fe meut auffi en proportion. Aïinfi, les mouvemens des prunelles doivent être proportionnels, & à la fenfi- bilité qui refte dans l'œil, & à la quantité de lumière qui peut parvenir jufqu’au fond de l'œil. CEA MENT REPARER SE De l'état naturel de l'Iris, & de la produétion des mouvemens dans l'iris, par la lumière qui frappe la Rétine. LORSQUE la rétine eft frappée par la lumière, on voit l'iris fe mouvoir , & la prunelle fe rétrecir à la lumière trop vive, & s'élargir fi elle eft moindre, Il y a donc une caufe de ce mouvement, & de cette concorde, entre la fenfation-de la rétine & les mouvemens de liris. Si l'on eût remarqué quelque connexion des parties, elle auroit éclairci une queftion fi difficile; mais ici l’Anatomie nous abandonne. On ne difcerne aucun filament du nerf optique, ou de la rétine , qui aboutiffe à l'iris; c'eft de là que naïffent l'incertitude & le filence des Anatomiftes fur ce point. L’hypothèfe de M. Mariotte, qui, fuppofant que la choroïde eft l'organe de la vue, & que l'iris fait partie de la choroïde, feroit foudain difparoître toute difficulté: mais cette hypothèfe ne doit être comptée pour rien; car la cho- roïde n'étant pas l'organe de la vue, fon fyftêéme tombe tout-à-la-fois, 1777. JUILLET. 3: OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Le feul Morgagni, très-favant Anatomifte, effaya le premier ce que perfonne n’auroit pu mieux faire que lui. [l imagina que la nature n'avoit pas en vain prolongé la rétine jufqu’au corps ciliaire, & recherchant quel ufage pouvoit avoir le bord de la rétine près de l'iris, propofa la conjeëture très-fubtile qui fuit : » Neque tamen retinæ » ulteriorem progreffum inutilem cenfeo : imo nifi me conjeétura fallit, inde » fortaffe repetenda caufa eft, cur pro variä retinæ ab immiffo lumine » agitatione , continuo ciliare corpus, & annexa iris varia agitatione fe » difponat , videlicet ut conjunétæ retinæ tenfiones, aut ejus fpiritium » motus alio aliufmodo, graduve, cum ciliare copore communicantus. » Quam fi conjeéturam non improbes, etiam/fi non ponas cum Mariotto, » choroïdem effe præcipuum vifüs inftrumentum habebis tamen unde intel- » ligas, cur ultro pupilla in obfcuriori loco dilatetur , in lumine contra- » hatur : quod ille explicatu difiicillimum , fi retina vifüs flatueretur » organum cenfebat ». (Epift. Anat. 17, 6 48, pag. 304.) Dans cette conjeture , on fuppofe, fi je ne me trompe, que la rétine frappée par la lumière, fouffre des trémouflemens & des ofcillations, en un mot, qu'elle eftirritable ; que ces ofcillations parvenues jufqu’à fon bord, fe communiquent au corps ciliaire, & de celui-ci à l'iris, & qu'’ainfi fe fait la contraétion de la prunelle par la trop vive lumière. Mais l'illuftre Haller a déjà démontré par des faits, que le nerf n'eft pas irritable, & qu'il ne trémouffe, ni n’ofcille quel que foit le corps dont il eft frappé ; on ne peut donc fuivre la conjeëture de Morgagnmi, puifque la rétine eft une moëlle nerveufe comme le nerf optique. Et en effet, comment peut-on imaginer des vibrations & des tré- mouflemens dans un corps mol & muqueux comme la rétine, & d’ailleurs environné de parties molles? Moins encore peut-on conce- voir que ces vibrations puiflent fe communiquer à fes parties les plus éloignées, par le feul léger attouchement de quelques foibles rayons de lumière , fur le fond d'une membrane très-fubtile & très- flafque. Mais, quand même quelque légère ofcillation pourroit par- venir jufqu'aux bords de la rétine, comment peut-elle être commun- niquée au corps ciliaire : fes plis font durs, forts & étroitement attachés à la membrane du corps vitreux, & moins en état de tranf- mettre à Jaris les vibrations reçues par le moyen du corps ciliaire, Quand oa accorderoit même , qu’elles y paffent, l'iris n’en feroit pour- tant pas remué, puifqu'il eft immobile aux piqûres d’une aiguille, à Jaction d’une très-vive lumière, & aux étincelles du feu éleétrique. Mais, fi cela eft, les efprits des animaux mêmes ne pourront le remuer; car, je n’entends pas comment peuvent être tranfmifes au corps ciliaire les vibrations des efprits animaux, quelque infenfibles & légères qu’elles foient. Cependant on ne trouve aucune con- nexion , ou filament de la rétine au corps ciliaire & à l'iris; jamais Près SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 33 l'iris ne fait aucun mouvement lorfqu'on pique fes nerfs, ou le nerf optique même , & la rétine dans les an:maux encore vivans, ou morts depuis peu, & lorfqu'on va jufqu’à percer avec des epingles ces parties , comme je l'ai plufieurs fois effayé. Ainfi, ce point de Phyfique animal eft , jufqu'à préfent, entiérement inconnu, & il faut, d’après les expériences, examiner comment cette connexion & cette analogie , dans les mouvemens, peuvent exifter , & quelle eft l'origine de leurs différences. Mais on ne peut con- noître le vrai changement de l'iris , fi on ne connoït fon état natu- rel ou de repos; c'eft donc à cette recherche qu'il faut avant tout s'attacher. Les Anatomiftes ont cru afflez communément que l'état naturel de iris, eft fon rétreciflement , c'eft-à-dire , quand la prunelle eft plus large ; mais n'ayant pas trouvé d’affez fortes raifons pour me perfuader, je commençai à douter, & de ce doute, naquit l'envie de faire une longue fuite d'obfervations. J'avois toujours vu l'iris convexe dans mon chat, & tel il eft aufli dans les hommes; je ne concevois pas commentil pouvoit garder fa figure dans fon expan- fion , quanë la prunelle fe rétrecit , fi cela n'étoit pas fon état natu- rel ; car il paroît qu'il devroit plutôt s’applatir dans ce mouvement par la contraétion des fibres circulaires fuppofées , comme l’avoit cru Winflow (1), qui ne s'étonne aucunement de ce phénomène, tout contraire qu'il eft aux théories déjà reçues. Je cherchai donc l'érat de Viris dans le fommeil , sûr de le trouver dans fon état naturel. J’eus recours à mon chat devenu , par habitude, docile & patient. Après lui avoir fait efluyer une longue diète de plufieurs jours , je lui apprêtai de quoi manger largement, de façon que , demi-heure après, je le trouvai étendu par terre, abbattu par le fommeil. Je me couchai doucement fur le lit, le tenant toujours dans mes bras, avec une paupière que j'eus foin de tenir ouverte pendant deux heures avec mes doigts. Quand je commençois enfin à défefpérer de le voir endormir, je vis fa prunelle fe rétrecir à mefure que l'animal appro- choit de l’état du fommeil. Deux minutes n'étoient pas écoulées , qu'il commença à trembler comme s'il eût été en convulfion. J'ai obfervé plufieurs fois la même chofe dans les animaux enfevelis dans un profond fommeil, particulièrement dans les chiens. Dans mon chat endormi , la prunelle étoit réduite à une ellipfe très-applatie & pas plus large au milieu qu'un quart de ligne; elle alloit toujours décroiffant jufqu'à ce qu'elle fut réduite en très-peu de tems à moins d'? de ligne de longueur & à moins de largeur en proportion. La + + 9 EE (1) Mémoires de l’Académie, 1721, Tome X, Part. II. 1777. JUILLET. E 34 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, prunelle n'eft jamais fi fort rétrecie , quand elle eft frappée par la plus vive lumière réunie par des lentilles fur la rétine. Je répétai cinq fois en différens tems l'obfervation énoncée. Toujours , quand le chat s'endort, la prunelle fe rétrecit par degrés. Dans le fommeil le plus profond elle eft plus étroite encore , mais jamais entièrement fermée, comme je l'ai vu depuis. En m'y prenant de la forte, il fal- Joit beaucoup de tems & le chat s’endormoit difficilement les yeux ouverts : jimaginai donc de le tenir couché avec moi , gardant une petite bougie allumée à quelque diftance , le chat tourné de telle façon que fes yeux étoient à l'abri de la lumière. À peine fut-il endormi , que je lui ouvris doucement les paupières , mais avec grande difficulté ; car du moment que de la main je lui touchois l'œil , il fe réveilloit. Je me mis donc à lui tenir toujours une main fur la tête, & à attendre, dans cette pofture, qu'il fût endormi, de façon qu'avec un feul doigt je lui ouvrois aifément les yeux » fans difcontinuer la preffion de toute la main fur la tête. La pru- nelle , toujours plus petite dans le plus fort fommeil , n'étoit pour- tant pas toujours égale ni de la même configuration , mais paroif- fant toujours fous des figures différentes. Le plus fouvent , ellipti- que fermee en haut & en bas , & fi rétrecie, qu'il n'y reftoit qu'un petit trou ovale au milieu , prolongé en deux petites découpures capil- laires. En général, la prunelle étoit trois ou quatre fois plus lon- gue que large , & toujours beaucoup moindre que quand le chat étoir éveillé , même expofé à la plus vive lumière. J'ai eu, enfin, deux fois le plaifir de la voir entièrement fermée , fans qu'il y eût d'autre veftige de prunelle , qu'une efpèce d'incifion longue d'une ligne , & pas plus large qu'un cheveu. Ayant réitéré l’obfervation avec une lumière forte & vive, je vis que la prunelle n’étoit pas fufceptible d'ultérieur rétreciflement, & toutes les fois que le chat couvroit l'iris avec fa troifième paupière , en regardant de côté à travers la cornée , on voyoit la prunelle très-étroite à l'ordinaire , dans l'ombre de cette membrane. N'érant pas encore content d'avoir vu la prunelle des chats en- tièrement fermée dans le fommeil, je voulus voir celte de l’homme. Il y avoit un petit enfant de dix-huit mois ou environ, qui, à une certaine heure du foir, dormoit très-profondément. Un jour , au coucher du foleil , je le trouvai endormi dans une chambre , où à peine y avait-il aflez de jour pour pouvoir démêler les objets les plus voifins. Je lui ouvris doucement les paupières de l'œil droit; il parut fe réveiller, mais aufitôt il retomba endormi. Sa prunelle , très-rétrecie , étoit réduite à un petit cercle pas plus large qu'un fixième de ligne, & les bords de Liris paroifoient flotter dans SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 35 l'humeur aqueufe ; il m'étoit arrivé d'obferver la même chofe dans le chat. Pour m'aflurer que la prunelle demeuroit aïnfi rétrecie, j'éveillai l'enfant , & foudain elle fe dilata beaucoup , mais pour peu de tems , car elle fe rétrecit par degrés jufqu'au diamètre d'une ligne, & fe maintint dans cet état pendant une heure & demie. Ainfi, dans le fommeil , elle étoit , autant qu'on peut juger par la fimple infpeétion, 36 fois plus petite. Ayant examiné plufieurs autres fois cet enfant dans le fommeil , j'ai conftamment trouvé la prunelle fans comparailon plus étroite, & jamais plus large, comme dans le chat; y reftant toujours un petit cercle jamais moindre qu'un point vifible. J'ai enfin effayé plufieurs fois d'approcher une lumière de fon œil fans l'éveiller , & alors la prunelle ne fe rétrecifloit pas pour cela. J'ai toujours obfervé la prunelle très-étroite dans les perfonnes adultes, quand elles étoient endormies. À un homme qui dormoit les yeux ouverts , elle étoit fi petite, qu'a peine pouvoit-on la diftinguer à la foible lumière d’une petite bougie, au fond de la chambre. Il eft donc clair, malgré ce que l'on a cru jufqu’à préfent, que l'état naturel de l'iris , eft fa dilatation , puifque l’état naturel de la prunelle eft d'être fermée; ainfi, au contraire, l’état violent de l'iris eft fon rétreciflement quand la prunelle fe dilate. Et en effet , cette vérité n’eft-elle pas fuffifamment démontrée , fi la prunelle eft plus étroite dans le fommeil que dans le réveil , quand la lumière n’agit pas fur les yeux, & que les animaux endormis ne fouhaitent pas de voir? Oui, c'eft un fait. Si les corps fortent de leur état natu- rel, uniquement quand ils font mis en mouvement par quelqu’autre corps où par leur volonté , on eft forcé de conclure néceflairement que la prunelle eft dans un état violent quand l'animal veut dé- mêler les objets , & que la lumière frappe la rétine ; & dans un état naturel, quand l'œil eft dans un repos parfait & infenfible à l'effet de la lumière. On pourroit nous objeéter une feule diiculté, c’eft que la lumière requife pour obferver les animaux & les hommes endormis , eft , par fon aëtion , la caufe du rétreciflement de la prunelle ; mais cela eft fi faux , qu'au contraire, la prunelle s'élargit à mefure que l'animal s'éveille, nonobftant que la lumière doive plus fortement agir dans le moment du réveil ; car nous favons tous par expérience , com- bien nous fommes fenfibles à cette même lumière qui, un moment après , eft fi foible , qu'on a de la peine à diftinguer les objets. Ainfi, il faut dire que ce n’eft pas la lumière qui rétrecit les prunelles pen- dant le fommeil , ou il faudroit admettre qu’une petite lumière eft plus aétive & plus efficace qu'une grande, Si la rétine, dans l'animal endormi, étoir fenfible à la lumière , elle en devroit reffentir les changemens & les dégradations , & la prunelle s’élargir plus ou moins, 3777. JUILLET, JE one 36 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, comme quand ileft éveillé. Mais, forte ou foible que foit la lumière , on n'oblerve jamais de tels changemens, La prunelle, d'ailleurs, ne peut pas fe mouvoir pendant le fommeil, fi tous les changemens & tous les mouvemens de l'iris dépendent de la volonté de l'animal ; & il a été déjà démontré qu'il ny a d'autre lumière capable de rétrecir la prunelle , que celle qui parvient au fond de l'œil, & trouve la rétine fufceptible de fenfation. On ne voit pas pendant le fommeil, & l'animal ne fe foucie pas des objets extérieurs. Que peut-on dire, enfin, après l'obfervation décifive de la prunelle en- ticrement immobile dans le fommeil, même à la plus forte lumière d'un flambeau? Dans ce cas-là , pourquoi la caufe fi fortement ac- crue, n'a-t-elle pas agi? Ou les effets ne font plus proportionnés aux caufes, ou ce n'étoit pas la foible lumière que l’on nous oppo- foit , qui avoit rétreci la prunelle. Après avoir éclairei & fixé l'état naturel de l'iris, on peut aifé- ment entendre comment elle fe maintient convexe , même dans fon plus grand élargiflement ; phénomène que l'on ne peut expliquer dans aucune hypothèfe, de façon que Winflow même parvint jufqu'à imaginer un nouveau corps qui, placé derrière l'iris, en empéchât l'applatiffement, qui lui paroifloit, par la contraction des fibres cir- culaires , abfolument néceffaire. Si la dilatation eft l'état naturel de l'iris , il eft donc convexe par nature ; & plus il fe dilate en rétre- ciffant la prunelle , plus il doit devenir convexe, parce qu'il appro- che d'autant plus de fon état naturel. S'il y avoit quelqu'un affez fimple pour s'en étonner , ou en demander la raifon , il n’auroit qu'à chercher aufñi pourquoi les yeux font ronds , la poitrine con- vexe , & enfin pourquoi toutes les parties font conformées comme elles le font par nature. Je voulus cependant m'affurer de ce phénomène , qui avoit donné matière à beaucoup de recherches , & qui même avoit été mis en doute , & je trouvai, par l'examen le plus exaét , non-feulement l'iris toujours convexe dans les animaux , mais une particularité encore qui n’avoit été remarquée par perfonne. Sa convexité s'accroît à pro- portion que la prunelle fe rétrecit , & on voit cela très-évidem- ment dans les chats, les chiens & plufieurs autres animaux. La même chofe arrive auffi dans les hommes , malgré le fentiment contraire de M. Petit , qui a fait plufieurs expériences trompeufes en ouvrant des yeux glacés; car la mort & la glace peuvent chan- ger trop de chofes dans un œil ; & fi l'on pouvoit en inférer quel- que chofe , ce feroit plutôt le contraire de ce qu'il avance ; je m'en fuis affuré moi-même en répétant fes expériences fur des yeux plus ou moins frais , & pleins de leurs propres humeurs , que j'ai fait glacer en différentes fituations. Il faut donc obferver les animaux SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS: 37 vivans. Les yeux de mes amis & les miens, examinés aufli atten- tivement qu'il eft poffible, au miroir & avec une loupe; à prunelle large, aufli-bien qu'étroite, m'ont toujours paru avoir aufh l'iris con- vexe ; bien qu'à dire vrai, il foit difficile de découvrir cette con- vexité, quand on regarde de face. Il faut, pour la voir clairement, regarder de très-près, de côté, dans la cornée, de façon qu'on voie s'avancer en dehors la convexité de cette membrane extérieure , & toute la diftance de la cornée à l'iris, à travers la cornée ; & enfin, l'iris & la prunelle , de profil. On voit, par ce moyen, cet empla- cement convexe, dont la prunelle occupe la partie la plus avancée. Pendant que j'examinois la convexité de l'iris fur mon chat, je vis fa forme particulière; elle eft fi différente de ce qu'elle eft dans l'homme , qu'elle vaut la peine d’être décrite. L'iris des chats eft de telle figure, que, pour le mieux comprendre, il faut le fuppofer dif- tingué en deux parties, ou anneaux concentriques, prefque égale- ment larges quand il eft rétreci, & que la prunelle eft plus large, parce qu'alors tout l'iris approche plus de la figure d'un anneau circulaire. Le plus grand de ces anneaux, c'eft-à-dire, le bord exté- rieur de l'iris le plus près du ligament ciliaire, paroît prefque im- mobile dans les médiocres mouvemens de la prunelle, & cela, non-feulement dans les chats, mais dans les agneaux, chevrottins, & plufieurs autres animaux que j'ai examinés. L'autre partie , au con- traire, ou l'anneau intérieur qui fait le contour de la prunelle, eft très-mobile & plus convexe que l’autre ; de façon que ces deux par- ties , réunies enfemble, pourroient être comparées à la cornée réunie à la fclérotique. Quand la prunelle eft très-dilatée, l'iris paroît par- tout également large, & la prunelle circulaire, mais qui redevient ovale en fe rétreciffant. Mais ce qui me paroît plus à remarquer, ce font certains tours de petites rides ou plis qui naiflent & fe forment dans l'iris, dans fa contraétion. Ces rides , dans les animaux dont la prunelle eft ovale, fe forment particulièrement au milieu de la largeur de l'iris, & fur les confins des deux anneaux, & entourent toujours le trou de la prunelle : elles font rondes , fi elle eft circulaire , & ovales , fi elle eft ovale; dans ce dernier cas cepen- | dant , elles font prefque abolies & infenfibles près des deux pointes de l'ovale, & très-forres aux côtés, près du milieu où l’ovale eff plus large; ainfi, j'ai remarqué que les bords de l'iris font tou- jours moins mobiles près des pointes. On pourroit déduire de cette obfervation, que la caufe (telle qu'elle foit) qui met l'iris en mou- vement, n’agit pas également dans ces animaux fur tous les points de l'iris; cela n'arrive pas dans les yeux des hommes, où la pru- nelle étant toujours circulaire, il faut que la caufe agifle par-tout 1777. JUILLET. 33 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, également; au contraire, de l'iris des chats & de tous les autres animaux, dont le trou de la prunelle n’eft pas rond. Mais, pour revenir à la convexité de l'iris, avant que j'eufle fixé, par mes expériences, fon état naturel, cette propriété de l'iris détrui- foit toutes les hypothèfes qu'on avoit imaginées fur fes mouve- mens. L'iris eft fortement attaché, dans toute fon origine, au ligament ciliaire, & celui-ci a la fclérotique; ainfi, dans cette par- tie, il doit être immobile, comme dans le point fixe de tous fes mouvemens. Si l'on pofe le centre de la prunelle pour centre des forces, puifque tout le bord mobile de l'iris y a fa tendance, il ne pourra pas fe dilater fans s’applatir, car l'iris étant également flexi- ble & mobile dans tous fes points, il doit par-tout également céder à cette force qui l'entraîne vers le centre. Winflow, dans cette difficulté, recourut à une hypothèfe qui, toute fubtile qu’elle eft, n'eft pas plus vraie : il imagina que l'iris n’étoit convexe que parce qu'il étoit appliqué contre le cryftallin, dont il prenoit la figure sn fe mouvant fur lui. Lieutaud auf, fuivant cette opinion, nia l'exiftence de la feconde chambre de l'œil, fuppofant que l'iris au- roit dû s’applatir dans fes mouvemens, s'il eût été librement flot- tant dans un fluide. Il ne refteroit donc aucun efpace entre l'iris & le cryftallin, pour placer la chambre poftérieure de l'œil, malgré ce que les plus favans Anatomiftes ont démontré. On fait ce qui a été dit par Lifler, Morgagni , & fur-tout par M. Petit (1 ). Celui-ci, après de longues obfervations, fit enfin voir, fans aucun doute, que la chambre poftérieure eft toujours large au moins d'? de ligne, & même da & 3, & vis-à-vis la prunelle, d3 & À tout jufte, où elle devroit être plus étroite, felon le fentiment de Winflow. Mais le même M. Petit croit que l'erreur eft venue de ce qu’on s'étoit fervi d'yeux qui n'étoient pas bien pleins de jeurs humeurs, & par la plus forte preffion faite contre le chambre poftérieure de l'œil, par le corps vitré & par l'humeur aqueufe de la premiere chambre, quand on fait glacer ces humeurs. J'ai vu moi-même, en répétant ces expé- riences, que dans les yeux humains, quelque tems après la mort, l'efpace de la chambre poftérieure, ou eft entièrement effacé, ou eft très-étroit : & Winflow même, à la fin, a été convaincu de la vérité de l'autre opinion. Cependant, je vais démontrer jufqu'à l'évi- dence, que ce n'elt pas du criftallin que l'iris tire fa convexité. Ayant-ôté la cornée à deux chats, il s’en écoula l'humeur aqueufe des deux chambres; l'iris tomba fur le criftallin, s'y étendit & prit oo (1) Loco citata. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS: 39 fa forme convexe. J'obfervai attentivement l'animal à prunelle rétrecie 5 & toujours, malgré le criftallin, l'iris parut beaucoup moins convexe que dans les yeux intadts & pleins d'humeur, & je ne vis jamais la feconde zone ou anneau, s'élever fur le premier. On remarque la même chofe , même fans Ôter la cornée, en pratiquant un trou par lequel s'écoule l'humeur aqueufe des deux chambres, On voit aifément dans plufieurs animaux , que l'iris ne fe prête pas, & ne prend pas fa con- vexité felon la forme du criftallin placé derrière lui. C'H'A PITRE EI T La volonté eft la caufe des mouvemens de la Prunelle. APRÉSs avoir fixé l’état naturel de la prunelle, il nous refte à exa-- miner pourquoi l'iris fe met en mouvement, quand la lumière par- vient au fond de l'œil. Les théories propofées jufqu’à préfent, font incertaines & imparfaites , parce qu’elles renferment des fuppofitions toutes nues & n'expliquent pas tous les phénomènes , & même il en refte qui les détruifent. Il ne faut pas fuppofer avoir tout entendu, quand on connoît l'état naturel de l'iris, & que, quand la lumière frappe la rétine, la prunelle fe rétrecit; il eft vrai que cette chofe s'enfuit, mais elle n'en eft pas l’effer. Les Phyficiens font fujets à prendre, pour effet néceflaire d’une chofe, ce qui n'en eft que la fuite. Il eft für cependant qu'entre la rétine & l'iris, il n'y a aucune com- munication organique, aucun filament vifible, aucun vaifleau : rien ne pafñle de l’un à l’autre, & les microfcopes les plus forts, les injec- tions les plus pénétrantes, non-feulement ne laiflent point voir, mais ne font pas même foupçonner de connexion entre ces parties. Ainf , les impreffons de la lumière fur la rétine, ne peuvent, par le moyen d'aucun organe, rétrecir la prunelle ; mais il y a quelqu’autre caufe qui la contraéte & la dilate dans cette occafion. Ces raifons me déterminèrent à croire que les mouvemens de l'iris ne font rien moins que mécaniques & involontaires, comme on a cru jufqu’à préfent, d'autant plus, qu'à l’occafion de tant d’obfervations faites fur les yeux de mon chat, avec une patience inexprimable , j'eus tout le loifir d'examiner tous les différens mouvemens de l'iris ; parmi lefquels j'en démêlai plufieurs qui, fans aucun douté, étoient indépendans de l’aétion de la lumière fur la rétine, & évidemment volontaires dans l'animal. Mais pourquoi donc ne l'étoient-ils pas tous? Pour fortir de ce doute, je fis les expériences fuivantes. Quand le chat, frappé par trop de lumière, fe remuoit avec vio- lence, & faifoit toute forte d'efforts pour l'éviter, fa prunelle fe rétrecifloit beaucoup, mais jamais ne fe fermoit entièrement. On 1777. JUILLET. 40 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ne peut pas nier qu'il ne reffentit de la douleur, & qu'il ne refferrât la prunelle pour s’en garantir; car, peu de tems après , expofé tou- jours à la même lumière , il fe tranquillifoit, ne donnant plus aucune marque de douleur, & la prunelle ‘élargifloit, même à une plus forte lumière, pourvu qu'on ne la renforçât pas fubitement. C'éroit donc la douleur, non la feule illumination de la rétine, non la néceffité mécanique d’un reflort inconnu, qui faifoit rétrecir la pru- nelle; la lumière étant toujours au même degré, la prunelle auroit dû fe maintenir également reflerrée & fe rétrecir davantage, en proportion de l'augmentation de la lumière, Mais voici quelque chofe encore de plus convaincant. Lorfque j'effrayois mon chat par le moyen d'un bruit foudain, il élargifloit fa prunelle malgré la lumière qui lui frappoit les yeux, & même cette dilatation augmen- toit en proportion de fon épouvante, fi l'on accroiffoit en même tems, & la lumière & le bruit. Ainfi, la douleur occafionnée par la lumière, cédoit à la crainte; & cela arrive conftamment de nuit & de jour à toute forte de lumière. Elle eft donc volontaire cette dila- tation de la prunelle , & dans les chats & dans les autres animaux, & même dans l'homme, qui tous en font autant quand ils font faifis par la peur. Je fis pendant la nuit une autre obfervation qui prouve encore plus ; je plaçai par terre plufieurs lumières très-près l’une de l'autre; je me mis direétement au-deflus, tenant mon chat, de façon qu'il ne püt les voir; je le retournai foudain fufpendu par fa queue, comme fi jeuffle voulu le jeter fur ces lumières; la prunelle au-lieu de fe rétrecir par tant de lumière, fe dilata beaucoup & fe maintint dans cet état, tant que dura la peur de romber fur le feu. La même chofe arriva, quoique je tinffe mon chat de diffé- rentes façons, & toujours fa prunelle s’élargifloit tant que duroit la crainte; mais après avoir calmé ces mouvemens de frayeur, fi on le contraignoit de regarder ces mêmes lumières, fa prunelle fe rétrecifloit. Il falloit pourtant trouver quelqu'autre preuve des mouvemens volontaires, qui ne fût pas produite par l'épouvante , & heureufement je la trouyai en regardant mes propres yeux au miroir. Toutes les fois que j'approchois de mes yeux une aiguille ou tel autre petit objet que ce fût, la pranelle fe rétrecifloit, & toujours de plus en plus, à proportion que je l’approchois. La même chofe arrive toujours, quel que foit l'obict, lamineux où non, pourvu qu'on l'approche beaucoup. Cet objet, que l’on voir confufément au commencement avant que la prunelle fe rétrifle, devient clair .& très-diftinét quand elle eft contraétée. On voit donc que ces monve nens fonc volon- taires & indépendans du peu où beaucoup de lumière tranfmife à l'œil SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 41 l'œil par ces petits objets : on fait roujours les mêmes mouvemens ; de façon qu'à peine la lumière la plus vive en peut faire autant. Dans ce cas , la prunelle fe rétrécit par la néceffité de mieux voir le petit objet: c’eft une chofe très-connue , qu'il faut alors la contraéter pour exclure les rayons divergens & fuperflus. Les vérités, jufqu'à préfent établies , nous prêtent deux autres argumens pour nous convaincre , que tous ces mouvemens font volon- taires. Premièrement, la prunelle fe meurt en conféquence de ce que l'animal eft fenfible à la lumière , & voit les objets extérieurs. Il faut donc que la caufe de ces mouvemens réfide dans ce qu'on appelle , le principe fenfitif ; & que la lumière ne foit qu'une condition, puif- que ces mouvemens dépendent entièrement de la fenfation de la vue ; ainf, l'iris ne fera remué par aucun reflort mécanique de cet organe. Le fecond raifonnement que l’on en peut inférer eft, que files mou- vemens de l'iris étoient mécaniques & non pas animaux , fi la lu- mière en étoit la caufe immédiate , l'iris ne fe dilateroit pas, mais fe rétréciroit plutôt à l'approche de la lumière, en proportion de la vivacité de cette même lumière ; car , l'état naturel ou le repos de l'iris confiftant dans fa dilatation , plus il eft large, plus il en appro- che ; & au contraire, plus il fe rétrécira en dilatant la prunelle , plus feront vivlens les changemens faits & occafionnés par la lumière ; parce que je ne vois pas comment on pourroit appliquer à l'aétion de la lumière le rétréciflement de la prunelle , qui arrive dans le [om- meil quand ceffe toute autre aétion violente qui puifle la faire mou- voir. Ainfi, on auroit tous les effets de la lumière fans la préfence de la lumière , & il faudroit dire que le rétréciffement de la prunelle n’eft pas l'état naturel de füiris , parce que , dans cette hypothèfe, il eft produit par la lumière; & il faudroit dire auffi que c'eft fon état naturel , puifqu'elle fe rétrécit dans le fommeil. Pour ôter entièrement toute ombre de doute, je voulus examiner fi les mouvemens des deux prunelles s’accordoient entr'eux dans les yeux fains , pour en tirer la conféquence légitime qu'ils ont un prin- cipe mouvant qui leur eft commun. Je plaçai entre les yeux de mon chat , un carton perpendiculaire à fon front & à fes narines en forme de cloifon , de façon qu’on pouvoit éclairer un des yeux & laiffer l'auere dans les ténèbres ; ainfi , je remarquai en approchant la lu- mière de l’un, que la prunelle de l'autre fe rétrécifloit également , & qu'en diminuant la lumière , les deux prunelles fe dilatoient auf en même-tems. Ce qui arrive dans le chat , arrive de même & dans Yhomme & dans les animaux, & j'en ai fait l'expérience fur moi- même au miroir. En fermant un feul œil, la prunelle de l’autre fe dilate, & en l’ouvrant foudain, on voit la prunelle auffi dilatée que l'autre, & un moment après , elles fe rétréciffent également. Donc Tome X, Part. II. 1777. JUTEDENTANE AZ OBSERVATIONS SUR LA. PHYSIQUE; les mouvemens des prunelles font analogues & égaux , même quand la lumière frappe fur un feul œil. Il faut donc que la caufe en foit unique & commune ; mais cette caufe n’eft certainement pas la lu- mière, ni autre chofe extérieure ; car elle ne pourroit pas agir fur l'œil fermé, ou couvert par l'ombre du carton ; elle ne pourroit pas agir non plus par le moyen de quelque connexion d'organes entre l'œil ouvert & l'œil fermé, parce que les yeux font deux machines entièrement féparées l'une de l’autre; & parce qu'on voit par la précédente expérience , que les mouvemens de la prunelle dans l'œil fermé , ne fecondent pas ceux de l'œil ouvert; mais, au con- traire , ceux de l'œil ouvert fuivent les alrérations de celui qui eft fermé. Il y a donc une force intérieure qui influe fur les mouvemens & gouverne les deux yeux, & c'eft la pure volonté. Kaar Boerhaave , en foufflant dans les poumons d’un chien au- quel il avoit ouvert la poitrine , obferva que les prunelles fe mou- voient , mais redevenoient immobiles dès qu'il ceffoit de fouffler (1). La rétine incapable de fentiment dans l'animal à demi-mort , recou- vroit fes facultés par le moyen de ce fouffle, comme tout le refte du corps qui paroifloit revivre ; & c'eft pour cela que dans ce moment, l'iris fe remuoit. Il ne faut pas non plus omettre de remarquer que , daos les évanouiffemens , les apoplexies & les maladies extatiques , ou après une forte dofe d'opium , la prunelle refte immobile à tout effort de lumière. C'eft la règle générale dans tous les mouvemens de l'iris que , quand on reflerre la prunelle à une trop forte lumière, l’on tâche d'en diminuer la douleur. Et à peine ce fentiment douloureux eft-il ceffé , la prunelle s'élargit derechef. En ce cas, la lumière n’eft que Poccafion du mouvement de la prunelle , comme la frayeur & la pointe d’une aiguille proche de l'œil. La volonté rétrécit la prunelle , ou pour en exclure le trop de lumière qui l'affeéte , ou pour mieux diftinguer les petits objets. La volonté la dilate pour recevoir plus de rayous quand la lumière eft foible ; & dans la frayeur , elle.la dilate auffi pour mieux démêler la caufe de notre épouvante & la meilleure façon de l'éviter. Le même effet arrive quand on veut regarder quelque chofe attentivement, & la prunelle fe dilate alors même avec une lumière qui, en tout autre cas, la feroit rétrécir. Ainfi , elle sélargit beaucoup au moment du réveil, parce qu'on veut tout voir; mais elle fe rétrécit aufli-tôt par la douleur caufée par le premier choc de la lumière, qui fe calme en peu de tems, & la prunelle s'élargit derechef. À la chûte du jour elle fe dilate pour © (1) Impetum factens. \ : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS... 4} recevoir, tant qu'elle peut, le plus de rayons de la lumière déjà foi- ble. Le fommeil furvient enfin , la volonté abandonne l'organe de la vue, l'iris fe dilate & s'arrange de lui-même dans fon état naturel, c'eft-à-dire , à prunelle rétrécie. Tous les faits nombreux recueillis jufqu'à préfent , ont fixé trois principales vérités ; 1°, que l'iris eft mis en mouvement par la, feule lumière qui frappe la rétine ; 2°. que la prunelle eft rétrécie dans fon état naturel, & 3°. que les mouvemens de l'iris font volon- taires. Je pourrois aifément expliquer ces mêmes faits comme dépen- dans néceffairement des principes établis , fi je ne les avois aupara- vant examinés comme moyens pour découvrir ces mêmes principes en fuivant la méthode analytique à laquelle je me fuis attaché de préférence. à la méthode fynchérique dans cet Ouvrage. Il; ne faut pourtant pas négliger de fe fervir de ces vérités pour l'intelligence de quelques queftions qu'elles peuvent. aifément réfou- dre. M. Mariotte foutint que la choroïde, non la rétine, étoic le vrai organe de la vue , & il fut entraîné à cette hypothèfe par un phénomène, qu'il crut inexplicable fi la rétine en eût été l'organe. La prunelle expofée à une petite lumière fe dilate ; à une grande ,elle fe rérrécit, & l'iris n’a aucune communication avec la rétine. Cette opinion, dont la France a, été le berceau, eut beaucoup d'illuftres Seétareurs (1), & fut fourenue par le moyen de l'argument fuivant, qui fut embelli de façon à paroître une démonftration. On fait re- marquer que les mouvemens de l'iris diminuent à mefure que l'on perd la vue par maladie, & dès qu'on l'a perdu, il n'y a point de mouvement, quelle-qne foir la lumière dont l'œil eft frappé; il faut donc que l'organe de la vue réfide dans la choroïde, puifque l'iris en eft une partie & eft entièrement feparé de la rétine. Je ne puis pas nier que cette difficulré ne Soit infoluble dans le fyftéme ancien. Nous fommes aflurés, par l'infpeétion anatomique, que la rétine & l'iris font deux parties qui n’ont entr'elles aucune connexion ; & réelle- ment ,. fi les mouvemens de l'iris étoient feulement mécaniques , nous ferions réduits au filence ; car perfonne n'a ofé y répondre, ou la ré- ponfe n'a été ni sûre ni catégorique , tant l’objeétion étoit forte. Cepen- dant , il eft certain qu'on peut diminuer les mouvemens des prunelles fans qu'il y air aucune communication entre la rétine & l'iris, de la même façon que font remuées tant d’autres parties de notre machine ; & cependant, la lumière eft l’occafion d'un tel mouvement ; car, l'animal rétrecira la prunelle pour mieux voir ou pour éviter trop de ———————— a mm (1) Iwes, le Cat, Nollet, &c. 2777 NUIT LE TU Erx 45 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; lumière qui frappe la rétine, & quand celle-ci, par maladie, aura moins de fenfibilité, la volonté remuera moins l'iris ; ou enfin , la rétine ayant perdu toute fenfibilité à la lumière, ne donnera aucune raifon à la volonté de rétrécir ou de dilater la prunelle. Le feul em- pire de la volonté fuffit à toute forte de mouvemens dans la troifième & la cinquième paire de nerfs. La concorde des mouvemens des prunelles explique admirable- ment plufieurs maladies des yeux. Les Chirurgiens examinant les cataractes d'un œil , obfervent auparavant fi la prunelle eft mobile par l'effet de la lumière , & le plus petit mouvement leur fufit pour en tirer de bonnes efpérances & s'attendre à un heureux fuccès; quand , au contraire, la prunelle a perdu entièrement le mouvement, on déclare la cataracte incurable. Mais, on peut fouvent fe tromper de la façon dont on s'y prend pour examiner ces chofes-là , & on rifque quelquefois de promettre en vain une heureufe iffue en expofant le pa- tient à de nouveaux maux. Si la cataraéte a attaqué un feul œil, les mouvemens de l'iris ne cefferoient pas, quand même il s'y feroit réuni une maladie du nerf optique , ou de la rétine ; car la lumière qui frapperoit l'œil fain , fufiroit pour réveillér le mouvement dans l'iris affe@é , par l'ancienne habitude de mouvoir également les deux prunelles. On peut ajouter que la précaution ordinaire que l’on prend de faire fermer l'œil fain, n'eft pas sûre, parce que, lorfqu'on le ferme , on a déja vu que la prunelle de l’autre, doit auñfi fe mouvoir. Ce n’eft donc pas un argument bien sûr que celui qu'on tire des mou- vemens que l'on voit faire à l'iris, pendant que l’on ferme l'œil fain ; on devroit plutôt attendre quelque tems, pour s’aflurer fi les mou- vemens fubféquens , naiffent de la lumière qui frappe l'œil infirme , ou fi ce n'eft que le premier mouvement qui s'enfuit habituellement après qu'on a fermé l'œil fain. Tout foupçon de caufe extérieure étant ainfi détruit, les mouvemens de l'iris feront une marque sûre que ni l'organe de la vue, ni l'humeur vitrée ne font altérés, & qu'il refte quelque efpérance de guérifon; cette obfervation eft utile encore en d’autres maladies des yeux, comme le Glaucôme & la*goutte fereine , que la Chirurgie ne peut pas guérir ; on pourra ainfi raifon- nablement juger de l'avancement & des progrès ‘de la maladie & diftinguer la vraie goutte fereine ; Ces précautions , enfin, feront connoître quand la prunelle eft réellement immobile par maladie , & frayant une route plus sûre, elles étendront le jugement qu'on doit porter dans ces occafions. L'exaéte analogie des mouvemens des deux prunelles paroît réfou- dre une queftion fameufe qui eft encore indécife parmi les Philofo- phes modernes : favoir , fi l'on voit les objets par un feul œil à la fois. SUR L'HIST. NATURELLE ET IES ARTS, 4s Le mouvemens concordans des prunelles font volontaires ; celui donc qui regarde , s'eft fait une habitude de fe fervir des deux yeux enfemble , parce qu'il a eu une raifon de les mettre en œuvre tous les deux , autrement, il ne fe feroit pas donné la peine d'employer, fans befoin, un de fes organes, & de faire , en pure perte , tous les mouvemens qu'il fait avec l'autre, comme on n'employe pas les deux bras quand on voit qu'un feul fufit pour ce qu'on veut faire. Cepen- dant, de ce que les prunelles fe meuvent d'accord par ancienne ha- bitude, ïü faut inférer qu'on s'en eft fervi dans les même tems & dans les mêmes occafions; & il faut qu’elles aient fervi l'une & l’autre au même ufage; car elles ne peuvent plus fe mouvoir diffé- remment , comme les yeux , qui ne peuvent pas fe tourner en dif- férens endroits dans le même-tems. On lit, dans les Tranfactions Philofophiques , un fait fingulier d'un certain Anglois qui voyoit très-bien pendant le jour; mais aux approches de la nuit tout , pour lui , fe couvroit d’un brouillard épais, & dès que la nuit étoit clofe , il devenoit entièrement aveugle, fans qu'il fût frappé par la lumière des flambeaux , de la lune , ni des étoiles. Il rétrécifloit pendant le jour fes prunelles à l’ordinaire quand il étoit frappé par trop de lumière ; mais, pendant la nuit, elles reftoient entièrement immobiles. Une maladie fi étrange parut , avec raifon , obfcure & difficile. Mais , pour ce qui regarde l’immobilité de l'iris pendant la nuit, on voit que ce n'étoit qu'une conféquence néceffaire des trois loix que nous venons de fixer. La prunelle n’eft pas rétrécie par la lumière qui frappe l'iris, mais par celle qui atteint à la rétine. Dans ce cas-là donc, fi la rétine étoit fenfible à tous autres rayons qu'à ceux du foleil, l'iris , en conféquence , devoit être immobile à tout autre lumière , & la prunelle devoit toujours fe main- tenir dans l'état où elle eft , lorfqu'elle fe trouve entourée d'une parfaite obfcurité ; comme il arrive dans les gouttes fereines, ou dans le Glaucôme , & dans tous les cas où la rétine eft infenfible ; & de même que , dans ce cas , l'ancienne habitude de tenir la prunelle ouverte, l'empêche de fe fermer , elle ne fe fermoit pas non plus dans cet homme. M. Brig a dit quelque chofe fur cette cécité noëturne ; mais cela ne mérite pas d'examen ; Boerhaave effaya d'en rendre raifon ; il trouve je ne fais quelle harmonie , entre les parties internes de la rétine & du cerveau , & les feuls rayons du foleil , harmonie qui exclut toute autre lumière. Mais, eft - il poñfible qu'un Phyficien fe paye d'un mot ? Cette harmonie n'eft qu'un mot trop hypotétique & trop vague. D'ailleurs , on n'a qu'à fe rappeller que la lumière de la lune, r'eft autre chofe que la lu- mière du foleil réfléchie ; que fes rayons font de la même nature 1777. JUILLET, 46 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que ceux du jour, & que les étoiles fixes font autant de foleils qui brillent de leur propre lumière. N'y ayant donc aucune différence de lumière à lumière; fi ce n’eft du plus ou du moins qu’il en parvient à l'œil; on ne peut entendre ce phénomène qu’en confidérant la grande différence des divers degrés de lumière. Bouguer ( 1), à la fuite de plufieurs expériences très-fubriles , a trouvé que la lumière du foleil eft trois cens mille fois plus forte que celle de la lune , quand elle eft dans fon plein; & le grand Euler fait monter encore plus haut la différence. C'eft en Angleterre, qu’on effaya pour la première fois de recueillir les rayons de la lune, & après, Philippe de la Hire lefit en France avec le fameux miroir ardent de Tshirnaufen , & il plaça ua foir de pleine-lune au foyer des rayons, un des plus délicats thermo- mètres d'Amontons, mais l’efprit-de-vin ne fe mut aucunement dans cet inftrument : la différence rapportée devoit réellement être cal- culée de cette manière; car le foyer des rayons lunaires fe réduifoit dans un efpace de 306 fois plus petit, de façon qu’il équivaloit à peine un millième de la lumière du foleil: les autres lumières font encore plus foibles ; une chandelle , à la diftance d'un pied & un tiers de Paris, renvoye une lumière onze mille fix cens foixante-quatre fois moindre , & celle-ci, toute mêlée des effluves des corps, fumeufe & impure , n'eft pas capable d’altérer le thermomètre. Au contraire, la plus petite lumière du foleil fufit pour éclairer un très-srand falon, & colore les corps beaucoup mieux que ne pourroient faire mille flambeaux allumés à la fois: en éclairant tant qu'on peut dans la nuit , on voit toujours peu & mal les objets qui ne font pas très-près de l'œil, & même ceux-ci fe voient toujours confufément. Ileft cepen- dant vrai que les prunelles font élargies pendant la nuit , & on peut inférer de la, combien la fenfation occafionnée par les lumières noc- turnes eft plus foible ; ainfi, il peut très-bien fe trouver une rétine fenfible aux effets du foleil & non à d'autres. Telle il faut fuppofer la rétine de l'Anglois, qui n’étoit pas bien fenfible, puifqu'elle ne voyoit goutte pendant la nuit. D'ailleurs , cette diverfité n’eft pas hors de l’ordre naturel, puifqu'il arrive naturellement qu’un homme y voit mieux qu'un autre, & que les oifeaux noéturnes voyent très- bien , la nuit , ce que les hommes ont dela peine à démêler confu- fément. On ne peut pas fixer combien plus efficacement on peut reffentir la lumière du foleil : on a de fortes raifons pour foupçonner que la différence du jour à la nuit, eft beaucoup plus grande qu'elle ne (x) Sur les gradations de Ja lumière, SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 47 paroît par les calculs. Les Marhématiciens ont approuvé, il eft vrai, les expériences de Bouguer. Elles démontrent uniquement que la lumière du foleil eft plus denfe que celle de la lune ; mais il n’en réfulre pas que cette lumière doive faire une impreffion d'autant plus forte; & de ce qu'elle éclaire 3,000,000 de fois plus, il ne s'enfuit pas que la vue en foir d'autant plus claire. Cet illuftre Philofophe a trouvé le moyen, en faifant ufage de plufieurs verres , d'éparpiller fi fort un rayon du foleil, que la lumière raréfiée & affoiblie ne pa- roifloit plus que la lumière de lune. Il compare enfuite l'efpace éclairé par le rayon primitif, & le large champ qu'il occupe quand il eft éparpillé & raréfié, & il mefure ainfi l’une & l’autre lumière. Mais, qui eft-ce qui peut dire, que la lumière agit fur les corps avec une force proportionnée à fa quantité ? qu’en raifon égale, elle éclaire les objets? On peut encore moins mefurer la fenfation réveillée dans l'œil par ces rayons, n’y ayant aucune relation entre la lumière & l'aétion d'un nerf qui fent dans le cerveau. On doit obferver qu'à peu de diftance du foyer du miroir ardent , on reffent à peine la chaleur de la lumière en. plaçant la main fur les rayons ; & le ther- momètre fait à peine le plus petit mouvement , pendant que dans le foyer tout fe fond , fe brûle & fe vitrifie dans un moment, Si la proportion fuppofée ,exiftoit, la force devroir s'accroître en raifon de l'approche du foyer , & pourtant elle accroît fans mefure. Si donc la lumière du foleil accroît fa force beaucoup plus qu'en proportion de fes rayons , je ne faurois déterminer combien elle eft plus forte que la lumière de la lune ; mais elle l’eft toujours beaucoup plus que celle qui a été fixée par le calcul énoncé. Eh ! que pourra-ton dire de la fenfation de ia rétine & des objets plus ou moins clairs pen- dant le jour, ou pendant la nuit ? Il ne faut pas confondre ici quatre chofes abfolument féparées; les rayons en petite ou en grande quan- tité , forts ou foibles; les objets clairs ou obfcurs , la vue bonne ou mauvaife. La fuite, dans le Cahier fuivant. de. 1777. JUILLET. 48 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE , oo P'UREMPCA TS De l’Analyfe & de l’Examen chymique de lIxprco, tel qu'il eft dans le Commerce pour Pufage de la tein- ture ; Par M. QuarremEer DisonvAz , Ecuyer, Entrepreneur de l'ancienne Manufaëture Royale & privilégiée des Draps de Paignon , à Sedan (1). | areas ; ANIL , INDIGO , font trois noms communs au vé- gétal dont on extrait la fubftance colorante & folide, connue dans le commerce fous le nom d’indigo. On en diftingue deux fortes , le franc & le bâtard. Le fecond ne diffère du premier que par fa hau- teur de fix pieds , qui eftle double , par une feuille moins large & plus longue , par une fouche beaucoup plus forte. Trois mois fuffifent pour leur accroiffement & leur maturité. Dans les premiers jours favorables , la premiere coupe eft faite à deux pouces au deflus de terre ; la tige , ou pied , poufle de nouveaux rejetons, que l’on recoupe fix femaines après. Les tiges furlacées qu'on vient de cou- per ; font déjà fi difpofées à la fermentation, qu’elles s’échaufferoient & prendroient feu, fi on les laiffoit long-tems en monceau. On fe hâte donc de tranfporter ces tiges dans la cuve pour empêcher cette fermentation , qui fait le plus grand tort au refte des opérations. Cette fermentation qui devient fpiritueufe , eft maintenue par une certaine quantité d’eau dans les cuves, pendant laquelle les parties généreufes de l'indigo, les parties colorantes, fe dérachent de leur enveloppe. L'expérience a démontré que , malgré l’eau que l’on ajoute pour la macération , la fermentation pafloit promptement à l’alka- lefcence , & que la putridité ayant une fois gagné , on ne pouvoit plus tirer parti de l'indigo , & que la cuve étoit perdue. Un mou- vement rapide & continu , a paru le plus propre à prévenir cet in- convénient, & à procurer la confiftance à l'extrait. On a nommé ce (1) Ce Mémoire a été couronné par l’Académie Royale des Sciences, dans fon Afemblée publique après Pâques 1777. C’eft le plus bel éloge qu’on puifle en faire, & le mieux mérité. mouvement SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 49 mouvement le battage ; enfin , par la décantation & le dépôt, cet extrait acquiert une confiftance folide. Comme le détail de la ma- nipulation de l'indigo eft connu, comme elle eft décrite très-au-long dans l'Art de l'Indigotier, publié par M. Beauvais de Razeau, & approuvé par l'Académie, nous ne fuivrons pas les détails préfentés par M. Quatremer, il vaut mieux s'occuper des objets vraiment neufs de fon Mémoire. Pour déterminer la nature des parties intégrantes de l'indigo, l'Au- teur en a diftillé 4 onces qui ont donné ces produits : alkali vo- latil, 2 gros ; huile légère, r gros ; huile pefante, 3 gros; char- bon, 2 onces 4 gros ; en tout , 3 onces deux gros. Pour retrouver les 6 gros excédant , la machine de Hales a été employée , &a fait voir qu'ils étoient dus à l'air combiné dans ces 4 onces. Le charbon expofé au feu pour être converti en cendres, s'eft incinéré difficilement, & a fourni 3 gros de cendres grisâtres, qui ne fai- foient pas effervefcence avec les acides. L'efprit de nitre leur a fait prendre une couleur brune. Les cendres contiennent du fer attirable par l’aimant. D'une partie des cendres diftillées avec fix parties de fel ammo- niac , il s’eft dégagé quelques gouttes d’alkali volatil. Le fel am- moniac, qui s’eft fublimé au col de la cornue , avoit une couleur jaune; le réfidu étoit d'un gris blanchäâtre. ...... L’alkali fixe du tartre, verfé iur le fel ammoniac, diffous dans l'eau diftillée, en a féparé le fer..... La couleur bleue de l'indigo, n’eft pas atrirable par les acides vitriolique ou marin; ils font feulement une légère eervefcence fur l'indigo réduit en poudre..... L'efprit de nitre décompofe la couleur bleue avec une plus forte effervefcence ; le mélange bourfouffle beaucoup, prend une couleur d'un rouge de framboife; la pâte qui en réfulte, eft gluante, tenace, & tache la peau d’un rouge de fafran..... L'eau régale agit à-peu-près comme l'acide nitreux..,.. L’acide du citron, la crême de tartre, le vinaigre, n'ont pu altérer la couleur bleue, quoique mis en digeftion avec la fécule..... Les alkalis n’ont pas une action fenfible, ou du moins, apparente for l'indigo. L’alkali fixe du tartre en a dégagé une odeur Jexivielle..... L’alkali volatil, mis en digeftion avec l'indieo, n’a pas altéré fa couleur, ni aucune de fes parties, d'une manière fenfible. On doit bien cependant fe garder de conclure que les alkalis, en général , foient fans effer à l'égard de cette fécule. Il n’eft peut-être point d'agens chymiques qui aient autant d’analogie avec elle, qui favorifent autant le développement de fes parties. Cette grande a&tion eft démontrée par les expériences de l’auteur, faites pour perfec- tionner le bleu de Saxe. On fait que le bleu de Saxe s'obtient par un mélange d'huile Tome X, Partie II. 1777. JUILLET, G 50 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de vitriol, avec l'indigo de la qualité la plus fine, & dont les parties font extrêmement divifées. Ce mélange , vulgairement nommé de compofition , eft la découverte à laquelle on eft redevable de celle du bleu & du vert de Saxe. Son défaut eft, en général , de péné- trer peu l'étoffe, & ce défaut engagea l’Auteur à tenter de neutra- lifer l'acide vitriolique, par un mélange d'alkali; les proportions étoient d'une once d’alkali, de fix onces d'huile de vitriol, & d'une once d'indigo bien diffous. Dès que l’alkali eft en contaét avec le mélange , il fe manifefte une chaleur & une effervefcence plus con- fidérables que celles du mélange de l'acide vitriolique & de l'al- kali, pour obtenir le tartre vitriolé. L’alkali, ajouté peu-à-peu au mélange, l'a fait élever beaucoup au-deflus des parois du vafe ; quelques minutes après, le bourfoufflement entièrement difipé , le mélange eft revenu à l'état fluide. Alors, ce mélange , jetté dans une quantité proportionnée d'eau bouillante, & un morceau d'étoffe y étant plongé, a été teint en moins de 7 minutes, dans le bleu le plus vif & le plus foncé, de manière que la corde ou tranche , étoit auffi foncée en couleur que la fuperficie de l'étoffe. Ce qui prouve, non-feulement l'influence des aikalis fur l'indigo , mais encore qu'ils en avivent la couleur, la rendent plus pénétrante, & lui communiquent la fixité. Voulant connoître fi l'indigo ne contenoit point de parties extrac- tives , l'Auteur a tenté de le diffoudre dans les menftrues vineux , la couleur de l'efprit de vin & de l’éther s’eft changée en 24 heures , en une couleur jaune; continuant à laiffer l'indigo en digeition, la couleur s’eft foncée & eft devenue d'un rouge fauve, très-caraétérifé. Les deux liqueurs décantées, il a paru que la couleur bleue , loin d'avoir été altérée , étoit au plus haut point d'intenfité & de richeffe, que les principes colorans y étoient devenus plus libres, plus actifs, & qu'ils ne s'étoient feulement débarraffés que d’une matière fuperflue, & même très-nuifible à la teinture. D'où l'on doit conclure que cette matière colorante, rougeâtre, étoit exactement d'une nature extraéto- réfineufe. Ce procédé, trop coûteux pour les grandes opérations des tein- tures, a été fuppléé par celui de l'eau ordinaire. L'indigo, divifé en parties très-fines, a été mis dans un bocal rempli d'eau non dif- tillée, & le mélange conduit à une légère ébullition, par le moyen du bain de fable. L'eau n’a pas tardé à prendre les mêmes carac- tères des deux liqueurs fpiritueufes dont nous venons de parler. La couleur eft devenue de plus en plus fauve , à mefure que la digef- tion a été continuée. L'eau a été renouvelée jufqu'à ce que l'indigo n'ait plus communiqué la plus légère couleur fauve ou rouge. L'eau décantée, l'indigo a paru, malgré une fi longue ébullition, d'ua SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. SI bleu encore plus éclatant, quoique ce fût du Saint-Domingue em- ployé dans cette expérience. Cette couleur avoit toutes les qualités & les caraétères qui diftinguent les fuperbes indigos connus fous le nom de guatimalo. Par ce procédé appliqué au guatimalo lui même, l'eau eft fortie très-colorée, moins que la première, ce qui prouve que la matière extraétive eft en beaucoup moins grande quantité dans celui-ci que dans les autres, & la gradation d'intenfité dans les nuances rouges ou fauves, prouve le plus ou le moins de qualité de l'indigo. Ce procédé fimple métamorphofe les indigos fimples en indigos , d'une qualité & d'un prix infiniment fupérieurs. Il réfulte donc de ces expériences, 1°. un moyen infaillible de reconnoître la qualité des différens indigos, & de les comparer avec la plus grande exac- titude ; 2°. un moyen fimple d’épurer tous les indigos quelconques; 2°. d’aviver non-feulement ceux de baffe qualité, mais même les plus fins & les plus accomplis. Pour manipuler en grand, il convient d'introduire l'indigo le plus divifé qu'il fera pofñfible, dans des facs d'une toile aflez fer- rée, pour ne point laiffer pañler le menu ou la pouffière ; d'emp/ir une petite chaudière d’eau commune; d'y faire bouillir l'indigo con- tenu dans des facs, à un bouillon léger; de renouveller l’eau juf qu'à ce que l'indigo ne lui communique plus la moindre couleur roufle. De la perfetion de l'indigo, pañlons à l’altération qu'éprouvent toutes fes claffes. Il y a environ 100 ans que l'indigo & fes prépa- rations font connus; pourquoi faut-il aujourd’hui prefque le double des anciennes dofes, pour obtenir les mêmes effets? 1°. Dans le prin- cipe , les terres nouvellement défrichées, donnoient des produétions plus vigoureufes; la culture étoit prefque fuperflue. Peu-à-peu, ces terres, auparavant couvertes de forêts, ne fe font plus défendues des grandes ardeurs du foleil; elles ont été tourmentées fans relâche à leur furface qu'on égratignoit fans cefle, au lieu de l’approfondir. Le feul moyen d'y porter un prompt remède, eft d'abandonner les houes qui entrent à peine de quelques pouces dans la terre, d'y fvbftituer de fortes charrues & d'y prodiguer les engrais. 2°. Au lieu d'introduire la fécule de l'indigo dans des chaufles de toile, pour qu'elle s'y égoutte pendant un certain tems, de la verfer fur des caifles quarrées dont les rebords auront environ deux pouces. Là , la fécule prendra une confiftance folide par l’évaporation des parties aqueufes. 3°. Lorfque l'on fort de ces toiles la fécule de l'indigo qui s’eft durcie en manière de pierre, on la coupe en petits cubes d'environ deux pouces fur toutes les faces, afin de les faire en- core refluyer. On jette enfüuite ces cubes au hafard dans des furailles où ils font ferrés &t comprimés autant qu'il eft poffible. On fent bien 1777. JUILLET. G 2 s2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que ces cubes préfentent une quantité innombrable d'angles & de furfaces, forment dans la futaille une égale quantité de petits vuides qui augmentent encore par le retrait de la pierre. Il rélulte de là , que par le roulage , par les chocs & par les tranfports de la furaille à douves mal jointes, une fracture des angles, des débris de la pouf- fière, en un mot, une perte réelle pour la quantité & la qualité de l'indigo. D'ailleurs, la forme de la barrique eft la moins avantageufe pour le fret d'un bâtiment, & la même quantité de marchandifes qui entre dans une futaille, occuperoit un tiers moins d'efpace , fi on la plaçoit dans une caïffe quarrée ; objet de la plus grande im- portance pour les Armateurs. Pour prévenir ces inconvéniens, on propofe de couper la fécule , encore humide , en quarré, d'un pouce & demi d'épaileur, fur fix pouces de furfice, ou en parallélipipède de fix pouces de long; far quatre de large. Alors, l'indigo, réduit en mafle plus forte & plus maniable que les petits cubes, feroit difpofé dans des caifles , & ne laifferoit point de vuide. Les bois de la caille feroient affemblés en languettes & mortaifes, l'intérieur garni d'un papier fort, ou d'une patte quelconque. Il arrive fouvent que les Fabricateurs Américains mettent l'indigo en futaille, avant qu'il foit entièrement reffuyé. Lorfqu'il n'elt pas parfaitement fec, il s'établit une fermentation des plus furprenantes ; l'intérieur de la barrique contraéte le plus haut degré de chaleur ; chaque pierre paroît bouillir en particulier, & paroît fe couvrir d'une efpèce de fleur blanche ou moiliffure, qu'on peut attribuer uniquement à la matière extractive, dont une partie fe décompofe en attirant l'humidité. L'indigo ne feroit donc point fufceptible de ce défaut , fi on avoit eu foin de le laver dans les atteliers, ainfi qu'il a été indiqué, Procédés par lefquels on applique l'indizo à la teinture des principales fubltances. Les vaifleaux dans lefquels on teint en bleu la foie écrue & non fabriquée , font de cuivre & difpofés de manière à foutenir conti- nuellement lation d'un feu modéré. Ces vaiffleaux ou cuves, ont ordinairement quatre pieds de profondeur, fur deux de largeur à leur partie fupérieure, & un pied ou quinze pouces dans leur partie inférieure. Celle-ci, comme on voit, offre un diamètre moindre que la première; elle eft de plus arrondie, & elle defcend environ un pied & demi au-deffous du fol de l’artelier. Ces cuves font or- dinairement adoflées à quelque mur, & toujours entourées d’une maçonnerie de fept à huit pouces. Au niveau du fol de l'attelier; SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 53 & à la partie qui fait face, on pratique une ouverture d'environ fix pouces de large , fur huit à neuf de hauteur. Cette ouverture fert à introduire de la braife dans le vuide que l'on a ménagé entre les parois de la cuve & de la maçonnerie; elle forme de plus, un courant d'air avec une autre ouverture pratiquée en face, encore au niveau du fol, & furmontée d'une efpèce de tuyau, dont l'ou- verture fort quelques pouces au-defius de la cuve. On affied ces cuves en les rempliffant d'eau commune , dans la- quelle on jette d’abord trois ou quatre poignées de fon bien lavé & battu dans les mains jufqu'à ce que l’eau en forte claire. On fait bouillir ce fon pendant un demi-quart-d'heure, après quoi on met une livre de cendre gravelée , & une once de garance , fur une livre d'indigo : on fait bouillir enfemble les deux premières , l’efpace d'un demi-quart-d'heure, & lorfqu’elles ont jetté un gtos bouillon , on retire le feu de deflous la cuve, pour les laifler repofer au moins une demi-heure. Pendant ce tems , on pile l'indigo , le plus menu qu'il eit poffible, dans un mortier. Lorfque le fon, la cendre gravelée & la garance font bien repofés , on commence à puifer à la fuper- ficie du bain, autant qu'il eft néceffaire, pour délayer l'indigo , & on furvuide fans ceffe la partie la plus claire, jufqu’à ce que l'indigo foit entièrement divifé. On a foin, à chacune de ces opérations, d’agiter le plus com- plétement poñfible , tout le mélange, par le moyen d'une palette de bois adaptée à un manche, dont la longueur fe règle fur la pro- fondeur de la cuve , & qu'on nomme rable , & fuivant les lieux , l'opération du rable fe nomme palliement , ou braffée. Il eft de la plus grande importance de bien brofler la cuve chaque fois qu'on introduit quelque nouvelle fubftance , ou même une nouvelle dofe des mêmes fubftances. C'eft prefque cette opération feule qui décide le développement & la fermentation des fubftances combinées en- femble; & quoiqu'elle foit fi fimple en apparence, nous lui ver- rons jouer le plus grand rôle dans toutes les opérations qui vont être décrites. Une cuve ainf établie, contient ordinairement douze à quinze livres d'indigo , & par conféquent , de la cendre gravelée & de la garance en proportion. Lorfqu'elle eft parfaitement venue, ce que l'on reconnoît à une pellicule rougeâtre & cuivrée, qui fe forme deflus, on lui donne ce qu'on appelle un brevet, avec environ deux livres de cendre gravelée , & trois onces de garance. On lui en donne encore autant le lendemain, s'il eft néceffaire, quoique la cuve m’ait point travaillé. C'eft ce qui fe nomme accompliflage, & qui achève de faire pouffer l'indigo. Lorfque la cuve eft à ce point, & que la chaleur eft tellement 1777. JUILLET. ÿ4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ralentie, qu’on peut y tenir la main fans douleur, il ne lui manque rien pour teindre. On y plonge donc alors la foie qui doit avoir été cuite à raifon de trente livres de favon pour cent, & enfuite bien dégorgée de fon favon par deux battures, ou même plus, dans une eau courante. Avant même de faire fubir à la foie l'opération de la cuite, on doit avoir formé divers affemblages d'un même nombre d'écheveaux, qu'on noinme matzaux. Lorfqu'on en vient à teindre la foie , on pañle un de ces petits mateaux dans un petit cylindre de bois, long d'environ un pied, dont l’ouvrier tient chaque extrémité , & fur le milieu duquel porte le mateau. Lorfqu'on a fait paffer fuc- ceffivement chaque partie du mateau, une ou plufieurs fois fur le bain, on le tord à la main au-deflus du même bain, &t autant que les forces le permettent : on l'évente enfuite dans les mains pour le déverdir. Lorfqu'il paroît bien déverdi, on le jette dans de l'eau parfaitement nette, qu'on tient à portée, après quoi, on le tord jufqu'à dix ou douze fois, fur une efpèce de cheville arrêtée dans le mur ou dans un poteau qu'on nomme e/part. On peut teindre de cette forte trente livres de foie fur une cuve, fans y rien ajouter; on compofe enfuite un brevet d'une livre de cendre gravelée, une once de garance & une poignée de fon bien lavé. Cette addition eft indifpenfable pour confolider lation de la cuve. Les parties colorantes de l'indigo fe trouvant ainfi épuifées lorfqu'on a teint une certaine quantité de foie, il devient également néceffaire de rendre l'indigo à la cuve, & on le lui rend erdinaire- ment à la quantité de cinq ou fix livres; mais il faut toujours ob- ferver en même-tems d'ajouter quantité proportionnée de cendre gra- velée, de garance & de fon; c'eft ce que l'on appelle enter la cuve. Je répète qu'on doit faire cette opération aufli-tôt qu'on a teint vingt-cinq à trente livres de foie dans un bleu plein, quoique plu- fieurs Teinturiers profitent de ce moment pour teindre les foies qu'ils veulent laifler d'un bleu-clair; mais cette manœuvre, économique à la vérité, eft fujette à de grands inconvéniens ; elle amène bien fouvent la défaillance des cuves; on en parlera plus bas; d’ailleurs, les foies qui ont été paflées fur ces cuves , ne font jamais d'un bleu ni auf brillant, ni auñi folide. Il vaut beaucoup mieux établir des cuves avec une moindre quantité d'indigo, pour cette efpèce de nuance ; & s'il en réfulte un peu plus de dépenfe par la multiplicité des cuves que cette pratique exige , l'Artifte eft bien dédommagé par la beauté & la folidité de fon bleu. La foie qu'on plonge fans ceffe dans la cuve, lorfqu'on la fait travailler un certain tems, y dépofe infenfiblement une graiïfle qui arrêteroit entièrement les opérations , fi on n’avoit foin de l'en pur- ger. Pour y parvenir, on remplit de fon, non lavé, un petit fac de SUR l'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 5 toile: on ferme le fac par une ficelle qu'on arrête au bord de Ia cuve, mais qu'on tient en même-tems aflez longue pour qu'il puifle defcendre au fond; enfin, on obferve de ne mettre le fac qu'un demi-quart-d'heure après avoir braffé la cuve. Il eft remarquable qu'en moins de vingt-quatre heures, le fac dégraifle la cuve, & ne manque jamais alors de remontrer à la fuperficie. Lorfqu'on veut purger la cuve autant qu'il eft poffible, on a foin, après lui avoir donné un brevet & l'avoir braflée, de faire griller au feu trois ou quattre tranches de pain : on les met toutes chaudes dans la cuve, & on réitère le procédé , jufqu’à ce qu’elle foit parfaitement en état; ce que l'on reconnoit lorfqu'en foufilant un peu fur fa fuperficie, elle verdict, ou lorfqu’elle eft couverte de cette pellicule cuivrée ou rougeâtre, dont on a parlé plus haut. Les indigos d’un prix moyen , comme le Saint-Domingue cuivré, fuffifent pour obtenir toutes les nuances de bleu qu'on delire en teignant les foies. Les fuperbes indigos , comme le Guatimalo fobre , ou le fobre Saliente, peuvent aufi s'employer pour le même objet ; mais ils ne font pas un aufi grand effet, & ils n’ajoutent pas aflez à la beauté de la foie, pour qu’on y applique des matières auffi chères. C'eft ce qui fait qu'on s'en fert peu dans toutes les teintures en foie. , Le FIL ET LE COTON FILÉ fe teignent en bleu par des procédés communs, & exaétement fur le même bain. La teinture à froid, offre des avantages plus confidérables que celle à chaud ; auf, elle eft aujourd’hui prefque la feule en ufage. Les cuves, pour leur teinture, ne reffemblent point à celles dont on vient de parler; celles-ci font compofées de bizet, efpèce de pierre à fufil qu'on tire des ravines où des rivières, & dont on compofe les murailles de la cuve. Elles ont au moins fix pouces d'épaifleur, & font enduites , au-dedans comme en dehors, avec le ciment le plus fin. Leur forme eft un quarré de vingt pouces en tout fens, ou un quarré long de vingt pouces, fur vingt-quatre de large, & leur profondeur ordinairement de cinq pieds. Elles ne doivent faillir hors de terre qu'à hauteur d'appui; & comme il eft abfolument néceffaire d'en avoir un certain nombre dans le même attelier, la commodité exige qu'on les range fur une ou plufieurs files parallèles. Chaque cuve peut contenir quatre muids d'eau, & on peut y établir dix- huit à vingt livres d'indigo; mais le premier procédé à obferver avant d'établir la cuve, eft de faire macérer l'indigo, pendant huit jours, dans une eau forte qu'on compole exprès. Pour faire cette eau, on met dans un cuvier percé cinq à fix livres de foude d’Alicante bien battue, & broyée à-peu-près comme du ci- ment : on y ajoute trois livres de chaux vive , fur lefquelles on verfe 1777. JUILLET. s6 OBSERVATIONS SUR LA HPYSIQUE, fept à huit pots d'eau commune : on laïfle couler le tout dans un récipient, comme toutes les leffives ordinaires : on renverfe jufqu’à trois fois fur la cuve la leffive qu’on a obtenue, pour lui donner plus de force, & on reconnoît qu’elle eft au degré de force convenable, lorfqu’elle eft grafle au toucher, ou ce qui eft même un figne plus certain, lorfqu'elle porte un œuf. On fe fert ordinairement du moulin même à indigo , pour opérer cette macération; lorfqu'elle eft parfaite, on moud l'indigo dans la même eau; on en introduit de nouvelle s’il eft néceflaire , pour le dé- layer avec plus d’aifance ; & après avoir continué la mouture pendant environ deux heures, on foutire le tout par un robinet placé au niveau de la première meule. Il eft tems alors de remplir la cuve d'environ trois muids & demi d’eau ; celle de rivière eft préférable. On yintro- duit enfuite vingt livres de chaux vive. Lorfque la première effervef cence de la chaux eft pañlée & qu’elle eft bien éteinte, on pallie la cuve, on y ajoute alors trente-fix livres de couperofe d'Angleterre , Jefquelles, étant bien délayées & bien fondues, on verfe l'indigo moulu, ayant en même-tems le foin de le pañfer à travers un tamis. On pallie la cuve fept à huit fois cette journée. Après un repos de trente-fix heures , on peut teindre deffus. Une cuve qu’on vient d'établir , n’eft jamais celle qu'on employe pour commencer du coton ou du fil entièrement écru. Le Teinturier doit effentiellement avoir un certain nombre de cuves établies chacune à des époques différentes , & par conféquent, qui fe trouvent en tout tems à différens degrés. Cette attention indifpenfable pour le fuccès de la teinture, mer de plus le Proprétaire à portée de tirer beaucoup mieux tout l'indigo de fes cuves; &t il en faut au moins dix pour former un attelier complet. On commence par pañler le coton ou le fl écru, fur la cuve la plus bañfe ou la plus épuifée, & on continue enfuite en allant de cuve en cuve jufqu’à la plus forte, à moins qu'on n'ait obtenu, avant cette cuve, la nuance à laquelle on veut teindre. Ce font les premières cuves qui donnent ce qu'on appelle pied, & ce font les dernières qui finiffent. Lorfqu'on a teint fix fois fur une cuve neuve, cette cuve ne fair plus le bleu affez foncé , & pour lors de cuve neuve qu'elle s’ap- pelloit, elle paffe dans la feconde claffe qu'on nomme cuve à corcer. Lorfqu’elle a fervi encore fix fois dans cette feconde claffe, on la nomme troifième cuve, puis quatrième , cinquième , jufqu'à ce que le laps de tems & la réitération des travaux en fafle la dixième. Il ré- fulte de là, qu'une cuve fert environ foixante fois, fix fois en qualité de neuve, fix fois en qualité de cuve à corcer, & ainfi de fuite jufqu'à la dixième. La quantité qu'on peut teindre avec le plus de fuccès fur une cuve établie , { SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $s7 établie , ainfi qu'il vient d'être dit , eft de trente livres de coton, divifées en poignées , qui n’excèdent pas vingt oncés , fans quoi on auroit peine à les tordre en une fois. Le coton ou le fil doivent être mouillés avant d'entrer dans la premiere cuve pour y prendre fon pied ; mais il ne doit refter dans ce bain que cinq à fix mivutes, le tems néceffaire pour que le coton prenne tout le bleu dont il peut fe char- ger. Pour ne rien perdre , on tord enfuite fur la cuve chaque pente ou poignée. On peut defcendre dans cette première cuve , toutes Îles pentes où poignées de coton ou de fil écru à teindre. Il n’en eft pas de même pour les autres ; le nombre des pentes doit être en raifon de la force de la cuve , & lorfqu'on vient à la cuve neuve ou à la cuve à corcer , il n'y faut plus defcendre qu'une pente à la fois. Lorfqu'on vient de teindre fur une cuve , on doit la pallier & la laiffer repofer au moins vingt-quatre heures avant d'y travailler de nouveau. La cuve qui devient bafle a un peu moins befoin de repos. Lorfque la cuve n'eft pas affez repofée , le coton amère une boue jaune lorfqu'on le retourne. L’altération de la cuve fe manifefte lorfqu’on la pallie ; alors, on n'apperçoit plus de veines à fa fuperficie , ou bien elle noir- cit. Il faut alors la réchauffer ou la renourrir. Cette réparation confifte, -pour une cuve neuve , dans quatre livres de couperofe verte & deux livres de chaux vive qu’on lui rend en la palliant deux fois. Lorfque la même cuve a encore travaillé trois ou quatre fois , on la renourrit de nouveau avec moitié des drogues ci-deflus. Enfin , on peut réchauffer & renourrir une cuve jufqu'à quatre fois, en diminuant les dofes chaque fois. Si on la nourrit trop fort, la cuve jaunit à l'excès, & les mains des Teinturiers fe remplifflent de crevafles. L'indigo cuivré de Saint-Domingue , mais de qualité fine , eft le meilleur pour teindre le fil & le coton. Des LAINES ET DES ETOFFES DE LAINE. Les Teinturiers font une différence entre la chaudière & la cuve : la première a ordinairement fept à huit pieds de diamètre fur huit à dix de profondeur ; elle eft entourée de maçonnerie & placée fur un fourneau proportionné. La feconde , au contraire , eft compofée de douves entourées de grands cerceaux de fer. Elle a fept pieds de profondeur fur cinq de diamè- tre, & ne fort de terre qu’à hauteur d'appui. Pour toutes les couleurs, excepté celle où l'indigo domine; c’eft dans la chaudière que fe font toutes les manipulations de la teinture ; on y plonge les laines & les draps , & fi ces deux objets fubiffent différentes préparations , c’eft toujours en repaflant par la chaudière : il n’en eft pas de même de la teinture de lindigo. La chaudière ne fert qu'à échauffer certe drogue , ainfi que toutes les autres avec lefquelles on la mêle. On les Tome X , Part. EI. 1777. JUTELE TH 58 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tran{verfe enfuite dans la cuve, & c'eft dans celle-ci que fe faitle mélange de toutes les drogues , ainfi que le refte des opérations. Pour établir une cuve de fept pieds de profondeur fur cinq de dia- mètre, on jette dans le fond à fec, deux balles de paftel pefant enfemble quatre cens livres qu'on a foin de divifer avant... On fait bouillir dans une chaudière pendant trois heures , une fufifante quantité d'eau pour remplir cette cuve avec trente livres de vau- de (r). Cette infufion faite , on y ajoute vingt livres de garance & une corbeillée de fon. On laiïffe encore bouillir pendant une demi- heure. On rafraîchit enfuite avec vingt fceaux d’eau fraîche ; on laifle rafleoir le bain , on retire la vaude , on tranfverfe ce bain dans la cuve , enfin , on fait pallier , c'eft-à-dire , remuer le paftel avec des rables , par deux ou trois hommes , pendant tout le tems de la tranf- verfion ,; & même un quart-d’heure de plus. Toutes ces opérations faites , on couvre bien chaudement la cuve: on la laiffe fix heures dans cet état, après quoi on la découvre , on la pallie pendant une demi-heure , & on en fait autant de trois en trois heures. Tant que le paftel n’eft pas bien divifé , la cuve a une cou- leur d'un gris fale; dès que les palliemens divifent exaëtement le pañtel , la cuve commence à entrer en travail. Le premier effet eft de dégager des vapeurs âcres & légèrement irritantes. Les vapeurs aug- mentent à mefure que le paftel fe met en bouillie , & la couleur de la cuve devient verre & finit par fe couvrir de veines bleues. C'eft à ces caractères, & fur-tout au dernier , qu’on reconnoît que la cuve eft venue : pour s’en aflurer davantage , on agite avec le rable par plu- fieurs fois le pañtel qui eft au fond de la cuve , & on finit parle plonger brufquement dans le bain. La cume porte alors une fleurée , c’eft-à- dire , une écume bleue , au lieu d’une blanche , & elle feroit en état de teindre d’un bleu-clair. à Le procédé qui fuit immédiatement la venue de la cuve , eft de lui donner ce qu’on appelle fon pied; c’eft environ huit à neuf livres de chaux vive. Dès que cette nouvelle fubftance eft introduite , on apperçoit à l'inftant des caraétères nouveaux & frappans. La couleur de la cuve devient d'un bleu plus noir & plus foncé; fes exhalaifons deviennent plus âcres. La chaux agit avec tant de promptitude fur le paftel ou la totalité du bain , que la couleur change & devient beau- coup plus foncée aux endroits mêmes où on vient de la jeter. C'eft immédiatement après avoir mis la quantité de chaux fufi- fante, 8& en même-tems qu’on introduit l'indigo dans la cuve. Pour (x) Ne veut-on pas dire la gaude , où herbe à jaunir, Refeda Luteola ? Lin. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $9 le rendre propre à garnir les cuves , on commence parle broyer dans le moulin , mais avec la moindre quantité d'eau pofñlible ; lorfqu'il eft délayé en forme de bouillie épaifle , on le foutire par le moyen du robinet placé à la partie inférieure du moulin , & on le jette , fans autre préparation , dans la cuve. La quantité d'indigo qu'il faut mettre dans une cuve , n’eft déterminée que par la nuance à laquelle on veut amener le drap ou la laine, & fur une cuve compofée dans les pro- portions annoncées ci-deflus , on peut employer , fans inconvé- nient , depuis dix jufqu’à trente livres d'indigo. Lorfqu'on a mis l'indigo dans la cuve , on ne reconnoit aucun chan- gement pour l'odeur ou par la fermentation , mais fa couleur devient toute différente. Le pañtel , lorfqu'il étoit feul , offroit une couleur grisâtre , avec quelques veines d'un bleu léger. Lorfque l'indigo eft introduit dans la cuve , la couleur devient d’un beau verd-olive , femé de veines bleues qui ont le caraétère le plus décidé: enfin, lorf- qu'on agite le fond de la cuve avec le rable , & qu'enfuite on le préci- pite brufquement au fond de la cuve , on obtient une fleurée du bleu le plus vif & le plus riche. C'eft là ce qui achève de prouver que la cuve eft en état ; ilne s’agit plus, pour teindre , que de la pallier deux fois dans l'efpace de fix heures, afin de mélanger parfaitement les matières, Il eft quelquefois néceflaire de rendre un peu de chaux pour confolider la fermentation. Lorfqu'une cuve d'indigo eft une fois établie, on traite cette pré- paration bien différemment de toutes celles qui fervent aux autres couleurs. On a déja dit que prefque toutes fe faifoient dans la chau- dière, & le bain étant pouffé à grand feu , par le fourneau fur lequel pofe la chaudière. Ces différens bains , qui fe compofent chaque fois qu'on veut teindre , fe jettent aufi hors de la chaudière , auñfi-tôt qu’on à fini les opérations de la teinture , ou s’il y en a quelques-uns dont on conferve le réfidu , c'eft toujours , en vuidant la chaudière & en les laiffant refroidir dans d’autres vafes, qui ne font employés qu’à cet ufage. Il n'en eft pas ainfi des cuves d’indigo. Comme le bain qu'on a commencé par jeter fur le paftel , avoit été échauffé à un très-grand feu dans la chaudière , & étoit à l'état de l’eau bouillante , on a foin de ne laiffer la cuve expofée à l'air libre que le tems né- ceffaire pour la pallier. Aufli-tôt que cette opération eff finie , on ferme fon ouverture le plus exactement poffible , avec un grand cou- vercle de bois , fur lequel on étend encore d'épaiffes couvertures , & on réunit rous les moyens connus pour maintenir la chaleur des flui- des fans l'intermède du feu. Pour conferver cette chaleur le plus qu'il eft poñfible , on établit les cuves dans un emplacemenr peu fpacieux , élevé de huit à neuf pieds , plafonné , n'ayant qu'une ou deux 1777. JUILLET. H2 60 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, petites fenêtres. Cet emplacement fe nomme guefdre, & n'eft féparé de l'attelier aux chaudières que par un fimple mur percé d’une ou- verture fuffifante pour une rigole de bois qui communique de Ja chaudière à la cuve. Malgré ces précautions pour conferver la chaleur , elle diminue fenfiblemeat au bout de huit à dix jours, & fe diffiperoit bientôt en entier , fi on ne procédoit à l'opération qu'on appelle réchauffer. Pour cet effet, on tranfverfe la plus grande partie du bain de la cuve dans la chaudière. Lorfque le bain a été pénétré d'une chaleur fuffifante , on le fait repaffer dans la cuve de la même manière, & lorfque la cuve a été réchauffée , on la couvre de nouveau , comme il a été dit. Pendant un an & quelquefois dix huit mois, on renouvelle fans ceffe ce procédé, mais en ajouant chaque fois dans la cuve de ja chaux & de l'indigo. On rend la chaux tous les deux ou trois jours, & chaque fois qu'on veut teindre , une certaine quantité d'indigo , pour réparer celui qui a été abforbé par les teintures précédentes. Il faut toujours pallier la cuve environ deux heures avant de tein- dre, & tâcher par là d'y répartir, le plus qu'il eft poffible , toutes les parties colorantes. Malgré ces palliemens , il fe forme au fond de la cuve , une efpece de pâte ou bouillie, & le contact de ces par- ties feroit le plus grand tort aux laines ou étoffes , fi elles venaient à y être engagées. pour éviter le contact avec cette pâtée , on introduit ce qu'on nomme une champagne. C'eft une efpèce de treillis formé avec de groffes cordes & arrêté à un cercle de bois portant le même diamètre que la cuve. On defcend la champagne de trois ou quatre pieds dans la cuve ; on fixe les cordes qui la foutiennent à quatre crochets placés aux bords de la cuve. Pour teindre les laines , il faut auparavant les bien mouiller dans une eau de fon , & avoir établi , au-deffus de la champagne , un filet à mailles très-ferrées , appuyé de toutes parts fur les bords de la cuve. Ce filet tient les laines à la portée des Ouvriers & empêche encore leur contact avec la pâtée. Alors , on jette , fans autre précaution, la laine dans le filer, & on la remue en tout fens avec de longs bâtons pour Jui faire prendre la teinture le plus également poffible. Lorfqu’elles font à la nuance qu'on defire ; on lève le filer. Si ce font des draps, ou autres étoffes , on établit feulement la champagne ; on plonge les draps dans la cuve , on les fait fans ceffe tourner fur eux-mêmes par le moyen de deux petits crochets que l'Ouvrier tient dans fes mains , avec lefquels , tantôt il retire l'étoffe à lui & tantôt il l'enfonce; ou felon les termes de l'Art, il fonce les plis qui fe trouvent à flot, c'eft ce qui s'appelle mener une cuve. On conduit ainfi l’étoffe cinq où fix fois fur elle-même ; & fouvent plus , felon la nuance plus où SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. Ga moins foncée qu'on veut obtenir; ce qui s'appelle donner un, deux , trois bouts | &c. Les laines & toutes étofes en laine, fortent vertes du bain; ce n’eft qu'après quelques minutes & par le contact de l'air que la couleur bleue fe manifefte. Pour accélérer ce changement , on évente forte- ment , c'eft-à-dire, on agite près d'un quart-d'heure les laines & les draps fur le pavé de la teinture. Ces étoffes ou laines déteindroient perpétuellement dans l'ufage , fi on ne leur faifoit pas fubir d'autre opération. On obferve toujours, avant de filer les laines teintes à l'indigo, de les battre avec de grands rateaux dans des paniers fufpendus , au milieu d'une eau courante & la plus fraîche poñible. Cette opération fe nomme le repaumage. Les draps teints en bleu font battus en terre pendant trente & même quarante heures dans les fouleries. Cette opération fe:nomme le lavage en terre. Toutes les qualités d'indigo font employées dans cette teinture ; l'économie prefcrit celui de Saint-Domingue, fur-tout , pour les tein- tures en noir , dont l'indigo fait le pied. Celui de Guatimalo donne un bleu fi vif, qu'il excite l'admiration. Son prix eft le double de celui de Saint-Domingue; mais, mis à parties égales dans une cuve , il rapporte beaucoup plus, Accidens qu’éprouvent les Cuves , & expériences faites pour y remédier. A l'égard des cuves deftinées pour la foie ; en défaillance , comme ila été dicplus haut, on les fait revivre , en compofant un brevet bouilli avec du fon lavé : on y ajoute une AT -once, de fublimé corrofif , une once de fucre-candi , quatre onces de cendre gravelée, & une once de garance. On emploie de plus les procédés énoncés ci-def- fus à cet article. Les cuves des Teinturiers en fil & en coton, man- quent quelquefois de produire leur efet, & paroiflent tournées ; c'eft qu’elles n'ont pas été bien établies. Les accidens dans les tein- tures en laine, font plus graves, plus fréquens , & tiennent à des caufes plus compliquées. Il arrive fouvent que la cuve paroît noire , fans apparence de vei- nes bleues, fans fleurée. Si on la pallie, le bain prend la couleur d'un jaune doré ; fon odeur , au lieu de tirer fur le doux , comme lorfque la cuve eft en bon état, affecte au conrraire l'odorat de la manière la plus piquante & la plus âcre ; fi on y plonge l'étoffe , fa couleur eft blanche, ou d'un gris fale, rerreux & mal uni. On appelle ces cuves , des cuves roides ou rebutées. Quelquefois , la cuve la plus vigoureufe change tout-à-coup de face, & pour ainfi dire , 2777. DUT IPINENT. 62 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; de nature ; le bleu le plus vif , pañle à la couleur de leflive ; l'odeur qui en exhale , eft fétide , & augmente à mefure qu'on la pallie. Si on y plonge une étoffe, elle n’en fort pas plus colorée que fi on l'avoit trempée dans l'eau commune. On avoit, jufqu’à ce jour , ( & M. Hellot lui-même ) , regardé ces cuves comme abfolument perdues , & à caufe de leurs exhalaifons fétidifiimes , : on fe hâtoit de les jeter dans la riviere. On n'avoir jamais obfervé, avant M. Quatremer, le nombre d'heures & le degré précis de chaleur auquel les grandes cuves ne manquent jamais de porter bleu. Il a reconnu , par des obfervations fuivies dans différentes faifons & par les thermomètres les plus exacts, qu'une grande cuve portoit toujours bleu , fur-tout , pendant l'été, au bout de feize heures, & la chaleur du bain étant au cin- quantième degré de Réaumur. D’après cette obfervation , il a fait conftruire une cuve avec des douves de bois. de chêne de deux pouces d'épaiffeur , garnie d’un couvercle de planches plus épaifles, & dans la circonférence duquel étoit pratiquée une rainure, pour qu'il fermât hermétiquement la cuve. Comme cette cuve n’étoit pas enterrée , l'inconvénient a été compenfé par des couvertures de laine, pliées en fix doubles & qui recouvroient également le couvercle. Pour avoir des proportions relatives à celles employées en grand, l'Auteur a pris trente livres de paftel.... deux livres de gérifle. .. deux livres de garance .... quatre onces de fon. Le paftel a été broyé beau- coup plus menu que de coutume. Deux baffines ; dont les capacités réunies formoient, à-peu-près , celle de la cuve , ont été remplies d'eau. La gérifle partagée en deux parties égales & ballottées , a été mife dans chaque bafñfine. Une heure après que cette infufon étoit fur le feu, & lorfqu'elle a commencé à jeter de gros bouillons , on a mis, dans chacune , une livre de garance commune , & deux onces de fon : le tout a bouilli une demi-heure. Lorfque la garance a paru bien diffoute & que les bouillons ont commencé à fortir des baflines , chacune a été rafraichie avec un fceau d’eau ; alors , le pañtel a été jetté au fond de la cuve , ravalé , c’eft-à-dire, pafñlé de la cuve dans les baffines, & pallié pendant tout le tems de la tranfverfion. La température du laboratoire étoit à douze degrés & différoit peu de celle de l’athmofphère ; celle du bain étoit environ foixante-douze de- grés. La cuve a été fermée avec fon couvercle & enveloppée de cou- vertures ; enfin, traitée comme une grande cuve dans toutes les pro- portions & opérations. Après avoir reconnu que la cuve étroit parfaitement venue , l'avoir gouvernée pendant huit jours fans accidens, l'avoir réchauffée & teint deffus plufieurs fois, lPAuteur a tenté d'en déranger l'équilibre SUR L'HIST. NATURETIIE ET LES ARTS. 63 en y jettant d'abord un éxcès de chaux. La belle couleur bleue a été changée en un noir foncé, & fon odeur étoit abfolument celle de la chaux. Quoiqu'elle portât encore une fleurée bleue , elle ne teignoit nullement les mains , & un morceau d'étoffe teint de la veille du plus beau bleu y étant plongé pendant fept ou huit minutes , en eft forti d’un bleu-pâle , terne & mal égal. Ce caraétère conftitue la cuve roide & rebutée. La cuve a été réchauffée , mais elle a refté dans le même état pendant quatre jours confécutifs , & après cet intervalle, elle a été réchauffée de nouveau. Avant ce fecond réchaux, la cuve donnoit encore uue légère fleurée & portoit bleu ; mais alors, elle a ceflé d'en donner le moindre veftige ; fon odeur eft devenue plus mor- dante & fa couleur plus noire , & paroifloit ne devoir plus produire aucun effet : elle a refté deux jours dans cet état ; découverte au troifième , elle a préfenté une fleurée bien caraétérifée à la fuperficie du bain. Cette fleurée s'eft foutenue fans interruption & avec les mêmes caraëtères pendant trois jours qu'on l'a laiffée fans la réchauffer. Mife fur le feu le quatrième jour , elle a repris tout fon éclat ; l'indigo a reparu , & la fleurée ne différoit en aucune façon de celle d'une cuve dans fa plus grande force. Après quelques heures de repos , on a teint deffus un morceau d'étoffe tout aufli foncé qu'aupara- vant , fans y avoir remis la moindre particule d'indigo. C'eft donc aux fimples réchaux qu'on doit ce changement merveilleux , quoique les Teinturiers les regardaffent comme la perte totale des cuves. Voulant pouffer cette expérience encore plus loin , l'Auteur choifit une feconde cuve de la même grandeur, établie avec le même fuccès que la précédente & dans fa pleine force. Quoiqu'elle fût bien pour- vue de «haux , il lui en a encore donné la valeur de huit livres. En moins de quelques heures , cette cuve n’a plus eu de fleurées , ni appa- rence de bleu : au-lieu d'une couleur noire , comme dans la précé- dente expérience, le bain reffembloit à une eau limoneufe ou à une efpèce de boue. Ici , l'odeur étoit d'une fæœtidité inexprimable , & plu- tôt fade & nauféabonde que mordante. Un premier réchaux augmenta la couleur cendrée & la puanteur du bain ; fix jours après, même couleur & augmentation d'odeur; douze jours après, nouveau ré- chaux, & lorfque la cuve commença à fe refroidir ,; un commence- ment de fleurée en heurtant deffus. Cette fleurée , ou plutôt cette écume , étoit grife & avoit peu de tenue. Pendant quinze jours de repos , la fleurée commença à bleuir ; enfin, la cuve réchauffée pour fa quatrième fois, parut une fleurée du plus beau bleu; les veines & la couleur jaune que doit avoir une cuve en bon état, ne tardèrent pas à fe manifeffer, & quelques heures après il ne manquoit plus 1777. JUILLET. 94 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, à cette cuve aucun des caraétères qu'offrent les cuves qui n'ont jamais rien efluyé. D'après ces expériences ; à d’après plufieurs autres qui concourent avec celle-ci, on peut conclure que jamais la partie fondamentale & colorante des cuves, n'eft difloute ni perdue dans celles qui paroif- fent ; à la vérité, l'annoncer fi clairement par leurs fymptômes ; que ces parties font feulement enveloppées, voilées comme le font les matières métalliques dans leur diflolvant , & qu’elles font toujours prè- tes à reparoître aufli femblables à elles-mêmes & auff peu altérées, que les matières des précipités quelconques... Ce qui produit des fymprô- mes aufli extraordinaires , & fur-tout , auffi rebutans , ce font les com- mencemens de la fermentation putride qui produit un vrai foie de fou- fre, & fait difparoître toutes les parties colorantes... Ce qui pro- duit cette fermentation putride , & dans certains momens plutôt que dans d’autres ; c'eft l'épuifement de la chaux, c'eft-à-dire , des parties falines qui font feules capables de prévenir ou de fufpen- dre ce genre de fermentation... Les matières végétales font fufcep- tibles des fermentations fpiritueufe , acide & putride ; les principes végétaux des cuves ; n'ayant paflé, lors de leur fabrication , que par les deux premiers degrés ; il eft néceffaire qu'ils fe précipitent vers le troifième , dès qu'ils ceflent d’être contenus par un anti-pu- tride affez puiffant. Une cuve, foit grande , foit petite, ne tourne jamais lorfqu'on vient de la ravaler , ni même plufieurs heures après , mais le plus fouvent deux ou trois jours après avoir été réchauffée. C’eft donc lorf- que la chaleur d'une cuve commence à tomber, qu'on dit tont craindre, & fur-tout, rendre de la chaux. Par une expérience frap- pante , l'Auteur s'eft convaincu que c'eft uniquement le degré de chaleur & avec le laps de tems, que les Teinturiers doivent obfer- ver dans cette circonftance. Il établit fix petites cuves dans l'été » lorfque le thermomètre étoit à 12 degrés, & deux lorfu'il étoit à fix. La température de l'air , confervant la chaleur beaucoup plus long-tems , il n'a pu faire tourner les premières que 72 heures après leur avoir donné le réchaux , &t les fecondes , s'étant refroidies avec plus de célérité , ont tourné après 24 heures. C'eit donc toujours au même degré de chaleur, & non pas après le même efpace de tems, que les cuves tournent. Ce n'eft jamais de 45 à 6o degrés ;, mais toujours de 30 à 45 , & fi les Teinturiers ont foin d’obferver ce degré , ils ne feront jamais furpris. La différence prodigieufe qui n'exifte que trop fouvent dans la vigueur &t la qualité des paftels , contribue beaucoup à la perte des cuves , quoique d'ailleurs bien conduites. Deux petites cuves établies avec SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 65 avec l'égalité la plus rigoureufe , mais avec deux fortes de paftels différens ; la première , avec un pañtel reconnu mauvais , eft venue au bout de 24 heures; celle dont le paftel étoit foupçonné le meilleur, a porté bleu au bout de 16 heures. Il a fallu près de trois jours pour amener cette dernière à donner des indices apparens d'afoi- bliflement, & dans la première , le pañtel s'eft putréfié en moins de 2 heures. Ces différences font encore plus frappantes dans le travail en grand. Si le pañtel eft difficile à broyer , verdätre dans l'intérieur lorfqu'on le brife , s'il ne donne au bain qu'une couleur brune , il eft alors de bonne qualité & foutient long-tems fon aétion; s'il fe réduit facilement en poufière lorfqu’on le broye avec la main; s'il eft de couleur terreufe dans l'intérieur; s'il donne dès les pre- miers jours une couleur très-jaune au bain de la cuve , il eft infail- lible qu'il aura très-peu d'énergie, & fera tourner la cuve dès qu’on diminuera un peu la dofe de chaux qui lui convient. La qualité de la chaux même a une grande influence fur les cuves, & contribue fouvent à leurs accidens. La chaux, produite par les pierres tendres, poreufes , friables, a infiniment moins d'aétion fur les cuves, & quoique on leur en donne une très-grande quantité , elle n'y produit prefque aucun effer. Plus , au contraire, la pierre qui aura produit la chaux, fera dure, plus elle approchera du marbre ; moins la quantité doit en être confidérable , parce qu’elle produit la plus violente fermentation dans la cuve. Dans une prande ou pe- tite, la bonne chaux doit toujours être avec le pañtel dans le rap port d’un trentième lorfqu'on établit la cuve, & qu'enfuire on ne devoit jamais en rendre plus du foixantième, à moins d’accidens. Il étoic difficile de remplir plus complettement , d’une manière auf neuve & auñfi décifive, tous les points du Programme de l'Aca- démie : on fera bien plus étonné quand on apprendra que M, Quatremer Dijonval n'a encore que vingt-deux ans. PE SA a be Tome X, Part. II. 1777. JUILLET, , (1 66 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, PR EP CIE TERERERRE EE EU PRE EEETEP PROPOSITIONS ET DEMANDES SUR LES" COULEURS DES"CORPS,, Au fujet du Mémoire de M. Opoix , publié dans le Journal de Phyfique, du mois d'Août 1776 ; « Par un fimple Amateur de la Phyfique. JE prie qu'on veuille fuivre l'enchaînement de ces Propolitions, J'en referre le nombre le plus qu'il m'eft poñible (r). 1. Puifque les corps ne font vifibles que par la lumière qu'ils nous réfléchiflent , il s'enfuit que les couleurs ne font dans les corps qu'une certaine difpofition des plus petites parties de leur furface. 2. En modifiant la furface des corps , nous changeons leurs cou- leurs : & l’aveugle-né, qui diftingue les couleurs au toucher , con- firmeroit cette vérité, s'il en étoit befoin. 3. Les couleurs des corps font donc une certaine modification de la lumière qu'ils nous réfléchiffent. 4. Mais la couleur des corps n’eft pas uniforme. La difpofition des plus petites parties de leur furface , ne l'eft donc pas non plus. Différens corps modifient donc différemment la lumière qui les éclaire & qu'ils réfléchiffenr. s. Cette conféquence eft néceffaire ; car différens corps peuvent tous être éclairés uniformément. par la lumière. 6. Si les furfaces des corps modifient différemment la lumière , il faut que ce foit de l'une ou de l’autre de ces deux manières : ou en modifiant les élémens ou les parties intégrantes de la lumière, ou en décompofant la lumière par une féparation de fes élémens. 7. Les expériences Newtonniennes démontrent que la lumière eft un fluide très-fubtil & très-hérérogène , & qu'un rayon folaire eft réellement compofé de fept rayons, qui portent chacun une couleur invariable. QE (x) Ce petir Ecrit a été composé le 11 feptembre 1776, immédiatement après que l’Auteur eut lu l’intéreflant Mémoire de M. Opoix. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6 8. Les mêmes expériences prouvent que les couleurs primitives ont chacune leur degré de réfrangibilité propre. 9. Le prifme manifefte ces propriétés de la lumière : il en fépare les rayons : il la décompofe. 10. La lumière n’eft donc modifiable que par la féparation de fes élémens. Leur parfaite réunion produit le’ blanc : leur entière abforption produit le noir. vi. Si donc les corps modifient la lumière & la réfléchiffent modifiée , il faut que les petites parties de leur furface foient des efpèces de très-petits prifmes différemment inclinés (9). 12. Mais il eft encore prouvé par l'Optique Newtonnienne , que le plus ou le moins d'épaiffeur des furfaces réfringentes contribue à réfléchir telle ou telle couleur. 13. Les plus petites parties de la furface des corps , leurs lamelles, font donc d'inégale épaifleur dans les furfaces qui réfléchifflent des couleurs différentes. 14. Mais des expériences chymiques (a) prouvent en même-tems que l'état aétuel du phlogiflique des corps, détermine leur couleur : que là, où il eft le plus denfe , les corps font noirs : que là, où il eft le plusrare , les corps font rouges , & que les degrés inter- médiaires de denfité du phlogiftique , donnent les couleurs inter- médiaires prifmatiques. Enfin , les mêmes expériences prouvent (b) que les corps, dont le phlogiftique eft nul ou très-mafqué , font blancs. 15. Il faut donc que le phlogiftique ait la propriété de modifier Ja lumière, puifque fuivant qu'il eft plus ou moins abondant dans les corps, ils réfléchiflent des couleurs plus ou moins baffes. 16. Ileft affez reconnu aujourd'hui que le phlogiftique n’eft que le feu élémentaire, combiné avec un corps que nous ne pouvons en- core déterminer exactement. Mais ce qui n'eft point douteux, c’eft que le phlogiftique s'incorpore aux corps comme principe. 17. Et puifqu'il modifie différemment la lumière en raifon de fa denfité ; il faut, ce femble, qu'il produife des lamelles différentes ou de différenteépaiffeur, fuivant fon degré de denfité. (11, 12,13.) 18. Et comme les élémens agiffent les uns fur les autres dans un rapport à leurs affinités , le phlogiftique eft d'autant plus propre à modifier la lumière , qu'il a plus d'affinité avec elle. 19. Il faudroit donc inftituer des expériences d'optique dans un (a) Confultez le Mémoire de M. Opeix. (b) On fuppofe ici, comme on le voit, la vérité des réfultats de ces Expé- riences , & on ne raifonne que d’après ces réfultats admis pour vrais, 1727. N JUILLET. Ï 2 68 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, rapport direét à cette nouvelle théorie. On fait que la réfration de la lumière eft plus grande dans les fubftances inflammables , que dans celles qui ne le font pas. Cela même démontre l’añinité de la lumière avec le phlogiftique , puifque la réfraétion dépend effentiel- lement de l'attraétion. 20. Si donc les corps qui réfléchiffent les couleurs les plus baffes, comme l'indigo & le violer, font des plus abondans en phlogif- tique , il faudroit éprouver fi la réfraction de la lumière feroit plus grande proportionnellement dans des fubftances inflammables qui auroient ces couleurs. . 21. En conféquence de l'incorporation du phlogiftique dans les lamelles de la furface des corps, il eit néceffaire que lorfqu'il les abandonne, elles fubiffent des changemens plus où moins coni- dérables, toujours proportionnels à la quantité de phlogiftique qui a été enlevé ; car les parties conftituantes des lamelles ne fauroient changer , ou leur nombre diminuer ou augmenter, que les lamelles elles-mêmes ne foient plus ou moins modifiées. 22. D'une modification quelconque des lamelles, doit réfulter un changement dans la couleur qu'elles réfléchiffent ; car ce n'eit que par le nombre, l'arrangement & la pofition refpeëtive de leurs élé- mens, que les lamelles modifient la lumière. 23. On conçoit fans peine , que les lamelles qui abondent le plus en phlogiftique, ne doivent pas être précifément femblables à celles où il abonde le moins; & que conféquemment elles ne doivent pas agir fur la lumière précifément de la même manière. (11,12, na 22) 24. Mais d'où vient qu'à une quantité donnée de phlogiftique , répond une certaine couleur ? D'où vient , par exemple, que les corps où le phlogiftique eft le plus denfe , font noirs , & que ceux où ileft le plus rare, font rouges ? C'eft fur quoi les principes que nous venons de pofer , ne nous éclairent pas encore. On voit bien que les corps où le phlogiftique abonde le plus , doivent attirer plus fortement la lumière & la rerenir. Ils ne laréfléchiront donc pas? Ils paroîtront donc noirs? Mais pourquoi, lorfque le phlogiftique eft tant foit peu moins abondant dans un corps , réfléchit-il la cou- leur violette ? Et pourquoi, lorfqu'il eft le plus rare, le corps réflé- chitil la couleur rouge ? Que deviennent dans tous ces cas , les rayons qui ne font pas réfléchis ? 25. Enfin, on peut demander , fi la fimple diflémination du phlo- giftique dans les interftices des lamelles , peut fufire à opérer la co- loration , ou fi elle exige fon incorporation à ces lamelles? ( 17.) SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 69 AUDI DE MT TERION Ve M. Opoix a eflayé , dans un fecond Mémoire (a), de réfoudre les queftions du Paragraphe 24. Ce n'eft point à un fimple Amateur qu'il appartient de prononcer fur le mérite de fes folutions : il doit en abandonner le jugement aux Maîtres de la Science, Il fe borne donc à inviter cet ingénieux Chymifte à remanier cette belle matière fi digne des plus profondes recherches des Scrutateurs de la Nature. Il feroit flatté , fi la manière & les idées de ce petit Ecrit ne lui étoient pas inutiles dans fon nouveau travail. Beaucoup de netteté , de précifion & d’enchaînement , feroient extrêémemenr à defirer dans des difcuffions de la nature de celle-ci. L’efprit du Leéteur auroit moins à faire ; & il jugeroit plus facilement des principes & de leurs conféquences. Il appercevroit mieux, fur-tout , fi les conféquences font immédiates ou médiates ; fi la chaîne eft par-tout continue , ou fi elle eft çà & là interrompue. Mous n’allons à la découverte des caufes que par une analyfe bien faite des effets; & ce que nous nom- mons caufe , n’eft encore qu'un effet , ou plutôt , un phénomène plus général ; car la vraie caufe nous demeure voilée ; toutes nos théories des caufes ne font jamais que des théories d'effets. Une même chaîne lie tous ces effets , & dans le premier anneau de cette chaîne , eft l'effet ou le phénomène le plus général. On fouhaiteroit donc que , conformément à ces idées d’analyfe , M. Opoix voulüt prendre la peine de raffembler , dans une fuite de propo- ficions claires & précifes , la fomme des vérités ou des probabilités contenues dans fon fecond Mémoire. En les rapprochant ainfi les unes des autres, & en les fubordonnant les unes aux autres dans l'ordre de leur dépendance plus où moins immédiates ; il jugeroit d'autant mieux de la folidité de fes raifonnemens ou de fes aflertions, que la fuite des propofitions feroit moins nombreufe, & qu’elles feroient énoncées en termes plus clairs , plus précis & plus appro- priés. C'eft , fans contredit , la meilleure manière de découvrir s'il ne s’eft point gliflé d'erreur ou de méprife dans les raifonnemens ou dans les conféquences qu'on a tirées des faits. Une pareille analyfe eft le creufet qui fépare l'or de l'alliage. On attendra donc, pour juger de la théorie de M. Opoix, qu'il l'aie remaniée , & pour ainfi dire, concentrée dans le plus Petit elpace poffible. Il a dans fon génie la lentille qui peut opérer cette concentration. On n’ajoutera donc ici qu'un mot fur une affer- MR "MN AL (a) Journal de Phyfique, 3776. 1777 JUILLET. «70 ®"GBSERV ATIONS SUR LA PHYSIQUE, tion très-remarquable de l'habile Chymifte, » La lumière , dit-il (a), » contiendroit donc elle-même une matière inflammable , un vrai » phlogiftique , le principe de fes couleurs. C’eft en entrant dans l’ath- » mofphère des corps terreftes , que la lumière aura trouvé & diflout » cette fubftance étrangère à fon eflence. Cette matière colorante , » quoique compofée de la partie la plus fubrile des émanations des » corps, n'eft pas toute de la même ténuité ; c’eft ce qui conftitue les » différentes couleurs de la lumière. Chaque nuance fe fépare de la » mafle totale pour s'attacher fur le corps, dont le phlogiftique lui » eft plus analogue (b) ». On demande à M. Opoix s'il croiroit donc que les expériences NeWtonniennes fur la lumière , ne donne- roient pas fur le fommet des plus hautes montagnes , les mêmes réfultats effentiels , que dans les plus profondes vallées ? Il paroît cependant que cela ne devroit pas être fi fon affertion eft vraie, puifque la lumière qui traverfe une plus grande épaifleur de l'athmof- phère, doit , felon lui, fe charger d'une plus grande quantité de par- ticules étrangères à fon effence. On ne craindroit pas néanmoins de pré- dire que , fi l'on faifoit fur le plus haut pic des Cordelières , les expé- riences du Prifme , on auroit les mêmes réfultats que l'immortel Auatomifte de la lumière. L'expérience mériteroit pourtant d’être tentée , & il (eroit à defirer qu'on püût la faire. On prie encore M. Opoix de réfléchir un peu profondément fur l'immutabilité conf- tante des couleurs prifmatiques , & fur les conditions que cette immutabilité fuppofe. Il voudra bien examiner enfuite fi les élémens peuvent fe combiner immédiatement les uns aux autres; fi nous avons quelques moyens de nous en aflurer , &t fila lumière , en par- ticulier, en traverfant l'athmofphère des corps terreftres , peut fe com- biner immédiatement avec la partie la plus fubtile des émanations des Corps ? On feroit plus porté à embrafler , à cet égard, le fentiment du célèbre M. Baumé (c), qui regarde les corps organifés comme le grand inftrument des combinaifons des élémens. Ce Chymifte, animé du feu de fon génie , a ouvert un vafte champ aux méditations du Chymifte & du Phyficien , dans fes profondes vues fur l'Organi- fation: du Globe (d). Mais , peut-être, ne faifit-on pas bien la penfée (a) Journal de Phyfique, Septembre 1776, page 190. (b) M. Opoix dit encore , en terminant fon mémoire : » Les couleurs dont » la lumière eft chargée, n’entrent point dans fa conftitution primitive ; ce font » les émanations les plus pures & les plus fubtiles des corps , que la lumière ».fimple a difloutes, & s’eft aflimilées en entrant dans l’athmofphère », (:) Chymie expérimentale & raïfonnée , Tome I , page 119 & fuivantes. A Paris, 1773. (d) Ibid, Tome III, page 305 & fuivantes, SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 71 de M. Opoix: on la faifira mieux, fans doute, s'il remanie fon fujet dans un troifième Mémoire. On ne veut que l'encourager & lui applaudir , & point du tour le critiquer. Le genre de fes recherches & la nouveauté de fes vues , doivent lui mériter la reconnoiflance & les encouragemens des amis de la Nature. On exhorte, fur-rout , M. Opoix a bien fixer le fens des expref fions , & à déterminer chaque idée de la manière la plus précie. Il dit , par exemple, pag. 195 : Il ne fuffit pas qu'un corps contienne du Phlogiflique pour être coloré des couleurs de la lumière , il faut encore que ce phlogiflique , quoique faifant partie de ce corps, puiffe en conferver un certain rapport avec la lumière pour en détourner & attirer à lui Le rayon coloré avec lequel il a le plus d'analogie. Ainfi , la cire qui, originaire- ment ef} jaune , ne doit cette couleur qu'à une portion du phlogiftique qui ; quoïqu'unie à la cire, conferve encore affez d'action fur la lumière pour attirer le rayon jaune, Mais, fi la cire attire le rayon jaune , ellene le repouffe on ne le réfléchit donc pas ; & fi elle ne le réfléchit pas, comment peut-elle nous paroître jaune ? Ïl y a bien des années qu'on croit ; comme M. Opoix, pag. 192, & peut-être fur de meilleurs fondemens encore , que la lumière eft le principal agent de la coloration des plantes ; quoiqu'on fafle profeffion d'ignorer profondément comment la lumière opère cette coloration. Notre ingénieux Chymifte ne nous l'apprend pas, il ne nous dit pas pourquoi la lumière teint les plantes en verd & non en bleu ou en violet. Mais , non-feulement l’abfence continuelle de la lumière prive les plantes de leur couleur naturelle ; elle eft encore accompagnée d'un changement non moins remarquable dans leur port ou dans les proportions des parties. Les plantes , qu'on élève dans une parfaite obfcurité , s’alongent avec excès; elles s’ettiolent, comme parlent les Jardiniers ; & on ne découvre pas mieux le rapport de l'ettiolement avec la privation de lumière que celui du changement de couleur avec cette même privation. Ce double phénomène , fi commun, eft plus difficile à approfondir qu’on ne penfe. M. Opoix avance, à cette occafion , que la lumière faturée de La terre des corps, eft le phlogiftique des Chymifles. On lui demande donc ce qu’il penfe qui arriveroit fi l’on faifoit pomper à des plantes élevées dans un lieu très-obfeur, un air très-phlogiftiqué ? Suivant fon principe , ces plan- tes ne devroient pas, ce femble , s’ettioler : le contraire arrivera néanmoins ; & c’eft ici un nouveau fait dont on fe réferve d'informer le public, en lui faifant connoître le jeune & eftimable Naturalifte auquel nous devons cette expérience. © On penfe encore, avec M. Opoix , que la lumère entre comme principe dans la compofition des corps organifés, & en particulier, - 1777. à JUILLET. 72 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des végétaux ; on l'avoit dit, ilya plufieurs années, & on avoit in- diqué quelques vues fur la manière dont s'opère fon incorporation dans les folides organifés. DE LI ÉITIEN CR IRON URL D'HEVOPLRME ASUS T 'OPNE Par M. DÉTIENNE , Ecuyer , premier Huifjier au Grand-Confeil. L ES Philofophes qui ont adopté la riatière folaire pour premier principe dans la nature, en auroient fait dériver le feu électrique , pour rapporter tout à une feule première caufe feconde. Ceux qui ont affirmé que cette matière folaire n'eft qu'une opération chymique, une effervefcence d'acides & d’alkalis , doivent , fans doute , définir le feu éleétrique , une vapeur ou fublimation produite par cette effer- veffence ; fujet abondant pour les Romans phyliques. Refte, qu'ils puiffent rendre fenfibles les caufes de la nature de cet élément ainfi compofé. De quelque mauière qu'on ait prétendu le définir , il eft conftant qu'il eft la premiere caufe des phénomènes les plus étonnans , les plus terribles , & qui ont même furpris les Anciens jufqu'à la fuperf- tition. Il eft donc utile de connoître ce principal moteur , & de le rendre traitab'e par l'Art. S'il diffère du feu commun , il lui reffemble, fur- tout, en ce qu'ils fe propagent plus facilement l'un & l’autre par les mêmes corps, & ne fe meuvent pas auffi rapidement dans tous, ayant tous deux une mêine tendance à fe répandre à l'égalité; mais le pre- mier l'emporte fur l'autre par la rapidité. Les expériences faites avec des fils d'obfervation à Turin & fur le fommet des Alpes maritimes, par le P. Beccaria ; les foins de M. le Prieur Ceca & de M. Canonica, établiffent qu'une électricité conf- tante domine dans l’athmofphère , même le ciel étant ferein. Cette action , dans la nature, accroît après la chûte des vapeurs, parce que le feu éleétrique entraine les corps légers qu'il rencontre dans fon paflage , qui forment une continuité plus ou moins ferrée de corps différens , & par conféquent , l'ifolement eft affoibli propor- tionnément , & accroît par degrés en raïifon de la diminution de Ja quantité des vapeurs: cependant lorfqu'elles forment armure , elles donnent SUR HIST NATURELLE\ ET" LES ARTS. 173 donnent lieu à accroiffement. D'où il fuit qu'après le coucher du fo- leil l'électricité athmofphérique , doit paroître plus forte vers l'oueft, que dans les autres pofirions, c'elt-à-dire, y accroître proportionnément avec plus de promptitude. Nous devons certainement attribuer à cette électricité atmofphéri- que , les mêmes effets que l’art excite avec des machines foibles & imparfaites. C'eft toujours le même feu , quant à la nature & la qua- lité, mais différent feulement par la quantité & la denfité. Ces élec- tricités douces & bénignes ; favoir , celle athmofphérique , même le ciel étant ferein, & celle produite par un fyftêème animant, diffé- rent de celle étincelante foit naturelle , foit excitée par l'Art : celles de la première efpèce , font de fimple preffion, les autres font vives. Cet élément eft obligé , en fe balançant , de fe répandre à l'égalité; poir lors, il fait diverger les parties flexibles des corps éleétrifés, vers celles qui ne le font pas. C'eft la fimple preffion. D'où il fuit que les éleétrofcopes , qui n’agiflent que par ce principe, marquent la denfité pofitive ou négative, & non la quantité. On fait combien ils font défetueux , & l'utilité qu'on retireroit d’une mefure exaéte ; puifqu'il n’y a pas de circonftance ou d’effet auquel on ne puifle l'ap- pliquer. Cette découverte ne peut qu'être fuivie de très-grands progrès dans cette Science. Les mouvemens de cet élément n’ont lieu qu’autant qu'il tend à l'équilibre , ou fe répand à l'égalité, & à proportion de fon balance- ment dans les corps déférens ; il en naît un convenable du feu am- biant dans l'air propre ; d'où commencent les mouvemens de fimple preffion dans les efpaces que l'air ne peut traverfer. Cette électricité femble n'agir que fur la furface des corps, quoi- qu'elle y pénètre jufqu'à une certaine profondeur, fuivant fa force ; puifqu'ils font tous poreux, & qu'il s’agit de la furface phyfique. Mais, certe ation douce, en s'étendant , donne une force au feu inhérent dans les corps qui l'éprouvent , & met en mouvement le feu intérieur , ce qui doit varier fuivant la force, la ftruture & la nature des différentes parties de ces corps. L'expérience du puits trouve ici fa principale application. Quant à l’étincelle , elle met en action fa force expanfive , & entraîne le feu qu’elle trouve inhérent dans l'intérieur des corps, en pañfant à travers leurs pores. Pour peu qu'on ait pratiqué cette Science , on a dû appercevoir que l'inconftance de l'éleétricité , fufcitée par l'Art, a une étroite connexité avec celle athmofphérique, & qu’il faut tenir compte de la réfiftance que l'air lui oppofe. Il faut mieux s’atracher à la con- noiffance des effets de ce feu, qu'à la recherche fpéculative de fa pature , que fa trop grande fubrilité empêche de découvrir. Tout Phyficien eft inftruit des effets de ces deux éleétricités. La Tome X , Part. II. 1777. TUVLEETEeK 74 OBSERVATIONS SUR LA. PHYSIQUE, première, dans les mains de la Nature, eft le véhicule qui fournit la chaleur , l'humeur qui aétilife la végétation en pénétrant & dila- tant, &c. car il y a encore d'autres circonftances à examiner... dans cet ordre , il paroît établi par les expériences, qu'elle agit immédia- tement ; il n’eft pas poñlible , à cette occafion , de ne pas penfer au magnétifme. Mais cette électricité athmofphérique , qui eft de fimple preffion , car on ne parle pas de celle fulminante où qui produit les météores, auroit-elle quelque influence fur les corps animés ? Il eft plus qu'a préfumer pour l'aflirmative , d'après les expériences fufcitées par l'Art; puifque l'Art employant le même principe adif, forme, autour d'un fyftême animant, une éleétricité ou athmofphère de prefion, qui eft identique avec celle athmofphérique. L'influence fera la même dans l'un & l'autre cas , il ne s’agira que du plus ou moins, à caufe de la quantité de feu , & non de la nature ou qualité qui eft la même. Les loix de cette preflion auront une connexité avec celles des fluides élaftiques. Les corps femblables plongés dans les athmofphères de cette nature, en éprouveront les mêmes im- prefions. On fent combien l'exaétitude des éleétromètres eft néceflaire pour cet objet. Toutes les expériences, pour la folution de ce problème, doivent être faites en grand comme celles des Alpes. Mais, qui eft aflez heu- reux pour avoir ces facilités & être aufñi avantageufeiment fecondé ? Il eft certain qu'on peut employer avec avantage les deux éleétri- cités, celle de fimple preffion & celle étincelante , qui eft encore plus tonique , pofitivement ou négativement. Cette application très- utile pour l'économie animale, feroit des progrès plus rapides entre les mains de ceux dont l'étude & les foins ont pour but le foulage- ment des infirmités attachées à l'humanité, Il faudroit parvenir à dif- fiper la crainte de l'ufage d'un tel fecours , qui n’a jamais été nuifible lorfqu'on n'a employé que l'éleétrifation fans faire ufage des commo- tions : deux effets qu'on s'opiniâtre toujours à confondre. L'aion de l'ectricité athmofphérique, ou de l’artificielle fur les corps animés, quoique claire à l'infpeétion , éprouve une dificulré. Le plus grand embarras eft de connoître fi certe aétion eft immé- diate ou non. Les imprefions font-elles produites par les différens degrés de tons, que peuvent donner aux fibres l'accroiflement ou l'affoibliffement de ces éleétricités , ou l'humidité & les vents y unif- fent-ils leurs impreffions 2... Il faut une longue fuite d'expériences , qui feront d'un plus grand avantage que les fyftêmes , ce que peu de perfonnes peuvent exécuter ; d'où les progrès font lents. Ces réflexions n'ont pas pour but de décourager, mais de faire voir l'étendue de cette Science par une feule de fes parties , & montrer SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. [75 fon utilité, Plus il y a de difficultés à furmonter , plus le DANS eft glorieux. BNP PL'ENL EC TRAC.I TE L'DPAE: La foudre lancée des nuages , ne frappe jamais qu'avec éclat. Les corps métalliques aigus, foutirent de plus loin le feu éleétrique , à raifon de leur finefle & longueur. Plus ils font convexes, mieux ils fervent d'excitateurs. Les attra@ions & les répulfions ne font pas une vertu occulte, ces phénomènes réfultent du principe général. Le feu éleétrique eft répandu très-amplement dans tous les corps terreftres en mefure différente & quantité convenable à chacun. Cet équilibre ôté , le feu en excès dans l’un , & en défaut dans l’autre, fe manifefte, 1°. en coulant des corps environnans dans celui qui en a moins, & de celui en excès, dans ceux environnans. 2°. En appro- chant alternativement avec une force proportionnée à cette inégalité , tous les corps qui font devenus inégalement éleétriques par certe alté- ration d'équilibre. Tels font les principes qui expliquent les attraëtions & répulfions, la Balançoire, nos F'antoccini, &c. tel eft le germe des plus terribles météores , comme la trombe de Carcaflonne du 4 Septembre 1776. M. Franklin en a chaffé une devant lui , avec des coups de fouet. La foudre n’eft qu’une étincelle plus denfe que celle des batteries. Ajoutez larmure , les ifolemens alternatifs , la répercuffion, la phofphoréité & la force vengerefle , & vous dires des principes abondans pour expliquer un grand nombre de phénomènes , tels que ceux du 15 du même mois à Soiflons. La matière fulminante, en fe balançant, paflera , par préférence, par les corps aigus, à raifon de leur perfection de déférence. Il y aura éclat entre ceux inégalement déférens ou conducteurs ; delà, les clochers & girouettes enlevés : mais les corps, qui tranfmettent tota- lement à la terre, fur-tout , humide, dépouillent en filence, & pré- fervent, à la diftance d'environ cent pieds , d'après l'obfervation de ce qui arriva à Charles-Town. Les Américains Anglois employent, avec raifon , ces para-foudres pour les édifices, & les vaiffeaux qui font encore plus expofés. La tentative de jeter de l'huile, du goudron , & autres matières grafles & flottantes pour calmer les eaux de la mer & réprimer les brifans,, prouveroit qu'elles contiennent beaucoup de feu éleétrique, ou au moins, l’aétion médiate ou immédiate de ce feu fur elles. L’aigrette qui jaillit d'une pointe , foulève l'eau qu'on lui préfente. Un des caraëtères de la foudre , eft de roidir les corps des foudroyés , de fendre les trembles dans la direction de leurs fibres, fur tout , 1777 SJ UDLLIET. OK 2 76 OBSERV ATIONS SUR LA PHYSIQUE; celles par lefquelles elles tirent le fuc nourricier, de choilir ceux dont le fuc eft aqueux, & par préférence ceux qui en contiennent plus ; car les fibres sèches dans les corps vivans &t les plantes, font électri- coconduétrices. La foudre en excès dans un nuage, fe répandra donc par préférence dans les arbres les plus aqueux, par leurs feuilles longues & pointues , ou de la terre , par ces mêmes feuilles, dans l'humidité que l'air contient. Il eft connu qu'il exifte dans tous les corps une vapeur qu'on eft parvenu à extraire par l'Art ; elle s'appelle air fixe. Ce air s'exhale de certains corps en plus grande quantité, & forme une athmofphère qui couvre les arbres & les plantes , que l'éleétricifme de la nature & les nuaces orageux, difpofent encore plus particulièrement à la végétation. Le feu éieétrique fera donc conduit facilement par cet air , qui formera une athmofphère élevée qui lui fervira de véhicule pour fe propager avec d'autant plus d'aétivité , que les parties déférentes fe- ront plus refferrées , comme dans les lames de métal entre deux glaces. Le feu éleétrique ne pouvant fe tranfmettre en filence par les racines , comme par les corps métal'iques , parce qu'il s'en répandra en plus grande quantité par les feuilles & les branches, qu'il ne peur s'en propager par le tronc aux tiges ; la foudre trop refferrée dans le fuc nourricier des arbres & des plantes , où elle eft retardée & conden- fée , aura une aétion violente en proportion de fa quantité & denfité, & du peu d'eau qu'elle traverfe, & par la dilatation de l'air fixe qui y eft contenu. Déployant ce fuc entre l'écorce & le bois, l'évaporant dans l'inftant , elle éclate , déchire l'écorce & la détache. L’expé- rience du mortier fe préfente naturellement, ainfi que l’aétion de l'électricité vive, que le P. Beccaria a employée fur le baromètre fimple de Toricelli. M. Comus a fait varier, par celle de preffion , le mercure d'un baromètre double de fon invention. Ainfi, l'électricité athmof- phérique de fimple prefion, contribue aux variations du baromètre ; puifque fon accroiffement a lieu , au moins en partie, en raifon de l'ifolement par la diminution de la quantité des vapeurs. Ua premier conducteur éleétrifé , tranfmet à un autre le feu élec- trique , à plus de deux toifes de diftance , par l'humidité intermé- diaire, & malgré l’obftacle de plufieurs corps déférens non ifolés. Ainfi, la foudre paffera facilement des petits nuages, dits chevreaux, dans l’athmofphère des arbres , & par-là, aux conducteurs les plus près & les plus élevés, & fur-tout , ceux qui feront furmontés de vapeurs , fuivra toutes les autres circonftances qui ont lieu lors de la propagation , & éclatera à raifon de fa quantité & denfité. D'où il fuit qu'il n'eft pas furprenant que la chûte du tonnerre foit plus fréquente où il y a des orangers, des bois, des rivières , des lacs, &c. où domine un tel air, comme aux montagnes du Grand-Fond, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 77 La foudre peut, en fe propageant, pañler fur les furfaces des corps de deux perfonnes , fans endommager leurs habillemens , foit qu'elle fe divife ou pañle fucceflivemeanr , on que ce foit des étincelles dé- tachées , où deux foudres féparées comme celle du flipe ; fuivant que les habillemens ferone ifolans, & que l'humidité , fur la peau , con- duira plus facilement. On connoît l'expérience des feuilles de métal entre les cartes & celle de la fouris baignée d’une couche d'eau dans fa longueur, qui tranfmet la décharge par fa furface. Les perfonnes, dans un pareil paflage, font expofées à être renverfées par la com- motion, à périr même, par la feule raréfation de l'air, ou par fa condanfation occalionnée par le paflage de la foudre , dans l’athmof- phère qui environne la perfonne ; parce que l’aétion eft toujours fuivie d'une réaétion femblable , ou par la fixation de ce même air ; puifque les foufres font très-propres pour cet effet. Elle peut,;parle moyen des parties humides de l'air, être conduite hors d’un appartement fans l'en- dommager, & fe porter fur d'autres conduéteurs qui communiquent avec cet air. Elle peut auffi laiffer après elle , pendant long-tems, une fumée abondante & une odeur de foufre; parce qu'elle réduit en fumée les parties fulphureufes , ce qui eft prouvé par l'étincelle tirée à travers la poudre de foufre; elle enflamme auffi ces fumées. M. Cocchi , Médecin à Partlong , a guéri un homme auquel la foudre avoit enlevé la pellicule fur toutes les parties du devant du corps , en raréfiant l'humeur qui étoit en deffous, & avoit produit la fenfation des vefficatoires, l'ufage ne peut qu'être avantageux , puifque l'élec- tricité étiacelante chafle le feu inhérent qu'elle rencontre dans les corps qu'elle traverfe. En général , la foudre produira les mêmes effets que les batteries ; mais plus confidérables , quant à la quantité & denfité. IL feroit trop long d'entrer dans un plus grand détail;il fuflit d'indiquer Ja manière d'appliquer les principes. D'ailleurs, il eft rare d’avoir une defcription auffi exacte que celle donnée par le favant Médecin M. Carburi, furles” effets de la foudre dans la maifon, appellée le flipe, & inférée dans les Ouvrages du célèbre Phyficien de Turin. LÉ LE CHER IC I TE MIXTE: Sr j'ai traité avec quelque fuccès de l'éleétricité de preflion, & de celle vive , je puis efpérer d'y répandre quelque lumière, & j'aurai déja rempli la plus grande partie de ma tâche. L'éleétricifme artificiel tient fon origine du frottement du verre, ou autres corps élecfrico-conduéteurs, avec des corpsconduéteurs. D'où il fuit , que dans les appareils ordinaires , le verre fournit au premier conducteur & aux autres corps voifins, le feu qu'il rire de la ma- 2777 MNUELEET. 78 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, chine, & par elle , des corps étrangers ; delà , les fyftèmes animant & animé , compofent l'appareil ; les autres corps , le fy/féme indifférent. Le verre frotté , le feu électrique s’anime dans le premier conduc- teur qui s’enveloppe d'une athmofphère, ne donne point d’éteincelles, tant qu'il eft foible ; mais, devenu plus fort, on peuten tirer, & lorfqu'il eft à un degré fufifant, charger les batteries. Par quelle caufe l'életricité de preffion devient-elle vive dans la Nature? Ce paffage de l'un à l'autre , eft une éleétricité mixte ; c'eft lorfque les fignes de preffion s’unifflent à ceux de celle vive. Tous les fignes éle£triques quelconques , font produits dans les deux éleétricifmes naturels & artificiels , par un même feu qui fe meut femblablement. Ce principe eft la loi d'unité. Toutes les différences confiftent dans les degrés de quantité & denfité. Tous les fignes font aflujettis aux autres loix de non-exiftence , d’exiftence , d'indication, de connexité, de diftribution & d’excitation, &tc. & à celles qui ont lieu dans le vuide , telles que la lumière de jailliffement , & celle de regorgement, &c. La Nature produit quelquefois tous fes phénomènes par des pro- cédés ‘analogues au frottement du verre : mais, quoiqu'elle raffemble le même feu, il ne s'enfuit pas qu’elle employe toujours le même moyen que l'Art, fon foible imitateur. Elle peut fe fervir de deux opérations conjointement où féparément ; & dans le premier cas, l'éleétricité pourra encore s'appeller mixte. On peut regarder les nuages orageux, comme autant de petits pendules, qui fe portent les uns fur les autres, pour partager leur excès, où compenfer leur défaut. Leur force proportionnelle à leurs différences refpeétives. Ces nuages fe portent plus vers les montagnes, d'après les loix générales & leurs chocs réitérés , produifent la pluie & même la grêle, qui fe forme par l'union des fels & nitres répandus dans l'air. Les éclats ont lieu entre ceux quine font pas partie d'un méme fyftême. La Nature peut commencer à produire ces effets par la feule cha- leur qui difpofe les corps à l'éleétricifme ; enforte qu'ils ne donnent d’abord que des fignes de preffion. Il femble que la chaleur prépare les corps à l'éleétricifme , & que l'éleétricifme les prépare à la cha- leur, tant il y a d’affinité & de liaifon dans les produétions de la Nature. Ne connoiffons-nous pas une fubftance qui donne des fignes éleétriques , qui varient fuivant fes degrés de chaleur & de refroidif- fement. On entend la tourmaline. Le chryfolite , dont Epinus a décou- vert la propriété, n’attire-t-il pas fans être frotté ni chauffé ? Il fe peut faire que le fimple attouchement, pour le pofer fur la main ,fufñfe , & que la main fur laquelle on le pofe, foit capable de lui conferver affez de chaleur ? C’eft donc un des meilleurs infolans. L’ambre n’at- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 79 tire-t-il pas auf par le plus léger frottement? Il peut donc fe former d'abord dans la nature , une éleétricité de preffion de différens degrés; & celle conftante , dans l'athmofphère , ne fuffit-elle pas pour fou- lever les vapeurs répandues dans l'air & fur la furface de la terre ? Le vent artificiel n’éleétrife-t il pas le verre ? Mais lorfque la chaleur plus forte , ou autres moyens auront occafionné des fermentations violentes de matières fulfureufes & bitumineufes, l'éleétricifme accroiffant lorfqw'il agit fur l’airi fixe , ce que les foufres peuvent opérer. Ajoutez fon aétion fur l'air & la réaétion , la denfité accroîtra , fur-tout s'il fe joint un moyen ana- logue au frottement du verre , & s'il fe forme un ifolant naturel, qui -fépare une partie éleétrique d'avec une autre; enforte que l’une foit en excès , l’autre en défaut; pour lors on pourra éprouver les effers les plus terribles, Vous pouvez y faire attention , étant. placé favorablement ; vous appercevoir que l'approche d'un nuage orageaux encore éloigné, & même dans d’autres tems, les vapeurs s'élèvent de la furface de la terre, que vous y êtes même plongé, & que dans l'inftant elles accroiflent le nuage principal. La foudre fuit dans fon cours la même loi que l’étincelle d'une batterie. Les vapeurs , pouflées par deux nuages qui ont des éleétri- cités oppofées ; forment un paflage entreux , ainf qu'on le peut voir par deux éolipyles de métal éleétrifées. Mais ce feu qui éclate fi fort dans l'air libre , n'eft qu'une in- finie petite partie de celle contenue dags les entrailles de laterre , qui fe déprifonne des foufres & autres matières femblables , par l'action du feu central ou folaire, fufcite les tonnerres intérieurs, ë les bouleverfemens épouvantables qui font l'effet des explofions : ce feu, fortant par les âpretés qui font fur la furface de la terre, principalement par les volcans, où il eft en excès, peut fe porter par les nuages, pour fe précipiter fur les parties de la terre où il eft en défaut, & il peut ainfi arriver des tremblemens fur la fur- face de la terre , & ils peuvent n'avoir quelquefois lieu qu'à tra: vers l’air. Si une feule jarre, dans un tems très favorable, & pendant la plus forte lumière du jour, donne , par une détonation fpontanée, une lumière qui éblouit, & reffemble à une maffe de feu qui fait explofion en fe déprifonnant ; quels effets doivent produire les dé- tonations naturelles , beaucoup plus fortes que la batterie de douze carreaux fcellés enfemble, qui femblent n'en former qu'un feul, & celle qui feroit formée de globes de réfines, au lieu de jarres ? La tendance à l'égalité , principe propre au feu éleétrique & au feu: commiun:, mérite touté l'attention dans fon application. Ilya 1777. JUILLET, 80 OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE, un terme où l'électricité de prefion devient vive. Ainfi, il y a des degrés convenables pour faciliter les opérations de la nature, & d'autres qui peuvent être nuifibles. Puifque les phénomènes athmofphériques ont Péleétriciré de pref- fion pour caufe médiate ou immédiate , ainfi que les météores in- térieurs ; car le feu fauvage , ou air battant , eft analogue aux étoiles tombantes , &c., les pointes paroiflent être un moyen avantageux con- tre la foudre & les trombes. Peut-on efpérer, d’après les principes découverts par M. Fraoklin , & employés par les Américains An- glois, que l'on pourra, avec de nouvelles découvertes , parvenir à faciliter au feu éleétrique , extérieur ou intérieur, fon rétabliffement d'équilibre ; enforte qu'il s'opère en filence ; ou moins dangereu- fement. On trouvera dans les ouvrages de l'illuftre Phyficien de Turin, des détails fur tous ces phénomènes de la Nature. Contentons-nous de faire voir l'étendue de cette partie, la plus brillante de la Phy- fique, & d'exciter à fon étude, qui contribuera aux progrès des Sciences, & à l’accroiffement de l'empire philofophique. O'BLSLE. R MAT ON SUR LE THERMOMETRE/; Par M. DE SERVIERES ;, Officier de Cavalerie. Ne pas fingulier que depuis l'invention du Thermomètre , tous les Phyficiens fe foient fervi de cet inftrument de la manière Ja plus défavantageufe. La gravité de laliqueur renfermée dans le Ther- momètre , s'oppofe à fa raréfaction lorfque cet inftrument eft dans une pofition verticale. Ainfi, le Thermomètre marque toujours moins de degrés de dilatation qu'il en devroit marquer , fi l'action de la chaleur fur le fluide n’étoit détruite en partie par la gravité de celui- ci. Quoique cette obfervation foit de moi, je fuis obligé d’avouer que l'Abbé Deidier l'avoit faite auffi autrefois. Voici fes paroles (1). » Quand il fait froid, la liqueur, en defcendant, acquiert une vi- » tefle qui augmente fon degré de compreffion; au contraire, quand » il fait chaud, la pefanteur de la liqueur s'oppofe à l'élévation 0 (1) La Méchan. gén. &c. Paris, 1641. in-4°., Liv. 3, Chap. 6, $, 62, page 584. » que SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 8 » que fa raréfaétion lui donne, & par conféquent , elle doit moins » monter à proportion qu'elle n'étoit defcendue ». L'Abbé Deidier n'indique point le moyen de corriger cette im- perfeétion du Thermomètre. Rien de plus facile , cependant. Au liëu de le mettre dans une pofition verticale , il faut le placer hori- fontalement. On peut aflurer hardiment, que de deux Thermome- tres égaiement fenfibles & gradués fur les mèmes principes , ‘celui qui fera dans une pofition horifontale , fe dilatera davantage que celui qui fera placé verticalement. La chofe eft trop palpable pour demander une démonftration. J'invite donc les Phyficiens , qui voudront connoître précifément les degrés de chaleur , à placer le Thermomètre horifontalement, pour avoir des réfulrats fur la juf- tefle defquels on puifle compter. C'eft ainfi que je fais mes obfer- vations , & je penfe qu'on doit fuivre ma méthode, fi l’on veut bien ‘ obferver. CSALELARE ON ENTRER T LAMPE CPE WANT OTE AN AMENER RE TIR RENE ET EN EEE TE COORRD Qu BIS ERP ANT TE © ON Sur un Arc-EN-CIELzL lunaire ; Tirée d'une Lettre de Madame PÉrAU à M. pe Foucur (1). Je ne trouve nulle part la defcription d'un phénomène qui m'a frappée, le 16 Juin dernier , à onze heures du foir. C’eft un Arc- en-ciel au clair de l'une , auffi marqué, auffi diftin& & auffi grand que ceux occafionnés par la lumière du foleil, & avec des nuan- ces fenfibles dans la lueur blanchâtre dont il éroit formé. Cette lueur étoit prefque aufi vive que celle de la lune, & les dégra- dations de lumière m'ont paru produire un verd d’eau. Ii y avoit diftinétement le pied d’un fecond Arc, fon milieu précifément au Nord-Eft , la lune en face comme cela doit être, & dans l'inftant , il venoit d'y avoir une petite ondée, pouflée par le vent du Sud- Ouet. (1) Madame Pétau eft fille du célèbre M. de Fouchy. Son goût pour les Scien- ces ; fes talens à obferver la clarté qu’elle répand dans le détail des objets qu’elle examine, font dignes de l’Académicien refpe@table dont elle tient le jour: Tome X , Part. II. 1777. JURPLET-U LE 82 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; SE —— ER NOUVELLES LITTÉRAIRES-. Pire propofés par l'Académie Royale des Sciences de Marfaille. Pour 1778 : Quels font les divers Engrais que La Provencé peut four- nir ? quelle eft la manière de les employer, fuivant les différentes qua- lités de terrein ? Prix double. Pour 1779 : Quels font les moyens les plus propres à vaincre les obffacles que le Rhône oppofe au cabotage entre Arles & Marjeille , & à empêcher qu'il ne s'en forme de nouveaux ? Prix double. Pour 1780 : Quels font les avantages & les inconvéniens de l'emploi du charbon de pierre, oudu bois, dans les Fabriques ; la defeription des différentes mines de charbon qui font en Provence, & leurs qualités ? Prix double. Pour 1781 : Comme la profondeur de tous les Ports peut diminuer par la vafe & Le fable que les eaux pluviales, les courans , peuvent y charrier, &c. l'Académie demande , quelles font les caufes qui pour- roient concourir à combler infenfiblement Le Port de Marfeille ; quels font les moyens d'en prévenir les effets & d'y remédier ? Ces Prix font chacun une Médaille d’or de la valeur de 300 liv. Ils feront diftribués chaque année, le premier Mercredi après la quinzaine de Pâques. On adreffera les ouvrages à M. Mourraille, Secrétaire perpétuel de l'Académie : ils feront rendus francs de port, & ils ne feront reçus que jufqu'au premier Janvier de chaque année. La Société des Sciences de Copenhague, propofe, pour l'année 1777 , les fujets fuivans. Ea Mathématiques : Cum noffris temporibus variæ innotuerint methodi diflantiam non nimis magnam ex una flatione ope unius vel duorum tu- borum opticorum & fpeculorum Menfurandi ; defideratur optima & com- modiffima talis inftrumenti difpofitio & præcifionis gradus ejus fubfidio obtinendus. En Phyfique : Utrum alkali vegetabile fixum fal fimplex, fit an ex aliis fubftantiis compofitum , experimentis efficere. Le Prix, pour chaque fujet, eft une Médaille d’or de la valeur de cent écus, argent de Dannemarck. Les Mémoires feront écrits en Francois, Latin, Danois, ou Al- lemand, & adreflés, francs de port, à Son Exellence M. de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 83 Hielmflerne , Préfident de la Société. Aucun écrit ne fera reçu au con- cours pafñlé le dernier Août 1778. Boîte fumigatoire portative , renfermant tous les fecours néceffaires pour rappeller à la vie les Noyés, & même les perfonnes frappées de tout autre genre d’afphyxies, après avoir inutilement tenté les autres moyens : avec un Avis au Peuple , fur la manière de fecourir les Afphyxiques de tout genre. À Paris, chez Ruault, Libraire , tue de la Harpe. Le prix de l'une & de l’autre , rendus , francs de port, par tout le Royaume , eft de r2 liv. Cette Boîte eft celle que M. Gardane , Doéteur-Régent de la Fa- culté de Médecine de Paris, a imaginée. L'Avis au Peuple qui y eft joint, eft auffi de ce Médecin. Quoique l’une & l'autre foient aujourd'hui très-connus, on a cru devoir l'annoncer de nouveau , au retour de la belle faifon, afin que les perfonnes qui voyagent, celles qui font expofées aux dangers de la mer & des rivières, & même les Villes qui defireroient établir des fecours en faveur des Noyés & d'autres morts apparentes & fubites , puiflent favoir à qui il faut s'edrefler pour fe les procurer. L'expérience a prouvé que l’on pouvoit rappeller à la vie , par le moyen de cette Boîte, les Afphyxiques auffi facilement qu'avec celle de Hollande, que M. Pia débite à Paris. Elle a l'avantage par- deflus cette dernière , de pouvoir être portée dans la poche , dans le porte-manteau , le caiflon d'une voiture , &tc.; &t pour les Villes , Bourgs & Villages, de pouvoir être multipliée fur les bords des ri- vières , puifqu'on en a quatre , rendues franches de port ,; pour le prix de celle de M. Pia , qui coûte 48 livres à Paris. EP VIN A0 ARE 2 DiE'S TA\RUPIVCL ES Contenus dans ce Cahier. Ever de M. VENEL , prononcé à l'Académie de Montpellier ; page 3 Lettre de M. ROMME, Profeffeur de Mathématiques , à l'Auteur de ce Recueil, relative à l'aimantation des Briques par la foudre & par le feu ordinaire , | 14 Défcription de la maniere dont un Calcul a été diffout & expulfë de la veffie par l'Air fixe ; par M. NATHANAEL HULME , du Collége 1777. JUILLET. 84 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &r. Royal de Médecine de Londres , & Médecin de la Maifon des Char- treux » 16 Lettre de M. JEAN ELLis , Membre de lu Société Royale de Londres & de celle d'Upfal , à M. CHARLES DE LINNÉ, Chevalier de l'Etoile- Polaire , premier Médecin du Roi de Suède , Profeffeur de Botanique ; à Upfal, &c. fur la Dionée , attrappe-mouche (Dionæa mufcipala} , plante irritable, nouvellement découverte; traduite par M. WiLLEMET , Doyen des Apothicaires, Démonftrateur de Chymie & de Botanique au Collége Royal de Médecine de Nancy , Membre des Sociétés Royales patriotiques & économiques de Suède, de Heffe-Hombourg , de Berne ; & de celle de Médecine de Paris. 18 Lettre de M. BLANCHET , relative à l'incendie des Carrieres de charbon foflile de Rive-de-Giés , 22 Des mouvemens de l'Iris ; par M. l'Abbé FONTANA, Phyficien du Grand- Duc de Tofcane, 25 Précis de l'Analyfe & de l'Examen chymique de l'Indigo , tel qu’il eft dans le Commerce pour l'ufage de lateinture; par M. QUATREMER DIJoNVAL, Ecuyer, Entrepreneur de l'ancienne Manufaélure Royale & privilégiés des Draps de Paignon, à Sedan , 48 Propofitions & demandes fur les couleurs des Corps, au fujet du Mé- moire de M. Oroix , publié dans le Journal de Phyfique , du mois d'Août 1776; par un fimple Amateur de la Phyfique , 66 De l'Eleétricité de preffion ; par M. DÉTIENNE , Ecuyer , premier Huif- fier au Grand-Confeil , 72 Obfervation fur le Thermomètre ; par M. DE SERVIERES , Officier de Cavalerie , 8o Obfervation fur un Arc-en-Ciel lunaire , tirée d'une Lettre de Madame Pérau à M. DE Foucuy, &r Nouvelles Littéraires , 82 TS À SPP RNONE PART" ICO VNEe J lu, par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre : Obfervations fur la Phyfique, fur lHifloire Naturelle & fur les Arts, &c, par M. PAbbé Rozier, &:. La collettion de faits importans qu'il offre pério- diquement à fes leéteurs, mérite l'accueil des Savans : en conféquence, j'eftime -_ qu'on peuten perrnettre l'impreffion. a Paris, ce 25 Juillet 1777. fa A VAE VALMONT DE BOMARE. PE 17, EN AN Juillet 2777: a ——— "0 “JOURNAL DE PHYSIQUE‘) AO US T 1777 AC À SOUPE DU ME. M.O:-LRIE DE M. L'ABBÉ FONTANA, SUR LES MOUVEMENS DÉPÉCL'OLERALTS. CHUPACEr ETS RE TE, V. Réponfe aux Objeétions : on démontre auffi que la refpiration & l'éter- nuement font tous des mouvemens volontaires. 1 À L ne fufñit pas d’avoir démontré les vérités établies, il faut ré- foudre les difficultés qui pourroient être faites avec quelque appa- rence de raifon. On pourroit oppofer que la prunelle , rétrecie à une grande lumière , & dilatée à une plus petite, donne à croire que le rétrecifflement eft fon état violent, puifque, pour qu'il s’enfuive , il faut une force violente & extérieure , pendant que la dilatation , qui arrive par la privation de la lumière , doit être fon état natu- rel ; mais on prend ici pour caufe , ce qui n’eft que fimple occafion. I arrive que la prunelle fe dilate quand la lumière eft foible , parce que l'animal veut voir , & il a éprouvé par l'expérience , qu'il lui faut élargir la prunelle. Il le fair & l'a fait un nombre infini de foi depuis fon enfance ; de façon que cela lui eft devenu un mouve-s ment d'habitude , auquel il s'eft accoutumé par un long exercice dans le befoin continuel de voir. Si la lumière eft trop foible , pour bien voir , il faut dilater la prunelle , & en recevoir une plus grande quantité. Il eft vrai que l'animal en ignore la raifon phyfique , mais il voit plus clair en faifant ainfi, & cela lui fuit: trop de lumière Tome X , Part. II, 1777. AOIUS TM 86 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE. occafionne , au contraire , deux maux; un fentiment de douleur dans la rétine , & la vue confufe : ainfi, la prunelle fe rétrecit pour éviter la douleur , ou pour mieux voir. Ure autre difficulté naît de ce que nous voyons la prunelle très- dilatée dans les morts & dans les animaux tués depuis peu ; elle eft alors fi large, qu’à peine apperçoit-on l'iris. Cela pourroit faire croire que l'état naturel de la prunelle ef fa dilatation , & non fon rétre- ciflement; car la mort , entraînant le dernier repos de tous les mou- vemens, paroît par-là difloudre toute contraëtion violente; enforte que tout retombe dans fon état naturel de repos. Premièrement, ce fait n'eft pas toujours auffi vrai qu'on le raconte. J'ai déja vu le contraire fur plufieurs animaux, & W/inflow avoit déja remarqué dans les cadavres humains, la prunelle médiocrement rétrecie , quelque- fois beaucoup , mais jamais dilatée; ces obfervations ont été déja citées par Morgagni, pour les oppofer à M. Méri. J'ai moi-même obfervé que les prunelles des morts de maladie , étoient , pour la plupart , rétrecies ; dilatées dans un petit nombre, & dans les au- tres, ni dilatées ni rétrecies. Mais quand même les prunelles de rous les cadavres feroient dilatées , je répondrois avec Morgagni, que la prunelle élargie des morts, ne prouve pas la dilatation naturelle, comme les paupières qui reftent ouvertes après le décès, ne prou- vent pas qu'une force animale les tienne ouvertes pendant la vie, & on n'en conclut jamais que ce foit leur état naturel. Car on fait d’ailleurs, qu'il y a des mufcles élévateurs qui font gouvernés par la volonté. Une chofe auffi que j'ai obfervée , réfout en grande par- tie la difficulté. Les chats , les chiens , & autres animaux dans lef- quels le fang eft chaud , quand ils fe noyent & périffent de mort violente , ont la prunelle fi dilatée, qu'à peine apperçoit-on l'iris , & elie ne redevient étroite que quelque tems après. Donc la prunelle fe dilate dans les grands efforts de l'animal qui meurt, & on peut croire qu'il le fait pour chercher à voir les objets qui difparoiffent pour lui, & à recevoir encore cette lumière à laquelle il commence à ne plus être fenfible. L'iris ne fe relâche pas tout de fuite après la mort , comme il arrive fouvent à plufieurs mufcles & autres par- ties qui reftent convulfes , dures & contraétées , comme elles étoient peu avant la mort , fi l'animal a expiré dans les convulfions & les douleurs. Avant de réfoudre tout-à-fait cette difficulté , il faut en rappor- ter une autre encore plus forte , parce qu'il y a des réponfes qui peuvent fervir à toutes les deux. Dans toutes les maladies du nerf optique & dans le glaucome , la prunelle eft dilatée ; cependant il paroîtroit qu’elle devroit être rétrecie fi c'étoit fon état naturel. L’ob- fervation eft généralement vraie ; mais premiérement, les preuves SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 87 de l'érat naturel de la prunelle dans fon rétreciffement , font décifi- ves , de façon que ces objeétions indireétes & ambiguës , ne valent rien : qui peut aflurer que dans les cadavres , & par les maladies , il n'arrive quelque changement dans l'iris? qu'il ne lui manque par- là que le moyen , quel qu'il foir, de fe dilater ? Un peu d'humeur qui manque dans fes canaux très-fubtils, les nerfs qui n'ont plus aucune influence , & tout petit dérangement, enfin , peut fuffire pour mettre l'iris hors d'état de fe mouvoir. Il y a d’ailleurs trop d'e- xemples de mufcles & de membres , qui, au lieu de retomber dans leur état naturel , reftent tels qu'ils furent laiffés par une contrac- tion violente , ou tel autre mouvement accidentel. Les cadavres ref- tent auffi roides dans leurs membres, & plufieurs fois dans les mêmes attitudes dans lefquelles ils furent furpris par le mort , fans répé- ter l'exemple des paupières ouvertes. On ne peut donc inférer au- cuve preuve, ni des maladies , ni des cadavres , pour décider leur état naturel pendant la vie & la fanté : mais pour en venir aux preuves directes , il eft vrai que les aveugles tiennent la prunelle ouverte ; mais ceux qui ont eu le malheur de perdre la vue , ne ceffent pas pour cela de la fouhaiter & de mouvoir les yeux comme s'ils vouloient voir, & l’aveugle eft dans le même étar qu'un homme qui fe trouve dans une parfaite obfcurité fans avoir perdu la vue. Celui-ci tient la prunelle ouverte par le befoin qu'il a de lumière ; l'aveugle auf, la dilate , non par l'effet de la lumière , mais par une volonté qui n'eft plus libre, puifque l’ancienne coutume & le defir perpétuel de voir , lui a rendu habituel ce mouvement ; & réellement , il tient les paupières ouvertes comme quand il jouiffoit de la vue. On ne réfléchit pas en faifant ces mouvemens , parce qu'ils font devenus habituels ; mais en font-ils moins volontairess comme tous les autres, qui, par un long ufage , deviennent néceffaires ?La volonté enfanta jadis ces mouvemens, mais ils lui devinrent enfuite habituels. L'animal ne peut plus fe contraindre , & les organes mêmes fe ré- duifent à ne pouvoir plus faire d’autres mouvemens que ceux qu'ils font fans cefle , & de-là , vient l'habitude, On pourroit faire à cela une objeétion ; la voici. On a pris l'habitude de rétrecir aufli-bien que de dilater la prunelle., & malgré cela, on n'en fait pas ufage dans ces maladies ; or , il n’y a aucune raifon pour préférer la pre- mière habitude ; ainfi , la dilatation , dans les aveugles , n'eft pas une habitude , mais il faut dire plurôr que c'eft l'état naturel de la pru- nelle. Je réponds qu'à la rigueur il ne faut aucune habitude pour rétrecir la pruneile, qui ne fair que revenir à cet érat dans lequel elle feroit toujours, mais l'habitude eft de la tenir dilatée , jufqu'à ce que la lumière n'offenfe & ne trouble pas la vue. Dans ce cas- 1777. AOUST. M? 88 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 1à, on tend toujours à la dilater , on en contraëte bientôt l'habi- tude , & cette volonté permanente ne fe change ni ne fe fufpend que quand, ou le choc de trop de lumière , ou le befoin de déméler les objets trop voilins ou trop éclairés , nous y contraint. Et quand même il feroit vrai que la prunelle fe rétrecit par habitude , comme par habitude elle {e dilate , pour cela même les aveugles devront la tenir toujours dilatée par le continuel befoin de voir, & feront en conféquence dans le cas de faire prévaloir l'habitude de la di- latation , & jamais celle du rétreciffement , parce qu'ils ne font jamais affectés par le trop de lumière, & jamais dans le cas d'en exclure le fuperflu par le rétreciffement de la prunelle. Pourquoi donc ne peut-on pas dilater ou rétrecir la prunelle quand on veut ? Comment font-ce des mouvemens volontaires , fi notre volonté ne les dirige pas? Il n'y auroit pas de réponfe fi cela étoit vrai ; mais on fait déja que les organes , accoutumés dès long- tems à fe mouvoir dans un fens, ne peuvent plus fe mouvoir dans un autre. Il faut expliquer & démontrer ce que je dis par la rai- fon & par le fait. Mais auparavant , faut-il relever la foiblefle de l'objeétion ? On n’a qu'à ordonner à qui que ce foit de ne pas mou- voir les paupières ou l'œil pendant l'efpace d'une heure ; on effaye l'expérience, mais on n'y réuffit pas, & enfin , tôt ou tard il ar- rive qu'on remue les paupières : pourra-t-on inférer de-la , que le mouvement des yeux foit organique ? Si l'envie nous prend de re- muer les oreilles, c’eft envain; ainfi, les mufcles des oreilles ne font pas des inftrumens d’un mouvement animal , & on peut dire que le peu de perfonnes qui les remuoient , le faifoient par une né- ceffité organique. Le pas & la courfe font volontaires ; maisf{i mal- gré cela on tenoit un homme toujours emmaillotté depuis fon en- fance , & que l'ayant enfin mis en liberté , on lui ordonnät foudain de marcher , que feroit-il avec toute fa volonté déterminée ? Les yeux fe meuvent felon la volonté , mais fi l'on veut les tourner en direétions oppofées , on ne peut pas y réuffir. Les mouvemens de leurs mufcles n'en font pas moins volontaires. Il y a des perfonnes qu'un chat, une araignée ,; met en fuite, malgré qu'elles fachent que ces animaux ne font pas nuifibles ; mais elles fuyent , & ne peuvent pas faire autrement , par une horreur inconnue qui naquit en elles des premières idées mal combinées de l'enfance. Elles fuyent enfin, parce qu’elles veulent fuir , & fuyent fans le vouloir, parce que la raifon eft vaincue par l'horreur. Il y a.donc deux genres de mouvemens animaux qu'il ne faut pas confondre , les irréfiftibles & les délibérés ; & deux fortes auffi de vouloir , par habitude & par raifon. Quand j'ai réfolu de me promener & que je commence , je ne SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 89 pourfuivrois pas fi je ne voulois à chaque pas lever le pied ; mais malgré cela, je ne délibère point à chaque pas. Un Mhuficien ne tireroit pas d'harmonie de fon inftrument , fi un confeil devoit cha- que fois précéder les mouvemens rapides de chacun de fes doits, qu'il remue en tems déterminés, & place , fans y prendre garde, fur certains endroits de fon violon. On fait d’ailleurs qu'il y a cer- tains mouvemens que l'on ne fait pas faire au premier coup , & que tout volontaires qu'ils font , il faur apprendre à les faire par habitude , autrement , la volonté & l'intention fuffiroient pour faire, daos un moment , un Chanteur ou un Denfeur excellent. Un exemple de ces mouvemens que l'on ne fair faire qu'inexac- tement dans les mêmes circonftances qu'on les a toujours faits , nous eft préfenté par les petits mufcles intérieurs de l'oreille ; on croit que la membrane du tympan eft étendue par l’aétion du petit muf- cle de la trompe d'Euftache , quand on veut bien entendre de foi- bles fons languiffans ; de même, qu'on étend & on relâche la peau du tambour pour le battre plus doucement ou plus fort. Il y a eu même quelqu'un qui a imaginé que cette membrane s'accordoit aux diffé- rens tons , en fe mettant à l'uniflon & ofcillant de même que les corps fonores , pour tranfmettre , par ce moyen , les fons de l'air extérieur jufqu'aux nerfs de cet organe, dans les plus intimes cavités de l'os. Et il paroît réellement que quelque chofe de femblable doit arriver, parce que l'on peut, fi l'on veut, entendre des fons que l’on n'entendoit pas auparavant ; & quand la membrane eft re- lâchée, on ne fent que peu ou rien. On examina à la fuite de cela, l'office des petits mufcles qui entourent cette membrane, & on crut enfin que ces mouvemens étoient réellement animaux & fpontanés. Mais le long & conftant ufage ne les laiffant pas mettre en œu- vre en d'autres cas , ils fe rendent inutiles à de nouveaux mouve- mens. Il eft vrai qu'on peut régler la refpiration comme l'on veut, la rendre plus vite, plus lente, & même la fupprimer; mais il faut fe fouvenir que l'on apprit, dès les premiers jours de la vie, à ref- pirer différemmenten différentes circonftances, & non pas toujorus dans le feul cas de l'oppreffion de la poitrine. On chante, on parle, on fouffle, on fucce, on fonne, & l'on fait mille autres chofes en modulant & modifiant la refpiration; de-là vient auffi que l’on ne fait pas faire féparément certains mouvemens des doigts en fens contraire, mais on fe fert comme l'on veut des bras & des jam- bes. Le mouvemens ufités deviennent fi néceffaires , qu'on ne peut plus les changer quand on le voudroit. Peu de gens favent tourner en haut les prunelles, fans élever les paupières, ou mouvoir les four- cils différemment : on ne fait pas mouvoir non plus les mufcles 1777. AOUST. 99 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, intercoftaux d'un feul côté de la poitrine , & le diaphragme même ne peut être abaiïflé d'un feul côté , malgré qu'un feul nerf fréni- que, quand il eft ftimulé , n'irrite que de fon côté ce mufcle qui par-là, peut être confidéré comme double. On peut à préfent accommoder toutes ces raifons à notre ma- tière. Nous nous fommes accoutumés à dilater nos prunelles, quand la lumière étoit foible, ou pour bien déméler de petits objets , & à la rétrecir quand la lumière étoir trop forte. À force de répéter ces mouvemens de l'enfance , on les fait dans un inftant , mais tou- jours par volonté , & nous pouvons les faire mille fois de fuite quand il nous plaît , pourvu que ce foit dans les circonftances mêmes par lefquelles nous en avons pris l'habitude. On peut dilater, fi l'on veut, la prunelle , pourvu que l’on s'éloigne de la lumière , & on peut la rétrecir en s’'approchant & regardant de près. Mais quicon- que voudroit dilater ou reflerrer fes prunelles à fa fantaifie , hors de ces circonftances , ne pourroit pas y réuffir. On ne l’a jamais fait dans tout le cours de la vie ; ainfi, on n’en a pas pris l'habi- tude ; on ne doit donc pas s'étonner fi cela ne réufit pas , comme on ne réufliroit pas non plus à marcher la première fois , ou à mou- voir les oreilles. On tourne ainfi les yeux toujours également par l'ufage contraété , pour mieux voir à fon aife; que fi l'ufage le permettoit , on pourroit librement tourner les yeux féparément , comme il arrive aux enfans ; mais de ce que nous fommes habitués à mouvoir les yeux enfemble , il ne s'enfuit pas que la liberté & le pouvoir nous foient Ôtés de les tourner librement. De ce que donc la prunelle eft déterminée à fe mouvoir par des circonftances uni- formes & conftantes , il ne s'enfuit pas que fa dilatation & fon refferrement foient moins libres & fpontanés. On le fair très-aife- ment par coutume , quand on veut, mais c’eft une volonté habi- tuelle , ou , pour ainfi dire , une volonté qui fut libre ; mais pour l'avoir exercée tant de fois, nous en avons fait un compagnon né- ceffaire & indivifible dans nos befoins. De même, nous ne pou- vons pas nous pafñler d’être heureux ; mais c’eft toujours nous qui voulons le bonheur. Le fage veut la béatitude, mais il eft contraint à la vouloir. Il y a donc une volonté contrainte à fervir aux be- foins qui naiffent en nous des objets externes, & qui ne fuit pas notre choix ; on doit prendre garde à ne pas confondre cette volonté forcée, avec les mouvemens qui ne font aucunement volontaires. De cette forte, font donc les aétes habituels; mais il ne nous eft pas défendu de faire toute forte d'efforts pour les réprimer, Il eft cependant vrai que l'effort fera inutile , & fi l’on y parvient, il faut un travail obftiné, il faut s’effayer mille & mille fois, & voilà £e qui s'appelle vertu & comment on devient héros. Dans notre cas rot trot e nEEEEet tn És dtéléee à SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 98 des prunelles, il n'eft venu en idée à perfonne de les dilater, ou rétre- cir fice n’eft pour mieux voir; & peut-être ne feroient-elles pas fuf- ceptibles d’un nouveau mouvement , & il n’y auroit pas à s’éronner fi l'on ne réuffiffoit pas. Mais on ne peut aflurer par-là qu'il foit abfolument impoflible de les mouvoir à notre fantaifie, & de vaincre ainfi cette habitude invétérée. Ainfi, pour forcer les Stahliens au filence , il ne fuffit pas de dire que nous ne favons , ou nous ne pouvons faire certains mouve- mens malgré tous nos efforts , & qu’ainfi les organes ne dépendent pas de la volonté. On répondra toujours qu'on n’a pas pris l’'habi- tude d'exercer ces organes à d'autres mouvemens , qu'à ceux aux- quels ils ont été dreflés par un ufage continuel , & qu'il n'y a pas à s'étonner en conféquence , fi l’on ne réufñlit pas à réprimer les mou- vemens ordinaires ou à en faire de nouveaux. On pourroit, je crois, établir une règle nouvelle pour diftinguer les mouvemens involon- taires, & de pure nécefité de la vie, de ceux qui font fpontanés & de l'ame. On fait généralement que tous les mufcles qui font les mou- vemens volontaires, fe retirent lorfqu'on pique ou qu’on prefle leurs nerfs : le cœur , au contraire , les inteftins & la veflie ne fe meuvent aucunement , fi on pique leurs nerfs, ou fi l'on irrite & fi l'on perce avec des aiguilles le cerveau , & la moëlle de l’épine ; comme je l'ai fouvent effayé. L'ame, pour mouvoir les organes, met en œuvre les nerfs & le fluide très- fubril qui les remplit ; elle s’en ferviroit ainfi, & dans le cœur & dans les vifcères, fi c’étoit elle qui les mît en mouvement; & leurs nerfs étant ftimulés , ils devroient fe remuer ; ils ne le font pas, donc leur mouvement eft purement mécanique, n'eft pas arbitraire, & moins encore habituel. Il eft auffi très-sür que les vifcères ne font pas mûs par le fluide nerveux comme les autres mufcles, puifqu'ils ne font remués ni par la volonté, ni par la pi- quure du nerf: ainfi donc les parties, en général, qui font entière- ment indépendantes de l'ame, ou n'ont pas de nerfs ou font orga- nifées de façon que les nerfs qui s'y trouvent, font incapables d'y produire aucun mouvement. Ces vifcères étant fournis de fibres irri- tables, devront fe mouvoir par leur forme & parles chofes extérieures qui les touchent & les piquent, quelque différentes qu'elles foient du fluide nerveux ; ainfi l'urine fait rétrecir la vefie ; l’eflomac & les inteftins font müûs par les alimens, & le fang des ventricules fait battre le cœur. Je crois donc que les animaux en bon état de fanté , n’ont aucun organe remué par mouvement mécanique & qui puifle,dans le même tems , fervir à la volonté. Ilne faut pas oublier les favans Phyficiens & leurs différentes opinions fur la refpiration. Les uns ont imaginé qu'après l'expiration , les efprits animaux forçoient les mufcles à 1777. AOUST. 92 OBSERVATIONS. SUR LA PAVSIQUE, faire l'infpiration; les autres ont attribue cer effet à d'autres caufes : ( Srocmis , Bocrhaave , Amberge , Martin, Ludwig, Ziom, &c.) Mais de toute façon, fi la refpiration étoit involontaire après l'expiration , on devroit reprendre haleine malgré foi-même ; car l'ame ne peut pas empêcher le cours des mouvemens néceflairement produits par un choc mécanique, comme ils le feroient felon l'hyporhèfe de ces Savans. On peut voir quand on voudra la vérité de ce que j'avance , on n’a qu'à piquer quelque mufcle volontaire ou le nerf qui y abou- tit; nous avons alors beau vouloir le contraire , il faut que le mufcle fe retire même malgré nous. Le mufcle, enfin, ne peut pas ne point fe mouvoir toutes les fois que le fluide nerveux fe met dans un état te que la contraétion doive s’enfuivre : on voit cela dans les convul- fions qu'on ne peut pas fupprimer, & quand il arrive qu'on les retient, cela provient de ce qu’elles font fi foibles & languiffantes, que les mufcles qui s’oppofent par des mouvemens contraires préva- lent, forcés par la volonté d'agir plus efficacement, où il y a plus de befoin de réfiftance. La convulfion alors ne cefle pas, parce que le fluide qui la réveille eft retenu, mais parce que ailleurs les forces qui fuffifent à fupprimer la convulfion , fe font accrues. C'eft un fait sûr, qu'après l'expiration tous le-mufcles qui doivent dilater la poitrine , reftent relâchés, mous & cédans, & on ne découvre en eux aucun effore pour fe contraéter de rechef, parce qu'ils ne font aucunement roides au toucher, comme doit l'être tout mufcle quand il commence à fe contracter. J'en ai fouvent fait l'effai fur moi-même en gifant & tâtant les mufcles de ma poitrine mille fois pour en être sûr; on peut auñi l'effayer fur des animaux & fur des chiens levriers en particu- lier, qui font les plus maigres. Si les mufcles devoient néceffairement fe retirer & fe contracter , il s'enfuivroir le contraire; donc quand ils le font, ce n'eft pas par néceflité machinale , ni par l’afluence du fluide nerveux. On ne peut dire, non plus, que la poitrine ne fe dilate pas parce qu'elle en eft empéchée par l'ame, qui fe fert de la force des mufcles an- tagoniltes. Chacun s’apperçoit qu'après l'expiration on peut, fi l'on veut, fe retenir de reprendre haleine , ce qui même arrive fouvent dans les plus légères diftraétions de lame occupée à d’autres objets; on peut, de plus, le faire fans mouvoir les mufcles , on n’a qu'à Jaiffer la caifle de la poitrine , aller d'elle-même fans faire d'efforts, ni fe retirer. On peut voir pendant quelque tems comment le tout eft dans un repos parfait , & on n'efluie aucune angoïffe ni envie fti- mulante de refpirer. Si l'infpiration devoit néceffairement fuccéder à l'expiration , cette tranquillité , qui dure quelque tems , n'auroit pas lieu. Les mufcles qui abaiflent la poitrine ne pourroient pas s'oppofer à cette dilatation organique ; car réellement ils ne fe contractent SUR L'HIST. NATURELLE ET LES AR&® oo; contraétent pas , comme on voit par l’attouchement extérieur. On les trouve de même mous & relâchés dans le tems qu’on ne fait aucune infpiration, On pourroit même dire de ces mufcles dépreffeurs de la poitrice, qu'on ne les met jamais en œuvre dans la tranquille refpi- ration ordinaire, & fi l'on s'en fervoit pour retenir l'infpiration , on devroit reffentir les efforts des mufcles infpirateurs contraires , roi- dis, ce qui ne s’obferve abfolument pas. De ce que quelqu'un a pù éternuer à fa volonté , on pourroit infé- rer, que l'érernuement eft un mouvement volontaire , & organi- que en même tems. ( Hildano cent. 1. ) La plupart des Médecins le croient un mouvement machinal. Wüillis crut appercevoir une rami- fication du nerf ophtalmique qui , en defcendant , devenoit intercof- tal, & delà , il voulut rendre raifon de l'érernuement, ayant ima- giné un accord par lequel l'irritation des narines propagée par le moyen des nerfs communicans , faifoit trémoufler tous les mufcles, qui s'émeuvent quand on éternue. Plufieurs Anatomiftes fuivirent fon opinion. Mais , lorfqu'on eut découvert dans {la fuite que les chofes n'étoient pas dans l'état où ils les fuppoloient , l'hypothè£e tomba d'elle-même , jufqu'à ce que Meckel , illuftre Anatomifte, trouva enfin la vraie origine du nerf intercoftal. ( Te nervo quint. Parif.) Le nerf maxillaire fupérieur , qui n’eft autre chofe que la feconde ramification de la cinquième paire des nerfs du cerveau , à peine forti du crâne , envoie un rameau replié en arrière , qui retourne vers le crâne & va jufqu'aux organes de l'ouïe , & s'appelle le nerf vidien. De celui-ci partent plufieurs autres petits nerfs , qui vont aux narines. Un peu plus en arrière s’en détache la branche qui, réunie avec une autre ramification de la fixième paire , va former le nerf intercoftal. Il dit, que fi quelque chofe irrite les nerfs des narines , l'irritation doit fe communiquer à tout le nerf intercoftal , & par la connexion de l'intercoftal avec le phrénique, & par fes autres ramifications, devront être fecoués le diaphragme, & les mufcles du co! du dos & des reins. Mais , fi je ne me trompe, toutes ces ima- ginations ne prouvent rien. On voit feulement , que l’'éternuement vient après la vellication des narines; mais on ne voit pas que cette vellication en foit la caufe efficace ; & on ne démontre pas qu'il foit un fimple mouvement organique. Il y a beaucoup d’autres mufcles qui fe remuent feulement à l’occafion d’autres meuvemens , fans que pourtant ils en dépendent. Et pourquoi l’éternuement ne peut-il pas être un effet de la volonté qui veut fe délivrer de ce picotement ; comme elle fait dans le cas de la refpiration ? Si l'éternuement étoit purement mécanique , il paroît qu'on pourroit le faire naître à notre bon plaifir , en irritant les nerfs des narines; mais l’expérience fait voir le contraire ; car dans les chats; dans les chiens mourans ou morts Tome X, Part. II. 1777. AOUST. N 93 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; depuis peu; j'ai irrité les nerfs de la tête, & en particulier la première & la cinquième paire , & après les avoir bien piqués & bleffés, jamais l'éternuement ne s'eft enfuivi Ce peu d'expériences fuffit pour prouver que l'éternuement n’eft pas un mouvement machinal , parce que les mufcles fe retirent généralement routes les fois qu'on irrite les nerfs qui y aboutiffent. On ne peut en douter, & il eft sûr que dans les animaux mourans où même morts, les mufcles confervent long-tems leur mobilité , fi l’on irrite long-tems leurs nerfs. Toutes les fuppofitions fondées fur le confentement nerveux, font fauffes & démenties par l'expérience. On a toujours fuppofé que, quand on irrite un nerf, le mouvement peut également fe commu- piquer par toutes fes ramifications au-deflus , & au-deflous de l’en- droit de l'irritation : mais j'ai vu mille fois , & avant moi Haller & Oder , qu'on ne fait jamais faire retirer d'autres mufcles , que ceux qui font au-deflous de l'endroit où l’on irrite le nerf, & jamais ceux auxquels aboutiffent les ramifications du même tronc au-deflus de l'endroit de l'irritation : fi l’on coupe la tête aux grenouilles & qu’on les picque légèrement à l’épine du dos , pénétrant avec une aiguille bien fine le long de cette partie , les jambes reftent immobiles , mais les mufcles des bras fe remuent à droite ou à gauche , felon quelle partie on a piqué de la moëlle. Au contraire , fi l'on coupe l’épine au-deflous des bras & qu'on la perce en haut , les bras ne remuent pas jufqu'à ce que la pointe foit parvenue aux épaules & à l'endroit de la ramification des nerfs brachiaux, Par ces expériences , & par beaucoup d’autres faites fur des animaux à fang chaud , il eft prouvé que tous les filamens nerveux, féparés entreux , n’ont d’autre com- mune origine que dans le cerveau , &t qu’il n’y a , en conféquence, aucune communication , par laquelle lirritation puifle pafler d’un filament à l'autre , fans recourir au commun principe dans le cerveau. Et fi l'on admettoit cette communication imaginaire de mouvemens , il s'en devroit faire beaucoup d’autres. On ne tourne pas , par exem- ple , les yeux vers les tempes quand on éternue , malgré que.le nerf de la fixième paire , qui devient en partie intercoftal , aille auffi aux mufcles externes des yeux, qui tournent l'œil en dehors ; & ayant même irrité le nerfintercoftal , je n’ai jamais vu les yeux fe tourner en dehors , comme pareillement , ils ne tournent pas quand on éternue. Enfin , fi l’'éternuement étoit fimplement machinal , il conferveroit un accord exact avec l’aiguillon , qui l'irrite. Autrement , il feroit un effet difproportionné à fa caufe. Il y a des gens qui éternuent à la feule odeur de la rofe ; il y en a qui réfiftent aux odeurs les plus fortes, malgré que l'irritation en foit d'autant plus grande. L’efprit de fel ammoniac en liqueur ou en poudre , ne fait jamais éternuer , quand même on le tient long-tems près de narines; bien qu'il caufe SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 95 dans le nez une brûlure infoutenable : il ne faut cependant pas infpi- rer par les narines ; car alors il fait tout de fuite éternuer , quand même on ne le tient pas de fi près & qu’il n'occafionne aucune brûlure. Qui eft-ce qui peut douter qu'une irritation fi vive ne foit pas plus forte qu'une odeur languiffante ? J'ai piqué & frotté, avec une ai- guille de fer , les narines des chats, des chiens, des agneaux , & fait après tomber fur les plaies les plus fortes liqueurs ardentes & corrofives, comme l’efprit de nitre fumant , l'huile de vitriol , & jamais ces ani- maux n'ont éternué ; de façon qu'il eft clair que l'éternuement n'eft pas proportionnel à l'irritation des narines. Le tabac fait éternuer la première fois qu'on en prend , mais après il ne le fait plus, quand même on en prend de plus fort & en plus grande quantité. Qu'on ne nous oppofe pas que cette poudre rend obtus le nerf des narines, parce que , même après cette habitude, on éternue par des odeurs beaucoup moins fortes. Quelle fera donc la caufe de l'éternuement , fi ce n’eft pas un mou- vement machinal ? Ily a des expériences qui le font cependant dépen- dre du fentiment. Ceux qui font frappés d’une vive lumière en for- tant des ténèbres , éternuent quelquefois , & au tems même d'Ariftote, on avoit remarqué que quand on regardoit le foleil ou autres corps lu- mineux , on éternuoit aifément; on ne voudra pas , j'efpère, avoir recours, avec Willis, aux nerfs ciliaires de l'iris dérivés du mémetronc, que ceux qui vont aux narines : car , quand la lumière ne parvient, ou ne fe fent pas fur larétine, on n’éternue plus, commeil arrive aux aveu- gles , parglaucôme , par goutte fereine ,ou opacité de l'humeur cryftal- line , malgré que la lumière frappe l'iris. M. Slop , de Trente, mon refpeétable ami , eft un de ces hommes qui éternuent frappés par la lu- mière , même quelquefois il fe tourne exprès vers le foleil pour le faire plus aifément , quand il a les narines irritées par quelque chofe. A ma prière, il s'appliqua fur les yeux une machine qui couvroit feule- ment la prunelle, laiffant l'iris expofé à la lumière du foleil , & alors il n'éternuoit plus (1). Si l'éternuement provenoit de l'irritation de l'iris , il auroit dû s'être réveillé toutes les fois que je l’ai irrité fur les animaux avec des piquures d’aiguille , & même avec les érincelles éle@riques ; ainfi donc , de ce qu’on n’éternue jamais fi la rétine ne fent pas , & de ce qu'il n’y a aucune communication de la rétine à I paroîtra étrange que Martin Schook ait foutenu dans fon Ouvrage de Sternutatione, Amit. 1664, page 53, que ceux qui éternuent par la lumière, le font, parce qu’elle va dire&tement frapper la membrane des narines. L’illuftre Auteur des Maladies des Femmes, paroît fuppofer auffi qu’on éternue fouvent au Soleil, parce que la lumière frappe la membrane interne des narines. ( Traité des Maladies des Femmes, Tome II, page 229.) 1777 0 AOUÛST.PENr> 96 OBSERVATIONS SUR LA PHVSIQUE ; l'iris, il faut en conclure que l'éterauement eft volontaire. Si c'eft donc le fentiment qui fait éternuer , car on n'éternue plus quand on ne fent plus , il faut que ce foit la volonté qui nous détermine à éternuer ; & quand on le fait par l'occafion de la lumière , il {e fait peut-être fur la rétine une impreffion, analogue en quelque forte à celle que font les odeurs fur les narines ; & Mecfel même , tout per- fuadé qu'il eft de l'hypothèfe contraire, en doute dans ce cas. Il eft d’ailleurs prouvé que la rétine n’a aucune communication avec l'iris ; ainfi la lumière ne peut être caufe, mais feulement occa- fion de l'éternuement ; donc la vraie caufe eft la volonté. On éternue fi on reffent de l'irritation dans les narines ; à peine cette feafation im- portune eft-elle ceffée , qu'on perd auñfi l'envie d'éternuer. On fait, par expérience , le moyen de chaffer des narines ce qui nous inquiète par un fouffle impétueux ; ainfi , on dilate la poitrine pour recevoir beaucoup d'air ; on abbaïfle le diaphragme, on éternue enfuite tant que dure le chatouillement dans le nez. On peut même fupprimer l'éternuement quand il eft commencé , en réveillant un nouveau fentiment qui furmonte la première irritation ; on n’a qu'à comprimer les deux angles des yeux vers les narines , ou les frotter rudement , l'infpiration commencée s'arrête , les côtés S’abbaiffent peu-à-peu , & le diaphragme remonte à fa place fans aucune violente expulfion d'air , & fans la contraétion des mufcles de la poitrine & du bas- ventre: que fi l'éternuement n'étoit qu'un confenfus mécanique de ces nerfs ; toute la preffion des doigts ne feroit jamais que les mufcles de la poitrine ne fe retiraffent; parce que , en comprimant le nez, quand le choc des nerfs eft déjà arrivé , on n'arrête pas le fluide ner- veux , de façon qu'il n'accourre pas aux mufcles ordinaires. L'éternuement reffemble aux autres mouvemens volontaires , & eft différent des chofes mécaniques qui fe font immédiatement fur le nerf, ou fur la fibre , parce que les mufcles fe contrattent & fe relà- chent foudain ; mais dans le cas de l'éternuement, on voit, au con- traire , la poitrine élevée peu-à-peu par les mufcles, fe foutenir ainfi quelque-tems, & l'homme reprenant nouvelle haleine, on voit la poitrine s'élever encore jufqu'à la plus forte infpiration , &t les muf- cles ne fe relâchent pas plutôt, que la poitrine foudain retombe ; & la même chofe arrive au diaphragme ; voilà précifément le moyen de mouvoir les mufcles volontaires ; on peut les retirer peu-à peu , plus ou moins les foutenir , &t les laifler après retomber. Ileft d'ailleurs très-sûr qu'on n’éternue pas tout de fuite après l'irri- tation , mais au bout de quelque-tems , & même quelquefois quand l'odeur forte , ou autre chofe piquante , eft déja affoiblie ; & au contraire , le choc d'un nerf, ou d’une fibre , fair tout de fuite {on SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 9% effet, ou ne le fait jamais ; & il faut que cela foit ainfi ; car le ftimulus mouvant languit d'autant plus , qu'il s'éloigne du premier choc. Si l'éternuement ne fe fait pas par une irritation fur les nerfs inter- coftaux , il pourra moins encore être réveillé par l'irritation du phré- nique. Le diaphragme auquel ce nerf aboutit dans les éternuemens légers , trop preflés ou imparfaits, ne s'abbaiffe aucunement, ou très-tard quand la poitrine eft dilatée & que les mufcles font con- tractés entre les côtes , donc ce mufcle ne concourt que peu ou point, & certainement moins que tous les autres à cette convulfion, malgré qu'on ait cru jufqu'à préfent qu'il en étoit l'inftrument principal , & que cette idée ait entraîné les Anatomiftes à rechercher la commu- nication entre les narines & le diaphragme. On ne voudra pas enfin recourir à une communication trop éloignée & imaginaire entre les mufcles de la poitrine, & tous ceux de la tête & du col qui fe remuent également avec les premiers dans l'éternuement , & cependant, il paroît que les derniers fe meuvent volontairement. Je crois que les convullions de l'éternuement font entièrement femblables à celles qui font réveillées par le chatouillement : fi l'on frotte légèrement les narines, les plantes des pieds , ou ailleurs , toute la machine fait des contorfions de la tête aux pieds, & peut-être tous les mufcles font en mouvement. Dans ce cas-là, on ne dira pas que les nerfs irrités par le chatouillement , font tout cela par confenfum & par une impullion machinale, imaginaire ; quand il n'y a aucune proportion entre le chatouillement & les débats de la machine, ces mouvemens ceffent au lieu de devenir plus forts, quand on appuie la main en frottant rudement; & même, on peut foufrir quelquefois le chatouillement fans fe mouvoir, en faifant des efforts fur foi-même , ou on n'y eft pas du tout fenfible quand l'ame eft enfevelie dans des penfées profondes, dans le fommeil , & dans les apoplexies, quoique , dans tous ces cas-là , les mufcles foient frappés par une caufe mécanique. Nous nous remuons donc quand oa nous chatouille pour en éviter la douleur, & parce que réellement on le veut; mais c'eft l'ame qui veut ces mouvemens , quoiqu’elle ne puifle pas toujours les fupprimer , quand elle auroit envie de le faire. Il y a encore des caufes rares & extraordinaires de l'éternuement , par lefquelles on comprend aifément que l'ame, dans certaines cir- conftances, qu'il eft plus aifé de fentir que d'exprimer, veut éter- nuer pour fe délivrer de quelque incommodité inconnue ; par exem- ple ,ily a des perfonnes qui éternuent en plongeant les pieds dans Teau ; & cela ne vient certainement pas de ce que l'eau parvient jufau’aux narines , ou de ce qu’elle remue les mufcles éloignés de la poitrine. 1777. AOUST, 983 ‘OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE, Il eft vrai qu'on dira que l'éternuement n'eft pas volontaire , parce que le plus fouvent on ne peut pas le réprimer ; mais peut-on auffi s'empêcher quelquefois de rire, malgré que cela fe faffe par le moyen des mufcles volontaires & mis en mouvement par l'ame ? On raconte d'un homme (r), qui, ayant pris dès fa jeunefle l’infurmontable habitude de contrefaire tous les mouvemens & les grimaces qu'il voyoit faire aux autres enfans , fut enfin réduit à marcher dans les rues les yeux fermés ; parce qu'il ne pouvoir plus fe retenir. Pourra- t-on dire que tous fes mouvemens étoient organiques, & que ce n'étoit qu'un pantomime qui, fans ame & fans volonté , faifoit tant de libres mouvemens par le moyen de tant de mufcles volontaires ? On n’a fait toute cette longue digreflion , que pour faire voir combien il y a de circonftances dans lefquelles notre argument n'a pas moins de force, puifque tout ce que l'on a dit d'une liberté bornée par l'habitude , fufit pour nous fatisfaire fur toutes les ambi- guités de l'éternuement. Ainfi, de même que les hommes ne font pas capables d'érernuer , quand il leur plaît ; ils ne peuvent non plus remuer la prunelle , que quand les circonftances l’exigent. Nous nous fommes accoutumés à éternuer en certains cas feulement, hors def- quels cela ne réufit pas ; ainfi, nous avons pris l'habitude de dilater & de rétrecir la prunelle au peu & au trop de lumière, & nous ne pouvons le faire hors de ces circonftances. ” Je me fers de ces mots, mouvemens libres, mouvemens volontaires , principe fentant, pour m'accommoder à l’ufage , & je n'entends par ces mots autre chofe, qu'une fenfation réveillée dans le cerveau avant le mouvement des mufcles : je laifle à d'autres le foin de déterminer par de fublimes recherches la valeur exaéte de ces mots, me fouciant fort peu de l'explication qu’on voudra leur donner , pourvu, qu'il foit toujours vrai que les prunelles fe meuvent par les loix indi- quées , & que ce phénomène naturel eft inconteftable. Il nous refte encore une autre objeétion qui paroît très.forte. Le fait n’eft pas bien sûr ; mais quand même il le feroit, cela ne prou- veroit rien. On a dit qu'il y a eu des aveugles par maladie du nerf , qui pourtant remuoient les prunelles à la lumière. Mais, en ce cas-là, il fuffit que laveugle s'apperçoive, qu'il eft expofé à la lumière , pour qu'il remue les prunelles par l'ancienne habitude qui n’eft pas encore éteinte en lui, & mille chofes peuvent le lui faire deviner. La chaleur fur le vifage , le mouvement de l'air , & le plus petit fentiment du toucher , lui fuffit pendant que toutes ces chofes ne fuffiroient pas pour les autres qui voient, & en voyant ont €) Tranf Philof. SUR L’'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 09 l'ame occupée ailleurs. Mais , je veux fuppofer que ce mouvement foit arrivé fans aucun indice , peut-on aflurer que le‘nerf optique , en perdant la faculté de voir, perd aufli tout autre fentiment ? Pour- quoi ne pourroit-il pas être dérangé au point feulement , de ne plus renvoyer les images au cerveau’, mais de pouvoir y tranfmettre les fecouffes d'un choc ordinaire ? Il eft vrai que tous les fentimens dépendent du toucher ; mais peut-on affurer que leurs différences ne dépendent pas auffi de la différente difpofition des nerfs ; de façon que, fi la maladie a détruit cette organifation qui produifoit le taét vifuel, il n'y puifle pourtant refter quelqu'ordre des parties moins exact & moins parfait ; mais fuffifant néanmoins pour produire le fimple taét ordinaire , même très-délicat, comme cela arriveroit ici par le léger choc de la lumière ? Dans les rhumes du cerveau , ceux qui en font affeétés ne démêlent pas les odeurs , mais il s’apper- çoivent qu'ils font touchés par quoi que ce foit que l’on introduife dans les narines. Mais , fans avoir recours aux rhumes , il füffit du cas raconté plus haut , d’un effluve qui, placé fous les narines, par- vient jufqu’à les brûler , fans qu’on en démêle l'odeur. L’efprit de fet ammoniac ou de corne de cerf, ou toute autre odeur la plus pénétrante & la plus volatile, fi on ne l'infpire avec les narinés , ne produit d'autre fenfation que celle d’unc exhaläifon incommode qui touche , & qui pénétrant dans les narines jufqu'à y produire une brûlure in- fupportable , ne fe fair cependant jamais fentir comme odeur tant que lon contient la refpiration. Voilà donc une circonftance dans laquelle la même matière réveille fur le même organe le fentiment du taët, mais non le fentiment propre de l'organe , qui eft excité quand les particules & les effluves font portés par le courant de l'air qu'on inf. pire , & qu’elles parviennent en gliffant fur les membranes internes des narines ; ainfi, la langue brûlée où écorchée par hafard fe fent touchée par les mets, mais n’en démêle pas le goût. Il eft donc vrai que tout organe d’un fens particulier éprouve la fenfation qui lui eft propre , outre le fimple taét commun , ainfi la même chofe peut arriver dans le nerf optique : il ne verra plus , mais il fentira la lu- mière, non pas de telle façon qu'elle réveille l’idée de l'objet , mais il la fentira comme un fimple corps qui touche, & cela fuffit pour caufer le mouvement des prunelles. Que le fait foit vrai , ou faux, cet éclairciflement fuffit & me paroît très-raifonnable , une fois que nous fommes convaincus que l'iris eft remué par la volonté. Voilà le fyftême que je me füuis fair après plufieurs expériences & ebfervations que je viens de rapporter ; & comme je les fis il y a neuf ans à Boulogne , j'y eus pour témoins plufieurs Savans de ce Pays, & entr'autres l'illuftre & rare femme de la Donna Laura Bañi , dont pour tout éloge, il fuffit de rapporter le nom. Si quelqu'un vouloit sal 1777. AOUST, Y00 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE , les répéter , il faut auparavant qu'il s'exerce long-temps fur les pru- nelles des animaux vivans , & qu'il apprenne à diftinguer les mou- vemens que fait la prunelle quand elle eft frappée par la lumière , de ceux auxquels l'iris eft fujet par bien d’autres caufes, qui font en grand nombre , & fi fréquentes qu'elles peuvent quelquefois confondre , & embarraffer l'Obfervateur au point de lui faire croire que la pru- nelle s'élargit quand elle eft frappée par la lumière. CG H:A Pl, LT RE: .V- Comment fe font les mouvemens de Pris. APRES avoir fixé & démontré ces vérités , il nous refte toujours envie de favoir par quels reflorts l'iris fe dilate , & fe rétrecit fui- vant les loix que nous venons d'établir. Voilà le point difficile que toute la fcience des Phyficiens n’a pu furmontet ; de façon que toute efpérance paroît perdue de bien entendre ce phénomène. Ignorance fatale ! car fi l'on parvenoit à favoir cela, il n'y auroit plus rien à defirer fur l'iris. L'incertitude & l’obfcurité qu'il y a fur cet article , font fuffifam- ment démontrées par les étranges & différentes idées qui ont par- tagé tous ceux qui ont entrepris de déchiffrer cette énigme. Les premiers furent ceux qui eurent recours au moyen facile de fuppofer dans l'iris un mufcle en forme d’anneau avec des fibres circulaires. Par le rétreciffement de ce mufcle , on expliquoit le tout fort aifément : ainfi, ils commencèrent tout de fuite à l'y appercevoir. Il en furvint d'autres plus fubtils qui publièrent alors des chofes plus vraifembla- bles. Ils fupposèrent, avant tout, que la lumière irritoit l'iris en la frappant immédiatement ; que les nerfs mis en mouvement , refler- roient, comme autant de nœuds fes canaux qui, en conféquence ; remplis d'humeur retenue , fe gonfloient & élargifloient l'iris, qui n'eft qu'un tiffu de ces canaux , & qu’alors l'iris s'étendant tout natu- rellement, fon ouverture venoit à être conféquemment refferrée. Quel- qu'un aufi fuppofa que les fibres de l’uvée , difpofées en forme de rayons par un mouvement mufculaire, mais contraire à teus ceux des mufcles connus, élargifloient l'iris en s’allongeant dans leur aétion. L'illuftre Haller, enfin , après avoir foutenu que l'iris fe meut quand la rétine eft frappée par la lumière, fuppofe un fondain concours d'humeurs, produir, comme celui que l'on imagine en certain endroit du corps des mâles. Le mufcle circulaire, vu par Ruifch & fuppofé par Winflou , ne fe trouve pas , malgré les exaétes obfervations des Anatomiftes ; ainfi, il paroît qu'on a imaginé fon exiftence ne fachant expliquer autre- mens SUR L'HIST. NATURELLE ET ILES ‘ARTS. 1er ment le mouvement de l'iris, Ruifch même n’aflure pas toujours de l'avoir vu , & quelquefois il ne le fuppofe que par néceflité : fibras illas orbiculares non luculentur confpici poffe , quin oculis mentis in auxi- lium fint vocati, & ailleurs, — fe tantum circulum eum minorem præ- ditum effe exiflimare fibris orbicularibus : maïs réellement, ni Morgagni, ni Zinn, avec toute leur exaétitude & de bons microfcopes, n'ont pu rien trouver ; & Haller , après l'avoir eflayé plufieurs fois, le nie formellement. Si l'on ne trouve, donc pas ces fibres circulaires, elles ne feront qu'une hypothèfe deftituée de raifon, Le fait détruit l'autre opinion des nerfs qui reflerrent les canaux, parce que l'iris n'eft pasirritable parle choc de la lumière , & les nerfs ne le fontpar aucune chofe. On ne parlera pas de l'opinion de Meri, car elle eft abfurde ; mais quand même elles feroient toutes vraifemblables , elles tombent toutes également, après ce que nous venons de dire, même celle de la plus grande affluence d'humeur ; car , quand la prunelle eft rétrecie , l'iris eft dans fon état naturel, dans lequel il eft forcé de refter ; car faftruéture & fon organifation l’exigent. L'iris s'efforce de retourner à fon état naturel, & y revient tout de fuite dès que la volonté cefle de la tenir reflerrée. Toutes les parties des animaux en font autant, quand elles s’allongent & s'étendent par force. Ainfi donc fe trouve réfoute la difficulté du refferrement de la prunelle, fans avoir eu befoin de tout ce que l'on a jufqu'ici imaginé pour lexpliquer. Tout le nœud, enfin, fe réduit à favoir comment l'iris fe rétrecit ; nœud peut-être indifloluble ; car l'Anatomie ne peut percer fiavant, & les fens font fi bornés à cet égard, qu’à peine y at-il lieu d’enfan- ter des hypothèfes raifonnables. On ne doit pas pañfer fous filence les imaginations des grands Anatomiftes, qui crurent appercevoir dans Pris un mufcle tiflu de fibres en forme de rayons ; car leurs théories paroifloient exiger une pareille explication ; mais il eft auf vrai que ce mufcle , en forme d'étoile, a été en vain cherché par Morgagni, par Haller | tous les deux fameux Anatomiftes du fiècle , & que Zinn & Ferrein n'ont pas mieux réuffi dans cette recherche ; & s'il m'eft permis de le dire, moi-même après ces grands-hommes , je l'ai cherché en vain dans les yeux des hommes, des quadrupèdes , des oifeaux & des poiflons. Il ne m'a fervi de rien de couper & rom- pre en mille fens différens cette membrane, & de l’examiner avec des loupes très-fines ; je n’ai jamais rien trouvé qui parût un mufcle, ou aucune de ces marques qui diftinguent de tout le refte cette forte de fibre: l'iris m'a paru toujours un tiflu de canaux , de nerfs & ale très-fubtils filamens cellulaires qui les lient, & compofent cet anneau mobile. Il eft vrai que tout cela ne fuflit pas pour les nier Tome X , Part. II. 1777. AOUST. O 102 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; abfolument ; mais par-tout où il n'ya pas de preuves contraires, ne pas voir une chofe, eft une raifon très-folide pour nepas la croire, & on ne peut pas fuppofer & imaginer tout ce qui nousaccommode , arrangeant la nature à notre fantaifie. Mais il y a encore plus: ce que nous venons de dire eft un très-fort indice pour croire qu'il ny a dans cette partie aucune forte de mufcle. Ileft dans la nature de cha- que fibre de fe raccourcir quand elle. ef irritée ; propriété très-géné- rale étendue jufqu'aux polypes. L'iris fe maintient immobile à toute forte de picottement, à la plus vive lumière & jufqu'aux étincelles éleétriques : il ne remue pas même lorfqu'on irrite les yeux des ani- maux vivans , ou prêts à mourir. Mais, quand même on accorde- roit l’exiftence de ce mufcle, il feroit compofé de telles fibres qui, dans le rétreciffement , deviendroient trente fois plus courtes , parce que j'ai vu l'iris rétrecir d'autant dans les yeux des chats tués depuis peu , & dans d'autres animaux , quant au premier coup-d'œil , il ne paroît pas même qu'il y ait d'iris : merveille improbable & inouie, car il n'y a pas de mufcle qui {e racourcifle , même de la moitié dans les animaux qui ont le fang chaud , & les polypes mêmes, fi tendres & fi gélatineux , on les a vus fe raccourcir quelquefois douze fois , mais jamais plus. On ne peut croire non plus que l'iris s'étende par un plus grand concours d'humeurs , qui le fafflent gonfler après l'imprefion faite fur la rétine. On a déja prouvé que cet état de l'iris eft fon état naturel , & n'eft pas un changement occafionné par cette altération du moment. Il eft enfin alors, comme il feroit toujours , s’il n'étoit jamais befoin de le remuer : même , fi la chofe étoit ainfi, il ne feroit pas immobile étant piqué & percé , comme je l'ai plufieurs fois effayé. Toutes les fois qu'on irrite quelque partie ,on rappelle une plus grande quantité d'humeurs à la partie irritée ; la même chofe devroit arriver fur l'iris. Les injections les plus fines & les plus pénétrantes, fai- tes même tout de fuite après la mort de l'animal, ne parviennent jamais à étendre l'iris, autant qu'il l'eft quand il fe dilate à la lumière, ou autant qu'il s'épanouit dans le fommeil. L'exemple donc du gonfle- ment qui arrive fur certaines parties des mâles ; eft en quelque façon contraire à cette hypothèfe du plus grand concours d'humeurs à l'iris, & toutes ces chofes font voir que cette hypothèfe n'eft ni prouvée, ni plaufible. Après avoir exclu toutes les fuppoñtions rapportées jufqu'à pré- fent , il me paroît qu'il ne refte à foupçonner qu’une feule chofe avec quelque apparence de raifon. Il paroit donc que le changement par lequel Diris fe rétrecit, doit plutôt être une diminution & un écou- lement d'humeurs. Dans l'iris naturellement étendu ,; l’Anatomie | SUR L'HIST. NATURELLE ET ILES ARTS. 10; trouve des nerfs, du tiflu cellulaire & des canaux , qui sûrement font remplis de quelqu'humeur. Il y a donc une quantité déterminée de ces humeurs dans les canaux , quand l'iris eft étendu, & qu'il occupe un efpace plus grand ; & tant que l'iris fe maintient étendu , toutes fes parties doivent refter dans le même état : une de ces circonftances, eft l'humeur dans fes canaux; or donc, fi cette humeur diminuoit, il viendroit à manquer une des circonftances de l'état naturel de l'iris, & la raifon de s'y maintenir plus long-tems. De la diminution de cette humeur, il pourroit donc s’enfuivre le rétreciffement de l'iris, & en conféquence , la dilatation de la prunelle. Cependant , on ne trouve dans l'iris que nerf, tiflu cellulaire & canaux remplis d'hu- meur, & comme des chofes invifibles, on n'en peut rien dire , il n'y a aucune raifon pour imaginer autre chofe. Le changement mécanique doit fe faire de quelque façon; mais il ne fe fait ni par concours d’humeurs, car cette caufe le rétreciroit plutôt que de l'élargir ; ni par les fibres mufculaires, puifqu'il n'y en a pas; & d'un autre côté, les nerfs , letiffu cellulaire & les canaux , font des parties folides , immuables ; il n’y refte donc quele fluide qui puiffe s’'augmen- ter , fe diminuer, ou fubir quelque altération. Quoi qu'il en foit, il y a toujours un fait conftant qui confirme mon foupçon. Quand les animaux meurent égorgés, l'iris fe refferre beaucoup. C'eft un fait duquel, fi l’on peut déduire quelque chofe, c'eft de fuppofer que l'humeur fe diminue dans l'iris , en proportion de la diminution qui s'en fait par-tout ailleurs. Qu'on ne nous oppofe pas un argument équivoque , que la chofe feroittout-à-fait à rebours, parce que y ayant plus grand concours quand l'iris eft déployé, celui-ci feroit fon vrai changement, & l’autre état devroit être cenfé comme naturel & ordinaire. La difficulté fe réduit à ce feul point , de fa- voir de quel nom on doit appeller ces deux états différens de l'iris. Mais, quand même on voudroit affigner les vrais noms de ces deux états , je ne fais pas par quelle raifon on devroit appeller violent l'état d'une membrane quand fes canaux font pleins d'humeur , comme qui diroit , qu'un animal eft dans fon état naturel quand il eft épuifé de fang; parce qu’alors fes vaiffleaux fanguins ne font plus gonflés par le fang. Enfin , l'état naturel d’une partie me paroît être, quand la partie eft immobile de quelque manière que ce foit , n’im- porte , cela peut arriver en nille manières différentes, mais toujours naturelles. Il eft donc probable que, quand l'iris fe rétrecit, l'humeur, qui remplifloit auparavant fes canaux, s'écoule & diminue, Il ne faut pas dire que cette hypothèfe foit la même que celle du concours, en changeant feulement la façon de s'exprimer ; car l'hypothèfe du concours fuppofe une nouvelle humeur qui concoure & s’introduife ; E777 AOUST. Oz 104 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, celle-ci, au contraire, ne fuppofe que cette quantité d'humeur , qui doit néceffairement y être par la nature de la partie. _ Il fuffic que ce que je viens de dire foit probable & qu'il n’y ait aucune preuve , aucun fait qui le détruife. Comment cela arrive exac- tement, je ne faurois le dire, & on ne peut exiger autre chofe de moi. On fait beaucoup de faits sûrement dans la nature fans que l’on fache ni le pourquoi , nile comment, & malgré cela, ilsnen font pas moins vrais. On ne doute plus à préfent que l'air ne foit un corps grave, & que les corps n'aient une mutuelle attraëétion , par laquelle le ciel & la terre fe foutiennent malgré qu'on ne fache donner au- cune raifon de la façon que les vents foufflent & que la lune agit fur l'Océan. Qui eft-ce qui peut dire tant de chofes, fi notre vueeft fi foible & fi courte? Que l'on trouve quelqu'un qui puiffe calculer quand & comment la penfée remue les filamens nerveux? quelle eft l'élafticité de l'iris ? qui fache exaétement dire comment l'iris eft conitruit , & que l'on demande à cet homme comment fe vuident les canaux de l'iris, il pourra fatisfaire tout de fuite à la queftion ; ou pour mieux dire , il n’y aura plus aucune hypothèfe, EXPÉRIENCES Sur la cryflallifation d'un Alkali fluide par l'électricité (1), Dix ou trois gouttes d'un alkali fluide très-cauftique , étendues fur un morceau de verre , préfentées au conduéteur d'une machine électrique , ont été réduites , par le moyen de quinze à vingt étincelles, en un fel très-defféché : ce fel n’eft point tombé en deliquium à l'air libre. Il fe conferve tel encore depuis ce tems , malgré l'humidité de l'athmofphère… Du fel formé par le même moyen, a verdi quelques gouttes de teinture de Tournefol. Cette expérience prouve peu , parce qu'on pourroit préfumer que l'alkali n'a cryftallifé que par l'évaporation de l'eau difipée par le fluide électrique. pour avoir un réfultat plus décifif. M. Mauduit a mis quatre à cinq gouttes du même alkali dans un verre de montre bien net; il a placé ce verre de montre au fond go oo DC RSS QG) Ces expériences ont été faites par M. Mauduir, Do&teur-Régent de la Fa- culté de Médecine, & chez qui nous les avons vu répéter. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 104 d'un poudrier de verre bien propre, fur un peu de coton; ce poudrier pouvoit contenir trois poiflons de liqueur. Or. l'a couvert d’un bouchon de liège neuf & choifi, & ce bouchon a été lutté en-dehors du poudrier avec de la cire verte. Le poudrier a été pofé pour l'ifoler fur un autre poudrier de verre bien fec , & à travers fonbouchon, on a fait pañler un fil de fer courbe , qui a plongé d’un bout au-deflus de l'alkali dans le poudrier, à un pouce de diftance , & dont l’autre bout a été mis en contaét avec le premier conduéteur. Cet appareil a fubi quinze heures d'éleétricité en deux jours & demi: Le premier jour, l'air étoit fec & l'électricité forte ; l’autre jour , l'air étoit humide & l'éleétricité foible. Au bout d'une heure, dès-lé premier jour, on apperçut fur le verre de montre des petites mafles cryftallines ; le dernier jour , l’alkali étoit entièrement cryftallifé, à cela près qu'il confervoit un air gras & un œil humide ; en penchant le poudrier , on voyoit encore une très petite goutte de liqueur couler lentement. Si le tems eût été plus favorable , peut-être la mafe fe fe- roit-elle entièrement defféchée. . Ce fel a été examiné par MM. Lavoïifier & Bucquet : une portion jettée fur du fyrop violat étendu dans de l'eau , l’a verdi ; de l'acide vitriolique ayant été verfé fur un autre partie du fel , ces fubftances ont fait une très-vive effervefcence. Ne réfulte-t il pas de ce dernier fait, que pendant l'opération , il s'eft formé un gas que l'alkali a abforbé , à la faveur duquel il à cryftallife & fait effervefcence avec l'acide ? puifque les alkalis caufti- ques n'en font point avec les acides , puifqu’ils ne contiennent pas de gas. Le fluide éleétrique n'a-til donc pas agi fur une portion de l'air renfermé dans le poudrier , n’y a-t-il pas formé & développé un gas ? Quelle eft fa nature ? feroit-ce de l'air fixe, formé par l’élec- tricité , comme ilen eft produit par la combuition ? MESA Cale Le x777. AOUST, 106 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, RE °C NÉE RSC" "IS SUR LE SPATH FUSIBLE; Par M. MonNNET. E ETTE fubftance étoit une de celles dont on n’avoit pas la moindre notion , quant aux principes qui la conftituent. Vallérius l’avoit pla- cée parmi les fpaths fans la défigner autrement. M. Cronftedt avoit diftingué , à la vérité , ces pierres de toutes autres fubftances ; mais il n’avoit rien dic de leur érat & de leur nature fingulière. M. Schéele, Chymifte Suédois , eft le premier qui ait prétendu faire connoître les principes de cette pierre. Il publia des expériences qu'il avoit faites fur le fpath fufible verdâtre de Suède. Par ces expérien- ces , il prétend que le fpath fufible contient un acide particulier , qui s'élève dans la diftillation au moyen de l'acide vitriolique ; & il nomme cet acide , acide fpathique. Quelque tems après ; un certain M. Boullanger , au ftyle de M. d'Arcet, publia des expériences fur le fpath fufible , où il confirme en partie ce que M. Schéele avoit dit fur ce prétendu acide fpathique. Tout ce qui eft extraordinaire , ou qui s’écarte des routes ordi- naires , plaît aujourd’hui fürement aux Amateurs; auffi, le Mémoire de M. Schéele trouva beaucoup de partifans en France , & per- fonne ne douta d'un acide dans le fpath , d'après les expériences du prétendu M. Boullanger. 1°, Comme M. Schéele & le faux M. Boullanger avoient com- mencé leurs recherches fur le fpath fufible , en le foumettant à la diftillation dans une cornue de verre , avec l’acide vitriolique , & que c'étoit d'après cette expérience qu'ils éroient partis l'un &t l'au. tre pour établir leurs affertions , je crus devoir commencer auffi mon examen par-là. Je pris en conféquence 2 onces de fpath fufible , bien pur & d'un beau vert, venant de Sainte-Marie-aux-Mines; l'ayant réduit en poudre , je le mis dans une cornue de verre , & je verfai deffus 3 onces d'huile de vitriol. Les chofes fe pañèrent précifé- ment comme le dit M. Boullanger , c'eft-à-dire, que je crus fentir des vapeurs d'efprit de fel très-fortes ; que l'huile de vitriol pé- nètra peu-à-peu la matière , en la gonflant & en y produifant une forte d’effervefcence très-fenfible ; que le bec de la cornue , ainfi que SUR L'HIST. NATUREIIE ET LES ARTS. 107 fa voûte & fon col , fe tapifsèrent d'un enduit falin blanc ; que l'acide qui tomba dans le ballon, y laiffa bientôt appercevoir une croûte faline ; & enfin, qu’on fentoit comme fi c'étoit un acide ma- rin engagé dans quelque bafe. Après toutes ces obfervations , je pouffai l'opération jufqu'où elle put aller: le lendemain , je délutai les vaifleaux , & je trouvai dans le ballon , une liqueur très-acide, qui n'avoit aucune des apparences de l'acide marin , engagé dans une bafe ou non. 2°. Le réfidu de la cornue étoit comme moulé & d'une couleur grifâtre. Comme il étoit très-acide , je jugeai à propos de verfer deffus un peu d’eau , & de le foumettre de nouveau à la diftilla- tion , en y joignant le même ballon après en avoir enlevé tout ce que je pus. Mon but étoit dans ce fecond procédé , de voir fi l'a- cide qui étoit encore dans ce réfidu , & que je regardois comme le furplus de l'acide vitriolique , qui n’étoit pas monté dans la première diftillation ; faute d’un degré de feu fufifant, & peut-être faute d'humidité ; mon but , dis-je , étoit de voir fi l'acide monteroit fous la même forme que le premier , ou fe combineroit dans la mafle de maniere à la laifler dans une état de neutralité parfaite. Cette portion acide monta effectivement , en emportant avec elle une terre ; car il eft bon de dire qu'alors je foupçonnai que cet acide n'étoit que le même acide vitriolique que j'y avois mis, qui, par fa combinaifon extraordinaire avec une terre , avoit acquis un de- gré de volatilité qu’il n’auroit pas fans cela. Il faut auf dire , que toujours fur mes gardes contre tout ce qu'il pouvoit y avoir de fé- duifant dans cette expérience , je m'étois bien gardé de donner un feu trop fort à ma diftillation , qui , étant capable d'élever l'acide vitriolique même , m'eût été un obftacle pour apprécier la nature de cet acide : car, m difois-je, file fpath fufble contient l'acide marin déguifé , comme le prétend M. Boullanger , il eft à croire qu'il n'a pas befoin d’un feu de réverbère pour s'élever comme l’a- cide vitriolique pur. Ainfi , au lieu de faire ma diftillation au four- neau de réverbère , j'avois cru ne devoir la faire qu’au bain de fable , en enterrant bien néanmoins ma cornue dans le fable , c’eft-à-dire, jufqu’auprès de fa voûte. Si ma conjeëture étoit vraie , que cet acide monté ne fût que le même acide vitriolique que j'y avois mis , il devenoit naturel de conclure que l'acide vitriolique s'étoit vola- tilifé au moyen d’un principe auquel il s'étoit combiné , puifque de lui-même il n'auroit pu s'élever à ce degré de chaleur , comme tous les Chymiftes le favent. Après cette feconde diftillation , je trouvai mon réfidu très-neutre , ne rougiffant point le fyrop violet , ayant un goût falin , fade & très-particulier, & paroiflant cryftallin ea 1777. AOUST. 108 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; quelques endroits, craquant fous la dent , ä-peu-près comme la félénite. 3°. Je leffivai ce réfidu dans beaucoup d'eau bouillante, & je vis que cette eau n'en diflolvoit que très-peu. Je fis évaporer une portion de ces eaux , & je vis qu'il fe formait à fa furface des pel- licukes cryftallines, précifément comme celles qui fe forment fur les eaux féléniteufes. Je me gardai bien pourtant de conclure que c’étoit effetivement de la félénite , comme l’avoit conclu M. Boullanger. Je ramafñfai de ces cryftallifations , & les mis fécher fur un papier gris ; je continuai ainfi mon évaporation jufqu'à ce qu'il ne reftât prefque plus d'humidité dans ma capfule ; mais je n’eus pas la fatisfaétion d'avoir d'autre fubftance faline , que celle que javois déjà enlevée de deffus la liqueur. Après avoir fait ces premieres leflives , j'apperçus dans mon ré- fidu qu'il y avoit encore beaucoup de cette matière faline ; mais fa difficulté à fe diffoudre me fit prévoir qu'il me faudroit des quan- tités d’eau énormes pour parvenir à l’en dépouiller entièrement. J'a- bandonnai donc ce projet, d'autant que je méditois une expérience par laquelle j'efpérois parvenir à connoître ce réfidu du fpath fufi- ble, c'elt-à-dire , s'il y avoit une terre non foluble dans cette ma- tière. Mais je dois dire que j'avois lieu de croire que je parvien- drois à enlever & faire monter dans la diftillation toute , ou pref- que toute cette matière faline , en verfant deflus de nouvelle quan- tité d’acide vitriolique , comme l’a avancé M. Schéele , puifque l'excès d'acide fuffit pour cela. 4°. Je viens maintenant à l'examen même de la nature de ce fel que j'avois retiré de ce réfidu ; j'ai dit qu'il reffembloit aflez à de la félénite , mais cette apparence n'étoir qu'extérieure ; car du refte, il n'en a aucune des propriétés. Il a, comme je l'ai dit, un goût fade particulier, & qui ne peut fe comparer à aucune fubftance fa- line. Il £e diffout dans l'eau un peu plus facilement que la félénite, & il eft fufceptible de prendre un excès d'acide. Je verfai deflus de l'acide vitriolique concentré, il sy combina en jettant des va- peurs particulières que M. Schéele prétend être dues à fon acide fpa- thique , & que j'ai cru n'être dues qu'à l'acide vitriolique lui-meme , qui prend un caraëtère particulier, ou pour mieux dire , qui devient {el en fe combinant avec la terre de ce fel , comme l’autre partie de cet acide qui y eft primitivement. On fait, d’ailleurs , que dans toute combinaifon il fe dégage un gas qui a un caractere différent de celui d’un autre. Pour voir fi je ne me trompois pas, j'en mis une certaine quantité dans une petite cornue de verre ; je verfai deffus de Laçide vitriolique , & procédai à la diftillation au bain de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1c9 de fable. Je fus fingulièrement farpris de voir que ce fel, avec excès d'acide , montoit , & que le tout fe préfentoit comme dans la pre- mière diflillation. Alors, j'acquis un degré de lumière auquel je ne m'atrendois pas ; favoir , que la terre du fpath , lorfqu'elle eft unie à l'acide vitriolique par excès , eft fufceptible de s'élever dans la diftillation. Et pour voir la preuve de cela, je répétai l'expé- rience avec ce fel non chargé d’un excès d'acide , & je vis que la matière reftoit très-fixe au feu ; je m'en convainquis tout de fuite en en mettant fous la moufle d’un fourneau de coupelle , où il refta de la plus grande fixité. Lorfque j'examinai la liqueur qui étoit montée , je la trouvai ab- folument femblable à celle que j'avois obtenue dans la première ex- périence ; or, comment auroit-elle pu être de même, fi elle n’eût pas été comme elle , l'acide vitriolique déguifé par une terre qu'il avoit enlevée ? Car étoit-il à préfumer que cette terre, fous la forme de fel, & qui éroit une combinaifon nouvelle de l'acide vitrioli- que , eût pu fournir une auffi grande quantité d'acide fpathique , que le fpath lui-même ? D'un autre côté, qu'étoit devenu l’acide vitriolique que j'avois verfé abondamment fur ce fel? Mais comme ce n’eft là qu'une des foibles preuves que je veux apporter contre l'opinion de M. Boullanger & de M. Schéele , je ne m'étendrai pas davantage là-deffus. Mais avant de pañer outre, il eft bon de dire quelle étoit mon mon opinion en cet état de mes recherches ; car ileft néceffaire de la connoître pour me fuivre dans mes expériences. Je croyois donc que l'acide vitriolique que j'avois verfé fur mon fpath & que j'avois dif- tillé , n'y avoit produit d'autre effet que celui de s'y être combiné , & d'en avoir détaché ou difflout une terre , qu'il avoit enlevée à la faveur de fon excès ou de fa furabondance. On va voir fi je me trompois; mais il eft bon de dire auparavant , que M. Prieftley, ce fameux Phyficien Anglois qui fait des airs de tout, avoit eu la même idée que moi, comme on peut le voir dans le troifième vo- lume de fes Expériences , page 12. Et en général, on peut dire que ce Phyficien a fort bien relevé l'erreur de M. Boullanger & de M. Schéele. La première queftion à réfoudre étroit donc celle-ci: l'acide qui s'eft élevé dans ma première expérience , eft-il un acide particulier au fpath? ou n'eft-ce que l'acide vitriolique lui-même qui a em- porté une terre, & eft monté fous la forme d’un fel avec excès d’a- cide ? 5°. À cet effet, je commençai par examiner les croûtes falines qui s'étoient formées dans ma diftillation. Je les lavai d'abord dans de l'eau chaude , ‘& je vis qu'à mefure qu'elles fe dépouilloient de Tome X , Part. II. 1777. MOTS. R 110 OBSERVATIONS SUR TA PHFSIQUE, cet excès d'acide , elles devenoient entièrement femblables au fel que j'avois obtenu du réfidu de la cornue , & qu'elles devenoient , par conféquent, plus difficiles à diffoudre dans l'eau, Enfin , il me refta encore un fel auffi neutre , & entièrement femblable à celui que j'avois obtenu du réfidu de la cornue , ou pour mieux dire, le même. Les eaux de lavage contenoient donc un fel avec excès d'a- cide ; cependant , elles ne rougifloient pas le fyrop violet ; preuve que cet excès d'acide y étoit réellement combiné : car c’eft une vé- rité démontrée aujourd'hui , que les fels avec excès d'acide , c'eft- à-dire , ceux dans qui l'acide fait réellement partie par furabondance, pe montrent aucune des propriétés des acides libres. 6°, Je verfai fur ces eaux de lavages, de l’alkali fixe en liqueur ; il s'y fit un précipité peu-à-peu très-volumineux, &t qui, à la fin, parut comme une gelée au fond du vafe. Lorfque je crus qu'il ne fe précipitoit plus rien, je filtrai & j'obtins une liqueur mouffeufe , qui me fit foupçonner qu’elle n’étoit pas pure, c’eft-àdire , qu’elle n'étoit pas feulement chargée du fel qui devoit réfulter de la com- binaifon de l'acide & de lalkali que j'y avois mis. En effet, par l'évaporation, j'appris que je ne m'étois pas trompé dans ma conjec- ture; car , au lieu d’avoir un fel , je n’eus qu'une gelée tremblante & tranfparente. Croyant donc avoir trop mis d’alkali fixe dans ma liqueur, je m'imaginai que cet excès d’alkali avoit diflout la terre même. 7°. Pour vérifier cette: conjecture , je pris une autre portion de ma liqueur, & je la furchargeai d'alkaii ; alors , je n'eus prefque pas de précipité , & la liqueur évaporée ne me donna qu'un réfidu rout-à-fait femblable à une colle de farine fraiche ; mais difons que le gas qui fe forme dans certe occafion ; contribue autant, peut- être , à cette difloiution. C’eft donc cette terre qui, fe diffolvant dans le tems de la précipitation par l’alkali fixe, empêche que les fels ne paroiffent après l'évaporation. Voilà donc la raifon pourquoi ni M. Schéele, ni M. Boullanger, n'ont pu obtenir des fels dif- inds & nets. Mais le premier, bien-loin d'en tirer aucun éclair- ciflement fur l’exiftence de cette terre, a cru que c’étoit là un ca- ra@tère particulier de ce prétendu acide fpathique ; il n'a pas même apperçu cette précipitation réelle d'une terre. Pour le dernier, on voit qu'il n'a pu s'empêcher de lappercevoir, malgré la préoccu- pation de fon efprit. Pour mettre la chofe dans la plus grande évi- dence , je verfai un acide dans cette liqueur mouffeufe ; alors, je vis la terre fe précipiter encore mieux que je n’avois pu la faire précipiter par l’alkali. Cependant , je dois dire que je ramañlai foignenfement ces préci- pités terreux fur un filtre, que je les y édulcorai bien par beaucoup SUR L'AIST.: NATURELLE ET LES ARTS. III d'eau chaude ; que cette terre parut d'abord comme une colle, mais qu'en fe defléchant , elle devint peu-à-peu farineufee & très-blanche. Cette terre fe trouva d'une grande divifibilité. Nous parlerons dans.la fuite de cette terre ; il fuffit de fe rappeller qu’elle étoit montée dans la diftillation fous la forme faline. 8°. Voyons maintenant les liqueurs acides elle-mêmes ; que j'avois retirées du ballon dans mes deux diftillations ; jé dois dire qu’elles ne m'avoient paru expanfibles que dans le tems de l'aétion du feu; car dans l'état froid où elles étoient alors, elles me parurent très-fixes , & furtout la feconde , qui étoit plus aqueufe que l'autre. Quand je confidérois cette liqueur, foit au goût où autrement , étendue dans de l'eau, je n’y trouvois qu'un goût falin vitrioliquey: & tel au fond que je l'avois trouvé dans la liqueur obtenue du réfidu de [à cornue. Les ayant étendues dans l'eau, j'en précipitai pareillement une terre avec de l’alkali fixe , & profitant de l'exemple que j'avois eu précé- demment ; favoir, que cette liqueur faturée ne me fourniroit que difficilement des cryftaux diftinéts & nets; je crus devoir tout de fuite, après en avoir féparé la terre par le filtre , verfer une diflolution mercurielle dedans une fufffante quantité pour faire précipiter tout ce qui pouvoit s’en précipiter. Il s'y forma un précipité jaunâtre fort abondant. Je le ramaffai fur un filtre & le fis fécher. Il y en avoit deux gros. Je le mis enfuite dans un petit matras, & l'expofai en fablimation au bain de fable. Si, comme le prétend M. Boullanger, il y avoit eu dans cette liqueur de l'acide marin , il eft clair qu'il fe füt formé , en cette occafion , un fublimé de mercure ; mais il ne s'y en forma nullement; à la vérité , il monta quelque chofe dans le col , mais ce quelque chofe n’étoit que des parcelles mercurielles réunies fous la forme d'une poudre grife; il y avoit auffi dans la voûte de ce vaifleau un enduit rougeâtre , mais il ne contenoit pas non plus de mercure fu- blimé ; fa couleur m’apprenoit le contraire. Je foupçonnai d'abord ; que c'étoit une portion de mercure , unie à une portion de la terre même du fpath, qui étoit tenu en diffolution dans la liqueur fatu- rée. J'en eus bientôt la preuve dans ce qui étoit refté zu fond du vaifleau fous la forme du réfidu ; car je trouvai que c'étoir effe@ive- ment une terre toute femblable à celle qui étoit reftée fur le filtre , excepté qu’elle étroit grife ; elle faifoit plus de trois quarts du volume de la matière que j'avois employée. D'où il eft aifé de conclure qu'il n'y avoit pas eu de fublimation du mercure; car s’il y en avoit eu réellement ;' ce réfidu n’auroit pas été ; à beaucoup près , fi abondant. Par-là , je compris encore que fi la: diflolution mercurielle eft pré- cipitée par la liqueur acide, montée dans la difiolution du fpath, fi différemment de l'acide vitriolique ordinaire , c'eft à caufe de cette 277720 LOIDISTANBE, 112 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; terre qui fe joint au mercure. Nous aurons occafion de voir par [a fuite un autre exemple de ceci. Jufqu’ici nous n’appercevons donc dans le fpath fufble qu'une terre particulière qui , fe joignant à l'acide vitriolique , s'élève avec lui dans la diftillation. Voyons fi, en opérant autrement, nous dé- couvrirons mieux cet acide prétendu. C'eft un fait connu , qu'un acide combiné dans-une terre, pañle dans l’alkali fixe dans le tems de la fafñion qu’on fait fubir à cette terre au moyen de cette fubftance fa- line; & lorfque ce pañfage à lieu, il ne peut y avoir d'équivoque , puifqu'on n'a employé aucun intermède pour cela. 9°. En conféquence de cette idée; je pris une once de fpath fufi- ble bien pur ; l'ayant réduit en poudre , je le mêlai avec une partie égale d'alkali fixé auffi bien pure. Je mis ce mélange dans un creufer, que je couvris exactement. L'ayant placé devant la tuyère de mon foufflet , je le chauffai jufqu'a ce que le bouillonnement m'annonça une prochaine fufon. J'enlevai alors le creufet du feu, & je trouvai la matière, en partie, vitrifiée dans le fond. J'en enlevai toutce que je pus, & l'ayant pulvérifé , je le fis bouillir dans de l'eau bien nette ; je filtrai, & j'eus une liqueur faline fortement alkaline. Je la fis éva- porer ; mais je ne pus en obtenir aucune partie faline cryftallifée. La matière étoit épaifle & onétueufe ; preuve , cependant , que l'al- kali n'étoit pas pur. Alors , l'ayant délayée dans de l’eau , je verfai deflus, peu-à-peu, de la diffolution mercurielle. Il fe fit un précipité blanchâtre, & je crus appercevoir qu'il refflembloit aflez à celui que j'avois obtenu par la mêine diflolution avec les liqueurs acides fatu- rées. L’ayant raffemblé fur un filtre & fait fécher , je le mis pareille- ment à fublimer ; mais je n'eus pas plus de mercure fublimé que la première fois. Il refta tout de même un réfidu terreux dans le fond du vaifleau; preuve que l'alkali avoit tenu en diflolution une partie de la terre du fpath , & que cette même terre s'étant attachée au mercure lors de la précipitation, l’avoit fait paroître fi différent de ce qu'il eût été , s'il n'avoir été précipité que par l’'alkali fixe feul. 10°. Cependant , croyant avoir divifé dans cette opération , d’une manière particulière, larterre du fpath, & voulant en enlever , s'il étoit poñfible , tout ce qui s’y trouveroit de foluble par les acides, j'é- dulcorai bien le réfidu de cette leffive alkaline. Je le mis enfuite dans une petite cucurbite de verre, je verfai deflus de l’acide du nitre fufifamment: pour le baigner. Je fis chauffer fortement ce mé- Jange au bain de fable ; l'acide du nitre diflolvit beaucoup de cette terre. Après avoir décanté cette première portion d'acide, jy en mis une autre , & continuai ainfi tant qu'il voulut fe diffoudre quel- que chofe ; il refta à la fin un réfidu inattaqueble, aux acides que je crus être quartzeux, S'il y avoit eu, comme le prétend.M. Boul, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 113 Janger , une terre calcaire dans le fpath fufible ; il n'eft pas douteux qu'elle auroit dû fe manifefter dans fes diflolutions en y verfant de l'acide vitriolique ; mais bien-loin de cela, après y avoir vefé de cet acide , la liqueur fe trouva plus claire qu'auparavant. 11°. Je précipitai enfuite la terre, qui étoit en diflolution dans l'acide nitreux au moyen de l'alkali fixe, & je vis, comme à celle que j'avois précipitée ; @e l'acide vitriolique , qu'une bonne partie étoit reftée en diflolution dans la liqueur, Je ramaffai néanmoins tout ce que je pus de cette terre fur un filtre , & l'y ayant bien édulcorée, je la laiffai fe fécher. Elle fe trouva grife & un peu ocracée, ce qui venoit , fans doute , des parties ferrugineufes contenues dans le fpath. * Parties ferrugineufes reconnues par MM. Schéele & Boullanger dans les Spaths, & que nous y démontrerons bientôt nous-mêmes. C'étoit ici l'occafion favorable de prouver que la terre du fpath s'attache véritablement au mercure & le précipite en blanc , comme nous l'avons déja remarqué , & dont M. Boullanger avoir pris, fi mal-à-props , occafion de conclure que le fpath contenoit de l'acide marin. Il eft évident que ce réfidu lefivé & enfüuite mis à diffoudre dans de l'acide nitreux, ne devoit fournir, tout fimplement, que la terre pure du fpath; car, s'il y avoit eu véritablement un acide dans le fpath , il ne fe fût pas trouvé dans cette diflolution. Cependant , cet acide nitreux, chargé de cette terre , précipitoit très-bien la diffoiution mercurielle en blanc, aufli bien que les eaux qui avoient fervi à édulcorer le précipité que j'en avois obtenu par l'alkall fixe, 12°. Il étoit encore bon de voir fi la terre obtenue de cette pré- cipitation , avoit les mêmes caraétères généraux que nous avions re- marqués dans celle que nous avions obtenue de l'acide monté dans la diftillation ; & à cet effet, nous mimes de l'huile de vitriol deflus , & nous vimes que c’étoit précifémenr la même chofe ; que Facide vitriolique en partoit en vapeurs , fentant l'acide marin ou quelque chofe d'aporochant; & qui plus eft , que cette terre étoit emportée & formoit, comme dans la première expérience, des croûtes falines blanches & comme fubiimées dans la voüre de la cornue ; mais ce qu'il y a de remarquable encore , eft que cette terre ne fe d flolvoit pas plus prompiement que ie fparh fufible en nature; il failut beaue coup d'acide vitriolique pour en opérer l'entière diffolution. 3°. Mais, après avoir traité :de Ja manière dont nous venons de parler, le fpath fulible, il me fembloit néceffaire de le traiter plus fimplement avec les açides, comme j'avois toujours fait les autres corps que j'avois foumis à l'examen , & voir , en un mot, fi cette fubitance étoit foluble d'elle-même dans les acides aqueux. À cet 1777. AOUST si OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, effet ,je mis dans une petite cucurbite de verre, deux gros de fpath fufible en poudte ; je verfai deflus de l'acide vitriolique aqueux , à je fis chauffer fortement ce mélange. Le fpath fe gonfla prodigieufe- ment & ne forma bientôt qu'une mafle cryftalline ; les parois de la cucurbite étoient tapiflées de pareilles croûtes falines, & je reconnus que tout étoit précifément comme dans la première expérience ; c'eft- à-dire, que ce fel chargé d’un excès d'acide, s’en dépouilloit par des Javages ; que dans ce lavage , il s'en diffolvoit une partie à la faveur de cet excès d'acide même. En un mot, que l'acide vitriolique étoit auffi embarraffé que dans l'expérience citée. Je mis cependant , à une foible évaporation la liqueur acide, elle fe concentra peu-à-peu ; & quoique très-acide, elle n'en forma pas moins des pellicules cryftal- lines. Ces pellicules lavées , donnoient pareillement un fel très-neutre & très-femblable à la félénite. Après cette dernière expérience, je crus devoir opérer fur cette fubf- tance avec l'acide nitreux. M.Boullanger dit que cette fubftance,traitée par la diftillation avec l'acide nitreux ,ne donne pas les mêmes phéno- mènes que par l'acide vitriolique. Il a aflurément raifon ; mais il a tort quand il contredit M. Schéele fur ce qu'il avoit dit , qu'il montoit par cet acide ; un fel qui formoit une forte de pellicule. A la vérité , fi M. Schéelle a foutenu que cette fubitance faline étoir la même que dass l'expérience par l'acide vitriolique , il a eu tort auf; il eft certain qu'il n'y a aucune analogie entre ces produits , comme nous allons le voir. 14°. Je pris, ainfi que je l'ai dit ci-deflus ; deux gros de fpath fufible eñ poudre. Je les mélai dansun matras avec beaucoup d'acide nitreux ; cet acide l’attaqua à l’aide de la chaleur ; & les vapeurs qui s'en élevèrent avoient une fauffe odeur de fleurs de pêcher. Au bout de fix heures, la liqueur nageant deffus , avoit acquis une confiftance épaifle , à peu près comme celle de l'huile , & étoit cou- verte d’une pellicule ou cryftaux moux & à demi-tranfparens. Toutes les parois étoient tapiffées d'une pareille matière ; d’où l'on voit qu'il n'étoit pas nécelfaire de foumettre ce mélange à la diftillation, pour voir l'effet qui en réfulteroit. Je décantai cette liqueur & verfai fur le réfidu de nouvel acide nitreux. Je fis évaporer cette liqueur, & les parties cryftallifées fe diffolvi- rent ; le tout devint épais & ne forma à la fin qu'un magma très- cauftique , qui attiroit l'humidité de l'air très-fortement; & qui ayant été defféché une fois , redevient bientôt en liqueur. On voit donc ici, comme à l'ordinaire, que l'acide nitreux forme une fubftance faline très-déliquefcente. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. xt$ Cet acide faturé avec l'alkali fixe , ne dounoit pas un fel plus dif tinét que l'acide wvitriolique chargé de la terre du fpath. Cet acide chargé de fa terre, fe combina pareillement avec cet alkali, dontil ne réfulra auffi qu'un magma ou gelée faline. Je fis encore bien chauffer l'acide nitreux que j'avois mis de nou- veau fur le réfidu; & ce qui me refta à la fin , me parut inarta- quable aux acides ; d’où je conelus que c'étoit la partie quartzeufe du fpath. 15°. J'ai dit que je démontrerois le fer dans le fpath; pour cela, je pris de ces diflolutions , je verfai deflus de la lefive faturée de la matière colorante du bleu de Prufle , & j'eus ;, fur le champ, un précipité bleu très-abondant, mais plus abondant que n'a coutume de le donner une pareille quantité de diffolution de fer ; & comme ce précipité étoit beaucoup plus pâle que de coutume , je crus apper- cevoir que la terre du fparh s'étoit précipitée elle-même en même- tems que la partie ferrugineufe. C’eft encore une autre fingularité de cette terre. 16°, M. Boullanger contefte encore à M. Schéele, que le fpath fu- fible devienne rouge à la calcination. Comme cette expérience pou- voit tendre à démontrer le fer dans le fpath , je la tantai en me fervant d’un têt que je plaçai fous la moufle d'un fourneau de cou- pelle avec de mon fpath. C'étoit sûrement la meilleure manière de faire cet effai, & non dans un creufet où le fer ne peut pas fe calci- ner & devenir rouge par conféquent. Je remuai mon fpath de tems en tems avec un crochet, & je vis qu'il devenoit plus friable, en prenant une couleur de fleurs de pêcher. A la fin il devint d'un rouge-clair, comme le dit M. Schéele. Concluons de tout ceci que, malgré le grand nombre d'excellentes expériences faites fur cette fubftance par MM. Schéeile & Boullan- ger ; ces deux Auteurs ont mal vu, & qu'ils fe font fairillufion. Qu'il n’y a point d'acide marin dans le fpath fufible, & que le prétendu acide fpathique de M. Schéele , n’eft que l'acide vitriolique lui-même combiné avec une portion de la terre du fpath. Remarquons ; cepen- dant , que ce n'eft jamais que de très-petites parties de terre que les acides diflolvent du fpath, & que cette très-petite partie y paroit très volumineufe, & y gonfle prodigieufement ; remarque déja faite par M. Bou!langer. À l'égard de ce qui eft dit par ces deux Auteurs , que . l'acide qui monte dans la diftillation du fpath fofble par lacide vitriolique , ronge le verre jufqu'à le percer, je dois dire que je n'ai rien vu de pareil. J'ai vu feulement que la terre du fpath y adhère fi fortement, qu'il n’eft pas toujours pofible de l'en détacher. Les gobelets mêmes qui ont tenu quelque tems des 1777. AOUST. x16 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE , liqueuts chargées de cette terre , ou dans lefquels on en a fait quel- que précipitation , ne fe nettoient que très-diflicilement. Il fe peur ; cependant , que l'acide vitriolique , chargé de cette terre & pouffé par un feu plus violent que celui que j'ai donné , foit capable d'attaquer le verre , au moyen de cette terre même qui, comme nous le difons, s'y incrufte d'une manière très-particulière. 17°. Cependant , comme plufieurs Chymiftes, qui ne connoiffent les minéraux que de nom, ont confondu quelquefois le {path fufible avec le fpath pefant , je crus devoir faire une expérience pour les convaincre que cette fubftance ne contient pas d'acide vitriolique , & qu'elle n'a ,par conféquent, aucune analogie avec le fpath pefant. Pour cela, je mélai une demi-once de mon fpath avec une once d'alkali fixe, & un demi-gros de charbon en poudre. Je fis fondre ce mélange devant la tuyère de mon foufflet; l'ayant enfuite leffivé ; je n’eus aucune marque de foie de fouffre , la leffive étoit fort claire & ne précipitoit nullement la difflolution mercurielle en noir, mais bien en un blanc-jaunâtre , &t la diflolution du vitriol martial en un verre plus foncé que de coutume , comme avoient fait toutes les liqueurs falines chargées de la terre du fpath. Mais je dois direque, découvrant mon creufet, je fus frappé par une flamme très-brillante qui parut deflus la matière , mais qui S’éteignit prefque auñli-rôr. Peut-être étoit-elle due à cette matière inconnue ; qui fait faire elorefcence aux fpaths fufibles , & que M. Cronftedt regardoit gomme un principe inflammable. RECHERCHES SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 117 Css mu gi dé ui à ir D, QE EEE es on) PE CH EUR CHE LESS. Sur les SELS Principes des Eaux minérales de Provins ; Par M. OPo1x , Maitre Apothicaire. Vifitabilis Interiora Terræ Reétificando Invenies Optimam Lapidem Veram Medecinam. (VirrioLum. (1) Adept. Sentent. sis n'eft pas feulement d'une néceflité indifpenfable dans les différens ufages de la vie, mais elle eft encore eflentielle à notre conftitution. C’eft elle qui donne à nos organes cette foupleffe qui en facilite le reflort & le jeu. Elle eft le véhicule de nos alimens & des fucs nourriciers. Sans même une certaine quantité du principe aqueux, toute circulation cefferoir. Il n’y auroit plus de végétation ni rien d'organifé. La terre perdroit fon plus bel ornement, les vé- gétaux & les animaux, & la nature, le complément de fa puiflance, la plus belle de fes prérogatives, la faculté de produire des êtres vivans. L'eau, dont les fervices nous font fi utiles & fi effentiels en fil- trant à travers les différentes couches de la terre, rencontre quel- quefois des matières minérales qu’elle diffout en partie & que lui donnent des qualités particulières. Les hommes ont fu même faire tourner , à leur plus grand avantage, ces eaux, dont la pureté fem- bloit, au premier coup d'œil, fouillée par des matières étrangères & nuifibles. La fagacité de l’art a puifé dans ces fources un remède efficace dans les maladies les plus graves, un baume falutaire qui, rétabliffant peu-à-peu l'équilibre des liqueurs, l'ofcillation & le ton des folides , porte , dans toute l'économie animale, la vie & la fanté. Enfin, les fuccès les plus inefpérés ont fait regarder les eaux mi- (1) Les Adeptes qui regardoient le vitriol comme la pierre merveilleufe, la médecine univerfelle, ont cru que le mot latin virriolum étoit un nom myfté- rieux, & que les lettres qui le compofent étoient les premières des mots ci- defus. Tome X , Part. IL. 1777. AOUST. Q 118 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; nérales comme le fpécifique de la plupart des maladies chroniques , & il n’en eft peut-être pas qui ne doive céder à l'ufage bien entendu des différentes eaux minérales: mais la nature s’eft montrée avare d'un bien fi précieux : elle ne lui a même donné qu'une exiftence mo- mentanée. Cette manne falutaire ne tombe que pour un petit nombre & ne peut fe garder & fe tranfporter fans fe corrompre. Ce peu de confiftance de la plupart des eaux minérales qui en concentre l'utilité dans un cercle étroit , eft d'autant plus difficile à réparer , qu'il tient à leur nature & contribue, fans doute , à leur efficacité. Les eaux minérales, en prenant pour exemple les eaux mar- tiales vitrioliques , ne diffèrent d'une eau ordinaire que par quelques principes falins & métalliques , que des circonftances locales leur ont mêlés. Leur difpofition prochaine à fe décompofer vient de la délicateffe & de la petite quantité de ces principes énergiques par rapport au volume d’eau qui les tient en diffolution , ce qui donnant à ces principes une furface trop étendue : en relâche néceffairement les liens , détruit la cohérence des parties & en opère bientôt la décompofition. En vain chercheroit-on à féparer de ces eaux par l’évaporation, les fels qui les conftituent pour les conferver à part dans unétat de ficcité & les reporter à volonté dans une autre eau. Les tentatives que l’on a faites ont toujours été infruétueufes & n'ont donné que des rélidus terreux & des débris méconnoiffables & fans vertu. Le feul moyen feroit de chercher dans les entrailles de la terre aux environs des fources , les fubftances minérales où font renfermés les germes des fels qui donnent aux eaux qui les difolvent , leur faveur & leurs propriétés. Ces matières minérales ne contiennent pas des fels tout formés , mais feulement les matières premières ; des ébau- ches encore imparfaites & auxquelles il faut des préparations ulté- rieures & de nouvelles combinaifons avant de pañler à l’état de fel. La nature , pour créer ces fels & les faire effleurir à la furface des pyrites , n’a befoin que du concours de l'air & de l’eau ; & comme il eft effentiel , pour l’ufage de la Médecine , d'obtenir les mêmes fels & dans le même état , il faut abfolument fuivre fa marche. On fe contentera donc d’expofer ces pyrites à l’aétion combinée de l'air & de l'eau, & d'elles mêmes elles donneront leurs fels. L'Art ne four- nira, comme on voit, que les circonftances favorables à leur déve- loppement; du refte , il ne pourroit que troubler la nature & rendre le réfultat infidèle en fe montrant davantage : c’eft aflez pour lui de l’a- voir forcée à travailler à découvert & de l’obliger à hâter fes opérations. Lorfque la pyrite aura donné fes fels, il ne s'agita plus que d’en connoître exactement les différentes proportions & la quantité qu'il en faut pour donner à un volume d’eau le même degré de force & de SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 119 vertu qu'en a l'eau minérale naturelle qu'on fe propofe d'imiter. C'eft à quoi on parviendra par l'analyfe comparée. On aura donc £ fous une forme folide , inaltérable & commode , les feuls principes actifs des eaux minérales ; ces fels , fortis des mains de la nature ; pou- vant fe garder & {e tranfporter aifément , formeront pat-tout une eau toujours femblable à celle qui aura fervi de modèle & de point de comparaifon. Elle fera même préférable à cette dernière dans plu- fieurs circonftances & pour plufieurs raifons , ainfi que nous le ver- rons plus bas. ; Nous convenons que ce projet d'extraire les fels naturels des eaux vitrioliques , ferrugineufes en en raflemblant les principes épars dans les pyrites , eft d'une difficile exécution : peut-être n'eft:il pas pratica- ble à l'égard de certaines eaux; mais les avantages infinis qu'il nous procureroit, doivent nous engager àfaire quelque effort pour y parvenir. Nous aurons, d'ailleurs , la fatisfaétion de faire voir que ce n’eft pas feulement une belle fpéculation que nous propofons. Nos tentatives fur la fontaine minérale de Provins, ont eu, à cet égard, les plus heureux fuccès. Nous croyons devoir entrer dans les détails des procédés que nous avons fuivis, & des fervices que la Mé- decine peut tirer de cette nouvelle méthode. Les eaux minérales de Provins , fuivant l’analÿfe que nous en avons faite(1), ont paru contenir, entr'autres principes, un vitriol mar- tial & un fel alumineux, tous deux d’une nature particulière. La fource étant fituée au pied d'une montagne , il étoit à préfumer que ces eaux lavoient les différentes couches de cette montagne & en charrioient les fels minéraux ; enfin , que la connoiffäice de ces différentes couches pouvoit répandre de nouvelles lumières {ur la nature de nos eaux. Une fouille affez profonde faire au haut de cette montagne , a fait voir combien nos conjeétures étoient fondées. Le lit de terre labourable qui couvre le fommet de cette montagne, a peu de profondeur ; il eft appuyé fur le tuf. On trouve enfuire un: couche de fable , enfin, un lit de glaife de plus de vingt pieds de profondeur, qui fe trouve entrecoupé , dans fon milieu , d’une grande quantité de pyrites d’une figure fort irrégulière. La maffe de terre argilleufe fupérieure eft affez blanche ; mais le lit inférieur 3 & fur lequel eft appuyé le rang de pyrites , eft d'un brun tirant {ur le noir, ce qu'on ne peut attribuer qu'aux matières métalliques que l'eau détache du lit des pyrites. Les pyrites mêmes, qui font placées D (1) Cette Analyfe fe trouve à Paris, chez Caïlleau, Imprimeur Libraire ,rue Saint-Séverin f( Voyez l'extrait qu'enont donné MM. les Auteurs du Journal des Savans, Janvier 1771.) 2777 0 AIO OS 120 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fur la croupe de la montagne, & qui, en conféquence , peuvent avoir plus de communication avec l'air & l'eau, ont déja acquis un com- mencement de décompolition. Elles font abreuvées d’eau & n'ont plus de confiftance. Ces fubftances minérales font , comme nous l'avons dit, fort irré- gulières , fort pefantes. Leur caflure eft gorge de pigeon, leur fuper- ficie eft parfemée de facettes plus ou moins larges , jaunes, brillantes & qui femblent annoncer un métal précieux. Cet extérieur peut en impofer à ceux qui font peu inftruits. Elles ne font cependant rien moins que ce qu’elles paroiflent , ainfi que nous le verrons par leur décompofition. L'acide nitreux fur ces pyrites mifes en poudre , a une action fort vive, accompagnée de beauconp de chaleur & de vapeurs rouges très- élaftiques. Cet acide laifle une affez grande quantité de matière fus lefquelles il n’agit pas. Si on étend le tout dans beaucoup d’eau , on peut en féparer par inclination une partie qui, à caufe de fa légèreté, fe tient plus Jlong-tems fufpendue. Cette matière eft un vrai foufre brûlant, Je féparai par le filtre ces matières infolubles & je verfai {ur Ja liqueur filtrée un alkali fixe en deliquium. J'eus un précipité jau- nâtre qui s’eft rediffous en entier dans l'acide vitriolique avec lequel il a fourni un fel alumineux & un vitriol de Mars abfolument exempt de cuivre. Ces pyrites tombent aifément en efflorefcence & fans avoir befoin d'une calcination préliminaire. Leur furface fe couvre de cryftaux de vitriol martial , fur lefquels on voit s'élever, en forme de végéta- tion , de petits filamens foyeux très-ferrés , très-blancs , de la hauteur de quelques lignes. Ils fondent aifément dans la bouche & fe rrouvent être un véritable alun de plume. Nous avons fait fondre de ces fels , en certaines proportions ,; dans une bouteille d'eau de fource ordi- naire , & ils ont formé une eau parfaitement femblable à celle de la fontaine de Provins. Cette nouvelle eau en a le même goût ; fou- mife aux mêmes épreuves , elle donne les mêmes réfultats ; enfin, les applications toujours heureufes qui en out été faites depuis plufieurs an nées par les gens de l'Art dans toutes les maladies où les eaux de Pro- vins font propres , ont confirmé qu'elle en avoit les mêmes vertus, & qu'on pouvoit s'en promettre les mêmes effets. Ces fels minéraux qu'on obtient par l'analyfe fpontanée de la pyrite , étant les feuls principes aétifs des eaux minérales de Pro- vins (1j, nous ont paru devenir un objet très-intéreffant pour le a (1) Nous nous fommes affurés que les autres fubftances qui renferment ces eaux, ou font communes à toutes les eaux de fources, ou font en trop petite quantité, pour être d’ancun effer. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1x12f Public , par la facilité qu'on a de former avec ces fels, partout & fur-le-champ , une eau abfolument femblable à celle de Provins : c'eft ce qui nous a déterminés à en étudier-plus particulièrement la naiure & les proportions , à en fuivre les effets , enfin, à faire connoître tous les avantages qu'on peut en tirer. Ces fels principes de nos eaux minérales feront, fur-tout , très- utiles pour les perfonnes qui ne peuvent fe tranfporter à Provins , foit à caufe de leur peu de fortune, de leurs affaires, ou même de l'état de foiblefe où la maladie les a réduites. Ils feront d'un très-grand fecours pour les perfonnes mêmes de la ville, lorfque le mauvais tems les empêche d'aller prendre les eaux fur la fontaine, ou que les pluies ont mêlé à ces eaux une portion d'eau étrangère qui en diminue, pour un tes, les bonnes qualités. [ls peuvent encore l'hiver fuppléer aux eaux de la fontaine & confoler le malade qui, en attendant le re- tour de la belle faifon , voyent quelquefois leurs maladies empirées & fouvent devenir incurables. Ces fels n'épargneront pas feulemeat les frais & l'embarras du tran port des eaux, mais il remédieront encore à l'inconvénient qui en eft inféparable. De toutes les eaux minérales, il en eft peu qui foient plus fufceptibles de fe décompofer, par le tranfport, que les eaux de Provins , par ce que l'acide vitriolique, qui conftitue leurs fels eft fi volatil, qu'il faut l'attention la plus fcrupuleufe pour les garder fans altération; & que dans les envois un peu confidérables de ces eaux, il n'eft pas sûr de compter fur tant de précautions. Ce n’eft pas que l'érat volatil de cet acide foit une imperfeétion dans ces eaux, ainfi qu'on le pourroit croire ; c’eft, au contraire , à la divifion extrême, à la volatilité de cet acide , à fa décompofition prochaine & peut-être à fa converfion en air , qu'on doit attribuer la grande efficacité de ces eaux. Cet acide volatil a bien, comme l'acide vitriolique ordi- nairé, la propriété de tenir la terre martiale en difiolution , mais il la fait pañler & la diftribue plus promprement dans tonte l'économie ani- male : if n'a pas , comme lui , le défavantage de féjourner dans l’efto- mac, de troubler la digeftion, d'agacer & d'irriter ie genre nerveux. Enfin, fon érat eft plus favonneux, plus balfamique & plus analogue à notre nature. Cer état avantageux où fe trouve l'acide, qui conffitue les eaux minérales de Provins , eft ce qui en rend en même-tems l'ufage moins général. Il n'y a que ceux qui viennent fur le lieu qui puiffent prendre ces eaux dans toute leur bonté & en reffentir tous les bons effets. Le tranfport, comme nous l'avons dit , les dénature, leurs principes volatils fe diffipent, & la terre martiale fe précipite bientôr. Cette eau décompofée n’eft cependant pas fans quelque vertu, c’eft encore une eau mêlée d'un fafran de mars très-divifé, mais elle n'ef 1777. AOUST. * #22 OBSERVATIONS SUR LA PHFSIQUE, plus comparable à ce qu'elle étoit lorfque , fortant de fa fource, fa terre martiale étoit dans un état falin. Les fels que fournit la pyrite fauront obvier à cet inconvénient. Il eft vrai que leur acide étant de même nature & aufli fugace que celui des-eaux de la fontaine , l’eau qu'on en prépare fe décompofe en auffi peu de tems. Mais, tant que ces fels reftent fous une forme sèche , ils fe tranfportent, fe confervent en bon état & peuvent for- mer, en tout tems, en tous lieux & en toutes faifons , une eau miné- rale abfolument femblable à celle de la fontaine. Cette nouvelle eau bue fur-le-champ, aura même ce gas volatil, cet efprit aërien que les eaux de Provins ont à leur fource ; de plus, on eft sûr d'obtenir des effets plus conftans. Au lieu de fe fervir d'une eau de fource pour diffoudre ces fels , on aura la facilité de choifir une eau bouillie ou battue ; une eau diftillée , même une légère infufion appropriée. La dofe ordinaire des fels pour une bouteille , pourroit être diminuée ou augmentée, À les propor- tions des différens fels changées à volonté. Quelques-uns pourront être retranchés fuivant l'indication & l'exigence des cas : avantages précieux & qui rendront cette nouvelle eau d'une utilité plus géné. rale. La connoiffance de ces fels peut donc être regardée comme l’é- poque la plus intéreffante pour les eaux de Provins depuis leur décou- verte. Nos eaux acquièrent par-là une nouvelle exjftence ; elles fe mul- tiplient & deviennent l'eau minérale de tous les tems & de tous les pays. On ne fauroit trop répéter que cette eau minérale, formée par la diffolution des fels, n’eft pas une eau factice. Ce n'eft point ici l'Art qui, par fes manipulations toujours mal-adroites, cherche à fubftituer fes productions groffières aux combinaifons délicates de la nature. Les fels que donnent la pyrite font uniquement l'ouvrage de la na- ture ; il fuflit de lui ménager des-circonftances favorables à*leur développement. Auñfi , ces fubftances falines ont-elles des caractères qui les diftinguent abfolument du vitriol & de l’alun qui fe trouve dans le commerce. Les principes qui les conftituent font fi élaborés , & la chaîne qui les unit ef fi délicate , que leur diflolution , expo- fée à l'air libre, éprouve en très-peu de tems une décompofition totale ; ce qui arrive pareillement à l'eau de la fontaine de Provins. Des expériences nombreufes & des obfervations fuivies fur la na- ture & les effets des eaux de Provias , nous ont fait connoître les vraies proportions de leurs principes , ë&t la quantité qu'il faut des fels que fournit la pyrite pour régénérer une eau toute femblable. Ce font ces fels mêlés dans des proportions convenables & dont nous nous fommes abondamment pourvus, que nous offrons aujour- d'hui au Public. SUR L'HIST. NATURELIE ET LES ARTS. 13 PNR ER RE INAC: ES Sur l’altération de la ‘Platine par lation du nitre en fufion (r); P4ArR M. De MoRVEAUu, M Lewis a traité la platine avec le nitre, elle a fouffert dans cette opération un déchet de près de moitie; la liqueur alkaline a laiflé fur le filtre une poudre brunâtre un peu plus qu'équivalente à cette dini- nution ; & avec ce précipité, il a obtenu des fleurs de fel ammoniac martiales. Nous avons jugé , comme M. Baumé , que cette expé- rience | répétée & pouflée plus loin, pouvoit fournir quelques lu- mières fur la nature de cette fingulière fubftance : voici le réfultar de nos obfervations. Nous avons pris deux gros de belle platine, à gros grains , fépa- rée par le barreau aimanté de tout ce qui avoit pu être attiré ; nous l'avons mêlée avec une once de nitre pur , bien pulvérifé , & nous avons projetté ce mélange par cuillerées dans un creufet de grais de Bretagne, que l’on avoit fait rougir auparavant : à chaque projec- tion , il y a eu une légère détonnation qui fe manifeftoit par quelques étincelles brillantes , mais ces étincelles paroifloient plutôt fe former dans le trajet des vapeurs qui s'élevoient du fond du creufet, qu'à la furface du bain. Nous avons fait bouillir le nitre , pendant un bon quart-d'heure , quand la projeétion a été achevée , & nous avons laiffé refroidir dans le fourneau. La diffolution de la matière faline trouvée au fond du creufet, a laiffé fur le filtre la platine ternie & enduite d'une poudre noirâtre très-abondante ; elle a été féchée en cet état, & s'eft trouvée pe- fer deux gros , un grain 3; alors nous avons verfé deflus de l'acide + vitriolique redifié & très-pur ; la liqueur , étendue par l’eau diftillée (1) Ce Mémoire doit faire partie du fecond volume des Elémens de Chymie théorique & pratique, &c: de l Académie de Dijon, qui ont été annoncés dans le: Cahier du mois de Mai dernier. Le Libraire ayant été obligé de délivrer le premier volume de cet Ouvrage lors de l'ouverture du Cours, il avertit ceux qui defireront fe le procurer, fans attendre la fuite quieft fous prefle, qu’il fe trouve à Paris, chez Piflüt, Libraire, Quai des Auguftins. 1777 AOUST: 324 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & filtrée, a donné, fur le champ & abondamment, du bleu de Pruffe, par l'addition de l’alkali phlogiftiqué. La platine, décapée par cette opération, & débarraffée par les lotions d'un refte de pouñlière noire qui fe foutenoit dans l'eau, s'eft trouvée avoir perdu 9 grains 3. On a effayé ( à la vérité avec peu de fuccès ) de Concaffer cette platine reftante dans un mortier d’agathe ; elle a été mêlée de nou- veau à une once de nitre , & le mélange projeté dans un creufet rouge , nous n'avons apperçu cette fois aucune érincelle ; malgré cela, la diffolution de ce qui eft refté dans le creufet , s'eft trouvée très - alkaline , & nous n'en avons rien conclu, parce que le nitre s’alkalife feul avec le contaét de l'air; mais la platine étoit au moins auf altérée que par la première opération , l'acide vitriolique s'en eft chargé de même, la liqueur pruffienve y a formé le bleu tout auffi abondamment; l'infufion de noix de galle la précipitée au moyen de l'alkali, comme la diffolution de fer , avec furabondance d'acide ; l'alkali pur y a occafionné un précipité blanc-fâle , qui s’eft raffemblé difficilement, qui a laiffé un enduit jaune far le filtre ; enfin, la platine reftante étoit beaucoup plus terne , elle avoit perdu 30 grains 3, compris la portion que l'acide avoit prife, & la pouffère brune qui avoit été enlevée par les lavages, & qui étoit aflez tenue pour fe tenir fufpendue dans l'eau pendant plufieurs heures. Il n’étoit plus poffible de fuppofer , que la portion attaquée , d’a- bord par le nitre, & enfuite par l'acide vitriolique , füt un fer étranger à la platine elle-même ; puifqu'il eft évident qu'il auroit été calciné à la première détonnation , & que nous avions eu l'atten- tion de ne foumettre à la feconde opération , que la platine qui avoit repris le brillant métallique: cette réflexion nous a engagés à traiter une troifième fois les cent cinq grains reftants, & le réfulrat a été encore plus fatisfaifant. Le creufet ayant été tenu plus long-tems au feu, la platine étoit comme agglutinée au-deffous de la matière fa- line, & fortement adhérente au vafe , la leffive plus colorée & comme verdâtre , la pouffière noire plus abondante ; l'acide vitriolique ; bouilli fur ce qui étoit refté fur le filtre, étoit fenfiblement plus chargé , & la platine en état de métal, réduite à 35 grains, com- pris quelques écailles qui avoient l'apparence de fer brûlé, & qui étoient beaucoup plus larges qu'aucun des grains de platine. Une autre circonftance bien digne de remarque , c'eft que dans ces 35 grains on découvroit aifément, à la feule vue, nombre de paillettes de couleur d’or, tandis qu'auparavant nous n’en avions apperçu aucune; même avec le fecours de la loupe. La couleur brune très-foncée de la derniere diffolution vitrioli- que ; Le ; En Do D D CO . sit s a alta à Dont SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 15 que , nous a engagés à en tenter l'évaporation; la liqueur a dépofé une matière faline noire très-abondante, très-acide, mais qui n’avoit aucune forme déterminée. Pour aflurer ces expériences, nous avons fait digérer dans l'eau régale la pouffière noire qui avoit été féparée par les lavages; elle a fourni une diflolution paflablement chargée, qui avoit tous les ca- raétères d’une diflolution ordinaire de platine, qui a donné fur-le- champ un beau précipité jaune-pâle, par l'addition de la diffolution de fel ammoniac, ce qui n'arrive pas à la diffolution de fer dans le même acide mixte; la liqueur pruflienne faturée, l'a colorée en verd, & la fécule bleue a été plufieurs jours à fe raffembler. Mais l’eau régale avoit laiflé encore plus des trois quaris de la pouffière noire, elle pouvoit n'avoir diffous que quelques parcelles de platine fimplement atténuées, & non altérées, qui étoient mé- lées à cette pouffière; c'étoit là le point important à acquérir , avant que de décider que le nitre avoit, en quelque forte, décompofé une portion de platine; pour cela, nous avons repris le refte de cette poufière, nous l'avons fait digérer plus Jlong-tems & avec une plus grande quantité de la même eau régale, & nous avons eu la fatisfaétion de voir que la liqueur filtrée n'avoit pris qu'une foible couleur de diffolution d'or; qu'elle ne tenoit plus de platine, puif- que la diffolution de fel ammoniac ne l'a pas même troublée; qu'elle ne tenoit point d'or, puifque la diflolution de vitriol martial n’en a rien précipité; enfin, qu'elle tenoit un peu de fer, puifque la liqueur pruffienne y a produit du bleu, & que l’alkali fixe y à occa- fionné un précipité d'un blanc fale , qui s’eft raffemblé au bout de quelques heures. Ainfi , il eft démontré que la platine peut être entièrement calci- née par ce procédé; que le nitre en fufion l'attaque, quoiqu'il n'y ait aucun figne de détonnation; qu'elle eft après cela foluble en partie par l'acide vitriolique ; enfin , que cette diflolution préfente les. mêmes phénomènes que les diffolutions des chaux de fer par le même acide. Ces expériences mettent hors de doute l'opinion de M. le Comte de Buffon fur ce nouveau métal. MESA F4 Tome X, Part. IL. 2977. AOUST. KR 126. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; SPA DESIRE RETENIR L E T da R E ADRESSÉE A L'AUTEUR DE CE RECUEIL, Par M. POITEVIN, dela Société Royale des Sciences de:Mont« pellier, fur la quantité de Plure qui tombe annuellement dans cette Ville. ; V. TRE Journal, Monfieur, étant principalement deftiné à raf- fembler des faits qui ne fauroient être trop-tôt connus des phyfi- ciens , je crois devoir vous communiquer quelques obfervations! fur la quantité de pluie qui tombe annuellement à Montpellier. Une Ville célèbre, où les Sciences fontr'cultivées depuis long-tems , & qui, .par la réputation de fes Médecins & par la douceur de fon climat, attire une foule d'Etrangers qui viennent y chercher la fanté & la vie, mérite fans doute, à beaucoup de titres, une place diftinguée dans Ces faftes météorologiques , dont l'Europe favante abonde ; fi intéreflans par les réfultats qu'ils préfentent aux phyfi- ciens, & dignes fur-tout, de fixer l'attention de ceux qui aiment a connoître & à comparer les climats. Il paroît que dès l'origine de la Société Royale des Sciences , plu- fiéurs de fes Membres s'occupèrent à faire & à ramafler des obfer- vations météorologiqties, & ce travail utile a pañlé fucceflivement en différentes mains (1), mais on avoit négligé la détermination précife de {a quanrité de pluie, qui eff d'autant plus néceffaire, que l'alternative de l'humidité & de la féchereffe, bien obfervée dans Chaque climat, doit contribuer le plus à le caraétérifer & à le faire connoître. | s La Société Royale ayant voulu réparer cette omiffion, elle char- gea, en 1765, M. Romieu, l'an de fes Membres, du foin d'ob- ferver la quantité de pluie ; miais la mort decet'Académicien (2), ES r- w (1) M. Mourgue, Membre de la Société Royale, tient aujourd’hui un journal très-exa@ des variations de latmofphère : nous lui devrons un jour une belle fuite d’obfervations de ce genre ; mais il w’a point d’udomètre, & je lui commu- nique tous Jes mois les obfervations que j'ai faites furla quantité de pluie, qu’il infére dans fon Journal. (2) M. Romieu, mort à la fleur de fon âge, a laiffé un grand nombre d’Ob- fervations & de mémoires, dont la plupart paroîtront dans le Recucii dela So- } N ‘ . PT L 3 3 e\NVE à 0 À e 2) MO L * _ k SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 127 artivée en 1766, a produit une lacune fur les derniers mois de cette année ; remarquables par des pluies extraordinaires. Chargé de le remplacer, j'aicommencé à obferver dès le premier Janvier 1767, & jai dix années d'obfervations non interrompues ; qui forment une ‘Table inférée à la fin de cette Lettre. Certe Table fer à déterminer la quantité moyenne annuelle, que je: trouve de 28 pouces 8,:65: lignes. On peut déduire auffi des ob- fervations qu'elle renferme , la quantité moyenne de chaque mois , exprimée en lignes & en décimales de lignes, que l’on trouvera dans la petite Table fuivante , avec le nombre moyen des jours pluvieux. Hs ee nee e ———————" Nombre moyen des ” Mois.s Quantité moyenne. 266". UC jours pluvieux. en de Gt nd 2 Du S'ÉRA 55 Ÿ L Lgn. TERME Re 3 UD de el retro JR Fésribbuus spot land nr8s2l. cé oc quel asigetg Mars ce Len ene This ée 7 ANAL A RL PS MNTAS Ale ee CR EEK! | Mas ES A le 4 426 DELL BIPNRTE 18 à 8" Jon REC NE Ts aa Se LS Pb: Lo AT NIE- ia KETES oi 0 AO TOME ME Ve GROS ARRENE VE ADR AEOES LORQE ES SERRE | Septembres Mi, 2-15325000 A RUNE 18 50 Lee à 2852 > | Novembre . . , . "0027980809 ME, Q Ou ss U Décembre. .… ere 7 E-g Or see —— SOMMES, “sis dd 20e sense 179 C3 EEE ——— ee — — | On voit qu'il y a, année commune, 79 jours pluvieux à Mont- pellier : les vents qui. amènent les pluies les plus abondantes, ciété Royale. Né avec un goût décidé pour les fciences phyfico-mathématiques & fur-tout pour lacouftique , il les a cultivées avec fuccès. Sa maifon étoit le rendez - vous de ceux à qui les Séances académiques ne fufñfoient pas pour È 1777. AOUST, R2 -128 OBSERVATIONS SUR LA |PHYSIQUE ; font le Sud, le Sud-Eft & l'Eft Nord Eft. Cette Ville, placée dans un réfervoir, bornée d'un côté par la mer, & d'un autre par les montagnes du Rouergue & des Sévennes, éprouve tour à-rour de longues féchereffes, ou des pluies excefives. Je n’entrerai point dans l'examen de plufieurs faits: particuliers qui n'intéreffent que les ha- .bitans mêmes decette Ville : ce: feroit pañler les bornes d'une fim- ple Lettre; je la terminerai en rapportant quelques réfultats que mes obfervations m'ont préfentés en faifant des recherches fur l'influence lunaire , confidérée comme caufe générale des grandes variations de l'athmofphère. Vous-favez. Monfieur, que cette hypothèfe, embraffée par plu- fieurs Phyficiens, & en particulier par M. Toaldo, célèbre Profef- feur de Padoue, a acquis, entre les mains de ce Savant , une proba- bilité fingulière (1). Curieux de connoître les rapports que les pluies pourroient avoir avec les points lunaires les plus remarquables, j'ai donné à mon Journal la forme néceffaire à cette recherche : j'ai eu foin d’y marquer les jours de la Lune, & d'y noter les quatre Phafes principales , l'apogée & le périgée, les deux luniftices & les deux équinoxes. Voici les rapports que j'ai trouvés, dans lefquels le premier nombre repréfente celui des jours pluvieux, ë& le fui- vant, le nombre des jours fans pluie. Nouvelle Lune. . . +: : 1 : 3% Pleine Lune. . . . . 1 : 4 Premier Quartier . . . . 1 s5 Dernier Quartier. . . 1 : 3% Péripée NAN CA MONO ete 3% Aboscehe let: Dee le in _ Luniftice auftral . . . . 7 s3 Luniftice boréal . . . . 1 : 45 Equin. afcendant. . HUE ROME Equin. defcendant . . 1: SX D contenter cette avidité de s’inftruire , qui cara@érife les vrais travailleurs, &t il méritoit de les recevoir par le penchant prefque excluff qu'il avoit pour les ob- jets quiintérefloient la Société Royale. Son cara@tère lui donnoit de nouveaux droits à l’eftime de ceux qui fe raffembloient chez lui. J'ai cru devoir faifir cette occa- fion de payer un léger tribut à la mémoire de cet Académicien, dont l'éloge, devenu néceflaire, fubfiftera lors même que fes amis ne feront plus. (1) Voyez le Traité de cet Auteur, Della vera influenga degli afri, &c. “ once th rte SUR L'HIST NATURELLE ET ILES ARTS, 119 On peut remarquer , en jettant les yeux fur ces rapports qui font l'expreffion abrégée de dix années d'obfervarion, que le mouvement en déclinaifon de la Lune, paroît annoncer la durée ou la ceflation de la pluie, felon qu'elle eft boréale ou auftrale. Si le tems eft pluvieux, & que cet aftre defcende vers l'équateur, la probabilité pour le changement de tems, augmente & devient d'autant plus grande, qu'il eft plus près du luniftice auftral. On peut faire des obfervations femblables fur les quatre Phafes, parmi lefquelles on trouvera les quadratures moins pluvieufes, en général, que les fy- zygies. Les apogées le font un peu moins que les périgées; mais cette différence eit très-petite. On pourroit objeéter qu’en examinant les rapports apparens des points lunaires avec toutes les pluies obfervées pendant dix ans, il auroit fallu rejeter celles dont les caufes font évidemment locales, comme de légères bruines , &c., & ne tenir compte que de celles qui étant le produit des grands mouvemens de l'athmofphère , ou remarquables par la quantité ou la durée, peuvent être rapportées avec plus de fondement à une caufe générale , ce qui la feroit mieux connoître fi elle exifte. Je répondrai, 1°. qu'en excluant ainfi un certain nombre de phénomènes de la foule de ceux du même genre, que l'on a confignés dans un Journal, ce feroit leur donner un cae raêtère diftin@if, en leur affignant des caufes particulières, & qu'on doit fe méfier d'une pareille méthode qui ajouteroit aux erreurs pofibles dans l'obfervation , l'incertitude du jugement : 2°. qu'en faifant des recherches de cette nature , les obfervations, les moins importantes en apparence , doivent être mifes en ligne de compte, & que l'hypothèfe que l'on a embraffée, n'étant au fonds qu'une conjedture, elle ne fauroit être vérifiée d'une manière fatisfaifante, qu'en employant tous les faits. Un fyftêème quelconque doit être examiné avec le fepticifme le plus rigoureux: il nuiroit aux progrès de nos connoiflances, s'il faifoit négliger l'obfervation qui peut feule le détruire ou le jufti- fier. Ceux qui adoptent avec trop d'emprefflement une conjeéture brillante, s'égarent à coup für , s'ils préférent au foin pénible d'ob- ferver, le plaifir tranquille de croire fans examen. Quant à ceux qui rejettent abfolument tout fyftème, ceux que le mot effraye, 0 imprimé en 1770, & fon Mémoire couronné, en 1774, par la Société Royale de Montpellier, & imprimé en 1775. Comme ce Mémoire eft trop peu connu en France, il fera imprimé dans le Cahier de Septembre prochain. . 1777. AOUST. x30 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, il faut leur confeiller de lire l'excellente Préface que M. de Mairan a mife à la tête de fa Differtation {ur la Glace. Je reviens, Monfieur, aux effets de l'influence lunaire, tels que mes obfervations paroiflent les indiquer. M. Toaldo avoit déja remarqué que la révolution de l'apogée lunaire, qui eft d'environ neuf ans (1), ramenoitfles marées & les mouvemens extraordinaires de l'athmofphère dans le même ordre. En jettant les yeux fur mon Journal, je vois les pluies du mois de No- vembre 1766, qui causèrent tant de défaftres à Montpellier & aux environs, ramenées à la fin de Septembre 1775. L'intervalle eft de huit ans dix mois & quelques jours. Ces dernières pluies détruifirent la récolte des raifins; il tomba, du 25 Septembre au 5 Oétobre, 10 pouces 4 lignes d'eau. Les pluies affez confidéra- bles du mois de Février dernier (1777 ), répondent à celles de Décembre 1768. Enfin, l’année 1767, qui a donné 24 pouces 3, 7 lignes, paroît fe ranger fous cette loi, & fe reproduire en 1776, dont la quantité eft 24 pouces 1, 13 lignes, fenfiblement égale à la première, après une période de neuf ans. Voilà le fyftème de l'influence lunaire, ou pour emprunter d’au- tres termes, le principe provifionnel de M. Toaldo, appuyé fur de nouveaux faits. J'ai l'honneur d'être, &c. (a) Où plus exaétement de 8 années communes & 311 jours: mais ici, la précifion aftronomique eft inutile, on "éme tte am mette de. cn ne 0 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13r p——————_— a, | TABLE des Obfervations de la quantité de pluie tombée à Montpellier, depuis 1767 jufques en 1776, mois par mois; | Par M.Porrevin, de la Société Royale des Sciences | Ge. | | Les Chiffres qui font placés à la droite des virgules, expriment des feigtemes. 1767. 1768. 1769. 1770. 1771. pouc. lign.| pouc, lign.| pouc, lign.| pouc. lign.| pouc. lin. lanvier ob rx, olalio,t7lh7dtro;r4lio io | 4603; rr Février:.| x +11, 0) 0, 4,10 0 9,10 O 4,15] 3 6,3 Aars. . OR L0 | OS Arte LATE, 2| 2 Sy2P 211 450 Avril... o 7,15[1 6,0) 1 $,14/ 0 2,14 2 0, 8 Mare 2 ZT T7 leu 40) 21,10: o|1 6, © idole: EH NOMME 213,2 38 PRÉNOM OC TR 2 TA 2 5,16 [NO 3, LE OPEN AAC) ErS TEE TERRES No RE IE MOUSE Gr; Septembre| o ‘1,710 7,2/%1 2,11, Oo 9, $| 4 8,14 Oôbrerfermw #, 10h60 72e 03, 2f rw r;r3|10 5! 3,10 Novembrel o 5,14 0: 7,10) 3 7,110 8,121 0! 6, Décembrelir 10,1$|11 10, 6] 2 Zx1,15| 1, 11, 7] 7 L 10,2 Sommes.…|24 3: 7138 4, 6 1772. 1773: 1774 1775: 1776. pouc. lign:| pouc. lign.| pouc, lign. | pouc. lign. | pouc. lign. Janvier…..| 3 9:14] 0 4, 8] 2. 0,14] 3 2,13| 4 6, o Février... | 3 6,712 10,:1|0 21402}, O|NT ST Mars DESIRE | 27 TS OS 7 00 5,15 | Avril I 7 7 ON 7 TAN 5,010 6,140 8,10 MA re 3 9714 0,416 4,210 9,4[0 8,0 | Juin... Jo °o,r4l 2 11,10! 3 Mean LS 2 Juillet. ..| 1 1,10| O pal:o! 21B;r0l:0.s1h6;15[0 TS | Aoùtir. Morts is NOops2r0,1Sl51 3, 6/3 2,15] o 10, 6 Septembrel $ 5,83 410 o 41218 2,44 6,13 O&obre..| r 8, 4 OMS O2 6 T0 7, 46).4e 07,53 Novembre] 7 4, AT, OO 7121. 040;1010 Lg” Décembreliz 1,14] 2 2, 6] 4 2,13] 1 11, 3| 2 1,14 ——_———_——— À ——_—_—_— | ——* | — SOMMES|43 1,11/27 11,126 2, 6/29 8, 2/24 1,13 1 gs to 00 à JL, BOSS RORSLRE EUR Pre Pl PRLIEIE RP EE EL EE 7 LEUR: RUE) SÉSANPSENURS me 3 Er Année moyenne, conclue par un milieu entre dix ann... 28 pouc. 8/:lign. LP 2 132 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; CSSS SSSR AE EPS SR OS RC 7 SCENE D 2 ERP STANDS T'ES REV MPONNNONSME fux Obfervations de M. DE SonniNi DE ManoNCouUrT, Sur les Serpens de la Guyanne, inférées dans le Cahier de Décembre 1776; Par M. DE MArCENAY DE Guy, Capitaine d'Infanterie, & Commandant du Quartier de Sinamary, dans la Guyanne Françoife M. De Sonnini s'eft formé des chimères pour avoir le plaifir de les combatre: il a vu par-tout une armée innombrable de reptiles, de fcrpens, l'effroi des habitans & des voyageurs; cependant il eft très-rare d'en trouver foit dans les chemins , foit dans les bois : peu de Blancs, ou Indiens, ou Nègres, en font mordus, ou du moins ces fä- cheux accidens n’y font pas plus communs qu’en France. Au moindre : bruit, le ferpent fuit, & la grage & le ferpent à fonnette ne mor- dent que lorfqu'ils font bleffés ou foulés aux pieds, c'eft le cas de la défenfe naturelle. Le grand nombre des perfonnes qui ont parcouru la Guyanne, n'y ont point vu ces énormes & effrayantes peuplades de reptiles & animaux vénéneux; comme on ne s'accoutume pas aifément à ce genre de fpectacle , il devroit également frapper les yeux de tous les habitans. Quel beau champ pour l’Auteur, s'il eût voyagé dans les grands marécages ou favannes noyées (ainfi qu'on les appelle dans le pays), qui font fitués entre la rivière d'Oyapock & celle de Cachi- pour; c'eft là qu'il auroit vu des caïmans en grande quantité & d’une belle groffeur, & fon imaginarion portée au terrible merveilleux , auroit eu l'effort le plus vafte. L’'Auteur auroit dû obferver la pratique des Indiens & il les au- toit vus, la flamme à la main, incendier les marécages & les favan- nes, afin de réduire en cendre les joncs & les autres plantes qui les recouvrent. On ne peut nier que cet incendie ne détruife un grand nombre de reptiles, puifque la flamme communiquée à des herbes sèches, fe propage avec une rapidité étonnante, fur-tout , lorf- qu'elle eft excitée par la brife ou vent de large qui règne toujours avec force dans le tems de la plus grande féchereffe. Les Indiens font cette opération pour débarrafler les favannes des joncs & autres plantes qui en rendent l'entrée trop difficile, Dans RO =. + LT ri fn RER ue SUR L'HIST. NATUREIIE ET IES ARTS. 13 Dans le tems fec, les eaux fe retirent & il n'en refte que dans quel- ques trous où le -poiffon fe jette. C'ett pour approcher avec facilité de ces petits étangs ou réfervoirs ; c'eft pour en prendre les poiflons, les petites tortues appellées racaca , & les grofles grenouilles nom- mées pipa , que les indiens mettent le feu à tout ce qui les environne. Les Officiers qui ont commandé des détachemens dans les diffé- rentes parties de la Guyanne , & qui ont pénétré aflez avant dans les terres, ne penferont pas comme M, Sonnini, & ne fe font jamais trouvés dans le lieu où il y avoit une convocation générale des reptiles pour former une confédération contre les malheureux habitants de cette contrée. La morfure des ferpens eft fans doute très-dangereufe , fait des ravages affreux , caufe la mort fi on n’eft pas fecouru ; mais avant que M. de Jufieu eût découvert les propriétés admirables de l'eau de Luce , on traitoit ceux qui étoient mordus , avec des remèdes tirés du règne végétal , & ordinairement, les feules perfonnes , trop tard adminiftrées, en mouroient. Eft-il donc furprenant qu'on fe ferve encore aujourd'hui dans la Guyanne des mémes fecours em- ployés en Europe! Ainfi, fans s'arrêter aux plantes que l'Auteur cite comme des remèdes vains, elles ne font telles qu'autant que des mains inhabiles les préparent & les adminiftrent. L'ouangue n’a jamais été confidéré dans ce pays que comme un remède propre à retarder le progrès du venin, & non comme curatif, Dès qu'on connut l’eau de Luce à la Guyanne, on a abandonné des autres trai- temens ; elle y a êté apportée par MM. Noyer & Bajon, Chirurgiens de Ja Colonie, & quiy exercent leur Art avec diftinétion. Ils en diftri- buèrent à quelques habitans , & de ce nombre furent plufieurs Créo- les. M. Sonnini fut témoin avec moi de l'expérience faite à Sina- mary ; en préfence de M. le Gouverneur , fur un Nègre mordu d'un ferpent. Le Gouverneur indiqua l'eau de Luce , il en remit au Chirurgien du Pofte qui, inftruit de fon Art, fe garda bien d'en donner une pleine cuillerée à café, comme M. de Sonnini le recommande , mais feulement dix à douze gouttes ; fans cette pru- dente circonfpeétion, le Nègre en feroit mort. Le malade fut cou- vert & tenu très-chaudement, une fueur confidérable furvint, quatre heures après , la fièvre difparut, & le lendemain il fut en état de marcher. C'eft fort mal-à-propos que l'Auteur appelle le rebut de leur pa- trie , la plus grande partie des François de cette Colonie; cette exprefion eft injufte. Ce rebut, cependant , connoît , & ce qui yaut encore mieux, pratique avec zèle toutes les vertus fociales. C'eft au milieu de ce rebut, que l'Auteur a trouvé l'hofpitalité la plus tendre , des cautions à fon départ. Si l'habitant n'eft pas riche, il Tome X , Part. II. 1777. PROIUIS TMS 134 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; eft , au moins, vertueux, humain & généreux. Ses enfans n'ont pas, il eft vrai, une brillante éducation; mais eft-ce leur faute , ou plutôr, ne font-ce pas les moyens feuls d’inftruétion qui leur manquent , puifqu'ils ont toutes les qualités néceffaires pour en profiter, lorf- qu'ils leur feront offerts ? & qu'il y en a beaucoup d'exemples, fur- tout ceux qui font venus en Europe, qui font en affez grand nom- bre. Ce qui étonne le plus, eft que lAuteur n'ait fait aucune diftindtion entre les habitans, & que tous foient l'objet de fon mépris. Il ya des Créoles ignorans & foibles qui ont confiance , il eft vrai, dans le charlatanifme des Nègres. Le nombre n’en eft pas fi confidérable qu'on le fuppofe, & quand il le feroit, quelle diffé- rence y auroit.il entre les habitans de la Guyanne & ceux des grandes villes de France & même des campagnes? le peuple n'eft il pas peu- ple par-tout , & d'un pôle à l'autre , ne le voit-on pas courir après ces aventuriers , dont les poches font remplies de prétendues recettes contre tous les maux ? Cependant, ce peuple éclairé eft circonfcrit de toute part, des fuppôts en tout genre de la faculté. Les Euro- péens font donc auffi fots que nos foibles Créoles & nos Nègres. Sujet admirable de déclamation pour celui qui voudra prendre la peine de tourner tout en noir. L'infertion & l'application ridicule des remèdes, dont parle M. Sonnini , fe font toujours à l'infçu des Maîtres, ou s'ils les tolèrent , c'eft uniquement pour tranquilliler leurs efclaves. C’eft encore jouer fur le mot, que de dire que les habi- tans Créoles croient que les ferpens ne mordent pas, mais qu'ils piquent avec leur langue. Nouvelle conformité avec le peuple de tous les pays. Les peintures , les images repréfententla gueule de ces animaux armée d'un dard triangulaire , il n'en falloit pas davantage pour les entraîner à l'erreur ; aufli cette manière de s'exprimer eft auf générale en France qu’à la Guyanne. La plupart des habitans ignorent encore que la famille Kercove pofsède le fecret de piquer pour préferver de la morfure des ferpens. Les perfonnes qui ont le plus de liaifon avec cette famille , n’ont jamais eu aucune connoiflance de ce don admirable qu'on lui attribue & qui tient du fortilége , ou du moins , du merveilleux. L'Auteur , fur ce point comme fur beaucoup d'autres ; au lieu de prendre des informations fur les lieux mêmes, ne s'en eft-il pas un peu trop rapporté au témoignage du père Labat ? Ce qu'ily a de certain, c'eft que la plupart des Blancs Créoles & beaucoup d’Européens , regardent comme fourberie & charlatanifme les fecrets des Nègres & leur méthode dans le traitement des maladies. Ce font des points de fait qu'on ne fauroit détruire par de fimples déclamations dénuées de preuves. C'eft sûrement à fon peu de contoiffance des Indiens que l'on doit attribuer le filence de M. Sonnini fur les Médecins ow SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 136 Pyoyeu des Indiens. Il avoit cependant matière à un volume entier rempli de merveilleux. Examinons actuellement fi d’autres points de fait qui ne tiennent pas à l'imagination , font plus véridiques; il dir qu'on peut, par les faults du Camoupy, aller chercher des récoltes de cacao dans des forêts immenfes de l'arbre qui donne ce fruit |, & qui fe perd & fe pourrit par la nonchalance des habitants. Si l'Auteur avoit été à Camoupy, il auroit reconnu , à l'infpeétion du local, 1°. que les frais de récolte & de tranfport auroient été plus con- fidérables que le produit ; 2°. que des faults & des cararadtes effrayantes ne permettent le paffage qu’à des canots très-petits | & par conféquent , peu propres à porter des charges ; qu'il n'y a point de forêt de cacaotiers , mais feulement quelques arbres épars çà &là & en petite quantité proportionnellement aux autres arbres de diffé- rentes efpèces. Ces récoltes ont été quelquefois faites par des habi- tans de la Guyanne, lorfque le cacao valoit 2 à 3 liv. la livre, mais à préfent qu'il ne vaut plus que 10 à 12 fols , la dépenfe excède le produit. Ce n’eft donc pas par nonchalance que cette récolte eft négligée , mais parce que l'intérêt, ce grand moteur pour le travail, n'eft pas affez puiffant. M. Sonnini qui cenfure , très-mal-à-propos le Gouvernement de la Colonie fur la Police qui y règne avec toute la vigueur que l'on doit attendre des Chefs zélés , aétifs, intel- ligens, & fur-tout, humains & défintéreffés | & fur leur peu de foin pour la confervation.des hommes , auroit dû fentir que fi ce Gouvernement s’étoit livré à fon entreprife , il auroit fallu lui four- nir un grand nombre d'Indiens tous les ans, foit pour faire la cueillette du cacao , l’apprêter ; foit pour conduire les canots au travers des faults. Une befogne de cette efpèce auroit fait périr plufieurs de ces Indiens , & auroir tellement dégoûté les autres, qu'ils fe feroient éloignés de nos établiffemens , de manière à ne plusles voir. Ce Gou- vernement qui a intérêt de les conferver pour des opérations de fervice auprès de nos poftes , a dû s’y refufer. Il devoit plurôt conferver un peuple libre , maintenir {a tranquillité, & fi on veut même, ref- pecter fon indolence. Au lieu de blâmer ces Colons noirs ou blancs, ne devroit-on pas plutôt les plaindre du peu de fuccès qu’ils ont eu ? Leurs travaux ont, pour le moins, été auffi multipliés que dans les autres Colonies , fuivis avec autant d'affiduité que de conftance; mais la nature du fol n’a pas répondu à leurs defirs & à leurs peines. Lorf- qu'ils auront affez de Nègres pour deffécher les terres bafles , des Artiftes bien payés & récompenfés à-propos , un bien-être afluré pour leurs femmes & leurs enfans ; lorfque ces habitants , à l'imitation des Hollandois , feront en état de conduire les travaux , alors on verra cette Colonie profpérer & le difpurer aux autres en bonté & 1777 AOUST. S2 12 136 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; en population. L'on doit tout efpérer du Miniftre qui nous gouverne ; fes vues bienfaifantes commencent à fe diriger vers cette partie, & nous touchons au moment, où, par des encouragemens réels & effec- tifs , les habitants de la Guyanne pourront deflécher les terreins inondés , & à l'exemple des Hollandois, y trouver des richefles plus sûres & plus durables que les mines du Potofi. LsEvbes Tech E De M. l’Abbé Drcquemare , à l’Auteur de ce Recueil , fur un Iris fingulier ; Er Extrait d'une autre Lettre fur la variation du Thermomètre, & le froid éprouvé à Fécamp , dans le mois de Juin dernier. Mrs: vous vous perfuaderez aifément qu'il refte encore beaucoup d'obfervations à faire fur le beau phénomène célefte connu fous le nom diris ou d'arc - en - ciel | dont Antonio de Dominis, Defcartes, de Chales , Newton, Jean Bernouilli, de la Chambre, &c. ont favamment écrit. Plufieurs de ces phénomènes, par leurs figures ou leurs pofitions refpeétives à l'égard du Soleil , femblent avoir dérangé quelques fyftêmes ; de ce nombre, font ceux qui furent obfervés par Pic de la Mirandole, l'Efcale , Fromont, Licétus , de la Chambre , Paradie , Rondel, &c. auxquels on peut joindre le joli phénomène que je viens d'appercevoir en me promenant. Vous connoiflez, Monfieur , le lieu du Soleil au Häâvre, le 18 juin 1777; à 7 heures 30 minutes du foir ; il ne me refte donc plus qu'à vous décrire le phénomène qui étoit un peu plus élevé & juftement à l'Oueft, & d'y joindre un petit tablean ( figure s , planche 2 ), afin de vous en donner une idée plus claire. C'étoir, comme vous voyez; fur un nuage léger, un petit iris en zigzag, dont on ne voyoit bien diftinétement que le verd & le rouge : cette dernière couleur étoit du côté du foleil. Une gloire compofée des mêmes couleurs & dans le même ordre , couronnoit le nuage qui paroifloit au travers de Piris. Le tout enfemble formoit un groupe tendre & fort agréable. J'abufe, peut-être un peu, de la liberté de ne dire dans une lettre que ceux que l'on veut; mais je craindrois de prévenir mal-adroitement Jes réflexions que ce phénomène , auf joli que fingulier , pourra vous fuggérer : vous favez d’ailleurs combien je fuis occupé. SUR L’HIST. NATUREILE ET ILES ARTS. 137 Tous les Phyficiens favent que le thermomètre varie quelquefois autant à Paris en un jour, que pendant une année en d’autres climats; par exemple, à l'Ifle de Bourbon, ces viciffitudes Influent beaucoup fur les opérations de la Nature, comme la végétation, l'économie animale , & nous intéreffent d'une manière particulière par rapport à la fanté; en conféquence, nous voyons avec plailir le tableau gé- néral que vous nous en préfentez de tems en tems..Si Paris doit être pour nous, à quelques égards, un terme de comparaifon , un point de réunion, il ne doit pas être le point unique d’obfervation , parce que le thermomètre varie fouvent plus en un jour dans des pays qui font par la latitude de Paris, ou à-peu près, qu'il ne fait dans cette Capitale en plufieurs mois. On éprouve quelquefois dans une faifon , le froid ou la chaleur qu'on n’attendroit que dans une autre : en voici une exemple. La nuit du 10 au 11 Juin, ila fait affez de froid dans les vallées & les bois d'Eftrerat , de Hogues , Fécamp & autres lieux du gouvernement-général du Hâvre, pour que l'eau s'y foir glacée , & que tous les champs aient été couverts de gelée blanche , gelée même après le lever du Soleil , auffi forte que dans l'hi- ver. Un thermomètre que je porte toujours en voyage , eft defcendu, dans la chambre où j'étois couché ( vallée d’Eftretat) à $ degrés de dilatation. Toutes les jeunes pouffées des chênes & les fougères ont péri dans ces vallées & ces bois que j'ai parcourus , ce qu'on ne fe fouvient pas d’avoir vu en cette faifon : cependant , des plantes qui paroifloient fort tendres, n'ont point fouffert ou n'en ont reçu au- cune altération fenfible. J'ai l'honneur d'être , &c. FR EN Eu Ales ET D'une LETTRE de Londres , au fujet du coup de foulre qu'a reçu la Maifon des Affémbléés ( Board-Hourfe ) à Purflet ; fitué à quatre ou cinq lieues de Londres , lieu où font cinq Magafins à poudre, à la diftance l'un de l'autre de 450 pieds Anglois. La Société Royale , informée de ce fâcheux évènement, a envoyé des commiflaires fur les lieux pour examiner les circonftänces du fair. [ls ont fait leur rapport le 19 Juin. Voici la defcription du local. La maifon cd, ou falle des affemblées , à Purflet, eft placée fur 1777. AOUST, #33 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; le penchant d'une colline, à la diftance de 450 pieds environ de cinq magafins à poudre eee: le fommet de leur toit eft à peine au niveau des fondemens de la maifon c d. Le toit de celle-ci , ainfi que toutes fes éminences mno , mu, MY) cft couvert de plomb. Au milieu de mn eft un conduéteur y : autour de ce toit, règne un parapet ww, couvert de pierres de taille , attachées les unes aux autres par des crampons de fer tttt, fcellés, fuivant l'ufage, avec du plomb fondu. En dedans du parapet , une gouttière de plomb ;w0 , en fait le tour; elle fert à décharger les eaux dans un tuyau de métalR, qui communique au puits F. Les crampons de fer qui fcellent les pierres à cette gouttière , n'ont point de communication métallique , ce qu'il eft effentiel d’ob- ferver. Car un nuage chargé d'électricité , qui s'éléveroit du côté du NordEft, auquel le coin de la maifon marqué w , eft expofé , ne manqueroit pas d'être attiré par la montagne: dans fa route , il frapperoit ce côté de la maifon avant d’être parvenu au conduéteur y » qui en eft à 46 pieds ; c'eft ce qui eft arrivé effeétivement ; le nuage a lâché un coup fur un des crampons près de w; comme la foudre n'y a pas trouvé de continuité métallique, elle a fauté à un coin de la plaque de plomb, qui en éroit éloignée de 7 pouces environ, & ellea continué fon chemin jufqu’au tuyau R, par le- quel elle a defcendu dans le puits F. Les Commiffaires de la Société Royale ont trouvé le plomb du crampon fur lequel le coup a frappé, fondu : le coin de la gouttière de plomb la plus voiline, étroit fondu aufi. Les briques & les mor- ceaux de la muraille intermédiaire, étoient tombés en bas. De cela, on tire les conclufions fuivantes. 1°. Les conducteurs métalliques qui ne font pas pointus, mais émouflés, comme étoit-le crampon du toit de la maifon dont il s'agit, attirent & reçoivent de plus violens coups de foudre , ce qui détruit l'affertion de ceux qui prétendent que les conduéteurs émouffés font préférables aux pointus. 2°, Si la foudre trouve du métal, elle s'y décharge fans faire d’au- tre mal: dans le fait dont il eft queftion, les briques qui fe trou- vèrent dans l'efpace de 7 pouces compris, entre le crampon de fer & la gouttière de plomb, ont été emportées, & ce mal, le feul que la foudre ait fait, ne feroit pas arrivé, s'il n'y avoit eu mal- à propos une folution de continuité entre les métaux. 3°. On ne fauroit donc avoir trop d'attention à faire une bonre communication métallique entre tous les métaux, avec lefquels on couvre les bâtimens que l’on veut préferver de la foudre, & entre ces mêmes métaux & le tuyau qui fert à la conduire dans la terre. RS gen. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 139 La Société Royale avoit confeillé , en 1772 , de mettre fur les bâtimens de Purflet des conduéteurs métalliques pointus : cepen- dant , les Commiflaires qui y ont été à l'occafion du coup de foudre que la maifon des affemblées a reçu, ont ohfervé que le fommet de chaque conduéteur étoit couvert d'une efpèce de chapiteau , ou bonnet de cuivre , fi émouflé, qu'on ne pourroit pas y faire dé- charger une bouteille chargée d’éleétricité , fans un fort éclat ou une étincelle très-vive, ce qui n'arrive pas quand on fe fert d'une pointe mètallique ; car alors, la bouteille fe décharge prefque en filence & fans éclat, L'avis des Commiflaires de la Société Royale , eft de don- ner au fommet des conduéteurs de Purflet, une forme triangulaire, afin qu'ils puiffent offrir latéralement des pointes pour décharger les nuages éleétriques , que le vent y peut amener de côté. Dans le Courier de l'Europe, N°. 6, il eft fait mention d'une Lettre de M. Wilfon à la Société Royale de Londres , dans laquelle on lit ces mots: » On ne peut tirer aucun avantage de ces con- » duéteurs , qui répugnent , fuivant moi, aux vrais principes de la » Phyfique , & aux vrais intérêts de la Société en général ». Cette affertion étonnante a donné lieu à la Lettre dont on vient de publier un extrait, pour empêcher le Public d'être trompé fur un article auffi important, & pour l'engager à avoir recours à un pré- fervatif , dont on eft redevable au célèbre M. Franklin , dont les travaux & les occupations ont toujours eu pour but général le bien de l'humanité. SHÉUM PH PD'L ES SEM EuNS D'EXPÉRIENCES ET OBSERVATIONS Concernant la Fabrication de l'Huile de Vitriol; Par M. DE LA FozutE , de l'Académie de Rouen. D: les détails que je donnai dans le Journal de Phyfique du 8 Oëtobre 1774, pag. 335, jai reçu des lettres de diverfes perfonnes qui ont travaillé fur cer objet. Les unes ont réuffi ; d’autres ont été arrêtées par des obitacles; fur-tout , celles qui ont voulu adoprer l'ufage du poële, & qui ont eu une quantité de foufre fu- blimé, parce que la chaleur étoit trop violente , & que l'air ne re 1777. AOUST, 140 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, renouvelloit point fuffifamment par lorifice d'un tuyau, dont le diamètre trop étroit , n'étoit point proportionné à {a grandeur du vafe. 6 On a donc eu recours à l’ufage de la trappe à charnière , parce que l'air fe renouvelle dans le vafe avec plus de facilité ; ce qui eft très-eflentiel. Ua Fabriquant d'indiennes, demeurant à une lieue de Rouen, vient de faire conftruire un vafe , dans lequel on a dèja brûlé deux miliers de matière , fans qu'il y ait eu une once de {oufre fublimé. Ce vafe de plomb laminé , a de bafe r44 pieds quarrés, fur 22 pieds de hauteur. La partie fupérieure eft pareille à celle d'une mou- fle , en forme de voûte. La partie inférieure eft à peu-près plate, c'eft-à-dire, que l'on a feulement obfervé une pente douce qui conduit toute l'huile de vitriol à un des angles folides de la bafe , où il y a un tuyau de plomb & un bouchon de même matière pour reti- rer en dehors l'huile de vitriol. L'ouverture pratiquée au vafe où l'on ajufte la trappe , eft environ à 4 pieds du fond du vafe , & certe trappe eft de 3 pieds de lar- geur, fur 20 pouces de hauteur. Le chariot que l'on fait entrer dans le vafe par cette trappe, a environ 4 pieds de longueur , fur 32 pouces de largeur. On pofe fur ce chariot cinq ou fix grandes feuilles de tôle, dont les bords font relevés d'environ un pouce , & c'eft dans cette tôle que l'on brûle le mélange de foufre & de nitre. Au refte , il n'eft pas queftion d'une très-fcrupuleufe exaétitude dans toutes ces proportions , de même que pour la forme du vafe qui pourroit être rectangulaire dans fa bafe ; ou de toute autre forme relative au terrein fur lequel on l’établit. Il fufit d'obferver que ce vafe doit être beaucoup plus élevé que large , & que plus il eft grand , moins il y a de fublimation de foufre, & mieux l'opé- ration réuffit. Voici encore ce qu'il faut obferver : 1°. Le mélange eft de 100 liv. de foufre natif, fur 6— 8 — ou 10 liv. de nitre: ( je ferai part des obfervations relatives à ces proportions (1). 2°. Il n'eft pas néceffaire que ce mélange foit fait rigoureufement & en poudre impalpable , parce que route la matière fe liquéfie, & fe mêle aflez promptement , lorfqu'elle eft allumée ; d’ailleurs , l'inflammation feroit trop vive , file mélange étoit fait avec trop d'exactitude. 19 (1) Le nitre cryftallifé en petites colonnes tranfparentes , eft celui qu’il faut préférer. 3" SUR L'HIST. N'ATURELIE ET LES ARTS. 14 3°. On ne charge ces feuilles de rôle que d'environ 3 lignes d'épaifleur , de façon que 14 ou 15 livres de matière puiffent occuper beaucoup de furfaces : ( c’eft environ la dofe pour chaque combuf- tion ). Si l'on met trop de matière à la fois, on doit craindre qu'il ne fe fublime des portions de foufre. 4°. Avant de commencer la première combuftion, on a foin de jeter dans le vafe 24 ou 25 pots d’eau. 5°. J'ai confeillé aufi de frotter, avec une vadrouille chargée d'eau, toutes les parois intérieures du vafe, afin de faciliter la condenfa- tion des vapeurs acides, lors de la première combuftion. 6°. Pour mettre le feu à la matière, on en allume une petite por- tion, & lorfque cette portion eft enflammée, on la répand par gouttes en différens endroits fur le mélange qui eft dans les feuilles de tôle, on poufle enfüite le chariot dans le vafe, & l'on ferme la trappe. 7°. Je confeille à l'Ouvrier, qui allume le mélange, d’avoir la pré- caution d’attacher devant fa bouche, à l’aide d’une ficelle ou un ruban qu’il noue autour de fa tête, une éponge qui foit un peu humide, & à travers de laquelle il puifle refpirer, Il y a des tempéramens pour lefquels ces vapeurs fulfureufes font nuifibles, & la confervation d'un homme eft trop précieufe pour ne pas veiller à fa fanté. 8°. On doit avoir attention de tenir toute prête de l'argile délayée dans de l'eau pour boucher exaétement les petites ouvertures qui peuvent être autour de la trappe quand elle eft fermées parce que, quand il y a quelque iflue, l'air dilaté dans le vafe, s'en échappe en foufflant avec violence, & entraîne avec lui les vapeurs acides, 9°. Après l'efpace de deux heures on ouvre la trappe, mais il eft effentiel de la laiffer ouverte, au moins une heure & demie, avant de faire une nouvelle combuftion, afin que l'air fe renouvelle dans le vafe(r)}- 10°. Lorfque l’on ouvre la trappe, on retire le chariot. On trouve des croûtes fur les feuilles de tôle : on les laiffe. On remet fur ces croûtes de nouvelles matières, & l'on recommence l'opération. Ce n'eft qu'après fept à huit combuftions que l'on retire ces croûtes. On les laifle fécher à l'air pour les brifer, & les faire encore brûler. Si le foufre natif n'étoit pas à auffi bon marché, on pourroit réitérer plus fouvent la combuftion de ces croûtes avec une petite addition de nitre; car j'ai examiné celles que l'on jette comme inutiles, elles contiennent encore beaucoup de foufre. mn (x) S'il faut un fi long efpace de tems pour renouveller Pair, c’eft à caufe des vapeurs échauffées qui circulent encore dans ce vafe. Tome X, Part. EL. 1777. AOUST, T 142 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, J'ai effayé de faire fervir ces croûtes dans la vitrification après les avoir préalablement calcinées ; mais il paroît qu'il refte de l'acide vitriolique trop intimement combiné avec l'alkali du nitre & la terre du foufre natif; ce qui forme un obitacle à l'effet que je defirois. RUEUE TERRA I ONNTS! ON vient de voir qu'il eft très-effentiel de renouveller l'air dans le vafe. Sans ce renouvellement d’air, on auroit beaucoup de foufre fublimé, & fort peu d'acide vitriolique. En effet, il eft fenfible que l'acide vitriolique fe dégage du phlo- giftique par l'intermède des parties aqueufes dont l'air eft chargé. On fait combien cet acide a d’afinité, avec l'eau, & avec quelle vivacité il s'y unit. C’eft donc cette même afhinité, avec les vapeurs aqueufes contenues dans l’athmofphère, qui doit contribuer à déga- ser l'acide vitriolique de fon phlogiftique. L'expérience démontre vifiblement cette union des vapeurs aqueufes. Car, après avoir rec- tifié l'huile de vitriol, on trouve qu'elle pèfe environ le même poids que pefoit la quantité de matière brûlée, malgré les croûres qui reftent, & la perte de l'acide fulphureux qui a pu s'échapper. Quant au nitre que l'on emploie, les Chymiftes favent que l'acide de ce fel a plus d'afinité avec le phlogiltique, que n'en a l'acide vitriolique; & ils ont conclu, avec raifon, que l'acide nitreux s'uniffant au phlogiftique du foufre, contribue à en dégager l'acide vitriolique. Mais il ne faut pas oublier aufli que le nitre contient beaucoup d'eau dans fa cryftallifation. Or, qu'arrive-t-il ? les va- peurs aqueufes qui fe dégagent, lors de l'inflammation du mélange de foufre & de nitre, fervent déja de bafe à la condenfation de l'acide vitriolique. Voilà, je crois, une des principales raifons pourquoi l'addition du nitre accélère la formation de huile de vitriol. En effet, on a obfervé qu'en mettant 8 à ro livres de nitre , fur roo livres de foufre, la condenfation eft plus prompte que fi le mélange eft de 6 livres, fur 100 livres ; & au-lieu de laiffer le vafe ouvert pendant près de deux heures, une heure fufit. J'attribue donc ces effets, moins à l'inflammation plus vive, qu'à la plus grande quantité d'eau qui fe dégage quand on a augmenté la proportion du nitre. Jai jetté du foufre fur un fer bien chad; je l'ai couvert d'un récipient de verre; je n'ai obtenu, avec la fublimation du foufre, que quelques petites gouttes d'acide vitriolique attachées au parois intérieures du récipient. Il eft fenfible que ces gouttes ne font formées qu'en raifon des vapeurs que contenoit l'air du récipient. Preuve. ini SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 14, J'ai fait fécher & chaufler le récipient , avant de le pofer fur !e fer où j'avois mis le foufre brûler; alors, ces gouttes d'acide ne fe font point formées, Autre preuve. J'ai expofé le récipient fur des vapeurs d’eau bouillante, & de fuite, je l'ai pofe fur le foufre brûlant; alors, j'ai obtenu une quantité d'acide. Cette expérience eft la même que celle de la cloche , qui ne fournit point d'acide vicriolique , fi l'on n’y introduit pas des vapeurs aqueufes. C’eft donc à l’eau en vapeurs, dont l'air eft chargé, qu'il faut attri- buer la décompofition du foufre. En conféquence de ces principes, j'avois préfumé qu'une pompe adaptée au vafe de plomb, qui divergeroit de l’eau par une infinité de petits trous formés au bout du jet, abrégeroit l'opération. Je priai M. Scanegatti, habile méchanicien, de porter fur cet objet fes attentions induftrieufes. Il travailla lui-même le jet de la pompe. On avoit fair une très-petite porte au vafe de plomp, du côté oppofé à la trappe. Il y avoit une heure qu’on avoit mis le feu au mélange. Nous ouvrimes la petite porte, & fimes jouer la pompe qui donna environ une pinte d'eau; mais en ouvrant la grande trappe une demi- heure, après, nous apperçümes bientôt que cette expérience étoit infufifante pour accélérer l'opération. Nous fûmes obligés de la refermer promptement, & n'apperçumes point qu'il y eût une con- denfation plus aétive, D'après cette obfervation, j'ai jugé qu'il faut néceffairement que leau foit réduite en vapeurs pour remplir l’objet defiré. J'imagine donc qu’en adaptant un grand éolypile que l’on feroit agir, on accé- léreroit cette opération de deux heures pour chaque combuftion, fans être obligé de mettre plus de nitre ( rt ). On me demandera, peut-être , pourquoi chercher avec tant d’em- preflement la célérité dans cette fabrication, puifqu’en multipliant ‘ les vafes, on obtiendroit autant d'huile de vitriol qu'on en defi- reroit ? Je réponds que des Fabriquants qui n'ont dans les entre- prifes d’autres fecours que ceux de leur fortune , quelquefois médio- cre, n’ont pas des bâtimens, des emplacemens à choifir. Ils ne font des expériences qu'à leurs dépens, ce qui les rend plus timides. Il faut donc que l'induftrie {upplée : or , les meilleurs moyens qu'on puifle indiquer, font ceux qui vifent à l'économie; & il eft certain que, fi un vale, qui donne 50 livres d'huile de vi:riol par jour, (1) La réuflite de cette opération feroit bien eflentielle. I1 y auroît moins d'emploi de nitre, moins de perte d'acide, ,& uue épargne de tems confidé. rable. 2777 AO U)S;T: X'2 144 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; peut en fournir ro0 livres, fans que l'on foit obligé d'augmenter [a dépenfe des vafes & des bâtimens, le bénéfice fera plus confidé- rable. Je defire que les éclairciffemens, les détails, & les réflexions que je préfente fur cet objet, puiflent être de quelque utilité. C'eft le feul but que je me propofe. EE PRE RP O'MERNSME LR NPA CURE 1 CORNINTES Par M MoLLERAT DE Soune y, Médecin ordinaire du Roi, Sur le fécond Mémoire fur le Phlogiflique de M. SENEBIER; Bibliothécaire de La République de Genève, inféré dans le Journal de Phyfique du mois de Février dernier. Le fyftème de l'auteur eft très-ingénieux, ily a des faits d'obferva- tions qui fe rapportent parfaitement à l'expérience & qui approchent de la vérité; les définitions fur le phlogiftique Et fur fa nature, y font recherchées. Il nous a feulement paru, en quelques endroits , que la caufe a été confondue avec l'effet, & que fouvent l'effet a été pris pour la caufe. Un petit nombre d'expériences n'ont pas encore affez éclairé M. Sencbier fur la nature de l'acide. Il n'eftpas étonnant qu'il y ait vu que l'acide étoit un principe différent du phlogiftique & qu'il y étoit uni : dans l'article fur la nature du phlogiftique, fi cet Auteur avoit connu la décompofition des acides , il auroit vu que les acides quel- conques, ne font compofés que d'eau élémentaire, de phlogiftique , & d'une terre fubtile, qui qualifie leur différence. Après l'analyfe d'un acide, on y trouve ces trois principes féparés & rien de plus. La décompoftion des acides n’elt pas l'ouvrage d'un jour, mais le réfultat d’une opération longue & dificile, & qui eft prefque in- connue. Les acides ne font que des fels liquides, dégagés de leur bafe ter- reftre & groffière qui Les tenoit fous la forme concrète; l'acide vitrio- lique ou fulphureux eft compofé d'une plus grande quantité de phlo- giftique que les autres acides, &t d’une terre blanche, fubrile très- ébondante, qui lui donne une pefanteur fpécifique & plus confis SUR L'HIST.NATUREILE ET LES ARTS. 14s dérable que celle des autres acides ; on trouve dans fa compofition par fa décompofirion, le phlogiftique tel qu'il eft dans les autres corps naturels. La terre fubtile étant féparée de l'eau qui lui fervoit d’enveloppe , devient fixe & ne peut fe changer qu'en verre, même fans addition ; ce qui démontre que cette terre fubtile, devenue fixe, n'eft point fans phlogiftique qui lui eft inhérant, puifqu'il eft le principe de la vitrification. L’acide nitreux contienr beaucoup moins de cette terre fubtile, elle y eft d'un rouge fort intenfe qui fe manifefte lorfqu’on la retire de cet efprit par la diftillation. Il y en a à peu-près la même quantité dans l'efprit de fel marin ; elle y eft très-blanche : les acides végétaux en contiennent encore une plus petite quantité. C'eft à cette terre fubtile qu'il faut attribuer leur différente qualité, leurs différentes odeurs & leurs différentes pro- priétés par leur aétion &t eur mélange avec diverfes fubftances, foit minérales, végétales, ou animales. Nous pourrions entrer dans un détail très-long fur cette matière ; nous nous propofons dans la fuite de donner les moyens pour par- venir à décompofer les acides, & d’expofer le réfultat des procédés provenans de leur combinaifon avec différens corps; nous n'avance- rons rien qu'à l'appui des expériences ; fi on avoit fuivi la même voie, on n'auroit point hafardé de donner comme des vérités, des fyftêmes enfantés par l'imagination. En matière de bonne Phyfique, les doutes & les conjeétures ne fafifent point, on ne doit rien démontrer que par le fecours d’ex- périences bien conftatées; de cette manière, toutes les probabilités qu'on pourroit donner comme des réalités, s’anéantiflent, Le phlogiftique qui furabonde dans le foufre commun eft tout vo- latil, il n’eft point accompagné d’une bafe fixe pour le retenir; c'eft par cette propriété qu'il fe fépare par la combuftion avec tant de facilité de cette terre fubtile qui fe volatilife avec l'humidité de l'air qui lui fert d’enveloppe , & qui entraîne , par fa volatilifation , une grande partie de ce même phlogiftique en lui donnant la forme liquide. L'acide n'eft donc point une chofe diftinéte du phlogiftique, puifqu'il eft lui-même acide. Les acides nitreux, marins & acéteux, n’ont pas les mêmes odeurs, ni les même propriétes, & leurs effets fon différens avec certains corps; cela ne peut avoir lieu que par la différence & la quantité de cette terre fubtile qui eft unie au phlogiftique. Il ne produit pas feul les différens effets où il fe trouve combiné ; il eft le principe coagulant des corps; uni aux parties conftituantes de ces mêmes corps avec plus.ou moins de fon principe, il fournit cette variété infinie de faveurs, d'odeurs & de propriétés. La décompofition des acides eft la bafe fur laquelle on doit appuyeg 1777 AOUST, 146 OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE, toutes les expériences qui réfultent du phlogiftique ; fans cela on ne peut connoître ni fa nature ni fes effets. Les expériences fur la dé- compofition des acides, n’ont point été faites dans aucun Laboratoire public, où on ne voit fouvent que des chofes triviales & communes, ou quelques petites découvertes très-peu intéreffantes, pour lefquelles des Artiftes fe difpuftent , s’inveétivent en voulant fe les approprier. Aux articles fur la nature du phlogiftique , où il eft dit que la différence de l'effet, produit par le phlogiftique dans les corps où il fe trouve, vient de la différence de l'acide avec lequel il eft com- biné, & loriqu'il eft uni avec l'acide vitriolique, il forme le foufre, & quand il fe combine avec le fel marin, il produit le phofphore, & avec le nitre il perd fes qualités & fe concentre dans les corps par le moyen de cette union. On peut répondre que l'acide n'étant compofé que de terre füubtile & de phlogiftique , il n'y a pas de différence de l'acide avec le phlo- giftique. Après nos principes, l'acide vitriolique, furchargé de phlo- giftique , compofe le foufre , & alors il perd fon humidité fuperflue qui le tenoit fous forme liquide pour paroître fous une forme con- crète ; cette furabondance de phlogiftique en forme un véritable bi- tame. On fait que l'acide , uni avec une fubftance animale , telle que des os calcinés avec de la poudre de charbon, produit aufi-bien du phofohore que le fel marin combiné avec des fubftances animales , & que la furabondance du phlogiftique , dont ce nitre eft compofé, lorfqu'il fe concentre dans les corps , ne perd fes qualités que parce que fon efprit fe diflipe par la calcination avec des corps, comme les chaux métalliques, & que la bafe alkaline refte féparée de fon efprit, qui s’eft diflipé par la violence du feu; ce qui arrive commu- nément, non-feulement avec les chaux métalliques, mais même avec les terres calcaires. Dans la fuite de l’article fur le phlogiftique dont nous venons de parler, nous obfervons que la différence qu'il y a entre le charbon & l'huile, ne vient que de l’eau combinée avec le phlogiftique plus atté- nué, qui rend l'huile liquide ; au lieu que le charbon eft privé de cette humidité ; fi l'huile laiffe échapper des fuligénofités , elles font enle- vées par la flamme , dont l'eau eft le véhicule ; au lieu que le phlosifti- que du charbon, privé de cette furabondance d'humidité , ne jette qu'une flamme légère fouvent colorée, & que venant à fe difliper, il fe répand dans l'air, & paroit y former des ondulations ; l'huile , au contraire, par la continuité de fon inflammation , en enlève la plus grande partie fous forme de fuie. Si on brûle cette fuie dans un creufet, on verra qu'elle fe diffipe fans fumée &t fans flanme, comme le charbon le plus fec ; mais l'un & l’autre font toujours de nature bitumineufe ou grafle : c'eft une chofe certaine que la flamme eft SURVLHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 147 un conduéteur du phlogiftique , puifqu’elle n'eft caufée que par l'humidité qui l’enlève ; c’eft par cette raifon qu’il la tient enflammée & qu'elle entraîne une grande quantité de phlogiftique ; la flamme n'eft, par conféquent, que le conduéteur du phlogiftique , ce qui p'arrivera point avec le fer échauffé après fon ircandefcence. Si les vapeurs putréfiées ne font que des exhalaifons d'un phlo- giftique très-atténué, & enlevé par une furabondance d'humidité des corps qui les exhale , il n’eft point étonnant que les vapeurs ne foient arrêtées & abforbées par l’évaporation d'un acide dans les lieux où font ces vapeurs; puifque les acides ne font compofés que d'eau , de phlogiftique , de terre fubtile , & par cette raifon , ayant beaucoup d’affinité avec le phlogiftique ; la fumée qui s'exhale d’une chandelle qui vient d'être éteinte , étant oppañfée à la flamme d'une autre chan- delle, à une diftauce même d'un pied, s’enflamme de nouveau, la flamme fuit la direction de la fumée grafle qui s'exhale de celle qu'on a éteinte ; ce qui prouve clairement que cette fumée n’eft que du phlo- giftique mêlé avec l'eau qui fert de conduéteur à la flamme qui fe communique à la chandelle éteinte, ce qui n’arriveroit point sil n'y avoit une humidité furabondante , qui eft abfolument nécefaire à l'inflammation ; ceci n’a point lieu avec le charbon ardent. On fait que le charbon ne fe peut confumer que par le concours de l'air, qui eft le réceptacle de fon phlogiftique. Si le charbon n'eft pas bien fec, quand il éprouve l’aétion du feu, il s'en exhale une flamme qui paroît de différentes couleurs ; cetre flamme cefle aufli-tôt que le feu en a diffipé l'humidité. Quel eft le but des Faifeurs de charbon? fi ce n’eft de diffiper la feule humidité répandue dans les bois qu'ils employent à cet objet, & de lui conferver tout le phlogiftique qu'il peut contenir, ce qui fait fa principale qualité. Il n’y a point de fel qui ne contienne du phlogiftique : on pourroit ajouter que, non-feulement les fels contiennent du phlogiftique , mais qu'il n’exifte dans la nature aucun corps coagulé fans le phlo- giftique , puifqu'il eft le gluten ou le principe coagulant de tous les corps & de la cohéfion de leurs parties. Il n’en eft aucun qui n’en contienne ; plus il leur eft adhérent, plus les corps font fixes & rélif- tent à l'aétion du feu ; il eft même très-effentiel dans le verre, il Jui donne cette fi grande vifcofité lorfqu'il eft en fufion , & le rend fufceptible de toutes les formes qu'on veut lui donner ; ce qui dé- montre la préfence du phlogiftique. Nous aurions plufieurs expériences à rapporter pour appuyer notre fentiment; de fimples obfervations ne demandent point un détail circonftancié. L'obfervation fur une propriété de l’acide nitreux n'eft pas jufte : lorfqu'on avance qu'il eft celui de tous les acides qui a le plus 1777 AOUST, 148 OBSERVATIONS “SUR LA PHYSIQUE, d'afinité avec le phlogiftique. Il eft démontré que l'acide vitriolique pofsède cette qualité au fuprème degré, jufqu'a paroître concret fous la forme du foufre commun. Lorfque l'acide compofé de terre fubtile, d'eau & de phlogiftique, fe trouve dégagé de cette fura- bondance de phlogiftique , il paroit fous une forme liquide , & fe charge d'une furabondance d'humidité; de forte qu'une livre de foufre produit plus d'une livre d'acide , qu'on appelle huile de vi- triol , &c. êtc. AMEN PSE URALE De Madame de V*#*. à l’Auteur de ce Recueil, Sur la Chaleur & fur Le fyffême de M. DE Burrox. DE" SUAINVe L'IMAOCR: Au milieu de la multitude d’embarras de toute efpece, qui m'in- veftiflent , j'ignore , Monfieur, quand je pourrai me livrer à la Phy- fique & donner à mes obfervations , fur le fyftême de M. le Comte de Buffon, le développement, la fuite & l’extenfion qu'elles exi- gent L'étude veut du repos, & peut-être le repos a-t-il fui loin de moi pour toujours. Javoue que je ferois très-fâchée que mes idées reftaffent enfouies , non pour l'honneur que je pourrois en retirer , fi elles font juftes ; déterminée plus que jamais à refter tou- jours inconnue , je n'aurois rien à efpérer, quand j'aurois quelque chofe à prétendre : mais, fi ces idées peuvent concourir au progrès de la faine Phyfique , je defirerois qu'elles ne fuffent pas totalement perdues. , Jai commencé, dans un tems moins fâcheux, un effai fur la caufe primitive & conftante de la chaleur , fur fon aétion dans les corps, fur tous les effets & fur tous les phénomènes de cette aétion. J'ai lieu de craindre que cet Ouvrage , qui devoit être très-confidérable , & qui eft déja aflez avancé, ne foit jamais achevé. Je voudrois, au moins, conferver les fondemens de l'édifice que j'avois projetté ; d’autres plus heureux & plus capables élèveront , peut-être, fur eux un monument folide & durable, ou les renverferont pour jamais ; qe les livre à leur deftinée : oferai-je feulement me flatter que vous voudrez bien inférer, dans votre Journal, fept Propofitions princi- pales ; dont le développement comprenoit la théorie générale de la chaleur, SUR L'HIST. NATUREILE ET TES ARTS. 149 chaleur. Quant aux phénomènes particuliers , il m'eft impoffible de les rapprocher ici de mes principes généraux; mais Je crois qu’on les en déduira aifément. Si ce que j'ai l'honneur de vous adreffer eft peur intéreffanc , il tiendra, au moins bien peu de place, & fi les cir- conftances , qui m'oppriment , ne changent pas, ce fera la dernière complaifance que je vous demanderai; fi elles deviennent plus heu- reufes , j'aurai un motif de plus pour me rendre digne de l'honneur que vous m'aurez fait. J'ai celui d'être, Monfieur , votre très-hum- ble & très-obéiffante Servante, de V***#, 1. Les corps céleftes, en s'attirant, n’exercent point de frotte- ment les uns fur les autres, n'excitent point de collifion les uns dans les autres & entre leurs parties intérieures. 2. Les corps céleftes agiffent fur un fluide intermédiaire infiniment rare , infiniment élaftique, infiniment expanfible & fluide, eft fuc- ceflivement comprimé avec plus de force dans différentes parties de fa mafle, par les différentes pofitions des corps céleftes. 3. Ce fluide pénètre toutes les fphères , il eft très-élaftique, très- expanfible ; il doit donc exercer différemment dans ces fphères , felon les différens degrés de compreffion fucceflive, fon élafticité & fon expanfibilité : il faut confidérer qu’il ne pénètre qu'entre les interftices de molécules primitives de la matière, & qu’il ne pénètre point ces molécules mêmes qui réfiftent à fon expanfion. Sa force élaftique aétuelle , dans fes différentes compreffions , eft donc en raifon compofée de la force comprimante aëtuelle & de la force réfiftante. 4. La force élaftique & expanfible de ce fluide , le fait tendre à dilater les corps en tout fens, en écartant les parties entre lefquelles il eft difféminé. Cette dilatation des parties dela matière , eft le feul cara@tère de la chaleur; la chaleur n’eft point une fubftance , elle n'eft qu'une modification , & cette modification, c'eft la raréfaction. La communication de lachaleur n'eft rien autre chofe que l'éruption rapide du fluide élaftique qui, après avoir traverfé avec effort le corps dont il s'échappe, frappe & pénètre, avecla rapidité qu'il a acquife , les corps environnans. Le foyer ifolé d'un miroir ardent ne donne aucune chaleur autour de lui ; fi on expofe un corps folide à ce foyer , la chaleur fe répand tout autour. 8. La chaleur s'acquiert & fe perd par les furfaces , c'eft-à-dire , que le fluide élaftique pénètre les corps en traverfant leurs furfaces, & s'en échapçe de même. La réfiftance des corps à la divifion ou à V'écartement de leurs parties, eft la caufe déterminante du degré de chaleur qu'ils peuvent acquérir; car la chaleur n'eft que l'intenfité Tome X, Part. Il.-1777. AOUST. V Fe) OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'ation du fluide élaftique & expaolible , la chaleur doit done croître en pénétrant le folide. 6. Toutle fluide expanlible diffé miné dans les globes, eft en contact avec lui même, par une multitude infinie de branches: tout ce fluide intérieur doit donc être en état de compreffion; mais il doit paffer 3 diférens états d'expanfion fucceMifs par les différentes impulfions qu'il reçoit ; jufqu'à ce que ces impulfions fe foient communiquées 3 route (a mañfe, qui eft auffi dans un mouvement continuel , dont la fomme eft toujours égale dans la m fe , quoique différemment dittribuée entre les diférentes parties de cette maffe, 7. La fomme totale de la force expanfive de la maffe entière du fluide élaitique, tant intérieur qu'extérieur , ne pourroit donc varier, que {i la caufe déterminante de ctte force varioit elle-même ; or, la caufe déterminante de cette force , eft la rotation des fphères céleites, qui ne varie point. Donc, ce CONCEUSION, La chaleur totale de la nature n’augmente ni ne diminue donc poinr, la chaleur ne s'accumule point, la terre n’a donc point été calcinée , & elle ne fera pas gelée, Corollaires principaux. r. LA fomme totale de la chaleur, pour me fervir du terme reçu, doit donc être toujours la même, 2. Elle doit être plus forre au centre des globes qu’à leurs furfaces, Elle doit décroître de couches en couches , du centre à la circonfé- rence. Elle doit être à peu-près la même ou , au moins fes diffé- rences ne doivent pas être très-confidérables fur les différens points de la furface des globes ; ce qui eft conforme aux expériences faices avec le thermomètre, à moins que des circonftances particu- lières , telles que des maffes d’eau glacée & de neige, ne produifent ces différences. Les maffes de glaces & de neiges font des milieux très perméables au fluide élaftique , il sen échappe fans effort, fans rapidité acquife , &tc. N°. 4. La différence d'a&tion du Soleil fur la terre en été & en hiver , ne doit donc pas opérer une grande variation dans la fomme totale de la chaleur ; ce qui eft conforme aux Obfervations de M. Amontons , de Mairan , & à celles de tous les Phyficiens qui les ont fuivis. Je defire & j'efoère, peut être, prouver toutes ces propolitions , les appliquer comme principes à tous les phénomènes , expliquer par ceux ces phénomènes, démontrer , peut-être ; qu'ils ne peuvent être SUR L'HIST: NATUREIIE ETIES ZRTS,. a$r expliqués que par eux. J'ai prévu beaucoup d'objeétions , elles ne me découragent pas ; je n'ai pas la préfompuon de croire qu'il me foit réfervé d’enchaîner ce prothée que l’on appelle le feu; je connois ma foibleffe & mon infuffifance , trop heureufe fi je forge feulement un chaînon , je le preflerai fous toutes fes formes. Si numina læya finam. SEPT ELITE PEN EE AI TER ET EN" SEP ETIENNE SEE EP AA ETS TELL JTE BE ne Er Roc E D AT PURE DEC P) REQU E TL. Sur des Fautes d’impreflion dans le troïfième Mémoire far le Phlogiftique inféré dans le Journal de Phyfique du mois de Mai dernier ; & fur la reproduétion des Têtes qu'on coupe aux Efcargots; Par M. SEeNegier , Bibliothécaire de la République de Genève. L' ÉRRE il y a long-tems que je fuis la dupe de ma mar. vaife écriture ; on la lit avec peine ; & vos Imprimeurs ont dé- naturé plufieurs idées du troifième Mémoire fur le Phlogiftique , que vous avez eu la bonté d'inférer dans votre Journal du mois de Mai pañlé , pages 366— 376. Les contre-fens occafionnés par ces fautes typographiques , rendent obfcurs , & quelquefois abfurdes , divers paflages de mon Mémoire ; & ce qu'il y a de plus malheu- reux pour moi, c'eft que ces fautes rombent fur les morceaux que j'avois le plus grand intérêt à préfenter clairement. Je les ai recueil- lies à la fin de cette Lettre. Je profite de cette occafion pour vous annoncet que j'ai répéié la fingulière obfervation du célèbre Abbé Spallanzani , fur la repro- duétion des têtes qu'on coupe aux efcargots de jardin. J'y ait été en- gagé par la leéture de la Gazette de Gortingue, où j'ai vu l'extrait d'un Programme du Profeffeur Murray, qui met en doute la vérité de ces obfervations , & parce que je fais qu'il y a en France & ailleurs , plufieurs Obfervareurs diftingués , qui les ont traitées comme fi elles étoient des chimères. Je vous écris ceci à préfent, parce que la faifor eft favorable à ces reproduétions , & propre à répéter ces obfervations. 177700 4 OUS TONI Z 192 OBSERVATIONS SUR LA PHPSIQUE ; Ce fat le 15 Avril de certe année , que je coupai la rêre à douze efcargots de jardin ; Je m'aflirai que l’'amputation étoit bien faite, en anatomifant cette tête coupée par le moyen de la loupe & du microfcope, À en comparant ce que Je voyois avec la defcriprion exat: qu Swammerdamen a faite ; j'ai pu même m'en aflurer fur les animaux mutilés que j'ai vus fouveat fe promener dans les Pou- driers de verre blanc, où ils étoient renfermés : au bout de trois femaines ,un de ces efcargots eutla tête & les deux grandes cornes reproduites ; jy vis poindre les deux petites cornes, & aujourd'hui, cet efcargot eft aufi parfait qu'avant l'amputation ; il mange comme les autres, & je le vois aétuellement accouplé avec un autre efcargot que je lui ai donné pour compagne. Les autres onze me font obferver plufieurs variétés ; il ny en a aucun qui ait achevé fa reproduétion ; il y en a même un qui com- mence feulement à la faire efpérer; il y en a d'autres qui n'ont qu'une corne dans toute leur longueur, ou d’autres parties parfaites ; mais les autres s’acheminent à fe reproduire complètement avec elles. I y en a un dont toutes les parties fenfibles fe reproduifent à Ja fois & proportionnellement entre elles. Aucun d'eux n’eft encore crevé. Je ne vous envoie pas le journal de ces obfervations, parce qu'il convient mieux que plufieurs Obfervateurs le faffent eux-mêmes, en les répétant. MES LE SUR l'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 153 PUR OU Le: FALME: Déterminer quelle eft la feillie la plus avantageufe que puiffe avoir le bufe d'une Eclufe , la largeur entre les bajoyers étant donnée. S, 1T le triangle ABC, figure 1 , planche 2 , dont les droites AB ,BC, repréfentent les venteaux d’une éclufe , & AC la largeur; fi au point B , on élève fur les droites AB, BC, les perpendicu- laires BI, BL, égales, & qu'on joigne les points LI ; le triangle LBI écant ifocèle , pourra être regardé comme un coin introduit entre les deux venteaux , pour les défunir par l'a&tion d'une puiffance P , agiffant perpendiculairement fur la tête du coin LI, donc l'a- nalogie , dans le cas de l'équilibre , eft P: R.: LQ:LB. D'où il fuir, que plus l'angle L BL. fera aigu , plus forte fera la puiffance P , parce que la ligne LQ , exprimant le bras de levier de la réfiftance , diminue dans la même proportion que l'angle LBI; mais les lignes BL , BI, étant fuppofées toujours perpendiculaires fur les venteaux AB, BC , quelques directions qu’ils prennent , l'an- gle LBI ne peut augmenter ni diminuer , que l'angle A B C n'aug- mente ou ne diminue; mais dans un fens contraire, c’eft-à-dire , que fi l'angle LBI devient infiniment petit, l'angle AB C fera in- finiment grand ; & plus cet angle s’approchera de la valeur de deux droits, moindre fera l’expreflion du bras de la réfiftance : ce qui fair voir , que dans la conftruétion des éclufes , la faillie du bufe doit être proportionnée à l'ouverture donnée pour le palage. Pour déterminer cette proportion , fuppofons que la ligne AFB, figure 2, donnée de grandeur & de pofirion , repréfente la largeur d'une éclufe , 1°. fi on fait BE=BF, qu'on tire la ligne AFG, & que du point E comme centre , rayon E B: on décrive l'arc GBD ; 2°. que du point À, comme centre, rayon À D, on décrive l'arc DC, qui coupera la droite À B au point C: je dis que AC fa- tisfera à la folution du Problè ne , de même que B C ; l'un répon- dant à la plus grande faillie qu'on puilfe donner au bufe de l'éclufe, ê&. l’autre à la plus petite. D'EUSROINYS ITR À T ON. À caufe de la tengente AB, ona AG: AB:: AB: A D. Donc AG—AB: AB:; AB—AD: AD. Mais AG— AB= AC: 154 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, parce que GD=B À, double de ED, moitié de AB; de même, BA—AD—BC: donc en fubftituant , on aura AC: BA:: BC: AC.ouAB:AC::AC:BC. Nommant AB,a AC,x. BCferaa—x, & l'on aura l'équa- tion xx —aa—ax. qui fe réduit pour AC=x=Vaatlaa—ta; & pour BC—a—Vaat3iaa—3a. Pour connoître laquelle de ces deux formules eft la plus avanta- geufe à la faillie du bufe d'une éclufe , il eft néceffaire de fe rap- peller quelques principes d'Hydraulique analogues à la preffion des flurdes, La prefion d'un fluide fur une furface verticale & rectangulaire , n'eft pas la même par-tout : les parties qui répondent à des grandes hauteurs , font plus chargées que celles qui répondent à des moin- dress & celles qui fe trouvent à des hauteurs égales de niveau, reçoivent des preffions égales du fluide : ces preffions font donc entre elles, comme leurs hauteurs correfpondantes au niveau du fluide ; de manière que fi les furfaces font égales , & les hau- teurs inégales , les prefions font comme les hauteurs ; & fi les hauteurs font égales & les furfaces inégales, les preffions font comme les furfaces , &c. &c. &tc. Ces préliminaires pofés doivent s'entendre pour les fluides qui font dans un état permanent ; le choc n'ayant aucun rapport a-la folution de ce problême , & la moindre prefion du fluide contre les venteaux d'une éclufe , doit , dans le cas préfent, déterminer loption entre les deux formules. La prefion de l'eau contre une furface verticale & triangulaire, eft le produit de cette furface par la hauteur movenne de l’eau. Si au-lieu de la furface AC, figure 3, on oppofe au fluide deux fur- faces égales AB, BC ; la preffion du fluide contre ces deux furfaces prifes enfemble , fera égale à la prefion du fluide contre la furface À C; lorfque leurs direétions formeront un angle droit; moindre dans l'angle obtus, & plus grande dans l'angle aigu , la hauteur de Yeau reftant la même. Dans les figures femblables , les furfaces font entr'elles comme les quarrés d’une de leurs dimenfions homologues , prifes dans cha- cune. Les furfaces AB , BC, feront donc entr'elles comme AB, BC, mais le triangle reétangle ABC donne À B + B C—AË 18 la hauteur de l'eau étant la même, la preffion du fluide couritre les furfaces , fera la même. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 15$ Nommant AB,4a. BC, c. AC, b. & la hauteur de l'eau h, on aura bb Xh= aa + ce X h. Puifque les prefions du fluide contre les furfaces AB, BC. font dans la raifon des bafes qui les foutiennent , le fluide étant à la même auteur & agiflant par des direétions perpendiculaires aux dargeurs des furfaces AB, B C. l'on peut fuppofer les preffions du fluide réunies aux points G & H. dont la force pourra être exprimée par les droites E D, F D : décompofant ces forces , & formant les parallèlogrammes B E CD. B.DF A. il en réfultera de part & d'au- tre deux puiffances BE, EC. BF,FA, qui enfemble feront fur les furfaces AB, BC le même effet que les forcesDF, DE: mais les forces F B , BF étant égales & direétement oppofées, fe détruiront ; il ne reftera donc que les forces E C , F A qui exprime- root la preflion du fluide fur les points d'appui À & C, felon des directions perpendiculaires à la largeur de l'éclufe, tandis que les deux aurres FB , E B exprimeront les forces également oppofées qui ferrent le deux venteaux de l'éclufe , l'un contre l’autre : donc la preffion du fluide fur les furfaces À B,BC, fera la même que fur la furface AC; & les points d'appui A & C feront également preflés , qu'il y ait deux furfaces oppofées à angle droit, ou qu'il n'y en aie qu'une : donc, dans une éclufe, la polition des venteaux à angle droit , n'ett pas plus avantageufe pour foutenir la preffion de l'eau , qu'une feule & fimple vanne placée en travers pour fer- mer le canal : tout l'avantage qui en réfulte ; c'eft que les forces qui expriment la charge des venteaux , fe trouvant dans la direction des venteaux mêmes , les preflent dans le fens où le bois oppofe le plus de réfiftance , & qu’alors les venteaux font joints avec toute la force dont la preffion du fluide peut être capable; en outre, la prefion fe faifant fur deux furfaces égales , fe trouve divifée , & facilite à ce moyen la manœnvre des venteaux. J1 n'en eft pas de même lorfque les venteaux de l’éclufe forment, par leur pofition , un angle obtus ou un angle aigu: la preffion du fluide eft moindre dans le premier cas , & plus grande dans le fecond , la hauteur de l'eau étant la même. Dans la figure quatrième, foit la ligne BC prolongée jufques en D. & du point À abaïffé , la perpendiculaire À D. nommant À (OXE AB,b;BD, dADg.BC, c CD, ferac + d. & à caufe du triangle obtufangle ABC. on aura ab + Ê 2 « d. mais le triangle reftangle À D C. donne a=c + 2cd + dd + gg. D'un autre côté, le triangle re&tangle AD B, donne bb —gg + dd. Subfs 1777. AOUST. 156 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tituant à la place de cette dernière exprefion , fa valeur b b : on aura 2 2 2 2 2 a —b +2cd+c.&enfutea—2cd=b + c. dont les termes étant multipliés par h, hauteur moyenne de l'eau , donneront pour l'expreffion de la pouffée du fluide contre les furfaces AB, BC. 2 2 2 b+cxXh—a—2cd X h. moindre de la quantité 2 cd, que celle ci-devant déterminée pour la pofition des, venteaux à angle droit, par conféquent plus avantageufe que la précédente. Si on fait d négatif & moindre que c, l'équation deviendra 1 2 2 a + 2cd=b + c; alors; les venteaux, par leur pofition , forme- ront un angle aigu , & l’expreflion de la poufiée de l’eau , la hau- 2 2 2 teur du fluide reftant la même, feraa + 2cdXh=B +cX h plus grande de toute la quantité 2 cd , que les précédentes ; par confé- quent , la pofition la moins avantageufe qu'on puiffe donner aux venteaux d’une éclufe. D'où il fuit que quand on veut foutenir la preffion d’un fluide, au moyen de deux furfaces verticales & reétangulaires , comme font, pour l'ordinaire , les venteaux des éclufes, ces venteaux , pour op- pofer le moins de furface poffible à la preflion du fluide , doivent former , par leur pofition , un angle obtus , lequel fe trouve déter- miné par la faillie du bufe que donne la formule précédente, pour la valeur de BC— a—vyaa<+ïaa—? a. comme la pofition la plus avantageufe. Cette formule peut encore être appliquée avec fuccès à fixer les épaiffeurs des murs des bajoyers, murs des bains , murs des ter- rafles , pieds droits des voûtes, & culées des ponts , tant en plein ceintre que furbaiflés; le réfultat que donnera le calcul, fera, il eft vrai , un peu au-deflus de l'équilibre ; mais dans les conftruétions, il vaut mieux pécher par excès que par défaut; on ne fe relâche que trop fur cet article , faute de combinaifon ou d'expérience. M FN NOUVELLES SUR L'HIST. NATURELLE ETIES ARTS. 13» GR D NOUVELLES LITTÉRAIRES. ré ME Cahier des Jardins modernes Anglo-Chinois , en trois Planches. Savoir , le Serrail , Ponts & vues de Windfor & de KEw. La Vis de Kew, qui fait monter 300 muids d'eau par heure. Plan & Coupe de Renélag. Le Bafñin de Neptune , à Verfailles. Marly , avec les noms des Sculpteurs. Nouveau Trianon , avec les projets de M. Richard. Jardin de M. le Duc de Coffé , de M. le Chevalier de Janféen , à Chaillot. Beffingen , près de Darmftad. Les nouvelles Eaux de Belton , près de Londres. Projet de diverfes Fontaines. Le Tilliet , Cafcade de M. de Chalut , à Saint-Cloud. Ancienne Cafcade de Marly. Idée des Jardins de Frefne. Les Cafcades d'Ex- ton , près de Londres. Jardins de Carlton dans Pallmal. Prix, 12 liv. La Penfilvanie en trois feuilles très-détaillées , d’après Seull, Ar- penteur de Ladite Province de l'Amérique. Prix 6 liv. A Paris, chez le Rouge , Ingénieur-Géographe du Roi, rue des Grands-Augufins , chez lequel on trouve auffi toutes les autres Provinces liguées de FA- mérique, en Cartes particulières, foit en originaux Anglois , ou les exactes traduétions faites à Paris. Ouvrages & Mémoires en Hifloire naturelle , publiés par Othon Fré- déric Miller , Confeiller d'Etat de fa Majefté Danoife , de plufieurs Académies & Sociétés Litréraires , Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris. OUKGR A, GE, S. 1°. Sur les Champignons. Compenhague , 1763 , in-4°. fig. 2°. Fauna infectorum Fridrichfdalina. Leiïpfick , 1764 , in-8°, 3°. Flora Fridrichfdalina , feu defcriptio Plantarum in agro Fridrichs- der > Jimulque per Regnum Daniæ Agrentium Argentorati , 1767, in-8°. 4°. Obfervations fur des Vers d'eau-douce & de mer. Copenhague , 1771 » fig. . $°. Obférvations fur la Chenille à queue fourchue, & fur la généra- tion des Champignons. Copenhague , 1772 , avec figures. 6°. Vermium terreflrium & fluviatilium , feu animalium infuforiorum , Tome X , Part. II, 1777. HOUSTS.X 153 OBSERVATIONS SUR LA PHVSIQUE 5 helminthirorum , & teflareorum fuccinta hifloria. Vol, x , 11. Haon, & Leipfick » 1773: 7°. Flora Danica , fafciculus XI, ou Planches des Plantes qui croiffent dans les Royaumes de Dannemark & de Norvège. Chaque Cahier contient foixante Planches , en noir, à un ducat Hollandois; en- luminées , à 3 # ducats. Le douzième paroîtra à Pâques 1777. 8°. Zoologiæ Daniæ Pradromus , feu animalium Danie & Norvegiæ indigenarum Charaëteres , nomina & fynonima. Haon. 1776. 9°. Zoologiæ Daniæ icones. Planches des Animaux rares & incon- nus , qui fe trouvent en Dannemarck & en Norvège ; chaque Ca- hier contiendra 40 planches ; le premier , paroîtra à Pâques 1777; noir à 2 3 ducats, 24 liv.; enluminé 4*, 48 liv. avec leur nomen- clature. L'hiftoire & la defcription des Animaux gravés , fuivront in- ceflamment. On peut foufcrire à Paris , chez Lacombe , rue de Tour- nou , & chez Bruyfet , à Lyon. Manufcrits prêts à l'impreffion. 1°. Stellarum marinarum hifloria. 2°. Fungorum agri Fridrichsdalenfis defcriptiones , figures. 3°. Hifloire détaillée des Pucerons d'eau douce , avec figures. 4°. Hifloire des Tiques aquatiques , ( Hydrachnæ ) avec figures. MÉMOIRES. 1°. Defcription d'un Champignon à colle , inférée dans les Aêtes de l'Académie de Stockolm , 1762. 2°. Defcription d'une Mouffe. ( Phafeum Halleri Floræ Fridrichfa. ) ibid , 1764. 3°. Sur une finguliere efpece de Muror , ibid, 1769. 4°. Sur un papillon à tête de Chenille ; dans les Mémoires & dans les aa nat. cur. préfentés à l'Académie des Sciences de Paris, 10°. Cahier. s°. Sur un nouveau genre de Zoophites ; dans la Gazette Littéraire de Berlin, s vol. 1768 , traduit en Allemand. 6°. Defcription d'un nouveau genre d'Infeëtes aquatiques ( Hydrachna ); dans la Gazetre Littéraire de Berlin , 1769. 7°. Defcription de nouvelles efpèces de Pucerons d'aau-douce , ibid , 1770. 89, Sur la reproduétion de La tête de Limaçons , ibid. 9°. Sur une éjaculation fingulière de la pente des Rivières; (Verm. Terreft. & Fluv. 372 ) ibid. SUR L’HIST. NATURELLE ET IES ARTS. 159 10°. Sur le Lys de Champs , montrant les heures; dans les Mé- moires de la Société Economique de Berne, 1766. 11°. Manipulus infeétorum Taurinenfium ; dans les Mémoires de l'Académie des Sciences de Turin, vol. 3. 12°. Defcriptio Libellutanum agri Fridrichfdalenfis ; in nov. aëtis nat. Curiof. vol. 3 , 1767. 13°. Enumeratio Plantarum terram vegetabilibus deflitutam intra anni fpatium occupantium ; ibid , vol. 4, 1770. 14°. Enumeratio flirpium in Iflandiä fponte crefcentium ; ibid. 15°. Epiftola de Mujcä vegetante Europena ; ibid, traduit en Fran- çois dans les Obfervations de M. Rozier , août 1771. 16°. Sur les Bivalves d'eau-douce ; dans les Tranfaétions Philo(o- phiques de la Sociéré des Sciences de Londres. 17°. Obféervation d'une fingulière évaporation de plufieurs efpeces de Clavaria ; 1 vol. dans les Berlin. Befch. 18°. Defcription d'un Zoophyte inconnu , ibid. 19°. Obfervation fur la Vefticella polymorpha ( Verm. Terr. & Fluv., 1c4 )3 ibid , 2 vol. 20°. Defcription de deux fortes exotiques d'Orties de mer ; ibid. 21°. Sur quelques Infeëles & des Vermiffeaux ; dans le Natur., 7°. Cahier. 22°. Sur une Plante fingulière. ( Conferva ftellaris Flor. Dan. T. 660), ibid. 23°. Synomimes des Animalcules microfcopiques ; ibid, 0°. Cachier. 3 54 p1q On trouve aétuellement à Paris , hôtel de Thou , rue des Poite- vins: G. Van-Swieten , Commentaria in Hermani Boerhaave aphorif- mos de cognofcendis & curandis Morbis, 5 vol. in-4°. Parafis 1771; 1773. Les 5 vol. en feuilles , 52 liv. ro f. ; reliés , 6o liv. Les volumes fe vendent féparément : favoir , tom. premier, 12 liv. 5 fols ; tom. 2°. 10 Liv. s fols ; tom. 3°. 10 liv. s fols. ; tom. 4°. 12 liv. 5 fols; tom. 5°. 16 liv. Il y a trente fols à diminuer pour les volumes en feuilles. Ce Commentaire de Van-Swieten fur les Ouvrages de Boerhaave , eft regardé comme un des Livres fondamentaux de la Médecine. C'eft un Ouvrage ufuel, dont la réputation eft établie par 20 édi- tions ; & celle-ci, imprimée à Paris , pafle pour une des plus correctes & des mieux exécutées. Dans un Ouvrage de cette importance , comme les fautes font capitales & peuvent avoir des conféquences funeftes , le Public doit être en garde contre les éditions contrefaites, qui en fourmillent ordinairement. 1777. AOUST. X2 s 160 OBSERVATIONS SUR LA PHPSIQUE ; Vocabulaire des termes de Marine Anglois & François , in-4°. Impri- merie Royale , 31 planches, 12 liv. br.; 14 liv. relié. J.C. Schæffers Abhandl. von dem Electricitettreger, &c. c'eft-à-dire , Trois Traités fur l'Eleétrophore; par M. Schæffer , in-4°. à Ratisbonne, 1776 & 1777, pages 48, 50 & 56 , avec 4 planches. L'Auteur , déja connu par fes ouvrages , qui contiennent. l'Hiftoire Naturelle , y expofe 140 expériences ;, dont l'objet principal , eft Ja recherche da prétendu magnétifme animal. Îl y en a qui font fort peu impor- tantes , mais il y en a auñi qui font tout-à-fait extraordinaires. Paf- fons la direétion du Sud au Nord , que l’Auteur veut avoir conf- tamment obfervée dans certaines expériences purement éleétriques , fans aucun inftrument aimanté. ( M. Comus fait la même prétenfion par fon Platomètre univeriel , dont ce Journal a donné la def- cription en l'année 1775, tom. 7 , pag. 520. Il femble que cette forte d'expérience eft très-analogue à celle de feu M. Gray , dont il eft fait mention dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences ,; année 1737, pag. 307, &c. & dans les Tranfactions Phi- lofophiques, N°. 453; art. iv., pag. 118 , &c.) Paflons encore la poñibilité d’obferver des effets éleétriques dans une chambre conti- guë à celle où l’on fait des expériences éleétriques, & même quel- que tems après, s'il y a, comme dans le cas de M. Schæffer, quel- que corps doué d'une éleétricité affez forte & aflez durable. ( Voyez l'Hiftoire de l'Académie des Sciences, année 1759, pag. 36 & 37 ). Les expériences, qui m'ont paru les plus extraordinaires, font celles-ci. 1.) Il dit, qu’un corps fufpendu d’un bras de bois ou de fer, qui foit inébranlable, fe met en mouvement vers l'életrophore, mis à la diftance de 20 jufqu'à 24 pas, aufi-tôt qu'il touche légèrement, du bout de fon doigt, le bouton de fil ou le bras de fer; mais que ce même pendule refte tranquille & n'aquiert point ce mouvement régulier , fi le même bras eft touché de la même façon par quelqu'un de ceux qui ne font pas doués comme lui du magnétifme animal. II n'importe pas beaucoup, de quelle figure & de quelle matière foit le corps fufpendu , & l'Auteur prétend avoir obtenu, à peu- près, le même effet par une grande balance chargée du 2 jufqu'à 3 quintaux; mais, ordinairement, il s'eft fervi de petites cloches fafpendues par des fils de foie. 2.) M. Schæffer prétend qu'en employant deux éleétrophores à des diftances inégales, le pendule, touché comme auparavant, fe dirige toujours vers le plus éloigné; & 3.) Qu'il refte en repos, fans quitter fa direétion verticale, fi les diftances font égales ; SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 16r 4.) Qu'en employant trois éleétrophores , le pendule touché fe dirige , en certains cas, vers le plus proche , & en d’autres cas, vers le plus éloigné. 5.) Tous ces effets merveilleux font , comme il affure , les mêmes quand , au lieu des éleétrophores ordinaires , on emploie d’autres corps de quelque forme ou matière qu'ils foient, pourvu que ces corps ayent été mis , feulement quelques momens , fur un éle&ro- phore. Ces éleétrophores vicaires en font d’autres uniquement par le voifinage, & leur vertu, qui n’eft pas moindre que des premiers, fe conferve pendant trois ou quatre jours , fans qu’ils foient au- cunement ifolés. Par exemple ; un livre mis fur l'éleétrophore acquiert la même vértu directrice , & mis après cela dans l'ar- moire, il la communique en peu de tems à tous les livres qui y font contenus. A la fin du troifième Traité, il fe trouve une lettre de M, le Profeffeur Epp, qui étoit chargé, de la part de l'Académie Eleétorale des Sciences en Bavière, dont il eff Membre, de s'informer de la vérité des faits extraordinaires que M, Schæffer prétend avoir exé- cuté par l'életrophore. Il avoue qu'ils ne lui ont pas réuffi ; mais il certifie en même-tems, qu'après s'être rendu chez l'Auteur, à. Ratishonne, il a vu trois expériences faites en fa préfence par M, Schæffer , qui l'ont entièrement convaincu. Nonobftant cela, il refte encore bien des doutes, Anfangsgründe der Éleétricitæt , &c. c'eft-àire, Elémens de l'Elec- tricité ; par M. Socin, &c, à Hanau , 1777 , 8°. pages 124 & une planche. Ils contiennent en huit Leçons, la defcription & l'expli- cation des principaux phénomènes éleétriques , que l’on peut produire fans avoir befoin ni d'une machine éleétrique , ni des inftrumens propres à donner la commotion électrique. Il y eft traité de la différence des corps éleétriques & non éleëtriques ; de l'attraction & de la répulfon ; de l’éleétricité pofitive & négative ; des athmof- phères éleétriques ; des phénomènes, des rubans & des bas de foie frottés, & enfin de l'éleétrophore. A la fin de chaque Leçon, l'ap- pareil néceffaire pour les expériences eft indiqué. Il eft à fouhaiter que l'Auteur ne tarde pas de publier la continuation de cet Ouvrage. L'ordre qui y eft obfervé eft fort naturel , & les phénomènes fim- ples précédent toujours ceux qui font compliqués. Les explications font conformes au fyftême de M. Franklin. On s'apperçoit aifément que M. Socin a non-feulement lu les meilleurs Auteurs qui ont écrit fur l'électricité , mais aufi qu'il a répété & bien fouvent amplifié leurs expériences , & qu'il s'eft exercé , depuis long-tems, dans cette par- tie de Phylique expérimentale. Ce n'eft que fort rarement qu'il 1777. AOUST, 162 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, femble s'énoncer trop généralement , & avancer des chofes dont on ne peut pas convenir , par exemple, que les corps qui ne font pas éleétriques , p.ex. les métaux , deviennent éleétriques , quand ils font mis en fufion , & que les liquides , en s’endurciffant , le de- viennent auffi-, comme l’eau convertie en glace , ce qui ne s'accorde avec les expériences de M. Achard , que dans un fens limité : voyez ce Journal , tom. VIIT, pag. 364, &c. Neue Eleëtrifihe Verfuihe , &c. c'eft-à-dire , Nouvelles Expériences électriques , faites avec la machine inventée de M. van Marum , &c. par M. Hcinge , à Oldenbourg, 1777, in-4°. une feuille & demie. Verhandeling over het Eleëtri Zeeren , &c. c'eft-à-dire , Traité de l'Eleétricité ; par M. van Marur ; à Groningue , 1776, in-8°., pag. 96, avec 2 planches. On en attend , en peu de tems, une traduction Allemande. La nouvelle machine éleëtrique qui y eft décrite , diffère des ordinaires , en ce qu’au lieu d'un plateau de glace, M. van Marum emploie un plateau de gomme lacque qui eft frotté par du mercure. Le Père Beccaria eft, à ce qu'il me femble , le premier qui ait propfé cette forte de frottement dans fon Traité , qui a pour titre : Eleétricitas Vindex, imprimé à Turin en 1769 , N°. 250 , not. ( 1 ), page 64. Elémens de Minéralogie docimaftique; par M. Sage , 2 vol. in-8°. À l'Imprimerie Royale, & fe trouventà Paris , chez Delormel , Im- primeur-Libraire, rue du Foin ; & chez Didot le jeune, Libraire , quai des Auguftins. Détail des fuccès de l’établiffement que la Ville de Paris a fait en faveur des perfonnes noyées., & qui a été adopté dans diverfes Provinces de France, cinquième Partie , année 1776, in-12 ; par M. Pia , ancien Echevin de la Ville de Paris. À Paris , chez Lottin l'aîné, Impri- meur-Libraire , rue St. Jacques, 1777. On ne peut trop louer cet Eta- blifement, digne des plus grands éloges. M. Pia faifoit le bien pour le bien lui-même , lorfque la Société d'Amfterdam lui en- voya une Médaille, fur une des faces de laquelle on voit un Noyé étendu fur le rivage , menacé par la Mortarmée d’une Faulx,& l’Hu- manité, fous la forme d’une femme , la repoufle , tandis qu’elle fe difpofe à adminiftrer les fecours , dont on voit l'appareil auprès d'elle, c'eft-à-dire, la Boîte fumigatoire dont nous avons donné la defcription & les plans en 1775, dans le Tome V de ce Journal , page 398. Cette diftinction flatteufe fait l'éloge de la Société d’Amfterdam & du Ci- toyen bienfaifant. On lit fur le revers de cette Médaille, entourée d'une couronne civique , cette infcription : PaiLiPPO-NiCOLAO Pra INSTITUTI PARISINI,SUBMERSORUM CORAM GERENTIS PROCURATORI M. Dec. LXXvVI. Et pour Légende, OB SERVATUM CIVEM DONO sO- CIETATIS AMSTELŒDAMENSIS, Le volume que nous annonçons, con- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 16} tient un grand nombre de faits qu'il feroit important de faire con- noître dans tous les lieux voilins des rivières. En un mot , il devroit être entre les mains de tous les Chirurgiens & Médecins. EXTRAIT d'une Lettre de M. MAGELLAN, de la Société Royale de Londres , du 21 Juillet. IL paroît conftant que M. Minors, Chirurgien dans l'Hôpital de Mildeffex » a guéri totalement un cancer à la lèvre , par l'applica- tion réitérée de l'air fixe. M. Wedenberg , Médecin Suédois, atuellement à Londres , aflure qu'en Allemagne le même remède a été employé une fois avec le même fuccès. RAAUDUL:E, D'ENSNPA RIT IC LES Contenus dans ce Cahier. Er du Mémoire de M. l'Abbé FONTANA , fur les mouvemens de Pris , page 85 Expériences fur la cryftallifation d'un Alkali fluide par l'électricité, 104 Recherches fur le Spatk fufible , par M. MonNeT, 106 Recherches fur les Sels principes des Eaux minérales de Provins; par M. Opoix , Maître Apothicaire à Provins, 117 Expériences fur l'altération de La Platine , par l'action du nitre en fufion; par M. DE Morveau, 123 Lettre adreffée à l'Auteur de ce Recueil, par M. PoITEVIN, de la So- ciété Royale des Sciences de Montpellier , fur la quantité de Pluie qui tombe annuellement dans cette Ville, 126 Réponfes aux Obfervations de M. DE SONNINI DE MANONCOURT, fur les Serpens de la Guyanne , inférées dans le Cahier de Décembre 1776; par M. DE MAaRCENAY DE GUY , Capitaine d'Infanterie, & Commandant du Quartier de Sinnamary , dans la Guyanne Fran- çoife , 132 Lettre de M. l'Abbé DICQUEMARE à l'Auteur de ce Recueil , fur un Iris fingulier ; & extrait d'une autre Lettre fur la variation du Ther. momètre , & le froid éprouvé à Fécamp dans le mois de Juin der- nier » 1364 1777. AOUST, 164 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE , Extrait d'une Lettre de Londres, au fujet du coup de foudre qu'a recu la Maifon des affemblées (Board-Hourfe) à Purflet , fituée à quatre ou cinq lieues de Londres, lieu où font cinq Magafins à poudre, à la diflance l'un de l'autre de 450 pieds Anglois, 137 Supplément d'Expériences & Obférvations concernant la fabrication de l'Huile de Vitriol, par M. DE LA FOLLIE de l'Académie de Rouen, 139 Obfervations par M. MOLLERAT DE SOUHEY , Médecin ordinaire du Roi, fur Le fecond Mémoire fur le Phlogiftique de M. SENEBIER , Bibliothécaire de La république de Genève , inféré dans le Journal de Phyfique du mois de Février dernier , 144 Lettre de Madame DE V * * *, à l'Auteur de ce Recueil , fur la cha- leur & fur Le fyfléme de M. DE BurFon.T.E.s. À. V. L. M. O. ;. 14 Lettre à l'Auteur de ce Recueil, fur des fautes d'impreffion dans le troi- fième Mémoire fur le Phlogiftique, inferé dans le Journal de Phy/fi- que du mois de Mai dernier, & fur la reproduction des Têtes qu'on coupe aux Efcargots; par M. SENEBIER, Bibliothécaire de la Répu- blique de Genève, 151 Probléme. Déterminer quelle ef? la faillie la plus avantageufe que puiffe avoir Le bufe d'une Éclufe, la largeur entre les bajoyers étant donnée ? : 153 Nouvelles Littérares , 157 A NPSPLR ON BGALTE TLONN: L 7 lu, par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre : Obfervations fur La Phyfique, fur l'Hiftoire Naturelle & fur les Arts,&c. par M. l'Abbé Rozier, &e. La colleëtion de faits importants qu’il offre pério- diquement à fes Leîteurs , mérite l'accueil des Savans; en conféquence, j’eftime qu’on peut en permettre l'impreffion, À Paris, ce 25 Août 1777. VALMONT DE BOMARE. _Æoust 2777 _…… af. nd DETENTE CURE mens ‘CA JOURNAL DE PHYSIQUE Ÿ SEPTEMBRE :r777. PE ÉRPRDREEROLIESNUCSE, S Sur la régénération de la Tête du Limaçon terreftre ; Par M. BonNNET, de diverfes Académies. JE ne publie ces premières Expériences fur la régénération de la tête du Limaçon, que pour donner une nouvelle confirmation de Ja belle découverte de M. l'Abbé Spallanzani. On fair combien cette découverte a été conteftée hors de lIralie, & fur-tout en France. Je connois des Naturaliftes qui, après avoir décapité fans fuccès des centaines de limaçons, ont cru être en droit d'en conclure, que l'Obfervateur lralien s’en étoit laiffé impofer par des apparen- ces trompeufes. En m'écrivant à moi-même, un de ces Naturaliftes n'avoir pas fait dificulré de me reprocher d’avoir inféré dans la Palingénéfie un Précis de la prétendue découverte, & d’avoir raifonné fur cette découverte comme fur la chofe la mieux conftatée. On penfe bien que ces reproches n’avoient point ébraalé la jufte confiance que m'infpiroient l'habileté & la bonne logique du célèbre Naturalifte de Reggio. D'ailleurs , il avoit bien voulu me communiquer très- en détail, dans une fuite de lettres , l'intéreffante hiftoire de fes expériences, & il m’avoit été aifé de juger, par le feul expofé des faits, que le fage Obfervateur avoit bien vu & revu les nouveaux prodiges qu'il mettoit fous mes yeux, & qu'il mit, quelque tems après , fous ceux du Public, dans un Programme Italien, qui parut en 1768 , & qui fut traduit la même année en François. Cependant , comme l’Auteur ne détailloit point dans cet Ecrit les précautions qu'il avoit prifes pour mettre fa découverte à l'abri de toute con- teftation , je l'invitai à publier une expofition de fes procédés, & c'eft ce qu'il exécuta dans une lettre qu'il m'écrivit de Modëne , le x1 de Septembre 1769 , & qui fut imprimée dans l'Avant-Coureur du 30 d'O&tobre de la même année. Cette lettre , fi inftruétive & ii propre à difiper tous les doutes, n’en a diffipé qu’une partie : Tome X , Part. II. 1777. SEPTEMBRE. Y 166 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la plupart fubfiftent encore , & on continue d'oppofer aux expérien- ces de Pavie, des expériences qu’on juge leur être contraires , ou qui paroiffent les combattre. Ça été ce conflit- d'expériences & d’o- pinions qui dure depuis neuf ans , qui m'a déterminé cette année à répéter moi-même l'expérience du favant Profeifeur de Pavie. Je vais en donner l'hiftoire : le Public, impartial, jugera, par les détails, du degré de confiance qu’elle mérite. L'efpèce de limaçon terreftre , fur laquelle j'ai opéré, eft cette ef- pèce , de grandeur moyenne ;, qu'on trouve facilement dans la cam- pagne & dans les jardins après des jours pluvieux. Les limaçons dont je parle, fortent alors en grand nombre de leurs retraites obf- cures , & en ailez peu de tems on peut en raflembler des centai- nes. La coquille des uns eft jaune ou jaunâtre : celle des autres ; eft ornée de bandes circulaires , noires ou brunes. Ce n'eft pas chofe bien facile que de décapiter un limaçon. À peine a-t-il fenti l'inftrument , qu'il fe retire preftement dans fa co- quille ; & l'on comprend, qu'il peut arriver qu’on croye l'avoir dé- capité, lorfqu'on n’a fait que lui enlever une portion plus ou moins confidérable des tégumens. Pour n'y être point trompé, j'ai pris plus d'une précaution. J'ai donné au limaçon le tems de s’allonger le plus qu'il lui a été poffible : j'ai procuré, au befoin, cet allongement , en plongeant l'animal dans l'eau : j'ai préfenté , à plufieurs reprifes , l'inftrument à l’origine de la tête, avant que de frapper le coup, & je ne l'ai tenue pour bien faite, que lorfque j'ai eu fur ma plan- chette la tête bien entière , avec fes quatre cornes bien déployées & fa bouche , toujours très-reconnoiffable par les lèvres qui en dé- terminent l'ouverture. La figure 1, repréfente cette tête un peu groffie à la loupe, & telle qu'elle paroît quelques momens après qu'elle a été féparée du tronc. On voit en gg les deux grandes cornes, qui fe font un peu retirées dans l'intérieur. pp, font les petites cornes entièrement retirées dans l'intérieur. b eft la bouche, exactement fermée, & dont les lèvres font très-vifibles. Un couteau m'a paru plus propre à cette opération, qu'un fcal- pel. Des cifeaux conviendroient moins encore qu'un fcalpel. J'ai toujours fait en forte d'opérer fuivant une dire&ion perpendiculaire à l'axe du, tronc. Immédiatement après l'opération, le limaçon fe retire bien avant dans fa coquille, & le plus fouvent il n’en reflort plus. Il répand à l'inftant beaucoup de cette humeur vifqueufe, dont il eft très- pourvu. Si l’on jette en même-tems les yeux fur la tête qu'on vient de féparer du tronc (figure 1 }, on appercevra encore quelques mou- vemens dans les cornes, principalement dans les grandes ; mais ces mouvemens ceflent bientôt, & ça été inutilement que j'ai tenté 4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 167 de les faire renaître en piquant la tête, près de fa bafe » avec la pointe d’un fcalpel. Les quatre cornes s’affaiflent , elles fe retirent plus ou moins en elles-mêmes, immédiatement après l'opération ; & les petites fe raccourciffent plus que les grandes. On peut s'aflurer, par un autre moyen très-fimple , que l'opé- ration a été bien faite : on n'a qu'à plonger fous l'eau le limaçon décapité , il ne tarde guères à fortir de fa coquille : on le voit s’al- longer de plus en plus & tout autant qu'avant l'opération (1), & il eft très-aifé alors de reconnoître que le tronc eft entiéremenr dé- pourvu de tête. La figure 2 , repréfente au naturel le bout antérieur d’un pareil tronc vu pardevant. La figure 3 le repréfente vu de côté. On peut remarquer dans ces deux figures , que les chairs fe font fortement contraëtées, & ont fermé l'énorme plaie. Cette humeur vifqueufe que le limaçon répand abondamment après qu'il a été décapité, produit, à l'entrée de fa coquille, un opercule qui en bouche très-exaétement l'ouverture. Il eft de couleur blanche ët très-mince. Souvent il fe forme deux de ces opercules , qui fe trouvent placés l'un au-deffus de l’autre : quelquefois il s'en forme trois. L’extérieur eft près du bord de la coquille ; l'intérieur eft plus ou moins enfoncé dans la coquille. Le limaçon décapité peut reproduire plufieurs de ces opercules ; mais fa provifion de matière vifqueufe s’épuife enfin peu-à-pen , & la coquille demeure ouverte ; ou à-peu-près. Comme l'animal ne fauroit prendre aucune nourriture, tandis qu'il demeure privé de tête , il ne fauroit réparer fans cefle la perte de fon efpèce de vernis. Il maigrit ferfiblement : on en juge par la diminution de fa taille , & par une forte de tranfparence qu'on remarque dans fon intérieur. J'ai pourtant été furpris du nombre d'opercules que quel- ques limaçons privés de rête, ont reproduit fucceflivement. Au refte ; tous les limaçons décapités ne produifent pas des oper- cules ; mais le nombre de ceux dont la coquille demeure ouverte = eft pour l'ordinaire fort petit. J'ai renfermé dans des boîtes mes limaçons décapités. Les uns font reftés fur le fond des boîtes ; les autres, ont gagné les parois con- tre lefquelles ils ont appliqué l'ouverture de leur coquille : d’au- oo (1) Il pourra arriver néanmoins qu'il ne s’allonge pas alors autant qu’on le voudroit & qu’il le faudroit pour juger des progrès de la reprodu&tion; mais on n'aura qu’à prendre la coquille entre deux doigts, après avoir tiré l'animal hors de l’eau, &r on le verra bientôt s’allonger autant qu’il peut l’être. Il faudra éviter avec grand foin de le toucher, parce qu'il rentre dans fa coquille ay plus léger attouchement, 1777. SEPTEMBRE. Y 2 168 OBSERVATIONS SUR LA PHPSIQUE ; tres fe font élevés plus haut & ont gagné le couvercle , où ils fe font pareillement fixés. Ceuxci étoient apparemment les plus vi- goureux ; ou ceux qui avoient le mieux foutenu l'opération. Lorfque j'ai voulu m'inftruire de femaine en femaine de l'état aëtuel de mes limaçons décapités , j'ai enlevé délicatement avec la pointe d'un fcalpel l'opercule ou les opercules qui bouchoient l’ou- verture de la coquille, & j'ai plongé les limaçons dans de l'eau très-claire. Elle les a forcés à fortir de leur coquille , les uns plutot, les autres plus tard. Il eft arrivé plus d’une fois, que quelques li- maçons ne fe font montrés hors de leur coquille , que plufieurs heu- res après avoir été fubmergés. Ce moyen auquel j'ai toujours eu recours pour m'aflurer de l’érat de mes limaçons, m'a paru le meilleur. Ils s'étendent dans l'eau , ils s'y allongent de plus en plus, & autant qu'il leur eft poñlible de le faire ; & alors , toute leur partie antérieure eft fi entièrement à découvert, que rien ne peut échapper à l'œil de l'obfervateur. Ils font effort pour fortir de l'eau , & y parviennent peu-à-peu fi elle n'eft pas trop profonde. [ls rampent lentement fur le fond & le long des parois du vafe, & continuent à ramper jufqu'à ce qu'ils ayent gagné le fec. Alors ils fe fixent ; & pour les forcer à fe montrer de nouveau , il faut les replonger dans l'eau. Quoi qu'abfolument dé- pourvus de tête, ils marchent en avant comme s'ils en avoient une ; leur démarche eft feulement un peu plus lente. Je n'ai d'abord décapité qu'une douzaine de limaçons. Ça été le 8 de Mai. Je le répète , & je ne puis trop le répéter ; car je dois aller au-devant des moindres doutes : je n’ai tenu pour bien déca- pités que les feuls limaçons, dont j'ai eu fur ma planchette la tête très-entière , ou garnie de tous fes accompagnemens. Toutes les têtes ainfi féparées de leur tronc , ont été rangées à part fur un des côtés de la planchertte, & elles y font encore à l'heure que j'écris ceci (1). Je vais maintenant donner une idée des admirables reproduétions qui fe font opérées fous mes yeux dans mes limaçons. Je n’en- trerai pas dans un grand détail, il ne feroit pas néceflaire: mon but eft feulement de prouver la réalité de ces reproduétions contre les Détraéteurs de la fameufe découverte de mon célèbre ami l'Abbé Spallanzani. La reproduction de la tête du limaçon ne fuit point une marche au uniforme que celle de la tête de ces vers aquatiques que je mul- tipliois de bouture en 1741, & dont je publiai l'hifloire peu d’an- 0 (1) Le 14 Juillet. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 169 nées après (1). La régénération du limaçon offre une foule de va- riétés qu'il feroit trop long de décrire. M. Spallanzani en a indiqué divers exemples dans fon Programme , & je les ai indiqués d’après lui dans la Palingénéfie , Part. IX. Je renvoye à ces deux Ouvrages. le dois me renfermer ici dans le récit fuccinét de mes propres ob- fervations. La figure 4 montre , un peu groffie à la loupe , la partie anté- rieure d'un des limaçons décapités le 8 de Mai, & deffinée le 2r Juin. Elle eft vue de côté. gg, font les deux grandes cornes qui commencent à pouffer. La gauche eft plus avancée que la droite. Cette dernière eft à peine vi- fible , & on n'en apperçoit que l’origine. t eft un trait brun & prefque noirâtre , qui va aboutir à la grande corne droite. Ce trait eft le nerf optique & fon mufcle, dont Swammerdam (2) nous fait admirer la ftruéture & les mouvemens divers. On les voit au travers des chairs , qui ont une forte de tran({- parence ? & comme elle accroît beaucoup dans les limaçons qui ont jeûné un mois ou deux , le nerf optique & le mufcle qui lui fert de gaine , y font auffi beaucoup plus apparens. Left une ligne blanche qui court le long du dos. J'ignore en- core fi c’eft un vaifleau. La figure 5 , repréfente au naturel le bout antérieur du même li. maçon vu pardevant. gg, les grandes cornes , dont on ne voit que l’extrémité fupérieure. On apperçoit à cette extrémité un petit point noir. C’eft l'œil du limaçon, dans lequel Swammerdam affure avoir trouvé les trois humeurs de notre œil & deux tuniques , l'uvée & l'arachnoïde. On voit par. cette figure, que l'œil eft déjà vifible , quoique la corne ne fafle que commencer à croître. Je l'ai apperçu dans des cornes qui avoient fait moins de progrès encore , comme je le dirai bientôt. Les petites cornes ne fe montrent point encore. On fait qu’elles n'ont point d'œil à leur extrémité. (1) Traité d’Infectologie, Part. II. Paris, 1745. L (2) Dans fa magnifique Bible de la Nature, in-folio, en Hollandois & en . Latin. Les Auteurs de la Colleëlion aca lémique en ont donné une J'iradu@ion Françoife dans leur cinquième volume de la Partie étrangère. Je ne puis trop exhorter ceux qui travailleront fur les Limaçons, à confulter le bel Ouvrage du célèbre Obfervateur Hollandoïis. La feule infpeëtion des figures (uffr pour donner une grande idée de la ftruê&ture du Limaçon, & pour faire plus admirer encore fa régénération. 1777. SEPTEMBRE. 170 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; b indique la place de la bouche , dont les nouvelles lèvres ne font point encore vifibles. Je défignerai dans la fuite ce limaçon par la lettre A. La figure G repréfente, un peu groffie à la ioupe, la partie an- térieure d'un autre limaçon, defliné le 23 de Juin, & où la régé- nération eft beaucoup plus avancée. Ce qui eft ici le plus apparent , eft une des petites cornes p , qui paroit entièrement régénérée. La corne correfpondante n’a point en- core commencé à poufler. Au-deflus de la petite corne , on appercçoit en gg la naïiffance des grendes cornes qui n'ont fait que très-peu de progrès. Voilà donc un exemple frappant des variétés qu’on obferve dans la régénération de la tête du Limaçon. Ici, c'eft une des petites cornes qui a fait les plus grands progrès , tandis que la corne correfpondante ne fe montre point encore , & que les grandes cornes ne font prefque que com- mencer à fe montrer. La figure 7 , eft celle du même limaçon vu du côté oppofé. Ici, on apperçoit par tranfparence le nerf optique , défigné par le trait brun t , qui va aboutir à une des grandes cornes naïiflantes. L’œil de cette corne fe voit diftinétement. On voit encore en b la nouvelle bouche , dont les lèvres font déjà reconnoiflables. Je défignerai ce limaçon par la lettre B. Le figure 8 montre, un peu groffi , le bout antérieur de ce li- maçon , deffiné le 2 de Juillet. La figure 9 , le {montre pardevant. b, la bouche qu'on ne peut méconnoître. gg , les grandes cornes & leur œil. Je nommerai C un autre limaçon qui , à la date du 23 de Juin, m'a paru entièrement régénéré. Ses quatre cornes étoient parfaite- ment complettes , & avoient acquis toute la grandeur qui eft pro- pre à celles de cette efpèce. La bouche paroïfloit s'être bien refaite: fon ouverture étoit bien terminée , & les nouvelles lèvres , extré- mement diftinétes , avoient bien la forme & les proportions qu'elles devoient avoir. En un mot , ce limaçon étoit fi parfaitement fem- blable aux limaçons de fon efpèce qui n’ont pas été mutilés, que je ne pouvois J'en diftinguer que par la diminution de fa taille & fa tranfparence. Il eft repréfenté en entier & au naturel dans la figure 10. La figure 11, repréfente au naturel le bout antérieur du même limaçon , vu pardevant. On y obferve très-diftinétement la nou- velle bouche b garnie de fes lèvres. Au-deflus & à peu de diftance, eft une petite tache oblongue t qu'on apperçoit par tranfparence SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 171 au travers des chairs: ce font les dents du limaçon qui peuvent s'approcher ou s'éloigner des lèvres. Ces deux figures n'ont été deflinées que vers la mi-Juillet, Mais dès le 23 de Juin, j'avois commencé à fervir au limaçon de jeunes feuilles de laitue & de vigne, auxquelles il n'avoir point touché. Après s'être promené quelque tems fur ces feuilles & fur les parois du vafe, il alloit pour l'ordinaire fe fixer contre le couvercle où il demeuroit collé des femaines entières. Malgré un jeûne de plus de deux mois, de la belle faifon, il a toujours paru fe porter très- bien, & il eft très-bien portant encore à l'heure que J'écris ceci, le 21 de Juillet. J'ai dit que les yeux apparoiflent déja, quoique les grandes cornes ne faflent que commencer à poufler: c'eft ce que j'ai très-bien vu dans un de mes limaçons décapités le 8 de Mai, & dont la tête eft repréfentée féparée du tronc dans la figure première. La régéné- ration de ce limaçon n’avoit fait encore que très-pea de progrès le 6 de Juillet. Je l'ai fait deffiner ce même jour, & la figure 12 en repréfente au naturel le bout antérieur vu de face. On y voit la naiflance des grandes cornes qui ne fe montrent point encore , & dont la place n’eft reconnoiffable que par l'œil o o , qu'on apperçoit déja. Il ne paroît que comme un point noir, aufi petit qu'il eft poflible de le faire avec la plume la plus fine. Le limaçon a été deffiné dans les momens où il étoit auffi allongé qu'il pouvoit l'être, & j'ai ufé de la même précaution à l'égard de tous les limaçons que j'ai fait definer. Dans celui dont je parle actuellement, les petites cornes ni la bouche ne fe montroient point encore. Au refte , quand le limaçon retire fes grandes cornes dans fon intérieur , on y apperçoit très-bien le point noir ou l'œil au travers des chairs ; je l'y ai démêlé plus d’une fois à la vue fimple, & même dans des limaçons dont Ja régénération étoit fort peu avancée. Je ne dois pas négliger de le dire , des douze limaçons décapités le 8 de Mai, il n'en a péri qu'un feul; tous les autres paroiflent fe porter tres-bien au moment que j'écris ceci , le 27 de Juillet, mais les progrès de la régénération y font très-divers. Il en eft où elle femble ne faire que commencer. Dans d’autres , il n’y a que les grandes cornes'qui ayent repouflé ; on n’y apperçoit point encore la naiffance des petites cornes , & la bouche ne fe diftingue pas nettement. Parmi ceux-ci, il en eft dont les grandes cornes n'ont que demi ou deux tiers de ligne de longueur , tandis qu'il en eft d’autres dont les grandes cornes ont plus d’une ligne. Telles font aétuellement celles du limaçon que j'ai défigné ci-deflus par la lettre À, & dont la partie antérieure eft repréfentée , figure 4 , comme elle fe montroit le 21 de Juin, La figure 13 , repréfente la partig 1777. SEPTEMBRE, 172 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, antérieure de ce même limaçon , deffinée le 26 de Juillet. Les grandes cornes offrent quelque chofe de remarquable : elles font plus grofes proportionnellement à leur longueur , que ne le font les grandes cornes des limaçons qui n’ont pas été mutilés. On remarque à leur extrémité une forte de difformité qui femble produite par un cer- tain repliement des chairs , qui donne à ces cornes l'air d’une monf- truofité. L'œil y eft pourtant très-diftin&. La couleur de ces cornes tire fur le violet. Cette couleur eft ordinairement celle des cornes qui fe reproduifent , elle tient, en grande partie , à celle du nerf & du mufcle qui percent au travers des chairs. La figure 14 eft celle du bout antérieur d’un autre limaçon , où l'on r’apperçoit encore que la bouche b, qui fe montre fous l'apparence d'un petit mufeau; on diroir qu’elle fait la moue. En général, je remarque, comme M. Spallanzani , bien des iné- galités plus ou moins frappantes dans la reproduétion des parties doubles du même limaçon ; je vois une grande corne qui n’a guère que la moitié ou les deux tiers de la longueur de la corne cor- refpondante; d’autre fois , celle-ci ne fe montre qu'à peine : je vois encore une petite corne entièrement régénérée , tandis que fa fem- blable n’eft prefque pas vifible , ou ne l'eft point du tout : ailleurs , je vois une bouche , dont une des lèvres n'eft qu'à demi-refaite , tandis que l’autre paroît refaite en entier , &c. Je me borne à ce petit nombre d'exemples ; ils fuffront à donner une idée des variétés qu'offre la régénération de la rêre du limaçon. T1 femble qu'on puifle en inférer que la reproduétion d'une partie, eft indépendante de la reproduétion d'une autre partie; car, com- ment fe refufer à cette conféquence , quand on voit une corne en- tièrement régénérée , tandis que les autres ne fe montrent point encore, ou qu'elles ne font que commencer à croître ? Ce fait ne peut maaquer de paroître très-important dans la théorie de ces ad- mirables reproduétions ; mais je m'abftiens ici de roucher à certe théorie, que j'ai eflayé d'ébaucher dans la Partie X de la Palin- généfie. J'avois décapité encore , le 12 de Mai, une trentaine de limaçons des mêmes efpèces , & je les avois tous traités précifément comme les premiers : il en a péri plus des deux tiers. Ceux qui font en- core vivans, fe régénèrent avec plus ou moins de lenteur , & m'offrent les mêmes variétés que celles que j'ai décrites , ou des varités ana- Jogues. Je ferai obferver à cette occafion , que les mois de Mai, Juin» & le commencement de Juillet , ont été ici très-frais & très-plu- gieux. Il ya eu des jours dans la première femaine de Juillet , où . le S'URNLEIST NATURELLE NETNLES ARTS. 173 le thermomètre de Réaumur eft defcendu , au lever du foleil, à 4, 5 ou 6 degrés au-deflus de la congélation. Je ne poufierai pas plus loin aétuellement les détails de mes ex- périences fur la régénération des limaçons : je me propofe d'y revenir dans un autre Mémoire. Il me femble que j'en ai bien dit aflez pour prouver que rien n'eft plus certain que cette merveilleufe ré- génération. Je ne fais donc ce que je dois préfumer des tentatives fi infruétueufes de quelques Savans , & en particulier de celles de MM. Adanfon, Cotte & de Bomare. Peut - être fe font-ils trop preffés de prononcer fur le fuccès de leurs expériences , ou qu'ils ont pris pour des reproduétions équivoques , ce qui étoit le prin- cipe d'une véritable reproduétion ; peut-être encore qu'ils ont ré- putés pour morts des limaçons qui étoient pleins de vie. Il faut ici bien de la patience , & fur-tout ne défefpérer de rien. Je ne parle pas des variétés que la différence des efpèces a pu mettre dans les réfultats des tentatives de ces hommes célèbres : j'ai lieu de penfer que parmi le grand nombre de limaçons fur lequel ils ont opéré, il y en a eu des mêmes efpèces que les miens. Je ne parle point non plus des variétés qui ont pu dépendre de la différence du climat , parce que le climat de Paris ne diffère que très-peu du nôtre. J'exhorre donc ces habiles Naturaliftes à ne fe rebuter point, & à remanier de nouveau un fujet fi fécond en vérités nouvelles , & qui ne fauroir être trop approfondi. Ils ont bien plus de con- noiflances , de talens & d'habileté qu'il n'en faut pour réuffir dans des expériences de ce genre ; & j'ofe leur prédire le fuccès le plus complet, s'ils veulent bien ne fe décourager point, & procéder de la même manière que moi. Voici ce que M. Adanfon m'écrivoit fur fes propres expériences , Je 30 de Juillet 1769. » J'ai commencé à douter philofophiquement le premier, {ur la » régénération de la tête, même des cornes & des mâchoires des » limaçons. Mes expériences , variées à l'infini depuis plus d'un » an, fur 14 à 1500 limaçons & limaces de diverfes efpèces, m'ont » appris que mon doute étoit fondé. J'ai eu , comme tout le monde, » des reproduétions, même très-fubites, de cornes, de têtes, de » lèvres & d’autres parties, mais c'étoient des reproduétions de » parties qui n'avoient pas été coupées entièrement , car toutes les » têtes, ( je dis les vraies têtes ) toutes les cornes , toutes les mä- » choires & autres parties qui ont été coupées entièrement, & feu- » lement de ? de ligne au-delà de leur racine, ne m'ont conftam- » ment montré aucune forte de reproduétion , encore moins une » régénération. Soyons exaéts & cherchons la vérité pour elle-même, > Tous ceux qui ont mutilé des limaçons , & M. Spallanzani le Tome X , Part, Il. 1777. SEPTEMBRE. Z 74 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; » premier, me paroiflent s'être trompés; ils ont cru couper la tête, » ils n’en ont coupé que le bonnet ou la calotte ; c’eft mon expreffion » familière : ils ont cru couper ou extirper les cornes ou les mä- » choires ; il en reftoit toujours la racine , qu’il n’eft pas étonnant » qui ait fait des reproduétions. Ce ne font pas-là , avouez-le fran- » chement , des reproduétions , ou plutôt des régénérations , telles » que celles que vous , & MM. Trembley & Réaumur , avez eu » chez les vers d'eau-douce, chez le polype, & dans les pattes an- » térieures des crabes. .... Combien d'opérations aufi douteufes , » qui ont manqué de cette manière & dans la meilleure foi du monde , » à tant de perfonnes qui, moins familiarifées que nous à ces opéra- » tions & à l'anatomie des coquillages ; ont cru couper entièrement » au-delà de la racine, tant de têtes, de cornes & de bouches, qu'ils » ont fait fi libéralement régénérer dans tous les Journaux & Ecrits » périodiques ! Je fais combien nous fommes fautifs dans la plupart » des expériences délicates ; malgré ma grande habitude , j'oferois » prefque dire, dextérité dans l'anatomie des plus petits animaux , » je me fuis toujours méfié de moi-même ; c’eft pour cela que j'ai » répété cent & cent fois les mêmes expériences avant que d'en ha- » farder les réfultats dans le Public. J'ai travaillé le premier ou des » premiers à vérifier toutes les expériences de M. Spallanzani, & » à en ajouter qui lui avoient échappé ; j'ai opéré fur un plus grand » nombre d'animaux, & plus varié mes expériences que perfonne , » à en juger par tout ce qui a été lu à l'Académie, ou imprimé ; » & je fuis le feul qui n'ai encore rien Ju fur cette matière que » je fais avec la plus grande affiduité. ... Il en eft à-peu-près de » même des régénérations des parties des falamandres, de plufieurs » efpèces de grenouilles, crapauds , tétards, &c. J'ai eu des repro- » ductions fenfibles aux queues & pattes coupées en partie , mais » nulle régénération à ces parties extirpées ou coupées net à leur » racine. Pefez-bien mes expreffions de racine ou de régénération ;, » qui appuyent fi bien vos principes , qu'il ne fe fait pas de régé- » nération réelle, & j'efpère que vous rendrez juftice au motif de » mes doutes, & que vous reconnoîtrez avec moi, que M. Spal- » lanzani & fes Seétateurs ont porté trop loin leurs expreffions de » régénérations , qui m’étoient que des reproductions de portions » de parties , &c. » Je n'oppofai aux nombreufes expériences & aux doutes de mon célèbre Correfpondant que cette lettre de M. l'Abbé Spallanzani , que j'ai citée au commencement de cet Ecrit, & où il me racontoit en détail les précautions qu'il avoit prifes pour ne fe tromper point. J'envoyai copie de cette lettre à M. Adanfon ; mais elle ne pro- duifit pas fur fon efprit l'effet que j'en attendois ; & il perfftoit en- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 17$ core dans fes doutes le 20 de Juillet 1775. » Les parties diffimilai- » res, m'écrivoit-il à cette date , coupées ou extirpées, non-feulement » aux limaçons de plufieurs efpèces , mais même à plufieurs animaux » aquatiques, grenouilles, crapauds, falamandres, ne m'ont procuré » aucune reproduétion organifée comme l'étoit la partie coupée , » comme l'a avancé M. Spallanzani. J'ai tellement varié ces expé- » riences , dont mon ami M. Néedham & quelques autres Obfer- » vateurs de cet ordre, ont été témoins , qu'il nous eft refté certain : » que toutes les fois que l'opération avoit été bien faite , il ne fe » faifoit qu'une reproduétion en moignon , c’eft-à-dire , en mafle de » chair non organifée ou organifée différemment , & M. Spallanzani » doit favoir que les obfervations de nos fameux Anatomiftes ont » prouvé que la reproduétion fi commune des queues de lézard, » quoiqu'extérieurement conformées comme les autres , ne préfentent » aucune offfication régulière , aucunes vertèbres dans l’intérieur, &c. » M. Adanfon eft, comme l'on voit, du nombre de ces Phyficiens qui fe rendent difficiles fur les faits ; & qui veulent voir & revoir bien des fois par eux-mêmes avant que d'admettre des prodiges. Je ne faurois blâmer une telle réferve; mais j'avoue qu'elle me paroît exceflive dans le cas dont il s’agit, fur-tout après les preuves fi rigou- reufement démonftratives que M. l'Abbé Spallanzani avoit données de fa découverte. Puis-je donc efpérer que les expériences que je publie aujourd'hui, triompheront enfin de l'incrédulité de notre favant Académicien? Il ne foupçonnera pas, fans doute, que je n'ai coupé à mes limaçons que le bonnet ou la calotte | pour me fervir de fes expreffions. Car cette tête, fi complette & fi bien féparée du tronc que j'ai fait repréfenter à deffein dans la figure premiere , ne laiffe- roit pas la moindre prife à un pareil foupçon. J'invite M. Adanfon à pefer tous les détails de mes expériences, & à donner fon attention aux figures de mon habile Artifte , qui repréfentent fi admirablement bien les générations dont j'ai été témoin (1). J'aurois pu facilement les multiplier davantage ; mais je n'ai pas jugé qu'une telle mulriplica- tion fût néceffaire au principal but que je me propofois. Au refte, (1) I n’eft pas facile de deffiner les limaçons vivans. Ils font dans un mou- vement prefque continuel. Ils s’allongent & fe raccourciffent alternativement, rentrent dans leur coquille, en reflortent pour y rentrer encore. Les cornes & en général toutes les parties de la tête, changent fans cefle de forme & de fitua- tion; s’allongent, fe raccourciflent, fe dilatent & fe contraëtent; paroiflent, dif_ paroïflent, &c. Il faut que le deffinateur fache faifir promptement la forme & la pofition qu'il s’agit de rendre. M. Plotz, dont j'ai fait connoître l'habileté dans mes Nouvelles Kecherches fur le Tœnta, n’a pas moins bien réufli à repré- enter nos Limaçons dans divers périodes de leur régénération. 1777. SEPTEMBRE. Z 2 1796 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; fi l'on m'objeétoit que le limaçon, repréfenté au naturel dans Îes figures 10 & 11, n’a point touché aux jeunes feuilles de laitue &t de vigne que je lui ai fervies, je répondrois qu’il m'a donné, le 27 de Juillet, les meilleures preuves, qu'il eft pourvu de très-bonnes dents: il s’eft mis à ronger le couvercle de papier qui bouchoit l'ouverture du poudrier où je l'avois renfermé , & il a rendu plufieurs excré- mens bien moulés , dont.la couleur & la confiftance , précifément femblables à celle du papier, indiquent affez qu'ils en {ont les réfidus. M. Adanfon révoquoit encore en doute la reproduétion des mem- bres de la Salamandre , fi bien conftatée par les nombreufes expé- riences de M. Spallanzari, dont il avoit donné les principaux réful- tats dans l'intéreffant Programme qu'il avoit publié en 1768. M. Adanfon me difoit dans fa lettre du 20 de Juillet 1775, que j'ai tranfcrite ci-deflus , que toutes les fois que l'opération avoit été bien faite fur la falamandre , il ne fe faifoit qu'une reproduétion en moignon , c'eft- à-dire, en maffe de chair non organifée ou organifée différemment ; & il me citoit fur ce fujet le témoignage de M. Néedham & de quelques autres Obfervateurs : mais, que dira M. Adanfon luimême , fi je Jui apprends que ce prétendu moignon ou cette prétendue maffe de chair non organifée , eft le membre lui-même parfaitement bien conformé , caché fous ces apparences trompeufes , & que j'ai vu fe développer en entier fous mes yeux , comme j'avois vu autrefois fe développer les têtes & les queues de ces vers aquatiques que je multipliois en les coupant par morceaux ? J'ai a@uellement dans mon Cabinet des Salamandres en pleine reproduétion , dont je publierai l’hiftoire dans un autre Mémoire qui fera accompagné d'excellentes figures. Notre célèbre Académicien avoit donc précipité fon jugement, lorfqw'il croyoit ne faire que le fufpendre : il décidoit que la fala- mandre ne reproduifoit qu’un moignon , tandis que ce moignon étoit le membre lui-même auquel rien d'effentiel ne manquoit, & qui n'avoit plus qu’à acquérir la grandeur de celui qu'il remplaçoit. Aiofi, M. Adanfon s'étoit trompé fur les falamandres comme fur les limaçons ; & les méprifes d'un tel Naturalifte font bien propres à fervir de leçon à ceux qui n'ont ni fes connoiffances ni fon habileté. Je ne doute point qu'il n’avoue lui-même fon erreur, car je le fais un ami fincère du vrai, & je n'ai point à craindre qu'il me reproche de l'avoir relevé dans ce petit Ecrit. M. de Bomare , non moins ami du vrai, & qui n’avoit pas mieux réuffi que M. Adanfon dans fes expériences fur les limaçons, étoit en conféquence auñfi incrédule que lui. Je l’avois renvoyé de même à la lettre de l'Obfervateur de Reggio , imprimée dans l'Avant-Cou- eur du 30 d'O&tobre 1769; & voici ce qu'il mécrivoit en réponfe Je $s Novembre 1775. Vous me demandez pourquoi je n'ai pag SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 177 répondu à l'un des articles de votre avant-dernière lettre qui concernoit la reproduétion de la tête du limaçon : je vous affure que toutes les expériences que j'avois tentées à ce fujet , paroiffent contradiéloires à celles de M. l'Abbé Spallanzani. Vous verre à l'article Limaçon de mon Diétionnaire , édit. de 1776, ce que j'ai rapporté à ce fujet , & dont j'avois déja fait mention en 1768. Je vais donc tranfcrire ici cet article du Diékion- naire d'Hifloire Naturelle auquel M. de Bomare me renvoie. » J'avoue que ne pouvant croire à cette produétion, j'ai tenté, » étant au Château de Chantilly, durant l'Automne de 1768 , nom- » bre d'expériences à ce fujet , & dont j'ai fait part au Public ; en » voici le réfulrat : de cinquante-deux limaçons de terre & de canar- » dière, auxquels j'avois coupé la tête ; ( tous, dès-qu'ils fe fentoient » atteints par l'inftrument tranchant , fe contraétoient avec célérité » & très-fortement ; la feétion étant finie , la partie qui fe retire » précipitamment dans la coquille, paroît pliffée en cul de poule ); » neuf rempèrent au bout de vingt-quatre heures, & cétoit uni- » quement ceux que j'avois décapités , en appuyant foiblement fur » le cou , entre les grandes cornes & les parties de la génération, le » tranchant d'un couteau mal-aiguifé ; de forte que j'avois fenfible- » ment vu toutes les cornes fe retirer & rentrer dans l’intérieur de » l'animal, j'ai même obfervé que de cette manière je ne coupai » que la peau & la mâchoire de ces limaçons , & qu'au bout de dix » à douze jours , ils fortirent de leurs coquilles & rempèrent en por- » tant des cornes mutilées. Les limaçons auxquels je n'avois coupé » que la moitié diagonale de la tête, rampoient avec deux feules » cornes: mais ceux dont j'avois brufquement coupé la tête entière, » ( & c'étoit le plus grand nombre) font tous morts au bout de quel » ques jours, excepté deux qui reftèrent cinq mois fixés contre une >» muraille, pleins de vie, & qui moururent au printems fans au- » cune apparence de repraduétion de tête. J'ai pris d'autres limaçons- » & je leur ai fait une incifion longitudinale à la tête, entre les quatre » cornes ; il a fallu près d'un mois à la nature pour réunir les deux » parties , encore ces animaux ont-ils paru fort languifans. J'ai ré- » pété ces expériences en 1769 , Ët toutes ont été fans aucun fuccès. » Nombre de perfonnes m'ont écrit de divers pays ; que leurs ten- » tatives ont été abfolument conformes aux miennes ». IL eft fingulier que j'aie réuffi fur une douzaine feulement de lima- çons ; tandis que M. de Bomare a échoué fur plus de cinquante, & M. Adanfon fur plus de quatorze cens. Mais , encore une fois, ces MM.sétoient probablementtrop preffés de croire que leurs expériences sanquoient , Où ils n’avoient pas donné affez d'attention aux premiers progrès de la régénération , toujours plus où moins lents & plus ou n oins déguifés, & conféquemment plus difficiles à reconnoîtres Li Did 4 1777. SEPTEMBRE, x78 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, J'ai nommé un autre Naturalifte eftimable , qui n'avoit pas été plus heureux que MM. Adanfon & de Bomare : je parle du P. Cotte, Curé de Montmorency. Il a configné les réfultats de fes infruétueufes tentatives, dans une lettre adreflée à M. l'Abbé Rozier , & publiée dans le Journal de Phyfique du mois de Mai 1774.11 y nomme prétendue, La reproduétion des têtes des limaçons. Il dit, que depuis 1768 à 1774) il a décapité une grande quantité de limacons : que prefque tous font morts peu de tems après l'opération , qui avoit été faite avec un couteau bien affilé, nonen traînant, mais d'un feul coup; & il conclut, par ces trois réfulrats, qu'il affure découler de toutes fes expériences & de toutes fes obfervations. » 1°, Qu'il a obfervé que les limaçons ont le talent de fe contrater » aflez promptement pour dérober leur rête à l'aétion de l'inftrument , » de manière qu'ils en font quittes fouvent pour la perte d'une partie » de leurs cornes, ou tout au plus de la peau de leur tête. » 2°. Que lorfqu'il arrive qu'on leur coupe réellement la tête, » elle ne fe reproduit pas; que du moins il peut affurer qu'il n'a » jamais vu de reproduétions , pas même des parties de leurs cornes, » qui ont été retranchées. » 3°. Que les limaçons peuvent vivre très-long-tems fans manger » & fans têre ». J'ignore fi MM. Adanfon , de Bomare & Cotte ont continué leurs expériences & ce qu’elles leur ont valu. Mais je dois dire que je ne fuis point le feul Naturalifte qui aie réufli à vérifier la découverte de M Spallanzani: elle l’avoit déja été par la célèbre Signora Bañi de Bologne , & par MM. Lavoifier & Schaeffcer. M. Sénébier , Pafteur & Bibliothécaire de notre République, qui a donné des preuves publiques de fes grandes connoiflances en Phyfque & en Hiftoire Na- turelle, vient de réuffir comme moi, dans les expériences fur les limaçons. Je tranfcrirois ici ce qu'il m'en a écrit, s'il ne m'apprenoit Jui-même qu'il a envoyé fes obfervations à M. l'Abbé Rozier pour être publiées dans fon Journal. Au refte, quoique la tête du limaçon foit une petite machine très-compofée, & dont j'ai fait admirer ailleurs (1) la ftru@ure ; la qualité g‘latineufe des chairs favorife, fans doute , beaucoup {a merveilleufe reproduction. J'ai infifté fur cetre remarque en trai- tant du Polype. Je ne voudrois pas néanmoins qu'on fe preflät d’en inférer que tous les animaux gélatineux & tous les animaux dans leur premier état de gelée peuvent fe reproduire comme le polype & le limaçon, ou réparer, comme eux, la perte de leurs membres. a —————————_————————————— (x) Palingénéfie philofophique, Part, IX. SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 17 9 C'eft uniquement à l'expérience à nous inftruire de la latitude de cette admirable propriété , & ce qu'elle nous a déjà appris de l'étendue de fon domaine, doit exciter les Naturaliftes à varier de plus en plus leurs tentatives fur un fujet fi fécond en merveilles. Je ne puis trop les exhorter à ne défefpérer de rien, pas même des tentatives en apparence les plus chimériques. A Genthod , près de Genève , le 30 de Juillet 1777. ERP 2; EE DL PO LECTURE SEEN V7 TS EP PSN SEV TEE PIE OU RTE EU PRE TE CREER MEME UM OAI SR EE Dans lequel on donne un nouveau moyen de fe préferver du Tonnerre , après avoir prouvé que la foudre s'élève fouvent de la terre; Par M. l'Abbé BERTHOLON, Prêtre de Saint-Lazare , des Acadé- mies Royales des Sciences de Montpellier , de Beziers, de Lyon, de Marfeille , de Nifmes , de Dijon , de Touloufe & de Bordeaux. [I LS ne font plus ces tems où le projet de difiper la foudre , de la maîtrifer en quelque forte, & de prévenir fes coups redoutables & fes ravages défaftreux , auroit été regardé comme la plus étrange des chimères auxquelles l’efprit de l’homme eût pu donner naïflance : il eft vrai que c’eft bien la plus hardie de toutes les entreprifes que la race audacieufe de Japet ait jamais pu concevoir. C'eft au Nouveau-Monde , c'eft à l’heureufe Penfylvenie que cette fublime idée doit fon origine ; mais c'eft auffi la France qui, la pre- mière , l’a accueillie , qui a tenté les premiers effais & prouvé incon- teftablement, par des obfervations auffi sûres qu'étonnantes, que l'in- génieux Franklin avoit deviné le fecret de la nature. L'illuftre Phyficien de Philadelphie avoit penfé que les nuages n'étoient orageux que parce qu'ils étoient furchargés du fluide éleétri- que, & que pour en être afluré , il fuffifoit d'élever des pointes métalliques ifolées , qui ne manqueroient pas de donner des fignes d'électricité. MM. d'Alibart , Delor, Lemonnier , Berthier & plu- fieurs autres Eleétriciens , confirmèrent, par leurs expériences, cette fuperbe conje&ture , en élevant à Paris & dans les environs, des appa- reils propres à produire cer effet ; c’eft peut-être la plus brillante époque que la phyfque ait jamais vue. 1777. SEPTEMBRE, 180 OBSERVATIONS SUR LA PHYS'QUE, De cette découverte à celle du moyen de préfeiver de la foudre, il n'y avoit qu'un pas à faire, & ce pas étoit facile ; néanmoins quelque tems fe pafla avant qu'on y eût fongé : ce n’eft pas le feul exemple de ce genre que l’hiftoire des Sciences puiffe nous fournir. Enfin ; après que l'efficacité de ce procédé fut démontrée, il fallut encore bien des années pour le faire adopter; tant les vérités utiles ont de peine à braver les préjugés & à les déraciner ! L'Amérique eut encore la gloire de donner la première l'exemple d'élever fur les maifons & principalement fur les magafins à poudre des pointes & des barres préfervatrices du tonnerre. Quelques Con- trées d'Italie & d'Allemagne imitèrent le Nouveau-Monde, & la France , qui avoit des droits fur cette découverte, feroit encore la dernière à l’accueillir, fi l'Académie de Dijon , par les foins de M. de Morveau , Phyficien & Chymifte de Génie , n’eût fait élever des conduéteurs électriques. J'ai vu dans cette ville , fi féconde en grands- hommes, & toujours animée du plus grand zele & de la plus vive émulation pour le progrès des Sciences, plufieurs gardes-tonnerres élevés ; & l'empreflement général pour en faire conftruire d’autres. Quelques perfonnes de diftinétion de la province de Languedoc & de celle de Lyon m'ont prié d’en faire élever de femblables fur les édifices qu’elles habitent; j'ai promis de préfider à ces opérations, & je fouhaite que ces exemples foient bientôt fuivis par la multi- tude. L'expérience & une obfervation conftante ont prouvé que depuis l'établiffement de ces verges conduétrices en Amérique, la foudre, auparavant fi commune à Philadelphie, n'avoit fait prefque aucun ravage depuis cette époque. Si quelqu'un étoit tenté de révoquer en doure les avantages nombreux qu'a produits la Phyfique, je parle de la Phyfique des Académies, & non de cette vaine & ténébreufe Phyfique qui règne dans la pouffière des Ecoles , il changeroit fans doute de fentiment en jettant un coup d'œil, même rapide, fur l’hiftoire de ce qui s'eft paflé de nos jours. En propofant un nouveau moyen de fe préferver du tonnerre , je fuis bien éloigné de regarder comme dangereux ou comme inutile celui que le célèbre Franklin a imaginé & qui a été confirmé de toutes parts ; il faudroit pour cela fermer les yeux à l'expérience & à des obfervations réitérées & conftantes qui démontrent cette vérité d'une manière inconteftable. Je fuis auffi convaincu que perfonne, que le tonnerre eft un phénomène d'éledricité, que les pointes fouti- rent le fluide éleétrique & que les matières métalliques font d'excel- lens conducteurs. Mais, quoique cet expédient ne foit jamais nuifi- ble, qu'il foit très avantageux & fort efficace en général, il y a gependant un grand nombre de cas où il n'eft d'aucune utilité; & c'eft SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 191 c'eft pour ces circonftances , plus communes qu'on ne penfe , que je propofe un nouveau moyen que j'ai eu le bonheur d'imaginer. On fait depuis long-tems que la foudre tombe du fein des nuages fur la terre; mais il y a peu de tems qu’on ignoroit encore que le tonnerre s'élève fouvent dans l’athmofphère. Ce météore terrible ayant une direction double &.oppofée , il eft néceffaire d'établir un double appareil pour prévenir fes ravages : deux moyens différens font donc effentiels , afin de fe préferver des effets pernicieux aux- quels nous pouvons être expofés tous les jours. Jufqu’à préfent on n'a penfé qu’à fe garantir du tonnerre, lorfqu'il defcend de la ré- gion des orages fur la furface de notre globe |, & il n’eft même pas encore venu dans l'idée d'aucun Phyficien d'imaginer un moyen tutélaire contre la foudre qui s'élève de la terre vers les nues, lef- quelles continuellement flottent fur nos têtes au gré des vents ; c’eft pour remédier à ce défaut que je vais propofer le garde-tonnerre dont j'ai parlé, après avoir cependant démontré, par des preuves de la dernière folidité, que le tonnerre s'élève très-fouvent. Le premier qui a prouvé par une fuite de faits certains & d'obfer- vation exactes, que le tonnerre s'élève , eft le Marquis de Maflei ; dans fa lettre du 10 feptembre 1713, il communiqua à M. Vallisniéri, Pro- feffeur de l'Univerfité de Padoue , l’obfervation qu'il avoit faite au Château de Fofdinovo, fitué furune montagne; c'étoit un tems d'orage, & il vit la foudre naître, fe former & s'étendre fous la figure d’un feu extrêmement vif, blanchâtre & azuré, füuivi d'un bruit éclatant , &c. En 1719 , on imprima in-4°., à Venife, un Recueil d'Opufcules de Maffei ; la lettre dont nous venons de parler s'y trouve pag. 330 avec le titre della Formazione dei Fulmini. Il confte , par le Journal de Venife , vol. 32, art. 7, auquel travailloit M. Apoftolo Zeno , que la découverte de Maflei fut fort bien accueillie, même dans ce tems. : Enfin en 1747, M. de Maffei fit imprimer à Vérone fon Traité de la formation de la Foudre , dans lequel il raffembla , fous la forme de lettres adreflées à divers Savans Italiens & étrangers, tout ce qui pouvoit appuyer fon opinion, & où il réfute toutes les objec- tions qu'il étoit poffible de faire. Il étoit même fi hautement con- vaincu de la vérité de fon fentiment , que dans fa quatrième lettre, il avance que la foudre s'élève toujours de la terre, & que jamais elle ne tombe nine peut, tomber fur aucune partie de ce globe. Toutes les fois qu'il a eu occafion d'examiner les endroits où on difoit que le ronnerre éroit tombé ; il a vu , ajoute t-il , par les effets & les vefliges qui fubfiftoient, que la foudre avoit frappé de basen haut , par exemple , dans le coup de tonnerre , dont on vit des traces à Tome X, Part. II. 1777. SEPTEMBRE. A # 182 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; l'amphitéâtre de Vérone, dans celui qui éclata à Ferrare en°1727 ; & pendant l'été de 1731 , dans le territoire de Cafalone, &c. &c. L'Abbé Jérôme Lioni de Cénéda , qui avoit été un des contradic- teurs de ce fentiment, dans fa lettre au P. Burgos , vol. 32, déjà ciré ar. 8 , (. 4, avoue qu'ayant été témoin d'un fait décifif, il a été forcé de l'admettre; Dans un orage dés plus furieux , ïl vit tout-à- coup une: flamme’très-vive qui s'éleva rapidement de la terre à la hauteur de deux coudées ; & difparur dans un inftant avec un bruit épouvantable : fubito accendi flammam vividiffimam confpicio , duos paulo minus cubitos fupra terram, tenui trahe afcendentem , & citiùs quam narro evanefcentem , reliéfo terribiliffimo fragore , &c. GeorgesFrédéric Richter embraffa aufli le fentiment de Mañei, daus on petit livre qu'il fit paroître en 1725 à Leipfic, fous ce titre : D: nitalibus fulminum, Traétatus phyficus. Cet Ouvrage divifé en trois parties, eit terminé par-un appendix, dans lequel on rapporte, entres autres, une Lettre écrite par Juftinien Pagliarini , de Fo- tigno , le 5 Mars 1721. On ylit que, dans la cave des Bénédidtins de cette ville, lorfqu'on tranfvafoit dans un tonneau du vin qu’on avoit fait bouillir, une lésère flamme brilla autour de l'entonnoir, & à peine l'opération fut-elle achevée , qu'un bruit effroyable, fem- blable à celui des ‘bombes ou du tonnerre , fe fit entendre. Ce cellier fat rempli de feu, le fond du tonneau fe trouva percé d’un trou de trois pouces , les douves, &tc. brifées , & ; malgré les cercles de fer qui les retenoient , elles furent lancées avec violence contre les murs. Deux Obfervantins , profeffeurs de Philofophie , virent à Luques en 1724, la foudre fous la forme d'un petit globe de feu qui fe for- ma , s'éleva enfüuite rapidement ; & ïls entendirent peu après, le bruit d’une explofion. A Erbezo ; dans le Véronois ; un Prêtre nommé Piccoli fit la même obfervation. L’Abbé Moro , dans fon Traité furles coquillages & les autres corps marins qu'on trouve fur les montagnes, publié à Venife en 1740; foutient la même doétrine, que la foudre ne defcend pas des nuées, mais qu'elle fe forine dans les endroits où fes exhalaifons exiftent , fe choquent & s’enflamment. Ce même Auteur fit encore imprimer, dans la même ville , en 1750, une Lettre en forme de Differtation fur la defcente de la foudre des nuées ; elle eft toute entière pour approuver Fopinion du Marquis de Maffei, & contient beaucoup de recherches curieufes fur cer ohbjer. Le Médecin de Bacheton , dans le tome fecohd des commentaires de l'Académie de Boulogne 1745 , rapporte les obfervations qu'il a faites dans cette ville, de quelques phénomènes qui conftatent l’opi- sion de la foudre qui s'élève de la tèrre, & l'Hiftorien de l'Académie SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 183 dit à cette occafion : fulmen de quo agimus, Maffeio fe accomodare vifum eff. Le Général Marfilli a afluré à M. Mañfei que, dans le territoire de Berne en Suifle , il y a une vallée où l’on entend fouvent tonner & qu'on y avoir fréquemment obfervé que la flamme de la foudre s'élève de bas en haut. MM. Corradi & Vafelli: ont auffi fait de femblables obfervations ; le P. Fortunato de Brefcia , à qui nous fommes redevables d'un grand nombre d'Ouvrages , Albertoni de Baffano & un grand nombre d’autres Savans, qu'il feroit trop long de citer ici, ont adopté l'origine Maffeienne de la foudre, M. de Vignoles, de l'Académie de Berlin , étoit auffi très-intime- ment convaincu que la foudre ne tomboit point , & que tout ce qu'on racontoit là-deffus ; étoit impofture, crédulité ou l'effet de quel. qu'autre caufe naturelle : voyez dans les éloges des Académiciens de Berlin, par M. Formei , ce qui en eft dit , dans celui de M. Reinbeck , tom.2 ; pag. 99. Le célèbre M. Séguier de Nifmes , cité par M. Maffei, étant àune Maifon de Campagne à-une lieue de cette ville, viten 1725 , envi- ron fur les 10 heures du foir, dans un tems d'orage & à peu de dif- tance de lui dans un champ , la foudre s'élever de la terre, fous la forme d'une flamme , d'une toife de largeur à-peu-près , qui fembloit toucher à terre & s'élever en haut, Ce phénomène difparut bientôt & il entenditua grand coup de tonnerre. Le lendemain il vifita les lieux où il avoit vu certe flamme, & il n’apperçut fur les arbres aucune trace du tonnerre. C’eft ce fait qu'il avoit raconté à fon illuftre ami, le Marquis de Mañei; mais ce n’eft pas le feul dont il a été témoin. Je tiens du même M. Séguier ; ce favant profond dans tous les genres de connoiffances , que lorfqu'il étoit à Vérone, il prenoit fouvent plaifir à porter fes regards pendant les orages , & fur-tout ; tandis que le tonnerre grondoit ; fur la vafte plaine qui s'étend de Vérone à Mantoue. Il avoit toute la commodité poflible de l’obferver d'une tour de la maifon de Maffei,qui la dominoit,& où ilavoit pratiqué un petit Obfervatoire. J'ai fouvent vu dans cette plaine ; m’a-t:il dit , fortir de la terte des fufées d'un feu vif & éblouiffant, qui s’élevoient avec une rapidité étonnante de bas en haut en ligne droite. Ces traces de feu brillantes comme les éclairs, difparoifloient dans quel- ques inftans, & elles étoient , à ce qu'il croit, toujours accompagnées du bruit dutonnerre, mais il ne l’entendoit pas à chaque trait de lumière qui fortoit de la terre, peut-être à caufe de l'éloignement, Je n'ai jamais vu, m'écrivoit-il dans une de fes lettres , defcendre des nuées le moindre trait de feu, & je n’y ai obfervé dans l'air que les lignes ondoyantes de feu & en zig-zag , que l'on apperçoit fou- vent quand il tonne, Ces obfervations ; m'ajoutoit.il , ne furent 1777 NÉPLEMBRE 20h 'a > 184 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; faites. qu'après l'impreffion du Traité de Maffei en 1747 ; & me confirmèrent dans l'opinion que j'avois contraétée en raifonnant avec lui fur l’origine de la foudre. Le fentiment de Maffei, quoiqu'appuyé par le témoignage de plufieurs Auteurs dignes de foi, & ce qui valoit encore mieux, par un grand nombre de preuves aufli certaines que décifives, fut cepen- dant traité d'idée folle & fingulière, vingt ans avant que de pañler pour une vérité : tel eft le fort de la plupart des découvertes, d'être fouvent l'objet des farcafmes de l'ignorance , du préjugé ë& de la mauvaife foi. Eh! pourquoi la foudre ne s'éleveroit-elle pas de Ja terre , auroïent pu dire les Seétateurs de la doétrine du Marquis Scipion Maffei ? Eft-ce que les mêmes caufes formatrices , qui concourent à produire la foudre dans les airs, n'exifteroient pas dans les entrailles de la terre, ou ne s'y réuniroient-elles pas pour former, par leur combinai- fon, ce méréore redoutable ? Eft-ce que ces mas de bitumes , de foufre, de nitre , de falpêtre, qui jouèrent fi long-tems un grand rôle dans certe Phyfique précaire & furannée , dont on voit entore mille débris dans des prérendus Ouvrages modernes , ne feroient pas dans le fein de notre globe , ou ne s'y formeroit-il pas des mélanges capables de produire cet effet ? Certainement il étoit plus fimple que les fermentations euffent lieu dans la terre , où leurs principes divers exiftoient , & pouvoient , par leur réunion, fe combiner de mille manières, que dans le vague des airs où elles ne fe trouvoient que par le pouvoir créateur de l'imagination exaltée de quelques romanciers Philofophes ; mais l'idée de Maffei ne fe préfentoit qu'avec l'appareil de la fimplicité , auffi futelle rejetée ; c'eft le deftin des vérités. Les Phyfciens éleétrifans n’ont que trop mérité, prefque jufqu’à ce jour , les reproches que nous venons de faire à ceux qui les avoient précédés dans la carrière de cette Science. Ne devoient-ils pas pen- fer que le globe rerraqué étoit , ainfi que les nuages , un foyer fécond & perpétuel de la matière éleétrique ; que celle-ci étant, dans certaines occafions , ammoncelée dans la région moyenne , on ne pouvoit s'empêcher de craire qu'elle devoit être quelquefois accumu- lée dans une partie de la terre ; & alors, pour établir l'équilibre , il falloit qu'elle s'écheppât dans l'athmofphère , ainfi qu’elle en defcendoit dans des circonftances oppofées. Certe idée étoit on ne peut plus naturelle, & cependant , telle eft la trempe de l'efprit humain, elle a été long-tems inconnue, à elle le feroit encore, fi des obfervations auffi multipliées que conftantes , ne nous euflent, pour ainfi dire, forcés à ne pas méconnoître ce commerce réciproque qu'il y a entre la terre & les cieux Oui, la foudre fouvent defçend SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 18$ avec fracas fur la terre ; la terreur & l'effroi la précèdent ; & elle marque fes traces par mille ravages ; mais aufi quelquefois elle s'élève du fein de la terre & s'élance dans la région des orages. Ache- vons de démontrer cette vérité par une fuite d’obfervations faites par d'autres Savans, dont le témoignage foit infragable. Dans les Mémoires de l'Académie des Sciences de Paris, ann. 1755 , pag. 281, on rapporte que l'illuftre M. Bouguer , qui avoit habité pendant quelque tems un pays de montagnes , a afluré à M. le Roy, de l'Académie des Sciences , qu'il avoit vu , nombre de fois, fortir du feu de ces montagnes , lorfque certains nuages étoient por- tés par le vent ou contr'elles. M. l'Abbé Chappe d'Auteroche qui , en 1761 , alla, par ordre du Roi, obferver le paffage de Vénus à Tobolck en Sibérie , nous a fait part, daus fon voyage imprimé , de fes expériences fur l'éleétricité naturelle qu'il a été à portée de multiplier , les orages étant très- fréquens dans cette partie du Nord. Cet Académicien n'a jamais obfervé une éleétricité fi forte que dans ces contrées, prefque tou- jours couvertes de frimats , & il a reconnu conftamment , dans les obfervations qu'il a faites en Sibérie , que la foudre s'étoit portée de bas en haut. Si l'on examinoit , ajoute-t-il , les orages avec atten- tion & avec des yeux dégagés de préjugés, on verroit fouvent la foudre s'élancer de la terre , ainfi qu'il étoir facile de l’obferver à Tobolsk. Il elt vraifemblable qu'elle s'élève fouvent en filence par des conduéteurs qui nous font invifibles , & qu'elle n'éclate qu'après être parvenue à une certaine hauteur, L'Abbé Chappe fut encore témoin du même phénomène à Paris, dans l'orage du 7 Juillet 1766 & dans l'orage du 6 Août 1767 , à 9 heures du foir , cet Académicien vit la foudre s'élever du bas en haut. Le même jour, à 10 heures du foir , il apperçut également , étant avec M. Cañini , le fils, & M. de Prunelai , à la fenêtre du petit Cabinet d'Obfervarion , à l'Eft de l'Obfervatoire, un coup de foudre s'élever du côté de Châtillon , fous la forme d’une fufée , dont la groffeur & la vivacité diminuoient à mefure qu'elle s’élevoit. L'orage augmentant enfuite à dix heures & demie , ces trois Savans étant toujours au même endroit , ils apperçurent encore un coup de foudre qui s'éleva dans la direction du mât, fitué fur la rerraffe de l'Obfervatoire ; nous l’apperçumes, dit:il , avec une telle évi- dence que nous criâämes tous , ah ! le voila. M. l'Abbé Chappe , le lendemain , monta au haut du mât & vit très-diftinétemeot des marques certaines de la route du tonnerre le long de ce mât. Mem. Acad. ann. 1767 , pag. 344. En 1269 , cet illuftre Académicien , dont nous pleurons encore Ja perte ; Ë qu'on peut regarder comme un vrai martyr de l’Aftronoy 1777. SEPTEMBRE, 186 OBSERV ATIONS SUR LA PHYSIQUE, mie, brigua encore la commifion glorieufe d'aller au bout de l'autre hémifphère faire une feconde obfervation de Vénus fur le difque du {oleil, ne craignant nullement d'affronter les feux du Midi, après avoir bravé les glaces du Nord. I! eut auffi, comme il le rapporte dans fon voyage en Californie, que M. Cañini, le fils, a publié depuis peu , l'avantage d'être témoin plufieurs fois de ce même phénomène. » Ce fur aux environs de Quérétaro que j'eus, dit M. l'Abbé Chappe, pag. 31, la fatisfaétion de voir & de me convaincre, à différentes fois, de la vérification d'un phénomène que j'avois plus fouvent foupçonné qu’obfervé en France, celui de la foudre qui s'élève de la terre, au-lieu de partir du nuage, felon l'opinion commune » Le 3 Mai 1769 , me trouvant proche de Malino, petit hameau éloigné d'environ trente fix lieues de Mexico, j'apperçus vers le Sud un gros nuage noir , élevé à une médiocre auteur au-deflus de lhorifon: tout le refte de l'hémifphère paroifloit enflammé autour de nous. Ce nuage étoit foutenu par trois efpeces de colonnes à égale diftance l'une de l'autre , dont la bafe touchoit prefque l'horizon : tant qu'il refta dans cet état , des éclairs vifs & fréquens paroifloient en trois endroits du nuage au-deffus de ces colonnes , & en même- tems des traits de lumière, éleétrique partoient, comme dans une aurore boréale , des points de l'horizon qui répondoient au-deflous. Bientôt après le nuage s'affaifla ; ce fut alors que nous vîmes fa foudre s'élever à tout moment de la terre , fous la forme de fufées & aller éclater vers le haut du nuage. Je craignois d'autant moins de me faire illufion à moi-même , que , dans cette obfervation , toutes les perfonnes de ma füuire , l'Interprête , les foldats de l'efcarte, qui n'étoient prévenus d'aucun efprit de fyftème , furent les premiers à remarquer ce phénomène. Une feule fois la foudre nous parut partir du nuage. Deux jours après , nous vimes encore , à-peu-près ; le même fpeëtacle , & nous fimes également la remarque de la foudre qui s'élevoit de la terre affez lentement, pour qu'on püt diftinguer fon origine & fa direétion ». M. Lavoifier , le 27 Juia 1772, obferva encore à Paris, rue Vivienne , chez le Marquis de Collabeau , des traces d'un coup de foudre qui s'étoit élevé de la terre. Les obfervations de cet habile Académicien furent communiquées à l'Académie Royale des Scien: ces , & inférées enfuite dans le Journal de Phyfique de M. l'Abbé Rozier. L'illuftre M. de Lalande nous fournit encore une preuve de ce fentiment dans le Journal des Savans, Nov. 1775 , pag. 766. La lanterne ou fanal de Villefranche , dans le comté de Nice , a été frappé de la foudre; on a vu des torrens de feu éleétrique partir SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 187 de la terre de s'élancer vers le fommet où l'électricité du nuage fe portoir. La cafemate qui contenoit des poudres , a pris feu ; plufieurs perfonnes ont été tuées & le bâtiment percé de toute part. Le célèbre P. Beccaria , dont ‘e nom fera en honneur dans les faftes de la Phyfique tant que cetre belle Science fera cultivée , rapporte qu'on a vu quelquefois des éclats de tonnerre fortir des cavités fou- terreines & des puits, Lettere dell Elettricifmo. pag. 228. Il feroit à fouhaiter que quelques perfonnes nous donnât une bonne traduétion de tous les Ouvrages de ce favant Italien ; les Anglois viennent de Je traduire en leur langue , & les autres Nations les imiteront cer- tainement. Le Pere Cotte , de l'Oratoire , Phyficien & Obfervareur exact , a vu plufieurs fois des courans de feu s'élever de la terre. Dans le Jour- nal des Savans, ann. 1777, Janvier , pag. 34, il dit, que le 15 Août 1776, il y eut à Montmorenci un orage accompagné de grêle & de tonnerre , & que le ciel étant tout en feu , on put jouir pendant une partie de la nuit du plus beau fpeétacle dont il foit pofible d'être témoin. Je fus à portée , continue-t-il, de remarquer & de faire remarquer à beaucoup d'autres perfonnes les deux courans de feu qui fortoient l’un de la terre & l'autre du nuage , pour former les éclairs qui fe fuccédoient fans interruption. Le Pere Cotte , dès 1768 , avoit fait part d'une pareille obfervation à l'Académie des Sciences, dont il eft Correfpondant. En 1769 , il lui en communi- qua encore de femblables , qui fe trouvent confignées dans l'Hift. de l'Acad. pag. 20, à l'occalion de l'orage du 7 Juillet de cette année ; on marque qu'il a encore obfervé plufieurs fois que l'éclair , ou pour parler plus juite, le trait de feu qui le caufe , partoit fouvent en même-tems de la terre & du nuage. C'eft ce que j'ai vérifié fi fouvent, m'écrivoit-il , que je ne puis douter que pareil phénomène n'ait lieu toutes les fois que la nuée à tonnerre s'approche affez de la terre, pour que les deux courans puillent fe rencontrer. J'ai fait auffi moi-même, dans différentes circonftances, plufieurs obfervations de ce genre, qui font autant de preuves direétes du fentiment que la foudre s'élève de la terre. Le 28 Oétobre 1772 , environ fur les 5 heures & quart du matin , à un quart de lieue de Brignai, diocèfe de Lyon , je fus affailli par un orage affreux qui dura plus d’une heure & demie. J'eus alors l'occafion de remarquer plufieurs courans de feu qui s'élevoient de la terre & étoient fuivis d'un bruic femblable à celui du tonnerre , mais fec & prefque point redoublé. Dans ce tems , je me rrouvai fur la grande route avec un compagnon de voyage & un domeftique ; une petite chaîne de montagnes étoit à un de nos côtés , & de l'autre, une efpèce de vallée. Je pus d'autant mieux obferver la direétion de la foudre qui partoij 1777. SEPTEMBRE, 183 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; d'ea-bas , que le rems, qui d'abord avoit été clair, devint enfuice d'une profonde obfcurité , & que ces traits de feu fe fuccédèrenr plufieurs foi. L'orage continuant , le vent augmenta , la pluie & la grêle tombèrent avec abondance , & environ demi-heure après avoir commencé à remarquer des fufées de feu s'élancer de la terre vers les nuages , je vis tomber la foudre avec un bruit effroyable , tel que je n’en ai jamais entendu de plus fort , quoique j'aie été plufieurs fois témoin de divers orages, accompagnés de tonnerres épouvantables. J'apperçus aufli pendant ce même tems un autre phénomène peu commun & intéreffant, dont je rendis compte à FAcadémie de Lyon, dans un Mémoire qui wa qu'un rapport éloigné avec le fujet préfent; c'eft pourquoi je n'en parlerai point ici. Cette efpèce de tempête a été regardée comme une des plus furieufes qu’on eût encore vues dans cette contrée; elle couvrit une grande étendue de pays de fes funeftes effets , après y avoir porté le ravage & l'effroi. À Cafoul , Bourg fitué à deux lieues de Béziers , le 30 Juin:1773, environ fur les 6 heures du foir , la foudre tua un homme. Pendañt cet orage, qui dura quelque tems , je vis trois courans de feu bien marqués s'élever fucceffivement de la terre vers les nuages, & faire entendre une explofion affez forte. En 1774, le 21 d'Août , fi je ne me trompe , fur les cinq heures & demie du foir , dans un voyage que j'avois entrepris pour faire une collection de corallines fur les côtes de l'Océan & dans quelques îles voifines , je me trouvai alors à quelques lieues de ‘Fouloufe & à envi- ron deux lieues de Grenade, dans un tems des plus orageux. La faifon avoit été, jufqu'à cette époque , très-chaude ; une longue féchereffe avoit régné depuis long-tems, & les eaux des différentes rivières, & fur-tout , de la Garonne, étoient très-baffes. Une forte & abondante pluie , précédée de tous les fignes avant-coureurs d'une tempête, furprit plus de 40 perfonnes avec qui j'étois , & nous vimes très- diftinétement la foudre s'élever de la terre & éclater , à une certaine hauteur , avec un bruit très-violent , mais peu redoublé; la figure de la flamme nous parut avoir peu de largeur & ferpenter avec une grande rapidité. J'étois à Narbonne le 4 Août 1775 & ) à 4 heures & demie du foir environ , je vis fe former un orage qui étoit direétement fur la ville de Béziers & aux environs. J'apperçus plufieurs traits de feu s'élever de la terre vers les nuages , & le tonnerre tua, pendant ce tems , un homme à Caftelnau , maiïfon de campagne , entre Béziers & Narbonne , qui eft fituée près de l'étang de Vendres , étang formé par les eaux de la Mer. Un des orages les plus furieux que j'ai obfervés, eft celui qui arriva SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 189 arriva le 25 Août 1775, fur les 7 heures du foir ; il s’étendit à plu- fieurs lieues avec la même force. Un vent impétueux, une pluie par torrens , des éclairs fucceflifs , des tonnerres redoublés fembloient confpirer à porter par-tout Ja terreur & la confternation. Des arbres brifés ou déracinés, des cheminées renverfées, des murs abattus, des toits enlevés de côtés & d'autres, &c. , furent les triftes effets de ce terrible ouragan, à jamais mémoralle dans cette Province, par la tempête qui fut excitée fur d'étang de Thau , où plufieurs perfonnes , qui s'étoient embarquées à Cette avant l'orage , périrent malheureufement : cet étang , qui reçoit fes eaux de la mer, eftinf- niment plus dangereux que la mer dans les mauvais tems. Vers les fept heures & quart, je vis, pendant près d’une demi- heure, un grand nombre d’éclairs fucceflifs qui s’élevoient de terre & fe portoient avec rapidité du côté des nuages; leur direétion étoit bien marquée, l'obfcurité permettoit de fuivre la trace qu'ils tenoient dans les airs, & leur multiplication fuccefive pendant un tems confidérable, donnoit mille occafions de remarquer ce phénomène fans avoir à craindre aucune erreur ni aucune illufion. D'ailleurs , comme dans le tems des orages, j'ai tout le fang froid, tout le calme & la tranquillité que bien des perfonnes defireroient, & que j'obferve toutes les fois que je le peux , les tempêtes , les éclairs, la foudre & le tonnerre , avec cette efpèce de plaïfir qu'ont ordi- nairement ceux qui aiment les divers fpeétacles que la Nature nous préfente , & qui font curieux de connoître les phénomènes inté- reffans qu'elle produit fans celle; j'ai été dans l'état néceffaire pour bien voir, non avec les yeux de la crainte ; mais avec ceux d'une ferme aflurance. J'ai vu auffi dans ce tems plufieurs éclairs partir non-feulement de la terre, mais de la mer même ,; comme je le rapporterai dans un inftanr. Environ à fept heures & trois quarts, la foudre frappa un côté des cafernes de la ville de Beziers ; quelques foldats qui étoient dans une chambre direétement de ce côté , furent renverfés; une forte odeur de foufre fe fit fentir à eux; une femme fut aveuglée pendant quelques jours; des cafferoles furent jettées à quelque dif- tance. M'étant prefqu'aufli-tôt tranfporté fur le lieu même, il m'a paru que tous les effets de la foudre, dans cet endroit, indiquoient qu’elle s'éroit élevée de la terre. Les cafernes font fur une petite colline, & le côté où je remar- quai des traces de ce funefte météore , forme une partie des murs de la ville vers la rivière, entre laquelle & ce bâtiment , font divers champs defquels la foudre a pu s'élever. À peu-près dans le milieu de Fintervalle de la fenêtre du premier étage à celle qui lui ef Tome X , Part. II. 1777. SEPTEMBRE. Bb Y90 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; fupérieure , il y avoit un trou que le tonnerre forma en enlevant du mortier & quelques pierres ; la foudre perça enfuite le mur per- pendiculairement jufqu'à la rablette de la fenêcre du fecond étage, où elle faivit un des barreaux de fer qui y font inférés ; une partie de cette pierre fut brifée & emportée au loin. A l’exrrémité fupérieure de ce barreau , ellebrifa encore la pierre où il étoit fcellé , & une partie en fut enlevée, comme à la tablette inférieure. Une certaine quantité de mortier & quelques pierres furent enlevées au-deffus de la fenêtre du fecond étage, jufqu’au toit, dont plufieurs tuiles furent brifées & portées à une certaine diftance , fur-tout , celles qui , placées en recouvrement les unes fur les autres , formoient une faillie & un couronnement à lendroit correfpondant : c'eft devant la fenêtre même du premier étage, placée au deffous du premier trou fait dans le mur, qu'étoit cette femme qui perdit quelque tems la vue & fut renverfée, ainfi que d’autres perfonnes & quelques pieces de bat- teries de cuifine. La fenêtre vitrée étoit fermée , & cette femme poufloit dans cet inftant le volet intérieur , afin de ne voir les éclairs qui fe fuccédoient rapidement depuis quelquetems, &c. Le 2 novembre de cette même année , dans l'orage qu'il y eut fur le foir , je vis aufi plufieurs traînées de feu en zig-zag s'élever dans l'air avec un bruit fec, mais moins fort que lorfque le tonnerre, aflez long-tems après , tomba vers l'heure de minuit, fur une maiïfon qui n'eft guère éloiguée de celle que j'habite , que d'environ cent pas. Je remarquai dans les veftiges que la foudre avoit laiflés plufieurs phé- nomènes, dont je parlerai ailleurs, Deux de mes amis qui ont de- meuré long-tems dans les Vallées conquifes du Dauphiné , aétuelle- ment foumifes au Roi de Sardaigne , m'ont affuré avoir vu quelque fois dans ces contrées la foudre s'élever de la terre, & s’élancer vers le ciel ; ce phénomène n'eft point rare dans les montagnes. Les tonnerres étant aflez fréquens dans la partie du Languedoc que j'habite depuis quelques années, &t la foudre y faifant fouvent des ravages, y tuant prefque chaque année plufieurs perfonnes; par exemple, l'année 1776 , au mois de Juillet, quatre perfonnes dans le feul bourg de Puifférié , à deux lieues de Beziers , &tc. &c. , j'ai été à portée d'obferver plufieurs orages , &t je ne me rappelle pas d'en avoir vu ua feul qui füt confidérable , fans appercevoir la foudre s'élever de la terre ; ce n'eft que dans les petits orages que je ne l'ai pas vue fe porter en haut. D'après un grand nom- bre d'obfervations , je regarde cette règle comme affez générale : que dans les grands orages la foudre commence ag moins par s'élever plufieurs fois de la terre, quoiqu’elle tombe enfuite, & que dans les petits orages elle tombe plus fouvent du fein des nues, vers SUR L'HIST. NATURELIE ET ILES ARTS. gx lefquelles elle s'élève moins fouvent dans ces circonftances. J'ai en- core remarqué que le bruit qui accompagne l'explofion de la foudre, eft prefque toujours moins fort lorfque le tonnerre s’élance vers Îles auées, que lorfqu'il en defcend ; l'éclat du fon eft beaucoup plus confidérable dans ce dernier cas: c'eft une feconde obfervation £6- nérale qui eft fondée for un grand nombre de faits que j'ai eu lieu d'examiner. Ce n’eft pas feulement de la terre , mais auffi du fein de la mer, que j'ai vu s'élever la foudre fous la forme de traits de feu ferpen- tans dans l'athmofphère , & éclater enfuite avec bruit. La proximité de la mer à laquelle je fuis, n'en étant éloigné que d'une lieue en- viron ; la fituation de mon Cabinet me préfentaht on ne peut mieux : pour perfpeétive , une belle plage, ne permet aucuneillufion. Très- fouvent j'ai apperçu des courans de feu s'élever de la mer vers les nuées , lorfque l'orage eft de ce côté de l'horifon , & cela parti- culièrement le 25 Août 1775, comme je l'ai dit ci-deffus. Peut- être cela n'arrive-t-il que dans les parages qui font près du rivage, les eaux de [a mer aÿent vers les bords , très-peu de profondeur. J'ignore fi, à une certaine diftance & bien avant dans la mer > ily a des foudres marines qui montent vers les nuées ou qui en def- cendent, l'analogie porte d'autant plus à le croire > qu'il y a des trombes & des typhons qui dépendent de la même caufe, je veux, dire de l'éleétricité. Quoiqu'il en foit, la foudre alors eft moins dangereufe ; elle fe contente , ce femble , d'imprimer la terreur & l'effroi aux fpeétateurs qui la confidèrent, fa trace eft fugitive comme l'éclair qui l’a précédée , & elle ne détonne que pour avertir qu'elle n'eft plus. Je fois perfuadé que le grand nombre de preuves que nous avons rapportées, non-feulement portera la conviétion dans tous les ef: prits , mais déterminera encore la plupart des Phyficiens à confidés+ rer avec des yeux attentifs les orages ; qu'ils y appercevront la foudre s'élever très-fouvent de la terre , & que les obfervations fe mul- tipliant ainfi de tous côtés, on ne verra plus de contradiéteurs de ce fentimenr. Des recherches que j'ai faites à ce fujet ,ne me per- mettent pas de douter que fur cent perfonnes qui croyent que le tonnerre tombe toujours des nuages, il n'y en a pas deux qui l'ayent vu réellement en defcendre une feule fois ; ce n’eft que fur la foi des préjugés & de la crédulité publique , qu'on s'appuie ordinaire- ment, parce qu'il en coûte moins de fe laiffer entraîner aveuglé- ment par le torrent de la multitude , que d'examiner attentivement 3 de confidérer avec foin , & d’obferver avec exactitude les phénomènes de la Nature, 1777. SEPTEMBRE. Bb 2 192 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Les principes, le raifonnement & la théorie , font d'accord aveë les obfervations. On doit fe rappeller de ce que nous avons die plus haut, que la matière électrique , pouvant être accumulée dans le fein de la terre par différentes caufes, comme elle eft quelque- fois amoncelée dans les nuages, elle doit, dans le premier cas , ain que dans le fecond , s'échapper de l'endroit où elle eft plus abon- dante, vers celui où elle l'eft moins, afin de rétablir l'équilibre : c'eft une loi générale d'hydroftatique à laquelle tous les fluides font foumis, & fur-tout le fluide éleétrique , qui , comme l'expérience le démontre , des corps électrifés, s'élance fous la figure d'aigrettes ou d'étincelles , fur les corps qui contiennent moins de fluide élec- trique. On voit que je fuppofe comme démontré , que le tonnerre eft un phénomène électrique , & qu'il n’eft plus permis même à l'igno- rance la plus profonde , de foutenir le contraire. Les pointesélevées dont on a tiré des étincelles, la mort malheureufe du Profeffeur Richman, arrivée à Pétersbourg, & occafionnée par une décharge de l'appareil éleétrifé fubitement par le tonnerre , &c. ; les cerfs- volans éleétriques de MM. de Romas , Francklin, du Pere Beccaria, qui ont donné, fur-tout dans les tems orageux , du feu électrique en une étonnante quantité , &c. font des preuves non moins in- conteftables que décifives de cette vérité. Ces efpèces de prodiges n'ont pas été réfervés à un petit nombre de Savans ; tous les jours on les voit renouvellés. L'année dernière , à Paris, le 19 de Juillet , M. le Duc de Chaulnes, ayant invité plufieurs Phyficiens à affifter à quelques expériences d'éleétricité, J'eus l'honneur d’être de ce nom- bre , & je tirai, ainfi que plufieurs autres, des étincelles de la boule de cuivre fufpendue au bout de la ficelle de fon cerf-volant élec- trique. Les conduéteurs ifolés font à préfent plus multipliés que ja- mais , & la plupart des Phyficiens en ont tiré très-fouvent des étincelles éleétriques; on peut voir , entr'autres, les Obfervations mé téorologiques du Pere Cotte. Puifque de ce corps de preuves que nous avons préfentées , on ne peut s'empêcher de conclure que la foudre s’élance fouvent de la terre , il eft donc néceffaire d'imaginer & de conftruire un appa- reil pour préferver les édifices, de la foudre qui s'élève, de même qu'on en a établi fur le faite des maifons pour les garantir du ton- nerre qui part des nuées. La raifon dite hautement que fi des caufes agiffent dans des direétions diamétrales , il faut leur oppofer des obftacles contraires , lorfqu'on veut empêcher que leur efficacité n’ait dieu ; ce feroit une contradiétion marquée d’en agir autrement , ou de ne pas reconnoître une égale néceffité de part & d'autre. Ainfi, dès qu'il eft démontré d'une manière inconteftable , que les conduc: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 191 teurs établis fur les maifons les protègent contre l'éruption de la foudre qui tombe des nuées , & que d’ailleurs il eft prouvé , autant qu'un dogme de Phyfique puifle l'être , que la foudre s'élève fou- vent de la terre, il faut donc établir des appareils préfervateurs dans ce dernier cas comme dans le premier. Le nouvel appareil doit être fondé fur deux principes certains & confirmés par la doétrine univerfellement reçue: les métaux font d'excellens conduéteurs du fluide éleétrique , & les pointes ont la vertu de foutirer de loin le feu éleétrique & de décharger le con- duéteur ; mais comme entre la matière de la foudre & celle de l'é- leétricité, règne la plus parfaite identité , il eft évident que les conducteurs armés de pointes foutireront & tranfmettront la ma- tière fulminante; de cette façon, n'étant point accumulée dans un endroit particulier , mais difperfée & difipée , elle ne pourra point faire d'explofion. Il faut donc que notre garde-tonnerre foit métal- lique , & on y doit y ajouter des pointes. La direétion de la foudre étant de bas en haut, il eft néceffaire que les pointes foient placées dans cette direction , alors elles foutireront le fluide éleétrique ou la matière de la foudre , & l'extrémité oppofée la déchargera en filence dans l'air de l’athmofphère , fous la forme d'aigrettes. D'après cet expofé, il paroîtroit naturel de fe fervir d'une barre de fer, courbée en angle , ou qui eût la figure d'une ligne brifée , & à une partie de laquelle on eût fait fouder , ou plutôt forger deux ou plufieurs fupports de fer, felon la longeur de la portion à la- quelle ils feroient unis, & ces fupports feroient fcellés dans le mur. Une extrémité de cette barre terminée en pointe , dépañeroit le faite de l'édifice, & par-là , laifferoit écouler le fluide éle&trique , que la partie brifée , qui fait angle avec le mur, & dont le bout très-aigu eft tourné en bas , auroit foutiré à l'inftant où il fe feroit échappé de la terre aux environs de cette barre. Mais afin d'éviter tous les inconvéniens poffibles qui pourroient paître d'une difpofition femblable , dans les cas où la foudre tom- beroit , ce conducteur n'étant pas continué jufqu'à la terre , nous propofons une barre de fer , fuffifamment enfoncée en terre & dans une direétion perpendiculaire , par conféquent placée parallèlement à un côté de l'édifice, de telle forte cependant que l'extrémité qui eft en haut aie une faillie proportionnée au-deflus du toit. À cette barre de fer fera forgée au moins une autre petite barre de même métal, & qui fafle, avec la partie fupérieure de la grande barre , un angle de 135 degrés, & avec la partie inférieure, un angle qui foit le fupplément du premier , c'eft-à-dire , de 45 degrés : cette inclinaifon paroît réunir plus d'avantages que toute autre. La longueur des deux parties de la grande barre & celle de la petitez 3777. SEPTEMBRE, 59% OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, feront proportionnelles à la hauteur de l'édifice ; on aura encore foin de terminer l'extrémité de la petite barre par une pointe de cuivre, conformément aux obfervations faites récemment, & cette pointe qui doit être très-aiguë , fera tournée vers la terre. Si donc le tonnerre s'élève de la terre à ane certaine diftance où il puifle fou- droyer le bâtiment , la pointe de notre appareil le foutirera en filence, & le conducteur préparé le tranfmettra le long de la petite barre, & de la partie fupérieure de la grande dans l'athmofphère. Je ne doute point qu'elle ne foit aufli tranfmife quelquefois dans le fein de [a terre par la partie fupérieure de la grande barre , ce qui fera un double canal de dérivation très-utile. J'ai dit qu'on feroit forger au moins une petite barre , car j'aime beaucoup mieux qu'il y en ait trois ou plus qui forment des rayons divergens ou des verticilles , mot commode des Botaniftes qu'on doit ieur emprunter : alors , elles foutireront la matière fulminante de tous côtés, & fi celle du milieu eft trop éloignée de l'endroit de l'éruption , pour produire cet effet , la barre qui eft à droite ou à gauche , étant plus proche , le produira. La grande barre verti- cale fera enfoncée dans la terre le plus profondément qu’on pourra, & l'extrémité inférieure communiquera , autant qu'il fera pofible, avec une pièce d'eau , où au moins avec la terre humide près du bout fupérieur , fi cela eft néceffaire ; on employera une ou plufieurs brides pour Faflujettir. Afin de compléter cet appareil , nous placerons quatre barres principales , femblables en tout à celle que nous venons de décrire, aux quatre coins ou fur le milieu des quatre faces de l'édifice qu’on veut préferver : de cette façon , il fera, pour ainfi dire, armé de toutes parts, Alors, de quelque côté que la foudre s'élève, elle trouvera un conducteur préparé pour la recevoir & la difliper dans l’athmofphère. Je crois qu'il eft à propos de réunir ces quatre barres principales & perpendiculaires , par quatre barres horifontales qui formeront une communication entr'elles , parce que fi la foudre s'é- lance fur une pointe , elle fe diffipera par plufieurs canaux de dé- charge : ce moyen ne peut qu'aflurer de plus en plus la certitude: de l'effet; & pour la même raifon, je défirerois fort qu'on termi- pât par plufieurs verticilles métalliques la partie inférieure de cha- que barre principale. Ces barres horifontales de communication, & ces verticilles inférieurs qui font d'une grande utilité, devroient être appliqués aux conducteurs ordinaires ; comme on n'y a pas en- core penfé, je ne puis m'empêcher d'en recommander fortement Pufage. La conftruétion totale de ce nouveau garde-tonnerre , n’eft peint incompatible avec un appareil ordinaire dreffé fur le même bâtiment, "of SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 195 & dont la pointe , plus élevée que celles des quatre barres que nous venons de décrire , foutirera la foudre contenue dans les nuages ora- geux , & la conduira dans le feia de la terre. Si on veut que notre appareil fupplée au garde-tonnerre employé jufqu’ici , il faut donner à la pointe de chacune des quatre barres, placées aux quatre côtés de l'édifice, une élévation égale à celle des conduéteurs ordinaires ; dans ce cas , nos conduéteurs compofés feront l'office de garde-tonnerre tombant , & de garde-foudre s'é- levant. 11 feroit à fouhaiter qu'il y eût deux termes dans notre lan- gue pour exprimer la foudre qui s'élève de la terre, & celle qui part des nuages, comme nous avons ceux de typhon & de trombe pour défigner un autre phénomène dans deux direétions oppofées. Er atrendant qu'on en crée, on pourra fe fervir de ceux de foudre afcendante & de foudre defcendante. Le garde-tonnerre que nous venons de décrire , eft d’une grande nécefité dans ces endroits où l'on a vu la foudre s'élever , parce qu’elle peut encore s’y élever de nouveau , ce phénomène tenant fou- vent à des caufes locales, Il peut être employé utilement & avec la plus grande facilité dans des châteaux , fur des maifons , des édifices ifolés, que rien n’environne ; il peut & même il doit être appliqué à tous les bâtimens , puifqu'ils peuvent tous étre foudroyés, & par le tonnerre qui tombe des nuées , & par celui qui s'élève de ja terre; on peut fur-tout le placer autour des murs d'une ville, &c. Il n’eft pas difficile de varier la forme de cet appareil pour l'adapter au bâtiment dont la conftru&ion feroit la pius irrégulière qu'il eft pofible d'imaginer : d'ailleurs , il ny a prefque pas plus de diff- culté à conftruire & à placer notre nouveau conduéteur , que ceux qui ont été connus jufqu'à préfent; c'eft pourquoi nous avons omis à deffein des détails inutiles , & que tout le monde peut fuppléer facilement. Mais avant que de terminer ce Mémoire , nous n’oublierons pas de parler d’une expérience qui démontre aux yeux mêmes l'utilité & la néceffité de ce nouveau garde-tonnerre. Le Docteur Lind , d’E- dimbourg , pour confirmer la “do&rine de Franklin » a imaginé une petite maifon d'épreuve du tonnerre , qui depuis a été perfeétion- née. C'eft un petir bâtiment dont les quatre côtés fe meuvent à charnière fur le fond ; le toit qui eft mobile, les retient dans leur fituation perpendiculaire. Une cartouche contenant de la poudre à canon , placée entre deux efpèces de boulons de métal, & mife dans l'intérieur de la maifon. Si, par le moyen d’une chaîne qui re- préfente un garde-tonnerre , on établit une communication avec les deux furfaces de la batterie , ou fimplement d’une jarre étamée à la manière du Docteur Bewis ; l'explofion du petit tonnerre qui fe 1777. SEPTEMBRE, 95 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, décharge fur la maifon , eft nulle & fans effet. Si,au contraire , on fupprime la chaîne qui eft réellement un conduéteur de la foudre, la communication étant interrompue , la poudre , renfermée dans la petite cartouche, s'enflamme , détonne , le petit édifice ou magafn à poudre eft foudroyé , les boëtes font renverfées , & le toit faute en l'air. Voilà une expérience bien connue, & qui prouve fenfi- blement toute la folidité de la théorie Franklinienne. J'ai fait faire une maifon femblable à celle dont on vient de voir une courte defcription ; on y ajoute le nouveau garde-tonnere , qui eft l'objet de ce Mémoire. Je charge enfuite , par fa furface extérieure , une jarre étamée , de forte que fa fuperficie interne eft éleétrifée négativement , & l'extérieure pofitivement , & au bas de celle-ci communique une tige terminée par une boule métallique, pour repréfenter la foudre qui part de la terre. Si le nouvel appa- reil eft placé fur un côté de la maifon , l'édifice eft préfervé ; mais fi on ôte le garde-tonnerre , la petite maifon eft foudroyée , fes côtés renverfés , & le toit jetté au loin & avec tant de violence, qu'on eft obligé de le retirer par une chaîne fixée intérieurement , de peur qu'il ne bleffe les fpeétateurs. On ne peut donc douter en aucune façon que le garde-tonnerre , imaginé par Franklin , ne pré- {erve les édifices de la foudre defcendante , comme celui que j'ai propofé , garantit les maifons de la foudre afcendante. Si la génération préfente a vu réalifer une idée qu'elle-même auroit regardée , il y a peu de tems , comme impoffble , celle de préferver de la foudre , c'eft-à-dire , du plus terrible des météores , pourquoi défef- pérerions-nous de trouver des moyens tutélaires contre les autres météores ? Déja , ona ofé propofer des moyens & des expériences pour calmer les vagues de la mer & les trempêres; déja, MM. Gueneau de Montbelliard & de Morveau ont donné des vues fur la pofñfibiliré de préferver nos campagnes de la grêle : d’autres auffi hardis, mais plus heureux , exécuteront ce que nous ne faifons guères qu'entrevoir . & je fuis perfuadé que l'homme , cet être maintenant fi foible , un jour maîtrifera les élémens; alors, & feulement alors , on pourra dire avec vérité , que l'homme eft le Roi de l'univers ,; & qu'ik commande à la Nature entière. ME SX LETTRE | :2$ SUR L’HIST. NATURELLE ETIES ARTS. 197 PE LOST RE RISFE PAL PACII EE OUR VD EME RARE CUE DE. Concernant un Agent par lequel on peut s’aflurer , fans un long délai, de la mort véritable des Individus attaqués d’afphixie ; Par M. CHANGcEUx. Le: judicieux Auteur qui , dans le Journal Encyclopédique du premier Décembre 1776, nous a donné l'extrait du Mémoire de M. Pineau, fur le danger des inhumations précipitées, après être con- venu , avec ce Médecin, de la néceflité d’un Règlement pour mettre les Citoyens à l'abri d'être enterrés vivans , ajoute : Ce feroit peut- être un préliminaire utile de propofer aux Collèges de Médecine & aux plus célèbres Chymifles, la découverte d'un Agent quelconque, par lequel on pÜt s'affurer , fans un grand délai , de la mort véritable des individus Ce bienfait , que les Inventeurs de l’Agent verferoient fur l'humanité, au- roit befoin fur-tout d'être d'un prix affez bas pour que la claffe indigente des Citoyens pât y avoir recours aïfément. Ce feroit au Gouvernement à propofer , pour cette utile invention , unencouragement auffi confidéra- ble ; qu’il mérite de l'être par fon objet. Je m'emprefle , Monfieur , de vous communiquer les raifons qui me font croire que nous avons dans l’éleétricité cet agent fi néceffaire, & qui poflède , fuivant moi , tous les avantages que le Jourralifte demande, avec raïifon , qui s’y trouvent réunis. J'ai fait part de cette idée il y a déja long-rems, à un Médecin, ami de l'humanité : qui l'approuva fort & me promit d'en faire ufage. Il n’a ea encore qu'une occafion de faire une tentative qui le confirme entièrment dans mon opinion. Une perfonne attaquée d'une maladie comateufe , devint afphixique, & il lui rendit la vie qu’elle fembloir avoir 2bf0- lument perdue en la foumettant à l'éleétricité de la même manière qu'on y foumet les paralytiques, Il ne faut point chercher d'autre appareil. On fait que la machine électrique n’eft pas coûteufe ; d’ail- leurs, un grand nombre de Médecins en ont dans leurs cabinets ; elle fe tranfporte facilement, fur.rout , depuis la grande fimpliciré que Jui ont donné aos modernes Mécaniciens. Voilà doncun agent puiflant i Tome X, Part. II. 1777. SEPTEMBRE. Ce 193 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; & peu difpendieux, dont tous les Médecins peuvent faire ufage (1); que nous les fuppofions animés par l'humanité, comme nous devons le faire, & dans peu, nous n’aurons aucun doute fur le cas que l’on doit faire de l'Invention que je propofe. Je ne m'arrêterai point à montrer les folides argumens fur lefquels eft fondée la méthode d'éleétrifer les afphixiques, Il fufira d’expofer, d'après M. Pineau , quelles font Îles maladies & les accidens qui jettent le plus fouvent dans l'afphixie ? Ce font les fièvres putrides , malignes , la pefte ; les maladies convulfives , comme l'épilepfie, les affections hiftériques , les vapeurs , le mal de mere, la catalepfie , l'extafe , la léthargie , l'apoplexie, l'ivreffe, l'épuifement occafionné par une longue abftinence , par une perte de fang abondante, un vo- miffement & un flux de ventre exceffif, &c.; les poifons , les vers, les narcotiques , les chûtes, les fubmerfions, la ftrangulation , un froid excefif, la feignée , la vapeur du vin, du charbon, les exha- Jaifons des mines, des caveaux pour les morts, des latrines, l'air de quelques églifes , celui des prifons furchargées , des hôpitaux, la vue & le toucher des corps antipathiques , les odeurs fortes , les paf- fions de l'ame portées à l'excès, &c. Quelle lifte effrayante , &c qui ne fentira, en la parcourant , la néceffité de travailler ou de concourir à la découverte d'un moyen qui peut l’arracher lui-même au danger d'être enterré vivant ! Or, je dis que dans toutes ces maladies ou accidens , le fluide nerveux ou les nerfs eux-mêmes étant attaqués & fans aétion , c'eft fur eux qu'il faut agir , & que nous avons dans l'électricité, le meilleur & le plus univerfel de tous les agens. Non-feulement il leur redonne le mouvement qu'ils ont perdu , il leur fournit encore probablement le fluide qui leur eft néceffaire ; car on fait qu'entre le fluide nerveux ou les efprits animaux & la matière électrique , il y a une grande analogie & peut-être une identité parfaite. Enfin, l'on ne doit jamais rien craindre des tentatives que l'on fera avec l'électricité , fur les perfonnes qui auront toutes les apparences de la mort. Cette machine maniée avec adreffe , n’a jamais produit de mauvais effets fur les malades fur lefquels on l'a fait agir; & elle en a prefque toujours caufé d'excellens & fouvent d'admirables & de prefqu'inattendus. ES (x) L’Ele&rophore, découvert depuis peu, eff une machine plus fimple encore & moins chère; il ny a point de Citoyen qui ne pût l'avoir chez lui; mais fes effets font-ils aufli étonnans & d’une force aufü extraordinaire qu’on le prétend? Ji y a quelque lieu d’en douter. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 199 Je ne dis pas qu'on ne püût ajouter d’autres fecours à celui que jindique ici; je crois, au contraire, qu'il feroit néceffaire de n'en négliger aucun ; mais l'éleétricité paroît devoir être regardée comme principal , & les autres prefque toujours comme accefloires pour la parfaite réuffite du premier. C'eft aux Médecins à fpéculer avec fruit fur ce fujet qui eft tour de pratique & de leur reflort. PO ST,.- SCRIPT U M. Sur les Vérificateurs des Morts. ON dit proverbialement : après la mort, le Médecin, lorfqu'on veut parler d’un fecours qui vient trop tard. Ce proverbe ne devroit pas avoir lieu chez nous, où l'on appelle également du nom de mort , la privation du principe de la vie & de la ceffation, ou la fufpenfion de fes effets apparens. Car, dans ces deux derniers cas, après la mort un Médecin peut être trés-utile. Il ne feroit pas même impoñible de prouver qu'il eft moins néceffaire de l'appeller alors que la vie fe manifefte, que lorfqu’elle n'eft plus fenfible. Mais, fi nous ne voulons pas de Médecins des morts, ayons, au moins des vérifica- teurs, ou que nos Médecins daignent ajouter ce titre au leur. Nos barbares ufages veulent que ceux que l’on croit avoir rendu le dernier foupir , foient aufli-tôt enfevelis , tandis qu’on devroit leur prodiguer , dans cette circonftance , les plus abondans fecours. En effet, tant que le principe de la vie agit avec quelqu'énergie, on peut être sûr que c’eft prefque toujours pour le bien du malade; la nature cherche à fe débarraffer des humeurs qui l'incommodent; il faut la laifler faire. Hipocrate n’a-t-il pas dit , qu’elle eft la fouveraine Médicatrice des maux? Son action eft-elle infiniment petite & comme nulle ? Appellez les Médecins; ils font alors d'une néceffité à l'abri de toute conteftation. Ils ne peuvent que faire du bien , même en tuant leurs malades. C'eft un ufageen Corfe de mettre les morts fur ün drap & de les fecouer pendant un tems confidérable, Cette fonc- tion eft dévolue aux parens & amis du défunt. On dit que c’eft un moyen de reflufciter; voilà le langage de la fuperftition ; mais ja raifon peut & doit rectifier ce langage. L’ufage dont je parle eft fondé fur l'expérience, qui a fait voir que ce moyen a quelquefois rendu la vie à des perfonnes que l’on étoit prêt d'enterrer. J'ai vutraiter de barbare cette coutume dans un livre où elle eft rapportée. Il eft certain qu’elle eft moins barbare que nos ufages à l'égard des morts. Si les Corfes tuent par leur fingulier remède , quelques - uns de ceux qu'ils croient morts , c'eft qu'il ne convient pas à tous les afphixiques; mais on peut dire que ce peupleeft moins cruel que nous, qui enter- 1777 9 EPTEMBREMNC'C 2 200 OBSERVATIONS SUR LA PHFSIQUE, rons nos proches & nos femblables fans être sûrs qu'ils ont perdu {a vie. J'aimerois mieux que, pour fe procurer chez nous cette cer- titude , on commençât par fracafler la tête à ceux que l'on va inhu- mer , que de les enfevelir , comme nous le faifons, dans le mo- ment qu'ils viennent d'expirer , de les placer enfuite froidement fur la paille & de fe hârer de les porter en terre. Il eft des Vérificateurs en Angleterre qui ne manquent pas d'être appellés dans tous les cas de morts violentes ; mais on fait à quoi fe bornent leurs fonétions. Ceux dont je parle en auroient qui ne feroient pas moins importantes ; comme ils feroient inftruits dans l'étude de la Médecine , cette fcience tourneroit doublement au profit de l'humanité. EDR SEA IPN PES TN OP EU SEPT EE DE EEE CS NEO EXPÉRIENCES Sur L'Altération des Terres par la vitrification (1). ES vitriolique n’a aucune aétion fur la terre vitrifiable pure , même avec le fecours du feu; le fable fur lequel il a été diftillé , paroît feulement beaucoup plus blanc, parce que l'acide lui a enlevé toutes les matières phlogiftiques qui altéroient fa couleur. Suivant les expériences de deux célèbres Chymiftes (MM. Pott & Baumé), la terre vitrifiable , combinée au feu avec une quantité furabondante d’alkali, diffoute dans l'eau & précipitée , devient foluble par l'acide vitriolique , comme la terre de l'alun; mais le fait a été révoqué en doute par M. Monnet (2), & il préfume que la terre ou l'alkali employés dans ces expériences , contenoient quelques parcelles de terre calcaire, qui a induit en erreur. Nous n'avons pas cru devoir nous occuper de cette queftion , lorfqu'il ne s’agifloit que de divifer les terres, & de reconnoître leurs caraétères diftinétifs dans leur état naturel ; mais elle eft trop importante pour ne pas fixer ici toute notre attention; nous l'envi- fagerons fous un point de vue encore plus général : & au lieu d’exa- miner fimplement fi la terre quartzeufe & la terre argilleufe peu- 7 (1) Ce morceau fait partie du fecond volume des Ælémens de Chymie théori. que & pratique, rédigés par MM. de Morveau , Maret &t Durande, pour ferviraux £ours publics de l’Académie de Dijon , aëtuellement fous prefle. (2) Journal de Phyfique de M. Rozier, Tome IV, page 178 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 10r, vent être ramenéés au point de former un principe identique ; nous foumettrons au même travail les deux autres efpèces de terre. La Chymie étend fon domaine ; en réduifant le nombre des êtres na- turels qui réliftent à fes analyfes ; & que les tentatives ne font jamais infruétueufes , lors même qu’elles ne fe fervent qu'à découvrir l'infuf- fifance des procédés que l'on a employés. La vitrification eft jufqu'à préfenc la feule opération qui puiffe fournir à ce fujet quelques lumières. On a vu qu'une demi-partie d'alkali & une partie de quartz pulvérifé , fondues enfemble , for- moient un beau verre tranfparent , qui confervoit fa folidité. Si on change les proportions , & que l'on mette, par exemple , quatre parties d’alkali pour une partie de terre quartzeufe , la mafle fon- due participera d'autant plus des propriétés falines ; elle fera foluble par l'eau , ou même fe réfoudra fpontanément en liqueur par l'hu- midité de l'air ; ceft ce que l’on nomme liqueur des cailloux : le quartz y eft tenu en diffolution par l’alkali, au point de pañer par le filtre. Tous les acides, & même l'eau chargée d'air fixe , précipitent la liqueur des cailloux , parce qu’en s'uniffant à l’alkali, ils le forcent d'abandonner la terre. Quand les deux liqueurs font concentrées, il fe fait une efpèce de miracle chymique, c’eft-à-dire, que le mé- Jange devient folide, 1. Pour déterminer fi le précipité éroit attaqué par l'acide vitrio- lique , nous avons préparé la liqueur des cailloux avec du fable fin cryftallin bien lavé, & du fel de tartre très-pur , féparé de toute autre matière par la déliquefcence fpontanée, & enfuite féché. Le mélange fondu, jufqu’à vitrification tranfparente , a été coulé dans un mortier de fer, diffous dans l’eau diftillée , & jetté fur le filtre. Une portion de la liqueur , abandonnée à l'air libre, a préfenté, quelques mois après , au fond du vafe , une maffe folide tranfpa- rente , qui, par la fuite, s’eft gerfée & divifée en fragmens. Une autre portion de la liqueur a été précipitée par l'acide vi- triolique ; le précipité bien édulcoré , a été mis en digeflion avec le même acide ; & après l'évaporation au feu de fable , de la liqueur qui a pafñé par le filtre , il eft refté un fel fans forme déterminée, noirci par la fumée dulphureufe qui s'eft €! : fur la fin, & qui remplifloit le laboratoire. Ce fel , féparé par décantation de l'acide , ayant été rediflous & filtré , a donné à une feonde cryftallifation, un fel plus blanc ; qui a grimpé, en forme de végétation, fur la capfule de verre ; en- faite de petites houpes , comme le fel fulphureux de Sthaal ; enfin, ua aflez grand nombre de petits cryftaux folides , qui paroifloiene 202 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, approcher , quoique irrégulièrement , du triangle tronqué & applati, IT. Mais on pouvoit encore foupçonner dans le fable le mélange de quelqu’autre terre, Pour prévenir cette objeétion , nous avons em- ployé le quartz folide homogène, connu fous le nom de Cryflal de Madagafcar; on l'a fait rougir & jetté fur-le-champ dans l’eau froide , ce qui l'a rendu très-fragile ; on a mis trois gros de cette fubftance pulvérifée , avec douze gros d’alkali bien fec , dans un creufet de heffe bien couvert, & la matière fondue a été coulée dans un mortier de fer ; c'étoit un verre tranfparent d'un beau jaune doré. Pendant la diflolution dans l'eau diftillée, il s’en eft féparé quel- ques parties floconneufes noires , qui reftoient fufpendues dans le fiuide. La liqueur filtrée a été entièrement précipitée par l'acide vitrio- lique, & le précipité bien lavé a été remis à digérer avec le même acide. La liqueur filtrée, après la digeftion , a laïflé voir encore pen- dant l'évaporation, quelques petits flocons noirs , légers; elle a donné fur la fin une vapeur fuffocante fi abondante , qu'il a fallu quitter le laboratoire ; & pouflée à ficcité, elle a formé un réfidu falin, noir , un peu ftrié. Ayant obfervé que ce réfidu attiroit l'humidité de l'air, on in- clina la capfule pour raffembler la liqueur ; on en mit un peu dans un verre , & la diflolution d’alkali végétal y occafonna fur-le-champ un précipité blanc terreux. Tout le réfidu falin fut redifflous dans l’eau diftillée , pour obtenir, s'il étoit poffible , une cryftallifation plus parfaite. Comme elle ne donnoit guère plus d’efpérance on n'évapora pas cette fois jufqu'à ficcité ; on retira du feu la capfule , & on l'inclina encore pour laiffer fécher la croûte faline ; mais nous obfervämes , au bout de quelques jours, qu'il s'étoit formé , dans cette même liqueur , une trentaine de petits cryftaux d’alun , tous aflez bien terminés pour être reconnus à Ja vue : le plus gros portoit près d’une ligne & demie de la bafe du triangle au fommet. II. Nous avons pulvérifé & fait fondre enfemble dans un creufet, une once de cryftal de roche calciné , une once de craie blanche de Champagne , & cinq onces de fel de rartre fec , pour elfayer de former l’alun artificiel , fuivant le procédé indiqué par M. Porner (1). La matière vitriforme ayant été coulée & refroidie , on la hu- 20 RE (1) Récréations Chymiques de Model, traduites par M.Parmentier, Tome pre- mier, page 147. SUR l’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 207 meëtée d'abord avec un peu d'eau, on l'a fait enfuite digérer avec quatre onces d'acide vitriolique. La liqueur filtrée a fourni, par l'évaporation , à l'air libre, de même qu’au feu de fable, des cryftaux raffemblés au fond des vai. feaux en confiftance de gelée; il s'eft formé enfuite des buiflons à filets très-déliés, & hauts de 6 à 7 lignes ; le refte de la liqueur, raffemblé par l'inclinaifon de la capfule, a produit une pâte ferme non-déliquefcente , malgré l’excès d'acide; enfin, le tout s'eft def. féché fpontanément, & il eft refté un fel blanc brillant, qu'on n'a pu amener à une forme plus régulière, par une feconde cryftaili- fation. Il eft important d'obferver que la liqueur, décantée de deffus les premiers cryftaux, a donné fur-le-champ, par l'addition de la liqueur alkaline, un précipité blanc abondant, léger & floconneux comme celui de l’alun; d'où il réfulte que la diflolution n’étoit pas purement féléniteufe, & qu'elle tenoit un fel terreux beaucoup plus foluble. Elle a précipité le foie de foufre en blanc, tirant au jaune, au lieu que la diflolution d’alun le précipite en blanc, lors même qu'il eft avec excès d'acide. IV. Nous avons fait préparer trois autres liqueurs de cailloux avec la terre calcaire , la terre de magnéfie & la terre de corne de cerf, pour reconnoître l'altération que chacune de ces fubftances éprouveroit en paflant à l'état de verre par la fufion, avec quatre parties d'alkali extemporané , & jufqu'à quel point elles fe rappro- cheroient des terres quartzeufe & argilleufe. Ces trois compofitions ont donné au même feu des mafles blan. ches, opaques, ftriées dans l'intérieur comme les pyrites ; celle de la terre de corne de cerf étoit criblée de quelques trous, & un peu plus brune que les autres. Ces mafles expofées à l'air, fe font gerfées & fendues ; il s’eft formé une efflorefcence confidérable à la furface de celle qui tenoit la magnéfie; celle de la chaux en a donné aufi un peu: cette der- nière étoit la feule qui eût , au bout de deux mois , attiré fenfible- ment l'humidité de l'air. L'eau diftillée, verfée fur la première , a paru faire le lait de -chaux; mais la liqueur ayant été filtrée , l'air fixe & l'acide vtirio- lique n'y ont produit qu'un très-foible précipité terreux : cette li- queur a dépofé à la longue , fur les parois des vaiffeaux, un lé- ger enduit qui fe levoit par écailles. La liqueur de magnéfie s'eft troublée fur-le-champ par l’addi- tion d'eau chargée d'air fixe & d'acide vitriolique ; elle a dépofé fpontanément au fond du flacon de petites lames minces , brillantes 1777. SEPTEMBRE. » 204 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; comme le fel fédatif. L’acide du vitriol , mis en digeftion fur le précpité de certe liqueur , a fourni à l’évaporation un magma en forme de globules gélatineux, qui, deux mois après , n’avoient pas acquis plus de confiftance, quoiqu'on eût décanté le refte de la li- queur. La liqueur de terre de corne de cerf calcinée , eft devenue lai- teufe par l'addition de l’eau chargée d'air fixe , & ceci eft d'autant plus remarquable , que l'acide du vitriol n’en a rien précipité. Le mélange de cet acide , jufqu'à excès avec la même liqueur , a donné à l'évaporation d'abord un fel qui a grimpé tout-au-tour de la cap- fale , c'étoit du tartre vitriolé ; enfüuite, au fond de la liqueur , un beau fel cryftallifé en petites aiguilles entre-croifées , que fa faveur & fa folubilité nous ont fair reconnoître pour le vrai fel vitriolique à bafe de terre de corne de cerf. V. Nous avons voulu nous aflurer fi une vitrification plus parfaite de la terre calcaire , n'altéroit pas plus fenfiblement fes propriétés ; une portion de la maîle fondue dont nous avons parlé plus haut ; a été remife au creufet, & a été amenée au point de donner un beau verre très-tranfparent , même peu coloré: ce verre a été enfuite refondu avec quatre parties d’alkali extemporané , qui l’ont rendu laiteux & opaque comme de l'émail. L'eau diftillée , qui a pañlé fur ce nouveau produit , n’a encore été blanchie que très-foiblement par l'air fixe & par l'acide du vi- triol; on y a verfé de cet acide jufqu'à excès, & on a fait évapo- rer ; il s’eft élancé fur les bords de la capfule une ramification faline peu confidérable; la liqueur s’eft enfüuite coagulée en magma tranf- parent; il sy eft formé fucceMivement quelques rides ou ftries , & des fouflures confidérables; mais la quantité de vapeurs fulfureufes qui s’en élevoient, ont forcé de l'enlever de deflus le feu, avant qu'il fût abfolument réduit à ficcite. VI. Enfin, l'attention que nous avons donnée à la différence des précipirations par les alkalis libres ou neutralifés par l'air, nous ayant fait reconnoitre que l’alkali cauftique ne précipite pas l'alun, ou plutôt qu'il reprend au même inftant le précipité, nous nous fommes fervis de ce réactif pour vérifier les précédents réfulrats. Les diffolutions des fels tirés de la liqueur du fable cryftallin ainfi que du cryftal de Madagafcar, & même du cryftal de re pur , avec l'acide vitriolique, ont laiffé précipiter une terre blanche par l'addition de la liqueur de l'alkali végétal déliquefcent, & le précipité n'a pas difparu, quoiqu'on ait étendu le mélange dans une grande quantité d'eau. Les mêmes diffolutions n'ont donné aucun précipité par lalkali gégéral cauftique, ou s'il s'eft formé d'abord un petit nuage blanc, il -} SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 205 il a été repris fur le champ , foit en ajoutant de la même liqueur , foit en étendant le mélange avec de l'eau pure. Le fel terreux de la liqueur de magnéfie , s’'eft comporté à-peu- près de même; il a été précipité par les deux alkalis | mais la terre a difparu quand on a ajouté de l'eau. Le fel de corne de cerf a été précipité abfolument par les deux alkalis. L'épreuve ne pouvoit être auf décifive , par rapport aux terres qui ont la propriété de fe diffoudre à un certain point dans l'eau, quand elles font privées d’air ; cependant , il y a eu des différences fenfibles. La folution du fel , tirée de la liqueur de chaux , a été précipitée abondamment par l’alkali cauftique, ainfi que l’alun ar- tificiel de M. Porner ; & l'addition de nouvelle eau n'a pu faire difparoître en entier le précipité. Ces expériences ne fuffifent pas , fans doute , pour fatisfaire à toutes les queftions que préfente cette matière importante ; mais fans chercher à étendre les conféquences , & laïflant à part toutes difcuffions étrangères à des élémens , nous en recueillerons du moins ces principes : 1°. Que la terre quartzeufe éprouve , pendant fa combinaifon avec l’alkali , par la fufion , une altération qui la rap proche de l'état de l’argille , & la rend fufceptible de former de l'alun avec l'acide vitriolique ; 2°. que la terre argilleufe & la terre quartzeufe , alrérées par la vitrification , ont une affinité marquée , & même par la voie humide , avec l'alkali privé d'air; 3°. que quoique les terres calcaires & de magnéfie foient moins alrérées dans l'opération de la liqueur des cailloux , elles le font cependant à un certain point , puifqu'elles forment après cela une efpece de fel fur- compolé , tout-à-fait oppofé au fyftême de leur cryftallifation or- dinaire avec l'acide vitriolique ; 4°. enfin , que la terre de corne de cerf eft celle qui paroït fubir le moins de changement dans cette opération. ‘Tome X ; Part. Il. 1777. SEPTEMBRE. Dd 306 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 0 LÉ ANT ENORUE De Madame DE V***, à M. Senesrer , Bibliothécaire de la République de Genève , Sur les différences qu'il établit entre La lumière & le phlogiflique. TRUE AS A Ve uL. Mb OR Du 15 Avril 1777. É; E zèle , les talens &t la pénétration qui vous guident , Monfieur, dans la carrière de la Phyfique , vous affurent la reconnoiflance & l'eftime de tous ceux qui cultivent cette Science. Parmi le grand nombre de témoignages que vous en recevrez ; je n’ofe efpérer que mon hommage foit compté par vous ; mon nom inconnu dans l'em- pire des Sciences , & qui doit l'être toujours, ne donne aucun prix à mon fuffrage. Je vous offre cependant , Monfieur , le jufte tribut de l'eftime que Ja leŒture de vos Mémoires ma infpiré pour vous. On doit parti- culiérement attendre infiniment de vos travaux fur le phlogiftique , ce grand agent de la nature. Vous le faififfez dans fon principe ; vous le fuivez dans toutes les modifications qu'il éprouve; vous décou- vrez & expliquez fon action dans tous les rôles qu'il joue dans les trois règnes. Une marche auffi fage , auf fuivie , auffi exaéte , diri- gée par votre fagacité , vous conduira , fans doute , à la théorie la plus complette & la plus fatisfaifante de cette fubftance. Je fuis bien éloignée de vouloir m'écarter de vos principes ; leur rapport avec les miens ont infiniment ajouté à ma confiance dans l'opinion que j'avois adoptée : mais oferai-je , Monfieur , vous pré- fenter , en vous les foumettant ; quelques réflexions fur les différences que vous établiffez entre la lumière & le phlogiftique , & defquels il réfalte que la lumière , telle que nous la recevons , ne contient pas le phlogiftique pur , tout formé (1). Je vous demande la per miffion de développer mes idées. Tous les phénomènes de la lumière ; tous fes effets fur les corps des trois règnes , & particulièrement , fa propriété de revivifier les ———_————— (1) Voyez les Cahiers de juillet 1776, page 25» & de Mars 1777, page 974 SUR L’HIST. NATURELIE ET LES ARTS. 207 chaux métalliques , & beaucoup d’autres, fans parler de fa décompo- fition par le prifme , me paroiffent préfenter tout le caraëtère d'un mixte. La lumière me paroît contenir non-feulement le phlogifti- que tout formé, mais même l’acide primitif dans toute fa pureté. Cette affertion me femble juflifiée par tous les produits de l'union de la lumière avec tous les corps , & fur-tout, par les phénomènes de la végétation; les anaiyles des plantes éthiolées vous font connues, je ne les rapporterai pas: mais rapprochées des revivifications métalli- ques , des variations qu'éprouvent plufieurs fluides colorés expofés à l’aétion de la lumière , la couleur rouge qu'acquiert le fuc de ce petit coquillage, que M. de Réaumur a obfervé; tous ces faits & tant d’autres, qu'il eft inutile de rapporter, ne me permettent pas de croire que la lumière arrive jamais jufqu'à nous dans l'état d'être fimple. Si cette vérité eft non-feulement indiquée , mais même prouvée à pofteriori & par les faits; elle me femble l'être également à priori, & étre une fuite néceflaire des loix très-connues de la Phyfique. Ne confondons point la matière de la lumière avec lalumière. La première eft une fubftance , la feconde eft le nom d'une fenfation ; la lumière n'appartient pas plus à la matière de la lumière , que l'amertume n'appartient au chicotin , l'odeur à l'ambre , &c. &c. , & enfin pour nous rapprocher , la lumière n'appartient pas plus à la matière de la lumière ,; que les couleurs n’appartiennent à la lu- mière ou au corps qui les préfentent. Nous appellons lumière , l'effet d’une fubftance qui agit d’une certaine manière fur l’organe de la vue : cet effet eft le produit d'une modification de cette fubf- tance. Obfervons cette fubftance dans elle-même , & non dans un de fes effets’, dans celui où elle n'eft que le réfultat de notre organi- fation , qu'un phénomène qui appartient bien plus à nos organes, qu'à la matière de la lumiere. 1. Je confidère la matière propre de la lumière comme un fluide pri- mitif répandu dans tout l’efpace , dans le milieu général où exiftent tous les corps ; comme un fluide très-fubtil qui les pénètre tous ; enfin, comme un fluide très-élaftique , dont l’aétion peut produire des mouvemens entre toutes leurs parties (1). (1) Je ne crois pas que la matière de Ja lumière foit le fluide le plus fubtil & le plus élaftique; il me paroît impoffible de n’en pas admettre un autre qui jouiffe plus éminemment encore de ces deux propriétés. L’examen particulier de ce fluide & de ces propriétés, nous offrira plus d’une difficulté; mais je crois fon exiftence très-prouvée. Ce fera autems & aux travaux des Phyficiens à lever ces difficultés. Je me propofe de préfenter mes idées fur ce fluide. Je n’en par- letai point ici; je n’y fuppoferai pas même fon exiftence. 1777. SEPTEMBRE. Dd 2 208 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; 2. On ne peut nier l'exiftence d'un tel fluide, ni qu'il foit une fubftance. 3. Il me paroît impoñfible , jufqu’à préfent , de concevoir une fubftance qui n'ait aucune affinité avec aucune autre fubftance; ainfi, on ne peut refufer à ce fluide le don d'affinité. Les faits s'y refufent autant que le raifonnement. 4. Une fubftance douée d’affinité, qui eft dans un contaét continuel avec d’autres fubftances , infiniment divifées, & dansun milieu libre, doit contracter des unions avec ces fubftances , ou au moins avec quel- ques-unes d’entr'elles. 5. Le milieu étant libre, & toutes les fubftances confondues, & dans un état de très-grande divifion , chacune doit s'unir à d’autres felon les loix connues des affinités, 6. Si le milieu pouvoit être dans un parfait repos de la part de toute caufe extérieure, c'eft-à-dire, fi rien n’agitoit fa mañle , les loix des affinités s’exécuteroient avec toute la précifion poffible. 7. Si le milieu eft privé de ce repos, fi fa mafle eft plus ou moins agitée , les loix des afinités pourront être plus ou moins troublées. 8. Si les loix des affinités font plus ou moins troublées, plus ou moins contrariées , les affinités les plus foibles feront les plus trou- blées, &les plus puiffantes , s’exerceront plus facilement, 9. S'il fe rencontre dans ce milieu une fubftance qui ne paroifle pas foumife au mouvement commun du milieu , & qui ne participe point à ce mouvement, au moins d’une manière fenfble, cette fubf- tance confervera toute la force des fes affinités. 10. Cette fubftance même s’unira d'autant plus facilement à celles avec lefquelles elle a le plus d'afinité, que le mouvementcommun, en les agitant toutes , les lui préfentera plus fouvent , & dans toutes fortes de points de conta&, & s’oppofera à l'union de celles qui ne pourroient avoir que des degrés médiocres d’adhérence. 12. Il ne s’opérera donc dans ce milieu que les affivirés les plus fortes, & la fubftance infenfible ou prefque infenfible au mouvement commun, fera celle qui jouira le plus librement de toute fa faculté attractive , qui s’unira par fa propre force à la fubftance avec laquelle elle aura le plus d'afiinité, & qui la faifira &t la fixera malgré les différens mouvemens que le milieu commun imprime aux molécules très-divifées de cette dernière fubftance. Il eft certain que la fubftance de la lumière eft matérielle ; on ne peut douter que cette fubftance ne foit douée d’afinité , la loila plus générale de la nature nous l’apprend , & une multitude d'expériences aous le prouvent. Cette fubftance , en traverfant l'atmofphère , eft dans un contact continuel avec les molécules de toutes les fabftances SUR L'HIST. NATUREILE ETLES ARTS: 209 qui s’y élèvent, & y flottent perpétuellement ; elle doit donc con- traéter, fuivant la loi des affinités , des unions avec les molécules de celles de ces fubitances , avec lefquelles elle a le plus d'affinité, Si les mouvemens de la mafle du fluide atmofphérique, & l’'agita- tion continuelle de toutes fes parties, apportent quelque trouble à l'aétion des affinités , la lumière ne participe point à ces mouvemens d'une manière fenfible ; ce fait eft prouvé & généralement reçu : elle exerce donc fa force d’attraétion dans toute fon énergie , elle n’a à vaincre que le mouvement d'agitation des particules qu’elle tend à unir avec elle, & il eft impoñfible qu'elle ne les faififle pas & ne les fixe pas dans la multiplicité de circonftances où elles lappro- chent, & dans la route immenfe qu’elle parcourt au milieu d'elles. La matière de la lumière, la fubftance propre de la lumière doit donc contraéter des unions avec les différentes fubftances avec lef. quelles elle a le plus d’affinité, en traverfant l'atmofphère. Cela admis , il eft déjà conftant que la lumière, qui parvient juf- qu'à nous, n'eft point un être fimple, mais un mixte ; nous fuppo- fons qu'elle eft pure au-delà des limites de notre atmofphère (1); nous ne pouvons encore raifonner fur fa nature au-delà de fes limi. tes ; nous ne pouvons parler que des combinaifons qu’elle éprouve depuis fon entrée dans ce fluide. Cherchons parmi les matières qui y flottent, celle avec laquelle nous pourrons fuppofer que la ma- tière de la lumière a le plus d’affinité. Il me paroît de principe que les affinités des corps entr'eux, font en raifon de leurs denfités refpeétives , lorfqu'ils font réduits en leur derniers élémens , je dis lorfqu'ils font réduits dans leurs derniers élémens ; car , dans l'état d'aggrégation , ilme femble qu'il peur , & qu’il doit même arriver une multitude de circonftances qui déran- gent cette loi ; & ces circonftances réfultent , tant de l'état même d’aggrégat, que des combinaifons qui fe. produifent néceffairement dans route aggrégation , ne fut-ce que dans les interftices que laiffent entrelles les parties intégrantes les plus homogènes , & entre lef- quelles il eft impoññble que quelque fubftance étrangère ne s'intro. duife pas , puifqu’elles s’uniffent toutes dans des milieux très. compo- fes. On n’a peut-être pas eu jufqu'iciaffez d'égard à ces circonftances dans l'explication des phénomènes des affinités & de leurs anomalies, Je dis donc que les affinités des fubftances n’exiftent , dans toute leur énergie , qu'entre les molécules de ces fubftances réduites à leur dernière divifibilité, & qu'alors ces affinités font en raifon des den- (1) L’atmofphère folaire eft trop peu connue, ainfi que fon mélange avec J'atmofphère terreftre. 3777. SEPTEMBRE, 210 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fités refpeétives : mais, que cette loi foit jufte ou non, la vérité de ce que j'ai à dire n'en dépend pas effentiellement. Nous ignorons quelle eft la denfité fpécifique des molécules primitives de la lumière, relativement à aucune autre fubftance; ce que nous pouvons feule- ment regarder comme certain, c’eft que la matière de la lumière eft dans un état d’excefive divifion, que fes molécules font d'une petitefle extrême. Or, dans cet état elles doivent jouir, comme nous l'avont dit, de toute l'énergie de leurs affinités, & par une conféquence néceffaire, la fubftance la plus rare, la plus divifée , après celle de la lumière, doit être celle qui jouiffe, après elle, de la plus grande énergie d'aétivité. Si ces deux fubftances fe ren- éontrent dans un milieu libre, elles réuniflent toutes les circonftances & toutes les conditions les plus favorales pour contraéter enfemble l'union la plus puiflante. Or, le principe inflammable me paroît être, après la lumière, la fubftance la plus rare , la plus divifée (r). Je penfe donc que le principe inflammable & la matière de la lumière , font les deux fubftances qui ont entr'elles le plus d’aflinité. Je confidère donc le principe inflammable comme le fluide le plus fubtil, le plus délié, le plus expanfif , le plus élaftique après la lumière. Ce principe inflammable eft admis aujourd'hui par tous les Phy- ficiens & par tous les Chymiltes , comme principe; Boerrhaave s’eft fingulièrement attaché à établir fon exiftence , & il le rapproche de l'alkohol le plus pur , avec lequel il lui trouve les plus grands rap- ports ; les anciens Alchimiftes l'appelloient le fils du Soleil, l’efprit moteur. Ce principe étant très-volatil , eft abondamment répandu dans l'atmofphère. Je penfe donc que l'union la plus intime que la matière de la lu- mière puiffe contraéter , eft avec le principe inflammable. Je ne penfe pas que jamais nous puiffions faifir la matière de la lumière , fans être unie avec ce principe , & je les confidère, unies enfemble , comme formant le phlogiftique le plus pur. L’afünité de la lumière avec le principe inflammable & avec tous les corps quile contiennent abon- damment , eft démontrée & reconnue par tous les Phyficiens; ainfi EEE (1) Peut.être quelques Phificiens penferont-ils que le” principe inflammable eft plus rare, plus divifé que la matière de la lumière; plufieurs faits femblent autorifer cette opinion; je m’oferois prendre de parti [ur cette queft on : mais quoi qu’il en foit, pourvu que ces deux fubftances foient les plus rares & les plus divifibles de la Nature, peu importe à mon fyftême laquelle pofède le plus éminemment ces deux qualités. SUR l'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 21F tous les faits & toutes les expériences concourent à prouver ce que les loix de la faine Phyfique nous induifent à penfer. La matière de la lumière eft donc conftamment la fource du phlogiftique , & elle n'exifte jamais pour nous que dans l'état de phlogiftique. Le defir de rendre cette Lettre la plus courte qu'il me fera poflible, me fait fupprimer toutes les preuves de fait que je pourrois tirer des différentes combinaifons de la lumière , de fes différentes affinités connues ; des phénomènes de la lumière éleétrique , de fes propriétés phlogiftiques , &c. Je me permettrai feulement, pour éviter des confufions d'idées , fuites ordinaires des équivoques de mots peu définis , de diftinguer la propriété inflammable , ou de s’enflammer , que j'attribue à l'élé- ment qui sunit primitivement à la matière de la lumière, & que j'appelle principe inflammable , d'avec la propriété lumineufe , ou de devenir lumineux , que j’attribue à la matière de la lumière, Ce qu'elles ont de commun , c’eft d'être chacune un état acciden. tel : une modification , un mode de l'élément qui en jouit, Il n’'eft pas néceffaire à l'élément de la lumière d’être dans l'état lumineux , comme il n'eft pas néceflaire à l'élément inflammable d'être dans l'état d'inflammation ; l’un & l’autre font naturellement dans un état différent : mais tous deux acquièrent cette modification dans cer- taines circonftances; la matière de la lumière devient lumineufe , toutes les fois qu'ayant éprouvé une vive impreffion en ligne droite, elle eft réfléchie , la réflexion eft une circonftance elfentielle pour la produétion du phénomène lumineux : fans réflexion point de lumière. Le principe inflammable , au contraire , pafle à l’état d'inflamma- tion , toutes les fois que , rafflemblé & concentré en une certaine quantité dans une fubftance quelconque , & qui réfifte à fon expan- fion , il éprouve un mouvement rapide d’expanfion quaqua verfum , circonftances fans lefquelles il n’y a point d’inflammation , & l'inren- fité de la flamme eft en raifon de la réfiftance que le corps inflam- mable apporte à fa divifion (r). Ces deux modifications , la lumière & la flamme , réfultent donc toutes deux d’un mouvement très-rapide imprimé à l'élément lumineux & à l'élément inflammable ; mais elles réfultent de deux mouvemens + (x) La matière de la lumière pénètre tous les corps, mais non pas les par- ties élémentaires de la matière, les molécules primitives des corps. Elle peut être agitée dans tous les corps & entre leurs molécules primitives ; alors, elle tend à tes défunir par fon mouvement d’expanfon , c’eft la raréfa@ion, ce qu’on aps pelle le feu, la chaleur, 1777: SEPTEMBRE, àr2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; très-diférens; on peut donc dire rigoureufement , que la caufe qui produit la lumière, excluroit l'inflammabilité, & que celle qui produit l'inflammabilité , excluroit la détermination lumineufe , fi la même fubftance étoit lumineufe & inflammable ; auffi la lumière ne peut-elle jamais être inflammable , & le principe inflammable ne peut jamais pañler à l'état lumineux par lui-même ; c'eft-à-dire , que ce n'eft point le principe lumineux qui s’enflamme , & que ce n’eft point le principe inflammable qui devient lumineux dans la flamme , mais chacun des deux peut, dans de certaines circonftances , devenir aifément caufe aétive déterminante de la modificarion de l’autre. J'efpère, d’après ces principes , pouvoir préfenter bientôt l'explica- tion du phénomène de l'ignition & de tous ceux qui l'accompagnent. Je reviens à mon objet actuel. La première union que je conçois que contraëte la matière de la lumière, eft avec le principe inflammable, & alors c’eft le phlogifti- que. Je regarde la matière de la lumière comme n'ayant , par elle- même, aucune affinité avec l'eau; mais le principe inflammable en a beaucoup avec cet élément, j'ai pour garant Boerrhaave & les expériences poftérieures. Je conçois donc que le mixte lumino-in- flammable s’unit à l'eau, & dans cet état, je regarde ce mixte comme formant l'acide: mais les deux premiers principes adhèrent plus enfemble, que le troifième n’adhère à aucun des deux. Je fuis cepen- dant perfuadée que dans l'état atmofphérique l'eau eft toujours jointe à la matière de la lumière. & que cette matière eft toujours dans l'état phlogiftique & acide. Ce mixte eft très-volatil, quoique déja un peu fixé par l'eau; mais ce dernier élément a une grande affinité avec la terre ; il doit donc, dès que les circonftances le lui permettent, s'unir à la terre, & par cette union & par la fixité de la terre, il devient propre à entrer dans les différens corps, comme partie conftituante & à y adhérer. Je ne fuppofe, ou plutôt, je n’admets qu'une feule efpèce de terre primitive, mais elle eft fufceptible de plufieurs modifications, 1°. elle peut être plus ou moins divifée, & c'eit à raifon de fon état de divifion qu'elle contracte des afinités plus ou moins fortes avec les élémens ou avec les mixtes, dont nous venons de parler. Mais cette Lettre eft déja beaucoup plus longue que je ne l’avois penfé & que je ne le defirois ; je m’arrête, quoique j'eufle encore infiniment de chofes à dire, foit pour juftifier mes principes, foit pour les éten- dre, pour les appliquer aux phénomènes. Ils vous font plus connus qu'à moi, Monfieur, & j'en ai die plus qu'il ne falloit pour que vous fuffiez en état de juger ma théorie : je vous la foumets, me réfervant feulement de vous propoñfer, fi vous le permettez, mes nouvelles obfervations, avec la même réfignation avec laquelle je vou SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 217 vous adrefle celles-ci- Je n'ai point parlé de l'air, parce que je le regarde comme un mixte , un compofé qui fe forme lors de la dé. compofition des corps , & par cette décompofition , je penfecomme M. Sage fur les principes conftitutifs de ce fluide. Les obfervations fur les différentes efpèces d'air produit , fur tout , fur la difficulté plus ou moins grande que plufieurs de ces fluides ont à conduire l'éleétricité , contribueront infiniment à éclaircir notre théorie fur la lumière. Je vais réfumer ce que j'ai dit. RUMEUR MIE: 1°. Je fuppofe que la lumière n'arrive jamais à nous que combinée. 2°, Que la première union qu’elle contraéte , la plus forte qu’elle puiffe contraëter , eft fon union avec le principe inflammable , & que c'eft le phlogiftique pur. 3°. Que par le latus du principe inflammable elle s’unit à une portion d'eau , & qu’alors elle forme l'acide. 4°. Que par le latus aqueux , elle devient propre à s'unir à la terre & à devenir , dans cet état , partie conftitutive des corps. 5°. Que cette combinaifon de la matière de la lumière , du prin- cipe inflammable de l'eau & de la terre , forme les foufres , les huiles , les fels & les autres principes prochains des corps , en raifon des différentes quantités de chaque principe & des variétés de combinaifon. TORRUE PENSER REPLI SUN RE EL PMR CPE RS ETRE PRRERINENEP AT QE TELUS DIPEYP RPSNERTS. RENNES TC MISE CNT CONTRE Sur la Carrière de Chyte de la Ferrière-Béchet , ew Normandie ; Par M. MonNET, Infpecteur-Général des Mines , & Membre de l'Académie Royale des Sciences de Stockholm , &c. nee Carrière femble étre une fuite de la chaîne de monta- goes, qui court depuis la butte Chaumont jufqu'àa Séez, à travers la forêt de Perfeigne. Nous difons montagne , quoique, à propre- ment parler , il n'y ait que la butte Chaumont qui mérite ce Tome X , Part II, 1777. SEPTEMBRE. Ee % 214 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nom (1). La fuite , n’eft formée que de fimples élévations, qui s'elè. vent ou s’abaiffent plus ou moins dans la terre , & qui font chaîne véritablement. Mais ce qui eit efleatiel à obferver , c'eft que plus on avance vers la Ferrière-Béchet , plus la roche de cette chaîne devient chyteufe ; & lorfqu'on eft parvenu dans ce village , on trouve que la roche a fait un faut confidérable ; car on ne voit alors qu'un chyte noir & feuilleté , en un mot , un vrai chyte pyriteux. Et en allant de la Ferrière-Béchet à Séez , qui n'en eit éloigné que d'une lieue & demie , on voit comme un banc qui s'élève ou sa- baïffe fous les pieds , & qui femble être une continuation de cette même carrière. La couleur noire de cette fubftance qui paroifloit au jour , fit croire à différens particuliers qu'elle éroit de même nature que le crayon noir. Les coupes de bois & les fciages qu'on faifoit régu- lièrement dans cette forêt, donnèrent occafion peut-être de s’en fervir. Comme on obferva qu'elle marquoit effectivement le bois en noir paflablement bien , cela donna occafion à quelques fouilles qu'on fit aux endroits où le chyte paroifloit le plus noir. Le Curé de la Ferrière-Béchet, un des plus pauvres de la Normandie, crut avoir trouvé une bonne occafion d'augmenter fon revenu , en faifant fouiller dans fa cour, où ce prétendu crayon paroifloit le meilleur, c'eft- à-dire ; le plus noir. La facilité qu'on eut de tirer de cette ma- tière abondamment, fit qu'on l'eut bientôt approfondie de quel- ques toifes, & qu'elle fut ce qu’on appelle une carrière ouverte; de forte que la réputation s'en étant répandue , le pauvre Curé eut (1) Cette butte, la montagne Ja plus élevée de la Normandie, eft fitué à deux lieues d'Alençon. Elle eft compofée , à fon extérieur, de gros blocs d’un grais rougeûtre ou gratineux. Son fond paroît être chyteux, & nous entendons par-là toute pierre argilleufe & fableufe, ou mêlée de fable, qui eft formée en feuillets, ou difpofée en couches appliquées les unes fur les autres. L'état de cette montagne contredit formellement la do@trine de quelques Naturaliftes Allemands, qui prétendent que la roche chyteufe doit être toujours placée fur la roche gra- niteufe, comme étant de feconde formation. Quand on confidère l’état a@tuel de cette montagne, on ne peut s'empêcher de croire que tous ces blocs, & les roches ifolées qu’on trouve çà & là à fon extérieur, n’aient été dérachées de fon fom- met, où elles faifoient peut-être fon chapeau, comme on en remarque fur plu- fieurs montagnes régulières des Voges & des Alpes. Cependant, nous devons dire qu'un Naturalifte François a cru appercevoir que cette montagne étoit acciden- telle, & compofée entièrement de débris. Ce qui femble appuyer ce fentiment, eft qu’on ne voit point de montagne naturelle qui ait la forme conique que celle- cia. Dans ce cas, il n’y auroit rien de bien étonnant qu’on remarquât dans cette montagne des parties chyteufes dans fon fond, ainfi que diférenteS autres (orteg de roches qui n’y doivent pas être naturellement, \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 21$ le bonheur de tirer quelque argent de fa matière. En effet ; on re- marqua qu'à mefure qu'on avançoit davantage en terre, ce pré- tendu crayon devenoit plus fin & plus noir. Ii y a dans toutes les carrières , des parties qui font préférables aux autres. On fait 2 par exemple, que dans la carrière d'Angers , il y a ce que les ouvriers appellent de bonnes veines. Le Curé fit faire un choix de ce qu'il y avoit de meilleur dans fa carrière , & le fit mettre à part. Mais tandis qu'il formoit des projets de fortune, on s’apper- çut que les traces quon faifoit avec cette matière, difparolfloient, & que même cette matière, mile en tas, s’échaufloit & tomboit en pouffière; que les eaux qui les avoient lavés, étoient vitrioliques & alumineufes. Le Curé ne fut pas le dernier à s'en appercevoir. Cet inconvénient difcrédita tellement cette pierre, qu'il perdit enfin rout efpoir de fortune fur fa carrière. Voilà, en peu de mots, l’hiftorique de cette carrière célèbre. Voyons maintenant plus particulièrement en quoi elle confifte. On apperçoit d'abord aux parois de cette carrière , un chyte feuilleté ; & dont les couches fe préfentent en plufieurs fens. Les feuilles font minces en général, & faciles à féparer, mais fur-tout lorfque cetre matière a été expofée quelque tems à l'air libre. On en tire de grandes feuilles , dont le grain eft plus uni & plus ferré que dans d’autres. On y trouve très communément, fur-tout dans les parties qui font irrégulières, des pyrites ordinaires: Ces pyrites font d’une très-bonne qualité ; elles tombent en eflorefcence facilement d’elles- mêmes & depuis que cette carrière eft ouverte, l'airen a fait ex- folier beaucoup. Ces efflorefcences ont donné occafion à la formation du vitriol que l'on trouve quelquefois cryftallifé dans les fentes ou jointures des couches, & où il a pu fe raffembler. On y en voit en filets & fous des formes compadtes ; on y trouve auffi des filets ou petits cryftaux blanchâtres , qui font de véritable alun. Cette matière , comme nous l'avons dit, expofée à l'air & à l'hu- midité, ne tarde pas long-tems à tomber en efflorefcence; & fur ces efflorefcences on apperçoit fouvent des cryftaux qui font allu- mineux & vitrioliques. Nous n'avons donc pas befoin d'aller plus loin dans l'examen de cette matière, pour nous appercevoir qu’elle n'eft point une pierre noire , une ampelite, ou le crayon des Char- pentiers , comme on l'a dit; mais le vrai chyte pyriteux, connu chez les Minéralogiftes fous le nom d’ardoife friable vitriolique, La pierre noire des Charpentiers, ou le crayon, n'eft qu'une argille colorée, ou un fmeétis noir. Sa texture dépend du plus ou moins de fable quartzeux qui s'y trouve. Il faut cependant qu'il y en en- tre une certaine quantité, pour que cette fubftance ait la confiftance pierreufe; fans cela, elle ne feroit qu'une argille tendre ou ordi 1777: SEPTEMBRE, Ee> 516 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, naire. J1 faut encore que ce quartz y foit d’une grande fineffe ; fans lui encore , cette fubftance feroit rude au toucher. Quand on la calcine , elle devient rougeâtre ou grifatre , felon la proportion de la chaux de fer qu'elle contient. Nous avons eu occafion de remar- quer quelquefois que toutes les matières terreufes colorées avoient, pour bafe de leur couleur, une chaux de fer , qui sy montre bien fenfiblement quand on les a calcinées. Il nous refte à favoir quelle eft la matière qui , unie à la chaux de fer , colore en noir les fubf- tances minérales. M. de Bomare paroît être dans l'opinion , en plu- feurs endroits de fa Minéralogie , que cette couleur noire eft due 3 l'union du vitriol martial , à une fubftance acerbe ou aftringente. Rien en effet neft plus facile à imaginer que cette opération; çar on voit tous les jours l'effet qui réfulte du mélange de ces deux matières. Mais eft-ce bien la caufe véritable de la coloration des terres en noir ? Ce qu’on imagine n'eit pas toujours la vérité. On a tant d'exemples du contraire , qu'on devroit être plus circonfpect qu'on ne left à prononcer fur la caufe de la manière d’être des minéraux. Quand on confidère l'influence de la Chymie dans la Minéralogie, on ne peut s'empêcher de voir qu'elle eft caufe de beaucoup d'erreurs & d'opinions hafardées ; un Chymifte imagine que telle chofe fe fait ainfi, & ne peut fe faire autrement dans le fein de laterre , que comme il la voit dans fon laboratoire; auffi-tôt, un Naturalifte ignorant s'infatue de cette opinion , & en fait la bafe de fon fyftême (1). Il femble qu'il aime mieux refufer à la Nature la vertu de faire tout par elle-même , & fans l'intervention des opérations chymiques. M. Cronfiedt étoit affez favant en Chymie pour avoir imaginé ces caufes ; il en a mis malheureufement quel- ques-unes de ce genre dans fa Minéralogie ; mais à l'égard de la coloration en noir des matières minérales , jamais il n’avoit voulu croire qu'elle fût due à l'union des matières acerbes avec le vitriol martial. Il croyoit, au contraire, & ilen donnoit quelques preuves , qu'elle étoit due à l'union d'une matière inflammable , à la chaux de fer. En effet , quand on décolore beaucoup de ces matières mi- nérales noires , comme la craye des Charpentiers , on ne voit en elles aucune trace d'acide. Il y a plus, c’eft que beaucoup de ces matières minérales ne préfentent dans leur carrière rien de vitrioli- que , ni même de pyriteux. Mais pour ne nous pas trop écarter de een nn (1) Je ne puis m'empêcher de répéter en cette occafon ce que M. Guettard dit quelquefois à ce fujet: Mêlez-vous, Mefieurs les Chymiftes, de nous faire &e bonnes analyfes des corps, & laiflez-nous le foin de prononcer fur la caufg {le leur manière d’être. ï SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 217 notre fujet , nous dirons que la couleur noire du chyte pyriteux de la Ferrière-Béchet , peut avoir une autre caufe que celle actri- buée par M. Cronftedt. En effet, elle eft pyriteufe , & dès qu'on fera convaincu que cette matière la pénètre par-tout , on n'aura pas de peine à croire qu'elle eft la caufe elle-même de cette couleur noire. Car on fait que la pyrite en poudre , pétrie avec de l'ar- gille blanche , fait une matière noirâtre , & qui imite affez bien le chyte pyriteux. 11 eft vrai que les chytes du pays de Liège, ave lefquels on fait l'alun , ne font pas noirs , mais grifätres ; à cela, je réponds que la pyrite n’y eft pas divifée fi finement que dans la matière dont nous parlons, & quils contiennent en outre beau- coup de foufre en particulier , ce qui confticue les bonnes mines d’alun. Il fe peut , au refte, que la matière inflammable concourre pour quelque chofe à la couleur noire des chytes de la Ferrière- Béchet. Je n'ignore pas , d’ailleurs , que depuis très-long-tems on a admis, pour caufe de la couleur noire des chytes en général, un bitume ; mais ce bitume n'exifte pas plus ici que dans beaucoup d'autres où on l’a admis. Si ces chytes s’enflamment , c’eft le foufre abondant de la pyrite qui en eft la principale caufe. Par tout ce que nous venons de dire , on voit que les chytes de la Ferrière-Béchet différent eflentiellement de beaucoup de chytes colorés & de beaucoup d’autres qui ne le font pas. On a donc eu grand tort de le confondre avec eux, & fur-tout , de lui attribuer les mêmes qualités comme engrais des terres. Notre pauvre Curé fut encore la dupe de cette opinion; car ayant mis de cette ma- tière dans fon jardin , ainfi que quelques Particuliers dans leurs champs, elle y brûla tout en s'effleuriffant. M. de Bomare cite, à la page 215 du premier volume de fa Minéralogie , les chytes de Baccarah qu'on y em- -ploie pour fertilifer les terres. Mais ces chytes font de nature bien diffé- rente ; ils ne contiennent pas un atôme de pyrite. Ce font des vrais chytes marneux , c’eft-à-dire , un mélange d'argille & de craye. Il yen a de pareils en Normandie, du côté de Ville-Dieu & qui y font le même effet fur les terres. Ces chytes s'effleuriffent , à la vérité , ou pour parler plus correétement , ils fe délitent ; mais cette délitefcence ne peut être due à la pyrite ni à l'acide vitriolique , qu'ils ne contiennent pas. Il y a plufieurs autres matières qui s’exfolient , fans qu’elles foient pour cela vitrioliques ou pyriteufes ; ë c'eft-là un fujet que nos Naturaliftes n'ont point encore éclairci, peut-être n'eft-elle due cette délitefcence qu'à la terre calcaire elle-même, qui, simbibant peu-à-peu d'humidité , fe gonfle & fait écarter peu- à-peu toutes les parties de cette fubftance. On voit, au, premier coup-d'œil , qu'il eft impoflible que les chytes de la Ferrière-Béchet puiffeat être utiles comme engrais , quand on remarque le lieu o4 1777. SEPTEMBRE, 218 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la place où on les a laiflé s'efleurir; car on trouve que les plantes font étouffées ou jaunes, ou languiflantes. Plufieurs feuilles de papier fur lefquelles j'avois laiffé de cette matière, étoient fi ron- gées au bout de fix mois, qu'à peine étoient-elles reconnoiffables. On ne doit pas être étonné de cela , fi on confidère que l'acide vitrio- lique, à mefure qu'il fe dépouille du phlogiftique qui le conftituoit foufre, fe trouve en état de s'approprier de l'humidité des plan- tes , & même de les pénétrer de manière à rompre leur tiflu. C'eft pour cette raifon qu'aucune fubftance faline ne convient dans la végétation , quoiqu'en aient écrit plufieurs Agriculteurs. Le plâtre même, qu'on a voulu en dernier lieu nous donner pour un excel- lent engrais, y eft nuifible en fa qualité de fel , il détourne l'humidité & l'empêche de pénétrer dans les plantes. La montagne de Montmartre peut fervir d'exemple à cela. Tant que le plâtre y a été à nud , elle a été abfolument ftérile , & de- puis , qu'à force de fumier , on eft parvenu à former deflus une couche de terreau , elle eft devenue capable de porter toutes fortes de grains. Si on leflive les chytes de la Ferrière-Béchet , après qu'ils font éMeuris , on aura une leffive qui eft d’un jaune rougeâtre. Cette lefive concentrée par l'évaporation, ne donne pas cependant des cryftaux de vitriol, parce que cette fubftance y eft combinée avec de l'alun &c da fel d'epfom. Ce dernier fel eft , comme nous l'avons dit , un moyen d'union entre les deux autres , & le tout enfemble forme un magma falin fur-compofé , forte de matière faline dont j'ai déja préfenté quelques exemples dans mon petit traité des eaux Miné- rales, & dans celui de la diffolution des Métaux. Mais voulez-vous voir clair dans ce magma falin & reconnoître les fubftances falines autres que le vitriol ? jettez dedans peu-à-peu, c'eft-à-dire, dans la leffive des chytes , de la liqueur faturée du bleu de Prufle , &t jufqu’à ce que vous voyiez qu'il ne fe forme plus de précipité bleu. Filtrez alors, & vous aurez une liqueur faline blanche, qui, évaporée, vous donnera l'alun , & le fel d'epfom confondu avec le tartre vitriolé , qui fe fera formé dans cette opération. La caufe de l’exiftence du fel d’epfom dans cette liqueur , n’eft pas plus difficile à concevoir que celle de l’alun. On fair, au moins avons-nous dit plufieurs fois, qu'il n'y a pas de chyte pyriteux qui ne contienne en même-tems la bafe du fel d'epfom; & alors de lefflorefcence de la matière pyriteufe , l'acide vitriolique diffout la bafe de ce fel, comme il diffout la bafe de l’alun. On conçoit auf facilement que fi, au-ieu de laiffer effleurir les chytes d'eux-mêmes à l'air libre, on les fait griller légèrement , on obligera l'acide vitriolique à fe porter beaucoup plus fur les bafes terreufes que fur SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS: 219 le fer de la pyrite qui, privée de phlogiftique par cette calcination même , n'eft point aufli fufceptible d'être diffoute qu'auparavant. Lors donc que j'ai fait griller de ces chytes , ils m'ont donné beau- coup plus d’alun & de fel d'epfom que de vitriol. Mais, pour retirer avantage de ces chytes de cette manière , il faudroit purifier exaéte- ment les leflives par les moyens connus dans les Fabriques d’alun, qui font de l'urine putréfiée , du fang de bœuf mêlé avec de l'eau de chaux, & des décoétions de fuyes , &c. qui précipitent la chaux des mars en l'enveloppant, & la rendent inattaquable par l'acide vi- triolique. I faut cependant obferver que tous les chytes ne font pas également pyriteux & fulfureux : mais en quelque quantité qu'y foit le foufre , on le voit paroître fort facilement routes les fois que cette matière eft expofée à l’aétion du feu; on le voit s'attacher aux corps froids qu'il rencontre en s’évaporant : c'eft que la matière pyriteufe y eft , comme nous l'avons dit , fort divifée , & que dans cet état le foufre ne tient pas fi fortement au fer , que lorfque la py- rite eft en male pure , & féparée de toute autre matière. La carrière de la Ferrière-Béchet n'eft pas uniqu2 en fon efpèce , quoiqu'il n'y en ait pas fi communémeut qu’on l'a dit. Fétois encore fort jeune , lorfque je donnai la defcription d'une grotte en Au- vergne , appellée la grotte de Beaulieu , dont toute la voñre confifte en une pareille matière. Pococke , dans fon Voyage de l'Orient , donne la defcription d'une pareille grotte , laquelle fe trouve dans lIfle de Milo ; mais la différence qu'il y a ici, eft qu'on trouve fouvent des crofites d'alun tout formé , diftinétes & féparées du vitriol. Près d'Ofnabruck , on a une carrière entière de ces chytes, avec lefquels on failoit jadis de l'alun ; mais la difficulté qu'on avoit d’en féparer la matière vitriolique , en fit abandonner la fabri- cation. À Salfeld, en Thuringe , on y a aufñi des couches de ce chyte. Mais, quand je mets dans la même clafie toutes ces matières chyteufes, je ne me conforme pas à leur forme extérieure , ni à leur couleur , mais bien à leur compofition ou mélange , qui ne varie que par le plus ou moins de matière pyriteufe. Il n'y a pas d’ailleurs, comme on doit favoir , deux feules matières de même efpèce qui fe reffemblent parfaitement ; il y a toujours quelques nuances de diffé- rence , que les vrais Naturaliftes doivent obferver & diftinguer. MES A 1777 SEPTEMBRE. »20 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, CS ES RUNTT ROPANETESE DES REGISTRES D£ l'AcADÉMIE ROYALE DES SCIENCES», Du vinet-un Juin 1777» Et RaproRT fait fur un Microfcope (1); Par MM. ze Roy, DE MonrTicnyr & BRIsSsON. Nue: , Commiffaires nommés par l'Académie ; avons examiné: un Microfcope d’une nouvelle conftruétion ; préfenté par M. Delie- barre. Ce Microfcope eft compofé de plufieurs tuyaux & de plufieurs verres , que l'on peut combiner de différentes façons. Le premier de ces tuyaux , & qui reçoit tous les autres , eft porté par un cercle fixé à une tige quarrée , qui gliffe dans une boîte de cuivre , ce qui donne à ce tuyau , & par conféquent au corps entier du microfcope , un mouvement d’arrière en avant & d'avant en arrière : & la boîte de cuivre , tournant elle-même fur un pivot , donne au microfcope un mouvement de droite à gauche & de gauche à droite; de forte qu'au moyen de ce double mouvement , on peut lui faire parcourir tous les points de la platine , qui porte les objets. Ce même tuyau porte à fa partie inférieure un petit bout de tuyau étroit, qui eft garni extérieurement & intérieurement d’un pas de vis. L'intérieur eft deftiné à recevoir le porte-lentille objective, & fur l'extérieur fe vifle le miroir concave d'argent, dont on fait ufage pour les objets opaques. Dans ce premier tuyau fe place un fecond tuyau qui porte la lentille intermédiaire , c'eft-à-dire , celle que l'on place entre la len- tille objective & les oculaires. I RE SCIE EE (1) Le fieur L. F. Dellebare, Opticien, éroît déjà connu par le Microfcope dont il eft l’Inventeur, & qu’il avoit annoncé, pour la première fois, par la voie du Journal des Savans de l’année 1771; mais depuis cette époque, il Pa fingulièrement augmenté & perfeétionné, Dans SUR L’HIST. NATURELLE ETIES ARTS. %»1 Dans un fecond tuyau on en place un troïlième, qui porte les oculaires, qui font au nombre de quatre, tous de différens foyers , & , fuivant que nous l'a dit M. Dellebarre, de différentes matières, Chacun de ces oculaires eft monté dans une virole, & ces viroles ont toutes le même pas de vis, moyennant quoi on peut employer ces oculaires , ou tous enfemble ou féparément & combinés de dif. férentes façons. Il y a un quatrième tuyau , qui fert en certains cas & en certaines combinailons de ces verres à alonger le corps du microfcope, c'eft-à- dire, à augmenter la diftance entre la lentille objective & les oculaires. Au-deflous du corps du microfcope, eft placée la platine deftinée à porter les objets, & qui peut fe mettre à la diftance convenable de la lentille objeétive, par un mouvement de crémaillère très- doux. Au-deffous de cette platine , eft placé un demi-cercle fixé à une boîte de cuivre, qui gliffe dans la tige quarrée du pied, & peut s'y fixer à tel point que l'on veut : ce demi-cercle porte deux miroirs de glace étamés, l'un plan & l’autre concave, deftinés à réfléchir la lumière vers l'objet; le plan fert principalement pour la lumière du jour, le concave pour celle de la bougie ou de la chandelle : ces miroirs peuvent être placés à différentes diftances de l'objet, fuivant les différens degrés d’intenfité de lumière , dont on a befoin. Entre ces miroirs & la platine qui porte les objets, eft placée une loupe qui a les deux mouvemens, le vertical & l’horizontal > & qui eft deftinée à augmenter encore en certains cas, l'intenfité de la lumière. Le tout eft porté fur un pied de cuivre, furmonté d'une tige quarrée , à laquelle s'adaptent toutes ces pièces. Cette tige eft brifée vers le milieu de fa longueur , où fe trouve un mouvement de charnière; ce qui permet d'amener le corps du microfcope dans une fituation horizontale, & d’y voir les objets direétement à la lumière du jour & fans réflection. De plus, l'inftrument eft garni de cinq lentilles obje@ives de dif. férens foyers , & de toutes les autres pièces néceffaires pour rendre cemplet un inftrument de cette efpèce. Les foyers des lentilles objec- tives font depuis 4 de ligne jufqu’à 15 lignes. Après avoir obfervé la conftruétion de cet inftrument, nous en avons examiné les effets, & nous avons trouvé qu’il a non-feulement tous les avantages qu'ont tous les inftrumens du même genre, que nous avons vus jufqu'à préfent , mais qu'il en renferme encore beau- coup d'autres non moins intéreffans, dont nous allons donner le détail le mieux circonftancié qu'il nous fera poffible. 1° On peut, avec cet inftrument , imiter tous les microfcopes con- Tome X , Part. II. 1777. SEPTEMBRE, F£ »22 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nus jufqu'à préfent , & quant à leur conftruétion & quant à leurs offets. : 2°. On peur, en variant la combinaifon des oculaires , les placer de la manière la plus favorable à l'efpece d'objets qu'on obferve, & à la longueur du foyer & de la lentille objective, dont on fait ufage. 3°. Les oculaires pouvant être employés féparément ou enfem- ble, & pouvant fe combiner d'un grand nombre de façons différen- tes , on peut, quoiqu'on fe ferve de la même lentille objective , varier à fon gré la grandeur du champ, l’agrandiffement de l'image & l'intenfité de la lumière. Or , on fait qu'il y a des objets qui exigent une lumière bien moins intenfe que d'autres pour être vus avec netteté: tout cela donne la facilité , 1°, d'agrandir l'image avec le microfco»e de M. Dellebarre , beaucoup plus qu'on ne le peut faire avec les autres microfcopes , avec des lentilles objectives de même foyer , & cela fans rien perdre de la grandeur du champ , de la clarté & de la netteté de l'image: moyennant quoi l’on peut y obferver, avec le même degré de groffiffement , des objets plus grands & dans une plus grande étendue, & , fi ce font des objets mouvans , on peut, les obferver plus long-tems & dans une plus grande étendue de leur marche. 2°. De faire pañfer fucceffivement le même objet par tous les degrés d'agrandiffement , quoiqu'on continue de fe fervir de Ja même lentille obje@ive ; ce qui s'exécute en variant le nombre , la pofition & la diftance refpeétive des oculaires : ce qui fe fait dans un tems très-court & avec beaucoup de facilité. 3°. De pouvoir fe procurer , quand on le veut, beaucoup plus de lumière, qu'on ne le peut faire avec les autres microfcopes à grofliffement égal ; vu qu'on fe fert alors des lentilles objectives d’un foyer plus long , & auxquelles on peut donner une plus grande ouverture. 4°. D’avoir une lumière plus uniforme ; ce qui fatigue moins les yeux , & fait voir avec netteté les différentes parties de l'image, La grandeur des miroirs employés dans le microfcope de M. Del- lebarre, leur mobilité & les différentes pofitions dont ils font fuf- ceptibles , donnent à l'Obfervateur la facilité de modifier la lamière à fon gré & de choifir la plus favorable , tant à l'objet qu'il obferve, qu'à la force de la lentille objeétive, & à la force combinée des ocu- Jaires , dont il fait ufage : & l’on fait que c'eft en grande partie de-là que dépendent , & la netteté & la diftinétion de l'image qui eft le but principal que l'on fe propofe d'atteindre au moyen des microf- copes : en effet, avec celui de M. Dellebarre , on voit avec la plus grande netteré non-feulement les contours de l'objet , mais encore tous les détails répandus fur fa furface , & même , en certains cas, les parties intérieures. SUR L'HIST. NATURELIE ETIES ARTS. 223 La loupe, que nous avons dit être placée entre les miroirs de la glace étamée & la platine qui porte les objets, fert principalement lorfqu'on obferve à la chandelle au-lieu de la lumière du jour, Par le moyen de ce verre on raflemble les rayons, de manière à faire voir l'objet avec autant de clarté, de fplendeur & d'éclat, qu'au grand jour. On peut même, par le moyen de ce verre , Taflembler une affez grande quantité des rayons de lumière réfléchie par la Lune, pour éclairer duement fon objet. Mais, un des effets des plus intéreffans du microfcope de M. Dellebarre eft de faire voir, foit à la lumière du jour, foit à celle des bougies, les objets opaques avec autant, nous pourrions même dire, avec plus de clarté, de fplendeur & d'éclat, qu'on n'y voit les tranfparens , quoiqu'on s'y ferve de lentilles objeëtives, même d'un court foyer; c'eft alors que le miroir concave d'argent, dont nous avons parlé ci-deflus , eft d’une grande utilité. Pour cela, M. Delle- barre a beaucoup augmenté le diamètre de fes miroirs foit d'argent, foit de glace, ayant foin d’intercepter tous les rayons qui peuvent éclairer la partie inférieure de l'objet , il ne laiffe pafler que ceux des côtés , qui, tombant fur le miroir concave d'argent, font réfléchis abondamment fur la furface fupérieure de l'objet opaque, laquelle eft tournée vers les yeux de l'Obfervateur. Tous les mouvemens de droite & de gauche, en avant & en arrière, qu'a le corps du microfcope, & dont nous avons parlé ci-deffus , font encore un très-grand avantage dans cet inftrument. Par leur moyen on peut parcourir aifément toutes les parties d'un grand objet, s'arrêter fur celles que l’on veut obferver fpécialement, fuivre la marche & les allures des petits animaux vivans ; enfin : comparer plufieurs objets , les examiner enfemble ou féparément , & cela fens toucher au porte-objet, & par conféquent, fans rien déranger à leur poftion refpeëive : ce qui eft quelquefois très- intéreffent. Outre cela, le pied qui porte l'inftrument eft en deux endroits brifé & à charnière pour pouvoir, 1°. l'incliner de manière à obfer- ver commodément affis. 2°. Pour amener le corps du microfcope dans une fituation horizontale, afin d'y obferver les objets par une lumière directe & non réfléchie. Tels font, & le microfcope de M. Dallebattre & fes effets. On voir affez , par ce que nous venons de dire, qu'il doit une partie de (es avan- rages au grand nombre de fes oculaires, qui , avec la lentille objetive, font en tout fix lentilles. Nous obferverons, à ce fujer , que M. Euler a doané., dans un Mémoire , intitulé: de novo Microfcopiorum genere , { in- féré dans le volume des Mémoires de Pérersbourg une excellente théorie de ces microfcopes à fix lentilles & de leurs avantages, Mais 3777: SEPTEMBRE, Ff2 214 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE , M. Dellebarre a non-feulement exécuté un microfcope pareil à celui que M. Euler a propofé , il a de plus fu y joindre beaucoup d'autres avantages » fur-tout , en rendant fes oculaires mobiles & fufcep- tibles de prendre entr'eux différentes politions refpeëtives , & par-là, les plus convenables à la force de la lentille objeétive, dont on fait ufage , & à la nature de l’objet qu'on obferve. Cette conftruétion , que M. Euler lui-même a regardée comme difficile , puifqu'il dit, dans le mémoire cité ci-deflus: Si hæc conftruéfio in praxi nulla obfla- cula oftendat , &c. eft donc d'un mérite réel, & fournit aux Phyfi- ciens un inftrument qui leur fera d'une grande utilité ; c’eft pour- quoi, d'après tout ce que nous venous de dire de la conftruction de cet inftrument , des nouveaux avantages qu'il renferme , & de la beauté de fes effets , dont nous avons été très-fatisfaits , nous croyons devoir conclure que le microcofpe préfenté par M. Dellebarre , eft de tous les inftrumens de ce genre , qui nous foient connus, celui qui renferme le plus de commodités pour l’obfervateur, & qui, en amplifiant le plus l'image, la fait voir avec plus de netteté, & qu'en conféquence , il mérite , à jufte titre, l'approbation de l'Aca- démie : Etoit figné, LE Roy, BRISSON. Et puis le Certificat fuivant. Je certifie le préfent Extrait conforme à fon Original & au Jugement de l'Académie. À Paris, ce 21 Juin mil fept ceat foixante-dix-fept : étoit auffi figné , le Marquis DE CONDORCE®. Ce Microfcope fe fait & fe vend à Paris, rue Saint-Jacques, près S. Yves, chez le fieur Le Tellier, Ingénieur-Opticien de la Reine, avec lequel ledit fieur Dellebarre eft affocié. D D'F SUCUR TE TT) DEN D'un nouveau Gros-Bec de la Guiane. Léo dont nous donnons la defcription , pl. 2 , a été apporté depuis peu de la Guiane. Nous croyons qu'il eft rare ët de pañfage, Cette opinion eft fondée feulement fur ce que dans les envois fré- quens & nombreux qui ont été faits de ce pays, on n’en avoit ja- mais trouvé de femblables; & ce qui confirme encore plus cette idée, c'eft qu'on a apporté trois individus à la fois. Au furplus, on ne préfente cette idée que comme probable, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 15 Cet Oifeau a tous les caractères du Gros-bec. C'eft par confe- quent le genre auquel il doit être rapporté. Il en diffère par deux accidens peu confidérables ; la longueur de la queue qui eft plus grande à proportion que dans les autres Gros-becs , & la grofieur des jambes qui font plus grêles. La tête , la gorge À le tour de la partie fupérieure du col, font noirs ; la poitrine , le ventre & les côtés , font d'un rouge vif, tirant fur le ponceau , mais d'un ton clair & un peu lavé ; une raye de la même couleur , fe pro- longe au-deffus du moignon des ailes & derrière le col où elle forme une efpèce de collier ; les ailes , le dos , le croupion, le deffus & le deffous de la queue , font d’un rouge f riqueté ; le bec eft noir & très-gros ; les pattes font de couleur plombée ; la teinte de la queue , en-deffous , eft fort foible & fort lavée ; les ailes s'éten- dent jufqu'à la moitié de la queue; la groffeur totale excède celle du Gros-Bec commun d'Europe, d'environ un quart. Dans l'envoi de l'Oifeau qui vient d'être décrit, il s'en eft trouvé deux autres qui lui reffemblent parfaitement, par la forme de tou- tes leurs parties & par la groffeur. Nous n’en connoiflons non plus auçune defcription. Ces individus ne diffèrent du précédent ; que par les couleurs ; ils ont également la tête & la gorge noire; mais la poitrine , le ventre, les côtés, font d’un jaune citron pâle; le dos, le croupion, les ailes ,le deflus de la queue , font d’un vertolive , tirant fur le jaune. Ces individus peuvent être , ou les femelles du précédent, ou les jeunes qui n'ont pas encore mué, ou enfin, ce peut être le même oifeau , des individus du même fexe dans l'état de mue ; car on fait que plufeurs efpèces d'oifeaux ont deux & juf- qu'à trois plumages par an. L'obfervation feule pourroit nous ap- prendre ce que l'oifeau olivâtre eft à l'oifeau au plumage rouge , avec lequel il a le rapport de la forme , de la groffeur, d'habiter le même pays, de s’y trouver rarement , & d'y avoir été rencontré en même-tems, ACL 3777. SEPTEMBRE. 226 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, MO HE NES SN NES. Pour détruire les Fourmis de lIfle de la Martinique; Par M. Domser , Médecin-Botanifte du Roi (1). | PU Fourmis fe font multipliées fi confidérablement à la Marti- nique, que les plantations des cannes à fucre fe trouvent prefque toutes détruites. Ce malheur à engagé les. habitants de l'Ifle à re- courir à M. le Miniftre de la Marine , pour qu'il püût leur indi- quer un moyen de fe garantir d'hôtes auffi incommodes. J'avoue que je ne fuis point l'inventeur du moyen que je propofe aujour- d'hui , puifqu'il eft en ufage dans plufieurs Provinces de France, & que je me füis affuré de la réuflite , en obfervant avec attention la culture des terres aux environs de Wals en Catalogne, pays très- expofé aux infeétes, qui pourroit éprouver le même défaftre que Ja Martinique, fi on ne fe fervoit, pour leur deftruétion , du moyen que je vais indiquer. Après la récolte du bled , le Cultivateur Catalan , ayant légère- ment remué terre ; amoncèle en petits tas, placés de diftance en diftance , le chaume & les autres herbes defféchées, que la char- rue a déracinées. Il recouvre chaque tas de terre prife horizontale- ment fur la furface de fon champ, il ménage à chaque tas, une ouverture dont l’orifice eft tournée du côté d’où doit foufiler le vent qui règne ordinairement dans cette faifon. Lorfque le vent commence à fouffler , le Laboureur 2llume le chaume de chaque tas , & il a foin d'entretenir le feu jufqw'à en- tière confumation du chaume. Par cette méthode fimple , les in- feétes & leurs œufs, dépofés dans la terre, périflent; la terre fe trouve imprégnée des fels que la combuftion a laiffés à nud , & ces fels , diffous enfuite par les pluies, fertilifent la terre. L'automne eft le tems où le Cultivateur des environs de Wals fait cette opération. Cette faifon eft la plus favorable , puifque les in- oo () L’Auteur de ce Mémoire eft fur le point de s’embarquer pour le Pérou, où il va faire des recherches d’hiftoire naturelle, à l'exemple de M. Commerfon, fon compatriote & fon ami, dont nous avons donné l’Éloge en 1775. SUR L'HIST. NATURELLE ETILES ARTS. 27 fetes , avant de périr, ont dépofés dans la terre , leurs œufs qui doivent éclore dans les premières chaleurs du printems fuivant. Quoique le Laboureur n’ait d'autre vue que de détruire le chaume : & de fe procurer un engrais par fa combultion , il n’eft pas moins vrai qu'il détruit auffi les infeétes ; s'il ne fait pas une application jufte de fon travail , l'habitude ayant fait pañler jufqu'à lui cette façon d'engraïfler les terres , en eft caufe ; il ne penfe pas À détruire un ennemi qui ne lui a jamais été dangereux, puifqu'il n’a pas eu le tems de fe multiplier afflez pour devenir nuifible. On fera totalement perfuadé de l'utilité de cette façon de culti- ver, lorfque l’on la mettra en parallèle avec la culture des Provinces voifines de la Catalogne , qui font fouvent obligées d'employer beau. coup de bras pour arrêter les funeftes progrès des infe@es & des autres animaux qui dépofent leurs œufs, ou fe logent à la furface de la terre. Ce moyen excellent pour les terres où l'on cultive les plantes annuelles, ne peut pas valoir pour les plantations des cannes à fucre ; parce que la canne à fucre eft une plante vivace qui fubfifte en terre pendant plufieurs années : après la récolte, la racine poufle bientôt d'autres rejetons , l’efpoir de l'année fuivante. Les terres des plantations des cannes à fucre ne pouvant pas être remuées , du moins , fous les racines, les fourmis y dépofent leurs œufs , dont le développement eft d'autant plus prompt, que la chaleur du climat eft plus confidérable. Ces infeétes trouvent fous les racines un abri afluré, & la canne leur fournit une nourriture douce, dont ils font très-friands. Ce n’eft cependant qu'en dépouillant les racines des cannes à fucre de leur terre, & en leur communiquant cette chaleur, que l'on éprouve lorfque l’on introduit la main dans une fourmillière , que les fourmis font périr les cannes à fucre. M. Dubuq du Ferret, Député du Commerce de l'Ifle de la Mar- tinique , à qui je communiquai verbalement cette méthode dans les premiers jours de l’année 1776, m'ayant afluré que les Habitants , qui retiroient un produit confidérable de leurs plantations avant la multiplication des fourmis , étoient réduits à un revenu très-mo- dique , j'ai cru que le feul moyen d'en garantir l'Ifle de a Marti- nique feroit : 1°. D'arracher en même-tems , dans toute l'étendue de l'Ifle , les cannes à fucre, dans la faifon où les vents qui y règnent , permettront & aideront à la combuftion des cannes & des feuilles , fur lefqueiles on amoncelleroit en petit tas placés de diftance en diftance ; de la terre prife horizontalement fur la furface des plantations : en obfer- vant de ménager une ouvertare à chaque tas , dont l'orifice feroit tourné du côté du vent ,; & d’ordonner le feu le même jour dans 1777. SEPTEMBRE. 228 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, toute l'Ifle , afin queles œufs & les fourmis ne puiflent point échap- per aux flammes. 2°. De n'ordonner cette opération que dans la faifon où les Habi- tants pourroient fe procurer, dans les plantations, des jeunes plants , propres à être replantés lorfque la terre feroit refroidie. 3°. D'amonceler le plus de terre poñlible fur chaque tas de feuilles & de cannes à fucre qui devront être brülées , parce que la terre, dans lespays où il pleut rarement , & oùil fait fort chaud , eft très-légère, & fe laiffe plus aifément pénétrer par les infeêtes qui y dépofent leurs œufs plus profondément , que dans les terres froides & fortes. D'ailleurs , les matières grafles des cannes à fucre échaufferont beaucoup plus de terre , que ne le feroit le chaume, & les infectes y périront plus sûrement. 4°. Pour obvier à cette nouvelle multiplication des fourmis , les Habitants de l’Ifle de la Martinique pourront élever des perdrix , des poules-pintades, mais fur-tout , quelques-unes des efpèces de four- milliers, que l’on pourroit tranfporter de Bonnes-aires , qui vivroient très-bien à la Martinique. Eu BE Ra E De M. VALMoNT DE BoMARE, écrite du Château de Chantilly , à l’Auteur de ce Recueil, Avec les Pièces juflificatives de la fécondité du Sexz de Senlis. Mi , tout ce qui intérefle l'humanité , les Sciences & fHiftoire naturelle, mérite de trouver place dans votre Journal. Le fait dont je vous envoie les preuves les plus authentiques , s'eft paité à Senlis. C'eft Monfeigneur l'Evêque actuel qui les a remifes à S. A. S. Monfeigneur le Prince de Condé. Ce Prince m'a ordonné de vous l’adrefler , & vous invite de l'inférer dans un des premiers Cahiers qui doivent paroître. Le titre primitif (1) elt entre les mains de S. A. S.; mais la copie que je vous envoie , a été collationnée fcrupuleufement fur l'original. .() Ce titre original, dont M. de Bomare publie la copie , mérite une place diftinguée dans les Recueils du Cabinet d’Hiftoire naturelle de Chantilly. Ilef, EXTRAIT SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 229 EXTRAIT d'une Enquête faite le 9 Janvier 1620, par Mefñlire Nicolas Duleu, Doéteur en Droit de Touloufe , Chanoine Official de Senlis, & Vicaire de Monfeigneur le Cardinal de la Rochefoucaulr, Evèque de Senlis. . Mulieres hujus regionis tanta funt fæcunditatis ut brevi tempore civitas tam exigua perfonis ex ea oriundis repleatur , quæ de generatione in ge- nerat'onem cognatæ & propinquaæ in aliquo gradu prohibito nunc agnof= curitur. Il faut obferver que cette enquête fut faite pour favoir fi la Ville de Scnlis devoit pañler pro auguflo loco , afin de faciliter les Difpenfes de Mariace. Quare , ajoute-t-il , fuper tantä parentelà inquirentes plufquam centum tefles féparatim audivimus, qui hæc vera effe eorum relatione affirmarunt.…. & apud aëfu curiæ noftræ fubfignarunt. Oblatum etiam nobis eft Aëlum publicum duobus Notariis Regiis fub- fignatum , cujus tenore apparet honorabilem fœmineam Æcipram METHELET , viduam defunéli Magiftri CLauDir MARTIN, in Revia Eleétione Silvaneétenfi confilianit vidiffe aut videre potuiffe fees nonagenta tres nepotes, pronepotes, aut abnepotes utriufque fexis ex fe vel ejus fororibus procedentes tribus fere annis antequam e vivis excefferit, Nam illud Aëtum publicum per fingulas domos & familias prius fingulis Chyrographis Juper quemlibet articulum Jubfignatum , coram Notariis Regiis fuit folemnizatum. Die decima quarta Novembris, anno Domini millefimo quingentefimo feptuagefimo fexto. Diéa autem Ægidia mi- gravit in cœlum die decima Julit anno Domini millefimo quingentefimo féptuagefimo-nono ita ut in die ejus obitus communi voce cenfebatur fere mille nepotes & pro nepotes habuiffeé. Et fic de pluribus aliis familiis Silvaneëti degentibus. AcTE paflé pardevant les Notaires au Bailliage & Châtellenie de Senlis, dont eft fait mention en l'Enquête ci-deffous. Pardevant Nous Nicolas Laurens & Nicolas Potdevin , Notaires aux Builliage & Chaftellenie de Senlis, fouffignés honorable femme GiLeTTE METHELET, veuve de feu Me. CLauDE MARTIN , en fon vivant Eflu de Senlis, a certifié avoir vu ou pu voir le nombre & quantité de fix fans contredit, un des plus beaux de lEuropc ; le Règne minéral, fur-tout, y eft de la plus grande richelie, de la plus grande variété. C’eft au milieu de ces colle&ions, où l’art paroît moins que le difcernement, que le Prince vient fe délaffer & donner à l'étude les jours qu’il dérobe aux affaires. Si on ne parloit pas d’un Prince, on pourroit dire qu’il eft le premier Garde de fon Cabinet, & bien il conaoît & apprécie tous les objets qu’il renferme. Tome X , Part, Il, 1777: SEPTEMBRE, G g 230 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cents quarante & un de fes neveux & arrières-neveux , nièces & arrières- nièces, procédans & iffus & defcendus de PIERRE METHELET & Marie DE LA BARRE fes pere & mere, fans, en ce, comprendre fes freres & fœurs, ni trois enfants ifusvde Marie METHELET, femme de Pierre MARTINE, fa fœur, même les fiens, & un qui eft ifu depuis srois jours de Lune de fes petites-nièces, fille de RIEUL GERMAIN & femme de TovussaiNT LE Qu4y, qui font en tout le nombre de fix cens quatre- vingt, & treige enfants defcendants defdits Pierre METHELET & MARIE DE LA BARRE. Dont & de laquelle déclaration & certification, honorable Homme Me. Pierre Le Cirier, Licentié ès Droits , Lieutenant-Général du Prévôt-Général de Meffieurs les Maréchaux de France, nous a requis Lettres : à Lui octroyées ces préfentes, pour lui fervir, en tems & lieu , ce que de raifon. Fait le quatorzième jour de Novembre mil cinq cents foixante-treige. Et ladite veuve Martin a déclaré ne féavoir figner. Ainfi figné, N. Laurens & N. Potdevin, L'Original de la Généalogie dontil eft parlé ci-deflus, a été trouvé entre les papiers de feu M°. Pierre le Cirier, vivant, Lieutenant- Général des Prévôts des Maréchaux de France, inventorié par la lettre Q. Lequel a ordonné , par fon teftament, être délaiflé entre Jes mains de M°. Pierre Martin, Lieutenant des Eaux & Forêts au Bailliage de Senlis, qu'il a élu pour fon exécuteur teftamenraire. Ladite dame Gillette Methelet eft décédée le dixième jour de Juillet mille cinq cents foixante-dix-neuf, Signé, MARTIN. Son Epitaphe. AMI LECTEUR, SOUS CETTE TOMBE ET LaMME GisT ET REPOSE UNE HONORABLE DAME QuI A PU VEOIR PROCCRÉER DE SON TEMS TANT DE SES SŒURS, QUE DE SES DEUX ENFANTS Hurr cenTs NEVEUX. PRIE QUE LES DESCENDANTS ÊT ELLE AUSSI, LE CIEL SOIENT ASCENDANTS. Collation faite à l'Original, pardevant Germain & Noyal, No taires-Royaux, le Jeudi, dixième jour d'Oétobre, mil cinq cents quatre vingt-feize, à la requête de Me. Dufrefnoy, Confeiller. Tout ce que deflus, extrait & collationné fur les Originaux, par moi foufligné Doyen & Chanoine de Saint-Rieul de Senlis , Doëteur de Sorbonne & Commiffaire du Roi, pour la recherche des Chartres des Provinces de France & Picardie, le Mercredi vingt-cinq Juin mil &pt cent foixante-dix-fept. AFFORTY: SUR L'HIST. NATUREIIE ET LES ARTS 23r PRE Sa EN R RAC DEL O,..N Sur le Phénomène vu à Paris le 7 Septembre 1777 ; Par M. DÉTIENNE, Ecuyer, premier Huiflier au Grand-Confeil. Le 7 de ce mois , le baromètre à 28 pouces 3 lignes de hauteur, le vent vers le Nord, après quelques jours de chaleur & plufieurs fignes d'eleétricifme athmofphérique ( les Tables périodiques indiquent les variations du thermomètre ) les machines éleétriques donnant de trés-foibles étincelles, on vit, fur les neuf heures du foir, une lumière brillante & blanche, qui s’étendoit du Sud-Oueft vers le Nord, étant vue de Paris. Un brouillard affez épais formoit comme un nuage arrondi , ou plutôt une portion ou branche d’une efpèce de parabole irrégulière, dont la convexité faifoit face à l'Eft; la têre de cette courbe étoit pofée vers le Sud-Eft ; fon autre extrémité rendoit vers le Nord, & fon bord étoit échancré en plufieurs endroits; ce qui formoit une courbe parabolique. Le bord de ce brouillard, qui fembloit être un nuage noir, étoit lumineux, & la lumière de couleur blanchâtre , telle que celle de la cafcade où de la bouteille dans l'air raréfié. Il s'élançoit de tems en tems du bord du nuage des aigrettes, dont les rayons foibles reflem- bloient à ceux qui faillent des bords des enduits d'un carreau élec- trique. Il failloit de la partie du nuage qui étoit à l'Oueft, un large faifceau de lumière , tirant fur le cramoifi, qui fe dirigeoit vers l'Eft, une longue aigrette d’une échancrure voiline du côté du Nord. La lumière cramoilie devint plus foible fur les dix heures & demie, & difparut; peu de tems après, elle reparut encore, mais avec moins de vivacité, & le nuage recommencoit à lancer encore des aigrettes. La lumière qui foiblifloit, en s'étendant moins en largeur, s'avançoir vers le Nord par l'extrémité de Ja branche de la courbe , pendant que la tête s’éloignoit de l'Oueft. Pendant cette marche, le brouillard ou nuage femboit diminuer de largeur , de forte que les ordonnées de la courbe devenoient plus courtes. Enfin, après onze heures, je ceffai de voir aucune lumière, parce que le coreau de Montmartre m'en gempéchoit. Pendant tout ce tems, ce que je crois mériter attention, les feux 1777 SEPTEMBRE. Gg2 232 OBSERVATIONS SUR FE A PHYSIQUE. qu'on appelle improprement étoiles tombantes , qui étoient fréquens, fé portoient de l'Eft, ou Nord-eft, vers la courbe. Je dis les bords cu nuage lumineux , c'eft-à-dire , qu'il paroifoit conftamment enveloppé de lumière autour de fes bords. C’étoit une efpèce de gloire, une béatification élerique. Ce phénomène ne montre-t-il pas que fa caufe première, qui eft le feu éleétrique mis en action, eft celle qui fufcita celui du 26 Février dernier? Les aigrettes de ce dernier reffembloient plus aux franges qu'on voit autour des enduits d'un carreau, qu’à celle bril- Jante du précédent, Sans entrer dans un détail étendu , qui confirmeroit cette affertion à l'égard de ces deux phénomènes, dont les circonftances {ont diffé- rentes, j'obferve ce qui fuit : I. Les brouillards ou nuages ont une caufe commune, & font fou- levés par l’action du feu électrique. IT. Ils peuvent être confidérés comme des conduéteurs ifolés, ou comme des enduits appliqués fur des ifolans. III. Le feu électrique peur exifter ifolé au deffus de l'athmofphère, & y être en furcharge, au moyen de l'air fec qui ifole de fa nature, quoique la partie inférieure foit vaporeufe. IV. La chaleur difpofe à l'éleétricifme en défaut, & rend les ifo- lans perméables en proportion de fa force. D'après cela, je crois pouvoir paffer à l'objet dont il s'agit , & dire brièvement. Ce phénomène reffemble, par fes circonftances, à ceux dont on peut fe donner le fpeétacle avec un ou deux carreaux éle&trifés par le premier conduéteur, jufqu'à pouvoir donner l'explofion, & en les dépouillant de leurs enduits & les recouvrant, foir en partie, foit en entier, en laiflant toujours un bord ifolant, tantôt avant, tantôt après leur avoir fait faire l'explofion, & en obfervant ce qui a lieu par les renverfemens alternatifs de ces carreaux, & leur réunion & défunion. Cet expofé femble confirmer l'opinion fimple & ivgénieufe de M. l'Abbé Conti. Fajouterai que les étoiles tombantes, qui fe dirigeoient vers la convexité de la courbe , font voir que leur électricité éroit oppofée à celle de cette courbe; ce que je n'entends pas dire rigou- reufement, puifqu'un carreau éleétrique, dépouillé de fes enduits, femble montrer des éleétricités homologues fur fes deux furfaces , par la répulfion d’un ruban de foie éle@rifé , qu'on leur préfente en même rems, quoique les deux furfaces aient des électricités op- pofées. Les Phyficiens qui feront les expériences d'électricité, en y obfervant SUR L’HIST.NATURELLE ET LES ARTS. 234 les phénomènes que produit la force vengereffé pofitive ou néga- tive, feront perfuadés que les explications compliquées qui ont été données par des Savans diftingués , font beaucoup plus fimples en adoptant le phènomène de l'électricité vengereffe, & ayant égard aux aberrations qui ont lieu par les électricités homologues apparentes , quoiqu'elles foient réellement oppofées. Il faut donc étudier ce qui concerne l’athmofphère éle@rique & l’éleétricité vengerefle. Les Commençans, & l’on peut dire même avec confiance , ceux qui font familiers avec la Fhyfique & les expériences , trouveront des principes abondans fur cette matière , dans les Ouvrages du célè- bre Phyficien de Turin. Ils ne douteront plus de l'analogie de ces phénomènes naturels , avec les expériences qu'il a faites avec Here artificiel , principalement, pour développer l'expérience e Pékin. GE — — ES — LS NOUVELLES LITTÉRAIRES VE LS 1RE NATURELLE de la Province de Languedoc , partie minéralogique & géoponique, publiée par ordre des Etats de ceite Province; par M. de Jenfane , Membre de la Société Royale des Sciences de Montpellier, Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris, & Commiflaire député par les Etats, pour la vifite générale des mines & autres fubftances terreftres de la même Provinces. Tomes premier & fecond , in-8°. A Montpellier, chez Rigaud , Pons & Compagnie; & à Paris , chez Jombert, fils-ainé , rue Dauphine. Ces deux volumes doivent fans doute avoir une fuite; ils con- tiennent chacun un Difcours préliminaire fort étendu ; celui du premier, roule fur le charbon de terre & fur la manière d'exploi- ter les mines. Une gravure fert à l'intelligence de cet art. Cette partie (era sûrement grand plaifir aux Leéteurs. Le refte de ce Dif- cours renferme quelques obfervations qui, peut-être , ne paroîtront pas avoir la même juftefle. M. Venel avoit reproché à l’Auteur de ne s'être pas aflez bien expliqué dans fon Traité fur la fonte des mines par le charbon de terre , lorfqu'il avoit dit qu'il falloit dé- fouffrer le charbon de terre pour l'employer à cet effet. M. de Jenfane foutient, non pas précifément, qu'il y a du fouffre dans le charbon de terre , mais qu'il y a les matériaux pour le faire , & qu'ainfi, Je mot défoufrer pouvoit être employé juftement dans cette occaliôn. Le Difcours préliminaire du fecond volume eft entièrement confacré 1777. SEPTEMBRE, 254 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; à l'explication d’une nouvelle théorie que M. de Jenfäne a imaginée far la formation des minéraux. ‘lous les Leéteurs feront-ils fatis- faits de cette théorie? L’Auteur veut tout expliquer , au moyen d'une chaleur centrale que le foleil entrentient ; cette chaleur fait exhaler continuellement vers la circonférence de la terre, des va- peurs qui fe combinant avec les terres &t les couches que la mer a formées fucceflivement , produifent les minéraux, les mines, &tc. Par les conféquences que l'Auteur tire de cette hypothèfe , il pré- tend que plus on defcend en avant dans notre globe, plus la cha- leur augmente. Cette conclufion r’eft-elle pas démentie par une foule d'Obfervateurs ? Je n’en chofirai que deux exemples , pris chez les modernes. M. Guettard aflure que le thermomètre de M. de Réaumur s'eft montré conftamment à 1,500 pieds de profondeur dans les mines: de fel de Wiliska en Pologne, à 10 degrés au-deffus de zéro. M. Monnet a trouvé que le même thermomètre marquoit conftamment 10 degrés à 280 toifes, c'eft-à-dire, à 1,680 pieds de profondeur perpendiculaire dans les mines de Joacmiftal en Bohême , ce qui eft la plus grande profondeur où les mineurs foient defcendus juf- qu'à ce jour. Ce fait feroit encore aifé à examiner dans les mines de Giromany en Alface , qui ont 222 toifes de profondeur. Tels ont été tous les lieux profonds dans lefquels nous fommes defcendus. La chaleur y a été toujours la même & au même degré que dans les caves de l'Obfervatoire de Paris ; c'eftä-dire , à 10 degrés ou to, quoiqu'elles n’ayent pas 40 pieds de profondeur. I! faut con- venir que des circonftances particulières peuvent & doivent faire varier le degré de chaleur dans ces fouterreins ; mais avant d’éta- blir un fyftême , ne convient-il pas de déterminer ces circonftances , tes accefloires, pour partir d'un point fixe , puifquil porte fur un fait ? L'idée d’une chaleur centrale, n’eft pas neuve. M. de Mairan avoit fait tous fes efforts pour l'établir ,; & M. de Jufli l'avoit fou- tenue long-tems avant lui en Allemagne. M. de Jenfane range fes obfervations minéralogiques par ordre des Diocèles qu'il parcourt, & il auroit sûrement fair grand plaifir à fes Leëteurs , s'il ne fe fût pas fouvent contenté de dire : ici, il y a une terre argileufe ; là, il yaune mine de fer , &c. , fans dire précifément en quoi confifte cette terre , cette mine, & quelle eft la manière d’être de Tune & de l’autre. Nous aimons à croire que M. de Jenfane par- donnera ces obfervations. Ce n’eft pas pour critiquer un Ouvrage {i utile à tant d'égards , mais pour l'inviter à s'attacher plus aux détails, qui font la feule partie vraiment inftruêive. Giomitrie fouterraine , où Traité de la Géométrie Pratique à l'ufage des Mines, par le même M. de Jenfane. C'eft un fervice vraiment effentiel que M, de Jenfane rend aux SUR Ll'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 23$ Mineurs François. Ce n'eft pas qu'ils n’euffent plufieurs bons Traités de Géométrie , où les principes , & l’art même de les mettre en pra- tique , font bien préfentés ; mais ils étoient prefque inutiles à nos Mineurs , faute d'application à l'Art d'exploiter les mines. Il falloit que les mineurs fe formaffent eux-mêmes , d'après les principes géné- raux de la Géométrie, une pratique particulière, M. de Jenfane lève aujourd'hui cette difficulté aux Commençans , & perfonne ne pou- voit mieux le faire que lui. Naturellement Géomètre , & Mineur par état, il connoît la théorie de la Géométrie, & la meilleure ma- nière de la mettre en pratique dans les mines. Il le prouve par les inftrumens qu'il à imaginé pour cet ufage. D'abord , il donne un détail de l'état des filons & des autres fituations des mines. Après quoi il fait voir la manière d'opérer dans les différentes politions où lon peut s'y trouver. On ne peut exploiter une mine, comme il convient, fans des règles affurées. Veut-on ouvrir une galerie fur un filon, il faut favoir à quel éloignement elle fe trouvera d'un autre, qui eft placé plus bas ou plus haut; & comme le filon va en s'inclinant d’un côté ou d'un autre, il faut d'abord mefurer les de- grés de certe inclinaifon , & les comparer à la ligne perpendiculaire ; alors on reconnoîtra au jufte la diftance où fe trouveront les deux ga- leries. Et comme un fimple Géomètre ne fait pas ce que c’eft qu'un filon , il s'enfuit qu'il ne faura pas apprécier cette diftance ; confé- quemment, que fi la galerie doit être dirigée fur le filon même, il manquera le point jufte où il pourroit le trouver ; & ces manques, comme on dit, en terme de Mineurs , font d'autant plus fâcheux , qu'ils occafionnent des dépenfes confidérables. M. de Jenfane a fair graver plufieurs planches pour repréfenter fes inftrumens. Eleétrifche Paujen, ou Effai fur les Paufes éleétriques ; par M. J. Fred. Grof, Secrétaire du Duc de Wittemberg , in-8°. A Leipfic, chez Hifchen. On voit briller des étincelles électriques entre deux inftrumens de métal , dont l’un , feulement , eft ifolé , fi l'intervalle qui les fé- pare n'eft pas trop grand. Telle a éré jufqu'à ce jour l'opinion géné- ralement reçue. L’Auteur de cet Effai nous apprend que la généra- lité de cette affertion eft vicieufe |, & qu’on éprouve même, entre les limites des moindre & plus grande diftances, un refus total & un néant d'éleétricité. Il nous fait conaoître , dans fon chap. 58°. vingt-huit de ces Paufes électriques , ( car c'eft ainfi qu’il les nomme), & l'on peut affurer qu'il en exifte un plus grand nombre: j'ai prefque dit une infinité. M. Groff avoue, cependant, qu'une obfervation auñi utile & aufi intéreflante n'eft due qu'au hafard, fans avoir jamais été prévue ni faite pour l'être. re Auroit-on pu prévoir ,;en effer, qu’un morceau de métal non ifolé, 1777. SEPTEMBRE. 236 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, étant approché de celui qui eft parfaitement ifolé , foi à la dif- rance d’un demi-pouce ou un peu plus près, foit à la diftance d'un & demi ;ou même de deux pouces & demi, fourniroit des étincelles très- brillantes & en grande quantité; tandis qu'avec les mêmes conditions & le plus long travail , on ne pourroit obtenir la plus petite étincelle, fi les morceaux de métal étoient placés à la diftance de trois quarts de pouce , même jufqu’à celle d'un pouce & un quart. M. Groff apperçut la première Paufe en 1760 , & étudia ce phé- nomène avec le plus grand foin en 1772. Qu'on fe repréfente les difficultés qu'il a eu à vaincre , avant d'avoir trouvé une méthode directe pour faire naître ces Paufes éleétriques , & même les étendre à volonté. Il l'a tracée fort au long dans fon Ouvrage , c’eft pourquoi nous n’en donnerons ici qu'une légère idée. Elle ne demande qu'une bonne machine éleétrique , munie d’un conduéteur affez long pour procurer un ifolement parfait à l'un des morceaux de métal mis en expérience. Celui qui eft ifolé doit de plus, préfenter fa convexité à l'autre, qu'une forme conique rendra très-propre à faire connoître les Paufes. On pourra prendre pour le premier, la moitié d'une fphère de trois quarts de pouce de diamètre , & pour le fecond , un cône , tel que les côtés de fon triangle générateur aient chacun un demi-pouce de longueur. Il faut enfin ufer un peu le fommet du cône , & cette opération demandera une main très-exercée , parce qu'on excède facilement les limites de ce raccourciflement. Moins le fommet du cône fera ufé , & plus on pourra éloigner les morceaux de métal , lorfqu'on voudra obferver les Paufes éleétriques. Cetre affertion eft développée très-exaétement dans le Chap. 41°. On peut aflurer que M. Groff a apporté la plus fcrupuleufe attention à découvrir, par des effais réitérés & fouvent variés , les maximum & les minimum. Le Chap. 29 renfermeles heureux réfulrats de fes labo- rieufes recherches. Il invite à les continuer , ceux que leur intelli- genee , leur goût & leurs facultés, appelleront à l'étude de l’élec- tricité. Parmi les phénomènes multipliés que font éclore les Paufes élec- triques , il en eft peu d’auffi intéreflant, que de les voir ceffer à l’ap- proche d’un corps étranger : nous allons le faire connoître en détail. Ayant placé les deux morceaux de métal à la diftance de trois quarts de pouce, & même à celle d’un pouce un quart, on verra ceffer les étincelles brillantes qui naïfloient , lorfque la diftance étoit moin- dre de trois quarts de pouce , ou plus que d'un pouce & un quart ,; ( mais non au-delà de deux pieds & demi ). Approchant enfuite une main , ou quelqu’autre corps à ladiftance de deux pieds, ou de deuxpieds & demi, on verra les étincelles briller de nouveau , tant que durera le mouvement du verre producteur de l'éleétricité. Veut-on SUR L'HIST. NATURELLE ET IFS ARTS. 237 Veut-on les faire difparoître de nouveau? I] fufira d'epprocher un fecond corps, l'autre main, par exemple. Son éloignement ramè- nera les chofes dans l’état où elles étoient précédemment. On lit, dens le Chap. 60, les accidens de lumière qui accompa- gnent les Paufes éleétriques, & qui font très-difficiles à obferver. Une aigrette lumineufe brille au fommet du cône, tandis qu'une lumière blanchâtre , femblable au phofphore , fe répand fur la convexité du demi-globe oppofé. Dans l'intervalle qui va mettre fin à la Paufe, on voit augmenter fenfiblement la vivacité de l’aigrette, & la lumière du métal, en oppofition , s'affoiblit peu-à-peu , jufqu’à ce que l'intervalle précis faffe renaître les étincelles. Les Chap. 62 — 66 font employés à faire connoître les Paufes doubles. Voici ce que M. Groff a entendu par ce mot. L'intervalle des morceaux de métal n'étant que de 5 lignes, on voyoit briller des étin- celles entre 6 & 17 lignes; elles s’anéantifloient & formoient la pre- mière Paufe. Depuis 18 jufqu’à 21, les étincelles brilloient de nou- veau avec éclat, mais elles difparoifloient encore entre 23 & 26: c’eft- là une feconde Paufe. Les étincélles, enfin, n’étoient jamais auffi vives & auf abondantes qu'entre 27 & 30 lignes. La figure & la Jongueur des étincelles éleétriques occupent le Chap. 66 — 73, & le 74°. offre une queftion très-intéreffante : comment expliquer les Paufes éleétriques & leurs phénomènes ? M. Groff avoue ingénuement que la folation eft au deffus de fes lumières. Il s’eft livré cependant à quelques recherches fur les avantages que la théorie & la pratique de l'électricité, retireroient de la con- noiffance des Paufes. Perfuadé , d’ailleurs, qu’elles peuvent recon- noître d'autres caufes que la méthode décrite ci-deflus , notre favant Auteur a déduir, de leur connoiffance , l'explication & l'éclairciffe- ment de quelques phénomènes éleétriques. Quelle eft la pratique la plus favorable à l'intenfité des étincelles; Chap. 762 Pourquoi leur lonsueur eft-elle plus grande lorfqu’elles rafent la furface des corps = qu'à l'air libre; Chap. 77? Par quelle raifon ne réuffit-on pas tou- jours à éclairer, avec les étincelles éleétriques , des lettres ou des figures; & quel eft, pour y réufir, le meilleur procédé ; Chap. 782 Comment peut on accorder les Electriciens qui fuyent le nombre des Séétateurs, comme un obftacle à leurs travaux ; & ceux qui, pour obtenir un fuccès plus entier, defirent cette aflluence ; Chap. 79 2 Où trouve , enfin, dans le 80°., des recherches fur la foudre, & la forme des barres qui fervent à en garantir les bâtimens. M. Groff termine fon excellent Ouvrage par les détails de la jolie Expérience, qu'il appelle Le Salut éleétrique , & qui eft formée par la fuppreffion des Paufes, dont nous avons donné plus haut un tableau très- circonftancié. Tome À , Part, II, 1777. SEPTEMBRE, Hh 238 OBSERVATIONS SUR LA PHVSIQUE, Connoiffance des Tems, pour l'année 1779. M. Jeaurat, qui continue à grofir cet Ouvrage de ce qui peut être le plus utile au progrès de l'Aftronomie & de la Navigation, a enrichi ce Volume-ci de ce qui fuit (x). Pages 194 - 196. Table de la pofition des principaux clochers de Paris & de fes fauxbourgs, fruit d’un travail particulier de M. Jeaurat, pendant l'année dernière. Pages 197-211. Table des Longitudes & des Latirudes terreftres, plus amples & plus exactes que ci-devant , fubdivifée en XV articles, commençant par les principales villes de la France, & finironc par la poñition des [fles de la Mer du Sud, de la Nouvelle-Zélande & de la Nouvelle-Hollande ; & malgré les augmentations & améliorations de cette Table, M. Jeaurat dit, dans fon Avant-propos, qu'elle eft encore fufceptible d'augmentation & de perfeétion. Pages 222-223. À la fuite de l'expolition de la méthode de M. le Chevalier de Borda , pour la détermination des Longitudes en Mer; M. Jeaurat donne une expofition fuccinéte de la méthode de M. Dunthon far ce même fajet, & aufi la Table des différences logatithmi- ques, que requiert la méthode de M. Dunthon. Page 224. Table des Inclinaifons de l'horizon vifuel avec l’hori- zon vrai, confidérablement agrandie & conftruite direétement d'après la formule analytique, expliquée à la pag. vis-à-vis ; pag. 255 ; cette Table eft des plus utiles aux Aftronomes & aux Navigateurs, lorfque les angles obfervés font comptés de l'horizon apparent du niveau de la Mer, & qu'il eft néceffaire de les rapporter à l'hori- zon vrai. Pages 242-243. Table commode & exacte pour calculer promp- tement le tems que le demi - diamètre de la Lune emploie à tra- verfer le méridien, fuppofant qu'on connoiffe la déclinaifon & la parallaxe de la Lune, pour le tems donné du centre de la Lune par le méridien. Pages 250-251. Dans la Table des Réfraétions, M. Jeaurat à fait marcher de front les réfulrats de Meffieurs Caflini, Bradlay & l'Abbé de la Caille; ce qui met le Lecteur à portée de choifir le réfulrat auquel il croit donner la préférence, & auffi ce qui fait juger, par nn fimple coup-d'œil, de la quantité dont diffèrent eutr'eux les réfultats de ces célèbres Aftronomes. Pages 257-258. A la fuite de la méthode de trouver l'heure de la Marée ou de la pleine Mer dans quelques Ports, an jour de la nouvelle Lune, eft la Table particulière des principaux Ports & oo (1) Voyez le Journal de Phyfique, Janvier 1777, Page 71 SUR L'HIST. NATURELLE ET ILES ARTS. 239 Rades du département de Normandie , pour tous les jours de la Lune. Pages 260 - 301. Table très-précieufe pour la perfeétion des Ta- bles de la Lune; favoir ; onze cens quatre-vingt lieues de la Lune, calculées de nouveau par M. l'Emery, habile Calculateur. Cette Table reétifie celle de l'Almanach , Nautique Anglois, de l’année 1774, & le peu de fautes d'impreffion qui fe font gliffées ici, font toutes corrigées par un errata exact, qui eft à la fin du volume même. Pages 302 - 312. Enfin, des obfervations météorologiques, fuivies & comparées, &c. ainfi que l'explication & l'ufage des Tables contenues dans ce Volume , année 1779. Remarques aftronomiques fur le Livre de Daniel. Mémoire fur les Satellites. Loi & propriété de l'équilibre. Probabilité fur la durée de la vie humaine. Table des Equinoxes, du Soleil & de la Lune, par M. de Chefeaux, Membre de plufieurs Académies. À Laufanne, & fe trouve à Paris, chez Lami, Libraire, quai des Auguftins, r vol. in-4°. de 224 pages. L'énoncé feul des titres fait connoître l'Ouvrage. Effais de Jean Rey , Doéteur en médecine , fur la recherche de la caufe pour laquelle l'Etain & le Plomb augmentent de poids quand on les calcine. Nouvelle Edition, revue fur l'Exemplaire original , & augmentée fur les manufcrits de la Bibliotheque du Roi & des Minimes de Paris, avec des notes, par M. Gobet, in-8°. de 216pag. À Paris, chez Ruault, Libraire , rue de la Harpe. Le même vo- lume contient la manière de rendre l'air vifible & aflez fenfible pour le mefurer par pintes ou par toute autre mefure que l’on voudra … ; pour faire des jets d’air, qui foient auffi vifibles que les jets d’eau , & quelques autres expériences de Phyfique fur la nature de l'air, inventées par Pierre Moitrel d'Element , Ingénieur. On ne connoif foit tout-au-plus que deux ou trois Exemplaires de l'Ouvrage de Jean Rey, homme aufñfi étonnant pour fon fiecle, que le célèbre Palifly. Pour avoir une idée de fes connoïffances en Phyfique & en Chymie, voyez le volume V de ce Journal, année 1775, page 48. I paroît que M. d’Element eft un des premiers qui ait donné, au commencement de ce fiecle, des Leçons de Phylique expérimentale dans les Collèges de Paris: malgré cela , il relta dans l'obfcurité , & plufieurs des petites Brochures qu’il a publiées, font aujourd'hui totalement égarées. On lui doit d’avoir , le premier , employé les ioftrumens pour mefurer l'air, dont on fe fert a@uellement avec tant de fuccès. Hifloire générale de Provence. Tome premier , in-4°. de 690 pag.; par le Père Papon de l'Oratoire, & de l’Académie de Marfeille. À Paris, chez Moutard , Imprimeur-Libraire , quai des Auguftins. Ce premier volume fait ardemment defirer la fuite, qui ne doit 1777. SEPTEMBRE. H h2 240 OBSERVATIONS SUR LA PHFSIQUE ; pas tarder à paroître. La partie hiftorique n'étant pas du reffort de ce Journal, on fe contentera de dire que ceux qui aiment l'hiftoire naturelle & qui voyagent en Provence , y trouveront des détails très- intéreffans & très - inftruétifs. Il feroit bien à defirer que l’hiftoire naturelle de chaque Province fût fuivie avec méthode, & fur-tout que chaque Académie s'occupât de celle de fon arrondiffemeat. N'eft-il pas plus naturel d'étudier les objets qui nous environnent , que ceux qui font aux autres extrémités de la terre ? Journal du fecond voyage du Capitaine Cook, fur Les vaiffeaux la Réfolution & l'Avanture, entrepris par ordre de Sa Majefté Britannique, dans Les années 1774 & 1775 , in-8°. À Paris, chez Piffot, Libraire, quai des Auguftins , r777. On connoît déjà le premier Voyage de cet illuftre Navigateur ; celui-ci n’eft pas moins intéreffant. Les ames fenfibles lui fauront gré des foins qu'il a pris pour conferver fon équi- page en bonne fanté, & on voit avec plailir, que dans un voyage de deux ans, un feul Matelot eft mort de maladie, & deux autres par accident; tandis que dans des navigations bien moins longues, le fcorbut caufe des ravages affreux. M. Brion , Ingénieur-Géographe du Roi , continue avec zèle l'Atlas itinéraire-portatif de l'Europe. 11 vient de publier depuis, la Feuille n°. 25, jufqu'à celle du n°. 36 inclufivement. Réunir l'agréable & J'utile , eft le propre de cette entreprife. Traétatus de morbis cutaneis, x vol. in-4°. À Paris, chez Cavelier, Libraire, rue Saint-Jacques. L’Auteur de cet Ouvrage , qui fait la plus grande fenfation, eft M. de Lorry, à qui le Public eft déjà re- devable de la traduétion des Œuvres de Méad, d'un Effai fur les Alimens; des Aphorifmes d'Hypocrate, avec des Notes; de l'Effai de la conformité de la Médecine ancienne & moderne; des Com- mentaires fur la Stactique médicinale de Sanéforius , & de plufieurs autres bons Ouvrages. On doit dire de M. de Lorry , que la théorie a éclairé fa pratique dans l'exercice de la Médecine, & que fon excellente pratique & fon génie obfervateur ont affermi fes leçons de théorie. Mélanges de Médecine ; du pronoftic dans les maladies aiguës; par M. le Roy, Profeffeur de Médecine au Ludovicée de Montpellier , Membre de la Société Royale de la même Ville & de celle de Londres. À Paris, chez Didot , le jeune , Libraire , quai des Auguf. tins, in-8°. 1776. Cette feconde Partie des Mélanges n'eft point inférieure à la première. Tout ce qui fort de la plume de ce célèbre Profeffeur , réunit le double avantage de plaire & d'inftruire. Recherches fur les Maladies chroniques, particulièrement fur les Hy- dropifies & fur les moyens de Les guérir; par M. Bacher, Doéteur; Régent de la Faculté de Médecine de Paris, in-8°. de plus de 729 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 34r pages. À Paris, chez la veuve Thibouft , Imprimeur-Libraire, place Cambrai. Pour donner une idée du mérite de cet Ouvrage , il fuffit de citer quelques mots du Rapport fait par MM. les Com- miflaires à la Faculté de Médecine. » M. Bacher vient d'ajouter » un degré de perfection à l'Art de guérir. il mérite nos » éloges & notre reconnoiflance , puifqu'il nous rend le fervice »” eflentiel de publier un Ouvrage qui manquoit à la Médecine ». Contre-Poifons de l'Arfenic, du Sublimé corrofif , du Verd-de-gris & du Plomb; fuivis de trois Diflértations intitulées : Recherches mé- dico-cymiques , fur différens moyens de diffoudre le mercure | Ge... ÆExpofitions des différens moyens d'unir le mercure au fer... Nouvelles Obfervations fur l'Ether, &c.; par M. Toufjaint Navier, Doéteur en Médecine , Confeiller-Médecin du Roi pour les maladies épidé- miques , Correfpondant de l’Académie Royale des Sciences de Paris , &c., 2 volumes in-12 de près de 400 pages chacun. A Paris, chez Didot le jeune, Libraire , quai des Augultins. Si la réputation de M. Nayier n'étoit pas aflurée par fa découverte, en 174r, de l'éther nitreux, & par plufieurs autres travaux aufli importans , l'Ouvrage qu'il publie aujourd’hui fuffroit pour lui affurer un rang très-diftingué parmi ceux qui s'occupent de l'art de guérir. Parallèle des Eaux minérales d'Allemagne que l'on tranfporte en France, & de celles de La même nature qui fe trouvent dans ce Royaume, avec des Remarques fur l'analyfe des Eaux minérales en général , fait par ordre du Gouvernement ; par M. Raulin, Doéteur en Médecine , Pen- fionnaire & Confeiller-Médecin ordinaire du Roi, Cenfeur Royal, Infpeéteur-Général des Eaux minérales du Royaume , 1 vol. in-8°. ‘de 300 pages. A Paris, de l'Imprimerie Royale , & chez Didot le jeune , Libraire , quai des Auguftins Le nom de M. Raulin eft trop connu , pour ne pas indiquer ce que l'on doit penfer de cet Ouvrage. Lettres & Obfervations de M. Gerbier , Doëteur en Médecine , lun des Médecins de MonsiEUR , fervant par quartier , au fujet de deux nouveaux remèdes contre les maladies fquirrheufes & cancéreufes , in-12 de 8o pages. À Genève, & chez les Libraires qui vendent les Livres de Médecine. C'eft aux gens de l'Art, & fur-tout à l'expérience, à prononcer fur le mérite de cet Ouvrage, qui éprouvera sûrement beaucoup de contradiétions. Agenda de Santé, ou nouveau Recueil portatif des plantes , arbres & arbufles, tant de France que des Pays étrangers , rangés , non felon léurordre alphabétique accoutumé, maïs felon celui des maladies auxquelles ils conviennent. Ouvrage qui, en réuniflant avec précifion & exac- jitude , d'après les meilleurs Maîtres , toutes les fimples douées 1777. SEPTEMBRT. 4. OBSERVATIONS. SUR LA PHYSIQUE; d'une même propriété , touchant chaque efpèce de mal, a été mis à la portée de tout particulier , & doit généralement intérefler 3 par M. André Honoré , in-12. A Paris, chez Pierres , Imptimeur- Libraire , rue Saint-Jacques , 1777. Prix 2 livres. Le titre fuffic pour faire connoître cet ouvrage ; très-commode pour ceux -qui s'occupent. de ‘l'art de guérir. F Difértation fur l'huile de Palma-Chrifi, où l'huile de Ricin, qu'on appelle communément huile de Cajtor , dans laquelle on donne l'hif- toire de cette huile ; on expofe fes propriétés & on en recommande l'ufage dans les maladies bilieufes , calculeufes &t autres ; par M. P. Canvane ; traduit de l'Anglois par M. Hamart de la Chapelle. x vol. in-8°. À Paris , chez Didot le jeune , Libraire , Quai des Auguftins » 1777. Prix 1 liv. 16 f. broché. Examen de L'Eau fondante, de M. Guilbert de Préval, par M. l'Abbé Teflier , Docteur-Régent de la Faculté de Médeclne de Paris. in-4°. A Paris, chez Ruault , Libraire, rue de la Harpe. Tke improver Culture, &c. Culture perfeétionnte-des trois principaux végétaux, la Luzerne , le Sain-Foin & la Pimprenelle. On y a joint des: Remarques concernant le Trefle. À Londres , chez Robinfon. Storia naturale Degli Ucelli, &c. ou Hifloire naturelle des Oifeaux , traitée avec méthode, & ornée de figures en taille-douce, repréfen- tées au naturel, en miniature, dédiée à S. E. M. le Comte de Turn, Conféiller d'Etat , 6 vol. in-fol. A Florence , chez Joféph Vanni , 1776. Befchreibung von Patagonien , &c. Defcription de la Patagonie & des parties de l'Amérique Septentrionale qui y confinent ; traduétion de VAnglois, de M. Thomas Falkener , avec une carte des Contrées méridionales de l'Amérique , vol, in-8°. À Gotha , 1776. Dialogo , &c. Dialogue dans lequel, au moyen des plus folides principes & des expériences les plus décifives , on combat plufieurs erreurs des Cultivateurs ; & où l'on donne desrègles de culture propres à prévenir les funeftes effets de la féchereffe dw mois de Mai. À Madrid , chez Garcia. Enfin, l'Efpagne fort de fa léthargie, & commence à ap- percevoir que les richeffes que donne l'Agriculture ; font préféra- bles & plus folides que celles des Mines du Nouveau-Monde. Wernbergers , &c. Additions aux Effais & Opinions chymiques » dont l'objet eft de faire mieux connoître l'Acide univerfel , par M. Wern- berges. À Erlang, chez Goebhard. Krafle Wirkungen , &c. ceft-à-dire, Expofé des Forces, de l'Aéfion € des Loix du mouvement de l'Eleëtrophore perpétuel, pour fervir d'éclair- cifement & de confirmation aux expériences faites depuis peu avec cet SUR l’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 243 Enffrument , par M. Schaffer, Doëteur en Théologie , &c. À Ratif. bonne, chez Montag , 1776. Defcription & Traitement d'une affeétion catarrhale épidémique. obfer- vée en 1732» parfaitement femblable à celle qui s'étend journellement en Europe, vulgairement appellée la Grippe, in-12, À Montauban, 1776. Codex phyfiologicus, quem ad ufus domefticos ac in favorem Auditorum Juorum , edidit N. Rougnon , Regius Medicinæ Anteceffor Bifuntinus. Vefuntione. 1776, in-8°. 246 pag. Hifloria exaéta , c’eft-à-dire , Hifloire exaëte de l'étrange Maladie Jurvenue pour avoir mangé du rouget imprégné de chaux , par Don Jofeph Albertos. À Valence, chez Montfort, & à Madrid , chez André de Sotos, 1776. Cultivo , &c. c'eft-à-dire , Inflruéfions fur la Culture des Vignes, & le Calendrier général pour l'année 1777 , par Don Gallardo. A Madrid ; chez Martin , 1777. Gift, &c. c'eft-à-dire, Poifon & Contre-poifon , ou Moyens sûrs & faciles de venir au fecours des perfonnes qui auroient imprudemment mangé des herbes ou des racines venimeufes. in-8°. A Strasbourg, 1776. Abhandlung , &c. ou Differtation deflinée à prouver que le froid & l'eau froide font les vrais remèdes dans les maladies catharrales & dans les rhumes catharreux , in-8°. , par M. de la Monnoye. À Varlovie, 1776. Guide ou Manuel dans le Traïtement des maladies les plus graves & les plus fréquentes, 1 vol. in-8°. À Paris, chez Brunet , Libraire , rue des Ecrivains , 1777. L'Ouvrage paroît fondé d'après une pratique éclairée. La Théorie du Chirurgien , ou Anatomie générale & particulière du © Corps humain , avec des Obfervations chirurgicales fur chaque partie ,2 vol. in-8°, ,par M. Durand, Ancien Chirurgien, Aide-Major des Camps & Armées du Roi, &c. &c. A Paris, chez Grangé , Imprimeur- Libraire , rue de la Parcheminerie, 1777. À Difcourfe , &c. c'eft-à-dire , Difcours fur quelques nouvelles dé- couvertes relatives aux moyens de conferver la fanté des Mariniers , pro- noncé dans l’Affemblée de la Société Royale , le 30 Novembre 1776, par M. Pringle, & publié par ordre de la Société. A Londres, chez Davis, 1777. Précis de la Médecine-pratique , contenant l'Hifloire des Maladies , & la manière de les traiter, avec des Obfervations &' des Remarques cri- tiques fur les points les plus intéreffants , 2 vol. grand in-8°. , par M. Eïcutaud, Premier Médecin du Roi. Nouvelle édition , revue par 1777. SEPTEMPRE. j 244 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; l'Auteur.. À Paris, chez Didot le jeune, Libraire, Quai, des Auguf- tins ; 1777- Traité de l'Apoplexie & de fes différentes efpèces , avec une nou- velle méthode curative , dont l'utilité eft prouvée par l'expérience, On y traite également de la Paralyfie & de fes différentes efpèces particulières; Ouvrage à la portée de tout le monde , dans le goût de l'Avis au Peuple fur fa Santé, de M. Tiffot, par M. Ponfart , Docteur en Médecine , in-12 de 246 pages; fe trouve à Paris, chez Defventes, Libraire, Quai de Gêvres. Prix 2 liv. 10 fols. Recherches fur les Modifications de l'Athmofphère , contenant l'Hif- toire critique du Baromètre & du Thermomètre, un Traité fur ja conftruétion de ces Inftrumens , des Expériences relatives à leurs ufages , 2 vol. in-4°. avec figures , par Antoine de Luc. À Paris, chez la veuve Duchefne, Libraire , rue Saint-Jacques. Effai fur la Bibliothèque & le Cabinet de Curiofités & d'Hifloire Naturelle de l'Académie des Sciences de Saint - Pétersbourg ; par M. Jean Bocmeifler , Sous-Bibliothécaire de l'Académie des Sciences. x vol. in-8°* A Saint-Pétersbourg ;, de l'Imprimerie de Schnoor ;. 1776. Beytrage zu den Verfuchen, &c. c'eft-à-dire , Addition aux Effais qu'on a faits dans différentes maladies de l'Aimant artificiel ; par M. Treinfius, Doéteur en Médecine. À Leipfick, chez Jacoboer , 1777- Flora Auftriaca , five Plantarum feleétarum in Auflriæ Archiducatu fponte crefcentium icones ad vivum coloratæ , finonymis illuftratæ. M. Jacquin a publié, à Vienne , les trois premières parties de cet Ouvrage, contenant chacune 16 feuilles de texte , & 100 demi-feuilles fu- perbement enluminées. Experiments and Objérvations , in three parts, &c. c'eft-à dire, Ex- périences & Obfervations ; en trois parties ; la première , furla Force diflolvante de l’eau imprégnée d'air fixe , comparée à l’eau fimple, relativement aux fubftances médicinales ; la feconde , fur cette même Force appliquée aux calculs urinaires, & la troifième fur les Forces antifeptiques de l'eau imprégnée d'air fixe , comparée aux fubftan- ces antifeptiques , par M. Falconer, Doéteur en Médecine , Mem- bre de la Société Royale de Londres. À Londres ; chez Golds- mith ; 1777: Iluftratio Syflematis fexualis Linnaï, &c. c'eftà-dire , Le Syfléme fexuel de Linné , éclairci par M. Jean Miller. 2 vol. in-fol. À Londres, chez Miller. Ce magaifique Ouvrage contient 111 planches enlumi- nées , autant en noir, & 113 feuilles de texte. É Gh — SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 24$ Gli Ucelli di Sardegna, c'eft-à-dire , les Oifeaux de Sardaigne, in.8°, À Saffari, chez Pialtoli , 1776. A Modern Syflem of natural Hiflory , &c. ou Syfléme moderne d'Hifloire Naturelle, contenant la defcription exaëte & l'hifloire fidèle des Animaux , des Végétaux & des Minéraux ; avec l'expofition de leurs propriétés, de leurs différens ufages en Médecine , en Mécanique, &c. 2 vol. in-123 par M. Ward. À Londres, chez Newberg. Effai fur les Comètes, où l'on tâche d'expliquer les Phénomènes auwoffrent leurs queues, & où l'on fait voir qu'elles font probablement deftinées à rendre les Comètes des mondes habitables; avec des Objerva- tions & des Réflexions fur le Soleil & fur les Planètes du premier ordre ; par André Olivier, traduit de l'Anglois: fe trouve à Paris : chez le Clerc, Libraire, quai des Auguftins, 1777, vol. in-8°. de 147 pages. Prix 2 liv. $ fols. Charaëleres generum plantarum , &c. Caraëlères de nouveaux genres de Plantes, recueillis dans le Voyage aux Ifles de la Mer Auffrale , deffinés & décrits dans les années 1772-1775 ; par J. R. Forfler & par fon fils. À Londres, 1776 , grand in-4°, Les Planches qui repréfentent ces nouvelles plantes, font au nom- bre de 78, parfaitement bien gravées, d’après les mefures emplo- yées par Tournefort, dans de femblables defins, Sammlung, &c. Recueil de Nids & d'Œufs de divers Oïfeaux , tirés du Cabinet de M. le Conféiller-privé Schmidel. A Nuremberg, premicr Cahier de 90 pages, avec 25 planches enluminées, Carte Topographique de la Caroline méridionale | avec partie de la Georgie ; par le Chevalier Bull, Gouverneur-Lieutenant ; le Capi- taine Gaftoign; Chevalier Bryan, & de Brahm , Arpenteur-géréral de la Caroline méridionale , & Arpenteur de la Georgie, en quatre feuilles , traduite de l’Anglois. Les grands blancs de la quatrième feuille font occupés par une excellente Carte du cours de la Rivière d'Udfon & du Lac Cham- plain ; par Sauthier. À Paris, chez le fieur le Rouge, Ingénieur- Géographe, rue des Grands-Auguftins. Prix 6 liv. les 4 feuilles. Profpeclus d'un Planétaire ou Planifphère nouveau , inventé par M. Flécheux, approuvé de l'Académie Royale des Sciences, propofé par Soufcription. Ce Planétaire repréfente le mouvement de la Lune autour de la terre; le mouvement apparent des Aftres, caufé, 1°. par la révo- lution de la terre fur fon axe en vingt-quatre heures; 2°. par le mouvement annuel de la terre, dans fon orbite, autour du Soleil Ce même Planétaire fair trouver à tout inftant le lieu du Soleil, fa déclinaifon & fon équation journalière. 11 eft facile de connoître , par fon moyen , l'heure à laquelle le Soleil, la Lune, les Etoiles de Tome X, Part. Il. 1777. SEPTEMBRE. li 246 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, la 1°, 2°, 3° & 4°. grandeur , doivent paffer par le méridien d'un lieu donné dans un jour déterminé, ou par quel méridien pafñlent les Aftres dont on vient de parler , & l'heure qu'il eit fur ce méridien, & cela à tout inftant. [l donne aufli plufieurs moyens pour déter- miner la longitude, tant pendant la nuit que pendant le jour, & cela, fans faire de calcul. L'intelligence de cet inftrument donnera tout de fuite celle d'une Carte ou Sphère célefte quelconque, &c. &c. On vend enfemble un petit Livre qui en donne l'intelligence, & qui contient de plus un petit Traité de la Mappemonde, dont on trouve la figure au bas du même Planétaire. Le prix de la Soufcription eft de 24 livres, tout monté & garni d'un cadre doré. Ce Tableau fait un ornement auffi curieux qu'utile. La Soufcription eft ouverte depuis le premier Juillet, & fera fermée au 15 Février 1778; pale lequel tems, on payera ce même Planétaire 30 liv. On foufcrira chez M. Lebæœuf de Lebret, Notaire, rue des Prou- vaires, au coin de celle des deux Ecus. Et chez Madame le veuve Thibouft, Imprimeur du Roi, Place de Cambray, à Paris. L'Académie de Saint-Pétersbourg propofe cette queftion, pour le Prix (confftant en 100 ducats ) de l’année 1777 : Quels font Les meil- leurs moyens prouvés par la théorie & par des expériences fuffifantes , de rendre le Chêne de Ruffie auffi durable & même plus fort que celus d'Angleterre ou d'Allemagne, foit par la préparation, foit à l'aide de certains mordans d'un bas prix , qui, en pénétrant ce bois , fans nuire à fa folidité, pourroient empêcher la pourriture des navires dans les Ports, où l'eau douce fe mêle à l'eau de la mer, & fervir auffi à la confervation du bouleau ou de tel autre bois qu'on eft obligé d'emplo- yer, au défaut total du chêne, pour la conftruétion des vaiffeaux dans La Sibérie orientale ? Les Mémoires ne feront reçus que jufqu'au premier Janvier 1779. $ L'Académie Royale de Mantoue propofe pour le Prix de cette année, ces trois queftions : 1°. Quels font les canaux qu'on pourroit réparer ou creufer de nouveau dans le territoire de Mantoue, pour l'en- couragement du Commerce & la facilité du tranfport des denrées? 2°. Des obfervations conftantes ayant prouvé que le lit du Pô s'élève jouruellement , ce qui exige un plus grand nombre de digues, on demande : Quels feroient les moyens Les plus sûrs d'y remédier, en élevant ces digues à proportion ? 3°, Si un Médecin étoit affuré qu'il y eût un amas de pus dans quelque partie du corps, pourroit-:l employer Le quin- guina ? Les prix des trois Sujets propofès pour la feconde fois, : SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 24% confiftent en deux Médailles de 50 florins chacune. Les Ouvrages, écrits en Italien où en Latin, feront adreflés, francs de port, à la fin du mois d'Oétobre prochain , à M. Carli, Secrétaire perpétuel de l'Académie de Mantoue. Le Collège des Médecins de Copenhague deftine une Médaille de so rixdales aux meilleurs Mémoires fur ces deux queftions : Les Maladies ont - elles été plus fréquentes dans les dix ou vingt dernières années , que précédemment , & quels font Les remèdes les plus pro. pres à les guérir ? 2°. Pourquoi les fièvres putrides font - elles plus communes de nos jours ; en quoi different-elles des fièvres chaudes, & quelle eft la manière la plus sûre de les traiter? Les Mémoires écrits en Danois , en Latin ou en Allemand , doivent être remis, avant le 31 Otobre prochain, à M. Jenfenius , Archiâtre à Copenhague. L'Académie des Sciences de Pétersbourg a remis à l'année pro- chaine le Prix de 100 ducats deftiné au meilleur Mémoire qui expli- quera , Quel eft le caraëlère des fons que produifent des tubes cylindri- ques qui ont une ouverture latérale , & quelle eft la variété de ces fons , relativement à la qualité grave & aiguë, felon les différentes poitions & grandeur de cette ouverture. 1 Due A sg AE 5 DRE SNS ARR T T'OULMESS Contenus dans ce Cachier. | DARRUR fur la régénération de la Téte du Limacon ; par M. BONNET, de diverfes Académies , page 165 Mémoire dans lequel on donne un nouveau moyen de fe préferver du Tonnerre , après avoir prouvé que la foudre s'élève fouvent de la terre; par M. l'Abbé BERTHOLON , Prêtre de Saint-Lazare, des Académies Royales des Sciences de Montpelljer , de Beziers, de Lyon , de Mar- Jèille, de Nifmes, de Dijon ; de Touloufe & de Bordeaux, 179 Lettre à l'Auteur de ce Recueil, concernant un Agent par lequel on peut s'affurer , fans un long délai, de la mort véritable des Individus attaqués d'afphixie ; par M. CHANGEUX , 197 Eapériences fur l’altération des Terres par La vitrification , 200 Lettre de Madame DE V***, à M. SENNEBIER , Bibliothécaire de la République de Genève , fur les différences qu'il établit entre la lumière re le phlogiftique. Æ E, $. A, x L. M, O. KR. 206 248 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c. Mémoire fur la Carrière de Chyte de la Ferrière-Béchet, en Normandie ; par M. MONNET;, Infpeéteur - Général des Mines, & Membre de l'Académie Royale des Sciences de Stockolm , &c. 213 Extrait des Regiftres de l'Académie Royale des Sciences, du vingt-un Juin 1777 & Rapport fait fur un Microfcope; par MM. Le Roy, DE MONTIGNY & BRrssON , 220 Defcription d'un nouveau Gros-Bec de la Guiane, 124 DR: Moyens pour détruire les Fourmis de l'Ifle de la Martinique ; par DOMBEY, F | Médecin-Botanifte du Roi, 226 Lettre de M. VALMONT DE BoMARE , écrite du Château de Chantilly, | | À à l'Auteur de ce Recueil, avec les Pièces juflificatives de la fécondité D. du Sexe de Senlis, 228 Obfervation fur le Phénomène vu à Paris Le 7 Septembre 1777 ; par M. DÉTIENNE , Ecuyer, premier Huifier au Grand-Confal, 231- Nouvelles Lattéraires , 133 É APPROBATION. "Ti à PE lu, par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, ‘um Ouvrage qui & pour titre : Obfervations fur la Phyfique, fur l'Hiftoire Naturelle & fur les Arts,&c, par M. l'Abbé RoziEr, &c. La colle&ion de faits importants qw’il offre pério- diquement à fes Leteurs, mérite l'accueil des Savans; en conféquence, j’eftime qu'on Peut en permettre l'impreflion. A Paris, ce 26 Septembre 1777. + 4 VALMONT DE BOMARE. Chem" CEE Es = Er fre D + % pbm opter MANN 777 YJOURNAL DE PHYSIQUE OCTOBRE r777, à ESSAI PE NMPENT OR or DO G':T-E APPLIQUÉE A L'AGRICULTURE. Ouvrage qui a remporté le Prix de la Société Royale des Sciences en 1774, fur cette Queftion : Quelle eff l'in. fluence des Météores fur la végétation ? Et quelles confé- quences pratiques peut-on tirer , relativement ‘a'cet objet , des différentes Obfervations météorologiques faites Juf= qu'ici (z) ? Annus fru@ificat, non terra, Par M.lAbbé To4zpDo ;.Prévôt de la Sainte-Trinité , & Profef- feur d'Aftronomie , de Géographie & de Météorologie dans l'Univerfité de Padoue. C2 PARMENMEPN EURE "PR TATRNT EE: Quelle eft l'influence des Météores fur la végétation ? x | SFR des Météores fur la végétation eff fi grande, que lon peut dire , en un mot, que fans les météores , il n’y auroit point de végétation. J'entends par météores, non-feulement tout ce qui s’en- (1) Nous fimes connoître en 1775, dans le cinquième volume de ce Recueil; analyfe trop fuccinéte du Mémoire que nous publions aujourd’hui; quoique très. Tome X , Port. II, 1777. OCTOBRE, KKk 19 OBSERVATIONS SUR LA PHPSIQUE ; gendre dans l'air, les pluies , les vents, les brouillards , 8e... mais l'élément de l'air , avec fes qualités générales , toutes les affec- tions, les imprefions , les émanations qui lui peuvent venir du Ciel , telle que la chaleur du foleil , &c… Dans ce fens , la liaifon réciproque & la communication intime de la terre & de l'athmof- phère eft frappante : car , comme fans les vapeurs & les exhalaifons de la terre , il n'y auroit point de météores dans l'air , de même fans les météores , la terre ne produiroit rien , au moins de vivant. Pour fatisfaire au problème propofé, il faut développer , prouver & éclaircir cette dernière propofition. Je traiterai donc dans cette première Partie , de l'influence que l'athmofphère a fur la végéta- tion, 1°. Par fes qualités générales : 2°. Par les météores particu- liers : 3°. Par la diftribution de fes impreffions, CA ANPIT TRE PR RCE MN EMR: De l'influence de l'Athmofphère fur la végétation par fes qualités générales, 2. LA préfence de l'air eft fi néceffaire aux animaux, & encore plus aux végétaux , que fans elle ils ne fauroient ninaître, ni vivre. Je dis encore plus aux végétaux , car le fœtus fe forme & vit dansla matrice ou dans l'œuf, fans refpirer ; tandis que l'expérience nous a fait voir que plufieurs graines ne germent point dans le vuide, & que celles qui y germent, périflent en peu de tems; mais fi on laifle entrer l'air dans le récipient, celles qui n'avoient pas germé, lèvent vite. & prennent un prompt accroiflement. De même les plantes périf- fent dans le vuide ou dans l'eau dépouillée d’air , comme les poiffons: au contraire , pluficurs femences germent fansterre, dans le fable , dans la limaille de fer , pourvu qu’elles jouiflent du bénéfice de l'air avec un peu d'humidité ; elles y croiflent, y profpèrent , pouf- fent des fleurs , donnent des fruits ; comme on le voit dans les herbes, les plantes , les grands arbres qui n’ont des racines que dans les murailles , même dans des lieux couverts, où, certainement, ils ne tirent leurs alimens que de lair. En général , on peut com- prendre combien l'air contribue à la vie des plantes, fi l'on fait attention qu'il les environne & les preffle de toutes parts ; qu'il les affecte par fon poids, par fon reflort, par fa chaleur , fon humi- bien faite, il eft impaffible d’avoir une idée aflez exa@te des détails dans lef. quels l'Auteur eft entré. :1s font le réfumé d’un travail & des obfervations de 40 années. Cet Ouvrage ouvre une voie nouvelle à ceux qui s'occupent de la bre Sn e & il weft point aflez connu ; nous n'avons pu nous le procurer plutôr. w SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 254 dité, fa fécherefle , &c. mais l'air contribue plus immédia- tement encore à la nourriture des plantes, par les fubftances qu'il con- tient & qu'il leur fornit. Ceci mérite d'être mieux détaillé. 3. Athmofphère , fignifie la fphère des vapeurs & des exhafaifons. Une prodigieufe quantité de particules fe détache continuellement de la furface des eaux, de toute la terre, de tous les corps, fur-tout, des végétaux & des animaux, par la chaleur du foleil , par les feux fouterreins , par les fermentations, fur-tout par l'action du fluide électrique : tous ces corpufcules , en s’élevant, vont fe mêler dans l'air qu'Ariftote appelle , avec raifon , la grande mer , l'océan, où vont aboutir les courans de toutes les vapeurs & des exhalaifons de la terre. Cependant, quoiqu'il fe fafle une confufion immenfe de toutes ces matières volatiles dans ce grands chaos , l’on doit croire que chaque efpèce de corpufcule retient fa propre nature, par exem- ple, les parcelles aqueufes, la nature de l'eau , les particules falines, celle du fel, &c....... & quant aux émanations des plantes, il eft probable qu'elles retiennent , non-feulement , leur nature végé- tale , mais encore le caraëtère propre de chaque plante : car, de même que l'on extrait par la Chymie, les effences de rofe, de girofle, de menthe & des autres fimples , en retenant par le couvercle de l’alembic les efprits (1) qui fe feroient échappés dans Fair , ainf lévaporation naturell: produit les mêmes effets , avec cette diffé- rence , que les parties qui s’évaporent font en état de difperfion dans l'air; mais elles font des vrais efprits( par exemple , de girofle , de menthe, &c........), comme ceux de l'opération chymique. Les odeurs le prouvent, par exemple , lorfqu'à plufeurs milles de diftance en mer, on fent les émanations des plantes aromatiques des Ifles Moluques. 4. On m'accordera au moins , ce que l'on ne peut pas nier, que toutes les parties les plus fines , les plus fubtiles , les plus vola- tiles des plantes, s’envolent tôt ou tard dans l'air, foit par la tranf- piration continuelle , foit par leur dernière diflolution, & qu’elles y fétiennent au moins une grande difpofition à rentrer dans leur premier état d'être végétal, avec plus de facilité que d’autres ma- tières étrangères, crues À indigeftes. 5. L'on m'accordera encore fans difficulté , une autre chofe ; c’eft que chaque être qui fe nourrir, s'eft nourri des fubftances qu'il contient ou dont il eft compofé, & qu'ileft compofé des fubftances dans lefquelles il fe réfout par fa deftruction finale. 6. Je ne prétends pas que l’analyfe chymique puiffe nous démon- () L’Auteur entend par efprits, les parties très-volatiles des corps, 1777. OCTOBRE. Kk2 252 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; trer clairement tous les différens ingrédiens qui entrent dans [a com: poñition d'un corps naturel ou artificiel : notre Art n'atteint peut- être pas à graduer les opérations, de manière à ne pas confondre les décompofitions. Mais que l'on faffe la décompofition des plantes , & même celle des animaux, par l'Art chymique , ou par la diflolu- tion naturelle , les efpèces fommaires des fubftances que nous en tirons , font les fuivantes : 1°. Les parties épaifles d’une terre fixe , qui femble compofer la bafe de tous les corps vivans; 2°. des parties fubtiles & volatiles , fenfibles au goût & à l’odorat, qui femblent être les véritables formes fubftancielles , les ames des plantes, &t qui étant légères & volatiles , s’échappent toutes dans l'air ; 3°. Beau- coup d'eau:elle fert de véhicule aux parties fixes , & de gluten aux parties volatiles :'elle s'échappe la première; & fans cela il ne fe feroit pas de diflolution. Je ne parle ni de l'air, ni du feu, qui fe fixent probablement dans les plantes, & qui certainement font du reffort de l'athmofphère, 7. Maintenant , afin que les plantes puiflent germer , croître & fe nourrir , il faut le concours de ces élémens. Si la terre fournit les parties fixes , la partie humide & fpiritueufe vient aflurément en entier dans l’athmofphère , quoique peut-être dans l’origine le cahos confus de la terre en füt la première fource. 8. Suppofons un fol épuifé par une longug fuite de produétions, comme il arrive enfin aux terreins les plus fertiles ; voyons com- ment l'induftrie du Cultivateur s'y prend pour y introduire de nouveau Ja fertilité. 11 y a deux manières d’ameublir & d'améliorer les terres épuifées , les fumiers & les labours, 9. Qu'eft-ce que fumer ou engraifler les terres ? C’eft y introduire une nourriture abondante & propre aux plantes. Les fumiers la four- niflent : voici comment. Les fumiers, de quelque efpèce qu'ils foienr, ne font que des fubftances des végétaux putréfiés ou confumés, telles que les cendres , la fuie des cheminées, les excrémens & les parties des animaux (qui, en dernier reffort , fe nourriffent tous des végétaux), ou des terres compofées des parties diffoutes des animaux & des végétaux , comme la vafe des marais , les bourbes , les rerreaux, &c... 10. Les terres s’épuifent à force de nourrir des plantes : pourquoi? C'eft qu'elles dépenfent peu à peu toute la fubftance propre à fe convertir en plante qu'elles contenoient. Cela feul fuffroit pour nous convaincre que toutes les plantes ne fe nourriffent point indif- féremment de chaque terre & d’un fuc commun, autrement la terre ne deviendroit jamais ftérile. Quoi qu'il en foit , elle ne fru@ifie plus, à moins qu'on ne lui reftitue les fubftances végérales qu'elle avoit perdues, où d’autres femblables. Les fumiers contiennent ceg fortes de fubftances, & fertilifent par-là les terres. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3; 11. Mais les engrais ne feroient d'aucun profit à la terre , fans les bénignes influences de l’athmofphère ; c’eft-à-dire , fi la terre ne recevoit de l'air l'humidité & l'efprit, qui font l'ame de la végé- tation. C'eft le but de l’autre partie de la Culture, qui confifte à multiplier les travaux, à tourner, retourner, divifer , réduire en poudre les terres. Sans ces opérations, les fumiers ne vaudroient pref que rien; mais, fans les fumiers, les travaux feuls fufifent pour rendre la terre féconde; &ily a des fyftêmes célèbres d'Agricul- ture, qui ne demandent que cela. En quoi confifte donc le bénéfice des labours? Le voici. 12. La terre tournée, divifée & triturée , reçoit d'abord mieux l'eau des pluies, des rofées, des brouillards , de la neige & des autres météores aqueux : en fecond lieu, elle abforbe infenfiblement les élémens féconds & les efprits répandus, comme on l'a déjà prouvé, en grande abondance dans l'athmofphère. Je ne dirai pas que chaque efpèce de terre fixe attire l'efpèce d'efprit qui lui eft propre ; cela ne feroit pas abfurde, ces fortes d’affinités étant trés- connues ; mais il ne paroît pas douteux que la terre ne fe charge de tous les dépôts de l'air. 13. Si les labours opéroient feulement en atténuant les terres , on pourroit les donner tous en un jour, & cela fufiroit. L’atrénuation & la divifion des terres eft, à la vérité, très-utile, afin qu’elles puif- fent bien embraffer les femences & les racines, & donner un pañlage facile à l'humidité & aux fucs nourriciers : mais, encore un coup, la feule atténuation ferviroit très-peu fans les influences de l'air, & les Laboureurs pareffeux auroient raifon de dire que les planches de la charrue n'engraiffent point les terres. Or , les labours multipliés font avantageux , pourvu qu'il s'écoule entreux un certain intervalle de tems. Ce tems eft néceffaire, afin que la portion de terre expofée à l'air, puifle s’imbiber des efprits végétaux dont elle manque. Dès que cette portion eft bien faturée, on la renverfe, & l'on expofe à l'air une autre portion qui reçoit une bonification femblable , & ainfi de fuite. Si l'on obferve que les fumiers mêmes & les terres fertiles, mais crues, fe préparent, fe digèrent & mûriffent par l’aétion du foleil & des météores, on avouera que la fécondité de la terre dépend entièrement de l'athmofphère & des météores qui en font les modifications. 14. Nous n'avons parlé jufqu'ici que de l'aliment que les plantes attirent par le moyen des racines : il faut parler maintenant de cette partie de nourriture qu'elles pompent immédiatement dans l'air par leurs pores, & leurs vaiffeaux abforbans dans l'écorce & dans les feuilles fur-rout. Les obfervations de Meffieurs Hales , Guettard, Bonnet, du Hamel & autres Phyficiens , ne laiffent aucun doute L 777. OCTOBRE, »s4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, là-deflus. Je ne parle pas tant de la fubfiance même de l'air que les plantes infpirent par leurs trachées, qui circule probablement avec les fucs, & qui fe fixe peut-être dans la fubftance même des plantes; je parle de l'air, tel qu'il eft dans l’athmofphère , c'eft-à-dire , un mélange de vapeurs & d'exhalaifons de toute efpèce, mais principa- lement des parties végétales, la tranfpiration des plantes étant, comme l’on fait, très-abondante. Les plantes tirent donc de l'air un humide fucculent & fubflanciel, qui les nourrit & les vivifie encore mieux que le fuc de la terre. La rofée ne s'attache certainement qu'aux feuilles, aux fleurs, à lécorce; cependant elle fait un très-grand bien aux plantes : un fimple rafraïchiflement ne fauroit feul faire tout cela. La rofée eft donc une nourriture délicate que les plantes reçoi- vent par les orifices des feuilles qui en font imbibées. 15. Le grand Newton penfoit que les plantes abforboïent ;. outre: l'air & lécher , les particules du feu & de la: lumière. M. Frankliw & d'autres Phyficiens font du même fentiment. Suivant ces grands Philofophes, ces parties fpiritueufes reftent fixées dans les plantes ; & c'eft d'elles apparemment que proviennent les odeurs & les faveurs délicates des fleurs. & des fruits. 16. Nous avons parlé jufqu'ici de la fubftance & de l'aliment que les plantes tirent de l'athmofphère ; il faut dire quelque chofe du mouvement qui eft également néceffaire à la végétation, & que l'athmofphère même imprime aux fucs. J'ai dit ci-deflus que le poids: & le reflort de l'air doivent contribuer au mouvement des fluides dans les plantes : mais la chaleur & le froid, en produifant une alterna- tive de raréfaétion & de condenfation dans l'air & dans les fluides mêmes des plantes, y doivent contribuer d'une manière plus marquée. Cette alrernative prépare les fucs dans la terre; le corps fpongieux des racines les abforbe; la chaleur du jour les raréfie , & par cela: même les déplace; la fraîcheur de la nuit les condenfe & facilite l'introduction d'autres liqueurs : enfin , cetre alternative égale de dila- tation & de contraction dans les canaux des plantes, y établit une efpèce de mouvement, foit périftaltique , foit de diaftole & de fyf- tole qui avance le mouvement & peut-être la circulation des fluides dans tous les corps des plantes. 17. En effet, nous voyons que lorfque la tiédeur du printems commence à fe faire fentir, la sève fe met en mouvement; ce qui produit bientôt le développement des feuilles, des germes, des fleurs, des boutons. A mefure que la chaleur augmente , l’accroif- fement des végétaux & de leurs produétions augmente auffi; s'il y a une fuffifante humidité. La chaleur brûlante de l'été, foit qu'elle augmente trop la tranfpiration ou qu’elle difipe l'humidité de la terre , foit qu'il n'y ait alors que dilatation fans contraction, SUR L’HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 25$ fufpend la végétation, qui ne fe ranime que vers le milieu du mois d'Août, lorfque la fraicheur des nuits & les rofées abondantes ramènent l'alternative de raréfaétion & de condenfation. Cette condenfation qui va croiflant , à caufe du froid de l'automne , fait languir la végétation , qui refte enfin fufpendue prefque entièrement pendant tout l'hyver. En un mot, l'on obferve que les produc- tions de la terre font avancées ou retardées felon la température de l'air. 18. Meffieurs Hales , du Hamel & plufieurs autres Phyficiens ont conftamment obfervé que rien n'eft plus favorable à la végétation que la chaleur accompagnée d'humidité. La chaleur donne le mou- vement ; l'humidité fournit la matière. Une telle conftitution a lieu dans les tems couverts, pluvieux, variables & orageux. C'eft que dans ce tems-là, l'alternative de raréfa@tion & de condenfation eft plus forte & plus fréquente, avec un mélange de chaleur & d’'hu- midité, & qu'il y a une plus grande quantité de matière éle@trique dans l'athmofphère; de quoi je parlerai bientôt. Les plantes prennent alors plus d’accroiffement dans une femaine; même dans un jour, que dans un mois en d’autres circonftances. 19. L'élettricité femble être un cinquième élément plus fübtil, plus pénétrant, plus actif que tous les autres, même que le feu. Circulant entre la terre & l'air ( peut-être entre la terre & les aftres) , elle eft le principal inftrument de tout ce que la nature produit dans l'air & dans la terre. Il faut avouer qu'avant la décou- verte de l'éleétricité , l’on ne comprenoit prefque rien à la formation des météores : elle contribue à l'ouvrage de la végétation , peut-être plus que la chaleur .& l'humidité ; & cela de deux manières. 20. 1°. En ce que le feu éle&rique ( ayant des fources inégales & variables, foit dans l'air, foit dans la terre, arrêté fouvent par des corps réfiftans, pendant qu'il fe porte impétueufement fur les défé- rens, & tendant toujour à l'équilibre entre l'air & la terre, entre un nuage & l'autre ), produit tous les météores ignés & même les aqueux , qui font fi néceffaires à la vie des plantes. 2°. Par fa propre action , en pénétrant & en agitant les fluides & les folides de tous les corps vivans ; en excitant fur-tout la circulation des fluides dans les petits canaux ou tubes capillaires des plantes , de même que la tranfpiration fenfible & la tranfpiration infenfible, d'où dépend le bon & le mauvais état des végétaux & des animaux (1). Or, il (x) Primamente , il Sign. Maimbray a Edimburgo elettrizd due mirti, per tutto 1 mefe d’Orrobre 1746, ed offerv, che vegetarono più prefto de mirti com- pagni non elettrizati ; dal che eccitato il Sign. Abbatte Nollet proyd , e vide 1777. OCTOBRE, 256 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ;- eft certain que dans les tems changeans , pluvieux & orageux, l'ath=- mofphère donne les plus vives marques de l’éleétricité : c’eft alors que: l'on éprouve tant de difficulté à concentrer le feu életrique dans nos machines, parce qu’il eft abforbé par les vapeurs humides de l'air: c'eft alors que tous les corps fe trouvent dans une efpèce de fermen- tation & d’agitation intérieure; les uns contractent de l'humidité , les autres fe defsèchent: parce que le feu éle@trique donne ou ôte aux corps, fuivant leur différente nature, la fubftance & le mou- vement. Les animaux, les oifeaux fur-tout , fenfibles aux plus légers mouvemens de l'air, font alors très - agités, tantôt triftes. tantôt gais, à mefure qu'ils acquièrent ou qu'ils perdent ce feu qui les anime. Les plantes mêmes donnent des marques vifibles de chan- gement extérieur , par l’altération de leur machine. 21. C'eft de là peut-être que dépend, en grande partie, le pro- grès rapide de la végétation qui a lieu dans les tems changeans & orageux. On doit remarquer que dans ce tems-là les arrofemens: mêmes deviennent plus efficaces & plus avantageux aux champs & aux prairies, qu'en d'autres tems; & c’eft encore une chofe biem digne de remarque , que les plantes aquatiques , quoiqu’elles demeu- rent toujours fous l'eau , reffentent pourtant elles-mêmes le béné- fice des pluies. Ce font deux phénomènes que l'on ne fauroit ex- pliquer que par le moyen d’un feu életrique qui pénètre & anime: l'eau, & qui fe développe avec plus de force & d’abondance dans le tems de pluie. Voilà ce que j'avois à dire de l'influence générale de l’athmofphère fur la végétation : il faut faire voir maintenant l'influence particulière de chaque efpèce de météore, GAAPAMP ILE RE CLE De Pinfluence de chaque efpèce de Météore.. $. I. Des Vents. 22. LES vents font des courans d'air , dont leffet eft de rétablix- l'équilibre interrompu entre deux efpaces de l'athmofphère, par la 222222 appuntare più prefto à femi in un vafo elettrizato ; e circa lo fteñlo tempo il Sign. Jallabert, il Sign. Bofe il Sign. Abate Menon fecero fperienze fimili ; e: primamente ]l Sign. Jallabert notd, che lelettrizamento, mentre promovea la vegetazione, promovea fimilmente la evaporazione, lo che vedea facilemente pe- fando le caraffe pienne d’acqua, fulle quali avea pofte le cipolle di diverfi fori e confrontandone î pefñ refidui delle non clettrizate, ( P, Beccaria , Elettrifms artificiale , p, 277 ; fec Edi.) saréfaétion SUR L'HIST. NATURELLE ETIES ARTS. 257 raréfaétion ou la condenfation furvenue dans l’un ou dans l’autre. Ce font , pour ainfi dire , des vents fimples , tels qu'on les prend commu- nément aujourd'hui parmi la plupart des Phyficiens. Pour moi,je crains qu'on ait trop légèrement abandonné l’ancienne opinion ( comme bien d’autres) qui jugeoient les vents produits par une efpèce d'ex- plofion d'exhalaifons. Nous voyons que les vents fouflent tantôt inégalement , tantôt avec interruption, tantôt par tourbillon : com- ment peut-on concilier ces phénomènes avec une fimple tendance à l'équilibre ? Chaque vent , par cette raifon, devroit fouffler le plus violemment dès fon principe , enfuite baifler peu à peu , comme fait l'eau qui court pour remplir quelque récipient ; par exemple, dans les éclufes des canaux. Comment un vent pourroit-il durer une ou plufieurs femaines ? Car deux fluides fe mettent en équilibre en peu d'heures , pourvu qu'ils communiquent librement entreux. J'avoue que je penche à croire que la plupart des vents , fur-tout ceux qui ont quelque force , ne font que des mafles d'air pouflées par l'éruption des exhalaifons & des vapeurs, foit qu'elles fortent des cavernes de la terre , ou des lacs, ou des mers , où des nuages conglobés , dont l'explofion forme les orages & les-ouragans. Les vents commencent comme les torrens par de petits ruifleaux; ils acquièrent en chemin plus de maffe & de force , entraînant les corpufcules qu'ils rencontrent, & les conglomérant avec le fluide élaftique & très-mobile de l'air. J'ai vu plus d’une fois, après un brouitlard épais du matin, fe former un ouragan l'après midi, & il règne toujours des vents du- rant la fonte des neiges au printems. Un vent furieux peut étre produit auffi par un torrent de feu éleétrique , foit qu'il s’élance de la terre ou d’un amas de nuages. Semblable au tonnerre, mais embarraffé dans un grand nombre d'exhalaifons , & luttant avec elles, il parcourt les efpaces avec moins de rapidité que la foudre ; mais avec des effets femblables. Tels feront fur-tout les ouragans & les tourbillons d'été. Qu'il y ait au moins beaucoup d'analogie entre le vent & le tonnerre , cela eft indiqué par l’obfervation que j'ai faite , que les orages, accompagnés de vent, font un bruit conti- nuel, mais fans éclats; au contraire , les orages fans vent abon- dent en coups de tonnerre. 23. Quoiqu'il en foit, les vents comme les autres météores , font du bien & du mal à la campagne, fuivant leur nature , leur force , leur durée , le tems & d’autres circonftances. Les qualités des vents, autant qu'ils viennent d'un certain rhumb , ne fauroient fe définir que par rapport à un pays déterminé. Le vent du Nord, qui apporte en Lombardie le ferein , le froid , le fec , conduit les nuages en Hollande. Chaque Cultivateur doit connoître dans fon pays, la na- dome X , Part II. 1777. OCTOBRE, Li 158 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ture , la qualité, la durée & les autres propriétés de divers vents, Ventos , & varios cœli prædicere mores. 24. Les vents ont la propriété de deflécher les corps. S'ils con- tiennent des efprits falins , des matières cauftiques & autres fembla: bles, ils brülent les tendres plantes , les germes, les fleurs, les fruits ; ils font même préjudiciables aux corps des animaux, peut-être par quelque miafme contagieux, ou en arrêtant la tranfpiration; ils pro- duifent la neige , la gelée , la grêle. 25. Mais les bons effets des vents font peut-être en plus grand nombre. En agitant les arbres , ils aident la circulation des fucs, les fecrétions, la tranfpiration ; car le vent eft aux plantes ce que la promenade , l'exercice font aux animaux. Les vents balayent l'ath- mofphère , ils diffipent les vapeurs & les exhalaifons croupiffantes ; ils apportent un air frais & nouveau , & raniment par-là les plantes qui fouffrent beaucoup quand elles font privées de ventilation. Si l'air, comme il eft probable , contient un acide nitreux très-propre à la végération , le vent du Nord en eft chargé, ce qui fait croire qu'il fertilife les terres. Les vents de mer tranfportent à de très- grandes diftances dans les continens, les vapeurs & les nuages , &C conféquemment les pluies fi néceffaires à la terre. L'on peut ajouter auffi , que les vents décident de rous les météores : ils font , pour ainfi dire, les maîtres de la terre & du ciel; car l'état du ciel eft tel que les vents le font. 26. Les ouragans mêmes, malgré la défolation qu'ils caufent, fer- ilifent cependant les terres , & c'eft une opinion reçue aux Antilles, qu'ils produifent des récoltes abondantes , foit qu’en ébranlant les terres , ils en développent les fubftances fécondes , foit qu'ils en ap- portent eux-mêmes. 27. Je crois qu'on doit aux vents un autre avantage , c'eft la fafpenfion ou l'éloignement des tremblemens de terre, &t comme je le difois , des foudres. Les tremblemens de terre ne règnent d'ordinaire qu'au tems de calme , parce que le feu électrique , moteur des vents & de ces deux phénomènes , lorfqu'il fe déploie dans les uns, ne fauroit fe déployer dans les autres , fi ce n’eft par hafard , lorfqu'il s'en eft formé un grand amas capable de produire un typhon mêlé de vent, de feu , de tremblement de terre; ce qui eft bien rare. 6. IL Des Météores aqueux en général. 28. LA chaleur naturelle de la terre & celle du Soleil, en pé- nétrant & en agitant l’eau & les corps humides , en détachant des SURL'HIST. NATUREIIE ETIES ARTS. 2159 particules , lefquelles jointes au feu , en forme de véficules , ou d'une autre manière, acquièrent une légèreté qui les fait élever dans l'air. Ce font les vapeurs, la matière ce tous les météores aqueux. Il faut , à mon avis , diftinguer ici deux degrés ou deux tems d'éva- poration : l'une eft ordinaire & continuelle ; les vapeurs fe répan- dent fübtilement & infenfiblement dans l'athmofphère , en s'incorpo- rant avec l'air dans un état de parfaite diffolution | & en y ajou- tant leur mafle & leur poids , elles foutiennent le mercure dans le baromètre , plus haut, comme l'on voit dans toutes les faifons , lorfqu'il fait beau & conftant. L'autre , eft une évaporation extraordinaire & plus abondante, qui arrive en certain tems par une éruption plus impétueufe de fluide éleétrique. C'eft alors que l'air devient humide & qu'il humecte prefque tous les corps. Cette quantité de vapeurs qui s'élève par une efpèce d’éjaculation, ne fauroit fe foutenir long-tems :elles fe joignent aux vapeurs précédemment difperfées dans l'air, même par affinité , s'affemblent , forment les nuages & les pluies de la ma- nière que j'expoferai bientôt; cependant , elles font baiffer le ba- romètre : 1°. parce qu’elles portent dans l'air un fluide fpécifique- ment plus léger , à caufe du feu qu'elles contiennent; 2°. parce qu'elles échauffent & raréfient l'air même ; 3°. parce qu’elles déta- chent les vapeurs précédemment incorporées avec l'air , & qu’elles le déchargent par-là d’un poids. 29. Quoi qu'il en foit , la formation des météores aqueux par les vapeurs , fe fait à-peu-près de cette manière. Celles qui fe trouvent le’ foir peu élevées ou qui s'élèvent la nuit, furprifes par la fraîcheur de l'athmofphère , & jointes aux émanations des plantes , fe con- denfent , tombent & forment , en s'attachant à la furface des corps, ce qu’on appelle la rofée. 30. Lorfque la terre eft échauffée, le feu s'élance avec plus de force dans l’eau & dans les corps humides , il en détache des mafles plus denfes de corpufcules aqueux ; les vapeurs alors deviennent vi- fibles ; & en rencontrant un air plus frais , fur-tout en automne : dans l'hiver, & généralement le matin dans les lieux voifins des lacs, des marais, des rivières , elles forment ces grands amas de fumée qu'on appelle brouillards , qui ne s'élèvent guères au-deffus de la terre que le foleil ne les raréfie. Les brouillards ne font que des nuages bas : ceux qui voyagent fur les montagnes, croyent tra- verfer des brouillards , en pañlant par les nuages. 31. Quand l'évaporation extraordinaire a élevé une plus grande quantité de vapeurs, ou que les vents en ont amaflé dans les au- tres parties de l'athmofphère, elles fe condenfent , deviennent vi- fibles, troublent ou interrompent la pellucidité de l'air , forment , 1777 OCTOBRE. Ll:2 160 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE. en un mot, les nuages plus ou moins denfes , étendus, élevés, fuivant la quantité & le poids fpécifique des vapeurs. F 32. Lorfque ces vapeurs fe condenfent de plus en plus, ou qu'il en furvient de nouvelles , elles s'uniffent , forment des mafles plus pefantes qui ne peuvent plus fe foutenir , & qui tombent confé- quemment en forme de petites gouttes , qui, en croiflant fOUJOurs par la rencontre d'autres vapeurs , forment la pluie. C’eft du choc de deux vents contraires , ou de celui que le vent éprouve par l'effet d'un nuage ou d'une montagne , que provient l'amas des vapeurs. Leurs molécules érant devenues plus denfes, elles acquièrent à pro- portion une fuperficie moindre, & peuvent ; par conféquent ; divi- {er plus aifément l'air, qui ne peut plus les foutenir. Cela provient peut-être auffi de ce que le feu qui les abandonne , fe jette dans d'autres nuages ou dans les montagnes, qui font en général, les fources des pluies. Enfin, d'une manière ou d'autre, les vapeurs tombent en pluie. 33. Suivant la différence des faifons, fiun certain degré de froid concourt avec quelque efpèce de coagulum falin, les vapeurs fe gèlent, les rofées deviennent des gelées blanches ; les brouillards , des frimats; les pluies, de la neige où de la gréle. Voilà, en général , la forma- tion des météores aqueux. Voyons à préfent l'influence de chacun fur les végétaux. $. IT. De l'influence des pluies. 34. Perfonne n’ignore combien l'humidité eft néceffaire à la vie des végétaux, & quoiqu'on ne puifle pas accorder à Vanhelmont, & à d’autres Phyficiens , que les plantes ne fe nourriffent que d’eau pure, il faut avouer cependant, qu'elle entre pour beaucoup dans la nourriture des plantes , foit qu’elle en foit le véhicule, ou qu'elle en foit une portion. Or, les plantes ne boivent d'autre eau que celle qui eft fournie à la terre par les météores. 35. On doit remarquer que nul arrofement artificiel , quelque préparation que l'on donne à l'eau, ne fait jamais autant de bien aux plantes qu'une pluie bénigne. Admettons les circonftances favo- rables du ciel nébuleux & du fluide éleétrique : le principal béné- fice des pluies provient , fur-tout, de ce que leur eau n’eft pas de l'eau pure , mais une eau compofée du mélange de toutes les fubf- tances qu’elle entraîne dans l'athmofphère. Il eft évident que la pluie, femblable aux torrens (qui emportent & charrient les feuilles , les famiers, les matières pourries qu’ils trouvent dans les vallées }, lave , pour ainfi dire, l'athmofphère , entraîne toutes fortes d'exhalaifons huileufes , falines, minérales , végétales , difperfées dans l'air; & certe partie de terre , la plus fine & la plus difpofée à entrer dans F SUR l'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 26 les tubes capillaires des plantes, par la voie des racines & des feuilles mêmes. M. Duhamel ne paroît guères perfuadé de cette qua- lité de l’eau de pluie ; mais elle eft démontrée par fa couleur trouble, par l'odeur , par le goût, par les fédimens noirs ou verds qu’elle dépofe dans les vaiffeaux; ce qui arrive, fur-tout , après de longues féchereffes , & dans les lieux abondans en exhalaifons , tels que les grandes Villes. C’eft alors fur-tout que l'eau de pluie eft fétide , mal faine pour les animaux, mais d'autant plus utile & nourriffante pour la terre & pour les plantes (1). 36. M. Margraff, célèbre Chymifte de Berlin, a fait l'analyfe de plufieurs eaux, fur-tout de celle de pluie & de neige. Il faut voir, dans fon mémoire , tous les foins qu'il a pris pour avoir l’eau la plus pure; il choifit, pour la recueillir, un lieu ouvert, loin des habitations ; il laifla pafler une demi-journée de pluie, &c..... Après tant de précautions, ayant diftillé plufieurs fois cette eau, il y trouva enfin une quantité fenfible de terre calcaire, de nitre , de fel commun, &c... Que penferons-nous donc des pluies d'été, lorfque l'athmofphère eft chargée de tant d’exhalaifons ? C'eft cette lie que la pluie contient, qui fertilife la terre & les végétaux; car, fuivant l'expérience & le commun fentiment des Maîtres en Agriculture , c'eft dans les fels, dans les nitres, dans les terres calcaires, que confifte la force de la fécondation. Les pluies contiennent donc tout ce qui eft néceffaire aux plantes pour végéter, des parties folides & fixes, des efprits : & de l'eau qui eft le véhicule & le gluten de ces deux élémens. Enfin, les pluies qui font plus où moins favorables ou préjudiciables , fuivant leur abondance , leur fréquence, la faifon & le tems où elles rombent; circonftances dont je parlerai dans le Chapitre fuivant. A" ——— (1) M. Prieftley ( Obferv. [ur différentes efpèces d'air, Tranf. Philof. ) a dé- montré que l'air corrompu par la putréfa&tion des animaux & des végétaux, fe reftature & fe purge par la fuccion des plantes qu’on y renferme. Jamais, dit-il je ne vis en d’autres circonftances une végétation fi vigoureufe qu’en cette efpèce d’air, qui eft immédiatement fatal aux animaux. Quoique ces plantes fuflenttrès- ferrées dans les vaifleaux pleins de cet air, chaque feuille étoit très-vivide, & elles poufloient des germes nouveaux. Il en tire une conféquence bien plaufible ; c’eft que la corruption qui fe communique continuellement à l’athmofphère par la refpiration d’un nombre fi prodigieux d'animaux, & par la putréfa@tion detant de fubftances animales & végétales, eft corrigée en grande partie par la végéta- tion générale. D'où l’on peutcomprendre pourquoi les plantes voifines des habi- tations , Végètent & profpèrent plus que les autres, & combl'en il eft utile ( c’eft une remarque de M. Franklin ) d'entretenir desarbres autour des maifons, comme on:le pratique dans l'Amérique Angloife, & des végétaux même dans les cham, bres, Cette note appartient également au n°. 14. 2777. COICTOIBRE 262 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, $. IV. Des Rofées. 37. Dans les nuits calmes & féreines, les vapeurs peu élevées le foir tombent, comme on l’a déjà dit, en rofée. Elle eft très-fré- quente dans les lieux bas, humides, renfermés ; rare ou même nulle dans les lieux élevés & expofés au vent ; elle n’a prefque jamais lieu en été, la chaleur de l'air étant alors la même pendant la journée , même pendant la nuit ; mais elle abonde au printems & en automne. 38. La rofée n'eft pas une eau pure , non plus que la pluie; elle contient beaucoup de parties hétérogènes qui s’exhalent de tous les corps , fur-tout des herbes & des autres plantes abondantes en fuc aqueux, elle fe confond même avec leur tranfpiration. La rofée diftillée, fuivant M. Muffchenbroeck , donna, outre l’eau, du fel, de la rerre, de l'huile, du foufre; de là , fes effets falutaires ou nui- fibles. L'on doit voir combien elle eft cauftique, puifqu’elle blanchit la cire, le lin, les toiles; elle altère la couleur des draps; elle brûle les fouliers & les peaux : non-feulement elle purge & réfout les corps, mais même elle caufe de mortelles dyflenteries aux brebis, &c… Elle brûle auñfi quelquefois les tendres plantes & les germes , foit par fon âcreté faline, foit quand elle eft exaltée par un vent brûlant ou par le Soleil. Si elle fe defsèche fur les feuilles, elle forme la miellée , efpèce de rouille très-nuilible , parce qu'elle corrade , en partie, les plantes, & qu'elle en ferme les pores. 39. La rofée, fi l'on excepte les dangers dont nous venons de parler, étant une eau compofée de plufieurs fubftances fines, vola- tiles & proprement végétales, peut être très-féconde; car elle ap- porte un rafraîchiffement, une boiffon, une nourriture choifie aux plantes, & elle fertilife les terres par les mêmes élémens; ( dans certains climats même, elle tient lieu de pluie) c’eft un des princi- paux bénéfices des labours : glebas fæcundo rore maritat. La rofée eft plus féconde que la pluie, comme la pluie l'eft plus que l'eau com- mune. 6. V. Des Brouillards. 40. Les brouillards proviennent d’une évaporation extraordinaire & très-denfe; c'eft pourquoi ils dégénèrent en nuages, & enfin en pluie, lorfqu'ils reviennent pendant deux ou trois matins confécu- tifs, & qu'ils s'élèvent, Il y a pourtant des brouillards qui defcendent de l’athmofphère, & ceux-ci amènent le plus fouvent le beau tems ; métant eux-mêmes que les dépôts & les fédimens des nuages : 4£ nebulæ magis ima petunt, campoque recumbunt. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 267 41. Niles uns ni les autres ne font de fimples vapeurs; mais ils contiennent plus ou moins d'exhalaifons terreftres , ce qui eft prouvé par leur puanteur : ainfi les brouillards fertilifent les terres, comme les cendres & les autres fumiers , d'où il eft dit dans les Pfeaumes, dans un vrai fens phyfique : nebulam ficut cinerem Jpargit. 42. Nul tems n’eft plus favorable aux labours & aux femailles, que ces matinées où règne un brouillard épais & ftillant, qui baigne & écheuffe doucement les fillons. 43. Au contraire, aux mois de Mai & de Juin, fi les brouillards s'attachent aux blés & aux fruits, s'ils s'y arrêtent par le défaut de vent, où s'ils y font furpris par un vent brûlant, par l'ardeur du foleil, & s'ils viennent à fermenter, ils font un grand dommage. Delà provient la rouille que la Lombardie éprouva en 1735, & que M. Muratori a décrite dans les Annales d'Italie ; elle fut produite par un brouillard élevé le matin du 14 Juin, qui fut fuivi d'un vent trülant & hâleux. Cela caufa une difette & une famine notables dans toute cette contrée. 44. Les brouillards d'automne hâtent quelquefois la maturité des faifins; mais s'ils font fréquens & fans vent, ils les font pourrir. $. VI. De la Neige. 45: Quand un nuage commence à fe fondre, fi un certain degré de froid concourt avec quelque efpèce de coagulum falin , les petites gouttes fe gèlent, & fur-tout, s'il y a un peu de vent, elles fe joi- gnent les unes aux autres, & forment les floccons de neige de di- verfes figures , la plupart régulières. 46. Ce n'eft pas ici le lieu d'examiner fi la gelée eft produite par le froid feul, ou par une fubftance faline ou nitreufe avec le froid. J'avoue que je penche vers cette dernière opinion, foit que les fubf- rances falines coagulent immédiatement l'eau , ou qu'elles abforbent le feu qui la rendoit fluide. Il me fuffit à préfent de dire que l'eau de neige, comme celle de pluie , n'eft pas pure ; mais qu’elle contient des parties hétérogènes, terreufes, huileufes, fulphureufes, fali- nes,-&tc.…. Je citerai pour mon garant M. Margraff. » Mes cent me- » fures d’eau de neige, dit-il ( Mém. de Berlin, 1751), me donnè- » rent 60 grains d’une véritable terre calcaire... J'en tirai de même » quelques grains de fel, qui tenoit plutôt du fel de cuifine que du » felnitreux.….. Toute la différence entre l'eau de pluie & l'eau de » neige, fe réduit à ce que l'acide de l’eau de pluie eft plus nitreux, » & qu'elle renferme plus de terre calcaire; au lieu que l'eau de 1777: OCTOBRE, 164 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » neige a plutôt un acide falin que nitreux, & contient une moindre » quantité de terre ca!caire ». 47. Voilà pourquoi l'eau de neige a une certaine vertu abfterfive , même mordante & diflolvante ; voilà pourquoi, lorfqu'on la boit , elle nuit, comme l’eau de mer, à l’eftomac & aux inteftins, & qu'elle caufe des dévoiements, des coliques, des dyffenteries; mais par cela même elle eft admirable pour fertilifer les champs. M. Margraff ajoute bien à propos : » Mes expériences me procurèrent une parfaite » conviétion, que l’eau de pluie & de neige, même la plus pure, » contenoit, outre les parties mucilagineufes & huileufes, & un » peu d'acide, une certaine terre auffi qui avoit une extrême refflem- » blance avec la terre calcaire. Auffi n'eft-il pas difficile de com- » prendre que les exhalaifons aqueufes , mêlées avec un acide fubtil » du nitre & du fel, en quelque petite quantité que ce foit, peuvent » diffoudre cette pouffière calcaire , qui eft le plus fouvent dans l'air, » & qui fe détache des vieux édifices ruinés , & d’autres endroits » femblables. Il en réfulte une efpèce de folution calcaire très-déliée, » formée par le mélange de quantité de vapeurs aqueufes , qui s'éle- » vent plus haut dans l'air, & fe raffemblent dans les nuées, d'où , » lorfqu'il vient à pleuvoir ou à neiger, elle peut retomber, comme » une folution calcaire extrêment déliée ». 48. En appliquant tout ceci à l'objet de l'Agriculture, ce font ces fels, ces nitres, ces huiles, ces mucilages, cette terre calcaire-comme on l'a dit rant de fois, qui forment la fleur des fucs nutritifs des plantes. C'eft pourquoi les herbes fous la neige, reverdiflent fur-le- champ, comme au printems; & quand les hivers font abondans en neiges , on a d'ordinaire de bonnes récoltes, pour peu que les autres faifons foient favorables. 49. La neige procure un autre avantage aux blés ; elle les défend du froid & de la gelée. Si la neige devance les gelées, il n'y a rien à craindre pour les racines des blés & des autres plantes. M. Duhamgl amonceloit la neige au pied des petits arbres nouvellement plantés , pour les garantir du froid. La neige paroît même échauffer la terre ; car la terre a, dans l'hiver, même un certain degré de chaleur qui fe difiperoit, & que la neige arrête. Dat nivem ficut lanam. C'eft une Sentence plus phyfique que poétique; car , comme la laine échauffe nos corps, non par une chaleur qui lui foit propre ( elle n'échaufferoit pas une ftatue de marbre ), mais en tant qu'elle arrête, par fes poils, la diffipation de notre propre chaleur, de même la neige échauffe la terre , en y concentrant les efprits Et les exhalaifons qu'elle auroit perdus. $. VIE. . De. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 26$ (a VII. De la Gelée & de la Glace. so. Les effets de la gelée font en partie utiles, & en partie très- nuifibles à la campagne. L'utilité vient de ce que la gelée gonfle & divife les mortes mieux que le meilleur labour. L'eau, en fe gelant, rompt les canons d’airain ; les briques & les pierres font réduites en poudre ; c'eft pour cela que la terre humide, en fe gelant intimement, fe réfout & tombe en poufière au printems, cùm zephiro putris fe gleba refolvit : ainfi, la gelée fupplée les lebours, ouvre les pores de la terre, pour filtrer les fucs & les difpofer à la végétation. 51. Mais cette propriété qu'a la gelée, de dilater & de déchirer, eft caufe qu'elle tue quelquefois les plantes, fi elle furvient quand elles font fort humides , comme il arriva dans les cruels hivers de 1709 & de 1740. L'humidiré & le fuc même des plantes , en fe gelant, en déchire les fibres & les vaifleaux, & les fait périr. A ces dommages font expofées, fur-tout les plantes tendres , fucculentes, pleines d'un fluide aqueux , telles que les faules, les figuiers, les vignes, & toutes les plantes qui font dans les terres humides, Le mal eft grand, si! arrive brufquement un faux-dégel ( car le dégel gradué n’eft pas nuifible ) plus grand encore ; fi ce dégel eft füuivi d'une nouvelle gelée & du verglas, tout eft gâté alors; & ce font les branches & les arbres expofés au foleil du Levant & du Midi, qui font les plus fujets à ce malheur; car la gelée, la neige , les frimats , en fe fondant, gèlent de nouveau1& forment le verglas, parce que l’eau n'a pas eu le tems de s'écouler entièrement. $. VII, De la Gréle. 52. J'ai peu de chofe à dire des effets de la grêle; ils ne font que trop connus ; c'eft une pluie gelée : les gouttes fe gèlent , comme dans la formation de la neige, & chaque grain de grêle contient une efpèce de noyau de neige. Dans l'été, les nuées font plus élevées dans une région de l'air aflez froide; les gouttes fe convertiflenten glace, & elles groffiffent en tombant, à l'approche d’autres vapeurs. Il eft probable que le feu éleétrique y contribue. En paffant d'une nuée à l’autre, il dépouille l’une de chaleur, en la portant dans l'autre. Un concours de nuées éleétrifées négativement avec un nuage pluvieux, éleétrifé pofitivement , comme il arrive dans le tumulte des orages , produit la grêle. Les grains s’entre-heurtant par la vio- lence des vents, s'attachent entr'eux & forment quelquefois des mafles énormes de glace : ce n’eft plusune grêle, c'eft une lapidation, Les grêles ordinaires font des dommages proportionnels ; mais le Tome X , Part, II. 1777. OCTOBRE, Mm 266 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; plus grand de tous, eft une efpèce de poifon que la grêle répand fur les végétaux, fans doute à caufe des efprits acides qu’elle contient. C'eft pourquoi la grêle eft moins nuifible , fi elle eft accompagnée d'une abondante pluie qui lave cette pefle. On ne peut cependant pas nier que la grêle ne fertilife , en quelque fens , la terre, comme l'eau de neige. En effet, l'on voit tout reverdir & végéter à merveille, après les grêles qui ne font pas fuivies de féchereifes, & les blés fémés depuis rendent plus qu'à l'ordinaire. $. IX. De la Gelée blanche & des Frimas, 53. La rofée, en fe congelant , forme la gelée blanche, femblable à la neige. Cette gelée, fi elle furvient aux plantes depuis qu'elles ont germé , parexemple, en Avril, leur fait beaucoup de tort, & comme gelé, & en tant que mêlée de matières cauftiques , fur-tout fi le foleil la frappe. Dans d'autres tems, elle peut être utile, en arrétant les progrès d'une végétation trop forte, & elle peut faire, en général , du bien comme rofée, comme gelée & comme neige. 54. Le frimat eft femblable à la gelée blanche : c'eft le brouillard gelé, adhérent aux corps ; il s'attache aux brins d'herbe , aux bran- ches d'arbre, aux cheveux des hommes, aux poils des animaux : il fait plier & cafler quelquefois les branches des arbres auxquelles il eft fufpendu fous la forme de chandelles & de grappes de neige & de glace. Les frimas produifent les bons effets des brouillards , des rofées, des gelées, de la neige. On leur doit encore un autre avan- tage, celui de tuer les œufs des infectes ; car il n’y a rien de plus pénétrant qu'un froid humide. En effet, après les hivers abondans en frimas, l’on voit peu de chenilles au printems. C'eft ainfi que la Providence Divine détruit, par les neiges, les oifeaux & d’autres bêtes voraces qui défoleroient les campagnes. 6. X. Du Tonnerre & autres Météores ignés. 5. Avant la découverte de l'électricité de l’athmofphère, on n’en- tendoit rien, au fond, fur la nature & fur les effets du tonnerre, & l'on n'éroit guères plus avancé à l'égard des-autres météores. Main- tenant ileft prefque hors de doute que le feu éleétrique eft le grand inftrument de la nature, le principe de l'évaporation, des nuages , des pluies, des vents, des orages , des tremblemens de terre, des aurores boréales, &t fur-rout des tonnerres, qui ne font que de grofles explofions de feu éleétrique , en tant que concentré dans l'air ou dans la: terre : il déchire les corps réfiftans, pour fe porter dans les déférens , & fe mettre en équilibre entre deux lieux, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 267 56. Il eft conitaté que le feu du tonnerre, comme le feu élec- trique, fuit les méraux & les fluides aqueux , préférablement aux autres corps. Si ceux-là font interrompus ou bornés , iléclate & fait des ravages en raifon de fa quantité. Les édifices qui contiennent des métaux interrompus ; les animaux & les arbres pleins de fluide contenu dans des vaifleaux réfiftans , font fujets aux injures de la foudre. On a trouvé le moyen de garantir les édifices par les con- duéteurs métalliques continués jufqu'en terre. Quant aux arbres , il n'y a que ceux qui contiennent de la réfine, qui puiflent, peut-être, fuir ce danger , tels que le laurier , l'olivier, le fapin & autres fem- blables. C'eft peut - êrre le fondement de la pratique populaire de garder dans les maifons, de porter fur les flèches des clochers 5 AUX coins des champs , des branches d'olivier bénit » & d'en brûler dans les maïfons en tems d'orage. Les autres arbres abondans en foc aqueux , tels que les peupliers, font fouvent frappés & mis en pièces par le tonnerre. 57: Ce font là des foudres manifeftes. Mais n'y auroit - il pas en- core une autre efpèce de foudre moins bruyante, une effufion moins impétueufe de feu éleétrique, & capable pourtant de fécher , tantôt les feuilles , tantôt les branches, quelquefois un arbre entier ; quel- quefois les herbes & les blés? J'ai toujours oui dire aux Payfans , à propos de quelque branche de vigne defféchée, qu’elle avoit été frappée par un éclair. M. du Hamel, parlant des blés coulés, rap- porte que, fuivant l'avis de plufeurs, cette coulure devoit être attri- buée à la vivacité des éclairs; » opinion, ajoute-t-il , qui a acquis » de la probabilité, après qu'on a reconnu les grands effets de » l'éleétricité éparfe en fi grande abondance , dans l'air , au tems » d'orage ». Il n’eft pas néceffaire que le feu électrique foit toujours conglobé avec violence; il peut être moins denfe , plus diffus, moins violent , tel qu'on le voit dans les feux folets, dans le feu Saint-Elme , dans les étoiles volantes, dans les aurores boréales. Il peut donc y avoir des éclairs qui fe déchargent fans bruit dans ces branches d'arbres, ou dans un fillon de prairie ou de terre enfemencées, où l’on voit fouvent des cercles d'herbes defféchées ( fans en foupçonner d'ailleurs la caufe ), les parties voifines étant très-vertes. Peut-être quelque efpèce de rouille dépend - elle de ce principe. 58. Voilà les mauvais effets du tonnerre; mais n'en auroit-il pas de bons? Je le crois. Nous avons remarqué que la végétation n'étoit jamais fi vigoureufe que dans les tems pluvieux, inégaux, orageux , & cela, principalement à caufe de l'abondance du feu électrique. Or, la matière du tonnerre eft ce même feu éleétrique. Ce fluide 1777. OCTOBRE, M m> 263 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; puiffant circule entre la terre & le ciel; mais fa principale fource eft dans la terre : elle en feroit dépouillée, s'il ne lui étoit rendu par les météores, fur-tout par les foudres. Le tonnerre entraîne des fubftances ; tant celles du genre déférent, que celles du réfiftant, Donc, les foudres entretiennent cette circulation d'élémens ; qui eft fi néceffaire pour perpétuer les générations terreftres. Nous trouve- rons peut-être que les années qui abondent le plus en tonnerres , en éclairs, en étoiles tombantes, en aurores boréales & en autres inétéores ignés, font auffi les plus fertiles. 59. Si l'on vouloit admettre l’ancienne opinion fur les météores ignés , & les confidérer comme des inflammations de matières com- buftibles, de foufre, de nitre & d'autres mélanges analogues à la poudre à canon , à la poudre fulminante, leur efficacité pour fertis lifer les terres, feroit encore plus manifefte, Go. Je ne dirai qu'un mot des tremblemens de terre. Soît qu'ils foient caufés par des embräfemens fouterrains , foit qu'ils foient pro- duits par des commotions électriques , ils ne fauroient être indifférens pour la produétion de la terre; ils peuvent au moins ouvrir de nouvelles veines d’exhalaifons, ou en fermer d'anciennes ; ce quine peut fe faire fans altérer la conftitution de l'athmofphère Et tout ce qui en dépend, fur tout l'état des animaux & des végétaux. On a dit du tremblement de terre , arrivé à la Jamaïque le 7 Juin 1692, » que depuis cette époque, la nature eft moins belle dans cette Ifle, » le ciel moins pur, le fol moins fertile ». C'eft peut-être au trem- blement de terre de Lisbonne, arrivé en 1755, & qui s'eft étendu fort au loin , que nous devons attribuer le défordre des faifons, la fréquence des orages & la ftérilité de la terre, que toute l'Europe éprouve depuis ce défaftre. Ayant parcouru jufqu'ici toutes les efpèces de météores, &t pré- {enté leurs effets en général, paflons à l'examen particulier de leur influeñce, autant qu’elle dépend de leur diftribution dans les difés rentes faifons de l’année, CHA PA RUE DUNE Le cours de l'Année Géorgico - Météorologique. $. L Condition générale. Gt. Annus fruflificat , non terra : c'eft un ancien proverbe tranf mis par Théophrafte, que j'ai pris pour devife de ce difcours, & qui contient une vérité éternellement vérifiée par l'expérience. Car il eft clair que ce n'eft pas tant de la terre, des labours, des dE . SUR L’HIST.NATUREILE ET LES ARTS. 69 engrais, que dépend l'heureufe végétation & le fuccès de l'agricul- ture , que de la jufte température des faifons , de la conftitution de l’'athmofphère , de la chaleur , de l'humidité , de la diftribution des pluies en certaines circonftances , en certains mois; de la force, de la direction & de la durée des vents , &c..... M. Targioni, dans fon excellent Traité de l'Alimurgia ; M. du Hamel, dans fes Obférvations Botanico Météorologiques , & dans fes autres Ouvrages, la Société Economique de Berne , dans les volumes qu'elle a pu- bliés , nous fourniflent des preuves fans nombre , de ce que nous venons d'avancer. 62. L'on peut direen général, qu'une année eft bonne quand l'hiver eft froid, avec abondance de neige & de gelée ; le printems hätif, accompagné de pluies bénignes & de zéphirs; l'été chaud , & inter- rompu à propos, par des pluies; & l'automne tempéré, & plus fec en général, qu'humide (1). 63. Au contraire , la récolte fera mauvaife , fi l'hiver eft tiède & humide ; le printems tardif, frais , humide , avec des gelées & des brouillards ; l'été, fans chaleur & fans humidité ; l'automne , pluvieux & froid. M. du Hamel, entr'autres , nous fournit deux exemples pour vérifier ces deux conditions. La récolte de 1740 fut pauvre , 1°. parce que le grain femé fe perdit en partie , dans la terre trop humide ; 2°. il en périr beaucoup par la gelée de l'hi- ver; 3°. le refte ne talla point; 4°. la rouille l’avoit attaqué 3 5°, le grain fut réchaudé par des coups de foleil hors de tems (Obférv. 1741). Au contraire, la récolte de 1744 fut bonne , parce que les blés avoient bien levé à l'entrée de l'hiver ; ils ne furent ni noyés ; ni fatigués par de longues & fortes gelées : ils avoient tallé ; ils s’é- toient fortifiés par l'humidité du printems ; ils furent toujours beaux , malgré la fécherefle fuivante ( nulle plante ne la fuppor- tant mieux que le froment); enfin , les chaleurs du mois de Juil- let les firent mürir, & il fit fort fec pendant la moiflon. Voilà routes les circonftances néceffaires réunies : paflons à un plus grand détail. D ———— ————— (1) Les Florentinsexprimentaffez naïvement les conditions de Ja bonne année : Il grand freddo di Gennaio; il mal tempo di Febbraio; il vento di Marzo; le dolci acque d’Aprile ; le guazge di Maggio ; il buon mietter di Giugno ;il buon batter di Luglio; le tre acque d’Agoflo, con buona flagione, vagliono più che il tron di Salomone, ( Targioni, page 19.) 3777. OCTOBRE, r1/ 379 OBSERVATIONS SUR LAPHYSIQUE, 6. II. Des Semailles. 64. L'année champêtre commence par les femailles. L'automne eft la faifon propre à femer les blés & les grains d'hiver. Il y aura peut-être , relativement à la température , une certaine femaine , une lunaifon qu'il faudra faifir pour les femailles. Mais il eft diffi- cile de fixer cette époque ; il faut avoir égard au climat, au terrein, à l'expofition. Le terrein froid exige qu'on fe hâte de femer ; le chaud donne du tems. L'on ne peut pas enfemencer un domaine entier dans un jour ni dans une femaine , ce qui feroit cependant très-avantageux, fi on rencontroit le vrai tems ; mais il faut encore avoir égard à la moiffon; car fi tous les blés mürifloient dans un jour, on n’auroit pas le tems de les couper fans en perdre beau- coup. Tavello fixe le tems des femailles pour la Lombardie , à la première chûte des feuilles. 65. En général, il faut femer de bonne heure; il y a plufieurs avantages ; 1°. laterre étant, comme on le fuppofe , bien labourée, tous les grains lèvent, & l’on peut épargner une grande quantité de femence ; 2°. le grain femé poufle des racines, & peut taller; 3°. ilcraint moins les gelées ; 4°. au printems il monte plutôt en tige, poule plutôt l'épi, & eft mieux garanti par-là de la gelée, de la rouille , de la miellée; 5°. il müûrit plutôt, & devance le danger de la grêle, &c.... On doit craindre les évènemens con- traires quand les femailles ont été tardives , & ne pas efpérer des exceptions heureufes que le hafard peut amener , mais qui font très- rares. 66. On ne doit pas femer dans une terre trop humide, où le grain refteroit étouffé par les mottes, pourriroit & ne lèveroit pas à moitié. La terre même, labourée dans cet état, fe paîtrit, ac. quiert une cradité &t une dureté prefque indomptables. Cependant, ily a un proverbe Italien qui dit que les plus belles femailles font celles que l’on fait le fac fur la tête ; cela veut dire que la terre étant réduite en pouffière, s'il furvient, dans le tems qu’on la laboure pour l'enfemencer, une petite pluie , une bruine douce , un brouillard fort humide, qui ne baigne que la pouffière , le grain s’attachera fur les champs, ne fera pas mangé par les oifeaux, & germera promptement. 67. Dès que les femailles feront achevées , on doit fouhaiter des pluies diferettes dans les mois d'Oétobre & de Novembre ; maisfi elles étoient exceffives, elles noyeroient les blés , fixeroient trop la terre, ou l'emporteroient. Les blés pourriroient , feroient mangés par les vers, ou pouferoient trop en herbe ; en dépenfant cette SUR L’'HIST. NATUREIIE ETIES ARTS. 271 liqueur qui doit être réfervée pour le printems : ils rifquent même, en montant en tige, d'être gâtés par les gelées, où même par la rouille. La fécherefle , dans ces mois , eft également nuifible; car les racines ne fe multiplient ri ne fe fortifient pas autant qu'il le faudroit. 6. IT, De l'Hiver. 638. L'hiver eft le repos de la terre, le fommeil des plantes. Pen: dant que la végétation refte fufpendue, ou du moins rallentie, les fucs fe préparent & fe digèrent dans la terre. On defire pour cela ün hiver froid & fec , ou même orageux , avec abondance de neige & de glace. Si les gelées ne font pas affez fortes pour tuer les plantes, il n'ya rien du moins à craindre pour les racines des bles , fi elles ne fe trouvent point à découvert. 69. Ce qui eft à craindre pour tous les végétaux , comme on l'a dit dans le Chapitre précédent , ce font les faux dégels , les gelées humides , &c... Mais on doit encore plus redouter un hiver doux & pluvieux : r’attendez jamais , dans ce cas , une bonne récolte, 1°. parce qu'une telle conftitution prive les blés des bénéfices de la neige & des gelées; 2°. parce qu'elle fait croître les blés avant le tems, & dif- fipe leur force ; 3°. parce qu'elle favorife l'accroiffement des mau- vaifes herbes qui dérobent leurs fucs aux blés, & les étouffent au printems ; 4°. parce qu'il furvienr des froids tardifs, par une compenfation funefte entre les deux faifons , ou qu'à une longue humidité fuccède une longue fécherefle qui fait périr les plantes de faim & de foif; 5°. parce que les blés , pleins d’une humeur agueufe & indigefte , font plus expofés à la rouille &t à d’autres maladies. $. IV. Du Printems. r. Le printems eft la faifon de la plus fortè végétation. Quand les blés font bien fortifiés avant l'hiver , pourvus de bons fucs par les neiges, & que les terres en font bien pénétrées , le prin- tems met en mouvement tous les élémens féconds de la Nature. La chaleur du jour, la fraîcheur des nuits , le mélange de l'humi- dité & de la chaleur, les douces haleines des zéphirs, caufent cette alternative de dilatations & de contraétions ; qui fait circuler les fucs dans les plantes , favorife l'imbibition & la tranfpiration , & produit ces fécrérions & ces aflimilations de fubftances , qui forment Vobjet de nos vœux , c'eft-à-dire , une heureufe végétation. 72, Le proverbe demande la féchereffe au mois de Mars, afin e 272 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que le foleil puifle mettre en mouvement la fève des plantes & les fucs de la terre. 73- On entend par-là qu'il y ait aufñfi de la chaleur ; car fi le froià s'avance dans le printems, avec la féchereffe, la récolte fera pauvre. M. du Hamel en expofe très-bien la raifon ( Obféerv. 1742). Je rapporterai tout ce paflage , car il eft inftructif. » L'automne, quand » le blé germe , il pouffe en terre plufieurs racines, & peu de tems » après il paroît à la fuperficie de la terre, quelques feuilles. Aces » premières feuilles & à ces premières racines , il s’en joint d’autres , » fur-tout quand l'automne eft humide & doux. A l'endroit de » l'infertion des feuilles & des racines, il fe forme une groffeur, ou » uneefpèce d'oignon; c'eft de cette groffeur que partent de nouvelles » racines & de nouvelles feuilles : pour peu que les gelées d'hiver » foient un peu fortes , prefque toutes les feuilles & prefque toutes » les racines d'automne périffent : il faut donc que l’efpèce d'oignon » dont j'ai parlé , produifent de nouvelles feuilles & de nouvelles » racines ; C'eft cé qui arrive ordinairement en Avril ,quand ce mois » eft doux & pluvieux; mais s'il eft froid & fec, ces racines prin- » tannières ne fe développent que lentement & foiblement; & » comme les feuilles ne produifent que proportionnellement aux » racines, il en réfulte neceffairement un retard qui eft ordihaire- » ment tres-préjudiciable aux blés ». M. du Hamel ajoute , que les pluies de Mai produifent rarement le même effet, car la chaleur prochaine de Juin accélère trop la maturité. 74. Cependant , la combinaifon du froid & de l'humidité eft encoreplus dangereufe ; car alors, à caufe de l’abondance de la sève & de la lenteur du mouvement , il s'enfuit une efpèce d’étouffe- ment; les pluies exceffives font préjudiciables , même avec la cha- leur; elles noyent les blés qui deviennent jaunes & hydropiques , &x pouffent trop en herbe , ce qui nuit à la formation du grain. Trop d'eau lave & emporte les fels des terres & des fumiers, ce qui eft encore très-préjudiciable. 75. Les pluies font très-nuifibles, en général , à la fleuraifon ; elles lavent la pouflière féminale , ou la coagulent ; de forte qu’elles font avorter fes germes. Il eft donc à defirer que le mois de Maïifoit fec , avec des vents frais d'Oueit ou Nord-Oueft ( pour notre pays } qui fecouent & emportent la rofée & toute humidité croupiffante. Alors , les grains & les fruits nouent heureufement ; la moiflon eft hâtive, & prefque toujours abondante. 76. Quand le mois d'Avril eft avancé , les gelées peuvent être funeftes aux fruits, fur-tout, fi elles font fuivies brufquement de Yaétion du Soleil. Telle fut la gelée du r4 Avril 1765 , en Tofcane, que M, Targioni décrit & déplore tant, Ce défaftre arriva à 4 heures du SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 27; du matin, au lever de la lune, il s'éleva un brouillard qui fe gela en tombant; à fix heures le mal étroit fait. 77: On doit donc craindre les brouillards, fur-tout s'ils font gras & puants, de même que les rofées qui forment la miellée fi le Soleil les frappe. Or, comme le melange de tous ces météores, qui a lieu quelquefois vers La fin du printems, caufe la rouille & les autres ma- ladies des grains : je crois qu'il faut en dire quelque chofe, $. V. Digreffion fur la Rouille & les autres maladies des Blés. 78. Les François & les Auteurs qui ont écrit ex profeffo fur cette matière , diftinguent plufieurs efpèces de maladies des grains. Dans ce pays on n'en connoît guères que deux; 1°. la rouille , par laquelle on entend tout ce qui rétrécit ou vuide le grain; 2°. le charbon , lorfque les grains ne contiennent qu'une pouffière noire. 79. Les Anciens & le commun des hommes attribuent la première maladie ; c'eft-à-dire , la confomption des grains , à la fermentation, ou à des fumées qui s'élèvent de la terre; à des rofées ou à des pluies chaudes &, pour ainfi dire, falées; aux brouillards mélés d’exhalai- fons, à des vents brûülans, &c. 80. Galilée, en examinant cet objet en Mathématicien, en a donné l'explication de cette manière : Lorfqu'un brouillard, une rofée, une bruine, a laïffé une certaine quantité de petites gouttes fur les végétaux, & que le Soleil les darde brufquement , ces petites gouttes deviennent autant de lentilles cauftiques très-aiguës , dont les foyers tombant fur les feuilles &, les grains, les brûlent véritable- ment. En effet, l'on voit fouvent fur les fruits ces petits boutons, femblables au charbon, & qui paroiflent être des points brûlés par un cauftique ; mais, le plus fouvent, on ne voit point de traces de ces brûlures dans les épis, & cependant les grains font évidés. 81. Il y eut un tems où tout étoit l'ouvrage des infeétes, & fur- tour les maladies. Rhedi, Valifnieri & plufieurs autres Naturaliftes qui penchoient vers cette opinion, croyoient auffi que la nielle & la rouille étoient l'ouvrage des infeétes. Cette pouffière qu'on voit fur les feuilles & fur les épis, n'étoient que des excrémens , des œufs ou des infeétes mêmes; mais ceux qui ont le mieux examiné la rouille avec le microfcope , n’y ont découvert aucun figne du mouve- ment animal. 82. En dernier lieu, MM. Targioni & Fontana ont produit, en Tofcane , une opinion nouvelle qui a beaucoup de probabilité. Ils prétendent avoir découvert que la rouille n’eft qu'un amas infini de Tome X , Part. IL. 1777, OCTOBRE. Nn 274. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, petites plantes parafites , femblables à une efpèce de moiliflure ou de moufle. Ces petites plantes inférant une infinité de petites raci nes entre les fibres des blés, les fucent , les épuifent, ce qui fait que les grains reftent maigres ou vuides. Les femences de ces plantes apportées par les vents, s’attachent aux tiges, y germent à la faveur d’une humidité accompagnée de chaleur; fe multiplient fans bornes, & caufent des ravages infnis. 83. Je n'ai pas befoin de me déterminer fur aucune opinion rela- tive à la nature de la rouille; il me fuffit, pour mon objet, qu’elle dépende d’une certaine conftitution de l'air, & d’un certain concours de météores. La rouille fe manifefte, comme on l’a dit, après des brouillards , des rofées , des pluies fuivies immédiatement de l'aétion d'un foleil ardent dans les lieux bas & peu ventilés. Toutes ces cir- conftances peuvent, à la vérité, faire germer les petites femences des moufles parafites, ou même faire éclore les petits œufs des infectes. 84. Maïs, fans recourir à ces caufes, pourquoi les blés ne peu- vent-ils pas devenir malades naturellement par un excès de chaleur % d'humidité ? Ne pourroient-ils pas premièrement être attaqués d'une efpèce de maladie cutanée ? Etant couverts d'une humeur craffe , s'il furvient un coup de foleil, cette humeur gluante peut fe fixer fur les feuilles, fur les tiges , fur les épis; arrêter la tranfpiration ; enfuite former, en fe defféchant , cette pouffière jaune ou noire , connue fous le nom de rouille. 8s. En fecond lieu, pourquoi ne peut-il pas fe former une maladie interne, femblable à une inflammation dans les animaux ? L’humi- dité frappée par le foleil, doit fermenter dans la terre, dans les racines , dans les canaux mêmes des plantes. Voilà ce qui fuffit pour altérer les humeurs, & produire la langueur, le dépérifiement. Si vous voulez en faire l'expérience , il fuffit d'arrofer une plante dans un vaifleau , & de l'expofer au foleil; elle meurt au bout de deux ou trois jours. Ainfi les blés qui éprouvent une fermentation vio- lente, müriffent quelquefois avanc le tems , c’eft-à-dire, qu'ils meu- rent en peu de jours; car la maturité n’eft que la mort naturelle des plantes annuelles. Il faut voir en quel état le grain fe trouvoit alors : s’il étoic bien avancé, il contiendra de la farine en proportion : s'il ne faifoit qu'épier, il fera vuide. Enfin, je crains qu'on ne puiffe afigner une caufe commune de toutes ces maladies; tantôt c'eft l'une ; tantôt c'eft l’autre. 86. Quoi qu'il en foit de la nature de la rouille, c’eft une obfer. vation univerfelle que cette maladie attaque principalement les blés foibles, femés tard , & qui conféquemment épient plus tard; qu'elle SUR l'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 27$ a lieu dans les printems frais, pluvieux , variables, fans vents, parce que les plantes étant, dans ces circonftances, d'une texture plus molle, réfiftent moins aux mêmes impreffions , quelles qu'elles foient, 11 y a d’autres obfervations : les germes de la rouille font détruits par une pluie abondante qui lave les blés, ou par un vent qui fecoue l'hu- midité des rofées , des brouillards, des petites pluies; les blés verfés fouffrent beaucoup dans ce cas , car ils font moins ventilés : une rofée, un brouillard fans foleil, durâc:il un jour entier, ne fait aucun mai, dès qu'il n'y a pas de fermentation, Les rofées & les gelées du mois d'Avril, dont l'humidité eft la caufe, font dangereufes , parce que tout ce qui tend à augmenter l'humidité, en augmente les dangers, comme l'évaporation des plantes voifines d'un lieu bas, les terres humides, les fumiers, &c….. & tout ce qui empêche la difipation de l'humidité, comme les haies trop hautes, les arbres touffus, les édifices, les murailles qui arrêtent le vent : au contraire, les lieux élevés, aërés, éloignés des bois, &c.... feront moins fujets aux gelées ou à leurs funeftes effets. 87. Il y a une autre obfervation qu'on trouve dans les Mémoires de Berne (1765), dont je ne faurois rendre raifon; c’eft que les méteils, par exemple , ceux de froment & de feigle, ne font pas fi fujets à la rouille : cela eft confirmé par M. Targioni, dans le compte qu'il rend des rouilles de 1765 & 1766 , en Tofcane. 88. Difons un mot des remèdes de la rouille. Les caufes ou circonf- tances indiquées, nous enfeignent quelques règles de précaution. Il faut bien choifir le grain à femer , le leffiver avec la chaux, le laver avec de l'urine vieille & alkalifée, où avec de l'huile de lin (qui éloi- gnera même les vers) :il faut femer dans un terrein bien préparé, & fur-tout femer de bonne heure : il fera très-utile auMi d'élargir & d'éclairer les champs, afin qu'ils foient ventilés, &c.….. 89. Pour difiper l'humidité, l'on pratique utilement deux remèdes Le premier, indiqué par les anciens Auteurs d'Agriculture, éprouvé même aujourd'hui avec fuccès, eft la fumigation qui doit être faite tous les matins , quand le tems eft fufpeët, dans les mois de Mai ou de Juin, en brûlant de la paille des lits, ou des excrémens de vache, ou d’autres matières animales , des retailles de peau, de corne, d'on- gle, &c.…. Cette fumée doit produire deux effets faluraires : 1°. Elle peut abforber l'humidité qui eft la caufe , ou du moins que l’on pré- - fume être la caufe de la rouille ; 2°. l'alkali volatil contenu dans la fumée, peut fertilifer les terres & les plantes. Le fecond remède confifte à fecouer la rofée, en faifant tirer par deux hommes, le long des fillons , une corde au travers des blés mêmes. 90. I me refte peu à dire fur le charbon; c'eft une poufñière 1777. OCTOBRE. Nn2 276 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; contagieufe qui fe communique d'un champ à lautre d'année etf année; car il fufit qu'un peu de cette poufhière touche un grain ; pour l'infeéter. Cette maladie n’eft connue en Italie que depuis un demi-fiecle, & elle femble y être venue du Dauphiné : elle fe répand maintenant en Allemagne. On obferve qu’elle règne dans les terres & dans les années où les femailles ont été mauvaifes, fi le printems fuivanteft humide, fur-tout après un hiver long & pluvieux, comme celui de 1770, en Italie, où les blés furent plus attaqués du charbon que de la rouille. M. du Hamel croit pourtant que les grands hivers faifant périr les pieds affeétés du charbon, ils arrêtent les progrès que cette maladie feroit à l'infini. Ainfi, à une année abondante en charbon , fuccède fouvent une année où l'on n’en trouve prefque pas ; parexemple, 1754, 1760, 1761. Pour empêcher la propa- gation de cette maladie, on prefcrit de tremper le grain, avant que de le femer, dans une faumure bien âcre , compofée de cendres & de chaux. . VI. De l'Eté. or. La chaleur eft l'ame des vivans ; l'humidité en ef le principal aliment. Si ces deux élémens font en excès ou en défaut, l’économie de la végétation eft troublée. Une chaleur exceffive confume l'humi- dité de la terre & des plantes ; le froid la reflerre ; l'excès d’humi- dité rend les plantes hydropiques ; la féchereffe les épuife. La chaleur & l'humidité, tempérées l’une par l'autre, produifent l'abondance, Telle fut chez nous l'année 1728, fort humide, & fans doute la plus chaude depuis un demi-fiècle, C'eft de ces deux élémens que dépend la prodigieufe fertilité des Antilles, & généralement de la ‘Zone torride ; on doit excepter cependant les endroits où l'excès de la chaleur & de l'humidité caufe la putréfaétion. 92. On doit craindre le défaut de ces deux élémens, encore plus que leur excès , & fur-tout celui de la chaleur, Cette combinaifon d'humidité & de froid, eft celle qui femble régner dans les années courantes, où -à peine connoit-on l'été, excepté peut-être l’année préfente (1774). L'année 1751, fuivant l'obfervation de M. du Hamel, fut froide & humide, & ftérile, à caufe de cela, en tous genres de produétions. L'année 1753, au contraire, fut chaude & sèche ; le froment, qui réfifte beaucoup à la fécherefle, n'eut pas des épis nombreux; mais ils furent beaux. 93. Virgile a dit: Humida folflitia, atque hyemes optate ferenas, En fuppofant les qualités naturelles de ces deux faifons, c’eft-à-dire, le froid de l'hiver &t la chaleur de l'été ; on doit defirer aveg SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS: 19 Virgile la férénité de l'hiver & la fréquence des pluies en été. Cette fréquence des pluies eft, fur-tout, très-néceffaire dans les pays où l'on sème le maïs ou grain Turc, comme on le pratique même avec fuccès dans la Lombardie. Cette plante africaine porte une canne pulpeufe qui abforbe une très-grande quantité d'eau ; mais elle ne la digéreroit pas fans une puiffante chaleur ; elle exigeroit une pluie chaque femaine , fur-tout dans les mois de Juillet & jufqu'à la mi- Août, Paflé ce terme , cette plante ne tireroit aucun bénéfice de Iæ pluie (r). 94. Quant à la diftribution des pluies , on doit defirer qu’elle s'accorde avec le befoin & les circonftances. Dans le mois de Juin, on doit fouhaiter des vents frais plutôt que des pluies , car elles avancent peu alors la végétation, & elles font dangereufes après la fleuraifon des blés ; la moiflon demande un tems chaud, &t , comme on l'a dit, des vents frais, les pluies ne devenant néceflaires qu'aux mois de Juillet & d'Aoùût. 95. En général , les pluies du foir ou de la nuit , & celles qui font fuivies d'un tems couvert, font les plus utiles ; car les plantes & les terres les abforbent entièrement. Celles qui arrivent le matin ou en plein jour, & qui font fuivies immédiatement par le foleil, s'évaporent trop tôt, ou caufent une fermentation dangereufe. Les pluies modérées & tranquilles font auffi les plus profitables ; celles qui tombent par averfes s’écoulent fur-le-champ , foulent ou empor- tent la terre , déchauffent la racine des plantes, &c. 96. Les fortes chaleurs , outre le bénéfice que la végétation en retire , en général, font un très-grand bien aux terres labourées , qu’elles réduifent en poufñère, en faifant périr en même-tems les racines de mauvaifes herbes, peut-être même les infetes. Tout cela eft trop clair pour s'y arrêter davantage, 97. On doit craindre quand le printems eft avancé , & en été, le fléau de la grêle , dont les effets ont été expofés ci-deffus. Les oura- gans ont lieu quelquefois vers la fin de l'été ; mais les ouragans & les grêles ne s'étendent pas ordinairement fort au loin , & ne caufent jamais une difette univerfelle. Les deux grands fléaux de la cam- pagne font la fécherefle & la rouille ; c'eft d'elles , prefque toujours, que provienneut les famines. oo om + (1) I y a un proverbe Lombard, relatif à ce que je viens de dire: Së piove per S. Lorenjo, là vien à tempo ; fe piove per la Madonna, ella à ancor buonaÿ fe per S. Bartolamë , foffiale di drè.( Targioni, page 28.) 1777. OCTOBRE. 78 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 6. VIT. De l'Automne. 93. J'entends par automne les trois mois de Septembre ; d'Otto- bre & de Novembre. C'eft une faifon moyenne qui doit paffer avec gradation du chaud au froid, & elle eft d'une grande confé- quence pour les menus grains & pour la vendange. Après les trois pluies du mois d'Août qui fourniffent le meilleur fuc aux raifins, aux fruits & aux grains d’auromne , le mois de Septembre devroit être ferein, fans brouillards, fans gelées, avec une bonne dofe de cha- leur. On recueille les menus grains , les maïs, les raïfins précoces : on commence à femer les feigles, les méteils pour les animaux, & enfuite le grain même. En Oëtobre , on defire une pluie douce pour les femailles , quoiqu’en général il faille du beau tems; mais par malheur dans ce pays, c'elt le mois le plus pluvieux de l’année; ce qui fufpend & gâte fouvent la vendange & les femailles. 99. En Novembre on laiffe volontiers pleuvoir, & on ne fe foucie guères ni des brouillards ni de la neige. C'eft le véritable tems pour planter toutes fortes d'arbres , pourvu qu'on ait la pré- caution de couvrir les plus délicats, afin de les garantir des rigueurs de l'hiver. Les arbres mis en terre avant cette faifon, pouflent quelques racines & fe trouvent difpofés avec la terre à recevoir les premiers mouvemers du printems; accord d'autant plus néceffaire , qu'il eft difficile de le rencontrer fi l'on diffère de planter jufqu'au mois de Mars. 100. Il faut dire un mot de la vigne avant que de quitter cet arti- cle; je n'examinerai point sil eft plus utile de la tailler avant ou après l'hiver ; c’eft une queftion de Botanique , & je ne dois confidé- rer que l'action des météores. Les grands froids font quelquefois périr les vignes , mais jamais les racines ; d'où il fuit qu'il faut feulement , dans ce cas, fe borner à couper les fouches près de terre. Mais après l'hiver, les vignes font fujettes à deux grands défaftres : ce font, 1°. les gelées d'Avril , qui déchirent & gârent les boutons, & ôtent, par wonféquent, toute efpérance de vendange. 2°. Les pluies qui, au tems de la fleuraifon , en Juin, empêchent les raifins de nouer. L’été trop pluvieux ou trop fec, fait romber beaucoup de raifins ; mais la plus dangereufe maladie des vignes eft la brülure. Elle arrive, lorfqu’après une grande humidité , la faifon devient exceffivement chaude. Cette chaleur rétrécit fans doute les canaux qui regorgent de fuc; ce fuc fe gâte, les feuilles & les raïfins même fe defsèchent & tombent. 1or1. Au mois d'Août , la vigne a befoin d'un fuc abondant , car alors elle pouñle les branches à fruit pour l’année fuivante , &t les SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 27ÿ railins commencent à mürir. L'action du foleil eft toujours néce£ faire après le mois d'Août. Si la faifon eft humide & froide , les raifins ne müriflent pas, & pourriflent. Les brouillards accélèrent la maturité , mais ils caufent enfuite la putréfaétion. 102. Les autres fruits font fujets aux mêmes viciffitudes ; ils tom- bent par la féchereffe , ils pourtiffent par l'humidité; fans la chaleur & le foleil, ils n’ont point de goût. 103. Dans les mois de Juillet & d'Août , comme je le difois ci- deffus , les vignes & les arbres fruitiers pouffent les boutons qui doi- vent germer au printems fuivant : les Connoiffeurs conjeëturent , par la groifeur de ces boutons, fi la récolte de l’année fuivante doit être abondante ou pauvre ; & cela devroit fervir de règle pour tailler les arbres fruitiers , afin de laifler les branches fécondes, & couper celles qui font inutiles, Or , la produétion des bons boutons dépend de la qualité de la faifon ; elle doit être chaude & humide en même tems; fans cela, les arbres ne donneroient que des branches à bois, fi l'humidité prédomine , ou des yeux miférables, fi la féchereffe a lieu. Les yeux à fruit prennent leur accroiflement au mois d'Oftobre; s'il furvient du froid , ils reftent imparfaits & foibles |, & ils rifquene d'étregâtés par les gelées: en un mot, ils annoncent une récolte ché- tive pour l’année fuivante. Voilà tout ce que javois à dire de l'influence des météores & des faifons fur les objets principaux de l'Agriculture ; pour terminer la première partie de ce Mémoire. La fuite dans le Cahier de Novembre. PE ae 1777. OCTOBRE. 380 | OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; D OBSERVATION SUR LE THERMOMÈTRE; Par M. DE Servieres, Officier de Cavalerie. Où a lu, dans le Cahier de Juillet dernier , la manière dont l'Auteur prefcrit de placer le Thermomètre. On verra sûrement avec plaifir , les différentes expériences qui confirment la fienne. EXPÉRIENCES Faites à Breft, par M. BLonprau , Secrétaire de l Académie de Ma- rine , fur l'Obfervation touchant la pofition horizontale du Ther- momètre. * AYANT fait part de mon Obfervation fur la pofition horizontale du Thermomètre, à monilluftre Ami M. Blondeau , Profeffeur Royal de Mathématiques ,; & Secrétaire de l'Académie Royale de Marine , à Breft, ce Savant me manda , dans une lettre du 25 Avril dernier , ce qui fuit : Je vais, avec un de mes'Confrères , faire quelques expériences fur votre Obfervation thermométrique , & je vous ferai part des réful- gats. Dans une lettre du 12 Mai, il me difoit : Je fais feul les ex- périences fur vos Obfervations thermométriques ; je vous en rendraë sompte dès qu'elles feront achevées ; mais je commence à craindre que vous ne vous foyiez trompé. Je fis, le 23 Mai , à M. Blondeau , la réponfe fuivante : St les expériences que vous faites au fujet de mon Obfervation fur la pofition horizontale du Thermomètre , ne font pas d'accord avec da théorie , cela me furprendra fort ; en tout cas, je me ferai trompé avec Abbé Deidier. Un de mes amis, à qui j'avois aufft communiqué cette Obfervation , ef de mon avis ; mais il n'a pas fait d'expériences. Au cas que les expériences foient contraires à mon Obfervation , il en fau- dra chercher la caufe , & je crois que la principale doit être l’attraétion que le tube , à raifon de fa capillarité , exerce fur Le fluide renfermé gans le Thermomètre. Madame du Caftellet rapporte , dans fa s Differtation SUR L'HIST. NATURELLE ET.LES ARTS. 28r Differtation fur la nature & la propagation du feu, ( Paris 740 in-8°. page 35, première Partie, 6. VIL. ) une expérience contraire à mes principes. » Deux Thermomètres ; l'un droit, & l'autre renverfé , ayant été » mis dans un tube de verre, & deux globes de fer, rouges & » égaux, approchés à égalë diftance de ces tubes , le Thermomètre ; -» qui étoit droit, monta fenfiblement plus que celui qui étoit renverfé » ne defcendit. Je ne rapporte point le procédé de cette expérience : » ni les autres circonftances qui l'accompagnèrent, On peut les voir » dansles Tentamina Florentina ; mais toutes ces circonftances ten- » dent à prouver que le feu tend naturellement en haut, loin d'avoir » aucune tendance vers le centre de la terre ». Je doute de cette expérience qui mérite d'être répétée. Une lettre de M. Blondeau, du 30 Mai, portoit ce qui fuit : Mes expériences fur votre Obfervation m'ont appris que je me trompois dans ma dernière par un jugement anticipé, & que vous avez grande raifon. Je vous en enverrai le détail inceffamment. Vous pourrez , fi vous le e Ë ; « do Pr î jugez à propos , l'adreffèr , de ma part, à M. l'Abbé Rozier. Enfin , dans une lettre de Breft, en date du 13 Juin, M. Blondeau me dit : À mon avis, l'expérience rapportée par Madame du Chaftellet, ne prouve point ce qu'elle vouloit prouver , parce que le boulet rouge ne faifoit que dilater, en tout fens, le mercure de la boule du Thermo- mètre qui chaffoit devant lui celui du tube. Elle ne prouve-pas plus contre votre belle & très-importante Obfervation , par l'impoffibilité d'avoir deux ‘Thermomètres abfolument comparables ; & deux globes abfolument de même chaleur, &c. &c. J'ai donc pris le parti de com- parer un même ‘Thermomètre de Réaumur , & au mercure, avec un Thermomètre aufJi au mercure, mais fur l'échelle de Fahrenheit, dont je Juis sûr. Le Thermomètre de Fahrenheit eff toujours reffé droit à l'ordinaire ; celui de Réaumur , toujours à côté de l'autre , a été d'abord renverfé pendant quinze jours ; puis redreflé pendant quinge autres. Dans le premier cas, il a conflamment donné plus que dans l'autre, aux mêmes degrés de Fahrenheit : donc, la pefanteur ajoute à l'effet de condenfation , & s'oppofe à celui de la dilatation; cette conclufion me paroît Jans replique. : IL étoit affez indifférent que je priffe , pour comparer à Fahrenheit , un Thermomètre de Réaumur , ou tout autre; mais je l'ai choifi au mercure , parce que le poids de ce métal étant à celui de l'efprit de Tome X » Part, II, 1777. OCTOBRE. Oo 282 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vin des Thermomètres, à-peu-près (1) comme 14 à 1, l'effet de la pefanteur devoit être bien plus grand ; & encore , parce que c'efl vraifem- blablement Le feul qu'on employera par la fuite (2). L'avantage de la méthode que j'ai employée, confifte en ce quelle n'exige pas que les deux Thermomètres foient comparables, ni même qu'aucun des deux foit bien bon; je crois donc que ce qu'elle a donné eft bien concluant. Le petit Tableau ci-joint vous fera voir complettement comment J'ai opéré. Vous y verrez que le Thermomètre de Réaumur a été tenu ren- verfé depuis Le 27 avril 1777 jufqu'au 12 Mai de la même année. La colonne intitulée cal., ef pour Fahrenheit; ce mot fignifie calcul, parce que ce font les nombres de mon Thermomètre fur l'échelle de Fahrenheit, réduits à Réaumur, en retranchant 32 des nombres qu’il donne , & di- minuant Le refte dans le rapport de 13 à 5. Vous verrez encore que le même Thermomètre de Réaumur a été tenu redreflé depuis le 12 Mar 1777 jufqu'au 29 du même mois. Dans cette partie, il y a trois co- lonnes, parce que j'y ai Joint ce qu'avoit donné Réaumur renverfe, lorfque les nombres de Fahrenheit fe font trouvés les mêmes. Il yen «4 même A depuis le 23, parce qu'alors je pris, je ne fais pourquoi , le parti d'y joindre les nombres mêmes de Fahrenheit, ils font dans la colonne La plus à gauche du feéteur. Vous pourrez Les fupprimer ou les reflituer par-tout , au moyen du petit papier Joint au Tableau, & fur lequel ont été faits les calculs. Quelque parti que vous preniez, Je vous prie d'envoyer ceci & le tableau à M. l'Abbé Rozier , parce que cela me paroît très - propre à confirmer ce qu'il a déjà dû imprimer de vous à ce fujet. Dans les deux Tables fuivantes , qui s'expliquent d’elles-mêmes, (1) Selon Muffchenbroeck (*), la pefanteur fpécifique de PEfprit de vin rec- sifié elt o, 866, & celle du Mercure vierge de Tirole 14, 000 , tandis que celle du Mercure de Bretagne n’eft que 13, 593. La différence entre les pefanteurs fpé- cifiques du Mercure & de lEfprit de vin, eft donc un peu plus grande que ne Pa fait M. Blondeau. (2) Tout le monde fait que le Mercure eft plus dilatable & moins gelable que PEfprit de vin. D'ailleurs, au bout de quelques années, l’Efprit de vin des Ther- momètres perd, en grande partie, fa dilatabilité, & dépofe dans la boule une efpèce de boue.» En fuppofant des Thermomètres de Mercure x d'Efprit de vin » qui foit d'accord à la glace & à l’eau bouillante, l'Efprit de vin rectifié, & » capable de brûler la poudre, n’eft qu’à 25° & demi, quand le Thermomètre » de Mercure en marque 30. ( LA LANDE, Abrégé d’A/ironomie, Paris 1774» in-8°., page 53» S.129. ) Les Thermomètres à Mercure doivent donc être ar 4 rés à ceux à l'Éfpra de vin ; auffi, prefque tous les Phyficiens ont abandonné ces derniers. (*) Cours de Phyfique expérimentale & mathématique, traduit par Sigaud de I Fond, Pañis, 1769, en-4°. 3 Vol. tom, 2, pages 278 & 251,6. 1417. En, PREMIÉ Contenant 27 Obférvations fur la marche d'un Thermomètre horizontal , comparée a celle d’un Thermomètre vertical. qe STADE ET PENSE —_— | Jours ET HEURES IDEGRÉS] DEGRÉS DEGRÉS du Ther- | du même du Ther- momètre ÎThermomée- momètre R L DES vertical Ître, réduits pifférence horizontal RE M A Q UES de endegrés de OBSERVATIONS. |ahrenhei de Réaumur. Kéaumur. RE —— FT 27 Avril, 7h. du mat. | 60, o.l 10, 7.1, 10, n°2 î Des € See ON LC 740) 1 CHE EURE 9, 0: 107 h. du mar. } 58, 75.) ro, 3. On 24h. apr. midi.| 60, o.l 10, 7. 10, 8. : Je crois que Fahrenheit a été 29... 7h. du matin. | 59, 5.10, 6H, 10, 3:! eftimé un peu trop fort. 30. .. 9h.du matin. | 58, 25. 10, 1.]+, 10, ©. Î 3 h. du foir. 58, 75.110, 3. TO» M4 | ref. Mai, 73 h. du mat. | 57, 5.) 9, 8. | 9, 8. | 10% h. du mat, | 58, 75.1 10, 3 Lo, 3. } 5%. 70h du mat. | 57-0690 9, 8. | 9 h. du foir. 9, 5.110, 6.14, 3:10, 3. 4... 6ih.dumat. |58, 0.) 10, o. .] 10, o. h. du mat. . 8. CHIC) 1 Es 4 1770: 17 k (É Cette fois trouvé très - in- cliné. L’ayant remis, il eft $-.. 7;hdu mar. |57, ol 9, 6: 2] 9, 4 | venu, comme ce matin, à } 10, 8; la fenêtre étoit ou- « verte. Ainfi il y a peu d’appa- 6.4.7 hdu mat MIO, "oO! rO, 7. 10, 8. rence que ce foit l'effet de la ñ | chandelle ; cependant, un à moment après, j'ai trouvé 93 h. du foir. | 60, o.l 10, 7.]H-, 10, SE Fahrenheit plus haut. 7... 7h. dumat. | 60, oclro, y. 10, 7] Un peu incliné. ; 8... 7 h. dumat. | 57, .s. p 8. 9, 8 MALE ér 25 2 VIS 9... 7h. du mat. | 60, o.| 10, 7. 10, 6. ; 3b.apr.midi. | 64, 5.! 12, $. |], 12,0 4: 83h. dufoir. | 64, o.| 12, 3.4, 3.12 ©. 10. , . 7h. du mat. 61, 25.11, 2.4, 2.| 11, 0. 83 b. du foir. Idem. | Idem. | Idem. | Idem. 11. . . 8h. du mat. (So) 1 CCI 11, erreur, j'ai mis 9, 8 Midi. . . . . | 61, 25. 11, 2.)—, = C1 an 3 2. 12... 7h.dumat. | 63, 7512. 2], 6.|12, 8. Par conjeaure; car, par 3. or RSR. CUESUE CNE TIRE I CE PNR) ST OT VE NRA ENT DSC EP SL RL Il réfulte de ces 27 Obfervations, que les deux T'hermomètres ont été d'accord 8 fois ; que celui de Fahrenheit a été douze fois plus élevé que celui de Réaumur ; & enfin, que celui de Reéaumur a été fept fois plus élevé que celui de Fahrenheir. L'élévation moyenne du Thermomerre de Fahrenheic, à éré de 10, 6 degrés réduits à la divifion de Reaumur , & lélévation moyenne du Thermomètre de Réaumur , aufli de 10, 6 degrés, Bbauabo1121 0] PNbyO; db auopiout uawuwonbjuos 2 2qyua] Std yo ‘ 112419701008 souousexo] enbynd ‘oyul ge u02r412/jQ uow ob 1104 9974 ‘ 2/184014120 7, THE DES “ *1124U21%D.J OP2HQWOUMHTY], NP 9199 oub atout ë] 919 € ‘/nWnrP] 0P JPiu0}n0y 21Heuow124 7, snpuos jnod uo ‘E] °C o] ‘ouop : aH0pÿ2 P[ 2ÈAE PIOSSEP Jo b que le feu remplit l'immenfité de l'Univers ; que cet élément eft le prin- cipe de toutes chofes (2). Le feu & le foleil parurent à d’auñi fages Inftituteurs les fymboles les plus frappans de la Divinité. C’eft uni- quement dens cette idée (3) qu'ils s’inclinoient devant ces êtres & les révéroienr. Avec le tems ce fyftême religieux des Perfes & des Mages s'altéra; l'ignorance , & peut-être un fecret intérêt à la répan- dre , firent dégénérer un culte impofant & fublime en Idolatrie. Les Egyptiens, felon Diogène de Laërce (4) , regardoient la matière comme le principe des chofes. De la matière, difoient-ils, fe font formés les quatre élémens , -& des élémens tout ce qui a vie. Ce qu'ils entendoient par les quatre élémens, eft fpécialement défigné ES Ent (1) Strabon , Liv. 15, pag. 733. (2) Philofophia Mofaïca, Lib. 1 , fol. 73, pag. 74. (3) Hyde Hifforia religionis veterum Perfarum. Diétionnaire critique de Bayle, (4) Diogene de Laërce in proæmi. 1777. OCTOBRE. # 283 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans Diodore de Sicile (1) : c'eftle feu, l'air, la terre & l’eau. Ils paroifloient en admettre un autre univer{ellement répandu ; cétoit ’éther. Quand , du fond de l'Orient, les Sciences fe furent communiquées de proche en proche jufques dans les contrées les plus voifines de l'Europe , la Grèce vit naître des Philofophes. Thalès , né à Milet 641 ans avant J. C. fut le premier qui vint , après de longs voyages entrepris dans la vue de s'inftruire, établir une école de Philofophie dans fa Patrie. Ce qui nous eft parvenu de fes opinions, femble prouver la préférence qu'il donnoit aux dogmes Indiens : foutint que l'eau étoit le principe des Corps qui compofent l'Univers (2), qu’en étant tous formés, ils pouvoient tous fe réduire à cet élément. Les raifons , dit Plutarque (3), qui le confirmèrent dans cette conjec- ture font, en premier lieu ,-que l'humidité eft néceffaire au déve- loppement des plantes & des animaux , qui dépériffent entièrement quand ils font dépourvus d'humidité ; en fecond lieu ; que lefeu du foleil & des aftres trouve un aliment dans l’évaporation continuelle des eaux; enfin, l'autorité d'Homère, dans les Poéfies de qui l'on voit que l'Océan donna naiffance à tous les êtres (4). Cette opinion alors généralement reçue dans l'Inde , loin de s'être répandue chez les Grecs, femble avoir éprouvé des contradiétions dès fa naiffance. Prefque dans le même tems, Phérécyde de Syros donnoit à la Nature, la terre pour bafe(s) & pour principe unique. Anaximandre même, difciple & fucceffeur de Thalès, dans l'école Tonienne, s’écarta de la doctrine de fon Maître fur les élémens ; il enfeigna que l'immenfité ou l'infinité de la Nature, eft le principe de tout , que tout venoit d'elle , fe décompofoit & s’anéantifloit dans elle ; que la nature, éternellement immuable , n'éprouvoit des changemens que dans fes parties ; qu'elle n'étoitinfinie que pour fournir à la reproduétion con- tinvelle des êtres. Mais il ne fixa point , comme l'ont ot fervé Dio- gène de Laërce (6) & Plutarque (7), ce que c’eft que cet infini : fi c’eft de l'air , de laterre , de l'eau , ou quelqu’autre chofe. Sans doute , qu'Anaximène avoit été frappé du vuide que laiffe dans (1) Diodore de Sicile, Liv. 1, Ch. 2, p. 7. (2) Diogene de Laërce, Liv. 7. (3) Plutarque de Plaiitis philofophorum, Liv, &. (4) Iliade , Liv, 14. (5) Diogene de Laërce, Liv. x. (6) Ibid. Liv. 2 (7) Plutarque de Placitis phil, Liv, s, l'efprit j SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 289 l'efprit un pareil fyftême. 11 le rejettat malgré le penchant qu'il dût avoir à adopter les goûts & la façon de penfer d'Anaximandre, dont il fuc le difciple & l'ami : pour donner de l'élément primitif uni- verfel , une idée moins vague & moins indéterminée , il imagina que l'air (1 ) étoir le principe & le terme de diflolution de toutes chofes ; idée que Diogène d’Apollonie, fon difciple , crut merveilleu- fement expliquer au moyen de la condenfarion & de la raréfaction de l'air (2) qu'il avoit obfervées. Le Poëte Onomacrite | contemporain d'Anaximène , étoit bien moins éloigné du vrai , lorfquil difoit que tout eft compofé de trois élémens , le feu , la terre & l'eau (3). Il feroit intéreffant , fans doute , d'être inftruit des preuves de fait & des raifonnemens , dont chacun de ces Philofophes étayoit fon fyf- tème, mais les Philologues ne les expofent prefque jamais ; auffi , rien n’eft-il moins connu, rien n'eft-il plus fuccinét que l'hiftoire de la Philofophie ancienne, fi ce n’eft peut-être l'hiftoire des Rois de l’antiquité. Peu d'années après la profcription d'Onomacrite , Anaxagore vint étonner Athènes par la fingularité de fa conduite & de fes dogmes. Ce Philofophe , Auteur du fyftème des homæomeries & l’homme le plus extraordinaire de la Grèce , fut accufé d'impiété pour avoir publiquement enfeigné qu'une Intelligence fuprême avoit imprimé le mouvement à la matière & débrouillé le cahos. Fugitif & condamné à mort, il termina fes jours à Lampfaque, au milieu d'un petit nombre de difciples , dont aucun n'eut le courage de perpétuer fa doétrine ; tandis que les Athéniens , par un retour bizarre , faifoient élever des autels fur fon tombeau. Peut-être, n'eft-il pas moins fingulier de voir que le fyftème des homæome- ries , abandonné dès fa naïfflance & combattu de fiècle en fiècle par les Philofophes ; ait trouvé , de nos jours, un défenfeur. M. l'Abbé le Batteux (4) a ramaflé les débris épars de ce fyftème , & l'expofition qu'il en fait, différe beaucoup de celle qu’en a donnée Lucrèce (5) plus de deux mille ans auparavant. Sans entreprendre de difcuter qu'elle eft la plus vraie des deux expofitions & la moins altérée , fans foupçonner de la mauvaife foi d'une part, & de l'autre, une prévention trop favorable , je m'en tiens au réfumé qui (1) Ibid, Liv. 1. (2) Diogene de Laërce, Liv. 9. (3) Sextus Empiricus Pyrrhon. hypoth. Lib. 3, Ch, 4. (4) Mémoire de l’Académie Royale des Infcriptions & Belles.Lettres, Tome #42; (5) Lucrece de rerum naturä, Liv. 1. Tome X , Part. II. 1777. OCTOBRE. Pe 290 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, yenge Anaxagore du ridicule anciennement répandu fur fon fyf- tème. La Nature entière eft partagée en deux efpèces d'êtres , dont les uns font vivans, les autres ne le font point. Pour les êtres vivans, Anaxagore fuppofe une matière particulière commune à tout ce qui vit & végète » c'eft le protée des Poëtes philofophes, la matière organique d'un célèbre Ecrivain de nos jours. Quant aux êtres non vivans, qui ne conftituent que des males toutes pañlives de parties fimilaires & diffimilaires ; c'étoit un amas immenfe , immobile & confus de parties déterminées chacune dans leur efpèce ; lorfqu'ii plut à l'intelligence infinie de leur donner le mouvement , & de leur affigner la place qu'elles occupent dans l'Univers. Il y avoit autant de parties diffimilaires ou d’atomes différens , qu'il y a de natures élémentaires inaltérables : l'or , le fer, le plomb , l'air; l'é- ‘ther , l'eau , la lumière , l'huile, la terre , le feu, la matière végé- tale , & d’autres natures en nombre indéfini. Ainli, malgré les efforts qu'on a pu faire pour réduire à un moindre nombre ces différens atomes, le Chymifte trouve toujours ; dans l'opinion d'Anaxagore , les élémens primitifs beaucoup trop multipliés relativement aux corps fublunaires. Dans les natures élémentaires inaltérables, il voit des fubitances qui s’altèrent, qui fe décompofent ultérieurement, & qui ne fontpoint, en confequence, de vrais élémens ; enfin, il n’apper- çoit , dans tout ce qui nous eft parvenu du fyftème des homæomeries, aucune connoiffance fuffifamment approfondie fur la mixtion des Corps. Mais, au lieu de développer ici ces notions , pourfuivons l'hiftoire des Syftèmes. Dès qu'Anaxagore fut mort ; Archelaüs , l'un de fes difciples, tranf- porta l'École ionienne dans Athènes. La crainte d'y réveiller l'ef- prit de perfécution ; peut-être aufñ la pañion d'innover, le décidè- rent à s'écarter de la doétrine d'Anaxagore. Si l'on veut croire quil ne rejetta pas en entier le fyftème des homæomeries , du moins, eft-il conftant qu'il le défigura abfolument fur un point fondamental : il foutint que l'air infini , la condenfation & la raréfaétion de l'air ; l'une, le feu ; l'autre, l'eau , étoient les principes univerfels (1). Ce qui prouve qu'il admettoit l'air pour matière première , & le feu & l'eau pour élémens fecondaires (2). À cette époque, la Philofophie des Grecs avoit beaucoup d’admirateurs dans l'Italie; la mémoire de Pythagore y étoit récente, & l'on y refpeétoit jufqu'à fes erreurs , dont on ne fut s'affranchir enfuite que par de nouveaux écarts. Ce (1) Plutarque de Placit. phil, Lib, 1. (z) Diionnaire de Bayle: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 291 Philofophe avoit reconnu que la monade ou l'unité étoit le principe de tout, que d'elle étoit fortie la dyade ou dualité , indéfinie efpèce de fujet ou de matière indéterminée , dont fortirent fucceffivement les nombres, les points , les lignes , les furfaces , les figures , les folides , les élémens, tels que le feu , l'eau , la terre & l'air, le monde, enfin, vifible (1); d'où il réfulte que la différente confi- guration de la matière a produit les élémens. Auf , difoitil que la terre étroit formée du cube; de la pyramide , le feu; de l'oétaëdre, l'air ; de l'icofaëdre , l'eau ; & du dodeocaëdre, la furème fphère de l'Univers (2). Il y auroit de l'injuftice à juger des connoiflances de Pythagore, d'après un dogme auffi chymérique (3); n'oublions pas qu'il donna l'idée du vrai fyftème du Monde. Lorfqu'on retrace des erreurs qui femblent jeter du ridicule fur de grands Hommes , feroit-ce une digreffion de rappeller les découvertes utiles & les grandes vues qu’on doit à leur génie ? Ocellus Lucanus , nourri dans l'Ecole de Pythagore, imagina d’au- tres fubuilités fur les élémens. Elles nous font parvenues en entier dans un Traité fur l'Univers , qui joint au mérite d’être écrit avec précifion, le mérite moins réel d'êtrele plus ancien de tousles Ou- vrages qui nous font reftés des Philofophes grecs, & d’avoir fervi de fondement au Péripatéticifme qui, durant plus de vingt fiècles , a fubjugué la raifon. Suivant Ocellus (4), dansla partie du Monde qui eft foumife à la génération , il eft néceffaire qu'il y ait trois chofes. La première, eft Ia fubftance fondamentale de la nature ta@ile , qui fe trouve dans tout ce qui va à la génération : c’eft un être qui reçoit toutes fortes de formes , une cire qui fe prête à tout , qui eft aux autres produits ce que l'eau eft aux faveurs, le filence au fon, les ténèbres à la lumière , la matière à l'art ; l'eau , qui par elle- même eft fans goût & fans qualités , prend le doux ou l'amer, le fade ou le piquant ; l'air non frappé eft prêt à rendre le fon , la parole, le chant ; les ténèbres fans couleurs & fans formes font difpofées à prendre le rouge , le jaune , le blanc; & le blanc peut (1) Diogene Laërce. (2) Plutarque de Placit. phil. Lib. 2. (3) Simplicius, Philofophe péripatéticien, qui vivoit dans le cinquième fiècle, a dit que les anciens Philofophes employoient fouvent des termes énigmatiques pour couvrir leurs véritables opinions, On a cru par-là juftifier Pythagore : mal. heureufement, lhiftoire de quelques opinions modernes prouve que celle-ci n’efk pas infoutenable, (4) Voyez la Tradu&tion qu’en a faite le favant Abbé le Batteux, dans le Tome 50 des Mémoires de l’Académie Royale des Belles-lettres. 1777. OCTOBRE, P pa 192 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, être employé dans divers arts. D'où il faut conclure que tout eft en puiffance dans le fujet avant la génération , & qu'il a reçu , ce qu'on appelle une nature. La feconde chofe néceifaire , eft la contrariété des qualités pour opérer les alrérations & les change- mens de nature dans le moment où la matière reçoit une affeétion & une difpofition nouvelle. Ces qualités font le chaud , le froid, le fec & l'humide. La troifième chofe , font les ellences à qui appar- tiennent les qualités : c’eft le feu, l'eau , l'air , la terre qui différent de leurs qualités ; car les effences fe détruifent les unes par les autres dans le lieu , mais les qualités ne fe détruifent ni ne fe pro- duifent ; ce ne font que des rapports ou des manières d'êtres. Je n'oferois poufer plus loin cette expofition d'Ocellus fur la nature des Corps. Sans entièrement oublier ce qui elt dû aux premiers fiècles de la Philofophie, on s'eft permis dans le nôtre, le dégoût le plus vif pour des opinions autrefois adoptées par la multitude & commentées par des hommes de génie ; mais ces mêmes opinions, qu'il eût certainement fallu rejeter dès qu'elles furent érigées en dogmes , méritent-elles moins aujourd'hui d’être rappellées , qu'une foule de projets ambitieux, qui n'eurent jamais la moindre influence fur les hommes , qu'une foule d'évènemens obfcurs , livrés aux difcuffions & aux conjectures de l'Hiftoire. Déjà, on a pu obferver que tandis que les Prêtres Egyptiens, Ana- ximandre , Pythagore , Ocellus , fe livroient à des abftraétions fur un objet de Phyfique réelle, & qu'ils fe jettoient dans l'Univers métaphi- fique, un plus grand nombre de Philofophes avoient eu recours à des principes fenfibles pour fe former une idée de la compofition des Corps. Tels furent encore Hippafe de Méraponte & Héraclite d'Ephèfe (r) qui regardoient le feu comme élément primitif. Le pre- mier avoit fuivi les leçons de Pythagore & ne laiffa point d'écrits ; Yautre ne dut qu'à lui-même la célébrité qu'il mérita par des Ou- vrages, dont on n'a plus que des fragmens. Peut-être l'axiome fon- damental de fa Phyfique fut - il puifé dans la doctrine qu'avoient tranfmife les anciens Mages. Il femble, du moins, qu'on eft en droit de le penfer , lorfqu'on voit les relations qu'il eut avec les Perfes, & le refus infulrant qu'il fit de fe rendre à la Cour de Darius, qui l'y appelloit avec ce vif empreflément qu'ont infpri quelquefois aux Souverains l'amour des Lettres & ceux quiles cultivenr. Le feu, difoit Héraclite , eft le principe de tous les êtres (2). Les parties de cet élément éteintes , condenfées , de nouveau raréfiées, &t longs oo ONE TE PO © (1) Plutarque de Placit. phil. Lib. 1. C2) Diogene de Laërce, Liv. 0. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 29 tems dénaturées par des tranfmutations fuccefives, ont enfin pro- duit l'Univers, D'abord, un feu condenfé devint fluide & forma l'eau ; une eau plus denfe fut changée en terre; l'eau réduite en va- peurs, fut de l'air. Dans la fuite des âges, le monde entier fera coniumé par le feu. On eft peu furpris qu'un efprit chagrin, mélan- colique & plein d’averfion pour les hommes, ait vu, dans l'avenir , la deftruction de l'Univers. Xénophane , né dans la Grèce, répandoit alors en Sicile un fyftème différent. Ce qu'on en fait fe réduit à dire que tout provient des quatre élémens (r) qui fe combinent pour former le globe que nous habitons. Ce point de fa Phyfique n’eft pas le feul que puifle avouer la Philofophie de nos jours. Outre le mérite attaché aux découvertes utiles, ce Philofophe eut encore l'honneur que les Chefs de Scétes ont toujours envié, celui de fonder une Ecole nombreufe & feconde en Grands-Hommes. De l'Ecole qu'il fonda, fortirent fucceflivement Parménide , Empédocle , Zénon, Leucippe , Démocrite, qui fe diftinguèrent par des idées nouvelles fur les élémens. Parménide ré. duifit à deux les quatre élémens de Xénophane, le foleil, l'homme ; tous les êtres, enfin, de la nature n’eurent plus pour principes, pour première origine , que le froid & le chaud , ou la terre & le feu (3). Ainfi l'erreur fut auffi-tôt fubftituée à la doétrine la plus vraie qu’on eût encore expofée, mais à laquelle l'ignorance où l'on étoit des faits chymiques les plus décififs, ne laiffoient d'autre valeur que celle d'une fimple conjeëture. Si, dans l'éloignement où nous vivons, des tems les plus floriffans de la Grèce , nous n'étions atentifs à rap- procher ce qu'ont avancé les divers Philologues, nous ferions fouvent induits en erreur. Peut-être croiroit-on, fur quelques autorités , que Empédocle & Zénon d'Elée ne tardèrent pas à rétablir la doétrine qu’avoit altéré Parménide leur Maître. Zénon réunit au froid & au chaud l'humide & le fec; mais il‘regardoit les deux derniers, c’eft- à-dire, l'eau & l'air, comme des principes fecondaires qui réful- toient des deux autres, de la terre & du feu (3). Zénon fut, d'ail. leurs, trop occupé de la Dialcétique, de cet Art infidieux & vain, qui confifte à difputer fur tout, fans pouvoir rien éclaircir, pour qu'on doive préfumer qu'il ait jamais eu l'idée de rien ajouter aux connoiffances phyfiques qu'il tenoit de Parménide. Empédocle re- connut aufli les quatre élémens vulgaires; mais il prétendoit que les | (TT (1) Diogene de Laërce, Liv. 9. (2) Ibid, Liv. 9, (3) Ibid, Liv. 9. 1777. OCTOBRE. 294 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, élémens eux mêmes étoient compofés de corpufcules primitifs, comme on peut aifément le prouver par des paflages de Stobée (1) & de Plutarque (2). Quant à l'analyfe particulière de certains Corps, il penfoit que la chair eft compofée d'une portion égale des quatre élé- mens , les nerfs, de feu, de terre &t de deux parties d'eau (3); les os lui paroïfloient être compofés de parties égales d'eau & de terre, ou plutôt en être fiabondamment pourvus, que ces élémens y pré- dominoient fur les autres. Toutes ces connoiflances, quelques im- parfaites qu'elles fuffent, fuppofent du moins qu'on avoit déjà affayé un petit nombre de travaux chymiques, dans la vue de déterminer la mixtion & la compofition des Corps. Dans un Poëme que les An- ciens ont beaucoup loué, Empédocle expofoit fort au long fa doc- trine fur ce point. C'eft là que, par une bizarrerie alors à la mode, il enveloppa, fous des termes allégoriques , la connoiffance qu'il avoit acquife du principe univerfel de l'attraction (4). Bien des vérités im- portantes ont été preffenties ainfi long-tems avant qu'on ait pu par- venir à les démontrer. La Philofophie d'Empédocle étoit bien au deflus de tous les fo- phifmes de Zénon. Leucippe s'en apperçut, À& fe livra tout entier à l'étude de la Phyfque. Il imagina l'atomifme & les tourbillons. On avoit, avant lui, reconnu dans les Corps un amas de particules: primitives ; mais il fut le premier qui, dans leur combinaifon, leur figure, leur mouvement, vit la caufe univerfelle de tout ce qui exifte. Ciceron même n’a pas craint de rejeter comme fufpeë le témoignage de Poffidonius , qui prérendoit qu'originairement cette opinion étoit venue de Phénicie, ou dès avant le fiège de TFroye. Mofchus, Philofophe affez peu connu, l'avoit répandue (5). Quoi qu'il en foit de fon origine, ce fyftème remanié par de Grands- Hommes, a reparu toujours avec éclat. D'abord , Eeucippe enfeigna: qu'une infiaité de corpufcules répandus dans un vuide infini, confti- tuent l’efpace ou l'univers (6). Ces corpufcules qui, dans le vrai, doivent être pris pour un amas de fubftances diverfes , puifque leur figure eft différente & leur nature inaltérable , à raifon de fa fim- plicité, entraînés par un mouvement général autour d'un centre commun , fe rencontrent, fe heurtent, fe féparent & s’uniflenr. (1) Stobée Eclogæ phyfica. (2) Plutarque de Placit, phil. $. de mixtione. {3) Galien de femine & de hiftoria phil. (4) Plutarque de Placit. Phil, Lib, 1. {s) Dicionnaire de Bayle. (6) Diogene de Laërce, Liy. SUR L’HIST.NATURELLE ET LES ARTS. 29% Ceux qui font d’une forme femblable, fe combinent , & fans ceffe expofés à des chocs, forment des tourbillons particuliers & des mondes multipliés à l'infini : leurs parties les plus fubriles s'élancent au dehors , vers les efpaces vuides ; les autres tendent vers le centre, s’y réuniflent , s'y preffent : cette mafle devenue de plus en plus denfe, attire dans la fphère de fon aétivité de nouvelles parties, & retient celles qui s'y font engagées. De là naïiffent les quatre élé- mens , la terre & les aftres. À travers ce fyftème que nous a con- fervé Diogène de Laërce , on ne peut méconnoître le grand principe de Méchanique qui, dans la fuite, a fervi de bafe au Cartélia- nifme (1), & qui rend raifon de la gravitation des Corps, par la force centrifuge du tourbillon ; explication qu'on a mife au rang des plus belles & des plus ingénieufes hypothèfes que la Philofophie ait jamais imaginées, L'indeftruétibilité , la folidité abfolue , la diverfité de figures & le mouvement, font les attributs que Leucippe donnoit aux corpufcules. Démocrite alla plus loin, & foutint qu'ils étoient animés (2); mais il ne fe borna point à ces fpéculations ftériles; & fans vouloir ici lui fuppofer des connoiffances qu'il n’a pu avoir , & le reconnoître pour J’Auteur de quelques Ecrits pfeudonymes de Chymie (3), on ne peut lui refufer d'avoir entrevu l'importance , l'étendue, la néceflité d'une Science qui, dans le vrai, n'exiftoit point encore , puifque les opé- rations chymiques, quoiqu’auñi anciennes, pour la plupart , que les Arts & les befoins de l'homme, n'étoient cependant que des pro- cédés ifolés & grofliers , dont on n’avoit pas apperçu l'enchaïnement & les rapports. Ce que les Ecrivains nous ont indiqué des recher- ches, des découvertes mêmes de Démocrite, doit nous faire pré- fumer qu'il eut auûfi la curiofité purement philofophique de cher- cher, par des expériences, quelle pouvoit être la compoñition des Corps. Il vit qu'il falloit néceffairement admettre des corpufcules inaltérables ; mais en aflurant, comme Leucippe , que leur figure varioit à l'infini; c'étoit multiplier les principes ou fubftances inalté- rables à l'infini; fuppofition peu propre à tout expliquer, & bien éloignée de ce que les fens nous ont appris. Métrodore de Chio fon difciple, au lieu de conferver le nom de pleins aux corpufcules , leur donna celui d'indivifibles, parce qu'ils fe refufent en effet à toute divifion (4). Ce ne fut que plus d'un fiècle après, qu'Epicure oo EE 7 I NS (1) Didionnaire de Bayle, (2) Ibid. (3) Vander Linden de feripsis Médicis, Theod Therap. (a) Theodor 4 Thersp :777. OCTOBRE. “ 296 OBSERYATIONS SUR LA PHYSIQUE, adoptant ce fyftème, les défigna du nom d'atomes , & voulut ajou- ter la pefanteur aux attributs qu'ils avoient déjà (1): par ce moyen, il expliqua le mouvement des atomes, dont la direction , s'il faut l'en croire, n'étoit point parallèle entreux, mais un peu conver- gente, quand ils s’arrangeoient pour la formation du monde. C'étoit dans des jardins délicieux qu'Epicure donnoit des leçons de Phyfique, & qu'il dictoit une morale conforme aux fentimens de la nature : auf, le nombre de fes feétateurs devintil prodigieux. Cependant fa Philofophie n'étoit pas la feule alors qu'on diftinguât dans la Grèce (2) & qu'on eftimät en la décriant. Le Péripatéticifme avoit “paru; Ariflote avoit éré perfécuté ; mais il laifloit une Sete après lui, qui reprit de nouvelles forces , & le vengea bien par les perfé- cutions qu’elle fit éprouver à fon tour, lorfque fes dogmes les moins folides, adoptés, après plufieurs fiècles , par les Arabes , & tranf- portés avec eux dans l'Occident de l'Europe, furent enfin devenus le plus ferme appui de la Scholaftique : la matière, la forme & la pri- vation, tels font les principes des Corps qu'on reconnut avec Arif- tote (3). Il n'avoit pu mieux définir la matière, qu'en fe conformant à ce qu'en avoit dit Ocellus. Il appella la forme , ce qui modifie la matière, fabftance des êtres, ou ce qui les fait en particulier ce qu'ils font; & la privation, un retranchement de la forme & des accidens de la matière. La privation & la forme faifoient donc exifter les quatre élémens des Péripatéticiens, & les faifoient pafler continuellement d'un état dans un autre. Des fubrilités aufli frivoles , traitées dans des volumes in-folio, & les catégories , autres fortes d’abftraétions fur la penfée, plus inintelligibles encore, firent entièrement oublier les apperçus & les obfervations phyfiques, dont quelques-uns des Ouvrages d’Ariftote font remplis. On vit les Péripatéticiens Arabes fe divifer dans leurs Commentaires, & les Scholaftiques fe livrer à des difputes interminables fur les formes fubftantielles; deux partis op- pofés, les Réaliftes & les Nominaux (4), fe haïr & fe battre pour des EEE (1) Plutarque de Placit. Lib. 1, de principiis. (2) On ne doit pas s'attendre à trouver ici les noms de Socrate, de Platon, & de quelques autres Philofophes. L’examen hiftorique des opinions fur les prin- cipes des corps, n’eft pasune hiftoire complette de la Philofophie ; maisla crainte d'être inexa&, m’oblige à rappeler des noms vraiment obfcurs:Sextus Empiricus ( Adverfis Mathematicos, page 307 de corpora, )a fait mention d’un certain frippor &x d'Œnopides, dont lun admettoit pour premiers principes le feu & l’eau, l'auttre, le feu & l'air. (3) Ariflote opera omnia pafsim. (4) La difpute entre les deux fetes, ou branches péripatéticiennes, fut fi vive, au’on en vint aux mains en Allemagne, & qu'en France, Louis XI fut obligé chimèrese SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 297 chimères. Peut-être difputeroit-on encore, fi Defcartes n'avoit enfin oppofé une Philofophie nouvelle à celle qu'on cultivoit depuis tant de fiècles, & qu'une aveugle admiration , dont on a peine à fe défendre pour l'antiquité, garantifloit toujours des atteintes que plufieurs efprits judicieux avoient ofé lui porter. Deicartes (1), après avoir nié l'exiftence & la pofibilité du vide , & défini la matière uniquement par l'étendue, la fuppofa divifée en trois élémens , dont il affigne l’ordre de génération, la figure & les qualités fenfibles. Matière fubtile | globuleufe & rameufe, ou l'être lumineux , tranfparent & opaque. C’eft avec ces matériaux tranfbortés & dirigés par des lois de Mécanique , qu'il conftrufit l'Univers. Au commencement , toutes les parties de la matière éroient d'une grandeur égale ; mais dès qu’elles eurent été mifes en mouvement chacune fur fon propre centre, elles fe brisèrent par le frottement. Les parties les plus fubtiles furent détachées des autres par la violente agitation du tout, & pouffées en ligne droite pour former le foleil & les étoiles fixes ; d’autres parties extrémement déliées auffi, d'une forme fphérique, d'une quantité déterminée , & par cette raifon , encore divifibles , furent pouflées par des chemins obliques , pour former les cieux & les tourbillons. Enfin , les parties groflières qui refloient, étant moins propres au mouvement à caufe de leur groffièreté & de la différence de leur configuration , durent néceflairement s'accrocher , fe lier enfemble pour former notre globe; les autres planètes & les comètes. Quoique notre terre foit principalement formée de la matière opaque du troifième élément , il entre cependant, dans fa compoñition, beau- coup de parties du premier, tant vers le centre de la terre que vers fa fuperficie, fur laquelle cette partie fi fubtile eft continuellement élancée par l'aétion du Soleil. Defcartes , dans une longue fuite de raifonnemens & de fuppofitions , dont l'enchaînement étonne , déduit encore de festrois élémens primitifs, l'origine & les propriétés de l'air , du feu , de l’eau, de tous les mixtes & de beaucoup de phénomènes généraux dans la nature. Une Philofophie qui , d'abord avoit affiché le doute mérhodique, & qui finifloit enfuite par tout expliquer , devoit tôt ou tard être accueillie, & l'on conçoit aifé- ment pourquoi dans les Ecoles on l’embraffla de préférence aux dogmes d'Epicure qui, dans le même tems, furent renouvellés & de défendre la leture des Livres des Nominaux. Rucelin & Ocham étoient fes chefs de ce dernier parti. Scotfe diftingua à la tête des Réaliftes, (5) Principia Philofophia naturalis, Tome X , Part, IL. 1777. OCTOBRE. Qa 298 OBSERVATIONS SUR LA PHVSIQUE ; défendus avec force , par l'éloquent & vertueux Gaffendi(1) , dont le nom eft plus cher à la Provence , depuis qu'une célèbre Académie & le public, ont applaudi à fon éloge (2). Ces Grands-Hommes qui venoient d'opérer une révolution utile aux progrès des Sciences , furent bientôt attaqués dans leurs propres opinions , & jugés avec la même liberté de penfer, dont ils avoient montré l'exemple. Les Phyficiens ne furent pas tous également fatisfaits de la manière dont Defcartes & Gaflendi confidéroient les principes des Corps, & l'on vit paroître encore deux fameux fyftèmes : ce font ceux de Boyle & de Leibnitz. Boyle , après beaucoup de réflexions & de recherches, crut avoir dévoilé la nature & trouva beaucoup de Partifans. Loin d'admettre un certain nombre d'élémens primitifs, & d'avouer la diftinétion lumineufe qu'on avoit déjà fair en Chimie des principes des Corps & des Elénens, ce Phyficien aura (3), que la matière de tous les êtres eft une même fubftance étendue, divifible , impénétrable ; que les feules modifications dans la grandeur , la figure, le repos , le mouvement & la pofition refpeétive des parties , forment la dif- férence des Corps de la nature , où l’on ne peut trouver d’élément inaltérable. Certe doctrine bien moins raifonnable que toutes celles qui fuppofent dans la matière des parties inaltérables , n’étoit pas abfolument nouvelle. Mais, en l’appuyant fur une fuite d'expériences chimiques , il lui donna tout le prix de la nouveauté, & une foli- dité apparente qui féduit encore beaucoup de Phyficiens. Cependant, après avoir lu divers Ecrits de Boyle , où font expofées fes vues fur la nature des Co:ps & fes objections contre d'autres fyftèmes mieux prouvés mais peu connus, on convient fans peine , avec fes anciens Adverfaires , que les expériences , en faveur de fa théorie, font illu- foires ; qu'il n'auroit pas dû décrier les Chimiftes en profitant de leurs travaux, & moins encore leur reprocher à eux feuls Le goût des hypothèfes , dont il étoit facile de prouver que la phyfique avoit été dans tous les rems plus avide ; enfin, que fes objections mêmes contre la doctrine chimique & contre fon utilité, montrent aflez qu'il n’avoit pas toujours entendu ou qu'il avoit affecté de ne pas entendre leur langage. Quoique Boyle ait adopté des erreurs contre lefquelles on eft aujourd’hui prémuni , convenons pourtant qu'ila , {ur fes Prédéceffeurs, l'avantage d’avoir difcuté l'une des queftions (1) Gaffendi opera omnia. (2) Eloge de Gañlendi, par le R. P. Menc , couronné en 1767 par l’Académie de Marfeille. {3) Boyle feptical Chimift. of origine of forms and qualities, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 299 les plus importantes de la Philofophie naturelle par la feule voie qui pouvoit être utile, celle de l'expérience. Il s’en faut bien que Leibnitz ait traité cet objet de la même manière (1). Son efprit mé- ditatif & profond s'égara fur les traces de Pythagore. La matière n’eft point un être aflez fimple , aflez décompofé , qui puiffe donner, par Jidée qu’on s'en forme ; la raifon fuffifante de fa propre exiflence & de celle des Corps; or, rien n'exiftant fans une raifon fuffifante, il faut , difoit Leibnitz , puifqu'il y a des compofés , qu'il y ait auffi des êtres fimples : ce font les unités ou monades. Chaque mo- nade en particulier , parce qu'elle eft fimple , n’a ni parties, ni étendue, nilieu, ni mouvement; rien de tout cela ne lui peut conve- nir. Ce qui la diftingue pofitivement , ce font des perceptions qui repréfentent l'Univers , & une force qu'elle a pour les produire. De ces perceptions ou repréfentarions différentes , dont chaque mo- nade eft fufceptible, réfultent des rapports généraux entre toutes les monades, & ces rapports changent continuellement en fuivant les lois d’une harmonie préétablie. Dans ce fyflème , comme dans tous ceux où fe préfentent des expreflions vagues , fans idées fixes & déterminées , on reconnoît bien évidemment que l'abus des abftrac- tions & des mots , a toujours été la fource deserreurs les plus accré- ditées. Lorfque Leïibnitz & fes difciples ont affigné les unités ou monades pour élémens des chofes, lorfqu'ils ont dépouillé ces mo- nades de tous les attributs qui conviennent à des Corps pour les dé- finir par des perceptions & par une force qui leur eft propre, ont-ils réellement offert à l’efprit un objet fixe & déterminé? n'ont-ils pas réalifé des abftraëtions , abufé de quelques mots qui , paffant du fens propre au figuré , ne font plus que des métaphores abfolument vides d'idées & fans objet ? N'eft ce pas comme s'ils s'étoient bornés à dire qu'il y a de l'étendue , parce qu'il y a quelque chofe qui n’eft point étenda; qu'il y a des Corps, parce qu’il y a quelque chofe qui n'eft pas corps ? Les Egyptiens avoient donné le premier exemple d'un vice de raïfonnement aufli repréhenfible , & les Phyficiens mo- dernes, après bien des détours, fe font trouvés au même point d'où ceux-là font partis. Îls n'ont pas foupçonné que la matière indéter- minée , de quelque manière qu’on veuille la définir , eft une notion abftraite qui fe forme en ceffant de penfer aux qualités diftinétives des Corps , pour ne confidérer que leurs propriétés communes & générales , qu'ils déduifoient, par conféquent , l'origine des Corps d'un principe qui n’a point d’exiftence réelle hors de l'imagination, (1) Voyez fes Ecrits de Méraphyfique, Recueil publié à Amfterdam en 1720; 2 VO, in-12, 1777. OCTOBRE. Qagz 30 OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE ; dont ileft l'ouvrage. C'eft cependant par-là que les Phyfiens on ouvertement attaqué le Leibnitifme. Hartzoëker | entre autres , écri vit contre cette doëtrine, qu'il appella les imaginations creufes & chimériques de M. Leibnitz. Un ton de critique auffi amer n’étonne plus, quand on fe rappelle qu'Hartzoëker avoit auñli pris la peine d’é- tablir un fyftème fur les principes du monde (1), & qu'il n'eut pas le plaifir de compter un fuffrage en fa faveur. Ses obfervations microf- copiques l’avoient conduit à penfer qu'il voltige dans les airs uneinfi- nité d’animalcules primitif , que l'homme & les animaux prennent ou par refpiration , ou avec les alimens, & qui viennent fe rendre aux organes pour fervir à la propagation des efpèces. Remontant enfuite aux principes univerfels, il diftingua deux élémens ; l’un, entièrement homogène , toujours en mouvement & parfaitement fluide ; l’autre , compofé de divers petits corps abfolument durs & inaltérables , qui , nageant dans le premier élément , forment , par leur rencontre & par leur affemblage, les Corps de l'Univers. Ce fyftème, le dernier qu’aient imaginé nos Phyficiens moder- nes (2), & certainement le plus mal accueilli, valoit portant bien la plupart de ceux que les Ecoles de Philofophie ont fucceffivement adoptés. On avu,par l'expofé précédent,que toutes ces opinions roulent fur un petit nombre d'idées générales ; & il femble que les Auteurs depuis long-tems, ont pris à tâche d'en épuifer toutes les combinai- fons poñlibles, en admettant , tour-à-tour , pour principes des corps, la matière homogène ou compofée de fubftances diverfes, chacun des quatre élémens vulgaires, plufieurs de ces élémens, ou tous en- femble. Il n’eft pas étonnant que les Chefs de Seëte fe foient plus ou moins livrés à cette manière vague de Philofopher; le plaifir oifif de la méditation , entraîne les grands génies, & l'extrême facilité avec laquelle l'efprit le plus ordinaire peut s'ouvrir à de femblables idées , leur a valu des Sectateurs fans nombre. Ces Sectateurs ardens les euffent abandonnées , s'il eût fallu pourfuivre l'objet de leurs études dans destravaux pénibles & difpendieux. Ce n’eft pas aujour- d'hui, par le difcrédit où font tombées ces opinions , qu’on doit juger de leur valeur ; pour les rejeter fans injuftice, il faut connoi- tre encore les opinions des Chimiftes , leur manière de philofopher fur le même objet, & fur les faits généraux qui font les réfultats utiles de leurs recherches. (1) Hartzoëker, Principes de Phyfique. (2) Dans ce fiècle & dans ceux qui l’ont précédé, les Philofophes ont propofé beaucoup de fyftèmes fur la génération des êtres, ou la formation des corps or. anifés & vivans; mais l’expolé de ces fyftèmes, quife rapportent à un tout eutre ordre de connoiffances, feroitici fort étranger. SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 30% EXAMEN D'une partie des Objections de M. ne Morveau, inférées dans le Journal de Phyfique , mois de Janvier 1777, page 61 & fuivantes, contre le fyftème de M. BARBERET , fur la formation de la Grèle ; Par le Doëteur CHAMBON. Où conçoit, fans doute , que la formation de la grêle peut avoir lieu fans l'aide des fels répandus dans l'air; car, quand des molé- cules d’eau , difperfées dans l’athmofphère , viennent à fe réunir par leur rencontre ; fi elles font expofées alors à un degré de froid ca- pable d'opérer la congélation, il fe formera de petites maffes de glace , & c'eft la grêle ou la neige , felon l’état de denfité où elles fe trouvent. Mais , quand on réfléchit un moment fur les phéno- mènes qui précèdent & qui accompagnent d'ordinaire la chûte de ce météore ( la grêle ) , on eft bien tenté de fuivre l'opinion de M. Barberet, D'après les propofitions fommaires que cite M. de Morveau , il paroît que M. Barberet regarde les fels contenus dans l’athmofphère comme caufe en partie, de la congélation des vapeurs aqueufes, & fervant, fur-tout, à donner plus de denfité à ces petits glaçons ; car on lit, page 61. » Quoique nous fachions bien, par l'expérience » journalière , que la glace devient plus froide par le mélange des » fels, il n’y aura aucune raifon d’en conclure qu'ils contribuent à la » formation de la grêle , tant qu'il n'y aura aucune preuve de l'exi(- » tence de ces fels dans l’athmofphère , rout au moins dans Îles nua- » ges; tant qu'on n'aura pas expliqué comment ces fels produifent » une plus forte condenfation en été qu'en hiver; comment, après » avoir contribué à la congélation der vapeurs, ils pourroient s'en » féparer au point qu'il n'en reiâr aucune partie dans ces petits » folides ». Avant d'écrire ma réflexion fur l’objet que j'examine , j'avoue fans peine , que ce n’eft qu'avec crainte que je propofe ici mon fentiment: M. de Morveau jouit d’une réputation trop méritée parmi les Savans , pour que fa manière de voir ne foit , pour ainfi dire , une loi dans Ja Phyfique ; j'efpère toutefois qu'il ne me faura pas mauvais gr@ 1777 OCTOBRE, 362 OBSERVATIONS SUR LA PHFSIQUE, d'ofer hafarder, fur le même fujet, des obfervations que j'avois faites il y a déjà long-tems , & que je crois conformes à celles de M. Bar- beret: au refte , je n'ai pas lu fon Mémoire, & j'avertis d'avance , que s'il y a quelque chofe de mal conçu dans ce que j'écris , cela n'aura rien de commun avec la doétrine de ce Phyficien. Pour connoître s'il y a effectivement des fels quelconques dans lathmofphère, il me paroit effentiel de confidérer fommairement fi cet efpace immenfe , occupé par un élément qu'on nomme afr, peut contenir des fubftances étrangères, & fi, parmi celles-ci , il peut fe rencontrer des fels de quelque nature qu'ils foient. C'eftune chofe bien connue aujourd’hui des Phyficiens , que l’affi- nité de l'air avec l'eau. On fait que ces deux'élémens font mêlés enfemble d'une manière fi intime, que toutes les tentatives qu'on a faites jufqu’à préfent, pour priver l'eau de tout l'air qu'elle contient; paroiffent avoir été fans fuccès. M. Homberg (1) renferma , fous un récipient de l'eau , qu'il purgea d'air à diverfes reprifes, pendant deux ans; l’eau fe congéla d'abord par les extrémités, & il refta au milieu un cylindre opaque rempli de bulles d'air, qui ne purent fortir à travers la voûte de glace. Mais , quand il feroit vrai que, par une longue ébullition ou par la fuétion, on parviendroit ,; comme le pré- tendent plufieurs Phyficiens (2), à priver entièrement Peau de l'air qu'elle contient ( ce que je ne penfe pas & M. Muffchenbroeck eft du même avis(3) ,les moyens qu'on emploie n'étant point ceux dont la nature fe fert elle-même dans la circonftance que j'examine , cela ne détrüuiroit point ma propofirion, qui eft confirmée d’ailleurs parune grande quantité d'expériences décifives. On fait que quand on a pompé l'air d'une quantité d'eau donnée ; il s'y infinue de nouveau avec une certaine vitefle (4) jufqu'à ce qu'elleen foit farurée, jufqu'à ce qu'il foit diffout dans fa mafle , comme parle s'Gravefende (5). Il n'eft pas moins difficile de priver d'eau , l'air de l’'athmofphère; il en eft toujours rempli pendant les plus grandes chaleurs , comme les plus grands froids : pendant fa plus grande féchereffe apparente, il con- tient toujours une certaine quantité de cet élément. Fous les Chi- miftes favent que quelques précautions qu'on prenne pour conferver (on REC ne £? Méinoire de l'Académie Royale des Sciences, Tome X. page 255, année 1693. (2) M. de Mairan, Differtation fur Ïa formation de la Glace, Renald'ni, Journal de Venife, Septembre. (3) Mufchenbroeck. Acad. del Cimento, pag. 71. (4) M. l'Abbé Nollet, Phyfique Expérim. (s) S'Gravefende, Tome 2, n°, 2134 SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 303 fec l’alkali fixe du tartre , dès qu'il a le contaét de l'air , il s'empâte & fe réfout en liqueur (1), ou pour parler le langage des Artiftes SE il tombe en deliquium : ce qui ne peut arriver, que parce que les vapeurs aqueufes , répandues à la furface du globe , font très.confi- dérables. J'ai déjà montré qu'il y avoit beaucoup d’eau dans l'athmofphère , Æ& cela doit s'entendre de tous les tems & de tous leslieux (2). On regarde encore comme un attribut eflentiel aux fels , d'être folubles dans l'eau; & cet attribut que tous les Chymifes , tant anciens que modernes , leur ont reconnu, leur eft tellement propre , que tous les corps diffolubles dans l’eau , comme les gelées , les gommes & les mucilages , ne le font qu’à raifon de leurs parties falines (3). Or, toutes les fois qu’une eau faturée de fel quelconque fera expofée au contaét de l'air , elle emportera donc avec elle , en s’évaporant, une portion des fels qu’elle contient. C’eft une petite partie, fans doute; mais il eft ici queftion de prouver feulement, qu'il en exifte dans l’athmofphère. On trouve dans le Wal Subbia , en un lieu appellé Mezzane , une prairie dont quelques cantons reftent toujours deffé- chés & dépouillés d'herbes , qui fournit des criftaux reffemblant parfaitement au nitre (4). L’Auteur de cette obfervation, pour prou- ver qu'ils font dus aux fels contenus dans la rofée qui fe dépofe dans ces lieux , ajoute qu'il avoit pris la précaution de les enlever le foir à diverfes reprifes, & qu'il en avoit toujours retrouvé le lende- main, de nouveaux dans les mêmes lieux. Les brouillards qui s'élè- vent des eaux de la mer, ont une aétion trop prompte fur les ferre- mens qu'on emploie dans les habitations des environs : aétion due(s) à l'abondance des fels qu'ils contiennent. C'eft par-là qu'on peut rendre raifon des pluies falées qu’on a (6) vu tomber à quelques lieues de la mer(7). Il faut ajouter à ces caufes de la préfence des fels dans l’athmofphère , les exhalaifons qui s'élèvent de la furface de la terre , qui font le produit des fermentations de toute efpèce, de RD D POSE EE A D ED DE À (1) Elémens de Chimie de M. Macquet. (2) Van-Helmont, Edit 4a. Lugduni 1655, pag. 41. (3) Elémens de Chimie de Junker, fuivant les principes de Becker & de Stal ; p. 5, chap. 1. (4) Philof. Tranf. ann. 1665, ann. 1683, n°. 83, art, 7. (5) Philof. Tranf. ann. 1674, N°, 104, art. 4, (6) Model, Vom Perfifchen falze, page 29. Spon, Voyages. Tom. 1, page 230. (7) Borrich. apud Barthol, Cent, 3, Epifl. 97, p. 414 | 1777 OCTOBRE, 304 OBSERFATIONS SUR LA PHYSIQUE, la putréfaétion des animaux, de celle des végéraux, des vapeurs fuf- phureufes arfénicales , &tc. &c. Il exifte un acide univerfellement répandu dans la nature : on ne peut méconnoître fa préfence dans les trois règnes. Les pierres cal- caires répandent, quand on les frotte l'une contre l’autre , une odeur fulfureufe (1) très-pénétrante. Les criftallifations régulières qu'on y remarque fouvent, ne peuvent avoir une autre caufe. Puif- que toutes les mines métalliques contiennent une quantité de foufre très-confidérable , il eft de même de la plus grande partie des py- rites (2). Rien ne prouve davantage fon abondance dans les entrailles du globe, que fon union aux terres métalliques qui appartenoient précédemment au règne animal ; parce que ces exemples nous appren- nent que fon union avec ces fubftances ne peut pas être très-ancienne. On trouve de ces fortes de pétrifications ; qui font devenues enfuite des pyrites martiales ou d'un autre genre , dans tous les Cabinets (3); prefque toutes les efpèces de végétaux participent de cer acide ; le fuc exprimé de bois de chêne a une faveur vitriolique, & fa combinaifon avec les métaux, par les procédés convenables, donne de véritable vitriol ; avec l’alkali fixe , il forme du tartre vitriolé (4). M. Port croit avec tant d’aflurance , qu’il fe trouve auñi dans le règve animal, qu'il imagine qu'aucun Chimifle ne puiffe douter de cette vérité (5). Il y a long-tems qu'on l’a reconnu dans lathmofphère ; l'alkalt fixe du fel marin , expofe à l'air, a repris une affez grande quantité d'acide pour pouvoir être diftillé de nouveau jufqu’à une troifième £ois, & ila toujours donné de l'efprit acide (6). M. le Baron d'Hol- bac, dans fa Traduétion des Œuvres de Henkel (7), dit, en note, que l'efprit qu'on retire de cet alkali comme du caput mortuum du vitriol expofé à l'air , eft dû à la préfence , non d’un acide fourni par l'athmofphère, mais de celui qui reftoit uni à fa bafe, & qui en aété dégagé par l'humidité de l'air. Mais, quand cette aflertion oo (1) Zimmermann, Differt. de Sale primigento. (2) Œuvies de M. Henkel Pyritol. Chap. 3, page 45, trad. imprime à Paris gn 1760. (3) Swedenborg. Regnum minerale min. Cup. Tome 3, p. 413. (4) Elém. de Chim. de Junker. (5) Differtation Chmique de M. Pott, trad. Tome z, de lacide des anim. page 478. (6) Lémery, Cours de Chimie, quatrième édition de Baron ; page 444. {7) Henkel, Flora faturnifans. feroit t SUR L'HIST. NATURELLE ET LES-ARTS. 305 feroit auf certaine qu’il l'affure, on ne peut difconvenir de la neutra- lifation de l'alkali fixe expofé à l'air. J'ai vu une planche de fapin (c'eft Willam Gould , du Collège de Wahdam, à Oxford, qui fait cette obfervation (1) humeëtée du nitre fixé , fe couvrir de congéla- tion qui évoient des criftaux d’un nitre inflammable, parfiit. La liqueur du nitre fixé ayant repris fon acide propre , comme fi on eûr verfé de l'efprit de nitre en pareille quantité. On trouve dans tous les Livres des faits qui confirment celui que je viens de rapporter. J'ai aflez prouvé l'exiftence des fels répandus univerfellement dans toute la nature : voyons maintenant de quelle influence ils font dans la formation de la grêle & dans fa condenfation. Les Académiciens de Florence (2) ont trouvé que la congélation devenoit plus prompte par le fecours des fels, ce qui veut dire que le froid s’augmente fin- gulièrement par leur préfence. On peut s’en convaincre en lifant le détail des expériences que faifoit Fahrenheit, en mêlant de l'acide nitreux, marin & vitriolique, avec la glace pilée, pour obtenir le plus grand froid poffible (3), mais c'eft un point qui n’eft pas con- tefté par M. de Morveau : il convient auffi que s'il eft poñfible de trouver des fels répandus dans l’athmofphère, ils donneront plus de folidité aux petits glaçons qui forment la grêle; ce qui vient du prin- cipe précédent ; favoir, qu'ils augmentent le froid de l'air, d'où la plus grande cohérence des molécules aqueufes, parce que le prin- cipal effet du froid eft de rapprocher davantage les principes dont les mixtes font compolfés. M. de Morveau demande enfuite pourquoi la condenfation de la grêle opérée par ces fels, eft plus confidérable en été qu’en hiver ? Il me femble qu’il y a plufieurs réponfes à faire à cette queftion; la première, c’eft que l'évaporation des fels doit être moins grande en hiver, parce que la plupart d'eux étant le produit de la fermen- tation , de la putréfaétion , des effervefcences de toute efpèce, & ces opérations exigeant un certain degré de chaleur , il eft tout na- turel de penfer qu'ils font alors en moindre quantité dans l’athmof. phère, d'où il fuit que leur effet doit être moindre fur les molécules aqueufes qui fe congèlent. 2°. Il eft prouvé que la glace qui fe fait par un grand froid, eft toujours moins tranfparente (4), parce que la mafle de l’eau étant congelée trop fubitement en molécules, elles ee ee (1) Philof. Tranf. ann. 168 & trois quarts, N°, 156, art, 3. Boyle , Hiflori, of the aif. p.43. (2) Acad. del. Cimento faggio d’Experien. (3) Boerhaave, édit. Lond. p. 61, (4) M. Mariote , Journal des Savans, année 1672, 29 Février, Tome X , Part, II. 1777. OCTOBRE. Rx 306 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ne peuvent s'arranger füuivant l'ordre qu'elles affeétent d'ordinaire (1). Celles de l'air fonc éparfes dans toute fon étendue , parce que les par- ticules d'eau, entre lefquelles elles fe trouvent comprimées, font devenues dures & inflexibles , avant que ces petits amas d'air aient pu fe réunir & reprendre leur figure fphérique (2) : c'eft par-là qu'on peut expliquer la queftion propofée. En hiver, les évaporations aqueufes n'ont pas befoin d’être extrêmement élevées dans l'air ; elles font failies par le froid , avant qu'elles puifflent fe rapprocher affez pour former une mafñle folide , & au lieu de grêle, il fe forme de la neige; c'eft pourquoi on ne remarque de grêle en cette faifon , que lorfqu'il y a eu des jours affez chauds pour exalter les fubftances, defquelles fe forment les météores ignés qui accompagnent la grêle, comme l'obferve lui-même M. de Morveau (3). Mais quand les cha- leurs de l'été ont defléché la terre pendant long-tems ; quand elle eft brûlée par les rayons du foleil, toute l'humidité qui l'abreuvoit s'eft diffipée en vapeurs dans les airs. L’athmofphère ne contient jamais autant d'eau , que quand les chaleurs ont été exceflives & de longue durée, parce que les molécules de cet élément font dans l'état de plus grande divifion poñfible, & qu’elles fe trouvent ré- pandues au loin , dans le grand efpace qu'elles habitent. Vous con- cevez bien, difoit Boerhaave à fes Auditeurs (4), qu'à proportion qu'elles s'élèvent dans les régions fupérieures de l’air, elles fe trou- vent plus éloignées les unes des autres, &t reftent ainfi difperfées dans l'immenfité des cieux : c’eft alors que toutes ces fubftances vo- latilifées par le feu auquel elles font expofées , emportent avec elles dés parcelles de tous les corps avec lefquels elles font en contaét, Les efprits recteurs, les huiles effentielles, les foufres , les alkalis volatils, les exhalaifons de toute efpèce, s'emparent d'une portion des mixtes qui les contenoient, & l'enlèvent avec eux dans les nuées. On conçoit fans peine que des principes de nature fi différente, ve: nant à fe rencontrer , forment des combinaifons fans nombre. C'eft- là que les fels , aidés de l’aétion du froid des couches élevées de l’ath- mofphère , concourent efficacement à la congélation des molécules aqueufes ; mais elles fe réuniffent lentement , parce que leur éloi- gnement ne permet pas qu’elles fe confondent en une même mafe, avec autant de viteffe que cela arrive dans les faifons tempérées où elles font moins ifolées , & par conféquent plus fufceptibles d’être DR DS SRE DENISE RS DRE (1) Differt. de M. de Mairan, pages 118, 291 & 359. (2) Expériences Phyfico-Méchan. d'Hauxbée, avec des Remarques de M, Defnareft. Tom. 2, page 404. { (3) Page 63. (4) Elém. de Chim, de Bocrh. SUR L'HIST. NA! URELLE ET LES ARTS. 307 réunies dans un moment. Dans le premier cas, elles peuvent être arrangées d'une manière plus fixe, parce que les mouvemens de chaque particule s'exécutent en liberté : dans le fecond, c'eft le contraire ; elles s'entaffent avec confufion , parce qu’elles font pouflées vivement les unes contre les autres, & que leur nombre eft confidérable, On explique par - là pourquoi, en été , il tombe de la gréle plus ou moins denfe, plus ou moins groffe, plus ou moins chargée de fubf. tance étrangère; parce qu'il y a des vents plus où moins froids, & qu'ils font fufceptibles de divers degrés de vitefle, &c. &c. Enfin , comment pourroit-il arriver, ajoute M. de Morveau, que les fels répandus dans l'athmofphère ; après avoir contribué à la congélation des vapeurs , pourroient sen féparer au point qu'il n'en reflât aucune partie dans ces petits folides ? Premièrement, quand même on ne ren- contreroit pas un atome de parties étrangères dans ces petits gla- çons , on ne doit pas en conclure qu'il n'y a aucun fel dans l’ath- mofphère qui puifle aider leur congélation; parce que ceux dont on s'eft fervi pour augmenter le froid des liquides qu'on expofoit à leur action , n'étoient pas mélés avec eux; c'eft-à-dire, que quand on veut obtenir un froid plus aétif que celui de l'athmofphère , on en- vironne de glace pilée un vafe rempli du liquide qu'on veut expofer à ce degré de froid , & on verfe fur cette glace les acides qu'on em- ploie : voici les expériences de Meffieurs Boerhaave, Nollet, de Mairan, &c. Le mélange intime des fels avec l'eau n’eft donc pas néceffaire pour opérer fa congélation ; leur préfence femble feule- ment exciter un plus grand degré de froid qui la détermine. C'eft ainfi qu'oa doit expliquer comment ils agiffent fur les vapeurs con- tenues dans les premières couches de l’air : on fait que les plus éle- vées font les plus froides , & qu'elles le font d'autant plus , qu’elles recevoient moins de chaleur de la part des inférieures. Or, quand les vapeurs aqueufes les plus pures, font parvenues au plus haut point d'élévation où elles puiffent atteindre, celles qui font plus char- gées de parties étrangères reftent plus rapprochées de la furface du globe; ce font donc ces dernières qui mettent obftacle à la commu- nication de la chaleur d'en-bas avec les nuages les plus élevés, & qui facilitent leur congélation. Mais les fels, au lieu de favorifer la congélation, dans le fens que l'entend M. de Morveau, ne fervent au contraire qu’à la ralentir. Tout le monde fair que l’eau la plus pure eft la plus facile à congeler, & que plus elle eft mêlée de parties hétérogènes ,. plus elle réfifte auñi à l’aétion du froid (1) : d'ailleurs , M. de Morveau ne dit pas a RS (1) Hiff, de Acad, Royale des Sciences, Tome 2, page Go. 1777: OCTOBRE, RKRra 208 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qu'il ait foumis à des expériences quelconques une certaine quantité de grêle ; je ne connois perfonne non plus qui ait fair fur cer objet des recherches particulières. Il ne paroït donc pas qu'on foit en droit de conclure que ces petits glaçons ne contiennent rien de falin. Mais, quand cela feroit vrai, il ne faudroit pas en inférer que l’athmofphère fût privé d’exhalaifons falines ; on pourroit croire feulement que l'eau la plus pure, comme la plus élevée & la plus expofée à l’aétion du froid, fert à former la grêle; & que celle des couches inférieures , qui contient les fels répandus dans l'air, tombe en pluie, foit avec la gréle, foit avant ou après elle, Eft:il certain que la neige ou la grêle ne contienne rien d'étranger? Les vapeurs qui s'élèvent de la terre pour former la rofée, ne font- elles pas les mêmes que celles qui entrent dans la formation de la grêle ou de la neige, felon la faifon, le froid de l'air, leur degré d'élévation, &c. Difons mieux, quand l'athmofphère fe débarraffe des exhalaifons qu'il foutenoit, elles peuvent tomber en forme de pluie ou de grêle indiftinétement, felon le degré de froid où elles auront été expofées ; ainfi on doit admettre l'analogie des principes entr'elles. Or , il eft prouvé, par des obfervations nombreufes , que la rofée diftillée donne des réfultats falins, capables de faire fur le verre, une tache que l'huile de tartre ni l'eau-forte (1) n’ont pu en- lever, malgré qu'on ait long-tems frotté le verre taché avec ces deux fubitances. Un grand nombre de Chimiftes font perfuadés que la neige (2) qui tombe après un tems de féchereffe affez long , quand les froids n'ont pas encore été confidérables , contient quelques por- tions de nitre. On fait mention d'une pluie de feu qui tomba pendant un violent orage (3), accompagnée de la grêle & de la foudre; on ne put l'éteindre (la pluie) en verfant de l'eau dans les endroits où elle s'étoit ramaflée. Le mouvement, l'agitation de l'air ne l'empé- choit pas non plus d'être toujours enflammée. Quelle quantité de foufre, de fels de toute efpèce, ne falloit-il pas pour créer un mé- téore fi épouvantable ? Qui ofera aflurer que la grêle qui l'accom- pagnoit, ne contenoit rien des fels qui avoient fervi à lui donner naiffance ? Il fait, de ce que j'ai dit, qu'il y a des fels dans l'athmofphère ; qu'ils font plus abondans en été qu'en hiver; que leur aétion, dans ja formation de la grêle, doit être relative à leur quantité : donc , D a | mme pS nn mp panne mont MÉEREREREnEn Pen) (1) Reip. Litter. Tome 1, page 590. (2) Elém. Chim. Boerh. (3) A&. Britann. Comp. 11. 1434 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 309 la condenfation de la grêle doit être plus confidérable en été qu'en hiver , confidérée dans ce fens : qu’il n’eft pas néceffaire qu'on retrouve des fels dans la grêle, pour prouver qu'il y en a dans les airs ; enfin, qu'il y a lieu de penfer qu’elle en contient la plupart du tems. LS St à SOU mers Son Sir ro: RES 113 agit ha ee 0 Bo A à HR 5 DE PHYSIQUE EXPÉRIMENTALE, Sur quelques propriètés de l'Air inflammable , Lu à la Séance publique de l’Académie des Sciences & Belles - Lettres de Dijon , le 17 Août 1777; Par M. CHAUSSIER, de Dijon. D. ces derniers tems , l'air eft devenu l’objet des recherches les plus curieufes & les plus importantes. Maintenant il eft démontré, par des expériences multipliées, que ce fluide entre effentiellement dans la combinaifon de tous les corps, même les plus folides ; qu'il fe fixe dans leur fubftance , en perdant fon élafticité , fa compref- fibilité; mais en décompofant ces corps, en défuniffant leurs prin- cipes élémentaires, on le rétablit facilement fous fa forme primitive ;? on le. régénère; on le revivifie en quelque forte : cependant, comme le remarque fi bien l'illuftre Phyficien , au zèle & aux talens duquel nous devons l'initicution & la publication d’un Cours de Chimie dans cette Ville (1, » Quoique l'air foit effentiellement le même » dans tous les mixtes, au moment qu’il s’y unit, il en fort toujours » avec des qualités différentes ». Ce qui ne doit pas furprendre un£ Phyficien accoutumé à obferver les phénomènes de la nature. En effet , de même que nous voyons, en Chimie, les fubftances volatiles entraîner une portion de leur b:ife, les précipités conferver une portion du précipitant : ainfi l'air, en fe dégageant des différens mixtes dont il fait partie, brife fes entraves, mais conferve le veftige ë (1) M. de Morveau, dans l'excellent Ouvrage intitulé : Elémens de Chimi théorique & pratique , rédigé dans un: nouvel orûre, pour fervir aux, Cours. de l'A. gadernie. À Dijon, chez Frantin, 1777, page 327 du Tome.premier, 1777. OCTOBRE, 310 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . de fes liens, & entraîne toujours quelques-uns des principes les plus fugaces, &t avec lefquels il a le plus d'adhérence; de là, une grande variété dans ces effluves aériens, que l’on obtient par la diflolution ou la décompofition ; de là, les différentes dénominations de gas ou d'airs alkalin , acide, nitreux, vitriolique , marin , fpathique, inflam- mable , &c. Mais entre tous ces effluves aériformes , celui fans doute qui préfente les phénomènes les plus furprenans & les plus dignes de notre attention, eft l'air que l’on nomme inflammable , par rap- port à la propriété qu'il a de prendre feu lorfqu'on lui préfente une bougie allumée. On fait que cet air, lorfqu'il eft pur, brûle lente- ment, & donne une flamme peu fenfible ; au contraire, lorfqu'il eft mélangé avec deux parties d'air commun, il fournit un grand jet de flamme, & s'allume avec explofion; on fait que cette efpèce d'air, dangereufe pour la refpiration , fe retire en grande quantité, non-feulement du zinc, du fer, de l’étain, des charbons deterre, des fubftances animales; mais encore des végétaux & de tous les corps qui font abondamment pourvus de phlogiftique ; on fait encore que cet air noircit fubitement l'argent & fes diffolutions ; qu’il perd {on inflammabiliré par l'agitation ou par un long féjour dans l’eau, & qu'alors il laifle dépofer, à la furface de l’eau, une pellicule déliée qui préfente .diverfes couleurs... Telles font jufqu'à préfent les pro- priétés les plus généralement reconnues à l'air inflammable; mais il reftoit encore à éprouver quel effet pourroit y produire le fluide élec- wique , lorfqu'il eft concentré. M. Prieftley , dans fes nombreufes expériences, n'avoit pas oublié de foumettre les différens airs faétices à l'étincelle électrique ; mais c'étoit uniquement pour s'aflurer fi ces airs artificiels feroient de bons conducteurs ; & c'étoit toujours à travers du verre & dans un tube hermétiquement fermé, qu'il faifoit ces expériences : aufli, cet ingé- nieux Phyficien n’a-til obfervé d'autre phénomène, finon que l'étin- celle électrique, en traverfant l'air inflammable, étoit d'une couleur pourpre ou rouge (r) : ainfi il reftoit toujours à favoir ce que pour- toit faire l'étincelle éleétrique, tirée immédiatement dans l'air inflam- mab'e. Au premier coup-d'œil , il paroît difficile de fe rendre maître de l'air, de le contenir fufñfamment, de façon à lui imprimer direc- tement le choc éleétrique ; cependant , après quelques tentatives, je fuis parvenu au but par le procédé le plus fimple & l'appareil le moins compliqué. A l'aide de quelques-uns des moyens connus, je remplis d'air Le DIRE RENE + SE RES Es EE ns (1) Expériences & Obfervations fur différentes efpèces d'air, par M. Prieftleys Tome premier, page 78 SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 31E inflammable une vefie bien ramollie , & j'attache à fon goulot un tube conique de fer, de la longueur de 4 à $ pouces; la petite ex- trémité de ce tuyau porte quelques pas .de vis qui fervent à monter une boule de cuivre percée d'un petit trou qui traverfe fon axe, & communique à la cavité même du canal de fer. Quand {a machine électrique eft bien chargée, j'approche la boule du premier conduc- teur, & je dirige l'étincelle qui part fur la petite ouverture de la boule de cuivre; aufli-côt l'air prend feu, & en preffant le corps de le veffie, j'ai un jet continu d'une flamme vive & orangée, que je puis augmenter & fufpendre à volonté , en preffant plus ou moins le corps de la veñfie (1). Lorfqu'à l'extrémité du canal de fer, je monte une boule percée de cinq à fix trous éloignés l'un de l’autre de deux à trois lignes, j'ai autant de jets de flamme qui produifent un effet fingulier , & reffem. blent beaucoup à ces gerbes de feu que l'on voit dans les artifices. Au contraire, fi ma boule n'eft percée que d'un très petit trou, j'ai alors un jet de flamme femblable à celui de la lampe des Email- leurs : ce qui m'a fervi à beaucoup d'expériences , dont je rendrai compte dans la fuite de ce Mémoire. Mais fi, à la boule qui ter- mine mon tube de fer, je fubftitue une pointe de métal, percée d'un petit trou , cette pointe devient lumineufe ; mais quelle que foit la force de l’éle&ricité, l'air fe diffipe fans s’enflammer (2). Cette dernière circonftance eft bien propre à confirmer la théorie des Paratonnerres , & à faire fentir , d’une manière frappante, les avantages que l’on doit en attendre, pour garantir les édifices de la foudre. En effet, quoique l'air renfermé dans la veffie, & obligé de fortir par le tube de fer, ait la plus grande difpofition à prendre feu ; quoique la pointe foutire continuellement & avec force le fluide élec- trique ; cependant, comme elle le tranfmet fans explofion , l'air ne peut pas s’enflammer , & de même que le danger de la foudre con- fifte dans l'éclat : ainfi l'inflammation de notre air dépend du choc & de la collifion de l'étincelle électrique. Après avoir obfervé avec quelle promptitude l'électricité , à l'aide de l'appareil que nous avons décrit, allume l'air inflammable, je crus obtenir le même effet, en renfermant une certaine quantité de cer et RER DOS D LEE EME A Ga OO CENT EU ERMON — cn e ee (1) 1 eft effentiel que l'air inflammable que l'on introduit dans la veffie, ne foit pas mélangé avec une cettaine quantité d’air commun ; car fans cette pré- caution, dès que l’on cefle de comprimer le corps de la veffie . la flamme fe communique dans fon intérieur, & la fait crever avecune explofion qui pour roit hlefler la perfonne qui répète cette expérience. c 2) Voyez les figures 1, 2, 3, 4, planche première. dé 77°" 1797 OCTOBRE, 552 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, air dans une bouteille de Leyde. Pour cela, je pris un gros flacon garni en dehors & en dedans de feuilles d'étain; j'y introduifis une veffie à laquelle j'avois adapté un tube de fer terminé par une boule de cuivre percée dans fon axe, comme pour les expériences précé- dentes. Après cela, je remplis d’air inflammable cette vefie, & je maintins tout cetappareil par un bouchon de liège au travers duquel pañloit le tube de fer. Lorfque la bouteille étoit fuffifamment char- gée, avec un excitateur je tirois de l'ouverture de la boule, quelques fortes étincelles, mais toujours fans aucun fuccès. Quelque tems après, j'introduifis dans cette même veflie un mélange d'air commun & d'air inflammable ; aufi-tôt, par la première explofion , Pair s’alluma ra- pidement, & détonna avec force, en faifant fauter fort loin le tube de fer & le bouchon de liège (1). Souvent j'ai répété cette expérience ; quelquefois j'introduis feulement de l'air inflammable; mais je perce la veffie, pour établir une communication avec la portion d’air com- mun , réfervé dans la bouteille de Leyde, & toujours j'ai obtenu les mêmes réfultats. Je ne puis terminer cet article , fans avertir que cette expérience ne doit pas être répétée fans précaution; car fi l'on emploie une bouteille trop foible, ou fi l'on prefle trop fortement le bouchon, il y aura à craindre que l’explofion vive & rapide qui fe forme, fafie éclater la bouteille. Sans doute, il feroit fatisfaifant d'expliquer pourquoi un mélange d'air inflammable & d'air commun, produit une détonnation; mais ici cette difcuffion feroit étrangère à notre objet. Bornons-nous à faire remarquer & à prouver, par le fair, que l’air commun rend plus prompte & plus facile l'inflammabilité de l'autre efpèce d'air; & reprenôns la fuite de nos expériences. M. Prieftley dit pofitivement (2) qu’il a foupconné que les métaux «avoient peine à fe fondre & à fe calciner dans l'air inflammable; un foupçon n’eft pas une affertion, & je n’examinerai point file douté de cet habile Phyficien eft autorifé par de bonnes raifons; que les métaux renfermés dans des vaifleaux clos, fe calcinent difficilement au milieu de Vair inflammable, cela paroît très-probable; mais il eft plus difficile d'entrevoir pourquoi ils auroient peine à fe fondre. Quoi qu'il en foit, à l'aide de l'appareil que j'ai décrit, & en dirigeant fur des métaux le jet d'air enflammé, je les ai fondus avec la plus grande facilité; & une circonftance fort remarquable , c’eft que leur fufion par l'air enflammé Lennon eee RES | Cm nRnEns CORRE 2 PER ARRET (1) Voyez les figures 5, 6, 7. . (à) Expériences & Obfervations fur différentes efpèces d'air, Tome premier, dage 178 exige SUR L'HIST. NATURELIE ET LES ARTS. 3:13 exige moins de tems & fournit moins de chaleur que partout autre moyen: je m'en fuis afluré par l'expérience fuivante. J'enveloppe la boule d'un thermomètre d'une feuille d’étain ; je dirige le jet d'air enflammé fur cette feuille de métal & je marque avec précifion , l'inftanc où le métal coule, & le degré où parvientla liqueur du thermomètre. Après ceci, je recouvre la boule du thermo- mètre d'une feuille de même métal , & quelque moyen que j'aie employé, même le feu d'une lampe d'Emailleur, entretenu par un courant d'air, toujours il a fallu plus de tems, & la liqueur du thermomètre eft montée plus haut. Un Phyficien , également recom- mandable par l'étendue de fes connoiffances & l'affabilité avec laquelle il daigne les communiquer (1), témoin de la promptitude & de la facilité avec laquelle je fondois ainfi des lames de plomb , d’étain, de zinc , penfe que par ce jet de flamme, continué ainfi, quelque tems ,on pourroit efpérer de fondre la platine ; mais cette expérience n'apas été tentée (2). Non-feulement l'air enflammé rend la fufion des métaux plus prompte & plus facile, mais encore il empêche la calcination. J'ai entréteau , pendant plufieurs minutes, un courant d’air inflammable fur une petite quantité d’étain fondu , & quoique ce métal fe calcine très-aifément , je n'ai pas obtenu un atome de chaux. Mais, ce qui paroîtra plus furprenant encore , en dirigeant un jet d'air enflammé fur des chaux de plomb, defer, de mercure (3), je les ai revivifiées en très-peu de tems , fans addition. Peut-être croiroir-on que la flamme d'une lampe d'Emailleur , entretenue par un fouffle continu, auroit le même effet ; mais j'ai effayé ce moyen fur des chaux de plomb & de fer; il n’a faitqu’aug- menter leur calcination, & les approcher davantage de l’état de vitrification. Ce phénomène de la fufion des métaux & de la réduétion de leur chaux par l'air enflammé , s’expliqueront facilement, fi l'on fait attention que l'air inflammable n’eft autre chofe qu'un air furchargé de phlogiftique, & qu’ainfi il fond les métaux plus promptement , & en fourniffant moins de chaleur que le feu ordinaire , parce qu'ayant EE ee ETS AR Re RER SR ECS ce me eee à C2 (1) M. de Morveau. (2) On fent bien que pour Ja fufon de la platine, il faudroit employer plu- fieurs veffies d’air inflammable, & faire coincider les jets d'air enflammé fur un même point. (3) Lachauxde mercure que j’ai employée dans cette expérience, étoit le turbith minéral, &il s’en eft dégagé une grande quantité d’efprit fulfureus yolatil. Tome X ; Part, IL. 1777. OCTOBRE. Ss 34 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, plus d'analogie avec le phlogiftique des métaux , il s'y unit, y ad- hère, & leur communique la mobilité qui fair la fufion. Il réduit de même les chaux, parce qu'étant furchargé de phlogiftique , il pénètre toutes les molécules calcinées, s’y engage, s'y fixe, & leur porte le principe qui leur manquoit; tandis que l'air qui s'y étoit in corporé pendant la calcination, fe diffipe & s'exhale en vapeur. L'air & le vhlogiftique font répandus fi abondamment, & font fu£ céptibles de sunir & de fe combiner de tant de manières différentes , qu'ils paroifent être les agents principaux de la nature. Eh , com- bien de phénomènes fe paflent journellement fous nos yeux ; que Ton pourroit, avec grande raifon , attribuer au dégagement de l'air inflammable ! Dans tous les règnes de la nature, nous en trouvons des exemples. Ici, nous voyons des plantes telles que la fraxinelle , pen- dant fa floraifon , tranfpirer une huile ténue & légère , qui fe mêle à l'air environnant , & lui forme une athmofphère capable de s’en- flammer à l’aide d’une chandelle allumée (1). La, nous voyons s'éle- ver des cimetières, des foffes d’aifances, en un mot, de tous les endroits où font amoncelées des fubftances animales qui fe décom- pofent; nous voyons s'élever des vapeurs légères , qui prennent feu par la plus légère caufe. Quoique ces exemples ne foient point rares, quoiqu'on puifle les renouveller à fon gré (2), nous rapporterons ;, d'après M. Baumé (3), qu'en 1760, il fortit, d'un puifard pratiqué dans la cour d'une maifon , une vapeur qui s'enflamma fans qu'on s'y attendît, à l'aide d’une lumière qu'une femme tenoit à la main ; elle eut les cheveux & la coëffure brûlés, & le vifage grillé... On réitéra, par curiofité, cette inflammation plufieurs fois & plufieurs jours de fuite, qui eutle même fuccès. A chaque inflammation il fe faifoit une violente explofion avec un bruit femblable à celui d'une boite d'artifice ; la flamme fubfiftoit enfuite pendant près d'une demi-heure chaque fois. Dans les pays chauds, & dans les terrains qui recèlent des minéraux tels que le fer , le zinc, l’étain, le char- bon de terre , ou d’autres fubftances phlogiftiques qui font dans un état actuel de décompofition , on voit fréquemment fortir des exha- laifons qui s’allument fpontanément , lorfque la décompofition fe fait d'une manière aflez vive pour exciter une grande chaleur, ee Re es ns es ar (1) Cette expérience a été répétée au Jardin de l’Académie. (2) Quand on veut déterminer inflammation des fofles d’aifances , il faut at- tendre l’inftant où les matières entrent en fermentation; on s’en apperçoif facilement par l'extrême fétidité qui fe développe alors, & par la grande quantité de petites bulles d’air qui fe forment à leur furfe, (2) Chimie expérimentale, Tome IH, page 366. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 315 Barigatia eft dans l'Italie ,un endroit célèbre par les feux qui , de tems en tems s'élèvent de fon fol(t). On trouve , à quatre lieues du Sud de Grenoble , un petit efpace de terre d'environ une toife de long , qui paroît être un fchifte noir & fiffile , comme l'ardoife, dans lequel on remarque des empreintes de coquilles , qui préfente les mêmes phénomènes que la montagne de Barigatia. Cet endroit, que l’on nomme ordinairement la Fontaine ardente du Dauphiné , & que l'on regarde comme une des fept merveilles de cette Province, exhale continuellement des vapeurs qui ; quelquefois s’enflamment fpon- tanément, mais que l'on peut toujours exciter en jetant fur le fol, une allamette embrafée (2). Bachetoni rapporte, d'après le célèbre Sarcaffani , qu'a Bévagna , ville du Duché de Spolette , un Curieux voyant un puits , dont l'orifice étoit bouché par une pierre , & croyant que c'étoit un tombeau, y fit introduire une lampe, & qu'auffi-tôr il s’alluma une grande flamme qui , s'échappant avec éclat & impétuofité , fe jetta fur une maiïfon voifine , dont elle ébranla le mur (3). Le Philofophe de Philadelphie , le grand Franklin (4) , écrivoir à M. Prieftley , qu'en pañlant par la Nouvelle-Jerfey , on lui dit plufieurs fois que lorfqu'on approchoïit une chandelle allumée de la furface de quelques unes des rivières de cette Province , il s’allu- moit une flamme fubite ,.qui s'étendoit fur l’eau | & continuoit de brûler pendant près d'une demi-minute. » Je n'eus pas occafion » de voir l'expérience , continue l'illuftre Phyficien , mais étant allé » chez un de mes amis qui revenoit de la faire , j'en appris de lui » la manière : c'étoit de choïfir un endroit peu profond ; oùle fond » füt fangeux, & où l'on püt atteindre avec un bâton ordinaire; il » falloit d’abord remuer la vafe avec le bâton, & lorfqu'il commen- » çoita s’en élever des petires bulles, on y appliquoit la chandelle ; » la flamme étoit fi fubite & fi forte, qu’elle avoit pris à la man- » chette de mon ami, ainfi que j'en vis les marques ». Le D. Finley (5) a fair la même obfervation fur le petit bafin des eaux d'un moulin. » Le fond du ruiffeau étoit vafeux , diril, & lorf » qu'on le remuoit de façon à bien faire rider la furface de l’eau , (1) De Bononienfi fcientiarum infhtuto, atque Academ. Commentarii. Tome premier, page 105. (2) Journal de Phyfique, Tome VI, 1775. (3) Academia Bononienfis, ‘Tome II, page 463. (4) Certe Lettre eft imprimée dans lappendix du Tome premier des Oblors #ations fur Pair, page 427. Ibidem, page 428. & ET 77) OCTOBRE, Ss2 316 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; » filonen approchoit à deux outrois pouces , une chandelle allumée ; » toute la fuface s'enflammoit aufli promprement que la vapeur des » efprirs inflammables échauffés, & la flamme continuoit pendant » plufieurs fecondes ; lorfqu'on agitoit forrement l'eau ». Maintenant que l'on connoît avec quelle facilité le phlogiftique unit à l'air, la caufe & l'explication de ces différens phénomènes fe préfente naturellement à l'efprit ; & pour démontrer pleinement qu'ils ne peuvent être attribués qu'au dégagement de l'air inflamma- ble, je fuis venu à bout de les imiter par l'expérience fuivante. Ayant rempli une veffe d'air inflammable, j'attache à fon goulot, un petit tube que je plonge dans ua large vafe à moitié plein d'eau de favon ; en préffant la veñie, l'eau s'élève en bulles & devient moufleufe. Alors, foit que j'en approche une chandelle allumée , foit que je tire , au milieu du vafe , une explofion éleétrique (r),lair prend feu , & toute la furface de l’eau donne une belle flamme pur- purine qui dure quelques fecondes. Si l'on confidère combien il y a dans lanature de corps propres à four- nir de l'air inflammable, combien il y a de moyens pour le dégager; fi Von examine auffi combien il y a de fermentations ; de putréfaétion , "altération dans tous les règnes de la Nature, & fur-tout dans le règne animal; combien nous détruifons à chaque inftant de fubftances combuf- tibles , combien nous confumons de mixtes abondans en phlogiftique... fans doute on fera difpofé à penfer qu'il fe dégage & qu'il s'exhale jour- nellement & fpontanément une quantité prodigieufe d'air inflamma- ble; mais enfuite, fi l'on fait attention que, fuivant les expériences bien conftatées de M. Cavendish, cet aireft dix fois plus léger que l'air commun , qu'’ainfi il tend continuellement à s'élever ; enfin, fi l’on ajoute , comme nous l'avons prouvé par l'expérience, qu'il s'enflamme très-facilement par l'éleétricité , toutes ces confidérations réunies n'engageroient-elles pas à croire que cet air pourroit très-bien être la caufe , ou fi l'on veut, la matière formatrice de ces détonations , de ces météores ignés qui fe forment dans la région fupérieure de l'athmofphère ? Mille raifons fe préfentent en foule pour appuyer cette conjecture; mais bornons - nous à faire remarquer ce qui fe pale dans l'intérieur des grandes mines , où le phlogiftique eft abondant, & s'exhale de tous les côtés. On trouve toujours dans l'in- tnt CPR CREER IEEE dont nc ns ne (x) La manière de tirer l'explofion éleétrique, confifte à placer fur le milieu d'un tableau magique un grand vafe de faïence à moitié plein d’eau de favon, que l'on a rendu mouffeufe, en y faifant pañler de l'air inflammable ; une chaîne qui communique au premier conduéteur, eft plongée au milieu du vale, & quand on juge-le tableau fufifamment chargé, on tire l'explofion du centrq même de la liqueur. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 317 l'intérieur de ces vaftes fouterrains un air plus léger que l'air commun, qui fe foutient près de la voûte : les Mineurs Anglois le nomment fire damp (1), ou vapeur inflammable, parce qu’il eft fujet à prendre feu avec explofion, comme la poudre à canon. Souvent encore dans les mines de charbon de terre, il s'élève des exhalaifons aériformes que l'on connoît fous le nom de feu brifon ; ou teron, ou feu fauvage. Cettervapeur, dit M. Valmont de Bomare (2), fort avec une efpèce de fifflement par les fentes des fouterrains où l'on travaille; elle fe rend même fenfible aux yeux, & paroît fous la forme de ces toiles d'araignées ou fils blancs que l'on voit voltiger dans l'air à la fin de l'été. Lorfque l'air ne circule pas librement dans les fouterrains, elle s'allume aux lampes des Ouvriers, & produit des effets femblables à ceux du tonnerre & de la poudre à canon. Les grandes mines de charbon d'Angleterre & d'Ecofle font très- fujettes à ces vapeurs, & lorfqu'on eft un jour fans y travailler, elles s'accumulent. Pour fe garantir de fes effets , on fait defcendre dans la mineun Ouvrier vêtu de linges mouillés ; il tient une longue perche, au bout de laquelle eft une lumière; lorfqu'il eft defcendu , il fe met ventre à terre, & va à l'endroit d’où part la vapeur; elle s'enflamme far le champ, quelquefois tranquillement , comme l'air inflamma- ble , lorfqu'il eft fans mélange , & d'autres fois avec un bruit effro- yable , qui refflemble à celui d’un violent coup de tonnerre. A ces traits , qui peut méconnoitre le dégagement & l'aétion d'on air in- flammai le, dont les effets font d’autant plus vifs, que fes parties fort plus condenfées , plus rapprochées & maintenues par une enveloppe plus réfiftante ? Une expérience fort fimple nous fournit le moyen de repréfenter en petit ces phénomènes fi furprenans. A l'extrémité d’un tube, je prends une goutte d'eau de favon, & en preflant doucement une vefie pleine d'air inflammable ,. je forme une bulle tranfparente qui bientôt fe détache du tube, & volrige dans l’athmofphère comme ces toiles d'araignées. Si, dans fon trajet, elle rencontre une chan- delle allumée , aufi-tôt la bulle crève & s'enflamme tantôt d'une ma- nière pailible, & tantôt avec une explofion proportionnée à fon volume. Ceci, fans doute, ne rend que d'une manière imparfaite ces grandes détonations que l'on obferve dans les mines ; mais c'eft affez pour nous faire fentir comment fe forment & s'enflamment nn En 3 2er (1) Prieftley, Tome premier, page 3. (2) Di&ionnaire d'Hiftôfre Naturelle. 177140 O0CTOBKRE. 318 cOBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; ces exhalaifons fouterraines, ces vapeurs qui fe dégagent des eaux, des puits, & qui paroiflent fi peu différer du tonnerre (4). Avoir expliqué ce qui fe pañle dans les mines & à [a furface du globe que nous habitons, n'eft-ce pas au moins faire préfumer ce qui doit arriver dans la partie fupérieure de notre athmofphère, par le concours de l'air inflammable & de l'éle@ricité? Mais abandonnons toute conjecture, confultons l'expérience & laiflons au tems à appré- cier nos idées & nos tentatives. N. B. Après la leëture de ce Mémoire , les différentes expé- riences qui y font rapportées , ont été faites dans la Séance pu- blique. EXPLICATION DES FIGURES. FIGURE PREMIÈRE, repréfente l'appareil pour contenir l'air inflam- mable ; & l'allumer par l'étincelle éleétrique. À, veffie remplie d'air. B , tube de fer conique , attaché par fa large extrémité au goulot de la veffe. C , boule de cuivre, montée par quelques pas de vis, à la petite extrémité du tube, D, jet d'air enflammé, fortant par le trou de la boule , & dont on peut augmenter ou modérer la vivacité, en preffant plus ou moins le corps de la veflie. Les procédés pour obtenir l'air inflammable, font en fi grand nombre & font fi connus , que nous avons cru qu'il éroit inutile d'en faire mention dans ce Mémoire. Le plus ordinairement, nous avons employé du zinc, fur lequel nous verfions de l'acide vitriolique , affoibli par une, certaine quantité d’eau. Nous avions imaginé de fubftituer à la veflie un foufflet ordinaire, dont le tuyau feroit ter- miné par une bouie percée d’un trou ; mais nous avons trouvé que, par ce moyen; il reftoit toujours dans l'intérieur du foufflet une LH QE on cent (1) Le Rédaëteur des Mémoires de l’Inftitut de Bologne, après avoir détaillé Vexplofion foudroyante obfervée dans le Puits de Bévagna, dont nous avons parlé plus haut,.ajoute: ».Quis hanc flammam non in fulminibus numerer ; cui » neque fragor, neque rapiditas, neque iélus defuit ? Quam tamen non cælo decidifJe, » fed puteo exiiffe conflat..,... Tome Il, page 463 ». SUR L’HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 319 certaine quantité d'air commun, & qu’ainf on rifquoit la détonations d'ailleurs, nous préférons toujours l'appareil le plus fimple. Il eft une attention effentielle pour allumer l'air inflammable par l'éleétricité. Quand on a préparé l'apparcil défigné par la figure pre- mière ; on approche d'un conduéteur chargé de la matière éleétrique, la boule de cuivre qui termine le tube; alors , on faifit l'inftant où part l'étincelle, pout prefler la veffie, & aufi-tôt l'air s'enflamme. Un peu d'habitude rendra très-facile cette expérience. On peut encore, avec le même appareil, allumer l'air inflamm- mable par un autre procédé. Sur un tabouret ifolateur , on fait monter une perfonne qui tient une vefie remplie d'air inflammable, & difpofée comme dans la figure première. On établit une communication avec le conduéteur de la machine électrique; & quand on juge la perfonne fuffifam- ment chargée, On tire de l'extrémité du tube une étiocelle ; en même tems la perfonne électrifée prefle la vefie, & l'air fort en- flammé. FIGURE 2 , tube de fer qui doit être adapté à la veflie. Ce tube x 5 pouces de longueur; il eft à-peu-près conique ; fon extrémité la plus large, doit entrer dans le goulot de la veflie, & y être attaché par quelques tours de fil; l'autre extrémité de ce tube fe termine par des pas dé vis qui fervent à monter fuccefivement les difé- rentes pièces défignées par les figures 3 & 4. Ce tube porte dans le milieu de fa longueur un robinet, pour retenir , quand on le juge convenable , l'air renfermé dans la veffie; mais on peut lfaci- lement fe pafler de ce robinet. FIGURE 3, pointe métallique qui fe monte à l'extrémité du tube = cette pointe doit être très-fine & percée d'un petit trou. On fent bien que fi cette pointe étoit un peu groffe, ou que fi on l'ap- prochoit trop près du conduéteur de la machine életrique , il ÿ auroit alors une petite étincelle, & que l'air pourroit ainfi s’allu. mer ,' quoïque très-dificilemenr. FiGurE 4, repréfente différentes boules de cuivre, qui fe montent fucceffivement à l’extrémiré du tube de fer. À, boule percée de quatre trous, féparés d'environ deux lignes chaçun ; ce qui forme autant de jets d’air enflammé. B, boule percée d'un trou capillaire , qui fournit une flamme fem blable à la lampe des Emailleurs, & qui nous a fervi à la fufion des métaux, à la réduction des chaux métalliques, &c, 3777. OCTOBRE. M 20 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Nous avons dir, dans le cours de ce Mémoire, qu'un jet d'air en- Aammé, dirigé fur des lames de plomb, d'étain , les fondoit plus promptement, & en donnant moins de chaleur que le feu ordi- paire, ou même la lampe des Emailleurs : le fait eft très-certain , & l'explication en a été donnée; mais ceux qui répéteront cette expérience ; voudront bien fe fouvenir que pour faire une compa- raifon exacte , il faut employer des moyens relatifs à proportion- nés à l'objet que l'on veut comparer. Ainfi, dans l'expérience pré- fente, l'air enflammé fort par un trou capillaire; & fi l'on emplo- yoit une lampe d'Emailleur, dont la mèche 'füt compofée d'un grand nombre de fils de coton, & dont la flamme fût dirigée par un cou- gant d'air plus gros & plus rapide, on fent hien que la comparaifon ne feroit plus exacte. Pour mettre toute Ja précifion poffible dans cet objet, après avoir obfervé combien il,a fallu de tems pour fon- dre, par l'air enflammé , une feuille d'étain appliquée fur le ther- “omètre, après avoir examiné à quel degré eft parvenue la liqueur du thermomètre, nous prenons ordinairement une chandelle ou une lampe, dont la mèche foit compofée de 12 à 18 fils de coton, & nous dirigeons la flamme, en adaptant au goulot d'une vefñe le même tube, le même trou capillaire qui nous a fervi à l'expérience précédente, & toujours nous avons obfervé une différence très- confidérable. €, boule percée d’un plus grand trou. D, coupe de cette dernière boule , pour montrer la forme du con- duit qui traverfe fon axe. Les figures 5, 6 & 7, repréfentent l'appareil defliné pour la gétonation de l'air inflammable dans la bouteille de, Leyde, & indi- quent les précautions néceffaires. | FicurE s, bouteille d'un verre très-fort, garnie à fes deux furfaces de feuilles d'étain. Ficure 6, velfie qui doit être introduite dans la bouteille de Leyde. A , le corps de:la:veñie. B, fon goulot attaché à la groffe extrémité du tube de fer. € , bouchon de liége taillé obliquement , capable de remplir le col dé la bouteille de Leyde. Ce bouchon eft traverfé par le tube de fer. D, boule de cuivre qui termine le tube de fer. Cette boule doit être percée d’un trou d'environ une ligne de diamètre ; une ou- verture plus petite rendroit la détonation plus violente & plus dan- gereufe. 14 Pour SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 321 Pour introduire cette veffie dans la bouteille, on la tord pour en faire fortir l'air commun. Puis quand elle eft introduite jufques près le bouchon de liège , on la rempli d'air inflammable; en adaptant à la petite extrémité du tube, une autre veffie pleine d’air inflam- mable , que l'on prefle peu-ä-peu. Quand la veflie , renfermée dans la bouteille de Leyde, eft fuffifamment diftendue , alors on y fair une ouverture avec la pointe d'un canif, & l’on enfonce auff-tôt le bouchon dans le col de la bouteille. L'ouverture que Je recommande de faire. à la veffie, doit avoir deux à trois lignes ; fans cette at- tention, l'air ne s’enflamme point dans la bouteille de Leyde, Ou bien , au lieu de faire certe ouverture , il faut introduire , dans la vefie , un air inflammable, mélangé avec une certaine quantité d'air commun. FIGURE 7 , repréfente tout l'appareil difpofé pour enflammer l'air dans la bouteille de Leyde. À , extrémité du conduéteur de la machine électrique. B , bouteille de Leyde, dans laquelle on a introduit, avec les pré- cautions recommandées , une veflie remplie d’air inflammable. C, chaîne qui établit la communication entre le conducteur & la bouteille de Leyde. D, petit coin de bois pofé fous un des côtés de la bouteille, afin qu’elle foit inclinée ; précaution néceflaire & effentielle pour em- pêcher que l’explofion n’enlève la bouteille. E, Excitateur garni à fes extrémités, de boules de cuivre, & prêt à tirer l'étincelle quand la bouteille eft fufifamment chargée. DÉERSACNR AT PE, TYOEN D'un Inftrument pour mefurer la falubrité de l'Air; Par le Chevalier DE SERVIERES. sors , nouvellement inventé par le Chevalier Marfilio Sandriani , & dont on trouve la defcription dans le Journal de Phy- fique, Tome VI, page 315, eft un inftrument qui me paroit fort utile pour connoître les degrés de falubriré & d'infalubrité de l'air. Un Phyficien François ( Savérien ) ar fenti con cie. ges mination eft néceflaire. Il inventa , il y a quelques années, Tome X , Part, II, 1777. OCTOBRE. T:=: 422 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, machine pour mefurer l’élafticité, & par conféquent , fuivant lui, la pureté & la falubrité de l'air. Ecoutons-le lui-même dans la def- cription qu'il-en fait (1). » Comme la connoiflance de l'élafticité de l'air eft importante, parce que c’eft de là que dépend fa pureté , j'ai cherché à trou- ver un inftrument avec lequel on püt la mefurer. C'eft ce qui m'a donné l'idée de l'inftrument fuivant , que j'appelle un Quey- nornètre , tirée de deux mots grecs, dont l'un fignifie falubrité, & l'autre , mefure. Voici ce que c'eft. » À &B, (figure r , planche 2) font deux bouteilles d’égale ca- pacité , adaptées à deux tuyaux C D, EF. L'ün de ces tuyaux, (le tuyau EF) entre dans la bouteille B, & aboutit prefque à fon fond en fuivant fa courbure ; & l’autre n'entre que dans l'épaiffeur intérieure de la bouteille A. Ce fecond tuyau eft armé d'un robinet R, qui le ferme exaétement, c'eft-à-dire , qui em- pêche la communication de ce tuyau avec la bouteille A. Deux robinets S, T-, font ajuftés au bout des deux tuyaux K ,K, ( figures 1,2 & 3). Sur ces tuyaux, on vifle deux autres tuyaux M ,M, percés de plufieurs petits trous à leur partie poftérieure;, & le tour entre dans les bouteilles , chaque tuyau ainfi garni à chaque fond des deux bouteilles. On comprendra la proportion qu’il y a entre les deux bouteilles &t le tuyau, quand on aura vu l'ufage de cer inftrument qui eft tel. Les deux robinets T , R (2), étant fermés, on verfe par le trou O ( ayant ouvert auparavant le robinet S ) du mercure. Ce fluide tombe par le tuyau C D dans la bouteille B , & prend la place de l'air qui condenfe dans le tuyau FR, cet air ne pouvant s'échapper. Il eft donc condenfé autant qu'il peut l'être, & alors le mercure ne pouvant plus defcendre dans le tuyau CD , il marque le degré de condenfation de l'air, par la hauteur où il eft dans ce tuyau , qui eft proportionnelle à {a denfité. Etcomme il eft démontré que l'élafticité eft proportion- nelle à la denfité , celle-ci étant connue par la comprelfon , l'élaf- ticité de l'air l'eft auf. » Cette expérience faite aujourd'hui , où à un endroit , j'ouvre le robinet R, l'air s'échappe alors par l'ouverture Q. Je renverfe l'inftrument pour faire tomber le mercure dans le tuyau F E. Pour cela, le robinet T doit être ouvert, & alors le mercure tombe fans qu'il puifle s'échapper par l'ouverture O , qui a donné l'iflue (1) Di&ionnaire de Mathématiques & de Phyfique, Tome II, page 468, (2) Le Graveur s’eft trompé dans la figure première, il a placé en C Ie r@x binet qui doit être en R, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 323 » à l'air. Cela fait, on remet l'inftrument dans fa première fitua- » tion , après avoir fermé tous les robinets, excenté le robinet S » parce que le tuyau M percé ; qui eft viflé fur le tuyau K, empé’ » che que le mercure ne bouche l'ouverture I du tuyau 1O; l'air » pañle par ce tuyau , & fortant par les trous du fecond tuyau, rem- » place le vuide que laïffe le mercure en tombant. Ainf » ce métal » liquide coule avec facilité dans le tuyau C D , & vient compri- » mer l'air comme auparavant. On aura donc le degré de conden- » fation de l'air dans cette feconde opération. On faura donc s'il » eft plus denfe , s'il eft plus élaftique qu'à la première : ainfi, dans » tous les tems, il refte à déterminer un point fixe pour rendre » mon Queynomètre univerfel ; c'eftce que je n'ai pas eu encore le » tems de chercher. Il fufit , pour le préfent , que je fois certain » que cet inftrument faffe conaoître l'élafticité de l'air, &-par con- » féquent fa bonté. Si cela eft , mon Queynomètre eft une invention » utile, dont la perfection n'eft pas loin. » Je ne dois pas oublier de faire remarquer que le tuyau C D » doit avoir une capacité telle, que quand la bouteille B eft pleine, » il foit vidé tout-à-fait; ce qui détermine la proportion des bouteilles » aux tUYaux ». D'après cet expofé , on voit que l'Eudiomètre & le Queynomètre font conftruits fur des principes fort différents, quoique deftinés au même ufage. Ces deux inftrumens font bien imaginés, & peu- vent être très-utiles : on devroit faire des obfervations avec l’un & l’autre : les réfultats de ces expériences contribueroient au bien de l'humanité, qui eft le but que les Phyficiens & les Philofophes ne doivent jamais perdre de vue dans leurs recherches. Je crois l'Eu- diomètre fort bon pour connoître combien l'air contient d'acide ni- treux. Le Queynometre eft propre à mefurer l'élafticité de l'air: quoi- que la combinaifon du phlogiftique & de l'acide nitreux doivent diminuer cette élafticité ,ileft plufieurs autres caufes de cette dimi- nution , qui conféquemment ne peut être proportionnelle à la quan- tiré de ce phlociftique & de cet acide nitreux. Je fuis donc très- perfuadé que l'Eudiomètre & le Queynomètre ne feroient jamais d’ac- cord enfemble , puifque par leur conftruétion ils mefurent des cho- fes différentes. Comme le Queynomiètre eft peu connu, j'ai penfé que la defcrip- tion en feroit agréable au Public. 1777. OCTOBRE. Ttz2 34 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; DOM QU ME ETS Propofés à M. Quarremer Dionvar ; concernant fon Mémoire {ur l'Indigo ; Par M, D'*, (x) Pan Monfieur , de vous préfenter mes doutes & de vous prier de les diffiper. L'inftruétion feule eft mon but & Je hais la critique ; voilà ma profeffion defoi. L'Art de l’Indigotier , publié par M. Beauvais de Razeau , avoit déjà fourni des détails très-amples fur la culture de l'Anil & fur fes manipulations fuivies en Amérique pour former l'indigo. D'après cet Ouvrage , je dois faire cette quef- tion : N’eft- il pas démontré que c'eft par la fermentation de la plante nommée Anil que l'on obtient la fécule appellée indigo ? & dans votre Mémoire , vous faites entendre que le battage prolonge la fermentation , & que c’eft cette prolongation de fermentation qui occalionne le précipité de la fécule.... Jétois d’un fentiment bien oppofé à ce principe , je croyois, au contraire , que le battage inter- rompoit la fermentation dans la cuve nommée cuve de battage , & que c'étoit la ceffation de fermentation , qui occafionnoit la forma- tion du grain ou le précipité de la fécule. Voici ce qui avoit donné lieu à mon opinion. J'avois vu dans nos atteliers de teinture , que les cuves d’indigo ne donnoïent de bonne couleur, que lorfqu’elles étoient en fermenta- tion. J'ai effayé, en les battant , à la manière des Nègres , de prolon- ger les avantages de cette fermentation ; mais , bien-loin d'y réuf- fir, la fermentation a ceflé entièrement: La cuve n'étoit plus en érat de teindre , & l'indigo s’étoit précipité au fond. J'aurois donc ofé aflurer , d’après cette expérience , que les mouvemens irréguliers du battage, pouvoient déranger certains mouvemens réguliers que produit la fermentation dans la maffe d'un fluide, dont les parties font cohérentes. Mon opinion étoit-elle erronée ? Cependant , vous annoncez que le battage prolonge les avantages de la fermentation lorfqu'on fabrique l'indigo. Or, dites-moi, je vous prie, pourquoi la fermentation de ce même indigo dans nos cuves eft, au contraire, EE (1) Voyez le Cahier de Juillet dernier, page 48. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. interrompue ou affoiblie par le battage ? Cette queftion chimique n'eft pas à négliger, & fa folution feroit très-inftruétive (x). Vous confeillez à nos Colons d'élever des familles de boucs , afin de mettre leur indigo dans des peaux de boucs, ainfi qu'on le pra- tique, dites-vous, dans les Indes Efpagnoles. Je croyois que l'indigo qui vient des Indes Efpagnoles, n'étoient pas dans des peaux de boucs. Mais, fi l’on peut élever en Amérique des boucs aflez forts, affez grands pour fournir des peaux aufli amples que celles dans le quelles on nous apporte l'indigo d'Efpagne, il n'y a plus de difficulté : c'eft un point de fait à éclaircir. On objeétera peut - être qu'il y a dans le commerce une efpèce de confiance en ces enveloppes, parce qu'elles renferment ordinairement un indigo très-fupérieur, & ajou- tera-t-on, cette diftinétion eft bonne à conferver; mais cette objec- tion ne vaudra plus rien , lorfque l’on fera en état, par votre mé- thode , de faire dans nos Colonies de l'indigo pareil à celui de - Guatimalo. Paflons à un troifième objet. Vous propofez, par votre méthode, de métamorphofer l'indigo commun en indigo fupérieur. J'ai répété vos procédés; à cet effet, j'ai mis deux onces d’indigo commun & en poudre, dans une cucur- bite de verre, obfervant cependant de laifler quelques morceaux d’indigo non réduits en poudre , afin de pouvoir mieux diftinguer la métamorphofe qui devoit s'opérer au moins à la furface de ces morceaux , & y voir plus fenfiblement le changement de couleur cuivrée de Saint-Domingue, en celle de Guatimalo. Je verfai quatre pintes d’eau fur mon indigo , & le fs bouillir à un bouillon léger pendant deux heures. Mon eau fe colora & devint de plus en plus fauve. Le feu ceffa; l'indigo fe précipita, & l’eau roufle fut décantée, Je remis de nouvelle eau, elle bouillit, elle fut décantée ; enfin, l'opération fut continuée jufqu'à ce que l'indigo ne communiquät plus à l'eau de couleur fauve ou rouge. J'enlevai donc, fuivant vous, une matière fuperflue & même très-nuifible à la teinture ; & cette ma- tière colorante-rougeñtre étoit d'une nature extraélo-réfineuft. Cette ma- tière extraéto-réfineufe eft-elle donc nuilible à la teinture ? Je raffem- ble exactement l'indigo précipité, je le fais fécher, je le compare à l'indigo qui n’a point fubi l'opération, &t je vois qu'il eft d'un bleu beaucoup plus intenfe. Je commençois à me féliciter de metre (1) On fait que le palliement d’une cuve ne peut pas être affimilé au battace. On élève la pâtée avec le rable, parce que cette pâtée contient les principes fermentans de lacuve, & les diftribue dans la mañle du fluide qui eft dans cuve. Les bons Teinturiers obfervent de faire ce palliement le plus doucement qu'il eft poffible, parce que moins ils écartent la furface de ce fluide, moins donnent d'accès à l’air extérieur, & plus la fermentation s’accéière. 1777. OCTOBRE. 126 ORSÉRVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tencontré entièrement avec vous dans ce procédé; mais, comme je voyois que cet indigo n'étoit pas parfaitement fec, je l'expofai pendant quelques heures au fo'eil fur du papier non collé, & un morceau de l'indigo qui avoit fervi jufqu'’ici de pièce de comparai- fon, fut mis à côté du premier. Quelle fut ma furprife, lorfque je vis que mon indigo cuivré de Saint - Domingue, que je croyois , par votre méthode, avoir métamorphofé en indigo Guatimalo , étoit encore le même indigo cuivré de Saint-Domingue; qu'il avoit feule- ment perdu lés taches blanches, c’eft-à-dire, les moififlures qui sy trouvent aflez fréquemment ; ce qui eft un petit avantage. Ai-je donc manqué à quelque point effentiel de votre procédé ? Daïgnez m'inf- truire. Après cette opération , je pefai mon indigo, & il y avoit huit pour cent de déchet. En effet, pourquoi l'eau bouillante qui; à la longue, détruit des corps très-durs, épargneroit-elle la fécule de l'indigo & ne diffoudroit-elle que les corps étrangers à cette fécule ? J'avois confervé les eaux colorées qui contenoient le déchet de poids; je les fis évaporer. L'odeur qui fe répandit dans le Labora- toire, étoit pareille à celle que produifent nos cuves en travail. L'éva- poration étant finie, je trouvai au fond du vafe une matière chatbo- neufe qui avoit toute l'odeur de l’indigo brûlé, & je commençai à croire que l'ébullition de l’eau avoit diflout autre chofe que la partie extraëtive; qu’elle avoit pu diffoudre auffi les portions de l’indigo les plus divifées, & que cette longue ébullition avoit pu dénaturer les molécules de l'indigo, de même que le feu les dénature en un moindre efpace de tems. Malgré cela ; j'efpérois encore que votre préparation annoncée feroit avantageufe pour mes teintures. Je montai donc deux petites cuves à froid , de même continence & avec épal poids de matière. L'une contenoit l'indico préparé, & l'autre contenoit le même indigo non préparé. Ces deux cuves ont été en état de fournir leur couleur dans le même tems. La fleurée de la cuve de l'indigo préparé, étoit un peu moins abondante; mais les co- tons que J'ai plongé en même quantité & en même tems dans les deux cuves, en font fortis colorés de la mêine nuance; enfin, j'ai épuifé la couleur de ces deux petites cuves avec une égale quantité de coton , & j'ai vu, avec étonnement , que l'indigo préparé, fuivant votre mé- thode , ne produifoit pas le plus léger avantage. J'ai également répété votre expérience, mais à gros bouillons , dans la marmite de Papin, afin de mieux extraire de l'indigo les parties que vous regardez comme étrangères , & cette expérience ne m'a pas mieux réufMi que les autres. Daignez, je vous prie, méclairer de vos confeils, ainfi que fur l'objet fuivant. Vous annoncez avoir communiqué la fixité au bleu de Saxe , lui SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. y avoir afluré une couleur vive, nourrie & foutenue par l'addition d’un alkali. Je ne crains pas de vous dire que cette découverte n’eft pas neuve, & que celui qui l'a faite le premier, ne l'a jamais regardée comme importante. Il y a douze ans environ, qu'un Négociant de cette Ville, connu pour avoir donné différens procédés aux Manufac- tures, teignit, pour fon ufage, cinq aunes de drap en bleu de Saxe, & dont la couleur avoit entièrement pénétré dans la tiffure. Ce drap fut teint chez M. Teurquet , Fabriquant d'indiennes , rue Martinviile, à Rouen, & le cati ou luftre du drap fut enfuite donné chez MM. Haye, freres, Fabriquans de draps à Elbeuf. Ce Négociant ne faifoir aucun myftère de fon opération. Il ajouta, en effet, de la leflive de foude dans fon bain de bleu de Saxe ; mais il teignit le drap à froid, parce qu'il avoit déjà obfervé , fur divers petits échantillons , que l’ad- dition de l'alkali dans le bouillon de teinture ( comme vous le pro- pofez), rendoit la laine plus rude. Il rematqua encore que cette ad- dition d’alkali, bien-loin d’aviver la couleur, la rendoit plus terne ; &t ne lui communiquoit aucune fixité. Je ne me fuis pas contenté de m'en rapporter au fait que je viens de vous citer, l'expérience feule me décide. À cet effet, je mêlai deux onces d'huile de vitriol avec deux gros d'indigo de Guatimalo ; pour faire, ce qu’on appelle depuis long-tems , la compo/ition du blei de Saxe. Je verfai de cette compoñition dans plufieurs baflins d'eau bouillante, avec addition des différens alkalis; mais la couleur bleue des morceaux de draps que j'y avois teints, n'eut pas plus de fixité que celle qui n'avoir point eu l'addition de l'alkali, Aucun ne réfifta au favon, & je remarquai que les bleus où il y avoit eu addition d’al- kali, étoient plus ternes, plus ardoifés, & le drap moins doux au toucher. Il réfulte donc de ces expériences, que votre addition d'al- kali ne donne aucune fixité à la couleur & ne l'avive point. On avoit autrefois beaucoup de difficulté pour monter & gouverner des cuves d'indigo avec le vouede ou paflel. Aujourd'hui, des milliers d'Ouvriers, à 20 fols par jour, font très-au-fait de cette pratique, & ils ont l’amour-propre de croire qu'on ne peut leur apprendre rien de nouveau à cet égard. Si, par.accident, il leur arrive d'avoir mis une grande quantité de chaux dans leur cuve, ils prétendent qu’en ÿ jetant du tartre en poudre, ils remédient à cet inconvénient en vingt-quatre heures, &t qu'ils ne font point obligés d’attendre pendant quinze jours le rétabliflement de leurs cuves , par Les quatre réchaux que vous indiquez. Ils prétendent mêmé que cet emploi des réchaux, effayés il ya plus de 20 ans, fut jugé mauvais d’après un grand nombre d'expériences. Ils aflurent encore que leurs meilleurs thermomètres pour les cuves, font leurs yeux; qu'il y a des cuves qui, relativement à la qualité des ingrédiens , doivent être plus où moins échäauffées, & 1777. OCTOBRE, PA 328 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que l'on auroit tort de s’aflujétir à un degré fixe du thermomètre. Quelques Ouvriers de la ville d'Amiens, où ily a, comme vous le favez , des quantités de cuves à chaux, m'ont dit qu’ils n'ont pas con- noiffance depuis plus de 40 ans, qu'on ait été obligé de jeter une cuve d'indigo à la rivière : il eft bien trifte qu'il arrive encore à Sedan de pareils accidens. Vous avez donné des obfervations fur le gouvernement des cuves à chaux, ainfi que M. Hellot, & tous deux vous avez des droits à la reconnoiffance de ceux qui s'occupent des teintures. C'eft à ce titre que j'ofe encore vous préfenter quelques obfervations; par exemple , à l'égard des cuves deftinées pour la foie , lorfqu'elles tombent en dé- faillance , vous ajoutez un brevet bouilli avec du fon lavé, quatre onces de cendres gravelées , cela eft bon; mais croyez-vous que l'ad- dition de la demi-once de fublimé corrofif & d'une once de fucre candi, foit bien utile ? Je penfe que nos cuves d'indigo peuvent fe paffer de Jun & de l’autre. I! s'agit encore des cuves à froid, dont la quantité eft immenfe dans ce pays, fur-tout depuis que l'on y teint des toiles en réferve. Nous avons aujourd’hui des atteliers d’Indienniftes, où il y a jufqu’à cent cuves d’indigo , de quinze muids de continence, & qui travaillent tous les jours ; & je ne fais pasfi un feul de ces atteliers ne confomme pas plus d'indigo en un mois de tems, que toutes les Manufadtures de Sedan n'en confomment en une année. J’aurois donc defiré , Monfieur, pour l'avantage public, que vous fuffiez entré dans de plus grands détails fur la teinture d'indigo, fi en vogue aujourd'hui. Par exemple, lorfque je monte une cuve à froid , j'ai l'attention de faire éteindre ma chaux dans une petite quantité d’eau, avantde la jeter dans la cuve qui contient toute l’eau néceffaire à la teinture. Croyez- vous, Monfieur , que votre méthode foit préférable à celle de nos Teinturiers, puifque vous ne devez pas ignorer que la chaux fe diffout mal dans un grand volume d'eau? Vous connoiflez encore les accidens qui réfultent, lorfque la chaux n'eft pas bien diffoute dans nos cuves. Autre objet. Avez-vous remarqué fi les dofes de couperofe, en hiver, doivent être les mêmes que celles ufitées en été? Une telle obfervation offre des recherches délicates à faire fur cet art, & qui méritent votre attention, Croyez-vous encore qu'il faille toujours mettre la quantité de couperofe que vous indiquez pour les. brevets ? Enfin, comme vous avez parcouru beaucoup de pays & fait un grand nombre d'expériences, vous connoiflez flrement les petites cuves d'indigo à l'orpin , que l’on monte pour appliquer le bleu avec la gomme, foit au pinceau , foit à la planche ; une differtation fur cet objet, en faveur de nos Fabriquans d’Indiennes , multipliés aujourd'hui dans le Royaume , n'’auroit-elle pas été plus effentielle que SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 329 que celle fur les cuves ordinaires , dont le montage & le souverne- ment ont été déjà très-bien traités par M. fellot, dans fon Art de la Teinture en laine? La fermentation , qui eft excitée fubitement par l'addition de l'orpin dans la petite cuve dont je vous parle , eft un phénomène intéreffant à expofer aux raifonnemens des Chimiftes. D'ailleurs , la perfection de ce bleu d'indigo , eft bien néceffaire à acquérir pour nos manufaétures d’indiennes, en ce qu’on defire un bleu qui ne bave point fous le pinceau, ou ne s’extravafe point fous les filets de la planche , & puifle former fur la toile , des traits propres & délicats, Si vous avez des expériences fur cet objet , daignez les com- muniquer , & vous rendrez un fervice eflentiel au Public. Voici , enfin , la dernière obfervation que j'aie à vous propofer aujourd'hui. Vous confeillez de faire venir de l'Amérique , l'indigo dans des caifles carrées, & non dans des futailles. Vous deman- dez encore qu'il foit coupé en parallélipipèdes , de fix pouces de long, fur quatre pouces de large , parce qu'ils s’arrangeroient mieux dans ces caifles , & qu'ils viendroient , fans fe brifer , jufqu'au lieu de leur deftination, tandis qu'aujourd'hui les petits cubes d'indigo fe brifent dans les futailles. Je confultsi un Négociant qui a de groffes plantations en Amérique, & voici fa réponfe : » Votre idée n’eft » pas mauvaife , & foyez sûr que nos Colons ont aflez de bons fens » pour l'avoir conçue; maisengagez donc des Menuifiers de France » à venirfaire en Amérique des cailles à auffi bon marché qu’elles » le font à Paris(1), & encore je calculerai s'ilne me fera pas plus » lucratif de me fervir en Amérique , des barils dans lefquels on nous » envoie le vin, la farine & autres denrées de France... Au fur- » plus, vous favez que nous n’accordons pas aujourd’hui autant de » refaétion pour la pouffe ou pouflière, comme nous en accordions » autrefois , parce que nous n'ignorons plus qu'il faut réduire l'in- » digo en pouflière poar le faire travailler dans nos cuves, & que ce » brifement des petits cubes ne vous eft nullement défavantageux ». Pluficurs Chimiftes, en convenant que l'indigo contient du fer, ne veulent pas convenir avec vous , qu'après la combuftion de l'in- (1) 11 y aenviron dix-huit ans que M. Efpiventville Boinet, Négociant de Nantes, donna des ordres à Saint-Domingue pour qu’on lui envoyät du bel in- digo bleu flotrant dans des caifles quarrées; & que l'indigo fût coupé en pa- rallélipipèdes, de 7 à 8 pouces de longueur, fur 4 à 5 de largeur. On fut obligé de faire en Amérique ces caifles avec le Bois d’Acajou. Le-prix exorbitant pour les façons, fit bientôt renoncer aux encaiflemens de cette nature. Il ya cepen- dant en Amérique un bois plus facile à mettre en œuvre, qu’on appelle Bois de Lance ; mais il n’eft pas commun dans tous les cantons, & la main d'œuvre ef toujours fort chère. é Tome X , Part. II. 1777. OCTOBRE. Vy 30 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; digo , l'aimant en attire. Ils prétendent que le fer contenu dans l'indigo, eft dans un tel état de divifion , qu'il s'évapore- lors de l'incinération, & qu'on ne le trouve plus dans les cendres de cette fécule. Plufieurs Agronomes d'Amérique ne funt pas de votre avis fur l'emploi de votre charrue; ils difent que la terre y eft toujours bonne, & que ce font les chenilles qui nuifent aux plantations (r). Je terminerai cette lettre par deux obfervations qui m'ont été communiquées par un habitant qui a fabriqué , pendant plus de vingt ans , le plus bel indigo de Saint-Domingue ; il eft furpris de ce que vous dites des fumiers, à la page 23 de votre Mémoire ; jamais cet habitant n’en a employé. Les fumiers d'animaux , que nous regardons , avec raifon , comme très-utiles pour l’agriculture de notre pays , deviennent très-nuifibles à la culture de l'indigo ; en ce que les graines des herbes que les animaux ont mangées , reprodui- fent fur le champ , dans les terres de l'Amérique, une quantité de mauvaifes herbes , entr'autres , la mal-nommée , que les anciens Sau- vages appelloient toute bonne, & qui eft très-nuifible à la culture de l'indigo. Le rabac eft encore repardé comme une plante très-nuifi- ble, & elle foifonne à Saint-Domingue. Les habitans n’en confer- vent que ce qu'il faut pour leur provifion, & le refte eft brûlé avec les autres mauvaifes herbes pour fervir d'engrais. Lorfque l'on a mis en fermentation la plante d'indigo franc , qui eft la meilleure efpèce, fi on ne la laiffe pas trop long-tems dans le pourrifloir , elle donne alors le bel indigo nommé bleu flottants mais l'habitant ne trouve pas fon compte à faire cette efpèce d'in- digo, en ce que le prix que l'on donne de cette qualité, ne com- penfe pas la légèreté du poids. Il laiffe donc l'indigo quelques heu- res de plus dans le pourrifloir ; alors, il obtient le bleu violet: s'il laiffe encore l'indigo plus long-tems , il devient cuivré , mais le poids de l'indigo augmente proportionnellemenr. La plante d'indigo-bâtard eft toujours deftinée pour indigo-cuivré. On en pourroit retirer éga- lement du belindigo , mais en trop petite quantité. Telles font les obfervations que j'avois à vous propofer , & aux- quelles je vous prie de répondre, & je ne cefferai de vous répéter og (2) La terre où l’on sème l'indigo, n’a fouvent que fix pouces de profondeur. Le tuf eft deffous, & les terres qui ont deux ou trois pieds de profondeur, font employées pour les cannes à fucre, qui donnent aux Colons bien plus de bé- néfices que l'indigo. Au refte, on a effayé en Amérique, & il y a plus de vingt ans, l'emploi de la charrue ; fi on y avoit trouvé de grands avantages, il eft à préfumer que les charrues s’y feroient multipliées; car l’expérience de la charrue mweft pas aflez neuve pour que les habitans de nos Colonies, qui font pour 4 plupart François d’origine , ne l’aient pas tentée. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 33i que mon but eft la feule utilité publique ; c'eft dans ces fentimens que je fuis, &tc. M 0 PEN Prompt & facile pour obtenir une très-grande quantité de Gas nitreux ; Par M. BRoNGNIART , Membre du Collège de Pharmacie, Profeffeur de Chimie. P::.. deux gros de fucre blanc écrafé, mettez-le dans un ma- tras à long col, de la capacité d'une pinte ; verfez deffus quatre onces d’efprit de nitre ordinaire ; adaptez au col de votre matras un fiphon recourbé , femblable à ceux dont on fe fert dans l'expérience de l'air fixe. Luttez les jointures avec le lut de chaux, le blanc d'œuf, & placez le tout fur la cuve à air , garnie d’ua récipient rem- pli d’eau. Mettez du feu dans un petit réchaud & placez-le fous votre matras avec précaution. L’acide nitreux réagira fur le fucre avec violence , le matrasfe remplira de vapeurs rutilantes, & elles pafleront avec rapidité , dans le récipient ; lorfqu'il fera plein de gas, vous en fubftituerez un autre, & ainfi de fuite jufqu'à la fin de l'opération. Quatre onces d'acide nitreux peuvent fournir environ trente pintes de gas. La liqueur reftante dans le matras , mife à criftallifer dans un endroit frais , donne une affez grande quantité de criftaux en ai- guilles à fix pans inégaux , terminés par fix faces irrégulières. Je n’entrerai pas dans un plus grand détail fur cette combinaifon; je me propofe de la répéter publiquement dans les Cours, ou Expé- riences Phyfiques & Chimiques, que je ferai cet hiver , fur les Elémens. Les perfonnes qui defireront fuivre ces Cours font invitées à venir en- tendre le Difcours que je prononcerai le Samedi, 15 novembre , à onze heures précifes du matin, en mon Cabinet de Phyfique & d'Hiftoire naturelle, rue & hôtel Serpente. Ce difcours fervira d'Introduétion aux Cours que j'ouvrirai le Lundi fuivant 17 Novembre, à onze heures & demie précifes du matin, & qui fe continuera tous les Lundis , Mercredis ë& Vendredis fui- vans, à pareille heure ; & à celui que je ferai pour la commode des perfonnes qui ne pourroient pas fuivre le premier, les Mercres dis, Jeudis , le Samedi de chaque femaine , à cinq heures du foir. 1777. OCTOBRE, 332 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c TL BCE TES ARIICLES Contenus dans ce Cahier. Eu de Météorologie appliquée à l'Agriculture , Ouvrage qui a rem- porté le Prix de la Société Royale des Sciences en 1774 ; fur cette Queftion : Quelle .eft l'influence des Météores fur la végétation ? * Et quelles conféquences pratiques peut-on tirer, relativement à cet objet, des différentes Obfervations météorologiques faites jufqu'ici ? par M. l'Abbé Topo, Prévôt de la Ste. Trinité , & Profeffeur d'Aftro- nomie,de Géographie & de Météorol. dans l'Univerfité de Padoue, p. 249 Obfervation.. fur le Thermomètre; par M. DE SERVIERES , Officier dè Cavalerie , L 280: Hiftoire des Opinions philofophiques , fur les principes & les élémens des Cops, par M. M***:, de plufieurs Académies, 286. Examen d'une partie des Objeétions de M.be MORVEAU , inferées dans le Journal de Phyfique , mois de Janvier 1777 ,page 61 6 fuivantes, contre le fyffème de M. BARBERET , fur La formation de la Grêle > par le Doéfeur CHAMEON ;, 30E Mémoire de Phyfique expérimentale , fur quelques propriétés de l'Air inflammable , lu à la Séance publique de l'Académie des Sciences & Béelles-Lenres de Dijon, le 17 Août1777 , par M. CHAUSSIER ;, de Dion, 309 Defcription d'un Infhrument pour mefurer la falubrité de l'Air, par M. le Chevalier DE SERVIERES;, 32E Doutes propofés à M. QUuATREMER DiToNVaL ; concernant fon Mémoire fur l'Indigo , par M. D*#*, 324 Moyen prompt & facile pour obtenir une très-grande quantité de Gas nitreux ; par M. BRONGNIART , Membre du Collège de Pharmacie ; Profeffeur de Chimie , 331 PP APPROBATION. Bee lu , pér ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux; un Ouvrage qui a pour titre : Obfervations fur la Phyfique, fur l'Hifloire Naturelle & fur les Arts,&c, par M. l'Abbé RoziEr, &c. La collettion de faits importants qu’il offre pério- diquement à fes Le&teurs,, mérite l'accueil des Savans; en conféquence, j’eftime gu'on-peut en permette l'impreffion. A Paris, ce z0o Oëtobre 1777. , VALMONT DE BOMARE. D DA VE D D a x ne a a re ce un. ml. i ) L. L CE ÉTOURNAL DE PHYSIQUE® AS NOVEMBRE 1777. re —_— NO À SVP END TU MÉMOIRE NS AUTE. EreS us ANT DE ME TE OR ON O:G.LE APPLIQUÉE À L'AGRICULTURE. S'PAGON'OD EX PAR FETE: Quelles conféquences pratiques peut-on tirer, relativement à la végétation (ou bien à l'Agriculture ), des différentes Obfervations météorologiques faites jufqu'ici. 00 5 Européens, en arrivant au Mexique, y trouvèrent une étrange coutume. Un Empereur, dès-qu'il éroit élu , étoir obligé de jurer que durant tout le tems qu'il feroit fur le trône, les pluies tom- beroient à propos, les rivières ne cauferoient point de ravages, les campagnes n'éprouvefdient point de ftérilité, &c.... Quel que fût Yobjet d’un ferment fi bizarre , un Météorifle de profeffion femble être chargé, par le commun des hommes ; d'un femblable engage- ment; c'eft-à-dire, de régler les pluies & les autres météores au gré des hommes & fuivant les befoins de la campagne. 105. On a vu dans la première Partie, l'étroite liaifon qu'il y a entre les météores & les produétions de la terre. On peut fans doute, à mefure que l'on acquiert des connoiffances , corriger la manière de cultiver & changer les travaux des champs. Mais en connoiflant Tome X, Part, Il. 1777. NOVEMBRE. X 5 334 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'utilité ou le dommage que telle ou telle conftitution de l'air & des faifons apporte à la campagne , eltil en notre pouvoir de changer l'ordre de la nature & les difpofitions de la Providence à A quoi fert donc un fi grand appareil d’obfervations météorologiques pour l'ufage de l'Agriculture, &t quelles conféquences pratiques peut- on en tirer ? 106. Je réponds que les obfervations météorologiques faites jufqu'ici, quoique commencées depuis fi peu de tems; ( car qu'eftce qu'un fiècle par rapport à la durée des tems & aux révolutions de la na- ture )2 & quoique peu répandues , nous ont cependant fourni beau- coup de lumières, de connoiffances & de règles très-utiles. Dans la première Partie, le rapport des obfervations météorologiques & des obfervations fur les produétions de la terre, Combinées, nous a fait appercevoir les traces de l'influence des météores fur la végétation : maintenant, je ferai voir qu'elles nous fourniflent de bonnes règles pour la pratique. Je crois qu'on peut diftinguer ces règles en deux claffes. Dans la première, je comprendrai les règles de fait, c'eft-à- dire , les faits bien conftatés en Phylique par les obfervations mé- téorologiques. Dans la feconde , je placerai les règles de prévoyance ou de conjeéture. CTH APR TORTUE) D RE MIT EUR Règles de fait. 107. JE voudrois que les vérités de Phyfique établies par le fait, fuflent en plus grand nombre; néanmoins celles que nous avons, quoiqu'en petit nombre , & dont nous fommes redevables aux obfer- vations météorologiques, ne font pas de petite importance. Je vais rapporter celles dont je me fouviens. 108. I. Le Baromètre a fait connoître, non-feulement la pefanteur de l'air en général, mais même fon différent poids, felon la différente élévation des lieux au deffus du niveau de la mer; ce qui nous a donné un moyen facile & aflez sûr de déterminer la mefure de cette élévation : fur quoi l’on peut voir l'excellent Traité des baromètres de M. de Luc. \ 109. II. Lorfque l’athmofphère eft chargée de nuages, de vapeurs, ou qu'elle eft humide ou pluvieufe, il neft pas vrai que l'air foit plus pefant, comme on le croyoit & comme le penfe encore le vulgaire ; au contraire, quelle qu’en foit la caufe, il.eft plus léger. 110. III. Dans les tems & dans les lieux où l'air pèfe moins &toù le baromètre baïfle, la chaleur agit plus efficacement fur les fluides ; SUR L'HIST. NÂTUREILE ET LES ARTS. 335 car on a trouvé, dans ce cas, par exemple , que l’eau bouilloit fur les montagnes par un moindre degré de chaleur. 111, IV. Cela n’augmente pas cependant à proportion le mouve ment des fluides dans les corps vivans; au contraire, fi la légèreté de l'air devient très-grande , elle rend la refpiration difficile, ralentit la circulation du fang, & fait périr les animaux à-peu-près comme dans la machine du vuide, Les plantes mêmes, dans les lieux où l'air eft fubtil, comme au fommet des Alpes, ont de la peine à germer, ou n’y croiflent pas, ou y périllent bientôt. » Sur cette montagne » (de Sixt, élevée de 5352 pieds au deffus du Lac de Genève), dit » M. de Luc, quoique dans une partie tournée au Midi, il n'y croît » plus de plantes ligneufes. On ne voit jamais ni arbre ni arbufte à » cette hauteur dans nos climats. Si quelqu'une des femences d'arbres » que les vents y tranfportent, trouve un fol ou une difpofition bien » favorable , il arrive quelquefois qu'elle y germe ; mais il n’en réfulte » jamais que des perits rabougris qui périflent bientôt. Les herbes » mêmes y font bafles & très-minces ». Cependant l'air, dans ce lieu , eft d’une pureté fingulière; l'eau même eft d’une bonté & d’un goût très-exquis. Qu'eft-ce donc qui manque là aux plantes pour y végérer? La chaleur, les exhalaifons nutritives , & même le poids de l'air, qui aide la circulation de la sève. Dans les montagnes moins élevées , on obferve les mêmes effeis à proportion; ce qui doit dé- tourner les hommes d'entreprendre des travaux de culture fur les mon- tagnes , parce qu'ils feroient infruétueux, elles doivent être aban- données pour les bois & pour les pâturages , ce qui ef leur defti- nation naturelle. 112. V. Les réfultats du thermomètre font encore plus intéreffans pour l'économie rurale. L'on a connu le degré conftant de la cha- leur animale, fixé à 33 degrés de l'échelle de M. de Réaumur; d’où cet illuftre Académicien a établi l'art de faire éclore les œufs dans les étuves. 113. VI. Par le degré connu de chaleur d'un climat, on connoît quelles plantes étrangères l’on peut utilement cultiver dans le nôtre. 114 VII. On détermine le tems où l’on doit fermer les ferres deftinées aux plantes exotiques, quel degré de chaleur l'on doit y entretenir; BC. 115. VIIL. Pareillement, on connoît le degré de chaleur néceffaire aux vers à foie ( 16. de Réaumur), celui qui convient à la chambre d'un malade, à diverfes efpèces d'animaux. 116. On obferve ( ce qui eft très-important ) la température d'une année, & on la compare avec celle d’une autre. Elle ne dépend pas d'un degré de chaleur ou de froid qui fe faffe fentir dans certains jours , ce qui eft cependant tout ce que l'on a coutume d'apprendre 1777. NOVEMBRE, KXx2 336 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; dans les extraits des obfervations météorologiques, & qui ne ferë. guères que pour la curiofité. Il y eut, par exemple, quelques nuits dans l'hiver de 1742, où le thermomètre marqua un plus grand degré de froid qu'en 1740, & d’autres où il furpafla celui de 1709 : ces dernières années furent cependant les plus froides. La France éprouve quelquefois des jours plus chauds que la Zone torride; mais la cha- leur de la Zone torride eft prefque conftante, & par cela feul, elle furpañfe la nôtre. La température dépend donc de la continuité de la chaleur ou du froid : pour la faire connoître, il fauc fommer les degrés de l'une & de l’autre efpèce ( au deffus & au deffous du tem- péré, qu'on doit fixer pour chaque pays particulier) , pour toute l'année, & prendre les différences. r17. IX. Je vais donner, dans la Table fuivante, un exemple de cette méthode pour mon pays (1). mé ee ASE Ne one ASE CEE LR SERGE D | {1) La Lombardie. L’Auteur ayant été obligé de garder l’anonyme , en envoyant fon Ouvrage au concours, il a cru depuis devoir diffiper l’obfcurité que des dé- fignations vagues & des réticences nécefaires auroient l’aiflé fubfifter. Ce motif la engagé à envoyer, au mois de Février 1775, des éclaircifflemens & des addi- tions que la Société Royale a jugé devoir être imprimés à la fuite de la Difler- tation. Nous y renverrons les LeËteurs, en indiquant les numéros auxquels ils appartiennent. On a cru cependant qu’il ne falloit pas ufer du renvoi pour les œbfervations de 1774, & on les a placées dans la Table fuivante, pour la rem, dre complette au gré de l’Auteur. SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 3 don ds Vel 5 à à HA DE LA TEMPÉRATURE DES ANNÉES. Les degrés de cette Table font, fuivant l'Echelle d'Amontons , en pouces & centième de pouce de Londres. CETTE Table fournit un réfultat très-remarquable , c’eft que dans ce pays » depuis 1740 , ou fi l'on veut, depuis 1746, le froid total a toujours éré croiffant jufqu'à préfenr. Mes obfervations me démon- trent aufli un plus grand nombre de jours fombres, humides , plu- vieux, & une augmentation dans la pefanteur de l'athmofbhère. Si gout cela fe vérifioir dans les autres pays , comme on peut le foup- NOVEMBRE, 1777° = —— mm ' Deprés | Degrés | Réfidu | Réfidu Degrés. | Degrés | Réfidu | Réfidu Années, de de de de Années] de de devil de chaleur.| froid. | chaleur.| froid. chaleur, | froid. chaleur, | froid, 1725, 01290:73|103;87.| 71,80! . 1... 1750. |179,00.1224,21.| ..,.. me. | 1726. |23411.1191,28.| 42,83.l.., 1751. |170,55.1265,21.| . .... 9466. | 1727. |234,58.1134,34.1100,24.|., 1752. |165,55.1210,82.|.....| 45,27.! 1728. |281,80.1117,09.1164,71.|.., 1753: |153,53 |242,55.| . 89,02. 1729. |273:75.1138,24,|135:51 1754. |168,61.249,40.| ..... 80,79 1730. |217,74..171,97.| 45:77:|..,.., 1755. |162,30.1166,88.| .,.,..| 14,58. 1731. |244,89.1174,54.| 70,35.|,.... | |1756. |151,20.1223,45.| . ....| 72.25. 1732. |225,45.1143,54.| 81:91.1,,.,,.1 |1757. |164,421273,10.| .., ..|108.68. 1733 |231:47.1145,93.| 85,54.1.,..,.| |1758. |102,41.124412.| .,....| s1,71. 1734. |242,34.1152,42.| 80,92.|,. 1759. 1221,35.[170,72.| 50,63.|...... 1735. |225,93.1145,66.| 80,27.|,..... 1760. |200,13.210,05.| .....| 0,92.| 1736. |233:72.1162,50.| 71,22 4 1761. |193,65.1213:39.|..... 19 74. 1737. |235:39.1184,06.| 51,33. $ 1762. |195,69.1225,55.|..... 20,86. 1733. |246,27.1190,76.| 46,51.|.... | 11763. |169,00.1223,18. .....| 54,18. 1739. |210,31.1217,90.|.... 7:59! 1764. |162, 15.234 65.1, 172,50. 1740. |174:57.1269 44,|......| 04,87. 1765. |129,68.1273.63.| ..... 143.95. 1741. |229,91.1193,08.| 36,83.|...,...| 11766. |137,48.1271,60.| ..... 134,11. 1742. |209,93.1200,68.| 9,25.1......| |1767. |104,28.,310,34.| .....1206.06 1743. |229,05..203,72.| 25,33.|. .....| |1768. |120,92.1366,95.|.....1246,03. 1744 |222,72./197,21.| 25,51.|......| |1769. |111,16.|302,04.| ..,..]190,88. 17454 |231:34.| 188,53.| 42,81.1. ..| 1770. |130,00.1373,80.| .....|243,80. 1746. |217»09./223 50.1......| (6,41.| |177r. [201,40 |321,54. ..|120,14. 1747. -20405.1210,75.|....., 6,70.| |1772. |14480.1273,54.| .....|128,74. 1748. |206,45. 269 AAA Pie o1e G2, 7] 1773. |133,60.1319,20.! .....|185 60 1749. |174:29. 235,07. 60,7 (1774. 146.60 |332,20.| .....|185, 6o.| A RE er RS, 338 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE , çonner, on pourroit attribuer à ces caufes la ftérilité de la terre, dont toute l'Europe fe plaint depuis quelque tems:car ona démontré que la chaleur eft la mere des générations. Si elle vient à manquer, celles-ci doivent diminuer en proportion : d'où l'on peut tirer ce corollaire univerfel , qu'on doit multiplier les efforts de la culture, tâcher , fur-tout , d'échauffer les terres , s’il eft poffible ; par quelque moyen, par exemple , avec des engrais chauds; comme la chaux, les cendres , &c..... Pour chaffer l'humidité , il faut élargir les champs, les débarraffer des bois & de l'ombrage qu'ils caufent par-tout où l'on abufe de ces fortes de plantations, comme dans nos pays. 118. XI. Les plus grandes chaleurs & les plus grands froids n'ar- rivent pas près des folftices , comme la fituation du {oleil femble l'indiquer , mais environ quarante jours après , à caufe de l’accumu- lation fucceffive des impreffions de froid où de chaud antérieures à ce terme. 119. XII. De même, la plus grande chaleur du jour arrive à deux ou trois heures après midi, ou, fuivant M. de Luc, aux trois quarts: de la journée. : 120. XIII. Mais la moindre chaleur ou le plus grand froid fe fair fentir vers le lever du foleil ( parce que rien ne le diminue pen- dant la nuit } ou plutôt une demi-heure après le lever du foleil , à caufe d'une certaine antipériftafe qui fe fait par la chûte des va- peurs ; ou par un petit vent d'Eft qui fe lève ordinairement avec le foleil. 121. XIV. La température moyenne . du jour a lieu aux deux cin- quièmes du jour artificiel , fuivant M. de Luc, ou à un quart , fuivant mes obfervations. Le même degré revient, felon lui , au coucher du foleil ; je ne le retrouve qu'après : mais M. de Luc obfervoit en plein air; mon thermomètre eft bien expofé à l'air libre , maisil eft à couvert dans une Ville , environné de maifons & de murailles élevées, d'où proviennent ces différences de tems dans la tempé- rature locale, comme un peu de réflexion peut le faire comprendre. 122. XV. L'Hygromètre, qui indique l'humidité & la féchereffe de l'air , peut être auffi de quelque ufage pour l'économie domefti- que , pour connoître , par exemple, fi une chambre eft humide où sèche, & par conféquent faine où mal-faine , pour faler les chairs & les poiffons ; car l'humidité de l'air, qui eft ordinairement ec- compagnée de chaleur , difpofe à la putréfaétion , & réfout le fel qui, au lieu de pénétrer les chairs, s'écoule en eau : c'eft pourquoi il faut attendre pour cette opération , que l'hygromètre indique le fec. Outre cela, l'hygromètre joint au baromètre , annonce les chan- gemens de tems. 123. XVL On ne doir pas omettre le mefüure de l'eau qui tombe SUR L’HIST.NATURELLE ET LES ARTS. 33 en pluie , en neige, en rofée , &c… La quantité s'eft trouvée différente dans différens pays:elle eft plus grande dans les mon- tagnes & près des mers. On connoît, par ce moyen, fi tel pays ou telle année eft humide | & dans quel rapport , ce qui peut donner quelques règles pour la culture. Mais il faut remarquer en quelles faifons & en quels mois arrivent les pluies. J'en parlerai ci-après. 124. XVII. La mefure de la pluie , en nous äpprenant qu'elle fuit à l'entretien des grandes rivières, nous donne auf des tèsles pour la conftruétion des citernes, quelle étendue de terrain & de capacité elles doivent embrafler pour recueillir & contenir une quan- tité d'eau qui puifle fufire aux befoins d'une famille ou d'une contrée, Les pluies préfentent d'autres faits importants , dont je parlerai plus bas. Je pañfe aux règles de prévoyance. LE à 20 OU 2076 A IA à ON 2 Règles de prévoyance. 125. Tous les Phyficiens qui fe font occupés d'obfervations mé- téorologiques ; fe font toujours fondés fur l’efpérance de découvrir, par la continuité & la multiplicité des obfervations mêmes , quel- ques règles fur les périodes des faifons , fur Ja.conftitution des années , fur les changemens de tems , perfuadés que ce feroit un avantage précieux, fur-tout pour l'Agriculture. » Car , en pre- » voyant les circonftances des faifons , ne fût-ce qu'à peu-près, dit » M. du Hamel (Obf. Botann. Météorol. Pref. ) , on fera quelquefois » à portée de prévenir une partie des accidens , en femant , par » exemple, d’autres efpèces de grains, ou en fe précautionnant des » blés étrangers. Ne nous laffons point ; dit M. de Mairan, » dans l'Hiftoire de ces mêmes Obfervations (1743) , d'oblervertous » ces phénomènes des pluies & des vents, d'en rechercher Ja liaifoa »..& les caufes, & croyons que le fruit n’eft peut-être pas auffi loin de » nous qu'il paroît ». Voyez aufi les Préfaces qui font à la tête des Obfervations de la Société Economique de Berne, & de celles de M. Poleni, inférées dans les tranfaétions Philofophiques , n°. 421,8 Encouragé par l'exemple & l'autorité des Académies &c des Phyfciens du premier ordre ; pofleffeur d'une fuite confidérable d'obfervations qui comprennent prefque cinquante années , j'ai tâ- ché, malgré mes foibles lumières, de cueillir ce fruit que M. Mairaa ne croyoit pas loin. L'illuftre Societé de Montpellier jugera jufqu'à quel point j'ai réufï, 1777. NOVEMBRE. 1» 340 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, $. I. Principe pour trouver quelque règle fur leschangemens de tems. 126. QuaND on entreprend de difcuter & de réduire en fyftème un certain nombre d'obfervations , il faut un principe provifionnel analogue au fujet, auquel on puiffe les rapporter ; & fi elles s'accor- dent par leurs réfulrats avec ce principe , il devient lui-même la règle que l’on cherchoit ; s'il ne fatisfait pas à ces conditions , on le rejetre & on en fubftitue un autre , jufqu'à ce qu’on découvre quel- que chofe de bien fondé. Comme il s’agifloit, dans notre cas , de chercher une règle fur les changemens de tems , je ne favois à quoi: Tes rapporter , fi ce n'eft aux phafes de lalune , & aux autres fitua- tions de ce fatellite , par rapport au foleil & à la terre. Il eft vrai que les Savans & le Peuple ont des opinions bien oppoñées fur cette matière, les uns & les autres ayant été peut-être trop loin, ceux-ci attribuant tout à l'influence de la lune ; &t ceux-là ne lui accordant rien. Examinons de plus près la queftion. 127. La préfomption s'élève d'abord en faveur de l’opinion popu- laire , car on ne peut pas nier l'action de la lune fur Les eaux de l'Océan; ce qui étant accordé , il eft difficile de lui refufer une impreffion ana- logue fur l'athmofphère. Les plus habiles Phyficiens de notre fiècle, ont vérifié celle ci par leurs calculs , maïs ces calculs faifoient cette attion trop petite pour être fenfible dans le baromètre. Cependant, le célèbre M. Lambert a indiqué la manière de découvrir, par le moyen des obfervations, s'il y auroit dans le baromètre, des variations dé- pendantes de l'aftion de la lune. On obferve une grande diffé- rence dans la marée , entre les tems du paffage de la lune , par fon apogée, & ceux du pañfage par le périgée. Cela cft connu: & voyez la table... (1) De même, conclut M. Lambert, en additionnant les: hauteurs du baromètre,pour ces deux tems & pour plufieurs années,on découvriras'ily a quelque différence. C’eft ce qu'il effaya de faire dans un Mémoire latin, inféré dans les Aéfa Helvetica , vol. 3 ; il trouva des réfultats bien favorables , mais douteux en quelques fens , de manière qu'on les décideroit,par les obfervations d’une fuite plus longue d'années. 128. Je me hâtai de remplir les vues de M. Lambert, afin de pofer le fondement de l'influence lunaire fur l'athmofphère , fi elle étoit vraie. Ayant donc pris cinq hauteurs du baromètre pour cinq jours autour de chaque pañlage dela tune , tant par fon périgée que par fon apogée , j'eus, pour chaque année , la hauteur moyenne de lun & de l’autre, & au bout de 48 ans, les moyennes finales. Voici 2 M SRE DC D ES, PQ I AU EE CRE x) Voyez les Eclaïrciffemens & Additions. mes de S'y SUR L'HIST. NATURELLE ETIIS ARTS. 34r mes réfultats. 1°. De ces 48 ans, 31 furent favor-bles à l'apépéc, c'eft-à-dire , qu'ils donnèrent des hauteurs plus grandes; 17 feulement les donnèrent moindres. Mais, 2°. Par les dernières fommes, la mo- yenne apogée fe trouva excéder la moyenne périgée d'? de ligne par jour. 3°. Les r7 ans d’'exceptions fe trouvent combinées avec les ebfides de la lune, fitués près des points équinoxiaux. Il doit fe faire en effet, dans ce cas, une exception, parce que la lune agit non-feu- lement par fa force de gravication, mais encore par fon mouvement, & fon action fous le cercle équinoxial, eft la plus forte. Tout cela combiné avec l'inertie de l'air, fait accumuler celui-ci fous l'équateur, de manière que fa mafle détruit, en partie, les effets de l'attraction. Nous verrons bientôt un autre effet analogue à celui-là. 129. J'ai voulu comparer , avec la même méthode, les hauteurs du baromètre autour des fyzygies & des quadratures, & j'ai trouvé, 1°. que les hauteurs autour des quadratures font plus grandes que celles des fyzygies , de manière que fur 48 il yen a 27 plus grandes & 21 moindres. Mais, 2°. La fomme totale des quadratures excède celle des fyzygies , la hauteur diurne des premières étant plus grande que celle des dernières de ;& de ligne. Les obfervations femblent donc jufqu'ici prouver affez clairement l'influence de la lune fur le baro- mètre, & conféquemment fur l’'athmofphère; influence qui ne fauroit être indifférente pour les changemens de tems. Voyez Ja table... : 130. J'allai plus loin. Il paroifloit , par les exceptions remarquées dans les hauteurs apogées & périgées du baromètre, qu’il y avoit de la différence dans l'aétion de la lune fur l'athmofphère d'un lieu à l'autre du zodiaque, comme on l'obferve aufi daas fon ation fur l'Océan. J'eus donc la patience d’additionner à part toutes les hau- teurs du baromètre, correfpondantes à la demeure de la lune dans chaque figne du zodiaque, fur 48 années. ( Je puis préfenter la Table que j'en ai dreffée). Le principal réfüulrat eft que la lune agiffant avec plus de force lorfqu'elle eft dans les fignes feptentrionaux, les hau- reurs du baromètre qui y correfpondent , font moindres ( comme les marées font plus grandes ): la hauteur moyenne, diurne , qui répond au Cancer, eft moindre que celle du Capricorne de :£%5 de pouce, ce qui fait à-peu-près + de ligne. 151. Les fignes du zodiaque qui s'écartent de cette règle, font même ici les équinoxiaux, principalement les deux autour du point de la Balance, où les hauteurs du baromètre font les plus grandes. Cela provient de la caufe indiquée ci-deffus (n°. 128), à laquelle il faut ajouter que la lune venant des fignes feprentrionaux où elle foulève le plus l'air, elle entraîne avec elle une mañfe d'air qui, jointe à celle qui s'élève naturellement fous l'équateur, fait hauffer le baro- mètre au lieu de l'abaiffer. Tome X , Part. II. 1777. NOVEMBRE. Yy m2 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 132. J'ai remarqué encore que, dans les années où les apfdes Junaires occupent les fignes équinoxiaux, les hauteurs du, baromètre font les plus grandes , & elles fe fuccèdent de quatre en quatre ans; ce qui, comme je le prouverai par les faits, ne fauroit être indiffe- rent pour la conftitution générale des mêmes années. . $. IT Effai de la détermination des jours fur lefquels on peut conjecturer des changemens de tems. 133. L'influence de la lune fur le baromètre étant admife, cela £eul fufiroit pour faire entendre que cet aftre influe auffi fur les chan- gemens de tems : il faut cependant éclaircir mieux ce point par l'exa- men des obfervations, en déterminant, s'il eft pofible, d'une manière plus précife, les fituations où la lune déploie plus fenfiblement fa force fur l'athmofphère ; d'où l’on pourra tirer des conjeétures fur les jours , autour defquels le tems doit probablement changer. 134. Les recherches que l'on a faites fur les marées , ont fait voir que les fyzygies & les quadratures ne font pas les feules fituations où la lune diverfifie fon action combinée avec celle du foleil. Elles ont démontré fix autres fituations dans chaque révolution de la lune dans fon orbite, par rapport à la terre en général , & aux différens climats en particulier , qui doivent altérer fon aétion. Ces fix fitua- tions font le périgée & l'apogée, par la diverfité de diftance de la lune à la terre, qui eft d'environ 27,000 milles; les deux paflages de la lune par l'équateur, dont je nommerai, l’un , l'équinoxe afcen- dant de la lune, & l’autre, l'équinoxe defcendant , & les deux lurif- tices, ainfi nommés par M. de la Lande , l'un, boréal, lorfque la lune approche de notre zénit autant qu’elle peut dans chaque lunaifon; l'autre, auftrale, lorfqu’elle s’en éloigne le plus, car il y a une grande différence d'ation, à raifon de la direétion ou de l'obliquité. Ainfi il y aura dans chaque révolution de la lune dix fituations, que j'ap- pellerai points lunaires , dignes d'être ohfervées, non-feulement par rapport aux marées de l'Océan, mais même pour celles de l'ath- mofphère. 135. Le même M. de la Lande fur le premier qui fuggéra aux Mé- decins & aux Phyficiens, d'obferver ces dix points, relativement aux maladies & à l'état du ciel. M. de Chauvalon eft le feul, que je fache, qui en ait fait ufage dans fon voyage à la Martinique , ou dans le Journal des Obfervations météorologiques; il marqua les jours dans léfquels tomboient ces dix points ; & l’on y voit, pour le dire en pañfant, que nul de ces points ne pañfa ; fans une altération fenfible, dans l'état de l'air. 236. J'ai eu le cougage de faire la pénible comparaifon de mes SUR L'HIST. NATURELLE ÊT LES ARTS. 343 lougs Journaux météorologiques avec ces points lunaires. Je dois avertir que je n'ai pris pour changement de tems, qu’un paffage fen- fible au beau, à la pluie, au vent, au calme , &c.... ce qui eft, à la vérité, défavorable au fyftème ; car fi j'avois voulu tenir compte des moindres variations , telles, par exemple, que des vents foi- bles, des brouillards, des nuages , des mouvemens confidérables du baromètre, je crois qu'aucun de ces points n'auroit été fans eflet. Néanmoins , en prenant les chofes mêmes avec ce défavantage, la force changeante des mêmes points, fe montre fi clairement , qu'on ne fauroit fe refufer d’y faire attention. 137. Je crois devoir dire encore qu'étant inftruit de Ja marche de la marée en général, je n'ai pris ni l'inftant, ni l'heure, ni le jour précis où tomboit une nouvelle lune, un périgée, &c.…..; mais en fuivant les obfervations faites fur la marée qui avance‘ou retarde (je parle des hautes marées du mois ) quelquefois de trois ou quatre jours, par rapport aux points lunaires; j'ai pris de même les chan- gemens de tems avec la même latitude. Si quelqu'un vouloit me dif- puter la qualification de quelques points lunaïres, je répondrai que, dans un fi grand nombre d’obfervations, quelques unités de plus ou de moins, altèrent très-peu la proportion. En fecond lieu, je le prierai d'examiner de bonne foi un journal météorologique ; par exemple, un de ceux que je citerai ci-après, & jefyère qu'il fera furpris de l'accord frappant des changemens de tems avec les points lunaires. 138. J'ai placé dans la Table fuivante, le réfulrat des obfervations de quarante.huit ans ( depuis 1725 jufqu’en 1772), pour le pays qui a été l’objet de ces mêmes obfervations. La première colonne indique le nombre des points qui ont fait changer le tems; la feconde, le nombre de ceux qui ont eu lieu fans changement. Points Lunaires. Changeans.| Non-changeans. Nouvelles Lunes. 22. 82. Pleines Lunes. 506. 92. Premiers Quartiers. 424. 189. Derniers Quartiers. 429. 182. Périgées. 546. 99. Apogées. 517. 130. Equinoxes afcendans. 465. 142. Equinoxes defcendans. 446. 152. Luniflices méridionaux. | 446. 154 Luniftices feptentrionaux| 448. 162. 1777. NOVEMBRE, Yy2 3% OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; J'entends par ces nombres, que fur 6o4 nouvelles lunes, il yen à: eu 522 accompagnées de changemens de tems, & 82 fans change. ment, & ainfi de fuite; il paroît donc que l'obfervation confirme l'opinion populaire fur l'influence de la lune. 139. Comme on auroit pu, à toute rigueur, attribuer ces com- binaifons au hafard , ou les regarder comme locales, fuppofition qui auroit été trop iojufte , j'ai voulu examiner beaucoup d’autres obfer- vations , autant que j'en ai pu recueillir; en voici la lifte. L'année 1671, par M. Bartholini , à Copenhague. 1686-87, à Capo Corzo, en Afrique. ( Tranf. Philo.) 1697-98-99, à Wpminfter, par M. Derham. 1698-99, à la Chine. ( Tranf. Philof.) 1700, à Halle, par M. Hoffmann. 1630-31-35, à la Baye de Hudfon , par M. Middleton, 1741, à Rome , por M. l'Abbé Revillas. 1744-45, à Québec. 1751, à la Martinique , par M. de Chanvalon. 1756-57-58, à Bâle. ( AC. Helvet. ) 1757-1764, à Florence, par M. Targioni. 1760-1762 , à Berne. ( Soc. econom.) 1767-68, à Kiell, par M. Rikermann. Ces obfervations donnent un nombre à-peu-près égal de points funaires , & des réfultats qui s'accordent entr'eux, malgré la diftance des lieux & la diverfité des années. Je me fuis laffé de faire d’autres recherches de ce genre. Les derniers réfultats de tous ces pays; méêlés avec les miens, ont donné la Table fuivante , où les rapports font réduits aux moindres termes. N Proportion : j on NS Points lunaires. Changeans. Ch réduite aux ANSE: noind.term. Nouvelles Lunes. 950 : 1560 — ON: Ur Pleines Lunes. 928 : AA NEO TS Premiers quartiers. 706 : BEC MCE TETE Derniers quartiers. 975 : 319 = 2: 7 Périgées. 1009 : 169 = 7 rs Apogtes. 961 : 220100 QAR IT Equinoxes afcendans. S4I : 167, — 3}: 17. ÆEquinoxes defcendans. S19: 1840 — 0 2 Luniftices méridionaux. s21: LYON ES LL LUE Le Luniflices feprentrionaux. 526: 180 = 23% Tr. RS mepsnesr | SUR L’'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 345 L'on peut donc parier, par exemple, fix contre un, que telle ou telle nouvelle lune amènera un changement de tems, & ainfi des autres , fuivant les rapports indiqués par la Table. 140. Si l'on m'objeéte que cette force changeante , que j'attribue aux points lunaires, eft quelquefois fans effet, je répondrai, 1°. que l'on remarquera chaque fois quelque mouvement ou difpofition du ciel à changer; 2°. que d'autres caufes phyfiques, quoique de moindre force, concourent avec les premières, & peuvent quelquefois, en fe combinant, fufpendre l'efficacité de la caufe principales 3°. qu'à caufe de l'inertie de la matière, dès que l’athmofphère a pris une forte impreffion ou habitude, elle ne la perd point aifément, quoiqu'elle Jouffre des altérations intermédiaires & des intervalles qu’on peut re- marquer même dans les tems opiniâtres de féchereffe ou de pluie ; 4°. & qu'enfin , même dans ces cas extrêmes , l'athmofphère n'éprouve de changement que par quelque point lunaire. 141. L'on m'oppofera encore que la conftitution des pays & des climats eft différente, & que cela doit caufer une grande diverfité , je l'avoue : mais je réponds, 1°. qu'il y a des imprefions générales qui occupent, par exemple, toute l'Europe & de vaîtes mers; 2°. que la diverfité des pays ne fair que diverfifier les changemens & les rendre analogues à la nature de chacun; par exemple, pendant . qu'en Tofcane ïl fait de la pluie, il fera beau tems au delà de l'Apennin; c’eft toujours un changement : ainfi ily a une alternative de pluie de fix mois au Malabar & au Coromandel, à caufe de la chaîne des montagnes qui féparent ces deux côtes. 142. Il y a un autre article très-remarquable fur ce fujet; c'eft le concours de plufieurs points lunaires enfemble , concours occafionné par l'inégalité des trois révolutions de la lune ( périodique , anomalif- tique & fynodique ) , & outre cela , par le mouvement progreffif des apfides. Les nouvelles & les pleines lunes fe combinent quelquefois avec les apogées , les périgées & les autres points : je nomme ceux- ci, parce qu'ils font les plus efficaces. Ces combinaifons altèrent beaucoup les marées, & caufent aufli des perturbations dans l’ath- mofphère, qui deviennent fouvent orageufes. Voici les rapports de leur force changeante , tels qu'ils réfultent de celles que j'ai eu le tems d'examiner. | Nouyelles Lunes avec le périgée, , , , ,. 168: s = 33 : 1 HN AV AVEE Ilaponée ie A HNTAOMEZr — ia: ire Pleines Lunes avec le: périgée. . « . . 156 : 1$ = 10: 1 UD UNE ADOBE Dee OT AA LS TO = ANR Ze 1777. NOVEMBRE, f 346 OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE, 143. C’eft une chofe remarquable , qu'il n'arrive prefque jamais de -grand orage fur terre ou fur mer, qui ne fe trouve avec quelqu'un de ces points unis ou féparés. Cherchez dans l’hiftoire les orages les plus célèbres par des naufrages, les marées les plus extraordinaires , les inondations, &tc.... ; vous les trouverez comme je dis. J'en aiune lifte bien longue, tirée de plufieurs fiècles ; & l'examen feul de dix- huit aunées de mon Journal, m'en a fourni 8r, dont 3 forment des exceptions, 7 font combinés avec les quartiers de la lune, & 71 font liés avec les combinaifons des points lunaires. 144. Il eft vrai que ces orages de grande étendue, arrivent ordi- nairement depuis l'équinoxe d'automne jufqu'à celui du printems, fur-tout vers le folftice d'hiver (à caufe du périgée du foleil ): mais ils feront moins à craindre, fur-tout en mer, fi les principes que nous avons pofés les font prévoir. 145. C’eft pourquoi je me propofe de publier annuellementun petit Almanach, qu'on pourra appeller Météorologique , à l'ufage de l'Agri- culture, de la Navigation & même de la Médecine; car on obferve que les maladies s’exaltent, & que les malades courent les plus grands dangers dans les jours du mois où tombent les dix points lunaires, qui pourront fervir de règle pour tirer des conjeétures fur les changemens de tems, avec une fage précaution. 146. J'ai trouvé , par l'expérience, qu'il faut ajouter à ces points. les quatrièmes jours, tant avant qu'après les nouvelles & pleines lunes. Ces quatrièmes jours répondent à-peu-près aux fextils & aux trines des anciens , ou plutôt aux ocfans de la lune , connus des Aftronomes par cette perturbation qu'on appelle variation, qui eft la plus grande dans ces fituations-là. L'Obfervation m'a convaincu que l’état du ciel change alors, ou fe difpofe à changer. 147. On m'objeétera que je rappelle l’Aftrolopie. Une telle impu- tation feroit injufte. L'ancienne Aftrologie, dans route fon extenfion, avec peu de principes phyfiques, en embrafloit beaucoup de précaires & de chymériques; elle en faifoit des applications vaines & fuperfti- tieufes, & elle. péchoit fur-tout par ce fophifme qu’on appelle nor caufä pro caufä., Dans le petit fyftème qu'on vient d'expofer,; nous avons un principe phyfique , donné par la théorie, appuyé fur l'ana- logie des marées, confirmé enfin par une forte induétion tirée des obfervations (1). ere nee nee eee dettes RARE (1) Je ne prétends point décider fi la@ion de la lune fur l’athmofphère dé- pend entièrement d’une force mécanique, telle que lagravitation, comme celle qui agit fur les marées, ou fi elle eft en partie phyfique, comme étant produite, par exemple, par la chaleur, la lumière, &c.. Peut-être doit-elle être attribuée SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. jy 148. Je ne parlerai point des planètes & des étoiles. Si ces aftres influoient fur les altérations de l'air (ce qui, à mon avis, n’eft pas facile à décider), il feroit au moins difficile & prefque impoñfible de connoître cette influence. Dans une multitude de caufes & d'effets : difficile eft, comme dit Kepler , unicuique ovi agnum fuum affignare. $. IL. Du retour des faifons & des années extraordinaires. 149. Ce feroit peut-être aflez d’avoir circonfcrit les jours des chan- gemens de tems; mais quand les principes font vrais, ils deviennent féconds. Tâchons donc d'en faire de nouvelles applications : fi elles font juftes , elles confirmeront la probabilité des principes. 150. La force perturbatrice de la lune fur l'Océan, fur l’athmof- phère, & généralement fur tout le globe, fe déploie particulièrement autour de fes paflages par fes apfides, à caufe de la grande dife- rence de diftance entre ces deux rems. Mais les apfides ne font pas fixes ; elles changent de fituation en avançant direétement dans le zodiaque de 40 degrés par an, & achevant une révolution au bout de 8 ans 10 mois environ; d'où il doit arriver : 151. 1°. Que les apfides occafionnant dans l’athmofphère une per- turbation qui leur eft propre, on la reconnoïîtra dans les divers points de leur révolution. Je trouve en effet, en rapportant les marées ob. fervées dans un certain Port aux fignes du zodiaque, que la marée la plus haute, qui ( cæteris paribus) répond toujours au périgée , à une forte d’éle&ricité, qui, en certains tems, s’accroit ou diminue, pañle du pofitif au négatif, & vice vers; ce qui pourroit produire alors cette évapo- ration extraordinaire dont j'ai parlé, qui eft la fource des brouillar ds, des nuages, des pluies, des vents, &c ..., phénomènes qui font liés avec les fitnations de Ja lune par rapport au foleil & à Ja terre, dont on a parlé. Dans cette hypo- thèfe, comme les trombes de mer font produites par une éle&tricité inégale entre une nuée & l’eau, d’où naiflent ces deux protubérances qui forment fa trombe en fe joignant; pareillement, on pourroit dire que ce promontoire d’eau qui s’élève fous la lune chaque jour à lPheure de la marée, ( à laquelle devroit en corref- pondre une plus grande dans la lune, s’il y a des miers ) eft produit par une éle&ricité inégale entre les deux globes de la lune & de la terre, & la marée de l'air ne feroit qu’un effet femblable. Or, de même que la marée de l’eau, eft fort altérée au tems des fyzygies & des apfides; ainfi, doit l’être la marée de l'air, & conféquemment l’évaporation univerfelle. L'on pourroit foupçonner que tous les corps de notre fyftème, s’éledtrifent entr'eux par le moyen de la lumière & de l'éther, & cela plus ou moins, felon qu'ils agiflent feuls, ou plufieurs à Ja fois. Déja, quelque Phyficien Aliemand a conftruit fur ces principes des Pla- nétaires éleétriques. Mais ce feroit s’abandonner à des conjetures trop vagues: sous en cherchons de raifonnables, appuyées fur les faits. 1777. NOVEMBRE. 348 OBSERVA TIONS SUR LA PHYSIQUE, avance d’un figne à l’autre, de proche en proche ; & d'année en année, en fuivant le périgée lunaire. 182. 2°. L'action direéte ou oblique d’une même force, faifant une imprefion relative à l'obliquité, il doit y avoir une grande dif- férence dans l'impreflion des apfides lunaires, fuivant la fivuation directe ou oblique dans laquelle elles fe trouveront dans le zodia- que. La plus grande impreffion aura lieu vers les points équinoxiaux; car, dans cette fituation, l’aétion lunaire a une direétion oppofée à celle de la gravitation terreftre. C'eft de là que proviennent les grandes perturbations équinoxiales , foit du côté du foleil, foit de la lune, fur les marées & fur les mouvemens de l'athmofphère. Je trouve dans les obfervations fur les marées , que j'ai déjà citées , que la marée moyenne de 1754 (année dans laquelle les apfides étoient dans les fignes équinoxiaux ), a été la plus grande de toutes: celles qui font comprifes dans les obfervations. Nous avons remar- qué ci-deffus (n°. 132) un femblable excès dans les hauteurs du baromètre. 153. 3°. La fituation des folftices eft remarquable par rapport à un lieu particulier ; car l’un s'approche le plus du zénit & de l’a&tion directe; l'autre éloigne & rend oblique l’aétion de la lune, foit fim- ple, foit modifiée par les apfides. Ce font donc quatre fituations extrêmes, qui doivent produire de plus grandes altérations dans les faifons. En effet, l’on peut remarquer, avec M. Lambert, fur ka table des hauteurs apogées & périgées du baromètre, que les irrégula- rités ont lieu dans les quatre fituations principales des apfides, dans les équinoxiales par excès, dans les folfticiales par défaut; mais la perturbation qu'éprouve l’athmofphère , eft également fenfible dans ces deux cas (1). 154. Cela pofé, je crois pouvoir tirer deux conféquences fommai- res, que je prouverai par les faits, autant qu’il fera poñfible : 1°. Les faifons & les conftitutions des années, doivent avoir une: période à-peu-près égale à la révolution de l'apogée lunaire, c’eft-à- dire, de 8 à 9 ans. 2°, Vers le milieu de cette période, c’eft-à-dire de 4 à 5 ans. il doit y avoir un retour ; ce qui doit amener le plus fouvent des an- nées extraordinaires. Eclairciflons l'une &t l’autre propofitions.. (1) M. Ramazzini, dans fes Conflirutions épidémiquas, remarque qu’en 1690, année extraordinaire par les pluies, par le froid , par les maladies, le baromètre a toujours été plus haut qu’à l'ordinaire. Les apfdes de la lune étoient dans les Signes folfticiaux, z55 SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 349 155. Pline avoit dit ( lib.2,c. 07 ), » que les marées au bout de » 8 ans, font rappellées aux principes de leur mouvement , & à des » hauteurs égales par la révolution de la centième lune » : maris æflus per ‘oéfonos annos ad principia motüs, & ad paria incrementa centefimo Lunæ revocati ambité ; & en parlant des failons , (lib. 18, c. 25) » que les faifons fubiffent , tous les quatre ans, une--efpèce d’effer- » vefcénce , mais qu'elles en fouflrent une plus marquée au bout de » huitans, par la révolution de la centième lune » : tempeflates ardo- res fuos habere quadrinis annis.…... oélonis verd augeri eafdem centefimä revolvente fe Lunä ; d'où l’on voit , quoique Pline n'emploie qu'un nombre rond d'années & de lunaifons , que les Anciens étoient plus Obfervateurs que nous ne croyons (1). Nous pouvons maintenant affigoer la raifon phyfique de ce retour des marées & des faifons au bout d'environ neuf ans, par la révolution des apfides lunaires! 156. J'avoue que l'indication de Pline m'a engagé à en chercher la preuve dans les obfervations , & j'en ai d'abord trouvé une , entre autres , dans la mefure de la pluie. Je remarque en effet, que, dans mon pays , les fommes de neufannées confécutives de pluies, font égales entrelles , ou du moins , à peu-près; & on ne retrouve point les mêmes approximations dans d’autres fommes prifes, par exemple , de fix, de huit, de dix ans. On voit dans la table fuivante, que de cinq fuites de neuf ans, que j'y äi rafflemblées, une feule fe refufe à. la règle. En compa- rant de même les mefures de la pluie , données par l'Académie Royale des Sciences de Paris, depuis 1699 jufqu'en 1752, nous avons fix fuites de neuf ans , dont trois plus grandes , trois plus petites , mais prefque égales entrelles des deux côtés. Ce point fera mieux | éclairci par la fuite de cet Ouvrage ; l'on peut cependant en déduire ‘ un corollaire économique : c’eft que pour évaluer avec précifion le produit d'une campagne, on doit le fixer fur un tablean de neuf années confécutives. VARRAS FEAR PT RE NE Ph, eh (1) Pline Paroît avoir eu la même penfée, l’orfqu’il dit, dans le même Livre (18) : Rudis fuit prifcorum vita, atque fine litteris : non minùs famen ingeniofam fuife in illis obfervationem apparebit, quäm runc ef]e rationem. Tome X , Part. ÎI, 1777. NOVEMBRE. Z 2 ‘Années. 1725. 1726. 1727. 1728. 1729. 1730. 1731. 17323 1733" 1734 | 37, 82 3735. | 30, 56 1736. 31) 18 1737. | 23» 5 1738. 28, 17 3739- | 25: 33- 1740. 22, 40, 1741. 24, 15:| 1742. 38 ’ 99: Novenoium.|262 »' 45: 1743. | 28 30. 17 44 37, 91. 1745. 49 » 53- 1746. 39 » 00, 1747. | 23, 58. 1748. | 41, 92. 1749. 35» 5!- 1750. 30» 21. 1751 | 42, 56. Novennium. 319 à S2. 35° : OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Mefure de la Pluie dans le pays de l’Auteur. Pluie. 29% 99. 245175: 45 76: 53» 08. 36, 39- 34; 30. 34 > 10. LPC M 34: 61. Novennium, 324, 99. 9 ———— —, Apogée dela | Années. Lune. LR 1752. to 1753- X 1754: Y 1755$- 3 1756. Co 1757% & 1758. Fe 1759: nm} 1760. tsbSogHoc+x rt] 5PEOMHCHX INT 1761. 1762. 1763. 1764. 1765. 1766. 1767. 1768. 1769. —————————_— Pluie. 37 » 49- 39 ; 37: 27, 78. 42, 80. 39, 12. ZISUTO: Apogée de la Lune. SogHockx ie 31H30 0Hoc ef en pouces & en centièmes de pouce de Londres, Mefure de la Pluie à Paris Années. | Pluie. | Années. | Pluie: 1699...1,18...8.1.1726. || 11:00 170011/520.,40.l441727. |L13.000 1701: 20040728. | T6. 1702.lIU16:1\0|Nm729. | 17-0000 1703. | 17. 4] 1730. | 16. oo: 1704. | 10 O0. |ME731. INTO EE 170.0 |073- LI, |T712. | 12.0 1700 NI ATS SI NIT722 9 9. 1707407201. 10724 INT 7 ER 160.1, 3. lus. 1708411018". 40:|" 17235. |Nr3- To 1709. | 18. 9:|,1736. |M15.. 0! 1710. 15. 9.| .1737- 15- It-! nr ve | e2Se 1422100738; °| MT AR 1702 022 0e NO TD739. OI TOR 1713. | 20. 7.| 1740. | 21. 7. 1714. | 14. ‘9.| 1741. | 12. M0 1715. 17. 6.| 1742. 12. 9.) 1716: | 14. 4.101743. |Si5 2 166. oO. 33. fxye 1717 0 |NI7- UNS: Ur742. MT ONE 1718..| 13. 20174. | 1719. 9014: |00T746. | TASSE 1720. 17. 2.] 1747. 15. II. 172) 8 1" 1748. | 18. 4 up22. | 14 6! 1749. | 19. oo. 1723, 7e 8. 1750. 20. 10. ty | 2e nd) STORES 1725 0|Na7 6. 1752. | 19. 4 Ie) 160. 4 Cette mefure eften pouces & lignes de Paris SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 354 157. Quant aux écarts de la nature , qui n'arrivent que trop fou- vent dans certaines années , ce que nous avons dit des fituations des apfides lunaires dans les quatre points cardinaux du zodiaque, peuc nous faire trouver une efpèce. de règle fur ce Point. Les apfides re- viennent à la même fituation, après 8 ou 9 années ; il eft donc pro- bable que les faifons reviendront avec le même caraë@tère, & dans le même ordre , & que fi une période a été remarquable par une année extraordinaire, foit par les pluies , foit par les orages, la période fuivante ramenera les mêmes phénomènes. 158. Mais il faut remarquer que la fituation eft femblable dans les deux équinoxes, & que les aplides paflent, de l’un à l’autre , dans quatre ans ou environ : les deux fituations oppofées des deux folfiices préfentent la même remarque à faire. Outre cela, les apfides pañlenc d'un. équinoxe à un folftice , & du folftice à l'équinoxe en deux ans, De plus, les deux fignes qui font au tour de chacun de ces quatre points, ont une fituation refpeétivement égale, un pouvoir égal. Il pourra donc arriver, 1°. Qu’une année femblable à l'une des précé- dentes , fera la quatrième; 2°. qu'après une année extraordinaire , la quatrième le fera probablement auf. Pline l’avoit avancé {ur la foi des anciennes obfervations. C'eit delà apparemment que dérive la plainte populaire ( chez nous ) fur l’année biffextile., que. l'on re- garde comme une anrfée funefte & de mauvais augure ; &ileft poflible que cela foit , fi on la rapporte à une quatrième année antérieure , foit qu'elle aitété biffextile ou non. Un vieux.&, habile Econome m'af- furoit que l'on étoit sûr , fi l'on pouvoit garder fes blés , de les ven- dre chèrement tous les quatre ans. 3°. Après une année extraordinaire , | la troifième peur l'être aufli , parce que les apfides pañlent dans deux ans, des points équinoxiaux aux point folftitiaux ; & vice ersd. 4°, Deux années de fuite peuvent avoir la même conftitution dange- reufe , comme on l'obferve , à caufe du pouvoir égal des deux fignes qui font placés à côté de chacun des points cardinaux. 5°. Les années dans lefquelles les apfides fe trouvent dans les fignes intermédiaires ds D, M, =, devroient être tempérées & bonnes. J'ai quelque obfervation qui favorile cette penfée , par exemple , l'année der- nière 1773: 159. Telles font les conjeétures que l'on peut tirer fur les périodes fimples des années. Si on les multiplie, on aura des périodes compo- fées. La plus remarquable femble être celle de 18 ans (1) : elle em- Re (x) J’obferve que cette année ( 1774 ) reflemble beaucoup à la dix - huitième antérieure (1756), par une certaine difpofition aux ouragans qui régnèrent ceuig année Jà, comme ils ont régné jufqu’à préfent dans celle-ci. 1777. NOVEMBRE, Zz2 0] 352 OBSERVATIONS SUR'LA PHYSIQUE ,; braïe ä-peu-près deux révolutions des apfides , une révolution des nœuds , & cette révolution de 223 lunaifons, appellée Saros par les Chaldéens, qui ramène les mêmes mouvemens de la lune, par rapport au foleil & à la terre, avec les mêmes inégalités. Mais, en multipliant Les périodes, il reftera de l'ambiguité d’un an à l’autre, par les caufes que nous avons expofées ci-devant : c'eft cependant quelque chofe que d'avoir trouvé des approximations telles qu'on peut en acrendre en Phyfique. La comète attendue en 1757 retarda plus d'un an, & l'on prédit cependant fon retour. Il fufit à un Météorifle, à ur Econome, de pouvoir fe tenir fur fes gardes. 160. On ne doit pas s'attendre à un retour exa@t , même par les principes que nous avons pofés; car les mouvemens des aftres, en risueur, font iocommenfurables. L’aposée lunaire revient à la même fituation après huir ans dix mois, en négligeant les heures & les minutes : donc, à fon premier retour , il fe trouvera éloigne de la même fituation avec le foleil , de deux mois ou de deux fignes ;après la feconde période, de quatre; après la troifième , de fix; de ma- nière que fi , au commencement , la faifon étoir l'hiver , après trois révolutions complettes , ce fera le cœur de l'été; ce qui emporte une fuite différente de météores. Après fix révolutions de neuf ans (en retranchant une année, à caufe de deux mois qu'il faut fonf- traire fix fois), c’eft-à-dire, au bout de cinquante-trois ans, le cin- quante-quatrième devroit être femblable au premier défigné , quel qu'il foit. Il faudroit , pour prouver cela, une fuite bien longue d'ob- {ervations. Je remarquerai feulement qu'en 1699 , la quantité de pluie tombée à Paris, fut de 18 pouces 8 lignes, & en 1752 (quieft la cinquante-quatrième année correfpondante, de 19 pouces 4 lignes , avec la différence de 8 lignes feulement. J'avoue que les années fui- vantes ne répondent pas de même. La fomme de la première fuite de neuf années , eft de 160 pouces 3 lignes; celle de la fixième fuite, de 160 pouces 4 lignes, avec la différence prefque incroyable d'une feule ligne. juin 161. Pour mieux faire connoître ces périodes ( que l'on ne doit pas prendre à toute rigueur ), j'ajouterai à la rable de la pluie que j'ai déjà donnée, une petite chronique des années pluvieufes , que j'ai tirée de la Colleétion Académique , tom. VI, & d'autres Mémoires. Je ne donne ici que les feules années; mais je puis indiquer en détail les pays, & d'autres circonftances de ces inondations , &tc.….. (1) Vous verrez, tant dans la table que dans la chronique, que l'inter- valle entre les années extraordinaires, elt de 4, de 5, de 8, deo, ou de multiples de ces nombres. ; Vous :verrez. -que ces années RE À (1) Voyez les Eclairciffemens & Additions, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 453 fe trouvent liées avec la fituation des apfdes lunaires , près des points cardinaux, & principalement des équinoxes. J'avois foupçonné d'a- bord que les deux fituations-équinoxiales occafionnoient le plus fou- vent des pluies exceflives, & les folftices, la féchereffe ; mais je crois plus vrai de dire que toutes ces fituations caufent > €n, général, l'intempérie des faifons; car on doit remarquer encore qu'à une longue humidité faccède ordinairement une longue fécherefle | & Vice versa, Tage des Années. les plus célèbres par, les pluies & par les inondations. :: |! Avec les Apfides lunaires près des | ‘Avec les! Apfidés fünaîres près des Equinoxes, Solftices. i Années de notre Ere, ” “1 Années de notre Ere, ; 479. 1528. 262. 520, 1532. 457: 587 1541. 589. S91: 1559. 637- 596. 1564. G47: 676. 1591. 682. 634. 1599.) 716. 883. 1600, j 792. 8387. 1608. 358. 906. 1612. 876. 941. 1613, 1014, 1175. 1617. 1031, 1250. 1666. 1230. 1258. ; 1667. 1264. 1281. 1683. 1268. 1321. 1638. 1314 1330. 1693. 1456. 1333. 1702. 1495. 2369, 1728. 1557« 1401. 1733: 1614 1405 1746. 1690, ‘ 1427: 1754. à 1432.° 1755) ! . 1449. 1764. 1467: °- meù = 1765: . 1777. NOVEMBRE. 354 - OBSERVATIONS SUR LA-PHFSIQUE:, $. IV. Conjectures fur Les heures des pluies. 162. Nous n'avons jufqu'ici de conjeëtures fur les pluies, que par rappotr aux années & aux jours, En fuivañt les mêmes indications , & la méthode des obfervarions comparées, qui fans doute eft la fule raifopnable lorfqu’il s'agit de probabilités , j'ai voulu effayer de découvrir quelque chofe far les heures des pluies. Si mon Prédécef- feur (r), qui a commencé le Journal météorologique , avoit noté les heures & d’autres circonftances des météores qu’il a obfervés dans ce pays, dads l'éfpace de plus quarante années, fon recueil eût été un tréfor de connoiffances vour mai & pour la Phyfique. Il n’ob- fervoit qu'a l'heure de midi qu'il avoit choïtie, & il ne fe foucioit pas de” c"qui arrivoit dans”les autres heures, excepté” de lapluié, qu'il mefuroit à la fin de la journée, & qu ‘il aotoit dans. fon Jourral. Je connois par-là,les jours pluvieux ; mais je ne fais ni combien de fois ni à quelle heure il a plu. “103. Cen'eft que depuis-hrait ans que je tiens un repiftre exa@t des phénomènes. météorologiques. Je n'eus pas moi-même, au, commen- cement, le foin de noter fcrupuldufement les heures de toutes les piutes="e-nre-bornaï-à marquer-cettes-du matin ; -du-foir, du jour & de la nuit. C'eft depuis trois ou quatre années feulement que jy apporte plus de foins, parce qu'il m’eft venu quelques foupçons dans lefprit. Enfin, voici quel eft le réfultat de mes Mémoires. 164. Jäi voulu d'abord examiner s’il pleut plus fouvent pendant la nuit qué pendant le jour, & j'ai trouvé qu'il pleuvoit ‘beaucoup plus fouvent pendant le jour ;,car, parmi 1270 pluies remarquables, confignées dans mon Journal, il ny en a que 389, c'eftà-dire, à peine le-tiérs, qui foient tombées pendant la nuit, les 881 reftantes ayant eù lieu pendant le jour ; & en fuppofant même que j'eufle oublié quelques pluies noëturnes ; à caufe du fommeil & malgré la vigilance de: quelques perfonnes que j'ai coùtume d'interroger, on ne doit-lpas croire que ce nombre égalât jamais celui ‘des pluies diurnes. 165. La caufe de cette différence peut être attribuée à l'éle@ri- cité de l'athmofphère; car on a obfervé que celle-ci commence à fe manifefter au lever du Soleil, & cefle de donner des fignes au coucher de cet aftre; d'où l'on pourroit conclure , avec “quelque vraifemblance, que ce font les. rayons de la lumière du. foleil qui , en fe frottant dans l'âir , y excitent FSI riré, Cette éleétricité de RSR en CURE PER ES nn 5) M le marquis sur Voyez les Eclairciffemens & Additions, SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS: 34 l'air doit fe porter vers la terre , & entraîner avec elle les vapeurs ou les parties de l'eau, lorfqu’elles fe trouvent rafflemblées en quan- tité, ce qui doit produire la plus grande fréquence des, pluies pen- dant le jour (1). On pourroit même dire que la chaleur du jour élève plus de vapeurs, ou qu'en rendant l'air plus léger, elle les fait tomber plus aifément. Cette dernière conjeéture cft appuyée fur ce qui fuit. , , 1664 J'ai voulu auf examiner s'il pleut plus fouvent le matin que le foir, mais je n'ai pas trouvé une grande différence. Cependant il pleut moins fouvent avant qu'après midi; car, dans le nombre de rot9 pluies, j'en trouve 578 arrivées le foir, & 441 le matin. On doit cependant remarquer une efpèce d'alternative d'une faifon à l'autre : car, dans le printems , en Avril, en Mai, il pleut plus fou- vente foir que le matin. Vers la fin de l'été & dans l'automne, les pluies & les orages arrivent, en général, plus fouvent le matin, peu de tems après le lever du foleil , que le fir. 167. On defirera fans doute une règle plus précife fur les heures des pluies. Je vais hafarder mes conjeétures. J'obfervois quelquefois qu'au lever ou au coucher de la Lune, à fon pallage par le méri- dien, foit fupérieur, foit inférieur , c'eft-à-dire, aux heures ä-peu- près où la marée commençoit à monter ou à delcendre dans la mer voifine (2) ; j'obfervois, dis-je, que le vent fe levoit, fe calmoit ou fe renforçoit ; tantôt le ciel fe couvroit ou redevenoit ferain ; tantôt la pluie commençoit, cefloit ou devenoit orageufe, &c.….; ce qui me fit foupçonner que la lune, par fa révolution diurne dans les quatre points principaux de l'horizon & du méridien , que j'appellerai les angles de la Lune , pourroit régler les heures des pluies. 168. Cela me porta à divifer une grande planche en 24 colon- nes, pour les 24 heures du jour, en diftinguant les 12 du matin des 12 du foir : ayant enfuite parcouru mon journal, je notois chaque pluie (avec le jour du mois & l'année ) & je la plaçois dans la colonne Se ne Ce (1) Cette obferyation fert à confirmer le foupçon avancé ci-deffüs (n°. 148 dans la note) ,.que les corps céleftes peuvent s’éle&rifer réciproquement par la voie de la lumière, D’après cette conje@ture, la lune contribueroit à cet effer général par fa lumière réfléchie, en éle@rifant plus ou moins la terre & l’athmof- phère, par exemple, dans la pleine lune en plus, dans la nouvelle en moins, Cette éleëtricité en plus ou en moins, pourroit produire également l'élévation & la chûre des vapeurs que l’on obferve dans ces tems-là, avec la perturba- tion de l'air: dans les quadratures, l’éledricité feroit médiocre ; d'où proviendroit une efpèce de calme dars l'air & dansla mer. Le lever & le coucher de Ja lune donneroient aufli quelque impreflion à l’athmofphère, On en verra bientôt des preuves très-clarres (2) Le Golfe & Ie Port de Venife. Voyez les Eclairciflemens & Additions. 1777. NOVEMBRE, e - | 356 OBSERVATIONS SUR LA PHVSIQUE, correfpondante à l'heure marquée par le journal. Je cherchois fur le champ la fituation où étodit la lune dans ce moment, en notant le lever par la lettre L, le coucher avec la lettre T', &c.…. Si la lune fe trouvoit près ou loin de quelqu'un de ces angles, je tirois ‘une barre —: Enfin, le réfultat de cet examen a été que , fur 760 pluies, 646 ont commencé ( à une demi-heure près ) avec les angles de la lune ; 114 feulement fe refufent à cette règle (1). Je crois que cet accord fe vérifie à-peu-près lorfque les pluies cef- fent, fur-tout celles d’une longue durée ; mais j'avoue que je n'ai pas eu le tems de vérifier ce point, dont j'ai cependant quelques exemples. Plufieurs pluies qui ne s'accordent pas avec la lune , s’ac- cordent avec.le foleil.,.c’eft-à-dire , dans les mêmes angles, du lever, du coucher, &c.…. Je n'ai pas eu non plus le tems d'examiner s'il y a quelque heure du jour plus pluvieufe qu'ute Autre 3; & laquelle ce pourroit étre... : 170. Cette règle, quelle qu'elle foit, peut. être d'un grand _ufage pour, la campagne , pour les voyages, &tc.….. Il feroit donc à propos d'ajouter au Calendrier que j'ai déja propofé , les heures du lever & du coucher de la lune, & celles de fes. paffages par le méridien, quoique celles-ci. puiffent être, aifément. déterminées par les deux pre- mières en prenant le milieu entre les heures du lever_& du coucher . pour le pañfage fupérieur , & entre, le coucher & le lever fuivants pour l'inférieur; car on.n’a pas befoin de la précifion aftronomique pour les ufages que nous avons en. vue (2). 71. Les heures du lever &-du coucher, de [a lune étant marquées, elles indiqueront combien de tems.on jouira chaque nuit de fa clarté, ce qu'il eft très-utile de favoir, pour les ouvrages de la campagne , pour les-voyages , Etc... 172. Les pafages de la lune au méridien, qui font liés au tems (1) Peut-être trouveroit-on ces r14 pluies combinées avec le lever ou le cou. cher de quelques planètes, ou de.quelque étoile ou mas d'étoiles remarquables. M. Grafit aflure, dans les Mémoires de Pétersbourg, qu'il ne fe lève ni ne fe couche aucune planète fans quelque mouvement de Pair. Je penfe que cette jnfluence des planètes & des étoiles mériteroir un plus grand éclairciffement, quoique l'opinion commune foit contraire à cette idée. On prétend, par exemple, que lorfque toutes les planètes fe trouvent dans les fignes feptentrio- naux, elles occafionnent de grandes chaleurs ; c’eft peur-être l'effet du hafard, mais nous l'éprouvons à.préfent à la fin de Juillet & au commencement d’Août € 1774). L'hiver de 1770futtrès-froid, & les planètes, excepté Saturne, étoient dans les fignes méridionaux. (2) Toutce que lonpeut defirer à cet égard, fe trouve dans la Cornoiffance des Tems x mais il faudroit un petit Livre portatif pour chaque pays, qui au roit une différence fenfible de latitude, ce de Se : DÉDR ST SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 3s7 de la haute marée, fuivant les différents ports, ferviront de règle pour y entrer & pour en fortir. 173. On retire un grand avantage de l'indication de ces heures. On a obfervé ( & c’eft l'objet d'un proverbe ufité dans un Port voifin d'ici} que les orages & les mauvais tems fe forment lorfque l’eau tourne, c'eft-à-dire, au commencement de la haute où de la baffe marée ; mais avec cette différence qu'ils durent plus long-tems fi la marée monte, & qu'ils fe difipent plutôt lorfque la marée baiffe : les nuages & les vents fuivant en quelque forte les mouvemens de l'eau de la mer. 174. Les mêmes heures devroient être obfervées par les Médecins & par les Curés, car on croit qu'elles font critiques pour les malades, 11 faudroit encore vérifier cet axiome d’Ariftote, qui dit que tous les animaux nailfent dans les heures où la marée monte, æfli afcen- dente, & qu'ils meurent dans le tems qu’elle baïffe, fi rece- dente (1). $. V. Hifloire générale des quatre Saifons de l'année, des mois & des jours, utile pour chaque pays. EXEMPLE pour le pays de l'Auteur. 175. Il feroit bien étonnant que, tandis qu'on cherche avec avi. dité, dans les Hiftoires des Voyageurs, quelle eft la conftitution & la marche des faifons, des vents, des pluies, &tc…. qui ont lieuen Egypte, au Malabar, au Pérou & dans d’autres régions éloignées . nous ne fuffions rendre compte ;, ni aux étrangers ni à nous-mêmes , de la conftitution générale d'un mois ou d’une faifon dans notre propre pays; cette connoiflance eft cependant d'une grande importance pour les travaux de l'Agriculture ; & pour beaucoup d'objets publics & par- ticuliers. 176. Les Anciens avoient des Calendriers, qu'on trouve dans les Auteurs d'agriculture (voyez entr'autres Columelle, liv. 11 }, où l'on marquoit , outre la defcription des étoiles , dont le lever & le cou- cher qu’on appelle poétiques, dirigeoient les travaux fucceflifs de Ja campagne, la difpolition des jours à la pluie, au vent , au tonnerre, au beau , &c.... En un mot, des caraétères généraux , déduits d'une très-longue obfervation. 177. L'on verra, en effet, dans le Calendrier fuivant , que cer- tains jours ou certains tems femblent avoir un caraétère marqué. Je Sn mm PRES (1) Voyez les éclairciffemens & additions. Tome X, Part, II. 1777. NOVEMBRE. A33 353 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; ne dirai pas qu'on doive attribuer cela à l'influence de quelques étoiles , ou amas d'étoiles (telles que les Pleyades, les Hyades, Aréturus, Orion, &tc.., ) avec lefquelles le foleil mêlant fes rayons, { ce qui arrive chaque année à-peu-près le même jour) , caufe une certaine impreffion dans l'athmofphère : mais je penfe qu'il eft utile d'avoir obfervé, & les Anciens eux-mêmes ont reconnu la néceffiré de ces-obfervations, auxquelles ils ont joint enfuite leurs hypothèfes {ur les étoiles confidérées comme fignes , & peut-être comme caufes des mouvemens imprimés à l’athmofphère. 178. Je vais expofer, avant tout, la méthode que j'ai employée pour dreffer ce Calendrier. J'ai placé dans une grande table de 12 pages, les 12 mois de l’année, & dans chaque mois autant de co- lonnes qu'il ya de jours. J'ai noté enfuire d'année en année la qua- lité de chaque jour par un figne repréfentatif, Ces fignes font S, qui figaifie fercin ou foleil ; P, pluie; N , nuages, tems couvert ; N,neige; Va., variable; V , vent fenfible ; C, caligo, brouillard, Il y a tel jour qui a deux ou trois marques, par exemple, S, VW, foleil & vent; C, P,V, brouillard, pluie & vent, &c.…. Ayant ainfi marqué tous les jours de ces cinquante années, j'ai additionné , par ordre & à part, tous les caraétères de chaque colonne , avec lefquels j'ai formé le Calendrier fuivant , dans lequel je n'ai employé que quatre fignes ; S , ferein ; P, pluie; N, Va., couvert ou variable ; W, vent. 179. Ces nombres fignifient, par exemple, que le premier Jan- vier, dans ces cinquante années , a été 13 fois ferein, 14 fois plu- vieux ou neigeux, 19 fois couvert, &c…. & ainfi des autres. Si mon Prédécefleur eût fait des obfervations plus détaillées, j'en au- rois tiré d’autres particularités utiles. Il eft très - intéreffant, par exemple, pour les Cultivateurs, de favoir combien de fois il tombe de la grêle dans une année, & en quels jours, Ainfi l'on trouvera les jours pluvieux tels qu'ils réfulrent de l’obfervation; j'ai déduit les autres caractères par les circonftances & par mes propres obferva- tions faites depuis huit ans. Maintenant je ferai quelques réflexions générales. | 180. 1°. Il femble qu'il y a certains jours difpofés au mauvais tems , d’autres au beau. Or, j'ai obfervé dans ces deux dernières années , que fi les jours qui ont un caraétère orageux, ne font pas tels cette année, du moins ils ne font pas beaux, &t ils fouffrent quelque altération indépendante des points lunaires; & fi ceux qui font mar- qués comme beaux, deviennent pluvieux &t orageux , ils ont au moins quelque intervalle de calme. 2°. Si un jour même ou une certaine période de jours n’a pas les caraëtères indiqués, ces caraétères fe préfentent dans les jours les plus proches & dans la période la plus voiline du tems donné; & Pline a bien averti à ce propos (L. 18; SURL'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39 C. 26), non ad dies utique prafinitos expeétari tempeflatum vadimonia. 3°. Lorfque ces tranfpolitions ont lieu ; Ceft furtout à caufe des points lunaires qui n’ont pas des jours fixes pendant une période de 19 ans. Dans le Calendrier Julien, où les. nouvelles lunes étoient marquées par le Nombre d'Or, on voit çà & là des jours vides, dans lefquels les nouvelles lbnes.ne tombent jamais} & que l'on pourroit foupçonner être les beaux jours de l’année. Mais les autres points peuvent y tomber ; & d'ailleurs les changemens de--tems n'arrivent pas au jour précis avec les points lunaires. . 181. Quoi qu'il en foit, le Calendrier que je vais donner aura plulieurs avantages. 1°. Il fervira à tracer l'hiftoire des météores & la fucceffion des faifons dans le pays pour lequel j'écris ; d'où il fuit qu'il en faudroit un femblable pour chaque lieu, plus détaillé même, sil étoit poffible, & fondé fur plufieurs fiècles d’obfervations. 2°. Il fervira de guide pour les travaux de l'Agriculture; car perfonne ne fera affez imprudent pour entreprendre, par exemple, une longue excavation dans les mois de Mai & d'Oétobre, époques des pluies & des inondations, ou de faire fécher fon grain dans des jours ordi- nairement pluvieux, &c.…. &tc….. 3°. En joignant aux indications générales de ce Calendrier perpétuel, les règles particulières , tirées des points lunaires qui feront marqués dans PAlmanach, dort j'ai propolfé la publication annuelle, chacun pourra former des conjec- tures raifonnables , relativement aux circonftances où il fe trouvera placé, & aux opérations qu'il aura en vue. 182. Il auroit été très-à-propos de donner la marche du thermo- mètre ou de la chaleur, jour par jour, on auroit par-là la. tempéra- ture moyenne de l'air; mais J'avoëe que je n'ai eu jufqu’à préfent ni le tems ni le courage d'entreprendre un travail fi pénible, Je Vais cependant expofer la marche générale des pluies, avant d'entrer dans les détails particuliers, en donnant les nombres moyens des jours pluvieux & de la quantité de pluie , mois par mois. Cette con- noiffance eft la plus importante de toutes pour la campagne. En voici la Table. 1777. NOVEMBRE. Aaa 3 360 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » TABLE de la Pluie, mois par mois. Nornbre des | Nombres Jours pluv. compofës. Quantité moyenne. Janvier. 2, 26. 8, 60. 10, 86. Février. 1, 80. 7.5 85° 9, 65. Mars. 2, 49. 8, 33. 10,102: Avril. 3 28. 9,50. | 12,78. Mai. 3» 38 |11,00, | 14,38. Juin, 3» 42. 10, OO. 13; 42. Juillet. 2, 67. 8, oo. 10, 67. Août. 2, 70. AE 10, 45: Septembre. 3» 08. 6, 75. 9, 83. O&obre. 43 10. 10, O0. f4, 10. Novembre. | 2, 89. 10, O0. 12, 89: Décembre. 2, 51. 93 O0. DENT Quantité moyenne 34» 58. 106 , 78 annuelle. 183. L'on voit, par rapport à la mefure de la pluie, 1°. Que le mois le plus pluvieux dans ce pays eft celui d'Oéfobre , après lequel on doit compter ainfi, Juin, Mai, Avril, Septembre ; 2°. Que le mois le moins pluvieux eft celui de février ( en compenfant même les deux jours qu’il a de moins }, auquel fuccèdent, fous ce point de vue, Janvier, Mars , Décembre. Mais, 3°. le nombre des jours pluvieux ne s'accorde ni avec la quantité annuelle de pluie, ni avec celle qui tombe mois par mois. Les mois de Mai, O&obre & No- vembre , font ceux qui ont le plus grand nombre de jours pluvieux ; Septembre, Août & février font ceux qui en ont le moins. 4°. Si l'on ajoute la quantité de pluie avec le nombre des jours pluvieux , £e qu'il eft raifonnable de faire, on trouve que les mois les plus fecg SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 36 font ceux de Février, de Septembre, & ceux qui en font les plus proches (Oétobre excepté ); c'eft pourquoi l'on doit entreprendre alors de longs ouvrages, des chemins, des chauflées, des excara- tions, -&c. .., Les mois les plus pluvieux feront ceux de Mai & d'Oftobre. Je vais donner une idée de l'état de chaque mois, 184. Janvier. C'eft le mois du froid, de la neige , des gelées , des brouillards; la neige a lieu du 4 au 18, ou fi l'on veut, jufqu'au 25, avec moins de fréquence. Le 19, il n’a jamais neigé dans cette période de so ans. Les pluies ne font pas fréquentes, mais plutôt les vents, & fur-tout ceux du Nord-Eft. Si l'on excepte les quatre Premiers jours, ce mois a de belles journées , & celle du 29 eft une “des plus belles de l'année, : 185. FÉVRIER. Ce mois reffemble affez au précédent : de la neige les premiers jours : des froids âpres & des orages, fur-tout fi le mois de Janvier a été humide & doux. Le 2 eft critique; car s'il eft beau, dit-on, nous fommes à la moitié de l'hiver; au contraire, s’il eft plu- vieux, l'hiver paroît fini. D'ailleurs, il y a de très-beaux jours dans ce mois. | 186. Mars. Les quinze premiers jours font ordinairement aftez beaux; mais vers le 8, les vents commencent à fouffler & font fou- vent orageux, tantôt avec de la pluie & de la neige, tantôt avec un tems ferein. On voit par la table, que les jours critiques pour les orages, font les 12, 23, 25, 29, dans lefquels il y a eu des nau- frages célèbres. C'eft le mois des vents. On commence à entendre le tonnerre. Nos Payfans obfervent avec foin de quel point de l'horizon vient de premier tems ( ce qu'ils appellent tirer printems), & de quel côté il tourne, car ils croyent que les orages de l'été fuivent d'or- dinaire la même route, & ils en tirent des conjeëtures fur la confti- tution de l’année. Si les orages fuivent la même route , c'eft peut-être à caufe d’une impreffion qui peut refter dans l'athmofphère, ou d’une reprodu&ion plus prompte de vapeurs de ce côté-!à, ou bien d'une fource particulière de fluide éleétrique. Ainfi l'on obferve qu’en cer- taines années de féchereffle, il ÿ a cependant quelque canton fub. -mergé par les pluies. Avec la nouvelle & la pleine lune de Mars, c'eft-à-dire, vers l'équinoxe , l’athmofphère prend un caraétère mar- qué pour trois mois , ou même pour fix, c'eft-à-dire , une certaine difpofition à l'humidité ou à la fécherefle , au beau ou au mau- yais tems. 187. AVRIL. Dans ce mois les vents continuent, les jours fereins diminuent, & font remplacés par des jours variables & pluvieux. Il pleut fouvent dix fois par jour. Les 1 & 25 (avec les 2, 7, 164 28, 27, 29 Mai; 3: 4, 8, 14, 23, 27 Juin; 25, 28 Oë&tobre; 1777. NOVEMBRE, 362 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 2, 6,79 8 Novembre) font les jours les plus fombres & les plus humides de toure l'année ; mais on jouit cependant de la douceur de la faifon, & fi les gelées blanches ne viennent point troubler la campagve, tout eft riant &t végète à merveille. 188. Mar. C’eft le mois qui a le moins de beaux jours & le plus de pluvieux. C'eft dans ce mois qu'arrivent ordinairement les débor- demens des rivières, à caufe de la fonte des neiges fur les monta- gnes. On a fouvent auffi des orages, de la grêle. Les jours les plus critiques font les 5,12, 17; les autres font variables plus fouvent que couverts, en quoi ils diffèrent de ceux de lhiver qui font plus fouvent couverts que variables. On doit craindre dans ce mois les brouillards qui caufent la rouille , fur-tout vers le 2, le 12, le 22. 189. Juin. Ce mois eft auffi pluvieux que le précédent , quoique vers le 12 la pluie ceffe ordinairement; mais le tems refte variable jufqu'à La Saint Jean, où il fe met au beau jufqu’à la fin du mois. Vers le 15 on a des jours prefque aufñfi chauds que ceux des mois de Juillet & d'Août. Le ro & le 28 paroifloient être dangereux par les orages : les jours de brouillards font les 7, 14, 10 170421 190. JuiLLET. Les trois premiers jours font variables & pluvieux. & font baïller la chaleur. Mais | à compter du 4, les beaux jours reviennent avec la chaleur, & ce font les plus belles journées de toute l'année , avec une petite interruption vers le 18 , le. 24 & le 31» qui eft fort remarquable à caufe du mauvais tems qui a prefque rou- jours lieu ce jour-là. Les orages font moins fréquens qu'en Juin; le 8 ,le24, & fur-rout le 28, font les jours les plus critiques. H fur- vient auffi quelquefois des brouillards (mais peu denfes } dangereux pour les raifins, vers le 10, le 12, le 17, le 26. 191. Aousr. Les fept premiers jours font variables & pluvieux. Le 10 & le 16 font ordinairement les plus chauds de l'année. Le 17, le 18 & le 19 font douteux; mais le refte du mois eft beau : les jours orageux ne font pas en grand nombre , tout au plus le 4 &t le 17. Les brouillards font moins rares, mais auffi moins dangereux. 192. SEPTEMBRE. C'eft le plus beau mois de l'année; ce n'eft pas qu'il ne foit quelquefois troublé par la pluie & par les vents; mais le beau tems reprend bientôt le deffus. La chaleur eft douce; les ma- tinées font délicieufes, à caufe de leurfraîcheur ; les aurores très-claires.. à caufe de la lumière zodiacale , qui eft alors prefque perpendiculaire à l'horizon : telles font les belles foirées du mois de Mars. Le 11 & le 12 font, comme le 9 & le 31 Août, les jours les moins pluvieux de l'année. Du ro au 16, & après l'équinoxe , il y a quelques bour- rafques, & les orages de mer commencent, parce que la terre & feau confervent leur chaleur, tandis que l'air devient plus froid, à SUR l'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 36? caufe de la longueur des nuits. Le tems conférve ordinairement la conftitution qu’il acquiert dans la lune de Septembre , tantôt pendant trois, tantôt pendant fix mois. 193. OcroBre. Les deux premiers jours font aflez beaux ; mais bientôt le mauvais tems arrive & dure jufqu’à ia fin da mois, excepté quelques jours. On a des pluies & des vents orageux, fur-tout le 22, le 23 & le 24; les brouillards font fréquens , fur-tout vers le 12,58€ ils gâtent les raïfius. La grêle n'eft plus à craindre, & après le 18 on n'entend plus le tonnerre. 194. NOVEMBRE, C'eft un mois très-pluvieux , fur-tout du premier au 15 ; vers la fin, le tems eft plus beau. Les orages & les brouil- lards font fréquens , & il commence à neiger vers le 20, à la findu mois, on a quelquefois une femaine de beaux jours, qu'on appelle le petit été de Saint Martin. 195. DÉCEMBRE. Quoique l'hiver commence dans ce mois & qu'il foit aflez pluvieux , il a cependant plus de beaux jours que Novembre, fur-tout vers le 10 & après Noël ; ce jour de Noël eft fort fujet au vent; mais il n'a jamais donné de neige dans les quarante-neuf années précédentes ; elle n’eft fréquente que du 8 au 12, du 17 au 24, du 28 au 31. Les brouillards ont fouvent lieu dans ce mois; ils durent tout le jour, & ils contribuent, avec les frimats & les gelées , à rendre le tems fombre & l’efprit chagrin ; en un mot, c'eft l'hiver. 196. Je devrois donner l'Hifloire des Vents, mais elle eft trop compliquée en général, & fur-tout, dans les ‘Zones tempérées. D'ailleurs, nous n’avons ici ni les étéfies, ni les mouffons ; ce qu'il ya de plus conftant, c'eft que les vents de Sud & de Sud-Eft, venant de la mer, nous apportent des vapeurs & la matière des pluies, & cependant , toutes les pluies & les neiges nous viennent par les vents de Nord & de Nord-Eft ( qui ,'en automne & en hiver, devien- nent orageux ); ce font les vents de Sud réfléchis par les montagnes. En été, il s'élève tous les jours vers le milieu de la matinée un petit vent de Sud-Eft, qui eft un vent de faifon, & qui tourne vers le foir du côté de l'Ouelt. Au mois de Mars, ce font les vents fecs de Nord-Eft qui régnent, Le Sud-Oueft fouffle irrégulièrement, & Jaifle ce qu'il trouve, ce qui eft pallé en proverbe. Les gréles & les ouragans viennent ordinairement par un quart de vent de l'Oueft. $. VI. Recapitulation, Tel eft l'ufage que j'ai fu faire des obfervations météorologiques : dans une matière compliquée, obcure & incertaine, telle que l'état du ciel & les viciflitudes des météores, c'eft quelque chofe, 1777. NOVEMBRE. 64 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ce me femble, d'avoir donné des conjeétures qui, appuyées em grande partie fur la théorie & fur l’analogie, & déduites de l'obfer- - vation éclairée, devroient paffer pour probables; du moins, ne fe- ront-elles pas regardées comme chimériques, & cômme mal dé- duites des principes pofés , & pourront-elles fervir de fignaux & de points d'appui pour l’obfervation. D’autres phyficiens plus habiles, plus heureux, ou mieux pourvus d’obfervations , pourront perfec- tionner ces vues; j'aurai, du moins , ouvert une voie à des recher- ches nouvelles; j'aurai donné des faits & des réfulrats, quels qu'ils foient, qui ne s'éroient pas offerts aux recherches des Phyficiens: quant au commun des hommes, puifqu'ils aiment l'efpérance, la conjeéture , la prédiétion , ils trouveront cet objet rempli dans l'AI- manach que j'ai propofé. Maintenant, je crois devoir récapituler ce que j'ai dit, & le réduire en une feule vue, fous la forme d'Apho- rifmes météorologiques. APHORISMES MÉTÉOROLOGIQUES. I. Quand la lune fe trouve en conjonétion, en oppoñtion, ow en quadrature avec le foleil, ou dans l’un de fes apfides , où dans Fun des quatre points cardinaux du zodiaque , il eft probable qu’elle produit une altération fenfible dans l’athmofphère, & un. change- ment de tems. IT. Les points lunaires les plus efficaces, font les fyzygies & les apfides. IT. Les combinaifons des fyzygies & des apfides font très-efficaz. ces ; celle de la nouvelle lune avec le périgée, porte une certitude morale d’une grande perturbation. IV. Les autres points fubalternes acquièrent auffi ue plus grande: force par leur copulation avec les apfides. V. Les nouvelles & les pleines lunes qui, quelquefois ne chan- gent pas le tems, font celles qui fe trouvent loin des apfides. VI. On doit obferver, auf les quatrièmes jours, tant avant qu'après: les nouvelles & les pleines lunes, VIL On doit encore obferver, le quatrième jour de la lune que Virgile appelle un Prophête très-siir. Si les cornes de la lune font claires: & bien terminées ce jour-là, c'eft un figne que l'athmofphère ne: contient pas des vapeurs en mañfle; d'où l'on peut conje@urer que le: tems fera beau jufqu’au quatrième jour avant la pleine lune, quel- quefois même pendant tout le mois; on doit craindre le contraire... fi les cornes font obfcures & fombres. VII, Uu point lunaire change ordinairement l'état du ciel produit. pag SUR Ll’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 536$ par le point précédent ; on peut-dire du moins, que le tems ne chauge le plus fouvent que par un point lunaire. IX. Les spogées, les quadratures , les luniftices méridionaux amènent ordinairement le beau tems , car le baromètre montealors ; les! autres points tendent à rendre . l'air plus léger , aident Ja chûte des vapeurs, & caufent par - là le mauvais tems. X. Les points lunaires les plus efficaces , c'eft-à-dire , les nou- velles & les pleines lunes, les apogées, & fur-tout , les périgées & leur concours ; deviennent orageux vers les équinoxes & les folf- tices. XI. Le changement de tems arrive rarement dans le même jour, même d'un point lunaire, tantôril le devance, tantôtil le fuit. XII. En général, pendant les fix mois de l'hiver , les altérations des marées & de l'air anticipent , font plus fortes ; fans doute , à caufe du périgée du foleil qui le rapproche de la terre d'environ d'un million de milles. Dans les fix mois d'été, au contraire , les marées font moindres, & retardent de même que les changemens “de tems. ! XIII. Dans les:nouvelles & pleines lunes, vers les équinoxes , & même versiles! folftices (celui d'hiver principalament ) lé :tems. fe détermine ordinairement pour!trois ou même pour fix mois, au beau ou au mauvais. ' XIV, Les faifons, les marées & Le années paroiflent avoir une période de 8 à 9 ans , correfpondante à la révolution des apfides lunaire, une autre de 18ou de 19 , & d’autres multiples. XV. fl ya même une période de 4 à 5 ans ; & ces SUAIGIÈMIEE ou cinquièmes années fonr fujettes aux intempéries (1) XVI. Les pluies & les vents commencent ou fniflent » à. peu- près , à l'heure du lever ou du coucher de la lune , où à celle de fon paffage au méridien , foit fupérieur , foit inférieur , c'eft-à-dire , à l'heure que la:marée commeñce à monter ou à defcendre dans ce pays XVII. I] pleut beaucoup plus de jour que de nuit, & plus fouvent le foir que le matin. XVIII. Les ouragans , les orages ; les gréles viennent d'ordi- naire par un quart de vent de l'Oueft, cela eft connu , même aux Antilles : j'ai vu cependant des ouragans venant de, l'Eft, mais il faut (uses que c’étoit dans les heures du matin. Je crois qu'il (1) On trouve dans les Mémoires de Berne (/ 1767), cet avertiflementr: Dans dix ats, l’on a une fort mauvaife récolte, d:ux fort médiocres, cing ordi. naires & deux abondantes Tome X , Part. II. 1777. NOVEMBRE. Bbb » 366 OBSERVATIONS SUR L A PHYSIQUE, eft plus vrai de dire que les oragss viennent du côté de l'horifon où fe trouve le foleil. XIX. Il me femble qu'on peut obferver , en général , que les orages d'été , qui font fans vent , n'apportent guères la grêle, mais plutôt des tonnerres; au contraire , les orages accompagnés de vent donnent peu de tonnerres, mais bien plus fouvent de la grêle , dont les grains groffiffent à raifon de la violence du vent , & font plus rares à proportion de leur groffeur. Je crois qu'il convient d'ajouter ici quelques autres indices fur le tems que l’obfervation paroît avoir admis. XX. Nibeau tems fait denuit, ni nuage d'été, ne durent guères. C'eft un proverbe; & un vent levé de nuit dure peu. XXI. Les mouvemens du baromètre bien obfervés dans chaque pays, & combinés avec l'obfervarion des vents & des autres fignes connus ; donnent des indices prefque sûrs de changement de tems. XXI. Un mouvement lent dans le baromètre, indique une longue durée dans la conftitution actuelle de l'athmofphère ; un mouvement brufque & comme par faut , indique un tems qui dure très-peu; dans” ce cas ; même én montant, il annonce lé mauvais tems. L’on peut voir plufieurs exceptions très-bien expliquées par M. de Luc ( Traité des Baromètres ; n°. 122 & fuivant ). Je ne m'étendrai pas fur cer article qui feroit trop long : j'omets à deffein, de parler des fignes nombreux de beau ou de mauvais tems, que fourniffent le foleil , la lune , les étoiles, les nuages, les montagnes , les oifeaux & les animaux , & plufieurs autres objets que nous avons devant les yeux; on les trouvera dans Aratus , dans Virgile , dans les vieux livres de Navigations & d'Agriculture; dans les livres faits exprès. Ces fignes {ont connus de la plupart des hommes ; peut-être le font-ils plus dés Matelots & des Bouviers que des Philofophes ; ils mériteroient ce- pendant d'être examinés en particulier avec les lumières de la bonne Phyfique. Je rapporterai feulement ici certains indices généraux fur Jes faifons , qui font appuyés fur l'autorité de quelques graves Ecrivains en Agriculture. XXIIL Un automne humide avec un hiver doux, eft fuivi d'ordi- naire , d'un printems fec & froid qui rerarde beaucoup la végétation; telle fut l'année 174r. ( du Hamel, obferv ). XXIV. Au contraire, fil'hiver eft fec, le printems fera humide ; à un printems & un été humides, fuccède un auromne ferein , & à un automne ferein un printems hum de ; en un mot, les faifons ont alternativement une conftiturion différente , & fe compenfent entrelles. XXV. Si les feuilles tardent à tomber en automne , elles annon- cent un hiverrude & âpre, apparemment parce que les vents du Sud SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. :67 ont dominé dans un automne humide & prolongé ; d'où il fuit, que l'on doit s'attendre à voir le vent dû Nord dominer à fon tour dans l'hiver, & amener un froid d'autant plus vif, que l'automne a été plus humide : tels furent les hivers de 1709 , 1740, 1770,chez nous. Bacon remarque ( {ÿlva fylvarum ) d’après l’obfervation des Payfass , que lorfqu'il y a abondance de graines dans l'épine-blanche.& dans la rofe canine , on eft menacé d'un hiver rigoureux; car ; c'eft auf un indice que l'été a été fort humide & peu chaud, XXVI. Siles gruës & les autres -oifeaux de paffage pañlent de bonne-heure en automne , comme en 1765 & 1766, cela annonce un-hiver très-froid ; car, c'eft un figne que le froid a déja pris pied dans les pays feptentrionaux. XXVII. S'il tonne en Novembre & Décembre, le peuple ‘croit que l'on: aura encore le beau tems; mais s’il tonne de bonne-heure :, avant que les arbres pouffent des feuilles au :printems ; on doit tou- jours attendre uv retour de froid (Mém. de Bern. ) ; c'eft ce qui arriva dans la Suifle en 176$, il tonna au mois de Janvier ; les gelées du mois d'Avril & de Mai fuivant , causèrent de grands dommages. mé dE a 2) pe om 2 NE AT AA Pour déterminer la nature de différentes Subftances miné- rales ; &en particulier pour conftater fi les Acides marin & vitriolique contribuent à la minéralifation des Subftances métalliques , &c. Traduit de l'Anglois de M. Wourre , Membre de la Société Royale par M. J. J. F M. le Chevalier Baker , digne Membre de cette illuftre So- ciété, toujours porté pour l'avancement des connoiffances naturelles, a légué généreufement un capital de cent livres fterlings , afin que le produit füt employé par un des Membres de la Société, à faire des recherches relatives à l'Hiftoire naturelle. Ayant eu l'honneur d'être nommé par la Société Royale pour remplir cet objet , j'ai fait une fuite d'expériences fur certaines fubftances minérales, don$ Je vais rapporter le dérail. 1777. NOVEMBRE. Bbbz 368 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; $. I. La rareté des fubftances qui font le fujet de ce Mémoire, m'a obligé de faire mes expériences plus en petit que je ne l’aurois défiré ; mais pour m’aflurer fi la méthode que je me propofois de fuivre ; étoit fuffifante pour me donner une analyfe convenable de ces différens corps, & conftater s'il y avoit de l'acide marin &t de j'acide vitriolique, j'ai fait des préparations artificielles , que j'ai cru parfaitement analogues aux fubftances naturelles , & je les ai foumifes aux mêmes épreuves. (a) J'ai diffous, dans de l’eau forte , une demi-once d'argent fin , & j'en ai fait une lune cornée , en y ajoutant une diffolution de fel marin. Je l'ai édulcorée enfuite & féchée, premièrement à l'air, & enfuite à un grand feu, fans cependant la faire entrer en fufion. L'argent corné qui en réfulta, pefoit 5 gros & un fcrupule ( poids de Troyes), ce qui étoit ? de plus que le poids de l'argent que j'avois employé. (b) Une égale quantité du même argent, diffoute dans le même acide , & précipitée avec une folution de tartre vitriolé , & trai- tée enfuite comme ci-deflus, m'a donné 5 dragmes & 22 grains de précipité. Il eft à remarquer que, fi au lieu de tartre vitriolé , j'emploie du fel polycrefte , le précipité n'excède pas 3 gros &t 54 grains : mais fi j'ajoute de l'acide marin aux lotions de ce précipité , le refte de l'argent fera précipité en lune cornée. Cela prouve qu'il y a une différence très-marquée entre le tartre vitriolé & le fel poly- crefte , quoique les Chymiftes ne l'admettent point. En effet, dans l'effai de ce dernier fel , on trouve qu'il contient un peu de foie de foufre, puifqu'un morceau d'argent trempé dans une folution de fel polycrefte , fe noircit dans l'inftant, aulieu que trempé dans une folution de tartre vitriolé, fa couleur ne s'altère nullement; ce qui diftingue fuffifamment ces deux fels entreux. Le précipité d'argent qu'on obtient par le tartre vitriolé, jetté fur un fer rouge , fe fond & devient liquide comme l'argent corné. Le précipité d'argent par le fel polycrefte , traité de même , ne de- vient pas liquide, mais ce bourfouffle & finit par fe fécher. (c) Une demi-once de plomb , diffout dans de l'eau forte , & précipité par une folution de tartre vitriolé , édulcoré & féché , pefoit $ dragmes & *. (4) La même quantité de plomb , diffoute comme ci-deflus , précipitée avec une folution de fel marin, édulcorée & féchée de même, pefoit feulement 4 dragmes & 18 graius. Mais en ajoutant SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 34 une folurion de tartre vitriolé aux lotions de ce précipité , j'en ai obrenu un autre qui , après l'avoir édulcoré & féché , pefoit 42 grains. Nous avons vu que le plomb , diffout comme en (c) , précipité avec une folution de fel marin, édulcoré & féché , pefoit feulement une demi-once & 18 grains; & qu'en ajoutant aux lotions de ce pré- cipité une folution de tartre vitriolé , l’on obtient encore 42 grains de précipité ; cela nous démontre que le plomb combiné à l'acide marin, eft foluble dans l'eau, & que c'eft pour cela qu'on obtient fi peu de précipité. L'on voit aufi que l'acide vitriolique a plus d’af- finité avec ce métal, que l'acide marin , puifque la folution de tartre vitriolé (auffi bien que l'acide vitriolique même) fait précipiter les lotions du précipité fait par le fel commun ; & cela nous démontre également que la combinaifon du plomb avec l'acide vitriolique , eft infoluble dans l'eau. STE M. Margraf , excellent Chymifte, nous a démontré par fes expé- riences fur le phofphore de Bologne , que la pierre dont il cft com- pofé , aufli-bien que d’autres fpaths femblables, ainf que les gyps, font décompofés par l'alkali fixe ; mais comme il eft néceffaire d'y ajouter un excès d’alkali pour les décompofer entièrement , il s’en- fuit qu'on ne peut pas déterminer exaétement la qualité de fel neutre qui en réfulte , à caufe de fon mélange avec l'alkali fuperflu. Jufques-là j'ai profité de la découverte de cet habile Chymifte ; mais J'ai tâché de la corriger de manière à éviter cet inconvénient, c'eft-à-dire, d’avoir le fel neutre libre , & tout-à-fait exempt d’alkali fuperflu. Pour parvenir à cela , il fuffit de faturer le fel avec du vinaigre diftillé , & d'évaporer le mélange lentement , jufqu’à le faire fécher, & mettre dans l'efprit de vin reétifié, le fel qui en réfulte , parce que l'alkali fixe furabondant faturé de vinaigre, a formé un fel diurétique , qui eft très-foluble dans l’efprit de vin ; au lieu que les combinaifons des acides vitriolique & maria , y font parfaitement infolubles. Il eft à remarquer qu’il n'y a point d'alkali fixe, tout-à-fait exempt de fel neutre, & que le plus pur eft celui qui eft fait avec du bon tartre. . Deux dragmes de l'alkali que j'employois dans mes expériences , contenoient deux grains de tartre vitriolé , que j'eus foin de défal- quer dans toutes mes expériences. Par la méthode que je viens d'indiquer , l'on peut déterminer fi exaétement la quantité de fef 1777. NOVEMBRE. 370 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, neutre contenue dans un alkali quelconque , qu'on peut le découvrir même quand il n’y feroit qu'à la quantité d’un feul grain par once. EXPÉRIENCE PREMIÈRE, J'ai mis en poudre deux dragmes d'argent corné(a)dans un mortier de verre , & je l'ai broyé avec deux dragmes d’alkali fixe du tartre, & aflez d'eau pour le rendre d'une confiftance liquide. Après cela , il a été féché au bain de fable dans une tafle de porcelaine. J'ai pris ce mélange d'alkali fixe & d'argent, & après l'avoir pilé, j'en ai mis dans une phiole que j'ai placée dans un creufet rempli de fable, pour l'expofer au feu. J'ai commencé par une chaleur douce , que j'ai augmentée graduel- lement jufqu'a ce que la phiole ait pris une couleur rouge foncée , & je l'ai entretenue à ce même degré pendant une heure. Après cela, j'ai retiré le creufet du feu , & après qu'il à été refroidi , j'ai ‘ caffé la phiole, & j'en ai retiré la matière , en la {éparant avec foin des morceaux de verre. Cette matière étoit d'une fubftance fpon- gieufe , s’'étendoir en feuillets fous le pilon, au lieu de fe mettre en poudre, & prenoit une apparence d'argent. Pour lors, étant ré- duite en lames bien minces, je l'ai mife en digeftion avec 4 onces d'eau diftillée, qui en a diffout une partie. Cette difflolution dé- cantée, j'ai remis 4 autres onces de la même eau fur la matière qui étoit reftée au fond du vafe, & je l'ai laiffée en digeftion comme auparavant; enfuite, je l'ai décantée , filtrée & mêlée avec la pre- mière. Par ce moyen , l'argent a été dégagé de toute fubftance fa- Jine. J'ai évaporé ces deux folutions à moitié , & je les ai faturées avec du vinaigre diftillé : après cela , je les ai fait fécher douce- ment fur le feu , & j'en ai enlevé tout le fel diurétique, par le moyen de l'efprit de vin. Le fel neutre qui a refté , je l'ai fait difloudre dans un peu d'eau diftillée , je l'ai filtré, & je lai laiffé dans un gobelet couvert d'un papier gris , pour le garantir de la pouffière. Dans l'efpace de trois mois, il eft devenu parfaitement fec, & s’ef criftallifé en petits criftaux plats, & prefque, cubiques , de fel ma- rin régénéré , qui pefoit 35 grains en tout. Exp. II. Deux dragmes de précipité d'argent ‘par la tartre vitriolé {b), traité comme ci-deflus, a produit une dragme & 7 grains de tartre vitriolé brun. Exp. III. Deux dragmes de précipité de plomb par le tartre vi- triolé (c), traité comme dans ia première expérience , a produit une dragme & 5 grains de tartre vitriolé brun. Exp. IV. Deux dragmes de précipité de plomb par le fel mari {d), a donné une dragme & un grain de criftaux cubiques de fel marin régénéré. Exp, V. Deux dragmes de mercure dulcifié , traité de la même SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37r manière , a produit 38 grains de criftaux cubiques de fel marin régénéré, Exp. VI. Deux dragmes de turbith minéral , fait en précipitant une folution de vif argent dans l'acide nitreux par le tartre vitriolé, & enfuite bien édulcoré & bien féché , traité comme dans la première expérience , à produit 36 grains de tartre vitriolé brun, Dans les expériences 1 & IT, l’argent a repris fon afpelét métal- lique ; dans les III & IV , le plomb a été réduit en mañficot ; & dans la V & IV, le vifargent s’eft diffipé entièrement. Il eft évident , par ces expériences , que les combinaifons des acides marin & vitriolique avec l'argent, le plomb & le mercure , font décompofées par les moyens que je viens d'indiquer : & l'on “voit qu'on détermine la quantité du fel neutre qui fe forme par l'union des acides de ces combinaifons avec l’alkali. Après avoir expofé ces expériences fur les fubftances artificielles , je paflerai au détail de celles que j'ai faites fur les fubftances natu- relles , qui font le fujet de ce Mémoire. Sur l'Argent corné naturel. L'ARGENT corné fe trouve de différentes couleurs , c'eft-à-dire , blaac , perlé, verd, jaune , brun, pourpre & même noir. Lorfqu'il eft criftallifé , il eft de figure parfaitement cubique : il fond affez promptement lorfqu'on le jette fur un feu rouge, mais fans répan- dre la moindre fumée. On peut le couper aifément avec un couteau , parce qu'il eft un peu malléable, fi l'on en excepte l'efpèce qui et de couleur noire , laquelle eft caffante, & peut être mife en poudre. Il y a des Auteurs qui prétendent que ce minéral eft compolé d'argent , de foufre & d’arfenic:; d’autres , difent qu'il eft compofé d'argent ; d'atfenic & d’alkali fixe ; quelques-uns , d'argent , d’ar- fenic & d'acide marin. Mais M. Cronftedt & M. Sage aflurent qu'il eft compofé d'argent & d'acide marin feulement. Je ne connois point d'expériences publiées qui aient été faites dans l’objet de déterminer cette queftion, excepté celles de M. Sage; mais ces expériences diffèrent fenfiblement par le réfultat de celles que j'ai faites fur les mêmes fubftances. Expr, VIL Deux onces d’rgent corné natif , coupé en tranches très. minces ; trituré avec autant d'alkali fixe & un peu d'eau, & traité enfuite comme dans l'expérience première, a donné 43 grains de feul neutre, qui confiftoit en criftaux plats & cubiques de fel marin régénéré , mêlé de criftaux bruns de rartre vitriolé : ce dernier paroif- foi faire feulement le tiers du premier. L'argent qui a refté après cette opération , avoit la même appa- 1777. NOVEMBRE. 572 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, rence métallique que celui de la première expérience. Je l'ai mis en digeftion dans du vinaigre diftillé , & j'ai enfuite filtré & éva- poréàun quart la diflolution , pour difiper l'excès d'acide. Jai ajouté une infufion de noix de Galle à cette diflolution , & elle a _ pris une couleur pourpre tirant fur le noir , qui s'eft précipité. Cela prouve que la couleur brune de ce minéral ef due à un peu d'ocre de fer qui y eft mêlé. Une lame bien mince de ce minéral, vue à Ja loupe, femble d'une couleur de nacre de perle en quelques endroits, & d'une couleur brune poudreufe dans d’autres. L'argent, dans fon état métallique, n’eft point foluble dans le vinaigre dif tillé. Exe. VIII. Deux dragmes d'argent corné , couleur de nacre de perle , traité comme ci-deflus ,a donné 51 grains de fel neutre, com- pofé de criftaux cubiques de fel marin régénéré , avec un mélange de criftaux de tartre vitriolé , qui paroifloit y être environ un quart de l’autre. L'argent qui a refté , avoit la même apparence que celui de la première expérience, & a donné des marques de contenir auffi du fer, mais pas en fi grande quantité que celui de l'expérience précédente. Exp. IX. La friabilité & la couleur de l’argent corné noir, mefit douter fi ce minéral étoit vraiment de l'argent corné. Je foupçon- nois que s'il y avoit quelque peu d'argent corné , il devoit y être mélé avec d'autres fubftances. L'on fait que les alkalis volatils ont la propriété de diffoudre toutes les combinaifons d'argent avec les acides: ainfi, j'ai eu recours à ce menftrue pour l’analyfe de ce minéral. J'ai pris 7 dragmes d'argent corné noir, & je l'ai mis en diget- tion trois fois de fuite, dans une grande proportion d'alkali vo- latil de corne de cerf. J'ai préféré cer alkali volatil à celui de fel ammoniac , parce qu'il eft tout-à-fait exempt d'acide marin. Les trois diflolurions qui en ont réfulté , ont été mêlées enfemble , filtrées & évaporées jufqu'a ficcité, & ont produit deux dragmes & deux fcrupules d'argent corné, d'une couleur d’ardoife foncée. Quarante-fix grains d'argent corné artificiel , diflout dans de l’ef- prit de corne decerf, & féché de la même façon , a augmenté feu- lement de 2 grains de poids , & étoit de la même couleur noirâtre, qui vient , fans doute , d’une portion d’efprit de corne de cerf, qui lui refte adhérente. Les deux dragmes & deux fcrupules d'argent corné , obtenus par le moyen de l’efprit de corne de cerf ; ont été bien broyées avec une égale quantité de fel de tartre, 8 trairées comme dans l'ex- vérience première. Il en eft réfulté une dragme & 11 grains de crif- taux SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 373 taux cubiques de fel marin régénéré, mêlé avec des criftaux bruns de tartre vitriolé ; mais en moindre quantité que dans la première expérience. L'argent qui a refté après cette opération, avoit lamême apparence fpongieufe & métallique que dans la première expérience: la portion du minéral corné qui a refté infoluble après en avoir enlevé la portion d'argent corné , a retenu fa couleur noire. Je l'ai calciné dans un creufer, & pendant la calciration > il s’eft développé une odeur de foufre, & j'en ai continué la calcination jufqu'à ce que cette odeur füt entièrement diffipée. Après cette opération , la matière avoit pris une couleur de cendre & une apparence métal- lique , & s'étoit pelotonnée & pétrie comme de la pâte, ce qui m'a fait croire qu'il y avoit encore un peu d'argent corné. Pour le retirer, je l'ai remis en digeftion dans d'autre efprit de corne de cerf, À ayant évaporé lentement, jufqu'à ficcité, la folution qui en réfulta , j'en ai obtenu 34 grains d'argent corné : la matière qui a refté indifloluble, étant fondue avec du flux noir , a donné deux dragmes & demie de pur argent ; de forte que l'argent corné noir eft compolé d'argent corné & d'argent minéralifé par le foufre. La folution de ces trois efpèces d'argent corné dans l'efprit de corne de cerf, étoit tout-à-fait Iympide & fans couleur; ce qui prouve qu'il n'y avoit point de cuivre. Pour démontrer l'acide marin dans l'argent corné , j'ai pris quatre grains des criftaux cubiques obtenus dans les expériences VI, VII, VIT, IX; je les ai mis en différents verres, & j'ai verfé dofus un peu d'huile de vitriol; il s'eft fait une effervefcence & un bouil- lonement confidérable ; & il s'en eft dégagé d’abondantes vapeurs d'acide marin, comme il feroit arrivé en verfant de l'huile de vitriol fur du fel marin ordinaire. Pour prouver que la lune cornée contient auffi de l'acide vitrio- lique , j'ai profité d’une découverte de M. Margraf, qui dit qu'une diffolution de terre calcaire dans de l'acide nitreux , eft précipitée par une diflolution de tartre vitriolé, parce que l'acide vitriolique quitte fon alkali, & forme une félénite avec la terre calcaire. J'ai donc diflous 12 grains de tartre vitriolé dans de l’eau diftillée, & ayant fltré la diflolution, j'y ai ajouté une quantité fuffifante de diffolu- rion de craie par l'acide nitreux, qui a caufé une précipitation ; le précipité étant édulcoré & féché, pefoit 7 grains. Mais la petite quantité de ce précipité me fait foupçonner que le tartre vitriolé n'eft pas décompofé en entier; il réfulte cependant, que pour avoir 7 grains de ce précipité, il faut employer 12 grains de tartre vitriolé. Celui-ci m'a fervi d'efflai de comparaifon. Le fel neutre de la feptième expérience, traité comme je viens Tome X , Part. II, 1777. NOVEMBRE. Ccc 374 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; de dire, a produit 8 grains de félénite; celui de la huitièmé expérience, 7 grains & demi, & celui de la neuvième, 10 grains. Dans la calcination de ces différents échantillons d'argent corné avec les alkalis, dans les expériences précédentes, je n’ai point apperçu la moindre fumée ni la moindre odeur fortir des phioles. J'en ai donc inféré, que l'argent corné ne contient point d’arfeuic , & qu'il ne s'étoit rien diffipé pendant l'opération. L Il paroît, par ces expériences , que l'argent corné eff compofé d'argent uni aux acides de fel & de vitriol, & que ce dernier eft de deux tiers en moindre quantité que le premier. De l'Argent vif corné. J'ai découvert ce minéral, il y a quatre ans, lorfque je faifois une colleétion de minéraux à Obermofchel , dans le Duché de Deux- Ponts. Je l'ai vu depuis dans quelques colleétions; mais perfonne ne le foupçonna tel, qu'après que j'ai eu fait connoître fa compo- fition, parce que fon afpeét le faifoit prendre pour un fpath or- dinaire. J'ai trouvé ce minéral de trois différentes couleurs, c'eft- à-dire, d'un blanc brillant, jaune & noir. Ce dernier devoit fa couleur à un mélange de petites particules de vif-argent coulant qui y adhéroit. Ce minéral fe trouve auf criftallifé , mais fes criftaux font trop petits pour être diftingués fans l’aide d'un mifcrofcope. Exp. X. J'ai choifi trois dragmes d'argent vif corné , dépouillé, autant qu'il étoit pofible, du cinabre & de la matière pierreufe , à laquelle il étoit attaché, & je l'ai traité avec deux dragmes de fel de tartre, comme dans la première expérience. Le fel neutre qui en eft réfulté, étoit du fel marin régénéré en criftaux cubiques , mélé prefque d'autant de tartre vitriolé en criftaux bruns, & le vif- argent fe diffipa entièrement dans l'opération, comme dans la cinquième expérience. Quatre grains de ces criftaux cubiques, mélés à de l'huile de vitriol , firent effervefcence , & répandirent beaucoup de fumée ; le reftant du fel neutre fut diffout dans de l’eau diftillée , & enfüite mêlé avec une quantité fuffifante de folution de craie dans l'acide nitreux ; le précipité qui réfulta de ce mélange, pefoit 8 grains & demi, après avoir été édulcoré & féché. Ainli, nous pouvons con- clure de tout cela , que ce minéral eft compofé de vif argent, mêlé à une plus grande proportion d'acide vitriolique que d'acide marin. L'argent vif corné que j'ai employé dans ces expériences, étoit parfemé de petits globules de mercure coulant, dontje n'ai pu le dépouiller entièrement. Et c'eft de ce mercure coulant que dérive la demi-dragme de fel neutre qu'il avoit produit. Pour me procurer les SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37$ trois-dragmes de ce minéral que j'ai employé dans ces expériences , il m'a fallu gâter plufieurs beaux échantillons de mine. L'ingénieux M. Sage, de l'Académie des Sciences, a publié plu- fieurs expériences pour démontrer que l'acide de fel contribue beau- coup à minéralifer plufieurs fubftances minérales : mais j'en ai effayé un grand nombre fans trouver un atome ni de cet acide, ni de celui de vitriol : entr'autres, j'ai effayé ; de la manière décrite dans la première expérience, toutes les fubftances fuivantes ; favoir : Le fer fpathique blanc de Bayreuth. Grains d'étain de Bohème & de Cornwall. Calamine de Mendip. Pierre calaminaire , demi- tranfparente , de Wales. Kobalt fuyeux de Saxe. Manganaife de Somerfetshire. Cette efpèce eft la feule que j'aie vue mélée de fpath calcaire; auffi, fait-elle effervefcence avec les acides, fans l'intermède du feu. Blanc de plomb natif en mafle, de la Lorraine. J'ai trouvé que c'eft un compofé de chaux de plomb & de terre argilleufe. Mine de Plomb blanche de Poulaven, dans la Baffe-Bretagne. Mine de Plomb verd, du même endroit. Mine de Plomb verd , de Frieburg en Brifgau. Dans les expériences faites fur ces échantillons, le plomb verd fut réduit en mañlicot; mais dans ces deux dernières, le mafficot avoit un œil verdâtre pâle, qui venoit du fer & non pas du cuivre, parce que fi l’on fait digérer ces mines de plomb verd , après avoir été calcinées avec de l’alkali fixe , & qu'après les avoir édulcorées, on les fafle digérer avec de l'acide vitriolique, on obtient une fo- lution verdâtre; & fi on fature avec de l’alkali, l’exces d’acide-de cette folution, qu’on la filtre, & qu'on la mêle à une infufion de galles, on en fait une encre. Après avoir effayé à ma façon & fans fuccès, un grand nombre des minéraux que M. Sage aflure contenir de l'acide marin, j'ai cru néceffaire de les effayer avec la méthode même de ce Chymifte , & j'ai choifi, pour cet effet , les efpèces qu'il dit être les plus impregnées de cet acide. Exp. XI. La mine de fer fpachique blanche , de Bayreuth , effayée fuivant la méthode de M. Sage. J'ai mis dans une cornue de verre 3 onces de ce minéral en poudre, & j'y ai verfé deflus 3 onces d'huile de vitriol. J'ai placé la cornue dans un fourneau de réver.- 1777. NOVEMBRE. C cc? 376 ‘ OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, bère, & j'y ai adapté un récipient mouillé d'huile de tartré 3 per deliquium. J'ai donné une légère chaleur qui ne pouvoit pas faire diftiller la moindre humidité, & je l'ai continuée au même degré pendant cinq heures. Eu peu de tems, la partie fupérieure du ré- cipient commença à fe couvrir de criftatux , & après l'opération , je trouvai en grande partie criftallifée l'huile de vartre qui étoit au fond du récipient. Exp. XII La manganaile de Sommerfethire, traîtée de la même manière, produifit les mêmes criftaux dans la partie fupérieure du récipient, & l'huile de tartre fut criftallifée également. Il a été néceflaire, à caufe de l’efervefcence du mélange de fe fervir d’une cornue bien grande, & ne commencer le feu que douze heures après qu'on avoit fait le mélange : pendant ce tes , il commençoit déja à fe former des criftaux. Exp. XIIL La mine blanche de plomb de Sommerfetshire, trai- tée comme ci-deflus, préfenta les mêmes phénomènes, mais il y eut très-peu d’effervefcence. Expr. XIV. Les grains d'étain de CornWall, traités de même , ne donnèrent pas la moindre apparence de criftaux dans le récipient. Exp. XV. La mine de fer fpathique blanche, diftillée fans ad- dition à l’aide d'un grand feu, produifit des criftaux à la partie fupérieure du récipient, & auffi dans l'huile de tartre qui étoit au fond du récipient même, de la même façon que quand on l'avoit traitée avec l'huile de vitriol dans l'expérience XI. Après ces expériences , j'ai faturé , avec du vinaigre diftillé , l'huile de tartre criftallifé des expériences XII, XIII & XV, je l'ai filtré & éva- poré jufqu'à l'exfication, & j'ai diffout le réfidu dans de l'efprit de vin, comme dans la première expérience ; mais il n’eft point refté de fel neutre infoluble ; ainfi, nous pouvons conclure que ces minéraux ne contiennent ni acide marin, ni acide vicriolique, & que ces criftallifations de l'huile de tartre font dues uniquement à l'air fixe & à l'air phlogiftiqué contenus dans ces minéraux, dont je me ré- ferve à traiter dans un autre mémoire. Il eft à obferver que la craie diftillée à un feu violent, fait criftallifer l’huile de tartre dans le récipient, mais avec la différence cependant qu'elle ne produit point de criftaux à la voûte fupérieure du récipient; ce qui provient fans doute de l'humidité que la craie donne dans la diftillation. M. Sage dit que les criftallifations de la partie fupérieure du ré- cipient dans ces expériences , font compoféss de criftaux cubiques ; mais dans les expériences que je viens de rapporter, les criftaux étoient en forme de fer de lance. Il paroît, par toutes ces expériences , que l'argent & le mercure font jufqu'ici, les feules fubftances métalliques qui foient minérali- 4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 377 fées par l'acide marin ; & il paroît auffi que l'acide vitriolique entre dans leur combinaifon. Quoique les réfultats de mes expériences aient été tout-à-fait dif- férens de ceux de M. Sage , j'ai trop bonne opinion de lui, & je le connois affez bien pour ne point fonger à révoquer en doute fes aflertions. Je fuis plutôt porté à foupçonner que cette différence vient de l'huile de vitriol qu'il a employée dans fes expériences , qui, peut- être, contenoit de l'acide marin. M. Holker, qui prépare cet acide en grand , en France , m'a confeflé que dans fes premiers effais , il méloit du fel marin dans la préparation de l'acide vitriolique , afin d'en augmenter la quantité. Ne pourroit-il pas fe faire que M. Sage fe foit fervi de cette forte d'acide, & que par conféquent il ait obtenu de l'acide marin dans fes expériences ? PSE RES NE RANCE Adreffée à l’Auteur de ce Recueil , par M. Proust, Apothi- caire, Gagnant-Maïtrife, de l'Hôpital de la Salpétrière, Sur un Verre blanc retiré de l'acide phofphorique des Os. M ONSIEUR , on lit, à la page xlij de la Table alphabétique des Elemens de Minéralogie de M. Sage, nouvelle édition, une Note fur la manière de retirer l'acide phofphorique des Os : elle commence ainfi : » M. Prouft , Apothicaire de la Salpétrière, en répétant le pro- » cédé de M. Schéele , &c. &c…. » & plus bas. » M. Prouft me » donna, fous le nom d’acide phofphorique retiré des os , un verre » blanc & tranfparent ; je lui démontrai que ce qu'il me préfentoit » n'étoit point l'acide phofphorique à nud ; mais cet acide com- » biné avec du natrum &t fous forme de verre infoluble dans l’eau ». Je fuis convenu, Monfieur , avec M. Sage , que le verre tel que je les lui préfentois n'étoit pas pur, puifque je m'offrois , alors, de lui en faire la comparaifon avec l’acide phofphorique retiré des urines ; mais que cet acide fut uni à du natrum , & qu'il produifit , par la fufion , un verre infoluble dans l'eau, c'eft une aflertion qui ne fut foutenue d'aucune preuve ni expérience quelconque. . Je défavoue cette démonftration , comme n'ayant point accordé foi à une idée que l'expérience réduit à l’état d’hypothèfe,& comme ayant toujours regardé en oppofition à toutes les loix de la Chymie; 1777. NOVEMBRE, 378 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que deux fels : favoir , l'acide phofphorique & le natrum , dont le uom emporte l'idée de la plus parfaite folubilité!, puflent , après leur réunion , pañler à l’état de verre tranfparent & infoluble dans Veau , quand il n'eft furvenu aucun changement à leur manière d'être , & qu'en conféquence de cette loi, ou peut les retrouver entiers après l’analyfe. C'eft d’après cette vérité que j'expofe le parallèle qui fuit. L'acide phofphorique forme, avec le natrum, un fel moyen très-folu- ble, donnant des criftaux particuliers , fe fondant au feu en une mafle blanche , opaque, fufceptible de fe rediffoudre dans l'eau & de re- produire fes criftaux. Le fel foumis à l'a@tion du feu , avec la poudre de charbon dans une cornue, ne donne aucun atome de phofphore , comme l’expé- rience m'en a convaincu, & comme le dit M. Margraf, quoiqu'il ne foupçonnât aucunement la nature de fa bafe ; M. Rouelle l'a déterminée le premier , ainfi que les propriétés de ce fel , dans le Journal nommé ci-deffus. ( Journal de Médecine , Juillet 1756). On le retrouve tout entier au fond de la cornue, fans avoir éprouvé d'autre changement que la perte qu'il a faite de fon eau de crif- tallifation ; à quelque degré de feu qu'on le tienne expofé, il de- vient rouge fans exhaler la moindre fumée , & fans rien perdre de fa folubilité. L’acide phofphorique reriré des os , eft un verre tranfparent, par- faitement infoluble dans l'eau, & les acides , ayant à-peu-près la dureté du verre de vitre ; foumis au feu avec la poudre de char- bon , il donne du phofphore dans la même proportion que l'acide phofphorique retiré des urines & fon rélidu , ne contient abfolument tien de falin , circonftance que j'eus l'honneur de communiquer à M. Sage, & qui doit fervir de fupplément à la Note où il a men- tionné la quantité de phofphore que j'ai obtenu. Vous voyez, Monfieur , que ce nouveau fel eft fi éloigné d’avoir aucune fimilitude avec le fel fufible à bafe de natrum , qu'it eft fur- prenant que M. Sage ait hafardé de prononcer fur fa nature; car, on peut démontrer que dans l'état où ce favant Académicien le con- fidère, il ne peut exifter comme tel, après les procédés employés pour le retirer , puifque fon rapport avec le natrum , n'’eft point exclufif. La terre des os décompofe ce fel très-facilement ; l'acide phofpho- rique décompofe auñfi la félénite, s'empare de fa bafe , & produit au creufet un verre tranfparent infoluble dans l'eau , avec cette attention que la faturation relative n’a point été dépofée; car, dans ce dernier cas, on obtient un verre opaque reffemblant à l'émail. Toutes ces chofes feront encore plus rigoureufement démontrées ; SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 379 quand on aura prouvé quele natrum exifte tout formé dans les o5,fans être uni à l'acide phofphorique , qu'il ne doit rien au poutoir du feu , finon la perte que lui font éprouver les calcinations recommandées pour l'obtenir; que notre acide phofphorique des os, eft uni à une terre qu'on en peut féparer pour le reporter à fon plus grand état de pureté ; & qu'on peuten reproduire de femblable , en fe fervant de l'acide phofphorique , des urines & de la terre des os, dépouillée d'acide quelconque. Je fuis, &c. BR 'TUR MASITT D'une LETTRE de M. Pistor, Profeffeur de Mathématiques à Sienne ÿ du 25 Avril dernier. M... IEUR, le defir de dépofer dans votre Journal, comme dans un magafn univerfel d'obfervations naturelles , j'hiftoire d’un phénomène bien fingulier par le concours des circonftances qui l'ont accompagné & quieft arrivé , ilya peu de jours, dans cette Ville ; ce defir, dis-je, me fait prendre la liberté de vous adrefler cette Lettre , que vous voudrez bien, j'efpère , y inférer. Les dommages confidérables que caufe la foudre aux plus beaux édifices de cette Ville fituée fur une colline élevée , engagèrent enfin, l'année dernière , les perfonnes à qui l’on a confié le foin de notre Cathédrale & des autres édifices publics, à armer de la fameufe barre éleétrique , le clocher de cette Eglife , le haut de la façade & la tour qui renferme l'horloge public , laquelle tour eft un bâtiment des plus élevés & des plus beaux que l’on voie en Italie dans ce genre, Quoique le peuple accueillit affez bien cette nouveauté , il fe trouva cependant quelques incrédules qui , dans le moment qu'on dreffoit cette barre électrique , l’appelloient la barre hérétique. Mais ils vien- nent d'apprendre que c'eft plutôt eux qui l'étoient. Pour plus grande intelligence , ileft bon de favoir que le conduc- teur qui fert de continuité à la barre pointue , drefiée fur la cime de la tour , pañle dans fon intérieur, en fuivant le fil de fer qui def- cend du marteau des heures à l'horloge. On l'a fait communiquer avec la caifle de l'horloge , au-defflous de laquelle on l'a fait pañler en déhors par une petite fenêtre , & arrêté le long d'une des faces de la tour. Mais, avant que ledit conducteur arrive à terre , on a pratiqué dans le mur, une rainure d'environ quinze pieds de long , 1777. NOVEMBRE. o OBSERVATIONS SUR LA PHVSIQUE; dans laquelle on l'a myftérieufement renfermé pour le garantir de tout accident. On l'a enfin enfeveli dans la terre & conduit juf- qu’au milieu d’une petite rue , au deflous de laquelle pañle un cou- rant d’eau. Il n’avoit pas encore tonné depuis qu'on avoit armé la tour de ce conduéteur , lorfque , le 18 Avril dernier, vers les 6 heures du foir , il furvint un orage accompagné d’une pluie abondante & de tonnerres très-bruyans. Les gens qui habitent les boutiques autour de la place , ceux qui vendent des denrées , une partie de ceux qui habitent les maifons qui l'environnent, fe mirent à regarder la tour de l'horloge fituée fur cette même place, à côté de la Maifon-de-Ville. Bientôt le tonnerre venant à éclater , ils virent au même inftant , étinceler les ferrures qui fupportent la grande cloche qui fonne les heures, & qui eft placée tout au haut de la tour , immédiatement au deffous de la barre pointue, & fortir de la petite fenêtre au deffous de l'horloge, un globe de feu de couleur pourpre qui, après avoir parcouru le conducteur fixé le long du mur, s’enfévelit en terre, avant que la foudre entrât dans la rainure pratiquée , comme nous avons dit, dansce mur; illança plufieurs groffes étincelles qui tombèrent furle pavé. Plufieurs des Spectateurs ont comparé cette chûte d'étincelles à celles qui tomberoient d’un tifon bien allumé qu'on frapperoit contre le mur. On pourroit foupçonner qu'elles étoient ou une portion de la matière fulminante qui fe feroit détachée du globe de feu , à l'inftant qu'il eft entré dans le trou de la rainure, ou plutôt quelques portions du fer du conduéteur lui-même , mifes en fufion par la foudre , car l’on fait qu'un morceau de fer nouvellement forgé , a prefque toujours de petites écailles à fa furface , qui peuvent très-bien être détachées, fondues & brüûlées par le tonnerre ; puif- qu'une étincelle éleétrique enflamme &t réduit en fcories la li- maille de fer. Un homme qui travailloit à quelque ouvrage, fur la porte de la boutique fituée en face du conduéteur , fut renverfé par terre, foit par la frayeur que lui caufa le bruit & la vive lumière, foit par la fecoufle qu'il reçut peut-être de la matière éleétrique , dont il fut tout-à-coup environné ; il m’aflura , un moment après cer accident , qu'il fe fentoit les bras , les jambes & tout le corps abattu & tremblant. Il fe répandit, dans la petite rue dont nous avons parlé , une fumée qui avoit une forte odeur de foufre, & plufieurs des Spectateurs en avoient aufi vu fortir du trou par lequel le con- duéteur entre dans la rainure. Quelques perfonnes qui coururent au pied de la tour, en virent encore fortir d’entre quelques pierres qu'on avoit pofées aux pieds du mur contigu à la tour ; après les avoir écartées , ils trouvèrent que cette fumée fortoit d’un petit trou fait en terre, que je conjeéturai communiquer au canal dans lequel la SUR-L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 381 a foudre s'étoir perdue. Le Gardien de l'horloge qui alla le vifi- ter peu de tems après, fentitune odeur infupportable de foufre dans l'appartement où il eft renferme. La tour ayant été vilitée par plu- fieurs perfonnes intérieurement & extérieurement, elle ne fut trouvée endommagée nulle part , de même que le conduéteur qui ne reçut pas le moindre ébranlement. On a de plus obfervé que les toiles d'araignées qui étoient au dedans de la toùr , le long du conduéteur, n’avoienc été ni brûlées ni même déchirées. La plupart des Spcéta- teurs ont afluré que la foudre , qui s’élença fur la tour , avoit paru fortis d'une nue , qui en étoit à une aflez grande diftance ; qu'ils avoient apperçu qu'une autre nuée plus élevée que celle-là, fe déchar- geoit fur elle & lui lançoit fon feu en même-tems qu’elle fe réfolvoit en une pluie abondante , & qu’enfin la nue la plus voifine de la barre , n’avoit plus fait avec elle, pour ainf dire , qu'un feul & mémêé * conduéteur pour porter la foudre en terre & la diffiper. Il fe trouvera dificilement une obfervation pareille , conftatée par une foule de gens qui, raffemblés à deffein dans une grande place, en plein jour , avoient tous les yeux tournés avec la plus grande atten- tion , fur une tour très-haute , pour obferver le jeu d’un conduéteur érigé à fon fommet depuis peu, & qui, fans beaucoup attendre , eurent le plaifir de voir un évènement le plus à la gloire de la Philofophie, & particulièrement de l'illuftre Franklin qui, étendant, pour ainfidire , fa main bienfaifante fur la place de Sienne , le 18 Avril, faifit un tonnerre terrible , & le força de paler par une petite rue qu'il lui avoit affignée pour pañlage , en lui ordonnant de ne point endommager une tour fur laquelle il avoit tant de fois déployé fes fureurs. Le Peuple de Sienne , toujours fenfible & recon- noiffant envers les Bienfaiteurs de l'humanité , s'étonne qu'on ait élevé fi fouvent des ftatues à ceux qui ont ruiné les Villes , & qu'on décerne fi rarement un tel honneur à ceux qui les confervent. Si M, Franklin , par le moyen de votre Journal , eft informé du phénomène dont je vous fais part, il éprouvera, fans doute , une bien grande fatisfation à voir aiali fon triomphe & les applaudifflemens qne lui donnent des Peuples auffi éloignés de fa Patrie , & qui regardent fa barre éleétrique , comme le trophée le plus digne de fon génie immortel. Tome X , Part. II. 1777. NOVEMBRE. Ddd 382 OBSERV ATIONSISUR LA PHYSIQUE, RESTE NRC IE RE ANERIEUT USE TT ENT ENRCEPRET SEE RÉ PRSSRE OT M É M OI RE Sur les ravages de la Mer dans l’Ifle de Noir-Moutier ; Lu à l’Académie Royale de Marine ,le 5 Juin 1777 , par M. BLONDEAU, Profeffeur de Mathématiques , de la même Académie, &c. Su ce que nous apprennent les papiers publics , les défaftres répétés de l'Ifle de Noir-Moutier , fituée à la côte de France, dans le golfe de Gafcogne , vers le 47°. degré de latitude Nord , entre le 4°. & le 5°. de longitude occidentale du méridien de Paris, prouvent l'infuffifance des digues qu'on aoppofées jufqu'à préfent, à la force des vagues qui, dans cet endroit , devoient, par certains vents , agir avec une fureur victorieufe de tous les obftacles que les hommes y oppo- fent direement. J'ai vu les mêmes efforts employés vainement pour garantir un village fitué , à-peu-près , à deux lieues dans le Sud-Oueft de Calais. Dans les coups de vent de Nord-Oueft & de Nord , qui font terribles à cette côte, la merrenverfoit en peu d'heures , l'ouvrage d’une année entière. Un Citoyen éclairé, bien intentionné &t ferme , propofa d'abandonner les obftacles direéts , contre lefquels la mer agif- foit avec trop d'avantage, & d'y fubftituer un talus très-incliné comme, par exemple , fous un angle de 30°. avec l'horifon. Voyez, difoit-il , vos plages de fable, qui s'élèvent fous un angle encore plus aigu, la mer y brife fes flots continuellement fans caufer le moindre défordre ; elle ne renverfe rien, parce que , pour ainfi dire , elle ne choque rien. Voyez , au contraire, la montagne du Blanet plus dans le Sud-Oueft que Sangatte, cet obitacle , cent millions de fois plus fort que vous ne pouvez en faire un , mais oppofé directement à la mer comme les vôtres , eft continuellement renverfé par elle; & qui fait où fa def- truétion s'arrêtera ? Si donc je ne vous propofe pas de faire à Sangatte le talus que nous devons oppofer à la mer, fous un angle encore plus aigu que celui de 30°., c'eft que fous cet angle plus aigu , il faudroit employer trop de terrein pour élever la digue fuffifamment , & que celui-ci me paroît convenable. Qu'arriva-t-il à cet homme utile? Ce qui arrive prefque toujours dans pareil cas. Il fut attaqué par l'igno- rance , l'envie , la mauvaife foi & l'intérêt mal entendu. Il pardonna tout ; revint à la charge aufñfi fouvent que l'intérêt public le demanda, La vérité, la conftance, la fermeté triomphèrent enfin de la cabale & de l'erreur , & Sangatte fut mis à l'abri pour toujours, SUR L'AIST. NATURELLE ET LES ARTS. 353 Il femble donc qu'on pourroit propofer de prendre ce parti dans tous les endroits où l'on rencontre les mêmes befoins, & peut-être eft-ce le feul qui refte aux habitans de l'Ifle de Noir-Moutier, Au refte , je ne connois aucunement le local ; je fais feulement par nos Cartes, que cette Ifle eft très-étroite , fur-tout dans la partie qui avoifine le Poitou ; & c'eft, fans doute , une raifon pour prolongerle moins poffible le talus que nous propofons; mais auffi, ç'en eft une pour s'oppofer , par ce talus, aux ravages de la mer qui détruit tou- jours les obftacles verticaux ou à-peu-près verticaux, qu’elle rencontre; tandis qu’elle augmente d'elle-même ceux qui font très-inclinés. C’eft ce que j'ai conftamment obfervé à Calais , pendant le féjour de 9 ans que j'y ai fair. H eft de notoriété publique dans ce pays , que la mer s’en éloigne dans tous les endroits où la côte eft plare, tandis qu’elle gagne dans ‘le pays aux endroits où la côte eft fort efcarpée , à pic ou écore, comme difent les Marins. Ce fecond effet eft tout uniment caufé par le choc continuel des eaux, & parles viciflitudes des faifons; par ies alternatives de chaud & de froid , de fec & d'humidité qui, occa- fionnant fans cefle un mouvement inteftin entre les parties confti- tuantes des corps , rompent , peu-à peu , les liens qui les uniflent. La montagne du Blanet, que les Marins nomment le cap Blanet, par corruption du mot blanc-nez , cède facilement aux efforts de Ja mer , parce que la pierre blanche & calcaire qui la compofe , eft tendre ( 1 ); & il y a quelques années , on fut obligé de reculer de plufieurs centaines de toifes une maifon bâtie fur le fommet, parce que le terrein de la montagne étoit prêt à manquer fous elle. Cette montagne quia fa correfpondante parfaite , vis-à-vis à la côte d'An- glererre , & faifoit partie de l'iftme qui , dans des tems très-reculés , joignoit l'Angleterre à la France , eft donc conftamment & affez rapidement dévorée par la mer. On fent bien que les cafes de pierre dure ou de roc en grande mafle, réfiftent bien plus long-tems; d’où il arrive que ceux-là ayant changé de faillie & de forme, font maia- tenant bien différens de ce que les repréfentent les anciennes vues , pendant que ceux-ci fe reffemblent prefque parfaitement ; remarque qui rend peut-être raifon de l'extrême différence entre certaines vues de côtes & l'état aétuel des chofes dans les mêmes pofñtions , & prouve , en ce cas , la nécefité de les renouveller. (1) On y trouve quelques pétrifications & quelques pyrites ferrugineufes; jy ai trouvé une affez grande partie d’une corne d’'Ammon, & une aflez grande quantité de fafran de Mars, que j'ai revivifié très facilement en limaille , bien attirable par l’aimant. 1777. NOVEMBRE. Ddd2 554 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Le premier effet vient, au contraire , de ce que la mer fe répan: dant journellement fur cette plage prefque horifontale , y dépole, fur-tout, dans les tems de calme & pendant ie moment de fon plein , les fubftances qu'elle tient, pour ainfi dire , en diflolution , ou qu’elle charrie devant elle, fans que le jufant, beaucoup moins fort dans ce cas, que le flot , puifferemporter ce dépôt. Ces matières s'aglutinent les unes aux autres , & au terrein fur lequel celles pofent ; le vent, lorfqu'il vient de terre, y porte le fable des dunes qui bordent la côte; ce fable eft arrêté par les matières encore mouillées que la mer)y a laïffées , è fait bientôt corps avec elles; une nouvelle couche fe forme de même à la marée fuivante; le terrein s'élève donc continuellement , & la mer ne pouvant plus farmonter cet obitacie qu'elle s’'eft formée elle-même , fe porte ailleurs d'autant. J'ai vu, dans des circonftances favorables, ces alluvions éle- ver le fol d'environ 7 pouces en 24 heures dans certains endroits ; mais on fent bien que le progrès eft rarement auñfi grand, & qu'il eft même quelquefois nul. Ce qui confirme bien les effets & la marche dont je viens de rendre compte, c'eft qu'ayant fait creufer , dans cette grève , d'environ 6 pieds ; & dans plufieurs endroits, on a trouvé par-tout des couches alternatives de fable , & d'une vale devenue glaife , plus ou moins mêlée de fable. Ces couches étoient d'inégales épaifleurs , parce que les caufes de leur formation varient beaucoup , foit abfolument, foit relativement. À une plus grande profondeur , celles de fable étoient plus épaifles à proportion, parce qu’autrefois les dunes , beaucoup plus élevées qu'elles ne le font main- tenant , donnoient beaucoup plus de prife au vent & fournifloient davantage. Vainement on a femé dans ces dunes , depuis long-rems, des plantes filamentenfes & traçantes , elles n'y ont pas pris en aflez grande quantité ; les dunes n'en ont pas moins baifé confidérable- ment & baiffent encore tous les jours, mais beaucoup plus lentement. Je voudrois finir par indiquer de quelles matières il conviendroit de former l'efpèce de grève artificielle que je propofe. Où fent bien que ces matières doivent être d'autant plus propres à fe tenir liées enfemble, qu'on fait plus aigu l'angle du talus avec l’horifon. D'un autre côté , la néceflité de l’économie oblige à fe fervir des matières qu'on a le plus fous la main, & les perfonnes chargées de ces tra- vaux , doivent favoir à quoi s'en tenir là-deffus. Je dirai donc feule- ment que j'ai vu un rempliffage de terre glaife aflez grafle, quoique mêlée de fable, réuffir très-bien à cet égard ; à la vérité, l'angle du talus n'étoit guères que de 20°. (1). Re TT TT (1) Le Mémoire n'a été lu à lAcadémie, que jufqu'à cet endroit, SUR L’HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 38$ Je faifis, avec bien du plailir, cette occafion de rendre graces aux perfonnes qui ont bien voulu m'envoyer , de l'Ifle de Noir-Moutier, de très-bons renfeignemens pour la confection du Routier des côtes de l'Europe, Si cet Ouvrage n’a pas encore paru, c'eft qu'il s'en fauc beaucoup que j'aie obtenu par-tout les mêmes fecours. J'apprends,par ces renfeignemens , que, le fond des rades eft de fable & de vafe ; il y a donc apparence qu'on trouveroit facilement de quoi faire un rem- pliffage ou un encaiffement tel que celui dont il eft queftion ci-deflus, ER MESA OU CDR E Sur la reprodu@ion des Membres de la Salamandre aquatique ; Par M. BoxxeT, de diverfes Académies. | Te le fameux Polype vint étonner le Monde par fes pro- diges (r), M. de Réaumur ofa prédire à l'Académie des Sciences $ qu'on ne tarderoit pas à découvrir bien d’autres animaux qui offriroient les mêmes prodiges ou des prodiges analogues. J'eus le bonheur de vérifier le premier (2) cette prédiétion, qui le fur bientôr après par les plus célèbres Obfervateurs. Diverfes efpèces de vers d'eau douce, les vers de terre, les orties & les étoiles de mer, coupés par morceaux, fe reproduifirent de bouture comme le polype (3): Ce far un grand accroiffement de richefles pour la Phyfique organique, & une fource in- tariflable de méditations pour le Philofophe. Nous n'étions pourtant pas au bout : de nouveaux prodiges, peut-être, plus étonnans encore , de- voient fe dévoiler un jour aux yeux de nos Naturaliftes; & c'étoit au cé- lèbre Abbé Spallanzani qu'il avoit été réfervé de nous les découvrir. On comprend que je veux parler , furtout , de la régénération de la tête du limaçon & de celle des membres de la Salamandre aquatique. On a douté , & on doute encore de la réalité de ces belles découvertes : & le public impartial , a paru en defirer de nouvelles confirmations (1) En 1740, Mémoire fur les Polypes , par M. Trembley. Leyde, 1744, ën-4°. (2) En 1741, Traité d’Infeétologie , Partie II. Paris, 1745, in-8°. (3) Mémoire-fur les Infectes, par M. de Réaumur , Tome VI, Préface, page , &xc. de l'édition in-4°, LENS 1777. NOVEMBRE. 286 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE , Jai commencé de fatisfaire à fes defirs dans mon Mémoire fur la régénération de la tête du Limaçon terreftre (1) , où je penfe avoir bien confirmé la réalité de cette régénération. Je vais expofer , dans un fecond Ecrit , les expériences que j'ai rentées récemment fur la repro- duétion des membres de la Salamandre aquatique ; & l'on ÿ verra que cetre découverte du célèbre Naturalifte de Reggio n’eft pas moins certaine que celle de la régénération de la tête du Limaçon. Je ne m'arrêterai pas à décrire les Salamandres aquatiques qui ont fait le fujet de mes expériences : elles ne diffèrent point de celles dont on trouve la déefcription dans le Diéfionnaire d'Hifloire naturelle de M. de Bomare, qui eft entre les mains de tout le monde. D'ail- leurs la figure première repréfente au naturelune de ces Salamandres de la manière la plus exaête. Cette Salamandre étoit parvenue à fon parfait accroiffement, J'ajouterai feulement ; que la couleur des grandes Salamandres , dont il s’agit, eft d'un brun-foncé , parfemé de taches rondes ou oblongues prefque noires. Le deflous du ventre eft d'un jaune foncé , parfemé auffi de taches noires. La peau des cotés eft chagrinée, & les grains font de couleur blanchätre ou jau- nâtre. Les jeunes Salamandres en ont couleur différente : elles font d'un verd-jaunâtre , fur lequel font jettés de peits traits ou de pe- tites taches d'un brun-clair. Le deffous du ventre eft plus clair encore & tire fur le blanchâtre ; mais , encore une fois , mon intention n'eft point de décrire ici les Salamandres fur lefquelles j'ai opéré : je ne veux que donner une légère idée des merveilleufes réproduc- tions dont j'ai été témoin. I. Manière dont l'Auteur foigne fes Salamandres. Je tiens mes Salamandres dans de grands poudriers pleins d’eau claire. Je n'en mets qu'une feule dans chaque poudrier. Je renouvelle l'eau fréquemment, & au moins deux fois la {emaine. Les Salamandres troublent l'eau au bout de peu de jours, & elles m'ont paru fouffrir jorfque j'aitrop tardé à changer l'eau. Elles s'élèvent de rems en tems, à la furface , pour refpirer : elles expirent alors par la bouche, plu- fieurs groffes bulles d'air , & ne tardent guères à fe replonger fous l'eau. Ce font de petits quadrupèdes nullement malfaifans : on peut les manier fans aucun rifque : je les ai tenu bien des fois dans ma main, fans qu'ils aient fair aucune tentative pour me mordre : j'ai plus fait encore; je les ai mutilés impunément dans ma main. J'ai , cru cette remarque néceflaire, parce que c'eft un préjugé général En ORNE {1) Journal de Phyfique, Septembre 1777: SUR L'HIST. NATURELLE ET LES AR1S. 387 parmi les gens de la campagne , que les Salamandres font des ani- maux très-dangereux (1). II. Nourriture des Salamandres. Les Salamandres font carnacières. Elles m'ont paru n'en vouloir qu'aux infeétes vivans. Les mouvemens de leur proie les excitent à s'en failir. Elles reffemblent , à cet égard, aux araignées & aux fourmi-lions , qui ne touchent point aux cadavres. Les Salamandres peuvent foutenir de très-long jeûnes. J'en ai eu qui ont jeüné deux mois & plus , fans périr. M. Spallanzani l'avoit déjà remarqué ; il avoit même obfervé des Salamandres qui , * quoique privées depuis long-tems ; de nourriture, ne laïfloient pas de reproduire leurs membres comme celles qu’il nourrifloit le mieux. Il n'eft point d'infeéte qui m'ait paru plus commode pour alimen- ter les Salamandres, que le ver de terre. On diroit qu'il eft une manne préparée par la Nature , pour la nourriture de divers animaux. Les vers de terre abondent prefque par-tout ; & comme on peut les Partager par morceaux plus ou moins courts , fans qu'ils périflent & qu'ils perdent le mouvement , ils font admirables pour nourrir les Salamandres. Ils préfentent encore un autre avantage ; ils peuvenr refter plufieurs jours fous l’eau , fans ceffer de fe donner des mouve- mens plus ou moins fenfibles, & qui excitent l'appétit des Sala- mandres. La Salamandre faifit avec fes mâchoiïres , d'un mouvement bruf que , le ver ou le morceau de ver qu'on lui préfente au bout d'une pince ou qu'on laifle tomber au fond de l'eau , devant elle ou tout auprès d'elle. En l’avalant tout vivant , elle fe donne de petites fecouffes de tout le corps , & principalement de la partie antérieure. Quand le ver eft gros & un peu long, il lui faut un tems pour l'ava- ler : il refte quelquefois deux à trois minutes à l'ouverture de fa bou- che , où il fe plie & fe replie en divers fens ; car il conferve toujours la vie & le mouvement. Tandis qu'une partie de fon corps eft encore hors de la bouche de la Salamandre , on le prendroit pour une langue fort groffe & fort faillante , & les mouvemens très-variés de cette prétendue langue , offrent alors un fpectacle aflez fingulier. Mes Salamandres m'ont toujours paru ne faire qu'avaler leur proie & ne la mâcher point : ces petits quadrupèdes font pourtant pourvus d'un grand nombre de très-petites dents. Sans doute ; qu’elles ne QG) M. de Maupertuis s’étoit attaché le premier à prouver que les Salamandreg ne font point du tout mal.faifantes, (Mémoires de l’Académie de Paris, 1727): 1777. NOVEMBRE. 388 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, leur font pas abfolument inutiles , fur-tout pour retenir la proie qui fait effort pour s'échapper. Quand la Salamandre faifit un affez gros ver de terre , par le milieu du corps, elle ne l’avale pas ordinairement dans cette fituation ; il fe trouveroit alors ployé en deux dans fa bouche, & excéderoit trop la capacité de celle-ci. La Salamandre l'en fait doc reflortir peu-à-peu, par petites fecoufles ;, de manière qu’elle puifle parvenir à ne faifir que l'une ou l’autre des extrémites , & dès qu'elle y eft parvenue, le ver eft bientôt avalé. Jai pourtant obfervé une grande Salamandre qui, ayant faif par le milieu du corps, un affez grand ver de terre , l'a avalé fous mes yeux , fans fe donner la peine de le faifir par une des extrémités; mais elle a été plus d'un quart-d'heure à l’avaler. Il eft remarquable que les Salamandres qui font pourvues de doigts fi bien articulés & fi flexibles , ne fe fervent point de leurs mains pour faifir leur proie, la porter à la bouche & l'y retenir. C'eft néanmoins ce que je n'ai jamais vu arriver : jamais les Salamandres ne m'ont paru faire aucun ufage de leurs mains dans ces circonftan- ces. Je ne les ai vu s’en fervir que pour nager. Les Salamandres femblent d'abord fixer les yeux fur leur proie , &. bientôt elles fe jettent deflus la bouche ouverte. DÈs qu'elles l'ont faifie , il eft affez rare qu'elles la laiffent échapper. Les mouvemens faccefifs de déglutition font extrêmement fenlibles. Ils fe font, comme je l'ai dit, par petites fecouffes plus ou moins réitérées. Au refte, je n'ai jamais vu mes Salamandres pourfuivre leur proie : elles ne Vont faifie que lorfqu’elles lent rencontrée fur leur route, ou qu'elle s'eft fort rapprochée d'elles. Un jour qu'une grande Salamandre venoit d'avaler ,en ma préfence, un gros ver de terre , je lui en fervis un fecond de plus de quatre pouces de longueur & gros proportionnellement : elle le failit aufli- tôt , & l'avala prefqu'en entier, en fotte qu'il n’en reftoit hors de fa bouche , qu'une portion d'environ une ou deux lignes. Mais , quel- ques inftans après , elle rejetta le ver en entier, par un mouvement fubit. Cela fut répété deux fois, & chaque fois le ver reffortit bien vivant du corps de la Salamandre. On auroit droit de croire que l'opération de couper les membres aux Salamandres , doit être très-cruelle pour ces petits animaux,& les faire beaucoup & longtems fouffrir. J'ai pourtant fait une obferva- tion qui pourroit faire préfumer le contraire. Je venois de couper la main gauche & le pied droit à une grande Salamandre : il étoit forti de l’avant-bras, un filet de fang , gros , au moins, comme une foie de porc, qui avoit jailli près de deux minutes {ans interruption. Non-feulement la Salamandre n’avoit point du tout paru affoiblie ni par SUR L'HIST. NATURELLE ET IES ARTS. 389 par l'opération , ni par Ja perte de fang ; mais a peine s'étoit-il écoulé un quart-d'heure , que je la vis, à.ma grande furprife, avaler , coup fur coup , deux vers de terre. Les Salamandres engloutiffent quelquefois très-vite de grands vers de terre bien entiers, malgré tous les efforts que fait le ver pour échapper. On le voit s'entortiller comme un ferpent autour du corps de la Salamandre , fe raccourcir d'inftant en inftant , & difparoître peu-ä-peu à mefure qu'une plus longue portion de fon corps entre ‘dans celui du petit quadrupède. J'ai vu une grande Salamandre en- ‘gloutir ainfi fous mes veux, en moins de cinq minutes , un ver de terre qui avoit plus de fix pouces de longueur. III Mues des Salamandres. IL femble qu'il ne faille pas dire que les Salamandres changent de peau , car elles paroiffent ne changer que d’épiderme (1 ): au moins la dépouille qu'elles rejettent , a-t-elle une finefle & une tranfparence qui femble ne convenir qu'à un épiderme. Elle eftblan- châtre , & reffemble àla plus fine gaze, & prefque à une toile d’arai- gnée. Ce que les Poètes ont feint des ombres , pourroient s'appliquer à la dépouille des Salamandres : elle repréfente fort bien les Corps : on y voit des mains, des doigts , des pieds ; une queue ; mais repré- fentés comme dans un petit nuage qui flotte dans l'eau. Quand le moment de la mue approche , on apperçoit cette fine peau qui commence à fe détacher du corps. La tête fe dépouille la première , puis le refte de le partie antérieure : le milieu du corps & le derrière fe dépouillent enfuite. Quelquefois la dépouille que rejette la tête, forme , autour du col de la Salamandre, une manière de collier ou de cravate de Gaze. D'au- tres fois , elle s'ajufte fur la tête en forme de capuchon ou de coëffe. Quand on regarde la Salamandre obliquement & par un de fes côtés vis-à vis le grand jour > on apperçoit l'épiderme du dos & celui du ventre qui commencent à fe détacher. Ce dernier paroît s'éloigner davantage du ventre , parce qu'il n’eft pas fourenu comme l'autre, & qu'il tombe par fon propre poids, On reconnoît que la Salamandre eft près de muer, par un figne qui m'eft point équivoque & qui eft facile à faifir : le dos, regardé obli- quement , paroît un peu blanchâtre , & à peu près tel qu Ù paroîtroit s'il étoit recouvert d'une fine toile d’araignée. Cette apparence eft 0 (1) M. du Fay l’avoit déjà remarqué dans fon curieux Mémoire fur les Sala. mandres, auquel je renvoye le Leëteur. (Mémoires de l’Académie de Paris,1729), Tome X , Part. II. 1777. NOVEMBRE. Ece 390 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, produite par la dépouille qui commence à fe détacher des parties qu’elle recouvroit immédiatement. Confidérée de fort près à la vue fimple , ou avec une loupe qui ne groffit pas trop , elle femble com- pofée de petites écailles qui repréfentent les efpèces de petites callo- fités ou les tubercules, dont le corps de la Salamandre eft comme chagriné. Mais , filon examine avéc plus d'attention cet épiderme, & fur-tout , fi l'on eft placé dans un jour très-favorable , on le jugera un très-joli ouvrage à rézeau, dont les mailles ne m'ont pointéchappé, même à là vue fimple. Il y auroit bien des obfervations à faire fur le tiffu de cette fine membrane , & ces obfervations pourroient répandre du jour fur la vature & l'origine de l'épiderme , qui nous font encore fi peu connues, malgré toutes les recherches des Phyfiologues. Nos Salamandres offri- soient des fréquentes occafions d'étudier à fond la ftruéture de cette fingulière membrane. Jai évé attentif à obferver mes Salamandres tandis qu’elles fe dépouilloient. Ce qu'elles m'ont offert en ce genre, n'a point du tout reffemblé à ce qu'offrent les chenilles & bien d’autres infectes. La dépouille fe détache çà & là d'elle-même; affez fouvent par lambeaux plus ou moins confidérables. Cela ne va pas vite : l'entier dépouille- ment ne s'achève qu'au bout d'un jour ou deux, & quelquefois je fai vu durer trois jours. La Salamandre , en pleine mue , ne laifle pas d'aller & de venir au fond de l’eau & de fe donner tons les mouve- mens que fe donnentles Salamandres qui ne muent pas actuellement. La mue n’eft donc point une maladie pour les Salamandres; elle n’enchaîne point leurs membres , comme elle enchaine ceux des infedtes. La Salamandre qui fe dépouille aëtuellement , fe jette fort bien fur fa proie, la faifit , la retient & l'avale. Il m'a paru que le dépouillement devenoit quelquefois aflez dif- ficile. Maïs , dans ces fortes de cas , l'animal fait recourir à de pe- tites manœuvres qui abrègent plus ou moins l'opération , & que j'ai obfervées avec plaifir. On le voit alors élever & abaifler alternati- vement avec vitefle le bras droit & le bras gauche , la jambe droite & la jambe gauche : en même-tems il fe donne de légers trémouffe- mens de tout le corps : quelquefois il s’élance d'un mouvement. bruf- que vers la furface de l'eau ; pour fe précipiter au fond un moment après. J'ai vu ces manœuvres fe répéter pendant plus de demi-heure, La Salamandre paroifloit impatientée de la durée de l'opération ; on croyait le remarquer à l’efpèce de brufquerie de tous fes moûs vemens. Lorfque la dépouille eft rejertée en très-grande partie, & que, pour achever des'en débarrafler , la Salamandre s'élève avec viteffe vers la furface de l’eau; elle femble voler dans un petit nuage : car SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3ot la blancheur , la finefle & la demi-tranfparence de la dépouille qui flotte autour d'elle & l'enveloppe , :n'imitent pasmal un petit nuage. Je n'ai point obfervé que la Salamandre fe fervit de fes doigts pour détacher la dépouille. Ce ne font pas feulement les jeunes Salamandres qui rejettent fucceffivement plufieurs dépouilles : celles qui font parvenues à Jeur parfait accroiffement le font auffi, & de la même manière. J'en ai de très-grandes qui fe font déjà dépouillées plufieurs fois fous mes yeux. Les membres qui fe reproduifent aétuellement , rejettent, comme les anciens, un épiderme. J'ai dit que la dépouille qui recouvroit la tête s’ajuftoit quel- quefois autour du col en manière de collier ou -de cravate : j'ai vu ce collier defcendre peu-à-peu fur le ventre., dans une grande Sala- . mandre à qui j'avois coupé les bras , & y former une ceinture qui le ferroic aflez fortement. Je ne puis encore rien dire de précis {ur le nombre & les inter- valles des mues. J'ai aëétuellement fous les yeux une Salamandre de médiocre grandeur , qui a mué 11 fois depuis le r4 Juillet jufqu'au 7 de Septembre. Voici les tems de ces mues : Première. mue. .:..:. . Juillet, 14. Seconde mue mere een EU ERITSE HTONIEMeE MUC. eue REZ Quatnèmermue ME. 24e Cinquième ïmue.h 12252405 0. Sixièmelmue Le. AA NEA ET: Septième mue , le jour m’a échappé. ÉRIHÉRE ES PQUESeleU ee ie st Se 2/10 ‘Neuvième mue. . . « … . + 24. Diièmermue 4 2 1.200 ai 128 Onzième mue. . . . Septembre. 6. Au refte, les mues apportent quelquefois de légers changemens aux couleurs des Salamandres. k IV. Reproduétions des Salamandres. IL me tarde d'en venir à la partie de l'hiftoire de mes Salaman- dres qui intérefle le plus mon Leéteur; je parle de la merveilleufe reproduétion de leurs membres. J'ai commencé mes expériences le 1777. NOVEMBRE. Ece 2 392 OBSERVATIONS SUR LA PHPSIQUE;, 6 de Juin , & dans le courant de ce mois & du füuivant , j'ai mutilé une quinzaine de Salamandres , dont les unes étoient très-jeunes encore , & dont les autres avoient atteint leur parfait accroiflement. Toutes les jeunes Salamandres & plufieurs de celles qui n’avoient plus à croître, ont péri. Je fupprime les détails de ces opérations infrnétueufes , & je me borne au récit de celles qui ont eu un fuccès complet. Je défignerai, par les noms de bras &t de mains, les extrémités anté- rieures , & par ceux de cuifles & de pieds , les extrémités pofté- rieures. J'éviterai ainfi des périphrafes ennuyeufes. Les mains des Salamandres n'ont que quatre doigts; les pieds en ont cinq. Je l'ai déjà dit, ils font très-bien articulés , & reffem- blent affez aux nôtres. Ils n'ont point d'ongles , & ne font pas liés par des membranes intermédiaires. Mais , encore une fois , je ne décris pas les Salamandres. PREMIÈRE EXPÉRIENCE. Le 6 de Juin , j'ai coupé, fort près du corps, à une grande Salamandre , le bras gauche & la cuifle gauche. Il eft forti de chaque plaie, un filet de fang d’un rouge aflez vif, qui a jailli pendant environ une minute & demie. Les vaiffeaux fe font fermés très-promptement, & la Salamandre a paru fe porter auf bien que celles qui n’avoient point été mutilées. Mais on juge bien qu’elle ne nageoit pas avec. la. même facilité. Au bout d'environ un mois, j'ai commencé à appercevoir, près du bord dela coupe ou du tronçon , un petit mammelon conique d'une couleur grife mêlée de violer. Ce mammelon , qui étoit le principe d'un nouveau bras & d’une nouvelle cuifle, a pris, peu-à-peu, plus d'accroifflement, & le 14 de Juillet , il étoit tel qu'il eft repréfenté dans la figure première en b & c. , Les jours fuivans , les mammelons ont continué à croître , mais lentement & plus en hauteur qu’en largeur. Ils ont revêtu la torme de petits moignons ; & lé ptemier d'Août leur longueur étoit d'en- viron 2 lignes, Le moignoa poftérieur paroifloit tant {oit peu plus long que lantérieur., Les figures 2 & 3 les repréfentent au naturel. On peut remarquer dans ces figueres , que le tronçon tt fe diftingue nettement des parties reproduites be : c’eft qu’il n’a pris aucun accroif- fement , & que fa couleur tranche fort avec celle des parties repro- duites. On apperçoit en s une forte de bifurcation fort peu fenfible , & qui indique l'apparition prochaine de deux doigts du nouveau pied que la nature travaille à produire ou plutôt à développer. On n'apperçoit aucun veftige de bifurcation dans le bras naiffant b. Le 7 , les deux doigts du nouveau pied étoient très-reconnoiffables, & ils font très-bien repréfentés au naturel dans la figure 5. Ce font de vraies migaatures & de très-petites mignatures. La figure 4, qui SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 29, n'eft pas ombrée, indique que le nouveau bras étoit, à cette date , à-peu-près comme le premier du mois. On n'y démêéle encore aucune apparence de doigts; feulement ,le nouveau bras a pris un peu plus d’accroiffement. La figure 6 , eft celle de ce même bras obfervé le 9 & deffiné le même jour. On y contemple avec plailir la petite main en plein déve- loppement. Elle ne montre encore que trois doigts d'une longueur inégale. Celui du milieu eft le plus long. Le bras ne paroît pas s'être allongé , au moins, d’un manière fenfible. La figure 7 fait voir au naturel, le nouveau pied où l’on diftingue quatre doigts d'inégale longueur : le premier & le fecond font les plus longs : les deux au- tres ne font que commencer à paroître : le quatrième, fur-tout , eft à peine vifible. On ne fe laffe point de contempler de telles mignatures , & admirer ces merveilles du règne organique. * L'évolution a fait , de jour en jour, plus de progrès, & le 22, les membres reproduits fe montroient précifément comme dans les figu- res 8 & 9 qui les repréfentent très-exa€tement au naturel. fls fe font colorés & tygrès; enforte qu'on ne diftingue plus auf nettement la ligne qui fépare le vieux du nouveau : mais on n'apperçoit point encore aux doigts , les taches noires qu’on remarque dans ceux des Salamandres qui n’ont point été mutilées. Comparez ces doigts nou- vellement reproduits avec ceux de la figure première, & vous jugerez de la différence. Remarquez encore que la main, figure 8 ,a déjà quatre doigts bien formés, & que le pied , figuré 9 , ne montre point encore les cinq doigts qu'il aura dans la fuite : il n'en a actuellement que quatre , mais qui font, comme ceux de {a main , parfaitement bien formés , & auxquels il ne refte qu'à prendre plus d'accroifle- ment, de confiftence & de couleur. J'ai donc continué à obferver ma Salamandre pour fuivre à l'œil, les progès du développement dans les membres reproduits ; & voici quelles étoient leurs dimenfions en longueur le zo de Seprembre & celles des membres correfpondans. ras, 4 lignes. Bras , 2% lignes. Avant-bras, 321. Avant-bras, 21 1, Cuiffe , 3 lign. Cuiffe , 2% lig. Membres } Jambe , 4 lig. nn Jambe , 2 7 lig. anciens Le plus long doigt nouveaux, à Le plus long doigt de la main, 3? 1. de la main, 131. Le plus long doigt Le plus long doigt du pied, 43 lig. du pied, 13 lig 5797, NOVEMBRE, 394 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, { Je ferai remarquer qu'à cette date du 20 de Septembre , le cin- quième doigt du nouveau pied n'avoit point encore commencé à paroître, & peut-être ne paroîtra-t-il point (x). SECONDE EXPÉRIENCE. Le 12 de Juin, j'ai coupé à une autre grande Salamandre , la main gauche & le bras droit. Mon principal but , daus cette feconde expérience , a été de vérifier ce que dit M. Spallanzani , que la Nature ne reproduit précifément que ce qu'on a retranché. Ce fait eft d'une grande importance dans la théorie des reproduétions animales , & ne fauroit être trop conftatée. Vers le 7 ou le 8 de Juillet , j'ai commencé a appercevoir , furun des côtés de la coupe , un petit mammelon conique , d'un gris-violet. Ce mammelon m'a paru croître très-lentement. Vers la mi-Juillet, j'aiapperçu , dans le Mammelon qui terminoit l'avant-bras , unebifur- cation naiffante , très-peu fenfible, mais que je diftinguois pourtant très-nettement à la vue fimple. Le mammelon fembloit aller fe par- tager en deux, longitudinalement par fon fommet. Cette apparence de bifurcation étoit produite par deux doigts de la nouvelle main qui commençoient à fe montrer. Deux à trois jours après, j'ai remarqué une nouvelle bifurcation à l'extrémité fupérieure du même mammelon : c'étoit un troifième doigt qui apparoifloit. Le 19, le quatrième & dernier doigt a apparu à fon tour :le mammelon conique a difparu , & j'ai vu, à la place, une petite main ouverte, dont les quatre doigts, très-petits encore , étoient parfaite- ment bien façonnés. La figure 10 repréfente au naturel la main dont je viens de décrire les progrès, & telle qu’elle paroïfloit le 19. Le petit mammelon conique, qui éroit le principe d’un nouveau bras , s'eft allongé peu-à-peu, Il étoit au commencement , tel que le mam- melon b de la figure première ; maïs, fur la fin de Juillet ou au com- mencement d'Août, il s’étoir allongé de manière qu'il reffembloit par- faitement à celui de la figure 2. ; Le 3 d'Août, le fommet de petit cône commençoit à fe divifer, c'eft-à-dire, que deux doigts commençoient à fe montrer. Voyez la figure 11 : il faut y regarder de fort près; car la féparation des deux doigts eft très-peu apparente. s , cette féparation. t, le tronçon. Leo , on voyoit au bout du petit bras, une main deffinée extré- mementen petit & qui étoit la plus jolie chofe du monde. On y diflinguoit nettement les quatre doigts tous inégaux en longueur , & dont le plus petit ne faifoit que commencer à paroître. L’'Artifte a admirablement bien repréfenté au naturel tout cela dans la figure ce 41) I! n'avoir point encore paru au commencement d'Oétobre. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3gj 1e. t, eft le tronçon ou la partie de l'ancien bras qui cit demeurée attachée au corps : elle eft très-reconnoiffable par fa couleur, qui eft brune & parfemée de points blancs. b, eft le nouveau bras d'une couleur plus claire & affez uniforme. m, la nouvelle main, dont les quatre doigts fort en vue. Le pluslong n'a guères que demi-ligne, Le2r, la main qui s’étoit développée au bras gauche, avoit faic des progrès confidérables : elle s'étoit élargie & avoit pris une forme qui fe rapprochoit beaucoup plus de celle qui eft propre aux mains des Salamandres. Les doigts s'étoient allongés & avoient acquis une groffeur proportionnée à leur longueur. Toute la main avoit commencé à fe colorer, & on y deméloit çà & là des taches bru- nes, plus fenfibles fur le dos de la main , que dans les doigts. La figure 13 rend tout ceci bien mieux qu'aucune defcription ne pour- roit le faire. Pour prendre une idée plus nette des progrès de l'évolu- tion , il faut comparer cette figure 13 avec la figure 10. La figure 14 repréfente le bras nouvellement reproduit , obfervé à cette même date du 21, & deffiné le même jour. La main a pris {a forme naturelle , & on eft frappé des progrès de l'évolution. Le bras commence à fe colorer près du tronçon : tout le refte eft encore d’un gris mêlé de violet. Au refte, je ne l'ai pas dit encore , mais on le préfume aflez: les parties qui fe reproduifent ont une demi-tranfparence , que n’ont point les parties anciennes qui leur reffemblent. Ce degré de tranf- parence fe conferve long-tems , & ne s’affoiblit que peu-à-peu & à mefure que les parties fe colorent davantage. Lorfqu'on obferve à la loupe quelques-uns des doigts, tandis qu'ils font encore demi-tranfpa- rens, on remarque qu'ils le font beaucoup plus {ur leurs bords qu'’ail- leurs. Ils femblent renfermés dans une fine enveloppe fort tranfpa. rente. Les anciens doigts n'offrent point cette apparence. Ileft fort naturel que les parties qui ne fent que commencer à fe développer, aient un degré de tranfparence , que n'ont point celles qui ont achevé de fe développer , ou dont l'évolution eft déjà très-avancée. A me- fure que le développement augmente , le calibre des vaifleaux ac- croît , & cet accroiflement de calibre donne lieu à l'introduction de particules nourricières plus groffières & plus colorantes. La blan- cheur & la tranfparence femblent conftituer l'état primitif des touts organiques. C'eft cet état primitif que nous défignons par le mot de germe , & que nous ne parvenons à faifir que lorfque le tout orga- nique S’eft développé jufqu'à un certain point. Il eft ici un terme au- delà duquel nous ne pouvons remonter, parce que le rout organique devient fi petit ou fi tranfparent, qu'il échappe à toutes nos recher- ches & à nos meilleurs inftrumens. Le 20 de Septembre, les dimenfions en longueur des membres 1777. NOVEMBRE. 396 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, anciens & des nouveaux étoient telles qu'elles font exprimées dans la Table fuivante. Bras , 34 lignes. Bras , 2: lign. Membres ÿ Avant-bras , 34 1. MERS Avant-bras , 2% |. ER au, Rte plus long doigt A lite plus long doigt 13 ligne. C 13 ligo. TroisiÈèME ExPpÉRIENCE. Le 15 de Juillet, j'ai coupé à une grande Salamandre , deux doigts de la main ët trois doigts du pied. Le 26, j'ai commencé à appercevoir un petit arrondifflement fur ka coupe de chaque doigt. Le 20 d'Août, un nouveau doigt fe montroit au bout de chaque tronçon. La figure 15 montre au naturel la main qui reproduit de nouveaux doigts :nn, font ces doigts. Tout eft plus diftiné dans la figure 16 deflinée à la loupe : on voit en nn les doigts que la nature travaille à développer. Ils m'ont pris encore qu'une petite partie de leur accroiffement. Dans la figure 17» on voit les cinq doigts du pied groffis à la loupe. Trois de ces doigts , coupés environ à la moitie de leur lon- gueur, ont déjà reproduit une partie confidérable de ce qui leur avoit été retranché. nnn, font les nouvelles poules. v v, eft la portion de l’ancien doigt, à l'extrémité de laquelle s’eft faite la nou- velle produétion, La courbe irrégulière qui fépare les deux portions eft ici très-diftinte & montre que l'ancienne ne s’eft point da tout prolongée. QUATRIÈME EXPÉRIENCE. Le 3 d'Août, j'ai coupé à une grande Salamandre , la main droite fuivant fa longueur , de manière que j'en ai retranché deux doigts. En même-tems j'ai coupé l’autre main en entier, par une feétion tranfverfale. Le 22, la coupe de l'avant-bras gauche montroit le mammelon conique dont J'ai parlé. Le 30, le fommet de ce mammelon avoit commencé à fe divifer , & on diftinguoit nettement trois doigts naiffans. Le même jour , un nouveau doigt commençoit à apparoître fur le côté de la main droite , & ce jour-là, J'ai fait deffiner cette main. Voyez la figure 18. aa, font les deux doists demeurés entiers. e, eft une élévation affez fenfible fur la coupe de cetre main , & qui avoit précédé l'apparition du nouveau doigt. r, eft ce nouveau doigt, qui eft déjà très-reconnoiffable. Le premier de Sectembre ,un fecond doigt commençoit à fe montrer à côté du premier ; & le 4, cette main coupée fuivant fa longueur , étoit telle qu'elle eft repré- fentée SUR L’HIST.NATURELLE ET LES ARTS. 397 fentée au naturel dans la figure 19 , rr, font les deux doigts qui vont remplacer ceux qui ont été retranchés. Ce même jour, 4 de Septembre , la nouvelle main qui avoit pouffé au bout de l'avant-bras gauche , étroit à-peu-près comme celle qui eft repréfentée au naturel dans la figure 10. Le réfulrat de certe expérience me paroît bien remarquable : voilà une main coupée longitudinalement , qui reproduit précifé- ment ce qui lui a été retranché, & qui le reproduit de la manière & dans le lieu qui conviennent le mieux à fa forme naturelle & à fes fonctions. Le 29 de Septembre , j'ai fait deffiner de nouveau cette main, afin qu'on pût mieux juger de la poftion des nouveaux doigts & dès progrès de leur développement. Voyez la figure 20, qui n'offre que le trait. CiNQUIEME EXPÉRIENCE. Il ne faudroit pas fe preffer de con- clure, de l'expérience précédente, que la nature ne reproduit jamais que ce qui a été retranché : cette conclufion feroit précipitée, & la nature elle-même la défavoueroit. Une expérience bien décifive me l'a prouvé. Le 21 d'Août, j'avois coupé obliquement la main droite d'une Salamandre, de manière qu'il ne lui étoit refté que le pre nier doigt. Le 13 de Septembre, quatre mammelons très-petits ont commencé à fe montrer fur le bord de la coupe. Il m'a été facile de reconnoître qu'ils étoient les principes de quatre nouveaux doigts, Cependant j'ai fufpendu mon jugement dans la crainte de me trom- per ; mais l'évolution ayant fair bientôt des progrès très fenfibles , j'ai vu paroître quatre petits doigts bien formés, & qu'il étoit impof- fible de méconnoître. La figure 21, repréfente au naturel cette main. On peut y remarquer que l'arrangement des nouveaux doigts n'eft pas parfaitement régulier. Le premier & le fecond , a b , font comme accollés , & la diftance qui eft entre ces deux premiers doigts, eit un peu moindre que celle qui eft entre les deux derniers ç d. Voilà donc une main à cinq doigts, quoique la main des Sala- mandres n'en aie que quatre dans l'inftitution de la nature. Mais, il n'eft point rare de rencontrer de ces fortes d'anomalies dans les repro- duétions de ce genre, & M. l'Abbé Spallanzani en a obfervé de bien des eéfpèces qu'il décrira avec fon exaétitude & fa clarté ordi- paires. On comprend affez que l'endroit où l'on fait la fe&tion , la manière dont on la fait, l’érat aëtuel de la partie & des parties voi- fines peuvent donner naïflance à une multitude de variétés ou de bifarreries apparentes ; dont plufieurs feront de vraies monftruofi- Tome X , Part. II. 1777. NOVEMBRE. F ff 398 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; tés (1), les unes par excès, les autres par défaut; d’autres enfin; par tranfpofition. Au refte, je prie qu'on obferve, que dans le cas que je viens de décrire, la régénération ne s'eft pas annoncée par l'apparition d’un mammelon unique, comme dans les deux premières expériences ; mais qu’elle s’eft annoncée par l'apparition de quatre mammelons beaucoup plus petits & affez diftinéts, rangés fur une même ligne & dans le fens, fuivant lequel l'inftrument avoit agi au moment de l'opération. SixIEME EXPÉRIENCE. Il auroit manqué quelque chofe d’ef- fentiel à mes expériences , fi j'avois négligé de couper la queue à nos Salamandres. Cette queue eft un grand tout organique , très-compofé. Il eft formé d’une fuite de petites vertèbres accompagnées d’artères, de veines , de nerfs, & recouvertes de mufcles & de chairs. La queue des grandes Salamandres a plus de deux pouces de longueur, fur environ demi-pouce de largeur. Elle eft façonnée en manière d’aviron, & fe termine par une pointe moufle. Il y auroit bien des chofes à dire fur la forme ,les proportions & la pofition de cet organe relativement aux fonétions qu'il eft appellé à exercer : mais ce font des détails qui n’entrent point dans les vues que je me propofeici. Je ne veux que confirmer ce que M.Spallanzani a avancé touchant l'admirable reproduétion de cet organe fi compofé. Lorfque j'ai coupé la queue des grandes Salamandres fort près de fon origine, je n’ai point réuffi à voir fa reproduétion. L’animal périfloit au bout d’un certain tems plus ou moins long; & plufieurs femaines avant fa mort, je voyois naître, fur l'énorme plaie, une forte de moififflure cotonneufe de couleur blanchâtre, dont les fila- mens fe prolongeoient jufqu'à acquérir une longueur de plufieurs lignes. Je ne veux pas néanmoins laiffer imaginer que cette moifif- fure influât fur la mort de l'animal: j'ai vu de pareilles moififfures ou de femblables filamens cotonneux fur les plaies que j'avois faites en retranchant les bras & les jambes. Ces filamens difparoifloient DURE RUE er LT I Re et ER (1) La régénération des Limaçons préfente aufli des monftruofités bien remarquables. J'ai a@tuellement un de mes Limaçons décapités le 8 de Mai, qui n’a reproduit qu'une feule grande corne, à l'extrémité de laquelle fe voyent deux yeux. En examinant cette corne de près, on reconnoît qu’elle a été produite par la réunion de deux cornes qui fe font greffées par approche. Ce Limaçon eft celui dont la partie antérieure eft repréfentée au naturel dans la figure 12 de mon Mémoire, ( Journal de Phyfique, Septembre 1777. ) On napperçoit, dans ce Limaçon, ancune trace de bouche ni de petites cornes. Comment douter, après cela, qu'un tel Li- maçon n’eût bien été réellement décapité. SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 399 peu-ä-peu, & je ne tardois pas à appercevoir des fignes certains de reproduétions. Je n’ai donc bien obfervé la reproduétion de la queue des Sala- mandres , que lorfque je ne l'ai coupée que vers le milieu de fa lon- gueur , & parune feétion perpendiculaire à l'axe. Il eft toujours forti par la plaie, un filet de fang de la groffeur d’une foie de porc, qui a coulé une ou deux minutes. Le gros vaiffeau qui le fournifloir ,étoit placé près de l'épine, & fon orifice étoit très-vifible à la vue fimple. Il fe fermoit bientôt de lui-même , & on ne voyoit plus à la place de lorifice, qu'un point rougeâtre ou brunâtre. Il y a une grande fenfibilité dans la queue des Salamandres : elle fe manifefte , fur-tout dans la partie la plus effilée. La portion re- tranchée conferve des heures entières la vie & le mouvement, & lorfqu’elle paroît avoir enfin perdu la vie , on n’a qu'à la piquer à l'extrémité, qui fe termine en pointe , pour y faire renaître le mouve- ment. On la verra alors s'élever & s’abbaifler alternativement avec plus ou moins devitefle, fuivant qu'il fe fera écoulé un tems plus ou moins court depuis l’inftant de l'opération. Les mouvemens que fe donne cette portion retranchée , ne reflemble pas mal à ceux der- tains vers fans jambes : ils font ondulatoires , & dépendent évidem- ment de l'irritabilité , qui eft très-aétive dans cet organe fi mufculeux. Immédiatement après l'opération , l’aire de la coupe préfente une ellypfe très-allongée & qui fe termine prefque en pointe aux deux extrémités. Le petit diamètre eft d'environ une ligne; le grand , d'en- viron cinq à fix. Au centre , font les vertèbres & les vaiffleaux fanguins. Le refte de l'aire paroît rempli, par de petits corps, d'un blanc aflez vif & d'une forme oblongue qu’on prendroit pour des grumeaux de graifle ou pour des glandes. Peu-à-peu l'aire de la coupe fe rétrecit ; les bords oppofés de {a plaie tendent à fe rapprocher ; la blancheur des corps dont j'ai parlé, s’affoiblit de plus en plus; & au bout d'un certain tems, plus ou moins loug , fuivantla faifon, on voit paroître de nouvelles chairs qui fe prolongent de jour en jour, & au travers defquelles on apper- çoit un ou deux traits bruns qui occupent le milieu de la nouvelle queue , & qui indiquent la place des vertèbres & des vaiffeaux. La figure 22 montre au naturelles premiers développemens de la queue. n, eft la partie qui fe reproduit. Elle eft plus mince & plus tranfpa- rente que le refte de la queue v, En e , ef le trait brun dont j'ai parlé. A l'extrémité, terminée en pointe mouffe , eft une petite échancrure m, qui eft très-reconnoiffable dans la figure. J'ai toujours vu cette échancrure dans les queues qui fe reproduifoient. La quene qui eft repréfentée dans cette figure 22, avoit été coupée le 11 de Juiller, & le 14 d'Août , la partie reproduite avoit environ trois lignes & 1777. NOVEMBRE. Fff?2 0 400 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, demie de longueur, fur quatre & demie de l'argeur à fa bafe. Elle a été definée le premier jour. Le 20 de Septembre, la portion reproduite avoit dix lignes de longueur , & fa forme étoit bien celle qui eft propre à la queue des Salamandres. J'ajoute que je n'ai apperçu aucune différence entre les mouvemens de cette queue reproduite & ceux des queues qui n'ont point été mutilées. Le 8 d'Oétobre , j'ai fait deffiner de nouveau fa portion repro- duite, & elle eft repréfentée au naturel dans la figure 23.rr, la partie reproduite. tt, les bords de l'ancien tronçon très-aifés à dif- tinguer, & qui ne fe font point du tout prolongés. Les bords de la partie reproduite ont une certaine tranfparence que n'a pas le refte de la queue (1). RÉ SU EPA ITS CHE NO S RCA UXS Jar fait fur les Salamandres , d'autres expériences, qui ont con" firmé les premières. Je les pale fous filence pour ne pas trop multi plier les dérails & éviter les répéritions. Ce que je viens de raconter me paroît fuffire à mon but principal, qui eft uniquement de conf- ra ter la découverte de mon digne Ami , M. l'Abbé Spallanzani. Quand fon grand Ouvrage fur les reproduétions animales, aura paru, les Naturaliftes y contempleront, avec étonnement ; les prodiges de divers genres que nous devons à la fingulière fagacité du célèbre In- venteur , & dont le petit Ecrit que je publie aujourd’hui ne fauroit donner que de très-foibles idées. Je n’aurois pas même fongé à publier mes propres expériences , tant je les trouve inférieures au fujet, fi l'on ne m'avoit paru défirer de nouvelles confirmations des faits dont il s’agit, & M. Spallanzani lui-même a fouhaité obli- geamment que je joigniffe mon témoignage au fien. Je vais maintenant effayer de tirer quelques réfulats généraux de mes expériences. Je me bornerai à ceux qui me paroiflent dé- couler le plus direétement des faits. Le premier réfultat qui s'offre à moi, concerne le tems que la Na- # ture emploie pour préparer la reprodu@ion des membres retranchés. qq (1) Sila crainte de fatiguer trop mes yeux ne m’ayoit retenu, j'aurois effajé de comparer, par la difleétion , les membres reproduits avec les anciens. J’en aurois ufé de même à l’égard de la têre du Limaçon. Mais il me femble que le feul expofé des faits, joint à linfpeétion des figures, fuit pour démontrer, & Ja réalité de la reprodu&@ion , & la conformité des nouveaux membres aveg fes anciens, ; SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4ot Dans les polypes à bras & dans les vers d'eau douce qui peuvent être multipliés , comme ces polypes , de bourure, la reproduétion va très-vite ; & au bout d'un jour ou deux , au printems ou en été, on y découvre déjà des indices très-marqués de régénération. Dans les Salamandres, au contraire, tout va très-lentement, & ce n’eft qu'au bout de plufieurs femaines qu'on commence à y appercevoir des indices plus ou moins marqués de reproduétion. Ainfi, dans la Salamandre de la figure première , la reprodu@ion n’a commencé à devenir fenfible qu'environ cinq femaines après l'opération. Il a fallu environ un mois pour préparer la reproduëtion des membres de la Salamandre qui avoit été mutilée le 12 de Juin. Les polypes = & les vers d’eau douce font très-gélatineux, & n'ont rien d'offéux ni rien qui doive le devenir. Il n’en eft point du tout de même de nos Salamandres : elles font de petits quadrupèdes , & comme les quadrupèdes, elles ont des os revêtus de mufcles & de chairs. Toutes ces parties préexiftent bien à leur apparition dans un état de gelée; mais cette gelée réfifte, fans doute , davantage à la force qui opère l’ac- croiflement , que n’y réfifte celle des polypes & des vers d'eau douce ; car, la première renferme une charpente’ qui doit devenir offeufe , & qui, de plus, eft très-compofée. Il n'y a donc pas lieu de s'éronner de la lenteur qu'on obferve ici dans les progrès de l’évolution chez les grandes Salamandres. Elle fe fait avec bien moins de lenteur dans celles qui font moins avancées en âge, comme l’a obfervé M. Spal- lanzani, & comme je l'ai obfervé moimême. On en pénètre facile- ment la raïifon : plus l'animal eft jeune, & plus fes folides ont de dud&ilité ou de foupleffe ; parce qu'ils font plus abreuvés. L'irritabi- lité a auffi bien plus ét L AA les jeunes animaux : c'eft qu'ils font plus gélatineux. Au refte , on a va dans mon Mémoire fur la régénération de la tête du limäçôn (r)', que certe régénération exige de même un tems plus ou moins long, pour commencer à devenir fenfible; & à cet égard, le limaçon a bien du rapport avec la Sala- mandre. pes La feconde vérité, qui paroît fortir des expériences que je viens de raconter, regarde la forme fous laquelle fe montrent les membres à leur première apparition. On voit d'abord un mammelôn conique , qu'on pourroit regarder comme un bouton animal par Comparaifon au bouton végétal. Mais il ne faudroit pas preffer cette comparaifon; car le bouton végétal n’eft proprement qu’une enveloppe qui ren- ferme une plantule ; au lieu que le bouton animal, dont il s’agitici, eft le membre lui-même fort concentré & réduit très en petit. On ee ee Re + RS 2 Re SDS ed D ne ne RTE (1) Journal de Phyfique, Septembre 1777. ai 4 1777. NOVEMBRE, 402 OBSERVATIONS SURLA PHYSIQUE, s'en convainc par fes propres yeux, en fuivant les progrès du déve- loppement : On voit , comme je l'ai dit , le mammelon fe diwf:: en deux à fon fommet , & l’on s'aflure bientôt que cette divifion eft pro- duite par la féparation de deux doigts auparavant réunis ou confon- dus dans une même mafle organique. On reconnoît qu'il en eft de même des autres doigts qui apparoiflent fucceflivement. Le petit mammelon conique ou l’efpèce de bouton animal eft donc réellement une véritable main ou un véritable pied. déjà tout formés ; mais , que la concentration, la petiteffe & la tranfparence des parties ne permettent pas. de démêler au moment. de la première apparition. Remarquez , néanmoins, qu'ils n’en va pas précifément de la repro- duétion de la queue comme de celle de. autres membres : celle-là ne s'annonce pas par un petit mammelon conique qu'on voie s'élever au centre de la coupe , mais elle s'annonce par une forte de. lame mince & demi-tranfparente qui fe montre fur toute l'étendue de la coupe ou à-peu-près.. Cette lame a une. forme qui imite aflez celle d'un inftrument tranchant. Voyez la figure 22. Il paroït découler de ceci une troifième vérité ; c’eft que les mem- bres qui remplacent ceux qu'on a retranchés, ne font pas proprement engendrés, mais qu'ils préexiftoient originairement & très en petit dans le grand tout organique où ils ne font que fe développer. On ne fauroit fe refufer raifonnablement à cette conféquence , lorfque l’on confidère que l’efpèce de bouton animal eft le membre lui - même déjà tout formé , & qui n’a plus qu'à croître , à fe fortifier & à fe colorer. Il eft donc , au moins, très-probable que les membres qui fe reproduifent, préexiftoient dans des germes où ils étoient deffinés très-en miniature & dans le, plus grand détail. L'efpèce , les propor- tions & la polition de ces germes, qué je nommerois réparateurs, déterminent l'efpèce , la manière & le lieu des reproduétions. Je ne reviendrai pas ici à faire fencir combien il feroit peu philofophique de recourir à des formations purement mécaniques pour expliquer ces admirables reproduétions. On connoît affez ma manière de philofo- pher fur ce grand fujet ; & il eft bien farisfaifant pour moi , que les belles & nombreufes expériences de M. l'Abbé Spallanzani, fur les animalcules des infufions, & fur les reproductions animales >. CoOncou- rent à confirmer les principes que j'avois adoptés depuis plus de trente ans fur l'origine & le développement des. êtres organifés. L'Ou- vrage (1) que cet excellent Naturalifte a publié,en Italien, l'année der- nière , &. qui vient d'être traduiten François par mon favant Com- ('Opufcules de Phyfque animale & végétale, Se, "à Vol. in-8°, Genève, chez Bathçlemy Chirol, 1777. 53q SUR L’'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 4e; patriote, M. Sénébier apprend ce qu'on doit penfer des forces végé- tatrices & des molécules organiques de nos célèbres Epigénéfiftes mo- dernes. Non-feulement M. Spallanzani a démontré rigoureufement par une multitude d'expériences très-variées & très-bien faites, la fauf fété des hypothèfes dont il s’agit ; mais il a encore découvert l'origine des méprifes de leurs Auteurs, & montré ce qu'ils auroient dû faire pour ne Îles commettre point. Je ne faurois trop exhorter les Natu- raliftes à lire & à méditer ce bel Ouvrage que je regarde , à jufte titre, comme un des plus parfaits modèles de l’Art d'obferver. Je remarque encore, & c’eft un quatrième réfultat , qu’en général, la Nature reproduit précifément ce qui aété retranché. Ainfi , lorfqu'on ne retranche qu'une main, la nature ne reproduit qu'une main; & fi l’on retranche un bras, elle reproduit un bras avectous fes accompagnemens, &c. On obferve pourtant diverfes exceptions à cette loi, comme je l'ai déjà fait remarquer, & la cinquième expérience nous en fournit un exemple affez frappant. M. Spallanzani en décrira un grand nombre d’autres plus frappans encore , & que fes longs travaux fur les Sala- mandres ont mis fous fes yeux. On conçoit aflez qu'il n'eft pas difficile de produire ici par art des monftruofités de bien des genres; & ces monftruofités peuvent répandre beaucoup de jour fur la théorie des reproduétions animales, Ces merveilleufes opérations de la Na- ture font certainement régies par des loix qui découlent en dernier reffort de la nature & des rapports de divers tous organiques; & c'eft principalement l'étude ou la recherche de ces loix qui doit occuper le Naturalifte philofophe. Parmi ces loix , il en eft de plus ou de moins générales, de plus où de moins particulières : les unes font fubordonnées aux autres , & toutes le font à une loi plus générale qui domine fur tout le fyftéme organique. Rien ne fe fait ici à l’aven- ture , tout y a été pefé , calculé, combiné dans le rapport aux occur- rences poffibles; & dans ce merveilleux fyfième d'organes , il n'y a pas, jufqu'au plus petit atôme alimentaire , qui n'ait fes propor- tions , fon mouvement, fon lieu & fa fin. Ainfi, ce que nous nom- mons une anomalie ou une monftruofité , eft la fuite néceffaire de ces loix admirables qui régiflent le monde organique , & conféquem- ment , une confirmation de l’exiftence de ces mêmes loix. : J'apperçois un cinquième réfultat : quand on ne retranche que la main, celle qui lui fuccède eft bien plus grande à fa première appa- rition , que ne l’eft celle qui fe développe à l'extrémité d'un nouveau bras. C'eft ce qu'on peut voir en comparant la main de la figure 10 avec celle de la figure 12. Dans le germe préparé pour la reproduc- tion d’un bras & de tous fes accompagnemens , les parties inré- grantes de la main, doivent être proportionnellement plus petites que dans le germe qui ne contient aétuellement que les élémens 1777. NOVEMBRE. 404 OBSERV'ATIONS SUR LA PHYSIQUE, réparateur d’ane main. C'eft, au moins , ce que l’obfervation femble indiquer.: car ; le mammelon conique qui précède l’apparition d’un bras , n’eft pas plus grand que celui qui précède l'apparition d’une nouvelle main. Le corps des Salamandres renferme probablement une multitude de germes de différens ordres appropriés aux différens genres de reproduétions qu'il s’agit d'opérer; & chaque germe fe trouve placé dans le lieu & de la manière qui conviennent le mieux à fon évolution. Mais je dois renvoyer , fur ce fujet , à ce que j'ai expofé dans les Parties 1x &t X de la Palingénéfie. L'évolution des doigts , des mains & des pieds me fournit un fixième réfultat. Cette évolution ne fe fait point dans les mêmes proportions que celle du bras & de la jambe. A l'heure que j'écris ceci, le 1e d'Oûtobre, le nouveau bras & la nouvelle jambe de la Salamandre, mutilés, le 6 de Juin, figure 1, ont atteint, ou à peu-près, la grandeur des anciens membres, tandis que les nouveaux doigts n’ont pas acquis la moitié de la grandeur des anciens. Mais ils n’en font pas moins bien formés ; comme on peut le reconnoître par l'infpe&ion dés figures 8 & 9, & ils ne l'aiffent pas de s'acquitter de toutes les fontions propres aux doigts des Salamandres. . Un feptième réfultat, enfin, eft celui que préfente le tronçon dans les anciens membres qui ont été mutilés. Je ne lai jamai vu fe prolonger fenfiblement pendant l'évolution du nouveau membre. Il en eft donc , à cet égard, de ce tronçon , comme de celui des vers de terre & des vers d’eau douce ; que je multipliois de bouture il ya 36 ans (1). Les figures 2,3, 10312, 17 , 22, 23 peuvent faire juger de la vérité de ce réfulrat. Il en va de même dans la régénéra- tion du limaçon. Lorfque les fibres d’un corps organifé fe font en- durcies jufqu'à un certain point , elles ne font plus fufcentibles d’ex- tenfion. Il eft un terme au-delà duquel les élémens des folides ne peuvent plus gliffer les uns fur les autres. Ce dernier réfulrat me donne lieu encore de faire obferver qu'il concourt évidemment à prouver que c’eft bien un nouveau tout organique qui fe développe far l'ancien & qui fe greffe, en quelque forte , avec lui, J'ai fort infifté l-deffus dans un autre Ecrit (2). Ce Mémoire fera probablement fuivi d’un autre qui renfermera la faire de mes Expériences fur les Salamandres. Je me propofe de les varier bien plus que je n’ai fait, & de donner ainfi naïffance à de nouvelles vérirés , par de nouvelles combinaifons. Mais , je le répéterai encore ; rout ce qu'il me fera permis de faire en ce genre , ne fera (x) Traité d’Infeétologie, PartieIl, Obf. VII. (2) Confidérations fur les Corps organifés | Art, 245. ; jamais sd SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 40$ç jamais qu'un infiniment petit en comparajfon de tout ce que le Pu- blic a droit d'attendre de la fegacité, de l'adrefle & de la patience du célèbre Obfervateur de Reggio : aucun Naturalifte n'aura plus enrichi que lui l’hiftoire fi neuve & fi intéreffante des animajeules , desinfufions & des reproduétions animales ; & je puis , dès-à-préfert, annoncer au Public, qu’il n’enrichira pas moins l’hiftoire dela géné- ration des végétaux & des animaux. Avec quelle impatience les Amis de la Nature, n’attendroient-ils point ces nouveaux fruits des Jabo- rieufes veilles de notre infatigable Obfervateur , s'ils favoient comme moi, combien ils y puiferont des vérités aufi imprévues que fécondes en grandes conféquences ? : RPC RDC AO 2 CE ER D M°ÆE M: O0:I RE Sur les moyens de préferver les Doreurs en pièces de Montre,des pernicieux effets du Mercure réduit en vapeurs. Par M. Tincrr, Maître en Pharmacie, & Démonftrateur en Chymie. EXTRAIT des Repgiflrés de la Société établie pour l'encouragement des Arts , dans la Ville & le Territoire de la République de Genève. bu publique inférée dans le Programme , à la fuite des propofitions pour les prix, tendante à s’occuper des moyens ca- pables de remédier aux funeftes effes du mercure réduit en vapeurs, n'a pas été infrutueufe, & le Comité fur les Arts , a vu avec plaifir, la propofition d’un Membre de la Société , touchant l’éta- bliffement d'une Cheminée carrée en tôle , de dix pieds d’élévarion fur un diamètre d'un pied & plus, comme on le pratique à Londres, & même à Genève dans plufieurs atteliers. Il ne fuffifoit pas de fe promettre un avantage , fi les moyens de fe le procurer, ne peuvent pas être mis en ufage par les Artiftes qui font intéreflés à la folution de la propofition énoncée dans le Programme. Parla conftruétion d'une femblable Cheminée , on pré- vient , à coup-sûr , tous les inconvéniens attachés à l’art du Doreur. Mais en calculant les frais de cet érabliflemént , avec le modique bénéfice du Doreur en pièces de montre , on peut le regarder comme abfolument impraticable chez nous. Dailleurs , nos Artiftes en ce genre, n’ont point d'atelier fixe ; la plupart font appellés chez les Marchands, pour dorer en leur préfence. Je veux même accorder à Fome X, Part. II. 1777. NOVEMBRE. G£geg 406 OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE, l'Artifte, la mrilleure volonté pour fe prémunir contre les effets du mercuré volatilifé, & au Marchand affez d'humanité poar trouver chez lui üun emplacement convenable pour cette Cheminée que je fappofe amovible; ne fé trouve-t-ôn pas arrêté par la gêne du tranf- port & par la perte du tems qu'il exize? Et une profeffion qui pré- fente aétuellement fi peu de bénéfice, pourroit-elle fe plier à de nouveaux embarras ? Il n'eft pas difficile de fentir que la principale utilité d'une Che- minée conftruite fur ce plan, ne regarde que le dorage des grandes pièces, comme chandeliers, poignées d'épées , qui demandent plus de mercure que les pieces d'une montre, & qui exigent un feu totalement découvert: J'ai efpéré des fuecès de la conftruétion d'une machine plus fimple, fous laquelle on peut voir très-diftinétement les pièces fourmifes du dotage , d'un tranfport facile, & modifiée dans fa conftruétion, de manière à réunir les vues économiques au premier mobile qui a fait agir la Société. Je ne crois pas mes re- cherches infru@tueufes, ne feroit-ce que dans l’efpérance de fournir dé nouvellés vués & de nouveaux moyens aux Attiftes qui cher- chent à fimplifier les procédés qu'ils employent,. & qui ne fe mon- trent point Efclaves de la routine. Defcription d'un Préfervateur, Le Préfervateur que je propofe , planche 2, repréfente un dôme furmonté d'une chéminée qui décrit une ligne oblique À. La hau- teur de ce dô ne auquel je donnerai le nom de Laboratoire, eft de 7 à 8 pouces, fur un diamètre de 7 pouces, On pratique fur l'un des côtés ou fur le devant, une porte B, accompagnée de deux montans en coulifle, pour faciliter le mouvement de la plaque de tôle qui la ferme. L'entrée de Ia cheminée € , qui donne naiffance à un canal de rabais D , eft à moitié obftruée par un talon inté- rieur E en bec de Corbin, dont l'effet eft de retenir dans leur chûte les gouttes de mercure qui fe font condenfées dans l'étendue de la cheminée, & de les diriger dans le canal de rabais qui les dé gorge dans un vafe F.. Cette cheminée, dont on fait paffer le bout par un.trou pratiqué à un carreau de fenêtre G, ou par une planche qui remplace la vitre, a un pied & demi de longueur, & fe ter- mine par un diamètre d'un pouce. Enfin, l'intérieur du Laboratoire eft coupé pâr une rigole H, placée à 4 pouces de la bafe, & capa- ble d’obvier à la chüte des gouttes du mercure qui pourroient fe condenfer à la voûte du Préfervateur. Tout autour du Laboratoire & à un quart de pouce de fa bafe, en pratique des trous carrés-longs 1, de 2 pouces de hauteur, fur SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 409 un pouce & demi de large, en obfervant de faire tout autour une petite raînure capable d'enchoffer de petites plagues de verre qui procnrent à l'Artifte la facilité d'examiner l'état des pièces qu'il foumet au dorage. Ces petits carreaux peuvent être fcellés au Préfervatc ur, par le moyen du maftic ordinaire des vitriers. Par ce nouvel arrangement que j'ai fubftitué aux foupiraux que j'avois d'abord pratiqués autour de la bafe du Laboratoire pour éta- blir un courant d'air , il faut néceffairement fe paffer de l’ufage de la porte de tôle, pour laïffer une libre entrée à l’air extérieur qui dirige dans le canal les vapeurs mercurielles, & qui, en les portant au dehors de l'atelier, garantit l'Artifte de fes pernicieux effets. Pofition du Préfervateur. Les pièces de montre qu’on foumet au dorage, ont une grandeur affez égale & aflez déterminée, pour qu'on puille compter {ur un même degré de feu dans cette opération. Pour cette opération , on fait ufage d'une fimple chaufrette , fans ventillateur ou grillage. Les charbons à découvert font même trop ardens. Une trop forte chaleur feroit jouer ou cambrer la pièce. Un léger lit de cendre eft l'intermède dont on fe fert pour diminuer leur ation. :C'eft fur ces braifes ainfi recouvertes de cendre , qu'on place la pièce à dorer, & qui eft enduite d’une portion convenable d'une amalgame d’or fin & de mercure (1). Le Préfervateur fera donc immédiatement appliqué fur ce lit de breifes , après l'avoir un peu enfoncé, pour que l'air ne puifle entrer que par l'ouverture de la porte. Le bout de la cheminée C, s'enchaf: fera dans le trou pratiqué à la planche qui remplacera le carreau de verre. Par ce moyen, les vapeurs que le courant d'air emporte, fe trouvent hors de l'attelier & n'incomimodent point l'Artifte. Le bout du canal de rabais D, communiquera à un vafe de terre ou de fà- yance F , pour recevoir le mercure qui fe fera raffemblé en gouttes dans l'étendue du canal. Ce vafe contiendra affez d'eau pour que le bout du canal y foit totalement plongé , afin que le courant d'air ne puifle pas s'établir par cette partie, Expériences & Obfervations. J'a1 pañfé au feu, fous ce préfervateur, une portion d'une amalgame re ee ———— (x) Nos Doreurs font ordinairement cette amalgame avec un Ducat, dont le titre eft de 23 karats 3 quarts & une once de Mercure. ; 1777. NOVEMBRE. Ggg2 498 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; de demi-once de mercure & d'un gros &t demi d'argent. Quoique fe feu ne für pas plus ardent que celui qu'on emploie pour le dorage des pièces délicates, la volatilifation du mercure a été néanmoins des plus complettes. L'autre portion d’amalgame érant foumife à lation d'un feu plus ardent, l'évaporation du mercure a été plus rapide. J'ai remarqué que dans l’une & l’autre expérience, l'intérieur de la cheminée fe capifloit d’une rofée mercurielle qu'on peut recueillir d'autant plus aifément, que les parois intérieures de la cheminée font pañlées au vernis de plomb. Cependant cette rofée eft plus abondante & forme même des gouttes qui fe précipitent dans le canal de rabais, quand les braifes font couvertes de cendre, & que par conféquent la chaleur eft moindre. En expofant des pièces d'or à trois pouces du bout de la cheminée, elles ont été conftamment blanchies par les vapeurs mercurielles qui étoient emportées par le courant d'air. La même expérience tentée au deffus de la porte, je n'ai eu aucun indice de la préfence du mercure. C'eft fur cette obfervation que je ferai fondé à admettre au Préfer. vateur un fupplément de moyens pour obtenir une plus grande quan- tité de mercure. Ce feroir de joindre à la planche percée , un canal de tôle coudé K, & qui feroit encore prolongé d'un pied & demi à deux pieds. Alors, les vapeurs mercurielles trouvant des parois moins échauffées , fe condenferoient & formeroient des gouttes qui fe réu- piroient dans un étui L, également de tôle, pratiqué fous le coude même. Cet étui s’enchafleroit à la manière des bayonnettes, & feroi: retenu au corps du tuyau par le moyen d’un bouton. Comme le Préfervateur ne fera pas fcellé au canal de têle fixé à la fenêtre, & qu'il n’y fera que préfenté , le Doreur pourra l'enlever à fon gré de deffus la chaufrette, pour renouveller le feu, ou, enfin, pour raffembler, par le moyen d'une plume, après fes opérations, la portion de mercure qui pourroit fe trouver à la voûte du Labora- toire. Je dis par le moyen d'une plume, parce qu'il ne feroit pas pru- dent de fe fervir de fes doigts pour féunir ce métal en gouttes, devant craindre que fon extrême divifion ne facilitât fon introduétion dans les pores de la partie qui l'auroit touché, & ne produisit, à la longue, les dangereux effets que nous cherchons à prévenir. Peut-être ne feroit-il pas inutile, lorfqu'il s’agiroit du dorage de plus fortes pièces, qu'on traiteroit alors à feu nud, de faire traverfer le tuyau de tôle dans une cuvette pleine d'eau fraiche, pour faciliter la condenfation des vapeurs métalliques. Ce feroit, je crois, un moyen infaillible pour retirer, à peu de chofe près, la totalité du mercure employé pour l’'amalgame. Si, pour douze montres ordinaires , il faut une amalgame de deux deniers 17 à 18 graias que pèfe le duçar, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 4c9 & d'une once de mercure , en confidérant l'immenfe quanti:é qu'on en fabrique ici, & la confommation de ce dernier métal qu'exige le dorage des faufles boites, des chaînes de montre, &c. il fera plus aifé de fentir les avantages qu'on peut fe promettre de l’ufage d’une machine qui réunit à la fimplicité de fi grandes vues économiques. Une confidération qui ne me paroît pas à négliger, c'eft que le mercure , en fe volatilifant , emporte toujours une portion du méral précieux avec lequel il eft amalgamé. C'eft un fait que j'ai conftaté par plufieurs expériences. Cette addition le rend alors plus propre à s'unir à une nouvelle portion de métal qu’on lui préfente, Dans ce cas, l’or qui rencontre dans le mercure des parties qui lui font entiè- rement homogènes & qui y jouiflent d’une divifion infinie, éprouve l'aétion de deux affinités en même tems, & fe combine avec le mer- cure avec plus de promptitude qu’il ne le feroit fans cela. J'ajouterai cependant que ces effets font plus fenfibles dans un mercure obtenu d'un dorage rapide & qui a été fait à feu découvert. Une autre obfervation qui paroît trouver ici fa place, mais qui regarde plus particulièrement les Doreurs des grandes pièces, c’eft que les cendres qui réfultent des braifes & des charbons employés pour cette efpèce de départ, ne doivent pas être regardées comme des cendres ordinaires. J'ai été appellé à examiner, par la voie du mercure, cinq livres de ces cendres qui me rendirent 22 grains & demi d'or. Le frottement des pièces fur les braifes ou fur le charbon, doit néceffairement en détacher des particules d'amalgame & con- sourir à ce nouveau produit. Les doreurs de Genève, fi j'en peux juger par le travail de l'Artifte qui a opéré fous les yeux de la Commiffion, font dans l'habitude de paffer de tems en tems la brofle fur la pièce, pour étendre l'amalgame plus uniformément. Dans ce cas, pour éviter les vapeurs da mercure, ils fe contentent de laiffer un peu refroidir la pièce en érendant le bras & en retournant la tête du côté oppofé. Quand ils la ju- gent aflez refroïidie, c’eft-à-dire, lorfqu'elle répand moins de va- peurs, ils donnent le coup de broffe & [a remettent enfuite au feu, Cette manœuvre fe répète quatre à cinq fois pour des platines de montre, Qu'on me permette de m'élever contre cette méthode que je re- garde cpmme très-préjudiciable à la fanté. On peut, fans fortir la pièce du Préfervateur, diminuer le degré de chaleur, en {a levant jufqu'à la voûte par le moyen de la pince. Ce courant d'air qui s'éta- blit dans le Laboratoire la refroidit aflez. D'ailleurs , il eft encorc yo autre moyen auf facile, c’eft de pofer la pièce en dehors du La- boratoire À à un pouce de la porte, Comme le courant d'air ne 1777. NOVEMBRE. 410 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; s'établit que par cette porte, il entraîne les vapeurs mercurielles & les dirige vers le canal. C’eft ce dernier moyen que je propofe, parce que l'Artifte fera plus à portée de connoître l'état de la pièce qu'il veut broffer. J'ajouterai encore, que le double linge dont l'Artifte s’enveloppe Ja main qui reçoit la pièce qu'il foumet au broffage, ne peut pas le garantir entièrement des vapeurs du mercure qui, devenant plus pe- fantes, parce qu’elles n’éprouvent plus le même degré de chaleur , traverfent le linge, entrent en partie dans les pores de la main & produifent à la longue ces tremblemens, dont il eft fouvent affecté. Un gant de peau ou, encore mieux, un gant faic avec une veflie fouple, me femble plus propre à cet ufage. On réunira tous les avan- tages requis, fi pour ce dernier procédé on a foin de fe placer dans un courant d'air. On peut, pour répondre à cet objet, pratiquer à la fenêtre un‘carreau de verre amovible qui s’ouvriroit par charnière. Cette nouvelle . ouverture établiroit un courant d'air qui éloigneroit de l'Artifte les vapeurs qui s'échappent de la pièce. Si, dans la fuite de cette opération, on fuit la méthode que l'expérience me porte à prefcrire , on trouvera que l'ouvrage eft conlidérablement abrégé , parce que les vapeurs mercurielles font fubitement emportées par le courant d'air que la chaleur établit dans l'intérieur du Préfer- vateur. Le dorage des pièces d'une montre exigeant peu de feu, je pré- fère la terre cuite aux plaques de tôle, pour la conftruétion du Pré- fervateur. Je ne propofe aucun changement dans le mélange que les Terraffiers emploient pour leur pâte. La terre cuire commune & qui foufire le feu , fuffir. Jerecommanderai plus particulièrement de paffer un vernis au plomb en dedass, afin de déterminer plus facilement à la chûte le mercure condenfé. Quant au dorage des grandes pièces & qui veulent un feu décou- vert, la compofition ordinaire des terraffiers ne me paroît pas fuffi. fante. J'ai éprouvé, par des expériences étrangères à celles qui con- cernent l'Art du Doreur, que d'un mélange de deux parties .d’argille blanche de Bourg-en-Breffe , paflée au tamis de foie , de deux parties de porcelaine brifée, réduite en poudre fine, & d'une partie d’ar- gille brune de nos environs, on forme des vafes bien liés ; très-durs , très-fonores & capablés de foutenir le plus grand feu de fufion fans fe fendre, lors même qu'on les retire du feu encore rouge, & qu'on les expofe à l'air. C'eft de cette dernière compofition que devront être faits les Préfervateurs deftinés au dorage des fauifes boîtes, des chaînes, &c. en fuppofant qu'on leur donnerä une capacité proportionnée aux pièces fur lefquelles on veut travailler. Quant au dorage des bras de SUR L'HIST. NATUREILE ETLES ARTS. 4ri cheminée , des gardes d'épée ; chandeliers , &c: on doit préférer Ja conftruction d'une cheminée en tôle, conftruite fur le même principe que je viens d’expofer. La naiffance du canal de rabais commence: roit alors à deux pieds au-deflus du foyer. Les frais, pour le régime que j'expofe , fe réduifant à fi peu de chofe , nous avons lieu d'efpérer que l'efprit de routine qui retarde fi fouvent les progrès des Arts, ne prévaudrapas fur le zèle qui anime les Membres de cette Société, P. S. La meilleure méthode pour reconnoître fi le Préfervateur eft conftruit fuivant les loix établies dans ce Mémoire , confifte à faire rouler un grain de plomb ou de fer, dans l'étendue du canal €. Sice grain ne tombe pas dans le canal de rabais D , la pièce eft imparfaite. Listes Es io 0 A L'AUTEUR DE CE RECUEIL, Sur le Sel fédatif mercuriel (1); Par M. CroH4RË , Apothicaire de Monfeigneur le Comte d'ArTois. à POLE parmi les çaufes qui s'oppofent aux progrès de nos connoiflances en Chymie , on doit compter les, dénominations im- propres , données par des Auteurs eftimés aux productions de l'art. La découverte du fel fédati mercuriel , encft une nouvelle preuve. On fait, depuis long-tems que les acides minéraux & végétaux (2), aiofi que les alkalis fixes (3) & volatils, ont Ja propriété de dif foudre le mercure. On fait auñfi que le feu appliqué aux compofés ien réfultent,, les détruit & en dégage le mercure fous fa forme duide 5 mais on ignoroit qu'un fel parfaitement neuwrre , tel que le (1) Journal de Phyfique, Mai 1777, page 349 & fuivantes. (2) Traité de la Chimie, par Wrcolas Lefévre, feconde édition, Paris 1669, Tome Il, page 262. Fleurs argentées & perlées du Mercure, ou fel acéteux mercuriel. (On croit communément que nous fommes redevables à M. Margrof de.ce procédé, enfeigné & imprimé en France cent ans avant le fien. (3) Margraf, Colle&tion académique , partie étrangère. 1777, NOVEMBRE, 412 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE ; fel fédatif, qui n'a point (1) la faveur acide , ni la propriété de rougir les teintures de violettes & de tournefol , eût la faculté de difloudre le mercure. M. de Morveau a cru pouvoir affigner cette propriété au fel fe- datif. Voici fon procédé. » On commença, dit-il, par difloudre 4 » onces de mercure revivifié du cinabre , dans 4 onces de bonne » eau-forte précipitée ; on étendit la diffolution dans l'eau de pluie » diftillée, & comme cela arrive toujours , malgré toutes les précau- » tions, il y eut une précipitation de turbith qui fut féparée par le » filtre; ce turbith pefoit fec , mais non lavé, 6 gros 55 grains ». En confidérant ce précipité , nous remarquerons que la prépara- tion qui fe trouve dans le Codex de la Faculté de Médecine, ainfi que dans les Livres de Chymie, fous le nom de turbith , et un fel réfultant de la folution du mercure dans l'acide vitriolique, & que les Artiftes entendront toujours, par le mot turbith, un compofé formé de cet acide uni avec le mercure. Dans la préparation ac- tuelle , nous demandons d’où eft venu l'acide vitriolique pour opé- rer une précipitation de turbith auf confidérable ? affurément, il n'éroit pas dans l’eau forte : M. de Morveau nous apprend qu’elle avoitété précipitée : on ne peut pas non plus raifonnablement pré- fumer qu'il ait été fourni par l’eau de pluie diftillée ; d’où eft-il donc venu ? ou pourquoi, malgré toutes les précautions , a-t-on eu 6 gros 55 grains de précipité ? Nous allons lé dire , fans que cela diminue en rien les obligations que la Chymie a à M. de Morveau , & le refpe& & l'admiration dont nous fommes pénétrés pour lui. Vraifemblablement , on n'aura pas apporté l'attention néceflaire à la diflolution du mercure ; peut- être qu'en l'accélérant, on l'aura trop rapproché ; peut-être , enfin, fe fera-t-on fervi d'eau diftillée depuis long-tems , ou renfermée dans des vafes qui en auront altéré la pureté. Je fuis certain qu'une feule de ces négligences fuffit pour produire un précipité qui fera formé de l'acide nitreux uni avec le mercure. Mais cette dernière combinaifon n'’eft point celle du turbith minéral. » On verfa enfuite la diffolution de borax dans la diffolution de » nitre mercuriel, jufqu'à ce qu’elle fût entièrement épuifée ; ce » mélange dépofa une poudre citrine qui, édulcorée par un peu » d'eau froide, & féchée à l'air, pefoit 3 onces $ gros 36 grains; » c'eft le fel fédatif mercuriel ». J'ai exécuté le procédé à la dofe de mercure , prefcrite par l'Au- teur. La diflolution faite , j'y ai ajouté quatre onces d'eau nou- (1) Diétionnaire de Chymie, par M. Macquer, page 477 & fuivantes. vellement SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 413 vellement diftillée ; cette addition de l'eau na point occafionné de précipité, parce que J'avois pris les précautions néceflèires pour n'en point avoir ; enfuite , j'ai verfé du borax diflout dans l'eau diftillée , jufqu'à ce que le mélange des deux liqueurs eût ceflé de fe troubler : le précipité, féparé par le filtre, lavé & féché, pefoit 4 onccs 2 gros 48 grains. M. Macquer ayant décidé que le fel fédatif n'eft ni acide ni alkali, mon objet, dans l'examen du remède mercuriel , eft de rechercher & de démontrer le caraétère de l'acide qui y donne au mercure l’ap- parence d'une poudre citrine. J'efpère que les expériences fuivantes, feront fuffifantes pour prouver que je remplis mon objet. 1°. À deux onces d’eau diftillée , je mélai 2 gros de fel fédatif mercuriel , & 18 grains de fel de foude : ce mélange ayant été ex- pofé à la chaleur du bain de fable jufqu'à l'ébullition, le fel fédatif mercuriel a perdu fa couleur citrine , & eft devenu d’un brun foncé. La liqueur filtrée & rapprochée , n'a donné aucune apparence de fel criftallifée. L'intervalle de la nuit ayant enlevé le refte de l’hu- midité , j'ai-trouvé un rélidu falin irrégulier qui, jetté fur les char- bons ardens , a détonné comme fait le nitre. 2°. J'ai placé au bain de fable une petite bouteille , contenant 2 gros de Jel fédatif mercuriel. Les vapeurs que le feu a chafées, portoient au loin une odeur forte d’efprit de nitre. Ayant ôté Ja bouteille de deffus le fable, j'ai trouvé le el fédatif mercuriel changé en précipité rouge. 3°. J'ai diftillé, dans une cornue de verre , une once de fel fédatif mercuriel. J'ai pouffé le feu jufqu'à ce que j'eus au col de la cornue du mercure en globules. Dès le commencement de l'opération , le récipient a paru remplir de vapeurs rougeâtres , qui n’ont difpsru qu'à mefure que les vaifleaux refroidifloient. J'ai retiré de certe dif- üllation 36 grains de liqueur acide qui, faturée d’alkali fixe , m'a donné un véritable nitre. J'ai caffé la cornue , & ramaflé avec foin le mercure revivifié & le précipité rouge ; ils pefoient enfemble 7 gros 14 grains : le fonds de la cornue eft refté marqué de petites taches blanchâtres , fi adhérentes, qu'il m'a été impoñfible d'en dé- tacher la moindre partie. 4°. Suivant la Table de M. Gellet, les acides minéraux abandon- nent le mercure pour s'unir au fer. J'ai broyé le fel fédatif mercuriel avec de la limaille de fer bien nette; quelques gouttes d'eau répan- dues fur le mélange , en ont revivifié le mercure en globules. Ces expériences , auñli fimples qu'aifées à faire , démontrent que la nouvelle préparation de mercure ; que M. Chaufjier a adminiltré à fes malades, eft un véritable fel mercurielnitreux , & que la très-pe- tite portion de fe] fédatif , fi réellement il s'y en trouve , ne mérite Tome X , Part. II. 1777. NOVEMBRE. Hhh 414 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, aucune conmfidération. Ce fel doit être rangé dans la clafle de ceux que le célèbre M. Rouelle défignoit par fels métalliques avec le moins poflible d'acide , ou qui n’en retiennent que la quantité néceffaire pour donner an métal , la forme pulvérulente. Je ne fuivrai point M.de Morveau & M. Chauflier dans les pro- priétés qu'ils ont reconnues au nouveau remède. Cet examen n’eft pas de mon refiorr. Je dirai feulement que ce dernier a adminiftré le fel mercuriel pour. les maladies que l’on guérit avec le mercure. En.cela , je ne trouve rien de merveilleux, Mais je: remarquerai- que dans leurs differtations , ils employent. fréquemment le mot , terre mercurielle ; je crois que c’eft par erreur ; on ne connoît pas en- core de terre mercurielle qui ne puiffle fe revivifier- par laétion feule du feu. M. de Morveau ne nous dit rien dela liqueur qui lui a fourni le précipité mercuriel par l'addition du borax, Nous avons rapproché la notre à différens degrés ; fans. qu'elle nous ait donné:ni du fel fédatif, ni du nitre quadrangulaire ; je m'occupe de ce phénomène: qui me paroît intéreflant, & je mempreflerai à ‘vous en rendre: compte. Je fuis, &c. OP, S EFREH A TTL CN Faite au Quartier.des Abîmes , Ifle Grande-Terre Guade., loupe, fur les Œufs du Mabouya-Colant; Par M. Desanier , Fils, Lr 1: Janvier de l’année dernière , un Nègre m'apporta quatre: œufs qu'il me diviêtre de Mabouya-Colant , efpèce de Léfards ces: œufs font d’un blanc-fale , prefque ronds , longs de: 9 lignes, & de 8 de diamètre , avec une coquille femblable à celle des œufs d'une ‘poule, différens des autres léfards, qui font mous & élafti. ques-; j'en mis un dans une boîte pourvoir sil écloroit , & ce qu'il en fortiroit ; je perçai les trois autres par les deux bouts ; &: vis fortir , par ces extrémités , une goutte de fang de couleur livide. Jenfonçai une épingle & je fentis de la réfiftance , ce qui annonçoit les petits formés dans les œufs. Je les perçai de part en part avec cette épingle, & je les dardai à plufieurs reprifes, dans les côtés inté- sieurs des œufs ,; & principalement dans les endroits où je fentois SUR L'HIST. NATURELLE ET LES HNTS. re le plus de réfiftance ; je-mis ces œufs dans une boîte mal jointe , que je fermai & plaçai dans un coin de cabinet où il y avoit des fourmis , afin que ces infeétes avides dévoraffent tout ce qui étoit dans leur intérieur. Depuis ce jour jufqu’au huit de Mars, je vifitois tous les matins, la boîte où étoit l'œuf que j'avois mis pouréclore ; comme il ne l'étoit pas encore à cette époque , je fus regarder dans la boîte qui renfermoit les trois œufs percés. ; quel fut.mon étonnement d'en trouver deux , dont les animaux étoient éclos, & de voir deux jeunes Mabouya-Colant ; ua qui paroïfloit mort depuis deux jours, & l'au- tre très-vivant, & gros relativement à l’œuf dont il étoit forti! Il avoit. trois pouces trois lignes de long ; la tête plus groffe que le corps avoit quatre lignes & demie de diamètre; les pieds, au nombre de quatre , ont chacun cinq doigts plats & larges par le bout.,: avec une ligne faillante fur leur longueur; le deflous eft partagé par.une ligne longitudinale , & pliffé très-ferré tranfverfalement ; ce-qui leur donne la facilité de’fe tenir & marcher le long des corps les plus polis ; tout le deflus du corps , des jambes & de la queue.-eftde couleur gris-de-lin , avec des bandes. tranfverfales déchiquetées , noirâtres.; le deffous de la têre, du corps , des jambes &pieds ,eft d'un blanc-fale. Le mort étoir femblable., parfaitement ‘entier; ce que j'obfervai , ne fachant avec quoi lé Mabouya-Colant, vivant, s'étoit nourri. J'ouvris le troilième œuf , qui étoit plein de pourri- tute- sèche, : Je fus enfüite, à. celui qui étoit feul dans l'autre boîte, l'ayant ouvert , je trouvai un petit Mabouya-Colant vivant 3 il n'avoit plus que quelques -jours à attendre pour avoir pris fon entier accroifle- ment. Je conferve ; dans la liqueur fpiritueufe, le Mabouya-Colan, qui étoit vivant, provenu d’un des œufs percé, ainfi que la coquille des déux œufs, fur lefqüels on voit la marque des gouttes de fang qui en font forties , lorfqué je les ai percés. Eft-ce à la chaleur: du climat , eft-ce à la communication -de l'air de. l'athmofphère , que les animaux renfermés dans les œufs , ont dû leur accroifflement ? Cette expérience doit néceffairement engager les Phyficiens à en tenter de nouvelles für les difiérentes efpèces d'œufs connues, 416 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE , Ec. TABLE DES ARTICLES Contenus dans ce Cahier. Sins du Mémoire intitulé : Effai de Météorologie appliquée # Agriculture , page 333 Expériences pour déterminer la nature de différentes Subflances miné- rales , & en particulier, pour conffater fi les Acides marin & vitrio- lique contribuent à la minéralifation des fubftances métalliques, &c. Traduit de l’'Anglois de M. WouLse, Membre de la Société Royale, par M. J. J. 367 Lettre adreffée à l'Auteur de ce Recueil , par M. PROUST, Apothicaire , - Gagnant-Maiïtrife , de l'Hôpital de la Salpétrière , fur un Verre blanc retiré de l'acide phofphorique des Os, 377 Extrait d'une Lettre de M. Pisror , Profeffeur de Mathématiques à Sienne, duxs Avril dernier, fur les effets d'un coup de Tonnerre, 379 Mémoire fur les Ravages de la Mer dans l'Ifle de Noir-Moutier, lu & l'Académie Royale de Marine, le $ Juin 1777 ; par M. BLONDEAU, Profeffeur de Mathématiques, de la même Académie , &c. 382 Mémoire fur la reproduétion des Membres de la Salamandre aquatique ; par M. BONNET , de diverfes Académies , 1388 Mémoire fur les moyens de préferver les Doreurs en pièces de Montre , des pernicieux effets du Mercure réduit en vapeurs. Extrait des Regiftres de la Société établie pour l'encouragement des Arts, dans la Ville & le Territoire de la République de Genève, 405 Lettre à l'Auteur de ce Recueil, fur le Sel fédatif mercuriel ; par M. CROHARÉ, Apothicaire de Monjeigneur le Comte D'ARTOIS, 41#° Obfervation faite au Quartier des Abïmes ; Ifle Grande-Terre Guadeloupe, fur les Œufs de Mabouya-Colant ; par M. DEBADIER , fils, 414 AP P'R O'BYA TT OIN: Je lu , par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux, un Ouvrage qui a pour titre : Obfervations fur La Phyfique, fur l'Hifloire Naturelle & fur les Arts,&c. par M. l'Abbé Rozrer, &:. La collettion de faits importants qu’il offre pério- diquement à fes Leëteurs , mérite l'accueil des Savans; en conféquence, j’eftime qu’on peut en permettre l'impreflion, A Paris, ce 20 Novembre 1777. VALMONT DE BOMARE. ANNEE \ Lt . ec RÉ LS IE ñ | . LJOURNAL DE PHYSIQUE. DÉCEMBRE 177 Ï ge mg pe d DESCRIPTION D U ME OONLELE NT HO: EL AND: OS: POUR EXTRAIRE PHuile des graines de Lin, de Colfat, de Navette, de Pavor, dite d'Œiller ; de Caméline, dite Camomille, &c., & de l'application avantageufe qu'on peut faire de ce Moulin pour la fabrication des Huiles d'Olives & des Huiles de Noix, Ce feroit l'effet d’un amour- propre bien mal entendu de tenir encore à fes idées ou lorfqu’on s’eft trompé, ou lorfqu'on eft parvenu à connoître quelque chofe de plus parfait & de plus utile que ce que l’on a publié, C’eft précifément le cas où je me trouve & je ne crains pas de l'avouer, parce que je n'ai en vue que le bien public. Un voyage dernièrement fait en Hollande, m'a mis fur la voie d'étudier plus férieufement encore tous les objets qui ont rapport à la fabrication des huiles; travail dont je m'occupe depuis long- tems. Jai vu chez le Hollandois, que la nature force à recourir à l'art, & dont le génie induftrieux, joint à l'amour du gain , per- fectionne les moindres machines, un moulin, dont l’ufage mérite, à tous égards, d’être introduiten France, fur-tout, dans les provinces de Flandres, d'Artois, de Picardie, pour les huiles des graines, & en Languedoc, en Provence & en Corfe, pour les huiles d'olives. Je fais que dans ces pays, j'ai à vaincre le terrible mot coutume, que leurs moulins, dans leur forme aétuelle , font moins difpendieux pour leur conftruétion; je fais, & j'ai prévu toutes les objections qu'on peut m'oppofer; mais je fais aufli que, par un examen réflé- chi, je reviens fur mes pas. J'écris pour les perfonnes qui favent calculer le bon & le mauvais, & qui ne fe décident qu'avec connoif- fance de caufe. Je ne crains donc pas qu'auprès d'elles le pré- Tome X, Part, LI. 1777. DÉCEMBRE, lii : \ y18 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, jugé & ‘la coutume aient aucun empire. Si j'ai rempli ma tâche jobtiendrai leur fuffrage; celui. des hommes à cozsume m'importe peu. Le moulin que je vais décrire n’eft point une machine nouvelle enfantée par une imagination plus brillante que réglée ; une ma- chine dont le fuccès foit douteux. Elle exifte, au contraire, depuis nombre d'années ; d’abord groflière & mal entendue comme nos moulins, elle eft parvenue à force de tâtonnemens & d'expériences à la plus haute perfection. Toutes les proportions en font fi bien & fi exactement prifes, elle a tant de folidité qu'on n'entend aucun cra- quement, Elle eft fi bien entendue qu’on n’apperçoit aucun frotte- ment dur; en un mot, chaque pièce eft dans fon genre aufli bien tra- vaillée , aufi bien proportionnée, que le font les rouages & lesautres pièces de nos montres. Ceux qui ne connoïffent pas les machines hollandoifes, diront que ce témoignage tient de l’enthoufiafme; j'y confens, & j'ajouterai encore , que dans le filence du cabinet, je ne puis me lafler d'admirer la fimplicité & la perfeétion du méca- nifme de ce moulin; cependant, la defcription en fera longue , parce qu'il eft plus difficile de décrire toutes les parties pour les faire com- prendre, que de fe les repréfenter à l'imagination, Les objets d’utilité réelle gagnent de proche en proche, & pour cela, il faut du tems ou des circonftances heureufes. Le Brabançon, lié inti- mement par fon commerce avec le Hollandois, a commencé à adopter fon moulin: celui de Gand mérite d’être examiné par les Voyageurs ; & comme il eft nouvellement conftruit , il a prefque toutes les per- fe&ions de ceux de Hollande. Le genre de moulin que je décris, eft prodigieufement multiplié en Hollande, & c’elt aujourd'hui le feul qui y foit en ufage ; il n’y varie que par un peu plus ou par un peu moins de perfections. La Hollande & le Brabant font à la porte de nos Provinces fepten- trionales; & froids fur nos véritables intérêts, nous regardons avec indifférence , ou plutôt, nous ne favons pas voir ce qui augmenteroit nos richefles. L'homme qui ne peut pas apprécier une machine, & dont les connoiffances font bornées, devroit faire le raifonnement fuivant qui eft à la portée du plus ignare, puifqu'il s’agit de fes intérêts. » Le » Hollandois fait compter & calculer le produit & la dépenfe; il a » l'œil ouvert jour & nuit fur lesplus léger intérêt, il tire le fr du » fin. Or, sil a généralement adopté ce moulin, quoique plus dif- » pendieux que celui de fes voifins, ce moulin doit donc donner » un plus grand bénéfice? Mais pour qu’il donne un plus grand béné- » fice , il faut donc que le travail aille plus. vite, que la main-d'œu- » vre foit diminuée ; que l'huile foit extraite des graines en plus « grande quantité ; car il ne peut y avoir que ces objets qui aflurent SUR L’'AIST. NATURELLE ET LES ARTS, 419 un bénéfice & qui couvrent l'intérêt pour la mife des frais de » conftruétion? Pourquoi ne retirerai-je pas comme lui ce bénéfice » ? Ce raifonnement eft bien fimple, & tout fimple qu’il eft, nous ne Favons pas encore fait, nous dont le terrein produit abondamment les graines à huiles , avantage que n’ont pas les Hollandois ; nous qui avons la fimplicité de leur vendre ces mémes graines, tandis que nous rache- tons d'eux l'huile qu'ils en fabriquent. Cet aveu eft humiliant pour la Nation; mais il n’en eft pas moins vrai. Comme ces vues de com- merce ne font pas de ma compétence, je ne m'y arréterai pas davantage, & je reviens à des obfervations préliminaires fur ce moulin, En Hollande, dans le Brabant, en Flandres, en Artois, &c. ces moulins ont le vent pour moteur. Si le local le permettoit, il feroit bien plus avantageux que l’eau le fit agir, parce que le vent eft trop inconftant, fouvent trop a@&if, ou nul, & rarement modéré au point qu’on le defire ; il faut donc fe fervir du vent quand on ne peut pas faire autrement, Malgré cette néceflité abfolue pour quelques er- droits, j'ai repréfenté le moulin que je vais décrire, pour être placé fur un courant d’eau, moteur plus uniforme & toujours conftant ; parce que les moulins à vent ne peuvent avoir lieu dans la majeure partie des provinces de France. Si on trouve des politions où l’on puilfe employer les moulins à vent & à eau, c’eft aux Propriétaires à bien examiner lequel des deux partis leur fera plus avantageux. Tout le monde connoît le mécanifme du moulin à vent ordinaire, il fufit de faire l'application de fon mouvement pour le moulin dont je parle. La différence de celui à vent avec celui à eau eft peu confidé- rable pour le mouvement à donner, Dans celui à vent, le mou- vement eft communiqué par les ailes ou vannes par le haut, & dans celui à eau, par une roue à aubes ou à palettes, &c., qui agit dans le bas. La divifion du mouvement d’un moulin à huile à la manière des Hollandois, & qui eft mu par le vent, s'accorde, à peu de chofe près, avec celui que je vais décrire. Voici en abrégé la règle du mouvement de ce moulin à vent, La première roue dentée, mue par l'arbre qui porte les ailes ourvolans MAR 01 sin fe! : La lanterne mue par celle-ci, a Le même arbre perpendiculaire a une autre lanterne de. , . Sur l'arbre horifontal qui fait mouvoir les pilons, . . 1777 sa dents, Vlefpace de ÿ pouces *. 35 dents, j 26 dents, l’efpace de $ pouces . 61 dents. . DÉCEMBRE Tii2 420 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Sur le même arbre perpendicu- laire, une lanterne de 13 fu- feaux mue par la lanterne de Sn dEnts a NO MOREUT TTQNErS dents Cette lanterne de 13 dents fait mouvoir une roue de 76 l’efpace de $ pouces ?. dents, laquelle fait mouvoir les meules, . . . . . . . 76 dents. Ceux qui veulentavoir une fdée claire & rapprochée des moulins ac- tuels de Flandres, & qui ne peuvent pas les juger fur les lieux, n’ont qu’à confulter le Mémoire que je publiai l’année dernière, intitulé : Vues économiques fur les Moulins & Preffoirs a Huile d’Olives, connus eu France € en Italie. Ce Mémoire a été inféré dans le Journal de Phyfique, d'Hiftoire Naturelle & des Arts, dans le Cahier de Dé- cembre 1776. Plan, defcription, coupes & proportions de toutes les parties du Moulin à Huile, conffruir à la manière des Hollandois , & combiné pour être mis en aëion par un courant d’eau, PLANCHE PREMIERE. FIGURE PREMIERE. À...1,la roue à aubes, mue par uncou- rant d’eau. Pour fa grandeur, voyez l'échelle de proportion, ainfi que pour toutes les autres parties de cette Planche. C'eft à la mafle ou à la chûte d’eau que l’ona, à décider le diamètre de cette roue, Elle eft la cheville ouvrière de tout l'édifice & le moteur général, Moins la chûte fera haute, moins on aura d’eau, plus les aubes doivent avoir de largeur, & le diamètre de la roue diminuer en proportion. On voit à A4pe/dorn un moulin, dont la chûte eft fi courte, que la roue a à peine fix pieds de diamètre; mais en revanche, les: aubes ont fix pieds de longueur, & deux pieds & demi de largeur; de forte que cette chûte , ayant plus de furface, équivaut à une chûte d'une plus grande hauteur. Au contraire, fi la chûte vient d'un endroit fort élevé, & fi on a la facilité d'agrandir le diamètre de la roue, la chûte aura plus de force, Tout dépend donc du local & de favoir combiner la mafle d’eau ; le poids qu’elle acquert par fa chûte & le diamètre de la roue, afin d’avoir une force fuffifante pour mettre en jeu toutes les pièces néceffaires. 2, le dormant fur la maçonnerie, avec le pivot de l'arbre tournant, 3, la chûte d'eau fuppofée & vue parderrière, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 42t FIGURE SECONDE. B....1, la roue dentée, mue par la roue à aubes, compofée de 52 dents, le pas de $ pouces ;. 2, la lanterne ou rouet, mile en mouvement par la roue dentée, n°. 1, cette lanterne eft compofée de 78 dents, dont le pas eit de $ pouces ;, 3; l'arbre tournant deftiné à élever les pilons. Cet arbre eft garni de grandes dents ou élèves, fur fa circonférence, & les pilons tombent deux fois fur une révolution de la roue, mue par le cou- rant d’eau. 4, la charpente avec la pierre, ou grenouille de cuivre, placée & aflujettie fur le dormant pour fupporter l'arbre tournant; le tout marqué par des points, pour éviter toute confufion à l'œil. Ze pro- fi! en eft reprèfenté, Planche 2, figure S. $ , maçonnerie portant le dormant de l'arbre de la roue à aubes, fupportant l'équipage du haut. 6, pivot qui entre dans un heurtoir, ou plaque d’acier pour conte- nir l'arbre à fa place, FIGURE TROISIEME. C, élévation du moulin à huile; équi- page des pilons , les creux, les pilons pour preffer ou tordre huile, & des pilons du défermoir. | 1, les fix pilons. Leurs proportions font données dans la Planche 4. 2, les pièces appliquées entre spi ut &'les pièces de traverfe, marquées 3. Ces premières pièces défignées par le chiffre2, forment des coulifles qui maintiennent les pilons dans leur à-plomb & dans leur place. 3, deux pièces de traverfe. ( On ne voit qu'une de ces pièces dans cette élévation). Elles font aflujetties par des boulons de fer dans les montans , n°. 12... Ces pièces de truverfe [ons caraëtérifees , n°, 13, dans la Planche 3. 4, les queues des mentonets des pilons, qui répondent aux bras des élèves de l'arbre. $ ; une pièce de traverfe, feulement pardevant pour adapter les élèves, & pour arrêter les pilons, marqués n°. 14, dans la Planche 3. 6, une folive à une diftance des pilons, fur laquelle font attachées les poulies qui fupportent la corde pour lever & arréter les pilons, indiqués n°. 16, Planche 3. 7, les poulies avec les cordes, marquées n°. 14, Planche 3. 8 , le pilon pour frapper fur le coin qui prefle ou sord l'huile. Ÿ'; CP pour frapper fur le défermoir qui fait lâcher le coin. 10, deux pièces de traverfe (on n’en peut voir qu’une dans le deflin) avec les pièces entre deux, qui forment des coulifles en bas, marquées N°, 19, Pladche 3. 11, rouet deftiné à mouvoir la fpatule dans la payelle ou Zafféne, 3777 DÉCEMBRE, [ 422 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pour. remuer & retourner la pâte fur le feu, compofé de 28 dents, dont le pas eft de 3 pouces , marqué n°. 6, figure 1, Planche 3. 12, quatre -montans attachées au bloc & fupérieurement aux pou- tres & folives du bâtiment , & qui contiennent & affermifflement enfem- ble tout l'équipage. 13, les fix creux pour les fix pilons. 14, le bas des fix pilons, garnis d’une chauflure de fer. 15, une planche parderrière de champ & inclinée en renver- fant, pour empêcher le grain de fauter , de tomber par terre & de fe perdre; on le garantit pardevant de la même manière , mais on n’a pu repréfenter ici cette feconde Planche. 16, creux pour preffer ou ordre la farine de la graine après qu’elle eft {ortie pour la première fois de deflous les meules. Figure 3 , n°. 9. 17, creux à l’autre extrémité du bloc pour tordre la farine après qu’elle a pañlé pour la feconde fois fous les pilons. 18, équipage pour fupporter l'arbre des pilons, 19, rouet à l'extrémité de l'arbre des pilons pour mouvoir les meules, compofé de 28 à 30 dents, dont le pas elt de $ pouces ?, 20, pivot heurtant contre un heurtoir , affermi dans le montant de l'équipage & fimplement marqué par des points. 21, bañins à recevoir l'huile. | 22, pièces de fupport, aflifes fur le terrein fous le bloc. FiGuRrE QUATRIEME. D, mécanifme & élévation des meules. 1, arbre perpendiculaire, qui traverfe la roue dentée & le chaflis des meules qui tournent fur champ. 2, roue horifontale mife en mouvement par le rouet, nf, 19, de la figure rroifième, Cette roue elt compofée de 76 dents, dont Le paseft de $ pouces + 3, chaflis des meules tournantes; plus facile à connoitre dans la figure6,n°. 4 de la Planche feconde. 4, pierre ou meule tournante, que je nomme inéérieure , parce qu’elle eft plus rapprochée de l'arbre, n°, 1. $ , pierre ou meule extérieure, parce qu'elle eft plus éloignée de l'arbre. 6, leramoneur intérieur, qui conduit le grain fous la meule ex- térieure. 7, le ramoneur extérieur, qui conduit le grain fous la meule intérieure ; en forte que le grain elt fans cefle libouré & écrafé en- deflus, en-defious & dans toutes les faces qu'il préfente fucceñlive- ment (1). Ce ramoneur extérieur eft encore garni d'un chiffon de toile (x) Le nombre de ces ramoneurs varie. Il y a des moulins où l’on n’en met qu'un. Les deux font plus avantageux, L'intérieur ramène la graine entalus, Poyeg sd .: L SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, -424 qui frotte contre la bordure ou contour, n°. 10, afin d'entraîner le peu de graines qui refteroient dans l'angle de ce contour. 8, les extrémités de l’eflicu de fer qui traverfe l'arbre perpen- diculaire, de forte que les meules tournent fur ce centre. Elles ont donc deux mouvemens; 1°. le mouvement de rotation fur elles- mêmes; 2°, celui qu’elles fubiflent en décrivant un cercle fur la table, ou maçonnerie fur laquelle elles roulent, Les trous des meules, & même ceux des oreilles du chaffis, ne doivent point étre fi juftes, que l’eflieu n'aie pas un jeu très-libre; car on fent très-bien que fi la meule rencontroit fur la table une trop grande maffe de graines à écrafer par fon feul poids , elle ne pourroit vaincre cet obftacle qui feroit forcer l’efieu, & le cafleroit peut-être, Il convient donc qu’elle puifle un peu hauffer ou beifler, fuivant le befoin ; alors , fon mouvement fera toujours régulier, uniforme, & n'ira pas par fauts & par bonds, 9, les oreilles qui conduifent les deux extrémités de lefieu. Elles font attachées avec des tenons qui traverfent la pièce de bois du chañlis en ++. 10, contour & rebord en bois de la table, ou pierre giflante, ou meule pofée à plat. Quelques moulins n'ont point de rebord, & c’eft un mal, il s'échappe beaucoup de graines, 11, la table, ou pierre giflante, ou meule pofée à plat, Ces noms varient fuivant les lieux. 12, maçonnerie folide fur laquelle eft pofée la meule giffante. Cette meule doit être parfaitement aflujettie & placée dans le ni- veau le plus exaét, fans quoi la mouture feroit plus longue, & on rifqueroit de faire rompre Peflieu, & d’ufer les meules plus fur un point que fur un autre. ELA NCHENIE FIGURE PREMIERE." L'arbre tournant avec les cames, où men- tonets æ& élever les pilons. 1, deux endroits arrondis, garnis de lames de fer enchâffées exattement au niveau du bois, pour tourner fur une pierre dure, ou fur une grenouille de cuivre fondu , de métal, &c. parce que le jeu des pilons & le tremblement , ne pourraient être fupportés figure 3 ; planche 3. La meule l’applatit, & le fecond ramoneur la relève, ainf qu'il eft marqué, figure 4; de forte que le grain eft préfenté en tous fens fous la meule, & le refte de la pierre giffante, n°. t1, ou table, eft par eux balayé de manière qu'il n’y refte pas la moindre graine 1777 DÉCEMBRE, 424 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, par des pivots enchâflés aux extrémités, comme dans la manière ordinaire. | 2, deux pivots heurtoirs aux extrémités, pour heurter en tour- nant contre une plaque d’acier qui empêche que Parbre ne vacille. 3, les rouets pour mouvoir la fpatule, marquée dans le plan d'é- lévation, n°. 11, figure 3, plunche 3. 4,les mentonets pour la prefle, ou sordoir du rebattage, s, les mentonets pour le tordoir du premier battage. 6, les mentonets pour élever les fix pilons. FIGURE SECONDE. Explication pour compalfer le devis des men- conets fur Parbre tournant, pour le mouvement des fix pilons , des fer- moirs du premier tordage & du fecond tordage, ou rebattage : le roux à la façon de Hollande, qui differe de celle‘de Flandres, (Voyez le Mé- moire imprimé l’année dernière, & deja cité.) = La figure feconde repréfente l’arbre déployé dans toute fa circon- férence, de forte que l’on voit l'arbre tout entier. 1°. On partage Parbre fur la longueur & par quartiers ; 2°. on marque les quatre lignes mitoyennes, qu'on appelle les quatre pôles mitoyens; comme on les voit dans cette figure, marqués par des points & numérotés 1.2. 3. 4. Les quatre lignes font indiquées par des +++. On commence enfuite par une ligne mitoyenne, & on partage la longueur de l'arbre fur la circonférence, en 21 portions égales. La circonférence eft enfuite partagée en 7 portions, favoir, 6 pour les pilons, & une pour le fermoir & défermoir du rebattage, ou fecond tordage. Elles font indiquées dans cette figure par les nom- bres T1. 2. 3. 4. $. 6. Le fermoir & défermoir du premier tordage, ne fe comptent pas dans la mefure de fa marche, On place enfuite trois mentonets pour chaque pilon, & trois pour le fermor & défermoir du fecond tordage. Le fermoir & dé- fermoir du premier tordage, ont une cheville & demie, c’eft-à-dire, une pour le fermoir , & une demie pour le défermoir feulement; en forte que le défermoir frappe deux fois, & le fermoir une fois dans une révolution de l'arbre, comme on le voit par le n° 5. FiGURE TROISIEME. L'arbre divifé en 21 portions égales; les quatre lignes mitoyennes plus en grand, afin de mieux faire fentir les divifions. On prévient que dans cette figure, on n’a pas obfervé l'échelle de proportion. | FIGURE QUATRIEME. Manière dont larbre divifé en 21 portions égales, avec les quatres lignes mitoyennes marquées par des points qui forment la croix. On n’a obfervé ici aucune pro- portion de l'échelle, parce qu’elle étoit inutile, Pour placer les chevilles, on obferve de les mettre vis-à-vis les mentonets des pilons où elles doivent agir, & dans chaque point où . SUR L'HIST. NATURELLE. ET LES ARTS. 425 où la ligne de diftance coupe Ja divifion de 21. La: cheville & demie du premier tordage , du côté où elle eft double, fe place {ur la ligne mitoyenne qui tombe entre les numéros 10 & 11, comme on le voit dans la figure 3, au point marqué <- de la planche 2, traver- fant L'arbre par le centre. On a la cheville, dont la moitié fert à l’autre côté, comme on le voit dans la figure première de la même planche, à l'endroit marqué n°. r. Enfuite, on commence, à gauche, à difpofer les chevilles pour les pilons. Si on compte à gauche, ce premier pilon porte fur les chevilles 1. 8. 15.; le fecond, fur les chevilles 4. 11. 18.; le troifième, fur les chevilles 7. 14. 21... On voit dans le troïfième, les deux demi-chevilles ne faire qu'un dans la circonférence.... Le quatrième, porte fur les numéros 3, 10. 17.5 le cinquième, fur les numéros 6. 13. 20....; le fixième, fur les numéros 2. 9. 16... La feptième cheville , deftinée pour le fermoir & le défermoir du fecond tordage, fe place fur les numéros Six2: r9: Les pilons, pour tordre ou preffer l'huile, s'élèvent à 20 pouces de hauteur, & ceux qui tombent dans les creux, s'élèvent à la hauteur de 7 pouces. Les creux ont 12 pouces & demi de profon- deur. FIGURE CINQUIEME.. Numéro 1, l'arbre à chevilles ou de profil. 2, l'arbre mu par la roue à aubes, & mife en mouvement par le courant d’eau. 3, la roue dentée, mue par la roue à aubes, & caratérifée pat des points, 4, la roue de l'arbre aux pilons, marquée par des points, $ ; la maçonnerie, 6 , le dormant, 7; le montant & le dormant pour fupporter l'arbre des pilons, marqué par des points, n°. 4, planche 1, figure 2. FIGURE SIXIEME, repréfentant la meule fur la sable ou fur La pierre giffante. Numéro 1, la maçonnerie fur laquelle porte la meule, & 2, meule tournant fur champ, 3, la meule emboîtée, pour empécher que le grain ne tombe à terre, entraîné par le mouvement de rotation. Je préférerois , en cetté partie, la méthode de Gemer de Dordrecht , à celle de Sardam. Voyez figure 9. AA, font deux tringles de fer, de 6 à 8 lignes d'épaifleur, attachées des deux côtés fur l’effieu B de la meule. La partie inférieure C de cette tringle , touche prefque à la meule, & dans le petit intervalle qui refte entre deux, on adapte un mor- Tome X, Parr, IL. 1777. DÉCEMBRE. Kkk 426 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, eeau de cuir D qui frotte continuellement iur = meule, & fait tomber la graine fur la table, 4, la partie du chafis, du côté du plat de la meule. s ; l'arbre droit qui donne le mouvement. 6, l'oreille enchâffée par le haut dans le chaflis, avec deux pièces en arc-boutant, fixant & portant dans fa bafe, l’axe qui traverfe la meule. Cet axe eft porté & implanté dans l'arbre principal, n°, $, dont je viens de parler. FIGURE SsEPTIEME. Les mêmes parties que celles décrites dans la figure fixième, mais vues pardeffus ou à vol d’oifean. 1, les meules tournantes, 2, la pierre giflante, 3, le chañlis. 4, les bras qui enveloppent l'arbre perpendiculaire, 6, l’eflieu qui traverfe la pierre, 7, le ramoneur extérieur, 8, le ramoneur intérieur. FIGURE HUITIEME, reprefentant la table nue (aux deux ra- moneurs près ), ox /a pierre giffante avec le couloir. 1, le couloir à l’entour de la pierre giflante. >, bordure en bois, de 6 pouces de hauteur, fur un pouce d’é- paifleur, élevée à l’entour du couloir. Beaucoup de moulins n’ont pas cette bordure, & c’eft un mal. JE) 3, vanne ou srappe, qu'on ouvre & ferme à volonté, pour faire tomber la farine , c’eft à-dire, la graine moule, 4, portion du cercle que décrit la meule extérieure en tournant. $; portion du cercle décrit par la meule intérieure en tournant, On voit par ces deux portions de cercle, que les deux meules ne roulent pas, fur la méme place, & on juge par-là de la nécefité des deux ramoneurs pour diriger les grains fous les meules, 6, le ramoneur extérieur, 7, le ramoneur intérieur. 8, ramoneur pour faire tomber la farine par la trappe, n°, 3. On voit dâns cette figure 8 deux traits près du n°, 7, & une, + depuis ces deux traits jufqu’au n°. 8; or, cette partie relte foulevée endant tout le tems que la meule broye les graines. Lorfqu'’elles Fra Cisfmnient broyées, moulues, on laiffe tomber lextrémité de ce ramoneur intérieur fur [a table, lorfque lon veut faire cou- ler la farine par la trappe, pour remettre de nouvelles graines, La partie de ce ramoneur intérieur, la plus rapprochée du centre, refte toujours étendue, & touchant la table par tous fes points, Le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 427 PLANCHE III. Equipage vu de profil. FIGURE PREMIERE. Numéro 1, l'arbre tournant pour élever les pilons. 2, trois chevilles à élever les pilons. 3, roue pour la fpatule, défignée planche 3 ,n°,11, &pl2,n°. CE compofée de 28 dents. 4, autre roue qui engraine dans la première , compofée de 20 dents, Les dents de cette roue & de la précédente font efpacées de 3 pouces ;. 5, l’eflieu tournant: 6; autre roue à l'extrémité de l’effieu, compoféé de 13 dents. … pas de trois pouces. 7, la roue au haut de la verge de la fpatule, compofée de 12 dents... pas de trois pouces. 8, deux pièces, par lefquelles traverfent la verge de fer de la fpatule, de façon à pouvoir tourner librement dans les ouvertures , & de haufler & de baifler à volonté, 9; pièce mobile, par laquelle paffe la verge & où elle tourne 1i- brement, La verge dans cet endroit eft garnie d’un bouton ou re bord qui appuie deflus la pièce mobile, & par lequel elle eft élevée ou abaiflée à volonté, 10, pièce mobile pour lever la fpatule & la verge, pour les en. grainer & dégrainer, La pièce 9 eft fixée en a, & mobile en 4 dans une coulifle, 11, un pilon. | 12, un mentonet attaché au pilon, 13, les deux pièces de traverfe, marguées n°. 3 dans la planche première, figure 3. 14, la pièce de traverfe, à laquelle eft attaché le bras pour élever, arrêter & tenir le pilonfufpendu , marquée n°, $ dans le plan d'élévarion. 15, bras pour arrêter les pilons par le moyen de la corde, 16, folive à une diftance des pilons pour attacher la poulie, par laquelle paffe la corde, marquée dans le plan d’élévation n°. 6. 17, poulie fur laquelle paile la corde, marquée dans le plan d'élé- vation, NX 7. 18, la corde pendante du côté de l'Ouvrier. 19, deux pièces de traverfe, marquées n°. 10 dans le plan d'élévarion. 20, bloc des creux des pilons, marqués n°.21 dans le plan d’elévation, 21, baflin à recevoir l'huile, marqué dans Le plan d'élévation ,n°,22, 22, fourneau à échauffer la farine. 1777. DÉCEMBRE KKkk2 428 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, < 23, baflin ouvert pRetou dans lequel on place le fac deftiné à recevoir la farine, dont on doit extraire l’huile après qu’elle a été échauffée. : 24, fpatule qu'on laifle tomber dans la payelle , ou bafline pour retourner la farine pendant qu’elle eft fur le feu. FIGURE SECONDE. Plarte-forme de Pouvrage fur Le terrein. 1, fourneau à échauffer la farine, marqué n°, 22 dans la figure précédente. 2, le bafin divifé en deux portions, fous lefquelles on fufpend les deux facs pour verfer la farine derrière la payelle ; de forte qu’elle tombe en deux portions égales, marquées n$. 23 dans la figure pré- cédentes 3, payelle ou baffine fur le feu avec la fpatule dans le fond, 4, boite, fur laquelle eft pofé un couteau pour rogner les rives eu bords dés tourteaux, lorfqu’ils fortent du fac après la preffe, & dans laquelle tombent les débris des tourteaux. $, le tordoir ou prefle pour le fecond tordage. 6, le tordoir du premier tordage, parce qu'il eft plus près des meules, ÿ 7, les fix creux pour les pilons, 8, planche fur champ & inclinée pour empêcher la graine de tomber. 9, la meule giffante, 10, le centre de la meule giffante, plus élevée. 11, planche garnie d'une bordure pour élargir fe contour de la meule giffante, & pour empêcher la farine de tomber à terre, Ele eff indiquée n°. 10, figure 4, planche 1. PLANCHE IV. Le bloc avec les creux des pilons & les tordoirs coupés. FIGURE PREMIERE. Numero 1, les fix pilons. 2, les fix creux avec une plaque de fer dans le fond, marquée par une +. 3, le fermoir qui frappe fur le coin du premier battage ou tordage. 4, le fermoir qui frappe fur le coin du fecond tordage. 5: le défermoir du premier tordage, qui frappe fur le coin à défermer. 6, le défermoir du fecond tordage, qui frappe fur le coin à défermer, 7, coin à défermer, 8, coin à fermer, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 429 9, coûflins de bois entre le fer & le coin +++, deux plaques de bois de deux pouces d’épaifleur, qui fe placent entre le coin à fermer & le couflin & le défermoir. 10, ferrails, entre lefquels on place le fac de crin qui contient la graine. Dans la figure fuivante, je détaillerai mieux ce qu’on entend par ferrail. L’ufage varie pour les facs: ici, ils font de crin; là, c’elt une pièce d’étofle de laine. Tous deux font bons, dès qu'ils n’écla- tent pas par la force de preflion. 11, fontaine par où coule l'huile, 12, baflin pour recevoir l'huile, 13, plaque de fer, qui fe place à plat fous les coins, les couffins & les glifloirs, 14, pièces de bois fur lefquelles eft pofé & affujetti le bloc, 15, le bloc en deux pièces jointes enfemble dans le milieu, garnies- de bandes de fer. Il doit en être également garni aux deux extrémités. 16, la corde pour laïffer defcendre le coin ou défermoir à la hau- teur convenable, afin qu’il puifle défermer. FIGURE SECONDE. Serrails, entre lefquels on place les facs garnis de farine pour en extraire l'huile. 1, deux fers nommés chaleurs de plat. 2,les mêmes vus fur champ ou par côté, de la manière dont on les voir n°, 10, figure 1, planche 4. 3, plaques de fer, qui fe placent fur la longueur. 4, la fontaine, marquée n°. 11, dans la figure première. Les fer- rails fe placent de la même façon que dans cette figure; il s’agit feulement de réunir les deux bouts qui répondent à la fontaine, & en redreffant les quatre extrémités, marquées par une +, on s’en forme une idée très-juite. $ les facs dans lefquels on met la farine pour tordre. Il faut obferver que les coutures de ces facs viennent fur le plat & non fur les bords extérieurs; la preflion pourroit les faire éclater. 6, le crin, entre les plis duquel on renferme le fac. Détails de opération pour enfermer le fac dans le crin. Le fac étant rempli, on place fa bafe en 2 & l’autre bout en 4; on plie enfuite le bout < jufqu’en 4, & on replie enfuite l'extrémité 4 jufqu’en 4; l'ouverture c fert pour l’empoigner , l'emporter, le placer dans le tordoir & l’en retirer. 7, un pilon garni de fa virole , ou chauflure de fer. 8, clous qui s’enfoncent dans le bout du bois du pilon, lequel eft entouré de fa virole ou chauñlure, 9, pièces qui fervent pour élever les pilons & les arrêter. 10, pilon pour le tordoir, = 11, mortoifes, dans lefquelles fe placent les mentonets qui répon- 1777. DÉCEMBRE, 430 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dent aux bras des leviers fur l'arbre tournant pour élever des pilons, FIGURE TROISIEME. Ce gui conflirue lapreffe ou Lordoir. 1, les couflins, pièces de bois, marquées n°, 9, dans La figure premieres 2, le coin à défermer, n°. 7, figure 1. 3, le coin à fermer ou tordre, n°. 8, figure 1. 4 & 5, les deux glifloirs de bois, entre lefquels on place le coin à fermer, marqué figure 1, par des +++. | D'après les détails dans lefquels je viens d’entrer pour expliquer le mouvement & l’aétion de toutes les pièces qui compofent cette ingénieufe machine , que l’on compare a@uellement le moulin hollandois avec ceux des provinces de Flandres, d'Artois & de Picardie , donc je donnai la defcription l’année dernière (1). Le plus fimple coup-d’œil & le plus léger examen démontreront jufqu’à l'évidence, lequel des deux l’emporte en perfeétion, en diminution de main-d'œuvre & en produit. Le Flamand fe contente, en pre- mier lieu, de faire écrafer la graine par des pilons; le Hollandois la fait broyer par des meules qui ont 7, 8 & même 9 pieds de hauteur, fur 18 à 20 pouces d’épaifleur. Cette opération lui donne une graine beaucoup mieux écrafée en tous fens , & par conféquent , elle fournit au tordage beaucoup plus d'huile vierge, c’'eft-à-dire, tirée fans feu... Comme les meules écrafent beaucoup plus de graines à la fois que des pilons, & que la même quantité de graines, miles fous les pilons ou fous les meules, eft beaucoup plus promptement écrafée par celle-ci, le travail eft donc confidérablement diminué, & dans le même efpace de tems, il left au moins du double par les meules. ..,... Quel avantage immenfe ne retireroit-on pas d'un femblable moulin placé fur une rivière; puifqu'en Flandres, comme en Hollande, les moulins ne vont pas un bon tiers de l’an- née , fije ne dis pas pendant la moitié, ,.,.. Le moulin flamand n’a qu'un tordoir : il faut donc qu’on fe contente, ou de tordre feule- ment de la graine pour avoir l'huile vierge, ou de la graine qui pañle par la payelle pour y étre échauffée, Le moulin hollandois fait ces deux opérations à la fois. ..... Le Flamand ne difpofe que des trois pilons pour écrafer ou la graine fraîche, ou la farine qui a déja été tordue; le Hollandois en fait manœuvrer fix, dont trois pour la farine fraîche & trois pour la farine qui a fubi le premier tordage; il a donc encore un double avantage. ..,.... Comme la graine a été mieux écrafée par la meule, elle devient donc fuf- ceptible d’être mieux écrafée de nouveau par les pilons au fecond bat- (1) Voyez Journal de Phyfique, Cahier de Décembre 1776. il SUR LHIST: NATURELLE ET LES ARTS. 43r tage. Or, cette pâte du fecond battage donne donc plus d'huile au retordage, En cfict, les tourteaux fortis du retordage hollandois font parfaitement fecs, tandis que ceux des moulins de Flandres, d'Ar- tois & de Picardie font encore gras au toucher & onétueux, lorfqu'’ils fortent du retordage.... Le Hollandois a donc retiré plus d'huile d'une mafle de graine donnée .... il l’a retirée plus promptement ; il a donc, fur le Flamand, l'Artéfien & le Picard, le bénéfice du tems , & le bénéfice de la plus grande quantité d'huile... Le Flamand & le Hollandois ont le méme moteur pour leurs moulins, le vent; il eft aufli a@if dans l’un que dans l’autre pays. La feule différence eft donc dans le produit? Quelle leçon ! Si on compare aétuellement à combien la graine revient aux Hol- Jandois, on concluera que, fans la promptitude & l'excellence de leurs moulins, ils ne pourroient pas foutenir 12 concurrence dans cette branche de commerce, avec le:Brabançon & le François. En effet, le Hollandois vient acheter nos graines, fur-tout celles de lin; juf- que dans les Provinces méridionales de France, fans parler de celles qu'il achete à Bordeaux, à la Rochelle, à Nantes, à Dunkerque, &c. (1) Il a donc à fupporter le prix de l'achat, & par conféquent, le bénéfice de celui qui vend la graine, les frais de chargement, de déchargement, de fret, &c. & ceux de la main-d'œuvre beau- coup plus hauts chez lui qu’en France. Malgré cela, il donne fes huiles de graine au même prix, & même quelquefois au-deffous du nôtre. A ces confidérations, il convient d’en ajouter encore une autre, c’eft la dépenfe confidérable qu’il fait néceflairement pour la conftruc- tion de fes moulins. Le Hollandois ne regarde jamais à la mife pre- mière, lorfqu’elle doit affurer la folidité & la durée. Par-tout, il eft obligé de fortement piloter pour bâtir, & le pays ne fournit pas un feul arbre capable de fe conferver fous terre & dans l’eau, Il eft donc forcé de recourir à l'Etranger pour les bois de pilotage. Il l’eft également pour tous les bois de conftruction, de charpente, & méme (x) Dans les Pays-Bas Autrichiens, il eft défendu , fous quelque prétexte que ce foit, de fortir des graines à huile, pour que toute l'huile foit fabriquée dans le pays. La feule/Châtelenie de Lille fait , année commune , de 36 à 40 mille tonnes d'huile (la tonne contient 200 livres, poids de marc } de graines quelconques ; dont au moins les + de celle de Colfat, environ ; de celle de Lin, environ 3 de celle d'Œïller. Ceux qui ont vu la quantité de Lin cultivé dans cette Châtellenie, convien= dront que les Lillois vendent aux Hollandois ou aux Brabançons ; au moins la moitié de leurs graines de Lin. Avec de meilleurs Moulins, ils feroient dans le cas d'acheter des graines , & non pas d’en vendre. 1777. DÉCEMBRE. 432 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : \ jufqu’au bois deftiné à faire des planches. S'il bâtit, c’eft en briques, & la brique eft fort chère; enfin, l’on voit à Amiterdam, près la Porte d'Utrecht, un moulin piloté, bâti en briques & fort élevé, pour gagner le vent , qui a coûté plus de 80000 liv, de notre monnoie. On fent bien que tous les moulins à huile de la Hollande ne coûtent pas à beau- coup près autant. Je ne cite cet exemple que pour prouver quel doit donc être le produit pour couvrir les intérêts de la mife de conftruc- tion, la différence du prix auquel les graines reviennent & la‘haufle de la main-d'œuvre. Cependant, le Hollandois foutient la concur- rence, fi elle n’eft pas déja à fon avantage. Tout concourt donc à prouver les avantages que les Flamands, les Artéfiens & les Picards auroient en adoptant ce moulin. Il fer- viroit avec le même fuccès dans l’intérieur de ce Royaume, pour la mouture des noix, objet d'une prodigieufe confommation, Combien de Provinces n’avons-nous pas où la feule huile de noix eft en ufage! Des Provinces feptentrionales, pañlons à celles du midi, & fai- fons l'application de ce moulin pour les huiles d'olives de Lan- guedoc, de Provence & de Corfe. Je ne répéterai pas ce que j'aidit l'année dernière à ce fujet, (Voyez ce Mémoire.) Les meules qu'on y emploie font , en général, trop petites, pas aflez maflives, & l'ettritage d’une motte d'olives, dure trois heures. Des meules de 7 à 9 pieds de diamètre, & de 16 à 18 pouces d’épailleur , feroient l'ettritage en moins d’une demi-heure, 1°. à caufe de leur poids ; 2°, à caufe de la vitefle avec läquelle elles tournent; 3°, parce qu'il y auroit deux meules fi on adoptoit la machine que je pro- pofe ; 4°. enfin, que lon compare laétion du vent ou de l'eau avec celle du cheval qui tourne la meule, & qui eft obligé de dé- crire un très-grand cercle. Chaque meule auroit fait trois tours dans le tems que celle mue par un cheval, n'en auroit fait qu'un; c'eft donc fix contre un en différence. Ceux qui veulent avoir de l'huile excellente pour la qualité, ver- ront les premiers, qu’en diminuant le tems de l’opération de l'et- tritage, les olives feront moins long-tems à fermenter , & les ha- bitans d'Aix favent, par expérience, que l’amoncelement des olives trop long-tems mifes à fermenter, nuit fingulièrement à la qualité de l'huile. Le tems n’eft pas encore venu de parler de la meilleure manière de fabriquer l'huile pour la qualité; je publierai quelque jour fur cette partie & fur la culture de l'olivier, un Traité com- plet: il ne s'agit aujourd’hui que de la manière d'extraire l'huile en plus grande quantité & plus promptement ; fuivons la marche de l'opération. 1°. L'olive, parfaitement ettritée, fera mife dans des cabats ou dans des facs de laine ou de crin, (plus grands que ceux dont on fe SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 433 fe fert a@tuellement en Hollande , quoique’ ceux-ci foient plus que du double plus grands que ceux de Flandres), attendu que l’olive, séduite en pâte, eftbien moins sèche que la farine de la graine, & quelle cède plus facilement à l'aétion de là -preffe, Je ne crains pas de foutenir que cette manière de tordre, l'emporte fur toutes les manières de tordre des pays méridionaux (1). L'a&ion du coin, ici, eft directe, & les cou/jins agiflent directement fur toutes les parties du fac, tandis que lation du manrezu des preffes ordinaires fe porte & fe partage fur plufieurs doubles des cabats. L'on met tou- .jours trop de cabats les uns fur les autres, ce qui diminue & amor- tit beaucoup l’aétion de la prefle. H faut cinq & même fix hom- mes, pour fervir les prefles ordinaires; ici, un feul fuffit pour le premier tordage & pour le fervice des meules; & un {econd, pour le fecond tordage & le rebattage. La machine fait tout le refte, 2°. Les tourteaux fortis du premier tordage, feront mis dans les pots voifins, pour que la pâte foit écrafée de nouveau par les pilons, & remife enfuite dans le premier battage. On retirera, par cette opération, une huile plus épaifle & moins fine que la première, mais elle fera encore retirée fans le fecours de l’eau chaude , qui nuit toujours à la qualité, & cette huile formera une feconde clafe, 3°. Le tourteau, forti pour la feconde fois du premier tordage , fera repris par une feconde perfonne pour être remis fous les feconds ilons, ou pions de rebattage ; enfuite , les parties de ce tourteau ainfi rilées, feront miles dans la payelle où Eajline, avec un peu d’eau, L'action du feu du. petit fourneau qui eff en-deffous, ramollira le parenchyme du fruit, détachera l'huile des débris des noyaux, & cette pâte ainfr échauffée , fera portée dans les facs du rebattage, & tellement difpofée à fubir l'action de Ia prefle, qu'il n’y reftera plus un atôme d'huile. Si on veut juger de la quantité d'huile qui refte: dans les tourteaux fortis des prefles ordinaires, que l’on confidère que les moulins de recenfe de la feule ville de Grafle, retirent par an plus de 2000 rhubs d'huile (le rhub pèfe 20 liv,) des feuls marcs que lon jettoit autrefois (2). | Cette manière de preffer l’olivé éviteroit donc, 1°. d’avoir re- cours aux moulins de recenfe 3 2°. on diminueroit au moins de moitié, fi je ne dis pas des trois quarts , [a dépenfe en bois pour chauffer l'eau que Pon vuide dans les cabats après la première prefle, €et objet mérite certainement d’être pris en confidération dans le Languedoc & en Provence, où le bois.eft très-cher. 3°. Deux hom- mes feuls conduiront fix opérations à la fois; 1°. celle des deux meules ; 2°. celle du premier tordage ; 30.4e battage pour le fecond (x) Voyez ce quieft dit dans 18 Mémoire déja cité ,.de la Prefle contmune-dè ÆFanguedoc & de Provence’, & du Prefoir à Martin. Méca. (2) Voyez la defcription du Moulin de recen£e dans le Mémoire-déja cité, Tome X, Pare, I1,1797 DÉCEMBRE, LH 454 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tordage; 4° le battage pour le troifième tordage; 5°. l'échaudement de la pâte ; 6°. le battage-du retordage. Enfin, ces fix opérations {eront faites en deux tiers moins de tems que l’ettritage & le pref- furage a@uels. Cela paroît difficile à comprendre, mais je m'en rapporte à la décifion de ceux qui auront vu comme moi les opé- rations de Languedoc & de Provence, & qui , fans prévention, les auront comparées avec celles de Flandres, & fur-tout, avec celles de Hollande. Si ces vérités étoient moins frappantes, je me ferois fort de les démontrer jufqu’à l'évidence; mais ce n’eft point pour çelui qui ne fait pas voir, que j'écris. On fe récriera, fans doute, fur la difficulté & la dépenfe pour fe procurer des meules de 7 à 9 pieds de diamètre, fur 15 à 18 pouces d’épaiffeur. Je demande , en reconnoit-on l'avantage? on ne doit donc pas regarder à la dépenfe. Si le Hollandois s’en fert pour des graines, à plus forte raïifon le Languedocien & le Provençal doivent-ils les employer pour un fruit dont le noyau l'emporte par fa dureté, à tous égards, fur celle des graines. Si le moulin de re- cenfe, établi près de Baflia en Corfe, avoit une meule dont la hau- teur fût en proportion de l’épaiffeur , on ne diroit pas que les noyaux des olives de Corfe font trop durs pour être écrafés, parce que la meule agiroit avec plus d'action fur une moins grande furface, & la trop grande furface la diminue confidérablement en partageant trop fon poids. Il faut donc du poids aux meules, & plus il fera confidérable, plus elles feront parfaites. Revenons aux moyens de fe rocurer des meules, & examinons quelle doit être leur qualité. Plus le grain d’une meule eft ferré & compatt, plus la meule pèfe, & moins elle s’ufe promptement. Auf, un Hollandois qui auroit à faire conftruire un moulin, par exemple, dans la partie voifine du Pont de Saint-Efprit, & qui n’auroit pas une efpece de marbre comme celui des meules qu'il tire des environs de Namur, ne balanceroit pas à faire tailler les laves dures qui font à cent toifes du Rhône, vis-à-vis Montelimard. Celui qui craindra cette dépenfe, trouvera entre Viviers & le village de Theiïl, au bord du Rhône, dans la carrière nommée le Dérroir, une pierre calcaire, dure, qui offre de très-grands bancs, & qui eft fufceptible du poli. I! trouvera encore à Chauméyrac en Vivarais, & qui n'eft pas éloigné du Rhône, une bonne carrière de marbre gris, & d'une grande dureté; enfin, une autre carrière près du Pouflin. On voit donc que ces carrières fufiroient bien au-delà pour la fourniture des moulins à huile, de- puis Rochemore, Aramont, jufqu'à Nifmes, & le tran{port n’en {eroit pas bien coûteux. Les moulins, depuis Nifmes jufqu'à Beziers & au-delà, feront approvifionnés par les meules du Pouffan , entre Agde & Montpellier; par celles de Saint-Julien, près de Carcaf- fonne , qui feront tranfportées par le canal. On donne la préférence pour le bled à celles de Saint-Julien , & je préférerois à toutes deux f SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 43ç pour ettriter les olives, celles qu’on tireroit des laves d'Agde. Le tranfport en ferojt facile & peu coûteux. Les pierres noires de Nebian, pes de Pezenas, font déja employées pour l’ettritage ; elles font onnes , très-dures, il ne s’agit plus que de leur donner un plus grand volume, Ne pourroit-ôn pas encore, dans les couches de marbre gris, veiné de blanc, qu’on voit près de la ville de Cerre, & au bord de la mer, tailler commodément des meules ? ceci mé- rite d’être examiné. Combien d’autres endroits n'y a-t-il pas à ci- ter dans cette partie balle du Languedoc, mais c’eft à chaque par- ticulier à étudier la nature des carrières qui font dans fon voifinage, afin d'éviter la dépenfe, Il fuffit de bien voir, & fur-tout de vou- loir efficacement. La Provence n’eft pas moins abondamment pourvue de carrières, Les environs de Draguignan fourniflent aujourd’hui des meules taillées dans la grandeur de $ pieds, fur 8 à 10 pouces de largeur, Ces bancs de pierres calcaires font fufceptibles de fournir des meules dans les proportions que je demande... On en trouveroit du même grain & de même nature à Caflis..… La pierre calcaire de la petite montagne du Fort de la Malque qui couvre Toulon, offre les mêmes reflourees. .. Dans la vigne des Chartreux de Toulon, on a décou- Vert un marbre (bardille bleu) aufi dur que le marbre ou pierre de Namur, dont les Hollandois fe fervent fi avantageufement pour leurs moulins. Les blocs du marbre des Chartreux font prodigieux pour leur volume, & les meules qu’on en tailleroit, feroient tranf- portées fans peine par terre & par mer. Le marbre de Sainte-Beaume _ feroit trop difpendieux pour le tranfport..., Le territoire de Roque- Vaire fournit des meules dont on fe fert à Marfeille ; mais les meil- leures , fans contredit, font celles que l’on tire des yarx d'Ollioules à Cagolin & à Evenos. Ces vaux font remplis de laves & de pierres volcaniques. La chaîne de montagnes, placée au Midi de Toulon, en fourniroit de femblables, On regarde en Provence les meules tirées des laves, comme les meïlleures & les plus propres à écrafer l’olive, & j'y en ai vu plufieurs de cette nature. Les bonnes meules d'Ollioules de $ pieds & demi de hauteur, fur 14 pouces d’épaifleur , ne coûtent, tran{portées juiqu'à Saint-Nazaire, que 150 à 200 liv, & en leur donnant la proportion que je demande, elles feroient excellentes pour le nouveau moulin, J'ai vu de femblables laves dans les mon- tagnes de l’Efterelle , que l’on traverfe pour aller de Toulon à Antibes; la difficulté du tranfport en rendroit le prix trop exceflif... La chaine de montagnes fur laquelle la ville de Graffe eft adoffée, fournit des mar- Dres à grains durs & excellens, dont on tireroit de bonnes meules, & même dans des grandeurs plus confidérables que celle de dix pieds. Plus la pierre fera dure, plus fon grain fera ferré, & mieux elle vaudra pour ettriter l’olive, Celle que l’on nomme ordinairement pierre gmeulière (lapis moliroris), quoique excellente pour moudre le bled, n’a 1777. DÉCEMBRE, L]]j2 436 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, as le même avantage pour lolive. Elle s’ufe trop facilement & eîle cf trop perfillée, La pâte de l’olivefe niche dans ces efpèces de carie > ces caries fe correfpondent prefque toutes les unes avec Îés autres x elles font, pour ainfi dire , l'office du fiphon ,. & une quantité d'huile: eft abforbée par cette pierre. Ce n’eft encore qu'un demi-mal , puif- qu'une fois farcie de pâte & d’huile , elle ne fauroit en recevoir davan- tage; mais cette pâte,’cette. huile moififfent, fermentent, fe ran- ciflent & acquièrent enfin la caufticité des huiles effentielles.. Or fent combien, dans cet état, elles communiquent facilement leur mauvais goût & leur mauvaife odeur à la pâte fraîche qu’elles: broyent. Le befoin exigeroit donc de démonter tous les mois ces: meules pour les laver & les nettoyer à fond; ce qui feroit encore prefque impoflible; Avant de terminer ce Mémoire, je rappellerai de nouveau ce que: j'ai dit l’année dernière fur les uftenfiles-de cuivre dont on fe fert habi- tuellement dans: tous les moulins à huile, N’eft-il pas criant d’y voir des vaifleaux de cuivre, . de grandes cuillers ou poches de même métal, tellement recouverts de verd-de-gris, qu'on ne diftingue plus le métal que par fa rouille. Le. verd-de-gris eft, dans cet état, très- foluble dans l'huile; & puifque c’eft par l’aétion de l'huile fur le cui- vre qu'ik s’y eft formé, il s’y mêle très-intimement. On dira, quel mak peut produire une portioncule de verd-de.gris fufpendue dans une quantité d'huile? J’en appelle à l'expérience journalière , & on verra qu'il n'eft point d'année que le verd-de-gris ne faffe dans ce Royau- me, au moins cent malheureufes viétimes de la. négligence, de la mal-propreté & de limprudence, ..… C’eft aux Etats, aux Parle- mens des. différentes Provinces à prendre cet objet dans la plus férieufe confidération , & à prohiber lufage pernicieux du cuivre, It eft fi aifé de le. fuppléer par celui des cuillérs ou poches de bois, par des vaiffleaux de bois, de fayance ou de fimple terre verniflée, qu’il eft incompréhenfble qu'on ne s’en ferve pas. Je dénonce ici publi- quement l'abus; c’eft donc à préfent à ceux qui ont l'autorité en main & qui doivent veiller à la confervation du Citoyen, à y remédier. J'ai fait mon devoir ; le Magiftrat ne peut être indifférent à faire le fien & à prévenir les triftes fuites qui réfultent d'une coutume fi funefte à l'hu- manité, : Si un Amateur du bien veut conftruire un Moulin femblable à celui que je viens de décrire, je lui indiquerai un Hollandais , excellent conftruéteur : quoique j'aie mis la plus. grande précifion dans les détails que je viens de donner, foit pour l’enfemble, foit pour chaque partie ifolée , il eft bien difficile que quelqu'un qui n'aura jamais vu ce moulin, puifle le faire exécuter, s'il n’eft aidé par un Artifte accoutumé à en conftruire de femblables. L’Ouvrier eft, en général, un homme qui tient à l'habitude, & qui ne réuflit à.bien faire que çe qu’il a déja fait. - TABLE À Li {in ss LE BE || Es LE en ï TEE TETE CEST LLOT er #1 er Tr 01 PR Los PET ns nm n —+ LM Q NE L in GI : EN ES RG tm ee re RS Li à nt lave e Æourneau du L!°7 Baltage ot Lor 1 ] E/urneau du 2° rrdagé —: AS un ti re a | CR RE 2 LES BST